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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Bélanger): La commision est
réunie pour procéder à une consultation
générale et à des auditions publiques sur la situation et
les perspectives de l'énergie électrique au Québec. Nous
recevons, ce matin, la Fondation québécoise en environnement.
Bonjour, messieurs. Je vais vous expliquer rapidement nos règles de
procédures. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de
votre point de vue et, par la suite, il y aura une période
d'échanges avec les parlementaires. Or, dans un premier temps, je vous
prierais, s'il vous plaît, de bien vouloir identifier votre porte-parole
et présenter les gens qui vous accompagnent et, par la suite, nous
présenter votre mémoire. Nous vous écoutons. Merci.
Fondation québécoise en
environnement
M. Archambault (Louis): Merci, M. le Président. Mon nom
est Louis Archambault. Je suis président du comité
exécutif de la Fondation québécoise en environnement. Je
vais faire tout simplement l'introduction; M. Edgar Delvin, qui est
vice-président en recherche à la Fondation, va livrer le
mémoire de la Fondation. Nous sommes accompagnés de M. Robert
Dubé, à ma gauche, qui est le directeur général de
la Fondation, et de M. Gendron, à l'extrême droite.
Nous tenons, tout d'abord, à vous remercier M. le
Président, Mme la ministre et membres de la commission de nous avoir
permis de livrer le message de ce matin. Sans plus tarder, j'aimerais situer la
commission sur ce qu'est la Fondation.
La Fondation québécoise en environnement a
été créée en 1987 par un regroupement de personnes
québécoises qui avaient en commun la volonté de poser des
gestes concrets en vue d'une meilleure utilisation et d'une meilleure gestion
de notre environnement. La Fondation compte, à l'heure actuelle, 40 000
membres et amis répartis dans l'ensemble du Québec.
La Fondation s'est donné une triple mission: soit l'information,
l'éducation et l'aide aux groupes environnementaux et à la
recherche, et ce, dans une perspective globale. L'objectif prioritaire est de
provoquer et d'accélérer le changement des attitudes à
l'égard de l'environnement en faisant prendre conscience à la
population de la nécessité et de l'urgence de ces
changements.
Donc, afin de contribuer à l'intégration des
préoccupations environnementales dans l'élaboration des
politiques énergétiques, un comité de travail de la
Fondation a été formé et s'est attelé à la
tâche de préparer et de présenter un mémoire
à la commission parlementaire. Le comité a abordé la
problématique en la situant dans une perspective globale de
développement durable, et une série de recommandations
rédigées dans cette optique se retrouvent dans le présent
mémoire.
Les membres du comité de travail qui ont participé
à l'élaboration de notre mémoire sont tout d'abord: M.
Edgar Delvin, qui a été le responsable du comité; M.
Delvin est biochimiste et professeur agrégé à
l'Université McGill, vice-président à la recherche de la
Fondation québécoise en environnement; M. Pierre God bout, Ph.D.,
qui est directeur de l'Institut de génie urbain, professeur titulaire
à l'École polytechnique à l'Université de
Montréal; M. Van-Thanh-Van Nguyen, Ph.D., qui est professeur titulaire
au Département de génie civil et de mécanique
appliquée à l'Université McGill; Mme Shery Olson, Ph.D.,
qui est directrice du Département de géographie à
l'Université McGill; M. Michel Slivitsky, qui est conseiller
scientifique au Centre Saint-Laurent et à INRS-Eau; M. Robert
Dubé, qui est notre directeur général, à la
Fondation québécoise en environnement, et M. Richard Gendron, qui
nous a assistés au niveau de la recherche et de la rédaction du
document. Donc, sans plus tarder, je cède la parole à M.
Delvin.
M. Delvin (Edgar): M. le Président, Mme la ministre et
membres de la commission. Étant donné que je sais que chacun de
vous est déjà fort occupé, nous allons procéder
assez rapidement à la lecture succincte de certains
éléments du mémoire et passer au sommaire des
recommandations.
À la lumière du rapport Brundtland, il apparaît
urgent de planifier une diminution progressive de l'utilisation
d'énergie dans les pays riches en général et, nous
croyons, certainement, au Québec en particulier. C'est dans cette
optique qu'il faut repenser la problématique de l'énergie. On n'y
arrivera cependant qu'en se dotant d'une approche nouvelle, basée sur
une participation accrue de tous les intéressés aux choix
fondamentaux de cette question. C'est dans une optique de développement
durable, comme l'a mentionné déjà M. Archambault, que la
Fondation québécoise en environnement présente le
présent mémoire.
Si nous regardons le sommaire des recommandations. C'est dans le but de
favoriser un développement énergétique durable que la
Fondation québécoise en environnement recommande au
gouvernement du Québec: tout d'abord en matière de
nouvelles technologies, de promouvoir la mise en marché des technologies
en visant l'efficacité énergétique, la valorisation de la
biomasse et l'utilisation de l'énergie solaire passive et active, en
mettant en place des mesures économiques incitatives à
l'installation et à l'utilisation de ces technologies, ainsi qu'en
favorisant une augmentation des sommes allouées à la recherche et
au développement.
Si nous regardons en page 12 du document, vous verrez que la Fondation
québécoise en environnement, au niveau du secteur industriel par
exemple, est préoccupée par l'actuelle politique
énergétique québécoise qui ne met pas suffisamment
l'emphase sur les mesures de conservation et d'efficacité
énergétiques.
Au chapitre des technologies industrielles plus efficaces, on pourrait
citer des exemples. Il suffirait cependant de rappeler que, malgré une
amélioration de 30 % dans l'efficacité énergétique
de son économie au cours des périodes 1971 à 1986, le
Québec utilisait encore presque 20 % de plus d'énergie par
quantité de richesses naturelles ou de richesse produite qu'en Ontario,
et 100 % de plus qu'au Japon, en France ou en Allemagne. Donc, nous avons un
certain chemin à faire à ce niveau-là.
En comparaison, les dispositifs visant à capter des
énergies solaire, par exemple, et éolienne, qui n'offrent qu'un
potentiel marginal de développement au Québec, et c'est là
où intervient le fait de mettre des mesures économiques
incitatives à l'installation et à l'utilisation des technologies
nouvelles... Donc, on sait que les énergies solaire et éolienne
n'offrent qu'un potentiel marginal de développement au Québec, si
on fait exception des avantages substantiels qu'on pourrait retirer d'une
utilisation efficace de l'énergie solaire passive dans le domaine du
logement. Cependant, le potentiel, en termes de transferts technologiques, et
c'est là que le problème se situe, est loin d'être
négligeable et certaines entreprises québécoises ont
développé une solide expertise dans ce domaine.
La Fondation croit que ces efforts méritent d'être
encouragés au niveau de la recherche et du développement par le
gouvernement québécois. Nous pensons que, par exemple, en ce qui
concerne certaines de ces énergies, la production d'énergie et...
la technologie est là. Cependant, c'est la distribution et le stockage,
en fait, de ces énergies qui représentent certains
éléments de recherche et de développement.
La deuxième recommandation, en matière de gestion des
déchets, et ceci a un corollaire par rapport à l'économie
d'énergie, vous allez le voir. Afin de permettre au Québec de se
mettre à l'heure de l'efficacité énergétique, la
Fondation québécoise en environnement recommande au gouvernement
de favoriser plus activement, et éventuellement par voie de
réglementation, les activités de réduction à la
source, de réutilisa- tion, de récupération et de
recyclage des déchets.
La réduction, la réutilisation, la
récupération et le recyclage doivent être priorisés
dans cet ordre d'énumération, et constituent autant de choix
énergétiques majeurs. Nous n'avons qu'à songer que, pour
produire des contenants d'aluminium neufs en recyclant des usagés, on
utilise 95 % moins d'énergie que si on part de la bauxite,
l'élément de départ.
La Fondation est d'avis qu'un énorme marché existe pour
les produits recyclés et, donc, les incitatifs économiques
devraient être là, et souhaite voir le gouvernement assumer un
leadership dans l'avancement de ce dossier. Et ceci, je dois dire, est tout
à fait d'actualité, parce que c'est un dossier qui est
déjà en voie d'être réalisé, car le
gouvernement a déjà mis de l'avant le projet de loi 60 qui est
à venir. Je pense que les recommandations de la Fondation sont tout
à fait en accord avec ce que le gouvernement préconise à
l'heure actuelle.
Au niveau du mandat des institutions publiques, nous suggérons
l'élaboration de nouveaux scénarios énergétiques,
basés sur une réévaluation de la demande et visant une
efficacité accrue, une maîtrise de l'ensemble des filières
énergétiques ainsi qu'une meilleure intégration des
coûts environnementaux basée sur des études d'impact
globales.
Cette recommandation est intimement liée à la prochaine
qui, en fait, dit ceci: C'est que nous suggérons d'instaurer un
mécanisme permanent d'examen public des politiques
énergétiques et de leurs impacts environnementaux afin de
garantir un dialogue ouvert avec les entreprises, organismes et particuliers
intéressés.
Je voudrais peut-être simplement mentionner qu'au niveau des
retombées ou de l'intégration des coûts environnementaux,
il y a non seulement l'intégration des coûts comme telle, mais
aussi la perception des ratios qui existerait entre les coûts
environnementaux et les retombées à moyen et à long terme
pour le bien des Québécois et aussi sur l'emploi. À titre
d'exemple, on peut penser à certaines industries qui pourraient employer
un nombre important d'employés durant la construction. À long
terme, ces emplois seraient fort minimes parce qu'ils sont robotisés.
Donc, on peut penser à des scénarios où on pourrait avoir
un plus grand nombre d'emplois à long terme.
En ce qui concerne la dernière recommandation, nous sommes
conscients qu'il y a déjà des projets qui sont amorcés et
très avancés. Il serait utopique, selon la Fondation
québécoise en environnement, de penser que nous pourrions
renverser la vapeur complètement. Bien que nous ne soyons pas toujours
heureux des décisions, je pense que c'est un état de fait et que
nous ne pouvons certainement pas reculer. Il faudrait cependant que les
mécanismes que nous préconisons, c'est-à-dire les
mécanismes d'examen public
en permanence sur l'énergie, soient mis de l'avant le plus
tôt possible.
Cela, M. le Président, Mme Bacon, représente l'essentiel
de nos recommandations. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. Mme la ministre.
Mme Bacon: Messieurs, nous avons écouté avec une
grande attention votre témoignage, non seulement en raison du
rayonnement et de l'action de la Fondation québécoise en
environnement dans le domaine de l'information, dans le domaine aussi de la
sensibilisation à la qualité de l'environnement, mais aussi en
raison de l'intérêt qui est porté, dans votre
mémoire, aux exigences d'un développement électrique
durable, et je vous en remercie.
À votre avis - et c'est le message, il me semble, essentiel de
votre intervention - toute la problématique de l'énergie doit
être repensée dans une optique de diminution progressive de la
consommation. Et vous souhaitez à cette fin, comme d'autres
interlocuteurs l'ont aussi proposé à notre commission, une
participation accrue de tous les intéressés à
l'élaboration d'une stratégie globale de conservation de
l'énergie et aussi - je pense qu'on a eu d'autres intervenants qui nous
en ont parlé - d'un véritable projet de
société.
En tant qu'organisme qui s'est donné une mission d'information,
une mission d'éducation, comment, à votre avis, devrait
s'"opération-naliser" une telle participation aux choix fondamentaux -
parce que je pense que c'est de ça dont on parle - qui visent la
conservation de l'énergie? Et, dans ce sens-là, qu'entendez-vous
par un mécanisme permanent d'examen public des politiques
énergétiques et de leurs impacts environnementaux, tel que
mentionné dans votre mémoire?
M. Delvin: Nous pensons que ce mécanisme devrait
s'apparenter, d'abord, à des structures légères. Il ne
faut pas alourdir inutilement les processus, je pense que c'est important,
parce qu'on pourrait éventuellement s'enliser dans des discussions sans
fin. Donc, il faut avoir un mécanisme léger. Mais nous pensons
que des mécanismes tels que des bureaux de consultation, comme le BAPE
ou un système comme celui-là, qui regrouperaient les gens du
gouvernement, de l'industrie et du public, pourraient être des
mécanismes adéquats. C'est essentiellement ça, la
structure que nous verrions. Je pense que M. Archambault pourrait
compléter là-dessus.
M. Archambault: Pas nécessairement sur la structure. En
fait, le but qu'on vise, en plus de la conservation, c'est une meilleure
maîtrise au niveau du développement énergétique
global. Et, en ce sens-là, un message important, ce serait d'essayer de
faire en sorte, par le biais d'une telle structure, qu'on puisse essayer de
pondérer l'ensemble des filières énergétiques,
utiliser de façon maximale l'ensemble des filières
énergétiques et arriver à des scénarios qui
pourraient être évalués de façon très
globale. Et, nécessairement, ça pourrait être suivi,
évidemment, par les études qu'on connaît
présentement, les études d'impact sectoriel qui touchent chacun
des projets. Alors, ce sont des scénarios. On voit une analyse
très globale des divers scénarios énergétiques pour
l'ensemble qui serait suivie par des études sectorielles.
Mme Bacon: Votre mémoire mentionne aussi que - et
là, je vous cite - "le Québec est un des pays où
l'utilisation de l'énergie par habitant est parmi les plus
élevées au monde" et vous dites: "ce qui témoigne de
l'inefficacité de l'utilisation de l'énergie." En 1988, la
consommation du secteur industriel représentait 36,43 % du bilan
énergétique global; dans cet ensemble-là, l'industrie
forestière, y compris les pâtes et papiers, comptait pour 28,87 %
du total et la sidérurgie, fonte et affinage, pour 30,95 %. Ces
industries sont, par leur nature même, fortes consommatrices
d'énergie. Je pense qu'il ne faut pas prétendre que le
Québec n'a pas un effort substantiel à faire en matière
d'économie d'énergie, mais plusieurs intervenants nous ont mis en
garde par rapport à la valeur de ces comparaisons. Est-ce que vous ne
croyez pas que la structure industrielle au Québec explique, en grande
partie, sa forte consommation? Même on peut parler aussi du climat que
nous avons. Parce qu'il y a des gens qui ont fait des comparaisons entre le
Japon et le Québec et je pense que c'est assez boiteux, quand on pense
au climat qui n'est pas tout à fait le même. Est-ce que vous ne
croyez pas que la structure industrielle, au Québec, explique sa forte
consommation d'énergie, explique qu'on a de plus en plus besoin
d'énergie?
M. Delvin: Vous avez tout à fait raison que la structure
industrielle actuelle du Québec est basée essentiellement,
devrait-on dire, sur les matières premières et l'exportation des
matières premières, et je pense qu'à ce titre
HydroQuébec n'y échappe pas, parce que, en fait, ce qu'on
exporte, c'est une matière première; ce sont des barrages que
l'on construit et on exporte notre hydroélectricité. Ce qu'il
faut percevoir dans ceci, c'est que la société
québécoise va devoir se muter, à un moment donné,
au sens industriel et, éventuellement, mettre sur pied des industries de
transformation. À ce titre, je crois que le recyclage - je parle
toujours dans le contexte environnemental et dans le contexte aussi de la
mission de la Fondation -ou la récupération de biens peut
être perçue comme une industrie. À ce moment-là,
nous tombons dans un autre type d'industrie qui est beaucoup moins
énergivore. D'autre part, nous
verrons aussi l'éclosion d'industries qui vont, à ce
moment-là, fabriquer, au Québec, des objets d'utilisation
courante, alors que, maintenant, nous pensons plutôt les importer.
À titre d'exemple, l'aluminium; c'est certain qu'on produit de
l'aluminium, mais, malheureusement, il y a beaucoup de choses qui se font
à l'extérieur et qui nous reviennent finies avec une valeur
ajoutée extrême. À ce moment-là, je crois que le
Québec n'a pas d'autres choix que de se doter d'industries qui pourront,
éventuellement, être moins énergivores et aussi
productrices de biens secondaires.
Mme Bacon: Est-ce que - et, là, ça dépasse
peut-être les préoccupations environnementales - vous ne croyez
pas qu'il y a des conditions économiques aussi qui nous empêchent,
bien souvent, de faire toute la transformation ici même? Est-ce que ce
n'est pas plutôt relié à ça qu'à d'autres
conditions?
M. Archambault: En fait, à la Fondation, nous sommes
conscients qu'effectivement on ne peut pas nécessairement faire
l'ensemble de la transformation, au Québec, de toutes les
matières premières que nous produisons. Le but de notre
commentaire est de s'assurer qu'on pourra faire en sorte d'accroître
notre efficacité énergétique dans tous les domaines,
à la fois dans le secteur industriel comme dans le secteur
résidentiel, comme dans le secteur des transport et dans le secteur
commercial ou institutionnel. Il y a encore là, je pense, un effort
global à faire et ça peut être intéressant de
s'assurer, par exemple, par un mécanisme, tel qu'on le préconise,
de faire une analyse dans ce sens-là. On pourrait éventuellement
arriver à trouver des avenues très intéressantes. C'est
évident que la structure industrielle du Québec ne sera pas
changée du jour au lendemain. C'est évident que notre
compétitivité dans certains domaines est plus forte que dans
d'autres. Alors, on va devoir composer avec tout ça,
évidemment.
Mme Bacon: Mais, est-ce que vous ne croyez pas justifié
que certains pays, qui disposent, par exemple, en grande quantité, de
ressources renouvelables implantent sur leur territoire des industries qui
sont, évidemment, consommatrices de ces ressources et ça
contribue à l'économie des ressources non renouvelables qui
seraient autrement nécessaires à une telle production?
M. Archambault: Je pense qu'il faut se servir des atouts qui sont
à notre disposition. Évidemment, notre potentiel
hydroélectrique est un atout. Ça nous a sûrement permis,
comme société, de faire d'énormes pas. Et je crois que
tout le monde le reconnaît.
Maintenant, je pense que c'est tout de même important qu'on puisse
réfléchir pour, éventuellement, essayer de faire des
économies substantielles au point de vue énergétique.
Mme Bacon: Vous soulignez dans votre mémoire la
nécessité d'études exhaustives des impacts
environnementaux des différentes stratégies possibles. Au cours
de cette commission, il y a certains intervenants qui ont dénoncé
des effets pervers qui sont imprévus à l'origine, qui
découlent aussi des mesures d'économie d'énergie, comme
l'air vicié qui résulterait d'une superisolation. On a
parié de l'exploitation énergétique des ressources telles
que le bois, les déchets ligneux ou agricoles. Il y a des
émissions atmosphériques qui sont polluantes. Il y a des
dépenses exorbitantes de carburant pour la collecte des ressources qui
sont dispersées. À qui devrait être confiée la
responsabilité d'établir les mérites respectifs des
différentes stratégies possibles en termes d'impacts sur
l'environnement? Qui devrait en être responsable?
M. Delvin: Je pense que nous avons un petit peu répondu
à cette question dans nos recommandations, dans le sens qu'il y aurait
ce mécanisme de consultation permanent sur ces
mécanismes-là. Cependant, le gouvernement a des experts aussi
dans différents domaines. Je crois que ce ne serait que juste et fort
utile que ces experts puissent être exploités - si on peut dire,
ce n'est pas une matière première - mais ils pourraient
être exploités pour, éventuellement, juger et
pondérer tous les avantages ou désavantages de telle ou telle
forme d'énergie. Donc, en quelque sorte, je pense qu'il faudrait une
espèce de consortium vraiment et de complicité entre le
gouvernement et cette commission ou ce bureau de consultation qui serait mis
sur pied. Je pense que c'est à ce niveau-là que ça va se
jouer. Je ne pense pas qu'il y ait une personne en particulier qui devrait
avoir la responsabilité de juger de ceci. Je pense que c'est un plan de
société et que ça doit être perçu comme tel
et non pas être le produit - et, souvent, c'est fort bien fondé -
d'un seul organisme ou d'un seul corps politique.
Mme Bacon: D'accord. Vous soutenez aussi que l'application des
mesures d'économie d'énergie dans le secteur industriel
contribuerait à améliorer la compétitivité des
entreprises. Il y a des représentants de la grande industrie qui ont
également discuté ce sujet au cours de la commission et ils ont
souligné que, par la nature même des buts qu'elles poursuivent,
les entreprises tendent à limiter leur coût de production et,
aussi, adoptent, en conséquence, des mesures d'économie
d'énergie qui représentent un investissement rentable, compte
tenu des coûts de l'énergie. Pour les nouvelles constructions
d'usines, évidemment, on recherche des équipements et des
procédés qui sont plus performants pour celles qui sont
existantes, je pense qu'on essaie
de trouver des substitutions qui sont plus rentables. En fait, ce sont
les coûts d'énergie qui déterminent les mesures
d'économie adoptées par l'Industrie.
Vous ne faites pas mention de la hausse des tarifs comme mesure
incitative à l'économie dans votre mémoire. Est-ce que
vous avez une opinion là-dessus?
M. Archambault: Oui. En fait, on en fait mention dans le
mémoire - je ne pourrais pas vous citer la page - et, effectivement, on
croit que les hausses pourraient Inciter, effectivement, à des
diminutions. Ce qu'il faut également voir, c'est que l'énergie et
l'environnement sont souvent très étroitement reliés.
Lorsqu'on réussit à faire des économies d'énergie
dans le secteur industriel, ça se traduit souvent par des rejets moins
massifs de matières ou de polluants, soit dans l'atmosphère, soit
dans les cours d'eau, etc. Mais, définitivement, c'est un levier qui va
sûrement jouer dans les prochaines années.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: Vous qui êtes versé en environnement - et
vous êtes certainement l'un des grands groupes au Québec qui
parlez d'environnement - on nous a fait part qu'en Europe, de plus en plus, les
grands penseurs de l'environnement reconnaissent que l'énergie
nucléaire serait la voie, finalement, et qu'il n'y en aurait pas d'autre
pour l'Europe, pour la décennie à venir; quel est votre point de
vue là-dessus?
M. Delvin: Je pense que l'énergie nucléaire n'est
peut-être pas la solution immédiatement souhaitable. C'est certain
que l'hydroélectricité, à ce niveau-là, a certes
moins d'impacts environnementaux immédiats. Cependant, il ne faut pas
non plus partir à la chasse aux sorcières contre l'énergie
nucléaire. De fait, en Europe, beaucoup de pays utilisent
l'énergie nucléaire avec grande efficacité et très
peu de danger. C'est certain que, pour chacune des méthodes de
production d'énergie, il y a des risques inhérents. C'est une
question de gradation des risques. Si nous prenons Tchernobyl comme exemple -
c'est certainement un exemple, un épouvantail que l'on brandit souvent -
il faut aussi dire qu'il y avait une gestion atroce de ce milieu-là. Par
contre, il y a des centrales nucléaires qui fonctionnent fort bien et
qui n'ont jamais eu de pépin. C'est certain qu'il y a des
inconvénients et dans l'un et dans l'autre. Dans un cas, on inonde des
centaines de milles carrés pour obtenir des barrages de stature
importante pour pouvoir fournir les turbines et c'est certain que ça, il
y a des problèmes à long terme; par exemple, la lixiviation du
mercure, c'a été rapporté. Donc, il y a certainement des
éléments de risque là. Maintenant, c'est une question de
peser quels sont les risques d'une énergie par rapport à une
autre. L'avantage de l'énergie nucléaire pourrait être, par
exemple, que les réseaux de distribution pourraient être beaucoup
plus circonscrits parce qu'on pourrait, à ce moment-là,
construire une centrale nucléaire aux endroits voulus. Ça, c'est
certainement des choses, ce sont des faits établis, c'est une question
de choix de société encore une fois. (10 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le
député d'Orford.
M. Benoit: Les groupes d'environnement, normalement, une de vos
philosophies fondamentales, c'est: "Small is beautiful". Plusieurs personnes
sont venues nous voir en commission parlementaire nous disant qu'on serait
mieux de favoriser une politique de petits barrages et de donner à
l'entreprise privée l'accès rapide à la possibilité
de construire avec des taux de rentabilité plus élevés.
Quel serait votre point de vue sur cette façon de voir les choses?
M. Archambault: Je pense qu'il n'y a absolument rien d'absolu.
Dans certains cas, ça pourrait être effectivement très
intéressant d'avoir de petites centrales. Éventuellement, on
pourrait peut-être avoir des impacts qui seraient moindres, globalement,
pour une même unité de production, pour une même force de
production créée. Dans d'autres cas, probablement pas. Je crois
qu'on ne peut pas tracer une ligne aussi facilement que ça entre les
petits ouvrages et les grands ouvrages et pouvoir dire par la suite: Bon, ce
qui est préférable pour la province, c'est les petits ouvrages,
alors que les grands ouvrages ce n'est pas évident. Il faut analyser
situation par situation. Dans bien des cas, ça pourrait être
effectivement souhaitable d'avoir de petits ouvrages, alors que dans d'autres,
non.
Le Président (M. Bélanger): Je serais tenté,
comme député de Laval-des-Rapides, de vous poser une question;
c'est mon deuxième chapeau. Souvent, les groupes d'écologistes -
ceux qu'on a entendus en tout cas - n'ont que peu d'égards pour ce qu'on
appelle le développement économique. Il y a un équilibre
à maintenir entre la protection de l'environnement, qui devient une
valeur de plus en plus défendue dans notre province, et, aussi, le
développement économique. Dans votre discours, quelle place cela
a-t-il et comment arrivez-vous à cet équilibre-là? Parce
que vous me semblez plus ouverts ou plus pondérés à cet
égard-là. Comment en êtes-vous arrivés à cet
équilibre-là?
M. Oelvin: Si je peux me permettre, je crois que l'ensemble de la
Fondation ou la mission de la Fondation, c'est l'information,
l'éducation, bon! L'autre chose qu'il faut prendre en ligne de compte
c'est que, lorsque l'on parle
d'environnement, il faut aussi parier d'économie; l'un ne va pas
sans l'autre. Je crois que l'un est intimement lié à l'autre. U
faudrait rêver en couleur pour penser qu'on pourrait instaurer des
mesures environnementales en faisant fi de tout développement
économique. Ce serait vouer la société, à mon sens,
à un échec. Je crois qu'on ne retournera certainement pas au
temps des cavernes ou au temps où on tirait les charrettes avec des
chevaux. Il y a un développement industriel, un développement de
société qui se fait. La nature humaine est faite telle qu'elle
veut du développement, qu'elle veut des changements, et je ne pense pas
que la société va changer du jour au lendemain. Les
sociétés où l'économie est présente... Et
elle demeurera tant que les activités humaines persisteront, tant et si
bien que percevoir l'environnement sans économie, c'est tout à
fait utopique. Nous sommes déjà plus pragmatiques.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue parmi nous aux représentants de la Fondation
québécoise en environnement. Là-dessus, je vais tout de
suite passer la parole à mon collègue de La Prairie, qui est
notre porte-parole en question environnementale.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je salue avec plaisir
les représentants de la Fondation. Il y a plusieurs propositions
intéressantes dans votre mémoire. Je voudrais aussi vous
féliciter pour la facture de ce mémoire... Et pour le contenu,
ça va de soi: on voit que c'est bien étoffé
scientifiquement. Mais pour la facture, la façon dont vous l'avez
dressé, aussi, c'est un petit bijou, quant à moi, parce que c'est
bref, c'est concis, mais ça dit tout ce que ça doit dire.
Je regrette que le ministre de l'Environnement ne soit pas ici. Je n'ai
pas encore vu, moi, le ministre de l'Environnement aux séances de la
commission. Ça fait déjà trois semaines qu'on
siège. Je l'ai dit une fois, mais là, c'est la deuxième
fois que je le dis, et c'est important de le répéter. Je
comprends que la ministre de l'Énergie va lui passer les
mémoires, qu'il va probablement les lire, mais il n'y a rien comme le
contact direct et entendre directement des intervenants.
Cela dit, je vais m'attarder à deux de vos recommandations
principales. À cet égard, je pense, à la page 7, vous
dites que la consultation publique s'avère cruciale. En haut de la page
7. Ma première question, c'est: Vous connaissez sans doute la position
do plusiours organismes qui ont formé une coalition et qui proposent de
larges audiences publiques sur les projets de Baie James 2 et l'ensemble des
grands projets hydroélectriques. Quelle est votre position par rapport
à cette demande d'audiences publiques?
M. Archambault: En fait, je crois que la Fondation a clairement
indiqué que le fait d'avoir des audiences publiques ou une consultation
publique est très important. À l'heure actuelle, pour nous, ce
n'est définitivement pas facile de juger si on peut, par exemple,
remettre en question les développements qui sont annoncés
à très, très court terme.
Cela dit, ce qu'il faut avant tout, c'est ne pas regarder le dossier
énergétique de façon absolue, à savoir: est-ce
qu'on construit des ouvrages ou si on ne construit pas du tout? À
l'heure actuelle, on a un moratoire sur le nucléaire, au Québec.
Je crois qu'on a décidé d'aller vers la filière
hydroélectricité. Il faut donc, à partir de ça,
voir comment on peut mettre en place, éventuellement, des
équipements au niveau hydroélectricité, utiliser d'autres
filières énergétiques - on a parié de biomasse, on
a parlé du gaz naturel - pour essayer d'avoir un meilleur
équilibre global de l'utilisation, une meilleure maîtrise de
l'énergie au Québec. Alors, on est d'accord, essentiellement,
avec l'ensemble des groupes environnementaux qui demandent qu'on fasse une
réflexion plus globale sur le développement
énergétique. Pour nous, à l'heure actuelle, il y a
tellement de paramètres à analyser que c'est excessivement
difficile de se prononcer sur le fait qu'on puisse éventuellement tenir,
en fait, ou remettre en question carrément des ouvrages, alors qu'on a
effectivement pris des positions très précises quant au
nucléaire. Les centrales thermiques, en fait, sont
décriées également. Alors, il faut mettre nos choix dans
une perspective globale.
M. Lazure: Ma deuxième question, M. Je Président,
touche votre quatrième recommandation au bas de la page 5. Le
mécanisme d'examen public. C'est relié un peu à la
première, mais pas tout à fait, quand même. Ça
déborde de l'hydroélectricité. Ça touche les grands
projets. Et, vous avez des remarques fort pertinentes sur l'aspect
énergtvore des alumineries, par exemple, et aussi sur les
conséquences environnementales que de grands projets comme ça
peuvent apporter.
Quelle est votre position par rapport à l'article 2n, qui exempte
actuellement d'audiences publiques par le BAPE les grands projets industriels
tels qu'alumineries, papetières, etc.? Quelle est votre position
à cet égard? Est-ce que vous ne pensez pas que ces grands projets
devraient être examinés publiquement?
M. Archambault: Oui. D'abord, j'aimerais simplement rectifier une
chose. On n'a pas fait
référence aux alumineries, dans notre mémoire,
premièrement. Deuxièmement, quant à l'article 2n, c'est
important, effectivement, qu'éventuellement l'ensemble des grands
projets de développement au Québec soient soumis aux audiences
publiques, qu'effectivement il n'y ait pas de projets qui puissent
éventuellement aller de l'avant sans nécessairement un
éclairage global.
M. Lazure: Oui. M. le Président, juste pour qu'on
s'entende bien. Je faisais allusion, quand j'ai parlé d'alumineries,
à l'aspect très énergivore de tout ce qui est aluminium,
là. A la page 16 de votre mémoire, vous dites: "On n'a
qu'à songer que pour produire des contenants d'aluminium neufs en
recyclant des usagés, on utilise 95 % moins d'énergie que si on
part de la bauxite."
M. Archambault: Définitivement. Maintenant, dans une
perspective, encore là, globale, ce qu'il faut voir, c'est que
l'industrie de l'aluminium est loin en avant de ses concurrents, en fait, au
niveau des autres métaux. L'aluminium est le métal qui est le
plus recyclé. On pense, à l'heure actuelle, qu'il y a grosso modo
75 % de l'aluminium qui est recyclé, et à faible coût
énergétique. Donc, globalement, l'aluminium est un métal
qui est très intéressant. Si on regarde de façon
isolée une aluminerie, c'est évident que ça prend beaucoup
d'énergie. Mais lorsqu'on parle d'un cycle complet du recyclage, entre
autres - ce qu'on préconise - ça devient évidemment plus
intéressant.
M. Lazure: M. le Président, une autre question concernant
ce que vous appelez le mécanisme permanent. Est-ce que vous aviez en
tête un mécanisme permanent du genre du Bureau d'audiences
publiques, du BAPE, ou un autre mécanisme permanent qui serait plus
spécialisé sur les formes d'énergie et qui exercerait
à la fois un contrôle sur le développement, une certaine
coordination, une certaine gestion du contrôle des choix de
société, mais qui pourrait exercer un contrôle non
seulement sur le développement, mais aussi même sur les
coûts au consommateur? Je pense au CRTC, par rapport aux radiodtffuseurs,
aux télédiffuseurs. Qu'est-ce que vous entendez par
mécanisme permanent? Pourriez-vous élaborer un peu?
M. Delvin: Si nous pensons à un mécanisme de
consultation, dans un premier temps, je ne pense pas que nous visons
nécessairement, du moins a court terme, un mécanisme de
contrôle, de régie, si vous voulez, des coûts. Ce que nous
voulons, c'est que ce bureau d'audiences publiques, ou appelons-le
différemment, puisse traiter de l'énergie sous forme globale, et
non pas sous forme de projets spécifiques. Il faut entrevoir
l'énergie, la consommation d'énergie ou la gestion de
l'énergie dans sa globalité. Ceci comprend non seulement la
production, mais aussi le recyclage et la mise sur pied de mécanismes ou
d'industries qui pourraient éventuellement participer à
l'économie de l'énergie dans sa globalité. Ce ne sont pas
des dossiers pris à la pièce qui seraient regardés, mais
ça serait vraiment la politique, entre guillemets, de
l'énergie.
M. Lazure: M. le Président, ma dernière question,
sur la gestion des déchets.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Lazure: Le gouvernement, effectivement, vient de
déposer un projet de loi fort intéressant, il faut le louer; nous
allons l'étudier en commission. Il y aura un certain nombre de groupes,
dont vous, je crois, qui vont venir nous faire part de leurs suggestions. Mais
je pense qu'il y a lieu tout de suite, peut-être, de donner une certaine
idée des pistes que vous, vous voulez explorer. Par exemple, vous parlez
de réglementation, "favoriser plus activement - dans votre
recommandation numéro 2 - et éventuellement par voie de
réglementation, les activités de réduction à la
source". Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de ce genre de
réglementation? Est-ce que vous songez à des
précédents ailleurs, par exemple, comme aux États-Unis,
où on oblige les journaux à utiliser du papier recyclé
à 20 %, 30 %, 40 %, etc.?
M. Delvin: À titre d'exemple concret, il y a
déjà tous les contenants, par exemple, que ce soit d'aluminium ou
de verre; il y a des mécanismes de recyclage, pour ce genre de
matériel là. Ça, c'est une chose qui est
déjà faite. Maintenant, en termes de réglementation au
niveau gouvernemental, ça, c'est une autre paire de manches, disons,
qu'il faudrait voir plus dans sa globalité plutôt que, encore une
fois, élément par élément. Je pense que c'est un
règlement-cadre, si vous voulez, d'un recyclage; tout ce qui devrait
être recyclé pourrait être recyclé, mais il ne
faudrait pas nécessairement voir une réglementation par
élément de... Je ne sais pas si je comprends bien votre question,
là.
M. Lazure: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, comme
d'autres groupes disent: Le projet de loi, il est bon en soi, on va être
pour, mais il faudrait que la réglementation soit déposée
en même temps que le projet de loi?
M. Archambault: Bon. En fait, que la réglementation soit
déposée en même temps que le projet de loi... Que je sache,
en général, ça se fait de façon très
très fréquente, que les projets de loi soient
déposés dans un premier temps et que la réglementation
soit déposée dans un deuxième temps. (10 h 45)
Le projet de loi comme tel offre un cadre
de référence qui est fort intéressant et fort
souhaitable, compte tenu du fait que, au fur et à mesure qu'on
s'aperçoit, comme société, qu'on doit reprendre en charge
certains produits qui échappaient à nos préoccupations
économiques et environnementales - on a des exemples tout à fait
récents... Enfin, ça devient intéressant, ce projet de loi
comme tel. Évidemment, il va falloir que la réglementation
associée au projet de loi puisse être adoptée le plus
tôt possible, de telle façon qu'on puisse en faire une analyse
plus globale. Votre question est pertinente, dans le sens que, pour faire une
analyse très globale de tout ça, la réglementation serait
nécessaire. Maintenant, on a une base qui est le projet de loi, qui est
une amorce intéressante. Il faut voir la suite.
Le Président (M. Bélanger): Bien Je vous remercie.
Vous aviez, M. Delvin...
M. Delvin: Oui, un commentaire supplémentaire, en
réponse à M. Lazure. En fait, lorsqu'on parle de
réglementation, on peut aussi parler de réglementation en ce qui
concerne la vente de produits qui devraient être recyclables. Donc,
inciter le producteur à produire des produits recyclables. Ça
pourrait se faire par voie de réglementation et ça s'adresserait,
à ce moment-là, au point de vue global. Tous les produits
devraient être, essentiellement, et peut-être utopiquement,
recyclables. Donc, on pourrait faire une réglementation large, dans ce
sens-là, et dire: Bon, on vous encourage à produire - par voie de
réglementation - des produits qui pourraient être recyclés
plusieurs fois.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Merci. M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Vous parlez du caractère très
énergivore du Québec, qui consomme 20 % plus d'énergie que
l'Ontario et jusqu'à 100 % de plus que des pays d'Europe de l'Ouest. Et
je pense, à cet égard-là, à des pays comme la
Finlande, des pays aussi nordiques que nous et qui ont un coefficient de
dépense d'énergie infiniment plus faible que le Québec; je
pense à la Suède aussi, à d'autres pays de ce genre. Et
l'idée qui a été un peu mentionnée, c'est
l'idée de rendre l'énergie plus coûteuse pour en favoriser
l'économie, d'une certaine façon. Sauf que, dans le cas de
l'électricité comme dans le cas du mazout ou du gaz naturel, il y
a évidemment un impact social des décisions qu'on prend en
matière de tarification. Ce que j'entends par là, c'est que, quel
que soit son revenu, on dépense pour se chauffer ce qui est
nécessaire pour se chauffer. Et aux États-Unis, le
sénateur Kennedy a lancé l'Idée, pour le pétrole
entre autres, d'augmenter le prix du pétrole et de réduire
l'impôt sur le revenu des particuliers d'autant, simplement pour qu'il y
ait ce qu'un autre groupe qui est venu devant nous a appelé une taxe de
nuisance, c'est-à-dire des mesures qui incitent les gens, par les lois
du marché, si on veut, en rendant une chose plus chère, à
l'économie de cette chose-là. Alors, c'est pour ça, dans
le fond, que j'aimerais connaître votre avis là-dessus. Est-ce
qu'il serait bon de rendre l'énergie plus chère, quitte à
donner, en même temps, aux entreprises comme aux individus, des avantages
fiscaux qui font que c'est l'économie d'énergie qui serait
favorisée et valorisée?
M. Archambault: Je pense que le fait de rendre l'énergie
plus chère, c'est sûrement un incitatif, qu'on le veuille ou non.
Maintenant, ce que l'on recommande, c'est d'analyser la situation de
façon globale et de voir quel est l'ensemble des incitatifs qui
pourraient nous permettre d'avoir des économies d'énergie
substantielles au Québec. Évidemment, le mandat de la Fondation
n'est pas de fixer des bal/ses au point de vue de la fiscalité. Nos
préoccupations sont d'ordre environnemental. Et, essentiellement, c'est
la raison pour laquelle nous recommandons qu'il y ait un mécanisme qui
puisse nous permettre de faire, dans le futur, une analyse globale qui, elle,
pourrait nous permettre de faire des choix entre les différentes
filières énergétiques et d'évaluer l'importance de
chacune de ces filières énergétiques là et leur
impact environnemental, et de faire des choix éclairés
globalement au point de vue environnemental.
M. Delvin: Si je puis me permettre d'ajouter... En fait, ce que
nous voudrions, essentiellement, c'est que les coûts auxquels on va faire
face reflètent vraiment l'impact environnemental ou les coûts
environnementaux, ce qui n'est, présentement, pas vraiment fait. Et je
pense que ça, c'est une chose importante. Dans ce sens-là, on
devrait éventuellement se diriger vers une société qui
devrait être plus consciente de son environnement. Automatiquement, si on
a des voies secondes, ou de nouvelles voies de faire des choses qui soient
moins dommageables pour l'environnement, c'est certain que les coûts,
nécessairement, n'augmenteront pas. Ce que l'on veut surtout, c'est que
les coûts environnementaux, qui sont habituellement masqués, qui
ne sont habituellement pas inclus dans les produits ou dans les services que
l'on a, soient en fait reflétés dans ces choses-là.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Si vous le permettez... Il me reste du temps pour une
question?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Claveau: Je voudrais qu'on revienne rapidement sur la question
des alumineries, bien
que vous ne la traitez pas comme telle dans votre mémoire. C'est
beau d'avoir des sources énergétiques qui ne sont pas polluantes,
mais si on utilise cette énergie à des fins ou dans des
activités qui sont très polluantes, on n'est pas avancés
plus qu'il ne faut, on n'a pas cheminé bien long dans la protection de
l'environnement. J'aimerais savoir si vous avez une expertise, ou du moins une
opinion concernant l'état technologique des nouvelles alumineries qui
éliminent la pyrolyse ou les fameux hauts fourneaux comme principe de
transformation de l'alumine. Est-ce que vous pensez qu'il est correct,
finalement, dans le respect de l'environnement, d'utiliser les nouvelles
technologies que l'on a actuellement pour la fabrication de l'aluminium?
M. Archambault: En fait, vous me reprendrez si ce n'est pas
exact. Je pense qu'à l'heure actuelle, la technologie qui est
employée au Québec, c'est la technologie Pechiney, qui semble
être employée dans l'ensemble des nouvelles alumineries. Or, la
technologie Pechiney est reconnue mondialement comme une technologie
d'avant-garde, tant du point de vue production, du point de vue
économique que du point de vue environnemental. La technologie Pechiney
répond actuellement à toutes les normes environnementales de
l'ensemble des pays qui ont des normes relatives à l'implantation et au
fonctionnement des alumineries.
Il y a une nuance très nette à faire entre les anciennes
filières de production d'aluminium et les nouvelles. Les anciennes
filières étaient de très loin fort plus polluantes que les
nouvelles. À l'heure actuelle, les nouvelles filières, telle la
technologie Pechiney, répondent à l'ensemble des standards qui
sont dictés par tous les pays qui produisent l'aluminium. Maintenant -
je ne sais pas si c'était la réponse que vous vouliez avoir - on
peut définitivement faire un parallèle entre les anciennes
filières et les nouvelles. C'est fort différent. C'est
évident qu'à partir du moment où on a un
procédé industriel, quelle que soit l'industrie en cause, que ce
soit l'aluminerie ou l'industrie du fer, par exemple, on va avoir des
incidences environnementales. Ça, c'est très évident.
Il faut, je pense, à long terme, tendre à faire en sorte
de minimiser et d'annuler le plus possible les incidences environnementales.
Encore là, c'est en fonction des choix qu'on peut faire via,
peut-être, une analyse globale.
M. Claveau: Ce que vous nous dites, dans le fond, si je comprends
bien, c'est que, sur une base strictement environnementale, le fait d'utiliser
une énergie dite non polluante, comme l'hydroélectricité -
enfin, moins polluante ou moins dommageable que d'autres - à des fins de
transformation d'aluminium, avec la nouvelle technologie qu'on applique,
à ce moment-là, on serait gagnants sur les deux tableaux, autant
au niveau de la production énergétique que de la production de
l'aluminium.
M. Archambault: Je ne dis pas qu'on est gagnants sur les deux
tableaux. En fait, je pense que votre question dépasse le cadre du
mandat de la Fondation. Ce que je dis, essentiellement, c'est que la
filière qu'on emploie au Québec pour les nouvelles alumineries
est une filière qui, au point de vue environnemental, est
intéressante et est d'ailleurs la plus intéressante au monde.
Maintenant, ce qu'il faut voir, aussi, c'est une autre réalité.
L'ensemble des industries productrices d'aluminium sont nécessairement
associées, dans le monde, à l'hydroélectricité. La
raison est que c'est moins cher. Ce n'est pas une réalité du
Québec, c'est une réalité de l'industrie de l'aluminium
dans le monde. Effectivement, comme le coût de l'énergie est
excessivement important pour produire l'aluminium en premier lieu, en
général, cette industrie-là s'associe à
l'hydroélectricité.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
remercier nos invités, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: II m'a fait plaisir - je suis certain que c'est la
même chose pour tous mes collègues - de vous avoir reçus
devant la commission, d'avoir écouté votre témoignage
très intéressant. Donc, je vous remercie pour cet apport que vous
donnez aux travaux de la commission.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Je vous remercie infiniment, encore une fois, de cet
ajout à notre commission et je dois dire que, quand on parle
d'énergie et de développement durable, votre mémoire
reflète bien les préoccupations qui sont aussi les nôtres.
Et je vous remercie d'avoir contribué à la discussion et, pour
faire plaisir à mon collègue d'Ungava, ça ne restera pas
sur les tablettes. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la Fondation québécoise
en environnement pour sa contribution à ses travaux. Et j'inviterais
maintenant à la table des témoins l'Association des
redistributeurs d'électricité du Québec.
Association des redistributeurs
d'électricité du Québec
S'il vous plaît, je demanderais à chacun de vouloir
reprendre sa place et de respecter le silence, s'il vous plaît, pour nous
permettre de continuer nos travaux. Je vous remercie beaucoup de votre
collaboration. Alors, nous recevons présentement l'Association des
redistributeurs
d'électricité du Québec. Bonjour, M. le maire.
M. Pelletier (Jean-Paul): Bonjour, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Ça nous fait
plaisir. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre point
de vue, et il y aura une période d'échange avec les
parlementaires. Alors, si vous voulez vous identifier, présenter ceux
qui vous accompagnent et procéder à la lecture de votre
mémoire. Nous vous écoutons. Merci. (11 heures)
M. Pelletier: Merci, M. le Président. Je suis Jean-Paul
Pelletier, maire de Sherbrooke. Et à ma gauche, le maire Nicol Tremblay,
maire d'Alma; à ma droite, M. Gilles Veilleux, directeur
d'Hydro-Sherbrooke; et à l'extrémité, M. Danny Ponzo,
directeur du service d'énergie électrique de Westmount. Nous
avons aussi avec nous, M. le Président, les représentants de
différents réseaux hydroélectriques au Québec dont,
de Baie-Comeau, M. le maire Roger Thériault; des représentants de
Joliette et de Jonquière; le maire de Magog, M. Paul-René
Gilbert; le président de la coopérative
Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville, M. Jean-Paul Borduas; de Coaticook, le maire
André Langevin; et de Joliette, M. André Gravel.
Avant d'entreprendre mon propos, M. le Président, et de
déposer le mémoire du regroupement des redistributeurs
d'électricité du Québec, j'aimerais faire une petite mise
au point. Malgré que nous nous retrouvons ici à discuter avec le
gouvernement, nous voulons que le gouvernement sache que nous sommes solidaires
de la position de l'Union des municipalités du Québec face au
gouvernement, suite à l'attitude qu'il a adoptée en
matière de fiscalité. Nous sommes ici et devons l'être,
compte tenu des intérêts financiers et autres qu'il nous faut
défendre et promouvoir auprès du gouvernement.
M. le Président, nous nous présenterions ainsi, comme
suit: nous sommes ici en tant que clients et entrepreneurs
d'Hydro-Québec. Nous croyons que notre entreprise est en péril et
que, sans votre aide, nous risquons de fermer nos portes sous peu. Il y aura
des pertes d'emploi importantes. Ça réveille toujours, ça.
les pertes d'emploi. Notre entreprise sera en vente et sera sûrement
acquise par notre seul et plus gros compétiteur, Hydro-Québec.
Nos villes seront alors plongées dans la même situation que
l'ensemble du Québec et devront subir les inefficacités de notre
compétiteur. Nous voulons qu'Hydro-Québec, qui appartient
à tous les Québécois, ne puisse plus utiliser la force que
nous lui avons donnée pour nous détruire à petit feu. Nous
ne voulons pas non plus qu'Hydro-Québec persiste dans la démarche
d'expropriation déguisée que nous vivons présentement.
Que l'on cesse de façon définitive de tenter de nous
forcer à nous départir de nos réseaux.
En 1977, M. le Président, nous avions 26 réseaux
d'électricité au Québec; aujourd'hui, nous en avons 13 et,
demain - et je veux vraiment dire demain - il y en aura 12. Donc, nous sommes
forcés de nous défaire de nos réseaux. De quelle
façon traite-ton une clientèle lorsque l'on a de bons clients?
J'ai eu le plaisir d'être reçu par Hydro-Québec et,
à ce moment-là, on m'a indiqué que la raison pour laquelle
j'étais porté sur la main était que j'étais le
troisième plus gros client d'Hydro-Québec. J'ai été
en affaires et mes clients, je ne les traite pas comme ça. Que les
amendes auxquelles nous sommes assujettis soient abolies. À la limite,
et comme alternative, que l'on puisse aussi recevoir un boni, si nous
gérons bien; et nous croyons que l'on gère bien. Nous voulons et
exigeons d'être respectés comme nous l'avons mérité,
en étant en opération depuis plus de 100 ans. Notre
compétiteur est relativement un nouveau venu d'à peine 28 ans.
Nous l'avons créé, mais, maintenant, on se demande si nous
n'avons pas créé un monstre.
Un petit historique, M. le Président. En 1889, Joliette avait son
réseau d'électricité. En 1908, Sherbrooke municipalisait
le réseau existant et il est en place depuis plus de 100 ans - 102 ans,
pour être un peu plus exact. Nous avons la plus vieille centrale
d'hydroélectricité encore en opération au Québec
et, croyez-le, M. le Président, on fait de l'argent avec.
Au début, si on peut reculer un peu, la commission
hydroélectrique de 1944 établissait des taux de vente
d'électricité à nos réseaux et, à ce
moment-là, on mentionnait que l'électricité devait
être vendue en gros. Nous avons dû dépenser plusieurs
milliers de dollars, devant les tribunaux pour pouvoir comprendre,
réussir à comprendre et ou faire comprendre à
HydroQuébec que la vente d'électricité en gros... On a
dû prendre le texte anglais pour pouvoir le comprendre, c'était
"wholesale". Pour eux, "gros" voulait dire de la haute tension; ça nous
a coûté plusieurs milliers de dollars pour pouvoir apprendre que
ça voulait dire "wholesale". C'est ça que le législateur
voulait dire en 1944. En 1945, les coopératives ont été
incluses dans ces conditions-là. En 1978, M. le Président, il y a
eu un regroupement de réseaux d'électricité, qui, de
façon quasi prophétique, prédisait la disparition des
réseaux municipaux et coopératifs à moyen terme. Ils
avaient tellement raison. Il y a plus de 1000 réseaux municipaux et
coopératifs au Canada. Nous n'inventons ni ne voulons réinventer
la roue dans ce cas-là.
Depuis 1982, nous faisons la bataille sur un tarif approprié, un
tarif de redistributeur plus équitable que le tarif "L", qui est pour la
grande industrie. M. le Président, nous avons payé des amendes,
des pénalités, pas à peu près. Nos petits
réseaux ont payé plus de 19 00Q 000 $ d'amendes. Juste à
Sherbrooke, nous avons payé 5 700 000 $ d'amendes dans les cinq
dernières années. C'est épouvantable! Ce sont de bons
clients, ça les troisièmes meilleurs. Le gouvernement doit
intervenir, M. le Président.
Les réseaux municipaux et coopératifs sont un secteur
témoin des entreprises viables. Retenons que, de toute évidence,
notre présence agace Hydro-Québec. Plus encore,
Hydro-Québec a une attitude méprisante à notre
égard. Ce n'est pas pour rien que nous nous présentons, ici, ce
matin, regroupés en une association de redistributeurs
d'électricité. Il nous faut chercher à avoir du respect.
C'est difficile. Pourtant, nos réseaux sont propriété de
citoyens du Québec. Pourtant, nous avons une expertise certaine en
gestion et opération de petites centrales. Pourtant, nous sommes un bien
patrimonial - j'allais dire ancestral - des milliers de Québécois
répartis aux quatre coins du Québec. Je vous soumets bien
respectueusement que nous avons droit et que nous réclamons le respect
de notre entreprise, lequel respect nous vaudra aussi de la rentabilité,
et chose non négligeable, au contraire, un service très
personnalisé à nos clientèles respectives.
Nous avons aussi présenté dans le mémoire certaines
conclusions ou recommandations que l'on voudrait également discuter avec
vous. Et, dans ces recommandations, la recommandation 1 parle
précisément d'un secteur témoin décentralisé
de distribution d'électricité. Dans la recommandation 2, nous
voulons regrouper au sein d'une même unité administrative les
responsabilités associées aux diverses relations d'affaires. Je
ne sais pas si vous avez essayé... Probablement qu'en tant que
président, vous n'avez pas tellement de difficultés à
pouvoir atteindre les personnes à Hydro-Québec. Ce n'est pas
toujours facile pour nous. Et on se lance la balle. Donc, on voudrait, une fois
pour toutes, que l'on sache et qu'ils nous disent en tant que superbes clients
que nous sommes, avec qui allons-nous traiter et quand ils seront disponibles.
Peut-être qu'il y a quelque chose à faire et nous avons aussi
certaines suggestions que l'on pourrait vous faire pour remédier
à cette situation. Il y a toujours la question du tarif "L" ou un tarif
de redistributeur que nous cherchons, qui est le propos de la recommandation 3.
Dans la recommandation 4, nous voudrions tout au moins, avoir un comité
conjoint permanent pour étudier toute autre problématique au fur
et à mesure qu'elle se présente. C'est une "business" que nous
avons. C'est une "business" lucrative et elle appartient, je me
répète peut-être un petit peu, mais elle appartient
à de vrais citoyens du Québec qui ont payé pour et qui
sont en droit... Ce n'est pas malhonnête de faire des profits. C'est
ça qu'on veut faire aussi. Et, enfin, nous voulons avoir un moratoire
sur le nouveau tarif "L" qui nous est imposé et l'adoption d'un tarif de
redistribution. Le comité que nous suggérons qui soit
créé, M. le Président, pourrait se faire par un
représentant du gouvernement, un représentant, bien sûr,
d'Hydro-Québec et un repré- sentant de nos réseaux. Le
ministère de Mme Bacon est certainement celui qui est tout à fait
approprié pour siéger à un tel comité, afin qu'il
n'y ait pas de surprise et que, lorsqu'on présente une demande au
gouvernement, que l'on ait l'opportunité de pouvoir dire ce que l'on a
à dire. Des tarifs, on comprend très bien... On ne veut pas que
notre compagnie - c'est notre compagnie, Hydro-Québec aussi - on ne
voudrait pas qu'Hydro-Québec perde de l'argent. Mais, nous non plus, on
ne veut pas en perdre. Or, on a besoin de votre collaboration.
Un dernier petit cri du coeur, M. le Président. Demandez donc
à Hydro-Québec, une fois pour toutes, qu'ils reconnaissent qu'ils
ont décidé d'avoir notre peau. Rien de plus, rien de moins! C'est
une question pour le moins vitale qui sous-tend toutes les autres questions que
nous pouvons soulever ici et que l'histoire des 10 ou 15 dernières
années nous autorise à poser. Je vous remercie, M. le
Président, de votre bienveillante attention et de cette
opportunité de présenter notre point de vue.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
maire. Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. le maire, MM. les maires et
représentants de l'Association des redistributeurs
d'électricité du Québec, je voudrais d'abord vous
remercier de votre présence ici à cette commission et vous dire
aussi que j'apprécie le sens des responsabilités que vous avez
témoigné en vous présentant devant la commission
parlementaire, malgré les obstacles que nous traversons en ce moment. Je
voudrais remercier tous les autres maires qui sont ici avec vous. En fait, nous
travaillons tous pour les citoyens et les citoyennes du Québec.
Je vais vous poser juste quelques questions. Je sais que le
député d'Orford est très anxieux de continuer le
questionnement au cours de cette période qui nous est allouée. Je
voudrais vous demander... Je pense, vous le dites si bien, que vos
réseaux sont près des citoyens. Comment vos clients
réagissent-ils en ce moment à des programmes d'économie
d'énergie qui sont mis sur pied par Hydro-Québec? Est-ce que vous
sentez une réaction dans la population des citoyens qui sont près
de vous?
M. Pelletier: Effectivement, Mme la ministre, nous avons une
participation aussi très active dans nos réseaux. Donc, je peux
vous parler, bien sûr, avec plus d'aise du réseau de Sherbrooke.
Bien sûr que nous profitons et que nous regardons toutes les
opportunités pour pouvoir aller chercher des avantages dans
l'économie d'énergie et dans le contrôle de
l'énergie. C'est pourquoi on vous dit, avec un réseau de la
grosseur, par exemple, du nôtre... Nous avons huit centrales
hydroélectriques, dont la dernière acquise d'Hydro-Québec.
Donc, ce
n'est pas à peu près. Et elles sont toutes en bon
état. Puis elles marchent toutes. Alors, on utilise ces petits
réseaux-là pour pouvoir balancer l'achat
d'électricité à gros prix - quand même, c'est de
l'achat d'électricité que l'on fait d'Hy-dro-Québec - et
pour avoir aussi des programmes qui permettent de pouvoir réduire la
consommation et, surtout, utiliser la consommation d'électricité
en temps opportun, donc, dans les creux, si vous voulez, ou lorsqu'il y a
amplement d'électricité disponible. Nous injectons effectivement
beaucoup d'argent dans l'économie d'énergie, tant en
publicité qu'en équipement et en personnel, bien entendu.
Mme Bacon: D'accord. Vous mentionnez dans votre mémoire
que certains de vos réseaux exploitent évidemment des petites
centrales et vous détenez quand même une expertise qui est fort
intéressante dans ce domaine-là. Est-ce que certains de vos
réseaux désirent ou planifient de mettre en service d'autres
petites centrales?
M. Pelletier: Oui, madame. Effectivement, plusieurs
réseaux seraient en mesure et sont en discussion présentement
pour, soit la construction, la rénovation, retaper, si vous voulez,
certaines centrales désaffectées et nous sommes tous
intéressés à pouvoir améliorer le rendement de nos
usines. On se souviendra qu'en 1984, à Sherbrooke, nous avions deux
centrales qui étaient fermées. On disait qu'elles étaient
désuètes. Donc, il n'y avait plus rien à faire avec
ça. Nous avons rebâti nos usines, mis de nouvelles
génératrices dedans, des turbines, et ce sont des centrales
électriques qui sont aujourd'hui extrêmement performantes et dont
nous sommes très fiers. Mais cela arfive aussi dans d'autres
réseaux qui ont tout intérêt à vouloir faire revivre
des centrales qui ont été désaffectées et à
fournir de l'électricité à leurs concitoyens. Donc, c'est
dans l'intérêt de tout le monde.
Mme Bacon: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): M. le maire d'Alma
semblait avoir un complément de réponse. Est-ce que vous
désirez...
M. Tremblay (Nicol): Je voulais ajouter qu'un des projets, non
seulement dans le domaine hydroélectrique, mais également dans le
secteur de la cogénération... Je pense que Mme la ministre est au
courant
Mme Bacon: Oui.
M. Tremblay (Nicol): Je voulais savoir si c'était à
cette question de la cogénération qu'elle faisait
référence.
Mme Bacon: Non. Je faisais strictement allusion aux petites
centrales...
M. Tremblay (Nicol): Les petites centrales
hydroélectriques.
Mme Bacon: La cogénération, je pense que c'est
aussi important.
M. Tremblay (Nicol): Oui, çava.
Mme Bacon: Je ne minimise pas la cogénération, au
contraire. Je pense que, quand on parle en termes d'économie
d'énergie, on ne peut pas y aller sans s'avancer dans le domaine de la
cogénération.
M. Tremblay (Nicol): Je pense qu'à Aima on étudie
actuellement un projet de petites centrales.
M. Pelletier: Par exemple, Mme la ministre, nous avons fait
l'acquisition de la centrale Abénaki, d'Hydro-Québec. Depuis que
nous avons fait cette acquisition-là, le 1er janvier 1989, je crois,
nous y avons injecté beaucoup d'argent et elle produit à
capacité, chose qui n'existait pas avant. Et nous investissons 3 000 000
$ dans cette petite centrale-là, seulement dans celle-là.
Pourtant, elle existe depuis des années, cette centrale-là. Puis,
Hydro-Québec ne réussissait pas à la faire tourner. Nous
sommes des spécialistes de petites centrales. C'est simple. Eux autres,
disons que, à moins qu'ils veuillent nous vendre la Baie James, je crois
qu'on va quand même concentrer nos efforts sur les petites centrales,
mais on va être bons à faire ce que l'on fait et que nous
sommes... (11 h 15)
Mme Bacon: D'accord, je laisserai la parole...
Le Président (M. Bélanger): M. Veilleux, s'il vous
plaît.
M. Veilleux (Gilles): À Abénaki, la puissance va
passer de 2, 4 à 3, 1 mégawatts avec la rénovation.
Mme Bacon: Oui.
M. Veilleux: Et, cette année, nous sommes en appels
d'offres aussi pour ajouter un petit groupe alternateur à la centrale de
Weedon, qui va ajouter 300 kilowatts à la production de la centrale.
Juste pour compléter une réponse de M. Pelletier
tantôt concernant l'efficacité énergétique et les
économies d'énergie, la ville de Sherbrooke a investi près
de 2 000 000 $ pour la télécommande des installations de
biénergie. Dans l'implantation du tarif "DT", nous avions
évalué notre marché potentiel à 2000 clients qui
avaient le chauffage à l'huile et à l'électricité.
Quant à
l'implantation du tarif "DT", à la suite dune campagne de
télémarketing par téléphone, on a atteint 50 % de
notre marché potentiel; ça veut dire qu'on va avoir au moins 1000
clients qui vont être au tarif "DT". Ça dépasse, je pense,
de beaucoup ce que Hydro-Québec pense pouvoir faire. Nos clients sont
proches et ils adhèrent à nos objectifs d'efficacité.
Mme Bacon: Je vais passer la parole, soit à mon
collègue de Orford ou à celui de Saint-François.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: MM. les maires, MM. les directeurs
généraux de villes et directeurs généraux de
corporations d'électricité, bienvenue à cette commission
parlementaire. J'aimerais peut-être qu'on fasse un brin d'histoire pour
les gens qui sont venus ou qui ont commencé à s'éveiller
à l'histoire du Québec, comme moi, dans les années
soixante. Qu'est-ce qui se passe en 1962, quand René Lévesque et
Jean Lesage décident d'étatiser les compagnies
d'électricité? Qu'est-ce qui arrive de vos réseaux
privés à ce moment-là? Il y en a combien? Et comment se
fait-il qu'ils vont disparaître au cours de l'histoire?
M. Pelletier: Votre question s'adresse-t-elle à moi?
M. Benoit: Oui, M. le maire.
M. Pelletier: Bon. Voilà! Donc, lorsque
Hydro-Québec a été créée, à toutes
fins pratiques, il y avait, à ce qu'on a pu établir,
au-delà de 50 petits réseaux. Les réseaux, les directives
de l'époque étaient d'en faire l'acquisition, sauf lorsque l'on
traitait de municipalités et de coopératives parce que ça
appartenait déjà aux Québécois. Mais on a dit: On
ne veut pas que certaines petites compagnies fassent la passe
électrique, si vous voulez, avec les citoyens. Donc, de là,
c'était de l'expropriation de l'acquisition, par Hydro-Québec
pour, finalement, faire le gros et beau réseau que l'on
connaît.
Gros c'est beau, mais "small is beautiful" aussi. Donc, nous avons
toujours été épargnés. Nous n'avons pas
été menacés, sauf dans les dernières années.
Depuis 1977, à peu près, très subtilement, on baisse la
"profitabilité", on rend moins intéressant de travailler dans un
réseau, de vouloir l'améliorer. On baisse constamment le
rendement en argent, bien entendu, de nos réseaux. Donc, les gens se
découragent et disent: Finalement, tiens c'est la serviette que tu veux.
On la lance dans l'arène. Achetez-nous et au prix que vous voulez bien
nous payer. Nous, on n'est pas à vendre. On ne veut pas être
vendus.
M. Benoit: M. le maire, dans votre mémoire, vous revenez
souvent sur le tarif "L". Vous finissez, d'ailleurs, dans la dernière
recommandation de votre mémoire, en demandant, à la
recommandation 5 qu'il y ait un moratoire sur le tarif "L". Pourriez-vous
m'expliquer un peu ce que c'est, le tarif "L" et comment ça fonctionne?
Ou peut-être M. Veilleux?
M. Pelletier: Oui, j'aimerais que M. Veilleux touche à
ça, oui.
M. Veilleux: Le tarif "L", c'est un tarif qui s'adresse
fondamentalement à la grande entreprise, qui s'engage à utiliser
une certaine quantité d'électricité de façon stable
365 jours par année. Il y a de fortes pénalités dans les
quatre mois d'hiver de décembre, janvier, février, mars, si on
dépasse la quantité de puissance instantanée qu'on s'est
engagés à prendre. Et, par contre, en période
d'été, même si on n'utilise pas
d'électricité, on doit la payer quand même. Alors, c'est un
tarif qui s'adresse à la grande entreprise parce qu'elle peut, elle,
contrôler sa demande, baisser sa production en période d'hiver
pour chauffer, évidemment, et ne pas payer la pénalité de
15 $ à 16 $ le kilowattheure qui est maintenant imposée.
L'été, évidemment, l'entreprise continue de
fonctionner. Elle utilise toute son électricité. Les
réseaux municipaux, pas plus qu'Hydro-Québec, d'ailleurs, ne
peuvent couper les citoyens en période de pointe hivernale. Alors, ce
qui fait qu'elle paie de fortes pénalités, comme M. Pelletier l'a
dit tantôt. Dans les cinq dernières années, c'est
au-delà de 19 000 000 $, d'hiver et d'été, parce que
l'été on n'utilise pas, on n'achète pas
d'électricité à Hydro-Québec, les citoyens n'en
consomment pas, et nous la payons quand même à Hydro-Québec
puisque notre contrat nous y oblige. Alors, c'est la particularité d'un
tarif "L", qui, théoriquement, sous-tendrait qu'on pourrait, nous
autres, limiter notre consommation en période d'hiver, alors qu'Hydro
Québec ne peut pas le faire. Évidemment, il y a des efforts de
faits pour l'implantation du tarif "DT", mais il reste quand même que
nous vivons dans un pays où il y a un hiver, où il y a beaucoup
de chauffage en hiver, et le tarif "L", pour nous, est extrêmement
pénalisant. Ce qu'on en sait aussi c'est que, du côté de la
grande entreprise, il y aurait très peu de pénalités qui
seraient payées; c'est un tarif qui leur convient, mais qui ne convient
pas aux réseaux municipaux et coopératifs.
M. Benoit: Merci. On a eu des groupes qui sont venus nous voir
à la commission parlementaire et je pense à l'un d'entre eux, les
ACEF, qui représentait les gens les plus démunis qui ont de la
difficulté, souvent, à payer, en plein hiver, leurs factures
d'Hydro-Québec. Quelle est l'approche que vous prenez, vous autres,
quand vous gérez ces problèmes-là dans vos
municipalités et
régions respectives?
M. Veilleux: Les politiques, de façon
générale, d'après ce qu'on peut voir en se parlant entre
réseau des municipaux, dans la mesure du possible, les réseaux
municipaux, encore là, sont proches des citoyens; les réseaux
favorisent des ententes de paiement de façon très très
poussée, dans la mesure du possible encore, et aussi, dans la
période hivernale, ils essaient de ne pas imposer de coupures. Il est
évident que, en fin de compte, un abonné qui ne paie pas son
électricité, c'est une perte pour le réseau, mais la juste
part est faite, évidemment, puis les élus municipaux qui sont
proches de leurs citoyens sont là pour intervenir pour que cette juste
part, je dirais, ce juste équilibre se fasse.
M. Pelletier. Si vous le permettez, M. le Président, juste
pour compléter, on vient tout juste de faire état de mauvaises
créances. Hydro-Québec n'a jamais eu de mauvaises créances
avec nous. Nous absorbons les pertes de mauvaises créances à
l'intérieur de nos réseaux. Puis, quand Hydro-Québec nous
envoie une facture, elle sait qu'elle va être payée. Il n'y en a
plus, de risque; elle a éliminé le risque. Quelle "business" ne
serait pas heureuse d'être assurée de ne jamais perdre d'argent en
mauvaises créances? C'est bon, heinl
M. Benoit: Les gens qui sont desservis par vos réseaux
sont-ils heureux d'être desservis par vous? Est-ce que la qualité
est identique à ce que j'aurais dans ma maison qui est desservie, moi,
par Hydro? Est-ce que c'est la même qualité de service?
Êtes-vous, aussi rapide qu'Hydro, quand il y a une panne
d'électricité... Est-ce que le courant est à la même
amplitude? Parlez-moi un peu du service que vous donnez à vos gens.
M. Pelletier: M. Benoit, j'aimerais...
M. Benoit: Ils sont 13 013 à Hydro, 12 012 à Hydro,
ils doivent donner du bon service; vous autres, vous êtes une petite
"gang", hein!
M. Pelletier: Dans notre regroupement, nous avons environ 125 000
à 130 000 clients, aussi. Et j'aimerais vous dire que l'on a un aussi
bon service qu'Hydro-Québec, mais je mentirais. Nous avons un service
extrêmement supérieur à HydroQuébec. Donc, le
service que nous offrons à notre clientèle... Nous invitons, bien
sûr, HydroQuébec à venir voir de quelle façon on le
fait. Peut-être qu'elle pourrait améliorer ses services dans ses
opérations. Ce n'est pas pour rien qu'on fait des profits, c'est parce
qu'on gère bien. En 1983, juste à Sherbrooke - je cite Sherbrooke
souvent, je suis maire de Sherbrooke - nous avions 43 000 clients. Nous avons
présentement plus de 61 000 clients. Oui, on fait du marketing; oui, on
fait de la vente, de toutes les façons que l'on peut. C'est une
"business" qui doit tourner des profits. Puis, la partie qui nous fatigue,
c'est que chaque fois que l'on commence à sortir un peu, on nous tape
dessus, puis on dit: Une minute, vous commencez à faire de l'argent! Il
va falloir vous couper ça, là! C'est ça qui est
inacceptable.
Oui, on a un excellent service, M. Benoit, puis on se propose de
continuer d'avoir ce service-là. Mais, pour pouvoir offrir un service
comme ça, ça nous prend des profits, lesquels profits on
réinjecte dans notre système, on améliore notre
réseau, on fait du marketing. On améliore, par exemple, le
système de délestage de charge, etc., pour pouvoir faire des
économies d'énergie et mieux utiliser nos ressources naturelles.
Nous avons un excellent réseau et nous avons une clientèle
à qui nous envoyons des factures, nous autres aussi. C'est comme pour la
taxation, ça, ils ne sont pas nécessairement des plus heureux,
mais ils sont heureux du service.
M. Benoit: Vous avez mentionné des pénalités
tantôt, des sommes qui étaient très élevées.
Si ces pénalités-là étaient
éliminées, j'imagine que le discours d'Hydro, c'est que vous ne
feriez pas les efforts, dans les périodes de pointe, pour aider à
abaisser... On sait que ce qui coûte très cher, au niveau de
l'hydroélectricité, c'est la période de pointe. Quel genre
d'efforts feriez-vous, s'il n'y avait pas cette
pénalité-là qui vous est imposée en ce moment?
M. Veilleux: En fait, ce qu'on pense, nous autres, c'est qu'il y
a moyen de s'entendre avec Hydro-Québec sur la façon
d'améliorer aussi l'efficacité énergétique dans
chacun des réseaux et d'avoir des initiatives incitantes plutôt
que pénalisantes. Je pense que tous les gestionnaires de réseaux,
les élus municipaux, les coopératives, les propriétaires
de la coopérative de Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville sont tous des
citoyens consciencieux aussi. Et tout le monde veut embarquer dans le mouvement
d'efficacité énergétique, sauf que la façon de le
faire peut varier et pourrait être discutée avec les
représentants des réseaux afin que, au lieu d'être
pénalisante comme elle l'est - comme je le disais tantôt, dans les
tarifs "L", à peu près seulement les réseaux municipaux et
coopératifs paient des pénalités - d'avoir quelque chose
qui incite plutôt que quelque chose qui vient gruger dans les profits,
alors que, comme Hydro-Québec, on frappe, je dirais, un "bottleneck" -
excusez l'expression anglaise -dans le sens qu'Hydro-Québec ne peut
couper ses clients aux périodes hivernales, nous ne ne pouvons le faire
non plus. Alors, il faut penser ensemble quelque chose d'original pour
travailler dans la même direction et non les uns contre les autres.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si je
mets mon chapeau de député de Laval-des-Rapides... Si j'ai
bien compris, vous me dites que, quand vous êtes efficaces, vous
êtes pénalisés.
M. Veilleux: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que c'est
ça que ça veut dire?
M. Veilleux: C'est ce que ça veut dire.
Le Président (M. Bélanger): Donc, il n'y a pas
d'intérêt à être efficace pour vous autres.
M. Veilleux: Sauf notre volonté de bons citoyens. Comme je
le disais tantôt, si nos clients arrêtent de consommer,
évidemment, nos profits diminuent.
M. Pelletier: M. le Président, vous êtes avec le
gouvernement depuis longtemps et vous savez comment ça marche. Lorsque
l'on donne des contrats pour construire des ponts, par exemple, on a des
amendes de prévues parce qu'il faut que ce soit terminé à
une telle date. Mais aussi, on a la carotte au bout du bâton: Si vous
finissez avant telle date, nous allons vous donner un petit avantage.
Le Président (M. Bélanger): Et c'est dans ce
sens-là que je dois comprendre votre intervention de tout à
l'heure.
M. Pelletier: C'est ça.
Le Président (M. Bélanger): Qu'on ait des bonis si
on est bon gestionnaire.
M. Pelletier: Bien, voilà. Donc, si on est pour nous
pénaliser pour ne pas performer, donnons-nous un bonbon pour avoir
performé. Et on performé très bien. Écoutez, si
l'amende est correcte, le boni est correct aussi. Si le boni n'est pas correct,
l'amende non plus.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous remercie.
M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Je dois conclure de
vos propos, M. Pelletier, que, règle générale, vos
réseaux, vos membres affiliés sont efficaces, font des profits
avec le réseau de distribution.
M. Pelletier: Généralement, oui.
M. St-Roch: Dans un contexte de gigantisme qu'on reconnaît
à Hydro-Québec... J'ai cru déceler que vous y avez un peu
touché à la page 8 de votre mémoire lorsque vous vous
référez, en comparaison avec Hydro-Ontario, au niveau de la
distribution, qu'on laisse davantage...
M. Pelletier: Oui.
M. St-Roch: I riez-vous aussi loin que de recommander à la
commission qu'on regarde Une certaine décentralisation vers de plus en
plus de partenaires tels que vos organismes pour assurer la distribution au
Québec?
M. Pelletier: Certainement que ça vaudrait la peine
d'approfondir le sujet et de peut-être mieux connaître... On sait
que c'est ce qui se passe en Ontario; ça ne veut pas dire que c'est le
bonheur total, non plus, en Ontario. On le sait qu'on est beaucoup mieux au
Québec. Mais, de toute façon, certainement qu'on pourrait
regarder de quelle façon Hydro-Québec pourrait être
comparable au gros réseau qu'est HydroOntario. Et peut-être qu'il
y a avantage à avoir des petits réseaux qui se contrôlent
plus facilement et qu'on puisse se permettre d'avoir, justement, le marketing
que je vous ai mentionné tout à l'heure, être proche de la
clientèle, connaître à fond notre réseau, savoir
où sont les situations problématiques. Il y aurait avantage
à regarder ce qui pourrait être fait comparativement à
l'Ontario.
M. St-Roch: Et ma dernière question, M. le
Président. On nous a beaucoup parlé ici, dans d'autres groupes
qui sont intervenus, des délais de raccordement. Est-ce que vous avez
des comparaisons avec Hydro-Québec, vos réseaux, au niveau du
raccordement de nouveaux abonnés?
M. Veilleux: Je peux répondre pour Sherbrooke et laisser
mes collègues qui sont ici, de Westmount et Alma... En ce qui concerne
Sherbrooke, les délais, c'est le lendemain ou le surlendemain, il n'y en
a pas. Nous autres, nos techniciens, quand il s'agit des prolongements de
réseau, je dirais que c'est quasi instantané. On partage, on fait
évidemment l'usage conjoint de nos poteaux avec Bell-Canada. Et dans
certains cas, évidemment, Bell, c'est dans leur territoire de planter
et, dans certains cas, on attend après eux. Mais dans le cas
d'Hydro-Sherbrooke, il n'y a pas de délai. Je veux dire qu'un
raccordement, c'est la journée, le lendemain ou le surlendemain.
Lorsqu'il s'agit d'un prolongement de réseau, si l'entrepreneur, le
promoteur d'un développement domiciliaire se présente à
temps, il n'y a pas de délai. Il n'y a pas de délai, le
réseau est installé avant que le citoyen, sa maison soit
bâtie. Westmount. (11 h 30)
M. Ponzo (Danny): Je suis de Westmount. Il n'y a plus de
développement à Westmount, comme vous le savez. C'est dans le
centre-ville de Montréal, alors, il n'y a plus de nouvelles maisons; il
y en a quelques-unes, mais on peut dire que le raccordement se fait assez vite.
Je ne sais pas les délais dont vous parlez du côté
d'Hydro-Québec, mais chez nous on a quelques
représentants qui sont toujours en communication avec les
constructeurs qui rénovent les maisons.
Le Président (M. Bélanger): J'ai juste une question
qui peut avoir l'air bien stupide, mais je ne vois pas de barrages dans
Westmount. Comment est organisée votre structure? Ça m'intrigue
depuis tout à l'heure. C'est évident pour Alma, Sherbrooke, je
les connais, mais chez vous.
M. Ponzo: À Westmount, on ne génère pas
d'électricité. D'ailleurs, il y a trois ou quatre réseaux,
je crois, qui génèrent de l'électricité parmi les
12 qui forment l'association. Nous, on est simplement assujettis au tarif "L"
directement et tous nos achats sont faits d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Bélanger): O. K., je vous
remercie.
M. Tremblay (Nicol): Les barrages qui sont à Alma
appartiennent tous à Mean, alors nous aussi, à Alma, on est
uniquement redistributeurs de l'électricité qu'on achète
d'Hydro-Québec, même si elle nous est fournie par Alcan qui
échange avec Hydro-Québec pour d'autres villes, d'autres usines.
Mais on ne produit pas encore d'électricité.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Vous
excuserez mon ignorance dans le dossier.
M. Veilleux: Pour votre information, il y en a trois qui ont des
centrales qui opèrent à pleine capacité. Il s'agit de
Sherbrooke, Magog et Coaticook. Belleterre a son barrage qui fonctionne et se
prépare à le rénover. Ils devraient normalement vendre de
l'électricité à HydroQuébec, une fois cette
centrale rénovée. Jonquière se prépare aussi
à rénover sa centrale. Ce sont les cinq qui ont des centrales
hydroélectriques actuellement.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de vous recevoir devant la commission et de vous souhaiter la bienvenue
parmi nous. Je trouve votre approche excessivement intéressante quant
à la gestion, la répartition, je dirais aussi des
bénéfices d'opération, directement dans le milieu, quelque
chose qui est très terre à terre et très proche de la
population. Sauf que je dois vous avouer que j'ai un petit problème
quelque part et j'aimerais vous entendre là-dessus. Par exemple, M.
Pelletier, vous venez de dire, suite à une question qui a
été posée par nos collègues ministériels,
qu'on aurait avantage à regarder la multiplication de ce genre de
réseaux à travers le Québec et que peut-être on y
gagnerait globablement. Moi, je veux bien, sauf que, rapido, si je regarde
ça, il est évident que là où ça devient
intéressant, il y a des concentrations de population suffisamment
importantes, etc. où on peut penser à une économie
d'échelle locale. Il est évident que c'est clair, c'est
intéressant pour les municipalités ou des coopératives de
prendre la gestion de ces réseaux-la et, finalement, de faire les
bénéfices à la place d'Hydro-Québec, dans la
distribution au résidentiel.
Si on pousse là-dessus ou si on facilite, d'une certaine
façon, la création ou l'émanation d'un nouveau
réseau semblable au vôtre, on risque de se retrouver, un jour ou
l'autre, avec une compagnie qui s'appelle Hydro-Québec qui est
propriétaire d'immenses barrages, de grosses infrastructures,
excessivement coûteuses, mais qui, finalement, ne va avoir comme clients,
à toutes fins pratiques, que ceux qui sont les moins rentables parce
qu'il n'y a personne qui est intéressé à avoir des
réseaux locaux pour les desservir. A ce moment-là, ces
gens-là risquent d'être probablement défavorisés en
termes de tarification aussi. Parce que ça crée une tarification
à la hausse, une pression à la hausse, si Hydro-Québec a
moins de clients au tarif petite, moyenne puissance et résidentielle, et
par le fait même, que les bénéfices de la distribution
d'électricité ne reviennent pas à Hydro-Québec,
mais vont à des réseaux locaux. Est-ce que vous ne pensez pas
qu'on risque de se retrouver dans une drôle de situation si jamais on
accentuait dans ce sens-là?
M. Pelletier: Si je ne m'abuse, HydroQuébec prétend
que de vendre à des résidences, ce n'est pas payant, c'est une
perte pour eux. Dans notre cas, on fait de l'argent avec. Il y a une raison
pour ça. C'est bien évident que... Mais ce que j'ai
mentionné aussi tout à l'heure était à l'effet que,
oui, ça serait intéressant de regarder quelles sont les
opportunités qui se présentent. Est-ce qu'il y aurait une
opportunité, par exemple, de remettre, sans que ce soit à
l'entreprise privée, à l'entreprise municipale, si vous voulez,
il y a bien des municipalités qui seraient très
intéressées à devenir des redistributeurs. Si
Hydro-Québec vend, elle n'est pas obligée de vendre son
électricité à perte. Qu'on puisse l'acheter à un
certain taux qui leur permet un "break even" si vous voulez, et de pouvoir...
un "break even" ou une marge de profit, parce que, disons qu'il faut
réinvestir dans le réseau, de la même façon que
nous, on est obligés de réinvestir dans le réseau. Donc,
il faut aller chercher l'argent quelque part. Nos profits... Même si les
profits semblent élevés, on en remet... On peut faire 7 000 000
$, 8 000 000 $ par année. Si on en remet 3 000 000 $ à 4 000 000
$ dans le réseau, il en reste moins épais.
M. Claveau: Alors vous nous dites finalement
qu'Hydro-Québec... De toute façon, dans les
chiffres d'Hydro-Québec, on sait que le tarif Qrande puissance
est plus rentable que le tarif résidentiel. Et on parle souvent
d'interfinance-ment parce que certains, enfin, trouvent qu'ils paient trop cher
par rapport à d'autres qui ne paient pas assez cher au niveau
résidentiel. Alors vous, vous nous dites, finalement,
qu'Hydro-Québec aurait avantage à vendre globalement à des
tarifs du genre grande puissance ou des tarifs qui seraient ajustés
selon les besoins spécifiques des revendeurs d'électricité
comme vous l'êtes. Et, à ce moment-là, il serait plus
intéressant pour l'ensemble de la collectivité
québécoise que tout le service à la clientèle
résidentielle qui, finalement, n'est pas payant pour
Hydro-Québec, soit géré localement.
M. Pelletier: Ce que je vous dis, disons que je ne
prétends pas avoir cette science-là complètement infuse.
Je dis que ça serait intéressant de le regarder. Et je suis
certain que vous aussi vous aimeriez avoir la vraie réponse. Dans le
moment - et c'était la question de M. St-Roch - nous avons une
opportunité qui pourrait se présenter, et on pourrait voir s'il y
a effectivement une rentabilité de pouvoir faire tel qu'Hydro-Ontario.
C'était ça qu'était ma question.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le maire
Tremblay, vous vouliez ajouter quelque chose tout à l'heure. Je
m'excuse. Je dormais sur la "switch" comme on dit en bon français.
M. Tremblay (Nicol): Ce n'est pas grave. À la question du
député d'Ungava sur le principe de la décentralisation et
de la multiplication des réseaux municipaux, personnellement, je serais
porté à dire oui, un peu comme... Tout le monde est pour la
vertu. Dans la pratique, cependant, il faut savoir que nos réseaux
continuent à faire un certain niveau de profits qui sont
décroissants continuellement, mais continuent à faire un certain
niveau de profits pour deux raisons principales: la première c'est que,
dans le cas d'Alma, par exemple, depuis 1925, on a investi dans ce
réseau-là. Nos citoyens se le sont payé, ce
réseau-là, à même ses profits bruts, paie ses
rénovations de façon constante de telle sorte qu'il n'a
pratiquement pas une cenne de dette actuellement. Alors ça aide à
maintenir le niveau de profits.
Et, deuxièmement, on a une expertise de gestion de longue date
que des nouvelles municipalités n'auraient pas. On a surtout une
expertise de maquisards à l'égard d'Hydro-Québec parce
qu'on se bat de façon constante pour maintenir nos niveaux de profits
pour éviter d'être obligés de vendre à
Hydro-Québec, vendre nos réseaux à Hydro-Québec
à des prix de famine. Et c'est un peu, actuellement, par rapport
à la baisse des profits, nous enlever le capital qu'on s'est
payé, que nos citoyens se sont payé depuis plusieurs
années. C'est contre ça qu'on se bat. Si on s'en va dans la
décentralisation ou la multiplication des réseaux municipaux, il
faudra que la mentalité change à Hydro-Québec d'une
façon complète. Il faudrait qu'elle change tout de suite, mais
encore plus si on s'en va sur la multiplication des réseaux
municipaux.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. Veilleux.
M. Veilleux: ...aux membres de l'Opposition dans leurs questions,
mais M. Pelletier a parlé moins de 15 minutes, alors on a
peut-être un petit peu de jeu. C'est qu'il y avait un tableau graphique
qui était très illustrateur qu'on avait préparé. On
pensait pouvoir le donner au début. Finalement, ça a
commencé très vite. Est-ce qu'on peut le distribuer?
Le Président (M. Bélanger): Vous pouvez le
déposer maintenant. Oui.
M. Veilleux: Ça compléterait... Le
Président (M. Bélanger): Oui. M. Veilleux: ...la
question de...
Le Président (M. Bélanger): II n'y a pas de
problème. Le secrétaire de la commission va en distribuer
à tout le monde.
Une voix: Oui.
M. Claveau: Est-ce que vous avez des explications à nous
donner tout de suite?
M. Veilleux: Oui, mais pendant que le tableau vous est
distribué, je vais vous le mentionner, vous allez le retrouver. On a
démontré, sur ce graphique très synthétisé,
la baisse des profits bruts, uniquement. Alors le prix d'achat d'énergie
et le prix de vente de... nos achats d'énergie et nos ventes
d'énergie. Et vous allez voir dans le document qu'entre 1981 et 1989,
l'ensemble des réseaux ont connu une baisse de leurs profits bruts de 34
% à pas tout à fait 28 %. Alors c'est le premier tableau qui
s'appelle "Évolution des profits, réseaux": Alors les profits
bruts... la première ligne du haut qui comprend la ville de
Sherbrooke... En moyenne, les réseaux ont vu leurs profits bruts baisser
de 34 % à 27,5 %. Il y a une ligne particulière pour Sherbrooke,
et vous allez comprendre, par ce qui a été dit auparavant, que
Sherbrooke, étant donné le délestage des charges,
étant donné la production de ses centrales, paie beaucoup moins
de pénalités, en proportion de ses achats, que les autres villes.
La ville d'Amos a payé plus en pénalités qu'elle n'a eu de
profits bruts l'an dernier. Alors le taux de pénalités par
rapport aux achats passe de 3 % à 108 %; 3 %, c'est la ville de
Sherbrooke à cause de son délestage de
22 mégawatts, la production de ses centrales, de 18
mégawatts. Alors on coupe notre pointe de 40 mégawatts; de 345,
on aurait eu 385 mégawatts de puissance. Donc, 40 mégawatts
à 16 $ du kilowatt, c'aurait été une
pénalité absolument effroyable. Alors, notre taux de
pénalité ' est moins élevé à Sherbrooke;
à Amos, c'a été au-delà de quelque 400 000 $, plus
que leur profit brut. Alors, si vous excluez Sherbrooke et vous prenez la ligne
du bas, vous voyez que, dans les autres réseaux municipaux et
corporatifs, le taux de profit brut est passé, la marge de profit brut,
de 33 % à 23 %, dans les derniers huit ans seulement.
Le tableau subséquent vous explique les pénalités,
la croissance des pénalités. Et, encore là, on a fait une
moyenne sans Sherbrooke et une moyenne avec Sherbrooke. La ligne du haut
comprend Sherbrooke. C'est en millions de dollars. Alors, c'est par
année, 2 400 000 $, ça descend un peu et ça remonte
jusqu'à 3 600 000 $ en 1989. Avec Sherbrooke, évidemment, la
moyenne est moins élevée parce que nos pénalités
sont moins élevées, parce que, évidemment, on a des moyens
d'écrêter nos pointes. À Sherbrooke, on fait même
appel aux génératrices diesel, des stations de pompage de la
ville pour nous donner de l'électricité en période de
pointe pour couper nos pointes. Alors, c'est les tableaux les plus
illustrateurs qu'on voulait vous soumettre.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, le
document est déposé. M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, si je comprends bien les
maires, Hydro-Québec veut votre bien et elle est en train de
l'obtenir.
Une voix: Elle va l'obtenir.
M. Bourdon: II y avait 25 réseaux en 1978, il y en a 13
maintenant. Donc, ce qu'on peut penser dans le fond, c'est que
l'électricité, comme le téléphone... dans une
société libérale, il faut toujours regarder de près
quand on donne un monopole d'un service public essentiel,
téléphone autant qu'électricité. A cet
égard-là, on est plusieurs à penser qu'Hydro-Québec
a de plus en plus un comportement d'État dans l'État et qu'il
faut trouver des contrepoids et se donner des garanties que l'entreprise soit
efficace et soit respectueuse des consommateurs et d'entités comme les
vôtres. Je pense que, à cet égard-là, il y a une
piste, dans la réflexion que nous suggère le maire de Sherbrooke,
de regarder la possibilité - je ne dis pas que j'engage ma formation -
de décentraliser vers d'autres réseaux publics. La privatisation
de l'électricité, il y aurait une levée de boucliers
fondée dessus, mais de peut-être rapprocher davantage la
distribution des clients. En matière de conservation de
l'énergie, c'est peut-être à regarder aussi. Mais
entre-temps, pendant que cette réflexion se fait, je pense que ce qui
urge, c'est de voir à ce qu'Hydro-Québec ne vous avale pas.
Je connais un peu la logique économique, c'est David contre
Goliath, le combat qui est fait. Le maire d'Alma pariait du maquis, c'est
sûr qu'il y a une disproportion dans les moyens. À cet
égard-là, la question que je vous poserais, parce que vous
suggérez, en fait, à l'Etat, au gouvernement, d'intervenir dans
votre relation avec Hydro-Québec pour obtenir un peu plus de justice,
est-ce que vous envisageriez également une mesure comme de soumettre vos
différends avec Hydro-Québec à un arbitrage quelconque? Je
pense à la Régie des services publics ou un autre moyen. Ce qui
me frappe, c'est qu'il ne s'agit pas non plus... Comment dire? Je ne
prête pas de mauvaise foi patente à Hydro-Québec, mais si
l'entreprise publique vous conçoit comme des concurrents, bien
là, elle a le monopole de la distribution du courant électrique.
En tout cas, ce que j'ai vu, à l'occasion, c'est que quand on a un
pouvoir dans notre économie, on s'en sert et on l'exerce. Alors, est-ce
que ce serait une piste à envisager là de trouver comme un
arbitre, un tiers pour que vous ne soyez pas à la merci du monopole
public là qui est Hydro-Québec?
M. Pelletier: Je vois plusieurs questions dans vos propos.
Lorsque j'ai mentionné, tout à l'heure, de l'expropriation
déguisée là, c'est ça qui arrive. Lorsque vous
voyez, par exemple, Amos qui se voit payer plus en amendes qu'il a fait en
profits. Quand on achète une compagnie, on fait quoi? On regarde la
profitabilité de la compagnie et c'est là-dessus qu'on base son
prix d'acquisition. C'est normal. Dans ce cas-là, vous avez perdu 6 % ou
8 % l'an passé, vous n'allez pas me faire accroire que votre compagnie
est bien bonne à acheter. Donc, presque n'importe quel prix devient un
bon prix. Lorsque vous parlez, par exemple, d'un regroupement ou d'un genre de
commission qui pourrait faire l'étude de grief, ce que l'on veut, on
veut qu'Hydro-Québec nous parle; qu'ils arrêtent de nous dire
comment on est fins, que l'on est d'excellents clients. Je crois bien qu'on est
d'excellents clients, on paie "cash" tout le tempsl On ne retarde jamais les
paiements. On n'a jamais de mauvaise créance. On est du bon monde
à avoir comme clients. (11 h 45)
Donc, si on pouvait avoir le comité que l'on suggère qui
serait formé, oui, on veut parier à Hydro-Québec. De
grâce laissez-nous leur parier et que l'on ait, par exemple, quelqu'un du
ministère de l'Énergie qui y siégerait et nous aussi on
aurait un représentant afin que lorsque ça arrive, ici, à
vous, peut-être disons que ça sera un petit plus logique la
présentation. Et l'illogisme, on en voit aujourd'hui un exemple. Ils
disent: On va augmenter les taux d électricité de 8 %.
Mais vous autres, les petites centrales, les petits redistributeurs, vous ne
pourrez pas augmenter vos ventes, le prix de vente de plus de 7,5 %. Donc, plus
qu'on en achète, plus que l'on perd relativement. Au moins si vous
dites: On augmente de 8 % et vous pouvez aller chercher le 8 % en augmentation.
Donc, on fait exprès là. On dit: Vous n'allez pas chercher
l'augmentation. Si ce n'est pas de l'expropriation déguisée,
c'est très proche.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, je pense que ce que vous venez de dire est tout
à fait pertinent. Dans le fond, le problème que vous avez c'est
que vous dégagez vos marges de profit uniquement de la différence
entre le tarif "L" et le tarif "G". Les différents tarifs de
résidentiel, vous êtes obligés de respecter tous les
tarifs. Moi, ce qui me surprend c'est que cette différence-là
entre les deux tarifs est suffisante pour vous assurer une opération
saine et même des profits, alors qu'à Hydro-Québec, on
prétend qu'à peu près tout ce qui est supérieur
à "L" ou à moyenne puissance, c'est de moins en moins rentable.
Est-ce que c'est là-dessus que vous autres vous faites vos profits?
M. Pelletier: C'est sur ça que Ton fait nos profits. Le
coût d'acquisition d'électricité est dans le tarif "L", est
dans les meilleurs taux. On s'est battu pour, depuis 1978 ou à peu
près, avoir un taux de redistributeur. C'est ça que nous sommes,
des redistributeurs, mais tel que la loi le disait à l'époque et
je l'ai mentionné: Nous étions des "wholesalers". Donc, on
revendait à profit. Lorsque vous dites de quelle façon nous on
peut générer des profits, je vous ai mentionne que nous sommes
plus efficaces qu'Hydro-Québec. Bien, nous avons réduit les
effectifs chez nous, tout au moins. Nous avons réduit les effectifs
d'une façon appréciable et on a dit: Maintenant, vous allez
performer. En d'autres mots, ce n'est pas si gros que l'on ne puisse pas
connaître tout le monde qui est dans le système, qu'on ne peut pas
savoir ce qui se passe dans le système. On le suit de très proche
et, même à ça, des fois, on se fait faire. Mais, au moins,
on a une meilleure chance de pouvoir déceler où sont les endroits
où on perd. On a automatisé énormément, on a
effectivement réduit les effectifs et on a augmenté la
profitabilité. Mais, lorsqu'on a une petite "business", on est capable
de contrôler certains de ces éléments, comme ça,
alors que si on a une énorme entreprise... et on parlait de 12 012 il
n'y a pas tellement longtemps, mais là, on est rendus à quelque
20 000, et grossissant.
M. Veilleux: Juste pour compléter...
M. Claveau: Comment est-ce que vous vous retrouvez...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava, il y M. Veilleux qui...
M. Veilleux: Juste pour compléter la réponse de M.
Pelletier, c'est que, dans les services municipaux et la coopérative,
évidemment, c'est sûrement semblable, dans un autre ordre de
grandeur, c'est que les conditions de salaire, les conditions de travail du
personnel sont comparées avec celles des autres services municipaux. La
structure administrative est aussi semblable à celle des autres services
municipaux. Tout se fait, finalement, par comparaison.
Si je prends un exemple: probablement que, dans la grande
majorité des cas, les cadres de la ville de Sherbrooke ne sont pas
payés en surtemps. À Hydro-Québec, les cadres sont
payés en surtemps. Si vous additionnez l'ensemble de ces conditions de
travail et tout, c'est ce qui fait que, finalement, les réseaux
municipaux font des profits malgré tout, malgré qu'ils en font de
moins en moins, comme vous pouvez le voir sur les graphiques, au
départ.
M. Claveau: Comment vous vous retrouvez dans tout ça, par
exemple, quand Hydro-Québec vous oblige à appliquer des
programmes, genre programmes généraux pour l'ensemble du
Québec, au niveau de la biénergie, par exemple, ou
qu'Hydro-Québec, de par certains programmes, vient vous enlever des
clients comme le Centre universitaire de Sherbrooke ou le centre hospitalier?
Quelle est votre réaction et quelle est l'importance de ces
opérations-là, je dirais opérations commando
d'Hydro-Québec, à l'intérieur de votre gestion?
M. Pelletier: C'est exactement ça. Je vais juste prendre
une partie de la question. Sur les programmes, M. Veilleux pourra vous
répondre. Mais, pour ceux qui ne le savent pas, le CHUS à
Sherbrooke, C-il-U-S, nous desservions le CHUS. On avait une ligne
électrique qui y allait, mais puisque c'est un hôpital, il faut
mettre un "backup". Ça en prend une deuxième. On la construit.
Puis, quelques années après, mais très peu d'années
après, Hydro-Québec dit: Non, non. Nous allons desservir le CHUS,
et ils passent à l'extérieur de notre territoire pour venir
monter une ligne électrique pour plusieurs milles. Si ce n'est pas du
gaspillage, c'est proche. Au moins, ils auraient pu louer nos lignes. De
là, nos lignes, il n'y a plus de courant qui passe dessus.
Hydro-Québec a ses lignes, puis, dans le moment, je ne suis pas
sûr qu'elles sont bien bien utilisées parce qu'ils ont encore
changé de coeur sur la fourniture d'électricité.
Mais nous, on se réveille avec deux lignes qui ne sont même
pas amorties, qui sont là qui attendent que l'on passe du courant
dedans. On a
trouvé ça un coup bas. Lorsqu'on vient desservir, par
exemple, des gros clients à l'intérieur de la ville en disant:
Nous, on peut vous faire un meilleur "deal" que Sherbrooke. On passe dans notre
territoire, American Biltrite, et on passe sur notre territoire et on dit: On
va vous vendre de l'électricité. Passez-la sur notre
réseau. Donnez-nous une chance de faire quelques cents. Au moins si on
ne fait pas une fortune avec, que l'on fasse une petite marge, que l'on puisse
garder notre réseau en santé. Ce n'est pas malhonnête
ça.
C'est la seule chose qu'on demande. Donnez-nous une chance de vivre et
arrêtez la descente du graphique. Donnez-nous une chance de parler
à Hydro-Québec et, si nécessaire, imposons à
Hydro-Québec de nous parler avant de faire des recommandations. Lorsque
ça vous arrive ici, je comprends que les recommandations, disons que
ça vient d'Hydro-Québec, c'est fort Hydro-Québec. Nous
autres on est faibles, peut-être, mais on n'est pas mort, soyez-en
assurés. C'est pour ça qu'on veut se battre.
M. Veilleux: Juste pour vous donner des chiffres concrets, pour
compléter l'argumentation de M. Pelletier. Les ventes d'énergie
excédentaire, les rabais, au lieu d'être donnés aux
réseaux municipaux ont été donnés directement aux
entreprises. Dans les cas où les entreprises ou les commerces, les
institutions étaient situés dans nos réseaux respectifs,
on a embarqué, la ville de Sherbrooke a embarqué dans ces
ventes-là, mais il reste que le prix d'achat d'électricité
était plus élevé que le prix de vente pour une grande
période. Et comme ce prix de vente est ajusté au prix du
pétrole, pour quelques mois l'an passé, il est devenu
supérieur, mais de toute façon il est redevenu maintenant
à un 0,001 %, donc, un millième de cent de profit sur nos ventes
d'énergie excédentaire, ce qui est loin de couvrir nos frais
d'opération, nos frais de gestion et nos frais de transformation et
tout.
C'est ce qui fait que... Et dans le cas où il fallait faire des
investissements, à Aima c'a été pour un hôpital,
à Sherbrooke c'a été pour l'American Biltrite, pour
l'université elle-même. C'est impossible de faire des
investissements pour alimenter ces gens en biénergie, en vente
d'énergie excédentaire, et perdre de l'argent par la suite.
Alors, il a fallu que la ville, avec un gros mal de coeur, se résigne
à laisser venir Hydro-Québec alimenter American Biltrite en
centre ville, l'Université de Sherbrooke à la
périphérie, et dans le cas du CHUS, c'a été une
perte complète, finalement. Et à Aima, c'a été la
même chose avec le cas de l'hôpital d'Alma. Pour les autres
réseaux, on n'a pas eu l'occasion de vérifier cet
aspect-là.
Alors, on a perdu de l'argent. Ils ont perdu de l'argent et ils ont
dû laisser aller des clients. Il y aurait eu moyen de penser à une
façon de travailler ensemble de façon, je dirais ça,
sociale d'arriver que tout le monde y trouve sa part. Ça n'a pas
été le cas.
Le Président (M. St-Roch): M. le député de
Westmount.
M. Holden: Merci, M. le Président. C'est la
première fois, depuis que je suis élu, que la ville que je
représente et ma ville natale aussi me demande de faire des
représentations et de les appuyer, chose que je fais volontiers. Je me
rappelle, en parlant de la nationalisation de l'électricité, j'ai
été candidat indépendant à Westmount contre la
nationalisation de l'électricité, en 1962. Naturellement, j'ai
été défait, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Holden: ...je prédisais dans le temps
gu'Hydro-Québec allait devenir un État dans un
État et je prédisais aussi que René Lévesque
allait devenir indépendantiste; mais ça, c'est une autre
histoire.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas le
rôle de la commission.
M. Holden: M. Pelletier...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Holden: M. Pelletier a demandé à la ministre si
elle pouvait demander à Hydro si, effectivement, Hydro voulait vous
nationaliser. Je me demande et je vous demande, M. Pelletier, qu'est-ce que
vous allez faire si Hydro, effectivement, dit: Oui, c'est ça qu'on
veut?
M. Pelletier: Voilà. Disons qu'on s'est battus
déjà. Vous parlez de David et Goliath, Sherbrooke est
allée en cour contre Hydro-Québec et a gagné. Alors,
Hydro-Québec a dit: À ne pas s'inquiéter, on va aller en
appel. Elle est allée en appel, on a gagné encore. Là, on
leur a dit: Voulez-vous aller en Cour suprême, c'est ce qu'il nous reste?
Elle a dit: Non, on va s'entendre. Bon. Ça a été une
guerre qui nous a coûté très cher. Donc, si
Hydro-Québec veut nous exproprier, je vais vous dire qu'elle est mieux
de fouiller très profondément. On ne veut pas le vendre notre
réseau. C'est un beau réseau qui marche très bien. On en
est fiers. J'espère que c'est évident. On veut le garder. Puis,
oui, on fait de l'argent avec. Ce même argent là est remis dans
notre système et disons qu'il nous aide à pouvoir réduire
les taxes. Vous avez, vous autres aussi, je crois, un petit problème de
taxes. Nous autres aussi on en a constamment des problèmes de taxes.
Alors, c'est pour ça que, disons, avec un petit réseau comme
ça, ça
devient un peu plus intéressant. Donc, on a tout
intérêt à vouloir augmenter la profitabilité, afin
que nos citoyens soient un petit peu mieux traités. C'est ce que l'on
fait.
Alors, je ne suis pas intéressé à vendre à
Hydro-Québec. Je ne crois pas, dans les circonstances, qu'elle pourrait
m'offrir rien de très près des valeurs, parce que disons que je
connais à peu près les valeurs. À l'époque, en
1983, au mois de mars 1983 pour être plus exact, j'avais rencontré
M. Guy Coulombe, alors président d'Hydro-Québec, et on m'avait
offert, à ce moment-là, 32 000 000 $ pour Hydro-Sherbrooke.
Finalement, après un petit peu de "dickering", on s'était rendu
à 35 000 000 $. Nous, on l'évaluait à 71 000 000 $,
à ce moment-là. Cinq ans plus tard, on m'a offert 71 000 000 $.
J'ai dit: Bien non! On est rendus à 140 000 000 $, maintenant. On a
investi de l'argent dedans, etc. Et la profitabilité? On a dit: Voyons
donc, faites-vous une idée. Oui, mais à tous les cinq ans,
peut-être qu'on peut changer d'idée. C'est permis.
M. Holden: Ne lâchez pas, M. le maire! Merci, M. le
Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos
invités...
M. Claveau: Oui, très brièvement. D'abord, je
constate un genre d'illogisme au niveau d'Hydro-Québec. Alors qu'ils
disent que la distribution au résidentiel est le moins payant pour eux,
vous, vous leur offrez d'acheter en vrac, ce qui, normalement, devrait
être le plus payant. Et ils veulent, à toutes fins pratiques, vous
égorger pour garder le résidentiel, alors que vous, vous
rentabilisez avec le résidentiel et qu'eux disent que ce n'est pas
payant. Là, il y a comme un problème de réflexion au
niveau d'Hydro-Québec quant à cette relation-là qu'ils
doivent avoir avec vous.
Finalement, je vous remercie de votre prestation très importante
devant la commission qui nous permet d'avancer notre réflexion sur la
distribution de l'énergie et ce qu'on doit faire, finalement, avec ces
bénéfices-là et qui, finalement, doit
bénéficier des retombées de
l'hydroélectricité au Québec. Et si j'avais un petit
conseil: Ne vous vantez surtout pas trop de faire des bénéfices
parce que vous allez voir rappliquer le ministre de l'Éducation.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pelletier: Je vous remercie énormément de votre
attention et de cette opportunité. Disons que, pour nous, elle est
très précieuse. Et nous comptons effectivement sur vous pour nous
aider à pouvoir gagner cette bataille. Ce n'est pas une guerre, c'est
une bataille que l'on veut gagner et on veut la gagner la tête haute. On
est des gens fiers et on veut rester fiers. On ne veut pas porter des coups
bas, mais on ne peut pas se permettre de perdre, et ceci, au nom de nos
citoyens, des citoyens de notre belle province de Québec. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le maire
Tremblay.
M. Tremblay (Nicol): Je voudrais juste vous remercier de nous
avoir écoutés et j'espère que vous nous avez entendus.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Nous avons fait les deux: écouté et
entendu. Je dois dire que votre message a bien passé pendant la
période de la commission parlementaire. Encore une fois, je vous
remercie d'être venus nous rencontrer et d'avoir utilisé cette
commission parlementaire pour faire vos messages. Personnellement, je crois
qu'il y a de la place pour des centrales comme les vôtres qui sont
importantes. Vous détenez, encore une fois, une expertise
intéressante et c'est important de regarder de plus près votre
dossier. Mais nous vous avons non seulement écoutés mais
entendus.
M. Pelletier: Merci beaucoup, madame.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des redistributeurs
d'électricité du Québec de sa participation - je ne
mettrai pas de qualificatifs par égard pour les autres - mais qui nous a
beaucoup éclairés. Nous vous souhaitons un bon retour et nous
suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 30. Alors, même si la
période de questions finit à 15 h 15, c'est à 15 h 30
qu'on revient ici. Je vous remercie beaucoup.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
(Reprise à 15 h 35)
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux pour procéder
à une consultation générale et à des auditions
publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec. Nous recevons présentement la
Société Makivik Corporation. J'inviterais les
représentants du groupe Makivik à se présenter à la
table des témoins, s'il vous plaît.
Je vais vous expliquer nos règles de procédure. Il y a une
entente entre les trois parties, si vous voulez, vous, les ministériels
et l'Opposition pour que votre audition dure une heure
trente, ce qui vous donne donc 30 minutes pour la présentation de
votre point de vue ou de votre mémoire et 60 minutes d'échanges
avec les parlementaires sous forme de questions. Alors, dans un premier temps,
je vous prierais de bien vouloir vous identifier, d'identifier votre
porte-parole et de présenter votre mémoire. Je vous en prie.
Société Makivik
M. Lanari (Robert): Un instant, parce que je dois traduire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Lanari: Juste un point d'information, c'est que les
présentations devaient être fartes en anglais. Est-ce qu'il y a un
problème?
Le Président (M. Bélanger): Oui. Il n'y a aucun
problème. Allez-y.
M. Lanari: Aucun problème.
Le Président (M. Bélanger): Vous pouvez quand
même nous faire les présentations.
M. Lanari: Oui. On commence.
Le Président (M. Bélanger): J'apprécierais.
Je vous remercie.
M. Koneak (Jacky): Thank you very much, ladies and gentlemen. I
will present myself, Jacky Koneak, second vice-president of Makivik. My
colleague here, Mark T. Gordon, is the third vice-president of Makivik, and our
coordinator on Hydro-Québec Northern development is Robert Lanari. We
are here to explain our concern in this brief on phase II of Hydro and what
Makivik is. It represents the Northern Québec Inuit; it starts from the
55th parallel up, and since the next project is right in our backyard, so, this
is why we are going to present the brief. Before we go on, I would like Robert
Lanari to read the summary.
M. Lanari: C'est un document qui est assez long, c'est un
mémoire qui est assez long. Alors, peut-être juste pour y revenir
un peu, je vais simplement lire un sommaire, et puis Jacky Koneak et M. Mark T.
Gordon vont discuter de points particuliers du document par après.
Alors, on ne lira pas tout.
Le Président (M. Bélanger): Ils peuvent faire leurs
présentations en anglais, il n'y a pas de problème, on va bien
s'arranger. D'accord?
M. Lanari: Oui. D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Lanari: Mais on ne lira pas tout le document.
Le Président (M. Bélanger): D'accord.
M. Lanari: Juste un résumé pour commencer. La
Société Makivik représente les Inuit du Nunavik qui
jouissent de droits ancestraux au nord du 55e parallèle au
Québec, et détiennent un titre ancestral jamais éteint sur
toute la région au large des côtes du Nunavik. Les Inuit et le
territoire au nord du 55e subiront les impacts directs du complexe Grande
Baleine dans sa conception actuelle.
Le présent mémoire décrit notre territoire et
certains antécédents concernant la convention de la Baie James et
du Nord québécois signée par les inuit en 1975. Nous
expliquons le statut juridique des Inuit du Nunavik en regard du complexe
Grande Baleine proposé et les régimes juridiques établis
en vertu de la convention concernant le remplacement des terres, la protection
de l'environnement, la protection des droits d'exploitation par les Inuit, et
les garanties de développement économique et social pour la
société inuit.
Après avoir décrit le complexe Grande Baleine tel qu'il
est proposé, nous expliquons les conflits potentiels entre ce complexe
et l'exploitation par les Inuit des ressources et des terres aux environs de
Kuujjuarapik, d'Umiujaq et d'Inukjuak. À cette fin, des cartes en annexe
à notre mémoire illustrent la productivité faunique de la
région et les activités d'exploitation par les Inuit dans les
environs du complexe prévu.
Nous abordons également la question des principaux impacts
négatifs sur le plan environnemental et social que risque
d'entraîner le complexe Grande Baleine proposé, y compris la
pollution par le mercure des environnements marins, des rivières et de
leur faune, l'ensemble des incidences cumulatives sur la baie d'Hudson et sur
le détroit d'Hudson, le préjudice porté aux oiseaux
migrateurs et aux mammifères marins, les dommages causés à
l'écologie du passage de Manitounuk, le déplacement de la faune
vivant aux environs du site du projet, la destruction des rivières due
à l'absence de maintien du débit en aval, les incidences
négatives sur le béluga, causées par le
détournement du débit de la Nastapoca et de la petite
rivière de La Baleine, et les impacts négatifs des espèces
rares habitant la région.
Notre mémoire se penche aussi sur les incidences négatives
générales du choix, par Hydro-Québec, de la variante
d'aménagement 1 en vue de la construction du projet. On constate que des
recherches et une consultation poussée entre Hydro-Québec et nous
s'imposent avant même d'achever la conception du complexe Grande
Baleine.
Par ailleurs, notre mémoire souligne qu'un
tel projet, si construit et mis en opération en prenant en
considération les préoccupations des occupants du territoire,
pourrait avoir des répercussions positives. La création
d'emplois, la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée autochtone, des
contrats attribués aux entreprises inuit, la mise sur pied d'entreprises
conjointes et la mise en valeur des ressources. Plus précisément,
nous soulignons la nécessité d'une distribution beaucoup plus
équitable des richesses créées par un mégaprojet
comme celui-ci, de sorte que notre région, qui en ressentira directement
les impacts, bénéficie d'une part substantielle des avantages
qu'en tirera l'ensemble du Québec.
Notre mémoire souligne le fait que la feuille de route des grands
projets à travers le monde donne raison à ceux qui
appréhendent les répercussions néfastes du complexe Grande
Baleine. De façon générale, les mégaprojets
bénéficient à la société globale au
détriment de la population qui habite la région immédiate.
D'autre part, le complexe Grande Baleine peut être un point de
départ, un catalyseur qui peut créer une dynamique positive. Nous
indiquons de plus que nous sommes prêts à relever le défi,
mais posons la question à savoir si Hydro-Québec est
disposée à faire de même. Pour nous, le dialogue doit donc
s'engager pour rendre le développement bénéfique non
seulement pour la société québécoise dans son
ensemble, mais aussi pour les Inuit en tant que peuple.
C'est le résumé de notre document. Alors, M. Mark T.
Gordon va se centrer sur quelques points et M. Jacky Koneak, par la suite.
Le Président (M. Bélanger): Merci.
M. Gordon (Mark T. ): Thank you. As we have already presented our
brief, which has been extensively researched over the past years, we are not
going to read the brief, but just give some parts of the brief that we are
concerned about.
On one of the issues, the environment and social impact review of the
Great Whale Project, we want to be assured that the Great Whale Project, if it
proceeds, is adequately reviewed and assessed for all possible environmental
and social impacts. This environmental and social impact review should, at a
minimum, involve review and assessment of the whole project at the same time,
rather than in fragments and parts. The review should also hold public
hearings, whether they be provincial or federal. (15 h 45)
The impact assessment has to conduct à proper review, especially
for the possible impact of mercury pollution, including description of how
mercury moves up the food chain, from water to human beings. Our concern for
mercury contamination is real. In order that we may learn more about this
threat, we will host a mercury conference in Québec this fall.
We also have concerns about employment and training, in such a project.
We need measures to be put in place, so that Inuit have the opportunity to get
jobs connected to the project at all levels. We need to institute the necessary
training programs immediately to make sure this happens. There is also a
provision of priority of contracts for Inuit enterprises in the original James
Bay Agreement, inuit enterprises and joint ventures should be given every
opportunity to access different contracts of various sizes, flowing from the
Great Whale River Project, taking into account the contract priority provisions
of the James Bay Agreement.
In many cases, when a large-scale project is in our area, our people do
not benefit. If they do, it is very little. In most cases, the impact is worse,
but we feel that, if there is to be development in our region, then our people
should be taken into account so that they participate in opportunities, Right
now, our unemployment is very high and we have a lot of people on welfare in
all the region. In many cases, when there are large-scale projects, such as
building airstrips, building houses, building schools, in many cases our people
are not put to work. They are walking around the community with their hands in
their pockets, while non-Natives are on top of the roof with a hammer. This
case should never be. There was a decree made by Québec some time ago,
which said each person has to have a card in order to work, such as carpenters,
electricians. In the past, we had many people working as carpenters. We had
many people working as electricians. When Québec came out with the
decree, the next day our people could not work. All the qualified workers were
now coming from the South. And, at this moment, there is no adequate training
to insure that our people, in the future, will have qualified jobs. But at this
moment, there is a lot of people with nothing to do. They are on unemployment,
or they have got no jobs, or they are on welfare.
This situation has to change. The priority of contracts for Inuit
enterprises. In many cases, we have a lot of people with a lot of ideas, who
want to start an enterprise, but, at the moment, there is nothing to do. If
this project does go ahead, then our people should be given priority to work in
the region or, if they want a joint venture with somebody else, then contracts
should be made accessible to them. Even when the project is finished, ongoing
work should be given to the Inuit or Inuit joint ventures.
There are many concerns that have to be dealt with and that are real
concerns. Our people in the North are questioning, you know: What is going to
happen to us, what is in the future for us? If the food chain is disrupted, if
the animals are displaced, what are they going to do? Where are they going to
get their food? In this day, a large part of our food is supple-
merited from the wildlife. Naturally we have to buy some storebought
food but, in some communities, the major part of the food that we have now
comes from the land. And, of course, we have concerns that we have to have a
system in place so that there is the least amount of damage done in order to
protect the land. Thank you.
M. Koneak: We have very serious concerns, very serious questions
with no answers, like the possible impact of the project on migratory birds in
Hudson's Bay region, possible impact of the project on marine mammals,
displacement of animals caused by the project. Like today, the subsistence food
we get from wildlife, if we go to a store and get an average steak, it costs
over 10 $ in the store. For our culture, we are worried because there is not
enough environmental concrete studies fully done to have a clear answer,
whether it has a negative impact or a positive impact.
How can we control our good land in the Province of Québec? With
the diversion of the Nastapoca and Little Whale River, there is a very serious
concern and questions and no answers again on the beluga, since they go there
every summer to do their skin shedding. What will happen to them, when they are
completely diverted? We do have a lot of deep thoughts, positive and negative,
on it that we would like to come to grips with. Right now, I think we could
just start with the questions. Thank you.
Also, the rare species, the so-called rare species that are going to be
flooded on the nesting grounds. What is going to happen to them? Are Inuit not
rare species also? I mean, are we not human beings also?
Le Président (M. Bélanger): Merci! Alors, Mme la
ministre.
Mme Bacon: M. Koneak, M. Gordon and M. Lanari, I would like to
congratulate you for the quality of your brief and the rigor with which you
have addressed the questions pertaining to the hydroelectric development. The
tone of your brief has been very constructive and a wide variety of questions
have been mentioned in the brief. I am sure that we will not have enough time
to address all the questions in detail but we will try to ask you as many
questions as possible. To have this dialogue with you is very important for us
today.
I think your approach is, in a way, to try and find a proper balance, if
I get your message well, between the negative effects and the positive effects
of the project that we have before us. In conclusion, you ask that a dialogue
be established so that everybody, I guess, can benefit from the megaproject and
that it should not be detrimental to the population of your immediate
region.
Let us forget the present project that we have in front of us, which is
the Great Whale Project. I would like to examine for a few minutes with you the
preceding project that we had which was La Grande. And I would like you to give
me some examples of the, let us say the positive impacts that the Inuit have
benefited, from since the signature of the James Bay Convention In 1975. I am
sure all Is not negative. But you can tell me whether it is negative or
positive, but I am sure all is not negative on that. Could you tell me more on
what has happened since 1975, because of the Convention?
M. Gordon: Maybe I will just add a few comments and Robert could
assist me in this. After the initial James Bay Agreement, there have been a
number of issues that have been dealt with, plus other issues that were not
part of the agreement but progressed over the years; we have had new air-strips
constructed - that program is almost finished - which have had a large positive
impact on the community, being able to travel safely among the communities and
transferring food cargo to the communities. We have also had a housing program
in the North. In the past, this was not the case but a lot of efforts were made
so that a program could be put into place to initiate a program and right now,
the situation is a lot better than it was before.
We have the Kativik Regional Government, which is a body that
administrates the municipality in each community for the region. They pretty
well have taken over their own affairs, but they still have to rely on
government assistance to operate. We have the Kativik School Board which is
also funded by Québec and partially by the Federal Government. Under the
care of the Kativik Regional Government, we have a development organization
called the Kativik Regional Development Council, which is slowly getting off
the ground and initiating development projects for the region. There is also
the Kativik Investment Fund, which administrates a fund which gives out loans
or grants to local entrepreneurs, businessmen that want to operate.
There are, you know, many other areas which still have to be addressed,
such as a wharf marine transport project which we have talked about for many
years. There is also talk about a Nunavik assembly. We have a working group
that is discussing certain aspects of how we form a self-government.
You want to add to that?
M. Lanari: No. That covers pretty much...
Mme Bacon: In your brief you make the analysis of the changes
that have happened in
your organization as an Inuit society. And I read from the brief in
French, that I have here: Le salariat tiendra une plus grande place. Les
petites et moyennes entreprises seront plus nombreuses. Les déplacements
pour le travail seront plus fréquents. (16 heures)
In view of this, is it still possible for the Inuit to go back to the
traditional economy that you used to have? Has this been envisaged? Do you wish
to go back to the traditional economy or do you wish the changes to be made in
your economy? En fait, est-ce que le constat que vous faites, c'est qu'il
apparaît possible aux Inuit d'effectuer un retour massif à
l'économie de subsistance traditionnelle, à ce que vous avez
connu dans le passé? Et est-ce que ce retour-là est
envisagé ou souhaité par l'ensemble des Inuit?
M. Koneak: I do not think that you would want to go back to sails
either, so... I think that is a... You know what I mean?
Mme Bacon: M. Lanari.
M. Lanari: L'économie d'aujourd'hui, c'est souvent ce
qu'on appelle une économie mixte.
Mme Bacon: Un peu des deux.
M. Lanari: Alors il y a l'économie de subsistance qui
existe et il y a l'économie du travail salarié. Les deux sont
interreliées depuis quand même au moins une trentaine
d'années. C'est de savoir la prépondérance duquel des deux
éléments... C'est l'équilibre entre les deux qu'il
faut...
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des choix qui ont été
faits quant à la prépondérance à donner?
M. Lanari: Oui, oui. Il y a des choix. C'est pour ça
qu'avec un projet comme celui-là, évidemment, le choix, c'est le
travail salarié, c'est un choix pour le travail salarié avec un
projet comme celui-là. De toute évidence.
Mme Bacon: Are the Inuit ready to integrate the labor force and
all that is included in the integration of a labor force? As far as efforts are
concerned and personal adjustments are concerned, is it at all possible to
think that once the Inuit people hold jobs with, let us say, the project that
is in front of us and once this is over, is it at all thinkable that they would
be willing to come and work South? Au sud au lieu du nord? Or would they want
to stay where they are and try to find proper jobs?
M. Gordon: I would imagine the majority of the people would want
to stay North. In some cases, that would be the case. For instance, we operate,
we havo a shrimp industry licence and there are two vessels operated, you know,
away from our territory. They do extensive fishing off Baffin Island, Labrador,
and they stay away for many months at the time, and some people are happy doing
that. They make a good income, and they go back home, stay home for a few
months and go back out again. In terms of having available to us a mechanism to
train our people for qualified positions, take, for example, heavy machinery,
operating heavy machinery, becoming an electrician... You go down on the
project for, you know, a period of time until you become qualified, go back
home and use the expertise that you gained. There is work to be done up North.
It is just a matter of having the right mechanism in place so that our people
are trained in different aspects.
Mme Bacon: Yes. In your brief, you are proposing or recommending
the creation of two provincial parks and an international publicity campaign to
make better known the Nordic tourism. You certainly have identified some sites
that are most promising, I suppose, in your region, to create those two parks.
Could you let us know where they are or if you already know?
M. Koneak: For instance, the one, I said, in Nastapoca River, in
the Richmond gulf area, is one we have actually identified.
M. Lanari: Le cratère du Nouveau-Québec.
Mme Bacon: Pardon?
M. Lanari: Le cratère du Nouveau-Québec.
Mme Bacon: O. K. Could you elaborate more on the kind of
publicity campaign that you would like to have? What kind of activities would
you see taking place in the two parks if they were ever created? What is your
vision of the two parks? What could the Inuit do there?
M. Koneak: At least it will be in its natural state and not get
flooded. And the people all over Canada or the world could go out and see it
and see how virgin the territory is, not just flooded.
M. Gordon: The two parks that are mentioned are both locations
which are unique, the Richmond gulf area, the Nastapoca area is a very
beautiful area. The Crater area is unique also. The proper infrastructure has
to be put in place so that they could be used and visited by tourists. We have
identified tourism as one resource that has not been tapped. It could create
employment, plus provide an income for the region. It could be brought in line
with the other parks in Canada and advertised at the
same level. Then it could become a common ground and a common area to go
to, along with the other parks.
Mme Bacon: What would be the Inuit contribution to the management
of the parks and tourism, for example?
M. Gordon: We could put in place the local entrepreneurs who want
to develop and work in the area. A lot of people have taken the steps to start
something in this nature. Today, the only tourists that we get are mainly the
hunters and the fishermen, but we are looking at the other side which is the
tourist: people who go out on day trips or boat trips, or hiking, ski-dooing,
whatever the case may be, to go and enjoy the beauty of the land.
Mme Bacon: Do you think that the hydroelectric projects, if well
planned, can help develop other resources like tourism, for example? That would
be included in it? Allez, M. Lanari.
M. Lanari: Yes, we all know that like for the James Bay Project,
for example, there have been many tourists from all around the world who came
to James Bay to visit LG-2 and these projects. However, tourism by road has
never been developed. In fact, the road was a private road and people could not
go up for quite a few years. If we take the example of the Alaska Highway,
where you have approximately 150 000 to 200 000 people every year who go up to
the Yukon and Alaska just to visit, such a road could be used for the same
purposes to develop tourism in the North. That is where we see a link with
Hydro-Québec in that sense.
Mme Bacon: I was wondering how the Inuit population would react
when waves of tourists would come into your territory? Would you have a
favorable reaction or would you feel that they are invading your territory?
What is your reaction to that?
M. Gordon: If it is well planned out and the necessary
information plus our own studies are put into place, it could be seen to be
beneficial to the region and to the people, if they are assured that there is
employment, there is money coming into the community rather than going back
South, where there is definitely no beneficial impact. Some communities have
been talking for the past couple of years about tourism, which they were not
doing five years ago. So, a change is already taking place among the
communities. They see that this could be beneficial to the region.
Mme Bacon: In your brief, you point out that the problems related
to access roads leading to Great Whale Community... How is it possible to cope
with such a problem?
M. Koneak: I do not know.
M. Lanari: There is no ready-made answer.
Mme Bacon: M. Lanari, vous n'avez pas de réponse à
ça, non plus?
M. Lanari: II n'y a pas de' recette, vous savez. Les
problèmes de délinquance, de prostitution, d'alcool et de drogue,
on règle ça comment? Je ne le sais pas.
Mme Bacon: Mais ce dont je parlais, c'est l'accès au...
Non, je pense qu'on ne s'est pas compris, c'est l'accès aux chemins, aux
routes. The access roads that I was discussing, nothing else. Mais comment
peut-on arriver à régler ce problème de l'accès a
ce territoire-là, parce qu'il faut quand même y avoir
accès? Quand on parle même du tourisme, il faut y avoir
accès au territoire. Est-ce qu'on a pensé à ça?
M. Koneak: It is a mixed feeling.
Mme Bacon: Écoutez, si on revenait au tourisme...
Actually, the tourism industry, If I can call it an industry now, Is coming
mostly from European countries in your region. That is what I am told. Do you
see a difference between hunters and tourists?
M. Gordon: A big difference.
Mme Bacon: And are you worried about that? About the
difference?
M. Gordon: Yes. There is a difference between what we call
hunting, fishing. It is consuming resources that we have. If it is well managed
and the stocks are there to maintain, you know, a hunting and tourism activity,
then that is good. But if it is going to deplete like the caribou stocks, then
naturally we will be concerned. But the caribou are now at a high level and it
is probably better to maintain the present level at which they are now rather
than to see them increase. The more they increase, the more they are subject to
disease or whatever and they could be wiped out quickly.
For tourism, this could be more beneficial to the other communities,
because they do not have hunting or fishing in every community. You mainly see
that in the Southern part of Northern Québec. But tourism going up as
far as the furthest community, then certainly this will have a bigger impact on
all the region than just hunting or fishing.
Mme Bacon: Je vais peut-être revenir, M. Lanari, au
mémoire qui fait état de l'importance
de s'attaquer au développement des autres ressources que
l'hydroélectricité. On dit justement "là faune
variée, la beauté des paysages en font certainement une
région... " - et j'en reviens encore au tourisme - "qui est très
attrayante pour le tourisme de même que pour les gens qui font de la
chasse et de la pêche. " Si je peux revenir à la question que je
posais tantôt, il y a une différence, je pense, entre les
chasseurs et les touristes strictement touristes. On dit que le Sud produit
beaucoup plus de chasseurs et l'Europe beaucoup plus de touristes. Il y a une
différence, je pense, entre les deux. (16 h 15)
Alors, ces ressources sont quand même aussi renouvelables, quand
on parle de la chasse et de la pêche. La Grande Baleine pourrait
peut-être être un catalyseur pour créer une dynamique de
développement. Il y a aussi un effet cumulatif d'une mise en valeur, qui
serait peut-être planifiée, de toutes les ressources renouvelables
que sont la faune, le tourisme, l'hydroélectricité. Est-ce qu'on
peut appeler ça, justement ce qu'on nomme en anglais "sustainable
development", le développement durable? Le lien entre l'économie
et la protection de l'environnement, est-ce que, pour vous, ça ne ferait
pas partie d'un ensemble, une fois qu'on aurait le projet?
M. Lanark Ça ferait partie d'un ensemble. Ça ferait
partie d'un développement économique de la région, un
développement planifié. Au lieu de regarder simplement la
construction d'un projet hydroélectrique, on essaie d'insérer le
projet hydroélectrique dans une vue d'ensemble du développement
de la région au point de vue touristique, parce que ce sont les autres
ressources de la région qui pourraient être ainsi
exploitées, pas seulement l'hydroélectricité. Et le
tourisme, c'est l'une des grandes dimensions économiques que la
région peut offrir. Il y a aussi l'exploitation des autres ressources,
comme la faune. Par exemple, commercialiser le gibier, le caribou ou d'autres
ressources, ce qu'on ne peut pas faire présentement. Ce sont d'autres
types de développement qui pourraient être faits.
Mme Bacon: Est-ce que la préoccupation majeure de la
population inuit serait justement de perdre cette faune qui est importante pour
elle, advenant le cas de grands projets hydroélectriques? Est-ce qu'il
n'y a pas moyen de trouver justement l'équilibre, que les Inuit
recherchent et que je mentionnais au début de mes remarques, entre tout
ce développement et la protection de ce qui existe
déjà?
M. Lanark En fait, c'est l'intention du mémoire, c'est ce
qu'on cherche. Où est-ce qu'on peut établir un
équilibre...
Mme Bacon: C'est ça.
M. Lanark... dans tout ça? Comme on le dit dans le
mémoire, des impacts négatifs, il va y en avoir. Le seul fait de
construire le projet va avoir des impacts négatifs, mais les impacts
positifs, il faut les déterminer et il faut y travailler. Et, pour y
travailler, il faut s'asseoir et en discuter de bonne foi tout le monde, sinon
il n'y a pas d'impacts positifs. C'est ce qu'on cherche. La faune, ça a
toujours été, je ne sais pas si ce le sera toujours, mais c'est
encore pour les Inuit primordial pour la subsistance, pour leur propre
subsistance. D'ailleurs, le tableau que vous avez en annexe montre la
récolte de 1976 à 1980 juste pour un village; vous voyez 1900
phoques par année, enfin vous avez une liste. C'est quand même
impressionnant et c'est juste un village. Il y en a 15 comme ça, alors
vous voyez la quantité d'animaux récoltée par
année. Alors, il y a une dépendance qui est certaine.
Les projets comme Grande Baleine, évidemment, le mercure par
exemple peut avoir des effets très néfastes sur l'environnement,
sur l'environnement marin, sur les animaux qui y habitent. On voit
déjà quels sont les problèmes avec La Grande. Dans les
réservoirs en aval des barrages, dans l'estuaire, il y a
déjà du mercure. Il y a déjà des taux de mercure
quand même assez élevés, quand on parle de trois ou quatre
parties par million, c'est quand même six, sept ou huit fois ce qui est
permis par le gouvernement fédéral pour commercialiser le gibier,
le poisson. Alors, c'est quand même une inquiétude qui est
là. Les Cris, par exemple, ne peuvent plus manger de plusieurs
espèces de poisson présentement. Alors, évidemment, c'est
un problème.
Mme Bacon: Does good management of hunting require enormous
efforts for inventory and surveillance or is it possible to manage the two with
the help of the Inuit authorities in fairness to all? Is it at all
possible?
M.
Lanark On n'a pas compris la question.
Mme Bacon: Does good management of hunting require enormous
efforts for inventory and surveillance or is it possible to manage the two with
the help of the Inuit authorities in fairness to all?
M. Koneak: Yes, like joint committees, yes. We have one.
Mme Bacon: You proposed an integrated approach towards training
of Inuit workers. In the past, there was such a centre known as the Lac
Hélène Centre. In your opinion, why did this centre close? Or can
it be reopened or can we do something else?
M. Koneak: Unfortunately...
Mme Bacon: Any special reasons for the closing of the centre?
M. Koneak: What we referred to, it was out of our region. And a
lot of people were saying: If there was such a centre, it should be in one of
the communities that we occupy. I think that was one of the major obstacles in
that Centre. Even though I do not have the clear precise answer to why it
closed, that was one of the difficulties we know about.
Mme Bacon: Is it thinkable that we could open similar centres
closer to your population that would be workable?
M. Koneak: Yes.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Alors, MM. Koneak,
Gordon et Lanari, voyons, c'est l'émotion. D'abord, connaissant
l'état de mon anglais, vous le savez, je demanderais à M. Lanari
s'il voudrait bien traduire tout ce que je vais dire et je vais parler
tranquillement pour lui permettre de le faire. Si vous voulez traduire, il n'y
a pas de problème.
Je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique devant
cette commission parlementaire. Je suis particulièrement heureux de vous
recevoir aujourd'hui et d'avoir l'occasion d'échanger d'une façon
peut-être plus officielle sur certains des propos ou certaines des
conditions qui sont liées à l'aménagement de la
rivière de la Grande Baleine.
Je remarque dans votre mémoire que vous êtes assez
sévères à l'endroit d'Hydro-Québec. J'aimerais
avoir quelques précisions. Entre autres à la page 8 de votre
mémoire, vous dites que le gouvernement du Québec laisse au
profit d'Hydro-Québec son rôle d'aménageur du territoire en
promulguant des lois précises en la matière. Vous parlez plus
particulièrement de l'article 21.3 de la Loi sur Hydro-Québec,
qui donne à HydroQuébec finalement, d'après vous, le
mandat d'aménager le territoire au nom du gouvernement du Québec.
Est-ce que vous croyez que c'est vraiment ça, le mandat que le
gouvernement donne actuellement à Hydro-Québec, d'agir comme
aménageur du territoire sans trop se préoccuper, finalement, des
intérêts des populations locales?
M. Lanari: Je vais répondre. Oui. Oui. C'est qu'il faut
peut-être remonter à la convention de la Baie James et lire
l'introduction de la convention de la Baie James, la philosophie de la
convention de la Baie James. On voit très bien, et maintenant avec cet
article 21.3, que le territoire, en fait, c'est laissé à
Hydro-Québec, à la SEBJ ou à fa SOBJ dans le temps,
vraiment, de développer le territoire. Le développement va
à Hydro-Québec et Hydro-Québec, comme on le dit, sa "job",
c'est de produire de l'électricité et elle produit de
l'électricité.
Depuis le temps aussi, il y a eu beaucoup de discussions avec divers
ministères du Québec et, ce n'est que dernièrement, enfin,
qu'on va avoir un sommet économique qui aura lieu l'an prochain et
finalement un autre élément pour élaborer un programme de
développement de la région qui serait autre que d'être
laissé à HydroQuébec. Mais quand même, pour nous,
ça fait 15 ans qu'on attend. C'est dans ce sens-là.
M. Claveau: O.K. À la page 5 du mémoire, vous
précisez, dans le dernier paragraphe, que la convention envisage
également la possibilité que les parties autochtones,
Hydro-Québec et la SEBJ puissent conclure des accords sur les mesures
d'atténuation touchant des projets de développement futurs.
Là vous parlez de modifications techniques, d'indemnités, de
mesures visant à minimiser les impacts, etc. Vous dites, en conclusion,
que, jusqu'à maintenant il n'y a pas eu d'entente ou de
négociation entre HydroQuébec et les Inuit du Nunavik concernant
le complexe Grande Baleine. Est-ce que vous croyez, dans le fond, que
l'approche qu'Hydro-Québec a eue jusqu'à maintenant, dans sa
planification des travaux de la Grande Baleine, respecte l'esprit et la lettre
de la convention de la Baie James et du Nord québécois?
M. Lanari: Nous avons eu des discussions avec Hydro-Québec
depuis à peu près deux ans. Information, qu'on appelle ça,
phase information. On nous informe du projet, de l'échéancier du
projet, des études en cours et des études à venir, mais la
convention demande ou exige beaucoup plus que des séances d'information.
La convention demande qu'on ait une participation en un sens dans la conception
du projet, si l'on veut, dans les travaux correcteurs qu'il pourrait y avoir
à faire. Par exemple, les accès dont on parlait tantôt, les
points importants qu'on discute depuis longtemps, est-ce que Grande Baleine,
ça devrait être relié au réseau routier ou non? Le
poste de la Grande Baleine devrait-il être relié? Alors, c'est une
bretelle entre GB-1 et Kuujjuarapik. Est-ce que ça devrait être
fait ou non?
Il n'y a jamais de discussion là-dessus. On nous informe que oui,
ça va être relié et, après: Non, ça ne sera
pas relié. Maintenant, oui, c'est dans les accès. Alors, c'est un
peu une partie de ping-pong comme ça, mais on n'est jamais partie
à cette prise de décision, à savoir si ça doit
être construit ou non. C'est dans ce sens-là qu'on dit que, non,
ce n'est pas respecté.
M. Claveau: O.K. Je voyais, par exemple, dans les cartes que vous
avez à la fin du mémoire...
M. Lanari: Oui.
M. Claveau:... entre autres, le tracé de la route. On
remarque qu'Hydro-Québec n'a pas de tracé de route qui passe par
Kuujjuarapik comme tel; il passe dans les terres, à l'est de
Kuujjuarapik et, après ça, il y a une hypothèse de route
qui descendrait probablement vers Kuujjuarapik à partir de GB-1. (16 h
30)
Est-ce que, par exemple, puisqu'on parle de ça, ce genre
d'approche là est acceptable, quand vous dites que vous voulez
être intégrés au projet ou auriez-vous plutôt une
proposition inverse à faire à Hydro-Québec, lui dire que,
de la même façon que Radisson est une étape sur le
tracé, Kuujjuarapik devrait être une deuxième étape
et que c'est à partir de Kuujjuarapik que les choses devraient se faire?
Est-ce que c'est ça, finalement, ce genre d'approche dont on parle
ici?
M. Lanari: Exactement. C'est le genre d'approche qu'on aimerait
avoir et qu'on croit que la convention demande à Hydro-Québec de
faire, mais ce n'est pas fait.
Par exemple, en se référant à la carte, ce qui est
en pointillé de GB-1 à Kuujjuarapik sur la carte, c'est en
pointillé, parce que c'était à l'état de projet il
y a un mois, deux mois et, maintenant, on nous apprend que c'est partie
intégrante des accès. Maintenant c'est là, cela fait
partie des accès.
M. Claveau: Mais là, vous restez en bout de piste,
finalement.
M. Lanari: Nous, on reste en bout de piste et cette... Comme je
vous le dis, on a l'information, c'est tout. On n'est pas partie dans la prise
de décision. Puis, cette bretelle-là, si vous remarquez, c'est le
long de la côte. Les répercussions qui sont indiquées
peuvent être énormes. C'est là qu'il y a chasse, c'est
là qu'il y a tous les oiseaux migrateurs, c'est là... En fait,
c'est très riche au point de vue marin, au point de vue faune.
Il y a d'autres tracés plus à l'intérieur, qui ont
été étudiés, qui ont déjà
été étudiés en 1979 et 1980 par des gens
engagés par Hydro-Québec, mais on ne peut même plus en
discuter. C'est de ça qu'on voudrait discuter et peut-être qu'on
accepterait la bretelle jusqu'à Kuujjuarapik, mais peut-être
à l'intérieur, peut-être à un autre endroit. C'est
dans ce sens-là.
M. Claveau: II y a un problème particulier à
Kuujjuarapik au moment où on se parle. C'est la question de
l'aéroport ou des infrastructures aéroportuaires. Le
ministère des Transports dit toujours: On va attendre, avant de
rénover l'aéroport, de savoir ce qui va se passer avec
Hydro-Québec. Hydro-Québec, pour sa part, dit:
Bon, bien, nous autres, on a probablement l'intention de mettre notre
aéroport à l'extérieur de Kuujjuarapik. Qu'est-ce que cela
veut dire, Si ça se fait comme ça, pour la population de
Kuujjuarapik, parce que là, on prétend que le ministère
des Transports n'entretiendra plus un aéroport capable de recevoir des
Boeing à Kuujjuarapik, comme c'est le cas actuellement? On n'a pas
besoin de deux aéroports dans le secteur. Dans le fond, si les plans
d'Hydro-Québec sont à l'effet, et je vois sur la carte que c'est
leur intention d'avoir un aéroport à la fourche de GB-1 et GB-2,
est-ce que ça ne devient pas un désavantage plutôt qu'un
avantage pour les gens de Kuujjuarapik qui sont habitués d'avoir
l'aéroport carrément à leur portée, dans les
limites de leur municipalité?
M. Lanari: Oui. Certainement que ça devient un
désavantage. Mais là, c'est un peu un chantage qui se passe entre
le ministère des Transports du Québec et Hydro-Québec et
on est pris entre les deux. Si vous ne voulez pas la piste à
Kuujjuarapik dans le village même, alors, on va fermer ça. Et il
va falloir se véhiculer jusqu'à GB-1 qui est quand même
à 30 ou 35 kilomètres. C'est quand même assez loin en
hiver.
Il y a des problèmes et un peu de chantage qui se fait.
Évidemment, ça cause des inconvénients, si
l'aéroport est à 30 ou 35 kilomètres à peu
près du village. Oui, oui. Surtout l'hiver. C'est plus difficile, oui.
Puis, en tout cas, ce n'est pas résolu.
M. Claveau: Mais, jusqu'à date, il n'y a pas eu de
négociation avec Hydro-Québec là-dessus non plus?
M. Lanari: Non, non. Rien du tout. Ni avec le ministère
des Transports à Québec.
M. Claveau: Toujours dans la même ligne de pensée du
développement économique, vous avez dit, M. Koneak, au moment de
votre présentation, qu'il était intéressant, par exemple,
d'imaginer qu'en fait le flot d'approvisionnement d'Hydro-Québec qui
viendrait sur le territoire pourrait permettre de baisser ou d'aider les
approvisionnements dans toutes sortes de produits pour le milieu inuit.
Est-ce que vous pensez qu'il est rentable et est-ce que vous avez des
chiffres pour démontrer que si, par exemple, il y a une relation
très étroite entre les politiques d'achat d'Hydro-Québec
et les besoins en produits alimentaires, de quincaillerie, etc., des Inuit du
Nunavik, donc, si on réussit à faire un lien intéressant
là-dedans, ça pourrait vous permettre de redistribuer à
partir de Kuujjuarapik ces produits dans l'ensemble des 14 villages inuit
à un prix beaucoup inférieur à ce que ça
coûte actuellement aux populations?
M. Lanari: Non, on n'a pas fait de calculs. On n'a aucune
idée de l'économie que ça peut représenter. Ce dont
on parlait, c'était plutôt dans le sens de la route, par exemple.
On va à Radisson, c'est bien meilleur marché de s'approvisionner
à Radisson que de s'approvisionner à Kuujjuarapik. C'est dans ce
sens-là, mais on n'a pas de chiffres à l'appui.
M. Claveau: D'ailleurs, c'est certain que ça va
coûter moins cher. Ça, tout le monde est d'accord
là-dessus.
Une voix: C'est ça.
M. Claveau: Mais vous n'avez pas d'évaluation
précise de ça.
Une voix: Non, on n'a pas évalué.
M. Claveau: Je veux revenir à la page 6 de votre
mémoire. Vous nous parlez de différents chapitres de la
convention de la Baie James et du Nord québécois, chapitres 7, 8,
23, 24 et 29. D'abord, en ce qui concerne vos préoccupations concernant
ou touchant la question des emplois à Hydro-Québec ou de la
possibilité pour des gens du milieu de pouvoir avoir des contrats et,
finalement, de générer une activité dans le milieu, qui
soit liée aux activités d'Hydro-Qué-bec, est-ce que vous
croyez que vous êtes couverts suffisamment par le chapitre 29 de la
convention et par certaines dispositions du chapitre 8?
M. Lanari: Oui, c'est couvert par ces deux chapitres-là,
mais si c'est suffisamment couvert, on ne croit pas, non. On ne croit pas parce
qu'en pratique, on n'a jamais eu de contrat. On n'a pas d'emploi. Il y a
quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part. C'est que la convention
était peut-être un peu large sur la priorité de contrat.
Ça n'a jamais été défini. Ce sont des choses qui
sont à définir avec le gouvernement du Québec et avec
Hydro-Québec.
M. Claveau: Mais on sait que les entreprises cries, par exemple,
qui, en vertu du chapitre 8, paragraphe 14, il me semble, qui donne une
disposition à l'effet qu'à compétence égale on
devrait privilégier une compagnie autochtone ou une compagnie qui a son
siège social et dont la majorité des actions serait
détenue par des intérêts protégés par la
convention... En vertu de cela, est-ce que, par exemple, vous êtes
prêts, advenant le cas où Hydro-Québec irait de l'avant,
où ça se réglerait, la négociation sur la Grande
Baleine, est-ce que vous êtes prêts, en vous appuyant
là-dessus, à ce que des entreprises inuit soient capables d'aller
décrocher des contrats très rapidement?
M. Lanari: Oui, certainement. Il y a déjà des
organismes en place, Air Inuit, par exemple. Il y en a d'autres, des compagnies
de construction qui sont déjà en place. Il y a certainement des
choses, des organisations, des compagnies qui sont déjà
existantes qui pourraient facilement commencer à avoir des contrats et
commencer les travaux. Nous nous dirigeons vers quelque chose d'un peu plus
large. Ce dont nous voulons discuter, ce que nous avons tenté, il y a eu
quelques brèves discussions avec Hydro-Québec, c'est de voir,
d'explorer d'autres champs d'activité, en étant assuré
d'avoir... En ayant une priorité de contrat, on pourrait facilement
mettre sur pied des compagnies très rapidement, dans plusieurs domaines.
C'est ça qu'on veut explorer, mais ce n'est pas fait encore.
M. Claveau: Peut-être une ou deux autres questions avant de
donner la parole à mon collègue qui s'occupe des questions de
l'environnement. Dans le tableau, justement, sur le niveau de
prélèvement de certaines espèces sur le territoire de
Kuujjuarapik, je remarque qu'il y a des espèces, par exemple, comme le
saumon, qui semblent, à toutes fins pratiques, disparues du secteur.
Jusqu'en 1978, on faisait certains prélèvements, on faisait la
pêche au saumon et, depuis, il n'y en a plus. Alors, est-ce que ce sont
effectivement des espèces qui sont disparues ou si ce sont des
espèces qui sont protégées plus qu'avant?
M. Lanari: Non. D'abord, dans la région de Kuujjuarapik,
il n'y a pas de saumon. Alors, ça, c'est du saumon qui a
été pêché au Nord, à peu près dans la
région d'Inukjuak. Ça peut peut-être indiquer un changement
d'utilisation du territoire. Les gens vont ailleurs pour pêcher, c'est
tout.
M. Claveau: D'accord. Et dans le cas de l'oie blanche, c'est tout
à fait le contraire. Disons que le prélèvement de l'oie
blanche s'est multiplié par dix, à peu près, entre 1978 et
1980. A quoi expliquez-vous ça aussi?
M. Lanari: IIn'y a pas... M. Claveau: II y en a
plus?
M. Lanari:... d'explication. Il y a peut-être plus...
M. Claveau: Est-ce que c'est de la chasse qui se fait dans le
secteur de Long Point?
M. Lanari: Non, il n'y a pas d'explication. Ça prendrait
sans doute des gens de Kuujjuarapik pour l'expliquer. Il n'y a pas de raison,
on n'en connaît pas.
M. Lazure: Alors, M. le Président, je vous remercie de me
donner la parole.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de La Prairie. (f6h45)
M. Lazure: I will try my English just to save some precious
minutes. I am pleased to welcome the friends from Makivik. My first question
will refer to your text on pages 12, 13 and 14. The evaluation on the
environment, physical and social environment... I know that you are proposing,
on page 13, at the bottom of page 13 in the French text, that the federal and
provincial processes be combined. And you make some very specific suggestions,
with which I tend to agree. My question is: Have you received from the Minister
responsible for the application of the law on environment, namely the Minister
of Environment, have you received a reply to such a request? If he were here,
it would be convenient. He could answer you, perhaps. But have you received an
answer from the Minister of Environment on this proposal?
M. Lanari: On a une lettre de M. Paradis, oui.
M. Lazure: What does he say? Not the text, but... Does he agree
with your proposal or does he not agree?
M. Lanari: Ce n'est pas clair.
M. Lazure: You have the same problem as I do, to have a clear
answer. All right.
M. Lanari: Et M. Bouchard, on ne peut pas lui demander non plus,
mais...
M. Lazure: II est trop tard. C'est M. de Cotret, maintenant. So
you have no clear answer on the part of the Québec Minister of
Environment? Right? M. vice president.
M. Lanari: It is...
M. Koneak: Not clear.
M. Lazure: The second question is: You will keep asking him?
M. Lanari: Ohyes!
M. Lazure: You will. I will also. The second question: The
problem of consultation. You have already said that Hydro-Québec seems
to confuse the information they give you with consultation. The two concepts.
Mr. Chairman, it is a serious comment that Makivik, the Inuit people are
formulating towards Hydro-Québec. As I understand it, they say, Inuit
people say: HydroQuébec writes beautiful texts. And you quote part of
the environment policy... They enunciate principles. I have read their text
too. It is a very nice text, but in practice, they do not really, in daily
lives, deliver these principles.
They do not apply these principles to their contacts with you, if I
understand correctly. Is that right?
M. Lanari: Vous avez raison.
M. Lazure: The Minister responsible for Hydro-Québec is
here and I hope that she takes note of that. This is a serious matter, because
Hydro-Québec pays consultants and they pay their own "cadres
supérieurs" to write very beautiful texts, very nice intentions, but
this is not the first time... And this is not partisan, because... No, because
I heard the same thing in 1981. If Mme la ministre wants to follow my
reasoning, this is a long-standing problem that the Inuit people have with
Hydro-Québec. And I think it is high time that the Minister in charge of
Hydro-Québec really brings this problem on the table and gives clear
directives to HydroQuébec that they must consult with the Native people,
the Aboriginal people, and not just inform them. After years and years and
years that governments have tried to do this by inciting Hydro-Québec
authorities, obviously it is still a failure. And I say this again in a
nonpar-tisan way. Elected people have not succeeded in having true
negotiations, true discussions, true consultations with the Aboriginal people.
And this is a tragedy.
My third question concerns the jobs created. I was wondering
approximately how many jobs to the Inuit people have benefit from the James Bay
1, approximately.
M. Lanari: It is very easy. None. Il n'y en a pas. Rien.
M. Lazure: Zero? M. Lanari: Zero.
M. Lazure: Are you serious, Mr. vice-president? You say that the
James Bay 1 has provided no jobs to the Inuit people. This is a serious failure
also, I think. Very serious. Again, all governments, since 1975, are
responsible and I think that...
Le Président (M. Bélanger): Mr. Lazure, time is
running fast. So, no more time for your formation. Very sorry.
M. Lazure: That is why I speak English, because time is running
fast. Otherwise I would speak French.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: But I do not know what language to speak. So time
would not run so fast!
Le Président (M. Bélanger): A last question,
please.
M. Lazure: Last question. Did you have any reply on the part of
the Minister of Tourism on your suggestion that information campaigns be
carried out in Québec to attract tourists? You receive mostly wealthy
tourists from Europe, because it costs a great deal of money, unfortunately, to
do some sightseeing in your parts. But, there are people in Montréal,
Québec, Three Rivers, Laval, who have a lot of money and who would be
interested in going but as far as I am concerned, there has not been any
information campaign on that. Have you received a reply from the Minister of
Tourism?
M. Lanari: Non, mais on n'a pas fait de demande encore au
ministre du Tourisme. C'est ici...
M. Lazure: Vous allez en faire une.
M. Lanari:... mais on va certainement en faire une. Ce sont des
choses dont on voudrait discuter.
M. Lazure: Oui, partie remise.
Le Président (M. Bélanger): Merci M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Cameron: Première question. In order to be comfortable,
I would rather use English. I think that most of the points that I wanted to
make were made by the Member for La Prairie, so I do not want to go on at too
much lenght. I might say on this tourism issue, though, by the way, that I must
confess that I have never been in Northern Québec, and I am much
attracted to it by seeing the very handsome literature turned out by
Hydro-Québec. They could give a lesson to the Ministry of Tourism.
What I wanted to ask, mainly, I think, is that I have the impression
that the message that you want to bring is that you believe this project could
be good to the inuit people. You are somewhat skeptical in practice that you
will get the full benefits from it that would be possible, for example, in
employment, development of tourism and so on. And this is at least partly
because communication is not very good, however good intentions people may have
between the Inuit people and Hydro and the Government. Is that a reasonably
fair summary of the situation as it stands now?
I was wondering, and I am addressing this question perhaps not so much
just to you but also to the Minister, whether there might be some kind of
effective committee or body or something to maintain constant communications
between the Native people, the Government and Hydro. Not just a meeting of
minds of the kind that is taking place today, but one that can go on on a
continuing basis.
Mme Bacon: Beauchemin est dans ça.
M. Cameron: Do you think it is working adequally now?
M. Lanari: We have put that question to Mme Bacon a few months
ago and we... M. Beauchemin, I think, has the answer in his pocket and is
making us waft for the answer. Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): C'est O. K. Si vous
voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Ça m'a fait plaisir de vous recevoir parmi
nous et je souhaite que la ministre vous répète qu'elle vous a
entendus et non pas uniquement écoutes. Nacormik.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: I have listened to what I have heard, both. Je dois
dire que les communautés inuit du Québec - et j'aimerais dire
ça à la fin, je pense que c'est important de le dire - sont les
seules communautés autochtones à contribuer au Trésor
québécois et au Trésor fédéral,
contrairement au statut fiscal privilégié des Indiens qui
touchent un salaire dans leur communauté. Les Inuit, eux, paient
l'impôt sur le revenu et paient aussi la taxe de vente. Je dois dire que
votre mémoire nous indique aujourd'hui qu'en plus de cela, les Inuit
sont prêts, si on leur en donne la chance et si on leur en donne aussi
les moyens, à joindre les rangs de la main-d'oeuvre au travail et,
aussi, à contribuer à la mise en valeur du Québec.
Et moi, j'aimerais profiter de l'occasion qui nous est donnée
aujourd'hui de nous rencontrer pour signifier l'appui du gouvernement et, je
suis certaine aussi, l'appui de vos concitoyens du Sud dans cet effort et cette
demande que vous nous faites de vous joindre aussi à cette mise en
valeur du Québec. May I wish you a safe trip back home for you all.
Thank you very much for coming here.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la Société Makivik
Corporation de sa présentation à nos travaux. On vous souhaite
aussi un bon voyage de retour. J'invite à la table des témoins la
ville de Matagami.
Bonjour messieurs. Il me fait plaisir de vous recevoir à la
commission de l'économie et du travail. Sans plus tarder, je vous
explique nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour
la présentation de votre mémoire, et il y aura par la suite une
partie d'échanges avec les
parlementaires. Si vous voulez bien identifier votre porte-parole et
présenter les gens qui sont avec vous. Nous vous écoutons. Je
vous remercie. (17 heures)
Ville de Matagami
M. Labelle (Robert): M. le Président, Mme la ministre,
Mmes, MM. les membres de la commission de l'économie et du travail, la
ville de Matagami a jugé important de soumettre un mémoire sur
l'énergie électrique au Québec et est heureuse aujourd'hui
de pouvoir faire entendre sa voix, par sa délégation que je vous
présente immédiatement: M. Bernard Beauchamp, conseiller
municipal; M. Denis Bureau, commissaire industriel; M. Jean-Robert Gagnon,
directeur général de la ville de Matagami; et moi-même,
Robert Labelle, maire de la ville de Matagami.
La population de la ville de Matagami est de 3000 âmes et notre
territoire est situé tout près du 50e parallèle, plus
précisément dans le territoire sud du projet NBR.
Il me semble important de préciser ici que Matagami a
déjà vécu la première Baie James. Une
première Baie James qui s'est amenée à Matagami dans les
années soixante-dix et qui a duré une décennie. Pendant
cette décennie, Matagami a connu un essor important. La population de
Matagami est passée de 2800 à 6000 âmes. Des
infrastructures municipales et le territoire urbanisé ont doublé
pour répondre aux besoins d'alors. La ville de Matagami a assumé
seule les coûts de ces développements.
Début des années quatre-vingt, fermeture des grands
projets et on remet à plus tard la réalisation de NBR,
prévue pour 1985, et qui avait pourtant été officiellement
annoncée au conseil municipal, en 1980, par la SEBJ, dans la salle du
conseil à l'hôtel de ville de Matagami. Matagami s'est alors
vidée de 4000 habitants. C'était la débandade et la
décroissance totale. C'a été l'époque des
fermetures de commerces, de l'effondrement des valeurs mobilières, de la
démoralisation et du découragement. En 1990, au moment où
on se parle, Matagami paie encore les développements issus de la
première Baie James. Ces développements ponctuels et irrationnels
ont eu de graves conséquences sur le milieu économique et social.
Malgré le climat d'incertitude, Matagami a fêté son 25e
anniversaire d'existence en 1988. Plusieurs ont pu alors comparer le
comportement et la responsabilité sociale des développeurs
miniers à ceux de notre société d'État au
Québec et de sa filiale, SEBJ. Les développeurs miniers avaient
déjà compris en 1960, contrairement à Hydro-Québec,
que les coûts d'opportunité sur l'environnement social,
écologique et économique doivent s'accompagner d'investissements
communautaires et d'une attention particulière aux besoins
socio-économiques de la population locale.
La ville de Matagami considère que le gouvernement du
Québec et Hydro-Québec ont une lourde dette envers Matagami et
ses citoyens. La société d'État ayant fait fi de ses
responsabilités lors de la première Baie James, et ça,
d'une façon peu civilisée, je peux vous dire aujourd'hui que la
ville de Matagami les voit venir de loin et qu'elle appréhende la
deuxième Baie James, le projet NBR et leurs impacts cumulatifs sur nos
environnements social, économique et écologique.
De plus, il est bon de vous rappeler que sur ce territoire nordique, des
gens y vivent, y vivent par choix et s'y plaisent. Ces gens sont
regroupés dans cinq municipalités, dont: Baie James, Chapais,
Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon et Matagami. Ensemble, elles totalisent
environ 25 000 âmes. Ces gens vivent sur le même territoire,
voisins et en harmonie avec les communautés autochtones. À
l'instar de ces dernières, nous voulons contribuer à enrichir le
débat énergétique au Québec, puisque Matagami sera
la ville nordique la plus touchée par le développement futur de
NBR.
Étant la porte de la Baie-James, et à ce titre, Matagami
entend bien être partie prenante du débat de société
que représente l'énergie au Québec. Hydro-Québec ne
doit plus voir le Nord comme seulement un chantier hydroélectrique,
puisque le gouvernement du Québec a une responsabilité à
assumer dans le développement durable des communautés nordiques
concernées. Ces dernières, grâce à leur richesse
culturelle, contribuent largement à l'économie du Québec
sans toutefois recevoir les retombées équivalentes. Nos
revendications sont justifiées. Nos interventions se veulent positives
et notre objectif ultime. M. le Président, notre but est de
déposer des avenues de développement énergétique en
demandant au gouvernement du Québec d'y inclure une véritable
politique de développement nordique. À mon sens, l'une ne va pas
sans l'autre.
De 1990 à l'an 2000, Hydro-Québec veut investir plus de 45
000 000 $ dans des projets énergétiques. Aux termes de
l'exercice, HydroQuébec aura ajouté 20 000 mégawatts et
noyé 11 000 kilomètres carrés de notre territoire. Votre
plan de développement parle de 20 000 mégawatts
supplémentaires, si jamais la demande le justifiait. Nos amis les Cris
vous trouvent énergivores. Nous avons tendance à
reconnaître qu'ils ont en partie raison.
L'hydroélectricité nous apparaît aujourd'hui comme
la façon la moins coûteuse de fournir de l'énergie. Elle
représente des revenus additionnels pour le Québec de l'ordre de
5 000 000 000 $ US et, sur ses avantages, nous sommes d'accord avec Mme la
ministre, Lise Bacon. Toutefois, on est en droit de se demander, parce que nous
l'avons vécu, si ses impacts sociaux et environnementaux ne commencent
pas
à peser très lourd dans le plateau négatif de la
balance.
Dans le document synthèse de la proposition de plan de
développement 1990-1992, Horizon 1999, on peut lire, et je cite: "Nos
installations occupent actuellement 1 % du territoire québécois.
Si tous les projets d'aménagement de rivières prévus
étaient réalisés, cette proportion augmenterait à
environ 2 % dans 30 ans." Fin de la citation. Ce qui veut dire, pour Matagami,
la perte de ressources fauniques, minières et forestières
considérables et sans prix, puisque ces deux dernières ressources
ont donné naissance et sont encore, depuis plus de 25 ans, la raison
d'être de Matagami.
Hydro-Québec, dans son discours officiel, semble ne retenir que
l'hydroélectricité comme solution acceptable à nos besoins
en énergie. Il est difficile, pour notre société
d'État, de transgresser ses propres frontières, étant
à la fois juge et partie. Pour se justifier, HydroQuébec devient
alors dogmatique et sectaire. Son imagination est stérilisée par
la pression gouvernementale. Pourtant, ce problème doit être un
débat, un projet de société. C'est pourquoi
Hydro-Québec se doit, d'ici les 20 et 30 prochaines années, de
faire de la recherche sur l'économie énergétique et sur
d'autres formes d'énergie. Par exemple, établir un programme
d'économie énergétique tel qu'il en existe notamment en
Suède; établir un moratoire sur les contrats d'exportation pour
se donner le temps de mettre en place les mesures qui permettent
d'étudier les avenues possibles de développement
énergétique et d'établir un consensus au sein de la
société québécoise; établir une
véritable politique de développement nordique, puisque tous les
importants développements énergétiques futurs sont
prévus dans le nord du Québec; promouvoir la réalisation
de projets favorisant l'utilisation polyvalente et complémentaire de nos
ressources énergétiques, telles que tourbières et
résidus forestiers; étudier l'implantation d'usines
d'hydrogène liquide pouvant se substituer au combustible fossile
principalement utilisé dans le transport et les centrales
électrothermiques.
Envisager le nucléaire. Le nucléaire fait peur,
aujourd'hui, par ignorance scientifique. Hydro-Québec pourrait,
parallèlement à une recherche dans ce domaine, informer et
éduquer la population sur le sujet. Écoutez là-dessus
James Lovelock, un savant et véritable fondateur de l'écologie.
"Les écologistes considèrent que le nucléaire est
démoniaque. Or, c'est une énergie naturelle. L'univers est
parcouru d'explosions nucléaires. Chaque étoile est un
réacteur nu cléaire et il existe, sur notre planète, des
réacteurs spontanés, créés par des
micro-organismes. Les centrales nucléaires ne font donc que reproduire
au service de l'homme des phénomènes qui existent dans la
nature." Certains diront que les centrales ne fonctionnent pas, mais ce n'est
là qu'un aspect technique, pas un débat écolo- gique,
d'où l'importance de la recherche et de l'information.
Tenir compte, dans la tarification, de l'ensemble des coûts,
c'est-à-dire des coûts directs supportés par tous les
Québécois et des coûts d'opportunité
supportés par les communautés nordiques; ces dernières
font les frais d'impacts sociaux, économiques et écologiques.
Étudier avec les communautés du territoire des projets de
cogénération. M. le Président, une telle politique de la
part du gouvernement du Québec favoriserait un climat
énergétique et social plus stable au Québec tout en
assurant la diversification économique de l'ensemble du Québec.
Dans ce débat, jamais, M. le Président, jamais les
communautés nordiques n'ont été consultées par le
gouvernement du Québec ou Hydro-Québec. Je rappelle à qui
de droit, et au risque de me répéter, que Matagami est la ville
nordique la plus touchée par les futurs développements
hydroélectriques et, dans ces circonstances, elle entend bien
protéger ses droits et son environnement, puisque plusieurs enjeux
risquent de coûter cher, non seulement aux citoyens du Nord, mais
également à l'ensemble de la population du Québec.
Le premier enjeu est celui de nos richesses fauniques, qui attirent tout
le Québec, et même au-delà de nos frontières
canadiennes. Il faut s'interroger sur les impacts cumulatifs qu'auront
l'élévation du niveau d'eau des lacs et des rivières du
territoire du nord du Québec et de la Baie James. Que penser des risques
de contamination au mercure? Considérant les vastes superficies
inondées, Hydro-Québec peut-elle évaluer avec
précision les conséquences d'une telle contamination? Et combien
d'années le mercure prendra-t-il à se résorber? Les
frayères de nos plans d'eau disparaîtront-elles? Quel sera
l'impact sur la reproduction des populations d'orignaux et de caribous? Les
espèces de sauvagines, dont l'outarde, seront-elles affectées
dans leurs ressources nutritives essentielles à leur survie et à
celle de multiples espèces d'oiseaux migrateurs? Et que dire de la faune
plus nordique, telle que les ours polaires, les bélugas et les
phoques?
Toutes ces questions demeurent sans réponse précise.
L'enjeu de la faune met également en lumière l'enjeu touristique.
Il importe donc d'évaluer dans quelle mesure ces
déséquilibres risquent d'affecter la faune et, par voie de
conséquence, l'industrie touristique qui en dépend.
Un autre enjeu majeur pour Matagami et tout le Québec, c'est
l'industrie minière. Tout le nord du Québec reste à
explorer et représente l'avenir de l'industrie minière. Un
potentiel immense sera inondé. Considérant les difficultés
d'accessibilité du territoire, le gouvernement du Québec ne doit
pas limiter les territoires d'exploration et doit mettre en place un programme
d'incitatifs pour encourager l'exploration
minière dans les zones potentielles et susceptibles d'être
inondées. Matagami, pour des raisons de développement durable et
à cause de la conscience communautaire du développeur,
préfère actuellement voir s'ériger un chevalement de mines
plutôt qu'un barrage.
Les enjeux dans le secteur forestier sont aussi importants. La politique
forestière du gouvernement du Québec favorise la polyvalence de
la forêt et un rendement soutenu. Dans cette optique, le gouvernement du
Québec devrait imposer le dialogue entre Hydro-Québec et le
ministère de l'Énergie et des Ressources pour coordonner leurs
discours et leurs actions afin d'encourager les industries forestières
du sud qui éprouvent actuellement de sérieuses difficultés
économiques, en raison des distances, à se relocaliser au nord,
là où est la ressource.
Également envisagé, le projet d'une usine de
cogénération, celui-ci répondant aux objectifs
d'Hydro-Québec par son programme d'énergie combinée. Sans
les élaborer, les autres enjeux qui sont précisés dans
notre mémoire sont: l'industrie du transport, qui offre une
opportunité pour un centre de distribution nordique grâce à
la cour de transbordement, propriété d'Hydro-Québec; et
enfin, le développement local, qui veut s'assurer d'une meilleure
stabilité reliée à la diversification et à la
recherche de projets structurants.
Dans le passé, ces deux derniers enjeux ont été
sacrifiés au nom du développement énergétique. Les
futurs projets ne devront plus se faire en sacrifiant quoi que ce soit.
Considérant tous ces enjeux locaux, régionaux et
québécois, considérant que les retombées de la
première Baie James ont été plus négatives que
positives dans les communautés nordiques, considérant que c'est
le nord du Québec qui supportera encore les coûts
d'opportunité des futurs développements
énergétiques, force sera d'admettre avec nous, M. le
Président, qu'il incombe au gouvernement du Québec et à sa
société d'État, Hydro-Québec, d'assumer le
leadership et la responsabilité, tant morale que sociale, à
préparer l'avenir énergétique du Québec. En toute
honnêteté, force nous est d'admettre également, tous
ensemble, que les solutions de rechange ne sont pas nombreuses. Quelle que soit
la solution, il y aura toujours des risques environnementaux à
gérer, puisque toutes les technologies en comportent.
Par contre, si toutes ces technologies autres que
l'hydroélectricité coûtent cher, combien valent en
ressources et en emplois pour les générations à venir 20
000 kilomètres carrés d'épinettes, du cuivre, du zinc ou
de l'or jamais exploités? Ou encore, un doré au mercure? (17 h
15)
En terminant, M. le Président, vous me permettrez de lancer trois
défis au gouvernement du Québec, à Hydro-Québec et
à sa ministre, Mme Lise Bacon. Le premier: à compter
d'aujourd'hui, Matagami vous défie de faire de notre
société d'État un développeur civilisé. Le
deuxième défi: d'inclure, à même votre politique de
développement énergétique, une véritable politique
de développement nordique, puisqu'il y va également de l'avenir
du Québec en termes de ressources fauniques, minières,
forestières et touristiques. Enfin, le troisième défi est
le défi de l'avenir pour nos enfants, pour vos enfants. Le gouvernement
du Québec doit faire de l'énergie un débat de
société et intégrer, dans son processus de décision
et d'action, des critères autres que de stricte comptabilité. Une
vision claire de l'avenir, M. le Président, permettrait au gouvernement
du Québec de s'allier le peuple québécois dans son combat
énergétique, non pas contre la technologie, mais grâce
à la technologie, favorisant ainsi un Québec stable.
Au nom de la ville de Matagami et de ses citoyens et citoyennes, merci
de nous avoir écoutés et nous demeurons à votre
disposition pour dialoguer avec vous et contribuer, dans la mesure de nos
moyens, à l'avenir énergétique du Québec.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
maire. Mme ia ministre.
Mme Bacon: Alors, M. le maire, messieurs, le mémoire que
vous nous présentez aujourd'hui fourmille d'idées. Je dois dire
qu'Hydro-Québec n'a quand même pas comme mission de planifier le
développement socio-économique régional. C'est une
société d'État qui doit quand même prendre en compte
les intentions d'aménagement municipal et régional et chercher
aussi à intégrer ses projets aux autres usages du territoire.
Vous comprendrez donc que mes questions porteront non seulement sur le
développement durable des communautés nordiques, mais aussi dans
la mesure où le volet énergétique est concerné.
J'aimerais m'assurer quand même avec vous de ma
compréhension de certaines de vos recommandations. Dans les
recommandations 1 et 4, vous recommandez, d'une part, un moratoire sur les
exportations d'électricité et, d'autre part, de prévoir un
tarif additionnel à l'intérieur de la tarification des ventes
d'électricité aux clients externes et aussi d'utiliser les fonds
issus d'un tel tarif pour financer les fins du développement nordique.
Comment pouvez-vous concilier ces deux recommandations dans la mesure où
un moratoire sur les exportations entraînerait la non-application d'un
tarif additionnel?
M. Labelle: La demande d'un moratoire est surtout dans le but
aussi qu'on s'assoit ensemble avec Hydro-Québec et puis de planifier
plus en avant le futur du développement nordique, parce que au train
où les contrats se signent, il n'y aura plus rien à planifier
dans quelques années. C'est simplement une formule de retenue et de
trouver aussi dans les tarifs d'exportation... Parce que, en
réalité, si on construit des centra-
les pour exporter de l'électricité seulement, on exporte
à peu près l'équivalent ou juste un peu plus que le prix
du consommateur québécois. Mais, par contre, il y a beaucoup de
coûts indirects qui ne sont pas calculés dans le tarif. Ce n'est
pas vraiment le vrai coût qu'elle coûte. Il y a les coûts
socio-économiques de l'électricité.
Mme Bacon: Votre moratoire, ce n'est pas pour une longue
période...
M. Labelle: Non.
Mme Bacon:... si je comprends bien.
M. Labelle: Oui.
Mme Bacon: Si vous voulez allier les deux là, ça ne
peut pas durer une longue période.
M. Labelle: Non. Je vais demander à M. Bureau de
compléter.
Mme Bacon: Oui, M. Bureau.
M. Bureau (Denis): Oui, Mme Bacon. C'est qu'on est conscient,
dans notre région, qui représente quand même, si on inclut
le territoire même des Inuit... C'est une région qui couvre quand
même les deux tiers du Québec, donc de très grande
importance. Le moratoire, ce qu'if vise, c'est à établir un
consensus qui, je pense, nécessite une période de temps autant
pour le gouvernement que pour Hydro-Québec, si l'on considère
l'ensemble des ressources que M. Labelle a pu vous présenter en termes
de potentiel de développement économique et on parle ici d'un
développement intégré. Ça, c'est la première
réponse à votre question sur le moratoire. Mais, l'idée du
moratoire va un peu plus loin. C'est qu'on est conscient des enjeux miniers,
forestiers. On est conscient aussi des enjeux sur notre mode de vie parce que,
trop souvent, on a associé les impacts au niveau du mode de vie
autochtone. Il y a aussi un mode de vie qui se rapproche à quelques
égards du mode de vie autochtone que nous vivons.
Vous savez, tous les citoyens de Matagami, tous les citoyens des
communautés non autochtones sont très proches de cette nature.
Prenez juste, par exemple, les inondations ou les dérivations qui,
à l'heure actuelle, sont projetées vers la rivière
Broadback, que ce soit les dérivations de la rivière Waswanipi
contre la dérivation de la rivière Rupert. Si on veut être
vraiment franc et qu'on est conscient d'un potentiel touristique, qu'on est
conscient de la possibilité de la contamination au mercure, qu'on est
conscient du potentiel forestier, il faut alors se poser de très grandes
questions.
Je pourrais vous donner juste l'exemple de la rivière Waswanipi
qui va être dérivée. Ça va engendrer une
concentration de mercure, non seulement à cause de l'érosion
éventuelle des territoires forestiers, mais il ne faut pas oublier aussi
que, dans la région de Quévillon, nous retrouvons une compagnie,
qui est la compagnie Domtar, qui va faire en sorte que le principal affluent
qui va s'en aller dans le lac Matagami va devenir la rivière Bell. Et
cette rivière Bell, elle est déjà en concentration de
mercure respectable. Donc, si on élimine l'affluent de la rivière
Waswanipi, ça va inévitablement augmenter de beaucoup la
concentration de mercure, d'où l'impact sur l'industrie touristique, sur
le mode de vie.
Maintenant, concernant le milieu forestier, vous savez, actuellement,
les compagnies forestières sont rendues à peu près au
niveau du 50e parallèle. M. Labelle disait qu'il fallait harmoniser,
d'une part, la politique d'Hydro-Québec et la politique ou les
développements forestiers du ministère de l'Énergie et des
Ressources. Nous, on constate chez nous, sur le terrain, qu'actuellement il y a
des gens qui ne se parlent pas. Parce que les inondations qui vont être
entamées vont faire en sorte que les territoires forestiers... Parce
que, actuellement, jusqu'au niveau du 49e versus le 50e, il y a des bandes
forestières qui sont de l'ordre de 300 pieds, mais, après
ça, qu'est-ce qu'il y a? Et qu'est-ce qu'il y a après les
inondations? imaginez! Déjà, c'est beau qu'il reste des
territoires forestiers le long des cours d'eau et des lacs pour la richesse
touristique qui s'y trouve, mais si l'élévation des cours d'eau
élimine ce minime territoire forestier qu'il nous reste, il faut se
poser de sérieuses questions. Et toutes ces questions sont tellement
importantes. Mais je ne pense pas que quiconque, même
Hydro-Québec, puisse avoir réponse, dans l'immédiat,
à ces questions. Donc, je crois que les communautés nordiques, de
par leur expérience dans le secteur forestier, dans le secteur minier,
dans le secteur touristique, ont beaucoup amené au débat sur un
développement durable.
Mme Bacon: D'accord.
M. Bureau: Ça, c'était pour votre première
question. Il y a une deuxième question que vous avez posée
concernant la tarification. Vous savez, on est conscient qu'actuellement les
signatures de contrats d'exportation qui se font, d'une part avec les
Américains, d'autre part, j'oserais dire aussi avec les alumineries...
On ne parle pas ici d'exportation, mais on parle quand même d'une
industrie qui est sous le contrôle, en bonne partie, d'investisseurs
étrangers. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on n'est pas contre le
développement, loin de là, mais qu'à partir du moment
où ce sont les communautés nordiques qui subissent les
coûts d'opportunité que je viens d'énumérer et qu'on
est rendu dans une société où c'est le principe du
pollueur payeur qui va
s'appliquer dans les années futures, à ce
moment-là, on se dit que ces coûts d'opportunité dans
l'industrie hydroélectrique devraient aussi s'appliquer pour les
communautés qui auront à subir cette certaine forme de pollution.
Évidemment, le développement durable devra essayer d'harmoniser
le tout. Mais imaginez le levier de développement nordique si, chaque
fois que le gouvernement entreprendrait une négociation de contrat
d'exportation, les communautés nordiques pouvaient n'en retirer ne
serait-ce qu'une part! Évidemment, ça rendrait peut-être
plus difficile la négociation avec les Américains, mais, chose
certaine, on aurait pour le développement nordique un levier qui
profiterait assurément à l'ensemble du Québec et surtout
à l'ensemble des communautés nordiques, qu'elles soient
autochtones ou non autochtones.
En ce qui me concerne, ça fait seulement trois ans que je suis
à Matagami, mais je sais que ça fait peut-être 10 ans, 15
ans, sinon plus, qu'on parle de fonds d'investissement nordique. Certains vont
parler de fonds du patrimoine. On n'a pas encore d'idée concrète
pour vraiment définir de quelle façon nous allons nous doter de
ce levier, mais je pense que la solution se trouve à ce niveau.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous vous
référez à l'analyse économique qui a
été faite par des professeurs de l'Université Laval
à l'effet qu'en vendant aux alumineries notre électricité
moins cher qu'aux Américains, ça représenterait un manque
à gagner, pour les 25 prochaines années, de 300 000 000 $ par
année. Vous me permettrez quand même de faire deux remarques sur
ce point-là. La première, c'est que cette analyse
économique repose sur l'hypothèse fondamentale que le
Québec a l'opportunité de vendre son électricité
aux États-Unis. Dans le contexte d'un moratoire sur les exportations, la
conclusion de cette analyse, je pense, devrait être
révisée, au dire même des auteurs. Cette analyse pour les
alumineries tient aussi, de façon générale, pour toutes
les grandes entreprises industrielles. Ça ne tient pas seulement pour
les alumineries. On pense aux compagnies forestières, aux compagnies
minières, par exemple. Autrement dit, toujours selon la logique des
professeurs, de l'Université Laval, les régions nordiques
bénéficieraient de fortes subventions, à cause des faibles
prix d'électricité payés par les industries
minières et forestières.
Cela étant dit, est-ce qu'on doit comprendre que la ville de
Matagami souhaite que l'on tienne compte de ce genre d'impact, dans la mise en
oeuvre d'un tarif additionnel, qui viserait à partager une partie des
coûts d'opportunité? D'une façon peut-être plus
fondamentale, est-ce que le Québec devrait remettre en cause - et
ça c'est important - l'uniformité territoriale des tarifs
d'électricité en appliquant votre recommandation?
M. Labelle: Sans remettre en cause, peut-être,
l'uniformité territoriale, il pourrait y avoir, par divers autres
programmes, des moyens de compenser les communautés nordiques pour les
impacts que le développement hydroélectrique cause. Par contre,
qu'Hydro-Québec ait son uniformité territoriale de la facture
d'électricité, c'est à peu près la seule
énergie qui a l'uniformité territoriale, parce que, dans les
autres formes d'énergie, les questions de transport et autres
s'appliquent. La loi du marché aussi. Ça fait que...
Mme Bacon: Mais, M. le maire, est-ce que vous la remettez en
cause, l'uniformité territoriale des tarifs d'électricité?
Est-ce que vous remettez ça en cause?
M. Labelle: Non, on ne remet pas en cause l'uniformité
territoriale. C'est un beau principe que celui que tous les
Québécois devraient payer le même prix. Par contre, il
devrait y avoir un moyen, au point de vue du gouvernement ou
d'Hydro-Québec, afin de conscientiser HydroQuébec et le
gouvernement. Parce que c'est une belle occasion de développer le Nord,
ces projets hydroélectriques. Mais il ne faudrait pas seulement faire
les projets hydroélectriques et, après, on s'en retourne quand on
a fini. C'est d'occuper le Nord, de commencer à occuper le Nord. La
méthode "fly-in, fly-out", ça n'a rien de bon. Si l'Abitibi
s'était développée de même, il n'y aurait rien,
aussi. C'est le temps de commencer à développer le Nord et
à l'occuper.
Mme Bacon: D'accord. M. Bureau: Mme Bacon. Mme Bacon:
Oui.
M. Bureau: Si je peux me permettre. Non seulement nous ne voulons
pas remettre en question l'uniformité, d'autant plus que, lorsqu'on
parle de tarification, c'est au niveau des exportations... On est conscient
qu'actuellement il y a quand même de grosses pressions chez vous, de la
part de certains organismes de représentation au niveau du Québec
qui demandent de faire en sorte que, d'une part, la construction des nouvelles
centrales, qui, actuellement, dans la négociation, si on se fie à
tout le moins aux sources que nous avons, ne sont pas considérées
dans les contrats de garantie à long terme qui, actuellement, sont
signés... Donc, d'une part, tout au contraire, c'est pour faire profiter
davantage l'ensemble, au niveau, entre autres, de la facture
d'électricité que chacun des Québécois doit payer,
qu'on dit: Tenons compte des coûts directs que chaque
Québécois doit supporter. C'est la première chose.
Deuxième chose, c'est au niveau des coûts indirects qui
font référence à l'ensemble des
coûts d'opportunité que nous avons présentés.
On dit: Lorsqu'il y aura signature de contrats avec les Américains,
c'est davantage les Américains qui se devront de supporter une partie de
ces coûts. Donc, ça affecte, évidemment, si on peut parler
d'uniformité, l'uniformité de la tarification aux
Américains et non pas l'uniformité de la tarification aux
Québécois.
Mme Bacon: À l'égard des économies
d'énergie, vous suggérez de considérer l'expérience
d'autres pays nordiques et vous mentionnez la Suède, par exemple, qui
vise à diminuer, d'ici l'an 2010, sa production
énergétique de 140 térawattheures à 88
térawattheures. C'est à peu près l'équivalent de
cinq phases II. (17 h 30)
Je présume ici que vous vous référez au complexe La
Grande. Si c'est le cas, je pense qu'il faudrait diminuer un peu. Ça
serait 3,5 au lieu de 5. Mais, à tout événement, cette
réduc tion visée par la Suède équivaut pratiquement
à l'augmentation prévue des besoins en électricité
au Québec de 1989 à 2006, en incluant les économies
d'énergie de 19 térawattheures prévues par
Hydro-Québec. La majorité de cette croissance-là est due,
évidemment, au secteur industriel beaucoup plus qu'au secteur
résidentiel. Compte tenu de la structure industrielle et du prix de
l'électricité qui est relativement faible au Québec,
est-ce que vous croyez qu'il soit réaliste de poursuivre des objectifs
d'économie d'énergie qui se rapprochent, par exemple, de ceux de
la Suède?
M. Labelle: Je suis d'accord avec une politique d'économie
d'énergie, parce que plus on peut en économiser, plus on va en
avoir de disponible et moins on va peut-être être obligés
d'impliquer de très gros coûts à en développer
d'autres, que ce soit de l'énergie électrique, nucléaire
ou... Le plus possible, je suis contre le gaspillage d'énergie. Mais il
faut là-dessus sensibiliser tous les Québécois aussi
à économiser de l'énergie. Ça s'en vient. Les
programmes s'en viennent pour ça et puis... Parce que là, on
bâtit de très grosses infrastructures seulement pour ce qu'ils
appellent les pointes. Ça fait que c'est ça le problème
avec l'électricité, c'est qu'il faut garantir une certaine
consommation pour seulement certaines heures de pointe. Le reste on ne le
consomme pas. Et puis dans tous les projets de fa Baie James, il y a
peut-être l'équivalent d'un projet complet qui est juste pour
servir aux heures de pointe, peut-être moins que ça, mais quelques
centrales. Ça fait que...
Mme Bacon: Vous parlez des petites centra les.
M. Labelle: Admettons une couple de mille mégawatts.
Mme Bacon: Mais, est-ce que vous êtes d'accord avec le
programme d'économie d'énergie d'Hydro-Québec qui est
prête à dépenser la somme de 1 800 000 000 $, dans les 10
prochaines années, pour essayer de favoriser justement l'économie
d'énergie? Souvent, on a eu des groupes ici, depuis quelques semaines,
qui nous ont dit qu'il faudrait en mettre encore davantage, qu'il faudrait en
faire davantage des économies d'énergie. Est-ce que c'est facile
de faire ça dans le milieu industriel par exemple?
M. Labelle: Ce qui est le plus difficile, je pense, dans le
milieu industriel aussi, c'est de garantir l'énergie. Le milieu
industriel est très fort sur la garantie de l'énergie, parce
qu'il n'y a rien de bien intéressant, dans des procédés
continus de production, ou rien de moins intéressant qu'une panne.
Ça fait que c'est plutôt là-dessus. Ce sont des gros
consommateurs d'énergie et ils veulent avoir des garanties fermes. Mais
les économies d'énergie, c'est sûr que le programme est
très bon. Il faut aussi être logique. C'est qu'au cours des 20
dernières années, quand il y a eu une crise
énergétique, tout le monde prêchait les économies
d'énergie et, cinq, six ans après, Hydro-Québec
subventionnait les industries pour transformer leurs chaudières au
mazout en chaudières électriques et à cette heure, elles
sont transformées en biénergie électrique. Elle
rachète les contrats pour pouvoir fournir. Cette année, elle a
racheté les contrats de certaines municipalités et elle offrait
aux industriels des contrats de rachat de leur contrat pour pouvoir livrer son
électricité. C'est ça le problème. Si vous faites
une campagne de sensibilisation de 1 800 000 000 $ pour économiser de
l'énergie et que, dans cinq ans, vous refaites une autre campagne de 2
000 000 000 $ pour dire: Consommez parce qu'on en a trop, c'est d'être
logique dans le cheminement aussi.
Mme Bacon: Aux pages 17, 18 et 28 de votre mémoire - et je
reviens là-dessus - vous vous référez au processus de
consultation d'Hydro-Québec auprès des communautés qui
sont touchées par les projets hydroélectriques. Vous allez
même, à ce moment-là, dans ces pages-là,
jusqu'à réclamer un moratoire sur des études qui sont en
cours. Je pense qu'il faudrait se rappeler que la loi sur la qualité de
l'environnement prévoit un mécanisme d'évaluation
complété par des règlements d'application. Est-ce que vous
souhaiteriez voir modifier le processus québécois
d'évaluation des impacts pour permettre davantage de consultations? Et
j'enchaînerai en vous disant: Qu'est-ce que pourraient être les
nouvelles obligations qui seraient dévolues à HydroQuébec
et aux autres promoteurs?
M. Labelle: Je verrais, moi, Mme la ministre, dans les
obligations d'Hydro-Québec, de ne pas commencer à consulter quand
ses plans sont
finals. C'est de consulter avant de faire ses plans. Quand ils arrivent,
que toutes les maquettes sont prêtes et qu'ils savent déjà
exactement, qu'ils peuvent nous dire, au pied carré, où est-ce
que ça va être inondé, je n'appelle plus ça de la
consultation. Ça fait qu'il n'y a plus grand-chose à changer dans
ce temps-là. C'est ça qui arrive.
Mme Bacon: Au niveau de l'évaluation des impacts, est-ce
que vous voyez un changement complet du processus québécois qui
est fait?
M. Labelle: Je vais laisser répondre M. Beauchamp
là-dessus.
M. Beauchamp (Bernard): Je ne sais pas s'il faudrait changer le
processus sur l'étendue du Québec, mais il faudrait
définitivement changer le processus pour les populations nordiques. On
n'est pas consultés. Au niveau du Québec, on ne peut pas
répondre, mais nous autres, dans le Nord, on n'est pas consultés.
On se retrouve devant des faits accomplis. C'est décidé, les
contrats sont donnés; c'est de même que ça se fait. Donc,
il faut définitivement changer pour les populations du Nord.
Mme Bacon: En fait, ce que vous voulez, c'est une consultation
à la première étape.
M. Labelle: C'est ça, oui.
M. Beauchamp: Une consultation chez nous aussi.
M. Bureau: Mme Bacon.
Mme Bacon: À la conception même du projet, c'est
ça? Oui, M. Bureau.
M. Bureau: Quand vous parlez de consultation dès les
premières étapes, actuellement, vous savez, M. Jean-Guy
René de la SEBJ est venu à Matagami il n'y a pas si longtemps.
Vous avez énuméré deux ou trois pages dans lesquelles on
parle, entre autres, d'un comité qui se voudrait peut-être un peu
plus impartial, histoire peut-être de donner un peu d'eau au moulin de
notre échevin, Bernard.
Ce comité impartial, ce qu'il veut aussi, c'est être, comme
vous l'avez dit, impliqué dès le début. Actuellement,
prenez juste les travaux futurs de NBR; il y a déjà des
études préliminaires qui ont été amorcées en
1987, au cours desquelles il n'y a eu aucune consultation. Mais si on voulait
consulter encore plus, on se dit qu'il faudrait peut-être aussi qu'on
soit partie prenante dans l'ensemble des tournées, dans l'ensemble des
consultations. Vous savez aussi qu'actuellement il existe un regroupement de
communautés non autochtones qui fait toute la frontière de la
baie James qui, au même titre que le Grand Conseil des Cris ou que nos
prédéces- seurs ici, aimerait bien faire partie, entre autres,
par exemple, du Comité consultatif de l'environnement. Pourquoi ne pas
aussi tenter d'identifier des approches pour être partie prenante des
décisions? Je pense que, chez nous, nous avons des ressources humaines,
qui agissent à différents paliers de développement
économique, qui pourraient certainement contribuer au
développement économique et énergétique du
Québec.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue parmi nous et de vous voir venir défendre
les intérêts des populations du Nord et du Moyen-Nord
québécois qui sont directement impliquées et, souvent,
d'abord mal connues et mal comprises, je pense, par passablement de monde au
Québec. Il est évident que les populations non autochtones du
territoire de la baie James sont là pour rester de plus en plus et,
même s'il y a des déménagements, comme on en voit, il y a
des noyaux stables et il y a une population qui est là pour occuper le
territoire, qui y vit, qui veut continuer à y vivre et qui fait tous les
efforts possibles, enfin, je pense, des démarches, des démarches
de plus en plus intéressantes, pour coordonner ses activités avec
celles des autochtones. C'est comme ça qu'on va bâtir le
Québec et c'est comme ça qu'on va utiliser, au meilleur de notre
connaissance, l'ensemble du territoire du Québec.
Je crois que c'en est fini du temps où on pouvait opérer
dans ces régions-là sans tenir compte des populations autochtones
et non autochtones qui y vivent.
Vous m'excuserez de mon petit exposé en commençant, parce
que Mme la ministre, tout à l'heure, elle m'a comme chatouillé un
peu en parlant de la tarification uniforme sur l'ensemble du Québec.
J'ai cru comprendre dans ses propos qu'elle trouvait que, dans le fond,
à cause de la tarification uniforme, les entreprises de Matagami ou
d'autres endroits semblables paient moins cher que ce qu'elles devraient payer
si la tarification n'était pas uniforme.
Mme Bacon: Je n'ai pas dit ça.
M. Claveau: J'espère que ce n'était pas ça.
Sauf que ça peut faire partie du débat, parce que, effectivement,
peut-être que le coût d'approvisionnement à l'unité
est plus coûteux à Matagami qu'ailleurs en termes de
kilowattheures consommés, sauf que, chez nous, il n'y a pas de
possibilité d'alternative. Par exemple, l'entreprise ne peut pas
utiliser le gaz naturel, elle est carrément liée à
l'électricité. À moins qu'on ne nous dise qu'il y aura un
jour des politiques pour amener le gaz naturel jusqu'à Matagami, mais,
jusque-là, on devra se contenter de l'hydro-
électricité et ça ne donne pas beaucoup
d'alternatives aux entreprises.
Les gens de Matagami, je pense, sont parmi les mieux placés au
Québec pour évaluer la présence et le retrait des
opérations de construction de barrages et de centrales
hydroélectriques et aussi l'impact que cela peut avoir tant sur la
population que sur le milieu de vie et les conditions sociales qui sont
vécues dans les milieux qui accueillent, pendant quelque temps, des
constructeurs qui doivent développer des infrastructures d'accueil et
quand ces gens-là n'en ont plus besoin, ils s'en vont tout simplement et
c'est à ceux qui restent de payer la note. Si je comprends bien
là, ce dont vous nous parlez dans votre mémoire, en ce qui
concerne les coûts d'opportunité, c'est surtout à ça
que vous vous référez. Moi, j'aimerais bien vous entendre d'une
façon peut-être un petit peu plus globale sur les problèmes
qui ont été vécus par Matagami, par la population de
Matagami au moment du retrait et qui justifient, finalement, en grande partie
les grandes appréhensions que vous avez à voir revenir des
constructeurs qui vont exiger des services publics, qui vont exiger de la
construction, enfin, du résidentiel etc., chez vous et qui, après
deux, trois, quatre ou cinq ans, lorsqu'ils n'en n'auront plus besoin, s'en
iront et vous laisseront, finalement, dans une situation peut-être aussi
pénible que celle que vous avez vécue entre les années
1982 et 1985 à toutes fins pratiques. Est-ce que vous pourriez nous
expliquer, pour les bénéfices de la commission, un petit peu plus
en profondeur quels ont été tous les problèmes
socio-économiques qui ont été liés à
ça et qui ont drôlement blessé ou particulièrement
blessé la population de Matagami?
M. Labelle: II y en a. Je peux en lister quelques-uns, mais il y
en a eu beaucoup. À l'annonce, la ville de Matagami a pris de
l'expansion pour accommoder le boom de la construction de la route de la Baie
James et de la Phase I du projet La Grande. Ça a amené entre 400
et 500 emplois à Matagami. des camionneurs, etc. La ville de Matagami,
vu ce qu'ils appellent le boom de la Baie James, ses infrastructures ont
été agrandies, il y a beaucoup de maisons qui ont
été bâties, des quartiers complets qui ont
été construits en 1973 et jusqu'en 1980. Ça s'en venait
pour 25 à 30 ans à venir, la Baie James, ça s'en venait et
ça se construisait.
En 1980, les hauts placés de la SEBJ - parce que, dans ce
temps-là, c'était la SEBJ qui s'occupait des études
d'avant-projets - et venaient nous annoncer, dans la salle du conseil, avec
plans et cartes à l'appui, le projet NBR et ça commençait
le lendemain. Les pressions des citoyens, dans ce temps-là, sur le
conseil municipal ont fait qu'un développement de terrains de maisons
mobiles de 80 terrains a été développé en vitesse
et puis une cinquantaine de terrains de maisons. (17 h 45)
Tout de suite après que ces terrains-là ont
été construits, c'a été l'annonce que le projet de
la Baie James était arrêté indéfiniment. Dans le
cadre des terrains de maisons mobiles, ça s'est vidé. C'est
occupé peut-être à 20 % par des résidents qui se
sont installés dedans et qui ont déménagé et par
d'autres résidents qui arrivent. Et puis, dans tout le
développement résidentiel à maisons untfamiliales, il y a
eu seulement cinq constructions et c'est l'industriel local qui est Noranda qui
a bâti cinq maisons, autrement dit, pour ne pas laisser ça vague.
Depuis ce temps-là, depuis 1980, à part les cinq maisons de
Noranda, il s'est seulement bâti deux maisons à Matagami. Pour
nous, les choses de la construction...
Par contre, avec l'arrivée, en 1973, du boom de la Baie James, il
s'est construit, via des projets, des édifices à logements, deux
édifices de 61 logements chacun et deux édifices de 18 logements
chacun. En 1988, la Société canadienne d'hypothèques a
octroyé un contrat pour démolir les deux édifices de 61
logements et les transporter au dépotoir, une première au Canada.
Elle ne voyait pas le jour où ce serait réhabité et si
elle pouvait garder ça en état pour que ce soit
réhabité un jour. Ce sont toutes des choses de boom de
même.
L'Infrastructure, la superficie de la municipalité a
doublé au point de vue réseau et infrastructures
routières, l'entretien. Ce n'est pas parce que le boom de la Baie James
est passé que ça a rétréci; le monde n'est pas venu
se condenser dans un secteur. Ça fait que le réseau routier reste
le double à entretenir ainsi que l'aqueduc et les égouts. C'est
pour ça aujourd'hui aussi que Matagami doit vivre avec une
dévaluation totale. On a perdu, seulement entre 1982 et 1984, le tiers
de notre évaluation. On a fait les plus grosses causes
d'évaluation qu'on a perdues et qui ont fait faire des déficits
d'opération à la municipalité de Matagami. On est
allé contre une société d'État qui était la
SDBJ dans ce temps-là, sur une contestation de l'aéroport;
ensuite, la SCHL. Ça fait qu'on avait un très bon coup de main de
la part des paliers gouvernementaux là-dessus pour continuer à
descendre plus creux. C'a été le découragement total.
Ce qui est arrivé, en 1986, Noranda a fait son annonce qu'elle
donnait deux ans de vie au dernier gisement, qu'il n'y avait plus d'autres
réserves et que, dans les deux ans à venir, les activités
de Noranda cesseraient à Matagami. Par contre, sept ou huit mois
après, elle a annoncé la mise en production d'une autre mine qui
donnait un sursis de six à sept ans pour chercher des gisements miniers
dans la région. Par contre, dans le développement de la Baie
James, quand ils ont décidé de faire la Baie James, ils ont tout
gelé le territoire à l'exploration minière qui a
été dégelé seulement en 1987.
C'est-à-dire
qu'il n'y avait aucune compagnie, dans cette très grosse partie
du territoire, qui avait le droit d'explorer pour voir s'il y avait des
gisements, de peur, d'après nous, pour Hydro-Québec, que si
trouvait des mines, ça pourrait mettre en danger ses projets. Le gel du
jalonnement a été levé sur une bonne partie du territoire
et on constate qu'il commence à y avoir quelque chose à
l'horizon.
Mais, par contre, le nouveau développement du nord, la phase II,
comme on la voit, comme elle est annoncée, ne procurera absolument rien.
Elle va être encore moindre pour la population nordique et pour les
populations en périphérie que l'a été la phase I.
Tout se fait quasiment directement. Dans les différents
dégâts, comme on pourrait dire, qui ont été
causés par le départ d'Hydro-Québec-SEBJ, il n'y a pas
seulement eux autres aussi, il y a eu un déclin dans le minier aussi. Il
y a eu des fuites de capitaux, de ressources humaines, une augmentation du taux
de rotation de la main-d'oeuvre, la difficulté de recrutement pour les
entreprises et institutions publiques, l'augmentation des charges salariales et
avantages sociaux pour attirer la main-d'oeuvre, diminution du sentiment
d'appartenance, augmentation des prix à la consommation, baisse du
niveau d'entreprises en biens et services, baisse du niveau de qualité
de vie, difficultés psychologiques et familiales occasionnées par
le climat, etc. Tout s'en ressent. Les services de santé s'en
ressentent. En fin de compte, on est partis d'une belle petite ville qui avait
pas mal tout et puis, là, c'est devenu très, très
tranquille. Les services s'en sont ressentis aussi. Le taux de taxation a
peut-être doublé en trois ans. Tout ça, ce sont tous les
inconvénients: le désinvestissement, tout le monde s'en allait,
vendait à rabais pour être sûr de ne pas perdre leur chemise
au moins, pour sauver la chemise.
M. Claveau: Si vous permettez... Euh! Oui?
M. Beauchamp: Je voudrais ajouter une chose là-dessus. On
constate aussi, avec la phase II de la Baie James, qu'Hydro-Québec et
SEBJ ont changé un peu d'optique. Ils ont fait beaucoup pour la phase I
à partir de Matagami, ce qui a créé d'énormes
pressions au niveau du développement de la ville. Les Infrastructures
sont là aujourd'hui, les rues sont là, il y a de la place pour en
mettre, des maisons mobiles, il y a de la place pour construire des maisons. La
SEBJ a une immense cour de transbordement dans le parc industriel qui est
presque inutilisée dans le moment. Puis, il semble, en tout cas, on nous
dit: Ah bien là! on n'en a plus vraiment besoin, on va faire ça
différemment pour la continuité de la Baie James. Donc, on va se
servir moins de vous autres maintenant que vous avez les infrastructures. Donc,
on nous a, jusqu'à un certain point, forcés. Hydro-Québec
ne nous a jamais donné de contrat, mais les pressions économiques
ont fait qu'on a été forcés de développer des
choses, 10 ans après, on ne les utilise plus et on nous dit: Bien, on ne
tés utilisera pas beaucoup pour la continuité du projet de la
Baie James. Donc, on se dit aussi: Bien, si vous nous avez forcés
à le faire, aujourd'hui, il faudrait peut-être penser à
l'utiliser pour qu'on ait notre juste part de retombées.
M. Claveau: Je voudrais donner peut-être un exemple
complémentaire, si vous permettez. Vous avez soulevé, M. le
maire, la question des services sociaux et des services de santé. On me
dit qu'au centre hospitalier de Matagami un des problèmes, entre autres,
étant donné le manque de planification, c'est que là, avec
le transport qui recommence et tout ça sur la route, avec les nouveaux
chantiers, il y a un certain nombre de demandes qui sont faites au centre
hospitalier de Matagami pour répondre à des besoins qui sont
occasionnés par ce personnel flottant qui arrive et qui transite par
Matagami. Ça représente donc un certain nombre d'heures de
services et de moyens qui doivent être alloués bu affectés
à ces gens-là. On me dit, au centre de santé de Matagami,
que ça dépasse largement les capacités du centre de
santé avec les budgets qu'ils ont actuellement et que, finalement, pour
ce faire, ils sont obligés de diminuer considérablement les
services à la population permanente. Et, en contrepartie, on m'affirme
aussi que le ministère de la Santé et des Services sociaux ne
prend pas ça en considération et refuse d'allouer les budgets qui
vont avec en prétextant toutes sortes de choses, entre autres, la
planification quinquennale, etc. Ce qui fait que, semble-t-il, au moment
où on se parle, il y a une diminution des services de santé pour
la population permanente pour pouvoir donner des services à cette
population-là, dû au fait qu'il n'y a aucune coordination entre et
Hydro-Québec ou SEBJ et le ministère de la Santé et des
Services sociaux et le centre de santé de Matagami qui se doit de
répondre aux besoins qui lui sont amenés. Est-ce que cet exemple
peut se refléter dans d'autres domaines aussi?
M. Beauchamp: Au niveau du centre de santé, pour en avoir
déjà parlé avec la directrice, Mme Pilote, je ne sais pas
comment ça fonctionne les budgets des centres de santé, mais on
se base sur une population. Le dernier chiffre officiel est de quelque 2800
personnes à Matagami. Donc, les budgets du centre de santé sont
attribués à partir de cette population-là. Comme c'est une
ville qui a, par le passage des gens pour le projet hydroélectrique,
beaucoup de services autres occasionnés tel que vous l'avez
mentionné, M. le député, c'est vrai que ça leur
cause effectivement des problèmes de budget importants. Il ne semble pas
y avoir une écoute tellement grande de la part du ministre
concerné quant à débloquer les budgets additionnels
dû au
fait qu'ils ont un immense territoire à couvrir et donner un
service à une population qui passe pour aller vers la baie James.
M. Claveau: Entre autres, les services ambulanciers sur des
territoires d'à peu près 600 kilomètres avec deux
ambulances.
M. Beauchamp: Oui.
M. Claveau: Ceci étant dit, revenons peut-être un
petit peu plus sur la question économique. Vous avez parlé de la
représentation, de l'importance, finalement, qu'Hydro-Québec
devrait donner à l'aménagement global du territoire. Et à
cela, la ministre a répondu que ce n'était pas à
Hydro-Québec finalement d'agir comme planificateur du
développement régional.
Sauf que l'intervention d'Hydro-Québec étant une
intervention plutôt permanente avec ses immenses territoires
inondés, surtout dans le bout de Matagami, quand on connaît
l'importance du complexe NBR et l'impact global de tout ça, est-ce que
vous croyez qu'il y aurait mieux à faire avec ce territoire? Est-ce
qu'actuellement, au moment où on se parle, la connaissance des indices
miniers, par exemple, sur le territoire, l'exploration qui se fait sur ce
territoire-là en termes miniers et aussi l'utilisation des forêts
qui sont quand même immenses puisqu'on nous disait, à la SEBJ, que
pour nettoyer le fond des barrages, avec la capacité d'absorption de
l'industrie, il faudrait au moins sept ans et demi de coupe de bois à
temps plein sur ces territoires, alors, est-ce que vous croyez que vous avez
des données qui pourraient nous permettre de nous orienter sur une
meilleure utilisation globale de ce territoire-là que le fait, par
exemple, d'en faire un immense aquarium?
M. Labelle: C'est sûr que peut-être avant d'en faire
un aquarium ou une grande piscine, ce serait peut-être de regarder s'il
n'y a pas autre chose qu'on pourrait sortir de dedans. Un exemple, au point de
vue mines. Parce que selon ce que M. Jean-Guy Grenier nous avait exposé
à Matagami, dans le cas de NBR, certaines mises en eau dans le secteur
de Matagami pourraient se produire seulement entre 20 ans et 30 ans d'ici. Ce
qui fait qu'on a le temps d'explorer et d'épuiser les gisements,
certains gisements miniers. Ce ne sont pas tous les gisements miniers qui ont
une durée de vie de 30, 40, 50 ans. Et advenant qu'on trouverait, avant
d'inonder un terrain, un gisement minier de 100 000 000 ou 200 000 000 de
tonnes qui pourrait créer 1000 emplois, c'est sûr que ce serait
une chose à penser d'épuiser ça avant.
Pour donner un exemple, lors du symposium sur le Nord, à Amos, il
y a une délégation russe qui est passée. J'ai
assisté à la rencontre. Ils parlaient de développements
hydroélectriques qu'ils ont faits, eux autres, des détournements
de rivières et tout l'ensemble et ils ont bien dit que... Ils ont beau
être des communistes, mais Hs disaient bien qu'avant d'inonder un
territoire par un projet hydroélectrique dans le nord de la Russie, ils
s'assuraient que tout ce qui était économiquement extractable au
point de vue minier était fait avant, quitte à retarder certains
projets. Il y avait des représentants d'Hydro-Québec qui
assistaient à cette rencontre-là, dont le vice-président
de la région de La Grande de ce temps-là. Je pense qu'il y a
même eu des remarques qu'Hydro-Québec aurait peut-être des
leçons à tirer de certaines affaires de même. Mais il y a
beaucoup à tirer avant. C'est sûr qu'il y a peut-être
certaines zones qui devraient être protégées plus que
d'autres, mais peut-être regarder avant... Et au point de vue forestier
aussi, il y a beaucoup à sortir. On pense, au point de vue forestier,
peut-être à l'équivalent... Je pense que les derniers
chiffres, c'est l'équivalent de sept ans de production de tout
l'Abiti-bi-Témiscamingue à sortir de la Baie James avant la
montée des eaux, qui serait noyée.
M. Bureau: En complément, M. Labelle faisait
référence au symposium sur le Nord. Ce qui est intéressant
aussi, lorsqu'on parte de développement minier, forestier et
touristique, c'est qu'il y avait des représentants cris et autochtones -
on a juste à se référer à nos amis les Inuit - qui
ont clairement précisé à l'ensemble des communautés
non autochtones de la Baie James qu'ils étaient très
intéressés à entrevoir des développements en "joint
venture" ou en codéveloppement. Et ça, pour nous, c'est important
à considérer parce qu'on veut justement codévelopper
ensemble. Donc, il y a des champs d'intérêt là très
importants.
Et pour répondre précisément à votre
question si on a une bonne idée du potentiel minier à travers
différents endroits du territoire, M. Raymond Savoie était venu,
il y a trois ans, à un premier colloque qu'on avait tenu à
Matagami. Lui, en compagnie de M. Gélinas, à l'époque, qui
était directeur général de l'Association des prospecteurs
du Québec, avait tracé un tableau du potentiel et avait
clairement admis, cartes à l'appui, qu'il y avait dans le secteur du
bassin de la rivière Rupert des indices importants de platine, de chrome
et de nickel. Par la suite, ils ont regardé la rivière Eastmain
et de là ils nous ont démontré qu'il y avait un potentiel
de métaux de base et de métaux précieux. Finalement,
lorsqu'ils ont regardé les bassins de la rivière La Grande et de
la rivière Broadback, ils ont démontré qu'il y avait un
potentiel d'uranium.
Tout ça pour vous dire que le territoire de la Baie James, dans
les zones qui actuellement sont regardées - et là on ne parie
même pas des zones immédiates et des découvertes
très importantes qui ont été faites dans le secteur des
lacs Goéland, Olga, des endroits qui finalement
pourront peut-être éventuellement être
inondés, que SOQUEM a fait récemment cette année, une
découverte très importante - donc, le territoire de la Baie
James, en termes miniers démontre un potentiel dans les métaux
futuristes. Ce qui est très très intéressant, je pense,
parce que peu de régions peuvent faire cette preuve-là.
Métaux futuristes tels que le lithium, le béryllium, le niobium
et le tantale.
L'Association des prospecteurs du Québec, il y a moins de trois
semaines, était à Matagami pour venir nous dire que
concrètement elle demandait et nous appuyait lorsqu'on parle, par
exemple, de consolider un programme de mise en valeur, tel que soumis par
Hydro-Québec. Alors, pourquoi pas justement élargir un petit peu
ce genre de programme pour mettre en valeur l'ensemble des ressources et
permettre à nos compagnies minières des incitatifs, avant que les
inondations se fassent, histoire de donner la chance au coureur et que le
développement soit plus large que juste le développement
hydroélectrique?
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
remercier nos invités.
M. Claveau: On me dit que c'est déjà fini.
C'était intéressant. Je vous remercie de votre prestation. Je
pense que votre point de vue en tant que population qui a déjà
été largement affectée par la première Baie James a
tout intérêt à être prise en considération
afin de faire en sorte que les erreurs du passé ne se reproduisent pas.
On dit que l'expérience est la somme des erreurs. Dans ce cas-là,
Hydro-Québec et SEBJ doivent avoir une sacrée expérience.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Je voulais vous remercier de nous avoir fait part de
vos préoccupations et aussi de votre volonté, je pense,
d'être dorénavant partie prenante aux décisions qui vous
touchent directement, que ce soit votre environnement social,
économique, particulièrement face aux futurs travaux
d'Hydro-Québec. Merci d'avoir été là.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la ville de Matagami pour sa
participation à ses travaux.
Nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures alors que nous
ferons l'étude des crédits du ministère du
développement technologique.
(Suspension de la séance à 18 h 1)