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(Dix heures deux minutes)
Le Président (M. Bélanger): Bonjour tout le monde.
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour
procéder à une consultation générale des auditions
publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec.
Dans un premier temps, ce matin, nous recevrons la Chambre de commerce
de la Rive-Sud de Montréal. Je prierais ses porte-parole de s'approcher
de la table des témoins. Madame, monsieur, bonjour. Nous allons vous
expliquer rapidement nos règles de procédure. Vous avec 20
minutes ferme pour la présentation de votre point de vue. Il y aura, par
la suite, une période d'échanges avec les parlementaires. Dans un
premier temps, je vous prierais de vous identifier et de bien vouloir
procéder à la présentation de votre mémoire. Je
vous remercie.
Chambre de commerce de la Rive-Sud de
Montréal
M. Monarque (Sylvain): Merci, M. le Président. Mon nom est
Sylvain Monarque, associé de Samson, Bélair, Deloitte, Touche,
comptables agréés et président de la Chambre de commerce
de la Rive-Sud. Je vous présente Louise Colli-gnon, directrice des
relations publiques à la Chambre de commerce de la Rive-Sud.
Je vais procéder à la lecture du mémoire. M. le
Président, Mme la ministre, Mmes, MM., membres de la commission de
l'économie et du travail, la Chambre de commerce de la Rive-Sud de
Montréal est, de par le nombre de ses membres, la quatrième en
importance au Québec. De tous les regroupements de gens d'affaires
situés sur son territoire, la Chambre de commerce de la Rive-Sud de
Montréal est le plus important et le plus représentatif. Comptant
sur plus de 1700 membres répartis dans 11 villes associées, la
Chambre a une mission de représentation, mais aussi
d'éducation.
Nous n'avons ni les ressources ni les moyens de commanditer de larges
études sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec. Toutefois, nous venons vous
présenter ici des préoccupations qui, tenant compte du sens
commun, méritent néanmoins d'être portées à
votre attention.
La première partie de notre mémoire s'intitule: "Pour un
juste équilibre entre protection de l'environnement et
développement économique." C'est à proximité du
territoire de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal, que
l'on retrouve deux municipalités dont la simple évocation du nom
sonne une cloche dans la tête de tous les Québécois et pas
seulement dans celle des environnementalistes: Saint-Basi-le-le-Grand et
Saint-Amable. Pour ce dernier cas, nous parlons évidemment de la
montagne de pneus ou plutôt de ce qui en reste de résidu huileux
aujourd'hui. Dans un tel contexte, il ne faut pas se surprendre que les
questions reliées à la protection de l'environnement suscitent
chez nos membres un intérêt certain. La Chambre est d'avis
qu'Hydro-Québec doit utiliser tous les moyens pratiques pour
protéger et mettre en valeur l'environnement dans l'exercice de ses
activités non seulement dans le développement des réserves
hydroélectriques, mais dans la gestion courante du réseau et des
équipements.
La préoccupation environnementale doit devenir chez
Hydro-Québec une valeur de gestion partagée par tous les
employés, les cadres et les partenaires de l'entreprise.
Les membres de la Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal
partagent également l'avis que développement économique va
de pair avec protection et mise en valeur de l'environnement. Nous croyons
qu'il est donc possible pour une organisation comme Hydro-Québec de
poursuivre le développement de nos infrastructures économiques,
de jouer un rôle moteur en ce sens, tout en devenant un acteur de premier
plan dans la protection de notre environnement. À cet égard, sa
mission est double puisque, à notre avis, non seulement
Hydro-Québec doit-elle atténuer les impacts écologiques de
ces équipements, mais elle doit encore mettre en valeur notre patrimoine
environnemental.
Puisque les conséquences d'un accident écologique peuvent
être désastreuses, il n'est donc pas surprenant que ceux qui se
soucient de l'avenir de la planète abordent ces questions avec beaucoup
de circonspection. Mais le risque d'un accident doit-il obligatoirement
entraîner l'immobilisme? Pour la Chambre de commerce de la Rive-Sud de
Montréal poser la question c'est y répondre.
Bien que nous partagions les préoccupations de groupements
voués à la défense de l'environnement, nous ne pensons pas
qu'il faille pour autant prendre un retard irrécupérable dans le
développement de nos infrastructures économiques. Si le
développement de nos ressources a parfois pu donner lieu à des
abus et entraîner des conséquences environnementales
désastreuses, le contraire est aussi vrai. Alors, qu'il suffise de
rappeler la croisière de Green Peace dans le dossier des
bébés phoques. En plus des conséquences économiques
de cette épopée, c'est tout un écosystème qu'on a
débalancé. Les abus des
uns ne justifient pas les excès des autres. Rappelons aussi la
construction du tunnel de Grondines pour y passer la ligne de transmission
alors que les sommes investies dans ce projet, quoique le projet était
très esthétique, auraient certainement été mieux
utilisées à régler les problèmes plus urgents tel
celui des pneus de Saint-Amable par exemple, en supportant
financièrement le projet de pyrolyse mis de l'avant par Petro-Sun.
Le Québec s'apprête à prendre le virage surtout du
XXe siècle. Si, nous voulons demeurer dans la course et continuer de
nous démarquer, surtout dans une perspective d'ouverture des
marchés, nous devons aller de l'avant dans le développement de
nos richesses hydroélectriques. Le Québec a été et
continue d'être une terre d'accueil pour les entreprises à gros
gabarit génératrices de nombreux emplois. Qu'il nous suffise de
mentionner ici les alumineries qui, depuis quelques mois, sont venues
s'installer chez nous. C'est avec le monde entier que nous étions en
compétition, mais c'est au Québec que ces géants ont
choisi d'élire domicile. D'abord, parce que nous étions en mesure
de leur offrir des conditions favorables à leur développement,
mais aussi parce que nous pouvions leur garantir, à des conditions
avantageuses l'énergie dont elles avaient besoin. Par ailleurs, la venue
de ces grandes entreprises est une source importante de retombées
économiques pour nos PME.
Ce développement de notre potentiel hydroélectrique doit
cependant se faire de façon ordonnée. Comme le disait ce sage des
temps modernes: Nous ne léguons pas la planète aux
générations, nous leur empruntons. Aussi, nous avons
été heureux d'apprendre qu'Hydro-Québec avait inscrit, en
1989, le développement durable, dans les objectifs poursuivis par son
plan de développement. La notion de développement durable
signifie en clair que le développement doit répondre aux besoins
du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre à leurs propres
besoins. Élaboré par la Commission mondiale sur l'environnement,
mieux connue sous le nom de la commission Brundtland, le concept de
développement durable est maintenant traduit en plan d'action chez
Hydro-Québec et nous nous en réjouissons.
Nous croyons que, si certains travaux d'Hydro-Québec
soulèvent la méfiance de certains groupes environnementaux, c'est
souvent par manque d'information. Puisque cette information est disponible,
nous formulons comme première recommandation: Qu'Hydro-Québec
intensifie ses moyens de communication et de concertation à l'intention
de tous ses partenaires y compris les groupes écologiques, eu
égard aux résultats de ses analyses sur les impacts
environnementaux de ses différents projets, notamment celles sur les
effets environnementaux cumulatifs du plan des installations
proposé.
La deuxième partie du mémoire s'intitule: "Pour un juste
équilibre entre les mesures d'économie d'énergie et les
besoins de développement de notre potentiel hydroélectrique. "
C'est un fait que les sources d'énergie du Québec ne sont pas
illimitées et que la protection d'un environnement sain est vitale- Tel
que proposé par Hydro-Québec, ce programme d'efficacité
énergétique comporte deux volets: les économies
d'énergie et la gestion de la consommation. Il s'agit donc, d'une part,
d'utiliser moins d'électricité tout en pouvant compter sur les
mêmes services et, d'autre part, de répartir la demande
d'électricité le plus également possible pendant toute
l'année. À cet égard, le succès des programmes
biénergie sont quand même éloquents.
Il est temps que, comme société, nous apprenions à
mieux utiliser une source d'énergie qui, bien que renouvelable, ne doit
pas être gaspillée pour autant. Au moment où on se parle,
chacun d'entre nous a probablement chez lui au moins un appareil
électrique qui est allumé inutilement. Le programme est d'autant
plus ambitieux que ce sont des habitudes et des attitudes qu'il faut ici
modifier.
Le développement de nos richesses hydroélectriques est
donc une chose, mais l'élimination du gaspillage en est une autre
puisque nous pourrons ainsi économiser nos ressources pour les employer
à des fins utiles. Le rôle d'Hydro-Québec étant de
soutenir le développement économique, cette énergie de
réserve que nous pourrons dégager permettra de favoriser
l'implantation de nouvelles entreprises sur la rive sud de Montréal
comme partout ailleurs au Québec. Par son programme d'efficacité
énergétique, HydroQuébec vise un objectif audacieux: une
diminution de l'équivalent de 10 % des ventes actuelles au
Québec. Nous ne croyons pas qu'Hydro-Québec rêve ici en
couleur puisque, entre 1971 et 1989, d'après les chiffres officiels, la
consommation moyenne d'énergie totale de chaque ménage au
Québec a diminué de plus de 40 %.
Hydro-Québec prévoit plusieurs moyens afin d'atteindre ses
objectifs. Le plan d'action comporte différents volets, tant au niveau
résidentiel que commercial et industriel. Nous ne pouvons que nous
réjouir de constater qu'Hydro-Québec a l'intention de
dépenser à ce chapitre plus de 1 800 000 000 $ au cours des 10
prochaines années.
D'autre part, il faut saluer l'investissement de plusieurs centaines de
millions de dollars en recherche de développement au Québec. La
région de la Rive-Sud de Montréal est économiquement
très performante. Son taux de chômage est très faible, sa
concentration de PME est très grande et les grandes entreprises occupent
une place enviable sur son territoire. Si le dynamisme et la vitalité de
la Rive-Sud témoignent de son esprit d'entrepreneurship, son
positionnement géographique et sa force de travail ont enclenché
son développement économique de façon remarquable. Aussi,
nous pouvons vous assurer que plusieurs
artisans, PME, petites et grandes entreprises de la Rive-Sud de
Montréal, sont prêts à mettre leur expertise au service
d'Hydro-Québec et à relever le défi de l'excellence
auxquel ils sont conviés.
Cependant, il arrive parfois qu'à vouloir trop bien faire, les
efforts consentis deviennent contre-productifs. Bien que l'économie
d'énergie mérite qu'on y consente des efforts particuliers,
l'objectif visé ne doit pas nous amener à néglir ger pour
autant les règles d'une saine gestion économique. Comme
société, bien qu'il faille utiliser au maximum les ressources
dont nous disposons déjà, il ne deviendrait pas rentable
d'encourager des initiatives d'économie d'énergie dont les
coûts seraient supérieurs à ceux des nouvelles
installations. Concrètement, si nous dépensons 10 $ pour
économiser une quantité x d'énergie et que la même
énergie pourrait être produite avec de nouveaux équipements
dont le coût est de 8 $, les 8 $ comprenant les coûts raisonnables
reliés aux impacts négatifs faits en environnement et
qu'Hydro-Québec se doit d'assumer, compte tenu de ça, nous
estimons qu'il faudrait privilégier la seconde alternative.
Les bénéfices qui sont reliés aux grands travaux
comme ceux de la Baie James, considérés uniquement sour l'angle
des retombées économiques, sont indéniables. La
disponibilité d'énergie électrique constitue un atout
certain pour le Québec et tout programme d'économie
d'énergie, aussi audacieux et efficace soit-il, ne peut nous faire
oublier qu'il doit aller de pair avec la construction de nouveaux
équipements. Le Québec doit maintenir sa position concurrentielle
internationale, puisqu'il s'est taillé une place enviable, notamment en
raison de son capital énergétique. Le territoire de la Rive-Sud
de Montréal est un secteur propice à l'établissement de
nouvelles entreprises privilégiées par la proximité du
marché américain. Cette proximité avantage plus
particulièrement les entrepries longeant l'autoroute 30 dont nous
espérons le prolongement pour très bientôt. La Chambre de
commerce de la Rive-Sud de Montréal appuie depuis longtemps la
libéralisation des échanges commerciaux avec les
États-Unis. La position stratégique de sa région motive
beaucoup cet appui, et la Chambre considère même le
libre-échange comme le moteur du développement économique
et de l'avenir de la Rive-Sud de Montréal. L'approvisionnement en
énergie fiable et constante est un facteur important à
considérer si nous voulons attirer chez nous les entreprises qui feront
notre force économique de demain.
Aussi, nous formulons cette seconde recommandation: Tout en appuyant le
programme d'économie d'énergie, la Chambre invite
HydroQuébec à maintenir un juste équilibre entre la
gestion économique de l'entreprise et celle de nos richesses naturelles.
Et donc, qu'Hydro-Québec s'assure que les coûts reliés aux
mesures mises de l'avant pour favoriser l'économie d'énergie
n'excèdent pas les coûts reliés à la construction de
nouveaux équipements. (10 h 15)
Troisième partie. "Pour un juste équilibre entre la mise
en valeur de notre potentiel hydroélectrique, et la gestion de nos
déchets dangereux." Si les aventures de Saint-Basile-le-Grand et de
Saint-Amable ont suscité des réactions un peu partout au
Québec et ailleurs, il n'est pas besoin de préciser qu'elle a
provoqué une véritable prise de conscience chez l'ensemble de la
population de la Rive-Sud de Montréal. La gestion des déchets
dangereux et des contaminants est donc devenue chez nous une
préoccupation importante. Bien que nous acceptions le fait que, comme le
veut le dicton populaire, on ne fasse pas d'omelettes sans casser des oeufs, la
Chambre de commerce de la Rive-Sud devient très critique et observe de
très près ce qui se passe en matière de gestion des
déchets dangereux.
Nous sommes heureux de constater qu'Hydro-Québec compte adopter
à court terme et mettre en application un pian d'action qui lui
permettra de gérer de façon plus efficace les divers contaminants
qu'elle utilise. Son approche se veut globale, axée sur la
prévention plutôt que sur l'intervention en cas d'accident. Cet
exemple devrait, d'ailleurs, être suivi par d'autres, par exemple, dans
le cas des pneus usagés.
La Chambre de commerce de la Rive-Sud de Montréal accueille
très favorablement ces différentes nouvelles et estime qu'il
s'agit d'un excellent pas dans la bonne direction. La Chambre croit
qu'Hydro-Québec devrait se démarquer davantage dans la gestion
des BPC et que nous devrions lui donner les moyens d'assurer un
véritable leadership à cet égard. Qu'il s'agisse de
l'entreprosage, de l'élimination des BPC ou des carcasses en ayant
contenu, Hydro-Québec dispose de l'expertise requise pour trouver une
solution durable à ce problème. Aussi, nous formulons cette
troisième et dernière recommandation: Qu'Hydro-Québec
dispose des ressources et des appuis requis pour continuer à nettoyer
l'environnement des BPC qu'elle a utilisés et qu'elle trouve une
solution permanente et définitive pour les éliminer.
En conclusion, ce que la Chambre de commerce de la Rive-Sud de
Montréal propose, c'est de chercher à atteindre un juste
équilibre entre la protection de notre environnement,
l'amélioration de notre qualité de vie et les efforts à
consentir pour assurer notre développement économique. La
région de la Rive-Sud de Montréal est en forte croissance. Pour
preuve, qu'il suffise de signaler que nous comptons l'arrivée de 26
nouveaux centres commerciaux sur notre territoire, depuis un an.
L'hydroélectricité est un élément important de nos
infrastructures économiques, permettant d'attirer chez nous de nouvelles
entreprises, mais aussi de moderniser et d'agrandir celles qui y sont
déjà situées. La
Chambre est d'avis qu'Hydro Québec doit jouer un rôle de
premier plan dans la protection et la mise en valeur de notre environnement.
Mais elle doit aussi assurer notre approvisionnement en énergie
hydroélectrique en quantité suffisante, mais aussi de
qualité. C'est de cette façon que nous pourrons mieux planifier
le développement de notre région et assurer ainsi une meilleure
qualité de vie à ses résidents.
En terminant, nous endossons complètement la position, de la
Chambre de commerce du Québec, eu égard à factuel
système de tarification. Gomme elle, la Chambre de commerce de la
Rive-Sud de Montréal s'inquiète du fait que la rentabilité
d'Hydro-Québec dépende grandement de la tarification de la petite
et moyenne puissance, catégorie dans laquelle nous retrouvons une
majorité de la PME. Sachant que ces dernières sont la plus grande
source de création d'emplois au Québec, le régime de
tarification devrait être vu en fonction d'un critère de plus
grande équité.
Nous formulons également des réserves quant à
l'à-propos, à ce moment-ci, du niveau de la hausse des tarifs
d'Hydro-Québec et de ses impacts sur l'économie. Nous
concédons toutefois qu'il est essentiel de redonner à
Hydro-Québec sa pleine santé financière. Suivant de
très près l'évolution du dossier des relations du travail
chez Hydro-Québec, nous espérons, nous aussi, voir se relever le
niveau de productivité de l'entreprise. À cet égard, la
recommandation de la Chambre de commerce du Québec
présentée dans le cadre de vos travaux est une proposition qui
mérite d'être considérée.
M. le Président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. de
la commission de l'économie et du travail, nous vous remercions d'avoir
pris nos réflexions en considération et nous demeurons à
votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bacon: Madame, monsieur, nous apprécions votre
présence ici, à cette commission parlementaire. Il ressort de
votre mémoire la nécessité d'une recherche
d'équilibre entre la protection de l'environnement, la conservation des
ressources et aussi, évidemment, le développement
économique. J'aimerais savoir, à votre avis, quels sont les
facteurs majeurs qui sont les plus susceptibles de rompre cet
équilibre?
M. Monarque: Encore là, le sens commun nous indique que la
construction de grands barrages crée un certain bouleversement au niveau
naturel, mais c'est surtout au niveau des populations autochtones, je pense,
qu'il y a nécessairement un problème. Il y a un problème
culturel aussi. Sauf que nous, on pense que, si les compensations
financières sont adéquates, il me semble que le problème
n'est pas insoluble et que c'est dans ce sens-là qu'Hydro-Québec
a toujours agi, c'est-à-dire qu'elle a toujours agi avec fair-play
vis-à-vis des populations autochtones. Aussi, te gros bon sens me dicte
que, si j'avais à choisir entre le développement
hydroélectrique et le développement nucléaire,
malgré les bouleversements que l'hydroélectricité peut
amener, je pense que c'est certainement moins considérable que tes
bouleversements que l'énergie nucléaire peut apporter, surtout au
niveau de là, gestion des déchets, qui est quand même
beaucoup plus importante. Si on inonde les terres, on nous dit qu'il y a du
mercure pour peut-être une génération, 20 ans, 40 ans et
qu'après ça la situation se stabilise. Si vous construisez une
usine nucléaire, vous avez des déchets qui durent des millions
d'années, avec lesquels vous êtes pris pendant des millions
d'années. Il me semble que c'est facile à comprendre qu'entre les
deux j'aime mieux privilégier le développement
hydroélectrique que le développement nucléaire. Entre deux
maux, il faut choisir te moindre.
Mme Bacon: Vous relevez, comme atout du programme
d'efficacité énergétique, la constitution d'une
énergie de réserve supplémentaire, attractive pour de
nouvelles implantations industrielles, grâce à
l'élimination des gaspillages, et le marché ouvert à des
artisans, des entreprises pour la mise en oeuvre des actions
d'efficacité énergétique aussi. Est-ce que vous avez une
estimation des potentiels d'économies d'électricité qui
sont propres aux entreprises membres de la Chambre de commerce, tant dans
l'industrie que dans le secteur commercial? Est-ce que vous êtes
susceptible, comme Chambre de commerce, d'encourager vos membres à
identifier ces potentiels ou à améliorer leur
compétitivité économique par le biais de l'économie
d'énergie?
M. Monarque: Non, nous n'avons pas ces données et on n'a
pas l'intention de se substituer à Hydro-Québec. Je pense que
c'est le rôle d'Hydro-Québec de faire les études en
question et de publiciser ça auprès de nos membres. Nous, on est
prêts à appuyer cette démarche-là. Mais nous n'avons
pas les ressources pour faire l'étude; tout ce qu'on peut donner, c'est
un accord de principe à ce niveau-là.
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a déjà eu des discussions
à l'intérieur de votre Chambre quant aux efficacités
énergétiques? Est-ce qu'on en discute à la Chambre de
commerce de la Rive-Sud de Montréal?
M. Monarque: Disons que ce n'est pas un discours intensif. C'est
sûr que chaque entreprise fait sa propre gestion. Et chaque entreprise
est intéressée à économiser de l'énergie
à un coût qui est concurrentiel. Cependant, s'il y avait, de
la part d'Hydro-Québec, un programme peut-être plus
spécifique à la rive sud, peut-être que nous pourrions nous
faire le porte-parole de ce programme-là et essayer d'inciter nos
membres à se renseigner à ce sujet-là.
Mme Bacon: Si je vous demande ça, c'est parce qu'à
la commission, ici, on nous dit que c'est plus facile, par exemple, de faire
des économies d'énergie dans le milieu résidentiel et que
dans nos industries, il y a encore un long cheminement à faire avant d'y
arriver. Est-ce que vous ressentez ça de vos industriels, des industries
de la rive sud, par exemple?
M. Monarque: Bien disons que c'est possible. Mon
expérience personnelle, disons qu'au niveau d'une filiale
d'Hydro-Québec qui s'appelle Écono-ler, vous savez que ça
a fonctionne pendant un temps et que ça ne fonctionne plus. Et je pense
que le principal responsable, c'est l'écart qu'il y avait dans le prix
du pétrole. L'écart entre le prix du pétrole et le prix de
l'électricité était suffisamment important pour justifier
des économies d'énergie, autrefois. Maintenant, aujourd'hui, cet
écart-là a diminué. Alors, c'est sûr que, dans les
PME surtout et dans les grandes entreprises, le calcul est toujours le
même: Combien ça coûte sauver de l'énergie contre ce
que ça me rapporte demain matin? Et le problème que je me
souviens qu'il y avait, c'était que les programmes d'investissements
pour faire des économies d'énergie, ce sont des projets
d'immobilisations, donc qui impliquent un investissement important avec une
dépense d'amortissement dans le futur. Donc, c'est un
déboursé, au point de vue "cash-flow", très important
aujourd'hui et une économie qui s'échelonne sur une très
longue période dans le temps. Et les gestionnaires, naturellement... La
pression du profit fait que certains gestionnaires ont une pression pour dire:
Moi, je veux des résultats aujourd'hui. Je dépense 1 $
aujourd'hui, donc je veux un profit de 2 $ aujourd'hui. Si tu me dis: Je
dépense 100 $ aujourd'hui et je vais avoir un profit de 150 $ dans 10
ans, mon actionnaire ou mon président de conseil, lui, ne sera pas
heureux. Ça, c'était le gros problème, c'est le gros
problème qu'on rencontre. Je ne sais pas si ce sont les principes
comptables ou si ce sont plutôt les principes de gestion qui devraient
être changés, mais il reste que c'est un problème qu'on
rencontre. C'est que les investissements sont importants. Donc, le
déboursé d'argent est important et les retombées sont
à long terme. Alors, ' à ce moment-là, le calcul n'est pas
toujours évident.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous mentionnez aussi la
possibilité d'adhésion d'artisans, d'entrepreneurs pour faire
profiter HydroQuébec de leur expertise. Quelle serait cette forme de
collaboration? Quelle forme ça pourrait prendre et dans quel domaine,
peut-être, les membres de la Chambre de commerce seraient-ils
susceptibles d'apporter le plus d'expertise? Est-ce qu'il y a des domaines
spécifiques où on pourrait retirer davantage d'expertise par
rapport à cet échange avec Hydro-Québec?
M. Monarque: C'est embêtant. Je suis un petit peu
embêté de vous répondre. On n'a pas fait l'inventaire de
toutes les entreprises qui pourraient... Je sais que, sur la rive sud, on a -
naturellement, ce sont les grosses qui ressortent - l'IREQ qui est là.
On a aussi ABB, Asea, plutôt, Asea, qui est... Mais ce serait
peut-être une chose à faire, faire l'inventaire des entreprises
qui seraient susceptibles de participer à cet effort.
Mme Bacon: Je reviens à votre réponse de
tantôt, quand vous me disiez: Si Hydro-Québec, en fait, fait son
effort, peut-être que les industries seraient prêtes à faire
la même chose. Il y a une expertise du côté des industries;
il y en a une du côté d'Hydro-Québec, alors peut-être
que, si on met ça ensemble, il y aurait peut-être plus
d'efficacité d'énergie au fond, à...
M. Monarque: Effectivement.
Mme Bacon: ...peut-être un coût moindre que celui
qu'on craint.
M. Monarque: Effectivement. Il y a un travail, disons,
d'éducation, si on peut dire, entre guillemets, à faire et il y a
aussi, peut-être, un travail d'identification des entreprises qui
pourraient... (10 h 30)
Mme Bacon: C'est ça.
M. Monarque: Effectivement.
Mme Bacon: Vous attribuez aussi à HydroQuébec une
double mission en matière de protection de l'environnement. Vous dites
qu'Hydro-Québec doit atténuer les impacts écologiques des
équipements, mais aussi mettre en valeur notre patrimoine
environnemental. Par rapport à la mise en valeur du patrimoine
environnemental, est-ce que vous pouvez m'en dire davantage? Est-ce au niveau
des grands travaux d'Hydro-Québec?
M. Monarque: Quand on dit ça, c'est plus au niveau,
disons, de... En réalité, les projets sont tellement
éloignés des grands centres urbains que c'est peut-être un
petit peu charrié que de dire: On va remettre en valeur ces... Le
barrage Manie 5, je ne sais pas si ça peut être un attrait
touristique suffisamment important pour...
Mme Bacon: On nous parlait d'une rivière,
la semaine dernière, comme étant un patrimoine; ça
fait partie du patrimoine québécois.
M. Monarque: Oui, c'est sûr; entre autres, je sais qu'il y
a des rlvères à saumon qui sont très importantes et qui
sont uniques au monde quasiment. Je pense que c'est la Moisie ou Wapetuk, je
sais qu'on a un client qui est impliqué dans ce coin-là, qu'Hydro
avait un projet de "harnachement" de cette rivière-là et,
finalement, que le projet a été abandonné parce que la
rivière en question était tellement unique et avait tellement
quelque chose de particulier qu'il fallait la préserver. C'est
peut-être dans ce sens-là qu'on parle. La rivière
Jacques-Cartier, entre autres, je me souviens que, dans le temps, ça
avait été un projet. Moi, j'ai fait du camping sur la
rivière Jacques-Cartier et c'est superbe. En tout cas, je me dis: SI on
peut la préserver le plus longtemps possible, ce sera le mieux. Alors,
c'est peut-être dans ce sens-là qu'on parle, où c'est
possible, où c'est réalisable d'essayer de préserver les
sites.
Mme Bacon: Vous craignez aussi que la prise en
considération de demandes de certains groupes environnementaux, si elles
sont excessives, puisse faire prendre, au Québec, un retard
irrécupérable dans le développement de nos infrastructures
économiques. Par contre, il y a des intervenants qui sont venus ici
soutenir, au contraire, qu'Hydro-Québec va accuser un retard
irrécupérable dans la technologie d'énergies nouvelles, si
elle persiste à aller de l'avant dans des nouveaux barrages, par
exemple, ou si les programmes d'efficacité énergétique
restent timides.
M. Monarque: Moi, je pense qu'étant donné la taille
du Québec par rapport à l'économie mondiale on a un
créneau qui est intéressant qui est
l'hydroélectricité. On ne peut tout faire, les ressources sont
quand même limitées; les ressources financières sont
limitées. C'est sûr que, si on développe de façon
extensive notre réseau hydroélectrique et qu'en plus de ça
on y va de façon extensive au niveau nucléaire, je pense qu'on
n'a pas les moyens, comme société, de se permettre les deux. Je
pense que ça n'empêche pas... li y a d'autres
sociétés, comme la France, peut-être, qui, elles, sont
moins pourvues au niveau hydroélectrique et qui prennent une avance au
niveau nucléaire. Il y a l'Ontario, entre autres. Bon, ces technologies,
elles les développent, elles sont brevetées, c'est sûr,
mais elles ne sont pas secrètes. Donc, les développements que les
autres feront, les résultats de ça seront à notre
disposition un jour ou l'autre et on en profitera. Alors, je me dis: C'est une
question d'allocation des ressources.
Mme Bacon: Vous souhaitez aussi qu'Hydro-Québec accentue
ses efforts d'information et de communication avec le public pour qu'il
comprenne mieux le rôle d'action d'Hydro-Québec en matière
d'environnement. Qu'est-ce qu'Hydro-Québec pourrait vraiment faire pour
améliorer ça?
M. Monarque: C'est sûr qu'il y a certainement par la voie
des médias, qu'il y a certainement au niveau des conférences de
presse, de la commission parlementaire, c'est sûr que ce n'est pas
Hydro-Québec, mais c'est un outil d'Information, c'est un exercice
démocratique qui est très intéressant. Puis aussi, quand
elle fait les études d'impact cumulatif sur les différents
projets, peut-être essayer de mieux publiciser, essayer aussi de rendre
publiques et de façon plus accessibles au grand public les études
d'impact sur l'environnement. Comme la question du mercure: le "harnachement"
des rivières crée des bassins qui créent du mercure, bon!
Alors, ce qu'on nous dit, c'est que le mercure, c'est une situation qui dure 20
ans, peut-être 40 ans, 20 ans, il semble que ce n'est pas assez, alors
mettons que ça dure 40 ans. Mais peut-être qu'on devrait dire
aussi que 40 ans, qu'est-ce que c'est si on compare aux déchets
nucléaires qui durent des millions d'années. C'est ce genre de
discours là. Dans le fond, Hydro-Québec ne devrait pas avoir peur
de prendre position et de dire: Écoutez, quand je me regarde, je me
désole, mais, quand je me compare, je me console. Quand je regarde les
alternatives, elles ne sont peut-être pas si roses que ça et, dans
le fond, ce qu'on fait est très logique.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: M. Monarque, Mme Collignon, dans la dernière
page de votre mémoire, dans la conclusion, il y a une petite phrase.
J'aurais aimé qu'il y ait tout un chapitre, mais il y a seulement une
demi-phrase sur le sujet. Je vous la lis: "...nous espérons, nous aussi,
voir se relever le niveau de productivité de l'entreprise." Vous
êtes comptables et vous êtes membres d'une chambre de commerce, une
des très bonnes au Québec. Vous avez placé ça
là parce que vos gens vous ont parlé de productivité,
j'imagine, à Hydro-Québec. On a entendu ça en commission
parlementaire et Dieu sait, comme député, dans le champ, qu'on
entend ça tous les jours de la semaine. Comment arrive-t-on à
augmenter la productivité d'une entreprise d'une taille aussi
gigantesque, à la grandeur d'une province d'une telle taille, quand on
sait qu'on ne peut, en tout cas, on n'a pas idée, je pense, de
distribuer les profits, comme on le fait dans l'entreprise privée, aux
plus performants? Comment arrive-t-on à augmenter la productivité
d'une entreprise comme celle-là?
M. Monarque: Écoutez, c'est sûr que c'est
un défi de taille. Je peux vous dire qu'oeuvrant dans un bureau
de comptables qui est le plus gros bureau de comptables au Québec, c'est
sûr qu'on n'oeuvre pas au même niveau, mais toute grande entreprise
a ce défi-là. Ce qui est particulier, comme vous l'expliquez,
à HydroQuébec, c'est que ce n'est pas une entreprise
privée. Donc, est-ce qu'il y aurait des formules équivalentes au
plan de participation aux actions qu'on pourrait trouver? Est-ce qu'il y aurait
des formules de bonis aux cadres qu'on pourrait trouver et est-ce qu'on
pourrait aussi motiver les employés avec des systèmes
participatifs? Il y a certainement des formules à trouver, en tout cas,
pour que les employés participent au fruit de leur effort.
Effectivement, c'est ça qui est le défi, comme vous l'expliquez.
C'est que l'employé qui travaille, je ne sais pas, qu'il fasse sa
semaine ou qu'il en fasse plus, au bout de la ligne c'est la même paye.
C'est une convention collective ou un décret et puis il n'a rien de
plus. Il y aurait peut-être lieu de trouver des formules, sauf que c'est
très complexe. À partir du moment où l'on parle
d'actionnariat et d'actions, vous savez, Hydro-Québec, dès
qu'elle émet des actions dans le public, elle peut se permettre
d'émettre peut-être 10 % d'actions; après ça,
au-dessus de ça, elle devient imposable, ce qui représente un
coût énorme d'impôts qui s'en vont au fédéral.
Je pense qu'il n'y a personne, politiquement, qui est intéressé
à cette situation. Donc, on ne peut pas dire qu'on va privatiser
Hydro-Québec demain matin. Je ne pense pas que ce soit une solution
facile comme ça. Mais il y a peut-être moyen de mettre sur pied
des plans de participation aux résultats, soit en faisant faire une
espèce de comptabilité divisionnaire en disant: Les
employés vont avoir une espèce de plan d'affaires et voici leurs
objectifs pour l'année. C'est ce qui se fait dans chaque entreprise. Il
y a un plan d'affaires. Voici les objectifs. Si vous atteignez ces
objectifs-là, voici les objectifs de profits que vous devriez avoir et
voici votre participation à ces profits. Il y aurait peut-être
moyen, comme ça, en décentralisant et en ayant une
comptabilité divisionnaire, de motiver les employés.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: On parle de productivité et j'y reviens. On n'a
pas vu en commission, peut-être que ça existe... J'ai posé
la question hier à Lévesque Beaubien, qui sont des courtiers en
valeurs mobilières. Il y a la Banque de Montréal qui s'en vient;
je les avise tout de suite, je vais leur poser la même question. Est-ce
qu'il y a eu des comparatifs de productivité entre les entreprises
américaines dans les mêmes secteurs de distribution de
l'énergie et Hydro-Québec, entre des compagnies, par exemple, de
téléphone? Combien de temps ça prend pour poser un poteau
de téléphone à Bell Canada versus combien de temps
ça prend pour poser un poteau de téléphone à Hydro?
Combien de temps ça prend pour poser un fil d'un kilomètre de
long à Bell versus un kilomètre à Hydro? La
productivité, ça se compare avec autre chose quelque part et
ça, ça n'a pas été démontré. Des gens
nous ont dit que ce n'était pas productif, Hydro-Québec, mais,
personne ne nous est arrivé avec des chiffres. Est-ce que, vous autres,
les gens de la Chambre de commerce, ou vous, comme comptable chez Samson
Bélair, vous avez de ces données-là?
M. Monarque: Non malheureusement. Notre mémoire, on l'a
axé surtout, comme on l'expliquait, sur le juste équilibre entre
le développement économique et l'environnement. On n'a pas
couvert cet aspect-là et je ne peux malheureusement pas vous
répondre.
Le Président (M. Bélanger): Je cède la
parole au député d'Ungava. M. le député.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous recevoir parmi nous pour avoir l'occasion de discuter un peu avec vous des
problèmes d'Hydro-Québec. Juste une remarque en passant: Hydro ne
pose pas de poteaux de téléphone. Ha, ha, ha! Elle laisse
ça a Bell et à Télébec.
La rive sud de Montréal est peut-être l'endroit du
Québec, en tout cas à première vue, qui est le plus
favorisé par les grands travaux d'Hydro-Québec. Vous l'avez dit
tout à l'heure, il y a plein d'entreprises qui sont liées
à HydroQuébec - quand ce n'est pas Hydro-Québec
elle-même, par exemple, à travers l'IREQ - qui opèrent sur
la rive sud de Montréal et qui ont sûrement avantage à ce
que Hydro-Québec ait des programmes de développement. Quand on
parle de la rive sud, en tout cas, dans ma tête à moi, ce sont
tous les environnements immédiats, y compris les chantiers maritimes de
Sorel qui fabriquent des turbines, des groupes alternateurs, le parc de Tracy,
ABB, l'IREQ. Il y a même des entreprises qui sont sûrement
intéressées à ce qu'il y ait des développements
à Hydro-Québec et qui, peut-être, à première
vue, ne sont pas très liées à Hydro-Québec, par
exemple, CIL à McMasterville, et tout ça. On sait combien
ça prend de dynamitage et d'explosifs finalement pour réussir
à ancrer des barrages et des centrales hydroélectriques. Tout
ça fait sûrement que la rive sud de Montréal est
peut-être, en tout cas à première vue, une des
régions qui a le plus d'intérêt immédiat à ce
qu'il y ait des constructions de barrages quelque part ailleurs au
Québec, dans le Nord.
Est-ce que vous avez, en ce qui vous concerne, nonobstant la
réponse que vous avez donnée tout à l'heure à Mme
la ministre sur la situation des entreprises chez vous, une évaluation
un peu grossière de la situation ou de
l'importance des travaux hydroélectriques, de l'impact
économique que ça a sur la rive sud de Montréal?
M. Monarque: Écoutez, c'est sûr qu'on n'a pas
d'évaluation précise du genre: Si vous faites la deuxième
Baie James, ça va générer tant pour la rive sud. Je ne
pense pas que ce soit aussi mathématique que ça parce que,
d'abord, ça va profiter à l'ensemble du Québec.
Jusqu'à quel point est-ce que ça va profiter aux entreprises de
la rive sud? Je n'ai pas de données précises là-dessus,
mais, comme vous le dites, il y a beaucoup d'entreprises sur la rive sud qui
fabriquent des composantes de lignes de transmission; il y a certaines
entreprises de grands constructeurs qui sont situées sur la rive sud et,
effectivement, ce sont tous des gens qui vont profiter des retombées
économiques. Mais une évaluation précise, je n'en ai
pas.
M. Claveau: En contrepartie, à l'instar de ce qui nous a
été demandé hier par d'autres groupes qui se sont
présentés, et ce qui nous est demandé, de toute
façon, régulièrement à travers le Québec, si
Hydro-Québec régionalisait plus ses opérations et faisait
affaire de plus en plus avec des entrepreneurs régionaux et voyait
à acheter des fournitures de plus en plus en région, un peu
partout, là où, finalement, les gens vivent les
inconvénients aussi des barrages, on pourrait peut-être à
l'occasion en avoir quelques avantages. Est-ce que vous croyez qu'une politique
semblable de la part d'Hydro-Québec pourrait atténuer les
retombées sur la rive sud de Montréal?
M. Monarque: Je dois vous avouer que moi, je crois beaucoup
à la compétitivité des marchés. Je n'ai pas
d'objection peut-être à privilégier - je pense qu'il y a
une certaine logique dans ce que vous dites - l'endroit où se font les
travaux, de sorte qu'il y ait une espèce de préjugé
favorable vis-à-vis des entreprises locales. Ça, écoutez,
toute chambre de commerce qui se respecte va tenir ce discours-là pour
sa localité. Cependant, il faut que les lois du marché jouent. Si
la compétition est faussée, que ça coûte trois fois
plus cher de faire construire par telle entreprise qui est située
à telle place par rapport à une entreprise de la rive sud, bien,
je pense que là, on débalance complètement les lois
économiques. Il y a peut-être une politique qu'on peut encourager.
Ça, je suis d'accord avec vous. Mais il ne faut pas déroger de la
saine gestion économique et des lois du marché. Si c'est
compétitif, je n'ai pas de problème avec ça.
M. Claveau: Vous savez, pour développer l'économie
en région, il faut, à toutes fins pratiques, que les
gouvernements et les entreprises mettent en place ce qu'on appelle, entre
guillemets, la discrimination positive. Il faut se garder des créneaux
où on va, je ne dirais pas coûte que coûte, mais disons,
tout en prenant en considération un certain nombre de critères,
privilégier les entreprises régionales. Je regarde, par exemple,
le domaine de la fourniture de maisons ou de campements. Il y a des entreprises
régionales qui en font, il y a des entreprises sur la rive sud de
Montréal aussi qui en font. Alors, quand vient le temps d'acheter des
campements ou des maisons préfabriquées, etc., il pourrait y
avoir dans les politiques d'Hydro-Québec une espèce de
discrimination positive à l'effet que, même si une maison
construite en région coûte un petit peu plus cher, on
l'achète en région quand même.
M. Monarque: Non. Je pense qu'on s'entend là-dessus. Comme
vous dites, ça coûte un petit peu plus cher. Mais si elle
coûte trois fois plus cher, là, je ne suis plus d'accord avec
vous. C'est ça, le principe.
M. Claveau: O.K. Mais vous êtes d'accord pour que,
même s'il y a...
Dans votre mémoire, je regardais... Attendez un peu. En page 8,
vous nous dites que si d'autres sources d'énergie coûtaient moins
cher que l'hydroélectricité, eh bien, on aurait avantage à
s'en prévaloir finalement. Vous dites: Si ça coûte 10 $
avec l'électricité produite à partir de l'eau et que
ça coûterait 8 $ pour le même service à partir d'une
autre source d'énergie ou d'autres façons de produire
l'électricité, on devrait le faire autrement.
M. Monarque: Si on dit que ça coûte 10 $ pour
économiser de l'énergie et que ça coûte 8 $...
Admettons que le deuxième barrage de la Baie James, ça
coûte, je ne sais pas, moi, 8 $ l'unité et que ça
coûte 10 $ pour faire économiser, bien, à un moment
donné, c'est HydroQuébec qui s'appauvrit. Puis, il y a une
logique à un moment donné. Il y a un équilibre aussi parce
que ça prend un contexte comme Hydro-Québec, une
société d'État monopole, pour dire à une
société: Vous allez investir pour diminuer vos ventes. Ça,
dans le secteur privé, vous ne verrez jamais ça. Alors, c'est
ça dans le fond, des économies d'énergie. On dit à
Hydro-Québec: Vous allez encourager les gens à ne pas consommer
d'électricité. Donc, vous allez encourager à diminuer vos
ventes et à diminuer vos profits. C'est compréhensible parce que
c'est un monopole et c'est une entreprise d'État et elle a un rôle
social. Sauf qu'il ne faut pas exagérer. À un moment
donné, si on pousse ça à l'extrême, c'est
l'appauvrissement d'Hydro-Québec. C'est cet équilibre-là
qu'il faut maintenir.
M. Claveau: Ça peut se voir aussi dans l'entreprise
privée, dans la mesure, par exemple... Si, pour augmenter de 10 % votre
part de marché, vous devez doubler vos investissements,
bien, vous allez dire: On va les laisser à l'autre, ces 10 %.
Finalement, ce ne sera pas. rentable pour moi. C'est un petit peu le cas des
économies d'énergie. Enfin, on questionne Hydro-Québec,
à savoir, plutôt que d'investir 55 000 000 000 $ pour
développer 10 000 mégawatts supplémentaires, si vous nous
dites qu'avec 1 800 000 000 $ vous êtes capables d'économiser 2500
mégawatts, le rapport est facile à comprendre. Et puis, à
ce moment-là, on dit: On a peut-être avantage, pour la saine
gestion même de l'entreprise à économiser un peu plus
plutôt que de construire des équipements très coûteux
finalement pour une part de marché minime à prendre ou à
satisfaire. (10 h 45)
M. Monarque: Encore là, on dit: Oui, mais à
condition que ça ne nous coûte pas plus cher le kilowatt
économisé versus le kilowatt produit avec les nouveaux
équipements. Il ne faut pas que le kilowatt économisé
coûte plus cher; sans ça, il y a un appauvrissement. Les
économies d'énergie, ça crée une pression à
la hausse sur les tarifs parce que ce sont des dépenses que vous
encourez. Vous n'avez pas les revenus parce que les gens diminuent leur
consommation.
M. Claveau: Oui.
M. Monarque: Inévitablement, ce qui arrive, si vous voulez
combler la différence, vous augmentez les tarifs. Alors, c'est pour
ça qu'il y a une limite. On est d'accord avec ce principe-là,
mais il ne faut pas pousser ça à l'extrême parce que,
à ce moment-là, l'électricité va coûter trois
ou quatre fois plus cher. On va en consommer moins aussi.
M. Claveau: O.K. On sait que ce qui est coûteux,
finalement, dans la production d'électricité, ce sont les
pointes. Et on doit mettre en place des équipements de pointe,
finalement, qui augmentent la puissance installée
considérablement pour une utilisation de quelques heures par
année, pour répondre aux grandes pointes hivernales, entre
autres. À cet effet-là, on a commencé, ou
Hydro-Québec a commencé à construire ce qu'on appelle des
puissances additionnelles à Manie 5, puissances additionnelles et LG 2A.
J'ai deux puissances additionnelles aussi où on ajoute des
équipements de plusieurs milliards, finalement, qui sont comme des
espèces d'accélérateurs de production sur les centrales
qui font que, pendant quelques semaines par année, on peut
prélever plus que la capacité normale du réservoir, afin
de satisfaire à la pointe. Ces équipements-là ne peuvent
pas servir à temps plein, parce que, à ce moment-là, on
viderait les réservoirs très rapidement. Alors, on ne peut les
utiliser que dans les périodes de pointe.
Il y a eu une proposition qui nous a été faite ici par une
entreprise qui s'appelle Cas- cades, qui nous dit: Plutôt que d'investir
à coups de milliards, finalement, pour satisfaire des pointes
uniquement, pourquoi Hydro-Québec ne transférerait-elle pas la
gérance de cette pointe-là à l'industrie? Ce qui pourrait
se faire de toutes sortes de façons. On connaît le niveau de la
consommation industrielle. Alors, en faisant des ententes avec
Hydro-Québec et peut-être en modifiant un petit peu les techniques
de production, ou en s'organisant pour être capable d'autosatisfaire ses
besoins pendant quelques heures par année ou quelques jours par
année, l'entreprise, avec des aides financières
éventuellement, Hydro-Québec ou autrement, pourrait gérer
cette pointe-ià, ce qui enlèverait à HydroQuébec la
nécessité, l'absolue nécessité de construire ces
équipements-là pour répondre à la pointe, ce qui
représenterait énormément d'économies, dans le
fond, pour Hydro-Québec.
Cela pourrait représenter, en plus, des économies pour
l'entreprise qui serait amenée à gérer cette
pointe-là, peut-être en modifiant ses façons de faire et
pour couper carrément sa consommation, par exemple, pendant un certain
nombre d'heures annuellement, lorsque HydroQuébec lui en fait la
demande, etc. Mais, vous, là, connaissant la situation industrielle et
commerciale sur la rive sud de Montréal qui est quand même un
milieu assez intense sur le plan économique, est-ce que vous pensez que
l'entreprise pourrait accepter de travailler dans ce genre de
démarche-là afin de diminuer les coûts
d'Hydro-Québec, les coûts globaux de la société
québécoise et, éventuellement aussi, les coûts de
l'entreprise qui participerait à un programme semblable?
M. Monarque: Si c'est rentable, définitivement. Le secteur
privé va fonctionner uniquement sur une base de rentabilité. Si
le prix payé par Hydro-Québec pour ce kilowatt
supplémentaire est suffisant pour absorber le coût des
installations et générer un profit qui donne un taux de rendement
adéquat, c'est sûr que l'entreprise privée va acheter
ça demain matin. La seule chose, par exemple, c'est que c'est une
idée intéressante. Maintenant, est-ce que la preuve a
été faite? Est-ce qu'il y a des expériences? Je sais qu'il
y a des mini-barrages qui ont été construits. Quelle est
l'expérience de ces minibarrages? Je ne le sais pas. Encore là,
je n'ai pas de données là-dessus, mais l'idée est
très intéressante. Si elle est rentable, c'est sûr que
c'est une donnée très intéressante. Je pense que tout
homme d'affaires va embarquer, mais à condition que ce soit rentable. Il
va même prendre des risques, mais à condition que ce soit
rentable. J'imagine que le kilowattheure, à la pointe, c'est un
kilowattheure qui se vend peut-être plus cher que le kilowattheure en...
À ce moment-là, il y a peut-être un créneau, il y a
peut-être un marché qui est intéressant, qui peut
peut-être rentabiliser certaines installations.
C'est à voir, c'est à étudier.
M. Claveau: Alors, quand vous parlez de collaboration entre Hydro
et l'entreprise, ça pourrait être un exemple de cette
collaboration.
M. Monarque: Ça pourrait en être un,
effectivement.
M. Claveau: Si vous le permettez, je vais passer la parole
à mon collègue de la rive sud de Montréal.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer M. le
président de la Chambre de commerce et madame. Une des dix villes qui
apparaissent sur votre papier à lettre est La Prairie,
évidemment, chef-lieu du comté de La Prairie. Alors, c'est avec
plaisir que je vous salue.
Je voudrais m'attarder à la page 6, à votre
première recommandation: "Qu'Hydro-Qué-bec intensifie ses moyens
de communication et de concertation à l'intention de tous ses
partenaires, y compris les groupes écologiques, eu égard aux
résultats de ses analyses sur les impacts environnementaux de ses
différents projets, notamment celles sur les effets environnementaux
cumulatifs du plan des installations proposé." Est-ce que vous pourriez
élaborer un peu sur cette recommandation, l'expliciter un peu?
M. Monarque: Écoutez, encore là, ce que je vous
dis, c'est un peu le sens commun. On entend toutes sortes de choses et c'est
sûr qu'il y a différents discours qui sont tenus. On sait qu'il y
a le discours environnementaliste qui dit: Economisez de l'énergie et
vous n'aurez pas besoin de faire une deuxième Baie James. Et de notre
côté, nous, on dit: II y a un développement
économique, on ne peut pas passer à côté, il faut
suivre la parade qui est à l'échelle mondiale et on n'a pas
d'autre choix que de développer cette deuxième Baie James. Alors,
entre les deux discours, il y a peut-être de l'information qui devrait
circuler. On sait quels sont les obstacles de ces grands barrages-là. On
sait qu'on inonde des territoires. On sait donc qu'on bouleverse
l'écologie. On déplace des populations autochtones. Et on a aussi
le problème des lignes de transmission qui créent une pollution
visuelle. Ensuite, il y a les impacts des lignes de transmission sur les
terres. Les zones magnétiques, est-ce que ça affecte
l'agriculture? Bon. Toutes ces informations-là sont peut-être
publiques, mais elles ne sont certainement pas à la portée de
tous les citoyens et peut-être qu'il y aurait lieu de les vulgariser pour
essayer de voir, justement... Hydro dirait: Voici le travail que nous avons
fait, voici les conclusions auxquelles nous en arrivons. Ce n'est pas parfait.
Voici les pour et les contre. Mais comparativement à telle source
d'énergie - le charbon, le pétrole, le nucléaire - nous,
on vous dit que, dans le fond, on a fait notre devoir et que c'est cette source
d'énergie-là qui est encore, économiquement et
écologiquement, la plus performante. C'est peut-être ce genre de
discours-là qu'Hydro-Québec devrait tenir de façon plus
intensive pour répondre au discours écologique qu'on entend, mais
qui nous donne peut-être juste une partie de la version.
M. Lazure: Dans le sens de vos remarques, est-ce que vous iriez
jusqu'à appuyer les 31 ou 32 organismes qui se sont regroupés
dans une coalition et qui demandent à Hydro-Québec et au
gouvernement de procéder à une vaste consultation publique avant
de mettre en train Baie James 2?
M. Monarque: Non. Pour nous, encore là, c'est le gros bon
sens. On n'a pas besoin de 36 études et de 31 organismes et tout
ça. Le développement économique est suffisamment
important. Il faut travailler au niveau de solutions alternatives comme celles
que vous mentionniez, peut-être les entreprises, tout ça.
Écoutez, moi, j'y reviens toujours, le pétrole, le charbon, le
nucléaire, l'hydroélectricité, il me semble qu'entre les
quatre, c'est bien facile à comprendre, c'est
l'hydroélectricité qui est la moins dommageable. Si on subit un
retard dans l'hydroélectricité, la concurrence mondiale va nous
rattraper et ce sont les autres qui vont en profiter. Ce sont les pays du
pétrole qui vont... On va être obligés d'importer davantage
de pétrole. Il va falloir, à un moment donné, se convertir
au nucléaire. On n'a pas le choix, dans mon livre à moi, c'est
évident. Là où j'en suis, c'est peut-être de dire:
Bien, écoutez, les fameux impacts écologiques de
l'hydroélectricité, il faudrait peut-être ramener ça
à une juste proportion quand on regarde l'ensemble. Alors, pour moi, ce
n'est pas dans le sens de dire: On va faire une vaste consultation populaire;
c'est de dire à Hydro: Bien, écoutez, vendez votre salade - c'est
aussi simple que ça - vendez-la, votre salade parce que, moi, ça
me semble évident. C'est un peu dans ce sens-là que je dis
ça.
M. Lazure: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, si vous
voulez remercier nos invités, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Alors, il me fait plaisir de vous remercier pour
votre prestation devant cette commission parlementaire et avec les
éléments nouveaux que vous nous apportez, concernant, entre
autres, toute l'importance de l'hydroélectricité et des
activités des entreprises de la rive sud de Montréal, que vous
représentez d'ailleurs ici. Merci de votre présence.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Je voudrais vous remercier aussi de ce
témoignage, parce qu'il y a une grande sagesse et, en même temps,
il nous semble que ce témoignage est une recherche d'équilibre
dans le dossier que nous avons devant nous. On vous remercie beaucoup
d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la Chambre de commerce de la Rive-Sud
de Montréal pour sa participation à ses travaux.
J'inviterais à la table des témoins les groupes de la
Banque de Montréal et de Nesbitt Thomson.
Bonjour messieurs, madame. Je vais vous expliquer rapidement nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la
présentation de vos points de vue et, par la suite, il y aura une
période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier
temps, nous apprécierions beaucoup que vous puissiez identifier votre
porte-parole, présenter les gens qui vous accompagnent et nous
présenter votre mémoire. Nous vous écoutons. Merci.
Banque de Montréal - Nesbitt Thomson Deacon
Itée
M. Rourke (Glenn): M. le Président, je vous remercie de
nous avoir fourni l'occasion d'être entendus ce matin. J'ai le plaisir de
vous présenter mes collègues. En premier lieu, je suis Glenn
Rourke, je suis premier vice-président de la direction des grandes
entreprises et administrations publiques, Banque de Montréal,
responsable de l'Est du Canada. À ma droite, de Nesbitt Thomson, M.
Michel Côté, premier vice-président et administrateur,
direction générale du Québec; Luc Bachand,
vice-président, financement gouvernemental et corporatif; Mme Line
Rivard, associée, financement corporatif; à ma gauche, de la
Banque de Montréal, M. Jacques Rastoul, directeur des affaires
publiques.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
M. Rourke: M. le Président, Mme la ministre, MM. les
députés. Dans leur mémoire conjoint sur les perspectives
de l'énergie électrique au Québec, la Banque de
Montréal et Nesbitt Thomson ont fait ressortir l'importance cruciale
d'assurer les besoins énergétiques du Québec pour les
prochaines décennies. Notre mémoire souligne en même temps
l'avantage incomparable dont dispose le Québec avec
l'hydroélectricité comme source d'énergie abondante,
propre et renouvelable. C'est dans cette perspective qu'il faut voir
l'intérêt du Québec à poursuivre le
développement de ses ressources hydroélectriques, non seulement
pour accroître les exportations mais pour assurer son autosuffisance
énergétique, indispensable à son développement
économique.
C'est en raison de l'importance du plan de développement
d'Hydro-Québec pour l'économie du Québec et de notre
participation directe au financement de la phase I du projet de la Baie James
que nous avons choisi d'intervenir en commission. La Banque de Montréal
est un partenaire financier d'Hydro-Québec depuis de nombreuses
années. Lors de la phase I du projet de la Baie James, nous avions,
à titre de cochef de file, organisé un financement de 1 250 000
000 $, avec la participation de 49 banques représentant 11 pays. Plus
récemment, nous avons piloté, en 1984, des crédits de
soutien de l'ordre de 750 000 000 $ sur le marché canadien avec la
participation de 78 banques et, en 1988, de 400 000 000 $ sur le marché
européen avec la participation de 23 banques. Au fil des années,
Hydro-Québec a reçu un appui continu du milieu bancaire, tant au
Canada qu'à l'étranger, ce qui témoigne d'une forte
confiance à l'égard de ses plans de développement et de
son potentiel énergétique. (11 heures)
Forts de l'expérience de la phase I du projet de la Baie James,
nous croyons donc que le plan de développement d'Hydro-Québec est
bien fondé. J'aimerais souligner deux des arguments qui sous-tendent
notre jugement. En premier lieu, l'ère des surplus
énergétiques tire à sa fin et, en second lieu,
l'énergie hydroélectrique, particulièrement celle du
Québec, jouit d'un avantage concurrentiel certain à long terme.
Nous croyons en effet que les surplus énergétiques que le monde a
connus au cours des dernières années, qui ont été
caractérisés par un excédent de capacité et des
prix modérés ne se reproduiront pas au cours de la prochaine
décennie. Les surplus étaient dus, d'une part, à une
réduction de la consommation d'énergie, réduction
entraînée à la fois par la forte augmentation des prix du
pétrole au cours des années soixante-dix et par les efforts de
conservation. Les surplus étaient dus aussi à l'accroissement de
la production dans les pays non-membres de l'OPEP, à des changements
favorables dans la réglementation du gaz naturel aux États-Unis
et au développement de projets importants de gaz liquéfié
et d'énergie nucléaire et hydroélectrique.
Les années 1990 seront caractérisées par un
meilleur équilibre entre l'offre et la demande. Nous ne prévoyons
pas d'insuffisance énergétique, mais il faut s'attendre à
des périodes de restriction et à une vulnérabilité
accrue des systèmes aux demandes dé pointe. La production de
pétrole dans les pays non-membres de l'OPEP a atteint son sommet, car
les prix actuels ne justifient pas le développement de ressources
marginales. Par ailleurs, les réserves de l'OPEP sont
concentrées
dans cinq pays et le développement de ces réserves est
soumis à des contraintes politiques et financières. On
prévoit également des problèmes d'approvisionnement de
réseaux de gaz naturel et d'énergie électrique dans
certaines régions des États-Unis.
Dans ce contexte, il est généralement reconnu que la
demande d'énergie électrique au États-Unis
s'accroîtra deux fois plus vite au cours des années
quatre-vingt-dix que pendant la dernière décennie, soit d'environ
2 % par année. Pour répondre à cette demande, il est clair
que la production hydroélectrique du Québec
bénéficiera d'un avantage comparatif indéniable. En effet,
les autres sources d'énergie seront soumises à des contraintes:
le gaz naturel, à des problèmes de réglementation et de
transport par pipelines; le pétrole et le charbon, à des
problèmes d'impact environnemental. De plus, les coûts de
production de l'énergie au Québec sont moins de la moitié
de ce qu'ils sont dans les États américains limitrophes, ceux qui
dépendent surtout du pétrole, du gaz et du charbon.
Compte tenu de ces facteurs, la capacité de production
hydroélectrique d'Hydro-Québec représente un avantage
exceptionnel pour l'ensemble de l'économie du Québec. C'est
pourquoi la Banque de Montréal, comme partenaire financier
d'Hydro-Québec, appuie le projet de développement de la phase II
de la Baie James. Notre perspective est renforcée par celle de notre
filiale Nesbitt Thomson sur les aspects financiers du projet, notamment le
financement obligataire. Pour traiter de ces aspects financiers, je cède
maintenant la parole à M. Michel Côté, de Nesbitt Thomson.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci.
M. Côté (Michel): Merci, M. Rourke. M. le
Président, Mme la ministre, MM. les députés, au nom de la
maison Nesbitt Thomson, j'aimerais, tout d'abord, vous rermercier de nous
donner l'opportunité de présenter nos commentaires sur la
proposition de plan de développement d'Hydro-Québec. Vous avez
entendu, précédemment, M. Rourke vous parler de l'ampleur du
projet. En ce qui a trait à notre rôle, nous sommes ici pour vous
faire part de nos commentaires sur la faisabilité du programme de
financement envisagé pour ce projet.
Au cours de notre présentation d'aujourd'hui, j'aimerais tout
d'abord faire l'évaluation du plan de développement au point de
vue financier ainsi que de ses besoins d'emprunt; ensuite, nous aborderons la
question des capitaux disponibles sur les marchés mondiaux au cours des
années 1990-1999, ce qu'Hydro-Québec doit faire pour
accéder à ces capitaux et, enfin, une brève
conclusion.
En premier lieu, la nature du plan de développement et ses
besoins financiers. Comme nous l'avons dit plus tôt, le plan de
développe- ment consiste à augmenter la puissance
d'Hydro-Québec en électricité d'environ 10 000
mégawatts pour la fin de 1999, soit une augmentation de 40 % de la
puissance actuelle. Ceci nécessitera des investissements de 61 800 000
000 $ dont 13 200 000 000 $ dans les trois prochaines années. Le rachat
d'obligations à long terme ainsi que les investissements, selon le
projet de plan de développement, exigeront des emprunts de quelque 50
000 000 000 $ au cours des 10 prochaines années dont 12 500 000 000 $
pour les trois prochaines années.
Maintenant que nous connaissons les besoins financiers du projet, nous
allons discuter des perspectives des marchés financiers pour la
prochaine décennie. En premier lieu, nous aimerions discuter de la
disponibilité des capitaux, puis, en second lieu, de l'accès de
ceux-ci.
Question de disponibilité. Permettez-moi de souligner que bien
que l'épargne brute des pays de l'OCDE soit passée de 23 %
à 20 % du PNB depuis le début des années soixante-dix,
celui-ci, le PNB, a cependant connu une croissance annuelle d'environ 9 %
durant cette même période, ce qui, en chiffres absolus, a
amené l'épargne brute à presque tripler depuis une
quinzaine d'années, pour atteindre, aujourd'hui, près de 3000
milliards de dollars annuellement.
Des études récentes du Fonds monétaire
international nous indiquent qu'au cours des 10 prochaines années on
estime que le taux d'épargne devrait demeurer essentiellement le
même, soit environ 20 % du PNB, et que le produit national brut devrait
croître d'approximativement 7 % par année, ce qui nous
amènerait à un niveau annuel d'épargne brute, pour la fin
de la décennie, d'environ 5000 milliards de dollars annuellement. Dans
cette perspective, les besoins de fonds annuels d'Hydro ne
représenteraient alors que 0,2 % des fonds annuels disponibles, une
proportion ainsi relativement faible de la totalité des fonds
disponibles.
Question d'accès. La dimension des fonds disponibles n'est qu'un
aspect, l'accès en est un autre. À ce sujet, il est
évident, que la compétition sera grande pour ces fonds.
Cependant, il est bon de savoir, premièrement, qu'Hydro-Québec,
avec sa présente cote, double A, se situe parmi les meilleurs risques de
crédit à travers le monde et que, deuxièmement,
grâce à la sophistication des instruments financiers et à
la mondialisation des marchés, Hydro-Québec a accès
à pratiquement tous les marchés financiers internationaux. Ces
deux facteurs importants nous permettent donc d'être confiants que, non
seulement ces fonds seront disponibles, mais qu'Hydro-Québec y aura
accès.
J'ai fait allusion, plus tôt, à la cote
d'Hydro-Québec. Je me dois maintenant de discuter de façon plus
approfondie de cette question, car elle est fondamentale au succès du
programme d'emprunt envisagé pour ce projet. Lors de la première
phase de la Baie James, ce qui repré-
sentait un programme d'expansion ambitieux, Hydro-Québec a
réussi à compléter ses programmes d'emprunt grâce
à la rencontre d'objectifs financiers qu'elle s'impose depuis ses tout
débuts, qui lui ont permis de conserver une bonne santé
financière. En effet, en maintenant sa couverture d'intérêt
à plus d'une fois, en s'assurant que son taux de capitalisation se
maintienne aux alentours de 25 %, ainsi que plusieurs autres tests financiers,
Hydro-Québec a démontré sa capacité de saine
gestion financière et a ainsi réussi à se financer sans
affecter négativement sa cote de crédit.
Nous croyons que la même situation prévaut aujourd'hui
surtout que la taille des Investissements prévus pour le projet actuel,
en relation avec la taille de l'actif total d'Hydro, est inférieure aux
ratios qui prévalaient au cours des années 1975-1985.
L'investissement d'aujourd'hui, de quelque 48 000 000 000 $ en dollars
constants, représente 1,4 fois l'actif actuel, comparativement aux
investissements, pour la période 1975-1985, de près de 39 000 000
000'$, en dollars constants de 1990, ce qui représentait 2,6 fois
la base d'actif en 1975.
Une autre manière de mettre l'ampleur de ce projet en perspective
est lorsqu'on regarde l'endettement d'Hydro-Québec par rapport à
son actif. Aujourd'hui, la dette totale d'Hydro-Québec se situe à
23 500 000 000 $ pour un actif de 34 000 000 000 $. À la fin de la
décennie, la dette totale d'Hydro-Québec sera de l'ordre de 60
000 000 000 $. En autant qu'Hydro respectera ses objectifs financiers et, par
le fait même, son ratio dette-actif, cette dette sera supportée
par un actif d'au moins 85 000 000 000 $, ce qui devrait, conséquemment,
lui permettre de maintenir sa cote de crédit et de financer le
projet.
M. le Président, j'ai essayé de vous démontrer que
la croissance des marchés de capitaux et la flexibilité des
nouveaux véhicules de placement devraient assurer l'accès et
l'argent nécessaires à ce projet, pour autant
qu'Hydro-Québec, par le maintien de ses objectifs financiers, conserve
sa cote de crédit. Nesbitt Thomson est donc confiant que, dans ces
conditions, Hydro-Québec pourra compléter avec succès son
plan de financement. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. Mme la ministre. (11 h 15)
Mme Bacon: Alors, madame et messieurs, je vous remercie
d'être ici avec nous pour discuter, j'irais jusqu'à dire, de la
viabilité du plan de développement d'Hydro-Québec, parce
que je n'ai pas l'impression que vous vous êtes vraiment prononcés
sur des choix énergétiques dans votre dossier, à moins que
vous me souhaitiez apporter un soutien au plan de développement. Est-ce
qu'on doit comprendre, quand même, que vous appuyez les choix
énergétiques qui sont proposés par la
société d'État ou est-ce que vous voulez tout simplement
vous prononcer seulement comme agent économique?
M. Rourke: Vous avez raison, Mme la ministre. L'appui que nous
donnons pour le projet, c'est un appui pour la proposition qui a
été faite par Hydro-Québec. Nous pensons que la source
d'énergie hydroélectrique pour le Québec, si on regarde
nos besoins et ceux de nos voisins du Sud, c'est peut-être la meilleure,
mais nous avons regardé le plan de développement
d'Hydro-Québec, et c'est à ça que nous donnons notre
appui.
Mme Bacon: Comment qualifieriez-vous la crédibilité
financière d'Hydro-Québec sur les marchés canadiens et sur
les marchés étrangers en ce moment?
M. Côté (Michel): Pourriez-vous
répéter votre question, Mme la ministre?
Mme Bacon: Comment pourriez-vous qualifier la
crédibilité financière d'Hydro-Québec sur les
marchés étrangers et sur les marchés canadiens?
M. Côté (Michel): Écoutez, si le passé
est garant de l'avenir, il s'agit de regarder les emprunts considérables
qu'Hydro est parvenue à faire dans les derniers 10 ou 15 ans de son
histoire. Peut-être que M. Bachand peut me donner les statistiques
nécessaires, mais, considérablement, elle a été
capable d'emprunter sur les marchés internationaux.
Je pense que ça reflète le profil, l'image et la
qualité d'Hydro. Le point que nous faisons est à l'effet que, si
vous maintenez les critères financiers et le bilan financier, on a
toutes les raisons de croire que l'histoire va se continuer.
M. Bachand (Luc): Peut-être pour ajouter, je pourrais dire
que, historiquement, si on retourne au début des années
soixante-dix, Hydro-Québec a toujours réussi à
compléter ses programmes de financement. Lorsque des marchés sont
plus difficiles que d'autres, Hydro-Québec a un rayonnement mondial et
elle réussit à emprunter dans un autre marché lorsqu'il y
en a un plus difficile. Cette année, Hydro-Québec s'est
financée presque entièrement dans les marchés
étrangers. Lorsque le marché canadien sera plus favorable, elle
va revenir. C'est une juste balance. Il faut toujours regarder une longue
période.
Mme Bacon: Je ne sais pas si vous avez suivi un peu les travaux
de la commission parlementaire en mars 1990 qui concernait les tarifs
d'Hydro-Québec. Il y a eu plusieurs discussions qui ont traité de
l'impact et du respect ou non des critères financiers suivant
Hydro-Québec, soit le taux de couverture des
intérêts, le taux de capitalisation, le taux
d'autofinancement et le taux de rendement sur l'avoir propre. Selon votre
expertise des marchés de capitaux, lequel ou lesquels de ces
critères revêtent le plus d'importance aux yeux des
prêteurs?
M. Côté (Michel): Je vais commencer, si vous me le
permettez, avec une conclusion. Je pense que ce qui est important, c'est de
garder la cote d'Hydro où elle est. Je ne voudrais pas me substituer aux
agences qui déterminent, somme toute, la cote et à qui il
faudrait peut-être poser la question: Qu'est-ce qui est plus important
comme critère? Je vous avoue que, en ce qui me concerne, je pense que
vous devez avoir un ensemble. Probablement qu'à l'intérieur de
l'ensemble, il peut y avoir certains fléchissements ou certaines
distorsions sans pour autant affecter la cote. Mais, lorsque vous
considérez 50 000 000 000 $ d'emprunts dans le prochains 10 ans, je
pense que vous avez tout avantage à regarder le bilan selon les
critères qui ont été prouvés
précédemment. Et si, jamais, il y avait des expériences
à faire, à savoir si on devrait maintenir à une fois le
taux de couverture ou 25 %, il serait peut-être mieux de le faire une
fois que les emprunts de 50 000 000 000 $ auront été faits. Il y
a peut-être quelque chose à faire, mais je recommanderais de ne
pas l'essayer avant ce projet.
Mme Bacon: Il y a eu une analyse du contexte
énergétique nord-américain qui a été faite.
Quand on regarde cette analyse, vous indiquez que, du point de vue
économique, la réalisation du plan de développement
d'Hydro-Québec devrait se révéler bénéfique
au Québec et à ses voisins limitrophes. Si, pour une raison ou
une autre, le Québec ne profite pas des opportunités qui lui sont
offertes, comment qualifie-riez-vous les pertes économiques pour la
société québécoise?
M. Rourke: Pouvez-vous répéter la dernière
partie de votre question, s'il vous plaît?
Mme Bacon: Si on ne profite pas des opportunités qui nous
sont offertes - on parle toujours du plan de développement - quelles
seraient les pertes économiques pour la société
québécoise? Comment on peut les qualifier? Parce qu'on sait que
ça va quand même amener, sur le plan économique, au
Québec, des bénéfices, et même à nos
voisins.
M. Rourke: Je ne sais pas, Mme la ministre, si je peux qualifier
quelles seront les pertes. On prend des études qui ont été
faites par les
Américains sur les besoins de l'énergie dans les
années quatre-vingt-dix. On sait qu'il y a un potentiel là pour
Hydro-Québec d'exporter une ressource, de l'électricité,
quelque chose que nous avons ici. quelque chose de très important pour
la province. On croit que si on peut, sans profiter de cela, il y aura des
retombées économiques très, très importantes pour
le Québec.
Si on ne fait pas les investissements, c'est sûr et certain qu'il
y aura moins de retombées, mais pour vous dire exactement les chiffres,
je ne peux pas, sauf que si on regarde l'impact d'Hydro-Québec sur
l'économie du Québec, alors, 5 % à peu près du
produit intérieur brut, c'est quand même, très, très
grand.
Mme Bacon: Dans sa stratégie de financement,
Hydro-Québec cherche évidemment à maximiser la part de
financement en dollar canadien qui inclut aussi les crédits
croisés.
Selon vous, est-ce que les emprunts massifs que devrait faire la
société d'État au cours des prochaines années
pourront rendre plus difficile cette stratégie?
M. Côté (Michel): Quelques réponses que
j'aimerais faire à cette question. Hydro-Québec, de par son
profil, encore une fois, est un des rares crédits que nous
possédons, qui a la flexibilité d'aller emprunter à
l'extérieur des marchés domestiques.
Lorsque vous dites qu'Hydro prendra trop de place sur les marchés
domestiques, il faut aussi envisager que là où Hydro pourrait
prendre la place, c'est avec des crédits qui, probablement, n'ont pas
d'autre accès que les marchés domestiques, alors qu'Hydro pourra
toujours, comme elle le fait actuellement, par exemple, elle emprunte à
l'extérieur actuellement parce que c'est plus avantageux et s'il y avait
de la place sur les marchés canadiens, que ça redevenait
avantageux, elle reviendrait dans un contexte de bonne gestion
financière.
J'aimerais vous dire également que, dans le passé, vous
avez financé le premier projet sans prendre trop de place.
L'expérience a été bonne. Finalement, dans ce projet-ci,
vous devriez considérer le fait que c'est un projet par étape.
Donc, il y aurait toujours possibilité, devant
l'éventualité où ça prend trop de place,
d'atténuer, de retarder.
Mme Bacon: Dans le cadre du plan de développement, on sait
qu'Hydro-Québec aura recours au marché financier interne et
étranger pour réaliser son important programme d'emprunt au cours
des prochaines années.
Est-ce que le fait d'exporter de l'électricité aux
États-Unis peut influencer l'accès et aussi les conditions de
crédit des marchés financiers américains?
M. Côté (Michel): Je pense que le fait... Au
contraire, je vois ça comme un avantage assez considérable.
Ça permet à Hydro d'emprunter en dollar américain, par
exemple, parce que vous avez l'assurance d'être capables de
rembourser
capital et intérêts en dollar américain sans avoir
à prendre des risques indus.
Donc, les ventes d'énergie aux Américains, je pense, du
point de vue strictement financier, je ne parle pas d'avantages autres, mais au
point de vue financier, probablement un aspect positif.
M. Bachand: Juste pour renchérir. Si une proportion de nos
revenus sont en dollar américain, l'accès à des
financements en dollar américain, sans utiliser les crédits
croisés comme vous avez mentionné, nous permet d'aller chercher
des niches dans le marché ou des termes dans le marché qui ne
sont pas nécessairement accessibles par les crédits
croisés. Ce que je veux dire, c'est qu'un emprunt à 40 ans dans
le marché américain, on ne peut pas le faire par un crédit
croisé. Donc, les revenus nous protègent contre le risque de
change et, dans ce sens-là, je pense que c'est un avantage d'avoir des
revenus qui sont en plus qu'une devise.
Mme Bacon: D'accord. Dans votre mémoire, vous nous
indiquez aussi qu'une faible performance, tant de la croissance
économique que de la réduction du déficit du compte
courant du Canada, pourrait entraîner une baisse de la cote de
crédit du Canada et, par conséquent, du Québec et
d'Hydro-Québec. Vous conjuguez aussi à cette décote un
accès réduit aux capitaux étrangers. J'aimerais ça
que vous nous précisiez davantage en quoi l'accès aux capitaux
étrangers serait réduit.
M. Côté (Michel): Est-ce que je peux vous demander
de reformuler?
Mme Bacon: C'est parce que je me base sur votre mémoire
que nous avions en main et où vous nous indiquiez qu'une faible
performance, tant de la croissance économique que de la réduction
du déficit du compte courant du Canada, pourrait entraîner une
baisse de la cote de crédit du Canada et, par conséquent, du
Québec et d'Hydro-Québec. Vous ajoutez aussi à cette
décote un accès réduit aux capitaux étrangers.
C'est pour ça que j'aimerais que vous précisiez en quoi
l'accès aux capitaux étrangers serait réduit.
M. Côté (Michel): Je vais, en premier lieu, essayer
de répondre et demander à M. Bachand... Je pense que, lorsque
vous parlez de l'accès aux marchés étrangers, toutes ces
considérations-là sont interreliées. Il est
évident, à ce moment-là, qu'on se base constamment sur le
crédit, par exemple, du Canada en premier. C'est la base. Si on rentrait
dans une période de récession ou si, par exemple, nos
déficits n'étaient pas contrôlés, la base, les
obligations du Canada seraient moins en demande, moins
considérées. Ça coûterait plus cher parce que le
crédit serait moins bon. De là découlent tous les autres
crédits à l'intérieur du pays, dont Hydro en est un. Et
probablement que, si à la base vous avez un crédit de moins
grande qualité, il faut que vous compreniez qu'Hydro serait
également de moins grande qualité et, par conséquent,
l'accès aux marchés internationaux pourrait être plus
difficile.
J'aimerais peut-être préciser à la fin que,
plutôt que de dire que c'est l'accès, je vois plus ça comme
étant: le coût serait supérieur. Je pense qu'on aura
toujours accès. Mais il y a un prix à tout. Si vous avez une
qualité première, vous allez payer moins cher. Si le tout se
détériore, que ce soit le Canada, que ce soit la province, c'est
évident que vous allez avoir accès, mais vous allez avoir un
coût supérieur à payer. Luc, est-ce que tu veux...
M. Bachand: Simplement pour ajouter que le système est
simple: les meilleurs crédits au monde ont le premier choix, les dollars
disponibles, et ça descend. Donc, si la cote de crédit de
l'emprunteur diminue, il y a d'autres emprunteurs qui vont passer avant lui.
Comme Michel le disait, il y a un coût à tout. À un moment
donné, si on veut absolument les capitaux, l'argent sera là.
Mme Bacon: Hier, nous recevions aussi des représentants
d'une importante institution qui est active sur les marchés des
capitaux. On nous disait que les conditions sur les marchés financiers
internationaux seront moins favorables dans la présente décennie,
dans les années quatre-vingt-dix. Cette analyse se base en particulier
sur une baisse de l'épargne mondiale, une plus grande demande de
crédit, tant sur le marché canadien qu'au niveau mondial, et sur
une plus grande volatilité, peut-être, des marchés. Quand
je regarde votre mémoire et la présentation que vous nous faites
aujourd'hui, je constate que vous ne semblez pas partager cette analyse.
J'aimerais, pour les bénéfices de la commission, peut-être
que vous nous explicitiez davantage les arguments qui sous-tendent votre
analyse qui est une analyse différente des gens que nous avons
reçus hier. Vous êtes plus optimistes. (11 h 30)
M. Côté (Michel): Oui. Mme la ministre, suite aux
études du Fonds monétaire international qui est probablement plus
optimiste, j'aimerais faire la précision suivante. On a fait allusion
que l'épargne est en baisse. C'est un phénomène qui existe
déjà depuis une dizaine d'années, sinon plus; depuis le
milieu des années soixante-dix. Cependant, l'épargne est toujours
en fonction de la croissance du PNB. C'est toujours une relation. On parlait,
dans les années précédentes, de 23 % du PNB; aujourd'hui,
on est rendu à 20 %. Cependant, ce qu'on observe, c'est que ce
même PNB augmente et a augmenté dans les dernières
années à 9 %; et les études que je citais évaluent
l'augmentation, pour la prochaine décennie, à 7 %. Donc, bien que
le pourcentage
de la relation ait diminué - c'est un fait - il faut quand
même comprendre que la base, elle, augmente. C'est ce qui me permet
d'affirmer que, par exemple, à la fin de la décennie, vous aurez
probablement un taux annuel de 5000 milliards; je comprends que c'est brut,
mais c'est quand même selon l'évolution du PNB, le pourcentage
demeurant à environ 20 %.
M. Bachand: Juste un point aussi. Vous avez dit: Plus forte
demande de crédit. On se rappelle qu'au cours de la fin des
années soixante-dix, début des années quatre-vingt les
pays d'Amérique latine et d'Afrique ont été de grands
demandeurs de crédit. La question qu'on peut se poser pour les
années quatre-vingt-dix, c'est au sujet de l'Europe de l'Est qui,
potentiellement, peut être un grand demandeur de crédit. Je pense,
par exemple, que le point qu'il faut faire, c'est que les grandes banques
mondiales ont beaucoup appris avec l'expérience de l'Amérique
latine, et j'espère, en tout cas, qu'elles ne répéteront
pas les mêmes erreurs. C'est-à-dire que, si elles prêtent de
l'argent, ça va être prêté de façon
différente de ce qui a été fait au cours des années
soixante-dix. Et pour revenir au point qu'on faisait plus tôt, tant et
aussi longtemps qu'Hydro-Québec se maintiendra parmi les meilleurs
crédits au monde, on ne voit pas de difficulté à
compléter les programmes de financement.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Dans votre
évaluation de tout ce mégaprojet de 50 000 000 000 $ de
financement dont vous parlez, est-ce que vous avez établi un coût
moyen, pour la prochaine décennie, au niveau des
intérêts?
M. Côté (Michel): C'est impossible parce qu'on n'est
pas à même d'évaluer, par exemple, révolution...
Excusez! Laissez-moi reprendre ma réponse. Il est très difficile
pour nous d'essayer de savoir ce que les taux d'intérêt vont
être dans deux ans. Écoutez, on a de la misère à les
prédire pour le mois prochain. Imaginez-vous quand on regarde un projet
d'une dizaine d'années, essayer d'évaluer ce que le coût de
financement va être est une tâche... On pourrait le faire, mais il
faudrait avoir tellement d'hypothèses, et ça pourrait changer du
jour au lendemain. La réponse, c'est: Non, on ne l'a pas fait.
M. St-Roch: Ma deuxième question: En admettant la
flexibilité, marché canadien-marchés étrangers, au
niveau des emprunts, dans ces 60 000 000 000 $ que vous prévoyez comme
dette d'ici la fin de la décennie, quelle est la propor- tion que vous
envisagez des emprunts sur le marché canadien versus les marchés
étrangers?
M. Côté (Michel): Encore là, malheureusement,
il n'y en a vraiment pas. Hydro a été capable, dans les
dernières années, de toujours démontrer hors de tout doute
sa capacité à aller chercher un emprunt en Suisse, dans les pays
asiatiques, en eurodollars, dépendant du meilleur coût. Il est
évident qu'on peut parler de 40 000 000 000 $, 60 000 000 000 $. Il y a
une chose que je peux vous dire, je pense, c'est qu'il serait probablement
possible de faire l'emprunt total à l'extérieur du pays; je doute
que l'inverse soit vrai. Ça, je pense qu'il faudrait le prendre en
considération. A l'intérieur de ça, tout est permis. Et je
suis obligé de vous dire que je crois qu'on va le faire selon ce qu'il y
aura de meilleur marché pour les contribuables.
M. St-Roch: Et ma dernière question... Oui, allez!
M. Rourke: Peut-être un point, pour préciser. Vous
êtes peut-être au courant des crédits croisés. On
peut emprunter ailleurs, retourner en canadien. On peut emprunter à un
taux flottant, le retourner en fixe. Alors, il n'est pas nécessaire
d'emprunter seulement au Canada pour avoir du canadien.
M. St-Roch: Ma dernière question: S'il est vrai qu'on a,
au niveau du financement de la dette canadienne, un montant de 100 000 000 000
$ qui est à très court terme, ne croyez-vous pas que lorsqu'on
remet ça dans toute cette perspective-là... Vous vous
référez souvent aux années soixante-dix, quatre-vingt,
alors, lorsqu'on regarde les besoins financiers de l'ensemble canadien, ils
étaient beaucoup moindres, je pense, qu'à ce moment-ci. Ces 100
000 000 000 $ ne pourraient-ils pas avoir à court terme un effet
négatif sur la possibilité pour Hydro-Québec de trouver
son financement à un coût rentable?
M. Côté (Michel): Je ne le penserais pas. Il est
évident... Ah! Il faut faire attention à ce qu'on dit. Il y a
beaucoup de la dette nationale qui est à court terme; ça, je
pense que c'est un phénomène que tout le monde est capable
d'observer. Le marché de capitaux, on devrait le considérer comme
le "free enterprise system". On a toujours la possibilité d'allonger
notre dette, mais le marché va vous laisser savoir assez rapidement si
vous exagérez ou non. Dans un contexte, par exemple, de 100 000 000 000
$, je pense que le gouvernement fédéral aimerait ça,
à un temps opportun, rallonger sa dette. Ce serait logique. Hydro est
là avec également des possibilités énormes parce
que les actifs qu'Hydro est en train de construire vont durer pendant 50, 60
ans, ce qui lui permet, à ce moment-là, de
financer à très long terme, à court terme. Elle a
toutes les capacités, à cause de la nature des actifs qu'elle
construit. Donc, il va arriver, à un moment donné... On revient,
je crois, à la question de Mme la ministre, à savoir: Est-ce
qu'il va y avoir assez de place? La réponse est que je crois que, oui,
il va y avoir assez de place et les marchés vont nous laisser savoir si
on exagère ou non. À ce moment-là, ça demandera que
les gens se retirent, aillent à l'extérieur. C'est toujours un
phénomène de comparaison. On compare constamment pour savoir:
Où est-ce que c'est le plus avantageux? Est-ce qu'on peut aller à
20 ans, payer tant, ici au Canada, ou rester à 10 ans? Hydro a toute
cette flexibilité.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue et d'avoir l'occasion d'échanger quelques
mots avec vous sur la question du financement d'Hydro-Québec. Une
première question très brève: Jusqu'où peut aller
Hydro-Québec dans sa capacité d'emprunt? Elle a une limite, comme
n'importe qui. 20 000 000 000 $, 30 000 000 000 $, 50 000 000 000 $, 200 000
000 000 $, 550 000 000 000 $? Donnez-moi un chiffre. Quand est-ce qu'Hydro va
pouvoir arrêter d'emprunter?
M. Côté (Michel): Ça dépend. Si vous
me permettez, c'est parce que vous regardez juste un bord du bilan. Vous
regardez les emprunts, le passif. Vous avez raison. Mais il faudrait aussi
regarder l'actif. Je peux vous dire que vous pouvez emprunter 200 000 000 000 $
si vous construisez pour 500 000 000 000 $ d'actifs. C'est un équilibre.
Vous ne pouvez peut-être pas emprunter 30 000 000 000 $ additionnels, si
ce n'est pas pour construire des actifs sur le côté du bilan qui
soient acceptables. Le point que je faisais... J'ai essayé de faire une
corrélation entre la situation actuelle d'Hydro où vous avez
à peu près 23 000 000 000 $ d'emprunt pour 34 000 000 000 $
d'actifs. Je vous dis, selon les prévisions actuelles, selon les ratios
financiers, vous empruntez pour le projet actuel, vous allez vous retrouver
avec 60 000 000 000 $ d'emprunt à la fin des années
quatre-vingt-dix. Par contre, vous allez avoir un minimum de 85 000 000 000 $.
Dans ce contexte-là, je suis à l'aise de vous dire: C'est
faisable, c'est "finan-çable", c'est normal.
M. Claveau: Oui, O.K. Sauf que... Je regarde ça
très rapidement, très brièvement, sans être expert
en la matière, mais il y a une chose que je comprends: sur les 34 000
000 000 $ d'actifs d'Hydro-Québec, là-dessus on enlève
déjà 23 000 000 000 $ ou 24 000 000 000 $ de dettes, il en reste
10 000 000 000 $. Sur ces 10 000 000 000 $, il y en quelque chose comme 3 000
000 000 $ qui sont des bénéfices non répartis, des
intérêts consolidés, des trucs semblables. Donc,
l'équité sur la cabane, HydroQuébec, c'est quelque chose
comme 7 000 000 000 $. 7 000 000 000 $, avec une dette de 23 000 000 000 $.
Là, on nous dit qu'Hydro-Québec peut emprunter, pas de
problème. On va encore mettre 2 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $ de
"cash" et on est capable d'aller chercher encore 20 000 000 000 $ additionnels.
Ne trouvez-vous pas qu'en bout de piste, on aurait avantage à avoir un
peu plus d'équité sur ce qu'on a déjà comme biens,
de finir d'acheter plutôt que continuellement payer des
intérêts sur des propriétés qui ne nous
appartiennent pas, en bout de piste?
M. Bachand: II faut regarder aussi d'autre chose... Il y a un
autre point important. Il y a le bilan, l'actif passif mais, l'autre point
important, c'est que ces actifs-là, 85 000 000 000 $ d'actifs, vont
générer des revenus - les biens sont amortis sur 50 ans, mais
l'espérance de vie est encore plus longue que ça - donc, vont
générer des revenus pour repayer ces prêts-là. Je
pense qu'un des autres points très importants que les financiers
internationaux regardent, c'est la capacité de repaiement de la dette.
Si l'investisseur est confiant qu'il va se faire repayer ou se faire
refinancer, il va prêter. Donc, tant que les nouveaux actifs
génèrent des revenus rentables qui vont générer
assez de "cash flow" ou d'autofinancement pour servir la dette, c'est l'autre
point qui va faire que ça fonctionne en plus du bilan qui a des actifs
pour supporter le passif.
M. Côté (Michel): Si vous me permettez d'ajouter. On
n'est pas en désaccord. Vous remarquerez qu'un des critères
financiers d'Hydro est justement de maintenir son taux de rendement à un
niveau semblable au taux de la dette. Cela veut dire, essentiellement, que vous
allez remettre de l'argent grâce à un bilan et des profits qui
vont rester à l'intérieur, qui vont être en
équilibre avec vos projets d'expansion. Mais c'est
nécessaire.
M. Claveau: Oui, mais ça, c'est un peu comme la dette
nationale. C'est vrai tant que ça va bien. Sauf que, ce
rendement-là, HydroQuébec ne peut l'avoir que d'une seule
façon, c'est en vendant de l'électricité aux
Québécois et un petit peu aux Américains, à
côté. Donc, à un moment donné, on vient que, pour
garder le taux de rendement et pour avoir un rendement sur l'avoir propre de
l'ordre de 12 % ou 13 % et tout ça, eh bien, il faut augmenter les
bénéfices et, les bénéfices, on ne peut les prendre
que dans les poches de ceux qui achètent de l'électricité
parce qu'Hydro-Québec ne fait pas de spéculation
immobilière et elle n'est pas dans l'industrie maritime et elle n'est
pas dans l'aviation, elle est dans la vente d'électricité. Il y a
une source
de revenu, c'est l'électricité.
Alors, moi, ce dont j'ai peur, c'est qu'à force d'emprunter et
d'investir - oui, toujours pour satisfaire nos besoins, supposément -
à un moment donné, on va finir que ça va être comme
la piastre canadienne, on va pouvoir la déchirer et mettre la partie des
intérêts, 35 % de votre "bill" d'électricité vont
pour payer au service de la dette d'Hydro-Québec. Et puis, un jour, on
dira à Hydro-Québec: Là, vous êtes trop
endettée. Ça n'a plus d'allure. On approche les 50 % des revenus
qui s'en vont au service de la dette. Vous avez de belles
propriétés, soit, mais vous n'êtes plus capable de les
gérer et on va les prendre. Est-ce que ce n'est pas un risque? Comme
c'est arrivé d'ailleurs... Moi, je me demande, jusqu'à un certain
point - excusez-moi si je continue ma réflexion, ça va
peut-être préciser votre réponse - mais je me demande,
jusqu'à un certain point, si actuellement les marchés
internationaux... C'est toujours plaisant de monter une structure de
financement de 50 000 000 000 $. Je me demande jusqu'à quel point les
marchés internationaux ne sont pas en train de nous rendre beaux et
fins, ceux qui ont encore des cotes crédibles, afin de
récupérer une certaine partie des pertes dans les investissements
dans les pays du tiers monde qui sont à peu près en faillite, au
moment où on se parle, et qui étaient, eux aussi, très
beaux et très fins, il y a une vingtaine d'années, au moment...
votre cote est bonne. On va vous prêter, ça nous fait plaisir.
Mais, aujourd'hui, ils ne sont plus capables de rembourser et il faut bien
récupérer quelque part. Ça fait qu'on va trouver d'autres
beaux et fins ailleurs qui vont payer en attendant.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Leclerc): M. Côté.
M. Côté (Michel): Je dois vous dire que vous avez
mentionné quelques points. Vous m'excuserez si j'en ai peut-être
oublié quelques-uns, mais je vais essayer... Une des choses qui me
plaît dans ce que vous avez dit, c'est que vous prenez l'hypothèse
qu'il va y avoir une demande additionnelle d'énergie - j'ai crû
comprendre ça - dans les prochaines années. Pas d'importance
quelle qu'elle soit, mais vous semblez être d'accord - j'espère -
que, d'ici la fin des années quatre-vingt-dix, le Québec aura
besoin de plus d'énergie qu'il n'en a besoin en 1990, sans ça, on
va avoir des problèmes pas mal plus sérieux.
Donc, si on prend cette hypothèse, il faut, à partir de ce
moment-là, la trouver... Et, là, on parle de
l'électricité. Je ne suis pas ici pour parler si c'est du mazout.
Je parle juste de votre projet. Il n'y a pas des millions de manières de
financer ce genre. Vous faites allusion à la tarification. Ça en
est une méthode qui permet, grâce au fait qu'Hydro a un
très beau bilan, d'emprunter à des coûts inférieurs.
Mais, là où j'attire votre attention, peut-être que vous
n'êtes pas obligé de faire une tarification aussi
sévère, mais le bilan va, en souffrir. À partir de ce
moment-là, vous allez payer plus cher d'intérêt. Vous
savez, il n'y a pas moyen d'en sortir, il va falloir payer d'une manière
ou d'une autre. À partir de ce moment-là, je pense qu'il y a un
équilibre entre la tarification et le phénomène d'emprunt
à un coût de... quoi? ou encore les impôts. Je ne vois pas
d'autre manière. Si on doit assurer au Québec l'énergie
additionnelle et qu'on considère actuellement
l'électricité, je pense que ce sorti les deux, trois
critères avec lesquels vous pouvez jouer. (11 h 45)
M. Claveau: Oui, mais ne trouvez-vous pas qu'à force
d'emprunter et de vivre sur des intérêts... C'est un peu comme ta
carte de crédit. C'est beau de la garder élevée un bout de
temps mais, à un moment donné, il faut que tu la baisses si tu ne
veux pas t'habituer à ce que la majorité de ton salaire s'en
aille dans ie crédit. Ne trouvez-vous pas que c'est risqué,
finalement, à long terme, comme ça a été
risqué dans certains pays ailleurs dans le monde, dans les années
soixante ou soixante-dix, d'importer des capitaux à outrance finalement
pour faire du développement supposément rentable, à ce
moment-là? Est-ce que vous ne trouvez pas que c'est risqué pour
Hydro-Québec, malgré l'intérêt, enfin, la valeur
marchande de ses équipements, si vous voulez le prendre comme ça,
d'emprunter et d'emprunter et d'emprunter encore, alors que sa principale
source de revenus, qu'on le veuille ou non, réside dans la tarification
aux Québécois? En bout de piste, ce sont les mêmes qui vont
payer le déficit fédéral, le déficit du
Québec, qui vont payer aussi le déficit d'Hydro-Québec ou
les prêts internationaux à Hydro-Québec. C'est tout le
même monde qui paie ça, en bout de piste, là. Ne
trouvez-vous pas, finalement, que ça risque de faire un fardeau de
dettes passablement important sur le dos de quelque 6 000 000 de
Québécois qui ont une bonne cote de crédit, au moment
où on se parle, mais peut-être que, dans 10 ans, on dira: Vous
êtes trop endettés, messieurs.
M. Côté (Michel): II y a plusieurs volets à
votre question. Je sens que mes associés aimeraient aussi participer. Je
vais juste dire deux choses et je demanderais, après ça,
peut-être qu'ils ajoutent leur point de vue.
Le plus grand risque, je pense, auquel on peut faire face, en tout cas,
c'est un risque qui est certainement à considérer, c'est de ne
pas avoir assez d'énergie. Ça, je pense que c'est une question
à laquelle il faut absolument faire face pour assurer la croissance
économique. Vous faites allusion au fardeau de la dette qui - vous avez
raison, les déficits, ce sont des choses à
prendre en considération... Mais je pense que, dans le cas
d'Hydro, c'est le genre de dette que vous voulez avoir parce que c'est une
dette avec laquelle vous allez bâtir des actifs, qui va vous rapporter
quelque chose. Vous avez entièrement raison. Les gouvernements, quand on
regarde la dette nationale et tout ça, quand c'est pour payer
l'épicerie, ça, c'est dangereux; ça, je dois vous dire, je
suis entièrement d'accord avec vous. Si vous empruntez pour faire face
à vos comptes courants, vous avez un problème sérieux,
mais si vous empruntez pour bâtir - c'est de ça dont vous parlez
actuellement - non seulement des choses qui vont rapporter des revenus, des
profits, je pense que, ça, ça ne devrait pas être
mêlé avec les comptes d'épicerie.
M. Bachand: C'est seulement pour faire le point sur les pays de
l'Amérique latine qui vous inquiètent... Finalement,
c'était ça, le gros problème. En Amérique latine,
on finançait à long terme les déficits du compte courant;
donc, on finançait l'épicerie avec la dette à long terme;
ici, vous financez des actifs à long terme avec de la dette à
long terme. C'est une très grosse différence.
M. Rourke: Juste un autre point sur... Vous avez mentionné
plusieurs fois la dette au tiers monde. Oui, à la Banque de
Montréal, on a quelques actifs en Amérique latine, je vous assure
qu'il n'y a aucune possibilité qu'on fasse des prêts à
Hydro-Québec ou à d'autres pour aller récupérer les
pertes qu'on a faites. C'est impossible. Alors, et comme M. Bachand l'a
mentionné tout à l'heure, je pense que nous avons appris une
leçon pas mal sévère et que les banques internationales
regardent de très près les crédits syndiqués, les
grands crédits dont on parle pour Hydro-Québec, très,
très proches. On ne voudrait pas être pris dans une situation dans
laquelle on a vécu pendant les cinq ou six dernières
années.
M. Claveau: O.K. Supposons que... Le besoin des
Québécois, c'est essentiellement - vous nous l'avez dit à
plusieurs reprises - de satisfaire nos besoins énergétiques.
C'est excessivement important, j'en conviens. Je pense que la plupart de
Québécois en conviennent d'ailleurs, rares sont ceux qui veulent
retourner à la lampe à l'huile. Mais, une fois qu'on a dit
ça, on peut peut-être penser à d'autre chose que d'investir
des milliards dans le béton. Il y a des gens qui nous disent - ceux qui
sont passés avant vous - que ce n'est pas compliqué de trouver du
financement, par exemple, pour des mesures d'économie d'énergie;
ça, on devrait être capables d'en financer aussi bien que de
financer des barrages. D'autres disent: Faisons attention, les institutions
prêteuses aiment bien prêter, mais il faut qu'elles soient capables
d'hypothéquer quelque chose. Des mesures d'économie
d'énergie, ce n'est pas trop hypothécable, donc probablement
qu'on va avoir de la difficulté à aller emprunter pour mettre en
place d'autre chose que des constructions de centrales hydroélectriques.
Qu'est-ce que vous en pensez? Supposons qu'Hydro-Québec, par exemple,
aurait besoin, demain matin, de 5 000 000 000 $ pour développer au
Québec un programme d'économies d'énergie qui fera
dégager 5000 mégawatts de puissance dans ce qu'il y a
actuellement. Est-ce que c'est aussi intéressant pour vous? Sa cote de
crédit va-t-elle être aussi bonne que si ces 5 000 000 000 $ sont
pour construire une nouvelle centrale hydroélectrique?
M. Côté (Michel): Absolument. Les actifs ne
représentent qu'un aspect des critères par lesquels les
investisseurs vont vous prêter de l'argent. Je peux vous faire
l'exemple... Sûrement que bien des actifs que je connais, personne ne va
prêter de l'argent là-dessus parce que ça ne rapporte rien.
Alors! Les actifs, en soi, ce n'est pas toute la réponse. Je pense que
vous devez considérer la capacité de rembourser d'une institution
financière en fonction d'un emprunt. Si vous mettez de l'avant, par
exemple, des mesures comme vous me parlez, qu'il n'y a pas de construction
d'actifs mais qui permettent l'énergie, qui permettent à Hydro
d'avoir une santé financière, des profits, les investisseurs vont
être tout aussi heureux de vous prêter, garder la même cote.
Comme je vous dis, je pense que, si j'avais à prêter, la
première chose que je vais regarder c'est, oui, les garanties et la
capacité de rembourser.
M. Claveau: Donc, ça ne fait pas de problème pour
vous.
M. Côté (Michel): Absolument pas.
M. Claveau: Qu'est-ce que vous pensez, finalement, des programmes
d'économies d'énergie et des questions environnementales telles
qu'Hydro-Québec les prévoit et telles que peut-être on
pourrait développer dans l'avenir? Je pense que les institutions
prêteuses, quelles qu'elles soient, vont devoir de plus en plus
s'intéresser aux questions environnementales; c'est clair de
prêter éventuellement sur des politiques de prêts ou des
trucs semblables en fonction d'entreprises qui sont de moins en moins
polluantes et de plus en plus en harmonie avec l'environnement. Est-ce que vous
pensez qu'il est souhaitable pour Hydro-Québec d'investir dans les
économies d'énergie et dans l'atténuation des impacts
environnementaux?
M. Rourke: En ce qui concerne l'environnement, nous croyons,
à la Banque de Montréal et, je crois, pour toute autre
institution financière, que c'est très, très important. Il
faut absolument que le projet de la phase II de la Baie James soit fait avec
des considérations environnemen-
tales bien claires, à savoir comment ne pas trop faire de mal,
faire le moins de mai possible à l'environnement.
En ce qui concerne la conservation de l'énergie, encore, on a une
ressource hydroélectrique au Québec, mais ce n'est pas
illimité. Alors, on appuie beaucoup les programmes qu1
Hydro-Québec met devant nous. Ça nous en prend encore mais
ça n'affectera pas, je crois, la rentabilité ou la
rentabilité du projet de la phase II de la Baie James.
M. Claveau: Est-ce que vous êtes intéressés
ou est-ce que vous avez actuellement, je ne sais pas, sans entrer dans le
secret des dieux, des discussions ou des gens qui vous approchent pour
travailler dans les énergies alternatives du genre solaire ou les
énergies éoliennes, etc., tous ces trucs-là? Est-ce que
vous pensez, d'abord, qu'il pourrait être intéressant d'investir
là-dedans pour une entreprise comme Hydro-Québec, ça
pourrait être un autre type d'entreprises? Est-ce que vous pensez qu'il
serait intéressant d'investir la-dedans? Et vous, comme banquier, est-ce
que vous croyez que les institutions bancaires peuvent s'intéresser
à ce genre de projets-là?
M. Rourke: Oui, on a des approches. Je pense que, l'industrie
bancaire et notre banque, on s'intéresse beaucoup mais c'est comme un
autre projet. Ça prend de l'argent. Qu'est-ce qu'ils vont faire avec
leurs produits? Est-ce que c'est rentable? On se demande, on pourrait avoir
bien des projets comme des projets de cogénéra-tion au
Québec mais, pour remplacer la capacité d'Hydro-Québec, ce
serait quelque chose d'énorme. Est-ce que ces projets-là sont
rentables? Est-ce qu'ils ont une capacité? Quels seront les impacts sur
l'environnement? Est-ce qu'ils sont fiables? Ce sont des questions qu'il faut
se poser. C'est sûr et certain que, si quelqu'un arrive avec un projet,
on le regarde de très près.
M. Claveau: On me dit que c'est fini.
Le Président (M. Leclerc): Alors, M. le
député, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Alors, merci de votre présence ici. Ça
a été assez bref. Je pense qu'on aurait peut-être pu aller
plus en profondeur dans certains aspects. En souhaitant finalement
qu'Hydro-Québec soit autre chose qu'un excellent prêteur avec une
bonne cote de crédit, mais qu'elle demeure essentiellement une
entreprise au service des Québécois pour les approvisionner en
électricité, je vous remercie de votre présence.
Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre.
Mme Bacon: Je vous remercie infiniment de votre présence
à cette commission parlementaire.
Encore une fois, je pense que c'est une autre facette qui est fort
intéressante et qui nous apporte des ajouts importants. Votre
contribution aujourd'hui est d'un tout autre domaine que lorsqu'on parle
d'environnement ou de possibilité énergétique, mais qui
nous aide quand même à faire le point sur l'ensemble du dossier.
C'est un ajout fort important. Merci infiniment de votre
intérêt.
Le Président (M. Leclerc): Madame et messieurs, au nom de
la commission, je vous remercie de vous être déplacés pour
vous faire entendre et je vous souhaite un bon retour.
Nous suspendons une minute, le temps de permettre à la
Confédération des syndicats nationaux de prendre place à
la table.
(Suspension de la séance à 11 h 56)
Reprise à 11 h 58)
Le Président (M. Leclerc): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Au nom des membres de la commission, je voudrais vous souhaiter la
bienvenue. Je voudrais vous demander de vous identifier, en vous rappelant que
vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire et que,
ensuite, chacun des groupes ministériels aura 20 minutes pour vous
interroger. Alors, madame.
Confédération des syndicats
nationaux
Mme La montagne (Céline): Je vous remercie, M. le
Président. Je voudrais d'abord excuser l'absence du président de
la CSN, M. Gérald Larose, qui s'était annoncé comme venant
présenter le mémoire à la commission. Il n'a pu se
déplacer aujourd'hui.
Mon nom est Céline Lamontagne, je suis troisième
vice-présidente de la CSN; mon collègue est Peter Bakvis, adjoint
à l'exécutif de la CSN et économiste.
On vous remercie d'avoir permis à notre organisation de se faire
entendre aujourd'hui. Je pense qu'on est très heureux qu'il y ait une
telle consultation sur Hydro-Québec et les projets de
développement d'Hydro-Québec, d'autant plus heureux que, depuis
1983, il n'y a pas eu de consultation importante. Pourtant, à notre
avis, le gouvernement a fait des choix majeurs ces dernières
années, entre autres, il a fait des contrats à long terme avec
certaines compagnies, dont les alumineries; il a fait des contrats
d'exportation d'énergie; il a haussé les tarifs. Tout ça
n'a pas eu de larges consultations telles que la commission d'aujourd'hui.
On considère que ces choix-là, qui sont majeurs, ont eu
des conséquences sur la vie des Québécois et des
Québécoises et ont aussi des conséquences sur le choix qui
est fait maintenant
d'accélérer le développement de nouveaux projets,
de nouveaux barrages.
Donc, la consultation de cette commission nous semble importante mais,
comme je vais l'expliquer plus loin, elle nous semble nettement insuffisante,
compte tenu de l'envergure de ce qui est déposé, de ce que sont
les projets actuellement d'Hydro-Québec.
L'intervention qu'on va faire aujourd'hui va se faire autour de six
points, ce qui est essentiellement le même schéma qu'on a suivi
dans notre mémoire écrit, c'est-à-dire:
premièrement, la nécesssité, à notre avis, d'un
débat public large; deuxième point, on va parler des projections
d'électricité tel qu'Hydro le fait; troisièmement, des
augmentations tarifaires; ensuite, sur les contrats d'exportation
d'électricité; cinquième point,
l'électricité et l'industrialisation et, le sixième point,
toute la question environnementale qui a sûrement été
abordée par d'autres, lors de cette commission.
Je disais tout à l'heure que, oui, cette commission
parlementaire, c'est bien qu'elle se tienne sept ans plus tard, mais, à
notre avis, cette commission est beaucoup trop limitée dans ses mandats
et, nous, on s'est joint, la CSN, à une coalition très,
très large qui demande une commission spéciale, itinérante
et indépendante sur toute la question de la problématique
énergétique. On considère qu'on doit se pencher non pas
seulement sur le développement de l'électricité, mais on
doit aussi se pencher et réfléchir collectivement sur l'ensemble
des choix énergétiques que le Québec aura à faire.
Alors, c'est pourquoi on souhaite qu'il y ait une telle commission. On souhaite
aussi qu'il y ait une commission spéciale itinérante pour
permettre que cette commission se déplace à travers le
Québec et, particulièrement, dans les régions nordiques
où on est plus spécialement concerné, touché
directement par les développements de barrages. Un autre aspect majeur,
un autre caractère important de cette commission, c'est qu'elle devrait
être indépendante pour pouvoir mener à bien toutes les
études nécessaires dans la situation actuelle.
Donc, je pense que d'autres groupes avant nous ont
développé longuement sur la nécessité d'une telle
commission indépendante. Je m'arrêterai là, pour le moment.
Le deuxième point qui nous semble important quand on a regardé
les projets ou les développements d'Hydro-Québec, c'est qu'on
s'interroge beaucoup sur les prévisions que fait Hydro des besoins et
des demandes d'énergie dans l'avenir. Alors, Hydro propose une
accélération de la construction de mégaprojets à
partir d'une évaluation d'une croissance de la demande qui repose
principalement sur trois choses: une croissance de l'exportation, une
croissance des besoins au niveau industriel et, évidemment, une
croissance de la demande au niveau domestique.
L'évaluation que fait Hydro nous pose plusieurs questions et il
nous apparaît - c'est un questionnement, principalement - qu'Hydro a
sous-réévalué cette croissance. Premièrement, il
faut constater - on ne citera pas de chiffres, il y en a quelques-uns dans
notre texte - que le Canada et le Québec, par la suite, est un pays qui
dépense beaucoup d'énergie, qui est très
énergivore, si on veut, et il nous semble que l'analyse
d'Hydro-Québec repose sur le fait que la situation actuelle, la tendance
actuelle va continuer à se perpétuer, premièrement, en
termes de croissance des dépenses d'énergie et,
deuxièmement, que cette énergie va être
néces-sairement de l'électricité. On constate qu'il y a un
parti pris, c'est peut-être normal, pro-élec-tricité quand
on fait l'évaluation de la croissance de la demande
d'électricité.
Nous, on croit que, premièrement, il y a des efforts à
faire beaucoup plus grands pour regarder quelles sont les mesures qui doivent
être prises pour économiser de l'énergie. Il doit y avoir
de la recherche qui soit faite sur l'économie d'énergie, et
toujours des économies d'énergie qui soient profitables à
la population et, surtout, des économies d'énergie qui
n'entravent pas, finalement, le confort et la santé de la population,
comme on a déjà vu lors de la crise du pétrole, mais qui
doit y avoir des efforts beaucoup plus grands pour voir comment on peut
réduire nos dépenses énergétiques.
Deuxièmement, et c'est ça qui n'est pas du tout fait dans
les analyses qu'on a vues, c'est qu'il faut regarder vers d'autres sources
d'énergie, particulièrement pour des fins industrielles. On
pense, nous, plus particulièrement au gaz qui est
sous-évalué dans la partie d'énergie que ça demande
quand on fait l'évaluation de la demande future.
Une autre inquiétude qu'on a, c'est qu'il ne faudrait pas, non
plus, qu'en surévaluant la croissance de la demande
d'électricité, on se retrouve avec une surcapacité de
production, comme on l'a déjà vu dans le passé, et que ce
soient les Québécois et les Québécoises qui paient
la facture de cette surcapacité de production. C'est pourquoi, toujours
dans la même foulée que tout à l'heure, on demande que la
commission indépendante puisse faire des études qui regardent non
seulement la question de l'électricité, mais aussi d'autres
scénarios d'augmentation de la demande d'énergie, d'autres
scénarios et aussi d'autres sources d'énergie.
Le troisième point qu'on voulait aborder aujourd'hui avec vous,
c'est la question de l'augmentation tarifaire. Nous, on considère que
les augmentations tarifaires qui ont été faites quelques jours
avant Pâques, ce printemps, des augmentations qui, rappelons-le,
s'ajoutent à la TPS, nous semblent injustes pour la majorité des
Québécois et des Québécoises. D'abord, ces
augmentations prévoient un taux qui est le même pour tous les
secteurs, que ce soit le secteur résidentiel, le secteur agricole ou le
secteur
industriel. À notre avis, également, ces
augmentations-là pénalisent les régions nordiques et les
régions éloignées parce que, entre autres, il n'y a pas
possibilité de conversion à d'autres sources
énergétiques, entre autres, au gaz. Ensuite, ça
épargne les gros clients, si on veut, d'Hydro, soit les compagnies, soit
l'exportation. Il faut se rappeler aussi qu'il y a quelques années on a
convaincu les Québécois de se convertir à
l'électricité en se disant que c'était une énergie
qui était propre, qui était peu coûteuse et qu'il fallait
utiliser Mais on ne s'attendait pas à ce qu'on ait des augmentations
tarifaires qui dépassent les coûts d'inflation et qui fassent
payer, finalement, au citoyen ordinaire la facture de
l'électricité, d'autant plus que c'est un bien essentiel pour la
plupart des citoyens du Québec dont on ne peut pas se dispenser. Donc,
personne n'est épargné dans cette augmentation
d'électricité.
AJors, nous, notre proposition, c'est qu'on maintienne notre taux
d'augmentation à 4,5 % pour 1990 et 1991 et qu'également les
politiques de tarification soient un mandat de la commission spéciale,
c'est-à-dire qu'on regarde l'ensemble des critères et ce que
serait une politique de tarification juste et équitable pour tout le
monde.
Le quatrième point, ce sont les contrats d'exportation. Il nous
apparaît essentiel que le gouvernement précise comment il voit
l'avenir de ces contrats d'exportation d'électricité vers
l'extérieur. Il nous apparaît essentiel que chaque nouveau contrat
soit soumis à un examen public. Il nous apparaît tout à
fait anormal qu'on doive compter sur les informations venant des
États-Unis pour connaître la nature et le contenu des contrats
avec des États américains. Nous avions déjà
proposé, en 1983, qu'il y ait une commission permanente qui fasse
l'examen public de tous ces contrats-là et on réitère
cette proposition-là parce qu'il y a plusieurs choses qui nous
inquiètent: premièrement, le choix qu'on fait d'indexer les
contrats au coût de la vie sur une période de 30 ans, alors qu'on
ne sait pas comment va évoluer le prix du baril de pétrole;
deuxièmement, dans le contexte du libre-échange, on se demande ce
qui va arriver de ces contrats-là, quelle prise le gouvernement va
pouvoir avoir sur ces contrats-là. Est-ce que le gouvernement, par
exemple, va pouvoir privilégier le marché québécois
à l'échéance de ces contrats-là ou s'il sera dans
l'obligation de poursuivre les contrats? Quelle sera la tarification des
contrats à l'extérieur? Et surtout dans le contexte du
libre-échange, tout ça nous inquiète beaucoup et on
souhaite avoir des réponses beaucoup plus claires sur l'avenir des
contrats d'exportation.
Un autre aspect, c'est toute la question de l'électricité
et de l'énergie électrique et l'industrialisation. Il y a
quelques années, entre autres, dans "Bâtir le Québec", on
misait sur le fait qu'en offrant l'électricité à des
tarifs bas, on pouvait attirer l'industrialisation au Québec. On
constate, après analyse et chiffres à l'appui et comparaison,
entre autres, avec la province de l'Ontario, qu'il y a un échec relatif,
peut-être partiel, mais un échec quand même de cette
politique dans certains secteurs d'activité économique, entre
autres, dans les pâtes et papiers, dans la fonte, dans l'affinage des
métaux, dans la sidérurgie. Le secteur où cette politique
a réussi à attirer l'industrie, c'est le secteur de l'aluminium,
que tout le monde connaît très bien. Mais, là aussi, on a
des questionnements. On est d'accord pour que l'aluminium se développe
au Québec et qu'on devienne un très grand producteur d'aluminium.
Mais là aussi, il y a des contrats qui sont plus ou moins secrets, dont
on connaît peu la nature.
Deuxièmement, à quel prix on va payer ces contrats qui
favorisent très grandement les alumineries? Et aussi, à quel
prix, au niveau environnemental, on va payer ces contrats? C'est évident
qu'on est d'accord, à la CSN, que dans le cadre d'une politique de
plein-emploi, d'une stratégie industrielle, que la question,
l'énergie électrique à prix avantageux, peut attirer des
investissements industriels. Par ailleurs, on croit que ce n'est pas le seul
facteur qui peut attirer l'industrie. Ce n'est pas le seul facteur de
localisation. Donc, on croit qu'il faut aussi envisager intégrer la
question de l'énergie dans d'autres politiques, une politique
industrielle plus large qui vise, évidemment, le plein-emploi et qui
comprend plusieurs volets, entre autres des programmes de formation, des
programmes de recyclage, des programmes sur la fourniture des matières
premières. Donc, la seule question de l'électricité ne
peut pas être la base, à notre avis, d'une politique de
développement industriel et de développement du plein-emploi,
mais il faut que ce soit dans un cadre beaucoup plus global.
L'autre aspect, toujours lié à l'industrialisation, nous
considérons aussi, comme sur les autres questions, que tous les contrats
d'approvisionnement particuliers, qu'il y a entre certaines industries et
Hydro-Québec, doivent aussi faire l'objet d'études plus
approfondies et on doit connaître la nature de ces contrats.
L'autre aspect, c'est qu'on recommande également que, toujours
dans le cadre d'une politique de développement industriel, les autres
sociétés d'État soient mises à partie et que le
gouvernement puisse autoriser la mise sur pied de programmes de recherche pour
développer des produits, des équipements qui économisent
de l'énergie, que ce soit pris en main par les sociétés
d'État. Parce que, soit dit en passant, oui, on sait
qu'Hydro-Québec a des programmes d'économie d'énergie qui
visent, soit la population en général ou l'industrie, mais on
peut se poser la question: Est-ce qu'Hydro-Québec n'est pas un peu en
conflit d'intérêts, quand on parle d'économie
d'énergie, que la recherche devrait
peut-être être faite par dautres sociétés
moins liées à la production de l'électricité ou
toute autre forme d'énergie? (12 h 15)
En terminant, j'aborderai très brièvement la question
environnementale qui est une question majeure, à notre avis. Nous avons
malheureusement peu élaboré cette question-là dans notre
mémoire. Mais, à la lecture des dossiers, à la lecture des
documents, on s'inquiète aussi sur comment Hydro-Québec traite la
question environnementale. On trouve qu'elle minimise la question
environnementale. On semble minimiser, par exemple, le fait que les nouveaux
projets, entre autres, vont doubler la superficie des terres inondées.
Plus grave encore est toute la question de la négociation avec les Cris.
On semble aussi minimiser toutes les inquiétudes des populations locales
face à tous les nouveaux projets qui s'annoncent. Donc, aussi, on
constate qu'il n'y a pas d'étude indépendante sur les questions
environnementales, les conséquences environnementales face au nouveau
projet mis de l'avant. Parce qu'entre autres, le BAP n'a pas de mandat pour
couvrir les régions nordiques. Donc, nous, ce qu'on peut proposer et
conseiller, c'est que, un, le gouvernement devrait entamer des
négociations sérieuses avec les populations, les peuples
autochtones. Il devrait y avoir des études sérieuses sur les
impacts environnementaux, quitte - et ça, c'est une proposition qu'on
fait - à ce qu'il y ait un moratoire sur le développement des
nouveaux projets, tant, entre autres, que la commission indépendante
n'aura pas complété ses travaux, entre autres, sur la question
environnementale. Et on devrait faire aussi d'autres études plus en
profondeur sur les conséquences environnementales. Dans le discours, on
parle beaucoup de développement durable mais c'est sûr que
l'ouverture de nouveaux barrages ne se fait pas sans conséquences graves
pour l'environnement. Et ça ne nous semble pas satisfaisant, les
études qui sont là actuellement.
Alors ça termine la présentation de notre mémoire.
Je vous remercie.
Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, Mme
Lamontagne. Je reconnais Mme la ministre.
Mme Bacon: Mme Lamontagne, M. Bakvis, on vous remercie de votre
présence et de la présentation que vous venez de nous faire de
votre mémoire. Un mémoire qui soulève des questions qui
sont fort intéressantes et qu'il serait intéressant de discuter
avec vous aujourd'hui. Vous me permettrez peut-être juste quelques
précisions sur certains sujets.
Vous mentionnez l'Accord de libre-échange. J'aimerais vous dire
que cet accord a changé peu de choses dans le cas des exportations
d'électricité. Le prix dans l'exportation peut désormais
être inférieur au coût des options dont disposent les
acheteurs américains. Par exemple, le coût d'une centrale au
charbon. Ce changement a enlevé une contrainte à l'exportation
mais, dans les faits, le prix de vente sera toujours le résultat d'une
libre négociation où chacune des parties y trouve un avantage
économique. Et, d'autre part, l'Office national de l'énergie
pourra toujours s'assurer, même après la
déréglementation, que les coûts encourus au Canada sont
récupérés, que le prix à l'exportation n'est pas
inférieur au prix négocié entre les services publics
canadiens. L'accord prévoit aussi qu'en cas de pénurie, les
livraisons d'électricité seront réduites
proportionnellement aux acheteurs canadiens et américains. Et ce
problème, je pense, n'est pas susceptible de se produire avec
l'hydroélectricité québécosie.
Il ne faudrait pas oublier non plus que le Québec devance des
équipements pour l'exportation. Les conditions d'hydraulicité
affecteraient à peu près autant les centrales qui sont
devancées pour exportation que celles qui sont construites pour les
besoins du Québec. Et j'aimerais aussi souligner que les contrats
d'exportation ne sont pas secrets. Il sont déposés à
l'Assemblée nationale et nous essayons d'en faire le dépôt
dans toutes les juridictions en même temps. Peut-être qu'à
un moment donné, il y a une journée qui devance l'autre, mais ils
sont disponibles en même temps dans toutes les juridictions.
Depuis longtemps, la mise en valeur des ressources
hydroélectriques québécoises, ça été
quand même un moyen privilégié de développement pour
tous les gouvernements qui se sont succédés ici au Québec.
Est-ce que la CSN remet en question aujourd'hui l'orientation qui a
été prise par ces gouvernements?
Mme Lamontagne: C'est une question?
Mme Bacon: Oui.
Le Président (M. Leclerc): Mme Lamontagne.
Mme Lamontagne: Je pense que juste sur cette dernière
question - on pourra revenir sur le libre-échange - on ne remet pas en
question le fait que l'énergie électrique, on puisse la produire,
qu'on ait les ressources pour la produire au Québec, soit une base
intéressante pour attirer l'industrie. Mais, ce qu'on dit
essentiellement, c'est que ça ne doit pas être le seul
critère d'une politique industrielle et on ne doit pas croire que le
fait qu'on offre de l'électricité à bas prix va être
un automatisme pour attirer les industries. Et ça on le dit en 1990. Et
en 1983, lors de la commission parlementaire qu'il y a eu sur la question, on a
aussi fait cette mise en garde. Donc, on ne remet pas en question, mais on dit:
une politique industrielle, c'est beaucoup plus large que juste la question de
l'électricité, surtout dans le cadre où il y a
beaucoup de mutations au niveau de l'organisation du travail, de la
production. Il y a beaucoup de changements technologiques. Il y a la
nécessité d'une main-d'oeuvre qui soit de plus en plus
spécialisée, de plus en plus instruite, scolarisée etc.
Donc, c'est un ensemble de politiques. C'est sûr que l'énergie est
un élément de cette politi-que-là, mais elle ne devrait
pas être la seule et on ne devrait pas laisser croire que si
l'électricité va, toutes les industries vont venir, comme un
aimant, s'installer au Québec. C'est l'un des aspects, il y a les
matières premières évidemment et tout ça. Je ne
sais pas si Peter, tu veux ajouter...
M. Bakvis (Peter): En fait, il y a peut-être la question
qu'on soulève, si on parle de l'industrialisation par
l'électricité, ce que l'on questionne, ce sont les conditions qui
sont offertes aux alumineries particulièrement et, notamment, on
élabore pas mal là-dessus. Pour ce qui est de l'indexation des
contrats, qui nous semble extrêmement risquée, on va indexer, pour
un quart de siècle, au prix mondial l'aluminium, sauf si d'autres
alumineries peuvent obtenir des tarifs d'électricité plus bas;
là, on promet d'abaisser encore davantage. Ça me semble
très risqué. Même Hydro admet que, quand on parle de
l'aluminium, c'est un marche extrêmement instable et qui est voué
plutôt à la stagnation au cours des prochaines années.
Alors, ça nous semble risqué et ça représente enfin
un coût, une espèce de subvention qu'on fait à ces
industries-là. Quand on fait un calcul d'emploi par dollar investi par
ces subventions indirectes, c'est quand même extrêmement
coûteux. On soulève la question. On souhaite qu'il y ait davantage
de débats qui se fassent avant que ces contrats ne soient signés
et lorsqu'on parle des contrats d'exportation, le seul débat qu'on
souhaite, c'est qu'on tienne des consultations avant que les contrats ne soient
signés. C'est ça le point qu'on voulait soulever.
Pour ce qui est du traité de libre-échange, pourquoi on le
soulève? C'est parce que, d'une part, le premier ministre, à la
signature du traité, a dit qu'il y avait des affaires majeures pour
l'énergie, alors on présume que, s'il a dit cela, c'est plus que
des affaires mineures qui sont dans le traité. Il y a deux aspects qui
nous inquiètent, peut-être pas pour l'immédiat, mais quand
ces contrats viendront à échéance. On dit: On ne peut pas,
par mesure législative, abaisser la proportion des exportations dans
l'ensemble des ventes d'un produit d'électricité. Il y a aussi la
question pour ce qui est des prix, comme quoi on ne peut pas imposer des prix -
on cite les articles à la page 24 de notre mémoire - de vente
inférieurs.
Est-ce que le Québec aura réellement la marge de manoeuvre
dans peut-être une tout à fait nouvelle conjoncture en l'an 2020,
par exemple, lorsque certains de ces contrats vien- dront à
échéance? Est-ce qu'il va pouvoir décréter qu'il
faut privilégier par une politique de prix préférentiels
ou dire directement à Hydro: Écoutez, vous n'exportez plus parce
qu'on en a besoin pour nos industries ici. C'est ça, les questions qu'on
soulève au chapitre de l'impact du traité de
libre-échange.
Mme Bacon: Vous êtes en faveur des économies
d'énergie; vous réclamez aussi des augmentations tarifaires qui
sont limitées à 4,5 % en 1990-1991 et vous recommandez que la
tarification de l'électricité, dans le secteur
résidentiel, soit examinée par une commission indépendante
sur l'énergie. Ne pensez-vous pas que des tarifs relativement bas
pourraient hypothéquer le succès des programmes d'économie
d'énergie? Il y a des gens qui sont venus ici nous dire: Comme les
tarifs sont un peu plus élevés, ça va forcer les gens
à penser en termes d'économie d'énergie. Vous parlez de
commission indépendante sur l'énergie pour les tarifs
résidentiels. Est-ce que vous avez éliminé
complètement une commission indépendante sur l'énergie qui
toucherait la tarification du secteur industriel, par exemple?
M. Bakvis: Non, c'est sur l'ensemble des politiques de
tarification qu'on voudrait que...
Mme Bacon: C'est parce que j'avais compris pour le
résidentiel, c'est sur l'ensemble des...
M. Bakvis: Oui, c'est sur l'ensemble. Mme Bacon: O.K.
M. Bakvis: Mais rapidement - Mme Lamon-tagne va compléter
- sur les questions d'économie d'énergie, on constate finalement
que là, on va imposer une augmentation des tarifs de 23 % d'ici le 1er
mai.
Mme Bacon: C'est 7,5 % plus 7 %, ça fait 14,5 %.
M. Bakvis: Plus 7 % qui viendra du fédéral au 1er
janvier 1991.
Mme Bacon: Ce n'est pas nous, il faut quand même... Non,
non. Restons au provincial, 7,5 % plus 7 %, dans ma tête à moi,
ça fait 14,5 %.
M. Bakvis: O.K. Mais j'ai parlé du point de vue du
consommateur pour qui, lui, sa facture va être de 23 % plus
élevée.
Mme Bacon: C'est ça. Mais nous n'avons pas augmenté
de 23 %.
M. Bakvis: D'accord. Ça constitue un fardeau important et
malheureusement l'électricité
est un bien essentiel. Quelle est la capacité pour quelqu'un qui
n'a pas accès au gaz, comme c'est le cas de beaucoup de consommateurs
québécois qui ont peut-être investi beaucoup dans le
chauffage à l'électricité de leur résidence, de
convertir rapidement et de réaliser cette économie-là?
Nous, on constate, du point de vue du consommateur, que ça constitue une
taxe qui va frapper davantage les gens qui ne pourront pas faire ces
investissements qui seraient nécessaires pour réaliser des
économies. Les documents d'Hydro démontrent bien que
l'économie la plus importante qu'on pourrait réaliser si on reste
à Montréal, c'est de reconvertir vers le gaz. Mais ça
exige évidemment un investissement important. Alors, c'est ça le
point qu'on soulève, mais on peut également avoir une politique
d'économie d'énergie qui est plus incitative. Hydro a
commencé d'ailleurs, avec sa politique de rabais de 15 $ pour les
douches, mais il y a sûrement des moyens beaucoup plus importants qu'on
pourrait prendre mais qu'on n'envisage pas et qui n'auraient pas pour effet de
pénaliser tout à fait comme une taxe indirecte les gens qui sont
les moins capables de payer. C'est bien essentiel.
Mme Bacon: Vous pensez qu'on devrait inciter les gens à ne
plus se chauffer à l'électricité? Est-ce que c'est
ça que vous voulez dire? Inciter les gens à se chauffer au gaz
naturel ou à d'autres...
M. Bakvis: On a pris connaissance des documents d'Hydro qui nous
informe que le gaz est la meilleure option énergétique pour tout
de suite, sauf que pour beaucoup de Québécois ça ne sert
pas parce qu'on a arrêté le développement du réseau
de gaz il y a quelques années. C'est une option qui ne s'offre pas
à tout le monde mais pour un consommateur rationnel qui devrait faire ce
choix-là ça semblerait, selon les chiffres qu'Hydro nous
présente, le choix le plus logique pour tout de suite.
Mme Bacon: On a eu différents groupes qui sont venus ici.
Il y en a évidemment qui nous ont dit qu'il faudrait peut-être
inciter les constructeurs de nouvelles maisons à ne plus utiliser les
plinthes électriques, donc, le chauffage électrique. Est-ce que
vous êtes d'accord avec ça?
Mme Lamontagne: Un commentaire d'ordre général.
C'est difficile peut-être de dire oui, il faut que toutes les nouvelles
maisons soient au gaz ou il faut qu'on n'utilise plus les plinthes
électriques. D'abord, premièrement, sur la question des plinthes
électriques, je ne suis pas une spécialiste, mais il me semble
qu'il y a d'autres moyens de se chauffer à l'électricité
qui soient moins dispendieux que le type de plinthes qu'on a. Alors, c'est pour
ça que lorsqu'on parle d'économie d'énergie, on ne parle
pas juste d'inciter chaque individu du Québec à acheter le
pommeau de douche à 15 $ de rabais. C'est très, très bien
cette mesure-là, on n'a rien contre, au contraire, mais il y a aussi de
la recherche qu'il faut faire. Ce n'est pas juste une question d'habitudes
individuelles d'économiser de l'énergie mais il y a des
recherches qu'il faut faire. Alors, si on fait la recherche, si on regarde
aussi dans l'ensemble des énergies disponibles les choix qu'on a
à faire, ça peut être que les nouvelles maisons on les
encourage à utiliser le gaz plutôt que
l'électricité. Ça peut aussi être qu'on trouve
d'autres formes de chauffage électrique qui dépensent moins
d'énergie et qui sont moins coûteuses etc. C'est pour ça
que cette commission-là, le mandat nous semble un peu limité
quand on veut parler vraiment de choix énergétiques d'ensemble
pour l'avenir du Québec. Il y a beaucoup de recherche, beaucoup
d'études à faire.
L'autre aspect, je reviendrais sur la question du coût de
l'électricité. Est-ce un incitatif à économiser de
l'énergie? Ça peut être un incitatif. Mais, à notre
avis, c'est vraiment, parmi les ensembles d'incitatifs, loin d'être le
plus important et loin d'être le seul. Il faut offrir des moyens, il faut
faire des campagnes d'éducation comme on le fait sur d'autres aspects,
comme on l'a fait sur les habitudes alimentaires, etc. Il y a une conscience.
Les Québécois, s'ils se rendent compte qu'il faut
économiser de l'énergie, ce n'est pas juste parce que ça
leur coûte plus cher qu'ils vont prendre les moyens pour
économiser cette énergie-là. Donc, je ne pense pas qu'on
devrait pénaliser surtout les plus démunis en haussant le
coût sous prétexte d'encourager les économies
d'électricité, mais on devrait assortir ça de moyens plus
concrets, de campagnes, et pas juste les citoyens individuels, mais inviter
aussi les industries à se convertir à d'autres sources
d'énergie également. (12 h 30)
Mme Bacon: D'après votre mémoire, il me semble que
la CSN tienne à ce qu'Hydro-Québec ne soit par impliquée
dans la recherche en économie d'énergie, dans des programmes
d'économie d'énergie. Ce point de vue peut se comprendre par des
formes d'énergie autres que l'électricité. Mais est-ce
qu'il ne faudrait pas considérer aussi, en même temps, l'expertise
d'Hydro-Québec dans le secteur de l'électricité pour faire
en sorte d'accepter qu'elle fasse elle-même aussi des recherches en
économie d'énergie? Vous n'accepteriez pas qu'Hydro-Québec
fasse des recherches en économie d'énergie en disant: II y a un
conflit d'intérêts, si je me rappelle bien ce que vous avez dit
tantôt.
Mme Lamontagne: Oui, elle peut en faire dans la mesure où
elle connaît le secteur mais, à notre avis, ce ne devrait pas
être seulement Hydro-Québec; il devrait y avoir d'autres
sociétés
qui cherchent des moyens d'économiser de l'énergie. Parce
que c'est sûr que l'exemple que je prenais tout à l'heure, ce
n'est pas les compagnies de tabac qui vont faire principalement des campagnes
antrfumeurs. Donc, comme Hydro est productrice d'électricité,
elle a un certain conflit d'intérêts à dire de
dépenser moins d'électricité. C'est pour ça que,
oui, l'expertise d'Hydro est importante, mais il doit y avoir d'autres
sociétés d'État ou d'autres instituts qui fassent aussi
des recherches complémentaires et qui aillent peut-être plus loin
que celles d'Hydro.
Mme Bacon: Hydro est un producteur, mais elle est aussi quelqu'un
qui vend des services à une population.
Mme Lamontagne: Oui.
Mme Bacon: Je pense que c'est en termes de services que je voyais
davantage l'expertise d'Hydro-Québec qui pourrait être importante
dans la recherche, par exemple, en économie d'énergie.
Mme Lamontagne: Oui, effectivement, on est d'accord avec
ça, entre autres, c'est sur ce principe qu'on dit qu'il ne faut pas
hausser abusivement les tarifs parce qu'Hydro a été formée
pour d'abord rendre service à la population du Québec.
Mme Bacon: Vous objectez à la réduction de
l'interfinancement en invoquant que l'électricité est un service
justement public et non un produit dont on doit tirer le maximum de revenus.
Est-ce que la CSN s'opposerait à la réduction de
l'interfinancement si ça avait pour effet de réduire la demande,
de réduire le coût d'Hydro-Québec et d'augmenter les
dividendes au gouvernement et de défrayer le coût des autres
services publics dont profitent les Québécois?
M. Bakvis: C'est-à-dire est-ce qu'on serait d'accord avec
les augmentations de tarifs, si, par la suite...
Mme Bacon: Est-ce que vous vous opposeriez à la
réduction de l'interfinancement?
M. Bakvis: Oui, qui se traduit par une augmentation de
tarifs.
Mme Bacon: Oui.
M. Bakvis: Écoutez, en fait, vous posez ça tout
à fait comme si une augmentation de tarifs permettait à Hydro de
payer des dividendes plus importants, c'est une autre forme de taxation. Alors,
si on le prend de votre point de vue, que c'est une forme de taxation, ce qu'il
faut constater, c'est que c'est une forme de taxation extrêmement
régressive; je ne crois pas qu'il y ait d'étude
détaillée là-dessus, mais probablement plus
régressive encore qu'une taxe sur la vente, parce que c'est un produit
auquel on peut difficilement substituer...
Mme Bacon: Mais il y a plus que ça dans ma question.
M. Bakvis: Alors, si on regarde des moyens pour augmenter les
revenus, la CSN a déjà proposé un bon nombre d'autres
moyens de taxation, entre autres, éliminer les abris fiscaux pour les
gains de capitaux pour ramener au niveau d'il y a quelques années le
taux d'impôt pour les plus hauts revenus, et ça nous semblerait
des formes de taxation beaucoup moins régressives et plus justes.
Mme Bacon: En fait, dans votre réponse, vous ne me donnez
qu'un des effets que j'ai mentionnés. Mais, comme effet aussi, j'ai
mentionné la réduction de la demande, la réduction des
coûts d'Hydro-Québec. J'ai mentionné aussi de
défrayer le coût des autres services dont pourraient profiter les
Québécois. Il y a d'autres effets que ça pourrait avoir
s'il y avait une réduction de l'interfinancement.
Mme Lamontagne: Mais les autres services, vous parlez des
services d'éducation, de santé ou d'autres services liés
à la...
Mme Bacon: Oui, oui.
Mme Lamontagne: Les services publics en général?
Mais c'est parce que... En tout cas, je pense que c'est dans la même
idée que ce que mon collègue disait. Ici, on utilise ce
moyen-là pour payer d'autres services. C'est sûr qu'il y a des
besoins dans d'autres secteurs. On est très, très conscients de
ça, qu'il y a du sous-financement de certains services actuellement,
mais c'est lié à une politique fiscale qui est beaucoup plus
globale. C'est chaque individu qui paie. Je reviens à la question, c'est
une forme de taxe aussi là.
Le Président (M. Leclerc): M. le député de
Saint-Maurice, brièvement, s'il vous plaît.
M. Lemire: Madame, monsieur de la CSN, votre mémoire
mentionne que l'accélération des constructions pour l'exportation
exerce une pression structurelle à la hausse sur les tarifs
d'électricité.
J'aimerais savoir: sous quelles conditions cette pression
existerait-elle, d'après vous? Et est-ce que c'est possible, au
contraire, que ces exportations-là enlèvent de la pression sur
les tarifs?
M. Bakvis: Pour répondre à ces contrats
d'exportation, on construit, on développe des
nouveaux projets. Chaque nouveau projet représente un coût
marginal plus élevé. Il est dans la pratique des
sociétés d'utilité publique d'établir les
tarifications en fonction du coût marginal. Alors, chaque fois qu'on
développe un projet qui est plus coûteux, on a tendance à
vouloir augmenter les tarifs pour rejoindre ce coût marginal-là.
C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il y a une pression à la
hausse structurelle sur les tarifs domestiques.
Le Président (M. Leclerc): M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de
souhaiter la bienvenue devant la commission aux représentants de la CSN
qui nous amènent sûrement un éclairage différent de
ce qu'on en a entendu, surtout depuis hier, où on avait plutôt le
côté financement et "engineering". Vous parlez beaucoup dans votre
mémoire justement de la nécessité d'une vaste consultation
publique. Les limites de la consultation actuelle, j'en conviens, et je pense
qu'on doit nécessairement admettre que la consultation que l'on a
là actuellement permet, de toute évidence, d'ouvrir sur les
alternatives et sur le point de vue de bien du monde concernant toute la
question énergétique au Québec. Actuellement, on
soulève beaucoup de questions mais, essentiellement, il y a très
peu de réponses qui sont amenées. Je suis d'avis qu'il serait
excellent pour tout le monde que l'on puisse avoir une consultation beaucoup
plus large avec des mandats qui soient différents, qui nous
amèneraient un certain nombre de réponses argumentées et
peut-être beaucoup plus précises dans leur forme pour permettre,
entre autres, à l'actionnaire de donner des mandats à
Hydro-Québec qui correspondent au voeu de la population et qui soient
conformes avec aussi des impératifs financiers qui sont quand même
non négligeables dans une société comme
Hydro-Québec qui nous appartient et qu'on n'a pas intérêt
à voir péricliter.
Mon autre préoccuation, aussi fondamentale, c'est que les travaux
de la commission finissent en queue de poisson, comme on dit, si ça
reste à ce qu'on est là actuellement. On a vu les consultations
parlementaires, par exemple, sur le financement des universités ou les
frais de scolarité où tout le monde a dit: Non, non, non, il ne
faut surtout pas augmenter les frais de scolarité puis, la semaine
d'ensuite, le ministre a annoncé une augmentation des frais de
scolarité. Alors, ça ne change pas grand-chose dans la
consultation. C'est presque se moquer du monde de faire ça comme
ça. Je souhaite ardemment que la consultation que l'on a là ne
finisse pas en queue de poisson: chacun fait son petit discours de 15 minutes
à la fin et puis, bonjour la compagnie, vous avez été bien
aimables de venir vous présenter devant nous. Puis, finalement, il n'y a
plus personne qui tient nulle part compte de tout ce qui a été
dit là-dedans, on s'en reparlera dans sept ans, comme vous le mentionnez
dans votre mémoire finalement, depuis la consultation de 1983.
Cela dit, j'ai quand même un petit problème. Je pense qu'il
faut en discuter sérieusement. Hydro-Québec et le gouvernement se
sont engagés dans une dynamique d'implantation d'entreprises hautement
consommatrices d'énergie et qui vont demander de l'alimentation à
court terme en électricité. La plupart des organismes de ceux qui
se sont présentés ici devant nous pour dire: Stoppons les
constructions et analysons plus à fond, en parallèle s'objectent
ou s'objectaient ou enfin avaient de grosses réserves quant à
cette politique d'implantation d'une structure industrielle à partir
d'entreprises hautement énergivores.
Vous vous nous dites: Nous on est d'accord avec ça. Ça
crée des emplois. Spécialisons-nous. Devenons le premier
producteur mondial d'aluminium tout en sachant très bien que ça
demande quand même beaucoup d'énergie. Il va falloir la livrer aux
alumineries cette électricité-là avant longtemps. Et en
même temps, vous nous dites: II faudrait faire un moratoire sur les
centrales et étudier beaucoup plus à fond par le biais d'une
vaste consultation publique. J'aimerais savoir, peut-être d'une
façon plus globale, comment allez-vous là-dedans pour faire en
sorte finalement que l'on soit capable d'appuyer des projets hautement
énergivores, tout en étant très circonspects ou sceptiques
quant au développement de nouvelles centrales?
Mme Lamontagne: Premièrement, je pense qu'il y a un
principe de base qu'on énonce dans notre mémoire, c'est qu'il
faut viser à diminuer globalement la consommation d'énergie
même au niveau industriel. La diminuer pas de façon absolue, mais
la diminuer par rapport à la production, à la consommation de
l'énergie. Et au niveau industriel toujours, on croit que certaines
industries devraient se convertir à d'autres formes d'énergie que
l'électricité, entre autres, au gaz, entre autres,
peut-être le secteur des pâtes et papiers. C'est une
première chose.
Deuxièmement, en ce qui concerne l'alumi-nerie, oui, on pense que
ce sont des projets de développement qui peuvent être utiles au
niveau économique pour le Québec. Mais on ne voudrait pas non
plus payer n'importe quel prix pour ces projets-là. Autant en termes du
coût qui est le contrat entre les alumineries et Hydro qui a un
coût très très privilégié, autant aussi il y
a des coûts environnementaux qu'on peut payer, liés au
développement de l'aluminerie. Ça aussi c'est une
préoccupation qu'on a. On connaît les désastres qu'ont
faits les alumineries au Québec en termes d'environnement qu'il faut
maintenant réparer. Donc, c'est ça.
Moi, je ne suis pas en mesure, avec précision, de dire: Est-ce
que, s'il y a un moratoire,
on va être capable d'alimenter les alumineries? De toute
façon, plusieurs de ces alumineries sont encore en construction.
Deuxièmement, les nouveaux projets, ce n'est pas pour demain matin non
plus qu'on va pouvoir utiliser l'énergie des nouveaux barrages.
Ça prend plusieurs années.
Et, troisièmement, on pense aussi qu'une commission, qui est plus
en profondeur, si le gouvernement avait la volonté politique de la
mettre sur pied, ça ne demande pas des années non plus. Ça
s'organise dans quelques mois une commission comme ça. Ça peut se
mettre sur pied très rapidement. Donc, ça n'aurait pas un effet
désastreux pour retarder éventuellement les projets de
développement d'Hydro-Québec.
De toute façon, peut-être que le gouvernement n'aura pas le
choix de retarder ces projets-là parce qu'on sait que toute la
négociation avec les peuples autochtones, entre autres les Cris, ce
n'est pas terminé, ce dossier-là et, on le sait, il y a eu une
intervention du gouvernement fédéral, etc. Donc, ça aussi,
peut-être que le gouvernement n'aura pas le choix de s'asseoir
sérieusement et de négocier avec les peuples concernés et
aussi de regarder plus largement que les projets de développement
d'Hydro, mais de regarder aussi tous les choix énergétiques. Et
je le répète, s'il y a une véritable volonté
politique d'une consultation large, à mon avis, ça s'organise
assez rapidement. Je ne sais pas si tu veux...
M. Claveau: Par rapport aux constructions de centrales - ce n'est
pas un piège que je vous tends, mais j'ai envie de soulever la question
- on sait que de construire des centrales hydroélectriques, ça
représente beaucoup d'ouvrage, beaucoup d'emplois pour pas mal de
monde.
Mme Lamontagne: Je l'attendais, celle-là. Ha, ha, ha!
M. Claveau: Ha, ha, ha! On se souvient qu'en tout cas l'industrie
de la construction se réjouissait de l'annonce de... Si je ne m'abuse,
c'est le 1er mai 1988, dans le discours sur le budget, qu'on annonçait
40 000 personnes-année, etc. Par rapport à ça, je
conçois que, par contre, ce n'est probablement pas la seule façon
de créer de l'emploi. Est-ce que vous pensez que la mise en place, par
exemple, d'une industrie qui serait en parallèle aux activités
d'Hydro-Québec. soit en termes d'économie d'énergie tant
dans la fabrication d'équipements moins consommateurs d'énergie,
dans la fabrication de pommeaux de douche - pour reprendre l'expression - au
lieu de faire travailler les Ontariens, et aussi dans toute l'industrie de la
construction modifiée, avec des nouvelles normes et tout ça, pour
le résidentiel, le commercial, etc., est-ce que vous pensez qu'on
trouverait là-dedans suffisamment d'emplois bien
rémunérés pour compenser pour les pertes d'emplois qui
pourraient résulter d'abandons de construction de centrales? (12 h
45)
Mme Lamontagne: Bon. Premièrement, sur la question des
travailleurs de la construction, c'est évident que tout nouveau projet
qui crée de l'emploi dans un secteur d'activité va enthousiasmer
les personnes qui travaillent dans ce secteur-là. Ceci dit, ce ne sont
pas les seuls travailleurs qui ont des choix à faire à un moment
donné, et ce n'est pas à n'importe quel prix, non plus, qu'on
fait ces choix-là. De plus en plus, et l'avenir va nous le dire, il y
aura, dans les usines, des choix à faire, en termes d'environnement;
comment on transforme les emplois. On ne veut pas de pertes d'emplois, mais on
va avoir à réorganiser notre travail, à intervenir au
niveau environnemental, par exemple, pour faire changer des choses. Et c'est
clair que c'est exigeant pour les travailleurs, comme c'est exigeant pour les
travailleurs de la construction de dire: Bien, peut-être que ce
projet-là va être retardé, mais ce n'est pas à
n'importe quel prix. Je n'ai pas fait de calculs mathématiques, mais
c'est évident que s'il y avait des études sérieuses ou des
recherches sérieuses pour des économies d'énergie, il y
aurait là un lieu de création d'emplois.
Deuxièmement, on a parlé beaucoup du gaz, on en parle un
peu dans notre mémoire. On a mentionné, Peter a mentionné
tout à l'heure l'interruption des travaux du gazoduc. Si, aussi, on
continuait ces travaux-là, il y aurait là un lieu pour
créer de nouveaux emplois et aussi, comme vous le dites, créer
des emplois dans (a fabrication, peut-être, de nouvelles plinthes
électriques qui seraient moins énergivores aussi, etc. Il y a des
secteurs où on peut créer de l'emploi, ce n'est pas juste en
construisant des barrages.
M. Bakvis: Rapidement, je peux ajouter... En fait, il y a
déjà des études américaines qui datent de quelques
années et qu'on connaît qui, effectivement, démontrent que
les économies d'énergie créent plus d'emplois que la
production d'électricité. Évidemment, c'est moins
spectaculaire d'investir dans les économies d'énergie que dans
les nouveaux barrages. Mais, ce qui nous inquiète, en fait, c'est que le
Québec accuse déjà un certain retard par rapport aux
États-Unis, par rapport à l'Europe et vous avez parlé de
l'Ontario, qu'on ne connaissait pas. Ces équipements, si on n'investit
pas rapidement, on risque finalement que, oui, il y aura des emplois de
créés, mais ailleurs. C'est donc pourquoi dans le mémoire
on propose... On croit qu'il y a même des filiales de la SGF qui sont
extrêmement bien placées, qui déjà ont une expertise
au niveau de la fabrication d'équipement pour Hydro-Québec, qui
pourrait très bien sans doute faire des recherches et développer
des emplois dans le secteur de l'économie d'énergie. Mais il faut
aller
de l'avant et très rapidement.
M. Claveau: On nous disait, durant les travaux de la
commission... Là je reviens sur la question des économies
d'énergie. On nous disait que, le fait qu'on consomme beaucoup
d'énergie au Québec, ce n'est pas uniquement dû à la
température, aux distances, etc., c'est essentiellement ou en grande
partie lié au choix de société qu'on s'est donné,
au mode de vie, à notre espèce de qualité de vie qu'on
s'est donnée comme population. Entre autres, par exemple, le
développement du milieu périphérique des centres urbains,
genre bungalow de banlieue, comme on aime bien l'appeler. Ce qui fait que,
à cause de ces choix que l'on fait en tant que société -
et ça vaut pour tous ceux qui peuvent faire le choix - on finit par
utiliser globalement quelque chose comme 8 a 10 fois plus d'énergie, que
ce soit en électricité, en pétrole, en essence pour se
déménager à sa job ou au centre ville, que ce soit pour,
je ne sais pas, le transport aérien des employés, etc.
Globalement, ces choix ont fait en sorte qu'on finit par avoir un bilan
énergétique qui est 10 fois supérieur à ce qu'il
pourrait être, si on était plus rationnels quant à la
localisation de nos résidences par rapport au lieu de travail, etc.
Est-ce que vous pensez, advenant le cas où l'actionnaire
d'Hydro-Québec, le gouvernement, travaillerait sur une orientation
visant à atténuer ces éléments, que le travailleur
québécois en général serait prêt à
modifier ses choix?
Mme Lamontagne: Une grande question. C'est difficile de
répondre pour chacun des travailleurs québécois. Mais je
pense que, moi, personnellement j'aime mieux vivre en ville qu'en banlieue,
alors je me sens très à l'aise avec la question. Mais je pense
que ça demanderait - c'est assez général comme
réponse - de valoriser aussi les milieux urbains, de valoriser la
qualité de vie dans les milieux urbains, valoriser les espaces verts
dans les milieux urbains. Ce sont des énergies qui devraient être
mises vers ça, pour rendre la ville agréable à vivre, pas
juste pour venir y travailler, mais rendre la ville agréable en termes
de services, en termes de milieu de vie. C'est sûr que c'est plus
dispendieux de vivre dans une maison qui est exposée au quatre vents -
ce sont des vérités de La Palice - que de vivre en ville dans un
environnement urbain, mais il y a des efforts des grandes villes pour rendre la
ville agréable. On ne peut pas faire dans ce domaine-là de la
coercition ou de l'incitation abusive. On ne peut que rendre ça
attrayant pour que, finalement, on trouve ces avantages à vivre en ville
en termes de raccourcissement de temps de transport, en termes de services,
etc. Je pense que c'est vers ces orientations-là qu'il faut aller si on
veut permettre aussi qu'il y ait des économies d'énergie à
ce niveau-là, au niveau des habitudes de vie.
M. Claveau: Je vous remercie. Mon collègue a des questions
à poser.
Le Président (M. Leclerc): M. le député de
La Prairie.
M. Lazure: M. le Président, je veux saluer les
représentants de la CSN. Ce n'est peut-être pas inutile de
répéter la position de notre formation politique sur la
consultation. Nous avons dit, de façon très claire - d'ailleurs
les porte-parole du parti sont venus présenter un mémoire dans ce
sens-là - que nous appuyons la demande de la coalition à l'effet
que se tienne un débat public très large sur l'avenir de
l'hydroélectricité et, de façon plus
générale, sur les formes d'énergie, les choix que notre
société veut se donner.
Je voudrais m'attarder à un autre aspect qui n'a pas
été souvent abordé ici en commission. À la page 39,
recommandation 5: Qu'une commission permanente qui tiendrait des audiences
publiques, etc., soit établie pour autoriser les nouveaux contrats. Et,
à 6, vous suggérez un autre mandat à cette commission
permanente concernant les contrats aux alumineries et ainsi de suite. Je pense
que c'est une notion fort intéressante que celle d'une commission
permanente. Parce qu'il ne suffit pas de siéger une fois ou deux par
année en commission parlementaire. Il ne suffit même pas d'une
vaste consultation qui aura peut-être lieu si la ministre se laisse
toucher par les demandes de beaucoup de groupes. Mais même si cette
consultation large durait un an, un an et demi, deux ans, ce n'est pas
suffisant. À mon avis, il serait nécessaire d'avoir cette
commission permanente et peu de groupes en ont parlé. Alors je voudrais
vous entendre élaborer un petit peu là-dessus. Juste à
titre de piste, est-ce que c'est un concept qui pourrait s'apparenter à
la commission qui s'appelle le CRTC par rapport aux radiodiffuseurs, aux
producteurs de télévision, de radio en y exerçant certains
contrôles, certaines normes? Ou est-ce que vous connaissez des
précédents ailleurs, dans des provinces ou dans des États
où les producteurs d'énergie électrique sont un peu
chapeautés comme ça par une commission permanente?
Mme Lamontage: Effectivement, les objectifs poursuivis par cette
demande-là sont exactement ceux que vous avez mentionnés. Oui, il
faut de grandes études à un moment donné, mais il faut
que, au quotidien, pour les nouveaux contrats, il y ait des examens publics et
des commissions qui les examinent. Cette proposition s'inspire, oui, du CRTC,
et à Bell Canada, il y a des commissions avant de fixer les prix et il
existe aussi dans des États américains des commissions sur la
question énergétique, sur la question de
l'électricité et même pour examiner les contrats qu'ils ont
avec l'extérieur, pas juste les contrats qu'eux passent à
l'extérieur, mais les contrats, par exemple,
qu'ils font avec le Québec. Donc, c'est d'abord les États
américains qui nous inspiraient cette proposition.
Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse C'est tout le temps
qu'il nous reste.
M. Lazure: Bon, je voulais simplement dire...
Le Président (M. Leclerc): À moins que ce soit
très court, oui.
M. Lazure: ...que nous appuyons... En tout cas, moi, j'appuie
fortement une telle suggestion et j'espère que cette piste-là va
être explorée de façon sérieuse par la ministre,
comme elle le fait d'habitude.
Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le
député de La Prairie.
Je reconnais M. le député d'Ungava pour remercier nos
invités.
M. Claveau: Juste un mot pour vous remercier de votre
présentation et j'avoue avoir retenu d'une façon... En tout cas,
ça m'a assez marqué le fait que les économies
d'énergie, ce n'est pas nécessairement uniquement des politiques
de conservation de l'énergie comme telle. C'est peut-être toute
une approche globale de notre système de vie en améliorant
peut-être les conditions de vie dans les municipalités, les
villes, par exemple, dans les milieux qui, au départ, sont
peut-être un petit peu moins agréables, mais si on y mettait plus
d'emphase, on pourrait régler un certain nombre de problèmes en
termes de transport et, entre autres, en termes d'économies
d'énergie. Je vous remercie de votre prestation.
Le Président (M. Leclerc): Merci, M. le
député d'Ungava.
Mme la ministre.
Mme Bacon: Écoutez, je vais vous remercier d'abord
d'être venus ici nous rencontrer, contrairement à d'autres qui ont
refusé de le faire. Je pense que ça soulève des questions
intéressantes mais, en même temps aussi, ça nous apporte
certaines réponses à des questions que nous-mêmes, on se
pose. C'est différent de ce qu'on a entendu au cours des
dernières journées. Je pense qu'on a parlé beaucoup - vous
étiez présents - de tout l'aspect financier, mais je pense qu'il
y a d'autres aspects. C'est pour ça une commission parlementaire, je
pense, c'est de regarder l'ensemble des aspects. Il y a un éventail de
dossiers qui sont devant nous pour étude. Contrairement à ce que
pense le député d'Ungava, je n'ai pas l'intention de mettre
ça sur une tablette. Je pense qu'on n'a pas fait une commission
parlementaire pour avoir de beaux dossiers sur les tablettes, mais simplement
sur lesquels se pencher après. Il y a toute une somme de travail qui va
être requise quand on va faire le point sur tout ce qu'on a entendu ici
à cette commission. Je dois dire que, jusqu'à maintenant, c'est
fort intéressant les différents éléments qu'on a
devant nous et votre contribution est un ajout important à ça
aussi. Ça fait partie de toutes ces facettes qu'on voulait regarder de
plus près avec l'aide des gens qui viennent témoigner ici devant
cette commission et qui échangent avec nous. Merci beaucoup.
Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, Mme la
ministre.
Alors, Mme Lamontagne et M. Bakvis, la commission vous remercie de vous
être déplacés pour vous présenter devant elle. Nous
vous souhaitons un bon retour. Nous suspendons nos travaux jusqu'autour de 16
heures, dès après la période de questions.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 16 h 17)
Le Président (M. Bélanger): Bonjour Je demanderais
à chacun de bien vouloir prendre sa place, s'il vous plaît, pour
que la commission de l'économie et du travail puisse procéder
à une consultation générale et à des auditions
publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec.
Nous recevons, dans un premier temps, le Comité d'intervention
pour le développement de la rivière Saint-Maurice. Bonjour,
messieurs. Il nous fait plaisir de vous accueillir. Pour vous expliquer
brièvement nos règles du jeu, vous avez vingt minutes ferme pour
la présentation de votre point de vue et il y aura une période
d'échanges avec les parlementaires par la suite. Dans un premier temps,
je vous inviterais à identifier votre porte-parole à
présenter l'équipe qui l'accompagne et à procéder
à la présentation de votre mémoire. On vous
écoute.
Comité d'intervention pour le
développement de la rivière Saint-Maurice
M. Caron (Jean-Pierre): Merci, M. le Président, Mme la
ministre, chers membres de l'assemblée. Mon nom est Jean-Pierre Caron,
directeur régional de l'APCHQ, région de la Mauricie. On m'a
confié le rôle de président du comité CIDR, qui est
le Comité d'intervention pour le développement de la
rivière Saint-Maurice. On est ici une délégation de 15
personnes de notre région. Pour ceux qui sont ici avec moi à
l'avant, je commencerai par mon extrême droite: M. André
Laneuville, ingénieur-conseil et urbaniste, membre du CIDR; M.
René Lajoie, directeur général de l'Usine d'eau lourde
Laprade
et de la centrale nucléaire Gentilly I; M. Vézina, maire
de la ville de Shawinigan-Sud. Et, à ma gauche, M. Roland Desaulniers,
maire de la ville de Shawinigan; M. Jacques Marchand, maire de la ville de
Grand-Mère...
M. Marchand (Jacques): Bonjour.
M. Caron: ...et M. James Mills, du Centre d'interprétation
de l'industrie de Shawinigan.
M. Mills (James): Bonjour.
M. Caron: On vous remercie de nous avoir donné l'occasion
de se faire entendre. Je vais débuter quand même en vous faisant
une légère présentation de notre Association, de ce que
vous connaissez peut-être de l'APCHQ, et peut-être au niveau
provincial. J'aimerais quand même faire une précision qu'on est
ici au niveau de l'association régionale. On est une association
à but non lucratif, d'appartenance volontaire et on regroupe
actuellement au-delà de 365 membres, en région de la Mauricie,
qui oeuvrent dans l'industrie de la construction résidentielle et du
petit bâtiment commercial.
À notre association, on a différentes catégories de
membres, des entrepreneurs généraux, des
spécialisés, des fournisseurs de maté-rieux ou encore des
professionnels associés. Notre territoire s'étend, d'est en
ouest, de Sainte-Anne-de-la-Pérade jusqu'à Maskinongé et,
du sud au nord, de l'autoroute 20 jusqu'à la région de La
Tuque.
Il faut dire aussi que l'APCHQ s'implique et s'est impliquée
activement au niveau de la promotion de sa région par l'organisation de
certains événements, par exemple, promotions de maisons
modèles. Mais surtout, ce qui nous préoccupe davantage, ce sont
nos expositions, qui offrent aux consommateurs une tribune d'information
vraiment importante. Ça a un impact direct sur notre industrie et dans
notre marché.
Maintenant, le CIDR. Le CIDR est une initiative des autorités
régionales de l'APCHQ - c'est pour ça que, tantôt, je
faisais la distinction entre le niveau provincial et le niveau régional;
pour nous, c'est très important. C'est aussi la première fois
qu'une association comme la nôtre ou, du moins, qu'une régionale,
de toute l'organisation provinciale, s'implique dans un dossier d'intervention
régionale au niveau économique et, bien sûr, qui touche
autre chose qu'uniquement la construction résidentielle, dans une
situation qui peut se présenter de façon ponctuelle dans un
marché ou dans un contexte qui peut être différent d'une
année à l'autre.
Alors, évidemment, par la formation du CIDR, l'APCHQ veut aussi
démontrer que, dans le futur, elle a fortement l'intention de
s'impliquer au niveau du développement économique et aussi au
niveau régional. Pourquoi? Parce que le développement
économique, c'est définitivement un carburant important pour
notre région et, évidemment aussi, pour la construction
résidentielle, marché qu'on représente. Le
développement, pour nous autres, c'est le carburant, je le
répète. Qui n'a pas utilisé, un jour ou l'autre, le fameux
thème: Quand le bâtiment va, tout va? Alors, évidemment, on
y croit aussi. Cependant que ce soit un moteur économique, un moteur
économique, ça a besoin d'une poussée. Et on veut
participer activement à cette poussée-là dans notre
région. Et c'est ce qui justifie notre intervention au niveau d'un tel
comité.
Maintenant, à titre d'information, j'aimerais aussi vous faire
part d'une démarche qu'on a faite, lorsqu'on a décidé de
regrouper certains intervenants du milieu. Alors, uniquement pour votre
information et pour vous situer, je voudrais vous mentionner quelques membres
fondateurs de ce comité. On a M. Marcel Martel, qui est entrepreneur
général et président de l'APCHQ, région de la
Mauricie et qui est, d'office, en vertu de nos politiques internes, membre de
tous les comités de notre organisation; on a Me Richard Lambert, qui
était membre, à l'époque, du bureau de direction de la
Chambre de commerce de Trois-Rivières et qui occupait le poste de
responsable du comité touristique; M. Peter Hanna, qui est un
manufacturier de bateaux et qui est président de les bateaux Dorai
Ltée; on avait aussi, au départ, M. Pierre Nadeau, directeur
général de Codicem, Centre Mauricie; M. Robert Desaulniers, qui
est un commerçant et un conseiller municipal de la Municipalité
de Saint-Roch-de-Mékinac; M. André Laneuville, un
ingénieur et urbaniste consultant; M. André Arcand, qui est une
personne-ressource et délégué à la demande de notre
comité par le député du comté de Saint-Maurice; M.
René Lajoie, directeur de l'usine d'eau lourde Laprade, que je vous ai
présenté tout à l'heure; on avait aussi M. Yvon Caron, de
l'Association touristique du Coeur du Québec; et moi-même,
directeur régional de l'APCHQ.
Maintenant, passons à "l'item" 2, le but de l'intervention du
CIDR sur le développement de la rivière Saint-Maurice. Alors,
évidemment, on commence notre exposé en vous disant que le but
principal du CIDR, c'est d'intervenir de façon positive dans le
développement du potentiel qu'offre la rivière Saint-Maurice au
niveau économique.
On veut aussi démontrer que ce potentiel est l'un des
éléments principaux pouvant assurer à toute la
région de la Mauricie un avenir économique plus prometteur.
Le CIDR vise de plus à sensibiliser non seulement les
intervenants économiques, mais aussi Hydro-Québec et le
gouvernement que, historiquement, la région de la Mauricie a connu,
à la suite des premières installations hydroélectriques...
Et si on voulait faire un petit historique, si on part des années 1900,
tout le monde
se souviendra de la fameuse entreprise, la Shawinigan Water and Power,
qui a largement contribué à tout le développement
industriel du Québec. Plusieurs grandes industries sont venues
s'installer dans notre région de par le fait qu'on avait beaucoup
d'électricité. Alors, ce développement industriel a
été reconnu, en proportion, comme étant l'un des plus
importants à avoir eu lieu dans ces années-là au
Canada.
Évidemment, si on se rapporte aux années cinquante, c'est
là qu'on a connu peut-être la fin du développement
Industriel et, finalement, on a commencé une espèce de
déclin, si l'on veut, qui a forcé quand même les
autorités économiques régionales à s'orienter de
façon différente. Elles ne pouvaient plus viser l'installation
des grandes industries, qui fermaient les unes après les autres. Alors,
elles se sont orientées vers l'industrie de service, la petite
entreprise, etc. Sauf que ça fait déjà 30 ans. Lorsque
l'électricité a été étatisée, il faut
être bien conscients que le gouvernement a ramassé en même
temps la responsabilité de tout ce qui avait été fait et
produit en vertu de la Shawinigan Water and Power. Maintenant, on est
responsables de ce développement et c'est évident que pour nous
autres, on pense que le potentiel hydroélectrique de la rivière
Saint-Maurice est toujours là. Et on voudrait sortir du silence. On
voudrait qu'Hydro-Québec sorte aussi un peu du silence et vienne dans
notre région, sous certaines considérations, réaliser
certains projets qui, on le sait, sont prévus dans son plan de
développement.
J'ajouterai aussi un commentaire, que tout ce développement
économique qui nous a marqués, qui a marqué le
début des années 1900 dans notre région, était
quand même destiné à servir l'ensemble du Québec,
que ce soit au niveau industriel ou même au niveau
électricité. Sauf qu'on en a eu des héritages
peut-être moins reluisants et, aujourd'hui, on ne voudrait pas se faire
oublier. Alors, la rivière Saint-Maurice, pour nous, c'est
peut-être une opportunité.
Qu'est-ce que la rivière Saint-Maurice? La rivière
Saint-Maurice s'étend sur plus de 400 kilomètres de longueur et a
une dénivellation de 400 mètres, en partant du fleuve
Saint-Laurent jusqu'à la hauteur du barrage Gouin où elle puise
sa source. En passant, pour ceux qui ont copie de notre mémoire, juste
une petite correction; ce n'est pas la route 157, mais bien la route 155 - au
milieu du texte - qui longe la Saint-Maurice.
De par son relief et son environnement, on peut la qualifier de
rivière qui offre un décor des plus majestueux au Centre
Mauricie. Vous savez que les chutes de Shawinigan lui ont valu une
renommée internationale. Je pense qu'on n'exagère pas. On lui a
même donné le surnom du Niagara de l'Est. Alors, pour nous,
c'était très significatif. Aujourd'hui, elle est loin d'avoir
cette même réputation. Alors, c'est important pour nous de faire
sortir la rivière Saint-Maurice de son silence, et on est convaincus
qu'elle le fera.
On parte de développement économique, et j'aimerais aussi
vous livrer la vision de notre comité sur le développement
économique de la rivière. Évidemment, tantôt, on
parlait d'industries, et on doit aujourd'hui tenir compte que les gens ont
compris, de toute façon, qu'il n'est plus nécessaire de voir
apparaître de très hautes cheminées pour identifier une
industrie comme étant importante, qui offre de l'emploi, qui est active
et qui est positive. Le développement de la rivière Saint-Maurice
aura sûrement, dans l'avenir, un cheminement très différent
de celui qu'elle a connu au début du siècle. Ça, c'est en
considération des orientations que prennent toutes les
municipalités riveraines du Saint-Maurice et aussi tous les organismes
qui interviennent au niveau économique.
On parle des municipalités. Avec l'aide gouvernementale, les
municipalités ont investi des millions et des millions de dollars dans
l'assainissement des eaux. Et si on considère aussi tous les
investissements des entreprises privées qui ont leurs activités
en bordure du Saint-Maurice, on pense que ce sont des éléments
qui ne doivent pas être négligés, du moins pas
négligeables, et qu'on doit considérer dans tout projet de
développement qui concerne la rivière Saint-Maurice.
Évidemment, il est important, à notre avis, de
sensibiliser tout intervenant concerné, que ce soit un intervenant
public, privé, municipal, à quelque niveau que ce soit, qu'un
développement doit se faire de façon rationnelle et
intégrée. Intégrée, pour nous, ça veut dire
qu'on peut développer la rivière Saint-Maurice en
considération de tout ce qui peut se passer autour de la rivière,
en considération aussi de tous les secteurs d'activités et de
tout ce qui peut intervenir, qu'on parle d'environnement, de
récréotouristique, etc. Pour cette raison, on demande
qu'Hydro-Québec considère, dans son plan de développement,
que la Mauricie ne veut plus être oubliée. Le développement
de projets hydroélectriques de la rivière Saint-Maurice est pour
nous de plus en plus important.
Dans l'avenir, nous voyons une rivière qui pourrait devenir
navigable de La Gabelle jusqu'à La Tuque, une rivière qui soit
aussi de plus en plus accessible au développement
récréotouristique, de villégiature, au
développement résidentiel, qu'on parle de résidences
permanentes, qu'on parle de pourvoiries de chasse, de pêche, etc. On a un
territoire vraiment important, qu'on peut développer.
Si on parle de développement récréotouristique, la
vallée du Saint-Maurice nous offre un potentiel de développement
récréotouristique le plus important. Évidemment, on n'a
qu'à parler des centrales hydroélectriques qui s'y trouvent
actuellement. On sait très bien que, dernièrement, ces centrales
ont fait l'objet, de la part
d'Hydro-Québec, d'une promotion qui invitait la population
à venir visiter ces centrales. Ce sont des installations importantes qui
sont, en elles-mêmes aussi, des installations qui intéressent les
touristes. Je pense que c'est indéniable. C'est quelque chose qui peut
vraiment attirer la population et qui peut aussi servir à promouvoir
cette industrie qu'est l'hydroélectricité. (16 h 30)
Si on parle aussi de tous les équipements qui peuvent se
retrouver ou les sites qu'on peut retrouver le long de la rivière
Saint-Maurice, que ce soit le Parc des chutes, à Shawinigan, le Parc
national de la Mauricie, la Réserve faunique du Saint-Maurice, le Parc
des chutes de la Boston-nais, le Domaine touristique de La Tuque et aussi une
multitude de projets qui totalisaient... Ici, on dit une dizaine de millions de
dollars. On s'est permis de me corriger pour dire que c'est près de 60
000 000 $ qui ont été présentés à la
dernière conférence socio-économique 04 et aussi, qu'une
majorité de ces projets-là visaient l'industrie tertiaire. Je
pense qu'on est convaincus que notre intervention est pertinente.
Évidemment, on veut aussi sensibiliser tous les intervenants qu'il faut
prévoir davantage l'accès à toutes ces installations,
à tous ces sites.
Je pense qu'il serait important de souligner, rendus à ce stade,
le Centre d'interprétation de l'industrie de Shawinigan, laquelle
idée a été non seulement appuyée, mais aussi
développée en grande partie par Hydro-Québec. Le
gouvernement y a aussi investi quelques centaines de milliers de dollars. Ce
centre d'interprétation de l'industrie est, à notre avis, une
excellente initiative et un bel exemple d'intégration à un plan
de développement.
Je ferai un commentaire à propos de nos confrères
américains qui sont tout près de chez nous. Par exemple, les
Montagnes Blanches. Eux, ils réussissent très bien dans ce
domaine, sans même avoir une telle richesse que la rivière
Saint-Maurice.
Alors, l'industrie touristique et récréative chez nos
voisins américains est devenue très importante et surtout, dans
les limites ou dans les zones immédiates, en autant que nous on est
concernés, concernant la clientèle du Québec ou la
clientèle québécoise. On est convaincus qu'on n'a
absolument rien à envier, en Mauricie, aux Montagnes Blanches.
La villégiature. Évidemment, le territoire qui longe une
rivière comme la Saint-Maurice offre aux amateurs de villégiature
des possibilités inestimables. Qu'on parle d'endroits pour les chalets
ou les sites réservés à cette fin, l'importance de cet
aspect de développement n'est pas négligeable, parce que
ça constitue une véritable toile de fond. Quand on parle de
villégiature, on parle de chalets, on parle de petits réseaux
routiers vraiment extraordinaires à travers toutes les forêts.
Ça, ça permet un accès important et aussi plus facile
à tout notre vaste territoire de forêts, de rivières et de
lacs.
Le développement résidentiel. L'industie de la
construction est un moteur économique très important. Qui d'entre
vous, du moins, d'entre ceux qui sont impliqués politiquement n'ont pas
dit, à une étape ou une autre de leurs interventions ou de leur
campagne politique: Quand fa construction va, tout va? On y croit aussi et on
trouve que c'est très louable. Sauf que l'industrie de la construction,
évidemment, a besoin d'un moteur économique et son seul moteur
économique, c'est le développement. Elle ne vient cependant pas
au premier rang au niveau de ses intérêts. L'industrie de la
construction est, dans le fond, le résultat d'un développement.
On ne peut pas construire s'il n'y a pas de demande. Alors, la demande est
créée par le développement des différentes
industries, qu'elles soient récréo-touristiques, qu'elles soient
commerciales, etc. Je pense que c'est important de le souligner. Notre
intérêt, à ce niveau-là, se partage aussi avec
l'ensemble des secteurs d'activité qu'on peut retrouver dans le
développement économique d'une région.
Les résidences permanentes. Je n'élaborerai pas
là-dessus. Je vais vous mentionner que, pour nous, ce qui est important,
c'est la demande. On doit répondre à la demande. C'est le
développement économique qui vient, à toutes fins
pratiques, donner le coup d'envoi à ça.
La résidence secondaire. Je voudrais attacher davantage
d'importance à la résidence secondaire, parce que ce
marché n'attire pas seulement l'attention uniquement des constructeurs
de maison. Il attire aussi l'attention des municipalités. Prenons,
à titre d'exemple, tous les sites qu'on pourrait offrir aux gens qui
viennent de Québec, de Montréal ou d'autres centres. Si on veut
vraiment aller un peu plus loin, parlons du nord de Montréal, qu'on
appelle les Laurentides. On sait très bien qu'actuellement, à
notre avis, c'est un peu saturé. C'est devenu plus difficilement
accessible. On pense qu'en Mauricie, on peut offrir facilement à la
population du Québec ou, du moins, à ceux qui habitent dans les
grands centres, ces opportunités-là.
Selon nous, il est réaliste de croire que les
Québécois, que l'ensemble de la province puisse avoir
accès à notre territoire. On ne veut pas travailler uniquement au
niveau de notre région. On pense qu'on a une valeur considérable,
vue des yeux de l'ensemble des Québécois. On n'est pas seulement
une valeur qui est vue de l'ensemble des gens de la Mauricie. Alors, pour nous,
ça fait... En tout cas, on pense que ça fait partie de tout
l'ensemble touristique du Québec, la rivière Saint-Maurice.
Ça vaut la peine qu'on s'en occupe.
La chasse et la pêche. Évidemment, on ne peut parler de la
rivière Saint-Maurice sans parler de chasse ou de pêche. Tout le
monde le sait. On offre d'excellents territoires de chasse et de pêche,
et la chasse et la pêche, c'est aussi
une industrie à elle seule. La rivière Saint-Maurice a
déjà été un paradis de la pêche, et on
pourrait exercer un certain contrôle pour lui redonner sa vocation
d'habitat de plusieurs espèces de poissons, par différents
moyens. Exemple, des passes migratoires, ou encore la protection des
frayères.
L'environnement. Alors, en termes d'environnement, il y a plusieurs
organismes qui se sont penchés sur le dossier environnemental en
Mauricie. Cependant, là-dessus, notre position est relativement simple.
Actuellement, on n'a pas d'étude vraiment neutre, exhaustive, impartiale
et complète, aussi. Cette étude, il serait très important
de la voir, du moins il serait très intéressant de voir s'en
compléter une, pour qu'on ait enfin l'heure juste sur l'environnement
vis-à-vis la vallée du Saint-Maurice, pas seulement aussi sur la
rivière. Évidemment, vous l'aurez deviné, le CIDR n'a pas
les ressources humaines et financières pour aller chercher une telle
étude.
Alors, en conclusion. Nous croyons que les plans de développement
d'Hydro-Québec concernant la rivière Saint-Maurice pourraient,
selon certains points de vue, présenter certains aspects
négatifs. Cependant, si le développement hydroélectrique
sur la rivière se faisait en considérant tous les aspects pouvant
contribuer à atteindre un développement général
intégré et rationnel, le CIDR pense sincèrement qu'il
s'agirait d'une opportunité exceptionnelle pour la Mauricie.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous
interrompre. Je suis obligé de vous demander de conclure, s'il vous
plaît. Les 20 minutes sont déjà passées.
M. Caron: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Ça passe vite en
notre compagnie.
M. Caron: Je vous remercie. Alors, laissez-moi 30 secondes.
Alors, finalement...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Caron: Je savais que je dépasserais le temps.
Finalement, on veut aussi sensibiliser l'ensemble du milieu, et on veut
vraiment susciter un intérêt. Parce qu'on a une volonté
ferme, dans notre coin, et on veut rendre complice tous les intervenants qui
peuvent agir au niveau du développement économique. Alors, vous
avez certainement pris connaissance de nos recommandations. Je vais quand
même les passer très rapidement, si vous me le permettez, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Caron: Alors, parmi nos recommanda- tions, on voudrait que
soit accéléré le processus de réalisation, que
soient priorisés les projets de développements
hydroélectriques de la rivière Saint-Maurice et que soit
considérée d'une façon très particulière la
réalisation des nouveaux barrages prévus dans les plans de
développement d'Hydro-Québec. Que les projets
d'Hydro-Québec sur la rivière Saint-Maurice tiennent compte aussi
des orientations municipales et régionales. On voudrait aussi que soient
favorisés les différents intervenants et les gens d'affaires de
la vallée du Saint-Maurice, les fournisseurs, les manufacturiers, les
entrepreneurs, ses compétences, ses ressources humaines.
On a beaucoup d'expertise, de compétences qui s'expatrient
continuellement. Alors, ce serait intéressant pour nous autres, aussi.
J'avoue aussi qu'Hydro-Québec attache une importance particulière
à la consultation du milieu par rapport aux besoins présents et
futurs. Évidemment, on vous a parlé d'une étude. Ça
fait partie de nos recommandations. On aimerait que soit commandée une
étude sur le flottage du bois et sur l'environnement dans toute la
vallée de la Mauricie. Cette étude pourrait éventuellement
être complétée, sur le développement de l'industrie
touristique et résidentielle, dans toutes les municipalités
riveraines du Saint-Maurice. Évidemment, ce qu'on préconise ici,
c'est une étude qui ne tienne pas compte seulement que d'un secteur. Il
serait important d'avoir une étude qui soit vraiment globale, qui
recouvrirait tous les secteurs, pas seulement environnementaux, mais aussi
économiques, à tous les niveaux.
Finalement, nous croyons qu'il serait très opportun pour
Hydro-Québec de continuer la promotion de ses installations, non
seulement auprès du public, mais aussi auprès des entreprises
énergivores qui, à notre avis, représentent une
clientèle très intéressante non seulement pour
Hydro-Québec, mais aussi pour tout le développement
économique de la région. M. le Président, je m'excuse
d'avoir pris un peu plus de votre temps et je vous remercie
énormément pour votre attention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Le
principe c'était de vous écouter. On voulait vous poser tout
plein de questions, parce que c'est très intéressant. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Écoutez, messieurs, tout ce que je peux dire,
c'est que votre mémoire est quelque peu ambitieux et couvre plusieurs
secteurs d'activité. Je pense qu'il faut se rappeler que la
planification du développement socio-économique régional
n'entre pas tout à fait dans les attributions d'Hydro-Québec. Et
vous le rappelez dans votre mémoire. Les projets d'Hydro-Québec
concourent au développement régional, c'est sûr. La
société d'État doit donc prendre en compte, dans la
planification, dans la réalisation de ses projets, des intentions
d'aménagement municipal,
l'aménagement sur le plan régional, de rechercher aussi la
meilleure intégration de son aménagement avec les autres usages
du territoire. Et vous ne manquez pas d'imagination et d'idées pour
votre territoire. Je pense qu'il faut aussi favoriser les services de la
main-d'oeuvre régionale; ça aussi, c'est important pour
l'implantation des différents projets. Alors, vous comprendrez
qu'Hydro-Québec ne régit ni le développement industriel,
ni le flottage du bois, ni non plus l'expansion du tourisme. Ça ne fait
pas partie de... On a beau dire que c'est un État dans un État,
on n'est pas rendus là.
Je m'attacherai donc à deux points de votre mémoire qui
portent spécifiquement sur le développement
hydroélectrique. Votre comité recommande
d'accélérer le développement hydroélectrique de la
rivière Saint-Maurice, d'implanter de nouveaux barrages. Vous souhaitez
aussi qu'Hydro-Québec participe activement au développement
industriel de la Mauricie. Mais dans votre mémoire, on déplore
l'héritage environnemental peu reluisant de la région et on
souhaite que le Saint-Maurice retrouve sa vocation
récréotouristique. Comment pouvez-vous concilier ces deux
vocations-là, qui peuvent apparaître opposées? Quand on
pense au récréotouristique, quand on pense au
développement strictement régional, au développement
industriel dans votre région, comment pouvez-vous concilier les
deux?
M. Caron: Alors, écoutez, je pense qu'on ne peut
définitivement pas contrôler ce qui s'est fait dans le
passé. Pour nous autres, l'aspect environnemental est important. Quand
on parle de récréotouristique et quand on parle d'environnement,
il faut quand même admettre une chose, c'est que la rivière
Saint-Maurice s'étend sur 400 kilomètres. Alors, ça ne
veut pas dire qu'il y a des sites qui sont en mauvaise situation
environnementale à la longueur de la rivière. Alors, on se dit:
Qu'on priorise certains secteurs. Pour nous autres, ce qui est important, c'est
que ce soit fait. Et c'est très compatible, compte tenu de la longueur
de cette rivière. On part d'en haut de La Tuque, très haut, quand
même. Et ça fait aussi partie de projets de développement
récréotouristiques, chasse, pêche, etc. Alors,
évidemment, je pense, Mme la ministre, qu'il y a une question de
prioriser certains secteurs. Qu'on commence par en bas, au milieu ou par en
haut...
Mme Bacon: Est-ce que vous prioriseriez, par exemple, quand on
regarde toute la longueur de la rivière Saint-Maurice et toutes les
différentes facettes de possibilités que vous avez... Est-ce que
vous seriez tentés de prioriser, par exemple, le
récréotouristique par rapport au développement industriel?
Parce qu'il existe déjà un développement industriel, le
long de la rivière.
M. Caron: Oui, mais dans le fond, ce qu'on veut et,
éventuellement, ce qu'on vise, on veut que ce soit complet, pas
seulement le développement récréotouristique. Le potentiel
hydroélectrique de la rivière, il existe, il est là. Il
peut attirer quand même plusieurs entreprises, et ça peut
être intéressant tant pour Hydro-Québec que pour les
entreprises, que pour toute la région, économiquement. Alors, ce
n'est pas seulement le récréotouristique. Sauf que le
récréotouristique devient très important, parce qu'il peut
engendrer une foule de choses, aussi, et une foule de prétextes au
développement, tant au niveau des municipalités...
Mme Bacon: Par rapport à toute la grande région,
est-ce qu'il y a des endroits spécifiques où vous favoriseriez le
récréotouristique par rapport à d'autres, à un
développement industriel, par exemple?
M. Caron: Écoutez, je dois admettre qu'on ne s'est pas
penchés précisément sur des secteurs en particulier. On a
visé, nous autres, l'ensemble de la rivière. On l'a vue dans son
ensemble. Alors, évidemment, il y a peut-être certains secteurs
qui sont plus favorables à ce développement-là. Et
ça, c'est bien sûr. Si on dit qu'on part du fleuve Saint-Laurent,
donc de Trois-Rivières, jusqu'à La Tuque...
Mme Bacon: Jusqu'à La Tuque.
M. Caron: ...c'est très vaste. Alors, Mme la ministre, je
pense que c'est difficile de répondre à cette question-là
sans avoir discuté vraiment à fond la question et regardé
aussi tout l'inventaire qui existe actuellement.
Mme Bacon: Vous nous parlez d'une étude qui serait
réalisée sur l'environnement de la vallée du
Saint-Maurice. Sur quoi devrait porter cette étude-là, en
particulier? Qu'est-ce qu'elle devrait contenir et qui pourrait être
chargé de la réaliser, cette étude-là? Est-ce que
vous avez pensé à ça? (16 h 45)
M. Caron: Oui. Mme la ministre, une telle étude, pour
nous, est très importante. Une telle étude devrait contenir tout
ce qui touche l'aspect environnemental de la vallée du Saint-Maurice,
pas seulement au niveau de la rivière comme telle ou au niveau du
flottage du bois, mais aussi au niveau des déversements chimiques,
l'industrie, tout ce qui peut polluer non seulement la rivière, mais
aussi l'air, la faune, etc. On devrait aussi avoir, dans cette
étude-là, certaines recommandations. Il devrait ressortir d'une
telle étude, de son contenu, des recommandations d'action et par qui
elles devraient être faites. Une chose est certaine - et ça,
là-dessus, je ferai une précision - certainement pas par toute
entreprise qui a déjà participé à une telle
étude. Nous, on est convaincus qu'on n'a pas l'heure juste sur la
vallée du Saint-Maurice. On ne l'a pas, l'heure juste. Pourquoi on se
prononcerait? Pour se prononcer il faudrait se prononcer pour ou contre une
étude, et ce n'est pas notre intention. Alors, ça devrait
être fait par des gens qui sont spécialisés, qui sont
vraiment impartiaux, qui n'ont jamais participé à des
études sur ce sujet.
Mme Bacon: Le but de cette étude, est-ce que c'est de
vraiment savoir quoi faire avec la rivière ou de faire les choix, par
exemple, comme on disait tantôt, récréotouristiques par
rapport à des choix industriels? Est-ce que votre étude irait
aussi loin que ça?
M. Caron: Effectivement, ça irait aussi loin que
ça. Tantôt je mentionnais qu'on ne voudrait pas une étude
qui ne touche qu'un secteur, qu'on parle d'environnement ou qu'on parle
économiquement, peu importe. Je pense que la rivière
Saint-Maurice, il faut la voir dans son ensemble, à partir du fleuve
Saint-Laurent jusqu'en haut.
Mme Bacon: Vous me dites vous-même qu'il y en a plusieurs
qui existent. Une actualisation de ces études ne serait pas suffisante?
Ça veut dire que ça en prend une autre.
M. Caron: Je vous répondrai: Vraiment, non.
Mme Bacon: Non quoi? Non, ce n'est pas suffisant? Ou non,
ça n'en prend pas?
M. Caron: Vous me parlez des études qui existent
actuellement?
Mme Bacon: Oui.
M. Caron: Si elles étaient suffisantes?
Mme Bacon: Est-ce qu'on peut actualiser ces études ou s'il
faut vraiment recommencer?
M. Caron: On estime, au comité, que ces études ne
sont pas, pour nous, complètement ou totalement impartiales et qu'elles
ne sont pas, non plus, exhaustives, dans le sens où elles ne
reflètent peut-être pas, j'utiliserai l'expression, l'heure
juste.
Mme Bacon: D'accord. Dans votre mémoire, je pense qu'on
voit que vous avez pris connaissance du plan de développement
d'Hydro-Québec de 1990-1992, parce que vous souhaitez la
réalisation de certains projets qui sont prévus. Dans ce plan de
développement, il y a des projets importants d'économies de
l'énergie, par exemple; il y a des programmes résidentiels, il y
a des... qui peuvent être en mesure d'intéresser, peut-être,
les membres de votre association. Est-ce que les gens de votre association ont
réagi aux programmes d'économies de l'énergie qui sont mis
de l'avant par Hydro-Québec? Est-ce que vous seriez en mesure de nous
donner votre avis, peut-être sur les programmes résidentiels?
M. Caron: Oui, évidemment. Je crois que vous savez
sûrement que notre organisation au niveau provincial a
déposé un mémoire à cette présente
commission sur cela. Je répéterai que l'APCHQ s'est toujours
préoccupée de l'économie de l'énergie. On fera
référence effectivement au programme R-2000, qui a demandé
énormément de temps, d'argent et d'investissement d'efforts de
toute sorte. On est d'accord en principe avec tout ça, en autant que
ça corresponde aussi aux aspirations du consommateur, qu'on trouve une
rentabilité à court terme. Si on fait des programmes
d'économies de l'énergie qui suscitent des augmentations de
coûts vraiment importantes pour le consommateur et qu'il ne peut pas
récupérer ou qu'il ne peut pas avoir un retour à court
terme sur son investissement, c'est plus délicat. Mais, en principe, on
est d'accord. Ça a toujours fait l'objet de l'une de nos
préoccupations.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Saint-Maurice...
M. Lemire: Bonjour, messieurs.
Le Président (M. Bélanger): ...qui semble porter
une attention particulière à votre dossier.
Mme Bacon: II est très intéressé. Des
voix: Ha, ha, ha!
M. Lemire: Je dois débuter en vous remerciant de vous
être déplacés avec une délégation aussi
importante. Il ressort que votre mémoire... Vous dites, à un
moment donné, que vous souhaitez voir la Mauricie s'industrialiser sans
nuire à l'environnement naturel, à tirer profit et encore
davantage de sa vocation récréotouristi-que. Or, sur le
territoire du haut Saint-Maurice - comme c'est le territoire de mon
collègue de Laviolette - la bande Weymontachie - Jean-Pierre les nomme
plus facilement que moi - la nation attikamek occupe une réserve sur la
rive nord de la rivière. C'est une réserve dont environ 10 % de
la superficie pourrait être inondés advenant le "harnachement" de
la rivière, par exemple le rapide des Coeurs. Comment pensez-vous
pouvoir concilier le développement hydroélectrique que vous
souhaitez voir accélérer sur la Saint-Maurice et le
développement de la villégiature, les activités de chasse
et de pêche et les intérêts de la bande des Attikameks?
M. Caron: Si vous me le permettez, M. Lemire, on a un
représentant ici, au comité, M. René Lajoie, qui va
répondre à votre question.
M. Lajoie (René): M. Lemire, Mme la ministre, M. le
Président, tantôt, mon collègue parlait de résidence
secondaire. Ma résidence secondaire est exactement dans cette
région-là; elle est "droite" en face du rapide des Coeurs. C'est
bien ce à quoi vous faites référence. Si le rapide des
Coeurs était à ma place, il est évident que la
réserve de Weymontachie - qui est Sanmaur et Weymontachie, de chaque
côté de la rivière - serait inondée jusqu'à
un certain point.
Mon opinion, c'est qu'avoir les Indiens, une réserve indienne, et
avoir des Indiens, des autochtones sur la rivière Saint-Maurice, c'est
aussi un atout. Parce que c'est encore une région... La région
où ils demeurent, c'est quand même une région encore peu
développée au point de vue industriel. Je suis certain que ces
gens-là, si Hydro-Québec développait le rapide des Coeurs
et/ou de la Chaudière, seraient intéressés à
devenir plus actifs dans cette région à cause de l'accès
des routes, à cause des activités que ça amènerait
comme, par exemple, ils pourraient facilement exploiter les pourvoiries qui
pourraient s'ouvrir sur ces lacs, qui seraient formés avec les barrages.
Je pense que ça serait de ce côté-là qu'il faudrait
exploiter pour que ces gens puissent vraiment avoir le sentiment qu'ils font
partie aussi de la rivière Saint-Maurice et de notre
société.
M. Lemire: Je vois aussi que, dans votre conclusion du rapport,
vous dites, et je cite: "Un développement contrôlé et bien
planifié, vu dans tout son ensemble, pourrait aussi devenir le meilleur
chien de garde de l'environnement de la rivière St-Maurice." La plupart
des groupes environnementaux qui ont paru devant cette commission ont
affirmé le contraire. Les groupes en faveur du développement
hydroélectrique considèrent, pour leur part, que la protection de
l'environnement n'est pas incompatible avec les projets d1
Hydro-Québec, mais ne vont pas jusqu'à voir le
développement comme le chien de garde de l'environnement. Pouvez-vous
expliquer davantage cette relation que vous avez entre le développement
contrôlé et la protection de l'environnement? Et, en même
temps, essayez donc de me dire comment votre organisme verrait l'application de
ce concept en Mauricie?
M. Caron: M. Lemire, concernant le chien de garde de
l'environnement, je pense qu'il y a une chose qui est quand même logique
et qui a une importance, et je l'ai mentionnée tantôt. On ne peut
pas contrôler ce qui s'est fait dans le passé. On ne peut pas
arrêter la terre de tourner parce qu'on a pollué dans le
passé. Cependant, on peut entrevoir l'avenir d'une façon
différente. Et je pense qu'aujourd'hui il y a tellement de
sensibilisation au niveau environnement. On sait qu'il existe aussi tellement
de lois, de règlements qui sont pertinents au niveau environnemental, et
que chacun qui veut faire un développement, que ce soit au niveau
municipal, gouvernemental ou privé, se doit de respecter ces
règles-là et ces normes-là. Alors, c'est pour ça,
lorsqu'on va connaître des développements dans le futur à
travers tout le Québec, ça ne peut qu'être positif au
niveau environnemental. Et, évidemment, lorsqu'on habite une
région, lorsqu'il y a des gens qui utilisent cette
région-là, ils sont très visuels et ils sont de
très bons inspecteurs.
M. Lemire: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Juste un mot pour vous
souhaiter la bienvenue devant la commission. Avec l'éclairage un peu
nouveau que vous nous apportez... parce qu'à ma connaissance vous
êtes les premiers, et peut-être les seuls, au long de ces travaux,
qui vont nous dire que la meilleure façon de protéger
l'écologie d'une rivière c'est de la "harnacher". Cela
étant dit, je vais passer la parole à mon collègue de
Laviolet-te, qui a quelques questions à vous poser.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord je vous dis
bonjour à nouveau, d'autant plus que je pense que c'est important que
des gens de notre région viennent faire valoir ce majestueux
Saint-Maurice. Cependant, ajoutant que la ministre vous a dit tout à
l'heure qu'on venait parler d'Hydro-Québec, mais que, j'en suis
assuré, vous avez profité du fait qu'elle est la ministre
responsable du Développement régional pour lui passer quelques
messages quant à l'aspect récréotouristique de la
rivière Saint-Maurice... Et, d'autant plus que je suis une personne qui
vivait dans mon temps de jeunesse le long de la rivière Richelieu et qui
connaît aussi l'impact important, du Saint-Laurent jusqu'au lac
Champlain, de cette voie navigable qui a permis, justement, une utilisation
récréotouristique sans empêcher l'utilisation
hydroélectrique. il y a cependant des choses pour lesquelles on peut
être en accord ou en désaccord, mais il y en a une - j'aime autant
vous le dire comme je le pense - ...quand vous dites qu'il devrait y avoir une
nouvelle étude, je ne comprends plus rien. Je vais vous le dire bien
honnêtement, moi, personnellement, je ne comprends plus rien. D'abord,
ça ne prend pas de grosses études pour déterminer qu'il
faut arrêter de jeter dans la rivière des polluants venant des
usines. Je pense que c'est l'une des premières choses. Ça
prend
une décision.
La deuxième, c'est que ça ne prend pas de grosses
études pour déterminer que les rejets municipaux, ça doit
aussi se terminer. Quand on considère la rivière Saint-Maurice,
de La Tuque, jusqu'à Grand-Mère, maintenant, où tout a
été fait ou presque terminé, mais qu'on se retrouve dans
l'autre secteur qui est le plus pollué, où c'est en marche, mais
non terminé, je dois dire que ça ne prend pas de grandes
études. On va avoir terminé ça, et il est supposé
être accéléré. En tout cas, j'espère qu'on va
être capable de dire que, dans la rivière Saint-Maurice, de son
départ, au barrage Gouin, jusqu'à Trois-Rivières, il n'y a
plus de rejets municipaux et, deuxièmement, que les usines ont fait des
rejets qui sont contrôlés par des épurateurs à leur
sortie. Ça, je pense que, pour moi, il n'y en a pas besoin.
Quant à savoir, l'effet de tout ça sur les animaux, sur la
faune aquatique, il est évident que, là, on a des divergences
d'opinion. Il y en a qui disent que ça a des difficultés pour les
animaux marins; d'autres disent: Non, non, il n'y a pas de problème;
d'autres, c'est peut-être parce qu'il y a un pigment des billots.
Ça, c'est une autre partie de la discussion que j'aurai avec vous
autres. Vous dites: Nous, on n'a pas à se préoccuper de
ça, tant qu'à y être, parce qu'il y en a qui s'en occupent
et qui s'appellent le Regroupement des usagers de la rivière
Saint-Maurice. Au niveau de la pitoune, vous savez les impacts; il y a des
études qui ont été faites et, d'une façon ou d'une
autre, si on veut arriver - et là, j'en arrive à ma question -
à la page 11 de votre mémoire, en disant: "Nous voyons dans
l'avenir une rivière qui pourrait devenir navigable, de La Gabelle
jusqu'à La Tuque, une rivière accessible au développement
récréo-touristique, à fa villégiature, au
développement résidentiel, aux pourvoiries de chasse et
pêche etc.." Il est évident que, pour ça, il faut enlever
la pitoune sur la rivière Saint-Maurice. Quant à moi, les
études sont terminées, ce billot qui est sur la rivière
actuellement, dessus et en dessous de l'eau, doit disparaître. Je pense
que tout le monde s'est mis d'accord sur ça. Il s'agit d'avoir une
volonté politique. Les mémoires sont là; les études
sont là. Il est évident que ça a des effets, quels qu'ils
soient, minimes ou plus forts - pour ça, on pourra diverger d'opinion -
mais il y en a.
Alors, la question que je vous pose: Pour avoir une rivière comme
celle-là, les études, quant à moi, sont terminées.
On n'a même pas besoin de consolider les études actuelles, il
s'agit tout simplement d'avoir une décision politique. Quant au niveau
des rejets industriels, c'est une décision qui est politique, d'obliger
les compagnies en conséquence. Quant aux rejets municipaux, c'est une
décision à la fois municipale et gouvernementale pour en arriver
aux rejets municipaux terminés. Quant à la pitoune, c'est
sûr que ça va prendre une décision politique. On a
l'exemple, au Lac-Saint-Jean, comme ça.
Une fois qu'on a ça, maintenant, et qu'on est devant vous autres,
qu'est-ce qu'Hydro-Québec vient faire dans le portrait pour aider
justement à faire disparaître, sur la rivière
Saint-Maurice, la pitoune? Est-ce que, d'après vous autres, vous avez
une opinion, parce qu'Hydro-Québec a une responsabilité? Oui ou
non?
M. Garon: Là, je dois répondre. Dans un premier
temps, au niveau de l'étude, on dit qu'une étude... C'est fini
les études. On avait eu connaissance d'une étude qui avait
été faite par certains intervenants, que, malheureusement, on n'a
pas consultée, mais que plusieurs membres du comité ont
consultée et que, moi, je n'ai pas eu l'occasion de voir. Je n'en ai
jamais vu une copie. Cependant, j'ai vu aussi une deuxième étude
qui venait du ministère de l'Environnement, direction régionale
de la Mauricie, qui venait - et je pense que vous le savez très bien, M.
Jolivet - à toutes fins utiles, un petit peu contredire certains
éléments qu'il y avait dans une première étude. Et,
dernièrement, on a encore connu une autre étude qui est une
étude quantitative de l'impact du flottage du bois sur la qualité
du milieu aquatique. On regarde dans ça et, à chaque fois qu'on
arrive au niveau d'avoir "l'heure juste", pour utiliser encore mon expression,
on reporte à des tests subséquents ou à des tests plus
tard au cours de l'été. Alors, on se dit, nous, dans le fond, qui
commande l'étude? On aura un résultat, n'est-ce pas? Alors, on se
dit: C'est pour ça que... Ce n'est pas seulement une étude
concernant la pitoune, M. Jolivet. On n'a pas parlé, nous autres, de
pitoune pour l'instant, on parle de développement économique. Si
on veut parler de développement économique, de
récréo-touristique et de villégiature, c'est bien
évident qu'il faut s'assurer d'avoir un environnement qui soit capable
de recevoir tout ça. On sait qu'on l'a. Il y a peut-être des
pièges, il y a peut-être des anomalies qui existent, on veut le
savoir, mais de quelle importance? Qui a raison? O.K? Alors, c'est pour
ça qu'on dit: Au niveau de l'étude, c'est ceci. (17 heures)
Maintenant, concernant l'allusion que vous faisiez à savoir que,
nous autres, la pitoune, on ne s'en occupe pas. Vous faisiez mention qu'il y a
d'autres organisations qui le font. Je pense qu'on se comprend très
bien. Évidemment, nous, ce n'est pas le premier mandat qu'on s'est
donné au niveau environnemental. On n'est pas ici pour influencer qui
que ce soit sur des décisions politiques. Je pense que ça revient
aux élus de prendre ces décisions politiques, non pas à
nous.
Concernant votre dernière intervention vis-à-vis
d'Hydro-Québec: Qu'est-ce qu'Hydro-Québec vient faire
là-dedans? Je pense que nous, ce sur quoi on veut attirer le plus
possible d'attention, c'est qu'on sait qu'actuellement il y en a un plan
de développement qui touche la rivière Saint-Maurice.
Alors, on dit: Pour nous, ce serait une opportunité. On dit: Cependant,
si elle se réalise, qu'on considère les orientations
régionales, les volontés du milieu. Nous autres on veut servir.
C'est pour ça qu'on... c'est la mission qu'on s'est donnée
ça, de . rendre un petit peu tout le monde complice du
développement de la vallée du Saint-Maurice.
M. Jolivet: C'est parce que vous dites qu'on devrait utiliser la
rivière à des fins récréotouris-tiques. Quand
j'étais jeune, on faisait du ski nautique sur la rivière
Saint-Maurice. Je n'en vois plus bien bien en faire. En face de
Grand-Mère, il y avait, ce qu'il y a à Valleyfield, des
régates. Il n'y en a plus, il y a du bois là. Quand je
n'étais pas là, parce qu'il paraît que les études
préliminaires du temps des colons, il y avait de la ouananiche jusqu'au
grand lac Mékinac. Il n'y en a plus. Donc, pour ça, il s'agit
avec les barrages qu'il y a sur la rivière, s'il faut la
dépolluer au niveau industriel, la dépolluer au niveau municipal,
la dépolluer au niveau de la pitoune sur la rivière
Saint-Maurice, on se retrouvera avec une rivière qui sera, justement,
pour vos besoins récréo-touristiques. Il n'y a pas de gens
intéressés à aller s'installer sur la rivière
Saint-Maurice avec de la pitoune en face de chez eux parce qu'ils ne pourront
jamais sortir sur la rivière.
C'est pour ça que je vous posais la question: Est-ce
qu'Hydro-Québec, dans ça, a un rôle à jouer?
D'après vous, est-ce qu'Hydro-Québec doit faire quelque chose
pour aider, je ne voudrais pas savoir l'étude, mais aider à ce
qu'on l'utilise, cette rivière-là, à d'autres fins que de
transporter de la pitoune et deuxièmement à d'autres fins que de
bloquer ses barrages et ses turbines? La pitoune qui ne flotte pas, elle cale,
et quand elle cale, il faut la nettoyer. Vous pouvez demander aux gens de
Grand-Mère et d'ailleurs qu'est-ce qu'on doit faire avec le bois qui est
là? Alors, je voulais poser la question. Est-ce qu'Hydro-Québec a
quelque chose à faire, d'après vous?
M. Caron: Hydro-Québec a certainement quelque chose
à faire dans ça. M. Jolivet, j'apporte cependant à votre
attention la mission qu'on s'est donnée ici au CIDR. Si c'est des
conclusions qui font suite à nos interventions, je pense
qu'Hydro-Québec sera en mesure d'évaluer ce que ça lui
coûte, si ça lui coûte quelque chose. Mais, actuellement,
sur quoi, moi, je peux me baser pour dire ça lui coûte... proposer
des solutions de rechange. Écoutez, moi, avec les ressources que j'ai,
ce n'est pas notre mission de le faire. Mais on sait qu'Hydro-Québec
peut, définitivement, elle, apporter des opinions importantes.
Peut-être qu'on lui demandera et qu'on lui posera la question, et elle
sera peut-être mieux placée pour répondre. On a vu des
chiffres dans les journaux, dans les médias, de différents
intervenants. C'est confirmé comment? C'est sûr
qu'Hydro-Québec aura peut-être un rôle à jouer
à ce niveau-là. Maintenant, de quelle nature? C'est une autre
chose. On leur posera la question.
M. Jolivet: Quand vous parlez des barrages, je reviens à
ce que M. Lajoie disait pour les gens de Weymontachie Moi, je serais
intéressé, je vous le dis d'avance, à écouter ce
qu'eux autres ont à dire. C'est important parce que, moi, je les
rencontre au niveau du bois, parce que je suis responsable comme critique au
niveau du bois, et ils me disent qu'ils ne veulent pas perdre leur territoire.
Donc, peut-être, quand on regarde l'ensemble du "harnachement" qu'on veut
faire ou de l'amélioration au barrage actuel ou de la surpuissance au
barrage actuel, j'aurais quand même un problème au niveau du
rapide des Coeurs en particulier. Est-ce qu'on vous a déjà
sensibilisés au fait qu'Hydro-Québec avait, pour
régulariser le niveau de la rivière Saint-Maurice, fait des
recherches sur la réserve autopompée du lac Thomas. Quand vous
montez sur la route de La Tuque entre Grande-Anse et Rivière-aux-Rats,
vous avez le lac Thomas, dans la réserve Saint-Maurice. On parlait de
faire une réserve autopompée pour les moments de pointe: ramasser
l'eau du Saint-Maurice, la monter au lac Thomas et la redescendre pour les
besoins. Est-ce qu'on vous a sensibilisés à ça? Est-ce que
ce serait quelque chose d'intéressant pour vous autres?
M. Caron: Écoutez, effectivement, on a déjà
eu un commentaire à ce niveau-là, sauf que c'est vraiment
très technique et très théorique ce que vous nous
mentionnez là. Je ne sais pas si M. Lajoie a quelque chose à
ajouter là-dessus. Je pense qu'il aurait une meilleure expertise que moi
pour vous répondre.
M. Lajoie: Le mot "expert" est peut-être un peu fort. Mais
question d'impression, je pense que pomper de l'eau dans les deux sens - dans
un sens, elle descend toute seule et, dans l'autre sens, elle remonte la nuit,
hors des heures de pointe - pour moi personnellement c'est pire que bien.
Évidemment, ça crée de l'énergie. Lorsque
l'énergie ne coûte pas cher, on s'en sert pour remonter l'eau
mais, toutes les fois qu'on brasse la soupe, le bouillon remonte à la
surface. C'est évident que la surface d'en haut va être
brassée deux fois par jour ou trois fois par jour, peu importe la
fréquence, je pense que l'impact sur l'environnement et au point de vue
écologique serait pire que le bien que ça apporterait. C'est une
opinion personnelle.
M. Jolivet: Lorsqu'il y avait eu... vous êtes au courant,
je pense, du principe équivalent dans le bout de Portneuf, de ce qu'on
appelle la
réserve autopompée de Delaney et c'est simplement au point
de vue économique qu'elle n'a pas été mise en place pour
le moment. Mais est-ce des recherches qui avaient permis justement de regarder
en même temps s'il était possible que, du lac Thomas, on puisse
utiliser cette formule-là?
M. Lajoie: C'est qu'il y a un gros problème
d'environnement là-dessus, M. Jolivet.
M. Jolivet: Dans l'ensemble de ce que vous proposez, donc c'est
l'accélération, si je comprends bien, du plan d'équipement
d'Hydro-Québec sur la rivière Saint-Maurice, du barrage... du
réservoir Gouin jusqu'à Trois-Rivières. Vous
prévoyez différents... On parle de la Chaudière, le
Lièvre, des Coeurs et du détournement de la rivière
Vermillon. Est-ce que vous voyez aussi, en même temps, parce que, comme
association, vous avez intérêt à ce que les constructions
se fassent, des réparations majeures? Est-ce qu'on vous a
sensibilisés? Est-ce que vous avez vérifié avec les gens
à Hydro-Québec l'ensemble des réparations qui peuvent
être faites aux centrales et aux barrages actuels, les huit? Est-ce que
vous êtes d'accord avec ça?
M. Caron: Actuellement, on est allé chercher des
informations un peu partout. On sait très bien qu'effectivement les
centrales existantes ont besoin de réfection et de restructuration ou de
rénovation - je ne sais pas comment on appelle ça en termes de
barrage; chez nous, c'est de la rénovation, de la réfection. Je
pense qu'en principe ça ne peut être que positif.
M. Jolivet: Parce qu'en fait, comme association, si je regarde
l'association qui est formée à partir de l'APHQ...
M. Caron: L'APCH.
M. Jolivet: L'APCHQ, oui, excusez-moi. APCHQ. Ce que vous avez,
ce n'est pas tout à fait pareil. APCHQ, ce que vous avez comme but, en
même temps que de développer tout le réseau
récréotouristique de l'ensemble de la rivière
Saint-Maurice, c'est aussi d'avoir de l'ouvrage pour vos employeurs et pour les
employés en conséquence et utiliser la rivière à
des fins qui permettent aux touristes de venir voir une si belle région.
Alors, c'est pour ça que je vous pose la question au niveau de
l'ensemble des travaux qui doivent être faits par Hydro-Québec.
Vous parlez des barrages nouveaux à installer et vous parlez aussi, par
le fait même, de la réparation et de la réfection des
barrages actuels.
M. Lajoie: J'aimerais peut-être... Une voix:
Oui.
M. Lajoie: ...ajouter, à ce point-ci, pour aller dans le
même sens d'idées au point de vue de ces réfections, qu'on
a même l'intention, quand on parle de développement
intégré, on veut que notre gros voisin, Hydro-Québec,
puisse être assez près de tous les intervenants du milieu pour
qu'on puisse... les installations et les infrastructures qui vont servir
à ces choses-là, soit des ponts en aval, soit des sentiers
autour, des chemins d'accès, que ce soit pour des barrages neufs ou pour
des réfections, qu'on puisse leur demander de les rendre un peu plus
permanents pour pouvoir les donner après ça aux intervenants du
milieu, soit pour des sentiers, soit pour des véhicules... ou toutes
sortes de choses semblables.
M. Caron: Je voudrais répondre du moins à une
partie de votre question. Vous parliez de rénovation ou de nouveaux
aménagements pour créer de l'activité
supplémentaire pour les membres de notre association...
M. Jolivet: Parce que j'ai compris votre... Quand le
bâtiment va, tout va. J'ai compris, ça.
M. Caron: C'est ça. Évidemment. Sauf que ce qu'il
est important de retenir cependant, c'est qu'on sait très bien que ce
n'est pas nécessairement ça, cette raison-là, qui a
déclenché tout notre processus. C'est vraiment l'histoire de
s'intéresser à notre développement économique et de
participer aussi, avec le milieu, pour contribuer à apporter tout ce
qu'il faut et, finalement, au bout de la ligne, on va définitivement en
profiter.
M. Jolivet: Vous savez qu'Hydro-Québec prévoit, sur
un nombre d'années, environ 60 000 000 000 $ d'investissements. C'est le
but de la discussion qu'on a aujourd'hui, incluant la rivière
Saint-Maurice. Est-ce que, à ce niveau-là, vous seriez d'accord
avec la position que nous tenons, à l'effet qu'il y ait une consultation
plus large que celle de la commission parlementaire d'aujourd'hui, dans une
commission qui a été présentée par la Coalition
à l'effet d'avoir une commission itinérante, une commission
permanente, une commission qui aille voir dans le milieu l'ensemble des
activités d'Hydro-Québec. Est-ce que vous vous êtes fait
une opinion sur cette question-là?
M. Caron: Honnêtement, M. Jolivet, à notre
comité, on ne s'est pas fait d'opinion à ce niveau-là. Ce
n'était pas, de toute façon, une de nos préoccupations.
Pour nous, cette commission, je pense qu'elle est représentative. Pour
émettre une autre opinion, il faudrait en discuter beaucoup plus
longuement. Cependant, c'est toujours dans nos vues, du moins, de
préconiser la consultation au niveau régional. Ça ne veut
pas nécessairement dire qu'on préconiserait une
commission.
M. Jolivet: Ce n'est pas long, 20 minutes, hein?
M. Caron: Ce n'est pas long, hein?
Le Président (M. Bélanger): Hélas! Il y
avait le député de Saint-Maurice qui avait manifesté
l'intention... Il reste trois minutes à votre formation.
M. Lemire: Juste en conclusion, j'aimerais, dans le but
d'éclairer la commission, faire une mise au point. Quand on parle du bas
Saint-Maurice, de la réfection des barrages, ce n'est pas montré
ça au plan de développement. Au plan de développement, ce
qui est montré, ce sont les nouvelles centrales et les nouveaux projets.
Quand on parle de réfection, je pense que, si je comprends bien ce que
vous voulez, vous voulez être consultés quand Hydro-Québec
va aller refaire les vieux ouvrages qui ont été faits au
début du siècle, et sûrement qu'il y a des corrections
environnementales qui doivent être faites. Hydro-Québec, à
mon avis, devrait être très sensibilisée à votre
démarche. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Drummond, il reste deux minutes.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. À la lecture de
votre mémoire et à votre dernière recommandation à
la page 21, le point f, où vous suggérez qu'Hydro-Québec
continue la promotion de ses installations auprès du public,
auprès d'autres industries et, vous le mentionnez à la fin,
principalement "pour le développement de notre région".
Vous ne croyez pas, dans un souci d'équité envers les
différentes régions, que ceci pourrait placer Hydro-Québec
dans une position à avoir à juger le développement
économique du Québec si on favorisait simplement la division des
sources d'énergie seulement dans votre région?
M. Caron: Non. Je pense que ce n'est pas ce qu'on dit ici. On ne
dit pas de favoriser ça uniquement pour notre région. On dit que
la promotion des installations auprès du public et aussi "auprès
des entreprises énergivores québécoises de consommation
moyenne", "représentent une clientèle très
intéressante pour HydroQuébec et pour le développement de
notre région", toujours à partir du principe où on dit que
la rivière Saint-Maurice a toujours son potentiel important
d'hydroélectricité. Alors, ça, c'est une raison
vraiment... Je pense que c'est une bonne raison pour Hydro-Québec
d'approcher l'industrie qui est consommatrice d'électricité
près de ses installations. Je pense que la livraison
d'électricité est beaucoup plus facile à faire et beaucoup
moins onéreuse. Si on est avantagés, tant mieux.
Le Président (M. Bélanger): M. Lajoie avait un
complément de réponse?
M. Lajoie: J'aurais peut-être un petit complément de
réponse pour M. le député de Drummond à l'effet que
la région de la Mauricie produit à peu près au total, en
incluant... 2600 ou 2200 mégawatts, à quelques mégawatts
près. Seulement sur la rivière Saint-Maurice, il y a à peu
près 1600 mégawatts produits. Évidemment, c'est de
l'exportation. On a même de la misère à tout l'exporter.
C'est qu'on veut vraiment aussi se spécialiser là-dedans. On dit
que toutes les industries PME qui sont énergivores, dans l'ordre
peut-être de 100, 200 mégawatts, je ne sais pas le chiffre
magique, chez nous, on est prêts à les recevoir. Ailleurs dans la
province, il y aurait peut-être de la place à les placer parce
qu'ils sont trop énergivores. Par contre, la petite PME,
évidemment, on la veut aussi, mais, à ce moment-là, toutes
les régions sont au même prix. On essaie de dire à la
commission que notre région peut recevoir dans ces grosseurs
d'industries-là.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Laviolette, brièvement.
M. Jolivet: J'aimerais juste rappeler un fait d'histoire au
député de Drummond en lui rappelant que la Mauricie, à
l'époque de la nationalisation de l'électricité, a
accepté que les industries partent de chez elle pour permettre au
Québec d'avoir un même cycle d'électricité. Il ne
faut pas l'oublier, hein, on a perdu beaucoup d'industries pour Varennes et
Contrecoeur parce qu'on a accepté, comme tout le monde, qu'il y ait
nationalisation de l'électricité, pour le même prix et le
même service pour tout le monde à travers le Québec. Il ne
faudrait pas l'oublier, ça.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Si M.
le député d'Ungava, qui est le porte-parole de l'Opposition, veut
bien remercier nos invités.
M. Claveau: Ça me fait plaisir de vous remercier pour
votre prestation devant cette commission parlementaire et de voir
l'intérêt que vous portez dans le développement de la
Saint-Maurice, même si, peut-être, nous ne partageons pas
complètement tous les points de vue qui sont dans votre mémoire.
Il n'en reste pas moins qu'il est excessivement important d'utiliser au
meilleur de nos connaissances toutes les rivières du Québec pour
les fins de développement régional et, évidemment, il peut
arriver que, dans certains cas, on analyse différemment,
dépendamment des régions ce qui est ie mieux de faire avec
ces
rivières-là. Là-dessus, je vous remercie de votre
présentation.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: On vous remercie beaucoup de l'intérêt
que vous portez au dossier d'Hydro-Québec mais, en même temps, je
pense, au développement de votre région. Il ne faut quand
même pas se le cacher. Et, comme on a parlé de mes deux chapeaux,
je pense que c'est important. Vous m'avez rappelé aussi des bons
souvenirs en parlant de la Shawinigan Water Power. Merci de votre visite et bon
voyage de retour. (17 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le groupe, . le Comité
d'intervention pour le développement de la rivière Saint-Maurice
de sa participation à ses travaux.
J'inviterais à la table des témoins le Syndicat des
producteurs de bois Outaouais-Laurentldes. Je vous remercie. J'inviterais tout
le monde à reprendre sa place, s'il vous plaît. J'inviterais nos
prochains intervenants, le Syndicat des producteurs de bois de
l'Outaouais-Laurentides à bien vouloir prendre place à la table.
S'il vous plaît, si on pouvait garder le silence pour permettre à
nos travaux de bien se dérouler. Je vous remercie. Alors, bonjour. Je
vais vous expliquer rapidement nos règles de procédure. Vous avez
20 minutes ferme pour la présentation de votre point de vue. il y aura
une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous informe
à l'avance que, malheureusement, nous aurons une petite limite dans le
temps, une petite contrainte - on va dépasser un petit peu 18 heures,
mais peut-être pas beaucoup, puisqu'on doit reprendre nos travaux
à 19 h 15, et ceci jusqu'à 23 h 30 ce soir - pour permettre aux
gens d'aller manger une bouchée et faire quelques retours d'appels.
J'espère que vous ne nous en tiendrez pas rigueur et que vous accepterez
cette petite contrainte, qui nous rendrait la vie plus facile.
Sur ce, si vous voulez bien identifier vos porte-parole,
présenter votre équipe et procéder à la
présentation de votre mémoire, nous vous écoutons.
Merci.
Syndicat des producteurs de bois
Outaouais-Laurentides
M. Séguin (Pierre): M. le Président, Mme la
ministre, madame, messieurs, je me présente, Pierre Séguin,
administrateur et président du comité biomasse pour le Syndicat
des producteurs de bois Outaouais-Laurentides. À ma gauche, je vous
présente le vétéran de notre organisme et membre fondateur
de notre organisme, Devlin Vallières; ingénieur à notre
syndicat, Daniel Leblanc. À ma droite, consultant pour notre organisme,
Bertrand Fortin.
Notre organisme est en fonction depuis 25 ans. Nous occupons un
territoire qui inclut l'Outaouais et se rend dans les Laurentides. Nous
représentons la forêt privée. Nous avons plus de 13 000
membres que nous représentons. Le rôle principal de notre
organisme, c'est de s'occuper de la mise en marché et de promouvoir la
forêt privée. Vous vous demandez peut-être pour quelles
raisons la forêt vient s'impliquer dans l'énergie ou dans
l'électricité. Disons que Mme la ministre étant ministre
en titre de la Forêt, et, en plus, nous croyons que la biomasse est une
façon de produire de l'énergie, nous vous faisons part de notre
réflexion.
La forêt, malgré la nette prépondérance de
l'industrie forestière dans notre économie, montre un état
de santé plutôt précaire. Vous n'avez qu'à survoler
les forêts en hélicoptère pour vous en convaincre. Le
Syndicat des producteurs de bois de l'Outaouais-Laurentides, une association
qui défend les intérêts de 13 300 producteurs forestiers,
s'est penché sur la question. Une étude préliminaire que
nous avons déposée devant cette commission en est le
résultat. Bien qu'elle ne soit pas complète, cette étude
représente, à notre humble avis, un outil de concertation qui
facilitera la prise de décision concernant l'utilisation de la biomasse
forestière à des fins de production
d'électricité.
Partout dans le monde, plus particulièrement aux
États-Unis, des centaines d'usines de production électrique
fonctionnent à partir de résidus de bois provenant
essentiellement des usines de transformation primaires ou directement de la
forêt dans le cadre de programmes de reboisement. La remise en production
des superficies actuellement occupées par des peuplements
dégradés, qui constituent une proportion non négligeable
du territoire Outaouais-Laurentides, permettrait à la forêt
privée d'accroître substantiellement la qualité de ses bois
et de ses fibres ligneuses.
Pour ce faire, il ne manque qu'un seul outil à
l'aménagiste forestier: la mise en marché des produits provenant
des peuplements dégradés présentant des tiges de
piètre qualité. Malgré la faible qualité de leurs
fibres, les feuillus intolérants, peupliers possédant un haut
potentiel énergétique qui les rend particulièrement
intéressants pour la production de vapeur et/ou
électricité, le territoire que nous avons étudié a
un potentiel énergétique rassurant, avec ses 330 000 tonnes
métriques vertes de bois disponible à des fins
thermo-électriques. Cette masse de bois provient essentiellement de
peuplements intolérants. De plus, une certaine partie de ce carburant
potentiel comporte des résidus d'usines de transformation primaires
issus du sciage ou du déroulage et des déchets de coupe tels que
les cimes et les branches. Certains de nos producteurs nous ont confirmé
la rentabilité de la récupération de ces résidus,
étant donné les
infrastructures routières existantes, ponts et routes.
D'ailleurs, certains d'entre eux trouvent avantageux présentement de
produire du copeau énergétique au Québec pour le vendre
aux Américains.
À la lumière de notre plan de mise en valeur, nous pouvons
rassurer le MEER quant au respect du rendement dit soutenu. Idéalement,
le potentiel énergétique mentionné
précédemment pourrait alimenter une usine de 22 mégawatts.
Aux États-Unis, l'implantation de ce type d'usine est facilement
justifiée au strict plan financier. Au Québec, l'abondance et le
faible prix de l'électricité n'attirent pas les investisseurs.
Selon nous, compte tenu des problèmes du milieu forestier -
qualité déficiente du bois, aménagement timide, jeunesse
des peuplements - il faut viser une rentabilité moins rapide, plus
élargie et de plus longue portée. Un projet tel que nous le
proposons ne peut donc naître que par choix politique.
Du côté de l'aménagement forestier, les avantages
sont évidents. Pareille usine deviendrait un débouché
intéressant pour n'importe quel sous-produit issu de l'activité
forestière, qu'on parle de coupe à blanc, d'éclaircie
commerciale ou de préparation de terrain.
Au plan environnemental et socio-économique, le projet
proposé aurait aussi des répercussions positives. Car, en plus de
générer plus de 200 emplois directs et indirects, il respecte des
normes aussi strictes que celles de l'État de la Californie en ce qui a
trait à la qualité de l'air et limite la prolifération des
sites d'enfouissement nécessaires aux usines primaires de
matières ligneuses.
Nous sommes bien conscients que ce projet peut représenter une
goutte d'eau dans l'océan d'Hydro-Québec et que notre projet
dépend d'elle. Nonobstant l'élaboration d'une telle politique
énergétique que nous souhaitons, qui peut affirmer, en ces temps
de faible hydraulici-té, qu'Hydro-Québec ne tirerait pas avantage
de l'apparition d'une dizaine d'usines semblables à la grandeur du
Québec? L'apport de nouvelles sources stables n'empêche pas
Hydro-Québec de mettre de l'avant ses grands projets car un tel
réseau ne peut prétendre les remplacer. De plus, une
Hydro-Québec impliquée dans le développement d'une
région signifierait une saine intégration.
En conclusion, nous croyons que notre projet ferait d'une pierre deux
coups: régénérer l'activité forestière
privée tout en contribuant à la production
d'électricité. Nous demandons donc à cette commission une
étude plus approfondie sur les retombées socio-économiques
et environnementales de l'implantation d'une ou de plusieurs usines de
biomasse, tant pour la région Outaouais-Laurentides que pour
l'État. À la lumière de ces données, le
gouvernement serait en mesure de mieux promouvoir le développement de
tels projets.
Je vous remercie beaucoup de nous avoir permis de nous présenter
devant votre commission.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie. Je vais
maintenant reconnaître Mme la ministre.
Mme Bacon: Messieurs, je vous remercie de votre présence
à cette commission et de votre analyse de la rentabilité de la
production d'électricité par la combustion de biomasse
forestière, qui concorde parfaitement avec celle qui est
réalisée par les fonctionnaires du ministère. Je pense que
nous sommes quand même unanimes à conclure qu'une centrale au bois
destinée uniquement à la production d'électricité
serait beaucoup trop coûteuse. Mais j'aimerais explorer avec vous
certaines alternatives qui sont potentiellement plus rentables et
connaître aussi votre intérêt, ce que ça peut
représenter pour votre région, pour vos membres.
Pour mieux saisir peut-être la problématique
régionale, j'aimerais que vous m'exposiez les raisons pour lesquelles,
selon vous, la région Outaouais-Laurentides devrait être
favorisée pour une analyse en profondeur des mérites aussi et des
possibilités de la production de l'énergie à partir de
biomasse forestière et, éventuellement, pour une implantation
d'une première centrale. Pourquoi plus chez vous qu'ailleurs?
M. Séguin (Pierre): Parce que l'Outaouais-Laurentides est
la région du feuillu. Au Québec, vous avez 90 % de la forêt
qui est résineuse. Il n'y a pas de marché pour le feuillu. On a
présentement plusieurs usines dans l'Outaouais qui utilisent le feuillu,
mais on ne parvient pas à se débarrasser de nos déchets.
Et nos forêts sont très près des grands centres où
il serait possible d'avoir une ou des usines qui utiliseraient le principe de
cogénération en produisant de l'électricité et de
la vapeur. En étant très près des centres... Notre
forêt privée est très près des grands centres, ce
qui comprend aussi bien... On peut parler tout près d'Ottawa, Hull. On a
des usines, des papetières qui auraient des possibilités... On a
à Sainte-Thérèse, dans ce secteur-là, où on
aurait des chances de promouvoir l'implantation de cette usine.
Je dois vous mentionner, Mme la ministre, que l'Outaouais n'a pas
été très favorisé dans le programme
d'aménagement d'aide à la forêt privée. Si vous
faisiez un survol des pourcentages qui ont été envoyés
dans notre région, vous verriez que le pourcentage qui nous a
été alloué est très faible. Si on prend des
comparables avec d'autres régions, c'est que les programmes qui ont
été mis de l'avant n'étaient pas appropriés
à notre région. C'est bien beau de lancer des programmes, mais
c'est sûr que les gens, quand ils les mettent en place, la
première chose qu'ils font, c'est pour favoriser le résineux.
Quand vous
n'avez que 7 %, 8 % qui est de feuillus, vous êtes toujours un des
derniers. Ça fait que je crois que ça serait une belle occasion
pour, comme on dit, nous donner un coup de pouce dans ce projet.
Nous croyons qu'il y a plusieurs choses qui doivent être
étudiées dans le contexte québécois. Nous ne
croyons pas que nous avons fait un survol entier de tout le problème.
C'est pour ça qu'on pense que, de commencer par une étude pour
impliquer la problématique vraiment québécoise du
problème... Parce que, c'est sûr que, si on se compare avec les
États-Unis, on com-pétitionne avec les États-Unis sur le
marché du bois, eux ont des avantages: les usines produisent leur
électricité; ils peuvent la vendre; ils vont en marché,
mais les prix ne sont pas les mêmes. Le gros plus, si on ne surveille
pas, c'est qu'ils sont 15 ou 20 ans en avance sur nous dans le
développement et l'aménagement de leurs forêts. Je sais
qu'on a fait beaucoup de chemin dernièrement dans nos forêts. Je
pense qu'on a pris des choses en mains, mais je crois qu'avec la biomasse
ça serait peut-être une occasion encore de pouvoir aider. Je pense
que c'est une belle occasion.
Mme Bacon: Est-ce qu'il vous paraît acceptable, pour votre
région, plutôt que la simple production
d'électricité à un coût qui nous apparaît
élevé, d'envisager un nouveau moulin qui utiliserait la
matière première des forêts dégradées pour la
fabrication de la pâte et des sous-produits qui ont une assez grande
valeur commerciale, qui incorporerait aussi une centrale d'énergie
à résidu de bois, capable de générer toute
l'énergie, tant thermique qu'électrique dont elle pourrait avoir
besoin?
M. Séguin (Pierre): Je dois vous avouer que le
scénario parfait, c'est d'avoir un grand utilisateur d'énergie,
autant électricité et vapeur. La discussion s'est faite avec les
industriels de chez nous. Mais, présentement, chacun a sa propre petite
installation. On aimerait bien avoir... On a des gens qui font des
études dans l'Outaouais pour une nouvelle papetière ou une usine
Kraft. Mais on me dit que ça n'avance pas aussi vite que... Mais
ça serait probablement un atout dans notre jeu si on pouvait profiter
d'un projet comme vous mentionnez. (17 h 30)
Mme Bacon: On me dit qu'on peut établir qu'il en
coûterait environ 3000 $ par hectare, si on devait se servir de la
production d'électricité comme outil d'aménagement
forestier. On sait qu'un programme gouvernemental offre actuellement 300 $ par
hectare pour des travaux de récupération, déblaiement et
brûlage, des andains en vue d'un reboisement. À combien
estimez-vous, dans votre région, ce qu'il en coûterait aux membres
de votre syndicat pour procéder à un aménagement forestier
de qualité? Est-ce que vous avez des coûts? Est-ce que vous avez
fait des études de coûts?
M. Séguin (Pierre): Je vais laisser Daniel
répondre, madame.
Mme Bacon: D'accord.
M. Leblanc (Daniel): On n'a pas fait d'évaluation de
coûts comme tels, mais comme vous avez pu le voir, comme on peut le
sentir dans le programme du ministère pour l'aide à la
forêt privée, on sent un certain manque de participation. Et,
souvent, le problème invoqué, c'est qu'il y a une mise en
marché déficiente dans le sens qu'ils coupent du bois, mais c'est
pour le laisser en forêt. Ils ne sont pas tentés, les producteurs
comme tels, à couper juste pour couper. Ils aménagent, oui. Il y
en a une certaine partie qu'ils aménagent, mais, en grande
majorité, ce n'est pas ce qu'on voit. Et le gros problème,
souvent, c'est la mise en marché, être capable d'avoir un autre
supplément. Je ne dis pas que les subventions sont nécessairement
insuffisantes quoique, dans certains cas, ce n'est pas tout à
fait...
Mme Bacon: Vous aimeriez avoir davantage.
M. Leblanc: Avoir la mise en marché de produits
résiduels à sa forêt, c'est un avantage à
l'aménagement. Ça, c'est indéniable.
Mme Bacon: À la page 12 du mémoire que vous nous
aviez envoyé, vous parlez de la nécessité d'une
étude d'impact économique pour évaluer tous les effets
d'une centrale électrique alimentée au bois. Sur la base de
l'information disponible, il me semblerait prématuré de nous
engager, peut-être, dans cette voie-là. Il nous semble
préférable de procéder d'abord à une étude
de marché pour sonder l'intérêt d'utilisateurs potentiels
pour une valorisation énergétique de la biomasse dans des usages
plus immédiatement rentables que celui que vous préconisez. Moi,
j'aimerais savoir si votre syndicat serait disposé à participer
financièrement à une telle opération et s'il vous semble
possible d'intéresser des industriels, des utilisateurs potentiels. Vous
avez dit qu'il y a déjà des gens qui ont démontré
un intérêt dans votre région. Est-ce qu'ils seraient
prêts à participer avec vous? Peut-être qu'on pourrait
regarder des possibilités.
M. Séguin (Pierre): Je dois vous informer que notre
organisme, disons, au point de vue des lois, c'est très difficile de
s'impliquer, mais que notre conseil d'administration est très
intéressé à faire avancer des fonds pour promouvoir la
promotion de ces projets-là. Disons que c'est nous qui avons
défrayé tous les coûts de la préparation et ce qu'on
espère, c'est de.. En réalité, on pense que,
présentement, la loi et les
conditions de marché d'Hydro-Québec ne permettent pas aux
promoteurs de se lancer. On pense que si on réussit, avec votre
commission et en faisant une étude, à trouver, à
démontrer... On est prêts à s'impliquer, nous, à la
recherche d'un promoteur pour se lancer dans cette voie-là, mais...
Mme Bacon: Est-ce qu'il y a des industriels qui sont prêts
à le faire avec vous?
M. Séguin (Pierre): Je ne peux pas répondre pour,
mais je dois dire qu'il y a un intérêt. Mais je ne peux pas...
Mme Bacon: Ce serait trouvable.
M. Séguin (Pierre): Ce n'est pas impossible parce qu'on
est très bien situés. Je dois dire qu'on se sent dans une
position très confortable, surtout si Hydro-Québec veut
participer d'une façon qui peut nous aider.
Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. Messieurs, ça me
fait toujours plaisir de rencontrer des syndicats de producteurs de bois parce
que je garde un excellent souvenir. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'aller dans
votre région et je suis au fait de votre problème de mise en
marché de vos feuillus. Quand on est passés chez vous, c'est ce
qu'on nous disait et c'est encore ce qu'on dit.
J'ai quelques questions. Premièrement, il y a une petite chose
que j'aimerais vérifier. En tout cas, vous me corrigerez si je me
trompe, mais vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 1, que
vous représentez les intérêts de 13 300 producteurs
forestiers. Est-ce que ce n'est pas plutôt 13 300 propriétaires de
lots boisés privés? Parce que 13 300 producteurs forestiers... Il
y en a 25 000 environ au niveau de la Fédération des producteurs
de bois du Québec au niveau provincial. Est-ce que vous en avez plus de
la moitié chez vous? Ça ne serait pas une petite erreur,
ça?
M. Séguin (Pierre): Vous avez tout...
M. Audet: Est-ce que vous faites partie de la
Fédération, d'ailleurs, ou si...
M. Séguin (Pierre): Je dois vous avouer que notre
organisme n'est pas membre de la Fédération.
M. Audet: O.K. Ça va.
M. Séguin (Pierre): Un mariage, vous savez, des fois il y
a des séparations...
M. Audet: C'est resté comme c'était. Ça
va.
M. Séguin (Pierre): ...et on peut juger être
mieux...
M. Audet: Je vous demande ça parce que, tantôt, vous
avez soulevé le fait que les programmes d'aide à
l'aménagement de la forêt privée, dans votre région,
ça vous a créé des problèmes. Évidemment,
parce qu'ils sont basés sur les anciennes essences commerciales qu'on
appelle: sapin, épinette, pin gris et tout ça. Chez vous, vous en
avez moins, c'est surtout des feuillus. Mais, dans la mesure où le
gouvernement est en train de mettre sur pied, par exemple, des tables de
concertation pour fixer les objectifs de développements
régionaux, pour régionaliser les programmes, est-ce que ça
existe chez vous, ça, même si vous ne faites pas partie de la
Fédération des producteurs de bois? Est-ce que vous avez
monté ces tables-là?
M. Séguin (Pierre): Je dois vous avouer que les tables de
concertation ont été mises en place par Terres et Forêts et
non pas par la Fédération.
M. Audet: Non, non.
M. Séguin (Pierre): La Fédération a
été payée pour faire l'ouvrage, pour nous envoyer la
documentation. On a mis nos tables de concertation en place, on a produit un
rapport qui a été acheminé au ministre
Côté.
M. Audet: O.K. D'accord. Une chose qui me vient à
l'esprit, la ministre l'a soulevée tantôt: Est-ce que, chez vous,
ça serait concevable... Il y a une recommandation, d'ailleurs, dans le
rapport - en tout cas, quand je pense qu'il fait son petit bonhomme de chemin -
c'est au niveau de ce qu'on appelle des fonds forestiers, un fonds forestier
provincial. Est-ce que, chez vous, ça ne serait pas intéressant,
à un moment donné, de rencontrer des industriels et des gens qui
sont intéressés à la forêt, à son
exploitation ou qui en tirent des bénéfices, quels qu'ils soient,
et vous monter une espèce de fonds forestier régional qui
pourrait servir, par exemple, je ne sais pas, moi, à faire la promotion
de la cogénération, entre autres, avec des usines de pâtes
et papiers, des choses comme ça, pour éliminer les essences que
vous n'êtes pas capables de passer sur le marché parce qu'il n'y a
pas d'acheteur?
M. Séguin (Pierre): Nous en avons un présentement.
C'est notre fonds de recherche qui nous a permis de se servir des sommes
d'argent pour produire un document pour venir en commission. Disons qu'on est
prêts à l'élargir pour l'étendre sur une plus grande
échelle. Votre idée, je sais qu'elle a été
semée, mais elle est bien reçue chez nous. Disons qu'on a des
gens qui sont très dynamiques. Vous avez mentionné un
organisme qui, nous croyons, est très valable, mais il a des
problèmes et il a oublié d'évoluer. Ça fait que
nous pensons qu'il va évoluer, mais ça, c'est un autre
problème. On n'est pas ici, je crois, pour régler ce petit...
M. Audet: O.K. Dans la mesure où, par exemple, demain
matin, je ne sais pas... Je sais qu'il y a des gros efforts de faits chez vous,
avec des industriels et tout ça, des gens du milieu, pour mettre sur
pied des usines, par exemple, de panneaux agglomérés, je ne sais
pas, là. Mon collègue de Papineau qui est dans cette
région-là pourrait peut-être me corriger. Il n'y a pas eu
des annonces d'usines récemment de faites pour...
M. Séguin (Pierre): II y a quelque chose.
M. Audet: ...justement écouler sur le marché les
feuillus en surplus que vous avez?
M. Séguin (Pierre): Oui, il y a quelque chose qui est dans
l'air sur ça. Mais lorsqu'on parle de biomasse, on ne parle pas de
matière ligneuse qui...
M. Audet: Non, ça va.
M. Séguin (Pierre): ...pourrait servir soit pour de la
pâte kraft ou des panneaux ou pour...
M. Audet: Oui.
M. Séguin (Pierre): Nous, on veut vraiment utiliser ce
qu'on appelle les déchets...
M. Audet: Oui.
M. Séguin (Pierre): ...la sciure, l'écorce...
M. Audet: Oui.
M. Séguin (Pierre): ...vraiment les branches qui ne sont
vraiment pas utilisables. On ne veut pas se servir de... On aimerait garder la
matière ligneuse qu'on a pour des usines de transformation qui sont plus
valorisantes que la biomasse comme telle. On est d'accord sur ça.
M. Audet: O.K. Ça va. En tout cas, ça va pour moi,
M. le Président. Merci beaucoup.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Beauce-Nord. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: M. le Président, il me fait plaisir de vous
souhaiter la bienvenue parmi nous pour regarder ensemble tout ce
problème-là de la cogénération ou, enfin, de la
production d'électricité à partir des résidus
forestiers. À date, il y a eu beaucoup d'études qui ont
été faites au
Québec, un peu partout, et même c'est très populaire
d'en parler. Moi, je dois vous dire que même dans la ville où je
demeure, à Chapais, actuellement, tout le monde parle de ça. On
parle de voir de quelle façon on peut faire de la
cogénération ou de la production d'électricité. On
nous parte d'étude à Senneterre, on nous parle d'étude
à Amos, on nous parle d'étude dans les Cantons de l'Est, on nous
en parle partout. Sauf qu'il y a un dénominateur commun en bout de
piste, c'est que, nulle part, c'est rentable, pour toutes sortes de raisons.
Évidemment, quand je regarde vos chiffres en annexe, dans les six
annexes que vous avez, la seule façon d'arriver à dégager
des revenus dans le scénario 2 de l'annexe 6... Disons qu'après,
ça représente quand même un certain nombre
d'hypothèses qui ne sont pas nécessairement réalisables ou
faciles à réaliser et, encore là, on parle d'un revenu de
9000 $ par année, d'un bénéfice net de 9000 $ par
année avec un investissement de 37 000 000 $. C'est difficile,
effectivement, d'attirer des investisseurs privés pour un taux de
rendement aussi précaire.
Enfin, moi, je me demande jusqu'à quel point c'est possible ou si
vous avez fait des études ou si vous pensez regarder ça, la
possibilité d'améliorer les technologies et peut-être de
voir une approche qui soit différente de celle de la combustion, de la
chaudière à combustion, comme on voit? Est-ce que vous pensez
qu'il y a, quelque part, un moyen qui pourrait nous permettre, si on s'y
mettait vraiment, de réussir à rentabiliser un tant soit peu ces
investissements parce que, effectivement, le résidu forestier, c'est un
gros problème?
M. Séguin (Pierre): Chez nous, ce n'est peut-être
pas rentable, mais si on regarde chez nos voisins du Sud, c'est très
rentable. J'ai des amis qui en vivent très bien et ils font la
cogénération; c'est que, eux, ils considèrent leur
aménagement forestier. Quelle valeur vous voulez mettre à la
forêt? Une forêt de qualité, je ne vous parle pas d'une
forêt... Écoutez, chez nous, on parle de chêne, on parle de
bois blanc, on parle de merisier, on parle de noyer, de cerisier. Ce sont des
bois de grande valeur. Ce sont les bois nobles. On veut les aménager.
Ça prend du temps. À l'hectare, qu'est-ce que ça vaut une
forêt? Écoutez, nous, on est dans le commerce du bois à
tous les jours. Présentement, nos industriels, pour avoir du bois de
qualité, sont obligés de l'importer des États-Unis,
l'amener ici au Québec pour le transformer et pour pouvoir le revendre
par après. En réalité, dans l'étude, les chiffres
qu'on vous a donnés, c'est sûr et même c'était un peu
voulu de montrer que c'était vraiment... C'est un scénario
négatif. On n'a même pas mentionné la
cogénération. Si vous ajoutez la cogénération, vous
améliorez grandement la rentabilité d'une usine. C'est pour
ça que nous, on pense qu'il faudrait que ce soit
étudié. Présentement, on ne croit pas qu'il y ait
eu d'étude qui ait vraiment tenu compte du contexte qu'on a ici avec
Hydro-Québec et une forêt, dans notre contexte
québécois à nous. Je ne suis pas sûr s'il y a eu
quelque chose. Je suis d'accord qu'il y à eu beaucoup d'études,
mais c'est sûr qu'il faut prendre soin d'être à date dans la
technologie, ça je vous le concède, mais je pense qu'il ne faut
pas oublier l'aspect de l'aménagement de la forêt dans ce contexte
qu'on a présentement ici au Québec.
Le Président (M. St-Roch): M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bienvenue à la
commission, d'autant plus que ce dont vous parlez, j'ai eu l'occasion en 1976,
à mon élection, de commencer déjà à en
parler puisqu'il y avait tout le contexte de ce qu'on appelait le réseau
non relié. Parent, dans mon comté, est un coin qui n'était
relié par aucun système hydroélectrique. On devait monter
à Parent, pour les génératrices qui permettaient la mise
en place de l'électricité faite à Parent même,
à partir du poste non relié de l'époque, du mazout qui
faisait que, finalement, ça coûtait énormément cher.
J'avais donc rencontré des gens du réseau non relié, on
l'appelait de même à l'époque, et on a jasé entre
nous autres pour savoir de quelle façon on pouvait amener de
l'électricité à Parent. Comme la descente
électrique du Grand-Nord arrivait au poste La Vérendrye, moi, je
me disais dans ma petite tête à moi: Est-ce que ce serait possible
de prendre à la station La Vérendrye une sous-station qui
amènerait l'électricité à Parent? Les superbes
messieurs, dames d'Hydro-Québec m'ont dit: M. le député,
vous rêvez en couleur. C'est correct, parfait. Comme je rêvais en
couleur, j'ai dit: À ce moment-là, on va peut-être
rêver autrement. J'ai demandé au ministre de l'époque, M.
Joron, de regarder la possibilité, justement, de la biomasse et d'usines
thermiques pour fabriquer l'électricité. L'étude qu'on
avait faite à l'époque dans le milieu... Parce que, là, il
faut rappeler à des gens qui posaient des questions sur la biomasse tout
à l'heure qu'on va aller chercher les racines et le faîte des
arbres et qu'on va essayer de conserver le milieu de l'arbre à des fins
économiques possibles, soit de déroulage ou d'autres, sauf que,
quand ce n'est pas possible, on le prend au complet et on l'envoie à la
biomasse, au complet. On m'a dit, à l'époque de 1979, que
ça coûtait à Parent - toutes les études
étaient faites - 7 000 000 $ pour faire une usine qui permettrait de
donner l'électricité à Parent, au village et à
l'usine de l'époque, qui est devenue Howard-Bienvenu en cours de route,
et qui, elle, avait des idées d'aller plus loin dans son cheminement
pour avoir un lieu de séchage et autre. Ça, ça
été fait avec la compagnie Nouveler que vous connaissez, parce
que moi, j'ai toujours dit qu'il n'y a pas nécessairement de nouvelles .
énergies, il y a peut-être des énergies retrouvées
ou renouvelées, et c'en est une, celle-là, d'ailleurs, qui est
retrouvée par rapport à ce qu'on faisait dans le passé.
Jusqu'au jour où les gens ont eu peur, et c'est peut-être un
message à Hydro-Québec, de perdre leur monopole quand ils ont vu
que Nouveler, parce qu'ils en faisaient partie, eux autres, avait l'intention
de l'implanter; ça s'en venait. Ils ont décidé que
c'était logique maintenant de relier Parent au poste de La
Vérendrye et, aujourd'hui, à partir de 1985, il y a Parent qui
est reliée au poste de La Vérendrye. Eux autres trouvaient
irréaliste l'hypothèse de départ, parce qu'on avait
justement fait les études pour arriver à l'usine thermique de
Parent qui aurait pu servir de modèle partout ailleurs au Québec;
on s'est retrouvé, finalement, avec des gens qui ont dit: Ah bien,
maintenant, le métha-nol, n'y pensez plus et
l'électricité, n'y pensez plus. C'était fini. Là,
vous revenez avec cette idée que je trouve intéressante. (17 h
45)
C'est sûr et certain que, quand on regarde l'ensemble du dossier,
vous faites mention du coût et, vous me le direz si j'ai tort, vous
parlez d'une production qui est prévue chez vous de 22 mégawatts
à raison de 1 500 000 $ par mégawatt pour la construction d'une
usine, ce qui donnerait à peu près 33 000 000 $ pour l'usine
comme telle. Ce seraient les chiffres que vous auriez vérifiés
pour le moment, d'une usine qui serait chez vous et qui produirait 22
mégawatts. Est-ce bien ça?
M. Séguin (Pierre): C'est une firme de consultants qui
nous a fourni ces chlffres-là. Donc, il ne s'en est jamais construit au
Québec, alors c'est difficile...
M. Jolivet: Non, je le sais.
M. Séguin (Pierre): ...d'avoir un chiffre exact.
Peut-être pour votre intérêt. Dans les années
1983-1984, il y a eu 22 projets qui ont été approuvés par
Ottawa, des projets énergétiques par le programme ENFOR. Lorsque
HydroQuébec est venue de l'avant avec son programme biénergie,
ces 22 programmes ont été cancellés parce qu'il
n'était plus rentable pour les industriels d'aller de l'avant avec ces
projets-là.
M. Jolivet: Parce que, quand j'entendais des questions tout
à l'heure, j'avais quasiment l'impression qu'on était en train de
vous décourager en vous disant: N'y pensez plus; plutôt, utilisons
votre bois et on va vous aider à aménager votre forêt et,
à ce moment-là, peut-être que vous ne reviendrez plus avec
cette idée farfelue de faire une usine thermique. Est-ce que,
malgré tout ça, dans le contexte actuel, vous croyez que c'est
réalisable et de quelle sorte d'aide avez-vous besoin pour que ce
soit
réalisable? Est-ce que c'est Hydro-Québec qui doit
investir? Est-ce que c'est le gouvernement qui doit vous aider? De quelle
façon voulez-vous procéder?
M. Séguln (Pierre): Écoutez, je ne voudrais pas
aller en avant des conclusions d'une étude qui pourrait être
faite, mais moi, je crois que, si j'étais Hydro-Québec,
j'aimerais avoir des alliés de mon côté et avoir une
dizaine ou une vingtaine de petites usines qui produiraient. Il me semble que
ce serait un atout pour eux autres. Je suis sûr que ce ne seraient pas
les usines qui seraient les plus rentables, mais il y aurait peut-être
des partenaires qui seraient très dynamiques et qui seraient
impliqués dans le milieu et, comme on dit, qui seraient à la
source des centres pour la distribution. Moi, je vois ça comme un gros
plus. Je ne le sais pas, je pense que... Une étude, je reviens sur ce
point-là, je crois qu'il y a beaucoup de choses à regarder de
près, mais il faudrait qu'Hydro-Québec fasse l'exercice d'une
façon qu'ils ne croient pas que ce soit une menace, mais que ce soit
plutôt un atout pour eux autres et qu'il va se joindre un partenaire
à eux autres.
M. Jolivet: O.K. Il y a deux choses que je vais vous dire. En
vertu de la loi sur la nationalisation de l'électricité qui a
été renouvelée par le Parti québécois, qui a
été renouvelée par le Parti libéral, il y a la
possibilité d'aménager des petites centrales, des toutes petites.
À ce moment-là, ce que vous êtes en train de dire, c'est
que ce que l'on a donné par loi, parce que j'ai cru comprendre tout
à l'heure que vous dites: Pour nous, investir dans une usine thermique,
si jamais on voulait investir un jour, la loi ne nous le permet pas et la loi
ne nous donne pas les moyens de pouvoir mettre de l'argent avec
Hydro-Québec dans ce sens-là.
M. Séguin (Pierre): La législation est un peu
floue. Je ne suis pas un spécialiste dans le domaine, mais ça
prendrait, comme on dit, une modernisation. Je crois que vous êtes des
experts dans ça. Vous pourriez nous aider plus. Mais,
présentement, ce n'est pas clair et je crois que c'est un des aspects
qu'il faudrait améliorer.
M. Jolivet: Donc, ça, c'est une partie de la question dont
je parlais et ce qu'on dit, la loi qui est renouvelée au niveau des
acquis des petites centrales.
Maintenant, vous dites: On veut agir comme partenaires avec
Hydro-Québec. Vous savez, des fois, j'ai l'impression... C'est une
opinion bien personnelle que je donne là, mais avec ce que j'ai comme
expérience depuis 14 ans maintenant en politique, je vais vous dire
qu'à l'époque, quand je suis arrivé en 1976, encore une
fois, quand on allait au ministère de l'Industrie et du Commerce, si tu
n'amenais pas une grosse aluminerie, tu étais mieux de t'en aller chez
toi parce que les petits projets, ce n'était pas intéressant pour
eux autres. Les gars attendaient le cadeau de l'extérieur. Est-ce que
vous avez l'impression, des fois, qu'Hydro-Québec. dans des dossiers
comme ceux-là - je suppose que vous avez eu des contacts avec eux autres
- agit comme disant: Écoute, nous autres, on s'occupe des gros barrages;
les petits autres, laisse-nous tranquilles avec ça.
M. Séguin (Pierre): Oui, mais je crois qu'ils ne sont pas
les seuls à mener la barque. Je pense que beaucoup de gens se sont
aperçus que l'emploi est créé par les PME et non pas par
les grosses industries. Je crois que si vous mettez une dizaine ou une
vingtaine de petites entreprises en place, vous allez vraiment créer de
l'emploi et non pas juste, comme on dit, quelques petits emplois dans une
grosse entreprise.
M. Jolivet: Ce que vous êtes en train de nous demander
aujourd'hui, en fait, c'est de nous sensibiliser, comme membres de la
commission, avec une décision que la ministre aura à prendre et
qu'Hydro-Québec aura à prendre, c'est-à-dire: Donnez-nous
l'argent pour faire l'étude, peu importe le résultat de
l'étude, on verra à ce moment-là; mais donnez-nous au
moins la chance d'aller plus loin dans le cheminement qu'on a fait
jusqu'à maintenant, aidez-nous financièrement pour le faire de
façon à ce qu'on sache si c'est rentable, comme c'est ailleurs,
dans certains cas, rentable, de mettre en place des usines thermiques qui
produiraient la chaleur nécessaire à la fabrication
d'électricité. Et, en conséquence, vous dites: II ne
faudrait pas, dès le départ, nous dire que ça ne marchera
pas.
M. Séguin (Pierre): Non. Nous, on est convaincus que si on
prend tous les coûts cachés on peut démontrer que ça
peut être rentable. Ça ne sera pas une affaire où on va
faire des millions, mais si on prend tous les coûts cachés, on
croit fermement qu'il y a l'avantage pour l'État et les producteurs
privés.
M. Jolivet: En tout cas, quant à moi, je pense que c'est
une avenue qu'il faut regarder et il faudrait, à ce moment-là,
qu'Hydro-Québec accepte, soit par l'intermédiaire de la ministre
ou par l'intermédiaire de sa propre décision à
elle-même, d'aller dans ce sens-là. Maintenant, j'aimerais savoir
de votre part si vous avez déjà eu des contacts avec
Hydro-Québec ou si le fait de venir à la commission parlementaire
aujourd'hui, c'est votre premier contact avec la commission, la ministre, pour
aller ensuite vers Hydro-Québec? Si vous en avez eu, quels ont
été les résultats jusqu'à maintenant?
M. Séguin (Pierre): Je vais demander à Daniel de
répondre.
M. Leblanc: On n'a pas eu réellement de contact avec
Hydro-Québec. On a plutôt reçu de l'information
d'Hydro-Québec, par exemple, sur des projets. Plutôt avec le
ministère de l'Énergie et des Ressources, je pense que c'est le
Centre de valorisation de la biomasse...
M. Jolivet: Oui.
M. Leblanc: ...ou quelque chose du genre. On a reçu de
l'information d'eux de nos consultants, de notre consultant plutôt. Puis,
avec ces données on est partis, on a fait notre étude. Mais pour
avoir un contact réel avec HydroQuébec, non. On aimait mieux pas
trop mettre la chose à jour tout de suite.
M. Jolivet: Donc, le premier contact que vous avez de
façon plus directe avec les gens de la commission, c'est un message que
vous lancez de dire: Aidez-nous à finaliser l'étude; si
l'étude, au bout de la course, en plus de ça, nous permet de
valoriser à la fois la forêt publique et la forêt
privée, tant mieux, on aura eu deux buts en en cherchant un seul. Je
comprends ça de même.
M. Leblanc: Moi, je voulais juste préciser quelque chose
à Mme la ministre. Quand vous parliez de cogénération au
niveau des entreprises, les approches qu'on aurait peut-être faites avec
des entreprises, il y a un gros problème qui risque d'arriver avec ces
grosses entreprises-là justement. C'est que l'avantage qu'elles ont de
faire de la cogénération ou d'utiliser les résidus de
bois, c'est surtout pour disposer de leurs déchets. La forêt
privée en question risque de ne pas nécessairement avoir sa part
dans ce jeu-là. Je voulais juste préciser ça.
Le Président (M. St-Roch): M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: En ce qui me concerne, je suis tout à fait
d'avis avec mon collègue de Laviolet-te qu'il s'agit d'une piste que
l'on doit explorer en termes d'utilisation des résidus forestiers. Le
problème des résidus forestiers, il est vrai à la grandeur
du Québec. Il est peut-être plus crucial chez vous dans la mesure
où, entre autres, le copeau de feuillu n'est pas encore vraiment
à la mode dans la fabrication des pâtes diverses. On aime mieux
les copeaux de résineux. Dans ce sens-là, il y a plus de
déchets aussi, de pertes avec les branches et, enfin, la grosseur des
troncs, tout ça, ce qui entraîne un certain nombre de pertes
supplémentaires.
Là où, je pense, on aura vraiment à travailler tout
le monde ensemble pour arriver à déterminer une vraie politique,
c'est dans la mesure où, finalement, au moment où on se parle,
quand on regarde la rentabilité strictement par rapport à
l'investissement, les données sont unanimes à peu près
partout, ce n'est pas rentable. A tel point même que Cascades, dans les
Cantons de l'Est, fait de la cogénération, mais n'utilise
même pas ses propres résidus pour le faire. Elle le fait avec du
gaz naturel et elle alimente ses usines de pâte avec de la vapeur
à basse pression qui sort de ses turbines. Mais ces mêmes
turbines-là, elles marchent au gaz naturel, elles ne marchent pas avec
des résidus forestiers, parce que c'est encore moins cher de le faire au
gaz naturel où elle réussit à le faire pour à peu
près 0,04 $ le kilowattheure, alors que ça vous prend autour de
0,08 $ le kilowattheure, au minimum, avec les résidus forestiers.
Mais ceci étant dit, je pense qu'il ne faut pas s'arrêter
là. Et vous avez tout à fait raison de pousser et de voir
à ce qu'on étudie ça d'une façon beaucoup plus
sérieuse parce qu'il n'y a rien qui dit que, parce que aujourd'hui
ça ne coûte pas cher, l'hydroélectricité, ce n'est
pas rentable de le faire. Mais il n'y a rien qui dit que, dans dix ans,
ça ne sera peut-être pas une des alternatives que l'on aimerait
bien avoir sous la main, ne connaissant pas de quelle façon, non plus,
vont évoluer les prix de l'hydroélectricité au cours des
prochaines années. Dans ce sens-là, je pense, en tout cas, avec
vous, qu'il serait tout à fait intéressant de regarder quelque
chose de ce genre-là à titre de projet expérimental, de
projet pilote et de complément, finalement, de l'industrie
forestière. Oui, est-ce que vous avez quelque chose à
ajouter?
M. Séguin (Pierre): Non, non, c'est parfait.
Le Président (M. St-Roch): Alors, en conclusion, M. le
député d'Ungava, pour remercier nos invités.
M. Claveau: Je vous remercie donc de votre présentation.
Je m'excuse d'avoir été un peu long, mais il me semble que
c'était intéressant de voir à quel point vous vous
intéressez à cette situation-là et de faire la connotation
de l'importance de l'intégration de la production de
l'hydroélectricité à travers d'autres activités
économiques. On n'est pas uniquement des consommateurs inconditionnels,
mais on peut aussi avoir des activités de production
d'électricité qui soient tout à fait
complémentaires à celle de l'hydroélectricité et,
éventuellement, à des coûts moindres. Entre autres, si on
regarde le coût de la production de pointe à HydroQuébec,
ce n'est pas évident qu'elle coûte uniquement 0,02 $ le
kilowattheure, quand on parle de la technologie pour répondre à
la demande de pointe. Et dans ces cas-là, on aurait peut-être
avantage à regarder plus précisément des
compléments comme les vôtres. Alors, merci de votre
présentation.
Le Président (M. St-Roch): Merci, M. le
député d'Ungava. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, je pense que vous avez
réussi à sensibiliser davantage les membres de la commission sur
votre dossier de la biomasse. On n'en a pas entendu parler beaucoup quand
même depuis le début de cette commission parlementaire. C'est
important que vous l'ayez fait.
Maintenant, je pourrais peut-être vous informer qu'il y a un
programme au ministère de l'Énergie et des Ressources qui donne
des subventions pour des études de faisabilité. Il y a des gens
du ministère qui sont ici avec moi qui vont vous rencontrer
après. Déjà, c'est un début de sensibilité
qu'on peut avoir à votre problème. Mais je pense qu'il y a des
possibilités de faire des études de faisabilité chez vous
qui seraient à même un programme de subventions de notre
ministère. Alors, c'est un début. Merci.
Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. Je
tiens à remercier les porte-parole du Syndicat des producteurs de bois
Outaouais-Laurentides pour leur apport aux travaux de cette commission. Sur ce,
la commission va suspendre ses travaux jusqu'à 19 h 30, en rappelant aux
membres de la commission que nous procéderons, à ce
moment-là, à l'étude des crédits du
ministère du Tourisme.
(Suspension de la séance à 17 h 59)