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(Quatorze heures quatorze minutes)
Le Président (M. Gauvin): Je déclare la
séance de la commission de l'économie et du travail ouverte.
J'aimerais inviter les participants, les visiteurs ou les observateurs à
prendre place, s'il vous plaît, dans des fauteuils autant que possible.
Merci.
Je rappelle que le mandat de la commission est de procéder
à une consultation générale sur le statut de l'autonome
dans l'industrie de la construction dans le cadre de l'étude
détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Audet
(Beauce-Nord) est remplacé par M. Kehoe (Chapleau), M. Bélanger
(Laval-des-Rapides) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet) et M.
Lemire (Saint-Maurice) est remplacé par M. MacMillan (Papineau).
Le Président (M. Gauvin): Merci.
J'aimerais vous rappeler... Je pense qu'on devrait revoir ensemble
l'ordre du jour. Nos travaux devaient commencer à 14 heures. Nous avons
quelques minutes de retard qu'on va tenter de reprendre à la fin de la
séance de cet après-midi, avec votre consentement.
Le premier groupe, c'est le groupe de la Commission de la construction
du Québec. Le deuxième groupe invité est la Corporation
des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. Le
suivant, c'est la Centrale des syndicats démocratiques et le Syndicat
des travailleurs de la construction du Québec. C'est ce qui
complète les travaux prévus pour la séance de cet
après-midi.
Je vais inviter M. le ministre à des commentaires d'ouverture
s'il y a lieu. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Normand
Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Chers collègues,
mesdames et messieurs, bonjour. La commission de l'économie et du
travail est réunie aujourd'hui pour procéder à une
consultation générale avec auditions publiques sur le statut de
l'autonome dans l'industrie de la construction, et ce, dans le cadre de
l'étude détaillée du projet de loi 185, Loi modifiant la
Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de
la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
Tout d'abord, je tiens à rappeler que depuis son
dépôt à l'Assemblée nationale, le 14 novembre, et
à l'occasion des consultations particulières que nous avons
tenues le 6 décembre, le projet de loi 185 a fait l'objet de discussions
entre les parties patronales elles-mêmes. Devant la confusion entourant
la question du travailleur autonome, j'ai décidé, comme ministre
du Travail responsable de ce projet, de tenir cette consultation.
À ce stade-ci, M. le Président, je me dois d'apporter des
clarifications à certaines affirmations qui ont été
véhiculées lors de la dernière commission parlementaire,
à l'effet que le projet de loi 185 oblige un autonome à se faire
accompagner d'un salarié pour effectuer des travaux de
réparation, d'entretien et de rénovation. Nous avons même
entendu sur les ondes certaines énormités telles que pour changer
un fusible, il fallait dorénavant être deux et que le consommateur
allait payer la facture.
Pour le bénéfice des membres de cette commission, je
répète que le projet de loi 185 ne modifie en rien le champ
d'application en ce qui touche les travaux de réparation, d'entretien et
de rénovation. Ainsi, tous les travaux de réparation, d'entretien
et de rénovation exécutés pour un consommateur, pour un
logement qu'il habite, sont exclus du champ d'application de la loi
présentement et le demeureront avec le projet de loi 185. Quant au
secteur commercial et industriel, la loi actuelle prévoit que les
travaux de réparation, d'entretien et de rénovation mineurs
peuvent être exécutés par un travailleur autonome, et le
projet de loi 185 maintient la même réalité.
Une telle mise au point, M. le Président, était
nécessaire et j'espère que cet exercice, approuvé par un
ordre de l'Assemblée nationale le 12 décembre, permettra
d'approfondir la notion du travailleur autonome par l'audition des groupes
concernés.
Je rappelle également qu'en proposant les changements inscrits au
projet de loi 185 l'intention du législateur est de rétablir la
notion de travailleur autonome, de lutter contre le travail au noir, de
permettre la mise en place d'un fonds de formation pour le perfectionnement et
le recyclage et de préciser les pouvoirs corporatifs de la Commission de
la construction du Québec. De plus, il étend à tout
entrepreneur de la construction la responsabilité, solidaire avec ses
sous-traitants, du paiement des salaires dus
par ces derniers à leurs salariés et précise le
droit applicable aux représentants d'une corporation ou d'une
société oeuvrant sur les chantiers de construction. Enfin, le
projet de loi 185 supprime l'obligation de publier dans les journaux la
convention collective conclue par les parties et la requête demandant son
extension juridique et il permet au gouvernement de déterminer les cas
prévus par la loi où des frais, droits ou honoraires peuvent
être exigés.
En terminant, M. le Président, je tiens ici à
réitérer la volonté et la détermination du
gouvernement de trouver des solutions acceptables pour l'ensemble de
l'industrie de la construction et, plus particulièrement, sur le
travailleur autonome. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Toujours, au niveau des
déclarations d'ouverture, j'inviterais la représente de
l'Opposition, Mme la députée de Chicoutiml, pour un maximum de 15
minutes.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je voudrais d'abord
remercier ceux et celles qui auront et qui ont accepté de venir
témoigner devant cette commission pour la patience et la retenue dont
ils font preuve depuis quelques semaines, pour ne pas dire quelques
années. Malheureusement, l'impression qui se dégage de ce projet
de loi est qu'encore une fois le gouvernement libéral n'a pas su ou
voulu respecter les engagements pris à l'endroit des gens de la
construction, tant les entrepreneurs que les employés.
Le ministre n'a pas écouté les revendications du milieu de
la construction qui, après plusieurs débats, commissions,
à la suite du rapport Sexton-Picard et de la multitude de
mémoires qui ont suivi, n'a pas encore su répondre à
l'industrie de la construction. Cette industrie, si rien n'est fait pour la
relancer ou, à tout le moins, la redresser, deviendra moribonde, compte
tenu du manque de cohésion des politiques gouvernementales. Je pense, en
particulier, aux politiques fiscales et tarifaires sauvages, à la
mauvaise coordination entre les ministères, au cancer qui ronge cette
industrie: le travail au noir.
Le travail au noir, c'est une plaie qui fait perdre des milliers
d'emplois par des illégaux, c'est-à-dire dont les heures sont
déclarées ou les revenus déclarés et, par le fait
même, prive le Trésor public, que ce soit la CSST, le
système de santé, de revenus qui, par les temps qui courent,
tendent à diminuer dangereusement. Je dis toujours que les
problèmes de caisses qu'on connaît au Québec sont dus au
chômage, au nombre trop élevé d'assistés sociaux et
au travail au noir. On a 30 % de la population qui ne contribue plus à
la caisse. Le travail au noir représente - il est important de le
rappeler - selon une estimation sérieuse, pour les vrais travailleurs de
la construction, un manque à gagner évalué, estimé
à un montant entre 600 000 000 $ et 800 000 000 $. Ça
représente un manque à gagner pour l'État de 300 000 000 $
à 400 000 000 $ annuellement.
Mais avant d'élaborer plus à fond sur la loi 185,
j'aimerais faire une mise au point. Avant les fêtes, avant la fin de la
session de décembre dernier, il y avait eu une entente de prise
respectivement entre les leaders de l'Opposition et du gouvernement, le
ministre et moi-même, à l'effet que l'adoption de la loi 185
était une priorité parce que la loi 186, c'était la loi 53
révisée, et 53 attendait sur les tablettes depuis juin 1985. Il
n'y avait pas urgence en la matière si on se fiait à l'attitude
du gouvernement face à cette loi depuis son élection. À la
dernière minute, le ministre a décidé que c'était
186 qui passait et non pas 185. Alors, je voudrais bien qu'on soit clair
là-dessus: l'Opposition n'a rien eu à faire là-dedans.
J'aurai peut-être l'occasion d'y revenir.
Le projet de loi 186 est venu modifier 53 qui avait fait un large
consensus, tant chez les entrepreneurs que chez les travailleurs de la
construction. Pourtant, on aura pris sept ans à l'appliquer parce
qu'elle va entrer en vigueur. Elle vient d'entrer en vigueur en janvier
dernier, pas janvier mais février, si ma mémoire est
fidèle, alors qu'elle avait fait un large consensus. Le projet de loi
185, nous sommes en train d'en disposer.
Le projet de loi 185. Le mandat de la commission, c'est de
procéder à une consultation générale et tenir des
audiences publiques sur le statut de l'autonome dans l'industrie de la
construction. On est obligé de constater que le débat est
polarisé. Ce qu'on entend dans les médias et les
représentations qui nous sont faites dans nos bureaux, c'est soit que
l'entrepreneur autonome est une victime, soit qu'il est responsable. Je dirais
qu'ils sont probablement et l'un et l'autre. Victime, parce qu'on est en train
de faire repasser sur le dos des entrepreneurs autonomes l'unique
responsabilité du travail au noir, quand on sait que le travail au noir
a toutes sortes de formes. Il revêt toutes sortes de manières de
s'exprimer. C'est autant le fait du syndiqué qui travaille au noir, de
l'ouvrier, d'une entreprise qui travaille au noir en fin de semaine sur la
construction que du gros entrepreneur. Là, on a des cas précis,
à savoir qui fait du travail au noir. Alors, ce n'est pas le fait -
parce que ce serait facile à régler si c'était ça,
la situation, le ministre le sait - exclusivement des entrepreneurs autonomes.
Donc, à cet égard, ils sont un peu victimes.
Mais je dirais: Ils sont un peu responsables parce qu'ils ont permis que
circule une certaine perception, quant à leur travail, qui est
fausse.
Le ministre en a rappelé une. On venait dans mon bureau en me
disant: Écoutez, pour changer un robinet, il va falloir qu'ils soient
deux. J'ai dit... Et c'est soumis au décret. C'est pour ça que
ça nous coûte cher. Alors, je disais: Écoutez, ce n'est pas
vrai, y compris chez nous.
Je me permets de le rappeler, parce que Guy Chevrette, qui connaît
particulièrement bien le dossier la construction, me disait: Je viens de
faire construire une garde-robe, changer un mur de place. Ça m'a
coûté 3000 $. Ça n'a pas de bon sens. Ça coûte
trop cher, le décret. J'ai dit: Guy, ce n'est pas le décret.
Alors ça, c'est une des choses qui est véhiculée qu'il est
important de ramener. Et ça, là, je me dis: On n'a jamais
intérêt à laisser circuler ce genre d'information.
Ça n'a pas vraiment servi la cause, je me dois de le dire, des
entrepreneurs autonomes.
À présent, est-ce qu'il associe exclusivement le travail
au noir aux entrepreneurs? C'est court et c'est faire de la diversion. Mais
comment expliquer la croissance phénoménale du travail au noir?
Les charges fiscales et sociales imposées aveuglément sans
considération pour le revenu expliquent en bonne partie le recours au
travail au noir: impôt, taxes, tarifications de toutes sortes. Il y a
celles que le contribuable ne peut éviter: l'essence - à moins
d'être proche des lignes pour aller faire faire le plein au
Nouveau-Brunswick ou aux États-Unis, vous ne pouvez pas y
échapper - le vêtement, les couches de bébé, les
meubles, les appareils électroménagers, la tarification
d'Hydro-Québec, le permis de conduire, le permis d'immatriculation des
voitures, les frais de scolarité, les taxes scolaires, municipales,
l'alcool, le tabac, à moins d'avoir vos entrées... Ha, ha, ha!
Bon.
Alors, voilà de nouvelles taxes, de nouvelles tarifications
auxquelles aucun contribuable ne peut échapper. Il n'en reste qu'une
à laquelle il peut échapper: c'est toutes les tarifications
sociales reliées à l'exercice d'un emploi, dans la construction
en particulier, et l'impôt. L'impôt direct, tous ceux qui sont
perçus à la source, pas de problème, on paie, on ne dit
pas un mot, on n'a pas le choix. Donc, ces personnes paient - on ne sait pas,
je n'ai pas l'estimation - 5 %, 10 %, 15 % de plus que ce qu'elles devraient
payer si tout le monde payait. Mais l'explication du travail au noir trouve sa
source dans une fiscalité, une tarification sauvage qui a atteint tout
le monde, indépendamment du revenu, et qui réussit à
appauvrir tout le monde. Alors, aussi longtemps que le gouvernement n'aura pas
compris qu'il faut revoir la fiscalité en fonction d'une
fiscalité plus progressiste, on aura le problème du recours au
travail au noir. Il est anormal qu'on paie des taxes sur des bottines au
même titre qu'on les paie si on achète des chaussures de luxe,
qu'on paie des taxes sur les produits de première
nécessité. J'estime que le savon est parmi les produits de
première nécessité au même titre que si on
achète des produits de toilette extrêmement luxueux. Il y a
quelque chose d'anormal dans ce système. Si on veut contrer le travail
au noir, il va falloir qu'il y ait une certaine incitation à participer
tous et chacun à la caisse.
Par ailleurs, le travail au noir est devenu accepté socialement
et ça, c'est dangereux, c'est en train d'entrer dans nos moeurs. Il y a
peu de temps, peu de personnes auraient accepté de dire: On me paie en
dessous de la table et je ne paierai pas d'impôt. On se serait tous plus
ou moins sentis coupables. C'est en train de devenir quasiment la norme; tu as
l'air d'un innocent si tu fais comme j'ai fait. J'ai fait exécuter des
travaux chez nous. Je les ai déclarés, c'est-à-dire que je
les ai déclarés, je suis passée par toute la
procédure légale et normale et on m'a dit: Écoute, tu es
niaiseuse parce que ça se fait de moins en moins. (14 h 30)
Si on ne trouve pas le moyen de rétablir... Et là, je vois
des députés qui rient pour la même raison. Je suis certaine
qu'il y a de mes collègues qui acceptent le travail au noir. Je suis
certaine qu'il y en a de l'autre côté aussi. On ferait le tour un
peu et ça m'étonnerait qu'on n'en trouve pas. Quand on est en
train de faire ce genre d'exercice, il m'apparaît important de comprendre
que le travail au noir au Québec est devenu socialement acceptable. Et
ça, là... Ne nous étonnons pas que ceux qui paient des
impôts vont finir par en payer de façon à être
complètement étouffés et ça explique un peu ce
qu'on appelle la colère des contribuables.
L'entrepreneur autonome, qui fait l'objet de la présente session,
est-il victime ou responsable? Je pense qu'il est un peu les deux. Il n'est pas
plus responsable que d'autres secteurs d'activité du travail au noir et
il est un peu victime de cette espèce de propagande qu'on a entreprise
autour de sa pratique. Cependant, il est aussi responsable parce que - je pense
qu'il faut le dire à l'ouverture de cette commission - à ma
connaissance et à la connaissance que j'ai de la loi 31, elle
prévoyait réserver des champs de compétence très
précis au travailleur autonome: rénovation, réparation et
entretien dans le domiciliaire et dans le commercial. La loi ne
prévoyait pas qu'ils entreraient sur les chantiers de construction.
Par ailleurs, ce qu'il faut également dire, c'est que certaines
personnes ont l'impression que de travailler, de demander des travaux à
des entrepreneurs qui embauchent des employés qui sont soumis au
décret, ça coûte énormément plus cher. Vous
n'avez qu'à faire le test. Si vous allez chercher un petit entrepreneur
et un grand entrepreneur, si les deux déclarent les heures
travaillées, ils vous chargent sensiblement la même chose, y
compris dans les travaux domiciliaires de rénovation et de
réparation. Alors, moi, je me dis: II y a comme un peu de mythe qu'il va
falloir laisser tomber.
À présent, les questions qui se posent et sur lesquelles
il serait intéressant que nous puissions faire la lumière au
cours de la présente commission: Le législateur a-t-il
l'intention de rendre la définition du travailleur autonome conforme aux
intentions du législateur à l'occasion de l'adoption du projet de
loi 31? Seul le ministre le sait. Le législateur a-t-il l'intention de
changer d'avis et d'élargir le champ de compétence des
entrepreneurs autonomes de la construction tet qu'il est demandé par
certains entrepreneurs autonomes? La réponse appartient au ministre.
Quelles mesures concrètes le ministre entend-il prendre pour
limiter la pratique au noir dans l'industrie de la construction? Par exemple,
est-ce qu'il exigera des municipalités que les informations touchant le
nombre d'heures requises pour exécuter des travaux de construction
soient données au moment de l'émission des permis de construire?
Ça permettrait d'aller chercher des informations, de faire ce que
j'appellerais des vérifications ponctuelles quant aux heures
déclarées et aux heures effectivement contenues dans les
contrats. Est-ce que le ministre a l'intention de confier à la
Commission de la construction du Québec, tel que ça a
été déjà le cas, le pouvoir d'intenter des
poursuites pénales de manière à réduire les
délais entre le constat de l'infraction et l'imposition de
pénalités ou d'amendes?
Le ministre a-t-il l'intention d'examiner la possibilité de
déduire du revenu d'un particulier les frais reliés aux heures,
au travail, au salaire d'un ouvrier qui effectue des travaux, soit de
construction, de rénovation ou de réparation dans le
domiciliaire? On sait que dans le commercial industriel, ça ne pose pas
de problème; ça l'est déjà. Mais dans le
domiciliaire, est-ce qu'il envisage la déduction d'impôt? Quant
aux dispositions touchant la constitution d'un fonds de formation de la
main-d'oeuvre en construction, le ministre a-t-il l'intention de conserver
cette disposition dans le projet de loi 185? Le ministre a-t-il l'intention de
faire adopter cette loi au cours de la présente session ou prendra-t-il
prétexte des travaux parlementaires nombreux et prioritaires tels le
discours du trône - pour ceux qui ne sont pas vraiment familiers avec les
procédures, vous savez ce que ça veut dire; ça prend une
partie du temps de l'Assemblée nationale - le discours du budget, les
modifications possibles, envisagées, envisageables ou
hypothétiques à la loi sur les référendums ou
à la loi 150?
Est-ce qu'l prendra prétexte de tous ces travaux pour laisser
dormir la loi? Je ne le sais pas. Je l'ignore. Seul le ministre saurait nous le
dire. Mais ceux et celles qui pensent que l'Opposition officielle seule peut
obliger le gouvernement à adopter une position contre son gré
s'illusionnent. Il y a longtemps que j'ai perdu cette illusion. Tout au plus,
l'Opposition sert de prétexte pour reporter une loi quand ça fait
l'affaire du gouvernement. Dans le projet de loi 185, il y a cependant pour
nous un élément capital sans lequel nous ne pourrions donner
notre consentement. C'est la création d'un fonds de formation pour la
main-d'oeuvre en construction.
Je voudrais terminer sur une note plus personnelle. Je ne suis pas de
celles qui pensent que la relance économique passe par l'appauvrissement
des travailleurs et plus particulièrement des travailleurs de la
construction. Si on nie aux travailleurs de la construction des conditions
décentes de travail, on nie leur droit à la
propriété et on diminue leur capacité de consommer. Il
faut se rappeler que dans les coûts horaires d'un travailleur de la
construction, ce qu'il met effectivement dans ses poches représente
environ 60 % de ce que ça coûte effectivement à l'employeur
parce que vous avez toute une série de tarifications - et on en a
ajouté avec 186 - qui viennent augmenter les coûts de la
construction et ça n'enrichit pas davantage le travailleur.
Là-dessus, je termine et nous entendrons avec plaisir les
commentaires, avis et propositions des organismes qui se présenteront
devant nous. Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée. J'inviterais le premier groupe à prendre place -
et je pense que c'est déjà fait - le groupe de la Commission de
la construction du Québec, représenté par Me Alcide
Fournier, président-directeur général. Avant de l'inviter
à nous présenter ses collaborateurs, j'aimerais vous rappeler que
vous avez 30 minutes pour présenter votre argumentation, votre
mémoire ici, aux membres de cette commission; le ministre et ses
collègues ont 30 minutes et l'Opposition a aussi 30 minutes pour
échanger avec vous, pour un bloc de 1 heure et 30 minutes. Donc,
j'invite Me Fournier à nous présenter ses collaborateurs et,
après coup, à nous présenter son mémoire.
Auditions Commission de la construction du
Québec
M. Fournier (Alcide): Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais vous
présenter, à mon extrême gauche, Me Jean Ménard,
directeur du contentieux, et M. Jean-Luc Pilon, directeur de la recherche;
à ma droite, M. Claude Boivin, conseiller responsable de l'application
du décret, et M. Michel Hamelin, qui est directeur du service du
décret et des services opérationnels à la Commission.
Étant donné le rôle central qu'occupe la Commission
de la construction du Québec dans l'application de la Loi sur les
relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'?uvre dans l'industrie de la cons-
truction, permettez-moi, en guise de préambule, de vous
présenter brièvement cet organisme.
Créé le 1er janvier 1987 afin de favoriser une meilleure
représentation des gens du milieu de la construction, la Commission de
la construction du Québec remplace l'Office de la construction du
Québec. Par son conseil d'administration qui compte 13 membres, la CCQ
regroupe les représentants des différentes associations de
salariés et d'employeurs, facilitant l'établissement d'un climat
de travail favorable dans l'industrie. La présence de
représentants du gouvernement du Québec au sein de son conseil
d'administration fait de la CCQ un lieu de rencontre privilégié
où les gens du milieu peuvent contribuer à définir des
politiques favorables au développement de leur industrie. Soulignons que
le financement de la CCQ est totalement assuré par les salariés
et les employeurs de la construction.
J'aimerais également vous rappeler les principaux mandats que le
législateur a confiés à la CCQ. Premièrement, la
Commission doit veiller à l'application de la convention collective ou
du décret régissant les conditions de travail dans l'industrie de
la construction. Ce mandat, dont l'origine remonte aux années trente,
constitue la principale activité de la Commission. Il implique le
maintien de 13 bureaux régionaux pour desservir adéquatement
l'ensemble du territoire québécois, le maintien d'un service de
vérification de livres, d'inspection de chantiers et d'un service
à la clientèle, l'exercice de tous les recours qui naissent du
décret en faveur des salariés, la perception des cotisations
patronales versées à l'association des employeurs et des
cotisations syndicales versées aux associations représentatives,
la perception et la remise biannuelle d'indemnités de paie de vacances,
l'administration d'un fonds spécial d'indemnisation protégeant
les salariés contre toute perte du revenu résultant d'une
faillite de leur employeur.
Deuxièmement, la Commission doit administrer les régimes
complémentaires d'avantages sociaux. Ce mandat implique l'administration
des régimes d'assurance-vie, d'assurance-salaire et d'assurance-maladie
pour plus de 80 000 salariés de la construction, l'administration d'un
régime de retraite qui compte 350 000 participants actifs, 35 000
retraités et dont l'actif, géré conjointement avec la
Caisse de dépôt et placement du Québec,
s'élève à plus de 3 300 000 000 $, la signature d'ententes
de réciprocité avec d'autres régimes canadiens ou
américains.
Troisièmement, la Commission doit veiller à l'application
de la loi et des règlements se rapportant à la gestion de la
main-d'oeuvre, dont le contrôle de la compétence des travailleurs
oeuvrant sur les chantiers de construction. Ce mandat implique la
délivrance et le renouvellement des certificats de compétence
à près de 145 000 travailleurs et employeurs. Pour être
plus précis, c'est 152 400. La surveillance du respect des
critères de priorité d'embauché, l'émission de
licences aux agences syndicales de placement ainsi que le contrôle de
leur respect du code d'éthique, le maintien d'un service de
références des salariés disponible aux employeurs.
Quatrièmement, la Commission doit veiller à l'application
des mesures et programmes relatifs à la formation professionnelle de la
main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Ce mandat, confié
à la Commission en janvier 1987, implique l'élaboration et la
mise en oeuvre d'un système intégré de formation et de
qualification professionnelle en collaboration avec les représentants
des parties syndicale et patronale, l'évaluation annuelle des besoins
quantitatifs et qualitatifs de la main-d'oeuvre de l'industrie de la
construction.
Cinquièmement, la Commission doit organiser périodiquement
le vote d'adhésion syndicale. Ce vote détermine le degré
de représentativité des associations syndicales. Il est l'une des
caractéristiques fondamentales du pluralisme syndical qui prévaut
dans le régime de relations de travail de l'industrie
québécoise de la construction. Finalement, la Commission doit
effectuer l'inspection concernant la vérification des licences des
entrepreneurs en construction.
Ayant précisé le rôle de la CCQ, je voudrais
maintenant vous entretenir de deux sujets particuliers, soit le statut
d'entrepreneur autonome et l'institution des poursuites pénales pour les
infractions à la loi R-20. Notre présentation ne portera pas sur
les aspects politiques du projet de loi 185, mais plutôt sur ses aspects
administratifs.
Le projet de loi 31, adopté le 15 juin 1988, avait pour objet,
tel que spécifié dans les notes explicatives, de
déréglementer certains travaux dans l'industrie de la
construction, d'introduire la notion d'entrepreneur autonome en
précisant les travaux qu'il peut exécuter, de ne plus retenir la
notion d'artisan, d'octroyer à la Commission de la construction du
Québec des pouvoirs accrus pour assurer l'exécution de son mandat
et d'augmenter le montant des amendes.
Cette déréglementation et l'introduction de l'entrepreneur
autonome en le limitant à certains travaux modifiaient le champ
d'application de la loi comme suit. Alors, là, on vous présente
un tableau pour essayer de présenter de façon graphique ce qui
est assujetti à la loi, ce qui n'est pas assujetti à la loi et
qui peut faire quoi. Si vous me permettez, je vous proposerais d'abord
d'étudier la ligne d'en haut et la ligne d'en bas, pour revenir ensuite
à la ligne du milieu.
À la ligne d'en haut, il s'agit des travaux de réparation,
d'entretien, de rénovation, de modification et de construction d'un
garage ou d'une remise. Si ces travaux sont faits dans le secteur
résidentiel pour une personne qui y habite, ils ne sont pas assujettis
à la loi, depuis
l'adoption du projet de loi 31. Pour ce qui est de la construction
neuve, qu'elle soit résidentielle, commerciale, Industrielle,
institutionnelle ou de génie civil, elle est assujettie à la loi
et elle doit être exécutée par un employeur ayant des
salariés ou, exceptionnellement, par un entrepreneur autonome,
c'est-à-dire l'entrepreneur autonome en machinerie lourde. C'est la
seule exception. (14 h 45)
Pour ce qui est de la section centrale du graphique, vous avez les
travaux de réparation, d'entretien, de rénovation mineurs, de
rénovation, de modification et de démolition. S'il s'agit de
travaux effectués dans le résidentiel, c'est-à-dire
autrement que pour une personne qui y habite, par exemple, immeuble à
logements multiples, dans le secteur commercial ou le secteur industriel,
institutionnel et de génie, les employeurs et les salariés de
l'industrie de la construction sont autorisés à faire ces
travaux-là, également, l'entrepreneur autonome en machinerie
lourde et, pour l'entrepreneur autonome, il peut faire les travaux de
réparation, d'entretien et de rénovation mineurs dans ces
secteurs-là.
Alors, si je résume rapidement, réparation, entretien,
rénovation, modification et construction d'un garage ou d'une remise
attenante à la résidence d'une personne qui y habite, ces
travaux-là ne sont pas assujettis à la loi. Pour les travaux de
construction neuve, que ce soit dans le résidentiel, le commercial,
l'industriel, l'institutionnel, le génie, ces travaux sont assujettis
à la loi et l'entrepreneur autonome en machinerie lourde peut
également y participer. Pour la réparation, l'entretien et la
rénovation dans le secteur résidentiel à un immeuble
à logements multiples, l'entrepreneur autonome peut faire ces
travaux-là. Par contre, il ne peut pas faire les travaux de
rénovation, modification, démolition dans le commercial,
l'industriel, l'institutionnel, le génie civil. Alors, je ne sais pas si
tout est clair. De toute façon, on pourra y revenir lors de la
période de questions et le texte qui suit dans le mémoire
continue d'expliquer un peu la situation de l'entrepreneur autonome.
Ainsi, la loi reconnaissait le contexte particulier de l'industrie de la
construction et réservait, sauf exception, aux employeurs et aux
salariés le secteur de la construction neuve. Par ailleurs, elle
permettait aussi à l'individu qui agissait avant comme artisan de
continuer d'oeuvrer à l'intérieur de l'industrie de la
construction à titre d'entrepreneur autonome en le limitant toutefois
à certains travaux. Il faut aussi souligner que ce statut n'est pas
définitif. En effet, l'entrepreneur autonome pouvait
ultérieurement choisir le statut d'employeur ou de salarié.
D'autre part, en déréglementant certains travaux, la loi
donnait à l'ex-artisan la pos- sibilité d'exercer sa
spécialité dans le secteur nouvellement exclu du champ
d'application de la loi. Par exemple, pour effectuer la rénovation de sa
salle de bain, le consommateur n'avait plus l'obligation de confier ce genre de
travail à une entreprise ou à une personne soumise au
décret de la construction. Car en excluant du champ d'application de la
loi les travaux d'entretien, de réparation, de rénovation et de
modification d'un logement habité par une personne physique pour qui les
travaux sont effectués, la loi ouvrait un vaste secteur
d'activité pouvant ainsi être occupé par les artisans.
Soulignons que les travaux de rénovation et de réparation
confiés à contrat par les propriétaires occupants sont
évalués par Statistique Canada à 1 800 000 000 $ au
Québec en 1989. Cependant, une fois les modifications
législatives en vigueur, la Commission s'est heurtée dans leur
application à des difficultés sur le plan juridique. En fait, la
définition de l'entrepreneur autonome est très stricte. Elle se
lit comme suit: «Un entrepreneur titulaire d'une licence d'entrepreneur
spécialisé délivrée en vertu de la Loi sur la
qualification professionnelle des entrepreneurs de construction, qui
exécute lui-même, pour autrui et sans l'aide de salariés:
"i. des travaux de construction visés à la présente loi,
si cette licence est relative aux sous-catégories «Entrepreneurs
de machineries lourdes» ou «Entrepreneurs en excavation et
terrassement»; "il. des travaux d'entretien, de réparation et de
rénovation mineure visés à la présente loi, si
cette licence est relative à toute autre sous
catégorie».
Ainsi, un individu travaillant seul à son propre compte peut ne
pas correspondre à la définition d'entrepreneur autonome ni
à celle d'employeur ou de salarié. Il tombe alors dans un vide
juridique et n'est soumis à aucune disposition de la loi. Ces
difficultés proviennent surtout des différents types
d'entité juridique (personne physique, société ou
compagnie) qu'une entreprise peut adopter pour oeuvrer sur les chantiers de
construction. Dépendamment du choix d'entité juridique,
l'entreprise peut se soustraire à l'application de la loi. Il me
paraît important de souligner ici certaines considérations qui
semblent fondamentales dans l'application de la loi.
D'abord, il faut mentionner que la loi s'applique aux employeurs et aux
salariés de l'industrie de la construction et que tout le fondement de
cette loi se retrouve dans cette relation entre l'employeur et le
salarié. La seule exception à cette relation toujours
présente est l'entrepreneur autonome, quoique la loi lui confère
expressément le statut d'employeur pour les fins d'application de
certaines responsabilités et obligations.
Par conséquent, la loi telle que rédigée, en se
limitant à la relation employeur-salarié, omet la notion
d'entrepreneur spécialisé sans salariés
qui n'est pas un entrepreneur autonome ou, si vous voulez, qui ne
correspond pas strictement à la définition de l'entrepreneur
autonome. Du seul fait qu'une personne seule s'incorpore ou qu'un groupe
d'individus s'organise en compagnie ou en société pour effectuer,
sans l'aide de salariés, les travaux de construction, permet à
chacune de ces personnes physique, par l'intermédiaire de leur
entité juridique, de se soustraire à l'application de la loi et
de ses règlements.
La Direction des affaires pénales du ministère de la
Justice et le service juridique de la CCQ n'ont pas tardé à
soulever ces vides juridiques dans l'application de la loi. La Direction des
affaires pénales, pour sa part, a émis plusieurs avis juridiques
à cet effet. Elle a retourné à la CCQ fa majorité
des plaintes pénales relatives au régime de l'entrepreneur
autonome sous le motif que l'entreprise, de par son entité juridique,
n'était pas assujettie à la loi et ne pouvait donc être
poursuivie, si bien que la Commission ne peut plus, dans les faits,
émettre de constats d'infraction à l'égard de ces
entrepreneurs.
D'ailleurs, dès la mise en vigueur du projet de loi 31, nous
avons assisté à la transformation des entités juridiques
des artisans. Ceux-ci étant généralement des personnes
physiques travaillant à leur propre compte, ils n'ont pas
hésité à s'incorporer pour se soustraire à
l'application de la Loi sur les relations du travail, la formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la
construction. Également, des individus, se regroupant en compagnie ou en
société afin de faire affaire ensemble, se sont soustraits
à la loi; ils ont ainsi soumis les employeurs de l'industrie de la
construction à une concurrence déloyale.
Cette situation semble discordante avec les objectifs que visait le
projet de loi 31. Si ces lacunes ne sont pas corrigées, elles
continueront à favoriser le travail au noir chez les employeurs
assujettis, étant donné la concurrence difficile entre ceux qui,
d'un côté, sont soumis aux règles régissant
l'industrie de la construction et, de l'autre, les entrepreneurs sans
salariés qui se servent d'une charte ou d'un contrat de
société pour se soustraire à ces mêmes
règles, car ils ne sont pas, par omission, couverts par la loi.
Les modifications proposées dans le projet de loi 185 à
l'égard de la notion d'entrepreneur autonome et sur le
représentant désigné d'un employeur au sein de
l'entreprise viennent corriger les situations ambiguës et les vides
juridiques qu'on retrouve dans l'application de la loi. En effet, en
établissant clairement le principe que les sociétaires d'une
société et les administrateurs d'une compagnie seront
considérés soit comme entrepreneurs autonomes, soit comme
salariés lorsqu'ils travailleront sur un chantier de construction
assujetti, tout en permettant à un représentant
désigné d'agir comme employeur, on oblige l'entreprise à
respecter les règles de l'industrie de la construction.
À titre d'exemple, si trois administrateurs d'une compagnie
décident d'effectuer des travaux de construction sans l'aide de
salariés, ils devront se conformer aux dispositions de la loi et un seul
de ces derniers aura le statut d'employeur. Plus précisément, ils
devront, entre autres, respecter les conditions du décret, d'où
la concurrence sur une même base pour les autres employeurs. Les
modifications apportées par le projet de loi 185 viennent clarifier le
statut de l'entrepreneur autonome et permettre une meilleure
compréhension des différents statuts des personnes
assujetties.
J'entends maintenant exposer la problématique de l'institution
des poursuites pénales pour les infractions constatées à
rencontre de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle
et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Cette
problématique tient compte de l'expérience vécue depuis
qu'une modification à cette loi accordait au Procureur
général le mandat exclusif d'intenter ces poursuites, et aussi de
deux résolutions unanimes des membres du conseil d'administration de la
Commission en faveur du retour à la Commission du droit de
poursuite.
La situation sera analysée en trois volets: d'abord, sur le plan
des principes qui sous-tendent le droit de poursuite, puis sur celui des
conséquences économiques et, enfin, quant aux aspects pratiques
et fonctionnels reliés à la gestion des plaintes
pénales.
Concernant les principes qui sous-tendent le droit de poursuite, tant le
droit criminel canadien que le droit pénal québécois
adoptent le principe que tout justiciable peut intenter une poursuite. Ce
principe était clairement énoncé à la Loi sur les
poursuites sommaires et il a été repris dans le nouveau Code de
procédure pénale.
Suit ce texte, une longue citation et je vous amène maintenant
à la page 16 pour vous dire que, dans les faits, plusieurs organismes
assument présentement, à la satisfaction des
intéressés, le port des poursuites pénales relevant de
leur champ d'activité. Dans le domaine professionnel et dans celui des
relations du travail, on peut citer les corporations professionnelles: la
Corporation des maîtres électriciens du Québec, la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie, les
comités paritaires. Dans d'autres domaines, signalons aussi le pouvoir
de la CSST d'intenter des poursuites pour les infractions à la Loi sur
la santé et la sécurité du travail et à la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Concernant les considérations économiques, soulignons que
l'industrie de la construction, tant par ses employeurs que par ses
salariés, assume présentement entièrement le coût
relatif à l'inspection et aux enquêtes menant à
l'institution de poursuites pénales intentées en vertu de la Loi
sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la
main-d'oeuvre
dans l'industrie de la construction.
En effet, ce sont uniquement les inspecteurs à l'emploi de la CCQ
qui sont chargés de surveiller les chantiers de construction,
d'inspecter les livres des employeurs et de faire enquête à la
suite des plaintes. Ce sont eux qui rédigent les rapports de chantier,
qui signent les constats d'infraction et qui témoignent devant le
tribunal. La CCQ assume d'autres coûts administratifs importants à
cet égard, tant sur le plan du personnel clérical qu'en
coûts de développement et de traitement informatique.
C'est ainsi que, pour l'année 1990, l'inspection des chantiers a
coûté à la CCQ la somme de 8 300 000 $. La majeure partie
de ce montant est imputable aux constats d'infractions pénales. Durant
la même période, l'inspection de livres a coûté
à la CCQ la somme de 12 800 000 $. Si la majeure partie est imputable
aux réclamations civiles, une part est attribuable aux plaintes
pénales. Ces sommes sont entièrement financées par
l'industrie.
Au chapitre précédent, nous avons fourni des exemples
d'organismes habilités à intenter des poursuites pénales.
Les lois pertinentes précisent qu'en pareil cas, l'amende revient
à l'organisme poursuivant. On peut d'ailleurs déceler une
tendance générale, pour le législateur
québécois, de faire bénéficier l'organisme qui
assume la charge d'appliquer une loi du montant des amendes perçues pour
les infractions à cette loi. C'est ainsi que le nouveau Code de la
sécurité routière permet maintenant le transfert aux
municipalités de la totalité des amendes imposées en la
matière, alors qu'auparavant, celles-ci n'avaient droit qu'aux amendes
relatives à certaines infractions. Cette loi permet même à
une municipalité de recevoir une partie des amendes lorsqu'elle choisit
de ne pas intenter elle-même les poursuites qu'elle a constatées
sur son territoire.
Pour l'année 1990, la CCQ a transmis au Procureur
général du Québec 24 000 recommandations de poursuites
pénales pour infractions à la Loi sur les relations de travail.
En tenant compte d'un montant d'amende moyen de 350 $, en tenant compte
également d'un certain pourcentage d'acquittements ou de plaintes ne
donnant pas lieu à la perception d'amendes pour d'autres raisons, soit
retrait, dossier refusé, etc., on peut arbitrairement fixer une moyenne
de revenu d'amendes à 200 $ par dossier.
C'est donc dire qu'un montant total de 4 800 000 $ aura
été perçu en amendes pour l'année 1990 pour des
infractions à la loi. Ce montant représente 9,4 % des
dépenses totales de la Commission pour l'année 1990, lesquelles
se chiffraient à la somme de 51 000 000 $. Le montant des amendes
étant entièrement versé à l'État, on peut
donc conclure que c'est l'industrie de la construction qui est appelée
à supporter seule, pour un montant équivalent, le coût de
sa discipline professionnelle, il s'agit donc de la seule industrie à
assumer entièrement ses coûts sans avoir le bénéfice
des amendes.
En ce qui concerne les aspects pratiques et fonctionnels, il n'est pas
question ici de faire le procès des procureurs de la couronne
chargés, depuis 1987, de plaider les poursuites pénales
intentées en vertu de la loi. Les responsables de la CCQ entretiennent
d'excellentes relations avec la Direction de affaires pénales et cette
dernière manifeste un souci de mener à bien la mission de
gérer les poursuites pénales relatives à la construction.
(15 heures)
Force nous est toutefois de constater que le fait que les poursuites
pénales ne soient pas intentées par la CCQ a
entraîné, sur les plans pratique et fonctionnel, des
conséquences fâcheuses tant pour l'industrie que pour
l'application efficace de la loi, nuisant à la lutte contre le travail
au noir. Il n'entre pas dans le cadre de notre présentation de mettre le
doigt sur les causes de cet état de fait; il s'agit plutôt de
dresser un bilan succinct à la lumière de l'expérience
vécue jusqu'ici.
Commençons par le champ d'application de la loi. Selon l'article
21 de la loi, le commissaire de la construction a la juridiction exclusive de
trancher toute difficulté d'interprétation ou d'application du
champ d'application de la loi. La nécessité de recourir au
commissaire ne fait pas l'unanimité chez les procureurs; de plus,
l'opportunité de référer un dossier particulier ne
paraît pas toujours évidente. Il s'ensuit que la question de
l'assujettissement est parfois tranchée par le juge pénal.
L'expérience a démontré que cette façon de
procéder entraîne une érosion du champ d'application de la
loi par le jeu du bénéfice du doute accordé
libéralement à l'accusé.
De plus, les procureurs de la couronne ne plaident pas devant le
commissaire de la construction. Il s'ensuit qu'un même dossier sera
plaidé par deux avocats différents, soit celui de la CCQ devant
le commissaire et le procureur de la couronne devant la Cour du Québec.
Il va de soi que cette manière de procéder entraîne des
délais inévitables ainsi qu'une complication administrative
source d'inconvénients. Dans le même ordre d'idées, il
serait également souhaitable qu'il n'y ait qu'un seul forum, à
savoir un tribunal spécialisé pour la construction. Cette
disposition rendrait l'application de la loi plus uniforme.
La lutte contre le travail au noir constitue un objectif auquel tous les
milieux se rallient. Les moyens judiciaires qui peuvent être mis en
oeuvre pour atteindre cet objectif sont de deux ordres: on a, d'une part, les
recours civils, qu'il s'agisse de réclamations de salaire ou de recours
en injonction; on peut, d'autre part, intenter des poursuites pénales
contre ceux qui ont commis une infraction à la loi, à ses
règlements ou au décret.
Le fait de confier au même organisme la
responsabilité de ces deux instruments judiciaires ne peut que
résulter en une meilleure coordination des recours et, par
conséquent, favoriser une plus grande efficacité dans la lutte
contre le travail au noir. À titre d'exemple, si la Commission de la
construction du Québec était de nouveau habilitée à
intenter les poursuites pénales pour les infractions à la loi,
elle serait en mesure d'assurer une plus grande rapidité d'intervention
sur les chantiers problèmes, en orchestrant les recours pénaux en
même temps que les poursuites civiles.
Finalement, le retour du droit de poursuite pénale à la
Commission permettrait de combler certaines lacunes au niveau du suivi des
poursuites intentées. Présentement, la CCQ reçoit peu
d'information sur les poursuites pénales intentées soit en
matière de qualification professionnelle, soit en matière de
respect de la convention collective ou du décret, soit sur toute autre
matière pouvant faire l'objet d'une poursuite pénale en vertu de
la loi R-20. Cette absence de feedback amène comme conséquence
une baisse de motivation parmi les inspecteurs chargés de faire
respecter la loi. De plus, cette carence n'aide pas les gestionnaires dans
leurs prises de décisions en rapport avec les actions à mener
pour une application efficace de la loi. Il va de soi que si c'était la
CCQ qui était le poursuivant, elle disposerait rapidement de toutes les
informations pertinentes.
Conclusion. Concernant le statut d'entrepreneur autonome, il nous semble
évident que la définition de l'entrepreneur autonome, par ses
omissions, amène des difficultés dans l'application de la loi
entraînant, en conséquence, des effets indésirables sur la
concurrence dans l'industrie de la construction. Le projet de loi 185 clarifie
la définition de l'entrepreneur autonome, permet une meilleure
compréhension des différents statuts des personnes oeuvrant dans
l'industrie de la construction assujettie et donne à la Commission des
balises pour appliquer la loi.
Quant à l'institution des poursuites pénales pour les
infractions à la loi R-20, nous considérons qu'aucun argument de
principe ne peut aujourd'hui justifier le refus d'accorder à la CCQ le
pouvoir d'intenter ces poursuites. Cette absence du droit de poursuite
entraîne, pour l'industrie de la construction, une charge
financière importante et injuste par rapport aux autres industries, en
plus d'avoir pour conséquence des lacunes dans l'application de la loi.
Le conseil d'administration de la CCQ demande donc au gouvernement de corriger
cette situation et d'introduire une modification législative
conséquente.
Merci de votre attention.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Four-nier,
président-directeur général. M. le ministre du Travail,
nous sommes à la période de questions pour 30 minutes que vous
pouvez prendre de façon consécutive ou alterner, selon
l'entente...
M. Cherry: M. le président, pour permettre de bien
préciser la partie de votre mémoire. C'est votre organisme qui
est chargé d'appliquer la loi de l'industrie de la construction et le
décret qui s'y rapporte.
M. Fournier (Alcide): Oui.
M. Cherry: C'est ça, votre responsabilité. Par
rapport à l'application de la notion d'entrepreneur autonome dans
l'industrie de la construction, comment vous pouvez contrôler ça
ou mieux contrôler ça, vu que c'est votre responsabilité?
Si on suivait ce que vous nous demandez de faire, ce serait quoi?
M. Fournier (Alcide): Au niveau de la loi actuelle ou de la loi
modifiée, 185? Parce que, au niveau de la loi actuelle, il n'y a pas
grand-chose qu'on peut faire compte tenu des avis juridiques qu'on a
reçus, en particulier des affaires pénales, puisqu'il n'y a pas
de sanctions de prévues dans la loi; si une personne devient
incorporée, je n'ai aucune sanction à lui appliquer. Mais, comme
le prévoit, à la loi 185, l'amendement, je pense que ce serait
relativement facilement applicable parce que, lorsqu'on visite les entreprises
sur les chantiers, on les identifie.
Deuxièmement, je pense que l'autre élément qui est
très intéressant dans la proposition de la loi, c'est la
désignation d'une personne qui est considérée comme
l'employeur et les autres personnes considérées comme des
salariés dans l'entreprise. C'est une clarification très
importante parce que, actuellement, la difficulté, c'est de savoir qui
on considère comme salarié et qui on considère comme
étant l'entreprise. Vous savez qu'une compagnie peut avoir 12, 15 ou 25
administrateurs. Donc, ces personnes-là, disons, ces 25
charpentiers-menuisiers qui sont ensemble dans une compagnie, est-ce que ce
sont tous des employeurs? Est-ce que ce sont tous des salariés? Je pense
que la loi 185 a le mérite de préciser le statut. Une personne
sera considérée comme l'employeur; les autres personnes seront
considérées comme des salariés. Je pense qu'à
partir de ce moment-là, on va pouvoir vérifier, tant au niveau de
la Régie des entreprises qu'au niveau des chantiers de construction, la
détention de la licence, la déclaration de la personne qui est
considérée comme l'employeur et les autres personnes qui sont
considérées comme des salariés.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: O. K. Vous venez de parler de la Régie. Je
voudrais qu'on se reporte en décembre dernier. Il y en a plusieurs qui,
en commission,
ont souligné l'écart entre le nombre de détenteurs
de licence que la Régie des entreprises émet et le nombre de ces
mêmes entrepreneurs qui font des déclarations à votre
organisme. On disait que, globalement, la différence entre les deux peut
se situer entre 8000 à 10 000 qui seraient des détenteurs de
licence mais qui ne feraient pas de rapport chez vous pour des heures
travaillées. C'est quoi, les facteurs et les éléments qui
font qu'il y a un écart aussi grand que ça? Parce que, sur quoi?
28 000 licences, s'il y en a 10 000 qui ne font pas de rapport, ça
semble énorme.
M. Fournier (Alcide): D'abord, si vous me permettez, j'ai les
chiffres. Le nombre de licences actives à la Régie, il y en a 28
177 et le nombre de licences à la Régie avec correspondance
à la Commission, il y en a 20 839. Il faut d'abord préciser que
le champ d'application de la loi de la Régie du bâtiment et de la
loi des relations du travail n'est pas tout à fait le même. Le
secteur de rénovation est toujours assujetti à la loi de la
Régie du bâtiment, mais n'est plus assujetti à la loi des
relations du travail dans l'industrie de la construction. Il y a
également toutes les personnes qui peuvent être
considérées comme des entrepreneurs autonomes qu'on n'a pas
continué d'identifier sur les chantiers de construction étant
donné que le Procureur général nous avait dit qu'il
était impossible de les poursuivre. Alors, on a arrêté de
faire le travail. Donc, il y a un autre nombre de détenteurs de licence
qui peuvent être dans cette catégorie-là. C'est à
peu près les deux facteurs, je pense, la correspondance du champ
d'application d'une loi vis-à-vis de l'autre et aussi le nombre
d'entreprises qu'on peut considérer comme des entrepreneurs autonomes en
vertu de la loi actuelle, qui peuvent faire la différence.
M. Cherry: Donc, ceux qui sont dans la catégorie de
l'entretien, de la rénovation et des réparations mineures, ces
gens-là, selon la loi, n'ayant pas à rapporter à votre
organisme...
M. Fournier (Alcide): Non.
M. Cherry: C'est ça?
M. Fournier (Alcide): C'est ça.
M. Cherry: Avez-vous une évaluation, même
approximative, par rapport à ceux qui ont un permis et qui ne font pas
de rapport? Il y en a combien qui oeuvrent exclusivement dans le champ qu'on
vient de décrire, et les autres, évidemment?
M. Fournier (Alcide): On n'a pas de chiffres concernant le
secteur de la rénovation. Évidemment, depuis que c'est non
assujetti au décret, c'est un secteur qu'on ne surveille plus. Donc, je
ne pourrais pas vous dire combien il y a d'entrepreneurs
spécialisés détenteurs de licence qui oeuvrent dans ce
secteur-là. Je n'ai aucun chiffre. Le secteur de la rénovation
n'étant pas assujetti, je n'ai pas de chiffres.
M. Cherry: O.K. Une dernière question... Des
voix:...
M. Cherry: Est-ce qu'il y en a d'autres qui possèdent des
informations?
Une voix: Non.
M. Cherry: Non? Ça va.
M. Fournier (Alcide): Non, c'est que...
M. Cherry: C'est parce que je vous voyais vous pencher et je me
suis dit que, peut-être quelqu'un...
M. Fournier (Alcide): Oui, c'est ça, je vérifiais.
Effectivement, sur tout ce qui n'est pas assujetti ou qu'on ne peut assujettir,
on n'a pas de chiffres. Nous, on a des chiffres sur ceux qu'on a
assujettis.
M. Cherry: O.K. Une dernière question pour cette ronde-ci
et d'autres souhaiteraient peut-être en poser. Il nous a
déjà été suggéré, et c'est une
discussion qu'on a eue au mois de décembre et que j'aimerais reprendre
pour voir votre réaction là-dessus, d'examiner l'hypothèse
qu'un entrepreneur puisse travailler seul sur son chantier en autant qu'il y
ait au moins un salarié déjà inscrit dans ses livres
même s'H n'est pas, au moment de la visite de l'inspecteur, avec lui sur
le chantier. C'est quoi, selon vous, les avantages et les inconvénients
d'une approche comme celle-là?
Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.
M. Fournier (Alcide): C'est assez difficile à dire.
D'abord, je dois préciser qu'il y a beaucoup de confusion au niveau de
la notion. J'entendais d'ailleurs, à la dernière commission
parlementaire, quelqu'un dire qu'il était un entrepreneur autonome, mais
qu'il avait un salarié rapporté à la Commission durant
toute l'année. Donc, il y a comme une impossibilité d'être
à la fois un entrepreneur autonome et un employeur.
Il y a l'autre problème aussi qui nous est rapporté,
l'employeur qui travaille lui-même au début et à la fin de
son contrat. Je pense que c'est à analyser. Si je me souviens bien,
également en commission parlementaire, le représentant de l'AECQ
faisait mention de ce problème-là et il disait que si, au niveau
de la rédaction, c'était pour avoir des conséquences aussi
néfas-
tes que la loi 31 a eues sur l'industrie de la construction, il
préférait la rédaction actuelle. C'est un peu la
même réaction que j'ai. C'est difficile de dire, en un instant ou
en trois minutes, quelles conséquences ça pourrait apporter.
Lorsqu'on a vécu l'application de la loi 31 et qu'on a vu les
conséquences que ça a apportées, on devient un peu plus
prudent sur des modifications éventuelles. En tout cas, je pense que ce
serait difficile de tenter d'énumérer toutes les
conséquences que ça peut avoir.
Il est bien évident qu'un employeur n'est pas toujours avec son
salarié sur le chantier et que son salarié n'est pas toujours
avec lui sur son chantier. Je pense que, règle générale,
il y a des employeurs qui ont quatre ou cinq salariés, deux ou trois
salariés qui, à l'occasion, se retrouvent seuls sur leur
chantier. Quant à nous, ça ne change pas leur statut d'employeur.
On considère qu'il demeure employeur, que son statut ne varie pas d'une
journée à l'autre, etc. Il faut se rendre compte aussi
qu'administrative-ment, si, à toutes les semaines, je dois
vérifier tous les entrepreneurs autonomes qui sont devenus des
salariés ou tous les salariés qui sont devenus des entrepreneurs
autonomes, ou de ces deux-là qui sont devenus des employeurs, et que je
change ma référence pour la semaine suivante, même avec
l'informatique, ce ne sera pas possible de le faire. Donc, c'est sûr
qu'il doit y avoir une certaine continuité dans le statut. Ce n'est pas
un statut, cependant, qui est immuable, c'est-à-dire que celui qui est
autonome pourrait devenir éventuellement un employeur,
c'est-à-dire une personne qui a des salariés, et pourrait devenir
un salarié aussi. Mais je pense que nous, le statut qu'on
considère, c'est que, de façon générale, un
employeur, c'est celui qui, généralement, a des salariés.
Donc, votre demande, c'est un peu ça. Nous, de façon
générale, on considère qu'une entreprise qui a
régulièrement des salariés, il s'agit bien d'un employeur
avec des salariés et non pas d'un entrepreneur autonome occasionnel.
M. Cherry: Donc - et là je vais terminer avec ça,
simplement pour préciser la dernière réponse que vous
venez de me donner - vous dites que, lors de la dernière commission
parlementaire, il y a des gens qui se décrivaient comme des
entrepreneurs autonomes, mais qui disaient en même temps: J'ai quelqu'un
qui travaille pour moi.
M. Fournier (Alcide): Oui.
M. Cherry: Et, si j'ai bien interprété ce que vous
avez dit, selon votre définition, tu ne peux pas être un
entrepreneur autonome s'il y a quelqu'un qui travaille pour toi. J'ai bien
compris, là.
M. Fournier (Alcide): Non, c'est un em- ployeur.
M. Cherry: Donc, c'est un employeur.
M. Fournier (Alcide): C'est ça. (15 h 15)
M. Cherry: Et, à partir du moment où c'est un
employeur, il peut faire des travaux. Donc, ça revient à la
question que je pose, c'est ça que je vous ai dit: Même s'il est
un entrepreneur, il a un ou des salariés, mais s'ils ne sont pas sur le
chantier immédiatement avec lui, mais il en a et ils les a inscrits aux
livres, et votre organisme pourrait vérifier... Votre perception
à vous, vous avez dit: On le considère
généralement, parce qu'on ne peut pas le suivre à la
semaine, on le considère comme un entrepreneur.
M. Fournier (Alcide): Comme un employeur. M. Cherry: Comme
un employeur.
M. Fournier (Alcide): Oui. De façon
générale, on reçoit, je ne sais pas, 15 000, 20 000
rapports mensuels. L'employeur peut varier son nombre de salariés de 1
à 5. Un mois, il n'a pas de rapport: il n'y a pas d'activités, il
n'y avait pas de contrat, j'imagine; alors, il fait un rapport
«nil». Quant à nous, dans son statut, il demeure un
employeur. Un mois, il n'y a pas eu de travaux, il n'a pas eu de
salariés, etc. Le mois suivant, il nous refait un nouveau rapport; il a
des salariés, il continue d'être employeur.
M. Cherry: Et si le mois où il ne vous fait pas de
rapport, c'est possible, parce qu'il a eu des salariés, mais ils ont
travaillé dans l'entretien, dans la rénovation et dans la
réparation, donc des heures n'étant pas assujetties.
M. Fournier (Alcide): C'est possible. C'est possible
effectivement.
M. Cherry: O.K. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Avec la formule
d'alternance...
Mme Blackburn: Oui, il n'y a pas de problème.
Le Président (M. Gauvin): ...j'aimerais revenir à
Mme la députée de Chicoutimi pour, ensuite, permettre au
député de l'Acadie.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Me Fournier,
messieurs, bonjour. Je vais me permettre d'aller un petit peu dans le
prolongement de la question du ministre, juste pour une question
d'éclaircissement. Ensuite, je voudrais revenir sur une question, parce
que j'en ai plusieurs, vous vous en doutez bien, puisqu'on a demandé que
vous soyez là.
Dans le prolongement de la question du ministre, quel est le statut de
l'employeur - parce que là, vous nous avez bien expliqué que
c'était antinomique, «entrepreneur autonome» et
«salarié à son service»... Ou il est entrepreneur
autonome, donc ça signifie qu'il est seul, ou il est employeur et
là, il a des employés à son service. Prenons
l'hypothèse qui a été avancée par le ministre: un
employeur, donc pas un entrepreneur autonome, qui a un employé à
son service ou quelques-uns, mais qui se retrouve, lui, comme employeur, sur le
chantier. Est-ce que c'est possible et, si oui, quel est son statut? Est-ce
qu'il est soumis au décret?
M. Hamelin (Michel): C'est un employeur au décret, c'est
en vertu de 18. 02 du décret où il est prévu
là-dedans qu'il doit déclarer ses heures et faire des rapports
lorsqu'il travaille lui-même sur le chantier de construction.
Mme Blackburn: D'accord. Il devient l'équivalent d'un
salarié.
M. Hamelin: Exactement.
Mme Blackburn: Au titre... Ça va. C'est ce que j'avais
compris.
Je vais aller peut-être à la question parce que, vous
savez, dans ce genre d'exercice, si on ne passe pas les questions les plus
importantes en premier, on risque de ne pas avoir le temps de les poser.
A la page 11 de votre mémoire, vous semblez croire que la
correction de la loi 31 pour resserrer la définition du travailleur
autonome pourrait efficacement contrer le travail au noir. Et je vous relis
là, au dernier paragraphe: «Cette situation semble discordante
avec les objectifs que visait le projet de loi 31. » Là-dessus,
nous sommes tous d'accord. «Si ces lacunes ne sont pas corrigées,
elles continueront de favoriser le travail au noir chez les employeurs
assujettis, étant donné la concurrence difficile entre ceux qui,
d'un côté, sont soumis aux règles régissant
l'industrie de la construction et, de l'autre, les entrepreneurs sans
salarié qui se servent d'une charte ou d'un contrat de
société pour se soustraire à ces mêmes règles
car ils ne sont pas, par omission, couverts par la loi. »
Dans quelle mesure êtes-vous capables de nous dire ici et de dire
à cette commission que du moment où on corrige la loi, tel que
prévu à 185, ça aura un effet direct de contrer le travail
au noir dans une proportion qui dépasse, j'allais dire, qui
dépasse l'activité des entrepreneurs autonomes eux-mêmes?
Parce que là, vous êtes en train de me dire que ça peut
avoir des effets importants, alors que moi, ce qu'on me dit comme écho,
c'est que le travail au noir, c'est aussi le fait des grosses entreprises, des
gros entrepreneurs.
M. Fournier (Alcide): C'est-à-dire que ce n'est pas
nécessairement des grosses entreprises, mais c'est le fait, je pense,
des entreprises qui sont en compétition avec ces entreprises-là.
Dans la plupart des cas, pour obtenir un contrat, il faut être le plus
bas soumissionnaire. Si c'est une entreprise qui n'est pas assujettie à
des règles, il peut mettre le prix qu'il veut. Si l'autre entreprise
à côté est assujettie à un certain nombre de
règles, il ne peut pas mettre le prix qu'il veut. S'il veut avoir le
contrat, il est obligé de faire un choix.
Mme Blackburn: J'ai bien compris. Ce n'était pas sous cet
angle-là parce que j'ai... Je comprends le jeu de la concurrence. Mais
où j'ai plus de difficultés, quand on parle du travail au noir,
ce n'est pas juste des entrepreneurs autonomes.
M. Fournier (Alcide): Non, non, non.
Mme Blackburn: C'est aussi l'entrepreneur plus important qui
déclare la moitié des heures travaillées.
M. Fournier (Alcide): Oui, oui, oui. Il y en a plusieurs sortes
de travail au noir, effectivement.
Mme Blackburn: O. K. Alors, c'est ça. C'est pourquoi je
vous dis: Est-ce que vous avez évalué? Parce que là, vous
semblez faire comme un absolu et je dois dire que ça me dérange,
parce que si c'est aussi simple que ça, moi, je vais dire: Bravo! on
sort de la commission et c'est fait. Ça veut dire que tous les
entrepreneurs vont voir leurs cotisations à la CSST baisser parce que,
évidemment, si tout le monde payait, ça baisserait...
M. Fournier (Alcide): Oui.
Mme Blackburn:... et toutes les autres charges sociales. Mais
revenons. Alors, vous semblez évaluer que ça aurait un effet
important. L'avez-vous mesuré? Quand on sait que le travail au noir a
pris toutes les formes.
M. Fournier (Alcide): Comme je le disais tout à l'heure,
c'est très difficile à mesurer, d'abord parce qu'il est... La
première chose qu'on doit mesurer, c'est le nombre d'entrepreneurs
autonomes qui font des travaux dans la construction neuve et qui
échappent à l'application de la loi actuellement. C'est la
première difficulté. La deuxième qui vient avec ça,
c'est ces entreprises-là qui peuvent soumettre des prix plus
intéressants que les autres, elles sont en compétition avec
combien d'autres? Est-ce que chaque entrepreneur autonome compétitionne
avec 2 ou 3? Si c'est avec 2 ou 3, s'il y a 3000 entrepreneurs autonomes, il y
en a 3000 autres qui peuvent
être tentés, un jour ou l'autre, de prendre une
décision de ne pas respecter le décret. Donc, vous voyez
déjà l'effet d'entraînement que ça peut avoir. Je
pense que, si on peut mieux contrôler le travailleur autonome, ça
va replacer tous les autres dans une situation concurrentielle, je dirais,
normale, où la compétition va se faire sur leur know-how et non
pas uniquement sur les salaires versés.
Mme Blackburn: Moi, je comprends. Je voulais juste mesurer
l'importance...
M. Fournier (Alcide): C'est très difficile.
Mme Blackburn:... quelle poignée ça nous
donnait.
M. Fournier (Alcide): Oui.
Mme Blackburn: Et vous me dites: On ne peut pas vraiment
l'évaluer, sauf qu'on sait qu'actuellement ça entraîne...
Il y a un facteur d'entraînement à la baisse dans les soumissions,
donc un recours au travail au noir. On évalue qu'en 1989 il s'effectuait
environ 1 800 000 000 $ de travaux reliés à la rénovation,
réparation et entretien. J'ai trouvé ça dans un
mémoire, ce n'est pas sorti de moi. C'est une évaluation.
M. Fournier (Alcide): Oui, dans notre mémoire.
Mme Blackburn: C'est peut-être la vôtre. M.
Fournier (Alcide): Oui.
Mme Blackburn: Oui. D'accord. Et tout ça, ça
échappe à toute forme de contrôle ou à peu
près. Est-ce que je me trompe?
M. Fournier (Alcide): C'est-à-dire que c'est le secteur
qui n'est plus assujetti à la loi des relations du travail depuis la loi
31 de 1988. C'est le secteur qui a été désassujetti
à ce moment-là et, comme on voulait le souligner, dans le fond,
c'est un secteur quand même important. Parce qu'à l'époque,
si vous vous souvenez des discussions au niveau de l'adoption de cette
loi-là, il était question, effectivement, de pouvoir offrir au
consommateur aussi un choix. Alors, le secteur de la rénovation avait
été exclu et le statut de l'entrepreneur autonome avait
été défini, avec des champs d'application bien
précis, etc.
Mme Blackburn: Parce que la loi a été
adoptée en 1988 où on a désassujetti les travaux
reliés à la réparation, la rénovation et
l'entretien, est-ce qu'on a constaté que ça avait eu un effet sur
la diminution de la facture chargée au consommateur? Ça, je ne
sais pas, ce n'est peut-être pas vous qui allez me dire ça, mais
il me semble que c'est une question qui se pose.
M. Fournier (Alcide): Je ne pourrais pas dire si ça a eu
un impact positif ou négatif. Je n'ai pas de renseignements
là-dessus.
Mme Blackburn: Quelques organismes suggéraient et, chez
les entrepreneurs autonomes, on suggérait qu'ils ne voyaient pas, me
dit-on, d'objection à faire rapport à la Commission du nombre
d'heures travaillées, par exemple; autrement dit, permettre à la
Commission... Même si elle n'a pas juridiction sur les travaux de
réparation, de rénovation et d'entretien, ils ne voyaient pas
d'inconvénient à faire rapport à la Commission. Comment
réagissez-vous?
M. Fournier (Alcide): Si je comprends bien, les entreprises qui
feraient des travaux de rénovation continueraient de faire rapport
à la Commission.
Mme Blackburn: Oui.
Une voix: Ce n'est pas impossible.
M. Fournier (Alcide): Je n'ai pas d'objection comme telle, mais
je ne peux pas voir quel serait leur intérêt à le faire si
ce n'est que de maintenir, par exemple, les assurances pour leurs
employés ou des choses comme ça. Mais, pour l'entreprise, il n'y
a pas vraiment d'intérêt à faire ça, parce que,
s'ils ne sont pas obligés de produire des rapports, je ne vois pourquoi
ils s'assujettiraient eux-mêmes à produire des rapports.
Mme Blackburn: En fait, ce qu'ils avancent comme idée,
c'est...
M. Fournier (Alcide): Ce n'est pas naturel pour une
entreprise.
Mme Blackburn: Non, je le sais, puis quand tu n'es pas
obligé de faire des rapports...
M. Fournier (Alcide): On n'en fait pas.
Mme Blackburn:... tu ne te forces pas pour en faire. Dieu sait
qu'il y en a déjà pas mal. La suggestion qu'ils faisaient,
c'était dans le but d'avoir un minimum de contrôle pour
l'État, pour un autre organisme, de vous donner des moyens de
vérifier le nombre d'heures déclaré avec le nombre
d'heures réalisées, quoique je suis comme vous, je pense qu'ils
n'en déclareront pas plus qu'ils vont en déclarer. Ils n'en
déclareraient pas plus à la la CCQ qu'ils en déclareraient
au fisc. C'est dans ce sens-là...
M. Fournier (Alcide): Non. Je serais déjà heureux
d'avoir les rapports de tous ceux qui font de la construction neuve.
Mme Blackburn: Oui. D'accord. Avez-vous déjà
estimé quel pourcentage de ces rapports-là, c'est-à-dire
des heures travaillées dans la construction neuve qui ne se rendent pas?
On estime à 25 % le nombre d'heures de travail au noir. Est-ce que
ça vous semble réaliste?
M. Fournier (Alcide): Là-dessus, je vais laisser la parole
à Jean-Luc Pilon, qui est le directeur de la recherche, qui a
peut-être des choses intéressantes.
Le Président (M. Gauvin): M. Pilon.
M. Pilon (Jean-Luc): Merci. Il y a eu plusieurs études qui
ont été faites dans le passé. Particulièrement vers
les années 1983-1984, il y en a eu deux qui ont été faites
pour le compte de l'AECQ, à l'époque. Il y en a eu une aussi par
des professeurs de l'Université Laval et il y en a eu une aussi dans le
cadre des travaux de la Commission Picard-Sexton. La plupart de ces
études-là comparaient des séries, arrivaient à
trouver des différences entre les deux et arrivaient plus ou moins
autour de 20 000 000, 25 000 000 d'heures de travail non
déclarées. Et ça peut dépendre aussi, je pense, de
la période. Quand vous êtes en période de récession,
c'est évident que la délinquance est plus forte, alors qu'en
période d'expansion les gens ont tendance à plus respecter les
lois, probablement. Récemment, un phénomène qui nous a
paru quand même relativement important en 1991, quand on regarde le
nombre d'heures enregistré dans le secteur résidentiel neuf
à la Commission et le nombre de mises en chantier, on s'aperçoit
que l'écart grandit énormément en 1991. Si vous prenez les
mises en chantier, par exemple, elles ont baissé de 7 % l'année
passée et les heures enregistrées chez nous ont baissé de
24 % dans ce secteur. Si bien qu'une mise en chantier qui, en 1988, 1989, 1990,
rapportait à la Commission - je ne sais pas si elles étaient
toutes rapportées - en moyenne 450 heures, maintenant c'est rendu
à 325, ce qui fait quand même un écart considérable
qu'on ne peut expliquer par une modification dans les structures. On a
essayé de tenir compte de ces facteurs-là et ça ne peut
expliquer un tel écart.
Mme Blackburn: Ce n'est pas dû à la technologie plus
avancée ou à la productivité?
M. Pilon: Bien, ça ne peut pas dans une seule
année. Les phénomènes technologiques ont cette tendance,
il est vrai, mais ce sont des phénomènes de long terme qui
s'implantent graduellement. Ce n'est pas dans une seule année qu'on a
des brisures de ce type-là. Je pense qu'il faut mettre ça plus
sur le dos d'une forme de délinquance qui s'installe ou de choses comme
ça.
Mme Blackburn: Là, ce que vous me dites, c'est 325, en
moyenne...
M. Pilon: Heures par mise... Mme Blackburn: ...heures par
unité... M. Pilon: Par unité mise en chantier. Mme
Blackburn: ...domiciliaire. M. Pilon: Domiciliaire, oui.
Mme Blackburn: Pourtant, les personnes à qui j'en ai
parlé estiment que ça prend à peu près 800 heures,
partout.
M. Fournier (Alcide): C'est ça.
Mme Blackburn: C'est généralement, et là je
parle aux entrepreneurs...
M. Pilon: 820 heures, dépendamment...
Mme Blackburn: Et personne n'est allé en
deçà. Est-ce qu'il y a moyen... Il y avait une hypothèse
qui était avancée, c'est qu'au moment où une
municipalité émet un permis de construction, elle devrait en
même temps exiger de l'entrepreneur ou du donneur d'ouvrage qu'il indique
le nombre d'heures requises pour effectuer les travaux, de manière
à avoir la possibilité pour votre Commission, par exemple,
d'établir un rapport entre le nombre d'heures déclaré et
les travaux effectués. Est-ce que ça pourrait être d'une
utilité quelconque? (15 h 30)
M. Fournier (Alcide): C'est sûr qu'avoir pour chaque
chantier au moins un estimé global des heures qui vont y être
travaillées serait intéressant pour la Commission de la
construction. D'ailleurs, nous, on est à travailler actuellement sur ce
qu'on appelle une méthode proactive d'inspection qui consiste tout
simplement à prévoir le chantier, la date d'ouverture, avant la
date d'ouverture d'avoir eu du donneur d'ouvrage l'entrepreneur
général, les sous-traitants, etc., pour avoir toute l'information
dès que la première pelletée de terre est enlevée,
pour pouvoir suivre l'évolution du chantier. Et ça, on va le
faire en regroupant ou en recoupant l'information qu'on peut détenir de
différentes sources. Il est sûr que, pour une municipalité,
il est peut-être difficile de lui demander d'estimer le nombre d'heures
sur chacun des chantiers. Il y a des méthodes qui existent pour
l'estimation des heures. Si j'ai, par exemple, un projet de pétrochimie
de 4 000 000 $, bien, il y a des méthodes pour déterminer
l'estimé d'heures en plomberie, en électricité, etc.
Ça existe déjà pour plusieurs genres de chantiers. C'est
sûr que c'est une information importante et très
intéressante pour nous. Est-ce que les municipalités seraient
disposées à fournir toute cette information-là?
Actuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on obtient quand même les permis de
construction des
différentes municipalités, qui nous donnent
déjà un bon aperçu du nombre d'heures. Comme vous le
disiez tantôt, si j'ai une maison de 125 000 $ qui est en construction,
j'ai une bonne idée du nombre d'heures à travailler dans cette
maison-là. Alors, on a déjà...
Mme Blackburn: Moi, je ne pensais pas que c'était la
municipalité qui devait évaluer le nombre d'heures. Ça
m'apparait là leur passer des responsabilités. Quand on sait les
effets qu'a eus la réforme fiscale sur les municipalités,
évidemment, elles ne voudront pas prendre un peu plus de
responsabilités avec pas de sous. Je me disais. Au moment où
elles émettent un permis de construction, est-ce qu'on peut envisager
que le donneur d'ouvrage, soit l'entrepreneur, celui qui fait la demande du
permis de construction, indique le contrat qui est intervenu entre lui et le
contracteur et indique le nombre d'heures évalué pour
réaliser les travaux? On peut dire: Ça vaut tant la maison et on
pense que ça prendra 800, 900, 650... Et là, évidemment,
ce n'est pas la municipalité qui le ferait, c'est la municipalité
qui exigerait que l'information lui soit fournie par celui qui fait la demande
de permis.
M. Fournier (Alcide): De façon générale,
avec les pouvoirs qu'on a dans la loi, on peut demander un certain nombre
d'informations au donneur d'ouvrage. On ne le fait pas systématiquement
dans toutes les municipalités, mais on peut le faire. Également,
je dois mentionner que, dans les suites au rapport Picard-Sexton, il y a une
partie qui traite de cette cueillette d'information pour l'industrie de la
construction. Il est prévu qu'on puisse rencontrer les
municipalités pour pouvoir discuter de ces aspects-là, avoir
l'information à partir du permis de construction municipal.
Mme Blackburn: Avez-vous déjà évalué
ce que ça représenterait comme diminution des charges sociales,
pour l'entrepreneur qui paie, qui déclare, donc, le nombre d'heures
travaillées, si tout le monde le déclarait? Là, vous nous
dites que, dans le domiciliaire, l'écart est énorme; plutôt
que 800 en moyenne, on déclare 325, m'avez-vous dit? Alors, ça
fait plus de 50 % de moins. Est-ce que vous avez déjà
évalué l'effet que ça aurait à la baisse des
charges sociales, CSST...
M. Fournier (Alcide): Non. On n'a pas fait ce genre de calcul,
non.
Mme Blackburn: Si vous me permettez, je pourrais continuer, mais
on peut aussi alterner.
Le Président (M. Gauvin): Bien, c'est selon l'entente que
j'avais cru qu'il y aurait...
Mme Blackburn: Alors, allez-y.
Le Président (M. Gauvin): Oui, alternance. Avant de
reconnaître M. le député des Îles-de-la-Madeleine.
Pour une meilleure sécurité pour cette salle, j'aimerais inviter
les gens qui sont debout près de la porte à tenter de prendre
place le long des murs. Je m'excuse, on n'a pas de fauteuils pour tout le
monde. Si vous voulez, s'il vous plaît, libérer la porte autant
que possible. Merci de votre collaboration. M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Merci, M. le Président. Alors, M. Fournier,
bienvenue, ainsi qu'à tous les membres de la Commission. À la
lecture de votre mémoire, honnêtement, M. Fournier, je suis un peu
déçu. Je pense que c'est des bonnes intentions, ça a
été fait légitimement, j'en conviens. Je vous
considère quand même comme des experts dans ce domaine-là
et vous l'êtes sûrement, vous et votre équipe, compte tenu
que vous occupez ces fonctions et que vous appliquez la loi. Cependant,
j'aurais préféré avoir davantage d'alternatives ou des
choses plus concrètes. Par exemple, quand on parle des maisons, entre
autres, où on dit que le nombre d'heures moyen pour construire une
maison, c'est 800, et que les entrepreneurs en rapportent 300, bon, là
vous dites: Est-ce que les municipalités seraient d'accord si on allait
voir sur les permis? À ce moment-là, la loi vous permet de
pouvoir collaborer ou de les consulter. Je trouve ça un peu drôle
- je vous le dis bien honnêtement - que ça n'ait pas
été fait. Pour quelle raison ça n'a pas été
fait? D'une part.
Deuxièmement, lorsqu'on parle de l'entrepreneur autonome sans
employé, de l'entrepreneur autonome seul, le projet de loi voudrait le
soustraire des chantiers de construction. On s'entend là-dessus? On veut
le soustraire des chantiers de construction. Selon votre expérience,
est-ce que ce serait possible de contrôler le nombre d'heures
travaillées - parce que ça, il faut trouver une solution au
travail au noir -sans exclure ces gens-là des chantiers de construction?
Avec votre expérience, le vécu que vous avez là-dedans,
est-ce possible d'inclure ces gens-là sur les chantiers de construction
tout en pouvant les contrôler au niveau du nombre d'heures? Parce qu'il y
aurait des alternatives dans ce sens-là.
Des petits entrepreneurs viennent me voir, dans un milieu comme chez
nous qui est plus petit et où la construction est plus difficile, et,
à l'époque des libertés individuelles, on dit: Bon, bien
là, on veut m'imposer d'embaucher quelqu'un... Et je ne vous dis pas que
le projet de loi n'est pas correct. Il y a des gens qui viennent me dire:
Écoute, moi, je suis un petit entrepreneur - en
électricité, par exemple - j'ai fait un choix, je veux travailler
seul; c'est mon choix; je suis limité au niveau de mon travail
parce que je travaille seul, mais je l'ai choisi; maintenant, à
l'époque des libertés individuelles, disons, là on veut
m'imposer, moi, d'embaucher quelqu'un obligatoirement pour entrer sur les
chantiers de construction. Par ailleurs, je sais très bien que ces
gens-là, pour une bonne majorité des cas, travaillent sous la
table également. Il faut parler juste, là. Ils ne rapportent pas
le nombre d'heures requis et ce n'est pas correct non plus. Ça, j'en
conviens. Mais est-ce qu'il y aurait une formule? Avez-vous des
hypothèses ou des alternatives qui feraient en sorte qu'on pourrait
donner accès à ces gens-là sur des chantiers de
construction tout en pouvant les contrôler davantage?
Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.
M. Fournier (Alcide): D'abord, votre première partie. Au
niveau de l'information qu'on utilise des municipalités, je peux vous
dire qu'on le fait depuis de nombreuses années. On ne le fait pas comme
Mme Blackburn me l'avait demandé, c'est-à-dire recevoir d'avance
de la municipalité l'estimation des heures sur chacun des permis de
construction. Mais, lorsqu'on en a besoin, on va aux municipalités et on
prend l'information relative aux permis de construction.
Votre autre question. Moi, personnellement, je suis dans l'industrie de
la construction depuis 1969. On a tenté plusieurs formules pour
contrôler, comme vous dites, la personne qui fait des choix et qui veut
de temps en temps être assujettie, de temps en temps ne pas être
assujettie, de temps en temps respecter la loi et de temps en temps ne pas la
respecter. Ça, malheureusement, une formule qui va permettre à
quelqu'un de ne pas respecter la loi et de respecter la loi, je ne pense pas
qu'il en existe. On n'en a pas trouvé en tout cas. Je me souviens qu'on
a mis dans le décret de 1973 des dispositions concernant l'artisan. Il
devait afficher son contrat, il devait déclarer ses heures, il devait
faire ci, il devait faire ça. Ça n'a pas été fait.
Toutes les possibilités, je pense, ont pratiquement été
explorées. Et là, s'il y en a qui ont plus d'imagination que moi
et qui peuvent en trouver, tant mieux, mais je ne pense pas qu'on puisse
contrôler quelqu'un si on ne l'assujettit pas d'abord à la loi,
tant et aussi longtemps qu'il ne sera pas assujetti à la loi. Vous savez
que, lorsqu'une loi n'a pas de sanction, c'est une loi qui est inapplicable.
Or, dans son cas, il n'y a pas de sanction, donc la loi est inapplicable. Je
pense qu'il n'y a pas d'autre solution que de, d'abord, l'assujettir.
Peut-être lui donner des conditions particulières, des choses
comme ça, je pense qu'il n'y a personne qui a d'objection
là-dessus. Mais je pense que la première démarche, c'est
d'abord de l'assujettir à la loi pour qu'il respecte des conditions
semblables à ceux avec qui il est en compétition. Je pense que
c'est la première démarche, et c'est ce que la loi propose, dans
le fond.
Le Président (M. Gauvin): M. le député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Alors, est-il possible de l'assujettir à la loi
sans obligation du nombre d'employés?
M. Fournier (Alcide): Bien, dans le fond, si...
M. Farrah: C'est ça que je vous demande.
M. Fournier (Alcide): Oui, mais ce serait le retour au statut
d'artisan qui existait avant 1979.
M. Farrah: Moi, je ne vous dis pas qu'il faut le faire. Ce n'est
pas ça que je veux dire. Sauf que, bon, il y a des opinions diverses
là-dessus, c'est pour ça que je vous pose la question, si c'est
possible de le faire.
M. Fournier (Alcide): Si on regarde au niveau de
l'évolution de cette notion-là, de salarié, d'employeur et
d'artisan ou de celui qui est entre deux un peu, depuis 1970 cette
notion-là a évolué. Différentes alternatives ont
été essayées; ça a plus ou moins marché. Il
y a eu des modifications qui ont été apportées par la
suite, etc., pour essayer de colmater un certain nombre de problèmes ou
de brèches, etc. Et c'est ce qui a été fait aussi en 1988.
En 1988, si vous vous rappelez du débat, il y avait aussi toute la
question de la rénovation, de la réparation des maisons
unifamiliales, etc., où cet artisan-là prétendait pouvoir
faire ça comme travail. Le législateur en a convenu, il a dit:
C'est correct, tu vas faire ça comme travail; mais il y a l'autre
contrepartie: là, tu as le secteur de la rénovation; le secteur
de la construction neuve, ça va être des employeurs et ça
va être des salariés qui vont faire ça, sauf l'autonome en
machinerie lourde. C'est ce qui a été convenu en 1988. Cette
solution-là n'a pas vraiment été appliquée à
cause du vide juridique, c'est-à-dire que si la personne est
incorporée elle échappe à l'application de la loi. Donc,
la dernière solution qui avait été trouvée par le
législateur n'a pas vraiment été appliquée parce
qu'l n'y avait pas de sanction; elle était devenue Inapplicable à
cause d'un vide juridique. C'est uniquement ça. Ce que propose le projet
de loi 185, dans le fond, c'est de dire: On va faire l'essai de cette
solution-là.
M. Farrah: Une dernière question en ce qui me concerne, M.
le Président. Est-ce que ce serait une solution d'identifier ou
d'imposer au préalable un nombre d'heures? Si on sait qu'une maison,
ça prend 800 heures, 700 heures ou 600 heures, dans la mesure où
on peut contrôler qui la construit - ça, je pense que c'est
impor-
tant - à partir de ce moment-là, est-ce qu'on pourrait
imposer un nombre d'heures? Je ne sais pas ce que vous pensez de ça. Un
moyen? Je ne sais pas.
M. Fournier (Alcide): On pourrait penser à 1000 heures, je
ne sais pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ça varie trop d'une maison à l'autre.
M. Fournier (Alcide): Non, mais si vous me permettez...
M. Farrah: Excusez. Le nombre d'heures qui serait
rapporté, je veux dire.
M. Fournier (Alcide): Oui, oui, oui, mais... Peut-être
qu'il faudrait l'étudier plus à fond. De prime abord, je pourrais
dire que le nombre d'heures varie par chantier. Je ne sais pas, si j'ai le
contrat d'électricité d'une maison préfabriquée,
là j'ai juste à aller faire les connexions qui n'ont pas pu
être faites en usine parce qu'elle n'était pas sur place, ou si
j'ai le contrat d'électricité d'un centre commercial, le nombre
d'heures varie énormément. Je ne sais pas sur quelle base je
pourrais lui imposer un nombre d'heures ou un nombre minimal d'heures par
année. Je ne sais pas. En tout cas...
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: Oui, je voudrais juste poser une question en
rapport avec le nombre d'heures que vous avez détecté ou
calculé pour cette année, 1991, je suppose. 325 heures, c'est
1991.
M. Pilon: 1991, oui. M. Léonard: 1991.
M. Pilon: C'était dans le secteur résidentiel neuf,
c'était par maison.
M. Léonard: Oui, résidentiel neuf, et,
l'année précédente, c'était 425 ou 430?
M. Pilon: 450 et quelques. Une voix: 431. M. Pilon:
431.
M. Léonard: 431. O. K. Donc, c'est une diminution de 25
%...
M. Pilon: À peu près.
M. Léonard: A peu près du quart, 25 %.
M. Pilon: Oui, 24 %.
M. Léonard: Est-ce que vous avez vérifié si
la taille des maisons ou la valeur des maisons était substantiellement
la même? Deuxièmement, est-ce qu'on peut expliquer le fait qu'il y
ait une baisse d'heures par les entrepreneurs, comme cela, par le fait que les
gens aient fait plus eux-mêmes, que les propriétaires aient
travaillé beaucoup plus sur leur maison, donc ils ont demandé que
l'on fasse strictement l'essentiel pour les laisser finir eux-mêmes? En
fait, ils se sont trouvé des talents de castor bricoleur un peu plus
aigus.
M. Pilon: Disons que, pour la taille, on a essayé d'en
tenir compte. Il y a eu une diminution de la taille des unifamiliales. Par
contre...
M. Léonard: Une diminution de la taille.
M. Pilon: II y a eu une diminution de la taille des
unifamiliales. Par contre, il y avait plus d'unifamiliales que de
multifamiliales l'année d'avant, si bien que ça compensait en
partie la diminution de la taille, pas totalement mais en partie. La question
des castors bricoleurs, non, je n'ai pas pu vérifier s'il y en a eu plus
de ce type-là. Bon, il y en a potentiellement eu plus.
M. Léonard: II faudrait, il me semble, qu'on compare des
choses pareilles, en quelque sorte.
M. Pilon: Oui, je comprends.
M. Léonard: Si on prend une unifamiliale, est-ce que la
maison est pareille? En gros, si elle est pareille, est-ce que vraiment le
nombre d'heures a diminué et quel en est le facteur essentiel?
M. Pilon: Oui, mais ce qu'on voulait souligner, c'est que, dans
une seule année, la chute est quand même relativement forte par
rapport à la baisse des mises en chantier, ce qui nous apparaissait
à la fois anormal, d'une certaine façon. D'autre part, on n'est
pas sans savoir que le nombre d'infractions augmente et que la
délinquance est plus forte même si on n'a pas de chiffres à
l'appui totalement. Donc, il y aurait quand même une présomption
que ce soit ce phénomène-là, même si on a
essayé d'analyser d'autres facteurs.
M. Léonard: O. K. Très bien. Merci. (15 h 45)
M. Fournier (Alcide): Juste pour compléter. Jean-Luc
parlait du nombre d'infractions. Effectivement, si on regarde dans l'industrie
de la construction en 1991, on a constaté près de 48 090
infractions pour 125 000 salariés ou 130 000 salariés. C'est
quand même énorme. Si vous demandez au Procureur
général quelles sont
les industries qui ont le plus d'infractions, on est les premiers.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. En fait, c'est tout
simplement pour avoir des clarifications encore sur des questions qui ont
été posées sur le problème du nombre d'heures. Vous
avez mentionné tout à l'heure, dans les chiffres que vous avez
déposés, une moyenne théorique de 800 heures par
construction unifa-mNiale. Comparé aux 324 ou 354 heures qui
étaient déclarées, on a fait référence
à l'hypothèse qu'on pouvait s'attendre à ce que construire
une maison prenne à peu près 800 heures, en moyenne. Est-ce que
c'est exact?
M. Pilon: Ça, c'est le chiffre que Mme
Blackburn a avancé, je crois, qui était de 800 heures. On
parle aussi de 1000 heures. Ça dépend, évidemment, du type
de maison qu'on construit.
M. Bordeleau: O.K. Au fond, si je comprends bien, M. Fournier,
tout à l'heure, vous faisiez référence que même pour
des constructions de même valeur, ce serait difficile d'établir un
nombre d'heures théorique qu'on s'attend qui sort déclaré
parce qu'une maison peut arriver fabriquée aux trois quarts et il y a
juste les liens à faire. En fait, ce que je comprends, c'est qu'il n'y a
pas de possibilité d'avoir une espèce de grille avec le nombre
d'heures total, divisé pour la plomberie, l'électricité,
etc. Est-ce que c'est exact?
M. Fournier (Alcide): Non. C'est-à-dire que c'est toujours
possible d'avoir un estimé. Même dans le résidentiel, vous
avez des maisons dont les parois arrivent complètement
préfabriquées. Vous avez des maisons avec mezzanine dont la
construction, disons, est plus sophistiquée; donc, ça prend plus
d'heures, etc., mais pour le même pied carré de maison, etc. Donc,
ça varie énormément. Nous, ce qu'on est en train de mettre
sur pied, ce qu'on appelle l'inspection proactive, c'est de ramasser le plus
d'informations relatives à ces maisons-là et,
éventuellement, on va avoir un portrait: tel type de maison, c'est, en
estimé, tant de pourcentage d'heures. Mais ça n'empêchera
pas, évidemment, l'entrepreneur d'utiliser de nouvelles techniques qui
vont avoir pour effet de diminuer les heures. Vous vous souvenez qu'à
une époque, par exemple, les solages, c'était fait sur place avec
des madriers et des planches. Aujourd'hui, ce n'est plus fait comme ça.
Pourquoi? Pour accélérer le processus, avoir moins d'heures, etc.
Donc, les entrepreneurs sont toujours innovateurs à ce niveau-là.
Il est difficile de dire, pour une maison de 128 000 $, qu'H y a 723 heures
là-dedans. Ça va toujours demeurer très difficile. Mais je
pense qu'avec l'expérience on peut avoir un estimé. De là
à dire que la municipalité va fixer ou va nous dire le nombre
d'heures, je pense qu'elle aussi serait mal placée un peu pour faire cet
estime-là. On est peut-être mieux de procéder un peu comme
on le fait actuellement, c'est-à-dire aller voir les permis municipaux
de construction. Là, on a quel genre de construction. On va
vérifier le chantier, l'entrepreneur, la valeur totale du contrat, etc.
Ça nous donne quand même une bonne idée.
M. Bordeleau: Une question au niveau de la construction
unifamlliale. Est-ce qu'une personne seule dans une construction assez typique,
unrfamiliale, peut faire l'électricité ou la plomberie, ou si
ça prend nécessairement plus d'une personne pour réaliser
ces travaux-là?
M. Fournier (Alcide): À mon avis, habituellement ils sont
deux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bordeleau: Pour l'électricité et la
plomberie?
M. Fournier (Alcide): II y a certains travaux... Pour changer une
ampoule électrique, je n'ai pas besoin d'être deux.
M. Bordeleau: Non, ce n'est pas une ampoule électrique,
l'électricité.
M. Fournier (Alcide): Pour faire le filage complet d'une maison,
en tout cas c'est l'expérience que j'en ai, ils sont rarement seuls pour
faire ça.
M. Bordeleau: Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Fournier, je
voudrais corriger à nouveau. Je ne pense pas que c'est à la
municipalité à faire l'estimé. Je pense que c'est une
exigence d'information que devrait fournir le contracteur. Comprenez-vous?
M. Fournier (Alcide): Ah oui! O.K.
Mme Blackburn: II me semble que c'est lui qui est capable de
faire l'estimé, capable de traduire en nombre d'heures le coût au
pied carré pour poser le tapis, la moquette, faire la peinture. C'est
dans ce sens-là que je le suggérais. Ça devient une
exigence posée au contracteur, et les informations qu'il devrait fournir
à la municipalité, et ça évite toute cette question
de l'estimé approximatif fait par la Commission, par exemple.
M. Fournier (Alcide): Oui, et, dans ce cas-là, je pense
que la loi 185 nous offre déjà une piste au niveau du
cautionnement pour garantir les salaires. La Commission pourrait établir
les modalités de ce cautionnement-là et, dans ces
modalités-là, on pourrait avoir une disposition qui nous dirait:
Fournissez-nous un estimé des heures dès le départ pour
que le cautionnement soit de x ou y valeur, etc. Or, dans la loi 185, ça
pourrait être possible.
Mme Blackburn: Je vous suggère d'aller dans cette
direction-là, il me semble que ça évite l'estimé
approximatif. Est-ce que vous avez le tableau des heures
déclarées? Là, vous nous dites qu'en 1990, c'était
431 en moyenne dans le domiciliaire et, en 1991, c'est 325. Est-ce que vous
avez un tableau qui nous amènerait, par exemple, de 1985 à 1991?
Est-ce que vous avez ça? Est-ce que vous pourriez...
M. Pilon: J'ai 1988 seulement. Avant 1988, les heures
n'étaient pas déclarées par secteur à la
Commission. Je ne peux pas savoir où étaient les heures.
Mme Blackburn: Alors, en 1989, c'était quoi? Est-ce que
vous l'avez?
M. Fournier (Alcide): En 1988, on avait 453 heures; en 1989, 458;
en 1990, 431; en 1991, 326.
Mme Blackburn: D'accord. Une voix: Puis 400, c'est la
moitié.
Mme Blackburn: Oui, oui, c'est toujours la moitié. C'est
toujours la moitié. Ça veut dire que, probablement, le
propriétaire fait beaucoup de travaux.
M. Pilon: C'est ça.
M. Léonard: C'est ça, des castors bricoleurs.
Mme Blackburn: II fait beaucoup de travaux.
M. Fournier (Alcide): Avec beaucoup de bénévoles
probablement.
Mme Blackburn: II a beaucoup de frères, de
beaux-frères et...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: À la page 2 de votre mémoire, je
reviens là-dessus, vous dites, en rappelant le rôle de la CCQ: Le
maintien de 13 bureaux régionaux. J'ai eu écho que... Est-ce que
ça comprend toujours celui de Gaspé?
M. Fournier (Alcide): Oui, il est toujours là. Si vous
voulez parler des mêmes échos que j'ai eus, effectivement, on est
à regarder l'ensemble de nos dépenses de l'année.
D'ailleurs, j'ai apporté quelques chiffres et ce n'est pas pour rien que
la chemise est rouge, on est en déficit.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Nous, on pense que c'est... Ha, ha, ha! On est
d'accord avec vous.
M. Fournier (Alcide): On est dans le rouge. Effectivement, le
climat économique dans l'industrie de la construction n'est pas
très favorable. On prévoyait au départ, lorsqu'on a
préparé le budget l'automne dernier, qu'il se réaliserait
à peu près 96 000 000 d'heures dans l'industrie de la
construction, et là, selon nos dernières estimations de
recherche, c'est plutôt 85 000 000 d'heures, ce qui veut dire que
ça va nous procurer un déficit d'au-delà de 8 000 000 pour
l'an prochain, déficit qu'évidemment on n'est pas capable de
financer. Partant de là, on se penche actuellement sur un ensemble de
mesures qui vont nous permettre de réduire nos dépenses et, dans
cette réflexion, évidemment, on se pose la question sur le
maintien de l'ensemble des bureaux régionaux de la Commission; Est-ce
qu'on a suffisamment d'argent pour le faire ou non? Le conseil d'administration
va être saisi de ces problèmes financiers à notre prochaine
assemblée, les 11 et 12 mars.
Mme Blackburn: Combien de bureaux pensez-vous, dans votre
hypothèse, fermer?
M. Fournier (Alcide): C'est-à-dire qu'on n'a pas
d'hypothèse définitive encore. On en considère deux
principalement.
Mme Blackburn: En fait, vous voudriez faire plus d'inspection et
vous allez fermer des bureaux. Il y a comme un problème là.
Deuxième question: Si on vous donnait la possibilité de
poursuivre et de recueillir les amendes, est-ce que ça pourrait
compenser en partie pour le manque à gagner?
M. Fournier (Alcide): Ça me tente de faire plaisir un peu
à mes membres du conseil d'administration en disant à la
commission que la Commission de la construction, depuis 1988, demande le
remboursement des mandats dits publics qui ont été confiés
à la Commission et, malgré un accord de principe du ministre en
1988, de son successeur, M. Séguin, et de son successeur, M. Cherry, on
n'a pas eu de financement. Donc, la Commission doit débourser de
l'argent pour la formation professionnelle, alors que, dans les autres secteurs
économiques, les autres secteurs n'ont pas à débourser cet
argent-là puisque c'est le MMSR qui fait le travail. Alors, ça
constitue, selon les gens de la construction, une double taxation pour
l'industrie.
Évidemment, lorsqu'on dépense 5 000 000 $ pour la
formation, 5 000 000 $ pour la qualification et qu'on n'est pas
remboursé, il n'est pas surprenant qu'à un moment donné on
arrive à un déficit, parce que c'est uniquement la contribution
des salariés et des employeurs qui finance toutes les activités
de la Commission, y compris les constats d'infractions sur chantier pour
obtenir des amendes dont le bénéfice s'en va au gouvernement.
Mme Blackburn: Je voudrais juste brièvement... Dans le
prolongement de la question qui a été posée par le
député des Îles-de-la-Madeleine tantôt, je comprends
à la fois sa préoccupation. Il dit: L'entrepreneur autonome -
c'est-à-dire la personne seule - qui veut travailler sur un chantier de
construction, est-ce qu'il y aurait moyen de contrôler? Ce qu'il faut
rappeler, c'est que l'entrepreneur autonome sur un chantier de construction,
s'il garde le statut, n'est pas soumis au décret. Donc, il pourrait
travailler à 10 $ l'heure, pour donner un exemple. Mais, en même
temps, ce qu'ils font actuellement, c'est qu'Us y vont à 10 ou 20;
alors, là, on a comme un problème. Il y a une suggestion qui a
été faite par un groupe, je ne me rappelle plus lequel. Je dois
vous dire que j'ai lu les mémoires, mais je ne suis pas en mesure de
faire toutes les références. Il suggérait qu'on pourrait
peut-être accepter sur un chantier neuf un travailleur autonome à
la fois. Comment vous...
M. Fournier (Alcide): C'est ça ... Une voix:
Comment le vérifier?
M. Foumier (Alcide): Un à la fois, c'est difficile.
Mme Blackburn: Ça m'apparaît difficilement
gérable.
M. Fournier (Alcide): Mais un chantier, aussi, ça
fonctionne par étapes. Ça fait qu'ils vont toujours être un
à la fois et l'ensemble du chantier va avoir été
réalisé. Mais un à la fois...
Mme Blackburn: Ils pourraient quasiment faire tout le chantier
pareil. Une autre question. Vous nous annoncez, en page 6, que «notre
présentation ne portera pas sur les aspects politiques du projet de loi
185, mais plutôt sur les aspects administratifs.» Que nous
auriez-vous dit si ça avait porté sur les aspects politiques?
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: C'est l'occasion, là.
M. Fournier (Alcide): Je pense que la réponse politique,
Mme Blackburn, je vais la laisser aux associations, je pense qu'elles vont vous
faire ça. Non, nous, ce qui nous intéressait, c'était de
tenter d'enlever la confusion qu'il y a au niveau de la notion d'entrepreneur
autonome. On a l'impression que c'est l'ensemble de l'industrie de la
construction qui va disparaître si on adopte la loi, alors que ce n'est
pas ça du tout. Deuxièmement, on a l'impression que ces
gens-là n'auront plus de travail du tout, alors qu'au contraire il y a
un montant de 1 800 000 000 $ qui leur est réservé quasiment en
exclusivité. Donc, comme on dit, ils ne crèveront pas de faim non
plus. Troisièmement, il y a même à l'intérieur du
champ d'application de la loi un certain nombre de travaux qu'il peut faire.
L'entrepreneur autonome en machinerie lourde peut en faire et l'autre
entrepreneur autonome peut faire des rénovations et réparations
mineures dans le résidentiel, dans le commercial, etc., des travaux
mineurs. Donc, il y a quand même une grande partie de travaux qui lui
restent, qu'H peut faire, et l'autre partie, la construction neuve, est
plutôt réservée aux employeurs et aux salariés de la
construction. Alors, c'était un peu ça, le but de notre
intervention.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir
à la page 21 de votre mémoire où vous décrivez un
peu l'application de la loi dans des mots que je qualifierai de
«diplomatiques», disant qu'on a énormément de
problèmes, à l'heure actuelle, avec l'application procureur de la
couronne versus le commissaire, versus les tribunaux. Vous mentionnez
même qu'on dilue, à ce moment-là, le champ d'application de
la loi R-20. J'aimerais vous entendre davantage sur cette création d'un
tribunal spécialisé pour la construction. Est-ce que ça
éliminerait, premièrement, le commissaire? Est-ce qu'on
retrouverait un tribunal, pour prendre quelque chose peut-être de
comparatif, du genre qu'on a au niveau de la CSST, la CALP? Est-ce que c'est le
genre de tribunal que vous envisagez et, si oui, quelles seraient les
modalités de fonctionnement? Vous avez mentionné 13
régions, je crois en déduire que vous voulez rationaliser. Alors,
vous voyez quoi, comme application et comme structure, avec ce tribunal
spécialisé?
M. Fournier (Alcide): En fait, comme la commission devait se
pencher plus spécifiquement sur l'entrepreneur autonome, on n'a pas
élaboré sur le tribunal spécialisé. Dans le fond,
ce que l'industrie souhaite, et depuis fort longtemps d'ailleurs, c'est
l'institution... Ça pourrait être une branche, si on peut dire, ou
une section du Tribunal du travail, où toutes les causes de l'industrie
de la construction, tant pénales que civiles, seraient
référées. Le Conseil d'arbitrage sur les conflits de
juridictions de métiers
relèverait de ce tribunal-là ou serait le tribunal. Le
Commissariat à la construction, également, disparaîtrait et
serait regroupé au niveau de ce tribunal-là. En fait, c'est le
tribunal de la construction que l'industrie a toujours demandé.
Nous, on pense que, premièrement, il y aurait plus de
rapidité et plus d'efficacité dans l'application de la loi. Je ne
veux pas faire la critique des juges au niveau de la Cour du Québec,
mais je pense que les juges de la Cour du Québec sont là pour
faire du droit criminel et ils appliquent, même si on est en droit
statutaire, la notion de doute raisonnable qui n'existe pas dans le droit
statutaire. Ça existe dans le droit criminel, mais, dans le droit
statutaire, ça n'existe pas. C'est-à-dire que, dans le droit
statutaire, est-ce qu'on a fait l'action, oui ou non? Si on l'a faite, on est
coupable; si on ne l'a pas faite, on n'est pas coupable. Donc, il n'y a pas
de... Mais, je dirais, par habitude ou par premier mandat, les juges utilisent
quand même cette notion-là très largement. Alors, ils
acquittent des gens pour des raisons humanitaires, ce qui fait en sorte que
l'application de la loi est de moins en moins respectée.
Deuxièmement, au niveau du champ d'application, le juge ne veut
pas considérer la juridiction du commissaire de la construction et il
peut décider, un beau matin, que telle chose n'est plus assujettie.
Alors, là, lorsqu'on arrive à une cause semblable au civil,
l'avocat de la défense, évidemment, nous sort la jurisprudence
pour nous dire: Bien, écoute, il y a tel juge qui nous a dit que ce
n'était pas assujetti. Même si, nous, on sait dans quelles
circonstances et pourquoi le juge n'a pas condamné l'individu en
question, l'autre juge, lui, ne le sait pas nécessairement et peut
tomber d'accord avec le premier juge. Donc, il y a une érosion, entre
autres, du champ d'application qui se fait à ce niveau-là et qui
rétrécit, si on peut dire, les possibilités d'emploi avec
l'horaire de la construction. Plus on réduit les possibilités
d'emploi, plus le nombre de travailleurs va diminuer. Donc, c'est dans ce
cadre-là qu'un tribunal de la construction, quant à nous, serait
beaucoup plus expéditif, mais, dans un premier temps, on demandait
simplement le retour des amendes. Ça ferait déjà un pas en
avant.
M. St-Roch: Mais ne croyez-vous pas - si on crée un
tribunal, il va y avoir des coûts à assumer - que ce serait normal
que les amendes recueillies paient les frais, à ce moment-là, le
coût du tribunal?
M. Fournier (Alcide): Oui, mais il y a déjà des
frais judiciaires qui sont chargés pour chaque cause pour
l'administration de la justice. Lorsque vous inscrivez une cause à la
cour, vous avez des timbres à payer ou des frais judiciaires, etc., qui
servent, justement, à l'administration. Les autres montants, les
amendes, je dirais, c'est du surplus, ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fournier (Alcide): C'est en plus.
M. St-Roch: Je dois conclure qu'avec les 99 000 causes il y aura
assez de timbres pour payer les tribunaux administratifs. C'est ce que vous
dites.
M. Fournier (Alcide): J'imagine.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Verchères, pour une minute qu'il nous reste.
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Le Président
(M. Gauvin): Brièvement.
Mme Dupuis: Ce que j'ai pu retenir, moi, des travailleurs
syndiqués lorsqu'ils nous ont tous visités, des deux
côtés, que ce soient les travailleurs autonomes ou les
syndiqués, c'est qu'il y avait deux points sur lesquels tout le monde
était d'accord. C'était d'éliminer le travail au noir.
Moi, c'est sur la méthode que j'aurais peut-être certaines
réticences. Les travailleurs syndiqués nous disent qu'il faut
protéger les vrais travailleurs avec les cartes de compétence.
Êtes-vous en mesure d'infirmer ou d'affirmer si c'est exact que ça
peut amener 10 000 entreprises, ou entrepreneurs, ou travailleurs, si vous
voulez, qu'ils soient autonomes ou non, licenciés et possédant
leur certificat, leurs cartes de compétence, à perdre leur
emploi?
M. Fournier (Alcide): Perdre leur emploi? Non.
Mme Dupuis: En fait, ce sont de vrais travailleurs. Les
électriciens ou quel que soit leur corps de métier, ce sont des
gens qui ont des cartes de compétence, ça.
M. Fournier (Alcide): Oui, oui.
Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.
M. Fournier (Alcide): J'essaie juste de comprendre. Si on
applique la loi 185, vous nous dites qu'on vous a affirmé qu'il y a 10
000 personnes qui perdraient leur emploi?
Mme Dupuis: Que ça pourrait amener 10 000 pertes d'emplois
de travailleurs autonomes.
M. Fournier (Alcide): Non. Moi, en tout cas, je ne peux pas
partager cette opinion-là. D'abord, le chiffre de 10 000, en tout cas,
il est peut-être pris de la différence entre les chiffres de la
Régie et les chiffres de la Commission au niveau de la détention
des licences et, encore,
c'est déjà beaucoup. Deuxièmement, il y a une
partie des entrepreneurs autonomes dont il est question qui vont continuer
à oeuvrer dans le secteur de la rénovation. Donc, ils ne
disparaissent pas. Ça va faire en sorte que ceux qui, actuellement,
oeuvrent dans la construction neuve vont, à partir de l'application de
la loi, déclarer leurs heures. C'est le seul changement. Ils vont
être obligés de déclarer les heures qu'ils ne
déclarent pas actuellement. Alors, je ne vois pas qui va perdre son
emploi parce qu'au niveau des mises en chantier, à moins que le contexte
économique ne le fasse baisser, ça va être le même
nombre. Le travail va se faire.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Four-nier. Pour une
minute, M. le ministre.
M. Cherry: Merci, M. le Président. Simplement, M.
Fournier, vous avez parlé de votre association avec l'industrie de la
construction qui remonte à 1969. Vous avez parlé de
législations de 1973, de 1978, et il y en a eu au début des
années quatre-vingt. Vous avez parlé de 1988. Vous avez dit: On a
tenté d'une façon, à un moment donné, de
l'identifier, de cerner le problème. Ça a réapparu d'une
autre façon. Je pense que votre présence et celle de vos
collègues aujourd'hui témoignent d'une chose, c'est que ce n'est
pas un problème facile à cerner, à bien identifier,
même par des gens qui ont votre compétence puis votre
expérience dans ce domaine. C'est une chose d'identifier le
problème, mais ça en est une autre d'y trouver les solutions
appropriées et c'est ça, le but de l'exercice des trois jours.
Donc, vous êtes les premiers. Je vous remercie de votre présence
et de votre collaboration.
M. Fournier (Alcide): C'est moi qui vous remercie, M. le
ministre.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi qui sollicite une période de...
Mme Blackburn: Oui, simplement pour vous remercier d'être
venus ici, à la commission, et pour rappeler que c'est à la
demande de l'Opposition. Il m'apparaissait indispensable que nous entendions
l'organisme qui a le plus d'expérience et de connaissances dans le
dossier. Je suis heureuse de vous avoir entendus. Je dois vous dire que je ne
suis pas intervenue sur l'idée de permettre à la Commission de la
construction de poursuivre, de porter plainte, parce que vous aurez compris que
j'étais d'accord avec cette disposition, cette proposition. Je voudrais
vous remercier de votre présence ici, MM. Fournier, Ferron, Hamelin,
Ménard et Pilon. Votre présentation aura permis d'éclairer
le débat.
Le Président (M. Gauvin): M. Fournier, nous vous...
M. Fournier (Alcide): Juste un dernier commentaire. Je ne
voudrais pas décevoir Mme Blackburn, mais le conseil d'administration
avait décidé, déjà le 20 janvier, de faire une
présentation à la commission avant...
Mme Blackburn: Sauf que le ministre...
Le Président (M. Gauvin): À l'ordre! On devra
dorénavant éviter ces échanges de dernière minute
quand tout s'est bien déroulé.
M. Fournier, nous vous remercions. Les membres de la commission vous
remercient pour votre présentation. On va suspendre une minute, pour
permettre au groupe de la Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 8)
(Reprise à 16 h 11)
Le Président (M. Gauvin): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission va reprendre ses travaux. J'invite les gens à
regagner leur fauteuil, les membres de la commission aussi. J'aimerais, par la
même occasion, inviter ceux et celles qui ont moins
d'intérêt à cette présentation-là...
permettre aux membres de la Corporation des maîtres mécaniciens de
prendre place dans cette salle. On me dit qu'H y a près d'une
quarantaine de personnes qui souhaiteraient prendre place dans cette salle.
Vous savez que, pour la sécurité de cette salle, on ne peut
accueillir plus de personnes qu'il n'y a de fauteuils et quelques personnes
près des murs. Évidemment, l'invitation n'est pas de dire
à ceux qui sont ici de se retirer, mais ceux qui peuvent le faire,
ça pourra permettre à certains membres de prendre place.
Merci.
Nous accueillons la Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec, comme je vous l'avais mentionné,
représentée par M. Fernand Lavallée, son président,
qui saura nous présenter ses collaborateurs. Avant, j'aimerais vous
rappeler que vous avez 30 minutes pour votre présentation; 30 autres
sont allouées à M. le ministre et aux membres de cette commission
qui forment le gouvernement et 30 autres minutes pour les membres de
l'Opposition. M. Lavallée, vous nous présentez vos
collaborateurs.
Corporation des maîtres mécaniciens en
tuyauterie du Québec
M. Lavallée (Fernand): Bonjour, M. le Président.
Bonjour, M. le ministre. Bonjour, mesdames et messieurs qui formez cette
commission.
Vous avez devant vous les représentants de la Corporation des
maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. J'ai, à
ma droite, M. Jean
Brière, membre du conseil provincial d'administration; à
ses côtés, M. Jean Morin, aviseur légal; à ma
gauche, M. Michel Favre, directeur général de la Corporation, et
moi-même, M. Fernand Lavallée, président.
En débutant, nous désirons vous remercier de nous
réentendre à cette commission. Votre décision nous indique
que vous considérez qu'il y a effectivement un malaise dans le projet de
loi 185 et qu'il est essentiel de consulter davantage afin de solutionner le
travail au noir car, ne l'oublions pas, nous sommes tous ici réunis, M.
le Président, dans un but commun, soit celui d'éliminer le
travail au noir, et ce, au plus grand bénéfice de toute
l'industrie.
Il serait inutile de vous rappeler la raison d'être de la
Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du
Québec, mais nous tenons à vous préciser que
l'élimination du travail au noir a toujours été une
préoccupation de premier ordre pour notre Corporation. Soulignons qu'en
1991 plusieurs centaines de dossiers relatifs à des personnes
exécutant des travaux en tuyauterie sans être membres de la
Corporation des maîtres mécaniciens ont été
traités. C'est pourquoi les impacts du projet de loi 185 font partie de
nos préoccupations majeures. Nos revendications sont à ce point
fondées que, quelles qu'en soient la forme, l'intensité et toutes
les bonnes intentions avec lesquelles nous vous les présenterons, nous
ne serons jamais en mesure de vous faire partager le sentiment d'injustice et
de mépris ressenti par plusieurs centaines d'entrepreneurs et que l'on
identifie comme les causes d'un problème dont ils ne sont pas
responsables.
Toute l'industrie semble favorable à éliminer le travail
au noir, sauf que tous ne s'entendent pas sur les causes du travail au noir et
sur les solutions à y apporter. Ce que je remarque depuis plusieurs
années, c'est que certains intervenants de l'industrie défendent
des intérêts qui leur sont propres, et ce, souvent au
détriment des droits des entrepreneurs. Il est grand temps qu'on
arrête de tirer la couverture chacun de son bord. Il est temps
qu'ensemble nous arrêtions le vrai travailleur au noir, celui qui fait
mal à nous tous.
Il faut également cesser d'emprunter le prétexte du
travail au noir pour servir ses propres intérêts. Il faudrait
peut-être aussi s'arrêter et penser aux sommes d'argent et aux
énergies dépensées par tout le milieu pour défendre
ou pour contrer un projet de loi qui aurait des conséquences des plus
néfastes s'il était adopté. C'est ce que nous avons
décrit dans nos mémoires. Si on revient au but commun que chacun
des intervenants devrait défendre, on comprend mal qu'une telle
énergie soit dépensée à des fins autres que celle
qui nous préoccupe vraiment: le travail au noir.
Pendant que de telles sommes sont déboursées, qui est mort
de rire, M. le Président? C'est le vrai travailleur au noir, celui qui
ne paie pas d'impôt, celui qui ne passe pas de certificat de
compétence, qui travaille le soir et les fins de semaine.
Celui-là encore, il est en train de dire que le milieu de la
construction passe à côté du bateau et à son grand
plaisir. Encore une fois, l'illégalité le protège. Sa
seule préoccupation est probablement le risque de l'augmentation d'une
concurrence plus forte si la loi 185 était adoptée. Pendant ce
temps-là, des entrepreneurs, savez-vous comment ils se sentent quand on
leur dit en pleine face qu'ils ne sont pas de vrais entrepreneurs, qu'ils sont
des plaies dans l'industrie? Alors que ces gens-là, M. le
Président, détiennent des certificats de compétence
appropriés, les licences de la Régie et de la Corporation des
maîtres mécaniciens, ils déposent leur bilan, ils ont
pignon sur rue, ils ont un camion identifié, ils paient leurs
impôts, ils détiennent les assurances-responsabilité, ils
lèvent des permis et quoi encore! Avez-vous pensé à
l'insécurité qu'ils vivent présentement? Parce qu'ils ne
savent pas ce qui va se passer après le projet de loi 185. La question
qu'ils se posent, c'est: Est-ce que je vais avoir le droit de gagner ma vie en
toute légalité ou est-ce qu'on va me forcer à travailler
dans l'illégalité, M. le Président? Ces gens-là ne
sont pas intéressés à travailler dans
l'illégalité parce qu'ils l'auraient fait bien avant aujourd'hui.
Mais, quand il s'agit de survivre, de nourrir sa famille - et c'est cela dont
il s'agit - ils se disent: Même si je respecte les lois, rien ne me
protège. Ces gens-là ne veulent pas devenir des tricheurs. La
preuve, c'est qu'ils se battent pour que le projet de loi ne passe pas.
M. le Président, le ministre a reçu des milliers de
lettres provenant d'entrepreneurs qui refusent de travailler dans
l'illégalité. Certains lui ont fait parvenir des lettres
écrites avec leurs tripes. Si vous le permettez, j'en lirai quelques
passages pour le bénéfice des membres de cette commission qui
n'ont pas eu l'occasion d'en prendre connaissance. Alors, j'ai une lettre ici,
M. le Président, qui nous provient d'un entrepreneur de Luceville.
Ça s'intitule «Qui suis-je?» «Le but de ma
requête est de vous faire part de mon désaccord concernant
l'adoption du projet de loi 185 en vous signalant les raisons qui motivent le
rejet du projet de loi. Suis-je un travailleur autonome? Non. Je suis un
entrepreneur incorporé avec tous les permis et les compétences
nécessaires pour effectuer des travaux spécialisés avec
les garanties qui s'imposent. Je suis une ressource dans mon milieu tout comme
mon milieu est une ressource pour mon entreprise. En effet, mon entreprise
exige le travail de toute une équipe: une
téléphoniste-réceptionniste pour recevoir les appels des
clients, un service personnalisé sept jours par semaine afin de
répondre aux urgences, un grossiste qui m'approvisionne les
matériaux pour exécuter mes travaux, un garagiste qui assure
l'entretien de mon camion, un comptable qui établit mensuellement
les états financiers, un courtier en assurance afin de protéger
ma clientèle, qui assure ma solvabilité ainsi que les biens de
mon entreprise. Un achat de permis est effectué au ministre du Travail
chaque fois que j'exécute des travaux. Je suis passible d'amende si les
travaux exécutés ne sont pas conformes et s'Hs sont
effectués sans permis. Le fait de travailler seul sur un chantier de
construction ne fait perdre aucun emploi. Le fait de travailler seul sur un
chantier de construction ne fait pas de moi un travailleur au noir.
Contrairement au travailleur au noir, Je ne retire pas de prestations de
bien-être social ou d'assurance-chômage. Tous mes revenus sont
déclarés pour fins d'impôt. M'obliger à engager un
salarié serait une atteinte à la libre entreprise puisque je
n'aurais tout simplement pas les moyens de le payer et, par conséquent,
je devrais fermer mes portes. «M. le ministre, passer un tel projet de
loi n'aura pas pour conséquence de diminuer le travail au noir, mais
fera de moi un hors-la-loi.» Et c'est signé: Un entrepreneur de
Lucevil-le, M. Deschênes.
J'ai également un extrait, M. le Président, d'une
deuxième lettre d'un entrepreneur qui est de la région de
Québec. Voici ce qu'il dit: «Je voudrais attirer votre attention
au sujet du projet de loi 185. Je suis plombier depuis 32 ans, dont 11 ans
comme travailleur autonome, membre de la Corporation des maîtres
mécaniciens en tuyauterie du Québec, 600 $ par année,
membre de la Régie des entreprises en construction du Québec, 250
$ par année, membre de l'Association en construction du Québec,
200 $ par année, membre de la Commission de la construction, 200 $ par
année, en plus de 0,05 $ par heure travaillée dans l'Industrie.
De plus, je paie la TPS, l'impôt provincial, l'impôt
fédéral et, en tant que travailleur autonome, je paie des
cotisations à sept paliers. Je dois avouer que je gagne ma vie
raisonnablement bien, mais, avec votre projet de loi, il est officiel que je
devrai abandonner car je ne serai pas capable d'engager un plombier à
l'année, travail ou pas. Je serai dans l'obligation de me trouver un
employeur, faire le minimum de semaines pour avoir de l'assurance-chômage
et travailler au noir, aucune licence à payer, aucune assurance non
plus, à mon tour de siphonner la société. Je crois que
c'est là le voeu de notre cher ministre.» Je m'excuse, je ne
voulais pas vous faire la lecture de cette dernière phrase. Et
c'était signé: Un entrepreneur de Québec, M. le
Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Fournier (Alcide): J'ai également une lettre, M. le
ministre, d'un entrepreneur de la Gaspésie. Je vais vous lire un extrait
de cette lettre. «Le travail au noir va tripler au lieu de diminuer. Nous
n'aurons pas le choix. Ce projet de loi sera des plus malhonnêtes envers
les citoyens de la province de Québec et le plus destructeur des petites
entreprises de la province qu'elle n'aura jamais connu auparavant et il
déclarera la guerre sur les chantiers de construction.» C'est un
entrepreneur de la Gaspésie, M. le Président.
Alors, j'ai voulu, à la lecture de ces lettres... En plus de ces
lettres, j'ai devant moi des pétitions de personnes qui sont
dérangées par ce projet de loi. Il y a 10 000 signatures ici,
dans ces pétitions, et nous en recevons d'autres, à raison de
1000 par jour. Alors, j'aimerais déposer, M. le Président... Pour
l'instant, c'est 10 000 signatures. Par contre, d'autres vont suivre
prochainement.
M. Brière (Jean): C'est clair, M. le Président, que
ces entrepreneurs ne comprennent pas pourquoi ils sont attaqués, pas
plus que ceux qui seront obligés d'être accompagnés d'un
salarié pour exécuter leurs travaux. Eux aussi se demandent
comment Is vont faire pour survivre et pourquoi on menace la survie de leur
entreprise. 11 ne faut pas se le cacher, 8 y a 85 % des entreprises en
construction qui ont cinq employés et moins. On s'attaque à la
force économique du Québec que sont les PME. On demande à
des entreprises d'embaucher un salarié, même si le travail ne
requiert pas plus d'une personne. On demande aussi aux entrepreneurs
d'être accompagnés d'un salarié pour travailler. On impose
des structures dans lesquelles le patron lui-même est exclu des
activités de sa propre entreprise.
Il est fréquent qu'un patron doive exécuter lui-même
ces travaux, soit pour respecter un échéancier ou tout simplement
pour la survie de son entreprise. M. le Président, ceci s'appelle
simplement s'occuper de ses affaires. Ça s'appelle se prendre en main.
Le projet de loi 185, quant à lui, propose d'embaucher, récession
ou pas, besoin ou pas. C'est un non-sens. Qui sont les travailleurs au noir?
Sont-ils vraiment des entrepreneurs? En tournée, des membres ont
affirmé que, par exemple, sur 20 bungalows construits, les entrepreneurs
avaient effectué des travaux de tuyauterie seulement dans deux d'entre
eux. Ceux qui échappent au système, M. le Président, sont
les 18 autres. Même les lois actuelles facilitent le travail au noir. Par
exemple, le fait qu'un propriétaire puisse effectuer ses propres travaux
de plomberie. Ceci paralyse le système. En effet, plusieurs
propriétaires cachent des travailleurs au noir. C'est une situation
tellement fréquente.
À Rouyn-Noranda, suite à une demande d'enquête que
la Corporation avait faite, un inspecteur de la DGBRI nous a informés
que, pour 9 maisons neuves sur 13 sur la même rue, les travaux de
tuyauterie avaient été exécutés par leur
propriétaire. Dans 9 de ces cas-là, 9 cas sur 13. C'est ce que
les inspecteurs se font répondre. Le dossier est clos. Est-ce que 9
spécialistes en plomberie se sont fait construire une maison
côte à côte sur la même rue? Il ne faudrait quand
même pas charrier. Le truc est connu, c'est encore ceux-là qui
vous échappent.
Il y aurait certainement lieu d'intensifier le service d'inspection,
mais il ne faudrait pas penser qu'il s'agit de la seule solution au travail au
noir. Pensez-vous sincèrement, M. le ministre, qu'avec le projet de loi
185 vous allez éliminer le travail au noir? Pensez-vous
réellement qu'un entrepreneur autonome ou celui qui a des
salariés n'iront plus sur les chantiers de construction quand on attaque
le droit de gagner leur vie? Non, ils vont tout simplement sortir du
système. Plusieurs d'entre eux nous ont affirmé, en
tournée, qu'ils iraient travailler au noir et que ce serait beaucoup
plus payant.
Le projet de loi 185 va inciter des entrepreneurs désireux de
respecter les lois à devenir des travailleurs au noir. Le projet de loi
185 va avoir un effet contraire à celui escompté. Pis encore, le
projet de loi 185 aura comme effet de priver les uns sans rien apporter aux
autres. Comment peut-on restreindre, M. le Président, le champ
d'activité d'un entrepreneur autonome sous le prétexte
d'éliminer le travail au noir? Pourquoi faire dépendre la
compétence d'un individu en fonction de la présence d'un
salarié dans l'entreprise? Pouvez-vous m'expliquer en quoi cette
solution va éliminer le travail au noir? Comment peut-on
prétendre contrer le travail au noir en présumant qu'un
administrateur ou un actionnaire d'une entreprise est un salarié?
Comment peut-on discriminer l'entrepreneur au point de lui dire qu'il n'a pas
le droit de travailler au même titre qu'un salarié? Voilà
l'un des effets du projet de loi, M. le Président, il propose qu'un
certificat de compétence détenu par un entrepreneur n'aura pas la
même étendue que s'il était détenu par un
salarié. C'est insensé. En plus, l'entrepreneur qui
détient un certificat de compétence compagnon sera,
dorénavant, obligé d'être accompagné d'un
salarié pour travailler, M. le Président. Un salarié
pourra travailler sans son patron, mais le patron ne pourra travailler sans son
salarié. N'est-ce pas le monde à l'envers, M. le
Président? Est-ce qu'on espère vraiment contrer le travail au
noir avec une mesure semblable? À moins qu'il ne s'agisse d'un moyen
détourné pour empêcher l'entrepreneur de travailler.
Dans les faits, ce que vous croyez donner aux autres, vous le donnerez
carrément au travailleur au noir. On veut aussi imposer à
l'entrepreneur l'obligation de fournir un cautionnement, garantissant le
salaire à ses salariés, et ce, malgré l'existence d'un
fonds prévu à cette fin. L'analyse de la situation nous permet
d'affirmer que la balance des inconvénients penche, encore une fois, sur
le côté des entrepreneurs. Permettez-moi encore d'ajouter: Comment
cette mesure pourra-t-elle contrer le travail au noir?
Les solutions proposées sont illogiques. Nous ne voyons pas
comment elles peuvent contrer le travail au noir. Ces solutions peuvent
être interprétées comme une punition, la punition d'avoir
librement choisi d'être entrepreneur et de se prendre en main. C'est trop
facile de s'acharner sur des entrepreneurs répertoriés au lieu de
s'attaquer aux vrais travailleurs au noir, ceux qui vous échappent,
peut-être, mais ce n'est pas une raison d'attaquer ceux qui ne sont pas
la cause. Au lieu de perdre notre temps et notre argent à nous
entredéchirer, pourquoi ne pas nous attaquer aux vrais problèmes
ensemble avant qu'il ne soit trop tard? Cela ne veut surtout pas dire de
déposséder les uns pour les remettre aux autres. Penser de cette
façon n'amènera qu'injustice et frustration.
Permettez-moi, en terminant, de vous redire que nous sommes d'opinion
que le projet de loi 185 est une manière certaine d'augmenter le travail
au noir. Nous soutenons que c'est ensemble que nous solutionnerons le
problème du travail au noir. Chaque intervenant doit, de bonne foi, en
faire une priorité absolue, sans quoi nous nous retrouverons vite dans
un cul-de-sac et le problème deviendra insoluble. Si vraiment le projet
de loi 185 a pour but de contrer le travail au noir, M. le Président,
nous sommes alors convaincus qu'il sera modifié de façon à
reconnaître l'entrepreneur licencié et répertorié
comme un actif important au sein de l'industrie.
M. Lavallée: Merci, Jean. Il est certes facile de convenir
que le projet de loi 185 n'est pas une solution au travail au noir et qu'au
contraire il l'augmentera. Le travail au noir est une plaie sociale, c'est un
problème courant dans les sociétés industrialisées
lorsque les charges fiscales et sociales sont importantes.
Pour régler certains problèmes dénoncés par
les différents entrepreneurs ou les intervenants de cette commission,
nous suggérons ce qui suit. S'il est vrai qu'il y a des abus dans
l'emploi ou l'usage des travailleurs autonomes par certains employeurs
généraux ou donneurs d'ordres, pourquoi ne pas songer à
limiter le nombre d'entrepreneurs autonomes par spécialités qui
peuvent oeuvrer sur un même chantier de construction? Ainsi, sur un
même chantier, on ne pourra pas trouver 50 entrepreneurs autonomes dans
la même spécialité. On n'en retrouvera que le nombre permis
par spécialité. S'il est vrai qu'un travailleur autonome,
parfois, bénéficie d'avantages sociaux semblables à ceux
dont bénéficient les employeurs et les autres travailleurs de la
construction sans avoir contribué adéquatement aux charges
inhérentes, nous suggérons qu'il soit prévu qu'en tout
temps les bénéfices qu'ils peuvent retirer des avantages sociaux
prévus ne soient que proportionnels à leur contribution. (16 h
30)
Afin d'avoir plus de chances de mettre la
main sur le vrai travailleur au noir, celui qui nous échappe,
nous suggérons qu'il soit obligatoire pour un entrepreneur demandant un
permis de construction de déclarer aux autorités
compétentes le nom de tous et chacun des entrepreneurs qui effectueront
les travaux, et ce, dans toutes les spécialités. Les travaux ne
pourraient débuter sans qu'une telle déclaration soit faite.
Ainsi, tout inspecteur pourrait, sans même se déplacer, faire
certaines vérifications quant à l'exactitude d'une telle
déclaration. Il est évident que cet incitatif n'aura pas l'effet
escompté si les municipalités n'ont pas un rôle plus
déterminant, quant au contrôle des permis, que celui prévu
dans la Loi sur le bâtiment.
Aussi, nous suggérons qu'il soit obligatoire non seulement
d'afficher le permis de construction sur le chantier lui-même, mais
encore que soit affichée la déclaration du donneur d'ouvrage
quant au nom des entrepreneurs qui effectueront les travaux dans les
spécialités, sur ce chantier. Ainsi, le travailleur de la
construction, voyant la fausseté, le cas échéant, de la
déclaration affichée, pourra venir et le dénoncer.
L'entrepreneur faisant une fausse déclaration pourra être
poursuivi pour déclaration fautive.
Les dispositions des articles 16, 17 et 18 de la Loi sur le
bâtiment, quant à l'attestation de conformité, sont un
début de solution, mais nous proposons que les assureurs, les
créanciers hypothécaires, etc., soient incités à
exiger de leurs clients des déclarations à l'effet que les
travaux de leur immeuble ont été effectués par des
entrepreneurs licenciés. Même les notaires pourraient être
incités à faire déclarer par les vendeurs, dans les actes
de vente, que les travaux de l'immeuble qu'ils vendent ont été
effectués par des entrepreneurs licenciés.
Il devrait être interdit à un constructeur
propriétaire de réaliser ses propres travaux d'installation de
tuyauterie. Il est contraire aux normes élémentaires
d'hygiène et aux règles visant à préserver la
santé publique de permettre à un propriétaire
d'exécuter lui-même ce genre de travaux. Cela aussi, de toute
manière, ne se réalise pas généralement à
cause de la complexité de ces travaux. Ces travaux, dans les faits, sont
réalisés par des travailleurs au noir et non par le
propriétaire lui-même. Il est déjà interdit,
particulièrement dans plusieurs municipalités de la région
de Montréal, à un propriétaire de réaliser
lui-même des travaux d'installation de tuyauterie. C'est
déjà interdit pour plus d'un tiers de la population du
Québec. Pourquoi ne pas étendre l'interdiction à toute la
province?
Ce qui est absolument aberrant, M. le Président, c'est que non
seulement actuellement, dans certaines municipalités, un
propriétaire peut réaliser lui-même des travaux
d'installation de tuyauterie avec tous les dangers que cela comporte, mais, en
plus, il peut le faire sans même avoir l'obligation de demander un
permis, de telle sorte que les travaux réalisés par lui ne sont
pas inspectés alors que les travaux réalisés par un
entrepreneur qualifié le sont. Nous suggérons, de plus, que le
propriétaire qui confie des travaux à un travailleur au noir soit
poursuivi en justice et ait à payer des amendes
sévères.
La disposition du projet de loi 185, article 17, ayant trait à la
possibilité de la supension de la licence d'un entrepreneur et
même d'un certificat de compétence d'un travailleur qui viole les
lois, serait un début de solution également. Les autorités
gouvernementales qui, évidemment, avec l'ensemble de la
collectivité québécoise et canadienne, sont les victimes
des activités des travailleurs au noir, pourraient faire des campagnes
de sensibilisation et les publicises invitant la population à cesser de
faire affaire avec des travailleurs au noir. Il pourrait être dit
à l'ensemble de la population que leurs contributions aux régimes
d'avantages, aux régimes sociaux, à la sécurité
sociale et aux dépenses de l'État, seront de plus en plus
élevées si les payeurs sont moins nombreux à cause de la
prolifération du travail au noir.
Plus informée, plus éduquée, la population pourrait
comprendre qu'elle se pénalise en confiant des travaux aux travailleurs
au noir. Il faudrait susciter cette fierté à avoir un
comportement honnête et à faire en sorte de ne pas encourager la
malhonnêteté. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Laval-lée, M.
le président. Je pense que vous aviez un document que vous vouliez
déposer.
M. Lavallée: Au début de la réunion, M. le
Président, nous avons déposé les solutions que nous avons
apportées...
Le Président (M. Gauvin): Oui.
M. Lavallée: ...que j'ai énumérées.
Dans notre mémoire, il y a également des solutions qui ont
été apportées, mais nous en avons déposé
d'autres lors de cette audition.
Le Président (M. Gauvin): Ça va. J'aimerais
entendre M. le ministre, si vous avez des...
M. Cherry: Oui.
Le Président (M. Gauvin): ...pour la période de
questions de 30 minutes qui est allouée à votre groupe.
M. Cherry: Merci, M. Lavallée et ceux qui vous
accompagnent, de votre présence. Dans la présentation de votre
mémoire, vous nous avez fait, à un moment donné, la
lecture de lettres de gens qui avaient adressé des lettres et vous avez
dit: C'est le signe de leurs tripes. Je pense que c'est le terme que vous avez
employé, vous avez dit ça. Évidemment, ça
dépend de la façon dont
ils ont été informés des intentions du projet de
loi 185.
Dans mes remarques préliminaires, j'invoquais que, durant le mois
de décembre, dans les journées qui ont
précédé la journée du 6, j'avais entendu à
la télévision une autre corporation que la vôtre, quelqu'un
qui avait posé la question suivante: Est-ce que ça veut dire que,
maintenant, il faudra être deux pour aller changer un fusible? J'ai
devant moi une déclaration de quelqu'un qui est membre de votre
organisme et qui demandait, et c'est cité dans un article du
Nouvelliste du mardi 11 février qui dit: Est-ce qu'on va charger
le temps de deux hommes à un client pour aller changer une rondelle dans
un robinet? Évidemment, si c'est comme ça qu'ils ont
été informés des intentions de la loi, ça les
justifie de faire des déclarations comme ça, mais quiconque a le
moindrement - et je peux reconnaître des raisons de s'objecter à
certains aspects de la loi... Mais permettre à des gens bien
intentionnés, comme ce M. Jean Gélinas, de véhiculer que,
pour lui, aller changer une rondelle de robinet, il faudra qu'il soit
accompagné de quelqu'un, quand ça, ça fait partie de
l'entretien, de la réparation et de la rénovation, logez-le
à l'enseigne que vous voudrez... Et ça, ça a
été réglé en 1988 et, en 1992, on véhicule
ça encore, permettez-moi de vous dire que ça n'aide aucunement la
cause que vous tentez de défendre. Ce n'est pas correct de dire
ça. Qu'on identifie des choses que vous souhaitez qui doivent être
corrigées, parce qu'il y a certaines formules et vous en suggérez
certaines, mais que des gens véhiculent des choses comme ça, vous
servez mal votre cause. Comme je suis à la disposition des parties
à la recherche de solutions - et ma collègue l'a dit dans ses
remarques préliminaires - le plus vite on en arrivera à parler
des vrais problèmes pour la vraie recherche de solutions, on va
mutuellement s'aider. Mais, des choses comme celle-là, ça fait
déjà au moins quatre ans que ce n'est plus vrai, ou presque.
Pourtant, je la retrouve dans les journaux quotidiennement. Espérons que
c'est quelqu'un dont la bonne information ne s'est par rendue et
qu'après l'audition d'aujourd'hui il y aura des gens, chez vous, qui se
chargeront de le faire.
À la page 10 de votre mémoire, le premier, non pas celui
que vous nous avez indiqué aujourd'hui, c'est dit... Avant d'aller
là, vous aurez compris que je vous ai également un peu
répondu avec mes tripes. Vous avez compris ça, que je vous ai
également répondu un peu avec mes tripes?
Une voix: Oui, j'ai compris ça, M. le ministre.
M. Cherry: O. K. «Si le projet de loi 185 était
adopté - c'est en page 10 de votre mémoire - nous risquons
plutôt de voir l'entre- preneur autonome disparaître - comme si le
1 900 000 000 $ de travaux d'entretien et de rénovation disparaissait
aussi - dans la clandestinité et opérer de la même
façon que plusieurs employés syndiqués qui entreprennent
des travaux après leurs heures de travail à l'insu de leur
employeur. Est-ce que la société québécoise gagnera
à faire en sorte que tous les entrepreneurs autonomes - tous, pas de
distinction - deviennent des clandestins et ne soient plus
"répertoriés"?»
Première question pour l'associer à ça, pour
ramener à l'autonome - ce n'est pas conséquent sur autre chose -
pourriez-vous m'expliquer c'est quoi, pour un entrepreneur, d'entrer dans la
clandestinité, vu que ce sont des mots utilisés dans votre
mémoire?
M. Lavallée: J'aimerais vous référer aux
lettres des trois entrepreneurs, M. le Président, qui ont très
bien précisé ce que c'était, pour eux, de venir dans la
clandestinité. C'était de travailler sans être
répertorié, sans prendre de permis, sans déclarer les
travaux qu'ils vont exécuter, sans les faire inspecter, sans payer
d'impôt, sans déposer de bilan. En fait, c'est de fermer leur
entreprise et de continuer à servir leur clientèle sans avoir une
structure commerciale.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Je vais poursuivre ma question sur le mot
«clandestinité» parce que ça me semble fort. Vous
venez de dire: Ils ne paieront plus de permis. Ils vont continuer à
faire ça. Une fois qu'ils seraient dans la clandestinité, est-ce
que vous faites une distinction dans la nature des travaux qu'ils font ou si je
dois comprendre qu'ils vont continuer à faire exactement le même
type de travail qu'ils faisaient avant, mais que, là, ils ne feraient
simplement plus rapporter rien? Je ne veux pas vous mettre de paroles dans la
bouche, je veux tenter de comprendre ce que vous affirmez par votre
mémoire.
M. Lavallée: Est-ce que vous pouvez me préciser
davantage votre question, M. le ministre?
M. Cherry: Dans le mémoire, vous avez dit: Ils vont aller
en clandestinité.
M. Lavallée: C'est ça.
M. Cherry: Moi, je dis: Une fois qu'ils seraient dans la
clandestinité...
M. Lavallée: Oui.
M. Cherry:... je présume ça, là, est-ce
qu'ils continueraient à faire le même genre de travaux
qu'ils faisaient avant ou est-ce qu'il y aurait pour eux une distinction
et des façons plus faciles d'être clandestins et de mieux gagner
leur vie ou si ça serait «business as usual», excepté
qu'on ne rapporte plus rien à partir de maintenant?
Le Président (M. Gauvin): M. Lavallée.
M. Lavallée: J'inviterais M. Favre à
répondre à cette question.
Le Président (M. Gauvin): M. Favre.
M. Favre ((Michel): L'entrepreneur va certainement y songer deux
fols avant de renouveler sa licence de la Régie, par exemple, avant de
lever des permis. S'il est moins vulnérable parce qu'il n'est pas
enregistré, s'il n'est pas répertorié, il va faire en
sorte de pouvoir continuer d'exercer sa profession de façon clandestine.
Il va s'en aller au noir. Il va faire payer «cash» ses clients: Je
peux te faire un «deal». Paie-moi «cash».
Écoute, on ne rapporte rien. Je vais te les faire, tes travaux de
construction. C'est ça, la clandestinité. C'est ça dont
les gens ont peur. C'est dans ça qu'ils ne veulent pas embarquer. On ne
peut pas empêcher le monde de vivre. Des gens qui font ça depuis
20 ou 25 ans ne veulent pas se voir contraints dans leurs démarches
futures, dans l'évolution et la bonification de leur entreprise, se voir
contraints par des lois et leur empêcher dorénavant d'annoncer
dans les journaux qu'ils ne peuvent plus servir leur clientèle. Afficher
au garage du coin, au fleuriste et à tous les commerces dans une ville
qu'ils ne pourront plus. Ils sont déclarés Incompétents.
C'est ça, M. le ministre.
M. Cherry: Là, je suis obligé de reprendre mon
intervention originale. Je veux dire, l'entretien, la réparation, la
rénovation, votre annonce chez votre client, chez votre fleuriste comme
quoi vous ne pourrez plus ...Je ne sais pas où vous prenez ça.
Ça, ça peut continuer. Comment en arrivez-vous à la
conclusion, celle que vous venez d'exprimer? Il y a des chiffres qui ont
été soulevés. On a parlé de tout près de 2
000 000 000 $ de travaux qui sont reconnus comme de l'entretien, de la
réparation et de la rénovation. Pour celui - on s'entend bien,
là - qui choisit d'être un autonome. Il dit: Moi, je ne travaille
pour personne. Je veux que personne ne travaille pour moi. C'est mon choix et
c'est comme ça que je vais exécuter. À celui-là, le
projet de loi, tel qu'il est devant nous, dit: Si c'est comme ça que tu
veux exercer ta profession. On ne dit pas: On va faire autre chose. Si c'est
comme ça que tu veux exercer ta profession, ton champ d'activité,
il est dans celui que je viens de décrire plus des réparations
mineures dans les autres secteurs. On parlait du résidentiel, dans un
premier temps. Comment pouvez-vous en arriver à la conclusion qu'il ne
pourrait plus continuer à servir ses clients comme avant? C'est
ça que vous venez de dire. Vous avez dit: II va falloir qu'il informe
son fleuriste qu'H ne pourra plus aller entretenir ses frigidaires s'il lui
arrivait quelque chose. Comment découlez-vous...
l'interprétation, vous arrivez comment et à partir de quel
article de loi?
M. Favre: Comme exemple, vous avez souvent ce qu'on appelle des
petits «strips» commerciaux ou tu as une «slappe» de
ciment. Il reste les locaux à faire. Vous voulez me dire que c'est de la
rénovation, ça? L'entrepreneur autonome dans la ville qui fait un
petit centre d'achats dans lequel H y a cinq ou six commerces. Qui va les faire
s'il ne les fait plus? Il ne pourra plus faire ça, lui.
M. Cherry: Voulez-vous répéter votre
explication?
M. Favre: C'est sur le bord de la construction.
M. Cherry: Voulez-vous nous expliquer ça?
M. Favre: La construction d'un petit centre d'achats...
M. Cherry: Un petit centre d'achats... M. Favre: Oui.
M. Cherry: ...de quoi? D'une dizaine de petits commerces?
M. Favre: Est-ce que c'est de la construction? Est-ce que c'est
de la construction ou si ce n'est pas de la construction? Je vous pose la
question.
M. Cherry: La construction d'un centre d'achats, vous demandez si
c'est de la construction?
M. Favre: Oui. Je vous le demande, M. le ministre: Est-ce que
c'est de la construction, oui ou non? Vous semblez douter que ce ne soit pas de
la construction.
M. Cherry: Ça en est, H me semble, de la... Vous me
demandez si, la construction d'un centre d'achats, c'est de la
construction?
M. Favre: Oui.
M. Cherry: Je suis obligé de vous dire que le premier mot
de votre question m'indique que ça en est.
M. Favre: O.K. Alors, qu'est-ce que vous ne
comprenez pas? (16 h 45)
M. Cherry: Là, je...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Favre: On vous dit que l'entrepreneur autonome ne pourrait
plus agir dans ce style d'intervention. C'est ça qu'on vous dit.
M. Cherry: Mais pourquoi est-ce que ça ne peut pas
être fait par des travailleurs de la construction avec un entrepreneur?
Pourquoi est-ce que ça doit être quelqu'un d'autonome pour qui le
champ, d'après la loi, on veut délimiter que c'est de
l'entretien, de la réparation et de la rénovation? Pourquoi
est-ce qu'il faut qu'il aille là aussi? Il veut jouer sur les deux en
même temps? C'est ça que je veux savoir, votre question. J'ai
besoin de votre interprétation parce que vous êtes les experts
là-dedans.
M. Favre: Je ne comprends pas. Ce n'est pas que ce n'est pas
permis aux autres. Ce qu'on ne comprend pas, c'est pourquoi est-ce que
ça lui est exclu? C'est ça qu'on ne comprend pas.
M. Cherry: De la même façon que des travailleurs et
des entrepreneurs avec des salariés ne comprennent pas non plus que,
dans certains types de travaux, on arrive sur un chantier, on ne retrouve que
des autonomes et pas de salariés.
Une voix: M. le ministre.
M. Cherry: Ça, eux autres aussi, ils ont de la
difficulté à comprendre ça.
Une voix: Là-dessus, on est d'accord avec vous, M. le
ministre.
Une voix: M. le ministre...
M. Cherry: Vous êtes d'accord avec moi?
M. Lavallée: On vous propose dans notre mémoire, M.
le ministre, de limiter le nombre de ces entrepreneurs sur le chantier, par
spécialité. Si c'est un malaise, on est d'accord qu'il y a de
l'abus dans certains domaines, alors limitez le nombre de ces entrepreneurs par
chantier. Limitez le nombre.
M. Cherry: Juste pour continuer la réponse, vous dites: Si
ça semble être un malaise. Vous autres, qui êtes des
quotidiens de la construction...
M. Lavallée: Chez nous, dans la plomberie, M. le
ministre...
M. Cherry: ...est-ce que ça vous semble être un
malaise, une situation comme celle-là ou on pourrait retrouver, sur un
chantier de construction, notre petit centre d'achats, 10, 12 ou 15 personnes
qui y travaillent, tous des autonomes et pas un travailleur? Est-ce que,
ça, vous autres, ça vous semble un malaise?
M. Favre: Oui.
M. Cherry: Merci beaucoup. Nous autres aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): Écoutez, je demanderais
à nos...
Une voix: Visiteurs.
Le Président (M. Gauvin): ...à nos visiteurs, aux
gens qui sont présents ici, dans cette salle, d'éviter de
manifester. On reçoit un groupe qui a droit de parole et qui veut
échanger avec les membres de la commission. Donc, je vous demande votre
collaboration. M. le ministre.
M. Cherry: En terminant, avant de passer la parole à notre
collègue, j'aimerais vous dire que j'apprécie l'évolution
de votre mémoire entre décembre et maintenant. Vous m'aviez dit:
Donnez-moi un peu de temps et on vous proposera des suggestions. Vous avez tenu
parole et ça nous permettra de cheminer dans le dossier. Ça
termine mon intervention.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, avant d'aborder la période de questions, on pourrait
peut-être demander s'il n'y aurait pas lieu, si c'était possible,
de tenir les séances au salon rouge, de manière à ce que
les gens puissent trouver place...
M. Cherry: Je vais demander à...
Mme Blackburn: On en a pour trois jours, alors ça vaudrait
peut-être la peine.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi, justement, on déplore le fait qu'on manque de fauteuils dans
cette salle. On va tenter de vérifier, d'une part, pourquoi le salon
rouge n'était pas disponible. On nous dit qu'il n'était pas
disponible et c'est à vérifier. Merci.
Mme Blackburn: D'accord. Merci. M. le président, M. le
directeur général, messieurs, bonjour. J'ai lu attentivement les
mémoires. Je vais passer directement aux questions. Vous avez une
série de propositions qui sont intéressantes.
J'ai eu l'occasion de vous le dire, je me permets de le rappeler, et je
vais insister sur certaines d'entre elles. Mais, avant d'aborder le fond de la
question, je voudrais qu'on puisse, à la commission, être en
mesure d'évaluer les impacts réels sur le travailleur autonome,
et ça, j'ai beaucoup de difficultés; peut-être que
ça a été fait et peut-être que ça ne l'a pas
été.
Le projet de loi 185 vient enlever de la pratique du travailleur
autonome la construction neuve. Tout le reste demeure. Donc, c'est la
construction neuve. Pour évaluer l'impact réel sur l'entrepreneur
autonome, est-ce qu'on a évalué le pourcentage de travaux dans la
construction neuve, dans votre champ de compétence? Je ne vous demande
pas de faire ça pour tous les autres corps de métier, mais chez
vous, les maîtres tuyauteurs, le pourcentage de travaux
réalisés par les entrepreneurs autonomes sur les chantiers de
construction et le pourcentage de travaux, d'entretien, de réparation et
de rénovation réalisé par les entrepreneurs autonomes, si
on avait ça, on saurait exactement l'inconvénient que ça
pose pour ce genre d'entrepreneur. Est-ce que vous avez des données
là-dessus?
Le Président (M. Gauvirt): M. Lavallée.
M. Lavallée: Je vous remercie de votre question, Mme
Blackburn. J'aimerais apporter aussi la distinction entre des travaux de
construction et des travaux d'ajout. Nos 800 membres qui sont
présentement touchés par ce projet de foi, fa majorité
d'entre eux font des travaux d'entretien. Alors, on n'est pas brimé dans
le domaine de l'entretien ou de la réparation mineure. Il faut
s'entendre sur le terme «mineure». On a eu des réflexions,
on s'est penché sur le terme «mineure» pour définir
que, des ajouts à des résidences existantes, par exemple ajouter
un appartement à une maison ou finir un sous-sol..Pour vous, des travaux
mineurs, est-ce que c'est des travaux de construction? N'est-ce pas
entreprendre des travaux de construction lorsqu'on ajoute ou on agrandit une
résidence? Alors, nos 800 membres qui sont touchés par le projet
de loi 185 prétendent que non seulement les chantiers de construction
vont leur être interdits, mais que, des travaux d'ajout de la nature que
je viens de vous définir, ils n'y auront plus accès.
M. Favre: Si je peux me permettre de complementer, Mme
Blackburn.
Le Président (M. Gauvin): M. Favre.
M. Favre: II y a une longue tradition dans révolution des
entreprises de services qui sont là à l'année, quant au
service d'entretien, par exemple, ou quant au service d'installation de
tuyauterie. La majorité des entrepreneurs en tuyauterie ont ce qu'on
appelle un marché diversifié. Et ça, ça existait
bien avant 1988 et les entrepreneurs artisans étaient là et...
Eux, leur part du marché qu'il y avait là, ils l'ont perdue en
1988.
Mais les entreprises, je pense à celle de Fernand ou de Jean
Brière, qui ont un secteur diversifié d'entretien, de
réparation, c'est dissocié du décret maintenant. Ce n'est
plus assujetti au décret, mais ils ne font jamais la différence
en moindre quant aux salaires versés, c'est-à-dire qu'il n'y a
pas eu d'impact quant aux travailleurs qui sont des plombiers dûment
qualifiés. Que tu l'envoies sur une petite réparation d'une
rondelle, M. le ministre, ou que tu l'envoies sur la construction d'un centre
d'achats, tu le paies le même salaire avec les mêmes avantages,
avec les 30 % de charges sociales et il fait ça. Ça ne se fait
pas, dans la vie, de dire à quelqu'un: Je te paie moins cher parce que,
cet avant-midi, tu as travaillé sur des petites réparations,
mais, cet après-midi, tu me fais de la grosse construction et je vais te
payer plus cher. C'est ça qu'il est important de reconnaître quant
à cette facette de ce style d'entreprise.
Mme Blackburn: Bien. Alors, ce que vous nous dites, en gros,
c'est que, contrairement à l'impression générale - je
pense que je demanderais ça à mes collègues et ils
partageraient mon avis là-dessus - l'impression qu'on a si on fait
affaire avec un entrepreneur autonome, c'est que c'est supposé nous
coûter moins cher.
M. Favre: Ce n'est pas évident.
Mme Blackburn: Bon. C'est ça. Ça, au moins, c'est
clair. Parce que c'est un peu ça qui court, c'est que ça
coûte moins cher d'avoir affaire à un entrepreneur autonome. Ce
qui coûte moins cher, c'est de faire affaire avec un travailleur au noir.
Ce n'est pas pareil, ça. Ça coûte moins cher, en tout cas,
non pas à l'État, mais probablement à celui qui fait faire
les travaux.
Donc, vous confirmez ce que je disais. Ce n'est pas parce que j'appelle
un entrepreneur autonome pour faire changer la rondelle de caoutchouc dans mon
robinet d'eau chaude - parce que c'est toujours celle-là qui manque -que
ça va me coûter moins cher. Alors, ça, ça va. Moi,
là-dessus, j'avais déjà vérifié et...
À présent, les travaux mineurs, ça n'a pas
été défini. Est-ce que c'est 10 000 $, 20 000 $? À
ma connaissance, ça n'a pas été... Je sais qu'il y a eu
des propositions à l'effet de limiter ça à 10 000 $. On a
dit: Ça, c'est des travaux mineurs. Au-delà de ça,
ça pourrait ne pas être mineur. Mais je vois tout de suite ce que
ça va donner. Vous avez des travaux de 13 000 $ à la maison et un
petit peu à la galerie et un petit peu à l'ajout, est-ce que je
sais, de gouttières et, là, vous séparez votre contrat en
deux, puis
ça fait des travaux mineurs pareil. Moi, je sais que c'est comme
ça que ça va se faire. Donc, travaux mineurs, ça n'a pas
encore été défini dans la loi, pas plus que l'ajout d'une
salle de bains. C'est un peu l'exemple que vous apportiez.
Êtes-vous en train de nous dire que si, ça, c'était
mieux défini et que l'ajout d'une salle de bains, par exemple, la
finition d'un sous-sol, si c'était compris dans
«réparation, rénovation et entretien», vous seriez
assez d'accord?
M. Lavallée: Pas tout à fait, Mme Blackburn.
J'inviterais Me Jean Morin à nous donner de l'information
là-dessus puisqu'on a de la jurisprudence, je pense, Me Morin,
là-dessus.
Le Président (M. Gauvin): Me Morin.
M. Morin (Jean): Oui. Alors, bien respectueusement, il me semble
qu'est oublié ici le dernier paragraphe de l'article 19 de la loi dont
il est question, la Loi sur les relations du travail. Tout à l'heure,
j'entendais, lors des interventions d'Alcide Fournier, Mme Blackburn dire: Le
travailleur autonome, il peut charger 10 $, 12 $, s'il le veut, lorsqu'il
effectue des travaux de construction. Or, c'est interdit. L'entrepreneur
autonome a l'obligation de charger a son client une rémunération
suffisante pour se payer les mêmes avantages que ceux mentionnés
dans le décret. Ce n'est pas vrai qu'il peut travailler à 10 $
l'heure. C'est interdit par la loi. S'il le fait, il commet une infraction. Il
ne faut oublier... Tout à l'heure, M. le ministre... C'est 19 $. Je l'ai
devant les yeux, je peux vous le lire. C'est noir sur blanc. L'entrepreneur
autonome doit exiger une rémunération au moins égale sur
une base horaire à la rémunération en monnaie courante et
aux indemnités et avantages ayant une valeur pécuniaire
prévue dans la loi.
Tout à l'heure, M. le ministre disait: Trouvez-vous normal que,
sur un petit centre d'achats, on ne retrouve que des entrepreneurs autonomes,
pas de travailleurs? L'entrepreneur autonome, c'est un travailleur. Ce n'est
pas un employeur, ce n'est pas un salarié syndiqué, mais c'est un
travailleur. Il faut faire attention. Ils ne comprennent pas lorsqu'on leur dit
qu'ils ne sont pas des travailleurs. C'est un type qui est licencié et
qui a l'obligation de charger à ses clients une
rémunération suffisante pour se payer les avantages
mentionnés dans le décret.
Au mois de décembre, lorsqu'on vous a parlé de quelqu'un
qui finit son sous-sol, vous avez paru étonnés, plusieurs membres
de cette commission... le fait que vous vous êtes dit: Ce sont des
travaux de modification. «Modification» dans le dictionnaire, ce
n'est pas construction, ce n'est pas nouvelle installation. Modifier une
installation de tuyauterie, c'est la changer d'endroit, mais ajouter une salle
de bains... Tant mieux si vous pensez que modification, c'est une modification
aux structures, c'est une modification... La Commission de la construction
pense la même chose que vous. Elle a émis une directive où
elle définit le mot «modification»: Travaux
exécutés dans le but d'apporter des modifications aux structures
de l'immeuble en fonction d'une nouvelle utilisation qui en sera faite, par
exemple, une école qui serait transformée en bureaux
administratifs. C'est de toute beauté, mais ça ne repose sur
rien. Ce n'est pas sûr que les juges vont suivre ça. Une directive
de la CCQ, ce n'est pas... Tant mieux, mais j'aimerais mieux, comme juriste, si
vous me permettez, que vous mettiez ça un peu plus clair que de dire
qu'une modification, c'est simplement une modification aux structures ou c'est
transformer une école en locaux administratifs, si c'est ça que
vous avez en tête.
Mais, à date, il faut que vous sachiez que sont poursuivis des
entrepreneurs autonomes qui ont installé des nouvelles salles de bains
dans des résidences, ils sont poursuivis parce qu'ils ont fait des
travaux de construction, selon les procureurs qui les poursuivent. Il n'y a pas
de jugement encore, on conteste ça à l'heure actuelle.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Je rappelle ma question première. Avez-vous
évalué le pourcentage de travaux réalisés par les
entrepreneurs autonomes respectivement dans la construction neuve et dans les
travaux de réparation, de rénovation et d'entretien, de vos 800
entrepreneurs autonomes?
M. Favre: On n'a aucune statistique quant aux travaux ou au
profil de travail par spécialité, s'ils travaillent dans le
résidentiel, le commercial ou l'industriel. On n'a pas ces
données.
Mme Blackburn: Donc, quand on avance des chiffres absolument
catastrophiques quant aux effets sur l'entrepreneur autonome, c'est plus une
impression générale que des données précises?
M. Favre: Oui.
Mme Blackburn: O.K., ça va. Moi, je veux être en
mesure d'évaluer ce que ça veut dire puis je ne suis pas en
mesure de le faire, je vous le dis. Vous ne me donnez pas les informations qui
me permettent de le faire. En ce qui a trait à la définition de
«travaux mineurs», ce que je veux comprendre de votre intervention,
c'est qu'il y aurait intérêt à ce qu'une
réglementation les définisse. On est d'accord avec ça?
M. Favre: Oui.
Mme Blackburn: J'aimerais revenir un peu à
vos propositions. À la première page de vos propositions,
vous dites: «Pourquoi ne pas songer à limiter le nombre
d'entrepreneurs autonomes par spécialité qui peuvent oeuvrer sur
un même chantier de construction? Ainsi, sur un même chantier, on
ne pourra retrouver que 50 entrepreneurs». J'imagine qu'on ne pourra pas
retrouver 50 entrepreneurs. J'ai pensé que c'était une faute de
frappe. Il n'y a pas de problème. Mais, telle que libellée, votre
proposition, je pourrais faire construire ma maison avec tous les travailleurs
autonomes. (17 heures)
M. Lavallée: On parle d'une résidence?
Mme Blackburn: Oui, une résidence, ma maison; une
résidence.
M. Lavallée: Vous pourriez construire une maison avec un
plombier puisqu'un plombier...
Mme Blackburn: Un plombier...
M. Lavallée: ...peut faire la plomberie d'une
maison...
Mme Blackburn: ...un électricien, un peintre, un
menuisier, un coffreur... on appelle ça un tireur de joints, mais je
sais qu'il y a un autre nom, le terme, ce n'est pas un «plastreur»,
un plâtrier?
M. Lavallée: Pourquoi pas? Si vous construisez votre
maison et que vous engagez des entrepreneurs autonomes dans chacune des
spécialités, pourquoi pas?
Mme Blackburn: Alors, c'est l'équivalent...
M. Lavallée: Un par spécialité.
Mme Blackburn: ...de dire: La construction domiciliaire devrait
échapper au décret, votre hypothèse.
M. Lavallée: II y a différents projets
domiciliaires. Si un entrepreneur entreprend de construire...
Mme Blackburn: Domiciliaire.
M. Lavallée: ...10 maisons... On vous décrivait
tantôt une situation où...
Mme Blackburn: Oui.
M. Lavallée: ...sur 13 bungalows sur la même rue,
deux entrepreneurs en plomberie ont exécuté les travaux; les 11
autres ont été effectués par...
Mme Blackburn: Les 11 autres, oui.
M. Lavallée: ...les propriétaires eux-mêmes.
Alors, il y a un malaise là. On vous dit que la plomberie,
effectivement, a été faite par des plombiers - nos
salariés, sans doute - les fins de semaine ou le soir. Alors, on vous
dit: Contrôlons...
Mme Blackburn: Bien.
M. Lavallée: ...ça. Empêchons le
propriétaire de faire ses travaux lui-même et de les faire
exécuter par un travailleur au noir, un vrai travailleur au noir,
celui-là.
Mme Blackburn: Votre deuxième proposition, comment elle
pourrait se traduire dans les faits? Parce que je veux comprendre un peu.
Tantôt, on va travailler sur le projet de loi. «S'il est vrai qu'un
travailleur autonome - dites-vous, parfois - bénéficie
d'avantages sociaux semblables à ceux dont bénéficient les
employeurs et les autres travailleurs de la construction sans avoir
contribué adéquatement aux charges inhérentes, nous
suggérons qu'il soit prévu qu'en tout temps les
bénéfices qu'ils peuvent retirer des avantages sociaux
prévus ne soient que proportionnels à leur contribution.»
Comment calculerait-on ça, là?
M. Lavallée: Je demanderais à M. Favre de
répondre à cette question.
M. Favre: Encore là, le point 1 et le point 2, ce sont des
choses qui avaient été soulevées le 6 décembre
dernier, c'est-à-dire qu'il semble qu'il y ait des gens qui profitent de
façon indue du système. On n'est pas actuaires, mais c'est
possible, il me semble, de calculer une façon de redonner un montant
équivalent ou proportionnel, mais en fonction de la contribution. S'il y
a déclaration d'heures, par exemple, d'un entrepreneur autonome à
la CCQ, s'il choisit de déclarer pour en recevoir ou en percevoir les
avantages sociaux, il devrait avoir un minimum d'heures ou un montant, je ne le
sais pas, qui ferait en sorte qu'il n'abuse pas, lui, du système.
Mme Blackburn: L'entrepreneur autonome n'est pas tenu de
déclarer ses heures à la CCQ; c'est l'employeur qui est tenu de
le faire.
M. Favre: Oui. Mais il y a des entrepreneurs autonomes qui...
Mme Blackburn: Non. L'entrepreneur, s'il a un employé, il
devient employeur, à ce moment-là.
M. Favre: Oui.
Mme Blackburn: C'est parce que, tout à l'heure, je pense
que la distinction a été claire là-dessus.
Vous savez, ce qu'on invoque souvent chez mes collègues, c'est:
Laissons plus de place à l'entrepreneur autonome, ça va
coûter moins cher au consommateur. Là, on vient de me dire que ce
n'est pas vrai parce qu'il a l'obligation de charger un taux horaire qui lui
permette de se payer tous les avantages. Bon! Dans mon milieu, c'est beaucoup
ce qu'on défend. On dit: Prends l'entrepreneur autonome, il coûte
moins cher. Ce qui coûte moins cher, je le rappelle, c'est le travailleur
au noir, mais ce n'est pas vraiment l'entrepreneur autonome. Alors, ça
me permettait juste de clarifier cette partie-là.
Vous avez une proposition qui est intéressante aussi, c'est
l'idée d'afficher la liste des entrepreneurs qui contribuent aux travaux
de construction. Vous pensez également que la municipalité
pourrait avoir la responsabilité: «Ainsi, nous suggérons
qu'il soit obligatoire non seulement d'afficher le permis de construction sur
le chantier lui-même...»; et vous me disiez que ça se
faisait déjà, antérieurement.
M. Lavallée: Oui, ça se fait à
Montréal, disons.
Mme Blackburn: D'accord. Mais ce n'est pas obligatoire?
M. Lavallée: Ce n'est pas uniforme.
Mme Blackburn: C'est facultatif; c'est selon les
municipalités.
M. Lavallée: C'est ça.
Mme Blackburn: D'accord. Mais encore, que soit affichée la
déclaration du donneur d'ouvrage quant aux noms des entrepreneurs qui
effectuent les travaux de toutes les spécialités sur le chantier,
ce serait quoi, l'avantage? Je trouve ça intéressant, mais ce
serait quoi, l'avantage concret?
M. Lavallée: Un inspecteur de la CCQ qui irait visiter ces
chantiers-là pourrait voir les entrepreneurs qui ont été
déclarés travailler sur le chantier et pourrait...
Mme Blackburn: Et faire des recoupages.
M. Lavallée: ...du fait même, faire le joint si cet
entrepreneur-là a effectivement effectué les travaux.
Mme Blackburn: Mais la CCQ...
M. Lavallée: Ça évitera, justement, d'avoir
des salariés, des employés ou des ouvriers sur le chantier qui ne
sont pas accrédités pour le faire, qui ne sont pas des
entrepreneurs autonomes.
M. Favre: Ce serait une manière très visuelle.
Mme Blackburn: Vous savez que dans l'hypothèse que vous
défendez, l'entrepreneur autonome n'est pas assujetti à la
CCQ.
M. Lavallée: Mais on a aussi identifié, Mme
Blackburn, que sur beaucoup de ces chantiers-là il y a des travailleurs
qui ne sont pas des travailleurs autonomes dans le sens que nous, nous
l'interprétons. Ce sont des travailleurs au noir, des gens qui
travaillent cash, là.
Mme Blackburn: Oui, oui. Donc, ça permettrait de
contrôler le travail au noir. D'accord.
M. Lavallée: C'est ça. On dit: Pour nous, le vrai
travail au noir c'est celui qui se fait par des gens qui ne paient pas
d'impôt, qui ne prennent pas de permis et qui font ça les fins de
semaine et le soir.
Mme Blackburn: Oui, c'est une bonne proposition. Et l'attestation
de conformité, vous dites que c'est un pas dans la bonne direction.
Mais, à votre recommandation 5, vous dites, en parlant des travaux qui
sont réalisés par des gens qui n'ont pas la compétence
dans les travaux de plomberie: «Est-ce que les certificats de
conformité prévus à 186 ne devraient pas prévoir
précisément que les travaux de plomberie devraient être
réalisés par des spécialistes?»
M. Lavallée: Je vais demander à M. Favre de
répondre à cette question.
Mme Blackburn: II me semble que tous les travaux de construction
devraient être réalisés par ceux qui ont la
compétence, sinon ils n'auront pas de certificat de conformité,
il me semble.
M. Favre: Bien, dans les cas où la loi prévoit que
le constructeur propriétaire peut faire sa propre plomberie, il ne sera
pas tenu de s'émettre un certificat de conformité à
lui-même parce que la loi permet au propriétaire de faire sa
propre plomberie. Donc, il y a un problème. Comment le
propriétaire va-t-il s'émettre un certificat de
conformité?
Mme Blackburn: Mais il n'y aura pas de certificat de
conformité. Alors, ce que vous nous dites, c'est qu'il y aurait comme un
trou, là. Est-ce qu'à ce moment-là, une fois les travaux
terminés, la maison serait estimée conforme? Un certificat de
conformité... J'imagine que ça serait indiqué que tous les
travaux, à l'exception de la plomberie, s'ils n'ont pas
été effectués par quelqu'un qui a la compétence, ne
pourraient pas être conformes. Il me semble qu'il y a quelque chose. Mais
quand même, vous soulevez quelque chose d'intéressant. C'est quel
pourcentage? Là,
vous me dites: II y a neuf maisons sur treize. M. Lavallée:
Sur la même rue. Mme Blackburn: Neuf sur treize.
M. Favre: Mme Blackburn, sur - je ne sais pas - peut-être
un millier de dossiers potentiels traltables, on est capable d'en activer
environ 300 par année. Il y a énormément de perte
d'énergie à cet égard. Il y a énormément de
travail au noir qui se fait dans la plomberie, partout au Québec. Quand
je vous donnais l'exemple des 20 maisons, il y en a deux qui sont faites par
des entrepreneurs - c'est dans le comté de Kamouraska où les
entrepreneurs me donnaient un exemple - mais qui les fait, les 18 autres?
Pour revenir à l'interdiction aux propriétaires de faire
les travaux de plomberie, à Montréal seulement, sur les 14
municipalités qui appliquent un code distinct, H y en a 9 au moins, dont
les plus grosses - on pense à Verdun, Montréal-Nord,
Montréal, Saint-Laurent, Westmount, et tout ça - où c'est
interdit. Puis ça marche. Pourquoi? Pour bien des raisons: pour la
contamination, pour la vermine, pour toutes sortes de raisons. Et Dieu sait que
ça aiderait grandement, M. le ministre, dans le travail que nous
faisons, que vous nous demandez d'exécuter quant à la poursuite
du travail au noir, ça nous aiderait grandement dans cette
démarche. Je ne vois pas comment ça nuirait tellement; ça
ne léserait personne puisque c'est déjà fait pour
au-dessus d'un tiers de la population du Québec. Et on sait très
bien que, de toute façon, c'est une occasion pour les
propriétaires d'engager au noir. Parce qu'il n'y en a pas gros qui ont
ce grand talent-là, de faire la plomberie, de toute façon. C'est
toujours un cousin ou un beau-frère ou quelqu'un qui finit par le faire,
de toute façon.
Mme Blackburn: Bien. Dans votre recommandation 6, vous
suggérez que le propriétaire qui confie des travaux à un
travailleur au noir soit poursuivi en justice et ait à payer des amendes
sévères. Il me semble que ça serait difficile.
J'essaie...
M. Lavallée: Oui.
Mme Blackburn: ...de voir comment on pourrait gérer une
telle disposition. Je veux dire, n'importe quand, le propriétaire va
vous dire: Moi, je ne le savais pas.
M. Lavallée: J'inviterais Jean Morin à nous parler
sur cette suggestion.
M. Morin (Jean): Oui, ce serait difficile. Le Président
(M. Gauvin): Me Morin.
M. Morin (Jean): M. le Président, effectivement, ça
serait difficile mais, au moins, ça serait incitatif. Très
difficile. Encore faudrait-il prouver l'infraction. Mais, au moins, ce serait
un pas en avant. Le propriétaire qui serait pris à confier des
travaux à quelqu'un, au noir, devrait être partie à une
infraction et devrait être poursuivi. Possiblement que ça pourrait
inviter les gens à faire un peu plus attention.
Mme Blackburn: Quand vous parlez de propriétaire, c'est
quelqu'un qui fait construire sa maison, par exemple.
M. Morin (Jean): Quelqu'un qui fait construire sa maison ou un
entrepreneur général, n'importe qui donnant des travaux à
un travailleur au noir, à un travailleur non licencié, etc..
alors il pourrait être poursuivi. Évidemment, c'est difficile.
C'est bien certain. C'est une suggestion parmi tant d'autres.
Mme Blackburn: En ce qui a trait aux exigences qui pourraient
être faites aux municipalités de demander au donneur d'ouvrage,
à celui qui demande le permis de construction, de recueillir les
informations sur le nombre d'heures requises pour effectuer les travaux, est-ce
que vous avez vérifié si c'était réaliste,
faisable?
M. Lavallée: Ce n'est pas notre recommandation. Nous
recommandons que la municipalité qui émet le permis de
construction demande au donneur d'ouvrage d'identifier les sous-traitants qui
vont travailler à la réalisation des travaux. On ne demandera pas
à la municipalité de contrôler le nombre d'heures
travaillées sur le chantier. Ce n'est pas notre proposition, Mme
Blackburn.
Mme Blackburn: Ah! D'accord, ça va. Vous, c'est seulement
la liste des entrepreneurs qui seront chargés de la réalisation
des travaux.
M. Lavallée: S'assurer que les travaux sont
réalisés par des entrepreneurs qui sont dûment
qualifiés pour le faire et non pas par des travailleurs au noir.
Mme Blackburn: Ça irait pour le moment, M. le
Président.
Le Président (M. Gauvin): J'aimerais informer les membres
de cette commission qu'après avoir vérifié,
évidemment, le salon rouge n'est pas disponible, et c'est
l'explication... Donc, encore une fois, je...
Mme Blackburn: Demain, ça va aller?
Le Président (M. Gauvin): II n'est pas disponible pour les
prochains jours parce qu'il y a déjà une autre commission qui
siège, la
commission spéciale sur la souveraineté. Une voix:
Elle est finie.
Le Président (M. Gauvin): Donc, je passe maintenant la
parole à Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Merci, M. le Président. J'ai quelques
questions ou, à tout le moins, des commentaires à faire;
ça ne s'adresse pas nécessairement à votre Corporation
mais à tout ce que j'ai entendu depuis le début. Tout à
l'heure, c'était la Commission de la construction; maintenant, c'est les
maîtres en tuyauterie; on va rencontrer les syndicats tout à
l'heure mais, avant toute chose - j'ai l'impression qu'on l'oublie ou, en tout
cas, on n'en a pas parlé jusqu'à maintenant - j'espère
entendre les autres là-dessus, sur celui qui fait faire les travaux, qui
est le consommateur.
S'il y a du travail au noir qui se fait... Je regarde dans mon
comté, dans Kamouraska-Témiscouata, ce n'est pas le comté
le plus riche de la province, mais j'ai l'impression que les gens vont au
moindre coût possible en prenant des risques sur la qualité, dans
bien des cas. Ils ont des frères, justement, ou un cousin qui est
menuisier, qui a sa carte de la construction. Il est en chômage pendant
l'hiver; ils vont lui faire faire des travaux. Des fois, c'est un membre de la
famille, un retraité - ça arrive, ces choses-là - qui va
donner un coup de main; il va faire une partie de la construction domiciliaire,
les armoires, et tout ça.
Quand je regarde ce dont on parle dans le moment, je trouve qu'on a
oublié une chose, c'est le coût. Et j'ai l'impression que la cause
fondamentale du travail au noir dans le moment au Québec, c'est vraiment
le coût de la construction. Si des gens gagnent 10 $ l'heure dans une
scierie, ils ont de la misère à payer un menuisier à 20 $
l'heure. C'est quand même beaucoup plus cher que ce qu'ils ont comme
salaire. J'aimerais ça, en tout cas, à un certain moment
donné, parmi tous ceux qui vont venir, si on pouvait aborder ce
problème-là parce qu'il est là, il est réel. On ne
cherche pas le moindre coût quand on a les moyens financiers de payer.
Parce que là je dis que tout le monde est compétent, tous ceux
qui ont des cartes, toutes les corporations ont des membres compétents,
mais au-delà de ça, il y a une question financière qui
est, je pense, le fondement même du problème.
On regarde - je ne toucherai pas à la construction industrielle
et commerciale - la construction domiciliaire. Tout à l'heure, la
Commission de la construction nous a dit qu'effectivement, c'est à peu
près 800 heures pour construire une maison. Et si les
municipalités demandaient à l'entrepreneur d'inscrire le nombre
d'heures que ça doit prendre, on devrait se retrouver, au lieu d'environ
300 heures qui sont normalement déclarées cette année,
avec une augmentation du nombre d'heures. Sauf qu'effectivement, si je
décide de me faire construire une maison, que j'ai justement des gens
autour de moi qui sont prêts à m'aider, à moindre
coût, ça ne sera pas 800 heures qui vont être
déclarées à la Commission, ça va peut-être
être 600 heures ou peut-être 500 heures parce que je ne ferai pas
tout faire par un entrepreneur général. Je vais faire faire ce
que je ne suis pas capable de faire, le carré de la maison, à
tout le moins, tout ça, et le reste... Je pense que c'est une
réalité dans chacune de nos municipalités, que les gens en
chômage vont se faire aider. Ils vont faire un bon bout de chemin par
eux-mêmes, et surtout les jeunes couples qui en sont à leur
première maison, avec des enfants, avec une auto et des meubles à
payer. (17 h 15)
Alors, là, j'aimerais savoir, d'après vous, est-ce qu'il y
a des moyens de résoudre ce problème-là? Est-ce qu'au
niveau de la plomberie... Il y a des plombiers qui vont dire: Bien, moi, je
suis prêt à faire ce travail-là pour tant. Même si je
suis un maître plombier, je vais te le faire à moins cher que la
Corporation parce qu'il y a une compétition qui est féroce et
qu'il n'y a pas beaucoup de travail.
M. Lavallée: Vous êtes en train d'identifier, je
pense, un travailleur qui est soit sur l'as-surance-chômage ou sur le
bien-être social, qui est aux crochets de la société et qui
travaille à 10 $ l'heure, peut-être. C'est ça que vous
êtes en train d'identifier.
Mme Dionne: Le consommateur, lui, il va chercher le meilleur
prix. C'est ça que je veux dire, là. Je parle toujours du
consommateur qui cherche le meilleur prix possible parce qu'il n'a pas beaucoup
d'argent pour se faire construire une maison. Comment on va faire? Quelles sont
vos suggestions, vos propositions pour qu'à un certain moment
donné... Il s'en fait, du travail au noir, dans ça,
là.
M. Lavallée: Oui.
Mme Dionne: C'est une question d'argent, là.
M. Lavallée: C'est ça.
Mme Dionne: Est-ce que vous avez des solutions à
apporter?
M. Lavallée: Je vais demander à M. Favre de nous
parler là-dessus.
M. Favre: II y a déjà des initiatives que le
gouvernement a prises. Mon taux, mon toit, par exemple, c'est des choses
à encourager. Inciter
les gens à faire l'acquisition d'une maison neuve à un
taux moindre, c'est un très grand stimulant pour l'industrie. Quant au
nombre d'heures moyen de construction d'une maison, je ne sais pas. C'est
toujours fonction de la grosseur de la maison. La maison moyenne, c'est...
Mme Dionne: Tout de même, au départ, il y a Mon
taux, mon toit; oui, c'est vrai, c'en est une, possibilité.
M. Favre: Ce genre d'initiatives, il faut les poursuivre, il faut
les bonifier, il faut encourager les gens à avoir accès à
la propriété au meilleur coût possible.
Mme Dionne: O.K.
M. Favre: L'hypothèque est déjà le
coût le plus élevé qu'on doit subir et entretenir
après.
Mme Dionne: Mais les recommandations que vous proposez,
même de poursuivre un propriétaire qui confie ses travaux à
un travailleur au noir... On a beau réglementer, on aura beau mettre
toutes les dispositions possibles dans la loi et dans les règlements, je
n'ai pas l'impression que ça va vraiment régler le
problème de base qui est de chercher le moindre coût possible. Il
y a bien des gens qui n'ont pas les moyens de payer les salaires des
décrets et qui se servent de gens comme ça, qui sont en
chômage pendant l'hiver.
M. Lavallée: Alors, il ne faut pas encourager
ça!
Mme Dionne: Non. Ce n'est pas à encourager mais c'est
parce que les propositions de sévir, je ne suis pas convaincue que ce
soit les meilleures. Peut-être; je ne suis pas spécialiste du
domaine de la construction.
M. Lavallée: M. Brière, pourrait peut-être
nous parler là-dessus.
M. Brière: Des entrepreneurs qui opèrent... Vous
pariez d'un problème qui est social. C'est bien évident de ce
temps-ci qu'on comprend tous ça. Mais il y a des lois, il y a des
règlements. On a appris notre métier, on doit suivre des
réglementations. Ce qu'on dit, c'est qu'on veut conserver pour
l'entrepreneur autonome le fait de pouvoir faire une maison. Peut-être
que, lui, pourra vous faire un prix. On dit aussi dans notre mémoire...
Ce qu'on veut de l'entrepreneur autonome - c'est ce que j'ai dit la
dernière fois; je ne suis pas un entrepreneur autonome. Je ne m'y
connais pas tellement au point de vue de l'entrepreneur autonome comme tel - ce
que, moi, je veux, ce qu'on veut à la Corporation, c'est que cet
entrepreneur-là soit dans une position où si, demain matin, il a
de l'ouvrage à faire faire et qu'il a plus d'ouvrage qu'il n'est capable
d'en faire avec ses deux bras et ses deux mains, qu'il engage quelqu'un. On
veut qu'il soit considéré comme un entrepreneur. On veut qu'il y
ait un entrepreneur puis un salarié, un travailleur.
C'est bien évident que dans ma conception des choses, il faut que
cet entrepreneur-là puisse vous donner un prix. Possiblement qu'il
pourra vous donner un très bon prix. Je ne le sais pas. Il va vous faire
un prix global, un prix forfaitaire qui va faire qu'il va exécuter votre
travail. Si, à partir de là, il y en a plusieurs à faire,
en autant que je suis concerné, il engagera un travailleur pour
continuer à faire son travail. Mais il demeure qu'il doit pouvoir
continuer à faire de la construction qui, j'imagine, doit
représenter aux alentours de peut-être 20 % ou 30 % de son chiffre
d'affaires. Si vous lui enlevez 20 % ou 30 % de son chiffre d'affaires - et on
ne parie quand même pas de Place Ville-Marie ou des choses semblables -
ça va certainement faire mal. Je vous jure que, de ce temps-là,
ça doit faire mal parce que les 20 % ou 30 %, il ne doit pas les
avoir.
Vous réglez votre problème en vous faisant aider par mon
oncle ou ma tante? Je le sais bien, mais je vous avoue franchement que je ne
l'ai pas, la solution. C'est un problème social qu'on va devoir tous
regarder ensemble et voir. Il y a une différence entre se faire aider
pour faire une réparation, déboucher votre évier, par
exemple, et construire une maison. Je pense que si on légifère...
Demain matin, moi, je n'ai pas le droit de partir en avion, je ne connais pas
ça. Je vais tomber, je vais me casser la boîte, mais il faudrait
peut-être le respecter. Il y a peut-être des incitations au point
de vue - je ne sais pas - de l'impôt, peut-être, qui pourraient
faire que ces gens-là pourraient ...Je ne sais pas, je vous avoue
franchement que je ne peux pas vous répondre sur: Comment on va
régler le problème aujourd'hui, avec les oncles et les tantes; je
ne le sais pas. Mais ce n'est certainement pas avec la loi 185. Ce n'est pas en
empêchant l'entrepreneur autonome qui, lui, demeure à
côté de chez vous de soumissionner sur votre maison qu'on va
régler le problème.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Labelle.
M. Léonard: C'est peut-être une question qui a
déjà sa réponse, mais je la pose. Les certificats de
compétence sont détenus par des personnes qui ont passé
des examens, alors que les permis peuvent être donnés à des
entreprises qui sont soit enregistrées, soit incorporées. Vous
avez dit que vous aviez 800 membres, à peu près, 800 entreprises.
Combien sont incorporées et combien enregistrées? Est-ce que vous
le savez, à peu près?
M. Favre: La proportion, c'est environ 500 enregistrées et
à peu près...
M. Léonard: 300 incorporées.
M. Favre: 350 ou 400, mais là, quand je dis 800, c'est
peut-être un peu plus.
M. Léonard: O. K. C'est un ordre de grandeur que je
voulais.
M. Favre: Oui.
M. Léonard: Dans le cas des incorporations, le certificat
de compétence est donné à des personnes physiques, alors
que les permis et la loi des permis, je suppose, s'adressent aux entreprises.
Même le travailleur autonome qui est incorporé, c'est une
entreprise, donc une personne morale. Nos lois font une grande distinction
entre les deux. Même si la personne physique possède 100 % des
actions de la personne morale, c'est vraiment considéré comme
deux...
M. Favre: Deux entités.
M. Léonard: C'est deux entités complètement
séparées. J'ai été étonné de ne pas
voir soulevé ce point dans le mémoire parce que, à mon
sens, d'un point de vue, on peut pousser loin les conséquences de cette
distinction.
M. Brière: Je ne vous saisis pas.
M. Léonard: En d'autres termes, éventuellement,
vous pourriez aller jusqu'à contester, peut-être, ou à
soulever le point devant la Charte des droits et libertés quant à
l'individu. Mais, par ailleurs, dans le fondement même de nos lois, une
personne morale est très différente de celui qui a le certificat
de compétence et qui l'exerce.
M. Brière: Mais...
M. Léonard: Alors, on interdit à une personne
morale de soumissionner, par exemple, dans des contrats de construction.
M. Brière: C'est ça.
M. Léonard: C'est la loi elle-même qui est comme
ça.
Le Président (M. Gauvin): M. Brière.
M. Brière: Si je peux me permettre, c'est que lorsque vous
levez un permis, vous devez être détenteur d'une licence de la
Régie.
M. Léonard: Oui.
M. Brière: Or, cette licence-là, dans le cas d'un
entrepreneur autonome, a été passée par lui; on l'a
qualifié en administration; une qualification de son métier a
été faite par la Corporation et en sécurité.
À partir de là, c'est dans ce sens-là. C'est bien
sûr que je ne suis pas un juriste et que je ne peux pas commencer
à jouer avec la différence de ça, mais il est bien
évident que c'est la personne qui a passé ces licences-là
qui, elle, peut lever un permis. D'ailleurs, dans plusieurs
municipalités - et ça devrait être la norme, aussi - on
exige ce numéro de la Régie pour vous émettre un
permis.
M. Léonard: Oui, mais l'entreprise, si elle est
incorporée, peut quand même faire des soumissions, par exemple,
sur un contrat de construction de maisons neuves.
M. Brière: Oui.
M. Léonard: Même si elle n'a qu'un seul
employé, lequel est en même temps employeur, si on veut; mais ce
n'est pas lui, l'employeur, c'est la personne morale et non pas celle qui a la
compétence. Alors, moi, je trouve qu'il y a une grande distinction; ce
n'est pas soulevé.
M. Brière: Je vous avoue que, quand on commence à
jouer là-dedans...
M. Léonard: Oui, peut-être là, mais je pense
que...
M. Brière: J'ai bien assez de jouer avec mes tuyaux, moi,
là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brière: J'ai déjà des problèmes
avec mes tuyaux.
M. Léonard: C'est parce que c'est deux personnes
différentes, même si vous avez un seul...
M. Brière: Oui, je comprends ça. Je comprends que
c'est deux personnes différentes, mais d'aller jouer avec l'employeur,
l'employé... Quand on vous parle... Les gens qui...
M. Léonard: L'employeur, c'est la compagnie.
M. Brière: Oui.
M. Léonard: L'employé, ça peut être le
propriétaire, mais c'est l'employé de la compagnie. C'est deux
personnes complètement différentes.
M. Brière: Oui.
Le Président (M. Gauvin): Excusez. M. le
député des îles-de...
M. Cherry: C'est quelque chose qui devrait vous
intéresser.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Morin (Jean): Ça dépend.
M. Cherry: Vous êtes procureur de formation. Aidez-nous un
peu, là. Votre silence m'inquiète.
M. Morin (Jean): Ça m'intéresse, mais les
distinctions entre une compagnie et une personne physique vont probablement
nous permettre d'essayer de contester la loi 185 si elle devient loi. C'est
bien certain qu'à partir du moment où vous empêchez
quelqu'un qui a les certificats de compétence requis de travailler tout
simplement parce qu'il n'est pas un syndiqué, alors que,
déjà, la loi dit qu'il ne fait pas de la concurrence
déloyale parce qu'il est obligé de charger, quand il fait des
travaux de construction, la même chose que ce qu'un employeur doit payer
à ses employés, c'est bien certain qu'on arrive là
à une iniquité incompréhensible.
Alors, vous parliez de la Charte et vous parliez de la distinction entre
une corporation et un employé. Ce n'est pas exactement ce que vous
visiez. Mais comment expliquer à un juge, M. le ministre - vous me
regardez avec des yeux méchants - que le législateur, dans sa
sagesse, a déclaré qu'un entrepreneur autonome,
dorénavant, ne peut pas travailler dans une maison neuve, tout
simplement parce qu'il n'a pas de , salariés. Pas parce qu'il n'est pas
compétent et pas parce qu'il charge moins cher, parce qu'il charge
suffisamment. Il est obligé de charger un taux suffisant pour se payer
la rémunération prévue dans le décret. Comment
allez-vous expliquer à un juge qu'il s'agit d'une législation qui
est équitable? Moi, en tout cas, je serai là, probablement, pour
écouter vos procureurs essayer de convaincre le tribunal que,
effectivement, cette législation-là n'est pas attaquable.
M. Brière: M. le ministre, vous pourriez être bon
garçon et nous éviter toutes ces dépenses-là.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: Ça m'intéresse; n'étant pas
juriste de formation, ça m'intéressait. Il y a quelqu'un qui est
là qui nous a dit tantôt: Je suis avocat de profession. Donc, je
pensais qu'il pouvait éclairer mon collègue. Comme je n'irai pas
plaider devant les tribunaux, lui, serait là. Dans un premier temps,
ça fait deux fois que vous invoquez le fait qu'il doit charger des taux
équivalents. J'ai de la difficulté à voir comment
ça devient intéressant, à ce moment-là, d'en avoir
20 autonomes plutôt que 20 salariés dans l'autre sens, s'ils
doivent charger le même prix.
Mais pour votre réflexion et pour mon édification,
j'aimerais ça que vous m'expliquiez la distinction entre la personne
physique puis la personne morale; comment la personne morale peut-elle planter
des clous?
M. Morin (Jean): Bien, regardez...
M. Cherry: Parce que, d'après moi, c'est la personne
physique qui plante les clous.
M. Morin (Jean): Oui, c'est la personne physique qui plante des
clous, mais la personne morale, c'est elle qui a la licence. Qu'est-ce que vous
voulez? Les lois, actuellement, permettent à une compagnie d'avoir une
licence, mais la compagnie, évidemment, pour obtenir une licence, il
faut qu'elle ait comme actionnaires ou administrateurs des personnes physiques.
C'est la loi, là, actuellement, hein. Un employeur est incorporé
ou il n'est pas incorporé. Un employeur n'est pas nécessairement
incorporé. Moi, je peux avoir des employés sans être
incorporé. Je peux être incorporé. C'est la même
chose pour l'entrepreneur autonome. Mais c'est la législation qui le
permet. Un avocat ne peut pas s'incorporer, un entrepreneur peut s'incorporer.
Moi, je ne peux pas pratiquer ma profession en étant incorporé.
L'entrepreneur peut pratiquer sa profession en étant incorporé.
Moi, je pense que c'est correct; c'est la législation qui est comme
ça, tant pour l'entrepreneur autonome que pour l'employeur. Tout
entrepreneur. C'est la législation qui est comme ça. Vous pouvez
la changer, si vous voulez.
Mme Blackburn: Si vous permettez...
M. Léonard: Mais c'est un point de droit important,
à mon sens, parce que peut-être que le fond du litige, c'est que
les gens... Oui?
Le Président (M. Gauvin): Excusez. Oui, est-ce que vous
êtes en voie de répondre ou de poser une question, M. le
député de Labelle?
M. Léonard: Bien, j'avais posé une question sur la
distinction entre les deux. Je n'ai pas participé souvent à cette
commission. Ce qui me surprend, c'est qu'une entreprise engage un
employé, lequel est le propriétaire, mais ça n'a aucune
espèce de relation. Et le fondement même de la Loi sur les
compagnies, ça porte justement sur la question de la
non-responsabilité personnelle des gens, tandis que, là, on fait
un lien de type personnel entre le propriétaire et l'employé. Je
n'ai jamais vu ça.
Une voix: Aberrant.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie. C'était
le temps qui_ était alloué à l'Opposition. Je reviens au
député des Îles-de-la-Madeleine.
Mme Blackburn: Peut-être pour éclairer le
débat, si vous reprenez un paragraphe du mémoire de la Commission
de la construction du Québec, il explique précisément
pourquoi ça a été fait. Alors, vous avez le premier
paragraphe de la page 11.
Le Président (M. Gauvin): Je reconnais le
député des Îles-de-la-Madeleine. (17 h 30)
M. Farrah: Merci, M. le Président. Moi, j'ai senti une
ouverture d'esprit au niveau des grands chantiers de construction, puis
ça va en prendre une très grande, ouverture d'esprit, parce que
je veux juste amener le commentaire suivant: Chez nous, présentement, il
y a des grands travaux. Ils font la construction d'un hôpital et la
construction d'une centrale thermique d'Hydro-Québec puis, entre autres,
qu'est-ce qu'on vit présentement avec les travailleurs autonomes? C'est
qu'on a des travailleurs autonomes qui travaillent chez nous, sur nos^
chantiers, qui proviennent de l'extérieur des îles. Je n'ai rien
contre le fait que les gens de l'extérieur des îles viennent
travailler chez nous, sauf qu'on se ramasse avec plusieurs travailleurs
autonomes sur le même chantier, puis on a nos gens, nous, chez nous, qui
sont syndiqués, qui ont leur carte de compétence, leur carte de
la construction, puis ils sont chez eux. Alors, c'est un non-sens total,
ça.
Alors, pour la clientèle chez nous et pour les gens de la place,
c'est totalement inacceptable de dire: On a des gens de Montréal,
Québec, Trois-Rivières, peu importe, puis bravo! Sauf que le
système n'est pas correct de dire que ces gens-là viennent. On a
25 travailleurs autonomes sur un même chantier puis on a des gens
compétents de la place qui ont leur carte de compétence et leur
permis de travail puis ils sont chez eux à ne rien faire.
Alors, je pense que, dans ce sens-là, il va falloir avoir une
très grande ouverture d'esprit pour essayer de régler ce
problème.
M. Lavallée: Nous sommes d'accord avec votre principe et
nous vous disons, en réponse à cette question, de limiter le
nombre d'entrepreneurs autonomes par spécialité et par chantier.
À ce moment-là, vous venez de régler votre
problème.
M. Farrah: Vous pensez? M. Lavallée: Bien oui.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Drummond.
M. St-Roch: Dans la même foulée que mon
collègue des Îles-de-la-Madeleine, à lire vos deux
mémoires, celui qui a été donné tout à
l'heure et à vous écouter, c'est toujours la construction
unifamiliale ou résidentielle qui revient sur le sujet comme
construction neuve et qui semble être votre préoccupation. Dans le
but d'éclairer peut-être le député de Drummond,
pourquoi ne serait-on pas capable de dire: Bon. On va reconnaître un
travailleur autonome dans le résidentiel, mais lorsqu'on parle de
commercial, d'institutionnel ou d'industriel, à ce moment-là, les
emplois vont être réservés aux travailleurs de la
construction. Puis au lieu d'essayer de quantifier un, deux ou x travailleurs
autonomes par corps de métier, dire: Ça, c'est de la grosse
construction.
Alors, je reprends votre mémoire. Comme M. le ministre le
soulignait, à la page 10, le travailleur de la construction qui voudra
redevenir un jour entrepreneur pourra le faire à partir de tout le
système qui est déjà décrit de rénovation,
d'entretien, de construction résidentielle. Le
«résidentiel», on parle, à mon idée, d'un
logement, deux logements au maximum, puis, à ce moment-là, dire:
La grande construction, ce sera réservé, à ce
moment-là, aux travailleurs de la construction puis aux
salariés.
M. Lavallée: M. le Président, nous sommes contre le
principe d'avoir des catégories d'entrepreneurs. Nos entrepreneurs sont
qualifiés pour faire tous les travaux de plomberie. Ils ont les
certificats de compétence pour les faire. Alors, pourquoi limiter leur
champ d'application? Ils sont des entrepreneurs et on n'a pas à leur
interdire certains travaux. Ils sont qualifiés pour faire tous les
travaux, non uniquement dans le résidentiel, mais dans le commercial et
l'industriel et ceux que vous avez décrits. Alors, pourquoi cet
entrepreneur autonome qui a un certificat de compétence, qui a
passé des examens, lorsqu'il voudra aller travailler sur un chantier
industriel, on lui interdira l'accès au chantier alors qu'il a les
capacités physiques et intellectuelles pour le faire?
M. St-Roch: Bien, regardez, il y a aussi un aspect. Je pense
qu'on vit dans un monde concurrentiel, on vit à l'échelle de la
globalisation, on vit à l'échelle mondiale. Je pense qu'on a tous
entendu parler de ça.
M. Lavallée: On a identifié le problème
social.
M. St-Roch: Lorsqu'on arrive dans la grande construction, si on
veut être compétitif, vous ne pensez pas qu'il va falloir,
à un moment donné, penser avec une qualité qui est
globale? Lorsque je regarde un grand chantier de construction, que ce soit la
Place Ville-Marie ou une industrie, à ce moment-là,
l'entrepreneur qui va soumissionner sur le chantier, si on veut être
compétitifs aussi en tant que collectivité, il va falloir qu'il
soit un gestionnaire. Il va falloir qu'il s'assure aussi que la qualité
de la main-d'oeuvre est là.
Alors, si on se ramasse sur un chantier tel qu'on le voit à
l'heure actuelle, où 50 entrepreneurs qui sont membres de votre
Corporation vont exécuter les travaux, le maître d'oeuvre à
l'autre bout, en haut de ça, pour coordonner, pour s'assurer que la
qualité est là, pour s'assurer de la performance, II n'y a
personne qui est là. Les délais de construction aussi affectent
les coûts, ce qui va faire en sorte peut-être qu'un jour un
commerce ou une industrie ne sera pas concurrentielle.
Vous ne pensez pas qu'H serait souhaitable de dire: Lorsqu'on va jouer
dans cette grande construction, notre entrepreneur, il va commencer au
début puis il va graduer dans l'échelle. Puis lorsqu'on arrive
dans ce type de construction, il sera là, lui, en tant que gestionnaire.
Et c'est son choix. Il pourra dire: Moi, je ne suis plus capable de prendre la
pression; demain matin, je vais me contenter d'être un travailleur
autonome, mais, trois ou quatre ans après, si j'ai le goût du
défi, j'ai le goût du risque, je vais aller soumissionner sur un
contrat, parce qu'on construit une nouvelle Place Ville-Marie. Alors, à
ce moment-là, je vais m'engager des travailleurs de la construction puis
ce genre de travail là va être laissé. Puis celui qui va
être le maître d'oeuvre ou le propriétaire de cette
bâtisse-là, ou l'investisseur, va être assuré qu'il
aura des travaux qui vont être supervisés avec le maximum de
compétence par un professionnel qui est membre de votre Corporation, qui
est compétent, puis le travail sera fait par des travailleurs
compétents aussi.
Vous ne pensez pas qu'on serait gagnants en tant que collectivité
et qu'on commencerait à régler une partie de nos problèmes
en y allant de cette façon-là?
Le Président (M. Gauvin): M. Brière.
M. Brière: Je suis bien d'accord avec ce que vous dites,
et c'est la ligne de conduite qu'on vous soumet. Quand on dit qu'un
entrepreneur autonome, qu'il ait le droit de faire de la construction... On a
toujours dit qu'il avait deux bras, deux mains. J'ai dit tantôt, il y a
15 minutes, que s'il avait du travail pour plus que ça... On est contre
le fait qu'il y ait une prolifération d'entrepreneurs autonomes ensemble
sur un chantier. On vous dit de limiter ce nombre. À partir de
là, quand on parle de grands chantiers, il est bien évident... On
a dit tantôt de le préparer, qu'il soit membre partout, qu'il
cotise partout où il doit cotiser de façon à ce que ce
soit juste et équitable. À partir de là, quand il aura des
travaux qui seront plus grands, il engagera des employés, il fera comme
tout le monde fait. C'est comme ça qu'on va bâtir une industrie
forte. C'est à discuter ensemble, mais il faut...
Le principe qu'on veut préserver, c'est que cette
personne-là puisse opérer. Il n'y a pas juste le fait, non plus,
qu'il parte d'autonome et qu'il demeure là. Il y a celui - si on lit la
façon dont c'était dit, dont la loi le dit - qui a trois
employés et pour qui, demain, ça devient tranquille; est-ce qu'il
doit changer sa clientèle parce que c'est devenu soudainement
tranquille? Ce n'est pas ça qu'on veut. On veut assurer une
continuité. Quand vous partez une entreprise, vous y mettez assez
d'efforts que vous ne voulez pas tout perdre ça du jour au lendemain
parce que, soudainement, il n'y a plus de travail. Vous voulez respecter vos
clients, continuer à les servir. C'est comme ça que je vois
ça.
M. St-Roch: Je reviens à votre idée. Oui, si
ça devient tranquille demain matin, l'entrepreneur qui avait - on va
prendre un exemple -cinq travailleurs salariés, oui, H va être
seul; mais si, demain matin, H y a un contrat qui se donne chez mon
collègue Georges, aux Îles-de-la-Madeleine, qu'il se construit
à ce moment-là et qu'on a besoin de 40 travailleurs tuyauteurs,
bien, vous ne pensez pas qu'à ce moment-là notre entrepreneur
dira: Je vais grossir ma clientèle; la «business» est
revenue, puis je vais prendre des travailleurs qui sont chez eux. sur le
carreau, parce qu'on a engagé 50 entrepreneurs autonomes pour faire le
travail à la place des 40 autres? À ce moment-là, on
pourrait y aller. Votre entrepreneur autonome deviendra un gros contracteur,
mais il va aller donner de l'ouvrage aux gars qui sont en chômage
à l'heure actuelle.
M. Lavallée: On vous répète que nous sommes
contre cela. Nous vous disons: Limitons le nombre d'entrepreneurs
spécialisés par chantier. Ça vient de régler votre
problème.
M. Brière: Alors, ce que vous dites, c'est ça. En
fait, c'est comme on le dit. L'entrepreneur va se donner les hommes dont il a
besoin, c'est bien évident. Si vous regardez le décret, un
employeur va être bien plus porté à prendre les gens du
coin que les gens de Montréal ou les gens de Hull, s'il travaille aux
Îles-de-la-Madeleine.
M. St-Roch: Juste en conclusion, M. le Président. Moi, ce
que je vous dis, j'élimine complètement l'entrepreneur autonome
sur la construction...
M. Lavallée: On est contre ça.
Le Président (M. Gauvin): Brièvement, s'il vous
plaît.
M. St-Roch: Vous êtes juste pour limiter, mais vous
êtes...
M. Lavallée: Nous vous disons de ne pas faire des
catégories d'entrepreneurs.
Le Président (M. Gauvin): En conclusion.
M. Lavallée: Nous sommes des entrepreneurs qui avons les
capacités, les licences, les permis pour effectuer des travaux de toutes
natures. Ne commençons pas à faire des catégories
d'entrepreneurs.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie.
M. Lavallée: Les entrepreneurs sont tous égaux.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Maintenant, M. le
ministre et ses collègues permettent à Mme la
députée de Verchères une petite question d'une minute.
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Pour être
sûrs qu'on s'entend bien et qu'on parle de la même chose, si je
pense à la menuiserie, par exemple, je peux avoir un entrepreneur qui a
sa carte d'entrepreneur, mais il n'est pas qualifié, il n'a pas sa carte
de compétence. On s'entend, là, il y a deux cartes. Est-ce que
c'est la même chose pour vous autres? Par exemple, un entrepreneur peut
avoir sa carte d'entrepreneur, mais ce n'est pas les mêmes examens, ce
n'est pas les mêmes compétences que celles d'une carte de
compétence.
M. Favre: La Loi sur la qualification des entrepreneurs permet de
qualifier une entreprise, une société, par des personnes qui
n'ont pas nécessairement le certificat de compétence dans la
spécialité.
Mme Dupuis: Voilà!
M. Favre: Un ingénieur, par exemple, serait admissible en
tant que maître mécanicien en tuyauterie, même s'il n'a pas
le certificat de compétence.
Une voix: À ce moment-là, il ne serait pas
autonome.
Mme Dupuis: Comprenons-nous bien. Est-ce qu'on défend la
même chose? La carte de l'entrepreneur ou la carte de compétence
du travailleur qui a passé tous ses examens? Ce n'est pas la même
chose, là.
M. Favre: Pour être admissible sur un chantier, pour
travailler avec tes outils, ça te prend ton certificat de
compétence.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. Favre, merci, Mme la
députée de Verchères. C'était tout le temps qui
nous était alloué. M. le ministre, en conclusion.
M. Cherry: M. le Président, je vais profiter de la courte
minute qu'il me reste simplement pour dire aux gens qui sont devant nous, pour
corriger cette perception-là comme quoi l'expression qui a
été utilisée «ils ont deux bras et deux jambes et
ils veulent travailler» - c'est ça que vous avez dit - bien, comme
autonomes, ils peuvent le faire dans un champ qui est délimité.
Et s'ils veulent continuer à aller plus loin, ils peuvent toujours le
faire comme salariés. Il n'y a rien qui les empêche de continuer
à travailler. Il n'y a rien qui empêche de faire ça.
Entendons-nous bien, là. Il faut mettre ça clair. Celui
qui a deux bras et deux jambes, qui veut travailler, quand il est dans la
rénovation, dans l'entretien et dans la réparation, il peut le
faire comme autonome. Mais s'il décide d'aller dans le neuf et qu'il
veut continuer à travailler, il peut continuer à le faire comme
salarié, comme ouvrier, et il a toutes les compétences requises
pour le faire. Donc, il ne s'agit pas de créer la perception qu'on veut
l'empêcher de gagner sa vie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi, en conclusion.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Voyez-vous, quand
on a planifié les travaux de cette commission, je me suis dit: Une heure
et demie, c'est peut-être un peu long. Et là je constate à
l'usage que c'est même peut-être un peu court. Le débat est
passionnant et je dois vous dire que j'attendais que le ministre réponde
à la demande que vous lui faisiez à l'effet d'exiger, pour tout
le Québec, que ceux qui réalisent des travaux de tuyauterie aient
la compétence. On comprend les exigences reliées à ce
métier en particulier, parce que ça a des effets sur la
santé publique de façon générale et, moi, je
trouvais que ce n'était pas complètement... j'avais même
l'impression que ça faisait partie des règles dans toutes les
municipalités. Il ne vous a pas répondu. Je me chargerai de le
lui rappeler.
Ça m'a fait plaisir de vous recevoir. Et comme vous pouvez le
constater, la proposition que vous faisiez à l'effet de tenir des
assises qui réuniraient les principaux intervenants de l'industrie de la
construction pour essayer d'en venir à une entente, ce n'est
peut-être, finalement, pas si fou. Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Avant de remercier les membres de cette
commission, j'aimerais rappeler que vous aviez une pétition que vous
avez portée à l'attention de la commission. Est-ce que c'est
l'intention de la déposer ici, à cette commission? Oui.
Une voix: À l'Assemblée nationale?
M. Lavallée: Nous vouions la déposer, en autant que
vous nous promettiez que vous allez la prendre en considération, M. le
Président. Donc, nous allons la déposer à
l'Assemblée nationale.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): Donc, ça clarifie un
point. Je vous remercie, M. Lavallée, et tout votre groupe d'avoir
présenté ce mémoire à la commission, d'une part, et
au nom de tous les membres de la commission, on vous remercie de votre
présence. Nous allons suspendre quelques minutes pour permettre à
la Centrale des syndicats démocratiques de prendre place.
(Suspension de la séance à 17 h 43)
(Reprise à 17 h 47)
Le Président (M. Gauvin): J'invite les membres de la
commission à prendre place. Les travaux vont recommencer.
Nous accueillons à cette commission la Centrale des syndicats
démocratiques et Syndicat des travailleurs de la construction du
Québec représentée par M. Claude Gingras, président
de la CSD. M. Gingras, vous avez 30 minutes pour présenter votre
mémoire. Comme je le mentionnais tantôt, le groupe de
députés de l'aile parlementaire ministérielle a aussi 30
minutes et le groupe de députés de l'Opposition, 30 minutes pour
poser des questions. Je vous invite à nous présenter vos
collaborateurs, M. le président.
Centrale des syndicats démocratiques et
Syndicat des travailleurs de la
construction du Québec
M. Gingras (Claude): Merci, M. le Président. Je voudrais
sans plus tarder répondre à vos exigences. Je veux vous
présenter ceux qui m'accompagnent: À mon extrême gauche, M.
Lawrence Laroche, qui est le trésorier du Syndicat des travailleurs de
la construction du Québec CSD, et celui qui le suit est M. Martin
OueHet, qui en est le secrétaire. J'ai aussi, à ma gauche
Immédiate, M. Michel Fournier, qui est le président du syndicat
qui regroupe les travailleurs affiliés à la CSD. À ma
droite, M. Pierre-Yvon Ouellet, qui est le directeur professionnel et, à
mon extrême droite, M. Laval Goulet, vieux routier du monde syndical de
la construction et qui est représentant syndical dans la région
de Québec.
Le Président (M. Gauvin): La parole est à vous, M.
Gingras, pour 30 minutes.
M. Gingras: Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, Mme la représentante de l'Opposition,
membres de la commission parlementaire, c'est la deuxième fois qu'on se
rencontre en ce qui a trait au projet de loi 185. La consultation à la
présente commission parlementaire porte principalement sur le statut du
travailleur autonome. Je veux vous indiquer, dès le départ, qu'il
s'agit quand même d'une des grandes préoccupations actuelles du
monde du travail dans le secteur de la construction.
Ce projet de loi 185 a été accueilli, en fait. avec
beaucoup de soulagement par la plupart des travailleurs dans l'industrie de la
construction, qui saluaient ce geste comme étant un geste qui visait
à remettre un petit peu d'ordre dans cette industrie qui en a grandement
besoin. Le sentiment général de nos membres, M. le
Président, membres de la commission parlementaire, c'est celui qu'il y a
une importance primordiale d'agir et non seulement une importance primordiale
d'agir, mais une urgence d'agir énergiquement face au travail au noir
qui est actuellement le lot de l'industrie de la construction.
Vous savez, je pense que ce n'est plus une cachette pour personne,
l'industrie de la construction traverse une période de grande
difficulté, probablement l'une des pires de son existence. Il y a de
graves problèmes de chômage, des problèmes de chômage
qui sont nettement amplifiés par la situation progressive du travail au
noir qui se développe dans cette industrie-là. Bien sûr,
c'est complètement inacceptable qu'on puisse tolérer ou continuer
de tolérer qu'on bafoue systématiquement le droit au travail des
véritables travailleurs de cette industrie, qu'on bafoue
également les règles que se donnent les parties, à un
moment donné, pour régir les relations de travail dans une
industrie aussi vitale et importante que celle de la construction.
Or, le grave problème de chômage dont je vous faisais
état, je pense que ce n'est une cachette pour personne. La
majorité des travailleurs de l'industrie de la construction qui ont un
statut, qui ont acquis une certaine reconnaissance pour y oeuvrer sont
actuellement en chômage dans cette industrie. On s'aperçoit de
plus en plus que certains autres travailleurs qui ont des statuts un peu
bizarres s'approprient le travail disponible au détriment de ceux qui
ont, justement, depuis des années, exercé cette tâche et
qui le faisaient quand même avec toutes les règles qui
régissent ou entourent, si vous voulez, l'évolution de leur
statut dans le cadre de l'industrie de la construction. Vous savez, il y a
quand même un régime d'apprentissage qui est là. Il y a des
règles qui s'appliquent au niveau des conditions salariales, des
conditions de travail. En fait, il existe des responsabilités
inhérentes au fait qu'on exerce la profession dans une industrie comme
celle-là.
Cependant, on s'aperçoit que tout ça, ça
peut-être facilement échangé contre du travail au noir et
une concurrence qui s'avère nettement
insupportable pour les travailleurs qui évoluent ou qui
travaillent dans le cadre des règles que se sont données les
parties, entre autres, les conditions de travail qui prévalent dans
l'industrie et la structure générale d'octroi des contrats dans
l'industrie de la construction.
D'autant plus que ces graves problèmes de chômage
créent forcément dans l'industrie une espèce de
concurrence pour le travail. Alors, les travailleurs qui ont le statut, qui
prétendent, à un moment donné, pouvoir
bénéficier du travail que pourraient leur accorder leurs
employeurs habituels se voient nettement délogés au profit de ce
qu'on appelle souvent le «travailleur autonome», le
«travailleur artisan». On l'a qualifiée de toutes sortes de
noms, la personne qui travaille de façon autonome. Par toutes sortes de
subterfuges on fait en sorte de morceler l'industrie de la construction, d'en
faire une industrie qu'on peut ajuster au besoin pour privilégier le
non-respect des règles, privilégier le travail qu'on qualifie de
«cheap labor», parce qu'à un moment donné, ceux qui
veulent s'approprier le travail doivent le faire aux conditions que veulent
bien les employeurs de l'industrie.
Il ne faut pas oublier que le travailleur autonome - ce qui est un peu
aberrant - ce n'est pas nécessairement, comme on pourrait l'entendre, la
personne qui va prendre des contrats pour un client en particulier. Bien
souvent, c'est la personne qui va aller prendre des contrats pour un employeur
qui, lui, a pris le contrat du client. Or, ça, c'est pour le moins un
peu aberrant. Ce n'est plus nécessairement ce qu'on appelle un
travailleur autonome. C'est un travailleur qui vient, à un moment
donné, se substituer à une main-d'oeuvre qui devrait
évoluer dans un contexte différent de celui du travailleur
autonome; donc, il s'en vient en concurrence directe avec ce qu'on appelle le
travailleur qui évolue selon les règles de l'industrie.
Or, il est clair que dans notre constat il y a peut-être de la
place pour certains travailleurs autonomes dans l'industrie de la construction,
mais ils ne doivent pas nécessairement être placés dans une
situation concurrentielle avec la main-d'oeuvre qui respecte de façon
habituelle l'ensemble des normes qui régissent l'industrie de la
construction, c'est-à-dire la qualification, le statut de salarié
d'un employeur et, bien sûr, le fait qu'il exécute des travaux
sous la gouverne d'un contractant, une personne qui a, à toutes fins
pratiques, pris un contrat dans l'industrie.
Il n'est pas dans mon intention de vous présenter de façon
générale l'ensemble de notre mémoire, mais je pense qu'il
est important ici, dans le cadre - je pense que vous avez eu le temps d'en
prendre connaissance - de cette réflexion de vous soumettre quand
même qu'à la CSD, bien sûr, nous n'avons pas
nécessairement comme orientation ou comme projet de nier à qui
que ce soit le droit d'oeuvrer dans cette indus- trie-là s'il a la
qualité de le faire.
Dans notre philosophie, il ne s'agit pas, quand même, d'utiliser
la violence pour régler le problème. Je pense que ce n'est pas de
cette façon-là qu'on va régler le problème, mais
c'est bien plus par une responsabilisation de tous les intervenants,
responsabilisation, bien sûr, des autorités politiques qui doivent
agir et trouver les solutions. Il ne faut pas attendre que le climat se
dégrade au point où on doive lutter sur les chantiers et,
à un moment donné, entre travailleurs qui veulent oeuvrer dans
cette industrie-là, lutter pour essayer de s'approprier un travail qui
devient disponible, parce qu'il n'y a pas d'intervenant qui tente actuellement
de réglementer le fonctionnement de cette industrie-là de
façon compatible avec ce qu'on retrouve comme problématique dans
l'industrie de la construction. Il est anormal, surtout dans des
périodes de chômage comme celle qu'on vit, que les règles
de cette industrie-là soient bafouées éternellement et que
le droit au travail des véritables travailleurs qui peuvent y
prétendre soit bafoué sans qu'on réclame, un jour ou
l'autre, justice de la part de tous ceux qui tolèrent cette situation et
qui font en sorte que cette situation perdure dans l'industrie de la
construction.
Alors, nous vous avons, bien sûr, soumis un mémoire - la
CSD - qui contient cinq recommandations majeures. La première de ces
recommandations, bien sûr, vise à ce que le travailleur autonome
ne puisse agir que comme unique sous-contractant par catégorie de
métier. Qu'est-ce qu'on veut dire par là? Il est clair pour nous
qu'un des graves problèmes qui affectent actuellement le fonctionnement
dans l'industrie, c'est le fait qu'on puisse morceler des contrats et les
donner à autant de travailleurs autonomes qu'il peut s'en
présenter sur un chantier pour accomplir des travaux. Or, vous
comprendrez que, dans cette situation-là, avec un tel processus, on
vient d'établir une nouvelle catégorie de travailleurs qu'on
appelle des travailleurs autonomes. Au lieu d'être des travailleurs
embauchés par un employeur, ces travailleurs offrent leurs services aux
conditions qu'ils veulent bien. Je le précise parce que, souvent, pour
aller enlever le travail aux véritables travailleurs, ils sont
obligés de le faire à des conditions moindres que celles qui sont
prévues par le Décret qui régit les relations du travail
dans l'industrie de la construction. Ils sont aussi obligés de le faire
probablement en diminuant le nombre d'heures qu'ils vont prendre pour
réaliser le projet, et ça, d'une façon fictive parce que
probablement qu'ils vont investir beaucoup plus d'heures qu'ils ne vont en
collecter pour, justement, pouvoir effectuer ou obtenir le droit d'effectuer un
contrat.
On voit, de façon générale, ce qui se passe. Dans
une industrie, sur un chantier - on me rapporte, parce que je n'y oeuvre plus
personnellement comme j'y ai déjà oeuvré d'une
façon
très régulière pendant un bout de temps - ce qui se
passe actuellement, c'est qu'il y a des gros chantiers, des chantiers
d'envergure où, à un moment donné, on peut avoir des
centaines de milliers de pieds de gyproc à poser. Je vous sers un
exemple, et on peut l'appliquer dans plusieurs métiers de l'industrie.
Alors, on a plusieurs centaines de milliers de pieds; on en donne
peut-être 10 000 à chacun des travailleurs et on en entre
peut-être une dizaine ou une quinzaine sur un chantier. On fait un
chantier d'envergure de cette façon-là, avec des petits contrats
où on fait travailler en équipe plusieurs travailleurs autonomes.
Entre ça et un employeur qui a ses propres salariés, savez-vous
qu'H n'y a pas une grosse différence, sauf qu'il y en a qui travaillent
à rabais puis qui travaillent en faisant dire le contraire aux
règles de fonctionnement qu'on s'est données ensemble dans
l'industrie de la construction. (18 heures)
Quand on a reconnu le statut de travailleur autonome dans cette
industrie, quand on a reconnu à un moment donné qu'il pouvait y
avoir des artisans dans cette industrie-là, on a reconnu qu'il pouvait y
avoir des travailleurs qui offraient directement leurs services à des
clients et qui pouvaient, à un moment donné, à la fois
contracter et exécuter des travaux, pas nécessairement travailler
ou prendre des sous-contrats pour des entreprises qui devraient normalement
embaucher des salariés, pas nécessairement redistribuer à
des travailleurs autonomes des contrats.
Je pense qu'on est en train de dénaturer de façon
très claire ce qu'on appelle le rôle du travailleur autonome tel
que l'a toujours entendu dans la tradition l'industrie de la construction. Je
ne pense pas qu'il s'agit de le bannir, mais il s'agit de l'encadrer justement
pour qu'on le ramène à sa véritable perspective, et
ça, je pense que c'est le geste important à poser pour les
autorités politiques dans le cadre d'un projet de loi qui serait
très strict et qui encadrerait ce travail-là de façon
très claire et précise.
Alors, nous autres, on croit que si on limite à un seul
travailleur autonome le fait de pouvoir faire un sous-contrat - on va prendre
un exemple, si c'est la pose de gyproc dans un établissement - c'est
qu'H y en ait un seul qui le fasse, mais pour des raisons d'efficacité,
je vous dis une chose, c'est que pour les gros travaux d'envergure, il est
certain qu'on n'embauchera pas un seul salarié à un moment
donné pour faire un travail qui nécessite peut-être 10 ou
15 travailleurs autonomes pour réussir à livrer la marchandise
dans les délais voulus. Or, déjà, on aurait probablement
réglé une partie du problème en limitant, si vous voulez,
l'octroi des sous-traitants par catégories de métiers. Ça,
je pense que d'une façon claire - il faut préciser que ce serait
un des moyens d'encadrer le fonctionnement - c'est qu'on ne puisse pas avoir
plus d'un travailleur autonome par métier ou par catégorie
d'emploi dans l'industrie de la construction.
Deuxièmement, bien sûr, parmi les mesures qu'on propose qui
sont importantes, c'est que toutes les rénovations mineures qui
échappent actuellement au contrôle de l'industrie de la
construction, c'est un peu aberrant qu'on continue d'accepter ça. Alors,
pour nous, il est essentiel que l'industrie de la construction puisse rapatrier
toutes les rénovations qu'on qualifie de mineures parce que c'est, de
façon générale, un échappatoire qui fait que, de
façon générale l'ensemble de ces travaux-là sont
exécutés et c'est une source pour constituer, si vous voulez,
tout le bassin des travailleurs autonomes.
Plus on tolérera de travaux qui échappent à
l'industrie de la construction, bien, plus on mettra les conditions en place
pour que, justement, évolue dans le champ une catégorie de
salariés qui est autre que celle qui est habituellement utilisée
dans l'industrie de la construction. Alors, on crée des conditions
favorables pour faire en sorte qu'on développe, dans le secteur des
rénovations mineures, des travailleurs autonomes qui, par la suite,
quand il y a des ralentissements dans les rénovations, se retrouvent sur
les chantiers de construction à l'emploi des employeurs de l'industrie
de la construction de façon habituelle.
En fait, pour compléter cette mesure importante, bien, nous
proposons que le statut de l'entrepreneur autonome soit limité à
ceux de la machinerie lourde et ceux de l'excavation et du terrassement qui,
bien sûr, ne peuvent pas travailler avec deux machines. De façon
habituelle, c'est beaucoup plus facilement contrôlable. Or, dans ce
sens-là, si on devait en tolérer, c'est qu'on devrait les
tolérer dans ces secteurs-là où un travailleur avec son
outillage et son équipement qu'il a acquis quand même, peut
effectuer certains travaux qui nécessitent qu'à un moment
donné, avec l'investissement qu'il a fait, il soit capable d'oeuvrer de
façon habituelle Deuxièmement, c'est qu'il a une espèce de
contrainte parce qu'il a un équipement quand même assez
dispendieux et il est affecté à des travaux qui, habituellement
sont quand même saisonniers et qui peuvent ne pas nécessairement
avoir des effets sur l'ensemble de l'industrie.
Alors, c'est pour ça qu'on dit: Le statut d'entrepreneur autonome
doit être limité à sa plus stricte expression de
façon à ce qu'on puisse mieux contrôler les
éléments qui sont dans l'industrie et qui viennent, à un
moment donné, un peu fourvoyer l'ensemble de ce qu'on appelle la
structure de cette industrie-là.
Je voudrais, pour la suite des positions qu'on a exprimées,
transmettre la parole à Pierre-Yvon Ouellet, qui m'accompagne, qui est
le directeur professionnel du secteur. Il va vous expliquer, en gros, sur le
plan technique, les préoccupations qui, actuellement, militent en
faveur des réformes qu'on propose.
Le Président (M. Gauvin): M. Ouellet.
M. Ouellet (Pierre-Yvon): Merci. Rapidement. Nous, on a
analysé un peu qu'est-ce qui est arrivé à l'artisan depuis
que le législateur a permis, en 1979, qu'il existe un statut qui
s'appelle artisan dans la construction. Dans le fond, ce qu'on constate, c'est
que depuis plus de 10 ans, les gens ont abusé de l'intention du
législateur. Comme le disait M. Gingras, alors que l'artisan avait
été pensé pour transiger avec le consommateur-client, il a
commencé à transiger comme sous-traitant avec un autre
entrepreneur. 11 y a eu suffisamment d'entrepreneurs en construction qui ont
abusé de l'intention du législateur pour nous faire dire, en
quelque sorte, qu'ils ont tué leur poule aux oeufs d'or.
Le résultat qu'on constate - vous l'avez à la page 12 de
notre mémoire - c'est qu'on a mis en parallèle le nombre de
détenteurs de licences de la Régie des entreprises de
construction avec le nombre d'employeurs actifs enregistrés à la
CCQ, depuis 1978, par périodes de quatre ans. Ce qu'on constate, c'est
qu'en 1990, par exemple, il y avait 28 000 licences et 18 000 employeurs. Pour
être qualifié d'employeur, il faut avoir au moins un
employé. Sans ça, on n'est pas employeur; on est artisan ou
entrepreneur autonome.
Alors, ça veut dire quoi? Ça veut dire que, dans le fond,
il y a un détenteur de licence sur trois qui n'a aucun employé
à son emploi, aucun salarié à son emploi. Un sur trois.
L'industrie est rendue au point que sur trois détenteurs de licence, il
y en a deux qui ont des employés et il y en a un qui n'en a pas. Le pire
avait été atteint en 1986 avant que le législateur
n'intervienne pour transformer l'artisan en entrepreneur autonome. En 1986, il
y avait un détenteur de licence sur deux qui n'était pas un
employeur, donc, qui était... dans le langage, on appelle ça un
«chaudron». Ce n'est pas possible qu'à peu près 14
000 détenteurs de licence transigent avec des consommateurs-clients. Ce
n'est pas vrai. Ils étaient sous-traitants d'autres entrepreneurs.
Alors, nous, ce qu'on dit aux entrepreneurs, c'est: Messieurs, mesdames, parce
qu'il y en a aussi des deux sexes là-dedans, vous avez tué votre
poule aux oeufs d'or. Le mémoire de la CSD s'attaque davantage aux abus
qui ont été faits plutôt qu'à la noble intention du
législateur depuis 11 ans.
Les deux points qu'on a identifiés comme sources d'abus, c'est la
question de la rénovation, réparation mineure. Ce qu'on constate,
c'est... Prenons l'exemple d'un édifice commercial dans lequel il y a
200 cadres de portes à réparer. La loi dit: Tu peux confier
ça à un entrepreneur autonome si c'est mineur. Bien, 200 portes,
ce n'est pas mineur. Alors, ce qu'on fait, c'est qu'on va morceler
artificiellement en disant: C'est 200 contrats mineurs. Donc, je vais embaucher
200 sous-traitants qui vont être des entrepreneurs autonomes. C'est
incroyable de voir le génie des entrepreneurs pour trouver des trucs
juridiques pour contourner la loi.
Alors, la conclusion à laquelle on arrive à la page 15,
c'est de limiter le champ d'action de l'entrepreneur autonome uniquement
à la machinerie lourde et à l'excavation et au terrassement.
Parce que si on maintient dans la loi une expression comme «travaux
mineurs» qui est basée sur la bonne foi du monde, on va se faire
avoir. Ils vont prendre un travail d'ordre de grandeur majeur et ils vont le
morceler artificiellement, et ils vont dire: Ce n'est pas un contrat majeur;
c'est 50 000 contrats mineurs. Ce qui fait que quand nos représentants
font les visites de chantiers, ils serrent à peu près 200 mains,
195 mains d'entrepreneurs autonomes et 5 mains de travailleurs salariés
en règle. C'est ça qui arrive.
L'autre constatation qu'on fait, c'est que la sous-traitance est une
source majeure de travail au noir et d'abus. Alors, ce qu'on propose à
la page 17, c'est d'abord que la loi, dans la définition, chapitre 1,
article 1, qu'on donne une définition de la sous-traitance claire et
nette, comme on le voit dans les conventions collectives d'usines ou dans
certaines lois dans d'autres secteurs, et qu'à l'article 19 de la loi on
précise qu'un seul contrat de sous-traitance par catégorie de
métier ne soit permis sur un chantier.
Sans ça, je vous donne un exemple qu'on voit souvent. Disons
qu'un entrepreneur prend un contrat d'une valeur de 100 000 000 $ ou 100 000 $.
Il va garder 10 000 000 $ puis il va en donner 90 000 000 $ en sous-traitance.
Celui qui reçoit les 90 000 000 $, il va en garder 10 000 000 $ puis il
va en redonner 80 000 000 $ en sous-traitance. 80 000 000 $, 70 000 000 $ et
ainsi de suite jusqu'à 10 000 000 $. Ça fait que tu te retrouves
avec une sous-traitance verticale, c'est-à-dire que tu en as 10 qui ont
10 000 000 $ en sous-traitance. C'est tous des entrepreneurs autonomes puis il
n'y en a pas un qui a un salarié à son emploi.
Finalement, les trois recommandations complémentaires qu'on vous
propose... D'abord, la question du champ d'application à la page 21. Ce
qu'on vous demande, c'est de revoir les recommandations de la commission
d'étude qu'on trouve beaucoup plus proche de la solution que ce qui
était proposé à l'origine.
En passant, je vous signale qu'on appuie entièrement la
recommandation de la CCQ concernant les problèmes de causes devant le
commissaire de la construction, parce que ce que vise la CCQ de manière
très froide, sans parti pris, c'est au moins de donner le
bénéfice du doute au champ d'application et de donner le fardeau
de la preuve à ceux qui prétendent ne
pas être dans le champ d'application, ce qui serait un peu
l'inverse de la situation actuelle où tu dois prouver...
c'est-à-dire ceux qui ont à faire une preuve, c'est pour
être dans le champ d'application. C'est comme si on donnait le
bénéfice du doute à l'exclusion, ce qui n'est pas tout
à fait logique.
Il y a deux choses qu'on reconnaît au niveau de la
mentalité du milieu sur le travailleur autonome. Un travailleur
autonome, c'est quoi? Il faut admettre... parce qu'on a des travailleurs qui
ont chevauché entre les deux statuts dans leur vie active. On a des gens
qui sont des salariés de la construction puis quand tu leur demandes ce
qu'ils faisaient il y a 10 ans, ils disent qu'ils étaient entrepreneurs
autonomes. Je veux dire, un individu chemine dans une certaine carrière
professionnelle puis il part... Là, on lui demande: Pourquoi tu
étais entrepreneur autonome? Pourquoi tu as travaillé comme
«chaudron»?
En fait, les deux motifs qu'il faut reconnaître que ces gens nous
disent... Le premier motif, c'est qu'ils disent: à cause de la situation
économique. J'étais prêt à offrir mes services
à bas prix, en bas du décret plutôt que de me retrouver sur
le chômage. Ce qu'on vous recommande comme solution à ça,
ce n'est pas de maintenir le statut de l'entrepreneur autonome, c'est de
moderniser le processus de négociation pour permettre à la
négociation d'aller véritablement chercher les priorités
des salariés de la construction. Ce n'est pas en permettant les
entrepreneurs autonomes qu'on va régler les problèmes de
pauvreté dans la construction.
L'autre motif que les gens nous donnent à la question: Pourquoi
tu étais artisan? c'est de dire: Quand j'étais artisan, ça
me permettait d'être polyvalent dans mon métier. Je suivais un
cours de lecture de plans puis là, je pouvais, par exemple, comme
menuisier, faire de la finition, de l'escalier, du «rough», etc.
Ça, on en a une solution dans la construction. C'est le nouveau
régime de formation professionnelle dont un des objectifs, c'est la
polyvalence à l'intérieur du métier.
Alors, la recommandation quant au régime de négociation,
on l'avait déjà exprimée, lors de la dernière
commission parlementaire, à la page 23. C'est de moderniser le
régime de négociation pour permettre un ajustement plus souple
des conditions de travail aux besoins de l'industrie et de continuer,
concernant la formation professionnelle, à mettre de l'avant, à
la page 25, le régime de formation professionnelle tout en maintenant
aux structures existantes, c'est-à-dire le comité prévu
à l'article 18.1 de la loi, la responsabilité de gérer, en
quelque sorte, le nouveau régime, comme c'est le cas actuellement,
c'est-à-dire de ne pas créer de structures parallèles au
régime actuel. Je ne sais pas si...
M. Gingras: Alors, de façon générale, je
pense que ça constitue ta présentation qu'on voulait vous faire.
Vous avez probablement eu l'occasion de prendre connaissance des
éléments de notre mémoire. Alors, on est à votre
disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir
relativement aux positions qu'on vous transmet relativement au travailleur
autonome.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre. (18 h 15)
M. Cherry: Merci, M. le Président. On l'a demandé
à ceux qui vous ont précédés, puis on va revenir
à la même question. On s'est fait expliquer, tantôt, que
quelqu'un qui exerce sa profession d'autonome doit charger des coûts,
l'équivalent, là, de ce que ça coûterait s'il avait
engagé un salarié. On s'est fait dire, tantôt, qu'il n'y
avait pas d'économie. C'est ce qu'on s'est fait expliquer, qu'il n'y
avait pas d'économie.
Donc, s'il n'y a pas d'économie entre engager sur un chantier dix
autonomes ou un entrepreneur avec dix salariés, il est où
l'avantage d'engager dix autonomes? Je n'ai pas eu la réponse
tantôt. Je vous la repose à vous autres, qui avez des gens qui
faites des tournées de chantiers. Ce qu'on ne nous a pas dit ou ce qu'on
ne saisit pas, c'est la distinction entre ce qui est supposé être
des taux équivalents. Il est où, l'avantage? Est-ce que c'est
parce que, même si la job doit prendre 40 heures à faire, je vais
les prendre et je vais en charger 30, même si j'en travaille 40? Il est
où l'avantage, là, d'engager des autonomes plutôt que
d'engager des salariés, le même type de personne pour faire le
même type de travail?
Le Président (M. Gauvin): M. Gingras.
M. Gingras: M. le ministre, écoutez, je dois vous dire,
dès le départ, que ceux qui ont tenté de vous faire croire
qu'il n'y a pas d'économie à embaucher des travailleurs autonomes
comparativement à un travailleur qu'on est obligé de traiter
selon les conditions du décret, c'est un peu des fieffés
menteurs. Je dois vous dire, par expérience, que ces gens-là,
c'est des gens qui, probablement, contournent, de façon très
très habituelle, la fiscalité, contournent à peu
près tous les éléments, à un moment donné,
des structures qu'on peut se donner pour essayer de donner un minimum de
crédibilité à tout le système des soumissions, au
système d'octroi des contrats, etc. Il y a des gens qui triturent
très facilement les choses parce que...
Écoutez, notre sentiment, actuellement, il est clair, c'est que
les employeurs dans l'industrie de la construction voudraient à la fois
ne pas subir la compétition de ceux qu'on appelle les entrepreneurs
autonomes, ne voudraient pas avoir à compétitionner avec les
entrepreneurs autonomes, mais cependant, ils voudraient continuer de s'abreuver
à l'abreuvoir des coûts
moins importants de conditions de travail en les embauchant.
Écoutez, je pense qu'il y a une situation qui est tout à
fait aberrante. On vit une situation qui est tout à fait aberrante.
Premièrement, les entrepreneurs dans l'industrie de la construction ne
devraient pas ou qui que ce soit qui agit comme intermédiaire dans
l'industrie de la construction ne devrait pas avoir le droit d'embaucher
d'autre chose que des salariés pour exécuter ou faire
exécuter des travaux dans l'industrie de la construction. Un travailleur
autonome devrait être astreint à respecter certaines
règles, à un moment donné, et il devrait pouvoir
exécuter entièrement le travail pour lequel il a
décidé d'offrir ses services. Ça ne devrait pas être
un travailleur qui est à la fois un salarié puis à la fois
un employeur et qui joue sur tous les tableaux.
C'est là qu'on en perd son latin et c'est là qu'on en
arrive à des situations aussi absurdes à un moment donné.
Certaines expériences m'ont été racontées, on en
arrive à des résultats comme suit: C'est que, normalement, pour
exécuter certains travaux, ça prend 300 heures de travail. On en
arrive à des contrats où on offre simplement des contrats de
service, les matériaux étant payés et tout ça. Lui,
il offre uniquement les services de main-d'oeuvre, le travailleur autonome, et
il va à la moitié du prix. Comment peut-il arriver à
exécuter des travaux dans cette industrie-là, en respectant les
normes du décret que vous mentionnez, qui sont supposées
s'appliquer aussi bien au travailleur autonome qu'au salarié, comment
peut-il effectuer ça pour la moitié du coût que peut
représenter le travail exécuté? Ça veut dire qu'il
y a des heures qui sont cachées. Probablement qu'il met le bon salaire,
mais il ne met peut-être pas le bon nombre d'heures qu'il a
exécutées pour le faire, le travail. Puis qui est capable de
contrôler ça? Qui est capable de contrôler ça?
Or, plus on élargit cette zone grise des personnes qui sont
habilitées à agir comme personnes habilitées à
prendre des contrats tout en exécutant les travaux qui en
dépendent, plus on élargit cette zone-là, plus on permet
aux employeurs d'utiliser cette catégorie de salariés là,
plus on met sur le carreau les travailleurs qu'on a formés ou qu'on a,
à un moment donné, préparés pour être, si
vous voulez, la main-d'oeuvre de certaines entreprises dans l'industrie de la
construction, selon des règles qu'on s'est données.
Plus on tolère cette catégorie-là, plus on met de
côté les véritables salariés de l'industrie et plus
on est en train de causer un problème majeur qui se traduit de la
façon suivante: Quand le travailleur qui respecte les règles voit
ces choses-là se passer, qu'il voit que c'est la façon de faire
pour travailler dans l'industrie, le seul recours qu'il lui reste, c'est de
dire: Si c'est la seule façon, si eux autres, ils ont le droit de se
substituer à mon statut de salarié et être à la fois
des entrepreneurs et des exécutants, et de se mettre en
«gang», à 10, pour faire un contrat à ma place comme
salarié, si c'est ça la recette, il ne me reste qu'à
prendre le même chemin.
Alors, demain matin, est-ce qu'on aura uniquement des travailleurs
autonomes qui seront obligés de cacher la moitié des heures de
travail dans l'industrie de la construction? Est-ce que c'est ça la
main-d'oeuvre qu'on souhaite dans l'industrie de la construction? Est-ce que
c'est ça, l'économie qu'on souhaite au Québec dans
l'industrie de la construction? Est-ce que c'est comme ça que le
gouvernement prétend qu'il va aller chercher ses redevances et tout
ça pour payer les services sociaux?
Alors, il y a toute une zone grise, là, O.K. Il y a toute une
problématique d'évacuation des heures réelles de travail
qui se passe actuellement dans l'industrie pour prétendre qu'on respecte
les règles ou qu'on prétende qu'on respecte les minima dans
l'industrie de la construction qui sont prévus par le décret,
mais ce n'est pas aussi vrai que certains le prétendent, et ça,
je vous défie, dans n'importe quelle enquête, d'aller
vérifier ça et vous allez vous apercevoir que c'est grave, ce
qu'on vit actuellement dans l'industrie de la construction. Plus on
tolère que ça continue à se multiplier, plus on
tolère cette situation-là sans la régler. Je vous dis: On
est en train d'aggraver le problème et ça ne sera pas le
problème de 40 % de l'industrie qu'on aura à régler dans
quelques années; ça sera 60 % ou 65 % du problème de
l'industrie.
Le Président (M. Gauvin): M. le ministre.
M. Cherry: O.K. Dans votre présentation, tantôt,
vous avez dit que vous iriez sur la voie de permettre au travailleur
autonome... de le limiter par métiers...
Une voix: Un sous-traitant.
M. Gingras: Par catégories de travail,
c'est-à-dire: Écoutez, dans le gyproc, il ne pourrait pas prendre
un contrat qu'il ne pourrait pas exécuter seul. Disons qu'on ne pourrait
pas morceler les contrats par catégories d'emploi. Alors, s'il n'est pas
capable de le faire, il n'est pas là.
M. Cherry: Comme on nous a expliqué aussi qu'il n'y avait
pas nécessairement d'économie - et c'est ça que j'ai
tenté de vous faire préciser - si vous êtes l'entrepreneur
général qui avez obtenu l'ensemble des travaux à
exécuter par soumission. Une fois que vous les avez obtenus, vous
décidez de les distribuer à des autonomes. O.K. Ça ne
diminue pas le coût que, comme entrepreneur général, vous
allez charger à votre client.
M. Gingras: Absolument pas.
M. Cherry: La différence, là, donc, ce n'est pas le
consommateur qui va en bénéficier.
M. Gingras: Écoutez, mol, je veux mettre un petit
bémol là-dessus. De façon habituelle, vous avez raison
parce que, habituellement, le con-tracteur, quand U a fait sa soumission, il ne
peut pas présumer, dès le départ, qu'il va avoir
suffisamment de travailleurs autonomes à sa disposition pour compter
uniquement sur cette main-d'?uvre pour exécuter ses travaux. Est-ce
qu'il prend la chance de faire une soumission à rabais pour aller
s'approprier le contrat en présumant qu'il va bénéficier
de cet avantage-là? Il est très peu probable qu'un employeur, en
tout cas, qui a l'intention d'être là encore demain matin, va
prendre ce risque-là.
Donc, de façon habituelle, on peut dire qu'il va charger au
client le coût que, normalement, un client devrait encourir pour aller
faire exécuter des travaux dans un cadre normal. Ça, c'est la
normalité. Mais pour accroître sa marge de profit, H va
redistribuer ça après au lieu d'embaucher des salariés; il
va le redistribuer, il va essayer de favoriser ce qu'on appelle le tarvail
à rabais. Ce que ça entraîne, c'est qu'il y a des
travailleurs, qu'on qualifie de travailleurs autonomes, qui s'approprient ces
travaux-là, et pour faire la démonstration que l'office respecte
les conditions, H ne met pas tout à fait le bon nombre d'heures et il
arrange ça pour que ça soit compatible avec les exigences, mais
il prend la chance qu'il n'y ait pas eu un inspecteur pendant toute la
durée où il a été sur le chantier et qu'y a
compté ses heures. Il prend la chance que personne n'ait pu compter et
vérifier ça et qu'il n'y ait personne qui soit capable d'en faire
la preuve. Ça, il prend cette chance-là. Alors, ça, c'est
ce qu'on connaît.
Or, il y a quelques exemples. Je vais demander à Laval Goulet,
qui fait quelques chantiers à l'occasion, de vous en ajouter
peut-être un petit peu sur ce qu'y constate qui se passe comme
différents événements. Alors, Laval.
M. Goulet (Laval): Bon, M. le Président, moi, comme
M. Gingras, notre président, vient de vous le dire, je fais les
chantiers. À tous les jours, je vois des gars qui travaillent
«à la job», qu'on appelle ou à forfait, appelez
ça comme vous voulez. La méthode qu'ils emploient, ces
gens-là, c'est qu'ils travaillent à contrat. Puis le perdant...
Tantôt, vous avez demandé si le consommateur était gagnant
dans ça, si ça coûtait meilleur marché. Ce n'est pas
là qu'est le perdant. Le perdant, je vais vous dire que ce sont les
gouvernements, l'État, c'est tout.
À un moment donné, ces gens-là, ils travaillent
à contrat. À la fin du contrat, Hs sont payés selon les
contrats; s'ils travaillent au pied, selon les pieds qui ont été
établis. Ensuite, ils les paient de la façon suivante. Ils
disent: Cette semaine, tu as 30 heures, 32 heures, 35 heures. Le reste, on va
te le donner en frais de déplacement. Ce qui arrive à la fin de
l'année, ces gens-là qui ont des licences d'entrepreneurs
autonomes, Hs vont se rentrer des heures un petit peu à l'Office de la
construction pour bénéficier des avantages sociaux des gars de la
construction qui vont se faire payer par les gens qui travaillent dans la
construction quand ils travaillent à l'heure. En plus, quand arrive le
temps des impôts, ils vont essayer de sauver des transports pour
équilibrer leur salaire. Ce qui fait que c'est l'État qui est
perdant dans ça. Les avantages sociaux qui se paient
régulièrement à l'office quand ils ont les assurances,
puis tout ça, c'est le reste des travailleurs réguliers de la
construction qui paient pour eux autres. C'est là le jeu qui se fait.
Ces gars-là jouent sur deux tableaux: un bout à l'heure et un
bout «à la job».
M. Cherry: Juste pour bien saisir ce que vous venez d'expliquer,
vous dites que le nombre d'heures qu'ils enregistrent, c'est ce qui leur permet
de se qualifier pour présenter des réclamations assez
secures?
M. Goulet: Oui, monsieur.
M. Cherry: C'est ça, là?
M. Goulet: Régulièrement, on voit ça.
M. Cherry: Les avantages sociaux. Ils enregistrent suffisamment
d'heures pour leur permettre de se qualifier pour pouvoir présenter des
réclamations.
M. Goulet: Oui.
M. Cherry: Mais le reste, ils ne le déclarent pas. C'est
ce que...
M. Goulet: Oui.
M. Cherry: Ou Hs le présentent de façon
différente, là. Vous avez parlé de frais de transport.
Est-ce que je peux...
M. Goulet: La différence... Normalement, dans la
construction, vous devez savoir que les gars de la construction, on fait
normalement 40 heures par semaine. Puis moi, ce que je vois le plus souvent,
c'est des gars à 32 heures. Le pourquoi des 32 heures? C'est parce qu'l
y a toujours une journée qui est payée en frais de transport
parce que ces gars-là, Hs travaillent «à la job».
Dans le livre du contracteur, ils sont payés 32 heures au taux du
salaire. Les heures qui sont rapportées à l'Office viennent le
qualifier pour qu'H bénéficie des avantages sociaux des gars de
la construction. Quand ils font leur
rapport vu qu'ils ont une licence d'entrepreneur autonome, là,
ils se déclarent comme employeurs. Ils vont aller chercher leur
transport et leur ci et leur ça. Disons qu'à un moment
donné, ils vont bénéficier des deux côtés. Un
coup, ils bénéficient des avantages sociaux que les gars de la
construction...
M. Cherry: Ils sont ingénieux!
M. Goulet: ...se paient à la Commission de la construction
et ensuite, quand ils font leur rapport d'impôt, ils vont aller chercher
leurs frais de transport. Ils vont diminuer tout leur transport et un tas
d'affaires. Ils chargent les dépenses comme employeur.
M. Gingras: Comme employeur.
M. Cherry: Parce qu'ils ne pourraient pas les déduire
comme travailleur, mais comme entrepreneur, c'est là qu'ils peuvent le
déduire?
M. Goulet: C'est exact, oui, monsieur. Le perdant c'est la
finance, c'est le gouvernement du Québec.
M. Cherry: C'est l'ensemble de la collectivité
québécoise.
M. Goulet: C'est ça. Quand je parle du gouvernement,
ça comprend l'ensemble de la collectivité.
M. Gingras: Quand, par toutes sortes de stratagèmes, on
évacue, en fait, les responsabilités sociales qu'on peut avoir,
c'est qu'on en arrive à des résultats que ceux qui respectent les
règles sont taxés doublement. C'est un peu ce qu'on vit
actuellement. L'exemple de la l'industrie de la construction est un exemple
actuellement qui fait que, probablement, la plupart des citoyens du
Québec doivent payer des impôts plus élevés parce
que justement, il y a une partie de la masse salariale qui devrait normalement
apporter des revenus au gouvernement qui est évacuée. Or, le
travail au noir pullule dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas une
cachette pour personne.
Je pense que ça fait plusieurs années que le mouvement
syndical le dénonce, dénonce la situation. Le travailleur
autonome, au cours des années, en 1977, quand on est parti du statut
d'artisan, qui était une personne qui offrait ses services à un
client, a évolué. On l'a élargi, on lui a donné
plus de possibilités d'oeuvrer pour en arriver au résultat qu'on
connaît aujourd'hui. Plus on va élargir le rôle, plus on va
lui en donner, plus on va continuer d'en donner et permettre justement qu'on
évacue les véritables travailleurs de l'industrie de la
construction, plus on va créer ce qu'on appelle les conditions
favorables à un moment donné, pour qu'on développe une
économie au noir dans l'industrie de la construction, et on va faire en
sorte de créer un double impact. C'est que les travailleurs qui voient
tout ça se passer impunément, sans espoir de retour, ils vont
tout à l'heure dire: Bon, bien, écoutez, si la manne est
là, on va en profiter nous autres aussi et je pense qu'on s'en va vers
quelque chose de grave. C'est ça, la situation. (18 h 30)
M. Cherry: O.K. Une dernière question. On nous a
présenté le travailleur autonome qui était
précédemment décrit. La législation le
présente comme un artisan. Je n'étais pas en politique à
l'époque. Le milieu de la construction n'était pas celui avec
lequel j'étais le plus familier, mais un argument qui m'est
fréquemment présenté, on disait: L'artisan, c'est celui
dont le citoyen a besoin pour réparer tantôt son bras de galerie,
tantôt sa marche d'escalier, tu sais, celui qui faisait presque les menus
travaux qui, dans l'esprit du citoyen, ne nécessitaient pas quelqu'un
avec l'ensemble des tarifs et des avantages.
Et là, si j'ai bien entendu votre voisin de droite, lui, il a
dit: On est passés du statut de l'artisan, tel que je viens de le
décrire, à quelqu'un qui, sous l'enseigne de l'autonome, est
maintenant devenu un sous-traitant.
Une voix: C'est ça. D'accord.
M. Cherry: Si j'ai bien compris, là, allez-y plus
là-dedans. Il me semble qu'on commence à cerner
l'évolution et avec les résultats, c'est ça que je veux
entendre.
M. Gingras: Alors, ce que vous venez de mentionner, c'est
exactement ce qui s'est passé. L'artisan - et ça, écoutez,
j'en ai quand même connu quelques-uns, des artisans dans l'industrie de
la construction - c'était une personne qui offrait directement ses
services a un client. O.K.? Il disait: Bon, il y a une petite réparation
mineure à faire, comme je vous ai expliqué, et tout ça, je
suis en mesure de le faire. Ça ne nécessite pas qu'on embauche
des salariés en nombre important pour faire ça. Il y a un travail
précis à faire et je suis capable de le faire seul. Je n'ai pas
besoin de main-d'oeuvre additionnelle et je suis en mesure d'exécuter le
travail sans nécessairement que ce soit un travail obligatoirement
exécuté par un employeur qui embauche des salariés avec
toute une organisation importante.
Or, ça, c'était ce qu'on connaissait dans la tradition.
L'artisan, la personne qui prenait directement un contrat, qui était
enregistrée à cet effet-là, qui s'engageait à
respecter les règles quand même, qui était embauchée
directement par un client pour effectuer des travaux, mais qui était
limitée parce que quand on parle de l'artisan, il faut penser
qu'à l'époque, les travailleurs artisans, on les retrouvait
surtout
dans la profession de charpentier-menuisier. En dehors de ce
métier-là, il n'en existait pas de travailleurs artisans.
C'étaient surtout des charpentiers-menuisiers.
Alors, là, on en retrouve à peu près partout. C'est
devenu la plaie d'Egypte. Là, c'est tous les métiers. C'est
devenu le canal pour aller chercher les contrats et aller chercher ce qu'on
appelle les heures de travail disponibles. C'est la voie. Alors, c'est devenu
la voie. Plutôt que d'attendre qu'un employeur m'offre du travail, bien,
je vais aller me chercher un statut de travailleur autonome ou d'employeur
autonome puis je vais m'arranger pour aller voir les employeurs pour faire des
offres de services et je vais leur dire que je vais leur arranger ça
à la mode. Tu sais, c'est un peu ça ce qui se passe. On passe des
messages clairs puis là, on est en train de créer ce qu'on
appelle un réseau de main-d'oeuvre parallèle parce que c'est
devenu de la main-d'oeuvre. Il ne faut pas se conter d'histoires. Ce n'est plus
le gars qui agit pour un client. C'est le gars qui va offrir ses services
à l'employeur qui, lui, agit pour un client.
On est rendus qu'on a dénaturé complètement le
statut de travailleur artisan. On en a fait une personne qui est devenue une
autre catégorie de salarié. On est en train de créer une
nouvelle catégorie de salariés qui, pour nous autres, est une
catégorie de salariés qu'on qualifie de «cheap labor»
dans l'industrie, de salariés à rabais qui, pour justement se
substituer à la main-d'oeuvre habituelle, doivent consentir des
réductions de conditions de travail. Ça, c'est clair.
Michel Fournier, le président du syndicat, aurait peut-être
un petit commentaire à formuler en ajout
Le Président (M. Gauvin): M. Fournier.
M. Fournier (Michel): Oui. Un petit commentaire court pour donner
un exemple concret. Vous savez que la mode, ces temps-ci, est aux condominiums
et on parie de l'entrepreneur autonome comme étant un gars qui est
capable de travailler tout seul. Un plombier autonome voit qu'il y a un contrat
qui va se donner pour des condominiums, mettons cinq condominiums dans un
bâtiment. Il dit: Moi, je vais aller soumissionner pour poser les bains.
Je suis un entrepreneur autonome, je me dois de travailler seul normalement.
Donc, il va soumissionner pour poser les bains. En connaissez-vous beaucoup de
plombiers qui sont capables de poser un bain tout seuls? Donc, il soumissionne
en fonction qu'ils vont être deux autonomes, peut-être, à un
taux qui va être le salaire de deux compagnons. La personne va
décrocher le contrat. Il va aller chercher, quand il va être
prêt à poser le bain, deux jeunes qui sont à la taverne du
coin, qui vont l'aider à poser le bain. Et bingo! celui qui s'enrichit,
c'est l'autonome. On en voit tous les jours des exemples concrets comme
ça.
Le Président (M. Gauvin): Merci. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bonsoir.
J'ai suivi attentivement les débats. C'est particulièrement
intéressant votre façon de développer l'évolution
du statut du travailleur, ce qu'on appelle actuellement, pariant de l'artisan
à l'entrepreneur autonome. Ça éclaire le débat.
Moi, j'aurais besoin de mieux comprendre certaines de vos recommandations. Je
vais commencer par la recommandation 2, à la page 17. Vous dites:
«Nous recommandons en outre... parce que vous dites que c'est la
sous-traitance qui est devenue la plaie. Vous dites: «Nous recommandons
en outre d'ajouter un alinéa à l'article 19 pour faire en sorte
qu'un seul contrat de sous-traitance par sous-catégorie de licence ne
soit permis par chantier.» Ça, ça ne touche pas
l'entrepreneur autonome puisque l'entrepreneur autonome, selon la loi 185, y ne
peut plus rentrer sur un chantier s'H n'est pas employeur. C'est ça, si
on veut utiliser les mêmes termes et se comprendre. Alors, à quoi
sert votre recommandation?
M. Gingras: Bon, écoutez, quand on demande, nous autres,
de faire en sorte qu'un seul contrat de sous-traitance puisse se donner par
catégorie de licence, ça veut dire que, pour la plomberie dans un
édifice, c'est qu'il devrait y avoir un seul contrat, O.K., pas deux ou
trois.
Mme Blackburn: Oui, ça, je suis d'accord. Mais comme la
loi 185 prévoit déjà... Parce que tout l'échange a
porté sur l'entrepreneur autonome - et c'est d'ailleurs l'objet de la
présente commission - 185 prévoit qu'un entrepreneur autonome ne
peut rentrer sur un chantier de construction, domiciliaire ou autre, que s'H
est employeur, c'est-à-dire qu'il a au moins un employé. Vous
dites: En dépit de tout ça, il faudrait quand même qu'on
ait une obligation dans la loi, pour poser le gypse, par exemple, qu'un seul
entrepreneur, pour faire la plomberie, qu'un seul entrepreneur...
M. Gingras: Oui. En fait, ce qui est l'élément de
cette proposition-là...
Mme Blackburn: Qu'un seul sous-traitant.
M. Gingras: ...c'est que je comprends, moi, qu'un employeur peut
le faire, O.K. et c'est comme ça que la loi le prévoit. Mais il
faut aller plus loin que ça. Il faut empêcher cet
employeur-là de redistribuer en sous-traitance le contrat sur lequel il
a fait une offre de service. Ça, c'est ça qu'on veut dire,
là. Or, je pense que c'est important qu'on clarifie la loi et qu'on ne
fasse pas uniquement un geste pour dire: Bien,
il va y avoir une soumission par catégorie d'emploi, mais c'est
qu'on fasse en sorte, par la suite, de s'assurer que les travaux vont
être exécutés selon la soumission qui a été
formulée et pas distribués, après ça, en parties de
contrats. Or, ça, je pense que c'est important.
Une voix: Je peux...
Mme Blackburn: Mais vous, savez que, fondamentalement, ça
va aller à rencontre de toutes les règles établies.
Lorsque vous avez un contrat, du moment où vous embauchez les personnes
compétentes ou un sous-traitant compétent, évidemment,
ça fait partie des règles. Vous pouvez lui passer, moyennant une
petite commission de 3 %, 4 %, 5 %, et vous passez ça à votre
«chum». La règle est... Je pense bien ne pas me tromper en
vous disant ça. Ça, ce que vous proposez me semble aller loin. Je
voulais juste mesurer ce que ça voulait pouvoir dire.
M. Gingras: Alors, je vais demander à mon collègue,
Pierre-Yvon Ouellet, de vous apporter un élément de
réponse là-dessus.
Le Président (M. Gauvin): M. Ouellet.
M. Ouellet: O.K., merci. D'abord, au niveau du pourquoi de cette
recommandation-là, je vais vous donner un exemple, je pense, qui va
être assez simple. Disons que sur un chantier, vous avez, dans une
catégorie de métier donné, exemple, charpentier-menuisier,
50 personnes. O.K. Si vous ne contrôlez pas la sous-traitance, vous allez
retrouver, dans les 50 personnes, 25 employeurs et 25 salariés,
c'est-à-dire l'obligation d'avoir au moins un salarié à
son emploi. Si vous contrôlez la sous-traitance à un seul, vous
allez avoir 1 employeur et 49 salariés. Elle est là la
différence. Nous, ce qu'on a constaté, c'est que lorsque vous
avez sur un chantier 25 employeurs et 25 salariés, cela crée sur
les 25 salariés une pression incontrôlable sur leurs conditions de
travail qui fait que ces gens-là, pour garder l'emploi, sont
pratiquement tenus, même si c'est des règles non écrites,
de violer le décret, c'est-à-dire d'accepter des banques
d'heures, de fermer les yeux sur les frais de transport, de fermer les yeux sur
le temps supplémentaire, l'échange de banques d'heures, de fermer
les yeux sur le chevauchement dans les métiers, faire la job du
métier d'à côté, etc.
Quand vous dites que vous trouvez ça sévère de
contrôler la sous-traitance, bon, nous, le constat de base qu'on fait,
c'est que, depuis 15 ans, le législateur avait fait confiance à
l'éthique en disant: II existe un phénomène culturel dans
la construction qui s'appelle le goût de l'indépendance, le
goût d'être seul dans ses affaires. Puis, depuis 15 ans, le
législateur a dû constater qu'on avait abusé de cette
réalité-là. Donc, c'est comme dans n'importe quel
problème de société. Quand on abuse d'un droit, on doit le
contrôler. De la même façon qu'on retrouve sous le code du
travail un nombre croissant de conventions collectives où la
sous-traitance est régimentée et contrôlée, on
demande ni plus ni moins la même chose.
Mme Blackburn: O.K. Moi, ça va. Je voulais juste voir,
parce que l'importance de bien comprendre vos propositions, c'est qu'on va
travailler avec quand la commission va être terminée. Moi, je
voudrais être en mesure de mieux évaluer la portée et les
conséquences d'une telle proposition. Vous proposez... Vous dites: La
rénovation, la réparation et l'entretien exclus,
c'est-à-dire soumis au décret. C'est bien ce que j'ai compris?
Mais par ailleurs, vous dites: On pourrait accepter - j'ai cru comprendre, mais
je n'étais pas certaine - un entrepreneur autonome par
spécialité sur des chantiers de construction. Est-ce que c'est
ça que vous avez dit?
M. Gingras: Pouvez-vous répéter votre question pour
que je la saisisse?
Mme Blackburn: Un entrepreneur autonome par
spécialité sur un chantier de construction, c'était
l'ouverture que vous avez faite dès le début, ça.
M. Gingras: C'est-à-dire que le travailleur autonome ne
puisse pas partager le travail d'une catégorie d'emploi avec d'autres
travailleurs autonomes.
Mme Blackburn: Je vais recommencer. En début, vous avez
dit l'entrepreneur autonome. Je m'excuse, je reviens. L'entrepreneur autonome,
nous pourrions accepter qu'il y en ait un par spécialité sur les
chantiers. Est-ce que c'est ça que vous avez dit?
M. Gingras: Par sous-traitance. C'est qu'il devrait y avoir un
contrat de sous-traitance. Il ne devrait pas y avoir plus qu'un contrat de
sous-traitance dedans.
Mme Blackburn: Non, ce n'est pas ça. Au début... Je
ne reviens pas à la page 17. Quand vous avez ouvert votre
présentation, vous avez dit: On serait prêts à accepter
l'idée d'un entrepreneur autonome par spécialité sur les
chantiers de construction. J'ai été étonnée. Je
dois vous dire que je me suis dit que j'ai mal compris, mais ma collègue
a bien compris.
M. Gingras: En fait, ce à quoi on se
référait, c'est qu'il pourrait y avoir un sous-traitant qui est
un employeur autonome. O.K.?
Mme Blackburn: O.K., oui. Allons-y, un sous-traitant entrepreneur
autonome. S'il est
entrepreneur autonome, il n'y a pas d'employés. M. Gingras:
Absolument pas. Mme Blackburn: O. K. Alors, il est seul.
M. Gingras: II ne peut redistribuer dans sa catégorie de
métier.
Mme Blackburn: Non, ça va bien. Ça veut dire que
pour construire une résidence unifami-liale, vous en embauchez sept, un
par spécialité. Je ne vous les énumérerai pas. Vous
êtes encore plus capable que moi de le faire. Ça veut dire que je
peux faire construire toute ma maison avec des entrepreneurs autonomes. Avec
votre hypothèse, c'est ça que je me suis dit.
M. Gingras: Oui, mais...
Mme Blackburn: Parce que j'ai trouvé curieux que vous nous
proposiez ça puis, après ça, vous dites: On va les sortir
de la rénovation. Je vous dis: Je suis un peu...
M. Gingras: Non, non, il y a peut-être un problème
d'interprétation. Ce qu'on veut, d'une part, premièrement, c'est
qu'à la limite une personne soit rétablie dans son rôle de
personne qui prend pour un client particulier une partie d'un travail dans une
catégorie d'emploi en particulier. Mais ce qu'on dit aussi... Ça,
c'est quand on veut le ramener dans ce qu'on appelle le véritable
artisan ou le travailleur autonome qui devrait exister. Il ne devrait pas
sortir de ça normalement.
Mais ce qu'on vous dit en plus, c'est qu'il y a une difficulté
même de contrôler ça. Actuellement, c'est une source et
toutes les rénovations, la partie des travaux mineurs et tout ça,
c'est une source qui alimente la production de travailleurs autonomes. Alors,
ce qu'on dit, nous autres, c'est qu'éventuellement il faut en arriver
à mieux contrôler encore. Il faut aller plus loin que ça et
il faut se résoudre à dire: On va les limiter à des
catégories d'emploi particulières...
Mme Blackburn: Je suis d'accord avec vous.
M. Gingras:... dans la machinerie lourde, dans l'excavation, dans
le terrassement. (18 h 45)
Mme Blackburn: Oui. Alors, vous dites: On les exclut, sauf que
l'interprétation est la seule interprétation, et je pourrais
vérifier avec les ministres, mes collègues, parce que c'est la
réaction qu'on a tous eue tantôt. Ou moment où vous avancez
l'idée qu'on peut avoir sur la construction un entrepreneur autonome par
spécialité... Moi, je suis entrepreneur général et
je fais faire ma maison par des entrepreneurs autonomes. Je veux juste vous
dire ça. Je voulais juste vous dire ce que ça pouvait
représenter. Je ne veux pas m'en aller plus loin que ça... Une
voix: Oui.
Mme Blackburn:... et peut-être que d'autres auront la
possibilité un peu de clarifier la question.
À présent, autant je l'ai dit, je l'ai
répété et je vais le répéter encore, H me
semble que les entrepreneurs autonomes ont travesti les intentions du
législateur avec la loi 31. C'est évident. Ils sont allés
trop loin. Je leur ai dit que ça ne les servait pas non plus parce
qu'ils ont tenu un discours qui, des fois, avait un peu tendance à
s'écarter de la vérité. Cependant, dans votre affirmation,
vous dites, à la première page. «Exploitée par les
entrepreneurs autonomes, la sous-traitance est devenue synonyme de travail au
noir et de clandestinité économique. »
D'abord, comme la loi n'est pas claire, ce n'est pas du travail au noir.
C'est tannant, mais ce n'est pas du travail au noir. La Commission de la
construction est venue nous le dire: Ce n'est pas du travail au noir parce
qu'il y avait un trou dans la loi et ils ne peuvent pas gérer ça,
mais ça, c'est une autre question. Je ne vous dis pas que c'est
légitime pour autant. C'est une autre affaire, ça. Cependant,
quand je lis vos données, en page 12, c'est pour ça... Moi, je me
dis: Ça ne peut pas être tout blanc et tout noir.
Il y a des affaires... Là-dessus, je n'aime pas quand on charrie.
Alors, autant vous le dire tout de suite. Il y a, vous savez, 25 % de travail
au noir. On reconnaît ça et je pense que ça fait un
consensus, ça: 25 % des heures travaillées sont
travaillées au noir. On a à peu près 10 000 entrepreneurs
autonomes. Ils ne peuvent toujours pas réaliser 25 % de travail au noir.
J'ai un problème.
Le Président (M. Gauvin): Monsieur...
M. Gingras: Alors, Pierre-Yvon Ouellet va vous apporter une
réponse.
Le Président (M. Gauvin): M. Ouellet.
M. Ouellet: Écoutez, d'abord, je veux bien vous expliquer
que, pour nous, le travail au noir, c'est le non-respect du décret. O.
K. Il y a aussi la partie fiscalité, O. K., c'est-à-dire
quelqu'un qui ne paie pas ses taxes...
Mme Blackburn: Oui, oui, je suis d'accord avec vous,
là.
M. Ouellet:... qui ne respecte pas le décret. Il y a
plusieurs façons. La première, c'est ceux qui ne
détiennent pas le certificat requis pour exécuter une
tâche. O. K. Donc, les non-détenteurs de certificat, ça
peut être notamment des artisans. Mais I y a aussi une deuxième
catégorie, et on doit l'admettre, c'est qu'il y a des
gens qui possèdent leur certificat de compétence, que ce
soit occupation, compagnon ou apprenti, et qui sont amenés dans des
situations pour ne pas respecter certaines clauses du décret. C'est une
autre sorte de travail au noir et ce qu'on vous dit dans...
En tout cas, nous, les témoignages des travailleurs qu'on a,
c'est que tant qu'il n'y aura pas une clause d'ancienneté pour
protéger le travailleur qui va vouloir se prévaloir de ses
droits, il va être obligé d'accepter, à un moment
donné, pour garder son emploi, de ne pas respecter certaines clauses du
décret, même s'il est un détenteur en règle d'un
certificat de compétence, par exemple, les banques d'heures, le temps
supplémentaire, la prime de transport, etc.
Mme Blackburn: Moi, ce que je veux clarifier un peu ici, tant
pour ceux qui nous écoutent que pour les membres de la commission, c'est
qu'il apparaît qu'il y a eu un abus quant à
l'interprétation de la loi 31. On reconnaît ça, mais
ça serait exagéré de prétendre qu'à eux
seuls 10 000 entrepreneurs autonomes puissent être responsables de 25
%... Selon vos chiffres, en 1990, il y avait 114 263 salariés actifs
à la CCQ et environ 10 000 entrepreneurs autonomes. Ça ne fait
pas 10 %. Ils ne peuvent pas être responsables de 25 % du travail au
noir. Ça, je pense qu'il faut être clair là-dessus.
Cependant, je rejoins un peu la CCQ là-dessus; c'est ça que je ne
suis pas capable d'évaluer, c'est que ça a un facteur
d'entraînement.
Vous dites: Ça donne des mauvais exemples aux autres travailleurs
qui finissent par dire: Si je veux travailler, je vais aussi être
obligé, moi, de commencer à être un peu moins conforme au
décret, accepter d'être payé en effets, d'avoir une
motoneige, des matériaux pour mon chalet, etc. On a tout vu. En tout
cas, j'ai tout entendu, quoiqu'on ne m'ait pas tout le temps apporté les
preuves à l'appui. Mais je me dis: On ne peut pas tenir ce
discours-là et être parfaitement crédible. Je veux juste
vous le dire parce que ça ne résiste pas longtemps à
l'analyse.
À présent, vous avez...
M. Gingras: Est-ce que je peux commenter un petit peu?
Mme Blackburn: Oui, allez-y.
M. Gingras: Écoutez, vous dites: Ce n'est pas
crédible, mais je vous invite à aller vraiment vérifier ce
qui se passe parce que vous n'avez pas l'air de vous rendre compte du drame
qu'on est en train de vivre dans l'industrie de la construction.
Mme Blackburn: M. Gingras...
M. Gingras: Alors, quand vous parlez de 10 % de travailleurs au
noir qui créent 25 % de travail au noir dans l'industrie de la
construction, je vais vous dire une chose. Nous autres, on prétend - et
je pense qu'on a raison de prétendre - que la pression qui est
exercée par les travailleurs artisans dans l'industrie, actuellement, la
pression pour l'emploi qui est exercée dans l'industrie de la
construction par les travailleurs artisans enclenche une compétition
à l'effet que le travailleur qui veut rester dans les règles a
énormément de difficultés à se dénicher un
emploi. Or, qu'est-ce qu'il est obligé de faire pour offrir à son
employeur de compétitionner le travailleur autonome? Souvent, il est
obligé de lui dire: Aïe! Écoute, moi aussi, je suis capable
de sacrifier une journée de salaire par semaine...
Mme Blackburn: Oui, là-dessus...
M. Gingras: ...pour éviter que tu n'embauches des
travailleurs artisans. Or, là, on est en train de faire des choses qui,
parce qu'on tolère à un moment donné un
élément qui s'appelle le travailleur autonome, ont un effet
d'entraînement sur d'autres. On est en train de
dégénérer dans une situation où, actuellement, le
travail au noir est en train de se développer.
Mme Blackburn: Oui...
M. Gingras: Plus on laisse ça aller, plus on laisse
ça sans encadrement et sans règle, plus on va l'accroître
et je pense que la compétition étant ce qu'elle est, lorsque les
travailleurs sont à la recherche d'emplois, on aura tout à
l'heure à vivre un drame qui sera encore beaucoup plus grave que celui
qu'on vit actuellement parce que, si c'est la seule façon pour les
travailleurs d'obtenir des emplois, eh bien, vous allez voir tout à
l'heure qu'ils sont débrouillards.
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: On dit la même chose, M. le
Président. On dit que ça a pu avoir un facteur
d'entraînement. Je pense que ça, on n'est pas en mesure de
l'évaluer. Si vous avez vraiment raison, ça veut dire que la loi
185 adoptée devrait, d'ici les six mois, mettons, faire
disparaître le travail au noir. Alors, il y a des ministres qui seraient
contents s'ils étaient ici; c'est le ministre des Finances et celui du
Revenu. Évidemment, ça aura un effet net pour faire
accroître les revenus.
Mais c'est curieux que vous n'abordiez pas, tous les intervenants... et
j'ai lu les mémoires aussi. Aucun des intervenants n'impute le recours
au travail au noir, le recours à l'économie souterraine, le
trafic des cigarettes, d'alcool et tout ça à la surtaxation. Il
n'y a plus personne; tous ceux qui sont capables d'y échapper
travaillent pour y échapper. Là, on parle de la cons-
truction. Vous avez raison, et c'est un manque à gagner
énorme pour la société. Ça explique une partie de
nos problèmes de caisse. Mais tout à coup, c'est vrai dans tout
ce que les gens peuvent aller acheter aux États-Unis. Même quand
ils installent la douane et qu'ils resserrent, Rs vont y aller pareil. C'est
vrai pour les cigarettes, c'est vrai pour le tabac, c'est vrai pour l'alcool,
et il me semble qu'on va tenter de régler, et je pense qu'il faut le
faire.
Je suis de celles qui pensent qu'il faut travailler pour contrer le
travail au noir, mais, actuellement, des citoyens en colère me disent
dans mon comté que l'appétit absolument vorace des États
en matière de taxation, de tarification et d'impôt fait en sorte
que tout le monde qui peut essaie d'y échapper, et ça, on n'a pas
évalué l'importance de ce facteur sur une pratique qui est en
train de devenir généralisée chez nous. Malheureusement,
je le dis pour le déplorer, c'est en train d'entrer dans nos moeurs, et
les cigarettes... Moi, je suis loin des douanes américaines à
Chicoutimi, et pourtant, on s'en fait offrir. Comme je ne fume pas, pas de
problème. Je me demande si je ne serais pas tentée si je
fumais.
Une voix:...
Mme Blackburn: Mais ça, c'est autre chose. J'aimerais que
vous me disiez...
M. Leclerc: Vous êtes loin des douanes, mais près
des réserves.
De* voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Ah oui! Je ne sais pas si celle-là, elle en
fait beaucoup, par exemple. Ce n'est pa6 cette réserve-là.
Le Président (M. Gauvin): Mme la
députée...
Mme Blackburn: Le pire, c'est que c'est plus des Blancs...
j'allais dire des Blancs qui font le trafic actuellement, qui prennent la
relève, devrais-je dire.
M. Gingras: C'est-à-dire qu'ils servent
d'intermédiaire peut-être pour d'autres.
Mme Blackburn: Oui, ils prennent le relais. Vous avez
tantôt amené un exemple-Une voix: Ils font de la
sous-traitance.
Mme Blackburn: Ils font de la sous-traitance. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Gauvin): Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Vous avez amené l'exemple tantôt d'un
entrepreneur qui, pour poser du gypse, avait utilise 30 entrepreneurs
autonomes. Dans le fond, ce que je souhaiterais qu'on puisse avoir à
cette commission, ce sont des exemples comme le vôtre, mais qu'on puisse
un peu vérifier parce que le problème... Moi, j'ai tout entendu,
là. J'ai à peu près tout entendu, y compris dans mon
comté puis un peu ici, sauf que des vraies affaires qui me disent: Sur
un chantier de construction, au petit centre d'achats quelque part à
Sainte-Anne-de-Bellevue, il y avait 30 entrepreneurs autonomes
là-dessus. Je vais dire que ça, je l'ai entendu, mais je n'ai
rien dit.
M. Gingras: Le problème avec lequel on est obligé
de composer, vous comprendrez, Mme Blackburn, que ce n'est pas toujours facile.
Je lève mon chapeau souvent à la CCQ qui essaie de jouer un
rôle là-dedans pour contrôler un peu les choses. Mais de la
façon que c'est organisé, souvent on leur rend la tâche
très difficile. Quand ils s'acharnent sur un chantier, à un
moment donné, pour essayer de vérifier les preuves exactes, ce
que vous mentionnez là, O.K... Écoutez, ceux qui oeuvrent dans
l'industrie de la construction n'ont même plus besoin d'avoir des preuves
de ce qui se passe. Ils les ont sous les yeux quotidiennement. Ils n'ont plus
besoin de se faire prouver rien là-dedans. Ça, je vous prie de me
croire!
Quand on en discute avec des travailleurs, quand on en discute
même avec les employeurs, ils admettent, à huis clos bien
sûr, qu'on est dans une situation viciée. Mais quand on vient
à les prendre, on vient essayer de vérifier des situations
exactes, comme vous dites, puis d'avoir des preuves tangibles, là, si on
s'acharne à vérifier un chantier, à le surveiller et
à surveiller des personnes en particulier et qu'elles s'en
aperçoivent le moindrement, bien, qu'est-ce qu'elles vont faire? Elles
vont crier «holà», crier au harcèlement et puis elles
vont se plaindre d'être prises à partie par un organisme qui les
présume coupables avant même qu'elles aient posé des
gestes. Non, mais c'est vrai! On est un peu dans une société
comme celle-là.
Mme Blackburn: Vous avez raison.
M. Gingras: On a des problèmes constamment à
régulariser ces situations-là parce qu'on voit de plus en plus de
connivence. Combien de fois j'ai vu des réclamations prouvées
envers et contre tout le monde, qu'on a dû prouver à un moment
donné parce qu'il y avait de la collusion entre un travailleur autonome
et l'employeur pour réaliser des affaires, mais tu réussis
à le prouver. Ça pouvait être un travailleur artisan,
à l'époque, et on a réussi à le prouver. On
réclamait des sommes d'argent et on poussait l'orgie jusqu'à
endosser le chèque et le remettre à l'employeur parce que
c'était la condition pour
avoir d'autre travail dans l'industrie de la construction. Ça, on
a vu ça aussi. Alors, quand on voit ces choses-là se passer, vous
comprendrez, Mme Blackburn, qu'on est en train d'ériger ça en
système comme situation. On ne peut pas tolérer ça sans
dire: Bien, il faut prendre les moyens, il faut prendre les dispositions pour
régler cette situation-là.
Mme Blackburn: Vous avez raison. Je ne demanderai pas davantage
de preuves que celle qui a été fournie par la Commission de la
construction, tout à l'heure, qui nous rappelle qu'entre 1990 et 1991 le
nombre d'heures moyen pour une construction domiciliaire est passé de
431 à 325; 326 pour être plus précise. Évidemment,
c'est assez clair. Non, ça va. Je vous remercie.
Le Président (M. Gauvin): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la députée de
Ver-chères.
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez
très bien cerné le problème. Je vous en félicite.
Il y a une chose qui ressort, et de toute évidence: le problème,
il est sur les chantiers de construction. Je me trompe ou je ne me trompe
pas?
M. Gingras: II est sur les chantiers, évidemment.
Mme Dupuis: Mais ce que je trouve navrant, c'est que vous vous en
prenez... Tu sais, on cible mal, d'après moi. On s'en prend aux
travailleurs autonomes ou aux entrepreneurs autonomes, appelez-les comme vous
voudrez, alors que c'est le gros contracteur qui fait en sorte que les corps de
métiers, les travailleurs, qu'ils soient autonomes ou syndiqués,
se tirent les uns sur les autres.
L'autre problème, c'est la taxation. C'est là que je
trouve ça navrant - et je l'ai dit ici aux travailleurs - que ce soit
des électriciens ou tout ça. C'est le contracteur qui fait en
sorte - le gros contracteur ou appelez-le comme vous voudrez - qu'il claire ses
syndiqués et va en chercher d'autres, bon! Là, il semblerait que
vous vouliez remettre à leur place, entre guillemets, les travailleurs
autonomes ou les petits contrac-teurs, si vous voulez, là! D'accord?
Mais ce n'est pas en les tuant que vous allez les remettre à leur place.
Ce n'est pas en vous tirant les uns sur les autres. On peut vouloir remettre
quelqu'un à sa place et lui dire de revenir à sa fonction
première. Peut-être qu'ils abusent et qu'ils sucent le
suçon des deux bouts. Mais là, avec le projet de loi tel que
formulé, vous n'essayez pas de les remettre à leur place, vous
êtes en train de les tuer, même rendus chez eux, là! C'est
peut-être là que moi, je pense qu'il y aurait lieu de
réviser ça et de trouver le vrai coupable. Si j'étais vous
autres, moi, j'essaierais de faire des propositions et de viser le vrai
coupable qui est peut-être le contracteur. Vous l'avez dit
vous-même, monsieur, tantôt, en disant: C'est du «cheap
labour». Ils vous enlèvent le travail et ils le donnent à
d'autres qu'ils paient mal. C'est du «cheap labour». Donc, qui est
exploité là-dedans? L'autonome et le syndiqué. Au profit
de qui?
J'ai peut-être très mal perçu les choses, mais
à la lumière de ce que vous avez fait, je pense que je vise assez
juste. Je me trompe? Je me trompe?
M. Gingras: Non, non. Vous ne vous trompez pas. Je suis
entièrement d'accord avec ce que vous venez de dire, à savoir que
l'employeur, actuellement, exploite ce filon-là de façon
importante. Je vais vous dire que s'il le fait, c'est parce qu'on lui rend la
tâche possible pour le faire. On a compris, nous autres, que le projet de
loi 185 visait à restreindre la possibilité pour un employeur
justement de continuer d'utiliser ce chemin-là pour continuer de
favoriser une situation qui est complètement inacceptable.
Mme Dupuis: C'est ça. Moi, je pense...
M. Gingras: Si le projet de loi 185, ce n'est pas un projet de
loi qui vise à restreindre les employeurs dans l'utilisation des
travailleurs autonomes, bien moi, je me demande qu'est-ce que c'est, si ce
n'est pas ça. J'ai compris, moi, en tout cas, à la lecture du
projet de loi, c'est qu'on vise à encadrer l'exercice du travail des
travailleurs autonomes et on vise à régir l'utilisation de ces
travailleurs-là par des employeurs. Or, si ce n'est pas ça, bien,
qu'on me le dise immédiatement. J'ai compris que c'était
ça.
Je crois que le projet de loi 185 vise justement les vrais coupables.
C'est pour ça qu'on le soutient et qu'on est d'accord avec le projet de
loi 185, parce qu'on pense que c'est un projet qui est dans la bonne voie pour
régler une partie du problème. On ajoute et on vous dit: II faut
aller plus loin que ça encore. On n'a pas peur pour les travailleurs
autonomes. Ne vous fatiguez pas avec ça. Quand ils n'auront plus la
possibilité ou qu'ils ne seront plus obligés par la pression,
justement, des gros que vous mentionnez de fournir leur travail à
rabais, ils redeviendront des salariés au sens de la loi et ils
profiteront des conditions qui sont prévues pour l'exercice de leur
profession, et c'est ça qu'on recherche. Ne vous méprenez pas, ce
n'est pas autre chose. On ne vise pas à tuer ces travailleurs-là
et on ne vise pas à les écarter. On vise tout simplement à
ramener l'ordre dans une industrie qui en a grandement besoin.
Le Président (M. Gauvin): M. Gingras, merci. J'aurais
besoin, moi, pour pouvoir continuer, du consentement des membres de cette
commission, étant donné que le mandat de la commission
était jusqu'à 19 heures. Est-ce qu'on se donne...
M. Cherry: Moi, je suis rendu à la conclusion.
Mme Blackburn: Moi, j'aurais comme terminé. Oui, c'est
ça. Moi, j'étais rendue à la conclusion.
Le Président (M. Gauvin): ...deux minutes de chaque
bord?
M. Cherry: Deux minutes de chaque côté? Oui,
O.K.
Le Président (M. Gauvin): Excusez-moi. Merci. Donc, je
reconnais M. le ministre pour une minute ou deux et la même chose pour la
représentante de l'Opposition. M. le ministre.
M. Cherry: Merci, M. le Président. D'abord, merci d'avoir
accepté et d'avoir évolué depuis le mémoire de
décembre par rapport à maintenant. Je pense qu'il est important
de repréciser que la volonté de ce projet de loi là est
bien claire: c'est de permettre de délimiter le champ d'activité
du travailleur autonome qui est rénovation, réparation, entretien
dans le résidentiel, les réparations mineures dans les autres
secteurs. S'H veut continuer à oeuvrer - et il a le droit de le faire
comme individu - s'il veut continuer à le faire dans le neuf, ce qu'on
lui dit de faire, s'il ne veut pas devenir un entrepreneur, qu'il devienne un
salarié et qu'il continue à travailler dans le neuf.
Il est important, à mon avis, dès la première
journée, de bien véhiculer l'intention. Ce n'est pas de priver
quiconque de son droit de travailler, mais c'est la façon dont il doit
l'exercer. Quand H fait de l'entretien, de la réparation, de la
rénovation, il peut le faire comme autonome. Quand il fait du travail de
construction dans le neuf, s'il veut continuer à le faire, il peut le
faire comme salarié. S'il ne veut pas, qu'il engage des gens à
son service. Merci.
Le Président (M. Gauvin): Merci, M. le ministre. Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Si je prends le
ministre au pied de la lettre, on pourrait dire aux prochains intervenants
qu'ils n'ont pas besoin de se présenter. La cause me semble
entendue.
Une voix:...
Mme Blackburn: Ha, ha, ha! Alors, écoutez, de façon
plus pertinente, je voudrais vous remercier de votre présentation. La
façon dont vous avez décrit l'évolution de l'artisan vers
le statut de travailleur autonome, tel qu'il se pratique aujourd'hui,
était fort intéressante et extrêmement pertinente.
En ce qui a trait aux travaux de sous-traitance, un par
spécialité, il faudrait voir ce que ça implique selon la
taille des travaux. Je me dis que, pour de très grands travaux, il me
semble qu'on va éprouver quelques difficultés; pour des travaux
de résidence domiciliaire ou de petits commerces, probablement que
ça pourrait toujours se faire. Mais ça. c'est le ministre qui
pourra faire ce type d'analyse là, mais à l'occasion, je saurai
lui rappeler un peu cette proposition. Je vous remercie de votre participation
aux travaux de cette commission.
M. Gingras: Merci. Si vous permettez, juste un petit point de
clarification. Écoutez, il y a peut-être moyen de permettre de
redistribuer des contrats à l'intérieur d'un métier,
à un moment donné, sur un gros contrat. Mais ça ne pose
pas de problème, pour des employeurs qui embauchent des salariés,
mais redistribuer à des travailleurs autonomes, c'est ça qu'on ne
veut pas qu'il se fasse.
Le Président (M. Gauvin): Merci. D'abord, au nom des
membres de cette commission, j'aimerais remercier la Centrale des syndicats
démocratiques et le Syndicat des travailleurs de la construction du
Québec pour leur présentation.
Pour le bénéfice des membres de cette commission, il y a
des démarches qui sont entreprises pour pouvoir avoir à notre
disposition le salon rouge, demain. Cela ne nous est pas confirmé ce
soir. Ça le sera avant l'ouverture de la prochaine séance.
Une voix: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gauvin): Donc, j'ajourne les travaux
à demain, mercredi, 9 h 30.
(Fin de la séance à 19 h 7)