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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission de l'économie et du travail se réunit pour
des consultations générales et des auditions publiques sur la
situation et les perspectives de l'énergie électrique au
Québec. Ce matin, nous recevons, dans un premier temps, la Chambre de
commerce du Québec. Alors, bonjour messieurs. Vous connaissez sans doute
nos règles de procédure. Je vous les rappelle quand même.
Vous avez vingt minutes ferme pour la présentation de votre
mémoire et il y aura, par la suite, une partie d'échanges avec
les parlementaires. Dans un premier temps, je vous inviterais à
identifier votre porte-parole, à présenter ceux qui
l'accompagnent et à procéder à la lecture de votre
mémoire. Je vous en prie.
Chambre de commerce du Québec
M. Lambert (Jean): Merci, M. le Président. Mon nom est
Jean Lambert. Je suis le président de la Chambre de commerce du
Québec. J'ai le plaisir d'avoir à mes côtés M. Louis
Arsenault qui est le président du conseil d'administration de la Chambre
et, à ma droite, M. Jean-Claude Riendeau, directeur
général de la Chambre de commerce du Québec.
M. Riendeau (Jean-Claude): Bonjour.
M. Lambert: M. le Président, vous me permettrez de faire
un résumé du mémoire que nous vous avons fait parvenir.
Pour débuter, j'aimerais vous dire que la Chambre de commerce du
Québec est un organisme qui, comme vous le savez probablement, rejoint,
a sous son ombrelle 230 chambres affiliées qui sont réparties
à travers le territoire du Québec et elle a aussi, comme
clientèle immédiate, 7500 sociétés membres. Ces
sociétés membres sont de toute nature et de toute envergure,
c'est-à-dire que nous avons de grandes sociétés, telles
des compagnies minières, des compagnies de service et la grande
majorité, soit plus de 75 % de nos sociétés membres, sont
des petites et moyennes entreprises du Québec. Or, toutes ces
sociétés et ces chambres participent et croient dans les
mêmes valeurs qui sont que le progrès économique doit
favoriser la liberté individuelle et d'entreprise et ces libertés
se font voir dans le jeu de la concurrence et dans le sens des
responsabilités. Donc, ces trois grandes valeurs que nous partageons
sont la crédibilité, l'équité et l'esprit
d'équipe. Lorsque nous discutons ou que nous regardons
Hydro-Québec, nous la voyons comme étant un des moteurs
économiques au Québec et on doit dire que c'est certainement un
des leaders, une des sociétés leaders qui évoluent et qui
transigent au Québec. Le "feed-back" de nos membres est à l'effet
que cette image de leader de la société au Québec s'est
quelque peu détériorée au cours des années. Et si
on retourne un peu en arrière et que l'on regarde certains sondages qui
avaient cours, eh bien, plus de 95 % des interviewés disaient
qu'Hydro-Québec était, sûrement, "la société"
au Québec. Sauf que, malheureusement, ce sondage, si on le refaisait de
nos jours, ces jours-ci, on s'apercevrait d'une diminution importante de ce
pourcentage, en termes d'image et de crédibilité. La Chambre de
commerce du Québec préconise-Avant de débuter, j'aimerais
peut-être, M. le Président, mentionner aussi un autre
élément: Dernièrement, le gouvernement a agi par une loi
spéciale, et je dois vous dire que, dans cette loi que le gouvernement a
mise de l'avant, il a légiféré sur des conditions de
travail d'une part, et aussi sur un autre élément, qui a pour
nous un objet et une qualité importante, soit la sous-traitance. Or,
nous partageons entièrement cette question de sous-traitance, qui doit
être laissée à l'entreprise privée. Et c'est la
raison pour laquelle je voudrais la soumettre immédiatement. C'est que,
dans notre mémoire, qui avait déjà été
transmis avant que ces nouvelles données soient faites, je voudrais,
tout simplement, faire état du fait que nous sommes entièrement
d'accord avec cette question.
Pour en revenir, donc, à la position de la Chambre, en ce qui
concerne l'autonomie de la société de gestion,
c'est-à-dire de la société Hydro-Québec, eh bien,
nous croyons qu'Hydro-Québec a un actionnaire. Et cet actionnaire, c'est
la population du Québec, par l'entremise de son gouvernement. Et le
rôle de l'actionnaire, à ce que nous croyons, c'est de
déterminer, à l'intérieur d'un mandat, ce que les
dirigeants d'une société ont comme responsabilités. Et
lorsque l'on sait que les règles d'économie de marché,
d'économie planifiée et le jeu politique viennent à
intervenir, nous croyons que ça rend des décisions difficiles.
Dans la mission qui a été donnée par l'actionnaire, nous
voyons comme mission qu'Hydro-Québec doit avoir le meilleur
réseau d'électricité, doit avoir les meilleurs
coûts, doit avoir le meilleur service et tout ceci doit rejoindre un
client qui est la clientèle d'Hydro-Québec.
Nous croyons, de plus, qu'Hydro-Québec est une entreprise, comme
nous l'avons dit, qui est un leader, mais, comme leader, elle doit aussi
être un bon citoyen corporatif et afficher une
responsabilité sur le plan social en ce qui concerne l'environnement en
particulier. Donc, dans les recommandations que nous vous avons fait parvenir,
nous vous disions qu'Hydro-Québec devrait avoir une autonomie de gestion
interne et que, deuxièmement, le gouvernement devrait déterminer
les orientations, faire respecter la réglementation et garder le
contrôle de la tarification.
En ce qui concerne la qualité du service, je voudrais souligner
le danger que représente une entreprise non confrontée au jeu de
la compétition. Et quand je fais cette remarque, je voudrais simplement
souligner par là combien il est encore plus difficile, lorsqu'on est
dans une entreprise unique et qu'il n'y a pas de compétition, de
satisfaire une clientèle et que, pour ce faire, on doit absolument
prendre des moyens, je dirais, plus pointus de façon que la
clientèle puisse obtenir toutes les garanties de service et de
qualité.
Permettez-moi de souligner simplement que, comme contribuables, combien
de fois nous tentons de rejoindre les employés d'Hydro-Québec par
téléphone et combien de fois nous ne pouvons leur parier.
Problème qui, en 1990, me semble difficile à comprendre que la
clientèle ne puisse avoir réponse au bout de la ligne.
Deuxième point que nous aimerions souligner, c'est concernant les
pannes d'électricité. Nous sommes d'accord sur les moyens
qu'Hydro-Québec tente de mettre de l'avant pour amoindrir et diminuer
cette question des pannes. Quant à celles qui sont des interruptions de
service planifiées, nous préconisons, comme le fait
Hydro-Québec, de prévenir 24 heures à l'avance tout projet
dans ce sens.
Nous sommes heureux aussi de constater qu'Hydro-Québec veut faire
la diffusion et mettre en pratique les versements égaux. Nous savons
comment, autant pour les individus que pour des entreprises qui ont à
gérer - excusez le terme - le "cash-flow" ou, enfin, la sortie de fonds
sur une base régulière, c'est pas mal plus facile d'avoir un
budget de cette façon-là que d'arriver avec des sommes d'argent
qui sont élevées dans des périodes de l'année
où il peut arriver, pour ces contribuables, de ne pas avoir
nécessairement les capitaux et qu'on doive faire des emprunts à
cet effet.
Le dernier point sur lequel nous sommes d'accord aussi, c'est de
diminuer les délais de raccordement, c'est-à-dire de
réduire ces délais de façon que les entreprises puissent
être capables d'être en opération rapidement.
Donc, en ce qui concerne la qualité des services, M. le
Président, nous disons à la société: Soyez
responsable, comme toute autre entreprise. Je voudrais souligner, en termes de
responsabilité, un élément, et je pense qu'on ne pourra
jamais le dire assez, M. le Président, c'est le phénomène
des petites et moyennes entreprises qui souffrent des délais
intolérables de paiement en ce qui concerne les fournisseurs à
Hydro-Québec. Vous comprendrez que, dans l'état actuel, avec les
taux d'intérêt élevés que ces fournisseurs ont
à payer sur des engagements à la banque, tout simplement pour
fins d'information, peut-être, sachez que lorsqu'une entreprise a une
marge de crédit, qu'elle donne ses comptes recevables en garantie
collatérale, il n'y a que 75 % de ce montant-là qui est admis
selon les règles d'or, par les banques. Donc, l'entreprise doit trouver
un montant de 25 % de ses comptes recevables dans des capitaux autres et,
lorsqu'on voit une entreprise comme HydroQuébec, qui prend
jusqu'à 120 jours pour payer ses fournisseurs et quelquefois plus, il me
semble que c'est vraiment une situation sur laquelle on devrait
immédiatement se pencher.
Développement industriel versus les petites et moyennes
entreprises. Dans le document qui a été remis par
Hydro-Québec, nous voyons que 74 %, M. le Président, des
bénéfices relatifs d'Hydro-Québec sont payés sous
forme de base tarifaire par les petites et moyennes entreprises et, à ce
sujet, nous nous permettons simplement de souligner qu'il nous semble que c'est
comme si c'était une taxe, que je n'appelle pas déguisée,
mais une certaine taxe vis-à-vis des petites et moyennes entreprises qui
sont, comme nous le savons au Québec, les plus grosses
génératrices d'emplois. Or, si nous étions capables
d'amoindrir ou de diminuer cette tarification envers ces petites entreprises,
eh bien, ce seraient des coûts moins élevés et donc une
meilleure compétitivité qui serait à l'avantage des
entreprises québécoises et la conséquence de ça
serait un meilleur et un plus grand emploi.
Permettez-nous aussi de souligner un point sur lequel nous nous sommes
penchés et qui concerne l'implantation d'alumineries au Québec.
Nous sommes conscients que ce sont des dossiers de grande envergure, mais nous
aimerions par contre que, dans des contrats d'énergie qui sont
négociés pour la venue de ces entreprises, l'on puisse mettre
dans ces contrats la possibilité de produire des biens
manufacturés au Québec. Et, lorsqu'on considère qu'une
entreprise, une aluminerie une fois qu'elle est construite, le nombre d'emplois
peut être de un à dix, en termes de ratio, versus les produits
manufacturés à la suite de cette implantation, alors, il nous
semblerait simplement équitable que dans ces contrats d'énergie
l'on puisse négocier cette possibilité avec ces entreprises.
Un autre point que nous soulignons aussi et sur lequel nous
questionnons, c'est à savoir si, maintenant que l'implantation de ces
grandes entreprises d'aluminerie est faite en termes de futur, c'est encore une
nouvelle aluminerie qu'on devrait avoir ou bien regarder le marché de
l'exportation? Lequel des deux est le plus rentable pour le Québec? En
ce qui nous concerne, on croit maintenant que le secteur de
l'exportation a certainement des acquis et des possibilités
extrêmement favorables pour le Québec.
Un autre point, en ce qui concerne l'environnement, la Chambre de
commerce du Québec, comme vous le savez, s'est prononcée sur la
question du développement durable. Et nous sommes absolument d'accord
avec ce dossier tel qu'Hydro-Québec l'a elle-même émis,
sauf que nous aimerions qu'Hydro-Québec, qui est un leader, comme nous
l'avons mentionné, soit une génératrice, afin d'augmenter
ses initiatives dans le sens de l'efficacité énergétique,
de continuer à en faire la promotion, de façon à diminuer
les coûts d'une part, et, d'autre part, à développer de
nouvelles options pour les entreprises.
La chambre favorise le dossier qu'Hydro-Québec veut mettre de
l'avant, soit l'éducation des employés en matière
d'environnement et la campagne de formation envers son public et surtout les
jeunes. Je me permettrai peut-être de répondre à des
questions, s'il y a lieu, un peu plus tard là-dessus, mais simplement
pour aller peut-être un peu plus rapidement, M. le Président, je
veux vous mentionner que dans le dossier technologique, nous applaudissons le
fait qu'Hydro-Québec ait formé avec des partenaires le fonds
Capiteq. Nous sommes absolument d'accord avec ce geste et nous espérons
même que cette question pourra se développer. Nous savons comment,
dans la recherche et le développement, tout ce qui est produit, mis de
l'avant... Et, d'ailleurs, la Chambre en fera la promotion sur une base
extrêmement visible avec un prochain événement qui se
tiendra au mois de novembre et où nous mettrons de l'avant, justement,
le savoir-faire québécois. Et nous sommes heureux de constater
que le gouvernement du Québec, via Hydro, ait décidé
d'être un partenaire dans cette aventure.
M. le Président, voilà...
Le Président (M. Bélanger): Si vous vouliez
conclure, s'il vous plaît.
M. Lambert: Alors, voilà nos remarques et recommandations,
M. le Président, et nous sommes à votre disposition pour
répondre à toute question que vous pourriez juger à
propos.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Je
profite de l'occasion pour souligner la présence de M.
Létourneau, qui est le vice-président exécutif de votre
Chambre de commerce et je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Lambert, la Chambre de commerce du Québec
est certainement un intervenant majeur pour représenter les milieux
d'affaires, notamment les PME. Votre mémoire est, en quelque sorte, un
reflet de l'attitude des PME relativement à Hydro-Québec, que ce
soit en termes de qualité de service ou en termes de produits. Vous avez
parlé de tarification équitable, du souci qu'Hydro-Québec
soit productive et qu'elle encourage, en même temps, le
développement des PME dans le domaine technologique. Et vous
dénoncez une certaine ingérence gouvernementale face à
l'autonomie de la gestion interne de l'entreprise, sans toutefois mentionner
que le gouvernement a comme devoir de protéger les intérêts
de la population en termes de continuité de service, par exemple. Je
vais y revenir tantôt au niveau de mes questions.
À la page 20 de votre mémoire, par exemple, vous
recommandez que les réglementations futures sur l'environnement
privilégient les objectifs à atteindre plutôt que
d'édicter des moyens précis et détaillés. Est-ce
que vous voulez dire, par cette recommandation-là, que le gouvernement
doit, dans le cadre de sa réglementation, se limiter à imposer
des limites, des normes environnementales, sans tenir compte des technologies
disponibles ou économiquement réalisables?
M. Lambert: C'est exact, madame. Ce que nous croyons, c'est, une
fois que les objectifs sont définis, de laisser aux gestionnaires la
possibilité d'édicter des moyens eux-mêmes et de prendre
les moyens qui semblent les meilleurs pour la situation.
Mme Bacon: Je reviens sur le thème de l'autonomie
d'Hydro-Québec. Je pense que c'est un thème qui est très
important, dans votre mémoire. Vous dites, à la page 7, que
depuis le début des années soixante-dix, le conseil
d'administration d'Hydro-Québec a dû prendre des décisions
dans un contexte où s'entrecroisaient pêle-mêle les
règles politiques, les règles d'une économie
planifiée et aussi les règles d'une économie de
marché. Est-ce que vous pourriez préciser, pour le
bénéfice de cette commission, ce que vous qualifiez de contrainte
d'ingérence et, selon vous, quel est l'impact de cette contrainte
d'ingérence sur la gestion interne d'Hydro-Québec?
M. Lambert: Je demanderais à M. Létourneau de
répondre, madame. (10 h 30)
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, c'est
une vieille histoire que cette ingérence, ce que nous appelons
ingérence du gouvernement dans l'administration d'Hydro. Nous voudrions
en citer un épisode qui s'est passé à la fin de
l'année 1976, à l'époque où il y avait une
grève importante à Hydro. À un moment donné, le
gouvernement est intervenu pour régler cette grève. Elle a
été réglée, mais à un prix qui nous a
semblé excessif, alors qu'une des concessions pour acheter la paix a
été d'appliquer ou de reconnaître la promotion par
séniorité, à Hydro-Québec. C'est une contrainte
extrêmement difficile pour n'importe quelle administration,
quelle qu'elle soit, et plus particulièrement une grande
société comme Hydro-Québec. Ceci a occasionné - et
nous l'avons su de la part des gens d'Hydro, par la suite - des retards
considérables, des coûts administratifs parce que la promotion par
ancienneté, c'est une façon de faire qui est extrêmement
difficile à gérer.
Il y a eu d'autres circonstances un peu moins faciles à cerner
où, par exemple, Hydro - et là, n'étant pas dans le secret
des dieux, ça nous est difficile de faire le partage de ce qui est la
proportion de la contrainte nouvelle qui découle d'une Intervention
gouvernementale et quelle est la proportion qui découle de la concession
de l'employeur - mais, néanmoins, en ce qui concerne la
possibilité pour Hydro-Québec d'avoir toute liberté
d'action pour ce qui est de la construction et de la rénovation de ses
installations, de pouvoir les faire faire en sous-traitance, ceci a
été aussi érodé dans le temps. Et semble-t-il que
ça a été, en partie en tout cas, dû à des
pressions gouvernementales de régler, à un moment donné,
certains griefs ou certaines demandes syndicales.
Mme Bacon: Quelques organismes nous ont demandé, dans le
cadre de la commission parlementaire, que la tarification, par exemple, ou
d'autres aspects de la gestion d'Hydro-Québec soient soumis au
contrôle d'une entité indépendante. Vous recommandez, de
votre côté, que le gouvernement contrôle la tarification.
Qu'est-ce que vous pensez de la formule actuelle de la fixation des tarifs
d'Hydro-Québec et sur quels critères, à votre avis, la
tarification devrait-elle être basée?
M. Létourneau: M. le Président, la tarification est
la conséquence des coûts d'opération, dans une large
mesure, et aussi est en fonction des projets à venir de l'entreprise. Un
des fardeaux nouveaux, c'est-à-dire nouveaux depuis quelques
années, que doit supporter HydroQuébec, c'est celui de payer un
dividende au gouvernement. Et comme le disait notre président dans son
exposé, ceci constitue d'une façon indirecte, disons, des taxes
par les tarifs d'électricité. Alors, les modalités
actuelles de fixation des tarifs sont basées sur ces prémisses.
Pour ce qui est de la mécanique qui est appliquée pour
déterminer les tarifs actuels, ils sont tellement complexes que nous ne
saurions nous prononcer à ce moment-ci, disons, à savoir si nous
devons les accepter ou avoir des réserves. Il y a des réserves
qui se manifestent mais nous ne sommes pas à même de
contrôler assez sérieusement les sources pour vous dire que la
mécanique actuelle n'est pas raisonnable.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être juste souligner que, les
trois prochaines années, le gouvernement ne recevra pas de dividendes
d'Hydro-Québec. Je n'ai pas eu de réponse à ma question:
Est-ce que vous croyez qu'on doit avoir une entité tout à fait en
dehors du gouvernement, une entité indépendante qui fixerait des
taux et qui réviserait les taux qui sont demandés par
Hydro-Québec?
M. Lambert: Ça fait allusion, madame, à une
régie, je présume?
Mme Bacon: II y a plusieurs personnes qui appellent ça une
régie, oui.
M. Lambert: Nous ne nous sommes pas penchés sur cette
question. Alors, présentement, je ne suis pas en mesure de pouvoir y
répondre.
Mme Bacon: D'accord. Vous recommandez, dans votre mémoire,
que le gouvernement indique les grandes orientations à suivre par
HydroQuébec. Le gouvernement a publié, ce qu'on vous rappelait
à l'automne 1988. sa politique énergétique. Ceci a servi
de base à la préparation par Hydro-Québec de ses deux
dernières propositions de plan de développement, soit en 1989 et
en 1990. De quelle manière pensez-vous que le gouvernement devrait
indiquer les grandes orientations qu'Hydro-Québec devrait retenir?
M. Riendeau: Alors, très sommairement, M. le
Président, le premier indicateur qui doit être mis de l'avant pour
fixer les grandes orientations en termes de développement repose,
d'abord et avant tout, sur la demande prévisible à court terme;
deuxièmement, sur un juste équilibre entre la capacité de
payer des principaux consommateurs, à savoir, pour ce qui concerne le
mouvement des entreprises, les petites et moyennes puissances. Sachant que 74 %
de la demande proviennent de ce secteur-là, il est important de
considérer le développement en fonction des besoins et du
développement de la technologie - une petite panne de courant, je
m'excuse - alors, en fonction du développement des technologies pour les
petites et moyennes entreprises, surtout les entreprises à
caractère industriel de manière à maintenir ces
entreprises-là dans la voie de l'économie de l'énergie et,
surtout, dans le développement de technologies nouvelles. En fonction de
ces deux critères, Mme la ministre, on doit baser notre politique de
développement à court et à moyen terme.
Mme Bacon: Dans votre mémoire aussi, un point qui n'est
pas abordé, là, dans le plan de développement mais que
vous relevez quand même, ce sont les délais de paiement aux
fournisseurs. L'Association des commissaires industriels du Québec a
soulevé également cet aspect-là, dans le cadre de cette
commission parlementaire. Vous avez parlé de 120 jours, tantôt,
j'en ai pris note, pour des comptes à payer aux fournisseurs. Est-ce que
c'est un problème qui est récent, d'après vous, ou si
c'est un problème qui dure
depuis quelques années?
M. Lambert: Je me sens en conflit d'intérêts,
madame, alors je l'énonce tout de suite: Je suis un des bonshommes qui
sont pris avec une situation comme celle-là. Ce n'est pas nouveau, c'est
quelque chose qui dure depuis de nombreuses années et où nous
nous trouvons avec des situations qui deviennent un petit peu
intolérables. On se pose même la question, à un moment
donné: Est-ce qu'on continue à faire affaires avec
Hydro-Québec ou bien si on ne continue pas à faire affaires avec
Hydro-Québec? C'est une situation, étant donné,
évidemment, l'importance de l'entreprise, on ne peut pas la
négliger, comme fournisseurs. Mais, en même temps, on fait
quasiment affaires avec en se disant: Est-ce que, vraiment, on fait une bonne
transaction? Et lorsqu'on est très petits, on n'a pas de moyens pour
intervenir, pour être capables d'aller chercher notre argent. Je vous
avoue honnêtement que c'est un problème qui est ressenti par la
grande majorité des petites et moyennes entreprises.
Mme Bacon: Depuis longtemps. M. Lambert: Ah oui, oui.
Mme Bacon: Par rapport à d'autres organismes, comment les
comparez-vous? Parce que vous avez parlé de 120 jours, tantôt.
M. Lambert: Bon, bien alors, écoutez. Si je prends de
grandes entreprises, la moyenne de paiement de grandes entreprises, c'est 45
jours. Alors, vous vous retrouvez avec des situations...
Mme Bacon: D'accord. Vous appuyez aussi, comme Chambre de
commerce du Québec, l'initiative d'inviter les PME à soumettre
à HydroQuébec des projets d'amélioration de
l'efficacité énergétique et vous encouragez les programmes
qui prévoient des formations d'équipes spécialisées
qui pourraient, sur demande, intervenir dans les PME pour suggérer ou
même réaliser des améliorations dans leur domaine de
spécialité. Quelle est l'attitude générale des
entreprises, par rapport aux économies d'énergie? On nous dit que
c'est plus difficile, souvent, dans des entreprises, de faire
pénétrer cet aspect des économies d'énergie. Est-ce
qu'elles sont ouvertes aux mesures, selon vous, ou si c'est comme on laisse
sous-entendre, qu'il y a des réticences aux économies
d'énergie ou il y a des difficultés à traverser, avant d'y
arriver?
M. Lambert: Vous savez, madame, lorsqu'on touche cette
question-là, les réticences sont monétaires. Elles ne sont
pas philosophiques. Lorsque vous arrivez avec des économies
d'énergie, souventefois les entreprises doivent investir des sommes
d'argent qui, au préalable, sont importantes, et les entreprises n'ont
pas nécessairement toujours la capacité financière de
faire les changements technologiques demandés. Alors, vous vous voyez
confrontés à deux éléments: le premier, la
capacité de payer et d'investir et, le deuxième,
évidemment, le principe philosophique que les entreprises partagent.
Alors, c'est une question de gros sous.
Mme Bacon: Vous recommandez un effort de marketing pour
intéresser les PME à l'utilisation des programmes
d'amélioration de l'efficacité énergétique. Est-ce
que ça devrait être envisagé dans une perspective à
long terme ou à moyen ou à court terme? Comment
l'envisagez-vous?
M. Arsenault (Louis): M. le Président, Mme la ministre, il
nous apparaît que les événements qui marquent
l'activité quotidienne des entreprises les sensibilisent à
certaines choses. On pourrait prendre l'environnement comme exemple, qui
n'était pas une préoccupation importante chez nous, il y a
quelques années et on est devenu une très grande... En fait, les
entreprises, maintenant, se sont jointes à beaucoup d'autres organismes
qui préconisent un meilleur contrôle de l'environnement, une
meilleure protection de l'environnement. De même, dans le domaine de
l'économie d'énergie, moi, je suis convaincu, de par les contacts
que nous avons avec nos membres, que les entreprises sont très
intéressées à développer des moyens pour
économiser l'énergie. C'est une éducation qu'il y a
à faire et dans les meilleurs délais. Il serait sans doute
important de commencer dès maintenant dans une perspective moyenne,
à moyen terme - je ne sais pas si on peut y arriver à très
court terme - d'instruire les gens sur les avantages, pour eux, de
développer soit des technologies ou l'utilisation de nouveaux produits
de façon à pouvoir économiser de l'énergie à
moyen terme. Ça devient, je pense, une façon pour eux
d'améliorer leurs affaires. Finalement, c'est une situation où
tout le monde est gagnant de pouvoir arriver, à moyen terme, à
économiser l'énergie dans les entreprises. À mon humble
avis, les entreprises seront très sensibles à cet argument et
pourront facilement être engagées dans un processus de ce
genre.
Mme Bacon: Dans votre exposé, il y a quelques instants,
vous nous disiez que vous étiez favorables aux exportations en termes de
perspective de marché. Est-ce que vous pouvez m'en dire plus?
M. Lambert: Bon. Je pourrais simplement vous mentionner, madame,
que nous avons le réseau qui est déjà en place. Donc, la
question des investissements est peut-être moindre. Je parle en termes de
distribution.
Deuxièmement, ce que je vois beaucoup plus, c'est l'autre
côté de la médaille. C'est ce
qu'on fait avec les profits générés et c'est
là que je vois une action immédiate en termes d'Investir dans
d'autres secteurs d'activité ces profits, avec le concours par exemple
du ministère de l'Environnement ou du ministère de l'Industrie et
du Commerce; donc, de créer de nouvelles entreprises, de faire
croître des secteurs d'activité que nous avons
présentement, de les rendre forts parce que maintenant nous sommes dans
l'ère de la globalisation et donc de rendre la structure industrielle du
Québec encore plus forte.
Mme Bacon: Vous avez mentionné tantôt votre
satisfaction de la mise en oeuvre du fonds Capiteq. Là aussi, quand on
parle en termes d'effort de marketing, est-ce que vous avez des suggestions
à faire pour assurer le succès du fonds Capiteq?
M. Lambert: Ma bonne madame, la petite expérience que j'ai
dans le domaine des entreprises de capital de risque, ce qui se produit, c'est
que c'est habituellement en vase clos que cette entreprise fonctionne et ce
dont nous avons le plus besoin c'est d'avoir une visibilité de
façon à ce que les entrepreneurs du Québec qui, comme vous
le savez, sont des gens qui bouillent d'idées, puissent aller s'adresser
à un fonds comme celui-là, d'une part. D'autre part, ce seront
les critères qui seront mis en place au niveau de ce fonds-là
pour que, encore une fois, les entrepreneurs du Québec puissent faire
appel à ces fonds-là. Il y a définitivement un travail
important de mise en marché de ce fonds-là de façon que
les entrepreneurs ne croient pas qu'ils sont trop petits pour y faire
appel.
Les grandes sociétés ont d'autres places pour être
capables d'aller chercher des capitaux, quand ce n'est pas par
l'autofinancement même. Donc, il faut absolument que cette
entreprise-là puisse être disponible pour des petites et moyennes
entreprises. (10 h 45)
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue parmi nous pour reprendre le collier sur cette
question de l'avenir énergétique du Québec en
général et, peut-être d'une façon un peu plus
particulière, l'avenir d'Hydro-Québec.
Il y a quelques points dans votre mémoire qui m'ont comme fait
allumer des petites lumières. D'abord, je voudrais dire que j'ai
été surpris de retrouver dans le mémoire la citation
concernant les délais de paiement d'Hydro-Québec. D'un autre
côté, je suis content, personnellement, de l'avoir
là-dedans parce qu'on en est rendu... On me dit, même, entre
autres dans les postes d'essence, les mécaniciens, dans les
quincailleries et tout ça, qu'on en est rendu à refuser
carrément de faire du crédit à Hydro-Québec: Si tu
n'es pas capable de payer "cash", va te "tinquer" ailleurs. On me dit que, en
région, il y a des postes d'essence qui traitent Hydro-Québec de
cette façon-là. Quand on est rendu avec une société
d'État qui vaut des milliards et qu'on n'est plus capable d'acheter pour
25 $ d'essence à crédit, ça commence à faire dur
pas mal.
D'après ce que je peux voir, c'est une situation qui existe
réellement puisque que vous la soulevez là, et je pense qu'il y
aura nécessairement, sans vouloir faire de l'ingérence politique,
peut-être un petit quelque chose de la part du ministère à
faire de ce côté-là pour vérifier
qu'Hydro-Québec respecte ses clients ou ses fournisseurs.
Dans un autre ordre d'idées, mais toujours concernant les
paiements à Hydro-Québec ou dans les sociétés qui
découlent d'Hydro-Québec, que ce sort la SEBJ ou d'autres, on me
dit, aussi, qu'il y a passablement de problèmes concernant les
sous-entrepreneurs. J'ai eu personnellement passablement de cas de gens qui
sont allés à sous-contrat en deuxième ou troisième
niveau derrière un entrepreneur général pour
réaliser des travaux à Hydro-Québec et qui, finalement,
après des années, sont encore en attente de leur paie et
même, dans certains cas, ils sont obligés de se prendre des
avocats pour essayer de se faire payer.
Nous, on essaie de voir avec Hydro-Québec de quelle façon
on pourrait préserver ou garantir le paiement aux sous-entrepreneurs
avant que l'entrepreneur général puisse encaisser son
chèque et, après ça, s'organiser par toutes sortes de
moyens qu'on ne peut pas juger tant que ce n'est pas passé en cour... En
tout cas, on sait comment ça marche.
J'aimerais savoir si, en ce qui vous concerne, vous trouvez que c'est
une situation qui est généralisée, ça vous arrive
souvent d'avoir des entrepreneurs qui sont pris avec des problèmes comme
ça ou si c'est juste une situation qui est peut-être très
régionale chez nous?
M. Lambert: M. le Président, je voudrais simplement vous
dire que, dans le monde de la construction, ce n'est pas localisé
à HydroQuébec, c'est un problème qui se retrouve dans le
monde de la construction, ce phénomène d'entente avec des
sous-entrepreneurs et un entrepreneur général. Ce n'est pas
simplement une question de région, c'est une question d'Industrie comme
telle. Par ce fait, je ne crois pas que ce soit une question qui soit
amplifiée plus vis-à-vis d'Hydro-Québec que
vis-à-vis d'autres entrepreneurs.
Les conflits qui se dessinent dans ce genre de contrats-là sont
beaucoup plus reliés à une question de devis qui ne sont pas
précis et qui ne donnent pas la nature de chacune des don-
nées, ce qui fait donc qu'on se retrouve dans une situation
conflictuelle.
Le deuxième point, je voudrais revenir à votre
prémisse, M. Claveau, je voudrais simplement souligner ceci: quand je
parle que, d'un côté de la médaille, Hydro-Québec ne
paie pas ses comptes rapidement, je vous dirais qu'elle n'agit pas de la
même façon avec ceux qui ne paient pas et qu'il y a des moyens qui
me semblent un petit peu disproportionnés d'un côté versus
l'autre côté.
Le Président (M. Bélanger): Oui..., oui, M.
Létourneau.
M. Létourneau: M. le Président, je voudrais vous
signaler que, dans ces conflits fréquents dans le domaine de la
construction, commencent à poindre à l'horizon d'autres solutions
que d'aller les régler devant la cour. Il y a maintenant au
Québec, à Québec même, un organisme qui s'occupe
d'arbitrage, un organisme privé où la Chambre de commerce du
Québec est représentée, et nous estimons que lors de
contrats de construction, d'introduire une clause qui prévoit
l'arbitrage de conflits de ce genre pourrait sans doute avoir pour effet de
régler ces conflits plus rapidement parce que c'est la marque de
commerce, si on peut dire, de ce genre de tribunal d'arbitrage. Alors, si on
pouvait inclure une clause d'arbitrage en cas de conflit, il y a de grandes
chances que les conflits puissent durer moins longtemps.
M. Claveau: Et que les sous-contractants soient payés,
finalement, pour leur travail.
M. Létourneau: Bien, évidemment, parce que si le
contractant principal se voit retenir des paiements longtemps, bien,
forcément, les sous-traitants vont en souffrir.
M. Claveau: Vous avez parlé, puisqu'on parle de
contractants, là, vous parlez justement du rôle partagé,
enfin de l'importance d'avoir recours aux contractants de l'extérieur
d'Hydro-Québec pour faire faire du travail à HydroQuébec,
le fameux problème de la sous-traitance. Il y a une proposition, enfin,
de règlement là-dessus, sur laquelle Hydro-Québec et les
syndicats d'Hydro-Québec se sont penchés au cours des
dernières négociations et qui aurait probablement réussi
à trouver un terrain d'entente si on n'y avait pas mis la guillotine.
Est-ce que vous pensez que la proposition qu'on avançait, et que vous
devez sûrement connaître, en tant que partage et de nombre de
personnes, d'heures-hommes-année, là, sur lesquels les syndicats
étaient prêts à aller pour permettre la sous-traitance,
est-ce que vous pensez que c'est suffisant? Est-ce que c'est ça que vous
entendez qu'on règle, quand vous parlez de sous-traitance, ou si vous
voudriez qu'on aille beaucoup plus loin que ça?
M. Lambert: M. le Président, je suis désolé
de répondre que nous ne connaissons pas cette question qui a
été soulevée dans les négociations. Donc, je me
sens un peu démuni pour répondre de façon précise
à votre question. Le seul commentaire que je pourrais faire, c'est que
nous étions et nous sommes d'avis que tout ce qui peut être fait
par la sous-traitance peut être fait plus rapidement et à meilleur
coût que versus la Société elle-même.
M. Claveau: Ah! je m'excuse, là, d'avoir
présumé par rapport au fait de savoir si vous étiez au
courant ou non, parce que je croyais... En fait, puisqu'on en a beaucoup
parlé dans les journaux, entres autres, du problème de la
sous-traitance, on a même tenu une commission parlementaire
là-dessus, une consultation publique semblable à celle-ci, il y a
à peu près deux ans, sur la question très
spécifique de la sous-traitance à Hydro-Québec. Alors,
vous m'excuserez, là, je pensais que vous pouviez au moins être au
courant de cette démarche-là globalement, puisque vous la
soulevez dans votre mémoire.
Vous dites - et j'aimerais revenir là-dessus, là,
très rapidement, parce que ça me semble un petit peu difficile de
voir comment on pourrait appliquer ce que vous avancez comme principe - quand
vous dites qu'on devrait laisser à Hydro-Québec les moyens, le
choix total des moyens de réalisation des objectifs qui lui sont
fixés par le gouvernement, vous dites finalement que l'État ou
l'actionnaire d'Hydro-Québec devrait, comme dans n'importe quelle
société, donner les orientations générales à
Hydro-Québec, soit, mais qu'une fois que ça est fait, de laisser
les employés, le personnel d'Hydro-Québec, là,
nommés à cette fin, totalement responsables des moyens à
privilégier pour arriver à ces objectifs-là. Je vais vous
le dire honnêtement, ça me crée un problème.
D'abord, quand vous parlez des objectifs, est-ce qu'on parle uniquement de
l'objectif global en termes de production ou de consommation
d'électricité au Québec ou si, dans les objectifs, vous
introduisez toute la question des négociations avec les autochtones, la
question des constructions de barrages, du harnachement ou du non-harnachement
de certaines rivières qui doivent être protégées ou
non, selon l'intérêt qu'elles peuvent avoir en termes de
patrimoine ou d'activité alternative à faire avec ces
rivières-là?
Est-ce que vous pensez que l'on doive retenir dans les objectifs toute
la problématique du développement régional, toute la
problématique de la question environnementale ou si ça fait
partie des moyens et qu'une fois qu'on a dit ça, on laisse à
Hydro-Québec le choix de choisir les rivières qu'elle veut
harnacher; on laisse à Hydro-Québec le choix de faire les
ententes ou les négociations à sa façon avec les
communautés
touchées et, en particulier, les communautés autochtones,
on laisse à Hydro-Québec le choix finalement de gérer ou
de prendre le contrôle, à toutes fins pratiques, darts certaines
régions, de toute la dynamique du développement régional?
J'aimerais que vous soyez peut-être plus précis là-dessus,
sur ce qui fait partie de l'objectif et ce qui fait partie du moyen.
M. Lambert: M. le Président, pour donner une
réponse, je demanderais à mes collègues de pouvoir
amplifier. En ce qui me concerne, les objectifs ddivent être
précis. Quand je parle de moyens, je parle de moyens dans le quotidien.
Donc, je ne parle pas de grands développements majeurs ou ayant des
implications majeures sur le plan dé la société du
Québec. Alors, il faut qUe (es objectifs sdiefit définis
clairement, qu'ils soient précis et ce qui est à
l'extérieur de ces objectifs-là devrait revenir à des
commissions ou au gouvernement à statuer, étant donné
qu'il est l'actionnaire majoritaire. Peut-être qu'un de mes
confrères pourrait...
M. Létourrieau: M. le Président, c'est encore une
fois par dés exemples de ce qui s'est passé que nous pouvons
peut-être illustrer notre propos. Le gouvernement, comme quelqu'un l'a
signalé plus tôt, a une politique énergétique,
c'est-à-dire celle de fixer des objectifs, à savoir quelle
serait, par exemple, la consommation idéale de chaque source
d'énergie dans la province. Dans le passé, le gouvernement a mis
des pressions sur Hydro-Québec pour que l'électricité
occupe une plus grande place dans le marché. Effectivement,
Hydro-Québec a fait un marketing très agressif au point d'occuper
une place dans le marché qu'aujourd'hui elle n'est plus capable de
soutenir tout à fait, parce qu'elle a développé le
marché, elle a compétitionné très
sérieusement d'autres sources d'énergie et, finalement, on est
aujourd'hui, à cause du chauffage des maisons, par exemple, du chauffage
des bouilloires, etc., c'est une bonne chose qu'Hydro-Québec vende plus
d'électricité, mais est-ce que ç'a été une
bonne chose qu'elle soit poussée à le faire au rythme et dans la
mesure où elle l'a fait dans le passé, alors que nous nous
retrouvons présentement dans des situations où, pour continuer de
répondre à la demande qu'elle a créée par ses
efforts de marketing considérables, encouragés par le
gouvernement, elle doit courir de l'avant et même, on sent qu'il y a du
retard à reprendre?
Alors, le gouvernement est un peu dans une situation de conflit
d'intérêts lorsqu'il est à la fois le propriétaire
de sources d'énergie compétitives. Le gouvernement a
été impliqué dans le gaz naturel et if est
évidemment impliqué par Hydro-Québec dans
l'électricité et, bon... Il y a SOQUIP qui existe. On ne peut pas
dire que SOQUIP est une force importante dans le domaine des énergies
fossiles, mais il y a quand même là Une autre présence
gouvernementale. Et ça nous semble un exercice extrêmement
difficile pour le gouvernement de pousser, plus que les fdrces de marché
ne l'accepteraient, la présence de certaines sources d'énergie.
À un moment donné, ça risque de nous coûter plus
cher ou de nous retomber sur la tête, comme c'est le cas
présentement avec le rattrapage que nous devons faire dans la
génération de l'électricité. (11 heures)
M. Claveau: Globalement, Hydro-Québec... Le gouvernement
fixe ses objectifs, fixe sa tarification Vous dites que la tarification devrait
rester la chose ou l'apanage du gouvernement. Mais pour être bien
précis, on a un plan de développement de 60 000 000 000 $
d'investissements qui est proposé justement, qui fait partie des moyens
d'action qu'Hydro-Québec veut mettre en place pour répondre aux
objectifs qui ont probablement été fixés par le
gouvernement. Du moins, on l'espère! On espère
qu'Hydro-Québec ne fait pas ses propres objectifs elle-même pour
créer la dernande en...
Est-ce que, globalement, vous êtes d'accord avec cet objectif de
60 000 000 000 $ qui représentent sûrement des bonnes
opportunités d'affaires pour quelques contracteurs qui sont membres de
la Chambre de commerce du Québec? indépendamment de ça,
disons, il y a quand même une dynamique économique qui s'installe
et qui peut intéresser et qui doit sûrement intéresser
l'ensemble du milieu de la construction et tout ce qui gravite autour en termes
de production d'équipement. Est-ce que vous croyez
qu'Hydro-Québec doit investir ces 60 000 000 000 $? Aussi, on a tout
intérêt à regarder plus en profondeur, avec plus de minutie
l'impact de cet investissement-là sur l'ensemble de la dette nationale
du Québec - parce que c'est quand même le gouvernement du
Québec qui garantit la dette d'Hydro-Québec - et aussi sur la
tarification globale? Parce qu'il n'est pas évident, en ce qui me
concerne, que le niveau de tarification qu'on aura à vivre au cours des
prochaines années ne sera pas, d'une façon ou d'une autre,
liée avec les besoins de capitalisation de l'entreprise pour aller
chercher ces sommes faramineuses sur les marchés internationaux. Il faut
du "cash" de temps en temps.
Je pense, en ce qui me concerne, que c'est plus lié à
ça qu'à la question des dividendes du gouvernement, de toute
façon, puisqu'on nous disait tout à l'heure que le gouvernement
ne demande même pas de dividendes pour les années qui viennent. De
toute façon, Hydro-Québec n'a pas l'obligation de verser des
dividendes. C'est toujours le gouvernement qui choisit d'en retirer ou non et
en vertu d'un certain nombre de formules mathématiques qui doivent
être respectées.
Alors, est-ce que vous pensez qu'on est tout à fait
justifiés de requestionner globalement
ce qu'Hydro-Québec nous propose, à cause des incidences de
toutes sortes, y compris les incidences environnementales et écologiques
que tout ça peut avoir à long terme?
M. Lambert: M. le Président, il y a deux ou trois points
qui méritent notre attention sur la question qui est posée. Le
premier est tout simplement, pour faire une boutade: j'espère que tous
les entrepreneurs généraux sont membres de la Chambre!
Deuxièmement, disons sérieusement que la situation doit
être envisagée de la façon suivante: Est-ce que nous sommes
capables d'obtenir des économies d'énergie dans ce qui existe
présentement, pour être capable de suffire à la demande
interne ou externe en fonction des contrats que nous avons? Ça, c'est la
première question à se poser.
La deuxième question à se poser, c'est que lorsqu'on
regarde un plan de développement, est-ce que ce plan de
développement-là répond aux critères de
qualité pour le client et d'environnement pour le client.
Troisièmement, est-ce qu'il y a quelque chose à côté
qui est moins cher que l'on pourrait obtenir à la place?
Dans ce qu'on a compris, nous, à date, c'est qu'il semble
qu'Hydro a fait ses devoirs là-dedans. Maintenant, je ne crois pas qu'il
y ait personne ici qui va prétendre jouer au spécialiste. Mais ce
que nous comprenons de la situation présentement, c'est qu'Hydro a fait
ses devoirs là-dedans. Si elle a fait ses devoirs et que la
réponse est telle que celle que nous croyons, présentement, on va
souscrire au plan qu'elle a soumis.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
remercier nos invités.
M. Claveau: Oui, M. Létourneau.
M. Létourneau: M. le Président, vous nous avez
parlé de développement régional. Il y a une ouverture qui
est créée, présentement, pour le développement de
petites unités de génération d'électricité,
et nous encourageons fortement Hydro-Québec à avoir recours
à des entrepreneurs privés pour faire la génération
d'électricité dans ce qu'on appelle les petits pouvoirs, les
petites centrales hydroélectriques. Il y a certainement des endroits
où ça peut se faire. Il y a sans doute des intérêts
privés qui seraient intéressés. Alors, nous
espérons que ce volet-là va se développer.
M. Claveau: Je vous remercie.
M. Lambert: M. le Président, j'ai mon confrère qui
aimerait ajouter peut-être.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M.
Arsenault.
M. Arsenault: Bien, un des points que je voulais soulever vient
de l'être par mon collègue Jean-Paul. En fait, nous sommes
très au fait que certains entrepreneurs ont déjà soumis
des projets et ont investi pas mal d'argent dans la promotion de petits
pouvoirs d'eau qui pourraient, sans doute, très bien répondre aux
besoins de régions isolées. Ils pourraient le faire probablement
à meilleur coût, sûrement à meilleur coût
qu'Hydro-Québec puisqu'il s'agit de petites unités. Nous avons
déjà donné notre appui à un certain nombre de ces
petits projets et nous espérons que toute réforme dans les modes
administratifs d'Hydro et du gouvernement du Québec, dans l'avenir,
pourrait tenir compte de cette importance vitale de l'intervention du secteur
privé dans le développement de petits pouvoirs d'eau.
Avec votre permission, M. le Président, l'autre point que
j'aurais aimé vous soumettre et qui n'est peut-être pas
directement adressé par notre mémoire, c'est le point qu'a
peut-être soulevé brièvement, dans ses remarques
d'introduction, notre président, M. Lambert, en ce qui a trait au
prestige et la perception des Québécois
d'Hydro-Québec.
Bien sûr, Hydro a été perçue comme
étant l'entreprise par excellence et nous croyons qu'elle doit demeurer
l'une de nos grandes forces au Québec. J'ai eu l'honneur, au cours de la
dernière année, de diriger deux missions économiques en
Asie pour parler du Québec, pour mieux faire connaître le
Québec. Parmi les forces de l'économie du Québec, bien
sûr, on mentionnait Hydro-Québec et nous avions avec nous, dans
cette dernière mission en Asie, un porte-parole d'Hydro-Québec
pour faire part, là-bas, des forces que constitue pour le Québec
HydroQuébec.
Nous croyons que cet effort d'excellence doit être maintenu et
qu'Hydro-Québec, par peut-être une plus grande autonomie dans sa
gestion, mais aussi par un "input" - excusez le terme -sérieux de la
part du gouvernement en ce qui a trait à sa planification à long
terme, puisse atteindre cette excellence qui ne fait pas seulement la
fierté des Québécois, mais qui constitue, pour nous, un
gage de développement futur et un argument extrêmement fort pour
attirer des investissements au Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Oui. En remerciant les invités, je voudrais
juste dire à M. Lambert que, boutade pour boutade, même si
Hydro-Québec a fait ses devoirs, ce n'est pas une garantie qu'elle va
avoir la note de passage. Alors, en vous remerciant énormément de
votre contribution à cette commission parlementaire et en souhaitant
que
nous tous, les Québébois, qui que nous soyons, puissions
bénéficier, à notre façon,
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Lambert, messieurs, j'aimerais
peut-être revenir quelques secondes de plus, qui me restent, avant de
vous remercier, sur les 120 jours que vous mentionniez tantôt. On a
l'impression qu'Hydro-Québec était accrochée aux 120 jours
qu'elle donne aux comptes non payés par rapport aux 120 jours qu'elle
prend pour les fournisseurs. Je pense qu'on a fait le parallèle,
tantôt, et je voudrais quand même qu'il soit bien fait parce que
c'est le même nombre de jours. Je voudrais dire aussi, quant aux petites
centrales - M. Arsenault, vous l'avez mentionné tantôt - que nous
avons amendé la loi qui facilite, je pense, ces possibilités pour
des entrepreneurs privés. Je pense que c'est sûrement un dossier
sur lequel la plupart des gens qui sont venus ici étaient favorables,
d'abord, parce que c'est en région et, deuxièmement, parce que je
pense que ça nous amène - malgré que le nombre de
mégawatts n'est pas aussi important qu'un grand barrage - quand
même un certain nombre de mégawatts qui peuvent être
utilisés par l'ensemble de la population. Moi, je voudrais vous
remercier pour l'intervention que vous avez faite ce matin et de
l'assiduité que vous avez toujours à venir faire connaître
au gouvernement votre point de vue, vos opinions, et aussi vos recommandations
sur des grands dossiers de l'heure. On sait que ce dossier-là, c'est un
dossier important non seulement pour Hydro-Québec ou le ministère
de l'Énergie et des Ressources, mais pour l'ensemble de la population.
Et je vous remercie d'avoir participé à notre commission
parlementaire et d'avoir contribué à faire avancer le dossier.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie la Chambre de commerce du
Québec et invite à la table des témoins la Chambre de
commerce du Montréal métropolitain.
La commission de l'économie et du travail accueille la Chambre de
commerce du Montréal métropolitain. Alors, bonjour, messieurs.
C'est M. Ménard? Alors, est-ce que vous avez des partenaires? Oui, M.
Lacharité, je présume?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Bélanger): Bonjour.
Une voix: Bonjour.
Le Président (M. Bélanger): Alors, vous connaissez
nos règles de procédure. Vous avez vingt minutes ferme pour la
présentation de votre point de vue et il y aura une partie
d'échanges avec les parlementaires. Alors, sans plus tarder, je vous
inviterais à vous identifier pour les fins du Journal des
débats et à procéder. Merci.
Chambre de commerce du Montréal
métropolitain
M. Ménard (L.-Jacques): Merci, M le Président. Mon
nom est Jacques Ménard. Je suis président de la Chambre de
commerce du Montréal métropolitain et je suis accompagné
de M. Luc Lacharité qui est vice-président exécutif de la
Chambre.
M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission, la
Chambre de commerce du Montréal métropolitain est heureuse de
l'occasion qui lui est offerte de faire valoir son point de vue sur le plan de
développement proposé par Hydro-Québec. Deux raisons
principales motivent notre présence devant vous aujourd'hui:
l'importance des sommes en cause dans le plan de développement
proposé, particulièrement à un moment où les
ressources deviennent de plus en plus rares, et l'impact que peut et que doit
avoir Hydro-Québec sur le développement de toute notre
économie. En conséquence, notre analyse du plan de
développement d'Hydro-Québec débordera largement les
effets des propositions à l'étude sur l'évolution de la
société d'État proprement dite pour nous intéresser
plus particulièrement à l'effet d'entraînement que peuvent
avoir ces propositions sur différents aspects de notre économie.
En d'autres termes, non seulement la direction et la vitesse de
croisière envisagées nous intéressent, mais les
façons proposées pour atteindre les objectifs visés nous
apparaissent tout aussi importantes.
Le Québec doit relever au cours des années qui viennent un
gigantesque défi. L'ensemble de nos entreprises doivent atteindre, au
cours des années qui viennent, un degré de développement
technologique qui nous permette de concurrencer les meilleurs au monde. Compte
tenu de la taille de notre société, nous devons regrouper toutes
nos forces et travailler fermement à nous hausser au niveau des leaders
mondiaux au plan technologique. La plupart de nos entreprises,
considérées individuellement, ne disposent pas de ressources
suffisantes pour livrer seules les gigantesques batailles qui les attendent.
D'ailleurs, chez nos concurrents, les leaders mondiaux sont
généralement supportés de multiples façons par
toute la société à partir de laquelle ils rayonnent dans
le monde entier. C'est le cas de toute entreprise japonaise vouée
à l'exportation pour ne citer que l'exemple le plus connu.
Pour réussir à nous tailler une place aux
côtés des leaders mondiaux dans les domaines qui nous
intéressent, nous n'avons d'autre choix que d'agir de la même
façon, M. le Président. Le défi technologie de nos
entreprises devient, en fait,
le défi de toute la société
québécoise. La Chambre a déjà élaboré
une stratégie de développement de façon à baliser
le chemin à parcourir pour nous donner les meilleures chances
d'atteindre notre objectif commun. Vous me permettrez de rappeler
brièvement les principaux éléments de cette
stratégie qui s'appuient essentiellement sur le développement
technologique de nos entreprises. (11 h 15)
Premièrement, nous devons, disons-nous, favoriser par tous les
moyens à notre portée, la conversion technologique de nos
entreprises. Deuxièmement, nous devons susciter chez nous
l'émergence et le développement d'entreprises de haute
techonologie. Troisièmement, nous devons accroître la part et la
qualité de la recherche et du développement au sein de nos
entreprises. Et, quatrièmement, nos maisons d'enseignement, à
tous les niveaux, doivent se mériter une réputation de haute
qualité et développer avec le milieu des affaires une
collaboration efficace.
L'élément clé sur lequel repose notre
stratégie est particulièrement clair. Nous misons sur la
concertation de tous les intervenants. Nous devons orienter toutes nos
ressources, tant publiques que privées, dans la même direction,
c'est-à-dire vers le développement technologique de toute notre
économie. Bien sûr, des entreprises comme Hydro-Québec
représentent des piliers sur lesquels nous devons bâtir notre
succès. Est-il nécessaire de rappeler que le Québec compte
peu d'entreprises de la taille d'Hydro-Québec qui ont les moyens
d'assumer un leadership important dans ce vaste projet de
société? Collectivement, nous avons beaucoup investi dans cette
entreprise, depuis 1963. Nous en avons fait une entreprise hautement
cotée sur la scène internationale. Il faut, aujourd'hui plus que
jamais, lui assurer l'accès aux ressources nécessaires pour
qu'elle poursuive son développement, tout en faisant en sorte que toute
notre économie profite au maximum des retombées qu'elle est en
mesure de générer.
Pour remplir vraiment sa mission, HydroQuébec doit jouer un
rôle de leader en technologie. D'abord, en poursuivant ses propres
activités, bien sûr, mais elle doit également faciliter au
plus grand nombre possible d'entreprises de chez nous l'entrée dans
l'ère technologique qui s'amorce. Aussi est-il vital pour le
Québec de faire en sorte que les ressources humaines et
financières d'Hydro-Québec, de même que son expertise et sa
capacité de développer les marchés mondiaux, jouent un
rôle actif dans notre stratégie d'ensemble pour dynamiser toute
notre économie. C'est à cette condition que le plan de
développement proposé par Hydro-Québec est porteur
d'avenir et qu'il doit être endossé par toute la
société québécoise.
Dans une économie mixte, comme la nôtre, le rôle
d'une société d'État déborde de beaucoup l'atteinte
des objectifs financiers qui lui sont fixés. Le rayonnement que
l'entreprise assure est pratiquement aussi important que ses réussites
immédiates. C'est ce qui fait d'Hydro-Québec un acteur aussi
important sur la scène économique québécoise. Par
ailleurs, la Chambre s'empresse d'ajouter que le plan de développement
proposé doit être réalisé en tenant compte des
impératifs qui sous-tendent le concept du développement durable
tel qu'élaboré par la commission Brundt-land et auquel la Chambre
souscrit entièrement. Il ne s'agit pas d'appuyer le développement
pour le développement, sans tenir compte des inévitables impacts
sur l'environnement. Il s'agit, au contraire, de favoriser le
développement qui se soldera par un mieux vivre de l'ensemble de la
population dans une société prospère.
Nous croyons que les deux concepts, loin de s'opposer, sont parfaitement
complémentaires, dans la mesure où les dispositions
nécessaires sont prises au bon moment, en poursuivant les bons
objectifs. Pour bien évaluer l'importance du rôle que peut jouer
Hydro-Québec dans le développement économique du
Québec, je pense qu'il faut nous remémorer le virage majeur
qu'est en train de prendre l'économie mondiale. Jusqu'à tout
récemment, la concurrence internationale reposait essentiellement sur la
vente de matières premières, et leur transformation en produits
plus ou moins finis. Actuellement, une nouvelle dimension du système
économique prend forme. Cet avantage concurrentiel repose
dorénavant sur le savoir. L'avantage concurrentiel appartient donc,
dorénavant, aux pays qui détiennent l'information, aux pays qui
sont en mesure de réaliser les découvertes, aux pays qui innovent
au plan technologique. En fait, l'avantage concurrentiel appartient aux pays
qui investissent massivement en recherche et développement, et qui
donnent une structure d'appui efficace à leur réseau de
chercheurs.
La concurrence internationale force le Québec à entrer de
plain-pied dans cette nouvelle ère économique fondée sur
le savoir et la technologie. Recherche scientifique et développement
technologique sont maintenant les principaux moteurs du renouvellement et de la
croissance des activités industrielles. Mais, au-delà de la
stricte croissance économique, la recherche et le développement
sont aussi devenus des facteurs clés pour développer notre
industrie dans le respect de l'environnement. Les nouvelles technologies
permettent d'utiliser plus efficacement les matières premières et
l'énergie. Elles permettent aussi de développer des
procédés de fabrication plus propres. En fait, la recherche et
développement représente une solution intéressante pour
résoudre le dilemme développement-respect de l'environnement.
Hydro-Québec est particulièrement bien placée pour jouer
un rôle important dans ce domaine, compte tenu de ses moyens et de la
nature de ses activités. La Chambre est convaincue que le volet
recherche
du plan de développement d'Hydro-Québec représente
la pierre angulaire de tout le projet. La technologie a toujours
été à la base des progrès accomplis par cette
entreprise. Mais, encore plus dans l'avenir, nous croyons que la technologie
représentera le moyen indispensable pour relever les énormes
défis que posent la qualité du service, la fiabilité du
réseau, la protection et la conservation de l'environnement, la
productivité, la santé et la sécurité du personnel,
ainsi que la rentabilité des investissements.
Hydro-Québec prévoit investir près de 500 000 000 $
dans le développement technologique au cours des trois prochaines
années, soit 2,4 % de ses ventes. La Chambre considère que c'est
là un minimum vital. Un minimum vital pour l'entreprise elle-même,
mais également un minimum vital si l'on considère que l'ensemble
de nos entreprises ne s'intéressent pas suffisamment à la
recherche et au développement. Pendant que les pays les plus
avancés au plan technologique consacrent près de 3 % de leur
produit intérieur brut en recherche et développement, le
Québec investit un très maigre 1,26 % du sien à cette
activité capitale. Dans ce contexte, il faut que des entreprises comme
Hydro-Québec consentent un effort considérable pour obtenir un
effet d'entraînement intéressant.
Je répète que les sommes prévues par
Hydro-Québec à cet effet nous apparaissent vraiment comme
n'étant qu'un minimum vital, compte tenu de la nature, de la taille et
du rôle de l'entreprise dans notre économie. Bien sûr, on ne
peut dissocier Hydro-Québec, dans ce domaine, de l'effort global
consenti par le gouvernement du Québec pour supporter la recherche et
développement au Québec. Une entreprise d'État comme
Hydro-Québec doit faire partie de la stratégie gouvernementale en
recherche et développement. Je pense qu'il convient ici, d'ailleurs, de
réitérer les critiques récentes de certains intervenants
majeurs dans le domaine de la recherche et développement au
Québec et je pense notamment aux présidents du CRIQ et du GATIQ
qui ont qualifié récemment de "véritable fouillis" les
politiques gouvernementales dans ce domaine vital pour nous. L'apport
d'Hydro-Québec dans ce domaine doit donc être d'autant plus
important et surtout particulièrement bien structu ré.
Bien sûr, le premier défi d'Hydro-Québec c'est
d'abord d'assurer le développement et la fiabilité de son
réseau. Mais Hydro-Québec doit aussi appuyer fermement la
recherche et développement au Québec. Dans ce contexte, la
recherche, le développement et l'innovation technologique doivent
demeurer des aspects fondamentaux de l'activité d'Hydro-Québec.
Nous n'insisterons jamais assez là-dessus.
La Chambre note une lacune à cet effet dans le plan de
développement d'Hydro-Québec. Il s'agit du programme d'incitation
à l'innovation qu'Hydro-Québec se proposait de lancer en 1988. On
estime que de tels programmes dans des entreprises de grande taille, comme
Dofasco, Pratt et Whitney, la Banque Nationale, pour ne nommer que
celles-là, génèrent la soumission d'au-delà de 3000
suggestions annuellement dont près de 1000 seraient adoptées et
rapporteraient près de 5 000 000 $ à l'entreprise. Il pourrait,
bien sûr, en être de même à Hydro-Québec En
plus des sommes directement mesurables, de tels programmes stimulent l'esprit
d'initiative et l'Intérêt pour la qualité, sans compter que
la participation des employés et la reconnaissance du travail bien fait
sont toujours des sources importantes d'amélioration de la
productivité. Et tous s'entendent pour reconnaître qu'au plan de
la productivité, Hydro-Québec a beaucoup de travail à
faire.
Ce qui m'amène à nos deux premières
recommandations. Premièrement, la Chambre recommande
qu'Hydro-Québec joue pleinement son rôle de levier dans le
développement technologique, en favorisant la participation des
entreprises québécoises à sa stratégie de recherche
et développement et de sous-traitance, et en se positionnant fermement
comme partenaire du secteur privé. Deuxièmement, la Chambre
recommande aussi qu'Hydro-Québec implante son programme d'incitation
à l'innovation dans les meilleurs délais.
J'en arrive à une autre dimension du rôle
d'Hydrù-Québec au sein du monde de la recherche au Québec.
Aujourd'hui, c'est l'extrême rapidité qui caractérise le
progrès technologique. Pour atteindre le rythme de développement
qui a cours dans les pays avec lesquels nous sommes en concurrence, bien
sûr, il faut consacrer des sommes de plus en plus importantes à la
recherche, mais il faut aussi ajouter une dimension pluridisciplinaire à
nos efforts de recherche. Le chercheur individuel a été
intégré depuis longtemps à des équipes de
chercheurs travaillant dans des laboratoires hautement
spécialisés. Le progrès n'est plus envisageable autrement.
Nous en sommes maintenant rendus à une autre étape où la
collaboration entre laboratoires industriels devient indispensable pour
avancer. Évidemment, les coûts reliés à de telles
collaborations sont extrêmement élevés, mais ce n'est pas
tout. Compte tenu du phénomène croissant de globalisation des
marchés, la rapiditié de commercialisation des résultats
des découvertes scientifiques prend une importance capitale. En effet,
même si une découverte scientifique peut théoriquement
être commercialisable, rien n'assure plus que l'on réussira
à le faire de façon rentable et, surtout, avant tout le monde.
Aujourd'hui, pour battre la concurrence, il faut accepter de s'associer
à des partenaires chez nous et à l'étranger. En fait,
cette réalité nouvelle exige des efforts de marketing
pratiquement aussi importants que ceux déployés en recherche
proprement dite.
Hydro-Québec contribue beaucoup à l'in-
novation technologique chez nous, et nous nous en réjouissons.
Toutefois, la Chambre croit qu'il y aurait lieu de faire un pas de plus. En
fait, il nous faut un grand leader pour pouvoir espérer suivre le rythme
international. Hydro-Québec doit jouer chez nous ce rôle de grand
leader en technologie. Hydro-Québec doit redevenir le moteur
économique et technologique qu'elle fut dans le passé.
Nous nous souvenons tous du rôle qu'a joué
Hydro-Québec auprès de nos grandes firmes
d'ingénieurs-conseils maintenant reconnues à travers le monde. Ce
n'est pas par hasard si le Québec compte trois des plus grandes firmes
d'ingénieurs-conseils au monde. Ces entreprises doivent une bonne partie
de leur expertise au leadership d'Hydro-Québec au cours des
années soixante et au partenariat que l'entreprise d'État a su
développer chez nous. Hydro-Québec doit être aujourd'hui
à la technologie ce qu'elle fut dans le passé à
l'ingénierie québécoise.
Nous souhaitons vivement, par exemple, qu'Hydro-Québec favorise
une stratégie qui incite les entreprises québécoises
à établir de nouvelles relations entre elles. Plusieurs formules
peuvent être utilisées, dont les trois suivantes: les accords de
licences, les entreprises communes ou, si vous préférez, les
"joint-ventures", et les consortiums. De plus - et c'est peut-être
là la solution la plus importante - Hydro-Québec doit s'efforcer
de devenir un partenaire important des entreprises et ne doit pas se contenter
d'attendre les projets de ses fournisseurs. Elle doit jouer un rôle
actif, un rôle proactif en proposant de nouveaux projets aux industries
et en établissant un partenariat dynamique et continu. Pour nous, cette
responsabilité de notre plus grande entreprise d'État au
Québec est tellement importante que la Chambre appuie le plan de
développement qu'elle propose, dans la mesure où
Hydro-Québec jouera vraiment son rôle de tête de pont dans
le domaine de la technologie et qu'elle fera tout en son pouvoir afin de
participer activement au développement technologique des entreprises
québécoises.
Nous croyons que ce qui est esquissé dans le plan proposé
à cet effet doit être érigé au rang de
priorités: intensifier la recherche de partenaires extérieurs,
assurer les transferts technologiques au sein de l'entreprise, exploiter plus
intensivement le potentiel commercial des produits et du savoir-faire, appuyer
davantage les activités des filiales, renforcer la mise en marché
des produits et du savoir-faire.
Toutes ces opérations et bien d'autres n'ont un véritable
sens que dans la mesure où les entreprises québécoises
font partie intégrante de la démarche en utilisant toutes les
formes de partenariat possibles. Dans le même sens, HydroQuébec
doit, selon ses besoins et les disponibilités du marché
intérieur, favoriser l'achat et l'adaptation de technologies
étrangères aux fins de transferts technologiques. L'entreprise
doit également favoriser la diffusion de nouvelles technologies en
proposant aux entreprises du Québec de nouvelles applications possibles
de sa technologie.
Enfin, la Chambre encourage fortement Hydro-Québec à
intensifier dans toute la mesure du possible ses opérations de mise en
communication des divers spécialistes auxquels elle fait appel tant
à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise afin
de favoriser le "networking", la mise en réseau en matière de
technologie au Québec. Ce qui nous amène à formuler trois
recommandations spécifiques dans ce domaine.
Troisièmement, Hydro-Québec doit accentuer son rôle
de partenaire des entreprises du Québec et favoriser une
stratégie qui les incite à établir de nouvelles relations
entre elles, particulièrement par des accords de licences, des
entreprises communes et des consortiums.
Autre recommandation: Hydro-Québec doit recourir à l'achat
et à l'adaptation de technologies étrangères selon ses
besoins et les disponibilités sur le marché intérieur et
en favoriser la diffusion en proposant aux entreprises
québécoises de nouvelles applications possibles.
Autre recommandation: Hydro-Québec doit favoriser activement le
"networking", la mise en réseau entre les intervenants
québécois dans le domaine de la recherche.
La conversion technologique d'une société ne peut se faire
efficacement et rapidement que dans la mesure où sa population est
éveillée à ce que d'autres ont appelé, avant nous,
une culture technologique. Nous devons, comme tous les autres peuples qui ont
réussi leur conversion technologique, nous imprégner de science
et de technologie. Tous reconnaissent que nous avons beaucoup de travail
à accomplir dans ce domaine au Québec. À cette fin, nous
croyons qu'Hydro-Québec pourrait assumer encore là un leadership
important et intégrer la diffusion de la culture scientifique et
technologique dans ses objectifs. (11 h 30)
Nous entendons par là qu'elle favorise la compréhension du
rôle et de l'importance de l'innovation technologique. Bien sûr,
cela profitera à l'entreprise elle-même, mais également
à toute la collectivité, entre autres en développant le
goût chez les jeunes d'entreprendre des carrières en sciences et
en technologie. La Chambre offre d'ailleurs toute sa collaboration dans cet
important dossier de la sensibilisation du grand public, incluant le monde des
affaires, à l'importance de la technologie. Nous en faisons donc une
recommandation formelle, à savoir qu'Hydro-Québec doit assumer
son rôle de leader, notamment en intégrant la diffusion de la
culture scientifique et technologique dans ses objectifs.
Par ailleurs, tous ces aspects de la mission d'Hydro-Québec que
nous jugeons importants ne doivent pas faire oublier que l'entreprise doit
sérieusement passer à l'action dans divers
domaines touchant directement ses performances en tant qu'entreprise
productrice et distributrice d'énergie, il est clair que la
productivité de l'entreprise et la fiabilité de son réseau
de distribution ont diminué au cours des dernières années.
Nous n'avons pas l'intention de nous engager dans une guerre de chiffres
là-dessus, nous laissons ce débat aux experts, mais la simple
observation des faits permet de conclure en ce sens. En effet, la Chambre ne
peut laisser sous silence les effets extrêmements coûteux
qu'entraîne pour les entreprises le manque de fiabilité du
réseau. Au moment où de plus en plus d'entreprises adoptent des
processus de production continue, même une interruption de l'alimentation
en électricité de quelques secondes peut entraîner des
coQts considérables. Notre économie ne peut se satisfaire d'un
réseau électrique peu fiable, particulièrement quand de
plus en plus d'entreprises s'engagent dans la production "just in time" et les
conséquences de ces bris sont incalculables et certainement faciles
à comprendre.
Il en va de même quand à la faible productivité
d'Hydro-Québec qui provient, en bonne partie d'ailleurs, de
règlements politiques de conflits de travail dont nous payons encore le
coût. La Chambre croit que cette situation doit être vigoureusement
dénoncée, compte tenu des coûts qu'elle entraîne.
Sans vouloir inutilement ressasser le passé, nous croyons qu'il
s'impose maintenant de prendre les mesures nécessaires pour redresser la
situation d'Hydro-Québec. Pour ce faire, il faut redonner à
Hydro-Québec l'oxygène dont elle a besoin pour se
développer et rebâtir la crédibilité à
laquelle cette entreprise nous a habitués. Hydro-Québec doit se
développer en fonction des critères mondiaux d'efficacité.
C'est à la condition de satisfaire à ces critères
qu'Hydro-Québec jouera pleinement son rôle de moteur du
développement technologique dont le Québec a un pressant besoin
aujourd'hui. C'est pourquoi la Chambre recommande finalement que le
gouvernement du Québec donne à Hydro-Québec le mandat et
les moyens d'accentuer son développement technologique au cours de la
prochaine décennie, en accord avec sa mission et ses valeurs
fondamentales et, j'insiste une dernière fois là-dessus, qu'elle
puisse jouer pleinement son rôle de locomotive technologique au
Québec. M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Ménard. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Ménard et M. Lacharité, votre
mémoire porte presque essentiellement sur le développement
technologique, sinon essentiellement. Le fait que vous n'indiquiez pas, dans
votre mémoire, de notes sur les autres volets du plan de
développement d'Hydro-
Québec, est-ce parce que vous endossez pleinement les autres
volets? Est-ce que vous croyez que - cette question-là, on l'a
posée à plusieurs groupes qui sont venus ici - les demandes
d'Hydro-Québec, par rapport à son plan de développement,
sont réalistes et suivant les besoins? J'aimerais aussi connaître
votre opinion quand au recours au développement hydroélectrique,
aux économies d'énergie, tels que préconisés par
Hydro-Québec, en tant que moyen pour atteindre un développement
durable au sens de la commission Bundtland.
M. Ménard: M. le Président, pour répondre
à votre première question, nous avons, à dessein,
accentué notre intervention sur le volet technologique. Nous avions
anticipé que peut-être peu d'intervenants développeraient
cet aspect du dossier et ça aurait peut-être été
souhaitable qu'on se trompe et qu'il y en ait plusieurs qui le fassent. Nous
croyons effectivement qu'Hydro-Québec peut être et dort être
un moteur de développement technologique au Québec. Quatre des
six volets de la stratégie de développement économique que
nous avons proposée pour la région de Montréal, l'an
dernier, touchent le développement technologique et nous ne pouvions pas
perdre cette occasion de mettre en relief le rôle clef, le rôle de
pierre angulaire qu'Hydro-Québec peut jouer dans la
société, si nous espérons atteindre et réaliser
cette stratégie-là.
Cela dit, il y a plusieurs autres aspects du plan de
développement qui nous intéressent, mais je vous dirais, sous
réserve de ce que nous avons présenté dans notre
mémoire, que nous souscrivons au pian de développement et au
programme d'investissements d'environ 60 000 000 $ que vous propose
Hydro-Québec. Nous souscrivons également aux objectifs financiers
qu'elle s'est donnés et au plan d'action qu'elle a postulé en
matière du développement de ses ressources humaines, en
particulier.
Quant au recours au développement hydroélectrique comme
outil et comme priorité en matière de développement
énergétique au Québec, en harmonie avec le cadre de
travail de la commission Brundtland, nous y souscrivons également. Nous
ne sommes pas d'avis que d'autres formes de développement
énergétique au Québec devraient être poursuivies et,
quant à nous, les orientations du gouvernement au niveau de sa politique
énergétique et celles d'Hydro nous sourient.
Mme Bacon: En matière de développement
technologique, vous préconisez un très vaste mandat pour
Hydro-Québec puisque, en plus d'assurer le leadership
québécois, vous voudriez qu'Hydro-Québec assume aussi la
diffusion de la culture scientifique dans la collectivité. Ne
croyez-vous pas que l'entreprise privée devrait aussi prendre une grande
responsabilité, peut-être plus grande encore qu'elle ne prend
en
matière d'innovation technologique, surtout quand on constate que
les participations d'Hydro-Québec et du gouvernement
québécois sont déjà considérables -
là-dessus nous n'avons pas les mêmes termes - en regard de
l'implication financière des entreprises et compte tenu aussi de
l'existence au Québec de nombreux programmes d'aide à
l'innovation technologique? On pense au Fonds de développement
technologique et à la programmation de crédits d'impôt
à la recherche et au développement.
M. Ménard: M. le Président, je souscris
d'emblée à ce que vous avez dit, mais je ferais une mise en
garde. Évidemment, il faut regarder la démographie
économique du Québec et vous savez tous comme moi que la
très grande majorité des entreprises au Québec sont de
petites et moyennes entreprises, et souvent plus de petites entreprises.
L'Association canadienne des manufacturiers nous rappelait encore
récemment que 90 % des entreprises canadiennes qui, également,
sont surtout dominées par les PME - un peu moins en Ontario - ne font
pas de recherche et développement comme tels. Le mémoire nous
rappelle qu'au Québec, 52 % de la recherche qui se fait en milieu
d'entreprises est faite par 10 entreprises. Alors, c'est à faire pleurer
et je suis certainement d'accord avec vous pour déplorer le manque
d'intensité dont font foi ces petites et moyennes entreprises en
matière de développement technologique et de recherche et
développement. C'est un problème de société, en
réalité. Je comprends que c'est un mot à la mode, mais ce
n'est que dramatiser l'urgence d'agir, quant à nous, au niveau de
l'importance chez nous de groupes d'influence comme le nôtre, comme le
gouvernement et Hydro-Québec, de travailler main dans la main pour
changer cette attitude.
Cela dit, Hydro-Québec comme telle a été, dans les
années soixante, pointée du doigt à juste titre comme
étant un des grands artisans de cette première phase de
développement technologique et du savoir scientifique dans le secteur
privé. Ce qui a donné naissance, comme vous le savez, à
l'émergence de ces sociétés d'ingénierie dont nous
sommes tous très fiers comme Québécois.
Étant donné l'envergure des sommes que nous comptons
investir, comme société, de quelque 60 000 000 000 $ au cours des
prochaines années, je pense qu'il y a très peu de projets de
société de cette envergure-là auxquels on peut assister
dans une génération. Cela dit, ces quelque 60 000 000 000 $
doivent être considérés comme un levier de
développement et de changement. À cet égard-là, je
n'hésite pas à dire qu'Hydro-Québec qui, en dépit
des problèmes récents qu'on lui connaît, a une
réputation mondiale de très haut niveau... Elle a une envergure
et des pouvoirs de par le grand nombre de fournisseurs avec lesquels elle
travaille dans le milieu pour travailler avec des moyennes et des petites
entreprises, au sens surtout de projets ou de tactiques d'accompagnement. Je
pense, en particulier, aux coentreprises, aux "joint-ventures"
qu'Hydro-Québec a déjà développées dans le
passé. Mais nous ne faisons que lui rappeler qu'il faudra redoubler
d'efforts comme société, parce que, à elle seule, la
société économique québécoise ne semble pas,
jusqu'ici, être aussi consciente de l'urgence d'agir en matière de
développement technologique. Et il est possible que l'incitation que
représente ce chiffre d'affaires, cet achalandage, cette activité
économique dont Hydro-Québec serait responsable, il est possible
et même nécessaire que ce levier soit mis à
contribution.
Mme Bacon: Comme vous le savez, il y a de très importants
regroupements de l'industrie manufacturière d'équipements
électriques qui ont lieu sur la scène internationale. Il y a des
consortiums, qui disposent d'énormes capacités de
développement, qui ont été créés. Dans ce
contexte-là, quelle est votre opinion quant à la stratégie
que pourrait adopter le Québec pour accroître le contenu
québécois de ces achats de matériel électrique?
M. Ménard: Évidemment, Hydro-Québec devrait
faire deux choses. Nous avons proposé dans le mémoire,
plutôt que dans les notes de présentation que je vous ai
livrées, qu'Hydro-Québec se donne un programme de vigie
technologique; vigie technologique qui vise à demeurer plus que jamais
intelligente quant aux technologies qui existent ailleurs, quant aux solutions
qu'on a à apporter à des problèmes semblables
qu'Hydro-Québec doit résoudre ici, parfois des problèmes
même nouveaux. Et HydroQuébec doit également - on ne l'a
pas dit - sans doute se faire vigilante quant aux disponibilités et aux
expertises qui existent ici au Québec sur notre propre territoire plus
que ça n'a été fait dans le passé.
J'indiquais ici dans le mémoire comme tel que: "Lorsque le milieu
des affaires sera mieux sensibilisé aux préoccupations
technologiques, il deviendra plus facile de développer un réseau
de vigie technologique efficace. Il sera plus facile aussi de développer
des créneaux technologiques, d'identifier certains systèmes ou
certaines composantes dont le marché mondial aura besoin et de viser
à occuper la plus grande part du marché dans les segments
d'avenir."
En toile de fond là-dedans, il faut également agir sur
l'attitude du public, l'attitude du milieu des affaires en
général quant au développement technologique. Parfois, il
y en a qui se découragent à l'idée de se faire rappeler le
peu d'efforts que nous faisons au Québec en développement
technologique. Il ne s'agit pas nécessairement pour nous de demander au
Québec de se donner un programme de recherche fondamentale. On ne
devrait pas hésiter, quant à nous, à
importer parfois des technologies qui existent et à les adapter
ici à nos besoins. Les ayant transformées, ces technologies
deviennent nôtres et peuvent également être exportées
à l'extérieur du Québec.
Je pense aux technologies qui peuvent aider le Québec à
relever le défi au niveau de la gestion des demandes d'énergie en
période de pointe, par exemple. Je pense aux technologies de transport
d'électricité, aux technologies qui ont rapport à
l'amélioration de la conservation comme telle. Il y a quand même
tout un agenda - je vous en fais grâce, vous le savez sans doute mieux
que moi à ce stade-ci - de projets qui ne pourront être atteints,
d'objectifs ambitieux qui ne pourront être atteints que si nous pouvons
les régler par le biais du savoir et par le biais, disons, de la
recherche et du développement.
Mme Bacon: Si on s'engage dans une formule de partenariat avec
des consortiums internationaux - vous avez mentionné quelques
créneaux particuliers - est-ce que ça offrirait davantage des
possibilités de pénétration des marchés mondiaux ou
des marchés internationaux?
M. Mlénard: Ça dépend, évidemment,
comment ces partenariats sont conclus; j'en ai vus plusieurs et il y en a qui
sont très ciblés, qui font en sorte que l'expérience
acquise n'est mise à contribution que pour les fins d'un projet
donné. Le groupe Pomerleau, récemment, par exemple, faisait
annoncer un consortium avec une grande entreprise européenne. J'ignore
exactement quelles sont les modalités de ce protocole, mais vous
comprendrez que l'expertise que va acquérir Pomerleau - pour nommer
cette entreprise québécoise - pourra peut-être être
mise à contribution et diffusée par après, bien
au-delà du contrat. Mais ça dépend vraiment de la nature
du contrat comme tel. La plupart des entreprises étrangères
tentent de maîtriser, à juste titre, et de garder le
contrôle sur leur technologie. Je pense qu'il faut être vigilant,
qu'il faut être intelligent pour pouvoir structurer ces contrats de telle
sorte que le produit qui en revient demeure au Québec et puisse, en
retour, être exporté. (11 h 45)
Mme Bacon: Est-ce qu'on pourrait associer la PME
québécoise à ce genre de partenariat?
M. Ménard: Ce serait vital qu'on le fasse parce que, comme
vous le savez, c'est la PME québécoise qui a créé,
au cours du dernier siècle, 90 % des emplois au Québec. Avec tout
le respect que j'ai pour elles, ce ne sont pas des sociétés comme
Pratt et Whitney ou Bombardier qui ont vraiment besoin de beaucoup d'aide.
Elles sont déjà très conscientisées à
l'avantage important que leur confère leur leadership en matière
de recherche et développement. C'est bien plutôt au niveau des
petites et moyennes entreprises qu'il faut exercer cet effort de
conscientisation.
Mme Bacon: Vous avez préconisé, à la page 16
du mémoire que nous avions déjà reçu,
qu'Hydro-Québec intègre la diffusion de la culture scientifique
dans ses objectifs. J'aimerais savoir comment Hydro-Québec et le milieu
des affaires pourraient s'allier pour propager la culture scientifique et, en
particulier, pour aussi susciter peut-être chez les jeunes le goût
d'entreprendre des carrières en science et en technologie parce que
ça va être important pour nous aussi.
M. Ménard: Écoutez, le gouvernement, depuis un an,
a entrepris une réforme importante en matière de formation
professionnelle, par exemple. Cette réforme-là faisait suite
à une prise de conscience, finalement, que nous avons tous faite suite
aux réformes du rapport Parent. Il y a quelque 20 années qui se
sont écoulées depuis ce temps-là, et on est en mesure,
comme société, de faire un certain constat et d'observer des
carences. Cet effort de sensibilisation, ce programme de sensibilisation, quant
à moi, le milieu des affaires nourrit beaucoup d'espoirs dans cette
campagne de sensibilisation, d'une part, et aussi dans le programme de
réforme de l'enseignement professionnel comme tel.
Hydro-Québec, comme société, comme entreprise, doit
venir s'embouveter là-dedans parce que vous savez, pour un jeune,
évidemment, à la fin... Parler, disons, de formation
professionnelle, c'est une chose. Ça peut encore, pour plusieurs
personnes - ça va vous surprendre, M. le Président - être
une abstraction. Or, Hydro-Québec est un cas bien précis.
HydroQuébec a des réussites qu'elle peut monter en épingle
et elle doit tenter, du mieux qu'elle le peut, d'exercer un maillage entre ces
gens et le milieu universitaire, d'une part, et le milieu de l'enseignement
supérieur, d'autre part. HydroQuébec doit diffuser et proclamer
à grande voix qu'elle est un leader en matière technologique et
qu'elle doit articuler ces valeurs-là dans sa promotion. Dans tous les
efforts de diffusion et toutes les fonctions de diffusion qu'elle doit assumer,
de toute manière, elle a une occasion chaque fois, sans en faire une
pure propagande, de vivre et de faire vivre au Québec l'importance des
valeurs technologiques et scientifiques.
Nous déplorons, comme plusieurs observateurs au Québec
l'ont fait récemment encore, M. le Président, que trop peu de nos
jeunes hommes et jeunes femmes désirent trouver carrière dans le
domaine scientifique et technologique, que trop peu de nos jeunes
étudiants ne s'acheminent vers la formation professionnelle parce que,
comme société, c'est un secteur que nous avons
dévalorisé, alors qu'on sait fort bien
que le taux d'emploi des jeunes gradués en formation
professionnelle, entre autres, et également au niveau universitaire, de
ces gra-dués-là qui émergent des secteurs scientifiques et
technologiques, est beaucoup beaucoup plus élevé. Alors, il y a
plusieurs sociétés au Québec, vous le savez, M. le
Président, dont les projets de développement achoppent
présentement parce qu'elles manquent de main-d'oeuvre
spécialisée et je pense qu'Hydro-Québec peut certainement
être une figure de proue afin que nous puissions changer ces
attitudes-là ici au Québec.
Mme Bacon: Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous avez
exprimé le voeu que le mandat d'Hydro-Québec soit modifié
pour que sa responsabilité de moteur économique, de moteur
technologique soit explicitement identifiée?
M. Ménard: C'est précisément...
Mme Bacon: Parce que c'est déjà vaste, le mandat
d'Hydro-Québec. Moi, j'aimerais que vous développiez comment
cette responsabilité-là devrait s'exercer en regard des autres
agents québécois qui ont aussi des mandats dans le domaine
économique et le domaine technologique.
M. Ménard: Écoutez, M. le Président, on sait
fort bien que la SDI, la SGF, toutes ces entreprises exercent dans le milieu,
soit directement en étant des initiateurs de projets, des bougies
d'allumage pour des coentreprises. Ces entreprises-là évoluent
également par le biais de leurs filiales. Je pense à la Domtar,
par exemple, ou d'autres. Bref, ce message et cette mission qu'on doit se
donner au Québec pour les 10 prochaines années de vraiment
s'insuffler une culture scientifique et technologique doit être un
message qui est véhiculé non seulement par Hydro-Québec,
mais également par toutes ses autres sociétés soeurs ou
les autres agences du gouvernement qui évoluent là-dedans. Et,
qui plus est, et je pense que c'est dans ce sens-là que le
président du CRIQ adressait ses reproches, récemment, c'est
qu'effectivement, il se fait beaucoup de choses. Il y a beaucoup de centres de
recherche qui sont appuyés par le gouvernement. Mais le président
observait, je pense, à juste titre, que peu de ces centres-là se
parlent et qu'il y a beaucoup de dédoublements. C'est un peu...
Je suis tenté de faire l'analogie avec le secteur de la
formation, ou du recyclage de la main-d'oeuvre. Vous ne m'entendrez jamais vous
proposer qu'il manque d'argent dans ce secteur-là. Tous conviennent que,
comme société, nous avons consacré assez de ressources. Ce
que nous déplorons tous, c'est que nous n'avons pas réussi
à arrimer ces crédits et ces ressources que, comme
société, nous voulions consacrer avec les usagers comme tels. Je
peux faire le même parallèle, je pense, en matière de
recherche et développement.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, Mme la
ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. D'abord quelques mots
pour vous remercier de votre présence ici et vous souhaiter la
bienvenue. Je dois dire que, globalement, en ce qui concerne toute la question
de la culture scientifique, tout ça, je n'ai pas de problème
à vivre avec ça. Je pense que c'est une orientation que l'on se
doit de prendre, comme société, et qu'il est excessivement
important que ce soit fait. Ce n'est pas suffisant d'être bons au hockey
international, et que ce n'est pas suffisant de performer aux olympiques pour
être reconnus internationalement. Il faut aussi avoir un petit peu plus,
peut-être, de substance, en termes de capacité scientifique, de
compétitivité dans un monde économiquement difficile
à vivre pour tout le monde et où la performance est de
règle. J'en conviens.
Maintenant, pourquoi est-ce que ça, ça doit se faire par
le biais d'Hydro-Québec, uniquement, ou, à toutes fins pratiques,
prioritairement par le biais d'Hydro-Québec? Là, j'ai un certain
problème. Vous demandez, à toutes fins pratiques, que l'on exige
d'Hydro-Québec, j'en conviens, c'est une société
d'État, c'est clair, ce... Pourquoi, par exemple, ce qu'on demande
à Hydro-Québec, ne pourrait-il pas aussi être
demandé à d'autres entreprises que vous avez vous-même
citées, genre Bombardier, genre les caisses populaires Desjardins, enfin
des entreprises, des consortiums, des empires financiers que l'on a au
Québec, et qui peuvent tout aussi bien participer, et qui devraient
probablement participer à cette culture scientifique-là.
Hydro-Québec peut le faire et Hydro-Québec doit le faire, mais
pourquoi toute seule? Vous ne nous laissez pas beaucoup d'alternatives, quand
vous dites: Nous ne croyons pas que l'on devrait privilégier quelque
autre source d'énergie que ce soit. Il faut construire des centrales
hydroélectriques, c'est par là que passe notre
développement. À toutes fins pratiques, c'est ce que ça
veut dire. Il n'y a pas beaucoup d'alternatives. Et ma première
question, finalement: Qu'est-ce qui vous amène à conclure, d'une
façon aussi imperative, et aussi, je dirais, définitive, que nous
n'avons rien à attendre de quelque autre source d'approvisionnement
énergétique que ce soit, en dehors des centrales
hydroélectriques d'Hydro-Québec. C'est une affirmation qui est
quand même très catégorique que vous avez faite ici, M.
Ménard, et qui, sûrement, sous-tend un raisonnement très en
profondeur du problème. On n'affirme pas ça comme ça, sans
y avoir réfléchi longuement. Alors j'aimerais savoir ce qui
vous
fait arriver, d'une façon aussi catégorique, à
cette conclusion-là.
M. Ménard: M. le Président, vous m'avez posé
plusieurs questions. Laissez-moi, premièrement, répondre à
la première. Nous ne pensons pas qu'Hydro-Québec devrait
être la seule à assumer le rôle que nous prévoyons
pour elle en matière de diffusion de ce que j'appelle cette
nécessaire culture scientifique et technologique que nous devrions avoir
au Québec. Cependant, je vous rappelle qu'Hydro-Québec appartient
à tous les Québécois, qu'elle est en situation de
monopole, et qu'elle demeure la plus grande entreprise publique du
Québec. De ce fait, elle devrait être sensible aux objectifs du
Québec, à sa situation économique, et elle devrait
utiliser toutes ses ressources, toutes ses activités autrement normales
pour pouvoir diffuser des valeurs de société en matière
économique. C'est tout ce que je disais.
Les sociétés comme Pratt et Whitney qui font
déjà concurrence avec les Boeing de ce monde et les autres
sociétés, disons, dans cette ère de l'aérospatiale,
vivent cette concurrence et cette nécessité d'investir en
recherche et développement. Des sociétés comme Pratt et
Whitney et Bombardier continuent quotidiennement d'embaucher ingénieurs,
techniciens et tout. Elles continuent à diffuser, par leur commerce et
par leur vie normale, cette nécessité pour le Québec de
vivre à l'heure du développement technologique. Ce que nous
déplorons, c'est qu'il y a trop peu de Pratt et Whitney, de Bombardier
et de mouvement Desjardins qui, également... Vous savez fort bien comme
moi que, dans le secteur des services financiers, s'il y a un secteur en
Amérique du Nord où il s'est fait beaucoup de
développement technologique depuis un certain nombre d'années,
c'est bien dans l'industrie des services financiers. Et la Banque Nationale et
le mouvement Desjardins sont à la fine pointe du développement
scientifique et technologique et de l'informatique en particulier dans leur
industrie. Mais je n'ai pas besoin de mes deux mains et peut-être d'une
troisième pour les compter celles-là.
Cela dit, le fait demeure que la très très grande
majorité - M. le Président, vous le savez comme moi -
d'entreprises génératrices d'emplois au Québec sont des
entreprises de 50 employés ou moins qui n'en font tout simplement pas de
recherche et développement. Et ce n'est pas propre au Québec.
Vous pouvez aller examiner l'expérience en recherche et
développement qui se fait en Ontario et ailleurs, c'est un
problème pancanadien. Alors, plutôt que de trop se soucier des
carences du système économique de Vancouver, de la
Colombie-Britannique ou de l'AI-berta, nous, on se préoccupe en
particulier des leviers historiques que nous pouvons avoir comme
société, qui peuvent être mis à contribution pour
changer nos valeurs comme société, et nous pensons bien
humblement qu'Hydro-Québec doit se faire plus que jamais vigilante
étant donné le peu de temps qu'il nous reste, comme
société, pour rattraper le peloton de tête en
matière de compétitivité et de leadership sur le plan
économique dans le monde.
Quant à vôtre dernière question, si je m'en remets
à la politique d'énergie du gouvernement, nous devons
manifestement favoriser une certaine mixité de l'énergie que nous
allons utiliser au Québec. Mais, fatalement, je pense qu'il faut
constater que, au niveau des ressources que nous avons au Québec, au
niveau de l'impact de l'énergie hydroélectrique sur
l'environnement, il nous semble, nous, à la Chambre, que le
Québec a un avantage concurrentiel majeur dont il devrait s'inspirer et
qu'il devrait utiliser au maximum au cours des 10 à 20 prochaines
années. Le charbon, je veux bien. À la Chambre, nous ne nous
sommes pas prononcés, nous n'avons pas étudié
profondément tout le dossier du nucléaire, mais, à sa
face, ça ne nous paraît pas, quant à nous, au niveau de son
impact sur l'environnement et de l'utilisation des rebuts, comme étant
une politique qui serait souhaitable à la lueur des ressources
hydroélectriques que nous avons au Québec. Ce n'était dit
que dans ce sens-là.
M. Claveau: Je pensais, M. Lacharité, que vous aviez
quelque chose à rajouter. Non?
M. Ménard: Je pense que M. Lacharité faisait
référence en particulier aux investissements majeurs qui
pourraient être mis à contribution pour le Québec en
matière de développement hydroélectrique plutôt
qu'en matière d'autre développement énergétique.
(12 heures)
M. Claveau: O.K. Justement, je pense que toutes ces
choses-là débouchent aussi sur le niveau des investissements,
c'est bien clair. Vous avez dit tout à l'heure, dans la
présentation, que l'on devait se servir des 62 000 000 000 $
d'investissements prévus à Hydro-Québec comme levier de
développement économique et, finalement, comme levier aussi de
relance de toute cette activité de recherche et développement et
de culture scientifique, en général. Je veux bien, sauf que vous
savez tout aussi bien que moi que la grande majorité de ces 62 000 000
000 $, dans le fond, c'est du béton, des bulldozers, des rouleaux
à asphalte, de la main-d'oeuvre spécialisée, mais de la
main-d'oeuvre, des routes, des billets d'avion, etc. Ce n'est pas
particulièrement d'avance sur le plan scientifique que d'avoir des
flottes de camions à gravier, des rouleaux à asphalte et des
bulldozers. De toute façon, là-dedans, en termes
d'équipement, le marché est assez restreint - Caterpillar et
Hewitt - il n'y a pas beaucoup d'alternatives de ce
côté-là.
Ne croyez-vous pas que, globalement, il serait possible, si on veut
vraiment investir de
l'argent massivement dans un levier de développement
économique, technologique et scientifique, qu'on n'ait pas d'abord
besoin de passer par les 62 000 000 000 $ d'Hydro-Québec? On pourrait le
faire par d'autres biais. D'un autre côté, on aurait
peut-être avantage à profiter du fait qu'Hydro-Québec doit
investir massivement ou veut investir ou est prête à aller sur les
marchés internationaux pour aller chercher de l'argent, donc d'en
profiter pour éventuellement développer de nouveaux
créneaux de recherche scientifique dans des énergies
alternatives, des trucs semblables, en termes de conservation d'énergie,
par exemple. Je ne suis pas convaincu que si on investissait 10 000 000 000 $
dans des politiques de préservation d'énergie, ça n'aurait
pas plus d'impact de recherche scientifique, de recherche et
développement pour la PME que les mêmes 10 000 000 000 $ mis
à construire des barrages qui vont aller finalement en béton et
en achat de quelques turbines, alternateurs et, finalement, tout est fini,
ça finit là, d'autant plus que ce sont des technologies qui sont
déjà, sinon dépassées, d'une certaine façon,
stagnantes. On fonctionne avec un modèle. Des alternateurs, ils en
faisaient il y a un siècle; c'a changé un peu, sauf que ça
reste les mêmes principes de production. Si on investissait massivement
dans les préservations d'énergie ou dans des énergies
alternatives, est-ce qu'il n'y aurait pas une voie d'avenir qui pourrait
être tout aussi intéressante que les quelques milliards qui vont
être investis par Hydro-Québec en termes de construction de
barrages?
M. Ménard: M. le Président, ça me fait
plaisir de répondre à cette question. D'une part, je vous fais
une mise en garde. Il ne faut pas mélanger les pommes et les oranges. 62
000 000 000 $ c'est un plan d'immobilisations qui va s'échelonner sur 10
ans, peut-être 12 ans, peut-être 13 ans. Le plan de
développement d'Hydro-Québec fait état de cette
nécessaire flexibilité qu'aurait Hydro-Québec pour pouvoir
mettre en chantier différents projets, selon ses anticipations d'offres
et de demandes comme telles. Il ne faut cependant pas banaliser la recherche et
développement en se disant que ces 62 000 000 000 $, à terme, ne
seront utilisés que pour acheter de la brique, du mortier et du ciment.
Hydro-Québec comme tel évidemment, je vous le rappelle, comme je
le disais tout à l'heure, que 467 000 000 $ soient investis en recherche
et développement au cours des trois prochaines années, c'est 2,4
% de ses ventes; donc 97,6 % de ses ventes ou de son chiffre d'affaires vont
être faits dans autre chose que de la R et D. Même des
sociétés qui sont très très très dynamiques,
des économies très dynamiques comme celle du Japon qui consacre 3
% de sa richesse collective à la R et D, par conséquent, consacre
97 % de sa richesse collective à autre chose que la R et D. Alors, le
commerce et l'achalandage que crée HydroQuébec dans le secteur
privé, entre autres, par le biais de ce chiffre d'affaires, permet de
financer, si vous me permettez l'expression, de créer des
liquidités et de créer un chiffre d'affaires qui, lui, peut
chapeauter et permettre au processus de recherche et développement de se
faire.
Alors, 470 000 000 $, ça semble modeste comparativement au
chiffre d'affaires comme tel, mais c'est quand même un montant
très important et 2,4 % des ventes d'Hydro-Québec est un montant
qui n'est quand même pas négligeable. On aurait souhaité,
sans doute, que ce soit plus de l'ordre de 3 % mais, quand même, l'impact
de ces sommes d'argent investies en recherche et développement peut
être majeur au niveau du développement économique.
Votre dernier point. Je ne crois pas vous avoir dit, M. le
Président, que nous ne souscrivions pas à des programmes de
recherche et développement en matière d'énergie
alternative. Je pense qu'à sa face, je n'ai pas du tout d'objection ou
de difficulté avec le commentaire que vous avez fait à la fin de
votre question.
M. Lacharité (Luc): M. le Président, j'ajouterai
peut-être que, dans notre mémoire, on insiste aussi pour
qu'Hydro-Québec reconsidère de remettre en place son programme
d'incitation à l'innovation qu'elle a abandonné il y a quelques
années, en 1988 plus précisément. C'est un peu dans ce
sens-là que ce type de programme fait appel à la mobilisation des
ressources. Et vous savez comme nous que, sur le plan des ressources humaines,
Hydro-Québec en possède de considérables qui pourraient
être mises davantage à contribution dans ce sens-là.
M. Claveau: Si j'en crois votre mémoire, par exemple, vous
ne devez pas particulièrement apprécier que, dans le petit peu
qu'Hydro-Québec a mis comme programme d'économie d'énergie
- 1 800 000 000 $ sur 10 ans, c'est quand même relativement modeste comme
investissement, pour le moins - le premier objectif ou le premier programme mis
en place par HydroQuébec soit l'épopée de la fameuse pomme
de douche ontarienne. Ça ne va pas tout a fait dans le sens de ce que
vous nous dites, et j'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
M. Ménard: Je n'ai pas étudié la technologie
des pommes de douche. Je suis multidisciplinaire, mais pas à ce
point-là! Je vous dirai que nous souscrivons évidemment à
toute proposition d'Hydro-Québec qui irait dans le sens
d'économiser l'énergie. Celle qu'Hydro-Québec propose en
est une parmi bien d'autres, comme vous le savez.
M. Claveau: Dans le sens de ce que vous nous annoncez et de ce
que vous souhaitez et
que, je pense la majorité des Québécois souhaitent
- qu'Hydro-Québec serve d'abord à développer
l'économie québécoise - ne croyez-vous pas qu'il aurait
été pour le moins souhaitable qu'Hydro-Québec
négocie ou aille vers les fabricants québécois dans un
premier temps pour leur dire: On vous donne six mois, en termes de recherche et
développement, pour nous développer un pommeau de douche qu'on
pourra mettre sur le marché, à 100 % québécois,
avec une patente brevetée au Québec?
Est-ce que vous croyez qu'on était aussi paniqué que
ça à Hydro-Québec, qu'on n'avait pas le temps de donner
quelques mois à l'entreprise québécoise pour se virer de
bord et développer un pommeau de douche qui soit nôtre et,
finalement, qui aurait pu être vendu n'importe où à travers
le monde? Alors que, là, on est en train de nuire à des
entreprises québécoises.
M. Ménard: Toute chose étant égale,
c'eût été souhaitable, M. le Président. Je vous
dirai cependant que, si je m'en remets à l'expérience du secteur
manufacturier canadien - je ne veux pas être misérabiliste ici -
si je compare, par exemple, l'industrie japonaise quant à la
période de temps qui doit se produire ou qui, fatalement, se produit
entre la conception d'un produit d'une table à dessin et sa
commercialisation, ça prend trois fois plus de temps ici, au Canada, que
ce n'est le cas ailleurs, au Japon, en particulier, et peut-être
même avec certains pays d'Europe; je pense à l'Allemagne.
Alors, avec tout le respect, M. le Président, je ne pense pas
qu'on aurait pu, en deux ou trois mois, concevoir - je serais le premier
à être très étonné - un tout nouveau produit
semblable à celui qui est proposé présentement. Cela dit,
je souscris entièrement au principe que vous avez soulevé. Et je
suis persuadé ou j'ose croire que si Hydro-Québec avait pu
identifier un produit semblable ou même modestement différent,
mais qui existait au Québec, elle l'aurait fait.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie M. le
député d'Ungava. Nous en sommes main tenant aux remarques de
conclusion. M. le député.
M. Claveau: Je vous remercie de votre présentation devant
la commission parlementaire. Votre présence ici témoigne de
l'importance que vous donnez à tout le dossier de l'énergie et de
l'importance qu'Hydro-Québec doit donner au développement des
entreprises québécoises d'abord.
Le Président (M. St-Roch): Merci, M. le
député d'Ungava. Mme la ministre.
Mme Bacon: Je voudrais vous remercier, MM. Ménard et
Lacharité, d'être venus ici, aujourd'hui, et, je pense, de
manifester l'opinion qu'Hydro-Québec doit être à la
technologie, au cours des années qui viennent, ce qu'elle a
été à l'ingénierie québécoise dans le
passé. Nous le souhaitons comme vous. Merci beaucoup de votre
contribution à la commission parlementaire.
Le Président (M. St-Roch): Alors, je tiens à
remercier, au nom de tous les membres de la commission, les porte-parole de la
Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Sur ce, la
commission de l'économie et du travail suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 11 )
(Reprise à 15 h 6)
Le Président (M. St-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux
pour poursuivre le mandat qui lui a été confié, soit des
auditions publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec. Alors, il me fait plaisir, au nom de tous
les membres de la commission, de souhaiter la bienvenue au groupe SNC. Je
demanderais maintenant au principal porte-parole de bien vouloir s'identifier
ainsi que les gens qui l'accompagnent pour le bénéfice des
parlementaires et des travaux de cette commission.
Groupe SNC inc.
M. Saint-Pierre (Guy): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, membres de la commission, mesdames et messieurs, merci de fournir au
Groupe SNC l'occasion de se prononcer sur un sujet aussi important pour
l'avenir économique et social du Québec. Mon nom est Guy
Saint-Pierre, président et chef de la direction du Groupe SNC inc.;
à ma gauche, M. André Gagnon, vice-président principal
énergie et grands travaux, qui a longtemps, d'ailleurs,
été associé à Hydro-Québec dans bien des
phases de développement et, à ma droite, M Robert Racine,
directeur des affaires publiques.
Puisque vous avez déjà pris connaissance de notre
mémoire et compte tenu du temps qui nous est alloué, nous
concentrons notre exposé d'aujourd'hui sur les principales questions que
nous avions soulevées. Premièrement: Avons-nous besoin
d'électricité? Deuxièmement: De combien en avons-nous
besoin? Troisièmement: Quels choix devons-nous retenir et quelles
ressources devrions-nous y consacrer?
Avant d'aborder la première question, permettez-moi de prendre
quelques instants pour vous parler brièvement du Groupe SNC.
Fondé en 1911, notre entreprise a grandi et s'est diversifiée en
premier lieu dans son champ d'activité original, soit
l'ingénierie construction, en élargissant sa gamme de
spécialisations pour se diriger ensuite, vers le début des
années quatre-
vingt, vers le secteur manufacturier. Entreprise publique depuis 1986,
son titre est transigé aux Bourses de Montréal et de Toronto.
L'entreprise compte au total près de 3500 employés. Environ les
trois quarts de ceux-ci sont dans la province de Québec, la plupart dans
le Grand Montréal métropolitain et une autre partie dans la
région de Québec, particulièrement à Valcartier et
à Saint-Augustin.
Au fil des années, nous avons eu, je crois, une expérience
exceptionnelle en matière d'électricité. Nous avons
été impliqués dans les moyens de production où nous
avons étudié ou réalisé plus d'une centaine de
projets de centrales hydroélectriques et de centrales thermiques dans
quelque 35 pays. Notre expérience cumulative dépasse les 70 000
mégawatts de puissance installée. Au Québec, nous avons
été mêlés, bien sûr, à Manie 5, en
1960, dans les études d'ingénierie; nous avons participé
à La Grande 3, en 1970, pour les études d'ingénierie et,
finalement, nous sommes impliqués, actuellement, comme mandataires de la
SEBJ dans plusieurs études de même que comme mandataires
d'Hydro-Québec dans d'autres études d'avant-projets. Comme
utilisateur d'énergie, SNC a été le maître-d'oeuvre
de l'aménagement de trois grandes alumine-ries québécoises
qui sont actuellement en cours, particulièrement celle de
Bécancour et celle de Reynolds à Baie-Comeau. Donc, le
débat énergétique nous touche de très près.
Nous avons aussi conçu, aménagé et ' même
possédé une dizaine de petites centrales hydroélectriques,
particulièrement dans l'État de New York et dans la province
voisine de l'Ontario. Depuis trente ans, nous sommes actifs également
dans le domaine des centrales thermiques et, également, dans le
nucléaire puisque, avec Monenco et Shawinigan Engineering, deux firmes
de Montréal, nous sommes les membres fondateurs et propriétaires
à 33 % de Canatom, et donc impliqués dans l'ingénierie
nucléaire au Canada, avec le système CANDU, avec des
réalisations en Argentine, en Corée du Sud, en Roumanie et
à Taiwan. SNC est également à l'avant-garde canadienne des
technologies de recyclage des déchets solides, pour fins de production
d'électricité et de vapeur, et nous avons un projet, couramment,
près de Toronto. Nous avons aussi des divisions qui se
spécialisent dans les équipements pétroliers et
pétrochimiques.
Comme nous l'avons mentionné dans des rapports, un observateur
pourrait penser que nous avons un conflit d'intérêts et que, plus
Hydro-Québec en fera, plus nous serons satisfaits nous-mêmes. Je
rappelle qu'en 1989 près de seulement 9 % de nos heures totales
impliquées dans le secteur ingénierie l'ont été
dans des projets reliés au gouvernement du Québec ou à
Hydro-Québec, et, qu'en fait, moins de 4,5 % de notre chiffre d'affaires
est relié aux aménagements d'Hydro-Québec. Donc, s'il y a
conflit, il est mince. Mais nous pensons cependant être bien
placés pour discuter des choix énergétiques qui s'offrent
au Québec.
Revenons, si vous le voulez bien, à notre toute première
question: Avons-nous besoin d'électricité? Le
développement économique des pays industrialisés est
lié de très près à la disponibilité de
ressources énergétiques. Au cours des années soixante, le
Québec a développé sa personnalité
hydro-québécoise; le développement de la Baie James, dans
les années soixante-dix, a fait du Québec le centre
énergétique de l'Amérique; les années quatre-vingt
furent celles de la consolidation, la restructuration des réseaux et le
suréquipement de centrales et les années quatre-vingt-dix
semblent être celles de la relance en matière de projets
hydroélectriques d'importance pour satisfaire - et il faudrait le
souligner, puisque la population l'ignore - les besoins premiers du
Québec.
Par ailleurs, selon les chercheurs, la génération des
"baby-boomers" - et c'est une statistique qui m'a toujours paru très
intéressante lorsque nous tentons d'évaluer l'évolution de
la demande - donc les jeunes d'aujourd'hui, entre 18 et 24 ans, qui sont
très préoccupés par des questions écologiques. Des
études ont montré qu'ils consomment, dans leur mode de vie, 16 %
plus d'énergie que la génération précédente.
Bien sûr, on utilise de nouvelles technologies pour plus de confort et de
commodité, à partir du four à micro-ondes, mais, surtout,
on fait beaucoup usage d'un réseau de "fast-food", l'alimentation
rapide, et on sait que tous les réseaux de "fast-food" exigent une
distribution alimentaire de surgelés. Donc, pendant que papa et maman
font un repas à la maison, le fiston, qui est très
préoccupé d'écologie, consomme son hamburger et, sans s'en
douter, ses habitudes de vie font qu'il consomme 16 % de plus, d'après
les études. On tient compte, également, d'autres habitudes, en
termes de circulation, d'utilisation d'électricité dans le mode
de vie.
Ironiquement, la révolution technologique a évolué
de pair avec le mouvement écologique et un plus grand souci de
l'environnement. Cependant, le Québec a des atouts majeurs: ses
ressources hydrauliques sont renouvelables, elle sont indigènes et
contribuent à maintenir l'autonomie énergétique du
Québec, enfin, elles sont fiables, à l'abri de l'inflation et
offrent des retombées importantes tant au niveau régional qu'au
niveau de l'emploi.
Quelles sont exactement ces retombées de l'industrie
électrique? Le Québec est très largement favorisé
pour l'implantation de certaines industries grandes consommatrices
d'énergie à des tarifs concurrentiels. Les investissements dans
ce secteur représentent, année après année, de 10 %
à 25 % des investissements totaux au Québec. Une partie de la
structure industrielle et l'emploi du Québec repose donc sur ces
orientations stratégiques. Les investissements, il faut le rappeler, ont
un effet d'entraînement sur les
économies régionales. il y a, bien sûr, une
concurrence internationale. La force économique relative de l'Europe et
du Japon augmente chaque jour, tandis que le poids relatif de l'Amérique
du Nord, tout au moins sur le plan économique, va en s'atténuant.
D'ailleurs, le Québec n'est pas seul à détenir ces atouts
importants. Le Brésil et le Venezuela, pour ne nommer que ces deux pays,
peuvent aussi proposer à leurs clients un approvisionnement
électrique fiable à des tarifs très concurrentiels.
Toutefois le Québec est souvent favorisé - nous l'avons vu
récemment dans le cas des investissements dans le secteur de
l'alumine-rie - à cause de son infrastructure de services, son
réseau routier, son réseau de transport, son dynamisme
économique, la stabilité politique et, également, le
niveau d'éducation d'une main-d'oeuvre fort qualifiée. Si nous
retardons, cependant, certaines mises en chantier au niveau de la
capacité de générer de l'électricité, le
Québec risquerait cependant de manquer ce bateau. Nous croyons que le
Québec a un besoin certain d'électricité pour assurer
notre développement futur. Il faut se rappeler que, sans un
développement économique fort, il est inutile de penser à
un progrès sur le plan social ou à une sauvegarde de notre
identité culturelle.
Pour les industriels, l'approvisionnement en énergie est un
facteur déterminant dans les décisions d'Investissement et ces
décisions d'investissement, il faut le rappeler, sont le moteur d'une
transformation de notre structure industrielle, de la création d'emplois
dans les régions. Les gens d'affaires sont à la recherche de
bases solides dans l'approvisionnement électrique. Le Québec,
à mon sens, est bien placé pour produire une énergie
propre et économique et il possède des alternatives que d'autres
pays lui envient.
La seconde question sur laquelle nous avons réfléchi est
la suivante: De combien en avons-nous besoin de cette
électricité? Hydro-Québec, il faut le rappeler,
prévoit une croissance moyenne de la demande québécoise de
2 % par an au cours des 10 prochaines années. Au niveau de
l'Amérique du Nord, le North American Electric Reliability Council,
NERC, qui regroupe les grandes entreprises qui produisent de
l'électricité aux États-Unis, prévoit, quant
à lui, un taux de 1,9 % bien que plusieurs spécialistes croient
que la tendance aux États-Unis sera plutôt de l'ordre de 3 % par
année d'ici l'an 2000. Il faut se rappeler, d'ailleurs, que la
consommation aux États-Unis, de 1960 à 1973, donc sur une longue
période de temps, a été autant que 7,4 % par année,
c'est-à-dire, grosso modo, le double de la croissance du PNB
exprimée en termes réels. De 1974 à 1986, à cause
du choc pétrolier, cette augmentation a chuté à 2,7 %,
soit, grosso modo, la croissance réelle du PNB de ce pays. Aussi,
plusieurs croient que, au cours des prochaines années, le PNB
américain augmentant de 2,5 % à 3 % par année, la
croissance d'électricité sera, au minimum, de 2,6 % à 3 %,
bien que les compagnies génératrices d'électricité,
comme je l'ai mentionné, prévoient 1,9 %. Il faut voir, dans
cette distinction, peut-être le fait que plusieurs d'entrés elles,
étant des sociétés privées, se sont vu refuser,
dans les dernières années, soit des permis à cause de
considérations environnementales, soit des augmentations de tarifs et
plusieurs d'entre elles, on le sait, ont eu des problèmes financiers
très sérieux. On a un peu l'impression que maintenant elles ont
une prévision très très faible et veulent tenter de se
faire prouver que la demande sera là avant de faire des gestes pour
augmenter la croissance de leur réseau.
Même si la prévision d'Hydro-Québec intègre
les résultats que l'on escompte des programmes d'économie
d'énergie, nous la croyons quelque peu pessimiste. La croissance moyenne
des cinq dernières années au Québec, il faut le rappeler,
a été de 7 % par année. Par hypothèse, si la
croissance moyenne était de 5 % plutôt que de 2 % sur dix ans, il
faut bien se rendre compte que le Québec aurait, en fin de
période, en l'an 2000, besoin de 12 000 mégawatts de plus, soit
plus du double de la nouvelle capacité aujourd'hui planifiée.
Il y a aussi une très grande importance pour la marge de
manoeuvre énergétique. Le plan proposé par
Hydro-Québec n'offre pas une très grande marge de manoeuvre, il
faut en être conscients, s'il y avait, d'une part, une augmentation
imprévue de la demande à cause du dynamisme de l'économie
et, d'autre part, un échec relatif des programmes d'économie
d'énergie et, troisièmement, un retard, pour une raison ou une
autre, dans les mises en service de certains équipements.
Parlons maintenant des exportations d'électricité. Il faut
rappeler - et l'Assemblée nationale et les membres de la commission en
sont très conscients mais, de mon point de vue, la population en
général au Québec ignore complètement ceci - que le
Québec importe trois fois plus d'électricité qu'il n'en
exporte. L'importation, bien sûr, vient de Terre-Neuve. Bien sûr,
si on en faisait la demande à la population, on a un peu l'impression
que celle-ci pense que le Québec exporte de 70 % à 75 % de
l'énergie. Je voyais encore, dans La Presse de la fin de semaine,
un article intéressant de M. Foglia, qui est bien lu par plusieurs
lecteurs, qui se demandait pourquoi faire le programme de la Baie James pour
les niveaux d'exportation. Il faut se rappeler ici - et je pense qu'on ne
pourra trop le répéter - qu'essentiellement, à 99 %, le
programme que nous offre Hydro-Québec est pour répondre
premièrement aux besoins du Québec et non pour tenter de
satisfaire les goûts d'exportation. Je pense que l'exportation vient
bonifier le plan, puisqu'elle assure, sur le plan financier, des
retombées importantes et qu'elle permet de
garantir des bas coûts aux Québécois qu'ils
pourront, après, récupérer, une fois les contrats fermes
terminés, donc avoir des sources d'énergie à beaucoup
moindre compte.
À notre avis, l'exportation est donc un dossier qui n'a pas
d'effet fondamental sur l'orientation énergétique du
Québec et même sur le débat d'aujourd'hui. Malheureusement,
la perception de la population est contraire. Mais les ventes
d'électricité ne peuvent que contribuer positivement, comme je
l'ai mentionné, à la santé financière
d'Hydro-Québec et à la balance commerciale de la province.
Les économies d'énergie sont un des trois principaux
aspects du plan d'Hydro-Québec. Elle prévoit réduire les
besoins d'électricité régulière de 10 % en l'an
2006. SNC connaît bien les technologies d'énergie; il faut
cependant tenir compte de la réalité des possibilités et
des limites. Certaines personnes - et je ne mentionne pas les gens
d'Hydro-Québec, mais d'autres personnes qui critiquent
Hydro-Québec à cause du faible niveau qu'on attend des
économies d'énergie - voient dans les économies
d'énergie la solution miracle à tous les problèmes
environnementaux. Il faut toutefois se méfier des prétendues
économies qui ne résultent, au bout du compte, qu'en une
substitution nette d'énergie. L'exemple le plus frappant est bien
sûr l'isolation des immeubles où, finalement, plus vous avez
d'isolation, tout à coup, plus vous avez besoin d'avoir de l'air frais
pour maintenir la qualité de l'air dans les immeubles à bureaux
et, finalement, ce qui a été perçu au départ comme
une économie d'énergie se retrouve, à la fin, comme une
perte nette et une consommation plus grande d'énergie. D'ailleurs, notre
document illustre d'autres façons où, finalement, les
économies d'énergie, il faut s'en méfier. On n'a
qu'à prendre un cas très distinct à partir de
l'éclairage. Vous pouvez consommer moins d'énergie dans
l'éclairage, mais le résultat est net: vous avez besoin de plus
d'énergie dans le chauffage.
Il faut donc une batterie d'analyses très rigoureuses et, selon
nous, les études n'ont pas été réalisées
dans le contexte climatique et énergétique du Québec par
ceux qui critiquent le plan d'Hydro-Québec et qui voient dans ce plan
trop de timidité au niveau des réalisations d'énergie. Les
usines récemment construites dans tous les secteurs de l'activité
humaine sont toutes dotées de systèmes assurant un rendement
énergétique optimal en fonction des coûts de
l'énergie. Au-delà d'un certain niveau, l'amélioration de
l'efficacité énergétique coûte trop cher et affecte
même la rentabilité de ces entreprises. Pour obtenir des
résultats significatifs et rapides, il faudrait vivre dans la crainte
d'une rupture des approvisionnements et une forte augmentation des coûts
de l'énergie.
Finalement, pour réduire la consommation d'énergie, il
faut se rappeler qu'il n'existe que trois moyens: premièrement, la
contrainte; deuxièmement, les subventions et, troisièmement,
l'augmentation réelle du prix de l'énergie. L'augmentation
graduelle et concertée du prix de l'énergie est peut-être
la meilleure garantie d'une efficacité énergétique accrue.
Il faut toutefois maintenir - et je suis certain que le gouvernement en est
conscient - un équilibre entre la santé financière
d'Hydro-Québec, les effets d'un signal de prix sur les économies
d'énergie et la capacité de payer des clients, qu'ils soient du
secteur privé, du secteur public, qu'ils soient des consommateurs
individuels ou qu'ils soient de grandes entreprises ou de petites et moyennes
entreprises.
Nous considérons souhaitable, quant à nous, que les tarifs
d'électricité reflètent, pour chaque catégorie de
clients, les coûts véritables de fourniture. Nous jugeons
contre-productif l'inter-financement actuel qui existe en particulier entre la
petite et la moyenne entreprise et les grands consommateurs... et je m'excuse,
entre les consommateurs, la population, en général, le niveau
domestique.
Pour améliorer l'efficacité énergétique, il
faudrait envisager un mode de tarification qui établirait une
distinction entre l'énergie consommée pour les besoins de base et
l'énergie consommée pour les besoins de luxe. La clé du
problème réside dans le comportement du consommateur. Le seul
moyen sûr de l'influencer est peut-être le signal que donnent les
prix. Il est donc dangereux de planifier un programme d'équipement en
fonction d'économies d'énergie. Ces programmes n'apporteront
aucune marge de manoeuvre à Hydro-Québec.
La dernière partie de notre exposé concerne les choix que
nous devons retenir et les ressources que nous devons y consacrer. Il y a
toujours un prix à payer pour obtenir un bien ou un service. Même
les activités de protection environnementale ont un impact
négatif sur l'environnement, ne serait-ce que par l'énergie
qu'elles consomment.
Nous sommes favorables à l'importance qu'Hydro-Québec
accorde au secteur de l'environnement et, à notre point de vue,
peut-être que les critiques n'accordent pas suffisamment de mérite
à la profondeur des analyses qui ont été faites. Nous
croyons que nous pouvons développer en choisissant les moyens qui
coûtent moins cher en argent et en termes d'impact sur
l'environnement.
Aujourd'hui, les gestionnaires et les politiciens sont quotidiennement
confrontés à la difficulté de chiffrer la valeur d'un
paysage, d'une flore ou d'un élément de faune. Ils savent tous
qu'ils doivent cependant en tenir compte.
En revoyant les options qui s'offrent à nous, les énergies
douces, énergies solaire et éolienne, elles ne nous apparaissent
pas de véritables options. Les centrales thermiques constituent une
option plus réaliste, mais augmen-
teraient la dépendance face aux sources d'approvisionnement. Le
prix environnemental est lourd à payer, nos amis des États-Unis
en sont conscients.
L'option nucléaire est retenue uniquement par les pays
industrialisés qui ne disposent pas de ressources indigènes sur
le plan hydroélectrique comme la France, l'Allemagne ou le Japon. Il ne
fait aucun doute que le Québec devra tôt ou tard se tourner lui
aussi vers cette option. Elle pose le problème de la gestion et de
l'entreposage des déchets radioactifs dans le cas de l'option
nucléaire. Il y a aussi le problème de la perception publique qui
est peut-être la plus grande responsable, aux États-Unis, des
délais qui ont été enregistrés au niveau des
centrales nucléaires.
La seule option qu'il reste au Québec - et le Québec est
choyé par la nature sur ce plan - est l'option hydroélectrique.
Elle fait appel à des ressources existantes et renouvelables. Son prix
de revient est connu et relativement insensible à l'inflation. Sa
technologie est parfaitement maîtrisée. Elle représente
aujourd'hui une économie de 30 % à 40 % par rapport aux options
thermique ou nucléaire. Son coût environnemental peut être
réduit parce que, financièrement, c'est une option
avantageuse.
Dans les années soixante-dix, les planificateurs
d'Hydro-Québec ont résisté, et le gouvernement aussi,
à la mode du nucléaire. Aujourd'hui, il est évident qu'ils
ont fait alors le bon choix et que nous devons de nouveau appuyer
Hydro-Québec dans sa volonté de privilégier l'option
hydroélectrique puisqu'elle est, à mon sens, celle qui concilie
le plus les défis qui se posent au Québec. Elle n'exige aucun
investissement de la part d'Hydro-Québec. Dans le cas des producteurs
indépendants, elle n'entraîne que très peu d'impacts.
En guise de conclusion, permettez-moi d'insister sur les points
suivants. Le cycle de planification d'une centrale hydroélectrique est
souvent de plus de 10 ans. Plus le cycle de planification est long, plus les
risques d'erreur sont élevés. Il faut donc éviter
d'étirer indûment le processus. De notre point de vue, une crise
majeure se dessine à l'horizon pour l'approvisionnement
hydroélectrique dans le Nord-Est américain. Si jamais
Hydro-Québec avait erré dans le sens d'avoir une trop grande
capacité, elle n'aurait aucune difficulté à vendre ce
surplus d'énergie à court terme aux Américains. Cependant,
si d'un autre côté nous n'avions pas suffisamment de
capacité hydroélectrique pour satisfaire les exigences du
réseau, nous pourrions avoir des conséquences graves sur le plan
économique.
Il importe donc que tous les intervenants soient soumis à des
échéances fixes réglementaires et à un processus de
planification rationnel. En d'autres termes, il faut dire oui à la
dissidence, mais non pas au prolongement indu du processus d'approbation des
plans soumis par Hydro-Québec. Les objectifs d'Hydro-Québec nous
apparaissent réalistes, les six objectifs qui ont été
mentionnés, avec peut-être, comme je l'ai dit, la nuance que nous
croyons que le scénario moyen, finalement, sera plutôt le
scénario fort que prévoit Hydro-Québec, à moins de
difficultés sur le plan économique.
De plus, nous croyons qu'il y aurait peut-être plus de place aux
producteurs privés qui pourraient faire un partenariat pour les petites
centrales qui pourraient bien s'intégrer au réseau. La marge de
manoeuvre énergétique du Québec est à son niveau le
plus bas depuis plusieurs années. Depuis trois ans, le programme
d'équipement proposé par Hydro-Québec n'a presque pas
varié et personne n'a réellement suggéré une
alternative plus réaliste parce qu'elle n'existe tout simplement
pas.
Notre choix de société, M. le Président, s'impose
plus que jamais et nous croyons qu'il y a lieu d'épauler les
préoccupations d'Hydro-Québec vis-à-vis de l'impact
environnemental de ses études, mais également vis-à-vis de
sa mission première qui est de satisfaire aux besoins
énergétiques du Québec et de faire réaliser
à la population du Québec que, finalement, les exportations
d'énergie ne sont pas un facteur véritable dans l'enjeu qui est
devant nous.
Finalement, le plan que nous avons satisfait surtout aux besoins
internes du Québec et ne pas satisfaire à ces besoins, cela
aurait un impact très négatif sur les possibilités et le
potentiel d'avenir sur le plan économique du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, le mémoire qui est
présenté par le Groupe SNC est un mémoire très
intéressant, tant par la précision des données qui y sont
traitées que par la teneur de ses réflexions.
Je constate que vous n'êtes pas les premiers intervenants à
remettre en question les prévisions de la demande
d'électricité d'Hydro-Québec. Tout au long des deux
dernières semaines, il y a plusieurs personnes qui sont venues nous dire
qu'Hydro-Québec est soit optimiste, soit pessimiste dans sa
prévision de la demande. Ma première question traite de cette
dimension du débat qui est, à mes yeux, pour le moins
controversée. À ma première question, je voudrais traiter
de cette partie-là. À la page 11 de votre mémoire, vous
qualifiez la prévision de la demande d'Hydro-Québec de
pessimiste. Si je comprends bien, une croissance de la demande
québécoise de 2 % par année au cours des 10 prochaines
années ne vous apparaît pas réaliste. Vous semblez surtout
opter pour une prévision qui est plus élevée. Vous avez
même cité 3 % qui serait plus réaliste. Quels facteurs
pourraient
influencer à la hausse la demande d'électricité au
Québec dans les années qui viennent?
M. Saint-Pierre: Mme la ministre, évidemment, je sais,
sans être dans les moindres détails, qu'Hydro-Québec tient
compte de nombreux facteurs, des facteurs démographiques, des facteurs
de croissance des ménages, des facteurs de la vie économique, la
croissance du PNB. Comme je l'ai mentionné, pendant longtemps, non
seulement en Amérique du Nord mais en Europe, il y avait presque une
règle constante que la croissance de la demande était
égale à deux fois la croissance du PNB. Donc, tous les exercices
qui étaient faits pour le produit intérieur brut se transposaient
immédiatement pour la demande. Ce qui est survenu dans le choc
pétrolier a modifié cela; donc, les entreprises ont tenté
de faire... Le coût de l'énergie a augmenté sous toutes ses
formes, non seulement sur le plan de l'électricité, mais sur le
plan de l'huile et du gaz et, donc, on a tenté de faire une
épargne substantielle sur le plan de l'énergie. À
l'avenir, à mon sens, le facteur qui pourrait jouer le plus, le facteur
qui - j'hésite un peu à le soulever... Dans la conjoncture
où nous vivons actuellement au Canada, évidemment, j'assume qu'il
n'y a aucune instabilité politique qui pourrait se produire et au
Québec, et au Canada; si nous adoptons ce postulat, je crois que le
Québec est très bien placé pour avoir une croissance
économique très forte. Je penserais, et déjà on en
a eu des signes, que les États de l'Est de l'Amérique ne sont pas
capables, ne seront pas capables... J'ai plusieurs études ici qui
démontrent jusqu'à quel point on croit qu'il y aura des
problèmes très sérieux, même au cours de
l'été, vis-à-vis de la capacité des États de
l'Est de l'Amérique à satisfaire à une demande à la
fois domestique et industrielle. Donc, je pense que dans l'avenir simplement la
fiabilité, la capacité de vendre de l'électricité
pourrait devenir un facteur très important non seulement pour attirer
des alumineries - ça semble évident - ou des entreprises dans le
secteur électrométallurgique, mais également le secteur
manufacturier en général. (15 h 30)
Et vous me permettrez peut-être de souligner l'importance pour
l'économie du Québec du secteur manufacturier. Les services,
c'est très beau, mais il faut toujours se rappeler que les gains de
productivité, que les niveaux de productivité, que le salaire
moyen dans le secteur manufacturier est beaucoup plus élevé que
dans le secteur des services. Il y a des secteurs de services, comme les
banques internationales, qui ont des très hauts salaires, mais il y a
également la restauration; il y a tout un ensemble de services qui sont
relativement très bas. Au niveau de l'exportation, la même
chose.
Alors, je pense, pour répondre plus spécifiquement
à votre question, particulièrement à une pénurie
d'énergie aux États-Unis. On voit là-bas qu'il n'est pas
évident, quels seront les choix privilégiés qui pourraient
faire une croissance économique plus forte au Québec qu'on n'a pu
anticiper. Un deuxième facteur que je mentionne, ce sont les
problèmes sur le plan de l'environnement. J'ai ici une étude qui
démontre l'impact que peut avoir, si je peux retrouver la page...
L'impact, on parle du phénomène de serre, du réchauffement
du globe. Et, si je peux retrouver ma page, il y a un impact très,
très grand entre une augmentation de la température moyenne aux
États-Unis de 1 %... Quel effet ceci peut-il avoir sur la demande
d'énergie, bien sûr à cause de l'air climatisé,
à cause du chauffage l'hiver? C'est très, très fort. Dans
la région de New York, de mémoire, une augmentation de un
degré Fahrenheit de la température moyenne augmente la pointe
d'énergie de 3,9 %; et j'ai d'autres facteurs comme ça. Les
chiffres que je vous ai donnés ne tiennent pas compte de ces effets
macro sur le plan environnemental et sur le plan économique.
Mme Bacon: Est-ce qu'on est en train de faire la même
chose, au fond, que les États de la Nouvelle-Angleterre qui vont
connaître une demande assez élevée
d'électricité, une demande d'énergie? Est-ce qu'on est en
train de poser les mêmes gestes qu'eux ont posés ou qu'ils n'ont
pas posés? Est-ce qu'on peut comparer les situations par rapport aux
besoins quand on fait une extrapolation des 10 prochaines années, par
exemple?
M. Saint-Pierre: Bien, il faut penser qu'en termes de
qualité de la vie, en termes même de rythme de vie, de vie
économique, peut-être que le traité de libre-échange
entre le Canada et les États-Unis a rapproché nos
économies de plus en plus. Vous avez sûrement raison, la grande
différence qu'il y a, c'est que nous avons des alternatives qu'eux n'ont
pas. L'alternative hydroélectrique, je pense qu'il y a plusieurs
États américains qui voudraient avoir la richesse que
possède le Québec sur le plan d'avoir la possibilité de
harnacher des rivières. J'ai mentionné les études dans
lesquelles SNC a été impliqué, mais il faut bien voir que
c'étaient des minicentrales dans l'État de New York au fil de
l'eau, en fait, des petites chutes qui nous donnaient de 5 à 20
mégawatts. Ce sont donc des projets très, très faibles par
rapport à ce qu'envisage Hydro-Québec.
Mme Bacon: Vous semblez aussi très inquiets devant la
marge de manoeuvre énergétique qui est prévue dans le
dernier plan de développement d'Hydro-Québec. Vous dites que,
contrairement à un programme de construction qui peut toujours
être retardé ou, dans certaines limites, devancé, les
programmes d'économies d'énergie n'apportent à
Hydro-Québec, au fond,
aucune marge de manoeuvre, si j'ai bien compris votre dossier.
M. Saint-Pierre: Ils apportent une marge relativement faible.
Mme Bacon: Faible. Quels sont, d'après vous, les moyens
concrets de constituer une marge de manoeuvre suffisante pour répondre
aux besoins de développement industriel? Parce que c'est ça aussi
qu'on va avoir devant nous dans les 10 prochaines années.
M. Saint-Pierre: Peut-être, oui.
M. Gagnon (André): Peut-être que je peux
répondre, Mme la ministre. Je pense qu'il s'agit de faire un plan de
développement qui a toute la flexibilité voulue.
L'élément principal de ce plan de développement, c'est de
s'attaquer à des aménagements, peut-être pas dans le coeur
du plan de développement, mais dans la zone d'incertitude des
aménagements qui ont une importance restreinte, de sorte qu'on peut
facilement retarder les travaux ou devancer les travaux sans devoir mobiliser
tout l'appareil d'Hydro-Québec. Si on regarde, par exemple, ce qui s'est
passé dans les années soixante-dix, on a misé dans les 10
000 mégawatts de la Baie James sur uniquement 3 centrales. Et quand le
deuxième crash pétrolier est arrivé, en 1978, les travaux
étaient trop avancés et Hydro-Québec a été
devant une situation de surplus qui a duré jusque vers la fin des
années quatre-vingt. Pourquoi? Parce que les éléments en
jeu étaient trop importants, alors que si, par hypothèse, les
dernières centrales, au lieu d'avoir 1000 ou 1500 mégawatts,
avaient eu 300, 400, ou 500 mégawatts, l'adaptation à la
réalité aurait été beaucoup plus facile. Tout
ça, dans un "background" où vous avez un horizon de
développement, un cycle de projets qui dure 10 ans.
Mme Bacon: Hydro-Québec a lancé, cette
année, un vaste programme d'économies d'énergie. Vous en
faites l'analyse dans votre mémoire, mais vous semblez peu convaincus
des chances de réussite de ce programme. Est-ce que vous pourriez nous
expliquer quelles sont vos principales inquiétudes face à ce
programme d'économie d'énergie? On sait que, dans son plan de
développement, Hydro-Québec veut investir 1 800 000 000 $ dans
les économies d'énergie.
M. Saint-Pierre: J'espère que le mémoire n'a pas
exprimé un doute. Nous trouvons que ce sont des objectifs qui sont
très... Puisqu'ils impliquent des changements dans les comportements de
6 000 000 de citoyens, qu'ils impliquent beaucoup de modifications dans nos
habitudes de vie et que les gains nets sont quelquefois plus difficiles
à obtenir qu'on ne le pense, les objectifs que s'est donnés
Hydro-Québec, on les trouve très élevés, des
objectifs qui ne seront pas faciles à atteindre, contrairement à
d'autres groupes qui ont un peu l'impression que ce sera très facile et
même qu'on pourrait avoir des objectifs deux ou trois fois plus grands
que cela.
Il faut être très prudent lorsqu'on prend, au niveau
mondial, des comparaisons de consommation d'énergie per capita. On n'a
pas le climat de certains pays européens, ils n'ont pas la rigueur de
nos climats. On les voit, les uns et les autres... J'avais moi-même, pour
une résidence secondaire, mes coûts d'électricité
pour janvier et février de cette année, et j'étais
"escamoté", mais finalement je n'ai pas grand-chose à faire, en
ce sens que c'est la rigueur du climat. Lorsque vous avez des
températures de -20e ou -25° pendant plusieurs jours,
c'est évident qu'on va consommer plus d'énergie que des gens qui
sont au Japon, qui ne connaissent à peu près jamais ces
froids-là.
Il y a également toute la structure industrielle qui joue
beaucoup. Un pays comme la Suisse, qui a de moins en moins un secteur
manufacturier, qui est de plus en plus dans le secteur des services,
évidemment, va arriver avec des résultats très
différents. Alors, il faut être très prudent pour tirer...
Enfin, je ne veux pas lancer la pierre à d'autres groupes mais, en
lisant des mémoires, non pas uniquement ceux qui auraient
été soumis au Québec, mais dans d'autres juridictions, on
voit que les gens, finalement, ont, est-ce que je dois dire le sophisme rapide?
entre la majeure et la mineure. On tire vite une conclusion qui n'est pas
étayée sur des bases solides.
Mme Bacon: Dans la partie de votre mémoire qui concerne
les choix de développement à retenir, vous dites ne pas souscrire
a la thèse populaire voulant qu'il soit possible de développer
sans affecter l'environnement. Vous suggérez plutôt de
rationaliser le coût financier par rapport au coût environnemental.
Vous avez quand même une grande expérience dans la construction de
barrages hydroélectriques. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont
les impacts majeurs de ce type de développement sur l'environnement? On
a entendu beaucoup parler de l'environnement, ici, depuis le début de
cette commission.
M. Gagnon: II n'y a aucun doute que le premier impact est
lié au fait qu'on inonde du territoire. Il peut y avoir des impacts
positifs, il peut y avoir des impacts négatifs, mais, en
général, il y a plus d'impacts négatifs que d'impacts
positifs. L'impact qui a été le plus sous-estimé - et
l'histoire de Baie James phase I en fait foi - a été celui qui a
été lié à la dilution du mercure qu'il y a
naturellement dans le sol et dans les plantes, dans l'eau, et l'augmentation en
teneur de mercure dans la chair des poissons comestibles. On croit,
aujourd'hui,
que c'est un impact qui est passager, mais il n'y a aucun doute que ces
phénomènes-là n'ont pas un cycle de deux ou trois ans.
C'est peut-être un cycle qui se chiffre à plusieurs années.
Ça, c'est l'impact numéro un.
L'impact le plus important qui a été mis en
évidence par notre société, aussi, c'est l'impact sur la
vie des autochtones. Même si les autochtones sont bien compensés,
et ils l'ont été en phase I, il demeure que la
pénétration de ces équipements-là, et avec tous les
moyens d'accès qui sont mis en oeuvre, fait que leur vie en est
transformée. Avant, ils se promenaient en raquettes, quelques
années après, c'a été le "skidoo", et maintenant
c'est le camion, parce que les routes sont là, les routes sont
entretenues, etc. Donc, il y a une question de préservation du mode de
vie de ces gens-là, dans la mesure où ils veulent bien
préserver leur mode de vie. C'est certainement un impact.
Et le troisième, qui est loin d'être négligeable,
c'est celui qui est apporté par des lignes de transport qui font en
moyenne, puisqu'on parle de la Baie James, environ 1000 kilomètres.
Chaque ligne de transport exige un droit de passage de l'ordre de 80
mètres. Donc, ça ne veut pas dire que le territoire sous ces
lignes-là est tout à fait gaspillé, si vous voulez; il
peut encore servir à diverses fins, mais il n'y a aucun doute que
l'usage de ce territoire s'en trouve limité et que c'est un impact qui
est non négligeable par rapport à d'autres modes de production
où on pourrait, par hypothèse, implanter de l'équipement
de production très près des centres de consommation. Donc,
l'impact serait le même, mais les lignes de transport, au lieu de faire
en moyenne 1000 kilomètres, elles feraient peut-être 100, 150
kilomètres.
Mme Bacon: Au début de votre mémoire, vous dites
que nos ressources hydrauliques sont renouvelables et que leur exploitation ne
compromet aucunement l'approvisionnement des générations à
venir. Vous analysez plus loin les choix à retenir. Vous écrivez
la phrase suivante: "À moins de changements technologiques majeurs et
imprévisibles, il ne fait aucun doute que le Québec devra
tôt ou tard se tourner, lui aussi, vers l'option du nucléaire."
Dans l'intérêt de la commission, est-ce que vous pourriez quand
même nous expliquer les éléments qui sous-tendent la
deuxième citation?
M. Saint-Pierre: À savoir les progrès
technologiques?
Mme Bacon: À moins de changements technologiques majeurs
et imprévisibles, il ne fait aucun doute que le Québec devra se
tourner tôt ou tard vers le nucléaire.
M. Saint-Pierre: Écoutez, je ne veux pas me poser en
expert du nucléaire, mais je pense que la fusion nucléaire a tout
de même des promesses relativement importantes. On en est aux premiers
équipements-pilotes, si vous voulez, aujourd'hui, en Europe et il est
possible, dans 20 ans ou dans 30 ans, qu'il y ait une option nucléaire
qui soit tout à fait acceptable. Cependant, il faut aborder ce
sujet-là avec la plus grande humilité, même si les
ingénieurs en général ne sont pas bêtes. Ces
développements technologiques là ne se font pas dans une saison.
Ces développements prennent des années et des années avant
que les nouvelles options non seulement puissent faire leurs preuves, mais
surtout qu'elles soient économiquement viables. Et c'est là
qu'est toute la question.
Mme Bacon: II y a une autre question aussi qui est importante, je
pense, au niveau environnemental. Est-ce que vous croyez que le
développement du nucléaire est moins dommageable que celui des
centrales hydroélectriques, par rapport à l'environnement?
M. Saint-Pierre: Personnellement, non. Avec un aménagement
hydroélectrique bien conçu qui tente de respecter
l'aménagement, donc qui ne tente pas de retirer le maximum du potentiel
d'une rivière mais qui tient compte, comme mon collègue l'a
mentionné, de l'impact sur la faune, la flore, l'habitat humain et
autres, je pense que les problèmes sur le plan environnemental sont
beaucoup moindres que dans le nucléaire, dans le moment. On parle de la
disposition des déchets nucléaires qui est encore un
problème presque insoluble au niveau du globe. Ayant dit ça,
cependant, je crois qu'on aurait pu dire que peut-être le plan
d'Hydro-Québec aurait pu maintenir un contact avec la filière
nucléaire. Si je l'ai bien lu, finalement, dans un horizon de dix ans,
on l'exclut complètement. Évidemment, on peut également
dire qu'il n'y a pas une technologie particulière dans cela, que
finalement ça devient très vite échangeable, que
l'expérience qui sera farte en Ontario pourra être utilisée
ici, au Québec. Mais, à mon sens, au XXIe siècle, l'option
nucléaire deviendra de plus en plus acceptable aux populations, plus que
les usines thermiques qui, au niveau de l'atmosphère, semblent causer
des problèmes beaucoup plus graves. Plus on s'attaque à des
problèmes environnementaux, plus les coûts des usines thermiques
augmentent et moins les coûts du nucléaire.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: M. Saint-Pierre, c'est heureux que vous soyez venu en
commission parlementaire, un ex-parlementaire et aussi ingénieur qui a
fait une longue réflexion sur l'énergie du Québec. Alors,
je suis très heureux que vous soyez ici.
Aux pages 26 et 27, vous parlez des petites
centrales. Je n'ai pas très bien compris toute l'explication
savante que vous y mettez pour arriver au prix. Pourriez-vous m'expliquer
ça pour que je le comprenne un peu mieux?
M. Saint-Pierre: Bien...
M. Benoit: Parce que, pour moi, un kilowatt, c'est un kilowatt.
Peu importe par qui il est produit ou comment il est produit, c'est un kilowatt
et... (15 h 45)
M. Saint-Pierre: Je pense qu'il faut dire que, quand vous avez
à être responsable de l'opération d'un réseau comme
celui d'Hydro-Québec ou d'Hydro-Ontario - et on pourrait dire la
même chose aux États-Unis - il y a une espèce de... On
n'aime pas trop être obligés d'acheter de petites quantités
d'énergie qui semblent être plus des difficultés
d'approvisionnement que d'autre chose de petits producteurs. Il y a eu des
changements de législation aux États-Unis qui ont forcé
les compagnies d'électricité à payer un prix de - j'oublie
l'expression qu'on employait - prix de substitution, en d'autres termes,
combien il en coûterait, dans une région donnée, à
la compagnie d'électricité, au réseau électrique
pour fournir l'électricité, disons, à une papeterie. Et,
là, la papeterie pouvait avoir sa propre usine, ou quelqu'un, un
indépendant... Et ça a donné naissance... Je voyais des
statistiques aussi assez importantes: actuellement, il y a quand même 10
% ou 12 % de la capacité nouvelle installée aux États-Unis
qui vient de petits producteurs indépendants. En Ontario, on a ouvert un
petit peu pour ça.
Alors, ce qui justifie ces petits producteurs indépendants, c'est
le prix que sera obligé de payer le réseau, que ce soit
Hydro-Québec ou Hydro-Ontario. Hydro-Ontario, qui a comme point de
référence le nucléaire, est un peu plus
généreuse, dans le moment, et nous en faisons actuellement dans
la région de Niagara Falls. Ayant dit ça, je dois dire que,
lorsque nous discutons avec les gens d'Hydro-Ontario, ils soulèvent deux
objections: ces petites centrales seraient très économiques,
près des grands centres. Mais là, souvent, les gens
d'Hydro-Ontario disent que, quand vous êtes près de Niagara Falls,
la population préfère voir une petite chute qui descend que de
voir un aménagement, même si on y a mis beaucoup de
précaution pour les poissons, pour l'aspect visuel de l'eau et que, par
contre, lorsque vous avez des endroits très très
éloignés où vous pourriez avoir un barrage et une centrale
qui seraient économiques, les lignes de transmission pour relier au
réseau deviennent alors prohibitives par rapport... Donc, même en
Ontario, on a un petit peu...
Ce qu'on pourrait peut-être souhaiter au Québec, c'est
peut-être une plus grande ouverture... On pourrait peut-être dire,
dans le moment - et je pense que les gens d'Hydro-
Québec ne m'en voudront pas de penser - qu'on n'inclut pas
ça, ce genre de partenariat là, dans le plan
d'Hydro-Québec, que ça ne pourrait pas solutionner tous les
problèmes, ça ne remplacerait pas NBR, ça ne remplacerait
pas Grande Baleine, mais que ça pourrait peut-être donner une
économie de marché qui permettrait de stimuler la
réflexion dans les quatre régions du Québec et d'avoir
quelques petits réseaux. Il s'agirait d'avoir une tarification qui rende
cela un peu plus économique que ça ne l'est dans le moment.
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, le
temps est écoulé. M. le député d'Un-gava.
M. Claveau: M. le Président, il me fait plaisir de vous
recevoir et de vous souhaiter la bienvenue à cette commission
parlementaire qui saura sûrement profiter de votre expertise, de votre
connaissance globale dans toute la question de la production d'énergie,
si je comprends bien. Quoique vous ayez bien de l'expérience dans le
domaine de l'hydroélectricité, il n'en reste pas moins que vous
êtes aussi spécialisé dans toutes les autres formes de
production d'énergie.
Je vais prendre votre mémoire dont j'ai retenu quelques points,
ici et là, tout au long de votre exposé et j'aimerais qu'on
échange sur quelques-unes des affirmations que vous faites dans votre
mémoire. Entre autres, à la page 4, lorsque vous nous parlez de
la cogénération et, enfin, de l'expertise que vous avez dans
d'autres domaines, justement, entre autres dans la cogénération
électricité-vapeur. Il y a pas mal d'études qui se font au
Québec, au moment où l'on se parle, un peu partout en
région, pour savoir si on ne pourrait pas mieux utiliser, entre autres,
les résidus forestiers, etc., pour faire de la
cogénération. Il y a, en bout de piste, un problème qui se
pose, qui est à peu près toujours le même, celui dont on
parlait tout à l'heure, à la page 27, je pense, ou 25: le
coût du kilowatt produit dans ces usines. J'aimerais savoir si, en ce qui
vous concerne d'abord, vous croyez qu'une option comme celle, par exemple, que
Cascades est venue nous exposer ici avec son nouveau groupe, Cascades-Energie,
qui veut travailler d'une façon beaucoup plus précise dans le
domaine de la cogénération ou des alternatives de production
d'électricité autres que l'hydroélectricité et le
nucléaire, si vous pensez que c'est une option qui est valable, qui
risque d'être viable à long terme, et si vous croyez aussi qu'on
aurait intérêt et que, finalement, des groupes compétents
d'ingénieurs ou de spécialistes de toutes sortes auraient
intérêt à y mettre le paquet pour, justement,
développer ce secteur-là et, entre autres, arriver avec des
procédés de production d'électricité qui pourraient
permettre a Hydro-Québec de rentabiliser ces coûts
évités.
M. Saint-Pierre: Je vais demander à mon collègue,
M. Gagnon. Peut-être qu'il est plus familier que moi dans ce domaine.
M. Gagnon: D'abord, il faut dire que la
cogénération est une technologie qui est bien
développée et qui est utilisée à une haute
échelle aux États-Unis et qui est de plus en plus utilisée
en Ontario. La raison est bien simple: pourquoi ailleurs et pourquoi pas ici?
C'est qu'on souffre d'un des inconvénients de nos avantages, si je peux
dire, c'est que les coûts de substitution d'Hydro-Québec sont
encore trop bas pour intéresser en général les
investisseurs dans des usines de cogénération. Autrement dit, si
vous me permettez de donner des chiffres, il faut toujours faire attention aux
simplifications, mais les gens vont vous dire que l'investisseur va trouver le
rendement qu'il veut sur son investissement s'il peut vendre son
électricité environ 0,045 $ le kilowattheure et les coûts
de substitution d'Hydro-Québec sont de l'ordre de 0,04 $ actuellement.
Donc, compte tenu du fait que les coûts de substitution augmentent
à mesure que nous équipons nos chutes les plus favorables, on
peut penser que, dans deux ou trois ans, il y aura une multiplication de ces
usines-là dans le réseau québécois. Malgré
tout ça, nous travaillons actuellement sur des études de
faisabilité de deux aménagements importants au Québec qui
ont comme organismes récepteurs des papetières ou des compagnies
dans la pulpe et le papier en général et qui, déjà,
voient un intérêt substantiel dans ces
équipements-là parce que, toute autre chose étant
égale, ça leur permet de diminuer le coût de production de
la vapeur dont ils ont besoin dans leur propre procédé
industriel.
M. Claveau: Lorsque l'on parle de cogénération, la
plupart du temps on parle de production de vapeur, mais à partir du gaz
naturel. Est-ce qu'il serait possible d'imaginer que l'on puisse, un jour ou
l'autre, récupérer l'essentiel de nos résidus forestiers
pour en faire de l'électricité? C'est peut-être là
une ressource naturelle que l'on a tendance à négliger et qui
devient drôlement encombrante sur le plan environnemental.
M. Gagnon: Vous avez parfaitement raison, sauf que les
coûts de production sont encore plus élevés. Alors, le
raisonnement que je tenais pour la cogénération à partir
du gaz naturel vaut d'autant plus à partir des résidus. Il s'en
construit quelques usines actuellement, en Ontario, mais c'est beaucoup plus
risqué pour l'investisseur. Je lisais un document public, le rapport
annuel de la Newfoundland Labrador Hydro Corporation, qui disait qu'elle vient
de mettre en service une usine de cinq mégawatts qui a
coûté 36 000 000 $. Alors, à 7000 $ le kilowatt, il va sans
dire que c'est difficile de faire ses frais pour un industriel.
M. Claveau: Mais il n'y a pas, à l'horizon, sinon des
technologies fondamentales, du moins des techniques ou des modalités qui
pourraient permettre de diminuer ces coûts-là?
M. Gagnon: II n'y a aucun doute que chaque usine coûte un
peu moins cher que la suivante, mais c'est un peu ce que je disais tout
à l'heure, c'est que rarement la technologie, par rapport à la
science, évolue par sauts et par bonds, elle évolue très
graduellement, malheureusement.
M. Claveau: En page 7, vous nous parlez des industries hautement
consommatrices d'électricité. On parle, entre autres, de
l'industrie métallurgique, de l'aluminerie et des papetières.
Sans que ce soit exprimé d'une façon très explicite, vous
semblez dire qu'on aurait avantage, finalement, à profiter de notre
avantage comparatif justement au Québec de pouvoir produire de
l'électricité à pas cher pour attirer ces
industries-là chez nous. Il reste que, pour l'essentiel, ceux qui sont
contre les développements des projets hydroélectriques s'en
prennent justement à ce genre de développement-là à
outrance à partir d'énergie hautement consommatrice
d'électricité et qui, finalement, ne font que des transformations
primaires. Ce qui, en tout cas, est d'autant plus contestable si on n'a pas de
politique d'accompagnement pour s'assurer que la transformation du produit fini
se fasse chez nous. Mais lorsque l'on parle strictement de la première
transformation, ce dont il est question dans votre mémoire, est-ce que
vous croyez que le risque en vaut la chandelle finalement, étant
donné l'importance des investissements que ça représente
pour nous et, dans le fond, aussi l'espèce de volatilité de la
rentabilité de ces entreprises-là? On connaît la
fluctuation des prix du papier, des prix de l'aluminium; la sidérurgie,
on n'en parle pas; le cuivre... Enfin, ce sont tous des produits dont les prix
sont très instables. Est-ce qu'en faisant la promotion de ça on
n'a pas plutôt une vision, un peu, d'économie tiers-mondiste,
finalement?
M. Saint-Pierre: Non, la question est très pertinente.
Permettez-moi de vous dire que, personnellement, je trouve que ces initiatives
sont fort valables pour deux raisons. Premièrement, pour transformer la
structure industrielle du Québec, pour quitter de plus en plus des
secteurs, textile et autres, qui ont des bas salaires, où la
concurrence, sur le plan mondial, est très, très forte. Il faut
trouver d'autres secteurs. Dans le secteur manufacturier, malheureusement, on
n'a pas l'embarras du choix. Il y a nombre de pays qui sont capables de faire -
qui ont une population aussi intelligente que la nôtre - des
percées comme la nôtre. Donc, je pense qu'il ne faut pas se
sous-estimer. Si on avait le choix, on pourrait peut-être dire: Non,
on va délaisser ça et on va prendre d'autres secteurs.
Mais, souvent, on n'a pas le choix.
Mon deuxième point - c'est peut-être le plus important -
c'est qu'on a sûrement, au Québec... N'importe qui, qui s'est
préoccupé de politique économique, s'est buté
à ce problème-là et il n'y a personne de mieux
placé que des députés pour en parler. C'est tout le
problème des disparités régionales. Or, ce qui me frappe,
c'est que ces industries-là, généralement, ont
bénéficié indirectement à la région de
Montréal, mais ont surtout bénéficié aux
régions.
Pour quelqu'un qui voyage passablement, par les mois qui courent, je
vous dis qu'il y a peu de place au monde, dans le moment, où il y a
autant d'activités économiques que Bécancour ou
Sept-îles. Des Américains vont aller là et sont
renversés de voir l'activité fébrile du secteur de la
construction, du secteur manufacturier, du secteur des services et autres. On
aurait pu, il y a deux ans, dire: Non, on ne fait pas ça.
Peut-être que, là, on aurait un problème social très
très grave à Sept-îles. Il faut peut-être venir
à une autre commission parlementaire pour dire: Qu'est-ce qu'on fait
quand on n'est pas capable de créer des emplois dans des
régions?
Vous prenez des endroits comme Sept-îles et Baie-Comeau - je
m'excuse, je parlais plutôt de Baie-Comeau - quand on parle de
Baie-Comeau, ce n'est pas évident, le type d'entreprises
manufacturières qui sera concurrentiel à Baie-Comeau et,
pourtant, les gens qui habitent cette région-là ont le droit de
demander au gouvernement de se préoccuper à savoir quel va
être le développement économique.
Je reconnais qu'il y a, vous savez, des motifs pour penser qu'on
pourrait peut-être ne pas faire cela. Mais, personnellement, je crois
que, pour la nécessité de transformer la structure industrielle
du Québec, d'une part, la nécessité de créer des
emplois... Je vous donne juste un cas d'espèce et je suis certain que
mon collègue et bon ami Bernard Lamarre vous a peut-être dit la
même chose. En termes de conception d'usines d'aluminium, au monde,
actuellement - et là, je pense qu'on peut se tirer les bretelles - il
n'y a peut-être pas un endroit comme Montréal qui a autant de
talent dans la conception des usines d'aluminium. Je sais bien que notre firme
regarde, avec d'autres, de nombreux projets à travers le monde. Ce sont
des projets qu'on ne pourrait pas regarder, pour lesquels on ne serait pas
qualifiés, si on n'avait pas eu une expérience ici même, au
Québec. Donc, les retombées indirectes de ces projets-là,
il ne faut pas les sous-estimer.
M. Claveau: Vous dites que vous regardez actuellement de nombreux
projets, à travers le monde, de construction d'alumineries?
M. Saint-Pierre: Oui. Parce qu'il ne faut pas sous-estimer que...
C'est vrai qu'il y a des cycles, dans l'aluminium, mais les gens vont vous dire
que les nouvelles usines sont beaucoup plus performantes que les anciennes,
qu'elles mèneront, au cours des 10 prochaines années, à
l'abandon de plusieurs anciennes alumineries. J'ai vu des études assez
sérieuses qui prévoient qu'au cours des 10 prochaines
années, il y aura un minimum de trois quarts de milliards de dollars,
par année, qui seront investis quelque part, dans le monde,
reliés à l'industrie de l'aluminium. Maintenant, je ne suis pas
dans le secteur moi-même, je me fie un peu à des études,
mais des études très sérieuses. Il y a des projets
réels qui existent, dans le moment, en Islande, en Australie, au
Venezuela, en Arabie Saoudite. Les chances d'avoir un contenu
québécois et de participer à ces projets-là sont
très, très importantes.
M. Claveau: Lorsque - le temps passe - vous parlez des
exportations, en page 13 de votre mémoire - il me reste cinq minutes -
vous... En tout cas, moi, je vais vous dire... Ma première impression
est que vous évacuez assez facilement le problème, en disant, et
je cite: "Dans une perspective à long terme, ces contrats engendrent
simplement le devancement de projets qu'il faudrait de toute façon
aménager tôt ou tard." C'est le genre d'affirmation
qu'Hydro-Québec a faite, de toute façon, dans son plan de
développement et qui est, encore là, à l'origine d'un bon
nombre de contestations. (16 heures)
Je comprends que, dans votre présentation, vous avez dit: C'est
dommage, la population ne comprend pas. Sauf qu'il reste qu'il y a quand
même un certain nombre de problèmes, un certain nombre de
préoccupations que la population se pose par rapport à toute la
question des exportations. Il me semble, en tout cas, que l'analyse devra
être de plus en plus approfondie. Je suis certain, d'ailleurs, que vous
avez fait une analyse plus approfondie que celle-là, sauf que le
résumé donne une curieuse impression. Juste à ce
titre-là, par exemple, dans la question des exportations, on parie et
vous avez dit vous-mêmes que, lorsqu'on parie d'exportations de
production d'électricité, la marge de manoeuvre, pour le
Québec, est très mince dans les plans de développement
d'Hydro-Québec. Vous dites qu'il n'y a pas une grosse marge de manoeuvre
qu'Hydro-Québec se garde avec son plan de développement, tel que
prévu; c'est 62 000 000 000 $ d'investissement.
Par contre, vous nous dites: Bon, tous les surplus qu'on peut avoir, on
va pouvoir les écouler facilement. Actuellement, ce vers quoi
Hydro-Québec s'engage, c'est sur la vente de l'approvisionnement continu
d'électricité sur des réseaux voisins par le biais
d'énergie ferme à puissance garantie, les fameuses EPG, sur des
contrats de 20 ou 30 ans. Est-ce que vous croyez
qu'il s'agit là vraiment d'une alternative louable ou si on
aurait plutôt avantage à rester peut-être dans des produits
de moins haute gamme, mais qui seraient plus flexibles en termes de
capacité d'approvisionnement, de répondre à la demande
québécoise et, surtout, de faire en sorte que
l'électricité reste quelque chose de... un avantage comparatif
important pour, d'abord, répondre aux besoins des investisseurs
québécois ou des investisseurs étrangers
intéressés à s'établir au Québec?
M. Saint-Pierre: Moi, je pense que ce qui est important dans
ça, c'est de s'en tenir aux faits et les faits sont bien connus.
Malheureusement, la perception de la population est différente de la
réalité pour mille et une raisons. Par exemple, je suis certain
que si les gens qui se spécialisent en sondages d'opinion publique
demandaient aux Québécois: Croyez-vous que nous importons de
l'électricité, dans le moment, ou que nous en exportons? À
99 %, on va vous dire qu'on en exporte alors que, dans les faits, si l'on tient
compte... et, que je sache, Terre-Neuve n'est pas encore partie du
Québec, nous importons de l'électricité puisque nos
importations de Terre-Neuve sont trois fois, comme nous l'avons
mentionné, ce que nous exportons au niveau américain. Donc, il y
a une perception mauvaise là.
Une deuxième perception, c'est qu'en l'an 2000, finalement, les
ventes actuelles et, à mon sens, l'obligation, pour nous, de respecter
les contrats qui ont été signés, c'est quand même
moins de 10 % de la demande, de la puissance totale installée
d'Hydro-Québec qui seront destinés, qui sera alors d'environ 37
000 mégawatts, moins de 3 % qui seront donc destinés aux fins
américaines. Mais la troisième considération très
importante, et si, sur le plan économique, il y a quelque chose de
louable dans les ventes d'exportation, c'est que ça a permis, au cours
des années, de développer le réseau d'interconnexions et
le Québec est très chanceux, non seulement d'avoir des ressources
hydrauliques qui nous placent dans une position unique, mais d'avoir un
marché consommateur qui a des périodes de pointe qui sont
différentes de nous, c'est d'avoir à Boston et dans l'État
de New York, finalement, des gens qui ont une période de pointe au mois
de juin, alors que nous, nous avons une période de pointe au mois de
décembre.
Les ventes d'électricité ont pu justifier un réseau
d'interconnexions, ce qui nous a permis, au cours des dernières
années, d'importer et donc avoir une solution à très bon
marché, alors que... Puis, en faisant un retour, je crois savoir que
c'est 20 % de retour sur l'investissement pour les ventes
d'électricité, donc, on n'a pas donné cette
électricité-là. Alors, les deux points que je voudrais
mentionner, c'est les avantages que ça donne au Québec en termes
d'intercon- nexions et, deuxièmement, le fait que ce n'est pas aussi
important que la croyance populaire veut bien le croire. Je suis certain que
les gens, si on leur explique, ils vont comprendre. Encore une fois, je vous
réfère à M. Foglia, qui n'est pas un imbécile, que
j'aime toujours lire, mais lui disait: Pourquoi une deuxième Baie James?
Pour exporter? Mais, finalement, on ne fait pas une deuxième Baie James
pour exporter, on en a besoin. Dans notre texte, ce qu'on voulait dire, nous,
c'est que, finalement, on va réaliser à des coûts de 1991
quelque chose qu'il semble inévitable qu'un jour le Québec devra
faire pour satisfaire ses besoins. Une fois ces contrats d'exportation
terminés, on sera bien contents d'avoir des coûts d'énergie
qui seront beaucoup plus faibles que ce à quoi on aurait à faire
autrement, si on avait attendu l'an 2015 pour faire ces travaux.
M. Claveau: On me dit que mon temps est écoulé.
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement.
M. Claveau: C'est dommage, on aurait eu encore beaucoup de
questions.
Le Président (M. Bélanger): Juste auparavant, M. le
député de Jacques-Cartier avait une question.
M. Saint-Pierre: Ce sont des sujets fascinants.
M. Cameron: Mes "apologies", mais je pense que je dois employer
l'anglais pour ma question ici. I would like to comment on two or three things
about your presentation.
First of all, I agree with the other representatives here that it was an
excellent, rational and, in many respects, highly convincing presentation. I
think your fears about misunderstanding the role of Hydro in Québec may
be slightly exaggerated, given the extent to which the media always try to give
the greatest amount of attention, I think, only to those ecologists and
environmentalists who are also most economically ill-informed. But I think
there are issues that you raise that some of us are concerned about, even if we
are not hostile to Hydro and are not hostile to the development of
hydroelectric power. For example, on the question of increasing demand, whether
it is 2 % or 7 % or 3 % or 4 %, it seems to me to be, to some extent, a
question like: What song the siren sang. It is not a question of measuring a
market for a commodity that is sold at market prices. To some extent, the
amount of demand for hydroelectric power over the next ten years in
Québec or, for that matter, forever, may be partly determined by the
decisions of this Commission. That is
price, availability, convenience, reliability will themselves go into
the decision on the part of Quebeckers. It is not the same way they buy an
automobile or a house or something of that sort. So, the choices that are made
by the Government and by Hydro as to price structure may be determining the
actual increase in demand. Would you not agree that is...
M. Saint-Pierre: I agree and it seems to me that it is a series
of complex decisions where the best choice is a balance between all of this. If
the electricity is too cheap, then, you can be sure the people are going to
abuse of its usage. On the other hand, if it is too expensive, then, people
will not be able to afford to have it. So, there, you must have a balance. I
tend to agree with you that, on the other... But, maybe the point we are making
is that if we do not have the power available in the year 2000 or in the year
1998, it will have a detrimental effect on the economic viabilities of the
Province, in job creation, in attacking regional disparity and, you know...
M. Cameron: Well, I see that point too, but I will admit there is
another area for skepticism or at least concern, I think, and that is that the
cost of the actual development of hydropo-wer, now, particularly in terms of
the cost of capital, that is the interest rate likely to be charged on them
now, seems to be so large a factor that, especially if we look over the
historical record, you could understand why we would be rather nervous. For
example, when you mentioned this business that the public perception is that
Hydro exports rather than imports, I think that it is partly because the public
tends to count Churchill Falls as if they were part of Québec. I mean,
Mr. Wells would not like this, no doubt, but I think, psychologically, that
they do. They would probably be more startled by imports from Ontario Hydro,
say, within our low-water levels than they would be by mentioning Churchill
Falls, but the cost of Churchill Falls in Beauharnois and other power projects
like that, I think, really, was about literally something like one eighth, that
is in terms of the delivery of kilowatthours, compared to something like James
Bay I. Now, if James Bay II, using the term broadly to mean all the projects,
comes in at any greater cost at all than James Bay I, then it is averaged in
with those much more economical projects, and we have to pay these continuing
high interest rates to service the debt. This becomes a bit alarming. I mean,
after all, our main export to the United States, at the moment, is not
electricity but cash. You know, if you sell 600 000 000 $ worth of electricity
in New York but you export 1 000 000 000 $ to service the bonds that are held
by the New York money managers, you do not really have the feeling you are
getting that far ahead, if you have to do it year after year. If interest rates
stay sufficiently high, can we not face a danger that, however many benefits
Hydro can bring in many ways to Québec, which we will agree on, the
sheer cost of the project and its inflexibility, if it is politically
impossible to sell electricity at market rates, could still put a tremendous
burden on the Québec citizens over the next ten years or in the year
2000?
M. Saint-Pierre: Yes, but it seems to me that the choice is
between James Bay II and a nuclear option. You know, even if you say: Let us
forget the export to the U. S. and the benefit that might come up, assuming
that we agree there is no benefit whatsoever, and I do not agree with that but,
if we were, it does not drastically change the schedule that HydroQuébec
has put up. And then, the schedule that it has put up, you know, the
alternative to satisfy Québec needs is nuclear or thermo. And I tend to
agree with the statement by HydroQuébec that there is a 30 % to 40 %
differential, that James Bay II, even if it is more expensive, is less costly
than the other alternative.
M. Cameron: I think it might be less costly than a nuclear plant,
but if you just take... O. K.
Le Président (M. Bélanger): Je suis
désolé, je dois vous interrompre. Le temps est
écoulé.
M. Cameron: O. K.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. Si M. le député d'Ungava veut bien remercier nos
invités.
M. Claveau: Eh bien, je vous remercie de votre
présentation. Je souhaite qu'on ait l'occasion, avant longtemps, de se
retrouver à une autre instance pour continuer à en discuter parce
que je pense qu'il y a, dans votre mémoire, des affirmations et, enfin,
une connaissance qui mérite d'être approfondie et qui peut
éclairer pas mal de choses dans les décisions que le gouvernement
aura à prendre.
M. Saint-Pierre: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Saint-Pierre, M. Gagnon et M. Racine, je voudrais
vous remercier d'être venus ici et, encore une fois, de nous avoir fait
part non seulement de certaines inquiétudes mais, en même temps,
des réflexions, chez SNC, et aussi des avis qui sont très
éclairés, encore une fois basés sur des données
bien précises. Merci d'avoir apporté cette contribution à
notre commission parlementaire.
M. Saint-Pierre: Merci, Mme la ministre.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Saint-Pierre,
la commission de l'économie et du travail remercie le Groupe SNC de sa
contribution à ses travaux. J'inviterais à la table des
témoins notre prochain groupe, l'Association d'huile de chauffage du
Québec inc.
Bonjour! Je vous explique un peu rapidement nos règles de
procédure: vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de
votre mémoire et il y aura une partie d'échanges avec les
parlementaires. Dans un premier temps, si vous pouviez vous identifier,
présenter la personne qui vous accompagne et procéder à la
présentation de votre mémoire. On vous écoute.
Association d'huile de chauffage du Québec
inc.
M. Boulé (Gilbert): Merci, M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs. Alors, mon nom est Gilbert Boulé; je
suis président de l'Association d'huile de chauffage du Québec.
Mon collègue ici présent, Pierre Martel, est le premier
vice-président de la même Association. Dans notre document, on
vise trois objectifs: en fait, le premier, c'est une description du rôle
de l'Association d'huile de chauffage du Québec dans l'industrie du
chauffage domestique; comme deuxième objectif, on veut donner un
éclairage, notre perception des problèmes face à la
promotion d'un programme biénergie dans les circonstances actuelles;
enfin, comme troisième objectif, une présentation de plusieurs
questions auxquelles Hydro-Québec devrait, à l'avis de
l'Association, répondre pour que l'on puisse déterminer une
solution appropriée aux problèmes ci-décrits.
Une voix:... M. Boulé: Oui.
Le Président (M. Bélanger): J'appelais le page,
excusez-moi.
M. Boulé: De plus - on voudrait mettre ça bien
clair - notre intervention d'aujourd'hui n'a aucun rapport avec la
nécessité ou non de faire un nouveau complexe
hydroélectrique. Nous voulons clairement définir notre position
face à la biénergie. Notre intérêt est le chauffage
résidentiel et le petit commercial.
Si on commence par le premier: le rôle de notre Association. Tout
d'abord, il faut dire qu'on est membre affilié de l'Association
pétrolière du Québec et notre Association existe
maintenant depuis plus de 32 ans. Notre premier rôle, c'est le
regroupement des fournisseurs de mazout et des manufacturiers
d'équipement de chauffage. Les objectifs principaux de notre association
sont de promouvoir les intérêts communs de l'industrie du mazout
domestique, promouvoir les intérêts des utilisateurs et du public,
recueillir et diffuser de l'information à l'industrie et au public et,
enfin, représenter l'industrie auprès des gouvernements, comme on
le fait aujourd'hui, et auprès d'autres intervenants. (16 h 15)
Alors, si on prend le premier des objectifs de notre rencontre
d'aujourd'hui, les problèmes actuels d'un programme biénergie,
comment on voit ça, nous. Bien, depuis une vingtaine d'années, la
part du marché du mazout occupée par l'industrie
pétrolière a baissé de 80 % à 30 %. En fait, si on
prend juste la part du mazout, les chauffages seulement au mazout, c'est 23 %,
au Québec. Quand on ajoute les appareils qui fonctionnent à la
biénergie, donc, mazout et électricité, on est tout
près des 30 %. Le chauffage au mazout, maintenant, est essentiellement
concentré dans les grands centres urbains. On peut expliquer ce
phénomène parce que, en fait, avec les augmentations dramatiques,
dans les années soixante-dix, du prix du pétrole et aussi des
changements structurels dans le marché, il a fallu se concentrer aux
endroits où il y avait encore une densité de population au point
de vue du chauffage. Ces changements étaient promus et
accélérés par les politiques et les actions des
gouvernements, aux niveaux fédéral et provincial, à
l'époque, ce qui a eu pour effet de décourager l'utilisation des
produits pétroliers pour le chauffage domestique.
Par exemple, on a vu l'introduction des subventions pour conversion
à d'autres formes d'énergie et pour l'amélioration de
l'isolation résidentielle. D'ailleurs, pendant cette époque,
l'électricité et, dans une moindre mesure, le gaz naturel
pénétraient de plus en plus le marché du chauffage
domestique au Québec. Tout récemment, à partir
principalement de 1982, HydroQuébec a commencé à
introduire le système biénergie, surtout dans les maisons
déjà existantes. Cependant, la biénergie a
été installée dans environ 140 000 foyers
résidentiels et, actuellement, le chauffage tout électrique
continue à être le plus important système dans la nouvelle
construction résidentielle. En fait, le taux de
pénétration est de plus de 90 % maintenant. Néanmoins, en
vertu des inquiétudes concernant la sécurité
d'approvisionnement électrique et du désir d'offrir au
consommateur un système efficace qui permette une promotion facile,
Hydro-Québec prévoit maintenant une réorientation du
programme biénergie. Mais il est reconnu par beaucoup d'experts qu'aucun
fournissseur d'énergie ne peut répondre à lui seul
à tous les besoins énergétiques des années deux
mille; personne ne peut prétendre ça actuellement. Alors,
voilà pourquoi, nous, on se dit qu'il faudrait rechercher des solutions
à long terme. Une vision à long terme permettrait certainement
d'éviter des décisions sans retour.
Étant donné que la biénergie est un système
qui incorpore le mazout domestique ainsi que l'électricité,
l'engagement des pétrolières et des manufacturiers
d'équipement est essentiel pour que le programme réussisse.
Autrement dit, si Hydro-Québec agit d'une façon
unilatérale, le renouvellement de la biénergie ne peut que
faillir à nouveau. Le programme biénergie, il faut comprendre que
ça demande le support de grandes organisations, telles que les
pétrolières. On a juste à penser au service après
vente, au support technique pour ces appareils qui ont le mazout et
l'électricité, ainsi qu'à la répartition
géographique qui en sont des facteurs. En 1982, Hydro-Québec a
débuté le programme biénergie. Résultat: 140 000
appareils ont été subventionnés. On compte aujourd'hui,
selon nous, environ 60 000 appareils qui fonctionnent comme il avait
été prévu à l'origine. Il faut dire que les
pétrolières ont supporté très modestement ce
programme. Il y a eu une compagnie, en 1982, qui l'a appuyé; il y en a
deux, en 1987. On pense qu'il y a une relation de cause à effet, quand
on regarde les résultats. Malheureusement, l'Association ne voit,
à ce jour, aucune action officielle de la part d'Hydro-Québec qui
signifierait l'intention de traiter les pétrolières et les
manufacturiers à part égale. Certaines concessions importantes
doivent être faites en ce qui concerne le rôle
d'Hydro-Québec dans la promotion et l'entretien de ce programme
biénergie.
Nous ne pouvons pas accepter, en tant qu'association, que le mazout soit
seulement un chauffage d'appoint. Le mazout, avec sa nouvelle technologie, peut
très bien agir comme chauffage à part égale avec
l'électricité. L'objectif de notre association, dans ce contexte,
est d'encourager l'introduction d'une politique énergétique
globale permettant à tous les intervenants d'y trouver leur juste
part.
Maintenant, on a pensé à neuf questions, nous, auxquelles
on verrait qu'il serait intéressant d'avoir des réponses
d'Hydro-Québec. Comme première question, on peut se demander la
chose suivante: Est-ce que le chauffage résidentiel tout
électrique est dans le meilleur intérêt des consommateurs
à court et à long terme? Quand on regarde les chiffres,
actuellement, le mazout, avec la nouvelle technologie d'aujourd'hui, comme
coût d'opération, coûte 28 % moins cher que
l'électricité et, quand vous prenez le mazout jumelé
à l'appareil biénergie, l'écart monte à 38 %, ce
sont des chiffres qui parlent.
Comme deuxième question: Est-ce qu'un système
résidentiel tout électrique est rentable pour Hydro-Québec
quand, de son aveu même, dans son document, dans sa politique de
tarification, on nous dit que le secteur commercial et industriel subventionne
le résidentiel actuellement?
Comme autre question: Est-il possible de mieux planifier l'offre et la
demande d'énergie afin d'éviter des actions unilatérales
d'Hydro-
Québec au détriment des consommateurs? On pense au
délestage qui s'en vient, aux tarifications multiples. Les derniers mois
nous ont montré des décisions qui ont été prises
peut-être en panique. En novembre et décembre derniers,
l'industrie pétrolière a dû agir avec beaucoup de
rapidité pour répondre à une demande soudaine de clients
commerciaux en biénergie et, en plus, si vous vous rappelez, au mois de
décembre, la température, c'était des records de 100 ans.
Ça, ça n'a pas aidé au problème, on a réagi
très rapidement.
Comme autre question: Est-ce que les problèmes de planification
de la demande sont causés par le trop grand nombre de résidences
chauffées exclusivement à l'électricité?
Une autre question: Quel serait l'impact sur la construction de nouveaux
barrages et d'usines nucléaires dans l'avenir si Hydro-Québec
cessait de promouvoir l'installation de chauffage tout électrique dans
les maisons neuves et la conversion - parce qu'il s'en fait encore - des
systèmes dans les résidences existantes? N'est-il pas vrai que
des réservoirs d'eau sont nécessaires, entre autres, pour fournir
le chauffage dans les gros mois d'hiver quand il fait froid? Il me semble que
cette logistique cloche un peu; ce n'est pas utile de faire ça.
Comme autre question: Pourquoi promouvoir le programme Biénergie
plus lorsque le premier programme a failli? Nous, on se dit: Pourquoi investir
encore des sommes d'argent importantes si on n'a pas une entente
équitable avec les pétrolières pour assurer le
succès à long terme, pour garder nos systèmes
biénergie à long terme?
Septième question: Pourquoi Hydro-Québec n'a-t-elle pas
consulté l'industrie pétrolière et les manufacturiers
d'équipements de chauffage sur des sujets précis comme la
Biénergie plus, le rachat récent des contrats biénergie
commerciaux, le devis pour développer des nouveaux appareils
biénergie?
Comme autre question: Qui va entretenir le réseau
biénergie? Hydro-Québec n'est pas impliquée dans le
service après vente. Nous, on l'est depuis le début.
Et enfin, comme dernière question: Qui se préoccupe des
intérêts du consommateur concernant le service après vente,
le confort dans la résidence, la qualité de l'air, parce que
c'est un sujet qui s'en vient très populaire - il va y avoir des lois,
tantôt, qui vont le supporter aussi - les coûts d'installation et
d'entretien, la sécurité d'approvisionnement? Le consommateur
exige plus qu'une fourniture d'énergie; il achète des services
beaucoup plus que des kilowatts ou des litres de mazout. Nous répondons
à ces besoins, ces services après vente.
Alors, comme conclusion, maintenant, de la façon dont on voit
ça, on se dit: Nous, durant toute la longue histoire de l'industrie
pétrolière au Québec, on a fourni aux consommateurs
d'huile à chauffage un service de qualité con-
tinue, sans aucune subvention gouvernementale. Les résidents des
maisons chauffées au mazout ont profité d'un service après
vente dont notre industrie est, à juste titre, très fière.
Les manufacturiers d'équipement de chauffage, parce qu'il y en a
beaucoup au Québec, continuent de perfectionner le développement
de leur produit jusqu'au point où le niveau d'efficacité
s'approche maintenant du 90 %.
Beaucoup de gens perçoivent le mazout comme dans les
années soixante: une énergie peu efficace. Or, les appareils
d'aujourd'hui sont performants et d'un design très moderne. Afin
d'assurer la continuation de ce programme et de ses développements
positifs, notre association propose au ministère de l'Énergie et
des Ressources qu'une politique soit développée en vue
d'établir d'une manière officielle un partenariat égal
entre l'industrie pétrolière et Hydro-Québec. Pour
commencer à établir un équilibre dans un tel partenariat,
les premières étapes exigeraient que l'installation des
systèmes de chauffage tout électrique dans les maisons neuves
ainsi que la conversion à l'électricité dans les
résidences existantes - on parle pour le futur - soient
discontinuées. D'ailleurs, les systèmes de chauffage dans la
nouvelle construction devraient être restreints soit à la
biénergie, mazout et électricité, ou au mazout seul. Nous
croyons que des incitatifs au niveau des nouvelles constructions aideraient
à diminuer le problème de pointe d'Hydro-Québec. Hydro et
l'industrie pétrolière pourraient travailler en harmonie pour
développer un parc de biénergie intéressant pour les deux
parties.
Aussi, l'association entrevoit cette solution comme la plus viable afin
d'assurer la santé continue de l'industrie de l'huile à chauffage
au Québec et d'aider à maintenir la position de l'industrie
pétrolière comme l'un des employeurs les plus importants au
Québec. L'industrie pétrolière, au Québec, compte
25 000 employés. Sinon, le scénario actuel qui est sur la table,
vers où on se destine, propose que notre industrie devienne une sorte de
dépanneur. Le problème de pointe d'Hydro-Québec ne peut
pas nous être transféré sans des coûts importants
pour le consommateur. Nous ne pouvons pas avoir des entreprises pour
répondre quand même à deux ou trois mois sur toute une
année, ça n'a pas de bon sens. Nous croyons plutôt à
un futur où il y aurait de la place pour des partenaires à part
égale. Le consommateur sera beaucoup mieux servi et à un
coût raisonnable à long terme. Nous voulons contribuer à un
équilibre énergétique intelligent. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Boulé et M. Martel, je vous remercie
de cette contribution que vous faites cet après-midi à la
commission parlemen- taire et je pense qu'il est bon de constater que
l'Association d'huile de chauffage du Québec est
intéressée à la problématique du
développement de l'électricité au Québec. Je tiens
aussi à souligner l'apport de certains de vos membres à
l'approvisionnement continu en mazout des consommateurs québécois
- et vous l'avez mentionné vous-mêmes - par les froids records du
mois de décembre dernier. C'était combiné au
problème que connaissait la navigation sur le Saint-Laurent, à ce
moment-là.
Alors, en ce qui a trait à l'avenir, j'ai noté dans votre
mémoire que votre association, vos membres désiraient être
traités comme des partenaires égaux avec Hydro-Québec dans
le développement du chauffage au Québec et,
particulièrement, de la biénergie. Mais vous savez qu'une des
fins principales du développement de la biénergie dans la
construction neuve est le coût élevé d'un système de
chauffage central par rapport aux coûts des plinthes électriques.
Comment peut-on accroître le développement de la biénergie
dans la construction neuve, par exemple? (16 h 30)
M. Boulé: J'ai regardé tout le document
d'Hydro-Québec. Il y a beaucoup d'argent qui a été investi
dans beaucoup de programmes, entre autres, on parle d'un chiffre de 1 800 000
000 $. Nous on pense que, dans la nouvelle construction, il pourrait y avoir
une subvention qui permettrait qu'entre le sytème électrique
à plinthes et le système à conduits... Ça prend des
conduits pour un système au mazout ou à la biénergie,
ça prend des conduits d'air chaud, c'est ça qui fait la
différence de prix. On parle d'environ 3500 $ de subvention par maison
unifamiliale et les pétrolières pourraient aider dans un
programme de location-achat de ces appareils-là, comme on le fait
actuellement depuis les sept, huit dernières années.
Mme Bacon: Vous voulez dire que les pétrolières
pourraient le faire en partenaires avec Hydro-Québec dans un dossier de
biénergie.
M. Boulé: Bien, je regarde les 1 800 000 000 $; il
pourrait certainement y avoir des millions de dollars qui pourraient être
rapatriés pour mettre dans les nouveaux logements qui sont construits.
On parle de 55 000 nouveaux logements. J'ai fait un petit calcul et, si vous
mettez la moitié - maintenant, ce sont des litres de mazout plutôt
que des kilowatts - on parle de 550 000 000 de kilowatts qui seraient
économisés par année par les nouvelles constructions qui
se font. Alors, si il y avait de l'argent des 1 800 000 000 $ qui était
mis dans un projet pour subventionner l'écart de prix entre un
système à plinthes et un système à conduits, nous,
les pétrolières, on pourrait regarder des projets, des programmes
qu'on a déjà, qui sont des programmes de financement, si
vous voulez, des clients, à ce moment-là, ça
pourrait certainement se faire et on aurait des résultats concrets de
kilowatts qui, maintenant, seraient remplacés par des litres et un
appareil de chauffage chez le client serait à deux sources
d'énergie. Alors, ça ferait l'affaire des deux parties et on
économiserait des kilowatts tout de suite.
Mme Bacon: Est-ce que vous le faites... Vous pariez des
pétrolières, mais seriez-vous prêts à le faire dans,
ce qu'on appelle en anglais, un "joint-venture"? Comment dit-on ça en
français? Un partenariat, je pense que c'est ça.
M. Bouté: Vous savez, en partant du fait que la nouvelle
construction, c'est un marché qu'on ne touche plus depuis quoi, une
quinzaine d'années, c'est très intéressant pour nous,
c'est un nouveau marché, c'est une nouvelle clientèle. Il y
aurait des choses qui pourraient être développées, qui
pourraient faire l'affaire des deux parties. Il s'agirait de s'asseoir à
une table et de développer des projets précis, concrets. Mais je
pense qu'il y a des objectifs en commun, puis qu'il y a des
intérêts en commun et que ça ferait l'affaire des deux.
Mais, inévitablement, en faisant ça, c'est parce que ça a
un effet d'entraînement. C'est que, si vous mettez des appareils
biénergie dans la nouvelle construction, ça va avoir un impact
dans les maisons existantes, parce que là les gens vont dire: Eh bien!
s'il y a des maisons, maintenant, qui se construisent à la
biénergie, on n'ira pas convertir notre système à tout
électrique. Ils vont dire: Ça se fait la biénergie, c'est
intéressant, c'est moderne. Tandis que là, les gens n'ont pas de
contrepartie. Qu'est-ce qu'ils voient comme nouvelles constructions? C'est tout
électrique. Alors, ils se mettent tout électrique et ça
augmente le problème de pointe qui est au Québec. C'est un cercle
vicieux et on n'est pas plus avancés.
Mme Bacon: Vous recommandez aussi que les systèmes de
chauffage dans les nouvelles constructions résidentielles soient
restreints à la biénergie, mazout-électricité, ou
au mazout uniquement. Comment pouvez-vous concilier le chauffage au mazout avec
ce qu'on appelle le développement durable et la réduction des
polluants atmosphériques?
M. Boulé: Bon! Question de pollution, c'est sûr que
de dire qu'on ne fait pas du tout de pollution, je serais un menteur.
Maintenant, ce qu'on peut dire, c'est que le parc des appareils au mazout, si
on recule dans les années soixante où il y a eu le gros parc, on
parle d'environ 60 %, 65 % d'efficacité des appareils. Comme je l'ai dit
tantôt, maintenant, on est rendus à tout près de 90 %, donc
les gaz sont presque tous brûlés à 90 %, et ça, eh
bien, s'il y a un futur positif, c'est comme dans tout, vous attirez la
recherche et le développement si les gens voient qu'il y a un futur
positif. Alors, à date, on a franchi tout près de 90 %. Imaginez
s'il y a un futur positif! La recherche va se faire et on va franchir la
barrière des 90 %, donc moins polluant.
Maintenant, l'autre point, c'est que, dans l'indutrie
pétrolière, on a démontré, je crois, au fil des
années, qu'on a su être des citoyens responsables, qu'on a su
prendre nos responsabilités au point de vue pollution. Aussi, je me
permettrais d'ajouter que c'est vrai que ça fait de la pollution, mais
que tout est relatif. On ne parle pas ici des appareils, des poêles
à combustion lente et des foyers. Or, il y a beaucoup de foyers au
Québec, qui ont des chauffages au bois qui sont beaucoup plus polluants
et, aussi, on peut parler d'autres industries qui dégagent de la
pollution, c'est inévitable. Mais, l'industrie pétrolière,
encore une fois, et les fabricants d'équipement ont
démontré et vont continuer à démontrer qu'ils
veulent diminuer cet aspect-là.
Mme Bacon: Est-ce que vous pouvez nous faire part de votre vision
de l'évolution, peut-être à moyen et à long terme,
des marchés de la biénergie résidentielle et
peut-être ceux aussi de la biénergie commerciale, institutionnelle
et industrielle? Comment voyez-vous le développement de la
biénergie? Est-ce qu'elle va occuper une plus grande place dans le
marché du chauffage au Québec?
M. Boulé: Je crois que l'idée de la
biénergie, c'est une idée intéressante, c'est une
idée réaliste pour les années futures. Mais la
biénergie, telle qu'on la connaît actuellement, où vous
avez 20 % de pétrole, 80 % d'énergie électrique, ne pourra
pas continuer. Vous ne pouvez pas avoir des partenaires sérieux qui vont
supporter une politique comme ça s'ils n'y trouvent pas leur compte
aussi. Comme je l'ai dit tantôt, on ne peut pas avoir des organisations
pour répondre à une demande de deux ou trois mois par
année. On ne peut pas investir dans les ressources humaines pour
développer une main-d'oeuvre spécialisée pour maintenir
ces appareils-là. Alors, la biénergie, telle qu'on la
connaît actuellement, si elle ne voit pas à avoir des partenaires
qui y trouvent leur part, elle va faillir à nouveau et ils vont
réinvestir de l'argent en subventions pour la tenir en vie. Tandis que,
s'il y a un projet qui est intéressant pour les deux parties, touchant
la nouvelle construction, le parc de nouvelles constructions amenant de
nouveaux clients aux pétrolières, le marché existant va se
convertir à la biénergie graduellement. Ça va faire que
les deux vont faire une transition ordonnée. Ils vont être
beaucoup plus prêts pour les années deux mille.
Mme Bacon: Quelle est l'importance écono-
mique, selon vous, de la biénergie pour l'industrie de l'huile
à chauffage et, aussi, l'industrie pétrolière au
Québec?
M. Boulé: Actuellement, ce n'est pas intéressant du
tout pour nous, parce qu'on parle... Si on prend des choses concrètes,
pour une résidence, ça représente environ une livraison
par année. Alors, actuellement, pour les pétrolières qui
collaborent dans ce programme-là, ça veut dire, à toutes
fins pratiques, que nos clients qui chauffent strictement au mazout
subventionnent le client qui est à la biénergie. Parce que, si on
appliquait les coûts réels d'un client biénergie dans nos
systèmes, ça coûterait beaucoup plus cher.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. Bonjour messieurs. Dans
votre mémoire - je ne me souviens pas trop à quelle page - et
vous l'avez mentionné tantôt, vous dites, entre autres, qu'on
devrait interdire, dans les nouvelles constructions, par exemple, le chauffage
à l'électricité, les conversions, tout ça. Comment
- vous avez probablememt des suggestions - pourrait-on faire ça? Comment
peut-on en arriver à ça? Est-ce qu'on doit faire une loi pour
obliger le consommateur, à ce moment-là, à...
M. Boulé: Non.
M. Audet: ...restreindre, par exemple, l'utilisation du chauffage
à l'électricité?
M. Boulé: Non. Je crois que le consommateur... Parce que
les raisons qui ont amené l'électricité, dans les
années soixante-dix, tout le monde les connaît. On était
dépendants de nos approvisionnements, à l'époque, et,
à ce moment-là, ça se comprenait, les gens voulaient
diminuer la dépendance. Le prix du pétrole, à ce
moment-là, pouvait fluctuer beaucoup. Aujourd'hui, les scénarios
ne sont plus vrais. 40 % du pétrole viennent du Canada, 60 % viennent de
pays amis, qui ne sont pas au Moyen-Orient et ces choses-là. Alors,
à ce moment-là, depuis cinq ans, on a démontré que,
l'inflation comptée, le pétrole est moins cher qu'il y a cinq
ans. Alors, c'est de vendre l'idée aux gens qu'aujourd'hui le mazout est
une option très valable, qui est très performante, qui
coûte moins cher, qui, écologiquement aussi, s'est beaucoup
améliorée et que, jumelé à une biénergie,
c'est intelligent pour le futur. Vous avez deux sources d'énergie, donc
vous y gagnez sur les deux paliers. Prenons ça au pire; vous savez,
notre énergie est la seule qui a un entreposage. Alors, s'il arrivait un
problème, une catastrophe, nous, on a de l'entreposage chez chacun de
nos clients. Ce qui veut dire qu'on peut faire face à des situations.
Les deux autres sources d'énergie n'ont pas d'approvisionnement chez le
consommateur. Alors, je crois qu'en véhiculant le message
approprié, ce serait facilement vendable aux clients. Parce qu'à
l'époque, comme je l'ai dit tantôt, les raisons étaient
là. Plus, on payait les gens pour se convertir. Aujourd'hui, on ne paie
plus les gens.
M. Audet: D'accord, ça va. C'est la question que j'avais
à poser. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous recevoir parmi nous, de vous souhaiter la bienvenue et de profiter de
votre connaissance dans le domaine du chauffage au mazout, qui peut amener de
nouveaux éclairages aux travaux de la commission, sûrement. En
page 4, vous nous dites qu'il y a juste 60 000 des 140 000 installations
subventionnées en biénergie depuis 1982, ou en 1982, qui sont
encore en opération. Ce n'est pas beaucoup, ça, c'est moins de 50
%. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui font qu'après avoir
investi là-dedans les gens abandonnent, en dehors des rachats de
contrats de biénergie qui sont supposément passagers, de la part
d'Hydro-Québec, car on attend qu'il mouille?
M. Boulé: Bon, il faut dire que ce premier
appareil-là, qui avait été mis sur le marché en
1982, était loin d'être une innovation technologique ou quelque
chose de très très bien. C'était un appareil que, je
dirais, on venait ajouter à l'autre appareil, donc c'était comme
un "plaster", ce n'était pas la meilleure solution. Donc, ces
appareils-là, les gens ont été déçus de leur
performance. Deuxièmement, il faut le dire, c'a été
installé par beaucoup, beaucoup d'aventuriers. Donc, au point de vue
installation, ça a occasionné des problèmes. À ce
moment-là, les gens, à l'usage, ont été
insatisfaits de ces appareils-là et recherchaient, au début...
parce que, comme je l'ai dit tantôt, au début, dans le programme,
il y avait une grande organisation, une pétrolière qui a
supporté le programme. Les gens, où ils se retournaient quand ils
voulaient faire réparer leur appareil? Vous aviez d'un côté
l'électricien, de l'autre c'était qui? Les
pétrolières ne voulaient pas toucher à ça.
C'était un problème, parce que ça avait été
mal installé, surtout. Alors, il y a beaucoup de gens qui n'ont pas
aimé ça, puis qui ont enlevé leur système, qui
l'ont déconnecté complètement et, soit qu'ils sont revenus
au mazout complètement, soit qu'ils s'en sont allés vers le tout
électrique. Vraiment, c'était un problème d'installation
et, technologiquement, l'appareil était loin d'être bien.
M. Claveau: O.K. C'est tout simplement technique, le
problème. Mais, ça coûte combien, pour quelqu'un qui veut
se bâtir admettons, une résidence neuve, parce que vous en parlez
beaucoup, puis qui dit: Moi, je m'installe un système de chauffage au
mazout uniquement? Ça coûte combien, en termes de coûts
d'installation par rapport à un chauffage par plinthes
électriques, par exemple? Et ça coûte combien, aussi, pour
l'entretien et, finalement, tous les à-côtés à long
terme, sur une longueur de vie d'une maison?
M. Boulé: Bon, si on parle d'un système à
air puisé, qui serait au mazout, on parle d'environ 5000 $ tout compris.
L'appareil de chauffage, le réservoir, la cheminée murale, parce
que, comme vous savez, maintenant, on n'a plus besoin d'avoir les très
très grosses cheminées, ce sont des cheminées qui sortent
au mur, comme une sortie de sécheuse. C'est très innovateur,
ça aussi. Alors, on parle de 5000 $ versus un système de plinthes
électriques d'environ 12 000 $ pour un bungalow ordinaire. Je ne compte
pas l'entrée de 200 ampères, parce que je me dis que, dans les
deux cas, on va la mettre; aujourd'hui, ça prend 200 ampères.
Alors, c'est 5000 $ versus 12 000 $, mais, ce qui est mal heureux, c'est qu'une
fois que vous avez installé ça le consommateur ne réalise
pas qu'à long terme, avec le système à plinthes, vous avez
seulement du chauffage. Si vous voulez, par la suite, filtrer, humidifier ou
climatiser, ça va vous prendre d'autres systèmes en
parallèlle, donc, là, ça coûte très cher.
M. Claveau: Mais vous conviendrez avec moi, là, que,
lorsque que l'on se bâtit une maison neuve ou même quand on
rénove une maison qui a déjà un certain temps, il y a un
certain nombre d'avantages à dire: On met des tringles
électriques, point final, puis il n'y a plus de bruit, il n'y a plus
d'entretien, tu n'as pas besoin de savoir si ton réservoir est
accessible l'hiver, parce que, bon, il faut faire de l'entretien de ce
côté-là, tu n'as pas à t'occuper de... Il n'y a
pratiquement plus rien à faire, là Je veux dire, une fois qu'on a
installé nos tringles, dix ans plus tard, les mêmes tringles sont
toujours là, puis c'est très rare qu'il y a quelque chose, alors
qu'avec de l'air comprimé, n'importe quoi, d'abord, ça prend plus
d'espace, il y a toujours un bruit de fond qui est lié à
ça, il faut changer des courroies, il faut entretenir les
brûleurs, bon, il y a tout le temps quelque chose qui fait que,
finalement, étant donné que ça coûte
déjà au départ quelque chose comme quatre fois plus cher
ou à peu près, bien c'est bien plus facile de dire:
Écoutez, au prix qu'on a l'électricité, pourquoi
s'encombrer de ça? (16 h 45)
Finalement, on s'installe des systèmes électriques et on a
la grosse paix, on a juste à contrôler. Puis même,
aujourd'hui, on est capables de contrôler les tringles par
téléphone, ceux qui veulent s'installer pour le faire. Alors,
vous ne trouvez pas qu'il y a vraiment là un avantage, en termes de
qualité de vie, que votre industrie va avoir de la difficulté
à concurrencer?
M. Boulé: Voyez-vous, nous, on voit le
phénomène, on est sur le terrain tous les jours. Les gens qui
s'achètent des maisons haut de gamme vont vers des systèmes
à air puisé, puis les acheteurs de deuxième maison ne
répètent pas la même erreur qu'avec la première
maison. Ça prend aujourd'hui un système de circulation d'air,
parce qu'avec votre système de plinthes électriques vous allez
uniquement chauffer votre maison; vous ne pourrez pas faire autre chose, tandis
qu'avec un système à air puisé, qu'il soit
électrique, au mazout ou au gaz naturel, là, vous avez des
options pour le futur. Vous allez avoir une meilleure qualité de l'air
dans votre maison, parce qu'avec les lois qui s'en viennent au
fédéral, actuellement, pour la ventilation des maisons -
1994-1995, c'est à la porte, ça s'en vient très vite -
tantôt, on va être obligés d'avoir des systèmes de
ventilation obligatoires dans les maisons. Alors, le système que nous on
prône, le système à air puisé, est le meilleur
système reconnu par les experts. Les gens vont y trouver leur compte
à long terme. C'est le meilleur investissement que vous avez à
faire.
M. Claveau: Quand vous bâtissez, sur le coup, que vous
rénovez, c'est toujours l'investissement à court terme, surtout
avec les niveaux d'emploi plutôt précaires qu'on a par les temps
qui courent, parce que, là, on parle de l'ensemble des consommateurs, on
ne parle pas de quelques individus parmi d'autres. À ce
moment-là, ce n'est pas évident que ça soit un avantage
d'aller vers l'huile à chauffage.
M. Boulé: Oui, je comprends votre point, mais c'est pour
ça qu'on dit: S'il y avait des incitatifs, au point de vue de la
nouvelle construction, l'écart dont on parle d'environ 3500 $, imaginez
ça, si c'était mis dans le prix de la maison, amorti sur 20 ou 25
ans; on ne parle plus de grand-chose, là. Maintenant, c'est sûr
que, si le client a à le payer dans un premier temps, pour le client
dont c'est la première maison, c'est énorme, les 3500 $ de
différence. Mais, vous savez, c'est un cercle vicieux: les contracteurs
de maisons vont au plus bas du prix de la maison; s'il n'y a pas d'incitatif,
ils n'en mettront pas.
Alors, comme je l'ai dit tantôt, de l'autre côté, on
a des projets de 1 800 000 000 $. Je crois qu'il y aurait possibilité de
rapatrier certains montants d'argent pour, justement, faire en sorte que le
consommateur ait une flexibilité dans les nouveaux systèmes de
chauffage qu'il y aurait dans les maisons qui seraient construites à
l'avenir.
M. Claveau: En page 8 de votre mémoire, vous nous dites
que les nouvelles résidences, selon vous, devraient être
construites uniquement soit avec la biénergie ou le mazout tout seul.
C'est quand même assez limitatif, vous en conviendrez. Il y a des gens
qui sont venus devant la commission et qui nous ont expliqué, par
exemple, que, si on avait une politique de pénétration du gaz
naturel dans le secteur résidentiel, on pourrait économiser
jusqu'à... enfin, ça nous coûterait à peu
près un dixième de ce que ça nous coûte actuellement
pour le chauffage au niveau résidentiel. Ça permettrait, entre
autres, d'avoir un certain nombre d'autres équipements genre frigidaire,
réservoir à eau chaude, enfin, différents
équipements qui fonctionneraient avec le gaz naturel; le poêle,
entre autres. Vous semblez, vous, en ce qui vous concerne, disons
reléguer aux oubliettes immédiatement cette alternative-là
qui pourrait être une possibilité. J'en conviens, c'est un
concurrent de plus pour vous, mais, lorsqu'un gouvernement a une
décision à prendre, globablement, quant à l'ensemble des
alternatives d'énergie pour la population, vous ne convenez pas que
ça pourrait être aussi quelque chose qui devrait faire partie du
débat?
M. Boulé: Bon. Voyez-vous, nous, premièrement,
à part l'électricité, on est l'autre source
d'énergie qui est partout au Québec. Donc, si vous mettez une
politique, que vous voulez la mettre provinciale, on a un réseau qui
peut répondre à la demande partout. Je ne pense pas que le gaz
naturel puisse prétendre la même chose. De toute façon, de
la façon dont on voit ça, le grand compétiteur, c'est
l'électricité. Les producteurs de gaz naturel, dans le chauffage
résidentiel et dans le petit commercial, comme je l'ai dit tantôt,
qui est le but de notre mémoire, eux-mêmes, dans leurs propres
plans d'affaires, disent que ça ne les intéresse pas le
marché résidentiel, puis je ne peux pas répondre à
leur place. Je crois qu'il y a moyen de faire un mariage, si je peux utiliser
l'expression, heureux dans le chauffage résidentiel et petit commercial
de l'électricité et de mazout. Il y a des choses intelligentes
qui peuvent être faites pour le futur.
M. Claveau: Quand vous dites justement, par rapport à
ça, mon Dieu, c'est en page 7 de votre mémoire où vous
dites - fin de page 6: HydroQuébec n'a-t-elle pas consulté avec
l'industrie pétrolière et les manufacturiers d'équipements
de chauffage? Pourquoi Hydro-Québec ne l'a pas fait? Et vous dites par
rapport à la biénergie, bon, rachat de contrats, devis, etc.
Quels auraient été les avantages réels, en supposant qu'il
y ait eu consultation et en supposant aussi qu'Hydro-Québec a fait
ça? Si je comprends bien, toute la dynamique d'Hydro-Québec dans
la biénergie a été faite d'une façon totalement
unilatérale. Enfin, il a dû y avoir quand même un petit peu
de consultations au moins pour avoir les autorisations d'installer des
convertisseurs sur vos équipements déjà de mazout,
non?
M. Boulé: Nous, ce dont on parle, c'est que, dans la
création d'un programme aussi important que ça, qui va avoir un
impact dans le futur très important, parce que si ce programme va
à l'extrême, qu'est-ce qui va arriver? Est-ce qu'il va y avoir
d'autres fermetures de raffineries, donc, des pertes d'emploi? Il n'y aura plus
personne tout à l'heure pour entretenir ces appareils-là parce
que, comme j'ai dit, une "business" pour trois mois, ça
n'intéresse personne. On pense que pour un programme qui a un impact
aussi majeur, Hydro-Québec aurait pu consulter et discuter pour voir les
choses qui peuvent être faites pour l'améliorer et qui font
l'affaire des deux parties.
M. Claveau: Et il n'y en a pas eu de consultation de ça
avec Hydro?
M. Boulé: Non. Pas vraiment. Après les faits
accomplis, une fois que le programme est tout dessiné, bon, bien, on
fait ça de telle façon.
M. Claveau: Oui.
M. Boulé: Ce n'est plus le temps de changer le
programme.
M. Claveau: Oui, mais les équipements qui ont servi pour
le programme biénergie, les 140 000 installations, dont on pariait tout
à l'heure, ce ne sont pas des équipements qui ont
été produits par Hydro-Québec ça. Ce sont des
équipements qui arrivent sur le marché et, probablement, qui ont
été construits par les mêmes compagnies qui faisaient les
brûleurs ou les fournaises au mazout antérieurement. Alors, il a
fallu quand même que ça se parle, tout ce monde-là,
à un moment donne, non?
M. Boulé: Bien, ça s'est parlé certainement
avec peut-être un manufacturier en question, deux manufacturiers. Mais on
parle des consultations officielles avec des associations ou des groupes qui
représentent une industrie dont on parle à ce moment-là,
pas avec une ou deux organisations quand même.
M. Claveau: S'il y avait une véritable politique... Parce
que là, vous dites en quelque part que vous ne voyez poindre à
l'horizon aucune politique dans le sens de protéger l'industrie du
mazout. S'il y avait une politique vraie, telle qu'elle serait discutée
avec vous, Hydro-Québec, etc., quel serait le pourcentage finalement de
consommation d'électricité ou le
nombre de kilowattheures que l'on pourrait transformer ou
transférer au mazout qui permettrait des économies à
Hydro-Québec, éventuellement, de diminuer des constructions de
barrages.
M. Boulé: Bon. Voyez-vous, nous, on pense qu'on est rendus
à un niveau, à un équilibre qui est quand même
très intéressant quand on dit que 23 % des maisons au
Québec qui chauffent au mazout, on n'est quand même pas
prépondérants, 23 %, c'est à peu près le quart des
maisons. Nous, on pense qu'en faisant une politique qui ferait que les
nouvelles maisons pourraient être biénergie et que les maisons
existantes, plutôt que de s'en aller à tout électrique,
elles, s'en iraient à la biénergie, mais qu'on y trouve chacun
notre part raisonnable. Qu'est-ce qui va arriver dans un scénario si on
va à long terme? La part du mazout va devenir qu'on va avoir deux fois
plus de clients mais qui vont consommer la moitié parce qu'ils vont
être biénergie. Alors, l'Hydro-Québec y trouve son compte
parce qu'elle a sa part électrique, à ce moment-la, dans toutes
les maisons du Québec. Et le consommateur a le choix et a des options de
deux sources d'énergie. Et la société
québécoise a des choix aussi pour le futur, peut-être, de
retarder le nucléaire à cause qu'ils auront fait un juste
équilibre. Ils auront utilisé le mazout et peut-être
même le gaz naturel plus intelligemment que ce qui se fait
actuellement.
M. Claveau: En principe, j'en conviens. Sauf que dans la
pratique, est-ce que vous avez des chiffres pour corroborer vos affirmations
là-dessus? Ça représente combien, par exemple, de
mégawatts de puissance installée, une politique d'utilisation du
mazout dans le chauffage résidentiel?
M. Boulé: Je ne pourrais pas vous dire. On n'a pas fait
ces chiffres-là pour vous dire ça exactement, au chiffre
près. Nous ce qu'on regarde, c'est une vision, une vision pour le futur.
Est-ce que c'est possible de penser comme ça? Avant de penser à
des choses précises, combien de kilowatts, là, et combien de
litres, là, on pense qu'il faut quand même regarder le futur.
Qu'est-ce qui est intéressant? Parce qu'il y a des choses à long
terme. Est-ce que c'a du bon sens. Nous on pense que c'a du bon sens. C'est
pour cela qu'on le présente ici, aujourd'hui. On pense que ça n'a
pas de bon sens, par exemple, la manière dont on s'en va, là.
C'est sur qu'il n'y aura peut-être plus de mazout dans 15 ou 20 ans, mais
est-ce que c'est une bonne idée, je ne pense pas.
Le Président (M. St-Roch): Alors, je vous remercie. M. le
député d'Ungava, est-ce qu'il y a des remarques de
conclusion?
M. Claveau: Je vous remercie de votre collaboration aux travaux
de la commission et, finalement, d'en arriver encore avec de nouvelles
idées qui viennent s'ajouter à tout ce qui nous a
été dit jusqu'à maintenant, qui, jour après jour,
nous démontre la complexité du problème. Je vous
remercie.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le
député d'Ungava. Mme la ministre.
Mme Bacon: Je suis contente d'entendre dire ça de la part
du député d'Ungava. Ce n'est pas un dossier facile, et, comme il
le dit lui-même, je pense qu'il y a des ajouts qui se font à
mesure que nous évoluons dans cette commission parlementaire et qui vont
faire en sorte, je pense, que la réflexion devra être faite
sérieusement par la suite, avant de prendre des décisions et de
poser des gestes importants, qui devront, je pense, être posés par
la suite. Merci beaucoup de votre apport.
Le Président (M. St-Roch): Merci Mme la ministre. Alors je
tiendrais, au nom de tous les parlementaires, à remercier l'Association
d'huile de chauffage du Québec inc. de votre témoignage et de
votre apport aux travaux de cette commission. Et sur ceci, je demanderais
maintenant aux porte-parole de Lévesque, Beaubien et Geoffrion de bien
vouloir prendre place, s'il vous plaît.
Alors permettez-moi, messieurs, dans un premier temps, de vous souhaiter
la bienvenue aux travaux de cette commission. Je demanderais maintenant au
porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les gens qui
l'accompagnent, pour le bénéfice du Journal des débats
ainsi que des parlementaires.
Lévesque, Beaubien et Geoffrion
M. Brunet (Pierre): Mon nom est Pierre Brunet. Je suis
président et chef de la direction de Lévesque, Beaubien et
Geoffrion. Je suis accompagné de M. Jean Labrecque, qui est
vice-président senior chez Lévesque, Beaubien et Geoffrion, et M.
Louis Vachon, qui est vice-président chez Lévesque, Beaubien et
Geoffrion, également.
Le Président (M. St-Roch): Alors, à partir de ce
moment-ci, vous avez maintenant 20 minutes pour déposer votre
mémoire.
M. Brunet: Merci du temps que vous m'accordez. Je vais
présumer que vous ave2 reçu le mémoire et je vais me
contenter de le résumer, en prenant les faits les plus importants ou les
faits saillants, et en précisant aussi que Lévesque, Beaubien et
Geoffrion, en son rôle du chef de file du syndicat financier pour les
financements canadiens, vient donner son opinion en ce qui concerne l'ensemble
du financement d'Hydro-Québec. Nous sommes conscients que le
débat actuel est beaucoup plus large que juste le débat
financement, mais avec votre permission, notre mémoire et nos remarques
se limiteront dans le domaine financier.
À cause de l'importance des dix prochaines années,
Hydro-Québec, qui a actuellement une dette de 22 200 000 000 $,
connaîtra une expansion assez fantastique dans les dix prochaines
années, et aura à financer 35 000 000 000 $, dont 8 000 000 000 $
dans les deux prochaines années. C'est un contrat important, mais
réalisable, et nous aimerions, dans notre mémoire, vous faire
valoir les points sur lesquels, à cause de l'importance des montants en
jeu, et aussi le rôle qu'Hydro-Québec a à financer ces
emprunts-là, à 60 % au Canada et 40 % à l'étranger.
Donc, face à autant d'emprunteurs, il est important d'avoir une
excellente crédibilité. Et la règle d'or, en fonction
d'une crédibilité pour les emprunteurs, c'est la bonne gestion
financière.
Donc, dans notre mémoire, on trace cinq points importants de
bonne gestion financière à observer, et le premier, qui est
peut-être une règle fort simple, est une règle qui dit tout
simplement qu'Hydro-Québec devrait être traitée comme une
entreprise indépendante et que ses états financiers devraient
parler par eux-mêmes. Dans le sens que, au cours des derniers 30 ans,
Hydro-Québec a développé une crédibilité
assez exceptionnelle à travers l'étranger et au Canada, en ce qui
concerne sa gestion et ses états financiers ont toujours parlé
pour eux-mêmes. (17 heures)
Une entreprise qui emprunte des montants aussi importants doit avoir
quatre principes, dont il faut absolument se souvenir: Le premier, c'est la
couverture des intérêts d'au moins une fois, par rapport à
l'ensemble des profits. Ça veut dire que le profit avant impôt,
taxe et dividende doit être supérieur ou égal au coût
des intérêts dans une année. Si on regarde les derniers 20
ans, Hydro-Québec, depuis 1971, a conservé ce principe. Il y a
une exception d'une année, en 1982, mais sur la période des
derniers 20 ans, le coût des intérêts a toujours
été couvert par l'ensemble des bénéfices nets avant
taxe et avant impôt.
Deuxième principe excessivement important, c'est le taux de
capitalisation de 25 %, c'est-à-dire que le capital ou l'avoir net
d'Hydro-Québec, si ça représente 25 %, les emprunts
peuvent représenter 75 %, c'est-à-dire trois fois plus. Pour
prendre un exemple, actuellement, le capital ou l'avoir net
d'Hydro-Québec est à 8 000 000 000 $. Donc, en bonne et saine
gestion financière, les emprunts ne devraient pas dépasser 24 000
000 000 $. Disons que dans les derniers 20 ans également, c'est une
règle qui a été assez bien observée. Il y a eu
quelques exceptions en 1976, à 23 %; en 1982, un haut de 26 %; 24 % en
1986 et, en 1989 maintenant, 26 %. Donc, on peut dire que la moyenne des
derniers 20 ans, c'a été assez bien respecté. Il faut se
souvenir, par contre, qu'Hydro-Ontario est à 17 %, donc beaucoup plus
bas. Mais par contre, la comparaison qui se fait dans les financements
américains, c'est que les compagnies américaines comparables
à Hydro-Québec ont un taux de capitalisation au-dessus de 50 %.
Donc, je pense qu'il est important d'avoir un juste milieu entre Hydro-Ontario
et on calcule que la règle de 25 %, à date, en est une qui a
été assez bien suivie.
Troisième règle, c'est le taux d'autofinancement,
c'est-à-dire que les bénéfices nets annuels plus
l'amortissement doivent représenter 30 % des financements en cours
d'année. Cette année, ou si on prend 1988 comme exemple, le
bénéfice net a été de 600 000 000 $ et
l'amortissement de 538 000 000 $, donc un "cash flow" positif de 1 100 000 000
$. Théoriquement, durant l'année, Hydro-Québec peut
emprunter 4 400 000 000 $. C'est une moyenne qui a été
très bien conservée de 1971 à 1989 puisque la moyenne
était de 34 %, soit 4 % au-dessus des 30 % comme minimum que nous
proposons, et le plus bas a été seulement qu'une fois, en 1976,
à 25 %, qui était dû à la concentration des emprunts
à cause de la fin du financement de la Baie James à
l'époque. Mais, encore une fois, ce troisième critère a
été très bien respecté.
Le quatrième, c'est le rendement de l'avoir net du capital qui
doit être supérieur à celui de la dette. En termes
ordinaires, on va dire: il est bon que le capital d'Hydro-Québec
rapporte plus qu'un investissement dans les obligations de la province de
Québec. Alors s'il rapporte 12 % dans une obligation, il serait normal
que le capital soit plus rentable et c'est une règle
qu'Hydro-Québec a suivie de 1971 à 1983, ayant toujours un
rendement supérieur durant cette période-là. Mais depuis
1983, depuis la baisse des prix du pétrole, le rendement sur capital a
été inférieur. Donc une faiblesse assez importante qui
peut être notée, qui peut tranquillement affecter la
crédibilité.
Les trois premiers critères ont été très
bien respectés et le quatrième un peu moins. Je me permets
d'insister sur celui-là parce que, en fait, il semble glisser. Il y a
plusieurs raisons qu'on peut analyser en fonction de ça mais plus
principalement c'est qu'à cause de l'augmentation des taux qui ont
été plus modérés dans les dernières
années et plus en ligne avec l'inflation, c'a donné un rendement
sur capital inférieur à un rendement sur obligation.
Pourquoi je vous donne ces quatre critères-là ou on vous
donne ces quatre critères-là dans notre mémoire? C'est
pour bien comprendre que la crédibilité des emprunteurs
étrangers se base énormément sur les états
financiers. Ce sont les quatre principaux critères qui sont toujours
analysés et, à date, Hydro-Québec a toujours su respecter
en fonction de sa gestion financière l'ensemble de ces
critères-là.
Maintenant, doit-on... On se pose la ques-
tion: Le passé est-il garant de l'avenir en fonction de
ça? Ce qu'on a vécu dans les derniers 20 ans, c'est qu'à
travers le monde, on a connu un taux d'épargne assez élevé
et un flux de capitaux positif face au Canada. Les demandes de capitaux aux
États-Unis, au Japon ou même en Allemagne de l'Ouest
étaient moins fortes durant les derniers dix à quinze ans, donc
une possibilité de fonds en direction du Canada qui était plus
facile à venir. Également l'évolution du prix
international du pétrole qui a varié durant les derniers 20 ans,
à partir de 5 $ jusqu'à son haut, près de 40 $, en 1981,
et qui est maintenant autour de 18 $, a profité d'une certaine
façon à rendre l'hydroélectricité plus
compétitive et a permis aussi de se réajuster en fonction des
prix.
Alors, ces trois "items" importants des derniers 20 ans, que seront-ils
dans les 10 prochaines années? Les analyses nous démontrent que
le taux d'épargne a tendance à baisser à travers le monde
et c'est un phénomène qui est assez remarqué dans
l'ensemble des pays occidentaux. Donc, un flux de fonds moins important
qu'auparavant. Par contre, en même temps, les demandes de capitaux sont
beaucoup plus importantes au niveau du gouvernement fédéral, par
exemple, et dans d'autres pays. L'Allemagne de l'Ouest, qui avait des surplus
incroyables, dirige maintenant ses surplus vers t'Est, et tout l'ensemble des
pays de l'Est vont demander des sommes assez importantes en financement dans
les dix prochaines années, donc, une autre direction.
Dans les six derniers mois, on a vu le marché japonais se
réajuster de 30 % et les taux d'intérêts presque doubler
dans les quatre derniers mois, au Japon. Donc, un ralentissement
également des flots financiers face au Canada. Donc, une chance que,
avec les montants que nous avons à financer... si on supposait une marge
de 40 %, par exemple, sur les 35 000 000 000 $ des 10 prochaines années,
cela créerait des pressions plus fortes sur Hydro et la province par
rapport aux 10 ou 15 dernières années où l'ensemble des
montants disponibles était plus important. Donc, c'est un facteur dont
il faut tenir compte aussi, à savoir qu'on peut difficilement analyser
dans l'avenir, parce que ce sont des tendances qui se dessinent depuis les deux
dernières années et si on prévoit quand même une
période économique un petit peu plus difficile, c'est quelque
chose qui peut se confirmer.
Donc, dans un environnement ou dans une conjoncture économique
semblable, il est excessivement important que, à ce moment-là, ce
que je répétais au début, c'est que les états
financiers d'Hydro-Québec soient en fonction des normes passées,
que les quatre critères que je vous mentionnais soient respectés
et donnent une crédibilité et un apport supérieur dans les
choix que les emprunteurs étrangers ont à faire.
Également, un dernier point sur l'ensemble des résultats
des cinq dernières années Depuis 1984, on a remarqué que
la hausse des taux était beaucoup plus en ligne avec l'inflation. En
1981, lorsque la loi 16 était passée, on prévoyait que les
taux devaient être basés beaucoup en fonction de l'augmentation
des prix ou être concurrentiels avec l'énergie des autres sources,
et en même temps être basés en fonction des coûts de
fourniture. Et quand on parle de coût de fourniture, on comprend
également les dépenses d'exploitation aussi bien que
l'intérêt et le rendement sur le capital ou les normes que je vous
disais tantôt. Et on remarque que, de 1971 à 1983, durant cette
période de 13 ans, 10 fois sur 13, l'augmentation des taux a
été de 2,6 % supérieure à l'inflation, ce qui a
permis, à ce moment-là, la forte capitalisation
d'Hydro-Québec, et la moyenne, de 1971 à 1981, a
été de 1,6 %. Donc, la remarque qu'on passe dans notre
mémoire, c'est de s'assurer d'une certaine façon que, en voulant
respecter les quatre critères que je vous mentionnais tantôt, on
tienne compte de facteurs autres que l'inflation, somme toute, pour
évaluer, en fait, l'ensemble de l'augmentation des taux.
En conclusion, nous sommes conscients que ce n'est pas le seul facteur.
L'ensemble de la bonne gestion d'Hydro-Québec dépend autant de la
surveillance des coûts, de la productivité des individus, de la
productivité de la technique que de la surveillance des dépenses.
En fait, toutes les règles de bonne gestion, nous les prenons comme
acquises en fonction de ça, mais il reste quand même que nous
croyons, en conclusion, que l'ensemble de l'augmentation des revenus des dix
prochaines années, en tenant compte d'un financement possible de 35 000
000 000 $, doit tenir compte des critères financiers pour garder notre
crédibilité ou l'ensemble de la crédibilité en
fonction des marchés internationaux et le service de la dette, la
même chose, de l'ensemble de ces critères-là, qu'on soit
conscients des difficultés qu'on connaîtra peut-être
à cause de la conjoncture économique des trois, quatre ou cinq
années à venir, et que, en fait, les disponibilités de
fonds ne sont peut-être pas ce qu'elles étaient dans les 10
dernières années.
Alors, en conclusion, peut-être une remarque personnelle, c'est
que, sans vouloir faire de publicité pour un autre organisme, puisque je
siège également comme président du Conseil de l'Orchestre
symphonique de Montréal, ce qui est remarquable avec l'Orchestre
symphonique de Montréal, c'est qu'il est excessivement respecté
pour sa qualité et son excellence à travers le monde. Ce qui est
un petit peu plus difficile, des fois, dans la province de Québec. Et je
fais une analogie souvent quand je visite les institutions européennes.
La première question qu'on me pose quand je viens du Québec: Ah!
Hydro-Québec, je connais très bien, très bonne gestion
financière, la crédibilité d'Hydro-Québec est
excellente. Et,
j'ai toujours fait un peu l'analogie entre l'Orchestre symphonique de
Montréal et HydroQuébec, c'est que la crédibilité,
en ce qui concerne les états financiers et la présentation
d'Hydro-Québec, est superbe à l'étranger et, nous avons
depuis 50 ans un joyau exceptionnel et nous avons une mission importante pour
les prochains 10 ans en financement, et je pense que ma conclusion, c'est de
vous dire que nous espérons que ces critères financiers
là, seront la base d'une décision, étant conscient qu'il y
a beaucoup d'autres facteurs dont il faut tenir compte, mais je pense qu'il y a
moyen, à travers tous ces facteurs-là, de tenir compte de tous
les paramètres en présence, en souhaitant que les prochaines dix
ans, bien, on puisse très bien financer les besoins
d'Hydro-Québec.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie M. Brunet. Je
vais maintenant reconnaître Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Brunet, messieurs. Dans votre
mémoire, à la page 5, on retrouve un éloge aux approches
innovatrices de gestion financière d'Hydro-Québec, mais vous
concluez que la seule façon véritable de limiter les frais
d'emprunt, c'est de conserver une situation financière saine. Est-ce
qu'on doit comprendre que les préoccupations d'Hydro-Québec et du
gouvernement du Québec devraient être centrées avant tout
sur la santé financière de la société
d'État, alors que les moyens de gestion financière, qui sont
valables, sont accessoires?
M. Brunet: La question que vous me posez, c'est à savoir
si un vient avant l'autre ou c'est...
Mme Bacon: Oui.
M. Brunet: J'aurais tendance à vous répondre que
les deux sont aussi importants l'un que l'autre. C'est que la bonne gestion
financière suppose des techniques financières, disons connues.
Mes collègues Jean Labrecque et Louis Vachon qui travaillent beaucoup
plus près, au jour le jour, avec eux... Aimeriez-vous ajouter quelque
chose à ça?
M. Labrecque (Jean): Si vous parlez de productivité ou des
choses comme ça ou essayez de...
Mme Bacon: Non, on reste toujours dans la gestion
financière, une saine gestion financière. Est-ce que c'est plus
important... Vous dites que la seule façon véritable de limiter
les frais d'emprunt, c'est de conserver une situation financière
saine.
M. Labrecque: C'est que... En fait, en termes de crédits
généraux des emprunteurs, je pense qu'il faut reconnaître
que la confiance est le niveau premier qui dicte les coûts absolus ou les
coûts relatifs les uns par rapport aux autres. Alors, plus la situation
financière va se détériorer, plus les prêteurs vont
être craintifs et plus ils vont demander un écart
élevé par rapport à un crédit de premier ordre.
C'est ce que cette ligne-là signifie. Je pense que si, par exemple, la
situation financière se détériorait rapidement à
Hydro-Québec, c'est la même chose pour le gouvernement du
Québec ou pour n'importe quel corps municipal, ou n'importe quelle
entreprise, je pense que les gens qui voient une situation se
détériorer, ont toujours la crainte que ça aille toujours
un peu plus mal. Alors, l'anticipation d'une mauvaise pente provoque,
règle générale, un réflexe de protection de la part
du prêteur et, à ce moment-là, vous êtes certains que
les coûts réels, les coûts absolus, les coûts
relatifs, vont augmenter directement. Alors, il est certain que si
Hydro-Québec continue, comme M. Brunet disait tantôt, d'avoir une
excellente réputation et d'être un joyau, et perçu comme
tel à l'étranger, le coût absolu, vu par les
étrangers, est, règle générale, nettement
inférieur. Encore une fois, il s'agit simplement de
référer au genre de cotes que les maisons financières
comme Moody's and Standard and Poor's apportent. Si vous êtes
classé comme un 2A, ce qui est le cas d'Hydro actuellement, et si, du
jour au lendemain, Hydro se retrouvait avec un 3B, je pense que vous pourriez
facilement ajouter un 0,5 % ou 0,75 % directement au prix. Alors, dans ce
cas-là, je pense que c'est ce qu'on a essayé de véhiculer
comme idée. C'est très important de maintenir une bonne
santé parce que vos prix sont en conséquence.
Mme Bacon: Vous indiquez, aussi, dans votre mémoire
à la page 9, qu'à l'étude de la première phase de
la Baie James, il ne serait pas facile à Hydro-Québec de
maintenir, dans le futur, une marge de sécurité au-dessus de
l'objectif de couverture des intérêts, de plus d'une fois. Dans le
plan de développement, Hydro-Québec prévoit un
redressement de ce critère en 1991 et 1992. Est-ce que vous jugez que
c'est un objectif réaliste?
M. Brunet: En ce qui concerne la couverture des taux
d'intérêts?
Mme Bacon: Oui.
(17 h 15)
M. Brunet: Oui. En fait, c'est que ça semblait impossible,
à l'époque de la Baie James, à cause des montants en jeu
à l'époque. Mais la conjoncture économique a changé
dans les années 1974-1975, à cause de la crise du pétrole,
etc. Donc, les prix se sont ajustés en conséquence. Si on regarde
le tableau - je n'ai pas le mémoire devant moi, je pense que c'est
à la page 8 - vous avez l'Ontario qui vous indique la couverture
d'intérêts. Il y a seulement une fois,
dans la période de 1971 à 1989, où on est
passé en bas, une fois. Les autres fois, en fonction des
résultats de l'ensemble, on a toujours été mieux que 1 %,
ce que nous recommandons. Donc, le redressement dont vous parlez, là,
c'est plutôt de rester en ligne, supérieur à 1 %. Ils le
sont déjà. Je n'ai pas les résultats de 1990 et de 1991,
qui pourraient peut-être changer le taux, mais, à ma connaissance,
on est beaucoup plus près du 1 %. On est sur la bonne route.
Mme Bacon: À la lecture de votre mémoire, il nous
semble que vous considérez le niveau fixé des critères
financiers comme un strict minimum et, même là, vous
considérez comme réalisable le plan de développement
d'Hydro-Québec. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage
là-dessus?
M. Brunet: L'avantage de ce plan c'est que ce n'est pas du tout
comme la Baie James, où c'était une grosse bouchée, ou un
morceau d'un coup sec. C'est que l'avantage de l'évolution des prochains
dix ans, c'est que c'est beaucoup de - je ne dirais pas de petits projets parce
que ça demeure de gros projets - mais ce n'est pas un seul projet. Donc,
il y a moyen d'évoluer avec la situation économique, il y a moyen
d'évoluer avec l'exportation et les besoins, dans leur ensemble, et les
coûts. Le jugement va s'adapter au cours des années. Ce qui est
une différence majeure avec celui de la Baie James, qui était
quelque chose à faire sur une période de six, sept ans. Donc, on
y voit beaucoup plus de flexibilité, donc, on peut avancer avec beaucoup
plus de sécurité, à la condition évidemment, comme
je vous disais tantôt, qu'on respecte l'ensemble des critères
financiers, pour bien balancer. Ce qu'on recommande là-dedans, c'est de
toujours bien balancer notre portion d'emprunt, aussi bien à
l'étranger qu'au Québec.
Mme Bacon: Justement, au sujet des exportations, vous soulignez
la rentabilité des exportations, vous soulignez aussi le risque qui est
inhérent à des contrats. Mais vous ne vous prononcez pas ni en
faveur ni contre ces ententes-là. Est-ce que vous croyez qu'en
dépit des risques, le Québec doit saisir les opportunités
qui se présentent sur les marchés d'exportation?
M. Brunet: Définitivement. Dans notre mémoire, nous
avons pris pour acquis que les démarches, en ce qui concerne
l'exportation, étaient en bonne voie, que les négociations se
faisaient et qu'il y aurait des résultats sensibles - il y en a
déjà eu - et que ça continuerait dans ce sens-là.
Je pense que le profit réalisé sur l'exportation permet de bien
balancer les taux également au Québec. Je pense que c'est
définitivement... Mais ce n'était pas à nous de juger de
la pertinence de vouloir négocier avec tel État, ou telle chose,
au tel prix. Donc, on a décidé d'accepter le fait qu'il fallait
qu'il y ait exportation et de l'accepter également comme un fait d'une
richesse naturelle que nous devons exporter, un peu comme l'Alberta exporte son
pétrole.
Mme Bacon: Vous indiquez aussi, dans votre mémoire, qu'un
rendement sur l'avoir propre supérieur au coût de la dette, c'est
un objectif légitime et que, si Hydro-Québec y parvient, la
collectivité québécoise en sera, à terme, plus
prospère. Est-ce que vous pourriez, peut-être, préciser
sous quelle forme pourrait s'exprimer cette prospérité?
M. Brunet: C'est qu'en fait, nous reprenons le principe, un peu
comme on disait tantôt, de dire: Si les critères financiers sont
respectés, l'ensemble des résultats font qu'Hydro-Québec,
d'une certaine façon, emprunte moins, puisqu'un tiers, si on veut 30 %
va être autofinancé à même les résultats.
Donc, de meilleurs résultats, de meilleures marges d'emprunt,
c'est-à-dire un taux inférieur à cause de la
crédibilité, si bien que le coût unitaire, ou la
productivité finit par être beaucoup plus bas. C'est ce qu'on veut
démontrer par ce mémoire.
Par contre, prenons l'exemple inverse et disons que, sur les prochains
cinq ans, l'ensemble des critères ne sont pas respectés et qu'il
y a une baisse de cote d'Hydro-Québec, donc une augmentation des taux,
si bien que si HydroQuébec, à cause de cette situation, peut
finir en déficit, parce qu'il faut bien comprendre que. dans un an ou
deux, le coût de la dette ou les intérêts seront
égaux aux dépenses d'exploitation, on arrivera dans un endroit,
à un moment donné, où on sera à 50-50. Donc, le
budget et la gestion financière deviennent sine qua non, si bien que le
coût d'augmentation de 0, 50 $, ou de 1 % d'intérêt, si le
grade était baissé à ce point-là, finit par
être un coût monstrueux que les Québécois vont finir
par payer de toute façon. Donc, dans une période, je dirais, pas
pour le dire à la blague, mais disons dans une période qui
s'annonce plus difficile, je pense qu'on a avantage à faire briller le
joyau plutôt qu'à le morceler.
Mme Bacon: La semaine dernière, devant cette commission,
il y a un spécialiste en droit de l'environnement qui a
sérieusement mis en doute la capacité d'Hydro-Québec
d'atteindre des objectifs en matière d'économie d'énergie,
parce que, et là, je le vais le citer, "ce sont des programmes, mais pas
de béton, et les financiers qui ont besoin de garanties ne prêtent
pas à des programmes. " J'aimerais avoir votre point de vue
là-dessus.
M. Brunet: Bien, ça c'est peut-être une
déclaration que je n'ai pas vue. Ce que je dois dire à ça,
c'est que, à date, la synergie province
de Québec-Hydro-Québec dans son ensemble, si on parle de
30 ans d'histoire, depuis Manie 5, j'allais même dire, en fonction d'une
saine complicité entre le management financier du ministère des
Finances et l'ensemble du gouvernement du Québec avec
Hydro-Québec ont fait que tous ces projets-là, qui semblaient
complètement hors de proportion par rapport à l'économie
ou à l'épargne des Québécois, si on veut le
comparer avec un chiffre, se sont quand même réalisés avec
beaucoup de confiance. Si on s'en rapporte à l'époque de 1971,
quand le financement d'un coup sec de 1 000 000 000 $ s'est fait à New
York, il faut comprendre que ça voudrait peut-être dire presque 2
100 000 000 $ ou 2 200 000 000 $ aujourd'hui. Et il n'y a pas une entreprise ou
une entité américaine, sauf le gouvernement américain, qui
emprunte pour 2 000 000 000 $, aux États-Unis. Donc, c'étaient
des réalisations qui ne pouvaient faire autrement que d'être
basées sur la confiance, la gestion et le réseau ou la
fiabilité, en fait, en fonction de la capacité au cours des
années d'Hydro-Québec. Et puis on connaît toute l'histoire:
à partir de Manie, c'était quand même un défi
même du côté ingénieur, et puis, ça s'est
réalisé et on a pris une expertise. Je reviens à mon
exemple de l'orchestre symphonique. Il faut visiter les institutions
européennes et asiatiques pour se le faire répéter.
Dès qu'on prononce les mots "Québec", "Hydro-Québec": "I
like". C'est un phémonène, je pense, de
crédibilité, qui s'est construit. Donc, c'est important de garder
ce joyau-là.
M. Labrecque: Je m'excuse... Mme Bacon: Oui, allez,
allez.
M. Labrecque: Si j'ai bien compris votre question, la personne a
affirmé que s'il n'y avait pas de béton, les gens ne
prêtaient pas?
Mme Bacon: C'est ça. C'était plus facile de...
Quand on a du béton, les financiers ont besoin de garanties, mais qui ne
se prêtent pas autant à des programmes, par exemple. On
prête plus facilement pour la construction de béton que pour des
programmes. On parlait d'économie d'énergie et de
l'investissement de 1 800 000 000 $ qu'Hydro-Québec doit faire dans
l'économie d'énergie.
M. Labrecque: Je ne voudrais pas passer de remarques trop
négatives sur le fond de ce qui a été dit, mais, à
première vue, je pense que le concept sur lequel ça s'appuie, en
finance, est dépassé depuis, je ne dirais pas 50 ans, mais
presque. Dans le sens que si la personne dit qu'on a tendance à
prêter surtout sur hypothèque, par exemple, pour une maison, je
pense que les financiers, depuis bon nombre d'années, ont appris que ce
qui était important, ce n'est pas seulement le mortier et le
béton, mais la capacité de payer et la capacité de
rembourser des gens. Alors, de ce point de vue-là, je pense que je
m'inscrirais un petit peu en contradiction avec cette affirmation, en disant
que, au fond, ce qui est important... Si vous avez un très bel immeuble
qui ne vous rapporte rien parce qu'il n'est pas loué, je pense que la
capacité de payer est nulle et que les gens ne prêteront pas.
Alors, je pense que ce qui est le plus important pour nous, c'est de
générer des flux. Et quand vous parliez tantôt de la
prospérité de la collectivité, je pense que le niveau des
profits d'Hydro-Québec et sa capacité d'autofinancement sont plus
significatifs pour n'importe quel prêteur, qu'il soit Allemand, qu'il
soit Japonais, qu'il soit Québécois ou qu'il soit Canadien, que
les barrages comme tels; s'ils ne produisent rien, ils ne valent pas
grand-chose.
Mme Bacon: D'accord.
M. Vachon (Louis): Une réponse encore plus facile: La
Société québécoise d'assainissement des eaux a
autant de facilité de se financer qu'Hydro-Québec, et, que je
sache, cette société a le mandat de nettoyer l'environnement au
Québec, et la purification des eaux, et tout ça. Alors, je pense
que cet exemple-ià répond par lui-même...
Mme Bacon: Oui, mais peut-être parce que le
ministère de l'Environnement se charge du service de la dette; c'est
peut-être pour ça que c'est plus facile, non?
M. Vachon: Bien, dans les deux cas, de toute façon, il y a
un support de la province de Québec. Mais, dans la perception des
investisseurs, il n'y a pas de différence.
Mme Bacon: Oui, c'est la même. Vous indiquez, à la
page 22 de votre mémoire, que le rôle du gouvernement est de doser
les hausses tarifaires en fonction de la capacité de payer des
consommateurs. Là aussi, on a entendu différentes versions: des
gens nous disent qu'il faut avoir des hausses de tarifs suffisamment
élevées pour décourager la consommation d'énergie,
par exemple. Évidemment, d'autres nous disent que les tarifs sont
vraiment trop élevés. Lors de la tarification, quels seraient les
critères financiers qui devraient être retenus par le
gouvernement, par exemple, selon vous?
M. Brunet: Je vous ramène aux quatre points que j'ai
mentionnés tantôt. À date, j'ai bien indiqué aussi
que, depuis les derniers vingt ans ou vingt-cinq ans, ce sont les
critères qui avaient été retenus et assez bien
balancés par l'ensemble du gouvernement et Hydro-Québec. Il y en
a un qui glisse, c'est celui du rendement, en fait, sur l'équité
ou l'avoir net, qui est le dernier que j'ai mentionné, qui glisse
depuis
1983, et si ça continue, les autres vont glisser aussi. Alors,
c'est un avertissement qu'on fait ici, c'est qu'une fois qu'on a mis en place
ces quatre critères-là, je pense qu'on est capables de les marier
en fonction du coût concurrentiel aussi des autres produits. Je pense que
ça a assez bien suivi. Et le consommateur va y trouver son compte en
fonction d'une saine gestion parce que, à long terme, ça va
coûter meilleur marché, sur une période de temps, si
HydroQuébec, en fait, est dans une position de santé. Par contre,
si elle ne l'est pas, son coût d'opération va
définitivement monter. Là, le gouvernement en place à ce
moment-là décidera s'il faut balancer ça d'une autre
façon, mais le consommateur, à date, à mon avis... Et
puis, je reconnais qu'en tant que chef de file du syndicat
d'Hydro-Québec, on peut me traiter de non objectif, peut-être,
mais il reste quand même que le consommateur a été bien
traité, dans les vingt dernières années, à travers
le coût de l'électricité, comparativement à d'autres
produits. Et je pense que le Québec ou le Québécois a bien
réagi en fonction des changements qu'il a apportés à son
système d'énergie.
Donc, si le prix de l'hydroélectricité, en dehors de tous
ces critères-là, était complètement hors de
proportion pour le consommateur, bien, le consommateur ne serait pas là,
parce qu'il a des choix. Donc, sa décision, je pense, a
été prise d'une façon objective, parce qu'il avait le
choix.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: M. Brunet, deux courtes questions. La première,
au sujet du niveau des prélèvements fiscaux, à la page 17.
Les équivalences chez les compagnies, les "utilities" américains,
dans le domaine soit de l'électricité ou du gaz, quels sont les
"payout ratios" quel est le pourcentage des dividendes qu'on paie?
M. Brunet: En fait, la plupart étant des compagnies
privées, je pense que le taux d'impôt doit être autour de 45
%. En fait, sur le...
M. Benoit: Moi, je ne parle pas du taux d'impôt, ici, je
parle des dividendes qu'on paie à l'actionnaire, en pourcentage.
M. Brunet: Le "payout"? M. Benoit: Le "payout".
M. Brunet: Oui, c'est à peu près 50 %, je
pense.
M. Benoit: Pardon?
M. Brunet: Ça peut varier entre 30 % et 50 %, selon les
politiques des compagnies.
M. Benoit: L'autre question, c'est à la page 22. Dans
votre plan de développement, il y a trois grands axes: le niveau
suffisant - Mme la ministre en a parlé - de revenus; l'importance du
service de la dette; la surveillance constante des coûts d'exploitation.
Vous amenez trois lignes, là: le plafonnement des effectifs,
l'accroissement de la productivité tant individuelle que technique, et
l'élimination constante des coûts superflus. Est-ce que c'est une
critique que vous faites à Hydro-Québec? Est-ce que c'est un voeu
que vous faites? Est-ce que c'est un comparatif que vous faites avec ce qui se
passe dans l'industrie des compagnies privées aux États-Unis dans
le secteur de l'électricité? Et, est-ce qu'il y a des chiffres
d'équivalences qui pourraient nous être fournis où, par
kilowatt, il y a tant d'hommes-heures, aux États-Unis, etc.? Est-ce
qu'il y a des équivalences qu'on pourrait comparer entre ce qui se passe
à Hydro versus l'industrie privée aux États-Unis?
M. Brunet: Non. En fait, dans notre premier point, au
début, on exprimait qu'il était important qu'Hydro-Québec
soit traitée comme une entreprise. Donc, dans notre conclusion, on dit:
Ne pas oublier que les autres principes, qui sont les principes de bonne
gestion d'une entreprise, on doit en tenir compte. Ce ne sont pas seulement les
quatre critères financiers qu'on vous mentionne tout le temps. Comme
financiers, on se doit de les expliquer comme il le faut et de dire que la
crédibilité... Mais, on voulait dire par ça que, dans
notre mémoire, il n'y a pas seulement ça qui fait qu'on a une
crédibilité de bonne gestion; il faut s'occuper des autres
points. Pour le dire en anglais, c'est comme un "motherhood statement", si on
veut. Ce n'est pas du tout une critique ou une constatation face à
Hydro, mais un mandat en fonction des années à venir, qu'ils
doivent tenir compte de ça, comme ils l'ont fait dans le passé.
(17 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue devant cette commission et de discuter un peu avec
vous de paramètres financiers. Je pense que c'est l'occasion
idéale d'en parler. Vous nous dites, en guise d'introduction... Dans les
quelques points de la page d'introduction - vous en retenez sept - il y a le
point 5 qui me fait un petit peu frémir. Quand vous dites:
Comparés à la première phase de la Baie James, les
trois...
M. Brunet: Le point?
M. Claveau: Le point 5 en introduction, où vous comparez
la situation actuelle à la situation qui a prévalu au moment de
la construction des centrales de LG 2, LG 3, LG 4. Vous dites: "II
n'est pas certain que le contexte actuel soit aussi positif. Mais les
exportations d'électricité pourraient améliorer les
choses." Je trouve que c'est une très belle formule pour exprimer un
soupçon de doute. Vous ne semblez pas particulièrement, disons,
enthousiastes devant l'ampleur des opérations financières
qu'Hydro-Québec devra faire au cours des prochaines années et la
situation financière mondiale, enfin, le fruit des capitaux, etc. En
quoi, entre autres, les exportations pourraient-elles venir améliorer
ça? Enfin, j'aimerais avoir quelques réflexions
là-dessus.
M. Brunet: Je pense que c'est le défaut de mettre en
introduction des conclusions. Je voudrais quand même dire que ce qui est
important de retenir ici, c'est que, quand on dit qu'il n'est pas certain que
le contexte actuel soit aussi positif, on ne parle pas de celui
d'Hydro-Québec. On parle de la conjoncture économique en
général. C'est que le taux d'épargne baisse. Les flux
financiers vers le Canada diminuent et le Canada, en même temps, a besoin
d'énormément de fonds à cause de son déficit, et
pas seulement le gouvernement canadien, mais, en fait, l'ensemble des
provinces. Donc, à ce moment-là, Hydro-Québec n'est pas la
seule à emprunter, beaucoup plus de compétition, donc, beaucoup
plus de difficultés, entre parenthèses, à avoir les fonds,
comme c'était le cas dans les quinze dernières années.
Alors, ce qu'on dit en fonction des exportations, c'est que si, par contre,
durant cette même période, Hydro-Québec peut
réaliser avec succès des contrats assez importants d'exportation
vers les États-Unis, bien, ça va rebalancer ses coûts.
C'est de l'eau qui arrête de couler et qui devient des dollars. En fait,
c'est aussi simple que ça. C'est que vos barrages sont là et
c'est de rendre - quand on parle de productivité - bien, de rendre la
houille blanche productive. Plus il va y avoir de demandes... Et les
exportations amènent, surtout ces contrats qui sont à long terme,
donc, une possibilité de l'amélioration des ventes
d'Hydro-Québec qui, automatiquement est un montant de moins à
être supporté par l'ensemble des Québécois, suite
à ces contructions-là. C'est dans ce contexte-là qu'on a
fait cette remarque-là.
M. Claveau: Moi, je pense que derrière tout ça, il
y a une question de fond qui n'a pas été posée et qui n'a
pas été traitée dans votre mémoire ou, du moins,
sur laquelle on aurait dû s'attarder un peu plus. C'est: Qu'est-ce que
ça va coûter? Combien ça va coûter et qui va payer?
Essentiellement, Hydro-Québec n'a qu'une activité, c'est de
vendre de l'électricité. Et, pour l'essentiel aussi, cette
électricité-là, elle la vend à des
Québécois. Donc, quand on parle des différents
paramètres financiers et des critères que vous nous avez
donnés, tous ces critères-là se réalisent pour la
grande majorité à l'intérieur d'un cadre très fixe
qui s'appelle vente de l'électricité à des consommateurs
québécois qui devront l'acheter à un prix x. Moi, je veux
bien croire qu'éventuellement, ça peut être très bon
pour la société québécoise que l'on devance des
travaux - bon, si on nous fait la preuve de - et qu'en devançant des
travaux et en vendant aux Américains, etc., c'est pour notre bien. Mais
ça me fait penser un peu à des méthodes
pédagogiques qui, heureusement, sont dépassées, lorsque
les maîtresses d'école dans le temps nous fendaient les jointures
avec des coffres à crayons, dans notre bien ou pour notre bien; ce
n'était pas évident pour nous autres, sur le coup, que ça
nous faisait du bien. Je me rappelle, en tout cas, que
généralement, on avait plutôt tendance à croire
qu'il y avait d'autres moyens de vouloir notre bien. Est-ce que, finalement,
toute cette approche-là pour Hydro-Québec, même si c'est
pour le bien de tout le monde, ça n'aura pas une répercussion
immédiate sur les factures d'électricité de la
clientèle qui, demain matin, ne sera pas nécessairement
enthousiaste que l'on s'occupe de son bien en venant piger dans son
portefeuille?
M. Brunet: Bien, c'est une bien longue question. C'est
peut-être une constatation en soi. Moi, je dois vous dire qu'il y a
beaucoup d'analyses de faites et on se fie, nous, en tant que... Je vais vous
donner une réponse de financier, encore. On doit se fier aux
ingénieurs qui font les rapports entre l'offre et la demande pour les
dix prochaines années. Et les courbes de présentation, en
fonction de l'offre et de la demande d'électricité, nous
indiquent qu'il faut passer à travers ces projets-là, incluant,
évidemment, les exportations. Maintenant, dans le projet des dix
prochaines années, il y a une certaine souplesse qui fait qu'il y a
plusieurs projets. Donc, si les exportations ne se réalisent pas,
l'ensemble du projet ou l'ensemble des phases peut être
modéré. Donc, si tout va comme ça, ce n'est pas
nécessairement une personne, ou les même personnes qui paient
pour. C'est que le prix se tient, il est concurrentiel en fonction de toutes
les sources d'énergie, et ça continue. Moi, je pense que si on
faisait ce projet-là... Pour répondre à votre question,
là, disons, d'une façon différente, si on faisait ces
projets-là et qu'il n'y avait pas d'augmentation de la demande
d'électricité, bien, c'est sûr que les
Québécois paieraient pour. Mais si ces projets-là sont
faits en même temps, ou en parallèle avec l'augmentation des
exportations et l'augmentation de la demande au Québec, bien, ça
se porte. En fait, c'est de l'augmentation de votre "business", si vous voulez,
qui est de vendre de l'électricité.
M. Claveau: Sauf qu'il y a comme un problème, dans la
mesure où, vous le dites vous-même, là, dans votre
mémoire, la dette d'Hydro-
Québec va être multipliée par à peu
près 150 % de ce qu'elle est aujourd'hui dans 10 ans, ou en gros,
là - elle va passer de 22 000 000 000 $ à 57 000 000 000 $ - et
ça, pour une augmentation de la puissance installée d'à
peu près 20 %, en gros, je n'ai pas les chiffres très
précis. Donc, ça revient pas mal plus cher le kilowattheure. Si
on disait qu'on double les investissements pour doubler la production, et qu'on
va avoir deux fois plus d'acheteurs, j'en conviendrai.
M. Brunet: Oui.
M. Claveau: Mais si on multiplie par 3 ou par 2,5 la dette pour
augmenter de 20 % la puissance installée, ça veut dire qu'il y a
une large partie de cette dette-là qui va être sur la facture du
consommateur actuel, qui n'en achètera probablement pas plus, mais qui
va devoir payer plus pour le petit peu qu'il achète.
M. Brunet: Non. Je comprends très bien ce que vous dites,
mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'augmentation pour le
consommateur. Mais pour répondre d'une façon différente,
la seule façon où il n'y aurait pas d'augmentation pour le
consommateur, ce serait d'arrêter, tout de suite, tous les projets pour
les prochains dix ans et d'avoir seulement la consommation, ou se servir de la
consommation qui est possible actuellement. Mais on arriverait à un
moment où on manquerait d'électricité. Là, on
pourrait dire: Bien, allez vers d'autres sources, et restez comme ça.
Mais du moment qu'on veut faire une progression de
l'hydroélectricité au Québec, c'est sûr qu'il faut
avancer dans les projets. Et c'est toujours reconnu. C'est un peu comme le prix
de la maison. La première maison que je me suis achetée, je ne
l'ai pas payée cher, et ainsi de suite. Et les coûts des
matériaux montent en fonction... Alors, c'est un peu la même chose
avec un barrage. Manie 5 est dans la commune mesure des prix de 1968. C'est
sûr que les emprunts vont être plus importants dans les
années qui viennent, à cause des coûts de fabrication.
Donc, il y a un transport, vous avez raison, il y a un un transport qui se
fait, à ce moment-là, au consommateur, mais c'est un choix qu'on
fait, dans le sens de dire: II est important. Ça dépend du
critère de base qu'on va mettre. Si on dit: Ce n'est pas important de
développer l'hydroélectricité, bien là, je vais
embarquer avec vous. Si je dis, par contre: C'est important de
développer l'hydroélectricité, bien, à ce
moment-là, c'est vrai que le barrage 2 et le barrage 3 vont coûter
un petit peu plus cher, et qu'il y a un peu de transport, mais n'oubliez pas
que le consommateur, lui, durant toute cette période-là, a encore
le choix de recourir à différentes sources d'énergie. Et
la compétition se fait entre les sources d'énergie, si bien que
ça se balance. S'il n'y en avait qu'une... Ce serait dangereux, dans
votre cas, et vous auriez sans doute raison s'il n'y avait qu'une source
d'énergie au Québec, qui était
l'hydroélectricité, bien là, à ce moment-là,
peut-être...
M. ClavMu: Ça, ça veut dire qu'à la limite,
on pourrait faire la promotion de sources d'énergie qui sont moins
coûteuses, à court terme pour le moins, et finalement, qui
auraient, pour des investissements moindres, un impact tout aussi significatif
sur l'économie québécoise.
M. Brunet: Je ne peux pas répondre pour un cycle de 20 ans
ou 25 ans. Mais on a vécu de notre vivant, quand même, une
époque où l'électricité était plus
chère que le pétrole, et pendant une période assez longue.
Je ne peux pas répondre pour l'avenir. Je ne pense pas que ça
arrivera parce qu'on connaît maintenant les réserves de
pétrole et elles ont même tendance à augmenter depuis
quelques années mais, dans le temps, elles ont tendance à
disparaître. Donc l'électricité aura toujours une certaine
prédominance, à mon avis.
M. Claveau: Pour revenir sur le coût parce que, dans le
fond, essentiellement, c'est toujours ce qui préoccupe le plus: Combien
est-ce que ça va nous coûter? Bon, je reprends vos critères
financiers. Vous nous parlez d'une couverture d'intérêt à 1
%, d'un taux de capitalisation à 25 %, d'autofinancement à 30 %
et d'un rendement sur l'avoir propre qui soit supérieur au taux moyen
des intérêts. Ça, c'est évident que c'est
probablement ce qui est souhaitable, mais, dans un premier temps, j'aimerais
connaître l'importance de garder... Bien que vous ayez expliqué
que sur le plan de l'image d'Hydro-Québec, etc., c'était
extraordinaire, quelle est l'importance de garder ces critères-là
pour aller sur les marchés internationaux quand, de toute façon,
tous les prêteurs savent très bien que c'est le gouvernement du
Québec qui "back" Hydro-Québec - si vous me passez l'expression -
qui garantit les prêts? Parce qu'on retrouve à partir de vos
propres tableaux que l'ensemble des utilités du même style au
Canada - qui doivent, elles aussi, je suppose, aller à l'occasion sur
les marchés internationaux - sont loin d'avoir des critères tout
aussi significatifs ou tout aussi intéressants que ceux
d'Hydro-Québec. Moi, je suis bien content qu'Hydro-Québec ait une
belle gueule sur les parquets boursiers à travers le monde, mais
jusqu'à quel point, finalement, on n'en met pas trop? on n'en donne pas
plus que le client en demande?
M. Brunet: Je comprends très bien votre question et je
pense qu'il faut la séparer en deux: la province de Québec et
Hydro-Québec. Dans notre recommandation, on dit qu'Hydro-Québec
devrait se tenir seule en fonction de ses états financiers. Donc, pour
trente secondes, faisons l'hypothèse qu'Hydro-Québec n'est
pas
une société d'État, qu'elle est une
société privée comme la plupart des sociétés
américaines semblables dans le secteur de l'électricité.
À partir de là, les critères sont sensiblement ça.
Donc, tant que les critères sont sensiblement ça, la province,
ça devient une garantie théorique, si vous voulez. C'est une
garantie qui est là, mais Hydro-Québec a une cote
équivalente à la province de Québec sans doute sans sa
garantie; ça aide, la garantie. La journée où vous faites
disparaître les critères, là entre en ligne de compte la
garantie de la province de Québec - vous avez raison - et pour la
première année et la deuxième année, je ne pense
pas qu'il y ait de changement dans les taux, mais à un moment
donné ça devient un fardeau sur le bilan consolidé de la
province.
Maintenant, le financier extérieur va prendre le bilan.
Là, il dit: Le critère n'est plus là, donc je vais
reprendre les critères en fonction du bilan consolidé de la
province et d'Hydro-Québec et tranquillement vous allez grever, à
un moment donne, la possibilité de crédit. Parce que, là,
il faut continuer avec les autres sociétés d'État et
ensuite les municipalités. Tous ces critères-là, toutes
les marges de différence de financement sont... Alors, si la province de
Québec ou Hydro-Québec baisse de 0,50 $, ça veut dire que
les municipalités se financent automatiquement 0,50 $ de plus. Alors,
toute la chaîne est très importante.
Donc, au début, vous avez raison, ce n'est pas grave, la province
garantit mais, à un moment donné, dans le bilan consolidé,
la vérité vous frappe et, à ce moment-là, vous
êtes obligé de payer un taux supérieur. On revient à
notre consommateur de tantôt qui est excessivement important, parce qu'il
ne faut pas oublier qu'il paie les deux notes; il paie la note
d'électricité mais il paie l'impôt aussi. C'est la
deuxième note, mais elle est aussi importante. Un jeu ou l'autre, dans
le consolidé du consommateur, là, elle va être
payée. Alors, là, c'est un choix, en fonction des besoins et
l'importance qu'on a à faire - puis là j'essaie de faire le
débat d'une façon différente - de dire: Pourquoi on ne
laisserait Hydro continuer ses critères en fonction de ça, si
bien que ça ne viendrait pas grever le financement de la province? Et
ça nous permettrait, pour répondre un peu à ce que Mme la
ministre disait tantôt, de souscrire à d'autres projets de
financement, peut-être, qui sont importants. Maintenant, ce n'est pas
à moi de répondre à ça. C'est le choix de la
commission parlementaire. C'est à nous de vous montrer les pour, les
contre, ce qu'est la réaction de l'ensemble des financiers
internationaux et, à partir de là, vous faites le choix et puis
on vous fait confiance là-dessus. C'est un peu la nature de mes
remarques, si vous voulez. (17 h 45)
M. Claveau: Votre critère du rendement sur l'avoir,
là... Aujourd'hui, au moment où l'on se parle, avec des
bénéfices nets de l'ordre de 600 000 000 $ ou à peu
près, Hydro-Québec garde un rendement autour de 7 %, 7,5 %, ce
qui veut dire que, pour avoir un rendement de l'ordre de 13 %, il faudrait que
ses bénéfices nets soient largement supérieurs au milliard
de dollars par année. Ça ne représenterait pas,
évidemment, de doubler les coûts parce que ses frais fixes restent
les mêmes, mais ça représenterait une augmentation
considérable de la note d'électricité pour l'ensemble des
consommateurs québécois, finalement, si on voulait arriver
à un rendement de 13 % ou de 13,5 %, ce que demande Hydro-Québec,
à moins que vous ne comptiez énormément sur la
capitalisation des intérêts sur les constructions en cours.
M. Brunet: D'un coup sec, peut-être. Là, ce qu'il
est important de connaître, je vous le disais tantôt, c'est que sur
ce critère-là, on a glissé; depuis 1983, on glisse. Bon,
si on a glissé, de 1983 à aujourd'hui, là, il n'y a
personne qui a crié comme si c'était la fin du monde. Alors, si
on prend quatre ou cinq ans pour revenir dans cette direction-là et si
on se l'impose comme discipline, c'est une suggestion qu'on fait... Le faire
d'un coup sec, c'est-à-dire de dire que ce critère-là est
sine qua non pour le 1er juin de cette année et qu'il faut passer la
facture tout de suite, je pense qu'il y a une façon d'arriver à
ça, c'est un objectif.
M. Claveau: Mais un objectif qui, en bout de piste, va finir par
coûter plus cher aux consommateurs pareil, et passablement.
M. Brunet: Non, non, c'est-à-dire que... Jean, tu as
peut-être une idée...
M. Labrecque: Je pense que ce dont il faut tenir compte dans le
cas d'Hydro-Québec, c'est que les profits d'Hydro-Québec servent
à diminuer les emprunts. Ce que vous dites, c'est comme si, chaque fois
que les gens paient de l'électricité, ça allait à
fonds perdus et que c'était une perte sèche pour tout le monde.
Je pense qu'il faut tenir compte que ce qu'Hydro va accumuler en
bénéfices, ça va lui faire ça de moins à
emprunter et que ça réduit d'autant et, en règle
générale, substantiellement le montant d'intérêts
qu'elle a à payer. Je pense que, dans tout ça, c'est une question
d'équilibre. On a dit, tantôt: II va appartenir au gouvernement de
fixer les tarifs à des niveaux intéressants, mais il est clair
aussi qu'Hydro ne peut pas espérer ne rien mettre comme apport direct
dans les projets et tout emprunter parce que la charge d'intérêts
va être très élevée. Mais la charge
d'intérêts, en soi, est très élevée et vous
pouvez l'éliminer si vous investissez vous-mêmes une partie des
profits. Alors, je pense qu'il faut éviter de voir le paiement des
tarifs, des revenus d'Hydro-Québec comme étant strictement des
pertes
sèches.
M. Claveau: Une dernière question, peut-être; on me
dit que mon temps commence à tirer à sa fin. Tout à
l'heure, M. Brunet, vous, avez fait une comparaison entre la première
Baie James et actuellement. Vous dites que c'est plus facile de planifier,
etc., avec le projet qu'on a entre les. mains. Bon! On est dans une situation
meilleure en termes, je dirais, de rendement sur l'investissement, que celle
qu'il y avait au moment de construire les trois, centrales LG 2, LG 3 et LG 4.
D'abord, à ma connaissance, les travaux se sont échelonnés
sur une douzaine d'années, entre 1972 et 1984, finalement, où on
a fini de mettre en service les trois derniers groupes alternateurs de LG 4.
Donc, il y a quand même eu. un échelonnement dans le temps qui est
assez important, et on parlait, à ce moment-là, de quelque chose
comme 13 000 00 000 $; en tout cas, le chiffre exact, je vous laisse le soin,
peut-être, de nous le donner, mais moi, je travaille avec le montant de
13 000 000 000 $ assez régulièrement.
Bon, actuellement, on parle d'un investissement ou d'emprunts de l'ordre
de 35 000 000 000 $ ou 30 et quelque milliards sur dix ans. Si on regarde les
facteurs que vous aviez tout à l'heure, à 120 % à peu
près, ça veut dire qu'on reste dans le même ordre de
grandeur. Dans le fond, le niveau de production, le niveau de puissance
à installer, qu'on projette sur dix ans, est à peu près le
même que celui qu'on a conçu avec la première Baie James,
et l'ordre de grandeur des investissements est, toute comparaison faite,
à peu près égal. Alors, je ne vois pas en quoi, par
exemple, on est plus flexible ou peut-être mieux positionné pour
rentabiliser l'investissement qu'on ne pouvait l'être en 1971, au moment
de faire l'annonce de la première Baie James.
M. Brunet: Dans ce sens-là - je ne veux pas qu'on devienne
trop confus en fonctionnant - c'est que le premier coup, c'était LG 2,
et c'était un gros coup à donner, LG 2, par rapport aux projets
qui peuvent se faire sur dix ans. Alors, LG 2 était quand même, je
ne me souviens plus... C'était 6 000 000 000 $ ou 7 000 000 000 $?
Mme Bacon: C'était 10 000 mégawatts. M. Brunet:
Non, mais en milliards?
M. Claveau: C'était 50 % de la puissance installée
sur les trois centrales.
M. Brunet: C'est ça. C'était la moitié du
projet, si votre chiffre de 13 000 000 000 $ est correct - parce qu'on y va de
mémoire, là - c'était quand même 6 000 000 000 $
d'un coup sec. N'oubliez pas que ce sont des chiffres de 1970, ces
milliards-là, alors il faut quand même les multiplier par 2, 06.
On parle d'équivalent, peut-être, de 15 000 000 000 $ ou 17 000
000 000 $ d'un coup sec, alors, il faut les ramener en perspective de cette
époque-là. Là, on dit qu'il y a trois facteurs devant
nous, les exportations; la conjoncture économique, il faut la suivre.
Alors,, quand on dit oui aujourd'hui, on ne dit pas oui aux 35 000 000 000 $,
on dit oui en fonction d'une conjoncture, économique d'aujourd'hui. Et
puis, l'ensemble de la compétition que l'hydroélectricité
a, dépend de la variation des prix. Or, donc, si on connaissait une
autre crise du pétrole, ça ne serait pas un problème, si
on veut. Par contre, ce n'est pas ça qu'on prévoit, c'est qu'on
prévoit une période plus lente; donc, ce qu'on tentait de dire,
c'est qu'on ya, décider d'une portion du 35 000 000 000 $ qui est en
relation des besoins actuels quitte à la réviser. C'est
qu'Hydro-Québec, à ce que je comprends, n'est pas en train de "se
commettre" sur les 35 000 000 000 $ cette année, elle est train de faire
un p|an de dix ans, et on s'engage pour les 8 000 000 000 $ pour les deux
prochaines années, en fait. C'est là qu'on est rendus.
M. Labrecque: Je pense qu'on pourrait peut-être faire
référence à ce que M. Saint-Pierre, de SNC, a
mentionné tantôt. La grande différence, c'est que les
montants qu'Hydro peut emprunter cette fois-ci varient entre 37 000 000 000 $
et 60 000 000 000 $, mais ils ne sont pas concentrés dans de très
gros barrages qui sont difficiles à arrêter, comme M. Saint-Pierre
l'a mentionné, pour la première phase de la Baie James. Or, pour
nous, ce qui est important, c'est que, si vous diluez, si vous voulez, vous
disséminez les barrages à travers le territoire, le montant total
que vous mentionnez est vrai et probablement relativement semblable à ce
qui s'est fait auparavant, mais, si la demande fléchit, contrairement
à la première fois, Hydro a, il nous semble, à
l'étude du plan, beaucoup plus de flexibilité pour diminuer le
montant total de ses investissements. Je pense que c'est ça qui est
important.
M. Claveau: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Cameron: I had only a brief point to make. I wondered whether
Lévesque, Beaubien would consider there might be circumstances in which
it would make more sense to privatise Hydro-Québec.
M. Brunet: Well, it would be a heck of a nice contract to have.
Ha, ha, ha! But I think it is something that is worth a lot to the province;
there are fifty years of history there. It is
something that has popped up, back and forth, in ideas.
M. Cameron: I know. Let me make myself clear. When I say
privatise, I know that it is something the province holds in high regard, but
if it were privatised, it would not necessarily mean that it would be sold out
of the province or at least...
M. Brunet: No,no, no.
M. Cameron:... partly out of the province. It would be easy
enough to make provisions that Quebeckers would be the owners. If Quebeckers
are supposed to be the owners through this method that exists at the moment,
and Hydro continues to be a monopoly, a unionized monopoly, with very well paid
employees, and politically sensitive, then the requirement that it also be
highly efficient seems, to some extent, a little optimistic.
M. Brunet: Well, it is something that is not in the plans as far
as we are concerned. This is something you would have to ask the shareholder,
and you are closer to the shareholder than lam.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cameron: One other quick point I wanted to ask, and that is
whether, assuming we continue with the present setup, either HydroQuébec
or Lévesque, or the Government has considered the possibility of
offering some kind of preferential rate on future debt issues to attract, say,
Quebeckers with RRSP's or some other device of that kind.
M. Brunet: RRSP's have been for equity financing. There have been
studies made way back - six, seven years - of that type of possibility. I think
this is something, as far as I am concerned, this is more a planning that the
Government has to make in relation to the overall balance sheet of the
province. If that is something they want to do, or that is a direction you want
to take, that is one thing. Do not forget that the greatest asset of
Hydro-Québec is what belongs: it is water. That is very complicated to
control in a private company. And I think there are also the legal problems
that are there. But financially, I think Hydro-Québec is in a sound
position and I think that this is something that has to be discussed within the
Government. That is not something that... It becomes more of a planning, in
that sense, in our view.
M. Cameron: Thank you.
M. Vachon:... Nova Scotia Power has these savings bonds that they
issue occasionally. We have discussed the possibility of having, maybe,
Hydro-Québec issue some kind of savings bond, but it is very preliminary
in terms of discussion.
M. Cameron: O. K.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Drummond, il vous reste une minute.
M. St-Roch: Merci, M. le Président, je vais essayer
d'accélérer. M. Brunet, dans votre présentation, au
début, vous avez mentionné que les besoins de financement se
répartiraient à peu près à 60 % côté
canadien, 40 % venant de l'extérieur. Ma question va avoir deux volets.
Prenons un scénario pessimiste, que l'économie japonaise continue
encore à descendre, combinée avec les besoins financiers de
l'Europe de l'Est ou des pays en voie de développement. Quel est le
minimum auquel on peut s'attendre, à ce moment-là, du
côté extérieur? Et le corollaire est aussi vrai, les 60 %
canadiens, si la TPS... Quel est le maximum qu'on pourrait espérer du
côté canadien? D'un autre côté, si, avec la TPS et
toutes ces choses-là, l'épargne canadienne baisse, quel est le
minimum? Est-ce qu'on peut le compenser d'un côté ou de
l'autre?
M. Brunet: II y a à peu près huit questions,
là.
M. St-Roch: Le président m'avait donné seulement
une minute.
M. Brunet: Ha, ha, ha! Il faut bien balancer ça,
là. C'est que, d'abord, j'ai tout simplement dit, pour bien balancer les
choses, qu'actuellement la dette est de 60 % en dollars canadiens et de 40 % en
devises autres que le dollar canadien. Maintenant, dans les 60 % de devises
canadiennes, il y a de l'emprunt étranger qui est balancé en
devises par des "swaps". Donc, ça peut venir en francs suisses, mais
avec un "swap" en dollars canadiens. Donc ça vient d'un peu partout.
Alors moi, j'ai présumé tout simplement, pour fins de discussion
aujourd'hui, que le 60-40, on prévoit qu'il se maintient. C'est
sûr que la saine gestion financière, au cours des années,
nous amène à aller peut-être plus à
l'étranger ou plus au Canada, dépendant de l'ensemble des
conjonctures. Il y a une époque, par exemple, l'époque des
années soixante-dix, où c'était l'inverse, où 60 %
étaient en devises étrangères et 40 % en devises
canadiennes. Il y a eu une période où Hydro-Québec a
passé au travers de ça, puis ça s'est
réajusté en fonction des fluctuations économiques qu'on a
connues après. Donc, c'est qu'on ne peut pas... La blague que je fais
tout le temps, c'est que tous les économistes du monde étaient
d'accord, le 31 décembre dernier, que les taux d'intérêt
baisseraient pour
la fin de mai. Ils ont fait exactement le contraire. Donc, pour nous,
chercher à ponctualiser pour les prochains 10 ans quelle devrait
être la direction d'emprunt qu'Hydro aurait, je pense que ce sont des
décisions qu'il faut prendre à mesure que ça
évolue. Je pense que le marché canadien est capable - pour
répondre à la dernière partie de votre question - si
toutefois les marchés internationaux devenaient plus secs, je pense que
le marché canadien est en mesure de prendre plus de 40 %, est capable de
prendre une bonne partie du financement. Mais n'oubliez pas qu'on revient
toujours à la simple discussion de tantôt, c'est qu'avec le bilan
consolidé de la prpvince il faut que ça se tienne, en fonctiqn
des critères.
M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier nos invités.
M. Claveau: On vous remercie de votre prestation devant la
commission et de la réflexion poussée que vous nous obligez
à faire concernant toute cette question-là de la structure
financière d'Hydro-Québec et des emprunts internationaux.
Ça fait partie du débat et, vraiment, il faut y penser aussi
sérieusement qu'au reste. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Je suis bien contente d'entendre dire ça du
député d'Ungava. Je pense que c'est vrai que la structure
financière d'Hydro-Québec est importante, l'image aussi, la
perception qu'ont les gens d'Hydro-Québec, que ce soit à
l'étranger, que ce soit ici, sur le plan d'une saine gestion
financière, c'est aussi important. En tout cas, moi, je pense que c'est
un ajout important à la discussion que nous avons eue jusqu'ici et qui
n'avait pas porté beaucoup sur la gestion financière et sur les
possibilités, aussi, d'emprunt d'Hydro-Québec. Ça ajoute,
c'est un ajout important dans notre discussion. Ça me fait dire qu'on
n'a pas tenu la commission parlementaire pour rien. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le groupe Lévesque, Beaubien et
Geoffrion pour sa participation à ses travaux. Compte tenu de l'heure,
nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures. Merci et bon
appétit.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez,
la commission de l'économie et du travail reprend ses travaux afin de
procéder à une consultation générale et à
des auditions publiques sur la situation et les perspectives de
l'énergie électrique.
Dans un premier temps, ce soir, nous recevons la ville de Rouyn-Noranda.
Bonsoir, messieurs. Je vais vous expliquer un petit peu nos règles de
procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de
votre point de vue. Par la suite, j| y aura une période
d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, si vous
voulez bien identifier votre porte-parole, présenter vos
coéquipiers et, par la suite, nous présenter votre
mémoire, nous vous écoutons.
Ville de Rouyn-Noranda et CRDAT
M. Cloutier (Gilles): Bonsoir, M. le Président, Mme la
ministre, MM. les députés. Mon nom est Gilles Cloutier et je suis
pro-maire de la ville de Rouyn-Noranda. Suivra immédiatement
après le CRDAT. On a jumelé les deux rapports; le CRDAT est
représenté par M. Yvon Lafond. Nous sommes aussi
accompagnés des deux directeurs généraux: à ma
gauphe, M. Denis Charron, directeur de la ville de Rouyn-Noranda et M. Marcel
Jolin, directeur du CRDAT.
M. le Président, dans la foulée du rapport
déposé par Hydro-Québec, "Proposition de plan de
développement 1990-1992", nous vous présentons notre rapport ce
soir. Nous croyons que c'est la position de la ville de Rouyn-Noranda mais
aussi la position de l'Abitibi-Témiscamingue, si vous vous
référez aux documents d'appui que nous vous avons remis. Or, ce
rapport-là...
Le Président (M. Bélanger): Nous considérons
donc comme officiellement déposé votre document "Partenaires du
développement nordique".
M. Cloutier: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Cloutier: Je vais faire la lecture du rapport qu'on vous a
soumis tout en omettant certains paragraphes, étant donné le
temps qui nous est alloué. Vous comprendrez que nous sommes conscients
que ce plan de développement d'Hydro-Québec s'est fait dans un
contexte mouvementé et nous voulons attirer votre attention, à la
page 3, sur la filière abitibienne.
On se souviendra qu'en 1986 Hydro-Québec décidait de
fusionner les régions Baie James et Abitibi pour former celle de La
Grande Rivière. La ville de Rouyn-Noranda, capitale administrative de
l'Abitibi-Témiscamingue, était en même temps choisie pour
accueillir le siège régional de cette entité.
Or, les développements que propose aujourd'hui
Hydro-Québec passeront nécessairement par
La Grande Rivière.
À lui seul, ce territoire comprend plus de 40 % des puissances
électrogènes du grand producteur québécois. On y
retrouve également 78 % du potentiel de croissance commercialement
exploitable à l'heure actuelle.
D'autre part, l'Abitibi-Témiscamingue, qui occupe le sud-ouest de
la plus grande région hydro-québécoise, représente
le seul lieu d'importance moyenne situé dans les limites de La Grande
Rivière.
Rouyn-Noranda et l'Abitibi-Témiscamingue sont donc
concernées au premier chef par les intentions et les façons de
faire d'Hydro-Québec.
L'Abitibi-Témiscamingue, une économie à consolider.
La création d'Hydro-Québec-La Grande Rivière et
l'établissement de son siège régional à
Rouyn-Noranda figurent parmi les succès intéressants qu'a connus
l'Abitibi-Témiscamingue au cours de la période 1980-1988.
Ardemment souhaitée par la population et les intervenants
socio-économiques de toute la région, cette décision fut
accueillie avec enthousiasme. Elle ajoutait au vent d'optimisme qui
régnait alors sur l'Abitibi-Témiscamingue. Il faut dire en effet
que, malgré la crise sérieuse des années 1981-1983, la
décennie qui vient de se terminer nous fut plutôt favorable.
Dans un premier temps, la vague d'exploration minière,
stimulée par les incitatifs fiscaux que l'on sait, nous a permis de
sortir de la crise plus rapidement que plusieurs autres régions.
Par la suite, la mise en exploitation de nouveaux gisements miniers, la
bonne santé de l'industrie forestière et de l'industrie agricole
ainsi que la reprise économique générale ont
relancé l'emploi et les revenus à des niveaux enviables.
Ainsi, le taux de chômage de notre population, qui avait
l'habitude d'être une fois et demie ou presque deux fois plus
élevé que la moyenne québécoise, a chuté
radicalement.
Par contre, la fin de la dernière décennie et le
début de la nouvelle nous rappellent que cette croissance reposait sur
des bases fragiles.
Le retrait brutal des incitatifs fiscaux à l'exploration
minière et les difficultés rencontrées par l'industrie
forestière nous ramènent présentement à nos
vérités de base. L'économie de
l'Abitibi-Témiscamingue repose essentiellement sur l'extraction des
ressources minières et forestières, qui fournissent une
proportion trop élevée de l'emploi régional.
En outre, une très grande partie de nos emplois manufacturiers
sont directement liés à la transformation sommaire de ces
mêmes ressources. Ceci rend notre vie sociale et économique
beaucoup trop sensible aux conjonctures défavorables qui secouent
périodiquement ce secteur d'activité.
Rouyn-Noranda et l'Abitibi-Témiscamingue ont donc grandement
besoin de diversifier leurs bases économiques et de s'associer à
des par- tenaires majeurs. Parmi ces partenaires, HydroQuébec figure au
premier rang.
Rouyn-Noranda et l'Abitibi-Témiscamingue souhaitent donc
qu'Hydro-Québec change en profondeur plusieurs de ses façons de
faire traditionnelles.
En premier lieu, Hydro-Québec doit, à l'intérieur
de son plan de développement, revoir le mode actuel d'attribution des
emplois requis pour l'opération de ses centrales nordiques de La Grande
Rivière.
En second lieu, Rouyn-Noranda et l'Abitibi-Témiscamingue veulent
s'associer davantage à Hydro-Québec pour la poursuite des travaux
d'aménagement et d'exploitation sur notre territoire, celui de La Grande
Rivière.
Les frustrations vécues par l'Abitibi-Témiscamingue lors
de la phase I des grands travaux de la Baie James et les premières
évaluations que nous faisons des retombées de La Grande
Rivière justifient cette prise de position.
La Grande Rivière: des situations à corriger. Quatre ans
après la création d'Hydro-Québec-La Grande Rivière,
la population de Rouyn-Noranda et de l'Abitibi-Témiscamingue se rend
compte que les fruits attendus tardent à mûrir. On en prendra pour
exemple le fait suivant, assez étonnant: parmi les quelque 600
hydro-québécois qui s'affairent au fonctionnement des centrales
nordiques de La Grande Rivière (LG 2, LG 3, LG 4), moins de 180, ou 30
%, ont officiellement leur lieu de résidence en
Abitibi-Témiscamingue.
Si faible soit-il, ce nombre est d'ailleurs un peu gonflé.
Quelques-uns de ces travailleurs transitent de façon forcée via
l'Abitibi-Témiscamingue, qui est devenu, depuis 1986, l'une des deux
seules voies d'accès aux emplois de la Baie James.
Les autres emplois sont occupés soit par les résidents de
Québec et de Montréal qui ont conservé leur port d'attache
par droits acquis, soit par ceux du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui transitent via
Bagotville.
L'effet cumulatif de cette double concession - maintien des droits
acquis et partage des emplois avec le Saguenay - dilue d'une façon
inquiétante la participation de l'Abitibi-Témiscamingue au
fonctionnement des grandes centrales de La Grande Rivière. Bon nombre
d'Hydro-Québécois voudraient même que cette dilution soit
encore plus prononcée. En Abitibi-Témiscamingue cette attitude
n'étonne guère, même si elle scandalise. Il est reconnu que
la Baie James représente pour plusieurs une sorte de Sibérie
dorée.
Aérotransportés aux huit jours, nourris, logés et
bien payés, ces Hydro-Québécois n'en sont pas pour autant
les travailleurs les plus heureux de la terre. Ils quittent donc leur lieu de
travail par périodes de six à vingt jours à intervalles
réguliers, question de se remonter le moral à Montréal,
à Québec ou dans le vrai Sud. Pas question alors de prendre
volontairement
racine en Abitibi-Témiscamingue; cette perspective fait
frémir plusieurs Hydro-Québécois du sud de la
province.
On notera aussi que ces emplois sont offerts en priorité à
tous les employés d'Hydro-Québec, temporaires aussi bien que
permanents, avant de devenir disponibles pour les travailleurs ordinaires de la
région.
Nombreux sont donc ceux et celles qui viennent travailler temporairement
sur le territoire de La Grande Rivière dans le seul but avoué
d'acquérir leur permanence d'emploi. Cette permanence une fois
gagnée et après avoir consolidé ses avoirs à la
Baie James, on se hâtera de rentrer chez-soi, dans le Sud.
On conviendra que ces situations sont malsaines. Comment peut-on
bâtir des équipes solides de travailleurs sur des bases aussi
fluides, aussi ambiguës et aussi tendues? Rouyn-Noranda et
l'Abitibi-Témiscamingue demandent donc à Hydro-Québec de
se donner des moyens de corriger ces situations le plus tôt possible.
L'adoption d'un plan précis d'embauché, de recyclage et de
formation du personnel oeuvrant au siège régional de La Grande
Rivière et en milieu nordique, doit devenir un priorité absolue
et immédiate. Nous reviendrons sur cette question au chapitre de nos
recommandations.
L'environnement un enjeu sérieux. Plusieurs mois avant le
dépôt des propositions de plan de développement
d'Hydro-Québec des nouveaux défenseurs de l'environnement ont
soutenu particulièrement deux thèses: les efforts
d'Hydro-Québec devraient porter davantage sur des économies
d'énergie plutôt que sur l'augmentation de ses puissances
installées. Ceci aurait pour effet de limiter le "harnachement" de
nouvelles rivières et d'atténuer des bouleversements
écologiques.
Les grands projets liés directement et indirectement à
l'énergie hydroélectrique, construction de barrages et
implantation d'alumine-ries, devraient être soumis au processus
régulier d'étude d'impact et d'examen par le Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement, le BAPE.
Sensible à ces messages, Hydro-Québec annonce un programme
vigoureux de relance des économies d'énergie. 1 800 000 000 $
seraient consacrés à ce programme de 1990 à 1999, si le
financement le permet. Hydro-Québec reconnaît aussi
d'emblée, dans sa Proposition de plan de développement, la
nécessité de consacrer des ressources importantes aux
études d'impact de chaque projet et à l'analyse de leurs effets
cumulatifs. Elle prend en outre clairement position en faveur du
développement durable des ressources et des régions. Compte tenu
de ces engagements et de l'expertise d'Hydro-Québec, nous
considérons que l'enjeu environnemental, pour sérieux qu'il soit,
ne devrait pas être considéré a priori comme un
empêchement majeur à la réalisation du plan de
développement.
Nous passons à la page 11, pour un véritable partenariat
de l'Abitibi-Témiscamingue avec Hydro-Québec. En dépit des
difficultés et des oppositions, il nous apparaît souhaitable qu'
Hydro-Québec réalise les plans déposés sur la
table. Certains échéanciers seraient peut-être à
modifier, mais nous croyons que le cap doit être maintenu. Les besoins
énergétiques du Québec, jumelés à la
capacité de contrôler les modifications environnementales,
justifient que le gouvernement du Québec donne le feu vert à son
seul grand producteur d'énergie. Cela implique qu'Hydro-Québec
investira quelque 60 000 000 000 $ sur un horizon d'une dizaine
d'années, selon le scénario moyen présenté par la
société d'État. En majeure partie, ces investissements
serviront à accroître la capacité de production de notre
région, celle de La Grande Rivière.
Cette fois-ci, ni Rouyn-Noranda, ni l'Abitibi-Témiscamingue
n'entendent se tenir en marge de ce développement. Il ne s'agit pas non
plus de réclamer tout simplement une plus grande part des
retombées des grands travaux ni de quémander telle proportion des
emplois liés à l'exploitation. Ce que Rouyn-Noranda entend
promouvoir, c'est l'établissement d'un véritable partenariat
entre l'Abitibi-Témiscamingue et Hydro-Québec de façon
à associer en permanence notre région au développement des
ressources nordiques.
Les principaux éléments du partenariat proposé par
l'Abitibi-Témiscamingue et par Rouyn-Noranda sont les suivants. Avant de
songer aux projets futurs, il faut commencer pas assurer à
l'Abitibi-Témiscamingue une participation réelle à la
gestion de La Grande Rivière et à l'exploitation de ces
ressources nordiques. À cet effet, Hydro-Québec doit faire en
sorte que les travailleurs de l'Abitibi-Témiscamingue et ceux qui
acceptent de s'y établir sur une base régulière
bénéficient de la toute première priorité
d'embauché au siège social de La Grande Rivière et sur
tout le territoire de la Baie James.
Nous proposons donc qu'un échéancier de réalisation
soit établi prévoyant les étapes et les moyens
d'occupation de ces emplois par la main-d'oeuvre de
l'Abitibi-Témiscamingue. Les commissions scolaires, le cégep et
l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue sont
autant d'institutions qui sont prêtes à s'associer à tout
projet requis pour la formation ou le recyclage de cette main-d'oeuvre.
Deuxièmement, selon les prévisions d'Hydro-Québec,
au moins 400 nouveaux postes s'ajouteront dans la partie nordique de La Grande
Rivière d'ici l'an 2000.
Afin d'éviter que ne se répètent les avatars et les
ratés de la phase I de la Baie James, notre région demande que
tous ces nouveaux emplois soient réservés à la population
de l'Abitibi-Témiscamingue et aux travailleurs qui souhaitent s'y
établir, de façon à impliquer
réellement ces travailleurs dans le développement des
ressources nordiques.
Nous proposons donc qu'un plan d'effectifs soit élaboré
dès maintenant et qu'on le fasse connaître aux travailleurs
actuels et aux futurs travailleurs de notre région.
En complémentarité, nous proposons qu'un plan de formation
vigoureux soit élaboré avec les commissions scolaires, le
cégep de l'Abitibi-Té-miscamingue et l'Université du
Québec afin de préparer les jeunes de la région à
occuper les emplois qui deviendront disponibles au siège régional
dans le secteur de l'Abitibi-Témiscamingue et sur les territoires
nordiques de La Grande Rivière. (20 h 15)
Une telle façon de faire rendrait service à
Hydro-Québec tout en ajoutant un incitatif sérieux à la
poursuite des études de la part des jeunes de notre région.
Ce projet cadre donc parfaitement avec les objectifs du dossier de la
scolarisation des jeuneâ en Abitibi-Témiscamingue auquel sont
associés présentement le ministère de l'Éducation,
celui de l'Enseignement supérieur ainsi que l'Association des
commissions scolaires, le cégep, l'université et le Conseil
régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue.
Troisièmement, à chaque année, HydroQuébec
consacre plusieurs millions à ses activités de recherche:
recherche de développement, efficacité énergétique
des produits, transport d'énergie, études environnementales,
analyses d'impact des projets. Dans l'esprit d'un véritable partenariat
avec Rouyn-Noranda et l'Abitibi-Témiscamingue, nous croyons
qu'Hydro-Québec pourrait décentraliser plusieurs volets de ces
activités. Le créneau le plus intéressant à
explorer touche le secteur de l'environnement nordique et des impacts des
projets d'Hydro-Québec sur cet environnement.
La population de l'Abitibi-Témiscamingue souhaite en effet
s'associer à l'étude de ces questions.
Quatrièmement, malgré sa présence très
visible dans toutes les régions, Hydro-Québec demeure une
société hypercentralisée à plusieurs niveaux, dont
celui de la planification et de la réalisation des grands travaux. On
observe, par exemple, que le siège social de Montréal compte
à lui seul un plus grand nombre d'ingénieurs et de
spécialistes que tout le reste du réseau. Pour
l'établissement d'un véritable partenariat avec
l'Abitibi-Témiscamingue, nous demandons que, dans un premier temps,
Hydro-Québec établisse un plan précis visant à
informer la population, les entrepreneurs et les décideurs de
l'Abitibi-Témiscamingue sur les besoins de l'entreprise lors de la
réalisation des travaux projetés sur le territoire de La Grande
Rivière: types de contrats de construction prévus, besoins en
main-d'oeuvre et en fournitures, échéanciers de
réalisation, etc.
Dans un second temps, nous proposons qu'Hydro-Québec amorce un
plan de décentralisation de ses effectifs afin que la région soit
davantage associée à la gestion générale de
l'entreprise ainsi qu'à la planification à la gestion de tout ce
qui passe sur le territoire de La Grande Rivière. Nous comprenons fort
bien que ceci ne peut se faire du jour au lendemain. Nous entendons toutefois
revenir sur cette question et proposer sous peu des mesures concrètes de
décentralisation.
En guise de conclusion, au fur et à mesure que ces orientations
se concrétiseront, nous pourrons parler d'un partenariat
intéressant entre Rouyn-Noranda, l'Abitibi-Témiscamingue et
Hydro-Québec. Ceci dans la perspective d'un développement durable
de l'Abitibi-Témiscamingue et des ressources énergétiques
qu'Hydro-Québec a pour mission de rendre accessibles à la
population du Québec. Merci et je passe la parole a M. Lafond.
M. Lafond (Yvon): M. le Président, Mme la ministre, MM.
les députés, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir retenu,
parmi les nombreux mémoires que vous êtes appelés à
entendre, celui du Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue, autant que celui de la ville de Rouyn-Noranda.
Je serai très bref sur la description de l'organisme que je
représente.
J'imagine que chacun et chacune de vous êtes déjà
très familiers avec le rôle que se donnent dans chaque
région les conseils régionaux de développement. Je sais
aussi que Mme Bacon, pour une, est assez familière avec le Conseil
régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue
puisque, il y a assez peu de temps, elle avait l'occasion de présider la
première biennale de l'Abitibi-Témiscamingue, qui faisait suite
à notre conférence socio-économique de 1987.
Donc, très brièvement, le CRDAT regroupe un nombre
important d'organismes, d'entreprises, d'institutions, de municipalités
et aussi d'individus qui sont intéressés au développement
social et au développement économique de
l'Abitibi-Témiscamingue.
Je dois signaler aussi que chacune des parties de la région,
c'est-à-dire Rouyn-Noranda, Val-d'Or, Amos, La Sarre, Ville-Marie, etc.,
est très bien représentée et très bien active au
sein du Conseil régional de développement, ce qui fait que le
point de vue que nous vous soumettons ici ce soir nous semble être
représentatif autant de l'ensemble de la région que de chacune de
ses parties. Je vous signale aussi - vous l'avez peut-être
constaté à la lecture du document que vous avez
déjà reçu de la part du Conseil régional de
développement - que le point de vue qui est exprimé à
l'intérieur de ce document est très semblable à celui de
la ville de Rouyn-Noranda.
Je vais donc vous faire grâce des répéti-
tions inutiles et au lieu de faire une lecture, fut-elle sommaire, de ce
document, je vais plutôt tenter d'attirer votre attention sur deux ou
trois réalités principales qui nous semblent importantes pour
justifier nos points de vue et nos prises de position.
Alors, la première réalité que j'aimerais porter
à votre attention, c'est le fait qu'au cours des années 1980
à 1985, l'Abitibi-Témiscamingue a connu une période
très intéressante au niveau de son développement
économique, en particulier au niveau de la croissance de l'emploi. Mais
aujourd'hui, on doit se rendre compte que notre économie demeure
basée sur des ressources très fragiles, très difficiles
à solidifier, à consolider. En fait, toute notre économie
repose sur deux secteurs: l'extraction des ressources forestières et
l'extraction des ressources minières. Notre secteur manufacturier, lui,
est assez sommaire et il touche souvent aussi la transformation de produits
forestiers et miniers. Ce qui veut dire, évidemment, que quand ces deux
secteurs-là vont bien, tout va assez bien. Mais quand un des deux
secteurs va mal ou, ce qui est encore pire, quand les deux secteurs vont mal,
toute la question du développement et toute la question de l'emploi sont
constamment remises en cause.
Là-dessus, je vous donne un exemple, très rapidement. En
1982, aux pires moments de la crise économique, notre taux de
chômage régional était de 23 %, ce qui représentait
à peu près une fois et demie le taux moyen du Québec. En
1987, il était de 8 %, ce qui était de deux points de pourcentage
inférieur à la moyenne québécoise et ce qui nous a
fait croire, à ce moment-là, que notre prospérité
était assurée. Aujourd'hui, il est à 13 % ou 14 %, ce qui
représente cinq ou six points de pourcentage au-dessus de la moyenne
québécoise, et rien n'indique pour le moment que cette croissance
du chômage va s'arrêter immédiatement. Donc, première
réalité, nos économies sont très fluctuantes parce
que notre base économique est très fragile, trop
concentrée sur deux secteurs d'activité.
Deuxième réalité. Malgré les
difficultés très fréquentes que nous connaissons,
l'Abitibi-Témiscamingue a toujours été très
tolérante et très modeste dans ses revendications, ce qui fait
que les chances de développement de l'Abitibi-Témiscamingue
finissent souvent par lui échapper. Un exemple de ceci nous est
donné dans le mémoire qui a été
présenté par la ville de Rouyn-Noranda. M. Cloutier rappelait
tantôt qu'en 1986, Hydro-Québec décidait de rapatrier en
Abitibi-Témiscamingue ses opérations liées à la
Baie James. Par tolérance, nous avons accepté que les droits
acquis par les anciens travailleurs de la Baie James soient respectés.
Par le même esprit de tolérance, nous avons accepté de
partager les emplois avec les régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean et les
résultats de tout ceci font que, aujourd'hui, même si
l'Abitibi-Témiscamingue abrite le siège social de la plus grande
région administrative d'Hydro-Québec,
l'Abitibi-Témiscamingue demeure au troisième et dernier rang
quant à la provenance géographique des travailleurs de la Baie
James.
Troisième réalité. Nous croyons que
l'Abitibi-Témiscamingue a, aujourd'hui, pleinement les moyens et elle a
aussi la volonté d'être partenaire très étroitement
associée au développement nordique d'Hydro-Québec. C'est
dans ce sens-là que, dans l'espace de trois minutes, je vous ferai part
de trois recommandations à court terme...
Le Président (M. Bélanger): Ça sera votre
conclusion, puisque le temps est écoulé.
M. La fond: Ça sera ma conclusion.
Le Président (M. Bélanger): Je vous prie de
procéder.
M. Lafond: En conclusion, M. le Président.
L'Abitibi-Témiscamingue souhaite aujourd'hui s'associer très
étroitement au développement nordique d'Hydro-Québec et
c'est dans ce sens-là que nous proposons un certain nombre d'actions
à court terme, en ce qui concerne principalement l'embauche des
travailleurs, mais aussi un certain nombre d'actions à long terme, en ce
qui concerne, par exemple, le développement de la recherche en
région et en ce qui concerne aussi le développement en
région de la capacité de planifier et de préparer les
grands travaux. Je vous remercie, M. le Président, vous avez
été bien patient.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bacon: Messieurs, je pense que vos deux mémoires se
veulent beaucoup plus un réquisitoire en faveur d'une participation plus
grande des partenaires de la région Abitibi-Témiscamingue au
développement et aussi à la gestion des ressources sur le
territoire de la région La Grande, que strictement sur le plan de
développement d'Hydro-Québec.
Concernant l'accès aux emplois qui sont reliés à
l'exploitation des équipements des secteurs nordiques, vous protestez en
quelque sorte, si j'ai bien compris, en page 6, contre le fait que les
travailleurs de la région du Saguenay, par exemple, aient aussi
accès au territoire en priorité. Vous parlez de tolérance.
Est-ce que vous ne trouvez pas équitable que des travailleurs qui
résident dans les deux régions limitrophes au territoire qui est
là, aient, sur une base d'égalité, priorité
d'accès aux emplois qui sont disponibles, ou si voulez strictement que
ça soit chez vous?
M. Cloutier: Écoutez, là-dessus, Mme la ministre,
je vais vous faire une réponse. M. Lafond pourra renchérir au
besoin. Dans un
premier temps de votre commentaire et de votre question, par
après, il est vrai que c'est un réquisitoire, pour
l'Abitibi-Témiscamingue, mais c'est aussi un réquisitoire en
faveur d'Hydro-Québec, qu'on croit qu'ils doivent continuer dans leur
plan de développement.
D'autre part, vous comprendrez que l'Abitibi-Témiscamingue, on
peut tolérer que le Saguenay-Lac-Saint-Jean, comme on emploie cette
expression-là dans notre rapport, puisse bénéficier aussi
des retombées de la Baie James. Mais on considère que le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, comme à l'exemple des grands centres, soit
Québec ou Montréal, est une région qui a un fort taux
d'attraction, à tous les points de vue, que ce soit sur le plan de
l'éducation, que ce soit sur le plan industriel aussi. Et on craint que
s'ils sont considérés sur le même pied que nous au niveau
de l'emploi, les gens qui auraient un choix à faire, de Québec ou
de Montréal, s'enli-gnent directement vers le Saguenay-Lac-Saint-Jean et
que nous, on nous laisse pour compte. Dans un premier temps, on voudrait
consolider la base d'emploi en Abitibi-Témiscamingue, mais, dans un
deuxième temps, on est prêts à partager les
retombées avec le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Mais on ne voudrait pas que
ça devienne une échappatoire pour les gens des grands centres,
que ça serait la région à favoriser par rapport à
l'Abitibi-Témiscamingue.
Mme Bacon: Vous mentionnez aussi, en page 9 de votre
mémoire, que l'enjeu environnemental ne devrait pas être
considéré a priori comme un empêchement majeur dans la
réalisation du plan de développement d'Hydro-Québec,
compte tenu des ressources importantes qu'elle consacre aux études
d'impact de chaque projet.
À votre avis, les mesures environnementales qui sont mises en
oeuvre par Hydro-Québec et la procédure des autorisations
gouvernementales qui sont exigées pour approuver les projets
d'Hydro-Québec, est-ce que ça vous semble trop contraignant ou
pas assez contraignant ou tout simplement normal?
M. Cloutier: Là-dessus, Mme la ministre, les exigences
actuelles, si on pense au BAPE et si on pense aussi, que dans le plan de
développement d'Hydro-Québec, il est clairement mentionné
qu'à chaque fois, avant d'entreprendre des travaux, on met en place tout
un processus de consultations et il y a des exigences environnementales
très grandes... On pense que déjà, passer par cette
panoplie d'exigences... On croit qu'Hydro-Québec, lorsqu'elle donne son
aval à un projet, c'est qu'il a été longuement mûri
et discuté.
Et, dans notre commentaire... Vous savez que, dans le fond, lorsqu'on
fait des travaux, tout touche l'environnement, il s'agit de savoir
jusqu'à quel point ça le touche. Et, à cet
effet-là, si on prend un exemple comme la rivière
Magusi où il y a beaucoup de poissons et où la pêche
pourrait être mise en cause, s'il y a un impact socio-économique
très négatif, on pense qu'Hydro-Québec va en tenir compte
et n'ira pas construire un barrage pour priver des gens des régions,
peut-être de plusieurs milliers d'emplois ou de retombées
économiques. Elle va sûrement trouver des moyens pour contourner
ces difficultés-là.
Or, on croit, nous autres, qu'actuellement, les exigences
environnementales et ce qui est actuellement observé par
Hydro-Québec nous apparaissent suffisantes.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous souhaitez aussi
être impliqués - et je pense, le CRDAT, la même chose -
pleinement dans un processus de partenariat avec Hydro-Québec afin que
l'Abitibi soit associé en permanence au développement des
ressources nordiques. Ce partenariat pourrait peut-être donner lieu
à différentes réalisations concrètes. Et vous
mentionnez un plan d'information sur les besoins en main-d'oeuvre
d'Hydro-Québec pour le territoire de La Grande Rivière. Moi,
j'aimerais ça vous entendre élaborer davantage sur les
modalités et aussi peut-être sur les mécanismes qui nous
permettraient de concrétiser de façon, je pense,
opérationnelle, de façon efficace, un partenariat qui est
souhaité par vous. (20 h 30)
M. Cloutier: Peut-être un exemple que je pourrais apporter.
Le sous-contractant d'Hydro-Québec est la SEBJ, dans le fond. La SEBJ,
pour nous, opère directement des grands centres de Montréal. Et,
au niveau de l'information, elle peut, en tout cas, FOB Baie-James, pour tout
ce qui touche les chantiers, passer directement aux chantiers parce que c'est
le maître d'oeuvre de la construction des barrages.
Or, toute cette planification-là et toute la question des achats
ou des dépenses nécessaires à la construction de ces
barrages-là, ça nous échappe. On nous a donné,
jusqu'à un certain point, tout ce qui était l'alimentation,
c'était FOB Rouyn-Noranda, des choses de second ordre, mais toutes les
décisions importantes nous passent directement par-dessus la tête.
On se disait au moins: Les dirigeants de la SEBJ, s'ils venaient en
région, faire des rencontres avec nos entrepreneurs pour leur dire ce
qu'ils vont dépenser, ce qu'ils ont besoin, quelle est la liste
d'épicerie pour qu'on puisse la prendre en note et pouvoir s'inscrire
dans le processus. Les soumissions sont publiques, mais, souvent, nos
entrepreneurs apprennent ça un petit peu sur le tard, d'autant plus que
les appels d'offres paraissent juste dans les quotidiens, alors que, nous, ce
sont surtout des hebdos qui sont consultés. Or, il y aurait
peut-être des gestes concrets à poser. Dans un premier temps, une
visite des dirigeants de la SEBJ, en région; dans un deuxième
temps, trouver un mécanisme
d'information qui serait facilitant pour que nos gens puissent
s'informer davantage et participer au développement. C'était ma
réponse; peut-être que M. Lafond pourrait ajouter au besoin.
M. Lafond: Peut-être en complémentaire
là-dessus, comme vous dites dans votre langage parlementaire. En ce qui
touche le partenariat, il y a bien sûr toute l'époque de
construction des grands barrages qui crée un certain nombre d'emplois
sur une base temporaire, mais l'Abiti-bi-Témiscamingue est aussi
très intéressé à développer un partenariat
sur une base régulière et permanente. Dans le domaine, par
exemple, de l'emploi, pour savoir de quelle façon on va impliquer notre
population là-dedans, il est certain qu'il faut d'abord savoir quels
sont les besoins d'Hydro-Québec. Si on savait de façon plus
claire quels sont les besoins d'Hydro-Québec, c'est bien sûr que
plusieurs institutions qui ont manifesté leur intérêt,
comme le cégep de l'Abitibi-Témiscamingue, l'Université du
Québec, la Commission de formation professionnelle, l'Association des
commissions scolaires, ces organismes-là pourraient tous préparer
leur programme et leur propre plan de développement en fonction d'un
certain nombre de besoins en autant qu'ils nous soient clairement
manifestés et connus assez longtemps d'avance.
Il y a toujours aussi un petit peu, en arrière-fond à tout
ça, l'expérience qui a été vécue au moment
de la première phase de la Baie James. Les gens s'attendaient que ce
soit peut-être plus créateur d'emplois pour les régions,
sauf que les emplois étaient connus au fur et à mesure que le
développement se faisait. À ce moment-là, on se faisait
dire: Vous n'avez pas la main-d'oeuvre nécessaire ou votre main-d'oeuvre
n'est pas suffisamment bien préparée, de sorte que cette fois-ci,
on aimerait bien savoir d'avance pour savoir quoi préparer justement,
parce que au niveau des institutions, on a tout ce qu'il faut pour se
préparer de façon très adéquate.
Mme Bacon: En fait, pour rendre opérationnel ce
partenariat...
M. Lafond: Oui.
Mme Bacon: ...la base même, c'est l'information.
M. Lafond: Exact.
Mme Bacon: C'est ça.
M. Jolin (Marcel): Également...
Mme Bacon: Oui.
M. Jolin: ...pour l'entretien par la suite du réseau
hydroélectrique d'Hydro-Québec. On ne mise pas seulement sur la
construction des bar- rages, on mise également sur l'entretien par la
suite. Alors, si nous voulons arrêter l'exode des jeunes de notre
région, on est capables de les former à ce moment-là dans
notre région d'Abitibi-Témlscamingue et pouvoir aller travailler
sur des territoires desservis par HydroQuébec.
Mme Bacon: En fait, ce sont des prévisions à plus
long terme aussi qu'il faut faire.
M. Jolin: À plus long terme, pour ceux-là.
Mme Bacon: Oui. Vous proposez aussi la mise sur pied d'un
institut de recherche appliquée en environnement nordique. Moi, je pense
que c'est une idée qui ne manque pas d'originalité, mais je
m'interroge quand même sur le rôle que devrait jouer
Hydro-Québec dans la mise sur pied d'un tel institut. Qui devrait
prendre l'initiative? Est-ce que c'est vous? Est-ce que c'est
Hydro-Québec? Qui devrait être à la base même de
l'initiative à prendre là-dessus?
M. Cloutier: À ce niveau-là, Mme la ministre, on a
déjà commencé parce qu'on y croit vraiment comme besoins.
Vous savez que notre région, tant sur le plan minier que sur le plan
forestier, et, maintenant, Hydro-Québec, on a des besoins réels
au niveau environnemental. On vit des problèmes immenses avec le domaine
minier et le "tailing" minier, chez nous. Or, on a déjà
amorcé une espèce de partenariat d'une part, avec les
papetières ou les forestières qui sont Tembec et les
frères Perron de La Sarre qui ont vendu dernièrement. Aussi on a
rencontré les mines à plusieurs reprises parce qu'on a beaucoup
de Calmée sur le plan de tout ce qui était le sautage minier,
tout ce qui était le dynamitage mais, sur le plan environnemental, ce
volet-là de Calmée n'est pas couvert. Or, pour nous, on se disait
qu'il serait intéressant sur le plan environnemental d'établir un
partenariat avec les mines, la forêt et Hydro-Québec pour faire un
centre environnemental qui bénéficierait peut-être à
toute la région de l'Abitibi-Témiscamingue et qui
réglerait des problèmes. On sait ce que ça coûte la
recherche, on sait aussi qu'il faut qu'il y ait une synergie qui se crée
entre les différents chercheurs et on trouvait l'occasion très
belle. On sait les besoins aussi qu'il y a au niveau d'Hydro-Québec, au
niveau de la recherche environnementale pour la région La Grande. On dit
que l'occasion était belle de penser recherche et d'installer quelque
chose chez nous dans ce domaine-là.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous n'avez pas
parlé de fiabilité du réseau par exemple, de
qualité de service d'Hydro-Québec, des économies
d'énergie, de la tarification, du développement industriel.
Est-ce que vous avez des idées là-dessus que vous pourriez
peut-être
nous transmettre ce soir à la commission?
M. Cloutier: II est vrai que depuis quelque temps on entend
parler et on a subi quelques pannes récemment qui nous ont fait douter
un peu de la fiabilité du réseau. Il est clair qu'à ce
niveau-là aussi il va y avoir un besoin de formation de la main-d'oeuvre
pour l'entretien de ces lignes-là. Je pense que chez nous, on avait
entendu parler qu'il y aurait peut-être la mise sur pied d'un centre de
formation de la part d'Hydro-Québec pour former des travailleurs
à l'entretien de son réseau. Or, je crois que c'est une urgence
de ce côté-là. Il va falloir qu'on y pense
sérieusement parce que ce n'est pas tout de construire des barrages, il
faut transporter cette énergie-là et pour bien entretenir ou
garantir une fiabilité au client, il faut vraiment qu'on ait du
personnel fiable pour le faire.
Mme Bacon: Dans le mémoire qu'on vient de nous distribuer,
à la page 4, vous dites: Inviter Hydro-Québec à mettre en
application un plan de décentralisation de ses effectifs dans le but
d'associer davantage la région à la gestion
générale d'entreprise ainsi que la planification de la gestion de
ce qui se passe sur le territoire de La Grande Rivière. Vous souhaitez
vraiment qu'Hydro-Québec mette en application un plan de
décentralisation de ses effectifs vers votre région, mais vous
mentionnez la planification, la gestion de ce qui se passe sur le territoire de
La Grande Rivière. Comment pouvez-vous concevoir une
décentralisation dans la planification et dans la gestion de ce qui se
passe sur votre territoire?
M. Cloutier: Écoutez, c'est sûr que ça touche
toujours les déconcentrations. On en a vécu au niveau de
l'éducation. On disait que c'était peut-être quasi pas
pensable de le faire. On pense qu'à un moment donné, avec le
réseau de transport qu'on a, on devrait peut-être
bénéficier de bureaux régionaux, même s'il y a des
décisions qui se prennent aussi dans les grands centres, qu'on pourrait
avoir sur place des gens près du milieu et près de l'application
de ces décisions-là qui pourraient aussi, à l'occasion,
devenir des porte-parole des attentes du milieu et de bien comprendre les
décisions à prendre lorsqu'il y a une décision importante
à prendre pour le milieu. On n'a pas la prétention de tout
déménager des grands centres, mais il y a des centres de
décision qui pourraient être partagés jusqu'à un
certain point. J'avoue que, là-dessus, on n'a pas d'exemples concrets
à vous donner parce qu'on ne connaît pas toutes les ramifications
d'Hydro-Québec et on croit qu'il devrait y avoir des centres
décisionnels dans la région. D'ailleurs, la région La
Grande, actuellement, au niveau de l'entretien des barrages et
l'opération par après, ça existe avec le bureau de
direction La Grande.
Mme Bacon: Mais là, vous parlez de planification?
M. Cloutier: Oui.
Mme Bacon: Vous voulez être partie prenante à la
planification aussi et à la gestion de ce qui se passe sur le
territoire. C'est ce que dit votre page 4.
M. Cloutier: Exact.
M. Lafond: On se rend compte, en tout cas, que la plupart des
développements qu'Hydro-Québec envisage, dans une proposition
d'à peu près 75 %, s'ils se font, vont se faire sur le territoire
de La Grande Rivière. À ce moment-là, on se demande
pourquoi il est indispensable que tout ce qui touche la planification de ces
développements se fasse nécessairement à partir de
Montréal.
Mme Bacon: Mais, concrètement, comment voyez-vous
ça?
M. Lafond: Concrètement, on se rend compte qu'il y a plus
de spécialistes et de professionnels à Montréal que dans
tout le reste du réseau alors que, dans la pratique, les
développements, eux, se font dans les régions et non pas au
siège social de Montréal. Alors, pourquoi est-il indispensable
que tous ces développements soient prévus, planifiés et
pensés à partir de Montréal plutôt qu'à
partir de certains sièges régionaux qui pourraient être
renforcés...
Mme Bacon: Est-ce que vous...
M. Lafond: ...ce qui pourrait avoir, par exemple, pour avantage,
qu'on connaisse plus rapidement en région, quelles sont les intentions
et quels sont les besoins d'Hydro-Québec.
Mme Bacon: Est-ce que vous voyez la planification et la gestion
en sous-traitance dans la région par Hydro-Québec? Est-ce comme
ça que vous la voyez? Ou par des effectifs d'Hydro-Québec qui
seraient en région?
M. Lafond: La première idée qui nous venait
à l'esprit, c'était plutôt par des effectifs
d'Hydro-Québec qui seraient en région, mais c'est sûr que
la deuxième formule...
Mme Bacon: Ne vous déplaît pas non plus.
M. Lafond: ...n'est probablement pas à exclure.
Mme Bacon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président, juste un mot en
débutant pour d'abord vous souhaiter la bienvenue devant la commission
parlementaire. C'est le premier... Non, c'est le deuxième groupe
régional que l'on reçoit après avoir reçu les Amis
de la Moisie. Je pense que c'est important d'avoir l'éclairage
régional dans ce genre de débat.
Si vous me le permettez, juste pour donner un petit exemple à Mme
la ministre, dans la foulée de ce que M. Cloutier disait par rapport au
genre de relations qu'on devrait établir. On a eu cet hiver un
problème qui s'est posé par rapport à un contrat de
campement sur les nouveaux projets avec la SEBJ. Curieusement, on s'est rendu
compte que, contrairement à ce qui se passe dans l'ensemble des
sociétés d'État ou avec le gouvernement, la SEBJ ne publie
pas ou ne donne pas la liste des entrepreneurs qui se présentent pour
acheter les cahiers de charges, ce qui fait que, comme les entrepreneurs
régionaux sont assez loin et que les entrepreneurs
généraux dans les grands centres urbains n'ont pas l'habitude de
travailler avec les sous-contractants de régions, eh bien, les
sous-contractants sont au courant des dossiers ou des entrepreneurs qui vont
avoir les contrats ou qui sont intéressés par les contrats juste
au moment de l'octroi du contrat en question, ce qui enlève, à
toutes fins pratiques, toute possibilité pour un sous-contractant
régional de pouvoir faire affaire avec un contracteur
général dans les grands centres.
C'est un gros problème et ce n'est qu'un problème parmi
tant d'autres qui montre jusqu'à quel point on aurait
intérêt à travailler beaucoup plus proche dans ce genre de
dossier-là pour faire en sorte que les projets d'Hydro-Québec
servent au développement régional. La même chose, pour la
SEBJ qui a essentiellement dans son mandat, finalement, de développer
pour Hydro-Québec des infrastructures dans la région La Grande.
Elle n'a aucune structure d'accueil dans la région La Grande, tout est
à Montréal, alors qu'essentiellement son mandat, c'est de
travailler dans la région La Grande. Il y a quand même là
un genre de dilemme qui, je ne le sais pas, serait acceptable ailleurs au
Québec. On dirait que, parce que c'est la région La Grande, tout
le monde doit l'accepter et, tant pis, c'est beau comme ça, d'où
l'importance des propos des gens de l'Abitibi-Témiscamingue, ici, ce
soir.
Là-dessus, je passerais la parole à mes collègues
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et d'Abitibi-Ouest.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. À mon tour, je
voudrais, bien sûr, saluer les gens de la ville de Rouyn-Noranda et du
Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue qui, s'il est vrai, Mme la ministre, qu'ils nous
présentent ici un réquisitoire au niveau de l'emploi, on se rend
bien compte, avec les chiffres qui ont été publiés ce
matin, de l'importance de ce réquisitoire puisque, en huit mois
seulement, les huit derniers mois, l'Abitibi-Témiscamingue a perdu 11
000 emplois. Les activités minières, de l'agriculture et de la
forêt sont forcément toujours dès activités un peu
cycliques puisque liées à l'état des marchés
mondiaux. La base économique de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue et du fait de la présence
d'Hydro-Québec, région La Grande, nettement renforcée
puisqu'elle instaure, bien sûr, une stabilité... (20 h 45)
À cet égard, une question au représentant de la
ville de Rouyn-Noranda. C'est un peu étonnant de vous entendre
réclamer une planification des effectifs de la main-d'oeuvre de la part
d'Hydro-Québec. S'il y a une société au Québec qui
a les ressources et les capacités de planifier, parce qu'on dit souvent
à la PME, hein... L'université, on ne finissait pas de leur dire:
Bien écoutez, le secret de base au niveau de la PME, c'est la
planification. Et là, vous êtes en train de nous dire, j'armerais
ça que vous nous en parliez un petit peu de... Si vous réclamez
ça, c'est parce que vous constatez qu'il n'y a pas de planification de
la main-d'oeuvre et des effectifs à Hydro-Québec région La
Grande.
M. Cloutier: Écoutez, à ce niveau-là, il est
clair que, lorsqu'on veut ou on a besoin de personnel à
Hydro-Québec région La Grande, il faut consulter le Centre
d'emploi du Canada, d'une part, pour pouvoir recruter des secrétaires,
du personnel technique et de soutien. La même chose au niveau des
travailleurs. Or, moi, je trouve un petit peu anormal qu'on procède de
cette façon-là lorsqu'on connaît l'importance
qu'Hydro-Québec ou la société Hydro-Québec a pour
l'emploi. Elle devrait, je ne sais pas, moi, avoir un bureau d'embauché,
oui, d'embauché, pour permettre justement à ces
travailleurs-là d'aller s'inscrire et de connaître aussi les
attentes de formation et d'embauché. Actuellement, même si voulez,
jusqu'à un certain point, obtenir une formation pour répondre aux
exigences d'Hydro-Québec, ils ne les connaissent pas.
Or, s'il y avait un bureau d'embauché, ce bureau là
pourrait, bien sûr, avec une planification un petit peu plus à
long terme, fixer des exigences ou permettre, peut-être favoriser le
recyclage d'une main-d'oeuvre qui pourrait être intéressée
à aller travailler à la Baie James. Or, lorsqu'on parle de bureau
d'embauché, on pense que pour la région ce serait... En tout cas,
pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue, ça s'impose et
on croit aussi que les travailleurs en bénéficieraient.
M. Lafond: Peut-être, si vous me permettez, une
intervention complémentaire là-dessus. Les administrateurs
d'Hydro-Québec, région La Grande, nous signalent aussi un certain
nombre de difficultés qui sont liées au processus actuel qui est
inscrit dans le système et qui est inscrit dans les conventions
collectives, etc.
En ce qui concerne, disons, la satisfaction de leurs besoins actuels de
main-d'oeuvre pour les opérations déjà en cours, le
processus, c'est l'obligation d'offrir tout emploi à la région La
Grande, peu importe qu'il soit à Rouyn-Noranda, à Val-d'Or ou sur
le territoire de la Baie James, la nécessité de l'offrir à
l'ensemble des employés du réseau et, à ce
moment-là, ce n'est évidemment pas la provenance
géographique qui est le critère déterminant. C'est le
statut et l'ancienneté. Tout ça crée une dynamique assez
particulière qui fait que des employés non permanents ailleurs
dans le réseau vont réclamer un poste à Rouyn-Noranda ou
sur le territoire de la Baie James dans le but très clair
d'acquérir la permanence. Une fois la permanence acquise, bien,
évidemment, là, on a le pied dans l'étrier pour retourner
à des postes intéressants dans le Sud, à Montréal,
Québec, peu importe, ou ailleurs, à son endroit d'origine.
Les gens d'Hydro-Québec à Rouyn-Noranda nous disent
très clairement que ce processus leur cause des difficultés
considérables. On nous dit que, suite à la dernière, je ne
dirai pas signature de la convention collective, mais, selon les conditions de
travail qui s'appliquent actuellement, ce processus-là serait
légèrement modifié. Je ne sais pas si c'est le cas, mais
on référait un peu aussi à ça quand on parlait de
revoir la politique d'embauché. Ça, c'est pour la satisfaction
des besoins actuels.
Pour ce qui est de la satisfaction des besoins futurs, là, c'est
sûr qu'actuellement, personne ne peut nous dire dans quoi on devrait
former nos jeunes, soit au cégep, à l'université ou
même au niveau des commissions scolaires, si on voulait rencontrer les
besoins d'Hydro-Québec ou de la SEBJ ou de la SDBJ.
M. Trudel: Très bien. Est-ce que vous pensez... Je vais
peut-être m'exprimer autrement. La responsable politique au niveau de ce
ministère, la ministre responsable, on le sait, est souvent, je dirais,
assaillie par un argument de la part d'autres travailleurs au Québec qui
disent: La Baie James, c'est fait pour tous les travailleurs du Québec;
ça doit être accessible à tous et c'est injuste qu'on
réserve ces emplois à la région de
l'Abitibi-Témiscamingue en priorité et au
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Qu'est-ce que vous suggérez comme
réponse, vous autres, comme argument pour contrecarrer ce raisonnement
qu'Hydro-Québec, qui est l'entreprise des Québécois et des
Québécoises, on ne devrait pas réserver d'emploi à
une région particulière si limitrophe et si
périphérique soit-elle au Québec?
C'est ça, les arguments de base qu'il faut invoquer.
M. Cloutier: Dans un premier temps, je dirais que
l'énergie de la Baie James, ça profite à tous les
Québécois et ça, je pense que les gens du Nord comme du
Sud, un coup que cette énergie est en place, en profitent ardemment. Sur
le plan du travail, il est bien clair qu'il faut encourager le
développement des régions aussi parce que les ressources
premières viennent des régions. Et si on invite tout le monde
à vivre au Sud, je me demande qui va aller chercher les ressources au
Nord. Et, dans ce sens-là, moi, je dis: II faut absolument consolider
l'économie des régions si on veut que les gens y demeurent, si on
veut que les jeunes y demeurent et y grandissent.
Je pense qu'on est habitués à partager notre usufruit ou
nos richesses ou les richesses du territoire avec les gens du Sud comme les
gens du Sud aussi, je pense, condescendent aussi à accepter ou recevoir
ces richesses des travailleurs des régions éloignées. Moi,
je me dis: Là-dessus, il faut absolument que ces gens-là
comprennent que si on vide le Nord au profit du Sud, on va avoir des
problèmes tout à l'heure. Et, dans ce sens-là, moi, je me
dis que c'est déjà, pour certaines gens, un sacrifice d'aller
travailler là. Quand on parie de la Sibérie dorée, ils y
vont par contraintes financières et, après, ils s'empêchent
de retourner au Sud.
Mais ça, ça ne développe pas une région
d'appartenance et ça ne développe pas surtout des travailleurs
qui vont s'établir en région et qui assurent une
fiabilité. On pariait de fiabilité tout à l'heure. C'est
une fiabilité de la main-d'oeuvre et une expertise au niveau de la
main-d'oeuvre. Or, ce sont des gens qui vont être en transition, mais,
aussitôt qu'ils vont avoir une occasion, ils vont changer de cap, tandis
qu'il ne faut pas avoir peur, jusqu'à un certain point, de favoriser ces
régions-là pour qu'elles demeurent et se développent.
Je ne sais pas si j'aurai réussi à convaincre tous les
gens du Sud, mais je pense que les gens du Nord accrochent
là-dessus.
M. Charron (Denis): On peut ajouter aussi que, dans le domaine
minier, on peut faire une certaine analogie. L'Abitibi-Témiscamingue est
réputée être une des meilleures régions au monde
où on forme les travailleurs pour exploiter les richesses
minières. C'est parce que les gens doivent s'y installer pour exploiter
le gisement. À ce titre-là, l'analogie pourrait se faire au
même titre avec Hydro-Québec.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Ils vous ont remerciés, je ne le ferai pas,
merci. Moi, Mme la ministre, ma
présence ici, c'est pour être solidaire des revendications
autant du CRDAT que de la ville de Rouyn. J'avais pris connaissance de leur
mémoire. J'ai lu leur mémoire. On a eu l'occasion
d'échanger un peu avec eux autres ce midi. Il ne reste que cinq minutes.
J'ai trois ou quatre messages que je voudrais faire plus à la ministre
et aux gens de cette commission. Je pense que c'est ça qu'ils ont voulu
vous dire.
Je vais commencer par une analogie. Je ne pense pas que ça blesse
personne. Je me rappelle, comme jeune flo ayant le droit d'assister à
une réunion de la Chambre de commerce en 1974, 1975, à La Sarre,
où M. Jean Cournoyer était venu comme conférencier,
très apprécié d'ailleurs, parce qu'il est coloré,
à la question de... Et nous autres, l'Abitibi-Témiscamingue, les
retombées de la Baie James, qu'en sera-t-il, parce qu'on pensait que
c'était proche de nous et que ça nous touchait. On s'était
même essayé de faire un chemin tout seul - il faut connaître
l'historique - le chemin des conquérants où il y a encore des
gens qui n'ont même pas été remboursés pour des
coûts astronomiques qu'ils ont mis pour développer un chemin vers
la Baie James parce que, dans ce temps-là... Et ça, c'est la
réalité, ça s'appelle les conquérants et il y a
l'Ordre des conquérants, j'en suis décoré et puis bon. Je
ne sais pas pourquoi, par exemple, parce que j'étais pas mal jeune. Mais
ç'a commencé de même. Mais M. Gournoyer nous avait dit: Les
retombées de la Baie James, vous les regarderez passer. Et je ne ris
pas, Mme la ministre, et c'est ce qui est arrivé concrètement. Et
c'est ça.
Ces gens-là viennent vous dire: Toute la première phase,
par rapport à ce qu'on nous a dit - et j'aime parler franc - ç'a
été à peu près nul concrètement, par rapport
à à peu près tous les dires. 1984, on s'est battu comme ce
n'est pas possible, comme c'est normal dans les responsabilités de
politiciens, avec les députés de l'Abitibi-Témiscamingue,
et ça ne me gêne pas de le dire, contre un sénior du
Saguenay-Lac-Saint-Jeân dans le temps, pour avoir la région
Abitibi-Grande Rivière, ou La Grande - le nom m'importe peu. Content,
heureux de cette décision-là, ce sont des faits. Ce que ces
gens-là viennent vous dire, c'est: Oui, on a eu la direction
régionale; oui, ça a été le "fun"; oui, ça a
amené un petit peu plus de cadres, mais ça n'a pas amené
beaucoup plus de planification, ça n'a pas amené plus de
connaissances exactes à savoir: Où vous vous en allez. C'est
ça que ces gens-là vous disent. Quand ils disent d'inviter
Hydro-Québec à mettre en application des... Il faut savoir des
affaires: où vous vous en allez, dans quel échéancier et
c'est quoi vos besoins. Je me suis déjà fait dire à
plusieurs reprises par M. Nadeau, qui est le grand général - et
il n'y a pas de jugement dans ce que je dis - en Abitibi, de la direction
Abitibi-Témiscamingue-La Grande, et par d'autres avant: Moi, je vais
à Montréal pareil à tout bout de champ pour savoir ce qui
se passe; on voyageait dans les mêmes avions. Et il me disait
tantôt: Si j'avais l'assurance et si je connaissais les besoins, je suis
convaincu que, dans un an, je suis capable de dire au cégep et à
l'université, et à M. Trudel qui était recteur: J'ai
besoin de tel type de formation pour nos jeunes. Parce que je l'ai
déjà vécu, moi, 21 %, 22 % de taux de chômage, en
Abitibi.
Et là, M. Trudel nous a parlé des chiffres tantôt,
mais dans quelques mois - et je ne voudrais pas être un prophète
de malheur - c'est ce qui va nous arriver s'il ne se passe pas quelque chose.
Le marché du bois est à terre, les scieries indépendantes
ne fonctionnent pas parce qu'elles sont prises avec des tonnes de copeaux, les
papetières ne veulent pas les acheter parce qu'elles ont le droit
d'aller en couper directement en forêt, ce qui n'a pas de bon sens, et on
regarde passer la température. Et au niveau des accréditives, ce
n'est pas... Qu'est-ce que vous voulez que je fasse? C'est fini, je veux dire
qu'on a complètement discrédité cette formule-là.
Bon, elle est revenue dans le budget, mais elle n'est pas revenue en termes
d'activité minière. Moi, dans mon coin, au nord de La Sarre, ce
n'était même pas minier, M. Claveau peut en parler. On faisait un
petit tour d'avion ou d'hélicoptère - cinq milles en avion, c'est
vrai que ça va plus vite qu'à pied - et ce qu'on voyait,
c'étaient des gens qui faisaient de l'exploration, de l'exploration et
de l'exploration, une foreuse, une foreuse, une foreuse, une foreuse.
Là, toutes les foreuses, à Rouyn-Noran-da, sont dans le parc
industriel, elles ne sont pas dans le champ.
Tantôt, vous disiez: Écoutez, c'est quoi votre argument
pour ne pas me permettre d'être équitable entre le
Saguenay-Lac-Saint-Jean et l'Abitibi? Moi, j'étais à la fonction
publique et, à un moment donné, on m'a demandé de faire un
programme de discrimination positive. Ça a commencé
tranquillement et on n'a pas fait de miracle, mais on a été
obligés de faire un programme de discrimination positive. Et ça
se justifie, pour un gouvernement, de prendre des décisions ou de
redéployer la richesse collective, compte tenu de facteurs comme ceux
qu'on vit actuellement.
Et moi, je ne veux pas être plus long. Deux commentaires majeurs.
C'est quoi la raison pour ne pas savoir les échéanciers de
planification et des besoins? Il y en a une seule, c'est qu'à peu
près la plupart des grands décideurs qui devaient accompagner
cette belle arrivée de la grande région en
Abitibi-Témiscamingue dorénavant, qui s'appelait Abitibi-La
Grande, il y en a trop qui sont restés à Montréal;
ça, c'est clair. Premier problème.
Le deuxième problème, Christian en a parlé au
niveau de la sous-traitance. Je veux dire qu'on reçoit ça, tout
est réglé, il reste une heure pour faire ses chiffres, à
peu près, et ses
papiers. Alors, il l'a échappé. Tous nos sous-contractants
l'ont échappé. Ils n'ont pas le nom des contracteurs.
Troisième problème qui est terrible. Le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue posait comme
question: Qu'est-ce que vous opposez à l'argument
d'équité? On exporte encore 800 000 tonnes de copeaux par
année dans la région de Grand-Mère, Trois-Rivières,
Thurso, Masson, La Tuque et partout. Alors, à un moment donné,
c'en sont, des arguments qu'on peut opposer, et là, je donne juste
celui-là, mais on fait la même chose avec le cuivre, on fait la
même chose avec le zinc et on fait la même chose avec l'or parce
qu'on n'a pas de raffinerie. Il y a déjà eu une bataille pour une
raffinerie.
Alors, moi, je voudrais juste dire à Mme la ministre que le
message, dans le fond, autant de la ville de Rouyn-Noranda que du CRDAT, c'est
de dire: La situation en Abitibi est difficile sur le plan de l'emploi.
Puisqu'on ne peut pas refaire toujours les mêmes batailles et qu'à
un moment donné le gouvernement d'alors - et là, je ne veux pas
dire si c'était bon ou pas bon - a pris la décision que la
division Rouyn-Noranda-Témis-camingue-La Grande était en
Abitibi-Témiscamin-gue, il faudrait qu'il y ait quelque chose qui
l'accompagne dans la planif, dans la connaissance de ce qui se passe. (21
heures)
Deux éléments pour terminer dans la dernière
minute. Je vous donne un exemple. Comment se fait-il que, pour tout le bassin
amossois, il n'y a aucun employé d'Hydro? C'est un exemple. Des fois, le
maire d'Amos me faisait des crises un peu avec raison. J'ai dit: II y a des
employés d'Hydro autour de La Sarre; c'est 25, 30 emplois; il y en au
Témiscamingue, il y en a à Rouyn-Noranda, mais il n'y a pas un
sacré monde... Je ne suis pas contre les gars, ou les filles. Ce n'est
pas contre le monde. Mais Hydro aurait pu dire: Oui, le bassin amossois aurait
le droit. Parce que, de temps en temps, à Saint-Maurice, ils viennent de
temps en temps réparer un transformateur ou d'autres choses. En
particulier, sur la fiabilité, dans la région de Taschereau, il
faut qu'ils viennent tous les jours. Là, il y a un problème
particulier. Ils n'ont pas encore trouvé ce qui se passe dans ce
coin-là. Ça n'a pas de bon sens, le nombre de pannes depuis les
deux dernières années qui se sont multipliées par un
nombre effarant. Il y a de quoi de particulier qu'il faudra regarder.
Conclusion, Mme la ministre, c'est un message. Oui, il ne faudrait pas
avoir peur des mots. C'est un réquisitoire pour nous permettre, compte
tenu du type de richesse que nous avons qui, dans le présent contexte,
dû à des décisions dont la plupart, pour ce qui est des
accréditives, ont été prises par votre gouvernement - oui,
je conclus - devrait être, d'une certaine manière, compensé
en disant à Hydro-Québec: La décision a été
prise, la région Abitibi-La Grande est en
Abitibi, arrangez-vous donc pour que ces gens-là sachent un peu
plus ce qui se passe, qu'on ait l'heure juste. Je vous garantis que former des
jeunes pour faire l'entretien sur les lignes, Mme la ministre, on est capable
de le faire. Le cégep est capable de le faire, l'université est
capable de le faire.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse. J'ai l'air
de vous bâillonner, mais il faut être respectueux de notre horaire
si on veut finir à des heures respectueuses pour nous-mêmes. M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: En guise de remerciement pour de votre
présence, j'aimerais rajouter un petit mot à l'effet que les
compagnies minières ont toujours été capables de garder
leurs spécialistes, leurs ingénieurs en région. Les
compagnies forestières font exactement la même chose, que ce soit
sur la Côte-Nord, en Abitibi, au Lac-Saint-Jean. Alcan a toujours
été capable de garder ses spécialistes, ses
ingénieurs en hydroélectricité, au Lac-Saint-Jean et dans
des coins même souvent assez éloignés. Alors, moi, je suis
toujours surpris, quand on parle d'Hydro-Québec, qu'on ne soit pas
capable de se défaire de la tour d'ivoire de Montréal. Il semble
qu'il n'y a qu'Hydro-Québec qui a de la difficulté à
garder des spécialistes en région. C'est probablement l'exception
qui confirme la règle. Mais enfin, il y aurait peut-être quelque
chose à aller voir du côté du gouvernement.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez juste
remercier.
M. Claveau: Alors, merci de votre présentation.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Ce n'est pas un remerciement. Je vais vous remercier.
C'est vrai que c'est un réquisitoire et je n'ai pas dit ça d'une
façon négative. Je pense que je l'ai dit d'une façon
très positive. C'est un message très clair que vous lancez
à Hydro-Québec. J'ai bien l'intention de le leur transmettre et
ils ont sûrement pris connaissance de vos dossiers, et que vous ayez de
l'information adéquate, je pense que c'est aussi important. Qu'il y ait
des gens d'Hydro-Québec qui soient dans votre région et qui
travaillent en partenariat - et j'utilise encore le mot, parce que je pense que
c'est important que vous soyez des partenaires avec Hydro-Québec dans
toute ces possibilités que vous pouvez avoir pour votre région et
les gens qui l'habitent - je pense que c'est important. Mais c'est un message
très clair que vous lancez à Hydro-Québec et j'ai
l'intention de leur demander s'ils ont bien lu
votre document, sinon leur en donner une copie. Merci beaucoup d'avoir
été là.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie les représentants de la ville
de Rouyn-Noranda et du Conseil régional de développement de
l'Abitibi-Témiscamingue, CRDAT, pour son apport à ses travaux et
je vous souhaite un bon retour aussi, parce que je pense c'est loin. On me
disait même qu'il y avait de la neige ce matin.
Une voix: Pas chez nous.
Le Préskient (M. Bélanger): Ah, c'était au
Saguenay.
M. Cloutier: II faisait chaud et beau et c'est très froid
à Québec.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Ça doit
être que vous devez mener une meilleure vie dans votre coin qu'ici
à Québec. J'inviterais donc nos prochains témoins, le
groupe ABB Asea Brown Bovery, à se présenter à la table
des témoins, s'il vous plait.
S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir
reprendre sa place. S'il vous plaît! Nous recevons présentement le
groupe ABB Asea Brown Bovery. Bonsoir, messieurs. S'il vous plaît.
D'abord, j'aimerais vous expliquer nos règles de procédure: vous
avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire; par
la suite, il y aura une période d'échanges avec les
parlementaires. Dans un premier temps, si vous pouviez vous identifier et nous
présenter votre mémoire. Nous vous écoutons. Merci.
Asea Brown Bovery Canada
M. Janson (Peter): Merci beaucoup. Je m'appelle Peter Janson, je
suis le président-directeur général de Asea Brown Bovery
Canada. À mes côtés, j'ai René Marcoux,
vice-président, relations, affaires institutionnelles de notre
compagnie.
M. le Président, Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources, mesdames et messieurs, membres de la commission de
l'économie et du travail, tout d'abord, je tiens à vous remercier
personnellement pour la possibilité que vous nous offrez de
témoigner devant la commission de l'économie et du travail sur la
situation et les perspectives de l'énergie électrique au
Québec.
En tant que chef de file de l'industrie électrotechnique
canadienne, Asea Brown Bovery est heureuse de l'occasion qui lui est offerte de
présenter sa position sur le plan de développement
d'Hydro-Québec. ABB intervient à la fois comme fournisseur
d'équipement électrique et comme intervenant économique
majeur dans le secteur de la haute technologie au Canada et à
l'étranger.
ABB est issue de la fusion, au début de l'année 1988, de
deux des plus grandes sociétés d'électrotechnique au
monde. Asea a été fondée en Suède, il y a un peu
plus de 100 ans, alors que Brown Bovery voyait le jour en Suisse, quelques
années plus tard. Depuis la fusion, ABB emploie quelque 225 000
personnes qui travaillent dans 1150 compagnies affiliées,
réparties dans 140 pays à travers le monde.
Ici, au Canada, ABB comprend le Groupe Flakt et Combustion Engineering
et ce qui était anciennement les activités de transmission et de
distribution de Westinghouse Canada. ABB Canada compte maintenant 5000
employés, dont 2000 au Québec, et réalise des ventes
annuelles de plus de 1 000 000 000 $ canadiens. A l'échelle mondiale,
ABB oeuvre dans presque tous les secteurs industriels de
l'électrotechnique.
Les activités principales de la société au Canada
continuent d'être la fourniture du matériel destiné
à la production, la transmission et la distribution de l'énergie
électrique. Au cours des années à venir, ABB cherchera
activement à s'unir à des partenaires dans le cadre d'entreprises
en participation pour la réalisation de grands projets exigeant une
expertise canadienne, que ce soit ici au Canada ou à
l'étranger.
La prochaine décennie sera marquée par une nette
accélération des investissements pour répondre à la
demande croissante d'électricité au Québec, pour assurer
le renouvellement des équipements, pour améliorer la
fiabilité du parc de production ainsi que des réseaux de
transport et de distribution. Au cours des années quatre-vingt-dix,
Hydro-Québec prévoit investir 62 000 000 000 $ courants pour la
réalisation de son programme d'équipement. Plus de la
moitié de ces investissements serviront à accroître et
à maintenir en état le parc de production, alors que les
investissements pour le réseau de transport représenteront 20 %
des dépenses totales.
D'importantes retombées économiques découleront de
ces dépenses d'investissement. HydroQuébec peut maximiser
l'impact de son pouvoir d'achat sur l'activité économique
québécoise par des actions visant à accroître le
contenu québécois de ses acquisitions, particulièrement
pour le matériel stratégique qui comptait pour environ 25 % des
achats globaux, en 1989. Ce type de matériel, qui représente
environ 30 % des achats reliés au programme d'équipement pour les
trois prochaines années, requiert une attention particulière,
selon nous. En effet, le contenu québécois des achats
d'Hydro-Québec est très variable. En 1989, les biens et services
acquis par l'entreprise avaient un contenu québécois global de 76
%, soit 57 % pour les biens et 94 % pour les services et travaux. Or, en ce qui
concerne spécifiquement le matériel stratégique acquis par
Hydro-Québec au cours de la même
année, son contenu québécois n'était que de
66 %.
Afin de maximiser l'impact de ses acquisitions sur l'activité
économique, Hydro-Québec s'est dotée, en janvier 1989,
d'une politique fixant les orientations et les stratégies de
développement économique reliées à son pouvoir
d'achat, qui vise à favoriser la fabrication au Québec de son
matériel stratégique.
Chez ABB, nous nous réjouissons de ces nouvelles politiques
d'achat de la société d'État. De la même
manière, nous croyons que l'actuel plan de développement
d'Hydro-Québec contribuera à la progression et au
développement de notre industrie. Toutefois, le plan
d'Hydro-Québec ne représente un bassin d'occasions d'affaires
pour notre entreprise que dans la mesure où la société
aura recours à une stratégie de partenariat avec l'industrie tout
au long de la réalisation de ce plan. À cet égard, les
projets électrotechnologiques québécois pourraient
entraîner des retombées plus importantes, si l'on adoptait une
approche pragmatique et intégrée à tous les niveaux.
Hydro-Québec est, à bien des égards, l'un des
principaux moteurs du développement économique
québécois. La recherche et le développement,
l'ingénierie et le secteur manufacturier ont
bénéficié, dans le passé, des activités et
du dynamisme d'Hydro-Québec. Il reste beaucoup à faire pour
établir un véritable partenariat dans le secteur de
l'électricité au Québec, mais l'ampleur du plan de
développement proposé par HydroQuébec nous semble propice
pour mettre en place une telle collaboration sur des bases solides.
Depuis 1983, la consommation d'électricité des
Québécois a augmenté de 50 %. Selon les prévisions
d'Hydro-Québec, les ventes augmenteront de 82,2 % d'ici 1996 par rapport
au niveau de 1989. Toutefois, les ressources nécessaires pour
répondre à ces nouveaux besoins ne sont pas illimitées.
Hydro-Québec devra donc prendre des mesures pour réduire la
croissance de la consommation et pour assurer un développement durable
des ressources, c'est-à-dire sans compromettre la satisfaction des
besoins des générations futures.
Du concept de développement durable à son application dans
les activités courantes de développement économique, le
défi est de taille. Sa mise en application exige, d'une part, un
changement profond de perspective et, d'autre part, une attitude positive et
proactive face aux réalités sociales, environnementales et
économiques de notre mode de vie moderne. Une nouvelle éthique
environnementale devra imprégner toutes les sphères
d'activité de notre société. Pour Hydro-Québec,
parce qu'elle est renouvelable, l'hydroélectricité constitue un
excellent moyen d'assurer le développement durable du Québec. Ce
concept met également en lumière le lien étroit entre
l'environnement et l'économie. (21 h 15)
Les économies d'énergie réalisées au cours
des dernières années ont pris des formes multiples. Dans le
secteur de l'habitation, par exempfe, les consommateurs, encouragés par
différentes mesures incitatives mises en place par les gouvernements, se
sont mis à mieux isoler leur maison et à remplacer, pour le
chauffage, les produits pétroliers par d'autres formes d'énergie,
comme l'électricité et le gaz naturel, qui sont plus efficaces ou
qui permettent l'installation d'équipements plus performants.
Malgré les nombreuses réalisations du Québec dans le
domaine de l'efficacité énergétique, il demeure un
potentiel d'économies d'énergie additionnelles assez
élevé.
Dans l'industrie, les progrès réalisés
jusqu'à maintenant ont été plutôt modestes. Entre
1971 et 1986, la consommation d'énergie par dollar de production
n'aurait diminué que d'environ 10 %. Il faut dire que les
équipements industriels ne peuvent être remplacés du jour
au lendemain sans compromettre la santé financière des
entreprises et que les coûts de remplacement doivent être amortis
sur un certain nombre d'années. Cependant, on prévoit pour les
prochaines années une accélération des projets de
modernisation de l'industrie qui permettront l'adoption de technologies plus
efficaces sur le plan énergétique.
On estime que près de 30 % de l'amélioration de
l'efficacité énergétique d'ici à l'année
2006 proviendra du secteur industriel, et cela, même si on prévoit
pour la même période une forte croissance des industries grandes
consommatrices d'énergie comme les alumineries et les usines de
pâtes et papiers. D'ailleurs, l'utilisation plus efficace de
l'énergie dans l'industrie permet non seulement d'améliorer la
rentabilité et la compétitivité des entreprises mais elle
a, dans la plupart des cas, un impact positif sur l'environnement. Les
électrotechnologies, en particulier, utilisent une énergie propre
qui contribue à l'amélioration de la qualité du milieu de
travail et à l'élimination des rejets dans l'air extérieur
de gaz polluants. Dans le plan de développement de cette année,
Hydro-Québec propose un projet d'efficacité
énergétique composé de programmes commerciaux visant tous
les marchés et s'éten-dant sur la dernière décennie
du XXe siècle. Asea Brown Bovery souscrit entièrement à
cette approche et est prête à contribuer à
l'amélioration de l'efficacité énergétique au
Québec.
La technologie ne cesse de progresser dans le domaine de la conception
et de l'équipement des centrales afin d'en accroître
l'efficacité et la fiabilité. La fabrication des turbines,
génératrices, transformateurs, stations de relais et autres
équipements évolue constamment et des sommes colossales sont
investies pour la recherche dans ce domaine.
Pour ne prendre qu'un exemple qui nous touche de plus près, ABB
Canada vient récemment d'affecter 10 000 000 $ à la
création, à
Varennes, en association avec Hydro-Québec, du CITEQ, le Centre
d'innovation sur le transport d'énergie au Québec. Le CITEQ
concentrera ses efforts sur la recherche et le développement
d'équipements et de systèmes reliés au transport
d'énergie électrique à haute tension dans le but
d'augmenter la fiabilité et la capacité des grands réseaux
électriques et de leurs Interconnexions.
Avec nos partenaires d'Hydro-Québec, nous tenterons, entre autres
choses, de rendre encore plus performant le sytème de lignes à
haute tension en courant continu et en courant alternatif.
Sous la pression de l'opinion publique, les gouvernements sont
forcés d'adopter des législations de plus en plus contraignantes
pour contrôler la pollution sur leur territoire. Il est certain que
l'Industrie, qui est de plus en plus sensibilisée aux questions
écologiques, saura relever ce nouveau défi, à condition
toutefois qu'on lui accorde le temps nécessaire pour adapter son
fonctionnement aux nouvelles contraintes. En ce qui concerne les entreprises
qui, comme nous, fournissent l'équipement et la technologie
nécessaires pour répondre à ces nouvelles exigences, il
leur faut également du temps si on veut éviter les solutions
improvisées, aussi coûteuses qu'inefficaces.
Quant à nous, de ABB Canada, nous comptons intensifier nos
activités de recherche et de développement et étendre la
gamme de nos services de consultation et d'ingénierie reliés
à l'environnement. Avec notre société affiliée
ABB-Flakt et la récente acquisition de la Combustion Engineering, nous
comptons accroître notre présence dans le domaine de la
dépollution et de l'assainissement. De plus, nous sommes en train de
travailler à la mise sur pied d'un secteur environnement pour
gérer l'ensemble des activités du groupe dans ce domaine. En
posant ces gestes, nous voulons affirmer notre volonté de participer
activement à la recherche et au développement de nouvelles
technologies dans le but d'assurer à notre société un
progrès durable en harmonie avec la qualité de notre
environnement.
ABB considère que les objectifs d'amélioration de la
qualité du service qu'Hydro-Québec s'est fixés dans son
plus récent plan de développement pourront être atteints si
Hydro-Québec s'en donne les moyens, en collaboration avec ses
partenaires du secteur privé. De plus, nous sommes convaincus que la
mise en application du programme d'efficacité énergétique
proposé par Hydro-Québec nécessite la participation d'un
grand nombre d'intervenants ainsi que des programmes d'information et de suivi
particulièrement articulés. Nous souhaitons donc
qu'Hydro-Québec coordonne son action dans ce domaine avec le plus grand
nombre d'intervenants possible.
L'expertise technique et scientifique générée au
Québec par les activités d'Hydro-Québec a permis aux
entreprises manufacturières canadiennes fabriquant des
équipements électriques de se positionner favorablement à
l'échelle mondiale. Hydro-Québec, via sa filiale
Hydro-Québec International, a accès à d'importants
contrats à l'étranger. C'est par l'intermédiaire de firmes
de génie-conseil agissant comme maîtres d'oeuvre des projets
qu'elle peut profiter de ces occasions d'affaires. ABB croit qu'il serait
avantageux pour tous que les partenaires d'Hydro-Québec du secteur
manufacturier soient appelés à faire partie intégrante de
ce processus dès les démarches initiales, plutôt que
d'être simplement Impliqués comme sous-traitants. Pour nous, c'est
la meilleure façon d'établir un partenariat durable pour
l'avenir.
En effet, les contrats internationaux constituent des véhicules
de choix pour faire valoir la technologie québécoise et
canadienne à l'étranger. De plus, pour assurer l'optimalisation
des coûts, nous recommandons à Hydro-Québec de
procéder à l'attribution de contrats globaux plutôt que
fractionnés en une multitude de sous-contrats. Une telle approche aidera
d'autant la conquête des marchés d'exportation par les
fournisseurs d'équipements. Hydro-Québec pourrait par ailleurs
voir à avantager, à l'intérieur de son programme d'achat
domestique, les firmes manufacturières qui exportent leurs produits en
collaboration avec Hydro-Québec International. Un tel programme
inciterait les entreprises d'ici à développer encore davantage
les marchés internationaux.
ABB tient à remercier les membres de la commission de
l'économie et du travail d'avoir bien voulu l'entendre sur la situation
et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.
Nous sommes fiers de contribuer à l'amélioration de
l'efficacité énergétique au Québec par nos efforts
de recherche et de développement et par la commercialisation
d'électrotechnologies plus performantes.
ABB compte également intensifier ses activités de
recherche et de développement et étendre la gamme de ses services
de consultation et d'ingénierie reliés au secteur de la
protection de l'environnement. Avec nos sociétés
affiliées, Combustion Engineering et Flakt, et à travers notre
association avec Environcorp, nous comptons accroître notre
présence dans le domaine de la dépollution et de l'assainissement
industriel. En posant ces gestes, nous voulons affirmer notre volonté de
participer activement au développement durable de notre
société, en harmonie avec la qualité de notre
environnement.
Dans le secteur du transport des passagers, ABB a récemment
présenté un projet de train électrique à haute
vitesse pour desservir la clientèle dans le corridor
Québec-Windsor. Nous croyons que la réalisation d'un tel projet,
en collaboration avec des partenaires canadiens, aurait un effet
bénéfique sur la qualité de l'air et entraînerait
des retombées économiques
importantes, tout en développant un nouveau secteur d'exportation
de l'expertise canadienne.
Pour ABB, le développement d'un partenariat durable entre
Hydro-Québec et l'industrie de l'équipement électrique est
non seulement souhaitable mais essentiel. Une telle alliance stratégique
favorisera l'optimisation des retombées économiques
engendrées par le développement énergétique du
Québec tout en améliorant la position concurrentielle de nos
entreprises sur le marché international. En ce sens, nous recommandons
à Hydro-Québec de procéder à l'attribution de
contrats globaux dans le cadre de son plan de développement pour la
prochaine décennie.
Nous demeurons maintenant à votre entière disposition pour
répondre à vos questions.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions.
Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Janson, M. Marcoux, en vous remerciant d'être
venus nous rencontrer ici, ce soir, et de participer à cette commission
parlementaire, j'aimerais dire tout d'abord que votre mémoire
soulève quand même une question fondamentale du
développement hydroélectrique comme moyen de renforcement d'un
appareil industriel québécois.
C'est avec beaucoup d'intérêt que je constate que vous
préconisez l'instauration d'un partenariat entre Hydro-Québec et
l'industrie du secteur électrique, particulièrement en
matière d'équipement stratégique. Est-ce que vous
êtes en mesure d'illustrer ce que pourrait être un véritable
partenariat dans le secteur de l'électricité au
Québec?
M. Janson: Oui. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire,
nous avons implanté ce centre de recherche, le CITEQ, Centre
d'innovation sur le transport énergétique au Québec. Donc,
ABB est une compagnie mondiale. Nous avons des usines ici au Canada, au
Québec et en Ontario, par exemple, et ce que nous pouvons faire, nous
pouvons fabriquer les transformateurs, par exemple, ou les autres
équipements avec une technologie qui vient de l'extérieur du
Québec ou du Canada.
Ce que nous voulons faire, c'est une compagnie complète ici, au
Canada, où on s'installe, on fait de la recherche et du
développement. Pour faire ça, c'est très important que
nous ayons les clients, les partenaires qui ont besoin des nouvelles
technologies.
De notre part, nous pouvons prendre des technologies du groupe ABB et
les améliorer, les développer en partenariat avec nos partenaires
ici. Nous sommes vraiment fiers d'avoir ce partenariat avec
Hydro-Québec, dans le cas de CITEQ où nous avons quelques
projets. On a commencé à faire des études pour trouver les
solutions ou de nouveaux produits.
Mme Bacon: Est-ce qu'il serait possible d'associer des PME
québécoises au partenariat que vous souhaitez établir avec
Hydro-Québec? Disons ABB, Hydro-Québec et des PME
québécoises. Est-ce que c'est possible ou réalisable? (21
h 30)
M. Janson: Nous sommes en train de faire des choses dans ce
domaine aussi. Il y a des PME qui... D'habitude, elles n'ont peut-être
pas les ressources financières dont on a besoin. Une telle compagnie,
comme ABB, qui... C'est peut-être un peu plus facile pour nous autres
d'être en partenariat avec Hydro-Québec parce que nous sommes, non
pas de la même grandeur, mais nous sommes assez grands. Nous avons
plusieurs sous-traitants ou PME qui sont nos partenaires dans des domaines qui
sont un peu plus, on dit en anglais, "focussed", que dans les gros projets que
nous avons avec Hydro-Québec. Je pense qu'on peut dire qu'on donne le
bénéfice à plusieurs compagnies, non seulement les
compagnies comme ABB.
Mme Bacon: Vous venez de parler de CITEQ. On sait que vous
êtes associé pour créer le Centre d'innovation pour le
transport d'énergie au Québec. Est-ce que ce mode de
fonctionnement et les buts qui sont poursuivis par le CITEQ et que vous nous
disiez, est-ce que ce genre de collaboration pourrait être étendue
à d'autres domaines de recherche et de développement, par
exemple? Est-ce qu'il y a des mécanismes qui pourraient être
prévus pour faciliter l'intégration, et je reviens encore, de la
PME québécoise?
M. Janson: Dans le cas de CITEQ, dans le groupe mondial d'ABB,
c'était une première, une idée que nous avions ici au
Québec pour trouver un moyen de travailler de façon plus
efficace, plus proche de notre client Hydro-Québec. On a trouvé
le moyen de CITEQ et jusqu'à date, c'est vraiment un succès. On
voit les gens d'ABB dans les autres domaines à travers le monde qui sont
vraiment intéressés dans ce que nous faisons. C'est un
modèle qu'on peut suivre. J'attends qu'on puisse trouver les autres
opportunités, peut-être.
Mme Bacon: Oui, M. Marcoux.
M. Marcoux (René): Je pourrais ajouter sur ça que
CITEQ a été, comme le disait Peter, un premier exemple, mais
aussi ce qu'on regarde... et on a pris la décision il y a une semaine
d'installer une usine au Parc technologique de Québec. Au départ,
ça devait être une usine de fabrication. En parlant avec les gens
du Parc technologique, on s'est aperçu qu'il pourrait y avoir une
synergie avec le CRIQ, l'Institut d'optique, l'Institut de magnésium et
de plus en plus, cette usine qu'on installe là, depuis une semaine que
la décision a été prise, va probable-
ment créer une synergie pour justement débloquer des
nouveaux projets de recherche et probablement via le CRIQ, impliquer des PME
à travers ces projets. C'est peut-être un des canaux favorables
pour ce côté.
Quand on parlait tout à l'heure un peu plus philosophiquement de
la synergie avec HydroQuébec, on pourrait dire qu'Hydro a le quand, le
pourquoi et le quoi, quel projet elle veut développer, alors qu'un
manufacturier a peut-être le comment le faire. Tout ça ensemble,
on peut arriver à développer des produits qui peuvent avoir une
utilité et qui peuvent être appliqués et vendus sur les
marchés internationaux.
Mme Bacon: Vous nous disiez tout à l'heure dans votre
mémoire que vous êtes une société qui oeuvre dans
plus, je crois, de 130 ou 140 pays à travers le monde, ce qui est assez
impressionnant. Je trouve intéressant l'énoncé que vous
faites à la page 10 de votre mémoire où vous dites: "Pour
Hydro-Québec, parce qu'elle est renouvelable,
l'hydroélectricité constitue un excellent moyen d'assurer le
développement durable du Québec". Est-ce que vous pourriez,
compte tenu de votre expérience, de vos préoccupations,
démontrer à cette commission pourquoi et comment, d'après
vous, l'hydroélectricité constitue un excellent moyen d'assurer
le développement durable du Québec?
M. Janson: C'est une question d'histoire de notre industrie. Si
on pense à ce dont on a besoin dans le domaine des équipements
pour un développement hydroélectrique, nous avons, ici au
Québec, au moins deux fournisseurs à l'échelle mondiale de
turbines à Hydro, soit Dominion Engineering et Marines Industries, les
Industries Marine. Donc, il y a plusieurs fournisseurs qui sont
déjà établis ici à Québec, au Québec,
qui peuvent livrer des équipements, qui peuvent faire du
développement technologique dans leur domaine. Il n'y a pas beaucoup de
fournisseurs de turbines pour Hydro, par exemple. C'est vraiment une chance
pour le Québec de développer une technologie qu'on peut exporter
après.
Et pour nous autres, c'est la même chose avec les transformateurs
de la haute technologie, par exemple. Si on utilise, de l'autre
côté, peut-être, des turbines à gaz, il n'y a aucun
fournisseur ici, au Québec. Donc, tous les équipements et toute
la technologie restent en dehors du Québec. On ne fait que recevoir de
l'équipement et le démarrer.
Mme Bacon: Vous faites aussi mention, dans votre mémoire,
de la nécessité d'améliorer l'efficacité
énergétique dans l'industrie compte tenu des progrès
modestes réalisés dans ce secteur au cours des quinze
dernières années. Quel type d'industrie devrait être
visé en priorité et quel équipement ou quels
procédés de rempla- cement sont les plus susceptibles
d'accroître l'efficacité énergétique dans ce
secteur?
M. Janson: Je pense qu'on doit trouver... Dans le fond, on trouve
les industries qui ont besoin des équipements ou de
l'électricité comme les pâtes et papiers, les alumineries,
le magnésium, par exemple. Ils ont besoin de beaucoup
d'électricité pour leur processus, donc, ils ont besoin de
beaucoup d'équipements et des technologies pour développer leur
processus. Après ça, on doit trouver les moyens de
développer non pas les sous-traitants, mais les manufacturiers
secondaires qui utilisent les produits de ces fabricants primaires.
Mme Bacon: On a discuté beaucoup, au cours de cette
commission, de la difficulté que peut avoir le secteur industriel, par
exemple, à faire des économies d'énergie. Est-ce que vous
pouvez nous donner un avis là-dessus?
M. Janson: La difficulté sera si on a des contraintes qui
arrivent d'un jour à l'autre et qu'on doit faire tout tout de suite. Il
y a deux choses, là. L'une, c'est le financement des changements et les
processus qu'on doit changer, tout ça. Mais il y a une autre question et
c'est la capacité des fournisseurs d'équipements d'acheter,
aussi. Par exemple, on a un débat, au Canada, pour remplacer tous les
BPC. Même si on voulait les remplacer tout de suite, on n'a pas la
capacité de livrer de nouveaux équipements tout de suite. Donc,
on doit toujours avoir une approche pragmatique de ces choses. Autrement, je
dis que c'est bon qu'on mette une pression, que nos industries doivent
être efficaces du côté énergétique parce que
ça nous donne... Nous serons plus concurrentiels vis-à-vis de nos
concurrents mondiaux, après ça.
Mme Bacon: On dit que la recherche et le développement
technologique chez Hydro-Québec, c'est un thème qui a souvent
été abordé pendant cette présente commission
parlementaire. On a questionné aussi l'ampleur de l'effort, l'importance
que devrait avoir la recherche fondamentale par rapport au développement
des solutions aux problèmes plus immédiats d'Hydro-Québec,
la collaboration aussi avec les milieux universitaires et industriels, de
même que l'opportunité d'instaurer une politique de faire-faire en
recherche et développement. Étant donné la vaste
expérience d'ABB en développement technologique dans le domaine
électrique et la connaissance privilégiée qu'elle
possède de ce qui s'accomplit partout dans le monde - on n'a qu'à
penser à votre présence partout - est-ce qu'il vous serait
possible de faire une appréciation - et là, je ne veux pas vous
mettre en boîte - de la qualité du travail d'Hydro-Québec
en recherche et développement et de nous dire, selon vous, ce qui
pourrait contribuer à améliorer la performance
d'Hydro-Québec?
I do not want to put you on the spot.
M. Janson: No, that is O.K.
Mme Bacon: I would like to have an answer.
M. Marcoux: Je pense qu'Hydro-Québec réalise
elle-même que son entité comme IREQ développe des produits.
Mais comme on l'a dit tout à l'heure, la synergie qu'il peut y avoir
entre un manufacturier et une boîte comme Hydro-Québec se situe
beaucoup au niveau que le manufacturier sait le comment, alors
qu'Hydro-Québec sait le pourquoi et le quand elle a besoin d'un
équipement. Cette synergie doit exister. Donc, quand on a
créé CITEQ, il y a beaucoup de gens à l'IREQ qui ont eu
peur que CITEQ devienne un concurrent direct. Mais non, ce n'est pas un
concurrent, ça va être une nouvelle façon de faire les
choses, où Hydro se garde le pouvoir de dire: Moi, c'est dans tel
domaine que je veux aller, c'est tel type d'équipement que je voudrais
qui soit développé, mais de laisser peut-être quelqu'un qui
est un peu à part dire: C'est comme ça qu'on le fait. Hydro, en
elle-même, ne devrait pas développer des équipements. Parce
que c'est arrivé souvent, par le passé, que certaines personnes
ont développé des choses et qu'ensuite, elles ont essayé
de faire un transfert de technologie. Ce transfert de technologie a eu
énormément de difficulté, parce que les équipements
avaient été développés sur des mauvais
équipements de base, disons, qui n'étaient pas compatibles avec
la compagnie qui voulait recevoir le produit. Donc Hydro doit se rendre,
jusqu'à un certain point, à un stade peut-être de
prototype, mais ensuite, elle devrait s'associer immédiatement à
un manufacturier.
Mme Bacon: C'est ce qu'on appellerait le faire-faire par la
suite.
M. Marcoux: Je dirais plus le partenariat. Mme Bacon: Le
partenariat.
M. Marcoux: Au niveau de la recherche, je pense que le
partenariat est plus puissant que le faire-faire.
M. Janson: Ce qui est très intéressant, si on
regarde notre histoire à ABB, qui n'a pas plus de deux ans, deux ans et
demi, on a fait ABB à cause de la recherche et du développement,
parce qu'on avait deux compagnies qui étaient de moyenne grandeur dans
le monde de l'électricité. Ce qui était très
important, c'est qu'en faisant la fusion on n'a pas diminué le niveau de
recherche et de développement. On a choisi l'un ou l'autre et on a mis
le double d'argent pour encore plus forcer la recherche et le
développement. Je pense que, si on peut donner un avis à
HydroQuébec, c'est ça qu'elle doit faire, trouver les partenaires
et augmenter la vitesse de la recherche et du développement. C'est
ça qui est la clé de notre concurrence dans l'avenir.
Mme Bacon: Vous recommandez, à la page 15 de votre
mémoire, qu'Hydro-Québec procède à l'attribution
des contrats globaux, plutôt que fractionnés en une multitude de
sous-contrats, pour assurer l'optimisation des coûts. Vous soutenez aussi
qu'une telle approche aidera d'autant plus la conquête des marchés
d'exportation pour les fournisseurs d'équipement. Est-ce que vous pouvez
élaborer davantage sur ces sujets-là?
M. Marcoux: Premièrement, si on regarde le
côté exportation, Hydro International a toujours eu de la
difficulté à exporter son savoir-faire. Il a été
prouvé, si on regarde la Phase I de la Baie James qui a
créé beaucoup d'ingénieurs-conseil au Québec, eux
ont réussi à exporter un savoir-faire. C'est plus facile pour une
entreprise privée d'exporter que pour une société
d'État. Donc, ce qu'on dit, c'est que plus Hydro va donner des contrats
globaux, plus l'expertise va se créer à l'extérieur
d'Hydro-Québec, plus on va pouvoir exporter cette connaissance à
l'extérieur, soit sous forme de produits, soit sous forme de
technologie. Ça, c'est le volet exportation.
Sur le volet de l'économie, nous on pense, en tant que
manufacturiers, que plus un contrat est gros, normalement, un manufacturier a
plus de flexibilité à réaliser un contrat ou moins
d'"overhead" si on veut pour réaliser un contrat qu'une
société d'État. Donc, on est plus aptes à
réaliser rapidement, dans des délais plus courts et à des
coûts moindres, des contrats "clé en main".
Mme Bacon: Dans ce genre d'attribution de contrats globaux, par
exemple, est-ce que ça peut favoriser là une possibilité
de développement d'entreprises québécoises? Est-ce qu'il y
a des créneaux en particulier où on pourrait penser qu'on peut
avoir une création d'entreprises québécoises à
cause des contrats globaux? (21 h 45)
M. Janson: Nous avons un cas actuel d'exportation, par exemple,
où, dans le temps, il y avait une équipe du Canada qui avait fait
une exportation en Chine d'un grand réseau et c'était avec des
compagnies qui faisaient les "tripping" d'Hydro et des
génératrices, des transmetteurs et des disjoncteurs. Et on a fait
des sous-stations une station complète. C'est dans ce domaine qu'on peut
prendre tous les fournisseurs avec une technologie ou une connaissance de
marché ou comment opérer les stations, comme Hydro-Québec
International peut donner à une telle équipe. Et on peut faire
des projets entiers à l'étranger. Et ça c'est une approche
qu'on a
démarrée il y a trois ou quatre ans. Ça prend
beaucoup d'efforts parce qu'on doit toujours travailler avec un
compétiteur un jour mais on doit être ami avec lui. Donc, si on
prend ce sens vraiment d'une équipe Canada, dans le cas actuel que nous
avons en Chine, c'est vraiment une équipe Québec, on a
réussi et c'était un projet de 100 000 000 $. Donc, c'est quelque
chose de très intéressant.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remer cie. M.
le député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président, tout d'abord un mot pour
vous souhaiter la bienvenue devant la commission. Je constate l'importance qu'a
l'ensemble des fournitures à Hydro-Québec sur l'économie
globale du Québec. J'en conviens. Et il est souhaitable et de plus en
plus... enfin, il est toujours souhaitable qu'Hydro-Québec
s'approvisionne en majorité, et d'une façon probablement de plus
en plus intense, en milieu québécois, autant pour sa technologie,
en termes de fourniture d'équipement qu'en termes de génie, de
concepteurs, etc.
Mais j'ai quand même un problème avec votre approche, entre
autres, en ce qui concerne les contrats globaux. Vous n'êtes pas sans
savoir que plus le contrat est gros, plus il est global, plus il s'approche du
"clé en main", moins il y a d'intervenants possibles. Je vais vous
demander, à savoir, par exemple, si votre compagnie était la
moitié moins grosse de ce qu'elle est là, si elle n'était
pas capable de prendre tout un contrat au complet, est-ce que vous
prêcheriez quand même pour le "clé en main"?
M. Janson: Le plus gros contrat que nous avons eu pour le moment,
nous l'avons pris quand nous n'avions que 20 % de la grandeur que nous avons
maintenant et c'était vraiment une question que nous avions la
technologie. On était prêts à faire un projet "clé
en main". Je pense que ce n'est pas seulement question de la grandeur de
l'entreprise, mais c'est vraiment une question de technologie de base et si on
a la volonté de faire une équipe, par exemple, pour un autre
projet. Donc, je ne suis pas convaincu du tout qu'on doit être grand pour
prendre les projets "clé en main".
M. Claveau: Vous ne croyez pas que lorsque vous faites ou vous
demandez de faire des projets "clé en main" ou d'avoir un contrat
global, mettons, une soumission pour la centrale de Brisay, Laforge 1, bang,
tout d'un coup, campement, aéroport, tout compris... On fait le contrat.
Vous ne croyez pas qu'en faisant ça, finalement, vous
répétez dans le privé ce que vous reprochez à
Hydro-Québec de faire, c'est-à-dire d'avoir une espèce
d'intégration verticale de toutes les opérations? Au lieu d'avoir
une spécialisation d'entreprises dans chacun de leur secteur, dans le
fond, vous demandez de pouvoir intégrer l'ensemble des activités,
y compris éventuellement le transport aérien du personnel, si
nécessaire.
N'est-ce pas une façon de privatiser, à toutes fins
pratiques, Hydro-Québec, de demander de refaire, dans le privé,
ce que vous reprochez à Hydro-Québec de faire comme
société d'État?
M. Janson: Ce n'est pas le contexte qu'on a dit. Nous parlons des
contrats globaux dans les domaines où on a des compagnies, par exemple,
pas pour donner un barrage à une seule compagnie pour faire tous les
transports, tous les barrages et tous les équipements. Mais c'est dans
le domaine de l'électricité, du génie civil ou dans les
autres domaines. Nous ne parions pas des très gros contrats pour un
projet.
M. Claveau: Ça va venir, n'est-ce pas? Une fols que la
porte est ouverte, ça va venir.
M. Janson: Je ne pense pas. Surtout pas avec nous, parce que nous
sommes un fournisseur d'équipement électrique.
M. Claveau: Oui, d'accord, mais vous pouvez vous intégrer
avec d'autres avec le temps. Et, finalement, on se retrouve que c'est, en fart,
un seul chapeau qui fait l'ensemble des opérations. En ce qui nous
concerne, je pense, pour le développement, entre autres, de la PME
québécoise, de l'entreprise ou de l'expertise locale
québécoise, c'est peut-être un peu risqué, vous ne
croyez pas?
M. Janson: D'abord, je ne pense pas que nous serons une telle
compagnie, si grosse, surtout pas ABB, parce que nous sommes en génie
électrique et nous y resterons. Mais d'un autre côté,
même si une compagnie comme Hydro-Québec donne un contrat global,
elle peut diriger ou mettre des règles pour les fournisseurs d'utiliser
les PME et tout ça. En utilisant des devis, par exemple, on peut
beaucoup guider les fournisseurs où ils doivent prendre ces
équipements, par exemple.
M. Claveau: Vous parlez beaucoup de partenariat avec
Hydro-Québec. Enfin, vous voulez faire partie du processus dès le
début de la planche à dessin, si vous voulez, dès que l'on
commence à parler d'un projet, vous voulez être associé au
projet dès le départ. Je conçois que c'est une
préoccupation qui peut être très louable de la part d'une
entreprise qui veut s'assurer de participer à l'élaboration d'un
contrat évidemment et, éventuellement, de réaliser sa part
du projet, mais ne croyez-vous pas qu'il peut être aussi dangereux pour
HydroQuébec de faire ça, dans la mesure où c'est de
s'ajouter des liens supplémentaires, dans le fond? Où est-ce
qu'on va s'en aller, ou à quoi serait
réduit, par exemple, tout le processus d'appel d'offres public,
de concurrence, de possibilité d'aller voir ailleurs en termes de
technologie, etc., si Hydro-Québec s'associe dès le départ
avec un fournisseur bien particulier au moment même de la conception d'un
projet?
M. Janson: II y a deux choses, là. Comme fournisseur,
c'est peut-être un rêve d'être une partie du processus,
dès le départ, avec tous les devis et toutes les pensées
d'un client. Nous avons parlé, dans une partie de notre mémoire,
de l'exportation. Dans les projets à l'étranger, nous ne nous
attendons pas à ce qu'on puisse gagner une telle activité, ici,
au Québec, avec Hydro-Québec. Je pense que ça ne pourra
jamais arriver. Mais dans le contexte des projets à exportation,
là, comme je l'ai déjà décrit, on peut faire une
équipe, et si on prépare cette équipe dès le
démarrage, donc, c'est sûr qu'on peut trouver une clef pour gagner
les contrats, non seulement pour Hydro-Québec, ABB ou quelqu'un d'autre,
mais pour le Québec.
M. Claveau: O. K. Vous avez beaucoup insisté sur l'aspect
international de Asea Brown Bovery; c'est effectivement une
société d'importance. Vous n'êtes pas les derniers venus
dans le domaine, bien au contraire. Vous êtes installés au
Québec, O. K. Vous avez des contrats avec HydroQuébec, et c'est
intéressant pour le Québec, évidemment, de vous avoir
parmi nous. Mais je suppose que c'est à peu près la même
chose dans tous les pays où vous travaillez, avec des entreprises qui
produisent de l'électricité et qui font de la conception de
nouveaux équipements, barrages, etc. Alors, dans un contexte semblable,
par exemple, comment pourriez-vous opérer, ou quelles seraient vos
prévisions d'opération, advenant le cas où vous ne
décrocheriez pas les contrats escomptés avec Hydro-Québec?
Est-ce que vous allez exporter la technologie vous-mêmes, sur une base
individuelle, comme compagnie opérant au Québec? Est-ce que vous
pouvez exporter votre technologie à partir du Québec et la
produire quand même au Québec? Ou si le fait que vous êtes
au Québec et que vous voulez continuer à développer de la
technologie à partir du Québec, c'est essentiellement lié
à des contrats avec Hydro-Québec?
M. Janson: C'est ça qui est la clef, avec ABB. Nous sommes
une fédération de compagnies à travers le monde. On a un
mandat qui dit, dans notre cas, que nous sommes responsables du Canada. C'est
notre marché... On dit "home market".
Nous avons aussi des mandats pour plusieurs produits que nous pouvons
exporter et, dans certains cas, nous sommes le seul fournisseur du groupe ABB
mondial qui ait le produit. Ce que nous faisons, et c'est ça qui est
drôle, peut-être, nous sommes agressifs, ici, au Canada.
Nous avons une chance, avec les besoins d'électricité que
nous avons, avec nos ressources naturelles, non seulement ici, au
Québec, mais en Ontario et à travers le Canada. Nous essayons
d'être, parmi les compagnies d'ABB à travers le monde, les plus
efficaces, avec une renommée de qualité et de bons
employés, parce que nous voulons être concurrentiels
vis-à-vis de nos compagnies soeurs. C'est vraiment, non pas une
bataille, mais quelque chose qu'on fait, dans la compagnie. Tous nos
employés sont conscients de ça et ils travaillent avec ça.
Si on pense aux années soixante-dix, par exemple, alors qu'on
était une compagnie implantée ici seulement pour
Hydro-Québec, chaque fois qu'Hydro n'achetait pas quelque chose de chez
nous, on disait: Nous avons fait des mises à pied parce que vous n'avez
pas acheté de chez nous. Nous ne faisons pas ça, maintenant,
jamais, surtout depuis que je suis le président et pendant que j'y
serai, parce que nous sommes convaincus que nous devons être les
meilleurs dans les domaines où nous opérons et que nous pourrons
faire les exportations. Avec le libre-échange, nous avons les
opportunités aux États-Unis, avec la base que nous avons
maintenant au Canada et surtout ici, au Québec. Nous devons
améliorer l'efficacité de nos usines et nous sommes en train de
le faire.
M. Claveau: Donc, vous êtes en train de me dire qu'advenant
le cas, par exemple, où la deuxième Baie James ne vous soit pas
aussi favorable que vous pouvez le souhaiter en termes de fourniture
d'équipements, vos usines de construction, de fabrication de "transfos"
à Varennes vont continuer à opérer quand même et que
vous allez en vendre ailleurs dans le monde.
M. Janson: Ce serait bien difficile, si on n'a pas une certaine
base de production ou des commandes. Mais mon but, dans l'avenir, c'est que si
le jour arrive où Hydro n'achète rien, pour une raison ou une
autre, nous pourrons survivre. Ce n'est pas le cas maintenant, mais c'est un
but.
M. Claveau: O. K. Parce que quand on regarde d'un point de vue
d'économie nationale, en ce qui concerne Hydro-Québec, ou
n'importe quelle autre, c'est sûr qu'Hydro-Québec est un
élément important, comme vous dites dans votre mémoire, de
technologie, enfin, de développement technologique et d'investissements
de toutes sortes au Québec. C'est clair. Sauf que lorsque l'on regarde
globalement, il y a plein d'entreprises qui existaient au Québec, avant
qu'Hydro-Québec leur passe des contrats, qui existent peut-être
mieux ou, enfin, qui se sont modifiées un tant soit peu parce que,
actuellement, elles travaillent avec Hydro-Québec. Mais même si
Hydro-Québec ne leur passe pas de contrats, elles vont continuer
à opérer pareil. Elles ne sont pas nécessairement
liées au fait qu'il y a un
acheteur qui va, finalement, leur passer des commandes.
Moi, je dois vous dire ce qui me chicote un peu. J'aimerais bien
être certain, dans te cas, par exemple, de Brown Bovery, d'Asea Brown
Bovery, pardon - ce n'est pas la même chose - que votre présence
au Québec ne soit pas quelque chose qui soit, disons, temporaire, ou qui
soit lié au fait que l'on développe des barrages
hydroélectriques et que le jour où on n'en développera
plus, eh bien, vous irez vous installer en Chine avec, à ce
moment-là, des produits chinois, ou, au Brésil, aveo des produits
brésiliens, ou ailleurs dans le monde avec toujours des produits de
l'origine de là où on vous donne des contrats, finalement. Est-ce
qu'on peut dire qu'une compagnie comme Brown Bovery est là pour tisser,
dans l'avenir, l'ensemble de l'activité économique
québécoise, y compris ses aspirations sur les marchés
internationaux?
M. Janson: Oui, je pense qu'on n'a aucun problème en
disant ça. Par exemple, avec nos usines de transformateurs - nous en
avons 45, quelque chose comme ça, à travers le monde - chaque
mois, on a un rapport sur la productivité, les "throughput times" et les
autres standards qu'on peut mesurer dans chaque usine. Si nous sommes les
meilleurs dans ces mesures, ce serait notre usine qui peut prendre les contrats
qui sont disponibles à cause d'une grève dans une autre usine ou
à cause d'un délai de livraison, si un client a besoin de quelque
chose très vite.
Nous travaillons tout le temps de cette façon, en essayant de
nous améliorer et d'être plus productifs, parce que nous voulons
exporter de nos usines, ici, au Québec, et de nos autres usines au
Canada.
M. Claveau: En termes de production... Oui, excusez.
M. Marcoux: Je voudrais juste ajouter que ça joue dans les
deux sens, aussi. Si on regarde il y a un an et demi, Hydro-Québec avait
un besoin très urgent de transformateurs pour passer sa pointe. À
cause de la puissance du groupe, on a eu des bobinages qui ont
été faits en Allemagne, des "transfos" qui ont été
montés au Brésil et d'autres qui ont été
montés en Suède; il y avait une urgence. Le fait d'appartenir
à une fédération a travaillé dans l'autre sens,
à ce moment-là. Il n'était plus question de contenu
québécois. Il était question de rencontrer un besoin de
production d'énergie électrique. À ce moment-là,
ça fonctionne dans l'autre sens. Ça peut fonctionner dans un sens
ou dans l'autre.
M. Claveau: O.K. Vous nous dites, dans votre mémoire,
qu'au niveau des fournitures de matériel stratégique,
actuellement, au Québec, c'est quelque chose comme 66 %. C'est bien le
chiffre que vous nous donnez. Quel serait, d'après vous, le niveau
possible à atteindre et le niveau souhaitable? Est-ce que vous pensez
qu'on peut approcher des 100 %? Peut-être qu'on peut gagner juste 3 % ou
4 %? Je ne sais pas. D'après votre connaissance de cette espèce
d'amalgame là, de fourniture internationale dans un domaine très
spécialisé, quand même, quel serait le niveau de production
qu'on pourrait souhaiter atteindre, au Québec?
M. Janson: Ça dépend de ce qu'Hydro-Québec
achète d'une année à l'autre. Je peux donner un cas. Nous
avons reçu une commande, cette année, pour les projets de
compensation en série pour améliorer le réseau. Nous
sommes en train d'implanter une usine pour les condensateurs, pour fabriquer
des condensateurs. Nous avons une autre usine qui fait ça, en Ontario,
mais pas à une telle grandeur. Nous allons la fermer, nous allons nous
installer ici avec une nouvelle technologie, des nouvelles machines pour la
production, etc. Donc, dans ce petit cas, ça va augmenter le taux
québécois, ce projet-là. Ça dépend de ce
qu'on fait avec le projet et du projet lui-même qu'on discute.
M. Claveau: Oui, mais globalement, est-ce que vous pensez
qu'Hydro-Québec pourrait, par exemple, raisonnablement, rêver
d'atteindre 85 % de contenu québécois?
M. Janson: Oui. Dans certains produits, on a déjà
dépassé 95 %. Par exemple, dans les transformateurs, dans les
condensateurs, on a dépassé 85 %. Ça dépend aussi
de l'ingénierie et des technologies qu'on va implanter ici. Dans le
même cas des compensations en série, nous allons implanter
beaucoup d'ingénierie dans ce domaine, ici. Ça va nous donner
beaucoup plus de force dans le cas d'exportations et dans le prochain projet,
aussi, où nous pourrions offrir peut-être 90 %.
M. Marcoux: Le principe de ça, c'est: plus tu as de
recherche et développement ou d'ingénierie faites localement,
plus tes ingénieurs trouvent des sous-traitants locaux. Donc, à
ce moment-là, tes PME travaillent. L'important, ce n'est pas juste
d'amener du manufacturier, c'est d'amener aussi l'ingénierie. Parce que
tes ingénieurs, quand ils connaissent quelqu'un au coin de la rue qui
fait une boîte métallique ou qu'ils connaissent un autre qui fait
du bobinage, ils sont portés à acheter localement. Si
l'ingénieur est en Suède, si l'ingénieur est aux
Etats-Unis ou si l'ingénieur est en Ontario, il va chercher à
acheter localement. Donc, ce qu'on essaie d'amener, ce sont des
ingénieurs. Et c'est ça qu'on a fait. On a essayé
d'amener, dans le cas de la compensation, une équipe d'ingénieurs
ici.
M. Claveau: Deux petites questions pour finir. Il y a combien de
producteurs mondiaux ou vous avez combien de concurrents, sur le pian mondial,
dans votre spécialisation: "transfos", postes de distribution, lignes de
transport?
M. Janson: On peut en compter entre 10 et 15. Des compagnies
comme Siamens, Hitachi, Toshiba, Fuji, GEC Alsthom, Jeumont-Schneider. Il y en
plusieurs.
M. Claveau: Vous êtes quand même assez nombreux.
M. Janson: Nous essayons de l'ajuster.
M. Claveau: Pas tous installés au Québec.
Deuxième question, par rapport à ce que vous disiez, M. Marcoux.
Quelle est la part de sous-contrats ou de services que vous achetez au
Québec, dans les contrats que vous avez avec Hydro-Québec,
actuellement?
M. Marcoux: Côté manufacturier ou...
M. Claveau: Vous avez des fournitures. Vous avez besoin de
fournitures d'équipements, etc. pour fonctionner dans vos entreprises.
Alors, quelle est la part des contrats que vous avez avec Hydro-Québec
qui revient dans le local, en termes d'achat d'équipements, fournitures,
avec des sous-contrats?
M. Marcoux: Ça dépend. Si on prend exemple de la
compensation en série, on a des équipes
d'ingénieurs-conseils qui travaillent pour nous. On a aussi... C'est
difficile à dire. On a, pour les transformateurs, autour de 90 % de
contenu québécois. La compensation en série, la
première phase, on espère atteindre autour de 75 % et monter
autour de 80 %, 85 % dans la phase II. C'est difficile...
M. Janson: D'habitude, c'est près de 65 % et plus.
M. Claveau: Alors, ce que vous n'achetez pas au Québec,
c'est parce que vous ne pouvez pas le trouver au Québec?
M. Janson: Oui.
M. Marcoux: Normalement, oui.
M. Janson: C'est une question de technologie.
M. Marcoux: Souvent, il faut que tu crees tes sous-traitants. Il
faut aussi que tu habitues des sous-traitants à un certain
contrôle de qualité. Mais ça, ça se fait.
M. Claveau: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier nos invités.
M. Claveau: Oui.
M. Marcoux: J'aurais peut-être un petit point que
j'aimerais ajouter. La question n'est pas venue et c'est quelque chose qui me
chicote. On dit toujours qu'on donne... C'est quelque chose de plus global,
ça n'a rien à faire avec... C'est une idée personnelle. On
dit beaucoup que, si on construit immédiatement la phase II, on vend de
l'énergie aux États-Unis, c'est comme si on donnait quelque
chose. Ça me chicote, parce que j'ai l'impression que c'est l'inverse,
que si on ne fait des travaux aujourd'hui, on perd quelque chose. Je prends
l'exemple des gens dans l'Ouest qui ont créé l'Héritage
Fund, il y a quelques années. En maintenant l'harmonie, quand
même, entre l'environnement et l'économique, si on veut... De
toute façon, à un moment donné, il va falloir
développer. On n'aura pas le choix, au cours des années, à
moins que tout le monde au Québec ne dise: On ferme les lumières,
on enlève nos frigidaires, on enlève les systèmes d'air
climatisé, on enlève tout. À un moment donné, il va
falloir faire le développement. On devrait peut-être penser
à dire: Tant qu'à le faire, l'eau coule. Ce n'est pas de
l'énergie que... On ne vole rien, on ne prend pas du nucléaire.
L'eau coule, de toute façon. Donc, plus vite on développe, plus
vite on va avoir des retombées de cet argent-là. Si le
gouvernement prenait la différence de coûts entre les ventes
d'énergie, entre l'exportation et le local et se créait un fonds
de recherche et de développement pour deux fins, créer des
nouveaux équipements environnementaux et aussi, peut-être,
créer l'après-nucléaire. Parce que, au Québec, je
ne crois pas qu'on connaisse le nucléaire. On ne le connaîtra
jamais. Sauf que, dans 50 ans d'ici, nos enfants vont connaître
l'après-nucléaire. Et si on développait ce qui va venir
après le nucléaire, ici au Québec, peut-être qu'on
pourrait être les leaders mondiaux, à la place d'être
toujours à la remorque des autres. Prendre la différence de
coûts entre la vente d'énergie et s'en servir pour
développer quelque chose pour les générations futures.
C'est tout. C'est une idée que je lance.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: J'allais vous dire... En vous écoutant, en
écoutant les réponses et les questions qu'on vous posait, j'avais
l'impression que votre conception des affaires, c'est une conception
très moderne, au fond, qui correspond à tout le marché
mondial. On voit par l'expérience que vous avez, l'expertise... Et votre
dernière recommandation, suggestion, je pense, en fait foi. Vous
êtes déjà rendus à l'après-nucléaire,
et
c'est la première fois qu'on entend parler de ça ici.
Alors, c'est dire que cette commission, je pense, nous apporte quand même
des idées nouvelles et nous aide à faire ce cheminement qui
était nécessaire, je pense, à ce moment-ci de notre
histoire. Et nous sommes obligés, je pense bien, de faire en sorte que
toutes ces étapes que nous allons traverser au cours de cette commission
parlementaire, où il est difficile de faire des nuances - je pense qu'on
est tous d'accord avec ça. Mais quand même, c'est vraiment une
conception moderne des affaires que vous avez et qui est un ajout important aux
discussions qu'on a déjà eues ici à cette commission. Et
je pense que votre dernière suggestion, on va aussi la transmettre
à Hydro-Québec. Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie les représentants de ABB, Asea
Brown Bovery, de leur importante participation à ses travaux et, compte
tenu de l'heure, nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures, dans la
même salle. Je vous remercie. Bonne nuit.
(Fin de la séance à 22 h 9)