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(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Gauvin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Une minute d'attention, s'il vous plaît. Je déclare la
séance de la commission de l'économie et du travail ouverte.
J'aimerais rappeler le mandat de la commission qui est de procéder
à une consultation générale sur le statut de l'autonome
dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude
détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet
(Beauce-Nord) est remplacé par M. Mac-Millan (Papineau); M.
Bélanger (Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Gauvin
(Montmagny-L'Islet).
Le Président (M. Gauvin): Merci. Nous allons
procéder aujourd'hui... Je pense que je vais vous présenter
l'ordre du jour. Donc, il était prévu, à 9 h 30, de
recevoir - je pense que c'est le groupe qui est en avant de nous - la
Fédération des travailleurs du Québec Construction pour
une période d'une heure trente. Donc, à 11 heures, l'Association
des entrepreneurs en construction du Québec. Suspension à 12 h 30
pour reprendre, à 14 heures, avec l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec. À 15 h 30, la Corporation
des maîtres électriciens du Québec et, à 17 heures,
la Confédération des syndicats nationaux.
Je vais inviter le premier groupe que je mentionnais, soit la
Fédération des travailleurs du Québec,
représentée par M. Jean Lavallée, président, et M.
Yves Paré, directeur général. J'inviterais M. Jean
Lavallée, d'abord, à nous présenter ses collaborateurs,
ici, à la table, et à nous faire la présentation de son
mémoire pour 30 minutes; 30 minutes seront réservées au
groupe ministériel qui forme le gouvernement et 30 minutes aux
représentants de l'Opposition. M. Lavallée.
FTQ-Construction
M. Lavallée (Jean): M. le Président, M. le
ministre, membres de l'Opposition, membres de cette commission, c'est avec
plaisir que je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À
ma gauche, Hervé Morin, membre de l'exécutif du local 99;
à mon extrême droite, Roger Poirier, du local 7, membre de
l'exécutif aussi; Jean-Marc Thouin, du local 791 des opérateurs
de machinerie lourde, aussi membre de l'exécutif; et mon
confrère, Yves Paré, directeur général de la
FTQ-Construction.
Vous avez certainement remarqué que nous n'avons pas
présenté de mémoire, contrairement aux autres fois. On
vous a fait plutôt parvenir les différents mémoires que
nous avons produits durant des années devant cette même
commission, soit les mémoires du CERLIC, les mémoires de 1984,
les mémoires de 1988, le rapport Picard-Sexton, ainsi que le dernier
mémoire. Je suis convaincu que vous n'avez probablement pas lu tous ces
mémoires-là parce que vous seriez encore en train de lire depuis
le temps que la dernière commission a eu lieu. Ça fait à
peine deux mois, nous étions ici, dans cette même salle, pour
faire valoir nos revendications. Je suis convaincu que vous ne les avez
certainement pas tous lus.
Vous avez sûrement compris que nous avons un grave problème
dans la construction. M. le ministre, nous vivons la plus grande crise que nous
ayons jamais vécue ces dernières années. Le travail au
noir, vu l'érosion du champ d'application, est devenu pratique courante.
Si nous ne redressons pas la situation bientôt, dans peu de temps, nous
aurons plus de travail au noir que de travail déclaré
légalement.
Nous avons fait des grands pas depuis quelques années pour
améliorer nos avantages sociaux ainsi que notre régime de
retraite pour pouvoir permettre aux jeunes de rentrer dans l'industrie de la
construction. Mais, comment pourrons-nous réussir si nous continuons
à accepter et tolérer ces braconniers et ces fraudeurs dans
l'industrie de la construction? Tout à l'heure, mon confrère,
Paré, aura certainement l'occasion de vous citer des faits quand je
parle de fraudeurs de l'industrie de la construction.
En 1988, l'adoption de la loi 31 devait corriger cette situation. Mais,
par rapport à certaines failles dans la loi, rien n'est
réglé. Plutôt, la situation s'est
détériorée. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous nous
trouvons à nouveau devant vous. Le gouvernement se doit de respecter
l'entente de 1988 et de remettre aux travailleurs et employeurs de la
construction le travail de construction qui leur est dû.
Lors de la dernière commission parlementaire, plusieurs fausses
déclarations ont été faites par les parties patronales et,
encore aujourd'hui, on répète les mêmes choses. Hier, la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie
répétait,
dans l'autre salle où nous avons siégé, en bas, que
les 800 entrepreneurs étaient inquiets du travail d'entretien et de
réparation qu'ils devaient faire dans une résidence
privée, si c'était couvert ou pas, alors qu'ils savent bien que
ce n'est pas couvert. Tout ça pour vous dire, M. le ministre, que ce
n'est pas en faisant de la démagogie que l'on va pouvoir s'entendre.
Maintenant, je demanderais à mon confrère, Paré, de
bien vouloir continuer et de vous donner les exemples appropriés.
Le Président (M. Gauvin): M. Paré.
M. Paré (Yves): M. le Président, dès
l'ouverture de la commission parlementaire hier, j'ai eu l'impression qu'il
s'était écoulé un siècle entre le 6 décembre
et le 18 février, avec les attitudes à la commission
parlementaire. Le 6 décembre, j'ai eu une impression très
précise à l'effet qu'il y a des gens qui sont venus ici. à
la commission parlementaire, dire n'importe quoi, se servir de l'opinion
publique, jouer sur le pauvre consommateur qui ne pourra plus faire changer sa
«fuse» parce qu'ils vont être obligés d'être
deux et que ça va lui coûter une fortune.
Ils sont venus - je dois dire le mot réel -presque ridiculiser
l'institution qu'est la commission parlementaire. On donnait
Rivière-au-Renard en exemple, à maintes et maintes reprises,
où le pauvre entrepreneur autonome qui était là ne
pourrait plus survivre. À une question précise du ministre sur un
travail de construction d'une maison neuve, on a eu le culot de dire,
après avoir parlé de Rivière-au-Renard pendant une
demi-heure: Je m'excuse, M. le ministre, mais je ne demeure pas à
Rivière-au-Renard. On vient ridiculiser des choses.
Ils disent, dans des mémoires, que les cheveux leur dressent sur
la tête d'entendre ce qu'on déclare, nous, comme problèmes.
Je dois vous dire que les cheveux faisaient plus que me dresser sur la
tête. De venir dire que la pauvre toilette qu'on veut descendre en bas,
parce qu'elle n'existe pas, c'est de la construction neuve, bien, je
suggérerais aux membres de cette corporation de reviser leurs mandats
parce qu'ils ont un problème. Si c'est ce qu'ils font accroire à
leurs membres, ils ont un gros trouble parce que ces pauvres membres-là,
effectivement, ils ont raison d'être inquiets, pas à cause de
l'entrepreneur autonome, mais bien parce qu'ils ne sont pas
représentés adéquatement.
En 1988, il y a eu un consensus entre les associations syndicales, les
associations patronales et le gouvernement pour exclure du Décret de la
construction tous les travaux d'entretien, de réparation, de
modification, tout ce qu'on voudra d'une résidence privée.
Ça a été exclu. C'est 2 000 000 000 $. On a dit: Parfait,
parce que toujours on s'est fait dire que la pauvre marche d'escalier, le
pauvre consommateur qui est pris pour payer ça, ça n'a aucun
sens. Il faut absolument éviter ça aux consommateurs. On a
accepté ça par suite d'un engagement du gouvernement qu'H n'y
aurait plus dans la construction neuve, dorénavant, que des employeurs
et des salariés. Or, on s'aperçoit que, parce qu'il y a eu une
erreur législative - voulue ou non, on n'en est pas sûrs - ces
entrepreneurs-là, ces personnes physiques, se sont incorporés et
sont devenus ni employeurs ni salariés.
On vient nous dire, aujourd'hui, qu'on veut leur enlever du travail. Ils
veulent rester dans les limbes, ni employeurs ni salariés. Ils veulent
jouer sur tous les tableaux. On ne veut pas dire que c'est les seuls qui font
du travail au noir, mais c'est une pomme «pourrite» dans le panier,
qu'on doit absolument enlever. En plus, à cause d'une demande de
concertation entre les associations et le gouvernement, on n'a plus confiance.
En 1988, on nous avait certifié qu'il n'y aurait plus de gens
illégaux sur les chantiers de construction neuve. Ça a pris
quatre ans - parce que ce n'est pas encore réglé - puis on n'est
pas encore sûr que ça va être réglé. Ça
fait quatre ans qu'on demande au gouvernement et aux ministres qui sont
passés depuis ce temps-là de corriger cette lacune. Ce n'est pas
encore fait.
On permet à ces gens-là de venir sans être
poursuivis par qui que ce soit. Ils n'ont de comptes à rendre à
personne. On est là, puis on dit: Qu'est-ce qu'on pourrait bien faire?
On essaie de faire accroire au public que ce qu'on veut, c'est leur enlever le
droit de venir travailler dans la construction. Ils l'ont perdu dans la
construction neuve en 1988 et ça a fait l'objet de discussions et
d'ententes à ce moment-là. Là, parce qu'il y a une erreur,
on essaie de prétendre que c'est un droit qu'on leur enlève. La
loi est claire, elle dit qu'un entrepreneur autonome ne peut pas oeuvrer dans
la construction neuve, sauf que le texte ne dit pas qu'on parle d'une personne
physique. «Corporation», malheureusement, ce n'était pas
écrit dans la loi. Alors, on veut que ce soit corrigé. On ne
prétend pas que les entrepreneurs autonomes sont les seuls qui font du
travail au noir, mais ils en font une bonne partie. Ici, comme personnes
mandatées de tous les comtés du Québec, c'est vous autres
qui avez le choix de dire: Oui ou non, on continue à garder des gens qui
vont faire comme ils veulent.
Le droit à la liberté individuelle, on y croit, nous
autres aussi. Mais quand elle affecte les libertés collectives, il y a
un problème. S'il y a une masse de travailleurs qui ont le droit, eux,
de déclarer les revenus qu'ils veulent, de la façon qu'ils le
veulent, eh bien, ce que les gens disaient hier, ça incite les autres a
embarquer dans la «game». Cette «game»-là va
faire en sorte que, demain, il n'y aura plus personne de légal sur les
chantiers de construction. On n'a pas à se leurrer, tout le monde le
dit: 20 % à 25 %.
Hier encore, on disait qu'actuellement ça leur prend à peu
près 326 heures à faire une
maison normale. On essayait encore de trouver s'il n'y aurait pas une
possibilité parce que la maison était plus petite ou s'il n'y
aurait pas déjà des fils d'installés dedans. On peut
essayer de se trouver toutes sortes de raisons, mais il y a une chose qui est
claire: tout le monde s'entend pour dire qu'en moyenne, si elle est grosse,
ça va peut-être prendre 1200 heures et, si elle est petite,
ça va peut-être prendre 600 heures. S'ils en font une partie en
usine, ça va peut-être prendre 300 heures, mais, en moyenne, c'est
800 heures. Alors, on en déclare 325. Les 500 heures, n'essayons pas de
trouver où c'est, c'est le travail en dessous de la table. C'est aussi
simple que ça. Soyons assez sérieux pour se le dire entre nous
autres. Il y a 500 heures qui ne sont pas déclarées. Alors, 500
heures sur 45 000 mises en chantier, vous avez le nombre d'heures à peu
près: quelque 24 000 000 d'heures non déclarées. À
20 $ de l'heure, faites le calcul!
Alors, la grosse partie, ce n'est pas juste dans la résidence
unifamiliale, c'est aussi dans le bloc d'appartements, c'est aussi dans les
condos. C'est là que la grosse partie du travail au noir s'effectue.
Comment? Bien sûr, qu'il y a des travailleurs de l'industrie de la
construction - membres chez nous aussi - qui acceptent d'en faire du travail en
dessous de la table. C'est clair, on l'admet. Mais il y a une chose qui est
sûre, dans bien des cas, je pense que c'est quelqu'un qui l'embauche,
c'est quelqu'un qui exige que ce travailleur-là marche sur ces
conditions-là. Qu'est-ce qui arrive au père de famille quand
l'employeur l'embauche et dit: Moi, le samedi, mon ami, du temps
supplémentaire, je n'en paie pas. Moi, c'est du «cash» en
dessous de la table. Tu prends ça ou bien tu restes chez vous. Le
travailleur a le choix d'accepter ces conditions-là ou, tout simplement,
de rester chez lui.
Alors, vous avez une obligation, comme gouvernement, de mettre tout le
monde sur le même pied d'égalité, que tout le monde ait les
mêmes conditions de travail. C'est ce que vous devez faire. Au mois de
décembre, on a laissé aller ce genre de chose là, ce genre
de discussion, ce genre de mensonges. Je peux vous dire que, comme
travailleurs, les gens en ont soupe de ça. L'illégalité,
il va falloir que tout le monde embarque là-dedans ou bien il va falloir
la corriger.
Le projet de loi 185, on pense que c'est un pas dans la bonne direction.
Contrairement à ce qui s'est dit hier, on ne pense pas que 185 va
régler 100 % du travail au noir. Mais si on est capables, par ce premier
geste, d'en régler 75 %, pour les autres 25 %, il restera des choses
à continuer à faire. Quand 185 complet est accepté...
Lorsqu'on dit, par exemple, qu'un salarié qui va être pris
à travailler illégalement sur un chantier de construction
pourrait, dans des conditions différentes, perdre sa carte de
compétence, celui qui n'en a pas pourrait avoir des amendes très
sévères.
Ce qu'on regrette, c'est qu'en contrepartie l'employeur qui embauche au
noir n'a pas cette obligation ou ce danger de perdre son permis d'entrepreneur
dans l'industrie de la construction. On aurait aimé que ce soit aussi
clair pour l'employeur que ce l'est pour le salarié. On a beau, à
la Commission de la contructîon, faire des plaintes sur des chantiers qui
se font illégalement, des gens pas de carte du tout, on sait que la
Commission de la construction n'a pas le pouvoir de faire autre chose que
constater des faits. On constate des faits et ils nous répondent que
oui, effectivement, sur tel chantier... On pourrait vous en nommer. Des
chantiers, par exemple, comme le golf Carling, à Brownsburg. Pas un
chantier d'un bungalow, un projet de l'ordre de 200 000 000 $ et quelques.
Depuis 1990, plainte par-dessus plainte faites à la Commission de la
construction; constatation, effectivement, qu'il y a des travailleurs
illégaux qui travaillent sur ce chantier-là, mais ils restent
là.
Alors, on a décidé à la FTQ-Construction de
régler le problème. On y est allés, la semaine
passée, et on en a sorti 25 à coups de pied dans le
derrière parce qu'on est tannés. Il va falloir en venir
là, c'est regrettable. Ce n'est pas vrai qu'on peut laisser des
compagnies changer de nom quatre fois dans l'espace de deux ans, qu'elles
s'appellent Catfil construction, Danbon-neau construction, Construction Phil
Bonneau, Les gestions Phil Bonneau. Ça change de nom en veux-tu en
v'Ià et ça doit à peu près 200 000 $ juste en
avantages sociaux à la Commission de la construction. On n'est pas
capables de récupérer cet argent-là. Tout à
l'heure, ça va être le fonds d'indemnisation qui va payer.
On a décidé de se prendre un peu en main et on va essayer,
par les moyens les plus légaux possible - on ne veut pas faire de
menaces - de trouver du pain pour les pères de famille. Quand on pense,
ici, qu'on veut enlever du travail aux entrepreneurs autonomes, il faut que
vous vous disiez qu'il y a aussi des pères de famille qui sont des
travailleurs avec carte de compétence, qui essaient de gagner leur vie
honorablement, qui sont prêts à payer leurs impôts, qui sont
prêts à payer leur dû, qui veulent se créer un fonds
de pension, et on les empêche de le faire. Ils doivent s'en aller
travailler là à des conditions inférieures à ce que
le Décret prévoit.
On a beau essayer, nous autres, de trouver des solutions, de plus en
plus, le gouvernement restreint le champ d'application de l'industrie de la
construction. On coupe, on coupe, on coupe! Par après, on voit le
ministre de l'Éducation qui dit: II faut qu'on rentre des gars dans la
construction, il faut qu'on en rentre, il faut qu'on en rentre! On restreint le
champ et on augmente les travailleurs. On vous a dit, hier, qu'il y avait 145
000 cartes de compétence existant au Québec dans l'industrie de
la construction, 145 000, alors
qu'il n'y a pas plus de 60 000 travailleurs qui peuvent oeuvrer dans
l'industrie de la construction. Est-ce qu'on va en rentrer d'autres? Là,
ça va peut-être être le Nouveau-Brunswick, ça va
peut-être être l'Ontario. On ne sait pas où on est rendu,
dans l'industrie de la construction.
C'est une industrie complètement instable. Les travailleurs sont
à la recherche quotidiennement d'un emploi. Dans une usine, on n'est pas
capables, nous autres, comme travailleurs de la construction, même avec
une carte de compétence de plombier, d'électricien, d'aller
travailler à General Motors. On ne peut pas y aller, ils ont une
convention collective de travail qui les protège. Quand General Motors
met 1700 travailleurs à pied, à quelle place on essaie de les
rentrer? Dans l'industrie de la construction. C'est devenu le dépotoir.
C'est devenu le champ d'activité de tout le patronage, l'industrie de la
construction. Quand quelqu'un perd sa job, il faut qu'on le rentre dans la
construction. Et on passe pour des gens non civilisés quand on dit: Un
instant! Il faut arrêter d'en rentrer dans l'industrie de la
construction. Il faut essayer de se trouver une main-d'oeuvre
compétente.
Avec le report de la loi 186 - on avait négocié un petit
0,10 $ de l'heure qui devait commencer, le 1er janvier 1992, à
être payé par les employeurs pour commencer à faire un peu
de formation - on ne l'a pas encore, ce 0,10 $ là. C'est 700 000 $ par
mois que les travailleurs perdent. Ce qu'on attend? C'est qu'on veut avoir une
industrie qui est vivable comme n'importe quelle autre industrie. On ne veut
pas que, lorsqu'une usine ferme à quelque part, automatiquement,
l'industrie de la construction doive les récupérer. Dans
l'industrie de la construction, il n'y a pas juste des entrepreneurs autonomes,
il y a des pères de famille et il y a des jeunes. On est prêts
à en rentrer, on est prêts à prendre ce qu'on peut
absorber, mais pas à prendre tout ce qui se passe ailleurs à
travers le Québec.
Alors, on pense que vous avez une vocation, une obligation que vous
devez remplir. On peut, aujourd'hui, se dire n'importe quoi, se conter des
peurs, dire: Ce sont des pauvres pères de famille. Mais il y a une chose
qui est claire: vous allez avoir un choix entre avoir des gens légaux
sur les chantiers de construction dont les employeurs devront déclarer
les heures et des illégaux, ceux qui peuvent déclarer ce qu'ils
veulent, ceux qui n'ont pas de carte. (10 heures)
On peut minimiser les effets du travail au noir dans l'industrie de la
construction par, au moins, cette partie-là. On continuera par la suite.
On est d'accord avec Mme Blackburn dans le sens que ce n'est pas juste
l'entrepreneur autonome, mais ils sont là pour une maudite bonne partie
du travail au noir. C'est eux autres qui engendrent la facilité et qui
donnent aux employeurs une raison de forcer les travailleurs à embarquer
dans ce système-là. Les journalistes parlaient, dans les journaux
de ce matin, de travailleurs autonomes. Alors, là, c'est un nouveau mot
qui est parti: maintenant, ce n'est plus les employeurs ou les entrepreneurs
qui font faire du travail au noir, ce sont les employés, les
salariés.
Je voudrais être bien clair sur une chose. Ce dont on parie depuis
le début, quand on parte de la loi 185, ce sont les entrepreneurs
autonomes. Ils s'incorporent. C'est, bien souvent, des ex-salariés,
c'est exact, mais, maintenant, ils sont rendus des entrepreneurs autonomes. On
leur a donné un champ d'activité suffisant, 2 000 000 000 $. Pour
répondre à certaines questions où on me disait hier:
Est-ce que les gens ne peuvent pas aller bâtir des maisons neuves, donner
un coup de main, ainsi de suite? ça existe. Ce n'est pas vrai qu'on va
aller arrêter le mononcle et la matante, le cousin et le
beau-frère pour avoir donné un coup de main. Ce qu'on ne veut
pas, c'est que le mononcle et le cousin, qui se donnent un coup de main,
bâtissent 25 maisons parce qu'ils se donnent des coups de main. C'est
ça qu'on ne veut pas. On veut aider des gens, on n'a aucun
problème avec ça, mais vous allez avoir ce choix-là: ou
bien tout le monde travaille illégalement ou bien tout le monde suit les
normes et les règles dans l'industrie de la construction. C'est comme
pour n'importe quelle usine, n'importe quelle industrie Si on veut une
industrie faible, on a juste à la laisser aller, parce que, quand on
parle de 25 % ou de 35 % de travail au noir, c'est très près
d'une illégalité complète. Alors, on va avoir ce
choix-là à faire.
Quand on parle du champ d'application, on pense, M. le Président,
qu'il est très important que ça aboutisse aussi. On devait avoir
un comité qui devait faire rapport le 31 décembre 1991 sur le
champ d'activité de l'industrie de la construction. Ce n'est même
pas encore formé. Il y a eu des déclarations de faites en juin
1991. Après Picard-Sexton, après tant de démarches et tant
de travail fait, on pensait qu'on avait abouti à au moins une bonne
avance dans le bon sens. On s'est aperçu que ce n'était pas
ça. Alors, on n'est pas venu avec un nouveau mémoire, on n'a pas
évolué, peut-être, depuis le 6 décembre, mais il y a
une chose qui est claire, on pense que c'est le temps d'agir. On espère
que ce ne sera pas comme le 6 décembre. On s'en est rendu compte hier
parce que, là, on a reviré ceux qui venaient dire n'importe quoi.
On espère qu'on va venir dire ici ce qu'on pense réellement,
qu'on va venir dire les vérités.
Alors, le problème qu'on vit, c'est que vous devez prendre cette
décision-là. Chacun dans vos comtés, vous faites affaire,
oui, bien sûr, avec des entrepreneurs autonomes, mais aussi avec des
électeurs qui gagnent leur vie dans l'industrie de la construction.
Demain matin, vous leur dites: Oui ou non, on veut travailler avec vous autres,
et on espère que vous allez être des citoyens et
des bons citoyens. L'entrepreneur autonome, on ne veut pas le tuer, on
ne veut pas le faire mourir; on veut tout simplement qu'il oeuvre, qu'il gagne
sa vie aux endroits où il est permis de le faire. Qu'il reste dans son
champ d'activité alors que, nous autres, on va continuer dans notre
champ d'activité, qui est celui de faire de la construction neuve.
Alors, M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Paré. Si
ça complète votre présentation, j'inviterais M. le
ministre pour une période de 30 minutes avec sa formation
parlementaire.
M. Cherry: Merci, M. le Président. Comme vous étiez
présents hier lors des auditions, et vous venez de le commenter, vous
avez dit que vous aviez l'impression qu'il s'était passé une
éternité entre décembre et maintenant. C'est des fois
intéressant ce que 60 jours peuvent faire.
M. Chevrette: Au sein d'un Conseil des ministres?
M. Cherry: C'est quand même moins long que de Cliche
à maintenant.
Le Président (M. Gauvin): Je voudrais rappeler à M.
le ministre que l'échange devrait normalement se faire entre nos
invités et M. le ministre.
M. Chevrette: Ça fait six ans que tu es là, il va
falloir que tu te réveilles.
M. Cherry: M. le Président...
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre, oui.
M. Chevrette: Le monde n'a pas commencé avec vous.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Cherry: O.K., une «inside joke». Vous disiez
tantôt qu'il semble y avoir eu une évolution rapide des
mentalités dans les 60 jours qui ont précédé. Vous
avez dit qu'on avait l'impression qu'en décembre des gens étaient
venus ici pour dire à peu près n'importe quoi, même, dans
certains cas, carrément dire des choses qui sont contraires à la
vérité. Vous avez, ce matin, dit: II est temps de se dire les
vraies vérités et de se dire les vraies choses. Vous avez lu les
articles de journaux de ce matin. Je ne vais en citer que deux, celui de La
Presse et celui du Soleil. Celui du journal Le Soleil fait
son titre d'une déclaration de l'APCHQ - qu'on aura l'occasion
d'entendre un peu plus tard - qui dit que l'objectif de la loi pourrait avoir
comme résultat de faire disparaître jusqu'à 10 000 emplois
dans l'industrie. Pendant ce temps-là, La Presse dit que la
tricherie est érigée en système. Ça, ça fait
également partie d'un autre mémoire de la Corporation des
maîtres électriciens qu'on aura l'occasion d'entendre ce
matin.
Comme vous êtes l'organisation la plus représentative dans
cette industrie-là en nombre, qui couvrez presque la grandeur du
territoire du Québec, je vais m'associer à une demande que notre
collègue de Chicoutimi faisait hier. On entend souvent parler de
«ériger en système», c'est ce que ça dit, mais
des exemples concrets, on n'en a pas souvent, avec un endroit bien
précis et des choses concrètes. Là, vous venez de nous
donner Carling, bon, O.K., dans ce coin-là. Vous y êtes
allé rapidement sur celui-là et, si vous en avez d'autres...
De façon précise - vous avez dit: II faut se parler des
vraies choses, de la vraie façon -profitons de l'heure qu'on a à
passer pour se les dire de la vraie façon, pas pour s'inventer des
histoires, pas pour se faire des peurs, pour identifier, dans le vrai contexte,
c'est quoi le quotidien. Quand vous visitez les chantiers, quand vous
côtoyez... On m'a rapporté toutes sortes d'affaires, que ce soit
dans nos rencontres entre nous ou des gens qui sont affiliés à
vous autres. C'est ça qu'on a besoin, comme législateurs, de se
faire préciser: Ça s'appelle comment? Ça se passe
où? Qu'est-ce que vous avez décelé, pour que ça ne
soit pas des inventions véhiculées, mais bien des faits concrets?
C'est de ça qu'on a besoin parce que c'est une industrie que vous
connaissez tous, chacun de vous, beaucoup mieux que nous autres, c'est votre
quotidien. Comme vous venez nous demander de vous aider à régler
ça, donnez-nous donc du concret. C'est l'occasion que vous avez de le
faire.
M. Paré (Yves): Oui. Bien, tantôt, j'ai
mentionné un chantier en exemple qui existe depuis 1990, où on a
eu plainte par-dessus plainte à la Commission de la construction.
Effectivement, octobre 1990, 27 septembre 1990, la CCQ constate que les
travailleurs ne détenaient pas le certificat de compétence
requis. La proportion de compagnons apprentis n'était pas conforme.
L'employeur était enregistré à la CCQ et possédait
une licence de la Régie des entreprises de construction. Bon, septembre
1990, octobre 1990, même constat, etc. 23 février 1990...
Nommons-les.
M. Cherry: Quand on parle de travailleurs, on parle de combien de
travailleurs là?
M. Paré (Yves): Nous autres, le chiffre n'est pas
là. Lors de notre visite, on a constaté qu'il y avait 25
carreleurs, des gens qui posaient du terrazzo, 25 carreleurs, avec aucune carte
de
compétence dans leurs poches. On a dit à ces
gens-là: Vous êtes des illégaux, vous devez quitter le
chantier de construction. Vous n'avez pas de carte. Ça, ça s'est
fait vendredi, il y a à peu près deux semaines. Or, ça,
c'était un chantier où on a eu plainte par-dessus plainte. La
compagnie a changé de nom quatre fois. Ça s'est appelé
Catfil construction, c'est devenu Danbonneau construction, c'est devenu
Construction Phil Bonneau, c'est devenu Les gestions Phil Bonneau. Chaque fois,
c'est des nouvelles entreprises qui reviennent avec des nouveaux numéros
et qui doivent de nouveaux montants à la CCQ. On ne paie pas les
avantages sociaux. On parle de 200 000 $ de poursuites, juste en avantages
sociaux non payés à la Commission de la construction.
Alors, on ne parle pas juste d'impôts; on dit que les vrais
entrepreneurs dans l'industrie de la construction ne peuvent pas avoir ces
contrats-là parce que, s'ils sont sérieux et veulent respecter
les conditions de travail dans l'industrie de la construction, ils les perdent,
ces contrats-là. Ça ne dérange pas Catfil construction,
elle, de ne pas payer les avantages sociaux et ça ne la dérange
pas de ne pas payer les salaires. Alors, le vrai contracteur qui, lui, voudrait
soumissionner sur le contrat, il est cuit. Ce n'est pas juste le travailleur.
On a - ça a été mentionné ce matin, sauf que le nom
n'a pas été mentionné - une entreprise qui est poursuivie
par les impôts pour 500 000 $. Charron Excavation, de Blainville, a eu,
au cours des années, quelque 150 travailleurs qui ont travaillé
pour elle et, aujourd'hui, sont poursuivis par les impôts.
Là-dessus, il y en a une trentaine qui n'ont pas le choix, qui doivent
des 20 000 $ ou 25 000 $ en impôt. Ils devront faire une faillite
personnelle, 9s n'ont pas le choix.
Vous avez des entreprises. On a une autre entreprise, CS Asphalte.
M. Cherry: Avant qu'on aille plus loin, je «peux-tu»
vous demander... Vous venez de donner un nouveau nom, vous venez de dire
Charron Excavation. Voulez-vous nous le détailler, ce cas-là,
parce que c'est la première fois qu'on l'entend? On «peut-u»
l'entendre comme il faut? Comment ça s'est avéré? C'est
quoi, le mécanisme qui a fait qu'on se ramasse avec ce que vous nous
décrivez? Un des problèmes qu'on a souvent, c'est que, quand on
connaît tellement bien notre matière, on l'explique comme si tout
le monde la comprenait et la connaissait. Comme c'est votre période, il
est important que vous preniez le temps de nous l'expliquer pour que, nous
autres, nous le comprenions bien.
M. Paré (Yves): Je préférerais laisser
Jean-Marc Thouin, qui représente les travailleurs dans cette
entreprise-là, l'expliquer.
M. Thouin (Jean-Marc): C'est bien simple,
M. le ministre. La compagnie Charron Excavation est une compagnie qui
fait de l'excavation, ça le dit par son mot. Charron avait mis ses
travailleurs au défi en disant: Tu travailles à certaines
conditions. Si tu ne travailles pas à ces conditions-là, bien, on
va prendre des artisans avec des machines à opérer - vous savez
que notre problème n'est pas réglé pour l'artisan en
machinerie lourde - et tu vas rester chez vous. Ce que ça a fait, c'est
qu'ils se sont fait prendre par l'impôt fédéral. Le montant
exact: plus de 750 000 $ de réclamations contre Charron Excavation.
Charron Excavation s'est retournée de bord et a dit: C'est du salaire
que j'ai payé en dessous de la table à mes travailleurs. Ce que
ça a fait, c'est qu'il y a eu 152 poursuites faites aux travailleurs. De
ces 152 poursuites, il y en a plus de 30 ou 35 qui ont de 25 000 S à 30
000 $ de réclamations. Tous ces travailleurs-là sont
obligés de faire des faillites personnelles, c'est
compréhensible. L'impôt provincial n'y a pas été et
le chômage, etc., ne sont pas là. C'est des exemples pour vous
dire que le travailleur n'a réellement pas le choix. C'est une forme de
travail au noir et, le travailleur, il faut qu'il travaille dans ces
conditions-là. Sans ça, il reste chez lui, c'est simple.
M. Cherry: M. Thouin, quand vous dites: Des réclamations
à l'impôt pour 25 000 $ à 30 000 $, est-ce que c'est
quelque chose qui s'est passé dans une seule année ou est-ce que
c'est quelque chose qui a fonctionné sur une période plus longue?
Parce que 25 000 $ pour une seule réclamation, d'un seul niveau de
gouvernement, ça me semble élevé.
M. Thouin: La compagnie faisait ça depuis quatre ou cinq
ans. Plus que ça, M. le ministre. Présentement, la compagnie
opère encore, puis elle les paie d'une autre façon, mais elle les
paie encore en «cash».
M. Cherry: C'est comment l'autre façon?
M. Thouin: L'autre façon est simple. Ils leur font des
banques et ils les paient en bonis au bout de trois ou quatre mois. Ils disent
que c'est un boni. C'est une autre forme de travail au noir.
Le travailleur artisan, nous autres, en machinerie lourde, notre
problème n'est pas réglé et c'en est une des raisons
pourquoi ça ne marche pas. On en a beaucoup d'autres raisons. On a
beaucoup d'autres exemples. On vous en cite seulement un, mais Yves va vous en
citer un autre en machinerie lourde aussi: des banques d'heures.
M. Cherry: Je voudrais qu'on finisse celle-là. Vous me
dites que cette entreprise, qui, elle, fonctionne toujours sous le même
nom, contrairement à la première... La première, vous
avez dit qu'elle avait changé de nom quatre fois.
Celle-là, vous dites: Ça fait au moins quatre, cinq ans qu'elle
fonctionne comme ça. Vous dites: Aujourd'hui, elle a raffiné son
processus. Je suis obligé de prendre votre déclaration. Vous
dites: Ça fait des années qu'elle fonctionne comme ça.
Quand elle s'est fait prendre par l'impôt, vous dites que l'entreprise a
dit: Cet argent-là, moi, je l'ai versé. Je ne veux pas vous
mettre des paroles, corrigez-moi. Vous dites: Cet argent-là, on l'a
versé à nos salariés en dessous de la table. C'est
ça, l'expression?
M. Thouin: C'est ça.
M. Cherry: Donc, à cause de ça, l'impôt se
revire contre les salariés qui auraient reçu. eux. cet
argent-là. Vous me dites qu'il y en aurait 25 ou 30 qui doivent 20 000
$, 25 000 $ d'impôt. Donc, ça, c'est sur plusieurs années,
vous avez dit?
M. Thouin: Oui.
M. Cherry: Mais le processus exact, ça se passait quand?
Douze mois par année? Dans certaines périodes de l'année?
Comment ça marchait?
M. Thouin: Par exemple, le travailleur sur l'excavation, c'est 50
heures par semaine. S'il travaillait un peu plus de 50 heures,
r«overtime», il payait ça à 15 $ ou à 10 $ en
dessous de la table. S'il travaillait le samedi, c'était payé en
«cash», toutes ces choses-là. C'est de cette façon
qu'il les payait II y a peu de compagnies en excavation qui paient du temps
supplémentaire aux travailleurs.
M. Cherry: O.K.
M. Paré (Yves): On peut avancer qu'il n'y en a pas.
M. Cherry: On revient sur l'autonome? Là, on a fait du
noir. Ça, ce n'est pas de l'autonome. Ça, c'est du noir. Est-ce
qu'on peut revenir sur l'autonome?
M. Lavallée: Oui. M. le ministre, il y aurait
quelques chantiers aussi que j'aimerais citer. Vous demandez des exemples. On a
une équipe qui, régulièrement, visite les chantiers pour
s'assurer que les gens qui oeuvrent sur ces chantiers respectent les conditions
de travail du Décret. On est allés à Saint-Eustache, une
école. Encore là, c'était plein de travailleurs autonomes
et de gens pas de carte. On a de la misère à vous donner des noms
et des exemples parce que, quand on se présente sur ces chantiers, soit
qu'on sorte, qu'on se sauve, qu'on barricade les portes. On fait à peu
près tout. Un chantier au coin de Berri et Saint-Grégoire, un 100
loge- ments. Quand nos gens se sont présentés là, il y en
a une quinzaine qui sont partis à la course, ils se sont sauvés.
On a de la misère. Quand bien même je voudrais vous les amener, il
faudrait s'en venir avec eux autres par le cou, vous les amener ici et dire:
C'est eux autres, ça, les gens pas de carte. (10 h 15)
L'Aérospatiale, un gros chantier sur la rive sud: une quarantaine
de personnes, pas d'heures déclarées à la Commission. Le
palais de justice à Laval: les gens se sont présentés pour
une coulée de ciment, un matin, une douzaine de personnes, pas de carte.
Pour nous, c'est difficile d'arriver, d'aller chercher ces gens-là et de
vous les amener. On pourrait, comme ça, vous en citer constamment sur
différents chantiers à travers le Québec où,
lorsqu'on se présente, ça se sauve et ça se cache
partout.
Le Président (M. Gauvin): M. Paré.
M. Paré (Yves): Pour revenir peut-être sur
l'entrepreneur autonome, le processus qui se fait, dans bien des cas, c'est que
l'entrepreneur autonome en pose de gyproc, par exemple... Alors, il y a 12
logements ou un bloc de 12 logements. C'est un contrat fixe ou à
l'heure. C'est 25 $ de l'heure et ainsi de suite pour la pose de ça ou
tant du pied. Le contracteur, le donneur d'ouvrage, peu importe, le
troisième sous-traitant qui a embauché, enfin, celui qui fait les
travaux, il le paie tout simplement par chèque ou peu importe. Il
déclare qu'il est allé travailler 40 heures à 30 $ de
l'heure; il lui fait un chèque de 1200 $. Tiens! Ça, c'est ta
paie. L'entrepreneur autonome, lui, ces 1200 $, il déclare ce qu'il veut
à la Commission de la construction. Il peut dire: J'ai travaillé
8 heures dans ma semaine. Il peut dire: J'ai travaillé 20 heures.
À l'impôt, il déclare ce qu'il veut. Il est une
corporation. Le donneur d'ouvrage, lui, il est très bien
protégé. Il a payé une autre entreprise, il a payé
une autre corporation par chèque. Il n'a pas à déduire les
impôts de cet entrepreneur autonome, de cette compagnie-là. Il le
paie par chèque. L'entrepreneur autonome, lui, s'arrange avec ses
obligations d'impôt, ses obligations à la Commission de la
construction. Alors, qu'est-ce qu'il fait? Ce qu'il fait, c'est qu'il rapporte
un nombre d'heures minimales à la Commission de la construction, celui
qui est intelligent un peu, là. Alors, il rapporte, disons, 600 heures
par année pour avoir droit à toutes les assurances collectives
des travailleurs de l'industrie de la construction. Par la loi 110 de 1979, un
artisan ou un entrepreneur autonome peut rapporter des heures à la CCQ
et la CCQ doit les accepter. Donc, il rapporte 600 heures par année et
il est couvert par toutes les assurances.
Les chiffres de la Commission sont clairs. Ça, c'est très
bien précisé, c'est plus clair dans ces cas-là. Un
entrepreneur autonome ou un
dirigeant d'entreprise qui ne rapporte aucune heure paie, en moyenne,
disons pour 1991, 370 $ par année dans ce fonds-là et
réclame pour 550 $. Donc, je ne connais pas une compagnie d'assurances
ni un groupe d'assurances qui pourrait vivre de même, que tu paies moins
que ce que tu réclames. Alors, le système est bien simple. C'est
plus facile pour eux autres d'embarquer sur l'assurance-chômage et sur
l'assurance-maladie. On voit, c'est drôle, que c'est toujours en janvier,
février ou mars qu'il y a le plus de gens malades là-dedans.
Ça, on peut ie voir facilement. Ils embarquent sur l'assurance-maladie,
continuent à travailler en dessous de la table, perçoivent des
chèques clairs d'impôt et c'est de même qu'ils fonctionnent.
Alors, nos travailleurs, parce qu'il y en a qui travaillent côte à
côte avec ça... Regarde, mon chèque, 1200 $ clair cette
semaine, comme entrepreneur autonome. Toi, tu as eu rien que 432 $. Tu
travailles pour qui?
Alors, c'est ça qui se passe sur les chantiers de construction.
Il y a un autonome qui est mort de rire, il a un chèque de 1200 $. Il
vole, parce qu'il ne paie pas d'impôt et, lui, le travailleur, il se fait
enlever l'impôt directement à la source. Il se fait enlever ses
avantages sociaux à la CCQ, il se fait tout enlever de a à z et
il lui reste 400 $ et quelques sur une paie de 1000 $. L'autre, lui, il est
mort de rire. Alors, la décision que vous devez prendre, c'est
celle-là. Est-ce qu'on continue de laisser aller ça, deux classes
de personnes sur le chantier: celui qui fait ce qu'il veut, au nom de la
liberté individuelle, et celui qui est obligé de rapporter ses
heures et de payer ses dus comme toute la collectivité? C'est le point.
C'est le genre de truc.
Ou bien, pour un 12 logements, le contrat est donné à un
troisième sous-traitant, à la job. C'est tant pour faire la job.
Il y a 35 000 pieds de gyproc à poser et je te paie tant. Le gars dit:
Parfait. Il fait la job, il reçoit son chèque. Bonjour! Il a
été payé tant. Combien de temps, les heures et ce qu'il
déclare, on ne le sait pas. On ne peut pas arriver et personne ne peut
compétitionner ça. Personne.
M. Lavallée: D'ailleurs, M. le ministre, quand vous allez
entendre la Corporation des maîtres électriciens, aujourd'hui,
vous leur poserez la question. Dans leur document, ils ont donné
à peu près tous les trucs que les employeurs emploient pour faire
du travail au noir. Ils disent, dans ça, que les salariés sont
consentants. Ils n'ont pas le choix. S'ils ne le font pas, ils en prennent un
autre. L'entrepreneur autonome, quand je l'appelle le fraudeur... Ce n'est pas
moi qui le dis, je vais citer textuellement. J'ai déjà
donné des exemples, dans certains cas, et j'ai toujours dit qu'un
entrepreneur électricien ne peut pas travailler seul. Ça ne se
fait pas tout seul, l'installation électrique dans une maison. Ce qu'ils
font, c'est qu'ils vont chercher quelqu'un qu'ils connaissent, soit qu'il est
sur le BS ou sur l'assurance-chômage. Ils se font aider et, quand ils ont
fini de faire le «rough», le reste, ils font la finition, et ils
peuvent le faire seul. Ça se fait couramment, à peu près
par tous les entrepreneurs autonomes. Ils vont se chercher quelqu'un comme
ça «on the side». Puis, dans le mémoire de la
Corporation, ils disent bien que certains employeurs utilisent les services
d'un employé pour faire un travail autre que celui pour lequel il est
payé. Exemple: un commis payé 10 $ l'heure aide un
électricien à tirer du fil. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la
Corporation.
Lisez attentivement leur mémoire, vous allez voir. J'ai appris
des nouveaux trucs que je ne connaissais pas, que les entrepreneurs
électriciens exigent de leurs salariés en disant: Les
salariés sont d'accord pour faire ça. Mon oeil! Un gars qui
risque de perdre sa job, H va accepter ce que l'employeur lui propose de faire.
C'est ça, les entrepreneurs autonomes, et c'est pour ça que je
les appelle des fraudeurs. S'ils veulent travailler légalement, on leur
a donné 2 000 000 000 $ de contrats. On a exclu tout l'entretien et la
réparation qu'on leur a donnés. Si ça ne fart pas leur
affaire d'aller travailler dans l'entretien et la réparation, ils
peuvent aussi être salariés et venir travailler comme
salariés dans l'industrie de la construction. Il n'y a personne qui perd
dans ça.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Évidemment, les gens qui vous connaissent bien
savent que vous êtes plus familier avec l'aspect
électricité, étant vous-même électricien de
métier. Hier, vous étiez présent en commission
parlementaire lorsque la Corporation des maîtres tuyauteurs est venue
nous expliquer qu'il n'y a vraiment pas d'économie parce qu'ils doivent
charger, les autonomes dans la tuyauterie, environ l'équivalent... Hier,
ils nous ont fait des déclarations comme quoi il n'y a vraiment pas
d'économie parce que, autonome ou engagé, un salarié doit,
pour respecter les règles de la construction, charger environ les
mêmes choses pour pouvoir avoir droit aux avantages, aux
bénéfices, payer ses impôts et tout ça. On a entendu
ça hier. On entendra, plus tard, aujourd'hui - je sais qu'il est dans la
salle, donc il se prépare pour ma question - la déclaration d'un
autre organisme qui, lui, vient nous dire: Si vous abolissez les autonomes,
vous allez augmenter le prix des maisons de 8000 $ à 9000 $ par
année. Donc, si ça ne coûte pas plus cher pour faire la
même job, comment ça se fait que celui qui les embauche dit que,
s'il n'y a plus d'autonomes, ça va lui coûter 8000 $ de plus pour
les mêmes maisons? Vu que je ne connais pas ça, je pose les
questions à ceux qui connaissent ça, la construction.
M. Paré (Yves) Juste un exemple, M. le ministre. En 1988,
on a exclu les travaux d'entretien, de réparation, de rénovation,
de modification d'une maison. Je vais essayer de préciser une chose:
Quand on parle de travaux mineurs, ce n'est pas ces travaux-là.
Entretien, réparation, rénovation, modification pour une personne
physique, c'est 100 % exclu. Quand on parle de travaux mineurs, c'est dans le
commercial. Un entrepreneur autonome peut aller faire des travaux mineurs chez
Kruger, ou chez Daishowa ici. Il a le droit en autant qu'il n'y en ait qu'un
sur le chantier. Il a le droit. Là, ce n'est pas dans le petit bungalow.
Alors, quand on parle de mineurs, c'est dans la grosse construction, pour
caricaturer. Quand on parle de travaux d'entretien, de réparation, de
rénovation de modification dans le secteur privé, pour Yves
Paré ou n'importe quelle personne, c'est exclu à 100 %. Alors,
qu'on ne vienne pas me parler d'une chambre de bain qui part d'en haut, c'est
zéro.
J'ai fait une tentative avant de venir à la commission
parlementaire. La semaine passée, j'ai appelé à l'APCHQ.
J'ai parlé à une petite fille. J'ai dit: Je suis un consommateur.
Je veux faire faire des travaux de réparation chez nous. Je voudrais
savoir combien un contracteur devrait normalement me charger. Elle me dit:
Est-ce que c'est des travaux de peinture? J'ai dit: II va y avoir de la
peinture certain, ma cuisine et mon salon, je les change de place. Alors, je
vais avoir de la peinture, je vais avoir de la menuiserie, je vais avoir de la
plomberie et je vais avoir de l'électricité. Elle a dit: Un
peintre, c'est 39 $ et quelque chose de l'heure, normalement; un
électricien, c'est 45 $ ou 46 $ de l'heure; un plombier, c'est à
peu près pareil. J'ai dit: En moyenne, combien le contracteur? Elle a
dit: entre 45 $ et 50 $ de l'heure, il ne vous vole pas.
Alors, le consommateur n'a rien sauvé quand on a exclu ça
du champ d'application de l'industrie de la construction: pas une cent! C'est
à peu près ce que ça coûte pour construire une
maison neuve aujourd'hui, au taux horaire. Alors, qu'on ne vienne pas nous
faire accroire que c'est le pauvre consommateur qui va être encore
obligé de payer, puis que ça va augmenter la maison de 10 000 $ -
la maison, si elle augmente, c'est parce qu'ils vont déclarer les heures
tout simplement, ce qu'ils ne faisaient pas avant - ce n'est pas vrai.
On a vévu une expérience assez formidable dans le cas de
Corvée-habitation en 1982 alors que les travailleurs ont investi de
l'argent: 0,125 $ de l'heure. C'est drôle, il se construisait des maisons
à 60 000 $, incluant le terrain, à ce moment-là, alors
qu'un mois avant Corvée-habitation on ne pouvait pas en avoir, puis, six
mois après, on ne pouvait plus en avoir non plus. Alors, il y avait
comme un phénomène spontané: il se vendait plus de maisons
et les maisons avaient un prix plus raisonnable parce que c'était le
maximum, 60 000 $.
Alors, demain matin, la construction de la maison neuve, si tout est
déclaré, elle ne coûtera pas- 10 000 $ de plus que si on
continue à vouloir frauder, c'est sûr. Je pense que ça a
été prouvé dans des études que l'augmentation du
taux d'intérêt de 0,5 % est plus néfaste qu'une
augmentation de 10 % des taux de salaire dans l'industrie de la construction.
On a beau venir charroyer ici et dire n'importe quoi, continuer, même
après, à faire toutes sortes de déclarations à
l'effet que le pauvre entrepreneur autonome ne pourra plus aller travailler
tout seul sur les chantiers de construction, alors c'est faux.
On dit que l'entrepreneur qui a un salarié peut travailler sur
les chantiers de construction aussi et on ne veut pas le sortir. Il travaillera
avec son salarié. Si le salarié est sur une job et que, lui, est
sur l'autre, je ne pense pas qu'il va y avoir de fusillade sur les chantiers de
construction. Ce qu'on veut, c'est que tout le monde soit sur la même
longueur d'onde, sur le même pied d'égalité et au
même rythme, employeurs et salariés, et, là, l'industrie va
faire comme n'importe quelle autre industrie au Québec.
M. Cherry: II a été proposé hier... et je
voudrais vous entendre là-dessus. Je vais décrire la situation
pour bien préciser le sens de ma question. Vous êtes un
entrepreneur qui, durant 10 mois de l'année, avez 1, 2 ou 5
salariés à votre emploi. Mais, dans la période creuse, la
période cyclique, vous n'en avez pas. Vous avez à peine de
l'ouvrage pour vous. Donc, pendant deux mois de l'année, vous devenez un
entrepreneur qui ne répondez qu'aux services de vos clients et un peu
d'ouvrage pour vous-même. Aussitôt que l'ouvrage va reprendre ou
les travaux pour lesquels vous avez soumissionné, si vous les avez, vous
allez rappeler du monde pour revenir travailler, comme vous fonctionnez 10 mois
par année.
Dans votre langage à vous, durant ces deux mois, cet entrepreneur
qui continue à travailler pour tenter de survivre, à
soumissionner, à aller donner du service pour maintenir sa
clientèle, vous le décrivez comment, lui, pour cette
période-là, dans un premier temps? La question qui est
associée à celle-là, qui a été
soulevée hier, c'est qu'un entrepreneur puisse travailler seul sur ses
propres chantiers en autant qu'il ait au moins un salarié à ses
livres. Hier, ça a été avancé comme ça.
Ça serait quoi, selon vous, les avantages et les inconvénients
d'une telle suggestion?
M. Paré (Yves): Alors, moi, selon ce que je pense,
d'abord, cette personne-là, c'est un entrepreneur, à mon point de
vue. Il a oeuvré pendant 10 mois avec des salariés. Il y a
peut-être deux mois où il n'y a pas de travaux. Je pense
qu'à la Commission de la construction, dans l'interprétation
qu'ils en ont faite, ils ont
dit: Nous autres, on le considère comme un entrepreneur. Est-ce
qu'il a le droit d'aller oeuvrer seul sur le chantier de construction? Je pense
que - avec l'exemple que mon confrère Lavallée donnait tout
à l'heure - à peu près jamais, presque jamais ces
entrepreneurs-là ne travaillent seuls. Ils ont toujours quelqu'un pour
les aider, que ce soit l'électricien, le plombier. Peu importe, ils sont
toujours un ou deux minimum et, hier, on l'expliquait.
Est-ce que, dans le cas de votre question, s'il arrive que, le 19
décembre, on pince ce gars-là complètement seul sur le
chantier de construction, on va en faire un cas extraordinaire? Je ne le pense
pas Je pense que l'industrie est plus mature que ça. S'il est
prouvé que ce gars-là a toujours eu des gens à son emploi
et que c'est pour finir un chantier, je ne pense pas que la Commission de la
construction irait poursuivre ce travailleur-là.
Le Président (M. Gauvin): Je reconnais Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci. Bonjour, messieurs.
Vous avez tout à l'heure indiqué que votre
définition de travaux mineurs ne toucherait que le commercial, donc, pas
le domiciliaire. La loi, là-dessus, n'est pas très explicite.
M. Paré (Yves): Très claire, madame. Très
très claire, à l'article 19 de la loi.
Mme Blackburn: Oui, ça, je l'ai.
M. Paré (Yves): Ça ne peut pas être plus
clair que c'est là. À l'article 19 de la loi, c'est dit que la
loi ne s'applique pas... Ce que le paragraphe dit, c'est: «La
présente loi s'applique aux employeurs et aux salariés de
l'industrie de la construction; toutefois, elle ne s'applique pas...»
Là, vous avez huit cas où elle ne s'applique pas. Le
neuvième: «9° aux travaux suivants, exécutés
pour une personne physique, agissant pour son propre compte et à ses
fins personnelles et exclusivement non lucratives». Donc, c'est Yves
Paré, c'est Mme Blackburn. «i. d'entretien, de réparation,
de rénovation et de modification d'un logement qu'elle habite;
«ii. de construction d'un garage ou d'une remise annexe à un
logement qu'elle habite, qu'il lui soit contigu ou non.»
Vous avez une maison, vous décidez d'ajouter un garage à
côté, contigu ou non. C'est non couvert par la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction. La loi ne s'applique
pas, c'est ce qui est dit à 19. (10 h 30)
Vous descendez plus bas: «Une personne autre qu'un employeur
professionnel - alors, une personne autre qu'un employeur professionnel.
ça peut être bien du monde - ne peut simultanément - c'est
trois paragraphes plus bas -faire exécuter sur un même chantier
des travaux d'entretien, de réparation et de rénovation mineure
par plus d'un entrepreneur autonome de quelque sous-catégorie que ce
soit, sauf [...] machineries lourdes ou [...] excavation».
Alors, ça, c'est le petit dépanneur du coin à
Fernand Archambault, en 1988, qui était chef de cabinet de Pierre
Paradis, qui ne voulait absolument pas que son «chum» qui
était entrepreneur électricien ne puisse pas aller réparer
la «fuse» du dépanneur. Il disait: C'est impensable, on ne
peut pas forcer le petit dépanneur à faire venir un contracteur
électricien pour changer sa «fuse». C'est de là que
découlent les travaux mineurs dans le commercial. Ça inclut aussi
des compagnies aussi importantes que Kruger. que Daishowa, qui veulent faire
faire des travaux de plomberie qui seraient mineurs. Mineur, c'est quoi, pour
une entreprise de 250 000 000 $? Ça peut être 500 000 $, 600 000
$, on ne le sait pas, ce n'est pas défini. Mais la compagnie Daishowa
pourrait engager un entrepreneur autonome électricien, peintre ou
plombier pour faire faire ses travaux mineurs de réparation ou
d'entretien.
Mme Blackburn: Alors, dans le domiciliaire, la résidence
ou l'appartement que j'occupe...
M. Paré (Yves): C'est totalement exclu.
Mme Blackburn: ...à ce moment-là, est compris
l'aménagement du sous-sol, la construction d'une salle de bain, toute
rénovation, réparation et entretien dans le domiciliaire.
M. Paré (Yves): Oui, parce qu'il n'y a pas de
montant...
Mme Blackburn: Sauf que, si j'ai une maison et un logement en
haut, là, je n'y ai pas droit.
M. Paré (Yves): Le logement où vous restez, vous y
avez droit et le logement en haut, ce serait couvert par la loi. En tout cas,
c'est l'interprétation qu'on en a. Mais, quand on parle de sous-sol,
quand on parle de modification... La modification d'une maison, c'est garder
les quatre murs, défaire l'intérieur et refaire la maison.
Ça peut être ça. C'est toute une modification. On nous dit:
Prendre la toilette d'en haut et la descendre en bas, c'est couvert par la loi.
Alors, je suggérerais au procureur qui a déclaré ça
de refaire ses classes.
M. Lavallée: Le travail que Guy a fait chez lui, ce n'est
pas couvert.
Mme Blackburn: Si je veux... Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paré (Yves): Hier, vous disiez, Mme Blackburn, que vous
aviez été - excusez l'expression - niaiseuse de payer un
contracteur. Vous avez été bonne citoyenne.
Mme Blackburn: Non, c'était tout à fait... M.
Chevrette: Moi, je connaissais la loi. Des voix: Ha, ha, ha! Mme
Blackburn: Ça t'a coûté cher, aussi.
M. Lavallée: Non, mais, hier, on disait que, Guy, tu avais
fait faire du travail chez toi. Donc, ça, ce n'était pas couvert
par le Décret.
M. Chevrette: Je le savais.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Jamais je n'aurais osé.
M. Paré (Yves): II a agi en bon citoyen.
Mme Blackburn: En bon citoyen.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Bon. Ça va pour la définition de
«travaux mineurs». Vous avez donné des exemples de travail
au noir. Moi, je l'ai dit hier et je vais le répéter: II y a
à peu près 10 000 entrepreneurs autonomes, à ce qu'on peut
comprendre des données qui sont fournies par la Commission de la
construction. Ceux qui sont enregistrés à la Commission de la
construction, mais qui ne déclarent pas d'heures, on déduit
qu'ils sont autonomes, parce qu'ils n'ont pas déclaré d'heures.
Ça donne environ 10 000 entrepreneurs autonomes. Là-dessus, je
pense que la plupart des intervenants s'entendent. En 1990, il y avait 114 000
travailleurs, officiellement 114 263 inscrits à la Commission de la
construction. Alors, je dis toujours: II me semble difficile de penser que ce
sont ces 10 000 travailleurs - parce qu'ils ont juste deux bras aussi - qui
réalisent 100 % du travail au noir. J'ai toujours un peu de
problèmes là-dessus.
M. Paré (Yves): On vous donne raison.
Mme Blackburn: O.K. Dans les exemples que vous avez fournis de
travail au noir, il y en a qu'on n'a pas. Il y a toutes sortes de
catégories de travail au noir, mais je pense que celui qui nous affecte
le plus, qui affecte le plus le ministre des Finances et le ministre du Revenu,
le président du Conseil du trésor, c'est ce qui n'est pas
déclaré. On admettra que celui qui n'a pas la bonne carte et tout
ça, ça affecte les travailleurs qui sont compétents, mais,
sociale- ment, ça nous affecte un peu moins. Dans les exemples que vous
avez cités, de travail au noir, j'aurais aimé que vous nous
parliez du travail au noir des entrepreneurs autonomes. Là, vous avez
parlé des carreleurs. C'est quelqu'un qui n'a pas sa carte de
compétence. Vous avez parlé du ratio compagnon-apprenti. C'est un
autre article du Décret de la construction, ça n'a pas à
voir strictement avec les entrepreneurs autonomes. Moi, je voudrais que vous me
parliez de la pratique, dans la construction, reliée à l'embauche
d'entrepreneurs autonomes.
M. Lavallée: Mme Blackburn, il y a à peine cinq
minutes, j'expliquais la façon dont l'entrepreneur autonome utilise les
services de certaines autres personnes. Souvent, et je le mentionne encore une
fois, on ne peut pas bâtir une maison seul, que ce soit un contracteur
plombier, que ce soit un contracteur électricien, ou un charpentier
menuisier. J'ai rarement vu un menuisier monter les «truss» d'une
maison seul. Ce n'est pas possible. Donc, dans ces cas-là, ce qu'ils
font, ils vont souvent chercher quelqu'un qui est soit sur
l'assurance-chômage, soit sur le bien-être social. Là,
l'exemple que donnent les contracteurs électriciens, dans leur
mémoire - je ne l'avais pas vu, celui-là: un commis payé
10 $ de l'heure qui va aider l'électricien à tirer ses fils.
C'est ça, de façon courante, qu'on fait dans l'industrie
de la construction avec l'entrepreneur autonome. Il fraude le système
constamment en utilisant des travailleurs qui ne sont pas de la construction
et, dans certains cas, des travailleurs de la construction, parce que les gars
n'ont pas le choix. Les gars ne travaillent pas, on a un chômage
chronique. Au moment où on se parle, il y a au-delà de 30 % de
chômeurs dans l'industrie de la construction et il y a certains locaux
qui ont plus que ça dans leur métier. Donc, ces
travailleurs-là sont à la merci des employeurs. Lorsque des
travaux leur sont offerts, ils les prennent, mais, souvent, ce sont des gens
qui ne sont pas de la construction. Ce sont des gens qui sont sur le
chômage ou des gens sur le bien-être social qui vont aider ces
entrepreneurs autonomes là.
M. Paré (Yves): En complément, juste une chose. On
disait, tout à l'heure: Quel intérêt un contracteur ou un
donneur d'ouvrage a à embaucher un entrepreneur autonome? Ils disaient
qu'il était obligé de déclarer... D'abord, il n'est pas
obligé de déclarer les heures qu'il fait. Il n'est pas
obligé de déclarer les salaires, contrairement à ce qui a
été avancé hier. Pour le donneur d'ouvrage, c'est beaucoup
plus simple de payer une compagnie, une corporation, Yves Paré inc. Je
me libère comme donneur d'ouvrage de toute responsabilité, tandis
que, si je suis un employeur, que je ne déduis pas les impôts
à mon employé, je suis responsable devant les gouvernements.
Donc, pour cette partie-là, lors-
qu'on paie directement l'entrepreneur autonome, où est le noir?
C'est la partie qu'il ne déclare pas de son chèque qu'il
reçoit. Laquelle il déclare? On ne le sait pas. Si on pouvait
vous dire qu'il déclare juste 25 % ou 15 %... On ne peut pas faire le
rapport d'impôt pour eux autres.
Comme vous disiez tout à l'heure, on ne pense pas qu'uniquement
les entrepreneurs autonomes font le travail au noir. D'abord, on trouve
exagéré un peu le chiffre de 10 000, mais on ne pense pas que
c'est eux seuls qui font le travail au noir. Ils sont la porte ouverte aux
entrepreneurs pour forcer les travailleurs qui ne sont pas des entrepreneurs
autonomes à accepter des conditions moindres: banque d'heures, salaire
non payé, salaire payé en remboursement de temps et ainsi de
suite, alors que le travailleur est sur l'assurance-chômage.
Mme Blackburn: Moi, ce que je voulais, ce n'est pas les exemples
que vous venez de donner - ils sont intéressants, mais on les a entendus
- c'étaient des exemples concrets. On m'a parié, moi, d'un centre
d'achats à Montréal où on a retrouvé 30
entrepreneurs autonomes. Il y avait un «broker» qui les a
embauchés, le donneur d'ouvrage. Moi, je veux bien qu'on parie de ces
gens-là, mais je veux bien qu'on ne nous dise pas juste des
généralités. Je pense que ça se fait, je vous
crois. Vous venez de donner l'exemple des carreleurs. Moi, c'est ce type
d'exemple là que j'aurais souhaité que vous nous donniez pour
mieux éclairer ici les membres de cette commission.
À présent, il y a différentes propositions, des
hypothèses qui ont été avancées pour essayer de
contrôler le travail au noir. Quelles seraient les mesures susceptibles
de nous aider à mieux contrôler le travail qui est effectué
par les entrepreneurs autonomes en réparation, rénovation et
entretien? Là, on me dit que c'est l'équivalent de 2 000 000 000
$ par année et on me dit qu'il n'y a à peu près aucun
moyen, sauf lorsque le fisc descend dans le bureau ou dans la résidence
de l'entrepreneur autonome. Avez-vous examiné des hypothèses de
travail qui nous permettraient d'avoir un meilleur contrôle?
M. Paré (Yves): Même si c'est en dehors du champ
d'application de la loi sur les relations du travail, il avait
déjà été question, par exemple, d'une
déduction d'impôt pour les personnes qui faisaient faire des
travaux de construction, c'est-à-dire d'entretien, de réparation,
de rénovation ou de modification pour une personne physique. Est-ce que
c'est nous autres qui pouvons dire au gouvernement comment s'organiser pour
récupérer?
On avait déjà fait une suggestion au premier ministre et
au ministre du Travail du temps, qui était aussi ministre du Revenu:
Plutôt que d'annoncer qu'on met sur la route 65 boubous macoutes ou 22
policiers non armés et non habillés pour récupérer
les gens qui rapportent des cigarettes frauduleusement, que le gouvernement ne
fasse qu'annoncer que, dorénavant, à partir de lundi matin, il y
aura une escouade spéciale pour vérifier les livres de tous les
entrepreneurs dans l'industrie de la construction au Québec. Vous venez
de couper 50 % du travail au noir. Ça, c'est le premier 50 %. L'autre 50
%, ça va être de faire un bout de ce travail-là et d'aller
vérifier les livres, parce que l'Office de la construction n'a pas les
moyens à sa disposition pour poursuivre ces entrepreneurs-là
aussi facilement que le fisc. On sait que le fisc a la main longue et il peut
facilement forcer un arrêt du travail au noir Ça. ce serait une
première méthode.
M. Lavallée: D'ailleurs, on peut vérifier
facilement à la Commission de la construction les heures
travaillées par chacun des entrepreneurs. Vous allez facilement pouvoir
vérifier, voir qu'une compagnie qui a déclaré 200 heures
ou 1000 heures dans une année... C'est facile à voir que, lorsque
la Cadillac est à la porte, que l'avion est derrière la maison,
qu'il passe l'hiver en Floride, il y a quelque chose quelque part qui se passe.
Le fait de faire ces vérifications-là, ça fait plusieurs
années... Même dans le temps du gouvernement du Parti
québécois, on lui avait demandé de mettre des inspecteurs
pour vérifier les livres des employeurs. Il n'y a rien qui bouge.
À chaque fois qu'on parle de ça dans l'industrie de la
construction, on dirait qu'il y a un blocage et qu'on a peur d'aller faire ces
vérifications-là. On a peur d'aller chercher les sommes
d'impôt que l'on perd par rapport à ça. Qu'on mette des
inspecteurs pour vérifier ça. Tout le monde a peur du fisc. Tout
le monde sans exception, quand il voit le fisc dans ses livres, il n'aime pas
ça. Qu'on mette les inspecteurs du fisc dans les livres des
entrepreneurs. Juste en faisant la déclaration, comme Yves vient de le
mentionner, 50 % du travail est déjà fait. Après
ça, qu'on aille vérifier les livres et on va aller chercher le
reste.
Mme Blackburn: Hier, la CSD nous mettait en garde contre les
effets potentiels de reconnaître l'entrepreneur autonome qui devient
employeur parce qu'il a un salarié. Elle dit: Ça ne changera pas
beaucoup la situation. Là, il devient légalement habilité
à travailler sur les chantiers de construction. Le donneur d'ouvrage en
embauche 12, ça veut dire 12 qui sont soustraits au Décret et 12
employés. Ça pourrait fonctionner comme ça. Comment
réagissez-vous devant cette hypothèse?
M. Paré (Yves): C'est encore une forme, je veux dire...
C'est toutes les méthodes. Il y en a des dizaines et des dizaines de
méthodes, de façons de procéder pour travailler
illégalement. Il
y en a de toutes les sortes.
Mme Blackburn: Oui, mais je veux dire: Est-ce que vous envisagez
comme eux qu'il faudrait limiter le nombre de sous-traitants qu'on devrait
trouver sur un chantier? Ça, me semble, moi, difficilement
réalisable et réaliste d'aller dans cette
direction-là.
M. Paré (Yves): Bien, irréalisable, non. C'est
peut-être réalisable. Lorsque, par exemple, il y a un contrat qui
doit se donner. C'est donné à la compagnie X Construction. X
Construction se vire de bord et le donne à Y Construction, et ainsi de
suite, et vous arrivez au troisième ou au quatrième
sous-entrepreneur, sous-traitant. C'est clair que ce troisième-là
ou ce quatrième-là, il faut qu'il coupe quelque part. Il va
couper où? La chose la plus facile à couper, ce n'est pas sur les
matériaux. Il va couper sur les salaires, c'est clair, sur les
conditions de travail. Si on limitait...
On avait déjà parlé - les gens l'ont
mentionné hier - de l'affichage des contrats, avant ça. On a dit:
Les entrepreneurs artisans devront afficher les contrats. Ça n'a jamais
fonctionné. On n'est pas capables de forcer ces choses-là. On
n'est pas équipés pour ça. Le contrat peut être
«phoney» et nommons-les. Si vous commencez à trouver des
solutions aussi quétaines et bébés que ça, bien, je
veux dire, ça fait en sorte que ça ne peut pas marcher. Il faut
que la réglementation, la loi, ait des dents. S'il est clair qu'on veut
récupérer l'argent perdu en impôt, il faut que ça
ait des dents. On ne peut pas faire autrement.
Mme Blackburn: Vous faites le pari que la loi 185 adoptée,
la définition de l'entrepreneur autonome mieux cernée, plus
correspondante à la loi 31, ça va régler, en grande
partie, le travail au noir. Est-ce que vous avez évalué la
pratique au noir en rapport avec toute la nouvelle tarification, taxation, les
politiques fiscales qui sont venues, finalement, diminuer
énormément, pour ne pas dire dramatiquement, le pouvoir d'achat
de tous les Québécois et de toutes les Québécoises?
Évidemment, quand vous avez une moyenne de salaire de 21 000 $ par
année, c'est un peu plus dramatique.
M. Paré (Yves): Comme citoyen...
Mme Blackburn: Est-ce que vous pensez que c'est
négligeable, finalement, cette voracité des États et des
gouvernements à taxer le contribuable de toutes les manières et
est-ce que c'est sans effet sur la pratique au noir? On pense que sur les
cigarettes il y a un rapport direct entre l'augmentation des taxes et le
marché noir. Est-ce que ce n'est pas aussi un peu vrai dans la
construction et qu'il ne s'agit pas juste de réglementer les petits
entrepreneurs autonomes pour voir arrêter le travail au noir? Moi, je
vous avoue que j'ai bien de la peine à croire ça.
Évidemment, on pourra le mesurer quelque part dans six mois.
Mais...
M. Paré (Yves): Mais la définition d'entrepreneur
autonome ne réglera pas tout le travail au noir. Ce n'est pas ça
qu'on dit. Mais 185 va en régler une bonne partie parce qu'il n'y a pas
juste la définition d'entrepreneur autonome à 185. Il y a aussi
la possibilité pour un travailleur de perdre son permis de travailler
dans l'industrie de la construction. Il y a ça après x nombre...
Prenez l'exemple de la conduite en état d'ébriété
sur les routes. Tant que ça coûtait juste 300 $ d'amende, je vous
dis que le monde se fichait pas mal de ça, sauf que, à la minute
où ils perdaient leur permis de conduire pour un an,
indépendamment de ce qu'ils faisaient avec leur permis de conduire, il y
a eu comme une diminution. (10 h 45)
On pense que 185, pas juste avec la définition d'entrepreneur
autonome, mais avec les autres choses qui sont à l'intérieur, va
faire en sorte que ça va diminuer. Vous posez la question: Est-ce que
les taxes ont un effet? C'est sûr que les taxes qu'on paie, les
impôts qu'on paie, c'est peut-être un incitatif à aller
travailler en dessous de la table. Oui, c'en est un. Personne n'aime ça
payer 45 %, 50 % d'impôt. Ce qu'on dit en plus, et c'est ce que je disais
tout à l'heure: L'entrepreneur autonome qui, lui, reçoit son
chèque au nom de Yves Paré inc., sans aucune déduction,
qui le montre au travailleur qui vient d'avoir sa paie, mais qui est
«choppé» de 50 %, il a un incitatif à devenir
entrepreneur autonome, parce que ça coûte à peu près
500 $, 600 $ s'incorporer. Alors, il a cet incitatif-là.
C'est la raison pour laquelle sur le chantier de construction neuve il
doit y avoir des entrepreneurs et des salariés qui devront payer leurs
impôts et leurs avantages sociaux. C'est ce qu'on souhaite. Si vous me
dites: Est-ce que ce serait bon qu'on baisse les impôts? la
réponse est oui, madame.
M. Lavallée: Si on récupérait les 500 000
000 $ ou 600 000 000 $ qu'on n'a pas par rapport au travail au noir,
peut-être que, collectivement, on pourrait réduire nos
impôts.
Mme Blackburn: Permettez-moi une question indiscrète.
Ça représente quel manque à gagner par rapport à
votre centrale syndicale, la FTQ-Construction?
M. Lavallée: Le manque à gagner?
Mme Blackburn: Ceux qui travaillent, soit au noir, soit les
entrepreneurs autonomes qui ne paient plus de cotisations chez vous.
M. Lavallée: Je peux vous dire qu'on n'a pas fait une
analyse exhaustive de ça. Je pourrais la faire rapidement pour les
entrepreneurs autonomes. On dit: 800 entrepreneurs autonomes en plomberie
à 600 $ par année, ça fait 480 000 $ pour la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie. Mais ça, ce n'est
pas notre souci, le manque à gagner. C'est que la justice soit faite
pour les travailleurs de la construction.
Mme Blackburn: Vous avez touché un point tout à
l'heure et il me semble que le gouvernement devrait envisager des dispositions
susceptibles de ralentir la pratique qui fait qu'une entreprise fait faillite,
elle s'enregistre sous un numéro de compagnie. Et puis, elle n'a
même pas à attendre de faire faillite. Elle peut même
s'enregistrer avant et évidemment, elle repart. Et ça, il y a des
pratiques absolument scandaleuses. On a examiné un peu les
possibilités d'agir et ce n'est pas facile sans porter atteinte aux
droits de la personne, sans nuire à tous ceux qui, à cause de la
conjoncture, font faillite et non pas parce qu'ils refusent de payer leurs
redevances à la CCQ ou leurs impôts. C'est difficile, mais il me
semble que, si vous aviez des idées pour nous aider à solutionner
ça ou des propositions à faire au ministre au gouvernement dans
ce sens-là, ce serait intéressant.
Dans votre mémoire que j'ai relu plus facilement parce que c'est
le même que celui qu'on a reçu en décembre, à la
page 17 de votre mémoire, vous proposez, en parlant d'allégeance
syndicale... Vous dites que vous demandez un amendement à la loi
«de façon à éliminer les associations
représentatives qui n'obtiendraient pas 25 % d'adhésion».
La question que je me posais... D'abord, par rapport au pluralisme syndical,
c'est un peu inquiétant. Je me demandais si vous aviez eu l'avis du
ministre du Travail, ex-FTQ, là-dessus, à l'effet qu'il
était assez favorable à cette idée de faire
disparaître toute concurrence en matière d'allégeance
syndicale dans la construction.
M. Paré (Yves): Le ministre du Travail a été
vice-président de la FTQ. Il a été aussi
représentant d'une usine où il y avait juste un syndicat dans
l'usine. Je pense qu'il a bien vécu et que les travailleurs ont eu des
bonnes conditions de travail.
Ce qu'on vit dans l'industrie de la construction... Il semble que chez
nous la construction, c'est toujours à part de tout le monde. Je vais
vous donner un exemple. Quand la commission Cliche a fait son rapport, ils ont
dit: Les pauvres employeurs de l'industrie de la construction sont
«squeezes» par les associations syndicales qui sont trop fortes.
Donc, on a recommandé au gouvernement de ne faire qu'une seule
association patronale, ce qui voulait dire que, s'ils étaient tous dans
la même organisation, ils seraient forts. En contrepartie, ils ont dit:
On va libéraliser et mettre le pluralisme syndical dans l'industrie de
la construction. Alors, c'était tout simplement de dire: Divisons les
travailleurs pour régner, pour faire régner les entrepreneurs.
C'est clair, c'est aussi simple que ça.
Dans les relations de travail, il existe une association d'entrepreneurs
qui est l'AECQ. Il existe d'autres associations d'entrepreneurs, mais c'est
pour d'autres raisons que les relations de travail. Nous autres, comme
représentants syndicaux, on doit faire des alliances. On n'a pas
toujours les mêmes idées, on n'a pas toujours les mêmes
buts, et ça va encore beaucoup plus loin que ça. On n'arrive
jamais à conclure une convention collective de travail parce qu'on n'a
pas la force, on n'a pas le pendant syndical qu'il y a du côté
patronal. Lorsqu'on arrive sur les chantiers, la loi aidant...
Quand on veut exercer, faire appliquer la loi sur les relations du
travail, les conditions de travail des travailleurs, on a un risque. C'est que
cet entrepreneur-là n'embauche plus de notre monde. Notre souci premier,
c'est de faire travailler nos membres. Quand on revendique, quand on est
sévère sur la santé et la sécurité, on
s'aperçoit que, trois ou quatre jours après, quand ils ont
«callé» des travailleurs, ils ne les ont pas pris chez nous.
Et c'est ainsi de suite. Un employeur qui est intelligent le moindrement, s'il
ne veut pas avoir de délégué de chantier, il en engage six
de la CSN, six de la FTQ, six du conseil provincial et six de la CSD. Il est
sûr de ne jamais avoir un délégué dans les
pattes.
Alors, le pluralisme syndical, c'est ce que ça fait. Dans une
industrie comme l'industrie de la construction, c'est diviser pour
régner et c'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Il n'y a
aucune force syndicale dans l'industrie de la construction et tout ce qui se
fait, c'est exactement le laisser-aller total.
Or, quand on dit qu'il devrait y avoir un pendant syndical de ce qu'il y
a de force patronale, je pense qu'on est juste logiques. Pourquoi sur la
construction ce n'est pas bon? Pourquoi à General Motors c'est les TCA
qui sont là, qu'il n'y a pas cinq syndicats dans l'usine? Il y a 3500
travailleurs, ils sont membres d'un syndicat et, au bout de trois ans, s'ils ne
sont pas satisfaits des TCA, ils les mettent dehors et ils en prennent un
autre. Ça, ça se fait régulièrement dans toutes les
usines, sauf l'industrie de la construction. C'est diviser pour mieux
régner.
Mme Blackburn: Je vous donnerais des exemples contrairement
à General Motors. Je pense dans nos hôpitaux... Vous avez deux
hôpitaux voisins. Ils ont des accréditations syndicales
différentes pour la maintenance, pour les infirmières. Pour les
infirmières, vous avez deux ou trois syndicats au Québec. Alors,
je veux dire que vous n'êtes pas les seuls. Mais avec
votre chiffre magique de 25 %, il resterait qui en construction comme
représentant syndical?
M. Paré (Yves): Je pourrais vous donner une réponse
platonique: II resterait tous ceux qui ont plus que 25 %, mais...
Mme Blackburn: Mais actuellement.
M. Paré (Yves):... on souhaite qu'il en reste juste une,
madame.
Mme Blackburn: Alors, si je comprends...
M. Paré (Yves): C'est ce qu'on souhaite en
réalité.
Mme Blackburn:... c'est que ce serait juste la FTQ.
M. Lavallée: C'est ce qu'on souhaite.
Mme Blackburn: Et la question. Est-ce que vous avez passé
un «deal» là-dessus avec le ministre?
M. Lavallée: Si on a quoi? M. Paré (Yves):
Non.
Mme Blackburn: Si vous avez passé une entente avec votre
ex-collègue, le ministre du Travail?
M. Paré (Yves): Non, madame. Ça fait depuis 1978
qu'on revendique cette clause-là. En 1978, on était
affiliés au conseil provincial et on avait exactement la même
demande. On s'est «splittés», si vous voulez, en 1980 et on
a encore la même demande. Ce n'est pas parce qu'il y a un nouveau
ministre.
M. Chevrette: Ce n'est pas plutôt en 1970?
M. Lavallée: Pardon?
M. Chevrette: Ce n'est pas plutôt en 1970?
M. Paré (Yves): Qu'on a cette demande-là?
M. Lavallée: 1978.
M. Chevrette: Au «bunker», l'autre bord.
M. Paré (Yves): 1978, au CERLIC.
M. Chevrette: Aïe!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: On s'en reparlera tantôt.
M. Paré (Yves): O. K.
M. Lavallée: On sortira les mémoires.
M. Paré (Yves): En 1972, on s'organisait pour en avoir
rien qu'une.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Ça, c'est plus franc!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais... M. le
ministre...
M. Paré (Yves): On peut dire: La loi 12 en 12 minutes.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi, j'aimerais avoir votre collaboration. M. le ministre a
été interpellé et il aimerait réagir de
façon spontanée. M. le ministre.
M. Cherry: Comme vous avez demandé si j'avais eu un
«deal» vu que je viens de cette centrale-là, non. De
«deal», il n'y en a pas. On fait les affaires de la façon
qu'on juge, chacun. Je pense que la meilleure réponse à donner
qui me vient à l'esprit est celle que votre voisin a donnée
lui-même à l'Assemblée nationale et je le citerai:
«On a les mêmes origines, mais, quand on choisit d'être
législateur, c'est un choix qu'on fait et on décide de mettre nos
compétences et notre contribution à l'ensemble de la
collectivité québécoise. Quand on peut rendre service
à l'ensemble de la collectivité, quelle soit syndiquée ou
non, on le fait. » Mais je ne renie pas mes origines pour ça,
comme je pense que le député de Joliette n'a jamais renié
les siennes non plus.
Mme Blackburn: Ça ne répond pas à la
question.
M. Cherry: II n'y a pas de «deal».
Mme Blackburn: Est-ce que vous êtes ou non d'accord?
M. Cherry: II n'y a pas de «deal». La réponse
est claire. Je pense que tout le monde avait compris excepté la
députée de Chicoutimi. Je vais mettre ça clair. Il n'y a
pas de «deal».
Mme Blackburn: Non. Ne vous choquez pas.
M. Cherry: Non.
Mme Blackburn: II va monter sur la chaise.
M. Cherry: «Read my lips», comme ils disent aux
États-Unis. Non.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): Je reviens à Mme la
députée.
M. Paré (Yves): Je pensais avoir répondu non aussi
parce que c'est bien avant que le ministre soit là qu'on revendiquait
cette clause-là.
Mme Blackburn: Non. C'est du ministre que je veux savoir...
Le Président (M. Gauvin): Je reviens à Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: On pourra toujours le questionner au moment
où on examinera le projet de loi article par article. Est-ce qu'il
partage votre avis là-dessus? Est-ce qu'il est prêt à
ouvrir dans cette direction? Il peut nous répondre tout de suite ou il
peut nous répondre au moment où on examinera le projet de loi
article par article.
Le Président (M. Gauvin): C'est-à-dire que la
question s'adresse surtout à nos invités.
Mme Blackburn: Alors, délégué syndical. Dans
votre mémoire, vous dites et vous réclamez la liberté de
nommer sur les chantiers de construction des délégués pour
représenter les travailleurs oeuvrant sur ces chantiers. Le secteur de
la construction est le seul où il est interdit de négocier une
clause de délégué syndical. Vous n'avez pas de
délégué syndical, mais, si je comprends, tantôt,
vous en avez sorti quelques-uns à coups de pied. Par qui est-ce que
ça a été fait? Des coups de pied au cul, pour utiliser
votre expression.
M. Paré (Yves): Pas par des délégués,
madame, par des travailleurs et par des représentants.
Mme Blackburn: O.K.
M. Paré (Yves): Effectivement, on retrouve des
délégués de chantier sur les gros chantiers.
Mme Blackburn: O.K.
M. Paré (Yves): Règle générale, il y
a très peu de délégués représentant des
unions sur les chantiers de construction actuellement. Il y en a très
peu. On voit ça à General Motors où il y a 200 ou 300
travailleurs. On ne peut pas nommer de délégué syndical
à moins qu'il y ait sept salariés d'une même association
sur un même chantier de construction, alors qu'on sait que les
employeurs, à 85 %, ont moins de cinq salariés. Alors, vous allez
comprendre qu'on ne peut à peu près pas en nommer. Qui a sorti
les travailleurs illégaux? C'est des travailleurs et des
représentants syndicaux de la FTQ-Construction.
M. Lavallée: Ce qu'on a demandé au ministre, dans
notre mémoire, c'est qu'auparavant on avait le droit de nommer un
délégué auprès de l'employeur en autant qu'il y
avait plus que sept salariés. Par la suite, par rapport à la
commission Cliche, on nous a enlevé ce droit-là et on nous a dit:
Vous n'avez plus le droit de nommer des délégués
auprès de l'employeur. On veut s'assurer qu'à l'avenir on puisse
nous permettre de nommer des délégués auprès de
l'employeur et de négocier ces conditions-là dans le
Décret.
Le Président (M. Gauvin): Je permets au
député des Îles-de-la-Madeleine de vous poser quelques
questions.
M. Farrah: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez
quand même fait état de la situation de façon très
éloquente dans le sens que c'est tellement systématisé, le
travail au noir, que c'est rendu que, si tu ne triches pas, tu es mal vu. C'est
à peu près la situation qu'on a. Quand vous parlez de vos deux
salariés, un qui est autonome qui va avoir 1200 $ et l'autre qui en fait
432 $, ça fait que c'est celui qui essaie d'être légal ou
qui est légal qui passe pour un stupkJe. La même chose au niveau
de l'entreprise lorsque vous soumissionnez. Celui qui veut soumissionner avec
les règles, en appliquant le Décret, nécessairement, lui,
sa «cotation» est plus haute et celui qui fait une soumission
préméditée, qui se dit: Moi, je vais travailler au noir,
bien, il est plus bas. Donc, la concurrence est déloyale. Ça, je
pense que vous avez fait état de ça. Le problème qu'on a,
c'est que c'est tellement ancré au niveau des habitudes et des attitudes
des gens qu'on a une grosse côte à remonter, mais il faut le
faire, effectivement.
Moi, j'ai aussi un exemple concret. Le ministre voulait entendre des
exemples concrets. Moi, chez nous, aux îles, les inspecteurs de la CCQ
venaient de Rimouski, antérieurement, parce qu'on disait: Bien, on ne
veut pas que les gens soient amis avec les gens de la place. L'inspection va
être plus facile à faire et tout le kit. Alors, pour contourner
ça, les employeurs et les travailleurs au noir qui travaillaient sur ces
chantiers-là, à un moment donné... C'est que la CCQ de
Rimouski, elle, n'avisait pas à l'avance, évidemment, que
l'inspecteur arrivait sur les chantiers ou arrivait aux îles. Ça
fait que les gars ont trouvé un moyen. Ils ont dit: On va essayer de
savoir comment ces gars-là arrivent aux îles. Là, ils se
sont mis «chums» avec le gars de la compagnie d'aviation et ils se
sont mis «chums» avec le gars qui louait les voitures Ça
fait que, quand il avait une réservation de location de voiture de tel
type de la CCQ, là, il appelait son «chum» qui était
entrepreneur et disait: Le gars s'en vient la semaine prochaine. Les chantiers
se vidaient. Là, l'inspecteur arrivait aux îles. Pas de
problème, c'est légal là-bas, il n'y a plus rien. Il
ressortait et deux jours
après les chantiers se remplissaient. C'est une
réalité concrète.
Alors, dans ce sens-là, j'aimerais vous poser la question
suivante. C'est qu'on est toujours imaginatif pour contourner ces
lois-là. Il ne faut pas se leurrer, là. Je pense que le
mémoire qui s'en vient, tantôt, trouve cinq façons ou
même plusieurs façons de le faire. Alors, n'y a-t-il pas un danger
encore de l'application de la loi 185 ou de la formule qu'on veut appliquer
pour essayer de contrer le travail au noir? N'y a-t-il pas un danger, encore
là, qu'avec le temps, l'usure, il y ait des passoires qui soient
trouvées par toutes sortes d'individus, autant les travailleurs que les
entrepreneurs, et que ultimement, au bout de la ligne, on soit encore au
même point dans cinq ans ou dans six ans? Alors, pensez-vous que ce soit
une possibilité que ça puisse arriver, premièrement? Ma
deuxième question, c'est que... M. Paré, vous aviez
commencé à parler d'une compagnie de pavage, je pense. C'est un
exemple concret, encore là, d'une façon de frauder le
système. Alors, je ne sais pas si vous pourriez peut-être nous
expliquer davantage cet exemple-là, s'il vous plaît.
Le Président (M. Gauvin): M. Lavallée.
M. Lavallée: À la première question, lorsque
vous dites: Est-ce que le projet de loi 185 va tout régler? c'est clair
que le projet de loi 185 ne réglera probablement pas tout, mais si on
réussit à régler, avec le projet de loi 185, 60 %, 70 % ou
80 %, on en aura une bonne partie. À votre question: À l'avenir,
dans cinq ou six ans, est-ce qu'on va être revenus à la case
départ? Je ne le pense pas. La loi 186 qui a mis en place la
Régie a plusieurs règlements à faire dont, entre autres,
celui qui va faire en sorte d'accumuler les points pour faire perdre la
licence, éventuellement, à un entrepreneur qui ne respecterait
pas le Décret. Je pense que c'est le plus rapidement possible que cette
Régie-là doit commencer ses travaux pour mettre en place toute la
réglementation qui en découle. La Régie, ça a
été une chose. Maintenant, le plus important reste à
faire, puis, si la Régie fait bien ses travaux, met en place un
système qui va être rigide, à ce moment-là, je ne
pense pas qu'on soit à la case départ dans cinq ou six ans
d'ici.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Lavallée.
C'était le temps que nous avions. Je voudrais permettre à M.
Paré, justement, de compléter brièvement, si possible.
M. Paré (Yves): O.K. Ça va être très
rapide. L'entreprise d'asphalte dont on parlait, c'est CS Alphalte, une
compagnie de Rivière-des-Prairies. Elle a une licence de la Régie
des entreprises de construction depuis 1977 et elle n'a jamais
déclaré une seule heure à la Commission de la
construction. Elle a entre 25 et 30 salariés presque à
l'année qui travaillent pour elle. Alors, c'est ça, c'est CS
Asphalte et elle n'est pas toute seule. Il y en a beaucoup d'autres de
même.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Je passe la parole
à M. le député de Joliette.
M. Chevrette: C'est une question... Il est évident que,
lorsqu'on sort du Décret les travaux mineurs ou de réfection,
pour 2 000 000 000 $, vous autres, ça ne vous crée pas de
problème, mais je pense que l'État a tout un problème
à régler pareil pour 2 000 000 000 $. Il va falloir être
imaginatif, inventif. Je pense aux incitatifs dont vous parliez tantôt:
déduction d'impôt, peut-être aussi par les bureaux
d'évaluation des municipalités, peut-être par l'obligation
d'afficher, peut-être par une série de moyens. En tout cas, il
faut récupérer de l'argent, parce que 2 000 000 000 $ c'est au
moins dans les 200 000 000 $ probablement encore là, sinon plus.
Quant au travail au noir fait par des gens qui n'ont aucune carte de
compétence, c'est inadmissible; fait par des gens sous le statut de
travailleur autonome, après qu'on a enlevé 2 000 000 000 $, moi,
je suis très inquiet. Je ne suis pas sûr qu'on ne devrait pas
régler ça une fois pour toutes. S'il faut aller,
éventuellement, jusqu'à le sortir du Décret en identifiant
qu'ils se limiteront aux 2 000 000 000 $ de travaux sortis du Décret, il
faudrait peut-être y penser. Si on les met en position d'aller travailler
sur des chantiers officiels, puis de faire du travail au noir, c'est
l'agressivité sur les chantiers de construction. Ça, je pense
qu'on n'est pas obligés de courir après quand on est capables de
l'éviter. À mon point de vue, cette partie-là pourrait se
régler. Qu'est-ce que vous faites, cependant, avec les travailleurs qui
paient les heures, puis qui durant qu'ils sont en chômage vont faire des
jobs au noir? Avez-vous des moyens d'action, un code d'éthique?
M. Paré (Yves): Le même moyen d'action, c'est que ce
travailleur-là qui va travailler au noir est embauché par
quelqu'un. Il est embauché à ces conditions-là. Il faut
que quelqu'un...
M. Chevrette: Oui, mais les Anglais disent: «guilt by
association». Il y a un crime par association.
M. Paré (Yves): Oui, effectivement, et on croit ça,
sauf que, dans la loi 185, il y a une pénalité
sévère d'annoncée. Si le travailleur est pris à
travailler illégalement sur des chantiers, il a une carte et il risque
de la perdre, comme le permis de conduire pour des personnes en état
d'ébriété. Ce qu'on déplore, c'est qu'on aurait
aimé que ce soit aussi précis pour les entrepreneurs dans la loi
186, de dire qu'un entrepreneur
qui est pris à embaucher des travailleurs illégalement
peut perdre sa licence de la Régie des entreprises de construction. Il
pourrait la perdre.
Alors, on pense que ça aurait dû être: C'est bon pour
pitou, c'est bon pour minou, sauf que ce n'est pas aussi clair pour les
employeurs. On est d'accord qu'il faut que les travailleurs se sentent
sécurisés. Là, il se dit aujourd'hui: Si ce n'est pas moi
qui le prends illégalement, c'est mon voisin qui va y aller. Alors, je
suis aussi bien d'y aller et de fermer ma boîte au risque de me faire
poigner par l'impôt et ainsi de suite. Tout ça mis ensemble ferait
en sorte que ça pourrait être réglé en grosse
partie.
M. Lavallée: Aussi, Guy, il y a une autre chose qui
pourrait être mise en place. On voit souvent à la
télévision des choses qui sont apportées par le
ministère de l'Éducation qui dit: C'est payant être
électricien, c'est payant être menuisier, c'est payant être
briqueteur. On pourrait aussi placer à la télévision: Ce
n'est pas payant travailler au noir. Vous perdez vos avantages sociaux, vous
perdez votre régime de retraite. Je pense qu'il y a une éducation
à faire. C'est un ensemble qui va faire en sorte qu'un matin on va avoir
réussi à contrer le travail au noir. Chose certaine, il va
falloir mettre tout en place pour permettre qu'il n'y ait plus de travail au
noir.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Lavallée.
C'était tout le temps qui vous était alloué. J'aimerais,
en conclusion, inviter M. le ministre pour une minute.
M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, merci
d'être venus encore une fois en commission parlementaire pour parler de
façon plus spécifique. Je pense que le débroussaillage de
décembre nous a permis de mieux centrer nos débats. J'aimerais
terminer l'intervention ici de la même façon que je le faisais
hier, pour bien clarifier la difficulté qu'on a à cerner
ça. Le travailleur autonome - ça vient d'être dit,
là - on lui a évacué un champ d'environ 2 000 000 000 $.
Si ça, ça ne lui suffit pas, la loi telle qu'elle est
rédigée présentement, il peut toujours continuer à
se servir de ses capacités pour devenir un salarié dans
l'industrie de la construction. Donc, on ne l'empêche pas de gagner sa
vie. On dit juste: Si tu veux le faire comme autonome, tu le fais dans la
rénovation, dans la réparation, dans l'entretien et, si là
tu veux continuer à être seul dans la neuve, tu devras le faire
comme un salarié, comme l'ensemble des autres salariés. Mais en
aucun cas on ne restreint cet individu-là à ne pouvoir gagner sa
vie avec les compétences qu'il a acquises, avec les cartes de
compétence qui lui sont reconnues.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je
reconnais Mme la députée de Chi- coutimi, en conclusion, s'il
vous plaît.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. MM.
Lavallée, Paré et vos collègues, je voudrais vous
remercier d'avoir accepté encore une fois de venir participer à
nos travaux. Je sais que déjà en décembre vous
étiez un peu irrités qu'on n'ait pas procédé plus
rapidement à l'adoption de la loi et sans consultation. Je dois
reconnaître, cependant, et je pense que la plupart des intervenants ici
vont le reconnaître, que l'exercice que nous faisons actuellement est
fort utile parce qu'il aura permis, cet exercice, de clarifier un certain
nombre de concepts, de faire la part entre les discours un peu
exagérateurs et la réalité. À ce moment-là,
ça permet non seulement aux membres de la commission et aux
législateurs de prendre des décisions éclairées,
mais ça permet en même temps et par la même circonstance
d'éclairer un peu le public quant aux enjeux du projet de loi 185. Je
vous remercie de votre participation.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée. Oui.
M. Paré (Yves): En conclusion, je veux juste dire qu'il
appartient maintenant aux élus de décider si dans l'industrie de
la construction il y a deux classes de citoyens, ceux qui paient leurs
impôts et ceux qui ne les paient pas. On souhaite ne pas revenir à
une autre commission parlementaire.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Lavallée, M.
Paré et vos collaborateurs, de vous être présentés
devant cette commission. Nous allons suspendre une minute pour permettre
à l'Association des entrepreneurs en construction du Québec de
prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 8)
(Reprise à 11 h 13)
Le Président (M. Gauvin): J'inviterais les membres de la
commission à prendre place pour accueillir nos invités. J'invite
également l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec à prendre place. La commission reprend ses travaux pour
entendre, comme je vous le mentionnais, l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec représentée par M. Jean Perron,
président. J'inviterais M. Perron à nous présenter ses
collaborateurs. M. Perron.
Association des entrepreneurs en construction du
Québec (AECQ)
M. Perron (Jean): M. le Président, dans un premier temps,
j'aimerais vous présenter Mme Maureen Flynn, directrice des relations de
travail
à l'AECQ, André Larocque, directeur des communications,
Michel Dion, directeur général, moi-même, et Robert Brown,
directeur général adjoint.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Vous avez 30 minutes pour
présenter votre mémoire aux membres de la commission. Vous
n'êtes pas tenus de prendre tout votre temps, mais la partie qui vous est
réservée, c'est 30 minutes. M. Perron.
M. Perron (Jean): M. le Président, M. le ministre du
Travail, Mmes et MM. les membres de la commission, j'aimerais, dans un premier
temps, bien préciser que nous sommes ici à titre de
représentants de l'ensemble, de la totalité des employeurs
oeuvrant à l'intérieur de l'industrie de la construction. Je
pense qu'il est bien important dès le départ de situer le niveau
de notre intervention, en ce sens que notre préoccupation
vis-à-vis de la commission parlementaire est d'être les
porte-parole de l'ensemble des employeurs, bien sûr, mais en particulier
des petits employeurs.
Lorsqu'on parle de travailleurs autonomes, lorsqu'on parle de travail au
noir, les gens qui sont les plus vulnérables dès le
départ, ce sont les petits employeurs qui ont un, deux, trois ou quatre
employés. On sait qu'ils constituent la majorité des
entrepreneurs de notre industrie. Je pense qu'on doit toujours garder ça
à l'esprit parce que ça constitue la relève de demain et
cette relève-là, on doit lui permettre de s'épanouir dans
un cadre où elle peut, effectivement, se réaliser pleinement et
avoir des aspirations légitimes.
En décembre dernier, en réponse à une invitation de
cette commission, nous sommes venus vous présenter nos attentes et
positions sur le projet de loi 185. À l'intérieur d'un court laps
de temps, les principaux intervenants ont analysé les amendements
proposés. Devant le lobbying de certains groupes, l'étude dudit
projet de loi a été suspendue et nous nous retrouvons,
aujourd'hui, devant cette commission pour discuter du même sujet.
Cependant, ce délai nous aura permis d'effectuer quelques
analyses ayant eu plus de temps à notre disponibilité, analyses
qui, selon nous, s'avèrent cruciales compte tenu de l'ampleur des
représentations opposées qui sont exposées sur l'autonome.
Le sujet s'avère complexe et mérite une attention
particulière considérant les conséquences très
importantes pour l'industrie. Pour certains, l'adoption de mesures
législatives est perçue comme une barrière au droit de
travailler et, pour d'autres, l'absence de mesures législatives
représente une ouverture à la concurrence déloyale et au
travail au noir.
Notre objectif n'est pas d'empêcher un entrepreneur de travailler.
Nous recherchons plutôt une législation qui colle à la
réalité du marché du travail et qui freinera le recours
à des moyens pour contourner la loi et les règlements en
vigueur.
Rappelons que votre gouvernement a recommandé, en 1988, la
création du statut de l'entrepreneur autonome, recommandation qui fut
mise en application avec l'entrée en vigueur du projet de loi 31. Mais
quelques mois après son adoption, des juristes ont découvert une
coquille dans la rédaction de la loi et conseillaient les entrepreneurs
sur les moyens à prendre pour en éviter l'application.
C'était fort simple, les entrepreneurs n'avaient qu'à
s'incorporer.
Au cours de ces quatre années, ce vide juridique a
engendré des pratiques déloyales et illégales qui
s'exercent au vu et au su de tous, mais sans que l'on puisse intervenir.
Là-dessus, je pense que le président de la Commission de
l'industrie de la construction a fait mention, hier, de l'impossibilité,
en termes administratifs, de réglementer et de réussir à
circonscrire le problème. Résultat: l'objectif de 1988 n'a pu
être atteint.
Nous vous mentionnions que nous avons effectué quelques
recherches au cours des derniers mois. Les données recueillies nous
révèlent certains comportements qui confirment nos
prétentions à l'égard du travail au noir et de
l'entrepreneur autonome, données dont nous vous ferons part dans les
prochaines pages et qui, nous l'espérons, sauront également vous
guider.
Dans un sondage préparé par René Pelletier, Groupe
Conseil, et effectué pour le compte de l'AECQ dans le cadre des travaux
de la présente commission, certaines questions d'intérêt
général furent posées aux entrepreneurs en construction du
Québec et ont reçu des réponses pour le moins
significatives. Ainsi, un cinquième seulement des entrepreneurs membres
de l'AECQ croient que la situation dans l'industrie de la construction
s'améliorera au cours de l'année 1992. La moitié pensent
qu'au mieux elle demeurera stagnante, alors que près du quart croient
qu'elle va plutôt se détériorer.
Il est évident, au même titre que dans les autres secteurs
industriels, que la situation n'est pas rose dans l'industrie de la
construction et qu'on doit trouver des moyens de stimuler l'activité.
Là-dessus, toujours d'après le sondage que nous avons
commandé, les trois quarts des entrepreneurs pensent que le gouvernement
du Québec n'a pas fait ce qu'il aurait pu pour aider l'industrie de la
construction à se sortir de la crise actuelle. Nous comprenons bien que
la marge de manoeuvre financière du gouvernement est très
limitée. Nous ne demandons pas d'aide financière, encore qu'une
plus grande accélération des investissements publics serait
bienvenue. Mais, à tout le moins, nous demandons que le gouvernement
fasse tout ce qui est en son pouvoir pour nous assurer le champ
d'activité qui devrait nous appartenir et pour éliminer les
conditions qui font que nos membres employeurs sont victimes de concurrence
déloyale.
L'adoption du projet de loi serait une mesure en ce sens. L'un des buts
de cette loi est de redonner aux vrais employeurs et aux vrais travailleurs de
l'industrie les travaux et les emplois actuellement accaparés par le
marché noir. L'un des effets non négligeables de cette loi serait
de contribuer à garnir, à plus ou moins court terme, les coffres
désespérément vides du gouvernement, de 400 000 000 $
à 500 000 000 $ selon plusieurs intervenants. Plus de 400 000 000 $ en
temps de récession! Le huitième du déficit du gouvernement
pour l'année budgétaire qui se termine bientôt. Il nous
semble que le gouvernement ne peut fermer la porte à une telle
entrée d'argent qui, de toute façon, lui est dû.
Le travail au noir est une plaie dans notre industrie. Il y a
actuellement plus de 28 000 licences d'entrepreneurs en construction
émises par la Régie du bâtiment. Un peu moins de 21 000 de
ces entrepreneurs ont un dossier à la Commission de la construction du
Québec. Plus de 7000 entrepreneurs détiennent une licence en
construction sans que leurs activités ne soient recensées par la
Commission de la construction du Québec, le quart des licences
émises. De ces 21 000 entrepreneurs inscrits à la Commission, un
peu plus de 15 000 ont déclaré des heures en 1991; les 6000
autres, aucune! Presque la moitié des entrepreneurs enregistrés
à la Régie du bâtiment n'ont déclaré aucune
heure travaillée par des salariés en 1991. Je laisserai
maintenant la parole à Michel.
Le Président (M. Gauvin): M. Dion.
M. Dion (Michel): Pourtant, comme vous le savez, d'après
notre sondage, 50 %, soit la moitié des entrepreneurs non inscrits
à la Commission, disent embaucher des salariés pour faire du
travail de construction sur une base régulière. Saviez-vous aussi
que 50 %, soit la moitié des entrepreneurs inscrits à la
Commission et qui n'ont déclaré aucune heure en 1991, disent
aussi embaucher des salariés pour faire du travail de construction sur
une base régulière? Saviez-vous, enfin, que 60 % des
entrepreneurs non inscrits à la Commission font des travaux de
construction neuve lorsqu'ils travaillent seuls?
Évidemment, ces énoncés qui découlent de
notre sondage sont mis à la disposition de la commission. C'était
dans le but d'essayer de cerner le problème. Effectivement, il y a
actuellement devant cette commission une étude qui est faite sur
plusieurs bases. On essaye en même temps de régler un
problème d'employeurs autonomes. On essaye en même temps de
régler un problème de travail illégal ou de travail au
noir. On essaye en même temps de voir comment on peut alléger le
fardeau d'un consommateur qui a des travaux de construction à faire.
Là, il y a tout le restant qui nous arrive à l'intérieur
du projet de loi, évidemment: la notion de représen- tant, les
questions d'amendes à la Commission, du champ d'application, la
possibilité du retour des clauses pénales.
On n'a pas un changement de position depuis le mois de décembre.
Évidemment, notre position c'est qu'il y a eu à
l'intérieur du bill 31, lorsque le bill 31 avait été
accepté, ce qu'on appellerait un échange avec l'industrie de la
construction. On avait à peu près le même portrait qu'on a
aujourd'hui, c'est-à-dire une industrie où il y avait des gens
qui opéraient - et je ne le qualifie tout simplement pas au noir - d'une
façon illégale.
L'échange qui s'est fait lors du bill 31 était le suivant.
Les gens de l'industrie, comme tels, ont accepté de laisser de leur
champ d'application toute la partie de la réparation, l'entretien, la
rénovation, etc., et, en échange de cette position-là, en
échange de cette réservation-là d'un champ d'application
pour les entrepreneurs autonomes, ils ont dit: Nous, on veut se réserver
la construction neuve. Or, aujourd'hui, on se retrouve devant la commission
parlementaire comme si cet échange-là n'avait pas
réellement été complété. C'est-à-dire
qu'on a laissé partir la réparation et l'entretien, mais on n'a
pas éliminé sur les chantiers de construction neuve d'une
façon certaine l'entrepreneur autonome.
Or, nous, ce qu'on dit ce matin, c'est que le vrai problème, nous
semble-t-il, qu'on devrait être en train d'étudier, c'est, comme
disait le projet de loi: préciser «notamment la notion
d'entrepreneur autonome». On n'est pas en train de faire de la nouvelle
législation. On serait censés être en train d'essayer de
boucher le trou de l'échange du bill 31. Pour nous autres, c'est
ça, fondamentalement, qui est le problème.
Par contre, l'industrie est aussi devant un autre problème qui
est la question du travail illégal et on ne cachera pas qu'il y a une
relation entre l'entrepreneur autonome et le travail illégal. Les
raisons pour lesquelles il y a une relation, c'est assez simple. C'est que,
dans certains cas et à cause du trou de la loi, les entrepreneurs
autonomes ne respectent pas la réglementation et les conditions de
l'industrie de la construction. Ils ne la respectent pas et on n'a aucun moyen,
comme vous l'a expliqué M. Fournier, en vertu de la loi actuelle, de la
faire respecter parce qu'il y a un trou dans la loi. Ceux qui sont autonomes
corporatifs, à ce moment-là, échappent à la loi
parce qu'on n'a pas de moyens de les contraindre en vertu du texte actuel.
Comme ces gens-là échappent actuellement, il y a deux
choses: je ne peux pas, un, les trouver - c'est de l'illégalité
d'une certaine façon - et, deuxièmement, je ne peux pas
évaluer quelles sont les conditions avec lesquelles ils travaillent dans
l'industrie de la construction. Sauf que nos employeurs, et c'est pour eux
seulement qu'on parle ici ce matin, font face à cette
compétition-là dans l'industrie de la
construction. Ça, c'est un des points qui fait que nos
employeurs, sans s'accuser de tous les maux, ont une tendance à
être obligés aussi de se comporter d'une façon
peut-être légère face à la réglementation
dans l'industrie de la construction. C'est une question de concurrence, c'est
une question de vie pour les entreprises de la construction.
Je ne viens pas vous dire ici ce matin, surtout pas devant les
journalistes, que nos 18 000 employeurs de l'industrie de la construction
travaillent illégalement dans l'industrie de la construction. Mais si,
par malheur, et sans jouer au puriste, on dit qu'il y a des employeurs qui,
effectivement, travaillent d'une façon plus ou moins légale dans
la construction, c'est quelque chose de carrément compréhensible.
Ils ont à faire face à une concurrence qui peut utiliser
n'importe quel moyen pour pouvoir aller chercher un contrat, alors que nos
entrepreneurs seraient, en théorie, astreints à des règles
qui ne leur permettraient pas, à toutes fins pratiques, d'aller chercher
les contrats.
Il y a une autre incitation aussi de nos employeurs qu'il faut noter
ici. On nous dit: C'est les employeurs de la construction qui engagent les
autonomes. En réalité, oui, parce que ça leur permet de
faire la compétition, mais il y a aussi un autre élément,
il y en a peut-être certains qui avaient une certaine gêne à
expliquer cet élément-là, un élément de
productivité. Je ne vous le cacherai pas - j'écoutais M. Gingras
qui faisait l'exposé - c'est que l'autonome est un compétiteur au
travailleur de la construction. Je pense qu'il travaille sur deux plans: il est
compétiteur à l'employeur et il est compétiteur aussi au
travailleur. Il est compétiteur au travailleur parce qu'il va, dans sa
façon de travailler, donner souvent une productivité beaucoup
plus grande qu'un travailleur de la construction.
Je sais que ça peut choquer des gens d'entendre ça, sauf
qu'on a facilement pu remarquer que, si je paie un gars 25 $ l'heure pour poser
des portes une journée de temps, 8 heures à 25 $, vous pouvez
faire le calcul, à toutes fins pratiques, ça représente un
montant d'argent x. Il me pose quatre portes dans la journée, bien
posées, bien faites, d'une façon compétente. Je me vire de
côté et là je prends un autonome. Je négocie avec
lui ce qui est l'équivalent de l'opération mathématique
tant de portes pour tant d'heures dans une journée et là je lui
dis: Je vais te donner - mettons que le chiffre donnerait 25 $ - 25 $ de la
porte. Le gars n'en posera pas 3 dans la journée, il va avoir le temps
d'en poser 10. C'est ça qui fait que notre employeur, à ce
moment-là, bénéficie d'une espèce d'avantage face
à l'entrepreneur autonome, ce qui lui donne une certaine incitation
à l'engager.
Évidemment, embarquer là-dedans et dire que c'est le
«fun» si le système marche de même et que ça va
très, très bien, c'est d'embarquer dans un système qui est
faux. C'est embarquer dans un système qui, à sa base même,
est illégal, qui fait que notre industrie se retrouve avec tout un champ
d'activité qu'on appelle au noir, qu'on appelle illégal, qu'on
appelle désordonné, en tout cas, qu'on appelle
indiscipliné. (11 h 30)
Si on veut que notre industrie, ce soit simplement une règle,
c'est-à-dire l'offre et la demande, la règle du marché, le
«free for all» où n'importe qui fait ce qu'il veut, on est
obligés de vous dire que nous, représentant les employeurs, on ne
peut plus vivre avec une syndicalisation obligatoire. On ne peut plus vivre
avec un décret de la construction. Je ne peux pas avoir un groupe, une
partie d'une société qui est obligée de respecter des
règles et qui n'a pas le choix d'en sortir, alors qu'on permettrait
à un autre groupe de faire ce qu'il veut dans l'industrie de la
construction. C'est carrément accepter deux systèmes de
compétition qui font qu'il y a une compétition déloyale
entre les gens. Alors, nous, on a choisi la règle d'une discipline, la
règle d'une industrie ordonnée. On est en mesure d'accepter des
questions comme une syndicalisation dans l'industrie, un décret dans
l'industrie de la construction, des taux de salaire pour assurer une
compétition loyale et, dans un système de même, il faut se
rendre jusqu'au bout. Il ne faut pas laisser des gens ou, du moins, être
complaisant avec des groupes de gens qui peuvent «fucker» le
système.
Il y a un danger dans le discours qu'on tient et c'est le suivant. C'est
d'avoir l'air d'assimiler le travail au noir ou le travail illégal, de
l'assimiler rien qu'aux entrepreneurs autonomes. Ce n'est pas vrai. Ce n'est
pas que les entrepreneurs autonomes qui font du travail illégal et du
travail au noir. Il y a un paquet de monde qui fait du travail au noir. Le vrai
entrepreneur autonome, celui qui, actuellement, est très bien
assujetti... J'entendais, hier, M. Morin, l'avocat, le juriste qui disait: II
n'y a pas de problème, il doit respecter les mêmes conditions,
etc. Oui, celui-là, celui qui est couvert par la loi et celui que la
Commission peut aller chercher et contraindre à ce moment-là.
Mais l'autre, que le trou de la loi ne me permet pas d'aller chercher, lui, il
n'est pas astreint à cette règle-là de payer les
mêmes conditions et, effectivement, il n'y est pas astreint et il fait ce
qu'il veut. Il y a ce groupe de gens. Ça, c'en est un groupe qui passe
à côté et qui crée, effectivement, du travail
illégal, au noir.
Mais qui en crée aussi? Il y a tous ceux qui ne respectent rien,
qui engagent des gens sans carte, qui n'ont même pas,
théoriquement, de déclaration faite à la Commission, qui,
des fois, n'ont probablement même pas de licence à la Régie
des entreprises de construction, des gens qu'on ne voit même pas
apparaître. Il y a actuellement 28 000 licences. Il y a à peu
près
18 000 gars qui sont à la Commission. Il y a 10 000 personnes
dans l'air. Ce n'est pas 10 000 autonomes. Ce n'est pas ça qu'on vous
dit. Mais 11 y a 10 000 détenteurs de licence qui sont dans l'air
à quelque part. Ils ne font pas tous de la construction. Il y en a qui
font possiblement de la maintenance. Il y en a probablement pour qui c'est des
licences échues ou je ne sais pas. Il peut y avoir des doubles licences.
Je pense que les gens de la Régie sont plus aptes à vous
expliquer de quoi sont composés ces 10 000. Mais, pour nous, il y a au
moins une chose qui est sûre et certaine, c'est qu'il y a 10 000
personnes qui détiennent des licences d'entrepreneur en construction et
qui n'apparaissent pas sur les listes de la Commission de la construction.
Ça aussi, ça fait partie de notre travail illégal.
On vous dit là-dedans: Près de la moitié des
entrepreneurs enregistrés à la Régie n'ont aucune heure
déclarée. Vous savez, messieurs de la commission, il y a quelque
chose d'aberrant dans nos statistiques de l'AECQ des heures travaillées.
Il y a un très fort pourcentage... Quand je vous dis «très
fort pourcentage», ce n'est pas une couple de centaines de gars. Il y a
une couple de milliers de gars, peut-être bien, qui sont
enregistrés à la Commission - donc, qu'on a sur nos listes - qui
n'ont même pas 500 heures déclarées par année. Il
n'y a pas un gars qui va me faire croire qu'une entreprise de construction qui
ne fait que 500 heures de travail par année vit. Parce que c'est la
récession cette année, ils vont peut-être passer à
travers, mais je peux vous dire que, si ça fait cinq ou six ans qu'ils
font ça dans l'industrie de la construction, ils doivent être
maigres en maudit. Parce que travailler 500 heures par année, ça,
c'est à peu près l'équivalent de quelque chose comme...
Mettons, à 40 $ l'heure, c'est une question d'une couple de milliers de
dollars par année. Il n'y a personne qui va vivre avec ça. Alors,
il y a quelque chose qui se passe à quelque part.
On nous dit et on a entendu effectivement: Mais donnez-nous des
exemples. Écoutez, combien il y a de monde qui passe des cigarettes aux
douanes? On pense qu'il y en a un maudit paquet. Ça, c'est clair. Mais
on ne peut pas dire: II y a Joseph qui en passe et il y a Albert qui en passe.
On pense qu'il y a un maudit paquet de monde qui en passe. Dans l'industrie de
la construction, il y a des gars qui travaillent au noir. C'est évident
qu'il y en a un maudit paquet, mais, comme ils sont au noir et qu'ils sont
illégaux, ils sont cachés, ils ne mettent pas des annonces dans
les journaux pour dire qu'ils le sont. Je ne suis pas capable de les trouver.
Il faudrait que je les trouve pour commencer à dire: Bien, voici, c'en
est un, il fait ça. C'est clair que, quand on se promène sur les
chantiers de construction, bien, on en voit de temps en temps, de ces
affaires-là. Mais on ne les voit pas tous. On en voit quelques-uns. Ils
sont cachés, ils sont illégaux. Quand le gars passe aux douanes
avec ses cigarettes, s'il passe tout droit, il n'y a personne qui peut dire
qu'il a passé des cigarettes.
Mais vous, comme parlementaires, comme gouvernement, le problème
vous attire pareil Vous dites: II y a des gens qui font de la contrebande -
dans le fond, le mot «contrebande» - il faut
légiférer. Nous, on vous dit: Dans l'industrie de la
construction, il y a des gens qui font de la contrebande. On a autant raison de
croire que vous autres qu'il y a des gens qui font de la contrebande parce
qu'il y a des gens qui passent à côté du système. Il
y a des gens qui flottent à quelque part. Il y a des gens qui traversent
les lignes trois, quatre fois par semaine. Ce n'est toujours pas rien que pour
aller saluer leur mère l'autre bord. Alors, ils font de quoi. Mais, dans
l'industrie, il y a des gars qui entrent sur les chantiers, le matin, et ils
font de quoi. On ne le voit nulle part. On les voit, des fois, de temps en
temps. On les voit dans les plans d'avantages sociaux, on les voit, de temps en
temps, faire des réclamations. On les voit, de temps en temps, se faire
déclarer des heures pour se sacrer sur la Commission des accidents du
travail ou bien des choses comme ça. C'est ça, notre
industrie.
On peut vous dire ici, ce matin: Ôtez-nous toute la
réglementation. Déréglementez l'industrie de la
construction. «Free for all», tout le monde va opérer dans
le système, mais on peut aussi peut-être être un peu plus
sage et vous dire: II faut régler les problèmes. Il faut replacer
les choses à leur place. Combien de gens pourrait-on, en théorie,
pénaliser en faisant ces correctifs? Parce qu'on ne fait pas une
nouvelle législation, on corrige la loi. Combien peut-on en
pénaliser? Je ne le sais pas d'une façon précise, mais je
dois vous dire qu'il y a quand même, chez nous, au-dessus de 10 000
petites entreprises avec un, deux ou trois salariés qui travaillent,
actuellement, dans l'industrie de la construction et, si on laisse continuer le
système, ces petites entreprises-là, demain, seront des
entreprises en faillite parce qu'elles ne seront pas capables de
compétitionner avec ces espèces d'illégaux qui sont dans
l'industrie de la construction. Je n'ai pas dit ces espèces d'autonomes,
j'ai dit ces espèces d'illégaux à l'intérieur
desquels on peut retrouver une quantité de gens qui ont la
possibilité de pouvoir faire des travaux d'une façon
illégale. Cette quantité de gens là, ça peut, entre
autres, s'appeler des autonomes.
On se doit de régler ce problème-là, dans la loi,
si on veut que l'industrie marche d'une façon sensée. On a des
problèmes à régler. Il faut accepter les solutions. On l'a
fait, l'échange, dans le 31. Il faut le compléter, cet
échange. Il y a un trou. Corrigeons le trou. Une fois que le trou sera
corrigé, il n'y aura plus de travail au
noir, demain? Ce n'est pas vrai. Possiblement qu'il va encore y en
avoir. D'ailleurs, il y a un travail au noir maladif dans l'industrie. Il a
toujours existé. Nous, à l'AECQ, on avait fait des chiffres et on
était arrivés à une espèce de chiffre fictif,
quelque chose comme peut-être 10 000 000 d'heures, à tous les ans,
qui se promènent d'une façon au noir, qu'on n'est pas capables,
de toute façon, d'aller chercher. Mais, au moins, on va arrêter ce
qui fait qu'actuellement ça va en progressant, ce travail-là. Il
n'est plus intéressant, pour un employeur honnête et légal,
de rester honnête et légal. Il n'a pas de jobs, il perd ses
contrats. Il regarde le gars bâtir des maisons à côté
et, lui, il n'est plus capable d'en bâtir.
Face au consommateur, parce qu'on veut aussi parler du problème
du consommateur, qu'est-ce qui arrive? On n'a aucunement, actuellement, fait la
démonstration que le consommateur profite du fait que des travaux sont
faits par des illégaux ou, encore, par des entrepreneurs autonomes. Au
bout de la course, on n'a pas d'exemples clairs à l'effet que le
consommateur en profite. Je pense que le système, ce n'est pas ça
qu'il fait. On a parlé de sous-traitance, de sous-traitants, etc. Au
bout de la course, il y a quelqu'un qui paie à peu près le
même prix. Par contre, il y en a qui pourraient peut-être dire
qu'on a la possibilité d'avoir des plus gros profits en haut. Ça
non plus, ce n'est pas nécessairement vrai. On n'a pas l'impression
qu'au bout de la course, en haut, il y a nécessairement des plus gros
profits. Où va l'argent? C'est de l'argent qui n'est pas payé. Il
ne va pas plus en profits. C'est de l'argent qui ne va pas quelque part. Il ne
va pas dans les coffres du gouvernement, il ne va pas à la Commission de
la construction pour le régime des avantages sociaux, il ne va pas
à la CSST. Plus loin, dans notre document, je pense qu'on parle,
à un moment donné, qu'il y a un maudit paquet de ce
monde-là qui ne se rapporte même pas à la CSST. Tout
ça, c'est de l'argent qui ne se rend pas quelque part et c'est ce qui
fait qu'il y a un écart quelque part, mais ça ne fait pas un plus
gros profit à l'employeur au bout de la course.
Pour le consommateur, comme parlementaires - je pense à madame
qui est là; elle va probablement m'en reparler tantôt - vous
auriez des moyens de régler des problèmes dans notre industrie,
de favoriser l'avancement de notre industrie et de favoriser un
allégement pour le consommateur. C'est sûr que, demain matin, je
peux m'asseoir et négocier 10 $ l'heure dans le résidentiel. Ils
font des maisons à 10 $ l'heure dans le résidentiel, donc, le
consommateur paie moins cher. Faites vos calculs! Au bout de la course, il y a
325 heures par bungalow qui entrent à la Commission de la construction.
Enlevez 10 $ l'heure. En théorie, c'est 3000 $. On ira voir, au bout de
la course, si ça donne 3000 $ d'échange.
Moi, je pense que ce n'est pas là que sont les moyens. Les
moyens, les vrais moyens, c'est de subventionner l'industrie de la construction
en donnant Mon taux, mon toit, etc. Parfait, on vous félicite. C'est
beau, ça aide l'industrie. Allez donc un peu plus loin. Permettez donc
aux gens qui font des travaux avec des vrais entrepreneurs de l'industrie de la
construction d'avoir un crédit d'impôt. On pourrait même
aller plus loin et vous dire ceci: II y a une maudite taxe - excusez, ce n'est
pas maudite qu'elle s'appelle, c'est TPS - qui est entrée dans
l'industrie de la construction et elle coûte 5 %, 7 % ou 10 % sur le
coût total d'une construction. Les compagnies qui ont à payer
cette taxe-là, dans leurs livres, elles prennent un côté de
la colonne et disent: J'ai tout payé ça et j'ai ça
à payer. Elles font la soustraction et là elles disent: Voici ce
que je vous dois en balance.
Pourquoi, comme gouvernement, ne permettez-vous pas aux particuliers qui
achètent une maison neuve à ce moment-là de prendre la TPS
et de pouvoir l'amener sur leur rapport d'impôt et de demander ce qu'on
appelle vulgairement en comptabilité les intrants? Qu'ils demandent
leurs intrants, eux aussi. Vous aideriez l'industrie de la construction. Ce
n'est pas en coupant ou en essayant de couper des employeurs, ce n'est pas en
essayant de couper des travailleurs, ce n'est pas en diminuant les taux de
salaire des travailleurs. Je sais que je vais me faire des amis en disant des
affaires de même, sauf qu'on est une industrie qui est saine. On veut que
les gens gagnent leur vie, on veut que les employeurs fassent un profit
raisonnable dans l'industrie. Ce n'est pas là-dessus que vous allez
aider les consommateurs. C'est peut-être par des moyens autres, comme
ceux que je viens de vous mentionner.
Notre industrie à l'heure actuelle est dangereusement malade.
Regardez partout ailleurs dans l'Ouest ou aux États-Unis, ça se
désagrège, les systèmes de relations de travail. On peut
espérer désagréger le système des relations de
travail au Québec ou on peut espérer avoir une espèce de
paix sociale, un contrat social entre les travailleurs, puis les employeurs
pour travailler dans notre industrie. Nous, on choisit cette avenue-là
et on pense que c'est peut-être la façon la plus saine de faire
opérer notre industrie.
Au cas où je manquerais de temps, parce que j'ai souvent de la
«gueule» et ça va plus vite que les autres, et je vous vois
aller, M. le Président, vous êtes à la veille de me dire
d'arrêter, on va vous demander, à la fin, on va vous proposer...
C'est évident qu'on ne peut pas vous demander à vous, les
parlementaires, assis ici pendant trois jours de temps à vous faire
probablement enguirlander ou engueuler par des grandes gueules comme je peux
l'être, d'arriver avec la solution miracle demain. Il y en a
peut-être une bonne solution dans l'industrie de la
construction. Ce qu'on souhaite et on va vous le dire à la fin de
notre document, si vous allez au bout, c'est que soit mis en place
immédiatement, pour une période très courte, un
comité d'étude. On va tout prendre ça et on va les
chercher, les vraies solutions. On en a vu des problèmes. On a vu le
problème de l'employeur qui n'est pas capable de finir ses derniers
travaux quand il n'y a plus de salariés. On a une solution. On propose
peut-être un genre d'obtention de permis qui pourrait lui permettre de
finir. Il y en a des solutions à trouver dans l'industrie de la
construction. Il y a des remèdes. Ce n'est pas à la course, trois
jours, avec un paquet d'histoires qui se content et chacun conte sa salade
à sa façon. Il y a une chose qui est sûre et que vous avez
apprise ici, c'est que dans l'industrie de la construction il y a un
problème avec les autonomes, il y a un problème avec le travail
au noir et il y a un problème possiblement face aux consommateurs pour
certains. Ces problèmes-là, il faut les régler; sinon,
notre système va sauter.
M. le Président, on est prêts à s'asseoir sur un
comité très restreint, pas pour retarder le projet de loi, ce
n'est pas du tout notre objectif, mais peut-être pour essayer de
regarder, à l'aide des solutions, que tout le monde a
proposées... Tout le monde a vu un problème, mais ce n'est pas
tout le monde qui a la même solution. On va regarder les solutions, puis
on va essayer de trouver la meilleure. Le comité d'étude
formé des principaux intervenants de l'industrie, on travaille avec le
ministère du Travail, le gouvernement, pour essayer de trouver une
solution rapide pour que, quand le projet de loi ira à
l'Assemblée nationale, les gens aient conscience d'aider l'industrie de
la construction sans politicaillerie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Dion et M. Perron.
J'aimerais, à ce moment-ci, vous informer que vous avez fait distribuer
aux membres de la commission un document qui s'appelle «Notes
complémentaires» que la commission a accepté comme
dépôt.
M. Dion: Merci.
Le Président (M. Gauvin): J'inviterais maintenant M. le
ministre pour une période de 30 minutes, avec alternance, comme on en a
l'habitude, avec l'Opposition.
M. Cherry. Merci, M. le Président. D'abord, je vous
remercie d'avoir accepté de venir à la commission. Vous
êtes un intervenant important dans l'industrie de la construction. Donc,
vous en profitez, chaque fois qu'une tribune vous est offerte, pour venir faire
valoir votre point de vue. De par la loi - je pense que le président a
débuté comme ça: «De par la loi» - ça
vous permet de dire: Je parle au nom de l'ensemble des entrepreneurs de
l'industrie. Je ne veux pas questionner ça, parce qu'il y en a qui ont
déjà débuté à défiler devant nous et
d'autres vont vous suivre qui, eux autres, parlent aussi au nom d'un segment
important de gens qui se regroupent tous sous votre enseigne à cause de
la loi qui vous permet de dire: Je parle au nom de tout le monde. Donc, quand
on est à la recherche de solutions - et là je réponds
rapidement à votre voisin d'à côté - valables et
durables, et c'est ça que vous indiquez, que vous dites à la fin
de notre mémoire, il faut s'assurer que tous ceux qui ont vraiment
quelque chose à dire dans la recherche de la solution puissent
être impliqués là-dedans. Autrement, on reparle
aujourd'hui... (11 h 45)
Et ça, c'est le lien que je fais. La commission Cliche, dans les
années 1974-1975, parlait de la situation qui nous réunit, de
problèmes dans l'industrie; 15 ans plus tard, la commission
Sexton-Picard parle de fléau dans l'industrie de la construction. Donc,
il s'est passé 15 ans où, au lieu de s'améliorer, la
situation est passée de problème à fléau. Ça
s'est détérioré et ce que vous venez de nous dire, M.
Dion, en particulier, c'est un peu un cri d'alarme: Faites quelque chose;
sinon, ça va continuer à se détériorer et
là, les règles du jeu étant à ce point
faussées, on est presque tous obligés d'aller...
Vous n'êtes pas le seul qui venez nous dire ça. Il y en a
qui vous ont précédé et d'autres qui vont vous suivre,
aujourd'hui: des entrepreneurs, des associations d'entrepreneurs, des
corporations d'entrepreneurs et je suis content que ça se fasse parce
que trop souvent la perception est créée que c'est une bataille
entre des syndiqués et des autonomes. Évidemment, les meilleurs
disent: C'est normal, c'est des «chums» du ministre, pour tenter de
faire l'association entre mes fonctions précédentes et
celle-là.
Comme je l'ai dit tantôt dans le cas du député de
Joliette, nous autres, on a décidé d'être des
législateurs et on veut essayer de rendre service. Donc, je ne renie pas
ce que j'ai été, mais il est important que le message qui
ressorte, c'est que le malaise qui est décrit ne l'est pas uniquement
par une des parties, mais bien de plus en plus par l'ensemble de tous ceux qui
y oeuvrent, qui disent: Ça ne peut plus continuer comme ça. Les
travailleurs disent: Par rapport à nos membres. Et vous, votre organisme
dit. Par rapport à l'ensemble des entrepreneurs qu'on représente
parce que chaque fois qu'on élargit le champ de l'autonome, on le fait
au détriment de qui? On le fait au détriment de celui que vous
avez décrit, M. le président, qui a un, deux ou trois ou quelques
salariés. Donc, c'est important de situer ça.
Vous êtes le premier intervenant qui le fait, depuis hier, au
niveau de la protection du consommateur. Et ça, c'est une
préoccupation que le législateur doit avoir. Vous avez dit: Je ne
sais pas où va l'argent, quelque part. Le consommateur, lui, qui se
porte acquéreur d'une première maison et qui doit négocier
les taux
d'intérêt et les hypothèques et, pour réunir
les deux bouts, les deux doivent travailler et laisser les enfants à la
garderie, eux autres quand ils prennent possession de leur première
maison... Et je vous ai entendu dire tantôt qu'au lieu de payer 25 $
l'heure quelqu'un qui va poser quatre portes dans sa journée, ça
peut aller à 25 $ de la porte et là, à ce
moment-là, il va en poser 10 par jour. Est-ce que je vous cite bien? Je
«peux-tu» vous dire que le consommateur qui va prendre possession
de sa maison, je suis loin d'être assuré que d'en avoir
posé 10 dans la même journée au lieu de 4, lui qui va avoir
payé le vrai prix qu'on lui a demandé, va obtenir la
qualité pour laquelle il a payé. Là, mon consommateur
m'inquiète. Et c'est peut-être là qu'on retrouve un nombre
de plaintes importantes à l'Office de la protection du consommateur.
Parce qu'il faut se le dire aussi: II ne faut pas seulement que ça ait
l'air entre des travailleurs et des entrepreneurs. Il y a celui à qui
vous livrez le produit.
Et quand ça a été fait par le deuxième et le
troisième sous-traitants qui, bien souvent, sont toujours des membres de
l'Association au nom de laquelle vous parlez ce matin... Vous avez dit: On
parle au nom de l'ensemble, mais il a été bien clairement
expliqué ce matin que, pour le même type de travail, rendu
à passer ça au troisième sous-traitant, la seule
façon pour lui de l'accepter, c'est qu'il a coupé les prix. Mais
ça, ça ne veut pas dire que le consommateur va payer sa
résidence moins cher, lui. Et, dans ce sens-là, je suis content
qu'on soulève l'aspect de la protection du consommateur parce que lui a
le droit qu'on parle en son nom aussi.
Alors, à la page 12 de votre mémoire - je ne veux pas me
mélanger avec les annexes; j'ai rédigé mes questions en
fonction du document original - on dit: «Or, tel que libellé,
l'article 19. 2 semble interdire à cet employeur de terminer seul
certains travaux sur son propre chantier. » J'ai posé la question
à d'autres hier et ce matin et vous étiez présents, donc,
vous avez entendu. S'il était permis à cet employeur-là de
terminer seul certains travaux, comment cela pourrait-il se vivre sur le
chantier et comment pourrait-on contrôler ça? Ça, c'est ma
première question.
Le Président (M. Gauvin): M. Perron ou M. Dion.
M. Dion: Je m'excuse, M. le ministre. J'étais en train de
fouiller. Effectivement, est-ce que votre question... Si vous voulez la
répéter ou je vais essayer de la résumer.
M. Cherry: Bien sûr. O. K. Vous avez suggéré,
dans votre mémoire, qu'à un moment donné un entrepreneur
pourrait compléter des travaux... Ou ça a été
soulevé, hier. Je m'excuse, on va mettre ça plus clair. Hier,
ça a été soulevé qu'un entrepreneur pourrait
compléter seul sur un chantier une phase de travaux; ça a
été mentionné à la fin, d'autres ont dit au
début.
Face à cette hypothèse-là, à la page 12 de
votre mémoire, si ça fonctionnait comme ça, comment
ça pourrait se vivre, ça, sur un chantier, pour assurer qu'on
respecte tout ce que vous avez voulu soutenir? Et comment ça pourrait se
contrôler vis-à-vis de l'organisme qu'est la CCQ? Parce que c'est
la CCQ qui assure une vraie compétition, parce que celui qui rapporte
ses heures à la CCQ et qui paie le taux, lui, il le fait selon les
règles et les normes de l'industrie. Alors, comment ça se
vivrait, ça?
M. Dion: Effectivement, c'est vrai, nous, on l'a soulevé
dans notre premier mémoire en disant: II y a un impact de votre
législation 185 face à notre entreprise, face à nos
membres; c'est face à celui qui, ayant eu des salariés,
exécute des travaux et, à un moment donné, se retrouve -
j'espère que je couvre le bon point -à la fin, avec beaucoup
moins de travaux. Donc, il se retrouve seul dans son entreprise. Comment est-ce
qu'on opère? On vous avait soulevé que, quant à nous,
c'était un problème et qu'il fallait probablement s'y
arrêter et trouver une solution.
Dans notre sondage, cette hypothèse-là, ce
problème-là a été constaté et a
été vérifié. On l'a à la page 27 où
on parle de cette chose-là.
M. Cherry: 28.
M. Dion: Dans notre nouveau...
M. Cherry: 28.
M. Dion: Dans nos notes complémentaires. On s'excuse, on a
pensé que, même si ce n'était pas une façon normale
d'arriver avec des documents à la dernière minute, ce que la
commission apprécierait le plus, c'est d'avoir l'information
plutôt que d'être normal ou anormal. Alors, effectivement, on vous
a apporté un document. Dans ce document-là, à la page 27,
on traite de ce problème; 27 et 28, évidemment, ça
continue de l'autre côté, le texte est à la page 28. Merci,
M. le ministre, vous avez lu mon document.
M. Cherry: Oui.
M. Dion: Ce qu'on a trouvé, nous, comme solution et,
encore là, je vais rattacher ça à mon petit
problème de comité, tantôt, on a pensé... Pendant un
certain temps, on a essayé de penser à tous les problèmes,
on a essayé de trouver les solutions; on a essayé aussi de faire
comprendre à nos gens dans quoi on s'en allait, effectivement. On a
pensé qu'il pourrait y avoir un système qui ferait que, suivant
certains paramètres, certaines balises, un gars qui est
réellement un employeur de l'industrie de la construction,
qui fait cette démonstration-là, qui a des
employés, qui a déclaré, je ne le sais pas, admettons 1000
heures-salariés depuis les 12 derniers mois, donc, c'est un employeur,
c'est un gars qui, normalement, fait affaire comme un employeur dans la
construction... Ce gars-là, s'il se retrouve avec peu d'ouvrage pour une
période assez limitée, pour compléter certains travaux,
une logique absolument certaine dans l'industrie, ça existe, c'est une
réalité, on a pensé peut-être a un système
où il pourrait déclencher, par une passe administrative,
l'obtention d'un permis, appeler à la Commission et dire: Voici, j'ai
des travaux à terminer, je veux les terminer seul. Et on le
reconnaîtrait à ce moment-là. On sait qu'il y a une
contrainte administrative. Il y en a qui vont dire: Ah! Encore un maudit
permis, encore un maudit règlement, etc. Il faut trouver le moyen,
même si ça implique une contrainte, qui fait qu'on fait de vraies
règles, des règles qui ne sont pas confuses. Ne pas arriver et
dire tout simplement, dans le texte de loi: Le gars, il pourra les terminer,
etc., et qu'il n'y ait aucun contrôle, aucun moyen de contrôle. On
veut quand même, même si ça a l'air réglementaire,
qu'il y ait des contrôles, il faut qu'il y ait des barrières pour
qu'on sache où est la légalité et où est
l'illégalité.
Nous, sur les chantiers, on voit trois choses: on voit un salarié
de la construction, on voit un employeur de la construction avec ses
salariés... C'est ça, le texte du Décret qui a
été galvaudé jusqu'au bout, parce qu'on a permis, à
un moment donné, par toutes sortes de maudits systèmes, de
laisser aller des gens sur les chantiers, pas avec leurs salariés. Le
Décret prévoit que c'est un employeur qui travaille avec ses
salariés. Une réalité dans l'industrie de la construction:
un briqueteur maçon, avec deux ou trois employés, travaille avec
ses hommes, c'est courant; nos membres le font. C'est ça qu'on
défendait dans le Décret. Alors, on retrouve un salarié,
comme je vous dis, on retrouve un employeur avec ses salariés et on
pourrait retrouver un employeur seul pour une période limitée
exécutant des travaux de terminaison de construction.
Par contre, on n'est pas allés jusqu'à dire: Est-ce qu'il
pourrait faire une construction, débuter, partir une construction? Si on
fait ça, à ce moment-là, on «fuck» - excusez
le mot - le système parce qu'on va arriver à peu près
à ce que Mme Blackburn va me dire tantôt: Est-ce que plusieurs
gars, l'un après l'autre, peuvent venir faire une maison d'habitation?
Évidemment, ça donnerait ce maudit système-là.
Parce qu'il y en a un qui partirait le solage, l'autre partirait la charpente,
l'autre partirait les murs de gyproc et tout le monde partirait la job. Ce
qu'on veut, c'est protéger notre employeur afin que, par une
réduction de travail, il puisse compléter ses travaux, aller
poser les dernières portes, aller poser ses plinthes, aller poser ses
"plates" d'électricité, aller finir les derniers travaux d'une
construction. N'ayant pas assez de volume, il peut aller faire ça. Or,
nous, on a proposé ça.
Je relie ça à mon comité. C'est une solution.
Est-ce que c'est la seule? Est-ce que c'est la bonne? Est-ce qu'elle ne peut
pas être améliorée? On est prêts à s'asseoir,
nous, comme disait le ministre, avec les gens qui sont impliqués et on
est prêts à essayer de la tester, de la regarder et voir qu'est-ce
que ça va donner. Et, si on en trouve une meilleure, tant mieux. C'est
ça qu'il faut essayer. Et c'était ça le seul
problème que, nous autres, on avait soulevé au mois de
décembre. Est-ce que ça a répondu?
Au mois de décembre, M. le ministre - et je veux en profiter pour
le dire - vous m avez posé une question, vous vouliez me faire parler du
fonds de formation des travailleurs J'ai été tellement distrait,
je n'ai jamais compris votre question, je vous ai donné une autre
réponse et vous avez eu la délicatesse de ne pas me le soulever.
Alors, je m'excuse de ne pas avoir répondu à votre question et
aujourd'hui je veux m'assurer de bien répondre à vos
questions.
M. Cherry: Avez-vous le goût de me parler du fonds de
formation ce matin?
M. Dion: Non, je pense que, ça, c'est un petit peu en
suspens dans l'air. Dans l'industrie, M. le ministre, vous qui êtes un
ancien syndicaliste, c'est: tu donnes et je donne. Et. quand les gens ne te
donnent pas, je ne vois pas pourquoi, moi, je donnerais.
M. Cherry: J'aurais le goût de vous dire, comme ancien
syndicaliste: Quand tu donnes, tu respectes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dion: C'est un bon menuisier, en tout cas, c'est un clou.
M. Cherry: Je ne le suis plus. Donc, comme ancien, un vieux
relent. Ce qu'il y a d'important... Et j'ai voulu la commission parlementaire
pour ramener le débat principalement... Parce que, vous l'avez dit
tantôt, au mois de décembre, il y a eu toutes sortes de choses qui
ont été galvaudées. Tout était
mélangé là-dedans et ça a été le
prétexte à véhiculer toutes sortes de choses qui
étaient fausses, et nous n'aurions pu faire ce qu'on fait
présentement sur un sujet qui est bien précis, le rôle de
l'autonome dans l'industrie de la construction. Comme vous l'avez dit
tantôt, c'est tellement proche du travail au noir qu'on en déborde
facilement.
Vous représentez tous les membres de la construction, comme
entrepreneurs. Quand vous défendez tous les membres ou que des
organismes patronaux le font, est-ce que ça n'encourage pas la
compétition illégale de certains de leurs
membres contre d'autres de leurs membres qui, eux, décident de
respecter... J'ai eu les tuyau-teurs hier, vous étiez présents.
Ils reconnaissent avoir 800 autonomes. Tu permets l'activité de ces 800
là sans avoir à respecter des règles. Certains le
prétendent. D'autres nous ont dit: Aïe, ce n'est pas vrai, ils en
respectent des règles aussi. Vous, vous nous avez indiqué ce
matin qu'ils en respectent certaines et que d'autres, ils ne les respectent
pas. Donc, comment est-ce qu'on peut, nous, comme législateurs,
départager ceux qui veulent vraiment respecter les règles du
jeu?
Et là, j'ai posé une question aux intervenants
précédents et je ne fais pas un détour inutile, je veux
arriver à ça. Il a été dit tantôt, et ma
question était celle-là, la précédente: Un gars qui
est entrepreneur chez vous, qui en a, des employés, la plus grande
partie de l'année - je ne veux pas me limiter à vos deux mois
-mais il arrive une période creuse durant l'année où il
n'y en a plus d'ouvrage pour des salariés. Il espère en ravoir,
il soumissionne sur d'autres contrats, mais, en attendant, il n'en a presque
que pour lui-même. Et ça, ça peut durer,
dépen-damment de la situation économique un peu plus longue ou un
peu plus courte. Quand il va travailler seul, pour cette
période-là - s'il en a eu des gens à ses livres et qu'il
espère en avoir quand l'ouvrage reprendra - vous, vous le
décrivez comment au moment où il exécute seul des travaux,
cet entrepreneur-là? (12 heures)
Le Président (M. Gauvin): M. Dion.
M. Dion: Bon, voici. Nous, c'est clair qu'on reconnaît
qu'effectivement ce n'est réellement pas le temps pour parler de ce
genre de projet de loi là. On est dans une période de
récession où ça va mal, le monde n'a pratiquement plus
d'ouvrage, on est à peu près dans la plus basse vague - et un
matelot va comprendre ça - où on peut être pour parler d'un
projet de loi comme celui dont on parle, d'essayer de discipliner une industrie
alors que le temps est tellement mauvais que les gens ont envie de trouver
toutes sortes de moyens pour essayer, en tout cas, de survivre. On pourrait
dire ça de même.
C'est évident que le climat n'est pas bon pour en parler, mais,
en climat normal, je vais vous dire ceci: Le problème ou les
unités de problèmes, une dizaine de problèmes, une
centaine, une couple de centaines de problèmes qui pourraient se
présenter où on aurait privé un employeur de continuer
à aller sur un chantier par rapport à une discipline totale de
l'industrie de la construction, par rapport à des règles
très précises de l'industrie de la construction, est-ce que cet
échange-là le législateur ne doit pas le faire?
Ce que je veux dire, c'est ceci. En tout cas, je m'en rends compte, j'ai
peut-être fait beaucoup de philosophie. Ce que je veux dire, c'est qu'il
est possible, à la limite, quand on fait une règle, qu'on cause
un préjudice à un groupe restreint de personnes. Mais est-ce que,
parce qu'on peut causer possiblement un préjudice à un groupe
restreint, on est prêts à prendre le challenge de l'autre
côté en disant: Pour ne pas causer le préjudice, je vais
fourrer toute l'industrie dans un système d'illégalité et
d'opération n'importe comment? Si on dit demain matin que, parce qu'il
pourrait y en avoir un petit groupe à un moment donné, dans une
circonstance très précise, on devrait théoriquement
trouver le moyen de leur permettre d'être sur les chantiers de
construction, on ouvre la porte à tout un système qui se
détériore. On l'a vécu, on le vit à l'heure
actuelle et plus ça va aller plus il va se détériorer.
Pour autant, ça ne veut pas dire, M. le ministre, qu'on n'est pas
prêts à le regarder, de la même façon qu'on a
regardé la fin. Si on avait un système étanche qui
permettait de régler ce problème-là, solution
idéale, on serait absolument d'accord. Nous, ce qu'on pense, c'est que
la logique dans un système de relations de travail, il y a des
employeurs, il y a des salariés; il y a des employeurs qui contractent
des travaux de construction et il y a des salariés qui les
exécutent. Toute personne qui vient à travers de ça,
à moins qu'elle vienne d'une façon légale, vient
«fucker» le système. Ça, c'est notre
prétention, à nous autres.
On est une association d'employeurs. Évidemment, il y a
peut-être des associations d'entrepreneurs et on va peut-être
entendre des gens qui n'engagent pas un homme salarié par année
venir dire: Un instant, M. le ministre, donner le droit au gars d'aller sur les
chantiers, et ci et ça! Nous, nos gens, c'est eux autres qui font les
heures dans l'industrie. Les exécutants qu'on pourrait appeler, c'est
nos membres, ça. Nous autres, on n'est pas des signataires de contrats.
Si on veut régler des problèmes de signataires de contrats, donc,
face aux consommateurs, on va parler d'autres affaires tantôt. On ne
parlera pas... L'autonome, ça, c'est un exécutant. Il cause
préjudice par sa concurrence déloyale à l'employeur et il
vole les jobs des travailleurs de la construction. On ne parle pas pour les
syndicats, ils sont capables de parler pour eux autres. On parle pour notre
industrie quand on parle de même, M. le Président. Et ça,
il faut le régler, ce problème-là.
M. Perron (Jean): J'aimerais peut-être, si vous me le
permettez, M. le ministre, ajouter à ça, peut-être pour
répondre d'une façon plus spécifique sur comment on
définit ce type-là qui pourrait compléter des travaux
parce que, dans notre proposition, on veut faire une distinction importante
entre entreprendre des travaux et compléter des travaux. Dans notre
optique à nous, dans notre approche à nous, il n'est pas question
qu'un employeur puisse entreprendre de
nouveaux travaux parce que, là, on va tomber dans un «free
for all» de qualifications bidon et des choses semblables.
En fait, pour nous, le représentant désigné serait
autorisé à compléter des travaux parce que, effectivement,
c'est un employeur qui aurait complété la majorité de ses
travaux avec des employés. Alors, je pense qu'il faut être
très clair là-dessus. On veut effectivement que la personne
puisse compléter ses travaux. Dans un cadre de récession,
effectivement, ça peut être important. Les contrats ne se suivent
pas nécessairement les uns après les autres. On ne peut pas
nécessairement les enchaîner aussi facilement que dans une
période d'économie à plein régime, de sorte qu'on
doit s'assurer que notre bonhomme, notre employeur, notre entrepreneur puisse
demeurer dans l'industrie, parce que ce ne serait pas intéressant pour
l'industrie qu'il pense à sortir de l'industrie parce qu'il ne peut pas
compléter les travaux.
M. Cherry: Dans la même veine, M. le
Président...
M. Dion: M. le Président, me permettez-vous? J'aimerais
faire deux petits points là, parce que...
M. Cherry: Oui.
M. Dion: ...je me suis aperçu que ce n'est peut-être
pas complet. Il y a une chose qu'il faut retenir. C'est que notre employeur de
l'industrie de la construction a accès à toute la
réparation, l'entretien, la rénovation, etc. Il a effectivement
le droit et, effectivement, il peut exécuter ces travaux-là. Ils
sont disponibles pour lui aussi, ces travaux-là. Alors, l'employeur
n'est pas réduit à être obligé de fermer ses portes
jusqu'à temps qu'il ait assez de jobs pour pouvoir engager un
salarié.
Il y a un autre petit élément que je veux vous amener.
C'est une parenthèse. On dit, et j'ai entendu un entrepreneur dire
ça... C'est un de nos bons membres effectivement qui a peut-être
été mal informé, comme vous l'avez dit hier. C'est
arrivé qu'il y en a qui ont peut-être été mal
informés. Un entrepreneur autonome, ça commence comment? Il
semble, d'après les sondages qu'on a, qu'il commence par faire de la
réparation, de l'entretien et là il s'en va avec ça, le
gars. Il a un petit peu de rénovation, deux ou trois sous-sols, des
galeries et là ça va bien. Et là, tranquillement, il
aurait une petite job. Là, il soumissionne, il obtient la petite job et
il engage des gars. Là, il est devenu employeur de l'industrie de la
construction. C'est de même et c'est vrai. C'est de même que les
gens viennent au monde comme employeurs en construction. Mais continuez le
système actuellement d'un groupe d'autonomes que la loi échappe,
qu'on n'est pas capable d'aller chercher - pas les autonomes légaux, les
autonomes illégaux - continuez à laisser le trou dans la loi
comme il est là, c'est de même qu'il vient au monde mon employeur,
mais c'est de même qu'il va crever aussi parce que, demain, quand il sera
rendu avec un et deux salariés, là, il est en compétition
avec cet illégal-là qui commence à lui couper ses jobs.
Alors, autant c'est de même qu'il vient au monde, autant c'est de
même qu'il peut crever si on ne bouche pas le trou.
M. Cherry: O.K. Une autre question et toujours dans la même
veine. Comme vous le savez, la grandeur du territoire québécois
est représentée à l'Assemblée nationale et c'est
des représentations qu'on a de nos collègues en région. Et
là, je vais reprendre le fameux exemple de la commission de
décembre. On me disait: M. le ministre, à
Rivière-au-Renard. on est chanceux quand il se construit deux maisons
neuves par année. N'étant jamais allé à
Rivière-au-Renard, je prends la parole de ceux qui m'ont
présenté ça. Supposons que, ça. ça constitue
le début d'un chantier, pas la fin. Comme entrepreneur, c'est dans ma
période creuse a moi. C'est mes deux mois où, quand le
téléphone sonne, il y a seulement moi qui peux répondre.
Mes salariés, je les ai remerciés parce que je n'ai pas
d'ouvrage. Et pour cette job-là, que ce soit faire le filage d'une
maison ou que ce soit aller poser du gyproc, est-ce que, dans votre conception,
en région, de cette façon-là, vous m'obligeriez à
engager quelqu'un parce que. comme c'est le début des travaux,
là, je ne pourrais pas aller le faire? Je veux juste que vous me le
précisiez. C'est vous autres, les experts, dans cette
ligne-là...
M. Dion: Non.
M. Cherry: ...beaucoup mieux que nous autres.
M. Dion: Attention! Vous en savez bien plus long que vous ne
voulez le dire actuellement. Je sais que vous savez et vous connaissez les
problèmes. M. le ministre, il faut commencer par situer le vrai
problème dans l'industrie de la construction. Je bâtis une maison
d'habitation, une petite maison un petit peu plus grosse, qui a deux, trois
salons ou qui en a rien qu'un, ça n'a pas d'importance. Ils sont
très identifiés, les métiers où une personne peut
faire les travaux de construction seule. Il n'y a pas un mosus de gars sur la
terre qui va nous convaincre ici qu'un gars tout seul peut monter une maison.
Ce n'est pas vrai. Je vous donne un exemple. C'est sûr que, si je suis
briqueteur maçon et que je m'en vais réparer un petit bout de mur
sur une maison, une réparation, une rénovation que j'ai le droit
de faire, je n'ai pas besoin d'être employeur de l'industrie. Je vais
brasser un peu de ciment, je vais tirer mes joints, je vais poser
deux, trois briques, ça va bien.
Je suis sur un chantier de construction et j'ai un mur de brique
à poser. Il n'y a pas un maudit gars qui va me faire croire que le
briqueteur, il prend son moineau comme il faisait avant, il monte ça
dans l'échafaudage, va porter ses crisses de briques, ses briques en
haut, excusez, et là il redescend en bas, il brasse son ciment, il
remonte en haut, il pose trois, quatre briques, il redescend en bas. Ce n'est
pas vrai. Ce n'est pas vrai qu'un gars pose de la planche de gyproc de 4x8 au
plafond tout seul. Ce n'est pas vrai, M. le Président. Ce n'est pas vrai
non plus, probablement certain à 100 %, qu'un gars est capable de faire
un solage, de monter un solage tout seul. Les gars arrivent avec la boite du
camion et les affaires et il y en a un qui fait marcher la petite
«crane» et l'autre installe les panneaux ou les charrie. Ce n'est
pas vrai dans 80 % de la construction.
Un peintre peut peinturer tout seul, oui. De toute façon, ce
n'est pas grave. Dans l'habitation, c'est les femmes, les enfants et les
orphelins qui peinturent. Il n'y a pas grand travailleurs de la construction
qui la font, la peinture, parce que c'est jobbé n'importe comment sur
les chantiers de construction. Il y a peut-être quelques gars qui
réussissent à poser de la tuile de céramique à
quelque part ou bien des affaires de même. Très peu d'ouvrage sur
un chantier de construction pourrait, en théorie, être fait par un
homme seul. À la limite, il y en a qui vont dire: Ah! un
électricien. C'est évident, il peut poser...
Si je peux me permettre et j'espère que jamais ça ne me
retombera sur le nez, comme procédure. J'ai acheté une maison il
n'y a pas tellement longtemps et l'électricité, dans ma maison -
je m'en suis rendu compte à la fin, il ne faudrait pas que j'aie des
poursuites, en tout cas, j'espère que c'est prescrit, M. le
Président -a été donnée à contrat à
un entrepreneur. Il était sur mon chantier et le gars qui était
sur mon chantier était un apprenti de troisième ou de
quatrième année. Parce que je suis devant une commission, je me
mets une réserve pour ne pas vous conter... Aucun compagnon. L'apprenti,
accompagné de son «chum». Pas de carte, pas de bottes, pas
de casque, rien et pas de «fun» non plus. Il tirait des fils entre
les murs, etc. L'autre, il faisait ce qui était un petit peu plus
compliqué. Il posait les «plugs» et il faisait le panneau.
C'est de même que l'électricité a été faite
chez nous. M. le Président, là, ce n'est pas des
«jokes» qu'on fait. Ça se peut que de
l'électricité, ça se fasse par un gars tout seul. En tout
cas, il y a des gens, des électriciens qui pensent que ça ne se
fait pas tout seul. Ça se peut que de tirer des fils dans les murs,
ça puisse se faire tout seul. Quand tu arrives au panneau, il y en a qui
tirent des fils.
Honnêtement, là - je ne veux pas attaquer mes membres, je
les défends, mes membres, c'est mes employeurs avec des salariés
que je défends, actuellement - le plombier qui s'en va même faire
la préparation de la plomberie dans le sous-sol, est-ce que c'est lui
qui pellette la vase et qui, en même temps, met le tuyau? Il y a deux
gars, des fois. Il y a un «pelleteux» de vase et il y a le gars
pour poser le tuyau. Ce n'est pas sûr qu'il y ait des métiers
où on peut arriver sur un chantier de construction et dire: C'est un
gars tout seul. Si je fais du bardeau sur la couverture, il y a un gars qui
monte les bardeaux et, moi, je les pose. Vous pouvez en trouver. Je ne vous dis
pas que c'est une règle infaillible. Il y a des gens qui achètent
encore des cigarettes, au Québec, et qui paient toutes vos taxes; il y
en a qui vont les chercher aux États-Unis. Ça se peut qu'il y ait
des gens qui respectent, actuellement, qui soient capables de faire des travaux
tout seuls sur un chantier de construction, mais ça se peut en maudit
que ce ne soit pas vrai non plus. L'analyse, on l'a faite, nous, dans notre
mémoire; aux pages 22 et suivantes, vous allez en voir des commentaires
là-dessus. On démontre ce qu'un briqueteur peut faire, ce qu'est
un calorifugeur, ce qu'est un électricien. On a posé la question
à nos employeurs et c'est les réponses qu'on a eues.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, M. Dion.
M. Dion: Vous avez de la misère avec moi, M. le
Président.
Le Président (M. Gauvin): C'est tout le temps que M. le
ministre et sa formation avaient à leur disposition. Je reconnais Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Dion, messieurs,
bonjour. Évidemment, votre exposé soulève plusieurs
questions. Je vais commencer peut-être par dire qu'au moins il y a une
chose sur laquelle on s'entend rapidement. Tout à l'heure, vous avez
affirmé - presque dans ces termes - que la relance économique ne
passait pas par l'appauvrissement des entrepreneurs et des employés, des
travailleurs. Je suis de cet avis. Je suis contente d'entendre le
représentant des employeurs le dire également. Vous avez
également dit - ça doit exister, mais je n'ai pas ces
chiffres-là - que le travail au noir, l'utilisation ou le recours
à des entrepreneurs autonomes n'avait pas eu comme effet de
réduire le coût des maisons. Je me suis même laissé
dire qu'avec Mon taux, mon toit, ça avait eu l'effet d'accroître
les coûts. On ne sait pas où l'argent est passé, mais,
encore une fois, ce ne serait pas vraiment passé dans les poches du
consommateur. Mais on a certainement ces données-là parce que ce
serait intéressant de voir comment ça a évolué.
Normalement, plus la technologie évolue, moins les maisons devraient
nous coûter cher. Tout ce qui est préfabriqué,
précontraint, normalement, ça devrait se refléter sur le
coût des maisons, mais je n'ai pas l'impression que ça a
été le cas.
M. Dion, vous dites: II faut sortir les entrepreneurs autonomes de la
construction neuve. Votre définition d'employeur, ça exclut
l'entrepreneur autonome alors qu'on est en train de se donner une
définition qui va être l'équivalent... On va faire de
l'entrepreneur autonome un employeur lorsqu'il y a un salarié. Est-ce
que les entrepreneurs autonomes sont membres chez vous?
M. Dion: Oui. Vous m'avez amené dans l'entonnoir. Oui,
effectivement, ils sont membres chez nous. Je dois vous dire, Mme Blackburn,
qu'on n'a jamais souhaité qu'ils soient membres chez nous. C'est lors de
la passation de la loi 31, effectivement, qu'on a dit: L'entrepreneur est
considéré, en vertu de ta, ta, ta, ta, comme un employeur.
Effectivement, en théorie, on les a trouvés chez nous, mais ceux
qu'on a trouvés chez nous, c'est ceux qui apparaissent à la
Commission, c'est ceux qui sont légalement déclarés. C'est
sûr que la Commission peut aller les chercher et ce n'est pas ceux dont
on parle ce matin. Ceux dont on parle ce matin, c'est les corporations ou les
sociétés qui sont dans le trou. On ne les a nulle part. Elles ne
sont pas chez nous.
Mme Blackburn: Vous avez combien de membres chez vous? (12 h
15)
M. Dion: Actuellement, on est probablement 16 000 ou 17 000,
ça joue là-dedans.
Mme Blackburn: Alors, 16 000 ou 17 000, vous avez des
entrepreneurs autonomes et...
M. Dion: Quelques-uns, oui.
Mme Blackburn: ...ce qu'on apprend dans votre sondage, c'est
qu'il y en a 15 000 qui, finalement, déclarent des heures en 1991.
M. Dion: Oui, mais ce n'est pas une cachette, Mme Blackburn, on
vous l'a dit. On a sur nos listes, et c'est ce qui est aberrant, probablement
un bloc de 3000 qui se situent à moins de 1000 heures par année.
Il y en a probablement un bloc d'une couple de 1000 qui se situent à
moins de 500 heures par année. Je ne sais pas, je suis peut-être
en train de jouer un peu avec les chiffres. On en a un nombre incroyable qui se
situent en bas d'une centaine d'heures par année et, à
zéro heure, ça peut être... Je ne sais pas, il y a un
chiffre dans notre document qu'on peut avoir.
Une voix: Zéro heure, à la Commission, il y en a
6000.
M. Dion: En tout cas, à la Commission de la construction
il y en a 6000 qui sont mentionnés comme n'ayant déclaré
aucune heure. Alors, c'est évident qu'on en a dans notre
«membership» une quantité équivalente.
Mme Blackburn: Peut-être avant d'entrer dans le
vif du sujet, je trouve que le sondage que vous avez réalisé, que
j'ai vraiment le goût d'examiner de façon plus attentive, est
extrêmement intéressant. Il nous révèle des
données assez éclairantes par rapport au débat qu'on a
actuellement. Celui qui m'a frappé, finalement, c'est à la page
18 - il y en a plusieurs - où vous dites: «Les illégaux et
la santé et la sécurité au travail», la CSST. Vous
dites qu'il y en a plus de 2000 qui ont déclaré avoir des
salariés en 1991, mais qui ne paient pas à la CSST
M. Dion: D'après notre sondage, effectivement, à la
question...
Mme Blackburn: Ça, ce n'est pas juste des entrepreneurs;
c'est des entrepreneurs généraux, des entrepreneurs de quelle
taille? Est-ce que vous en avez une idée?
M. Dion: On ne peut pas les identifier, madame, par le
sondage
Mme Blackburn: Vous avez identifié qu'il y avait 4000
entrepreneurs autonomes purs, c'est-à-dire qui n'embauchaient pas, qui
travaillaient seuls. Ça, c'est en page 14 de votre mémoire que je
retrouve ça.
M. Dion: Quand on les a qualifiés de 4000 purs, c'est des
gens qui n'ont aucun employé et, effectivement, ils travaillent toujours
seuls. C'est les purs purs qu'on a identifiés.
Mme Blackburn: Alors, ça me pose un problème.
Qu'est-ce qu'ils font dans le neuf, si vous affirmez qu'on ne peut pas
travailler tout seul dans le neuf? Là, je constate que sur 100 - j'ai
fait mon petit calcul - il y en a le quart - parce que 34 % de 75 %, ça
donne 24 % - qui travaillent tout seuls. Ils ne font que ça, puis ils
sont dans le neuf?
M. Dion: Mme Blackburn, vous êtes extraordinaire, vous avez
tout trouvé le cheminement. C'est eux autres qui sont dans le trou de la
loi. C'est exactement ça. C'est eux autres dont on parle qui fourrent le
système.
Mme Blackburn: Et ils sont chez vous. Bien! Écoutez, je
vais revenir, parce que...
M. Dion: Non, non, ils ne sont pas tous chez nous. Il pourrait
occasionnellement y en avoir.
Mme Blackburn: Je constate une chose. Dans les données que
vous nous fournissez, le sondage que vous avez réalisé, on a
l'impression, finalement, que, si le gouvernement, la Commission, la
Régie faisaient leur travail, on boucherait passablement de trous.
M. Dion: Oui. Puis le législateur également.
Mme Blackburn: Puis, avec les lois existantes, là.
M. Dion: Non. Là-dessus... Excusez-moi, je ne veux pas
vous couper la parole.
Mme Blackburn: Parce que ce que vous découvrez, vous,
comme information, par exemple, qu'il y a 2000 entrepreneurs qui ont des
employés qui ne paient pas à la CSST, une enquête, ici, le
sondage vous a permis de le trouver. Évidemment, un sondage, ça
ne donne pas les noms, je suis d'accord avec vous, c'est confidentiel et ils ne
fournissent pas d'informations sur leur entreprise ou de données
nominatives. Mais, si vous êtes capable de découvrir ça,
j'imagine que la CSST ou le législateur, s'ils le voulaient, pourrait le
découvrir également.
M. Dion: Vous avez raison. Par exemple, si je pars de la
Régie, puis je dis: II y a 28 000 licences et qu'on en retrouve 20 000
à la Commission de la construction, je ne suis pas sûr exactement
de ce que M. Fournier a dit là-dessus, mais une chose qu'on sait, c'est
qu'il y a un écart entre les deux chiffres. C'est sûr que si on
partait un système d'enquête en disant: Ces gens-là
sont-ils à la CSST? Pourquoi ne sont-ils pas à la CSST? Allez
tchéquer! Faites une enquête, etc. Dans le fond, ce que M.
Fournier vous a dit et ce sur quoi on est absolument d'accord, c'est que,
même si j'arrivais à dire: Regarde donc, Jos Bleau n'est pas
là, la loi actuellement ne me permet pas d'agir, de réagir. La
seule chose que je pourrais éventuellement peut-être bien savoir,
c'est qu'il y a un chiffre d'un gars qui n'est pas correct. Nominativement, je
ne sais pas qui, mais il y en a un qui n'est pas correct. Mais je ne peux rien
faire.
Nous, ce qu'on vient vous dire... Et c'est pour ça que c'est
important quand on vous a dit ce matin: On s'en vient ici régler un
problème, pas un nouveau principe, boucher le trou dans le principe.
C'est décidé, il y a une taxe, sauf qu'il y a un groupe de gens
qui ne paient pas la taxe. On vous dit: Vous l'avez oublié. Tous les
gens qui sont de telle catégorie, on a oublié de leur dire que la
taxe s'appliquait à eux autres. Dites que la taxe s'applique à
eux autres. Après ça, on va essayer de les régler.
Après ça, la Commission va aller les chercher.
Mme Blackburn: Sur un autre sujet, un autre ordre d'idées,
vous disiez - j'ai cru comprendre, tout à l'heure - qu'il faudrait
peut-être que tout entrepreneur qui déclare moins de 500 heures
perde son permis. Est-ce que vous êtes allé aussi loin que
ça?
M. Dion: Non. Je ne pense pas avoir mentionné ça.
Je pense qu'à un moment donné j'ai...
Mme Blackburn: Est-ce qu'on pourrait l'envisager?
M. Dion: Pardon?
Mme Blackburn: Est-ce qu'on pourrait envisager une telle
disposition?
M. Dion: Écoutez, moi, je pense qu'il y a un certain
respect au droit de travailler. L'employeur, pour être employeur, n'a pas
à être obligé de travailler 501 heures ou 495 heures. Je
pense qu'il a un droit d'être employeur. S'il engage un salarié,
il est un employeur. Ce qu'on a mentionné quand j'ai fait des strates,
effectivement, c'est qu'on parlait du pouvoir d'aller chercher le permis pour
pouvoir travailler seul. On dit qu'une démonstration doit être
faite que le gars, c'est un employeur. Il faut qu'il fasse une
démonstration.
Les mots de la loi qui disent: «a habituellement à son
emploi», il faut tenter de leur donner une signification. J'ai dit que je
restais ouvert à le discuter en comité d'étude, mais on a
tenté, nous, de lui donner une signification. On a dit: Écoutez,
une année-salarié pour un employeur, nous, on prétend que
c'est à peu près 1400 heures; les syndicats disent 900 à
1000. En tout cas, mettons qu'on situe ça... Un employeur qui a à
peu près 1000 heures-salariés déclarées dans
l'année, i! a probablement un salarié à son emploi dans
l'année. Pour nous autres, c'est un employeur parce qu'il a
habituellement à son emploi un salarié.
On s'est dit: Donnons-nous un coussin; 500, on va le retrouver
effectivement dans d'autres règlements, genre règlement de
placement. On renouvelle les permis à ceux qui ont tant d'heures. Il
faut probablement la discuter, cette norme-là. Nous autres, on a dit:
Pour autant que le gars a fait une démonstration que c'est un vrai
employeur, qu'il se trouve en situation économique descendante, on doit
le calfeutrer, à ce moment-là, on établira un nombre
d'heures.
Mme Blackburn: Est-ce que votre entreprise ou vos conseillers ont
pris connaissance du projet de loi français pour contrer le travail au
noir dans la construction?
M. Dion: Le projet de loi...
Mme Blackburn: Qu'on est en train d'adopter, sinon qui a
été déposé en France pour
contrer le travail au noir, qui est extrêmement
sévère et qui va jusqu'à la confiscation des biens.
M. Dion: On accepterait volontiers que le gouvernement nous
envoie en mission pour aller voir ça. On ne l'a pas vu. On ne le
connaît pas, madame.
Mme Blackburn: On pourrait peut-être en reparler,
là. Ça ne serait peut-être pas fou, mais on peut
entre-temps faire venir les textes. Ça coûte moins cher.
M. Dion: Vous, là, je vous suggère un
comité, Mme Blackburn.
Mme Blackburn: Je ne me cherchais pas une mission, vous
savez.
M. Dion: On pourrait envoyer le comité en mission pour
aller voir ça. Je ne veux pas ridiculiser, là. Excusez-moi, je ne
voudrais pas me rendre là. Ce n'est pas dans le but de ridiculiser. Il y
a probablement d'autres gens qui ont des problèmes, qui vivent les
problèmes qu'on vit. Il y a probablement des gens qui ont d'excellentes
solutions. Nous, on est prêts à les regarder, les solutions. On
n'est pas bouchés à un système ou un autre.
Mme Blackburn: Bien. Parce que je pensais que quelqu'un comme
votre organisme qui réfléchit à une chose aussi
sérieuse que le travail au noir examinait un peu ce qui se faisait
à l'étranger là-dessus. C'était l'objet de ma
question.
En page 28 de votre mémoire, de celui que vous avez
déposé ce matin, vous dites: «Consé-quemment, nous
pourrions envisager de modifier l'article 6 du projet de loi 185: "Un employeur
ou un représentant désigné en vertu de l'article 19.1 ne
peut exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un
salarié, sauf s'il s'agit de travaux de finition sur une construction
neuve qu'il a exécutée avec l'aide de salariés. Dans ce
dernier cas, il doit obtenir un permis à cet effet de la Commission." Et
le présent article ne s'applique pas à l'entrepreneur autonome ou
au représentant désigné de l'entrepreneur autonome.»
D'abord l'entrepreneur autonome, il est exclu. Je ne sais pas pourquoi il
réapparaît là. Il est exclu de la construction neuve par
185. Et «au représentant désigné de l'entrepreneur
autonome», c'est que, lorsqu'il a un salarié, il n'est comme plus
entrepreneur autonome. Il me semble qu'on va avoir un problème dans la
loi là-dessus. Alors, dans votre interprétation, à ce
moment-là le représentant désigné d'un entrepreneur
licencié, est-ce qu'il aurait le droit de terminer les travaux?
M. Dion: Le représentant désigné d'un
employeur?
Mme Blackburn: D'un employeur.
M. Dion: Oui. C'est ce qu'on dit. Je pense que c'est dit dans le
texte, à ce moment-ci. On dit: «l'employeur ou un
représentant désigné».
Mme Blackburn: Bon. Alors, si l'employeur ou son
représentant désigné peut terminer les travaux, pourquoi
enlèveriez-vous ça à l'employeur, entrepreneur autonome,
qui a un salarié à son emploi et qui devient alors employeur?
M. Dion: Bien oui, mais le problème ne se pose pas, Mme
Blackburn. Lorsque l'entrepreneur autonome engage un salarié, il n'est
plus entrepreneur autonome, il est employeur. Alors, je ne peux pas...
Mme Blackburn: Alors, c'est ce que j'allais vous dire. J'attire
l'attention sur votre texte, les trois dernières lignes. Si vous dites:
«...ou au représentant désigné d'un entrepreneur
autonome», le représentant désigné, c'est son
salarié, ça ne peut pas être autre chose.
M. Dion: Oui, mais vous avez probablement raison de le soulever.
On vient juste de me dire que, ça, c'est le texte qui existait dans le
projet de loi. Et, effectivement, ça n'a probablement aucune raison
d'être resté dans le texte. Ça n'ajoute absolument rien, de
toute façon.
Mme Blackburn: J'ai cru comprendre que c'était votre
modification, votre projet de modification.
M. Dion: Oui, et je peux vous dire une chose: Vous avez
probablement raison que ça peut ajouter une confusion.
Mme Blackburn: O.K. Moi, j'ai posé hier, à
l'ouverture des travaux de cette commission, j'allais dire une seule condition,
la principale condition à l'accord de l'Opposition sur l'adoption du
projet de loi et c'est le fonds de formation. Vous allez me dire: Ça ne
fait rien contre le travail au noir. Je le sais. Cependant, pour moi, c'est
capital, la formation de la main-d'oeuvre et la recherche et
développement dans l'industrie de la construction. On ne réglera
pas la recherche et développement dans l'industrie de la construction,
mais on est en train d'amorcer ce qui pourrait être un outil nous
permettant de faire de la formation auprès de la main-d'oeuvre en
construction.
Vous faites une recommandation. Je voudrais avoir votre avis
là-dessus. Vous dites donnant donnant. Mais, moi, je suis comme le
ministre j'avais l'impression que c'était donné. Et moi, quand je
signe, je vous dis que c'est rare qu'on me permet de retirer ma signature.
M. Dion: Écoutez, je suis convaincu que, si vous faites
bon commerce, que vous achetez un meuble, vous allez payer. Évidemment,
vous allez dire: J'ai signé un contrat pour avoir un meuble. Mais si on
ne vous livre pas le meuble, vous ne paierez pas la facture, je suis pas mal
sûr de ça. Écoutez, je vais vous dire pourquoi.
Mme Blackburn: Qu'est-ce qui n'a pas été
livré là-dedans?
M. Dion: Qu'est-ce qui n'a pas été
livré?
Mme Blackburn: Prenons exclusivement l'entente qui est intervenue
entre votre organisme, les associations syndicales et le gouvernement. C'est un
protocole d'entente dûment signé qui n'était pas
conditionnel à l'adoption d'une loi.
M. Dion: Non, non, le...
Mme Blackburn: Si vous achetez une voiture et qu'elle est
conditionnelle à l'installation de l'antipollution, je comprends. Mais,
là, ce n'était pas vraiment le cas dans votre cas. Alors, je veux
savoir quelles sont les intentions de votre Association quant à la
constitution d'un fonds de formation.
Le Président (M. Gauvin): M. Dion.
M. Dion: Bon, disons qu'il y aura deux parties à ma
réponse. La première: Pourquoi, effectivement, on a pris la
position qu'on a prise là? C'est que le projet de formation, Mme
Blackburn, faisait partie de l'ensemble d'un plan d'action où on devait
- et il y en a qui vous l'ont soulevé ce matin du côté
syndical - avoir un comité sur le champ d'application, où on
devait régler un certain nombre de problèmes dans l'industrie de
la construction. Tout ça était à l'intérieur d'un
plan d'action. Je ne blâme personne qu'on ne soit pas plus avancé,
sauf qu'on n'est pas avancé. Mais c'était à
l'intérieur de l'ensemble de tout ça que le plan de formation
devenait en vigueur. C'est pourquoi je dis: On ne peut pas livrer, on n'a pas
livré, on n'a pas à payer, on ne veut pas payer. On n'a jamais
dit qu'on ne respecterait pas notre parole, éventuellement. Excusez, si
je vous montre du doigt, ce n'est pas poli. Mais on n'a jamais dit ça.
On a dit tout simplement: À l'heure actuelle, on va commencer par voir
quelle sorte de livraison il va y avoir et après ça on
réglera le problème.
L'autre partie, Mme Blackburn, c'est ceci. C'est que, nous, on est
actuellement dans une période de réflexion où, dans
l'industrie de la construction, on met un ensemble de systèmes en
marche, où on paye, comme employeurs, d'une façon très
officielle, parce qu'on a pignon sur rue avec des pancartes, parce qu'on engage
de la main-d'oeuvre d'une façon normalement légale. On est devant
la CSST. On est devant la Commission de la construction. On est devant le plan
des avantages sociaux, les vacances dans la construction et là on serait
devant un plan de formation. D'une façon très officielle, on paie
toutes ces factures-là et, effectivement, on constate qu'il y a une
partie d'une population qui est dans notre industrie qui
bénéficie de tous ces systèmes-là et qui ne paie
rien. Si tout le monde payait la CSST demain, possiblement que, pour les vrais
employeurs de l'industrie de la construction, ça leur coûterait
moins cher du 100 $. Si tout le monde payait aux avantages sociaux, la retraite
des travailleurs serait peut-être avantagée. Si tout le monde
payait, à ce moment-là au lieu de payer 300 $ et d'aller en
chercher 500 $, peut-être que les bénéfices des avantages
sociaux des travailleurs seraient meilleurs.
Nous, on s'est dit: Si on est pour mettre un plan de formation dans
l'industrie de la construction, investir bien plus qu'il y en a qui sont en
train d'investir dans notre industrie, investir quelque chose comme 10 000 000
$ la première année et peut-être 20 000 000 $ les autres
années, avant de faire ça, on va s'assurer que ça va
bénéficier aux employeurs pour une meilleure main-d'oeuvre et aux
travailleurs pour une meilleure compétence. On ne mettra pas ce
plan-là dans un système où tout le monde peut venir piger
dans le système sans avoir aucune responsabilité du
système et «fucker» même le système parce que
les gens le «fuckent», le système, en ne suivant pas les
règles.
Dans le fond, politiquement, c'est un peu notre problème. Au
point de vue pratique, je le répète, on est devant la commission
parlementaire, le président est ici à côté. On a
pris un engagement, effectivement, qu'éventuellement, dans l'ensemble du
plan d'action, si telle chose est faite - et ça incluait l'entrepreneur
autonome, ça incluait le champ d'application - si ces ensembles de
choses sont faites, une contrepartie qu'on avait mise de l'avant, nous,
c'était le plan de formation. Et je pense qu'à date personne ne
peut dire que l'AECQ n'a jamais tenu parole. (12 h 30)
Mme Blackburn: C'est parce que je me rappelle la lettre de la
dernière commission. Le ministre avait créé un
comité ou annoncé la création d'un comité pour
réexaminer tout le champ d'application. Vous y revenez un peu. Le
ministre devait déposer le rapport fin décembre, si je ne
m'abuse. S'il a été déposé, je n'en ai pas eu de
copie. Ça ne veut pas dire qu'il m'envoie une copie de tous ses
documents, mais, à l'occasion, je l'y invite. Il ne le fait pas de
façon systématique. Il se fait tirer les oreilles.
Sur cette question-là, vous faites une proposition qui ne rejoint
pas vraiment cette... Est-ce que vous avez là-dessus interrogé le
ministre pourquoi les délais? Parce que ça nous revient
systématiquement. On veut parler de
formation professionnelle, mais - et vous le rappelez - une
révision des juridictions des métiers devrait être
entamée. Vous parlez des champs d'application. Vous dites: II faudrait
qu'on fasse ça. Et ça tarde et le ministre, qui fait des
promesses, ne semble pas très avancé sur ce dossier-là.
J'imagine qu'on aura l'occasion... Est-ce que vous avez des informations que je
n'ai pas?
M. Dion: Non. Je pense qu'il n'y a pas de secret entre nous. On
est évidemment conscients qu'il y a un certain nombre de choses qui
peuvent des fois prendre plus de temps qu'un mois pour les mettre en marche ou
un mois pour faire le rapport, et on n'essaie pas de couvrir qui que ce soit en
donnant cette réponse-là.
Évidemment, il y avait aussi des nominations, un sous-ministre
à la construction. On a parlé... Et je veux profiter de
l'occasion pour féliciter mon directeur général, le
P.-D.G. de la Commission, qui a eu effectivement, je pense, la bonne
idée de soulever qu'on doit aussi avoir des subventions. Il y a un
paquet de choses pour pouvoir manoeuvrer nos mandats publics à la
Commission. On devrait avoir des subventions. Je pense qu'il y a un paquet de
choses comme ça qui prennent un certain temps à se
développer. L'important pour nous autres, c'est que ça va aboutir
et ça va arriver quelque part.
Le problème de l'autonome, on pourrait vous dire: Écoutez,
c'est depuis la loi 31 que ce n'est pas réglé. Ça fait
quand même quatre ans et ce n'est pas réglé. Dans
l'industrie de la construction, on a appris une chose: on a appris probablement
à être patients. Aussi, on a appris à être
peut-être une espèce de champ d'essai d'un certain nombre de
choses. C'est arrivé souvent qu'on a essayé des choses dans
l'industrie de la construction. Effectivement, on a une certaine patience.
L'important pour nous, c'est que les choses évidemment vont finir
par arriver. Il faut que ça arrive. Il faut qu'on règle notre
problème de champ d'application. Vous savez, si demain matin on perd nos
jobs, si les travailleurs perdent leur job avec les travailleurs autonomes
illégaux - je les qualifie - si effectivement tout le monde vient piger
dans le champ d'application de nos entrepreneurs, parce que les employés
permanents d'une entreprise peuvent commencer à faire leurs travaux, si
tout le monde vient piger dans notre champ d'application, je ne sais pas ce que
les employeurs de la construction vont faire éventuellement.
Mme Blackburn: Évidemment, je ne peux pas résister
à la tentation de poser la question. Si la loi 53 avait
été promulguée en 1985, est-ce que ça aurait eu des
chances de diminuer ou d'assainir le climat dans les industries de la
construction et est-ce qu'on se retrouverait devant la situation actuelle?
J'ai entendu souvent les syndicats interpeller le gouvernement
là-dessus en disant: 53 appliquez-la; il y a des questions, il y a des
choses qui vont se régler. Et là, évidemment, six ans
après, on a 186 qui a modifié un certain nombre de dispositions,
150 amendements. Ça nous donne une idée que ce n'est pas tout
à fait le même projet de loi, mais, pour le fond, je pense que
l'essentiel est demeuré. Mais avez-vous l'impression qu'on se
retrouverait aujourd'hui ici. en train de refaire le bilan, si on avait d'abord
commencé par essayer de mettre en pratique ce qui était
prévu à 53?
M. Dion: D'abord, il y a deux points à la réponse.
Le premier, c'est que toute législation qui a comme conséquence
de régler des problèmes dans l'industrie de la construction,
toute législation qui a cette conséquence-là et qui
retarde, évidemment, ça cause un certain problème. Si vous
aviez entré la Loi sur le bâtiment là-dedans,
évidemment, théoriquement, ça aurait causé un
problème. Au préalable, ce que j'aurais dû vous dire, c'est
que, nous, on est une association de relations de travail. Le problème
de la loi 53 ou de la Loi sur le bâtiment, la Régie du
bâtiment, ce n'est pas quelque chose qu'on ignore, ce n'est pas quelque
chose que nos membres ignorent, mais, comme association des entrepreneurs, ce
n'est pas à l'intérieur de notre mandat. Évidemment, c'est
une préoccupation de notre industrie, mais pas de l'Association comme
telle.
Mme Blackburn: Étiez-vous d'accord ou seriez-vous d'accord
avec la création d'un ministère de l'habitation? Il y en a qui
nous proposent un ministère de la construction ou des industries de la
construction, mais 53 prévoyait la création d'un ministère
de l'habitation et on me dit: Au Conseil des ministres, particulièrement
M. Ryan était contre. Je ne sais pas où il loge actuellement,
mais vous?
M. Dion: Je n'ai pas de consultation. Mme Blackburn, sur la
question très précise que vous posez là, mais je peux vous
dire, après 30 et quelques années dans l'industrie de la
construction, ce que je sais des employeurs, c'est que notre industrie n'est
pas composée que de l'habitation. Je comprends que, pour un
gouvernement, pris devant l'industrie de la construction... Le secteur de
l'habitation, c'est un secteur qui touche le consommateur et c'est quelque
chose de beaucoup plus tangible - je ne sais pas si c'est tangible, mais, en
tout cas - sensible, disons, pour le gouvernement.
Mme Blackburn: Plus social.
M. Dion: Oui, vous avez absolument le bon mot. Mais l'industrie
de la construction, c'est
toute l'industrie de la construction. C'est les travaux de génie,
c'est les travaux de route, c'est l'ensemble des travaux commerciaux,
industriels, etc. Alors, penser, à un moment donné, qu'on va
créer un ministère strictement de l'habitation - et je ne fais
pas de politique en vous disant ça - tant mieux pour les gens de
l'habitation, probablement qu'ils auraient leur ministère, mais c'est un
ministère qui aurait une tendance, quant à nous, à
peut-être avoir plus une vision «consommateur». Nous, on
voudrait avoir des interlocuteurs - on a déjà demandé,
d'ailleurs, un ministre de la construction, un ministère de la
construction - construction au total.
L'industrie de la construction, il y en a qui vont vous dire: C'est
à peu près 30 %. Mettons. Je le prends, ce chiffre-là. Il
y en a qui vont prétendre ça: c'est 30 % de l'activité de
notre industrie. Il y a 60 % de l'activité économique du
Québec dans la construction qui n'est pas de l'habitation et il faudrait
aussi que quelqu'un en parle de ça. Il faudrait avoir quelqu'un pour en
parler. Ce n'est absolument pas un commentaire sur quels sont les rendements
qu'on a actuellement face au gouvernement quand on veut parier de construction,
il n'y a pas de commentaires là-dessus. Je réponds juste à
votre question.
Mme Blackburn: Mais l'industrie de la construction, à ce
moment-là, est-ce que ça relèverait du ministère de
l'Industrie et du
Commerce ou si ça relèverait du ministère du
Travail? Comme vous êtes sur les relations du travail, vous le
voyez au Travail.
M. Dion: Bien là, je ne le sais pas. J'ai peut-être
mal saisi votre question. Vous m'avez demandé: Est-ce que ça doit
être un ministère de la construction? Quand je parle d'un
ministère de la construction, il ne relève pas d'un autre
ministère, à ma connaissance.
Mme Blackburn: J'ai dit de l'habitation. Non, mais c'est que vous
dites: II faudrait que ça soit toute la construction qui soit comprise
dans un organisme comme ça et, à la fois, le volet relations du
travail et le volet économie.
M. Dion: Oui. En tout cas...
Mme Blackburn: Mais, de toute façon, nous, on proposait un
ministère de l'habitation. Ça en réglait une partie,
croyons-nous.
M. Dion: Oui. Si vous pariez d'un ministère de la
construction, vite, dit de même, je pense que le ministère du
Travail, c'est une question de ministère de relations du travail.
À première vue, ce n'est pas ça qu'on verrait dans un
ministère. Un ministère de la construction, c'est un
ministère qui - d'ailleurs, on va probablement formuler quelque chose
d'ici la semaine prochai- ne - dans une période comme on vit à
l'heure actuelle, où on aurait besoin d'une concertation du gouvernement
avec les intervenants, travailleurs et employeurs de l'industrie... Qu'on
s'assoie ensemble et qu'on trouve un moyen de relancer notre industrie de la
construction actuellement. C'est le «fun», Mon taux, mon toit,
c'est le «fun», Corvée-habitation. Il y a d'autres sortes de
construction. On devrait immédiatement, actuellement, être assis
avec le gouvernement peut-être sur une commission quelconque et essayer
de trouver des moyens de relancer... Ce n'est pas un blâme qu'on fait. On
va probablement prendre une position là-dessus incessamment. Je pense
qu'il est temps qu'on se dise: Bien, écoute, on est en récession,
l'industrie est rendue à 85 000 000 d'heures, qu'est-ce qu'on peut faire
ensemble? C'est possible qu'on s'assoie avec les syndicats, à ce
moment-là, et qu'on leur parle - et là, j'espère que je
n'entendrai pas de bruit en arrière - peut-être d'oublier
l'augmentation du mois d'avril.
Mme Blackburn: Oups!
M. Dion: Ça aiderait peut-être, ça, à
relancer l'industrie de la construction. Moi, je vais vous dire, il y a une
chose qui est sûre et certaine: il faut, tout le monde, payer une
facture. Il y a des employeurs qui - ça fait rire - en paient
actuellement une facture. Ils ne font plus de profits. Ils soumissionnent pour
opérer. Il y a peut-être quelqu'un aussi qui peut faire un
sacrifice. Vous l'avez demandé à vos employés. Beaucoup
d'entreprises le demandent à leurs employés. Nous, de l'industrie
de la construction, on a un décret qui donne 4,5 %. On l'a
négocié, on l'a signé et je suis obligé de vous
dire: Bien, s'il est signé, on va le respecter. Mais il serait
peut-être temps qu'on regarde pour voir ce qu'on peut faire ensemble. Il
vaut peut-être mieux ne pas avoir les 4,5 % et avoir 2000 heures à
la fin de l'année.
Mme Blackburn: Bien. En page 34 de votre mémoire, vous
proposez la création d'un comité d'étude sur
l'entrepreneur autonome et le travail au noir dans l'industrie de la
construction. Moi, je pensais qu'en adoptant 185 vous régliez au moins
l'entrepreneur autonome. Mais, là, vous faites un rapport étroit
entre entrepreneur autonome et travail au noir. Parce qu'ils sont toujours
associés souvent dans le discours alors que, vous l'avez
répété, ils ne sont pas les seuls responsables du travail
au noir. Je dis toujours: Ça serait trop simple s'ils étaient les
seuls responsables.
Le Président (M. Gauvin): Brièvement.
Mme Blackburn: Mais une fois la loi adoptée, est-ce que
c'est toujours pertinent, votre recommandation?
M. Dion: Non, le comité précède la loi. Le
comité qu'on propose, c'est un comité à très
brève échéance pour assurer que la rédaction de la
loi va toucher les vrais points, peut-être trouver les vraies solutions.
Maintenant, on ne veut pas le reporter aux calendes grecques.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Mme Blackburn:
Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Dion. C'est à
peu près tout le temps qu'il nous restait. Je pense qu'il y avait une
minute qui restait à la disposition de M. le ministre à
l'occasion de la conclusion.
M. Cherry: O. K. D'abord, merci d'avoir accepté, M. le
président et votre organisme, de vous présenter devant nous. Vous
êtes, je l'ai dit au début, un intervenant important dans le
secteur et il est bien évident que c'est avec vous autres et l'ensemble
des intervenants, je le souligne, qu'il faut trouver des solutions et je suis
content que vous ayez accepté d'être présents.
En terminant, je sais que je le fais à chaque fois, mais il me
semble que, pour bien situer le contexte d'un autonome, il est important de
rappeler que l'autonome, en plus de tout le champ d'activité
d'entretien, de réparation et de rénovation, quand il
décide d'intervenir dans le neuf, il peut continuer à le faire en
le faisant comme salarié, si c'est bien son souhait. Donc, il peut
continuer à utiliser ses outils et ses compétences pour gagner sa
vie. L'objectif du projet de loi, ce n'est pas d'empêcher quelqu'un de
gagner sa vie, mais bien d'établir les règles du jeu pour que la
compétition soit franche, honnête et loyale pour l'ensemble des
intervenants dans le secteur de la construction.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi, en conclusion.
Mme Blackburn: M. Dion, messieurs, je voudrais vous remercier de
votre participation aux travaux de cette commission et espérer que
ça puisse régler le problème du travail au noir; en
partie, à tout le moins. En ce qui a trait à votre
dernière recommandation, la création d'un comité pour
examiner si la loi aura, effectivement, les effets recherchés, j'imagine
que cette proposition vous vient à la suite de la constatation que vous
faites qu'on avait laissé des trous dans la précédente, la
loi 31. Vous voulez vous assurer qu'il en reste un peu moins dans celle-ci.
J'imagine qu'à la suite de l'expérience vécue par le
ministère avec la loi 31 ils auront suffisamment de vigilance pour
éviter que la situation ne se répète avec le projet de loi
185. Sinon, voyez-vous, c'est que je vois que ça pourrait servir de
prétexte au ministre pour ne pas adopter la loi à cette session.
Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Est-ce que M. le président aurait
un mot de conclusion?
M. Perron (Jean): Alors, je tiens à vous remercier de nous
avoir entendus ce matin. Je peux vous dire, effectivement, que le projet de loi
185, c'est quelque chose d'excessivement important pour nous.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Merci, M. Perron, M. Dion
et vos collaborateurs. Ça nous a fait plaisir de vous accueillir
à cette commission.
La commission suspend ses travaux pour reprendre à 14 heures dans
cette salle, au salon rouge. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 43)
(Reprise à 14 h 16)
Le Président (M. Gauvin): Votre attention, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux.
J'inviterais tous les membres de la commission à prendre place, s'il
vous plaît. Dans un premier temps, j'inviterais l'Association provinciale
des constructeurs d'habitations du Québec à se préparer
à prendre place.
Donc, déclarant cette séance ouverte, je rappelle le
mandat de la commission qui est de procéder à une consultation
générale sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la
construction dans le cadre de l'étude détaillée du projet
de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction.
Nous accueillons, comme je le mentionnais, l'Association provinciale des
constructeurs d'habitations du Québec, représentée par M.
Renald Jacques, président. Donc, M. Jacques, je vous invite à
nous présenter vos collaborateurs.
Association provinciale des constructeurs
d'habitations du Québec (APCHQ)
M. Rousseau (Orner): Si vous n'avez pas d'objection, M. le
Président, mon nom est Orner Rousseau, je vais faire la
présentation parce que, par après, il devra justement faire la
présentation d'un texte.
Le Président (M. Gauvin): M. Rousseau. allez-y, la parole
est à vous.
M. Rousseau: Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme
Blackburn et membres de la
commission, les gens qui m'accompagnent sont les suivants: à ma
gauche, Me Crochetière, avocat-conseil, et, à mon extrême
droite, M. François Bernier, qui est directeur de la recherche
économique, et, évidemment, tout près de moi, le
président, M. Renald Jacques.
Pour les fins de la présentation, si vous n'avez pas d'objection,
nous aimerions procéder de la façon suivante: dans un premier
temps, le président ira d'une brève présentation qui se
veut un peu une mise au point quant à l'enjeu du projet de loi;
deuxièmement, je vais, par la suite, faire une lecture sommaire des
sections I et iI de notre mémoire pour ensuite passer la parole au
directeur de la recherche économique qui aura une explication à
donner sur deux ou trois tableaux; pour terminer, on aimerait passer, à
ce moment-là, à Me Crochetière pour qu'il soit en mesure
de faire l'évolution de l'entrepreneur autonome à partir de
l'artisan. Oui, M. le Président?
Le Président (M. Gauvin): M. Rousseau, c'est un
scénario qui nous convient.
M. Rousseau: Bon!
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais vous rappeler que
vous avez 30 minutes pour votre présentation dans son ensemble et 60
minutes sont réservées aux deux groupes parlementaires par la
suite.
M. Rousseau: C'est très bien. Alors, je vais demander
à mon président d'aborder la question.
Le Président (M. Gauvin): M. le président.
M. Jacques (Renald): M. le Président, M. le ministre, Mme
Blackburn et membres de la commission, nous voilà à nouveau
confrontés au projet de loi 185 et, malheureusement, nous avons
l'impression que les véritables enjeux sont mal perçus par le
législateur. C'est pourquoi nous voulons réaffirmer que l'objet
de ce projet de loi est de déposséder des milliers
d'entrepreneurs qualifiés et qui ont pignon sur rue de leur droit de
continuer à opérer dans l'industrie de la construction.
Comment peut-on appeler autrement les choses quand ce projet de loi
s'apprête à interdire l'accès aux chantiers assujettis au
Décret à tout entrepreneur qui ne serait pas accompagné
d'un salarié lorsqu'il effectue les travaux de construction? Nos
recherches nous ont confirmé que 85 % des entrepreneurs ont
débuté sans salarié et que près de 75 % d'entre eux
se retrouvent encore parfois seuls sur les chantiers, qu'ils aient ou non des
salariés à leur emploi. Quand on considère ces faits, les
mots qui nous viennent à l'esprit sont «expropriation sans
indemnité», et tout cela basé sur des motifs obscurs
qu'aucun intervenant n'a pu valider de quelque façon que ce soit. C'est
pourquoi l'APCHQ ne peut souscrire au projet de loi tel que proposé.
M. Rousseau: MM. les membres de la commission, si vous le voulez
bien, je vais aborder le mémoire. Si vous le voulez, on pourait passer
à la page 3. C'est simplement pour porter à votre attention le
fait que, dans le domaine de l'habitation, si on regarde le tableau 1, en
milliards de dollars, l'habitation représente 9 054 000 000 $
répartis évidemment, au niveau de la construction neuve et de la
rénovation, sur une base de 8 020 000 000 $ et 1 034 000 000 $, ce qui
représente 41, 1 % de tout ce qui se fait dans l'industrie de la
construction. C'est donc dire que c'est un secteur fort important et,
évidemment, l'entrepreneur autonome est particulièrement
concentré dans ce secteur. C'est pour ça que nous voulons attirer
l'attention du législateur. On ne joue pas strictement avec des petites
bebelles; on joue quand même avec un secteur fort important.
D'ailleurs, le tableau 2, c'est simplement aussi un tableau qui a
été préparé par Statistique Canada, mais qui a
été remanié un peu par la CCQ. Ce qu'il est important
aussi de constater, c'est qu'on parle également encore de 40, 7 %. C'est
donc dire que les chiffres de 41, 1 % et 40, 7 %, c'est la
représentativité du secteur de l'habitation.
Je passe déjà à la page 5 et je vais vous faire
lecture un peu de cette mise en situation. Les suites du rapport Picard-Sexton:
vers un réajustement de la vision gouvernementale. Alors,
d'entrée de jeu, notre Association veut faire prendre conscience au
gouvernement des impacts et des coûts inhérents au projet de loi
185 proposé par le ministre du Travail, qui nous mèneront
à un bouleversement du secteur de la construction résidentielle.
Le projet de loi 185 nie le droit au travail de milliers d'entrepreneurs au
profit des syndicats et de la grande entreprise de construction. La position de
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'AECQ,
contre les entrepreneurs autonomes a été clairement
indiquée par le président, M. Jean Perron. Et je cite: «...
les mesures prévues pour réduire le champ d'activité des
entrepreneurs autonomes sont un pas dans la bonne direction pour redonner aux
travailleurs et employeurs de l'industrie une partie du travail qui leur
revient. » Alors, l'APCHQ réitère son opposition à
la volonté gouvernementale d'éliminer quelque 10 000
entrepreneurs possédant licences et certificats de
compétence.
Le projet de loi 185 démontre à quel point le gouvernement
et l'AECQ méconnaissent le secteur de l'habitation. La construction
d'une maison moyenne requiert la présence, à divers moments dans
le temps, de 18 des métiers ou spécialités reconnus qui se
partagent les quelque 750 à 1200 heures, et même 1400 heures si
vous
voulez, de travail assujetties au Décret de la construction. Pour
16 de ces métiers ou spécialités, il est inutile et
inefficace d'oeuvrer avec un salarié vu le peu d'heures de travail
nécessaires à la réalisation dune habitation. Pour
l'APCHQ, cette réalité limite et souvent empêche
l'entrepreneur autonome de s'adjoindre un salarié.
Le projet de loi 185 démontre à quel point le gouvernement
fait preuve d'irresponsabilité économique au profit de la paix
entre l'AECQ et les syndicats. Selon nos premières analyses, l'extension
de la notion d'entrepreneur autonome entraînerait une hausse des
coûts de main-d'oeuvre de 14 % à 19 % par habitation, soit une
augmentation pouvant atteindre plus de 7000 $ additionnels pour une maison
acquise actuellement au coût de 120 000 $ avant taxes.
Alors, comme conséquence, l'APCHQ dénonce l'attitude
gouvernementale qui refile la facture de ses ententes aux consommateurs, et ce,
au détriment de l'accession à la propriété et de
l'accessibilité au logement. L'APCHQ évalue à 3000 le
nombre de mises en chantier qui ne pourront voir le jour en 1992, soit une
diminution de 7 %.
Le projet de loi 185 ne prend pas en considération le fait que
les entrepreneurs spécialisés en habitation sont en affaires
depuis 14 ans en moyenne, que 86 % d'entre eux oeuvrent seuls à leurs
débuts et que 77 % d'entre eux déclarent oeuvrer seuls une partie
de l'année encore aujourd'hui. Et cet aspect-là est fort
important et sera développé plus tard.
Pour l'APCHQ, le gouvernement bloquera l'accès à
l'«entrepreneurship» en éliminant un maillon
nécessaire à la chaîne. Le gouvernement est-il conscient de
l'importance et de la nécessité de ce statut? Ce n'est pas
seulement ceux qu'il veut qualifier d'autonomes, mais aussi une majorité
d'employeurs saisonniers qui seront affectés.
Le projet de loi 185 va à rencontre de la reconnaissance
historique d'un statut particulier pour la personne oeuvrant seule dans le
secteur de l'habitation, une reconnaissance qui tenait compte de la
capacité limitée de payer des consommateurs. Les projets de loi
antérieurs ont toujours préservé cette double
réalité. Pour l'APCHQ, le gouvernement doit se tourner vers les
lois économiques propres au secteur de l'habitation et permettre ainsi
un ajustement naturel du marché.
Le projet de loi 185 occulte que le travail au noir n'est pas plus le
propre des entrepreneurs autonomes que de tout autre groupe de l'industrie ou
de la société. Les pressions que créera ce projet de loi
sur les coûts de main-d'oeuvre et l'accroissement de la coercition envers
les entreprises sont de fausses solutions. Comme en concluait
l'économiste Pierre Bélanger, lors d'une étude
effectuée pour le compte de l'AECQ: «...il est loisible de croire
que les principaux intervenants, soit les entrepreneurs et les travailleurs de
l'industrie [...], ont eu tendance à modifier graduellement leurs
"comportements", entre autres, face à la législation et à
la réglementation en vigueur dans l'industrie ou à la croissance
des coûts directs ou indirects de la main-d'oeuvre (salaires, avantages
sociaux, etc.) Il n'y a alors qu'un pas supplémentaire à faire
pour affirmer que ces derniers ont réussi, à chaque occasion,
à "contourner" d'une façon ou l'autre le cadre jugé par
plusieurs comme de plus en plus lourd et coercitif, légal et
réglementaire ou à "contrebalancer" l'effet de la hausse des
salaires et autres avantages financiers par des pratiques d'affaires sans cesse
renouvelées».
Pour l'APCHQ, il est clair que le gouvernement, dans son approche face
au travail au noir. ne fera qu'amplifier le problème. Ce n'est que par
un marché libre de contraintes réglementaires irréalistes
qu'il pourra adopter une approche incitative au travail légal.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi 185 accordera au
travailleur une protection salariale supplémentaire en imposant un
cautionnement obligatoire. Il est inconcevable que l'on impose aux entreprises
un système additionnel de protection salariale. Nous privilégions
le maintien du fonds d'indemnisation et croyons que certains ajustements entre
les parties négociantes devraient suffire à en assurer la
viabilité. Pour l'APCHQ, l'imposition d'un cautionnement obligatoire
constituera un coût additionnel et des exigences accrues qui affecteront
la liquidité des entreprises. L'introduction de cette mesure haussera
encore une fois les coûts de construction et s'ajoutera à des
contraintes administratives et financières déjà trop
lourdes.
Un autre point que nous voulons soulever a trait au régime des
avantages sociaux des travailleurs. Et, à cet égard, le projet de
loi a soulevé, lors de la commission parlementaire de décembre
1991, une certaine polémique entourant l'adhésion des employeurs
et entrepreneurs au régime d'avantages sociaux des travailleurs de la
construction. Plusieurs ont exprimé l'avis que le régime devrait
être modifié afin de mieux contrôler ou même d'exclure
les employeurs et entrepreneurs de la possibilité d'y adhérer.
Pour l'APCHQ, le désir d'accès à
l'«entrepreneurship» et le droit d'exercer à ce titre
supposent des choix. Il serait, à notre sens, injuste que le
régime d'avantages sociaux des travailleurs soit indûment
utilisé par certains individus.
En conclusion, il est clair que le gouvernement devra se faire l'arbitre
de positions devenues irréconciliables au sein de l'industrie. Vous avez
l'AECQ et le monde syndical, et vous avez l'APCHQ et d'autres organisations.
À l'heure où le gouvernement du Québec veut miser sur une
qualité et une productivité accrues de la main-d'oeuvre, l'AECQ
et les syndicats veulent accroître les barrières qui
contrôlent le marché du travail. L'APCHQ croit fermement que de
telles
attitudes ne vont pas de pair avec le besoin de
compétitivité que nous impose la transformation des
marchés.
Le présent mémoire ou la présentation qui va suivre
veut complementer simplement notre position exprimée lors de la
dernière commission parlementaire. Sur ce, je demanderais simplement
à François d'y aller avec l'explication des tableaux qui suivent
à la page 11 et aux suivantes.
Le Président (M. Gauvin): M. Bernier.
M. Bernier (François): Merci. Très simplement et
quand même assez brièvement, j'aimerais revenir sur des
statistiques qui ont été mentionnées et faire état
d'une enquête et aussi d'une analyse qui nous permettent de croire en
l'importance autant de la réalité technique de l'entrepreneur
autonome pour notre industrie qu'à son importance du point de vue
économique pour le bon fonctionnement de notre industrie. La
première enquête, c'est quelque chose qui a été fait
à l'intérieur de notre «membership», et les
résultats qui apparaissent à la page 11 portent donc sur un
nombre de répondants qui est tout à fait significatif, de l'ordre
de 750 à 800 répondants. Alors, c'est tout à fait
significatif de ce qu'on observe dans notre industrie.
En y allant peut-être étape par étape, je passerai
ensuite à l'interprétation. On ne parle pas de débutants
dans cette industrie; on parle de gens qui ont en moyenne 14 ans
d'expérience et qui ont oeuvré seuls dans le résidentiel,
à l'occasion ou en permanence, 10 années sur ces 14
années. Alors, cette constatation, c'est fondamental. Également,
à leurs débuts, comme M. Rousseau l'a mentionné, 86 % des
gens étaient seuls. C'est, autrement dit, l'accès à
l'«entrepre-neurship» qui est remis en question si on remet en
cause cette possibilité d'oeuvrer seul sur un chantier. Un peu à
l'inverse, en 1991, on a observé que seulement 23 % des gens n'ont pas
eu, en aucune circonstance au cours de l'année, à se
présenter, à être seuls sur le chantier pour
compléter des travaux ou pour faire d'autres ajustements par
eux-mêmes. C'est donc dire que 77 % des entrepreneurs qu'on retrouve dans
le secteur de l'habitation, des entrepreneurs spécialisés, dans
ce cas-ci, ont à opérer soit occasionnellement, soit en
permanence sur le chantier. (14 h 30)
Ces entrepreneurs-là, soit dit en passant, pour 95 % des cas, il
s'agit d'entrepreneurs licenciés et qualifiés, du point de vue du
certificat de compétence, pour avoir accès aux chantiers. On dit
d'eux qu'ils sont des employeurs à l'occasion, mais, quand ils
embauchent, ils embauchent quand même un nombre respectable de
salariés, donc de l'ordre de 3,8 %, un chiffre qui est peut-être
moins impressionnant que par le passé, mais c'est tout de même des
employeurs, à l'occasion. La moyenne des heures réalisées
avec des salariés... Bien, peut-être que je vais le dire
autrement. La moyenne des heures réalisées sans salariés,
pour ces gens-là, c'est 1360 au cours d'une année, mais,
même lorsqu'ils embauchent, ils doivent tout de même demeurer
présents sur le chantier à raison de 550 heures. On ne pourrait
pas s'imaginer qu'ils disparaissent et que ces heures-là ne soient plus
utiles ou nécessaires. Encore une fois, peut-être d'un point de
vue économique, on va argumenter un petit peu plus tard.
Donc, 95 % sont des gens qui possèdent un certificat de
compétence et qui ont toutes les qualifications requises,
l'expérimentation pour avoir accès aux chantiers, donc des gens
qui, à toutes fins pratiques, n'auraient pas eu accès à
l'industrie si ce statut-là ou cette possibilité-là
d'oeuvrer seul n'existait pas.
Je saute un petit peu plus loin. Oui, allons-y tout de suite sur la
réalité technique de l'entrepreneur autonome. Ce qu'on a
essayé comme petit exercice, c'est de regarder ce qui se passe dans le
cas de la construction d'une maison de 120 000 $. Qu'est-ce qui se passe si on
suit exactement les prix du marché qui, comme plusieurs l'ont
soulevé déjà, je pense, sont des questions de pieds
carrés, de mètres linéaires et de quantités fixes?
Qu'est-ce qu'on fait si on suit ça ou qu'est-ce qu'on fait si on doit
suivre des structures plus complexes où il y aurait des salariés
et où l'entrepreneur n'aurait absolument pas accès au chantier?
C'est la réalité qui est présentée au tableau
4.
Tout simplement, un des premiers constats qu'on doit faire à ce
niveau-là, c'est la colonne des heures requises pour faire une maison.
Une maison de 1000 heures, quand on regarde ça catégorie par
catégorie, compte tenu des métiers qu'on connaît, c'est
rare qu'on ait plus qu'une semaine de travail pour un individu dans chacun des
domaines. Alors, il serait quand même difficile de s'imaginer qu'on
réaliserait si peu d'heures que ça à deux ou plus. Donc,
dans bien des cas, la réalité technique du nombre d'heures
à réaliser fait qu'il y a besoin d'un seul individu sur le
chantier.
Également, par la mécanique des taux pratiqués sur
le marché, c'est-à-dire des facturations directes, des prix de
marché qu'on retrouve dans la colonne B où, si on regarde le cas
d'un autonome, cet individu-là est en mesure d'offrir un service de
qualité équivalente à un coût finalement beaucoup
plus raisonnable que si on s'imaginait qu'il n'a absolument pas le droit
d'être sur le chantier, donc, un écart de coût se
dégage entre les deux situations de l'ordre de 7000 $. Notre maison de
120 000 $, au départ, du jour au lendemain si on interdit à un
individu de travailler seul sur le chantier, eh bien, coûterait 127 000
$, une augmentation de 5 % ou plus qui se traduirait d'ailleurs, par les taxes,
par quelque chose de très impressionnant comme impact. En
fait, pour préciser justement l'impact en termes de prix, on
parle d'une augmentation des coûts de main-d'oeuvre de l'ordre de 14 %
à 19 %, au global, qui se répartiraient sur l'habitation
elle-même à raison de 4, 5 % à 6 % d'augmentation. C'est
une différence significative. C'est une différence qui ne
passerait pas inaperçue du point de vue de la capacité de payer
des individus dans un marché tel qu'on le connaît. Sur ce, je vais
peut-être arrêter là et demander des précisions
additionnelles.
M. Crochetière (Serge): À mon tour, M. le
Président. M. le ministre, mesdames et messieurs, pour ma part, je vais
faire un bref historique de l'évolution de la législation et,
ensuite, je vais essayer de traduire ce que ça représente pour
nous actuellement en termes d'application concrète. Ce qu'on entend -
c'est la deuxième fois qu'on vient en commission - fait que les notions
semblent, du moins, ambiguës dans l'esprit de certains. On mélange
plusieurs choses.
L'évolution du projet de loi. Jusqu'en 1979, on avait ce qu'on
appelait les artisans. Les artisans étaient assimilés à
des salariés aux termes du Décret, sans rentrer dans tout le
détail. Lorsque le législateur, en 1979, a voulu introduire le
règlement de placement, il ne savait plus quoi faire avec ces
salariés-là qui n'avaient pas rapporté d'heures et qui
risquaient d'être exclus. On en a fait des entrepreneurs artisans et ce
sont ces gens-là qui ont continué cette fois de passer du statut
de salarié à entrepreneur. Ils ont continué à faire
les mêmes travaux, dans la même industrie. Ce ne sont pas plus des
déloyaux, des illégaux là. Ils ont toujours eu un statut
constant qu'on leur a reconnu.
En 1988, à la suite de ce que vous, M. le ministre, et les autres
parties qui y étaient ont appelé un «deal», on a dit:
O. K., on va exclure ces gens-là en grande partie du neuf et on va leur
confier un secteur particulier. C'est ce secteur-là qu'il faut bien
circonscrire. Ce matin, on a parlé de tout ce qui s'appelait le
résidentiel privé. On a lancé aussi un chiffre, à
un moment donné, de 2 300 000 000 $. C'est inexact. Ce qu'on a
réservé aux gens qui oeuvraient dans le secteur non assujetti,
c'est exclusivement le logement pour un contrat donné par l'occupant ou
un garage additionnel. Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire
que tout le locatif, ce qui s'appelle structure, parement, couverture,
mécanique, condo, c'est exclu. Même un duplex, vous ne pouvez pas
inclure ça dedans. Et les gens de la FTQ vous ont confirmé que
c'était leur interprétation et leur compréhension de la
loi telle qu'elle était en 1988. Les 2 000 000 000 $ ou tout le secteur
résidentiel s'en trouvent grandement réduits.
Qu'est-ce qu'on a laissé aussi aux travailleurs autonomes? Les
travaux d'entretien, de rénovation, de réparations mineures,
lorsque le donneur d'ouvrage n'est pas un employeur professionnel. Ce n'est pas
avec ça qu'on va atteindre les 2 300 000 000 $ dont on a parlé
tantôt. C'est beaucoup plus limité comme champ d'application que
tout ce qu'on a dit ici, en commission parlementaire.
Parallèlement à ça, la nouvelle législation
de 1988 visait les personnes physiques, parce qu'on en est revenu à
l'ancienne notion de l'entrepreneur artisan qui était la personne
physique qui travaillait seule, sans l'aide d'associés ou de
salariés, avec ses propres outils. Et c'est ça que le
législateur a fait. Ce qui nous étonne, nous, c'est
qu'aujourd'hui on dise que tous ces gens-là, qui ont changé de
statut a l'époque pour pouvoir continuer à travailler, sont
presque des gens malhonnêtes intellectuellement, comme si d'avoir agi
conformément au texte de loi en changeant leur statut d'entrepreneur
artisan faisait d'eux des êtres par en dessous, qui ne paient rien, qui
prennent des contrats en dessous de la table. Mais c'est inexact. Ils se sont
constitués en corporation. Or, si on met ça en parallèle
avec la loi sur la Régie des entreprises de construction du
Québec, c'est à peu près les seuls hommes d'affaires au
Québec qui sont obligés de produire chaque année, pour
avoir le droit de continuer, des états financiers
vérifiés. Cette réglementation oblige maintenant toutes
les corporations à produire des documents comptables signés par
les membres d'une organisation comptable professionnelle.
Qui volent-ils? Où va l'argent au noir? Ils prennent des contrats
d'entrepreneurs généraux qui, eux, vendent une maison, par
hypothèse, 100 000 $. Ils ne sont toujours bien pas pour aller payer 30
000 $ «cash» en dessous de la table et payer de l'impôt
là-dessus. Est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui va croire ça?
L'entrepreneur général qui donne un contrat à un
entrepreneur autonome, il le dénonce sur son contrat et l'entrepreneur
autonome doit fournir des états financiers. Il doit fournir des rapports
d'impôt, il doit avoir des marges de crédit, il doit avoir une
maison, des hypothèques, des autos.
Les chiffres dont François faisait état tantôt
parlent de gens dont la moyenne a 14 ans d'existence dans l'industrie de la
construction. Ce n'est pas des «fly-by-night». Ils sont là.
Leur statut a toujours été là et ils l'ont modifié
pour continuer à opérer comme ils le faisaient
traditionnellement. Aujourd'hui, on tente de dire: Ce n'était pas
ça qui avait été convenu ou ce n'était pas
ça que la loi voulait dire. Ce n'est pas ça que la loi disait. La
loi avait laissé intact ce secteur et ces gens-là qui
étaient capables d'y oeuvrer se sont tout simplement assurés
qu'ils pouvaient continuer à le faire.
Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on veut faire? Sous le prétexte de ce
qu'on vient de voir, cest dire: Bien, là, on va étendre la notion
d'entrepreneur autonome à ces entreprises incorporées. Mais
ça va plus loin. Aujourd'hui, on ne veut
plus prendre de chance. On nautorisera même plus un
représentant d'une de ces entreprises à oeuvrer seul,
c'est-à-dire à exécuter des travaux de construction sans
l'aide d'un salarié. Et là, ça, ça ne tient
absolument pas compte de la réalité. Les chiffres qui vous sont
distribués établissent que non seulement il y en a 13 % qui
agissent seuls, mais il en reste 64 % qui, à un moment ou l'autre dans
l'année, deviendraient des illégaux. 64 % des entrepreneurs de
construction du Québec dans le secteur de l'industrie de la construction
résidentielle seraient des entrepreneurs illégaux si la loi
était appliquée telle qu'elle est proposée au projet de
loi 185. Et quand on dit que c'est les déposséder, c'est les
dépouiller, c'est des gens, encore une fois, dont les commerces sont
établis depuis, en moyenne, 14 ans. Et ce n'est pas des gens qui
n'engagent jamais: 64 % de ces gens-là ont des salariés quand ils
en ont besoin.
À partir de cette évolution historique et aussi de la
situation, j'aimerais ça répondre à certains des
commentaires que j'ai entendus, notamment par les représentants de la
FTQ et de l'AECQ ce matin. La FTQ a parlé du consensus de 1988 en disant
que ce qu'elle avait donné comme morceau, c'était d'exclure les
résidences privées. Compte tenu de ce qu'on vient de dire, c'est
inexact. D'autre part, on dit que ces gens-là sont payés comptant
et qu'ils ne paient pas d'impôt. Comment peuvent-ils faire? Ce qu'ils
confondent, c'est le fait qu'ils n'aient pas à rapporter des heures
travaillées comme étant des salariés syndiqués de
l'industrie. C'est évident, ils n'en sont pas. Si ça leur permet,
cependant, en rapportant quelques-unes de ces heures-là, de
bénéficier d'avantages sociaux de façon indue, notre
position est claire. On l'a dit avant Noël et on le répète
dans ce mémoire-ci: Que le législateur intervienne et qu'ils ne
puissent pas participer à ces fonds-là, on est d'accord avec
ça. S'ils retirent trop d'avantages par rapport à leur
«input», si c'est injuste pour le reste de l'industrie, on est tout
à fait d'accord avec ça. Mais de là à dire
cependant que ce sont des gens qui n'ont plus le droit de travailler, ce n'est
plus du tout la même chose.
Les exemples qu'on leur a demandés, je les ai pris ici en note:
Catfil, 25 carreleurs sans carte. Ce n'est pas des entrepreneurs autonomes.
L'entrepreneur autonome doit posséder le certificat de qualification
établi en vertu de cette loi-ci pour être habilité à
obtenir sa licence. Évidemment, ces 25, s'ils n'ont pas de carte de
qualification, ça ne doit pas être des entrepreneurs autonomes au
sens de la loi, puisque les entrepreneurs autonomes ont une licence et que
cette licence-là est tributaire du fait qu'ils possèdent
déjà un certificat de compétence, de la même
façon que n'importe quel travailleur syndiqué.
Ensuite, Charron Excavation, avec 150 salariés. C'est de
l'excavation, ce n'est pas résidentiel. Et, en plus, le
législateur a permis l'exclusion des opérateurs de machinerie
lourde. Alors, ils vont pouvoir continuer à le faire pareil. Comme
entrepreneur autonome, CS Asphalte, ça ne doit pas construire beaucoup
de résidences, ça, à mon avis, comme ça, à
l'oeil. Berri et Saint-Grégoire, les gens se sont sauvés. Ceux
qui se sont sauvés, ce n'étaient pas des entrepreneurs autonomes.
Les entrepreneurs autonomes ont le droit d'être sur le chantier. Ils ont
leur carte et leur licence, pourquoi se sauveraient-ils? Est-ce que logiquement
on peut penser que ces entrepreneurs autonomes se sauvent des chantiers? Si
vous possédiez une licence, un certificat de compétence, puis un
contrat en bonne et due forme et que les représentants de la CCQ se
présentent sur le chantier, allez-vous vous sauver? Pourquoi? C'est
illogique, impensable. Ce n'est pas des entrepreneurs autonomes dont on parle
ici. C'est des travailleurs au noir, mais ce n'est pas des entrepreneurs
autonomes, et le projet de loi ne ferait pas fuir ces gens-là, parce que
celui qui n'a pas de licence, qui n'a pas de carte, puis qui travaille
déjà sur un chantier, votre projet de loi ne l'affectera pas et
il va continuer à être là. S'il est illégal partout,
il va continuer à être illégal partout.
Quant aux représentations de l'AECQ, je dois dire que ce que j'ai
entendu ce matin, comme lecture des faits, ça rejoint substantiellement
les recherches qu'on a faites, à cela près que, lorsque eux
disent que 60 % de leurs entrepreneurs comptent un à trois
salariés, pourquoi n'ont-ils pas demandé - je ne sais pas s'ils
l'ont fait, mais, nous, on l'a fait - à ces gens-là: Est-ce que
vous avez toujours un salarié? Est-ce que vous n'allez pas travailler
seul pour exécuter des travaux à l'occasion? Nous, ces
gens-là nous ont dit oui. Les chiffres correspondent. Est-ce que la
question a été posée de la même façon? C'est
une autre chose. (14 h 45)
II reste la question des consommateurs. On nous a dit, ce matin, et on a
souligné à la commission qu'aucun chiffre ne venait
établir que les consommateurs bénéficiaient de ça.
Pouvez-vous me dire pourquoi, M. le ministre - l'AECQ, la FTQ, le gouvernement
ont fait un «deal» pour exclure les consommateurs en 1988 -
ça vous prendrait des chiffres aujourd'hui quand, de toute
évidence, en 1988, c'est là-dessus que ça a reposé,
le «deal»? C'est parce que tout le monde est conscient que les
consommateurs... Mme Blackburn a même fait état d'une de ses
expériences personnelles où elle s'est trouvée un peu
ridicule elle-même d'avoir payé le plein prix. M. Chevrette a dit,
lui, qu'il ne l'avait pas payé, mais qu'il avait le droit. Pourquoi?
Parce que justement les consommateurs sont à la recherche de ça.
On le sait tous dans la salle ici. Est-ce qu'on va faire une analyse? Est-ce
qu'on va créer une commission d'enquête pour se faire
dire ça? Demandez à n'importe quel propriétaire de
duplex partout à Québec ou a Montréal. Ne faites pas
d'enquête, ne dépensez pas d'argent, il va vous le dire, lui, que
c'est vrai que, s'il peut payer moins cher, il va faire faire les travaux chez
lui pour moins cher. Je pense que ce serait peut-être inutile de faire
une commission d'enquête là-dessus.
Reste ta question du comité de travail qu'on propose. Si on admet
que la situation actuelle est un problème complexe, il ne faudrait
surtout pas que le comité de travail soit chargé de l'analyse du
dossier, encore une fois, exclusivement avec la lunette des relations du
travail, parce que le problème, vous allez le continuer. Je m'excuse. M.
Bernier.
Le Président (M. Gauvin): C'est tout le temps ou à
peu près. Est-ce que vous voulez conclure, M. Rousseau?
M. Rousseau: Non, je n'aurais pas à conclure, mais on
aurait juste un petit tableau à présenter, trois minutes,
à donner les explications sur un tableau qui est présenté.
Est-ce que vous acceptez?
Le Président (NI. Gauvin): Mme la députée.
Oui, oui.
M. Rousseau: D'ailleurs, ma montre a un peu de retard.
Le Président (M. Gauvin): Les membres de la commission
vous confirment que oui.
M. Rousseau: Vas-y, François.
M. Bemier: Très simplement, c'est que certains chiffres
ont circulé à l'effet que, évidemment, il y avait eu
réduction des mises en chantier en 1991. On le sait tous, du point de
vue des mises en chantier, qu'il y a eu réduction. Alors, la source de
ces chiffres-là serait la CCQ. Donc, ils ont observé une
réduction des mises en chantier de l'ordre de 7 % et évidemment
leurs propres statistiques indiqueraient qu'il y aurait diminution des heures
déclarées dans le secteur résidentiel de 29 %. Je ne sais
trop, n'ayant pas vu les chiffres des heures en tant que tels, sauf des heures
moyennes, si ça se confirme.
Il reste qu'on parlerait d'une réduction d'à peu
près 24 % du nombre d'heures moyennes faites dans l'industrie contre 7 %
de réduction des mises en chantier. Ça semble curieux,
incroyable, je veux dire. Et, sur la base de ces deux chiffres-là, on
vient dire, on vient peut-être sous-entendre qu'il y aurait augmentation
du travail au noir. Comme tout le débat de la question aujourd'hui est
lié à l'autonome, on n'aime pas vraiment ce type de
connexion.
Je pense qu'il faut mettre les choses en perspective en précisant
que l'année 1991 a quand même été une année
tout à fait exceptionnelle du point de vue du marché de
l'habitation avec réduction des prix substantielle, avec
réduction des quantités, des superficies. Les habitations
construites en 1991 étaient 10 % plus petites que celles de
l'année d'avant. Peut-être que ça explique qu'il y a moins
d'heures aussi. Il ne faudrait quand même pas oublier aussi que
l'évolution du marché a favorisé des types
différents d'habitation; les maisons jumelées, en rangée
ont pris une importance qu'on n'a pas vue du tout récemment dans le
marché et ça se distingue des autres types de construction.
Il y a évidemment une dernière donnée qui est
ressortie comme quoi un investissement de 1 000 000 $ aurait
généré un nombre d'heures de beaucoup inférieur, de
4000 heures environ, comparativement à 5000 qu'il devrait
générer en temps normal. Y a-t-il quelqu'un qui a posé la
question du luxe de cette construction-là de 1 000 000 $? Il faut savoir
de quoi on parle avant de prétendre... Si on choisit l'exemple d'une
maison luxueuse et qu'on la compare au nombre d'heures moyen fait dans
l'industrie, on peut arriver, c'est sûr, à des écarts
absolument fantastiques.
Donc, je pense qu'il était important de prendre en
considération l'évolution réelle du marché, de
comparer des pommes avec des pommes, peut-être le même type
d'habitation avec le même type d'habitation, et de voir si effectivement
les gens ont tendance à déclarer moins d'heures. C'est juste pour
mettre un peu de...
M. Rousseau: Nous sommes ouverts aux questions, M. le
Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le président et
M. le vice-président. M. le ministre.
M. Cherry: Merci, M. le Président. Hier, certains de vous,
messieurs, assistiez a la commission parlementaire lorsqu'une corporation est
venue affirmer qu'elle ne chargeait pas des coûts différents, donc
qu'il n'y avait pas de différence de coûts. C'est ce qui a
été exprimé et vous étiez présents. Je
sentais même, dans votre cas, M. Rousseau, une fatigue qui était
visible. Vous aviez le goût d'être celui à qui on posait la
question ou, au moins, étiez tenté de souffler la réponse.
Donc, je vais vous offrir l'occasion de donner la vôtre. Eux disaient
hier, finalement, que l'autonome doit charger à peu près le
même prix parce qu'il faut qu'il tienne compte... Donc, finalement, il
n'y a pas tant de différence que ça.
Là, je viens d'entendre l'explication que vous avez
donnée, et vous êtes l'organisme qui utilise le plus
fréquemment ces gens-là en construction domiciliaire. Je vous ai
entendus, certains d'entre vous, dire à quelques reprises
que c'était une façon d'économiser de l'argent.
Ceux, hier, qui prétendaient représenter, qui disaient
représenter les autonomes disaient: On fait ça pour charger le
même prix. Donc, il n'y a pas d'économie. Et vous, qui êtes
les donneurs d'ouvrage à ces gens-là, vous dites: Nous autres,
ça nous permet de sauver de l'argent. Je vous avais avertis ce matin que
je vous la poserais et, ça, c'est la première.
M. Rousseau: Vas-y, Serge.
M. Crochetière: Alors, écoutez, moi, je
n'étais pas là hier, mais je peux quand même
répondre. Ce matin, vous avez entendu une explication, qui est une bonne
partie de la vérité du représentant de l'AECQ: la question
de la productivité. Les 10 portes ont coûté 250 $ ce matin,
alors que les 4 autres avaient coûté 200 $. D'accord? Parce qu'il
avait dit qu'il posait 4 portes en 8 heures à 25 $ de l'heure et, pour
25 $ de la porte, pendant une journée, il en posait 10. C'est
déjà une façon de le faire.
Au niveau des coûts, nous ne croyons pas, nous, d'après les
chiffres qu'on vous a fournis, qui sont les chiffres véritables,
testés sur des habitations d'une valeur moyenne de 125 000 $, que
ça équivaille au même prix. Les chiffres sont là. La
réalité est là. Dans le coût d'une construction, on
vous a donné les montants et vous pouvez faire les écarts.
Là où il y a eu un réajustement, c'est au niveau
principalement de deux parties des maisons, et là-dessus aussi je suis
d'accord avec les représentants de la FTQ ce matin, on parlait des
charpentiers-menuisiers. Le gros oeuvre et les fondations, c'est des
équipes et il y a des heures de salaire travaillées, mais on n'en
a pas tenu compte, on les a réajustées. Mais, pour les autres,
c'est la vraie vie, c'est la vraie vérité, c'est comme ça.
Est-ce que c'est parce que le taux horaire est différent ou est le
même en proportion, mais avec une productivité accrue? C'est
probablement un peu tout ça. Mais le résultat final, c'est que
ça coûte moins cher, ça va plus vite. Et, dans certains
cas, c'est mieux fait parce que le gars n'est pas payé s'il ne va pas
reprendre son travail.
M. Cherry: Donc, dans votre dernière partie, vous avez
ajouté que même le consommateur, lui, aurait une meilleure
qualité de travail pour son argent si c'était
exécuté à la job, si je peux prendre l'expression,
plutôt qu'à un taux horaire. Vous me dites qu'à un taux
horaire un gars poserait 4 portes dans une journée, pour reprendre
l'exemple de ce matin, et, à la job, en poserait 10 dans la même
journée. Vous avez terminé votre exposé en disant que,
même dans certains cas, la qualité serait meilleure.
M. Crochetière: Parce que le gars est responsable, il va
être obligé de revenir. Vous n'êtes pas obligé de le
payer deux fois pour la même porte. Tandis que le salarié qui va
retourner, vous allez payer pour les nouvelles heures lorsqu'il retourne. Dans
ce sens-là, effectivement, je ne suis pas prêt à dire que
tout le travail de tous les entrepreneurs autonomes est mieux fait que par les
salariés; ce n'est pas vrai et ce n'est pas ça que je veux dire.
Je veux dire que, de façon générale, il est moins à
reprendre. Quant à la qualité des travaux, je peux vous dire que
- peut-être pas en termes de relations de travail, mais par notre
expérience au niveau des programmes de garantie - l'on sait que la
qualité du travail au Québec se compare avantageusement avec
à peu près tout ce qui se fait dans le reste de l'Amérique
du Nord. Et comme on vous dit que nos travaux se font par des entrepreneurs
autonomes, on ne doit pas être si mal que ça.
M. Cherry: Je vous ramène à votre mémoire,
à la page 3, le tableau 1. Je reviens à vous, maître,
même si vous n'y étiez pas hier.
M. Crochetière: Pour moi, ça, les tableaux? C'est
plutôt l'économiste.
M. Cherry: Non, non, mais c'est vous qui avez tantôt,
décortiqué le travail de rénovation et vous avez dit que
le chiffre de 1 000 000 000 $ et quelques...
M. Crochetière: Les 1 300 000 000 $ dont on parlait ce
matin.
M. Cherry: ... ce n'était pas ça, que
c'était beaucoup moins. Et vous avez donné quelques exemples. Si
je reprends votre tableau: «** Rénovations et réfections de
moindre importance», vous avez 1 340 000 000 $.
M. Crochetière: C'est ça. Et ça inclut tout
le locatif qui est exclu du champ, donc qui demeure encore assujetti. Ça
ne se peut pas qu'on nous ait donné un morceau de 2 300 000 000 $ si, au
total, il s'en fait 1 340 000 000 $, d'une part, et que, de ces 1 340 000 000
$, tout le locatif, toutes les charpentes, tous les condos et tous les travaux
communs soient exclus.
M. Cherry: Je vous ramène à la page 11. Je pense
que c'est celui à l'autre extrémité, M. Bernier. Vous
dites, par exemple, que le nombre moyen d'années en affaires, c'est 14
ans. Le nombre d'années où l'entrepreneur a oeuvré seul
sur les chantiers... Est-ce que cette cueillette de données a
été faite à partir du projet de loi actuel?
M. Crochetière: Ça a été fait en
janvier.
M. Cherry: Celui qui vous a répondu qu'il
l'a fait pendant 10 ans, est-ce qu'il le faisait seul sur la maison A,
mais qu'il y avait de ses travailleurs, de ses employés qui
étaient sur la maison voisine ou les autres? Parce que, ça, c'est
une autre question. Pendant qu'on est dans les chiffres, comme votre principale
activité, c'est la construction de l'habitation neuve au Québec,
c'est quoi, dans l'ensemble de votre activité, des projets domiciliaires
qui regroupent plus que 2 ou 3 maisons par rapport à l'unité de
Rivière-au-Renard, qu'on a entendue 10 fois?
M. Crochetière: O.K. Sur le premier item, la question,
c'est de savoir: Est-ce qu'ils ont toujours été seuls ces 10
années-là? Non. La question qu'on posait, c'est: Vous est-il
arrivé d'avoir à travailler seul au cours de ces
années-là? Parce que ça aurait peut-être
été un peu injuste aussi, peut-être un peu extrême
sur la mémoire de quelqu'un, de lui demander: Es-tu sûr que tu as
travaillé toutes tes années tout seul, à toutes les
occasions, en toute circonstance? Combien de ces années, à part
ça? Bien, on a juste demandé: Est-ce que ça vous arrive?
Est-ce que ça vous est arrivé, au cours de votre carrière,
de vous présenter seul pour finir des travaux, par exemple, pour
vous-même, donc, en l'absence de salariés? Et, à ça,
oui, un large pourcentage, comme on l'a vu, 64 %, ont dit oui très
clairement.
Pour répondre à ce que vous demandez, on a demandé,
par exemple: En 1991, avez-vous travaillé seul, sans l'aide d'un
salarié, mais toute l'année? À ça, comme on l'a
noté, 13 % des gens nous ont répondu: Oui, en 1991, j'ai
travaillé absolument seul sur un chantier, sans l'aide de personne.
Ça vous donne peut-être une idée du fait qu'on l'est
à l'occasion, qu'on le redevient.
M. Cherry: O.K. Suite à des propositions qui ont
été avancées par d'autres groupes qui vous ont
précédés, il est possible que quelqu'un, dans son
année d'activité - je reprends ma période creuse - dise:
Pendant 10 mois, j'ai des salariés, mais pendant 2 mois de
l'année, j'attends que d'autres chantiers repartent. Je soumissionne sur
d'autres contrats. En attendant, je peux les exécuter moi-même. La
question que j'ai posée aux intervenants, ce matin, c'est: Est-ce que,
durant ces deux mois-là, vous me considéreriez comme un autonome
ou reconnaîtriez-vous que je suis un entrepreneur, mais qui est dans la
période... Ils ont dit: Ça, ce serait reconnu comme quelqu'un qui
peut travailler.
Là, au cas où je laisserais une porte ouverte, je vais la
fermer tout de suite. Dans ma compréhension, un chantier, ce n'est pas
nécessairement une maison et, si on en construit 12 en rangée,
dans la rue, on a 12 chantiers différents. C'est parce que je sais que
vous êtes tellement imaginatifs dans cette industrie-là qu'il faut
préciser les choses. (15 heures)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry: Comme c'est fait par le même entrepreneur
général qui vend les maisons, je veux bien préciser. Dans
une approche comme celle-là, comment cela répond-il aux besoins
auxquels vous faites face dans l'exécution de vos résidences?
M. Bernier: On a un volontaire ici, au bout de la table, pour
répondre à ça.
M. Crochetière: C'est un principe qui pourrait être
acceptable. Évidemment, si on se sert de ça comme porte
d'entrée pour mettre un nombre d'heures travaillées tellement
excessif par rapport à la taille de l'entreprise et que, à toutes
fins pratiques, on se sert de ça comme prétexte pour dire: Ah! tu
n'as pas donné tes 50 000 heures de salaire, tu ne peux pas faire tes
deux mois tout seul - je caricature - vous ne pouvez pas avoir notre accord
là-dessus. Si c'est quelque chose qui se tient et si ce n'est pas
nécessairement concentré dans une période, oui, on
pourrait être d'accord avec cette approche-là.
M. Cherry: Dans votre 13 %...
M. Crochetière: Je m'excuse, on me fait remarquer...
M. Cherry: Vas-y.
M. Crochetière: ...que, dans l'application de
Corvée-habitation, il y avait un mécanisme, justement, pour
permettre aux entrepreneurs de qualifier les maisons, qui permettait de
référer au nombre d'heures et seuls les entrepreneurs qui avaient
entré tel nombre d'heures pendant telle période de temps
étaient capables de qualifier ces maisons-là pour les fins des
subventions. Alors, une approche de cette nature-là pourrait être
examinée, oui.
M. Cherry: O.K. J'ai une question - il semble que je ne l'aie pas
suffisamment clairement posée - je n'ai pas eu de réponse. Dans
le résidentiel, dans le domiciliaire, quelle est la partie qui est faite
unité par unité, ici et là, par rapport à des
chantiers, plus que quelques-unes, ou à des maisons en rangée,
par rapport à l'ensemble de l'activité de l'APCHQ?
M. Bernier: La meilleure réponse que je peux
peut-être offrir juste comme ça, c'est que les statistiques
connues démontrent qu'en moyenne 85 % des entrepreneurs en construction
au Québec réalisent moins de 15 unités d'habitation par
année. Alors, je pense que l'image qu'on doit retenir de notre
industrie, c'est que c'est une industrie à très petit volume,
à très, très petit volume...
M. Cherry: O.K.
M. Bernier: ...et, évidemment, avec un grand nombre de
sous-traitants. À savoir si un sous-traitant s'engage avec un
entrepreneur pour faire ensemble 10 maisons d'un coup, connues d'avance,
parties en même temps, ça semble un scénario qui est moins
probable, qui est moins la réalité du jour. Je pense qu'on est
une industrie à petit volume...
M. Cherry: Oui.
M. Bernier: ...et on en ouvre un, peut-être un autre, mais
on ne va pas loin dans ce mécanisme-là.
M. Cherry: O.K. Correct. Vos 13 % qui, en 1991, ont admis avoir
travaillé toute l'année seuls, c'est principalement quels
métiers?
M. Bernier: Je ne peux pas vous répondre. On a posé
la question, mais la qualité des réponses n'était pas
là. Les gens gribouillaient n'importe quoi ou ne répondaient pas.
On n'a pas sorti de statistiques à cet effet-là. Mais, vous
savez, je veux dire, à l'oeil, c'étaient les métiers qui
sont populaires; autant les charpentiers-menuisiers sont en évidence
dans l'industrie, c'étaient, évidemment, au premier coup d'oeil,
eux également qui ressortaient, mais je ne pense pas qu'on aurait de
statistiques fiables là-dessus.
M. Crochetière: II y a certains métiers où
ils sont toujours seuls, c'est-à-dire pour des choses aussi ridicules
que finir le crépi sur les solages. Il est seul, le gars; ils ne se
promènent pas à trois avec une chaudière pour finir
ça. Le flatteur de ciment, quand ils ont fini de le couler dans une cave
ou dans une partie de maison qui est toute petite, c'est certain qu'il va
toujours être seul. Il y a certains de ces métiers-là qui
ne font que de l'habitation. Ça ne veut pas dire que tous les cimentiers
applicateurs travaillent seuls, mais ceux qui font juste ça.
M. Cherry: O.K. Donc, vos 13 %, ça rejoindrait plus le
type d'activité que vous venez de décrire et ça pourrait
être inclus là-dedans, sans qu'on ait pu les identifier...
M. Bernier: C'est ça.
M. Cherry: ...au moment du sondage, par la nature même du
travail à exécuter à l'intérieur d'une construction
domiciliaire. Vous venez de dire, par exemple: Pour mettre le crépi sur
le solage, on comprend qu'il peut être là tout seul. Est-ce qu'un
électricien peut faire une maison tout seul?
M. Crochetière: Renald, est-ce qu'un électricien
peut faire une maison seul?
M. Jacques: Bien oui. Un électricien, il a juste
l'entrée électrique à faire; il vient faire son
entrée électrique, ça lui prend l'avant-midi. Quand les
murs intérieurs sont prêts, il vient, ça lui prend une
journée ou une journée et demie pour faire le filage
intérieur. Après que le gyproc est posé, il vient faire la
finition après la peinture et c'est fini.
M. Cherry: Et le réservoir à eau chaude et tout
ça, ça se pose tout tout seul, ça.
M. Jacques: Bien, ce n'est pas lui qui fournit le
réservoir à eau chaude...
M. Cherry: Ça se transporte tout seul.
M. Jacques: ...c'est le plombier qui fournit le réservoir
à eau chaude.
M. Cherry: II le fait livrer et il raccorde ça.
M. Jacques: II fait juste le collecter, lui. M. Cherry: Le
plombier?
M. Jacques: Le plombier. Il y a beaucoup de parties qu'il peut
faire lui-même et la livraison du chauffe-eau, ça peut être
le fournisseur qui va livrer le chauffe-eau dans la maison.
M. Bernier: C'est le cas pour beaucoup de travaux. En fait, je
pense que le mémoire souligne qu'il y a peut-être 12 % des cas
où, à toutes fins pratiques, ça n'arrivera pas. Dans 12 %
des cas, on va avoir nécessairement à travailler ensemble; 12 %
peut-être des heures, je devrais dire, sur une maison, ce sera des heures
nécessairement faites ensemble. C'est noté à
l'intérieur du mémoire. Pardonnez-moi si je ne tourne pas les
pages devant vous pour vous retracer ça, mais c'est là. Donc,
pour la majorité des heures, on peut, potentiellement, les faire
entièrement seul. Sinon, on y est tout simplement contraint.
Une voix: Page 13, tableau 4.
M. Bernier: Page 13, tableau 4? Non, non. Ça avait
été écrit aussi. Page 14. Une petite note dans
l'avant-dernier paragraphe, page 14.
M. Cherry: Pas de tableau.
M. Bernier: À la suite du tableau, oui. Page 14.
M. Cherry: Les «coûts B, Autonome», voulez-vous
nous donner plus d'explications là-dessus, sur l'ensemble de cette
colonne-là? Vous vous êtes basés sur quoi pour arriver
à ça de cette façon-là?
M. Bernier: Des factures. Des factures. Ça a
été plus compliqué de faire la A que la B. La A, il a
fallu savoir combien d'heures étaient impliquées, puis, si on les
appliquait au taux du Décret, ça donnerait quoi comme coût
d'heures. Ça, c'était le sous-total A, heures x taux. Ça,
ça a été compliqué. La colonne B, par exemple, a
été très, très simple parce qu'on avait les
factures à l'appui. On a regardé un plan de maison, on a dit:
À combien tu me ferais ça? Bien, il a dit: Ça, c'est tant
du pied, ta, ta, ta, ta et voici la facture. Voyez-vous, le coût des
matériaux, bien, lui, il est fixe. Évidemment, le total,
c'était mon addition coût des matériaux et colonne A et
colonne B.
M. Cherry: Donc, au niveau de la colonne B des autonomes, pour
être bien certain que j'ai saisi, ce que vous venez de dire, c'est que,
là, il n'est pas question de: Combien d'heures ça va te prendre?
Il faut que je te paie. C'est: Combien tu me «charges» pour faire
cette job-là?
M. Bernier: C'est ça. Puis, évidemment, là
on lui a dit: Force-toi un peu. dis-moi en combien d'heures tu vas le faire. Il
a dit: Bien, écoute, on va mettre tant d'heures là-dessus.
Très bien. Là, on s'est dit: Merci beaucoup, j'ai pris le chiffre
d'heures, on va appliquer le taux du Décret là-dessus. Or, voici
la différence.
M. Cherry: Et ils étaient tous incorporés, ces
gens-là, bien sûr?
M. Bernter: Bien, l'exercice ici porte sur un plan de maison bien
précis...
M. Cherry: O.K.
M. Bernier: ...où on dit: On veut bâtir ça,
sous-traitant par sous-traitant. L'autre sondage nous démontre quand
même que c'est tous des gens incorporés et tout et tout. Je n'ai
pas posé la question.
M. Cherry: Vous ne l'avez pas posée, puis... M.
Bernier: Ce n'est pas important.
M. Cherry: ...je suis certain que l'autre que vous n'avez pas
posée non plus, c'est si ces heures-là étaient
rapportées à la CCQ.
M. Bernier: Ha, ha, ha! M. Cherry: Non?
M. Bernier: Ah! Qu'est-ce que vous pensez qu'ils auraient
répondu?
M. Cherry: Je ne sais pas. Vu que c'est des gens honnêtes,
qu'est-ce qu'ils auraient répondu, vous pensez?
M. Bernier: Absolument.
M. Crochetière: Ils n'ont pas à les rapporter,
justement, s'ils sont seuls. C'est justement ça, tout l'objet du
débat. Ce nest pas qu'ils sont malhonnêtes. Ils n'ont pas à
les rapporter.
M. Cherry: C'est ce que j'ai dit.
M. Crochetière: C'est pour ça que vous ne les
trouvez pas non plus à la CCQ. Ils n'ont pas à le faire.
M. Cherry: Donc, c'est ça qui fait la différence...
C'est ça l'explication entre l'approximatif que ça prend 800
heures pour une maison moyenne et qu'il n'y en a que 327, cette année,
rapportées à la CCQ. La différence, c'est tous des gens
comme ça qui, parce qu'ils sont autonomes, qu'ils font du travail dans
le neuf, n'ont à le rapporter nulle part. Là, on vient de faire
le tour, mais on arrive là.
M. Crochetière: Je ne peux pas vous parler du chiffre
comme tel, mais le principe, oui, parce qu'on ne s'est jamais caché que
les contrats dans l'habitation étaient donnés juste à la
job, c'est-à-dire au contrat. C'est marqué ici. C'est
marqué dans tous nos autres mémoires. C'est comme ça que
ça se fait, des maisons, justement pour que les prix soient maintenus
à un taux plus bas. Ce n'est pas artificiel si c'est comme ça.
C'est parce que, si c'était suivant les heures, ça
coûterait 7000 $ plus cher.
M. Cherry: Donc, je reviens à ça, on a
établi que ça prend à peu près - ce sont les
chiffres de la CCQ - 800 heures. S'il n'y en a eu que 327 cette année -
les autres presque 500 heures en moyenne, il y en a eu plus, il y en a eu
moins, il y a des années précédentes où il y en a
eu plus - lorsqu'on arrive avec le résultat, c'est que les autres 500
heures, donc, la partie la plus importante de la construction, parce qu'elle se
donne comme ça, parce que, comme vous dites, c'est la nature, n'est
comptabilisée d'aucune façon dans les heures enregistrées
ni les avantages ni tout ça. C'est ce que vous me dites?
M. Crochetière: C'est ce qu'on a toujours prétendu.
C'est ce qu'on maintient, oui. Une maison, ça ne se construit pas
à l'heure, M. le ministre. Ça se construit à la job,
ça s'est toujours fait comme ça et c'est ça que vous
voulez changer.
M. Cherry: Mais vous savez exactement combien ça prend
d'heures pour faire une maison en moyenne. Ça, vous savez ça.
M. Crochetière: Bien, écoutez, exactement,
je ne le sais pas. Si vous saviez comment je suis maladroit! Mais ce
qu'on demande aux gens d'évaluer comme nombre d'heures par rapport au
prix qu'ils chargent à la job, c'est ça que ça
reflète.
M. Cherry: Je ne sais pas comment vous êtes adroit dans la
construction, mais, comme procureur, vous êtes pas pire.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Crochetière: Merci, M. le
ministre. Une voix: Je le sais parce qu'il coûte cher. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Bernier: Est-ce que je peux revenir aussi sur ce
chiffre-là? Parce que vous avez, justement, retenu le chiffre de 326,
327 heures en moyenne pour faire une habitation. C'est justement le petit
commentaire que je faisais tout à l'heure. C'est évidemment une
grande moyenne sur toutes les unités bâties au Québec.
Quand je disais: Des pommes avec des pommes, je veux dire que, dans cette
moyenne-là, il ne s'agit pas juste de bungalows; il s'agit de toutes
sortes d'unités, incluant du condo, incluant du multi-familial, incluant
toutes sortes d'habitations possibles. Et laissez-moi vous dire qu'il y a quand
même une forte différence entre le nombre d'heures que ça
va prendre pour faire de l'unifa-milial ordinaire et du locatif. Certains
avancent que c'est 200, 250, 300 heures pour finir un appartement locatif bien
ordinaire. Ça fait qu'il y a une moyenne là-dedans quelque part.
Et, comme je le soulignais plus tôt, le type d'habitation fait en 1991
n'était pas celui de 1990, loin de là. Loin de là! Alors,
il y a eu ajustement du marché et il ne faut pas se surprendre, je veux
dire, que la moyenne soit en baisse et que, peut-être, dans un
deuxième temps, la moyenne soit très basse pour les explications
qu'on vient de donner. Ah! si on en veut d'autres, oui. O.K. C'est correct.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Je garderai mon temps d'intervention pour plus
tard.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Gauvin): Je m'excuse. La parole est
à vous.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour.
Je vous souhaite la bienvenue, au nom de l'Opposition, à cette commis-
sion. Je vais d'abord commencer par rétablir une impression que j'ai pu
laisser en disant que, moi, ayant respecté les règles pour faire
faire des rénovations chez nous, je me trouvais ridicule. Mais c'est un
ridicule que j'accepte parce que je n'arrive pas à penser que je puisse
exiger des autres ce que je ne suis pas capable, moi, de respecter. Ça
fait partie de ma règle. Les gens me connaissent assez comme ça.
Je veux dire, je veux bien avoir des exigences à l'endroit des autres,
mais en autant que j'en aie vis-à-vis de moi-même. Sauf que ce que
j'expliquais par là, c'est que le travail au noir non
déclaré - parce que tout le reste, les cartes de
compétence, tout ça... - est devenu socialement comme
accepté au Québec et ça constitue un drame. Il va falloir
qu'on se mette bien ça quelque part entre les deux oreilles. Cependant,
je nuance, je ne pense pas que ça soit exclusivement le fait des
entrepreneurs autonomes. J'ai déjà eu l'occasion de le dire. Je
pense qu'il y a toute une série de formes de travail au noir qui n'est
pas la pratique exclusive des entrepreneurs autonomes.
Mais, en même temps, je vais en venir à une série de
questions parce qu'il y a quelque chose qui me dérange un peu. À
plusieurs reprises, vous avez dit: La construction de 1990-1991, ce n'est pas
la même chose. Les maisons sont 10 % plus petites, ça prend
probablement moins d'heures, ce n'est pas la même qualité des
travaux. Mais, en même temps, vous dites dans votre mémoire:
Ça prend entre 750 et 1200 à 1400 heures. Évidemment,
ça dépend de l'appartement: si c'est un condominium, si c'est en
rangée, ainsi de suite. Cependant, je pense que, de façon
générale, on reconnaît qu'un bungalow ordinaire à
100 000 $, c'est à peu près 800 heures. Je pense que, ça,
c'est un chiffre qui ne m'a pas semblé créer beaucoup de surprise
quand j'en ai parlé à différents entrepreneurs, de
même qu'aux syndiqués. Et là, vous nous dites: Les
coûts, si vous utilisez les services d'entrepreneurs autonomes, c'est de
14 % à 19 % plus bas. C'est en page 6 de votre mémoire, si je ne
m'abuse. O.K. Et vous dites en même temps: II faut respecter la
capacité de payer.
Mais comment se fait-il que, selon - j'ai un article là-dessus -
Placements Michel Girard, La Presse, le mercredi 19 février, et
selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement,
les maisons sont plus chères, auraient augmenté, seraient
passées de 69 860 $ à 72 350 $? C'est pour le Québec. Vous
me dites: Ça coûte moins cher; elles sont moins grandes, or
coûtent moins cher. Mais tout ça n'a pas eu comme effet de...
ça ne s'est pas fait sentir dans la poche de l'acheteur, du futur
propriétaire, du consommateur. Et ça, je dois vous dire que
ça me dérange.
M. Crochetière: À l'économiste de
répondre. (15 h 15)
Mme Blackburn: De deux choses l'une: ou ça
coûte moins cher ou ça coûte la même chose.
Le Président (M. Gauvin): M. Bernier
Mme Blackburn: Ce que j'ai là m'amène à
penser qu'on n'a pas fait de gains.
Le Président (M. Gauvin): M. Bernier.
M. Bernier: Je vais peut-être faire une hypothèse:
les taxes, la TPS, bientôt la TVQ.
Mme Blackburn: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: La TPS, la TVQ, c'est sur les matériaux.
Ça existait déjà avant sur les matériaux de
construction, si je ne m'abuse. C'étaient 11 % quand on allait acheter
les matériaux?
M. Bernier: Oui, mais ça n'existait pas sur le terrain,
sur le profit, sur la main-d'oeuvre.
Mme Blackburn: Non, mais quand même! Je comprends que vous
essayez, mais ce que je veux vous dire et que je veux essayer d'illustrer
là, c'est que je m'étais laissé dire: L'entrepreneur
autonome, ça coûte moins cher, mais, dans les faits, je suis
obligée de constater que ça ne coûte pas moins cher, c'est
sensiblement la même chose. La question que je pose est la suivante: Je
me demandais si l'explication ne se trouvait pas dans le fait qu'on faisait de
la sous-traitance de la sous-traitance. Alors, le premier charge le prix
réel. C'est lui qui est entrepreneur général, il charge le
prix réel. Il s'en va en sous-traitance et le sous-traitant qui
l'obtient divise ça en trois ou quatre petits contrats. Celui qui arrive
en bas, qui est l'entrepreneur autonome au troisième, évidemment,
lui, il charge moins cher, mais ça ne se répercute pas sur le
prix de la maison.
M. Crochetière: Là-dessus, je dois vous
détromper, Mme Blackburn. Vous avez la...
Mme Blackburn: Je ne demande pas mieux.
M. Crochetière: ...sous-traitance à
répétition sur les gros chantiers, mais vous ne l'avez pas dans
la petite maison, c'est impossible. La comparaison que vous faites avec l'an
dernier ou que la SCHL fait, de toute façon, même si
c'était pour la même maison, c'est les mêmes entrepreneurs
autonomes, mais ce n'est pas parce qu'il y en a plus en sous-traitance qui vont
aller faire des contrats.
Mme Blackburn: Mais, curieusement...
M. Crochetière: Ce que vous décrivez, c'est ce qui
se passe beaucoup plus sur les chantiers commerciaux et industriels, à
ma connaissance personnelle. Il y a certains métiers où ça
se fait encore plus. Je vais penser à tout le gypse, les feuilles de
placoplâtre. Ça se fait comme ça. On ne traite pas un
bungalow à trois sous-traitants quand il y a du travail pour une couple
de jours pour les gars de gypse.
Mme Blackburn: Alors, si c'est le cas, dites-moi pourquoi, si ces
ouvriers coûtent moins cher, les maisons coûtent plus cher? Je veux
bien comprendre qu'il y a eu l'augmentation de l'indice du coût de la
vie, mais il y a quand même eu le programme Mon taux, mon toit.
Semble-t-il que, plutôt que de diminuer, ça a fait augmenter les
coûts, alors qu'en Ontario les maisons sont passées à un
coût moyen de 175 000 $ à 170 000 $. Vous allez me dire: Elles
étaient déjà assez hautes, il fallait que ça
descende. Mais, en Ontario, il y a une baisse, alors qu'au Québec il y a
une hausse. Pour la région de Montréal, je vous les donne.
Peut-être avez-vous eu l'occasion de prendre connaissance du journal de
ce matin. En 1991, il en coûtait 93 650 $, soit une augmentation de 2510
$. Est-ce que c'est juste imputable à la nouvelle taxe?
M. Bernier: Je pense que ce à quoi vous vous
référez, c'est à des études de la SCHL, donc qui
portent sur les maisons existantes. Je crois que c'est l'indice
d'abordabilité - très mauvais terme - de la SCHL qui est
discuté dans cet article-là. C'est un article qui traite du
coût des maisons existantes et la question est à savoir quel
pourcentage des ménages locataires peuvent accéder à la
propriété du jour au lendemain, compte tenu du prix de ces
habitations-là. Alors, peut-être que l'article porte justement sur
ces maisons-là, donc l'existant, et ce ne serait peut-être pas la
base des calculs sur laquelle on devrait discuter.
Mme Blackburn: Non, ça touche la capacité d'avoir
accès à la propriété, mais, comme ça touche
les deux programmes, le Programme d'aide à la mise de fonds et Mon taux,
mon toit - ce dernier, c'était la construction neuve, si je ne m'abuse -
donc nécessairement ça parle aussi de la construction neuve, pas
seulement des maisons déjà existantes.
Évidemment, aussi l'autre problème: est-ce qu'il est
normal... Vous me dites: Ça doit prendre moins d'heures. Moi, j'avais
tendance à penser que ça prenait effectivement beaucoup moins
d'heures et qu'on avait réussi à diminuer, compte tenu des
nouvelles technologies, les heures nécessaires pour monter une petite
maison résidentielle unifamiliale. On m'a dit: Ça a bougé,
mais pas autant que vous le pensez, puis on me dit 800 heures. Est-ce que vous
reconnaissez que c'est à peu près ça, la moyenne, pour une
petite maison?
M. Bernier: Tout à fait.
Mme Blackburn: Trois chambres, le petit bungalow, qui vaut
à Montréal 100 000 $ et dans ma région 70 000 $ à
peu près.
M. Bernier: Si on regarde notre maison de 120 000 $, qui est
notre exemple ici, on arrive à 1000 heures et il est vrai que, sur la
toute petite maison de rien, je pense qu'on peut tomber à 600 heures
facilement. Alors, quelque part dans votre bungalow moyen, votre
hypothèse de 800 est tout à fait dedans.
Mme Blackburn: 800 en moyenne. Ce dont on parle, c'est la
moyenne; alors, ça comprend autant les gros que les petits. Vous faites
une moyenne, c'est 800. Alors, on s'accorde là-dessus. Mais on n'a pas
réussi à me démontrer - c'est ce qui probablement me
dérange le plus; moi, je suis prête à défendre les
gens qui veulent avoir un peu d'allant, mais pas sur n'importe quoi -qu'il y
avait effectivement des gains pour le consommateur, alors que je sais qu'il y a
des pertes nettes pour le Revenu, pour le fisc.
M. Crochetière: On ne peut pas vous démontrer
ça à partir des mêmes travailleurs qui travaillent sur deux
ans. On pourrait vous le démontrer si on vous disait que, l'an dernier,
c'étaient des salariés et que, cette année, ce sont des
travailleurs autonomes. Là, c'est les mêmes travailleurs
autonomes, c'est les prix de cette année et c'est ce qu'ils chargent en
fonction des nouveaux coûts de la vie. Ce que vous demandez, Mme
Blackburn, c'est de comparer une maison qui aurait été construite
par des salariés l'an dernier, avec les coûts de l'an dernier par
rapport aux coûts de cette année par des entrepreneurs autonomes.
Vous ne pourrez pas avoir de réponse à votre question.
Mme Blackburn: La loi qui régit le travailleur,
l'entrepreneur autonome prévoit qu'il est obligé de charger des
salaires à un taux horaire comparable à ce qui se paie dans
l'industrie. Je cherche l'article, je l'ai revu tantôt. Donc...
M. Crochetière: Quel article? Il travaille à la
pièce. C'est ce qu'on vous dit.
Mme Blackburn: L'article de la loi. C'est le projet de loi que je
n'ai pas.
M. Crochetière: II travaille à la pièce. La
vérité, c'est qu'il travaille à la pièce. Il ne
travaille pas à l'heure. Il ne peut pas charger pour des
salariés, il n'en a pas si c'est un entrepreneur autonome.
Mme Blackburn: Quel pourcentage des travaux dans la construction
domiciliaire est réalisé par les entrepreneurs autonomes?
M. Crochetière: J'ai dit tantôt que ça
dépendait de la notion d'entrepreneur autonome.
Celle de la loi actuelle ou celle que le projet de loi 185?
Mme Blackburn: Non, non. Actuellement, au moment où on se
parle.
M. Crochetière: Actuellement, le véritable
travailleur autonome n'est pas dans la construction résidentielle parce
que c'est des entrepreneurs spécialisés qui font des travaux
assujettis dans la forme de société ou de corporation. Alors que
les entrepreneurs autonomes sont des personnes physiques seules dont le seul
champ d'activité est hors Décret, pour des occupants dans leur
résidence ou pour des travaux mineurs de réparation et
d'entretien sur des contrats donnés par des donneurs d'ouvrage autres
que des employeurs professionnels. C'est pour ça que je vous demande de
bien qualifier ceux dont vous parlez actuellement.
Mme Blackburn: Les entrepreneurs autonomes ne sont pas sur les
chantiers neufs actuellement.
M. Crochetière: Bien non. C'est pour ça qu'on veut
étendre la notion, justement, pour inclure ceux qui sont sur les
chantiers actuellement. Sinon, vous n'auriez pas besoin d'avoir le projet de
loi 185. C'est justement pour les inclure dans la notion d'entrepreneur
autonome que le projet de loi est déposé.
Mme Blackburn: Alors, vous me dites - et là, je dois mal
comprendre - qu'actuellement l'entrepreneur autonome n'est pas sur la
construction neuve.
M. Crochetière: Non, non. Écoutez, là, je ne
veux pas faire de la sémantique. O.K.? Je vais vous expliquer.
Actuellement, on dit que les entrepreneurs autonomes, aux termes de la loi,
sont des gens qui travaillent seuls comme personnes physiques. On dit: Pour
être capables désormais d'oeuvrer sur des chantiers assujettis -
laissons faire les travaux mineurs de réparation - il faut être
des entrepreneurs autres qu'autonomes. Alors, on reproche à ces
gens-là de s'être incorporés parce qu'ils ne tombent plus
sous la définition d'entrepreneur autonome.
Quand vous me demandez quelle est la proportion d'entrepreneurs
autonomes - et je ne veux pas avoir l'air de faire de la sémantique -je
dois vous dire: II n'y en a pas sur les chantiers assujettis. Ce qu'on veut
faire, c'est dire que ces gens-là, qui agissent seuls, en
société ou sous forme corporative, vont être
désormais inclus dans la notion d'entrepreneur autonome et, par ce fait
même, on va les exclure des chantiers. Mais si vous me demandez combien
il y a d'entrepreneurs spécialisés, si on élargissait
la
notion...
Mme Blackburn: Qui se sont incorporés.
M. Crochetière: ...telle qu'elle est, ça fait 64 %
des entreprises de construction et 77 %, au total, des entreprises de
construction oeuvrant dans le résidentiel qui risqueraient d'être
affectées totalement ou partiellement.
Mme Blackburn: Alors, si c'est 67 %... M. Crochetière:
77 %.
Mme Blackburn: ...ça aurait dû se refléter
sur le coût des maisons. C'est encore plus grave que je pensais.
M. Crochetière: Je n'ai pas compris. Des voix: Ha,
ha, ha!
Mme Blackburn: S'ils exécutent 77 % des travaux, ça
aurait dû se refléter sur le coût des maisons. Mais ce n'est
pas ie cas.
M. Crochetière: Non, parce qu'ils étaient
déjà là, l'an dernier. C'étaient les mêmes
travailleurs.
Mme Blackburn: Alors, vous avez raison. Peut-être que je
vais essayer de voir un peu; si vous nous présentez un tableau de
l'évolution des coûts des résidences au cours des 10
dernières années, ça va nous permettre de mieux saisir.
Mais en même temps...
M. Crochetière: Ça va être en fonction de
l'inflation et non pas en fonction d'un nouveau coût du salaire
travaillé.
Mme Blackburn: ...pour s'assurer que tout le monde comprend
à peu près la même chose, le truc qu'ont trouvé les
entrepreneurs autonomes pour entrer dans le résidentiel, dans la
construction, dans les travaux assujettis, ça a été de
s'incorporer. En s'incorporant, ils devenaient des personnes morales et non pas
des personnes physiques, donc ils échappaient au Décret. On a
comme compris le système. Mais ça ne veut pas dire qu'ils ne sont
pas là. C'est faire de la sémantique. C'est-à-dire qu'ils
changent de chapeau, mais ils sont là pareil.
M. Crochetière: C'est la façon dont c'est
exprimé avec laquelle on est en désaccord. Ce n'est pas le truc
qu'ils ont trouvé, Mme Blackburn; c'est qu'ils ont maintenu les travaux
qu'ils exécutaient en s'incorporant, conformément à ce que
la loi leur permettait de faire.
Mme Blackburn: Et ils ne sont pas illégaux
là-dessus.
M. Crochetière: Et ce sont les mêmes personnes qui
continuent.
Mme Blackburn: C'est ça. Et ils ne sont pas
illégaux et ils ne font pas de travail au noir s'ils le
déclarent...
M. Crochetière: Exactement.
Mme Blackburn: ...là-dessus, vous avez raison. S'ils
avaient été illégaux, il y a longtemps que la cour aurait
tranché. Là-dessus, vous avez raison. D'ailleurs, c'est pour
ça que la loi est modifiée. Mais ça, c'est une autre
chose. Je ne veux pas m'en aller sur le... Il y a des hypothèses qui ont
été avancées, puis il y en a quelques-unes que je trouvais
intéressantes. Ce matin, je pense que c'est l'AECQ qui proposait de
prévoir une réglementation ou des dispositions qui permettraient
à un entrepreneur autonome qui a commencé les travaux avec un
salarié de pouvoir travailler seul, à l'occasion, pour la
finition de quelques travaux. Qu'est-ce que vous pensez d'une disposition comme
ça?
M. Crochetière: Le 19 décembre, je l'ai
souligné. C'est la FTQ qui a dit: Le 19 décembre, par exemple,
ils pourraient continuer. Comment peut-on faire une loi où on dit que
c'est interdit, mais qu'on va fermer les yeux s'il reste juste trois heures de
travail à faire? De toute façon, on ne sait même pas
comment définir un chantier. Ça va être en fonction de
quelle importance du chantier?
Mme Blackburn: Vous pensez qu'il est impensable de
réglementer là-dedans. Je ne vous dis pas que c'est la FTQ qui va
faire le projet de règlement, là.
M. Crochetière: Non, non, mais pourquoi?
Mme Blackburn: Je vous dis juste: Si le gouvernement...
M. Crochetière: Est-ce que ça va être juste
pour la finition ou si ça va être pour le parachèvement de
chacun des corps de métier?
Mme Blackburn: Si le gouvernement examinait cette
hypothèse de permettre à l'entrepreneur autonome qui a
commencé des travaux sur un chantier de construction, donc des travaux
assujettis, de les terminer seul, à l'occasion, la dernière
finition, est-ce qu'on est capable d'envisager ça?
M. Crochetière: C'est-à-dire, si je peux me
permettre, pas d'un entrepreneur autonome, d'un entrepreneur qui a des
salariés. Ce que vous voulez dire, c'est qu'un entrepreneur qui a des
salariés, lui, on lui donnerait le privilège de pouvoir finir
seul sur des chantiers, même s'il a
200 salariés qui travaillent ailleurs? Ça ne se tient pas,
madame. On ne peut pas être d'accord avec ça.
Mme Blackburn: Qu'est-ce que vous pensez de la pratique dont on
fait état, à l'effet que les entrepreneurs autonomes, les
autonomes se sont regroupés et, finalement, ils sont entrés non
plus dans le résidentiel, mais dans l'industriel?
M. Crochetière: Moi, personnellement, je n'ai pas une
grande expérience dans l'industriel. Le secteur qu'on défend
devant vous, c'est les pratiques au niveau du résidentiel.
Mme Blackburn: Mais on a quand même dû attirer votre
attention sur cette pratique-là. Est-ce que ça existe? Est-ce que
vous êtes d'accord avec ça? Et est-ce que vous êtes d'accord
avec, par exemple... Ça prend une douzaine de spécialités
pour construire une maison, d'après ce que vous avez
évalué tout à l'heure.
M. Rousseau: On parlait de 18, oui.
Mme Blackburn: Alors, vous avez 18 spécialistes, ils sont
tous autonomes, ils se regroupent et ils réalisent complètement
les travaux d'une maison. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça?
Une voix: Ils ne sont pas les 18 dans la même maison...
M. Crochetière: Non. Dans les maisons, on dit qu'il y en a
juste un des 18 dont on a besoin pour cette maison-là. Mais, s'ils sont
18 et qu'ils vont travailler sur 18 maisons, oui.
Mme Blackburn: Je parle de la situation actuelle, pas de ce
qu'est en train de prévoir le projet de loi.
M. Crochetière: Bien non.
Mme Blackburn: Et puis je ne vous en veux pas, je ne vous connais
pas.
M. Crochetière: Non, mais je vous dis...
Mme Blackburn: Je vous pose simplement la question, mon cher
monsieur.
M. Crochetière: ...la question que vous posez, c'est par
rapport à l'industriel. On vous répond qu'on ne connaît pas
véritablement le fonctionnement de l'industriel et vous nous demandez si
ça peut être applicable dans le résidentiel. Mais la
façon dont ça se traduirait, ça ne correspond pas à
la vraie vie. Alors, c'est ce que je vous dis: Ça ne correspond pas
à la vraie vie.
Mme Blackburn: Actuellement, vous dites: II n'y a pas
d'entrepreneurs autonomes qui se regroupent pour exécuter des travaux de
construction pour échapper un peu à...
M. Crochetière: Je dis qu'ils peuvent se regrouper, mais
quand, sur une maison, on en a besoin juste d'un, même s'ils sont
associés à trois...
Mme Blackburn: C'est bien évident.
M. Crochetière: ...c'est celui-là seulement. Les
deux autres vont être sur deux autres maisons.
Mme Blackburn: Oui. Ça, j'imagine que oui. Il n'y en a pas
un qui tient l'ampoule et l'autre qui visse.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Crochetière: Bien, c'est ce qu'on demande dans le
projet de loi 185. On demande que l'employeur qui va être là ait
un salarié qui va tenir son seau. Ce n'est pas plus logique. C'est ce
qu'on demande véritablement.
M. Rousseau: M. le ministre n'a pas l'air d'accord.
Mme Blackburn: Ne pensez-vous pas que vous allez un peu
loin...
Une voix: L'article 19.2.
Mme Blackburn: ...quand vous dites ça? Dans la
réparation, rénovation, entretien, résidentiel et
commercial, pour les travaux mineurs, ils peuvent être seuls. Je pense
que vous n'avez peut-être pas une mauvaise cause, mais le
problème, c'est que vous lui avez fait dire n'importe quoi et là
on est toujours en train de dire: C'est quoi la vérité au juste?
Alors, quand on a fait courir l'idée qu'il fallait être deux pour
venir changer un robinet ou le «paquetage» des robinets, bien,
là, on a eu un problème.
M. Crochetière: On n'a jamais donné cette
interprétation-là, nous.
Mme Blackburn: Ce n'est pas juste vous. M. Crochetière:
Jamais.
Mme Blackburn: Quand vous dites, actuellement: C'est ça
que la loi veut, la loi veut ça dans la construction neuve.
M. Crochetière: Dans le neuf, pas dans la
rénovation.
Mme Blackburn: Oui, dans le neuf. (15 h 30)
M. Crochetière: L'article 19. 2 dit qu'un employeur
désigné ne peut pas exécuter des travaux si ce n'est avec
l'aide d'un salarié. C'est ça que ça dit. Avec l'aide d'un
salarié, ça veut dire que, sur un chantier, si je suis un
employeur, madame, et que j'ai à finir de peinturer une garde-robe,
actuellement - ça, oui, je l'affirme - je vais être obligé
d'avoir un salarié avec moi pour brasser ma peinture.
Mme Blackburn: Vous avez parlé, à la page 15 de
votre mémoire, de la capacité de payer du consommateur, sauf que
le tableau que vous nous avez présenté ne m'amène pas
à penser que les entrepreneurs autonomes aient vraiment contribué
a faire réduire les coûts des constructions.
M. Crochetière: Je m'excuse, je n'ai pas compris.
Mme Blackburn: Si vous étiez en mesure de faire la
démonstration, autrement que sur un tableau, qu'effectivement mon voisin
veut se faire construire une maison de 100 000 $ et que ça va lui en
coûter 7000 $ de moins, ça pourrait jouer, mais, pour le moment,
dans le marché de l'immobilier, ça ne s'est pas encore vraiment
fait sentir. Une autre question, mais dans un tout autre ordre d'idées.
Vous contestez - et vous avez raison là-dessus, je dois vous le dire -
les chiffres sur la rénovation, en disant: Ce n'est pas vrai qu'on a
accès à 2 000 000 000 $ là-dessus parce qu'il y a tout le
locatif auquel on n'a pas accès, et vous avez raison. Ça, je le
retiens, mais il n'en demeure pas moins que c'est un des secteurs
d'activité où il n'y a aucun moyen de contrôler le travail
au noir, absolument pas. Ça, il n'y a pas de façon, parce que
beaucoup de gens ne demandent pas de permis de rénovation à la
ville. Ce n'est pas affiché. Ça se fait dans les sous-sols. Il
n'y a aucune façon de contrôler ça. Je sais qu'il y en a
quelques-uns qui ont avancé l'hypothèse de déduire du
revenu d'un individu - le contribuable, le consommateur - l'équivalent
des salaires consacrés pour faire des travaux de rénovation.
Est-ce que vous avez pensé à d'autres hypothèses qui nous
permettraient un peu de mettre la main sur ces données?
M. Bernier: D'autres possibilités, oui, c'est le type
d'approche qui est discuté parmi les entrepreneurs en rénovation,
entre autres, qui, évidemment, sont conscients de la mécanique de
ce marché qui est très difficile à saisir, enfin, et
à structurer. Mais, en plus de ça, il y a d'autres
hypothèses. On a parlé de REER rénovations. On a
parlé d'utiliser même le Programme d'aide à la mise de
fonds et d'y ajouter un volet concernant la rénovation.
Mme Blackburn: Pour la rénovation.
M. Bernier: Vous savez, je veux dire, les gens qui
achètent une maison existante, pourquoi ne pas les aider à
réaliser tout de suite des travaux, dans la mesure où on est
capable de contrôler que ces travaux-là sont faits par des
professionnels? Mais toutes ces solutions-la, en tout cas, de prime abord, en
appellent à un investissement de la part du gouvernement. Vraiment, la
question doit être débattue, à savoir à quel point
le gouvernement est prêt aussi à aider financièrement
l'industrie à se structurer. Ce sera un effort commun, là.
Mme Blackburn: Bien.
Le Président (M. Gauvin): M. Rousseau, je pense...
Mme Blackburn: Oui.
Le Président (M. Gauvin): Excusez-moi. M. Rousseau, vous
voulez intervenir?
M. Rousseau: Oui. En fart, je voyais le ministre qui sourcillait,
tout à l'heure, en regard de l'interprétation que nous faisions
de l'article 19. 2 quant à l'entrepreneur autonome, où on disait
- en tout cas, mon confrère pourra me corriger - que l'entrepreneur qui
travaille avec ses outils sur un chantier de construction ne pourra travailler
que s'il est accompagné d'un salarié; s'il n'a pas de
salarié, il ne pourra pas travailler. Il ne semble pas tout à
fait d'accord avec l'interprétation que l'on donne. Je voudrais juste le
savoir parce que c'est ça, tout le fond de la question. Si vous nous
dites que, demain matin, un entrepreneur autonome, même si, à
l'occasion, il a quelques salariés mais qu'à un moment
donné il n'en a pas, il va pouvoir continuer à travailler avec
ses outils sur un chantier de construction sans en avoir, je n'ai pas de
problème, je m'en vais tout de suite.
M. Cherry: Ne t'en va pas tout de suite, Orner! Mais un
travailleur autonome qui engage des salariés, il n'est plus autonome, il
devient un entrepreneur.
M. Rousseau: Oui. On est d'accord, mais la définition, ce
n'est pas ce qu'elle dit.
Une voix: Dès qu'il y a un salarié?
M. Cherry: Là, je vais revenir à notre ami au bout
de la table.
Une voix: O. K. Excusez-moi.
Le Président (M. Gauvin): Excusez-moi, je voudrais juste
apporter une précision.
Une voix: Je suis content, j'ai fait sortir M. Cherry.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi, est-ce que vous aimeriez garder votre droit de parole ou y
revenir?
Mme Blackburn: Si vous avez d'autres questions, on fera
l'alternance.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. M. Cherry:
O.K.
Le Président (M. Gauvin): J'avais Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata qui voulait...
Allez-y, M. le ministre, et je reviendrai à madame.
M. Cherry: Comme tableau, votre coût pour arriver à
7000 $ additionnels, vous êtes partis du principe que tout ça
serait fait uniquement par des gens travaillant seuls.
M. Bernier: Oui.
M. Cherry: Donc, ça, c'est hypothétique. C'est
ça? Vous avez dit: On a demandé des factures et des prix.
M. Bernier: On me dit...
M. Cherry: Donc, on bâtit cette maison-là,
hypothétiquement, rien qu'avec des gens seuls...
M. Bernier: Oui.
M. Cherry: ...selon l'analyse que vous recherchez pour la
présentation à la commission parlementaire. Vous dites: Si on
faisait ça comme ça, ça ferait augmenter le prix de la
maison de 7226,86 $; vous êtes d'une précision extrême.
M. Bernier: Merci.
M. Cherry: Et, pour faire ça comme ça, si je
reviens à votre tableau de la page 11, en 1991, il n'y a que 13 % des
entrepreneurs qui ont dit: J'ai travaillé tout seul toute
l'année.
M. Bernier: Voici l'explication.
M. Cherry: Pouvez-vous m'aider à concilier les deux, s'il
vous plaît?
Le Président (M. Gauvin): M. Bernier. M. Bernier:
Oui. Premièrement...
M. Cherry: «C'est-u» hypothétique ou pas?
Parce que, quand tu arrives à 0,86 $, ça a l'air bien
précis. «C'est-u» hypothétique ou bien...
M. Bernier: Le tableau 4 présente la situation de ce qu'on
appelle un entrepreneur autonome, la colonne B; c'est une situation de ce qu'on
retrouve sur le marché, d'individus qui travaillent seuls,
occasionnellement ou entièrement, mais qui sont structurés de
cette manière-là. Alors, des gens qui ont la possibilité
d'aller sur le chantier, occasionnellement ou totalement, facturent selon la
colonne B. Et ces gens-là, ce n'est pas les 13 % que vous mentionnez,
c'est les 77 % qu'on retrouve dans la page... un petit peu plus haut, O.K.? Il
y a 77 % des gens dans l'industrie qui sont obligés ou qui ont
l'habitude d'aller oeuvrer seuls, occasionnellement au moins dans
l'année, sur le chantier. Ce sont ces gens-là qui sont en mesure
de nous offrir la colonne de coûts «Autonome» qu'on voit ici,
B.
Comparativement, on a demandé... Ça, comme je vous le
disais tout à l'heure, ce n'est pas difficile à trouver, ces
factures-là; ce qui était difficile, c'était de leur poser
la question, évidemment: En combien de temps as-tu réalisé
ces travaux-là? et de constituer à partir de ça la colonne
A.
M. Cherry: Même si on partait de 77 % et qu'on ajoutait
l'autre 13 %, on passerait à 7226,86 $.
M. Bernier: C'est 64 % des entrepreneurs qui ont à
travailler au moins occasionnellement dans l'année sur le chantier.
C'est 13 % des individus qui opèrent totalement sur le chantier, mais
seuls, au cours de l'année et c'est 23 % des gens...
M. Cherry: Oui.
M. Bernier: ...qui n'ont jamais à aller sur le chantier.
Alors, si vous voulez, à toutes fins pratiques, de ce
côté-là, c'est les 23 % qui ne se présentent jamais
sur le chantier et qui n'iront pas; de l'autre côté, c'est les 77
% qui y vont, à l'occasion ou en permanence, seuls pour
réaliser...
M. Cherry: Vos 64 % que vous venez d'invoquer, dans votre propre
tableau, c'est «pourcentage, avec salariés, qui ont oeuvré
seuls à l'occasion en 1991.»
M. Bernier: Les 64 %, oui.
M. Cherry: Mais ce tableau-là, ce serait fait
complètement avec des gens seuls, de a à z?
M. Bernier: Ce que je vous dis, c'est que c'est fait selon les
pratiques du marché. Dans le marché, on retrouve des gens qui
soit oeuvrent seuls tout le temps, soit oeuvrent seuls occasionnellement et,
eux, on a regardé comment ils facturaient pour une maison de 120 000
$.
M. Cherry: Donc, c'est à la job.
M. Bernier: À la job. Je n'ai pas dit que
tous les travaux ici ont été faits par un seul
individu...
M. Cherry: Non, non.
M. Bernier: ...dans chacune des catégories, ce serait
exagéré, l'approche.
M. Cherry: Donc, c'est hypothétique. M.
Crochetière: Non.
M. Bernier: Non. Je pense que c'est la réalité.
M. Cherry: Laisse-le répondre. Ça va aider.
M. Crochetière: Ce n'est pas hypothétique, M. le
ministre. Notre compréhension, c'est-à-dire que, lorsqu'un
entrepreneur, même s'il a des salariés, est seul à
exécuter des travaux sur un chantier... Et on ne doit pas être les
seuls à l'interpréter comme ça puisque les autres
intervenants ont prévu que vous puissiez apporter des adoucissements,
notamment le 19 décembre, au cas où ces salariés seraient
partis de ce chantier-là. Il y a 77 % des entrepreneurs de construction
actuellement qui se retrouvent seuls sur des chantiers; 13 % de ces
gens-là sont toujours seuls, 64 % sont parfois seuls, parfois seuls avec
des salariés sur d'autres chantiers, parfois seuls sans salariés
aux livres pendant ces périodes-là. Donc, les travaux sont faits,
à partir du moment où on dit que les maisons ont
été construites à la pièce, par une personne qui
était seule sur un chantier pour exécuter des travaux.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Crochetière.
Oui, allez, M. le ministre.
M. Cherry: Donc, comme c'est une pratique, c'est la façon
de fonctionner depuis au moins les quatre ou cinq dernières
années dans l'industrie de la construction, et que c'est toujours fait
pour raffiner les prix qu'on peut charger aux consommateurs, puis même,
apparemment, qu'il y aurait de la qualité en les faisant plus vite et
tout ça, comment m'expliquez-vous l'évolution du prix des maisons
durant la même période?
M. Crochetière: Écoutez, on a robotisé les
autos et elles n'ont pas diminué de valeur non plus. Je pense que, de
façon générale, tout augmente comme prix.
M. Cherry: Vous êtes devenu un expert, même dans les
autos.
M. Crochetière: Non, non, je ne suis pas un expert en
autos. Je regarde. Si vous me demandez une analyse spécifique de ce qui
accroît le coût de la vie des gens, le taux d'inflation, c'est la
seule chose que je peux vous répondre.
M. Rousseau: Dans le domaine de l'habitation, il y a probablement
peut-être eu aussi toute la question des infrastructures, terrains, etc.,
quand on parie du prix d'une maison.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie C'était
tout le temps qui était alloué. Est-ce que Mme la
députée de Chicoutimi aurait des questions additionnelles?
Mme Blackburn: Non. Ça va. Pour moi, c'est complet. Je
vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Bon. M le ministre, on passe
à la période de conclusions, peut-être pour Une minute.
M. Cherry: Bien, rapidement, je veux juste rappeler - vous l'avez
déjà entendu, ceux qui sont ici depuis hier, ceux qui se sont
joints à nous depuis ce matin - que l'approche pour bien
délimiter le champ d'activité de l'autonome, c'est l'entretien,
la réparation, la rénovation, tel qu'au projet de loi devant
nous, et que, s'il désire continuer à exercer ses
compétences avec ses outils dans sa profession dans le neuf, il peut
continuer à le faire comme salarié. On ne l'empêche pas de
travailler. On lui dit que, s'il veut oeuvrer comme autonome, il peut le faire
dans ce champ d'activité là et, s'il n'en a pas assez, bien,
là, s'il veut aller dans le neuf, les règles du marché
pour le neuf seraient de telle façon.
Évidemment, depuis hier, on parie des formes d'adoucissement,
mais il est important de préciser... Et ça ne s'adresse pas
particulièrement à votre organisme, mais il y a eu tellement de
fausses interprétations véhiculées, ne serait-ce
qu'être deux pour aller changer un fusible dans une résidence ou
être deux pour changer, excusez l'expression, un «washer», tu
sais, je veux dire. Ça n'a jamais été ça dans la
loi de 1988 jusqu'à maintenant, mais ça a été
véhiculé sur la place publique. Donc, j'en profite, à
chaque intervenant, de rappeler que ce n'est pas ça. Ceux qui
véhiculent ça informent mal, d'abord, leurs membres et,
deuxièmement, très mal la population.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre.
M. Rousseau: Ce n'est pas notre cas. en tout cas. Mais
êtes-vous d'accord, M. le ministre, avec fînterprétation
qu'on donnait tout à l'heure sur la question de l'entrepreneur
autonome?
M. Cherry: Laquelle?
M. Crochetière: S'il n'y a pas de salariés
avec lui quand il exécute des travaux dans le neuf, est-ce qu'il
a le droit de le faire?
Le Président (M. Gauvin): Une minute. J'aimerais vous
rappeler que la période d'échanges était
considérée comme terminée. Mme la députée de
Chicoutimi, pour des commentaires de conclusion.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, j'ai
apprécié votre présence ici. Elle était, je pense,
indispensable parce que, effectivement, ça nous a permis de mieux
comprendre les problèmes que posaient à quelques entrepreneurs,
parce que ce n'est pas la majorité qui a le statut d'entrepreneur
autonome, les nouvelles dispositions de la loi 185.
En ce qui a trait à la question que vous avez posée au
ministre: Est-ce qu'un entrepreneur autonome qui devient employeur pourra, lui,
travailler seul sur un chantier? il me semble que la loi était claire.
C'est son employé avec lui, j'imagine. Il faudra voir quelle
interprétation pourra être donnée. Pour ma part, je pense
que vous avez raison lorsque vous dites que, pour terminer des travaux,
ça ne prend pas toujours deux ouvriers de la même
spécialisation. J'imagine que, depuis qu'on fait des maisons au
Québec, il a dû se trouver bien des situations où le
peintre était seul dans la maison, où celui qui faisait le
carrelage était seul dans la maison. Alors, il faudrait voir comment,
jusqu'à ce jour, ça s'est pratiqué pour voir
jusqu'à quel point ça affectera ce type de travailleurs. Je vous
remercie de votre participation aux travaux de cette commission.
Le Président (M. Gauvin): M. le président ou M. le
vice-président, avez-vous, brièvement, des commentaires de
conclusion?
M. Rousseau: Bien, enfin, le dernier commentaire que je ferais,
c'est que, d'après la discussion qu'on a eue, la problématique,
en tout cas pour nous, demeure entière, à savoir qu'on ne sait
toujours pas exactement la portée de l'article du projet de loi. Donc,
on reste avec l'impression que, tantôt, un entrepreneur autonome qui va
avoir des salariés, il va être considéré comme un
employeur, mais aussitôt qu'il n'aura pas de salariés sur un
chantier de construction, il va être obligé de changer de statut.
Ça va être difficile.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le président,
M. Jacques, et M. Rousseau. Merci à vos collaborateurs aussi de nous
avoir présenté votre mémoire. Nous allons suspendre une
minute ou deux pour permettre à la Corporation des maîtres
électriciens du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 55)
Le Président (M. Gauvin): Une minute d'attention, s'il
vous plaît! J'invite les membres de la commission à reprendre leur
fauteuil. Comme je l'avais mentionné, on avait invité la
Corporation des maîtres électriciens du Québec à
prendre place, ce qu'elle a fait. Elle est représentée par son
président provincial, M. Jean-Guy Brown. J'inviterais M. Brown, avant de
commencer sa présentation, à nous présenter ses
collaborateurs. M. Brown.
Corporation des maîtres électriciens du
Québec (CMEQ)
M. Brown (Jean-Guy): Merci, M. le Président. Je vais vous
présenter, à mon extrême droite, M. Jean-Louis Auger,
ex-président provincial; M. Roger Gosselin, ex-président
provincial. À mon extrême gauche, M. Yvon Guilbault, directeur
général de la Corporation; M. Richard Lavergne,
ex-président provincial, et moi-même, Jean-Guy Brown.
Le Président (M. Gauvin): Oui, M. Brown. Vous avez 30
minutes pour présenter votre mémoire et une autre période
de temps d'une heure, dont 30 minutes pour chacun des groupes parlementaires
ici, s'ensuivra. Donc, à vous la parole, M. Brown.
M. Brown: Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les
députés, Mme Blackburn, on va essayer de cadrer ça dans 30
minutes, mais ça peut arriver qu'on déborde
légèrement. On a de la misère à être capables
de tout lire ce qu'on a.
Depuis le début des discussions qui entourent la
présentation du projet de loi 185, il y a une constante qui ne manque
pas de surprendre et qui est systématiquement entretenue par plusieurs
intervenants: le travail au noir et l'entrepreneur autonome sont
irrémédiablement associes, à un point tel que tout
interlocuteur non initié serait enclin à conclure, sans autre
forme d'analyse, que la disparition de l'entrepreneur autonome est la condition
essentielle pour enrayer le travail au noir. Tous sont d'accord: le
phénomène du travail au noir existe et c'est un cancer qui ronge
impitoyablement l'industrie de la construction. La définition
donnée du travail au noir varie d'un intervenant à l'autre,
rnajs, pour plusieurs, il y a une équation entre |e travail au noir et
l'entrepreneur autonome.
Selon ces porte-parole, l'adoption du projet de loi 185 marquerait le
début d'un temps nouveau et la progression du travail au noir en
prendrait un bon coup. Le nouveau démarquage du champ de juridiction de
l'entrepreneur autonome et l'ajout de nouvelles contraintes relatives au droit
de l'entrepreneur autonome de travailler lui-même sur les chantiers
devraient mener à l'élimination progressive du travail au
noir. Dorénavant, pourrait-on dire, il n'y aura plus de
dépanneurs, seuls les Steinberg, tes Provigo, les Métro et autres
de même taille auront le droit de survivre.
Comment les parties chargées de négocier le Décret
ont-elles pu en arriver là? Risquons une explication pour le
bénéfice des membres de la commission parlementaire. La Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction accorde à
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec et à
une majorité d'associations syndicales le droit de négocier les
conditions de travail qui régissent l'industrie de la construction.
Ainsi, les négociations entre les deux parties patronale et syndicale
conduisent, le plus souvent avec l'intervention du ministre du Travail,
à la publication du Décret de la construction auquel sont
assujettis les employeurs et les salariés de l'industrie de la
construction. Pour les uns et pour les autres, la situation est claire et
précise: la loi a été faite pour régir les
employeurs et les salariés.
Dans ce contexte, où se situe l'entrepreneur autonome? Nulle
part. L'entrepreneur autonome n'est ni un employeur ni un salarié.
Autrement dit, une conclusion s'impose pour les deux géants
négociateurs reconnus par la loi sur les relations du travail: il faut
rendre l'entrepreneur autonome semblable à tous les autres. La partie
syndicale voudrait en faire un vrai salarié, membre en bonne et due
forme d'un syndicat, et l'AECQ l'accepterait volontiers comme membre s'il
choisit de devenir employeur, c'est-à-dire d'embaucher des
salariés comme le font ses vrais membres. Étant donné que,
selon les uns, il vole le travail des vrais travailleurs de la construction et
que, selon les autres, il fait une concurrence déloyale aux vrais
employeurs, il ne reste qu'à accuser l'entrepreneur autonome de l'injure
suprême qui ne pardonne pas: il est le responsable du travail au noir
dans l'industrie de la construction. Je vais demander à Richard de
poursuivre.
M. Lavergne (Richard): Étant donné que la notion
même du travail au noir répond presque à autant de
définitions qu'il y a d'intervenants, la Corporation a choisi de s'en
remettre à la commission Picard-Sexton pour définir ce qu'est
vraiment le travail au noir. «Travaille au noir dans l'industrie de la
construction au Québec, celui ou celle qui y oeuvre sans détenir
de carte, certificat ou permis, ou qui travaille là où il ne doit
pas travailler, ou qui ne déclare pas les revenus qui découlent
de ces travaux au fisc. »
Il faut noter que la définition déborde largement le cadre
de l'entrepreneur autonome. Picard-Sexton précise la forme que peut
prendre le travail au noir, et je cite: «... non déclaration
d'heures, de revenus et de travaux, banque d'heures, heures
supplémentaires accumulées et payées au taux
régulier, engagement de travailleurs sans carte, taux de salaire
réduit, etc. » En plus de circonscrire l'impact économique
du travail au noir, Picard-Sexton confirme que le fléau du travail au
noir est généralisé et qu'il n'est pas confiné, en
tout ou en partie, ni même majoritairement, aux activités de
l'entrepreneur autonome, contrairement à ce que certains
prétendent ou laissent entendre. Le ministre du Travail doit en prendre
bonne note.
Poussons l'analyse un peu plus loin pour clarifier davantage. Selon
Picard-Sexton, quelque 150 000 000 d'heures auraient été
effectuées dans l'industrie de la construction en 1988: tout près
de 112 000 000 d'heures déclarées et 38 136 000 heures non
déclarées. Les entrepreneurs autonomes auraient effectué
légalement 14 456 800 heures sur les 38 136 829 heures non
déclarées, ce qui représente un peu moins de 10 % de
toutes les heures présumées travaillées dans l'industrie
de la construction. Voilà la place qu'occupe l'entrepreneur
autonome.
Qui est l'entrepreneur autonome, le vrai entrepreneur autonome? Il
travaille seul avec ses outils, sans l'aide de salariés, il effectue des
travaux d'entretien, de réparation, de rénovation et de
construction, et recrute sa clientèle surtout dans le secteur
résidentiel. Il est entrepreneur autonome par choix ou par
nécessité et, de toute façon, gagne sa vie et a toujours
gagné sa vie dans l'industrie de la construction.
Avant d'être entrepreneur autonome, il a été
salarié, apprenti et aussi compagnon. À ce titre, il a
été syndiqué et membre de l'une ou l'autre des
associations syndicales qui ne se gênent pas, aujourd'hui, pour demander
sa disparition ou l'effritement de son champ de travail. Il possède donc
son certificat de qualification au même titre qu'un salarié de la
construction. Il est aussi vrai que le vrai salarié de la construction,
le membre de l'une ou l'autre des associations syndicales. Il est tout aussi
légal, tout aussi compétent, tout aussi reconnu par la
société.
Il est détenteur d'une licence émise par la Régie
des entreprises de construction du Québec, est membre de la Corporation
des maîtres électriciens du Québec, dont il devait
réussir les examens, et a pris une assurance-responsabilité et
des assurances personnelles. Son expérience est dûment
enregistrée ou incorporée selon les lois en vigueur au
Québec. Il paie ses impôts et les taxes d'affaires
réclamées par la ville où la municipalité où
il a sa place d'affaires. Annuellement, il doit prouver sa solvabilité
à la Régie des entreprises de construction du Québec sous
peine de perdre sa licence d'entrepreneur. Son seul malheur est de ne pas
être un vrai employeur, ce qui ne l'avantage pas aux yeux de
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec.
Si les affaires vont bien, il embauchera un salarié, deux, trois
ou d'autres encore si les contrats obtenus l'exigent. Beaucoup d'employeurs,
bien connus aujourd'hui, ont débuté de cette façon.
Plusieurs petits employeurs - 85 %
des employeurs - ont de un à cinq salariés. Ils terminent
d'ailleurs leur carrière comme ils l'ont commencée,
c'est-à-dire en devenant entrepreneurs autonomes. Le fait qu'un
employeur ait la possibilité de devenir entrepreneur autonome en cas de
coup dur ou de mise à pied de ses salariés protège
l'entreprise et lui permet de survivre en attendant des jours meilleurs.
Récession oblige.
Contrairement à ce que certains intervenants véhiculent,
l'entrepreneur autonome ne vole pas les 15 000 000 d'heures travaillées
chaque année. Certains voudraient simplement que ces heures soient
effectuées dans le giron patronal ou syndical. Oui, il y aurait plus de
travail pour les salariés, mais il y aurait aussi plus de
salariés. Oui, il y aurait plus de travail pour les employeurs, mais il
y aurait plus d'employeurs. C'est une situation utopique!
Finalement, si on reproche à l'entrepreneur autonome de
travailler lui-même sur des chantiers, c'est parce que ni la partie
syndicale, ni la partie patronale n'a de contrôle sur lui. Les leaders
syndicaux d'opinion le traitent volontiers de «chaudron» pour bien
qualifier sa petitesse. L'entrepreneur autonome n'est pas le bienvenu dans le
système. Je passerai la parole à Roger; excusez-moi.
Le Président (M. Gauvin): M. Gosselin.
M. Gosselin (Roger): Qui effectue les 25 000 000 d'heures de
travail au noir estimées par Picard-Sexton? Le bricoleur à double
emploi sans carte de compétence. Qui n'a pas connu un homme habile de
ses mains, travailleur ou profitant de beaucoup de temps libre - professeur,
pompier - sans carte officielle de compétence et capable de
réaliser des travaux de construction, petits et grands, à bon
prix? Ce bricoleur, qui ajuste son prix noir à un taux inférieur
à celui du Décret - son prix s'adapte clandestinement s'il y a
augmentation du taux du Décret - fait la joie du consommateur trop
heureux de payer un travail pas de taxes, à un prix moindre que le
marché officiel. Le bricoleur fait le désespoir des petits
employeurs et des entrepreneurs autonomes qui occupent le même
marché et qui se plaignent de cette compétition injuste et
illégale.
Le salarié de la construction en chômage. Tout comme le
bricoleur, plusieurs salariés de la construction en chômage
accomplissent des travaux dans leur spécialité, au noir
évidemment, sans taxes ni impôts. Le salarié en
chômage qui travaille au noir fait mal à son industrie. Il
manoeuvre dans le champ d'action des petits employeurs et des entrepreneurs
autonomes qui sont soumis à une réglementation contraignante et
qui doivent assumer un montant appréciable de frais fixes avant
même de penser à un profit raisonnable.
Le salarié de la construction, à l'insu de son employeur,
en dehors des heures normales de travail. On le voit et on le sait, le travail
au noir prend diverses formes. Certains salariés de la construction,
à l'emploi d'entreprises de construction, poussent l'audace
jusqu'à travailler au noir le soir et les fins de semaine. Certains
patrons les soupçonnent d'utiliser quelquefois les outils de
l'entreprise, ce qui est ajouter l'insulte à l'injure. La partie
syndicale blâme les entrepreneurs de ne pas prendre les moyens concrets
pour enrayer cette hémorragie d'heures de travail perdues et les
entrepreneurs estiment que la partie syndicale surprotège les
salariés - ses membres - refusant ainsi de regarder la situation en
face: la capacité de payer du client doit devenir un
élément important de la solution au problème du travail au
noir.
Les employeurs et les salariés, selon des scénarios divers
et ingénieux. Vous aurez compris qu'à ce niveau de
compétitivité l'entrepreneur autonome et son champ d'action bien
limité par sa capacité physique est loin derrière et
compte pour bien peu. Le travail au noir est plus raffiné. Les enjeux
sont plus grands. En pleine récession économique, les appels
d'offres étant plus parsemés, des entrepreneurs, pour maintenir
à flot leur entreprise et des salariés, pour conserver leur
emploi et profiter d'un meilleur revenu net, ont érigé en
système une série de trucs pour contourner la voie légale
et se placer en meilleure position en vue de l'obtention de contrats, gage de
la survie des entreprises et de la sécurité des emplois.
Voici certaines pratiques courantes dans le milieu, souvent
décriées, mais que personne ne sait comment contrôler. Le
problème dépasse largement, vous en conviendrez, le cadre des
relations du travail. C'est ce qu'on peut appeler un problème à
dimension socio-économique. Comme exemple, la pose de tapis est
payée à la verge. Elle est, par la suite, convertie en heures de
travail pour les fins de la CCQ, s'il y a lieu. L'installation
électrique d'un immeuble de 12 logements. En accord avec les
salariés, l'entrepreneur déclarera officiellement 280 heures, peu
importe le temps de travail réellement requis. Situation
indétectable par la CCQ.
Autre cas relié à la productivité: par exemple,
l'installation électrique d'une cinquantaine de bungalows. Deux
électriciens par équipe sont payés 26 ou 28 heures par
bungalow, peu importe le temps réellement requis. Les 28 heures sont
officiellement déclarées à la CCQ. Situation
indétectable par cette dernière.
Une des frustrations d'un entrepreneur: ne faire que l'installation de
l'entrée électrique d'une résidence, d'un commerce ou
d'une industrie, le reste de l'installation, le filage, la finition,
étant effectué au noir par de tierces personnes.
Le problème des banques d'heures. Populaire et répandu, il
prend diverses formes, en accord avec les salariés. La forme
sophistiquée: pour ne
pas perdre un bon salarié, lui donner sa cessation d'emploi avant
les vacances de la construction pour ainsi couvrir les deux semaines d'attente
exigées par l'assurance-chômage. Les heures supplémentaires
sont régulièrement payées à temps simple; ces
heures sont souvent incluses dans la banque d'heures. Peu de clients acceptent
de payer du temps double.
Certains employeurs utilisent les services d'un employé pour un
travail autre que celui pour lequel il est payé. Exemple: un commis
payé 10 $ l'heure aide un électricien à tirer du fil. Il
est de pratique courante pour les entrepreneurs généraux de
confier à la job le travail des métiers dits
généraux. Exemple: tarif au pied carré, à la verge
carrée, au panneau de gypse. Il est courant que l'entrepreneur
général embauche plusieurs menuisiers, tous détenteurs
d'une licence d'entrepreneur général. Le contrat est donné
à prix forfaitaire; aucune heure n'est déclarée à
la CCQ. Un cas typique de fusion ou de regroupement d'entrepreneurs
autonomes.
L'entrepreneur paie son salarié 32 heures pour une semaine de 40
heures effectivement travaillées. 32 heures sont déclarées
à la CCQ; 8 heures vont soit à la banque d'heures pour des
besoins futurs ou sont payées au noir par l'entrepreneur pour disposer
de l'argent noir reçu de clients qui préféraient payer
cash. Dans certains cas, le salarié accuse une perte de 8 heures de
travail pour sauver son emploi et aider son employeur à survivre.
Il arrive que l'entrepreneur ne respecte pas le ratio apprenti-compagnon
établi pour son métier. En employant plus d'apprentis sur un
chantier que les règlements le lui permettent, il peut ainsi diminuer sa
masse salariale - l'apprenti reçoit un taux de salaire moindre que celui
du compagnon - et se rendre plus compétitif. C'est une forme subtile de
travail au noir.
On peut facilement présumer que la majeure partie des 25 000 000
d'heures de travail au noir estimées par Picard-Sexton est
effectuée dans cette catégorie, particulièrement à
cause de l'ampleur du marché qu'elle représente. Je demanderais
à M. Guilbault de continuer.
M. Guilbault (Y von): Les entrepreneurs autonomes. Les
entrepreneurs autonomes qui, on l'a vu, sont les mal aimés de
l'industrie ne sont pas exempts de tout péché. Il est facile
d'admettre que la capacité de travail d'un homme seul est, somme toute,
assez limitée. Tant que l'entrepreneur autonome travaille seul à
l'intérieur de ses limites, il produit un travail légal. Mais il
provoque la colère et l'indignation quand il embauche
illégalement quelqu'un pour l'aider à commencer, effectuer ou
finir un travail, sans se déclarer employeur ni faire de rapport
à la CCQ.
L'entrepreneur autonome travaille au noir à sa façon quand
il s'associe à d'autres entrepreneurs autonomes du même
métier pour effectuer un travail de construction. L'astuce fonctionne
avec la complicité de l'entrepreneur général ou du donneur
d'ordres qui s'assure que les entrepreneurs autonomes sont couverts par la CSST
ou des assurances personnelles. Aucune heure n'est déclarée
à la CCQ. C'est l'une des formes les plus vicieuses du travail au noir.
La compétition avec les employeurs est directe et
particulièrement présente dans les métiers
généraux.
C'est encore l'entrepreneur autonome qui, à cause de sa
capacité limitée de travail, est le plus souvent en contact
direct avec le consommateur ou le particulier. À ce niveau d'affaires,
il n'est pas rare d'entendre du consommateur: Combien? Et si je paie cash? Ou
encore, de l'entrepreneur: 20 $ en argent comptant ou 35 $ avec facture. Le
pire est à venir. La taxe de vente du Québec sera bientôt
en vigueur, cette déjà fameuse taxe dont l'application est
prévue pour le 1er juillet 1992 et qui touchera les services, y compris
la main-d'oeuvre, serait un facteur d'encouragement au travail au noir.
La construction dans les industries et les institutions. Plusieurs
industries, écoles, hôpitaux, municipalités ou autres
institutions ne se gênent pas pour effectuer, à leurs propres
fins, des travaux de construction avec leurs propres employés. Pour ce
faire, ils obtiennent une licence de la Régie des entreprises de
construction du Québec et travaillent en toute légalité.
Cette pratique prend de l'ampleur et vient donc réduire le champ de
juridiction des entrepreneurs. Pour ces derniers, c'est une forme de travail au
noir particulièrement douloureuse.
On s'interroge très peu sur la capacité de payer de la
clientèle. Celle de la construction n'est pas homogène. Elle
présente des visages multiples et les entrepreneurs ne font pas tous
affaire avec le même type de clients. Leur capacité de payer est
différente, même si les taux de salaire fixés par le
Décret de la construction ne tiennent pas compte de ce facteur.
Ultimement, l'offre - celle des entrepreneurs - s'ajustera à la demande
- au client -même à rencontre des normes fixées par le
Décret, n'en déplaise aux négociateurs patronaux et
syndicaux. (16 h 15)
Les catégories de clients, maintenant. Le consommateur ou le
particulier. Il s'agit, somme toute, d'un individu propriétaire,
locataire ou propriétaire en devenir. Ses revenus proviennent
principalement de son emploi. Il n'est pas toujours évident qu'il est
prêt à payer les 35 $, 40 $ ou 45 $ l'heure que l'entrepreneur lui
demande pour les services d'un salarié de la construction, surtout quand
il gagne lui-même 10 $ l'heure. Le consommateur ne profite d'aucune
déduction fiscale s'il paie la facture réglementaire et recherche
énergiquement le meilleur prix, légal ou non. La situation est
pire depuis la mise en vigueur de la TPS - parce que le consommateur ne profite
pas, lui, du système des intrants - et ne devrait pas s'améliorer
le 1er
juillet 1992 si le gouvernement persiste à vouloir appliquer aux
services la taxe de vente du Québec.
Les petits commerçants et les petites industries. Les commerces,
de type dépanneur, et les petites industries qui font partie du groupe
de la petite et la moyenne entreprise comptent leurs sous,
particulièrement en période de récession. Ils
négocient durement, mais, étant donné qu'ils profitent
d'une déduction fiscale pour leurs dépenses de construction, ils
sont plus souples pour accepter les réalités du Décret de
la construction. Mais, là encore, le marché s'ajuste aux
nouvelles tendances et le noir est à la mode; pour les entrepreneurs,
c'est plutôt le rouge. Cependant, plusieurs commerçants et petits
industriels vendent une partie de leurs produits au noir. En
conséquence, ils tentent, la plupart du temps avec succès, de
refiler leur argent noir aux entrepreneurs en construction en leur demandant
d'effectuer leurs travaux de construction sans facture à meilleur prix
que le taux réglementaire.
Il y a aussi les industries et les grandes corporations, comme types de
clients. Dans cette catégorie, les clients recherchent surtout la
fiabilité et l'excellence du service. Le taux horaire demandé par
l'entrepreneur est important, mais il ne serait pas exagéré de
dire que la compétence est primordiale. C'est un marché cible
pour les entreprises bien structurées, bien organisées, bien
outillées et bien pourvues en inventaire et en matériel.
Il y a aussi le marché des appels d'offres. C'est la jungle, et
le grand défi d'être le plus bas soumissionnaire à
l'ouverture des soumissions se présente. Les normes du Décret
s'appliquent, mais, au dire des entrepreneurs, le marché est pourri. Les
marges bénéficiaires n'ont jamais été aussi minces.
La productivité, à ce niveau, est un élément
majeur. Si le temps réel de travail est supérieur au temps
estimé au moment de la soumission, l'entreprise est en sérieuse
difficulté. Le moindre événement imprévu - un
conflit de travail, par exemple - peut faire basculer les prévisions de
l'entreprise.
Cette brève description des différents types de clients
démontre bien que le travail au noir prend de nombreux visages et que,
dans la vie quotidienne, celui qui demande l'abolition du travail au noir
devrait avoir l'obligation de préciser sa pensée pour
déterminer quelle en est la définition. Et cette
démonstration devrait vous convaincre que l'entrepreneur autonome est
loin d'être le symbole du travail au noir. Le problème est
beaucoup plus complexe.
Si l'on consulte la carte de taux horaire recommandé par la CMEQ,
on constate qu'il en coûte 31, 53 $ à l'entrepreneur
électricien bon citoyen pour défrayer les coûts fixes d'une
heure de travail d'un salarié. L'entrepreneur électricien doit
ajouter à ce montant des dépenses d'opération telles que
le camion, l'équipement et l'outillage avant de couvrir ses frais
administratifs et de prendre un profit. Compte tenu de tous ces facteurs, le
taux horaire recommandé par la CMEQ à l'égard de la
facturation d'un entrepreneur électricien à sa clientèle
est de 49, 30 $ l'heure.
Vu sous l'angle de la capacité de payer des clients, tels
qu'énumérés ci-dessus, et à la lumière de
l'analyse des frais fixes payés par l'entrepreneur pour une heure de
travail, il y a lieu de se demander si le travail au noir n'est pas devenu un
outil, discutable peut-être, mais un outil, qui rétablit
l'équilibre entre l'offre et la demande. Jean-Louis Auger.
M. Auger (Jean-Louis): La CMEQ a voulu démontrer que, si,
à l'heure actuelle, le travail au noir est un véritable
fléau dans l'industrie de la construction, l'entrepreneur autonome, que
certains voudraient bien identifier comme le symbole du travail au noir, n'a
pas, à cet égard, une responsabilité plus grande que les
autres. Tout comme c'est le cas pour le salarié et l'employeur,
reconnaissons d'abord le statut de l'entrepreneur autonome et son
utilité dans l'économie québécoise - ce sont des
employeurs en puissance - et maintenons-lui la pleine intégrité
de sa juridiction au travail. Qui oserait limiter le champ d'action d'un
salarié? Insulte et sacrilège, dirait-on. L'entrepreneur autonome
doit jouir de la même considération dans la recherche d'une
solution au travail au noir.
Or, les entrepreneurs autonomes ne prennent la place de personne.
L'entrepreneur autonome rend un réel service à la population: il
a pignon sur rue, la confiance du public et permet, dans certaines situations,
que l'offre corresponde à la demande. Il est impossible d'envisager la
disparition de l'entrepreneur autonome ou la restriction de son champ de
travail, particulièrement dans les régions à faible
densité de population. Dans bien des cas, au coeur de ces
régions, le travail n'est même pas suffisant pour un entrepreneur
seul travaillant avec ses outils, sans l'aide de salariés. Comment,
alors, envisager le fait qu'un entrepreneur embauche un salarié quand,
pour lui-même, le travail est insuffisant? De plus, bien souvent, les
grosses entreprises n'ont pas le temps, la structure ou même les tarifs
pour répondre aux besoins d'une certaine catégorie de clients
relativement au genre de travail généralement effectué par
les entrepreneurs autonomes.
Loin de régler le problème, la disparition à plus
ou moins long terme de l'entrepreneur autonome générerait du
travail au noir puisque, de toute façon - et soyez-en certains - les
entrepreneurs autonomes lésés, incapables, à cause du
marché, de devenir entrepreneurs-employeurs ou peu enclins à
devenir salariés, par goût ou en raison du chômage,
gagneraient quand même leur vie au détriment des règles
établies. On ne met pas de côté impunément
10 000 entrepreneurs. Il est utopique de penser que les salariés
et les employeurs actuels n'en subiraient pas un ressac économique.
L'entrepreneur autonome a un rôle à jouer dans l'industrie
de la construction. Il est l'un des maillons de la chaîne: apprenti,
compagnon, entrepreneur autonome, employeur. La CMEQ revendique le maintien du
statut de l'entrepreneur autonome. Cependant, le projet de loi 185 ne tient pas
compte de la situation de l'employeur qui, par manque de contrats ou à
cause de maladie, de la récession ou en raison de l'âge, met
à pied ses salariés. Cet employeur, devenu entrepreneur autonome,
continuera de gagner sa vie en travaillant seul, sans l'aide de
salariés, en attendant des jours meilleurs. La situation
économique est malheureusement hors du contrôle de l'employeur qui
risque à tout moment de devenir entrepreneur autonome.
Même si cela peut paraître évident, il est utile de
le préciser: une entreprise de construction doit débuter à
un point donné dans le temps. Selon notre expérience, 90 % des
demandes de licence d'entrepreneur électricien proviennent de
salariés qui débuteront seuls en affaires sans l'aide de
salariés: le prototype de l'entrepreneur autonome. À bien y
penser, tous les salariés qui ont l'intention de devenir un jour
entrepreneurs devraient contester le contenu du projet de loi 185 parce que,
dans son libellé actuel, il est une contrainte à l'ambition bien
légitime de partir à son compte. M. Brown.
M. Brown: Les propositions de la CMEQ... Deux minutes? La CMEQ
propose le maintien du statut de l'entrepreneur autonome. Il vaut mieux
reconnaître l'entrepreneur autonome sans contrainte quant à sa
juridiction de travail et contrôler ses activités qui sont, somme
toute, limitées à la capacité physique de l'individu. Les
activités des employeurs ne sont-elles pas contrôlées par
le biais de la CCQ? Par conséquent, la CMEQ propose que l'entrepreneur
autonome soit soumis à des obligations beaucoup plus strictes
qu'à l'heure actuelle.
Dans le même ordre d'idées, la CMEQ propose que les
fusions, les regroupements ou liens de toutes sortes entre entrepreneurs
autonomes de même métier, sur un même chantier de
construction, soient interdits. Là, je vais vous lire juste ce que l'on
recommande puisque je n'ai plus grand temps.
Le Président (M. Gauvin): Non. Bien, écoutez, avec
le consentement des membres de la commission...
M. Cherry: Allez-y. M. Brown: O.K. Merci.
Le Président (M. Gauvin): ...je pense que vous pouvez
continuer.
M. Brown: Actuellement, l'entrepreneur autonome est
particulièrement avantagé. Il est anonyme, non inscrit à
la CCQ et peut se transformer en employeur sans en respecter les obligations.
Tous les entrepreneurs devraient donc être traités
équitaWement. Donc, l'entrepreneur autonome devrait être dans
l'obligation de s'inscrire à la CCQ, même s'P n'a aucun
salarié à son emploi, et tenu de soumettre un rapport mensuel. Il
serait alors fiché et connu. De plus, si le besoin s'en fait sentir, les
procédures administratives seront réduites au moment de
l'embauche d'un salarié. Et l'on dit: II ne faut pas limiter le champ
d'activité de l'entrepreneur autonome. Il faut s'assurer qu'il travaille
vraiment seul, sans salariés, et ce, pour tous les travaux qu'il
entreprend. La CMEQ propose donc que l'entrepreneur général, sur
un chantier donné, fournisse à la CCQ la liste de tous les
sous-traitants et de leurs salariés, et qu'il précise l'envergure
du contrat.
L'entrepreneur autonome doit démontrer son sérieux et sa
volonté d'établir une entreprise solide financièrement. La
CMEQ propose que l'entrepreneur, lors du dépôt d'une demande de
licence d'entrepreneur, fasse une mise de fonds de 15 000 $ au lieu des 10 000
$ actuellement exigés. À cause de son statut, l'entrepreneur
autonome travaille régulièrement en relation directe avec le
consommateur. En raison de sa structure organisationnelle plutôt primaire
et du fait que le consommateur est le dernier jalon de la chaîne de la
taxe sur les produits et services et bientôt, malheureusement, de la taxe
de vente du Québec - le consommateur ne profite pas du système
des intrants - l'entrepreneur autonome est soumis à de fortes pressions
pour être payé au noir. Les lois du marché sont ainsi
faussées.
La CMEQ propose que le gouvernement, dans la foulée des
recommandations du comité Poulin, annonce un train de mesures fiscales
favorisant la déduction des revenus du consommateur de toutes
dépenses de rénovation, de construction, d'entretien et de
réparation, à la condition qu'un entrepreneur en construction
dûment licencié soit chargé des travaux.
D'autre part, compte tenu de l'érosion du champ d'activité
de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction du
Québec, il est primordial que les entreprises de construction
récupèrent certains travaux de construction. La CMEQ propose
qu'une licence d'entrepreneur en construction ne soit accordée
qu'à une entreprise dont l'exécution de travaux de construction
est l'activité principale. Cette mesure vise particulièrement les
municipalités, les hôpitaux, les villes, les commissions scolaires
et le géant qu'est Hydro-Québec.
Actuellement, trois dirigeants d'entreprise peuvent être
dispensés d'être inclus dans le rapport mensuel soumis à la
CCQ relativement aux heures travaillées sur un chantier. Le projet de
loi 185 limite ce nombre à un représentant
désigné. Si cette mesure favorise une meilleure
compétitivité, la CMEQ ne s'y oppose pas. Par contre, il est
inadmissible que les dirigeants d'entreprise, contraints dorénavant de
soumettre mensuellement à la CCQ les heures de travail qu'ils ont
effectuées sur un chantier, se voient forcés d'être membres
d'un syndicat tout en étant en même temps propriétaires de
l'entreprise.
La CMEQ propose qu'un seul dirigeant par entreprise soit exclu du
rapport mensuel de la CCQ pour les heures travaillées sur un chantier de
construction. Les autres dirigeants, selon les normes actuellement en vigueur,
doivent déclarer les heures travaillées sur un chantier dans le
rapport mensuel soumis à la CCQ, sans pour autant être dans
l'obligation d'être membres d'un syndicat et de payer certains avantages
sociaux tels que les vacances, les assurances et les fonds de pension dont les
frais sont assumés directement par l'entreprise.
En conclusion, M. le Président, le travail au noir est un
problème de taille. La CMEQ a tenté de brosser un tableau de
cette gangrène qui mine l'industrie. Le travail au noir dont peut se
rendre complice l'entrepreneur autonome n'est que la pointe de l'iceberg. La
CMEQ propose des mesures pour l'encadrer davantage, tout comme le sont les
salariés et les employeurs. Mais, de grâce, cessons d'envisager la
solution du travail au noir uniquement sous l'angle des relations du travail et
du rapport de force qui en découle.
Le travail au noir est une conséquence directe du
déséquilibre entre l'offre et la demande. Le marché
s'ajuste par le tripotage des heures effectivement travaillées, la
recherche d'une meilleure productivité et par l'introduction de nombreux
stratagèmes apparentés à la définition du travail
au noir telle que retenue par Picard-Sexton. Le travail au noir a une dimension
économique. Toute solution valable devrait tenir compte de la
capacité de payer de la clientèle qui, on l'a vu, est
particulièrement hétérogène. Il devrait être
envisagé que les ministères gouvernementaux à vocation
économique participent aux discussions relatives à la recherche
de solutions au problème du travail au noir. Toutes les parties devront
nécessairement y participer dans un climat de concertation. Le bon sens
doit primer sur le pouvoir.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Brown. M. le ministre.
(16 h 30)
M. Cherry: Merci, M. le Président. Quelqu'un disait ce
matin - et j'ignore si vous étiez présent - qu'entre
décembre et maintenant, même s'il y a eu à peine 60 jours,
quand on écoute sur le sujet de l'autonome et du noir, on a l'impression
qu'il s'est passé une éternité.
Mes premiers commentaires, c'est pour vous dire que, lors de nos
premières rencontres, vous m'aviez dit, pour décembre: M. le
ministre, vous nous bousculez un peu dans le temps. Si on avait eu plus de
temps, on aurait pu mieux répondre, vous proposer des solutions. Dans un
premier temps, je dois dire que vous avez tenu parole là-dessus et je
pense qu'il est important de le souligner. Vous n'avez pas besoin de moi pour
vous le dire; la manchette de La Presse de ce matin l'a reconnu. Je
pense que ça prenait du courage à un organisme patronal,
corporatiste comme le vôtre, pour venir en commission parlementaire et
exposer des façons de procéder. L'objectif premier, je pense, par
rapport aux raisons des travaux de la commission, c'est que vous voulez nous
faire la démonstration que l'entrepreneur autonome n'est pas le seul
responsable. Donc, vous voulez briser le lien que ça égale
travail au noir et que, si on règle ça, on règle tout le
travail au noir. Ce n'est pas ça. Mais, en même temps, je pense
que vous avez le courage d'expliquer des façons de fonctionner et vous
en explicitez un grand nombre. Moi, dans un premier temps, je pense que c'est
courageux d'avoir fait ce que vous avez fait.
Et, parce qu'il a fallu que vous en fassiez une lecture rapide, chaque
fois que vous citiez des façons de fonctionner, vous terminiez toujours
votre paragraphe en disant: Pourquoi le fait-on? Parce que les autres le font.
Chaque fois, vous reveniez avec ça. Donc, ce que vous nous dites, c'est
que c'est devenu la façon de fonctionner dans l'industrie. C'est
ça, la démonstration. Vous dites: On aimerait ne pas le faire,
mais on n'a pas le choix, il faut le faire. On entend des travailleurs, qui
sont des employés de vos membres, à qui on propose des formules
semblables: Tu vas être en chômage, puis je vais te faire
travailler et te payer en dessous de la table. On se fait expliquer: Si on
n'accepte pas ces conditions-là de notre employeur, on ne travaillera
pas. Vous autres, les entrepreneurs, on vous entend nous dire: Si je veux
garder un lien avec mes employés habituels, si je veux être
certain que, lorsque mes chantiers repartiront au printemps, je vais pouvoir
compter sur mes hommes clés, mes habituels, les gens, il faut que je les
traite comme ça. Donc, j'ai l'impression qu'il y a du monde qui dit vrai
des deux côtés. Mais le résultat de ça fait - et
c'est ce que vous décrivez là-dedans - que c'est devenu la
façon de fonctionner dans cette industrie-là. C'est ce que
titrait le journal La Presse ce matin: La fraude est
érigée en système.
Dans le fond, les trois jours qu'on a - et c'est le deuxième
aujourd'hui - nous indiquent que si, comme collectivité, on n'est pas
capable de faire le point d'arrêt là-dessus et de se regarder
fonctionner, on reviendra dans quelques années encore se reparler d'une
détérioration. En 1974-1975, la commission Cliche parlait du
travail au noir - bon, ça s'appelait l'artisan et tout ça - comme
d'un problème dans l'industrie.
La commission Picard-Sexton en parle comme d'un fléau, puis vous
autres, un des termes que vous utilisez, c'est la «gangrène»
qui est dans le système. C'est ça? Donc, moi, je trouve que, un,
vous avez tenu parole, vous proposez des choses et vous avez le courage de
faire la liste des façons de fonctionner.
Là, je reviens au but premier de la commission parlementaire qui
est l'autonome. Certains ont proposé qu'un entrepreneur qui, durant une
bonne partie de l'année - dont les livres pourraient être
vérifiés - en a eu, des employés, à un moment
donné dans son année, mais qui, à cause d'une
période creuse, à cause qu'il a soumissionné et qu'il
attend pour savoir s'il va les avoir, les jobs, ou pas - au moment où il
a des appels et où il doit, lui, gagner sa vie comme individu, lui, on
pourrait l'identifier comme n'étant pas un autonome dans le sens
d'autonome. Ce qu'on veut donner comme sens à l'autonome, c'est celui
qui dit: Moi, je travaille seul, je ne veux travailler pour personne. Je veux
que personne ne travaille pour moi, ni maintenant, ni plus tard, ni jamais.
Moi, j'ai choisi d'être tout seul.
Par contre, quand on vous écoute, vous dites: La plupart de nos
entrepreneurs ont d'abord débuté seuls, ont eu des
employés. Périodiquement, ils se retrouvent seuls,
réembauchent des employés et très souvent finissent leur
carrière seuls. C'est ce que vous dites. Donc, sur cette
description-là d'ouverture, que les heures enregistrées
pourraient être permises pour finir des travaux - d'autres veulent la
qualifier autrement - j'aimerais vous entendre, s'il vous plaît.
Le Président (M. Gauvin): M. Brown.
M. Brown: O.K., M. le ministre. De cette façon-là,
les entrepreneurs autonomes, d'après votre projet de loi, seraient
confinés à certains travaux; avec ce que vous me proposez
là, voici ce qui pourrait arriver. C'est que les entrepreneurs
autonomes, à ce moment-là, vont tous se déclarer comme
employeurs et ils vont s'organiser pour, même sans faire travailler un
salarié, enregistrer un salarié, tout simplement, à la
CCQ, même s'il est payé pour 40 heures dans les livres; on lui
donne son chèque, bonjour la visite. À ce moment-là, ces
personnes-là vont être considérées comme des
employeurs et vont pouvoir travailler dans tous les champs d'activité de
l'industrie de la construction. C'est ce que vous me proposez.
Nous, ce qu'on dit, c'est: Laissez les entrepreneurs autonomes et qu'ils
travaillent aussi dans tous les champs d'activité sans être
obligés de biaiser le système en déclarant simplement
quelques heures au niveau de la CCQ. Parce que, là, à quel moment
va-t-on arrêter ça, les personnes qui travaillent sur les
chantiers de construction, avec salariés ou pas? À ce moment-
là, on va dire: Maintenant, tu n'as plus de salariés, dû
à la récession. Ça va durer combien de temps, ça? 6
mois, 2 mois, 20 mois? On n'a aucune idée là-dessus.
Alors, à ce moment-là, on dit tout simplement: Laissez
l'entrepreneur autonome travailler librement sur les chantiers de construction,
en autant qu'il travaille seul et dans toutes les sphères
d'activité. Mais qu'il travaille seul, par exemple! S'assurer qu'il
travaille seul, qu'il n'y ait pas de joint venture entre les entrepreneurs
autonomes. Qu'il soit complètement seul. Là-dessus, on est
très à l'aise. Mais ce que vous me proposez là, ça
serait très facile à contourner.
M. Cherry: Évidemment, là, je n'ai pas parlé
d'une période de 40 heures. Ça ne serait pas 40 heures aux livres
dans une année qui justifieraient que je sois un entrepreneur.
M. Brown: Oui, mais de quelle façon? Il faudrait avoir un
employé pour combien d'heures durant l'année pour être
déclaré employeur de la construction?
M. Cherry: O.K. Est-ce qu'une piste comme celle-là, avec
des heures acceptables, ni 40 heures, ni 1000... Ce n'est pas ça dont on
parte, parce que 1000, c'est presque une année complète dans
l'industrie.
M. Brown: Oui, mais ce que je trouve dangereux là-dedans,
c'est que vous voulez essayer de me faire admettre qu'à ce
moment-là on pourrait régler le champ d'activité de
l'entrepreneur autonome. Là, je n'embarque pas. Vous me comprenez?
M. Cherry: C'est ça, le but. Explique, vas-y.
M. Brown: Mais, justement, c'est que, nous, on prône que
l'entrepreneur autonome, sa capacité physique de travailler est
limitée. Un entrepreneur qui travaille depuis 15 ans ou 16 ans, à
l'heure actuelle, il s'est formé une clientèle dans toutes les
sphères d'activité, tant industrielle, que commerciale, ou
résidentielle. Et, du jour au lendemain, on va dire: Vous êtes
confiné strictement au secteur résidentiel ou dans la
rénovation, réparation du côté commercial ou
industrie légère. À ce moment-là, on limite trop le
champ d'activité de ces entrepreneurs-là. Surtout dans les
régions éloignées, ces personnes-là ne pourront
plus gagner justement leur vie. C'est ça qu'on reproche: de faire le
lien pour que l'entrepreneur autonome soit limité dans le champ.
M. Gosselin: Je vais juste essayer de resituer le contexte parce
que, moi aussi, je veux bien saisir ce que M. le ministre a voulu nous dire.
Dans toute l'étude qui nous a amenés ici
aujourd'hui à présenter le mémoire, on s'est quand
même penchés sur le problème quelques fois. Et, moi pour
un, je rappelle à ceux qui n'étaient pas là à la
dernière commission parlementaire, lors de la loi 186, que je suis
entrepreneur électricien depuis 1974 et que je n'ai jamais
été un entrepreneur autonome. Donc, si je défends
l'entrepreneur autonome, je le défends pour une raison bien simple. Je
le défends pour le droit au travail au Québec, pour une
compétence donnée sur un chantier de construction. Et j'ai
compris, peut-être à l'étude de toutes ces
choses-là, que ce n'est pas en empêchant quelqu'un de travailler
qu'on va régler le problème du travail au noir.
Je ne vous dirai pas que ça ne nous fait pas mal, le travail au
noir. Tout le monde dans l'industrie le décrie, le travail au noir. Mais
faire du travail adéquatement pour satisfaire son client au meilleur
coût possible, c'est ça qu'on cherche. Si on cherche ça,
«c'est-u» parce qu'une personne, qui a été
salariée pendant 10 ans, qui avait un paquet de compétences et
qui faisait de l'entretien industriel, décide demain matin de partir
à son compte et de continuer à travailler seule dans le domaine
industriel qu'elle ne sera plus bonne parce qu'elle va être entrepreneur
autonome?
Est-ce que c'est comme ça qu'on va contrôler le travail au
noir? Est-ce que cet individu-là ne continuera pas à desservir
son client, même s'il n'a pas de carte? Je ne pense pas que ça se
fasse. Moi, je ne crois pas à ça, personnellement. Et
l'entrepreneur autonome confiné à certains travaux, c'est pour le
moins, dans ma tête, inacceptable. S'il est compétent quand il est
salarié, il est compétent quand il est entrepreneur autonome,
pour faire les mêmes travaux.
C'est ce que je voulais préciser et je voudrais peut-être
ajouter... Si je comprends bien M. Cherry dans ce qu'il disait tantôt,
les normes ne sont pas établies. Autrement dit, on pourrait
peut-être vous donner 500 heures par année; à ce
moment-là, ça ne serait plus un autonome. Dans ma tête,
quand il a parlé, j'ai pensé à une heure par année.
Jean-Guy a parlé de 40 heures. Il a dit: Non, ce n'est pas ça.
J'aimerais peut-être savoir c'est quoi, sa limite, aussi, parce que c'est
un petit peu ridicule, à un moment donné, de mettre des
paramètres de ce genre-là pour réglementer quelque
chose.
Le but d'enlever l'entrepreneur autonome, il ne faut pas oublier qu'on
ne peut pas le délier de l'ensemble du travail au noir qui se passe dans
la province de Québec. Je pense que beaucoup d'intervenants nous ont
rapporté le fait qu'en saprant l'entrepreneur autonome dans des travaux
bien encadrés, on réglerait le problème du travail au
noir. Vous avez vu qu'on a voulu démontrer que le travail au noir, il se
passait sur une plus grande échelle que celle de l'entrepreneur
autonome.
On n'a peut-être pas la solution tout indiquée, nous non
plus, mais ce qu'on représente, c'est que ça ne réglera
rien. C'est que les gens qui veulent travailler vont travailler. Tu ne peux pas
avoir une police pour un entrepreneur autonome si on en dénombre 10 000.
Ça va en prendre de la police, tantôt, à la CCQ! Ça
fait que je ne comprends pas, M. le ministre. Peut-être que vous pourrez
élaborer sur la politique que vous avez voulu présenter à
Jean-Guy. Moi, je n'ai pas compris ce que vous vouliez nous
présenter.
M. Cherry: Ce que j'ai voulu dire, c'est que d'autres
intervenants qui vous ont précédés ont
suggéré que, ça, ça pourrait être une
façon d'ouvrir qu'un entrepreneur qui, durant l'année, a des
salariés mais qui peut avoir une période creuse... Certains ont
soulevé que ça pourrait être pour finir des travaux.
D'autres ont dit: S'il peut nous prouver que, dans ses livres, durant
l'année, il en a embauché, des gens. Mais personne n'a
exigé la précision que vous exigez de ma part. Je veux juste
savoir, au niveau de la notion de base... On a compris, je pense, qu'une heure
ou 40 heures, ça ne rejoindrait pas notre objectif, mais y a-t-il une
façon logique, appréciable, normale: dans une année, dans
les 12 mois précédents - je veux vous entendre là-dessus
-ou si, vous autres, vous dites: On est fermés à ça,
là, ceux qui vous ont proposé ça, ça n'a pas
d'allure; nous autres, ce n'est pas ça qu'on vous dit de faire?
M. Guilbault: M. Cherry, on est fermés à ça.
Carrément! Un entrepreneur, c'est un entrepreneur. Il a le droit
d'effectuer des travaux exactement comme un salarié compétent
doit et peut le faire. Un salarié qui est compétent, on ne lui
dit pas: Bien, 200 heures par année, tu vas travailler dans le
résidentiel et, le reste du temps, tu peux travailler dans le
commercial. Comme on le dit dans notre mémoire, ça serait un
véritable tollé, une levée de boucliers de même
penser que le salarié qui est compétent puisse être soumis,
réglementé juste dans un secteur donné. Donc, on est tout
à fait fermés à ça, sur le droit d'un entrepreneur
d'effectuer des travaux où que ce soit.
Mais vous pouvez vous poser la question: Comment, comme organisation,
avons-nous pu présenter un mémoire de cette nature-là
quand, dans notre organisation, il y a des employeurs qui sont... En fait,
parmi les 100 plus gros entrepreneurs de la province, on en a 20 qui sont en
électricité. Ils sont membres chez nous. On a toutes sortes
d'employeurs qui sont membres chez nous. On a un paquet d'entrepreneurs
autonomes. On en a un autre paquet, encore plus nombreux, qui travaillent seuls
de temps en temps, qui travaillent avec des salariés de temps en temps.
On présente un mémoire qui, chez nous, a fait un consensus parce
que les employeurs - et tout le monde va vous le dire -
sont particulièrement écoeurés de voir certains
entrepreneurs autonomes se présenter dans ce qu'ils considèrent
leur champ d'activité, c'est-à-dire la construction, en trichant,
c'est-à-dire en embauchant des beaux-frères - j'allais dire des
belles-soeurs, mais ce n'est pas la place ici -des cousins, etc., pour
effectuer des travaux sans déclarer des heures. Effectivement, ça
suscite beaucoup d'animosité. Mais l'entrepreneur autonome, lui, y n'est
pas plus de bonne humeur parce que, dans sa sphère d'activité, il
en veut à des salariés en chômage et il en veut à
des salariés qui possèdent des cartes de compétence de
travailler au noir quand, lui, est obligé de se soumettre à une
foule de réglementations pour pouvoir travailler comme entrepreneur bon
citoyen.
Comment on a réussi à marier tout ça? Ce n'est pas
simple et c'est ça, la problématique. Je pense qu'on a, en
discutant, réussi à faire comprendre à beaucoup
d'entrepreneurs que. si tu es entrepreneur autonome et que tu travailles seul,
tu dois accepter les contraintes de travailler seul. Et, si tu es employeur,
bien, s'il y a des travaux qui exigent l'embauche de salariés, tu dois
embaucher des salariés. C'est ça, la problématique. (16 h
45)
Qu'est-ce qu'on a fait? Imaginez qu'on vous propose clairement
d'encadrer l'entrepreneur autonome. On ne passe pas à côté
du problème. Il y en a beaucoup, d'entrepreneurs autonomes qui sont ici,
qui acceptent ce fait-là parce que tout le monde est
écoeuré du travail au noir. Ce qui fait qu'on va aussi loin que
de dire que l'entrepreneur autonome doit être soumis à des
obligations plus strictes qu'à l'heure actuelle. On va aussi loin que de
proposer que «toute fusion, regroupement ou lien de toutes sortes entre
entrepreneurs autonomes d'un même métier, sur un même
chantier de construction, soient interdits». On va aussi loin que de dire
que l'entrepreneur général, sur un chantier donné, doit
fournir à la CCQ «la liste de tous ses sous-traitants et de leurs
salariés, et qu'il précise l'envergure du contrat», pour
s'assurer que, sur des gros chantiers de construction, il n'y ait pas
d'entrepreneurs autonomes qui ne sont pas en mesure d'effectuer des travaux
seuls. On va loin!
On recommande aussi, concernant la capacité de payer du client,
que, finalement, étant donné que cette capacité-là
est différente d'un client à l'autre, on aille aussi proposer des
mesures fiscales pour empêcher le client... C'est normal. Moi, chez nous,
je ne m'en cache pas, si j'ai le choix entre un gars à 30 $ l'heure et
un gars à 15 $ l'heure, je ne suis pas fou, je vais prendre le gars
à 15 $ l'heure, et tout le monde le fait. Tout ce qu'on fait? On fait
juste dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Et on est
allés aussi loin quo do vous proposor tout ça. On est
allés, pas mal loin. Mais jamais on ne va accepter que l'entrepreneur
autonome soit restreint à certains travaux particuliers; ce n'est pas
comme ça que ça se passe dans la réalité. Est-ce
que j'ai été clair, M. Cherry?
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais rappeler à
l'auditoire qu'il est norrnalement interdit de manifester de quelque
façon que ce soit. Je vous demande votre collaboration. Merci.
M. Cherry: C'est la même clientèle, c'est le
même intervenant, le même échange. Au lieu de
décembre, c'est février. Donc, le timing était bon.
M. Guilbault: II y en a d'autres qui se sont ajoutés.
M. Cherry: Le timing était bon. Je vais juste
enchaîner. Vous avez 3000 membres, environ, dont 1400 que vous
décrivez comme des autonomes. Les 1400 que vous décrivez comme
autonomes, est-ce qu'ils sont autonomes, selon vous, 12 mois sur 12 ou est-ce
que ça décrit ce que je disais tantôt: il y a des parties
de l'année où ils ont un ou des salariés et d'autres
parties de l'année où, n'ayant pas d'ouvrage, ils travaillent
seuls? Est-ce que tous ceux que je viens de décrire, vous les
comptabilisez dans les 1400 ou est-ce que les 1400. de vos 3000 membres sont
des gens qui, 12 mois sur 12, travaillent tout le temps seuls?
M. Brown: On a fait un sondage et, selon le sondage qu'on a
envoyé à tous nos membres - et on a les réponses presque
complètes - à l'heure actuelle on en a 917 qui n'ont eu aucun
employé lors de la dernière année qui s'échelonne
du 31 août 1990 au 31 août 1991. Et là-dessus, un gros
pourcentage - c'est tout près de 85 % - ont eu des salariés
à temps partiel ou moins de 5 salariés. J'ai ça ici. Nous
avons 92 % de nos membres qui travaillent sur les chantiers de construction,
qu'ils aient des salariés ou pas.
M. Gosselin: Peu importe le secteur.
M. Brown: Peu importe le secteur d'activité.
M. Cherry: Immeuble ou...
M. Gosselin: Résidentiel, commercial...
M. Brown: Résidentiel, commercial ou industriel, ça
n'a pas d'importance. On a 92 % de notre «membership», à
l'heure actuelle, qui travaillent dans toutes les sphères
d'activité de la construction. Et des entrepreneurs autonomes... Si on
peut les qualifier d'autonomes parce qu'on doit faire une distinction avec ce
que l'APCHQ a dit tantôt. On les considère comme autonomes parce
qu'ils n'ont aucune heure de déclarée a la CCQ. Alors qu'est-ce
qu'ils ont fait en 1998? IIs se sont incorporés pour être capables
de con-
tinuer à travailler et maintenir un prix bas au niveau
résidentiel ou pour les petites entreprises. C'est ça qui s'est
produit. Si ça avait été fait complètement avec des
syndiqués, c'est possible qu'à ce moment-là la
compétitivité aurait été différente et les
prix auraient augmenté. Mais il y en a 917 qui n'ont aucune heure de
déclarée.
M. Cherry: Donc, contrairement à l'autre corporation qui
vous a précédés hier, qui nous a affirmé que le
fait d'utiliser les autonomes, ça n'avait rien à voir dans la
diminution des prix, vous autres, vous reconnaissez, comme l'a fait l'APCHQ
tantôt, que l'objectif de faire ça, un des objectifs, entre
autres, c'est la diminution des coûts. Hier - vous n'y étiez pas,
mais ceux qui y étaient l'ont entendu - on s'est fait expliquer par la
corporation des maîtres tuyau-teurs que le fait d'utiliser un autonome,
ça ne voulait pas dire que ça coûtait moins cher parce que,
finalement, il devait charger un prix qui devait tenir compte de l'ensemble des
bénéfices.
Le Président (M. Gauvin): M. Guilbault.
M. Guilbault: Écoutez, un patron qui travaille seul va
toujours avoir une certaine liberté dans le prix qu'il fixe. Et du fait
qu'il travaille seul ou qu'il travaille lui-même sur un chantier, c'est
sûr que les prix peuvent varier à la baisse,
définitivement. C'est ça, d'ailleurs, dans bien des cas, qui
permet à l'offre de s'ajuster à la demande.
M. Gosselin: Juste pour renchérir, pour remettre les
choses à leur place, je n'ai pas aimé tellement, M. le ministre,
votre terme d'«objec-tif» parce que ce n'est pas un objectif de
baisser les prix. L'objectif visé en maintenant l'entrepreneur autonome,
c'est le droit au travail pour quelqu'un de compétent dans la province
de Québec. C'est ça, l'objectif. S'il est salarié et qu'il
est compétent, c'est parfait. S'il est entrepreneur autonome et qu'il
est compétent, c'est encore parfait. C'est dans ce sens-là. Et au
niveau des prix, qu'on travaille avec des salariés ou pas... Moi, je
travaille avec des salariés. Je soumissionne sur des projets. On est 12
entrepreneurs électriciens et les prix peuvent varier, pour un
même projet, entre 100 000 $ et 200 000 $, et c'est fait avec des
salariés. C'est une question, je pense, de libre entreprise. C'est une
question de compétitivité. J'ai de la misère à le
dire. C'est aussi une question de fait. C'est dans les faits. C'est comme
ça que ça se passe.
Si un gars décide de travailler à 35 $ l'heure parce qu'il
est autonome, tu ne peux pas l'en empêcher. On est dans la libre
entreprise. S'il décide de travailler à 25 $ l'heure, il serait
mieux d'aller travailler pour quelqu'un, mais, s'il décide de le faire,
c'est encore son choix; à moins qu'on décide qu'au Québec
les entrepre- neurs électriciens, à partir de demain matin, sont
régis par une loi, puis que ça doit être 45 $ l'heure.
Même, moi, qui emploie des salariés, j'ai des problèmes de
compétitivité avec d'autres gens qui emploient des
salariés, qui chargent moins cher. Je pense que c'est peut-être
déplacer le problème de ramener ça, pour une
uniformité, à ce qui se passe aussi dans le secteur des
entrepreneurs autonomes. Moi, je ne crois pas à ça. C'est un
système capitaliste. On est dans un système capitaliste. On est
là pour essayer de faire de l'argent. C'est ce qu'on essaie et c'est ce
à quoi on tend. Ces années-ci, on a un peu de difficultés
et je pense que le travail au noir nous cause à tous des
problèmes. Il faut peut-être trouver des façons de le
régler. Moi, en tout cas, je pense que la mesure fiscale qui est
proposée à l'intérieur de notre mémoire devrait
être analysée de façon très sérieuse pour,
peut-être, mettre le doigt un petit peu plus sur le bobo.
Le Président (M. Gauvin): M. Brown, vous voulez
ajouter?
M. Brown: Vous avez des entrepreneurs autonomes qui chargent un
prix légèrement inférieur à celui des entrepreneurs
qui ont des salariés. Par contre, vous avez aussi l'inverse. Vous avez
des entrepreneurs autonomes qui se sont spécialisés dans un
domaine très précis et qui chargent plus cher que les
entrepreneurs normaux dans la province de Québec. Alors, ça
dépend de leur champ d'activité. Ça dépend de
quelle façon ils sont professionnels. Si un entrepreneur décide
que, lui, avec 800 $ par semaine - il est tout seul, il rend un service
à la population - il en a assez pour vivre, on dit, entre guillemets:
C'est son affaire. Il est en business, il est là pour faire de l'argent.
S'il veut s'organiser pour changer quatre trente-sous pour une piastre,
ça, c'est son problème, mais on sait bien qu'au bout de
l'année l'entrepreneur autonome réussit peut-être à
faire environ 1500 heures au maximum dans l'industrie de la construction.
Alors, ce n'est pas lui qui mange le plus d'heures au niveau du travail.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Finalement, à l'exception des 20 plus gros de
vos membres qui sont parmi les plus gros entrepreneurs au Québec, la
majorité de vos membres sont des gens qui ont un ou deux salariés
- c'est ça, là? - puis il y en a 1400 qui n'en ont pas. Si on
fait des règles du jeu qui sont différentes dans le même
champ d'activité pour celui qui est autonome par rapport à celui
qui en a un, salarié, ou deux, qui, lui, va charger les prix du
Décret - et ça doit se faire comme ça - est-ce que,
finalement, on ne place pas celui qui en a un ou deux dans une forme de
compétition un petit peu illégale par rapport aux
possibilités qu'a l'autre? Est-ce qu'on n'encourage pas ces
gens-là à se débarrasser d'un ou deux salariés
qu'ils ont et à devenir, eux autres aussi, des autonomes pour avoir une
plus grande flexibilité? Là, c'est vous autres, les experts
là-dedans, dans votre champ quotidien. Est-ce que vous ne placez pas une
partie de vos membres dans une forme de compétition un peu
déloyale par rapport à celui qui en a un ou deux? Il n'est pas
gros, lui non plus, mais il était là tout seul il n'y a pas
longtemps. Là, it a réussi à se monter une business pour
en avoir un ou deux. Là, si on élargit le champ de celui qui est
tout seul tout le temps, est-ce qu'on ne lui donne pas le signal, à lui:
au lieu de te grossir, fais comme les autres? Finalement, si je pousse mon
raisonnement plus loin, est-ce qu'on n'est pas en train de dire que presque
tous ceux qui sont actifs dans la construction au Québec, s'ils
étaient tous autonomes, on réglerait tout le problème? En
tout cas, je veux vous entendre là-dessus. Ce sont vos membres qui sont
en compétition, il me semble, ici.
Le Président (M. Gauvin): M. Auger.
M. Auger: M. le ministre, je vais vous répondre. La grande
majorité de nos membres, évidemment, un certain pourcentage ont
quelques employés, un autre pourcentage n'en a pas du tout, et on a dit
qu'on avait 20 %, à peu près, des plus gros employeurs dans la
province de Québec comme entrepreneurs électriciens. Alors, la
grande majorité, ce sont de très petites entreprises et il faut
prendre en considération qu'un entrepreneur est toujours limité
par sa capacité de travailler. Un entrepreneur autonome n'a pas la
capacité d'un entrepreneur qui a deux ou trois employés. Il me
semble que c'est clair, ça.
Alors, je pense que le choix qui a été fait dans le cas
d'un entrepreneur autonome, c'est lorsqu'il commence en affaires, règle
générale, et ça peut arriver quelquefois dans le cours de
sa carrière qu'il est obligé de redevenir seul à cause des
circonstances ou sur une fin de carrière. Alors, c'est le portrait qu'on
voit le plus. Écoutez, moi, ça fait 31 ans que je suis là,
que je suis entrepreneur, et c'est ce qu'on a pu constater dans ce laps de
temps. J'ai aussi eu l'avantage de siéger à la Régie des
entreprises de construction du Québec et j'ai vu aussi, pendant
plusieurs années, que tous les entrepreneurs qui veulent devenir
entrepreneurs commencent seuls ou à peu près. Donc,
écoutez, c'est une coutume qui est établie, c'est ce qui existe
présentement dans le domaine de la construction. Pourquoi on essaie de
trouver des lois, on essaie de trouver des mécanismes pour briser
ça?
Écoutez, je pense qu'on se casse la tête pour rien. Qu'on
donne le droit au travail à ces entrepreneurs, peu importe leur
capacité ou leur statut, et qu'on organise le système pour les
surveiller adéquatement. Que ces entrepreneurs-là soient
dûment inscrits à la CCQ, comme on l'a dit tantôt, et qu'on
ait un droit de surveillance. À ce moment-là, je pense qu'on
évite complètement les problèmes. On essaie de s'en
créer des problèmes, tout simplement.
M. Lavergne: Je pourrais juste, finalement, renchérir ou
peut-être répondre à votre question parce que vous avez
laissé sous-entendre qu'on veut élargir le champ
d'activité. On ne veut pas l'élargir, le champ d'activité.
Ce qu'on veut faire, finalement, c'est encadrer le champ d'activité qui
existe parce que, aujourd'hui, l'entrepreneur autonome peut faire ces travaux
de construction neuve. Alors, on ne veut pas l'élargir. On ne demande
pas de l'élargir comme tel, mais, par contre, d'avoir un encadrement et
de continuer à lui permettre d'effectuer ces travaux-là. La loi
185 veut l'empêcher.
Le Président (M- Gauvin): Merci, M. Lavergne.
M. Cherry: Juste en terminant...
Le Président (M. Gauvin): Un bref commentaire, oui.
M. Cherry: ...je sais que votre mémoire d'aujourd'hui
répond à quelque chose qui est un irritant majeur. Vous vous
prononcez contre le fait que, sur un même chantier, à
l'intérieur du même métier, plutôt qu'il y ait un
entrepreneur et des salariés, on n'y regroupe que des autonomes.
M. Lavergne: C'est exact. C'est clair, net et précis.
M. Cherry: Vous vous prononcez contre ça. M. Lavergne:
Oui.
M. Cherry: S'il y a de l'ouvrage plus que pour un, il doit
devenir un entrepreneur avec des salariés. Pas question, comme ça
a été décrit, de regroupements d'autonomes pour
exécuter des travaux sur un chantier, avec le résultat que les
salariés qui pourraient faire ça, eux autres, se voient exclus
totalement. Là-dessus, vous prenez position contre ça.
M. Lavergne: C'est clair dans le mémoire.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Je
reconnais Mme la députée de Chi-coutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président M
Brown, messieurs, bonjour et bienvenue. J'ai lu avec beaucoup
d'intérêt votre mémoire. C'est un des mémoires qui
m'ont plu et j'explique tout de
suite pourquoi. Parce qu'il nous a permis de bien camper les
différentes facettes du travail au noir et de bien clarifier la
situation. Je l'ai dit, je trouvais extrêmement agaçant qu'on
finisse par nous dire que c'étaient 10 000 travailleurs ou entrepreneurs
autonomes qui réalisaient 100 % du travail au noir. Je dois vous dire
que ça m'irritait. Alors, vous avez expliqué les
différentes formes que prenait le travail au noir et vous manifestez,
comme nous, un intérêt concret pour viser à réduire
le travail au noir par des propositions concrètes. Je trouve ça
intéressant.
Ce que je trouve intéressant également, c'est que,
contrairement à ce qu'on avait entendu, vous êtes en train de nous
dire - et ça me plaît parce que j'aime bien que les choses soient
claires: Ça n'a pas comme objectif de baisser les coûts dans la
construction. Simplement, en vertu des droits et libertés, on pense que
quelqu'un a le droit de partir une entreprise. C'est un droit individuel et
c'est ce principe qu'on met de l'avant. Ce n'est pas supposément ou
artificiellement pour invoquer le fait que ça va réduire les
coûts de la construction. Au moins, ça, c'est clair et je pense
que vous ne tombez pas dans le piège d'autres qui prétendent que
ça a un effet à la baisse alors que c'est difficilement
mesurable. Ça me plaît bien et je pense que vous posez bien la
question.
À présent, j'aimerais poser une question. Je ne l'ai pas
demandé aux autres et je me suis toujours dit qu'il faudrait que je la
pose, et, finalement, ça passe toujours vite. Quand la loi 31 a
été adoptée, est-ce qu'il n'était pas clair pour
vous que tout le secteur de la construction neuve était exclu du champ
d'activité des entrepreneurs autonomes? Est-ce que ce n'était pas
clair à ce moment-là? (17 heures)
M. Gosselin: Je vais peut-être vous répondre. C'est
qu'en 1988, quand la loi 31 a été adoptée, la Corporation
des maîtres électriciens du Québec a sursauté et a
pris position très rapidement pour dire: L'entrepreneur
électricien au Québec va travailler. Il y a un trou qui
était dans la loi et on a profité du trou, mais ça ne nous
satisfaisait absolument pas. C'était de brimer des droits. On nous a
toujours dit que c'était une logique imperturbable, en présentant
la loi 185, de boucher le trou de la 31. Moi, je m'inscris en faux contre
ça parce qu'à l'époque je venais d'accéder à
la présidence de la Corporation des maîtres électriciens et
la position de l'exécutif était claire: défendre le droit
au travail de tout entrepreneur électricien dûment qualifié
au Québec, qu'il soit autonome ou non.
Mme Blackburn: O.K. Ce que vous nous dites, c'est que la loi 31
ne faisait pas votre affaire et, évidemment, le projet de loi 185 vient
rendre la situation conforme à ce qu'avait prévu la loi 31;
évidemment, vous la dénoncez. Ça va. C'est parce que
c'était resté un peu vague pour moi.
Pour évaluer ce que ça peut donner - c'est pour les
membres de la commission aussi et moi sans doute parce que je suis plutôt
nouvelle dans le dossier - comment ça a évolué le nombre
d'entrepreneurs autonomes depuis... Est-ce qu'on a des tableaux? Vous,
j'imagine, comme association, vous en avez certainement. Est-ce que la loi 31
les a fait augmenter, diminuer? C'est quoi l'évolution?
M. Guilbault: On n'a pas de données précises, pour
répondre précisément à votre question. Ce qu'on
sait peut-être un peu par déduction, c'est que le nombre
d'entrepreneurs électriciens au cours des deux, trois dernières
années a diminué. Il y a eu une diminution du nombre.
Mme Blackburn: A diminué?
M. Guilbault: II a diminué. Quant au nombre
d'entrepreneurs autonomes, c'est difficile de le dire, il nous semble que c'est
resté passablement stable dans le sens où les entrepreneurs
autonomes, peu importent les régions du Québec - je vais prendre
l'exemple de Rivière-au-Renard, semble-t-il, c'est un endroit populaire
- semble-t-il que ça répond à un besoin quelque part. Que
ce soit en Gaspésie, que ce soit dans l'Outaouais dans le comté
de Gatineau ou un peu partout, semble-t-il que ça répond à
un besoin. Il y a des gens qui répondent à des besoins de la
population. C'est comme si on avait atteint une certaine limite du nombre
d'entrepreneurs autonomes et une certaine limite aussi du nombre
d'entrepreneurs électriciens, compte tenu de la capacité
d'absorption. S'il y en avait d'autres, ils crèveraient. Alors,
ça finit par se limiter à un certain nombre.
Mme Blackburn: Donc, ce n'est pas parce qu'on ouvre la loi, selon
vous, et qu'on finirait par fermer les yeux sur la loi 31 qui permet le
système qu'on connaît, que ça aurait comme effet
d'augmenter le nombre d'entrepreneurs autonomes.
M. Guilbault: Ah non! Écoutez, la loi 185, telle qu'elle
est rédigée là, c'est sûr que c'est une catastrophe.
Ceux qui ont rédigé ça...
Mme Blackburn: Là, il va diminuer, mais je parle de la
situation actuelle.
M. Guilbault: Par rapport à?
Mme Blackburn: Si la situation actuelle de la loi 31 était
maintenue, vous dites: Ça n'a pas eu comme effet...
M. Guilbault: Ah bien! C'est un moindre mal. On n'était
pas très heureux, mais c'est un
moindre mal. La capacité d'agir dans les champs d'activité
n'est pas affectée. La CCQ, ils admettent carrément qu'ils ne
sont pas capables de poursuivre, à notre grand bonheur.
Mme Blackburn: Non, non, ça n'a pas de bon sens.
M. Guilbautt: La situation demeurerait la même et ce serait
correct.
Mme Blackburn: Ce qui m'étonne quand même, c'est
qu'avec la loi 31 on n'a pas vraiment - je me le rappelle, parce que
j'étais en Chambre et que j'ai suivi un peu les débats -senti une
levée de boucliers, telle qu'on la sent actuellement sur 185, venant de
votre part.
M. Guilbault: La première fois, c'est qu'on n'a pas eu le
temps.
Mme Blackburn: Ah! O.K.
M. Guilbault: Ça s'est fait tellement rapidement. Vous
savez, il y a des choses, des fois, qui arrivent vite, on n'a pas le temps de
réagir. Tout ce qu'on a à faire, c'est lire la loi après
et l'interpréter comme tout le monde, et c'est retombé dans
l'oubli avec le trou qu'il y avait là, et tout le monde s'en est
accommodé. Comme on dit dans notre mémoire, dans l'industrie de
la construction, ça ne triche pas, ça s'adapte.
Une voix: Nous autres aussi. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Ça, c'est comme pour les cigarettes.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Pour revenir à Rivière-au-
Renard, j'inviterais le ministre, un jour, à faire le tour de la
Gaspésie, ce qui est un vrai beau périple et c'est une
façon aussi...
M. Guilbault: II y a des entrepreneurs autonomes, là.
M. Cherry: J'arrive de Rimouski.
Mme Blackburn: Bien, ce n'est pas la Gaspésie, ça.
Alors, n'allez pas dire à Rivière-au-Renard que vous avez vu
Rivière-au-Renard en allant à Rimouski.
Je vais revenir à vos propositions qui sont intéressantes
pour un certain nombre d'entre elles. Vous dites: II faut maintenir le statut
d'entrepreneur autonome et vous dites: II doit être soumis à dos
obligations plus strictes. Et une des premières propositions: «quo
toute fusion, regroupement ou lien de toutes sortes entre entrepreneurs
autonomes d'un même métier, sur un même chantier de
construction, soient interdits». Mais là, vous dites: «D'un
même métier». Ça veut donc dire qu'on pourrait, comme
entrepreneurs autonomes - moi. je m en irais probablement dans la
décoration - réunir 7. 8, 9 10 spécialités, puis
construire toute une maison. Je reviens à ça parce qu'il me
semble que c'est faisable. Parce que vous dites bien: «D'un même
métier». Le problème pourrait naître du fait qu'on
réunit plusieurs métiers différents. Oui?
M. Brown: À ce moment-là, nous autres, on n'a pas
de mal avec cette position-là. Vous avez un entrepreneur en plomberie,
vous avez un entrepreneur électricien, vous avez un tireur de joints,
vous avez un peintre, vous avez un cimentier applicateur; c'est des personnes
qui, à ce moment-là, vont arriver sur un même chantier de
construction pour faire une résidence. Effectivement, oui, on serait
d'accord avec ça, mais pas qu'il y ait deux entrepreneurs autonomes,
comme deux électriciens ou deux plombiers, qui ont chacun leur
entité, leur entreprise, pour aller travailler sur un même
chantier. À ça. on dit: Non, on n'est pas d'accord avec
ça, parce que ça fait, premièrement, une
compétition déloyale face à ceux-là qui ont des
salariés. Pour répondre à la question de M. le ministre
tantôt, c'est que je l'ai expérimenté personnellement;
lorsque j'avais deux électriciens et deux apprentis, c'était plus
payant que lorsque je suis un entrepreneur autonome occasionnellement avec un
salarié électricien. Ça, je peux vous dire ça.
Ça ne veut pas dire que parce qu'une personne a des employés elle
ne devient pas compétitive face a l'entrepreneur autonome.
Mme Blackburn: À votre quatrième recommandation,
vous dites: «Que l'entrepreneur général, sur un chantier
donné, fournisse à la Commission de la construction du
Québec la liste de tous ses sous-traitants et de leurs salariés
et qu'il précise l'envergure du contrat». Comme on sait que les
entrepreneurs autonomes ne sont pas soumis au Décret, je veux dire, quel
serait l'intérêt de communiquer ça à la Commission
de la construction dans le cas où il est sous-traitant pour un
entrepreneur général?
M. Guilbault: Mais vous comprendrez que ces
recommandations-là, c'est des déclarations de principe.
Mme Blackburn: D'accord.
M. Guilbault: C'est d'abord ce qu'il faut retenir.
Premièrement, quand vous parlez de fusion comme tout à l'heure,
c'est évident que. pour certains métiers, il peut y avoir des
accommodements L'industrie de la construction n'est quand même pas
à tel point homogène que cette règle-là... Ce que
vous devez comprendre, c'est
que, nous, on est contre la fusion d'entrepreneurs autonomes pour
tenter, comme moyen, de voler du travail à un employeur qui a des
salariés. C'est ça le principe qu'il faut retenir. Et, pour
revenir à votre dernière question, c'est aussi parce qu'on
recommande ailleurs que l'entrepreneur autonome soit inscrit à la CCQ,
comme un employeur l'est aussi. Quand on, parlait de règles qui
s'appliquent à l'un, il faut que les règles s'appliquent à
l'autre, selon notre prétention. Alors, notre prétention, c'est
de dire: Si les entrepreneurs sont inscrits à la CCQ, comme
règle, sur certains chantiers - ça ne veut pas dire sur tous les
chantiers du Québec parce qu'il faut toujours regarder le
côté administratif - l'entrepreneur général devrait
être obligé de dévoiler les noms de ses sous-traitants pour
bien s'assurer qu'effectivement il n'y a pas regroupement, fusion ou lien entre
entrepreneurs autonomes, pour ne pas que la règle soit
déjouée. C'est ça l'idée.
M. Lavergne: Je vous donne comme exemple, admettons, un chantier
de construction avec 10, 12, 15, 20 ou 30 maisons. Alors, si on dit: C'est tel
entrepreneur électricien qui a le chantier, que l'entrepreneur
général a déclaré que tel entrepreneur
électricien avait les travaux de ce chantier de construction, donc d'un
ensemble d'habitations, et qu'il n'y a pas d'employés, il est
évident que, en tout cas, à un certain moment donné, il y
a quelque chose qui ne fonctionne pas. Alors, si les travaux,
décidément, nécessitent que ce soit fait par une
entreprise avec des employés, ça va être connu.
Mme Blackburn: Vous invoquez l'argument que, pour éviter
une compétition indue, il ne devrait pas y avoir deux entrepreneurs
autonomes dans un même métier, sur un chantier. Vous dites qu'il
ne faudrait pas qu'ils compétitionnent l'employeur ou l'entrepreneur
qui, lui, a des employés à son service. Mais, si on permet que
cinq, six ou sept spécialités, entrepreneurs autonomes dans
différentes spécialités, s'unissent pour construire une
maison, par exemple, ça veut dire que ça entre aussi en
compétition avec l'entrepreneur général qui a des
employés à son service pour effectuer ces travaux-là.
Non?
M. Brown: Ça n'existe pas, ça, dans l'industrie, au
niveau résidentiel, comme vous parlez. À ce moment-là,
ça prendrait un joint venture d'une échelle beaucoup plus grande
pour être capable de faire travailler toutes ces personnes-là qui
ont des cartes de compétence dans un métier donné. Si vous
voulez qu'un entrepreneur électricien se réunisse avec un
plombier, un tireur de joints et ainsi de suite pour faire une maison, lorsque
vous faites une maison, il y a, entre parenthèses, de 24 à 50
heures de travail pour l'électricien, tandis que le menuisier, lui, en a
peut-être bien pour 225 et le plombier en a peut-être pour 40.
À ce moment-là, qu'est-ce qu'il va faire le restant du temps? Les
entreprises sont très individuelles. À ce moment-là, elles
ne se réuniront pas ensemble pour faire leurs travaux en même
temps, pour une résidence. L'entrepreneur général va
engager un électricien, il va passer, le plombier, et ainsi de suite. Si
ce sont tous des entrepreneurs autonomes, à ce moment-là, nous
autres, on n'a pas d'objection à ce que ce soit comme ça. La
seule chose qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas qu'il y ait deux entrepreneurs
autonomes électriciens pour aller faire un bungalow dans lequel un
entrepreneur autonome seul ne pourrait pas réussir à
exécuter les travaux.
Mme Blackburn: Mais, actuellement, dans le modèle que vous
développez, ça veut dire qu'on pourrait, dans le
résidentiel à tout le moins, construire entièrement une
maison en ayant recours simplement exclusivement à des entrepreneurs
autonomes, hein? C'est ce que je comprenais. Oui? D'accord.
M. Lavergne: Je ne crois pas parce que, sans faire la
nomenclature, en fin de compte, de tous les métiers, il y a certains
travaux qui ne peuvent s'effectuer - sans les énumérer - par un
travailleur autonome.
Mme Blackburn: Tout seul.
M. Lavergne: Alors, il y a certains travaux, oui, qui peuvent se
faire par un travailleur autonome dans une résidence, mais il y a
d'autres travaux qui ne peuvent se faire par un travailleur autonome... Ce
n'est pas un travailleur, excusez, mais un entrepreneur autonome.
Mme Blackburn: Dans vos propositions, et je poursuis, vous dites:
II faudrait exiger un dépôt de 15 000 $ plutôt que de 10 000
$. Vous avez l'impression que ça... Pour quelle raison?
M. Guilbault: Écoutez, on aurait pu dire 13 000 $. C'est
encore des questions de principe. C'est pour bien signifier que, quand un
entrepreneur fait le choix de devenir entrepreneur, c'est un choix
sérieux et que l'entrepreneur, quand il fait ce choix-là, doit
être en mesure, financièrement, de supporter son choix. En
augmentant de 10 000 $ à 15 000 $, la prétention est que tu
élimines les gens qui ne sont pas sérieux, tu en élimines
une certaine partie. Mais, une fois qu'il est entrepreneur avec, supposons, un
montant de 15 000 $ de dépôt, qu'on lui laisse ses champs
d'activité intacts; sinon, ce n'est plus un vrai entrepreneur.
Mme Blackburn: Dans votre avant-dernière recommandation,
vous proposez que le gouvernement «annonce un train de mesures fiscales
favorisant la déduction des revenus du consom-
mateur de toutes dépenses de rénovation, de construction,
d'entretien, [...] à la condition qu'un entrepreneur en construction
dûment licencié soit chargé des travaux.» Quand vous
parlez d'«un entrepreneur en construction dûment
licencié», ça exclut les entrepreneurs autonomes?
M. Guilbault: Absolument pas. Mme Blackburn: Non? O.K.
M. Gosselin: Pour nous autres, dans notre esprit, un entrepreneur
en construction, c'est un entrepreneur en construction et un entrepreneur
électricien, c'est un entrepreneur électricien autonome...
Mme Blackburn: O.K.
M. Gosselin: ...ayant ou non des employés. Un entrepreneur
électricien, c'est un entrepreneur. L'«entrepreneurship» au
Québec, ça ne dit pas: Tu dois avoir un employé, ne pas en
avoir ou en avoir 122. Ce n'est pas ça que ça dit.
Mme Blackburn: Vous savez que ces mesures-là, moi, je les
trouvais intéressantes, mais, si on se base sur l'expérience
qu'on est en train de vivre sur les services de garde, pour un peu
éliminer le travail au noir dans les services de garde, on a dit:
Ça va être déductible d'impôt; donc, vous êtes
obligée, la madame qui garde des bébés, de fournir des
reçus. Plus ça va, moins il y a de madames qui veulent fournir
des reçus. Et les jeunes femmes sont obligées quand même de
faire garder les bébés. Ça n'a pas eu l'effet
escompté, dans le fond. (17 h 15)
Je me demandais comment une disposition comme ça ne finirait pas
par avoir les mêmes effets, d'autant que, si vous déclarez avoir
fait des rénovations à la maison, vous avez un permis de la
ville, l'évaluation augmente, vos taxes augmentent. En tout cas,
ce que je me suis laissé dire, c'est que ça n'aurait pas
nécessairement les effets heureux qu'on en escompte pour ces
raisons-là. Vous n'avez pas examiné ça dans cette...
M. Gosselin: Non, mais disons que comparer ça avec les
systèmes de garderie, moi, vous comprendrez que je suis un petit peu mal
placé pour le faire, parce qu'on n'a pas travaillé le
bébé beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Ça touche la fiscalité et,
normalement, c'est des incitatifs de même nature à éviter
d'embaucher un travailleur au noir, parce que quelqu'un qui garde un
bébé...
M. Gosselin: Mais, dans notre tête, quand ça a
été proposé, peut-être de façon
générale, comme on l'a dit tantôt, évidemment,
ça n'a pas été décortiqué à savoir si
ça devrait être 20 %, 30 % ou 40 %. Est-ce un crédit
d'impôt? Est-ce un crédit d'impôt qui représente un
montani d'argent de telle envergure? Ça n'a pas été
analysé. Mais on se dit: Par contre, si la mesure fiscale est assez
intéressante pour l'individu, propriétaire de résidence -
parce qu'on parie beaucoup de résidence, malgré que, moi pour un.
j'aimerais sortir de ça et globaliser un petit peu le problème de
l'industrie. Mais, si un propriétaire, quel qu'il soit, a une mesure
fiscale avantageuse pour déduire le coût des travaux qui sont
exécutés chez lui, c'est que le gouvernement du Québec va
regagner, à l'intérieur de cette mesure fiscale, des
impôts...
Mme Blackburn: Ah oui!
M. Gosselin: ...ou de l'argent qu'il ne touche pas actuellement
sur des heures qui sont exécutées fort probablement par du
travail au noir. Si on dit qu'il y a tant d'heures de faites au Québec
en travail au noir et qu'on est capable de contrôler ça à
80 %, on rentre de l'argent dans les coffres du gouvernement même en
donnant des mesures fiscales qui pourraient être avantageuses,
possiblement plus que dans le système des garderies, parce que.
là, je ne sais pas quelles mesures fiscales vous avez.
Mme Blackburn: Vous savez, ce sont des mesures fiscales qui
permettent à un couple de déduire les coûts des services de
garde. On s'est dit: Du moment où ça va être déduit,
ils vont exiger des reçus, ils vont aller voir quelqu'un de
patenté, comme vous dites. Comme les patentés n'existent pas
beaucoup dans ce système-là, le système est en train de se
reconduire exactement comme il était avant qu'on introduise la mesure
fiscale. Et ce qu'on se demande...
M. Gosselin: Excusez-moi. Nous autres, si ça marche dans
la construction, on va s'adapter. On l'a dit tantôt, on s'adapte.
Mme Blackburn: Ah oui! Ça, je sais ça. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Ça veut dire que, tranquillement... Ou
encore je pense à d'autres mesures fiscales en matière de
recherche qui avaient donné une espèce de catastrophe au
fédéral où ils ont perdu je ne me rappelle plus combien,
je pense que c'est 10 000 000 000 $. On faisait des faux projets de recherche
avec, finalement, une déduction d'impôt. D'ailleurs, on en avait
vu quelques-uns passer également. Ce n'est pas simple. Autant, moi, je
suis assez d'accord avec ça, autant je me dis: Si, parce que j'ai eu des
crédits d'impôt ou que j'ai pu déduire de mon
revenu les coûts de construction, de rénovation et
d'amélioration de la résidence, c'est la ville qui rentre parce
qu'elle vient augmenter l'évaluation de ma résidence et que,
là, je commence à payer un peu plus de taxes... Là, vous
savez que, déjà, on en paie pas mal. Je me suis laissé
dire que ce n'était peut-être pas la façon, que ça
n'aurait peut-être pas les effets escomptés. Moi, j'y croyais,
mais je voulais juste voir là-dessus. Si vous dites que vous allez, en
plus, vous ajuster, ce n'est pas trop fait pour me rassurer.
M. Brown: Je me souviens, dans les années 1982-1983, lors
de la dernière récession, il y a eu des systèmes
semblables qui ont été institués et je vous dis
qu'à ce moment-là on a travaillé, au niveau des
consommateurs, avec les villes et je pense que ça a donné des
bons résultats. On allait faire des travaux qui étaient
très menus, des fois juste pour poser deux, trois prises de comptoir,
une prise de poêle, simplement ça, et les consommateurs nous
demandaient des factures pour avoir des subventions. Le monde avait
embarqué, à ce moment-là, dans ce programme. Si les
mesures fiscales sont d'une façon assez intéressante pour le
consommateur, c'est certain qu'il va embarquer dans le système.
Mme Blackburn: Dans votre dernière recommandation, vous
dites: Qu'un seul dirigeant par entreprise soit exclu du rapport mensuel de la
CCQ, pour les heures travaillées sur ce chantier. Les autres dirigeants
d'entreprise doivent déclarer les heures travaillées sur un
chantier dans le rapport mensuel soumis à la CCQ, selon les normes
actuelles, sans pour autant être dans l'obligation d'être membres
d'un syndicat et de payer certains avantages sociaux dont les frais sont
assumés directement par l'entreprise. Alors, j'y reviens. Ce que vous
dites, c'est: On voudrait bien déclarer les heures, mais ne faites pas
de nous des salariés si on est actionnaires dans l'entreprise.
M. Brown: Effectivement. Si, à l'heure actuelle, vous avez
trois personnes qui sont syndiquées et qui veulent partir une
entreprise, alors elles vont s'associer et ces trois personnes-là
peuvent travailler sur les chantiers de construction. Ce que l'on
reconnaît au projet de loi, c'est le représentant
désigné et que les deux autres associés, à ce
moment-là, déclarent leurs heures travaillées à la
CCQ. Mais, par contre, vu qu'ils sont associés, qu'ils sont employeurs,
qu'ils sont responsables d'une entreprise, bien, qu'on ne pousse pas l'odieux
jusqu'à leur dire: À cette heure que vous êtes rendus
entrepreneurs, vous allez payer du syndicat et vous allez payer les avantages
sociaux qui s'y rattachent. C'est ça qu'on dit dans notre
recommandation.
Mme Blackburn: D'accord. Dans votre mémoire, il y a quand
même une contradiction.
Je me permets de vous la souligner par rapport à ce que vous
veniez d'annoncer un peu plus tôt, pas tout de suite. Vous dites: II faut
tenir compte de la capacité de payer du client. Mais, en même
temps, vous nous dites: Tout le débat sur l'entrepreneur autonome ne
vise pas à réduire ou à rendre la propriété
plus accessible en réduisant les coûts de construction. Alors, je
me dis: Dans votre discours, ça veut dire quoi, la capacité de
payer des gens, des clients?
M. Guilbault: Ce qu'on a voulu souligner, c'est que l'industrie
de la construction, c'est vaste et, souvent, on traite un problème avec
une déclaration globale. Or, dans la construction, un peu comme on l'a
souligné dans le mémoire, les clients des entrepreneurs varient
en termes de capacité de payer. C'est ça qu'on a voulu
souligner.
Mme Blackburn: O.K.
M. Guilbault: Un investisseur qui atteint un rendement sur son
investissement va calculer ce que ça peut lui donner au bout de la
ligne. Un consommateur, lui, a peut-être des moyens différents de
payer. Comme on disait, payer 30 $ et quelques l'heure quand il en gagne 10 $,
ça peut constituer un problème. Dans ce sens-là, c'est
comme ça qu'on avait proposé des mesures fiscales pour
équilibrer un peu l'offre et la demande.
Mme Blackburn: À la page 37 de votre mémoire,
à la toute fin de la page, vous faites une proposition. Vous proposez
«qu'une licence d'entrepreneur en construction ne soit accordée
qu'à une entreprise dont l'exécution de travaux de construction
est l'activité principale».
M. Lavergne: Ce qu'on dit avec ça, c'est qu'aujourd'hui un
centre hospitalier, une commission scolaire, en fin de compte ce qu'on peut
appeler des agences paragouvernementales, si on veut, peuvent obtenir une
licence d'entrepreneur, ce qui veut dire qu'elles peuvent effectuer des
travaux. Ce qu'on dit, finalement: Si elles ont une licence d'entrepreneur,
elles vont effectuer des travaux avec leurs salariés; leurs
salariés ne sont pas sujets à l'industrie de la construction,
alors ils sont payés à des montants moindres. Ça devient
pour nous une compétition déloyale et, à part ça,
c'est beaucoup d'heures, beaucoup de travaux de rénovation, ou de
construction même, qui se font, en fin de compte, hors construction, si
on veut, qui ne sont pas rapportés à la CCQ. Donc, finalement,
c'est une autre forme de travail au noir, selon nous.
Mme Blackburn: Effectivement, on a porté à notre
attention en décembre dernier que plusieurs institutions d'État,
hôpitaux, écoles, universités, cégeps, faisaient
effectuer ou donnaient
à contrat des travaux de toute nature sans s'assurer que
l'entrepreneur respecte le Décret de la construction. Il y a
certainement un problème là et, effectivement, je pense que si
tout le monde, et particulièrement dans le public... C'est pour
ça que ça va poser un problème tantôt. Si, parce que
c'est dans le public, on peut se soustraire aux lois, il me semble qu'on a
comme un problème d'équité là. Là-dessus, je
partagerais assez votre avis. Mais ça m'étonnerait de voir le
gouvernement virer là-dessus. Vous pouvez toujours essayer
là.
Une voix: On peut espérer.
M. Lavergne: On peut espérer, oui.
Mme Blackburn: On n'est pas perdants à essayer. J'ai
terminé. Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Je reconnais M. le
député de Drummond, brièvement.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Dans la foulée
de la question de ma collègue de Chicou-timi tantôt, au niveau de
l'utilisation de la fiscalité pour essayer de contrôler la
problématique du travail au noir, il y a une chose qui me chicote depuis
ce matin et je vais vous poser la question à vous, parce que vous
prônez aussi l'utilisation de cette mesure-là. On entend parler de
25 000 000 d'heures. On entend parler de 400 000 000 $ à 500 000 000 $
d'évasion fiscale quelque part, puis on a dit. et vous le prônez
dans votre mémoire, que, si on utilise la fiscalité, on pourrait
récupérer beaucoup d'argent. Moi, ce que j'ai de la
difficulté à saisir en utilisant ce levier-là, c'est ceci.
À l'heure actuelle, lorsqu'on regarde tout le logement locatif, lorsque
je regarde tout ce qui est commercial, ce serait dans l'intérêt
des gens d'utiliser un entrepreneur pour avoir une facture parce que tous ces
domaines-là sont déductibles des revenus, d'impôt. Est-ce
que vous êtes en train de nous dire que la majorité des 25 000 000
d'heures serait du côté résidentiel? Parce que, du
côté commercial et locatif, on ne devrait pas avoir ce
problème-là parce que c'est déjà là au
niveau de la fiscalité.
M. Guilbault: Écoutez, on ne dit pas que c'est dans le
résidentiel. Si vous avez lu notre mémoire, vous avez fort bien
compris que le travail au noir se fait bien ailleurs que dans le
résidentiel. Si je comprends votre question, vous dites: Compte tenu
qu'il se fait du travail au noir avec perte de revenus pour le gouvernement,
comment concilier les mesures fiscales pour récupérer cet
argent-là qui n'entre pas dans les coffres du gouvernement maintenant?
C'est le sens de votre question?
M. St-Roch: Le levier de la fiscalité est pleinement
utilisé à l'heure actuelle, au niveau du locatif et au niveau du
local commercial qui est loué, parce que quelqu'un qui est
propriétaire, demain, d'un logement, toutes les dépenses qu'il va
faire au niveau de l'entretien sont déductibles d'impôt et de ses
revenus
M. Guilbault: Oui.
M. St-Roch: Ce plan de fiscalité là est
utilisé à l'heure actuelle pour le commercial et le locatif.
J'essaie de remettre ça, moi, cet incitatif-là, côté
résidentiel.
M. Guilbault: On se comprend bien là.
Le Président (M. Gauvin): Brièvement, M. Dufour, le
temps qui nous était alloué est déjà
dépassé.
Une voix: M. Guilbault.
Le Président (M. Gauvin): Guilbault, excusez-moi.
M. Guilbault: Écoutez, c'est sûr qu'il y a beaucoup
de mesures fiscales dans tous les domaines. Ce qu'on visait surtout avec cette
proposition-là, c'était le consommateur direct. Celui qui est au
bout de la chaîne, le dernier maillon de la chaîne, ou celui qui ne
peut pas profiter d'intrants sur la TPS, c'est lui qu'on visait
particulièrement.
Le Président (M. Gauvin): Merci. La commission vous
remercie, vous et votre groupe. Avant de terminer, j'aimerais inviter M. le
ministre, en conclusion.
M. Cherry: M. le Président, rapidement. Je l'ai dit au
commencement, mais je pense que votre mémoire mérite cette
attention-là, je pense que ça prenait du courage pour faire ce
que vous avez fait, de décrire... Je suis certain que vous n'avez pas
fait l'ensemble de toutes les façons, mais vous avez ciblé de
façon beaucoup plus précise les façons les plus
répandues, les plus utilisées pour contrer le travail au noir, et
j'ai senti une espèce de cri du coeur chez vous: Faites quelque chose
parce qu'on est tannés comme entrepreneurs d'être obligés
d'utiliser ces choses-là pour continuer à gagner notre vie, ceux
qui ont des salariés. Dans ce sens-là, je vous dis: Merci
beaucoup. Si vous avez pu évoluer comme ça de décembre
à maintenant, je siis convaincu qu'on va être capables de
chemi-jjer ensemble pour trouver des solutions. 7Le
Président (M. Gauvin): Merci, M le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci de votre présence ici. Merci pour la
qualité de votre mémoire
i
également que, je le répète, j'ai beaucoup
apprécié. Vous parliez tout à l'heure de l'aide, de
programmes de soutien pour relancer l'industrie de la construction. Je pense
qu'il faudrait un débat beaucoup plus large que ça dans une
perspective moins polarisée que celle qui marque les travaux de cette
commission. Il faudrait que les parties puissent s'asseoir ensemble pour
envisager une relance de l'industrie de la construction. On a effectivement des
problèmes et c'est un lieu commun de dire que quand le bâtiment va
tout va, mais, là, comme le bâtiment ne va pas... Dans ma
région, ça va mal; je ne pourrais pas le dire pour tout le
Québec, mais je sais que chez nous ça ne va pas. Dans ce
sens-là, je ne sais pas qui prendra le leadership de cette initiative,
mais je souhaiterais très sincèrement que quelqu'un, quelque
part, puisse le faire au même titre qu'on l'a fait pour la formation de
la main-d'oeuvre de façon générale au Québec,
lorsque tous les intervenants se sont assis à la même table pour
examiner les solutions à mettre en place pour s'assurer d'une formation
adéquate de la main-d'oeuvre au Québec. Je pense qu'on devrait
pouvoir le faire dans la construction. Et le discours du ministre Tremblay sur
les grappes industrielles identifie l'industrie de la construction comme
étant une grappe; moi, j'ai hâte de voir les raisins. Pour le
moment, il semble que les vendanges ne seront pas fortes à l'automne. Je
pense qu'il faut essayer de chercher des solutions dans cette direction.
Le programme que nous avions mis en place, c'est
Corvée-habitation, qui était l'aide à la
rénovation, en période de crise, et ça avait eu un effet
de relancer l'économie. J'espère que l'actuel gouvernement - j'en
ai parlé un peu au ministre - va faire preuve aussi d'imagination parce
qu'on sait que le budget va être déposé d'ici un peu plus
d'un mois et j'espère qu'il apparaîtra des mesures, dans ce
budget-là, de relance de l'industrie de la construction. Je vous
remercie.
Le Président (M. Gauvin): En conclusion, Mme la
députée, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: J'ai terminé.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Oui, un bref
commentaire.
M. Brown: Je remercie cette commission de nous avoir accueillis.
Je peux assurer cette commission que nous sommes entièrement
disposés à nous asseoir à une table pour discuter avec
vous autres et continuer à cheminer. Je dois aussi vous dire que
j'espère qu'on a réussi à démystifier que
l'entrepreneur autonome n'était pas le travailleur au noir dans
l'industrie de la construction.
Le Président (M. Gauvin): Merci de votre
présentation. La commission suspend ses travaux pour une minute ou deux
dans le but de permettre à la Confédération des syndicats
nationaux de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 31)
(Reprise 17 h 37)
Le Président (M. Gauvin): La commission devrait reprendre
ses travaux. J'invite tous les membres de la commission à prendre place,
s'il vous plaît, tous les députés membres de la commission.
Le groupe représentant la Confédération des syndicats
nationaux a aussi pris place. J'invite son président et porte-parole, M.
Lemieux, à nous présenter ses collaborateurs. M. Lemieux.
CSN-Construction
M. Lemieux (Olivier): Merci, M. le Président. À ma
droite, M. Édouard Duchesne, premier vice-président de la
fédération et président du syndicat du
Saguenay-Lac-Saint-Jean; à sa droite, Robert Lévesque,
trésorier de la fédération et président du syndicat
du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie; à ma gauche, Jean-Noël
Bilodeau, coordonnateur de la CSN-Construction; Luis Alfaro, président
de Montréal et secrétaire de la fédération; et
Roger Trépanier, salarié de la fédération.
Le Président (M. Gauvin): M. le président, M.
Lemieux, je pense que c'est un peu particulier, ce que vous nous proposez,
finalement. Vous avez une présentation à nous faire, il y a 30
minutes qui sont prévues à cet effet, mais je pense que,
plutôt, une partie est réservée à la
présentation d'une bande vidéo.
M. Lemieux (Olivier): C'est ça.
Le Président (M. Gauvin): Ça va. Donc, vous y allez
avec la présentation, le scénario qui est le vôtre.
M. Lemieux (Olivier): Merci, M. le Président. Mme et MM.
les membres de la commission parlementaire, nous remercions le ministre du
Travail, M. Norm. Cherry, et la critique de l'Opposition, Mme Jeanne Blackburn,
pour la double opportunité qu'ils nous accordent de nous exprimer sur le
projet de loi 185. Nous ne répéterons pas intégralement
notre mémoire que nous vous soumettions le 6 décembre dernier.
Nous préférons aujourd'hui vous rappeler les principales
recommandations que nous vous faisions alors.
Première recommandation: «des travaux d'entretien, de
réparation et de rénovation mineure d'une valeur
inférieure à 10 000 $ visés
à la présente loi, si cette licence est relative à
toute autre catégorie. «Article 19. 2: Un employeur ou un
représentant désigné en vertu de l'article 19 1 ne peut
exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un
salarié de l'entreprise. «7. 1: ordonner à toute personne,
qui exécute elle-même des travaux de construction sans être
titulaire soit d'un certificat de compétence compagnon, soit d'un
certificat de compétence occupation, soit d'un certificat de
compétence apprenti ou soit d'une exemption délivrée par
la Commission ou sans avoir en sa possession ce certificat ou une preuve
d'exemption, de quitter immédiatement le chantier de construction et ne
le réintégrer qu'au moment où elle démontre qu'elle
est détentrice d'un tel certificat ou d'une telle exemption. «119.
2 Tout employeur qui est déclaré coupable d'une infraction
prévue à l'article 83. 1 ou à l'un ou l'autre des
paragraphes 1, 3, 4, 9, 11 et 12 de l'article 119. 1 de cette loi, en outre de
la peine prévue pour cette infraction, sa licence ou le renouvellement
de sa licence est suspendu pour une période de 1 à 3 mois.
»
À ce moment, si la commission le permet, nous regarderions la
bande vidéo qui explique, en gros, les problèmes qui sont
vécus par les travailleurs de l'industrie, par les différents
intervenants de l'industrie de la construction, c'est-à-dire la CSST, la
CCQ et nos salariés, nos conseillers qui font la tournée des
chantiers. C'est une bande vidéo d'environ 10 minutes et je pense que
c'est assez explicite pour voir dans quel contexte on est pris pour
évoluer présentement dans l'industrie de la construction. Durant
la projection de la bande vidéo, M. Bilodeau va donner des explications
concernant la bande.
Le Président (M. Gauvin): D'abord, j'ai demandé
qu'on revoie le plan de lumière pour nous permettre de mieux voir votre
bande vidéo. Est-ce que vous avez un technicien responsable au
contrôle? André. On y va. Est-ce que vous allez nous commenter la
bande vidéo?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gauvin): Quelqu'un va le faire.
Merci.
M. Bilodeau (Jean-Noël): M. le Président, le
vidéo que vous allez voir ne dure qu'une dizaine de minutes. C'est un
vidéo dont le tournage a commencé le 7 février,
c'est-à-dire très récemment. À la suite d'une
information, des travailleurs de la construction de la Mauricie ont appris
qu'un entrepreneur, sans permis, s'apprêtait à démolir un
édifice du centre-ville de Trois-Rivières, l'édifice des
Terrasses du Platon qui était autrefois un centre commercial. Vous allez
comprendre que ce n'est pas un duplex ou un triplex, mais bien un
édifice en plein centre- ville.
Le lendemain, le vendredi, ils ont commencé une certaine
surveillance du chantier de démolition en présence d'un
inspecteur de la CCQ. Vous voyez actuellement des images du chantier II n'y a
pas de travaux. Informe par on ne sait qui, l'entrepreneur a
décidé, cette journée-là, de ne pas effectuer de
travaux.
Nous sommes donc le samedi, en dehors des heures normales de travail,
et, maintenant, nous voyons l'entrepreneur en question effectuer lui-même
des travaux de démolition sur l'édifice en question. Alors, vous
le voyez travailler seul. Vous avez remarqué que ses outils sont assez
primaires pour démolir un édifice.
Pendant que vous voyez ces images, je dois vous dire qu'au cours des
dernières semaines la CSN-Construction a visité tout près
de 700 chantiers au Québec et, simplement dans la région de
Montréal, on a identifié quelque chose comme 500 travailleurs
sans permis sur des chantiers au noir et on a identifié également
un ensemble d'infractions: des entrepreneurs qui n'étaient pas
enregistrés à la Commission de la construction, des entrepreneurs
qui n'étaient pas détenteurs de licence de la Régie des
entreprises de construction, des salariés qui oeuvraient sur les
chantiers et qui n'avaient pas de certificat de compétence, de
nombreuses infractions au ratio apprenti-compagnon et, également, des
infractions parce que des personnes travaillaient sur des chantiers alors
qu'elles étaient censées y travailler avec des travailleurs, ce
n'étaient pas des chantiers non assujettis.
Or, une fois la constatation faite en présence d'un inspecteur de
la CCQ, vous allez voir dans les images qui suivent... Vous avez bien un nom
d'une compagnie qui est enregistrée; d'ailleurs, vous voyez
Démolition Bel-Air, démolition en tout genre. Alors, vous voyez
son outil de travail. Dimanche, le 9, à 14 h 29 de l'après-midi,
vous voyez encore des images, une dizaine de témoins, dont des membres
de la CSN-Construction, se présentent et, cette fois-ci, la police est
présente. La CSST est également présente. C'est malheureux
que le son soit mauvais, mais, actuellement, vous avez des policiers qui
demandent à l'entrepreneur de descendre de là et l'entrepreneur
leur dit que, lui, il continue. (Présentation du vidéo)
Alors, les deux séquences qui suivent sont des extraits de
téléjournaux. (Présentation du vidéo)
Le Président (M. Gauvin): Pour revenir à votre
présentation, M. Lemieux.
M. Lemieux (Olivier): J'aurais une question à poser
à M. le ministre: Est-ce qu'il va permettre que M. Angers garde son
permis d'entrepreneur en construction vu qu'il ne respecte pas les lois?
Là, il vient de perdre son permis de conduire, il lui en reste un autre.
C'est la
question que je poserais à M. le ministre à ce moment-ci.
Ha, ha, ha!
J'ai eu des nouvelles du chantier cet après-midi. Le chantier a
été terminé par un vrai entrepreneur en construction et
des vrais gars de la construction. Il y a un bon dénouement, il y a un
dénouement heureux de cet exemple-là.
Je reviens à la présentation que je faisais. Notre
première recommandation, nous autres, on dit: Travaux mineurs
inférieurs à 10 000 $. En fait, on dit de 0 à 10 000 $,
c'est pour les petits travaux: la prise de courant dans le salon de coiffure ou
les deux, trois prises de courant chez le dépanneur du coin.
Là-dessus, il pourrait y avoir une limite qui pourrait se situer entre 0
et 10 000 $, puis on n'aurait pas de problème là-dessus.
Pour l'article 19. 2, M. Bilodeau va vous donner des explications.
Le Président (M. Gauvin): M. Bilodeau.
M. Bilodeau: À l'article 19. 2 qui nous semble, en tout
cas, selon l'analyse du texte qui nous a été soumis dans la loi
185, très litigieux, on vous propose une nouvelle écritude de
l'article en question parce qu'on trouve que celle qui est contenue dans la loi
ne répond pas nécessairement - en tout cas, c'est ce qu'on croit
- aux intentions affirmées du ministre de régler le
problème du travail au noir. On pense que ce serait beaucoup plus clair
si c'était: Un employeur ou son représentant
désigné en vertu de l'article 19. 1 - un peu plus tôt - ne
peut exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un
salarié de l'entreprise. On a également constaté, à
la lecture de certains mémoires qui ont été
présentés ici au cours des deux derniers jours, que quelques-uns
avaient retenu l'écriture qu'on avait suggérée au
ministre, mais en y ajoutant, notamment dans le document de l'AECQ, une
exception en disant: Sauf s'il s'agit de travaux de finition sur une
construction neuve qu'il a exécutés avec l'aide de
salariés et, dans ce dernier cas, il doit obtenir un permis à cet
effet de la Commission.
Ce qu'on croit, c'est que, durant ces deux jours, plusieurs organismes
qui représentent effectivement des entrepreneurs ayant travaillé,
autonomes, ont tenté de faire élargir leur champ
d'activité à l'intérieur même de la loi. Et, quant
à nous, on pense que ce n'est pas en éclaircis-sant une
définition d'entrepreneur ou de salarié, qu'il soit autonome ou
non, qu'on va pouvoir en même temps élargir nécessairement
le champ d'activité de celui qui y travaillerait comme entrepreneur
autonome.
Quand l'AECQ dispose de l'article 19. 2 en y mettant une exception
concernant des travaux de finition sur une construction neuve qu'il a
exécutés avec l'aide de salariés et, dans ce dernier cas,
il doit obtenir un permis à cet effet de la Commission, on pense que
c'est inaccep- table dans sa rédaction, mais on pense également
que, quelque part dans le temps, on va pouvoir, de façon plus claire,
voir le champ d'activité de celui que la loi est censée
définir.
Mais la façon dont l'article 19. 2 est actuellement écrit,
on pense que ça pourrait permettre autant de confusion que dans l'ancien
texte de loi. Et si on revient avec une définition plus précise,
c'est parce que, au niveau de la CSN-Construction, on recommande
qu'effectivement il n'y ait pas trois catégories dans l'industrie de la
construction, mais qu'il y en ait toujours deux, celle de
l'employeur-entrepreneur et celle du salarié.
M. Lemieux (Olivier): À 7. 1, «ordonner à
toute personne, qui exécute elle-même des travaux de construction
sans être titulaire soit d'un certificat de compétence compagnon,
soit d'un certificat de compétence occupation, soit d'un certificat de
compétence apprenti ou soit d'une exemption délivrée par
la Commission ou sans avoir en sa possession ce certificat ou une preuve
d'exemption, de quitter immédiatement le chantier de construction et ne
le réintégrer qu'au moment où elle démontre qu'elle
est détentrice d'un tel certificat ou d'une telle exemption. »
Nous autres, on pense qu'à quelque part ça prend quelqu'un
qui fasse administrer les lois. À ce moment-là, les patrouilles
parcourent beaucoup de chantiers. Il n'y a pas eu de violence encore, mais on
pense qu'à un moment donné, que ce soient les inspecteurs de la
CCQ ou de la Régie, peu importe, il faut bien quand même qu'il y
ait quelqu'un, quelque part, qui sorte les indésirables de l'industrie,
sans ça... Surtout dans le contexte actuel de récession, les
vrais de l'industrie commencent à avoir leur voyage. On est rendu, en
tout cas, qu'on refuse du monde pour nos patrouilles. Je n'ai jamais vu
ça, moi, je pense. De ce temps-là, on a trop de monde. On est
rendu qu'on fait de la sélection. Ça fait longtemps que je n'ai
pas vu ça, moi. Il faut qu'on soit dans une méchante
récession. Donc, on pense qu'à quelque part, à un moment
donné, il faut qu'il y ait un organisme qui puisse faire appliquer la
loi. Si un individu ou une personne n'a pas affaire sur un chantier, qu'il ne
soit pas là, qu'il soit expulsé et, quand il aura le droit de
revenir, il reviendra. Parce que, de ce temps-là, il n'y a pas beaucoup
de travail et disons que les patrouilles de chômeurs commencent à
avoir hâte de rentrer sur les chantiers.
À 119. 2, «tout employeur qui est déclaré
coupable d'une infraction prévue à l'article 83. 1 ou à
l'un ou l'autre des paragraphes 1, 3, 4, 9, 11 et 12 de l'article 119. 1 de
cette loi, en outre de la peine prévue pour cette infraction, sa licence
ou le renouvellement de sa licence est suspendu pour une période de 1
à 3 mois. » En tout cas, nous autres, on pense que ça prend
une lumière rouge quelque part. Là, on y va d'une
façon draconienne, on dit: O.K., U est pincé, il perd sa
licence. Ou un système de points d'inaptitude. Ça fait
qu'à un moment donné quelqu'un ne peut pas... Mettons que
ça va mal, il change de nom et il fait faillite, il repart sous un autre
nom. On pense qu'à un moment donné, quelque part, H faut que
ça arrête. H faut que ça arrête. On a plein
d'exemples de gens qui changent de nom régulièrement, deux, trois
fois par année. Si les mesures étaient appliquées de
façon... Si la loi était appliquée, en fait, on ne serait
pas ici. Moi, je pense qu'on est ici pour boucher le trou de ta loi 31.
Ça a pris des proportions catastrophiques depuis quelques années.
Moi, je pense qu'à un moment donné il faut sévir. Et je
pense qu'on pourrait s'inspirer de ce que les Français ont fait avec le
projet de loi dont on est au courant concernant le travail au noir. Vous savez,
ils vont jusqu'à saisir les biens de la compagnie. (18 heures)
Moi, je pense que, si au Québec, demain matin, le ministre
annonçait que le premier entrepreneur qui se fait pincer avec des
travailleurs au noir ou qui effectue des travaux pour lesquels il n'a pas les
compétences, H perd son «caddy», comme certains l'ont
souligné, ou il perd son tracteur, en dedans de deux semaines, il n'y a
plus de travail au noir au Québec. Moi, je pense que, quelque part, on
ne peut plus continuer comme ça. Sans ça, l'industrie de la
construction, on n'en parlera plus dans quelques années. Même, il
y a des chiffres qui démontrent que, depuis 15 mois, ça a encore
augmenté de 30 %. Il y en avait à peu près 30 % et
ça a augmenté encore de 30 %. Je pense, qu'à un moment
donné il va falloir que ça arrête quelque part et c'est
pour ça qu'on est ici aujourd'hui. Si le gouvernement français
l'a fait, le gouvernement du Parti libéral peut faire des bouts aussi.
Au Québec, il y a moyen de faire des lois et qu'elles soient
respectées. Je vous remercie, M. le Président, ça
complète ma présentation.
Le Président (M. Gauvin): Merci. M. le ministre.
M. Cherry: D'autres organismes l'ont fait et je vais vous
demander... Certains de vous sont dans le milieu de la construction depuis fort
longtemps, pouvez-vous nous expliquer comment vous autres, comme organisme
syndical, la CSN, avez vécu l'arrivée de l'artisan dans
l'industrie de la construction et sa mutation d'artisan à entrepreneur
autonome?
M. Lemieux (Olivier): La première rencontre que j'ai eue
concernant l'artisan, disons que c'est un autre parti qui était au
pouvoir. Je pense que c'est au salon LaFontaine que le projet a
été passé. Au départ, on n'était pas pour,
mais le bol de toilette et la galerie, on n'avait pas trop de problème
avec. Dans le discours, on disait: Le consommateur, une miniréparation
de sous-sol, au niveau... C'était prévu que ce serait environ
2000, 3000 Individus qui feraient ça. Excepté que le
système, depuis, est devenu très, très sophistiqué
et ça a pris des proportions alarmantes très vite.
Il s'est installé un système de sous-traitance dans
l'industrie de la construction. Ça a été une
traînée de poudre, ce n'est pas compliqué, surtout dans la
machinerie lourde. En l'espace de quelques années, le nombre d'artisans
a quadruplé et on s'est ramassé, en 1988, avec la loi 31. On a
été obligés d'avoir une loi pour essayer de reprendre le
contrôle de l'industrie, si je puis m'exprimer ainsi. La sous-traitance
était telle que le gouvernement a jugé bon de passer la loi 31.
Au départ, on n'était pas pour la loi 31, mais on disait: Au
moins, ça va les cadrer dans un coin et il va y avoir un champ de
juridiction. Il y avait l'exception pour la machinerie lourde. Chez nous, ce
qu'on s'est dit, c'est: En tout cas, il y a un «plaster», ça
va au moins aider l'industrie. Excepté qu'il y avait une brèche
dans la loi et c'est pour ça qu'on est venu ici aujourd'hui. La loi 185
est censée colmater la brèche qu'il y avait dans le projet de loi
31.
M. Cherry: Des artisans, à l'époque, il y en avait
combien? Au moment où...
M. Bilodeau: Moins de 2000, monsieur.
M. Lemieux (Olivier): Moins de 2000. C'est environ... En
deçà de 2000.
M. Cherry: Évidemment, aujourd'hui, on véhicule le
nombre de 10 000 parce qu'on dit: II y en a 10 000 qui ne font pas de rapport
d'activité à la CCQ. Mais je prends pour acquis qu'il y en a
sûrement un nombre important qui limitent leur champ d'activité
à l'intérieur de la rénovation, de la réparation,
des affaires mineures. Donc, l'augmentation substantielle - les autres - des
2000 d'aujourd'hui à ce que ça peut être en extrayant ceux
que je viens de décrire, est-ce que vous attribuez ça
essentiellement au fait qu'ils ont vu ce qu'on convient d'appeler le trou dans
la loi et qu'à partir de ça ils ont décidé: Voici
la façon de...
M. Lemieux (Olivier): La perception quon en a chez nous, c'est
exactement ça. On pense que plusieurs se sont incorporés et ont
profité... En fait, premièrement, la partie qui est non
assujettie, on n'a pas de problème avec ça: la rénovation
mineure... Si la loi 31 avait été respectée, si son esprit
avait été respecté, on ne serait pas ici aujourd'hui. Je
pense qu'une bonne partie... En fait, ce qui mêle, c'est qu'on ne peut
pas tracer une ligne entre ce qui est noir, ce qui est gris et ce qui est la
construction. Il y a un trou dans la loi. Que ce soient les inspecteurs de
la CCQ, que ce soient nos conseillers, quand tu arrives, mettons, pour
une réparation mineure: Es-tu chez le propriétaire?
«C'est-u» du commercial? C'est qui? Moi, je pense qu'il faut
absolument trouver une façon pour que ce soit clair, qu'il y ait des
salariés et des entrepreneurs dans l'industrie de la construction. C'est
la seule façon, je pense, de pouvoir contrer le fléau qu'est le
travail au noir. Sans ça, il va y avoir des zones grises et on va se
ramasser encore, dans six mois... J'espère que ça ne sera pas
encore une troisième lecture de 185 et que le projet va passer avec des
dents. Mais, je pense que... On dirait qu'on tourne en rond. Vous savez, on
n'est pas capable de statuer ou de légiférer pour, une fois pour
toutes, faire des catégories. Bien, peut-être leur faire un champ
de juridiction, comme d'autres l'ont souligné devant vous, M. le
ministre. Mais, moi, je pense que, si la loi 31 avait été
respectée dans son esprit, on ne serait pas ici aujourd'hui. M.
Bilodeau.
M. Bilodeau: Également, un autre aspect qu'on a senti,
c'est que les entrepreneurs autonomes qu'on a vus foisonner tout à coup
parce qu'il y avait un trou dans la loi, il restait quand même qu'il y
avait, je dirais, d'autres articles de la loi qui auraient pu empêcher
que ça se développe, entre autres, celui qui dit que
l'entrepreneur autonome doit exiger une rémunération au moins
égale, sur une base horaire, à la rémunération et
aux conditions du Décret.
J'ai bien entendu, cet après-midi, un des représentants
patronaux dire que c'est les lois du marché et que, lui, il s'offre au
plus bas prix. Il me semble, en tout cas, que ce n'est vraiment pas ce qui
était dans la loi. Je me demandais si, effectivement, c'était une
pratique courante chez les entrepreneurs qui ont signé la convention
collective ou les décrets d'appliquer ça de cette
manière-là. On nous a toujours dit, nous autres, que le
Décret, c'était un minimum et un maximum. Les salaires ne sont
pas régis par la loi de l'offre et de la demande. Ils sont
décrétés à la suite d'une négociation ou
pas. Il est clair aujourd'hui que l'entrepreneur autonome qui, tout à
coup, trouve un trou dans la loi, il trouve un sacré bon trou parce que,
à ce moment-là, il décide qu'il fait n'importe quoi,
n'importe comment, en dehors de toute la légalité du
Décret de l'industrie. C'est ça, le problème: ce n'est pas
un compétiteur honnête. S'il était un compétiteur
honnête, il y aurait autant de salariés qui travailleraient
à l'heure actuelle pour des entrepreneurs de l'industrie. C'est parce
qu'ils s'offrent à plus faible prix, c'est parce qu'ils s'offrent
à forfait.
M. Cherry: Mais ça, ils l'ont bien admis aujourd'hui.
Hier, on a eu une corporation qui est venue nous dire: Avec ce que vous avez
dans la définition de la loi, non, il n'y a pas vraiment de
différence. C'est par choix de liberté, parce que, effectivement,
il doit charger le même prix en incluant les avantages. Mais,
aujourd'hui, quand on a, entre autres, questionné l'APCHQ qui est le
principal utilisateur de ces gens-là, eux autres, ils ont dit
carrément: Non, on donne ça à la job et c'est comme
ça. Ils nous ont sorti un tableau pour nous expliquer comment ça
se faisait. Ça revient à la description que vous venez de faire,
c'est bien celle-là qu'on a entendue. C'est que, nous autres, parce
qu'on est ce type de compétition là, on peut charger moins cher.
On n'est pas obligé de payer les avantages, on n'est pas obligé
de faire rien de ça, quand on est seul. Quand on engage quelqu'un, on
passe du statut d'autonome à employeur. Mais, là, on s'est vite
fait décrire, dans le mémoire précédent des
électriciens... On sait comment ça marche. Ils n'engagent pas
vraiment quelqu'un qui a sa carte de compétence et qui doit être
assujetti aux règles et au Décret. Ils continuent dans la
même veine et c'est...
M. Lemieux (Olivier): M. le ministre, est-ce que c'est parce
qu'ils l'admettent qu'on va leur pardonner?
M. Cherry: Non, ce n'est pas ça que je suis en train de
dire. Mais je dis que, contrairement à hier où la corporation des
tuyauteurs. nous disait: Non non, il n'est pas question de réduire les
prix, il est simplement question de respecter la volonté de l'individu,
le libéralisme, aujourd'hui, ceux qui les emploient nous ont dit: Non,
nous, c'est les règles du marché et on s'arrange. Donc - c'est la
question que je posais à l'organisme précédent, les
électriciens - comme 85 % des entrepreneurs en construction, au
Québec, utilisent cinq salariés et moins, si on ne fait pas
attention, est-ce qu'à chaque fois qu'on encourage
l'élargissement du champ d'activité de l'entrepreneur autonome on
ne le fait pas directement au détriment de celui qui a un salarié
et deux salariés? Si on lui rend, à lui, la vie plus difficile,
est-ce qu'on ne donne pas le signal que ce qu'il a à faire, c'est:
Débarrasse-toi de tes gens, deviens un autonome, toi aussi, et continue
à payer tout le monde? C'est vous autres qui le vivez de façon
quotidienne. Là, vous nous avez fait la description de gens qui n'ont
pas de carte de compétence, qui n'ont pas, de permis de la ville, qui
n'ont pas ci, qui n'ont pas ça. Mais, dans vos visites de chantiers...
Vous dites que vous en avez visités 500? C'est ce que vous avez dit?
M. Bilodeau: Oui, 700.
M. Cherry: O.K. Voulez-vous nous faire la liste du type
d'infractions que vous avez rencontrées par rapport à ce
qu'auraient dû être les normes? Le type d'activités et le
type d'infractions, s'il vous plaît?
M. Lemieux (Olivier): M. Alfaro va vous faire la description.
M. Alfaro (Luis): Comme Jean-Noël le disait tantôt,
des employeurs qui n'étaient pas enregistrés à la CCQ, il
y en avait un pourcentage d'à peu près 20 %. Des employeurs qui
n'étaient pas détenteurs d'une licence de la régie des
entrepreneurs du Québec, il y en avait aussi approximativement 20 %. Des
salariés oeuvrant sur des chantiers et qui ne détenaient pas de
certificat de compétence, on en a trouvé 500 dans les 700
chantiers. Il y avait 9 infractions par rapport aux ratios et 41 infractions
sur des personnes physiques travaillant seules sur un chantier.
M. Cherry: Le type de chantiers, «c'était-u»
de la rénovation? «C'était-u» du commercial, de
l'industriel? «C'était-u» du neuf? C'était quoi?
M. Alfaro: II y avait différents chantiers assujettis
à la construction.
M. Lemieux (Olivier): M. le ministre, ce que les patrouilles nous
ont permis de découvrir, en tout cas, surtout au niveau de nos
chômeurs... Ils se sont aperçus, en faisant les patrouilles, qu'il
y avait beaucoup de travaux qui n'étaient plus assujettis dans
l'industrie de la construction. Par exemple, des rénovations
d'hôpitaux, des rénovations d'écoles. Ils ont dit: Comment
ça se fait, c'est plus à nous autres, ça? C'est en
récession que le monde... Les comités qui étaient
prévus dans Picard-Sexton, comme le comité sur le champ de
juridiction, moi, je pense que ça urge. Moi, je pense que c'est
très important que ces comités se mettent en action le plus
rapidement possible parce que l'industrie de la construction est sur le bord,
pas nécessairement de... La tolérance des travailleurs de la
construction est rendue, je pense, à sa limite. Il y a une urgence pour
le gouvernement d'agir, de légiférer au plus tôt - surtout
concernant 185 - et de mettre en place les fameux comités pour qu'on
sache réellement qui fait quoi et quand.
M. Cherry: Vous avez dit, par exemple: Comment ça se fait
qu'on a perdu les hôpitaux? Est-ce que c'est ça?
M. Lemieux (Olivier): Non, mais les rénovations dans
certains hôpitaux ou écoles.
M. Cherry: O. K.
M. Lemieux (Olivier): L'entretien et la réparation.
M. Cherry: La rénovation dans des hôpitaux, vous
dites qu'on l'a perdue.
M. Lemieux (Olivier): Bien, oui.
M. Cherry: Sur quoi vous vous appuyez pour dire qu'on a perdu
ça?
M. Lemieux (Olivier): Bien, c'est parce que, dans certains
hôpitaux, au niveau de la loi, les employés d'hôpitaux
peuvent le faire.
M. Cherry: O. K.
M. Bilodeau: C'est une des exclusions.
M. Lemieux (Olivier): C'est une des exclusions dans la loi.
M. Cherry: O. K. C'est correct.
Le Président (M. Gauvin): M. Alfaro.
M. Alfaro: Juste à titre d'exemple, à
l'hôpital Sainte-Justine, actuellement, au sixième étage,
ils sont en train de démolir l'étage au complet. C'est des
travailleurs de l'hôpital qui font la job, ce ne sont pas des
travailleurs de la construction.
M. Lemieux (Olivier): Mais, M. le ministre, on n'est pas ici pour
partir une chicane, mettons, entre les gens de l'hôpital et les gens de
l'industrie. Ce que je souligne, c'est qu'il est urgent que le comité
sur le champ d'application se mette en marche et que le gouvernement ait un
plan de relance ou une solution parce que les travailleurs commencent à
avoir leur voyage. Ils trouvent qu'on a perdu ça, on avait ça.
Disons que la tolérance est rendue quasiment à bout, là.
Il est urgent que la loi 185 s'applique, malgré qu'on ait certaines
réticences. Moi, je pense qu'il faut que le gouvernement
légifère et la fasse appliquer pour qu'on cerne au moins une
partie du travail au noir.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Certains de vous ont suivi les travaux hier et
aujourd'hui. Il y a eu des suggestions selon lesquelles un entrepreneur
pourrait travailler seul sur ses chantiers en autant qu'il ait au moins un
salarié inscrit à ses livres. En d'autres mots, est-ce que,
physiquement, lui, il peut... Mais il peut y avoir des gars qui travaillent
pour lui ailleurs, tu sais, un ou des gars. Comment réagissez-vous,
vous, à cette suggestion?
M. Lemieux (Olivier): Moi, M. le ministre, c'est non. Il ne faut
pas qu'on retombe dans le même piège que celui de la loi 31. Moi,
je pense que tu as deux statuts dans la construction: tu es entrepreneur ou tu
es salarié de l'industrie. Le type en question, s'il faut qu'il aille
seul sur le chantier, bien, à ce moment la, il sera salarié de sa
compagnie. Moi, je pense que c'est comme ça qu'il taut que ça
fonctionne. Sans ça, on va
se retrouver avec le même problème que la loi 31. Dans deux
ans, on va se revoir ici et on va dire: Comment ça se fait que ça
n'a pas marché? Je pense que l'idée que vous amenez, ça
pourrait être louable, dans un certain sens. Mais pratique? Comme on l'a
vu, surtout les intervenants qui... (18 h 15)
Dans l'industrie de la construction, vous dites que les gens ont
beaucoup d'imagination. Ce ne sera pas long que... Le gars tout seul, il va
être longtemps tout seul, juste à lire le mémoire de l'AECQ
et les statistiques qu'ils ont sorties. Il y a peut-être une façon
de les satisfaire, mais quand je pense que, quand ils sont tout seuls, il faut
qu'ils soient salariés. M. Bilodeau.
M. Bilodeau: Peut-être pas un exemple, mais, en tout cas,
une situation qu'on a remarquée récemment. À la faveur des
discussions qu'on a sur la formation professionnelle, on a même vu des
représentants d'employeurs, qui sont principalement dans le
résidentiel, nous parler beaucoup des stagiaires non
rémunérés qui viendraient s'installer dans l'entreprise.
Quant à nous, on trouve ça très curieux parce que, dans
les statistiques qui se faisaient ici, aujourd'hui, je pense que quelqu'un a
dit qu'il y avait tout près de 67 % de leurs membres qui étaient
dans ce secteur-là et qui travaillaient souvent seuls, etc. La demande
d'avoir des stagiaires non rémunérés venait d'eux autres.
Nous autres, on trouve ça étonnant qu'ils n'aient besoin de
personne, mais que, s'il y en avait qui ne coûtaient rien, là, ils
viendraient travailler dans l'industrie.
Quant à nous, je dois vous dire que les discours qu'on peut
entendre, dans la réalité, ça prend une autre tournure.
Ils ont trouvé un trou dans une loi, semble-t-il, en tout cas, dont ils
pouvaient bénéficier puisque, tout à coup, il y avait une
partie des travaux qui n'était pas assujettie. Ils ont même
trouvé un trou dans ça. Alors, dans un prochain projet de loi qui
pourrait, encore une fois, élargir leur champ d'activité, on se
demande s'ils n'en trouveront pas un autre. Si, demain matin, les
bénévoles reviennent dans l'industrie et les beaux-frères,
etc., on dira: Ah! À la faveur, effectivement, d'un projet de loi qui
leur permettait de faire ci ou ça, ils vont revenir. Ce n'est pas des
salariés.
Nous, on pense qu'avant d'entreprendre des discussions à ce
niveau-là, il faut circonscrire la notion d'employeur, d'entrepreneur et
celle du salarié, après ça, on discutera de leur
activité, et non pas de créer une troisième voie qui va
s'élargir aux dépens des deux autres.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M.
Lemieux, M. Bilodeau, messieurs, bonjour et bienvenue. Je vais
rapidement passer aux questions. Une première qui me vient assez
rapidement, parce qu'on vient tout juste de rencontrer les maîtres
électriciens qui me disaient que finalement - peut-être ai-je mal
posé la question là - il n'y avait pas eu d'accroissement notable
du nombre d'entrepreneurs autonomes après l'adoption du projet de loi
31. Vous me dites qu'il y avait environ 2000 artisans et qu'on serait avec
quelque 10 000 entrepreneurs autonomes?
M. Lemieux (Olivier): On ne voulait pas faire une guerre de
chiffres. On pensait que la CCQ avait fourni toutes les données au
départ. Je ne suis pas du tout d'accord avec la Corporation des
maîtres électriciens, au niveau de ses chiffres, même si, en
fait, ce n'est pas, comme organisation syndicale, notre rôle de compter
le nombre d'artisans ou de travailleurs autonomes qu'il y a dans l'industrie.
Mais, c'est évident, avec les chiffres qui nous sortent le nombre
d'heures travaillées dans l'industrie, qu'il y a quelque chose qui se
passe quelque part. Ce qu'on se dit, c'est que 1 000 000 $ dans la
construction, ça donne environ 6000 heures. Si on fait le calcul au bout
de l'année, on s'aperçoit qu'il y en a un paquet qui est disparu
quelque part.
Je pense qu'on ne peut pas émettre le chiffre, mettons, de 9992
travailleurs autonomes, comme on ne peut pas dire: Parmi nous autres, ici, il y
en a 10 qui ont fait des excès de vitesse pour s'en venir à
Québec. Moi, je pense qu'on le sait quand ils se font pincer et on fait
le décompte.
Mme Blackburn: Juste pour fins d'information, je veux vous
rappeler qu'il y a certains secteurs qui sont exclus des champs d'application.
On retrouve ça à l'article 19.8 - je le rappelle juste pour le
ministre - qui dit qu'elle ne s'applique pas: «aux travaux d'entretien,
de rénovation, de réparation et de modification
exécutés par des salariés permanents embauchés
directement par les commissions scolaires et collèges visés dans
la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives
[...] et par des salariés permanents embauchés directement par
les établissements publics visés dans la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, de même que par des salariés
qu'ils embauchent directement pour remplacer temporairement ces salariés
permanents».
L'effet net, c'est que tout ça a été soustrait.
J'ai toujours trouvé que c'était un peu cavalier, parce que, dans
le fond, ça vient dire: Pour tout ce qui est du public, le
Décret, ça ne s'applique pas. Le ministre pourra se pencher sur
cet article-là, ça m'a toujours un peu irritée qu'on
puisse dire: Nous, on se permet de payer les gens 5 $, 6 $, 7 $, 8 $ de
l'heure, alors que,
quand c'est le commercial, l'industriel, le génie ou le
résidentiel, là, c'est le Décret qui s'applique. H y a
quelque chose qui ne va pas là-dedans. Tout à l'heure,
d'ailleurs, tes maîtres électriciens le rappelaient, ne devrait
être considéré comme entrepreneur général que
l'entrepreneur dont l'essentiel des activités, c'est de la construction,
alors que, là, un hôpital peut devenir entrepreneur
général, si je ne m'abuse. Ça pose un problème. Si
jamais on a un débat plus en profondeur sur toute cette questionna, il
va falloir qu'on réexamine le champ d'application. Ça m'apparaft
élémentaire. Oui?
M. Lemieux (Olivier): M. Bilodeau.
M. Bilodeau: Effectivement, Mme Blackburn, ça pose des tas
de problèmes, surtout qu'à la CSN, vous savez, on
représente la plus grande partie des travailleurs du secteur public et
parapublic. On a beaucoup de travailleurs d'hôpitaux qui sont
syndiqués, des travailleurs de commissions scolaires qui sont
syndiqués. Régulièrement, on rencontre aussi les syndicats
pour avoir avec eux des discussions sur les types de travaux qu'ils peuvent
exécuter ou que nos membres peuvent exécuter. Je dois vous dire
que, souvent, les litiges se règlent lorsqu'on syndique les travailleurs
qui ont été embauchés par l'hôpital pour faire ces
travaux-là parce que souvent les conventions collectives leur donnent
l'ancienneté, ce qui n'existe pas dans l'industrie de la construction.
Généralement, en peu de temps, le litige peut se régler
sur cette base-là. Mais ce n'est certainement pas avec la volonté
des administrateurs d'hôpitaux qui, eux autres, vont tenter effectivement
de faire faire les travaux au plus faible coût possible.
Mme Blackburn: Votre deuxième recommandation... La
première, je la passe, parce que vous dites: 10 000 $, étant
identifiés comme étant des travaux mineurs. Est-ce que c'est 10
000 $ pour la totalité des travaux à effectuer ou 10 000 $ par
spécialité?
Des voix: Ha, ha. ha!
M. Bilodeau: Non non, c'est l'ensemble des travaux.
Écoutez, je pense que, quand c'est survenu, ce litige-là,
personne ne voulait effectivement faire une balise quelque part. Certains
disaient 2000 $, d'autres 5000 $ et, à l'époque, effectivement,
il y avait plusieurs entreprises industrielles qui voulaient faire des types de
travaux comme ceux-là, et c'est elles qu'il fallait viser. Alors, un
minimum de 10 000 $ ne nous apparaît pas comme étant un chiffre
très élevé dans l'économie actuelle.
Mme Blackburn: Le fait qu'il n'y ait pas de minimum
indiqué, ça donne lieu à quelles pratiques que vous
estimez abusives?
M. Lemieux (Olivier): Qu'il n'y ait pas de minimum au niveau des
travaux mineurs?
Mme Blackburn: Oui. Il n'y a pas de définition de travaux
mineurs dans le commercial. Est-ce que vous avez des exemples qui
démontrent qu'N y a eu abus dans des travaux de rénovation qui
devaient être des travaux mineurs, des travaux non assujettis qui,
finalement, se sont avérés des travaux importants?
M. Lemieux (Olivier): En fait, ce qui fausse un peu l'esprit de
la loi 31, c'est la faille qu'H y avait dedans où les gens se sont
incorporés. En fait, ils ne faisaient pas nécessairement des
travaux mineurs. La notion était comme disparue comme telle parce qu'ils
allaient partout. C'est dans ce sens-là qu'on pense qu'il faut
absolument avoir une limite.
M. Bilodeau: Tout simplement, un exemple qu'on pourrait vous
donner. Effectivement, on pourrait rentrer dans cet exemple un triplex. Il y a
un logement à réparer avec peut-être un escalier à
placer. Je peux vous assurer - s'il y en a qui sont propriétaires - que
des travaux comme ceux-là risquent d'atteindre facilement 10 000 $.
Mais, c'est la catégorie qui était visée Ce qu'on ne
voudrait pas, c'est qu'une fois qu'on a mis, par exemple, du polythene devant
les fenêtres, placardé avec du «plywood» les
entrées de la ruelle, là, à l'intérieur, il se
fasse des modifications, des rénovations qui peuvent se chiffrer
à 40 000 $, 50 000 $. On pense que, s'il n'y a pas de minimum
exigé ou de maximum exigé, on laisse encore une fois la porte
grande ouverte à l'excès.
Mme Blackburn: Ça, c'est pour le résidentiel et non
pas le commercial.
M. Bilodeau: Ce que je vous disais là, c'était du
commercial...
Mme Blackburn: Oui, d'accord.
M. Bilodeau: ...ou du résidentiel, mais des
propriétaires qui ont des logements qu'ils n'habitent pas.
Mme Blackburn: Du locatif. Votre deuxième... Je pensais
que le ministre répondrait à la deuxième recommandation
qui propose de modifier l'article 19.2 pour le clarifier. Je dois dire que j'ai
comme vous... Je l'ai relu 10 fois. Évidemment, comme je ne suis pas
légiste, comme je ne suis pas avocate, j'ai beau le lire et le relire...
Si je le lis textuellement, c'est: «Un employeur ou un
représentant désigné en vertu de l'article 19.1 ne peut
exécuter des travaux de construction qu'avec l'aide d'au moins un
salarié de l'entreprise sauf s'il s'agit d'un entrepreneur autonome ou
du représentant désigné d'un
entrepreneur autonome». Ça laisse l'impression que
l'entrepreneur autonome peut continuer, ou son représentant. Je ne sais
pas. J'imagine que c'est la lecture que vous fartes aussi. J'ai beau le relire
et...
M. Bilodeau: Mme Blackburn, je dois vous dire que, nous, non
plus, on n'est pas juristes, mais on sait fort bien que ce qui se
conçoit bien s'énonce clairement, et ce n'est pas le cas.
Mme Blackburn: En tout cas, on me dit qu'on va bien m'expliquer
ça à l'occasion de l'examen article par article. Vous proposez
une modification à l'article 7.1 qui viendrait rendre un peu plus
sévères les pénalités, c'est-à-dire qu'il
est exclu du chantier, à moins qu'il ne revienne avec sa carte ou qu'il
trouve quelqu'un pour la lui vendre.
M. Lemieux (Olivier): Disons que la pratique est pas mal moins
courante maintenant avec les systèmes d'ordinateur. Il y a encore
quelques exceptions, mais...
Mme Blackburn: Brièvement, est-ce que...
M. Lemieux (Olivier): ...c'est plutôt des prêts,
maintenant, des prêts de cartes.
Mme Blackburn: Ah! d'accord. Parce qu'il n'y a pas de photo?
M. Lemieux (Olivier): Non, pas sur la carte de
compétence.
Mme Blackburn: Est-ce que c'est important, comme
phénomène...
M. Lemieux (Olivier): Non.
Mme Blackburn: ...le racket des cartes de compétence et le
prêt des cartes de compétence?
M. Lemieux (Olivier): Moi, je pense qu'on revient à un
certain phénomène où on retrouve des chantiers très
lucratifs, exemple: de ce temps-là, Sept-îles et Baie James. Quand
il y a des endroits, des chantiers où les travailleurs de la
construction font des salaires pas mal au-dessus de la moyenne à cause
du temps supplémentaire, de l'éloignement, disons que, là,
il faut être plus vigilant. Tout le monde veut gagner 2000 $ par semaine,
surtout les travailleurs de la construction. Quand tu n'as pas
d'ancienneté dans l'industrie, quand tu peux poigner quatre, cinq mois
à 1500 $, 2000 $ par semaine, il n'y a personne qui crache
là-dessus, surtout dans les temps qu'on vit présentement.
Mme Blackburn: Le travail au noir est devenu endémique, je
pense qu'on peut le dire, dans la construction, en particulier. En plus,
évidemment, il y a toute une économie souterraine qui est en
train de se développer au Québec. Dans la construction, il y a
finalement, on le constate, peu d'économies pour le consommateur. On est
obligé de le constater, juste sur la base des coûts de
construction d'une maison neuve, qu'il n'y a pas vraiment d'économie.
Alors, il y a certainement quelqu'un qui s'enrichit quelque part. C'est autant
vos travailleurs que les entrepreneurs.
Le problème qu'on éprouve par rapport à ce type de
travail au noir, c'est un peu comme pour le tabac. Finalement, c'est le fumeur,
c'est celui qui achète. Dans la construction, ça ne revient pas
dans les poches du consommateur. On a comme un problème. C'est ce qu'on
invoque souvent, moi et mes collègues, en disant: L'entrepreneur
autonome, normalement, il devrait contribuer à faire réduire les
coûts. On devrait avoir des services à meilleur coût. Mais
on ne nous a pas démontré, au cours de ces deux jours, que
c'était un fait. Moi, je prétends que le travail au noir
s'explique beaucoup par l'accroissement absolument effréné des
taxes, de la tarification des impôts, ce qui fait que tous ceux qui
peuvent y échapper vont faire n'importe quoi pour y échapper. Je
rappelle qu'il y a des taxes, des tarifications auxquelles vous ne pouvez pas
échapper. La taxe sur l'essence, vous ne pouvez pas y échapper.
Les cigarettes, à moins d'avoir des contacts, vous ne pouvez pas y
échapper.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Les immatriculations pour les voitures, les permis
de conduire, les frais de scolarité, les taxes scolaires, les taxes
municipales, vous avez toute une série de tarifications et de taxes.
Inutile, vous ne pouvez pas y échapper, ça touche tout le monde.
Alors, il reste donc l'impôt et les différentes mesures sociales
rattachées, prévues au Décret. Là, de plus en plus
de gens refusent de les payer. Qu'est-ce qu'on peut faire? Là, on a beau
parler... D'accord, c'est «smart» à plein, ce qu'on fait
là, c'est gentil, on essaie de clarifier des affaires, mais le vrai
problème du travail au noir, je ne pense pas vraiment qu'on le
règle, y compris avec 185. On aurait pu avoir une petite idée que
ça aurait pu améliorer la chose si on avait promulgué 53
en 1985. On aurait peut-être vu si ça avait des effets. (18 h
30)
Mais, là, j'ai l'impression que la tangente qu'on a prise au
Québec, c'est entré dans les moeurs. C'est entré dans les
moeurs et ça, c'est inquiétant. Je me demande: Est-ce qu'on peut
penser... Là, certaines personnes ont envisagé des mesures pour
limiter le travail au noir en disant: Des avantages fiscaux, une contribution -
l'équivalent de Corvée-habitation - des trucs comme ça.
Mais, est-ce qu'on peut penser à autre chose?
M. Lemieux (Olivier): Chez nous, on pense qu'une des mesures qui
pourraient être incitatives pour enrayer le travail au noir, ça
pourrait être au niveau de la fiscalité. Un consommateur ou une
consommatrice qui fait faire des travaux dé construction pourrait avoir
un crédit d'impôt pu se servir de son REER. Quand c'est des vrais
de l'industrie, il pourrait y avoir, je ne sais pas, moi, une fiche disant: Tef
individu, il a sa carte. C'est tel entrepreneur qui a sa carte. Quand c'est des
travaux assujettis, il pourrait y avoir des crédits d'impôt ou on
pourrait se servir de son REER pour les faire effectuer. On pense que ça
serait une mesure incitative. En faisant, comme le suggérait une des
recommandations de Picard-Sexton, une bonne campagne de publicité en
lançant cette idée, je pense que ça serait une des mesures
qui pourraient enrayer une partie du travail au noir. La campagne de
publicité, bien, en fait... Comme on dit: Piquer, c'est voler! tout le
monde l'a dans l'esprit maintenant et ça pourrait être vrai pour
les heures dans l'industrie de la construction.
Moi, je pense qu'il y a une éducation à faire. Même
ceux, à l'heure actuelle, qui ne font pas effectuer leurs travaux au
noir passent pour niaiseux ou niaiseuses. T'es bien épais, toi, tu as
pris un... Tu sais? Moi, je pense qu'on est rendu à la limite. Quand tu
prends un entrepreneur en construction, tu es un épais ou tu ne sais pas
comment ça marche, la business. C'est rendu qu'on se vante de frauder le
système. Moi, je pense qu'il faut absolument qu'il y ait des mesures de
prises. C'est rendu que c'est une fierté de contourner les lois et le
système. S'il y avait des mesures fiscales, soit au niveau du
crédit d'impôt, des REER, ou, en tout cas, trouver une
façon d'inciter les consommateurs ou les consommatrices à prendre
les vrais de l'industrie, déjà là, l'image serait
changée. Ça serait véhiculé autrement et ça
serait très positif pour l'industrie.
Le Président (M. Gauvin): Juste une minute d'attention,
s'il vous plaît. J'aimerais rappeler aux membres de la commission et
à nos invités que le mandat de la commission était que les
travaux devaient se terminer à 18 h 30. Ça me prend le
consentement des membres pour continuer.
Mme Blackburn: Ça va.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi, merci.
Mme Blackburn: Consentement accordé. Les régimes
d'épargne-logement, est-ce que ça a eu un effet?
M. Lemieux (Olivier): Bien, dans le temps, oui, ça a eu un
effet pour l'achat, mais ça pourrait être converti, je pense - tu
veux réparer ton condo ou ta maison - en avantages... Moi, je pense que
ça serait une des mesures très, très incitatives.
Peut-être que ça pourrait repartir une partie de l'économie
parce qu'on est convaincus que lorsque ça va répartir, ça
va passer par lé bâtiment. C'est ça qui est le plus rapide.
On attend nos gouvernements pour le plan de relance, mais j'ai l'impression
qu'une partie de son plan de relance va toucher le bâtiment et la
construction.
Mme Blackburn: On va souhaiter qu'il fasse preuve
d'imagination.
M. Bilodeau: Mme Blackburn, si vous permettez.
Le Président (M. Gauvin): M. Bilodeau. Mme Blackburn:
Oui.
M. Bilodeau: II y a même des études très
sérieuses qui existent dans l'industrie concernant la rénovation,
études faites par là CCQ et dans lesquelles on explique
très bien que la rénovation, c'est une activité
anticyclique. C'est-à-dire qu'une fois que la construction neuve a
accaparé le marché il y a une période d'affaiblissement et
c'est la rénovation qui intervient. Dans fa période de
récession qu'on connaît, à l'heure actuelle, effectivement,
s'il y a un modèle à suivre, c'est peut-être le
modèle économique le plus simple qui est celui des
activités cycliques et anticycliques, et de soutenir l'activité
de la construction en soutenant les secteurs qui sont faibles. Mon taux, mon
toit, ça a peut-être maintenu une certaine activité dans le
secteur, mais j'ai l'impression que ça a fait monter le prix des maisons
plutôt qu'autre chose. On ne l'a pas vraiment senti dans l'industrie.
Ça a simplement maintenu artificiellement l'activité pendant
quelques mois, et on a vu la chute des taux d'intérêt. Tout
à coup, les travailleurs, qui sont, eux aussi, des acheteurs de maisons,
ne pouvaient plus se payer les maisons qu'on leur offrait à 100 000 $,
même avec une déduction. C'est peut-être ça le
problème. Il faut absolument que les consommateurs - la grande partie
des consommateurs, c'est les travailleurs et les travailleuses du Québec
- soient, eux autres, capables d'en acheter une maison. Pour ça, il faut
qu'ils travaillent, c'est une des premières conditions. Je pense que le
plein emploi est favorisé par l'ensemble du monde. La deuxième,
c'est de les inciter, de favoriser cette consommation en leur permettant
d'avoir accès soit à des programmes de rénovation, soit
à des programmes d'habitation qui leur permettent d'y
accéder.
Mme Blackburn: Vous endossez une des propositions de
Sexton-Picard qui suggère une bonne campagne d'information sur les
coûts du
travail au noir. Moi, je pense que ce serait une bonne idée. Il
me semble que, même si on mettait une centaine de mille dollars sur une
campagne comme ça, si ça avait des effets réels, ça
ne coûterait rien à l'État puisque, déjà, les
rentrées d'impôt compenseraient très largement pour les
frais de la campagne. Pourquoi est-ce que ça n'a pas été
fait? Pourquoi est-ce que le gouvernement n'y a pas donné suite? Il
faudrait le demander au ministre du Travail qui est plutôt responsable de
l'industrie de la construction.
M. Lemieux (Olivier): Bien, moi, je pense qu'il y a beaucoup de
mesures qui se retrouvaient dans Picard-Sexton, qui, si elles avaient
été appliquées, entre autres, sur la planification des
travaux dans l'industrie de la construction... Il y avait des mesures
incitatives. C'était une des recommandations. Il y avait sept ou huit
recommandations concernant le travail au noir dont une campagne publicitaire
pour inciter les gens. Peut-être que le M. le ministre pourrait nous
répondre, mais j'ai l'impression que, si une bonne partie des
résolutions de Picard-Sexton avaient été
appliquées, déjà, la moitié du problème
serait réglé, si ce n'est pas plus.
Mme Blackburn: Avec 185, ça donne quelle proportion,
à peu près, de Sexton-Picard qui est appliquée? Indue?
M. Bilodeau: Bien, je dois vous dire qu'avec le discours qu'on
entend à l'heure actuelle, d'un nouveau contrat social, de grappes
industrielles, nous autres, une des choses qui nous étonnent le plus
dans tout ça, c'est que, partout, ils tentent de faire des
comités de concertation pour mettre les syndicats, les employeurs et le
gouvernement autour de tables dans lesquelles on pourrait définir les
grands projets économiques.
Bien, dans la construction, le rapport Picard-Sexton, c'était sa
première recommandation: Faites une commission pour planifier
l'industrie, on en a besoin. À notre connaissance, ça n'a pas
été retenu. On aimerait bien ça qu'elle soit retenue,
mais, là, on nous dit: Ça, c'est l'affaire du Conseil du
trésor, c'est lui le grand décideur. On aimerait ça, nous
autres, être les décideurs dans l'industrie. Probablement que les
entrepreneurs aimeraient ça aussi. Ça pourrait permettre de
planifier la main-d'oeuvre pendant peut-être une dizaine d'années,
faire en sorte qu'elle reçoive la formation voulue et faire en sorte que
ça stabilise l'activité de l'industrie pour ne pas qu'on se
retrouve, comme maintenant, avec 30 % à 40 % de moins d'activité
alors qu'il y a à peine 18 mois on était à l'apogée
avec 120 000 000 d'heures. On est rendu à 85 000 000. Si, quelque part,
il y avait eu une volonté politique de dire: On va passer à
travers la crise, on aurait assis les parties à une commission, à
un comité quelconque pour dire: Écoutez, avez-vous des bonnes
idées pour passer à travers? Comment on ferait? Je pense que,
s'il y a une recommandation à retenir de Picard-Sexton, c'est bien
celle-là, à part tout le reste, là, même
l'élimination de l'entrepreneur autonome.
Mme Blackburn: Est-ce que vous ne trouvez pas surprenant que
même Tremblay n'ait pas proposé, n'ait pas reconnu qu'il y avait
possibilité de grappes industrielles dans l'industrie de la
construction?
M. Lemieux (Olivier): J'ai rencontré, dernièrement,
M. Éric Ryan...
Mme Blackburn: Ah bon! Le frère de l'autre.
M. Lemieux (Olivier): ...et il nous a dit que, probablement, au
sujet des grappes concernant la construction, on serait convoqués d'ici
le mois de juin ou, au plus tard, à l'automne, mais il n'y a pas de
projet sur la table. Il est censé nous rencontrer pour regarder comment
pourrait fonctionner l'industrie. En tout cas, il nous a dit en juin ou
peut-être à l'automne, dépendamment comment vont aller les
débats à la Chambre. En tout cas, on l'a vu une fois et c'est
ça qu'il nous a dit, que c'était une des cibles du ministre
Tremblay, la construction.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. En conclusion, M. le ministre.
M. Cherry: Oui, bien rapidement. D'abord, juste pour
enchaîner sur les commentaires que vous faisiez. Même si ça
ne répond pas aux besoins à cause de la situation
économique, il ne faudrait quand même pas passer sous silence
l'annonce qui a été faite par le premier ministre, au
début de janvier 1991, des 500 000 000 $ qui ont été
injectés et dont la période se termine en mars 1992. Donc,
même si ce n'est pas suffisant, c'est quand même un montant,
là. Dans le contexte économique, un effort de cette
nature-là, il ne faut quand même pas passer ça sous
silence.
Vu que la journée se termine, je veux vous remercier d'avoir
accepté de venir témoigner devant nous. Je vous remercie aussi du
vidéo. Je trouve que c'est une façon moderne de communiquer et
ça dit exactement le message que vous vouliez dire. Je pense qu'on va
être capables de cheminer ensemble et de trouver des pistes de solution
qui devraient nous amener à ça. Mais, encore une fois, je pense
que ça a été exprimé aujourd'hui, il y a des gens
de la construction qui se disent: Chaque fois, qu'il y aura quelque chose, on
trouvera une façon de le contourner. Ça ne peut pas être
une attitude qui va mener à un règlement. Il faut qu'il y ait une
volonté de
trouver des solutions qui vont être plus permanentes et
perméables que celle de dire: Fartes ce que vous voudrez, puis, nous
autres, on trouvera une façon de le contourner. Alors, dans ce
sens-là, je vous remercie de votre présence et de votre
contribution. Espérons qu'on pourra continuer à cheminer ensemble
dans ce dossier-là comme dans l'ensemble des autres dossiers. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi, si vous avez des commentaires, en conclusion.
Mme Blackburn: Oui. Merci, M. le Président. Très
brièvement, j'aurais souhaité que le ministre profite de
l'invitation que vous lui fartes de tenir une commission parlementaire ou une
instance qui aurait réuni les entrepreneurs, les employeurs, les
employés, les syndicats, le gouvernement pour examiner toute cette
question de l'industrie de la construction, pour essayer de dégager des
pistes ou des voies de solution afin de redresser un peu ce secteur
d'activité.
Je pensais que le ministre le ferait. J'imagine que ce n'est pas dans
ses carnets de commandes. Peut-être va-t-il consulter le Conseil des
ministres. J'espère qu'on lui dira oui et, à ce moment-là,
il aura tout mon appui. Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée. J'aimerais aussi, au nom des membres de cette
commission, remercier nos invités pour la présentation de leur
mémoire. La commission ajourne ses travaux à jeudi, demain, le 20
février, à 9 h 30, en cette salle.
(Fin de la séance à 18 h 42)