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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à
chacun de bien vouloir reprendre sa place pour que la commission de
l'économie et du travail puisse procéder à une
consultation générale et à des auditions sur la situation
et les perspectives de l'énergie électrique au Québec.
Dans un premier temps, ce matin, est-ce qu'il y a des remplacements, M.
le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bordeleau
(Acadie) est remplacé par M. Poulin (Chauveau) et M. St-Roch (Drummond)
est remplacé par M. MacMillan (Papineau).
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Il
n'y a pas d'autres remplacements? Alors, sans plus tarder, nous recevons, ce
matin, l'Association des industries forestières du Québec
Itée. Messieurs, je vais rapidement vous expliquer nos règles de
travail. Vous avez vingt minutes fermes pour présenter votre
mémoire et, par la suite, il y aura une période d'échanges
avec les parlementaires. Alors, sans plus tarder, je vous invite à
identifier votre porte-parole, à présenter l'équipe et
à présenter votre mémoire. Je vous remercie.
Association des industries forestières du
Québec Itée
M. Dufresne (Guy): Merci, monsieur. Mme la ministre, mesdames et
messieurs, il me fait plaisir de présenter l'équipe qui est ici
devant vous et, ensuite de ça, M. André Duchesne fera la
présentation de vingt minutes. Tout d'abord, mon nom est Guy Dufresne,
je suis président du conseil d'administration de l'Association des
industries forestières du Québec et aussi président et
chef des exploitations de Kruger; à ma gauche, M. Marcel Beaudoin, qui
est vice-président principal d'Abitibi-Price; à ma droite
immédiate, M. André Duchesne, président-directeur
général de l'Association des industries forestières du
Québec; ensuite, M. Normand Bouchard, qui est président du
comité sur l'énergie de l'Association ainsi que coordonnateur
énergie des produits forestiers Domtar; et, à l'extrême
droite, M. André Sarrasin, qui est premier vice-président
ingénierie et développement de Daishowa.
Je demanderais à M. Duchesne de faire la présentation.
M. Duchesne (André): M. le Président, Mme la
ministre, si on me donne de la lumière... Les 28 entreprises membres de
l'Association des industries forestières du Québec produisent la
presque totalité des pâtes et papiers fabriqués au
Québec et plus de la moitié des bois sciés. Elles ont
produit, en 1989, 8 000 000 de tonnes métriques de pâtes et
papiers dont la valeur atteignait 6 500 000 000 $, soit 9 % de la valeur des
livraisons de toute l'industrie manufacturière
québécoise.
Seuls 15 % de toute cette production ont été
expédiés au Québec, alors que 71 % étaient vendus
hors du Canada, principalement aux États-Unis. C'est ainsi que, sur une
production totale de 4 600 000 tonnes de papier journal, 3 400 000 tonnes, soit
74 % de la production, ont été livrées chez nos voisins du
Sud. Les produits papetiers constituent à eux seuls plus du
cinquième des exportations québécoises et sont essentiels
au maintien d'une balance commerciale favorable pour le Québec et le
Canada.
L'industrie forestière dans son ensemble, et
particulièrement le secteur papetier, est une grande consommatrice
d'énergie, en forêt comme en usine. Les papetières ont
utilisé, en 1988, 537 000 000 de mètres cubes de gaz naturel,
soit 10 % de toute la consommation québécoise. Ceci
représente 15 % du total de l'énergie achetée par
l'énergie papetière, soit cinq fois plus qu'en 1980. Il est peu
probable qu'une telle croissance se poursuive puisque le pipeline en provenance
des provinces de l'Ouest est maintenant utilisé à pleine
capacité.
La consommation des autres produits pétroliers, principalement du
mazout, demeure cependant plus importante. Elle se situe à 710 000 000
de litres, soit 21 % de toute l'énergie achetée par les
papetières en 1988. Il s'agit d'une baisse considérable; la
consommation de 1988 n'est que le tiers de celle de 1970. Cette importante
réduction dissimule toutefois le fait que la fin du programme
d'énergie excédentaire d'Hydro-Québec a produit un
revirement important dans la consommation de mazout. Les derniers chiffres
compilés montrent, en effet, une consommation de mazout accrue de 52 %,
pour les six premiers mois de 1989, par rapport à la même
période en 1988.
Malgré cet important revirement, l'électricité
demeure la principale source d'énergie de l'industrie papetière.
En 1988, celle-ci a consommé 24,3 térawattheures d'énergie
électrique, soit 64 % de son approvisionnement en énergie
achetée. Les 13,2 térawattheures achetés
d'Hydro-Québec représentaient 29 % des ventes de la
société au Québec.
Il est malheureusement possible que l'énergie électrique
devienne, dans les années quatre-
vingt-dix, un facteur limitant le développement de l'industrie
papetière québécoise. En effet, il semble de moins en
moins certain qu'Hydro-Québec soit en mesure de rencontrer, à la
fois, les quatre critères qui ont fait de l'énergie
électrique un facteur favorisant le développement. En effet, la
disponibilité de l'énergie électrique pour les besoins
actuels de l'industrie québécoise est remise en question à
la fois par les exportations d'énergie ferme et par un programme de
développement industriel qui favorise un secteur aux dépens de
tous les autres.
La fiabilité de l'énergie électrique est moins
certaine, non seulement en raison du déficit d'entretien du
réseau, mais aussi parce que de nouveaux critères de
qualité, beaucoup plus stricts, deviennent nécessaires pour
satisfaire les nouveaux équipements de contrôle de
procédé.
Le coût concurrentiel de l'énergie électrique est
dorénavant incertain sous deux rapports. Une hausse rapide des tarifs
pour "générer" les capitaux nécessaires au financement des
nouvelles centrales réduirait d'autant l'avantage que confère
à l'industrie québécoise le coût relative ment bas
de l'énergie électrique. Les tarifs à l'exportation, qui
sont inférieurs aux coûts de remplacement qui seraient encourus
par les producteurs américains d'électricité, permettent
à ceux-ci de réduire leur hausse de tarifs et, par
conséquent, la marge concurrentielle des industries
québécoises.
Enfin, le respect de l'environnement présentera de nouveaux
problèmes si le progrès des procédés plus propres
mais plus énergivores est ralenti ou même inversé par la
rareté de l'énergie électrique. Cette situation risque de
se concrétiser dans la mesure où les pressions des groupes
environnementaux et autochtones retarderaient la mise en service de nouveaux
équipements nécessaires pour satisfaire à la fois les
besoins actuels et les besoins nouveaux créés par une
stratégie de développement qui stimule la demande. Face à
ces incertitudes, la position des membres de l'AIFQ sur la gestion et le
financement d'Hydro-Québec peut se résumer en six grands
points.
Des hausses inférieures au taux d'inflation. Si l'on exclut les
besoins reliés aux investissements nouveaux, il semble injustifié
que la hausse annuelle de l'ensemble des tarifs excède la moitié
du taux d'inflation. En effet, selon le plan de développement, 55 % des
coûts totaux sont des frais d'exploitation qui comprennent la
dépréciation. Ces coûts devraient grimper moins vite que
l'inflation, en particulier si la productivité de l'entreprise
s'améliore.
L'autre 45 % des coûts, constitué de taux
d'intérêt et de pertes de change, est à peu près
fixe. La rentabilité d'Hydro-Québec a été
affectée, au début des années quatre-vingt, par la hausse
des taux d'intérêt et des fluctuations du taux de change sur ces
emprunts étrangers. La société a pris des mesures
efficaces pour stabiliser ces fluctuations. Elle jouit aujourd'hui de
coûts de financement qui sont en général fixés pour
de longues périodes, ce qui fait quune bonne partie de sa dette est
à l'abri de l'inflation.
Il n'y a donc aucune raison, hormis la génération du
capital requis pour de nouveaux équipements, que les hausses de tarif
dépassent la moitié du taux d'inflation. C'est d'ailleurs sur une
telle base qu'ont été calculés les tarifs à
l'exportation qui croissent environ de la moitié de l'inflation, une
fois les livraisons amorcées. il est logique de conclure que toute
hausse des tarifs au-delà de la moitié du taux d'inflation sert
à financer l'installation de nouveaux équipements.
L'examen du graphique met en lumière la relation entre les
investissements requis pour augmenter la production d'électricité
et les augmentations de tarifs de 1971 à 1992. On constate que, dans les
périodes marquées par un faible niveau d'investissement -
l'investissement est en rouge - Hydro-Québec a obtenu des hausses de
tarifs modérées, voisines des taux d'inflation, ce qui lui
permettait de couvrir les augmentations de charges d'exploitation. Dans les
périodes où l'activité d'investissement a
été intense, en pius de devoir couvrir les hausses de ses
coûts d'exploitation, Hydro-Québec a dû lever des fonds
additionnels pour financer ses investissements. La courbe bleue indique
clairement qu'en période d'expansion les augmentations de tarifs
demandées sont au-delà de la courbe d'inflation qui est en vert.
De telles augmentations sont inacceptables.
Depuis 1981, l'impact cumulé de ces hausses de tarifs pour le
tarif de grande puissance est en moyenne supérieur à l'inflation,
comme vous pouvez le voir sur le graphique. Le tarif L est en vert et l'indice
des prix à la consommation est en rouge.
Réduction de l'interfinancement. Les membres de l'AIFQ sont
d'avis qu'en principe chaque classe tarifaire doit assumer les coûts de
fourniture qui lui sont propres. Hydro-Québec devrait tendre à
réduire progressivement, mais dans les meilleurs délais,
l'interfinancement d'une classe à l'autre. C'est le seul moyen de
transmettre aux diverses classes de consommateurs d'électricité
un signal de prix qui permettra une utilisation rationnelle des sources
d'énergie alternatives. L'AIFQ est d'avis que le calcul des revenus et
des coûts de fourniture doit isoler l'influence des programmes
spéciaux de toute nature sur une classe tarifaire donnée.
Réinvestissement des dividendes versés à
l'État. Le mécanisme par lequel l'État, à titre
d'actionnaire unique d'Hydro-Québec, recueille des dividendes à
même l'excédent de revenus d'Hydro-Québec est une forme de
taxation déguisée qui devrait cesser immédiatement Le taux
de rendement sur l'avoir propre de 13 %
demandé par Hydro-Québec est non seulement
supérieur à celui "généré" en moyenne par
l'industrie papetière, mais encore non comparable au rendement
accordé à Gaz Métropolitain ou Bell Canada. Cette pratique
devrait cesser pour permettre à Hydro-Québec de s'autofinancer
sans hausser les tarifs de façon excessive. (10 h 15)
Contraintes aux exportations d'électricité. L'exportation
d'énergie ferme ne devrait être envisagée que si
Hydro-Québec démontre que cette énergie est disponible et
que sa vente est profitable non seulement pour Hydro-Québec, mais pour
l'ensemble de ses clients québécois, notamment par un impact
favorable sur les tarifs au Québec et l'élargissement de
l'avantage concurrentiel dont jouissent les industries
québécoises. Hydro-Québec devrait donc concentrer ses
efforts d'exportation sur deux plans, à savoir la vente d'énergie
sur une base temporaire et interruptible quand la puissance est disponible et
l'hydraulicité adéquate, et la conclusion d'ententes
d'interconnexion qui permettent des échanges bénéfiques
pour les deux parties quand les demandes de pointe des partenaires ne sont pas
simultanées. Hydro-Québec pourrait exiger des acheteurs
éventuels d'énergie ferme qu'ils financent eux-mêmes la
capitalisation des projets dont on accélère la construction pour
permettre l'exportation d'énergie. Ceci réduirait de façon
importante le besoin pour Hydro-Québec de hausser ses tarifs.
Il faut ici remettre en doute l'une des hypothèses
d'Hydro-Québec pour démontrer la rentabilité des contrats
d'exportation, à savoir que l'eau des contrats ne coûtent rien aux
Québécois. Il est vrai que cette eau tombe du ciel gratuitement,
mais son coût de remplacement n'est pas nul. En période de faible
hydraulicité, Hydro-Québec doit acheter de l'énergie des
réseaux voisins pour économiser son eau. Elle doit aussi faire
fonctionner, comme centrale de base, la centrale de Tracy. En 1988, 1989 et
1990, l'impact cumulé de ces mesures de remplacement dépasse 800
000 000 $. S'il se répétait durant la période des
contrats, ce phénomène de faible hydraulicité pourrait
anéantir toute rentabilité. Le graphique illustre d'ailleurs la
situation que l'AIFQ estime la plus vraisemblable à partir de la
conjoncture actuelle, à savoir une hausse des tarifs
d'Hydro-Québec supérieure de 1 % à l'inflation, ce qu'on a
vécu dans les 10 dernières années. On constate que les
prix payés par les Vermont Joint Owners et la New York Power Authority
se rapprochent alors dangeureu-sement des tarifs québécois. On
n'ose pas supposer ce qui se produirait si la période de faible
hydraulicité actuelle se prolongeait et se rendait jusqu'au début
des contrats d'exportation en question.
Amélioration de la productivité. Le coût de
production de l'énergie contient une composante variable: il s'agit des
coûts de gérance et d'entretien du réseau. Ces coûts
reflètent en grande partie la rémunération du personnel
affecté à ces tâches. Dans les années quatre-vingt,
Hydro-Québec a tenté de réduire l'importance de ces
coûts, et surtout leur croissance, en réduisant les
activités d'entretien du réseau.
L'AIFQ croit qu'une autre avenue mérite d'être
explorée pour améliorer la qualité du service tout en
réduisant les coûts d'opération; il faut chercher à
améliorer la productivité de l'ensemble des employés de
l'entreprise. Malheureusement, les rédacteurs de ce mémoire n'ont
trouvé, dans la documentation préparée en vue de la
commission, aucun indice de productivité, ni aucun objectif
chiffré d'amélioration de la productivité. Dans la plupart
des industries, de tels indices permettent de relier les biens et services
produits à la main-d'oeuvre ayant participé à cette
production. L'impact des changements technologiques peut ainsi être
évalué. Des programmes de motivation du personnel peuvent
être mis sur pied et leur efficacité mesurée.
Hydro-Québec devrait développer et rendre public un tel indice,
sans lequel le progrès accompli ne peut être mesuré.
De plus, un des facteurs qui permettent à une entreprise de
hausser sa productivité est la flexibilité dont disposent les
dirigeants dans la gestion du personnel. Hydro-Québec réclame
depuis longtemps plus de latitude dans l'adjudication des contrats de
sous-traitance. Il est important que ce problème soit résolu dans
les meilleurs délais. La société devrait pouvoir recourir
à des contrats de sous-traitance dans tous les cas où la
durée du travail ou l'expertise requise fait que de tels contrats
réduisent les coûts d'un projet.
La gestion de la demande de pointe. Les membres de l'AIFQ croient qu'il
existe plusieurs mesures alternatives à la construction de nouvelles
centrales pour assurer l'approvisionnement des besoins québécois
d'énergie électrique. L'AIFQ veut aussi proposer des mesures
permettant de réduire substantiellement la demande de pointe.
Le chauffage représente une partie importante et encore en
croissance de la demande de pointe d'énergie électrique: plus de
40 % de la puissance installée est requise à cette fin. La
plupart - 90 % selon le plan - des nouvelles résidences sont d'ailleurs
chauffées à l'électricité, bien que le facteur
d'utilisation de la puissance soit très bas pour ce genre d'utilisation.
Cette croissance du chauffage électrique se poursuit en bonne part parce
que le signal de prix offert aux consommateurs est erroné. La puissance
n'étant requise que quelques heures par année, le prix
réel du kilowattheure utilisé en chauffage est bien
supérieur au tarif D. Il faut donc prendre les mesures
nécessaires pour améliorer le facteur d'utilisation des
installations de chauffage. Ces mesures consistent à encourager
davantage l'utilisation de la biénergie, en
particulier dans les nouvelles constructions, et à promouvoir
avec plus de vigueur les économies d'énergie, entre autres, par
une meilleure isolation.
Une autre alternative à la construction de nouvelles centrales
consiste à développer la cogénération
d'électricité par certains utilisateurs déjà
branchés au réseau. L'industrie forestière dispose
annuellement d'environ 2 000 000 de tonnes de biomasse résiduelle sous
forme d'écor-ces et de débris ligneux. Une partie importante de
cette biomasse pourrait être utilisée, en période de
pointe, pour alimenter les usines et ainsi soulager la charge du réseau.
Il s'agit d'une source québécoise d'énergie susceptible
d'être préférée à toute source
d'énergie extérieure.
Certaines usines pourraient aussi voir un intérêt à
installer des équipements de cogénération utilisant le gaz
naturel ou le mazout comme source d'énergie. Le développement de
la cogénération dans tous les cas est présentement ralenti
par l'absence de rentabilité des projets mis de l'avant; les tarifs
offerts par Hydro-Québec sont trop bas pour rendre les projets
rentables. L'AIFQ recommande qu'Hydro-Québec revoie l'ensemble des
conditions offertes aux entreprises intéressées.
En conclusion, M. le Président, la disponibilité de
l'énergie électrique en grande quantité, le prix
relativement bas de cette énergie par rapport à celui payé
par les concurrents étrangers, voilà deux facteurs qui ont
favorisé le développement industriel québécois des
dernières décennies. Cette croissance soutenue ne pourra se
maintenir que si l'énergie électrique continue d'être
disponible à prix concurrentiel. Les membres de l'AIFQ pressent donc le
gouvernement du Québec de prendre toutes les mesures nécessaires
pour qu'Hydro-Québec puisse fournir aux Québécois et
à l'industrie québécoise une énergie fiable,
disponible en quantité suffisante en tout temps, à un prix qui
maintienne ou améliore la compétitivité de l'industrie,
dans le respect de l'environnement. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
Monsieur. Alors, Mme la ministre.
Mme Bacon: MM. Duchesne, Dufresne, Bouchard, Sarrasin et
Beaudoin, on vous remercie du mémoire imposant que vous nous avez fait
parvenir, de la présentation que vous avez faite ce matin et d'avoir
accepté de venir dialoguer avec les membres de la commission de
l'économie et du travail.
Dans votre mémoire, au niveau de la disponibilité de
l'électricité, vous nous faites part de certaines
inquiétudes qui concernent la sécurité des
approvisionnements, la disponibilité de l'électricité
à moyen terme, et, venant d'un secteur industriel important comme le
vôtre, qui est un secteur important pour l'économie du
Québec, je dois dire que c'est préoccupant. Plusieurs
intervenants considèrent qu'Hydro-Québec sous-estime la
croissance de la demande d'électricité. Qu'est-ce que vous pensez
de la croissance prévue, pour votre industrie? On dit 1,7 % par
année d'ici 2006; c'est l'addition de 6 000 000 000 de kilowattheures
pour satisfaire vos besoins futurs. Est-ce que ça vous semble
sous-estimé par rapport,à votre demande?
M. Duchesne: D'après nos propres évaluations de ce
qui s'en vient, Mme Bacon, c'est peut-être un petit peu
sous-estimé, effectivement. Il semble qu'il y a un facteur qui est
difficile à évaluer, à ce moment-ci, mais que nous, on
pense un petit peu plus important que les planificateurs d'Hydro-Québec,
qui rentre en ligne de compte, à savoir, l'accroissement du contenu
énergétique d'une tonne de papier, à mesure que la
qualité que l'on demande rentre en ligne de compte. Là-dessus, il
n'y a pas de divergence phénoménale avec les prévisions
d'Hydro-Québec pour notre industrie, mais on pense que cet
aspect-là est légèrement sous-évalué. Il y a
toute la question du recyclage qui, pour l'instant, est encore un grand point
d'interrogation, et qui pourrait avoir une influence positive ou
négative plus grande que cette différence-là, si vous
voulez. Si le recyclage s'implantait autant que certains voudraient le voir,
c'est évident que ça pourrait réduire la quantité
d'énergie nécessaire. Mais, d'une façon
générale, nous ne pensons pas qu'il va pouvoir s'implanter si
vite que ça et représenter un pourcentage si important que
ça. Donc, il y a un point d'interrogation dont vous devez tenir compte,
mais, à notre avis, ça ne fera pas une si grosse
différence que ça.
Mme Bacon: Hydro-Québec vient de lancer un vaste programme
d'économies d'énergie et, malgré le fait que vous accordez
sans doute beaucoup d'importance à cette question-là, est-ce que
vous croyez qu'il y a quand même de la place pour une amélioration
significative du rendement énergétique de votre industrie? Est-ce
qu'il serait réaliste aussi de croire que ces économies
d'énergie pourraient annuler ou diminuer la croissance prévue de
la demande d'électricité de votre industrie pour les prochaines
années? On sait que, pour les industries, c'est différent par
rapport au résidentiel, par exemple, où on peut faire des
économies d'énergie plus facilement. Il me semble que le secteur
industriel a plus de difficultés à faire des économies
d'énergie Est-ce que ça abaisserait la demande
d'énergie?
M. Dufresne: Mme la ministre, je pense qu'au cours des
dernières années on a eu des chocs énergétiques au
début des années soixante-dix où il s'est fait beaucoup
d'économies d'énergie avec l'augmentation substantielle des prix.
Il
y a sûrement de la place dans les entreprises pour continuer ces
programmes-là, mais l'ordre de grandeur, à notre avis, à
moins que mes collègues aient d'autres idées, n'est pas là
pour... Disons, qu'on ne voit pas là des économies
substantielles. Il va toujours y en avoir à mesure qu'on est capables de
justifier ces économies-là. Il va toujours y avoir des
économies d'énergie, mais pas d'un ordre de grandeur qui pourrait
altérer de façon significative - du moins, on ne les voit pas
à ce niveau-ci... Et il faut dire que de ce côté-là,
on est, comme industrie, assez compétitifs au niveau mondial, mais il y
a toujours place pour amélioration vers l'excellence.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous soulignez l'importance
des tarifs d'électricité comme un avantage comparatif du
Québec pour votre industrie. J'aimerais que vous nous indiquiez quels
sont les autres facteurs qui font du Québec un endroit propice aux
investissements dans le domaine des pâtes et papiers et du bois de
sciage.
M. Dufresne: Je pense que le facteur principal, au point de vue
coût, est indéniablement l'électricité. Plusieurs de
nos concurrents ont l'avantage d'avoir du soleil, d'être plus près
des marchés; nous, on n'a pas ces avantages-là. Par contre, on a
une expertise qui a été développée au cours des
années et qui est là. On a aussi une qualité de fibre qui
est bonne, même si le coût de la fibre est beaucoup plus
élevé. C'est pour ça, Mme la ministre, qu'on insiste tant
que ça sur la nécessité de garder ce facteur
concurrentiel. Si on n'a pas ce facteur concurrentiel au Québec, on n'a
rien pour compenser la distance de nos marchés, on n'a rien pour
compenser le fait que nos arbres poussent en moyenne en 60 ans, au lieu de 30
ans aux États-Unis et 15 ans au Brésil.
Mme Bacon: Peut-être que si on abordait la question de la
place de l'électricité dans les besoins
énergétiques du Québec, compte tenu du coût de
l'électricité pour le secteur industriel, des conditions dans
lesquelles elle est fournie... Croyez-vous que l'électricité joue
un rôle qui doit lui revenir dans la satisfaction des besoins
énergétiques de votre industrie? Autrement dit, est-ce que vous
considérez que votre industrie est irop passée
"électrivore", en regard des considérations économiques,
écologiques, industrielles ou d'autres considérations?
M. Dufresne: Si on regarde l'histoire, l'industrie des
pâtes et papiers s'est développée au Québec
grâce à l'énergie hydraulique qui se trouvait dans la
province, et ça demeure encore aujourd'hui un facteur clé et
essentiel pour notre industrie d'avoir de l'électricité à
bon marché. Si on regarde la proportion de papier journal qui se fait au
Québec par rapport à l'ensemble du Canada, on s'aperçoit
qu'on a ici une proportion beaucoup plus élevée de papier
journal, le papier journal étant la sorte de produit de papier qui
requiert le plus d'électricité.
Alors, on bâtit, en d'autres termes, sur les forces qui existent
au Québec, qui sont un approvisionnement en bois, même s'il est
plus dispendieux, mais aussi un bon approvisionnement en
électricité. Et c'est pour ça qu'on a axé notre
mémoire sur l'importance d'avoir une électricité fiable et
à bon marche.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous affirmez que les
tarifs qui sont offerts par Hydro-Québec sont trop bas pour rendre les
projets de cogénération rentables. Est-ce que vous pourriez nous
indiquer à quelles conditions ces projets deviendraient rentables et sur
quelle base devraient être établis les tarifs
d'Hydro-Québec qu'on offre aux cogénérateurs? (10 h
30)
M. Dufresne: Pour être bien franc, Mme la ministre, je
pense que c'est un aspect assez concurrentiel entre les différentes
firmes qui font partie de l'Association. Mais ce qu'on dit comme ensemble,
c'est que ça nous prend des tarifs qui puissent permettre aux compagnies
de justifier un investissement du côté de la
cogénération. Ça varie selon les circonstances et selon
les conditions de chacune des compagnies. Mais ce qu'on voudrait, c'est que les
compagnies... Il faut dire que, dans l'ensemble des États-Unis, la
cogénération représente environ 50 % des sources
d'énergie pour l'industrie américaine.
Ici, c'est un phénomène nouveau et, pour justifier et
mettre en marche ces projets-là, ça prend une rentabilité
économique. C'est le message de base qu'on voudrait passer à la
commission, plutôt que d'arriver avec un programme plus précis.
Mes confrères ont peut-être des points à ajouter
là-dessus. André.
M. Duchesne: II y a peut-être un aspect, Mme la ministre,
qui mérite d'être souligné. C'est la façon dont
Hydro-Québec estime le coût maximum qu'elle peut payer pour de
l'énergie rachetée dans ces conditions-là. Et en fonction
de la durée du besoin et des coûts d'investissement
nécessaires, on arrive dans des situations de rentabilité
excessivement marginales.
Nous, on est d'avis que c'est encore profitable pour la
société d'augmenter ces tarifs-là ou d'en changer la
distribution dans le temps pour s'adapter à la rentabilité du
projet pour le cogénérateur sans que, pour elle, il y ait une
perte monétaire à encourir. Il y a tout simplement un profit
moins grand.
M. Sarrasin (André): André Sarrasin. La
majorité des procédés qui utilisent beaucoup
d'énergie libèrent, par le fait même, de grandes
quantités de vapeur qui peuvent servir à la
cogénération. Il y a des possibilités, bien entendu. Mais
si le rendement des investissements pour la cogénération ne
permet pas de justifier ces investissements, ces quantités de chaleur
sont dispersées, en premier lieu, pour sécher le papier et
peuvent, aussi, être dispersées pour d'autres usages qu'on peut
appeler secondaires. Et pour récupérer pleinement et continuer
leur croissance, ça ne veut pas dire que toutes les nouvelles
installations qui vont demander beaucoup d'énergie n'auront pas un volet
qui pourrait permettre à ces stations de cogénérer et
d'utiliser la vapeur qui serait résiduelle de ces systèmes de
cogénération. Alors, ça veut dire qu'il y a encore des
possibilités, mais que le fait qu'une énergie soit
utilisée en grande quantité ne veut pas dire qu'elle soit
totalement perdue à ce moment-là.
M. Dufresne: Est-ce que je pourrais ajouter un point aussi? C'est
que du côté environnemental, la cogénération qui est
appliquée dans 50 % des cas, dans 50 % de la génération de
l'électricité aux États-Unis, est parfaitement acceptable.
Au point de vue environnement, ça ne crée aucun
problème.
Mme Bacon: Vous préconisez aussi... Quand vous parlez
d'utiliser une partie de la biomasse qu'il vous reste sous forme
d'écorces, de débris ligneux, pour alimenter les usines, à
défaut d'utiliser de tels résidus pour la
cogénération, comment pouvez-vous en disposer si vous ne les
utilisez pas comme biomasse?
M. Duchesne: À l'heure actuelle, Mme la ministre, il y en
a une partie qui reste sur les parterres de coupe, il y en a une partie qui est
déjà utilisée et il y en a une partie qui est
brûlée tout simplement pour s'en débarrasser, quoique cette
technique-là soit en voie de disparition parce que c'était
essentiellement la technique des scieurs; des contrôles environnementaux
sur les brûleurs ne permettent plus de faire ça. Alors, il y a
déjà une partie qui est utilisée à des fins,
disons, moins nobles que ce qu'on pourrait faire pour "générer"
de l'électricité.
M. Dufresne: J'aimerais peut-être aussi ajouter qu'il y a
une partie qui sert pour faire de la vapeur.
Mme Bacon: Est-ce que ce type d'équipement est rentable
s'il est utilisé seulement en période de pointe?
M. Dufresne: Pour être rentable, il faut qu'il soit
utilisé constamment. On ne peut pas... Ce ne sont pas des bouilloires
qu'on peut allumer et fermer en période de pointe. Il faut que ce soit
utilisé constamment
Mme Bacon: Dans votre mémoire aussi, vous indiquez que le
degré de fiabilité du réseau d'Hydro-Québec est
actuellement inférieur aux attentes des Québécois; non
seulement le nombre de pannes a augmenté sensiblement - j'essaie de vous
citer, en particulier en 1988 - mais aussi le genre de pannes a
évolué. C'étaient des fluctuations en voltage, en
fréquence, en qualité, qui n'avaient pas été
perçues il y a 10 ans, qui ont causé des interruptions
momentanées aux nouveaux systèmes informatiques de contrôle
de la production. Par ailleurs, de votre côté, vous comptez
travailler avec des fournisseurs d'équipements pour que ceux-ci
deviennent moins sensibles a des micropannes. En somme, vous demandez à
Hydro-Québec, de concert avec les utilisateurs d'énergie et les
fournisseurs d'équipements, de définir, d'appliquer de nouveaux
standards de qualité. Est-ce que vous, vous pourriez me dire si vous
considérez que ce besoin de nouveaux standards de qualité, de
nouveaux standards de précision aussi, se retrouve dans l'ensemble du
secteur manufacturier ou seulement chez vous?
M. Dufresne: Je pense qu'on va demander à M. Bouchard de
répondre à ça.
M. Bouchard (Normand): Je pense que c'est l'ensemble de
l'industrie manufacturière, que ce soit dans les papetiers, dans les
mines. Aussitôt qu'on commence à utiliser des équipements
sophistiqués de contrôle et tout ça, les fluctuations de
fréquence, de voltage, tout ça, sont beaucoup plus sensibles, et
il n'est pas acceptable, pour ces équipements-là, de se
protéger On peut se protéger pour les micropannes, mais pour des
pannes plus longues que ça, on a de la difficulté à se
protéger et on perd ainsi beaucoup de procédés Tous les
procédés qui sont continus ont des problèmes avec
ça parce que lorsqu'on perd un procédé continu, le temps
de redémarrage est très long.
M. Dufresne: Simplement pour expliquer à la commission que
si le courant arrête pour une seconde, Hydro-Québec ne perd pas
ses revenus. Mais, comme industrie, si les feuilles de papier cassent, on est
obligés de laver tout l'équipement, ce qui prend des heures et
des heures On avait calculé, il y a quelques années, que le
coût d'une panne était environ 300 % plus élevé pour
l'industrie qu'à Hydro-Québec. Une seconde, on est obligés
de tout laver, d'arrêter les machines; la feuille casse, il faut tout
relaver, repasser la feuille, etc. Alors, c'est une seconde très
dispendieuse pour nous autres.
Mme Bacon: Dans la mesure où ces nouveaux standards sont
requis pour une partie de la clientèle d'Hydro-Québec, est-ce que
vous seriez d'accord pour que les dépenses accrues en entretien, les
dépenses en immobilisation qui sont
reliées à ces nouveaux standards-là, soient
attribuées à cette partie de la clientèle dans le calcul
des coûts de fourniture.
M. Dufresne: Je pense, madame, si on vous donne une comparaison -
et toute comparaison est boiteuse - que notre papier a augmenté en
qualité de façon substantielle au cours des deux dernières
décennies. Et si on regarde en dollars constants, nos prix n'ont pas
fait la même chose. Je pense qu'on s'attend à ce qu'une partie de
ça soit dans une meilleure productivité, une façon de
livrer un meilleur produit. Mais, s'il y avait une petite partie qui devait
être passée comme coût, je pense que ça vaudrait
certainement, si c'est justifié, la peine de regarder et de s'asseoir
avec Hydro-Québec, en d'autres termes, de travailler ensemble pour
améliorer le service qui nous permet d'avoir nous-mêmes une
meilleure productivité.
M. Duchesne: En fait, Mme la ministre, quand on dit dans le
mémoire qu'on a déjà commencé à travailler
avec Hydro-Québec pour trouver la solution optimale, il y a des
coûts qui doivent être encourus par l'industrie, je pense, comme le
disait Normand tantôt, pour que ces équipements de contrôle
soient compatibles avec la qualité qui est disponible. Mais, il y a des
coûts qui doivent être encourus par HydroQuébec pour
améliorer les nouveaux standards aussi. Le standard à
définir, sur lequel on a déjà commencé à
travailler, va partager les coûts équitablement entre tout le
monde. Donc, il y a un partage qui se fait, mais pas nécessairement dans
les tarifs.
Mme Bacon: Peut-être une dernière question rapide,
M. le Président. Vous reprochez à HydroQuébec un objectif
d'un rendement sur l'avoir propre de 13 %. Si le gouvernement permettait
à d'autres actionnaires de participer à la capitalisation
d'Hydro-Québec, est-ce que vous croyez qu'il serait possible de se
contenter d'un rendement de l'avoir propre qui varie entre 3 % et 8 %, comme
ça a été le cas entre 1984 et 1989?
M. Dufresne: Je pense que toute industrie, on regarde ça
sur une moyenne. Si on vise... Nous autres, on aimerait avoir un rendement de
beaucoup meilleur que celui que l'on a à l'heure actuelle, Mme la
ministre. Mais, il faut regarder ça sur une...
Mme Bacon: Qu'est-ce que c'est, meilleur, M. Dufresne?
M. Dufresne: Meilleur, parce que je pense que vous savez que
l'industrie des pâtes et papiers passe par un cycle très profond
qu'il prendrait quelque temps à expliquer. Mais, c'est certainement que,
quand on regarde à long terme, on voudrait avoir un rendement, nous
aussi, qui soit meilleur. Un rendement de 13 % à long terme, si on
regarde ça à long terme, c'est peut-être un rendement
élevé, relativement parlant. Je ne sais pas si ça...
Mme Bacon: Pensez-vous que des actionnaires se contenteraient de
3 % ou 8 %?
M. Dufresne: Je pense que les actionnaires visent plus que
ça dans n'importe quelle industrie. Mais il faut regarder tout un
contexte. Il faut regarder ça à long terme, et le facteur de
développement... Il y a des actionnaires qui, quand ils regardent
à long terme, prennent des rendements plus élevés pour
qu'à long terme il y ait une croissance. Alors, ça dépend
de chacun des actionnaires, et je ne peux pas répondre pour l'ensemble
des investisseurs.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Dufresne,
M. Duchesne et tous ceux qui les accompagnent. Avant de débuter,
j'aimerais excuser le fait que le député d'Ungava n'est pas ici
ce matin - il a dû retourner de façon urgente dans son
comté pour la journée - et, en même temps, mon
collègue de La Prairie qui aurait dû être ici ce matin,
mais, compte tenu des événements que vous connaissez depuis hier
après-midi, il a d'autres urgences aussi à son tour. Alors, je
les excuse, mais ils auraient aimé être ici pour écouter
les mémoires, parler avec les gens et les questionner.
Vous faites mention, dans le prix de la tonne de papier, de
l'augmentation du coût énergétique. On peut parler de
changement de procédés vers la thermomécanique, qui
amène peut-être des augmentations au niveau
énergétique. On peut parler aussi de toute la question de
l'utilisation des résidus par le désencrage, qui est
annoncé maintenant et qui devrait normalement, compte tenu des exigences
américaines, augmenter quant au contenu de la tonne de papier venant de
fibres recyclées. J'aimerais savoir de votre part si vous entrevoyez,
dans un avenir rapproché, une certaine stabilisation quant aux
coûts énergétiques ou si vous voyez, sur un espace de 5,
10, 15 ans, peut-être, une augmentation continuelle. Est-ce que,
d'après vous autres, il va y avoir, à un moment donné, une
stabilisation qui va s'effectuer ou si ça vous inquiète quant
à cette augmentation du prix de l'énergie dans la tonne de
papier?
M. Dufresne: II y a deux facteurs pour une augmentation, il y a
le volume et le prix ou le tarif. Du côté tarif, oui, on
s'inquiète et je pense qu'on a exposé les raisons pour lesquelles
on était inquiets. Quant à l'augmentation du
volume, je pense que ça, ça dépend de chacune des
compagnies, ça dépend des procédés. Si on s'en va
vers un procédé de pâte thermomécani-que, c'est pour
une foule de facteurs et non simplement une consommation additionnelle
d'électricité. On parle de qualité, on parie
d'environnement, on parle d'une foule de facteurs qui font qu'on est
allé vers ces procédés-là qui étaient plus
propres et qui aussi, en même temps, permettaient de continuer
d'améliorer la qualité. Alors, ce sont les deux aspects du
côté du volume de production. Il y a aussi le genre de croissance
que chacune dès entreprises va avoir, dépendant s'il y a plus
d'entreprises qui s'en vont vers une sorte de papier ou une sorte de
pâte; la quantité de consommation d'électricité
varie d'un procédé à l'autre.
M. Jolivet: Mais, avec les nouveaux contrats d'approvisionnement
et d'aménagement forestier, vous savez à peu près le
volume de bois que vous allez utiliser pour les années à venir,
dans un principe de rendement soutenu. Alors, la seule possibilité que
vous aurez d'augmenter votre productivité au niveau des compagnies sera:
ou bien vous faites plus que prévu au niveau de l'aménagement
forestier, ce qui vous amène un volume qui va vous appartenir, donc vous
n'avez pas à payer de droits de coupe; ou bien, à
côté de ça, des augmentations pourraient être
octroyées par le ministre dans les réserves de bois qui pourront
peut-être demeurer, s'il en reste, pour vous permettre d'acheter des
machines nouvelles ou d'augmenter votre niveau de production. Alors, j'aimerais
savoir si ces facteurs-là n'amènent pas, à un moment
donné, dans votre esprit, une stabilisation, quant au prix
énergétique, autre que l'augmentation annuelle des
différentes sources d'approvisionnement énergétique.
M. Dufresne: Peut-être que M. Bouchard a des données
de l'industrie. Est-ce qu'on prévoit... Moi, ne je vois pas... On a
prévu, on dit: Une augmentation légère. Mais je ne vois
pas qu'on ait une augmentation, à un moment donné, du volume.
Tout ce dont on s'inquiète, nous autres, c'est principalement du tarif.
(10 h 45)
M. Jolivet: M. Bouchard, ça va? Vous dites, dans votre
mémoire, que les hausses tarifaires ne doivent en aucune façon
excéder, d'après vous autres, l'inflation. Vous indiquez aussi
qu'il faut prévoir une augmentation de la productivité à
Hydro-Québec, et que ça devient une nécessité pour
arriver à des coûts qui soient le plus près possible de
l'inflation. Vous pariez aussi de la sous-traitance. Vous avez fait mention
qu'Hydro-Québec devrait accepter d'aller en sous-traitance pour
différentes activités qui la concernent, en particulier pour
l'entretien de son réseau. Dans le contexte de la négociation,
qui s'est terminée par une loi qui a imposé les conditions do
travail des employés, qui a prévu, pour les prochaines
années - les deux prochaines années devant nous, au moins,
l'année de la négociation actuelle étant
écoulée - de la sous-traitance telle qu'elle est actuenement,
qu'est-ce que vous envisagez, d'après vous autres? Est-ce que vous
pensez que la productivité, compte tenu de ces effets-là, de la
loi, de la sous-traitance qui va demeurer comme elle est là... Est-ce
que, d'après vous autres, il y a d'autres facteurs qui pourraient
encourager une meilleure productivité, et de quelle façon Hs
devraient le faire? Parce que vous sous-entendez par le fait même que la
productivité, à Hydro-Québec, n'est pas ce qu'elle devrait
être.
M. Dufresne: Je pense qu'on ne veut pas porter un jugement sur
Hydro-Québec. On a mentionné qu'on n'avait pas de chiffres de
productivité. Tout ce qu'on dit, c'est que, là aussi, comme on
essaie de le faire dans nos entreprises, on doit viser l'excellence. Si on veut
"compétttionner" sur les marchés mondiaux, la seule façon,
à long terme, de pouvoir survivre, c'est de viser l'excellence. Comme
Hydro-Québec fait partie de nos coûts, et c'est une partie
très importante, on considère primordial qu'Hydro-Québec
fasse tout son possible pour viser cette excellence-là, et cette
excellence-là, une des façons de l'avoir, c'est du
côté de la productivité. C'est le point essentiel qu'on
veut faire avec ça.
Vous avez parlé de sous-traitance. Notre aspect sur la
sous-traitance, c'est que, si c'est une façon d'améliorer la
productivité et de baisser les coûts d'Hydro-Québec, je
pense qu'on se doit, spécialement dans la mondialisation des
marchés, de trouver les moyens et les façons d'être
compétitifs à long terme. Il ne faut pas oublier que les
industries du Québec exportent en grande partie, beaucoup plus que le
Japon, proportionnellement, plus de deux fois ce que le Japon, en pourcentage,
exporte. Alors, on se doit d'être au diapason au niveau mondial. C'est le
but qu'on voulait exprimer de ce côté-là.
Quant à votre interprétation, de nous dire qu'on voudrait
l'inflation ou à peu près, non. Ce qu'on a dit clairement, c'est
en bas de l'inflation. On a parié de la moitié de l'inflation que
les coûts d'opération représentaient. Je pense que c'est
ça qu'on doit viser comme objectif global, de façon à
garder cet écart-là qu'on a, cet avantage qu'on a du
côté de l'industrie. Peut-être que mon collègue
Marcel Beaudoin pourrait vous mentionner que l'état de l'industrie,
à l'heure actuelle, n'est pas rose, et peut-être que, de ce
côté-là, ça pourrait apporter un
éclaircissement.
M. Beaudoin (Marcel): Un point que je voudrais mettre en
évidence ici, c'est que, comme Mme la ministre l'a mentionné tout
à l'heure, jo ponsc que tout investisseur qui a
comme objectif d'avoir un rendement soutenu de 13,5 % sur son
investissement est très heureux d'avoir un type de rendement de cet
ordre-là. En ce qui me concerne, dans ma compagnie, notre rendement est
négatif, présentement, et je vous dis franchement que je serais
très heureux d'avoir 13,5 %. Nous allons assister, dans les prochaines
années, à une globalisation des marchés qui va
créer des efforts compétitifs beaucoup plus grands que jamais on
n'a eu à en avoir. Ça va impliquer des phénomènes
de changements de produits, et on va aller vers des produits de plus-value.
Ça va automatiquement impliquer du renouveau dans l'équipement.
Ça va demander de la capitalisation très considérable. Et
ces deux types de capitalisation là vont exiger des installations qui
sont plus énergivores. Ça ne veut pas dire qu'il va y avoir des
capacités additionnelles de production, bien qu'il puisse y en. avoir
par dérivé, par le fait que le renouveau de certains
équipements doit absolument se faire.
M. Jolivet: Vous faites mention dans vos demandes, au niveau des
hausses tarifaires, de la moitié de l'inflation ou en bas de
l'inflation. Ça sous-entend que c'est au niveau industriel, si j'ai bien
compris, par rapport à d'autres. Vous dites: II y a des gens qui sont
dans le domestique - si je prends l'exemple comme tel - qui ont un tarif plus
bas que le prix que coûte à Hydro-Québec la production du
kilowattheure. À ce moment-là, eux devraient avoir, dans votre
esprit, une augmentation plus forte que l'inflation, si je comprends bien, ou
dans le même style que vous préconisez pour l'ensemble.
Deuxièmement, il y a beaucoup de groupes qui sont venus nous dire
que les tarifs sont si bas qu'ils favorisent le gaspillage. Alors, je voudrais
savoir si, dans le secteur forestier, vous avez des places où vous
croyez que c'a un effet de gaspillage, ce tarif électrique.
M. Dufresne: Comme l'a mentionné M. Beaudoin, quand
certaines entreprises ont des difficultés à joindre les deux
bouts, s'il y avait du gaspillage, je pense qu'il y aurait des actions qui
seraient entreprises pour éliminer ce gaspillage-là. Quand on dit
que notre industrie est compétitive au niveau mondial, les technologies,
je pense, sont connues, la plupart des dirigeants d'entreprise prennent les
moyens nécessaires. De là à dire que la perfection existe,
c'est difficile; il y a toujours place à amélioration, et
ça, dans n'importe quel secteur.
Votre deuxième point était que tous les tarifs doivent
être financés par un autre groupe. On ne fait pas le lien. Tout ce
qu'on dit, c'est qu'il ne doit pas y avoir d'interfinancement de ce
côté-là. Alors on parle, nous autres, de ce qu'on
connaît, le secteur industriel. Dans les autres secteurs - et là,
on ne conclut pas que les coûts seraient absorbés par d'autres -
ce qu'on dit, c'est qu'Hydro-Québec devrait faire en sorte, par ses
coûts d'opération, que le secteur industriel ait une augmentation
qui soit moindre, parce que son financement est déjà fait
à long terme et que, s'il y a d'autres projets qui sont faits pour
augmenter la capacité du réseau, cette capacité-là
devrait être financée par ceux qui vont l'utiliser. Si c'est
l'exportation, ce sera l'exportation; si c'est un secteur ou un autre,
ça devrait être chaque secteur qui inclut dans ses coûts le
financement.
M. Jolivet: En termes d'exportation, il y a deux professeurs de
l'Université Laval qui sont venus ici pour nous dire que nous devrions,
quant à eux, accroître les exportations plutôt que de vendre
l'électricité aux alumineries. Ça, c'est le premier
groupe. Un autre qui est venu dernièrement - ça ne fait pas
tellement longtemps - M. Lemaire, du groupe Cascades, indiquait aussi que les
exportations pouvaient être rentables à certaines conditions. De
votre côté, vous nous dites que les exportations réduisent
la disponibilité de l'électricité et qu'elles menacent la
compétitivité dans votre secteur. Alors, j'aimerais me faire dire
par vous de quelle façon vous l'entrevoyez, compte tenu de ce qui a
été dit, parce que vous avez fait un mémoire selon ce que
vous pensiez, mais d'autres personnes sont venues nous dire d'autres choses.
Est-ce que vous avez, vis-à-vis de ça, eu le temps de regarder ce
qu'ont dit les professeurs de l'Université Laval et le groupe Cascades
qui fait partie de l'AIFQ?
Une voix: M. Duchesne.
M. Duchesne: Ce qui se produit là-dedans, M. Jolivet,
c'est qu'on pense que les tarifs à l'exportation sont un facteur
déterminant pour savoir si ça nous aide ou si ça nous nuit
comme industrie québécoise. La crainte qu'on a exprimée de
façon répétée à Hydro-Québec et au
gouvernement est à l'effet que, malgré des tarifs qui
apparaissent à première vue fort avantageux, ces tarifs-là
sont, pour qu'on puisse réussir à signer les contrats - c'est
évident - inférieurs au coût de remplacement par leur
propre source énergétique que les Américains encoureraient
pour la même quantité d'énergie et de puissance. Dans ce
sens-là, on dit: On a tendance à saper la
compétitivité parce qu'on ralentit la croissance de leurs
coûts et on est dans une conjoncture où, ici, notre croissance a
l'air d'aller plus vite que l'inflation, en tout cas depuis les 10
dernières années. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit
que notre compétitivité est mise en danger par les
exportations.
Hydro-Québec fait le point avec justesse, je crois, que,
jusqu'à maintenant, l'impact des exportations sur le prix moyen du
coût de l'énergie aux États-Unis n'est certainement pas
monumental; c'est probablement très petit. Mais
la tendance est quand même dans la mauvaise direction et, comme on
va exporter plus, bien, elle va être plus forte. Alors, c'est ce
point-là qu'on fait.
M. Jolivet: Parce que les professeurs qui sont venus ici nous ont
dit que, si au lieu de vendre à tarif haute puissance aux alumineries on
exportait vers les États-Unis, à ce moment-là, on aurait
un montant de 300 000 000 $ de plus par année dans nos poches pour faire
autre chose. Est-ce que, pour vous autres, ça sous-entendrait, dans ce
contexte-là, qu'on fasse disparaître un de ces tarifs, ce qui
permettrait aux alumineries de venir s'installer au Québec? Et, pour
vous autres, ça aurait quel impact, si jamais on décidait
d'enlever ce tarif haute puissance et qu'on disait que le tarif serait "grande
entreprise" et non pas "haute puissance"?
M. Duchesne: Là, je pense qu'il faut faire une
distinction.
M. Jolivet: O.K.
M. Duchesne: II y a des programmes, comme ceux pour les
alumineries, qui sont des programmes à partage de risques, et on a dit
aussi qu'il fallait les distinguer de la tarification ordinaire, parce que,
effectivement, c'est quelque chose de particulier. Dans ces cas-là, je
pense que c'est au gouvernement de décider si le risque en vaut la
chandelle et si le fait qu'on n'a pas le montant de 300 000 000 $ exact ou
approximatif, selon les calculs du GREEN, c'est plus payant que l'alternative.
Ce qu'on vous dit, c'est strictement: Ces programmes-là doivent
être distingués des tarifs ordinaires, et les commentaires qu'on
vous fait s'appliquent au tarif L, qui est le tarif de grande puissance, et que
tout le monde paie sur une base uniforme, alors que dans les alumineries le
prix fluctue, comme vous le savez, en fonction du prix de l'aluminium sur le
marché.
M. Jolivet: O.K. Vous avez parlé de
cogéné-ration, le groupe Cascades est venu en parler ici aussi,
vous parlez de l'utilisation des résidus de vos branches d'arbres, de
vos racines d'arbres, de vos copeaux ou encore de vos écorces qui, dans
certains cas, restent dans le bois ou sur les parterres de coupe ou, encore,
j'osais dire, tout à l'heure, en regardant mon collègue de
Saint-Maurice, dans le fond du Saint-Maurice, et, en même temps aussi,
sur un déchargement qu'on a même fait le long des berges du
Saint-Maurice, à un moment donné, pour essayer de faire des
plantations de tomates. On a fait des exercices, beaucoup d'expériences,
ou on a brûlé. Vous avez les compagnies papetières, mais il
y a aussi toutes les industries de sciage qui sont un peu prises avec des
résidus comme ceux-là. On a parlé de la possibilité
d'utiliser ça à des fins énergétiques
cogénérées à l'intérieur de l'industrie.
J'aimerais juste savoir de votre part: Qu'est-ce qui a été fait
dans votre ensemble d'industries et qu'est-ce que vous prévoyez pour le
futur qui serait utile, en plus de ce que vous avez dit tout à
l'heure?
M. Dufresne: Peut-être que M. Bouchard pourrait dire ce qui
a été fait. Juste avant de lui passer la parole, simplement vous
dire, de ce côté-là - et je me répète - que
c'est un phénomène qui est en évolution pour plusieurs
raisons, mais au sujet duquel on dit, dans notre mémoire, qu'on voudrait
qu'il y en ait plus et que les conditions soient telles qu'on puisse, nous
aussi, ici au Québec, profiter de cette énergie dans l'ensemble
du réseau non seulement d'Hydro-Québec, mais de l'énergie
qui est utilisée.
M. Bouchard: Ce que je voudrais mentionner, c'est qu'il y a
beaucoup d'études préliminaires qui ont été faites,
sur la production de la cogénération à partir de la
biomasse, conjointement avec des compagnies comme REXFOR et le gouvernement. On
s'est rendu compte que, chaque fois, les coûts d'investissement pour
faire de la cogénération étaient tellement énormes
que les tarifs produits par Hydro-Québec ne pouvaient pas couvrir les
frais. En plus, même si on a un surplus de biomasse, on ne peut pas
l'utiliser à cause, justement, du coût de capitalisation
nécessaire à l'installation qu'il faut pour faire de
l'électricité. C'est surtout dû aux tarifs qui sont
insuffisants pour justifier ça.
M. Jolivet: Je sais qu'il ne me reste plus grand...
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute et demie.
M. Jolivet: Une minute et demie. Simplement, c'est parce que je
me souviendrai, lorsque je suis arrivé comme député du
comté de Lavio-lette, d'une utilisation, justement, qu'on voulait faire
dans le coin de Parent pour une usine thermique, à l'époque, et
de l'étude qui a été faite par la nouvelle compagnie qui
avait été mise en place, Nouveler, dont Hydro-Québec
faisait partie. On avait discuté - simplement pour ramener ça
à la mémoire des gens - avec ce qu'on appelait le réseau
non relié d'Hydro-Québec, et c'en était une, à ce
moment-là, Parent. Elle fonctionnait à partir de groupes
électrogènes qui amenaient du mazout en grande quantité
sur une route tortueuse et montagneuse, avec les dangers que ça
comportait, puis on faisait de l'énergie pour le secteur de Parent, pour
l'usine qui était là, et la municipalité de Parent.
Ce qui est arrivé, c'est qu'à ce moment-là
Hydro-Québec s'est aperçue qu'elle perdait une forme de monopole,
si on peut l'appeler comme
tel. Alors qu'elle me disait. Il n'est pas question, jamais, qu'on
utilise le poste La Vérendrye et qu'on amène l'énergie
électrique à Parent, quand on a commencé à parler
d'usines thermiques qui auraient pu fabriquer l'énergie avec la
biomasse, puis l'ensemble des résidus de sciage dans le coin et
d'abattages d'arbres, on nous a dit: Oups! là ce n'est plus pareil!
Hydro-Québec a révisé sa position. Finalement, on a eu en
1985 l'installation d'une ligne électrique entre le poste de La
Vérendrye et Parent. Alors, je vous dis tout simplement que les
difficultés qu'on a souvent, c'est qu'à ce niveau-là
Hydro-Québec n'aide pas toujours à l'implantation de nouvelles
formules énergétiques. Maintenant, de plus en plus, elle a
changé son fusil d'épaule, mais il reste quand même que,
dans les années soixante-dix, ce n'était pas la
réalité. (11 heures)
Alors, je voulais savoir de votre part les difficultés que
ça peut amener avec HydroQuébec d'avoir un taux comparatif
convenable pour permettre cette utilisation d'énergie qu'on peut appeler
nouvelle.
M. Dufresne: De ce côté-là, nous
considérons que nous avons une bonne collaboration avec
Hydro-Québec pour regarder toutes sortes de projets. Ça ne veut
pas dire qu'on n'a pas quelques arguments sur les tarifs et d'autres choses.
Mais, qu'on regarde le programme des bouilloires électriques et d'autres
programmes qu'on est en train d'examiner avec Hydro-Québec comme
industrie, je pense que de plus en plus il y a une collaboration
nécessaire qui se fait et qui, peut-être, pourrait s'accentuer,
espérons-le, avec le temps, pour faire en sorte qu'on demeure
concurrentiel au Québec. Je pense que c'est cet aspect-là qu'il
faut regarder. Ce qu'on exporte, ce sont finalement des produits, et ce sont
ces produits-là qui doivent être concurrentiels, de façon
que nos industries puissent continuer de croître.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette, si vous voulez remercier nos
invités.
M. Jolivet: Oui. M. Dufresne, M. Duchesne et ceux qui vous
accompagnent, je vous remercie de l'apport que vous avez fait à cette
commission parlementaire, en espérant qu'on aura, de la part du
gouvernement et d'Hydro-Québec, les meilleures décisions pour le
futur.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
minisire
Mme Bacon: Messieurs, merci infiniment de votre
présentation aujourd'hui du mémoire que nous avions pu analyser
avant cette journée. Je pense que c'est un ajout important dans la
discussion que nous aurons au cours des prochaines semaines, après cette
commission parlemen- taire. Je vous remercie d'être venus.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des industries
forestières du Québec Itée pour sa participation à
ses travaux. J'invite à la table des témoins l'Union
québécoise pour la conservation de la nature.
Union québécoise pour la conservation de
la nature
Bonjour à l'Union québécoise pour la conservation
de la nature. Je vais vous expliquer nos règles de fonctionnement. Vous
savez que vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre
mémoire, c'est-à-dire qu'on ne peut pas excéder, et vous
comprendrez pourquoi, avec le rythme de consultations que nous avons à
faire. Je vous inviterais donc, dans un premier temps, à identifier
votre porte-parole, à présenter les gens qui l'accompagnent et
à bien vouloir présenter votre mémoire. Je vous
remercie.
M. Simard (Christian): Merci, M. le Président. Mon nom est
Christian Simard et je suis directeur général de l'Union
québécoise pour la conservation de la nature. Je serai le
porte-parole de notre délégation. À ma droite, il y a M.
Normand Bergeron, conseiller en matière d'énergie pour l'Union
québécoise pour la conservation de la nature et, à ma
gauche, Mme Diane Pagé, recherchiste, et M. Jean-Marc Tardif, directeur
administratif de notre organisme.
L'Union québécoise pour la conservation de la nature,
rapidement, c'est 100 organismes. Tout d'abord, je voudrais remercier la
commission de bien vouloir nous accueillir et, en particulier, Mme Bacon. Donc,
notre organisme, l'UQCN, compte 100 organismes et représente plus de 55
000 personnes. L'UQCN publie également le magazine Franc-Nord et
c'est, je crois, un important organisme en matière d'environnement et de
conservation au Québec. J'aime toujours mieux que ce soient les autres
qui disent qu'on est un organisme important que nous-mêmes! C'est ce que
j'ai parfois entendu, en tout cas.
Les positions de l'UQCN s'appuient sur les bases du développement
durable. Donc, notre mémoire porte vraiment sur un aspect de
développement durable et très largement au niveau de
l'énergie, et il inclut certaines préoccupations au niveau de
l'électricité. Les positions de l'UQCN s'appuient donc sur les
bases du développement durable, conformément au rapport
Brundtland. Il en résulte les priorités suivantes: la protection
des droits des générations futures, la protection des droits des
citoyens du tiers monde, une vigilance quant aux enjeux
macro-écologiques, comme l'effet de serre, et la responsabilité
partagée des intervenants envers la protection de l'environnement.
Permettez-nous d'abord de préciser que ces bases philosophiques
nous obligent à éliminer clairement l'énergie
nucléaire comme solution d'avenir. Cette alternative
énergétique "génère" des déchets qui
resteront extrêmement dangereux pour des millions d'années; tant
que ce problème sera sans solution, l'énergie nucléaire
constitue la source d'énergie la moins attrayante, si nous tenons compte
des générations futures.
Nos positions essaient aussi de tenir compte des impacts de la
consommation sur les enjeux macro-écologiques. Pour nous, le
développement du Québec ne serait pas durable si, lorsqu'on
l'extrapolerait à d'autres pays, il devenait insoutenable pour la
planète. Il s'agit donc de tenir compte de la responsabilité
relative de chaque citoyen du Québec par rapport à chaque citoyen
des autres pays.
À partir de ces principes, qui sont d'ailleurs dans la page de
présentation, les pages suivantes résument quelques positions
adoptées par l'UQCN depuis quelques années, positions qui
appuient les recommandations du mémoire que je vous livrerai à la
fin.
Notre contexte énergétique et le développement
durable. Les injustices énergétiques qui existent actuellement
entre les pays sont énormes. Selon la Commission Brundtland, en se
basant sur les statistiques officielles, le citoyen moyen de l'Occident
industrialisé consomme 80 fois plus d'énergie qu'un citoyen moyen
de l'Afrique noire. Comme ces statistiques ne tiennent pas compte de
l'énergie accumulée dans les échanges internationaux, il
est donc nécessaire de réviser les bilans officiels en tenant
compte des échanges de produits énergivores.
Si on les comptabilise, les écarts sont encore plus grands. Les
pays africains sont des exportateurs de ressources naturelles, et la
consommation réelle de leurs citoyens est moindre que ne l'indique le
bilan officiel. En Amérique, la consommation réelle est
supérieure au bilan officiel. Ajoutons à cela le fait que les
citoyens nord-américains consomment deux fois plus d'énergie
qu'un Européen, et nous pouvons conclure que le citoyen
nord-américain moyen consomme environ 200 fois l'énergie d'un
citoyen de l'Afrique noire.
Face à ce bilan, les Canadiens ont développé des
excuses superficielles pour se justifier. Première excuse qui
amène certaines réserves dans le contexte actuel, le Canada est
un grand pays. Cette excuse ne résiste pas à la
réalité; 95 % des activités économiques ont lieu en
milieu urbain, dans un corridor géographique étroit. Au Canada,
la main-d'oeuvre agricole constitue environ 3 % des emplois, soit un
pourcentage beaucoup moindre que dans certains pays européens qui
consomment trois fois moins d'énergie.
Deuxième excuse qu'on entend souvent, c'est qu'une grande
consommation d'énergie est essentielle à la qualité de vie
des Canadiens, notamment parce qu'il fait froid, etc. La qualité de vie
des Suédois, où il fait froid aussi, des Suisses ou des Allemands
est aussi élevée que la nôtre. Pourtant, ces pays
consomment beaucoup moins d'énergie que nous. En fait, il faut remarquer
que la consommation énergétique moyenne de l'Européen de
1985 était beaucoup moins élevée que celle du Canadien en
1960.
Troisième excuse qu'on entend souvent: le Canada est un pays
exportateur de ressources naturelles. Donc, ça prend de
l'énergie. Voilà une justification partielle. Lorsque le Canada
dépense de l'énergie pour produire des matières
premières exportées aux États-Unis, il exporte, en fait,
de l'énergie. Par contre, lorsque le Canada importe une auto japonaise,
il importe une grande quantité d'énergie. Cela signifie que les
États-Unis sont, en fait, les plus gros consommateurs d'énergie
au monde - quand on parle des États-Unis, on parle aussi de
l'Amérique du Nord - si l'on tient compte de leurs importations
gargantuesques de ressources naturelles.
En fait, la meilleure explication de notre consommation
phénoménale d'énergie est liée à notre mode
de vie basé sur l'automobile et la maison unifamiliale de banlieue. On a
eu le baby-boom au Québec. Maintenant, on assiste plutôt souvent
au "logement-boom" ou au "banlieue-boom" qui expliquent beaucoup une
consommation énergétique qui atteint vraiment le gaspillage.
Au niveau du mémoire, je poursuis en page 8, au point 5, en
disant qu'il n'y a pas d'énergie propre. Une longue expérience
avec les enjeux énergétiques nous permet de conclure que la
société a tendance à se faire des illusions quant au
caractère écologique de certaines sources d'énergie. Le
tableau suivant essaie de résumer les impacts environnementaux - le
tableau que vous trouvez en page 9 - de chaque source d'énergie. Il est
évidemment impossible de discuter en détail de ce tableau, ici,
mais je vous inviterais à l'étudier. C'est quand même une
synthèse assez importante des impacts environnementaux de
différentes sources d'énergie comparées.
Le cas du gaz naturel permet cependant d'illustrer ce genre d'illusion.
Plusieurs intervenants font la promotion du gaz naturel, sous prétexte
que ses émissions de bioxyde de soufre et d'oxyde d'azote sont moindres
que celles de l'essence ou du mazout, donc moins de pluies acides. Si ces
avantages sont réels, on a cependant découvert que le gaz naturel
est responsable d'émissions très importantes de méthane.
Le gaz naturel commercial est composé d'environ 90 % de méthane,
et le méthane est un gaz d'effet de serre dont chaque molécule
retient 25 fois plus de chaleur que le bioxyde de carbone. Une fois cela
comptabilisé, la conversion d'une fournaise au mazout vers le gaz
naturel augmente la contribution à l'effet de serre par un facteur de
10.
La conservation de l'énergie - on est à la
page 10, pour ceux qui voudraient suivre sur leur mémoire - une
vision globale et essentielle. Une stratégie énergétique
qui respecte les principes du développement durable est d'abord
basée sur la conservation de l'énergie et vise une
réduction nette de la consommation énergétique, pas
seulement une réduction du taux de croissance. La substitution d'une
énergie par une autre peut faire partie d'une telle stratégie,
mais la conservation doit rester prioritaire.
De plus, la conservation d'énergie doit être
considérée dans un sens large et non pas uniquement en termes de
rendement par unité de production. Par exemple, il est futile de
réduire, par kilomètre, la consommation des automobiles de 50 %
si on les utilise deux fois plus ou si on en produit deux fois plus.
Le tableau, en page 10, présente trois catégories. Le
point 6, donc, présente trois catégories d'efficacité
énergétique. Il sera possible d'atteindre le développement
durable uniquement si nous faisons des progrès dans les trois
catégories; ces catégories sont, en fait: l'efficacité
marginale dans la consommation, l'efficacité marginale dans
l'épuration et l'efficacité structurelle dans la
consommation.
L'efficacité marginale dans la consommation. En fait, ce sont les
appareils ménagers plus efficaces, les ampoules plus efficaces, le
pommeau de douche plus efficace. Là-desssus, à la défense
d'Hydro-Québec - je ne devrais peut-être pas me porter à la
défense d'Hydro-Québec, ici - le pommeau de douche peut
être cher mais beaucoup plus confortable qu'un limitateur de
débit, pour ajouter un peu au débat actuel. Mais on sait tous,
quand même, que le pommeau de douche, même s'il est beaucoup plus
confortable - en étant un utilisateur personnel depuis quelque temps,
étant donné que ce n'est pas une invention récente, le
pommeau de douche - cependant, n'est pas, naturellement, une solution à
nos problèmes de gaspillage d'énergie, une solution unique. Donc,
la cogénération d'électricité et de chaleur fait
aussi partie de choses qui économisent marginalement la consommation. il
faut viser, cependant, la troisième catégorie,
c'est-à-dire l'efficacité structurelle dans la consommation,
c'est-à-dire une structure et densité des villes
différentes, une infrastructure de transport intercités
résultant de choix entre le train, le camion, l'avion, etc. - nous, on
fait la promotion du train à grande vitesse comme étant un
transport écologique - infrastructures urbaines de transport
résultant de choix entre l'automobile privée, te transport
public, le métro, les voies réservées pour autobus, etc.
Donc, il y a des façons structurelles d'économiser de
l'énergie et il faut absolument tendre vers ces manières de
travailler, ces optiques.
Les progrès dans les deux premières catégories ont
été, depuis 20 ans - les catégories efficacité
marginale dans la consommation et efficacité marginale dans
l'épuration, je ne vous en ai pas parlé beaucoup, mais ce sont
des épurateurs industriels - complètement annulés par les
reculs suivants dans les choix de développement: l'étalement
urbain est pire que jamais, les trains de marchandises sont remplacés
par des camions énergivores, les autobus et les trains de passagers sont
remplacés par des avions. Dans ce contexte, la conservation de
l'énergie n'est pas uniquement un enjeu technologique; c'est aussi un
enjeu dans les choix de développement.
Maintenant, quelques commentaires sur le programme d'économies
d'énergie d'Hydro-Québec, le point 7 du mémoire: un pas en
avant qui confirme les limites de la technologie.
Le programme d'économies d'énergie proposé par
Hydro-Québec représente certainement un pas dans la direction du
développement durable. Par contre, si ce pas est timide, c'est que le
programme s'appuie uniquement sur des améliorations technologiques pour
essayer de réduire la consommation.
On pourrait probablement critiquer HydroQuébec de viser
uniquement 50 % du potentiel d'économies d'énergie technologique
et rentable. Par contre, il faut être conscient qu'Hydro-Québec
possède peu de pouvoir d'intervention sur des enjeux structurels comme
l'étalement urbain. Les choix structurels de développement
relèvent clairement de la responsabilité gouvernementale.
Pour bien comprendre les limites d'une stratégie qui
néglige les enjeux structurels, il suffit de constater le fait suivant:
même si Hydro-Québec parvenait à implanter 100 % du
potentiel d'économies d'énergie technologique et rentable, soit
23 térawattheures en 10 ans, la consommation d'électricité
continuerait à augmenter significativement. Le développement
durable est donc inaccessible sans une remise en question de nos choix
structurels de développement.
Le plan de développement d'Hydro-Québec met
également en évidence les limites du concept de "least-cost" ou
moindre coût qui postule que tous les choix énergétiques
doivent être faits en fonction du plus bas coût économique,
incluant les dommages économiques de la pollution. Si un producteur
quelconque d'énergie est capable de produire de l'énergie
à un faible coût, le potentiel d'économies d'énergie
devient très faible. En fait, le concept de "least-cost" est
inspiré des revendications des groupes de protection des consommateurs
et est souvent en contradiction avec la protection de l'environnement. Ce biais
philosophique en faveur des consommateurs nous a d'ailleurs
empêché d'utiliser, jusqu'à maintenant, l'outil le plus
important de développement durable, la fiscalité, ou, pour le
dire franchement, les taxes sur les activités polluantes. (11 h 15)
Quelques commentaires maintenant que vous avez en annexe. Je ne vous
donne pas... Ce sont quelques phrases tirées de l'annexe que vous
avez reçue, ce matin, sur les impacts environnementaux du plan de
développement d'Hydro-Québec sous l'angle du développement
durable. Le Québec a, jusqu'à tout récemment,
géré son électricité sans aucune retenue, comme
s'il s'agissait d'une ressource tout à fait propre et dont le potentiel
d'exploitation était illimité. Hydro-Québec, avec ses
campagnes de publicité axées sur la consommation
effreinée, a largement contribué à développer chez
les Québécois des habitudes de gaspillage qui constituent,
néanmoins, aujourd'hui un potentiel énorme d'économies
d'énergie. C'est un peu, finalement, comme si on avait... Quand les murs
d'une maison sont très sales, quand on lave, ça paraît.
Malheureusement, comme on a tellement gaspillé d'énergie au
Québec, quand on économise, ça peut paraître. Donc,
on a la chance d'avoir un énorme potentiel d'économies
d'énergie parce qu'on a été hyper-gaspilleurs.
Donc, le programme d'efficacité énergétique
annoncé par Hydro-Québec va dans le bon sens, mais
définitivement pas assez loin. Dans le contexte environnemental actuel,
le trésor énergétique du Québec ne réside
pas dans le "harnachement" des rivières du Nord, mais plutôt dans
le fort potentiel d'économies d'énergie qui le
caractérise. Il est d'ailleurs plus que temps d'"initier" une industrie
des "négawatts", les puissances économisées, à
l'instar de plusieurs pays davantage soucieux de leur performance
énergétique.
Au niveau de la création d'emplois, ce nouveau secteur
d'activité pourrait avantageusement remplacer d'autres,
énergivores et polluants, qui demeurent au niveau primaire de production
et non au niveau secondaire. On ne construit pas des infrastructures
productrices... Excusez, je passe à une autre page. Justement, en
parlant d'aluminerie ou de secteurs énergivores, on peut, certes, se
questionner sur la cohérence de la société d'État
qui investira 1 800 000 000 $, d'ici 1999, dans une vingtaine de programmes
destinés à économiser 12,9 térawattheures sur un
potentiel théoriquement réalisable qu'elle évalue à
23 térawattheures, alors que les nouvelles alumineries qui sont
annoncées vont consommer, à elles seules, 13
térawattheures, d'ici 1996. Donc, c'est comme si on demandait
d'économiser 13 térawattheures au niveau des citoyens du
Québec et, en même temps, on avait une stratégie
industrielle. Ce n'est peut-être pas la responsabilité d'Hydro
mais, à ce moment-là, du gouvernement d'attirer quatre nouvelles
alumineries qui annulent complètement le programme d'économies
d'énergie. Donc, 13 térawatts d'alumineries contre 13
térawatts de pommeaux de douche et autres technologies
d'économie.
L'environnement menacé. On est l'Union québécoise
pour la conservation de la nature; je pense qu'il faut quand même parler
des impacts du plan de développement d'Hydro-Québec sur
l'environnement. Hydro-Québec assiste à une levée de
boucliers sans précédent et rencontre un barrage de protestations
par rapport à ses impacts sur l'environnement. La société
d'État s'apprête à réaménager près du
quart du territoire québécois en modifiant profondément le
tracé de cours d'eau importants et en érigeant des barrages qui
laisseront derrière eux de vastes étendues de terres
inondées.
L'importante réorganisation du réseau hydrographique qui
en découlera ne se fera pas sans occasionner des répercussions
majeures. Voici quelques-unes de ces répercussions que causeront les 28
centrales ou complexes hydroélectriques créés, ainsi que
les 8 nouvelles lignes de transport à haute tension nécessaires
à la production des 18 000 mégawatts qui sont prévus:
premièrement, la pertubation des écosystèmes nordiques et
du mode de vie aborigène; deuxièmement, la disparition d'aires de
transit et de sustentation pour des millions d'oiseaux migrateurs;
troisièmement, la contamination par le mercure des poissons et des
populations qui s'en nourrissent ainsi que la dévalaison des poissons
contaminés par ce même métal dans le milieu marin, ce qui
pourrait affecter, entre autres, les mammifères, notamment les phoques
et les bélugas, aussi source d'alimentation des autochtones; la
disparition possible de 200 phoques d'eau douce au lac des Loups Marins, une
population que l'on croit unique au monde - je ne sais pas ce que Mme Bardot
dirait de ça, il faudrait peut-être la prévenir - la
réduction ou l'augmentation de certains débits de
rivières, ce qui pourrait menacer notamment la reproduction du saumon et
de la ouananiche dans les rivières de très grande
renommée, comme l'Ashuapmus-huan et la Moisie - vous excuserez la
prononciation amérindienne.
La responsabilité du ministère des Finances. En fait, ici,
on arrive dans une partie qui est à partir de la page 12 du
mémoire que vous avez initialement, la première partie, page 12,
qui résume les recommandations principales de l'UQCN. Actuellement,
notre fiscalité encourage systématiquement la destruction de
l'environnement. Je pense que... Non, j'ai...
En fait, pour terminer, uniquement, avant d'arriver à la page 12,
c'est simplement pour vous souligner que je trouvais intéressants
quelques mots sur l'évaluation environnementale. On pourra y revenir un
petit peu plus loin, lors de la période des questions. Mais, en ce qui
concerne l'évaluation environnementale d'Hydro-Québec, il n'y a
rien de plus normal pour un promoteur que de promouvoir son projet. Aussi
croyons-nous qu'il en va contre l'éthique de confier à
Hydro-Québec la réalisation d'études d'impact qui peuvent
être déterminantes pour la suite du développement
hydroélectique, au Québec, et de les soumettre à un examen
public qui ne soit pas digne de ce nom.
Je voudrais reprendre ici les mots de...
C'est pour ça que je ne voulais pas manquer ça. J'ai
trouvé intéressants les mots de Sheila Copps, qui est critique du
Parti libéral en environnement, au gouvernement fédéral,
et qui dit que la façon habituelle de procéder, au niveau des
évaluations environnementales, c'est un peu comme si on demandait au
renard de faire une étude sur la chasse aux poules. En fait, dans ces
conditions, l'impartialité et la rigueur risquent de faire défaut
et d'entacher la crédibilité des études d'impact. Souvent,
c'est ce qu'on offre comme problématique au niveau des études
d'impact, au niveau des alumineries et partout ailleurs. Il est
intéressant, au moins, de contre-expertiser ces études d'impact
par des examens publics dignes de ce nom, en termes de temps et
d'efficacité. Ce n'est pas garanti, dans le plan de développement
d'Hydro-Québec, compte tenu des difficultés de s'entendre avec le
gouvernement fédéral et des solutions qui ont été
proposées jusqu'à maintenant.
Revenons donc, en page 12, sur différentes recommandations de
l'UQCN, notamment une recommandation qui s'adresse au ministère des
Finances. Si on adresse des recommandations à divers ministères,
c'est que l'UQCN croit que l'environnement est une responsabilité
partagée. Ceci dit, il eût été intéressant
que M. Pierre Paradis assiste - je sais qu'actuellement, il a d'autres chats
à fouetter - mais assiste à la commission parce qu'il y a des
impacts environnementaux majeurs sur le plan de développement
d'Hydro-Québec. Au niveau donc du ministère des Finances,
ça signifie, en fait, que notre fiscalité, actuellement,
encourage systématiquement la destruction de l'environnement par des
subventions massives aux comportements les plus néfastes. Il suffit de
penser aux subventions directes à l'exploitation
énergétique, aux tarifs préférentiels pour les
grands consommateurs d'énergie et aux subventions cachées
à l'automobile et aux camions. Il y a donc de nouvelles règles du
jeu fiscal à établir. L'UQCN demande au ministère des
Finances de remplacer la taxe de vente provinciale par des taxes sur
l'énergie. Elle demande aussi au gouvernement québécois de
travailler à ce que la TPS fédérale soit remplacée
par des taxes sur l'énergie ou des taxes sur les nuisances
écologiques...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse...
M. Simard: ...ce qu'on appelle des "TNE".
Le Président (M. Bélanger): ...je suis dans
l'obligation de vous demander de conclure, s'il vous plaît.
M. Simard: Oui, je vais conclure rapidement. J'avais
calculé 17 minutes 30, de mon côté. L'UQCN demande à
la ministre de l'Énergie et des Ressources...
Le Président (M. Bélanger): Le chronomètre
officiel m'indique qu'il reste une minute 30.
M. Simard: D'accord. Je n'ai pas un chronomètre officiel.
Donc, je vais conclure, la dernière page. Vous avez d'ailleurs les
recommandations concernant l'augmentation des tarifs
d'électricité.
Donc, conclusion. Un débat public à l'échelle du
Québec est essentiel. Plusieurs des enjeux discutés
précédemment démontrent que des changements fondamentaux
des règles du jeu énergétique sont essentiels pour
atteindre le développement durable. Ces changements ne pourront se
réaliser sans une implication à long terme! des nombreux
intervenants. L'UQCN insiste sur le fait que le virage vers le
développement durable est une responsabilité conjointe des
citoyens, des entreprises, dont Hydro-Québec, et du gouvernement. Par ce
constat, l'UQCN refuse de faire porter le blâme de la destruction de
l'environnement à un seul intervenant, que ce soit un ministère
ou Hydro-Québec. Chaque portion de la société, incluant
les citoyens en tant qu'individus, doit porter le fardeau de la destruction
mais aussi des solutions futures. Dans cet esprit, il est évident, pour
nous, qu'une commission parlementaire élargie, aussi utile soit-elle,
est clairement insuffisante. Nous nous étonnons également du fait
que, face à un enjeu aussi étroitement lié à la
protection de l'environnement, comme je vous le disais, le ministre n'ait pas
été invité a la commission. Les demandes faites par la
Coalition pour un débat public sur l'énergie, dont nous faisons
partie, nous apparaissent très raisonnables, compte tenu de l'ampleur
des enjeux. Permettez-nous, finalement, de vous en rappeler les grandes lignes:
encadrement des débats et des audiences par une commission
indépendante et itinérante, financement adéquat de la
commission indépendante, audiences publiques dans toutes les
régions du Québec, et financement et délai suffisants pour
permettre la préparation de mémoires détaillés.
Comme il s'agit de choix énergétiques qui orienteront le
développement de la société québécoise pour
plusieurs décennies, l'UQCN est d'avis qu'un tel processus de
consultation est essentiel. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Simard, madame et messieurs, je vous remercie
d'être ici, ce matin, pour ajouter votre contribution aux discussions que
nous avons eues depuis deux semaines et qui sont fort intéressantes par
rapport au but que nous nous étions fixé d'ouvrir à la
population et aux différents groupés la possibilité de
dialoguer avec nous et de nous faire connaître des opinions ou des
recommandations qui sont toutes fort valables. Et je vous félicite aussi
d'avoir
ajouté ce papier recyclé, pour le texte que vous avez en
main, ce matin. Croyez-vous que le Québec devrait utiliser ses
ressources hydrauliques pour satisfaire ses besoins futurs en
électricité, ou s'il devrait plutôt s'engager dans d'autres
filières? Vous nous avez dit, tantôt: Le nucléaire, oubliez
ça; pour nous, ce n'est pas acceptable. Il y a le thermique, il y a des
énergies nouvelles: biomasse, solaire, éolienne. Est-ce qu'on
doit aller dans d'autres secteurs que les ressources hydrauliques?
M. Simard: Nous, fondamentalement, effectivement, on a
analysé, le travail doit être fait, c'est-à-dire qu'on est
quand môme en faveur de l'hydroélectricité. Même la
Commission Brundt-land favorisait l'hydroélectricité, sauf
qu'elle, elle dit - d'ailleurs, c'est. marqué dans le mémoire,
quelque part, en fin de mémoire - que, dans certains cas, des
considérations à long terme devraient faire abandonner certains
projets ayant un attrait financier à court terme. Elle parle de projets
hydroélectriques. La question qui se pose, au Québec, c'est:
L'hydroélectricité, c'est bien beau, c'est intéressant,
c'est une source d'énergie qui a ses problèmes, mais qui en a
moins que certaines autres, notamment le nucléaire. Cela dit, est-ce que
ça justifie d'aller jusqu'au bout de cette logique-là et d'aller,
par exemple, inonder un territoire, dont certains vont même
jusqu'à dire qu'il faudrait évaluer les possibilités
d'impact sur la croûte terrestre, au niveau de la pression, au niveau
sismique, sur les tremblements de terre. C'est-à-dire, est-ce qu'on doit
aller jusqu'à "harnacher" les cabinets ou les réservoirs de
toilette des résidents québécois? On doit se poser, quand
même, la question: Jusqu'où l'hydroélectricité? Je
pense que c'est important de se demander jusqu'où le potentiel
hydroélectrique? Et, nous, la proposition qu'on fait, et c'est dans
l'esprit du développement durable, c'est qu'il faut vraiment s'orienter
vers la conservation, à prime abord. Il y a des techniques
technologiques aussi, des idées... On parle du pommeau de douche, parce
que c'est de cela dont on entend parler, mais il y a beaucoup d'autres
façon de produire et de moins gaspiller. Donc, ça, ce sont des
choses. On a une façon de bâtir notre stratégie
industrielle sur une autre base. Actuellement, au Québec, on a un outil
qui est l'hydroélectricité; c'est presque sans arrêt ou
sans limite. On peut y aller et utiliser cette... C'est d'ailleurs vraiment la
politique du gouvernement du Québec, utiliser cette arme
stratégique-là pour attirer des industries, pour
développer notre société et donner des emplois à
nos jeunes. Mais je me demande si ce n'est pas une vision un peu tiers-mondiste
de penser cette chose. Et je me demande si on né sera pas
dépassés au bout du compte, à moyen terme, par des
sociétés industrielles, ou des sociétés
évoluées, modernes, qui, elles, sont allées vers la
conservation d'énergie et ont appris à produire des
matières ou des produits avec beaucoup moins d'énergie; et donc,
au bout du compte, leurs produits vont être beaucoup plus
compétitifs, au niveau international, que nos propres produits, parce
que nous, on n'aura pas fait l'effort de nous discipliner au niveau de notre
production de biens et services, c'est-à-dire de produire plus de biens
et services avec moins d'électricité. C'est un questionnement de
société, cette chose-là.
Cela dit, on ne dit pas non à l'hydroélectricité,
mais on dit: On ne doit pas "harnacher" toutes les rivières sauvages du
Québec. On doit examiner, comme il faut, si le choix
pondéré entre diverses sources d'énergie permet vraiment
de choisir l'hydroélectricité des territoires du Nord, parce
qu'on n'y habite pas, parce que ce sont seulement des Amérindiens, et,
quelque part, on a un peu ce côté-là. Parce que,
finalement, il y à des fois des relents de ça dans les discours
de développement du Nord québécois, où on se dit:
Bon, il y a 6 000 000 contre 10 000. Il se fait, des fois, des calculs,
là, qui peuvent être dangereux. Et je pense qu'il faut vraiment se
questionner là-dessus, et on n'a pas vraiment le temps, en commission
parlementaire, ici, on n'a pas toujours les données nécessaires.
Donc, une commission spéciale, une commission d'enquête
permettrait d'aller chercher ces données-là, et de comparer les
différents avantages et les inconvénients de diverses sources
d'énergie, pour, finalement, prendre de bonnes décisions.
Mme Bacon: Je voudrais juste, peut-être, citer la
Commission Brundtland. Cette commission est convaincue qu'il faut faire tous
les efforts imaginables pour exploiter le potentiel des sources
d'énergie renouvelables qui pourraient constituer le noyau de la
structure énergétique mondiale du XXIe siècle.
M. Simard: Oui..
Mme Bacon: Je pense que ça peut être important. Et
je partage aussi votre point de vue, là, qui est celui de la Commission
Brundtland, qu'un scénario de basse consommation
énergétique constitue le meilleur moyen de s'assurer un avenir
soutenable, notamment par l'amélioration de l'efficacité
énergétique.
En ce qui concerne la remise en question de nos choix structurels de
développement, j'aimerais peut-être juste vous souligner que le
Bureau d'économie d'énergie du ministère, dans une
publication de 1984, qui s'intitule Urbanisme et économie
d'énergie, a développé une série de mesures qui
visaient à l'utilisation rationnelle de l'énergie dans
l'aménagement urbain et la construction résidentielle. On a
distribué ce document à toutes les MRC pour les inciter à
prendre en compte cette dimension dans l'élaboration de leurs
schémas d'aménagement. C'était au moment où les MRC
étaient chargées de
préparer des schémas d'aménagement. Vos
recommandations portant principalement sur une taxation plus
élevée, notamment dans le domaine municipal, moi, j'aimerais
savoir quelles sont les autres mesures, dans le domaine de l'aménagement
des transports, qui vous apparaîtraient les plus pertinentes, les plus
urgentes à implanter pour accroître la conservation de
l'énergie? (11 h 30)
M. Simard: Peut-être une chose à éviter,
c'est de se désengager par rapport au transport en commun, comme,
malheureusement, c'a été un peu une indication dans le dernier
discours sur le budget. Se désengager du transport en commun, ça
veut dire des augmentations de tarifs; ça veut dire aussi un
découragement d'utiliser le transport en commun et un encouragement
à utiliser l'automobile. Donc, ça, c'est une mesure
concrète qui. au-delà des incitatifs que je peux bien
reconnaître que vous avez eus au niveau des MRC, ne va pas dans le sens
du développement durable ou d'une consommation plus raisonnable de
l'énergie. Elle va encore dans l'optique de l'automobile et de ses
corollaires, c'est-à-dire la banlieue. Mais effectivement, au niveau de
l'aménagement urbain, je pense que vous trouverez dans le
mémoire, dans la partie que je n'ai pas lue, qui est la trilogie
"auto-bungalow-banlieue", certaines pistes de solution et dans nos
recommandations aussi, que je n'ai malheureusement pas eu le temps de lire au
complet, certaines optiques.
Mais effectivement, pour répondre directement à votre
question, je crois que c'est dans la voie des changements structurels et
peut-être qu'on devra en venir, à un moment donné, à
plus que de l'incitation au niveau du retour des schémas
d'aménagement - on en vient à la phase II des schémas - et
demander vraiment aux gens de justifier l'utilisation de leurs territoires
agricoles, ou de territoires, ou de l'éloignement des centres-villes
d'une façon beaucoup plus sévère.
Mme Bacon: Vous prônez le retour au centre-ville?
M. Simard: Jusqu'à un certain point de vue. Quand on dit
le retour au centre-ville, il faut faire attention. Ça ne veut pas dire
pas de parcs, des tours de 100 étages et tout le monde a le goût
de se suicider. Ce n'est pas la question.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Simard: Je pense à ça parce que j'ai
déjà travaillé dans le domaine de l'habitation sociale.
Dans la ceinture parisienne, vous savez, à Nanterre, il y avait des taux
de suicide élevés reliés aux habitations à
étages. Loin de l'UQCN le désir de déprimer la population
par des centres-villes trop ternes. Non, il s'agit quand même de cesser
les aberrations de bungalows au centre-ville, comme on en retrouve trop souvent
dans des banlieues au Québec. Mais il y a moyen, par des accès au
métro, au transport en commun, il y a moyen d'avoir une juste mesure
qu'on n'a pas actuellement.
Mme Bacon: Vous soutenez que les États-Unis sont les
champions de la consommation d'énergie et on constate, par ailleurs, que
le coût de l'électricité dans les grandes villes
américaines atteint parfois trois fois le coût de
l'électricité au Québec. Comment expliquez-vous la
réduction de consommation que vous escomptez d'une taxe?
M. Simard: Les Américains sont pris aussi avec une
structure de grandes routes et une structure de villes et, même en ne
voulant pas consommer de l'énergie... Leur structure sociale a
été vraiment bâtie - c'est un exemple de problème
structurel - d'une façon énergivore et on pourrait s'amuser... Je
pense qu'on est quand même vraiment les champions au niveau du taux
d'accroissement de la demande d'énergie et du taux d'utilisation au
Québec, même avant les États-Unis, mais je pense qu'une
taxe sur l'énergie serait au moins un incitatif à
économiser ou à mieux utiliser l'énergie. Je pense que
c'est un incitatif. Ce n'est pas le seul, mais c'est un incitatif.
L'énergie, aux États-Unis, est peut-être chère au
niveau électrique mais, globalement, elle est beaucoup moins
chère au niveau du pétrole et, comme elle est beaucoup moins
chère au niveau du pétrole, l'utilisation de
l'électricité est beaucoup faible que dans notre
société à nous. À ce moment-là, il ne faut
pas oublier que s'ils sont consommateurs d'énergie globalement, c'est
parce qu'ils utilisent beaucoup l'essence qu'ils ont à bon
marché. Donc, je pense que ce n'est pas une démonstration de
cause à effet quand vous me dites que les hausses de tarif ne sont pas
incitatives. Moi, je sais que... Personnellement, j'ai une petite famille et
même ' je vais vous dire que les hausses actuelles que vous avez
autorisées à Hydro-Québec m'incitent à la
conservation. Vous savez, une sagesse par le marteau, que je subis.
Mme Bacon: Enfin, quelque chose de positif. M. Simard:
Oui, à la limite... Des voix: Ha, ha, ha!
M. Simard: Mais, malheureusement, ce n'est peut-être pas
investi dans les économies d'énergie et c'est là qu'on s'y
oppose.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je
céderai la parole au député de Laval-des-Rapides.
En l'occurrence, c'est moi. Je porte deux chapeaux à cette
commission. Il y a une question qui me trotte dans la tête depuis le
début des auditions, lorsque nous rencontrons des groupes dont la raison
d'être est la préservation de l'environnement, ou
l'écologie. Votre discours m'apparaît plus nuancé à
cet égard, mais je vous pose quand même la question. Je me demande
toujours quelle est la place que vous faites ou quel est le lien que vous
faites entre le développement économique qui est
nécessaire et réclamé par la population, d'une part, et,
d'autre part, la protection de l'environnement. Il semblerait que, pour
certains groupes, en tout cas - ce n'est pas nécessairement le cas du
vôtre, parce que j'ai dû m'absenter quelques minutes tout à
l'heure - dès qu'il y a développement économique, il y a
automatiquement agression, pollution, brisure dans l'environnement, etc. Mais,
il y a des contraintes quand même: on vit en société, on
souhaite être de plus en plus nombreux. Donc, dans l'avenir, la question
devra se poser. Quel serait pour vous l'équilibre entre le
développement économique et le respect de l'environnement, tel
que vous le préconisez?
M. Simard: Oui. C'est une question fondamentale, et je vous
remercie de me la poser, parce que c'est vraiment une question qu'on ne peut
pas éluder. Et les groupes écologiques n'ont pas
nécessairement toutes les réponses, parce que le
développement durable, au-delà de ces deux beaux mots qui sont
souvent récupérés... Et, je le vois à toutes les
sauces: On parle de développement hydroélectrique durable,
économique, viable. On trafique, hein! Le développement durable,
la définition est quand même assez claire au niveau du rapport
Brundtland. Mais, c'est toute cette définition-là...
C'est-à-dire qu'il faut vraiment remettre en question le progrès
économique de type classique qu'on a vécu, c'est-à-dire
gaspilleur, énergivore, créateur d'emplois, mais à court
terme. L'exemple de la forêt que m'inspiraient les interlocuteurs de
tantôt, c'est un exemple d'une utilisation à court terme d'une
industrie et, à ce moment-là, il y a un rattrapage très
sévère et pas toujours possible pour permettre le
développement durable de la forêt et souvent à coups de
phytocides et à coups d'autres problèmes environnementaux. Donc,
le défi de nos institutions démocratiques, votre défi en
tant que députés, le défi des différents ministres,
c'est de trouver des pistes pour le développement durable qui permettent
de trouver de l'emploi à nos jeunes qui posent quand même la
question, et on doit le dire, au niveau mondial, sinon dans notre
société, de la natalité. Quand vous dites: Nos populations
grandissent et, au niveau mondial... Effectivement, il faut, si on veut un
développement durable en respectant la planète, et ça
devient un "must"... Vous savez, si la ressource n'est plus là, elle
n'est plus là. Ça fait que si on pense au développement
économique traditionnel, on en vient vite à un cul-de-sac. On ne
s'en rend pas encore compte, mais, le cul-de-sac, c'est qu'il n'y a plus de
ressources à exploiter, et, finalement, ça va créer des
problèmes environnementaux, mais même des problèmes de
famine et des problèmes majeurs. À ce moment-là, nous, on
doit contribuer à ça et à trouver à innover dans
notre société. Donc, avoir une stratégie industrielle
axée, peut-être, sur l'emploi, mais l'utilisation durable des
ressources, une stratégie industrielle qui soit axée sur une
consommation d'énergie moindre pour que - et là, je vais vous
paraître peut-être audacieux - même que l'avantage
hydroélectrique qu'on a, on puisse le partager, à certains
égards, avec d'autres sociétés qui, elles, sont prises
avec le nucléaire ou avec des problèmes de... Donc, nous, on ne
s'oppose pas d'office à l'exportation de l'énergie
hydroélectrique. Cela dit, on pense qu'elle peut se faire si on devient
beaucoup moins consommateurs d'énergie et, aussi, elle doit être
pondérée. On ne va pas sauver la Nouvelle-Angleterre d'une ou
deux centrales si on perd tout le Nord québécois. Il y a
ça qu'il faut pondérer. Mais, vous comprenez, c'est un
défi. Je pense que, nous, on n'a pas le département de recherche
pour vous proposer des pistes, mais je pense que les institutions doivent se
pencher là-dessus, parce qu'on ne doit pas viser le
développement, en disant: II y a 10 % d'augmentation de PNB chaque
année, puis c'est ça, le bonheur absolu sur terre. Si on fait
ça, on a un cul-de-sac.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si j'ai bien
compris, vous me dites que vous êtes favorable au développement
économique - je pense que c'est raisonnable - mais dans la mesure
où on n'agresse pas notre environnement. C'est que, si on utilise des
ressources, qu'on s'organise en même temps pour les protéger, pour
qu'elles soient là pour toujours.
M. Simard: Si le développement doit directement
intégrer les questions environnementales... Puis, ce n'est pas rien
qu'une question d'environnement, c'est une question de survie - c'est
d'ailleurs notre avenir à tous - et ça devient, vous savez,
à tous les niveaux. L'environnement, c'est une question de santé
publique. Nous, on pense que la notion même de sauver une espèce
animale est très importante, mais je pense que la sagesse des
Québécois s'en vient beaucoup, grâce au travail des
départements de santé communautaire ou aux découvertes que
l'environnement, ça les touche dans leurs tripes, au sens premier du
terme.
Le Président (M. Bélanger): Donc, on a du
rattrapage à faire, si je comprends bien.
M. Simard: Oui, il y a un rattrapage, et je pense qu'on ne peut
pas se masquer... Et je
pense que le plan de développement d'Hydro-Québec, ou
notre vision actuelle ou même celle présentée par Hydro,
est encore une vision qui, au-delà des mots "développement
durable" employés à toutes les deux pages dans le plan de
développement d'Hydro-Québec, montre encore une
incompréhension des véritables enjeux. C'est comme si un train
circulait très rapidement vers un mur. Et j'aimerais que le
Québec ait la sagesse de faire ici les débats qui, sinon, vont
peut-être se faire aux États-Unis, comme dans le cas de l'amiante,
ou vont peut-être se faire en Europe - d'une façon parfois
perturbée - comme dans le cas des bébés phoques. Qu'on
fasse ici le débat sur notre consommation d'énergie et notre
destruction, par exemple, du milieu nordique, pour ne pas que ce soient les
États-Unis qui nous imposent par un débat, qui ne sera
peut-être pas complet, qui sera biaisé et qui va peut-être
favoriser d'autres développements de sources... Un débat qu'on
subira comme d'habitude. C'est important que, comme société, on
fasse ce débat. Je pense que le gouvernement n'a pas à avoir peur
d'être proactif là-dedans et de déclencher une commission
indépendante sur l'énergie pour demander conseil aux gens. Je
pense qu'il n'y a pas de solution miracle; c'est seulement le partage
d'opinions.
Le Président (M. Bélanger): Mais vous introduisez
un élément qui m'amène à une autre
réflexion. Vous parlez, par exemple, de la protection des
bébés phoques, etc. On se rappelle de ces débats qui ont
marqué notre société et, particulièrement, les
interventions de certaines vedettes très appréciées pour
d'autres qualités, mais qui... Bon... Il y a une conséquence
à cela actuellement sur l'industrie de la pêche...
M. Simard: Oui, là-dessus, je veux vous
préciser...
Le Président (M. Bélanger): ...qui est absolument
phénoménale et qu'on n'avait pas anticipée. On a
protégé les phoques, mais ils sont tellement nombreux qu'ils
mangent tous nos poissons et ils polluent la mer et, là, on a un
sérieux problème.
M. Simard: Je dois préciser que l'Union
québécoise pour la conservation de la nature divergeait quand
même d'opinion avec Mme Bardot là-dessus. Nous, on est pour
l'utilisation durable des ressources et ça fait partie des ressources
animales aussi, c'est-à-dire que si on maintient un bon cheptel
représentatif, on peut quand même, pour notre survie, puiser dans
les ressources animales, comme on puise dans les ressources de la terre. Je
voulais quand même vous signaler que c'est un exemple d'un débat
qui s'est fait ailleurs, mais qui n'a pas nécessairement
été positif et qu'on n'interprète pas
nécessairement comme ayant eu des conclusions positives pour la
société québécoise. C'est ce contre-exemple que je
vous donnais. D'accord?
Le Président (M. Bélanger): Oui. Je vous remercie
beaucoup. Il reste trois... Mme la ministre.
Mme Bacon: Vous allez me permettre d'utiliser ce qui reste de
temps. Dans votre mémoire, M. Simard, vous faites
référence au gaz naturel pour illustrer ce que vous appelez des
illusions de la société face au caractère
écologique de certaines sources d'énergie. Vous dites que les
émissions de méthane provenant du gaz naturel sont importantes,
contrairement à la croyance populaire. Vous allez même
jusqu'à dire que "la conversion d'une fournaise au mazout vers le gaz
naturel augmente la contribution à l'effet de serre par un facteur de
10." Selon les recherches qui sont effectuées par un groupe de travail
fédéral-provincial-territorial sur l'énergie et
l'environnement, le mazout léger résidentiel produit environ 30 %
plus de CO2 que le gaz naturel en brûlant, et le mazout produit six fois
plus de méthane pour la même quantité d'énergie
dégagée. Même si chaque molécule de méthane
retient 25 fois plus d'énergie qu'une molécule de CO2, le facteur
de 10 que vous évoquez ne résiste pas à ces
données-là. Et nous devons aussi considérer que les
équipements de combustion au Québec sont récents et
extrêmement performants et que les fuites sur le réseau de
transport sont pratiquement négligeables. Comment pouvez-vous affirmer
qu'en brûlant, le gaz naturel dégage des quantités
importantes de méthane et qu'il n'est pas le combustible propre qu'on
nous laisse croire?
M. Simard: Ce que je dis simplement... Ce qui est dit
là-dedans, et le facteur de 10, vous savez, ce sont les recherches qu'on
a faites et je pense qu'on les a faites en toute bonne foi et on n'a
peut-être pas des ressources de recherche qui permettent
d'établir... Mais c'est un questionnement. Vous savez, le tableau que
vous trouvez en page 9 du mémoire, c'est un tableau qui doit être
vraiment développé. On aimerait, nous, pouvoir le
développer et que ce soit même un sujet de débat public -
parce que vous amenez un point intéressant - pour qu'on puisse vraiment
pondérer les effets de chaque source. Cela dit, c'est un questionnement.
Les molécules du gaz naturel, il y a quand même une certaine
émission et ce n'est pas l'énergie propre, propre, propre qu'on
nous dit au niveau publicitaire. Le facteur de 10, je n'en fais pas une
affaire...
Mme Bacon: Vous l'affirmez. Ce qui est...
M. Simard: Ce que je veux vous dire là-dessus, c'est qu'on
l'affirme sur la base de nos recherches effectivement, de bonne foi...
Mme Bacon: Oui, mais c'est véhiculé, ça, M.
Simard, en ce moment.
M. Simard: Pardon?
Mme Bacon: C'est véhiculé en ce moment, ce que vous
avez dit.
M. Sjmard: Je pense que ce qui est véhiculé aussi,
c'est que le gaz naturel n'a aucun effet. Quelque part, entre les deux,
c'est...
Mme Bacon: Oui, un ou l'autre, c'est ça.
M. Simard: D'accord. Comme l'énergie atomique canadienne.
Vous savez, on dit que l'énergie...
Mme Bacon: Ce n'est pas facile d'en arriver à des chiffres
précis.
M. Simard: Ce n'est pas facile, je suis d'accord avec vous. Il y
a beaucoup de recherches à faire. Vous-même disiez, hier, je
crois, ou du moins, j'écoutais à la radio qu'il manquait beaucoup
de données. On constate ça même tout au long de la
commission. Je l'ai suivie. Je vais être franc avec vous. Bien souvent,
moi-même, j'ai trouvé comme participant ici... Je suis venu
à trois reprises. Et j'ai souvent constaté qu'on manquait
d'arguments ou de chiffres, comme s'ils étaient tous confinés
à Fort Knox ou à la vice-présidence à
l'environnement d'Hydro-Québec, ou qu'on arrivait avec des chiffres en
pitance à la commission, mais pas toujours hyper - appuyés par
une équipe de recherche. Ça montre peut-être,
jusqu'à un certain point, le manque de maturité dans notre
société sur le débat énergétique. Nous, on
veut développer ça. Ce qu'on vous dit là-dessus, c'est de
retenir surtout le questionnement que le gaz naturel n'est pas aussi propre
qu'on le dit et qu'il faudrait faire une analyse poussée. Je pourrais
moi-même m'amuser à prendre vos chiffres et à faire de la
recherche, mais... (11 h 45)
Mme Bacon: C'est toujours difficile quand on cite des chiffres,
parce que les gens peuvent utiliser ça à un moment donné.
On peut influencer des gens dans l'utilisation des ressources.
M. Simard: Certainement, mais la question qui reste posée,
qui reste réelle...
Mme Bacon: Ah oui, il y a des questionnements.
M. Simard: ...si le facteur de 10 est loin, ce sont les effets
vraiment de... Il n'y a pas d'énergie propre, sauf la conservation
d'énergie.
C'est comme ce qu'on disait sur les méthodes de
contraception.
Mme Bacon: C'est un peu comme quand on dit qu'on va inonder 25 %
du Québec et que c'est 2 %. C'est la même chose.
M. Simard: Oui, mais, là-dessus, il y a r'ennoiement" qui
détermine ce qu'on influence au niveau de l'écosystème.
Vous savez, je ne calcule pas ça en nombre de lacs Saint-Jean. Je
calcule ça beaucoup plus en impact...
Mme Bacon: Vous avez suivi la commission, vous!
M. Simard: Oui, c'est ça. Ce n'est pas vraiment pas en
nombre de lacs Saint-Jean...
Mme Bacon: Ou la France.
M. Simard: ...ou de Nouvelle-Angleterre. Mais c'est
peut-être en effet sur la santé des Amérindiens. Puis c'est
en changement de qualité de vie et de qualité du milieu. Et
ça, ça ne se calcule pas nécessairement en lacs
Saint-Jean.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier M.
Simard et ses collègues pour leur présence ici, pour leur
contribution et pour la contribution qu'ils font à longueur
d'année à la cause de l'environnement et de l'amélioration
de l'environnement. Je note que vous terminez votre mémoire en
réclamant, comme bien d'autres, un débat public sur les choix que
le Québec doit faire en matière d'énergie
hydroélectrique.
Je veux réitérer la position de l'Opposition officielle
qui appuie cette demande venant d'un grand nombre de groupes qui sont venus ici
à la commission et d'un autre nombre de groupes encore plus important
qui ne se sont pas présentés à la commission.
Nous pensons que l'ampleur - que ce soit le lac Saint-Jean, ou une
partie de la France ou de la Nouvelle-Angleterre - l'ampleur non seulement
géographique du projet, mais surtout l'ampleur sociologique, l'ampleur
environnementale, l'ampleur financière exigent que cette
décision-là soit basée sur une consultation populaire,
très large.
Le travail que fait cette commission depuis deux semaines et qu'elle va
continuer de faire encore pendant deux semaines est important. On remercie
encore la ministre d'avoir obtenu ces séances de la commission. Et on
souhaite que cette commission-ci débouche sur un débat public,
quitte à revenir plus tard en commission. On pense que le report d'un an
ou de deux ans ne serait pas tragique pour l'avenir hydroélectrique du
Québec, ni pour l'avenir économique.
Cela étant dit, vous avez déploré l'absence
du ministre de l'Environnement et je vous endosse parfaitement, parce
que je l'ai fait, il y a quelques jours. J'ai suivi moi-même, comme
porte-parole de l'Opposition en matière d'environnement, cette
commission assez régulièrement et je vais continuer de la suivre
aujourd'hui. Et d'habitude, tous les jours... Je pense que c'est la
première journée où le député d'Ungava, qui
est le porte-parole officiel pour l'Énergie, a dû s'absenter. Il y
a eu une urgence dans son comté. Mais, normalement, il est ici. Alors,
je l'excuse. Mais je déplore, moi aussi, que le ministre de
l'Environnement soit absent de ces séances de la commission. Je sais que
la ministre de l'Énergie, qui est aussi vice-première ministre,
lui parle régulièrement. Je sais ça. Je sais qu'elle a
beaucoup de poids au Conseil des ministres, beaucoup plus que le ministre de
l'Environnement. Malheureusement dans certains cas, heureusement dans d'autres.
Mais il reste que ce serait bon qu'il soit ici.
J'ai quelques questions à poser. D'abord, la première.
Vous parlez beaucoup des hausses de taxes rattachées à
l'énergie, à la dépense d'énergie. Est-ce qu'on
peut imaginer - j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus - si jamais
ces nouvelles taxes-là étaient imposées, qu'elles seraient
modulées sur l'économie de l'énergie? Autrement dit, que
ce soit un système de taxation qui reconnaisse l'économie de
l'énergie par le client comme un incitatif?
M. Simard: Ça a fait l'objet d'un autre mémoire de
l'UQCN sur les taxes sur les nuisances écologiques, la "TNE" à la
place de la TPS - que je n'ai pas ici ce matin, mais que je pourrai vous faire
parvenir; ça me fera plaisir - où on module effectivement...
C'est-à-dire que la taxe la plus faible irait à la source
d'énergie la plus performante et la taxe la plus forte irait aux sources
d'énergie les moins performantes en environnement. Cette modulation peut
même se faire juste, par exemple, à l'essence diesel des camions.
On sait que le camionnage, malgré les manifestations,
bénéficie quand même de l'utilisation de routes
payées par tous. Il y a quelque part, à un moment donné,
un coût social et environnemental du camionnage et même de risque
environnemental. Ici, par exemple, on avait une taxe sur le diesel.
Déjà, on avait calculé qu'un sou sur le diesel aurait
fourni au ministre de l'Environnement les 35 000 000 $ manquants à ses
50 000 000 $ que, de toute façon, il va dépenser à
éteindre des feux. Ce qui est très important, c'est que,
voyez-vous, on aurait pu aller moduler jusque-là. Vous avez raison.
C'est-à-dire que la taxe sur les nuisances écologiques peut se
faire au mérite et selon un module qui permet à une
société comme la nôtre d'être un leader au niveau de
l'utilisation de ses sources d'énergie et de devenir - il ne faut pas
l'oublier - plus compétitive par rapport à des
sociétés comme la nouvelle Allemagne, la Suède ou d'autres
qui, peut-être, ont pris le pari de la conservation et qui risquent de
nous concurrencer sur les marchés mondiaux.
M. Lazure: Mais si on se concentre sur l'énergie
électrique, à part la pomme de douche, quelles sont,
d'après vous, les principales façons, à la portée
de tout le monde, à la portée du client moyen,
d'économiser de façon importante l'énergie
électrique?
M. Simard: Bien sûr, des programmes d'isolation. Vous
savez, on en avait trouvé beaucoup. Reportez-vous au début des
années quatre-vingt, en pleine crise de pétrole, les R-2000, et
même maintenant, on est revenus à un certain laxisme au niveau de
l'isolation de nos maisons. Pourtant, au Québec, on devrait pousser...
Aux États-Unis, il y a une ampoule qui fait un malheur. Ici, on n'est
pas sûrs si c'est une bonne idée d'avoir une ampoule plus
performante, parce que l'ampoule dégage un peu de chaleur et l'hiver,
ça contribue en kilojoules à la chaleur d'une maison. Mais,
nécessairement, je pense qu'une des mesures fondamentales, c'est
l'isolation des maisons, puis de vraiment travailler là-dessus. Les
effets structurels aussi, comme je vous le disais tout à l'heure, de
notre développement favoriseraient l'économie électrique
aussi.
M. Lazure: Vous êtes, comme le nom de votre groupe le dit,
une union préoccupée par la conservation de la nature. J'aurais
souhaité - ce n'est pas une critique - qu'il y ait un peu plus de
considération sur les effets nocifs sur la nature de grands projets
comme le projet dont on parle. Est-ce que vous pouvez nous brosser quand
même, en quelques minutes, un sommaire des conséquences nocives
qu'ont les développements hydroélectriques sur la nature, qu'il
s'agisse de faune ou de flore?
M. Simard: Oui. On est allés un peu rapidement. Je crois
l'avoir fait tout à l'heure. Je vous réfère à la
page 5 de l'annexe au mémoire, nouvelle version.
M. Lazure: Dans l'annexe? Ah!
M. Simard: J'avoue, et je m'excuse auprès de la
commission, les détais étaient tellement serrés que je
peux bien comprendre que... En page 5 de l'annexe, vous avez un "listing".
J'avoue que ce n'est pas une étude ou une contre-étude d'impact,
c'est simplement un "listing". Mais, vous savez, on parle de 12 000
pylônes. C'est quand même aussi une consommation d'énergie
de les construire et, au niveau de l'utilisation du territoire agricole par ces
pylônes, des questions que ça pose. Vous savez, au niveau de
l"'ennoiement", on n'en a pas parlé ici, mais c'est très long et
complexe. On brosse le
tableau et c'est une préoccupation de l'UQCN. Là-dessus,
on aimerait que les audiences publiques prévues ou l'apparence
d'audiences publiques prévues pour le Grand-Nord se déroulent au
Sud aussi, c'est-à-dire à Montréal et à
Québec. Quand on dit au Sud, ce n'est naturellement pas notre Sud
à nous, qui est bien la Floride. À ce moment-là, qu'on
puisse détailler ce genre de choses et développer ça. Vous
l'avez. Je pourrais vous le répéter, mais je l'ai dit, je crois,
tout à l'heure à la commission, la perturbation des
écosystèmes nordiques et tout ça. C'est très
important pour nous, c'est très complexe. Ce sont des choses...
Par exemple, j'aimerais vous souligner l'émanation des gaz
à effet de serre. HydroQuébec semble négliger cet
aspect-là comme elle négligeait l'aspect du mercure, il y a peu
d'années, sauf que, est-ce que c'est vraiment négligeable? Une
des choses, pour aller au niveau des solutions qu'on met de l'avant, si
Hydro-Québec ennoie un arbre ou coupe un arbre pour ses
réservoirs - ça ne fait pas partie vraiment de nos
recommandations ici, mais c'est une orientation qu'on veut prendre - qu'elle en
plante un autre. C'est-à-dire qu'au moins Hydro soit un citoyen
exemplaire quand elle ennoie un territoire forestier, qu'elle crée une
forêt, jusqu'à un certain point.
Je sais que ça a des limites, les mesures d'atténuation.
Et c'est pour ça qu'on se dit que, même avec toutes les mesures
d'atténuation possibles, il ne faudrait pas "harnacher" toutes les
rivières sauvages du Québec. Mais j'avoue que le temps et les
limites de la commission parlementaire ne me permettent pas de
développer vraiment techniquement là-dessus. D'autres groupes
l'ont fait, je le sais, notamment, au niveau de la rivière Ashuapmuchuan
et de certaines rivières. Donc, on leur a laissé un peu le
développement de ce dossier-là.
M. Lazure: Oui. Vous dites que vous souhaitez que Hydro soit un
citoyen exemplaire. Nous aussi. Mais il ne faut jamais oublier que Hydro doit
se conformer à l'orientation que le gouvernement lui indique. Et, au
fond, on peut accumuler certaines critiques au sujet d'Hydro, certains
blâmes au sujet d'Hydro. Mais, en bout de ligne, ce sont les élus,
ce sont les membres du gouvernement qui doivent très clairement indiquer
à Hydro de quelle façon celle-ci doit respecter non seulement
l'environnement, mais doit se conduire à tous égards comme un
citoyen exemplaire, pour reprendre votre expression.
M. Simard: C'est un peu difficile. Parfois, c'est une vue de
l'esprit de distinguer les deux dans le sens... Vous avez raison, les
responsables de la politique énergétique au Québec ne sont
pas nécessairement le principal producteur, même s'il est
lié à la conception de la politique énergétique, le
principal producteur qui est
Hydro-Québec. C'est vraiment une responsabilité
gouvernementale. Là-dessus, je suis d'accord avec vous. Mais, parfois,
il est difficile de vraiment faire le distinguo entre ces deux
choses-là.
Voilà, c'est ça. Je suis quand même d'accord avec
vous que c'est là-dessus qu'on doit s'orienter vers un changement de
stratégie. Un petit détail, M. le Président, très
rapidement.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie
M. Simard: Nous avons eu des discussions avec des gens d'Hydro
qui nous ont dit que, actuellement, 20 % de la demande à peu
près... Et je cite... Lors d'une rencontre d'Hydro-Québec, avec
M. Dubeau et avec d'autres responsables d'Hydro-Québec... 20 % avec les
alumine-ries et 20 % avec l'industrie forestière. C'est très
dangereux pour les fournisseurs d'hydroélectricité d'avoir des
blocs de fournisseurs importants comme ça. Et il ne faut pas
dépasser ça. C'est comme si Hydro disait clairement au
gouvernement: Là, vous nous avez mis un peu dans l'eau chaude avec des
constructions éner-givores. Et, souvent - j'espère que Mme Bacon
a été mal rapportée par les journaux là-dessus - on
a dit qu'on avait l'équipement pour fournir les alumineries. Donc, c'est
bien de les avoir, mais il faut bien savoir que la réalité est
qu'on est allés chercher des alumineries et, après ça, on
s'est forcés à faire les équipements qu'on ne peut plus ne
pas faire presque.
Et c'est là où le débat est faussé,
où le débat de société ne s'est pas fait, où
notre structure de société n'est pas une structure de
développement durable, comme je le disais au président,
député de Laval-des-Prairies?
Le Président (M. Bélanger): Laval
dès-Rapides.
M. Simard: Laval-des-Rapides, je m'excuse.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de La Prairie, si vous voulez remercier nos
invités.
M. Lazure: Au nom de l'Opposition, je veux, encore une fois,
remercier les dirigeants de l'Union québécoise pour la
conservation de la nature pour le zèle qu'ils manifestent dans leur
mission de protéger la nature et pour le mémoire qu'ils ont
présenté ce matin.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: M. Simard, madame, messieurs, je voudrais vous
remercier d'avoir contribué à la discussion et de vous être
présentés ici à cette commission parlementaire. Je pense
que ceux qui se refusent à venir dialoguer avec nous ont tort, parce
qu'ils auraient pu faire bénéficier cette
commission de différentes façons. Et je pense que le seul
fait qu'il y ait cet échange fait en sorte que, de part et d'autre, on a
le désir de poursuivre et de continuer. Je vous félicite pour le
travail que vous avez fait et je vous incite à continuer vos
recherches.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie sincèrement l'Union
québécoise pour la conservation de la nature pour son apport
à ses travaux. Compte tenu de l'heure, nous suspendons nos travaux
jusqu'à 15 heures, soit après la période des questions. Je
vous remercie beaucoup et bon appétit à tout le monde.
(Suspension de la séance à 12 heures)
(Reprisée 15 h 5)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Alors, si vous permettez, la commission de l'énergie, excusez, de
l'économie et du travail - quoique depuis quelque temps, c'est
l'énergie et le travail - reprend ses travaux. Alors, j'inviterais donc
à la table des témoins le groupe Lavalin,
représenté par M. Bernard Lamarre et M. Armand Couture. Alors, M.
Lamarre et M. Couture, bonjour. Je vais vous expliquer rapidement nos
règles de procédure qui vous sont sans doute familières.
Vous avez vingt minutes fermes pour la présentation de votre
mémoire et il y a par la suite une partie d'échanges avec les
parlementaires. Or, sans plus tarder, je vous invite donc à
procéder à la présentation de votre mémoire.
Merci.
Groupe Lavalin
M. Lamarre (Bernard): Merci, M. le Président, Mme la
ministre, mesdames et messieurs. Je vous ai distribué la copie de notre
mémoire. Mais vu qu'il est trop long, je vais l'abréger à
certains endroits. Si vous pensez que je passe par-dessus des chapitres, ce
n'est pas parce que je ne veux pas vous en parler, mais c'est parce que je
pense qu'ils sont moins importants que les autres.
Après l'ère du charbon et du pétrole, voici venu le
temps de la dominance du gaz et de l'électricité, les formes
d'énergie les plus recherchées à l'heure actuelle dans le
monde, aussi bien des particuliers que de l'industrie. En ce qui concerne
l'électricité, le Québec vient au rang des
privilégiés. Avec notre main-d'oëuvre de plus en plus
qualifiée, avec la forêt et les mines, les ressources hydrauliques
constituent notre principale richesse, une richesse d'autant plus avantageuse
qu'elle est presque inépuisable. Ainsi, à l'heure où le
monde entier se concerte pour enrayer l'épuisement des stocks naturels
et rétablir l'équilibre fragile de la planète, nous
disposons d'une source d'énergie fiable, polyvalente, non polluante,
très accessible et très durable. Nous sommes assurés d'une
matière première abondante, voire de surplus pour les
"décades" à venir.
En mars 1983, nous présentions à la commission permanente
de l'énergie et des ressources un premier mémoire,
intitulé L'énergie, levier de développement
économique. Nous avons, depuis, poursuivi notre réflexion et
désirons aujourd'hui faire état de l'évolution de notre
position. Elle s'appuie sur la prémisse voulant que, de patrimoine
collectif voué au confort de nos foyers et à l'alimentation de
nos industries, l'hydroélectricité est devenue un secteur
comptant pour quelque 5 % du PIB de la province et responsable de 50 000
emplois directs ou indirects. De plus, eu égard aux marchés
internationaux, HydroQuébec s'institue souvent en baromètre de
notre santé économique.
À l'aube de l'an 2000, de nouveaux horizons nous attendent au
niveau de la production hydraulique, de la recherche et du
développement, de l'exportation, du savoir-faire, des retombées
économiques, de l'essor de nos industries, de la protection de notre
environnement. Nous tenterons ici d'en préciser la nature, avec pour
objectif de situer dans une perspective d'avenir pour le Québec le
débat entrepris par cette commission sur la question de l'énergie
électrique.
Avant de continuer plus avant, nous tenons à remercier la
commission de bien vouloir nous donner l'occasion d'exprimer notre
pensée. Nous témoignons ici en tant que groupe polyvalent dont le
sous-groupe d'ingénierie s'intéresse à tous les modes de
production, de transport, de distribution et de conservation de
l'énergie. Il intervient également, notre groupe, en
pétrochimie comme consommateur important d'électricité et
de gaz naturel. En fait, on consomme, à Kemtec, à peu près
25 mégawatts, on a une capacité installée de 25
mégawatts. Ça a l'air petit, mais ça représente la
moitié de toute la consommation, de la capacité installée
au Niger, en Afrique. À titre de référence, notre filiale
Shawinigan Lavalin a été associée au développement
de la plupart des aménagements hydroélectriques de la province
avant l'avènement d'Hy-dro-Québec. Elle est, depuis, l'une des
grandes sociétés exportatrices de génie en
aménagement hydroélectrique dans le monde. Pour sa part, le
groupe Lavalin a participé substantiellement à la gestion des
travaux du complexe La Grande, à la baie James. Cette expérience
considérable nous a permis de pénétrer les marchés
étrangers, où nous jouissons aujourd'hui d'une réputation
fort enviable.
Qui dit énergie électrique, au Québec, se
réfère à la société d'État qui la
régit: HydroQuébec. Il importe donc, avant tout, de bien
définir sa mission. Dans la "Proposition de plan
de développement 1990-1992", on peut lire en premières
lignes: "L'orientation fondamentale d'Hydro-Québec consiste à
fournir l'électricité au Québec aux meilleures conditions
et à optimiser J'avantage comparatif que constitue
l'hydroélectricité."
Nous souscrivons pleinement à cet énoncé de
principe, comme le démontrera notre exposé. Toutefois, de notre
point de vue d'entreprise privée, la mission de la société
d'État doit consister à fournir l'énergie
électrique nécessaire aux Québécois au meilleur
prix, tout eh ayant un rendement interne satisfaisant et non pas en fonction de
maximiser ses propres profits. Nous établissons donc une nuance
importante en mettant l'accent sur le rôle moteur d'Hydro-Québec
dans le développement économique. Dans cette optique,
Hydro-Québec doit offrir l'énergie aux conditions les plus
favorables possible pour les consommateurs et industriels du Québec.
Hydro-Québec doit s'assurer une rentabilité suffisante pour
pouvoir continuer à développer ses ressources sur une base
financière solide. Hydro-Québec doit se définir un
rôle d'excellence dans son comportement d'affaires, qui influe sur le
développement du Québec. Hydro-Québec doit prendre des
mesures pour minimiser les impacts négatifs de ses opérations sur
l'environnement. Hydro-Québec doit promouvoir et encourager l'entreprise
privée qui utilise l'expertise acquise au Québec pour rayonner
à travers le monde.
La production énergétique actuelle:
l'hydroélectricité et le gaz naturel. Si elle représente
l'un des piliers économiques du Québec, l'énergie
électrique ne saurait incarner à elle seule l'ensemble de notre
stratégie de développement énergétique. En
affaires, c'est bien connu, il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le
même panier, d'autant plus que l'électricité ne convient
pas à tous les besoins; elle ne peut remplacer le carburant dans les
voitures, du moins pas encore.
Deux formes d'énergie dinstinctes, l'électricité et
le gaz naturel, semblent devoir se partager une bonne partie du même
marché québécois dans les années à venir, au
fur et à mesure que se développent leurs infrastructures et
s'étendent leurs réseaux. Le gaz naturel s'avère une
alternative fort valable au pétrole pour certains procédés
industriels. Il représente, pour le Québec, un choix efficace et
rentable, tant et aussi longtemps que les prix s'avèrent concurrentiels.
Dans d'autres cas et circonstances, l'électricité semble plus
appropriée, mieux adaptée et plus économique.
L'électricité pour le chauffage représente d'ailleurs
presque le tiers des ventes d'Hydro-Québec. Les nouvelles constructions
optent, dans une proportion de 75 % pour le chauffage à
l'électricité et, dans le cas des maisons, c'est une proportion
de 90 % qui opte pour l'électricité.
Si nous cherchons de nouveaux horizons pour l'énergie
électrique, nous croyons que l'économie québécoise
et, en particulier, l'industrie ne sauraient que bénéficier d'un
renforcement du réseau d'électricité en parallèle
avec celui des gazoducs. L'électricité et le gaz sont devenus des
alliés naturels pour se substituer progressivement au
pétrole.
Dans cette optique, nous croyons qu'il importe que les entreprises
responsables de l'exploitation de l'électricité et du gaz naturel
se concertent. En conjuguant leurs efforts, elles pourront optimiser leur
rendement dans leurs créneaux respectifs, suivant les règles de I
off re et de la demande. Et nous suggérons même qu'il n'est pas
impensable d'adopter éventuellement au Québec des politiques de
commercialisation et de services aux consommateurs pratiqués par le DFS
et le Gaz de France, en France.
Les programmes de recherche et de développement de l'IREQ
s'intéressent principalement aux techniques de production et de
transport d'électricité Ces efforts sont nécessaires et
louables dans la mesure où ils permettent à Hydro Québec
de jouer son rôle de citoyen responsable en contribuant à abaisser
les coûts de production de l'hydroélectricité et à
en augmenter l'efficacité et la sécurité. Ils lui
permettent de rencontrer ses objectifs: accélérer son programme
d'équipement, améliorer la fiabilité de son réseau,
la sécurité de ses employés et la qualité de son
service tout en veillant à protéger l'environnement.
Essentiellement, la société d'État développe des
technologies pour consolider ses marchés aussi bien industriels que
résidentiels.
Ces travaux ont donné lieu à toute une gamme de
percées technologiques allant de l'op timisation des concepts et des
coûts des nouveaux ouvrages jusqu'à l'automatisation
complète des réseaux, en passant par la recherche et le
développement de nouveaux types de matériaux et
équipements. Les chercheurs s'intéressent à la robotique,
à l'hydrogène, à la fusion et à d'autres avenues
qui s'inscrivent dans le courant mondial.
Néanmoins, dans une perspective qui cherche à ouvrir de
nouveaux horizons, ce programme nous apparaît conservateur. Nous croyons
qu'il y a plus à l'hydroélectricitié que l'exploitation et
le renforcement du réseau en tant que tel. Il importe maintenant de
privilégier l'avenue de la recherche et du développement
appliqués aux techniques et procédés industriels.
Dans l'optique d'une plus grande utilisation de l'énergie
électrique dans les techniques de production industrielle, il faut
mettre l'accent sur la recherche et le développement des
procédés d'utilisation et augmenter les ressources
matérielles, financières et professionnelles pouvant être
disponibles à cet effet. Permettez-moi d'ouvrir ici une
parenthèse.
À l'instar d'Hydro-Québec, nous préconisons la
constitution de centres d'excellence, le renforcement du lien entre les
universités et
l'industrie, la valorisation des résultats de la recherche. Tous
ces travaux de recherche et de développement technologiques en
matière d'énergie exigent des déboursés importants.
Il importe d'instaurer rapidement des moyens pour financer ces programmes qui
devraient se réaliser aussi bien dans les secteurs public et parapublic
que privé. Ainsi, les programmes gouvernementaux devraient tenir compte
des nouvelles priorités à privilégier.
Parallèlement, les gouvernements devraient encourager les
entreprises privées dans cette voie par des mécanismes de
fiscalité visant à la fois l'entreprise et ses chercheurs, car
qui dit technologie dit chercheurs. Il faut accentuer l'incitation à la
recherche et au développement chez la relève. Il faut que les
nouveaux liens créés entre les gouvernements, l'industrie et
l'université s'appliquent non seulement à la réalisation
de projets conjoints, mais aussi à l'ouverture rapide de
débouchés intéressants pour les futurs
diplômés.
Pour en revenir aux procédés, on ne peut nier les
avantages déterminants de l'électricité vis-à-vis
les énergies concurrentes dans de nombreuses industries. Énergie
de haute valeur ajoutée, facile d'emploi et requérant peu
d'entretien, l'électricité permet de simplifier les
procédés de fabrication et d'assurer une meilleure qualité
des produits, en les rendant plus concurrentiels sur leur marché.
Qui plus est, les industries dites énergivores
représentent un apport économique important pour la province,
soit dans le secteur manufacturier, près de la moitié du capital
investi, quelque 3 000 000 000 $ par an, et un emploi sur six dans le
même secteur, le secteur manufacturier, sans compter le volume
élevé des exportations de ces industries qui aident à
notre balance commerciale.
Il y en aura pour prétendre que les produits des alumineries, des
raffineries de magnésium ou des industries électrochimiques ne
sont que des formes déguisées d'exportation d'énergie et
qu'il faudrait développer, au Québec, des industries avec des
produits plus finis, plus sophistiqués et avec plus de grande valeur
ajoutée. C'est une noble intention, mais, pour cela, il faudrait
être plus près des marchés. La production des cannet-tes en
aluminium, qui représente maintenant près du quart de la
consommation de ce métal, ne peut se faire que près des grands
centres de consommation et de récupération. (15 h 15)
On a beau dire que le libre-échange peut aider à
élargir notre marché, dans certains domaines, la proximité
des consommateurs fait foi de tout. Le libre-échange nous aidera dans
les produits dont la matière première ou la technologie, en
propriété exclusive, est Cintrant principal, comme dans le
meuble, l'électronique, les appareils de
télécommunication, par exemple. Mais dans les produits où
le recyclage et la réutilisation comptent pour beaucoup, comme les
cannettes d'aluminium, dont nous parlions tantôt, ou le papier
recyclé, la proximité des consommateurs sera encore
l'élément déterminant dans la localisation de
l'industrie.
Avec le temps, on pourra trouver d'autres utilisations aux produits
provenant des usines électrochimiques, et le fait d'avoir ces usines
chez nous entraînera, par le fait même, la localisation de ces
usines de transformation. Entre-temps, ces usines, qu'on dit
énergivores, auront quand même contribué à la
création d'emplois, peut-être pas assez nombreux au gré de
certains, mais au moins nécessitant des ouvriers qualifiés et
bien rémunérés. Elles entraîneront, de plus, une
industrie de service et de support pour la construction, entretien et
modification, et, en général, des entrées d'exportations
intéressantes.
Dans ce contexte, il appert erroné de s'opposer à une
augmentation de l'usage de l'énergie électrique quand on sait que
cette augmentation sert principalement à développer les secteurs
manufacturier et industriel. Il est bien entendu qu'au Québec, lorsqu'on
parle d'électro-chimie, le premier exemple qui vient à l'esprit
est celui des alumineries, qui dépendent essentiellement de
l'électrolyse. Elles sont une des forces du Québec industriel.
Outre les alumineries de La Baie et de Bécancour, réputées
les plus grandes et les plus modernes du monde, nous participons
présentement à la construction de deux nouveaux complexes
aluminiers: Alouette et Alumax, deux mégaprojets qui attirent au
Québec des investissements substantiels. Rappelons que les alumineries
de La Baie et de Bécancour furent les premières alumineries
informatisées et automatisées au Québec et aussi celles
qui, du côté économie de l'énergie et protection de
l'environnement, furent les plus étudiées et les mieux
équipées.
En plus de la nouvelle raffinerie de magnésium récemment
inaugurée par Norsk Hydro à Bécancour, et bien qu'encore
au stade de prototype, le projet MAGNOLA représente, pour sa part, une
nouvelle industrie électrochimique en puissance dans ce secteur.
Poursuivi de concert par Lavalin et Noranda, il récupérera, par
un procédé à l'électrolyse, le magnésium
contenu dans les terrils de minerai d'amiante de la région de Black
Lake, au Québec. Outre la récupération d'une
matière première, à même des montagnes de rejets
d'amiante accumulés, cette technologie nouvelle nous permettra de nous
hausser au premier rang des producteurs de magnésium au monde.
Dans une perspective d'avenir, il existe encore de nombreux autres
horizons, d'autres secteurs susceptibles de tirer profit de nos surplus
d'électricité. L'industrie du transport devrait, chez nous, miser
davantage sur cette ressource. Les technologies électromotrices sont
d'autant plus valables qu'elles s'appliquent au
transport en commun, où d'énormes Investissements devront
être consentis dans les années à venir et où la
préoccupation environnementale est devenue prédominante.
Pensons, de plus, et avec une autre technologie, au fameux corridor
Québec-Montréal-Mira-bel-Ottawa-Toronto-Windsor, qui pourrait
être alimenté à l'électricité à partir
d'un système silencieux, rapide et fort sécuritaire.
La technologie nous permet aussi de développer d'autres types
d'industries électroénergétiques ou
biénergétiques, opérant à une échelle plus
réduite. Il y a ainsi place pour l'innovation dans le domaine de
l'agro-alimen-taire. Avec un climat aussi rigoureux que le nôtre, le
coût de l'énergie affecté à l'éclairage et au
chauffage des locaux constitue parfois le facteur décisif dans le rejet
d'un projet de serres ou d'autres installations de production en environnement
contrôlé.
Il est sûr qu'il est aussi important d'envisager l'encouragement
d'industries de production primaire ou de transformation, servant à
réduire les importations, que celles qui visent le marché des
exportations. La production de légumes, fruits ou fleurs en serres est
de celles-là. Malgré les apparences, il est très difficile
de développer une technologie efficace dans ce domaine; certaines
expériences récentes l'ont clairement démontré.
Donc, il ne faudrait pas rendre les choses plus difficiles aux producteurs
ayant maîtrisé leur technologie en leur augmentant leur tarif
énergétique, qui compte pour une large proportion dans leur
coût de production.
La nécessité des exportations temporaires: Qu'il s'agisse
de perfectionner le réseau ou d'explorer de nouvelles
électrotechnologies, tous ces efforts de développement
nécessitent d'importants investissements. Comment ces objectifs sont-ils
conciliables avec celui de fournir l'électricité au Québec
aux meilleures conditions? Hydro-Québec doit voir à
évaluer de façon réaliste et concrète la demande
d'énergie électrique et autre au Québec, à court et
à long terme, afin d'élaborer un programme de
développement et d'équipement optimal, flexible et
économique. Ce plan tiendra compte, d'une part, des besoins
réels, actuels et à venir de ses clients québécois
et, d'autre part, des possibilités de vente à l'exportation
à sa juste valeur sur ces marchés. Dès que l'on sort du
Québec, l'électricité double de valeur, du point de vue de
son coût de remplacement.
L'optimisation du programme d'équipement a permis, lors de la
réalisation du complexe La Grande, phase I, de privilégier la
construction de centrales de production d'énergie de base plutôt
que d'énergie de pointe, à un prix sensiblement
équivalent. Ceci a dégagé des surplus temporaires, hors
des périodes de pointe, qui ont été vendus à
l'interne et à l'exportation, et ont "généré" des
revenus de plusieurs milliards de dollars. Cet avantage temporaire est
maintenant disparu.
Pour l'avenir immédiat, nous croyons que le devancement des
centrales de production qui seront nécessaires pour nos propres besoins
après l'an 2000 peut produire une répétition
améliorée des avantages économiques considérables
du scénario précédent en vendant, cette fois, à
moyen terme, à l'exportation non seulement l'énergie hors pointe
mais aussi l'énergie de base.
Cette politique aiderait grandement HydroQuébec à
financer, et de façon très favorable, ses nouveaux
équipements et à les avoir à bon compte pour la
collectivité québécoise, quand sa production en sera
requise dans le futur. Cela nous permettra de développer graduellement
une industrie utilisant l'électricité comme énergie de
base. Là-dessus, en fait, il est toujours préférable
d'être un peu à l'avance sur la demande que d'être en
arrière sur cette demande. L'exemple de la Chine est patent.
Là-bas, les industries, à cause de la non-capacité de leur
fournir de l'électricité, ne peuvent produire que de trois
à quatre jours par semaine, et ça crée un problème
énorme dans leur production industrielle.
Hydro-Québec doit continuer de développer son
réseau si nous voulons vraiment utiliser l'énergie comme levier
de développement économique. En résumé, nous
croyons qu'Hydro-Québec peut devancer un à un plusieurs projets
encore sur sa table à dessin et récupérer successivement
les exportations d'énergie au fur et à mesure de la croissance de
la demande interne.
Ces exportations temporaires constituent à la fois une
opportunité et un défi; opportunité non seulement comme
facteur de sécurité supplémentaire en permettant de
renforcer le réseau, mais surtout comme outil privilégié
de développement industriel à moyen terme.
L'industrie de l'ingénierie et de la gérance de projets
est devenue forte au Québec, en grande partie à cause de
l'énergie électrique. De l'aménagement des chutes de la
Shawinigan au début du siècle jusqu'au mégaprojet de la
Baie James en passant par La Gabelle, Carillon, Beauharnois et autres
aménagements, il s'agit des plus grands chantiers que la province ait
jamais connus. Des firmes comme SNC, Shawinigan, RSW, Tecsult, Monenco et
Lavalin ont ainsi développé leur savoir-faire à tous les
niveaux.
A l'heure actuelle, Lavalin est présente dans une soixantaine de
pays. Au cours des dernières années, elle a mis à profit
son expertise en hydroélectricité dans 15 d'entre eux: Antilles,
Argentine, Bolivie, Cameroun, Comores, États-Unis, Malaysia,
Népal, Nicaragua, le Niger, Panama, Pérou, Philippines,
République populaire de Chine et le Venezuela. Notre groupe oeuvre aussi
régulièrement en production, transport, distribution et
conservation d'énergie électrique dans presque toutes les
provinces canadiennes.
Les revenus d'exportation de notre savoir-faire ont
représenté jusqu'à plus de 50 % de
notre chiffre d'affaires et, certaines années, les travaux en
hydroélectricité s'appropriaient le plus fort pourcentage de nos
révenus au Canada et à l'étranger.
A ce jour, notre filiale Shawinigan Lavalin possède à son
palmarès quelque 100 000 mégawatts de puissance électrique
installée, 50 000 kilomètres de ligne de transport et quelque
1000 postes de transformation répartis au Québec, au Canada et
dans le reste du monde; 100 000 mégawatts installés, c'est trois
fois ce qui est instaHé ici au Québec. Les ingénieurs et
autres experts québécois sont associés, depuis plusieurs
années, à de multiples projets de systèmes d'extraction,
de production, de transport d'énergie au Québec, au Canada et
dans le reste du monde. Ils ont touché toutes les formes
d'énergie: électricité, pétrole et gaz,
énergie thermique, nucléaire, éolienne, solaire et
marémotrice. Ils ont développé, au cours des années
et dans la réalisation de ces travaux, des compétences
indéniables qui sont aujourd'hui mondialement reconnues. Nous croyons
que notre technologie dans ces domaines constitue une force économique
incontestable pour l'industrie québécoise de l'ingénierie
et de la gérance de projet. Elle doit demeurer une
spécialité qui nous donne une longueur d'avance confirmée
sur d'autres, comme l'instrumentation de précision qui
caractérise la Suisse et les aciers spécialisés de la
Suède.
Citons, à titre d'exemple, des études exhaustives de
faisabilité du mégaprojet d'aménagement
hydroélectrique du site des Trois-Gorges en République populaire
de Chine, ralliant le savoir-faire d'Hydro-Québec, de Lavalin, de SNC et
des meilleurs éléments scientifiques et techniques de la
province. De la même façon, nous avons signé l'an dernier
une entente avec l'URSS nous donnant accès à la technologie des
réseaux à ultra haute tension de 1150 kV. C'est une technologie
de pointe unique au monde que nos ingénieurs sont les seuls à
pouvoir commercialiser en Amérique et qu'ils pourront perfectionner. Il
importe donc qu'Hydro-Québec continue d'utiliser les firmes
d'ingénierie québécoises. Elle doit privilégier le
secteur privé dans la réalisation de ses projets et ouvrir ses
portes à une collaboration plus significative, en particulier dans le
domaine de la planification des études de réseau et
d'avant-projet. Si l'industrie de l'ingénierie et de la gérance
de construction s'est développée au Québec plus que
partout ailleurs au Canada, que les grandes firmes québécoises
sont représentées à l'étranger et cela, non
seulement dans les domaines hydroélectriques mais aussi dans une
multitude d'autres domaines, Hydro-Québec et le gouvernement
québécois y sont pour beaucoup; il ne faudrait pas que cette
politique de faire-faire qui a rendu cette situation possible soit maintenant
abandonnée.
Le Président (M. Bélanger): M. Lamarre, je suis
dans l'obligation de vous interrompre. Les vingt minutes sont
écoulées, malheureusement. Est-ce qu'il vous restait beaucoup
de...
M. Lamarre: Ça va.
Le Président (M. Bélanger): Ça va aller.
Alors, je vous remercie beaucoup de votre coopération. Mme la
ministre.
Mme Bacon: M. Lamarre, nous avons quand même pris
connaissance de votre mémoire. Je pense qu'il faut en souligner la
très grande qualité. Votre mémoire a pour titre
"Énergie électrique: nouveaux horizons". Je pense que c'est
justement cette recherche, une recherche collective de nouveaux horizons pour
l'énergie électrique québécoise, que la commission
parlementaire a entrepris, depuis maintenant deux semaines, ses travaux. Comme
vous le savez, des hypothèses de base fondamentales sous-tendent
l'ensemble de l'architecture du plan de développement
d'Hydro-Québec, et je fais référence, bien sûr, aux
prévisions de la demande d'électricité. Tout au long des
deux dernières semaines, de nombreux intervenants sont venus devant
cette commission questionner les prévisions d'Hydro-Québec.
Certains les trouvent surévaluées tandis que d'autres,
sous-estimées. Moi, j'aimerais que vous nous fassiez part de votre point
de vue sur cet aspect qui est vraiment un aspect important du débat
actuel.
M. Lamarre: Je demanderais à M. Couture de répondre
à cette question-là, Mme la ministre.
M. Couture (Armand): Mme la ministre, la demande à
Hydro-Québec, où les besoins d'énergie doivent distinguer
la demande en puissance de la demande en énergie, ce qui n'est pas,
normalement, très bien compris... Alors, lorsqu'on parle de la
période des années quatre-vingt, on avait au Québec une
puissance qui répondait à nos besoins pendant l'hiver et on avait
de l'énergie de plus pendant l'été, ce qui a permis
d'aller chercher des retombées économiques énormes, de
plusieurs milliards de dollars, en optimisant le programme d'équipement.
Le programme d'équipement avait été basé sur la
demande de puissance qui était requise au Québec. En regardant
comment on pouvait rencontrer cette demande, on avait fait de l'énergie
de base plutôt que de faire beaucoup d'énergie de pointe, ce qui
permettait de dégager les surplus à des coûts très
bas. Aujourd'hui, on regarde la même chose et on s'aperçoit que,
pour les années à venir, on espère pouvoir avoir la
demande balancée entre la puissance et l'énergie. Alors, ce qui
est proposé dans le programme d'Hydro-Québec de 1990-1992, c'est
d'aller devancer certains projets pour être un peu en avant de la demande
du Québec et. d'utiliser l'énergie et la puissance pour aller
chercher des revenus à l'étranger. Ceci, au point de vue
économique, a un très grand mérite pour la
province, parce que ça réalise les mêmes projets un peu
plus tôt. Ça permet d'aller chercher des revenus à
l'étranger qui paient une très grande partie de ces
projets-là et ça permet, à long terme, à la
population québécoise d'avoir des taux
d'électricité plus bas. Alors, nous croyons qu'il y a
d'énormes avantages de regarder la demande, d'être toujours un peu
en avant de cette demande-là, parce que si on était en
arrière de la demande, comme ça s'est présenté
à la pointe l'hiver dernier, ça coûte très cher.
Alors, il faut toujours planifier pour avoir un pas en avant de la demande. Je
pense que les prévisions d'Hydro-Québec sont, en
général, très précises et je pense qu'il faudrait
préconiser qu'on ait toujours une certaine marge de manoeuvre qui fait
quelques surplus temporaires, qui sont économiquement avantageux.
Mme Bacon: Ça veut dire que vous ne trouvez pas qu'on est
en avant de la demande par rapport à la proposition
d'Hydro-Québec.
M. Couture: C'est-à-dire que les années
quatre-vingt...
Mme Bacon: Si je vous ai bien compris.
M. Couture: ...on était un pas en avant en énergie
alors qu'on était précis au point de vue de la puissance; cette
annéef on est serrés partout. Et dans les
années à venir, ce qui est prévu, c'est qu'on soit un pas
en avant pour être capables de faire des exportations par du
devancement.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous soulignez que
l'hydroélectricité constitue une source d'énergie fiable
abondante. Mais vous faites quand même preuve d'une certaine prudence
quand vous évoquez que nul ne peut présager de l'avenir et que,
dans ce contexte, il est important de continuer à étudier la
validité des scénarios combinant d'autres formes
d'énergie.
Vous préconisez une certaine harmonisation entre
l'électricité et le gaz naturel. Vous allez même
jusqu'à suggérer qu'Hydro-Québec détienne une
participation dans le gaz naturel pour coordonner la distribution de ces deux
formes d'énergie. J'aimerais ça que vous approfondissiez cette
idée-là en nous soulignant peut-être aussi des avantages,
parce que vous devez sûrement y voir des avantages, qui pourraient
être, en même temps, des avantages pour le consommateur. (15 h
30)
M. Lamarre: En fait, pendant les années quatre-vingt, il y
avait une compétition, à mon sens, là, un peu trop vive
entre Hydro-Québec et le gaz naturel. Les deux, admettons - moi,
j'étais quand même à certains endroits, comme à
l'hôpital Royal Victoria - puis, pour l'hôpital, c'était un
avantage considérable de se faire offrir, par les deux
sociétés, tout un tas de crédits et de subsides pour
changer, mettons, nos chaudières à gaz ou les amener à
l'électricité ou au gaz, mais, moi, je pense qu'il devrait y
avoir, entre Hydro-Québec et le gaz naturel, une concertation pour la
commercialisation de leurs produits, pour que ça ne se fasse par sur le
dos, supposons, des consommateurs, mais qu'ils puissent, de temps en temps, au
point de vue de la distribution de leur énergie, y faire des
économies. En fait, il y a ça qui existe en France, entre Gaz de
France et Électricité de France, cette concertation au point de
vue de la commercialisation, et puis je pense que ça a apporté de
bons résultats; ici, au Québec, on devrait aussi y regarder de
très près. Il y a des exemples qu'on peut donner
là-dessus, mais peut-être que ce serait trop long de les
présenter ici aujourd'hui En fait, il est certain que si
HydroQuébec et Gaz Métropolitain pouvaient se concerter sans
qu'ils soient accusés de faire du "price fixing" ou des choses comme
ça, là, il y aurait des avantages pour le consommateur
québécois et aussi des avantages d'économie au point de
vue non pas de l'investissement dans l'équipement de production
énergétique d'Hydro Québec, mais dans les
équipements de distribution et pour le consommateur.
Mme Bacon: II y a quelques jours, devant la commission, ce qu'on
appelle le centre de gestion des grands projets a évoqué une
possible pénurie de main-d'oeuvre des travailleurs
spécialisés en ingénierie et en gérance de
chantier, lors de la construction de grands complexes hydroélectriques.
J'aimerais ça savoir si vous partagez ces appréhensions et, si
oui, quelles devraient être les mesures à prendre de la part
d'Hydro-Québec ou d'autres intervenants pour anticiper ou solutionner ce
problème? Parce qu'on nous disait: Si on met tous les chantiers en
marche en même temps, il va y avoir véritablement pénurie
de main-d'oeuvre.
M. Lamarre: Peut-être. En fait, c'est vrai que la
main-d'oeuvre, dans l'industrie de la construction, vieillit, vieillit
beaucoup, et puis qu'elle n'a pas été replacée ou
remplacée avec le temps. On s'est rendu compte de ça, nous,
dernièrement, dans les grandes constructions, à Montréal,
où on s'est aperçu que, en fait, faute de... Il y a eu une
baisse, mettons, dans les chantiers à un moment donné, et puis,
en fait, les gens se sont désintéressés de l'industrie de
la construction. Quand on a voulu repartir ces chantiers-là, en fait il
manquait de main-d'oeuvre qualifiée. Alors, sur ça, je pense que
ce serait au ministère du Travail de regarder ça et puis aussi,
si Hydro-Québec était capable de faire une meilleure
planification de ses travaux et d'avoir des investissements plus
réguliers, qu'il y ait... Encore là, mettons, avec le gaz
naturel, des investissements plus réguliers pour que, éven-
tuellement, on soit capables de faire une planification qui nous
permette de ne pas manquer de main-d'oeuvre.
Mais, vous avez parfaitement raison, il y a eu des problèmes pas
parce que, à mon sens, il n'y a pas assez de main-d'oeuvre, qu'il
faudrait en former; il y en a assez au Québec, même de
main-d'oeuvre de gérance et tout ça, mais il y a eu des creux
dans les investissements des quatre ou cinq dernières années, et
même un petit peu avant, ce qui a découragé les gens
à s'en aller et à se former dans le domaine de l'industrie de la
construction. Il y avait, à un moment donné, je pense, 5 % ou 6 %
d'ingénieurs de trop, ici, dans le Québec, et maintenant on en
manque. En fait, là, pour nous, le recrutement des ingénieurs
devient très difficile. Il y a une chose que vous pourriez faire, Mme la
ministre, là-dedans, c'est de convaincre vos consoeurs aussi d'aller
dans le domaine de l'ingénierie, hein. Ça, ce serait bien
important, parce qu'il manque, actuellement, d'ingénieurs et puis c'est
un problème qui peut nous causer des troubles, surtout à
l'exportation, maintenant.
Mme Bacon: Un des sujets aussi qui étaient discutés
devant cette commission touche les études d'impact sur l'environnement.
Ce matin, il y avait un intervenant qui s'objectait fortement à la
préparation des études d'impact par les promoteurs. Il nous
disait même que "c'est demander au renard de faire une étude sur
la chasse aux poules". Je l'ai cité là. Dans votre
mémoire, vous insistez sur l'importance de laisser au promoteur
l'initiative de préparer les études environnementales et vous
dites même qu'il est illogique de demander à des organismes
indépendants de préparer de telles études. Est-ce qu'il y
a des raisons fondamentales qui motivent cette position?
M. Lamarre: Je vais demander à M. Couture de
répondre à ça.
M. Couture: C'est extrêmement difficile de demander
à quelqu'un d'autre que le promoteur de définir son projet. C'est
un non-sens, à notre avis, de demander à quelqu'un d'aller
définir un projet industriel qui serait une aluminerie si ce n'est pas
le propriétaire ou le promoteur de cette aluminerie-là. C'est
sûr que les études d'impact doivent être des études
qui sont rigoureuses au point de vue scientifique et qui doivent nous donner
l'heure juste. Le critère, c'est de les faire évaluer dans un
système qui permet une revue des études d'impact. Mais si on
demandait à quelqu'un d'autre que le promoteur de faire les
études, vous auriez la moitié des projets qui
disparaîtraient, parce qu'un promoteur ne peut pas confier à
quelqu'un qui ne connaît pas cette technologie ou qui n'a pas ces
connaissances de définir son projet. Alors on dit: C'est le promoteur
qui a la responsabilité, comme c'est d'ailleurs la règle d'art
dans le domaine. Je pense que lorsqu'on prétend faire faire ça
par d'autres, on s'illusionne. Ce qu'on ne comprend pas peut-être, c'est
que c'est l'évaluation qui doit être faite par d'autres, par le
BAPE ou par les comités d'évaluation qui sont
créés par les différents régimes d'environnement.
Il y a un régime au fédéral, qui s'appelle le FEARO, il y
a le régime qui s'applique dans la région nordique du
Québec, qui sont des comités d'évaluation qui
établissent les règles que doivent rencontrer les études
d'impact, mais c'est le promoteur qui doit nécessairement le faire,
parce que c'est lui qui a la connaissance voulue pour définir son
projet, établir les technologies qui vont réduire les impacts
négatifs, autant que possible s'assurer que les impacts positifs sont
les plus grands possible, et c'est l'évaluation par après qui
doit être faite par un organisme indépendant.
Mme Bacon: Juste une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Bacon: Vous suggérez dans votre mémoire que...
Concernant la mission d'Hydro-Québec, ça consiste à
fournir l'énergie électrique nécessaire aux
Québécois à meilleur prix tout en ayant un rendement
interne satisfaisant et non en fonction de maximiser ses propres profits.
Le Président (M. Bélanger): Excusez, on va
vérifier si c'est un vote.
Une voix: Oui, c'est un vote.
Mme Bacon: C'est un vote à 16 heures.
Une voix: Oui, c'est ça. Il y a un vote sur la motion
de...
Mme Bacon: L'Opposition doit savoir ça. Le
Président (M. Bélanger): Excusez-nous. Mme Bacon: Je
reviens avec ma question.
Le Président (M. Bélanger): Alors, c'est pour le
vote. Donc, nous devons suspendre nos travaux. Je ne peux pas vous dire pour
combien de temps, mais, s'il vous plaît, je vous demanderais de rester
dans les environs, nous allons revenir aussitôt que possible.
(Suspension de la séance à 15 h 39) (Reprise à 15 h
54)
Le Président (M. Bélanger): La commission reprend
ses travaux. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le président, je disais
tantôt, en regard de la mission d'Hydro-Québec, vous
suggérez qu'elle consiste à fournir l'énergie
électrique nécessaire aux Québécois au meilleur
prix, tout en ayant un rendement interne satisfaisant et non en fonction de
maximiser ses propres profits. Il s'agit, selon vous, d'après votre
mémoire, d'une nuance importante qui met en relief le rôle moteur
d'Hydro-Québec dans notre développement économique. Vous
conviendrez sûrement que la détermination d'un taux de rendement
interne satisfaisant est un sujet plutôt délicat. Mais j'ai quand
même envie de vous demander quel serait, selon vous, le niveau
souhaitable d'un tel rendement, tout en sachant que le coût moyen de la
dette d'Hydro-Québec est estimé à 11,4 %, en 1990?
M. Lamarre: Quand on regarde, pour l'entreprise privée, un
taux de rendement normal, à l'heure actuelle, on parle entre 15 % et 20
% et puis, en fait, je pense que, si Hydro-Québec était une
société privée, avec seulement ses propres actionnaires
à satisfaire, il faudrait, admettons, qu'elle puisse miser sur des taux
de rendement équivalents. Mais je pense que, si Hydro-Québec est
capable d'avoir un taux de rendement interne équivalant à
l'inflation plus un certain pourcentage, qui peut varier actuellement, le
pourcentage par-dessus l'inflation qui correspond au taux
préférentiel, à mon sens, est absolument
exagéré, on a 10 % de plus - je pense que ce n'est pas ça
- mais qui aurait plutôt un pourcentage de 5 % au-dessus de l'inflation,
à mon sens, ce serait un taux de rendement qui serait satisfaisant pour
HydroQuébec.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député de Saint-Maurice.
M. Lemire: Vous semblez, globalement, en accord avec les grandes
orientations du plan de développement d'Hydro-Québec. Cependant,
certains intervenants qui sont passés devant nous semblent douter de la
capacité financière et technique d'Hydro-Québec à
réaliser ce plan. Est-ce que vous partagez cet avis?
M. Lamarre: Pas du tout. En fait, je pense qu'Hydro-Québec
a les capacités financières, les capacités techniques, les
capacités de management pour être capable de mener à bien
son plan de développement, sans problème. En fait, moi, je pense
qu'Hydro-Québec, c'est à peu près une des meilleures
"utilités publiques" au monde. Là-dessus, on leur reproche
peut-être... Elle a eu, dernièrement, certains déboires,
mais je pense que, fondamentalement, c'est une organisation très forte,
et puis, il y a seulement, peut-être, un peu à faire des
ajustements. Pour moi, il n'y a aucun problème; Hydro-Québec est
capable de rendre son programme à bon terme. M. Lemire: Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: Tout d'abord, je pense que tout le monde sait que
votre groupe a acheté, il y a quelques années, les
éotiennes, ou une éolienne, aux Îles-de-la-Madeleine.
Beaucoup de gens nous ont parié de nouvelles formes de production
d'énergie électrique, au Québec, depuis le début de
la commission parlementaire. Vous qui avez regardé ça avec votre
groupe, quels sont les créneaux les plus prometteurs
qu'Hydro-Québec ou des groupes comme le vôtre devraient regarder
dans la prochaine décennie?
M. Lamarre: En fait, l'éolienne, ça, pour le
moment, on avait regardé ça. D'abord, ce n'est pas aux
Îles-de-la-Madeleine, c'était à Cap-Chat, mais pour nous,
l'éolienne et ces choses-là, ce sont plutôt des
énergies d'appoint. Au Québec, il n'y a pas l'ombre d'un doute
que l'hydroélectricité doit compter pour encore assez longtemps,
pour au moins 20, 25, 30 ans. Ensuite, est-ce que ce sera le nucléaire?
Je pense que peut-être que oui, ou, admettons, la fusion avec
l'énergie à l'hydrogène, mais c'est à peu
près dans ces créneaux-là qu'il faudrait regarder. Je
pense que, pour nous, quand on regarde les éoliennes, on pense à
ça en fonction de combiner le diesel avec l'éolienne, et
l'éolienne qui ferait économiser du carburant, et ça,
admettons, c'est pour des endroits où la population est peu dense et
pour des endroits très éloignés. En ce qui concerne les
vrais projets énergétiques, moi, je pense qu'une fois que
l'électricité par l'hydraulique, on aura épuisé ces
possibilités-là, eh bien! il y aura le nucléaire. Puis le
nucléaire, à mon sens, encore là, c'est une forme
très, très propre d'énergie quand on le fait comme il
faut.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Je vais peut-être demander à M.
Lamarre... De par ses activités, Lavalin est aussi impliquée dans
le domaine de l'environnement et il y a de nombreux intervenants qui sont venus
nous dire, à cette commission, que les efforts, les programmes de
protection de l'environnement entrepris par Hydro-Québec, tels qu'ils
apparaissent dans le plan de développement, sont vraiment
inadéquats. C'est ce qu'on a entendu, ici, à cette
commission.
Alors, considérant votre implication dans le domaine de
l'environnement, sur les plans national et international, j'aimerais avoir
votre point de vue sur les activités environnementales
d'Hydro-Québec.
M. Lamarre: Je vais juste reprendre un point de tantôt et
je vais laisser M. Couture répondre à votre question, Mme la
ministre. Il y a un point aussi; que ce soit le promoteur qui fasse les
études d'environnement, c'est absolument essentiel pour conserver
l'unité de responsabilité. Ça, c'est un point que je
voulais appuyer, avec lequel je voudrais un peu compléter la
réponse de M. Couture, parce que, si l'étude de l'environnement
est faite par quelqu'un d'autre et qu'il y a quelque chose qui se passe, ce
sera toujours la faute de l'un ou de l'autre. Tandis que, si on a une
unité de responsabilité, il faut absolument que ce soit celui qui
est le promoteur de l'ouvrage qui soit responsable de son étude de
l'environnement. Ça ne veut pas dire, ça, qu'on ne devrait pas
prévoir, dans les projets, le financement de certaines organisations
indépendantes qui viendraient critiquer ces rapports d'environnement
là. Ce n'est pas ce qu'on dit. Il faut absolument qu'ils soient
critiqués, parce que, si ce n'est pas critiqué, il va arriver la
même chose qui est arrivée en Allemagne de l'Est ou dans ces
pays-là, où l'autorité est tellement forte que ça
brime tout le monde. Il n'est pas question de brimer personne. En fait, dire
que le promoteur fasse son étude d'environnement, c'est une question de
responsabilité, d'unité de responsabilité. Maintenant, il
faudrait financer, je suis sûr, de façon adéquate, les
organismes qui viennent critiquer ces choses-là. Ça, on est
parfaitement d'accord. Mais, en fait, je pense qu'on déborde quand on
dit que ça doit être ces organismes-là qui doivent faire
les études de l'environnement. Ça, ce n'est pas correct.
Maintenant, pour répondre à votre question, je vais demander
à M. Couture de le faire. (16 heures)
M. Couture: Je crois qu'on a développé, au
Québec, une grande expertise en études d'impact. Les techniques
se sont développées au cours des années soixante-dix pour
que ce soit attaqué de façon scientifique, que ce soit des
études rigoureuses, et il y a beaucoup de scientistes, de personnels,
dans le secteur de l'environnement, qui se sont développés depuis
les années soixante-dix. Je pense que, quand on se compare au reste du
monde, on peut dire que nos études d'impact sont normalement reconnues
comme excellentes. Si on prend les grands projets industriels, nous, on
prépare une quantité considérable d'études d'impact
pour les projets industriels et on n'a jamais eu de problème sur la
qualité des études qui ont été faites. Si je
regarde Hydro-Québec, CBJ et le secteur privé, qui aide
Hydro-Québec et la CBJ à préparer des études
d'impact, ces études-là sont, en général,
très scientifiques. On les critique, c'est bien sûr, mais on les
critique souvent sans les avoir bien lues. Je regarde dans les audiences de
l'Office national de l'énergie; on a remarqué, à un moment
donné, que les plus grands critiques n'avaient lu que quelques-uns des
rapports qui avaient été préparés. Alors, il faut
bien penser qu'on utilise des études d'environnement comme souvent un
moyen de faire de l'opposition. Alors, dans le fond de la question, c'est qu'on
a l'expertise, je pense, au Québec, pour faire des études
d'impact qui sont adéquates. On a aussi l'expertise pour les
évaluer, c'est-à-dire les comités d'évaluation, les
audiences publiques ou tout ce qui va avec ça, on a l'expertise des
critiques, on a des critiques superbes.
M. Lamarre: Juste un dernier point...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Lamarre: Quand on se regarde - M. Johnson disait ça -
on se désole et, quand on se compare, on se console. En fait, nous,
quand on regarde ce qu'on fait à l'extérieur du Québec
dans le monde, on ne nous demande jamais autant d'études d'environnement
qu'on nous demande d'en faire ici au Québec. Je ne dis pas que ce qui se
fait ailleurs dans le monde n'est pas satisfaisant, mais, par rapport à
ce qui se fait ici au Québec, avec toutes les études qu'on fait,
tous les projets industriels qu'on fait, on ne nous demande jamais d'aller
aussi loin que ce qu'on nous demande de faire ici au Québec, soit dans
le domaine des alumineries, soit dans le domaine de
l'hydroélectricité, ces choses-là.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. M. Lamarre, M.
Couture, bonjour. Merci d'être présents à cette commission
pour faire valoir votre point de vue. Je vais continuer dans la même
veine dans laquelle on était parce que vous avez fait mention de groupes
qui pourraient faire une revérification des études d'impact
faites par Hydro-Québec. Selon votre façon de voir les choses,
qui devrait financer ces groupes? Est-ce que c'est Hydro-Québec? Est-ce
que c'est le gouvernement? Est-ce que c'est par une autre formule? Qui
pourraient être ces gens? Est-ce que ce sont des universitaires? Est-ce
que ce sont des groupes écologiques? Comment voyez-vous cette
partie-là? Parce que vous avez fait une ouverture à une
possibilité de revérification des travaux. Parce que, quand on
regarde au ministère des Transports, lorsqu'on fait une route, le
ministère des Transports, à son service d'environnement, fait
l'étude d'impact et, après, c'est revérifié par le
ministère de l'Environnement lui-même. Finalement, à un
moment donné, les gens deviennent tellement mêlés qu'on se
demande à quel chat appartient la chatte qui est devant nous. Je vous
pose la question. Comment voyez-vous ça, vous?
M. Lamarre: En fait, je pense qu'idéalement
il faudrait que, dans chaque projet, il y ait un certain pourcentage qui
soit prévu pour financer des organismes, des gens, qui viendraient
critiquer le projet. Je ne dis pas que ce doit être 1 % comme dans le
domaine culturel, Mme la ministre, mais il s'agirait sûrement de trouver
un pourcentage de la valeur totale du projet, qui pourrait être mis de
côté et peut-être servir au ministère de
l'Environnement. Parce qu'il ne faudrait pas que ce soit le promoteur qui soit
celui qui choisisse ceux qui vont venir le critiquer, mais que ce soit mis
à la disposition du ministère de l'Environnement pour qu'il
puisse être capable de financer les organismes indépendants qui
veulent venir critiquer ces projets-là. Maintenant, quel est le montant,
quels sont les pourcentages, et tout ça, il faudrait s'y arrêter
et l'étudier, mais je pense qu'en principe ce serait quelque chose qu'il
faudrait regarder.
M. Jolivet: Vous faites mention dans votre mémoire et dans
votre exposé - et, ensuite, à une réponse du
député de Saint-Maurice - que vous appuyez le devancement des
travaux, en fait, dans le fond, d'Hydro-Québec, puisque vous allez dans
le plan d'Hydro-Québec. Il y a certains groupes qui sont venus devant la
commission, d'autres vont venir d'ici la fin, qui ont mis en doute la
capacité, pour Hydro-Québec et pour le ministère de
l'Environnement, de pouvoir réaliser toutes les études d'impact
et, ensuite, de les évaluer dans un laps de temps qui est très
court. J'aimerais savoir, de votre part à vous autres, si ceux qui
disent qu'Hydro-Québec et le ministère de l'Environnement, dans
le court laps de temps qui est devant eux, n'auront pas la capacité de
faire les études d'impact convenables... J'aimerais savoir de votre
part, s'il est possible de bien mesurer, à ce moment-là, dans ce
laps de temps, les impacts environnementaux, tout en développant
rapidement, comme on pouvait le prévoir dans le plan
d'Hydro-Québec, le potentiel hydroélectrique.
M. Lamarre: Je demanderai à M. Couture de répondre
à ces questions-là.
M. Couture: Je crois que les études d'impact servent
souvent comme plate-forme d'opposition. Si on regarde les projets qu'on
envisage dans l'avenir immédiat, comme le projet de Grande Baleine, par
exemple, les études d'impact ont commencé au-delà de dix
ans passés. Il y a cinq ans passés, déjà, ces
études d'impact étaient d'une qualité suffisante pour
aller à la critique, mais, comme le projet n'était pas opportun
à ce moment-là, les études d'impact n'ont pas
été déposées. Aujourd'hui, on a fait cinq ans
d'études additionnelles et on pourrait sans doute prendre un autre cinq
ans pour faire des études additionnelles, mais il suffit de savoir
à quel moment ça devient suffisant.
Et on parle de la période pour les évaluer.
Bien, la période pour les évaluer doit être
raisonnable, bien entendu, mais il ne faut pas retarder le déclenchement
de cette revue-là. Si on retarde le déclenchement pendant six
mois ou un an, comme c'est le cas présentement, bien ça va
certainement restreindre la période d'analyse des études
d'impact. Alors, je pense qu'il faut avoir une procédure plus
rigoureuse, des procédures qui permettent une évaluation, qui
permettent la préparation des études, qui permettent leur
évaluation, de sorte qu'on ne se serve pas de cet argument-là,
qui est un faux argument dans le fond, pour critiquer la validité d'un
projet.
M. Lamarre: II ne faudrait pas non plus s"'astiner" trop
longtemps sur la forme de la table, à savoir quel niveau de gouvernement
va être en avant, puis quel niveau de gouvernement va être en
arrière. Je pense que, là, c'est un autre problème qu'il
faudrait régler, ça, entre hommes politiques ou femmes
politiques.
M. Jolivet: Mais vous faites mention... Oui, c'est parce que je
vous aurais amené sur ce terrain-là, mais vous y êtes
allés avant moi, à savoir qui va faire la vérification
ultime, gouver-nementalement. En ce qui concerne les études dont vous
faites mention, M. Couture, vous dites: Voilà cinq ans, si on avait
été de l'avant, les documents étaient prêts, il n'y
aurait pas eu de problème à les déposer. Est-ce qu'il n'y
aurait pas eu intérêt, dans un contexte où on dit
qu'Hydro-Québec, d'après ce que vous nous proposez, devrait
être la responsable des études d'impact et voulait
présenter un projet hydroélectrique, qu'elle le fasse plus
rapidement? S'il avait été déposé voilà cinq
ans, on aurait peut-être déjà de l'avance de prise. Est-ce
que vous croyez que ça a tellement évolué qu'au moment
où on se parle les études d'impact qui étaient là
ne seraient plus bonnes, qu'il faudrait en faire d'autres ou est-ce qu'on
pourrait même les déposer immédiatement?
M. Couture: Je crois que les études d'impact qui
étaient là il y a cinq ans vont être
déposées, plus une série d'études additionnelles,
qui nous permettent de faire état des connaissances du territoire et des
événements depuis ce temps-là. Elles étaient
bonnes, elles sont encore bonnes, mais la procédure ne permet pas de
faire approuver des projets qui ne sont pas pour réalisation. On ne peut
pas, si vous voulez, proposer des évaluations de projets si on n'a pas
un échéancier de réalisation. La procédure ne
permet pas ça. Parce que, pour faire une évaluation d'impact
correctement, il faut savoir, dans le temps, quand les événements
vont se présenter. Si vous regardez le projet Grande Baleine, je vous
ferai aussi rappeler que, dans la Convention de la Baie James, ce
projet-là est décrit au complet, et la Convention de la Baie
James a été
signée en 1975. Alors, le projet, après toutes les
études d'impact et toutes les optimisations qui ont été
faites, est substantiellement le projet qui est décrit dans la
Convention de la Baie James, qui a déjà obtenu une reconnaissance
officielle, et de la part du gouvernement du Québec, et de la part du
gouvernement fédéral.
M. Jolivet: Vous nous indiquez que, pour vous autres, ça
va de soi qu'il faut encourager les économies d'énergie. Je pense
que tout le monde en convient qu'il faut arriver à une chose semblable.
Cependant, il y a des gens qui sont de l'Association des
ingénieurs-conseils qui nous ont indiqué qu'il serait difficile
pour Hydro-Québec d'atteindre les objectifs qui sont fixés.
Est-ce que, pour vous autres, avec la connaissance que vous en avez, le projet
d'économies d'énergie qui est présenté devant nous
est réaliste? Peut-on en faire plus? Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour
en arriver, avec les meilleurs moyens, à faire ces économies
d'énergie?
M. Lamarre: Nous, on pense que ce qui est proposé par
Hydro-Québec est raisonnable, atteignable. Il y a d'autres
expériences qui ont été faites. J'en parlais - je n'ai pas
eu le temps de m'y rendre - dans mon mémoire, qu'il y a le
système de gestion de l'énergie qui a été mis de
l'avant par Hydro-Québec et qui a été testé dans la
région de Brossard, pendant les années 1987-1990, qui montre
qu'on est capables de faire une réduction de charge moyenne, chez des
clients résidentiels, d'à peu près cinq kilowatts, donc,
à peu près la moitié. C'est par
télécommande, ça. Alors, il est sûr et certain que
dès qu'on voudra s'y mettre, là, et mettre les investissements
nécessaires, des économies d'énergie peuvent se faire de
façon réaliste et de façon précise et
concrète.
M. Jolivet: Parce que certains ont dit que le tarif pourrait
être un moyen d'amener les gens à économiser. Est-ce que
vous être d'avis qu'il faudrait, à ce moment-là, charger un
prix plus cher au niveau domestique, comme on parlait ce matin avec les gens de
l'Association des industries forestières du Québec? Eux autres,
ils disaient que le taux d'augmentation, pour les tarifs industriels, devrait
être la moitié plus bas que l'inflation, ce qui laisse
sous-entendre que, dans un autre contexte, si on a besoin d'argent, il faut
augmenter les tarifs des autres qui utiliseraient l'énergie sans faire
les économies qui seraient imposées, à ce
moment-là. Est-ce que le tarif serait un des moyens?
M. Lamarre: Le tarif est un moyen certain. Mais il ne faudrait
pas augmenter indûment, non plus, les tarifs résidentiels. En
fait, il y aurait... Je suppose qu'il doit y avoir une consommation
d'énergie de base qu'on pourrait trouver par habitant, pour les
résidences, que c'est un tarif qui pourrait être acceptable et
que, s'il y a une augmentation de la consommation et surtout de la demande,
là, les tarifs pourraient être de plus en plus forts pour
décourager cette chose-là. Mais, en fait, il ne s'agirait
sûrement pas de passer le fardeau énergétique, là,
à toute la population en général; moi, à mon sens,
ce serait une très mauvaise chose. De toute façon, ce que vous
payez en énergie à la maison, ce n'est pas déductible
d'impôt, tandis que ce que l'industrie paie en consommation
énergétique, c'est déductible. Il y a aussi ça
qu'il faut considérer.
M. Jolivet: On parle d'investissements plus réguliers et
on parle aussi de devancer les travaux. Est-ce qu'on peut concilier ces deux
idées, qui sont dans l'ensemble des grands projets industriels où
le gouvernement doit investir, où des sociétés
d'État doivent investir et s'assurer qu'il n'y a pas de creux
très forts dans l'économie? Alors, à ce moment-là,
on parle d'investissements plus réguliers, mais, en même temps, on
parle de devancer des travaux. Est-ce qu'on peut concilier ces deux
idées-là?
M. Lamarre: Bien sûr. La façon d'avoir des
investissements réguliers, c'est de devancer les travaux. Quand vous
êtes en retard, bien vous êtes obligés d'avoir un management
de crise, là, et c'est ça qui coûte cher. Tandis que, quand
vous êtes capables de prévoir et de devancer, que vous
n'êtes pas pris par une date... Ce qui a coûté cher au stade
de Montréal, c'était une date inexorable qui était la
date, mettons, du mois de juillet 1976. Quand vous avez, mettons, des dates et
qu'il faut y arriver absolument pour être capables de satisfaire une
échéance donnée, c'est là que ça coûte
cher. Mais si vous êtes capables de devancer les travaux, que vous avez
un peu de latitude dans vos dates et vos échéanciers, c'est
là que vous êtes capables de réaliser des choses à
bon compte.
M. Jolivet: Le mandat d'Hydro-Québec est de fournir
l'électricité. Mais, par ailleurs, le groupe que vous
représentez semble miser beaucoup sur le développement du
potentiel hydroélectrique pour assurer le développement
économique. Certains groupes qui sont venus ici ont remis en question la
politique industrielle du Québec, qui force, d'une certaine
façon, HydroQuébec à développer plus rapidement ses
installations, et ils ont insisté sur le fait que, dans ces
circonstances-là, on devrait avoir un débat qui est davantage
public. Quelle est votre opinion sur cette façon de voir les choses,
compte tenu qu'ils prétendent que la commission parlementaire n'est pas
suffisante, qu'on devrait aller sur un débat plus large, aller
même dans les régions, avant de faire quoi que ce soit?
M. Lamarre: Ah bien! là, vous vous adressez à la
mauvaise personne. Moi, je trouve qu'il y a
débat et débat. Il faut débattre un peu des
questions, mais, à un moment donné, il faut se décider. Un
des grands problèmes de notre société c'est que, bien
souvent, on ne se décide pas. Pour moi, là, une fois qu'on a
regardé les problèmes, il faut absolument en arriver à une
décision, et je pense qu'Hydro-Québec est capable d'y arriver,
avec le gouvernement, en étant raisonnable. Mais c'est sûr qu'il
ne faut pas camoufler, qu'il ne faut pas tout cacher en dessous du tapis. Il
faut absolument être transpa rents, avoir les données, quand on
fait un projet, être capables d'aller en audiences publiques et exposer
complètement tout ce qui s'y passe. Pour le restant, là, je pense
que faire des débats interminables, ce n'est pas un projet de
société qui est valable ou qui est viable.
M. Jolivet: Tout à l'heure, on parlait... Je reviens aux
études d'impact environnemental. Vous laissez sous-entendre qu'il
pourrait y avoir des groupes qui pourraient revérifier l'étude
d'impact faite par Hydro-Québec. Est-ce que ce n'est pas un moyen,
justement - M. Couture semblait dire: Ceux qui critiquent le projet -
d'utiliser ces moyens-là? D'autres pourraient dire de retarder le
projet. (16 h 15)
M. Couture: Je ne pense pas qu'on veuille penser que la critique
doit être un facteur de délai. Si, à l'intérieur du
système, c'est prévu d'avoir des gens qui puissent "faire
application" pour avoir des fonds pour faire des études en
parallèle ou pour étudier des impacts, c'est tout à fait
normal. Si vous regardez dans les audiences du BAPE, je crois qu'on a souvent
des expertises d'autres personnes que celui qui a proposé le projet;
c'est une méthode qui devient de plus en plus courante, ça se
pratique assez largement, ça se pratique sur une base non
systématique, mais c'est certainement rentré dans nos moeurs,
maintenant, qu'on puisse avoir ce genre de critique là. Mais il ne faut
pas que ce soit fait, justement, dans un cadre ou, d'une certaine façon,
parce qu'on a tout fini, puis là, on dit: On veut le recommencer, par
des critiques. Il faut que ça se fasse en parallèle. Alors, il
faut que ce soit à l'intérieur du système. Si c'est
à l'intérieur du système, il n'y a aucune raison pour
laquelle ça créerait des délais additionnels.
M. Jolivet: II y a des professeurs de l'Université Laval
qui sont venus ici, mardi, nous dire qu'on devrait, dans la politique
industrielle - parce que vous dites qu'on devrait utiliser l'énergie
d'Hydro-Québec pour le développement industriel du Québec
- ils sont venus dire: Oui, mais le tarif qu'on donne à des alumineries
en particulier fait en sorte que, finalement, ce n'est pas tout à fait
certain que ce soit utile pour le Québec, et, à ce
moment-là, on devrait exporter plus vers les États-Unis, leur
"charger" plus cher et, en conséquence, peut-être ne pas avoir
d'aluminerie au Québec et utiliser ailleurs les 300 000 000 $ qu'on leur
donne en forme subven-tionnaire. Parce qu'ils parlaient, si je me souviens
bien, de 200 000 $ l'emploi, alors qu'on paie des salaires de 40 000 $ dans
l'aluminerie. Est-ce que que vous croyez que, compte tenu de ces idées
lancées par ces deux professeurs, on devrait laisser tomber le
développement d'industries énergivores au Québec?
M. Lamarre: Est-ce qu'on devrait faire comme les Arabes et puis,
mettons, s'asseoir sur notre puits d'huile qui est
l'hydroélectricité, laisser les autres travailler puis, nous
autres, s'engraisser à leurs dépens? En fait, je pense que ce
n'est pas tout à fait ça qu'on veut. On ne veut pas tout à
fait exporter de l'énergie puis seulement obtenir de l'argent ainsi.
Moi, je pense que les alumineries, tout ce qui est électrochimique,
d'abord, ça n'amène peut-être pas tous les emplois qu'on
veut, mais ça crée alentour de ces alumineries-là un tas
d'emplois indirects, des emplois de support qui sont la base d'une
économie industrielle. Éventuellement, si jamais, mettons, il y a
des choses qu'on peut développer - je disais ça dans le
mémoire, tout à l'heure - il est bien certain que les canettes
d'aluminium, il faut les produire tout près, mettons, des marchés
et des consommateurs, parce qu'on fait beaucoup de recyclage. Mais il y aura
sûrement des produits qui demanderont moins de recyclage et qu'on pourra
manufacturer à partir de ces alumineries-là. Peut-être les
roues d'automobile, toutes ces choses-là qui peuvent vraiment se
penser
Pour moi, on devrait, a l'heure actuelle, sûrement continuer dans
ce domaine-là avec les alumineries. Pas seulement les alumineries; je
parle, mettons, au point de vue de tout ce qui est électrochimique, le
magnésium, les torches à plasma pour le raffinage du minerai,
toutes ces choses-là. Je pense que c'est l'avenir du Québec.
Puis, quand on aura le métal à portée de la main,
éventuellement, peut-être qu'on sera capables d'avoir plus de
produits finis, plus sophistiqués, tout ça, et ce sont des choses
qui viennent avec le temps.
M. Jolivet: Vous parlez d'énergie nouvelle. Dans certains
cas, des gens disent des énergies retrouvées. Quand on parle de
l'éolienne, ce n'est pas nécessairement nouveau; c'est
peut-être qu'on ne l'utilisait pas, compte tenu des coûts. On parle
aussi de l'énergie nucléaire. Il y a des gens qui disent. Je suis
contre l'énergie nucléaire; d'autres disent: II faudrait aller
dans le secteur de ce créneau d'excellence, dans la mesure où, un
jour, si on en a besoin, on aura des gens qui sont capables de savoir ce qu'est
l'énergie nucléaire. Votre opinion? Compte tenu de l'expertise
que vous avez au niveau international, est-ce qu'on devrait quitter
définitivement
le nucléaire? Est-ce qu'on doit y rester pour garder pour notre
recherche, notre développement et nos scientistes la capacité de
fonctionner dans le système nucléaire, si un jour on en a besoin?
Ou est-ce qu'on devrait aller sur un développement majeur au niveau du
nucléaire?
M. Lamarre: En fait, au point de vue du nucléaire, on
pense, nous, qu'on n'aura pas besoin du nucléaire ici, au Québec,
pour les prochains 30 ans. Donc, est-ce qu'on devrait se conserver une certaine
technologie dans ce domaine-là pour être capables, mettons, de
l'utiliser au moment opportun? Peut-être que oui, mais je n'en suis pas
très sûr. Il est certain d'une chose, par exemple, c'est que
l'énergie nucléaire s'est développée en Ontario,
avec les recherches payées par le gouvernement fédéral.
Nous, ici, au Québec, on a complètement développé
toute notre énergie hydroélectrique à même nos
propres fonds. Est-ce qu'on ne devrait pas trouver un moyen, dans une autre
forme d'énergie - peut-être l'hydrogène - d'obtenir un
certain transfert d'argent du gouvernement fédéral à cet
effet-là? Parce que, si on regarde en Ontario, en fait, ça a
été la seule ou presque la seule province
bénéficiaire du programme nucléaire
développé par le gouvernement fédéral à
coups de milliards. Alors, est-ce qu'on ne devrait pas, mettons, nous, se
trouver un créneau - l'hydrogène ou quelque chose d'autre -
où on ferait le développement? Et pour être capable d'y
arriver, dans 30 ans, parce que moi, je pense que dans 30 ans d'ici ce sera
plutôt l'hydrogène, plutôt la fusion, qui sera à la
mode que la fission nucléaire telle qu'on la connaît
maintenant...
M. Jolivet: Vous me devancez parce que je m'en venais sur ces
questions d'hydrogène, justement. Est-ce que, à ce
moment-là, dans ce contexte-là, il faudrait investir davantage
dans la recherche de nouveaux procédés d'énergie nouvelle?
Là, c'est vraiment de l'énergie nouvelle, ce n'est pas de la
renouveler ou de la retrouver. Est-ce que les gouvernements ont les moyens de
le faire dans le contexte économique actuel?
M. Lamarre: En fait, c'est toujours une question de
priorité. Pour le moment, moi, je donnerais beaucoup de priorité
à la recherche et au développement de procédés
industriels qui utilisent l'énergie électrique comme
énergie de base. C'est sur ça, en fait, qu'on devrait se
concentrer. Pour ce qui est des autres formes d'énergie, à
l'heure actuelle, on a, au Québec, avec
l'hydroélectricité, la meilleure forme d'énergie qui
puisse exister, puis on en a encore pour une trentaine d'années. Est-ce
qu'on ne devrait pas attendre un petit peu pour faire des recherches sur
l'énergie nouvelle, mais surtout - en fait, on a peu de moyens -
arrêter de faire du saupoudrage et concentrer ça dans des domaines
où ça peut nous rapporter? On pense à toutes sortes de
choses mais...
Je reviens sur la recherche et le développement au Québec:
on est dans les pâtes et papiers. Tous nos procédés nous
viennent des pays Scandinaves. Si vous regardez dans d'autres domaines, on
reçoit presque... Dans le domaine de l'aluminerie, par exemple, les
recherches se font encore ailleurs. Alors, il y aurait ces choses-là
où il faudrait, si on veut faire vraiment un programme de recherche,
trouver des choses qui ne sont pas à long, long terme, comme 30 ans,
mais à moyen terme, soit d'ici 5 à 10 ans. Et ça,
qu'est-ce que c'est? Ce sont des procédés industriels qui
utilisent l'énergie électrique comme énergie de base.
Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie. M. le
député de Laviolette, si vous voulez remercier nos
invités.
M. Jolivet: J'aurais eu d'autres questions parce que je pense que
c'était intéressant, l'échange qu'on a eu entre nous, cet
après-midi. Alors, je vous remercie au nom de notre formation politique,
le temps étant écoulé, et en espérant que ce qui
ressortira de ces discussions pourra permettre au Québec, justement, de
se développer davantage.
Le Président (M. Leclerc): Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Lamarre et M. Couture, merci beaucoup de votre
intervention et de la contribution que vous avez apportée à cette
commission parlementaire, et qui nous donne un autre son de cloche par rapport
à d'autres qu'on entend. Ça nous permet de faire le lien entre
les deux et d'arriver, comme vous dites, après avoir vraiment bien
étudié, à prendre des décisions. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Leclerc): M. Lamarre et M. Couture, au
nom des membres de la commission, je voudrais vous remercier de vous être
déplacés pour nous rencontrer. Je vous souhaite un bon retour
à Montréal. La commission suspend ses travaux une minute, le
temps de permettre au Parti vert de s'installer.
(Suspension de la séance à 16 h 25)
(Reprise à 16 h 26)
Parti vert du Québec
Le Président (M. Leclerc): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux et reçoit le Parti
vert du Québec. M. Ouimet, je vous demanderais donc de nous
présenter la personne qui vous accompagne...
M. Ouimet (Jean): Oui. C'est...
Le Président (M. Leclerc): ...en vous rappelant que vous
avez 20 minutes pour nous faire part de votre mémoire; ensuite, chacun
des deux groupes parlementaires aura 20 minutes pour vous interroger. M.
Ouimet.
M. Ouimet: D'accord. Je vous présente Louise Gauthier, qui
m'accompagne aujourd'hui, du Parti vert du Québec. Je veux dire bonjour
à Mme la ministre et à M. le porte-parole de l'Opposition.
Ça nous fait plaisir, le Parti vert du Québec, de pouvoir
participer à cette commission parlementaire. On est encore un jeune
parti, et je crois que c'est peut-être important de mieux nous situer, au
départ.
Alors, le projet politique du Parti vert du Québec, qui a
été adopté l'automne dernier, c'est de participer à
l'élaboration d'un projet de société écologique.
Pour nous, c'est quelque chose qui forme, en fin de compte, la direction, la
mission du parti. C'est là-dessus, c'est dans cette
perspective-là qu'on vient participer à cette commission
parlementaire.
D'abord, je voudrais rappeler que, lors des dernières
élections au Québec, il y a eu 67 000 personnes qui ont
voté pour le Parti vert du Québec, ce qui représente une
moyenne de 5,5 % des voix dans les 46 circonscriptions où on avait des
candidats. Alors, pour nous, c'est la légitimité qui nous permet
de dire: Bon, il y a des gens, au Québec, qui sont
intéressés à participer à une réflexion sur
un projet de société écologique. C'est avec cet
appui-là qu'on participe à cette commission parlementaire. Il est
bien évident, pour nous, que l'aspect énergétique, c'est
l'aspect qui est le centre, en fin de compte, d'un choix de
société. Alors, c'est l'aspect qu'on veut justement pouvoir
questionner, aujourd'hui, dans cette commission parlementaire pour faire en
sorte de voir un peu quelle direction la société
québécoise va prendre, dans les prochaines années.
Disons que je m'excuse, au départ, un peu de la
présentation au niveau de l'écran. Malheureusement, c'est le seul
rétroprojecteur qu'on peut trouver ici, à l'Assemblée
nationale. C'est un petit peu dépassé mais, enfin, ça va
bien.
Le Président (M. Leclerc): On s'excuse d'être
dépassés. C'est qu'on n'a pas non plus l'habitude de recevoir des
gens qui en ont besoin. Mais ça me paraît très bien.
M. Ouimet: Oui.
Le Président (M. Leclerc): M. le député de
Laviolette, il n'y a pas de problème de votre côté? Vous
avez de bons yeux?
M. Jolivet: II est bien, lui, il a les moyens de s'en payer.
M. Ouimet: Ah d'accord! Un jour, ce sera notre tour.
Le Président (M. Leclerc): Un jeune parti, vous avez
dit.
M. Ouimet: C'est sûr que ce qui caractérise le Parti
vert du Québec, c'est cette phrase-là qu'on retrouve constamment:
Penser globalement, agir localement. Pour nous, je pense que c'est important de
se situer d'abord dans une perspective globale. Alors, je pense qu'il est
important de rappeler qu'au niveau de la situation de la planète, on
est, nous, dans les pays industrialisés, 20 % de la population qui
consommons 80 % des ressources naturelles de la planète. Je pense que
c'est important de se mettre dans cette perspective-là et de voir
comment on peut être capables d'aller plus loin par rapport à ce
problème d'iniquité-là. C'est sûr que, chaque
année, le plan de développement et la proposition de tarification
d'Hydro-Québec sont soumis à l'approbation du gouvernement et
discutés en commission parlementaire. Le Parti vert du Québec
profite de l'occasion pour présenter ici la position adoptée lors
de son dernier conseil national. Le gouvernement du Québec joue à
la fois un rôle de juge et partie quand vient le temps d'adopter une
proposition de plan de développement dont il est, en quelque sorte, le
promoteur. Selon sa propre politique énergétique pour les
années 1990, "...la fragmentation des différents régimes
de protection des ressources et de l'environnement n'autorise pas une approche
globale et intégrée des multiples effets des projets; les
procédures de consultation publique actuelles ne permettent pas non plus
de prendre en compte dès le début des études les
préoccupations environnementales croissantes des citoyens, ni les
nouvelles valeurs sociales qui en émergent." Alors, c'est une citation
qu'on peut quand même retrouver dans le document L'Énergie force
motrice du développement économique.
Maintenant, quand le gouvernement facilite-ra-t-il l'implication accrue
des citoyens dans les orientations d'Hydro-Québec grâce à
une procédure normale d'audiences publiques en accord avec sa propre
politique énergétique? Cette année, le mandat de la
commission est élargi. tant au niveau des intervenants invités
que du sujet traité. Même élargie, cette commission
parlementaire ne répond pas aux besoins exprimés par de plus en
plus d'intervenants qui exigent, depuis longtemps, un véritable
débat public sur l'avenir énergétique du Québec Ce
débat est, de toute façon, inévitable et se
déroulera tôt ou tard lors des audiences publiques
préalables à plusieurs projets contenus dans le plan de
développement. Hydro-Québec fera face alors à une vive
opposition de la population appelée à se prononcer sur des
projets découlant d'un plan de
développement n'ayant pas préalablement fait l'objet d'un
consensus au sein de la population. Le Parti vert du Québec appuie donc
la démarche de la coalition de 32 groupes d'intérêts divers
et réclame la tenue d'une commission spéciale,
indépendante et itinérante, sur la politique
énergétique au Québec. (16 h 30)
Alors, si on veut faire peut-être une certaine
référence à une des recommandations de la Commission
Brundtland, de l'ONU, qui recommande que les pays industrialisés
réduisent leur consommation d'énergie de 50 % d'ici 2030, afin de
permettre aux pays en développement d'augmenter la leur de 30 %, durant
la même période, sans occasionner plus de pollution
atmosphérique. Alors, je pense que c'est important lorsque, dans le plan
de développement d'Hydro-Québec, on fait référence
à ce développement durable qui est proposé par la
Commission Brundtland, de voir que c'est une des recommandations qui fait
mention de ça. Je pense que c'est important de se rappeler ça.
Alors, on a voulu d'abord se situer dans cette perspective-là. Pour
nous, c'est important que le Québec puisse participer à cette
diminution volontaire et responsable, pour faire en sorte de réduire une
certaine iniquité qui se produit au niveau planétaire. Il existe
des recherches qui montrent que c'est possible de réduire notre
consommation d'énergie dans des proportions qui sont quand même
importantes. On parle quand même de près de 50 %. Alors, j'ai
voulu présenter trois petits tableaux qui vont quand même
résumer certaines données.
Il y a l'OCDE qui, dans un document de 1989, nous montre comment il est
possible de voir que quand même le Japon réussit à pouvoir,
avec une population qui est quand même beaucoup plus grande que celle du
Québec, arriver avec une consommation - ici, on peut voir - de deux
têts par habitant par rapport au Québec qui, lui, consomme 4,52
têts par habitant. Alors, on a l'impression que plus on consomme
d'énergie au Québec, plus on va réussir à produire.
Je pense que les Japonais, quelque part, nous montrent que c'est possible de
pouvoir consommer moins et de produire plus. Je pense que, ça, c'est un
des défis qu'on a à relever. Et je pense que c'est un tableau qui
illustre bien. Cette donnée, on la retrouve au niveau de l'OCDE, dans un
document. Donc, je pourrais donner la référence, si vous en avez
besoin.
Maintenant, il y a un autre groupe également qui a
présenté une étude en Ontario, qui s'appelle le groupe
DPA, en anglais. Il a présenté ça au ministère de
l'Énergie, en 1989. Ce groupe-là nous présentait une
stratégie qui nous permettait de pouvoir penser à une
réduction, quand même, de 35 % de notre consommation
d'électricité. Je pense qu'il y a toute une analyse qui a
été présentée. C'est quand même un document
assez étoffé et qui montre qu'on peut penser réduire, au
niveau résidentiel, de 46 % notre énergie et, au niveau
industriel, de 25 % pour arriver à 35 %, en moyenne, sur une
période quand même de... je crois que c'était jusqu'en
2010. Alors, je crois qu'il y a quand même des scénarios où
on nous montre que c'est possible de pouvoir réduire notre consommation
d'énergie et je pense que, ça, c'est quelque chose
d'intéressant.
Je voudrais également faire référence à un
document, qui a été présenté au tout début
de la commission parlementaire par le GRAME avec Yves Guérard, qui, dans
son annexe 2, présentait un projet qui avait été
présenté précédemment et qui s'appelle "Option
zéro pollution". Alors, ce projet-là, qui est un projet où
on parle de 89 000 000 000 $, qui permettrait de créer 200 000 emplois
sur une période de quinze ans, permettrait, à ce
moment-là, de pouvoir créer des emplois dans différents
secteurs - on parle du bâtiment. À ce moment-là, on peut
parler de 16 500 000 000 $ qui permettraient de hausser l'efficacité
énergétique. Je pense que c'est quelque chose d'important. Des
investissements également au niveau du transport, au niveau de
l'industrie et au niveau de la reforestation qui permettraient, donc, de
pouvoir montrer qu'on peut réduire notre consommation et réduire
notre pollution. Je pense que, ça, c'est le défi qui est
présenté par la Commission Brundtland. Et c'est important, au
Québec, qu'on soit conscients qu'il existe des alternatives. Alors, je
pense qu'il y a eu un effort qui a été fait par ce groupe de
recherche, le GRAME, qui est venu présenter un mémoire et qui, je
pense, exprime bien ça. Disons que ce qu'eux autres nous ont
présenté dans cette annexe, ils nous montraient comment
c'était possible, au Québec, de réduire notre consommation
d'énergie de 43 % en faisant une réduction de façon
significative au niveau du pétrole de 60 % et, au niveau des autres
formes d'énergie polluantes comme le charbon et le gaz, de 50 % et
l'électricité de 25 %. Alors, je pense que c'est à nouveau
un exemple de scénario possible où on nous montre comment on peut
réduire notre consommation d'énergie de façon
significative. Pour nous, ça, c'est quelque chose d'important à
rappeler parce que je pense que ce qui nous est présenté par
Hydro-Québec, c'est plutôt un développement où on
parle ici d'une augmentation de 40 % de notre consommation
d'électricité, au Québec, d'ici 2006. Alors, je pense
qu'on nous dit, d'un côté, des gens qui ont quand même
parcouru le monde pour essayer de comprendre mieux la situation de la
planète, ils nous parlent d'une réduction de consommation
d'énergie de 40 %, 50 %. On nous présente des scénarios
possibles, comme quoi on pourrait y arriver. Malgré ça, on voit
qu'Hydro-Québec nous parle encore d'une croissance de 40 %. Pour nous,
ça, c'est quelque chose qui mériterait d'être
questionné par rapport à des données qui viennent d'autres
groupes qui sont quand même sérieux. Alors, je pense que, lorsque
Hydro-
Québec prétend avoir adhéré au concept de
développement durable, elle l'utilise abondamment dans sa proposition...
Elle contribue pourtant à promouvoir ses mégaprojets et ne
consacre que 2, 9 % de ses prévisions d'investissement au programme
d'économies d'énergie alors qu'on a vu, tantôt, qu'il y
avait des possibilités de pouvoir réduire beaucoup plus
ça, mais ça demande des investissements aussi. En affectant la
majeure partie de ses efforts à son ambitieux plan d'immobilisation,
Hydro-Québec prendra un retard technologique important dans le domaine
de l'efficacité énergétique et, par conséquent,
retardera l'application du concept de développement durable au
Québec. Pour nous, l'utilisation de ce concept n'est qu'une tentative de
récupérer l'opinion publique.
Hydro-Québec évalue le potentiel théorique
d'économie d'énergie à 18 % des ventes
d'électricité, au Québec, en 1989. Ce pourcentage est
sous-estimé puisque plusieurs organismes énergétiques -
comme je vous en ai présenté quelques-uns tantôt - entre
autres, en Amérique du Nord, ont évalué que leur potentiel
se situait entre 30 % et 40 %. De plus, l'objectif d'économies
d'énergie d'Hydro-Québec correspond à seulement 8 % des
ventes projetées en 1999. En comparaison, Ontario-Hydro s'est
fixée un objectif de 17, 5 % pour la même période, et on
peut voir que l'étude du groupe DPA, qui a été
présentée au ministère de l'Énergie, en Ontario,
permet d'étoffer cette proposition-là. Alors ça, c'est
quelque chose qui, pour nous autres, est ques-tionnable.
Par contre, on trouve que la Suède, un pays à lavant-garde
mondiale, prévoit, quant à elle, réduire encore sa
consommation d'énergie de 37 % d'ici 2020 en appliquant des mesures
d'économies d'énergie tout en soutenant la croissance
économique. Alors, je pense que c'est quelque chose qu'il est important
de se rappeler Là-dessus, je peux vous présenter -
peut-être pas là - ici, un graphique qui présente justement
l'évolution de la demande d'énergie en Suède. On voit bien
qu'on retrouve une augmentation sensible de ce qu'on observe au Québec
mais, ici, on nous présente des scénarios où on voit qu'il
est possible de pouvoir.
Le scénario A, ici, c'est le scénario de
référence où on parle de stabiliser la croissance de la
demande d'énergie pour la maintenir à peu près à
140 térawattheures, ce qui est quand même une stabilisation
beaucoup plus intéressante que ce qu'on propose ici, où on parle
d'augmenter de 40 % mais, par contre, on présente également des
scénarios d'efficacité. C'est la ligne en B, ici, où on
voit qu'il y a une réduction significative de la consommation. On
présente jusqu'à un scénario D où on parle,
à ce moment-là, de l'utilisation d'une technologie
avancée, un peu ce à quoi M. Lamarre, tantôt, faisait
référence, où on observait que, dans des foyers, on
pouvait penser réduire la consomma- tion d'énergie de
moitié. Alors, je pense qu'il y a un exemple qui a été
présenté tantôt qui est intéressant. Donc, s'il y a
une volonté collective, comme on peut l'observer en Suède, on
peut arriver à faire des changements comme ça.
Alors ici, pour la Suède, ils se sont fixé comme objectif,
eux autres, de réduire de 50 %... Ils ont actuellement 50 %,
plutôt, de production d'électricité par
l'hydroélectricité et 50 % par le nucléaire, mais leurs
prévisions, jusqu'en 2010, reposent sur un objectif louable d'une
illumination des centrales nucléaires. Ça, c'est passé par
référendum, et je pense que c'est un objectif qu'ils se sont
donné collectivement et c'est important de voir ça.
Ils ont également interdit la construction de quatre
rivières au nord de la Suède pour arriver à cet
objectif-là, de la même façon qu'ils se sont donné
comme objectif de limiter les émissions de CO2, au niveau de 1988, tout
en considérant une croissance économique moyenne de 1, 9 %. Je
pense qu'ils se sont donné, avec cette série de mesures
là, des moyens de pouvoir réaliser une diminution de leur
consommation d'énergie tout en favorisant le développement de
leur société. Je pense qu'il serait important qu'on se questionne
ici, au Québec, puisqu'on nous dit que c'est comme impossible. Il y a
des pays qui y arrivent, mais il faut le vouloir ensemble, collectivement. Je
pense qu'il y a des exemples qui nous permettent de voir que c'est
possible.
Ici, on peut peut-être maintenant regarder d'un peu plus
près ce qui est présenté par le plan de
développement d'Hydro-Québec. On nous présente un
scénario, où, contrairement à ce qu'on observe en
Suède, à ce moment-là, on parle d'une croissance
économique depuis 1971 jusqu'en 1991 et, après ça, on nous
dit: Bon, il y a trois scénarios possibles, le scénario de
référence et le scénario moyen, avec une croissance
annuelle de 2 % qui fait qu'on arrive, en 2006, avec une croissance de 40 %; le
scénario faible, qui semble quelque chose qui repose sur un effondrement
de l'économie, ou je ne sais pas trop quoi, ou on pourrait avoir une
croissance de 1, 1 %. Alors, si on inclut les présentations par le GRAME
et par le groupe DPA où, là, à ce moment-là, on a
une diminution de notre consommation d'énergie qui, elle, peut
être de l'ordre de 2, 1 % par année pour arriver à 83
térawattheures, alors qu'on nous prépare pour 180
térawattheures en 2006 avec le scénario moyen
d'Hydro-Québec. Le groupe GRAME, lui, prévoit une diminution qui
pourrait aller jusqu'à 95 térawattheures. Alors, je pense que
c'est intéressant de voir qu'on retrouve une possibilité de
scénario qui baisserait la consommation comme en Suède, où
ils se sont donné cette option-là de donner comme objectif de
réduire la consommation d'énergie. Alors, je pense que c'est
important de voir qu'Hydro-Québec nous amène dans un
scénario de croissance illimitée.
J'avais 18 ans, en 1972, lorsque j'ai lu le
rapport du club de Rome, "Halte à la croissance" et, justement,
on mentionnait ce problème-là, "Halte à la croissance". On
est en 1990 et on nous parle encore d'une croissance effrénée,
alors que des groupes internationaux sérieux tirent sur la sonnette
d'alarme et disent: II faut que les pays du Nord réduisent leur
consommation. Il semble qu'Hydro-Québec n'a pas compris ça,
malgré qu'elle préjend faire partie de cette tendance mondiale
où on parle d'un développement durable. Alors, pour nous,
ça, c'est quelque chose qui est vraiment à remettre en
question.
Pour nous, ce sont des éléments qu'il faut absolument
considérer. L'évolution de la demande qui est prévue par
Hydro-Québec, je pense que, ça, c'est la base de savoir comment,
après ça, on va pouvoir donner l'énergie nécessaire
pour répondre à cette demande-là, la produire, cette
énergie-là. Alors, je pense qu'il est important, d'abord, de se
questionner là-dessus. Une des stratégies d'Hydro-Québec,
ce sont des augmentations des tarifs d'électricité. Mais, pour
nous, ce n'est pas la panacée pour réduire la consommation
énergétique au Québec. Avec les augmentations des tarifs
de 7,5 %, cette année, et de 7 %, l'année prochaine, augmentation
déterminée par les engagements financiers, Hydro-Québec
tient plutôt à bien se positionner en vue des énormes
emprunts qu'elle devra contracter pour ses mégaprojets.
Des programmes de conservation et d'efficacité
énergétique plus importants et mieux adaptés, en plus de
satisfaire la croissance de la demande, créeraient de nombreux emplois
à des coûts beaucoup moindres que ceux créés par
l'ajout de capacités hydroélectriques, thermiques ou autres. Ces
programmes contribueraient à la mise en oeuvre d'un plan de
développement énergétique viable, qui placerait le
Québec à l'avant-garde de l'application concrète du
concept de développement durable.
Je pense qu'il y a des pays, comme la Suède, qui ont
décidé justement de vraiment réaliser cet
objectif-là: mettre sur pied un développement durable. Alors,
pour nous, ça, c'est quelque chose qui est possible. Maintenant,
Hydro-Québec semble avoir oublié ça quelque part.
La proposition de développement d'Hydro-Québec, du plan de
développement d'Hydro-Québec 1990-1992, horizon 1999,
prévoit surtout une accélération de la construction des
mégaprojets pour l'exportation d'électricité.
Malgré cela, Hydro-Québec nous présente un
échéancier serré, où tout délai
supplémentaire pour l'obtention des certificats d'autorisation menace
l'approvisionnement énergétique des Québécois.
Cette proposition exploite toujours l'argument de la peur et entraînera
plusieurs impacts négatifs qui sont toujours sous-estimés.
Alors, le devancement d'Hydro-Québec est-il lié aux
contrats déjà signés avec le Vermont et l'État de
New York? Je pense que c'est une question qui, à mon avis, doit se
poser. De la même façon, est-il intelligent et responsable de se
lancer dans de tels projets de développement avant même d'avoir un
bilan économique et écologique exhaustif du plan de La Grande?
D'ailleurs, M. Alain Dubuc, en mars 1987, ne mentionnait-il pas que le
déficit cumulatif du complexe La Grande était de 6 000 000 000 $
à cette date? De plus, le développement
accéléré du potentiel hydroélectrique du
Québec ne mettra-t-il pas la société
québécoise devant la nécessité de devancer
l'utilisation éventuelle de l'énergie nucléaire? Parce que
c'est sûr que, plus rapidement on va développer notre potentiel
hydroélectrique, au Québec, plus vite on va devoir recourir au
nucléaire et, là-dessus, mon homonyme, M. Jean Ouimet, qui est
président de l'Association des ingénieurs-conseils, nous disait
qu'on devrait peut-être recourir rapidement au développement du
nucléaire au Québec. Je pense que, ça, c'est quelque chose
qu'il faut être capable de voir, que si on développe rapidement
notre potentiel hydroélectrique, le nucléaire va nous arriver
rapidement dans la face. Je pense qu'il serait important de voir - comme M.
Lamarre également le soulevait - que la fusion thermonucléaire
est peut-être une avenue plus intéressante, mais on n'est pas
prêts avant peut-être 40, 50 ans.
Alors, ce qu'il faut, c'est être capables de penser comment on
pourrait faire le pont pour arriver à un type d'énergie comme
ça, avec, en plus, d'autres types d'énergies alternatives qui
nous permettraient, à ce moment-là, de pouvoir éviter de
continuer à développer et à détruire des
régions du Nord du Québec qui, pour nous autres, sont très
importantes. D'autant plus, ce qu'il y a d'intéressant à
remarquer, c'est qu'un ralentissement de l'économie, une baisse possible
du marché de l'aluminium et une rupture du stock forestier devraient
nous amener à prévoir une baisse possible de la demande
d'électricité au Québec. Je pense que c'est important,
à ce niveau-là, de voir que, dans le tableau qui nous est
présenté...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse. Je vous
inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Ouimet: C'est déjà terminé?
Le Président (M. Bélanger): Vous avez le temps
d'une courte conclusion.
M. Ouimet: Alors, je pense qu'il est important de voir que la
demande d'électricité qui est présentée par
Hydro-Québec soulève beaucoup de questions. Il y a des
scénarios possibles qui nous permettraient d'envisager
différentes choses, d'autant plus qu'il n'y a pas eu vraiment
d'études d'impact sérieuses, cumulatives qui ont
été faites au niveau de la Baie James, phase I. Je pense que
c'est dans ce contexte-là qu'il est important
de dire qu'il y a une nécessité d'avoir une... Je pourrais
dire, plutôt, que pour toutes ces considérations, l'implantation
du plan de développement que nous propose Hydro-Québec est
prématurée, tant et aussi longtemps que l'ensemble des options
capables de satisfaire l'ensemble des besoins n'auront pas été
évaluées dans le cadre d'une tribune neutre et impartiale.
Le Parti vert du Québec s'oppose donc à la proposition de
plan de développement d'Hydro-Québec axé principalement
sur l'accélération du développement des mégaprojets
énergétiques. Le Parti vert du Québec favorise
plutôt l'adoption d'un plan de développement viable,
orienté prioritairement sur l'efficacité
énergétique. Cela permettrait de retarder le développement
du potentiel hydroélectrique du Québec et, ainsi, reculer
l'éventuel recours à l'énergie nucléaire. Ce sera
ma conclusion.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Ouimet, Mme Gauthier, on vous remercie
d'être ici, avec nous, pour dialoguer et, encore une fois, faire
bénéficier les membres de cette commission de cette discussion
qui est toujours fort intéressante.
Vous mentionnez, dans votre mémoire, que les 62 000 000 000 $
d'investissement qui sont prévus par Hydro-Québec d'ici 1999
empêcheront le développement viable d'alternatives qui sont plus
rentables, qui sont moins risquées et moins dommageables. Est-ce que
vous pourriez préciser à quelles alternatives plus rentables vous
faites référence? Et pensez-vous qu'il revient uniquement
à Hydro-Québec d'investir dans la recherche et le
développement en matière d'énergie nouvelle, ou bien
est-ce qu'il faudrait plutôt encourager les milieux universitaires, les
milieux scientifiques, à développer des technologies
adéquates pour ensuite les faire expérimenter par des compagnies
privées? (16 h 45)
M. Ouimet: Je pense qu'effectivement il est important qu'on
puisse voir qu'il y a des investissements à faire pour être
capables d'améliorer notre efficacité énergétique.
Il est important, d'abord, de distinguer deux types d'efficacité
énergétique, il y a l'efficacité énergétique
plutôt de type marginal où on parle, à ce moment-là,
d'isolation, d'éclairage, d'électroménagers, de transport
collectif électrifié et de substitution du pétrole et du
charbon. Je pense que ce sont des façons de pouvoir réduire notre
consommation d'énergie qui nécessitent d'être
explorées plus à fond. Alors, je pense qu'il y a de la recherche
qui pourrait se faire là-dessus. Il existe des bureaux - je pense au
Bureau d'efficacité énergétique - et il y a des
études qu'ils sont en train de faire, qui permettraient de montrer
comment on pourrait réduire, dans des secteurs comme ça, la
consommation d'énergie. Alors, je pense qu'il est important de faire ces
investissements-là.
Mais il est également important de considérer
l'efficacité énergétique qui repose sur un changement plus
structurel. Alors, là-dessus, le rythme de vie. Je pense qu'on est dans
une société où le rythme de vie nous coûte
très cher en consommation d'énergie. On peut le voir lorsqu'on
est obligé de se déplacer rapidement; on prend l'avion quand
c'est très pressé, quand c'est moins pressé, on va prendre
la voiture, mais quand on a un peu plus de temps... J'ai fait ma campagne
électorale en vélo. Alors, j'ai réussi, en vélo,
à parcourir le Québec en utilisant très peu
d'énergie, à rejoindre les gens. Et je pense que c'est possible.
Le rythme de vie est un élément important et un changement
structurel dans notre société permettrait de diminuer les
problèmes liés à notre consommation d'énergie et
liés aussi à la santé des gens. Je pense qu'il y a un
problème là-dessus.
Également, les modes de production. On sait bien que les modes de
production, plutôt éner-givores, qu'on utilise au Québec
sont justement quelque chose qui doit être remis en question. Et le type
de développement économique... C'est sûr, comme je voulais
l'indiquer tantôt avec un court tableau, lorsque 68 % de la consommation
industrielle concerne deux secteurs qui sont les alumineries et les pâtes
et papiers, on vient de mettre, comme le disait tantôt M Lamarre, tous
nos oeufs dans le même panier jusqu'à un certain point. C'est
près de 70 % de la consommation industrielle qui repose
là-dessus. Il faudrait penser à développer d'autres
secteurs, d'autres types d'activité économique qui permettent
à plus de monde de travailler. Je pense qu'il y a de la recherche qui
pourrait se faire, mais il faut avoir un contexte, un environnement
économique différent. À ce niveau-là, le Parti vert
du Québec présentera plus tard sa vision, à savoir comment
ce contexte économique là pourrait permettre l'émergence
de nouvelles entreprises, mais il est possible d'imaginer de la recherche ou
des nouveaux modes de production sur une nouvelle façon de vivre, pour
réduire notre consommation d'énergie de façon
significative.
Mme Bacon: Vous ne répondez pas précisément
- vous me permettez de vous dire ça - à ma question. Quand je
parle d'alternatives plus rentables que l'électricité - c'est ce
que j'ai cru comprendre dans votre mémoire - moins risquées,
moins dommageables, à quelles alternatives plus rentables vous faites
référence? Vous parlez d'économie d'énergie, mais
sûrement pas de ça.
M. Ouimet: Oui, je pense que, quand on parle de ça, c'est
qu'on dit qu'on pourrait développer, à ce moment-là, des
modes de production qui soient moins énergivores au niveau des
entreprises, qui nous permettent...
Mme Bacon: Quels modes?
M. Ouimet: Quels modes de production? Je ne sais pas, moi, on
pourrait imaginer différents scénarios possibles.
Personnellement, je ne pourrais pas...
Mme Bacon: Est-ce au gaz naturel, est-ce à
l'hydrogène, est-ce au mazout, est-ce au charbon?
M. Ouimet: Je pense qu'on sait qu'il y a un développement
au niveau de l'énergie solaire qui est intéressant, qui permet
à ce moment-là de pouvoir imaginer... M. Christian Ouellet, au
début, disait qu'il y avait un développement depuis 5 ans au
niveau de l'énergie solaire qui était très
intéressant, et je pense qu'on peut imaginer que, dans les 5, 10
prochaines années, il va y avoir des développements à ce
niveau-là qui vont valoir la peine d'être
considérés. De la même façon, on est capables de
penser que nos problèmes de déchets... La combustion des
déchets, ça peut être une solution. Actuellement, ils
brûlent les pneus. En Europe, ils utilisent des pneus pour être
capables d'alimenter en énergie des cimenteries. Alors, il est possible
d'utiliser nos déchets plutôt que de les laisser brûler
comme ça en ne les considérant pas comme des sources
d'énergie, et de voir que les déchets pourraient être une
source d'énergie à ce niveau-là. Il y a des
scénarios possibles à ce niveau-là.
Mme Bacon: Est-ce que vous pensez que les gens, ici, quand on dit
"pas dans ma cour", vont accepter... Parce qu'on a vu. dans certaines
régions du Québec, où il y a eu des demandes de groupes,
et de groupes environnementaux qui voulaient utiliser les cimenteries, par
exemple... Ça été complètement refusé par la
population.
M. Ouimet: Mais il ne faudrait pas confondre brûler dans
les cimenteries des BPC, puis brûler des pneus. Ce n'est pas tout
à fait la même chose, Mme Bacon. Je pense que brûler des
BPC, on le sait par l'expérience en Angleterre, il y a des rejets sur
l'environnement qui sont quand même néfastes, alors que
brûler des pneus, on nous le dit depuis hier, ça pose pas de
problème pour l'air. Le problème, c'est au niveau de l'eau, avec
les huiles qui vont rentrer dans le sol. Alors que si on avait un mode de
combustion de ces pneus-là, comme il est préconisé dans
certains pays, on pourrait imaginer, à ce moment-là, que
ça puisse devenir une source d'énergie.
Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que la
cogénération peut être aussi un autre élément
important?
M. Ouimet: Également. Il y a plusieurs possibilités
techniques de pouvoir réduire notre consommation d'énergie tout
en produisant et en assurant un certain développement économique
au Québec.
Mme Bacon: Vous faites référence à la
réduction de la consommation d'énergie. Est-ce que vous escomptez
qu'on puisse y parvenir davantage par des technologies plus efficaces ou par
des changements profonds de comportement de consommation? Quels pourraient
être ces changements-là?
M. Ouimet: Mais c'est ce que je mentionnais tantôt. Lorsque
je partais de changement d'efficacité énergétique de type
structurel, je parlais de rythme de vie. Je pense que le rythme de vie, c'est
un élément important. Vous changez votre consommation
énergétique juste en changeant votre rythme de vie. Plus vous
allez courir, plus vous aurez besoin d'avoir une consommation
énergétique. Physiquement, c'est simple à comprendre; plus
vous devez déplacer une masse rapidement d'un point A à un point
B, plus vous devez consommer d'énergie. Plus vous la déplacez
lentement, plus, à ce moment-là, vous réduisez votre
consommation d'énergie. Alors, je pense qu'il y a un principe simple
là-dessus qui est ce rythme de vie là. C'est un
élément important. Mais, il y a également les modes de
production et ça, je pense que le groupe DPA présente un tableau
où on parle de réduction d'énergie dans les industries et
il y une gamme assez variée d'efficacités
énergétiques qui sont intéressantes à
considérer.
Mme Bacon: On nous dit que les grille-pain sont très
énergivores. Est-ce que ça veut dire qu'il faut changer notre
façon de nous alimenter aussi?
M. Ouimet: Excusez-moi, je n'ai pas compris votre...
Mme Bacon: Quand on parle que les grille-pain utilisent beaucoup
d'électricité le matin, tout le monde mange ses rôties
à la même heure. Est-ce qu'on doit arrêter de manger des
rôties et changer notre alimentation? Quand vous parlez de changer de
rythme de vie, est-ce que ça fait partie aussi de l'alimentation?
M. Ouimet: Non, j'aime bien ça, moi aussi, des
rôties le matin. Je pense qu'il y a une façon de voir...
Mme Bacon: Seriez-vous prêt à ne pas utiliser votre
grille-pain?
M. Ouimet: Bien, c'est parce qu'on pourrait peut-être
décaler le fait que tous les gens... Au lieu de tous griller leurs
"toasts" le matin à 7 h 30, on pourrait peut-être décaler
ça dans le
temps pour faire en sorte de pouvoir réduire les pointes et,
à ce moment-là, pouvoir être capable de répartir la
consommation d'énergie. Ça pour rait être une
façon.
Mme Bacon: Ça prendrait des heures flexibles de
travail.
M. Ouimet: Mais quand on parle de rythme de vie, je pense que
c'est de ça qu'on parle. Je pense qu'on parle d'un rythme de vie qui va
nous permettre de pouvoir considérer d'autres dimensions dans notre vie.
Je pense que lorsque les gens sont prisonniers d'une façon de
fonctionner linéaire, il est important qu'on commence à sortir de
là. On se rend compte que les gens doivent faire un minimum d'exercice,
pouvoir s'occuper de leur famille, de leur santé, de leur environnement
et ça demande un horaire plus flexible. Je pense que le rythme de vie,
c'est un élément qui va nous permettre de pouvoir ralentir et de
modifier ce type de façon de faire.
Mme Bacon: Le rapport Brundtland que vous citez au début
de votre mémoire recommande, bien sûr, de réduire la
consommation d'énergie Je pense que c'est un des moyens qui est
suggéré dans ce rapport-là. Pour forcer les gens à
réduire leur consommation, c'est de fixer les prix de l'énergie
en fonction de sa vraie valeur, ou encore des prix favorables à
l'adoption de mesures de conservation de l'énergie. En tant que parti
politique favorable à l'application des recommandations du rapport
Brundtland, est-ce que vous ne croyez pas qu'une augmentation des tarifs
d'électricité irait dans le même sens que ces
recommandations-là? Vous en avez parlé tantôt
M. Ouimet: Oui, nous croyons qu'en général on
devrait avoir des prix qui reflètent plus les coûts réels.
D'ailleurs, il y a une position qui a été adoptée lors de
notre dernier conseil national, où on parlait qu'il devrait y avoir une
taxe qui soit proportionnelle aux coûts sociaux et aux coûts
écologiques. Alors, on verrait qu'il y a des formes d'énergie
qui, étant donné leur taux de pollution, devraient être
plus taxées que d'autres et on pourrait, à ce moment-là,
favoriser toute une évolution au niveau de l'utilisation de
l'énergie, entre autres, mais des autres produits en
général. Je pense que l'énergie, si on la taxait, on
verrait qu'effectivement l'électricité, c'est moins polluant que
le pétrole, donc le pétrole devrait être plus taxé
que l'électricité, pour favoriser l'utilisation de
l'électricité. Maintenant, il faut voir que si on veut parler du
nucléaire, étant donné qu'on n'a même pas encore de
solution pour traiter les déchets, on devrait parler d'un coût qui
pourrait être beaucoup plus grand. Alors, si on avait à ce
moment-là une taxe qui soit proportionnelle à l'impact
environnemental, on verrait qu'on favoriserait certains types d'énergie
plutôt que d'autres. Effectivement, on n'est pas contre l'utilisation de
l'électricité, mais on trouve qu'on devrait en faire un usage
intelligent. C'est ça qu'on dit. Ce n'est pas de dire: Arrêtons
d'utiliser l'électricité. Utilisons-la efficacement,
intelligemment, en étant conscients de l'impact que cela a sur
l'environnement et, aussi, pour le respect des générations
futures.
Mme Bacon: Parce que vous nous dites dans votre mémoire:
Les augmentations des tarifs d'électricité ne sont pas la
panacée pour réduire la consommation énergétique
des Québécois. Avec l'augmentation des tarifs de 7,5 % cette
année, 7 % l'année prochaine, augmentation
déterminée par des engagements financiers, Hydro-Québec
tient plutôt à bien se positionner en vue des énormes
emprunts qu'elle devra contracter pour ses futurs mégaprojets. Comment
m'expliquez-vous ça par rapport à ce que vous venez de nous
dire?
M. Ouimet: C'est-à-dire que ce n'est pas la meilleure
solution. On ne dit pas que ce n'est pas une solution, on dit que ce n'est pas
la panacée, ce n'est pas la meilleure.
Mme Bacon: Mais vous venez presque de me faire une
hiérarchie de sources énergétiques que vous voudriez
taxer, par exemple.
M. Ouimet: Bien oui, je pense qu'il y a des sources, il y a des
types d'énergie qui devraient être plus taxés que d'autres.
Je pense encore, je reviens au GRAME où ils parlaient d'une taxe
beaucoup plus importante au niveau du pétrole. Alors je pense que c'est
ce type de taxe là qui devrait être envisagé pour le
pétrole et le charbon par rapport à l'électricité.
Alors, c'est sûr que, à quelque part, les coûts devraient
être augmentés par rapport à notre énergie, mais ce
n'est pas la seule solution. Quand on parle de panacée, c'est simplement
dire que ce n'est pas la meilleure, mais que c'en est une. Et je pense qu'il y
a d'autres solutions qui sont également envisagées, en termes de
choix de société, et faire en sorte que la population participe
à des choix. Actuellement, je pense qu'on participe à une
commission parlementaire où on a... En fin de compte, personnellement,
ma perception de ça, c'est de voir que l'Assemblée nationale qui
représente... Chaque député est élu avec à
peu près 40 % des voix dans chacune des circonscriptions. Il y a 25 %
des gens qui ne vont pas voter aux élections. On peut voir que
l'Assemblée représente à peu près 35 % de la
population qui a vraiment voté pour le député qui est
là, alors que les choix de société vont impliquer tout le
monde. Alors, il serait important qu'on ait une discussion collective, et c'est
pour ça qu'on parle, nous autres, d'une commission élargie, qui
soit capable, à ce moment-là, de pouvoir inviter
la population à voir comment on veut relever ce défi de
participation à un projet collectif où l'on réduit.. Et
les taxes sur l'électricité, c'est un moyen, mais il y a un choix
collectif derrière tout ça. il y a une volonté collective
derrière tout ça. Et je pense qu'en Allemagne, ils en ont
témoigné, en Suède, ils ont témoigné de
cette volonté collective là, et il serait temps qu'on permette
à la population de dire clairement où elle veut aller. Je pense
que, à ce niveau-là, il y a des lacunes.
Mme Bacon: Vous n'avez pas peur que, si on taxe davantage - et je
ne sais pas, dans votre hiérarchie de sources
énergétiques, ce que vous taxeriez le plus ou le moins,,
là - mais est-ce que vous ne craignez pas que les sources
énergétiques que vous taxeriez davantage, ça deviendrait
presque prohibitif pour certaines personnes, et qu'on irait davantage dans
d'autres sources énergétiques?
M. Ouimet: Pour nous, les sources d'énergie les plus
taxées seraient le nucléaire, d'abord, le pétrole, le
charbon. Je pense qu'à ce niveau-là, ce sont des sources qui
mériteraient d'être vraiment considérées. C'est
sûr que l'électricité... On ne dit pas que
l'électricité devrait être plus taxée que les
autres; c'est une forme, effectivement, qui serait moins taxée que le
nucléaire, que le pétrole, mais...
Mme Bacon: Alors, donc, vous allez avoir des plans de
développement . qui vont être peut-être encore plus rapides
que ce qu'on a dans le plan de développement d'Hydro-Québec, si
vous faites ça?
M. Ouimet: Non, c'est pour ça qu'on parle
d'efficacité énergétique. Dans le rapport du groupe DPA,
on nous présente tout un ensemble de mesures qui nous permettent de
pouvoir, sans nier l'efficacité énergétique... Le
scénario que je vous présentais au niveau de la Suède,
où on nous présente une réduction très importante
au niveau de l'efficacité de la consommation d'énergie,
liée à une technologie plus efficace encore, et je pense
qu'à ce niveau-là, je le rappelle, M. Lamarre, tantôt,
mentionnait qu'on arrivait dans des foyers, à Saint-Léonard, ou
je ne me souviens plus exactement du nom de la ville, à réduire
de moitié la consommation d'un ménage avec une technologie
performante où on utilise une technologie comme celle que j'utilise
aujourd'hui pour faire une gestion de l'information qui nous permet de
réduire notre consommation d'énergie. Quand on n'est pas dans une
pièce, pourquoi chauffer la pièce? Si on est capable d'avoir
l'information, à savoir quand je vais entrer dans cette
pièce-là, je peux la chauffer au moment où j'entre dedans.
Il y a une technologie qui se développe, dont on pourrait s'approprier
pour réduire notre consommation d'énergie, et c'en est un
exemple. Cette technologie-là que j'utilise, une gestion de
l'information plus appropriée nous permettrait d'être plus
efficace.
Mme Bacon: En fait, ta consommation d'énergie par habitant
ne rend pas compte, de la structure industrielle qui est propre à chaque
pays. Est-ce que vous ne trouveriez pas souhaitable que les pays qui disposent
en grande quantité d'énergie renouvelable l'utilisent dans la
transformation primaire des ressources?
M. Ouimet: Oui, jusqu'à un certain point. Je reviens
à mon tableau de tantôt que je n'avais pas présenté.
Lorsqu'on voit l'importance de la consommation de deux secteurs industriels,
qui sont les alumineries et les pâtes et papiers, quand on sait qu'il y a
un problème au niveau du stock forestier, au Québec, quand on
sait que l'aluminium est un marché qui, actuellement, est assez
saturé et que, s'il y avait un ralentissement de l'économie, ce
sont des choses qu'on devrait repenser, je pense que c'est important, ça
représente 68 % de la consommation d'énergie pour deux secteurs,
alors que si on regarde l'ensemble des autres secteurs où on va chercher
30 %, si on pouvait considérer les empiois qui sont liés à
ces autres secteurs-là, on se rend compte que c'est intéressant.
Je pense que c'est dans ces secteurs-là qu'on devrait investir plus: le
développement de technologies qui soient liées à la
biotechnologie, qui soient reliées aux technologies de recyclage, c'est
de la recherche, c'est une technologie de pointe qu'on pourrait exporter. On
n'est pas obligé juste de vendre des barrages aux pays en voie de
développement. On pourrait également vendre une technologie qui
permettrait d'augmenter l'efficacité énergétique, qui
serait liée au recyclage de nos déchets. La biotechnologie, c'est
quelque chose de pointe, et je pense qu'on pourrait investir là-dedans.
C'est moins énergivore, ça développerait plus la recherche
et développement, ça favoriserait plus le développement de
la recherche et développement, et je pense que c'est là-dessus
qu'il faut miser.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Orford.
M. Benoit: M. Ouimet, je pense que je vais juste avoir le temps
de poser la question. M. le Président, je pense qu'il y a un vote,
ça se pourrait?
Le Président (M. Bélanger): Oui, dans quelques
minutes. (17 heures)
M. Benoit: Permettez-moi, d'abord, de vous dire que j'ai
grandement apprécié votre présentation. C'est une des
belles présentations que j'ai appréciées. Vous avez
parlé d'environnement. Et
je pense que la démocratie se porte mieux quand on a un Parti
vert dans une province. D'autre part, pour avoir été
président d'un parti politique, je tiens à mentionner que les
grands partis font aussi beaucoup de réflexions pour toute la dimension
de l'environnement. Chez nous, il y a eu des consultations en profondeur, dans
des colloques, à travers le Québec, et je ne voudrais pas que
personne pense que la vérité n'appartient qu'à un seul
parti, au Québec. Je pense qu'elle se partage avec un peu tout le
monde.
Vous avez parlé, dans un de vos tableaux, d'une croissance
économique, en Suède, de 1,90 %. Comment sont-ils arrivés,
ces pays - parce qu'il y a plus que la Suède qui est arrivée
à un compromis comme celui-là - comment ont-ils été
capables de se convaincre, comme projet commun, de se dire: On va avoir une
croissance économique de 1,90 %, quand on sait que d'autres pays autour,
le Japon, et d'autres, auront des croissances beaucoup plus
accélérées, et une croissance comme celle-là
pourrait fort bien amener un taux de chômage élevé? Bon...
Il y a des répercussions sociales très fortes. Comment
arrive-t-on à convaincre un peuple entier qu'une croissance
économique de 1,90 %, ça va être le "fun" et que, pour y
arriver, on va baisser votre consommation sur votre tableau jusqu'à 50
%, dans certains secteurs?
M. Ouimet: Je pense que ce qui est important, c'est d'abord de
faire en sorte qu'on puisse prendre conscience, collectivement, de
l'état de la situation et, autant au Québec qu'au niveau de la
planète, de voir quels sont les enjeux de développement qu'on
veut mettre de l'avant, de voir qu'il existe des façons de
développer économiquement le Québec sans passer par une
consommation encore accrue de l'énergie. Je vous donnais l'exemple que
le Japon consommait deux fois moins d'énergie par habitant que le
Québec. Pourtant, ii a un taux de croissance qui est quand même
élevé. Alors, je pense qu'il est possible de consommer moins
d'énergie. Il est possible de voir qu'avec un taux de croissance
économique plus faible, on puisse réussir à créer
plus d'emplois. L'emploi, ça repose d'abord sur une certaine forme de
partage de richesses. On sait qu'on va devoir parler du partage d'emploi. C'est
quelque chose qui va devoir être considéré. Nous, au Parti
vert du Québec, on considère qu'un emploi à temps plein,
c'est 25 heures par semaine, 40 semaines par année. Alors là,
beaucoup plus de gens pourraient travailler. Je pense qu'on aurait beaucoup
plus de temps pour s'occuper de sa santé, s'occuper de son environnement
et participer au développement de toutes les dimensions de son
être. Pour nous autres, c'est quelque chose qui est important. On a,
actuellement, 28 % de gens qui sont sans emploi, au Québec, après
une période de croissance économique comme on n'en a jamais
connue dans nos sociétés industrialisées. Et là,
vous voulez me dire qu'avec une croissance économique plus accrue, plus
forte, on va créer plus d'emplois? On a vécu la période de
croissance économique la plus forte, et on a encore 28 % de
chômage, au Québec. Alors, pour moi, ça ne me semble pas
l'évidence même.
M. Benoit: 9 %
M. Ouimet: Bien, 9 %, mais il y a des études qui sont
sorties, du conseil social, où on parlait de 28 % de gens qui sont sans
emploi. Là, si vous parlez des chômeurs, c'est différent.
Parce que, quand je parle des sans-emploi, j'inclus les gens qui sont sur le
chômage, les gens qui sont sur le B.S., et les gens qui ne sont sur ni
l'un ni l'autre. Alors là, on regroupe, et à ce moment-là,
on parle de 28 %. Ce sont des chiffres qui sont sortis du conseil social, et je
pense que c'est intéressant de regarder ça. Alors, je pense qu'il
y a des gens qui, à ce moment-là, seraient beaucoup plus
intéressés à ce qu'on parte du partage du travail, qui
serait à notre avis une meilleure solution pour obtenir le plein emploi
du potentiel humain, au Québec.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vous écoute
parler depuis tout à l'heure. C'est avec beaucoup de plaisir qu'on
entend... Mais j'ai quelques réflexions qui me viennent un peu à
l'esprit, rapidement. On parle d'économies d'énergie. On en
arrive, par le fait même, qu'à force d'économiser, on va
moins utiliser ces énergies-là. On risque même, selon votre
grille, de dire: Bien, le nucléaire, premier à disparaître,
le pétrole deuxième, le charbon troisième. Finalement, on
va se retrouver avec un système qui fait qu'on va être encore pris
avec juste l'électricité, si on continue de même, dans le
contexte que je regarde. Et là, si on est pris avec
l'électricité et qu'on a des besoins additionnels qui s'en
viennent plus tard, au niveau du développement économique, on va
être obligés de faire d'autres barrages plus rapidement. J'essaie
de voir, pour bien comprendre, l'optique dans laquelle vous le
présentez. Parce que, à un moment donné, il va y avoir un
frein à la récupération d'énergie. On va arriver,
à un moment donné, qu'on ne pourra plus, au bout de la course,
être capables de dire: J'économise de l'énergie. Parce
qu'on va l'utiliser, cette énergie-là. Et comment on peut allier
votre discours avec le fait que, au bout de la course, l'énergie, on en
a besoin, même si on arrive à faire en sorte qu'on
récupère cette énergie-là en disant: Bien, j'ai des
techniques nouvelles! Vous parlez de dire: Bien, j'arrive dans la maison, je ne
vais pas dans tel appartement, alors je ne mets pas
d'électricité. Quand j'ai un chauffage central.
c'est bien difficile. Alors, de quelle façon va-ton être
capables de faire l'économie d'énergie que vous proposez? Et
où s'en irait-on avec ça, là?
M. Ouimet: Mais, regardez, je vous sors un tableau, qui
était celui présenté par le GRAME dans son annexe II,
où on nous présentait un scénario de zéro pollution
et, en même temps, une réduction de consommation totale
d'énergie de 43 %. Alors là, on parle d'une réduction de
60 % au niveau de l'essence des automobiles, de 38 % pour le carburant
diesel... En général, 60 % pour le pétrole, 50 % pour le
charbon et le gaz naturel et 25 % pour l'énergie. On ne dit pas de
couper, on ne dit pas de faire disparaître, on dit de diminuer. La nature
est capable d'en prendre, de recycler une certaine quantité de
pollution. Ça fait partie des cycles naturels, de pouvoir absorber du
dioxyde de carbone pour le retransformer en oxygène. Mais lorsqu'on en
produit trop, à un moment donné, la nature n'est plus capable de
tenir le coup. Alors, il faut être capables de retrouver un
équilibre et de faire en sorte que notre consommation d'énergie
soit à un niveau acceptable, écologiquement parlant. Ce n'est pas
de dire: On arrête tout. C'est de dire: On va s'organiser pour consommer
moins. Écoutez, pendant la guerre, ils ont dû se serrer la
ceinture, et ils ne sont pas morts parce qu'ils se sont serré la
ceinture. Je pense que la situation actuelle est beaucoup plus grave, parce
que, ici, on se disait: Peut-être que les Allemands vont venir, il va
peut-être y avoir une menace... Mais là, ce n'est pas
peut-être; on est déjà en train de détruire la
planète. Au Québec, c'est déjà quelque chose. Le
problème des pluies acides, on le vit déjà. La destruction
de notre environnement, on le vit déjà. Alors, je pense qu'il est
important de dire: II faut se serrer la ceinture, il va falloir qu'on soit plus
responsables. Et nous, ce qu'on prétend, c'est qu'il est possible de
vivre mieux en consommant moins. Et je pense que c'est là-dessus qu'on
va pouvoir le montrer, avec des exemples comme ça. Il existe des
scénarios où c'est possible de pouvoir avoir une meilleure
qualité de vie tout ' en consommant moins de produits.
M. Jolivet: Vous faites souvent allusion, dans vos comparaisons,
à la Suède et au Japon. On peut comprendre que la Suède,
en termes de climat tempéré nordique, ça peut se
ressembler. Pour parler du Japon, on pourrait le comparer plutôt à
la Colombie-Britannique, avec le climat qu'il y a, par rapport au nôtre,
qui est bien différent. Donc, des comparaisons, des fois,
n'amèneraient peut-être pas les bonnes conclusions, quand on les
place dans un contexte normal. Mais la Suède... J'ai peut-être mal
compris ce qui s'est passé là-bas... On avait parlé,
justement, d'un référendum sur la question de l'utilisation du
nucléaire. Il me semble que, malgré la campagne qui avait
été faite - je peux me tromper, vous rectifierez si vous croyez
que je me trompe - pour dire: On fait disparaître le nucléaire...
Il me semble que le référendum a passé, à l'inverse
de la position de ceux qui prônaient la disparition du nucléaire.
Est-ce que j'ai raison de penser ça?
M. Ouimet: Non, je pense que vous vous trompez. À partir
de 1995, ça devrait être la disparition des premières
centrales nucléaires, en Suède. Ils se sont donné
ça comme objectif, d'arriver à avoir éliminé, d'ici
2020, toutes les centrales nucléaires. Il y a un autre graphique -
malheureusement, je n'ai pas eu le temps de l'entrer sur ordinateur - qui
montrait comment ils avaient adopté ça par
référendum. Donc, d'éliminer les centrales
nucléaires. Ça, c'est clair.
M. Jolivet: En tout cas, j'ai peut-être manqué le
bout, mais il me semblait que c'était l'inverse qui était
arrivé, finalement.
M. Ouimet: Non, non. Je pourrais vous donner des
références, si vous voulez, pour consulter.
M. Jolivet: Non, ça va. Alors, c'est pour ça que la
question qui va suivre, c'est celle que j'avais posée au groupe de M.
Lamarre, le groupe Lavalin. Dans ce contexte, vous dites: On devrait
économiser l'énergie, premièrement. Deuxièmement,
dans un contexte où on devrait utiliser les énergies les moins
polluantes, vous ne seriez pas d'accord avec ceux qui disent: On va devoir un
jour, probablement, utiliser le nucléaire et on devrait, à ce
moment-là, entrer plus amplement dans la filière nucléaire
qu'on ne le fait actuellement?
M. Ouimet: Je pense qu'il y a deux types de sources
d'énergie nucléaire: il y a la fission et la fusion. Et M.
Lamarre faisait allusion à ça, également. Personnellement
- et je n'engage pas le Parti vert - je crois que la fusion
thermonucléaire, c'est une solution intéressante, parce qu'on n'a
pas les risques que la fission nucléaire entraîne. Mais, par
contre, cette technologie-là ne sera pas accessible, pour que ce soit
une source commerciale, avant probablement 40 à 50 ans. Alors, je pense
que ce qui est important, c'est d'imaginer un scénario qui va nous
permettre de faire le pont, d'ici ce temps-là, en réduisant notre
consommation d'énergie et en développant... Quand même, il
a aussi été dit, ici, qu'on pouvait penser à des
mini-barrages hydroélectriques qui permettraient de développer
une puissance de 10 000 mégawatts. C'est quand même non
négligeable. Il existe également d'autres sources
d'énergie. On parlait d'éoliennes, on parlait de sources solaires
qui améliorent grandement.:. Alors, si on est capables de
retarder, par l'efficacité énergétique, on va se
laisser le temps de développer une technologie plus efficace, moins
énergivore, et d'autres sources d'énergie qui, également,
pourraient être plus intéressantes. Ce qu'il faut, c'est se donner
du temps pour être capables de pouvoir faire le pont avec d'autres
sources d'énergie. Et je pense que la fusion, ce n'est pas quelque chose
qu'on rejette, c'est la fission, à cause des déchets, pour
lesquels il n'y a actuellement aucune solution.
M. Jolivet: Vous avez parlé du fait que vous croyez que la
commission parlementaire n'est pas suffisante pour aller consulter l'ensemble
de la population. Quelles seraient, d'après vous autres, les meilleures
façons d'impliquer la population dans les orientations
d'Hydro-Québec? Vous avez fait mention d'une commission permanente,
itinérante...
M. Ouimet: Oui.
M. Jolivet: ...allant dans chacun des milieux. On a parlé
avec M. Lamarre de gens qui pourraient, par le moyen d'un pourcentage du
projet, être financés pour faire la critique du projet. J'aimerais
vous entendre davantage sur cette question.
M. Ouimet: Je pense qu'il existe de telles commissions
itinérantes. Je pense à la Commission Charbonneau qui,
actuellement, travaille sur les déchets dangereux au Québec. Je
pense que c'est un exercice qui, dans certains pays, comme dans l'État
de la Californie, se fait sur une base annuelle. Alors, je pense qu'il existe
des endroits où il y a des études qui se font
régulièrement là-dessus, qui vont consulter la population.
Alors, je pense qu'il est possible, au Québec, de concevoir un
mécanisme qui permette d'avoir une commission itinérante, pour
faire en sorte de faire une consultation auprès de la population, pour
avoir vraiment plus le pouls de la population et se donner le temps,
plutôt que de se lancer dans le développement d'un type
d'énergie qui, en quelque part, pourrait compromettre l'avenir de la
société québécoise.
Je voudrais peut-être faire une petite parenthèse en notant
qu'au Japon, chaque industrie est obligée d'engager un ingénieur
qui s'occupe d'efficacité énergétique, dans son
entreprise, pour réduire la consommation. Il y a différentes
mesures qui pourraient être prises: une consultation populaire, demander
aux entreprises d'avoir un effort accru pour réduire la consommation...
C'est une question de volonté. Actuellement, ce qui manque, c'est de la
volonté. On se laisse pousser par une tendance lourde qui nous dit:
C'est la croissance. C'est ce qu'on connaît depuis 50 ans et c'est ce
que, j'imagine, on va connaître pendant encore 50 ans. C'est une
projection linéaire. On se rend compte qu'on vit dans une
société complexe. Il n'est plus possible de faire simplement une
projection sur l'avenir de ce qu'on a connu dans le passé. Il faut que
le futur soit en fonction des contraintes dont on prend conscience, et avoir
des directions différentes. Je pense que c'est important qu'il y ait une
volonté, et la commission itinérante permettrait justement de
pouvoir mieux connaître le pouls de la population. Il y a beaucoup de
groupes qui sont venus témoigner des interrogations que soulevait le
plan de développement, des interrogations qui sont quand même
valables. Le fait, entre autres, que l'étude d'impact environnemental
cumulatif de la phase I n'a même pas encore été
complétée. Comme le soulève M. Dubuc, l'aspect
économique de la Baie James n'a même pas encore été
clairement défini, et on nous dit: II faut encore aller plus loin
là-dedans. Il faudrait arrêter de courir. Quand je parlais de
rythme de vie, c'est ça. On court après sa queue. On a
l'impression qu'on va arriver plus vite demain en courant, et je pense qu'on va
arriver plus vite dans un précipice. La Commission Brundtland nous met
en garde par rapport à ça. On vit sur la même
planète que les gens qui ont fait le rapport de la Commission
Brundtland.
M. Jolivet: II y a certaines personnes qui nous disent qu'en
matière d'études environnementales Hydro-Québec a mis les
efforts qu'elle juge suffisants. D'autres disent que c'est le ministère
de l'Environnement qui n'a pas les moyens de faire les vérifications qui
s'imposent. On a parlé tout à l'heure avec M. Lamarre de groupes
qui pourraient être financés pour faire la critique des dossiers,
faire la vérification des études d'impact. Est-ce que, vous
autres, vous croyez que ça devrait être encore le promoteur
lui-même qui soit responsable des études d'impact? Est-ce que vous
êtes d'accord avec des groupes qui vérifieraient les études
d'impact? J'aimerais vous entendre sur ça.
M. Ouimet: C'est sûr que lorsque HydroQuébec est
capable de consacrer 47 000 000 $ par année, pour être capable,
avec un département de l'environnement, de faire des études, il
n'y a pas un groupe au Québec qui a les ressources financières
nécessaires pour faire des études comparables. Alors, je pense
que ce serait important qu'il puisse y avoir des groupes de recherche qui
soient différents du promoteur, pour être capables de faire des
évaluations et d'avoir un regard critique. Je pense que cet
aspect-là, d'avoir un point de vue différent, est de plus en plus
reconnu pour la prise de décision. On arrive à des
décisions sages, pas lorsque c'est la domination d'un point de vue sur
les autres, mais lorsqu'il y a une ouverture à différents points
de vue. C'est sûr que ça retarde le développement, mais
ça permet, lorsque développement il y a, d'avoir des gens qui
travaillent ensemble pour le réaliser, au lieu
d'avoir des gens qui vont constamment vous mettre des bâtons dans
les roues parce qu'ils n'ont pas été partie prenante dans la
réflexion qui a eu lieu. Alors, je pense que d'avoir des études
indépendantes des promoteurs, c'est quelque chose qui est important.
C'est vrai que, en quelque part, ça fait un partage de la
responsabilité au niveau du projet, mais je pense que, dans la
réalisation d'un développement d'une société, il y
a plusieurs points de vue à essayer de considérer.
M. Jolivet: Vous croyez que ça serait Hydro-Québec
qui devrait être responsable, comme promoteur, des études d'impact
qui, elles, pourraient être critiquées?
M. Ouimet: Non, je ne crois pas que ça devrait être
Hydro-Québec qui devrait être responsable. Ça devrait
être un groupe indépendant. Il y a des chercheurs universitaires
qui ont des études qui pourraient être présentées.
Il y a des groupements qui, s'ils avaient les ressources, seraient capables de
pouvoir présenter une réflexion qui serait beaucoup plus
articulée. Il existe des gens à l'extérieur
d'Hydro-Québec qui sont capables de réfléchir sur les
impacts environnementaux et qui seraient capables d'avoir une critique
très articulée.
M. Jolivet: J'avais mal compris votre sujet, au départ,
parce que je pensais que vous disiez qu'Hydro-Québec - vous ne l'avez
peut-être pas dit; c'est pour ça que je le posais en
deuxième lieu - pourrait être le promoteur, mais que d'autres
pourraient critiquer. C'est de ceux-là que je pensais que vous
parliez.
M. Ouimet: Non, non, ça devrait être une
étude d'impact qui soit différente de celle du promoteur. Pour
nous, ça, c'est clair.
M. Jolivet: Donc, vous différez d'opinion avec M. Lamarre
et avec M. Couture de tout à l'heure.
M. Ouimet: Oui. tout à fait. Là-dessus, tout
à fait.
M. Jolivet: Dans ce qu'on appelle les économies
d'énergie dont on faisait mention, tout à l'heure, est-ce que
vous croyez qu'Hydro-Québec devrait être le seul groupe qui
investisse? Ou... Vous avez ajouté que des compagnies, comme au Japon,
devraient avoir quelqu'un qui s'occupe de la vérification de
l'utilisation énergétique de son milieu. Est-ce que vous y
croyez, en termes d'investissements, d'amener le monde à utiliser moins,
à mieux utiliser quelque sorte de biénergie, l'énergie qui
est disponible? (17 h 15)
M. Ouimet: Je pense que c'est une responsabilité... La
responsabilité appartient à tous les citoyens, autant citoyens
corporatifs que simples citoyens, et à l'État, également.
Alors, je pense que les sociétés d'État devraient
envisager des scénarios pour réduire leur consommation, mais les
industries et les citoyens aussi. Il y a différentes mesures incitatives
qui pourraient être imaginées. On parlait de la tarification.
Ça peut être un moyen. Il y a des groupes qui pensent,
effectivement, que si on augmentait le prix de l'énergie, ça
amènerait les gens à se creuser plus les méninges,
à utiliser plus leur créativité pour réduire leur
consommation. Il y a des moyens qui permettraient de stimuler la
créativité de tout le monde pour réduire sa
consommation.
M. Jolivet: Vous avez parlé d'un domaine que je connais
beaucoup, qui est celui des forêts. Vous avez parlé de rupture de
stocks possible, dans la mesure où on sait qu'il y a, en tout cas, par
la loi qui a été présentée, des moyens pour
éviter justement la rupture de stocks. Vous sem-blez dire que, s'il y a
rupture de stocks, il y aura possiblement diminution d'utilisation
énergétique, parce qu'il y a des industries qui
disparaîtraient, si je comprends bien. Est-ce que vous croyez encore
ça? Est-ce que vous croyez qu'à ce niveau-là, il y aura
une diminution d'utilisation de l'énergie disponible, pour d'autres
secteurs d'activité, parce qu'i| y aurait disparition d'industries
forestières au Québec?
M. Ouimet: Je pense qu'à ce moment-là, il y a
différentes façons de penser le développement
économique au Québec. Je pense qu'une façon d'utiliser la
forêt comme les industries forestières le voient, c'est un point
de vue. Lorsqu'on discute avec les Amérindiens, on se rend compte qu'eux
autres penseraient plutôt à un autre type d'utilisation de la
ressource forestière, qui serait l'aménagement, entre autres, de
sentiers, de refuges qui permettraient de développer une certaine
infrastructure touristique. On sait que les Européens sont friands du
Nord québécois. Et il y aurait moyen de développer encore
plus l'industrie touristique au Québec. Je pense qu'il y a des
possibilités de ce côté-là qui sont importantes. Et
pour peut-être étoffer un peu la possibilité de rupture de
stocks, je pense qu'il est important de se rappeler que le type de replantation
qu'on fait au Québec, où on ne plante qu'un type d'arbre, je
pense que ça, ça nous met dans une situation où il y a des
risques, à un moment donné, d'épidémies, des
risques de maladies qui s'étendent très rapidement, et qu'on
puisse avoir, à un moment donné, une disparition, dans certaines
régions... La tordeuse d'épinette, ça s'attaque à
une espèce, mais c'est...
M. Jolivet: Oui, mais là, un instant. Vous faites des
comparaisons avec la Suède. Ce n'est pas dans le même sens qu'ils
ont le reboisement
avec la Finlande et la Norvège, là vous? Parce que vous
dites: Au Québec, en termes de reboisement, on n'utilise qu'une sorte,
qui est le résineux. Et là, entre-temps, vous oubliez qu'il y a
des décisions qui ont été prises et qui font suite
à des actions importantes, je pense, qu'on a appuyées et que tout
le monde doit appuyer: celles de réutiliser la ressource
forestière en mettant en place des mécanismes qui permettent non
seulement le reboisement comme étant le dernier des
événements qu'on devrait prendre, mais plutôt des moyens
d'aménagement de la forêt. Je vous transpose avec votre
comparaison de tout à l'heure avec la Suède. Suède,
Norvège et Finlande; à ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de
feuillus qui sont plantés là.
M. Ouimet: Mais, disons que... Je ne vous dirai pas que la
Suède, c'est le modèle idéal sur lequel...
M. Jolivet: Ah, bon, O.K.
M. Ouimet: ...il faut s'aligner. On parlait des politiques
énergétiques.
M. Jolivet: O.K. Ça va pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Si
vous voulez bien remercier nos invités.
M. Jolivet: Oui, c'est avec grand plaisir que je le fais, M. le
Président, en disant que leurs façons de voir les choses
permettent une évolution quant à la compréhension que les
Québécois doivent avoir de la façon d'utiliser
l'énergie au Québec et de protéger en même temps
l'environnement, tout en ne négligeant pas le secteur économique.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Encore une fois, M. le Président, ce sont des
points de vue qui sont tout à fait différents que nous entendons
ici mais, je pense, qui ajoutent encore une fois à la contribution que
les gens peuvent faire à cette commission parlementaire et qui vont nous
permettre de continuer notre réflexion et d'atteindre une
possibilité de prise de décision par la suite. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): J'ai commis un impair,
vous m'en excuserez, Bien oui, M. le député de Jacques-Cartier
avait une question. Alors, si vous permettez, je m'en excuse auprès de
tout le monde. C'est mon erreur. Alors, M. le député de
Jacques-Cartier, si vous voulez poser vos questions.
M. Cameron: Merci, M. le Président. Je serai très
vite, j'espère. Je dois dire que plusieurs discours sur ce sujet de
consommation d'énergie m'étonnent beaucoup. Je pense qu'il y a un
seul moyen réaliste de réduire la consommation d'un service ou
d'un produit, c'est de hausser le prix.
I am constantly surprised that many of the presentations here, that
nobody seems to mention, either the engineers, or the ecologists, or many of
the Members of the National Assembly, that if you wish people to reduce
consumption of any of the forms of energy, all you have to do is double its
price. People will then either consume another form of energy or they will
consume less energy altogether. This is, broadly speaking, what took place with
the OPEC oil rise in the early 1970's and what changed world energy consumption
patterns then. And it is the same sort of thing that explains the changing
requirements in energy now. In other words, it does not seem to me that we can
consider the question of environmental protection, of safety for the
environment, of the use of energy, of the conservation of energy unless we talk
about how much we charge for it and how we pay for it.
M. Ouimet: Disons que, pour moi, c'est bien clair. Tantôt,
j'ai répondu à cette question-là en mentionnant qu'on
envisageait effectivement des taxes sur les différentes sources
d'énergie, pour faire en sorte d'inciter les gens à
réduire leur consommation. On parlait de taxes qui seraient
proportionnelles à l'impact écologique négatif de la
source. Alors, on disait que si on voulait penser au nucléaire,
ça devrait être plus taxé, le pétrole, un peu moins
et l'électricité, moins On ne rejette pas l'idée d'avoir
des taxes sur l'électricité ou les autres sources
d'énergie. Je pense que ce qu'on mentionne, c'est justement d'avoir des
taxes qui soient proportionnelles à l'impact, pour ne pas qu'on taxe sur
le même niveau tous ces produits-là, mais qu'il y ait une
incitation à utiliser certaines formes moins polluantes. Mais c'est
sûr que la façon de responsabiliser les consommateurs et les
producteurs, c'est en leur faisant assumer le coût réel de leur
geste. Actuellement, le prix ne reflète pas les coûts réels
et, nous, on croit qu'on devrait avoir des prix qui devraient être plus
près de ces coûts-là. Alors pour nous, il est clair que les
coûts d'énergie, en général, devraient être
haussés pour favoriser l'économie d'énergie et la
créativité pour réduire la consommation.
M. Cameron: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le Parti vert du Québec pour sa
contribution à ses travaux. J'inviterais à la table des
témoins l'Association de conservation des milieux environnementaux
terrestre et aquatique du
Québec. Si vous voulez bien vous approcher.
Ça va peut-être prendre une minute pour permettre à
M. Ouimet de...
Association de conservation des milieux
environnementaux terrestre et
aquatique du Québec
Alors, pour vous expliquer un peu nos règles de procédure
- excusez, à cette heure-ci et après plusieurs jours, on est un
petit peu fatigués. Vous avez vingt minutes fermes pour la
présentation de votre mémoire. Si vous dépassez, je ne
vous chicanerai pas, mais je vais être obligé de vous
interrompre et, à moins d'un consentement, on ne pourrait continuer. De
toute façon, l'objectif est, en vingt minutes, de nous donner votre
point de vue. Il y aura ensuite une période d'échange avec les
parlementaires.
Alors, avant de commencer, je vous prierais de bien vouloir identifier
votre porte-parole, de présenter ceux qui vous accompagnent et,
lorsqu'il y aura cette période d'échange, si possible et si on
s'en rappelle, essayez de vous identifier avant de prendre la parole. Ça
aide énormément les gens qui font la transcription des
débats. Alors, je vous remercie. Si vous voulez procéder.
Mme Milot-Roy (Valérie): D'accord. M. Stéphane
Guay, Mmes Marie-Çhantale Bouchard et France Pouliot. Moi, je suis
Valérie Milot-Roy.
M. le Président, Mme la ministre, je tiens à vous
remercier de permettre à l'Association pour la conservation des milieux
aquatique et terrestre du Québec de s'exprimer devant cette commission.
L'ACMETAQ est une jeune association dont le but est de protéger
l'environnement. Composée majoritairement d'étudiants de
l'Université Laval, son action se situe ponctuellement et
périodiquement plutôt que globalement. Le coup d'oeil que nous
voulons jeter sur les perspectives de l'énergie électrique au
Québec n'est pas celui d'un expert en développement
économique ou technologique, ni celui d'une sommité en
environnement. En fait, c'est plutôt la vision de jeunes citoyens qui
n'occupent actuellement pas les postes où se prennent les
décisions, mais qui les occuperont, selon toute probabilité,
alors que battra son plein un. quelconque plan de développement de la
société Hydro-Québec. Il convient de noter qu'afin
d'être présents aujourd'hui, nous avons investi beaucoup de temps
et d'énergie dans la compréhension du dossier du
développement énergétique. Il nous semble
particulièrement évident que votre état d'élus
rémunérés, désignés pour siéger en
commission parlementaire, vous enjoint de porter une oreille attentive à
ce qu'une strate mal représentée dans le gouvernement a à
dire au sujet de l'avenir que vous êtes en train de lui forger.
M. le Président, devant l'éventuelle mise en oeuvre des
projets de développement de la société
Hydro-Québec, notamment ceux de la Grande Baleine et de
Nottaway-Broadback-Rupert, nous voudrions vous faire part de nos
inquiétudes. La mise en eau des projets de développement
d'Hydro-Québec aurait pour résultat d'inonder une grande
superficie du Nord-Ouest québécois. Ceci aurait des
conséquences environnementales et sociales.
Premièrement, une augmentation considérable du mercure qui
entre dans la chaîne alimentaire. Ce composé est retrouvé
principalement en haute concentration chez les poissons, ce qui a
déjà eu des conséquences dramatiques pour les peuples
autochtones du Nord québécois.
Deuxièment, la perte en habitat floristique et faunique. On peut
penser à la disparition d'une partie des aires de nidification des
oiseaux migrateurs, à la modification du régime d'apport d'eau
douce dans les aires fréquentées par les mammifères
marins, à la perturbation de l'habitat naturel du caribou, à la
deforestation, à l'absence de développement d'une flore stable
autour des réservoirs, a l'impact qu'aura la perturbation des migrations
sur le cycle vital des poissons, sans compter les effets pour les
espèces rares ou menacées.
Troisièmement, la perturbation du cycle naturel de l'eau. Le
débit deviendra maximal en hiver, pour satisfaire la forte demande
énergétique qui caractérise cette période. Cette
modification temporelle du débit des rivières, qui est
naturellement minimal en hiver et maximal au dégel printanier,
entraînera une perturbation temporelle de l'apport en nutriments dans les
écosystèmes aquatiques.
Quatrièmement, les effets des lignes à haute tension. Ces
infrastructures entraîneront la deforestation de longs corridors,
créant des cicatrices à la surface du globe. Les lignes à
haute tension créeront des champs magnétiques et
électriques qui ont un effet négatif sur la vie animale
environnante. De plus, l'entretien des corridors exigera l'utilisation de
phytocides.
Cinquièmement, les effets imprévisibles comme, par
exemple, les variations climatiques. Cette catégorie d'effets demeure
inconnue du grand public, vu le manque flagrant d'études d'impact
global. À noter ici que l'accumulation d'études d'impact, qui ne
font pas l'objet d'une synthèse, ne peut rendre compte de l'impact
réel d'un projet si vaste et si complexe sur le plan de ses
répercussions écologiques.
Finalement, on doit escompter un manque de respect des peuples
autochtones et une perturbation additionnelle de leur mode de vie. Ils verront
leur environnement et leurs ressources vitales et sociales grandement
affectés par la réalisation d'un tel projet. On peut ici mettre
l'emphase qu'Hydro-Québec est loin d'avoir fait la preuve qu'elle
verrait à ce que ses employés et leurs activités
respectent les autochtones et leur territoire. Citons, à cette fin, la
critique parue dans Le Devoir du 10 mai 1990, qui traitait
de l'impact des travailleurs sur le territoire, l'été
dernier.
Du point de vue économique, le programme d'équipement
exigera des financements de 62 000 000 000 $, dont 75 % devront être
financés par des emprunts étrangers. Il est inquiétant de
penser que la dette d'Hydro-Québec atteindra 75 000 000 000 $ en l'an
2000. On peut douter de la rentabilité de ces investissements,
étant donné que la société d'État n'a pas
encore divulgué ses études de faisabilité sur les projets
d'exportation. Comment s'assurer de la rentabilité d'un projet pour
lequel les investissements pour les coûts de construction et d'entretien
sont estimés, alors que les contrats de vente
d'électricité pour l'exportation sont fixes? Cela est
inquiétant, si l'on considère que la première phase de la
Baie James a coûté plus que son prix estimé.
Pourquoi le Québec investirait-il alors dans des projets dont les
retombées dépendent de conditions imprévisibles, telles
que le niveau de l'eau dans les bassins? Notons ici qu'Hydro-Québec a
accusé, cette année, des pertes à cause de la faible
hydraulicité. Quant aux emplois nordiques créés par les
mégaprojets, ils ne sont que temporaires et engendrent des
problèmes sociaux, en raison de l'éloignement. On devrait
plutôt investir dans la création d'emplois plus stables et plus
locaux, axés sur l'économie d'énergie, afin d'exploiter le
gisement qu'est ce secteur, dans le développement de formes
d'énergie locales et dans la fiabilité à long terme du
réseau actuel. (17 h 30)
Donc, puisque nous pouvons actuellement douter de la pertinence
économique et environnementale des projets de développement, nous
revendiquons, l'imposition d'un moratoire sur les projets de
développement d'Hydro-Québec; un débat de fond sur le
développement énergétique du Québec, avant
même d'envisager la mise en chantier d'un nouveau projet d'expansion; des
études d'impact non biaisées sur les conséquences
environnementales et qui, contrairement à celles dont nous disposons
actuellement, ne seraient pas le fait d'Hydro-Québec.
On peut, en effet, douter de la crédibilité de l'expertise
environnementale d'Hydro-Québec puisque, sans l'intervention du public,
dans ce cas-ci des pêcheurs sportifs, le projet d'aménagement de
la rivière Moisie aurait été mis de l'avant sans tenir
compte des besoins migratoires du saumon, et cela, malgré les
études d'impact commandées par Hydro-Québec. Situation
typique d'un conflit d'intérêts.
Nous demandons de plus la divulgation des études de
faisabilité et, finalement, des audiences publiques qui permettraient la
transmission aux Québécois d'une information claire et
sérieuse au sujet des projets de développement
d'Hydro-Québec dans le Nord québécois, information rendant
possible une prise de position éclairée et, par le fait
même, l'existence d'un débat de fond dans la société
québécoise sur le développement
énergétique.
Voici le contenu de notre mémoire. Nous croyons qu'il est
cependant nécessaire de préciser les raisons pour lesquelles des
audiences publiques sont indispensables. Il faut tout d'abord être
conscients du fait que la Proposition de plan de développement
1990-1992, Horizon 1999, d'Hydro-Québec, sont complexes et
présentent plusieurs facettes. Il est vrai que l'énergie
hydroélectrique est actuellement la plus intéressante, tant au
point de vue économique qu'environnemental; là n'est pas la
question. Ce n'est pas tant le fait qu'un quelconque projet de
développement se réalise qui nous préoccupe, mais bien
l'esprit dans lequel il sera réalisé. Ce qui est le plus
frappant, quand on s'attarde sur les projets de développement de la
société d'État, c'est à quel point ils sont faits
dans une optique qui remonte aux années soixante-dix, dont la devise
était: II faut produire plus d'énergie, parce que nos besoins
vont augmenter. Il est évident que cette philosophie est insoutenable
dans le contexte mondial actuel et ceci, pour deux raisons:
premièrement, nos ressources n'étant pas inépuisables,
nous sommes actuellement confrontés à la nécessité
d'économiser l'énergie, car il faut se rendre à
l'évidence que l'environnement est de plus en plus interrelié
à l'économie et le sera davantage dans l'avenir;
deuxièmement, la courbe des besoins hydroénergétiques des
Québécois rejoindra un jour celle du potentiel
hydroélectrique de la province. On peut légitimement se demander
ce qu'il arrivera alors de la belle indépendance
énergétique du Québec, si indispensable, semble-t-il,
à un sain développement économique.
Selon les prévisions d'Hydro-Québec, en 2040, les
rivières québécoises économiquement
aménageables l'auront été, et rien n'indique, dans les
projets de développement, que nos besoins énergétiques se
stabiliseront alors. En effet, dans 50 ans, rien ne nous permet de croire que
le développement économique du Québec sera sevré de
son besoin d'autonomie énergétique. Pourtant, à ce moment,
toutes les rivières seront "harnachées". La bougie sera-t-elle
alors la seule solution?
Cette vision désuète se reflète dans la porte de
sortie que se donne Hydro-Québec dans l'éventualité d'une
mauvaise prévision de nos capacités à économiser
l'énergie hydroélectrique. Dans cette éventualité,
la solution est claire: on n'aura d'autre choix que de devancer les
échéanciers du programme d'équipement. Cette solution
facile et préconçue image bien l'esprit dans lequel sont
élaborées les politiques d'économie de l'énergie
d'Hydro-Québec. Un échec dans la réduction de la
consommation de l'énergie au niveau des consommateurs se traduira tout
simplement par une augmentation de la production énergétique.
Ceci va tout à fait à rencontre
du rapport de la Commission Brundtland, qui met en évidence la
nécessité d'économiser l'énergie pour tendre vers
un développement durable, le seul scénario plausible pour
permettre un avenir aux générations futures.
Nous ne doutons pas, par ailleurs, des bienfaits des réalisations
antérieures d'Hydro-Québec. Cependant, on ne peut comparer les
besoins du Québec actuel, province dont l'économie est moderne et
diversifiée, à ceux du Québec . de 1970. Maintenant, ce
dont le Québec a besoin, c'est d'envisager les problèmes mondiaux
actuels et d'en déduire les défis auxquels auront à faire
face tous les pays industrialisés. À titre d'exemple, on peut
suggérer que les entreprises de l'avenir seront celles qui auront
réussi à améliorer leur efficacité
énergétique.
Tout comme le Québec a su, dans les années soixante-dix,
relever, moderniser et diversifier son économie, nous croyons en sa
capacité à réorienter son action, de façon à
offrir, d'ici à quelques années, l'expertise au niveau de
l'économie de l'énergie, qui servira tout autant dans les autres
pays qu'a servi l'expertise en développement hydroélectrique
acquise lors de la construction de Baie James, phase I. Mais ce qui est le plus
difficile actuellement, c'est d'effectuer ce virage et d'agir en
conséquence. Ce virage nécessite la réévaluation en
profondeur des mandats et de l'infrastructure de la société
d'État. Tant qu'Hydro-Québec continuera à élaborer
des plans de développement qui répondent à leur mandat
initial de constructeur de barrages et que les gens qui y travaillent auront
comme fonction de mener à terme de telles entreprises, ils ne pourront
rencontrer l'objectif de la réévaluation,
réévaluation qui permettrait à l'entreprise de se lancer
dans une avenue nouvelle allant vers l'atteinte des objectifs fixés par
la Commission Brundtland.
Pour finir, il nous semble important de souligner qu'il est, pour le
moins, paradoxal que le gouvernement québécois finance la
recherche nordique, alors qu'il s'apprête à altérer
irrémédiablement des écosystèmes qui tirent leur
intérêt scientifique de leur virginité. Certains d'entre
nous auront la chance d'aller travailler et étudier dans le Nord
québécois cet été. La perspective qu'ils seront
peut-être parmi les derniers à bénéficier d'une des
dernières étendues encore inaltérées de la
planète nous attriste
En vous remerciant, M. le Président, d'avoir bien voulu nous
consacrer quelques instants, nous voudrions souligner que tout
développement qui implique la consommation supplémentaire
d'énergie, alors qu'on devrait s'acharner à la conserver, ainsi
que le gaspillage de nos ressources naturelles va à rencontre d'un
virage écologique mondial. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, Mme la
ministre.
Mme Bacon: Je vous remercie beaucoup du travail que vous avez
fait. Je pense que c'est vrai que ça demande énormément de
recherche et de travail acharné pour préparer un mémoire,
venir rencontrer les membres de la commission parlementaire et discuter avec
nous de vos idées, de vos sentiments, aussi, face à l'avenir et
face au présent. Je pense qu'on est présentement vis-à-vis
d'une décision à prendre et je vous remercie d'avoir pris la
peine de faire tous ces efforts pour venir nous rencontrer. Je pense que
ça enrichit davantage la commission.
D'après nos informations, la mise en eau des projets de
développement d'Hydro-Québec, Grande Baleine, NBR, ne signifiera
pas l'inondation du cinquième du territoire du Québec, mais
plutôt la création d'environ 9700 kilomètres carrés
de réservoir, soit environ 0,6 % de la superficie du Québec. Si
on ajoute les réservoirs existants des phases I et II de la Baie James
on appelle ça les réservoirs La Grande 2, La Grande 3, La
Grande 4, Caniapiscau, EOL, Fontanges et Laforge 1, - on arrive a un peu plus
de 22 000 kilomètres carrés de réservoir, soit environ
1,35 % de la superficie du Québec, dont environ le tiers est ou
était déjà constitué de milieux aquatiques. Comment
justifiez-vous, alors, votre affirmation à l'effet que le
cinquième du territoire du Québec sera inondé, advenant la
réalisation des projets Grande Baleine et NBR? Et, une fois, je pense,
cette rectification faite concernant les superficies inondées, est-ce
que les effets que vous appréhendez sur les habitats floristiques et
fauniques ne vous semblent pas moins dommageables que vous ne l'aviez
pensé?
Mme Milot-Roy: Est-ce que vous me permettez de répondre?
Bon. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on a réécrit le
mémoire avant de venir ici, entre autres.
Mme Bacon: On a travaillé d'après votre premier
mémoire.
Mme Milot-Roy: Oui, je sais. Je suis désolée. Mais,
alors, on a rectifié nous-mêmes: inonder une grande superficie du
Nord-Ouest québécois, au lieu d'un cinquième, parce que
nos informations ont changé aussi. Bon, dans la mesure où
ça...
Mme Bacon: Est-ce que vous êtes encore inquiets de...
Est-ce que ces effets appréhendés vous semblent moins
dommageables maintenant que vous avez davantage d'information?
Mme Milot-Roy: C'est sûr que, si on passe de un
cinquième à un pour cent, ou quelque chose comme ça, les
effets vont être moins grands; ça, c'est sûr. Quant à
dire que ça nous inquiète moins, oui, mais ça nous
inquiète quand même, puis c'est ça qui est important. Parce
que
la société, actuellement, gruge de tous les
côtés sur l'environnement, que ce soit un peu moins en
hydroélectricité, puis si c'est dans 20 ans pour construire
d'autres centrales, le problème reste le même, et il faut le voir.
C'est sûr que le fait que ça ne soit pas un cinquième,
ça nous soulage beaucoup.
Mme Bacon: Est-ce que, quand on modifie un
écosystème, est-ce que vous pensez que c'est
nécessairement pour le pire, ou si on peut l'améliorer,
l'écosystème?
M. Guay (Stéphane): Moi, je n'ai pas l'impression que
quand tu modifies un écosystème qui, naturellement, s'est
formé d'une façon, surtout quand on parle d'inondation, parce
qu'on libère du mercure dans le milieu, je ne crois pas que les poissons
vont trouver ça agréable de se retrouver, à un moment
donné, avec un taux de mercure. Le poisson comme tel, ça ne le
dérange pas trop, mais quand tu vas arriver au bout de la chaîne,
tu as ton poisson qui va être mangé par un plus gros, plus gros,
puis celui au bout, il peut même en mourir, de ce métal-là,
surtout quand on va parler des mammifères marins. Je no crois pas qu'on
puisse améliorer le milieu écologique en l'inondant; ça,
on ne me le fera pas croire.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous faites plusieurs
affirmations - et je me réfère toujours au premier
mémoire, parce que c'est là-dessus que j'ai travaillé...
Peut-être corriger à mesure - surtout sur les effets des lignes
à haute tension, ça vous en avez parlé dans votre premier
mémoire. Dans certains cas, par exemple, au sujet de l'effet biologique
des champs électriques, des champs magnétiques, les experts sont
d'accord pour affirmer qu'une exposition de courte durée aux champs
électriques et magnétiques n'entraîne aucun effet nocif
pour la santé. Les conséquences d'une exposition à long
terme restent, je pense, à confirmer; on n'a pas toutes les
données. Vous avez affirmé que les champs électriques et
magnétiques ont des effets biologiques certains. Est-ce que vous avez
des sources de renseignement sur lesquelles vous vous basez? Vous avez fait de
la recherche pour votre document.
Mme Bouchard (Marie-Chantale): Mon nom est Marie-Chantale
Bouchard; je suis conseillère de l'ACMETAQ. Il y a eu récemment
une étude qui n'est pas scientifique, à noter; ça vient de
la bouche d'un agriculteur qui disait que sa production laitière a
diminué de beaucoup et que ses vaches étaient vraiment moins
productives. Ce projet-là, qui a été posé... Les
gens se sont, ont... Voyons, comment je pourrais dire ça? En tout cas,
ils ne voulaient pas que les lignes à haute tension passent, justement,
à cause de la baisse de productivité et ils ont réussi.
Donc, c'est qu'ils avaient des éléments qui étaient...
Mme Bacon: C'est un vécu, là? Mme Bouchard: C'est
un vécu.
Mme Milot-Roy: Peut-être pour ajouter que tout le monde qui
a déjà habité proche de lignes à haute tension sait
que ça dégage, un grésillement, pendant toute la
journée. S'il n'y a pas d'études scientifiques qui ont
été faites, c'est fort possible, mais on ne peut pas, parce qu'il
n'y en a pas eu, dire: Bon, bien, on oublie ça.
Mme Bacon: Non, non, je suis d'accord. Mme Milot-Roy:
Nous, c'est notre position.
Mme Bacon: D'accord. Toujours concernant certains impacts
environnementaux possibles, vous prévoyez que les projets
d'Hydro-Québec auront un effet sur le cycle vital des poissons, dû
à une perturbation des migrations, et je vous rejoins là-dessus,
sur les poissons. On sait qu'il y a peu d'espèces migratrices qui
fréquentent les rivières de la côte est de la baie d'Hudson
ou de la baie James, que les migrations ne sont possibles sur certaines
rivières que sur quelques kilomètres, en raison des
dénivellations importantes le long des cours d'eau qui sont
touchés, ce qui crée des chutes, ce qui crée des cascades
de plusieurs mètres de hauteur qui sont impossibles à franchir.
Moi, j'aimerais que vous nous expliquiez davantage quels pourraient être
les effets des grands projets comme Grande Baleine, NBR, sur les migrations des
poissons. Est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus?
Peut-être Stéphane?
M. Guay: O.K. C'est que, quand les poissons vont pour faire une
migration... Admettons qu'on prenne une rivière où il y a une
migration. Il y a un grand projet qui coupe le cycle, qui va augmenter le
débit en hiver, puis qui va le réduire, justement, au printemps;
mais, au printemps, a lieu la migration, puis les grandes rivières
apportent des nutriments aux poissons qui s'en vont en migration. Alors, le
poisson, le géniteur, en plus de ne pas pouvoir se nourrir, à ce
moment-là, va se retrouver, il va pondre ses oeufs, puis, rendu à
l'hiver, le débit va augmenter et il peut même aller
jusqu'à emporter les oeufs.
Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que... Vous avez fait une
recherche, est-ce que ça a été facile pour vous d'avoir de
l'information? Est-ce que vous croyez que c'est facile d'être bien
informé dans tous ces grands dossiers-là, qui sont, quand
même, des dossiers difficiles?
M. Guay: L'information que j'ai vient d'un chercheur de
l'Université Laval, qui, lui, travaille
justement à Grande Rivière sur ces projets-là.
Selon lui, le dérèglement du cycle hydrologique va
nécessairement couper, mais pas nécessairement... Le frai du
poisson va avoir lieu, mais ce sont les conséquences par la suite sur
les oeufs, étant donné qu'on augmente le débit en hiver,
chose qui n'est pas supposée. Le débit est supposé
diminuer en hiver.
Mme Bouchard: J'aimerais apporter un point
supplémentaire...
Mme Bacon: Oui. (17 h 45)
Mme Bouchard:... au niveau de l'information. Ça concerne
notre recherche et tout ça. Alors, supposément que c'est
très facile d'obtenir les dossiers d'impact et tout ça. Moi, j'ai
fait des démarches au niveau du gouvernement pour obtenir ce qui avait
été fait et, croyez-moi,, on vous transfère à peu
près cent fois d'un téléphone à l'autre. Alors, il
n'y a pas moyen de se rendre aux documents. Alors, moi, c'est un point que je
trouve qui manque...
Mme Bacon:... Énergie et Ressources?
Mme Bouchard: C'est ça. Il manque d'information pour les
gens qui veulent en avoir. Moi, en tout cas, j'ai essayé, et ce sont des
démarches interminables. Tu te décourages et tu ne veux plus rien
savoir.
Mme Milot-Roy: II y a aussi l'aspect... Excusez-moi... On a eu,
bien sûr, tous les petits livres de différentes couleurs
publiés par HydroQuébec sur différentes phases. Passer
à travers tout ça, pour le citoyen moyen, c'est quelque peu
irréalisable. Surtout en période d'examens, quand c'est là
qu'il faut le faire. C'est compliqué. L'information est là,
ça, on ne le met pas en doute, mais est-ce qu'elle est accessible? Pas
sur le plan physique, mais sur le plan intellectuel, et ça, c'est une
autre question. On dirait...
Mme Bacon: Parce qu'elle est trop volumineuse. Il y en a
trop.
Mme Milot-Roy: C'est ça. On dirait que la
société Hydro-Québec se plaît à faire des
choses très, très compliquées, qu'on ne peut pas
comprendre facilement. Son mémoire, sur ce plan-là, pourrait
être diffusé. C'est assez intéressant.
Mme Bacon: Est-ce qu'un peu de vulgarisation de ces
dossiers-là... Est-ce que ce serait plus facile à absorber, si
c'était davantage vulgarisé? Parce que c'est très
technique. Pour avoir appris l'énergie depuis mon arrivée au
ministère, je sais que c'est très technique, ce n'est pas facile.
Et souvent, il faut une vulgarisation des dossiers pour essayer, au moins, d'en
saisir l'essentiel. Il faudrait peut-être leur dire de faire ça. .
Est-ce que vous croyez que le Québec devrait utiliser ses ressources
hydrauliques pour satisfaire ses besoins futurs en électricité ou
s'il devrait plutôt s'engager dans d'autres filières
énergétiques, comme le nucléaire, le thermique, les
énergies nouvelles: biomasse, solaire, éolien-ne?
Mme Milot-Roy: On a bien dit dans le mémoire qu'on croyait
et qu'on était convaincu que l'hydroélectricité
était la meilleure réponse à nos besoins
énergétiques actuels, sauf qu'on n'a pas voulu situer...
Mme Bacon: Oui, mais je voulais vous pousser un peu plus
loin.
Mme Milot-Roy: Oui, mais vous allez me faire tomber...
Des voix: Ha,ha, ha!
Mme Bacon: Oh, non! Vous avez les deux pieds bien sur terre.
Mme Milot-Roy: Cependant, ce n'est pas sur ce plan-là
qu'on voulait situer le débat, nous, parce qu'on a l'impression
qu'à un moment donné, même si ces ressources-là sont
très bonnes, elles ne seront plus là, puis il faut
économiser l'énergie. Quand on regarde les publicités
actuelles d'Hydro-Québec, qui disent: Économisez
l'énergie, mais ne vous privez pas - vous verrez sûrement,
à la télé, dans les prochaines semaines - c'est ça
qui nous fait peur. Ce n'est pas vrai quand, moi, je veux maigrir, qu'il ne
faut pas que je me prive, qu'il n'y a aucune privation. Ça ne marche
pas, ces régimes-là. Je pense que c'est la même chose pour
l'économie de l'énergie. Si on ne se prive pas et si on dit:
Écoutez, vous êtes bien dans votre niveau de vie actuel, eh bien,
continuez à économiser les énergies, mais ne vous privez
pas, ça ne donnera rien.
C'est sur ce plan-là qu'on voulait situer le débat. On n'a
pas l'impression qu'il y a de vrais efforts qui sont faits pour qu'il y ait de
l'économie d'énergie. Je pense que Marie-Chantale voulait
ajouter...
Mme Bouchard: Un autre aspect que je voudrais ajouter, c'est le
fait qu'on a l'impression aussi que, quand on va être privés
d'énergie, on va aller dans les avenues d'autres possibilités que
l'hydroélectrique. Alors, selon moi, c'est présentement qu'il
faudrait regarder dans l'avenue des recherches pour les autres moyens parce
que, à un moment donné, l'hydroélectrique, ça
s'épuise, et Hydro-Québec l'a bien montré.
Mme Bacon: Si on prenait le risque, je dis
bien si on prenait le risque de ne pas construire Grande Baleine - parce
qu'on sait que ça prend 10 ans; Hydro-Québec a un programme
d'économie d'énergie sur 10 ans, une période de 10 ans -
et si, en bout de ligne, on arrive, dans 10 ans, et qu'il nous manque de
l'énergie, on n'en a pas d'électricité, à cette
époque-là, quand on va arriver en 1998... Ça va vous
paraître loin, là, mais, moi, 1970 ne me paraissait pas trop loin.
Comment réagit-on, à votre âge, ou on dit: Qu'est-ce qui va
nous arriver à nous, dans 10 ans, si on manque d'énergie, si on
n'est pas capables... Parce qu'il y a, quand même, tout le milieu
industriel qui en a besoin, il y a des emplois, toute la vie économique
en dépend, parce qu'on s'est habitués à ça. Est-ce
que vous êtes prêts à prendre le risque de ça,
à votre âge?
M. Guay: Nous autres, on ne voit pas vraiment le risque si gros
que ça parce qu'on serait prêts à commencer, dès
aujourd'hui, à aller vers un système d'économie de
l'énergie. O.K.? Dans ce sens-là, on diminue, comme les chiffres
l'ont montré tantôt...
Mme Bacon: Mais pas construire de barrage.
M. Guay: Hein?
Mme Bacon: Pas construire de barrage.
M. Guay: Moi, je ne construirais pas le barrage. Moi,
personnellement, le barrage, je ne le fais pas. Même que je trouve que ce
serait une bonne chose pour tout le Québec de dire: On ne fait pas le
barrage, puis on se serre les coudes et on décide d'aller vers des
avenues nouvelles.
Mme Bacon: Qui seraient?
M. Guay: Qui seraient... Bien, on commence par faire de
l'économie; par la suite, avec l'argent qu'on n'a pas mis dans les
barrages, on peut faire de la recherche. Je suis certain que, si on met 62 000
000 000 $ dans la recherche, on va sûrement trouver quelque chose. Moi,
je suis convaincu que 62 000 000 000 $, c'est beaucoup d'argent...
Mme Bacon: L'hydrogène? On s'en irait à
l'hydrogène?
M. Guay: Ça dépend. On pourrait aller à
l'hydrogène, sauf qu'il faut trouver des moyens très
sécuritaires.
Mme Bacon: II faut que ce soit quand même une
énergie qui est sécuritaire, qui est propre.
M. Guay: Oui, une énergie sécuritaire et propre,
mais...
Mme Bacon: Qui ne pollue pas.
M. Guay: ...l'hydroélectrique est propre. Mais, là,
quand on est rendu qu'il faut détruire notre environnement... On dit:
Bon, on fait de l'hydroélectrique pour réduire...
L'environnement, mais là...
Mme Bacon: Si vous disiez modifier au lieu de détruire,
non? Vous n'acceptez pas ça, modifier, non?
M. Guay: Moi, je le détruis, on le détruit
carrément. On détruit l'environnement, on en fait un autre. Mais
celui qui est en-dessous est détruit. Ça, pour moi, ça
reste clair. Ensuite de ça, on parlait du niveau industriel, que
ça crée des emplois. Moi, ces emplois-là, je les trouve
sans vraiment d'importance parce qu'on peut prévoir qu'à long
terme le marché de l'aluminium, un gros consommateur d'énergie,
va probablement disparaître, peut-être pas complètement,
mais va saturer. D'ailleurs, il est presque saturé. Pourquoi
investirait-on dans un barrage pour pouvoir créer des alumineries, alors
qu'on sait que ces emplois-là, d'ailleurs, sont très
coûteux pour nous, les Québécois, en général,
parce que c'est nous autres qui allons payer le barrage. Ce n'est pas
l'aluminerie qui finira par payer le barrage, ça va être
l'ensemble des Québécois. Ça fait que je ne vois pas
pourquoi on investirait davantage pour faire plus d'énergie pour ensuite
la donner à des industries qui vont faire de l'argent.
Mme Bacon: Vous croyez à l'énergie solaire?
M. Guay: L'énergie solaire, moi, j'y crois beaucoup. J'y
crois beaucoup parce que le soleil dégage énormément
d'énergie vers la terre et il y a moyen de l'utiliser, sauf qu'il faut
mettre le temps, il faut investir beaucoup d'argent pour y arriver.
Mme Bacon: Dans combien de temps pourrait-on se chauffer à
l'énergie solaire, vous pensez, au Québec?
M. Guay: Se chauffer au Québec?
Mme Bacon: L'ensemble de la population pourrait utiliser...
M. Guay: C'est ça qu'on dit On ne dit pas qu'on
utiliserait l'énergie solaire complètement, sauf qu'on peut
parler de l'utiliser avec...
Mme Bacon: Comme alternative?
M. Guay: Pas comme alternative...
Mme Mitot-Roy: Comme complément
M. Guay: . comme complément. Un complé-
ment qui nous éviterait de construire d'autres barrages,
d'utiliser d'autres sources d'énergie, et ça, ça serait
évidemment une énergie très propre.
Mme Milot-Roy: Est-ce que vous me permettriez de revenir sur le
début de votre question?
Mme Bacon: Oui.
Mme Milot-Roy: Vous demandiez si on était prêts,
nous, à risquer que, dans 10 ans, il n'y ait pas assez d'énergie
pour nous chauffer, pour prendre notre douche. Il faut dire que...
Mme Bacon: C'est de ne pas avoir créé des emplois,
surtout.
Mme Milot-Roy: Oui, d'accord. On est biologistes, alors, il ne
faut pas...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Vous êtes sûrs d'en avoir.
Mme Milot-Roy: Moi, ce qui me préoccupe beaucoup plus,
c'est si je vais être capable d'aller dans le centre-ville de
Montréal et de respirer aussi. Alors, il faut voir que, nous, on le voit
peut-être dans une perspective beaucoup plus globale. Ce n'est pas tant
juste l'énergie qui nous préoccupe, mais c'est notre mode de vie
dans 10 ans, dans 20 ans, quand, nous, on va avoir des enfants, quand, nous, on
va être à votre place. Est-ce que ça va être possible
encore de vivre comme on vit actuellement? Donc, il faut voir l'énergie
qui s'inscrit là-dedans.
Mme Bacon: Mais la pollution du centre-ville de Montréal,
ce n'est pas l'électricité quand même.
Mme Milot-Roy: Non, ce n'est pas l'électricité,
mais c'est une façon de voir... J'ai entendu et vous avez entendu le
groupe de recherche GRAME en macro-économie. Il a mis le doigt sur des
choses vraiment intéressantes. C'est globalement Parce que, si la
personne se met à prendre le transport en commun pour aller à son
milieu de travail, elle va penser à fermer sa lumière. Selon moi,
c'est relié tout ça, parce que, moi, quand je prends le transport
en commun, je trouve ça lié au fait de fermer mon ordinateur
quand j'ai fini de l'utiliser. Je pense que ça, si tous les
Québécois étaient sensibilisés, c'est faisable.
Mme Bacon: Ils fermeraient leur lumière.
Mme Milot-Roy: Oui.
Mme Bacon: C'est ça. J'en avais une autre, ici. Ça
ne sera pas long.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre, il n'y
a pas de problème.
Mme Bacon: J'ai encore du temps?
Le Président (M. Bélanger): Oui, deux minutes.
Mme Bacon: Je m'excuse, j'en ai une autre ici, juste une
dernière. Parmi vos revendications, apparaît la divulgation des
études de faisabilité pour les projets d'Hydro-Québec.
J'ignore ce que vous entendez, là, par études de
faisabilité. Je ne sais pas si vous entendez par là le rapport de
l'avant-projet, qui comprend l'étude d'impact, et ce rapport est rendu
public, je pense, au moment de la demande de certificat d'autorisation au
ministre de l'Environnement. Moi, j'aimerais savoir ce que vous entendez par
études de faisabilité. Est-ce que vous avez déjà
essayé d'obtenir des documents, là, en vous adressant à
HydroQuébec, et, si oui, dans quel projet, et quelle réponse
avez-vous eu d'Hydro-Québec?
Mme Milot-Roy: Bon. Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Milot-Roy: Là, vous mettez le doigt sur un point
très, très névralgique.
Mme Bacon: C'est ce que j'essaie de faire.
Mme Milot-Roy: Oui. En fait d'études de
faisabilité... On a été plusieurs à faire le
mémoire. Tout le monde n'est pas présent ici. Je ne pense pas
qu'il y ait quelqu'un ici qui puisse répondre très bien à
ça. Peut-être qu'effectivement elles sont toutes
divulguées, mais nous... On aurait peut-être dû dire quelque
chose qui aurait pu nous montrer que c'est faisable, que, bon, le fait que ce
soit argileux au lieu d'être du roc, les ingénieurs vont
être capables de travailler avec ça; toutes ces espèces
de... Ce qui va autour du projet, les exportations, comment on entend
gérer ça sur... Je ne pense pas que tout ça soit encore
tout bien défini. On n'a pas cherché beaucoup, mais c'est
peut-être ça qu'on voulait dire.
Mme Bacon: ...recherche, en tout cas. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, je tiens
à vous féliciter d'avoir pris le temps, à travers vos
études et vos examens, de venir à la commission parlementaire et,
surtout, de préparer un mémoire qui donne votre vision des
choses. On a parlé beaucoup de l'économie d'énergie.
Je
ne sais pas si vous avez cherché davantage à voir de
quelle façon on pourrait économiser l'énergie, si on prend
l'énergie électrique, en particulier, est-ce que vous avez des
façons de voir... Vous avez parlé de...: On part de la maison,
puis on va fermer la lumière, on va fermer l'ordinateur. Bon, on
comprend ça, mais il y a d'autres choses que ça: on a
parlé tout dernièrement de l'utilisation de l'eau chaude par la
pomme de douche. Est-ce que vous avez des visions de la façon dont on
devrait organiser l'économie de l'énergie au Québec?
Mme Bouchard: En parlant de la pomme de douche, bon, moi, c'est
justement l'optique qui me déplaît totalement, parce qu'on dit:
Changez votre pomme de douche, vous allez économiser de
l'énergie, vous allez pouvoir prendre votre douche plus longtemps. Il
n'y a pas d'économie si ça revient strictement au même.
Alors, moi, c'est ça que je me dis. Tous les édifices, quand il
n'y a plus un chat dans l'édifice, pourquoi les lumières
sont-elles ouvertes? Pourquoi, ici, les volets ne sont pas ouverts au lieu que
toute la lumière sort ouverte? Ce sont toutes des choses qui... Non,
mais ça compte quand même... C'est au niveau
énergétique. Moi, je ne connais pas... Je ne suis pas un
ingénieur, je ne peux pas vous dire qu'il y a des réductions au
niveau de l'industrie, je ne suis pas au courant, mais je sais que les trois
quarts de la population ne sont vraiment pas économiseurs
d'énergie.
M. Jolivet: Ce que vous dites, dans le fond, c'est de mettre dans
la tête des gens qu'il faut économiser, mais, pour les forcer
à économiser, pour vous, le tarif, ce n'est pas
l'essentiel...
Mme Bouchard: Non.
M. Jolivet: ...c'est plutôt le fait qu'on dise: On ne
construira pas un barrage et, si on ne construit pas de barrage, il faut vivre
avec l'électricité qu'on a et, dans ce contexte-là, il
faut l'économiser pour faire plus avec moins. Est-ce que c'est
ça?
Mme Bouchard: Dans un sens aussi, mais, dans l'autre sens, c'est
plutôt: On ne construira pas le barrage pour protéger notre
planète qui se dégrade, donc, agissez en conséquence.
M. Jolivet: Je voulais revenir à cette deuxième
partie-là, parce que, par rapport au premier rapport que vous avez
corrigé, où on parlait du un cinquième inondé, ce
n'est pas ça. Mais la réflexion que faisait la ministre avec
votre réponse qui m'a plu beaucoup, c'est de dire: Ce n'est pas parce
qu'on parle d'un cinquième ou qu'on parle de 0,8 % que nous nous
inquiétons. Nous nous inquiétons du fait que: Est-ce qu'il est
nécessaire d'additionner à l'inondation qu'on a faite de
certaines terres au
Québec? À ce moment-là, c'est ça qui vous
inquiète, et vous nous avertissez en disant: On devrait, par des
formules différentes, parler d'économie d'énergie, par des
énergies nouvelles, par des énergies renouvelées, des
énergies retrouvées, comme je le disais tout à l'heure,
pour qu'on en arrive à avoir un rythme de vie quand même
convenable, tout en faisant privation de certaines possibilités mais, de
grâce, n'inondons pas un territoire additionnel. Est-ce que c'est
ça que je comprends?
Mme Bouchard: C'est bien ça, parce que si on
considère... Nous, on n'a pas juste l'hydroélectrique, comme le
disait Valérie, dans la tête, ce sont toutes les industries. Puis,
si toutes les industries polluent parce qu'elles se disent: Moi, je ne pollue
pas beaucoup, ça fait un impact global effrayant. Alors, c'est dans ce
sens-là, c'est vraiment l'optique de la vision du monde qu'il faut
changer. (18 heures)
Mme Milot-Roy: Dans cette lignée-là, il y a quelque
chose qui me semble assez révélateur. On a eu l'été
dernier, juste en bas de chez moi, une immense pancarte qui disait:
Séchez votre linge, ça coûte, je ne sais, 0,10 $, 0,13 $,
seulement 0,13 $. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, moi, il a fallu
qu'on me le dise, alors j'étais déjà pas mal
gâtée par tout ça. Ce n'est pas cette optique là, ce
n'est pas que ça nous coûte 0,13 $ ou 0,25 $, c'est que
peut-être on devrait en mettre un peu plus dans la sécheu-se. Mais
c'est tout ce genre de vision-là qui a l'air d'être amenée
par la société Hydro-Québec...
M. Jolivet: Ou c'est la corde à linge!
Mme Milot-Roy: Oui, c'est parfait la corde à linge pour
qui c'est possible, la corde à linge, mais c'est une vision et on ne
peut pas s'empêcher de penser que si cette vision-là était
renversée, puis si on disait: Écoutez, c'est parce que vous
faites un deuxième séchage ou parce que... N'importe quoi, il y a
des gens qui peuvent le dire mieux que nous. On va être obligés de
construire telle chose, faire penser aux gens, ne pas leur dire: Envoyez,
séchez plus, ça ne coûte pas cher. Vous rendez-vous compte
que depuis 20 ans, la société québécoise est
basée là-dessus: utilisez-la l'énergie, ça ne
coûte pas cher. C'est un peu alarmant, non?
M. Jolivet: Oui, dans le contexte où on avait dit à
l'époque: On est 12 012, c'est une énergie qui est propre, puis
en conséquence, électrifiez-vous au niveau des maisons. On a fait
une campagne énorme à ce niveau-là et, là, on
rebrousse chemin aujourd'hui. On dit: Ce n'est peut-être pas la meilleure
des choses, il faut penser à la biénergie, à
l'énergie de remplacement, peu importe. Vous parlez d'énergie
solaire, vous parlez d'énergie venant d'autres formules
qui sont le pétrole ou d'autres, mais avec l'énergie
électrique qu'on va utiliser de façon à la
protéger. Mais, ce que vous dites, dans le fond, au bout de la course,
c'est que pour les besoins actuels et futurs - et là, c'est vous qui
allez nous remplacer, vous nous le dites là - vous allez avoir besoin
d'une économie qui fonctionne convenablement, des emplois qui permettent
aux gens de vivre et d'avoir des familles. Alors, à ce moment-là,
vous ne croyez pas qu'en disant aujourd'hui "on ne fait pas le barrage", en
éduquant le monde, en les amenant à protéger
l'énergie, on va être capables dans 20 ans de dire "oui, on n'a
pas manqué notre coup"?
M. Guay: Moi, je pense qu'au niveau des emplois, si on regarde le
rapport "Énergie, emplois créés", je pense qu'on peut
enlever tout de suite toutes les alumineries parce qu'elles ne sont pas
performantes là-dedans. Si tu enlèves toutes les alumineries,
puis avec toute cette énergie-là qu'on vient d'économiser,
je suis sûr qu'avec toute cette énergie-là, on peut former
beaucoup, peut-être 10 fois plus d'emplois qu'on en avait à ce
moment-là.
M. Jolivet: Ça revient à la question des
professeurs de l'Université Laval qui disaient: Compte tenu du
coût à l'emploi, on parlait de 200 000 $dansl'aluminerie...
M. Guay: C'est ça, oui.
M. Jolivet: ...il serait mieux, à ce moment-là, de
vendre notre électricité en exportation aux États-Unis et
de prendre l'argent pour faire autre chose. Mais vous n'allez pas
jusque-là, vous autres?
M. Guay: Non, moi, je dis que cette énergie-là est
économisée. On la garde, on peut créer autre chose avec,
beaucoup plus d'emplois avec cette énergie-là. Je ne vois pas
pourquoi on irait vendre de l'énergie que nous autres on fabrique parce
que, premièrement, cette énergie nous appartient. Quand on la
vend, ce n'est jamais aussi rentable que si on l'utilise. Ça, c'est
certain au point de départ. Mais si on l'utilise avec un ratio emploi,
si c'est ça qu'on regarde, si on donne une priorité
là-dessus, on dit "tant d'énergie investie", mais ça prend
les emplois à l'autre bout. Il faudrait arrêter de regarder aussi
ce que ça rapporte aux chefs d'entreprises. C'est sûr que le
propriétaire de l'aluminerie, lui, ça lui rapporte
énormément. Mais, à nous les Québécois,
ça ne nous rapporte pas grand-chose.
M. Jolivet: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, à
ce moment-là, que ce serait la compagnie qui devrait faire, comme les
acquis des années soixante au moment de la nationalisation de
l'électricité, que l'usine devrait faire sa propre énergie
et, à ce moment-là, qu'elle soit respon- sable de
l'aménagement des cours d'eau en conséquence? Est-ce que vous
allez jusque-là, non?
M. Guay: Non, parce que je ne voudrais pas qu'elle utilise ces
cours d'eau là.
M. Jolivet: Donc, vous protégez le monopole
d'Hydro-Québec...
M. Guay: Oui.
M. Jolivet: ...en disant: Sois moins mangeur d'espaces.
M. Guay: C'est ça. Mais pourquoi pas? On est chez nous
ici, puis c'est à nous d'utiliser ces ressources-là. Ce n'est pas
aux investisseurs étrangers de venir monopoliser exactement notre
énergie.
M. Jolivet: C'est parce que vous allez à rencontre
d'autres qui disent - et c'est normal que vous ayez des opinions divergentes:
Utilisons cette énergie que nous avons, aménageons, "harnachons"
en conséquence les rivières pour permettre d'utiliser
l'énergie qui est fabriquée à l'emploi qui viendra
ensuite. Et là, on parle de différentes possibilités, mais
ce que vous. semblez dire, dans le fond, c'est: Contentons-nous de ça,
vivons selon ces moyens-là, n'allons pas plus loin, mais en disant que
si on économise, on est capable de faire d'autres choses avec
l'économie d'énergie qu'on a faite ainsi.
M. Guay: Mais ce serait d'ancrer, à un moment
donné, chez les industries que d'être performant, ce serait en
même temps donner un ratio qui serait produit sur
électricité, sur énergie consommée. À ce
moment-là, si on réussissait, peut-être que les industries,
s'il y avait des taux d'électricité plus élevés,
seraient obligées, à un moment donné, de devenir
performantes, à ce moment-là.
M. Jolivet: Mais ce n'est pas tout à fait ce qu'ils nous
ont dit ce matin, au niveau des industries forestières, quand ils ont
dit: Nous... On en avait des chiffres tout à l'heure, au niveau de
l'aluminium et de l'industrie forestière, qui sont très mangeurs
d'électricité. Ils disaient: L'augmentation devrait être la
moitié de l'inflation et un petit peu plus, mais pas plus, mais
certainement pas au niveau de l'inflation. Puis, ils disaient que le tarif
était un des moyens d'inviter les gens à moins consommer.
M. Guay: Mais, à ce moment-là, c'est comme si on
disait aux industries: Mais dépêchez-vous, venez nous manger notre
électricité, on vous la donne. C'est comme si on leur dit
ça, si on n'augmente même pas au taux de l'inflation. C'est comme
si on leur dit: Bien, dépensez-
en, de l'énergie; ne faites pas attention, dépensez-en.
Alors que nous autres, dans la population, on se serrerait les coudes et on se
dirait: II faut la ménager. Et on ne la ménage pas pour que
quelqu'un, à l'autre bout, lui, il la gaspille.
Mme Milot-Roy: Moi, je trouvais intéressant ce que vous
aviez dit, et Mme Bacon avait dit la même chose: II faut créer des
emplois, il faut maintenir l'économie. Donc, si on a besoin de la Grande
Baleine pour ça, il faut la faire. On l'a dit. Ce qui nous
inquiète, ce n'est pas que le projet soit réalisé, mais
c'est l'esprit dans lequel il va être réalisé. Si on en a
besoin, de la Grande Baleine, même si ça me fait mal au coeur et
que ça fait mal au coeur à Stéphane, qu'elle se fasse,
mais qu'on ne se retrouve pas, en 2040, avec le même problème.
S'il vous plaît.
M. Jolivet: Ce que j'ai compris de ce que vous disiez tout
à l'heure, c'est que vous disiez:
En l'an 2040, si on a tout "harnaché" nos rivières...
Mme Milot-Roy: Oui...
M. Jolivet: ...il ne restera plus rien. Il faudrait penser
à d'autres choses. Il y a le nucléaire, l'hydrogène, des
choses semblables. Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est: On peut
y aller, vers le "harnachement", puis les barrages, mais de façon moins
rapide qu'on veut le faire actuellement. C'est ce que j'ai compris.
Mme Milot-Roy: Mais ça me fait peur que vous disiez: On
peut y aller. Parce que je ne veux pas que vous ayez cette opinion-là de
ce que je pense, là. Mais, s'il faut, il faut. C'est ça qui...
Bon. Mais, est-ce qu'il faut vraiment?
M. Jolivet: C'est la question.
Mme Milot-Roy: D'accord? Puis est-ce qu'il faut? Si
c'était en 2000, en 2100, on va tous être morts. Qu'on ne soit
plus capables de se suffire à cause de l'électricité, au
lieu de 2040, ça ne serait pas "tripant" pour ceux qui vont venir
après? Moi, je pense que oui, puis c'est comme ça que j'aimerais
que ça... Bien, moi, mon idéal - et je pense que c'est
l'idéal de beaucoup de gens ici - j'aimerais que ce soit dans cette
optique-là que ce soit fait. S'il faut l'utiliser, bon, il faut
l'utiliser, même si ça va faire des choses bien plates à
l'environnement. Mais que ce ne soit pas fait dans une optique
complètement folle et complètement pas réaliste.
M. Jolivet: Je comprends aussi qu'au niveau...
M. Guay: Je voudrais ajouter quelque chose. M. Jolivet:
Oui.
M. Guay: C'est que quand on va arriver dans 40 ans, si on regarde
les courbes du mémoire d'Hydro-Québec, on n'a plus
d'électricité; là, on ne peut plus en vendre, on ne peut
plus augmenter, c'est fini, il n'y en a plus.
M. Jolivet: II y a peut-être une divergence
d'opinions...
M. Guay: Ça ne sera pas long.
M. Jolivet: Je crois comprendre qu'on parle de l'énergie
qui est rentablement, économiquement faisable au niveau du
"harnachement".
M. Guay: Oui, oui. C'est ça.
M. Jolivet: Parce qu'on ne le sait pas, dans 40 ans, dans 50 ans,
je ne serai probablement plus là, moi non plus. Mais, dans certains cas,
les gens disent: Je l'espère... Pour ne pas être au...
M. Guay: Non, mais...
M. Jolivet: Mais dans 40 ans, 50 ans, là, ils auront
peut-être trouvé d'autres formules...
M. Guay: Mais, exactement...
M. Jolivet: Ils auront trouvé d'autres moyens de
"harnacher" les rivières, qui soient économiquement rentables,
à ce moment-là On ne peut pas le prévoir
immédiatement.
M. Guay: De quoi va-ton avoir l'air, nous autres, dans 40 ans?
Quand on va avoir tout "harnaché" nos rivières, on va avoir
dépensé des milliards et on va se retrouver avec d'autres pays
qui vont avoir trouvé d'autres méthodes? On va se retrouver, nous
autres, les pauvres petits Québécois, après avoir tout
investi dans l'hydroélectricité, avec un gros recul sur eux. Et
là, on se retrouve... En plus, on n'aura plus de milieu
écologique à cause qu'on va avoir "harnaché" nos
rivières.
M. Jolivet: Ce que vous êtes en train de dire, par exemple,
c'est que là, on devrait, à ce moment-là, si on a besoin
d'énergie additionnelle, aller dans d'autres formules, quelles qu'elles
soient...
M. Guay: Pas nécessairement d'autres formules.
M. Jolivet: ...nuclaire, hydrogène...
M. Guay: Mais peut-être y aller par plus petits projets, de
façon à ne pas manquer le bateau quand autre chose va sortir
M. Jolivet: Oui, mais en tout cas, je vous
dirai simplement qu'il y a des gens qui disent - je reviens à ma
question que j'ai posée cet après-midi - qu'on devrait aller dans
le nucléaire, fusion, fission, peu importe comment on le
considère...
M. Guay: II y a une grosse différence.
M. Jolivet: ...dans la mesure où on devra entrer dans
cette filière-là, si un jour on en a besoin, avoir les
spécialistes qui connaissent le milieu.
M. Guay: C'est ça, si on doit y arriver, si c'est dans 40
ans ou tout de suite, de toute façon, si on doit y arriver - mais
ça, ce n'est pas prouvé qu'on doit y arriver, il va
peut-être sortir autre chose - c'est dans cette optique-là qu'il
faut regarder en avant. C'est qu'il peut arriver autre chose, puis que
ça ne vaut pas la peine nécessairement de tout briser autour de
nous autres...
M. Jolivet: Dès maintenant. M. Guay: Dès
maintenant.
M. Jolivet: En espérant qu'on ne le fera pas plus tard non
plus.
M. Guay: En espérant qu'on ne le fera pas plus tard.
Mme Pouliot (France): J'aimerais ajouter quelque chose.
M. Jolivet: Oui.
Mme Pouliot: Moi, personnellement, je suis du même avis,
mais, d'après moi, Hydro-Québec, le projet qu'ils veulent faire,
je trouve que c'est des emplois, O.K., mais ce sont des emplois qui sont
axés sur le court terme, c'est-à-dire dans 10 ans; il n'y aura
plus personne qui va construire de barrages, ils vont être faits. Tandis
que si on mettait la même énergie en recherche, il serait possible
d'avoir de plus grandes possibilités d'emploi sur plus grand terme, tout
en gardant l'écologie comme elle est là. C'est dans cette
optique-là que je pense qu'on devrait plus orienter nos visions vers la
recherche, puis trouver d'autres formes, puis en même temps garder
l'électricité qui est là, mais accompagnée d'autre
chose, comme le solaire, l'éolienne, peu importe...
M. Jolivet: Si le professeur de l'Université Laval vous
entendait, il serait content de vous, là, parce que, lui, il parlait
juste de 300 000 000 $, puis si on parle de 62 000 000 000 $, il serait content
pour sa recherche et développement.
J'ajouterais une chose qui est la suivante, c'est qu'on parlait des
poissons, la faune aquatique. Je suis conscient de ça parce
qu'Hydro-Québec, à un certain moment dans mon coin, chez moi, n'a
pas toujours été intéressante, dans la mesure où
des gens avaient des lacs avec des réserves d'eau qu'on utilise à
certains moments de l'année, au printemps en particulier. Ce qu'on a
fait, c'est qu'en levant la trappe de la dame, comme on dit, on a laissé
couler toute l'eau, quasiment, du lac, avec les poissons qui sont sortis, avec
leurs oeufs, à la ponte des oeufs du printemps, de telle sorte que,
finalement, tu te retrouves avec un lac vide. Pour ne pas le nommer, le lac
Turcotte. Alors que des gens disent: Si nous autres, on l'aménageait en
MRC ou comme groupe du lac, on l'utiliserait pour garder la faune à
l'intérieur, mais on se permettrait peut-être de laisser couler
l'eau à seuil fixe. Et Hydro-Québec n'a pas besoin de ces petits
barrages-là pour fonctionner avec la capacité dont elle a besoin
sur la rivière Saint-Maurice. Mais en tout cas, je comprends votre point
de vue et je le partage sur un bon nombre de secteurs. Alors, moi, j'aurais
terminé, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre, il vous reste deux minutes.
Mme Bacon: Une dernière question rapide. Advenant le cas
qu'on vous fasse faire le grand sacrifice, la Grande Baleine, mais que par
contre tous les citoyens, dans un mouvement général, font un
grand effort d'économie d'énergie et qu'on arrive, à un
certain moment, où on à un surplus d'électricité,
grâce à cet effort conjugué - on en a parlé
tantôt, mais je reviens là-dessus - est-ce que vous seriez
prêts à le partager avec un autre pays qui en a besoin et qui
pourrait, par le fait d'acheter l'électricité des
Québécois, ce qui nous amène quand même des fonds
qui peuvent créer des emplois, qui pourraient l'utiliser sans avoir
à polluer?
Mme Milot-Roy: Moi, je serais tout à fait d'accord avec
ça. Cependant, qu'on fasse des plans de développement pour
exporter, ça je trouve ça plus discutable, puis j'aimerais
surtout que le pays à qui on va l'exporter fasse une utilisation
efficace de l'énergie en question. Et je ne considère pas que les
Américains, en ce moment, font une utilisation efficace de
l'énergie.
Mme Bacon: Pourquoi?
Mme Milot-Roy: Parce que si nous, on a fait un effort pour
économiser cette énergie-là pour avoir un surplus, il me
semble qu'eux aussi ont à faire un effort; puis, je ne serais pas
prête à exporter dans les États-Unis actuels. C'est
peut-être utopique, c'est peut-être bien enfan-
tin...
Mme Bacon: Oui, mais ils vont changer, eux aussi,
j'espère.
Mme Milot-Roy: J'espère. Dans la mesure où ils ont
changé, il me semble... Vous êtes d'accord avec moi, ce serait
intéressant...
Mme Bacon: Pas tout à fait.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bacon: Vous êtes plus généreuse.
Mme Bouchard: Si je regarde les pluies acides, ça me
décourage beaucoup, parce que leur optique n'a pas changé, puis
c'est nous autres qui avons la merde encore. Alors...
Mme Bacon: Mais ça ne vient pas de la Nouvelle-Angleterre.
Il y en a moins dans la Nouvelle-Angleterre. C'est eux qui les subissent.
Mme Bouchard: Parce que dans un sens, finalement, les
États-Unis n'ont rien à perdre là-dedans parce qu'ils nous
offrent le financement à intérêt, ils ont
l'électricité à faible taux et puis leur environnement
reste intact.
Mme Bacon: Mais ils nous ont permis, au cours du mois de
décembre, d'avoir suffisamment d'électricité pour nous
chauffer. Ça va dans les deux sens. On l'a achetée en
décembre aussi. Ça nous permet d'ouvrir des lignes de part et
d'autre.
Mme Bouchard: C'est que l'importation, c'est à double
tranchant. C'est que, si tu t'engages, tu t'engages et quand tu ne peux plus
fournir, bien il faut que tu fournisses. C'est ça, le problème,
je pense. Je suis prête à donner ce qu'il y a en surplus, mais je
ne suis pas prête à produire plus parce qu'ils sont...
Mme Bacon: il faudrait regarder de plus près les
contrats.
Mme Bouchard: Oui.
M. Guay: Mais il y a une affaire qu'on pourrait ajouter, c'est
qu'avant même - parce que vous avez supposé qu'on construisait le
barrage -maispourquoi...
Mme Bacon: Non, mais j'ai dit dans un acte de
générosité...
M. Guay: Dans un acte de générosité, bien
sûr, on n'en doute pas. Mais, advenant le cas que, comme vous dites, on
le construise, pourquoi ne pas demander à la population, d'abord, si
elle veut en vendre, si elle n'est pas plutôt prête à
économiser avant, pour voir si on a vraiment besoin de ce
barrage-là?
Mme Bacon: Mais je ne disais pas le construire pour le vendre; je
disais le construire pour nous, mais advenant le cas où il en
reste...
M. Guay: Oui, mais ça, j'appelle ça un
déguisement, une parole comme ça. On le construit pour nous.
Chers Québécois, on construit ce barrage-là pour nous.
Mais comme il va y avoir des surplus, c'est évident, les courbes le
montrent, on va les vendre. Mais ça, c'est déguisé...
Mme Bacon: Vous voulez qu'on les garde, les surplus? Qu'on fasse
quoi avec?
M. Guay: Mais non! Exactement, vous dites qu'on le construit,
mais on va avoir des surplus, on les vend; donc, on le construit pour en
vendre. C'est juste une question de mots.
Mme Bacon: Mais, advenant le cas - j'ai parlé
d'économies d'énergie - que nos économies d'énergie
fonctionnent très bien, que ça fasse en sorte qu'un jour elles
aillent tellement bien qu'on arrive avec un surplus. Si on arrive avec un
surplus, qu'est-ce qu'on fait? C'est ça la question.
M. Guay: Si on arrive à un surplus, si on..
Mme Bacon: Est-ce qu'on le partage ou si on le garde pour
nous?
M. Guay: On le partage. C'est évident qu'on le partage. On
n'est pas des égoïstes. Sauf que, comme je le dis, avant de le
faire... Là, on est prêts à le faire tout de suite,
ça a l'air d'être une course. Il faut le faire, on en manque, on
meurt. Mais ce n'est pas vrai qu'on meurt; si on commence par
économiser, on peut éviter d'avoir à le construire tout de
suite, ce barrage-là.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vais
être l'empêcheur de tourner en rond puisque, compte tenu de
l'heure, on doit ajourner les travaux. Alors, M. le député de
Laviolette, si vous voulez remercier nos invités.
M. Jolivet: M. le Président, c'est parce qu'ils partent
à l'inverse, si Mme la ministre peut me permettre, de sa
prémisse. Eux autres disent: Économisons, peut-être qu'on
n'aura pas besoin de bâtir. Elle dit: Bâtissons. Si on
économise, on pourra l'utiliser autrement. Mais, je dois vous dire que,
comme vous...
Mme Bacon: C'est l'âge!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: ...parlez d'économie chez nos
voisins, peut-être que s'ils utilisaient moins l'air
conditionné, ils sauraient que ça a été
rafraîchissant d'être avec vous cet après-midi. Ça a
été très encourageant. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Moi, ça me donne pleinement confiance dans
l'avenir. Je vous remercie surtout d'avoir été là,
aujourd'hui. Je regrette que d'autres groupes ne soient pas venus, comme vous,
nous dire ce qu'ils pensent de ces choses-là. Je vous remercie de
l'avoir fait.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le groupe de l'Association de
conservation des milieux environnementaux terrestre et aquatique du
Québec pour sa participation très intéressante et
très appréciée.
La commission ajourne ses travaux au mardi 22 mai, sur ce
dossier-là, parce qu'on siège demain sur un autre dossier.
(Fin de la séance à 18 h 18)