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(Dix heures deux minutes)
Le Président (M. Bélanger): Bonjour. La commission
de l'économie et du travail se réunit pour finaliser sa
consultation générale et ses auditions publiques sur la situation
et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.
Alors, nous avons une copie de l'organisation du temps pour la
journée, une sorte d'ordre du jour qui, sans être formel, n'a pas
besoin d'être adopté, mais qui va nous servir de ligne directrice
dans notre procédure pour la journée.
Dépôt de mémoires
Mais, auparavant, je voudrais déposer la liste des
mémoires qui ont été déposés à la
commission, mais qui n'ont pas été entendus, soit parce que les
gens ne jugeaient pas nécessaire de s'y rendre, mais tenaient à
faire connaître leur point de vue. Alors, il s'agit de la Chambre de
commerce de Rouyn-Noranda, de la Chambre de commerce de Val-d'Or,
d'Hélio-Joule, de Mme Marcelle Hudon, de M. Peter Jacobs et M. Michel
Gariépy, de la MRC de Manicouagan, du Mouvement au Courant et de M.
André Sabourin. Cette liste étant déposée, M. le
secrétaire, nous sommes donc prêts à procéder.
Auditions
J'inviterais, sans plus tarder, les représentants
d'Hydro-Québec, M. Drouin, M. Boivin et M. Delisle, à
procéder à la présentation du mémoire
d'Hydro-Québec.
Alors, je vous en prie.
Hydro-Québec
M. Drouin (Richard): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames et messieurs de la commission parlementaire, au cours de la prochaine
heure, Hydro-Québec s'apprête à vous livrer un
résumé de son mémoire. J'en ferai d'abord la
présentation pour être suivi par le président et chef de
l'exploitation, M. Boivin, qui abordera trois sujets plus spécifiques
qui ont été établis à l'ordre du jour.
La complexité accrue des questions énergétiques et
l'impact social, économique et environnemental des choix possibles
commandent désormais que les décisions concernant le
développement du secteur de l'électricité soient
débattues publiquement et qu'elles s'appuient sur l'information et la
participation active de la population. La réponse imposante et
diversifiée de plus de 70 organismes à l'invitation du
gouvernement témoigne de l'intérêt et parfois de
l'inquiétude que suscite notre avenir énergétique
collectif. C'est donc dans un esprit de très grande ouverture et avec
beaucoup d'intérêt qu'Hydro-Québec accueille les nombreux
points de vue qui ont été exposés au cours de cette
commission parlementaire. Placée au carrefour d'exigences collectives
très diverses et parfois contradictoires, Hydro-Québec est
consciente de l'ampleur de ses responsabilités et souhaite
répondre adéquatement aux exigences d'un développement
harmonieux et réussi.
Le mémoire d'Hydro-Québec dont nous discutons aujourd'hui
expose la nature de nos choix ainsi que les contraintes et les
conséquences économiques, sociales et environnementales de ces
choix. S'il n'y a pas d'options faciles, certaines orientations s'imposent,
croyons-nous, comme les avenues les plus rentables et les plus responsables
pour relever les défis "électriques" du début du XXIe
siècle. Nous plaçons les économies d'énergie, le
choix de l'hydroélectricité et les exportations au coeur de ces
orientations.
À court terme et quotidiennement, HydroQuébec est, de
plus, préoccupée par la qualité de son produit et de ses
services à la clientèle. Bien que cette question ne soit pas
inscrite à l'ordre du jour de nos discussions, je me permettrai de
souligner brièvement que les programmes mis en place dans le plan de
développement de l'an dernier donnent déjà des
résultats concrets et ont permis, en 1989, de diminuer le temps
d'interruption moyen par client. Nous ne sommes, cependant, pas encore
satisfaits de ces résultats et nous visons, dès 1995, à
réduire à moins de quatre heures le temps moyen d'interruption
par client. Nous visons un palier de service définitivement plus
élevé et l'atteinte de nouveaux standards d'excellence. Nous nous
attaquerons, de plus, résolument à l'augmentation de la
productivité de tous nos employés. Un plan précis sera
élaboré et mis en oeuvre pour concrétiser nos objectifs et
mesurer leur réalisation. À ces préoccupations
immédiates, s'ajoute celle, imperative, de développer à
moyen et à long termes une vision précise de notre avenir
énergétique.
Un survol rapide des 40 dernières années nous permet de
constater ('electrification croissante des économies de la
planète. En 1988, 10 fois plus d'électricité a
été mondialement consommée qu'en 1950. Depuis 1973, la
consommation d'électricité dans le monde a connu une progression
de 51 % contre 7 % seulement pour la consommation totale d'énergie.
Cette tendance s'explique par la nature même de
l'électricité et par son importance stratégique dans
l'approvi-
slonnement énergétique de tous les pays.
Nous avons la chance au Québec, de posséder d'imposantes
ressources hydroélectriques non utilisées pour répondre
à la demande croissante des prochaines décennies. Ici, comme
ailleurs dans le monde, nous pouvons constater la forte
pénétration de l'électricité dans notre bilan
énergétique.
Depuis 1983, notre consommation d'électricité a
augmenté de 50 %. Cette croissance de la demande s'explique
essentiellement par la croissance économique elle-même et
l'implantation de nouvelles industries, par l'augmentation du nombre de
ménages et par la poursuite de la pénétration du chauffage
électrique.
La mission d'Hydro-Québec consiste avant tout à mettre en
oeuvre les moyens de satisfaire la demande d'électricité. Ces
moyens doivent, de plus, être conciliables avec la politique
énergétique du gouvernement et avec les exigences
économiques, sociales et environnementales de la population.
Parallèlement à la croissance de la demande, nous avons
traversé, au cours des dernières années, une
période de très faible hydraulictté.
Pour faire face à cette situation et continuer de répondre
à une demande croissante, des décisions majeures de
développement de notre parc de production ont été prises
au cours des deux dernières années. L'aménagement de six
nouvelles centrales dans ce qu'il convient maintenant d'appeler la phase II du
complexe La Grande permettra, d'ici 1996, d'augmenter notre capacité de
production de 17 %. Il nécessitera, avec la construction de deux lignes
de transport additionnelles, des investissements d'environ 12 000 000 000 $ au
cours des six prochaines années.
D'autres choix doivent maintenant être effectués pour
répondre à nos besoins, à moyen et à long termes,
et nous assurer de la poursuite de la qualité et de la continuité
du service au cours des prochaines décennies. Pour continuer d'appuyer
et de soutenir la croissance économique et sociale du Québec,
c'est donc dès 1990 qu'il nous faut collectivement définir nos
orientations pour répondre à nos besoins du début du XXIe
siècle.
Hydro-Québec place trois choix fondamentaux au coeur de sa
proposition de plan de développement 1990-1992 et ces trois choix sont:
l'implantation d'un vaste programme d'économie d'énergie, le
choix de l'hydroélectricité comme principal moyen de production
et le maintien des ventes à l'exportation.
Pour les années quatre-vingt-dix, HydroQuébec propose
l'implantation d'un vaste programme d'économie d'énergie. Nous
souhaitons élaborer et mettre à la disposition de nos
différentes clientèles les moyens les mieux adaptés pour
utiliser moins d'énergie, tout en obtenant, au niveau du confort et du
rendement, des résultats comparables et même
supérieurs.
Certains affirment que la forte augmentation de la demande
d'électricité et la nécessité de recourir aux
économies d'énergie sont imputables au gaspillage des
Québécois. Ce n'est pas le cas. Dans les faits, la consommation
énergétique des Québécois n'est pas
exceptionnellement élevée. Elle se compare favorablement à
la moyenne générale. Dans les secteurs domestique et agricole,
par exemple, notre consommation par habitant est de 28 % inférieure
à celle de l'Ontario et de 8 % supérieure à celle des
Scandinaves, reconnus pour leur efficacité énergétique. Le
Québec est l'un des endroits où les gains d'efficacité
énergétique ont été les plus marqués au
cours des 20 dernières années et, depuis 1971, la consommation
totale d'énergie des habitations québécoises a
baissé de 40 %, malgré l'augmentation du niveau de vie et
l'utilisation croissante d'appareils électroménagers.
Malgré cette performance, il y a encore place pour une
utilisation plus rationnelle de l'électricité. Bien qu'abondante
et fabriquée à partir d'une ressource renouvelable, cette
énergie n'en demeure pas moins précieuse. L'objectif des
économies d'énergie que nous comptons atteindre est imposant,
mais néanmoins réalisable. Il représente 25 % de la
croissance de la demande d'ici 1999. Ces objectifs se comparent favorablement
de ceux d'Ontario Hydro, pour la même période.
Pour réaliser de nouveaux gains en matière
d'économies d'énergie, Hydro-Québec propose d'investir 1
800 000 000 $ dans une trentaine de programmes. Nous souhaitons intervenir dans
des domaines nombreux et variés comme, par exemple, l'éclairage
public, l'encouragement à l'installation d'appareils et d'accessoires
ménagers à haute efficacité, l'amélioration des
procédés industriels et l'évaluation
énergétique des clients domestiques, industriels et commerciaux.
Mais le succès de ces programmes repose avant tout sur l'adhésion
de notre clientèle et sur sa collaboration, ainsi que sur celle de nos
principaux partenaires manufacturiers, professionnels, entrepreneurs et agences
de réglementation.
Malgré l'implantation d'un ambitieux programme d'économie
d'énergie, Hydro-Québec devra quand même faire face
à une augmentation de la demande. Certains nous reprochent
d'évaluer trop faiblement cette croissance. Au cours des deux
dernières décennies, la demande d'électricité a
connu au Québec une augmentation annuelle moyenne de 5,7 %. Nous
prévoyons que cette augmentation sera de 2,4 % de 1989 à 1999, de
1,2 % jusqu'à 2006, pour une augmentation moyenne de 2 % pour l'ensemble
de la période.
Nos prévisions concernant la construction de nouveaux
équipements sont effectuées selon le scénario moyen de la
demande, qui tient compte des économies d'énergie que nous avons
prévu réaliser. Cependant, comme il est plus facile, dans le cas
de la construction de nouveaux équipements, d'effectuer des ajustements
à ia
baisse plutôt qu'à la hausse, les études et les
demandes d'autorisations gouvernementales sont, pour leur part,
effectuées selon le scénario fort de la demande.
Notre deuxième choix concerne celui de
l'hydroélectricité comme source énergétique
première pour répondre à nos besoins. La valeur du
potentiel hydroélectrique non encore utilisé dont nous disposons
au Québec est inestimable. Nous sommes parmi les dernières
régions du monde à posséder d'aussi importantes ressources
hydrauliques. Cette ressource nous appartient, elle est renouvelable et elle
constitue la meilleure option aux plans économique, technique et
environnemental. (10 h 15)
Hydro-Québec propose d'aménager la partie de notre
potentiel hydroélectrique qui se révèle rentable du point
de vue économique et concilia-ble avec les exigences environnementales
de notre société. Les projets de la phase II du complexe La
Grande, qui sont en construction présentement, répondront
à la croissance de la demande des prochaines années. Entre 1998
et 2006, il faudra procéder à la mise en service de nouvelles
centrales, pour une capacité totale d'environ 8000 mégawatts,
soit l'équivalent du quart de notre capacité de production
actuelle.
Compte tenu des délais de réalisation et d'obtention des
autorisations reliées à ces projets, nous devrons, dès
cette année, effectuer les premiers choix. Le complexe Grande Baleine
constitue l'élément le plus critique pour répondre
à nos besoins "électriques" à compter de 1998. Pour
respecter l'échéancier de mise en service, il est essentiel
qu'Hydro-Québec soit autorisée, dès 1990, à
entreprendre la construction des routes et des aéroports requis pour le
projet. Les autorisations gouvernementales concernant le complexe
lui-même seront requises en 1992.
Les ressources alternatives s'avèrent économiquement moins
avantageuses que l'hydroélectricité. Par conséquent,
Hydro-Québec écarte le recours exclusif à des centrales
thermiques pour satisfaire les besoins de base, et cela, pour trois raisons:
les centrales thermiques créent plus d'impact sur la qualité de
l'air que l'hydroélectricité, leurs coûts
d'aménagement sont plus élevés et moins stables et elles
nous obligent à recourir à l'importation de charbon, de
pétrole et de gaz, réduisant ainsi notre autonomie.
Quant au nucléaire, bien que nous ayons conservé les
connaissances technologiques et économiques nécessaires pour bien
suivre l'évolution de cette filière énergétique,
nous ne privilégions pas pour l'instant cette hypothèse, parce
que: les coûts d'aménagement d'un tel programme sont
évalués à au moins 30 % de plus que notre programme
hydroélectrique actuel; la gestion des déchets radioactifs
soulève des problèmes environnementaux importants et, enfin, les
échéanciers de réalisation et le processus d'autorisations
gouvernementales ne nous permettrait pas de réaliser la mise en service
d'une centrale nucléaire avant l'an 2000.
L'hydroélectricité demeure donc le choix
privilégié d'Hydro-Québec. Ses nombreux avantages
l'imposent actuellement comme la meilleure option à tous
égards.
La protection de l'environnement. Contrairement à une autre
idée parfois avancée, Hydro-Québec ne cherche pas le
développement à tout prix, sans égard pour
l'environnement. Nous avons adhéré au concept du
développement durable. Le lancement de notre programme d'économie
d'énergie témoigne de façon tangible de cet engagement. La
réalisation de ce programme nous permettra en outre de moduler le
développement de nos ressources hydroélectriques de
manière à respecter l'environnement et à permettre une
concertation avec les autres partenaires du milieu.
Nous ne nions pas que l'aménagement, au cours des prochaines
décennies, de plusieurs rivières aura des répercussions
sur l'environnement biophysique et sur l'utilisation du territoire par les
communautés qui vivent dans les régions concernées. Vingt
ans de recherches et d'expérience en matière environnementale et
la réalisation de nombreuses études d'impact nous permettent
cependant de mesurer adéquatement ces répercussions, de les
atténuer et de les gérer en collaboration avec nos partenaires
régionaux et locaux.
À titre d'exemples, j'aimerais citer les cas des caribous et de
la sauvagine. L'aménagement de la phase I du complexe La Grande a
inondé des habitats propices à ces deux espèces. Or, la
population de caribous, qui s'élevait à environ 200 000 au
début des travaux, a continué d'augmenter pendant la construction
du complexe et, aujourd'hui, pendant l'hiver, les caribous, qui sont maintenant
plus de 700 000, fréquentent assidûment les réservoirs et
les routes pour se déplacer et se nourrir. Quant à la sauvagine,
nos estimations et celles du Service canadien de la faune démontrent que
le complexe La Grande n'aurait déplacé le parcours que de 7000
à 9000 couples de ces oiseaux migrateurs, sur un total de 1 100 000
recensés au Québec en 1989. Ces exemples témoignent de la
robustesse des écosystèmes du Nord québécois et de
la capacité d'adaptation des ressources qui y vivent.
Hydro-Québec poursuivra avec rigueur son processus
d'études environnementales et de consultation pour chacun de ses
projets. Nos études et nos programmes d'atténuation des impacts
sont reconnus comme les plus développés en Amérique du
Nord. Nos projets sont analysés et revus par des experts conseils et des
universitaires québécois qui effectuent des travaux d'envergure
en matière de protection de l'environnement et dont l'expertise est
mondialement reconnue. Nous soumettons nos résultats aux organismes que
les autorités gouvernementales désignent pour les examiner en vue
de leur
approbation.
Il nous apparaît toutefois essentiel que soient harmonisées
les procédures d'études, d'analyse et d'autorisation des projets
d'Hydro-Québec. Nous avons à plusieurs reprises, au cours des
trois dernières années, souligné l'importance de mettre en
place des mécanismes qui, tout en respectant des délais
raisonnables, permettent l'application rigoureuse et efficiente de la
législation environnementale pertinente; fournissent aux
ministères et organismes de révision les ressources requises pour
qu'ils réalisent leur travail avec rigueur et diligence; assurent
à toutes les parties intéressées des moyens et des moments
privilégiés pour participer activement au processus. Nous en
sommes en cette matière à l'heure des décisions, car tout
retard aura des incidences majeures sur la réalisation de nos
projets.
Hydro-Québec est consciente que ses projets perturbent certaines
pratiques traditionnelles des communautés autochtones et ont un impact
sur les milieux humains des régions touchées. Nous entendons,
cependant, en limiter la portée et maintenir, à toutes les
étapes de conception et de réalisation de nos projets, un lien
étroit avec les groupes concernés. Ces consultations peuvent
entraîner des modifications significatives aux projets initialement
envisagés.
Le projet de la Sainte-Marguerite constitue, à cet égard,
un très bon exemple. Cela nécessitera le détournement de
deux rivières vers la Sainte-Marguerite, ce qui pourrait affecter le
saumon de la rivière Moisie mondialement connue. Les études et
les consultations effectuées auprès des communautés et des
organismes de la région nous ont permis d'élaborer des mesures
d'atténuation qui modifient la conception et l'exploitation des
ouvrages. La Fédération québécoise pour le saumon
atlantique agit, dans ce dossier, comme partenaire d'Hydro-Québec pour
assurer la protection et la mise en valeur du saumon de la rivière
Moisie
Les exportations constituent une troisième orientation
qu'Hydro-Québec soumet à la discussion publique. Il nous faut,
dès le début, relever une affirmation souvent
véhiculée. L'électricité vendue aux
Américains le serait à un prix plus bas que celui consenti aux
clientèles québécoises. La réalité
concernant les exportations est totalement différente.
L'électricité vendue en vertu de contrats d'exportation et de
puissance garantie est vendue en moyenne deux fois plus cher aux réseaux
voisins qu'aux entreprises québécoises. Les exigences de
rentabilité d'Hydro-Québec sont très
élevées. Elles stipulent que les contrats d'exportation doivent
générer un rendement d'au moins 22 % sur l'avoir propre. Ainsi,
de 1996 à l'an 2000, nos exportations d'électricité
représenteront moins de 6 % de nos ventes, mais rapporteront 28 % de nos
profits. Enfin, les exportations ont également un effet positif sur
l'environnement. En réduisant le fonctionnement des centrales thermiques
classiques à notre frontière sud, elles réduisent, de ce
fait, les pluies acides et l'effet de serre générés par ce
type de centrales.
Ainsi, au-delà des engagements déjà conclus, nous
avons le choix de planifier pour répondre uniquement à la
croissance des besoins québécois ou de réaliser un
devancement graduel du potentiel hydroélectrique pour augmenter les
exportations. En raison de ses perspectives de rentabilité
intéressantes, Hydro-Québec privilégie nettement cette
deuxième hypothèse et propose de continuer de développer
le marché des exportations de façon à atteindre, au
début du siècle, un objectif prudent de 3500 mégawatts,
c'est-à-dire moins de 10 % de la capacité de production dont nous
disposerons alors.
Les choix que je viens de vous exposer requièrent le maintien de
la santé financière d'Hydro-Québec. La proposition du plan
de développement de 1990-1992 prévoit, en effet, d'Ici les 10
prochaines années, des investissements d'environ 62 000 000 000 $ et des
hausses de tarifs qui suivront l'évolution du taux de l'inflation
après 1992.
Certains affirment à cet égard que les projets
d'Hydro-Québec contribuent au surendettement du Québec. Nous
considérons que l'endettement lié à la réalisation
de notre programme d'équipement est Inférieur, si l'on tient
compte de la taille de l'entreprise à cette époque, à
celui que nous avons géré dans les années soixante-dix
pour l'aménagement de la phase I du complexe La Grande. Nos
décisions d'investissement sont prises, comme toutes les
décisions d'affaires, en tenant compte de leur rentabilité, de
l'enrichissement escompté, des perspectives des marchés et de
notre capacité d'emprunt. Parce qu'ils sont plus rentables que la
moyenne des projets de production d'électricité
nord-américains, nos projets sont convoités par les milieux
financiers internationaux.
Les investissements d'Hydro-Québec génèrent, de
plus, des retombées économiques considérables et ont un
Impact majeur sur notre enrichissement collectif. La contribution
économique directe et indirecte d'Hydro-Québec représente
actuellement 5 % du produit intérieur brut du Québec. Notre
proposition de développement contribue, de façon significative,
à la création d'emplois au Québec. Entre 1989 et 1992, par
exemple, les emplois soutenus par nos activités d'exploitation et
d'investissements, d'encouragement à l'implantation industrielle, de
mise en marché et de distribution d'électricité, ainsi que
par notre programme d'économie d'énergie augmenteront de 24 000
et totaliseront, sans tenir compte des effets multiplicateurs, plus de 87 000
emplois. Hydro-Québec continuera à maximiser l'impact
économique de ses achats de biens et de services en tâchant
d'accroître le contenu québécois de ses acquisitions.
En conclusion, j'inviterais maintenant mon
collègue, le président et chef de l'exploitation, M.
Claude Boivin, à aborder trois sujets que nous considérons de
très grande importance et qui font partie de notre plan de
développement 1990-1992, ainsi que de notre mémoire à
cette commission, c'est-à-dire les sujets traitant de la consommation
d'énergie et de la croissance de la demande, de la flexibilité du
programme d'équipement et de la nécessité de mettre en
service Grande Baleine en 1998, et de l'approche d'Hydro-Québec et des
programmes proposés en matière d'économies
d'énergie. M. le président. (10 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M.
Boivin.
M. Boivin (Claude): M. le Président, Mme la ministre,
mesdames et messieurs les députés, une première grande
question a été fréquemment soulevée à
l'occasion de la présente commission parlementaire: Quels seront les
besoins véritables du Québec en électricité dans 10
ou 20 ans? Parmi les intervenants qui ont déposé des
mémoires devant vous, certains ont jugé que notre
prévision de la demande était trop forte, d'autres ont
jugé qu'elle était trop faible. Selon notre scénario le
plus probable, nous prévoyons une augmentation de la demande de 2,4 %
par année, en moyenne, de 1989 à 1999 et de 1,2 % par
année, de 1999 à 2006. La croissance globale, sur l'ensemble de
la période d'ici 2006, sera donc de 2 % par année, en moyenne.
Comme plusieurs mémoires l'ont souligné, il s'agit d'un net
ralentissement par rapport à la croissance que nous avons connue de 1971
à 1989, alors que la croissance moyenne de la consommation
d'électricité au Québec a été de 5,7 % par
année. Comment expliquer un tel ralentissement? Essentiellement, par
trois facteurs: la saturation des marchés, la baisse de la croissance
démographique et l'introduction de programmes d'économies
d'énergie.
Si la demande d'électricité a considérablement
augmenté depuis le début des années soixante-dix, c'est
principalement parce que cette période a été
marquée par la pénétration du chauffage électrique
et par une très large diffusion des appareils
électroménagers. En effet, en 1971, à peine un logement
sur 14, c'est-à-dire 7 %, était chauffé à
l'électricité, tel que l'indique le tableau 2 qui vous a
été distribué. Aujourd'hui, on trouve ce type de chauffage
dans plus de 7 logements sur 10, soit 70 % des ménages
québécois. Le scénario de croissance moyenne continue de
prévoir la pénétration du chauffage électrique dans
les résidences, mais à un rythme beaucoup moins rapide. De fait,
d'ici 2006, nous prévoyons que le chauffage à
l'électricité au Québec atteindra 8 logements sur 10 au
début du prochain siècle. Un raisonnement semblable s'applique
à l'ensemble des appareils électroménagers, comme vous
pouvez également le voir au tableau 3.
À cause de la dénatalité, on prévoit aussi
que la population du Québec augmentera beaucoup moins rapidement au
cours des prochaines années. Alors que le taux de croissance annuel de
la population était de 0,8 % entre 1971 et 1989, il devrait
s'établir à 0,3 % entre 1989 et 2006. Ces hypothèses sont
cohérentes avec les scénarios retenus par le Bureau de la
statistique du Québec. Cependant, il faut prévoir que les
prochaines années seront marquées par une augmentation de la
proportion des adultes dans la population québécoise. Ainsi, le
nombre de ménages augmentera, lui, de 1,3 % par an d'ici 2006,
comparativement à un taux de croissance de 2,7 % entre 1971 et 1989.
Forcément, si la population augmente trois fois moins rapidement et le
nombre de ménages deux fois moins rapidement, il en résultera une
pression moindre sur l'accroissement de la demande
d'électricité.
En lançant des programmes permanents d'économie
d'énergie, Hydro-Québec contribuera, elle aussi, à
ralentir la croissance de la demande d'électricité. Je reviendrai
tout à l'heure sur les caractéristiques de ces programmes. Pour
l'instant, je voudrais simplement souligner leurs effets sur la croissance de
la demande. Sans eux, nous devrions prévoir une augmentation annuelle
moyenne de 2,4 % entre 1989 et 2006.
Si ces trois facteurs contribuent à ralentir la croissance de la
demande d'électricité, par contre, certains autres ont tendance
à la raffermir. C'est le cas, principalement, du développement
industriel. Selon les prévisions du scénario de croissance
moyenne, les trois quarts de l'augmentation totale de la demande
d'électricité seront attribuables au secteur industriel. En
effet, pour cette catégorie de clients, nous prévoyons une
croissance moyenne de la demande de 3,6 % par année entre 1989 et 2006.
De 1989 à 1999, le taux de croissance dans le secteur industriel sera de
5,2 % alors qu'il se situera à 1,4 % de 1999 à 2006.
Les ventes au secteur industriel augmenteront d'environ 30
térawattheures d'ici 1999. La majeure partie de cette croissance, soit
plus de 25 térawattheures, sera consacrée à l'alimentation
des industries fortes consommatrices d'électricité, fonte et
affinage, pâtes et papier, chimie et autres. Les projets industriels
déjà engagés représentent quelque 18
térawattheures d'ici 1999, dont 13 térawattheures pour les
alumine-ries. Celles-ci comptent donc pour 40 % de toute la croissance
prévue dans le secteur industriel.
Au-delà de ces engagements, nous prévoyons une
augmentation de 12 térawattheures dans le secteur industriel d'ici 1999.
Plus de 5 térawattheures seront requis par l'industrie des pâtes
et papiers et 2 térawattheures par l'industrie chimique. Le solde de la
croissance prévue sera attribuable à l'ensemble des industries
pour lesquelles l'électricité est un facteur moins important en
termes de coûts de production.
En résumé, comme on peut le voir au
tableau 4, les taux de croissance prévus pour les principaux
secteurs de consommation varient de façon significative. Nous
anticipons, en effet, pour la période 1989-1999 un taux de croissance
annuel moyen de 0,6 % pour le secteur domestique et agricole, de 1 % pour le
secteur général et institutionnel et de 5,2 % pour le secteur
industriel.
Notre prévision de la demande se compare avantageusement aux
prévisions faites par les réseaux voisins. Cependant, la
meilleure prévision ne restera toujours qu'une prévision, avec
toutes les incertitudes que cela comporte. C'est pourquoi nous élaborons
deux autres scénarios afin de représenter la fourchette des
possibilités les plus plausibles: un scénario de croissance
faible et un scénario de croissance forte complètent donc notre
scénario de croissance moyenne. Depuis 1983, la forte croissance
économique au Québec a entraîné de nombreuses
révisions à la hausse de nos scénarios de croissance
moyenne, comme l'indique d'ailleurs le tableau 5 qui vous a été
remis. Malgré cela, la demande réelle s'est
généralement sitiuée à l'intérieur de la
fourchette des possibilités retenues par HydroQuébec. Dans
l'actuelle proposition de plan de développement, il y a un écart
de 40 térawatt-heures entre le scénario de croissance faible et
le scénario de croissance forte à l'horizon de 2006.
Hydro-Québec doit tenir compte de cette incertitude dans sa
planification.
Le second thème, maintes fois invoqué par les intervenants
et les membres de cette commission, concerne les économies
d'énergie au Québec. De fait, la question pourrait, de
façon simple, être formulée comme suit: Après avoir
réduit de 40 % la consommation énergétique de leurs
maisons, les Québécois peuvent-ils faire mieux? À
Hydro-Québec, nous croyons que les économies d'énergie
représentent encore un potentiel significatif. Évidemment, nous
sommes conscients du fait que de nombreuses mesures et souvent les plus
importantes ont déjà été prises par nos clients,
notamment dans le secteur domestique. Pour aller plus loin, il faudra recourir
à de multiples interventions dont les effets individuels ne seront pas
spectaculaires. Cependant, quand on les multiple par 3 000 000 de clients, il
n'y a pas de petites économies d'énergie.
C'est pourquoi nous avons décidé d'entreprendre un
programme à long terme, qui, progressivement, devrait nous permettre
vers la fin du siècle, avec la collaboration de notre clientèle,
de combler 25 % de la croissance de notre consommation
d'électricité. Nous prévoyons y investir environ 1 800 000
000 $ pour inciter nos diverses clientèles et les aider
financièrement à prendre des mesures et à installer des
équipements qui réduiront leur consommation.
Pour évaluer le potentiel technique des économies
d'énergie, Hydro-Québec n'a retenu que les moyens
répondant à deux conditions fondamentales. La premiers condition
est d'ordre social: la mesure envisagée ne doit entraîner aucune
réduction du confort ou du service chez le client. La seconde condition
est d'ordre économique: la mesure envisagée ne doit pas
coûter plus cher que l'énergie qu'elle permet d'économiser.
En se fondant sur ces conditions, Hydro-Québec a identifié plus
d'une trentaine de domaines d'intervention dans différents secteurs.
L'ensemble de ces mesures permettrait techniquement d'économiser 23 000
000 000 de kilowattheures en 1999: C'est ce que l'on appelle le potentiel
technique.
Quelle partie de ce potentiel technique peut-on espérer
réaliser d'ici la fin du siècle? Pour répondre à
cette question, il faut comprendre la nature des moyens qui peuvent être
mis en oeuvre. Il s'agit de moyens dont les effets individuels sont
relativement modestes et qui exigeront des centaines de milliers
d'interventions auprès de 3 000 000 de résidences, fermes,
commerces, Institutions ou industries. Hydro-Québec devra donc
préalablement promouvoir une participation active de sa
clientèle. Fondamentalement, ce projet touche directement les habitudes
de vie des clients, leur façon d'acheter et de consommer. Ce sont des
comportements difficiles à modifier à court terme, surtout dans
un contexte où l'électricité est perçue comme une
ressource abondante et peu coûteuse.
Enfin, il faut également tenir compte des nombreux transferts de
coûts au niveau des dépenses énergétiques. Pourquoi
un locataire adopterait-il des mesures d'économie d'énergie si
l'électricité est incluse dans son loyer? À l'inverse,
comment convaincre un propriétaire de mieux isoler les locaux dont le
chauffage est payé par un locataire? Compte tenu de ces nombreux
écueils, Hydro-Québec s'est néanmoins fixé un
objectif ambitieux: des économies de 12 900 000 000 de kilowattheures
par an, dès 1999, et qui augmenteront par la suite. C'est
l'équivalent de deux fois la consommation annuelle de la ville de
Québec. Avec un pareil objectif, Hydro-Québec se classe au
troisième rang sur 38 compagnies d'électricité
nord-américaines actives dans le domaine, et cela, en dépit du
fait que ses tarifs comptent parmi les plus bas en Amérique du Nord.
Les économies d'énergie profitent à la fols au
client et à Hydro-Québec. Le client voit sa facture
diminuée, tandis qu'Hydro-Québec épargne la
différence entre le coût de nouvelles installations et le revenu
qu'elle aurait autrement perçu. Dans un tel contexte, il est normal que
les coûts des économies d'énergie soient aussi
partagés entre Hydro-Québec et ses clients. Nous prévoyons
globalement assumer environ 50 % du coût des économies
d'énergie. En favorisant une participation financière du client,
Hydro-Québec compte susciter chez lui une utilisation judicieuse des
moyens mis à sa disposition. Un article
performant expédié gratuitement avec la facture
d'électricité risquerait fort de ne pas être utilisé
par plusieurs et de se retrouver au rebut à faible
échéance. En moyenne, les programmes retenus prévoient une
contribution du client qui devrait être remboursée en un peu plus
d'un an par les économies réalisées.
La partage des coûts entre le client et Hydro-Québec
répond également à un principe d'équité. En
donnant en subventions plus qu'elle n'en retire, Hydro-Québec devrait
nécessairement compenser la perte encourue par des hausses tarifaires.
Ainsi, les avantages accordés à certains clients seraient
défrayés par l'ensemble de la clientèle. En plus de
favoriser les clients qui consomment beaucoup et qui peuvent donc
économiser davantage, une telle politique réduirait l'avantage
comparatif du Québec dans le secteur industriel.
Les programmes d'économie d'énergie mis de l'avant par
Hydro-Québec ne visent pas à corriger une situation de court
terme. Ils découlent d'un engagement qui se veut permanent et
fondamental. Dorénavant, les économies d'énergie seront
considérées au môme titre que les nouveaux
équipements dans la planification de l'offre et de la demande. (10 h
45)
À cet égard, Hydro-Québec a défini, pour
encadrer son intervention, une démarche rigoureuse et des principes de
base qu'elle entend respecter et qui sont garants de la pérennité
des gains en économie d'énergie. Rappelons brièvement ces
principes.
Le premier: l'adhésion de la clientèle par la
communication. Le succès des économies d'énergie
dépendra essentiellement du degré d'adhésion de la
clientèle. C'est un point qui est loin d'être acquis. Il faut
vaincre actuellement une indifférence certaine, d'où une
première préoccupation fondamentale de miser d'abord sur la
communication, l'information et la sensibilisation.
Deuxièmement, l'implantation d'équipements fiables et de
nouvelles habitudes de consommation. Cette étape étant franchie,
nous proposerons à nos clients de remplacer certains appareils, de
transformer leurs systèmes ou leurs procédés, de modifier
leurs maisons ou de changer certaines habitudes. Hydro-Québec croit
fondamentalement qu'il est de sa responsabilité de s'assurer de la
qualité et de l'efficacité des produits, des moyens ou des
interventions qu'elle préconise et de s'assurer que ceux-ci
n'affecteront d'aucune manière le confort ou la performance dont
bénéficient actuellement nos clients. Cela pourra
nécessiter de restreindre le nombre de fabricants et de partenaires qui
seront associés à certains programmes. Nous regrettons que cet
aspect de notre action ait été mal interprété dans
le cas de la promotion de la pomme de douche, mais nous demeurons convaincus
que le respect de nos clients commande une action très rigoureuse en
cette matière, même au risque de subir certaines critiques.
Les meilleures opportunités d'économiser l'énergie
étant connues de nos clients, ces derniers auront besoin d'incitatifs
financiers pour les implanter et retrouver un bénéfice sur leur
investissement. D'où un troisième principe, soit la
création de conditions financières facilitantes par le biais de
programmes commerciaux. HydroQuébec concrétise ainsi sa
volonté de privilégier auprès de ses clients une approche
incitative plutôt que coercitive.
Un quatrième principe tient finalement à l'éventail
des options qui seront offertes à notre clientèle. Notre objectif
a été fixé à 12 900 000 000 de kilowattheures
à la fin de la prochaine décennie. C'est l'équivalent de
la production de deux centrales de la taille de Manie 5. Mais c'est un projet
qui se réalisera en 10 ans dans les installations de plus de 3 000 000
de clients. C'est par la diversité des options, programmes et formules
visant toutes les activités de nos diverses clientèles que nous
comptons atteindre cet objectif. C'est pourquoi nous travaillons
intensément à l'élaboration et à la mise en oeuvre
d'une trentaine de programmes.
À partir de ces principes, nous avons élaboré un
plan opérationnel qui vise à répondre aux besoins de
chacun de nos marchés. Au niveau du marché résidentiel,
nous avons entrepris la phase de sensibilisation. Plusieurs accessoires
économiseurs d'énergie feront l'objet de promotion. Les brise-jet
pour les robinets, les thermostats programmables, les minuteries pour
chauffe-moteur, l'éclairage intérieur, les petits articles
adaptés à la saison hivernale sont des produits qui soutiendront
notre action. Des interventions plus importantes sont actuellement en cours
d'élaboration. À titre d'exemple, un projet-pilote d'analyse
énergétique à domicile sera mis à l'essai dans les
mois qui viennent auprès de 500 clients à faible revenu. Cette
expérience permettra de concevoir à brève
échéance un programme qui s'adressera à l'ensemble de la
clientèle.
Au niveau des marchés commercial et institutionnel, nous
entreprendrons d'ici un an deux programmes qui devraient avoir un effet
d'entraînement important. Ces programmes porteront sur
l'amélioration énergétique des édifices, en
commençant par ceux d'Hydro-Québec. Ceci nous permettra de
développer les technologies et l'expertise nécessaires et de les
étendre ensuite à l'ensemble de ce marché. Un
deuxième volet, à court terme, touchera la modernisation des
systèmes d'éclairage public.
Dans le secteur industriel, nos efforts, au cours de la prochaine
année, seront consacrés à des projets-pilotes
reliés à l'efficacité énergétique de la
force motrice.
Plusieurs autres programmes viendront appuyer ces programmes
dédiés à des clientèles spécifiques:
programme de publicité et de sensibilisation auprès du grand
public; programme de
sensibilisation en milieu scolaire; programme de sensibilisation
auprès de nos employés; programme de démonstration
d'efficacité énergétique dans le secteur
résidentiel.
Compte tenu de la nature et de la diversité des programmes
envisagés, Hydro-Québec entend réévaluer
périodiquement son objectif d'économies d'énergie à
la lumière des résultats des premiers programmes. Il nous sera
alors possible de revoir nos évaluations et, s'il y a lieu, le contenu
même des programmes. Les résultats que nous obtiendrons nous
permettront également de moduler la réalisation des projets
prévus à notre programme d'équipement.
Enfin, j'aimerais aborder la question de notre programme
d'équipement. Plusieurs intervenants ont fait part à la
commission de leurs interrogations sur la prévision de la demande
d'Hydro-Québec, trouvant celle-ci tantôt trop forte, tantôt
trop faible. La prévision de l'entreprise nous paraît
centrée.
Mais les prévisions de la demande comportent
nécessairement des incertitudes. En fait, plus l'échéance
est lointaine, plus le degré d'incertitude est élevé.
Comme je l'ai mentionné, à l'horizon 2006, il y a un écart
de 40 térawatt-heures entre la demande du scénario de croissance
forte et celle du scénario de croissance faible. C'est pourquoi il est
indispensable qu'Hydro-Québec puisse s'ajuster rapidement aux
fluctuations de la croissance de la demande en se dotant d'un programme
d'équipement flexible.
Les risques reliés à ces incertitudes sont
différents selon que la demande réelle est plus faible ou plus
forte que les prévisions. Si la demande est plus faible que
prévu, il est relativement facile de retarder ou d'arrêter les
Investissements nécessaires aux nouveaux projets. Par contre, si la
demande augmente plus vite que prévu, il est pratiquement impossible
d'accélérer de façon significative la réalisation
des projets.
Afin de respecter les délais nécessaires aux études
et à la concertation avec les communautés concernées, il
faut compter en général près de 10 ans pour la mise en
oeuvre d'un projet d'aménagement hydroélectrique. Les
études d'avant-projet exigent en général trois ans, tandis
que l'obtention des autorisations gouvernementales nécessite un an. Il
ne reste alors que six ans pour construire. À cause de ces contraintes,
Hydro-Québec planifie son programme d'études de manière
à pouvoir satisfaire la demande correspondant à un
scénario de forte croissance. L'entreprise peut ainsi disposer de la
marge de manoeuvre nécessaire à la satisfaction des besoins de sa
clientèle.
Au-delà des projets prévus à moyen terme, dont
principalement Grande Baleine, la pierre angulaire de la flexibilité de
développement à long terme est le complexe NBR. Ce complexe
représente près de 50 % du potentiel hydroélectrique
rentable Les études réalisées jusqu'à maintenant
ont démontré que ce complexe est morcelable en plusieurs phases
autonomes, ce qui permettra de l'adapter à différents
scénarios de croissance de la demande. Hydro-Québec envisage donc
d'aller de l'avant dans les études des projets NBR, Haut-Saint-Maurice
et Ashuapmus-huan, lesquels seraient requis plus tôt advenant une demande
forte. De plus, au-delà de ces études, il faut noter que, si
l'entreprise voulait maintenir ouverte l'option de mettre en service
Sainte-Marguerite en 1999, tel que requis dans un scénario de croissance
forte, il faudrait débuter la construction de la route d'accès
à ce projet dès cet automne.
Nous avons vu plus tôt que la prévision de la demande
d'Hydro-Québec est raisonnable et ne peut être qualifiée
d'excessive. Pour faire face à la croissance de la demande prévue
de 1989 à 1999, Hydro-Québec devra mettre en service, dans un
scénario moyen, après économies d'énergie, une
capacité additionnelle de production de 32 000 000 000 de
kilowattheures. Quelque 65 % de cette addition sera nécessaire d'ici
1998 et sera satisfaite principalement par les projets de La Grande phase II. A
compter de 1998, la totalité de l'addition de capacité proviendra
du projet Grande Baleine, qui représente une production de 16
térawattheures dont 11 térawattheures devraient être
installés entre 1998 et 1999. C'est un déficit
énergétique de cet ordre de grandeur qui résulterait d'un
retard de Grande Baleine. Il est clair que ce projet constitue le moyen le plus
Important dont dispose HydroQuébec pour assurer l'équilibre entre
l'offre et la demande à moyen terme.
Quelles seraient les alternatives à ces 11 térawattheures?
Du côté hydraulique, nous pourrions puiser dans la marge de
manoeuvre que nous conservons pour faire face à un scénario de
demande forte. Plus précisément, il serait possible de devancer
la mise en service de Sainte-Marguerite de l'an 2000 à 1999. Ceci
exigerait, comme je l'ai indiqué plus tôt, que les travaux sur la
route d'accès débutent cet automne. Un seul autre projet pourrait
être mis en service avant l'an 2000. Il s'agit du Haut-Saint-Maurice en
1999.
Ces deux projets combinés ne contribueraient que pour 4
térawattheures en 1999. Il resterait donc près de 7 000 000 000
de kilowattheures à combler, soit plus que la consommation de la ville
de Québec en un an. Par ailleurs, ce déficit à combler
ferait plus que doubler advenant un scénario de croissance forte. En
effet, dans un tel scénario, l'entreprise n'aurait plus de marge de
manoeuvre en équipement hydraulique, puisqu'elle aurait
déjà devancé, au maximum, les projets pouvant être
mis en service avant l'an 2000. Les solutions alternatives de nature
hydroélectrique sont donc en soi insuffisantes pour suppléer
à un retard de Grande Baleine. II faudrait, de plus, recourir à
une combinaison d'options thermiques et de compression de la demande.
Du côté des options thermiques, deux possibilités se
présentent à cet horizon: intensifier tes achats des
cogénérateurs et installer des turbines à gaz à
cycle combiné. L'entreprise pourrait chercher à développer
la plus grande partie du potentiel technique de cogénération en
offrant des tarifs d'achat plus élevés que le coût de
l'électricité produite à partir de ses équipements
hydroélectriques. Une telle stratégie pourrait ajouter quelque 2
térawattheures de production à l'horizon 1999, mais à un
coût qui serait de 35 % à 50 % plus élevé que celui
de Grande Baleine.
De même, il serait envisageable d'installer 800 mégawatts
de turbines à gaz à cycle combiné d'ici 1999 pour une
production de l'ordre de 5 térawattheures, mais à un coût
qui serait deux fois plus élevé que celui de Grande Baleine. Il
ne serait toutefois pas logique d'investir dans des installations de production
thermique pour pallier un besoin de quelques années seulement et sans
tenir compte des impacts environnementaux de cette solution.
Si nous nous tournons maintenant du côté des solutions
impliquant la demande, les exportations additionnelles représentent une
augmentation de 10 000 000 000 de kilowattheures d'ici 1999. Cependant, il
s'agit de contrats déjà signés qui constituent des
engagements fermes de la part d'Hydro-Québec et ils ne peuvent
être remis en question. Il en est de même de l'accroissement de la
demande lié aux besoins intrinsèques des secteurs
résidentiel et général, qui est déjà
fortement réduite par la prise en compte des programmes
d'économie d'énergie dans ces secteurs. Reste alors
l'accroissement lié au développement industriel dont 13 000 000
000 de kilowattheures ne sont pas encore engagés dans des projets
concrets. Toute compression importante de la demande toucherait
nécessairement ce domaine du développement. (11 heures)
Ainsi, même avec le devancement au maximum des autres projets
hydroélectriques, le déficit énergétique
découlant d'un retard de Grande Baleine devrait être
compensé par une combinaison de solutions thermiques très
coûteuses et de réduction de la demande. Il est
prématuré de prévoir l'agencement des actions qu'il
faudrait mettre en oeuvre, puisque celles-ci devront être
précisées à la lumière de l'évolution de la
demande. Cependant, il est clair que ces actions pourraient aller
jusqu'à retarder des projets industriels majeurs au-delà de
1999.
En résumé, la mise en service du complexe Grande Baleine
en 1998 est donc absolument nécessaire si l'on veut être en mesure
d'appuyer le développement économique du Québec par une
disponibilité d'énergie électrique fiable et à un
coût compétitif. C'est pourquoi il est essentiel
qu'Hydro-Québec soit autorisée, dès 1990, à
entreprendre la construction des routes et des aéroports requis pour le
projet. Les autorisations gouvernementales concernant le complexe
lui-même seront requises en 1992.
Il est important de rappeler que la réalisa* tion du complexe
Grande Baleine pour une mise en service en 1998 n'escamote pas le processus
d'études techniques et environnementales. HydroQuébec a
réalisé depuis la fin des années soixante-dix une
étude d'avant-projet très complète sur le complexe Grande
Baleine. Les différentes études environnementales et techniques,
sans compter les intérêts, s'élèvent à plus
de 130 000 000 $.
D'ici 1992, Hydro-Québec prévoit compléter la mise
à jour de ces études techniques et environnementales et
déposer son rapport d'avant-projet. En outre, nous poursuivrons nos
efforts de concertation avec les représentants des milieux
affectés et participerons activement au processus d'étude et de
révision en vue de l'émission des autorisations gouvernementales.
Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors merci, M. le
président. Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Drouin, M. Boivin et M. Del isle, nous vous
remercions de l'exposé que vous venez de nous faire ce matin, qui
apporte certaines réponses à des interrogations que nous avons
eues depuis le début de cette commission parlementaire, qui apporte
aussi un éclairage nouveau et, j'oserais dire, un éclairage
différent de ce que nous avons entendu.
J'aimerais peut-être, pendant un court instant, me faire la
porte-parole de très nombreux intervenants qui sont venus devant cette
commission exprimer, à leur façon, leur manque de confiance
envers Hydro-Québec. Il s'agit d'un sentiment exprimé parfois
d'une façon générale et parfois en relation avec des
dossiers qui étaient tout à fait particuliers. Vous êtes
conscients, je pense, vous aussi, de ce sentiment, puisque, M. le
président, vous affirmez dans le plus récent numéro
d'Hydro-Presse: Nous aurons besoin, à l'Issu du processus de
consultations publiques engagé par le gouvernement, d'un mandat clair,
et de la confiance de nos partenaires pour le développement à
long terme de la ressource hydroélectrique.
Je pense que le plus important partenaire d'Hydro-Québec, c'est
la population du Québec. On a toujours dit: Hydro-Québec
appartient à tous les Québécois et à toutes les
Québécoises. Comment Hydro-Québec compte-t-elle travailler
à rétablir la confiance que doit éprouver son principal
partenaire?
M. Drouin: M. le Président, il est évident qu'au
cours des quelques dernières années nous avons pu constater, bien
sûr, une diminution de la confiance que pouvait nous donner la population
ou même, à cet égard, les élus du peuple
relativement aux différents problèmes que nous
avons eus durant ces quelques années. Nous avons tout de
même tâché, au cours des derniers mois, d'être un peu
plus à l'écoute et ouverts aux propositions ou aux sentiments des
Québécois à l'égard d'Hydro-Québec. La
preuve la plus tangible - elle a été soulignée,
d'ailleurs, par un membre de l'Opposition - c'est que, cette année, nous
avons déposé une proposition de plan de développement. Il
y avait dans ce document un signal qu'Hydro-Québec veut être plus
à l'écoute de la population et des intervenants
socio-économiques de la population.
Auparavant, nous avions déposé un plan de
développement; c'était donc un plan établi et pour lequel
nous considérions que nous devions fonctionner dans l'année qui
suit et dans les années à venir. La proposition de plan que nous
avons déposée cette année, bien sûr, s'inscrit bien
dans le cadre de cette commission parlementaire, mais aussi dans le cadre de ce
qu'Hydro-Québec veut et voudrait faire pour être plus à
l'écoute et recevoir plus positivement les interventions.
À cette fin, nous avons, effectivement, depuis la divulgation de
notre proposition de plan, rencontré un très grand nombre de
groupes, dont ceux qui sont venus ici. Nous avons rencontré les
centrales syndicales. Nous avons rencontré des chambres de commerce.
Nous avons rencontré des groupes écologiques. Nous avons
rencontré un très grand nombre de groupes, même nos
adversaires chevronnés, en se disant que, s'ils étaient contre
nous relativement à certains aspects de notre plan de
développement, au moins, nous pourrions leur véhiculer notre
information et ouvrir cette information-là le plus possible à
tous les intervenants.
De plus, au cours des deux dernières années, compte tenu
des problèmes relatifs à la qualité du service, nous nous
sommes donné des objectifs très précis pour revenir non
pas à une qualité du service qu'on a connue il y a deux, trois ou
quatre ans, mais à une meilleure qualité du service, que nous
n'avions pas connue auparavant. Parce que les besoins des gens dans le domaine
de l'électricité, nous l'avons vu en déposant notre
mémoire, sont beaucoup plus grands, sont beaucoup plus sensibles, sont
beaucoup plus reliés à la gestion quotidienne, soit de leur
travail, soit de leur ménage. Dans ce sens-là, la qualité
du service est redevenue pour nous une devise qu'il va falloir, bien sûr,
prolonger au cours des années et au-delà de la
décennie.
L'autre aspect, M. le Président, c'est nos employés.
Évidemment, nous sommes, bien sûr, passés au travers d'une
période difficile, période difficile que, peut-être, nous
devions vivre pour tenter de rétablir au sein d'Hydro-Québec des
sentiments d'appartenance, aussi paradoxal que ça puisse paraître.
Je l'ai dit, lors d'une commission parlementaire, la première à
laquelle je participais l'an dernier, nos cadres étaient com-
plètement, complètement démobilisés.
Là-dessus, je pense que la nouvelle direction de l'entreprise a fait un
effort énorme pour redonner à la ligne hiérarchique de
l'entreprise réellement sa présence et sa raison d'être,
c'est-à-dire de gérer des employés, en partant de la haute
direction jusqu'en bas. La démobilisation des cadres était connue
de tout le monde, bien sûr, mais si, aujourd'hui, vous reparlez aux
cadres de l'entreprise, d'une façon générale - et nous
avons l'occasion, à cause des programmes de formation que nous avons mis
en place, de les rencontrer de nouveau - ils ont et ils regagnent ce sentiment
d'appartenance à une gestion beaucoup plus coordonnée.
A travers tout ça, ce ne sont pas les cadres qu'il faut viser, ce
sont les employés. Et, là-dessus, il faut aller au bas de la
ligne hiérarchique pour donner aussi aux employés leur raison
d'être dans l'entreprise et pour qu'ils comprennent réellement ce
pour quoi ils font le travail. Malheureusement, et nous l'avons tenté
par tous les moyens, nous n'avons pas pu en arriver à un
règlement négocié. Mais je peux vous dire que nous avons
tout mis en place pour pouvoir négocier le plus longtemps possible, sans
faire appel aux autorités gouvernementales. Dès le mois de
décembre, par exemple, c'a été évoqué qu'on
a pu dire: Ecoutez, on n'en peut plus, donnez-nous une loi spéciale. On
n'a jamais, jamais, M. le Président, demandé au gouvernement du
Québec de nous donner une loi spéciale. Nous avions la ferme
intention d'en arriver à un règlement et nous prétendons
avoir tout fait pour tenter d'en arriver à des conditions que nous
considérions valables pour répondre aux objectifs de
productivité que nous nous étions donnés.
Bien sûr, la productivité est au coeur de nos
préoccupations quotidiennes. Nous sommes interpellés par la
population du Québec sur la productivité de notre entreprise et
nous le sentons, nous le constatons et nous devons faire quelque chose
là-dessus. Par conséquent, nous avons pris l'engagement de
produire, d'ici le mois d'octobre 1990, un plan de réduction des frais
d'exploitation ou de stabilisation de nos frais d'exploitation et
d'amélioration de la productivité au sein de l'entreprise.
Finalement, sur le pian de la population, pour revenir à votre
question très spécifique, je pense qu'il faut se donner des
moyens additionnels et j'en indique immédiatement auprès de cette
commission. Je pense qu'une fois cette commission terminée nous devrons,
nous, l'entreprise Hydro-Québec, aller rencontrer la population dans les
diverses régions de la province pour tenter d'expliquer sur place
à tous les intervenants, à toutes les personnes, même aux
citoyens eux-mêmes, du mieux qu'on peut réellement nos plans en
termes de développement, en termes de qualité du service, en
termes de productivité et en termes de motivation de nos
employés. Voilà, M. le Président, ce que je voulais
énoncer en réponse à Mme la ministre.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: M. le Président, plusieurs intervenants ont
aussi exprimé leur inquiétude quant à la capacité
d'Hydro-Québec de répondre à la demande
québécoise d'électricité et considèrent que
la marge de manoeuvre pour faire face à des variations de la demande est
trop mince. Il y a des Industries papetlères qui ont souligné
aussi le fait que les nouvelles exigences environnementales
nécessiteraient une intensification de la consommation
d'électricité par tonne de papier produit, par exemple.
Est-ce que vous pourriez présenter, pour le
bénéfice de cette commission, la marge de manoeuvre dont
Hydro-Québec dispose pour répondre à une demande plus
forte que le scénario moyen de la demande d'ici la fin du siècle?
À titre de comparaison, que représenterait cette marge de
manoeuvre en termes de développement industriel ou, encore, de nouvelles
constructions résidentielles tout à
l'électricité?
M. Drouin: Je vais demander à mon collègue, M.
Boivin, de répondre à cette question, si vous voulez.
M. Boivin: M. le Président, tel que je l'ai indiqué
tantôt dans ma présentation, d'abord, il est bon de se rappeler la
marge de manoeuvre totale ou, enfin, les écarts dans nos
prévisions à l'horizon 2006 entre un scénario faible et un
scénario fort. Nous prévoyons, en fait, une variation possible
dans la fourchette de l'ordre de 40 000 000 000 de kilowattheures, ce qui est
très important.
Maintenant, entre le scénario moyen et le scénario fort,
à l'horizon 2006, nous prévoyons effectivement dans un
scénario moyen 179 000 000 000 de kilowattheures versus 196 900 000 000
ou 197 000 000 000, si vous voulez, dans un scénario fort. Cette marge
de manoeuvre là devrait, théoriquement, nous permettre de
répondre aux fluctuations de la demande. Si on peut penser que le
passé, jusqu'à un certain point, est garant de l'avenir, à
ce moment-là, j'aimerais peut-être revenir à un graphique
que j'ai évoqué dans ma présentation tantôt et qui
mérite peut-être explication, c'est-à-dire le graphique no
5 qui vous a été remis. (11 h 15)
Vous remarquerez, et ce n'est pas nouveau, qu'à
Hydro-Québec, depuis déjà le début des
années quatre-vingt, dans notre planification, nous établissons
un scénario moyen, mais nous établissons également une
fourchette entre un scénario fort et un scénario faible. Le
graphique de la page 5 nous indique quand même que, depuis 1982, dans nos
prévisions, nous nous sommes toujours maintenus à
l'intérieur de cette fourchette de probabilité. Par exemple, si
on remonte aux prévisions que nous avions faites eh 1982, la ligne
pointillée indiquait le scénario moyen prévu à ce
moment-là. Si on regarde ce qui a été
réalisé dans la ligne pleine, on voit que, de 1982 à 1986,
la demande réelle a été légèrement
inférieure à la demande anticipée dans le scénario
cible. Par contre, à compter de 1986, la demande a dépassé
ce que nous avions anticipé en 1982 dans notre prévision de
scénario moyen. Mais on remarquera que tout le long la
réalité s'est maintenue à l'intérieur des
fourchettes de probabilité. Nous croyons que, dans les prévisions
que nous avons, la fourchette entre le scénario fort et le
scénario faible nous donne une assurance raisonnable que la
réalité se situera à l'intérieur de cet
écart.
Maintenant, il est important de noter que, pour garder de la
flexibilité, comme je l'ai expliqué dans mon exposé, sur
notre capacité de nous adapter à un scénario fort, il
faut, à ce moment-là, réaliser rapidement - et, quand je
dis rapidement, c'est le plus tôt possible - les études
d'avant-projets et les demandes de permis pour nous donner le maximum de
flexibilité nécessaire puisque, une fois que le permis est
obtenu, on peut moduler la date du début des travaux au moment où
c'est vraiment opportun en connaissant la réalité telle qu'elle
se produit par rapport à nos prévisions.
Mme Bacon: D'accord. Selon votre proposition du plan de
développement 1990-1992 - et là je vous réfère aux
pages 77 et 78 - HydroQuébec a révisé à ia hausse
ses critères de fiabilité pour la conception du programme
d'équipement. Il semble qu'Hydro-Québec planifie un léger
surplus énergétique en excès des besoins projetés,
ainsi qu'une réserve additionnelle de 1000 mégawatts en
puissance. Est-ce que vous pourriez nous expliquer les raisons qui vous ont
amenés à réviser à la hausse vos critères de
conception du programme d'équipement? Quelle est la valeur
actualisée, en 1990, de tous les devancements qui seraient
occasionnés en termes d'équipements et quelles seront les
conséquences à long terme sur les coûts de fourniture de
l'énergie électrique au Québec?
M. Boivin: Je vais vous donner des explications globales au
niveau de la grande théorie et je vais demander à M. André
Mercier, qui est notre vice-président à la planification des
équipements, de vous fournir des informations ou des réponses
peut-être plus pointues ou plus précises en allant plus dans le
détail.
La fiabilité ou la réserve énergétique de
notre parc d'équipement, c'est ce qui nous permet - dans notre jargon,
si vous voulez, pour vulgariser un peu le concept - de faire face à des
événements imprévus. Ce qu'il faut comprendre, c'est que,
dans un parc de production
hydraulique, il y a un phénomène ou un facteur très
important qui n'est pas sous le contrôle de l'exploitant du parc. Et je
parle de celui de l'hydraulicité.
L'hydraulicité, en fait - et on en a abondamment parlé au
cours des derniers mois - est quelque chose qui peut fluctuer de façon
importante et on sait, à titre d'exemple, que, depuis six ans, nous
sommes dans une passe exceptionnelle de faible hydraulicrté continue.
Nous devons donc, dans la planification de nos programmes d'équipement,
tenir compte des fluctuations possibles des cycles d'hydraulicité.
D'où la nécessité de nous donner des critères de
fiabilité énergétique, c'est-à-dire de
réserves d'eau et d'énergie pour être capables de faire
face à des fluctuations de l'hydraulicité. Je pense que c'est le
critère de base.
Maintenant, pour répondre de façon spécifique
à la question: Combien nous coûtera la révision du
critère de fiabilité? Je vais demander à M. André
Mercier de vous préciser ces éléments.
M. Mercier (André): Alors, comme M. Boivin l'a
expliqué rapidement, les critères de fiabilité, c'est une
protection que l'on se donne pour se donner une réserve de façon
à être capables de rencontrer les variations climatiques et de
garder suffisamment d'eau dans nos réservoirs pour faire face à
ces variations.
Maintenant, dans le passé, on a adopté un critère
de couverture ou de réserve de quatre années
d'hydraulicité faible, l'hydraulicité faible étant
définie comme 15 % en bas des précipitations normales. Cette
séquence d'hydraulicité faible avait été
observée en 1960 et c'est suite à cette observation que
l'entreprise avait pris comme décision d'adopter ce critère. Vous
savez que, depuis 1985, on a subi une séquence d'hydraulicité
qu'on peut même appeler exceptionnelle et qui est une
répétition de celle, à toutes fins pratiques, qu'on a
connue en 1960. À partir de ce moment-là, on a regardé si,
effectivement, en tenant compte de cette seconde séquence de faible
hydraulicité, oui ou non, on devait réviser nos critères
de fiabilité.
Et je pense qu'il est peut-être important ici de rappeler que, par
rapport aux autres utilités publiques, Hydro-Québec, son
combustible, c'est l'eau. Dans les autres réseaux comme, par exemple,
ceux de New York, ceux de Nouvelle-Angleterre, le combustible est le mazout, le
charbon, le gaz ou même du combustible nucléaire. Alors,
effectivement, notre combustible à nous, c'est l'eau. Et c'est pour
cette raison que, lorsqu'on a vu les variations assez importantes de
l'hydraulicité, on a revu nos critères de fiabilité. On
s'est aperçus que, finalement, le critère, simplement, des quatre
années sèches n'était sans doute pas suffisant pour
assurer la satisfaction des besoins d'électricité dans le futur.
Et on a proposé cette année de réviser le critère
pour en faire un critère plus exigeant qui non seulement aurait plus de
réserves pour couvrir quatre années sèches, mais qui
pourrait aussi couvrir six années de faible hydraulicité. Se
disant qu'une telle éventualité pourrait se produire dans le
futur, il faut absolument avoir la réserve nécessaire dans nos
équipements.
Maintenant, la façon de le faire sur le réseau.
Évidemment, on pourrait grossir les réservoirs. On pourrait aussi
ajouter des centrales thermiques. On pourrait aussi ajouter des
équipements hydroélectriques. La méthode qui a
été retenue, c'est d'augmenter le nombre ou de devancer les
équipements hydroélectriques. Et, de cette façon, c'est la
méthode la plus économique qu'on a trouvée. Le coût
total des devancements qu'on propose cette année, au cours de la
prochaine décennie, représente 1 300 000 000 $. Maintenant, ce
coût-là, si on le compare avec les avantages, en termes de ventes
excédentaires que l'on pourra faire, en termes de délestages
réduits, en termes de réduction de fonctionnement des centrales
thermiques, il se réduit à un coût total net, si on veut,
de 100 000 000 $.
Mme Bacon: Merci. Au cours de cette commission parlementaire, il
y a eu aussi de nombreux intervenants qui ont manifesté un
intérêt marqué pour la production autonome et
particulièrement pour la cogénération et les petites
centrales. De ces présentations, il y a une constante qui se
dégage. On dit que la grille tarifaire actuelle proposée par
Hydro-Québec et les modalités d'application ne semblent pas
favoriser un développement de cette source de production, et ça,
malgré les objectifs quantifiés dans votre proposition de plan de
développement. Cela étant dit, j'ai pris connaissance qu'Ontario
Hydro vise pour sa part un objectif de 1000 mégawatts à l'horizon
de l'an 2000, alors qu'Hydro-Québec vise un objectif beaucoup plus
modeste. Comment expliquez-vous cette différence, surtout qu'il
m'apparaît que, d'une part, Hydro-Québec compte sur la
contribution de ces équipements dans son plan et que, d'autre part,
le» conditions semblent réunies pour favoriser au Québec le
développement de ce type de production?
M. Boivin: M. le Président, Mme la ministre a raison de
dire que les objectifs que nous nous sommes fixés au niveau de la
cogénération ou de l'achat d'énergie des autoproducteurs
sont beaucoup plus modestes que ceux d'Hydro-Ontario. Il faut comprendre que,
parce que nous croyons que, sur une base d'équité pour notre
clientèle, c'est la seule approche que nous pouvons préconiser,
nous avons choisi une politique qui ne devrait pas avoir d'Impact - donc une
politique de neutralité - sur les coûts qui seront
répercutés à l'ensemble de notre clientèle par
l'implantation d'une politique d'achat d'énergie des autoproducteurs. Ce
qui
veut dire que nous allons payer, nous offrons aux autoproducteurs
d'acheter l'énergie au prix équivalent des équipements que
nous aurions dû construire nous-mêmes pour produire cette
énergie-là dans le futur, c'est-à-dire une politique
d'achat au coût marginal.
Lorsque l'on considère les coûts de l'énergie au
Québec, à partir d'un parc hydraulique, avec les coûts de
l'énergie en Ontario, à partir d'un parc de nucléaire, il
y a un écart favorable pour le Québec, c'est-à-dire que
les coûts sont inférieurs au Québec, de 30 % au moins, par
rapport à ceux d'Hydro-Ontario. Hydro-Ontario, d'ailleurs,
préconise la même politique d'achat que la nôtre, mais elle
achète au coût de remplacement du nucléaire, alors qu'ici
nous achetons au coût de remplacement de l'hydraulique. Donc, nous
offrons un tarif, en moyenne, 30 % meilleur marché que celui
d'Hydro-Ontario, ce qui, nécessairement, réduit le potentiel de
cogénération.
Un deuxième facteur par rapport à l'Ontario qu'il est
important de mentionner, je crois, c'est que, au Québec, les coûts
du gaz naturel sont en moyenne 15 % supérieurs à ce qu'ils sont
en Ontario. Ces deux facteurs-là jumelés font que l'écart
du coût de production par rapport au coût d'achat entre le
Québec et l'Ontario, dans les deux provinces, est de l'ordre de 35 %.
C'est un écart important qui, nécessairement, a un impact sur le
potentiel de réalisation de la cogénération.
Mme Bacon: Dans un autre ordre d'idées, on a parlé
beaucoup d'économie d'énergie et on sait que les programmes
d'économie d'énergie que vous proposez s'adressent principalement
au secteur résidentiel. C'est une clientèle qui représente
globalement 30 % de la consommation d'électricité. On a
observé, entre 1971 et 1988, une diminution progressive de la
consommation d'énergie dans ce secteur de quelque 30 %. Pour quels
motifs vos programmes sont-ils surtout axés vers le secteur
résidentiel plutôt que vers le secteur industriel qui totalise
quand même 50 % de la consommation globale d'électricité et
dont la performance énergétique a connu des progrès moins
marquants au cours des dernières années que le
résidentiel? Cette orientation dans l'immédiat, qui est moins
exigeante pour le secteur industriel, est-ce que ça ne risque pas
d'avoir un effet dissuasif sur la participation du secteur résidentiel?
De la même manière, est-ce que vous ne devriez pas encourager, en
même temps, un effort de rationalisation de l'usage de
l'électricité dans les commerces, dans les institutions, pour
inciter davantage la population à l'efficacité
énergétique?
M. Drouin: M. Finet va...
M. Finet (Jacques): M. le Président, en se
référant au tableau de la page 13 des documents de soutien qui
vous ont été remis, je pense qu'on peut constater l'avancé
que Mme la ministre fait. Pour bien comprendre, il faudrait peut-être
d'abord ne pas faire de relation directe entre les chiffres qui sont
montrés sous l'impact cumulatif 1990-1999 et le coût total des
moyens à mettre en place pour aller chercher cet impact. Si on faisait
une relation directe, on s'apercevrait que, par exemple, dans le domestique,
effectivement, on va en chercher beaucoup plus pour un prix relativement
moindre que la situation qu'on observe dans le domaine industriel.
Ce qui est vrai et ce qui a été constaté, c'est que
le potentiel du domaine industriel est beaucoup moindre que ce qu'on peut
constater dans le résidentiel. La raison est fort simple, c'est que
l'industriel, qui a des notions très fortes de rentabilité et de
recherche de profit, a souvent déjà pris les moyens disponibles
sur le marché pour économiser l'énergie. Donc, ce qui fait
que, un premier point, beaucoup de moyens ont été pris
déjà dans le domaine industriel.
Deuxièmement, les coûts qu'on peut mettre à
contribution, c'est-à-dire les montants d'argent qu'on peut mettre
à contribution varient d'une catégorie à l'autre. On sait
que, dans le résidentiel, entre nos revenus et nos coûts marginaux
qu'on pourrait éviter, il y a un écart assez important. Donc
Hydro-Québec peut mettre à contribution beaucoup plus d'argent
dans le domaine résidentiel et aller récupérer des
quantités importantes d'énergie. (11 h 30)
Dans le domaine commercial - on se souviendra des discussions qu'on a
eues sur l'interfinancement - les clients qui sont au tarif G ou au tarif M,
pour eux, la différence entre les prix qu'ils paient et le coût
marginal de l'énergie est très mince. Donc, on ne peut pas mettre
beaucoup d'argent à contribution pour aller soutenir des programmes
d'économie d'énergie dans ces secteurs.
Or, le tableau, finalement, la façon dont il a été
construit, ça a été de calculer, à partir de ce
qu'on connaît des moyens technologiques existants pour économiser
l'énergie et à partir aussi de la connaissance de tout notre parc
de consommation, c'est-à-dire des appareils utilisés, autant dans
le résidentiel que dans le commerce ou dans l'industrie... Nous avons
établi, pour chacune des catégories, le potentiel,
c'est-à-dire la quantité qu'il serait techniquement possible de
réaliser. Et, par la suite, tenant compte à la fois de nos
coûts marginaux et de nos revenus, nous avons établi la
contribution financière que nous pourrions mettre et qui pourrait faire
en sorte que, pour les Québécois, il n'y aurait pas
d'appauvrissement. On n'irait pas mettre plus d'argent dans les
économies d'énergie que ce qu'on pourrait mettre dans la
construction des centrales. C'est ce qui nous permet d'en arriver à cet
état de la situation.
Il faut aussi considérer que, dans le résidentiel, depuis
des années, il faut constater
qu'aux États-Unis II y a une rareté d'énergie et
ils ont développé toute une série d'accessoires qui n'ont
pas traversé souvent les frontières et pour lesquels on sera
capables d'aller chercher des gains importants par une promotion.
À présent, je retiens encore une fois une parole que vous
avez dite, à l'effet qu'il y a une résistance par le fait qu'il y
a toujours une perception d'abondance d'énergie au Québec, et que
souvent économie, ça a une connotation de rationnement, ce qui
n'est pas le cas cependant. Et souvent, aussi, l'économie
réalisable, quantifiée, pour un client de sauver 50 $ dans une
année, pour une bonne catégorie de notre clientèle, ce
n'est pas significatif et on aura à briser ces résistances pour
arriver à vraiment réaliser tous ces objectifs.
Mme Bacon: Juste une petite, petite dernière question.
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement, Mme la ministre.
Mme Bacon: Pourquoi cibler en fonction des revenus
d'Hydro-Québec? Est-ce que c'est moins profitable pour
Hydro-Québec de diminuer ses ventes à l'industrie?
M. Finet: II faut le voir sous deux aspects. C'est d'abord
profitable dans tous les domaines lorsqu'il y a des gains possibles. Il y a des
endroits où les gains sont moins intéressants ou du moins sont
moins possibles, surtout, parce qu'ils ont déjà été
réalisés. Il y a des industries... Par exemple, tout le secteur
des pâtes et papiers passe à un nouveau procédé de
production de papier pour lequel on n'a pas de potentiel restant; c'est
déjà fait, pour une bonne partie. Les alumineries qui
s'installent au Québec s'installent avec toutes les nouvelles
technologies disponibles, les plus modernes, qui sont déjà
efficaces. Or, il y a un potentiel qui est réduit.
Nous allons mettre à contribution, cependant, comme entreprise et
comme collectivité québécoise, jusqu'au maximum de ce que
ça pourrait coûter pour produire cette énergie-là.
Et je prends un exemple très simple. Si, pour la collectivité
québécoise, ça coûte 0, 08 $ pour produire un
kilowattheure dans le territoire du Nouveau-Québec, bien, il ne faudra
pas dépenser 0, 10 $ pour l'économiser. Je pense qu'à ce
moment-là on serait peut-être plus écologiques, mais on
serait tous plus pauvres. Or, c'est un des critères qu'on s'est
fixés dans cette analyse-là.
Peut-être que vous, qui êtes des représentants du
gouvernement, vous pourriez conclure et dire: On pourra mettre jusqu'à
10 % de plus pour être plus écologiques et ça, ça
sera à ce moment-là le choix d'une population que vous pourrez
nous véhiculer. Mais, à date, ce qu'on a retenu comme
critère pour déterminer le poten- tiel, c'est vraiment d'aller
comme société - et j'entends Hydro-Québec et la population
- jusqu'au maximum des coûts à éviter afin de ne pas
nécessairement s'appauvrir.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, j'avais
une question de M. le député de l'Acadie. Je vous en prie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Il y a plusieurs
groupes qui sont venus ici pour manifester leur inquiétude face à
ces plans de développement, disons, à partir de la dimension
écologique et je crois que, dans le document de présentation de
M. Drouin, il en a été fait mention aussi quand on mentionnait:
"Nous ne nions pas que l'aménagement, au cours des prochaines
décennies, de plusieurs rivières aura des répercussions
sur l'environnement biophysique et sur l'utilisation du territoire par les
communautés qui vivent dans les régions concernées. "
Alors, évidemment, c'est une préoccupation de la population qui
est importante.
La demande comme telle, évidemment, c'est la base du plan de
développement que vous nous avez présenté. Et, dans ce
plan de développement là, il y a toute la question de
l'accroissement de la demande ou aussi de la capacité
qu'Hydro-Québec peut avoir de faire diminuer la demande
d'électricité, ce à quoi faisait référence
aussi M. Boivin dans sa présentation quand il mentionnait que, par les
programmes d'économie d'énergie, Hydro-Québec va
contribuer aussi à ralentir la croissance de la demande
d'électricité.
Il n'est pas beaucoup fait mention dans vos présentations de
l'autre dimension aussi qui permettrait peut-être de ralentir la demande
d'électricité, qui est celle d'une utilisation optimale des
diverses sources énergétiques au Québec. On regarde les
données, on a eu des présentations qui nous ont été
faites où on volt, par exemple - de 1971 à 1989,
évidemment, il y a eu toute une période historique Importante -
que la demande d'électricité était, en 1971, de 19 % et,
en 1989, de 39 %; le gaz est passé, depuis 1971, de 4, 8 % à 15
%; le pétrole, évidemment, est passé, à cause de
différents problèmes économiques, de 73 % à 44 %,
à l'intérieur d'une période de pratiquement 20 ans. Une
présentation qui nous avait été faite aussi par Gaz
Métropolitain nous disait que, actuellement, iI y avait une utilisation,
un marché d'environ 15 % et qu'elle prévoyait augmenter sa part
du marché à 20 % du bilan énergétique.
Quand on regarde aussi la situation actuelle, en 1989, au niveau du
bilan énergétique entre l'Ontario et le Québec, on
s'aperçoit qu'y y a des différences quand même
appréciables, notamment au niveau de l'utilisation de
l'électricité. Au Québec, ça représente 38,
9 % et, en Ontario, 20, 5 %, alors que le gaz naturel représente, au
Québec, 15 % actuellement et, en Ontario, 34, 5 %. Alors, ce que Je
voudrais savoir, au fond,
c'est: dans les estimations que vous avez faites de là demande,
qui est à la base du plan de développement que vous nous avez
présenté, jusqu'à quel point avez-vous tenu compte des
différentes sources énergétiques disponibles et
Jusqu'à quel point l'ensemble de l'utilisation de ces sources-là
est pris en considération dans l'évaluation de la demande
spécifique de l'électricité au cours des prochaines
années?
M. Drouin: M. Boivln va répondre à la question.
M. Boivln: M. le Président, pour répondre à
la question du député de l'Acadie, je pense qu'il faut faire un
historique de l'évolution du partage des marchés entre les
différentes sources d'énergie au Québec. On se souviendra
que, pour ce qui est du gaz naturel, si on fait exception de la région
de Montréal, jusqu'au début des années quatre-vingt, le
gaz naturel, à toutes fins pratiques, n'était pas disponible au
Québec. Pourtant, le gaz naturel, nous le reconnaissons, est un facteur
important d'industrialisation dans une province.
Il faut également se reporter aux années 1974 et 1979 et
tenir compte des deux chocs pétroliers qui se sont produits pas
seulement au Québec, mais qui ont eu des répercussions à
l'échelle mondiale. Donc, jusqu'au début des années
soixante-dix, le partage de la tarte énergétique entre les
différentes sources était quelque chose d'acquis et de
relativement stable. On se souviendra, je l'ai mentionné ce matin
à titre d'exemple, que, dans le secteur résidentiel, le chauffage
électrique représentait à peine 7 % ou 8 % du
marché à ce moment-là. À compter des chocs
pétroliers, les règles du jeu ont été
changées. Les règles du jeu ont été
changées, d'une part, parce que la stabilité historique des prix
a été totalement renversée. Deuxièmement -
peut-être un facteur plus important - la fiabilité de
l'approvisionnement est devenue un critère de choix très
important. On se souviendra que, dès 1974 et de façon encore plus
accentuée en 1979, la fiabilité de l'approvisionnement
énergétique est devenue, pas seulement au Québec, mais
dans tous les pays industrialisés, une très grande
préoccupation de la part de tous les gouvernements. À ce
moment-là, ici, au Québec, nous possédons une seule source
d'énergie autonome, qui vient de chez nous et que nous contrôlons
entièrement, c'est l'hydroélectricité. Nous
possédons également cette source d'énergie là qui
s'avère très concurrentielle avec les autres formes
d'énergie.
Alors, c'est à compter du milieu des années soixante-dix
qu'au Québec le bilan énergétique a commencé
à évoluer de façon très rapide pour se tourner vers
l'électricité; nous avons maintenant à peu près 40
% du bilan énergétique québécois qui est en faveur
de l'électricité. Et, au début des années
quatre-vingt, l'extension du réseau gazier au Québec a permis
à cette source d'énergie de pénétrer
également le secteur industriel où elle est hautement
concurrentielle avec le mazout et elle présente également des
avantages importants sur le plan environnemental.
Maintenant, le réseau de gaz naturel vise à desservir les
zones les plus populeuses du Québec, mais il s'avère, et je pense
que nos collègues du secteur énergétique dans le domaine
du gaz le reconnaissent volontiers, que là construction d'une
infrastructure de distribution de gaz est difficilement justifiable pour
desservir un marché résidentiel. Alors, la politique de Gaz
Métropolitain, ici au Québec, est d'étendre son
réseau et de viser à pénétrer le marché
industriel là où il est hautement concurrentiel et favorable,
mais elle n'est pas trop intéressée à
pénétrer le marché résidentiel parce que les
investissements requis en réseau de distribution seraient
énormes. Par contre, nous, avec l'électricité, nos
réseaux de distribution existent déjà partout à
travers la province et desservent tout le Québec.
Maintenant, il faut aussi reconnaître que le partage des
marchés, ce n'est pas uniquement par la volonté des fournisseurs
d'énergie ou des distributeurs; il y a également des choix de la
population qui s'exercent et qu'on peut tenter d'influencer, mais souvent sans
succès. Ici, au Québec, l'électricité pour fins de
chauffage a connu une vogue sans précédent et je peux vous
donner, à titre d'exemple, des endroits où, enfin, il n'est pas
rentable pour Hydro-Québec de desservir des charges de chauffage
électrique. Et je pourrais donner l'exemple des
Îles-de-la-Madeleine où nous devons produire de
l'électricité à partir du diesel. Dans ce cas-là,
nous offrons aux clients, aux Îles-de-la-Madeleine, une subvention de
sorte que se chauffer au mazout, ça va coûter 30 % meilleur
marché que se chauffer à l'électricité. Et,
malgré ça, il y a 35 % des clients aux Îles-de-la-Madeleine
qui ne veulent pas revenir au mazout. Donc, finalement, il y a également
un choix de la part de la clientèle, qui s'exerce. Alors, ce sont toutes
ces règles-là qui font que, finalement, il y a des
équilibres qui s'établissent dans le marché.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'avoir l'opportunité de poser à nouveau quelques questions
à Hydro-Québec concernant son plan de développement et
surtout ses orientations et ses visions à long terme par rapport
à toute la dynamique énergétique parce que, de toute
évidence, avec les quelques minutes qu'on a, le temps ne nous permet pas
de requestionner globalement le plan de développement dans son
ensemble.
Vous pariiez, au tout début de votre
présentation tout à l'heure, ce que l'on retrouve dans
votre texte de présentation, votre mémoire, de la
nécessité là d'ouvrir finalement sur toute la question
énergétique et d'associer plus grandement la population à
cette démarche-là par le biais entre autres, de débats
publics. Vous dites, en fait: "Que les décisions concernant (... )
l'électricité soient débattues publiquement et qu'elles
s'appuient sur l'information et la participation active de la population. "
Donc, vous semblez être d'avis que, jusqu'à maintenant, on n'a pas
nécessairement suffisamment impliqué la population, les
différents intervenants, les différents groupes
d'intérêts dans toute la démarche qui préside aux
choix, aux options énergétiques québécoises et,
d'une façon plus spécifique, à la préparation du
plan de développement d'Hydro-Québec et des perspectives à
long terme pour Hydro-Québec. Est-ce que vous pourriez nous expliquer un
peu plus précisément ce que vous entendez par "participation
active de la population" et par "débats publics'?
M. Drouin: M. le Président, je faisais, bien sûr,
allusion à la démarche entreprise dans l'année courante,
c'est-à-dire à la présente commission parlementaire. Nous
considérons qu'il s'agit d'un débat public puisque,
premièrement, la commission parlementaire est représentative des
Québécois, par ses élus, et également par le nombre
d'interventions qu'il y a eu à cette commission parlementaire, on parle
de quelque 70 mémoires et plus. Nous faisions allusion, bien sûr,
à cette démarche qui nous apparaissait intéressante,
même nécessaire dans le contexte, puisque nous étions,
comme je l'ai mentionné, interpellés par la population
québécoise sur nos projets d'avenir. (11 h 45)
À ma connaissance, la dernière commission parlementaire
qu'il y a eu relativement à l'hydroélectricité, ou
à l'électricité, ou à l'énergie, remonte
à quelque dix ans. Pour nous, la présente démarche nous
apparaît fort essentielle pour que nous ayons le "feed-back" de plusieurs
intervenants socio-économiques et de plusieurs groupes au Québec.
Ce à quoi je faisais allusion, en termes de suivi de cette
démarche-là, c'est le constat - et je pense que la ministre l'a
mentionné dans la question qu'elle a posée - que l'information a
besoin d'être véhiculée sur ces
démarches-là.
Je dois vous dire qu'au cours de ces dix dernières années
Hydro-Québec s'est quand même grandement améliorée
sur le plan de l'information spécifique relativement à des
projets dans des régions. Qu'on pense, par exemple, aux études
d'impact, aux études d'avant-projets, aux différents
scénarios qui sont mis en place pour le passage d'une ligne de
transport, entre autres, on va constater qu'Hydro-Québec a mis en place
des mécanismes qui permettent, et qui ont d'ailleurs été
reconnus comme étant efficaces, à la population et aux
intervenants élus par la population de se prononcer sur le passage de
ces lignes de transport.
Alors, ce à quoi je faisais allusion, M. le Président,
c'était à la présente démarche de la commission
parlementaire que je considère comme un débat public
intéressant, dont nous pouvons profiter des intrants et les incorporer,
lorsque c'est nécessaire, dans nos plans d'action.
M. Claveau: Si vous le permettez, M. le Président, je vais
passer tout de suite la parole à ma collègue de Chicoutimi, qui
aurait une question à poser. Je reviendrai là-dessus.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je remercie mon
collègue parce que, en fait, je suis normalement dans une autre
commission parlementaire. Vous comprendrez que, compte tenu de
l'Intérêt que je porte à la recherche-développement,
ma question va tout à fait dans ce domaine. Dans le plan de
développement d'Hydro-Québec, on apprend qu'au chapitre de la
recherche-développement, ce qu'on appelle les activités
technologiques, ça représenterait une somme globale de 467 000
000 $ dont une certaine partie n'est pas, à proprement parler, des
activités de recherche-développement. On pense, par exemple, aux
immobilisations ou encore à des activités qui seraient
financées par des partenaires.
Le plan de développement reste également silencieux quant
à la partie ou à la proportion, au pourcentage de ces
activités qui auraient trait au faire-faire, c'est-à-dire qu'on
pourrait faire réaliser à l'extérieur du centre de
recherche d'Hydro-Québec. Pourtant, le gouvernement libéral, en
1989-1990, dans son plan de développement ou sa stratégie en
matière de recherche-développement, Identifiait
Hydro-Québec comme étant un partenaire majeur dans sa
stratégie. Dans le plan de recherche-développement du
Québec, 28 % de l'effort financier du gouvernement, c'était
Hydro-Québec qui devait le consentir.
Alors, entre ce qu'annonçait la stratégie gouvernementale,
qui était de l'ordre de 830 000 000 $ sur cinq ans, et les 495 000 000 $
annoncés dans votre plan de développement, 495 000 000 $ qu'il
faut davantage réduire à 400 000 000 $, parce que, je le
rappelle, il y a des activités qui ne sont pas de
recherche-développement dans votre plan... Il y a un écart de
quelque 100 000 000 $ entre l'engagement et la stratégie du gouvernement
de 1989-1990, en matière de RD, et votre plan de
développement.
D'ailleurs, cette situation inquiète à la fois la Chambre
de commerce, qu'on a entendue ici, le Conseil du patronat et l'Association des
directeurs de recherche du Québec. Deux ques-
tions très simples. La première: À quoi
attribue-t-on l'écart entre votre plan de développement et ce
qu'avait annoncé le gouvernement libéral, dans son budget de
1988-1989, qui s'élève à quelque 100 000 000 $? Et la
deuxième question: Est-ce que c'est un oubli que vous n'ayez pas
Indiqué le pourcentage de ces activités de recherche qui seraient
confiées à des entreprises privées? Parce que je dois dire
que c'est un oubli qu'on n'a pas vu apparaître lorsqu'il s'est agi de
faire faire à l'extérieur des travaux de construction. On a voulu
avoir un peu plus de liberté pour avoir recours au faire-faire dans ces
champs d'activité, mais lorsqu'il s'agit de
recherche-développement, on n'a pas identifié le pourcentage de
ce budget-là qui serait fait à l'extérieur.
Je rappelle sommairement l'inquiétude des grands organismes
à caractère économique, la Chambre de commerce, le Conseil
du patronat. C'est que le faire exclusivement à l'intérieur
d'Hydro, ça nous fait échapper de belles occasions d'ouvrir des
petites entreprises pour la commercialisation des découvertes faites par
Hydro-Québec. Alors, est-ce que c'est un oubli qu'on n'ait pas
indiqué le pourcentage de la recherche qui serait réalisée
à l'extérieur des officines d'Hydro? Et pourquoi l'écart
de 100 000 000$?
M. Drouin: M. le Président, je pense qu'à la
demande de la présidence ou de l'Opposition il avait été
requis que nous fassions une présentation sur la recherche et le
développement. Nous avions une présentation d'une dizaine de
minutes relativement à la recherche-développement et M.
Huppé, qui est le vice-président technologie et affaires
internationales, voulait faire cette présentation. Est-ce que vous
souhaiteriez que nous profitions du moment pour la faire puisque ça
avait été une demande?
M. Claveau: Est-ce qu'il était prévu que vous la
fassiez cet après-midi?
M. Drouin: Oui.
M. Claveau: Bon. J'aimerais mieux, à ce moment-là,
qu'on la remette à cet après-midi pour ne pas handicaper quand
même notre possibilité de vous questionner sur ce que vous avez
dit ce matin.
M. Drouin: O. K. C'est juste parce que beaucoup des
réponses que madame souhaitait se trouvaient dans cette
présentation-là, mais enfin.
M. Claveau: Parce que, effectivement, j'avais formulé la
demande, hier matin, puis on m'a dit que vous auriez une approche
d'intégrer ça à votre démarche au fur et à
mesure qu'on avançait dans les travaux.
M. Drouin: Cet après-midi, on avait une
présentation, à compter de 15 heures, sur les impacts
environnementaux de la phase I et on incluait la recherche et le
développement.
M. Claveau: Est-ce que...
M. Drouin: C'est une présentation de sept ou huit minutes,
mais ça vous donnerait un...
M. Claveau: Est-ce qu'en 30 secondes on pourrait avoir une
réponse précise à la question précise concernant
les 100 000 000 $ et le pourcentage donné à l'entreprise?
M. Drouin: Pas en 30 secondes. Tout ce que je pourrais
répondre en 30 secondes, c'est qu'Hydro-Québec est la
première entreprise au Canada dans le domaine de
l'électricité au niveau des investissements et de l'argent que
nous dépensons en recherche et développement et
qu'Hydro-Québec est la quatrième au Canada de toutes les
entreprises en termes d'argent investi dans la recherché et le
développement.
Maintenant, pour répondre à la question, en toute justice,
nous aurions voulu avoir quelques minutes de plus et réellement vous
faire une présentation qui aurait été digne de ce que nous
croyons être la recherche et le développement dans toutes ses
facettes à Hydro-Québec.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres questions? M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Je pense qu'on reviendra cet après-midi sur la
question de la recherche-développement pour vous permettre d'exposer
globalement votre point de vue là-dessus.
Mme Blackburn: M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Blackburn: À ce moment-là, par la même
occasion, il pourrait aussi répondre à mes questions.
M. Drouin: Ah oui! Définitivement. Ce sera notre
intention, bien sûr.
Mme Blackburn: Je vous remercie. Je m'excuse, je dois...
Mme Bacon: Vous n'aviez pas l'horaire?
M. Claveau: Ça ne fait pas partie de l'horaire, recherche
et développement, comme tel.
M. Bourdon: Ce n'était pas dans l'horaire et, au surplus,
c'est des questions précises auxquelles on pourrait répondre en
une minute, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Oui, mais on s'est
entendu...
M. Bourdon: Est-ce qu'on comparaît devant
Hydro-Québec ou si Hydro-Québec comparaît ici?
Le Président (M. Bélanger): Non, non. Non, non.
Non, non. Il faut faire attention.
Mme Bacon: Ne commencez pas là. Ça va bien.
Ça vous dérange parce que ça va bien, là.
Le Président (M. Bélanger): Les travaux vont bien
depuis un mois. Il ne faudrait pas commencer. Ce qui se passe, c'est qu'il y a
une entente sur la façon dont les choses se déroulent aujourd'hui
et, dans le déroulement, recherche et développement est
prévu pour cet après-midi. Si vous voulez qu'on le passe
maintenant...
M. Bourdon: Ce n'est pas marqué dans l'horaire. Il n'y a
rien dans l'horaire là-dessus.
M. Claveau: L'erreur, c'est qu'il n'a pas été
indiqué à l'horaire, M. le Président. Ça, c'est
vrai.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Bon. Il n'avait pas été indiqué à l'horaire parce
qu'il était inclus dans les choses de cet après-midi.
C'était l'entente avec M. le député d'Un-gava. Or, moi, je
vais respecter les choses telles qu'elles ont été faites.
Une voix: O. K.
Le Président (M. Bélanger): Si on ne veut pas
fonctionner comme ça, alors, sur votre temps, vous aurez la
présentation et vous aurez moins de questions à poser. M. le
député d'Un-gava.
M. Claveau: Juste une parenthèse pour dire que, dans le
fond, sur l'entente qu'on avait, c'est qu'on pouvait aborder le dossier
recherche e. t développement n'importe quand durant la journée.
Là, on apprend que, cet après-midi, il va y avoir un
exposé là-dessus. Soit! Ça va nous faire plaisir, je
pense. La commission va être très intéressée
à entendre Hydro là-dessus.
Revenons maintenant sur la consultation publique et sur la,
participation active de la population. Je pense que, là, il y a quelque
chose où on ne s'est pas entendus. D'abord, vous nous dites, et je
prends exactement la terminologie que vous utilisez dans votre texte: "...
désormais, que les décisions concernant le développement
du secteur de l'électricité soient débattues publiquement.
" Désormais, donc, dans le futur, cela a une connotation de
continuité dans le temps aussi en termes d'intervention. On parle de
débattre publiquement.
Est-ce que la commission parlementaire que l'on tient actuellement est
un débat public prolongé dans le temps sur toutes les questions
énergétiques? Je ne crois pas. La commission parlementaire que
l'on a actuellement est une séance de consultation des parlementaires
qui veulent prendre le pouls de ce que la population pense des questions de
développement énergétique et de l'Impact environnemental,
l'impact sur les consommateurs, l'impact sur les peuples autochtones et puis
qui devra, normalement, déboucher sur quelque chose. Lorsque l'on fait
une consultation parlementaire comme ça, ça débouche sur
un projet de loi, ça débouche sur une réorganisation
structurelle quelque part. Ça débouche sur une déclaration
conjointe de l'ensemble des députés. On a vu ça au
fédéral, dernièrement, avec Meech. Ça
débouche sur quelque chose. Ça ne reste pas un
événement suspendu dans le temps.
Alors, lorsque l'on parle de débat public sur l'énergie,
sur les choix énergétiques qui, eux, se font continuellement dans
le temps, est-ce qu'on n'aurait pas avantage à aller beaucoup plus en
profondeur, à faire en sorte que des spécialistes externes, des
groupes impliqués, des gens qui défendent des groupes
d'Intérêt précis aient l'opportunité de questionner
Hydro-Québec, d'amener une contre-expertise, un point de vue
différent? Il y a des gens ici qui nous ont expliqué vraiment
toutes sortes de choses très intéressantes, mais qui n'ont,
à notre avis, nulle part, la possibilité d'en discuter
publiquement et ouvertement avec Hydro-Québec.
Est-ce qu'on n'aurait pas avantage à créer d'une
façon permanente ou d'une façon ad hoc, quelque part, une
structure qui ferait en sorte que, lorsque Hydro-Québec arrive avec des
investissements qui risquent d'avoir un impact sensible sur la facturation de
l'électricité... Parce qu'un Jour ou l'autre il faut que
quelqu'un paie et Hydro-Québec ne vend pas de l'immobilier, elle vend de
l'électricité. Et ces mêmes interventions peuvent aussi
avoir un impact environnemental énorme. Elles peuvent modifier le
comportement de régions entières en termes économique,
environnemental et social. Alors, est-ce que, dans une nouvelle démarche
pour une approche concertée avec la population, on ne devrait pas
plutôt penser à quelque chose de permanent ou, du moins, qui ait
un certain suivi, faisant en sorte que la population puisse se sentir
peut-être un peu plus proche de son ex-orgueuil national qui s'appelait
Hydro-Québec?
M. Drouin: Quant à nous, M. le Président, on l'a
dit bien clairement, ce n'est pas à nous de définir les
mécanismes de consultation. Je pense que c'est aux élus du
peuple, au gouvernement, de définir les mécanismes de
consultation. Nous, ce qu'on dit et ce qu'on dira toujours, je l'espère,
c'est qu'on est prêts à se soumettre à n'Importe quel
mécanisme de consultation. Je pense qu'il ne nous appartient pas de
choisir ces
mécanismes-là, ni de les définir. Il nous
appartient de nous y soumettre. La rumeur a même couru, il y a quelques
mois, que nous ne voulions pas... Des groupes ont laissé entendre que
nous n'aurions pas voulu avoir d'audiences publiques sur tel sujet ou sur tel
développement. C'est faux. Hydro-Québec se dit prête
à se soumettre à toute décision relativement à des
auditions, des audiences et, d'ailleurs, nous nous soumettons effectivement
à des processus très complexes relativement à
l'environnement, déjà. Vous savez, la Convention de la Baie James
et du Nord québécois n'est pas de tout repos, en termes de
consultation, d'audiences ou de concertation. Elle nous impose des travaux
énormes et que nous devons faire, que nous acceptons de faire et
auxquels nous nous soumettons volontiers. (12 heures)
Peu importe l'impression qu'on peut laisser en termes d'ouverture et en
termes de transparence, moi, je vous dis que nous sommes prêts à
nous soumettre à des consultations publiques de quelque nature que ce
soit. Cependant, II faut tout de même qu'elles aient lieu à
l'intérieur d'un cadre temporel qui nous permette la réalisation
des projets à temps pour livrer la marchandise; c'est ce que nous
demandons. Et, depuis deux ans, vous savez, les gens disent: Grande Baleine,
Grande Baleine, qu'est-ce que c'est ça, vous êtes donc bien
pressés! Ça fait deux ans, M. le Président, qu'on parle de
Grande Baleine dans notre plan de développement et que nous sommes
prêts à nous soumettre à quelque processus
d'évaluation publique que ce soit relativement à ce projet. Nous
sommes toujours prêts à nous y soumettre, mais les délais
sont courts, nous vous prévenons. Les délais sont courts et c'est
un peu le cri d'alarme qu'on lance aujourd'hui parce que, depuis quelques
années, nous n'arrivons pas à débloquer ces projets parce
qu'if y a des discussions entre le fédéral et le provincial. On
connaît les jugements rendus dans les autres provinces. Mais, pour nous,
il n'est aucunement question d'essayer de nous défiler de ces
processus.
Grande Baleine. M. le Président, on a fait des études
jusqu'en 1983, de l'ordre de 120 000 000 $. Les gens ont dit: On n'a jamais
étudié Grande Baleine, on ne sait pas ce qui va se passer. On a
mis 120 000 000 $; je n'ose pas transposer ça en dollars de 1990. On a
un autre montant de 130 000 000 $ à mettre, qui est déjà
mis, depuis 1988 et 1989, pour une très grande partie. Il reste
très peu d'études à compléter sur Grande Baleine et
nous sommes prêts à nous soumettre au processus.
M. Claveau: En écoutant vos propos, M. le
président, est-ce que J'ai raison de les interpréter en disant
que vous et votre équipe, en tant que gestionnaires
d'Hydro-Québec, avez à répondre à des mandats et
à des directives qui vous sont donnés par l'actionnaire et que,
dans ce sens-là, si les études auxquelles vous vous
référez ne sont pas suffisamment connues du grand public, ou que
plein de gens se disent pas informés, ou que, souvent, on a l'impression
qu'Hydro-Québec fait les choses en catimini, en essayant de marcher sur
la pointe des pieds de façon à ne pas réveiller la baraque
qui dort parce que ça pourrait être dangereux, à ce
moment-là, ce n'est pas la faute d'Hydro-Québec, mais que
ça relève des mandats qui vous ont été
donnés ou qui ne vous ont pas été donnés par
l'actionnaire d'Hydro-Québec? Et, dans ce sens-là, si le
gouvernement se tient debout et dit: Vous allez mettre sur la place publique
vos études concernant Grande Baleine, on va en discuter, vous allez
faire participer la population dès le départ à toute
mécanique de consultation ou à tout nouveau projet en voie
d'élaboration, en ce qui vous concerne, vous n'avez pas de
problème avec ça, c'est à l'actionnaire, donc, de mettre
ses culottes, si vous me passez l'expression.
M. Drouin: Moi, tout ce que... M. Claveau: Excusez! Ha,
ha, ha! Mme Bacon: Une remarque sexiste!
M. Claveau: Disons que c'est une expression consacrée.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): On comprend que vous
êtes contrit, mais l'esprit reste le même.
M. Claveau: Je m'en excuse, M. le Président. Ha, ha,
ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Drouin: C'est bien sûr qu'il appartient au gouvernement
du Québec, actionnaire et représentant de l'ensemble des
Québécois, propriétaires d'Hydro-Québec, de
définir les grandes politiques de développement de l'entreprise;
ça, c'est clair. Mais je pense qu'Hydro-Québec ne peut jamais ou
n'aurait jamais pu invoquer que l'actionnaire, d'un côté comme de
l'autre, aurait demandé à Hydro-Québec d'escamoter des
études, de cacher des choses et d'aller en catimini relativement
à des projets qu'elle a à faire ou à toute autre
démarche. Loin de nous l'idée de rejeter sur le dos de
l'actionnaire, quel qu'il soit, les accusations que l'on peut nous faire de
cacher des choses. Moi, je vous dis: Si on cache des choses, il faut
arrêter de les cacher et il faut s'ouvrir. Si le processus, c'est celui
d'une évaluation environnementale, d'une évaluation globale,
d'une évaluation publique, ce n'est pas à nous de le
décider.
Tout ce que nous devons dire, et nous le disons, c'est que nous sommes
prêts à nous soumettre à des processus d'évaluation
et à déposer nos études pour démontrer la
faisabilité des projets.
Nous considérons que, sur les projets que nous avons en vue
actuellement, que ce soit Grande Baleine, que ce soit NBR, il y a suffisamment
d'études, actuellement, qui nous permettent évidemment de les
compléter et d'en discuter publiquement. Mais qu'on établisse le
processus, qu'on s'entende entre le fédéral et le Québec
pour le faire, parce que ça, c'est important. Nous sommes à la
croisée des chemins relativement à la mise en marche de Grande
Baleine. On parle depuis deux, trois ou quatre mois d'une entente entre le
fédéral et le Québec là-dessus; il faut que
ça aboutisse un jour.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui. Pour continuer dans la même veine, M. le
Président, tout en sachant que le promoteur a la responsabilité
des études d'impact - prenons pour acquis cette chose-là - tout
en conservant aussi dans notre esprit qu'il y a un espace dans le temps qui
doit être respecté pour la mise en place des projets, donc
l'espace temporaire dont vous parliez tout à l'heure, il y a M. Lamarre,
de Lavalin, qui est venu ici nous dire qu'il serait logique qu'on arrive
à prendre une partie du projet en termes monétaires, en
pourcentage, pour aider des groupes environnementaux qui veulent regarder les
études d'impact, contester s'il le faut ou, en même temps, faire
valoir leur point de vue. J'aimerais savoir de la part d'Hydro-Québec,
qui a certainement eu un rapport de ces discussions en commission
parlementaire, quelle est son opinion versus un fonds pour aider les
organismes, quels qu'ils soient, qui voudraient participer à
l'étude. Vu qu'ils n'ont pas les mêmes capacités
financières que le promoteur, normalement, dans le projet, a ce
moment-là, ils pourraient être aidés par ce fonds pour
faire la contestation, s'il le faut, ou l'étude plus approfondie des
études d'impact.
M. Drouin: À date, on n'a jamais eu ça comme
pratique, c'est bien sûr. On a vu récemment, par exemple, qu'une
consultation faite par Hydro-Ontario a comporté les
éléments que vous venez de mentionner. Je demanderai donc au
vice-président à l'environnement, M. Daniel Dubeau, de vous
éclairer sur ce sujet-là.
M. Dubeau (Daniel): Bonjour, M. le Président. D'abord, il
faut comprendre que les études d'impact d'Hydro-Québec sont
fartes en fonction d'une directive qui est émise par le ministre de
l'Environnement du Québec Cotte directive, dune, provoll la
portée, l'amplour du l'étude d'impact. Et, dès le
début du processus, lorsqu'on enclenche, si vous voulez, la
préparation des devis, nous menons des consultations auprès des
populations locales et régionales, les organismes du milieu
concernés, éventuellement, par le projet et nous tenons compte,
dans les résultats de ces consultations, de leurs suggestions en ce qui
a trait à la portée même de nos études et au contenu
des devis. Donc, les études d'impact que nous réalisons tiennent
compte des préoccupations des populations et nous croyons avoir,
à l'intérieur de l'entreprise et à l'extérieur de
l'entreprise dans les firmes spécialisées dans le domaine de
l'environnement au Québec et dans les universités, les ressources
requises pour faire de bonnes études d'Impact sur l'environnement, ce
qui, quant à nous, ne nécessite pas que le milieu doive
également, de son côté, investir de l'argent pour faire une
même étude sur le même projet. Donc, les mécanismes
d'Information, de consultation, d'intégration dans nos devis font en
sorte, à notre point de vue, que nos études devraient
également satisfaire les populations locales et régionales.
Maintenant, lorsque nous menons les consultations sur les
résultats des études, jusqu'à maintenant, nous n'avons
effectivement pas défrayé ce que ça coûte aux gens
qui se déplacent le soir et qui viennent à des assemblées
d'information, de consultation. Nous avons toujours pris pour acquis que
l'électricité est un produit pour les Québécois et
qu'il appartient aux communautés et à tous ceux qui sont
intéressés par le développement de
l'hydroélectricité au Québec, d'y contribuer. Et on ne
croit pas que c'est des frais énormes. On se déplace, on se rend
dans les municipalités auprès des gens, donc c'est près de
chez eux. Quant à nous, l'investissement de temps qui leur est
demandé est relativement minime. il y a des groupes, c'est vrai, qui
demandent une participation plus large. Or, depuis quelques années - et
cet après-midi on va vous faire une présentation plus
substantielle sur ce que nous faisons en environnement - on a
créé beaucoup de comités scientifiques où on fait
participer, à la demande de groupes externes à l'entreprise, des
sommités, des experts, hors d'Hydro-Québec, qui participent
à des comités dont les résultats sont rendus publics,
effectivement, encore une fols, pour rassurer la population sur la
qualité et la pertinence de nos études. Quand nous créons
ces comités, nous défrayons, bien sûr, l'argent
nécessaire pour que les experts externes soient
rémunérés pour le travail qu'ils réalisent. Donc,
nous payons lorsqu'il s'agit d'expertise de scientifiques qui travaillent dans
des comités créés à l'occasion des projets
d'Hydro-Québec.
M. Jolivet: Quand on parlait de ce fonds, on allait un peu plus
loin que ça. Parce que vous parle/ de la préparation de vos
études d'Impact et, lors de la préparation d'études
d'Impact, vous
consultez. Je comprends tout ça. Ce que l'on disait -et je pense
que cette question était regardée avec beaucoup d'attention -
c'est: Un pourcentage X du projet pourrait servir à des organismes qui
peuvent être les communautés qui sont touchées par le
projet, mais qui peuvent aussi être autres, pour différentes
raisons. Et, après ça, ils ne sont pas juge et partie de la
décision. Même s'ils sont sous la responsabilité de votre
service au niveau des études d'impact, rémunérés ou
autres, II y a une chose certaine, c'est que ces gens-là ont une plus
large liberté d'action, sans vouloir dire qu'ils sont là pour
contester pour le plaisir de contester. Mais on dit en justice que ce qui est
important souvent, c'est que justice soit rendue, mais aussi que l'apparence de
justice soit rendue. Parce qu'on a l'impression, des fois, qu'il n'y a pas de
justice de rendue, mais, si on a au moins l'assurance de l'apparence qu'elle
est rendue, les gens ne se posent plus de questions. Et, dans ce
contexte-là, pour ne pas être à la fois juge et partie, un
fonds spécial permettrait, à ce moment-la, comme le disait M.
Lamarre, de Lavalin, d'aider les groupes qui pourraient être choisis
selon des formules pour faire une critique de vos documents. Ça ne veut
pas dire de tout refaire, mais de faire au moins la critique des documents.
M. Dubeau: Mais si c'est la critique de tous les documents, M. le
Président, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a
certains budgets qu'il alloue aux groupes qui n'ont pas d'argent et qui veulent
avoir une certaine, si vous voulez, assistance financière pour pouvoir
étudier les rapports d'Hydro-Québec. Donc, déjà, le
gouvernement du Québec a prévu, par la Loi sur la qualité
de l'environnement et le mandat donné au BAPE, des montants qui peuvent
être donnés aux groupes qui veulent, effectivement, être
aidés financièrement pour faire cette analyse. Mais ça,
c'est après coup. On comprend que c'est lorsque l'étude d'Impact
est réalisée.
M. Claveau: Je vois, dans les propos qu'on vient d'entendre
là, peut-être un début de réponse au malaise que la
population a envers Hydro-Québec, ce qui m'amène, d'ailleurs,
à questionner Hydro-Québec à savoir pourquoi, si les
choses sont si bien faites que ça, la perception reste tellement
mauvaise. Il y a un problème quelque part. On ne peut pas le nier. On a
affaire à un sentiment populaire qui veut que ce qu'Hydro-Québec
fait, ça ne correspond pas à ce que la population attend.
Hydro-Québec dit: Oui, mais, nous autres, on fait pour le mieux, etc.,
les gens sont consultés, on participe. Mais ce n'est pas le sentiment
que la population a. Et moi, je vais vous dire, pour l'avoir vécu
personnellement à d'autres niveaux antérieurement, que j'ai eu
l'occasion de participer à ce que j'appelle l'opération marketing
d'Hydro-Québec, ce qui est très différent d'une
consultation dans le milieu.
On arrive dans les hôtels de ville, les groupements, les
associations de différents milieux, et on vient nous expliquer un projet
de ligne de transport, on vient nous expliquer comment on va faire pour
traverser le fleuve sans trop nuire, on vient nous expliquer un certain nombre
de choses. Ça dure deux ou trois heures. On a des beaux tableaux en
couleur, les gens se présentent, c'est bien, c'est intéressant.
Mais, après ça, quand on retrouve ça, six mois plus tard,
dans la version finale, en disant: Nous avons consulté les gens de la
municipalité X, ce n'était pas de la consultation. Il n'y a
personne qui a eu un mot à dire. On a peut-être posé une
question et eu une réponse un peu vague. Et puis, en bout de piste, on
dit: Non, on a seulement été informés de. Mais, à
la suite de cette information-là, il aurait probablement
été préférable de mettre en place une
mécanique qui mène à la discussion et à la
véritable consultation. Comment voulez-vous que des gens soient
consultés avant même d'avoir été informés? Je
pense qu'Hydro-Québec a une excellente politique d'information. Mais,
malheureusement, ça reste là. La table de discussions, la table
de concertation, d'élaboration conjointe avec le milieu, à ma
connaissance, elle n'a jamais existé ou, si elle existe, c'est tellement
rudimen-taire qu'il n'y a plus personne qui s'y retrouve ou qu'il n'y a
personne qui s'y identifie.
M. Drouin: Étant donné que votre question vise
spécifiquement le dossier environnement, je demanderais à M.
Dubeau d'y aller un peu plus à fond parce qu'on avait déjà
prévu quelque chose cet après-midi, mais il peut y aller
maintenant.
M. Dubeau: M. le Président, prenons, par exemple, le
projet Radisson-Nicolet-Des Cantons qui a amené, comme on le sait, tout
le débat qu'a entraîné la traversée à
Grondines-Lotbiniè-re. Le projet avait 1100 kilomètres de long;
le débat en audiences publiques a porté sur 3,5
kilomètres, soit la traversée. Le reste du projet n'a pas
retroussé. L'opinion publique, les municipalités, les MRC
traversées - il y a au-delà d'une quarantaine de
municipalités et au-delà d'une quinzaine de MRC concernées
par ce projet-là - n'ont rien dit. Le projet n'a pas retroussé.
Mais, durant la période d'audiences publiques, il y a eu au-delà
de 167 articles de journaux contre Hydro-Québec et contre ce projet
à cause du débat sur la traversée. Tout le projet semble
ne pas être bon, mais ce qui a été discuté, c'est
3,5 kilomètres. (12 h 15)
Dans nos pratiques, maintenant, d'information et de consultations
publiques, nous demandons aux organismes, aux municipalités, par
exemple, de nous donner des avis écrits sur des variantes qui sont
détaillées, "substantiées" en termes d'impact. Nous leur
demandons si les inventaires du milieu sont substantiels, sont corrects, si,
par les valeurs que nous reconnais-
sons à l'intérieur de notre matrice d'études
d'impact, à leur point de vue, on a une juste appréciation des
valeurs qu'ils accordent eux-mêmes à leur milieu; donc, de se
prononcer officiellement sur le choix d'une variante.
Quant à nous, M. le Président, notre façon de faire
est très correcte. On ne vous dit pas que c'est 100 % parfait partout.
Il y a, effectivement, des endroits où c'est plus dur que d'autres et on
l'a vu dans le cas de Grondines-Lotbinière, avec la décision qui
est venue. Mais il reste que, globalement, même dans certaines
régions du Québec, actuellement, par exemple pour la ligne
Lévis-Des Cantons, nous sommes même félicités par
les journalistes et les éditorialistes de la région pour,
justement, la qualité, l'ouverture de notre information et la
consultation du milieu.
M. Drouin: Ce n'est pas peu dire.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: Je n'ai pas compris.
M. Drouin: J'ai dit: Ce n'est pas peu dire.
M. Claveau: Ce n'est pas peu dire, oui. Ha, ha, ha!
M. Dubeau: Maintenant, un dernier détail, et je pense
qu'il est important de le signaler: la politique sur l'environnement
d'Hydro-Québec a prévu la création d'un comité de
consultation en environnement qui regroupe 11 personnes dont 8 de
l'extérieur. Même la commission, je crcis, a eu le plaisir
d'entendre Me Michel Yergeau, qui est président de ce comité.
Nous le voyons donc cinq fois par année et il scrute à la loupe
l'ensemble des propositions de la vice-présidence à
l'environnement d'Hydro-Québec, en ce qui a trait à nos
études de développement de connaissances, l'ensemble des
études d'impact majeures et l'ensemble des orientations et des
stratégies que l'entreprise a même, cette année,
enchâssées dans un chapitre dans le plan de
développement.
Je pense que, en termes d'ouverture et de tenir compte de ce qui se
passe à l'extérieur de l'entreprise, on regarde large, on regarde
grand et, aussi, qu'on est près des Québécois. Et on le
vit projet par projet. Là-dessus, nous sommes très fiers de notre
performance.
M. Claveau: Là, il y a quand même un problème
quelque part. Le problème n'est peut-être pas là où
on pensait, mais il y a un problème quelque part et il va falloir le
trouver, parce que, quand on arrive dans le milieu, ce n'est pas tout à
fait ce que les gens perçoivent. Il y a une question de perception qu'il
va falloir élucider un jour ou l'autre.
L'autre problème, c'est quant au choix qu'a fait
Hydro-Québec. Effectivement, cette année, on a fait une
proposition de pian de développement. Hydro-Québec a une
proposition de plan de développement. C'est déjà un pas
dans le bon sens en vertu de ce qu'on avait par le passé, j'en conviens.
J'ai même eu l'occasion de le souligner à quelques reprises. Mais,
justement, si c'est une proposition de plan de développement, il faut
quand même, à ce moment-là, imaginer qu'on doit pouvoir en
discuter les choix avec toute la latitude que cela présuppose et aussi
sans avoir, là, l'impression d'avoir le couteau sur fa gorge du genre:
Si on n'a pas nos autorisations tout de suite, en 1998 on va se geler... points
de suspension. Là, il y a encore un problème quelque part. On
nous dit: On vous propose telle affaire, mais si vous ne l'acceptez pas, oh,
attention, vous allez avoir à en payer les conséquences, à
en payer la note.
Je regarde rapidement les chiffres qui nous sont donnés par
Hydro-Québec: en 1992, on va avoir 34 250 mégawatts, en gros, de
possibilité. Ça, ça veut dire qu'une utilisation à
100 %, totale de la puissance nous donne quelque chose en termes
d'énergie comme 300 térawattheures disponibles; ramenés
à un facteur d'utilisation de 60 %, 180 térawattheures
disponibles. Au moment où on se parle, on en prend 127 ou 130 pour les
besoins du Québec. On pense que, autour de 1996-1997, on va avoir besoin
de quelque chose comme 160 à 170 térawattheures pour les besoins
du Québec. Donc, avec le parc existant et les ajouts qu'on va y faire
d'ici 1992, plus les nouvelles centrales qui sont en construction et qui vont
entrer en service en 1994-1995, on parle de LA 1, Brisay, Laforge, qui vont
nous rajouter 2500 autres mégawatts, on va approcher les 320, 325
térawattheures disponibles globalement sur l'ensemble avec un facteur
d'utilisation à 100 %, c'est-à-dire à peu près 190
à 200 térawattheures avec un facteur d'utilisation entre 60 % et
65 %.
À première vue, pour satisfaire les besoins du
Québec, là, on peut se permettre de se donner six mois pour
regarder le plan. Il ne semble pas y avoir de problème si grave que
ça à se donner quelques mois de délai. Il y a
peut-être des gens qu'on aura à satisfaire à
l'extérieur parce qu'on a signé des contrats, je ne le sais pas.
Mais, pour les besoins du Québec en fonction du parc installé
actuellement, du parc ajouté jusqu'à 1993, puis des contrats et
des projets en cours qui vont se terminer en 1994-1995, en vertu de la demande
actuelle, connaissant le niveau de la pointe actuellement qui devrait
s'établir autour de 30 à 32 mégawatts de demande de
puissance à peu près dans le même laps de temps, d'ici
quatre ou cinq ans, il n'y a rien dans tout ça, si on dit
qu'Hydro-Québec doit d'abord satisfaire les besoins des
Québécois, qui oblige Hydro-Québec à mettre le
couteau sur la gorge du gouvernement en disant: Vous savez, pour les
études de 1990, autorisation des différents papiers de
construction etc., en 1992,
sinon, au tournant du siècle vous allez avoir une lourde
responsabilité ou votre décision va être lourde à
justifier. On nous introduit, donc, une démarche de proposition de plan
de développement et de consultation publique en nous disant: De toute
façon, vous n'avez à peu près pas le choix. On a
pensé à tout ça bien avant vous autres et puis, surtout,
regardez-y bien avant de rediscuter ce qu'on vous propose.
M. Drouin: M. le Président, c'est bien sûr qu'il y a
un certain risque à parler d'une proposition de plan de
développement. Nous l'avons pris, ce risque-là, parce qu'on croit
que, dans le plan de développement qu'on a déposé, il y a
des choses qui, tout de même, à court terme, sont
irréversibles. À long terme, il y a des choses qu'on peut
regarder, et on le dit clairement. Je pense qu'à Hydro-Québec,
vous nous feriez rapidement le reproche de ne pas être un organisme
responsable si on ne faisait pas du mieux qu'on peut l'évaluation de la
demande au cours des 10 prochaines années, et même au cours des 16
ou 17 prochaines années, et de notre capacité de répondre
à cette demande-là.
Nous ne sommes pas là pour être le promoteur du
développement; nous sommes là pour l'évaluation de ce que
l'on pense être la demande, en fonction des politiques gouvernementales
qui ont été mises en place. Nous faisons cette évaluation
de la demande et nous disons: La façon dont on pense répondre
à cette demande-là et, par conséquent, présenter
l'offre, c'est la suivante.
Bien sûr que, lorsque nous sommes dans une période à
court terme - et vous faites sûrement allusion à Grande Baleine
dans ce sens-là - nous sommes obligés de dire que nous sommes
effectivement dans un entonnoir et que nous devrons, pour livrer la marchandise
à temps pour 1998, procéder selon des échéanciers
qu'on vient de mentionner. Mais je répète que ce n'est pas
aujourd'hui que nous dévoilons ce qui s'en vient. C'est tout de
même depuis deux ans que Grande Baleine est clairement établie
dans notre plan de développement, en termes
d'échéancier.
Pour répondre précisément à la question du
député d'Ungava, dans nôtre proposition de plan de
développement, à court terme, vous avez raison, il y a des
échéanciers qui sont très stricts parce que nous voulons,
comme organisme qui est chargé de le faire et dont c'est la mission,
répondre à la demande en 1998, 1999 et 2000. Mais si les
Québécois, par leurs élus, décidaient que ce serait
mieux d'abandonner le projet NBR qui, lui, a un échéancier... On
dit 1994 pour prendre des décisions dans le cas de NBR. On dit que NBR
peut être fractionné en quatre projets. Donc, on peut en aborder
un à la fois sans nécessairement s'engager pour tout. On dit
qu'on a jusqu'en 1994 pour prendre des décisions. Si les
Québécois en venaient à la conclusion que la ressource
hydroélectrique n'est pas la bonne voie qu'Hydro-Québec
suggère, nous nous soumettrons à la décision qui sera
prise par le gouvernement ou l'ensemble des Québécois pour cette
raison. Nous nous soumettrons. Nous ne sommes pas là pour décider
que nous allons dans l'hydroélectricité coûte que
coûte. Nous sommes là pour vous dire qu'est-ce qui vous attend
pour les prochaines années, et ça, c'est vrai que nous devons
être fermes. Mais, quant au futur, si jamais l'option nucléaire
devait revenir sur le tapis, ce n'est pas ce que nous préconisons
à l'avantage des Québécois, mais ce n'est pas à
nous de faire le choix final là-dessus.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Compte tenu de l'heure, la commission suspend ses travaux jusqu'à 15
heures, 15 h 15, soit après la période de questions. Bon
appétit!
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 15 h 14)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! La commission de l'économie et du travail se
réunit pour finaliser sa consultation générale et ses
auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec. Alors, MM. les présidents, je vous
invite à nous présenter votre mémoire.
M. Drouin: M. le Président, merci. À ce stade-ci,
je voudrais introduire M. Benoît Michel, vice-président
exécutif du groupe équipement, lequel va vous présenter
les différents intervenants qui viendront tour à tour faire une
présentation sur le bilan socio-économique et environnemental de
la phase I de la Baie James.
Par la suite, nous entendrons M. Maurice Huppé qui fera une
courte présentation sur la recherche et le développement à
Hydro-Québec. M. Benoît Michel.
M. Michel (Benoît): Bonjour. Une voix: Bonjour.
M. Michel: Nous allons tenter, au cours de la première
partie de cette séance, de vous informer sur nos activités en
matière d'environnement et en matière d'études d'impact.
La présentation des mémoires qui a été faite au
cours de cette commission parlementaire nous indique que nous avons
peut-être besoin d'informer davantage le public sur nos activités
en cette matière.
Dans un premier temps, donc, M. Dubeau que vous connaissez
déjà va vous présenter la position d'Hydro-Québec
sur plusieurs des affirmations qui ont été faites depuis le
début de la commission. Dans un deuxième temps, nous allons
tenter de vous illustrer, en vous présen-
tant des faits, des résultats d'études techniques et
scientifiques qui sont effectuées depuis près de 20 ans sur le
territoire de la baie James en ce qui concerne le réseau de suivi
environnemental. Ces présentations vont vous être faites par M.
Dominique Egré, chargé de programme, aménagement du
territoire et développement régional à la
vice-présidence, environnement; M. Richard Verdon, conseiller en
recherche, biologie aquatique, vice-présidence environnement; Mme
Danielle Messier, biologiste-océanographe, Société
d'énergie de la Baie James; M. Michel Julien, chef de service,
écologie, SEBJ, M. Gaôtan Hayeur, chargé de programme,
ressources et habitats fauniques, vice-présidence environnement; et,
finalement, M. Gaétan Guertin, pour la période de questions, qui
est chef de service, localisation et études d'impact,
vice-présidence environnement. M. Dubeau.
M. Dubeau: Merci. M. le Président, bonjour. Dans le cadre
de cette commission, nous avons pu constater que les activités
d'Hydro-Québec en matière d'environnement sont très peu
connues. Les études environnementales réalisées par
Hydro-Québec sont pourtant disponibles depuis 1974 au centre de
documentation de la vice-présidence qui est ouvert au public. De plus,
Hydro-Québec publie depuis trois ans un document complémentaire
à son plan de développement, document intitulé
"Hydro-Québec et l'environnement". Ce document présente
l'ensemble des activités de l'entreprise en matière de protection
et de mise en valeur de l'environnement. Tiré à plus de 15 000
exemplaires, ce document est largement diffusé et expédié,
entre autres, à plus de 200 organismes et groupes environnementaux
québécois.
Hydro-Québec organise également des rencontres avec des
groupes environnementaux, comme, par exemple, ce fut le cas avec la National
Audubon Society. Cet organisme a critiqué les études
environnementales réalisées par Hydro-Québec, sans
môme avoir pris connaissance de nos études parce que, de son
propre aveu, elles ne sont rédigées qu'en français. En
janvier 1990, nous avons écrit et invité le président de
la National Audubon Society à une nouvelle rencontre pour discuter de la
possibilité de réaliser des études conjointes sur les
oiseaux migrateurs et pour organiser une visite au complexe La Grande,
territoire qu'ils n'ont jamais visité, malheureusement. La National
Audubon Society n'a toujours pas répondu à notre invitation.
Enfin, l'image environnementale d'Hydro-Québec est
malmenée par les médias d'information. Les médias ne
donnent qu'une image partielle des questions d'environnement,
privilégiant l'instantané des catastrophes environnementales et
des projets contestés. Il en résulte que les efforts de
l'entreprise pour diminuer les impacts de ses activités sur
l'environnement et l'importance des ressources engagées par
Hydro-Québec dans la protection et la mise en valeur de l'environnement
ne sont pas traités dans les médias et demeurent peu connus du
public
Les principaux éléments de la critique adressée
à Hydro-Québec dans le cadre de cette commission ont
été repris par M. Drouin. Je commenterai brièvement les
cinq points suivants, pour consacrer la majeure partie du temps qui nous est
alloué à une présentation de certains aspects du bilan
socio-économique et environnemental de la phase I du complexe La Grande
par des experts. Donc, je traiterai du processus d'étude et de
l'évaluation des impacts environnementaux; de la faisabilité
environnementale du plan des installations d'Hydro-Québec; du bilan du
complexe La Grande; de l'étude des effets environnementaux cumulatifs et
de la participation des publics.
Le processus d'étude et l'évaluation des impacts
environnementaux. Dans le cadre de la commission parlementaire, des groupes ont
questionné la façon dont Hydro-Québec intègre
l'environnement à la planification et à la conception de ses
projets. Soulignons d'abord que le processus d'étude et de
réalisation des projets d'Hydro-Québec vise notamment à
assurer la faisabilité technique, économique et environnementale
des projets, et ce, de leur planification jusqu'à leur exploitation. Les
études environnementales sont intimement liées au processus de
réalisation des projets.
Le processus d'étude et de réalisation des projets
comporte cinq grandes étapes. Des études environnementales sont
effectuées à chacune de ces étapes. La première
étape, il s'agit de la planification du plan des installations, vise
à orienter les choix d'Hydro-Québec en ce qui a trait à la
planification de ses installations. Les résultats de l'étude des
effets environnementaux cumulatifs sont pris en compte à cette
étape. Les études préliminaires visent à
évaluer la préfaisabilité environnementale du projet et
à orienter les concepts d'aménagement pour un projet de centrale
ou les scénarios d'alimentation, dans le cas d'un projet de ligne et de
poste. Troisième étape, les phases 1 et 2 de l'avant-projet
visent à réaliser l'étude d'Impact conformément aux
exigences de la Loi sur la qualité de l'environnement, ainsi qu'à
obtenir les autorisations gouvernementales. Quatrièmement,
l'étape du projet, soit l'ingénierie et la construction, vise
à intégrer les mesures d'atténuation aux plans et devis et
à les réaliser. Et, finalement, l'étape de l'exploitation.
Nous visons à observer et à gérer les impacts
résiduels dans le cadre du suivi environnemental.
La rigueur des études d'Hydro-Québec en matière
d'environnement et plus particulièrement la qualité des
études d'impact a été contestée dans le cadre de
cette commission. Alléguant qu'Hydro-Québec est juge et partie,
des groupes ont recommandé que l'évaluation des impacts
environnementaux des projets de l'entreprise soit faite par des
organismes indépendants.
Mentionnons d'abord que la Loi sur la qualité de l'environnement
exige que le promoteur réalise lui-même une étude d'Impact
du projet qu'il entend réaliser. L'entreprise dispose de nombreux moyens
pour assurer la qualité des études environnementales: des
spécialistes internes et externes oeuvrant dans 33 disciplines
scientifiques différentes, la formation de comités consultatifs
en environnement et de comités d'experts composés majoritairement
de personnes-ressources externes, une méthodologie d'études
d'impact rigoureuse, la réalisation de 160 études d'impact depuis
15 ans et une expertise en matière d'environnement reconnue môme
à l'extérieur du Québec. Les études d'impact ne
peuvent être dissociées du processus de planification, de
conception et de réalisation des projets, car ils sont constitués
d'éléments techniques, économiques et environnementaux
interdépendants les uns des autres. Les études d'impact sont
intimement liées au processus de conception des projets et peuvent
entraîner d'importantes modifications par rapport à ce qui avait
été prévu au début du processus d'étude.
Hydro-Québec n'est pas le juge dans le processus d'étude
et de réalisation de ses projets. Bien au contraire, elle a le fardeau
de la preuve. Le rôle de juge incombe au gouvernement, aux
ministères et aux organismes gouvernementaux dans le cadre des
procédures d'examen et d'approbation. En effet, les grands projets
d'Hydro-Québec sont assujettis à un cadre législatif et
réglementaire dense et complexe en matière d'aménagement
et d'environnement. On trouve d'abord les lois en vertu desquelles des
autorisations gouvernementales doivent être émises avant que la
réalisation d'un projet ne soit entreprise par Hydro-Québec,
à savoir, notamment, la Loi sur Hydro-Québec, la Loi sur la
qualité de l'environnement, la Loi sur la protection du territoire
agricole, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur l'Office
national de l'énergie lorsqu'il s'agit, bien sûr, d'un projet
d'exportation. Les autres lois portent sur des ressources ou des territoires
gérés et protégés. Il s'agit notamment, au niveau
provincial, de la Loi sur les biens culturels, de la Loi sur la conservation et
la mise en valeur de la faune et, au niveau fédéral, de la Loi
sur la protection des eaux navigables et de la Loi sur les parcs nationaux. A
titre d'exemple, 121 autorisations gouvernementales ont été
émises pour les études et la réalisation du projet de
Radisson-Nicolet-Des Cantons. Cette ligne de plus de 1100 kilomètres
traversant 12 MRC et 44 municipalités a fait l'objet de 77
décrets gouvernementaux et certificats d'autorisation du
ministère de l'Environnement, de 26 demandes et approbations
subséquentes de la Commission de protection du territoire agricole du
Québec et de 18 transmissions des rapports de suivi environ-
nemental.
Les études d'impact sont examinées par des experts et des
spécialistes des gouvernements et par les organismes mis en place dans
le cadre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Les projets peuvent également faire l'objet d'audiences publiques sur
l'environnement. Ce n'est qu'à la suite de cet examen et de la
consultation publique que le gouvernement décidera ou non d'autoriser un
projet et, le cas échéant, déterminera les conditions
d'une telle autorisation.
Le deuxième élément: la faisabilité
environnementale du pian des installations d'Hydro-Québec. Des
représentants des groupes environnementaux ont mis en doute la
faisabilité environnementale du plan des installations et celle des
projets majeurs comme le complexe Grande Baleine, Nottaway-Broadback-Rupert,
Sainte-Marguerite et Ashuapmushuan. Des effets environnementaux importants sont
appréhendés sur le milieu naturel et humain. À notre point
de vue, les effets appréhendés sont gérables compte tenu
des connaissances scientifiques acquises depuis plus de 20 ans sur le
territoire, des études d'impact réalisées dans le cadre de
chaque projet et de l'étude des effets environnementaux cumulatifs. De
plus, tel qu'annoncé dans sa proposition de plan de
développement, HydroQuébec entend élargir sa
stratégie d'implantation des projets afin d'accorder une valeur plus
grande aux dimensions sociales et économiques des milieux
concernés. Certains groupes ont aussi affirmé
qu'Hydro-Québec ne devrait pas réaliser de nouveaux projets tant
que leurs impacts sur l'environnement naturel et humain ne seront pas connus.
Le but même des études d'impact réalisées par
Hydro-Québec est d'évaluer les impacts environnementaux des
projets. Cependant, là n'est pas le seul outil lui permettant de
gérer les impacts environnementaux de ses projets. L'entreprise
réalise également des activités de surveillance
environnementale et de suivi environnemental.
En ce qui a trait maintenant au bilan du complexe La Grande phase I, il
a beaucoup été question, dans le cadre de cette commission, du
bilan environnemental du complexe La Grande à la Baie James. Il importe
d'abord de préciser certains chiffres. L'aménagement de la phase
I du complexe La Grande, incluant les réservoirs et les
détournements, a inondé 13 500 kilomètres carrés du
territoire de la Baie James, qui est d'une superficie de 350 000
kilomètres carrés. Le ( complexe La Grande, phase I,
est l'un des principaux moteurs de l'avancement des connaissances
environnementales au Québec. Ce projet a permis le développement
de connaissances approfondies sur le milieu nordique, ainsi que la mise au
point des méthodes d'analyse et des mesures de protection et de mise en
valeur qui sont à la base des pratiques environnementales actuelles. Ces
méthodes sont constamment
améliorées par d'importants programmes de recherche. Les
résultats des études réalisées démontrent
que, contrairement aux affirmations de certains groupes, le bilan de la phase i
du complexe La Grande n'est pas négatif. Des experts en environnement
d'Hydro-Québec vous présenteront dans quelques minutes une
synthèse des études sur le complexe La Grande, phase I.
Maintenant, parions de l'étude des effets environnementaux
cumulatifs. Dans le cadre de cette commission, des organismes ont
demandé à Hydro-Québec de réaliser des
études sur les effets environnementaux cumulatifs. HydroQuébec a
entrepris, en 1987, une démarche pour étudier les effets
environnementaux cumulatifs des projets prévus dans son plan des
installations. Ce nouveau concept d'étude environnementale consiste en
une analyse prospective des conséquences environnementales du plan des
installations envisagé par l'entreprise, soit 18 800 mégawatts
sur les 50 000 mégawatts non aménagés au Québec.
Elle vise à intégrer la faisabilité environnementale du
plan des installations à sa faisabilité technique et
économique et rejoint ainsi les objectifs de développement
durable.
La première partie de cette démarche a permis de
définir le concept d'effets environnementaux cumulatifs et
d'établir les grandes lignes d'une démarche permettant de
dégager ces effets à partir des connaissances acquises. La
deuxième partie de la démarche a permis de cibler les
éléments de l'environnement susceptibles de subir un processus
d'accumulation des impacts et de les prendre en considération plus
tôt, notamment en fonction du plan des installations alors proposé
par l'entreprise.
Entre juin 1987 et septembre 1988, des discussions ont eu lieu entre
Hydro-Québec et divers organismes, tels le Conseil canadien sur les
évaluations environnementales, le Laboratoire national d'Argone de
Chicago, le Département des pêcheries et de la faune des
États-Unis et l'Université d'Aubum en Alabama. Ces groupes ont de
l'expérience dans l'étude des effets environnementaux cumulatifs.
Ces rencontres ont permis de prendre conscience de l'ampleur de l'étude
entreprise par Hydro-Québec et nos recherches nous ont amenés
à constater qu'Hydro-Québec est la seule entreprise en Occident
à étudier les effets environnementaux cumulatifs sur un
territoire aussi vaste.
Hydro-Québec a récemment suggéré au
ministère de l'Environnement du Québec de mettre sur pied un
comité interministériel qui aurait comme mandat de lui fournir
des avis et des recommandations quant à la poursuite de la
réalisation de l'étude des effets environnementaux cumulatifs. Le
comité pourrait regrouper notamment le ministère de
l'Environnement, le ministère de l'Énergie et des Ressources, le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le
ministère de la Santé et des Services sociaux, ainsi que le
Secrétariat aux affaires autochtones, assisté d'experts
indépendants réputés. (15 h 30)
Nous avons pris bonne note des organismes qui ont, devant cette
commission, indiqué qu'ils avaient des commentaires à nous
transmettre quant à l'étude des effets environnementaux
cumulatifs. Nous nous engageons à communiquer avec eux dans les mois
à venir.
Il est important de souligner que l'étude des effets
environnementaux cumulatifs influence le processus annuel d'élaboration
du plan des installations d'Hydro-Québec. Elle a déjà
influencé l'ordonnancement des projets dans le cadre de
l'élaboration de la proposition du plan 1990-1992, horizon 1999. En
effet, cette étude a permis à l'entreprise de mieux cerner les
principaux enjeux des projets futurs. Elle a aussi amené
Hydro-Québec à élargir sa stratégie d'Implantation
des projets, qui constitue un objectif inscrit dans sa proposition de plan de
développement.
La participation des publics. Dans le cadre de cette commission, des
groupes ont revendiqué la participation des publics à la prise de
décisions. Or, Hydro-Québec, depuis plus de 15 ans, à
toutes les étapes de son processus d'étude et de
réalisation des projets, mène d'importantes activités
d'information, de consultation et de concertation. Ces mécanismes de
communication répondent aux exigences de la politique d'environnement et
de la politique d'information et de communication d'Hydro-Québec.
À titre d'exemple, dans le cadre du projet de ligne de transport Des
Cantons-Lévis, Hydro-Québec a effectué 65 rencontres
d'information et de consultation avec 145 organismes concernés. Elle a
également réalisé six bulletins d'information sur la
nature du projet et sur les grandes étapes des études. Les
résultats de la communication ont été pris en compte pour
le choix du corridor et ils serviront à éclairer l'entreprise
quant au choix final du tracé et aux mesures d'atténuation des
impacts.
Le processus de consultation qui s'étend au-delà des
étapes d'étude des projets a aussi entraîné la
formation de comités d'experts extérieurs à l'entreprise
dans des domaines reliés à la protection de l'environnement.
Plusieurs comités scientifiques ont, en effet, vu le jour au cours des
dernières années.
En conclusion, avant de céder la parole aux experts en
environnement qui vous présenteront le bilan de la phase I de la Baie
James, je rappellerai que le cadre législatif et réglementaire a
évolué depuis la réalisation de ce complexe. Le projet de
développement hydroélectrique de la Baie James a
été officiellement lancé en avril 1971. L'agencement
optimal du complexe La Grande a été choisi en 1974, à la
suite de la validation des études technico-économlques et
environnementales par Hydro-Québec, la Société de
développement de la Baie James et la Société
d'énergie de la Baie James.
La Convention de la Baie James et du Nord
québécois a été signée en novembre
1975. Elle a établi les droits et obligations des signataires, ainsi que
tes modalités devant régir le développement des ressources
du territoire. La Convention autorise les travaux d'aménagement du
complexe La Grande, tel que décrit à son chapitre 8, et
établit deux régimes de protection de l'environnement et du
milieu social, l'un étant applicable au territoire situé au sud
du 55e parallèle et l'autre, au nord du 55e parallèle. Ces deux
régimes de protection de l'environnement ont été
intégrés en 1978 dans la Loi sur la qualité de
l'environnement.
Le complexe La Grande, tel que défini dans la Convention de la
Baie James et du Nord québécois, pouvait être entrepris et
exécuté intégralement sans être soumis à la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts.
HydroQuébec a néanmoins réalisé des études
d'impact pour plusieurs des composantes du complexe, comme la centrale Laforge
1, par exemple. Ainsi, sans y être obligée et conformément
à sa politique d'environnement, Hydro-Québec effectue des
études d'impact pour les projets déjà autorisés qui
seront réalisés dans le cadre de la phase II du complexe La
Grande, soit la centrale Eastmain et la partie nord de la 12e ligne du
réseau de transport.
Permettez-moi donc maintenant de vous présenter la
première personne-ressource qui vous fera la présentation sur le
programme comme tel de suivi environnemental et les répercussions sur le
milieu humain de la phase I de la Baie James. M. Dominique Egré,
chargé de programme, aménagement du territoire et
développement régional, de la vice-présidence
environnement.
M. Egré (Dominique): Bonjour. Je vais vous
présenter un bilan des impacts du complexe La Grande sur le milieu
humain, en distinguant deux grandes catégories de répercussions:
tout d'abord, les répercussions qui se sont traduites par des
modifications d'utilisation du territoire sous l'angle de l'exploitation des
ressources fauniques et, ensuite, les répercussions qui se sont
traduites par une évolution des conditions sociales, économiques
et culturelles des communautés affectées.
Tout d'abord, en ce qui concerne les répercussions sur
l'utilisation du territoire, on peut distinguer trois grandes sources de
modifications: tout d'abord, les modifications hydrauliques, ensuite les
accès routiers et, finalement, le programme de sécurité du
revenu des chasseurs et trappeurs cris qui a été institué
dans le cadre de la Convention de la Baie James.
En ce qui concerne les modifications hydrauliques, globalement, la
création des réservoirs, qui est une des principales
modifications hydrauliques, n'a pas affecté de façon
significative le potentiel des ressources fauniques du territoire, comme on le
verra plus en détail tout à l'heure. Cependant, ses impacts ont
été importants sur certaines portions du territoire. C'est ce qui
est illustré dans le tableau de la page 11 du document qui vous a
été distribué, lequel illustre de quelle façon les
terrains de trappage des communautées cries ont été
affectés par la création des plans d'eau.
Les plans d'eau créés par le complexe La Grande
représentent environ une superficie de 13 500 kilomètres
carrés. Ils ont surtout affecté quatre des huit
communautés cries de la Baie James. La communauté qui a
été la plus affectée a été la
communauté dé Chisasibi qui est à l'embouchure de La
Grande Rivière; 50 % des lots de piégeage de cette
communauté ont été affectés sur une superficie de
8000 kilomètres carrés, ce qui représente 10 % de la
superficie des lots de piégeage de cette communauté. Les deux
autres communautés d'Eastmain et de Wemindji ont été
affectées à un degré moindre; environ 6 % de la superficie
des lots de piégeage de ces deux communautés ont
été affectés. Et, finalement, la communauté de
Mistassini a été affectée à un degré
beaucoup moindre.
Les quatre autres communautés cries de la Baie James n'ont pas du
tout été affectées par les modifications hydrauliques.
Globalement, les superficies touchées représentent 3,4 % de la
superficie totale des lots de piégeage des communautés cries. Un
autre impact important résulte de la présence du mercure dans les
poissons des réservoirs. On en pariera plus en détail tout
à l'heure. On constate qu'à l'heure actuelle, malgré les
excellents rendements de pêche de ces réservoirs, ceux-ci
demeurent délaissés pour la pêche.
Deuxième source de modifications pour l'utilisation du
territoire, ce sont les accès routiers. À la page 12 du document
qui vous a été distribué, on retrouve une carte du
complexe La Grande qui montre les deux grands axes routiers qui ont
été construits à l'occasion du complexe La Grande, deux
grands axes de 600 kilomètres chacun: le premier est un axe nord-sud qui
rejoint Matagami à LG 2, avec une bretelle vers Chisasibi, et le
deuxième est un axe est-ouest qui rejoint Chisasibi aux
aménagements qui sont situés le plus à l'est sur le
territoire jusqu'au réservoir Caniapiscau. Ces accès routiers ont
permis le désenclavement de Chisasibi, mais aussi de trois autres
villages côtiers qui se situent au sud de Chisasibi, Wemindji, Eastmain
et Waskaganish qui sont reliés à l'axe nord-sud par des routes
d'hiver ou des pistes de motonei-ge-
Le principal impact de ces accès a été de faciliter
l'accès à l'arrière-pays et cela a donc permis une
exploitation plus uniforme de la faune par les Cris. Auparavant, il y avait, en
effet, de plus en plus une tendance à exploiter les territoires qui
étaient situés à proximité immédiate des
villages, ce qui crée un danger de surexploitation des ressources
fauniques et aussi
des dangers de conflits avec les maîtres de trappage des lots
côtiers. Si les routes sont devenues le moyen d'accès
privilégié aux territoires de chasse, cependant elles
créent également une pression accrue sur les ressources fauniques
qui sont situées à faible distance des routes.
Troisième source de modifications pour l'utilisation du
territoire, c'est le programme de sécurité du revenu qui a
été institué par la Convention de la Baie James. En fait,
cette Convention comprend de nombreuses mesures qui visent le maintien des
activités traditionnelles. Mais la principale d'entre elles a
été l'instauration du programme de sécurité du
revenu des trappeurs et chasseurs cris qui consiste à procurer un revenu
garanti aux chasseurs qui pratiquent leurs activités traditionnelles sur
une base régulière. À la page 13, vous retrouvez un
tableau qui résume les principales statistiques concernant ce programme.
Le total des prestations qui ont été versées en vertu de
ce programme s'est élevé à plus de 12 000 000 $ en 1989,
ce qui représente environ 10 000 $ par famille participante.
En 1971, donc avant l'instauration du programme, on estime qu'il y avait
environ 600 familles cries qui pratiquaient les activités
traditionnelles sur une base régulière. Il y en a 1200 à
l'heure actuelle, ce qui correspond au tiers de la population crie.
Malgré une baisse du nombre de participants dans les dernières
années, ce programme est reconnu comme un succès. Les
activités traditionnelles ont pu se maintenir à un niveau
élevé, contrairement aux tendances qu'on observe dans les autres
communautés amérindiennes.
Je vais maintenant passer à la deuxième grande
catégorie de répercussions qui sont les répercussions
économiques, sociales ou culturelles. Tout d'abord, en ce qui concerne
les répercussions sur les activités traditionnelles, il y a
plusieurs indices qui laissent croire que la création des
réservoirs a entraîné des impacts psychologiques, sociaux
et culturels qui sont attribuables à la forte identification des
maîtres de trappage et des familles à leurs lots. Ainsi, les Cris
n'ont pas redéfini les limites de leurs lots de piégeage à
la suite de la création des réservoirs. Toutefois, les
maîtres de trappage des lots affectés sont
régulièrement invités à utiliser d'autres lots et,
par ailleurs, on a constaté récemment que les Cris ont
procédé à une redéfinition des limites des lots
dans certaines portions du territoire.
Cependant, il est important de noter qu'on n'a constaté aucune
diminution du nombre de chasseurs-trappeurs dans les villages les plus
affectés. En fait, donc, dans ces villages, on retrouve des tendances
semblables à des villages non affectés en ce qui concerne la
pratique des activités traditionnelles. On a constaté aussi le
développement d'une forme d'intégration entre le secteur des
activités traditionnelles et celui des emplois salariés,
grâce au programme de sécurité du revenu et grâce aux
routes. Ainsi, d'une part, les résidents des villages gagnent les camps
des parents ou amis durant les week-ends et les vacances et, en contrepartie,
les salariés financent une partie des activités traditionnelles
tout en bénéficiant d'une partie des captures. Donc, les revenus
des activités traditionnelles représentent un apport
appréciable dans les revenus totaux des communautés cries. On
peut donc affirmer que le programme de sécurité du revenu a
permis une transition plus harmonieuse vers l'économie de marché
en réduisant les problèmes de recyclage qui sont
généralement associés à l'abandon rapide des
activités traditionnelles.
Maintenant, en ce qui concerne les répercussions sur les
activités dans les villages, la Convention de la Baie James a conduit au
transfert d'une grande partie des programmes gouvernementaux à une
administration qui est contrôlée et gérée par les
Cris. Ceci a d'abord entraîné la création d'un nombre
élevé d'emplois dans le secteur tertiaire comme, par exemple,
dans l'enseignement, dans les services de santé ou dans l'administration
publique. Ça a permis également une accélération du
programme de construction de logements et d'infrastructures publiques. Tout
cela a induit le développement des activités commerciales. Et,
par ailleurs, les intérêts qui découlent du versement des
indemnisations servent à financer la mise sur pied de nombreuses
entreprises, les plus connues étant Air Creebec et Construction Cris.
Donc, on constate aujourd'hui une proportion beaucoup plus importante d'emplois
permanents et bien rémunérés, et cela se traduit par
l'émergence d'une différenciation sociale entre les Cris plus
scolarisés qui occupent ces emplois et les trappeurs.
En conclusion, le projet et la Convention ont certes
entraîné des changements profonds qui sont estimés
bénéfiques pour la plupart des spécialistes qui ont
observé l'évolution de la société crie. Il faut
souligner que ces changements se combinent à d'autres facteurs qui sont
indépendants de la Convention et du complexe, mais qui ont eu
également une influence très importante pendant les mômes
années comme, par exemple, la sédentarisation, la scolarisation,
l'introduction de la télévision ou le développement de
contacts avec les populations du sud. Par ailleurs, on constate une
augmentation importante du chômage, depuis le début des
années quatre-vingt, qui est attribuable à une réduction
de la croissance des secteurs-clés comme la construction, qui s'est
combinée à une forte croissance démographique. Ainsi, en
1972, il y avait 5000 Cris; il y en a pas loin de 10 000 à l'heure
actuelle. On a observé en même temps le développement de
problèmes sociaux qui sont associes à un taux de chômage
élevé et à l'accélération des changements de
la société crie.
Donc, le facteur-clé de l'évolution de la
société crie est l'ouverture de nouvelles avenues de
développement combinée au maintien des activités
traditionnelles.
Je voudrais signaler enfin qu'Hydro-Québec s'est engagée
dans un programme de suivi à long terme de la situation
économique et sociale des communautés cries; on en retrouve la
liste dans le document qui vous a été distribué. Je vous
remercie.
M. Dubeau: M. le Président, ]e vais demander à M.
Richard Verdon de présenter le dossier concernant la
problématique du mercure. M. Verdon est conseiller en recherche,
biologie aquatique, à la vice-présidence environnement
d'Hydro-Québec. (15 h 45)
M. Verdon (Richard): Bonjour! Compte tenu des modifications
hydrologiques ou du réseau hydrographique occasionnées par la
construction du complexe La Grande, phase I, il y a un réseau de suivi
environnemental qui a été mis sur pied dès 1978,
c'est-à-dire avant la construction du premier réservoir, le
réservoir de LG 2. Les méthodes qui ont été
utilisées l'ont été sous la recommandation d'un
comité consultatif d'experts indépendants. Il y a
différentes composantes de l'environnement qui ont été
suivies, dont le poisson qui représentait un enjeu majeur. Alors, de
1978 à 1988, dans le réservoir de LG 2, par exemple, II y a eu au
cours des premières années un suivi annuel des populations de
poissons pour voir les tendances suite à la création du
réservoir. La figure que vous avez à la page 19 du document qui
vous a été distribué représente l'évolution
des populations de poissons dans le réservoir de LG 2 depuis 1977-1978,
avant la mise en eau, jusqu'en 1988. Donc, ça a été fait
au moyen de pêches scientifiques, cinq fois par an, dans le
réservoir. Ce qu'on constate, c'est que, l'année de la mise en
eau, on a une diminution des rendements de pêche dans le réservoir
LG 2, qui est due tout simplement à l'effet d'une dilution dans une
grande masse d'eau nouvellement créée. Par la suite, on observe
que, de 1979 à 1982, on a une augmentation importante des rendements de
pêche dans le réservoir. En 1982, les rendements de pêche
qui ont été mesurés étaient à peu
près le double de ce qu'on avait avant la mise en eau. Par la suite, on
a une diminution graduelle des rendements de pêche qui est due tout
simplement au fait que les éléments nutritifs nouveaux dans le
milieu se sont épuisés graduellement. Et on a un retour graduel
aux conditions qui prévalaient avant la mise en eau.
Maintenant, la figure de la page 20 illustre révolution des
rendements de pêche dans La Grande Rivière, dont le débit
moyen a doublé à 3400 mètres cubes-seconde après
l'aménagement du complexe La Grande. Alors, l'année de la coupure
de la rivière pour le remplissage du réservoir LG 2, on a une
augmentation des rendements de pêche qui est due à l'effet de
confinement des poissons dans un volume réduit. Par la suite, en 1980,
lorsqu'on rétablit un débit élevé dans la
rivière, à ce moment-là, on a une diminution des
rendements de pêche. Et, à partir de 1981 jusqu'à 1983, on
a une augmentation très importante des rendements de pêche dans la
rivière La Grande. En 1983, par exemple, les rendements de pêche
étaient à peu près 10 fois ce qui était
observé avant la mise en eau. Donc, c'est à peu près le
même phénomène qu'en réservoir qui se produit
à ce moment-là. Et, par la suite, on a une diminution graduelle
des rendements de pêche. En 1988, les rendements de pêche dans la
rivière La Grande étaient encore nettement plus
élevés qu'avant la mise en eau. On avait des rendements de
pêche qui étaient à peu près quatre fois ce qu'on
avait avant la mise en eau.
Donc, ce qu'on peut conclure, pour ce qui est des densités de
poisson au complexe La Grande: dans les réservoirs, de façon
générale la qualité de l'eau a toujours été
adéquate pour les poissons. Les abondances de poissons, après
avoir connu une augmentation importante, reviennent graduellement à leur
valeur d'origine. Le grand brochet et le grand corégone sont les deux
espèces qui se sont le mieux adaptées aux conditions des
réservoirs, ces espèces étant importantes pour la
pêche de subsistance et éventuellement pour la pêche
commerciale. Dans La Grande Rivière, on a connu une augmentation des
rendements de pêche jusqu'en 1983, puis une diminution graduelle. En
1988, le rendement de pêche est nettement supérieur à ce
qu'il était en condition naturelle. On a également une population
importante de poissons migrateurs dans la section en aval de la rivière
La Grande. Ce sont des poissons de la baie James qui viennent séjourner
dans la rivière au cours de l'hiver et également pour le frai
durant l'automne. On a suivi l'évolution des poissons migrateurs depuis
avant l'aménagement du complexe et par la suite de 1980 à 1988.
Pour la période 1980 à 1988, donc après augmentation du
débit de la rivière La Grande, le rendement de pêche des
poissons migrateurs était en moyenne le double de ce qu'on a
mesuré avant l'aménagement du complexe.
Pour ce qui est du mercure, la figure à la page 22 du document
qui vous a été distribué illustre l'évolution du
contenu en mercure de deux espèces de poissons. Dans la ligne du bas,
vous avez l'évolution d'une espèce non piscivore,
c'est-à-dire une espèce qui ne se nourrit pas de poissons le
corégone. Et, dans les deux lignes du haut, vous avez le brochet qui est
une espèce piscivore, qui se nourrit de poisson; la ligne du haut
représente les brochets adultes et la ligne intermédiaire les
jeunes brochets. Ce qu'on observe dans le cas du corégone, on a une
augmentation de la teneur en mercure qui est assez rapide et après
quelques années on atteint
un maximum; après quoi, on a une diminution graduelle des teneurs
en mercure. Chez les brochets adultes dont la teneur en mercure est
déjà très élevée en milieu naturel, on a une
augmentation également des teneurs en mercure, qui se poursuit jusqu'en
1988, donc à peu près 10 ans après la mise en eau.
Cependant, on peut s'attendre, chez les brochets adultes, à une
diminution à très court terme, puisque, déjà, chez
les jeunes brochets qui sont capturés dans le réservoir LG 2, les
teneurs en mercure sont nettement à la baisse comme le démontre
la figure.
Ce qu'il est intéressant de montrer, c'est que, dans le cas des
espèces non piscivores, comme le corégone, la teneur en mercure,
même dans les conditions les pires, a toujours été
inférieure aux concentrations en mercure des espèces piscivores
comme le brochet en milieu naturel. Donc, le problème du mercure dans
les réservoirs, c'est un problème qui est lié à un
groupe d'espèces de poissons, les espèces de poissons piscivores.
D'ailleurs, le Conseil cri de la santé et des services sociaux
recommande la consommation de poissons non piscivores sur tous les
réservoirs du complexe La Grande. Le seul endroit où il y a une
restriction pour la consommation du corégone sur le complexe La Grande,
c'est sur une courte section de la rivière La Grande, entre le site de
LG 1 et de LG 2, donc une section d'à peu près 80
kilomètres de rivière.
Pour ce qui est des conclusions, donc, sur le mercure, la
création de réservoirs entraîne une augmentation rapide des
teneurs en mercure des poissons. Selon l'espèce et le réservoir,
les concentrations ont atteint jusqu'à cinq fois les niveaux
mesurés en condition naturelle. Chez les espèces non piscivores,
la teneur maximale en mercure est atteinte cinq ans après la mise en
eau, après quoi la concentration en mercure diminue.
La diminution des teneurs en mercure chez les jeunes brochets du
réservoir de La Grande 2 depuis 1984 signifie que la même tendance
se produira à court terme chez les brochets adultes. Les données
recueillies dans d'autres réservoirs du Québec (par exemple,
à Manie 5, Dozois, Deceiles, Des Quinze, Gouin) et du Labrador, au
réservoir Smallwood, indiquent que les teneurs en mercure deviendraient
équivalentes à celles mesurées en condition naturelle
après 20 à 30 ans. Alors, donc, c'est un problème qui est
limité dans le temps, dans l'espace et un problème qui est
limité à certaines catégories de poissons.
Dans les rivières à débit coupé, comme les
rivières Eastmain et Opinaca, par exemple, on n'a vu aucune augmentation
des teneurs en mercure des poissons, étant donné qu'il n'y a pas
eu d'inondation dans ces zones-là. Dans les rivières à
débit augmenté, comme la rivière La Grande, il y a une
exportation du mercure en aval des réservoirs, mais cet effet va
être atténué en présence de grandes masses d'eau ou
de tributaires. Et, finalement, le long de la côte est de la baie James,
l'effet se limite uniquement à la zone d'influence estivale de La Grande
Rivière, c'est-à-dire à peu près 15
kilomètres au sud et 20 kilomètres au nord.
Maintenant, l'exposition au mercure chez les populations autochtones. La
figure de la page 25, qui est tirée d'un document du Département
de santé communautaire de l'Hôpital général de
Montréal, donne les concentrations en mercure pour les neuf villages,
pour les hommes et femmes de 40 ans et plus qui représentent la partie
de la population qui est le plus exposée au mercure parce que ces
gens-là consomment en général plus de poisson. Pour chacun
des villages, on trouve la valeur du 50e et du 90e centile. La valeur au 50e
centile représentant celle en deçà de laquelle on retrouve
50 % des individus et celle du 90e centile, celle en deçà de
laquelle on retrouve 90 % des individus. Alors, on remarque sur la figure que
les deux villages où les Cris ont des teneurs en mercure les plus
élevées sont les villages de Whapmagoostui et Nemaska. Ce sont
deux villages dont les terrains de trappage n'ont pas été
affectés par le complexe La Grande et qui n'ont aucun accès
direct au réservoir. Les trois villages qui ont été le
plus affectés par le complexe La Grande, sont les villages de Chisasibi,
Waswanipi et Eastmain. Le village d'Eastmain est celui, parmi toutes les
communautés, dont la teneur en mercure dans la population est la plus
faible.
Donc, en résumé, l'exposition au mercure chez les
populations autochtones: la principale source de mercure pour les populations
autochtones du territoire de la Baie James est le poisson. Pour l'ensemble des
communautés, le poisson représente en moyenne 15 % de la
diète. Et les teneurs les plus élevées ont
été observées chez les populations cries du territoire en
1988, dans les villages de Whapmagoostui et Nemaska dont les terrains de
trappage n'ont pas été touchés par le complexe La
Grande.
Et, finalement, concernant le problème du mercure, afin de
trouver des mesures palliatives au problème du mercure, il y a une
convention sur le mercure qui a été signée en 1986 entre
les Cris du Québec, le gouvernement du Québec et
Hydro-Québec, convention qui a été sanctionnée par
décret gouvernemental, qui a une durée de 10 ans, donc qui a
débuté en 1987 et qui se poursuivra jusqu'en 1996, et qui couvre
les volets environnement, santé et socioculturel. Dans le domaine de
l'environnement, qui est la responsabilité d'Hydro-Québec, il y a
un suivi régulier des poissons qui est effectué sur tout le
complexe La Grande pour la période prévue. Il y a
également des activités de recherche sur le mercure. Il y a
également des mesures d'atténuation qui sont prévues dans
ce cadre-là.
Dans le domaine de la santé, qui est sous la
responsabilité du Conseil cri de la santé, i y a
un suivi qui est fait du degré d'exposition des Cris au mercure.
Il y a également des études sur la toxicité du mercure qui
sont entreprises. Et, également, des mesures pour réduire
l'exposition au mercure, surtout en termes de guide de consommation de
poisson.
Enfin, dans le domaine socioculturel, qui est sous la
responsabilité d'Hydro-Québec, les activités visent
à évaluer l'importance passée et présente du
poisson dans la diète et à élaborer des mesures pour
diminuer le taux d'exposition au mercure chez les Cris.
Le budget pour la convention sur le mercure est de plus de 18 000 000 $,
dont plus de 12 000 000 $ sont payés par Hydro-Québec pour la
période de 10 ans. Merci.
M. Oubeau: M. le Président, maintenant, en ce qui a trait
aux impacts du complexe La Grande sur le milieu marin, j'inviterais Mme
Danielle Messier, qui est biologiste-océanographe à la
Société d'énergie de la Baie James, à vous faire
cette présentation.
Mme Messier (Danielle): Bonjour. C'est au complexe La Grande que
les répercussions d'un aménagement hydroélectrique sur le
milieu marin ont été étudiées pour la
première fois. Mon exposé portera sur deux types de modifications
à caractère opposé. Le premier cas: un estuaire à
débit réduit. Suite au détournement des rivières
Eastmain et Opinaca, le débit, à l'estuaire de la rivière
Eastmain, représente 10 % du débit en condition naturelle. Il y a
donc amplification du domaine marin aux dépens du domaine d'eau
douce.
Le deuxième cas: La côte nord-est de la baie James. Le
débit de La Grande Rivière a été doublé et
régularisé à des fins hydroélectriques. L'eau
douce, issue d'une rivière, influence une certaine aire dans la
région côtière de la baie James. L'augmentation du
débit de La Grande Rivière, surtout en hiver, a donc pour
conséquence un agrandissement de la zone d'eau douce et saumâtre
dans la baie James. En corollaire, la suppression de la crue printanière
entraîne une diminution de cette zone d'eau douce durant cette
saison.
L'estuaire de la rivière Eastmain a une longueur de 27
kilomètres et il est peu profond. En condition naturelle, il
était essentiellement en eau douce. L'influence de la marée se
faisait sentir sur les 10 premiers kilomètres. La circulation, en raison
du fort débit d'eau douce, était dominée par des courants
fluviaux. Au point de vue biologique, les eaux étaient pauvres en
éléments nutritifs et en algues. Les poissons présents
sont de deux types: il y a les résidents d'eau douce comme le
doré, le brochet et les migrateurs qui fraient et hivernent en eau
douce, mais se nourissent en été dans la baie James, ce sont le
corégone, le Cisco de lac et l'omble de fontaine. Les aires de
reproduction de toutes ces espèces étaient situées
à l'amont de l'estuaire et dans les tributaires; on peut voir sur la
figure de la page 30 où ils sont situés.
Les répercussions de la coupure. Au point de vue physique, on a
noté un abaissement du niveau de l'eau de l'ordre de 0,5 à 1
mètre et, en raison de l'avancée des eaux salées vers
l'intérieur, vers l'amont de la rivière, il y a maintenant
mélange des eaux douces et salées sur les 10 premiers
kilomètres; les 17 autres sont encore en eau douce. L'influence de la
marée se fait sentir sur tout l'estuaire et la circulation est
maintenant dominée par les courants de marée.
Au point de vue biologique, les eaux ont été enrichies en
éléments nutritifs et en algues et, d'une façon
générale, on a assisté à une réorganisation
spatiale: les espèces marines de la baie James ont avancé vers
l'estuaire et les espèces strictement d'eau douce ont été
refoulées vers l'amont. Et nous n'avons noté aucune modification
majeure des populations de poissons, que ce soit sur la structure de la
population, les rendements de pêche ou le succès de reproduction
parce que les frayères sont encore situées en eau douce.
La côte est de la baie James est caractérisée par un
littoral extrêmement découpé et la présence de
nombreuses baies très peu profondes qui jalonnent la côte. C'est
un milieu marin, d'origine arctique qui est alimenté par de nombreuses
rivières, dont La Grande Rivière. On note aussi la
présence d'une glace côtière fixe sur une bordure de 15
à 25 kilomètres qui est présente de décembre
à mai.
Au point de vue biologique, le long des côtes, on a des poissons
et des oiseaux migrateurs qui sont les espèces pêchées et
chassées par les autochtones. Au large, les ressources sont
extrêmement limitées. Les espèces dominantes, qu'elles
soient marines ou migratrices, sont adaptées à d'importantes
fluctuations de salinité. Une particularité de cette côte
est la présence d'herbiers aquatiques dans les baies
côtières peu profondes. (16 heures)
Les répercussions de l'aménagement de la Grande
Rivière sur le milieu physique. Le débit de La Grande
Rivière en hiver est huit fois plus important qu'en condition naturelle.
Le panache, c'est-à-dire ia couche de surface d'une épaisseur de
cinq mètres d'eau douce qui flotte sur l'eau salée plus dense,
est trois fois plus grand qu'en condition naturelle. En hiver, la glace
empêche la marée, le vent et la houle de mêler ces deux
couches d'eau, de sorte que le panache, la couche de surface s'étend
très loin. En condition naturelle, le débit hivernal de La Grande
Rivière était de l'ordre de 500 mètres cubes-seconde et
son panache occupait une superficie de 800 kilomètres carrés.
Actuellement, les débits turbines en janvier et février sont de
4000 mètres cubes-seconde et le panache couvre une
aire d'environ 2400 kilomètres carrés. En
été, le débit se situe dans la même fourchette que
les débits naturels. En été, le panache est moins
étendu car les deux couches sont mélangées par les
facteurs dont je vous ai parlé plus tôt. Le panache estival varie
surtout en fonction du vent et des marées, et beaucoup moins en fonction
du débit de la rivière, de sorte qu'il n'y a pas de modification
physique directe induite par La Grande Rivière en été.
Si le panache n'est pas huit fois, mais seulement trois fois plus grand
qu'en condition naturelle, c'est qu'il y a des limites naturelles à son
expansion. À la lisière de la glace fixe et de l'eau libre, il y
a un mélange intense entre l'eau douce de la surface et les eaux
salées sous-jacentes causé par le vent, la houle et les
marées, comme en été. Et, aux extrémités
nord et sud, la présence d'îles et de hauts-fonds favorise le
mélange parce que la profondeur d'eau est plus faible. Donc, la
répercussion directe, c'est que la côte nord-est est soumise
à des faibles salinités en hiver sur une plus grande distance
qu'auparavant. Cependant, ce n'est pas une situation nouvelle dans la baie
James parce que des panaches de cette envergure existaient en condition
naturelle, mais en mai, juin, durant la crue de la rivière, plutôt
qu'en janvier, février.
Au point de vue biologique, nous n'avons pas noté de modification
majeure des principales composantes biologiques et de leurs habitats. Les
raisons sont les suivantes: les modifications physiques se produisent en hiver;
la baie James est un milieu biologiquement pauvre; les rivières
n'apportent pas les éléments nutritifs qui manquent dans les eaux
de la baie James; les espèces qui sont présentes sont
déjà adaptées à de grandes fluctuations de
salinité et, jusqu'à date, rien ne prouve que la suppression de
la crue printanière diminue la productivité
générale en milieu océanographique nordique.
En conclusion, que ce soit en raison d'une coupure de débit ou
d'une augmentation de débit, les répercussions d'un
aménagement hydroélectrique sur le milieu marin se traduisent par
des modifications physiques importantes. Cependant, ces modifications
n'affectent pas les communautés biologiques de la baie James avec la
même ampleur car les espèces présentes sont naturellement
soumises à des fluctuations saisonnières de grande envergure et
depuis très longtemps. Je vous remercie.
M. Dubeau: M. le Président, la présentation
suivante sera faite par M. Michel Julien, qui est chef de service,
écologie, à la Société d'énergie de la Baie
James. M. Julien va nous présenter le bilan des répercussions du
complexe La Grande, phase I sur la sauvagine et les habitats côtiers de
la baie James. J'attire votre attention sur le fait que cette
présentation est intéressante, entre autres, étant
donné les déclarations historiques de la National Audubon Society
concernant les impacts de la phase I de la Baie James sur les oiseaux
migrateurs.
M. Julien (Michel): Bonjour. Mon exposé va porter sur le
bilan des répercussions du complexe La Grande sur la sauvagine et les
habitats côtiers de la baie James. Aussi, avant d'aborder les
répercussions du projet comme tel, je vais vous définir
brièvement la problématique environnementale pour cette
ressource. Les principales espèces visées sont les oies, les
ber-naches et les canards. La sauvagine est une ressource migratrice,
c'est-à-dire qu'elle ne réside pas en permanence sur le
territoire et ses raisons d'être sur le territoire sont, d'une part, une
voie de transition pour refaire le plein d'énergie pour poursuivre son
voyage soit vers le nord au printemps, pour atteindre les aires de
reproduction, ou soit vers le sud à l'automne pour atteindre les aires
d'hivernage Ainsi l'évaluation des repercussions déborde les
limites physiques du projet. Il y a le contexte administratif
créé par certaines lois et traités internationaux qui
régissent la réglementation sur les oiseaux migrateurs et qui
contribuent à en garantir les effectifs. On pense, entre autres,
à la convention sur les oiseaux migrateurs entérinée par
le Canada et les États-Unis. Il y a également les limites
écologiques de la ressource qui possède une aire de distribution
vaste dans l'espace et le temps et dont l'envergure des populations
dépend également d'habitats plus au nord et plus au sud du
complexe La Grande. C'est pourquoi nous avons préféré
suivre l'habitat qui, lui, n'est nullement Influencé par les
considérations précédentes plutôt que de suivre
uniquement des effectifs d'oiseaux très variables d'une année
à l'autre. À la baie James, l'habitat sauvagin se divise en deux
grandes catégories: l'intérieur des terres et le littoral de la
baie James.
Maintenant, si on aborde le bilan des répercussions, on constate
que les habitats de l'intérieur des terres offrent un faible potentiel
pour la sauvagine: 96 % des terres ont un potentiel très faible,
c'est-à-dire que de nombreux facteurs physiques et biologiques entravent
la vie de la sauvagine; 3 % ont un potentiel faible; 1 % présente un bon
potentiel et possède des caractéristiques favorables à la
vie de la sauvagine. Ce qui explique ce faible potentiel, c'est, d'une part,
les matériaux géologiques de surface d'origine glaciaire, donc
des sols pauvres et qui contiennent peu d'éléments nutritifs
favorables au développement d'organismes servant de nourriture aux
oiseaux, et les crues prin-tanières qui sont, soit trop fortes et
inondent les nids érigés en bordure des cours d'eau ou soit trop
courtes et ne favorisent pas le développement de la
végétation nécessaire à la vie des oiseaux. Ces
faibles potentiels d'habitats se traduisent par une faible densité de
couples
reproducteurs au kilomètre carré pour l'ensemble du
territoire. Celle-ci s'établit à moins de un couple au
kilomètre carré, dont 40 % sont constitués de bernaches du
Canada et 60 % de canards.
Concernant les répercussions sur les habitats, il y a eu 13 500
kilomètres d'habitats aquatiques et terrestres modifiés par le
projet, ce qui se traduit par le déplacement d'environ 9400 couples. Et
cette modification d'habitats représente environ 5 % des superficies
totales d'habitats incluses dans le bassin de drainage du complexe La
Grande.
Aussi concernant la signification pour la ressource de ces
modifications, elle est négligeable pour la bernache du Canada. La
population est en expansion depuis 40 ans. En 1967, on l'estimait à
environ 600 000 oiseaux, soit le double de ce qu'elle était 20 ans plus
tôt. Actuellement, l'estimation est d'environ 800 000 bernaches. Les
causes probables de cet état de fait sont, d'une part, la modification
des cultures céréalières principalement dans le sud des
États-Unis. Les résidus de ces cultures dans les champs
contribuent à fournir une nourriture plus énergétique aux
oiseaux, telle que le maïs et certaines céréales. Il y a
également l'augmentation des aires protégées, les refuges.
Ce sont des aires de repos pour les oiseaux dans des endroits
stratégiques le long de leur couloir de migration. Par ailleurs, 90 %
des bernaches du Canada se reproduisent au nord du 56e parallèle, soit
en Ungava, hors des zones modifiées par le complexe La Grande.
Aussi, concernant le déplacement des couples reproducteurs de
canards, mentionnons que la population du canard noir est en réduction
depuis les 50 dernières années, passant de 720 000 individus
à 300 000 individus. Les causes probables seraient la compétition
avec une espèce voisine pour les mêmes habitats, le canard malard;
ce phénomène semble généralisé sur
l'ensemble de l'aire de distribution est de l'espèce. Il y aurait
également les nombreuses pertes d'habitats causées par le
développement, dans le sud, de son aire de distribution et la forte
pression de chasse que l'espèce a subie.
Si on regarde l'importance de ces modifications pour l'ensemble de la
population sauvagine au Québec, il y a 1 100 000 couples reproducteurs
qui produisent annuellement environ 6 500 000 oiseaux pour l'ensemble du
territoire québécois. De ce nombre, une certaine quantité
d'oiseaux est prélevée et se distribue comme suit: les
autochtones prélèvent environ 140 000 oiseaux; les chasseurs du
reste du Québec prélèvent environ 550 000 oiseaux, tandis
que les chasseurs de l'est des États-Unis prélèvent
environ 1 300 000 oiseaux, sort 75 % de la récolte totale qui
s'établit à environ 2 000 000 d'oiseaux prélevés
annuellement, ce qui équivaut à plus de 30 % de la production
annuelle d'oiseaux. Ainsi, les oiseaux déplacés par le projet
présentent moins de 1 % de la population totale transitant à une
période donnée sur le territoire québécois.
À titre indicatif, chez les canards, la mortalité annuelle
atteint facilement 55 % des effectifs produits, dont 60 % serait due à
la chasse, le reste étant relié à des causes naturelles
telles que la prédation et les maladies.
Si on regarde les habitats le long de la côte est de la baie
James, les principaux sont les herbiers aquatiques marins qui constituent la
nourriture préférentielle de la bernache cravant, les marais
salés, dont la végétation constitue une bonne part du
régime alimentaire des bernaches du Canada, et les îles couvertes
d'arbustes, principalement par la camarine qui produit un petit fruit similaire
au bleuet et très recherché par les bernaches lors de leur
migration.
Aussi, dépendant de la période de l'année, le type
d'utilisation de ces habitats est variable. Au printemps, le dégel
hâtif des embouchures de rivières, des marais et des îles
arbustives rend ces milieux disponibles aux oiseaux en migration
printanière et leur fournit l'énergie alimentaire
nécessaire pour atteindre les aires de reproduction plus au nord. En
été, l'ensemble de ces habitats sont utilisés, soit pour
l'alimentation, la mue ou l'élevage des couvées, principalement
celles des canards qui nichent dans les nombreux lacs côtiers
communiquant avec le littoral de la baie James. Tandis qu'à l'automne
l'ensemble des habitats servent de zone de repos et d'alimentation pour refaire
le plein d'énergie et être en mesure d'atteindre les aires
d'hivernage plus au sud le long de la côte atlantique.
Concernant les répercussions du complexe La Grande sur les
habitats côtiers, le seul habitat pouvant être influencé par
le projet est l'herbier aquatique marin, les autres habitats étant
régis par des facteurs autres que le débit d'eau douce de La
Grande Rivière.
Malgré la forte augmentation des débits depuis 10 ans
à l'aval de la centrale de La Grande 2 en hiver, on n'observe pas de
modifications significatives dans les herbiers aquatiques le long de la
côte est de la baie James. Toutefois, l'augmentation des débits de
La Grande Rivière permet l'ouverture hâtive au printemps de zones
d'eau libre à son embouchure et influence localement le patron de
déplacement des oiseaux dans cette région, mais cela, sans
conséquence pour la réalisation de leurs différentes
activités biologiques.
En conclusion, on peut dire que les études
réalisées sur le territoire de la Baie James depuis 1972
soulignent la pauvreté relative des effectifs de sauvagine à
l'intérieur des terres et l'importance de la côte est de la baie
James pour les migrations printanière et automnale. Les
répercussions du projet hydroélectrique sur la ressource se
situent uniquement à l'intérieur des terres par l'inondation
d'habitats qui bordaient certains segments de rivières et grands lacs
submergés. Malgré l'importance des superficies
touchées, ces modifications sont peu significatives pour le grand
nombre d'oiseaux qui transitent dans la région et compte tenu de
l'immensité du territoire.
Le long de la côte est de la baie James, aucune modification
tangible sur les habitats ne fut mesurée depuis la mise en exploitation
du complexe hydroélectrique, sauf les zones d'eau libre à
l'embouchure de La Grande Rivière au printemps qui influencent le patron
de déplacement des oiseaux. La qualité des herbiers aquatiques
marins est telle qu'elle permet de maintenir les effectifs d'oiseaux en aussi
grand nombre que ceux observés avant la mise en exploitation du complexe
La Grande.
Sur ce, je vous laisse sur la carte de la page 46, qui illustre les
principales zones critiques pour la sauvagine le long de la côte est de
la baie James, telles que définies par le Service canadien de la faune
en 1976. Celles-ci demeurent toujours d'actualité et les habitats y sont
encore d'excellente qualité. Merci.
M. Boivin: Donc, en conclusion de cette présentation, M.
le Président, j'inviterais M. Gaétan Hayeur, qui est
chargé de programme, ressources et habitats fauniques à la
vice-présidence environnement, à nous présenter les
principales conclusions sur les impacts sur les ressources et les habitats de
la région de la Baie James.
M. Hayeur (Gaétan): Bonjour. D'abord, je voudrais rappeler
les principales conclusions qui portent sur les sujets qui ont
été traités avant moi et, aussi, apporter quelques
données nouvelles sur une ressource qui n'a pas encore été
traitée, c'est-à-dire le caribou, pour ensuite vous fournir les
principales conclusions que nous tirons des enseignements du complexe La
Grande.
Nous avons maintenant des données depuis 17 ans sur le territoire
du complexe La Grande, ce qui en fait le territoire le plus
étudié au Québec. Ces études ont été
réalisées par des organismes gouvernementaux,
fédéraux et provinciaux, la Société
d'énergie de la Baie James et Hydro-Québec, ainsi que par
plusieurs universités. Ces études sont des farts; elles existent
et sont publiques.
En ce qui concerne les populations cries, le projet et la Convention ont
entraîhé des changements sociaux, économiques et culturels
profonds qui ont cependant été estimés globalement
bénéfiques par les principaux spécialistes. D'autres
facteurs indépendants du projet et de la Convention ont également
entraîne des change ments très importants pendant les mêmes
années. Ce sont la sédentarisation, la scolarisation,
l'introduction de la télévision et le développement de
contacts avec les populations du sud. Le facteur-clé de
l'évolution de la société crie consiste à ouvrir de
nouvelles avenues de développement compatibles avec le maintien des
activités traditionnelles.
Le mercure. Le mercure demeure l'impact résiduel le plus
important, mais il est temporaire. Le seul endroit où le Conseil cri de
la santé émet des restrictions de toute consommation est le
tronçon de La Grande Rivière entre LG 2 et LG 1. Dans la partie
ouest du territoire qui comprend les réservoirs LG 2, Boyd-Sakaml et la
partie sud-ouest du réservoir LG 3, on recommande également de ne
pas manger les poissons prédateurs comme le brochet et le doré.
Aucune anomalie neurologique chez les Cris n'a été
identifiée jusqu'à maintenant par le Conseil cri de la
santé. (16 h 15)
Les estuaires et la côte est de la baie. Malgré les
modifications physiques importantes dans les estuaires, on n'y a observé
aucun changement majeur dans les populations de petits organismes de fond et de
poissons. Sur la côte est de la baie, les principales plantes marines y
sont toujours présentes et les populations de sauvagine qui s'en
nourrissent y arrêtent toujours au cours de leurs migrations.
Les réservoirs et les aires de détournement. Dans ces
nouveaux milieux aquatiques, la population totale de poissons a
augmenté. Ce sont les brochets et les corégones qui ont le mieux
tiré profit de la nouvelle situation créée par les
réservoirs. On estime qu'environ 9400 couples de sauvagine auraient
été déplacés - et j'insiste sur le mot
"déplacés" - par le projet, sort moins de
I % de tous les couples qui naissent au Québec.
II s'agit donc d'une répercussion mineure sur ces oiseaux
étant donné leur population actuelle.
Les répercussions sur les autres espèces de
mammifères demeurent dans le même ordre de grandeur. Dans le cas
du castor, elles ont même pu être atténuées par un
programme de relocalisation et de piégeage Intensif avant et pendant la
mise en eau.
Le cas du caribou est également digne de mention. D'abord,
quelques mots sur la population actuelle. Depuis 50 ans, la population de
caribous du Québec-Labrador est passée de quelques dizaines de
milliers à plus de 700 000 individus. Cette population est formée
par le troupeau de la rivière George, le troupeau de la rivière
Aux Feuilles et de quelques petits troupeaux dont ceux des lacs Blenville et
Caniapiscau. Depuis 8 à 10 ans, le troupeau de la rivière George
s'est déplacé de plus en plus vers l'ouest au cours de ses
migrations, il s'est ainsi mélangé avec les autres troupeaux qui
fréquentaient déjà ces lieux. C'est, d'ailleurs, au cours
de ces migrations qu'à l'automne 1984, comme vous vous en souvenez tous,
10 000 caribous sont morts noyés, entraîhés dans la chute
Calcaire alors qu'ils traversaient la rivière Caniapiscau. Cet
événement a fait rapidement le tour du monde et
Hydro-Québec a été pointée du doigt comme
étant le seul responsable de ce malheureux accident.
Pourtant, il était facile de montrer que le
danger du site et la forte crue automnale, associés à la
traversée massive d'un grand nombre de caribous, étaient les
seules véritables causes de cet accident. Cette opinion était
également partagée par des spécialistes du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. D'autant plus
que, n'eût été la présence du réservoir
Caniapiscau, le débit de la rivière aurait été
encore beaucoup plus grand.
Maintenant, regardons les répercussions qu'aurait pu avoir la
création du réservoir Caniapiscau sur la population de caribous,
la petite population de quelques milliers de bêtes qui
fréquentaient ces lieux avant la mise en eau du réservoir. La
mise en eau du réservoir Caniapiscau a duré trois ans et a ainsi
inondé quelque 2250 kilomètres carrés de milieu terrestre
et aquatique à la périphérie du lac Caniapiscau. Cette
aire ennoyée représente environ 2 % du territoire que
fréquentait un petit troupeau d'un millier de bêtes. Pendant la
mise en eau, les caribous munis d'émetteurs se sont
déplacés en fonction de l'élévation du niveau d'eau
et des femelles ont continué à mettre bas dans la même zone
à la périphérie du réservoir. Et ceci pendant les
trois années de la mise en eau.
Maintenant, dans le nouveau contexte défini par le
déplacement du troupeau de la George vers l'ouest, que je mentionnais
tantôt, on compte, au cours de l'hiver, des dizaines de milliers de
caribous sur les réservoirs du complexe La Grande. Ces vastes plans
d'eau gelée, limités en bonne partie par des forêts
d'épinettes qui protègent un épais tapis de lichen, et on
sait que le lichen représente la nourriture du caribou pour presque 60 %
de sa diète... Alors, ces zones de forêt à la
périphérie des réservoirs représentent des habitats
très avantageux pour les caribous. Ils peuvent s'y déplacer
rapidement et se nourrir de lichen dans les paissières limitrophes sans
dépenser trop d'énergie.
En conclusion, maintenant, en ce qui a trait aux enseignements du
réseau de surveillance et de suivi environnemental du complexe La
Grande, il est évident que, vu de l'extérieur, ce portrait
plutôt optimiste des conséquences de la réalisation de la
phase I du complexe La Grande sur les milieux naturel et humain peut
paraître très exagéré, voire même incroyable.
Comment peut-on créer de grands réservoirs, détourner des
rivières et affecter au total plus de 13 000 kilomètres
carrés de territoire sans entraîner de catastrophe
écologique, comme le pensent plusieurs?
Pourtant, pour des scientifiques qui connaissent bien les milieux
nordiques et qui ont suivi de près ces changements depuis 17 ans, ces
conclusions sans catastrophe écologique s'expliquent. D'abord, tout le
projet se situe dans le bouclier canadien. Cet immense plateau, vieux de quatre
milliards d'années, parsemé de nombreuses petites collines, lacs
et rivières, rend l'ensemble du paysage concerné par le projet
relativement uniforme. À quatre reprises, dans les deux derniers
millions d'années, le bouclier a été recouvert d'un
glacier de 2000 mètres d'épaisseur. La fonte du dernier glacier
dégageait le secteur du complexe La Grande il y a environ 5000 ans.
Depuis cette période, le territoire s'est relevé de près
de 300 mètres, les rivières ont subi des changements de
régime hydrique considérables, les forêts et les landes
à lichen se sont constituées, ont brûlé et se sont
reconstituées à plusieurs reprises, alors que le climat changeait
également. Les espèces aquatiques et terrestres qui ont
peuplé ce territoire depuis 5000 ans se sont adaptées à
ces changements majeurs qui n'ont aucune commune mesure avec ceux que le projet
La Grande a entraînés.
En fait, le projet, en créant des réservoirs, en changeant
des débits de rivières, s'inscrit dans un processus naturel que
subissent les milieux physiques et naturels depuis la dernière
période glaciaire. De plus, ces changements se sont faits à une
bien plus petite échelle géographique. En effet, les bassins
versants concernés par le projet représentent environ 175 000
kilomètres carrés et la totalité des aires
affectées environ 13 500 kilomètres carrés, soit seulement
7 % de la superficie de ces bassins.
Il n'est donc pas surprenant que les enseignements que le réseau
de suivi environnemental nous a apportés depuis 17 ans ne confirment pas
les craintes entretenues par plusieurs individus et groupes environnementaux.
Pour Hydro-Québec, ces enseignements sont des faits scientifiques qui
constituent une base objective pour l'évaluation des impacts des futurs
projets hydroélectriques. Je vous remercie.
M. Drouin: Voilà, M. le Président, notre
présentation sur la partie environnementale. Je demanderais maintenant
au vice-président, technologie, affaires internationales, de
procéder à la présentation d'un court exposé sur la
recherche et le développement.
M. Huppé (Maurice): M. le Président, Mme la
ministre, membres de la commission, la technologie joue un rôle capital
dans le développement d'Hydro-Québec. Elle a été au
coeur des principaux progrès accomplis par l'entreprise dans l'expansion
et l'exploitation de son réseau au cours des dernières
décennies. Et, durant les années qui viennent, elle restera
encore l'un des atouts maîtres d'Hydro-Québec face aux exigences
que posent la qualité du service, la fiabilité du réseau,
l'environnement, la santé et la sécurité du personnel,
ainsi que la rentabilisation des investissements.
C'est pourquoi, entre 1990 et 1992, HydroQuébec s'engagera dans
de nombreuses activités technologiques dont 400 projets de
recherche-développement, 4 filières à long terme, dont la
fusion nucléaire et la supraconductivité, 7 projets
de développement commercial, 3 filiales, un fonds de capital de
risque, l'exploitation de 6 grandes installations et 70 laboratoires
secondaires.
Ces activités seront accompagnées d'une enveloppe
budgétaire de 467 000 000 $, en dollars courants, en dépenses
d'exploitation et en immobilisations. Elles seront orientées sur trois
grands objectifs. Premièrement, on axera la recherche et le
développement principalement sur les besoins à court et moyen
termes d'Hydro-Québec en la reliant à la qualité du
service; deuxièmement, on concentrera les recherches à long terme
dans les filières les plus prometteuses pour Hydro-Québec. Enfin,
Hydro-Québec poursuivra ses efforts de commercialisation de la
technologie et de son savoir-faire en vue de contribuer à sa saine
gestion financière et d'accroître les retombées
économiques de ses activités.
Besoins d'Hydro-Québec à court et moyen termes. De 1990
à 1992, la R et D représentera 73 % des dépenses
reliées à la technologie, soit 342 000 000 $ sur 467 000 000 $ au
total. De cette somme, les trois quarts environ seront reliés à
l'amélioration de la qualité du service. Cinq grands secteurs
bénéficieront des investissements en R et D: la production, le
transport, la distribution et l'efficacité énergétique, de
même que le développement de produits.
En production, les efforts visent principalement à renforcer les
méthodes de conception, de construction et de réfection des
ouvrages, ainsi qu'à accroître la fiabilité, la
durabilité et la productivité du parc de production. Deux
facteurs contribueront à l'intensification prochaine de ces
activités: l'accélération du programme d'équipement
et la nécessité de s'adapter avec encore plus de souplesse aux
variations de la demande. Hydro-Québec consacrera 56 000 000 $ à
ce poste.
En transport, la R et D portera sur la fiabilité des
équipements et la simulation de réseau. Elle soutiendra
très étroitement l'amélioration de la qualité du
service. Entre autres, le développement de systèmes de
surveillance et de protection du réseau de transport absorbera 17 400
000 $. Au total, nous affecterons 115 800 000 $ à la R et D en
transport.
En distribution, la R et D sera principalement axée sur les trois
aspects suivants, le développement futur du réseau,
l'accroissement de la fiabilité et de la souplesse d'exploitation des
équipements et la qualité de l'alimentation. Nous engagerons
à cette fin 33 700 000 $.
Les activités de recherche-développement en matière
d'efficacité énergétique dans lesquelles
Hydro-Québec investira sont concentrées dans les domaines
industriel, résidentiel et commercial. Il s'agit des
procédés de séchage industriel, des procédés
haute et basse température, de la chimie industrielle, des
équipements de chauffage résidentiel et commercial et de la
gestion des équipements électriques. En tout, 47 000 000 $ seront
investis sur trois ans dans ces activités.
En ce qui concerne le développement de produits, les efforts
à court terme porteront principalement sur les systèmes experts,
les télémanipulateurs, les systèmes de gestion de
réseau et d'imagerie instantanée et divers autres systèmes
tels que télécommande, blénergie, PACANE et
hydrogène.
Au niveau des laboratoires d'essai, trois nouvelles installations seront
réalisées avec des partenaires extérieurs: un laboratoire
de turbo-machinerie, une ligne expérimentale pour l'étude des
vibrations et un laboratoire d'homologation du matériel de
distribution.
Enfin Hydro-Québec poursuit actuellement des études sur
les énergies alternatives, soit le jumelage éolien-diesel, la
fission nucléaire en soutien à l'exploitation de la centrale de
Gentil-ly 2 et la filière de la fusion thermonucléaire.
Filières à long terme. Hydro-Québec a pour objectif
de concentrer ses recherches à long terme sur les filières les
plus prometteuses. Les filières à long terme dans lesquelles elle
investit sont la fusion nucléaire, la robotique, l'hydrogène, la
pile ACEP (accumulateur à electrolyte polymère) pour la traction
et la supraconductivité. Elle compte y investir 61 000 000 $ au cours
des trois prochaines années. Hydro-Québec est à la
recherche de partenaires, aux niveaux national et international, pour partager
les risques inhérents au développement de ces filières.
(16 h 30)
Partenariat et retombées. Hydro-Québec considère
comme importantes les retombées économiques que ces
développements technologiques représentent pour les entreprises,
les universités, les industries et les entreprises gouvernementales
québécoises. En matière de haute technologie, elle a su
s'associer avec des partenaires de grande envergure, comme ASEA Brown Boveri et
BG Checo, ainsi qu'avec les principales firmes de génie-conseil du
Québec.
Hydro-Québec s'implique aussi dans des technologies-clés,
autres que les technologies hydroélectriques. Nous pouvons mentionner
ses activités en collaboration avec CAE, MPB et le CRIM dans le domaine
de la robotique, sa coopération avec l'EACL et Câbles Canada dans
le domaine des supraconducteurs et Papier Cascades dans le séchage
à infrarouge. Ses grands programmes conjoints, notamment avec les
universités, les industries et les gouvernements se chiffreront à
105 000 000 $ sur trois ans. Elle investira 36 000 000 $ dans la recherche sur
la fusion et 13 500 000 $ en supraconductivité.
Dans le cadre de ses programmes de recherche, Hydro-Québec a
conclu plusieurs ententes avec les universités
québécoises. C'est ainsi qu'elle a contribué à la
création d'une chaire sur le vieillissement des barrages à
l'École polytechnique, sur la robotique à l'Université
McGIII, sur la recherche en environnement à l'UQAM, sur le
génie nucléaire à l'Institut de génie
énergétique de l'École polytechnique et sur la gestion de
la technologie à l'UQAM.
Les achats de biens et services d'Hydro-Québec se chiffreront
à environ 60 % des 467 000 000 $ qu'elle dépensera en recherche
et développement, soit à quelque 300 000 000 $. Il s'agît
là de retombées économiques importantes pour le
Québec. Enfin, les essais effectués dans les grands laboratoires
d'Hydro-Québec représentent des services essentiels pour le
fonctionnement de certaines industries. À cet égard, on ne
saurait passer sous silence sa collaboration avec ASEA Brown Boveri.
Ici, j'aimerais ouvrir une parenthèse pour répondre aux
questions que Mme Blackburn, députée de Chicoutimi, avait
amenées ce matin. Alors, je désire souligner en premier lieu que
les 300 000 000 $ de retombées dont je viens de faire mention
s'appliquent pour une période de trois ans, soit de l'année 1990
à 1992, et correspondent, si on en fait l'extrapolation sur cinq ans, au
chiffre de 495 000 000 $ qui avait été annoncé par M.
Bourassa dans son discours sur le budget 1989, pour la période 1989
à 1993. Quant aux autres remarques de la députée de
Chicoutimi concernant la répartition des 467 000 000 $ décrite
à la page 145 de la proposition de plan de développement, nous
considérons que les immobilisations au montant de 109 000 000 $ sont
véritablement des activités de développement
technologique. Elles sont utilisées pour la construction de laboratoires
et l'achat de matériel scientifique. Les activités de
commercialisation de 27 000 000 $ auxquelles nous référons sont,
de fait, des activités de développement technologique. Les
activités de marketing sont normalement faites dans les filiales
d'Hydro-Québec et ne sont pas incluses dans ce montant-là.
Alors si je reviens à mon texte, commercialisation. En plus de
ses activités de recherche-développement, Hydro-Québec
poursuit, par le biais de ses filiales, d'importantes activités de
commercialisation de la technologie et du savoir-faire, dont les principales
sont: CITEQ (Centre d'innovation en transport d'énergie du
Québec) qui représentera un investissement de 14 000 000 $ au
cours des cinq prochaines années; CAPITECQ, un fonds de capital de
risque dans lequel Hydro-Québec investira 5 000 000 $; Nouveler qui
amène également des retombées économiques
importantes pour le Québec. En 1989, par exemple, son chiffre d'affaires
a été de 64 000 000 $ et on comptait 465 emplois dans ses
filiales.
Quant à Hydro-Québec international, ses retombées
économiques se traduisent principalement par les achats de biens et
services des clients de cette filiale. Enfin, les nombreuses licences
exploitées par l'industrie entraînent un volume d'affaires de
l'ordre de 6 000 000 $.
En résumé, Hydro-Québec joue le rôle de
maître d'oeuvre de nombreuses activités de collaboration avec
l'industrie, les universités et les institutions gouvernementales.
Hydro-Québec se compare avantageusement avec des entreprises semblables,
notamment Ontario Hydro et EDF, en ce qui a trait à son investissement
en recherche et développement. Le pourcentage de dépenses de R et
D par rapport a ses ventes d'électricité est de 2,3 % en 1989
contre 2 % pour Ontario Hydro et 1,8 % pour EDF. En outre, avec 656
employés affectés à la R et D, Hydro-Québec se
classe au deuxième rang au Québec.
En conclusion, le développement technologique constitue depuis
plusieurs décennies l'un des atouts majeurs d'Hydro-Québec. Au
cours des prochaines années, la recherche et le développement
continueront d'être un levier important pour assurer la qualité du
service, l'efficacité énergétique et le
développement durable de nos ressources.
Durant les trois années qui viennent, nous consacrerons
près de 500 000 000 $ au développement technologique afin de
répondre aux besoins immédiats et à ceux que l'on
prévoit au-delà de l'an 2000.
Nous entendons resserrer nos liens de coopération avec les
industries, les centres de recherche, les organismes gouvernementaux et les
universités afin de rentabiliser les investissements consacrés au
développement technologique. Ainsi, par l'ampleur de son programme de
recherche-développement et une augmentation de ses activités
commerciales, Hydro-Québec contribuera à assurer des
retombées économiques importantes au Québec.
M. Drouin: M. le Président, en guise de conclusion de
notre présentation, qu'il me soit permis de rappeler
qu'Hydro-Québec doit, en vertu de sa mission, fournir de
l'énergie aux Québécois. Pour y parvenir, l'entreprise se
voit conséquemment dans l'obligation d'effectuer la prévision la
plus juste possible des besoins d'électricité et de mettre en
oeuvre les moyens pour la satisfaire.
Notre responsabilité consiste également à
éviter le gaspillage de nos ressources et à prévoir des
programmes à cet effet. L'augmentation continue de la demande
d'électricité, ainsi que de nouvelles contraintes
économiques et environnementales nous placent aujourd'hui
indéniablement à l'heure des choix quant au développement
et à l'utilisation de l'électricité au Québec.
Nous avons, au cours de ces séances, réitéré
les options privilégiées par Hydro-Québec pour
répondre aux exigences de sa mission. Nos études et nos
évaluations désignent ces orientations comme les avenues les plus
pertinentes et les plus appropriées pour relever le défi de notre
développement énergétique.
Le premier choix d'Hydro-Québec concerne
les économies d'énergie. Nous souhaitons accroître
l'efficacité énergétique et, pour y parvenir, nous
soumettons un programme d'économie d'énergie ambitieux, mais
néanmoins faisable et réaliste. Pour Hydro-Québec, comme
pour toute autre grande entreprise d'électricité, les
économies d'énergie prennent une ampleur nouvelle. C'est pourquoi
nous proposons une approche résolument évolutive, une approche
qui intégrera les progrès technologiques, qui tiendra compte de
révolution des comportements et qui nécessitera certainement des
ajustements en cours de route. Notre objectif consiste à réaliser
le maximum d'économies d'énergie sans affecter, à long
terme, les tarifs.
Le deuxième choix mis de l'avant par Hydro-Québec est
celui de l'hydroélectricité comme source
énergétique pour répondre aux besoins de nos diverses
clientèles et ainsi maintenir un avantage comparatif à la base de
notre développement industriel. Il s'agit d'une filière reconnue
mondialement. Il s'agit également de l'option privilégiée
par la plupart des intervenants à cette commission.
L'hydroélectricité est une source d'énergie
économique renouvelable. Nous possédons la compétence et
l'expérience requises pour exploiter cette ressource dans le cadre d'un
développement durable, c'est-à-dire environnementalement et
socialement acceptable. Compte tenu de l'évolution actuelle de l'offre
et de la demande d'électricité au Québec, ce choix de
l'hydroélectricité implique, cependant, que
l'échéancier du projet Grande Baleine soit maintenu et que sa
mise en oeuvre soit effectuée en 1998.
Le projet Grande Baleine a été abondamment discuté.
Dès 1983, les études techniques et environnementales
étaient pratiquement complétées. Depuis trois ans, ces
études ont été réactualisées et le projet
Grande Baleine est intégré au plan de développement
d'Hydro-Québec. Hydro-Québec souhaite que le cadre, les
mécanismes et les procédures d'obtention des autorisations
gouvernementales soient revus et établis de façon à
permettre un meilleur échange entre les différents partenaires
concernés par le projet, mais également de façon à
éviter les délais improductifs. Le projet Grande Baleine
constitue la pierre angulaire de notre développement
énergétique d'ici la fin du siècle et un projet
indispensable pour être en mesure de répondre à notre
mission d'entreprise et à la demande de la fin de cette décennie.
Nous comptons effectuer sa réalisation dans une perspective de
développement durable, de protection de l'environnement et en
concertation permanente avec les communautés concernées.
Nous avons fait, au cours de cette journée, la
démonstration de notre souci de protéger l'environnement.
À cause de leur très grande rentabilité, notre
troisième choix est celui des exportations. Nous convenons, et le
contenu de plusieurs mémoires en témoigne, que les avanta- ges de
cette option demeurent méconnus et nous nous engageons à investir
les efforts requis pour corriger plusieurs perceptions erronées,
notamment à l'égard des impacts de cette activité sur la
fiabilité du réseau et sur la continuité du service. Notre
stratégie d'exportation demeure prudente. Elle respecte les besoins du
Québec et pose des conditions supérieures et garanties de
rentabilité. Au total, elles ne représenteront qu'environ 10 % de
notre capacité totale. Les exportations constituent une occasion unique,
mais néanmoins ponctuelle, que nous devons saisir pendant qu'elle passe.
Ces perspectives tracent, croyons-nous, les meilleures orientations à
moyen et à long termes de l'avenir énergétique du
Québec. À court terme, nous souscrivons à plusieurs
préoccupations évoquées dans les mémoires, celles
plus particulièrement qui concernent la qualité du service
traduite en termes de fiabilité du réseau, de continuité
du service et de relations avec la clientèle, l'augmentation de la
productivité de nos employés et l'efficacité de notre
gestion. Notre proposition de plan de développement 1990-1992
intègre déjà des engagements précis et
détaillés dans ces domaines. Nous étudierons de plus
très sérieusement plusieurs des suggestions
présentées dans le cadre de cette commission.
Nos orientations concilient les exigences de notre développement
hydroélectrique avec celles de la protection de l'environnement, de la
santé financière de l'entreprise et de l'enrichissement social et
économique du Québec. Nous avons identifié les moyens que
nous jugeons nécessaires pour remplir nos obligations et nous
espérons que ces moyens seront mis à notre disposition.
En terminant, permettez-moi, cependant, de réitérer la
volonté d'Hydro-Québec de s'adapter au consensus qui sera
arrêté et de répondre efficacement aux orientations qui
seront établies par notre actionnaire, le gouvernement du Québec.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. À plusieurs
reprises lors de cette commission parlementaire, nous avons pu constater que
certains organismes manquaient d'information ou, pire encore, je pense qu'ils
disposaient bien souvent de renseignements qui étaient Inexacts. Vous
allez sûrement reconnaître avec moi qu'il y a vraiment un
problème de communication de l'information. On vient d'en avoir un
exemple. Nous-mêmes, je pense que nous sommes assez surpris de voir
l'information que vous nous avez donnée aujourd'hui. Les renseignements
qui sont détenus par Hydro-Québec et les résultats des
études en environnement, est-ce qu'Hs sont disponibles au public? Est-ce
qu'ils sont disponibles sous forme vulgarisée et facilement
compréhensible? Comment les gens qui sont
Intéressés à ces informations pourraient-ils avoir
accès plus facilement à l'information? (18 h 45)
M. Drouin: Je demanderais à M. Dubeau de
répondre.
M. Dubeau: M. le Président, en ce qui a trait au contenu,
d'abord, des études d'impact sur l'environnement, lorsque
Hydro-Québec dépose au gouvernement son étude d'impact
pour un projet donné, c'est le ministre de l'Environnement qui rend
publique l'étude d'impact via les activités du Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement. Cela est un fait depuis plusieurs années
maintenant et qui est prévu par la Loi sur la qualité de
l'environnement. Également, à ce moment-là, nous publions
un résumé de l'étude d'impact parce que, effectivement,
pour beaucoup de projets, c'est très volumineux et nous comprenons
très bien les difficultés pour l'opinion publique de pouvoir
saisir l'ampleur et comprendre le contenu de l'ensemble de ces études
qui ont un fort volume de données scientifiques.
En ce qui a trait aux projets en territoire conventionné,
naturellement, ces études sont, encore une fois, déposées
au gouvernement du Québec, au ministère de l'Environnement,
particulièrement au ministère de l'Énergie et des
Ressources, etc.; tous les ministères qui sont concernés par le
processus d'approbation des projets en reçoivent copie. Mais, en ce qui
a trait au public en général, il peut en avoir copie ou y avoir
accès au centre de documentation de la vice-présidence
environnement d'Hydro-Québec puisque ce qui est prévu pour le
BAPE au sud du 49e parallèle, en dehors du territoire
conventionné, n'est pas prévu à l'intérieur du
territoire conventionné. Cependant, la Convention de la Baie James
prévoit que les communautés locales peuvent être
consultées par les comités prévus à la Convention
et nous publions des résumés, encore une fois, des études
d'impact qui sont traduites même en cri, en inuktitut et en anglais pour
faciliter la compréhension par les populations locales. Jusqu'à
maintenant, c'a été les pratiques en ce qui a trait aux
études d'impact.
Aux études de développement de connaissances, nous
publions et échangeons beaucoup avec la communauté scientifique.
Pour la plupart, naturellement, ce sont des universitaires qui
s'intéressent le plus, malheureusement, à ce que nous faisons.
Maintenant, pour le public, de plus en plus l'entreprise publie des documents
d'information. Je donnais ce matin et cet après-midi, à titre
d'exemple, le document complémentaire au plan de développement.
Nous croyons qu'il est dans un langage accessible à quelqu'un qui a une
scolarité moyenne, qui veut s'intéresser et qui
s'intéresse aux questions de l'environnement. Encore une fois, le tirage
de ce document est de 15 000 exemplaires par année et il est, par nous-
mêmes, à un endroit systématique, dès la sortie du
plan, distribué à 10 000 organismes au Québec, dont 200
qui oeuvrent dans le domaine de l'environnement.
Mme Bacon: Dans le processus de remettre vos documents soit au
ministère de l'Environnement ou au ministère de l'Énergie
et des Ressources, est-ce que vous trouvez que c'est trop tard pour informer la
population ou pour informer les gens qui sont intéressés, quand
on regarde tout le processus de l'information qui pourrait être
transmise?
M. Dubeau: Quand on regarde le processus comme tel que j'ai
décrit des études d'avant-projets, à chaque étape
de l'étude, il y a communication avec le public, préparation d'un
bulletin d'Information cernant les objets de consultation. Par la suite, les
organismes que nous rencontrons, nous leur demandons par écrit de nous
communiquer leur point de vue sur la qualité de nos études, sur
leur pertinence et sur les choix qu'ils privilégient, soit des choix de
variantes, par exemple, dans le cas des corridors de lignes ou des
tracés de lignes à différentes étapes. Donc, il y a
publication de documents qui leur permet de voir l'évolution du contenu
des études et ils peuvent également nous faire part de leurs
commentaires par écrit. Et nous rendons compte, à
l'intérieur de nos rapports d'avant-projets, de ces activités
d'information et de consultation du public, qui sont officiellement
déposées au gouvernement comme faisant partie de l'ensemble de la
démarche d'étude d'Hydro-Québec.
Mme Bacon: Quel a été le coût, en fait, les
sommes d'argent qui ont été investies dans l'étude
environnementale de La Grande? Est-ce qu'on le sait?
M. Dubeau: La Grande phase I? Les études environnementales
ont été de 14 000 000 $ et, par ailleurs, il y a eu
réalisation pour 250 000 000 $ de mesures d'atténuation et de
mise en valeur du complexe hydroélectrique. Donc, ce sont des mesures
strictement pour l'environnement, 250 000 000 $...
Mme Bacon: C'est ça.
M. Dubeau: ...appuyées par 14 000 000 $
d'études.
Mme Bacon: Et combien a été investi jusqu'à
maintenant dans l'étude de la Grande Baleine?
Une voix: M. Michel.
M. Michel: Les pourcentages d'argent consacrés aux
études d'impact varient d'un projet
à l'autre dépendamment de la nature du projet et de
l'état de l'avant-projet. Dans Grande Baleine, présentement, le
programme, cette année... Je vais plutôt parler de NBR qui est
moins avancé. Je vais revenir sur Grande Baleine. Dans NBR, le budget de
l'avant-projet...
Mme Bacon: Vous en donnez plus que le client n'en demande, M.
Michel.
M. Michel: ...est de 50 000 000 $ présentement. Puis, il y
a 20 000 000 $ de cet argent qui sont consacrés à des
études environnementales, c'est-à-dire 40 %. Puis, dans Grande
Baleine, le programme est de 230 000 000 $. On avait parlé de 120 000
000 $ qui avaient été investis jusqu'à ce jour. On a 230
000 000 $ additionnels et, bon an mal an, dans des études comme
ça, à l'étape où le projet se situe, Grande
Baleine, je situerais qu'il y a environ 20 % de l'argent qui sont
consacrés aux études environnementales. Donc, on parle de
peut-être une cinquantaine de millions de dollars.
Mme Bacon: Tout ce qui a été dépensé,
tout ce qu'on a fait, tout ce qui a été appris dans les
études pour La Grande, est-ce que tout ça va nous être
utile pour Grande Baleine, par exemple?
M. Dubeau: C'est évident, Mme la ministre, que c'est
là l'enseignement de base. L'ensemble des études que nous sommes
à actualiser sur Grande Baleine tirent un très grand profit de la
réalisation de l'ensemble des études qui ont été
faites pendant et après l'aménagement de La Grande phase I, et
les enseignements du suivi environnemental, c'est la base même, c'est le
développement de connaissances le plus important en ce qui nous concerne
et même au Québec en ce qui a trait aux sciences
environnementales.
Donc, tout ce qui a été investi dans La Grande phase I,
effectivement, c'est la base de notre analyse pour Grande Baleine et NBR,
Ashuapmuschuan, Sainte-Marguerite, tous les projets de développement
hydroélectrique.
Mme Bacon: Et quand on a fait La Grande phase I, est-ce qu'on
avait fait toutes ces analyses-là avant?
M. Dubeau: Comme je l'ai expliqué plus tôt, il y a
eu des études environnementales à partir du moment où le
gouvernement a décidé de la réalisation du projet de la
Baie James. Mais, à l'époque, la Loi sur la qualité de
l'environnement et le processus prévu par la suite n'existaient pas.
Donc, il y a eu études pendant la période d'ingénierie et
de construction, réalisation de mesures d'atténuation et de mise
en valeur durant la réalisation du complexe et, depuis 1976, la mise sur
pied du réseau de suivi environnemental du complexe La Grande que nous
continuons. L'engagement même, via le certificat d'autorisation du projet
LG 2A, va nous amener au moins à l'horizon 1996 sur ce suivi. Mais
l'engagement que nous avons pris lorsque nous l'avons amorcé, c'est que
le suivi serait maintenu tant et aussi longtemps que les études
scientifiques ne nous démontreront pas que nous sommes revenus à
des conditions de milieux équivalant à l'état naturel de
référence, c'est-à-dire avant le début de la
réalisation des travaux.
Mme Bacon: Merci beaucoup, M. Dubeau. Tout au long de la
commission parlementaire, on a souligné l'importance d'une plus grande
efficacité énergétique. Le plan de développement
d'Hydro-Québec accorde aussi une grande attention à cette grande
efficacité énergétique. Dans quelle mesure le plan de
développement technologique vient-il appuyer cette nouvelle
préoccupation en faveur de l'efficacité
énergétique? Et quelle est la répartition de l'effort
qu'Hydro-Québec peut faire en matière de recherche et
développement lié à l'efficacité
énergétique, entre les technologies, par exemple, de production,
de transport, celles qui portent sur l'utilisation de l'énergie? Est-ce
que vous voyez un rôle additionnel pour Hydro-Québec dans la
recherche de procédés efficaces en énergie qui ne seraient
pas directement liés à l'utilisation de
l'électricité?
M. Huppé: En ce qui concerne directement
l'efficacité énergétique, j'ai mentionné tout
à l'heure qu'on investissait 47 000 000 $ dans les trois prochaines
années. Alors, je crois que c'est un montant appréciable en ce
qui concerne ce domaine.
Mme Bacon: Ça représente quelle proportion par
rapport aux autres recherches et développements qui sont faits chez
vous?
M. Huppé: Bien, si on prend le chiffre de 467 000 000 $
que j'ai mentionné, ça représente à peu près
10 % des efforts en recherche dans l'ensemble des domaines de recherche
à HydroQuébec.
M. Boivin: Je peux peut-être ajouter, Mme la ministre,
à ce sujet-là que, dans le domaine des recherches en
efficacité énergétique, au départ, on va quand
même utiliser l'immense réservoir d'expériences qui existe
à l'échelle mondiale parce que je pense que, dans le type de
programmes comme ceux où on se lance maintenant, on n'est pas les
premiers, en fait, à se lancer. Il est clair que, dans le contexte
actuel d'Hydro-Québec, comme on l'a mentionné, notre effort
premier de recherche vise à l'amélioration de la qualité
du service. Et, au fur et à mesure que l'expérience va se
développer du côté des économies d'énergie,
nous allons accentuer, selon les besoins, les efforts de recherche dans ce
domaine.
Il faudrait quand même reconnaître également que,
dans le domaine des applications efficaces de l'énergie
électrique, particulièrement au secteur industriel, depuis
quelques années, nous avons le Laboratoire des
électrotechnologies de Shawinigan qui consacre entièrement ses
efforts dans des projets conjoints de mise au point de procédés
électriques industriels efficaces conjointement avec les partenaires
industriels.
Mme Bacon: Nous avons entre les mains une bibliographie d'environ
52 pages datée de février 1983 et qui donne une liste de toutes
les études qui étaient faites à l'époque en regard
du projet de Grande Baleine. Je comprends qu'Hydro-Québec est
présentement à mettre à jour ces études et que
cette liste d'études, sans aucun doute, je pense, est plus volumineuse
maintenant. Je note, en page 27 et suivantes de ce document, l'existence de
plusieurs études sur la main-d'oeuvre autochtone et sur l'accès
de cette main-d'oeuvre au marché du travail dans le contexte d'un projet
comme Grande Baleine.
Est-ce que vous pouvez indiquer aux membres de cette commission les
orientations que vous proposez dans votre plan de développement pour
permettre aux autochtones de participer de plain-pied à la
réalisation et aussi à la gestion des grands équipements
hydroélectriques?
M. Brunette (Robert): M. Robert Brunette, vice-président,
affaires amérindiennes. Actuellement, nous travaillons avec le
ministère de l'Éducation, le ministère de la Main-d'oeuvre
et de la Sécurité du revenu et les centres de formation
professionnelle de façon à étudier les besoins et à
développer les programmes de façon à former la
main-d'oeuvre autochtone pour pouvoir travailler sur les différents
chantiers de construction. On commence avec Grande Baleine et on continuera
avec Sainte-Marguerite, Ashuap-muschuan, le Haut-Saint-Maurice et aussi
NBR.
Mme Bacon: II y aura toujours une place de faite pour les
autochtones dans ces différents travaux.
M. Brunette: Oui, et on veut aussi s'assurer auprès des
entrepreneurs à ce moment-là qu'il y aura de la main-d'oeuvre
autochtone embauchée. L'autre façon aussi de le faire, c'est
d'aider les entreprises autochtones à développer de l'expertise
et à obtenir des contrats. Alors, actuellement, la compagnie de
construction crie a, je crois, un carnet de commandes d'environ 53 000 000 $
pour 1990-1991 sur les travaux requis pour La Grande phase II. La
majorité du personnel est du personnel autochtone. Donc, il y a deux
façons de les faire travailler sur nos projets.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: On a eu, M. le Président, un certain nombre de
représentations qui nous ont été faites sur la
qualité du service aux consommateurs. Il y a un groupe qui est venu nous
faire une présentation, l'AREQ, l'Association des redistributeurs
d'électricité du Québec. Ils nous faisaient part qu'en
1962 il y avait 50 redistributeurs d'électricité, au
Québec qu'il y en a 1000 au Canada et qu'au Québec il en restait
12 au moment de la présentation de leur mémoire. Il y en a un
autre qui a passé sous l'eau cette semaine.
J'avais tout lieu de croire, moi, qu'Hydro aurait avantage à se
faire un ailier de ces distributeurs d'électricité, qui sont vos
clients. Ce qu'on nous a démontré en commission parlementaire,
c'est que vous avez été difficiles avec ces gens-là.
À titre d'exemple, la dernière augmentation qui a
été de 7, 5 % pour l'ensemble des consommateurs, vous l'avez mise
à 8 % à ces gens-là, à ces clients-là. Ils
ne peuvent pas contrôler leur consommation parce que c'est le client qui
l'exige à l'extrémité et vous leur "chargez" des
pénalités quand ils dépassent la consommation en
période de pointe alors qu'ils n'ont aucune façon de la
contrôler. C'est le consommateur qui l'utilise. Ce ne sont pas les
usines. Ce sont des gens avec des poêles et des frigidaires dans leurs
maisons.
Quelle est la politique d'Hydro vis-à-vis de ces 11
redistributeurs d'électricité? Les clients sont très
heureux, en passant, d'être servis par ces gens-là. À titre
d'exemple, à ma résidence, quand j'appelle en pleine nuit
à Austin pour avoir un camion d'Hydro, je dois appeler à
Saint-Jean-d'Iberville. Quand j'essaie de leur expliquer le fond du rang
où je demeure, il n'y a jamais personne qui le trouve, alors qu'à
Hydro-Magog, ce n'est pas compliqué, ce sont des gens du coin, les gens
comprennent, les gens savent où on est. (17 heures)
Quand on demande de connecter une maison, les gens d'Hydro-Sherbrooke
nous disaient que, dans la même journée, une nouvelle
résidence était connectée et, dans le cas d'Hydro,
ça pouvait prendre un mois. On nous a parlé d'une panne
d'électricité qui a duré six jours dans une région,
alors que jamais, dans les réseaux de distribution privés, on n'a
été capable de nous dire la même chose. Alors, quelle est
la politique d'Hydro sur les distributeurs privés? Et est-ce qu'on ne
pourrait pas revenir éventuellement à ce qu'il y a eu au
Québec où le service a été fait directement par les
municipalités et des groupes tels qu'une coopérative, entre
autres?
M. Drouin: M. Finet va répondre.
M. Finet: M. le Président, le premier point,
d'abord, en ce qui a trait à la hausse de tarif. À la
dernière commission parlementaire du mois de mars, nous avons
expliqué que le tarif d'usage général, grande puissance,
avait été restructuré pour mieux refléter les
coûts de fourniture et qu'en fait les clients qui étaient
alimentés en moyenne tension, c'est-à-dire à des
réseaux intermédiaires, et qui avaient des quantités de
puissance importantes étaient affectés par le niveau de ces
hausses. Et c'est vrai autant pour le client industriel à qui est
appliqué ce tarif que pour les réseaux municipaux, avec le
résultat que certains réseaux municipaux pouvaient obtenir des
hausses relativement plus importantes. Et justement pour s'assurer que les
réseaux municipaux ne soient pas lourdement pénalisés,
nous avons établi un mécanisme de plafonnement des hausses qui
fait que, pour ces clients-là, le redressement de la structure tarifaire
peut prendre Jusqu'à 14 ou 15 ans avant d'être
complété. Alors, donc, il y a un souci de protéger la
marge bénéficiaire des réseaux municipaux. Et, d'ailleurs,
soit dit en passant, si vous regardez de près la performance
financière des réseaux municipaux, vous allez vous rendre compte
que le taux de rendement des réseaux municipaux est souvent de 12 %
à 15 % et je vois même des exemples ici à 23 % et à
25 % - et je parle de marge bénéficiaire, pour être bien
précis - alors que celle d'Hydro-Québec est beaucoup plus de
l'ordre de 10 %, en termes de marge bénéficiaire. Donc, il y a un
constat d'une santé financière relativement bonne chez les
réseaux municipaux. Il y a aussi un souci de la part
d'Hydro-Québec de protéger.
À présent, lorsqu'on a parlé de
pénalités, moi, ce dont j'avais eu vent, j'avais entendu parier
d'amendes dans la tarification d'Hydro-Québec.
M. Benoit: D'amendes, oui.
M. Finet: Et je sais que ça vient du maire de Sherbrooke
qui est président de ce regroupement qui, soit dit en passant, est un
ancien policier; c'est peut-être pour ça qu'il parle d'amendes. Il
faut comprendre que la tarification est faite pour refléter nos
coûts de fourniture. Nos coûts de fourniture sont fonction d'une
puissance annuelle, la puissance maximale appelée durant l'année,
et aussi de la consommation. Le tarif le plus facile à comprendre, ce
serait un tarif qui soit fonction de la puissance appelée en hiver,
à un certain prix, plus la consommation d'énergie à un
autre prix. Cependant, pour des fins de facilité de paiement, on facture
de façon mensuelle. Donc, on ne connaît pas à l'avance la
puissance de l'hiver. Donc, il y a un mécanisme qui veut que la
variation de la puissance au cours de l'année puisse varier à
l'intérieur de 10 %. À ce moment-là, le client qui
voudrait, à l'occasion, réviser son contrat pour majorer sa
puissance a le choix soit de majorer sa puissance ou de payer des frais de
dépassement. Si c'est un dépassement inhabituel, vous avez
avantage à payer les frais de dépassement et à conserver
votre puissance souscrite. On appelle ça gérer un contrat. Je
peux vous dire, entre autres, que la ville de Sherbrooke en particulier
gère très bien ses deux contrats, justement - je prends le mot
entre guillemets - en jouant avec ses puissances et en tirant le maximum de
profits de la gestion de ses contrats. Donc, c'est tout à fait normal.
On pourrait avoir un tarif particulier qui tienne compte des écarts plus
grands que, forcément, un réseau municipal doit avoir puisqu'il y
a une charge de chauffage électrique chez les clients
résidentiels. On pourrait concéder, à ce
moment-là...
M. Benoit: Ma question: II y avait 50 distributeurs, il en reste
11. Si c'était si payant que ça, il en resterait 50.
M. Finet: Là-dessus, on pourrait faire une grande analyse
et vous dire aussi qu'on est conscient qu'à la fois on établit le
prix auquel on vend l'électricité à ces réseaux
municipaux et, de par les lois existantes, on fixe également le prix
auquel ils peuvent le vendre. Il y a certains réseaux municipaux petits
pour qui il n'y a pas d'économie d'échelle possible et qui, au
cours des années, se sont rendu compte qu'il n'y avait pas d'avantage
pour leurs concitoyens à conserver leur réseau. Et souvent,
malheureusement, Us ont laissé détériorer le réseau
et ils sont venus voir Hydro-Québec pour dire: Bien, voici, prenez le
réseau.
À présent, si c'était si vrai que ça, et
j'ai de sérieuses réserves sur la qualité du service qu'on
nous annonce dans les réseaux municipaux... D'ailleurs, soit dit en
passant, je prends encore le même exemple. Je suis client du
réseau d'Hydro-Sherbrooke parce que j'ai une résidence dans ce
coin-là et je peux vous dire que, pratiquement un vendredi sur trois,
j'arrive à ma maison et la lumière du four à micro-ondes
"flashe", tout simplement parce qu'il y a eu une interruption. On a beau dire
toutes sortes de choses...
M. Benoit: II m'arrive la même chose avec Hydro-Sherbrooke
à Austin, à ma résidence.
M. Finet: ...mais ce n'est pas nécessairement vrai. Bon,
alors ce n'est pas le propre d'Hydro-Québec d'avoir vécu des
pannes et je ne pense pas qu'il y ait un seul réseau
d'électricité à travers le monde qui puisse assurer une
garantie à 100 %. C'est physiquement impossible. À ce
moment-là, les réseaux municipaux vivent à peu près
les mêmes troubles qu'on vit, du moins ceux du réseau de
production et transport. Ils sont raccordés à notre
réseau, pour la plupart. Au niveau de la distribution, a moins d'avoir
un réseau vraiment particulier comme Westmount qui
est très restreint... Même à ça, on a vu des
mauvaises expériences à Westmount l'année
passée.
Sur le plan de la collaboration, je vous dirai qu'on pousse très
loin la collaboration. On a même eu des programmes commerciaux qu'on a
appliqués dans les réseaux municipaux. Le tarif biénergie,
entre autres. Dans le réseau de Sherbrooke, il y a 150 clients qui ne
sont pas les nôtres, à qui on a versé des subventions pour
installer des systèmes biénergie. Parmi ces 150
clients-là, il y en a tout près de 25 qui sont la
municipalité même, soit pour le poste de police, soit pour
l'hôtel de ville, soit pour les édifices de l'Office municipal
d'habitation. En termes de collaboration, je peux dire qu'on a collaboré
beaucoup plus qu'on n'aurait pu le faire. On a même réglé
un litige encore récemment avec Sherbrooke, un vieux litige où
ils nous avaient poursuivis pour avoir un tarif préférentiel et
qu'on a réglé tout simplement en leur cédant un petit
barrage que nous avions à l'intérieur des limites de la
municipalité. Je peux vous citer une foule d'exemples qui
démontrent que nos clients des réseaux municipaux sont
considérés et traités aussi bien, sinon mieux que tout
autre client.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Je
m'excuse, M. le député d'Orford, je vais céder la parole
à M. le député de Saint-Maurice.
M. Lemire: Merci, M. le Président. En tant que membre de
la commission et après avoir reçu et écouté tous
les gens qui ont présenté des mémoires, ça a
apporté énormément de discussions. Je constate que dans
votre plan de développement vous avez plusieurs scénarios. Aussi,
avec tout ce qui se passe au point de vue environnemental, avec toutes les
étapes qu'Hydro-Québec va avoir à franchir,
vis-à-vis, par exemple, de Grande Baleine et de tous les projets que
vous avez, les audiences publiques qui s'en viennent, je voudrais savoir si
vous avez l'impression qu'il peut y avoir, d'après vos cédules,
peut-être des changements qui peuvent amener certains retards.
Je continue. Je vois que, dans le plan de développement
Hydro-Québec s'est dotée d'un plan directeur de réfection.
Ça apparaît au pian de développement, je pense, pour la
première fois l'an passé. Je vols aussi que, en 1989, il y a 9 %
de vos installations qui ont 50 ans et plus. Quand je pense aux
rénovations que vous allez faire dans ces centrales, j'Imagine, en tout
cas, que ça peut servir de dépannage. Je me dis: Si vous avez 10
% des installations, 9 % qui représentent peut-être 2500
mégawatts, après rénovation, suréquipements, avec
nouveaux équipements, ça peut peut-être augmenter d'au
moins 50 %, ça peut peut-être doubler le nombre de
mégawatts. Je regarde ici toutes les centrales qui peuvent être
touchées et que vous avez dans votre plan de développement. Vous
avez, par exemple,
Beauharnois, vous avez La Gabelle, Drummondville, les études des
centrales de Shawinigan, Grand-Mère, La Tuque, vous avez
Rivière-du-Loup, vous en avez aussi à Bryson, à Hull, au
Rapide Blanc. Je regarde tout ce que vous avez à faire. Est-ce que
ça peut servir de dépannage pour Hydro-Québec? Est-ce que
vous pouvez accélérer ces projets-là, au cas où les
autres projets seraient retardés? C'est une question qui est
peut-être à plusieurs volets, mais je pense que les gens se posent
ces questions-là. Vous le disiez ce matin, on possède
d'imposantes ressources hydroélectriques au Québec. On a
plusieurs oeuvres qui ne sont pas terminées. En même temps, on a
plusieurs rénovations à faire. J'imagine qu'Hydro-Québec a
considéré tout ça.
M. Boivin: M. le Président, le député de
Saint-Maurice soulève l'ensemble de la problématique de la
réfection de nos installations. Au cours des trois dernières
années, Hydro-Québec a fait un effort de planification
très important pour revoir l'état et planifier les programmes de
réfection de ses ouvrages. Il est évident que, notre parc
augmentant, il y a de plus en plus de centrales plus âgées qui
atteignent la fin de leur vie utile. C'est le cas, effectivement, de plusieurs
des centrales sur le Saint-Maurice, sur l'Outaouais et d'un certain nombre
d'autres disséminées à travers la province, dont la plus
importante, en fait, représente la plus vieille section de la centrale
de Beauharnois.
Dans notre planification, il faut, d'abord et avant tout, maintenir le
potentiel déjà harnaché, les quelque 25 000 ou 30 000
mégawatts déjà en exploitation, si j'inclus Churchill
Falls. Ces centrales-là doivent être maintenues en bon état
de fonctionnement. À la fin de la vie utile normale des centrales, soit
au-delà d'une cinquantaine d'années, - certaines, effectivement,
sont en exploitation depuis beaucoup plus longtemps - il est nécessaire,
soit de faire une réfection majeure de ces centrales-là ou de
prendre une décision de reconstruire une nouvelle centrale au même
endroit. À Hydro, nous avons un processus d'évaluation de nos
vieilles installations et des groupes de travail évaluent les
alternatives de réfection majeure versus les alternatives de
reconstruction en tenant compte des gains d'efficacité potentiels des
centrales qui peuvent être gagnés au moment de la
réfection.
Je vous ferai remarquer, par contre, que la limite d'augmentation
d'efficacité d'une centrale est contrainte par le potentiel hydraulique
de là rivière elle-même. Et, en général, pour
les rivières qui sont déjà harnachées, le potentiel
a été utilisé à un niveau très près
de sa capacité totale et les gains possibles proviennent plutôt de
l'installation de turbines plus efficaces, compte tenu de l'évolution
technologique au cours des dernières années par rapport à
de très vieilles turbines qui avaient été
installées il y a 30, 40 ou 50 ans. Alors, dans les grandes lignes,
le maintien en bon état d'exploitation de notre parc de
production actuel est absolument nécessaire pour assurer l'avenir. Par
contre, ce n'est pas par la réfection de nos centrales que nous allons
aller chercher des marges de manoeuvre additionnelles pour augmenter de
façon importante la production dans ces installations.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Je
dois céder la parole au député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. M. Drouin, M. Boivin,
vous avez souvent répété ce matin ou cet après-midi
qu'il faut faire un choix pour notre avenir énergétique et tout
ça. Pendant la commission, les différents mémoires qu'on a
entendus, les différents groupes qu'on a entendus ici n'ont pas remis
directement en question, je pense, le développement
hydroélectrique au Québec, mais plutôt les moyens qu'on
prend pour y parvenir, pour atteindre ces objectifs-là, la façon
dont c'est fait, la fiabilité du réseau. Ils nous ont
parié d'un paquet de choses qui, finalement, ne remettent pas... On
parlait d'un débat public, entre autres, mais justement on parle de
tarif, on parie de service à la clientèle. On veut avoir un
réseau fiable. On veut être capable de communiquer avec notre
entreprise, notre fournisseur d'électricité et on veut aussi
connaître la portée environnementale des projets. Je pense que les
experts qui ont défilé tantôt devant nous nous ont
montré qu'en général ça ne semblait pas trop
créer de problèmes.
Mais il y a des groupes qui sont venus nous voir. Il y en a un, entre
autres, qui est l'Association de protection de la rivière Moisie et puis
on n'en a pas... J'aurais aimé que vous en pariiez un peu quand
même puisque eux sont quand même très inquiets du projet de
développement. Et ça reflète, je pense, dans l'ensemble,
des inquiétudes que des consommateurs ont face à
Hydro-Québec, des clients d'Hydro-Québec. On a parié
tantôt de l'Association des fournisseurs d'énergie, tout
ça.
Au niveau de la rivière Moisie, je ne répéterai
pas, je ne vous lirai pas tout ce que les gens nous ont dit ici. Je veux quand
même être très bref parce que je n'ai pas tellement de
temps. Mais on nous dit qu'on a eu des problèmes avec
Hydro-Québec et des gros problèmes, des problèmes qui
remettent en question la crédibilité même des experts
d'Hydro-Québec au niveau des études d'impact et ces
choses-là. Parce que ces gens-là nous ont dit qu'ils n'ont pas
été capables d'obtenir d'Hydro-Québec des garanties
sérieuses, des garanties fiables et crédibles aussi à
l'effet que le développement, par exemple, de Grande Baleine, n'aurait
pas d'impact sur la rivière Moisie, sur le saumon parco quo cost urio
rlvlrtro qui osl considérée quand même comme très
importante pour le
Québec et je pense que c'est la seule au monde comme
celle-là avec le saumon, la qualité du saumon qui y vit et tout
ça. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus? (17 h 15)
M. Drouin: Je vais donner un premier commentaire pour ensuite
céder la parole à M. Dubeau. Je dois vous dire que je l'ai
spécifiquement souligné et même à titre d'exemple,
en termes d'intervention ce matin, pour donner comme exemple justement ce que
nous préconisons et les efforts que nous avons faits relativement
à la rivière Moisie et, bien sûr, au projet
Sainte-Marguerite.
Je dois vous dire que, moi-même, je suis allé adresser la
parole à l'ensemble des associations de saumon et de pêche au
saumon, - il y avait 450 personnes l'an dernier - pour leur expliquer
très clairement la politique d'Hydro-Québec à
l'égard de la Sainte-Marguerite et de la rivière Moisie. J'ai
même dit très clairement que, si, effectivement, notre projet
mettait en péril le saumon de la Moisie, nous y renoncerions. Depuis ce
temps-là, à mon niveau, on a eu plusieurs rencontres avec des
représentants des différents clubs, des associations, la
fédération québécoise du saumon etc., et Je puis
vous dire que, dans l'ensemble, les gens sont très satisfaits de la
façon dont nous nous sommes comportés à leur égard
et à l'égard des études qu'on a faites.
Puisque vous dites qu'on est interpellés de cette
façon-là, j'aimerais bien que M. Dubeau complète
l'énoncé que je viens de faire avec, justement, la série
d'études qui ont été engagées et les séances
d'information qui ont été faites à cet égard.
M. Dubeau: M. le Président, il est vrai qu'au
début, si on retourne, si vous voulez, presque un an et demi en
arrière, nous avons effectivement eu des difficultés avec, entre
autres, ce qui est appelé l'association des amis de la rivière
Moisie. Il faut admettre que, parfois, l'Information et les consultations
menées par Hydro-Québec donnent des résultats puisque,
dans ce cas-là, suite à leurs représentations et,
justement, aux garanties qu'ils nous ont demandées, nous avons dû
retourner à notre table de travail et, finalement, établir un
programme d'étude sur le saumon comme jamais une rivière au
Québec n'en a eu une jusqu'à maintenant.
Donc, les interventions des gens du milieu nous ont obligés
à avoir une performance sur le dossier du saumon absolument
inégalée actuellement comme développement de connaissances
sur cette ressource au Québec.
Maintenant, depuis ces premiers échanges avec le milieu, il y a
eu aussi beaucoup d'échanges avec la Fédération
québécoise pour le saumon atlantique et, tout récemment,
le conseil d'ad-mlnlstratlon de la Fédération a accepté
une proposition d'Hydro-Québec de s'associer avec
nous à la définition de la gestion du débit
réservé pour la pêche.
Comme vous le savez - rapidement - nous avons prévu le
détournement des rivières Carheil et Pékan dans la
Sainte-Marguerite et nous garantissons un débit réservé,
c'est-à-dire que, durant une période de l'année qui sera
précisée dans l'étude d'Impact sur l'environnement, il y
aura des garanties d'apport d'eau dans la rivière Moisie pour,
justement, assurer, si vous voulez, la survie de la ressource. Dites-vous que,
à l'état naturel et actuellement, en fait d'hydrauli-cité,
le problème que connaît le saumon de la Moisie n'existera plus
grâce à cet apport d'eau garanti par Hydro-Québec.
Maintenant, les études et ce que nous avons proposé
à la Fédération, c'est que, une fois garantie une partie
du débit réservé pour le saumon, il reste une
quantité d'eau supplémentaire que nous pourrons ajouter à
la rivière Moisie pour favoriser des activités de pêche.
Donc, c'est cette partie-là que la Fédération accepte de
discuter avec nous et d'établir d'ici le mois de septembre prochain. Ce
sera intégré dans l'étude d'impact qui sera
déposée au gouvernement.
Finalement, il y a lieu de signaler que nous avons également
formé un comité scientifique sur le saumon de la Moisie et ce
comité scientifique, formé d'experts canadiens,
québécois, a quand même opiné sur l'ensemble des
devis d'études que nous avons préparés, sur l'ensemble des
résultats d'études que nous avons eus et sur les mesures
d'atténuation que nous sommes à finaliser. Globalement, le
comité scientifique, quant à nous, est favorable à la
réalisation du projet et reconnaît que le projet ne devrait pas
avoir de conséquences négatives sur la ressource-saumon.
Donc, à notre point de vue et forts des études
réalisées jusqu'à maintenant, nous sommes très
confiants que le projet de la Sainte-Marguerite est peut-être le premier
projet justement très concret où on a le concept de
développement durable où, à la fois, il y a une
utilisation de la ressource eau pour l'hydroélectricité et
également un coup de pouce à la nature donné au saumon de
la Moisie. Je répète qu'en période d'étiage
sévère il y aura plus d'eau dans la Moisie qu'il n'y en a
présentement grâce à la mesure d'atténuation qui est
privilégiée. Donc, bref, nous croyons que nous avons, quant
à nous, un très bon dossier et qu'il a beaucoup plus d'amis que
d'ennemis.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Vous me donnez combien
de temps? Deux secondes?
Le Président (M. Bélanger): Quelques secondes.
M. St-Roch: Alors, je vais être obligé d'aller
à travers les nombreux points qui avaient retenu mon attention. Le
premier se voudra plutôt une réflexion après avoir
écouté la dernière présentation cet
après-midi de groupe de l'environnement. Passablement avec plus
d'"emphase", j'aurai la même réaction que Mme la ministre, que
souvent on a eu la perception qu'on a eu très peu d'information ou
qu'Hydro diffusait très peu d'information au niveau scientifique. Ce qui
m'est passé par la tête en écoutant cette
présentation-là du côté scientifique
d'Hydro-Québec, je me demande, avec toute l'image qu'on veut revaloriser
et qu'on reconnaît à Hydro-Québec, qui a été
notre fierté pendant des années, s'il n'y aurait pas avantage
pour Hydro, au même titre qu'une certaine compagnie d'assurances
américaine que je ne nommerai pas et que vous connaissez sans doute qui
a fait énormément au niveau de la vulgarisation de
l'écologie et de la faune, s'il ne serait pas intéressant pour
Hydro de penser à vulgariser le côté scientifique de toutes
les beautés de ces paysages-là ainsi que les études que
vous avez. Je pense qu'on aurait un volet éducatif qui pourrait servir
aussi à l'ensemble de notre population.
Et, en écoutant aussi tout ce qu'on a fait au niveau du
développement lorsqu'on parle de supraconductivité, de fission
nucléaire, fusion nucléaire, etc. - je ne referai pas les
représentations qui nous ont été faites - je
m'interrogeais et je me demandais combien de mes concitoyens et concitoyennes
ont entendu ces mots-là et savent l'importance que ça peut avoir
dans les mois et les années à venir. Je me demande s'il n'y
aurait pas moyen, je le fais à titre de suggestion à
Hydro-Québec - on a une une autre société qui est votre
société d'État qui est Radio-Québec aussi; est-ce
qu'il n'y aurait pas moyen de la harnacher à un moment donné? -
d'avoir de la vulgarisation scientifique de notre compagnie d'État
à l'ensemble de notre collectivité et si ça n'aiderait pas
probablement Hydro-Québec à revaloriser son image et à
faire en sorte qu'on regagne plus rapidement cette fierté que nous avons
en tant que Québécois. C'était la réflexion que
j'avais sur la dernière présentation.
Ma question va être peut-être plus brutale à ce
moment-ci. On nous a dit aussi au cours de tout ce cheminement que nous avons
parcouru autant au niveau de la tarification, autant au niveau de la
présentation de tous les mémoires, qu'Hydro-Québec
était devenue un État dans l'État. J'aimerais avoir les
vues de la direction. Est-ce que ce ne serait pas possible d'avoir deux
sociétés d'État: une qui ferait la distribution au niveau
de la clientèle et une autre qui aurait la responsabilité de la
construction de barrages et du transport de l'énergie?
M. Drouin: Écoutez, pour nous, lorsqu'on
représente 5 % du produit intérieur brut du Québec,
lorsqu'on gère des actifs de 32 000 000 000 $ à travers le
Québec, que ce soit au niveau du transport, au niveau de la production
et au niveau de la distribution, c'est bien évident que c'est une
entreprise d'envergure. Il ne nous appartient pas, bien sûr, de nous
prononcer sur les diverses formes que pourrait prendre Hydro-Québec,
mais je peux seulement dire à ce stade-ci qu'Hydro-Québec, dans
son entier, nous apparaît essentielle. Quand on regarde le pouvoir
d'emprunt qu'Hydro-Québec a dans son ensemble à cause de ses
actifs, quand on regarde l'ensemble des travaux que nous devons effectuer, soit
au niveau de la distribution qui est le plus près des citoyens et des
clients, que ce soit au niveau du transport à travers le Québec,
au niveau de la production, c'est bien évident que c'est des
investissements de très grande envergure: 62 000 000 000 $ au cours des
10 prochaines années. Je ne pense pas que ce serait une façon
d'administrer l'entreprise que de la subdiviser dans des circonstances
semblables.
Je l'ai dit ce matin et je le répète: Nous avons, au cours
des quelques dernières années, eu un problème sur le plan
de l'image, sur le plan de la qualité du service. Nous avons pris des
engagements à cet égard-là à l'occasion de notre
proposition de plan de développement. Nous avons réglé,
peut-être pas de la façon qu'on voulait, les conventions
collectives. Il est donc, pour nous, temps de produire un plan très
étoffé sur le plan de la productivité de l'entreprise et
je pense qu'avec tout ça il y aura moyen de reprendre le statut qui nous
revient eu égard à ce que ça représente pour
l'ensemble des Québécois en termes de moteur économique,
en termes de développement et, enfin, en termes d'image totale.
Le Président (M. Bélanger): Non. Malheureusement,
M. le député de Drummond, le temps est écoulé. Je
dois céder la parole au député d'Un-gava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. On va avoir plus de
temps pour se parler étant donné que l'aile ministérielle
a dépassé un peu son temps, elle aussi.
J'avoue, à l'instar de la ministre, avoir été
surpris par la masse d'informations qui nous a été donnée
tout à coup, comme ça, pour justifier un certain nombre
d'activités d'Hydro-Québec et pour répondre à
certaines allégations qui ont été faites par des groupes
qui sont venus devant cette commission. Sauf que, en tout cas, j'ai un
problème parce que, en ce qui me concerne, c'est bien évident
qu'Hydro-Québec n'a peut-être pas à nous donner toute
l'information ou à avoir un suivi continu avec nous, mais, du
côté du cabinet, j'ai l'impression que toutes ces
informations-là devraient être connues; sinon, on est
obligés d'accepter l'interprétation que M. Yergeau nous faisait
ici, devant la commission, à l'effet qu'Hydro-Québec allait
peut-être un peu vite et que, finalement, un des gros problèmes,
c'était la capacité de la machine du gouvernement et des
différentes instances autres qu'Hydro-Québec à
digérer toute l'information qui venait. Parce que l'Information
était là, nous disait M. Yergeau, mais son problème
était à savoir si toutes ces études étaient
digérables par les intervenants, par ceux qui devaient normalement faire
le contrepoids à Hydro-Québec ou enfin donner une opinion qui
permet d'aller de l'avant avec les autorisations nécessaires et en toute
connaissance de cause.
Est-ce que vous ne croyez pas, effectivement, comme le disait d'ailleurs
un de mes collègues de l'aile ministérielle tout à
l'heure, qu'on aurait avantage à être un petit peu plus proche de
la population et à faire en sorte de donner les outils aux
différents intervenants, qui leur permettraient de digérer ces
informations, de mieux les compremdre et, par le fait même
peut-être, de véhiculer des données qui soient
peut-être plus proches de ce que vous avez dans vos études, d'une
part? D'autre part, quels sont les mécanismes prévus pour
confronter ces points de vue? Ce n'est pas tout de rendre publiques des
études. Ce n'est pas tout de dire: Nous avons tels chiffres à
vous proposer, enfin, nos experts disent que c'est ça et vous devez nous
croire, il doit y avoir quelque part une mécanique, une instance qui
fait en sorte que ceux qui ne sont pas d'accord puissent l'exprimer et en
discuter, faire valoir des points de vue. J'ai l'impression que, là, il
y a un gros manque. Est-ce qu'on n'aurait pas avantage à mettre en place
une véritable table de confrontation d'expériences ou
d'expertises, qui ferait en sorte que ces études soient peut-être
mieux comprises, d'une part, et, d'autre part, aussi utilisées à
meilleures fins pour qu'elles deviennent peut-être un peu plus comme
partie prenante de la connaissance collective des Québécois quant
à leur environnement nordique?
M. Drouin: M.le Président, au risque de
répéter des choses que j'ai dites ce matin et que j'ai dites dans
la conclusion cet après-midi, je ne peux que souscrire à
l'énoncé du député d'Un-gava dans la mesure
où nous demandons que les mécanismes et les procédures
d'obtention des autorisations soient revus et établis de façon
à permettre un meilleur échange entre les différents
partenaires concernés. (17 h 30)
Je répète toujours qu'Hydro-Québec est prête
à se soumettre à ces processus d'information, de discussions et
d'échanges relativement à toutes ces études
environnementales. Je pense qu'il est inutile de revenir à ce stade-ci
sur le nombre d'interventions, de permis, d'audiences juste pour une ligne de
1100 kilomètres, celle de Radisson-Nicolet DesCantons qui a
été énoncée
tout à l'heure dans le discours de M. Du-beau.
U est bien évident - et c'est clair, nous en faisons une demande
précise - que le processus doit être harmonisé, soit
à l'intérieur du gouvernement lorsqu'il s'agit d'un processus
relié au Québec tout court, soit avec les instances
fédérales si c'est un processus qui, selon les opinions
juridiques, doit être évalué sur le plan conjoint. Mais
nous souhaitons l'établissement de ces mécanismes-là de
façon à ce que toute l'information que nous avons... Et je pense
que ce que nous avons fait cet après-midi était
spécifiquement dans le but d'informer les parlementaires de tout ce qui
se fait à l'intérieur d'Hydro-Québec en termes
d'études et de la rigueur du travail. Bien sûr que nous avons des
personnes qui ne sont pas d'accord avec nous. C'est sûr. C'est
évident. Mais, malgré ça, nous faisons ces
études-là et nous souhaitons pouvoir les soumettre pour
évaluation par des organisations qui auront été
établies.
M. Claveau: On ne peut finalement reconnaître la valeur du
travail que dans la mesure où on est capable de l'évaluer
soi-même. Dans ce sens-là, je pense que c'est important,
effectivement, que les gens qui connaissent ces domaines très
précis aient la chance de pouvoir en parler et en discuter.
En ce qui me concerne, par exemple, c'est peut-être par
déformation professionnelle, mais je suis toujours attiré par une
carte. Une carte géographique, ça m'attire tout le temps et
j'aime bien regarder comment on définit les choses sur les cartes. En
page 12 de ce que vous nous avez présenté, du document que vous
nous avez déposé cet après-midi, il y a une belle carte du
territoire de la Baie James Intitulée "Le complexe La Grande". Je dois
dire que les cheveux m'ont dressé un peu sur la tête en voyant
cette carte-là. Je ne veux pas fendre les cheveux en quatre, mais
ça démontre jusqu'à quel point il faut être
minutieux et faire attention lorsqu'on avance quelque chose.
Sur la carte, on voit une limite, genre frontière, où on
dit: 'Territoire régi par la Convention de la Baie James et du Nord
québécois." Or, connaissant bien les limites du territoire, je
dois vous dire que je ne peux pas être d'accord, mais d'aucune
façon, avec la limite que vous avez mise au territoire
conventionné que vous avez sans doute confondu avec la ligne de partage
des eaux de la baie James, ce qui n'est pas du tout la même chose.
M. Boivin: Vous parlez de la limite sud ou de la limite nord?
M. Claveau: De la limite sud, à partir du 49e
parallèle.
M. Drouin: M. Brunette.
M. Brunette: M. le député d'Ungava, la ligne qui
est là est exacte. C'est le territoire qui est couvert par la Convention
de la Baie James et du Nord québécois. C'est effectivement aussi
la limite des bassins versants. Lors de l'extension des frontières en
1898, ça partait de ces lignes-là.
Maintenant, il y a une ligne au 49e parallèle qui est celle du
territoire de la SDBJ, de la MBJ et qu'on considère territoire de la
Baie James. Les Cris n'ont pas de droits spécifiques au sud du 49e
parallèle, mais, effectivement, la limite du territoire de la Baie James
n'est pas une ligne droite, mais englobe certaines villes de l'Abitibi.
M. Claveau: Mais les terres conventionnées au sens de la
Convention de la Baie James, c'est du 49e parallèle en montant.
M. Brunette: Exact.
M. Claveau: Mais là, on dit: 'Territoire régi par
la Convention de la Baie James et du Nord québécois."
M. Brunette: II y a, M. le député d'Ungava, M. le
Président, des spécifications dans la Convention de la Baie James
pour couvrir cette partie du territoire sur laquelle les Cris n'ont pas de
droits comme au nord du 49e parallèle.
M. Claveau: Parce que la partie du territoire Amos, Senneterre en
allant vers le réservoir Gouin, c'est des terres algonquines et
attikamek-montagnaises.
M. Brunette: Oui. Il y a des terres là qui sont
revendiquées par les Algonquins et d'autres, par les
Attikamek-Montagnais, mais l'entente par la Convention de la Baie James fait
que les Cris n'ont plus de droits au sud du 49e parallèle. Mais la
Convention de la Baie James couvre tout le territoire couvert par les lois de
l'extension des frontières de 1898 et 1912. C'est la raison pour
laquelle la ligne est faite de cette façon.
M. Claveau: Je pense, encore là que, pour éviter le
malentendu, vous auriez eu avantage à le préciser. Pour quelqu'un
qui regarde ça à première vue, il est bien évident
que les terres conventionnées, les terres de catégories 1, 2 et 3
sont toutes au nord du 49e parallèle.
M. Brunette: Exactement. C'est exact, les terres
conventionnées au point de vue 1, 2, 3 sont au nord du 49e. C'est pour
ça que, entre le 49e et cette ligne, qui est celle des bassins versants,
par la loi de l'extension des frontières de Québec, les Cris
n'ont pas de droits, il n'y a pas de terres 1, 2, 3 dans cette partie du
Québec. Ce n'est pas une catégorie spéciale. C'est juste
que les Cris n'ont pas de droits
ancestraux maintenant sur cette partie-là du territoire.
M. Claveau: C'est le genre de chose, vous voyez, qui
mériterait d'être précisé, parce que quand on voit
normalement les cartes du territoire... Je sais qu'il y a les grandes cartes
des bassins versants où on voit les territoires en blanc qui vont plus
au sud, etc. Mais, lorsque l'on parle des terres régies par la
Convention, on parle généralement des terres du nord du 49e
parallèle, entre le 49e et le 55e parallèle. C'est pour vous dire
jusqu'à quel point l'information, comme elle est
véhiculée, peut nous amener à certaines
interprétations qui font en sorte que, si quelqu'un part avec ça
et qu'il dit: Ah! c'est ça, les terres de la Convention de la Baie
James, les limites sont là, Hydro-Québec nous l'a dit dans son
document en page 12, il risque de faire une erreur, parce que ce n'est pas
certain que la population d'Amos et de Senneterre va accepter de se retrouver
dans des terres de catégorie 3.
M. Drouin: Je m'excuse. Avec tout le respect que je dois au
député d'Ungava, je pense que nous n'avons pas indiqué
qu'il s'agit des terres régies. On dit que la ligne est la ligne du
territoire régi par la Convention de la Baie James. Et M. Brunette
confirme que la Convention de la Baie James et du Nord québécois
détermine ce territoire ou cette frontière en termes de la
couverture de la Convention comme telle. C'est sûr que les terres, quant
à elles, c'est au nord du 49e, mais il reste que l'information qui est
là est véridique.
M. Claveau: Mais elle aurait avantage à être
complétée.
M. Brunette: D'ailleurs, vous allez trouver une carte semblable
au début des textes de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois telle que publiée par le gouvernement du
Québec.
M. Claveau: J'en conviens. Et la grande carte officielle du
ministère aussi reprend exactement les mêmes limites de la carte
qui a été présentée par le SAA, le SAGMAI dans le
temps. Ça reprend exactement les mêmes limites, sauf que, quand on
parle de terres conventionnées, on parle du 49e parallèle. En
tout cas, ça porte à interprétation de la façon
dont c'est présenté et je ne démords pas de ça.
C'est vrai.
Le Président (M. Bélanger): Je vous avoue que je
n'avais rien vu.
M. Claveau: C'est la preuve qu'il pourrait y avoir d'autres
choses ailleurs que vous n'avez pas vues non plus, M. le Présldont.
Le Président (M. Bélanger): II n'y avait rien
là, ça allait bien.
M. Claveau: II y a eu tout un tas de sujets qui ont
été abordés finalement tout au cours de la commission, qui
mériteraient d'être développés d'une façon
beaucoup plus spécifique avec le questionnement qu'on peut avoir
ensemble, sauf que, évidemment, je pense qu'on manque de temps un peu,
alors on ne pourra pas tout toucher. Lorsque vous nous avez
présenté tout à l'heure les approches
d'Hydro-Québec globalement, il y a un certain nombre de choses sur
lesquelles je suis resté un peu en appétit, entre autres sur la
recherche-développement. Les intervenants qui sont venus devant la
commission nous disent qu'Hydro-Québec aurait avantage à aller
beaucoup plus en sous-traitance ou à donner des contrats en
recherche-développement à l'extérieur de ses propres
laboratoires, avec d'autres employés ou d'autres chercheurs que ses
propres employés, et que, entre autres, ça pourrait avoir
l'avantage de permettre un développement d'entreprises de recherche
indépendantes, qui seraient propriétaires de brevets et qui
pourraient s'ouvrir sur les différents marchés internationaux
avec leurs propres brevets, etc. Et on accuse, en sourdine, dans le fond, sans
le faire d'une façon vraiment officielle, mais on peut le comprendre
à travers les informations qui nous sont transmises, qu'il y a plein
d'entreprises de recherche qui trouvent qu'Hydro-Québec, dans le fond,
en en faisant à l'interne énormément, se garde la
paternité de ces trouvailles-là, ce qui empêcherait,
sembie-t-il, que l'on ne puisse développer au Québec de
véritables entreprises en haute technologie hydroélectrique, qui
pourraient voler d'elles-mêmes sur les marchés internationaux,
à la conquête de nouveaux marches internationaux, finalement.
Est-ce que vous croyez, d'abord, que c'est de l'intérêt
d'Hydro-Québec de faire effectivement sa recherche le plus à
l'interne possible et que c'est l'intérêt aussi de la
société québécoise de faire qu'Hydro-Québec
ait, à toutes fins pratiques, le contrôle du développement
de certaines technologies qu'elle applique elle-même ou si elle ne
devrait pas être plus ouverte quant aux contrats ou aux mandats qu'elle
pourrait donner à des laboratoires de recherche indépendants?
Une voix: M. Huppé.
M. Huppé: Oui. J'aimerais commencer par mentionner que ce
n'est pas aussi facile que ça de faire faire de la recherche par des
entreprises autres qu'Hydro-Québec. Il faut réaliser
qu'Hydro-Québec est dans un domaine très
spécialisé. Alors, ce ne sont pas toutes les entreprises de
recherche qui peuvent faire de la recherche dans les domaines où
Hydro-Québec est impliquée. J'ai mentionné, au cours de
mon allocution tout à l'heure, que 75 % de nos activités de
recherche
sont faites directement pour Hydro-Québec. Alors, c'est assez
difficile de confier ça à d'autres. Mais j'aimerais quand
même mentionner que, malgré ça, on fait beaucoup d'efforts
- je l'ai mentionné tout à l'heure - avec les universités,
les autres entreprises. On fait beaucoup d'efforts. J'ai mentionné tout
à l'heure le chiffre de 105 000 000 $ de recherche qu'on fait avec les
autres entreprises. Alors, je crois que c'est quand même un bon montant
si on considère qu'on en fait pour 497 000 000 $ sur trois ans. Alors,
105 000 000 $, ça représente tout près de 20 % de nos
activités; je pense que c'est quand même assez important.
M. Claveau: La question de la sous-traitance. Là, on vient
d'en parler un peu: la recherche-développement, dans le fond, c'est de
la sous-traitance aussi. Mais globalement, dans le dossier de la
sous-traitance, on en a entendu de toutes les sortes aussi. J'aimerais avoir le
point de vue, mais le point de vue global de la haute direction
d'Hydro-Québec sur l'approche de la sous-traitance, à savoir si
Hydro-Québec a intérêt à consolider à
l'interne un certain nombre d'activités. Quand vous parlez, et vous nous
en avez parlé amplement depuis ce matin, de l'augmentation de la
productivité des travailleurs, du sens de l'appartenance à
l'entreprise, de l'apport des travailleurs, des cadres intermédiaires,
des cadres supérieurs, de l'intérêt de tout le personnel
d'Hydro-Québec à reconquérir le blason que la
société avait historiquement, au Québec, comment peut-on
associer ça, finalement, à une politique de sous-traitance qui
voudrait, à bien des égards, que l'on remette une certaine partie
des activités qui sont normalement faites par les employés
d'Hydro-Québec à des entreprises externes?
M. Drouin: M. le Président, je voudrais rappeler que, dans
la présente négociation ou dans la négociation qui vient
de se terminer, il y avait trois objectifs majeurs: un, c'était
l'assouplissement de la gestion pour que nous puissions récupérer
certains droits de gérance et assouplir la gestion à
l'intérieur de l'entreprise; le deuxième était celui de la
sous-traitance et le troisième, c'était l'aspect
monétaire. Mais sur la question de la sous-traitance, ce que nous avons
mentionné constamment au cours de la négociation, c'était
de définir les frontières entre le faire et le faire-faire. Et,
dans ce sens-là, j'aimerais que M. Boivin élabore davantage sur
nos perspectives relativement à la sous-traitance pour les mois et les
années à venir. (17 h 45)
M. Boivin: M. le Président, nous avons déjà,
à de nombreuses reprises au cours des dernières années,
discuté abondamment, ici à cette commission, du dossier de la
sous-traitance à HydroQuébec. Il est paradoxal, dans une
entreprise comme Hydro-Québec où les employés ont la
sécurité d'emploi absolue, que nous ayons vécu un conflit
aussi long et aussi pénible au cours des dernières années
concernant le domaine de la sous-traitance.
Effectivement, les orientations d'Hydro ont peu varié au cours
des derniers 10 ans. Il est clair que, dans une entreprise de service publique
à haute technologie comme Hydro-Québec il y a un tas
d'activités qui doivent être faites par l'interne, par les
employés permanents afin de développer et conserver l'expertise
technique, le savoir-faire et la pérennité de l'entreprise.
Par contre, il y a des types d'activités qui peuvent être
confiés de façon plus efficace à l'externe et c'est le cas
notamment des travaux de construction et même occasionnellement de
certains travaux massifs d'entretien parce que, en plus, comme les
périodes où nous devons effectuer des travaux sont relativement
courtes, étant donné qu'en période d'hiver pendant la fine
pointe, pendant à peu près quatre mois, tous nos
équipements doivent être disponibles pour satisfaire la pointe, il
est clair que, dans une entreprise comme la nôtre, si on veut
gérer efficacement, il faut également avoir à l'externe
accès à un réservoir de sous-traitance pour prendre les
pointes de travail ou encore réaliser certains travaux comme je le
mentionnais tantôt dans le domaine de la construction.
Et, de ce côté-là, les orientations
d'Hydro-Québec n'ont jamais changé au cours des dernières
années, à savoir de maintenir entre l'interne et l'externe un
équilibre valable et qui est basé généralement sur
les principes suivants: c'est que la construction est
généralement effectuée à l'externe et les travaux
d'entretien et d'exploitation sont généralement
réservés à l'interne.
Nous avons eu des divergences d'opinions fondamentales sur
l'interprétation des travaux d'entretien avec nos syndicats au cours des
dernières années, ce qui a eu pour effet de paralyser certaines
opérations dans l'entreprise. Et je vous rappellerai qu'on avait
déjà dit lors de la commission parlementaire sur la
sous-traitance en 1987 que malheureusement certaines de ces situations devaient
aller au bout de l'illogisme avant de se résoudre. C'est un petit peu ce
qu'on a vécu au cours des dernières années, un conflit qui
est allé au bout de l'illogisme.
J'ose espérer qu'au cours des mois qui viendront ia situation, et
les indications que nous avons à date sont à cet effet, se
rétablira. Il n'est pas question, en fait, pour Hydro-Québec de
réduire ses employés, de mettre à pied de ses
employés au profit des entrepreneurs, mais il est question pour
Hydro-Québec de continuer à opérer son entreprise de la
façon la plus efficace possible en utilisant les ressources internes de
façon optimale et en utilisant également des ressources externes
afin d'atteindre une productivité et une gestion optimale des ressources
totales.
M. Claveau: Au-delà du principe, connaissant l'état
des relations de travail et l'état d'esprit qui règne à
bien des égards à HydroQuébec actuellement, comment
peut-on concilier l'approche qui maintient un genre de statu quo ou,
finalement, qui impose une certaine vision de la sous-traitance avec cette
reconquête de la fierté qu'un travailleur devrait avoir envers
l'entreprise? Ce n'est quand même pas sorcier. On sait que la
sous-traitance est un des problèmes de base actuellement à
Hydro-Québec. Vouloir s'en cacher serait jouer à l'autruche.
Alors, est-ce qu'il n'y a pas là une incompatibilité entre ces
deux éléments-là?
Si on en croit les présentations qui nous ont été
faites ici par un certain nombre de groupes qui font sûrement, eux aussi,
à leur façon, leurs propres présentations à
HydroQuébec ou ailleurs, l'idée que l'on tend à
généraliser ou que certains intervenants tendent à
généraliser, c'est qu'Hydro-Québec devrait aller beaucoup
plus loin dans la sous-traitance, qu'Hydro-Québec aurait avantage
même à faire gérer des parties importantes de ses
activités par l'entreprise privée, que les travailleurs
d'Hydro-Québec ne sont pas capables d'arriver à la cheville des
travailleurs de l'entreprise privée dans certaines activités
internes de l'entreprise. Il y a toute une espèce de... On a
l'impression presque d'assister à une connivence qui aurait comme effet
de discréditer la capacité d'Hydro-Québec avec ses
travailleurs de gérer sa propre "business". On a même des gens qui
sont venus nous dire qu'Hydro-Québec était encarcanée ou
était prisonnière de ses travailleurs syndiqués. Ça
s'est lu tel quel dans certains mémoires. Alors, est-ce qu'on n'aurait
pas avantage, est-ce qu'Hydro-Québec n'aurait pas avantage à
carrément et très rapidement dénoncer toutes ces
actions-là de la part de certains intérêts qui poussent sur
le fait que, dans le fond, l'alternative pour sortir Hydro-Québec de
l'impasse, c'est d'aller dans la sous-traitance? Et ça nous a
été dit aussi tel quel en commission parlementaire. Des gens nous
ont dit: Nous, ce qu'on propose, c'est une alternative. Hydro-Québec est
dans l'impasse; l'alternative, c'est nous qui l'avons, il faut donner des
parties importantes des activités d'Hydro-Québec en
sous-traitance. Est-ce que vous n'auriez pas avantage à démentir
formellement ces attitudes, à intervenir très
précisément auprès de la population pour que cesse ce
dénigrement de la capacité des travailleurs d'Hydro-Québec
à faire fonctionner l'entreprise au meilleur de leurs connaissances?
M. Drouin: M. le Président, je suis entièrement
d'accord avec le député d'Ungava que nous devons avoir confiance.
Et, quant à nous de la haute direction, nous avons confiance aux
employés d'Hydro-Quôbec Ça, c'est clair Nous avons
vécu un conflit de travail avec des syndicats qui se sont
acharnés à maintenir des droits acquis quand tous les autres
syndicats à travers le Québec ont, à plusieurs reprises,
entendu raison dans la situation économique et dans les situations de
1990. Le syndicat s'est acharné à rester assis sur des acquis de
plusieurs années, de 20 ans et de 25 ans, et je le dis tout de suite, au
niveau de la structure syndicale comme telle, nous avons décidé
que nous mettrions un frein à la débandade. La bataille de la
sous-traitance existe depuis 1986 et nous avons décidé que nous
tiendrions cette année. Toutes les autres fois, dans les conventions
collectives d'Hydro-Québec, on a abdiqué. Nous avons
décidé qu'on n'abdiquerait pas. Vous savez, on a beau montrer
patte blanche et dire que, pendant des mois, le dossier de la grève
s'est vécu dans la sérénité et le respect des
services essentiels, je le regrette, ça ne s'est pas vécu dans
cette sérénité-là à l'interne. SI on a pris
des mesures disciplinaires, c'est parce que nous voulions faire respecter les
règles du jeu.
Mais, en accord avec le député d'Ungava, je
réitère au nom de la direction d'Hydro-Québec que nous
respectons nos employés et nous croyons que l'ensemble des
employés d'Hydro-Québec sont capables de relever le défi.
Si nous pouvons remettre les choses en marche en ayant des programmes de
productivité, en ayant des programmes de formation, en ayant de la
communication avec notre ligne hiérarchique, avec nos cadres que je vous
ai dit être démobilisés depuis un certain temps... Pourquoi
étaient-ils démobilisés? Parce que c'était de la
cogestion qui s'était établie dans l'entreprise; c'était
de la cogérance qui s'était établie dans l'entreprise. Et
je ne veux surtout pas blâmer les cadres d'avoir abdiqué leur
droit de gérance; ils n'ont peut-être pas eu le support que nous
aurions dû leur donner au niveau de la haute direction à ce
moment-là.
Moi, je vous dis, M. le Président, que j'ai confiance que les 20
000 employés d'Hydro-Québec veulent relever le défi et
veulent relever ce que les Québécois recherchent d'eux. Ce n'est
pas en séparant les entreprises, en les subdivisant, en les sectionnant,
en divisant le pouvoir. Je pense qu'une entreprise de l'envergure
d'Hydro-Québec, ce n'est pas unique au monde. Il y a des entreprises
à travers le monde entier qui ont cette envergure-là. Mais il y a
des choses à remettre en place. C'est notre objectif.
Nous l'avons fait à l'occasion de la négociation parce
qu'il nous apparaissait important de faire le point sur les conditions de
travail des employés d'Hydro-Québec et sur les droits des
gérants à quelque niveau: premier, deuxième et
troisième niveaux, jusqu'au président et chef de l'exploitation
et au président du conseil et chef de la direction. C'est un objectif
que nous avons et nous avons l'intention de le relever
M. Claveau: Je change carrément parce
qu'on me dit que le temps se bouscule. Dans la question des relations
avec les autochtones et des nouveaux complexes, mol, je veux bien qu'il y ait
un certain nombre d'études sur la rivière La Grande qui sont
intéressantes et qui, finalement, peuvent être confrontées,
et qui auraient peut-être avantage aussi à être
confrontées sur la place publique, on trouvera les mécanismes
pour. Mais, d'abord, est-ce que, dans le cas de Grande Baleine et de NBR, on
n'aurait pas avantage à ne pas répéter le modèle de
la rivière La Grande, finalement, et à faire en sorte que tout,
mais je dis bien tout ce qui peut être connu soit publicise au plus vite?
J'écoutais ça tout à l'heure et je me disais: Mais
qu'est-ce qu'Hydro-Québec attend pour partir sa propre imprimerie?
Finalement, elle pourrait devenir, très rapidement, probablement
l'Imprimerie ou l'éditeur le mieux connu sur toutes les questions
environnementales. S'il fallait que vous mettiez sur le marché tout ce
que vous avez comme études, vous pourriez probablement les traduire en
une cinquantaine de langues et les tirer à plusieurs millions
d'exemplaires par année. On pourrait presque s'imaginer qu'il y a de
quoi financer des barrages avec ça.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: Ça semble énorme, la masse de
connaissances. Pourquoi, sans attendre qu'il y ait une structure comme telle
puisque vous dites qu'on est déjà dans la démarche, ne
publicise-t-on pas très rapidement tout ce qu'il y a de travaux
débutés, en voie de finalisation, etc., sur NBR et Grande
Baleine, et ne pas attendre peut-être, puisque vous avez vous-même
référé au projet NBR ce matin, qu'au moment où on
aura peut-être besoin de l'autorisation pour la mise en chantier de NBR
on se retrouve comme on est actuellement avec Grande Baleine,
c'est-à-dire à la toute dernière minute? Pourquoi ne pas
commencer quatre ou cinq ans plus tôt cette démarche de
véritable consultation? Je ne parle pas de démarche d'Information
- des démarches d'information, on en a eu en masse - mais d'une
démarche de véritable information.
La deuxième partie de ma question, puisque j'ai commencé
en parlant des autochtones, je ne sais pas Jusqu'à quel point
Hydro-Québec prend au sérieux les revendications autochtones. Je
me permets de dire ça à la suite de ce que j'ai entendu ce matin.
Pas plus tard qu'avant-hier, le Grand Conseil des Cris du Québec est
venu nous dire ici, en commission parlementaire, en occupant les mêmes
sièges que vous avez aujourd'hui, que, quant à lui, il
n'était pas question de bouger sur rien, qu'il fallait tout recommencer,
qu'il n'était pas question de faire quoi que ce soit sur les projets
Grande Baleine et NBR, que tout était à reprendre, à
toutes fins pratiques. Donc, je pense qu'il y a là un
élément qui, pour le moins, doit être respecté, qui
mérite qu'on s'y attarde et qui mérite certaines
réflexions. (18 heures)
Or, quand vous nous faites votre présentation ce matin, cet
événement passe tout à fait inaperçu et vous nous
dites: Écoutez, Grande Baleine, on y va; on n'a pas le choix;
autorisation pour les routes, etc., infrastructures d'accueil, si vous voulez,
déjà cette année; 1992, les autorisations de mise en
chantier. Et vous faites carrément abstraction, mais totalement
abstraction, du moins dans la présentation qui nous a été
faite, de la revendication fondamentale des Cris à l'effet qu'en ce qui
les concerne il n'est pas question qu'ils permettent au gouvernement que ces
autorisations-là soient données, à moins, peut-être
si on rajoute une parenthèse, que l'on ait fait une véritable
étude de tout le besoin énergétique du Québec et
que l'on soit capable de démontrer sans l'ombre d'un doute qu'on ne peut
pas faire autrement pour les Québécois, non pas pour
l'exportation, mais pour le besoin des Québécois.
J'aimerais savoir comment vous pouvez concilier, comme ça, de
facto, cet aspect de dire: Nous, ce qu'il nous faut, c'est des autorisations et
on va de l'avant parce que, en 1998, il n'y aura plus de courant, avec le fait
qu'il y a quand même un groupe sur le territoire qui, quant à lui,
est plutôt opposé à votre démarche.
M. Drouin: M. le Président, je réitère ce
que j'ai dit ce matin. Bien sûr qu'avec le temps dont nous disposons,
comme vous l'avez mentionné, pour expliquer les projets et les demandes
que nous avons, nous n'entrons peut-être pas dans les fins
détails. Si l'exposé de ce matin devait laisser croire que nous
faisons fi des populations autochtones à Grande Baleine ou à NBR,
le cas échéant, ce serait définitivement une fausse
impression.
Il est, bien sûr, compris, pour nous, que, lorsque nous acceptons
de nous soumettre à tous les processus qui sont mis en place ou qui
seront mis en place, ça implique, bien sûr, les consultations et
les concertations avec les autochtones. Il y a déjà des
mécanismes de prévus là-dessus, soit au niveau de la
Convention de la Baie James et du Nord québécois. Je faisais
allusion au processus d'évaluation environnementale qui pourrait
être conjoint entre le gouvernement du Canada et celui du Québec.
Tout ça implique - et je voudrais bien que ce soit compris si ça
ne l'a pas été - bien sûr, les implications avec les
peuples autochtones. Nous ne les laissons pas pour compte, vous pouvez en
être assurés, parce que nous connaissons très bien leur
opposition et nous souhaitons que nous puissions les convaincre qu'il y a
possibilité de développer ces projets en respectant, comme nous
l'avons toujours fait... Vous savez, on est en discussion constante. Quand on
dit les populations cries, la Convention de la Baie James, c'est en 1976, mais,
depuis ce temps-là, il y a 14 autres conventions
qui ont été signées et celle de 1986 en est un
exemple. La phase II de La Grande, elle est conventionnée, si je peux
utiliser l'expression, par une entente globale en 1986. Ce n'est pas si loin
que ça.
Je pense qu'il est définitivement dans notre intention, dans
notre intérêt et dans l'intérêt des
Québécois que nous soyons en étroite communication et que
nous nous soumettions à tout un processus d'évaluation incluant
les implications avec les peuples autochtones.
Le Président (M. Bélanger): II reste trois minutes.
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je dois vous dire
d'abord que j'ai lu et relu attentivement les notes de M. Huppé pour sa
présentation de tout à l'heure concernant la
recherche-développement à Hydro-Québec. La conclusion est
sensiblement la même que je tirais ce matin, même un peu plus
sérieuse parce que, en page 2 de votre document, vous nous dites devoir
consacrer à la recherche-développement 73 % de l'enveloppe,
c'est-à-dire environ 342 000 000 $. De ces 342 000 000 $, il y en a 105
000 000 $ qui iraient, sur trois ans, aux industries, gouvernements et
universités. C'est juste, je pense.
M. Drouin: Oui.
Mme Blackburn: Ça va?
M. Drouin: C'est ça.
Mme Blackburn: Je voulais juste savoir comment on peut expliquer
l'écart qu'il y a entre ce projet qui est intéressant, II va sans
dire, et ce que nous annonçait le gouvernement dans ce qu'il appelait un
effort financier substantiel du gouvernement du Québec, pour la RD. Dans
le budget 1989-1990, le gouvernement annonçait de façon
très claire: Politique du faire-faire d'Hy-dro-Québec, 495 000
000 $; c'était sur cinq ans. Donc, pour faire un chiffre rond, disons
100 000 000 $ par année. Et ce que vous nous proposez là, c'est
105 000 000 $ sur trois ans. Alors, non seulement y a-t-il un écart par
rapport à l'effort réel de recherche-développement, parce
que l'effort complet de recherche-développement est évalué
à 830 000 000 $ sur cinq ans, mais il y a aussi un écart
énorme par rapport à toute la question du faire-faire.
Ma question, dans le fond, est peut-être un peu naïve, mais
comment se fait-il qu'Hydro-Québec, qui a mis tant d'efforts pour
s'assurer qu'elle puisse avoir accès et un peu plus de liberté en
ce qui a trait à la sous-traitance - parce que parler de sous-traitance
et de faire-faire, c'est la même chose - soit, semble-t-il, si peu
ouverte lorsqu'il s'agit des questions de faire fair» on matiôro do
recherche développe ment, alors qu'on sait qu'au Québec une de
nos faiblesses, c'est la création de petites et moyennes entreprises
dans les secteurs technologiques de pointe et que la commercialisation des
fruits de la recherche dans une institution comme Hydro-Québec pourrait
permettre la création de telles entreprises? Alors, mol, je me dis:
C'est comme si on entendait deux discours, et ce que les chercheurs sont venus
nous dire: On s'inquiète parce qu'il se fait... Ils gardent ça
entre eux et la commercialisation du fruit de leurs recherches...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée.
Mme Blackburn: ...lorsque ça reste à l'interne,
c'est des fois très, très long quand ça ne risque pas tout
simplement de ne pas voir le jour.
M. Drouin: Dans la réponse que nous allons donner, bien
sûr, je ne voudrais pas parler au nom du gouvernement et des
énoncés qui ont pu être faits au nom du gouvernement. M.
Huppé, malheureusement alors que vous n'étiez pas
présente, a donné des éléments de réponse
à vos questions. Je pense que, pour l'occasion, il pourrait les
répéter et tenter de répondre à vos questions.
M. Huppé: D'accord. Dans l'énoncé que j'ai
fait, j'ai mentionné qu'on avait 60 % des 497 000 000 $, soit 300 000
000 $, qui étaient en retombées et ces 300 000 000 $, c'est sur
une période de trois ans, tandis que, dans son discours, M. Bourassa a
parlé de 60 % de 830 000 000 $, ce qui donne 495 000 000 $, mais c'est
sur une période de cinq ans. Alors, si vous faites l'extrapolation entre
les 300 000 000 $ et les 495 000 000 $, on est exactement sur les chiffres que
M. Bourassa a mentionnés.
Mme Blackburn: Un autre...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame. Le
temps est écoulé. J'aurais une question de M. le
député de Jacques-Cartier et, ensuite, on passera aux conclusions
des travaux.
M. Cameron: Merci, M. le Président. Il y a 10 ans, j'ai
fait des travaux comme analyste de recherche avec une firme de
conseillers-gérants qui travaille principalement avec les institutions
financières majeures du pays fournissant des évaluations
indépendantes de la compétition et la pénétration
dans les marchés financiers. Quand j'ai lu les mémoires et
écouté les présentations à la commission, j'ai eu
un sentiment irrésistible de déjà-vu, le commencement
d'une nouvelle décade, des inquiétudes générales
sur les réserves d'énergie canadienne et américaine, une
société géante de ressources demandant des Investissements
de milliards, un gouvernement ambitieux,
avide de participer, des taux d'intérêt punitifs, agitation
sur les effets de la contestation constitutionnelle, des banquiers et des
courtiers "voltigeant", des enthousiastes parlant des milliers de postes dans
le Grand Nord et les milliers aussi de "spin-offs". Il me revient toute
l'aventure de Dome Petroleum. Je crains que le projet d'Hydro-Québec
pour la Baie James ait une bonne chance de devenir le Dom Petroleum des
années quatre-vingt-dix.
If James Bay I is considered by itself it was a magnificent engineering
accomplishment. But that does not mean that it ever has to make sense as an
economic project. Hydro's consolidated financial results were broyed up by the
very cheap power provided by Churchill Falls and the older Québec
projects, which James Bay I is considered a loan and not only a loss of
billions of dollars over the last decade. It displays business development,
employment and Government revenues in the oil and gas industry in Québec
at the same time. Its past sales of export electricity to the United States
have not been all that profitable, and any future ones must be made in the face
of American competition from nuclear power plants and other energy sources.
James Bay II will cost far more to build and will require massive financing on
a worldwide scale. The financing is quite probably available In this age of
globalized financial markets, but at an interest rate which leads to a total
capital cost which largely eliminates, I would think, the long-term advantages
of hydroelectric power.
I might add that I do not see the problem of Hydro as being one that can
be attributed to any particular failure of management or of the very capable
engineers who have to serve its projects. For that matter, I have never known
any public utility company to be very popular. I imagine that you have now
learned that this goes with the territories. It is like being a bank or a tax
collector. The problem, it seems to me, in the long run for Hydro is somewhat
different, though, which is that of a giant utility that is also become
something of a popular symbol facing an age in which we have an ever more
complex and erratic actual market for energy. It is never made sense to use
energy as a home-heating fuel, for example. It is a high-grade energy source
that is better used in areas like illumination and industrial development. Yet,
the real basis of Hydro's projections for such a huge expansion as is now
proposed is not what the general public still thinks - for export sales - but
for a projected increase in domestic demand that is largely based on the
assumption that residential heating in Québec will continue to be done
at least two thirds by Hydro, perhaps more in the future.
Now, the overall kind of question, therefore, that I have to ask - and
the one which I am sure Mr. Drouin and his colleagues will try very hard to
answer, but I do not really see that
It is possible for them to answer altogether satisfactorily - is this.
It seems to me that leaving aside all environmental considerations, important
as they are, that Hydro has come to us, as have most of the other
representatives appearing before the commission, saying something like this: If
there is lots of rain in the 1990's, if oil and gas prices rise to highly
unlikely levels, if no new technologies become available over the next two
decades that could greatly affect the demand for electricity either here or In
the United States, if the competition for energy sales in the United States is
not too keen, if Hydro can realize adequate prices on its export sales, and if
capital costs are not overwhelming, then the project may make sense. Is that
not a...
M. Drouin: Écoutez, toute la proposition du plan de
développement d'Hydro-Québec a, à mon avis,
été perçue par l'ensemble des intervenants comme
étant un plan, une proposition assez centrée. On peut, d'une
part, soulever la question de la productivité, d'autre part le
financement, d'autre part l'offre et la demande qui sont trop basses, chaque
intervenant enfin, peut trouver dans la proposition quelque chose sur lequel il
pourrait avoir a redire.
Nous, nous avons fait une évaluation globale de l'offre et de la
demande, des possibilités de financement, de la façon de faire
l'offre ou de présenter l'offre en regard de la demande. On
perçoit, dans notre plan de développement ou dans notre
proposition de plan de développement, une position qui nous
apparaît très réaliste. Les financiers, les banquiers et
les maisons de finance scrutent à la loupe l'ensemble de nos plans de
développement, de nos états financiers et de nos projections
financières. Nous ne pourrions pas emprunter 24 000 000 000 $ ou 25 000
000 000 $ actuellement sans que l'ensemble du monde financier, que je dirais
européen, canadien, américain et japonais, n'ait scruté
à la loupe l'ensemble de nos propositions. La cote de crédit dont
jouit Hydro-Québec est une cote de crédit enviable, une cote de
crédit qui est à la mesure de cette entreprise. Donc, je pense
qu'il est tout à fait réaliste de proposer de tels travaux, de
proposer une option HydroQuébec, de proposer un financement de cette
nature-là, puisque l'ensemble de ceux qui ont à examiner cette
proposition-là sur le plan international convient avec nous que nous
avons une proposition qui est viable.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. Nous arrivons maintenant à la dernière partie de nos
travaux. Alors, M. le député d'Ungava, comme porte-parole
officiel, nous attendons vos conclusions, et ce sera par la suite à Mme
la ministre de terminer.
En attendant, j'aimerais peut-être remercier le groupe des
représentants d'Hydro-Québec pour
leur participation à nos travaux et pour l'apport positif qu'ils
ont eu. Alors, je ne sais pas si vous voulez dire un mot, Mme la ministre,
à nos invités. (18 h 15)
Conclusions M. Christian Claveau
M. Claveau: Dans un premier temps, oui, je vais remercier les
représentants d'Hydro-Québec qui sont venus nous présenter
leur point de vue, eux aussi, et c'est de bonne guerre, je crois, devant la
commission parlementaire, afin de faire en sorte que le maximum des points de
vue possible puissent être entendus. Au terme d'un mois de travaux de la
commission parlementaire, c'est presque devenu une habitude pour nous de nous
lever le matin en pensant que l'on va parler d'énergie toute la
journée, et je sens que la fin de ces travaux-là,
nécessairement, m'oblige à réfléchir sur un avenir,
une suite à donner à tout ce que l'on a fait depuis un mois.
Je voudrais d'abord remercier aussi tous ceux qui se sont
présentés devant la commission parlementaire, qui sont venus
exposer leur point de vue. Les délais de présentation des
mémoires, certes, ont été très brefs. Ils n'ont
donné que très peu de temps et de chances, finalement, aux
différents groupes pour venir se présenter. En ce qui me
concerne, j'aurais préféré qu'on la fasse plus tard dans
l'été ou en début d'automne. De l'autre côté,
on disait que, bon, à cause des limites de temps qui sont liées
à l'exécution de certains travaux, il fallait que ça se
fasse tout de suite. De toute façon, le gouvernement a tranché et
les choses se sont faites.
Donc, les groupes sont venus nous présenter des idées
souvent exceptionnelles et extraordinaires. On ne peut nier la qualité
de l'ensemble des présentations qui nous ont été faites.
Et on ne peut, non plus, imaginer que, finalement, tout cela a
été fait sans penser à un suivi important. Comme je l'ai
dit souvent en cours de travaux, je souhaite que le gouvernement ne laisse pas
tout cela dans la boule à mites, sur les tablettes. La ministre m'a
rassuré à plusieurs moments, mais je continue à croire que
la meilleure façon de rassurer toute la population, c'est d'ouvrir sur
un large débat public, d'ouvrir sur une confrontation, sur ce que je
disais tout à l'heure ici, sur un choc des idées qui permettrait
d'aller à fond, de pouvoir comprendre fondamentalement quels sont les
intérêts des Québécois, qu'est-ce que les
Québécois et les Québécoises veulent en termes
d'énergie, qu'est-ce qu'ils veulent consommer, qu'est-ce qu'ils sont
prêts à payer pour le consommer, jusqu'à quel point on est
prêts à prendre des risques environnementaux, quels sont les
impacts de ces risques-là évalués à travers
différentes lunettes.
Demande de tenir une séance de travail selon
l'article 176 du règlement
Dans ce sens-là, M. le Président, je me permets tout de
suite de me référer à l'article 176 de notre
règlement de l'Assemblée nationale, qui dit qu'au terme de toute
consultation publique ordonnée par l'Assemblée, la commission a
le privilège de se donner une séance de travail pour
déterminer des suivis ou, enfin, faire des propositions de suivis sur
les travaux que nous avons tenus. Et il est du pouvoir du président, en
vertu des articles 138 et 148, d'y acquiescer.
Le Président (M. Bélanger): Dans le contexte,
effectivement, votre demande est rece-vable, M. le député, sauf
qu'il faudrait tenir compte d'un agenda extrêmement chargé, parce
que l'article 176 dit bien qu'on doit procéder à cette
séance de travail dans un jour franc. Maintenant, comme on sait que ce
jour franc, ce n'est ni ce soir, puisqu'on fait l'étude des
crédits de l'Énergie, secteur mines, ni demain toute la
journée, puisque vous êtes avec nous en étude de
crédits, pour une partie en tout cas, alors, je pense que, si on accepte
cette entorse au règlement, nous pourrions, au cours de la semaine
prochaine, avec l'accord des leaders, fixer cette rencontre-là.
Autrement, ça m'ap-paraît difficile d'acquiescer. Alors, sous
cette réserve-là, je pense qu'on se doit d'accepter.
M. Claveau: Je vous remercie, M. le Président. Je suis
tout à fait prêt à accepter la réserve, d'autant
plus qu'on me dit qu'il y a déjà de la jurisprudence dans le sens
de l'application de ce délai de 24 heures là qui,
généralement, ne semble pas être une enfarge
insurmontable.
Le Président (M. Bélanger): Le 24 juin, ça
serait peut-être la première date qui me vient à
l'esprit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: Donc, M. le Président, pour revenir dans les
questions plus pertinentes au sujet de la commission, je crois, en ce qui me
concerne, que la question du débat public sur l'énergie, d'un
vaste débat, d'une vaste consultation, quelle qu'en soit la forme, n'est
qu'une question de délais. Au moment où on se parle, les choses
semblent déjà avoir tardé trop longtemps. On se souviendra
qu'en 1989 et en 1988, lors de l'étude du plan de développement
d'Hydro-Québec, nous avions demandé la même chose. Nous
avions demandé que l'on passe à une consultation publique sur
l'avenir de l'énergie au Québec. À ce moment-là, le
gouvernement n'avait pas acquiescé à notre demande. Probablement
quo, si on l'avait fait en 1988, alors que les délais pour la mise en
chantier de Grande Baleine étaient encore assez longs, on aurait eu
le temps d'en parler sérieusement. On aurait eu le temps de faire
en sorte que tout le monde puisse mieux comprendre l'ampleur du projet et
développer des arguments, pour ou contre, mais qui auraient donné
l'opportunité à tous les intervenants d'orienter les
décisions en fonction des véritables intérêts de la
population du Québec ou des véritables intentions que la
population, enfin, souhaite.
Moi, je prétends qu'il n'est toujours pas trop tard. Je
prétends que, quoi qu'on en dise, des marges de manoeuvre, on en a,
d'autant plus qu'il y a aussi des alternatives qui sont à
étudier, qui nous ont été présentées et qui
méritent d'être regardées d'une façon beaucoup plus
précise, je pense. Ces alternatives-là, on les trouve au niveau
des énergies alternatives, dans certains cas, on les trouve au niveau de
la gérance ou de la gestion des pointes énergétiques, on
les trouve au niveau de l'ampleur des contrats d'exportation. Il y a
différents éléments qui nous permettent de croire que, si
on s'en donne le temps et si on se donne les moyens pour, on est capables
d'étudier fondamentalement toute la question énergétique,
sans pour autant risquer d'être en panne de courant dans un avenir plus
ou moins rapproché. Moi, ça ne me fait pas peur, du moins a
partir des chiffres que l'on a sur la table. Il s'agit d'établir les
choix en conséquence.
Donc, ce n'est qu'une question de temps. Je suis convaincu, très
fondamentalement convaincu que, si on ne l'accorde pas tout de suite, on ne va
qu'empirer les choses, on ne va qu'alimenter un certain nombre de
mécontentements, de confusions, les gens vont se sentir comme
bâillonnés, si vous voulez. Il faudra l'accorder un jour ou
l'autre, peut-être dans deux ans, dans cinq ans. Et peut-être que,
là, il sera définitivement et irréversiblement trop tard,
alors qu'au moment où . on se parle on peut encore se le permettre.
Donc, importance primordiale d'une consultation publique beaucoup plus large
que la tenue de cette commission parlementaire, finalement, qui n'est qu'une
première étape.
Deuxièmement, je retiens aussi d'une bonne part des intervenants,
y compris de ce qui nous a été dit aujourd'hui par
Hydro-Québec, que le gouvernement aurait avantage à travailler
à la mise en place d'un organisme de consultation permanent. Que ce soit
un organisme réglementaire, que ce soit un organisme de confrontation
d'idées, enfin, il y a bien des modalités qui seront
étudiées, que ce soit une régie comme on l'entend
généralement dans notre structure actuelle ou que ce soit
autrement, il n'en reste pas moins qu'à la lumière de tous les
débats que nous avons eus depuis un mois il ressort que l'on ne peut pas
permettre, comme société, qu'Hydro-Québec ou quelque autre
fournisseur, pourvoyeur et producteur d'énergie que ce soit sur le
territoire du Québec puisse continuer à agir d'une façon,
je dirais, aussi indépendante, aussi loin, à certains
égards, des préoccupations du quotidien de la population, en ce
qui concerne les niveaux de facturation, la capacité de payer du
consommateur, les problèmes environnementaux, les différents
problèmes qui sont liés aux modalités, par exemple, de
perception des comptes d'électricité, ou encore dans le domaine
agricole, par exemple, quand on parle de tarification ou de "brackets" dans
lesquelles doivent se retrouver les catégories de clients. Il y a plein
de choses semblables qui, finalement, pourraient être
réglées à travers une mécanique permanente de
consultation et d'échange entre le client qui, finalement, est à
l'origine d'Hydro-Québec. Il ne faut pas s'en faire: essentiellement,
Hydro-Québec est là pour fournir de l'électricité
à des acheteurs d'électricité. Donc, cet
acheteur-là doit avoir la possibilité de s'exprimer de
façon beaucoup plus continue, de faire valoir son point de vue et de
s'assurer aussi ou d'avoir la certitude que, lorsqu'il aura à parler, il
sera écouté par quelqu'un. Dans ce sens-là, le
gouvernement devra regarder, à mon avis, d'une façon très
précise, la nécessité de mettre en place ce genre de
mécanisme régulateur qui servirait d'intermédiaire, de
tampon entre le fournisseur d'électricité qui s'appelle
Hydro-Québec et les différents clients qui font affaire avec
HydroQuébec.
Je retiens aussi, globablement, de toute cette démarche-là
depuis un mois, que le plan de développement d'Hydro-Québec,
quoique bien fait, quoique représentant une proposition qui peut
être acceptable comme telle, socialement même, si on nous donne
tout l'information qui va avec, n'est quand même peut-être pas la
seule proposition de plan de développement énergétique sur
laquelle nous devrions nous appuyer comme Québécois. À mon
avis, elle n'est qu'un élément d'un plan global de
développement énergétique au Québec.
Il y a quelques questions qui ont été posées
aujourd'hui et que je trouvais très pertinentes en ce qui concerne,
entre autres, la façon de voir d'Hydro-Québec par rapport
à d'autres sources d'énergie. Comment peut-on réussir
à faire en sorte que, dans une vision globale de la
société, on puisse définitivement planifier la production
de l'électricité et les coûts qui sont liés à
cette production-là avec d'autres sources d'énergie ou avec,
aussi, des énergies alternatives? Il y a un certain nombre de choses qui
méritent d'être regardées, je dirais avec beaucoup plus
d'attention et de respect de la dynamique sociale québécoise en
général. La cogénération. On parle de
cogénération; eh bien, certes, au moment où on se parle,
ce n'est peut-être pas rentable, il y a peut-être des
difficultés pour faire en sorte de trouver des mécanismes pour
généraliser ça. Mais, encore là, je crois que
ça mérite qu'on s'y attarde très sérieusement. Je
regarde la production de l'électricité à partir des
résidus de la forêt par des usines thermiques. Peut-être
qu'au
moment où on se parle ce n'est pas rentable au Québec,
mais il y a peut-être une piste là qui fait en sorte qu'à
long terme on aurait peut-être avantage à profiter de cette
énergie-là qui, finalement, se gaspille sur le terrain.
Je ne dis pas qu'aujourd'hui il n'y a pas toute une armée de
spécialistes qui peuvent nous dire que, non, techniquement, ça ne
se fait pas, on n'y arrivera pas, on ne sera pas capables de produire de
l'électricité à des prix acceptables. Mais si on regarde
plus loin, au-delà des colonnes comptables, en prenant en
considération le problème des entreprises forestières, par
exemple, qui ont de la difficulté à écouler un certain
nombre de produits, en prenant en considération les conditions de vie
dans des milieux bien spécifiques qui sont liés à la
forêt, si on regarde tout ça globalement, on finira
peut-être par trouver de l'intérêt à produire de
l'électricité à partir de petites centrales qui
fonctionneraient avec des résidus forestiers. (18 h 30)
Le domaine par exemple, du solaire. Et pourquoi pas? On a souvent
l'impression que, lorsqu'on parle d'énergie solaire, on s'adresse
à une catégorie d'individus qui sont loin de la
réalité de la grande gestion de la société, qui
sont comme en parallèle d'un monde qui est le nôtre, mais je crois
que c'est de moins en moins vrai. Je me demande, par exemple, jusqu'à
quel point, dans l'agriculture, entre autres, HydroQuébec n'aurait pas
avantage à regarder d'une façon plus globale une approche de
l'énergie solaire. Et pourquoi pas?
Alors, lorsque l'on se pose la question comme ça, M. le
Président, c'est bien évident que la réponse est toujours
la même. Il y a plusieurs façons d'aborder la problématique
de l'énergie au Québec. Les Québécois, au moment
où on se parle, ne s'entendent pas sur une approche qui est celle
proposée par le plan de développement d'Hydro-Québec; pour
s'en sortir, pour accréditer la décision finale, quelle qu'elle
soit, il n'y a qu'une seule façon, c'est de passer par une vaste
consultation publique qui ferait en sorte que, là, les gens viendraient
nous dire ce qu'ils veulent. À partir de ça, on l'applique et
tout le monde se sent dans le coup et tout le monde est content. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: M. le Président, nous sommes arrivés au
terme des travaux de cette commission parlementaire portant sur la situation de
l'énergie électrique. Depuis près de quatre semaines, un
grand nombre de réflexions, d'analyses, de recommandations ont
été présentées ici. Les membres de la commission
ont pu préciser avec les différents intervenants la vision qu'ils
avaient du secteur de l'énergie électrique. Sur plusieurs points,
la commission a pris connaissance de préoccupations souvent voisines,
parfois convergentes, parfois aussi divergentes. De nombreuses suggestions,
dont certaines très originales, ont été formulées.
Les différents aspects du développement du secteur
électrique québécois ont donné lieu à des
questionnements, à des interrogations auxquels il n'y a pas toujours eu
nécessairement de réponses évidentes, même si les
discours qui les sous-tendaient se sont voulus éloquents et
généreux.
Il serait bien sûr un peu prématuré de vouloir
établir, dès le dernier jour de nos débats, une
synthèse exhaustive de tout ce qui a été dit au cours des
dernières semaines. Un traitement trop rapide de nos discussions ne
rendrait pas justice à la richesse des propos échangés
ici. D'ailleurs, le nombre et la diversité des interventions
présentées nous l'interdiraient.
Cependant, des points forts ressortant de ces audiences et j'aimerais
essayer d'en identifier quelques-uns aujourd'hui. Globalement, d'abord, une
évidence s'impose. Il existe au sein de la société
québécoise un intérêt majeur, un
intérêt soutenu pour les questions liées au
développement du secteur de l'énergie électrique. Le
déroulement des travaux de notre commission en est une illustration
évidente. Le nombre élevé de mémoires qui nous ont
été présentés, l'éventail des organismes qui
se sont manifestés confirment que l'avenir du secteur de
l'électricité touche et concerne les principales composantes de
la société québécoise. Ce constat est
réconfortant, car il confirme que la société
québécoise est, à juste titre, fort sensible aux enjeux du
développement énergétique. En même temps, cette
diversité des mémoires présentés confère
à l'ensemble des recommandations qui nous ont été soumises
une représentativité incontestable. La plupart des courants
d'opinion de la population québécoise ont participé
à nos travaux et les premières conclusions que nous pouvons
présenter ici se veulent modestement le reflet des préoccupations
communes apparues à plusieurs reprises, qui prennent aussi un relief
tout à fait particulier qu'il est important de souligner.
L'étude de l'ensemble des interventions qui nous ont
été soumises nous permet de constater que, sur un certain nombre
de points, des convergences plus ou moins larges sont apparues, tandis que, sur
d'autres sujets, des questionnements parfois fondamentaux se manifestaient.
Pour ce qui est des convergences, j'ai noté des niveaux
d'adhésion dans certains cas impressionnants autour de quelques
idées que l'on peut regrouper sous quatre ou cinq thèmes
clairement perceptibles. La première de ces idées concerne la
filière hydroélectrique et son utilisation au Québec comme
moyen privilégié de produire de l'électricité.
Aucun intervenant, lors de cette commission, n'a remis en question le recours
même à cette filière. Les remises en question,
lorsqu'il y en a eu, ont porté plutôt sur le niveau et le
rythme de développement de l'hydroélectricité
québécoise. On a plutôt entendu lors de cette commission un
rappel des problèmes liés aux autres modes de production de
l'électri cité. Les risques découlant du nucléaire,
los effets polluants des centrales thermiques ont été
soulignés par plusieurs, amenant ainsi à rappeler
l'intérêt que représente en soi la filière
hydroélectrique. À cet égard, les conclusions du rapport
de la commission Brundtland sur l'environnement et le développement ont
été clairement évoquées. Pour la commission
Brundtland, l'hydroélectricité, source d'énergie
renouvelable, est un des recours majeurs auxquels l'humanité doit faire
appel si elle veut limiter le rôle du nucléaire et des
énergies fossiles. Lors de notre commission parlementaire, les
interventions so sont aussi largement rejointes pour reconnaître le
rôle irremplaçable joué par
l'hydroélectricité dans la production québécoise
d'électricité.
Une deuxième idée nous a beaucoup frappés par le
niveau d'adhésion qu'elle a suscité. Je veux faire
référence ici au voeu presque unanimement exprimé en
faveur des économies d'énergie. Pour la plupart des intervenants,
l'électricité doit être mieux utilisée et un effort
significatif doit être poursuivi et renforcé à cette fin.
De nombreux mémoires ont souligné les retards de la
société québécoise sur ce plan et les performances
plus satisfaisantes réalisées en Europe occidentale, et plus
particulièrement dans les pays Scandinaves. Cette volonté
collective d'une meilleure utilisation de l'énergie n'est pas nouvelle
en soi. Depuis le début des années soixante-dix, les
consommateurs commencent à prendre conscience des avantages d'une
meilleure gestion de leur demande énergétique et des
possibilités qui leur étaient ainsi offertes de réduire
leurs factures de chauffage et de transport. Ce qui me semble nouveau, c'est
l'unanimité des recommandations formuloos au courw
Dans la lecture que nous pouvons faire des mémoires
présentés devant cette commission, il m'apparaît
évident que les recommandations visant une meilleure utilisation de
l'énergie ne concernent pas spécifiquement
l'électricité, mais intéressent l'ensemble de nos
utilisations énergétiques. Les recommandations formulées
s'appliquent au pétrole, au gaz naturel comme à
l'électricité et concernent aussi bien le transport que le
chauffage, l'éclairage et l'utilisation de la force motrice.
Alors même, comme je viens de le souligner, que le niveau des prix
nous incite peu à économiser, cette unanimité en faveur
d'une meilleure utilisation de l'énergie s'explique par une
préoccupation plus générale. Pour la plupart des
intervenants, les économies d'énergie appa- raissent comme un des
éléments du développement durable, c'est-à-dire
d'une croissance économique respectueuse des grands équilibres de
notre planète et, par là même, susceptible de se maintenir
à long terme. Je suis fort sensible aux deux principes d'économie
d'énergie et de développement durable, que je pourrais qualifier
d'indissociables.
Le troisième message qui nous a été transmis dans
de nombreux mémoires correspond d'ailleurs à cette même
préoccupation. On peut constater qu'il existe ce que j'appellerais un
inconfort chez de nombreux intervenants devant l'ampleur du plan de
développement présenté par Hydro-Québec. La
croissance de la demande anticipée par notre société
d'État, l'importance des développements hydroélectriques
pour y répondre et surtout les impacts environnementaux et sociaux qui y
sont associés préoccupent beaucoup de personnes, de groupes et
d'organismes.
La protection de notre environnement et la conservation pour les
générations futures des conditions de vie sur cette
planète constituent pour la plupart une préoccupation majeure. Je
viens de le souligner, on s'accorde en général pour
reconnaître les qualités de la filière
hydroélectrique sur le plan environnemental, par référence
aux autres moyens de production de l'électricité. Cependant, les
perspectives de développement massif et d'aménagements majeurs
suscitent chez un certain nombre d'intervenants plus d'inquiétude que
d'enthousiasme. Ce message qui nous a été transmis à
plusieurs reprises au cours de cette commission me paraît d'une
très grande importance.
Une quatrième constante est apparue au fil des différentes
interventions, concernant cette fois-ci la disponibilité des
données et analyses sur les questions qui étaient
débattues devant cette commission.
Dos IniorvonnntH an sont plaints du luit qu'ils n'avalent accès
qu'avec difficulté à des informations pertinentes et
crédibles, à des analyses et à des synthèses
vulgarisées et compréhensibles. Dans les domaines des
économies d'énergie, de la prévision de la demande, des
impacts environnementaux, il apparaît très souvent difficile
à ceux qui s'intéressent au secteur de disposer de bonnes
données, de travaux fiables et facilement utilisables afin d'avoir
l'heure juste sur la situation. Et, par là même, certains
intervenants se sentent dans l'incapacité de participer effectivement
aux discussions telles qu'elles sont organisées et d'influencer de
façon significative les politiques et les décisions
gouvernementales. Cette carence d'information explique, en partie, la demande
d'un débat différent sur l'énergie, formulée
à plusieurs reprises par des organismes à l'intérieur
comme à l'extérieur de cette commission. Le message reçu
lors de cette commission me semble donc très clair. Dans le secteur de
l'électricité
et dans le domaine de l'énergie, les enjeux sont d'importance.
Ils exigent que les discussions se poursuivent au sein de la
société québécoise, avec tous les groupes et
organismes concernés.
Pour compléter cette série d'idées, de
thèmes où des niveaux d'adhésion plus ou moins larges se
sont manifestés, j'aimerais dire un mot de la recherche et du
développement. Au cours de cette commission, la recherche et le
développement ont été présentés, en fait,
comme un moyen privilégié de mettre en oeuvre un certain nombre
d'orientations. Par exemple, les efforts de recherche sont apparus comme un
instrument essentiel de promotion des économies d'énergie,
d'amélioration de l'utilisation énergétique. Grâce
à une recherche et à un développement bien orientés
la société québécoise devrait pouvoir disposer des
équipements efficaces adaptés à ses besoins.
De la même manière, plusieurs intervenants ont
souhaité que les efforts de recherche soient poursuivis au plan de la
production, du transport, de la distribution d'énergie, toujours en vue
d'une plus grande efficacité et d'une meilleure adaptation à nos
besoins.
Enfin, plusieurs mémoires ont rappelé que la gestion du
secteur énergétique devait être pensée à long
terme et que, dans cette perspective, les efforts de recherche et de
développement concernant les filières telles que
l'hydrogène et l'énergie solaire ne devraient pas être
relâchés.
Cette commission a également été l'occasion d'un
questionnement sur plusieurs points majeurs. Nous avons entendu des analyses
parfois divergentes, des interrogations, des préoccupations qui
signifiaient autant d'incertitudes dans la population. J'aimerais essayer
d'identifier et de regrouper les principales de ces incertitudes.
Une première question souvent entendue concerne la
prévision de la demande d'électricité retenue par
Hydro-Québec, la fiabilité que l'on peut lui conférer.
Quel degré de confiance doit-on accorder aux prévisions
présentées dans le plan de développement de la
société d'État? Les intervenants ont bien compris l'impact
direct de cette prévision sur le plan de développement
lui-même, sur les investissements qui en découlent. Il est donc
tout à fait logique que des interrogations aient porté sur les
évaluations présentées par Hydro-Québec.
Plus précisément, de nombreux mémoires ont
questionné les estimations d'économies d'énergie prises en
compte par notre société d'État. Ces questionnements
recouvrent souvent des préoccupations divergentes. Pour certains,
Hydro-Québec était extrêmement imprudente d'intégrer
dans un plan de développement l'impact d'économies
d'énergie dont la mise en oeuvre n'est même pas commencée.
Le risque est grand que l'on anticipe ainsi le succès de politiques qui,
si elles n'atteignaient pas leur objectif, placeraient le Québec dans
une situation difficile quant à son approvisionnement
énergétique.
Pour d'autres, au contraire, Hydro-Québec ne va pas assez loin.
La société d'État pourrait être beaucoup plus
ambitieuse au plan des économies d'énergie et réduire
d'autant les investissements prévus au plan de développement
actuel qui reflète des habitudes de consommation que nous devons
modifier. Pour ces mêmes intervenants, il existe ainsi une profonde
incrédulité quant à l'urgence de procéder à
de nouveaux aménagements, ce qui conduit même certains d'entre eux
à réclamer un moratoire avant toute décision majeure
d'investissement.
Ces profondes divergences dans l'analyse de la demande, dans
l'étude de l'impact que pourraient avoir les économies
d'énergie devront être traitées en tant que telles. Cette
commission a fait apparaître un questionnement majeur, puisque
l'orientation même que nous donnerons au plan de développement
d'Hydro-Québec dépendra, en bonne part, des réponses
données à ces interrogations.
La deuxième question reliée aux économies
d'énergie n'a pas reçu de réponse unanime lors de cette
commission parlementaire. Si tout le monde s'est entendu pour souligner
l'importance de mieux utiliser l'énergie, les divergences sont apparues
quant à la politique de prix et de tarifs qui pourraient être mis
en place à cette fin. Certains mémoires ont rappelé que
les prix constituaient - et de loin - l'incitation la plus efficace si l'on
voulait que le consommateur devienne plus économe. Pour ces
intervenants, une politique d'économie d'énergie signifie donc,
en particulier dans le secteur de l'électricité, un
alourdissement additionnel de la facture. Recevant le bon signal de prix, le
consommateur serait ainsi conduit à rationaliser sa demande et à
devenir plus efficace. (18 h 45)
D'autres mémoires, eux, se sont violemment opposés
à cette stratégie. Pour eux, les consommateurs
d'électricité ont vu leurs factures s'alourdir sensiblement au
cours des ans et les hausses prévues leur apparaissent encore
difficilement acceptables. Pour ces intervenants, l'électricité
est un bien essentiel. Il n'est donc pas question que l'on utilise les tarifs
pour encourager les économies d'énergie,
Nous sommes donc placés devant deux approches, pour le moins
contradictoires, des incitatifs à mettre en place afin de
réaliser un objectif auquel tout le monde s'associe. Là aussi, il
faudra bien prendre les moyens pour que cette divergence d'analyses soit
levée.
Un autre questionnement où la controverse est apparue cependant
beaucoup moins vive a concerné les filières
complémentaires sur lesquelles le Québec pourrait compter afin de
produire de l'électricité. Les mémoires qui ont
abordé cette question manifestaient un vif intérêt pour les
petites centrales hydroélectriques. Ils ont aussi souligné
l'importance de faire appel à la cogénération, que l'on
utilise du gaz
naturel ou la biomasse. Les questions ont porté, en fait, sur
l'importance que pourraient prendre ces modes alternatifs de production dans le
plan de développement d'Hydro-Québec. Quel apport
d'éjectricité pourrait être assuré par les petites
centrales, par la cogénération? Le plan de développement
d'Hydro-Québec à cet égard est-il réaliste, trop
ambitieux ou trop modeste? Dans de nombreux mémoires, on peut
aisément décoder, voire relever le souhait clair
qu'au-delà des discussions théoriques, des projets concrets
soient rapidement réalisés. Par ailleurs, les intervenants
impliqués dans la cogénération ou la construction de
petites centrales nous ont souligné avec force que le prix de
l'électricité rachetée par Hydro-Québec constituait
pour eux la variable-clef. C'est ce prix qui déterminera le
succès des initiatives mises de l'avant.
Bien évidemment, l'impact de la mise en valeur de certains
bassins hydrauliques sur les autochtones et sur leur mode de vie a donné
lieu à des préoccupations spécifiques. Des
représentants inuit et amérindiens nous ont fait part de leurs
difficultés, de leurs craintes et, dans certains cas, de leur opposition
fondamentale à plusieurs aménagements envisagés.
Indépendamment des droits des autochtones, qui devront être
respectés selon des modalités satisfaisantes pour tous, II
m'apparaît évident que les populations concernées doivent
être mieux informées et plus consultées.
D'une façon plus globale, les études d'impact
d'Hydro-Québec et les procédures d'évaluation
gouvernementales ont donné lieu à des commentaires souvent
discordants. Certains mémoires ont ainsi souligné que les
études environnementales d'Hydro-Québec étaient
remarquablement articulées et qu'elles constituaient même, pour le
type d'impact analysé, des références mondiales D'autres
mémoires, au contraire, ont remis en cause la crédibilité
de ces études et la véracité de leurs conclusions. Les
procédures d'évaluation mises en place par le gouvernement ont
également donné lieu à des interrogations et remises en
cause. Manifestement, pour certains intervenants, ces procédures sont
insuffisantes et doivent être repensées en ce sens qu'elles
doivent savoir repondre aux besoins nouveaux, aux connaissances et aux valeurs
nouvelles qui se sont développés ces dernières
années.
Ainsi, s'il existe une unanimité quant à l'urgence
d'intégrer la protection de l'environnement dans toute stratégie
de développement, les jugements quant aux mécanismes existants ou
à mettre en place sont beaucoup moins convergents. Il faut bien voir que
ces interrogations visent essentiellement les mégaprojets qui, par
l'ampleur et les impacts qu'on leur attribue, posent un défi
particulier. Ce que nous ont dit les intervenants, lors de cette commission,
c'est que ce défi est double. Les études d'impact doivent
être d'une rigueur inattaquable et reconnues comme telles. Quant aux
mécanismes gouvernementaux d'autorisation, nous devrons peut être
les modifier afin de mieux les adapter à la dimension même des
problèmes soulevés.
Cette commission a également été l'occasion de
plusieurs questionnements sur les stratégies de développement
industriel utilisant le secteur énergétique comme levier
privilégié de développement économique. Là
aussi, des opinions parfois fort divergentes ont été
défendues. Certains intervenants ont ainsi souligné avec force
l'importance que représentaient pour eux les investissements liés
au secteur énergétique. Ces intervenants ont rappelé
l'ampleur de l'activité entraînée au Québec par les
aménagements hydroélectriques ou par l'installation sur notre
territoire d'industries grandes consommatrices d'énergie. Dans les
régions éloignées, notamment dans les
régions-ressources, une certaine frustration est ainsi apparue. Dans ces
régions, on a souvent l'impression de ne bénéficier ni
directemnet ni pleinement des richesses énergétiques
diponibles.
À l'inverse, d'autres mémoires ont critiqué les
politiques industrielles utilisant l'énergie comme levier de
développement économique. Ces mémoires ont surtout
contesté des stratégies s'appuyant sur nos disponibilités
hydroélectriques pour attirer au Québec des activités
très consommatrices d'énergie, telles que les alumineries. Des
intervenants ont ainsi estimé qu'à leur avis il aurait
peut-être mieux valu conclure des contrats additionnels à
l'exportation plutôt que d'offrir notre électricité
à de nouvelles entreprises productrices d'aluminium.
Ces divergences de vues concernent un volet tout à fait
stratégique de notre politique énergétique et
industrielle. Le gouvernement du Québec a toujours accordé la
priorité dans ses politiques économiques à la croissance
et à la création d'emplois. Il était logique que cette
priorité s'applique également à notre gestion du secteur
énergétique. Je vois mal comment une telle orientation pourrait
être remise en cause, mais cela ne signifie pas que nous devrions
investir à n'importe quelles conditions ni à n'importe quel prix.
J'ai l'impression que les interrogations et les questionnements qui nous ont
été adressés par certains visent plus les modalités
retenues dans nos politiques industrielles que les objectifs proprement
dits.
Une dernière question soulevée concerne la vente de notre
électricité sur le marché extérieur. Plusieurs
mémoires se sont interrogés sur la pertinence de ces ventes,
tandis qu'à l'inverse certains intervenants favorisaient la poursuite et
le développement des exportations d'électricité. La
question soulevée est d'importance: Devons-nous partager une partie de
notre électricité avec d'autres partenaires
nord-américains? Si c'est le cas, à quelles conditions
sommes-nous prêts à le faire? Dans les discussions de ces
dernières semaines, j'ai décelé deux séries de
préoccupations à propos du dossier des exporta-
tions. Tout d'abord, les assurances fournies par notre
société d'État quant aux modalités des contrats
signés, notamment au pian des prix, n'ont pas convaincu tous les
intervenants. Surtout, beaucoup ne peuvent accepter l'idée que certaines
des orientations et une partie du contenu du plan de développement
hydroélectrique soient dictés, en termes
d'échéancier, par des considérations extérieures
et, en fait, imposés par l'existence de ces contrats.
Enfin, parmi les intervenants, il m'apparaît important d'en
mentionner un qu'on ne peut considérer tout à fait comme les
autres, la société Hydro-Québec. Hydro-Québec,
c'est l'outil majeur que se sont donné les Québécois pour
développer leur première grande ressource naturelle. La
société est énorme, à la mesure de son mandat, de
ses actifs, de ses effectifs et de ses projets. La société
d'État est donc venue présenter sa vision du développement
de l'énergie électrique dans le sens du plan de
développement déposé il y a plusieurs mois. Nous venons
tout juste d'entendre leur mémoire. Il nous est, bien sûr,
difficile à ce moment-ci de commenter en profondeur leur vision des
choses, eu égard à l'objectif de cette commission. Mais je me
contenterais de dire que je me réjouis de constater que la
société d'État, malgré qu'elle fasse l'objet de
certaines critiques, fondées et non fondées, demeure
foncièrement fidèle à son premier et principal mandat:
approvisionner suffisamment les Québécois en
électricité et le faire de la façon qui lui semble la plus
économique pour l'ensemble des citoyens. Quand HydroQuébec parle
d'économies d'énergie ou de projets majeurs, comme Grande
Baleine, je ne doute pas de sa sincérité.
Cependant, certaines interrogations demeurent quant à la
nécessité de donner suite à tous les projets de
développement qu'elle a inscrits à son plan de
développement. Par ailleurs, même si Hydro-Québec est
maintenant convaincue d'amener les Québécois à
économiser l'énergie, nous sentons que la société
d'État, dans ce type de préoccupation, est moins à l'aise
que dans la planification et la réalisation de barrages où son
savoir-faire est de notoriété internationale. Enfin,
Hydro-Québec a fait l'objet d'un certain nombre de questions relatives
à sa propre structure organisationnelle. À ce propos, j'entends
voir, de concert avec la direction d'Hydro-Québec, comment en arriver
à poser un diagnostic précis sur les difficultés qu'elle
peut rencontrer et, surtout, comment identifier les pistes de solution à
mettre de l'avant dans les prochains mois.
Il s'agit, bien sûr, M. le Président, d'un bilan rapide,
sans doute incomplet, d'une commission parlementaire qui a été
riche de suggestions et d'interrogations. Il est évident que cette somme
de commentaires et de réflexions constituera la base même de
mesures et d'orientations que le gouvernement sera appelé à
prendre au cours des prochains mois. Je veux vous assurer et vous rassurer,
dès maintenant, à l'effet que des suivis seront apportés
à nos discussions. J'ai demandé déjà une analyse
systématique des présentations entendues ici, à la
lumière de laquelle le gouvernement décidera des suites à
donner. Et je suis certaine que ces choix répondront bientôt aux
différentes préoccupations qui nous ont été
formulées et ainsi à l'intérêt et aux vues de
l'ensemble de la collectivité québécoise.
Vous me permettrez, M. le Président, en terminant, de vous
remercier de votre patience et de votre présence à cette
commission, de remercier aussi mes collègues ministériels, de
remercier le député d'Ungava et ses collègues, de
remercier le secrétaire de la commission, M. Bédard, le personnel
de la commission, et de remercier en particulier mon équipe
énergétique, mon équipe d'énergie du
ministère de l'Énergie et des Ressources, qui a été
mise à contribution d'une façon tellement intense depuis non
seulement la tarification, mais aussi cette commission parlementaire, et qui a
fait un travail remarquable, et je leur en suis très reconnaissante. Je
voudrais remercier mon sous-ministre qui a dirigé cette équipe de
main de maître, il en a l'habitude. Je veux remercier mon cabinet, le
personnel et tous ceux qui, de près ou de loin, ont voulu participer
à cette commission, ceux qui se sont présentés ici devant
nous et qui ont présenté des dossiers de fort grande
qualité. Je veux remercier en particulier, aussi, les gens
d'Hydro-Québec d'être ici avec nous aujourd'hui. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie, Mme la ministre. Peut-être un dernier commentaire que j'ai
déjà fait à une couple de reprises. Certains organismes
ont dit ne pas s'être rendus en commission parlementaire parce qu'ils
voulaient un large débat public. Je pense, sincèrement, qu'ils
ont manqué une saprée bonne occasion de se faire entendre et
à la place où il fallait le faire. Le lieux du débat
public dans notre démocratie, telle qu'on l'a établie, telle
qu'on la pratique, ce sont les commissions parlementaires. Or, tant pis, s'ils
avaient jugé préférable de ne pas le faire, tant pis pour
eux. Ils ont manqué cette bonne occasion et j'espère que, la
prochaine fois, leurs réflexions les amèneront a être
présents, bien que plus de 90 organismes se soient
présentés et que nos auditions - 70 organismes, qu'on me dit, se
sont présentés - durent depuis un mois. C'a été
quand même très intéressant. Ça fait deux fois,
c'est 45 heures, trois crédits, alors... De toute façon, les
crédits, c'est ce soir qu'on va les faire, mais c'a été,
je pense, extrêmement instructif et intéressant.
Alors, Mme la ministre, ce n'est pas pour renchérir sur vous,
mais il y a tous les gens qui sont à la retranscription des
débats aussi et les
techniciens du son qu'on a fait veiller, à l'occasion,
très tard, souvent on leur a rogné leurs heures de repas. Alors,
Je les remercie aussi pour tout ce travail et toute cette
persévérance là-dedans.
Alors, la commission, ayant accompli son mandat, suspend ses travaux qui
reprendront à 20 heures pour l'étude des crédits du
ministère de l'Énergie et des Ressources, secteur mines.
(Fin de la séance à 18 h 57)