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(Neuf heures quatorze minutes)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais, s'il
vous plaît, à chacun de bien vouloir trouver un siège. Il
devrait y en avoir suffisamment.
Je demanderais aussi votre collaboration. On veut entendre surtout ceux
qui sont à la table des témoins, non pas ceux qui sont dans la
salle. Ça va nous permettre de mieux nous comprendre. Alors, si on
pouvait s'entendre pour ne pas parler, ça nous aiderait beaucoup. Est-ce
qu'on peut inviter M. le ministre à venir nous rejoindre, parce qu'on
commencerait nos travaux dans quelques instants?
La commission de l'économie et du travail siège
aujourd'hui afin de procéder à des auditions publiques, te! que
prévu à la motion qui a été inscrite à
l'article 68 du feuilleton de l'Assemblée, hier. Donc, nous
procéderons à l'audition des organismes suivants, et ce, dans
l'ordre ci-après indiqué; la durée de l'audition de chaque
organisme étant d'une heure.
La première association, c'est l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, l'AECQ; la deuxième, ce sera la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la
FTQ-Construction; ensuite, le Conseil provincial du Québec des
métiers de la construction, la Confédération des syndicats
nationaux, CSN-Cons-truction, et le Syndicat de la construction de la
Côte-Nord de Sept-îles inc. Ce sera l'ordre dans lequel... M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: J'ai vu entrer le président de la CSD, je
pense. Dans la loi, je pense qu'il y a cinq parties représentatives.
Qu'est-ce qui justifie dans la convocation que le Syndicat de la
Côte-Nord soit inscrit et que la CSD ne le soit pas?
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre,
avez-vous une réponse à cela?
M. Séguin: Oui, en fait, c'est simplement une
formalité. On aurait pu, techniquement peut-être, exclure
même le Syndicat de la Côte-Nord, parce que c'est l'association
représentative et, en vertu de notre loi, la notion de
représentativité est au minimum de 15 % pour procéder.
Donc, on aurait pu procéder autrement, mais ça s'est fait comme
ça. Il n'y a pas de problème. De toute façon, la CSD est
ici, je pense.
M. Chevrette: Oui, j'ai cru la voir.
M. Séguin: Je comprends que, par une certaine entente, un
autre groupe aussi, sur la suggestion de vous-même, pourrait être
entendu tantôt, à l'amiable, quelques minutes.
M. Chevrette: Comme d'habitude, M. le ministre, à
l'amiable.
Le Président (M. Bélanger): À l'amiable, on
va bien s'entendre. Est-ce qu'il y a des remplacements, ce matin, à la
commission?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a
un remplacement: Mme Marois (Taillon) est remplacée par M. Chevrette
(Joliette).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Il n'y a pas
d'autres remplacements?
Le Secrétaire: Non.
Le Président (M. Bélanger): Alors, on m'avait
informé qu'il y aurait des remarques préliminaires avant de
commencer les travaux. Alors, j'inviterais donc M. le ministre, dans un premier
temps.
Remarques préliminaires
M. Séguin: Oui, merci, M. le Président. Quelques
minutes, bien sûr, pour, d'une part, souhaiter la bienvenue aux gens qui
assistent aux travaux. Il y a quelques représentants des
différents intervenants. Je veux également souhaiter un bon
exercice à notre commission, ce matin, qui, comme la loi le dit, est un
exercice obligatoire. La loi stipule, à son article 51, que, dans le cas
où le décret est prolongé... et je dois dire que le
décret est obligatoire dans tous les cas.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je
m'excuse de vous interrompre. Pouvez-vous vous rapprocher du micro, s'il vous
plaît?
M. Séguin: Oui, je pense que ça va être
mieux. Je disais qu'il faut comprendre, quant au décret, que la question
n'est pas de savoir s'il y a ou non un décret. Les relations du travail
dans la construction, depuis 1969, sont faites par une loi particulière
qui dit qu'il y a une seule convention collective et que cette convention
collective existe, a force de loi que si elle est sanctionnée par un
décret du gouvernement.
La seule différence, c'est s'il y a ou non entente, mais il y a
toujours un décret. Alors, quand j'entends qu'il ne faut pas avoir de
décret ou qu'on ne devrait pas avoir de décret, ça n'a
aucun sens par rapport à la loi actuelle. Donc, je
comprends, cependant, la demande qui a été formulée
et qu'on va peut-être entendre aujourd'hui à l'effet qu'on
n'intervienne pas, qu'on laisse le vide juridique, mais, même si on
laisse le vide juridique et que, par après, il y a une entente, bien, il
va falloir qu'un décret intervienne pareil pour sanctionner
l'entente.
Alors, à défaut d'entente - et je pense que tout le monde
est d'accord pour constater qu'il y a une impasse dans les négociations,
qu'on n'a pas une entente négociée - pour expliquer les travaux
de ce matin, M. le Président, simplement, la loi oblige le gouvernement
ou le ministre du Travail à convoquer la commission parlementaire - ce
qui est fait maintenant et ce qui est la commission actuelle - pour entendre
les parties, non pas, ce matin, pour discuter du contenu du décret, mais
davantage pour entendre les parties sur l'impasse, etc., sur les commentaires
à formuler. Le délai imparti actuellement, c'est le 21 mai, c'est
le délai maximum, à minuit, où expire la convention
collective. Il faut comprendre que c'est la convention collective qui meurt
complètement s'il n'y a rien qui la fait continuer an plus tard le 21
mai à minuit. Donc, ce matin, les parties vont certainement exprimer des
commentaires, je pense que ça va être utile pour peut-être
éclairer davantage l'ensemble des éléments qu'on peut
greffer au décret parce que mon intention est non pas de faire un
décret comme tel parce que le décret doit être là
pour que les conditions de travail existent, comme je le dis, même s'il y
a entente négociée ou sans entente négociée, mais,
à défaut de l'entente, il y a quand même
énormément d'éléments qui ont été
amenés aux tables de négociation, que mon conciliateur m'a
transmis et que les parties, les dirigeants syndicaux et les dirigeants de
l'Association des entrepreneurs ont indiqués. Ça me semble des
éléments intéressants, donc je vais certainement
être extrêmement ouvert pour faire en sorte que les conditions de
travail soient améliorées.
Si je modifie le décret, c'est dans le seul but
d'améliorer les conditions actuelles dans le décret qui existe
maintenant, depuis quelques années, sans aucune modification.
L'année passée, on l'avait extensionné, avec quelques
petits changements, mais rien de très important. Je pense que,
là, on va assister, quand même, à des changements un peu
plus importants, un peu plus intéressants.
Essentiellement, en terminant, M. le Président, je dirai que
l'exercice de ce matin, ça se fait avec beaucoup d'ouverture d'esprit,
beaucoup de souplesse. Il n'y a rien de préconçu, actuellement,
au moment où je vous parle. Je suis très intéressé
à entendre des commentaires, des suggestions et je vous confirme, M. le
Président, mon intention - on pourra en parler un peu plus tard ce
matin, de la façon dont ça se fera - de réformer la Loi
sur les relations du travail dans l'industriede la construction,
dès cet automne, d'une façon publique, formelle, probablement par
la commission actuelle, par la commission de l'économie et du travail,
et je suggère même que ça puisse se faire par un mandat
d'initiative de la commission et même une commission rogatoire à
travers le Québec, publique, pour vraiment, pour une fois, depuis 1969,
faire un travail en profondeur sur cette loi qui mérite d'être
changée, qui a des dispositions, à mon sens, absolument
inacceptables, pour faire renaître, peut-être, un certain rapport
de forces et, deuxièmement, empêcher que le gouvernement soit
toujours tenu, comme c'est le cas depuis 1969... A ma connaissance, il n'est
jamais arrivé d'entente depuis 1969; le gouvernement a toujours
été dans l'obligation de procéder. Je pense que c'est
ça qu'il faut corriger et l'intention est très ferme de ma part,
et comme gouvernement, d'intervenir dès cet automne pour réformer
la loi. Toutes les parties vont être invitées, publiquement,
à y participer. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Je vous remercie, M. le Président. Je serai
très bref pour permettre à mon collègue de dire quelques
mots aussi. Cependant, si on a à vivre ce qu'on vit ce matin, je pense
qu'il y a des responsables. Je suis convaincu que le ministre ne s'attend pas
à ce que je le félicite. Depuis le 6 avril dernier, les
règles du jeu ont été brisées, peut-être de
très bonne foi, mais, à mon point de vue, dès qu'on
annonce au public, dès qu'on dit au peuple québécois que
le décret sera prolongé, comment voulez-vous que les parties
négocient? Comment voulez-vous qu'un patron s'assoit et veuille
négocier? Je pense que c'est l'une des erreurs fondamentales qu'il y a
eues depuis le 6 avril. Il n'y a pas eu de négociations. Il y en avait
eu très peu avant, selon les rapports que j'ai également, mais
depuis le 6, d'une façon plus évidente, il n'y en a pas eu.
D'autant plus que je sais même... Parce que j'ai parlé
à des gens qui ont assisté à une réunion à
Québec dont M. Dion a été témoin; tantôt, il
pourra nous répéter que, comme ils savaient que, vendredi soir,
en parlant d'aujourd'hui, ce serait la fin et que, lundi, il y aurait un
décret, ça n'incitait pas beaucoup à la
négociation.
Donc, les parties, à cause du mécanisme... Je suis content
que le ministre, d'autre part, annonce la révision des
mécanismes. Je pense que c'est important que renaisse un rapport de
forces. Je l'ai dit hier, dans mon exposé en Chambre. Je le
répète ici ce matin; II faut absolument qu'il y ait un rapport de
forces. Sinon, on ne peut pas accumuler les frustrations en négociations
pendant aussi longtemps sans s'attendre à des bouleversements- À
un moment
donné, ce n'est plus la légalité qui va primer,
mais la légitimité de certains gestes qui pourraient être
posés. Ça, c'est de un.
Aussi, je pense qu'il est très naïf... C'est de la
naïveté quasi consommée que de penser qu'on peut
négocier après un décret, quand il n'y a plus de
mécanisme, qu'il n'y a plus de rapport de forces. Surtout, de demander
à quelqu'un de négocier par après, alors qu'il a
refusé avant, ça me surprend que ça fasse des enfants
forts. Je trouve que c'est assez naïf de penser qu'il pourrait y avoir des
négociations après et que ça pourrait conduire à un
contrat collectif de travail. Je pense qu'il faut s'empresser de changer les
mécanismes pour qu'il y ait un véritable rapport de forces et que
les parties puissent exercer, à partir de ce rapport de forces, les
pressions nécessaires pour arriver à certains objectifs.
Dans un premier temps, je me permettrai de dire ça et
sûrement qu'à la fin on pourra échanger certains propos,
parce que j'ai des questions précises à demander au ministre.
Même si l'exercice de ce matin n'est pas pour toucher les contenus comme
tels, il y a des orientations qui peuvent se dégager et aider un
ministre à rédiger un décret correct, un décret qui
tient compte de la réalité, qui tient compte des besoins et qui
tient compte du fait que, depuis 1969, il n'y a pas eu de contrat, comme il l'a
dit lui-même. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Pointe-aux-Trembles, sur la même enveloppe de
temps.
M. Bourdon: M. le Président, il faut souligner que
l'article 51 de la loi dit que, comme règle générale, le
gouvernement peut prolonger ou abroger le décret avec le consentement
des parties. La règle qu'on va appliquer à partir des auditions
d'aujourd'hui, c'est le quatrième alinéa de l'article qui dit:
"Le gouvernement peut aussi, sur la recommandation du ministre, prolonger,
abroger ou modifier le décret sans le consentement" des parties.
Malheureusement, force est de constater que la règle d'exception, qui
est l'imposition, est devenue comme la règle générale par
l'usage. Je pense que dans ce sens-là, c'est une mauvaise tendance. Le
rapport de forces a été faussé quand on a indiqué
aux parties que, de toute façon, il n'y aurait pas de vide juridique et
que le décret serait prolongé. Il l'a été de trois
semaines, jusqu'au 21 mai, et, là, il le sora, nous dit on, pour une
période de trois ans, ce qui est énorme et qui est arrivé
peu souvent, parce que, d'habitude, les prolongations avaient une durée
d'un an.
La dernière, M. le Président, c'est celle du 26 avril
1989, une prolongation d'un an qui avait été consentie par les.
parties et qui comportait une hausse des salaires de 5 % et deux autres
éléments: une étude sur la stabilité du revenu et
de l'emploi dans la construction, c'a été fait par la commission
d'enquête Sexton-Picard, et, également, la garantie d'une
négociation sérieuse, négociation qui n'a pas eu lieu, M.
le Président. Il y a eu un total d'à peu près 50 heures de
rencontres entre la coalition syndicale, qui regroupait la FTQ-Construction, le
Conseil provincial, la CSN-Construction, et les employeurs. En conciliation, il
y a eu un total d'à peine une quinzaine d'heures de rencontres en
direct.
Donc, le constat que l'Opposition officielle fait, c'est que les
employeurs n'ont pas négocié fort parce qu'ils savaient que le
gouvernement prolongerait le décret et, là, le gouvernement va
prolonger le décret parce que ça n'a pas négocié
fort. C'est un cercle vicieux parfait et, dans ce sens-là, je concours
à ce que dit le député de Joliette; on trouve bienvenue
qu'on revoit l'ensemble des règles, mais, tant que le gouvernement aura
comme idée que la construction est sous tutelle, d'une certaine
manière, je pense qu'on n'en sortira pas. Si on doit revoir les
règles, revoyons-les dans le sens de reconnaître que les parties
sont responsables de leur sort.
Le Président (M. Bélanger): Oui Je vous remercie.
M. le ministre, brièvement.
M. Séguin: Oui, si on me permet une petite minute de
commentaires ou certains propos, bien cordialement, c'est que le
député de Joliette suggère que le gouvernement aurait dit,
dès le 6 avril, ses intentions. Je m'excuse, mais je ne crois pas que ce
soit le cas. Ce sont peut-être des choses qui sont
interprétées des intentions du gouvernement. C'était la
même chose lorsque le Parti québécois était au
pouvoir. Je pense qu'un gouvernement qui, pendant dix ans, n'a certainement pas
donné l'exemple de ne pas avoir recours au décret, c'est
certainement durant ces années, de 1977 à 1985, où le
gouvernement québécois a été celui qui a eu le plus
recours au décret et, même une fois, sans commission parlementaire
et, cette fois-là, sans augmentation des conditions de travail. (9 h
30)
Alors, je dirais que l'exemple, depuis 1973, est beaucoup plus accablant
du côté de mes anciens prédécesseurs au gouvernement
qui, jamais, n'ont passé à côté du décret. Je
suis étonné de les entendre, dans leur discours, suggérer
le vide juridique qui, à ce stade-ci, suggère la grève. Je
suis étonné d'entendre ces propos de parlementaires qui
souhaiteraient presque qu'on laisse un rapport de forces, ce qui veut dire soit
grève ou lock-out se faire pour régler un problème, alors
que, jamais, dans le temps de ces années-là, entre 1977 et 1985,
ils ne l'ont eux-mêmes suggéré, peut-être avec raison
parce qu'il y a des conséquences extrêmement graves à
laisser des parties s'affronter. Je ne pense pas que c'est dans
l'intérêt des parties non plus de
souhaiter soit des grèves ou des lock-out.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre,
brièvement...
M. Séguin: Oui.
Le Président (M. Bélanger):... parce que je pense
que l'objet, ce matin, c'est d'écouter nos invités et non pas
d'échanger.
M. Séguin: Oui. Je termine là-dessus, parce que
c'étaient des petites remarques préliminaires; je veux juste
terminer là-dessus et on n'en parlera plus. Je pense que le sens,
effectivement, du travail maintenant, c'est non pas de savoir s'il y a un
débat sur le décret ou quoi que ce soft, mais d'en arriver
à des conditions de travail des plus intéressantes, des plus
complètes, et c'est l'esprit qui m'anime, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous
remercie.
M. Bourdon: M. le Président, juste..
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement.
M. Bourdon: Très brièvement.
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement, parce que ce n'est pas ça, ce matin, qu'on doit
faire.
M. Bourdon: Nous ne souhaitons ni grève ni lock-out dans
la construction. On souhaiterait que commence une vraie négociation et,
d'autre part, le vide juridique a existé de 1979 à 1980.
Ça a fini par une convention collective entre les parties, qui est
devenue une grève.
Le Président (M. Bélanger): Oui, mais je ne
voudrais pas que ce soit un jeu de réponses partisanes ce matin. Une
voix: Loi spéciale.
Auditions
Le Président (M. Bélanger): On a la Chambre pour
faire ça; c'est la place pour ça. Ici, ce matin, on entend nos
invités. J'appelle le premier groupe, l'Association des entrepreneurs en
construction du Québec, f'AECQ. Si vous voulez vous approcher de la
table des témoins.
Bonjour, messieurs.
Une voix: Bonjour.
Le Président (M. Bélanger): Pour vous expliquer un
peu nos règles de procédure, ce sont les règles
habituelles des commissions parlementaires. Vous avez 20 minutes ferme pour la
présentation de votre point de vue. Par la suite, il y a une
période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier
temps, je souhaiterais que vous identifiiez vos porte-parole, présentiez
votre équipe et présentiez votre point de vue. Nous vous
écoutons.
Association des entrepreneurs en construction du
Québec (AECQ)
M. Julien (Roméo): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, il me fait plaisir, en tant que président
de l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, de vous
présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, Me Michel
Dion, directeur général, qui va certainement vous donner le plus
de compléments de réponse aujourd'hui; M. Jean Perron,
vice-président; M. Réjean Cloutier, membre du conseil
d'administration et aussi du comité de négociation; M.
André Drouin et M. René Malo.
On a fait pas mal de commentaires jusqu'à maintenant. On a eu
beaucoup de discussions. C'est M. Dion qui va prendre la parole à ma
place.
Le Président (M. Bélanger): Vous m'excuserez, je
n'ai pas entendu le nom du dernier monsieur au bout.
M. Julien: M. René Malo.
Le Président (M. Bélanger): O. K. Vous-même,
votre nom, c'est?
M. Julien: Roméo Julien.
Le Président (M. Bélanger): Roméo Julien.
Vous pouvez procéder maintenant.
M. Dion (Michel): Bonjour messieurs, bonjour M. le ministre, M.
le Président. Je pense qu'avec ce qu'on vient d'entendre, ce que vous
vous disiez entre vous, on est ici plutôt pour essayer de vous expliquer
pourquoi on n'a pas réussi à s'entendre dans la construction,
plutôt que d'essayer de faire un récit de données
statistiques de ce qui a pu se passer antérieurement à la
présente négociation.
Je me permettrai, peut-être, comme petit préambule en
passant, de souligner ceci, c'est que si, dans un élan, vous avez
mentionné qu'il n'y a jamais eu de négociations qui ont
donné d'entente signée dans l'industrie de la construction, du
même coup, j'ai entendu M. Bourdon, que je connais bien, mentionner qu'en
1979-1980 les parties, à la fin de cette période de vide
juridique, ont signé une convention. Je lui sais gré d'avoir
reconnu qu'au moins une fois il y a eu une entente négociée. Il y
a eu, en 1986 également, une entente négociée; il y en a
eu une également en 1979 et aussi en 1976. Je veux
vous faire remarquer que, pour nous, de passer par des processus de
conciliation ou des processus d'intervention des ministres en place ne nous
apparaît pas être une procédure anormale dans une
procédure de négociations pour autant qu'on arrive, au bout de
ça, à faire une entente entre les parties et à signer.
Pourquoi, cette année, on n'est pas capable d'atteindre ce
niveau-là?
Nous sommes la partie qui avons demandé, dans la présente
négociation, la nomination d'un conciliateur, parce que notre
inquiétude était assez grande face au déroulement des
négociations. Nous avions nettement l'impression que la lourdeur de
cette négociation provoquait, effectivement, un danger imminent qu'on ne
puisse pas arriver en temps, le 30 avril, avec une entente
négociée. Quoi qu'en pensent certains individus, on a
approuvé une négociation par table de métiers; ça,
ça implique 23 métiers et occupations et ça a donné
lieu à 19 tables de travail plus une table centrale. On a reçu de
la partie syndicale, au mois de juillet, quelque chose comme à peu
près un pied d'épaisseur de documentation de demandes syndicales.
Je pense qu'il n'y a à peu près pas un seul article de notre
décret actuel qui n'a pas été mis en jeu, soit par la
table centrale, soit par les tables particulières. Ce
processus-là a provoqué que nous avons dû consulter une
foule de gens. On a tenu au-dessus d'une centaine d'assemblées, soit au
niveau de nos employeurs par métier, soit au niveau de nos employeurs
par secteur, soit au niveau de nos employeurs par région. Le
déroulement de ces assemblées-là de consultation et de
coordination de notre négociation, évidemment, était
absolument nécessaire avant de s'en aller à la table, de
façon à ne pas se retrouver à créer soit des
précédents ou des injustices dans la négociation. Nous
avions à répondre à des demandes qui pouvaient être,
effectivement, semblables à différentes tables de métiers.
Nous avions aussi des demandes qui pouvaient s'entrecouper entre les tables et
qui pouvaient, également, avoir une influence face à la table
centrale. Or, il y a eu un travail énorme de préparation de cette
négociation.
Outre ça, nous avons commencé des négociations
à des tables particulières. De penser qu'il y a eu peu de travail
de fait, il faut quand même reconnaître qu'il y a 19 tables qui ont
travaillé, qu'il y a eu cinq rondes de négociations, ce qui veut
dire au moins une centaine de rencontres qui duraient en moyenne à peu
près, on pourrait dire, une journée chacune, et toutes ces
tables-là ont travaillé durant ce temps-là. J'avouerai,
effectivement, que le travail n'a pas avancé de la même
façon à toutes les tables. Certaines tables particulières
ont tenté d'arriver à un règlement, ont forcé la
négociation, ont échangé et ont travaillé dans le
sens de conclure une entente en temps voulu, pour arriver pour le 30 avril. On
a constaté - j'inclus là-dedans la période d'extension du
21 jours - qu'aujourd'hui il y a au-dessus d'une dizaine, d'une douzaine de
métiers ou d'occupations qui ont accepté de faire le jeu de la
négociation, de faire les échanges et de faire des ententes avec
la partie patronale, satisfaisant ainsi environ, au moins, on peut
présumer, actuellement, peut-être une vingtaine de milliers de
travailleurs impliqués dans ces métiers. Nous savons, à
l'heure actuelle, qu'il y a plusieurs autres métiers - quand je dis
plusieurs, ce n'est pas un, c'est plus que deux ou trois - qui seraient
possiblement proches de trouver un terrain d'entente. Mais j'ai comme
l'impression que, pour les mêmes raisons que la table centrale, on ne
peut pas arriver à une entente. Et quelles sont ces raisons-là
pour la table centrale? Nous, on pense que notre négociation, qui
était une négociation très compliquée, très
difficile avec toutes ces tables de métiers et cette table centrale, il
y avait un écueil majeur dans cette négociation-là,
c'était l'éventualité d'un rapport Picard-Sexton.
Évidemment, je n'ai pas envie de discourir ici sur le rapport
Picard-Sexton; j'ai comme l'impression qu'un jour ou l'autre on aura l'occasion
de le faire. Je suis obligé de vous dire que, selon des
déclarations mêmes de la partie syndicale et des agissements
évidents de la partie syndicale, il n'y a rien qui pouvait avancer tant
et aussi longtemps que le rapport Picard n'était pas connu,
n'était pas sur la table. On a entendu des déclarations
syndicales à savoir: On ne signera rien tant qu'on n'aura pas
réglé le problème de la sécurité d'emploi et
de revenu. Or, la sécurité d'emploi et de revenu, c'est le mandat
de la commission Picard-Sexton.
Alors, on veut bien penser que les efforts de négociation peuvent
être faits, mais quand on a en face de nous une partie qui,
effectivement, n'a pas l'intention de signer ou de conclure, c'est assez
difficile de faire avancer une négociation. Nous, rendus au 20 avril ou
vers le 20 avril, on a pensé, à ce moment-là, qu'il y
avait peut-être moyen de faire faire un pas rapide, un pas de
géant à la négociation. On a déposé à
la table centrale, dans un premier temps, une proposition globale essayant de
répondre ainsi à la plupart des demandes de la partie syndicale
et de répondre, pas nécessairement affirmativement, mais d'une
façon raisonnable dans les cas où on pouvait avoir un mandat pour
donner des choses et pour donner une réponse claire et nette à la
partie syndicale sur ces autres demandes qui se trouvaient dans la brique de
demandes syndicales du mois de juillet.
Lors du dépôt de cette proposition, la partie syndicale,
sous prétexte qu'on avait mentionné que notre proposition
était bâtie dans l'intérêt des travailleurs, a
quitté la table de négociation sous prétexte d'aller
consulter les travailleurs. Ça a eu comme conséquence,
évidemment, qu'entre le 20 et le 30 avril, il n'y a eu aucune, aucune
discussion entre les parties, aucun échange. Jamais, en aucun temps, on
a eu
l'occasion, durant cette période, d'avoir une réponse sur
la proposition qu'on avait mise sur la table. Je pense que ce n'est
certainement pas une démonstration d'une volonté de
négocier On peut interpréter ça comme un manque de mandat
du côté syndical, mais je pense que ça ne peut pas
être ça parce que la partie syndicale était en mesure de
conclure, à ce moment-là, des ententes aux tables
particulières, donc elle avait un mandat autant aux tables
particulières qu'à la table centrale. Je pense qu'elle a tout
simplement cherché à écouler le délai jusqu'au 30
avril, de façon à s'approcher le plus possible d'un
dépôt éventuel de la commission Picard-Sexton, objectif
qu'elle maintenait dans la présente négociation.
Quant à la prolongation qu'a imposée le ministre, je dois
vous dire qu'on n'était proba-blement pas plus d'accord que la partie
syndicale. Du moins, on n'était pas d'accord avec cette prolongation
pour des raisons économiques évidentes. C'est que
déjà, depuis un certain temps, nos employeurs subissaient des
pressions sur les chantiers. Il y avait des arrêts de travail, des
arrêts de production, la conduite de travailleurs, sur les, chantiers ne
favorisait pas la vie économique sur les chantiers. Alors, on
était obligés, à ce moment-là, de
procéder... Les employeurs étaient obligés de
procéder, à ce moment-là, soit à des mesures
disciplinaires ou à des mises à pied de leurs travailleurs. Or,
il y avait un coût économique énorme qui était
engendré sur les chantiers de construction. Il y avait, effectivement,
dans notre esprit, la possibilité d'un vide juridique, mais un vide
juridique, évidemment, dans notre esprit, ça veut dire
peut-être une intensification de ces moyens de pression et une
intensification des pertes qui sont subies économiquement dans
l'industrie de la construction.
Quand le ministre a annoncé, à partir de là, qu'il
faisait une extension de 21 jours en vue de favoriser un échange entre
les parties et que nous, on a compris qu'au bout des 21 jours, si on
n'était pas rendus à signer un décret, il y avait des
possibilités qu'il fasse une intervention, on a pensé que
l'occasion était peut-être excellente, à ce
moment-là, pour reprendre la négociation ou pour reforcer de
nouveau la négociation. On s'est présentés, à la
demande du ministre et du conciliateur - et je vous souligne que c'est nous qui
avions demandé un conciliateur dans le portrait pour essayer aussi de
débloquer les. négociations - le 30 et on a mentionné,
à ce moment-là, qu'on était prêts à
négocier de bonne foi et à faire avancer le dossier, mais qu'au
minimum, ce qu'on exigeait, c'était d'avoir une réponse sur la
proposition qu'on avait mise sur la table, non pas une proposition en disant:
On l'a présentée et les membres l'ont refusée, point,
ça finit là. Je pense que, dans l'ampleur de la
négociation qu'on conduit dans l'industrie de la construction, c'est
plus important que de dire: On l'a regardée et ce n'est pas le "fun". Je
pense que ça mérite beaucoup plus que ça. Ça
mérite des prises de positions claires vis-à-vis des choses sur
lesquelles on avait fait des propositions. Je pense que ça
méritait de nous dire: C'est suffisant ou c'est insuffisant, ou: Vous en
avez donné assez ou vous n'en avez pas donné assez, de
façon que les parties puissent ajuster leur tir.
Après plusieurs tractations du conciliateur, la partie syndicale
a accepté de faire une contre-proposition. Je pense qu'il n'y a pas eu
de pressions pour obliger la partie syndicale à nous donner une
réponse; du moins, on ne pense pas qu'il y ait eu des pressions
suffisantes pour l'obliger à donner une réponse et, à ce
moment-là, on s'est retrouvés avec une contre-proposition.
Là, je dois vous dire honnêtement que, pour nous, le dossier s'est
sérieusement gâté. La partie syndicale a tout à coup
saisi certaines concessions, une vingtaine peut-être de petites
concessions qui pouvaient exister dans notre document et, à partir de
là, nous a ramené sur la table exactement la même position
qu'au mois de juillet, aucun avancement dans le dossier, aucun geste de
négociation, ce qu'on appelle laisser aller un peu de "loose" de
façon que le dossier avance. La partie syndicale a tout simplement
maintenu ses positions du mois de juillet. Alors, on imagine qu'à ce
moment-là c'était difficile de penser qu'on avançait dans
la négociation. (9 h 45)
Devant le fait, nous nous sommes tournés de bord. On a
déposé une offre globale finale et on a dit: Bien, à ce
moment-là, ça a l'air assez évident que, si la partie
syndicale revient au mois de juillet, elle n'a pas l'intention de
négocier, il est possible que ça prenne le rapport Picard pour
les amener à faire une table de négociation. Le rapport Picard
n'étant pas sur la table, le 21 mai approchant, éventuellement,
c'est sûr et certain qu'on ne laissera pas l'industrie de la construction
sauter en l'air et le trouble économique se répandre, alors on
pouvait s'attendre à ce qu'il y ait une intervention du gouvernement,
c'est évident.
Notre position, évidemment, a été critiquée
par la partie syndicale en disant qu'on n'a pas mis l'accent très fort
sur la négociation. Je vous rappelle et je vous souligne qu'on a
négocié, actuellement, avec 11 tables de métiers. On a
l'impression que ces 11 métiers-là ont fait le jeu de la
négociation. On a l'impression que ces gens-là, qui
représentent environ 21 000 salariés dans l'industrie de la
construction, ont été chercher, par la négociation
intelligente et de bonne foi, des conditions de travail propres à leur
métier qui vont probablement être intéressantes dans les
prochaines années. Je pense que c'était le système avec
lequel nous, on était prêts à vivre.
Le système d'une négociation par métier n'est quand
même pas étanche au point qu'on
peut prétendre qu'on pourrait opter pour une telle solution dans
toutes les négociations parce qu'il reste, évidemment, des
métiers qui sont beaucoup plus gourmands que les autres, qui ont
tendance à attendre de voir ce que les autres ont pour essayer d'avoir
un peu plus que les autres. Cette négociation par métier, si elle
était acceptée, jusqu'à la limite, par chacun, je pense
qu'elle ne devrait pas se faire en disant: Si l'autre a eu ça, moi, je
veux avoir ça. Une négociation par métier, c'est: chaque
table règle son problème.
Le problème, à l'heure actuelle, c'est qu'il y a des
tables, dans un cas, qui ne veulent pas régler, puis, dans d'autres cas,
qui attendent de voir ce que les autres vont régler. C'est sûr
qu'il n'y a pas moyen de fermer des tables de métiers dans ce
scénario.
En gros, on considère - et je vous donne ça
peut-être un peu comme finale parce que, possiblement, on peut passer
à une période de questions - que le système des relations
du travail, à sa face même, dans l'industrie de la construction,
actuellement, a certains avantages. Évidemment, il y a des lacunes
possiblement à corriger et, quand M. le ministre a mentionné
qu'il fera une commission ou une revue de la loi, c'est sûr et certain
qu'on ne peut pas être contre cette possibilité-là. Sauf
que, si c'est une réforme dans le but de tout chambarder le
système, de recommencer à zéro, j'ai comme l'impression
qu'on va tout simplement recommencer à zéro comme on a
commencé en 1969 et qu'on va tout simplement refaire un autre 10 ans
d'expérience avec pas de possibilité d'être capables
d'avoir un système stable pour régler nos problèmes.
Nous considérons qu'il y a une bonne partie du système qui
est bon à l'heure actuelle. Ce qui est bon, théoriquement, je
pense, réellement, pour nous, c'est ceci. C'est que la
négociation globale est difficile. La négociation sectorielle de
toute l'industrie ensemble est très difficile. Par contre, elle a
l'avantage suivant: C'est qu'après ces quelques mois ou ces quelques
semaines de difficultés par lesquelles il faut passer je pense que
l'industrie se retrouve dans une période de calme. Ce n'est
peut-être pas le cas quand on se retrouve avec des décrets courts
d'un an. Mais, quand on se retrouve avec un décret de trois ans,
normalement, ce qui est le cas, je pense qu'on vit avec au moins deux ans et
demi, deux ans et trois quarts de paix dans l'industrie de la construction.
Ça, c'est intéressant et ça, c'est envié par
d'autres gens qui ont à faire des relations du travail dans la
construction.
Il faut que vous vous rappeliez que notre industrie est composée
d'un ensemble de métiers. Si un jour on imagine qu'on peut régler
l'industrie de la construction en négociant métier par
métier ou secteur par secteur, je pense qu'à ce moment-là
on va multiplier les troubles actuels peut-être par 23 métiers ou
par 4 secteurs. Nous pensons encore que ce système-là est
bon.
Par contre, ça fait des années qu'il n'y a pas eu de vote
dans l'industrie de la construction. Ça, je pense que c'est
peut-être de nature à créer des distorsions de
représentations syndicales. Je pense que ça fait des
années qu'on est obligés, du côté syndical, de faire
des mariages de raison, parce qu'on a assisté cette année
à un mariage de raison pour faire la négociation. Nous avons
l'impression, que ça choque ou pas, que si nous avions eu à
négocier avec le Conseil provincial international, nous aurions pu
signer une convention collective.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Non, non, non. S'il vous plaît! Nous ne pouvons... S'il vous plaît!
Aucune manifestation ne peut être acceptée dans la salle. Ce sont
les règles de notre Parlement. Même si tout le monde se
réjouit et est heureux d'une chose, on ne peut pas le manifester, pas
plus, à l'inverse, quand on est en colère. Je demanderais, s'il
vous plaît, votre collaboration à cet égard. C'est
très important pour que démocratiquement chacun puisse s'exprimer
à la valeur de ses opinions et qu'il soit bien écouté. Je
vous remercie de votre collaboration. M. le ministre.
M. Dion: Pour être suffisamment bien
interprété, je suis convaincu, je pense que les autres centrales
syndicales, en adoptant une attitude qui aurait pu être semblable
à celle du Conseil provincial, c'est-à-dire de négocier la
négociation pour la négociation, et non pas négocier avec
la commission Picard en arrière, je pense que les autres centrales
pourraient et auraient pu également arriver à un
règlement. Je cite, à titre d'exemple, et on a signé aux
tables avec les autres centrales syndicales qui, elles, ont tout simplement mis
de côté le problème qui était latent devant la table
centrale.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, s'il vous plaît.
M. Dion: Pardon?
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure. Les 20 minutes sont écoulées.
M. Dion: Si ça fait votre affaire, j'ai fini.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Alors, M. le ministre.
M. Séguin: Brièvement...
Le Président (M. Bélanger): Juste auparavant, M. le
ministre, on s'entend pour la règle de l'alternance. Cinq, six minutes.
Cinq, six minutes. D'accord.
M- Séguin: Très brièvement, je vais demander
au représentant de l'AECQ, peut-être à son
président... j'ai confirmé tantôt l'intention de
réformer le processus. M. Dion vient de dire que, bon, il y a des bons
côtés, mais il y a des aspects qui sont peut-être à
revoir. Alors, dans ce processus, à l'automne, dans cet engagement
très ferme de revoir la Loi sur les relations de travail dans la
construction, est-ce qu'il y a déjà, semble-t-il à vous,
des éléments sur lesquels plus précisément vous
aimeriez qu'il y ait des changements ou des modifications ou déjà
des suggestions, ou est-ce que c'est trop prématuré dans l'ordre
des choses?
M. Dion: M. le ministre, c'est prématuré.
Peut-être que vous me prenez un petit peu par surprise. Mais si on va
ramasser nos vieux mémoires qu'on a faits depuis quelques années,
je pense que vous ne faites que raviver nos envies de quelques années.
On a déposé énormément de choses là-dessus.
Je vous le soulignais tantôt, entre autres, le vote. Je pense que la
question du vote syndical, c'est quelque chose. Je pense que, également,
un vote de tous les travailleurs face à une proposition patronale, il
faut trouver le moyen que les travailleurs se prononcent quand il y a des
propositions qui sont venues sur la table
Du côté patronal, je vous ferai remarquer que
l'association, nous n'avons aucun droit de conclure une convention sans avoir
fait le tour de tous nos employeurs de tous les secteurs dans toutes les
régions de la province. On ne voit pas la même obligation du
côté syndical. C'est une question de règle interne. Et ce,
je pense que si on s'adressait, dans un vote à tous les travailleurs
pour les faire se prononcer, c'en est des choses, je pense, qui peuvent
être réglées. Je ne veux pas aller refouiller dans tous les
mémoires. Je peux vous dire que c'est une chose de rien pour nous autres
de relever toutes les recommandations qui ont pu être faites.
Le Président (M. Bélanger): Voulez-vous continuer
encore?
M. Dion: Non, moi ça va.
Le Président (M. Bélanger): Non? M le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, c'est l'Association des
entrepreneurs qui a demandé l'intervention d'un conciliateur. Je me
demande, Me Dion, si vous ne pourriez pas nous dire un peu quel travail vous
avez fait avec le conciliateur pour tenter d'arriver à une entente?
M. Dion: Effectivement, je pense que les gens ont peut-être
une mauvaise vision de ce qui a été fait exactement. C'est que le
conciliateur est intervenu et, quand on lui a demandé d'in- tervenir, on
lui demandait d'intervenir au niveau de la table centrale. Parce qu'à ce
moment-là, notre sentiment, et je pense que c'est un sentiment qui
devait être partagé à certains niveaux, nous avions un
sentiment que les tables particulières opéraient. Donc, la
présence du conciliateur, nous avions l'idée de la concentrer sur
la table centrale qui n'opérait pas et qui n'avançait pas. Au
moment où le conciliateur, le travail qu'on s'attendait, on s'attendait
que, sur le dépôt d'une proposition, il mettrait le poids d'une
conciliation pour forcer une partie à donner une réponse à
une proposition. Tout simplement pas se retrouver comme on s'est
retrouvé, que la partie syndicale a ramassé le papier, s'en
aller, et a dit: Salut, je m'en vais voir mes troupes et il n'y a eu aucun
échange.
C'est sûr et certain, M. le député Bourdon, que dans
des négociations comme dans l'industrie de la construction, auxquelles
vous avez souvent participé - et je me rappelle avoir été
à vos côtés plusieurs fois - c'est lourd, c'est difficile,
c'est pas facile. On ne parle pas de négocier pour une petite
boîte avec une quinzaine d'employés. On négocie pour 100
000 travailleurs. Si vous regardez la brique des demandes syndicales et si vous
regardez le mandat qu'on peut développer du côté patronal,
il y en a de toutes... ça va de l'instrument, ça va de mitaines,
de gants, ça peut aller dans des clauses de présentation et des
conditions de déplacement. Il y a de la mobilité. L'industrie de
la construction, vous savez comment est-ce que c'est. Ce ne sont pas des gens
qui rentrent à tous les matins à la même usine, à la
même heure, et qui sont là 360 jours par année. C'est un
bassin de main-d'?uvre mouvant, avec qui les employeurs travaillent. Il y
a un tas d'affaires. Alors c'est lourd la négociation, et on ne peut pas
s'attendre à ce que ça débloque facilement. Alors c'est
sûr que la présence d'un conciliateur, pour nous, dans le
portrait, c'était d'essayer peut-être de commencer à
engendrer le dialogue, mais un dialogue valable.
On était encore, quand on a appelé le conciliateur,
à discuter des clauses, deux jours ouvrables pour un grief ou trois
jours ouvrables pour un grief, les pouvoirs du représentant syndical.
Va-ton le laisser rentrer n'importe quand? On ne le laissera pas rentrer
n'importe quand. Et on était rendu presque au début, je dirais,
du dernier détour de la négociation et on n'avait pas encore
parlé des heures de travail, des taux de salaire, des frais de
déplacement, des indemnités, des primes. Il n'y a rien de
ça dont on avait encore parlé. Et une chose excessivement
importante dont on n'avait pas encore parlé et qu'on avait
déposé sur la table, c'est la définition de construction
résidentielle et construction industrielle. Nous, on veut régler
le problème du résidentiel. Il n'y a rien de ça qui
était discuté. Il ne tombait rien sur la table. Et quand on
mettait une définition, ça c'était mis
de côté et là, on voulait nous parler
d'ancienneté. On voulait nous parler de représentants syndicaux.
Et, honnêtement, assez habilement dans certains cas, ils nous tenaient
là-dedans pendant des séances de temps. Et Dieu sait qu'ils ont
réussi, entre parenthèses, à nous écoeurer.
M. Bourdon: M. le président, vous parlez de la
nécessité que les organisations syndicales, à l'occasion,
consultent leurs membres. Or, de mémoire, je pense que votre
première offre globale a été déposée le 20
avril, vous en avez fait une deuxième pendant la conciliation. Comment
penser que deux propositions globales, dont la deuxième est finale, en
mettant l'exi-v gence de consulter, 100 000 personnes comment penser
que la négociation puisse avancer? Et j'ajoute une autre chose.
Avez-vous tenté, avec le conciliateur, de chercher à trouver de
sa part des suggestions de nature à relancer la négociation? Et,
autre facteur, vous avez parlé des réalités du pluralisme
syndical, et ça a suscité une réaction quand vous avez
choisi de lancer des fleurs à une partie représentative au
détriment des autres, est-ce que vous ne pensez pas,
qu'éventuellement, il pourrait être souhaitable d'avoir une
situation où il y aurait aussi un pluralisme patronal et où les
syndicats pourraient, à l'occasion, choisir tel groupe plutôt que
tel autre?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît.
S'il vous plaît.
M. Dion: C'est assez lourd comme question, mais je vais essayer,
d'abord, de vous dire que la conciliation a commencé, je pense vers le
mois de mars. Alors ça veut dire que la première proposition
qu'on a mise sur la table le 20 avril, le conciliateur était en place.
Alors quand le conciliateur est en place, le 20 avril, et qu'effectivement les
parties prennent la proposition patronale, partent et s'en vont et se retirent,
à ce moment-là, je pense... et qu'ils viennent nous
répondre d'une façon officieuse par les journaux que les membres
la rejettent, c'est sûr et certain, à ce moment-là, qu'on
s'attendait, comme travail de la part de la conciliation - et Dieu sait qu'on
ne vient pas ici blâmer le conciliateur, je pense qu'il a
opéré dans le dossier dans les mesures qu'il pouvait
opérer - d'avoir une réponse sur ces propositions du 20 avril.
(10 heures)
Alors, si on a fait tomber une deuxième proposition sur la table,
c'est qu'on a, à ce moment-là - si vous examinez la
documentation, MM. les députés et M. le Président - c'est
que ie 11 mai quand on a "redéposé" une contre-proposition, c'est
notre proposition du 20 avril, avec un certain nombre d'améliorations
tenant compte de certaines contre-propositions syndicales qui étaient
faites le 4 mai et intégration de toutes les tables
particulières, c'est-à-dire d'une proposition à toutes les
tables particulières. Et, à ce moment-là, nous avons
même offert à la partie syndicale, pour montrer et inciter
à la négociation, que tout règlement aux tables
particulières serait intégré, soit par nous, dans une
entente, ou soit... On demanderait à quiconque ferait un décret
dans la construction d'intégrer les ententes signées.
Effectivement, je sais que ça va vous être souligné. Nous
n'avions aucune objection à ce que les ententes, ce qu'on peut appeler
les mini ententes signées, nous n'avions aucune objection, parce qu'il y
avait eu une négociation honnête et de bonne foi, on n'avait
aucune objection à ce que ces ententes entrent dans un décret ou
dans une convention signée, évidemment, ou dans un décret
imposé, quel que soit le cas. On voulait inciter les gens à faire
de la négociation. C'était notre point de vue.
Les fleurs que j'ai pu donner à la FTQ, au Conseil provincial,
effectivement, je dois vous dire que ce sont des fleurs momentanées. Je
dis, et j'ai voulu le spécifier, que, dans les négociations, il
m'apparaît que le Conseil provincial - dans les 10 ou 11 tables qu'on a
signées - a été un peu plus actif. Honnêtement, je
sais l'explication et je peux vous la dire. Je pense que le Conseil provincial
n'a pas le même intérêt devant le rapport Picard-Sexton que
le restant des autres parties syndicales. Donc, le Conseil provincial
n'était pas, à ce moment-là, enfargé par un refus
de négocier à cause du rapport Picard-Sexton. Alors, c'est
peut-être pour ça qu'ils ont été ouverts et
c'étaient des fleurs momentanées. Je peux vous dire que des fois
ils sont peut-être aussi haïssables que les autres. Mais, moi, je
considère qu'ils sont tous pareils. On est là pour
négocier et ils sont là pour négocier.
Quant à savoir si vous devez jouer ou non au pluralisme syndical,
je veux juste vous souligner que l'industrie de la construction a
été, autrefois, menée, je pense, par un monopole syndical
et un pluralisme patronal et ça a foiré. Excusez le mot, mais
ça a foiré. Aujourd'hui, on a un monopole patronal et un
pluralisme syndical et ça foire. Je peux vous dire que, dans certains
cas, quand je regarde ce qui s'est passé dans le passé, on a eu
des problèmes à arriver à un niveau de négociation,
à un niveau d'entente parce qu'il y avait un problème entre les
parties syndicales.
Je ne vous dis pas que la vraie solution c'est peut-être
monopole-monopole, mais je peux vous dire une chose, c'est que du
côté patronal, on n'a pas de problème à vivre. Du
côté syndical, je trouve qu'ils ont beaucoup de problèmes
à vivre entre eux et ils font souvent des mariages de raison. C'est le
cas dans la présente négociation. Je pense, effectivement, outre
ces mariages de raison, que c'est un droit aux travailleurs au
moins, de temps en temps, de pouvoir voter, réellement voter pour
choisir son syndicat, pas une "votette" comme vous avez dans la loi à
l'heure actuelle; si tu veux changer, tu vas voter. Et les gars, si tu veux
changer, bien, là, ils ne votent pas.
Alors, pour l'industrie de la construction, je pense qu'on devrait faire
comme n'importe quelle organisation, donner le droit et même,
peut-être, avoir l'obligation que les gens votent. Qu'ils aillent voter,
qu'il y ait un vote réel dans l'industrie de la construction. Je pense
que si les travailleurs votent et donnent un monopole, à ce
moment-là, on aura réellement un vrai interlocuteur. En tout cas,
ce n'est pas nécessairement certain qu'on va avoir un pourcentage
à 50 %, mais il y a peut-être une éventualité que
ça arrive. Et peut-être que là vous aurez
réglé le problème.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, je trouve M. Dion fort
habile pour jouer sur la division des parties d'en face.
M. Dion: Bien, M. Chevrette, vous faites ça couramment,
comme bon parlementaire. Je vous écoute et j'aime ça en
maudit.
M. Chevrette: Bien, nous autres, on est divisés, M. Dion,
par un vote, justement, du public et on a un rôle à jouer.
M. Dion: Eux autres aussi.
M. Chevrette: Mais en négociation, à vous
écouter parler depuis tantôt, c'est comme si les méchants
existaient exclusivement dans la même cour et que vous étiez le
plus-que-parfait de l'autre côté.
M. Dion: Vous ne m'avez pas demandé s'il y avait des
méchants de mon bord.
M. Chevrette: Je vais finir ma question, s'il vous plaît.
Merci. Ma question est la suivante: les tables particulières, les tables
sectorielles qui ont eu des ententes, mais pas nécessairement
signées, seriez-vous prêts oui ou non à les respecter? Ce
n'était pourtant pas long comme question.
M. Dion: Je peux vous dire que ce n'est pas votre question qui
m'embête, c'est de savoir jusqu'où on peut être...
M. Chevrette: Jusqu'où la bonne foi peut aller.
M. Dion: Non. jusqu'où on peut être nigaud un peu.
On peut être nigauds. Je dois vous dire ceci, M. Chevrette. Si vous
prenez le document du 11 mai de la partie patronale, vous allez retrouver
là-dedans les ententes et les propositions qu'on a faites à la
table centrale. Vous allez retrouver là-dedans les ententes qui ont
été faites et qui ont été signées à
des tables particulières et vous allez retrouver là-dedans les
propositions qui ont été faites à des tables
particulières, non signées, dans la limite où on avait des
mandats. Tout ça, à notre point de vue à nous, pouvait
être la base d'une entente dans l'industrie de la construction.
M. Chevrette: Mais vous reconnaissez qu'il y a des ententes pas
nécessairement signées qui ont fait l'objet de consensus à
des tables sectorielles.
M. Dion: Bien sûr.
M. Chevrette: Et vous ne seriez pas offusqué qu'un
ministre, compte tenu du fait que ce n'était pas un décret
punitif que recherche le ministre mais bien un décret qui reflète
le plus la réalité... le décret pourrait donc contenir des
ententes, qu'elles soient signées ou pas.
M. Dion: Je ne pense pas que ce soit une question d'être
offusqué. C'est rien qu'une question d'être de bonne foi, comme
vous avez mentionné tantôt. Nous, on a déposé une
offre globale. Si le gouvernement veut prendre notre proposition globale et
faire un décret avec ça, je pense qu'on est en mesure de
respecter notre parole, quoi que vous en pensiez. C'est ce qu'on a
proposé, donc on va le respecter.
M. Chevrette: Je ne fais pas de procès d'intention. Je
vous pose la question.
M. Dion: Oui, oui, mais ça, ça inclut. M.
Chevrette, les propositions non signées. Par contre, il faut
reconnaître ceci. Ce que vous n'avez peut-être pas comme notes,
c'est que les propositions non signées, souvent, ce sont des
débuts de consensus vers une entente. Là, il y a eu un blocage
à la fin. Il est resté quatre ou cinq clauses qui ont
empêché de fermer la table. Mais ce qui est dedans, c'était
quand même un consensus, et on est assez honnêtes, à ces
tables, pour accepter que ces consensus soient dans la proposition. Si vous
voulez prendre notre demande, à ce moment-là, ou notre
proposition, c'est-à-dire du 11 mai et en faire un décret, je
peux vous dire qu'on est là, comme employeurs, pour vous dire qu'on va
le respecter. C'est notre parole et on est de bonne foi.
M. Chevrette: Est-ce que vous croyez qu'il est possible,
après la promulgation du décret, de négocier pour en
arriver à une entente d'une convention collective après, comme le
suggère le
ministre?
M. Dion: Je pense que je n'ai pas compris que le ministre
suggérait ça. Mais si, par erreur, je n'ai pas compris les bonnes
choses, je dois vous dire que je pense que, dans le scénario qui s'est
déroulé, à partir du moment où le gouvernement a
pris comme option, le 30 avril, de nous donner 21 jours additionnels pour
régler, sinon - et ça, c'est peut-être de l'imagination
qu'on a eue - il allait régler à notre place, ça nous a
amenés à mettre nos culottes sur la table. Comme je viens de vous
le dire, dans notre proposition du 11 mai, nos culottes sont dedans. On va
respecter nos culottes. On ne pense pas, à l'heure actuelle, qu'on va
négocier par-dessus ça, parce qu'il ne nous reste plus rien. Je
pense que ce qu'on avait à mettre sur la table est sur la table.
M. Chevrette: Donc, ce serait utopique et naïf que de penser
qu'il peut y avoir une négociation postdécret.
M. Dion: Je pense que ce serait utopique de penser que nous
pourrions négocier par-dessus une proposition globale, finale. Je pense
que ce serait utopique. Ce ne serait quand même pas réaliste non
plus. On a mis notre mandat sur la table.
M. Chevrette: Quant à la révision des
mécanismes de négociation - une petite question et après
ça, je laisserai la parole à d'autres - est-ce que, M. Dion, vous
ne jugez pas important qu'on révise précisément les
mécanismes, tout au moins pour judiciariser, si je me permets
l'expression ou légaliser... Vous êtes avocat, vous allez
comprendre ça Les tables sectorielles sont des tables de bonne foi.
M. Dion: Ce n'est pas reconnu par la loi, M. Chevrette.
M. Chevrette: C'est ça.
M. Dion: Mais on a consenti par protocole.
M. Chevrette: Mais si on délimitait, par exemple, dans une
révision des mécanismes, si on s'entendait pour dire qu'un cadre
salarial et de bénéfices marginaux, ça fait partie d'une
table et qu'on légalisait également un processus de
négociation face à tout ce qui s'appelle conditions de travail ou
conditions accessoires au travail spécifiques de tel ou tel secteur.
Vous avez l'air fermé a priori à ce genre de discussions que vous
a proposées le ministre, avec lequel je suis d'accord, en passant.
Ça n'arrive pas souvent mais je lui dis. Là, c'est vous qui
semblez vouloir... Vous avez un monopole de représentativité.
Vous recherchez un monopole de représentation syndicale pour vos
vis-à-vis. Vous dites: II ne faut pas retoucher pantoute aux
mécanismes existants. Qu'est-ce que ça vous prendrait pour
être satisfaits? Être les seuls à vous parler? C'est
quoi?
M. Dion: Ha, ha, ha! Je ne suis pas sûr que vos
prémisses arrivent à votre conclusion mais, en tout cas, on va
essayer d'y arriver.
M. Chevrette: Bien, en tout cas...
M. Dion: Disons qu'on ne recherche pas le monopole syndical. On a
voulu simplement, vous faire savoir que si le résultat d'un vote donnait
un monopole syndical, on n'est pas antipathiques à une situation qui
pourrait arriver. Nous, on pense que ça pourrait être une solution
où on aurait un vis-à-vis. Donc, je ne recherche pas. Mais je
dis: Si ça arrive, je n'ai pas de problème avec ça.
Pourquoi est-on, dans une certaine mesure, antipathiques à une
négociation qui serait scindée? C'est parce que l'industrie de la
construction, M. Chevrette - vous allez le vivre et tous les gens du
gouvernement vont le vivre - ça veut dire à peu près
quelque chose comme 23 métiers ou occupations dans l'industrie de la
construction. Ça veut dire une négociation par escaliers.
Ça veut dire que, comme on le vit un petit peu, à l'heure
actuelle, que les plus faibles ou les moins forts, disons, à ce
moment-là, vont peut-être avoir tendance à réagir
plus rapidement, mais les plus forts, se sentant réellement plus forts,
vont attendre à la dernière minute. Ce n'est pas évident,
à ce moment-ci, que vous allez avoir une négociation qui sera
mieux faite, plus rapide et qui va régler les problèmes.
M. Chevrette: M. Dion, je vous arrête. Pourquoi de votre
côté ce n'est pas la même chose? Qu'une multitude, par
exemple, d'employeurs du domiciliaire qui contrôleraient votre
association parce que plus nombreux?
M. Dion: Un instant!
M. Chevrette: Qu'est-ce que ça fait par rapport...
M. Dion: M. Chevrette, vous ne connaissez pas l'industrie de la
construction.
M. Chevrette: Le seul privilège qu'on a...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
s'il vous plaît!
M. Chevrette: Le seul privilège qu'on a, M. Dion, c'est de
se faire élire pour venir ici justement poser une question.
Le Président (M. Bélanger): On va
s'écouter.
M. le député de Joliette.
M. Chevrette: La question est claire
M. Dion: Ce n'était pas malin. C'était rien que
pour "joker".
M. Chevrette: Non, non, c'est ça.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
on écoute les...
M. Chevrette: On a croisé le fer à l'enquête
Cliche. Si, de votre côté, votre association est
contrôlée par un groupe d'employeurs, quelle est la
différence entre dire qu'un corps de métier est plus gourmand
qu'un autre corps de métier si un groupe d'employeurs peut bloquer toute
une négociation parce qu'il voit ton objectif? QueHe est la
différence fondamentale? Vous ne pensez pas que c'est regarder ça
avec des oeillères?
M. Dion: Bien non. M. Chevrette, si on arrivait à penser
qu'à un moment donné, un entrepreneur - je le prends à
titre d'exempte - qu'un employeur briqueteur, il n'est que brkjueteur pour
poser des briques sur des bungalows. A ce moment-là, ce gars ne pense
qu'au bungalow. Il ne pense pas à autre chose. Il ne fait rien que
ça. Mais le poseur de briques, il est poseur dans un bungalow. Le
lendemain, il est dans un petit centre commercial. Le lendemain, il pose de la
brique dans l'industriel ou fait une cheminée ou quelque chose comme
ça Les gens se promènent. La sous-traitance dans l'industrie de
la construction se promène d'un chantier à l'autre.
Deuxièmement, l'entreprise générale va où il
y a de l'ouvrage. Généralement, il y a une tendance à une
certaine spécialisation. Un va s'en aller plus vers la voirie, l'autre
plus vers l'habitation. Mais quand tu prends le général, à
un moment donné, tu peux retrouver un gars qui prend de temps en temps
un contrat qui est un contrat de génie, un bâtiment industriel et
un petit bâtiment commercial. Les gens sont mobiles d'un secteur à
l'autre. On ne peut pas scinder l'industrie de la construction en disant:
Là, on va négocier les plombiers habitation. Ce n'est pas de
même, l'industrie de la construction. C'est un global.
En plus de ça, vous êtes dans une industrie où le
métier de plombier dépend du métier de n'importe quel
autre, des 23 autres. Je ne peux pas poser mes tuyaux si je n'ai pas mis du
ciment avant. Je ne peux peut-être pas poser mes fils si je n'ai pas mis
de cloison. Tout le monde est interdépendant. Alors, de penser
régler l'industrie de la construction en la morcelant par morceaux, je
ne pense pas qu'on va régler les problèmes dans l'industrie de la
construction. On va se retrouver.. Faites l'expérience, vous allez voir.
On va se retrouver avec les problèmes qu'il y a ailleurs où ils
règlent les plombiers et, pas longtemps après, ils ont les
charpentiers-menuisiers sur les bras. Après ça, ils
règlent les charpentiers et ils ont les tireurs de joints sur les bras.
L'industrie est toujours en mouvement. Je ne pense pas que ce soit une
solution.
Moi, je vous le dis... Je ne sais pas qui a fait la loi 90, c'est
peut-être... Le Parti libéral l'a faite, c'est peut-être le
Parti québécois qui l'a améliorée. Je pense - et je
vous dis ça, j'en ai un bon bout de fait dans la construction - que la
base du système est bonne, d'une entente pour l'industrie de la
construction. Il y a des bons retouchages à faire dessus parce que je
pense qu'il y a des affaires qui accrochent. Je peux vous en dire, on en avait
parlé à un moment donné, que quand on faisait un maraudage
et qu'un mois après on commençait à négocier, c'est
impossible de marcher de même. Les gars venaient de se lancer des
affaires d'un bord et de l'autre et, après ça, il fallait les
asseoir ensemble pour négocier. Ce n'était pas pensable.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inter romps. M.
le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, simplement sonder Me Dion -
que je connais depuis longtemps - sur une interprétation que les gens
ont dans la construction. C'est que le monopole patronal est tellement immense,
dit-on, que ce qui fait le consensus, c'est de dire non. On dit que dans ce
sens-là, l'AECQ cherchait toujours à avoir un décret du
gouvernement parce qu'à ce moment-là, elle n'a pas à
répondre à ses membres d'aucun compromis Ce qui peut
améliorer le sort des travailleurs, c'est le méchant gouverne
ment qui l'a donné et elle, elle est intacte dans son monopole.
M. Dion: Si je voulais vous donner raison, M. Bourdon, je vous
dirais qu'on n'a sûrement pas toujours dit non. Je refais le
panégyrique de tantôt. On a déjà
négocié des ententes et on a déjà
réglé des ententes. Donc, on n'a sûrement pas toujours dit
non.
Deuxième chose, c'est que nos employeurs chez nous sont quand
même aussi consultés et divisés par secteurs. Il y a quatre
secteurs dans l'organisation. Nos gens aussi sont représentés au
conseil d'administration par régions. Ils sont représentés
par grosseur d'entreprises. Je pense qu'il n'y a aucun conflit. Ne cherchez pas
de bibites. Chez nous, il n'y en a pas. On s'entend, on vit bien ensemble. On
est bien comme industrie. N'essayez pas de démancher celles qui
marchent, pensez à celles qui ne marchent pas. Demandez-vous pourquoi,
à un moment donne, la CSD ou je ne sais pas trop quoi qui,
malheureusement, n'a pas été convoquée ici...
Des voix:...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Dion: ...pourquoi la CSD, effectivement, dit dans les journaux
que la coalition est en train de faire de la foutaise. Ce n'est pas moi qui le
dis, c'est eux autres qui le disent. Moi, je n'ai pas ces
problèmes-là chez nous.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
M. le ministre.
M. Séguin: Moi, j'aurais une très brève
question. À un moment donné, mon collègue, le
député de Joliette, vous posait une question qui m'a
intéressé particulièrement concernant les tables
sectorielles. Effectivement, ce n'est pas dans la loi, mais c'est une entente,
depuis quelques années, plusieurs années, même, où
des tables sectorielles négocient, métier par métier et,
ensuite, il y a une table centrale. Dans l'hypothèse où,
effectivement, il y aurait des négociations de faites, actuellement, aux
tables sectorielles, réglées ou pas, normalement - on pourra
poser la question, aussi, aux représentants syndicaux tantôt -
est-ce que la coalition syndicale, actuellement, ne serait pas
embarrassée par des négociations sectorielles qui ne seraient pas
entérinées à la table centrale? Autrement dit, vous,
à l'AECQ, avez participé à des négociations
à des tables sectorielles, est-ce que ça ne doit pas, aussi,
être entériné avec l'agrément de la table
centrale?
M. Dion: Je pense que c'était ça, le
système. Ce qui se faisait, à toutes fins pratiques, aux tables
particulières devait être agréé, et je ne suis pas
sûr que je vous ai suivi jusqu'au bout.
M. Séguin: C'est parce que le député de
Joliette vous posait la question suivante: Est-ce que, s'il y avait
déjà des ententes à des tables de métier, des
tables sectorielles...
M. Dion: Oui, les tables particulières, O.K., c'est
correct.
M. Séguin: ...des tables particulières, même
s'il n'y a pas eu d'entente globale à la table centrale, la question
était de savoir: Est-ce que vous n'auriez pas d'objection à ce
que le ministre, moi-même, prenne ces négociations aux tables
particulières pour les rentrer dans le décret? Moi, je vous pose
la question: Est-ce que, comme ministre, je ne devrais pas vérifier
auprès de la coalition syndicale, à la table centrale, si eux
sont d'accord avec ça?
M. Dion: Écoutez, je ne vois pas de problème. Vous
avez le droit, c'est vous qui allez le faire, semble-t-il, le décret,
vous devez vérifier où vous pensez que vous devez
vérifier, je n'ai pas de problème avec ça. J'imagine que
la proposition patronale qui est sur la table, actuellement, c'est probablement
au moins quelque chose que la partie syndicale veut et, théoriquement,
ce n'est pas suffisant pour elle parce que, sinon, elle l'aurait signée.
Je n'ai pas l'impression qu'elle va être contre ce qu'il y a dans la
proposition. C'est au moins un début pour eux autres; nous, on
espérait que c'était une fin. Sûrement que si vous voulez
consulter, ils vont vous donner une réponse positive.
M. Séguin: Ça va, merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. Si vous voulez remercier nos invités, s'il vous
plaît.
M. Chevrette: M. le Président, je tiens à
remercier... C'est dommage qu'on n'ait pas plus de temps, j'aurais pu
confronter nos idées sur d'autres points, mais je suis convaincu que
l'occasion se présentera à nouveau.
M. Dion: On va revenir vous voir, c'est à peu près
certain.
M. Chevrette: J'espère que ce ne sera pas pour les
mêmes choses.
M. Dion: Bien non.
M. Bourdon: Je remercie Me Dion et son groupe. Je peux lui dire
que je constate qu'il a toujours toute sa vigueur.
M. Dion: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Séguin: Merci également à l'AECQ pour
l'intervention. Je prends bonne note des commentaires.
Le Président (M. Bélanger): Alors la commission de
l'économie et du travail remercie le groupe de l'AECQ pour sa
participation à nos travaux, ce matin, à cette consultation. Nous
devrons suspendre les travaux quelques instants, M. le ministre doit aller
faire quelque chose d'important. Alors, nous reprendrons les travaux dans
quatre ou cinq minutes en recevant, à la table, la
Fédération des travailleurs du Québec.
(Suspension de la séance à 10 h 19)
(Reprise à 10 h 31)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à
chacun de reprendre sa place, s'il vous plaît. M. le ministre, je vous
inviterais à reprendre votre place, s'il vous plaît, pour qu'on
reprenne
nos travaux sans délai.
La commission reprend maintenant ses travaux. Nous invitons à la
table des témoins la Fédération des travailleurs du
Québec. Vous êtes le représentant de la FTQ?
Fédération des travailleurs du
Québec (FTQ)
M. Lavallée (Jean): Oui, mais j'attends deux petites
secondes, mes deux confrères vont arriver.
Le président (M. Bélanger): On vous donne deux
secondes, si vous voulez les envoyer chercher.
Un instant, j'ai perdu mes deux joueurs principaux. Si on veut vous
entendre décemment, je présume que ce serait mieux qu'ils soient
à leur place. Vous pouvez y aller, si vous voulez présenter vos
porte-parole, votre équipe. Vous ayez vingt minutes pour donner votre
point de vue. Je vous en prie.
M. Lavallée: Merci, M. le Président. Je suis
accompagné du directeur général de la FTQ-Consctruction,
Yves Paré, membre du comité de négociation, ainsi que de
Norbert Henley du local
AMI membre du Comité de négociation. Je suis Jean
Lavallés, président de la FTQ-Construction.
M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission, on
n'a pas eu le temps de faire un mémoire, vous savez qu'on était
en congrès au CTC. On aurait probablement dû se préparer en
conséquence, mais je pense que c'est toujours mieux lorsque ce qu'on a
à dire vient des tripes, sans y avoir trop pensé d'avance.
Pour nous, aujourd'hui, ce n'est pas de gaîté de coeur
qu'on se présente devant cette commission-là. C'est un jour
triste. Cette commission démontre encore une fois l'échec de
notre régime de relations du travail. Pour nous, p'est clair, on n'a pas
droit à la négociation dans la construction. Depuis 10 ans, on
n'a pas réussi à faire de réelles négociations dans
l'industrie de la construction. D'ailleurs, au cours de certaines discussions
avec le ministre, même le ministre nous disait que le gouvernement avait
dû, à 17 ou 18 reprises, intervenir de quelque façon dans
la construction depuis 20 ans. Je pense que, contrairement à l'attitude
patronale, ça démontre clairement que ce
système-là, ça fait 20 ans qu'il est sur pied et il est
drôlement temps qu'on le regarde à nouveau. Au moins, sur ce
point, je suis entièrement d'accord avec le ministre, il va falloir
qu'on regarde de fond en comble notre régime de relations du travail
dans l'industrie de la construction. Ce n'est pas normal, chaque fois qu'on a
à négocier une convention collective dans l'industrie, que la
partie patronale s'assoie toujours sur le fait que je gouvernement va
décréter si on n'a pas d'entente.
On a eu deux fois des négociations: 1976, 1979 Mon
confrère vous parlera de 1986. Il y a eu une entente, mais avec un "gun"
sur la tempe. En 1976 et en 1979, on a eu des ententes et on a eu des gains
appréciables. Pourquoi? Justement parce qu'il y avait eu vide juridique.
À ce moment-là, on pouvait faire notre rapport de forces. Vous
savez, dans n'importe quelle négociation, si on ne peut pas utiliser
notre rapport de forces, on ne réussira pas à aller chercher
grand-chose. Si le rapport de forces qu'on utilise ne porte pas fruit, on n'ira
rien chercher. Il faut que ça fasse mal un peu pour que ça puisse
rapporter quelque chose. Mais dans la construction, chaque fois qu'il y a
quelque "move" que ce soit, on intervient immédiatement et on ne nous
donne pas le droit de négocier.
On met en marche une machine. On fait des assemblées syndicales,
contrairement à ce que l'AECQ dit. On consulte nos membres. La loi est
très claire sur ce sujet. On doit faire des assemblées
spéciales et un vote secret. On a consulté des milliers de
membres. Je ne rougis pas du nombre de membres qu'on a consultés parce
que, si on compare ça avec les assemblées que I'AECQ a - 18 000
employés et elle a de la misère à regrouper le quorum dans
certains cas... Je pense que je n'ai pas à rougir des genres de
consultations que les centrales syndicales, la coalition, a faits pour
consulter ses membres. La même chose lorsque arrive le temps d'accepter
une convention collective, on prend le même processus.
Il va falloir qu'on regarde très sérieusement tout ce
processus. Contrairement aussi à l'attitude patronale qui dit que c'est
très lourd, les tables sectorielles, en 1969. la table sectorielle
existait. La table de 1976 aussi existait et on a réussi à
s'entendre. Au fil des années, dans les autres cas, on n'a jamais
réussi. Je me rappelle - même si j'ai les cheveux gris un peu, je
ne suis pas si vieux que ça - de 1954 à 1970, on avait un
régime de relations du travail. Peut-être qu'il n'était pas
parfait. Vous allez me dire: Vous n'aviez pas, à ce moment-là,
tous les gens qui étaient syndiqués. Mais de 1954 à 1970,
16 ans, il y a eu une grève dans l'industrie de la construction, et il y
avait les métiers qui existent aujourd'hui et les occupations aussi. On
réussissait, avec nos associations patronales du temps qui existaient,
à s'entendre sans aller en grève. Une grève en 14 ans, et
le Conseil pourra le dire, je pense que c'était la grève des
ferblantiers.
Donc, ça démontre qu'on avait quand même un
régime qui fonctionnait peut-être mieux à ce
moment-là que celui qu'on a aujourd'hui. Depuis 20 ans, vous le disiez
vous-mêmes, M. le ministre, 17 ou 18 interventions, je pense que ce n'est
pas normal. Il est grandement temps qu'on puisse regarder à nouveau ce
régime. Ce n'est pas drôle pour vous d'être ici,
aujourd'hui. Vous aimeriez bien mieux qu'on s'entende, qu'on signe, qu'on se
donne la main et qu'on reparte tout le
monde heureux sur les chantiers de construction.
Mais ce ne sera pas le cas mardi. Il y a des chantiers où les
gens ne travaillenl pas; par contre, ce n'esl pas nous qui les avons
fermés, les chantiers. On n'a pas de gens en grève. On a des gens
qui sont désabusés de voir que depuis 10 ans ils ne peuvent pas
réellement exercer leurs droits et c'est de la frustration. Je ne pense
pas que mardi matin, lorsque certains chantiers vont rouvrir, le climat va
être très serein, à moins que le ministre ne signe au bas
de notre convention collective qu'on avait préparée. Je
caricature mais... Il pourrait en enlever un petit peu, mais... Si on nous
impose des conditions de travail, même si c'étaient des conditions
qui sont alléchantes aussi... Je pense qu'il est temps qu'on ait une
vraie négociation et que les parties fassent leur négociation; et
quand on a fini, on se donne la main, on s'en va ensemble sur les chantiers, on
travaille et on produit. Il a été un temps où les
travailleurs de la construction au Québec avaient une très bonne
réputation.
C'est malheureux, tout ce qui se passe aujourd'hui, et je suis convaincu
que, tant qu'on n'aura pas une convention négociée, le climat des
relations du travail dans la construction va être très mauvais.
Ça va "définitivement" se sentir et personne ne va être
heureux. Même s'il y a un décret en cours, il n'y a rien qui
empêche les parties de s'asseoir et de conclure certaines ententes.
À ce moment-là, on les emmène au ministre et le ministre
les met dans le décret. Il y a plusieurs tables qui n'ont pas
réglé leurs conditions de travail. Il y a une vingtaine de
milliers de travailleurs qui ont réglé, à une dizaine de
table; c'est leur privilège, on applaudit ça. Mais il y en a 80
000, 90 000, qui n'ont pas réglé leurs conditions de travail. Je
pense qu'il est temps que ces tables-là aussi puissent avoir
l'opportunité de faire une réelle négociation, à
des tables particulières. Il y a des ententes qui pourraient être
conclues, et vous ferez la vérification avec votre conciliateur. La
partie partronale a dit: Oui, j'ai le mandat de vous donner telle clause, mais
je ne la donne pas, à cause que je vais être obligé de la
donner aux autres. Il a dit ça en présence de votre conciliateur.
Tout ça pour vous démontrer que, tant et aussi longtemps que le
gouvernement va s'ingérer à l'expiration d'un décret et va
dire; On ne peut pas laisser un vide juridique... C'est arrivé à
trois occasions qu'on est allé dans un vide juridique et, dans deux cas,
on a réussi à conclure une entente. Tant que ça ne sera
pas clair, tant qu'on n'aura pas un régime de négociation qui
nous permet d'utiliser nos moyens de pression à un moment donné,
on ne pourra pas avoir d'entente. La partie patronale va s'asseoir en disant,
comme Me Dion disait tout à l'heure: On a mis nos culottes sur la table,
mais des culottes vides en maudit. Elle va laisser le gouvernement trancher et,
après ça, elle dira:
C'est le maudit gouvernement qui nous imposé des choses.
Donc, ça complète la partie que j'avais à vous
dire. Maintenant, Yves Paré va conclure pour la période de temps
qu'il nous reste.
Le Président (M. Bélanger): M. Paré.
M. Paré (Yves): M. le Président, M. le ministre,
MM. les députés, ce qu'on a entendu ce matin, d'abord que le
ministre devait intervenir avant l'expiration d'un décret parce que
c'était un décret, je pense que Jean l'a expliqué. Il y a
eu, au moins à deux reprises, des conventions signées dans des
vides juridiques et il n'y a personne qui est mort au Québec à
cause de ça. En 1986, lorsqu'on dit qu'il y a eu une entente, il faut se
rappeler que le ministre du Travail d'alors avait imposé les conditions
de travail pour trois ans, avec une période de deux mois pour une
entente, sans quoi le décret imposé s'appliquerait sans aucune
augmentation, sans aucun changement. Quand le président chez nous a dit
qu'on a avait un "gun" sur la tempe, ce n'était pas un "gun",
c'était un bazooka. On nous disait. Si, au 30 août, vous ne vous
êtes pas entendus, c'est bien de valeur, la convention est reconduite
pour trois ans. On a effectivement signé une entente et on a
réussi à inclure dans cette petite entente-là de deux ans
qu'il y aurait un comité pour étudier la stabilité du
revenu, qui était le comité Sexton. Alors, ce n'est pas une
entente, c'est du tordage de bras et les deux mains sur la plume pour nous
faire signer. C'est ce qu'on vit depuis au-delà de 10 ans.
On doit ici expliquer pourquoi il n'y a pas eu possibilité d'une
entente. On va essayer d'être... Je suis un type qui, des fois, est
sarcas-tique; je vais essayer de ne pas l'être, M. le Président,
mais il faut qu'on dise clairement la vérité. On dit: Toutes les
demandes, toutes les clauses du décret ont été
demandées comme modifications. Le directeur général de
l'AECQ dit: On a commencé de l'article 1 à la fin. C'est faux.
Dans nos dépôts on avait comme 172 demandes de maintien du statu
quo, des articles, des sections du décret en statu quo. On avait 104
articles du décret de la construction qui étaient en suspens et
on avait 139 refus. Donc, on avait au moins 172 articles de la convention qu'on
ne touchait pas d'une virgule. On sait - et c'est ce que l'AECQ dit - la
lourdeur de la procédures des tables particulières, de la table
centrale. C'est la raison pour laquelle on demande le
démantèlement de l'AECQ et qu'on lui mette d'autres associations
qui vont venir l'aider, parce qu'on sait que toute seule elle n'est pas capable
de le faire, surtout quand elle ne veut pas le faire. Le gros problème
est là.
Quant à la commission Picard, il y a eu un mariage de raison, et
on l'admet, entre les trois associations syndicales. On a été
assez matures pour compléter la demande qui avait été
faite le
26 avril 1989, dans le bureau du ministre, à l'effet
d'entreprendre les négociations immédiatement lors de la
conclusion d'une entente pour une année. On a mis de l'eau dans notre
vin, les trois associations, on s'est entendues, on a signé un
protocole. On avait même écrit dans le protocole qu'il n'y aurait
pas de discussion à la table centrale du comité Picard avant le
dépôt de ce rapport-là. On était en mai 1989. On a
eu tout le loisir, depuis le 15 juillet, de négocier en mettant de
côté le rapport Picard. Effectivement, au milieu d'avril, on a
dit: Si le rapport Picard ne sort pas, parce qu'il devait sortir le 28
février, on ne pourra pas signer le décret de la construction.
Mais il y avait neuf mois de passés. (10 h 45)
Je vais rappeler une déclaration écrite de l'AECQ dans
"Négociation 1989-1990" qui date du 27 octobre 1989. C'est bien avant le
supposé dépôt du rapport et c'est dès le
début des négociations. "Si, théoriquement, les travaux de
la commission et les présentes négociations sont conduits de
façon parallèle, il est difficile de les dissocier en
considération de leur impact éventuel sur la capacité de
l'industrie à offrir des services à un coût abordable pour
le donneur d'ouvrage, qu'H soit un individu voulant se taire construire une
maison, une municipalité qui octroie un contrat d'aqueduc et
dégoût ou une entreprise industrielle qui commande la construe
tion d'une usine. Même si nous considérons inconcevable, voire
inacceptable, que la commission Picard-Sexton puisse recommander au ministre du
Travail d'implanter un régime de revenus garantis financé par les
employeurs à un coût qui ne serait connu que dans le futur, il
serait irresponsable de notre part de ne pas prendre cette hypothèse en
considération dans la négociation des conditions de travail
devant s'appliquer au terme du présent décret. En d'autres
termes, l'AECQ ne peut pour l'instant se compromettre vis-à-vis des
demandes monétaires onéreuses, alors que pend toujours au-dessus
de la tête des employeurs la possibilité d'une charge
financière supplémentaire qui serait imposée par le
législateur. La commission constituera dans une certaine mesure un
handicap sinon un obstacle au processus de négociation mais ce sont les
syndicats et non l'AECQ qui ont demandé la formation de cette
dernière et pour cette raison, ils n'ont pas à être
indisposés par les règles qu'ils ont imposées à la
négociation "
Le 27 octobre, on disait que, tant qu'ils ne sauraient pas ce qu'il y
avait dans le rapport Picard, ils ne pouvaient pas négocier Or, c'est
pas mal longtemps avant nous autres. On n'a pas pu s'entendre, M. le ministre,
pour beaucoup d'autres raisons. Il y a eu toujours l'intervention du
gouvernement, et là, quels que soient les partis politiques dans le
processus de négociation dans l'industrie de la construction. Le 6
avril, il y a eu une déclaration à savoir que le décret
allait se prolonger au-delà du 1er mai. Immédia- tement,
c'était clair que l'Association des entrepreneurs en construction
n'avait plus d'intérêt à vouloir régler une
convention collective de travail. Elle n'en avait pas. Je la comprends Si
j'étais le directeur général de l'AECQ, je ferais
exactement le même processus de négociation: le laisser venir, le
laisser imposer la convention collective de travail, et probablement que le
gouvernement va mettre 4 %, 4,5 % ou 5 %; c'est beaucoup inférieur
à ce qu'elle aurait à donner si elle devait négocier.
Ça, c'est clair et je pense que, comme tactique de négociation,
c'est excellent. On voulait qu'il y ait une main ferme, cette année.
Le 26 avril 1989, quand on a signé une entente, une prolongation
d'un an, il était clair que la négociation devait se faire.
L'AECQ, dans des promesses à n'en plus finir, si les trois associations
étaient là, s'il y avait une majorité
représentative de syndicats, qu'elle négocierait donc de bonne
foi! On a réussi, M. le ministre, à obtenir des réponses
officielles, sur des statu quo demandés et déposés le 14
juillet, le 2 mars 1990. On n'était pas dans la discussion des clauses
d'ancienneté, on était à faire accepter des statu quo
où on n'avait pas de demande. Quand l'Association des entrepreneurs dit
qu'on négociait des choses aussi farfelues que l'ancienneté,
bien, je pense qu'H y a des gens quelque part, qui ont certaines
responsabilités, qui sont dépassés par les années.
En 1990, c'est farfelu de parler de clauses d'ancienneté, de mises
à pied. On ne sait pas où on est rendu. Quand on nous dit, le 27
octobre... et qu'on a refusé jusqu'au 20 avril, lors du
dépôt de la première offre globale patronale, de discuter
des clauses monétaires, on a toujours dit: On met ça de
côté, c'est du monétaire. Quand on vient nous dire qu'elle
a déposé des propositions sérieuses, qu'on nous dit que,
dans une définition du résidentiel, ça devrait comprendre
tout ce qui est au moins 75 % d'utilisation en logements, peu importe la
grosseur des "blocs", 200 logements, 150, 300 logements, ça n'a aucune
importance...
Quand on nous dit que la partie patronale va bien ensemble, qu'eux
autres, Hs s'entendent bien, qu'on nous dit: Pour l'amour du bon Dieu,
donnez-nous une définition du résidentiel, qu'on ferme la gueule
à Orner Rousseau de l'APCHQ. . Bon, on est prêts à
négocier, on était ouverts. Ce n'est pas vrai que ça va si
bien que ça
Les relations du travail, M. le ministre, quand une partie sait que
quelqu'un d'autre va imposer des conditions, et sûrement des conditions
minimales, ils n'ont pas d'intérêt et ils n'en auront jamais. On a
essayé. Quand on dit que le conciliateur qui a été
nommé a essayé de régler des choses, quand la partie qui
dépose un projet global dit, comme explication du projet global, qu'elle
n'a pas de commentaire, je pense qu'il n'y en a pas, de bonne foi. Il n'y en a
pas et, si j'étais à sa place, je jouerais le même jeu.
Quand on demande au ministre, quand on
demande au gouvernement: Laissez le rapport de forces s'exercer... On
comprend qu'il va falloir peut-être trouver un processus de
négociation. Quand on dit qu'un décret de trois ans, ça
met la paix dans l'industrie de la construction... Mais je ne suis pas
persuadé, cette année, qu'un décret imposé de trois
ans va régler les relations du travail au Québec. Vous pouvez
emmener le cheval à la rivière, vous ne le ferez peut-être
pas boire, puis les gars ne rentreront pas au travail de gaieté de
coeur. Et, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas la chance de s'exprimer -
ça fait 10 ans qu'on le dit, ça fait 10 ans qu'on le crie - qu'on
n'aura pas la chance de pas nécessairement viser un affront... Mais
quand une partie sait que quelqu'un va intervenir en temps et lieu, quand on
déclare dans les journaux: Pensez-vous que le gouvernement va laisser
aller le métropolitain en grève? et qu'on est certain qu'il va
intervenir, il n'y a plus aucun intérêt. Je ne les blâme
pas.
Il va falloir, M. le ministre, M. le Président, qu'on fasse des
choses. On est prêts à en faire. Je pense qu'on a toujours
été dans la concertation, on a travaillé là-dedans,
on se rend compte aujourd'hui, après peut-être 10 ans, que la
concertation n'est pas nécessairement rentable pour les travailleurs.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. M. le ministre.
M. Séguin: Oui. Premièrement, mes salutations aux
représentants de la FTQ. On a eu l'occasion de parler beaucoup,
d'échanger beaucoup de propos, évidemment, dans ces derniers
temps. D'ailleurs, je salue aussi leur dynamisme et la vigueur de leur travail.
Je pense que ce sont des gens très convaincus de leurs
représentations.
Peut-être une petite question plus particulière à M.
Lavattée, qui était le premier intervenant. C'est concernant la
possibilité, en fait, même plus la possibilité maintenant,
c'est un engagement de s'engager dans une réforme du système - je
le disais tantôt - sous réserve d'un mandat confirmé par
l'Assemblée nationale avec nos règlements. Mon intention, en tout
cas, c'est de me soumettre à la commission de l'économie et du
travail pour réviser la loi sur les relations du travail de la
construction, dès cet automne. J'étais même ouvert à
une commission publique, rogatoire, même à travers la province, et
ce qui s'est, à ma connaissance, peu fait, mais elle pourrait même
être télévisée pour montrer le sérieux cette
fois-ci de s'interroger sur cette loi, sur ses mécanismes qui me
semblent, m'apparais-sent défectueux sur plusieurs aspects.
Il y a peut-être des aspects qui sont valables, mais il y en a
d'autres qui sont certainement à corriger. Sous l'angle, ce qu'on
appelle le rapport de forces, il me semble, effectivement, que toute
l'histoire, depuis 1969, démontre, semble démontrer en tout cas,
que c'est le gouvernement qui, en l'absence des ententes entre les parties, qui
ne se produisent pas souvent, est obligé, d'une manière ou d'une
autre, de décréter, même des fois, des lois
spéciales. Il y a eu un vide juridique en 1986. C'est le plus
près de nous. Je pense que c'a duré neuf ou dix jours, et cela a
dû se terminer par une loi spéciale.
Est-ce que, M. Lavallée, il apparaîtrait, pour vous - je
comprends que la question est peut-être un peu prématurée,
mais je sais qu'on souhaite une réforme. Est-ce qu'il y a un aspect,
à vos yeux, sur lequel on devrait déjà s'interroger
à l'intérieur de la loi, des mécanismes à corriger
que vous seriez capable d'indiquer à ce stade-ci, dans cette
dénonciation du système que l'on fait tous? Mais, est-ce qu'il
vous apparaît déjà un élément, ou certains
éléments sur lesquels il vous semble que ça n'a pas de bon
sens?
M. Lavallée: C'est clair que nous aussi on va sortir nos
vieux mémoires qu'on a déposés en 1984 et d'autres
mémoires qu'on a déjà déposés concernant la
négociation. Mais il est clair que cette forme de négociation
actuelle, avec uniquement une association patronale unique, qui ne veut pas
respecter les mandats de plusieurs de ses membres, va toujours arriver à
l'affrontement. Je vous disais qu'avant 1969, il y avait une structure. Je ne
dis pas que c'était la structure parfaite, mais ce genre de structure
avait quand même démontré que, durant une quinzaine
d'années, il n'y a pas eu de grève. La loi 290 est arrivée
et quand elle, a été mise sur pied, c'a été bon en
ce sens qu'on a au moins réussi à uniformiser les salaires, que
ce soit pour un travailleur en Gaspésie, à Montréal ou
ailleurs.
Il y a des choses intéressantes qui sont arrivées, mais
lorsque la loi a été mise en vigueur, ce n'était pas le
même processus qu'aujourd'hui. Il y avait les associations patronales qui
existaient et, au fil des années, c'a été modifié
pour créer l'association unique. Ils n'en voulaient même pas; elle
a été imposée, si je me rappelle bien, par le ministre
Johnson.
Donc, il y a des choses à revoir dans ça. Je pense qu'il
va falloir regarder sérieusement les tables sectorielles, puis regarder
les associations patronales pour que, lorsqu'on négocie, on
négocie avec nos vis-à-vis, et qu'ils sachent exactement de quoi
ils parlent. Tant et aussi longtemps qu'on aura ce genre de
régime-là, je ne pense pas qu'on puisse en arriver à des
ententes, à moins, encore une fois, qu'on laisse les forces
s'affronter.
Dans l'industrie de la construction, si on fait une grève et
qu'elle ne fait pas mal, on ne réussira jamais à obtenir des
choses. Au moment où on a obtenu des conditions différentes, des
choses importantes comme le régime de retraite et tout, c'a
été après certains moyens de près-
sfon et certaines grèves qui n'ont pas duré tellement
longtemps. Vous parliez de 1986; après neuf jours de grève, le
ministre est intervenu, mais là aussi il avait dit: Si vous ne vous
entendez pas - je me rappelle - je vais être obligé d'intervenir.
C'a été fini. Dès qu'il a dit ça, la partie
patronale s'est assise là-dessus et elle a attendu que le ministre
intervienne et c'est là qu'il nous a passé la loi spéciale
et qu'il nous a dit: Décret de trois ans, à moins que vous vous
entendiez. On avait deux mois, on s'est entendu. J'ai dit tout à l'heure
que j'avais un "gun" sur la tempe, c'est vrai, ce n'était pas un "gun",
c'était un bazooka. On a été obligé d'accepter.
À ce moment-là même on nous avait promis encore une
réforme pour regarder tout ça, l'industrie de la construction.
J'espère bien que cette fois-ci, M. le ministre, ce sera la vraie
réforme, mais je suis convaincu qu'il faut changer l'association
patronale unique AECQ, puis remettre aux associations le mandat de
négocier, par tables sectorielles.
L'AECQ disait tout à l'heure que c'est lourd. Je connais un petit
moins que vous le régime de la fonction publique, mais il y en a combien
de tables sectorielles à la fonction publique? Et vous réussissez
quand même à conclure des ententes. Ce n'est pas parce qu'il y a
23 tables dans la construction que c'est lourd. 23 tables, moi, je trouve
ça relativement petit C'est très facile d'en arriver à des
ententes quand il y a une bonne volonté, mais ce n'est pas lourd la
négociation de la construction. Ce n'est pas vrai qu'on négocie
d'un couvert à l'autre à chaque fois. Yves le mentionnait tout
à l'heure, on a quand même parti avec au-delà de 170 statu
quo et on n'a même pas pu avoir de vraies négociations
sérieuses. On a passé notre temps à expliquer nos
demandes. Il y a à peine eu cinquante heures de discussion.
Le Président (M. Bélanger): Merci M le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais demander à
la FTQ-Construction, à l'égard d'une refonte possible de la loi,
vous avez mentionné les tables sectorielles et le monopole patronal de
négociation. Mais ma question est: Quelle que soit la réforme
qu'on fasse, si la règle c'est que le gouvernement ne permet jamais aux
rapports de force de s'exercer, ne pensez-vous pas qu'on revient...
Une voix: À la même chose.
M. Bourdon: ...au point de départ, en ce sens que si
l'idée c'est qu'il ne faut pas que, dans ce secteur, qui est un secteur
privé, où la sécurité et la santé du public
ne sont pas en cause, qu'il ne doit jamais y avoir des rapports de force
obligeant les parties à s'entendre, parce qu'il y a un poids des deux
côtés, quelle que soit la manière dont on refait la
marmite, est-ce qu'on ne se retrouve pas devant le même dilemme qui est
celui qu'on vit souvent et depuis longtemps? (11 heures)
M. Paré (Yves): C'est clair. Qu'on mette les carcans, les
obligations, les processus qu'on voudra si, au bout de la ligne, on se garde le
pouvoir de décider pour les parties, ça ne peut pas avancer. On
comprend que l'industrie de la construction c'est une industrie très
importante au Québec, je pense qu'on est assez mature pour en prendre
conscience, mais on comprend aussi que l'industrie de la contruction c'est une
industrie privée. S'il y a des endroits, un chantier quelconque
où c'est un service essentiel, qu'on en discute. Je pense qu'on est
assez mature, mais c'est une industrie privée, qu'il n'est pas question
de vie ou de mort pour les personnes. Il est question de délais, mais si
on ne peut pas exercer le moyen ultime - on ne vise pas une grève - qui
est ce moyen de pression-là, une grève, aussi bien ne pas
négocier. Ce n'est pas une fin, la grève; c'est un moyen ultime.
Or, on ne vise pas ça. Si, chaque fois, au bout de la ligne, quelqu'un
nous dit. Les petits gars, si vous ne faites pas ça, vous allez y
goûter - et peu importe la partie - tout le monde s'attend à y
goûter. Et ça, il va falloir à un moment donné que
ça cesse. Il va falloir qu'on trouve un mécanisme pour dire: On
va laisser le rapport de forces s'exercer comme ça existe ailleurs.
À l'heure actuelle, en Ontario, les plombiers et les électriciens
sont en grève. On n'a pas vu de morts nulle part. On n'a pas entendu..
Il y a 15 000 électriciens et environ 10 000 plombiers qui sont en
grève en Ontario à l'heure actuelle. Est-ce que c'est la mort?
Pas du tout, ils vont s'entendre. Ils vont négocier leurs conditions de
travail. Le processus... Si à la fin on ne peut pas conclure la
convention sans l'intervention, peu importe ce qu'on va mettre dans la loi,
ça ne changera rien.
M. Lavallée: D'ailleurs, on a déjà
démontré notre bonne foi. En 1976, construction du Stade
olympique, les Jeux... On est en retard dans le travail. La convention
collective expire le 30 avril. Lo gouvernement nous rencontre. C'était
M. Harvey qui était le ministre du Travail du temps. Il nous dit:
Écoutez, il faut prolonger le décret, sinon on n'est pas capable
d'arriver à temps pour les Jeux olympiques. Finalement, on a pris notre
responsabilité. Ça n'a pas été facile.
C'était une bonne période. Les gens avaient travaillé et
ils avaient de l'argent. Ça faisait plusieurs mois, plusieurs
années, qu'ils avaient du travail. On a fait des assemblées et
notre monde a accepté la prolongation pour permettre de finaliser la
construction des installations des Jeux olympiques. Et il y a eu vide juridique
en 1976, à compter du mois d'août et on a signé la
convention collective au début décembre. On n'a
pas tout viré la province à l'envers.
La même chose s'est répétée en 1979. Je pense
que si on modifie notre régime de négociation et qu'on ne nous
permet pas d'exercer le rapport de force, c'est clair que ça ne changera
rien.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: ...c'est assez habile, de la part du ministre, de
nous amener dans le futur, mais j'aimerais qu'on discute du présent.
Parce que ce soir il va rédiger un décret. Il n'a pas le choix.
C'est sa responsabilité en vertu de l'article 51 de la loi, dès
qu'il s'approprie du droit de vous convoquer. Qu'est-ce que ça prendrait
dans ce décret, ce soir à minuit pour que ça soit
acceptable?
M. Paré (Yves): M. le Président, ça nous
prendrait le pouvoir de négocier et d'exercer notre rapport de force.
Tout ce que ça prendrait c'est que le ministre dise, cet
après-midi ou ce soir: Messieurs, négociez. À compter de
mardi matin, vous êtes tout seuls comme des grands garçons et
amusez-vous. Réglez votre problème. Je vous garantis, je suis
persuadé d'une chose, qu'on va avoir deux parties qui vont se contacter
et qui vont essayer de régler le problème. Ce n'est pas plus que
ça. Que le ministre nous donne 80 % de nos demandes, on n'a pas
réglé la base principale qui est celle d'un droit fondamental
qu'on a de négocier et d'exercer notre rapport de force, notre droit qui
est fondamental.
M. Chevrette: Dans le principe, M. Paré, je vous suis.
Mais je suis un gars très pragmatique et très pratique. Je
comprends que vous allez lutter jusqu'à la mort pour conquérir
votre droit le plus fondamental, un droit inaliénable, un droit qui fait
partie des conventions internationales, à savoir celui de
négocier, mais ma question n'est pas là. Et je vous demande de ne
pas faire le politicien, de me répondre en syndicaliste...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: ...parce que les politiciens répondent
rarement apparemment. La question est la suivante. Ce soir, sur le plan
pratique, vous allez avoir des conditions de travail dans ça. Est-ce que
vous vous attendez à quelque chose sur le plan de la préretraite?
Est-ce que vous vous attendez à quelque chose sur le plan du rapport
Picard? À combien vous attendez-vous au niveau de l'indexation?
Qu'est-ce que vous attendez au niveau de l'ancienneté? C'est quoi? Y
a-t-il de choses que vous pouvez nous passer comme message pour qu'on puisse
parler au ministre, nous autres aussi?
M. Paré (Yves): II y a quand même des
échanges qui ont été faits. Il avait été
suggéré... L'an passé, quand on a signé l'entente
d'une année, le ministre nous avait dit: Écoutez, vous reprenez
la négociation; si vous ne vous entendez pas et que vous ne faites pas
votre job, je vais vous nommer un conseil de médiation et son rapport,
ça va être la convention. Comme on n'a pas de mémoire de
déposé, mais on a une bonne mémoire, on s'est
rappelé de ça. Et, on dit: Un conseil de médiation qui
ferait un rapport à l'intérieur de trois mois, qui forcerait, qui
aurait un pouvoir de forcer les parties à venir négocier, on
pense que ça pourrait peut-être satisfaire plus de personnes, que
de nous mettre l'abaissement de l'âge de la retraite, et ces
choses-là. Le principe de base, c'est de laisser les parties pouvoir
régler.
M. Chevrette: Je reprends ma question. M. Paré (Yves):
Oui.
M. Chevrette: Je suis aussi tenace que vous l'êtes, M.
Paré.
M. Paré (Yves): Ha, ha, ha!
M. Chevrette: Vous avez dit... Vous commencez à
répondre, je pense, mais il vous en manque un petit bout. Vous parlez
d'un conseil de médiation. C'est donc dire un conseil de
médiation qui va ajouter au contenu du décret que le ministre
ferait ce soir. Mais dans son décret de ce soir, que devrait-il
mettre?
M. Paré (Yves): S'il veut mettre... Si on s'en va sur une
discussion de trois mois, il faut qu'il y ait des choses, bien sûr,
à l'intérieur. Qu'on parle d'augmentation de salaires, qu'on
parle de l'abaissement de l'âge de la retraite, qu'on parle,
contrairement à ce qui a pu être déclaré le 17 mai
dans le rapport Picard, le porte-parole du ministère qui dit qu'ils
peuvent bien créer des commissions, ils ne sont pas obligés de
les suivre; ça, c'est décevant.
M. Chevrette: Qui a dit ça?
M. Paré (Yves): Bien, je ne le sais pas, dans Le
Devoir: "Interrogé sur l'impact du rapport Picard sur le
décret à venir, le porte-parole du ministre Séguin s'est,
pour sa part, contenté d'affirmer avec force: Ce n'est pas parce qu'un
rapport est rendu public qu'il est ratifié tout de suite ou qu'on lui
donnera suite." Ça, ça nous a mis très perplexes. Alors
que l'an passé, on avait mis beaucoup d'espoir dans la création
d'une commission d'enquête pour établir le système de
stabilisation du revenu et d'emploi
des travailleurs de l'industrie de la construction, la question qu'on
s'est posée hier, quand on a mis lu ça dans le journal: Est-ce
que c'est l'an passé que ce n'était pas sérieux ou si
c'est cette année? On pense qu'il y a des obligations qui ont
été données à l'effet que, oui, le rapport Picard
devrait être contenu dans une extension possible du décret de la
construction. Ça, c'est clair, officiel et précis, parce que,
sans ça, on aurait créé une commission pour établir
un système de stabilisation du revenu et d'emploi inutilement. On
espère que ce rapport-là ne sera pas un rapport auquel on n'aura
pas à lui donner suite, mais qu'on va lui donner suite.
M. Chevrette: Ah! Il y a eu un rapport qui a
précédé le rapport Picard, qui est le rapport Cliche. Un
des derniers chapitres traitait strictement de la sécurité du
revenu, vous avez entièrement raison. D'ailleurs, c'est cité ce
matin par...
M. Paré (Yves): ...parVennat.
M. Chevrette: ..par Vennat de La Presse. Donc,
là-dessus, je vous suis, mais il y a une clause, par exemple, que le
rapport Picard n'a pas produite. Est-ce qu'une clause ouverte ou de
réouverture de convention ou de décret au moment où le
rapport sortirait, vous satisferait un peu?
M. Paré (Yves): Dans un décret qui dirait que le
rapport Picard doit être inclus dans la convention collective de
travail...
M. Chevrette: Oui
M. Paré (Yves): Oui, bien sûr. Si c'est inclus!
M. Chevrette: Inclus ou négocié suite à sa
parution, je ne sais pas.
M. Paré (Yves): Oui, mais négocié dans une
ouverture d'un décret qui ne donne rien au bout
M. Chevrette: Ouverture, avec un mécanisme...
M. Paré (Yves): Ah! Avec un mécanisme.
M. Chevrette: Je vais vous donner un exemple. J'ai
négocié un petit peu, quelquefois dans ma vie.
M. Paré (Yves): Oui.
M. Chevrette: Ça se fait dans un décret, une clause
de réouverture de contrat. Dès la parution du rapport Picard, les
deux parties seront conviées à une négociation et,
à défaut d'entente, il y aura un arbitre qui tranchera.
Bout! C'est une clause, ça; ça se fait. Ce n'est pas
compliqué.
M. Paré (Yves): Oui
M. Chevrette: Ça ne prend pas un décret
gouvernemental pour écrire ça; ça prend un gars brillant
un peu, sur les bords.
M. Paré (Yves): C'est exact.
M. Chevrette: Et ça fait une clause de réouverture,
ça fait une entente possible.
M. Paré (Yves): Oui.
M. Chevrette: Ça vous "irait-u " ça?
M. Paré (Yves): Oui.
M. Chevrette: M. le ministre, pourriez-vous en prendre note s'il
vous plaît?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Séguin: Me permettez-vous d'intervenir?
M. Chevrette: Bien oui.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît.
M. le ministre.
M. Séguin: Je pourais demander à mon
collègue pourquoi il ne l'a pas fait pendant qu'il était au
pouvoir, pendant 10 ans.
M. Chevrette: C'est parce que je n'ai pas été
ministre du Travail, parce que ça serait fait.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Chevrette: Avez-vous d'autres questions?
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Séguin: Oui, je vais continuer mon intervention.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M le ministre,
si vous voulez continuer votre intervention.
M. Chevrette: Je suis considéré comme
potentiellement capable de prendre votre place.
M. Séguin: Ah! il n'y a pas de doute, mais pas avant une
quinzaine d'années, je pense bien!
M. Chevrette: Non, non, ça s'en vient, dans deux ans
là, regardez monter ça!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Séguin: Effectivement, dans le rapport Cliche, il y
avait toute une thématique. Et, pour reprendre ce que vient de dire M.
Paré, le mandat qui a été donné à la
commission Picard-Sexton, je rappelle que c'est une commission du gouvernement
du Québec avec des commissaires. C'est une commission importante pour
étudier les modalités d'un système pour la stabilisation
du revenu et de l'emploi, et, pour le concept stabilisation du revenu et de
l'emploi, on s'était inspiré du rapport' Cliche. À date,
on s'en souviendra, MM. Paré et Lavallée étaient
là, on avait convenu d'un mandat jusqu'à la fin février
pour la commission. Je pense qu'on a réalisé tous qu'il
n'était pas faisable pour la commission et la commission m'a
demandé de prolonger à ce moment-là parce qu'ils ne
pouvaient pas, en quelques mois, élaborer tout un chapitre et des
modalités sur un système qui est très complexe. J'ai
accepté de prolonger, à la demande de la commission, jusqu'au 30
juin. Et à date, le rapport n'est pas déposé. Il y a eu
des discussions récemment de la part des commissaires avec les parties
pour informer des quelques orientations qui sont, à date, retenues par
la commission, mais on sait que les modalités sont fort complexes et
qu'on ne peut pas, techniquement - et remarquez que le gouvernement, pour
être logique avec lui-même, et surtout pour avoir engagé des
fonds publics importants dans cette commission, je le souligne, deux fois,
très importants, peut-être pas autant que 2 000 000 $, mais
plusieurs centaines de milliers de dollars à même les fonds
publics - je vous avoue que le gouvernement serait dans une drôle de
situation aujourd'hui de dire qu'avant le rapport soit fait on adopte quelque
chose alors qu'on ne sait pas ce qui est dans le rapport. Je ne le ferai pas
mais, si je voulais, je pourrais demander à M. Paré: Bien,
qu'est-ce qu'on met? Vous dites: II faut mettre de quoi. Je vous demanderais:
Bien, c'est quoi?
M. Lavallée: M. le ministre, Yves répondra à
ça. Je ne sais pas si vous avez fait un lapsus sur le mandat de la
commission, mais le mandat de la commission, on en a discuté à
peu près à 32 reprises ensemble. Ce n'est pas d'étudier,
les modalités d'implantation d'un système de stabilisation du
revenu et de l'emploi. Je me rappelle le texte par coeur.
M. Séguin: Ah oui, oui, c'est ce que j'ai dit.
M. Lavatlée: Vous aviez dit tout à l'heure
"étudier". Donc...
M. Séguin: J'ai parlé des modalités de toute
façon mais vous conviendrez avec moi que pour avoir... Maintenant, vous
connaissez les orientations du rapport et je pense que vous n'êtes pas
déçus.
M. Lavallée: Non, mais étudier... La question nous
avait été posée à plusieurs reprises par les
journalistes. On avait dit: Non, ce n'est pas une commission pour
étudier, c'est plus une commission pour établir des
modalités.
M. Séguin: C'est ça, c'est pour recommander au
gouvernement les mécanismes appropriés. Et c'est ce qu'on
attend.
M. Paré (Yves): On n'est pas déçus du
rapport Picard, M. le ministre. Ce qui nous a chicotés, c'est le dernier
paragraphe de l'article du Devoir, du jeudi 17 mai. Ça, ça
nous chicote, par exemple. Et on nous parle d'une prolongation, d'une
intervention du gouvernement le 21 mai alors que le rapport n'est pas
déposé dans une possible extension de deux ans ou trois ans d'un
décret de la construction. Est-ce que ce rapport va rester sur la
tablette? La question est là. Est-ce qu'on est satisfait du rapport?
Oui, je peux bien être très satisfait de ce qu'il y a, de ce qu'on
nous a dit, qu'on n'a pas lu mais qu'on nous a dit, mais si on le prend, tous
les bouquins, qu'on le met sur la tablette et qu'on ne peut pas en parler avant
trois ans! Ce petit paragraphe-là confirmerait qu'on a été
dupés l'année passée. C'est aussi simple que ça.
Alors, est-ce qu'on peut trouver un mécanisme sans, les yeux
fermés, implanter immédiatement le régime? Au moins,
partir les régimes avec les quelques modalités que, je pense, le.
commissaire que vous avez nommé pourrait vous donner verbalement sans
avoir à déposer globalement toutes les mesures
législatives à apporter pour implanter le régime. Mais il
me semble qu'il pourrait y avoir le départ. On sait qu'il y a de
l'argent à mettre dedans. Il y a quelques mécanismes de
discussion ou de processus dans les modalités. Or, je pense que M.
Picard pourrait facilement vous dire deux ou trois points qu'il faudrait mettre
au décret actuellement pour que le régime prenne vie. Et je pense
qu'à la lumière des explications qu'on a eues, verbalement, bien
sûr, de M. Picard, et, je pense, que toutes les parties dans l'industrie
ont eues, c'est quelque chose de facilement faisable. Il y a au moins une
confirmation; il n'est pas, ce n'est pas le régime intégral
préconisé par la FTQ-Construction et la CSN, mais c'est un
régime basé sur un supplément à
l'assurance-chômage avec d'autres modalités qui sont, à
notre avis, acceptables, juste entre parenthèses encore, sur ce qu'on
nous a expliqué. C'est vrai qu'on n'a pas les textes. Mais, sur ce qu'on
nous a expliqué, on pense qu'il y a des choses qui peuvent être
faites immédiatement avant la production du rapport. Si on se
dépêche d'exten-
sionner le décret, de prolonger ou d'imposer un décret
pour trois ans et que, parce qu'on n'a pas le rapport officiel écrit, on
ne peut rien mettre dans le décret, M. le ministre, on va être
encore plus extrêmement déçus parce que ça va
être l'année passée qu'on va s'être fait jouer et non
pas cette année. (11 h 15)
M. Séguin: J'aimerais que vous me disiez, sur ce sujet,
pourquoi vous associez directement la commission Picard-Sexton au
décret? Qu'est-ce qui empêche que, au dépôt du
rapport, le gouvernement procède à l'examen du rapport et
détermine la suite à donner? Pourquoi présumer d'avance de
conclusions qu'on n'a pas, établir un régime dont on ne
connaît pas les modalités, dont la faisabilité n'est pas
établie encore, alors que rien n'empêche, strictement parlant, que
la commission finisse ses travaux et fasse ses recommandations au gouvernement?
Comme dans toute chose, je me rappelle du Fonds de solidarité de la FTQ
à l'époque, pour l'avoir suivi, non pas parce que j'étais
membre du gouvernement, mais parce que j'étais membre dans une pratique
fiscale et, pour en avoir étudié les modalités à
l'époque, il n'y aurait jamais été pensable que le Fonds
de solidarité existe dans ses modalités et que, après, on
détermine la réglementation à suivre un an ou deux plus
tard. Je pense que, dans toute chose, dans tout régime, le régime
proposé s'adresse à toute l'industrie, obligerait l'ensemble des
employeurs à des choses pour créer un fonds qui, on le sait,
selon différents paramètres, pourrait générer
plusieurs dizaines de millions de dollars par année.
Donc, ce n'est pas quelque chose qui se crée comme ça
rapidement, et vous en convenez, je pense. Et même les commissaires se
prémunissent contre la tentation de conclure à la
facilité; ils disent qu'il y a encore énormément
d'éléments à travailler sur le plan technique, que
ça touche plusieurs lois et plusieurs obligations. Donc, au
sérieux de la commission Picard-Sexton, comme je le disais tantôt,
qui est un mandat public donné à des commissaires, pourquoi
voulez-vous, en quelques heures, conclure à des éléments
dont on ne peut pas avoir la démonstration et qu'est-ce que ça
empêche que le gouvernement en fasse l'examen en profondeur avec vous et
puisse, tout à fait indépendamment du décret ou de ce qui
se passe au niveau de la convention collective, établir ces
modalités en toute logique, après examen des choses, comme le
gouvernement le fait dans l'ensemble de ses dossiers? C'est sûr.
M. Lavallée: Moi, M. le ministre, je serais bien content
que vous nous disiez que, dès que le rapport va sortir, vous allez tout
de suite enclencher le processus et mettre en vigueur le rapport Picard-Sexton.
Mais, par contre, il n'y a rien qui empêche, au moment où on se
parle, avec les indications qu'on a de Picard, de commencer à
bâtir le fonds. Selon Picard, ça prend une couple d'années
pour bâtir ce fonds-là à raison de certains montants qu'il
suggère de 0,50 $ cette année et de 0,50 $ l'année
prochaine. Donc, il n'y a rien qui empêcherait que vous mettiez dans le
décret que le fonds soit créé. Et, si ça nous prend
un an, un an et demi ou deux ans au maximum, parce que la suggestion, c'est de
commencer à défrayer des coûts supplémen taires
à l'assurance-chômage ou au fonds de pension à cause que
c'est un régime mixte, il n'y a rien qui empêche de commencer
immédiatement à mettre le fonds sur pied et, si ça prend
un an ou un an et demi à faire la réglementation, à
regarder les lois que ça affecte, à ce moment-là
enclencher ce processus-là. Mais, au moins, si, d'ici un an et demi, on
a réussi à faire la réglementation, à 100 000 000
d'heures de travail par année, on aurait déjà quand
même au-delà de 100 000 000 $ d'accumulés dans le fonds. Si
on attend dans un an et demi pour commencer à créer le fonds,
ça veut dire qu'on va commencer à retirer du solde dans quatre
ans. Donc il n'y a rien qui empêche le ministre, au moment où on
se parle, de dire: Oui, on va commencer à créer le fonds; vous le
savez, et il l'a dit à toutes les parties, incluant l'AECQ, que sa
recommandation, le contenu de son rapport serait ça et qu'on n'aurait
pas de surprises au moment où il va sortir C'est un fonds
supplémentaire à l'assurance-chômage avec une partie,
dépassé un certain temps, qui serait versée au
régime de retraite du travailleur en question pour l'incitation et que,
pour faire ça, il recommande, lui, que ce soit 0,50 $ cette
année, 0,50 $ l'année prochaine. Bâtir un fonds qui prend
deux ans et, à partir de là, on commencerait à payer.
Ça, il nous l'a dit à tout le monde. Donc, le minimum qui devrait
être fait au moment où on se parle c'est d'inclure dans le
décret le fonds.
Le Président (M. Bélanger): M le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Séguin: J'avais une dernière question et,
après ça, je laisserais le temps de parole.
Le Président (M. Bélanger): Ah! O.K. On va laisser
M. le ministre terminer. Je vous en prie.
Une voix: II n'y a pas de problème.
M. Séguin: Juste pour finir mon intervention.
Une dernière petite question très brève On a
parlé tantôt du rapport de force, etc. J'avoue que c'est
l'élément qui m'intéresse à travailler dans la
réforme qu'on va faire cet automne pour rééquilibrer, je
pense, ce rapport de force qu'on souhaite.
M. le député de Joliette posait une question que je trouve
quand même intéressante, à savoir:
Ce soir ou demain, vous souhaitez un rapport de force, le vide
juridique, donc, vous pourriez souhaiter que le gouvernement ne fasse pas de
décret, laisse mourir la convention collective et laisse les parties
dans un rapport de force, lock-out, droit de grève.
Ma question est celle-ci: Est-ce que vous ne croyez pas que, dans
l'état actuel de l'industrie de la construction des chantiers, dans
l'état actuel aujourd'hui, au moment où on se parle, dans les
prochains jours un tel rapport de forces, qui s'exerce ou non, pourrait amener
pour l'intérêt public, à cause des réactions que
ça pourrait causer, est-ce qu'il n'y a pas un danger - je pose la
question avec beaucoup de souplesse - qu'à ce moment-là ça
oblige le gouvernement à intervenir par une loi spéciale comme
ça s'est fait dans le passé quand il y a eu des vides juridiques,
l'exercice d'un rapport de forces, alors que les chantiers sont
déjà actuellement perturbés, c'est le moins qu'on puisse
dire? Est-ce que ça n'ajouterait pas, à ce stade-ci, le 21 mai,
un rapport de forces qui s'exercerait entre les parties, est-ce que
ça ne provoquerait pas une congestion complète de toute
l'industrie et est-ce que l'intérêt public, l'intérêt
de la population, des citoyens, ne commanderait pas au gouvernement à
intervenir à un moment donné ou à un autre par une loi
spéciale? Est-ce que ce n'est pas un danger? Est-ce que ce n'est pas
pire comme scénario à ce moment-là que... Vous voulez un
rapport de forces, j'en conviens, et c'est la recherche qu'on fera dans la
réforme, je vous le dis tout de suite. Mais, au moment, aujourd'hui,
où on se parle, si on parle des solutions que nous avons, est-ce que
vraiment un rapport de forces, lundi . matin, est susceptible de ramener une
négociation entre les parties ou si ce n'est pas susceptible de
créer un tel affrontement qu'on se dirige vers une loi
spéciale?
M. Paré (Yves): De la façon que vous l'expliquez,
M. le ministre, je suis persuadé... Être l'AECQ, je dirais:
Laissez tomber le décret, vous allez revenir avec une loi
spéciale dans une semaine. C'est clair. Vous dites: Si on laisse tomber
le décret et que vous exercez votre rapport de forces, vous ne pensez
pas que le gouvernement va intervenir avec une loi? Bon, bien, si' c'est
ça le processus d'exercer un rapport de forces, être l'AECQ, je
vais dire: On va "toffer" encore une semaine de plus parce que ça va
être une loi spéciale.
Le problème est là. Est-ce qu'il y a une obligation, des
personnes dont la sécurité et la santé sont en danger si
on exerce un rapport de forces? Si la réponse est négative, si on
met en danger la santé et la sécurité des gens du public,
oui. On met en danger des problèmes financiers des entrepreneurs, oui.
Mais, pour ça, il va falloir avoir quelqu'un qui prenne au
sérieux, de dire: On s'asseoit et on les règle. Ce que je pense,
et très honnêtement, c'est que si le vide juridique se faisait,
les chantiers reprendraient immédiatement, mais qu'il y ait un vide
juridique sans, peut-être, une intervention du gouvernement, l'AECQ
viendrait s'asseoir et, en-dedans d'une semaine, je peux vous garantir qu'ils
auraient trouvé des solutions au problème. Ça, je suis
persuadé qu'ils en auraient trouvé des solutions au
problème et qu'ils en trouveraient. Au moins, ils en chercheraient.
Quand on dit qu'on dépose une proposition, que le conciliateur demande:
Est-ce qu'on peut maintenant commencer à discuter sur les points non,
où il n'y a pas d'accord, et que la partie répond, comme toute
discussion de négociation: Pas de commentaire, que le conciliateur dit:
Messieurs, je vous demande de prendre un caucus et de réfléchir.
Qu'on prend chacun un caucus, la partie syndicale, on revient, on dit: M. le
conciliateur, on est prêt à prendre tous les points où il
n'y a pas d'entente et à en. discuter. On est prêt à en
discuter.
La réponse patronale: Pas de commentaire à nouveau. C'est
une offre globale, finale. Quand on nous dit qu'on a des intentions très
honnêtes et de bonne foi de vouloir négocier, c'est faux parce
qu'ils savent que le gouvernement va intervenir et imposer des conditions de
travail inférieures à ce qu'il aurait à donner si on leur
tordait un peu les bras. C'est clair. La négociation, c'est du tordage
de bras. On a vécu ça pendant 43 heures, l'an passé, M. le
ministre. On a eu une entente. Je pense qu'on a eu une bonne décision de
prise l'année passée. Sauf que le malheur de tout ça,
c'est qu'on revient au point de départ. C'est rien que ça, le
problème. On était de bonne foi. On était enthousiastes,
l'an passé, de dire: On va avoir une véritable
négociation. On a un an pour s'entendre. On a rencontré le
Conseil provincial. On l'a supplié d'embarquer avec nous autres pour
faire un vrai fonds. Oui, c'a été un mariage de raison. Mais on a
eu l'honnêteté, M. le ministre, de discuter entre nous autres. On
n'était pas toujours d'accord sur des sujets. Mais au moins, on a eu
l'honnêteté de discuter entre nous autres, de mettre de l'eau dans
notre vin. Je peux vous dire que les trois associations syndicales,
l'expérience qu'on a vécue entre nous autres, on est au moins
capables de se parler, de bien se parler et de défendre les
intérêts des travailleurs. Mais, pour ça, on ne peut pas le
faire tout seuls. Ça prend quelqu'un en face de nous autres. Et
quelqu'un qui, à un moment donné, a suffisamment de pression et
surtout, une intention ferme de vouloir régler le problème dans
l'industrie de la construction, qui est assis en face de nous autres et qui
dit: Oui, on va le régler. C'est ça que ça nous prend.
M. Lavallée: Deux petites secondes.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Lavallée: II faut toujours garder en mémoire
qu'en 1976, on a vécu quatre mois avec un vide juridique. On n'a pas eu
de loi spéciale. On a signé une convention collective qui a
été extensionnée en décret. Même chose en
1979: neuf mois, vide juridique, pas de loi spéciale et on a
signé une convention collective.
M. Séguin: Peut-être... Pardon.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, le
temps est écoulé, à moins que j'aie un consentement.
Consentement? Oui.
M. Séguin: Dix secondes.
Le Président (M. Bélanger): Très
rapidement.
M. Séguin: Dix secondes. Juste sur le point qui est
soulevé. Je l'entends souvent et je le comprends, à savoir:
Est-ce qu'il est d'intérêt public, est-ce que le rapport des
forces s'exerce et dérange l'intérêt public? On semble dire
que c'est l'entreprise privée, qu'il n'y a personne qui met en
péril sa santé, sa sécurité. Peut-être. Mais,
d'un autre côté, je ne suis pas convaincu qu'il n'en va pas de
l'intérêt public. Lorsque ça ne va pas dans l'industrie de
la construction, je pense que l'ensemble de la population est inquiet. Je pense
qu'il faut admettre qu'un conflit de travail, une grève ou un lock-out,
ou une absence de travail dans la construction, indépendamment de qui
c'est la faute, crée immédiatement un dommage considérable
à l'économie et à l'ensemble de la population.
Je pense que sous cet angle-là - et la loi est très claire
à l'article 51 - l'un des devoirs du ministre du Travail aussi, c'est de
réagir par rapport à l'intérêt public. Je pense que
tous les gouvernements qui se sont succédé ont toujours
été extrêmement sensibles sur ce point-là. C'est le
devoir des élus. Moi, je suis un élu. Je suis le
député de Montmorency. Et dans les considérations que
j'ai, j'ai un équilibre à rechercher entre l'intérêt
des deux parties dans leurs négociations. J'ai aussi une très
forte responsabilité vis-à-vis de l'intérêt public.
Ça, je ne peux pas fermer les yeux sur l'intérêt public.
Voilà. Merci.
M. Paré (Yves): Je comprends, M. le ministre, qu'il y va
de l'intérêt public. Mais il ne faut pas non plus embarquer dans
une psychose. Puisqu'il y en a déjà eu, en 1976, des vides
juridiques, il y en a eu en 1979. Est-ce que vous vous rappelez de quelque
chose d'extraordinaire qui s'est passé en 1976, après l'extension
de trois mois? Est-ce que quelqu'un peut se rappeler qu'il y a eu des
bâtisses qui ont sauté, quelque chose du genre? Pas du tout. Il y
a eu l'exercice intelligent d'un rapport de forces. En 1979, entre le 1er
août 1979 et le 12 mai 1980, on était dans un vide juridique.
Est-ce que quelqu'un se rappelle qu'il s'est passé quelque chose
d'extraordinaire dans ces huit ou neuf mois-là? Je ne pense même
pas que personne se souvienne qu'on a eu le droit de grève entre le 1er
août 1979 et le 12 mai 1980, alors qu'on a signé une convention
collective de travail.
Alors, je pense qu'on est des gens suffisamment matures pour, bien
sûr, ne pas nous sacrer de l'économie du Québec. Mais
l'économie du Québec ne repose pas que sur les 100 000
travailleurs de l'industrie de la construction. Elle repose sur d'autres
secteurs d'activité. Mais pourquoi? Qu'on nous dise clairement
ça, ça serait beaucoup plus simple - oui, je coupe - que
l'industrie de la construction est un service essentiel au Québec.
Personne n'a le droit de faire des moyens de pression. Plus de droit à
la négociation.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de
votre collaboration. M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, le ministre a parlé de
la sécurité du revenu et de la possibilité que le
gouvernement intervienne même si le décret qui serait
imposé pour trois ans ne comporterait pas d'ouverture là-dessus.
Dans la mesure où un tel fonds suppose de l'argent à
déposer - et on pense aux employeurs parce que le collègue du
ministre au Trésor n'est sûrement pas dans des dispositions pour
en faire un régime public, financé par les fonds publics, ce qui
créerait, d'ailleurs, des problèmes dans d'autres secteurs de la
société où il n'y a pas de régime de revenu... (11
h 30)
M. Chevrette: II aurait bien changé.
M. Bourdon: Ce serait donc une condition pour les employeurs et
des salaires indirects pour les travailleurs; donc, une condition de travail.
Je voudrais dire aussi que le juge Gold avait décidé, par
arbitrage, d'un régime à l'époque qui touchait la
sécurité d'emploi. Ce que mon collègue de Joliette
mentionnait, c'est que ce serait pensable qu'il y ait dans le décret une
période de négociation entre les parties avec un arbitrage qui
lierait les parties sur quelque chose qui pourrait s'appliquer. Je pense
qu'à cet égard-là, c'est une chose à regarder.
Par ailleurs, je voudrais ajouter, puis questionner nos interlocuteurs
de la FTQ là-dessus sur la signification d'une offre globale de l'AECQ,
le 20 avril, sur laquelle elle demande que les travailleurs se prononcent, puis
d'une autre, après le 1er mai, quand le décret a
été prolongé de trois semaines. Parce que j'ai un peu
d'expérience des relations du travail: quand on cherche à
s'entendre, des fois, on sollicite le conciliateur pour déposer des
hypothèses de règlement. Quand on dépose des offres
finales,
on laisse aller le temps, on dit: C'est ça ou bien, c'est
rien.
Je finis avec une autre question: Est-ce que l'ancienneté des
mises à pied, c'est une chose à laquelle vous tenez?
M. Paré (Yves): Oui. Lors du dépôt du 20
avril, la partie patronale nous a dit clairement: Ce n'est pas la convention
chromée des représentants syndicaux, c'est la convention dont on
pense que les travailleurs ont besoin dans l'industrie de la construction et on
vous demanderait de laisser les salariés s'exprimer. On a pris le
document, on l'a regardé, puis on a dit: On va aller le présenter
aux travailleurs. Là, ils sont insultés. Ils nous disent que
c'est pour les travailleurs. On dit: O.K. on va aller le soumettre aux
travailleurs et ils décideront. On semble offusqués. On nous dit:
On dépose un document, puis ce n'est pas votre convention chromée
des représentants syndicaux, c'est aux travailleurs. Donc, on va laisser
les travailleurs décider. Ils n'avaient pas à s'offusquer de
ça.
Le 4 mai on nous dépose une autre proposition. On a même
ajouté une clause humanitaire. Ils ont accepté de permettre aux
travailleurs de la construction d'emprunter leur argent, comme paie de
vacances, à la Commission de la construction pour aller suivre des cures
de désintoxication. Sont-ils assez généreux! Ils ont
accepté que les gars prennent leur argent pour aller suivre des cures de
désintoxication. C'est le genre de changements qu'on a apportés
après une vingtaine de jours.
On dit qu'on a déposé une convention sérieuse pour
régler les problèmes dans l'industrie de la construction. Quand
on dit que c'est le salarié qui va être responsable si un
employeur ne détient pas un numéro, sa licence de la Régie
des entreprises en construction, qu'on marque dans la convention qu'on n'aurait
pas le droit de réclamer pour un salarié qui ne se serait pas
assuré, lors de son embauche, que son employeur détient un
numéro de la Régie des entreprises en construction du
Québec, il faut être rendu assez loin en arrière. On n'est
pas en 1990, je pense qu'on est en 1922. Le gars qui va dire au "boss" qui va
l'engager: As-tu ton numéro d'employeur? J'ai l'impression que, lundi
matin, il ne travaillera pas pour le "boss". Or, c'est ce genre de clauses que
l'AECQ nous a proposées pour régler le travail au noir. On va
"batter" le salarié, puis s'il va s'engager pour un gars qui n'a pas de
licence, il paiera pour. C'est de la folie furieuse. C'est aussi simple que
ça. On avait même suggéré qu'un travailleur qui ne
se présente pas au travail un matin soit considéré comme
ayant démissionné. C'est ça, il a
démissionné. Or, c'est le genre de propositions pour
régler les problèmes de l'industrie de la construction.
Quant à la clause d'ancienneté, à la
définition de mise à pied, ce sont des choses impor- tantes pour
nous. Quand on dit que la définition de mise à pied, c'a
peut-être l'air curieux pour des gens... Quand, dans une convention
collective de travail, l'employeur se sert d'une définition pour
congédier du monde, soit parce qu'un employé a exigé son
temps supplémentaire le samedi, ou parce qu'il a refusé de monter
dans un échafaud qui n'était pas solide, puis que le "boss" lui a
dit: Lundi matin, on n'a plus besoin de toi... Il se sert de sa clause de mise
à pied pour un manque temporaire de travail. Il n'en a pas besoin pour
deux jours: mise à pied, bonjour. C'est un congédiement
déguisé et on dit: II faut pallier à ça. Il faut
empêcher le travailleur d'être pris à la gorge, d'accepter
des conditions moindres, sans ça, va-t-en. Parce que le mot d'ordre,
aujourd'hui, c'est: Si tu n'es pas content, va-t'en travailler ailleurs. Dans
une usine, le "boss" ne peut pas faire ça, parce que le travailleur a
une protection; il a une clause d'ancienneté, il a des protections. On
n'en a pas dans l'industrie de la construction. On ne demandait qu'une clause
d'ancienneté par chantier, métier, spécialité ou
occupation. On ne veut même pas d'une clause d'ancienneté "at
large" de l'employeur. Sur ce chantier-là, le mécanicien de
chantier que tu as embauché le premier, c'est le dernier que tu vas
mettre à pied. Si on vient nous dire que ce sont des demandes farfelues,
je pense qu'il y a des gens qui auraient un urgent besoin de se recycler.
M. Lavallée: Juste un autre exemple qui est flagrant
aussi: Présentement à la Baie James, la semaine, c'est 50 heures
à temps simple; après ça, 5 heures à temps et demi;
après, temps double. On nous a offert 60 heures à temps simple
à la Baie James. Ça, c'est la demande des travailleurs dans leur
convention chromée, qu'ils appellent. Ils nous ont dit que la
nôtre était chromée, mais la leur... Les travailleurs
veulent, maintenant, à la Baie James, 60 heures à temps simple au
lieu de 50 heures. C'est un non-sens.
M. Chevrette: O.K. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier nos invités.
M. Chevrette: Je vous remercie, messieurs. M. Séguin:
Merci beaucoup. Des voix: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie la Fédération des
travailleurs du Québec pour sa participation à ses travaux et
invite le Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction.
Bonjour, messieurs du Conseil provincial du
Québec des métiers de la construction. Vous avez 20
minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et, par la
suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires.
Je vous en prie, M. le député de Joliette.
M. Chevrette: Autant aux intervenants qu'au ministre, j'aurais
une suggestion. Si on pouvait éviter... Parce qu'il reste quatre heures,
au moins, potentiellement et l'ordre de la Chambre, c'est à 14 heures,
si j'ai bien compris.
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Chevrette: Et il reste à peine deux heures et demie
pour quatre groupes. S'il y avait possibilité d'éviter les
répétitions et qu'on aille au coeur même des objets que
vous voulez traiter; et nous autres, on fera pareil, on essaiera, en tout cas.
Je ne sais pas ce que vous en pensez. Prendre peut-être un peu moins de
temps pour qu'on puisse avoir quelques minutes de plus pour vous
questionner.
M. Pouliot (Maurice): Je n'ai pas d'objection, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez d'abord
vous identifier et présenter vos...
Conseil provincial du Québec des métiers
de la construction (International)
M. Pouliot: On va commencer par s'identifier comme il faut. C'est
le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
International. Ce qui est le plus important, c'est "international".
Le Président (M. Bélanger): Bien.
M. Pouliot: Donc, je vais vous présenter les membres qui
m'accompagnent. Il y a M Jean-Marc Morin, membre du comité de
négociation du Conseil provincial, M. Gérard Cyr, Mme Francine
Legault, agente d'information pour le Conseil provincial; M. Jean-Paul Caissy,
membre du comité de négociation et, moi-même, Maurice
Pouliot, président-directeur général du Conseil
provincial.
Je pense que dans la situation actuelle, M. le Président, il est
un peu déplorable qu'on soit encore une fois obligés de se
présenter devant la commission parlementaire qui va, finalement, fixer
les conditions de travail, ou qui devrait fixer les conditions de travail des
quelque 110 000 travailleurs et travailleuses de l'industrie de la
construction. On n'a sûrement pas à répéter ce qu'a
mentionné, effectivement, la FTQ ou les autres associations qui vont le
mentionner. D'ailleurs, on a un mémoire assez bien préparé
et qui explique très clairement la position de l'International
concernant les modifications à la loi.
Il est évident que le Conseil provincial a accepté de
participer à une coalition On le dit assez clairement, c'est un mariage
de raison qu'on a fait avec les deux autres centrales syndicales dans le but de
conclure une convention collective pour les travailleurs et les travailleuses
de l'industrie de la construction. Il faut le souligner, c'est effectivement
une première. Il faudrait aussi mentionner qu'il y a déjà
eu une prolongation de décret, un an avant celle de 1989. Le 15 novembre
1988, le Conseil provincial signait une prolongation de décret avec la
FTQ et l'AECQ. Donc, il y a eu deux prolongations de décret et aussi,
comme vous le savez, la loi 106 qui nous a, à toutes fins pratiques,
enlevé, à ce moment-là, le droit à la libre
négociation ou le rapport de forces dans l'industrie de la construction.
Quant à nous, ce qu'on a demandé au ministre, c'est de laisser le
vide juridique. D'ailleurs, on va revenir là-dessus
L'AECQ mentionne assez facilement que les demandes qui ont
été déposées par la coalition, le 14 juillet,
ça peut avoir un ou deux pieds d'épais. C'est vrai que c'est
très volumineux, mais il faut aussi comprendre qu'on n'a jamais
négocié dans l'industrie de la construction. Depuis les 10
dernières années, il n'y a pas réellement eu de
véritables négociations. Il y a toujours eu des
négociations à la sauvette, des interventions de l'État,
et ainsi de suite. Et ça, il ne faut pas l'oublier. On avait dix ans
à reprendre et on voulait négocier pour les deux ou les trois
prochaines années. Donc, même si on nous dit que c'est très
volumineux, c'est véridi-que.
Je voudrais aussi vous mentionner que dans l'entente qu'on a
signée avec l'AECQ, le 11 juillet, il avait été entendu
qu'on devait déposer toutes les demandes, tant les demandes et clauses
communes que les demandes particulières, pour le 14 juillet. La
coalition a fait un travail de géant pour arriver à
déposer à temps toutes nos demandes, tant particulières
que générales Et, dans le protocole d'entente que nous avons
signé, !a coalition, c'est une négociation à deux paliers,
celle des 19 tables particulières... Présentement il y a sept
tables particulières où il y a eu des ententes de principe et les
autres tables sont encore sujettes, effectivement, à des rencontres ou
à des négociations qui devraient avoir lieu. Mais, devant
l'attitude de l'AECQ qui nous a dit très clairement ou qui a dit aux
membres de la commission qu'elle s'attendait à l'intervention de
l'État depuis un certain temps, vous comprendrez qu'il est
extrêmement difficile d'arriver et de négocier de bonne foi.
La position du Conseil provincial est simplement de dire que même
si on a réglé à des tables particulières, il y a
encore des demandes qui sont communes, des clauses générales. Il
n'y a pas grand chemin de fait. Les offres patronales déposées le
20 avril et le 11 mai, à notre avis,
sont des reculs sur le statu quo, dans plusieurs cas, du décret
actuel. Et lorsque l'AECQ nous mentionne qu'ils ont mis leurs culottes sur la
table, qu'ils sont là le 11 mai, bien leurs culottes ne sont pas
tellement pesantes en ce qui nous concerne. Donc, on pense qu'il devrait y
avoir des améliorations à l'intérieur des offres globales
et finales que nous a déposées l'AECQ.
Je voudrais aussi vous mentionner que la coalition a
déposé des demandes le 14 juillet 1989 mais qu'elle a aussi
modifié ses demandes suite à un exercice que nous a
demandé de faire le conciliateur, M. Dufresne, que vous avez
nommé. La coalition s'est réunie. On a déposé
d'autres demandes pour la table centrale. Et, à ce moment-là,
l'AECQ s'est retirée. Ils ont dit: On va étudier ça. Le
conciliateur nous a demandé à nouveau de faire des
démarches pour, encore une fois, pas bonifier, mais modifier à
rabais les demandes des travailleurs de l'industrie de la construction, ce
qu'on a encore fait dans un deuxième exercice. Vous avez en annexe du
mémoire du Conseil provincial une convocation de M. Dufresne, qui dit:
On devrait négocier, à la table centrale, les 8, 9, 10, 11, 12,
13, 14 mai. On s'est retrouvés simplement dans une rencontre le 11 mai.
Et, à ce moment-là, les seules négociations qu'il y a eu,
c'est que les porte-parole de l'AECQ nous disaient: Pas de commentaires, pas de
commentaires. Et le conciliateur nous a demandé de nous retrouver le 12
mai, simplement la coalition, pour savoir s'il y avait des morceaux qu'on
pouvait laisser tomber. Encore une fois, il semblait qu'on n'en avait pas
laissé tomber assez.
Je pense qu'il est évident qu'il va falloir, une fois pour
toutes, que la loi dans la construction soit modifiée à fond.
Évidemment la question qu'on va me poser, à laquelle je
m'attends, c'est la question de la sécurité du revenu et de
l'emploi dans l'industrie de la construction. Il faudrait comprendre la
position du Conseil provincial. On n'a jamais été contre un
régime de sécurité du revenu et de l'emploi dans
l'industrie de la construction, mais on veut en connaître les
implications et les modalités. On ne peut pas dire qu'on embarque dans
un régime semblable sans savoir quelles en sont exactement les
conséquences. On a, effectivement, rencontré MM. Picard et Sexton
qui nous ont fait part des grandes lignes qu'ils pensaient qui devaient arriver
dans leur rapport. Simplement on veut un rapport global et final. (11 h 45)
D'un côté, on se voit, le Conseil provincial... La
FTQ-Construction laisse planer une menace en disant: S'il n'y a pas de
supplément à l'assurance-chômage ou une formule, un
système de sécurité du revenu, il n'y a pas de convention
collective. De l'autre côté, l'AECQ dit à peu près
la même chose. Et le Conseil provincial est un peu l'homme-sandwich
là-dedans, "pogné" entre les deux. Comment est-ce qu'on peut se
sortir d'une situation semblable? On serait beaucoup plus favorables à
une politique globale de la main-d'oeuvré, un peu comme le recommandait
la commission Cliche, un système général et global. On
pense que les travailleurs de la construction ont effectivement droit à
un minimum de sécurité du revenu et de l'emploi dans la
construction. Tout le mécanisme...: Et, quant à nous, c'est
peut-être plus long que de dire: On peut régler ça avec
deux ou trois paragraphes. Lorsqu'on a à modifier, à notre avis,
plusieurs règlements et plusieurs lois, ça devient effectivement
des problèmes substantiels.
Donc, l'exercice qu'a fait le Conseil provincial, c'est qu'on a
demandé aussi une rencontre avec le comité de coordination, parce
que dans l'entente qu'on a signée avec l'AECQ, le 11 juillet, il y a un
comité de coordination qui devait siéger pour les 19 tables
particulières. Le conciliateur nous convoque à une rencontre pour
dire: Écoutez, on va essayer de fixer des dates pour les tables qui ne
sont pas réglées: tables particulières, métier,
spécialité ou occupation. L'AECQ décide simplement que
c'est fini, que ça ne représente plus... Elle dit:
Écoutez, si vous voulez continuer les négociations, appelez M.
Bérubé ou appelez M. Brown ou appelez M. Untel qui sont les
porte-parole des tables de l'AECQ; et ça, c'est la structure de l'AECQ.
Mais la coalition était présente de bonne foi lors de la
réunion du 9 mai et finalement, l'AECQ a décidé de ne pas
participer. Donc, qu'on vienne nous dire qu'on n'est pas prêts... On a
toujours été prêts - je parle aussi au nom de la coalition,
à mon avis - à modifier des demandes syndicales. Tout
était négociable à l'intérieur du
dépôt qu'on a dit, entre guillemets, global, mais ça,
ça pourrait être négocié, il y a des morceaux qu'on
peut laisser tomber. On était dans une négociation et, quant
à nous, en est encore dans une négociation. Mais les
déclarations du gouvernement à l'effet qu'il ne pourra pas
laisser de vide juridique, je pense que ça ne vient pas aider
effectivement l'industrie de la construction. Donc, quant à nous, le
droit de vote syndical dans l'industrie de la construction, vous savez, si le
gouvernement a l'intention de modifier et de prolonger le décret pour
trois ans, les travailleurs et les travailleuses de l'industrie de la
construction vont être cinq ans dans la même association sans avoir
le droit de changer d'allégeance syndicale. Il y a des gens qui sont
dans l'International, qui sont probablement mécontents et qui veulent
aller joindre les rangs d'autres centrales syndicales; c'est leur choix, c'est
une liberté syndicale qui existe. Mais avec des prolongations, des
impositions de décret, on brime la liberté syndicale des
travailleurs de l'industrie de la construction. Et ça, quant à
nous, c'est inacceptable. Il faut laisser le choix au travailleur de
décider de sa centrale syndicale. On l'oblige à être
syndiqué, mais là, par une différente formule qui arrive,
on lui empêche
ce droit.
Je pense que le tout a débuté en 1973, avec l'adoption du
bill 9 - M. Bourdon se rappelle sûrement de ça - lorsque
l'ex-ministre, M. Jean Cournoyer, nous avait donné 0,85 $ l'heure
d'indexation. À ce moment-là, il y avait un problème qui
existait, l'inflation ou ainsi de suite, mais c'est à ce
moment-là qu'on a introduit la notion de l'article 51 de la loi. Donc,
on qualifie le bill 9 ou la loi 201 de cadeau empoisonné. C'est qu'on
nous a dit: On vous donne 0,85 $; mais par contre, vous n'avez plus de droit de
gérance sur votre convention collective. Les ministres ou les
gouvernements, et peu importent les gouvernements, ont toujours utilisé
cette arme-là: prolongation, modification ainsi de suite. Quant à
nous, la situation qu'on a à vivre actuellement est très
déplorable. Donc, une réforme de la loi, mais on ne voudrait pas
revenir tel que vous l'ont mentionné auparavant plusieurs
intervenants... Il y a eu, comme vous le savez, un comité qui a
été formé, présidé par M. Réal
Mireault et, d'un autre côté, par M. Jean Sexton sur les
modifications au champ d'application et la loi. C'est votre
prédécesseur qui avait formé ce
comité-là.
En 1986, avec l'adoption de la loi 106, M. Paradis a dit: On va nommer
M. Laporte comme médiateur spécial. On a eu une entente, c'est
vrai, mais c'était une entente sur deux ou trois points. On n'avait plus
de pouvoir de force. Le gouvernement avait décidé: Vous allez
vous entendre ou bien on va clencher à la cachette et ça vient de
finir là. Donc, quant à nous, il y a eu une entente, mais aussi
un engagement de M. Laporte, à savoir qu'à ce moment-là,
la loi dans l'industrie de la construction était pour être
modifiée, pas simplement sur des peccadilles, et pas pour avoir ce qu'on
appelle des cadeaux de grec, commme celui que le gouvernement nous a fait avec
la loi 31. Il a dit: O.K. Il n'y aura plus d'artisans, mais il va y avoir des
entrepreneurs autonomes et on va exclure les travaux de rénovation et de
réparation à des fins non lucratives et personnelles. Mais d'un
autre côté, une association de l'APCHQ leur donne des trucs sur
comment aller s'enregistrer à la Régie des entrepreneurs pour
opérer comme entrepreneurs autonomes. C'est la situation qu'on a dans
l'industrie de la construction.
Quant à nous, les engagements du gouvernement, on sait que le
ministre est de bonne foi, mais on sait qu'on va effectivement modifier la loi.
Vous savez, ça fait trop de fois qu'on nous conte ça en
commission parlementaire: Oui, oui, on va modifier la loi et entendez-vous et
signez une convention collective. Il est clair quant à nous que ce n'est
pas une obligation. Le gouvernement peut laisser une convention collective...
C'est écrit dans la loi qui nous gouverne qu'il peut y avoir une
convention collective sans décret. On pourrait même signer une
convention collective demain, sans demander au gouverne- ment d'extensionner
notre convention collective en décret. Et on peut opérer avec un
décret pendant deux ou trois ans, ou on peut demeurer avec un vide
juridique jusqu'à ce qu'il y ait une entente. Il n'est pas sûr
que, le 22 mai, si le ministre décide d'imposer des conditions de
travail, les travailleurs vont réagir d'une façon très
bonne On ne connaît pas le contenu du décret.
On avait mentionné au ministre que la prolongation du
décret de 21 jours causait effectivement des problèmes majeurs.
Les travailleurs de l'industrie de la construction sont tannés de se
faire imposer des conditions de travail et veulent simplement qu'on
négocie leurs conditions de travail. Le système actuel nous
empêche de faire ça. Quant à nous, il y a des tables qui
devraient continuer à siéger. Il y a des bonifications des
conditions de travail. Qu'on pense à la définition de mise
à pied ou de congédiement. On peut penser aussi à la
question de la santé et de la sécurité du travail des
travailleurs de la construction. Vous savez, depuis 1979, il y a ce qui
s'appelle dans la loi le représentant de la prévention. On est
rendus en 1990 et le représentant de la prévention s'applique
dans tous les secteurs d'activité, à l'exception de celui de
l'industrie de la construction. Pourtant, la place où il y a le plus
d'accidents du travail, chaque année, où il y a des travailleurs
et des travailleuses qui se font tuer sur les chantiers de construction,
évidemment, c'est dans notre secteur. Pourquoi n'y a-t-il absolument
rien de fait actuellement? On veut profiter de l'occasion dans les
présentes négociations pour dire: Écoutez, il devrait y
avoir des choses à l'intérieur de la négociation, du
décret, qu'on parle de la santé et de la sécurité
pour les travailleurs qu'on représente. C'est un minimum de
décence. L'AECQ nous dit: Ah, il n'est pas question de ça.
Ça va se régler à la CSST. Vous savez, la CSST, quant
à nous, c'est un autre problème Rien ne nous empêche dans
notre convention collective d'inclure des choses semblables. Il y a aussi toute
la question de la bonification du régime d'assurance
santé-salaire-maladie. Il n'est pas question d'en parler. C'est encore
le même régime. Il n'y a pas de bonification de ce
régime-là. Par contre, sur le régime de retraite, on nous
dit: Là, on serait prêts à faire un petit bout. L'âge
de la retraite à 55 ans, mais en 1993.
Donc, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui doivent être
améliorées dans le décret actuel. Ce n'est pas abuser que
de demander au gouvernement - d'ailleurs les expériences passées
l'ont prouvé - qu'on puisse négocier et que l'AECQ s'assoie et
négocie de bonne foi avec la coalition conformément à deux
ententes, celle qui a été signée par le Conseil provincial
de la FTQ et la CSN, le 24 mai, et l'entente signée avec l'AECQ et la
coalition, le 11 juillet 1989. On peut donner la certitude et la promesse au
ministre qu'il n'y
aura pas de fermeture du Métropolitain; on peut faire une
grève civilisée. Il a été démontré
clairement, ça a existé en 1976, ça a existé en
1980, pas de décret, un vide juridique et, finalement, il y a eu une
convention collective qui a été conclue.
Donc, je pense que ce sont des choses extrêmement importantes et
je sais que c'est gros, le secteur de l'industrie de la construction. On parle
de 20 000 000 000 $, mais on parle aussi de l'intérêt public.
Évidemment, l'intérêt public, souvent, c'est facile pour le
gouvernement de mettre ça en jeu. Moi, je vais vous poser la question.
L'intérêt des travailleurs et des travailleuses de l'industrie de
la construction, ce sont des citoyens qui paient aussi des impôts au
gouvernement. Ils ont droit à une bonification de leur convention
collective ou de leur décret et ce n'est pas la situation qui
prévaut depuis une dizaine d'années. Donc, devant une situation
semblable, je pense qu'on n'a pas d'autre alternative que de redemander au
gouvernement que, finalement il y ait une entente, qu'on laisse le rapport de
forces s'exercer et que le conciliateur fasse siéger la table centrale
et aussi les douze tables où il n'y a pas eu d'entente, les tables
particulières, et sûrement qu'on respecte les ententes qui sont
parvenues aux sept ou huit tables particulières parce qu'on parle de
tables par métier, spécialité ou occupation. Donc, c'est
une négociation évidemment à deux paliers.
Vous savez, on nous parle de toutes sortes de choses, mais je pense
qu'on veut l'avancement et on veut être de bonne foi. La coalition,
effectivement, est encore là et existe encore, quant à nous. On
demande une reprise de négociation, mais sérieuse. Qu'on nous
enlève l'épée qu'on a en haut de la tête en nous
disant: Écoutez, on va intervenir. Bon. Si le gouvernement a l'intention
d'intervenir encore une fois en ce qui nous concerne, il est aussi bien
d'imposer une convention collective tout de suite. Mais les négociations
par téléphone, ce n'est pas de même que ça doit se
faire, en catimini, à gauche et à droite, ce n'est pas
ça.
On devrait convoquer les parties et dire: Vous allez vous asseoir et
vous allez régler. C'est Maurice Bellemare, à l'époque,
qui a fait ça souvent en 1968, avant d'adopter la loi 290. Mais,
évidemment, ce qu'on essaie de faire aujourd'hui, c'est un peu
ça. C'est dire: Là, appelle-moi donc et je peux te régler
un point, une virgule et une petite parenthèse. Ce n'est pas ça,
quant à nous, une négociation d'une importance aussi grande que
celle dans le secteur de l'industrie de la construction. Regardez ce qui se
produit dans la province voisine, en Ontario. Il y a une négociation par
métier au niveau provincial et ils signent leurs conventions
collectives. On ne peut jouer à ce que je dois donner aux plombiers, aux
électriciens et ainsi de suite. Je vous remercie de votre bonne
attention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Pouliot. M. le ministre.
M. Séguin: Oui, très brièvement. D'abord, je
veux souligner la qualité du mémoire présenté par
le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(International). J'ai eu le temps de le feuilleter et j'ai trouvé qu'il
était particulièrement bien présenté, avec beaucoup
de détails très précis.
J'ai entendu, tantôt, M. Pouliot faire allusion à une
représentation syndicale et je n'ai pas tellement bien compris. Vous
disiez, à un moment donné, qu'il fallait peut-être revoir
la représentation des entités syndicales prévues à
la loi, dans le cadre d'une réforme. Je ne sais pas si vous pourriez
revenir là-dessus. Je ne sais pas si vous saisissez ce que... Vous avez
mentionné, à un moment donné, qu'il semblait que la loi,
de la façon dont elle est faite actuellement, ne favorise pas, pour le
travailleur, son adhésion au syndicat de son choix, etc. Vous avez
mentionné ça. Je n'ai pas...
M. Pouliot: Oui, oui. J'ai mentionné que...
M. Séguin: Pourriez-vous préciser un petit peu?
M. Pouliot: ...il y a un vote obligatoire, en vertu de la loi sur
la construction, à un moment donné, 11 mois avant l'expiration du
décret. C'est la loi 114 qui a modifié la loi sur les relations
du travail. Donc, pour le travailleur, comme vous le savez, ce sont des
périodes de maraudage qu'il a normalement tous les deux ans ou tous les
trois ans; tout dépend de la durée d'une convention collective ou
d'un décret. Mais, lorsque le ministre intervient et décide de
prolonger le décret ou qu'il y a simplement des ententes pour un an,
évidemment, ça élimine la question du maraudage.
Nous, on pense qu'il doit y avoir un maraudage dans l'industrie de la
construction et que les travailleurs de la construction devraient être
obligés d'aller voter pour une des cinq associations
représentatives dans l'industrie de la construction. Avec le
système actuel, par l'intervention toujours de l'État, il y
aurait normalement, si vous avez l'intention de prolonger le décret de
deux ou de trois ans, peut-être un prochain maraudage simplement en 1992.
Le dernier maraudage a eu lieu en 1987, donc ça veut dire que les
travailleurs seraient cinq ans dans la même association
représentative. Il y a des travailleurs qui nous mentionnent
qu'effectivement ils se sont trompés de centrale syndicale, et ça
joue pour les cinq associations, non pas nécessairement a l'avantage du
Conseil provincial, mais ça peut être à l'avantage
d'autres.
Je pense qu'on devrait respecter le minimum, soit la liberté
syndicale, et que le travail-
leur de la construction devrait pouvoir choisir son association
représentative. C'est ce que j'ai voulu mentionner. Ce que vous
êtes en train de faire, si vous donnez une prolongation au décret,
vous allez éliminer une autre période de maraudage dans la
construction et, là-dessus, on n'est pas d'accord, pas plus qu'avec
l'intervention de l'État.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
M. le député de Joliette. (12 heures)
M. Chevrette: Merci. Au début de votre exposé, M.
Pouliot, vous avez parlé de la négociation aux tables
sectorielles ou particulières. Si j'ai bien compris vos propos, et
j'aimerais que vous clarifiiez ce point, il y a des tables qui sont
signées, mais il y en a beaucoup qui seraient sur le point d'être
signées et qui ne sont pas signées ou il y en a d'autres
où il manquerait quelque peu de négociations pour finaliser les
contenus. Est-ce que ça constitue un préjudice grave, pour les
travailleurs touchés par ces tables-là, s'il y a imposition de
décret sans finaliser les négos?
M. Pouliot: Sûrement. Il y a, dans le processus de
négociation actuellement, 19 tables particulières. Il y a 7
tables particulières qui ont réglé leurs problèmes
particuliers. Prenons le cas des mécaniciens d'ascenseur, ifs ont des
problèmes particuliers. Eux sont réglés à la table
particulière, mais il ne faut jamais sortir de l'idée que la
table centrale, elle, n'est pas réglée. Il n'y a rien de
réglé là encore, mais les tables particulières sont
réglées.
Il y a 3 ou 4 tables qui seraient près d'une entente, selon ce
que me disent les représentants, les porte-parole de ces
différentes tables-là. Ce n'est pas simplement au Conseil
provincial. C'est aussi dans les autres centrales syndicales. Je sais que la
table des "bowler makers", des plombiers et certaines tables pourraient avoir
une entente assez rapidement sur leur table particulière. Donc, le fait
de dire: C'est tout fini, il n'y a plus de négociation aux tables
particulières, pas plus qu'à la table centrale évidemment,
ça met fin, à un moment donné, à toute entente
possible sur les tables particulières.
M. Chevrette: Ça veut dire qu'il y a seulement 7 tables
sur 19...
M. Pouliot: II y a 7 tables sur 19 qui ont été
réglées. Il faut comprendre qu'il y a des tables qui
représentent 2 métiers. Prenons la table des ferblantiers et des
couvreurs. Ce sont les deux métiers qui sont représentés
par le même local d'union chez nous, parce que le Conseil provincial a 29
locaux qui lui sont affiliés. Donc, évidemment, c'est une
structure qui est celle-là qui dépend des unions internationales
évidemment, et ça, ils ont réglé. Donc, ça
veut dire 2 métiers, une table. Et la même chose arrive dans le
cas des frigoristes, des protecteurs d'incendie. Eux, c'est la
FTQ-Cons-truction qui a une majorité à l'intérieur de
cette table-là et ont signé leur table particulière. Donc,
il reste 12 tables qui n'ont pas eu d'entente particulière.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, est-ce à dire, M.
Pouliot, parce que je comprends votre position qui est celle d'ailleurs de
toute la coalition, que vous ne souhaitez pas que le gouvernement impose des
conditions de travail pour un, deux ou trois ans? Mais, dans
l'hypothèse, il le ferait... Parce que ça a tout l'air qu'il va
le faire. Est-ce à dire que vous souhaitez que les tables
particulières qui n'avaient pas conclu leurs travaux, que le
gouvernement, parce que je suppose que le conciliateur est au courant de
l'évolution des pourparlers à chaque table particulière,
on en tienne compte dans le décret qu'on vous imposera?
On se comprend bien. Nous aussi, on est opposés à ce qu'on
vous impose des conditions de travail, mais de deux choses l'une, ou bien on
permet au processus de négociations de continuer ou bien, pour ce qui
est des tables particulières, comme pour les tables
générales, on s'occupe des dossiers et on les mène
à terme d'une certaine façon, par imposition, d'accord, mais on
les mène à terme.
M. Pouliot: Effectivement, M. le Président, ça a
été la demande de la coalition et, à la suite de ce que
nous a demandé M. Dufresne lors de la réunion du 9 mai où
la coalition était présente, c'était justement ça,
l'exercice. Le comité de coordination était là pour fixer
les tables particulières, les rencontres pour les tables qui
n'étaient pas réglées. Donc, il est clair, quant à
nous, que les ententes qui sont survenues aux tables particulières,
c'est une chose. Où il n'y a pas eu d'entente, il devrait y avoir une
rencontre avec le conciliateur qui devrait connaître à fond les
problèmes, mais le conciliateur est difficile à rejoindre
actuellement. Il semblerait qu'ils sont en train d'écrire un
décret. C'est ce qu'on me dit. Donc, il n'y a plus de rencontre possible
avec les tables qui n'ont pas eu, à un moment donné, d'entente.
Mais, quant à nous, il devrait y avoir des rencontres et ce serait fort
possible qu'il y ait des ententes, en tout cas, aux tables
particulières.
Évidemment, je pense qu'au niveau de la table centrale... C'est
un peu plus difficile d'avoir des ententes à la table centrale, mais ce
n'est pas impossible. Encore une fois, au risque de me répéter,
M. le Président, tout ce qui a été déposé,
à notre avis, à la table centrale, les demandes de la coalition
sont négociables. Je
pense qu'on ne peut pas être plus clairs que ça.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Oui. Je reviens sur ce point, parce que le ministre
était absent pour raison valable, mais je ne veux pas souligner
l'absence. Je veux qu'il soit conscient de ce qui vient d'être dit.
Ça m'apparaît important, s'il y a des préjudices
graves à certaines tables, que le ministre soit conscient que ces
préjudices peuvent nuire au climat des relations du travail après
l'imposition d'un décret. Ça a de l'importance, tout autant
qu'une loi d'exception quand on a à en voter une. À mon point de
vue, ce que vous dites est fort important, à l'effet que plusieurs
tables sectorielles y gagneraient au change avec une négociation, en ce
qui regarde les relations patronales-syndicales. C'est un peu ce que M. Pouliot
nous dit. Il y a seulement 7 tables sur 19 de réglées
définitivement. Mais il y a beaucoup de négociations qui
pourraient être finalisées avantageusement, mais qui ne le seront
pas s'il y a imposition de décret puisqu'il y a eu une fin de
non-recevoir de l'AECQ dans les circonstances. C'est un peu ce que M. Pouliot
nous a dit comme message.
Est-ce que vous voyez la possibilité d'un mécanisme
quelconque qui pourrait permettre... autre que celui que j'ai bien compris? Le
ministre a fait son lit. Le ministre a décidé d'utiliser
l'article 51, donc, de vous entendre et de décréter. Est-ce qu'il
y aurait possibilité, selon vous, d'avoir un mécanisme qui
permettrait, dans un contexte non pas artificiel parce que, d'après moi,
négocier avec un décret, finaliser, sans mécanisme
ça n'aboutirait à rien... Mais est-ce que ce serait pensable que,
par exemple, certaines tables puissent avoir tant de jours de
négociation et que le tout soit soumis à l'arbitrage, par
exemple, advenant une impasse? Est-ce que ça pourrait être un
mécanisme qui pourrait vous servir? Je vois votre objectif, je sens
l'importance d'une négociation, mais je ne vois pas, à partir de
la décision du ministre, comment vous pouvez arriver... Moi, je ne crois
pas à la négociation après un décret. C'est
rêver en couleur, pour moi.
Mais s'il y a un mécanisme dans le décret qui
prévoit quelque chose, est-ce que vous croyez qu'il y aurait
possibilité d'envisager des solutions dans ce sens-là?
M. Pouliot: Non. Si vous parlez de l'arbitrage obligatoire qui
existe actuellement dans la loi, quant à nous, cela a été
rejeté. Ce qu'on maintient comme position... Et il ne faut jamais
oublier qu'à l'intérieur des 12 tables qui restent, il y a des
métiers très importants qui n'ont pas eu de règlement.
Peut-être les charpentiers-menuisiers, les occupations, les
électriciens, les plombiers, ce sont de grosses tables. Il ne faut pas
non plus minimiser l'impact de l'importance de ces 12 tables-là. Par
contre, si on laissait l'exercice se continuer, à notre avis, il est
fort possible qu'il y ait des ententes à ces tables. Mais qu'on nous
demande la question de l'arbitrage obligatoire, il n'en est pas question, en ce
qui nous concerne. La balance, on veut avoir le vide juridique.
On pense, encore une fois, qu'il pourra y avoir une entente et on peut
donner la garantie au gouvernement qu'il n'y aura pas de grève
générale dans l'industrie de la construction, le 12 mai, s'il
laisse le vide juridique. Il va y avoir des moyens de pression qui vont
s'exercer. C'est clair. Sur différents métiers,
différentes régions, différents chantiers. Mais je ne
pense pas qu'il va arriver... On l'a eu, l'exercice, dans le passé.
D'ailleurs, M. Lavallée l'a mentionné à plusieurs
occasions. Je ne veux pas répéter ce qui a été
mentionné. Mais cela a déjà existé, il n'y a pas
personne qui est mort de ça. Il y a des travailleurs qui sont morts
parce qu'ils se sont fait tuer sur les chantiers de construction. Il n'y a pas
de santé et de sécurité qui existe. Ça, il y en a
en masse. Il y en a tous les jours.
Mais dire, à un moment donné, que c'est
l'intérêt public, oui. Mais qu'on laisse le rapport de force
s'exercer. C'est ce qu'on pense, dans la situation actuelle. Évidemment,
si on arrive dans une prochaine législation, quel devrait être te
contenu? On vous en suggère plusieurs façons, à
l'intérieur de notre mémoire, dont la loi doit être
amendée. Mais je ne pense pas que ce soit l'endroit ici, c'est la
tribune pour commencer à parler. Le ministre nous dit que ça
devrait être au mois de septembre, au mois d'octobre. À ce
moment-là, on fera un mémoire plus étoffé pour
expliquer la façon dont la loi devrait être amendée dans
l'industrie de la construction.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. Pouliot, supposons que le ministre
décrète les conditions de travail - on s'entend bien que vous ne
le voulez, en aucune façon - est-ce qu'il devrait, dans ça, tenir
compte de chacune des tables particulières et de l'état du
dossier? Je ne veux pas dire: D'aucune façon, est-ce que vous consentez
à ce que les conditions vous soient imposées? On se comprend
bien, vous êtes contre. Mais tant qu'à l'être, est-ce que le
décret devrait tenir compte de chacune des tables particulières
où il y a eu de la négociation, qu'elle ait abouti ou non, cette
négociation?
M. Pouliot: Sûrement qu'il devrait tenir compte...
D'ailleurs, dans l'annexe du mémoire, il y a une lettre du directeur
général de l'AECQ qu'il adresse aux conciliateurs, qui dit qu'il
est d'accord, lorsqu'il y a une entente globale, que
ça doit être mis dans le décret ou dans l'entente.
Bon. Et d'un autre côté, je pense qu'il ne faut pas non plus
écraser ceux qui n'ont pas eu d'entente aux tables particulières.
Vous savez, il y en a qui sont peut-être plus exigeants. Ils ont
peut-être plus de problèmes. Il y a une multitude de raisons que
je ne connais pas. Mais je pense qu'on devrait tenir compte des revendications
de ces tables particulières-là aussi. Même, ce qu'on essaie
de me dire, que le Conseil provincial est plus facile d'entente et qu'on a
réglé plusieurs tables, bon, ça peut être bien
comique et bien le "fun" mais il y a aussi d'autres travailleurs qui ont droit
à des conditions de travail, peu importe les centrales syndicales.
M. Bourdon: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Y
a-t-il d'autres intervenants?
Une voix: Non, ça va.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier nos invités.
M. Chevrette: On vous remercie, M. Pouliot, et on espère
que vos paroles sont au moins entendues et souhaitez qu'elles soient
comprises.
M. Pouliot: Au moins, elles sont écrites.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction (International) - j'ai bien appris - et
invite à la table la Confédération des syndicats nationaux
(CSN-Construction).
Bonjour. Vous connaissez nos règles de procédure. Vous
avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre point de vue et il y
aura un échange avec les parlementaires, par la suite. Je vous prierais
d'identifier votre porte-parole, de présenter les gens qui vous
accompagnent et de procéder.
Confédération des syndicats nationaux
(CSN-Construction)
M. Bilodeau (Jean-Noël): Merci, M. le Président.
Mesdames, messieurs, les membres de la commission parlementaire, d'abord, au
nom de la CSN-Construction, je tiens à vous remercier de la politesse du
gouvernement à nous entendre à ce moment-ci.
Je voudrais d'abord préciser, à la suite de certaines
remarques qui ont été faites ce matin par le porte-parole de
l'AECQ, que les offres globales patronales qui ont été
déposées ont été rejetées...
Le Préskient (M. Bélanger): Excusez-moi, j'aurais
souhaité que vous vous identifiiez d'abord.
M. Bilodeau: D'accord. Mon nom est Jean-Noël Bilodeau; je
suis coordonnâtes à la CSN-Construction. Je
préférerais, dans la suite que je vais vous dire,
présenter les autres personnes. D'accord?
Le Président (M. Bélanger): C'est que ça
nous aide beaucoup pour l'organisation des travaux et pour le Journal des
débats. Je m'excuse de vous faire déroger à votre
ligne...
M. Bilodeau: Je vous en prie.
Le Président (M. Bélanger): mais si vous voulez
présenter vos collègues, ça nous aiderait beaucoup.
Merci.
M. Bilodeau: D'accord Je reprends Je voudrais préciser
qu'à la suite de certaines remarques qui ont été faites
par le porte-parole...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, je
voudrais préciser que je voudrais que vous présentiez vos
collègues, s'il vous plaît!
M. Bilodeau: C'est bien. Alors, ceux qui sont avec moi à
la table, ce matin: il y a le président du Syndicat de la construction
de Québec, Jean-Guy Gagnon; Roger Trépanier, de la
CSN-Construction. À ma gauche: Louis-Serge Houle, de la
CSN-Construction; Yvon Landry, président du Syndicat de la Mauricie,
CSN-Construction; Olivier Lemieux, négociateur de la
CSN-Construction.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup.
M. Bilodeau: Je vous en prie. Je reprends. Je voudrais
préciser, à la suite de certaines remarques qui ont
été faites ce matin par les porte-parole de l'AECQ, que les
offres globales patronales déposées le 20 avril ont
été rejotees, depuis le début du mois de mai, par plus de
70 assemblées générales des syndiqués de la CSN
Construction à plus de 90 % à 100 %, et ce, par vote secret. Je
voudrais également souligner que la plupart de leurs
représentants démocratiques sont ici parmi nous pour en
témoigner, dont ceux d'Abrtibi-Témiscamingue et de son
président, M. André Lépine; dont ceux de l'Outaouais et de
leur vice-président, Jean-Marc Cloutier; dont celui de Montréal
et de son président, M. Alfaro; dont celui de l'Estrie et de son
président, M. Henri-Louis Bisson; dont celui du Bas-Saint-Laurent et de
la Gaspésie et de son président, M. Robert Lévesque; dont
celui de la Côte-Nord et de son président, M. Alain Rousseau; dont
celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de son président, M. Edouard
Duchesne; dont celui de
Lanaudière et de son président, M. Leopold Marion; dont
celui de la Montérégie et de sa trésorière, Johanne
Groulx; dont celui de la Mauricie, M. Landry, que je vous ai
présenté tout à l'heure, et de M. Jean-Guy Gagnon, de
Québec.
Nous avons préparé un mémoire dont nous vous
remettrons les copies. Nous allons vous en faire la lecture. La
CSN-Construction se présente aujourd'hui devant la commission
parlementaire de l'économie et du travail pour réaffirmer le
droit des travailleurs et des travailleuses de la construction, dont les 28 000
qu'elle représente, au libre exercice de la négociation dans
cette industrie. (12 h 15)
Dans une société comme la nôtre, où le droit
d'association des travailleurs et des travailleuses ainsi que le pluralisme
syndical sont reconnus et garantis par la législation, le libre exercice
de la négociation constitue également un droit
inaliénable. La CSN-Construction considère que les travailleurs
et les travailleuses doivent garder l'assurance que ces acquis seront toujours
respectés et conservés.
En plus de s'inscrire dans une tradition de liberté syndicale,
ils représentent de façon vivante les principes
démocratiques sur lesquels s'appuie le Québec dans son
développement. En revendiquant une législation du travail
appropriée et en participant à la négociation de leur
convention collective, les travailleurs et les travailleuses veulent s'assurer,
à eux et aux membres de leur famille, des conditions de travail et de
vie qui leur permettent de satisfaire leurs besoins et de travailler de
façon convenable et en toute sécurité. Par la convention
collective, ils veulent également se soustraire à des conduites
arbitraires qui ne respectent pas leur dignité.
La négociation de la convention collective est un processus par
lequel le rapport de force entre l'employeur et les travailleurs et
travailleuses s'exerce pour déterminer les conditions de travail. En
laissant libre cours au rapport de force, les parties directement
intéressées s'entendent sur la façon dont le travail est
effectué et sur les conditions salariales de ce travail.
Pour les travailleurs et les travailleuses, la négociation de la
convention collective constitue un excellent moyen pour améliorer,
changer, transformer les conditions de travail et de vie qui ne respectent pas
la dignité humaine. En outre, la négociation leur permet de
défendre et de promouvoir des principes et des droits légitimes
qui pourront bénéficier à toute la société.
Brimer le libre exercice de la négociation et le droit de grève
qui est son prolongement équivaut à briser les règles du
jeu, à empêcher des hommes et des femmes d'améliorer des
conditions de travail et de vie, d'espérer changer leur existence,
à soustraire l'une des deux parties de son obligation de discuter du
contrat de travail.
En ce début de nouvelle décennie, nous sommes
forcés de constater que le libre exercice de la négociation de la
convention collective est remis en question. Alors que le droit à la
syn-dicalisation est de plus en plus contesté, la négociation ne
semble plus être un moyen reconnu pour déterminer les conditions
de travail. Systématiquement, depuis quelques années, le
gouvernement, en tant que législateur, s'ingère et intervient
dans de nombreuses négociations et change les règles du jeu. Ce
faisant, il empêche de nombreux travailleurs et travailleuses
d'améliorer leurs conditions de travail et de vie.
Au Québec, près de la moitié des syndiqués,
soit environ 500 000 travailleurs et travailleuses, se retrouvent ainsi
à la merci de leur employeur et se voient incapables d'exercer librement
leur rapport de force. C'est vrai, notamment, pour les salariés des
hôpitaux, des écoles, des services publics et également
d'Hydro-Québec et de ceux de la construction qui relèvent
pourtant du secteur privé. Pour tous ces hommes et ces femmes, les
conditions de travail sont décrétées
unilatéralement sans qu'ils puissent, en toute légitimité,
intervenir pour corriger, par le processus normal de la négociation, des
injustices qui existent dans leurs lieux de travail ou qui ont
été causées par des décisions arbitraires.
Dans l'industrie de la construction, la convention collective n'a pas
été négociée une seule fois dans son ensemble
depuis 1980. Jamais, au cours de cette période, les travailleurs et
travailleuses de ce secteur n'ont réussi à améliorer autre
chose que quelques articles, dont les clauses salariales, dans leur convention
collective. Les articles relevant du normatif, qui n'ont pourtant aucune
incidence monétaire, sont les mêmes qu'il y a 10 ans.
Formée de plus de 120 000 personnes, la construction est non
seulement la plus importante industrie du secteur privé, mais la seule
où on empêche systématiquement la tenue d'une
véritable négociation. Depuis 1980, toutes les
négociations se sont déroulées sous la menace d'une
intervention gouvernementale. Le décret qui tient lieu de convention
collective a été prolongé ou imposé en 1982, 1984,
1986 et 1987. En 1989, où les parties ont signé une entente, la
négociation n'a donné lieu qu'à quelques changements de la
convention collective parce que, encore une fois, le gouvernement
menaçait d'intervenir.
La CSN-Construction considère l'ingérence du gouvernement
du Québec dans la négociation de la convention collective de
l'industrie de la construction comme étant totalement inacceptable. En
agissant ainsi, le gouvernement nie le droit des travailleurs et des
travailleuses d'intervenir dans ce qui les concerne directement. En brimant
ainsi leur droit de négocier leurs conditions de travail, on les
empêche de proposer des
solutions aux problèmes qu'ils vivent quotidiennement sur leurs
lieux de travail. Si la situation n'a cessé de se
détériorer dans la construction, plus particulièrement
depuis 10 ans, c'est parce que le gouvernement est intervenu et a
empêché le libre exercice de la négociation. Ce faisant, il
a donné des munitions à l'AECQ qui ne remplit plus son mandat de
gérer les conditions de travail dans l'industrie et de négocier
la convention collective.
Depuis une dizaine d'années, l'AECQ refuse
systématiquement de négocier les conditions de travail des
salariés de la construction. Son intérêt à
négocier est nul parce qu'elle sait qu'elle peut compter sur le
gouvernement pour prolonger ou imposer les conditions de travail.
En 1988, la CSN-Construction et la FTQ-Construction entreprenaient des
discussions avec l'AECQ pour en venir, éventuellement, à la
signature d'une convention collective. Une entente est effectivement
intervenue, le 26 avril 1989, à plusieurs conditions dont celle de
reprendre, dès l'été, les discussions pour conclure, pour
la première fois en 10 ans, une entente sur l'ensemble des articles de
la convention collective. À ce moment, les associations syndicales, dont
la CSN-Construction, ont fait confiance au gouvernement ainsi qu'à
l'AECQ et considéraient qu'avec une année complète pour
discuter, il était possible de penser signer une convention collective.
C'était sans compter sur l'absence de volonté de l'association
patronale.
Si l'AECQ n'a jamais démontré de réelle
volonté de s'entendre avec les associations syndicales
représentatives, en revanche, celles-ci ont tout mis en oeuvre pour
tenter d'en arriver à un règlement négocié.
Après avoir formé, avec l'inter, une coalition
représentant 90 % de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses de
l'industrie, les associations syndicales ont harmonisé leurs demandes et
déposé un cahier complet sur l'ensemble des articles de la
convention collective, le 14 juillet 1989. La formation, pour la
première fois, d'une telle coalition syndicale s'inscrit dans la
volonté - et ce n'est pas un mariage de raison - exprimée de
solutionner les problèmes que vivent les travailleurs et les
travailleuses en négociant des améliorations à la
convention collective. En déposant le cahier des demandes syndicales,
les associations ont en outre indiqué clairement qu'elles étaient
disposées à discuter de l'ensemble de ces demandes.
Cependant, l'Association des entrepreneurs ne s'est montrée
disposée à débuter les pourparlers que trois mois plus
tard, en octobre. À partir de ce moment jusqu'à aujourd'hui,
seulement 23 rencontres de négociation ont eu lieu et il en a fallu neuf
pour expliquer les demandes. Au cours des discussions, l'AECQ n'a jamais
accepté d'entreprendre sérieusement les négociations.
Alors qu'une entente semblait à la portée de la main sur un
article après plusieurs heures de discussion, les représentants
patronaux quittaient la table en indiquant clairement que ces demandes ne
correspondaient à aucune véritable préoccupation et
étaient inacceptables.
Le 20 avril et le 11 mai, elle a remis aux représentants de la
coalition syndicale deux contre-propositions globales qui ont été
rejetées massivement par les membres de la CSN-Construction
réunis dans 70 assemblées générales. À la
lecture des contre-propositions patronales, les travailleurs et les
travailleuses ont compris que l'industrie de la construction n'apporte aucune
solution aux nombreux problèmes que vivent les travailleurs et les
travailleuses de ce secteur. Au contraire, elles ne font qu'attiser un
mécontentement déjà grandissant des travailleurs et des
travailleuses. En niant leur droit fondamental au libre exercice de la
négociation de leur convention collective, le gouvernement balaie du
revers de la main un processus démocratique, entrepris il y a plusieurs
mois, visant à solutionner de façon concrète les
problèmes vécus sur les chantiers par les salariés de
l'industrie.
Les demandes de la CSN-Construction, qui ont été
harmonisées avec celles de la coalition et qui se retrouvent dans les
cahiers déposés à la table centrale et aux 19 tables
particulières, ont été élaborées dans le
cadre de plusieurs tournées d'assemblées générales
dans toutes les régions du Québec où ont participé
des travailleurs et des travailleuses de tous les métiers,
spécialités et occupations. Les membres de la CSN-Construction,
comme tous les travailleurs et travailleuses de la construction, veulent
trouver des solutions à l'insécurité d'emploi, à
l'insécurité du revenu, au travail au noir, aux
difficultés que leur posent plusieurs clauses normatives ainsi
qu'à des problèmes particuliers, spécifiques à leur
métier, spécialité ou occupation.
Dans une société où les règles sont
supposées être les mêmes pour tout le monde, les
travailleurs et les travailleuses de la construction sont: premièrement,
actuellement incapables de négocier leur convention collective en raison
de l'ingérence du gouvernement; deuxièmement, difficilement en
mesure de faire respecter tous leurs droits à cause de l'absence de la
formule d'ancienneté; troisièmement, les premières
victimes du travail au noir qui permet à certains entrepreneurs
d'augmenter ses profits au détriment de leur sécurité
d'emploi et de revenu.
Les travailleurs et les travailleuses de la construction n'ont pas
à payer de leur appauvrissement et de la détérioration de
leurs conditions de travail les conséquences de l'incurie et du
laisser-aller de l'application de la loi. Ce qu'il faut, c'est une convention
collective qui soit respectée par tous les intervenants de l'industrie,
qui respecte le droit au travail des salariés et qui rejoigne les
responsabilités sociales des gouvernements et des entreprises à
assurer du travail. C'est dans cette optique que les travailleurs et les
travailleuses ont articulé leurs
demandes. Celles-ci correspondent à leurs préoccupations
maintes fois exprimées d'apporter la sécurité d'emploi et
de revenu, tout en s'assurant du respect de leurs droits.
Depuis 1980, l'AECQ n'a jamais accepté de négocier
l'ensemble des clauses normatives de la convention. Pourtant, plusieurs
articles de la présente convention collective sont déficients et
ne correspondent aucunement aux problèmes des travailleurs et des
travailleuses. Les demandes déposées par la coalition syndicale
relativement aux clauses normatives visent à adapter la convention
collective aux réalités actuelles du travail sur les
chantiers.
La CSN-Construction tient à souligner à la commission que
jamais ces demandes n'ont empêché un règlement avec
l'association patronale. La coalition s'est toujours montrée ouverte et
disponible à discuter des propositions. En outre, celles-ci se
retrouvent dans la plupart des conventions collectives des entreprises
syndiquées du Québec, que ce soit une clause de grief, que ce
soit une procédure dans la mise à pied ou de l'arbitrage, que ce
soit au niveau de l'ancienneté, ce sont tous des points qui se
retrouvent dans la plupart des conventions collectives.
Si une entente n'est pas intervenue à ce moment-ci, c'est parce
que l'association patronale n'a jamais véritablement accepté
d'entreprendre les discussions sur aucun point de la convention collective.
Dans notre mémoire, nous avons souligné plusieurs des
points que l'on considère comme étant extrêmement
importants, notamment celui d'une clause de grief, celui d'une bonne
définition de la mise à pied et du licenciement, celui d'une
nouvelle définition du chantier industriel. On a voulu souligner
également la nécessité d'avoir de nouveaux pouvoirs
syndicaux pour permettre, effectivement, de contrer une fois pour toutes le
travail au noir. On pense qu'au niveau des congés, au niveau de la
formation, il y a des choses à ajouter pour faire en sorte que les
travailleurs puissent avoir plus de liberté syndicale. On pense
également qu'il doit y avoir des préavis écrits de mise
à pied. On pense que ça prend une formule solide, très
importante d'ancienneté qui permettrait, finalement - et on a
parlé du rapport du comité Picard-Sexton - qui permettrait
peut-être d'ajouter une certaine forme de sécurité d'emploi
à la sécurité du revenu que ce rapport-là semble
vouloir offrir.
En conséquence, pour la CSN-Construction, seul le libre exercice
de négociation peut apporter des solutions actuellement aux
problèmes qui se vivent quotidiennement sur les chantiers de
construction. En se substituant à l'une des deux parties, en
l'occurrence l'AECQ, le gouvernement fausse les règles du jeu et nie le
droit des travailleurs et travailleuses à négocier librement
leurs conditions de travail.
La CSN-Construction s'objecte donc à toute intervention
gouvernementale pour prolonger ou imposer le décret de la construction.
En agissant ainsi, le gouvernement ne règle rien mais ne fait qu'attiser
le mécontentement grandissant des salariés de cette industrie. Il
existe des problèmes profonds dans l'industrie et une prolongation ou
une imposition ne répond en rien à ces problèmes. Si on ne
permet pas le vide juridique, si on empêche ie rapport de force de
s'exercer, la CSN croit que les relations du travail souffriront
énormément au cours des semaines à venir. Si je peux
employer une image, je dois vous dire que s'il y a des nuages sombres qui
passent actuellement au-dessus du Québec et pas seulement à
Saint-Amable, on espère bien que les retombées ne pollueront pas
l'industrie pendant les prochaines années, du moins les relations du
travail.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Séguin: Oui, brièvement. D'abord, je veux
souhaiter la bienvenue aux représentants de la CSN à cette
commission et saluer leur mémoire que j'ai parcouru tantôt, ce
matin, que j'ai trouvé intéressant parce qu'il soulève
effectivement, comme vous l'avez dit, des points très précis.
Vous parlez, par exemple, de licenciement, de mise à pied, des chantiers
industriels, de la représentation syndicale, des congés sans
solde, l'ancienneté, la question de l'ancienneté sur le
congédiement qui, je sais, tient bien à coeur
particulièrement la CSN, les préavis de mise à pied,
enfin... etc., la durée normale du contrat, les modes de paiement de
salaires, les congés annuels obligatoires, les heures
supplémentaires, la retraite, lés congés de maladie, les
prestations supplémentaires d'assurance-chômage. Je pense que vous
faites allusion au rapport Picard-Sexton, si je ne me trompe pas; toutes des
choses évidemment très précises et qui sont importantes
dans les conditions de travail. Ma question, enfin, c'est un échange
avec vous... Vous suggérez, à la fin de votre mémoire et
de votre intervention, de dire: Toute intervention par décret ou quoi
que ce soit n'est pas souhaitée. Enfin, vous souhaitez a contrario
davantage le vide juridique. Mais je me repose la question: Si le décret
d'intervention ou des conditions de travail qui s'élabore
présentement et que non pas le ministre du Travail aura à
déterminer, comme l'a dit le député de Joliette, mais
c'est plutôt le Conseil des ministres... On sait que, dans la loi, il y a
des pouvoirs qui sont du pouvoir ou de l'autorité du ministre du Travail
et il y en a d'autres qui sont du gouvernement. Il a été ministre
assez longtemps pour savoir que ce n'est pas le ministre du Travail qui
décrète, mais c'est le gouvernement, sur recommandation du
ministre du Travail, mais c'est le Conseil des ministres qui
détermine.
Il y a d'autres choses que le ministre du
Travail peut faire... Il disait lui-même que, s'il avait
été ministre du Travail, à l'époque, dans son
gouvernement, il aurait peut-être réglé certaines choses.
Qu'on me donne la chance, à ce stade-çi, de recommander à
mon gouvernement l'ensemble des sujets qui ont été
discutés aux tables de négociation, même celles qui n'ont
pas été entendues. Je ne me sens pas lié, strictement
parlant, par ce qui aurait été entendu ou non. J'ose croire que
le projet des conditions de travail est fait dans une optique assez
généreuse. Alors, à ce moment-là, si vous trouviez
que le décret finalement rejoignait un ensemble de ce que vous
suggérez, est-ce que vous croyez cela uniquement parce que c'est un
décret ou qu'il n'y a pas eu de rapport de force que c'est inacceptable?
(12 h 30)
M. Bilodeau: Naturellement, si le ministre, dans un
décret, s'avisait d'être généreux, je dois vous dire
que ce sera d'abord un peu surprenant si on connaît l'histoire de
l'industrie de la construction. Toutefois, il est certain que dans le cadre qui
vous a été soumis par la coalition dans ses contre-propositions -
et d'ailleurs on a travaillé avec votre conciliateur pendant tout
près d'une journée pour lui indiquer les principaux points, la
journée de samedi a servi à ça - je pense que les messages
ont été assez clairs au gouvernement que la volonté de la
coalition, c'est peut-être d'adapter une fois pour toutes des solutions
à l'ensemble des problèmes que vivent les travailleurs et les
travailleuses de la construction depuis plusieurs années. On insiste
peut-être dans les grandes lignes sur toute la question du travail ,au
noir. Le travail au noir, on l'avait dénoncé, il y a plus de cinq
ans, et actuellement il n'y a pas d'effort senti de la part des associations
patronales, même si elles vont afficher elles-mêmes, je dirais,
constater le phénomène, il n'y a pas d'effort véritable
pour nous dire ou indiquer qu'il puisse y avoir quelque part une volonté
commune d'arriver à faire en sorte qu'on puisse corriger le travail au
noir. Alors, on n'a pas d'autres choix que de vous offrir une proposition qui
est celle de vous dire: Écoutez, il faut que les parties syndicales
puissent avoir le pouvoir d'aller sur les chantiers de construction et de
vérifier les cartes des travailleurs de la construction, de
vérifier les licences des entrepreneurs de façon à pouvoir
simplement identifier le travail au noir. Ça, c'est une chose qu'on
demande depuis plusieurs années. On n'a pas reçu de
réponse à ce niveau-là. Au niveau de l'ancienneté,
ça fait 20 ans qu'on la demande. On sait que c'est la base même,
je dirais, d'un minimum de possibilités pour faire en sorte que le
travailleur, isolé sur son chantier, puisse être capable d'avoir
un pouvoir pour résister à l'arbitraire du patron qui, lui, peut
le mettre à pied sans même un préavis écrit, qui
peut le mettre à pied simplement, comme le disait tout à l'heure
Yves Paré de la FTQ- construction pour une mise à pied temporaire
et qu'on ne reverra pas parce que de toute façon ce sera un licenciement
déguisé. Alors, on pense qu'une liste d'ancienneté va
permettre au travailleur de lui donner, je dirais, quelque part, un moyen de
s'agripper à son décret pour faire au moins respecter les
conditions du décret qui ne sont pas respectées de toute
façon. Et là. je pense qu'on vous a expliqué chacun de ces
points-là. Quant à nous, il est clair que si le gouvernement
intervenait à ce moment-ci et disait: Écoutez, la
contre-proposition syndicale nous apparaît comme étant la solution
qui permettra de régler des problèmes. Je dois vous dire qu'on
serait d'abord, premièrement, très surpris mais qu'ensuite, je
pense, que nos assemblées syndicales en tiendraient certainement compte
pour faire en sorte de juger à ce moment-ci de la volonté de
continuer avec une prolongation de décret. Mais on irait voir dans nos
assemblées d'abord ce qui...
M. Chevrette: Sur le plan théorique, je voudrais bien
donner raison au ministre. C'est vrai que c'est le Conseil des ministres qui
décrète et non pas le ministre. Mais je vois Mme Robic discuter
du contenu du décret de la construction et de l'ancienneté dans
les mises à pied sur un chantier temporaire par rapport à un
chantier de grande envergure industrielle. Il ne faut pas rire du monde
là! Il y a un cadre juridique, il y a un cadre pratique. Le cadre
pratique, c'est le ministre du Travail qui arrive avec une recommandation au
Conseil des ministres. Moi, je pensais, de la manière qu'il avait
commencé à lire le mémoire, qu'il viendrait nous dire:
Bon, bien savez-vous, la formule des griefs que vous proposez, je la trouve pas
pire. Je pense qu'on va la recommander. Je pensais qu'il était pour nous
dire... Les chantiers industriels, la définition que vous lui donnez,
ça a de l'allure et ce soir, je vais la recommander dans mon
décret. Mais ce n'est pas ça qu'il vous a dit: II a trouvé
ça beau. Il a trouvé ça très beau, très bien
écrit. Nous autres, on aurait aimé que le ministre dise ce qu'il
en pensait. En plus d'être beau et d'être bien écrit et que
ça se lit bien, est-ce que ça va faire partie du décret ce
soir ou de la recommandation gouvernementale? C'est un Conseil des ministres
spécial qui devrait avoir lieu, si j'ai bien compris. Cinq ministres qui
vont décider de façon très urgente de passer un
décret pour minuit ce soir. C'est ça, à toutes fins
pratiques, à moins que je ne me trompe. Je ne me trompe pas, hein?
Donc, ne me trompant pas, imaginez-vous si le ministre a le temps
aujourd'hui d'aller fouiner dans les 19 tables sectorielles, pour voir
où on en est rendu. Sur le plan pratique, moi, je n'aime pas ça
qu'on remplisse le monde. Sur le plan pratique, le décret, il faut qu'il
soit quasiment rédigé à cette heure-là. Il est 12 h
35 de l'après-midi. Il va faire partie d'une convention
collective décrétée ce soir à minuit et il y
a 19 tables sectorielles, dont sept qui ont fini. Il y en a d'autres où
ce n'est pas tout à fait fini et d'autres qui sont avancées sur
certains sujets. Comment, décemment, tout ça va-t-il faire partie
d'un décret potable? Je ne le sais pas. À moins qu'il y ait eu
des négociations qu'on ignore. Est-ce que vous avez eu des offres dans
les coulisses, vous autres?
M. Bilodeau: Des offres? Vous me surprenez. Effectivement, je
dois vous dire que, depuis deux semaines, la coalition et principalement
peut-être, je dirais, certains groupes de métiers parce que, pour
eux, les tables particulières revêtent beaucoup d'importance, ont
fait des demandes répétées et suivies au gouvernement pour
faire en sorte de faire avancer leurs tables. De là à avoir eu
des offres, non.
M. Chevrette: Vous n'avez pas eu un cadre de règlement
final qui vous aurait été proposé?
M. Bilodeau: Non.
M. Chevrette: Par un conciliateur?
M. Bilodeau: Non.
M. Chevrette: Vous n'avez pas eu d'échange avec l'AECQ sur
un potentiel cadre de règlement?
M. Bilodeau: Des échanges éclairs dans le sens
où par exemple, voyant que le conciliateur était affairé,
nous avons communiqué avec le conciliateur pour lui demander
effectivement ce qui se passait, ce qui arrivait. Or, effectivement, on lui a
indiqué, encore à ce moment-là que, pour nous,
c'était important de faire en sorte de respecter ce qui est contenu dans
notre rapport, de laisser le vide juridique, de laisser les parties
négocier et on lui a indiqué également que la
contre-proposition de la Coalition la semaine dernière et ces points
très importants qui avaient été indiqués au
conciliateur devraient être retenus par le conciliateur à ce
moment-ci et continuer de faire l'objet de la négociation.
M. Chevrette: Est-ce que je peux poser une question au ministre?
Est-ce que le ministre a demandé à son conciliateur un rapport,
pour lui au moins, sinon pour les parties?
M. Séguin: Le travail de mon conciliateur actuellement,
c'est de me formuler un ensemble de recommandations, suggestions ou
propositions pour m'éclairer le plus possible, évidemment, sur ce
qui pourrait être contenu à la convention. Alors, le conciliateur
a discuté avec les parties. Il discute encore et il va retenir des
choses. Sur autre chose, il ne pourra les retenir parce que ce n'est pas
complet ou ce n'est pas possible, mais son travail actuel est dans ce
but-là. Je reçois présentement certaines communications
des parties sur les points sur lesquels elles veulent insister davantage.
M. Chevrette: Est-ce que c'est pensable... Je m'excuse si je vous
ignore pour quelques minutes, mais je pense que ça va bien pour vous
pareil. Est-ce que c'est pensable que le conciliateur, d'ici quelques heures,
puisse faire part à toutes les parties d'un cadre potentiel de
règlement?
M. Séguin: À ce stade-ci, le travail du
conciliateur est difficile entre les parties parce qu'il n'y a pas d'entente.
Alors, on connaît l'état de la situation entre les parties, donc
ce que j'ai demandé à mon conciliateur, c'est de m'aider le plus
possible à établir ce qui lui a été
présenté et ce qu'il a pu constater et ce qu'il semble croire
qu'il y a des éléments intéressants.
M. Chevrette: Mais, avant de décréter, si votre
conciliateur, M. le ministre, vous rédige un état de situation
qui devrait vous influencer dans la rédaction finale du décret,
comme addenda à votre décret, le contenu des conditions de
travail, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de soumettre ça aux parties?
Tout d'un coup que ça aurait un petit peu d'allure? Tout d'un coup que,
si, de part et d'autre, on sent...
M. Séguin: Je ne crois pas que le conciliateur...
M. Chevrette:... que c'est peut-être
préférable.
M. Séguin: Le conciliateur m'a informé qu'il
n'arrivait pas actuellement à un protocole d'ensemble acceptable entre
les parties. Il y a eu des tentatives, des discussions, mais ça n'a pas
réussi. Ce que je lui ai demandé de faire, c'est de m'indiquer
les éléments, au niveau de la convention collective, qui sont
susceptibles d'être retenus et qui sont intéressants. Sa
démarche n'est pas officielle. On sait qu'un conciliateur, en vertu de
la loi, n'est pas tenu au dépôt du rapport comme tel. Mais je lui
ai demandé, pour m'assurer, moi, au-delà des parties, s'il n'y a
pas d'éléments sur lesquels, même s'il n'y a pas eu
d'entente, que je ne peux pas reconnaître le bien-fondé et
tâcher de leur donner une bonification dans le décret. Comme je
l'indique depuis hier, c'est mon intention. Des parties font valoir
actuellement, enfin, particulièrement, les parties syndicales, insistent
sur des éléments qu'elles souhaiteraient, au minimum, voir
apparaître dans le décret, même si je comprends bien que la
coalition n'est pas heureuse peut-être qu'il n'y ait pas d'entente et
n'est peut-être pas heureuse de voir le décret, mais je me dis
à tout le moins
que si les conditions de travail respectent le plus possible les
demandes - je pense que c'était le sens de notre échange
tantôt - je pense que le débat n'est pas de savoir s'il y a un
décret, s'il y a un rapport de force, s'il y a une grève ou un
lock-out. Je comprends que ça, ce sont des moyens, mais, à tout
le moins, ce qu'on veut, c'est un résultat le plus raisonnable, le plus
correct possible. Enfin, j'estime que ma bonne foi et ma
sincérité, les éléments que j'ai me permettent de
croire que les conditions ou les éléments du décret
devraient être jugés, à tout le moins, raisonnables et
intéressants sur plusieurs aspects, très intéressants.
M. Chevrette: Sauf que si j'ai posé la question, c'est
fort simple, c'est à cause de deux choses. L'AECQ dit, à toutes
fins pratiques: Le gouvernement a décidé de se substituer
à nous. C'est son droit, en vertu de la loi. Donc, pour nous, c'est
fini. Et j'ai même fait dire à M. Dion, vous vous rappellerez,
considérez-vous que vous pouvez négocier après? Il a bien
dit non. À partir de là, c'est là que le ministre,
à mon point de vue, peut jouer un rôle encore, dans le sens
suivant. Quand un conciliateur ou un médiateur au dossier fait part de
ce qui lui apparaît comme normal, ça peut créer une
pression, y compris si on a un employeur qui a décidé de ne plus
négocier parce que vous vous êtes substitués.
Je me rappelle, moi, de M. Marois, au moment où il a dû
décréter les conditions de travail. Je ne me souviens pas en
quelle année, mais je me souviens que les employeurs étaient
devenus furieux contre Pierre Marois. Je m'en rappelle. Mais, à ce
moment-là, je suis convaincu que s'il avait eu à négocier,
il se serait peut-être assis à la table. Conscient des intentions
du ministre du Travail, ça peut changer des choses assez rapidement.
C'est pour ça que je vous tendais la perche, M. le ministre, en vous
disant: Vous avez peut-être encore dans votre sac quelques heures devant
vous pour dire à l'AECQ. Bien, c'est bien de valeur, mais comme tu n'as
pas voulu ou que tu ne veux plus négocier ou... Il y a des choses que je
reconnais comme plausibles dans les demandes. Non seulement je les trouve bien
écrites et bien libellées, mais j'adhère à son
contenu. C'est un peu ça que je voulais tirer du ministre et qu'il me
dise: Bien, vu que je suis d'accord avec le contenu, peut-être que
ça fera partie du décret, peut-être que ça va
négocier vite, peut-être qu'avant lundi soir, minuit, il y a des
choses... Quand on veut négocier... Il y en a un qui racontait que M.
Bellemare enfermait... Je ne suis pas sûr que c'est toujours la meilleure
solution. Mais, sans enfermer, je trouve qu'il y a encore des
possibilités. Il y a une autorité morale, il y a une
volonté politique qui peut jouer encore dans le décor.
M. Bilodeau: Je vous remercie de votre appui, mais on demeure
sensibles quand même aux efforts du ministre et du conciliateur pour
adhérer également à notre document.
M. Chevrette: Oui, hein. Moi aussi. Et je vous remercie.
M. Séguin: Je vous remercie des encouragements. Mais ils
vont dans ce sens-là et je suis très ouvert. D'ailleurs, je vous
écoute ce matin avec beaucoup de sensibilité. Évidemment,
je connais les demandes de la coalition syndicale. Mon objectif, c'est
d'essayer de les rencontrer. Actuellement, je fais l'impossible avec les gens
du ministère pour que nous arrivions à un décret le
meilleur possible, qui va respecter davantage les conditions de travail, et non
pas la mécanique parce que pour ça je suis d'accord, la
mécanique, les rapports de force, etc., j'ai pris l'engagement et c'est
public. D'ailleurs, je suis prêt à le confirmer cet
après-midi par un communiqué de presse. Sous réserve de la
disponibilité de la commission actuelle de l'économie et du
travail, dès septembre, au courant de septembre, on est prêt
à soumettre la loi à l'examen de la commission par audiences
publiques. Je suis prêt à m'engager dans la réforme sans
aucune hésitation parce que, comme ministre du Travail et pour avoir
négocié l'année passée et cette année, je
suis convaincu que le système actuel n'est pas acceptable dans
l'ensemble de ces dispositions.
Le Président (M. Bélanger): M le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bilodeau: Seulement peut-être pour vous résumer
que même dans le cadre d'une réforme de la loi, effectivement, il
peut y avoir certains, je dirais, trous importants actuellement dans la loi. On
a fait partie d'un comité, il y a deux ou trois ans, qui devait revoir
l'ensemble de la loi et dans lequel il s'est dégagé d'ailleurs
des consensus, notamment sur le travail au noir. Simplement pour vous rappeler
que ce comité avait été institué aussi parce qu'on
sentait que la loi ne répondait plus au problème de l'industrie.
On a fait partie du comité, mais ce comité n'a pas
siégé très longtemps.
Le Président (M. Bélanger): M le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Avant de remercier nos interlocuteurs, je voudrais
dire que nous on souhaite bien que le ministre, puisque sa décision de
prolonger pour une longue période est prise et qu'il est en contact avec
le conciliateur, établisse des conditions de travail qui pourraient
donner à l'association des entrepreneurs le goût de
négocier elle-même la prochaine fois.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si on voulait
remercier nos invités. M. le député de Joliette.
Une voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la CSN-Construction pour sa
participation aux travaux et j'appelle à la table la CSD, la Centrale
des syndicats démocratiques.
Non, on continue jusqu'à 14 heures.
Alors, bonjour à nos invités de la Centrale des syndicats
démocratiques. Excusez-moi, j'ai de la difficulté avec les sigles
ce matin. Alors, bienvenue à nos travaux. Je vous inviterais, dans un
premier temps, à identifier d'abord vos porte-parole, à
présenter les gens qui vous accompagnent et à procéder
à la présentation de votre point de vue pour lequel vous aurez 20
minutes ferme. Je vous en prie, si vous voulez. (12 h 45)
Centrale des syndicats démocratiques
(CSD)
M. Gingras (Claude): Je vous remercie, M. le Président,
membres de la commission, M. le ministre. Je désire, comme vous l'avez
souhaité, vous présenter ceux qui m'accompagnent pour
échanger certains propos à cette occasion. Alors, à
l'extrême gauche, le vice-président du syndicat, M. Gérard
Néron; à ses côtés, M. Ernest Léves-que,
secrétaire; à ma gauche immédiate, M. Pierre-Yvon Ouellet,
directeur professionnel du secteur construction et, à ma droite, Mme
Catherine Escojido, relationniste à la CSD. Il est inutile de vous dire
qu'à la CSD, on représente quand même 11 000 travailleurs
de la construction avec beaucoup de fierté et ceux qui sont ici
aujourd'hui le font dans cet esprit-là aussi.
Nous voilà enfin à nouveau réunis devant la
commission de l'économie et du travail pour faire le point sur une
situation qui prévaut dans le secteur névralgique qu'est
l'industrie de la construction. J'ai pris connaissance, et je voudrais
l'indiquer immédiatement, avec beaucoup de satisfaction de l'intention
du ministre, qui semble partagée par l'Opposition, de revoir les
fondements mêmes de la loi sur les relations du travail dans l'industrie
de la construction qui, depuis trop d'années, fait défaut
d'encadrer ou de prévoir un régime de relations du travail dans
cette industrie qui, quand même, réponde aux besoins des
défis de cette industrie-là.
J'espère que je ne dérange pas trop.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse. Des
voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Comme on a des
invités qui sont venus pour se faire entendre à notre demande, je
voudrais qu'on les respecte et qu'on les entende bien de part et d'autre, s'il
vous plaît! Merci.
Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): Oui, j'ai
remarqué. Vous savez, les chicanes de famille...
M. Gingras: Je voudrais vous souligner qu'il est regrettable que
nous soyons une nouvelle fois placés dans la situation de participer
à un tel exercice pour évaluer les hypothèses qui
s'offrent. Or, depuis plus de 20 ans, il est important de rappeler qu'une seule
entente négociée a été signée dans
l'industrie de la construction. Tous les autres contrats de travail ont
été imposés. Les gouvernements qui se sont
succédé ont été bien sûr complices de cette
situation - c'est notre évaluation - empêchant les parties de
mener des négociations conformes aux particularités de
l'industrie. Je vous rappelle qu'à la CSD, ce n'est pas la
première fois qu'on conteste le mécanisme de négociation
comme étant, en grande partie, responsable de la situation qui
prévaut et qui se répète de négociation en
négociation.
La présente négociation, bien sûr, ne déroge
pas à cette dure réalité. Or, cette négociation a
mené bien sûr à un échec qui s'est traduit par une
autre intervention du gouvernement qui a dû prolonger le décret
l'an passé pour une période d'un an, assorti de conditions
minimales. Alors, c'est donc au début de 1989 que la FTQ et la CSN
convenaient d'ajouter à leur coalition syndicale Tinter, en vue de
négocier le renouvellement du décret qui venait à
échéance effectivement le 30 avril 1990.
Dès le mois d'avril 1989, alors que la coalition était en
phase de formation, il a été question d'y associer la CSD. Je
vous réfère à la position qu'on vous a soumise; il y a des
échanges de lettres qui ont été faits dans le but
d'associer la CSD à l'exercice de la négociation. D'ailleurs, une
des parties syndicales était aussi d'accord. Je veux les en
féliciter, c'est l'International, qui avait quand même souscrit
à la possibilité que la CSD fasse partie intégrante de la
table de négociation en termes de principe. Cependant, ça n'a pas
pu se réaliser: plus de 11 000 travailleurs de l'industrie ont ainsi
été écartés, à mon avis, d'une façon
outrancière, de la négociation de leurs conditions de travail.
C'est une erreur qui semble un peu contagieuse, parce que la présente
commission a failli calquer sa consultation sur le même
modèle.
Le Président (M. Bélanger): Mais il y a des gens
qui étaient vigilants.
M. Gingras: Or, à compter de 1989, la négociation
s'est poursuivie dans un cadre et dans une structure comportant une table
centrale et 19 tables particulières de négociation.
Or, c'est une structure qui, à notre avis, no peut que mener
à la situation qu'on connaît, mener aux difficultés qu'on a
connues dans le cours de la négociation. Et ce n'est pas la
première fois qu'on le répète. C'est que la coordination
d'une telle négociation est terriblement importante et
l'équité des conditions qu'on cherche à négocier
doit faire partie du modèle de négociation qu'on se donne si on
veut parvenir quand même à ne pas créer, à
l'intérieur même du mécanisme de négociation, les
surenchères et différentes tables qui se contredisent au niveau
du fonctionnement par rapport à des grands enjeux, qui sont quand
même les enjeux de l'ensemble des travailleurs de la construction.
De plus, la coalition syndicale, à notre avis, a fait fausse
route concernant ce qui constitue la pierre angulaire des demandes des
travailleurs, à savoir la sécurité d'emploi et du revenu
pour les travailleurs de la construction. En s'en remettant aux conclusions de
la commission Sexton-Picard, la coalition a abandonné à des
tiers, selon nous, son cheval de bataille initial concernant la bonification du
régime d'assurance-chômage. La Commission devait étudier la
faisabilité de mettre en oeuvre le régime de
sécurité du revenu par un supplément
d'assurance-chômage. La CSD-Construction a, d'ailleurs,
présenté à cette Commission ses réserves quant
à ce projet lors des audiences de Sainte-Foy, le 23 octobre 1989, et y a
déposé un mémoire.
À notre sens, ce n'est pas en bonifiant un régime fait
pour les chômeurs qu'on assurera la sécurité d'emploi et du
revenu des travailleurs. Il faut rappeler que le régime était la
priorité de négociation de l'alliance, la première qui
avait été lormée, de la FTQ et de la CSN lors de la
négociation de 1989. L'alliance avait finalement accepté d'y
renoncer lors du renouvellement d'avril 1989, après que le ministre du
Travail eut promis de mettre sur pied, justement, cette commission
d'enquête.
Cette erreur, qui a consisté à confier à des tiers
une priorité de négociation, allait éclater, selon nous,
au grand jour lorsque le gouvernement prolongeait, au 30 juin 1990, le mandat
de cette commission. Or, ce nouveau délai sortait complètement le
sujet du calendrier de négociation et la coalition n'avait plus aucun
pouvoir pour s'y opposer. La négociation a végété
jusqu'au printemps 1990 et les événements se sont
bousculés.
En mars et avril, on a assité à des moyens de pression sur
les chantiers: grévettes, ralentissements, journées
d'étude. Ces événements prouvaient l'incapacité de
la coalition à procéder à un véritable exercice
démocratique de mobilisation des travailleurs.
Or, cette absence de stratégie d'action constitue une
quatrième erreur, à notre avis. En omettant d'associer l'ensemble
des travailleurs à un exercice démocratique, on a semé la
confusion, on a créé des frustrations et on a engendré la
division Vous savez, quand 11 000 travailleurs qu'on représente ne sont
pas associés quand même à un exercice aussi important que
celui de décider des moyens de pression et d'être partie prenante
à une négociation de leurs conditions de travail et, en fait, de
leur qualité de vie en milieu de travail, c'est difficile, à un
moment donné, de toujours partager lés moyens qui sont
utilisés et quand on ne prend pas ces moyens-là, c'est difficile
d'obtenir une certaine solidarité et qu'elle soit ressentie justement
dans l'atteinte des objectifs.
En mars 1990, la CSD-Construction s'adressait à nouveau à
la coalition syndicale pour participer à la négociation. Un
document intitulé "Une démobilisation démocratique des
travailleurs pour humaniser l'industrie de la construction au Québec" -
et nous vous l'avons indiqué en annexe - exigeait de la coalition deux
points majeurs. Le premier, qu'elle change de stratégie de
négociation en abandonnant les tables de métier et en mettant de
l'avant l'ancienneté régionale par employeur comme
priorité de négociation et qu'elle change de stratégie
d'action en revenant à la base d'une véritable action syndicale
démocratique impliquant la tenue d'un vote au scrutin secret pour ou
contre la grève générale, légale et
illimitée. Or, les travailleurs de la CSD, bien sûr, sont
prêts à partager l'action qui mènerait à la
réalisation d'une convention collective mais dans le cadre, justement,
d'un exercice démocratique où ils pourraient se prononcer
justement en toute quiétude sur ces moyens à utiliser.
Il est important de rappeler que le 2 avril 1990, la CSD Construction
demandait la nomination d'un conciliateur spécial. Ce n'est pas
uniquement la partie patronale qui a demandé la nomination d'un
conciliateur et je pense que ce n'est pas une honte de le faire. Je pense que
quand des négociations sont dans des impasses et qu'on peut faire appel
à des tiers qui, à un moment donné, peuvent aider à
trouver des solutions, il faut rechercher ces mécanismes-là. Or,
c'est avec cette intention que la CSD a demandé, justement, que ce
conciliateur spécial soit quand même muni du mandat de rencontrer
toutes les associations représentatives, bien sûr, incluant la
CSD.
Mais on demandait aussi qu'il soit muni d'un pouvoir de faire une
recommandation, recommandation aux parties sur l'ensemble des conditions qui
pouvaient faire l'objet des litiges demeurant, incluant les ententes, bien
sûr. Ça, ça aurait été la mécanique
pour permettre de remettre la négociation un peu sur ses rails. Que
quelqu'un, parce qu'il y a mésentente, impossibilité d'accord,
puisse statuer à un moment donné, faire une proposition qui
aurait pu éventuellement être examinée, tant par les
travailleurs dans un exercice démocratique que par les employeurs aussi
dans le même exercice, sans que ce soit une ordonnance. Cependant, ce
n'est pas tout à fait le mandat avec lequel il a entrepris son
travail. Le 4 avril, considérant le fait que son mandat ne
précisait d'aucune façon le pouvoir de formuler une
recommandation, il n'a donc pu remettre la négociation sur ses rails.
C'est notre prétention.
Le 27 avril 1990, le gouvernement décidait unilatéralement
de prolonger le décret jusqu'à 21 mai 1990 en suspendant le droit
de grève. Il plaçait ici la coalition syndicale dans une position
intenable. Le gouvernement a enlevé à la coalition le pouvoir
d'agir légalement dans le cadre du rapport de force. Nous en sommes
maintenant à l'étape de la commission parlementaire.
Pour sortir de cette impasse, avant d'aborder spécifiquement les
propositions d'action, la CSD-Construction désire rappeler le contexte
général. En résumant son programme de revendications, en
commentant l'attitude patronale et en rappelant les responsabilités de
l'État.
Quant à notre programme de revendications, la CSD-Construction -
et vous l'avez en annexe - a proposé un programme de négociations
axé sur un thème fondamental: Humaniser l'industrie de la
construction." Ce thème doit contenir les principaux aspects suivants:
sécuriser l'emploi, sécuriser le revenu, combattre la
discrimination, accorder des congés supplémentaires et
répondre aux nouveaux besoins des travailleurs.
Quant aux tactiques partronales, l'AECQ, à notre avis, ne
représente plus la réalité et les intérêts de
ses membres. C'est régulièrement qu'on assiste à des
rencontres avec des employeurs qui nous disent souvent se poser la question sur
ce qui se passe et comment la négociation se mène. Et on a quand
même des témoignages importants à ce sujet-là. Ils
se questionnent énormément. On s'aperçoit que cette
négociation-là est dirigée par une technocratie qui joue
les cartes suivantes: Mener des luttes d'arrière-garde et proposer des
offres dérisoires souvent; se retrancher derrière l'immobilisme
et le juridisme à outrance et demeurer dans l'attente d'une intervention
gouvernementale plutôt que de s'engager dans une véritable
négociation. (13 heures)
Depuis toujours, le gouvernement utilise l'industrie de la construction
comme levier économique. Il ne faut pas se cacher cette
réalité. C'est une dure réalité avec laquelle on
est obligés de composer, les travailleurs de la construction.
Cette industrie est considérée comme stratégique
pour la bonne marche de l'économie en général. Le principe
qui dit "quand le bâtiment va, tout va" est plus d'actualité que
jamais et entraîne le gouvernement à poser souvent des
çjcstes dont les effets sur les relations du travail sont
déplorables. L'État favorise systématiquement ainsi la
partie patronale par son intervention Le 27 avril, par exemple, le gouvernement
a décrété des conditions de travail jusqu'au 21 mai 1990,
suspendu le droit de grève pendant cette période. Or, la
CSD-Construction, bien sûr, s'est opposée à cette approche
car elle ne visait qu'à gagner du temps, tout en consacrant au profit du
patronat le déséquilibre du rapport de forces. Il était
utopique de croire que l'AECQ allait faire le virage de la
sécurité d'emploi et du revenu pour les travailleurs face
à une coalition syndicale amputée de son droit de grève
légal.
L'État, quant à nous, doit agir. Pour la CSD-Construction,
la présente commission parlementaire est l'occasion de sensibiliser le
gouvernement à la gravité des problèmes de la construction
et à ses responsabilités. Nous ne sommes pas ici pour cautionner
l'action gouvernementale, mais plutôt pour exprimer publiquement nos
positions et revendications.
Le gouvernement s'est placé en réaction en intervenant
à la pièce, toujours en catastrophe, face à des situations
d'urgence. Nous croyons que le gouvernement doit maintenant faire le point et
agir pour modifier les règles désuètes. C'est avec
satisfaction que vous répondez, M. le ministre, je pense, à cet
objectif de notre revendication. Il est urgent d'entreprendre une
opération en profondeur pour assainir le fonctionnement de l'industrie
de la construction. Pour ce faire, le gouvernement doit s'engager sans
détour à régler deux problèmes majeurs:
procéder à la réforme du régime de relations du
travail et s'assurer de la mise en place de conditions de travail comportant un
véritable virage pour humaniser l'industrie.
Quand on parle de réforme du régime de relations du
travail, pour nous, à la CSD, ça signifie l'expérience des
20 dernières années qui nous démontre que l'actuel
régime est un échec. Nos propositions pour sortir de cette
impasse reposent premièrement sur le pluralisme. L'État doit
reconnaître sans équivoque, dans le régime de relations du
travail, le droit fondamental de toute association syndicale de
représenter ses membres, tant dans la négociation que dans
l'application de leurs conditions de travail. On parlait de droits
fondamentaux, j'ai entendu ça tout à l'heure, il est inacceptable
de déposséder des associations syndicales mandataires du pouvoir
de représenter leurs membres, de leur droit de négocier et
d'appliquer leurs conditions de travail.
Ce régime doit garantir également la pleine application du
pluralisme par les moyens suivants: assurer la présence de toutes les
associations syndicales représentatives au processus de
négociation et au conseil d'administration de la CCQ, respecter la
liberté de choix syndical en cessant d'utiliser la formule de
prolongation du décret qui a pour effet d'éliminer le vote
d'allégeance et, enfin, rendre obligatoire le vote d'allégeance
pour l'ensemble des travailleurs de la construction afin de démocratiser
le droit d'association. Vous le savez, c'était la formule
originale qui a été modifiée dans le temps, tous
les travailleurs devaient aller voter. Maintenant, ceux qui le font
s'identifient comme des gens qui veulent changer d'allégeance à
la porte même des "poils". Ça, je pense que ce n'est pas un
exercice très, très démocratique.
La preuve n'est plus à faire que l'ensemble du processus de
négociation doit être révisé. Il est donc
impérieux que le gouvernement mette en place un régime qui
prévoit la désignation d'un médiateur permanent qui aura
le pouvoir d'agir dès le début de la négociation;
d'accorder à ce médiateur le pouvoir formel de recommandation; et
de permettre l'exercice démocratique de consultation de tous les
travailleurs sur la base des ententes et des recommandations formulées
par le médiateur. Ce sont des axes, des pistes qu'on soumet qui sont des
pistes, pour nous, qui constituent peut-être les pistes de l'avenir d'un
régime de négociation potable dans l'industrie de la
construction. Il y aurait moyen d'"élaborer" autour de ces
pistes-là.
La réforme du régime de relations du travail pourra en
outre aborder d'autres questions comme les modalités de l'exercice du
droit de grève, le monopole de l'AECQ, etc. Nous aurons sûrement
des propositions à soumettre au cours d'une telle étude. Dans les
circonstances actuelles, il semble qu'une fois de plus l'État aura
peut-être à décréter les conditions de travail, ce
que nous ne souhaitons pas nécessairement à ce moment-ci, et
j'aime à le rappeler. La CSD-Construction déplore cette
situation, et c'est pourquoi nous avons proposé une réforme du
régime des relations du travail.
Dans l'éventualité d'un décret, nos revendications
sont les suivantes parce que, bien sûr, vous remarquez qu'on n'est pas
à la table de négociation. On a un petit peu de misère
à les transporter aux bons endroits, nos revendications.
Ce qu'on demande, c'est l'ancienneté régionale par
employeur. Contrairement à ce qui a été
énoncé ce matin, on ne croit pas que l'ancienneté par
chantier réponde aux besoins des travailleurs de la construction. On
pense plutôt que l'ancienneté régionale par employeur,
c'est la formule. Dans notre esprit, c'est la seule forme de virage qui va
instaurer un minimum d'équité et un minimum de confiance, et les
travailleurs dans cette industrie vont quand même pouvoir continuer de
travailler dans cette industrie à partir des mêmes droits que les
autres travailleurs dans d'autres entreprises, dans d'autres secteurs. Il est
inadmissible qu'en 1990 on en soit encore à réclamer
l'ancienneté dans cette industrie-là, qui n'existe sous aucune
forme.
L'ancienneté régionale par employeur apporterait un
critère universel et transparent dans les procédures
d'embauché et de mise à pied. L'ancienneté
régionale par employeur réduirait "drastiquement", quant à
nous, le travail au noir. C'aurait un effet bénéfique, en tout
cas, parce que l'importance d'accumuler son ancienneté, c'est quand
même quelque chose qui contribue à afficher au grand jour les
heures qu'on fait pour un employeur et cela permettrait véritablement
aux travailleurs d'exercer leurs droits en matière de santé et de
sécurité. Ça, on ne le rappellera jamais assez
Actuellement, les travailleurs n'exercent pas leurs droits en matière de
santé et de sécurité parce que, justement, le lendemain
matin, c'est la porte qui les attend.
Il y a aussi l'abolition de la discrimination sous toutes ses formes,
l'uniformisation pour tous les métiers et occupations du régime
d'avantages sociaux et de primes, la présomption en faveur des
travailleurs dans le cas de discrimination (la section XIV du décret),
entre autres.
Le Président (M. Bélanger): Je vous.
M. Gingras: Je vais essayer d'accélérer, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Gingras: II y a l'indexation et l'enrichissement aussi qu'on
réclame. Tous conviennent que certaines politiques actuelles, comme
l'implantation de la TPS, créent une incertitude sérieuse sur
l'inflation pour les prochaines années. Il faut protéger les
travailleurs contre cette incertitude par une véritable clause
d'indexation à laquelle il faut ajouter un enrichissement réel
pour retourner aux travailleurs les gains de productivité auxquels ils
ont droit.
Quant aux congés et jours fériés, vous avez ici
l'énumération de notre réclamation. On propose de porter
le pourcentage à un pourcentage plus élevé pour tenir
compte d'une amélioration des vacances qui n'ont pas subi de changement
depuis de nombreuses années.
Au chapitre des avantages sociaux, la CSD-Construction propose
d'accroître la contribution de l'employeur de façon à
permettre immédiatement la préretraite à 55 ans. De
même, il est essentiel de prévoir "minimalement" l'indexation et
les indemnités d'assurance-salaire et de frais dentaires.
Quant à la formation professionnelle, il est important aussi
d'introduire une nouvelle section qui permette des
congés-éducation et une formule d'accès à la
formation académique de base incluant l'alphabétisation.
Quant aux autres mesures, donner aux préretraités et
retraités, incluant les cas d'in- -validité, un accès
à 65 ans à l'assurance-vie et à
l'assurance-médicaments; permettre aussi, par dérogation,
l'utilisation de l'indemnité de congés annuels pour le
financement d'une cure de désintoxication, et j'ai compris que ça
faisait partie maintenant des accords, mais c'était quand même une
revendication importante.
Plus loin que le décret, bien sûr, il y a
d'autres revendications. Permettez-moi de conclure en vous disant que le
gouvernement du Québec ne peut pas et ne doit pas se permettre de
décréter les conditions de travail dans la tradition des 20
dernières années. Il doit entreprendre le virage de la
sécurisation et de l'humanisation de l'industrie. Il doit en outre
s'engager à entreprendre une réforme en profondeur de
l'industrie. Le trop prévisible décret du 21 mai prochain doit
marquer le début d'un virage à entreprendre et non
l'aboutissement d'une autre intervention en catastrophe.
C'est pour ça, M. le ministre, que, s'il n'y a pas de conditions
minimums, comme l'ancienneté qui font partie de ce qu'on appelle les
prochaines conditions de travail des travailleurs de la construction, on n'aura
rien fait pour changer l'état actuel des choses el humaniser
l'industrie. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Séguin: Oui et, M. le Président, pour tenir
compte du temps qui nous est imparti, je vais tâcher d'être assez
bref pour entendre l'autre groupe après.
Je salue M. Gingras, président de la CSD, et ses collaborateurs.
Il me fait plaisir de les entendre ce matin. Et saluer aussi la qualité
de leur mémoire qui est complet, qui soulève des points
précis. Je reconnais là quelques demandes qui, je sais, sont
chères à la CSD. Particulièrement, bien sûr, je
pense que votre souci de pouvoir être représentés aux
tables de négociations est très légitime, très
compréhensible. Dans le projet de réforme qui s'annonce pour
l'automne, comme je l'ai confirmé ce matin, je peux d'ores et
déjà vous dire que vous êtes invités à
participer à ce projet. J'"anticipe" que vous fassiez valoir toutes vos
représentations à nos travaux éventuellement, cet automne.
Donc, d'ores et déjà, considérez-vous publiquement
invités à participer, sans équivoque
M. Gingras: Soyez assuré qu'on sera aux premières
rangées, M. le ministre.
M. Séguin: D'ailleurs, un autre chapitre qui, je sais,
tient particulièrement à coeur à votre centrale, la CSD,
et on a eu des échanges dans ce sens-là, qui ne sont pas
terminés, d'ailleurs, au niveau de la santé et de la
sécurité du travail... Je vous avoue que les quelques notes que
j'ai lues, je les trouve particulièrement intéressantes et est
aussi intéressant le chapitre que vous nous amenez sur la santé.
On va tâcher de regarder ça avec beaucoup de
sensibilité.
J'avais une petite question, bien sûr. C'est que vous
évoquez également, à moins que je ne me trompe, cette
question de la représentativité de votre association au niveau
des négociations. Mais est-ce que, dans le projet de réforme,
etc., la question des rapports entre les différentes associations, et je
pense que c'est le Conseil provincial des métiers de la construction qui
l'avait soulevée aussi, favorisait une espèce de maraudage pour
que la représentation syndicale soit différente? Comment
voyez-vous cet aspect-là?
M. Gingras: C'est que, au niveau de la participation à une
table de négociation, dans une négociation qui se veut à
l'échelle nationale comme c'est un peu ce qui se passe dans le secteur
de la construction, c'est important que cette négociation tienne compte
de l'ensemble des parties qui sont habilitées et qui ont un droit
fondamental de représenter quand même leurs adhérents. Que
ce soient les employeurs, que ce soient les travailleurs dans cet exercice-la,
je pense qu'ils doivent y trouver les mécanismes de
représentation adaptés à cette réalité.
Pour nous, il est impératif, au départ, que l'industrie de
la construction... La réponse n'est pas le monopole syndical, comme
certains peuvent le préconiser. À notre avis, le monopole
syndical dans cette industrie-là va arriver aux mêmes
aboutissements que ceux qu'on connaît actuellement. Ça ne changera
pas nécessairement.
Mais il y a moyen de faire vivre le pluralisme syndical en adaptant des
structures de négociations qui vont faire en sorte de reconnaître
que tous ceux qui ont des rôles de représentants mandataires de
leurs membres puissent participer à ce mécanisme de
négociations. Qu'est-ce que c'est, un mécanisme de
négociations? Premièrement, c'est d'avoir la possibilité
de préparer avec ses membres les demandes qu'ils ont en matière
d'amélioration des conditions de travail. Ça, je pense que,
respectivement, chaque association est capable de préparer ses demandes
en vue de les présenter à un moment donné dans un
mécanisme de négociations.
Ce mécanisme de négociations là, quand on
préconise la nomination d'un médiateur au tout départ,
c'est une espèce de coordonnateur de la négociation, qui est
là pour évaluer l'ensemble des demandes syndicales qui
émanent des différents groupes ou associations qui ont des
mandats de leurs membres de présenter des demandes de
négociations. (13 h 15)
M. Séguin: Une dernière question à M.
Gingras. Est-ce que cette idée-là que je trouve
particulièrement intéressante parce que, dans le projet de
réforme, j'avoue qu'il y a des représentations qui m'ont
été faites de penser à une forme de commission permanente
de négociations... Vous parlez d'un médiateur qui, dès le
début... Je me demande, c'est un peu nouveau comme concept, chez nous,
au Québec, et même en Amérique du Nord. On ne voit pas
ça beaucoup, mais je pense qu'en Europe c'est un peu plus
utilisé. Je me demande si, à votre idée... Je
pense que vous êtes le seul à suggérer ça ce
matin. Je comprends que ce n'est pas le débat sur la réforme
comme telle que nous avons, mais je trouve ça intéressant parce
que ça rejoint un concept que je trouverais intéressant, en
septembre, de discuter avec les parties, à savoir si on ne devrait pas
avoir, dans l'industrie de la construction, une commission permanente de
négociation avec des mécanismes pour rendre publiques des
recommandations pour permettre au gouvernement, éventuellement, ou
à une forme d'entité, de convenir, à défaut, avec
un certain rapport de forces, avec des mécanismes travaillés...
Mais je pense que, si je ne me trompe pas, quand vous parlez d'un
médiateur dès le début, ça peut rejoindre cette
idée d'une commission permanente.
M. Gingras: Oui, parce qu'au départ ce qu'il faut
constater, quand on a plusieurs associations et qu'on a quand même une
multitude d'intérêts à concilier dans une
négociation, c'est que souvent ça prend un mécanisme qui
va agir un peu comme le coordonnateur de cette négociation. C'est pour
ça aussi qu'on recommande que la personne ou la commission, comme vous
proposez, qui jouerait ce rôle-là aille plus loin. C'est que
l'ensemble des enjeux de l'industrie de la construction qui avait une
espèce de rôle d'évaluer pour l'industrie de la
construction ce qui pourrait être le projet de conditions de travail de
l'industrie et, à un moment donné, de faire des recommandations
pour en arriver à certaines solutions par rapport aux demandes et aux
réponses que les employeurs formulent dans le cadre de ces
demandes...
L'ensemble de cette proposition, parce que ça devient une
proposition - il ne faudrait pas que cette commission-là vienne
remplacer les parties, toutefois, et décide à leur place des
conditions de travail - l'ensemble de cette proposition pourrait souvent
être de nature à remettre la négociation sur ses rails et
permettre un exercice démocratique de consultation des intervenants dans
la construction. On parlait de notre doute que l'AECQ représente
véritablement les employeurs, mais souvent les employeurs ne savent pas
sur quoi se prononcer quand l'AECQ va les consulter aussi. Ils n'ont rien de
tangible à mesurer et à décider. On est obligé
d'avouer que, pour les travailleurs, souvent on est devant la même
réalité. C'est qu'on va voir les travail leurs pour faire rapport
des négociations sans nécessairement avoir beaucoup de choses
à leur soumettre pour prendre des décisions.
Quand on n'a rien à soumettre et qu'on est en négociations
et en demande, on ne peut pas échapper à la dure
réalité que les travailleurs, à ce moment-là,
deviennent très impatients, et puis on aboutit aux impasses qu'on
connaît actuellement.
M. Séguin: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, j'écoutais quasi
religieusement l'approche théorique du président et du ministre.
Entre vous et moi, en négociation, quand ça ne veut pas
négocier, il n'y a pas grand-chose à y faire, tu auras beau avoir
la plus belle structure, surtout quand un tiers peut jouer un rôle
dedans. Surtout. Je me souviens, dans le domaine scolaire, c'était la
même chose. On faisait participer la PAPT, la PACT et la CEQ à une
même table. Ça, je pense que ça se bâtit bien, des
mécanismes pour faire participer. Mais, en bout de course, s'il y a un
tiers, souvent les parties vont s'en remettre à lui en disant: On ne
veut pas perdre la face parce qu'on est rendus au bout de notre rouleau et nous
autres... Et ça, là-dessus, je vous avoue que c'est pour
ça que, quand la santé et la sécurité du public ne
sont pas en danger, il n'y a rien comme un rapport de forces qui doit s'exercer
correctement pour forcer les parties à négocier.
Je pense qu'on ne changera pas fondamentalement le processus de
négociation. Je ne crois pas que la santé et la
sécurité du public soient en danger, quand on parle du domaine de
la construction, contrairement au cas des hôpitaux et contrairement au
cas où l'année scolaire des enfants peut être en danger
à un moment donné. À vouloir continuellement faire
intervenir un tiers, je pense que les parties s'en remettront trop facilement
à ce tiers qui est l'État, faussant ainsi toute règle du
jeu dans le rapport de forces. Je pense qu'on n'y dérogera pas, à
ça.
C'est un commentaire que je voulais faire. Mais j'ai une question
à vous poser. D'abord, je voudrais corriger ce que j'ai dit
tantôt. Pas corriger, mais apporter peut-être la nuance Je n'ai
nommé qu'un ministre, vous ne comprendrez peut-être pas un
décret, mais je pourrais en nommer 10 ou 16. Si ça fait plaisir
à ma collègue de Kamouraska, je pourrais nommer le ministre du
Tourisme, le ministre des Affaires municipales, le ministre des Terres et
Forêts En voulez-vous d'autres? Le président du Conseil du
trésor Si vous en voulez des plus gros, dites-le-moi, je vais vous les
donner.
Ceci dit, j'aurais une question à vous poser. Croyez-vous
fondamentalement que le décret qui est inévitable, à ce
stade-ci... Voulez-vous me dire ce que vous y voyez comme
éléments essentiels pour calmer les travailleurs ce soir? Quels
sont les éléments essentiels que vous voyez dans ce décret
pour calmer les travailleurs? Est-ce que c'est la liste d'épicerie que
vous avez en annexe ou s'il y a des points particuliers sur lesquels vous
insisteriez davantage par rapport à d'autres?
M. Gingras: Pour répondre à votre interrogation, je
voudrais quand même, dans le
préambule, répondre à la première partie de
votre intervention. Quand on parle d'introduire un tiers, ce n'est pas
nécessairement pour lui donner le rôle de se substituer aux
parties, dans notre esprit, c'est pour agir plutôt comme un
coordonnateur, comme une personne responsable d'essayer de mesurer les enjeux
et les objectifs des parties et de faire des recommandations
appropriées. C'est d'agir pour créer la chimie.
M. Chevrette: Je suis d'accord avec vous.
M. Gingras: Oui, mais c'est ça, c'est parce que ça
laisse sous-entendre qu'on élimine le rapport de forces. Pour nous
autres, il n'en est pas question. C'est que, dans notre formule, le rapport de
forces doit demeurer absolu, le droit de grève, dans toute sa
plénitude, pour . les travailleurs. Si cet exercice qui vise à
répondre à des besoins particuliers... Parce qu'il ne faut pas
penser que l'industrie de la construction est dans une situation identique
à ce qui se passe dans les relations du travail traditionnelles des
entreprises; on est dans une situation qui est différente, il faut tenir
compte de ces différences-là, avoir un mécanisme qui est
approprié. C'est pour ça que, quand on parle de rapport de
forces, il faut qu'il s'exerce après, quand même. Parce que la
négociation n'a pas comme objetif de déboucher
inévitablement sur un conflit; ce n'est pas ça qui est l'objectif
de la négociation. Quand on ne veut pas que ce soit ça
l'aboutissement, il faut prendre les moyens pour qu'on arrive à
créer de véritables négociations. Alors, c'est ce qu'on
recherche, mettre en place une mécanique qui tienne compte des
composantes mandatées de cette industrie et qui, en bout de ligne, donne
une chance pour que ces composantes-là puissent se prononcer sur des
conditions de travail avant d'exercer un droit de rapport de forces, comme vous
le mentionnez, ce qui, à ce moment-là, serait sain parce qu'on
aurait au moins donné des chances à la négociation. C'est
ce qui ne se passe pas actuellement dans l'industrie de la construction.
M. Chevrette: Je suis d'accord avec vous sur cette
partie-là.
M. Gingras: Bon.
M. Chevrette: D'ailleurs, ce n'était pas
l'interprétation que je voulais donner de vos propos. C'était
beaucoup plus un commentaire additionnel.
M. Gingras: Bon, si on..
Wi. Chevrette: Parce que c'est vrai que les mécanismes
sont importants, mais si on demeure dans une loi avec un "item" où c'est
le ministre qui tranche à l'autre bout, on aura toujours cette
tentative, dans des moments serrés ou corsés, de s'en remettre.
Là, je ne dis pas exclusivement une partie. C'est la tendance qui peut
se manifester, d'un côté comme de l'autre.
M. Gingras: Quant à votre deuxième question qui est
celle des conditions de travail qu'on considère comme étant la
pierre angulaire de l'humanisation des conditions de travail dans l'industrie
de la construction, ça fait quand même depuis 20 ans qu'on n'a pas
réussi à moderniser le décret dans un véritable
rapport de forces. C'est arrivé à une reprise, je pense, qu'il y
a eu une négociation qui a abouti à une convention
négociée et qui a abouti finalement à un décret. Je
pense que le ministre ne doit pas uniquement se contenter, dans un exercice de
décréter des conditions de travail, de réaliser les
consensus obtenus. Je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin que ça.
Si on enlève aux travailleurs le droit d'établir le rapport de
forces pour négocier et d'aller régler des enjeux fondamentaux,
je pense que le ministre doit jouer le rôle jusqu'au bout. S'il veut se
substituer aux parties pour décider des conditions de travail, il faut
qu'il réussisse, dans le prochain décret, à régler
l'ancienneté. On ne peut pas continuer d'attendre encore une
décennie pour régler l'ancienneté dans l'industrie de la
construction. C'est trop néfaste, les effets qu'il n'y en ait pas
actuellement, sur le travail au noir, sur la santé et la
sécurité, sur le droit de ces travailleurs-là de
prétendre à un emploi et de pouvoir le conserver chez un
employeur plutôt que de se faire évacuer constamment pour tout et
rien et chaque fois qu'un chantier disparaît. Une ancienneté de
chantier pour un travailleur du domiciliaire, savez-vous ce que ça veut
dire? Il y en a qui passent deux jours sur un chantier, pour une maison.
Ça veut dire qu'il aurait deux jours d'ancienneté. Ça, ce
n'est pas la formule; c'est une ancienneté d'employeur sur le plan
régional qui est la formule qui répond... C'est notre
prétention et il faut absolument qu'il y ait un virage, qu'on l'accorde
cette année, qu'on mette le pied dans la porte de l'ancienneté.
Ça, c'est important.
Bien sûr, il y a les conditions économiques aussi, qu'on a
soulevées, qui sont importantes. Si on n'a pas le droit de
négocier, c'est que l'indexation des salaires des travailleurs,
l'indexation aussi des différentes mesures qui sont à
l'intérieur comme les frais de transport et ces questions-là, il
y a plusieurs questions qui doivent être traitées, même si
elles n'ont pas fait l'objet d'un accord. À notre avis, elles sont
énumérées, elles sont toutes importantes. Le régime
d'avantages sociaux, entre autres, le droit de prendre la retraite à 55
ans pour les travailleurs de la construction, ce sont des
éléments importants de la négociation. Je pense que quand
on parle d'humaniser l'industrie de la construction, on parle de toutes ces
questions-là. Il faut absolument que ça fasse l'objet, s'il y a
décret
de certaines conditions de travail, d'une réflexion très
profonde et que ça ne se limite pas à essayer de rendre dans un
décret les consensus obtenus. Je pense qu'il faut aller plus loin que
ça parce qu'on ne peut pas attendre après la réponse de
l'employeur. Actuellement, l'employeur ne nous consent pas l'ancienneté.
On ne pense pas que, sans un rapport de forces, on va réussir à
atteindre cet objectif. Si on veut nous l'enlever, le rapport de forces, il
faut absolument qu'on statue sur des questions aussi essentielles que
celles-là.
M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup. Le Président
(M. Bélanger): M. le ministre.
M. Séguin: Je remercie M. Gingras et ses collaborateurs de
la CSD d'être venus. Je le remercie de ses propos.
M. Gingras: Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la CSD pour la participation à
ses travaux et invite à la table le Syndicat de la construction de la
Côte-Nord de Sept-îles inc.
Bonjour. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre point
de vue. Il y aura une partie d'échanges avec les parlementaires par la
suite. Si vous voulez bien vous identifier et présenter votre
mémoire, nous vous écoutons.
Syndicat de la construction de la Côte-Nord de
Sept-îles inc.
M. Gendron (Sylvain): Parfait. Sylvain Gendron, pour le Syndicat
de la construction de la Côte-Nord de Sept-lles inc. M. le
Président, membres de la commission, on est le plus petit... Vous
m'excuserez en partant parce que la personne qui devait venir n'est pas ici
présentement. C'est moi qui ai été mandaté à
la dernière minute. Ce que je tiens à préciser ici -
premièrement, on n'a pas de mémoire - c'est qu'on est la plus
petite centrale présentement. On n'a pas droit aux négociations,
effectivement. Ce qu'on demande principalement... Excusez-moi, je n'ai pas
l'habitude de parler en commission...
Le Président (M. Bélanger): Sentez-vous très
à l'aise, prenez votre temps.
M. Gendron (Sylvain): Merci. Avec plus d'expérience...
Une voix: C'est pareil pour nous.
M. Chevrette: On a commencé exactement comme vous. Les
genoux nous pétaient en dessous de la table, nous autres, dans les
premiers temps.
Le Président (M. Bélanger): Peut-être moins
pour M. le député de Joliette, mais pour certains autres, c'est
vrai.
M. Gendron (Sylvain): Bon, merci beaucoup.
Une voix: II parle tout le temps, lui.
M. Gendron (Sylvain): Les mécanismes de négociation
sont faits ainsi que nous ne pouvons participer aux négociations parce
qu'on est la plus petite. On est une petite centrale en termes d'effectifs,
c'est vrai, sauf qu'on est une centrale importante en termes d'hommes et de
femmes qu'on représente, qui ont droit aussi, eux, de négocier
leurs conditions de travail. Ils ne s'attendent pas à ce que le
gouvernement leur impose une négociation sans qu'il y ait eu entente par
les gens du milieu de la construction même. Nous, la majorité de
nos membres s'attendent effectivement à ce que ce soient des membres de
la construction qui négocient leur négociation de travail et non
pas le gouvernement. C'est pour ça que notre centrale va se mettre
contre... Excusez-moi, je choisis mal les termes, c'est la
nervosité.
Le Président (M. Bélanger): Dites-le comme
ça vient, on s'expliquera et on va se comprendre, il n'y a pas de
problème.
M. Gendron (Sylvain): O.K. En fin de compte, c'est qu'on se porte
contre le fait que le gouvernement impose les conditions de travail. On demande
aussi que les négociations fassent en sorte que toutes les centrales
soient représentées. Je sais bien qu'on ne représente pas
un grand pourcentage dans le milieu de la construction, sauf qu'on veut faire
partie des négociations. Je ne sais pas comment ça peut
être arrangé, ce n'est pas moi le penseur à ce niveau, sur
le plan central. Sauf que la demande, c'est de faire partie des
négociations. S'il y a des points en particulier qui sont à
retenir au niveau de la négociation actuelle, je suis en accord avec la
CSD. C'est une chose dont on parle continuellement chez nous,
l'ancienneté, parce que c'est l'ancienneté qui va faire en sorte
que les gars puissent avoir de l'ouvrage à l'année longue et qui
va empêcher le fait que ce soit des gens qui travaillent au noir qui
volent la job des travailleurs de la construction, en fin de compte J'ai fini.
Si vous voulez excuser mon manque d'expérience.
Le Président (M. Bélanger): Non, non. Il n'y a
aucun problème. C'était clair, ça va bien. M. le
ministre.
M. Séguin: Oui. Bienvenue. (13 h 30)
M. Gendron (Sylvain): Merci.
M. Séguin: Ne soyez pas intimidé. Nous sommes
à échanger dans des propos pour s'éclairer mutuellement.
Donc, soyez bien à l'aise. Parlez-moi donc un petit peu de votre
centrale syndicale. Je m'excuse de ne pas la connaître mieux que
ça. Peut-être que vous pourriez nous la décrire, pour
l'intérêt des membres.
M. Gendron (Sylvain): O.K. La centrale syndicale, en fait, est
devenue centrale en 1975. Elle est établie à Saint-Hyacinthe et
on représente des membres à la grandeur de la province, comme
toute centrale, effectivement. On représente 2700 membres
présentement. Donc, lorsqu'on vous dit qu'on n'a pas une grosse
proportion, c'est 1,4 % des membres de la construction. Nos services sont
principalement axés sur la défense de nos membres, tous les
services normaux, en fin de compte, qu'on retrouve dans une centrale.
Effectivement, on ne fait pas partie des négociations. On s'occupe de
santé et sécurité pour nos travailleurs. En gros, c'est
le...
M. Séguin: Et vous dites que vos membres sont
répartis à travers la province.
M. Gendron (Sylvain): Oui, c'est ça.
M. Séguin: Parce que, dans votre appellation, c'est
centré sur la Côte-Nord, Sept-îles.
M. Gendron (Sylvain): Oui. O.K. C'est parce que...
M. Séguin: Ce n'est pas uniquement dans cette
région-là.
M. Gendron (Sylvain): Non, non, non. C'est qu'autrefois, la
centrale était affiliée à la CSN et, en 1975, elle s'est
retirée de la CSN, sauf que c'est une centrale originaire de la
Côte-Nord
M. Chevrette: Ambroise Picard.
M. Gendron (Sylvain): C'est ça, M. Ambroise Picard.
Ça a été déménagé à
Saint-Hyacinthe pour être plus centralisé parce que la
majorité de nos membres sont de la région de Montréal et
de la Rive-Sud.
M. Séguin: Ma dernière question. Tantôt vous
avez dit que, dans l'ensemble, ce qui avait été
présenté par la CSD, semblait vous rallier, vous aussi. Mais
est-ce qu'il y a un élément... Enfin, quels sont les points, pour
vous, qui apparaissent des demandes majeures? Si vous aviez pu les exprimer
à la table de négociation, quels auraient été, pour
vous, les éléments sur lesquels vous auriez aimé des
améliorations?
M. Gendron (Sylvain): L'ancienneté, la retraite, mais
surtout pas le salaire garanti. M. Séguin: Je m'excuse, je n'ai
pas...
M. Gendron (Sylvain): Surtout pas le salaire garanti. Nous, on
considère que mettre le salaire garanti par le mécanisme d'un
supplément au. chômage ferait en sorte de privilégier le...
En fait, ça privilégie le chômage, ça ne
règle pas le problème du travail au noir, selon nous.
M. Séguin: Ce avec quoi vous êtes d'accord, c'est
surtout l'ancienneté, si je vous comprends bien, et le deuxième
point, c'est la retraite.
M. Gendron (Sylvain): Oui, l'augmentation salariale aussi, et les
avantages sociaux, je pense.
M. Séguin: C'est ça Mais la retraite dans le sens
de la préretraite.
M. Gendron (Sylvain): Qu'elle passe à 55 ans, tel que
demandé présentement.
M. Séguin: Abaisser l'âge de la retraite.
M. Gendron (Sylvain): Oui, effectivement. C'est ça.
M. Séguin: D'accord. Merci beaucoup. M. Gendron
(Sylvain): Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Oui, j'aurai seulement une question. Vous avez dit
tantôt que vous étiez contre la sécurité du revenu.
Ne croyez-vous pas qu'au niveau de la construction, avec tous les aléas,
s'il y a eu de la violence, s'il y a encore un peu de tiraillement, c'est
précisément parce que c'est tellement saisonnier qu'en n'assurant
pas un nombre minimum d'heures, vous avez précisément ce
désir de s'accaparer, par une minorité, à un moment
donné, du nombre limité d'heures qu'il y a et que ça a
conduit précisément à des altercations assez majeures,
alors que, dans le domaine des ports nationaux, on a précisément
un système d'heures garanties annuellement avec un système de
sécurité du revenu qui a apaisé à peu près
toutes les tensions dans les ports nationaux. Comment pouvez-vous justifier
votre approche en étant contre un projet similaire dans la
construction?
M. Gendron (Sylvain): Le principe derrière le projet de
salaire garanti, on n'est pas contre. Par contre, là où on
voudrait que ce soit... En fait, que l'ancienneté devance le salaire
garanti. Si les travailleurs de la construction n'ont pas
une ancienneté qui leur garantit qu'ils vont rester au travail,
rien ne nous prouve que le... Je m'excuse, je suis trop...
M. Chevrette: Non. Prends ton temps. Je ne suis pas
pressé, moi.
Le Président (M. Bélanger): Pas de
problème.
M. Gendron (Sylvain): O. K. Merci.
Le Président (M. Bélanger): C'est tellement
impressionnant ici, qu'on comprend ça.
M. Chevrette: J'ai-tu l'air si mauvais que ça? Non.
M. Gendron (Sylvain): Non, non, non. Absolument pas. Je vous ai
vu... Je disais ça comme...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Vous savez que c'est
son air habituel, à part ça.
M. Chevrette: Le pire, c'est que vous me frappez dans ma
meilleure journée à part ça.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Gendron (Sylvain): Enfin, face au salaire garanti, on n'est
pas contre parce que, effectivement, le salaire garanti, en faisant en sorte
qu'il y ait une banque qui soit créée par les employeurs, ferait
en sorte que les travailleurs, lorsqu'ils tombent sur le chômage,
puissent retirer un supplément.
M. Chevrette: Je vais reprendre ma question
différemment.
M. Gendron (Sylvain): O. K. Allez-y.
M. Chevrette: Dans le domaine de la construction, ce sont des
travailleurs qui travaillent extrêmement dur. Ces gens-là sont
soumis aux intempéries d'automne, de printemps, d'hiver et, à un
moment donné, on sait très bien que pour qu'ils puissent
gagner... Ils sont sur le chômage, pour les trois quarts du temps, six
mois par année, presque six mois par année. On veut garantir...
Il pourrait y avoir des modalités avec un régime de
sécurité du revenu où des vieux travailleurs, par exemple,
pourraient, selon le nombre d'années qu'ils ont participé,
arriver... Il y a mille et une formule à songer qui éviteraient,
à mon point de vue, toutes les tensions intersyndicales à part
ça. Parce que l'objectif, ce n'est pas d'avoir le "sticker" dans le
front.
M. Gendron (Sylvain): Non, non. Absolument pas.
M. Chevrette: Pour le Syndicat de la Côte-Nord, CSD, CSN,
FTQ, International, l'objectif, c'est de représenter du monde le plus
adéquatement possible. J'ai toujours cru que les coups de marteau qui
ont été donnés, ce n'était pas dû aux
"stickers". C'était pour pouvoir s'accaparer les cotisations d'un plus
grand nombre. Ça, ça vaut pour vous autres comme pour les autres.
Ce n'est pas parce que vous n'êtes pas nombreux que vous ne cherchez pas
à aller en chercher, n'est-ce pas?
Donc, à partir de ce fait-là, je suis surpris que vous
soyez pour l'ancienneté pure, sans régime de
sécurité du revenu. Si vous êtes pour l'ancienneté
pure et non pour la sécurité du revenu, il y en a qui ne
travailleront à peu près jamais. Vous ne pensez pas qu'il doit y
avoir une combinaison des deux pour essayer de créer un
équilibre?
M. Gendron (Sylvain): Oui, effectivement. S'il y a une bonne
combinaison des deux, c'est une bonne façon de faire en sorte que les
travailleurs de la construction, ceux qui sont les vrais travailleurs et qui
travaillent, qui veulent travailler à l'année longue, même
si... Bon, on n'arrêtera pas le caractère saisonnier
nécessairement demain matin avec ce principe-là, mais ça
va permettre à un plus grand nombre de vrais travailleurs de la
construction de travailler plus de mois.
M. Chevrette: C'est qui pour vous, un vrai travailleur de la
construction?
M. Gendron (Sylvain): C'est quelqu'un qui a un métier de
la construction et qui travaille - un métier sans nécessairement
être un métier - c'est quelqu'un...
M. Chevrette: Un jeune qui sort de l'école avec son
diplôme en option professionnelle de soudeur, est-ce que c'est un gars de
la construction?
M. Gendron (Sylvain): Effectivement, c'est un gars de la
construction si son objectif à lui, une fois qu'il a suivi son cours,
c'est de devenir soudeur sur le champ.
M. Chevrette: Mais s'il s'en vient et s'il rentre dans la
construction...
M. Gendron (Sylvain): Puis qu'il est bloqué par le
fait...
M. Chevrette: Non, non. Laissez-moi finir ma question.
M. Gendron (Sylvain): O. K. Excusez-moi.
M. Chevrette: S'il rentre dans la construction et s'il vient
"bumper" un gars de 10 ans d'ancienneté, qu'est-ce qui arrive?
M. Gendron (Sylvain): Bien là, si on vient "bumper"
quelqu'un, excusez-moi, c'est qu'il va sûrement y avoir un
problème à régler au niveau des effectifs, du nombre de
travailleurs dans chaque région, sur tel ou tel chantier. On n'arrive
pas... On ne formera pas... À l'heure actuelle, on travaille en relation
avec le ministre de l'Éducation justement pour prévoir le nombre
d'apprentis qui doivent être formés pour ne pas en arriver
à...
M. Chevrette: En fait, ce que je veux dire, M. Gendron, c'est que
s'il y a de la place pour 110 000 travailleurs, ce qui forcerait, d'ailleurs,
les gouvernements - ça a toujours été dit, même dans
le rapport Cliche - à planifier un peu plus les travaux d'envergure,
s'il y a de la place pour 110 000 travailleurs, il n'y en a pas pour 150 000.
Plus vous en entrez dans le réseau, plus vous diminuez la
possibilité du nombre d'heures collectivement s'il n'y a pas d'autres
critères.
D'autre part, si vous continuez à former à l'école
des jeunes dans tous les métiers de la construction, on forme des
frustrés. On a un dilemme qui est beaucoup plus grave, à mon
point de vue, que celui d'une revendication de convention collective ou de
décret. C'est beaucoup plus global, ce problème-là. C'est
qu'on a le ministère qui forme et on a un marché qui peut
accueillir tant, puis ça s'en va à la va comme je te pousse; 110
000 une année, là on ferme les bassins. On a du monde
frustré qui viennent pour rentrer dans le bassin puis ils ne sont pas
capables. Puis, d'autre part, il y a du monde qu'on a formé
spécifiquement pour ça et ils ne peuvent pas rentrer.
Vous voyez un peu tout le climat. Je pense que c'est une discussion
beaucoup plus globale que celle d'un décret qu'on souligne là.
C'est une discussion de société à savoir comment on peut
coordonner à la fois la formation avec les capacités du
marché d'accueillir cette même main-d'oeuvre que l'on forme. Et
puis, dans tout ça, comment faire en sorte que ceux que le bassin est
capable d'accueillir ait un minimum décent de revenu? Regardez la
moyenne des salaires, je ne sais pas de combien elle est dans la construction,
mais elle ne doit pas être très très forte.
C'est quoi? 1000 heures, à peu près, la moyenne d'heures
dans la construction, par année. 1000, divisez ça par 40,
ça ne fait pas un nombre de mois de travail... C'est 25 semaines.
M. Gendron (Sylvain): Non. Les revenus et le nombre de semaines
dans la construction moyenne, c'est faible. Comparativement vraiment à
d'autres secteurs de l'économie, les travailleurs de la construction ont
énormément à gagner au niveau du nombre de mois de travail
et au niveau du revenu aussi. Mais il y a effectivement ce que vous souleviez
au niveau de la formation. Ce n'est pas en allant "bumper" des anciens, mais
c'est de bien prévoir la formation, les besoins réels du secteur
de la construction pour x années à venir. C'est aussi une bonne
planification des travaux, que ce soient des travaux gouvernementaux. C'est
évident qu'un système de récession comme on connaît,
le principe normal que lorsque le domiciliaire tombe, le commercial tombe, on
peut prévoir que le gouvernement devrait sortir ses projets justement
d'agrandissement ou ses projets de rénovation des structures
économiques de la province.
À ce niveau-là, c'est de la planification aussi, mais ce
n'est pas uniquement au niveau d'un salaire garanti qui va faire en sorte que
la personne va travailler, elle va avoir une garantie de travailler pendant 10
mois. C'est évident que son cas, ses conditions de vie vont se voir et
de loin améliorées. Je suis entièrement d'accord avec
ça.
M. Chevrette: M. Gendron, je vous remercie, et ça n'a pas
été si mal, hein? Tu t'en venais bien là.
M. Gendron (Sylvain): Vous excuserez ma nervosité.
M. Chevrette: Ça a bien été.
M. Gendron (Sylvain): Quelques années de pratique et
ça viendra bien.
M. Chevrette: Bon voyage de retour.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le Syndicat de la construction de la
Côte-Nord de Sept-îles inc., pour sa participation à ses
travaux.
Avant de suspendre, M. le ministre, vous avez fait une ouverture tout
à l'heure disant même que vous êtes prêt, dès
cet après-midi, à annoncer l'ouverture du système de
relations de travail qui prévaut dans le domaine de la construction.
Vous avez aussi fait appel à l'usage possible de la commission comme
commission rogatoire, pour faire le tour de la province. Je ne peux
évidemment pas prendre l'engagement au nom de la commission parce que ce
sont les membres de la commission qui sont maîtres de leurs travaux. Je
ne suis qu'un de ces membres-là qui a une responsabilité
d'organiser, d'animer les travaux, mais surtout pas d'imposer. Alors, si tout
le monde est d'accord avec ce point de vue, je pense qu'on pourrait soumettre
dans les meilleurs délais un mandat formulé, en bonne et due
forme, à la commission. Peut-être même que dès le
mois d'août on pourrait se mettre au travail là-dessus.
En tout cas, vous avez ici des gens de part et d'autre très
motivés, très bien disposés. Il y a quelques mauvaises
têtes, mais dans l'ensemble ce sont de bonnes têtes. M. le
ministre, c'était simplement pour vous dire que nous serions très
disponibles à ce mandat.
M. Séguin: Si vous me le permettez, oui, effectivement,
hier, lors de la motion et des échanges avec l'Opposition, je l'ai dit,
je l'ai répété ce matin, et je le redis même
publiquement, ce n'est même plus une réflexion, c'est un
engagement de se repencher sur cette loi-là. Je pense que la commission
de l'économie et du travail serait une excellente façon de
procéder. Peut-être que les membres pourront considérer
soft un mandat d'Initiative, ou quoi que ce soit. Moi, ma perspective, c'est de
dire à la commission: Aidez-moi à regarder cela de la
façon la plus sérieuse, la plus publique, pour inviter tous les
intervenants de l'industrie de la construction à venir rencontrer la
commission et nous suggérer des avenues pour réformer les
mécanismes de la construction, qui est une loi de 1969, et qui n'a connu
aucun changement depuis 1969. Alors, je pense que c'est le temps.
Je souhaiterais, en terminant, M. le Président, que ce soit la
dernière commission parlementaire dans le cadre du décret parce
que je souhaiterais que ce soit le dernier décret de la construction
qu'on ait à adopter et à avoir, Comme parlementaires. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, juste une petite nuance
avec les propos du ministre quant au mandat d'initiative. Je pense que si l'on
veut véritablement de l'efficacité et de la
crédibilité, notre réforme parlementaire est encore jeune
à l'effet que si le ministre est absent, si le ministre ne participe
pas, parce qu'il a l'autorité de changer... On a vu des mandats
d'initiative face à des problèmes, mais face à une
modifica tion fondamentale d'une législation, moi, je souhaiterais, en
(out cas, que It; ministre soit partie intégrante de la commission,
sinon c'est un travail de sensibilisation qu'on devrait refaire, reconvoquer
les parties. Je pense que la multiplicité des convocations... Les gens
se tannent d'abord. Je pense que si on veut véritablement changer
quelque chose, c'est de prendre un mandat, que ce soit la commission de
l'économie et du travail, bravo, mais que ce soit véritablement
une commission dont le but est de ramasser, de colliger ce qui deviendra des
amendements concrets à la législation par la suite, de sorte que
ça a plus de chance d'aboutir.
Le Président (M. Bélanger): Exact. Et que cette
commission se déplace dans les régions.
M. Chevrette: Ça, moi, je n'ai pas d'objection du
tout.
Le Président (M. Bélanger): D'abord, les
décors...
M. Chevrette: On est montrables partout.
Le Président (M. Bélanger): ...sont souvent moins
imposants qu'ici, moins intimidants parce que...
Une voix: On ira à Sept-îles.
Le Président (M. Bélanger): On ira à
Sept-îles, on ira partout. Dans ce sens-là, donc, le projet
est sur la table. Il y avait M. Bourdon qui... M. le député de
Pointe-aux-Trembles, excusez-moi.
M. Chevrette: T'aimerais pas ça te promener dans le
Québec avec nous autres?
M. Bourdon: Je voudrais simplement dire au ministre à la
fin qu'il doit, dans les prochaines heures, exercer un pouvoir qui est
redoutable, celui de contraindre, parce qu'il s'agit d'enlever des choses, un
pouvoir aux intervenants de l'industrie. Alors, il a, dans ce sens-là,
une lourde responsabilité et je pense que - c'est ce que je lui
laisserais comme message de la fin - quand on le pouvoir de contrainte, on a
l'obligation d'être le plus juste possible.
M. Séguin: M. le Président, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Séguin: Peut-être le mot de la fin, c'est que
oui, c'est une décision importante et je la veux juste. Je pense qu'on
me reconnaît un souci de justice. Juste pour équilibrer les
choses, je dois dire à mon aimbable collègue, le
député de Joliette que j'aime bien, qu'il n'était
peut-être pas ministre du Travail, mais il siégeait au Conseil des
ministres qui a passô les quatro ou cinq décrets, avant moi,
Alors, je pense qu'on fait notre possible dans ce genre de situation.
Je veux dire aux gens qu'il faut qu'ils comprennent - et je pense que
personne actuellement ne voudrait être à ma place - que quelqu'un
doit être là, et je le fais avec le plus grand souci de justice,
non pas pour, nécessairement, le ministre du Travail ou le gouvernement,
mais pour les travailleurs de la construction. Présentement, c'est ta
seule pensée que j'ai, de trouver, par toutes les façons, les
améliorations pour les travailleurs de la construction. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M le ministre, cette
préoccupation vous honore. Je remercie les
membres de la commission qui ont été présents en
grand nombre aujourd'hui. La commission, ayant acquitté son mandat,
ajourne ses travaux à 10 heures mardi. D'accord. Alors, mardi, 10
heures. Merci.
(Fin de la séance à 13 h 49)