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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le vendredi 15 novembre 1991 - Vol. 31 N° 85

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Interpellation : La Commission de la santé et de la sécurité au travail


Journal des débats

 

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Camden): Je déclare ouverte la séance de la commission de l'économie et du travail. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'interpellation adressée à M. le ministre du Travail par Mme la députée de Chicoutimi sur le sujet suivant: La Commission de la santé et de la sécurité du travail. Est-ce que, Mme la secrétaire, vous avez des remplacements à nous annoncer?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Messier (Saint-Hyacinthe) remplace Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata).

Mme Blackburn: Mme Denise Carrier-Perreault.

Le Président (M. Camden): Mme Carrier-Perreault remplace...

Mme Blackburn: Je ne sais pas qui est membre de l'économie et du travail. Il faudrait que je voie la liste des membres.

La Secrétaire: M. Blais (Masson) est remplacé par Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).

Le Président (M. Camden): Je me permets de vous rappeler brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, l'interpellante, Mme la députée de Chicoutimi, aura un temps de parole de 10 minutes, suivie de M. le ministre, pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de 5 minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'Opposition officielle, le ministre, un député du groupe ministériel. Vingt minutes avant midi, j'accorderai un 10 minutes de conclusion à M. le ministre et un temps de réplique égal à Mme la députée de Chicoutimi. De plus, si un intervenant n'utilise pas entièrement le temps qui lui est alloué, ceci ne réduit pas pour autant la durée de l'interpellation. Enfin, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi. Sur ce, Mme la députée de Chicoutimi, vous avez la parole pour les 10 prochaines minutes.

Exposé du sujet Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, on assiste depuis quelque deux mois à une attaque massive à l'endroit de la CSST qui dénonce, selon les personnes, le déficit, qui dénonce la situation financière de façon générale de la CSST et qui va jusqu'à contester son existence même. Je pense plus particulièrement à M. Augustin Roy qui recommandait ni plus ni moins qu'une révision en profondeur et totale de la CSST.

M. le Président, si le ministre avait fait preuve d'un peu plus de vigilance il y a déjà une année, alors qu'on l'a invité, précisément dans le même exercice qu'on fait aujourd'hui, à prendre des mesures vigoureuses pour corriger la situation, on n'en serait pas aujourd'hui arrivé à cette espèce de situation complètement kafkaïenne qui permet à n'importe qui de dire à peu près n'importe quoi, et je dis: Le ministre est doublement coupable parce qu'il n'a pas agi à temps et parce qu'il est silencieux face à toutes ces dénonciations qui entourent le fonctionnement de la CSST et sa remise en question.

M. le Président, de déclarations fracassantes, alarmistes, voire carrément démagogiques, je dis: S'il y a inflation dans les dépenses de la CSST, l'inflation du discours prend des proportions endémiques. En une semaine, on est passés d'un déficit prévu de l'ordre de 500 000 000 $ à 600 000 000 $ à 1 000 000 000 $. On est obligés de se demander qui dit vrai et, pourtant, on n'est pas à la télévision. Je ne doute pas qu'à moins d'informations claires, nettes et précises du ministre sur l'ampleur réelle du déficit de la CSST, il va se trouver quelqu'un, dans le courant de la semaine prochaine, pour nous dire que le déficit est de 2 000 000 000 $.

L'objectif de cette interpellation, M. le Président, c'est d'abord de faire la lumière sur la situation financière de la CSST et j'attends, comme la population, comme les travailleurs et les travailleuses attendent des réponses claires. Le deuxième objectif, c'est de connaître l'intention du ministre quant aux mesures qu'il entend prendre pour assainir la situation financière de la CSST. Ce que j'attends aussi du ministre, c'est qu'il réaffirme son intention de maintenir et de protéger les acquis des travailleurs et des travailleuses.

M. le Président, de nombreux intervenants voient dans la dénonciation des membres du patronat, en particulier, à l'endroit de la CSST, une manoeuvre de déstabilisation visant à obliger le gouvernement à ouvrir la loi de la CSST, à réduire la couverture des risques et à obliger les travailleurs à cotiser. À la lumière des déclarations faites par M. Dufour du Conseil du patronat, Augustin Roy de la Corporation des médecins et Jean-Louis Gauvin, qui est un actuaire, cette perception n'est pas sans fondement. En effet, M. Dufour déclare au journal Les Affaires, et je cite: "La CSST n'accroîtra sa crédibilité

que si elle élimine les profiteurs du système. " M. Roy dit: "Une révision complète de la CSST s'impose. " Et M. Gauvin, actuaire, dit: "La source du déficit, c'est la trop grande générosité du système", et il ajoute: "Combien de maux de dos sont-ils déclarés le lundi matin?"

En résumé, ces personnes imputent à la générosité du système et aux abus des travailleurs l'augmentation des coûts à la CSST. Je trouve ça un peu court, pas parce que je veuille prendre là défense de la CSST - on y reviendra - mais je trouve ça un peu court comme analyse, parce qu'une fois qu'on a passé ce premier stage, généralement, lorsqu'on en parle avec les syndicats, avec les travailleurs, avec le patronat, je vous dirais, ils partagent, de façon générale, l'avis du Protecteur du citoyen à l'effet qu'il y a une trop grande "judiciarisation" de la CSST, de ses modes de fonctionnement, des procédures d'appel.

À l'arbitrage médical s'ajoute les BRP, les Bureaux de révision paritaire, qui est devenu l'équivalent d'un tribunal également. Et à ce tribunal des BRP s'ajoute évidemment la Commission qui, elle, est un vrai tribunal. La CSST va de plus en plus en appel des décisions du médecin. On sait qu'il y a eu une décision qui a été prise à l'effet qu'on n'allait pas en arbitrage médical à la CSST. Là, la valse est repartie, on conteste. Moi, ce que je veux questionner, c'est cette idée qu'on ne peut solutionner les conflits que par la contestation et les affrontements. Il va falloir qu'on s'interroge sur cette attitude, qui est l'attitude de la CSST, qui est l'attitude des employeurs et qui est l'attitude des employés, des syndicats. Il va falloir qu'on examine ça d'un peu plus près.

Par ailleurs, il y a un certain nombre de problèmes liés à l'augmentation des coûts, et il faut le rappeler et ça fait généralement l'unanimité: la crise économique. La crise économique, et c'est vérifiable depuis 1941... Quand il y a crise économique, il y a une augmentation du jour de réparation ou de consolidation. C'est normal. On l'a vu en 1985, plus proche de nous, où c'est devenu à 55 jours de consolidation. En 1991, qu'on en ait 67, là, c'est un peu plus tannant. Parce qu'il y a 12 jours d'augmentation entre les deux, on aurait dû trouver sensiblement la même pointe. Elle a continué à augmenter. Il faut se questionner sur les raisons profondes de cette situation. Par ailleurs, il y a des facteurs qui l'expliquent. Il y a la crise économique, oui, mais il y a également des attitudes d'employeurs, pas dans la grande entreprise, parce que ce n'est pas payant, mais dans la PME et dans toutes les autres entreprises qui ne favorisent pas, qui ne facilitent pas la réintégration du travailleur dans son poste de travail ou dans des fonctions un peu plus légères.

Un examen de la situation nous amène à la conclusion que si la générosité du système et les abus des travailleurs peuvent expliquer, peut- être, une partie de la croissance, les coûts refiés à la "judiciarisation", aux pratiques administratives de la CSST, les pratiques médicales, les attitudes patronales face à la réinsertion du travail accidenté, et les contraintes syndicales, pèsent très lourd dans la balance. Le système actuel fait la fortune des télécopieurs, des IBM, des Xérox, des avocats et des médecins, puis le malheur, je pensé, le malheur des travailleurs et puis des employeurs qui paient. Mais j'y reviendrai.

Il y a quelque chose qui me préoccupe et j'aimerais vous entendre là-dessus. Alors qu'on sait que partout dans le monde, c'est vérifiable, il y a un rapport, une relation entre là durée d'absence du travail, ou la durée de consolidation, et une crise économique, comment se fait-il que la CSST, en 1990-1991, ait décidé, alors qu'on sait qu'on est en crise économique, de diminuer la cotisation - ça, on peut le comprendre, parce qu'on a besoin de soulager un peu l'employeur; en crise économique, on pouvait le comprendre - mais en même temps de capitaliser? Et comme je ne sais pas à qui on doit la fuite des documents et du rapport prévisionnel de la CSST, mais si je me fie à ceux qui l'ont mis dans les journaux, je doute peu que ce soit du côté du patronat. Et ce document, que, moi aussi, j'ai obtenu, démontre que le déficit est dû à 191 000 000 $ - évidemment, c'était le déficit appréhendé au moment où le rapport a été fait; il va être plus élevé, me dit-on - c'était 191 000 000 $ relatifs aux besoins financiers réguliers de 1991, et c'était un déficit de 375 000 000 $ relatifs aux besoins financiers des exercices antérieurs. On est en train de capitaliser, de se faire un bas de laine, alors qu'on est en pleine crise économique.

Moi, je dirais que la CSST aurait voulu donner de l'eau au moulin aux détracteurs de la CSST pour enrichir les arguments voulant que la CSST, ça coûte trop cher, c'est mal administré, puis il y a quelque chose qui ne va pas dans la machine, on leur aurait donné ça. C'était la situation idéale. Et d'ailleurs, ils en usent, pour ne pas dire qu'ils en abusent. Alors, moi, ça, ça m'étonne. Donc, deux questions, M. le Président. La première, c'est comment se fait-il que la CSST, en pleine crise économique, ait pris de telles décisions? Deuxième question, et là ça touche le fond de la question. Toute la situation pénalise lourdement les travailleurs et les travailleuses, parce qu'en plus de la prolongation d'absence au travail, il y a un engorgement de tout le système et on connaît une situation pire qu'elle l'était à la même date, l'an passé, au moment de l'interpellation. Je voudrais savoir: Combien y a-t-il - deuxième question - de dossiers qui sont dans les différentes procédures d'appel et à la CSST, actuellement? Est-ce qu'on a résorbé les excédents de l'an passé? (10 h 15)

Le Président (M. Camden): Je vous remercie,

Mme la députée de Chicoutimi. M. le ministre du Travail, vous avez la parole pour 10 minutes.

Réponse du ministre M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Je voudrais en début d'exercice que nous faisons ce matin souligner la présence à mes côtés de mes collègues, le député de Saint-Hyacinthe, M. Charles Messier, le député de Beauce-Nord, M. Jean Audet, du président de la direction de la CSST, M. Robert Diamant, du vice-président aux finances du même organisme, M. Pierre Shedleur, de Mme Lise Langlois, qui est vice-présidente à la programmation, M. Jacques Privé, vice-président aux opérations, et également Mme Diane Gaudet, directrice du réseau. Je remercie la députée de Chicoutimi - Pardon! J'oubliais de souligner également la présence de notre collègue, la députée des Chutes-de-la-Chaudière -pour ses remarques préliminaires. Je désire tout d'abord faire un bref rappel historique. Il me semble qu'au début de ces deux heures, il est important que ce soit fait.

La CSST a vu le jour en 1979 par l'adoption de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Par la suite, en 1985, est entrée en vigueur la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. L'un des principes fondamentaux de ce régime, mis en place par le gouvernement qui nous a précédés, repose sur le paritarisme. Il est donc basé sur la responsabilisation des parties. L'élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs et travailleuses, constitue l'objectif fondamental de la CSST. Par ailleurs, ses principaux mandats touchent la prévention, l'indemnisation, la réadaptation et, enfin, l'inspection.

Quelques chiffres pris dans le rapport annuel 1990, M. le Président, dressent un portrait de ce qu'est la CSST. La CSST a effectué, pour l'année 1990, des dépenses de l'ordre de 2 000 000 000 $. Elle a accordé à l'indemnisation la somme de 1 700 000 $. Elle a ouvert, au cours de cette même période, M. le Président, pas moins de 241 000 dossiers. Elle a, par ailleurs, pris environ 1 000 000 de décisions. De plus, et fait à noter, pas moins de 2 400 000 des travailleurs et travailleuses du Québec sont couverts par la CSST, alors que 172 000 employeurs y sont assujettis. Enfin, et il est important de le souligner, 3500 hommes et femmes y travaillent quotidiennement à accomplir son mandat, et sont répartis dans les 21 bureaux régionaux.

Comme celui qui vous parle est responsable de l'application des lois qu'administre la CSST, j'entends défendre l'institution que constitue la CSST et m'assurer que les travailleurs et travailleuses du Québec continuent à bénéficier de ce régime. Le régime de santé et de sécurité du travail au Québec, qui en est un généreux, se retrouve actuellement dans une situation précaire. Les opinions des différents intervenants convergent dans le même sens: le régime de santé et de sécurité du travail est en difficulté. Ces dires sont appuyés par déclarations, et je me permets de les citer. Clément Godbout, article du Soleil du 25 octobre 1991: "Le régime traverse une tempête. Il y a des gens qui travaillent à rendre la situation irréversible, mais - déclare-t-il - on va sauver le régime. Il n'est pas question d'enlever de l'argent à ceux qui se tuent au travail." Fin de la citation. Lors de l'ouverture de la Semaine de la santé et de la sécurité, le 21 octobre dernier, M. le Président, Ghislain Dufour, et je le cite: "La CSST traverse actuellement des moments difficiles. Qu'on me permette seulement de dire que les difficultés financières de l'organisme sont telles que d'importants coups de barre s'imposent pour en assurer la pérennité. Convenons tous qu'ils sont essentiels pour assurer la survie du régime". Fin de la citation.

À l'occasion de l'étude des crédits du ministère, le 17 avril dernier, j'ai brossé les grandes lignes de la situation financière de l'organisme. Les états financiers adoptés le 25 mars dernier indiquaient un déficit de 262 300 000 $ pour l'année 1990. Au 31 mars, on parlait d'un déficit de 317 000 000 $ pour 1991, alors que, au 31 août dernier, le déficit estimé est évalué à 566 000 000 $. Et comme le soulignait ma collègue, le journal Le Soleil, hier, parlait même d'un déficit réel de l'ordre de 1 000 000 000 $.

Dès mon arrivée au ministère, à l'automne 1990, des gestes ont été posés pour redresser la situation financière, mais malgré cette intervention rapide, le déficit a progressé. Les princi-cipales causes pouvant expliquer pareille situation sont, entre autres: la baisse des revenus des cotisations, le ralentissement économique, la hausse des coûts liés à l'assistance médicale et de la réadaptation, et de l'augmentation des indemnités de remplacement de revenus. Au fil des derniers mois, j'ai eu de nombreux échanges avec les intervenants et la direction de la CSST sur des pistes de solution à envisager. Nous sommes aujourd'hui en novembre. Y a-t-il eu des améliorations? Je cite la revue Prévention au travail, édition d'octobre et novembre, où le président de la CSST, M. Diamant, dit et je le cite: "Mais les effets immédiats de nos actions tardent à se faire sentir bien que les mesures mises de l'avant soient excellentes. Leurs effets seront plus tangibles à moyen et à long terme. Pour l'instant, ils sont insuffisants". Fin de la citation.

Devant cette constatation, de nouvelles interventions ont été élaborées, mesures concernant essentiellement la gestion de l'intervention médicale. Ces nouvelles actions concernent des questions aussi larges que, par exemple, la gestion de la réadaptation et la façon dont la

Commission réagit à l'égard des contestations. Ce nouveau plan d'intervention prévoit aussi certaines mesures de compression des dépenses à l'intérieur du budget d'administration de la CSST en adoptant une approche quotidienne plus rigoureuse et rationnelle, et ce, dans une préoccupation de rigueur, de performance, de qualité, et une plus grande sensibilité à l'égard des coûts, et ça sans toutefois enlever des droits aux travailleurs et travailleuses.

Les échanges tenus au cours des derniers mois m'ont permis de constater que les différents intervenants avaient la même inquiétude que celui qui vous parle, soit que te régime est en danger. Face à cette unanimité, j'ai cherché un moyen pour faciliter la concertation. C'est dans cet esprit que j'ai décidé de confier au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre - dont le mandat consiste à donner, notamment, des avis au ministre du Travail sur toute question qu'il lui soumet relativement aux sujets qui relèvent de sa compétence - la tâche suivante, et le priant d'examiner cette question en priorité: Que le Conseil propose au ministre du Travail les changements nécessaires afin d'assurer la sauvegarde du régime de santé et de sécurité du travail. Et c'est avec empressement et sérieux, M. le Président, que le Conseil a accepté le mandat que je lui ai attribué.

Après en avoir fait la demande le 22 octobre dernier, le Conseil a convoqué une première rencontre le 28 octobre; une autre rencontre s'est tenue le 8 novembre dernier, alors qu'une troisième est prévue pour le 3 décembre prochain. Cet exercice de concertation, présentement en cours, se fait de façon très sérieuse, avec beaucoup d'énergie de part et d'autre. Ses membres, qui ont d'ailleurs de nombreuses autres activités, se sont déjà réunis deux fois dans un court laps de temps et ont planifié une autre rencontre.

En terminant, permettez-moi, M. le Président, de faire miens les propos de l'éditorialiste Jean Francoeur, publiés dans l'édition du journal Le Devoir du 22 octobre dernier, et je le cite: "Dans l'immédiat, seule une approche plus rigoureuse, plus cohérente, plus disciplinée, appliquée de l'intérieur même du régime, en toute équité pour les accidentés, les vrais, pourrait permettre à la CSST de franchir cette mauvaise passe, en attendant les résultats du réexamen annoncé par le ministre du Travail." Fin de la citation. J'ai terminé mon allocution. M. le Président.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie. Alors, Mme la députée de Chicoutimi.

Argumentation Mme Jeanne L. Blackburn Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

J'aurais apprécié que le ministre réponde de façon plus précise aux deux questions que je lui ai posées. La première touchait la décision de la CSST de capitaliser en pleine crise économique, et l'autre touchait les dossiers en attente à la CSST.

Le ministre nous apprend, ce qu'on savait déjà, qu'il a créé deux comités, un à la CSST, évidemment c'est la CSST qui l'a créé pour resserrer un peu l'administration, et le second à la Commission consultative du travail et de la main-d'oeuvre. Il l'a fait un an en retard. Un an qu'on lui dit qu'il y a une situation qui mérite qu'on la corrige rapidement. Je voudrais formuler un voeu. D'abord, que le comité travaille rapidement et qu'on puisse prendre connaissance de ses recommandations et que le rapport de ce comité soit soumis à la consultation. Je pense que la population... C'est un choix de société quon s est donné lorsqu'on a créé la Commission de la santé et de la sécurité du travail; c'est aux travailleurs, aux travailleuses, aux employés et aux employeurs qui ont le droit de savoir où le gouvernement veut nous amener et amener la CSST. Je pense qu'il faudra qu'il y ait là-dessus une consultation.

Je vais parler de la "judiciarisation" et des listes d'attente. La "judiciarisation". Un certain nombre de chiffres, rapidement, parce que c'est toujours embarrassant, les chiffres, et vous pouvez fournir d'autres chiffres qui disent le contraire. Mais je puise mes données essentiellement à deux sources: la CSST et la Commission d'appel des lésions professionnelles. 1988-1989: au Bureau de révision, 3498 appels, alors qu'en 1991-1992 on est rendus à 6000, mais il paraît que ça déborderait largement. Là-dessus, je voudrais avoir vos données. En arbitrage médical, on pense qu'actuellement, l'arbitrage médical, on aurait quelque 2000 dossiers en attente, ce qui n'est jamais arrivé dans l'histoire de l'arbitrage médical. À la Commission d'appel, cette année, on aurait 25 % de cas présentés ou de contestations présentées devant la Commission. On en avait quelque 8000 l'an passé. Cette année, on estime qu'il y en aura environ 10 000. 25 % d'augmentation. À la CALP, 72 % des dossiers qui s'en vont à la Commission sont des dossiers de consolidation sur la date d'entrée au travail du travailleur. Et 80 % de l'arbitrage médical se fait là-dessus. 72 % des dossiers qui se rendent à la Commission. Puis, examiner un dossier a la Commission, on estime qu'un dossier, ça coûte 8000 $, et ça, ça ne comprend pas les coûts reliés à l'expertise de l'employeur et de l'employé qui est estimé à 2500 $, à peu près. Autrement, une journée de travail à la CALP pour traiter le dossier, c'est 10 000 $. Bien là, on sait qu'il y a 72 % des dossiers qui se rendent à la Commission alors que le travailleur est retourné au travail. Ils sont en train de contester pour une journée, deux jours, dix jours de travail, qui vont être payés selon par le fonds

ou selon par l'employeur. Là, il y a quelque chose qui ne va pas.

À présent, dans les listes d'attente, moi, je voudrais que le ministre me parle de la situation qui prévaut actuellement dans le dossier de l'Alcan. En 1982-1985... Il y a eu en 1982 des études d'amorcées; 1985, un rapport... déposé à l'effet qu'on reconnaissait des maladies industrielles à l'Alcan. Il y a 1000 cas actuellement qui sont en attente d'une décision. Il y en a 550 qui sont des cas de cancer ou de maladies pulmonaires, et les autres maladies, diverses maladies, et y compris le cancer de la vessie. Dans les 550 cas de maladies pulmonaires, il y a 90 décisions de rendues par la Commission, mais pour les refuser, ils sont remontés directement en appel, on s'en doute. Les dossiers ont été remis à la CSST, ou les plaintes ont été portées, ou les appels ont été portés à la CSST entre 1987 et 1989. Et, voyez-vous, on est quatre ans plus tard, il n'y a aucune décision qui a été prise, qui prévoit le remplacement du revenu ou encore des primes de compensation. Rien. Aucune décision. Moi, je voudrais savoir... Et l'an passé, à pareille date, le directeur du bureau régional nous disait que c'était en bonne voie de solution - le traitement des dossiers progressait - et qu'il y aurait, éventuellement, une entente à intervenir au plus haut niveau de la CSST, avec l'Alcan. Moi, je voudrais savoir deux choses - et là, j'aimerais que le ministre me réponde parce que j'espère que l'exercice va servir à quelque chose - c'est quoi la liste des attentes actuellement à la CSST, tout confondu, CSST, CALP, bureau et l'arbitrage médical?

Le Président (M. Camden): Terminé, Mme la députée.

Mme Blackburn: Et qu'en est-il du dossier de l'Alcan?

Le Président (M. Camden): M. le ministre, pour cinq minutes.

M. Normand Cherry

M. Cherry: D'abord, M. le Président, je tiens à remercier ma collègue, la députée de Chicoutimi. Je suis bien content que le sujet de la "judiciarisation" ait été abordé, car j'ai également des choses à dire à ce sujet.

D'abord, M. le Président, comme ma collègue semble beaucoup se préoccuper de ce phénomène, le matin qu'elle choisira, je l'invite à déjeuner au restaurant situé au 1190, rue Bleury, à Montréal, qui est, en fait, l'édifice de la CSST. Comme moi, elle pourra constater là un spectacle très édifiant. À cette occasion, j'en profiterai, le matin que vous choisirez, ma collègue, pour vous montrer plein d'avocats, tellement que, vous et moi, on croirait se retrouver dans les corridors du Palais de justice. Personne ne peut y échap- per: employeurs, travailleurs et travailleuses, et organisations syndicales ne font que ça, s'enliser dans des avocasseries. Dans un système où doit primer le droit du retour au travail du travailleur et l'aide à toute victime d'un accident de travail, ce système dont on parle s'est transformé en une tour infernale de procédures. Même les permanents syndicaux baragouinent sur la santé et la sécurité, et sont les seuls à se comprendre. Entre vous et moi, il est déjà assez difficile de subir un accident que l'accidenté pourrait bien se passer de ce genre d'avocas-series.

M. le Président, je vous prends à témoin. Dans vos fonctions de représentant à l'Assemblée nationale, et l'ensemble de nos collègues, quand il se présente un de ces cas-là dans nos comtés, c'est déjà, sur le plan humain, difficile. Vous en savez quelque chose, M. le Président. C'est déjà difficile. Et, là, il fait face. Même les gens qui prétendent le représenter et qui l'accompagnent, ce travailleur, cette travailleuse accidentée a le sentiment qu'on parle de tout autre chose excepté que de son cas. Ils font appel à leur bureau de député et qui, également, souvent, fait face à la complexité, au langage procédurier. On se bat à coups d'articles et de numéros pendant que celui qui souffre et qui subit des sévices a hâte qu'on parle de son cas. Et on retrouve peut-être là-dedans, M. le Président, une des réponses à l'engorgement du système, parce que l'accidenté, lui, a le sentiment qu'on parle de tout autre chose que de son cas. Et, pourtant, il en est la victime, celui qui, au milieu, aurait le droit de comprendre pourquoi il fait l'objet de ce genre de débat cette journée-là.

Je ne voudrais surtout pas que mon intervention soit interprétée comme un jugement sévère à l'égard du régime de la santé et de la sécurité du travail. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut à tout prix, M. le Président, changer la culture entourant la loi et l'axer sur l'accidenté. En un mot, il faut humaniser le système. Il faut arrêter de confronter le travailleur ou la travailleuse victime d'un accident de travail à des interprétations juridiques, mais plutôt l'accompagner dans sa démarche. Le régime doit le prendre en charge et l'aider à cheminer dans les différents paliers, et ce, pour le conduire à la réadaptation et le retour au travail, et ce, rien de moins, M. le Président.

J'aimerais que dans la nouvelle culture que je souhaite voir implanter pour la protection du système, M. le Président, on parle du premier droit de l'accidenté en ayant obtenu des soins de qualité, pleins et entiers. Son premier droit est le retour à son travail. Ça, M. le Président, quand on sera arrivés à cet objectif-là, ensemble, nous aurons accompli tout un changement de culture dans le fonctionnement de la CSST. Si je dois m'excuser auprès des disciples de Thémis - mais je suis certain, sans même leur avoir parlé ce matin, que ça va devenir un de leurs

sujets de conversation privilégiés - encore une fois, si j'ai à m'excuser... mais ma collègue de Chicoutiml était la énième personne à m'en parler, et pour la première fois, j'avais l'occasion, enfin, d'en parler en public. Merci, M. le Président. (10 h 30)

Le Président (M. Camden): Merci, M. le ministre.

Mme Blackburn: M. le Président, je ne sais pas si je peux demander au ministre s'il peut sortir de son texte et répondre aux questions. C'est permis en interpellation.

Le Président (M. Camden): Est-ce que je peux vous rappeler, Mme la députée, que vous aurez cinq minutes pour intervenir.

Mme Blackburn: Ça va

Le Président (M. Camden): La parole est maintenant au député de Saint-Hyacinthe, pour cinq minutes.

Mme Blackburn: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Camden): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Charles Messier

M. Messier: Merci, M. le Président. M. le ministre, chers collègues, mesdames et messieurs, c'est avec plaisir que j'ai accepté, ce matin, de participer à l'exercice de l'interpellation. Il est bien évident, M. le Président, que la CSST représente pour nous, les députés, et je pense que vous en êtes fort conscient, une préoccupation très importante. Nous sommes tous confrontés un jour ou l'autre, dans notre travail quotidien, à rencontrer des victimes d'accidents du travail ou des entreprises insatisfaites des services qu'elles reçoivent de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est donc dire qu'il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour améliorer ce régime parmi les plus généreux au monde, comme le disait le ministre du Travail il y a quelques minutes. De plus en plus, dans les journaux et dans nos bureaux, des hommes et des femmes dénoncent une trop grande "judiciarisation" et des délais toujours grandissants dans notre régime. Le ministre en faisait mention il y a quelques minutes.

Ceci étant dit, l'an passé, lors d'un exercice semblable à celui de ce matin, et pour répondre à la députée de Chicoutimi, les bureaux de révision paritaires accumulaient 17 700 dossiers en attente de traitement. Malgré une augmentation des demandes de 29 % par rapport à 1990, le plan de redressement, mis en place pour réduire les délais et le nombre de dossiers en attente, fonctionne. Effectivement, de janvier à octobre 1991, les bureaux ont tenu 15 153 auditions, ce qui représente un niveau d'atteinte de 107 % par rapport aux objectifs poursuivis. Par rapport à 1990, le nombre de demandes terminées a augmenté de 22 %. Cette augmentation a permis de réduire le nombre de demandes à traiter dans une proportion de 6 %. Ce n'est pas tout, M. le Président, car le délai moyen de convocation pour l'ensemble des régions est présentement de six mois. Dix régions ont un délai même inférieur à six mois; quatre régions ont un délai de six à sept mois; trois régions ont un délai de neuf mois. Pour ces trois dernières régions, on m'informait ce matin que des mesures sont prises pour accélérer la réduction du délai.

Depuis octobre 1989, M. le Président, ça représente une réduction des délais moyens de l'ordre de 50 %. Au lieu de jeter la pierre, comme le faisait la députée de Chicoutimi, on devrait saluer les efforts aussi considérables en faveur du citoyen usager, et surtout encourager ceux et celles qui travaillent à de telles réalisations à poursuivre leurs efforts. Ça, M. le Président, c'est une attitude responsable!

Un mot juste pour signaler que le vingt et unième rapport annuel du Protecteur du citoyen, M. Jacoby, pour l'année 1990-1991, mentionne une baisse de l'ordre de 15 % du nombre de plaintes reçues par rapport à l'année précédente. Voilà un indice, M. le Président, qu'il y a encore du travail qui se fait, et qu'à la CSST on travaille pour améliorer ces services. La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles a vu son budget presque tripler en trois ans, passant de 9 800 000 $ en 1989, 16 500 000 $ en 1990 et 23 500 000 $ en 1991. C'est quand même des efforts considérables pour rendre un meilleur service, plus rapidement.

M. le Président, nous avons tous entendu parler du service de conciliation mis en place à la Commission d'appel: 75 % des dossiers soumis à la conciliation se sont réglés avant audition. C'est une première au Canada, M. le Président. C'est avec des initiatives comme celles-là qu'on va réussir à réparer les dommages considérables causés par l'attitude irresponsable de nos collègues d'en face. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Camden): C'est terminé? Alors, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: ...garder un ton assez serein, et ça, c'est le genre de remarques inutiles et complètement dépassées. Ce genre de politique-là, je pensais que c'était un peu dépassé chez vous. D'autant que j'aurais souhaité que le gouvernement et le ministre fassent les mêmes efforts qu'on peut saluer et que je salue

avec le député de Saint-Hyacinthe, les efforts des BRP. Si le ministre avait fait les mêmes efforts, peut-être qu'on ne serait pas dans le pétrin où on est aujourd'hui, s'il avait pris des décisions l'an passé, ce qu'il n'a pas fait. Et le ministre peut sortir de son texte!

Les gens, ce qu'ils attendent aujourd'hui, M. le ministre, ce sont des réponses claires, pas du "vasage". Il est permis de sortir de son texte et de nous répondre. Il y a combien de dossiers en attente? Qu'est-ce qui se passe dans le dossier de l'Alcan? Et là, je reviens avec des données. Il y a moins d'accidentés, il y a moins de victimes d'accidents de travail, c'est prouvé, qui reçoivent des compensations. L'évolution va, et j'ai des tableaux ici que j'ai pris à la CSST et que vous avez tous. On constate, par exemple, qu'en 1988, 216 000 accidentés de travail, avec 4900 cas à la Commission d'appel et 16 000 aux BRP... On a 180 000 en 1991. Et là, vous vous retrouvez avec 10 000, je dis bien 10 000, à la Commission d'appel, et puis vous en avez 24 000 aux BRT. Les prévisions, c'est 24 000 dossiers, causes qui seraient entendues à la Commission. Un petit peu moins, là, si on reprend vraiment les chiffres, mais on sait que sur 10 mois, ça vous donne, si vous établissez sur 12 mois, vous avez 24 000.

Il y a la "judiciarisation". Mais il y a des pratiques. Moi, je dois dire aujourd'hui, contrairement à ce que le ministre dit, c'est que si on peut penser que les avocats occupent une place importante actuellement - et c'est vrai, beaucoup trop importante - on ne peut pas en même temps dire que c'est de leur faute. Là, je suis obligée de dire en toute... Parce que j'ai réfléchi beaucoup. Ils répondent à des invitations qui sont faites par la CSST, l'employeur et l'employé. Ça là, soyons clairs là-dessus. La CSST a des pratiques de poursuite. Moi, je pense que quand on est en poursuite contre le gouvernement, pas sans raison, le gouvernement qui ne respecte pas sa loi en matière de paiement des inspections, on peut croire que la CSST a raison.

Mais est-ce qu'il faut encore une fois - il y a une espèce de culture qui s'est installée -qu'il faut toujours s'inscrire dans une démarche de contestation? Est-ce que c'est normal? M. le Président, je veux savoir, il y a combien de dossiers en attente, et est-il exact qu'actuellement à la Commission d'appel, c'est 22 mois? Est-il exact qu'à l'Alcan, qu'après quatre ans, on n'a pas de dossiers de réglés? Il y a même quelque chose comme 450 dossiers qui n'ont même pas franchi la première étape, M. le Président. C'est ça que les gens veulent savoir.

Le ministre m'invite à déjeuner. Eh bien, bravo! le ministre m'invite à déjeuner. Ça, ça va informer le monde, ça encore! C'est gentil là, mais ça n'informera pas davantage le monde. Et la façon qu'il a de s'en prendre aux avocats pour expliquer l'attitude, moi, je pense, j'y ai pensé aussi que c'était ça, mais c'est essentiellement dû à un marché qu'on leur a offert qui s'appelle les attitudes patronales, syndicales et celles de la CSST.

M. le Président, le ministre nous parle d'une nouvelle culture. Moi, je voudrais qu'on se parle ce matin, parce que c'est ça que les gens attendent d'une interpellation, c'est qu'il sorte des informations claires, nettes et précises. Pour arrêter le discours démagogique qu'on entend actuellement... Et il n'a pas répondu à la première question, les décisions d'ordre financier de la CSST, il ne nous en a pas parlé. La durée de consolidation, actuellement, qui est par rapport à 1985, on avait 55 jours, on a 67 jours. Il y a 12 jours d'augmentation. Et ça, c'est anormal! Autant on peut penser qu'il y a une pointe en période de récession économique, autant une augmentation de 12 jours est inacceptable. Il faut voir qu'il y a une espèce de cause dans le recours aux appels et à la contestation, mais aux pratiques médicales également. Les pratiques médicales, quand j'ai vu les données là-dessus, je me suis dit: Si la CSST panique un peu, tous les travailleurs qui sont victimes d'un accident, si la CSST fait le malheur de certains travailleurs qui sont en attente, eh bien, ça fait la fortune des avocats, surtout des médecins et des physiothéra-peutes, et l'augmentation des traitements et des actes médicaux est faramineuse.

Je reviendrai tout à l'heure. Est-ce que le ministre peut répondre aux trois premières questions? Il pourrait sortir de son texte.

Le Président (M. Camden): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. M. le ministre du Travail, pour cinq minutes.

M. Normand Cherry

M. Cherry: M. le Président, quand ma collègue a débuté dans son intervention précédente, elle est revenue maintenant en parlant de la "judiciarisation". Je tiendrais à lui rappeler que les lois qui ont été faites, celles de 1978 et de 1985, contiennent 596 articles. Quand on ne veut pas "judiciariser" un système, on fait plus confiance aux parties qu'aux avocasseries. Et quand j'ai parlé des disciples de Thémis, Mme la députée de Chicoutimi, je peux également vous tenir le même langage concernant ceux qui, aussi bien dans les assemblées syndicales que dans les bureaux de direction du personnel, sont les seuls à comprendre le langage et utilisent des mots qui sécurisent beaucoup plus leur propre emploi que de répondre aux vraies décisions. (10 h 45)

Et dans ce sens-là, madame, quand je vous ai offert le petit déjeuner - et je ne vous le reproche pas, bien au contraire, vous débutez dans ce dossier il y a à peine six semaines - et je suis convaincu que c'est un exercice que, quand nous le ferons ensemble, nous permettra à tous les deux de mieux cheminer dans les

objectifs que nous voulons accomplir, soit protéger le régime. Je vais rentrer dans plus de détaHs dans ce qui se fait présentement. Pourquoi le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre est maintenant chargé de me donner des avis? Le Conseil, c'est un organisme d'étude et de consultation qui a été institué le 18 décembre 1968, en remplacement du Conseil supérieur du travail. Et par définition, le Conseil est un carrefour où se rencontrent régulièrement les grands partenaires sociaux de l'État pour discuter de toutes les questions relatives aux rapports collectifs et individuels de travail, des normes du travail, de la main-d'oeuvre, à la santé et à la sécurité du travail ainsi qu'à la sécurité du revenu. Donc, ça fait partie de son mandat. Dans son mandat général, et je le répète, il est inscrit que le Conseil peut donner son avis au ministre du Travail sur toute question qu'il lui soumet relativement aux sujets relevant de sa compétence. De plus, je tiens à le préciser, le Conseil est un organisme autonome. Ses dépenses sont payées, M. le Président, à même les crédits votés par l'Assemblée nationale du Québec.

Outre ces différents éléments, le mandat confié au Conseil se veut un forum de discussion privilégié par les parties. Devant le mandat que je lui confiais, le Conseil a mis sur pied un comité spécial où se retrouvent: le président de la CSST; du côté patronal, MM. Alexandre Beaulieu, Pierre Comtois, Ghislain Dufour et Franco Fava - oui, M. Franco Fava, celui que vous avez cité tantôt; du côté syndical, MM. Normand Brouillet de la CSN, Clément Godbout de la FTQ, Mme Céline Lamontagne de la CSN et M. Serge Trudel de la FTQ. Au risque de me répéter, M. le Président, je tiens à redire que la démarche entreprise se fait avec sérieux. Le comité s'est réuni les 24 octobre et 8 novembre et fera de même le 3 décembre. Malgré leurs nombreuses occupations, ses membres se seront rencontrés trois fois en l'espace d'un mois et demi. Voilà des faits prouvant que cet exercice de concertation est pris au sérieux. Et dans le même sens, j'en profite pour annoncer publiquement que j'ai demandé à mon nouveau sous-ministre, M. Pierre Gabrièle, d'agir comme observateur du ministre à ce comité.

Par ailleurs, j'ai adressé une demande au Conseil pour qu'il examine tous les mémoires que voudront bien lui soumettre toute personne ou tout groupe intéressés par ces travaux. De plus, le ConseH m'a déjà assuré de sa volonté d'entendre un certain nombre de personnes et de groupes. Le président du Conseil m'a d'ailleurs fait savoir que le comité entendra la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. M. le Président, j'ai personnellement confiance en la démarche en cours par le Conseil. Le silence des parties, hors de tout doute, démontre leur sérieux. Loin de se cacher, elles ont accepté de recevoir des mémoires ainsi que d'entendre les personnes et les groupes qui se manifesteront. Je tiens d'ailleurs à informer ma collègue que, si jamais elle souhaitait être à son tour entendue, je me ferais un plaisir d'acheminer sa demande au Conseil. Toute ma confiance est dans les parties, et je vous assure, M. le Président, que c'est avec impatience que j'attends les résultats de leurs travaux.

Le Président (M. Camden): Merci, M le ministre. Maintenant, pour une période de cinq minutes, je donne la parole au député de Beauce-Nord.

M. Jean Audet

M. Audet: Merci, M. le Président. M le ministre, chers collègues, mesdames, messieurs. M. le Président, j'ai accepté de participer aux travaux de ce matin parce que je pense, comme ceux qui m'ont précédé, que le sujet est très important au point de vue économique. Une chose aussi qui est très importante, j'aurais aimé, de la part de ma collègue, entendre parler un peu plus de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Lorsqu'on fait la lecture des états financiers et qu'on constate les sommes colossales qui sont versées chaque année en indemnités de remplacement de revenu, en indemnités de réadaptation et en indemnités pour dommages corporels, on se rend compte à quel point un accident évité rapporte à l'ensemble de notre collectivité. Notre gouvernement l'a compris, et c'est pourquoi nous avons introduit, en décembre 1989, une réforme de la tarification. Il s'agissait, M. le Président, de trouver un moyen d'arriver à conscientiser et à responsabiliser nos employeurs au mérite d'investir dans la prévention. La tarification s'est avérée un outil formidable, un levier qui permet d'augmenter l'intérêt des employeurs dans la prévention des accidents. Les employeurs peuvent maintenant utiliser la tarification comme un outil de gestion qui favorise le suivi des dossiers et des gestes concrets en matière de prévention. Le comptable d'une entreprise, par exemple, peut maintenant s'adresser au président de la compagnie pour lui indiquer les investissements utiles à la réduction de sa facture à la CSST. Donc, la prévention, c'est payant!

M. le Président, il y a un autre phénomène que j'aimerais souligner, c'est la perception de plus en plus répandue chez les entreprises de considérer les inspecteurs de la CSST comme des alliés, des collaborateurs dans cette recherche d'améliorer la performance de l'entreprise en matière de prévention. On parlait de changement de culture, M. le Président, tout à l'heure. Je pense que c'est important de souligner ces choses-là. Ainsi, au cours de l'année 1990, des équipes régionales de prévention-inspection ont effectué 48 357 visites dans des établissements et

des chantiers, ce qui représente une augmentation de 10 % par rapport aux 43 984 visites de l'année 1989. Le nombre de dossiers où la Commission est intervenue dans le cadre d'activités d'assistance, d'évaluation ou de contrôle à caractère aussi bien incitatif que coercitif, s'élève à 12 483, soit 66 % du total des dossiers reçus. Je crois, M. le Président, que c'est très important de le souligner. C'est un changement de culture important qui, à mon avis, est beaucoup plus significatif que tous les propos que j'ai entendus, à date, de l'autre côté de cette Chambre. Merci.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie M. le député de Beauce-Nord. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le ministre nous dit: J'agis, j'ai pris des décisions, j'ai nommé un comité. Mais ça fait six ans que le gouvernement est au pouvoir, et il risque de le perdre sans l'avoir exercé, ce pouvoir, si ça continue!

M. le Président, la situation économique financière de la CSST était en surplus en 1988. Les politiques de capitalisation et la politique de tarification ou de cotisation ont été modifiées. Si on avait maintenu les politiques de tarification de 1987-1988, on n'aurait pas les problèmes économiques qu'on connaît actuellement. Je pense qu'il faut dire ça au député quoiqu'il y avait probablement des choses a faire, il fallait peut-être soulager l'employeur, mais il n'en demeure pas moins que, ces politiques-là, si elles avaient été poursuivies, on ne connaîtrait pas le marasme actuel. Cependant, je le dis tout de suite, parce qu'il faut être clairs là-dessus, je ne serai jamais en faveur de l'abus d'un système et je constate qu'à l'intérieur, il y a des abus.

En ce qui concerne les avocasseries qui existent effectivement, je dis que c'est vrai qu'une fois dans le système ils en abusent probablement, mais ce n'est pas eux qui l'ont généré. C'est généré par la CSST, les employeurs et puis c'est des pratiques et une culture. Moi, je voudrais dire... Il nous dit qu'il va faire une consultation et que les gens pourront, à volonté, se présenter devant un comité. Ce n'est pas de ça qu'on a besoin. On a besoin d'une consultation publique. Le catimini, là, je pense qu'il faudrait... si c'est ça qu'il nous propose, ce n'est pas vraiment ça dont on a besoin. Il nous dit: M. Fava siège sur ce comité. Bien, à la fois ça doit me rassurer et m'inquiéter. Alors, si M. Fava est bien informé, ça veut dire que les données qui paraissaient hier dans le journal Le Soleil, elles étaient fondées. Le ministre ne nous a pas répondu là-dessus. Moi, je pense qu'on est ici pour répondre à un certain nombre de choses. Je n'avais pas parlé de M. Fava, c'est le ministre qui l'a amené sur ie sujet parce que je trouvais que ça m'apparaissait un peu excessif.

Alors, M. le Président, je vais vous citer quelques chiffres sur l'augmentation des traitements des actes médicaux et des traitements de physiothérapie. Je vous les donne et il faut toujours penser qu'on part de 1988, où il y avait 216 000 personnes qui étaient accidentées du travail et on avait, à l'époque, en 1988, pour 216 878 actes médicaux. En 1990, on a 14 000 travailleurs de moins qui sont accidentés, mais là on a 1 022 000 actes médicaux. Mais là où ça se gâte, là, c'est en physiothérapie. En physiothérapie, pour 216 000 travailleurs, on avait 1 162 000 traitements. Là, on a 180 000 travailleurs, et les données sur six mois de cette année nous démontrent qu'on aura, avec 36 000 travailleurs de moins, 1 000 000 d'actes de plus en physiothérapie. Et, ce qu'on nous dit dans les cliniques de physiothérapie? Deux choses. La première, si vous êtes accidenté du travail, vous recevez de deux à trois fois plus de traitements que si vous êtes accidenté de toute autre source. Si vous vous cassez une jambe au travail ou au ski, vous allez avoir deux à trois fois plus de traitements de physiothérapie. Il est démontré qu'à plus de 20 traitements, ça nuit à la personne. Et là, on va de quelque 60 traitements à 150, et il y a un rapport entre cette situation et la privatisation. Et là, il y a la privatisation, le recours aux cliniques privées. Parce que les données qui nous sont fournies par la CSST démontrent que, si vous avez recours, il y a plus de traitements si vous vous en allez dans une clinique privée que dans le public, alors que le public traite les cas les plus lourds; François-Charron, par exemple. Alors, on a un problème, là. On a un problème énorme! Et ce qu'on me dit, c'est que, même si le physiothérapeute envoie un rapport comme de quoi les traitements ne donnent plus de résultat, la CSST se retrouve avec le même dossier deux semaines après, où ie médecin a recommandé à nouveau 15 traitements. Je dis: Ça, là, M. le ministre, quand vous allez sortir de cette Chambre, payez-vous une clinique où vous avez un médecin puis quelques physiothérapeutes. C'est plus payant que la loto!

Une voix: C'est sûr.

Mme Blackburn: Sûr de gagner. Je voudrais savoir ce que le ministre pense de cette situation et comment pense-t-il la corriger.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, Mme la députée de Chicoutimi. Je cède maintenant la parole au ministère du Travail, pour une période de cinq minutes.

M. Normand Cherry

M. Cherry: M. le Président, dans un premier temps, j'aurais souhaité... Et c'est une phrase

que je tire d'une déclaration à l'Assemblée nationale du chef de l'Opposition, qui avait dit que, souvent, dans un débat, les statistiques sont comme un lampadaire; elles servent, à l'ivrogne, beaucoup plus souvent à s'appuyer qu'à l'éclairer. C'est pour ça que j'ai voulu tenter d'extraire... qu'on fasse ce matin un débat de statistiques. J'avais trouvé que c'était très à-propos. Il a dit que, souvent, les statistiques sont au policitien ce que le lampadaire est à l'ivrogne; elles lui servent beaucoup plus à s'appuyer qu'à l'éclairer. Alors, je n'ai pas voulu embarquer dans une guerre de chiffres ce matin.

Il semble également qu'elle interprète ça. Elle n'a pas entendu les commentaires que mes collègues ont faits; elle prétend que je veux éviter. Alors, je vais lui donner quelques statistiques en espérant qu'elle va les entendre et que ça va répondre, et je vais également répondre dans le cas de son comté. Le cas de l'Alcan, c'est important, vous l'avez soulevé à deux reprises; on va vous en parier. Dans le cas des BRP, il y a eu 21 511 dossiers de traités en 1991 par rapport à 19 885 l'année précédente. Ça vous fait plaisir comme chiffre? Et, dans les délais, il y a eu une réduction de 50 %. Les gens attendent moins longtemps. Ça ne veut pas dire qu'il sont satisfaits du résultat; ça veut dire qu'ils attendent moins longtemps. Dans les dossiers de la CAMLP, on en a parlé tantôt, mon collègue l'a fait: augmentation des budgets, augmentation du nombre de commissaires. Le Service de la conciliation: le nombre d'appels augmente, vous l'avez souligné tantôt. C'est pour ça que je vous ai tenu le langage de la "déjudiciarisation". Elle se situe là en grande partie, la réponse, et c'est pour ça que je l'ai confiée. (11 heures)

Dans le dossier de l'Alcan, les gens de votre région auraient dû vous informer que, depuis les deux dernières semaines, il y a une personne assignée à plein temps au seul dossier de l'entreprise Alcan. Donc, madame, il y a là des efforts de faits pour répondre. Je sais que vous en avez profité pour nous passer un cas de comté; il paraît que c'est une pratique. J'aurais souhaité, personnellement, que, ce matin, nous tentions d'élever le débat au-delà de la par-tisanerie politique. Je pense que les gens qui nous écoutent ce matin, accidentés du travail, employés de la CSST et les employeurs qui contribuent, souhaiteraient le niveau de débat que nous avions jusqu'à maintenant convenu de faire entre vous et moi. Et, là-dessus, je le souligne; je préfère la performance de ce matin à ceWe que votre prédécesseur, l'année dernière, nous avait offerte, parce qu'il avait terminé les dernières 20 secondes d'un débat de deux heures, comme celui de ce matin, sachant qu'il ne pouvait y avoir aucune forme de réplique de ma part, il avait terminé par ces mots, madame - je ne vous les attribue pas; votre qualité d'intervention est beaucoup mieux que la sienne - il avait dit: Je demande maintenant au président de la CSST de retourner chez lui et de nettoyer son écurie. Je peux vous dire, madame, que les 3500 hommes et femmes qui travaillent quotidiennement à la CSST, ceux qui sont sur la première ligne de feu, ceux qui sont des partenaires indispensables dans le débat qui nous préoccupe présentement, et qui vont être associés à la démarche de redressement, qui vont accompagner le bénéficiaire, se sont sentis humiliés de voir leur organisme, qui est leur quotidien, se faire traiter d'écurie. Et ça, madame, là, je suis content qu'on relève le niveau de ce débat-là, et je suis content que ce matin vous n'ayez pas décidé de vous faire accompagner par lui, mais beaucoup mieux par notre collègue, la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Prévention, puis la tarification. Vous aimeriez qu'on vous en parle, ça vous intéresse, je présume? O.K. Pour moi, la prévention a toujours été importante et elle l'est encore, madame. La prévention des accidents, c'est humainement et financièrement rentable. Tout d'abord, depuis son entrée en vigueur en janvier 1990, la nouvelle tarification adoptée par mon gouvernement fait en sorte que prévention et cotisation vont de pair. En effet, depuis ce temps, le mode de calcul de la cotisation tient compte de l'expérience de chacun des employeurs en matière de lésions professionnelles.

On m'indique que mon temps s'écoule, parce que j'ai pris un peu de temps pour répondre à vos statistiques, mais je croyais que vous aviez souligné à deux reprises qu'il était important de le faire.

Alors, tout ce que je vous indique en terminant, des données qui pourront vous être fournies concernant les entreprises, des profits que certains pourront dire que des employeurs pourraient empocher de ça, je me permets de vous dire que mes 25 années d'expérience chez Canadair, où j'avais la responsabilité de négocier les conventions collectives, j'ai toujours préféré faire affaire avec un employeur qui avait de l'argent dans sa caisse. Ça négocie mieux! C'est pour ça que je veux que la nouvelle culture, je veux que les entreprises et que les syndicats, travailleurs et travailleuses, acceptent la collaboration de la CSST, perçoivent l'inspecteur comme un allié dans sa démarche d'améliorer.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le ministre. Maintenant, le député de Saint-Hyacinthe pour une période de cinq minutes.

M. Charles Messier

M. Messier: Merci, M. le Président. J'aimerais profiter des quelques minutes de mon intervention pour dire que la Commission de la santé et de la sécurité du travail fait des efforts considérables pour humaniser son mode de fonctionnement. C'est dommage que la députée de

Chicoutimi n'ait pas embarqué sur cette trame-là parce que c'est quand même des efforts, on l'a dit, de faits, vraiment considérables, pour parler de prévention. Et la prévention, c'est pour éliminer les accidents du travail et on n'a pas entendu son discours par rapport à ça. Viendra peut-être le temps, il nous reste encore une heure. J'aimerais entendre la députée de Chicoutimi en parler un peu.

Concernant l'humanisation du mode de fonctionnement; à cet égard, j'aimerais saluer le travail colossal effectué par Mme Lise Thibault, vice-présidente aux relations avec les bénéficiaires. Mme Thibault, malheureusement, est absente ce matin. Mme Thibault, en 1990, a tenu 26 journées pour mieux se prendre en main dans toutes les régions du Québec. Elle a rencontré 1695 bénéficiaires. De ce nombre, M. le Président, 698 étaient accompagnés de leur conjoint. En tout, il y a eu 2573 participants. De plus, la participation d'observateurs de différents bureaux de comté, d'associations d'employeurs, d'associations syndicales, hôpitaux et CLSC, a été remarquée. Même le député de Saint-Hyacinthe a été remarqué à une de ces journées-là.

Une voix: Bravo!

M. Messier: Merci. Ce travail, M. le Président, je tiens à le souligner, parce que c'est bien moins spectaculaire qu'une manchette de journal, mais beaucoup plus efficace pour aider les travailleurs et travailleuses accidentés à se prendre en main pour améliorer la qualité des relations avec la CSST, et finalement, faciliter leur retour au travail.

La vice-présidente aux relations avec les bénéficiaires a mis aussi à la disposition des travailleurs et des travailleuses accidentés un guide qui s'appelle "Pour mieux se prendre en main", guide relativement efficace pour les analphabètes et ceux qui souffrent de problèmes de l'ouïe, parce que, accompagnée de ce guide-là, il y a une bande audio, et ça leur permet de mieux comprendre les étapes qu'ils auront à franchir avant leur retour au travail. C'est là, M. le Président, un geste concret posé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour améliorer la qualité de ses rapports avec les citoyens. Voilà une façon originale d'humaniser les services offerts par la Commission, sans compter les activités structurées d'accueil et de support des 21 directions régionales sur l'ensemble du territoire de la province.

En terminant mon intervention, je voudrais souligner le fait que les outils mis à la disposition des agents de la Commission se sont améliorés de manière à réduire de façon considérable le nombre d'erreurs. Je suis à l'aise pour en parler. J'ai vécu à la Commission de la santé et de la sécurité du travail quelques années, soit environ 10 ans. Selon le rapport du Vérificateur général, déposé en novembre 1990 à l'Assemblée nationale, le pourcentage de dossiers comportant des erreurs a été ramené de 16,5 %, qu'il était en 1987, à 9,3 % en 1989. J'aimerais souligner que ces outils sont mis à la disposition régulièrement de façon à respecter l'interprétation des courants de jurisprudence provenant de la Commission d'appel.

M. le Président, c'est un travail gigantesque qui permettra de diminuer le nombre de contestations à plus ou moins court terme. C'est une autre démonstration qu'humaniser ne se fait pas toujours en légiférant, mais en mettant à la disposition des accidentés des outils, comme j'en ai fait mention tout à l'heure. J'aimerais rappeler à la députée de Chicoutimi, qui a été critique dans plusieurs éléments, qu'elle a fait de très beaux discours concernant l'analphabétisation, mais j'aurais été fier d'elle, ce matin, si elle avait parlé en bien de ce guide: "Pour mieux se prendre en main". Je ne sais pas si elle l'a reçu à son bureau de comté, mais, moi, je l'ai lu, je l'ai parcouru, et je puis dire: Félicitations à la CSST, parce que c'est un guide où les accidentés pourront s'y retrouver. Ça leur donne leurs droits, leurs obligations, et ça permet de s'y retrouver avec la CSST. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Maintenant, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, pour une période de cinq minutes.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Non, je n'ai pas l'intention de faire des critiques acerbes et très méchantes sur la CSST, puisque le député de Saint-Hyacinthe l'a amplement félicitée. Je vais donc passer outre. Moi, personnellement, M. le Président, effectivement, je voudrais parler d'un dossier. C'est un dossier qui me préoccupe d'une façon un petit peu particulière, mais, rassurez-vous, ce n'est pas un dossier de comté. S'il me préoccupe de cette façon-là, c'est parce que c'est un dossier qui touche les femmes, et vous savez très bien que c'est le dossier qui est le mien, ici, à l'Assemblée nationale. Je fais référence, en fait, au cas des caissières de Provigo. C'est un cas qui est tout à fait d'actualité, je pense, M. le Président, les caissières qui oeuvrent dans les marchés d'alimentation en général, mais, plus particulièrement, celles de Provigo à Port-Cartier. On se rappelle que... Bon, il y a un bref historique. Il y a eu une plainte en 1988 et les gens disaient... En fait, les caissières se plaignaient d'éprouver certains malaises, genre des maux de jambes, des maux de dos, des varices et plusieurs choses de cette nature. En février 1991, trois ans plus tard, trois ans après la plainte, il y a eu une décision qui a été rendue par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, la CALP. Alors, la décision a été rendue en février

1991. Cette décision-là, finalement, va dans le sens des caissières et demande au supermarché Provigo de Port-Cartier de modifier, si on veut, ses postes de travail, de fournir des sièges aux caissières. On est présentement au 18 novembre 1991. On sait que Provigo, normalement, avait jusqu'au 1er décembre 1991 pour exécuter, si on veut, cette décision. Provigo n'est pas allée en... Comment on appelle ça?

Une voix: En appel.

Mme Carrier-Perreault: En évocation, si on veut. Le délai est, d'ailleurs, terminé. Elle n'est pas allée en évocation, mais, au moment où on se parle, il n'y a absolument rien qui s'est fait. Il n'y a rien qui se passe, là, présentement. On n'a pas les sièges et... Bon. C'est sûr que, dans ces cas-là, on parle du coût des mesures. On parle toujours de la même chose. J'ai oeuvré, M. le Président, en santé et sécurité. C'est sûr que c'est un dossier que je connais quand même un peu. Pour avoir travaillé dans ce domaine-là, c'est toujours un peu la même argumentation qui revient. Je sais que c'est beaucoup... En fait, c'est très difficile de faire comprendre à certains employeurs le bien-fondé de la prévention. J'étais heureuse d'entendre le ministre tout à l'heure. Dans ce sens-là, j'ai l'intention de poser là question aussi. Je suis tout à fait convaincue, tout comme le ministre le disait lui-même, que la prévention, c'est rentable. Mais pourtant, c'est très difficile de convaincre certains employeurs du bien-fondé de faire de la prévention, d'apporter les aménagements nécessaires pour prévenir les accidents. C'est même compliqué dans des cas où les accidents sont spectaculaires, voyez-vous. Le genre d'accidents où les gens tombent en bas des échafaudages, les gros accidents là, mare de sang... C'est même compliqué dans ces cas-là. Alors, imaginez-vous comment ça peut être compliqué et difficile quand il s'agit de posture de travail, où les contraintes découlent, si on veut, des postures. Ce sont des contraintes posturales. Les problèmes sont beaucoup plus sournois et subtils. Ce n'est pas des choses aussi évidentes et apparentes que sur les chantiers. Ça, évidemment, c'est très difficile de faire comprendre, des fois, à certains employeurs le bien-fondé de faire de la prévention. Ça, à mon avis, le cas qui nous intéresse semble être aussi de la prévention. On dit que les maux de dos, c'est le mal du siècle. On sait aussi, comme plusieurs qui ont travaillé dans ce domaine-là, que ce n'est pas juste les manutentionnaires, par exemple, ou les employés de la construction qui sont susceptibles d'avoir des maux de dos. On sait très bien que le travail statique, c'est une source de problèmes plus sournois, plus subtils, moins évidents, mais tout aussi importants.

Alors, pour en revenir aux caissières, il y a des tests qui ont été effectués avec différentes sortes de sièges. Je pense que c'est à Rimouski, si je me rappelle bien. Il y a même une spécialiste, Mme Vézina, que je voyais, docteur en ergonomie, qui disait... Elle a constaté, elle, que les sièges assis-debout représentaient une amélioration du confort des caissières et qu'il est clairement établi que le siège assis-debout favorise une variation dans la posture de travail selon les opérations exécutées. Alors, d'après les tests, d'après les études, oui, il y a quelque chose à faire. Ces sièges-là existent de toute façon, à quelque part, puisque dans d'autres pays les caissières travaillent assises. On a des sièges pour les travailleuses. Alors, il y a quelque chose à faire. Moi, je vais vous dire, puisqu'il y a eu une décision rendue par la CAMLP, et qui est supposée être effective à partir du 1er décembre, je veux savoir ce que le ministre va faire. Est-ce qu'il va obliger l'entreprise à prendre ses responsabilités et à respecter la décision de la CAMLP, et ses travailleuses, par le fait même? Est-ce qu'il a l'intention de faire adopter une règle particulière? Qu'est-ce qui se passe après la CAMLP, dans ce dossier-là? Qu'est-ce qui va se passer?

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je cède maintenant la parole au ministre du Travail pour les cinq prochaines minutes.

M. Normand Cherry

M. Cherry: Dans un premier temps, en réponse à la préoccupation exprimée par notre collègue, députée des Chutes-de-la-Chaudière. Évidemment, ça me préoccupe à plus d'un titre parce que, comme vous, je suis d'abord un élu à l'Assemblée nationale. Évidemment, la cause des travailleurs et des travailleuses, particulièrement des travailleuses dans le cas qui vous préoccupe, parce que ce sont des femmes et aussi, je vais ajouter, parce que je suis père de famille. J'ai six enfants dont quatre sont des filles, dont deux exercent la profession de caissière. Donc, je sais de quoi vous parlez. O.K.? On va se rappeler du processus.

La CSST a été appelée à donner son avis dans ce dossier. Les parties, au moment où on se parle, y travaillent encore. Je vous rappellerai que c'est une décision de la CAMLP, la CAMLP relevant du ministère de la Justice. N'étant pas juriste, je ne peux pas vous dire si ce sera un outrage au tribunal si ce n'est pas respecté, mais je tiens à vous dire que comme père de famille, élu à l'Assemblée nationale et ministre responsable de ça, bien sûr que je vais suivre le dossier de très près. Je vais voir à ce que les meilleures choses soient apportées le plus rapidement possible, parce que vous avez raison, c'est important de le faire. (11 h 15)

Et vous avez attaché ça à l'aspect prévention et j'en suis extrêmement heureux parce que,

tantôt, dans mes cinq minutes précédentes, je n'ai pu aller au fond de ma pensée avec un exemple qui, il me semble là, illustrerait mieux que toute déclaration, que vous et moi pourrions faire à ce sujet. Et j'aimerais le faire par un exemple, M. le Président. Deux employeurs dont la cotisation personnalisée est à 60 %, travailleurs identiques dans le même secteur d'activité économique, dont la masse salariale - 8 300 000 $ - gère des entreprises identiques. Le premier employeur, parce qu'aucun accident n'est survenu dans son entreprise au cours des trois dernières années, a un indice de risques de 0,40 $, un taux personnalisé de 1,12 $ et une cotisation annuelle de 92 960 $. Chez le second employeur, par contre, il est survenu plusieurs lésions. Son indice de risques est donc plus élevé. Il se situe à 3 $ et son taux personnalisé à 6,32 $, ce qui équivaudra à 524 500 $ de cotisation. On constate donc une économie pour celui qui s'est bien comporté comme employeur avec ses partenaires, les travailleurs, à une économie de 431 000 $. Toutefois, et je le précise, qu'il ne faut également pas négliger les coûts indirects, tels que, par exemple, les heures de travail perdues, les dommages matériels. Il est aussi important de ne pas oublier les coûts sociaux qui s'y rattachent. En effet, les effets d'un accident du travail sur l'environnement social et familial de l'accidenté sont considérés, de même que les coûts supportés par le travailleur lui-même, son entourage et l'ensemble de la société. On n'a qu'à travailler dans une usine, quand un compagnon ou une compagne de travail doit sortir du département sur une civière, je vous dis que la productivité pour cette journée-là... et le patron est mieux de ne pas se pointer le nez avec du temps supplémentaire, le soir; il est très mal reçu! Parce que là il y a un sentiment collectif, quelqu'un de l'équipe est blessé, quelqu'un se préoccupe de la réaction de sa famille, de ses soucis. Il faut avoir vécu ces expériences-là pour être sensible au degré que je le fais. S'il y en a qui me disent que j'utilise des émotions, il est difficile de défendre ces cas-là sans en avoir, et ceux qui m'accusent d'en avoir: Je plaide coupable.

Protection de l'environnement, la qualité de la vie, santé et sécurité au travail sont des valeurs contemporaines. Les entreprises d'avenir sont celles qui font siennes ces valeurs, et ça rejoint la préoccupation que vous souligniez précédemment. De plus, une entreprise qui en fait fi est davantage susceptible de rencontrer plusieurs types de problèmes: taux d'absentéisme élevé, mauvais climat de travail, insatisfaction de la part de son personnel et sans compter les impacts négatifs sur la productivité. Pour que la prévention porte ses fruits, les travailleurs comme les dirigeants d'entreprise doivent y mettre du leur. Pour arriver à cette fin, il y a des ressources à leur disposition et la CSST en est une; les associations sectorielles paritaires, les départements de santé communautaire, les CLSC et l'Institut de recherche en santé et sécurité sont là pour leur venir en aide et les supporter. Le mode de tarification a été pensé de façon à récompenser l'employeur qui a usé de prudence, et je le réaffirme: Un employeur qui décide de consacrer de l'énergie à la prévention des accidents du travail va très rapidement en retirer des profits. Une entreprise en santé économique, évidemment, c'est le meilleur gage de succès pour les employés qui ont associé leur avenir à ce type d'employeur. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Beauce-Nord pour une période de cinq minutes.

M. Jean Audet

M. Audet: Merci encore une fois, M. le Président. Vous avez remarqué que de ce côté-ci de la Chambre, nous, on parle beaucoup de finance et d'économie, parce que c'est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur. Je voudrais signaler, M. le Président, que la santé financière de la CSST est très importante, entre autres, pour assurer aux générations futures de travailleurs et de travailleuses la protection essentielle d'une stabilité économique en cas d'accident. Nous l'avions compris dès notre arrivée au pouvoir. La meilleure façon de protéger le fonds destiné aux victimes du travail, c'est d'en assurer sa stabilité financière pour l'avenir. C'est pourquoi, M. le Président, nous sommes intervenus en juin 1988, afin de corriger l'article 284 de la loi, afin de permettre à l'institution de financer, à même les cotisations chargées aux employeurs, 100 % de ses dépenses. Parce que vous savez, M. le Président, avant cette date, la Commission était forcée par la loi de ne financer que 90 % de ses dépenses. Forcée par la loi de ne financer que 90 % de ses dépenses. L'ancien gouvernement avait comme légalisé, autrement dit, ou institutionnalisé, si vous préférez, un déficit dans sa loi. Ensuite, M. le Président, les administrateurs de la Commission ont adopté une politique de capitalisation propre à maintenir un équilibre financier acceptable.

La Commission vise, sur 20 ans, une pleine capitalisation de ses activités. L'objectif, M. le Président, c'est le remboursement du déficit accumulé au cours des 20 prochaines années et l'équilibre entre les revenus et les dépenses. C'est très différent, M. le Président, de la politique de l'administration qui nous précédait, qui taxait injustement les générations futures d'employeurs et mettait ainsi en péril la compétitivité et la force de l'économie du Québec, au détriment des travailleurs et des travailleuses. D'ailleurs, M. le Président, même si les années

présentes sont difficiles, nous continuons d'être à l'écoute des besoins des plus démunis, et je pense notamment aux milliers de victimes d'accidents du travail qui ont vu, M. le Président, leurs indemnités gelées en 1982. Je voudrais, à cet égard, remercier le ministre du Travail pour son courage politique et son dévouement pour les plus démunis, lui qui a réussi à faire adopter le projet de loi 151 en juin dernier, projet de loi qui vient mettre un terme à l'appauvrissement de milliers d'accidentés qui étaient laissés pour compte par le Parti québécois. En cette période difficile pour le monde, M. le Président, l'Opposition a voté contre un projet qui permettra d'injecter 100 000 000 $ au cours des prochaines années à des victimes d'accidents du travail qui ont vécu sans aucune forme d'indexation de leurs revenus depuis 1982. Près de 10 ans, M. le Président.

M. le Président, le député de Sainte-Anne et ministre du Travail a choisi, lui, de travailler avec les parties patronale et syndicale. Il a choisi d'être à leur service et de cheminer avec elles. M. le Président, cette approche nous rassure et j'ai pleinement confiance que les résultats seront au rendez-vous en santé et sécurité aussi. Merci.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chicouti-mi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: M. le Président, pour compléter la question qui a été posée par ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière, au sujet de la décision du jugement qui a été rendu par la Cmmission d'appel pour Provigo, qu'on appelle la cause des sièges ou des chaises, c'est rendu à la CSST. La CSST a produit son rapport le 1er octobre, et ce qu'elle demande, ce que nous demandons, au nom des 20 000 caissières, parce qu'on espère que ça va être appliqué dans tous les marchés d'alimentation, c'est: Qu'est-ce que la CSST fait pour éviter que Provigo se traîne les pieds, et qu'est-ce que vous faites vis-à-vis la CSST? Vous êtes sensible, je partage cette sensibilité. Je la reconnais, je l'apprécie, mais qu'est-ce que vous faites, au-delà de dire que vous avez deux filles qui sont là-dedans, là? Dites-moi ce que la CSST va faire là-dedans.

Deuxième chose. Je partage votre sensibilité lorsque quelqu'un... un travailleur dont la vie ou la santé est compromise. Et je partage ça. Cependant, j'aimerais qu'on revienne à un certain nombre de choses. Ce matin, l'objectif, c'était de faire la lumière sur le déficit de la CSST. Je n'ai pas entendu un mot là-dessus. Le député de Beauce-Nord nous dit: Nous autres, on parle de finances et on est bons là-dedans. Je voudrais bien qu'il parle du 1 000 000 000 $ de déficit.

Est-ce qu'il y a 1 000 000 000 $, est-ce qu'il y a 500 000 000 $, est-ce qu'il y a 600 000 000 $? Là, on a un problème, et je trouve qu'il faut absolument qu'il y ait quelque chose qui soit dit là-dessus, aujourd'hui, de manière à contrer le discours complètement dévastateur qui court un peu partout.

Vous savez comme moi, et la CSST le sait, il n'y a pas une journée qui se passe sans que quelqu'un fasse ses analyses, et on a eu droit à tout le spectacle hier soir à la télévision. Alors, je me dis: C'est le temps que le ministre fasse quelque chose et nous fasse part de la situation réelle, de manière à éviter que n'importe qui aille n'importe comment. Et s'il dit que l'hypothèse avancée par M. Fava est la bonne, là, je vais commencer à être terriblement inquiète.

Dans les problèmes reliés aux attitudes médicales qui, me semble-t-il... les médecins ne mesurent pas les conséquences de garder trop longtemps un travailleur absent du travail, parce que plus il est absent du travail longtemps, plus il a de la difficulté à se réintégrer. Ça, c'est un problème. Le deuxième problème, c'est que les employeurs dans les petites et moyennes entreprises... Je ne parle pas des grandes parce qu'elles sont cotisées par entreprise et elles réintègrent leurs travailleurs accidentés, ce qui n'est pas vrai dans tous les autres secteurs, parce qu'il y a une espèce d'attitude où ils savent que s'ils ne réintègrent pas, de réintégrer, ça suppose aménagement du poste de travail, ou encore travail allégé. Et ils ne sont pas prêts à le faire. Ils préfèrent l'envoyer sur le fonds général. Et ça, il y a une attitude condamnable chez les employeurs là-dessus. Qu'est-ce qu'on va faire pour corriger cette situation? Elle existe. Pas dans la grande entreprise, parce qu'ils sont cotisés sur leurs actions en fonction du rendement. Alors, moi, je dis: II y a ça.

Deuxième chose. Parlant des attitudes patronales, est-ce que le ministre a constaté que dans les causes qui font l'objet de contestation devant la Commission d'appel, actuellement - je ne connais pas la situation au Bureau de révision paritaire - mais devant la Commission d'appel, actuellement, 16 % des causes nous viennent du secteur public, parapublic, péripublic, alors que ce secteur ne représente que 12 % de l'ensemble des travailleurs? Il y a, semble-t-il, une propension dans le secteur public, parapublic et péripublic à utiliser trop facilement la contestation. On est en train de se demander s'il n'y a pas une maladie qui a frappé un peu l'administration. Et ça, c'est inquiétant, parce que ça génère des coûts. Et, il y a un rapport, semble-t-il, entre cette propension à contester les décisions de premier niveau et le climat de travail. On nous démontre que, par exemple, dans les hôpitaux, tout de suite après le règlement forcé, il y a eu une augmentation des accidents de travail, et une augmentation chez les employeurs et le directeur

de l'hôpital de faire des contestations.

Et, vous savez, c'est inquiétant cette situation-là; 16 %, 12 %, vous allez me dire, ce n'est peut-être pas beaucoup, mais quand on sait que vous avez au moins 150 000 professeurs-enseignants qui ne sont pas dans la couche d'employés susceptibles d'avoir beaucoup d'accidents, ça veut dire que, si on les ramène au niveau du comparable dans le privé, là, il y a quelque chose d'extrêmement inquiétant. Alors, est-ce que le ministre a pris connaissance de ça et qu'est-ce qu'il entend faire?

Et je souhaiterais, en terminant, lui parler d'Alcan. S'il me dit que c'est un cas de comté, 1000 travailleurs qui souffrent de cancer et de maladies pulmonaires, et qu'on risque d'en retrouver à peu près dans toutes les alumineries au Québec... M. le ministre, si vous avez appelé ça un cas de comté, j'ai comme des problèmes.

Le Président (M. Camden): On vous remercie, Mme la députée.

Mme Blackburn: Et, mettre une personne après quatre ans, la solution m'apparaît plutôt ténue.

Le Président (M. Camden): M. le ministre. M. Normand Cherry

M. Cherry: J'ai compris que l'Alcan était particulière à la région que vous représentez à l'Assemblée nationale.

Mme Blackburn: Ce n'est pas un cas de comté.

M. Cherry: Ça déborde votre comté; j'ai compris ça. Quand vous me dites que vous avez comme un problème, si c'était le seul que vous aviez, ça me ferait plaisir de contribuer à l'améliorer.

Mme Blackburn: Réglez celui-là!

M. Cherry: Je vais tenter de vous éclairer. Par exemple, quand vous dites: Que le ministre me dise là, le déficit, si c'est 1 000 000 000 $. La prévision faite au 31 août dernier, et qui apparaît dans un document rendu public par la CSST, c'est 566 000 000 $; tout le reste là, c'est de la spéculation. Donc, il est important; je ne tente pas de le diminuer. Mais, comme vous disiez, au début de votre première intervention, si on ne situe pas, la semaine prochaine, on pourra dire que c'est 2 000 000 000 $. Il n'est pas question de ça.

Au niveau de la capitalisation, vous l'avez soulevé rapidement, il faut rassurer les travailleurs et les travailleuses accidentés qui nous écoutent. Le taux de capitalisation de la CSST, de notre régime au Québec, par rapport à celui de l'Ontario, le nôtre est de 20 % supérieur. Donc, il n'y a pas de danger pour que les bénéfices auxquels ils auront droit... Il faut en prendre soin, bien sûr. Vous l'avez soulevé vous-même, il y a eu une exception de faite pour une année antérieure, pour alléger le fardeau économique. Il ne s'agit pas là de reporter ça aux calendes grecques.

Vous avez également soulevé l'aspect de la durée des traitements. Vous avez dit que, dans certains cas, il est prévu qu'après 20, ça peut être dommageable. Puis là, vous êtes partie, vous avez même... c'est un chiffre de 150.

Mme Blackburn: C'est vrai.

M. Cherry: Bon! O.K. Il n'a pas été porté à ma connaissance des cas de 150, mais je suis convaincu que, dans votre exercice, vous pourriez m'en trouver. Mais il faut se souvenir, M. le Président, il faut rappeler à notre collègue que tout ça est basé à partir de la loi qui donne tous ces pouvoirs-là au médecin traitant; c'est ça, la difficulté, et c'est ça des mandats que j'ai confiés au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, de me revenir avec des recommandations. J'ai les mêmes préoccupations que la députée de Chicoutimi, mais, également, j'ai pris des gestes concrets pour que les partenaires, ceux qui sont responsables, dans son fonctionnement quotidien, avec l'appui des 3500 travailleurs et travailleuses de la CSST, de nous apporter des réponses solides, permanentes... Après 12 ans d'existence du régime actuel, de 1978 à 1991, 13 ans, il est temps là qu'on cesse d'être à la merci des situations économiques. Il est important qu'on regarde en face le vrai fonctionnement. Prenons l'expérience - j'ai voulu éviter des chiffres, mais je suis capable de lui en servir quelques-uns, O.K.? - qu'on prenne la performance, année après année, des neuf dernières années. Il y en a sept qui ont produit des déficits et deux qui ont produit des surplus. Soustrayons les deux qui ont produit des surplus de l'ensemble total des déficits des sept années et, dans notre bloc de neuf ans, nous avons la démonstration - et on n'a pas toujours été en difficulté économique - il y a là un déficit structurel, selon cette performance-là, d'environ 300 000 000 $ par année. Donc, on n'a pas besoin d'être économiste, on n'a pas besoin d'avoir fait un cours classique et on n'a pas besoin d'être membre du Conseil du patronat ni d'être un comptable agréé pour savoir qu'il y a, là-dedans, quelque chose qui est structurellement mal fait et qui apporte le genre d'abus auxquels, collectivement, vous vous joignez. C'est pour ça que j'ai dit: J'ai confié un mandat au Conseil, parce que sont là les parties qui, dans le quotidien... Moi, je peux les assurer de l'appui de l'appareil de la CSST, de l'ensemble de ses fonctionnaires, comme eux sont assurés de mon appui dans ce dossier-là. Mais il faut porter le

débat où il doit se tenir: entre les partenaires sociaux, entre les employeurs, leur association syndicale, la présence du gouvernement, pour les assurer que des situations telles que nous reconnaissons présentement, nous avons la responsabilité collective, M. le Président, de protéger l'institution qu'est la CSST parce que - on pourra la décrier en certains endroits-- elle se compare avantageusement à n'importe quel autre système qui pourrait exister en Amérique du Nord et même dans le monde. (11 h 30)

Le Président (M. Camden): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Saint-Hyacinthe pour cinq minutes.

M. Charles Messier

M. Messier: M. le Président, je vais joindre ma voix à celle du ministre. J'ai de la misère à comprendre l'attitude du Parti québécois ce matin, et vous-même, mais compte tenu de votre poste, ce matin, vous n'avez pas le droit de donner aucune opinion. Mais c'est vrai qu'on n'a jamais bien compris le raisonnement du Parti québécois. À titre d'exemple, je me rappelle 1982, lorsque j'étais fonctionnaire à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, où le gouvernement du temps, le Parti québécois, avait coupé de 20 % nos salaires du mois de janvier au mois de mars 1982. Ça nous a extrêmement motivés! Extrêmement motivé, c'est peut-être ça qui m'a donné l'ambition de faire un jour de la politique parce que j'étais directeur de grève dans ce temps-là. Je pense que les dirigeants de la CSST en ont bavé un coup. Mais lorsqu'on a compris que ce geste impopulaire fait aux fonctionnaires venait directement du gouvernement d'en face, du Parti québécois, ça m'a donné un souffle. Je veux remercier peut-être indirectement les députées de Chicoutimi et des Chutes-de-la-Chaudière. Je vous remercie beaucoup, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui on est au pouvoir et on peut vous en parler longuement.

Je me rappelle aussi qu'en 1979 le Parti québécois avait créé la CSST en adoptant une loi visant le paritarisme et la responsabilisation des parties. Il faut se rappeller que la Commission existe depuis 1932. Avant, il y avait un "board" de direction où la Commission pouvait dire qu'elle était juge et partie. En 1979, le Parti québécois, dans un éclair de génie, a créé le paritarisme faisant en sorte que partie syndicale, partie patronale pouvaient maintenant siéger avec un "board" de direction. En août 1985, ce même gouvernement, Parti québécois, adoptait et votait une nouvelle loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Loi que le député de Pointe-aux-Trembles, lui-même, remit en cause... les principes fondamentaux du régime mis en place par son parti en cette Chambre. Il attaquait l'institution pour se faire du capital politique sans vraiment, vraiment réfléchir aux victimes. J'aimerais bien savoir de la députée de

Chicoutimi, qui me regarde, si elle partage les opinions de son collègue sur le paritarisme, sur la responsabilisation des parties en matière de santé et sécurité au travail. Il y a absence de réponse. Bon! M. le Président, donc...

Le Président (M. Camden): Ça va venir, ça va venir!

Mme Blackburn: M. le Président, il n'y a pas de problème. Ça va me faire plaisir.

M. Messier: O.K. parfait. Merci.

Mme Blackburn: II me passe du temps.

Alors, pour ce qui est du paritarisme, nous n'avons jamais contesté la nécessité et l'indispensable présence des parties à la CSST.

M. Messier: Merci, madame.

Mme Blackburn: Deuxième chose. Pour ce qui est de la prise en charge d'évidence, un des problèmes liés à la situation actuelle de la CSST, c'est l'absence de prise en charge. Les parties... parce que la prise en charge est autant l'employeur que l'employé. C'est une dynamique.

M. Messier: Parfait!

Mme Blackburn: Évidemment qu'on est d'accord avec ça. On ne vous avait pas attendu pour nous le dire.

Le Président (M. Camden): Mme la députée, je pense qu'on revient au député de Saint-Hyacinthe.

M. Messier: Merci, parce que là vous puisez sur mon temps.

Mme Blackburn: Merci, ça me permettait de lui répondre.

M. Messier: Je vous remercie beaucoup de votre réponse, mais entre deux réponses, j'aime mieux celle du député de Sainte-Anne et ministre du Travail, qui me rassure.

Mme Blackburn: C'est partisan...

M. Messier: Cette réponse-là me rassure parce qu'elle est responsable. Elle me rassure parce qu'elle fait appel aux principes fondamentaux de notre système de santé et sécurité au travail. Sa démarche - du ministre, non pas celle de la députée - me rassure parce qu'il a choisi de défendre l'institution de toutes ses forces, dans l'intérêt premier de ceux et celles qui en bénéficient, il est petit, mais quand même, il est capable de défendre activement les accidentés du travail. Sa démarche me rassure parce qu'il fait

appel aux parties elles-mêmes, parce que, lui, M. le Président, connaît et respecte le monde du travail. Je suis convaincu, M. le Président, que c'est la meilleure façon d'arriver à des résultats concrets à plus long terme.

En terminant, j'aimerais juste citer un extrait d'un editorial publié dans Le Devoir du samedi 24 novembre 1990, quelques jours après la dernière interpellation, sous la plume de M. Jean Francoeur, et je cite: "L'autre constatation, c'est que l'Opposition ne sait plus quoi dire sur le sujet." Fin de la citation. Voilà, M. le Président, pourquoi je ne comprends pas l'Opposition dans ce dossier. Il faut que tout le monde collabore avec le ministre du Travail. Il en va de l'avenir même de notre régime. J'espère que la députée de Chicoutimi répondra à l'invitation que le ministre lui faisait - un déjeuner, un dîner ou un souper, peu importe - mais de comprendre un tant soit peu le système dans lequel on vit, et peut-être d'harmoniser son approche avec celle du ministre du Travail qui, lui-même, a une approche très responsable. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le député. Maintenant, la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Le député de Saint-Hyacinthe me fait penser à ces chauffeurs, à ces conducteurs automobile qui deviennent un peu maniaques lorsqu'ils prennent le volant. Lui, lorsqu'il s'assied dans un siège, il se croit obligé de faire de la petite politique; c'est tannant un peu. Parce qu'à part ça, il est attachant, il est tout à fait sympathique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Messier: Merci beaucoup, madame.

Une voix: Tu vas être pris pour aller déjeuner avec...

Mme Blackburn: Alors, deux choses... Je voudrais, par exemple, mettre une chose au clair. Je n'ai jamais dit ici que je n'avais pas de respect pour les travailleurs et, là-dessus, qu'on soit au clair. Deuxième chose, j'entends le député de Saint-Hyacinthe et le ministre rappeler les propos de l'an passé. Je voudrais bien qu'ils aient eu la même mémoire, ces deux députés, et qu'ils aient entrepris des mesures concrètes, il y a un an. Si vous aviez eu la même mémoire, on ne se retrouverait pas dans la situation qu'on a et qu'on connaît aujourd'hui et on ne serait pas en train de s'interpeller un vendredi matin, alors qu'on n'est pas dans le comté.

J'apprécie aussi la franchise du député de Saint-Hyacinthe. Il dit au moins une chose: On a été coupés de 20 % sur trois mois. Au moins, je l'ai entendu ici. Tellement de gens ont dit: On a été coupés de 20 % à vie, et tout ça. Alors, au moins, il y a une chose qui a été dite ce matin, que je vais garder probablement dans mes carnets. Je voudrais...

M. Messier: Mais les fonctionnaires n'ont jamais récupéré les sommes d'argent qu'ils ont perdues...

Le Président (M. Camden): M. le député de Saint-Hyacinthe...

M. Messier: ...de janvier au mois de mars. Ils n'ont jamais récupéré les sommes d'argent.

Mme Blackburn: Pardon? Non, non, écoutez, je...

M. Messier: Ça fait en sorte que...

Le Président (M. Camden): M. le député de Saint-Hyacinthe, s'il vous plaît!

M. Messier: ...ils se souviennent encore de vous, malheureusement.

Mme Blackburn: M. le Président, si vous le permettez...

Le Président (M. Camden): Je vous inviterais à respecter le règlement, s'il vous plaît!

M. Messier: Oui.

Mme Blackburn: ...je ne l'ai pas invité à me répondre.

M. Messier: Oui, je vais m'y fier.

Mme Blackburn: M. le Président, nous allons parler un peu de capitalisation. Parce qu'il semble y avoir deux discours et le député de Beauce, tantôt... Je l'invite à revoir un peu son texte, là, parce que son fondement n'est pas très scientifique. J'ai vu tantôt qu'il y avait des gens qui pouvaient vous informer, et ce serait utile que vous y alliez pour ne pas répéter les mêmes choses parce que, des fois, à tant répéter des choses, on finit par penser que c'est vrai. C'est comme pour les 20 %.

Alors, la capitalisation. Vous avez raison, on a un taux de capitalisation intéressant. Il y a des pays qui l'ont à zéro, vous le savez. L'Allemagne finance année après année; elle fait porter au système le coût des opérations de l'année précédente, c'est tout. Ça se finance comme ça et personne ne s'énerve de ça, et l'Allemagne, à ma connaissance, n'est pas en faillite, hein? C'est l'un des pays les plus prospères au monde. Vous allez me dire que c'est peut-être ça qui fait sa sécurité aussi là, mais, quand même! Sur

la théorie de la capitalisation, il y a quasiment autant de théories qu'il y a d'actuaires. C'est pour ça que je vous dis qu'il n'y a pas là-dedans de vérité absolue. Alors, arrêtons de commencer à dire: Nous autres, on est plus fins et, vous autres, vous n'êtes pas fins. Ça n'a pas de bon sens, ce discours-là. Je trouve ça... Excusez-moi, j'allais dire un gros mot. Ha, ha, ha! Bon.

M. le Président, je suis heureuse de savoir que le ministre a créé un comité. Je souhaite cependant que l'attitude du ministre, et sa décision, une fois que le rapport sera rendu, ne se limitent pas qu'à des consultations qui se feraient exclusivement en catimini, et qu'on n'ait pas la possibilité de débattre des propositions, des hypothèses de travail, qui vont être mises sur la table. M. le Président, j'ai interrogé tout à l'heure le ministre s'il avait déjà observé cette espèce de propension du secteur public à aller plus facilement en appel des décisions de la CSST. J'aimerais, là-dessus, s'il est possible, qu'il me fournisse les données.

En matière de prévention, parce que j'entends les discours d'en arrière: Nous, on va faire de la prévention. J'en suis heureuse. J'ai toujours parié en matière de prévention. Je n'arrêterai jamais parce que la solution est là, et l'économie, elle est là. C'est tellement vrai que les entreprises qui en font savent que c'est rentable. Mais on a un problème actuellement avec la crise économique. Je ne peux pas nommer les entreprises, mais ce sont de grandes entreprises qui m'ont présenté exactement la même situation, et elles n'étaient pas ensemble, une dans les pâtes et papiers, puis une autre dans ie métal. Et elles nous ont dit: Quand on a commencé à vouloir resserrer les règles de production, à enrichir la tâche du travailleur et à modifier un peu les postes de travail, on a vu monter en flèche les accidents de travail, en dépit du fait que les deux entreprises concernées avaient des équipements parmi les plus modernes. Il y a un rapport direct entre la qualité des relations de travail, la productivité et les accidents de travail, s'il y a lieu, ou l'absence d'accidents de travail. Moi, je pense que là-dessus, il faut le tenir, et le tenir haut et fort, et tout ce discours sur la qualité totale de votre collègue, qui se traduit dans les entreprises par une augmentation du rendement à la personne et non pas une qualification, un enrichissement de sa tâche et une importance attachée à ses fonctions, ça génère une augmentation des accidents. J'ai trouvé ça absolument regrettable. Je pense à une usine ultramoderne; c'est quasiment inacceptable que le taux d'accidents soit monté. Il est devenu plus haut que toutes les autres usines qui sont, elles, avec des équipements beaucoup plus désuets. Alors...

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, Mme la députée. Votre temps est maintenant écoulé.

Mme Blackburn: Bien. Alors, je reviendrai en conclusion. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Nous allons passer à cette dernière séquence de 10 minutes à chaque parti. J'invite maintenant le ministre pour les 10 prochaines minutes.

Conclusions M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, vu que ma collègue de Chicoutimi est revenue en me disant que ce n'était pas un cas de comté, mais bien un cas de région, qu'il y en avait au-delà de 1000, que c'était très important pour elle... Même, elle m'indiquait, en dehors du micro, que c'était un dossier qui était en action depuis quatre ans, me disait-elle.

Donc, comme elle semble bien informée - c'est sûrement un oubli de sa part - elle aurait dû nous dire que dans ce qu'elle a décrit comme un dossier vieux de quatre ans, la reconnaissance de la maladie professionnelle, qui la préoccupe, la reconnaissance comme maladie professionnelle, donc qu'elle peut être indemnisée, elle, cette décision-là date de moins d'un an. Ça me semble important, dans le contexte, de le dire. Donc, des mesures sont prises pour que les travailleurs ayant fait des réclamations ne soient plus affectés à ça. C'est des informations qui me sont fournies et je pensais qu il était important de le lui dire.

Elle a parlé... Elle gesticule. J'apprécierais qu'elle écoute. Ça éviterait peut-être que je sois obligé de répéter certaines choses. Elle a parlé qu'elle veut soutenir le langage de la prévention...

Mme Blackburn: Point d'ordre. D'abord qu'il veut qu'on le fasse comme ça, je voulais dire au ministre...

M. Cherry: Je m'excuse. On a chacun notre temps d'antenne. Je préférerais profiter du mien. Vous avez les 10 dernières minutes.

Mme Blackburn: Oui. Bien. Alors, il ne faut pas m'interpeller.

M. Cherry: Merci.

Le Président (M. Camden): Si vous voulez permettre au ministre de compléter son temps, vous aurez 10 minutes, Mme la députée.

M. Cherry: Quand elle parlait tantôt des petites, des moyennes et des grosses entreprises certaines grosses entreprises lui ont fait des présentations concernant la prévention, comme défi comme nouveau contrat social entre les parties concernant la santé et la sécurité du

travail - parce que ça va se faire en partenariat, M. le Président - que nous accepterions de cibler comme objectif que 7 % des entreprises au Québec qui sont dans les catégories de taux personnalisés et en rétrospective... En d'autres mots, au Québec, il existe 172 271 entreprises, du dépanneur du coin à Canadair. Ciblons-nous seulement comme objectif, M. le Président, 7 % des entreprises. C'est 7 % de ces entreprises-là, bien ciblées, qui s'impliqueraient dans la prévention, en collaboration, comme entreprise, et leurs travailleurs et travailleuses. Ces 7 % là représentent 73 % de tous les gens qui travaillent au Québec et paient 80 % des contributions à la CSST. Donc, je vous le dis, comme défi de société, comme nouveau contrat social en sécurité de la santé, je n'ai pas besoin d'un programme comme l'Allemagne. La culture qui existe en Allemagne n'est pas la même qui existe au Québec. On n'a pas subi les affres de la guerre. On n'a pas un pays à rebâtir, ici, on en a un à maintenir. Alors, dans ce sens-là, il est important de se donner des défis acceptables comme collectivité. Il me semble qu'un objectif de 7 % de l'ensemble des entreprises du Québec est quelque chose d'atteignable. Mais ça, M. le Président, ça va se faire avec la volonté et la coopération des parties. Bien sûr, je vais exercer le rôle qui est le mien et que j'aime beaucoup. Il est très peu offert à des gens qui ont eu une situation modeste comme la mienne d'accéder au poste auquel j'accède, et j'ai l'intention de le remplir avec tout ce que je peux amener comme contribution d'expérience. Mais quiconque connaît le moindrement les relations du travail, et spécialement dans ce dossier-là, il n'y a aucune université au monde qui a réussi à trouver un substitut à la volonté des parties de vouloir s'entendre. Ça n'existe pas en relation du travail. Elle le disait elle-même. Elle le disait elle-même: Aussitôt qu'on veut tenter certains exercices, il y a, là, une accélération des réclamations. Donc, il manque, là, de communication, il manque de culture. Ces gens-là tiennent trop souvent, dans certains endroits, des langages de sourds, quand la période de négociation ou de renouvellement de convention collective ne sert pas de prétexte. Quand ce n'est pas la langue, on se sert parfois des accidents du travail. Il faudrait sortir ça et le placer comme contrat social, comme responsabilité de société, et c'est dans ce sens-là que je fais appel à la collaboration de l'Opposition officielle. (11 h 45)

Cet exercice-là de deux heures, qui se termine bientôt, aura permis de soulever plusieurs sujets, M. le Président. On a parlé de "judiciarisation", on a parlé du mandat que j'ai confié au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on a parlé de prévention, on a parlé de participation, on a parlé de tarification, on a parié du déficit qui est en progression. Je répète: Celui qui vous parle est responsable de l'application des lois qu'administre la CSST et défendra cette institution tout en s'assurant que les travailleurs et les travailleuses du Québec puissent continuer à bénéficier du régime. J'entends faire respecter le droit fondamental du travailleur, le droit du retour au travail. Ça, c'est le premier droit d'un accidenté du travail: des soins de qualité et le retour à l'emploi qui le valorise comme humain et qui lui permet de contribuer à la société. Ça, c'est le premier droit. Pas de savoir combien de temps il a droit de recevoir des traitements! Son premier droit, c'est sa job. Et ça, c'est le langage que j'aimerais entendre tenir de la part des parties. Ça commande, M. le Président, un changement de culture face à la loi. Ça s'impose. Il faut humaniser le système: la prise en charge de l'accidenté et une aide apportée dans les différents paliers, et ce, dans le but de favoriser le plus rapidement son retour au travail. Je me répète, mais c'est ça la préoccupation des accidentés, ceux que vous avez dans votre comté comme dans le mien. Voilà la base, la raison même de l'existence du système. Le régime de santé et de sécurité du travail au Québec, qui a été mis en place en 1979, se retrouve actuellement dans une situation difficile, et dès mon arrivée au ministère du Travail, des gestes ont pourtant été posés afin de redresser la situation.

Je renouvelle, ici, M. le Président, ma foi et ma confiance dans la démarche que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a acceptée. J'étais content d'entendre la députée de Chicoutimi qu'elle trouvait là un geste positif. Elle n'a pas répondu si elle souhaitait y déposer un mémoire ou s'y présenter elle-même. Si c'était le cas, je lui réitère l'invitation de faciliter cette démarche-là. Il pourrait y avoir là un élément contributif. Ça, je le souhaite sincèrement.

Je le répète, car il est de plus en plus important que le mandat que j'ai confié au Conseil, c'est un examen que je lui ai demandé de faire en priorité dans les sujets suivants: Que le Conseil consultatif du travail propose au ministre du Travail des changements nécessaires afin d'assurer la sauvegarde du régime de santé et de sécurité du travail. C'est un exercice de concertation. Il est pris au sérieux par tous les partenaires. Je le dis immédiatement à ma collègue de Chicoutimi, je n'ai pas l'intention de cacher ce rapport-là. Je l'ai commandé, je vais les accompagner dans leurs démarches. Mon sous-ministre y sera présent à compter de la prochaine réunion. J'ai besoin de leur expertise. Pardon?

Mme Blackburn: Quand aurons-nous le rapport?

M. Cherry: Aussitôt que je l'aurai et que j'en aurai pris connaissance, bien sûr que nous partagerons. Vous comprendrez qu'il faut quand même leur laisser terminer le travail. Celui qui

vous parie a un énorme respect pour la volonté maintenant exprimée par les parties d'en arriver à un règlement, et je ne vous demande pas de prendre ma parole comme témoignage de ça. Je vais vous référer à un dossier qui a consommé énormément de mes énergies l'année précédente, celui du rapport de la commission Sexton-Picard. Vous vous souviendrez combien de fois, en cette Chambre, combien de fois, en réponse à des questions de votre formation politique, combien de fois à des occupations de bureaux de comté, j'ai résisté aux pressions. Ce que j'ai fait, et vous vous en souviendrez, M. le Président, j'ai cheminé avec les parties. Je sais comment ça se fait. C'est le bagage d'expériences que je peux apporter dans ce genre de situation là. Je ne peux pas le faire à leur place; je peux le faire avec eux. C'est pour ça que je leur fais confiance, en dépit des gorges chaudes qu'on a entendues sur le temps que je prenais pour le dossier Sexton-Picard.

Vous vous souviendrez, M. le Président, que j'ai annoncé, en juin dernier, et très prochainement il y aura, avec la signature des parties, un amendement au décret pour incorporer un système de formation dans l'industrie de la construction, qui n'est pourtant pas réputée d'avoir la meilleure qualité de relations. J'ai mis là mes énergies, ma détermination, ma disponibilité, et c'est la même que j'offre dans ce dossier-là. Avec la collaboration de l'Opposition, je suis convaincu que je réussirai, avec ou sans, mais je préfère avoir sa collaboration. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Camden): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi pour 10 minutes.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Oui, M. le Président. M. le Président, juste parce que mon recherchiste me faisait remarquer ou me rappelait que la réserve actuarielle de la CSST est de 6 000 000 000 $. Ce n'est quand même pas rien. Alors, un premier geste que le ministre pourrait faire serait d'inviter son gouvernement et le président du Conseil du trésor à payer leurs comptes. Le gouvernement dort à la CSST, en comptes à recevoir, 68 772 000 $. Moi, je trouve que l'argent englouti, investi en pure perte dans une poursuite, m'apparaît quasiment scandaleux. Si le monde comprenait ce que ça veut dire, c'est que le gouvernement ne pourrait pas faire ça s'il était à la Laurentienne, parce que la CSST, c'est une assurance, mais il se permet de le faire parce que c'est à la CSST. C'est proprement indécent et inacceptable. Mais, en même temps, je me dis: Comme la CSST est créée en vertu d'une loi publique, que la CSST poursuive le gouvernement, eh bien là, même si c'est le gouvernement et que ce n'est pas mon gouverne- ment, je trouve ça ordinaire. Vous me permettrez de le dire Ça illustre une culture qui me déran ge.

M. le Président, on va parler un peu de prévention, et je me permets de citer une enquête qui a été menée aux États-Unis par un organisme comparable qu'on appelle OSHA, l'organisme pour la santé et la sécurité au travail. Une étude qui a été réalisée de 1979 à 1985 auprès de 6842 entreprises manufacturières, et les conclusions de cette étude sont: Quand les entreprises sont visitées, et quand elles sont trouvées coupables et quand on impose des pénalités, ça a un effet direct de réduire à la baisse, de réduire donc les accidents de 22 % et les pertes de jours de travail de 20 %. Il me semble que, là, il y a une voie. On parle de beaucoup de choses, de beaucoup de solutions, la II me semble que si le ministre m'écoute là. il y a une voie.

Deuxième chose, je pense qu'il faut travailler dans le sens d'une prise en charge des employeurs et des travailleurs de leurs conditions de travail. Mais il y aurait à envisager des incitatifs pour amener les employeurs, qui n'ont pas d'incitatif économique, à réintégrer leur travailleur accidenté; il faudrait trouver moyen de le faire. Lorsque j'ai parlé de cette situation... Je connais assez le dossier, je ne m'en vais jamais dans un dossier dont je ne connais à peu près pas toutes les réponses. Alors, je connais assez bien le dossier pour savoir que les grandes entreprises ont un incitatif; PME c'est sectoriel, donc ils n'en ont pas. Il faut trouver ces incitatifs. Ça, ça en est une solution! On n'accusera pas l'Opposition de ne pas faire des propositions.

Deuxième chose, il faudrait qu'on puisse responsabiliser les employeurs, les employés, les médecins, les syndicats et la CSST. Il faut que les médecins comprennent que même si cette attitude de donner un peu plus de jours de congé, ça peut être fait par générosité, par sensibilité à la situation du travailleur, mais non seulement ça coûte cher - parce que je vois le ministre qui me dit que ça coûte cher; ce n'est pas ça, le problème - c'est que ça coûte cher à l'employé parce que s'il retarde à se réintégrer, l'employeur a de plus en plus de difficulté à lui faire de la place. Et ça, ça pénalise un travailleur. Je pense qu'il va falloir qu'on parle de "responsabilisation". Il va falloir que la CSST, qui a repris le train de contestations et d'appels en arbitrage médical, il va falloir qu'elle se trouve d'autres voies. Il y a quelque chose qui ne va pas.

Quand on parle de "responsabilisation" et de prise en charge, il va falloir que ça vienne de partout. À présent, est-ce qu'il y a d'autres propositions qui pourraient amener une diminution des accidents du travail? On veut parier de prévention, j'en suis. Pourquoi est-ce qu'on n'investit pas davantage en ergonomie? Pourquoi

est-ce qu'on n'envisage pas la création d'un fonds pour aider les entreprises à adapter leurs postes de travail? C'est concret ça, là, et c'a un effet assez immédiat.

À présent, comment le ministre m'invite à aller présenter ou à me faire entendre auprès de ce comité? Vous, comme député, et tous les députés qui vous accompagnent, le lieu d'expression de l'avis et de l'opinion des parlementaires, c'est l'Assemblée nationale ou les commissions. Pas parce que je veux avoir une attitude, parce que c'est là et c'est comme ça que ça s'exerce. Je n'ai jamais vu que le contraire se fasse. Je ne l'exclus pas, mais de façon générale, il y a un lieu et c'est pourquoi je le réclame pour ici.

M. le Président, moi, je pense, et je partage l'avis du ministre là-dessus, moi, je dis: La table est mise. Les parties connaissent la situation. Et j'ai la conviction, tout comme le ministre, que les attitudes sont progressivement en train de changer. On a réussi à établir... Je ne dirais pas qu'on a réussi. La situation, en fait, qu'on est en train d'établir, de celle qu'il est en train de s'établir entre les syndicats et le patronat, des modes de négociation, ils sont en train de parler et de se parler. La présence de tous les intervenants autour de la table touchant la formation professionnelle et la formation de la main-d'oeuvre illustre de façon absolument sans conteste, de façon particulière, ce nouveau climat qui est en train de se créer au Québec. Je crois sincèrement, et c'est l'invitation que je voudrais faire au terme de cet échange, je crois sincèrement que si les parties le décident, une partie de la situation est entre leurs mains.

Je pense que, par la force des choses, ils vont y venir parce que les syndicats, et les patrons, et le patronat, ne peuvent plus supporter les coûts de la contestation. Ça m'est venu des deux côtés. Ce n'est pas vrai que pour contester une journée ou deux de salaire, qui vont être payées soit par l'assurance soit par le fonds général, je vais continuer à investir, moi, pour l'expertise, mon avocat, 2500 $. Ça n'a pas de bon sens! Des fois, des économies de 20 $. Il y a quelque chose qui ne va pas. Alors, moi, je me dis, je pense que la situation est devenue telle, un peu comme pour la situation économique, quand l'économie a été sérieusement menacée, ils se sont mis ensemble. Je pense que la situation vient menacer leur propre économie, c'est-à-dire celle des syndicats et celle du patronat, et ils vont se mettre à table.

Il reste cependant un secteur qui m'apparait fragile et qui ne m'avait pas frappée, quoique j'en avais entendu parler, ce sont les attitudes des cadres dans la fonction publique, parapubli-que et péripublique, qui ont une propension à contester davantage. Et, pour eux, on ne peut pas envisager les incitatifs: Ça vous coûte cher, vous allez arrêter parce que c'est pris dans la caisse générale, un peu comme pour la CSST, je dois dire. Quand on va en contestation, c'est pris dans le pot - pour parler québécois - alors ce qui fait qu'il faut trouver moyen de responsabiliser aussi ces parties, de manière à ce que l'affrontement ou la contestation, ça devienne l'exception, bien qu'il faut dire quelque chose qui n'a pas été dite aujourd'hui. Je pense qu'il y a 95 % - et je voudrais bien qu'on me le répète -des causes qui se règlent sans contestation. C'est important de le rappeler, sinon, on laisse planer une image qui est fausse, et ce serait malheureux. Alors, il faut rendre hommage. Cependant - et les chiffres restent à confirmer, je n'ai pas la donnée officielle là-dessus - selon les informations que j'ai, les 5 % de contestation représentent 30 % des coûts d'administration. Alors, ça vous donne une idée pourquoi on s'attache à ce problème-là, parce que le moindrement qu'on va le réduire à 1 % ou 2 %, on n'aura plus de problème de caisse, ou à peu près.

Alors, voilà, M. le Président. Je souhaite sincèrement que le ministre puisse produire son rapport rapidement et qu'il fasse l'objet d'une consultation; pas générale, ça peut être une consultation particulière, on pourrait s'entendre là-dessus. Mais je lui offre, là-dessus et pour cette question, toute ma collaboration et celle de l'Opposition.

Le Président (M. Camden): Mme la députée de Chicoutimi, je vous remercie. Je remercie également M. le ministre et les participants, ce matin, à cette interpellation.

Sur ce, je mets fin aux travaux de cette commission et j'ajourne sine die, considérant que la commission a accompli son mandat.

(Fin de la séance à 12 heures)

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