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(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission de l'économie et du travail se réunit pour
procéder à une consultation générale et à
des auditions publiques sur la situation et les perspectives de
l'énergie électrique au Québec.
Dans un premier temps, ce matin, nous recevons le Comité Baie
James de la Conférence énergie et développement viable.
J'inviterais donc les représentants de ce groupe à s'approcher de
la table des témoins, s'il vous plaît. Il est
représenté par Mme Lajambe, M. Edwards et M. Chénier.
Bonjour. Pour vous expliquer brièvement nos règles de
procédure, vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de
votre mémoire. Quand je dis "ferme", on ne peut pas excéder 20
minutes. Par la suite, il y a une période d'échanges avec les
parlementaires. Dans un premier temps, si vous pouviez vous Identifier et
présenter votre porte-parole, votre équipe, et procéder
à la présentation de votre mémoire, il nous fera plaisir
de vous entendre. Je vous en prie.
Comité Baie James de la Conférence
énergie et développement viable
Mme Lajambe (Hélène): Mon nom est
Hélène Lajambe. Je suis ici avec le Comité Baie James de
la Conférence énergie et développement viable. À ma
droite, est assis Marc Chénier et, à ma gauche, Gordon Edwards.
Nous allons parler chacun à notre tour et nous serons disponibles
simultanément pour répondre aux questions.
Le Comité Baie James est né en septembre dernier à
l'occasion de la Conférence énergie et développement
viable au cours de laquelle nous avions organisé un forum sur le
développement de la Baie James où nous avions essayé de
voir s'il existait des bilans, tant économiques qu'écologiques,
de la première Baie James. Nous rendant compte qu'il n'existait pas de
bilan réel des premiers projets de la Baie James, nous avons
commencé à nous interroger et, depuis lors, ce comité
s'est rencontré régulièrement pour étudier et poser
des questions à ce sujet-là. Nous voyons dans cette rencontre
avec la commission l'occasion de vous dire un peu la conclusion de notre
réflexion.
En fait, notre grand message aujourd'hui, l'essentiel, c'est que, vu les
problèmes et les questions qui se posent dans la politique
énergétique au Québec, vu l'ampleur des questions qu'elle
soulève dans le reste de l'économie, il nous semble que les
présentes audiences ne sont pas à la hauteur de la
tâche.
Il y a un sentiment de malaise très profond dans la
société québécoise, à l'heure actuelle,
vis-à-vis de la société d'État qui met en vigueur
les politiques énergétiques. Ça se traduit maintenant par
un manque de confiance qui est inquiétant. De fait, les experts
concourent à ce diagnostic et, devant les immenses projets
annoncés dans le plan de développement déposé par
Hydro-Québec, beaucoup ont démontré au-delà de tout
doute qu'il y avait des questions sérieuses à se poser
collectivement sur ce plan de développement. Notamment, il semble que
ces projets ne soient pas justifiés, qu'ils ne soient pas
nécessaires pour répondre à la demande Interne - et la
preuve en a été faite, notamment, en février à
l'Office national de l'énergie - mais que, même si on voulait
faire le commerce de cette électricité, il est douteux qu'il y
ait des marchés qui soient intéressés à nous
l'acheter à un prix convenable. Donc, vaut-il la peine de s'embarquer
dans un projet dont le bien final ne trouvera peut-être pas preneur ou
à si bas prix que ça n'est plus intéressant d'investir des
capitaux par ailleurs si nécessaires pour le développement
économique du Québec?
On a aussi également beaucoup mis en doute la validité de
ces contrats signés avec des industries particulières et sur
lesquels on n'a aucune information solide, ce qui nous laisse à penser
que peut-être ils sont encore plus désavantageux que les
exportations qui ont eu lieu jusqu'à présent. Donc, les experts
posent énormément de questions qui se trouvent à rester
sans réponse et le scénario que l'on voit se mettre en place
depuis quelques mois diffère considérablement de ce qui avait
été annoncé il y a quelques années dans ce livre
que vous connaissez tous. Le plan de développement d'Hydro-Québec
est considérablement différent de cela et, ne serait-ce que pour
cette raison, la société québécoise devrait
être invitée à repenser même les hypothèses de
s'embarquer dans de tels développements.
La population québécoise elle-même ressent
profondément les tergiversations et a souffert dans les dernières
années d'interruptions de courant, de grèves sporadiques et d'une
remise en question de ses projets, étant donné que les autres
besoins de la société semblent négligés, qu'il y a
beaucoup d'autres secteurs où on pourrait faire un effort que l'on ne
semble pas consentir, alors qu'on est tout prêt à l'accorder pour
produire l'électricité.
J'aimerais attirer votre attention, notamment, sur la copie de cette
semaine du magazine
des affaires, This Week in Business, qui émet, très
clairement, les résultats d'une enquête. Je vous lis le titre, je
traduis, môme, en français: Les Québécois sont en
faveur d'arrêter - "pull the plug" - l'expansion d'Hydro-Québec.
Les pourcentages auxquels cette enquête arrive sont extrêmement
convaincants. Il y a un besoin profond de savoir ce qui se passe et, surtout,
de remettre en question tout projet de développement. Vous constatez que
plus de la moitié des Québécois ordinaires -
évidemment, c'est un "poil" qui a été fait pour les
Québécois ordinaires - refusent les projets, même si
ça devait se traduire par davantage d'emplois, même si ça
devait se traduire par un meilleur approvisionnement. Ils refusent les projets
même si les exportations étaient profitables. Les
Québécois ont les pieds sur terre et ce qu'ils veulent, c'est une
amélioration du service, et ça, ils l'ont démontré
par plus de 70 %, 71 % des suffrages exprimés dans cette
enquête.
Hydro-Québec a perdu, au cours des années, toute
crédibilité et c'est sans doute dû à de nombreux
facteurs, dont l'un, majeur, est peut-être le fait que le projet de la
première Baie James a créé des problèmes
considérables, mal étudiés. Mais, surtout, on se rend
compte que la gravité des problèmes a dépassé le
cercle des gens qui connaissent la question énergétique et que
c'est, maintenant, outre-frontières que l'on questionne, que l'on remet
sur le tapis la réputation d'Hydro-Québec.
La crédibilité de cette commission elle-même a
souffert quand on a vu que les hausses de tarifs ont été
accordées avant même que le plan de développement ait
été étudié. Beaucoup, et pas seulement dans le
cadre de la campagne Hydro-Glasnost, ont demandé qu'une véritable
enquête publique sort faite en un lieu et avec des intervenants
convenables. S'il y avait eu une régie de l'électricité au
Québec, cela aurait peut-être pu être un des lieux.
Malheureusement, il y a quelques années, ce gouvernement a
éliminé la Régie de l'électricité et nous
n'avons plus, maintenant, qu'une Régie du gaz naturel. De la même
façon, il n'y a plus de commission de l'énergie, des terres et
forêts. Les audiences sur l'énergie sont maintenant entendues
à votre commission. Donc, il n'y a pas vraiment un forum et,
étant donné l'ampleur et la gravité des problèmes
qui seraient à étudier, pour que ce soit crédible, nous
avons établi les modalités d'une enquête publique, qui nous
apparaîtraient convenables. Et, là, je laisserai la parole
à Marc Chénler, qui va vous les donner.
M. Chénier (Marc): Bonjour. J'aimerais d'abord manifester
notre appui total à la Coalition pour un débat public sur
l'énergie au Québec, Coalition dont nous faisons partie. Comme la
Coalition, nous reconnaissons l'urgent besoin d'une consultation publique
à grande échelle sur la question de l'énergie au
Québec, débat qui devrait dépasser le cadre d'une
commission parlementaire. Le processus d'enquête devrait être
beaucoup plus ambitieux, de beaucoup plus grande envergure, avec des
commissaires Indépendants, comme l'a dit Mme Lajambe. Nous avons
établi des modalités que nous proposons pour la tenue d'un tel
débat, modalités auxquelles je reviendrai tout à
l'heure.
Je voudrais parler un peu du risque financier de cette entreprise. En ce
moment, la dette à long terme d'Hydro-Québec
s'élève à plus de 22 000 000 000 $, ce qui entraîne
une dépense de 2 500 000 000 $ par année seulement pour le
service de la dette. Si le gouvernement approuve les plans actuels, cette dette
triplera. Il en coûtera alors 7 500 000 000 $ par année simplement
pour empêcher la dette de grossir; c'est un énorme risque
financier. Si on regarde ces chiffres per capita au Québec, ça
signifie 3500 $ par personne et cette dette atteindra bientôt 11 000 $
par personne, selon le nouveau plan. Le gouvernement du Québec dit
qu'Hydro-Québec n'a qu'un seul actionnaire, c'est-à-dire le
gouvernement au pouvoir. Je crois qu'il serait peut-être plus juste de
dire que nous en avons 6 000 000, mais on ne nous a jamais demandé notre
avis, il n'y a jamais eu de réunion d'actionnaires. Les citoyens
québécois qui devront vivre avec les conséquences de tels
projets méritent bien de participer à la prise de
décision.
Alors, cette électricité, ce serait pour qui et pour quoi?
Je crois que toute augmentation Importante de la capacité
électrique ne saurait être justifiée que par un des motifs
suivants: soit que nous voulions réserver de grandes quantités
d'électricité pour rencontrer les besoins des clients à
l'extérieur du Québec; soit que nous voulions attirer au
Québec des industries qui consomment des quantités
démesurées d'électricité, telles les aiumineries;
soit que nous options pour une politique visant à substituer
l'électricité à d'autres formes d'énergie, le
mazout et le gaz, pour le chauffage de l'eau et des Immeubles, par exemple. En
fait, le gouvernement poursuit à la fols ces trois options.
Nous trouvons qu'il y a deux questions qui se posent. D'abord: Pourquoi
les Québécois devraient-ils assumer d'énormes contraintes
financières et endurer une si grande destruction environnementale dans
le seul but de subventionner certaines industries privées bien
spécifiques ou de rendre service à des clients hors
Québec? Une deuxième question qui se pose: La substitution
électrique est-elle la façon la meilleure ou la moins
onéreuse de réduire la consommation du pétrole et du gai?
Nous ne le croyons pas. Nous croyons que la solution réside plutôt
dans la conservation de l'énergie. Si le Québec veut être
compétitif au XXIe siècle, il ne peut pas se permettre de
gaspiller son capital sur des mégaprojets, alors qu'il y a des occasions
beaucoup plus profitables dans le domaine de l'efficacité
énergétique.
II est erroné de penser que nous n'avons pas le temps de faire un
débat public. En fait, au lieu de procéder tout de suite à
la construction de ces mégaprojets, on pourrait prendre le temps de
respirer. On pourrait investir tout de suite et avoir des résultats
très rapidement en investissant dans l'efficacité
énergétique, ce qui nous donnerait le temps de repenser tout
cela. Et s'il est vraiment nécessaire de construire ces projets, on aura
considéré cette décision sous tous ses angles. Je crois
que le Québec est à la croisée des chemins. Il y a une des
décisions les plus importantes de notre histoire qui doit être
prise et très bientôt. Et je crois qu'un débat public est
vraiment nécessaire pour que cette décision soit prise de
façon claire et précise, et où tous les
Québécois pourront participer.
J'aimerais parler un peu maintenant des modalités que nous
proposons pour la tenue d'une telle enquête. Nous réclamons.
Qu'une commission d'enquête soit constituée par le
gouvernement du Québec, avec pouvoir de subpoena et droit de
contre-interrogatoire des témoins;
Que cette commission indépendante soit formée de cinq
citoyens ou plus qui ont bien démontré leur dévouement
hors pair et leur intérêt pour le bien-être du Québec
et qui n'ont pas pris part de façon professionnelle, pendant les cinq
dernières années, ni à la formulation, ni à
l'application de politique énergétique au Québec;
Que cette commission tienne des audiences publiques à travers le
Québec sur les coûts, les risques et les avantages associés
à tous les projets hydroélectriques présentement en
construction ou prévus au Québec;
Que soient octroyés à la commission suffisamment de fonds
et d'experts-consells afin qu'elle puisse remplir efficacement son mandat;
Que des subventions suffisantes soient octroyées aux groupes
d'intervenants pour leur permettre d'engager des chercheurs professionnels, de
présenter des experts comme témoins et de retenir les services de
conseillers qualifiés;
Qu'il y ait au préalable une série de rencontres avec des
groupes d'intérêt public, dont le Comité Baie James, afin
d'établir les règles de procédure des audiences, ainsi que
le mandat et la composition de la commission d'enquête;
Que dans le mandat de l'enquête publique soient incluses les
considérations suivantes, sans toutefois s'y limiter:
Premièrement, la fiabilité des prévisions
passées et présentes de la demande en électricité,
tant au Québec que dans le Nord-Est des États-Unis, ainsi que la
validité des prévisions hydrologiques, avec une analyse
détaillée des erreurs passées et des hypothèses
actuelles,
Deuxièmement, une analyse comparative des implications
environnementales, économiques et sociales des projets
hydroélectriques proposés face à des investissements
comparables pour l'implantation de mesures d'efficacité
énergétique, de gestion de la charge et de conservation
énergétique aux niveaux communautaire, régional ou
provincial, visant à réduire la demande en
électricité sans pour autant causer une réduction des
services;
Troisièmement, les conséquences à long terme pour
l'ensemble de la société québécoise de la dette
associée aux projets hydroélectriques actuels et prévus, y
compris, entre autres, la question des options d'Hydro-Québec pour le
service de la dette, advenant des conditions adverses, et celle des
problèmes de disponibilité de capitaux pour le reste de la
société québécoise en raison du surinvestissement
dans l'industrie de l'approvisionnement en électricité;
Quatrièmement, l'étendue des dommages potentiels à
l'environnement associés à ces projets hydroélectriques,
en se basant sur une évaluation des effets cumulatifs et progressifs des
projets déjà réalisés, tels l'inondation des
forêts, le bouleversement des phénomènes
météorologiques et hydrologiques, l'accélération de
l'érosion, les impacts sur les environnements marins avolsinants et sur
les écosystèmes côtiers marécageux,
l'Interférence dans les routes migratoires de dizaines de milliers de
caribous et de millions d'oiseaux, la perte de vastes régions sauvages
encore intactes, le chambardement de l'habitat des mammifères marins,
des poissons et de la faune terrestre, la contamination par le mercure des
poissons, des animaux et des humains, la production du gaz méthane et la
deforestation pouvant contribuer à l'effet de serre, et la
possibilité du déclenchement de tremblements de terre;
Cinquièmement, les effets probables de tels projets
hydroélectriques sur la santé, le bien-être, le mode de vie
et les moyens d'existence des peuples autochtones, et les questions
éthiques soulevées par ces projets;
Sixièmement, le potentiel créateur d'emplois à
court et à long terme de ces projets hydroélectriques par
comparaison avec des investissements comparables dans d'autres secteurs de la
société québécoise, ou dans le domaine de
l'amélioration de l'efficacité, de la gestion de charge et de la
conservation énergétique;
Septièmement, la vulnérabilité aux pannes totales
et partielles du système de transmission et de distribution
d'Hydro-Québec, et le lien entre ces pannes et la taille et la
complexité des réseaux d'Interconnexion...
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, s'il vous plaît.
M. Chénier: D'accord... et certaines politiques telles la
promotion du chauffage électrique des bâtiments sans
système de stockage de chaleur, l'octroi de subventions à des
industries à intense consommation d'énergie comme les
usines d'affinage de l'aluminium, et les engage ments fermes
d'exportation d'électricité;
Huitièmement, les risques pour la santé, les dangers pour
l'environnement et les impacts économiques reliés aux lignes de
transmission à haute tension qui sont nécessaires pour livrer
l'électricité au marché;
Neuvièmement, la création de mécanismes, par
exemple, une régie des services publics, pour qu'Hydro-Québec art
à répondre de ses décisions qui Influenceront
profondément le bien-être des générations
présentes et futures de Québécois.
Nous exigeons que la commission sott chargée de publier, dans les
deux ans du début de son mandat, un rapport public complet qui
contiendrait les recommandations détaillées sur toutes les
questions ci-haut mentionnées de son mandat et que la commission soit
aussi tenue de publier un rapport intérimaire au plus tard un an
après le début de son mandat, ainsi que tout autre rapport
intérimaire qui serait Jugé pertinent. Voilà qui serait
une véritable enquête publique. Soyez francs, exigez-la.
Je cède maintenant la parole à M. Gordon Edwards.
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, le
temps est écoulé. Je me dois de vous interrompre à moins
qu'il n'y ait consentement et qu'on ne le déduise de la période
d'échanges par la suite. Consentement? Alors, vous pouvez y aller.
Mme Lajambe: Merci, M. le Président.
M. Edwards (Gordon): Chaque année, des milliards de
dollars quittent la province pour acheter de l'huile en provenance de
l'Amérique du Sud et pour payer l'intérêt sur la dette
à long terme d'Hydro-Québec. En utilisant les principes de
l'efficacité énergétique à l'échelle
nationale, nous pouvons arrêter cette fuite d'argent et maintenir la
plupart de cet argent ici, au Québec. Cela stimulera beaucoup
d'activités économiques à travers la province puisque ces
dollars présentement gaspillés seront disponibles pour des achats
et des investissements québécois. En rendant efficaces nos villes
et villages sur le plan énergétique, nous créerons
beaucoup plus d'emplois que par des investissements semblables dans des
mégaprojets hydroé lectriques, et ces emplois seront
créés à travers la province et non seulement dans le Nord.
Le Québec deviendra plus compétitif à l'échelle
internationale s'il apprend comment faire plus avec moins. L'efficacité
énergétique peut sauver des milliards de dollars sans endommager
l'environnement, sans détruire le mode de vie des autochtones, sans
augmenter la dette à long terme et sans aliéner des citoyens
québécois. (10 h 30)
Une politique énergétique basée sur
l'efficacité n'est pas une politique de sacrifices ni une politique de
faiblesse. C'est une politique forte, intelligente et imaginative demandant du
leadership Mesdames et messieurs, vous êtes les représentants des
citoyens du Québec; les enfants de nos enfants devront vivre avec vos
décisions concernant le dossier énergétique. Les citoyens
et les citoyennes du Québec méritent une véritable
enquête sur toutes ces questions soulevées aujourd'hui. Mesdames
et messieurs, s'il vous plaît, donnez-leur ce qu'ils demandent Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Alors, Mme Lajambe, M. Chénler, M Edwards, Je
vous remercie d'être présents aujourd'hui à la commission
parlementaire. Comme vous le savez, l'un des principaux objectifs de cette
commission est d'examiner les orientations et aussi les choix possibles pour
satisfaire les besoins en énergie électrique pour les
années deux mille. On porte quand même à cette commission
une attention particulière, d'abord, à l'évolution de la
demande d'électricité à moyen et à long terme, aux
propositions qui sont contenues dans le dernier plan de développement
d'Hydro-Québec et aussi aux moyens de concilier développement
économique et protection de l'environnement.
Votre mémoire aborde ces sujets-là, mais j'aimerais quand
même poser quelques questions qui vont peut-être au-delà des
positions qui sont contenues dans votre présentation. Je pense que les
réponses que vous pouvez nous apporter aujourd'hui dans le dialogue que
nous allons engager peuvent amener quand même un éclairage nouveau
et utile aux travaux de la commission.
Une question toute simple au départ: Est-ce que vous pensez que
les prévisions de la demande d'électricité telles qu'elles
nous sont présentées par Hydro-Québec dans son plan de
développement sont exactes ou fiables?
Mme Lajambe: Disons qu'il faut regarder les différents
secteurs On reste un peu sur la même impression qu'on avait
déjà eue en 1971 en regardant les prévisions
d'Hydro-Québec. C'est qu'elles montent beaucoup trop à un moment
donné et que beaucoup des éléments d'augmentation de la
demande sont loin d'être sûrs. Il y a beaucoup de risques. Ce
nouveau plan de développement apporte un nombre de risques plus grand
qu'auparavant parce qu'il fait intervenir des industries énormes et lie,
en plus, les bénéfices de l'entreprise aux
bénéfices de ces entreprises, c'est-à-dire que les risques
ne sont pas seulement au stade de la construction et des investissements
nécessaires pour la construction, mais sont même au stade de la
rentabilité de ces entreprises-là
Les estimations pour le secteur de la demande résidentielle me
semblent raisonnables,
même si elles sont un peu fortes, attendu que l'on sait qu'il
existe ailleurs qu'au Québec énormément
d'équipements, d'appareils ménagers, de lampes d'éclairage
et de moyens de fournir l'énergie dans ce secteur-là qui sont
Infiniment plus efficaces. Vous avez des réfrigérateurs qui
utilisent le cinquième de ce que nos réfrigérateurs
utilisent. Nous connaissons tous maintenant les lampes compactes fluorescentes
qui durent 10 fols plus longtemps et consomment cinq fois moins. Elles
coûtent peut-être plus cher certainement, mais, sur la durée
de vie de l'équipement, les investissements sont beaucoup plus rentables
et la demande d'électricité sera beaucoup moins forte.
Donc, à travers toutes ces possibilités qui existent
ailleurs et qu'il serait temps qu'on introduise au Québec dans tous les
secteurs, la demande d'énergie, telle que présentée par
Hydro-Québec, nous paraît bien forte, en plus des risques que j'ai
mentionnés tout à l'heure.
Mme Bacon: On sait que la croissance énergétique
qui est mentionnée dans le plan de développement vient surtout du
secteur Industriel. Vous venez de parler du domestique, des résidences,
des citoyens, mais on voit que la croissance est quand même... Il y a une
marge pas mal plus évidente dans les besoins industriels. Est-ce que
vous pensez que dans le secteur industriel on peut arriver à avoir une
efficacité énergétique et à faire des
économies d'énergie, comme on suggère aux résidents
de le faire dans leur résidence par toutes sortes d'objets qu'on leur
suggère, même en ce moment? Est-ce qu'on peut y arriver dans le
secteur industriel comme on peut le faire dans le secteur résidentiel,
par exemple?
Mme Lajambe: Oui. C'est un secteur particulièrement
intéressant parce que le nombre de décideurs est réduit.
Donc, si vous faites circuler la bonne information, les décisions se
prennent beaucoup plus rapidement et, dans certains cas, ils n'ont même
pas besoin de subventions parce que ça leur épargne de l'argent
de toute façon. Donc, c'est vraiment un secteur qu'il faut regarder de
très près. Par contre, il faut remarquer que la politique
d'électrlflcation de ce secteur-la a introduit un "biais" à la
surélectrtfi-cation et que, vraisemblablement, ça risque de
durer; on risque de se trouver toujours à être un petit peu plus
électriques dans ce secteur-là.
Il y a également le danger que d'autres industries qu'on pense
attirer ici ne viendront pas, parce que le jour où le Québec aura
véritablement des contrôles environnementaux sur les industries
comme il en existe ailleurs, le jour où on aura des règlements
environnementaux sur les alumineries, les raffineries et tout ça, il est
bien certain qu'elles ne viendront pas, parce que les avantages qu'on aura
à leur offrir à ce moment-là seront bien moindres. Mais il
faut considérer que les industries qu'on attire à l'heure
actuelle avec ces faux avantages, on en paie le coût très
chèrement puisqu'elles viennent ici, qu'elles polluent et qu'elles s'en
vont, et que, comme dans le cas de la Balmet, c'est nous qui nous retrouvons
avec la facture.
Mme Bacon: Vous parlez des contrôles environnementaux, ils
existent ailleurs, les contrôles environnementaux, et les gens y vont
quand même, les industries s'installent quand même. Même si
on avait davantage de contrôles environnementaux, elles vont venir
s'installer de la même façon ici. Quelle serait l'ampleur, quel
serait le potentiel énergétique qu'on pourrait sauver, par
exemple, qu'on pourrait économiser?
Mme Lajambe: Sur les deux points que vous dites, je pense...
Mme Bacon: Par rapport au résidentiel.
Mme Lajambe: Oui. Le Québec est encore le paradis de la
pollution. Je pense que c'est vastement reconnu. Sur votre deuxième
point, je crois que c'est un des exemple des questions que tout le monde se
pose et qui justifierait largement d'avoir une enquête sur
l'énergie au Québec pour savoir exactement où on en est,
parce qu'à l'heure actuelle on est obligés de se fier aux
chiffres d'une seule société, qui est à la fois juge et
partie. Donc, on n'a pas vraiment cette analyse indépendante dont on a
besoin et à laquelle vous-même, vous sentez le besoin de faire
appel.
Mme Bacon: Mais est-ce qu'une enquête publique est la
meilleure solution, est une réponse quand on n'a pas les chiffres ou les
études de base dont on aurait besoin pour discuter vraiment? Parce que,
si on veut faire une enquête publique, comme vous le suggérez, il
faut quand même avoir des données de base. Et il nous semble,
à nous, qu'on n'a pas ça, ces données de base pour servir
à davantage d'éclairage pour la discussion qui serait
générale à ce moment-là à travers le
Québec, comme vous le suggérez. Et si on n'a pas ces
données de base, comment peut-on commencer une discussion qui va nous
amener à trouver des solutions? Ça m'amène aussi à
vous dire que, vous comprendrez, quand il nous manque de telles données,
de telles études, et qu'on doit comme élus prendre des
décisions, eh bien, ça nous amène à regarder et
à prendre ces décisions avec la meilleure connaissance possible
que nous avons, mais pas toujours avec toutes les données qu'on voudrait
bien avoir nous-mêmes. C'est la même chose.
Mme Lajambe: Oui, effectivement, il y a ce manque de
données de base. Mais je pense que le plus on attend, le plus ça
devient grave et la crise à laquelle est confrontée
Hydro-Québec ne
disparaîtra pas du jour au lendemain. Le besoin de données
est là et peut-être qu'avant de faire l'enquête comme on le
voudrait, d'une façon assez large, vous pouvez faire faire ces
enquêtes-là par des experts indépendants, ou à
l'intérieur même du ministère ou alors à
l'extérieur, et commencer à préparer le terrain pour
établir une véritable politique énergétique. M.
Edwards voulait également compléter.
M. Edwards: Je m'excuse si je parie en anglais; c'est
parce...
Mme Bacon: Go ahead.
M. Edwards:... que c'est difficile pour mol...
Mme Bacon: No, no, go ahead
M. Edwards:... de m'exprimer en français. I find it
shocking that we do not have basic data and I think that the Government is to
blame for this because the Government of Québec has been ignoring energy
conservation for decades. For example, I prepared some years ago this graft
which is Annex C in the documentation. This is directly from a publication of
the Québec Government, some years ago, in 1983, and it shows very
clearly that the amount of petrolium, the amount of oil saved through reduction
of demand in the year 1981, for example, was six times larger than the amount
of oil displaced by substitution from electricity, and five times larger than
the combined effect of substitution from electricity and gas. Yet, in that same
document, there was not one word about energy conservation as an important
source for saving oil. The same could be said, by the way, for saving
electricity.
In the current documentation which we have before us for these
audiences, we have the same phenomenon. We have virtually no sufficient
recognition of the primary importance of energy efficiency. You know,
Hydro-Québec, for example, is talking about investing in new development
at a ratio of 25 to 1 compared with its investment in energy efficiency, even
though its own study show energy efficiency is far cheaper, far faster and
therefore far more desirable. Mathematically - I am a mathematician by training
- if you reduce demand, it is just like having a generating station. Because,
that reduction of demand, whether it is insolation, whether it is improved
equipment, whether It is an improved industrial process, that equipment
proceeds to generate power in effect year after year after year and the
operating cost is virtually nothing, once it is installed.
We are simply following bad business practice. What large corporation in
the world would think of investing 60 000 000 000 $ in an expansion plan
without even having basic data as to the alternatives? I think that that is why
we need an Inquiry. We are simply not following basic common sense. I don't
think any large private corporation would dream of embarking on a 60 - billion
- dollar expansion plan without having a lot of data about the alternatives,
far more than we have seen In Québec.
Mme Bacon: Je vais juste vous ramener, M. Edwards, à la
page 6 de votre mémoire, où vous dites: Toute communauté,
qui dépend excessivement de l'électricité sera toujours
plus vulnérable au désordre. " Il me semble pourtant que les
troubles sociaux des dernières années, qui peuvent être
reliés à l'énergie, concernent davantage le pétrole
que l'électricité. Qu'on pense seulement à la guerre
Iran-Irak, aux troubles dans le golfe Persique, aux déversements de
pétrole en mer. Et bien sûr, aussi, on a eu Tchernobyl et Three
Mlle Island, mais II s'agissait là d'accidents nucléaires, sans
lien avec l'hydroélectricité. J'aimerais, peut-être, pour
le bénéfice de la commission, que vous justifiiez l'affirmation
que j'ai citée tantôt et que vous venez de faire encore, car on
retrouve ça dans votre mémoire. Est-ce que vous
préférez qu'on s'en aille au nucléaire, au mazout? (10 h
45)
Mme Lajambe: Le nucléaire lui-même est
électrique. Donc, ce n'est pas une solution si on veut se couper de
cette vulnérabilité. Le sens de cette phrase, c'est pour rappeler
les conséquences sociales d'un environnement économique qui
dépendrait excessivement d'une seule forme d'énergie, soit
l'électricité, en particulier, au Québec, puisque c'est le
cas qui nous occupe. L'électricité est présente dans tous
nos actes, soit de la vie économique, ou de la vie domestique, ou de
n'importe quoi. C'est pourquoi toute interruption ou toute difficulté de
service de cette forme d'énergie a des répercussions et peut
éventuellement mener au désordre, comme on l'a vu quelquefois
quand il y a eu des pannes d'électricité dans des centres-villes,
et même au vandalisme. Et le fait, également, que cette
électricité nous vient de très loin - plus de 1000
kilomètres de lignes de transmission qui sont elles-mêmes
soumises, en hiver, à des conditions difficiles et même,
quelquefois, en été, à des tempêtes solaires -
explique qu'on est très vulnérables, finalement, sans s'en rendre
compte.
M. Edwards: The mention of nuclear power as an alternative
reminds me that just about 10 or 12 years ago, we were told that we had to
build 30 nuclear reactors along the St. Lawrence river or we would be freezing
in the dark. They were already choosing the sites for these nuclear reactors
and, at that time, we were told: How are you going to meet this demand, except
by building nuclear reactors? Have we learned nothing from the past? Has this
parliamentary commission taken a close look at why those forecasts of
electricity demand, 12 years ago,
were so badly wrong? Has the parliamentary commission studied in detail
the fact that, back in 1973, when the first oil shock came, every major utility
in North America, including HydroQuébec, predicted that the demand for
electricity, which had been growing at about 7 % per aninum at that point,
would, In fact, accelerate because people would turn away from oil and
therefore they would require electricity, and therefore the demand for
electricity had to grow more than 7 %? It was elementary common sense, It
seemed, to our utility planners 12 years ago, even 15 years ago.
Well, now, we have a similar situation and it seems that we are just
taking it for granted, as if it was haded down from the mountain that this
electricity demand Is there and is unavoidable and nothing can be done about
It. I think that if you simply look at the graph on the back of this page, if
you simply look at the history of the 1970s, you will see very clearly that our
planners are often times dead wrong because they continue to look at
electricity and energy as a commodity to be sold rather than a service to be
rendered. And there Is a very big difference between those two points of view.
The fact of the matter Is that, when corporations and individuals throughout
North America learned how to save oil, they also saved electricity
simultaneously and as a result, the demand for oil and electricity went down
simultaneously. And we ended up with a temporary glut, as we remember very well
here in Québec, where the big embarrassment was how we could get rid of
all our surplus electricity, not how desperate we should be to build new dams.
And why? The reason is because it is almost impossible to save oil without also
saving electricity. The fact of the matter is - and I do not know a single
energy analyst in Canada who really would disagree with this - that by far the
best investment is in energy efficiency, and yet we are still not putting our
first priority there. We are making it our third, fourth or fifth priority, not
our first priority and not even our second priority. Until we make it our first
priority, especially in this country, which is still the most energy wasteful
country In the world In terms of per capita consumption, until we make ft our
first priority, we are going to continue to squander our resources, both our
capital resources and our environmental resources and I think even our human
resources in what Is ultimately futile: building new capacity so that we can
waste it.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Même si le temps
est un peu limité à cause, justement, du mandat de la commission
qui est lui-même limité, j'en conviens, je pense que c'est
important, quand môme, qu'on prenne le temps d'échanger, ce qui
risque de nous amener à aller plus loin. Mais il faut commencer quelque
part et cette commission-là est peut-être, justement, le point de
départ nécessaire pour aller plus loin dans le débat. Et,
dans ce sens-là, il me semble qu'on doit reconnaître sa
validité, malgré ses limitations.
Vous avez dit dans votre présentation, Mme Lajambe, qu'il
n'existait pas de bilan de la première Baie James. Je conviens que les
effets de la première Baie James n'ont pas tous été
étudiés et que, effectivement, il y a encore beaucoup de trous
là-dedans. Mais j'aimerais vous entendre d'une façon plus
explicite sur ce que vous entendez par bilan de la première Baie
James.
Mme Lajambe: Je parlais à la fois d'un bilan
énergétique, d'un bilan économique et d'un bilan
environnemental. Je m'attarderai surtout au bilan économique qui nous
préoccupe dans le cadre des nouveaux investissements
d'Hydro-Québec. Ce que nous aimerions avoir, c'est un petit peu le
détail de ce qui s'est dépensé. On nous a donné un
chiffre. On nous a dit, en fait: Ça a coûté 13 700 000 000
$. Par contre, quand on pose des questions les gens n'ont pas l'air très
sûrs de savoir de quels dollars il s'agit, de quelle année, si
ça inclut les intérêts après la construction ou
seulement pendant la construction. À l'intérieur de ce
montant-là, qu'est-ce qui est allé pour la construction des
centrales elles-mêmes en comparaison avec les lignes de transmission et
les postes, la distribution? Donc, il y a tout un tas de détails qui ne
sont pas publics, qui, peut-être, existent de façon
disséminée à l'intérieur d'Hydro-Québec.
Mais, c'est une des demandes qu'on leur a faites depuis plusieurs
années, de nous fournir un bilan économique de la première
Baie James, pour savoir si vraiment ça a été une bonne
affaire, avant de commencer à considérer de s'embarquer dans une
deuxième.
M. Claveau: Essentiellement, en gros - et je vous pose la
question afin d'être bien certain de comprendre ce que vous demandez - si
on regarde les besoins de consommation du Québec comme ils sont au
moment où on se parle, on a besoin d'une puissance installée
d'à peu près 30 000 mégawatts. Là-dessus, la Baie
James, telle qu'elle est là, en produit 10 000 ou 10 800, ou elle va
être augmentée. C'est ce que l'on connaît des trois
premières centrales LG 2, LG 3, LG 4, les 13 000 000 000 $ et quelques.
C'est le tiers de la production d'électricité au Québec
actuellement, si on inclut Churchill qui, à lui tout seul, produit
quelque chose comme 5200 mégawatts, mais c'est de l'achat
d'électricité de l'extérieur.
Donc, au départ, on peut s'imaginer que, si on enlève la
Baie James, telle qu'elle est là, avec
20 000 mégawatts, aujourd'hui, avec ce qu'on connaît, dans
le contexte économique que l'on a, il nous manque de
l'électricité. On ne serait pas capables d'arriver. Môme en
supposant que l'on mette des mesures d'économies d'énergie qui
nous feraient économiser quelque 30 % de ce que l'on a, en supposant que
tout aille bien, encore là, on serait tout juste capables, et
probablement môme pas capables d'arriver si on n'avait pas la
première Baie James. Est-ce que vous pensez, dans ce contexte-là,
qu'il aurait été préférable d'aller vers une autre
sorte de production d'énergie? Sinon, le simple fait qu'actuellement la
Baie James, qui nous permet quand môme de produire des kilowattheures
à un prix raisonnable et à maintenir, qu'on le veuille ou non, le
tarif résidentiel à peu près le plus bas de toute
l'Amérique du Nord, n'est-ll pas en soi une justification pour ce projet
tel quel? Ou, est-ce que vous pensez qu'il aurait été moins cher
de le faire avec le nucléaire, ou le thermique, ou autrement?
Mme Lajambe: Le premier grand problème qu'il y avait avec
la première Baie James, c'est qu'elle a été mise en route
pour de mauvaises raisons. Elle n'a pas été mise en route pour
répondre aux besoins en énergie des citoyens
québécois. Rappelez-vous, c'était un projet pour remplir
une promesse électorale de 100 000 emplois. De fait, le "timing"
était mauvais puisque, dès les débuts, on s'est rendu
compte que le projet était beaucoup trop gros et qu'il allait y avoir
des surplus considérables. Donc, te projet a été mis en
route beaucoup trop tôt. Et on peut se poser la question, à savoir
si le projet avait été entrepris au moment opportun pour
répondre aux besoins des Québécois, est-ce que, à
ce moment-là, on n'aurait pas eu des alternatives? Est-ce que, à
ce moment-là, l'amélioration de l'efficacité
énergétique dans les usages où on en avait besoin à
ce moment-là n'aurait pas été déjà plus
rentable? N'y avait-ll pas, à ce moment-là, d'autres
possibilités?
Peut-être qu'en regardant la courbe d'augmentation de la demande
rétrospectivement on se dit: Ça cadre assez bien. Oui, mais,
dites-vous bien qu'une bonne partie de cette demande-là est de la
demande forcée, qu'Hydro-Québec a dû se débarrasser
de surplus considérables. À une époque, c'était
plus de la moitié de la Baie James qui était en surplus, au
début des années quatre-vingt. Donc, à ce
moment-là, tout était bon pour presque donner
l'électricité, en passant par les ventes de feu aux ventes
à l'exportation à très bas prix en interruptible. Et,
également, rappelez-vous les subventions aux citoyens des secteurs
domestique, commercial et résidentiel, qui, pratiquement, ont rendu
gratuits les équipements électriques. Que ce soit la
biénergie à ce moment-là ou, dans certaines industries,
les électrotechnologies, ce sont des équipements qui ont
été quasiment gratuits. Donc, la demande a semblé pouvoir
s'ajuster et rattraper la courbe de l'offre, mais dites-vous bien qu'une bonne
partie de cette demande-là est artificielle. Elle a été
poussée parce qu'on avait des surplus qu'on ne voulait pas gaspiller.
Donc, si on avait entrepris la Baie James au moment où on en avait
vraiment besoin, peut-être qu'on aurait eu à ce moment-là
d'autres alternatives, peut-être qu'on se serait contenté de faire
seulement LG 2 et qu'on se serait arrêté là, et ça
aurait suffi pour un moment.
Au début, il est très important de voir quels sont les
motifs derrière un projet de cette envergure-là. Et II serait bon
que la société québécoise se pose la question
à ce moment-là: C'est pour qui, la Baie James 2, étant
donné que môme les citoyens québécois n'en veulent
pas? Quel est le vrai motif? Et c'est sans doute à vous, les
parlementaires, de vous attaquer à cette question-là.
M. Claveau: M. Edwards.
M. Edwards: If I could just add a few words about this, you know,
when James Bay 1 was launched, ft was conceived as a very large project
which would bring a lot of prosperity and benefits to Québec. Here we
are, 22 000 000 000 $ later and how come we are not comfortable? All of a
sudden we are desperate. The reservoirs are empty. We need to accelerate the
construction schedule for new dams because Hydro-Québec cannot dream of
even waiting for environmental hearings, because they are so desperate to build
new dams. What, In other words, has our 22 000 000 000 $ bought us in terms of
security of supply? And what are we going to do for an "encore" after James Bay
2? Is this really sustainable, this pace of development? Where does It lead us?
Does it lead us to a blind alley or does it lead us to a sustainable society? I
think these are very serious questions and, you know, some of the assumptions
and some of the attitudes that were good perhaps for the 18th century, and the
19th century, and even the 20th century are not good any more for the 21st
century We cannot continue along this line. If we continue along this line, we
are going to find ourselves in a dead alley. And, in fact, the experience of
James Bay 1 has not been very reassuring.
Now, there are studies, which this parliamentary commission simply
cannot go into because you do not have the expertise, you do not have the time,
you do not have the resources. But, for example, here Is one to which Mme
Lajambe contributed, a study called: "2025: Soft Energy Futures for Canada",
which is a detailed, technical and economic feasibility study as to how Canada,
with a significantly Increased population, with a significantly increased gross
national product and without changes of life style, how Canada and, In
particular, Québec
could meet its energy needs using energy efficiency as the first
priority and renewable forms of energy as a second priority. And the
conclusions of this report are very interesting because they imply that Canada,
for example, could support a population almost double of what it is now, a GNP
more than double what It is now by the year 2025 and be using less primary
energy than we were using in 1978. And, of that, some 85 % to 90 % could be met
from renewable sources of energy. (11 heures)
I have another document which I will be willing to leave with the
committee and I could make more copies available, or perhaps they could be
reproduced. This is an interesting and easily read summary. It is the keynote
address of Mr. Amory Lovins, of the Rocky Mountain Institute, given at the
Green Energy Conference which we organized in Montreal, in September, as a
counterpart for the World Energy Conference. The reason why we organized the
Green Energy Conference is this: the World Energy Conference is dominated by
people who are in the business of selling you energy, selling energy as a
commodity. That is one point of view and It Is the point of view which has
prevailed and that is the point of view, I am afraid, which Hydro-Québec
has inherited from other energy corporations. But, in fact, rather than energy
being a commodity to be sold, it is more important to realize that energy Is
the life-blood of society and that what is good for society is not necessarily
what is in the interest of private corporations who are out to make a buck by
selling you energy. Oil companies are not going to be the first to persuade you
to use energy conservation anymore than tobacco companies are going to be the
first to persuade you to stop smoking. Unfortunately, HydroQuébec, even
though it is a State owned corporation, has Inherited In a sense, some of those
same attitudes which are really inappropriate for the 21st century,
inappropriate for Quebec's future, Inappropriate for a sustainable society.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais
féliciter Mme Lajambe et ses collègues pour la qualité de
leur mémoire. Je retiens en particulier les neuf considérations
que vous introduisez pour définir - c'est une suggestion - le mandat de
la commission publique. Il me semble que ça couvre les points les plus
essentiels. Nous pensons, nous, de ce côté-ci, qu'il faut qu'il y
ait une consultation publique, large, sérieuse, avec des moyens
techniques que cette commission-ci n'a pas, de toute évidence.
Je vais m'arrêter à l'aspect environnemental de votre
mémoire, à la page 6, La "liquidation" de l'environnement J'ai
une question bien précise. Dans vos recherches et dans votre inventaire
de ce qui s'est fait ailleurs, que ce soit en Europe ou en Amérique du
Nord, est-ce que vous connaissez certains endroits où on a fait des
études justement sur les effets cumulatifs sur l'environnement suite
à des projets hydroélectriques semblables, peut-être sur
une plus petite échelle qu'ici, mais quand même semblables
à nos propres projets hydroélectriques?
Mme Lajambe: À mon grand regret, non, je ne peux pas vous
aider là-dessus. Mais si j'en découvre, je vais m'assurer que
vous soyez informé de telles études.
M. Lazure: On sait qu'en Europe de l'Ouest, surtout dans les pays
nordiques, il y a quand même une tendance à diminuer
l'exploitation ou le développement de l'énergie
hydroélectrique. . Moi, ]e conviens que ce n'est pas une raison pour ne
pas le faire, même si ça n'a pas été fait ailleurs.
Il reste que la tâche est très complexe, mais les
conséquences de ne pas faire cette étude-là sont encore
plus importantes que les complications que provoque une telle étude. M.
Edwards, oui.
M. Edwards: It seems to me that this is still another thing that
Hydro-Québec and the Québec Government, of course, should require
as a precondition for any James Bay 2. I mean, who has the resources to do such
studies? Who has the planes to get in and out of the territory and the
resources to do the studies? We do not have a cumulative environmental impact
study of James Bay 1 and that is a very good reason for not proceeding with
James Bay 2, because we do not know what we are doing. I am afraid that the
same points which Madam Lajambe was raising on the economic level, in terms of
doing an economic assessment of the effects of James Bay 1, should be also done
on environmental level.
By the way, I am convinced that we do not have here the expertise
necessary to address your questions. But such expertise does exist and this is
something which, I think, a full-blown inquiry would really get into, because
we have some excellent people with whom we could produce and we would be very
glad to produce in an inquiry which really address those questions.
I did participate in my organization, which is the grandfather of the
James Bay Committee which is the Canadian Coalition for Nuclear Responsibility
of which both Madam Lajambe and myself are members of the Board. We did
participate, almost more than ten years ago, in a three-year large scale
inquiry in Ontario which was called the Royal Commission Inquiry into Electric
Power Planning. And I believe that all parties involved in that on all sides
founded it
extremely illuminating and there was a lot of extremely useful
information that came to light.
I have no doubt the same would be true, here In Québec.
M. Lazure: Une dernière question: Dans les milieux
scientifiques, particulièrement dans les milieux universitaires, il y a
sûrement suffisamment d'expertise, mais est-ce qu'il y a suffisamment
d'expertise qui n'a pas été à l'emploi
d'Hydro-Québec comme "contractant" ces dernières années
pour pouvoir faire des études objectives? Ma question est
sérieuse.
Mme Lajambe: Oui, elle est très sérieuse, M.
Lazure. Effectivement, c'est une des raisons pour lesquelles, en 1987, j'avais
commencé à mettre sur pied le CAPE, le Centre d'analyse des
politiques énergétiques. Nous avions réussi à
rassembler 25 experts, tous francophones, certains du Nouveau-Brunswlck,
d'autres de l'Université d'Ottawa, pour regarder exactement les
questions de politiques énergétiques. Le
prédécesseur de Mme Bacon, M. Ciaccla, nous avait chaudement
félicités de nos interventions en commission parlementaire, etc.
Malheureusement, nous n'avons jamais pu obtenir le financement initial qui nous
aurait permis de démarrer. L'équipe d'experts est encore
là. Ce sont essentiellement des universitaires. Certains travaillent
pour des industries, soit du côté offre, soit du côté
efficacité énergétique. C'est encore possible d'en trouver
quelques-uns, oui.
Le Président (M. St-Roch): Alors, très, très
brièvement, M. le député d'Ungava, Je vais vous
reconnaître pour une dernière question.
M. Claveau: Oui. Dans la même ligne de pensée, quand
je regarde le mandat que vous donnez à l'annexe B, est-ce que d'une
certaine façon vous ne présupposez pas - ce n'est pas une
question-piège, c'est une question, Je pense, qui est valable - que le
résultat de cette commission d'enquête là ira dans le sens
de ce que vous avancez? Et si tel n'était pas le cas, est-ce qu'on peut
déjà vous demander comment vous réagiriez en supposant,
par exemple, que la commission d'enquête en question avec des experts
indépendants donnerait 100 % raison à Hydro-Québec?
Supposons-le parce que c'est toujours une hypothèse possible.
M. Lazure: Tu as de l'imagination, Christian.
M. Claveau: Non, mais quand on va là-dedans il faut
s'attendre à tout.
Mme Lajambe: Je pense que l'ampleur des malaises qu'on remarque
justifie l'enquête, peu importe si elle donne 100 % raison ou pas 100 %
raison. Je pense que le simple processus d'en- quête, la simple
démarche qui s'effectuerait sur plusieurs mois et sur plusieurs
années va permettre de mettre au jour suffisamment d'Information, va
permettre aussi un processus éducatif dans la société
québécoise elle-même, va permettre de sortir de nouvelles
Idées qui, à l'heure actuelle, sont enfermées. On le
remarque chaque fois qu'on a des conférences sur ce sujet-là.
Notamment, pour la préparation de ces termes de référence,
on a fait plusieurs réunions, et on s'est rendu compte à quel
point les gens sont passionnés par cette question-là et aussi
combien les gens ont de bonnes idées.
Je dirais qu'une bonne partie du travail d'une commission est faite
simplement en amenant des gens ensemble. Il n'est pas question de donner raison
ou de donner tort. En fait, l'important, c'est d'arriver à un consensus
social. Je pense que c'est important de le faire autour de la question de
l'électricité au Québec à cause de ce malaise
général. Les gens sont mal à l'aise d'être
obligés de critiquer Hydro-Québec pour les raisons que vous
savez. Ils voudraient qu'on en arrive Je ne dirais pas à un genre de
réconciliation, mais à ouvrir des voies nouvelles où on
pourrait tous aller ensemble et où Hydro-Québec serait vraiment
l'outil au service de ce nouveau développement
énergétique. Elle rendrait vraiment les services
énergétiques que les Québécois attendent et je
pense qu'il y a un processus qui doit s'effectuer quelque part. Notre
comité, disons, l'a schématisé là; sur papier,
ça a l'air très sec, mais en fait, dans la réalité
des démarches, des échanges, des rencontres, II y a
énormément de choses qui se produisent, une interaction sociale
et c'est comme ça que se développe, de façon tout à
fait "dépassionnée", un consensus, mais un consensus qui est
beaucoup plus informé parce que les Informations sont là sur la
table. On n'est pas obligés de faire appel à la loi
d'accès à l'information. Les documents sont là depuis le
début. Donc, ça se fait très professionnellement,
également, parce qu'on a accès aux Informations. Les citoyens
peuvent faire appel à leurs propres experts et tout se passe dans une
atmosphère infiniment plus constructive qu'une enquête normalement
antagoniste.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie. Je vais
maintenant reconnaître M. le député de Saint-Maurice.
M. Edwards: May I say one remark, perhaps?
Le Président (M. St-Roch): Very, very briefly.
M. Edwards: O. K. Just briefly. I would like to point out a
serious political problem that Québec is going to be facing, and that is
that already Hydro-Québec is more powerful than
anything else in Québec. If they go ahead with a 60 000 000 000 $
expansion without some form of political accountability beyond what you have
now, it is going to be very difficult for both Hydro-Québec and the
Government of Québec and the people of Québec to really find
their way, politically, through that. I think that, at this point, an Inquiry
would be extremely beneficial in broadening things out and educating people as
to what is up.
Le Président (M. St-Roch): Thank you very much. M. le
député de Saint-Maurice.
M. Lemire: Je remarque que, dans votre mémoire, vous vous
préoccupez beaucoup des répercussions sur l'emploi des
décisions qui seront prises concernant les économies
d'énergie. Vous allez jusqu'à dire que de telles mesures
d'économies d'énergie créent plus d'emplois par dollar
investi, des emplois non seulement dans le Nord, mais à travers toute la
province. Ce que j'aimerais savoir, c'est: est-ce que vous avez des
études pour appuyer vos affirmations?
Mme Lajambe: Effectivement, j'avais fait une étude dans
cet ordre-là pour le Conseil régional de l'Estrie, en 1982.
Effectivement, les emplois créés sont infiniment moins chers,
infiniment plus nombreux et ils font appel à un niveau de qualification
moyen, disons. Donc, on trouve très facilement à recycler une
main-d'oeuvre qui, à l'heure actuelle, peut se trouver au chômage.
Par ailleurs, ce sont des emplois qui suivent la population. Partout où
il y a des villes, II y a un besoin de gens pour construire des maisons. Ceci
crée un climat complètement différent des emplois dans le
Grand Nord où, qu'on le veuille ou non, l'Implantation des chantiers a
créé des désastres sociaux dans les communautés
autochtones.
On pourrait élaborer énormément là-dessus.
Il y a certaines études que je pourrais vous signaler, si vous
êtes intéressés plus particulièrement. Mais le point
Intéressant, peut-être, pour vous qui vous Intéressez aux
questions économiques, c'est que, après que ces
équipements sont en place, la facture énergétique des gens
du lieu diminue elle-même considérablement, ce qui leur permet
d'avoir suffisamment d'argent pour dépenser comme ils le veulent et
réinvestir dans l'économie. Ça peut être pour
acheter des gâteaux ou une meilleure bicyclette ou n'importe quoi, mais
ça crée un potentiel qu'on réinvestit dans
l'économie. Donc, ça reste localement et ça fructifie
localement.
M. Lemire: Je voudrais revenir...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Saint-Maurice, je me dois d'être le gardien du
temps des deux formations. Alors, très, très, très
brièvement.
M. Lemire: Quand vous pariez d'emplois dans le Nord, justement,
vous avez effleuré un peu, peut-être, la réponse que
j'aimerais avoir. Quel type d'emplois les autochtones pourraient-Ils occuper,
à ce moment-là, quand vous pariez d'économies
d'énergie et que vous allez créer...
Mme Lajambe: Je pense que, tout comme vous et moi, ils habitent
dans une maison, et ils auraient besoin d'avoir des corps de métiers qui
pourraient, par exemple, faire de la rénovation en améliorant
l'enveloppe thermique de ces bâtiments ou maisons. Ça pourrait
être également dans les industries qu'ils essaient de
développer dans le Nord. Donc, à ce point de vue là, les
méthodes de construction visant l'efficacité
énergétique seraient aussi applicables dans le Nord que dans le
Sud.
M. Edwards: If I could just mention, there was a very useful
experience in the Notre-Dame-de-Grâce region of Montreal, again some 12
years ago. The woman was a master of urban planning from McGIII University, who
coordinated the project. And what it was, was an energy audit for an entire
community. Coordinated by professionals and run by volunteers, the idea is to
take a community and do a complete energy audit, professionally, to look at
where the savings are and, then, to put a plan to the community which everybody
can buy into if they wish. And they can buy into having very top-notch work
done, going up one street and down the other. (11 h 15)
There is a great deal of construction work involved in this, a lot of
jobs. And the point is that, by doing ft this way, you achieve economies of
scale and you also achieve the benefit of good professional advice. And
unfortunately, at that time, there was very little encouragement for this
project. And the second phase, which is implementation, there was absolutely no
funding for. But there is a model, and it is all written up and reported on and
ft would be an excellent model, which could be used throughout Quebec.
Le Président (M. St-Roch): Thank you very much, M.
Edwards. M. le député d'Ungava, de brèves remarques de
conclusion.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord,
rassurer, Mme la ministre quant à mes intentions. Bien au contraire, je
n'ai jamais voulu empêcher qu'il y ait un vaste débat public sur
l'énergie. Je pense qu'il est nécessaire, il doit se faire. Ma
grande préoccupation, par contre, c'est que cette commission
parlementaire là, qui est déjà restreinte, qui est
déjà limitée, finisse en queue de poisson. Et la plus
belle façon de la légitimer, de lui donner toute sa valeur et de
faire en sorte que les interventions
que l'on aura ici encore au cours des trois prochaines semaines aient
l'écoute attendue, c'est probablement en lui donnant un suivi par le
biais d'une vaste commission d'enquête publique. Si on ne le fait pas,
probablement que ce qui va s'être dit ici pendant un mois va rester
lettre morte, il n'y a personne qui va le relever et, en bout de piste, le
gouvernement pourra continuer à annoncer ses politiques comme si de rien
n'était et à négocier à l'interne avec
Hydro-Québec comme s'il ne s'était jamais rien
passé...
Le Président (M. St-Roch): En conclusion, M. le
député.
M. Claveau:.. légitimant sa position à partir du
fait qu'on a entendu quelques mémoires devant cette commission. Ce
serait très dommage. Ceci étant dit, je suis tout à fait
satisfait et content de votre présentation qui va sûrement faire
avancer le débat, qui, je l'espère, va permettre à Mme la
ministre de réfléchir plus à fond sur les annonces qu'elle
aura à faire au cours des prochains jours, avant même que cette
commission soit terminée. Merci.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. le
député d'Ungava. Je vais maintenant reconnaître Mme la
ministre.
Mme Bacon: Je pense qu'avant de décider ce qu'on doit
faire on va prendre le temps de réfléchir, M. le
Président, et c'est Justement cette réflexion que nous venons
faire en écoutant les différents invités que nous avons
à cette commission parlementaire. Et je dois dire que |e
préférais, la semaine dernière, le député
d'Ungava qui parlait du respect de l'Assemblée nationale et du respect
de cette création de l'Assemblée nationale qu'est une commission
parlementaire; c'était tout à fait ce que je pense d'une
commission parlementaire. Si nous ne respections pas l'émanation de
l'Assemblée nationale, je ne vois pas pourquoi nous serions ici comme
des élus démocratiquement par la population.
Alors, je vous remercie beaucoup, Mme Lajambe, M. Chénier et M.
Edwards, de cet éclairage que vous nous avez apporté encore
aujourd'hui et du document que nous avons en main pour poursuivre la
réflexion que nous avons commencée. Merci beaucoup.
Le Président (M. St-Roch): Merci, Mme la ministre. Je
tiens à remercier le Comité de la Baie James pour sa contribution
aux travaux de cette commission. Sur ceci, je demanderai maintenant au
porte-parole du Parti québécois de bien vouloir prendre place,
s'il vous plaît.
À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais maintenant souhaiter
la bienvenue au porte-parole du Parti québécois. Je demanderais
maintenant au porte-parole de bien vouloir s'Identifier, ainsi que la personne
qui l'accompagne, pour le bénéfice du Journal des
débats.
Commission nationale sur l'écologie et
l'environnement du Parti québécois
M. Messier (Daniel): Daniel Messier. M. Frenette (Sylvain):
Sylvain Frenette.
Le Président (M. St-Roch): Alors, maintenant, vous avez 20
minutes pour déposer votre mémoire.
M. Messier (Daniel): Alors, bonjour. Je vous remercie, M. le
Président. C'est un Immense honneur pour mol de pouvoir m'exprimer en
ces lieux historiques si prestigieux. Je tiens aussi à remercier, au nom
de notre groupe, la Commission nationale sur l'écologie et
l'environnement du Parti québécois, le chef de l'Opposition pour
la chance qu'il nous donne de faire avancer ce mégadossier où
plusieurs éléments fondamentaux de notre projet de
société sont touchés. Quand je parle de notre projet de
société, M. le Président, je parle de toute la population,
tant au nord qu'au sud, les communautés autochtones, les gens en
région et les plus démunis de notre société.
Au début des années soixante-dix, la population endossait
le projet Baie James dans un climat d'euphorie, pour sortir le Québec du
malaise économique, créer de l'emploi, répondre aux
besoins internes en électricité dans un objectif d'auto3Uffi8ance
énergétique. Ce but était très louable pour le
Québec et je crois, effectivement, que la première série
de barrages sur les rivières du Nord a contribué à
l'affirmation du peuple québécois, qui veut maintenant se donner
un pays. - II semble y avoir un consensus là-dessus, M. le
Président.
Le nouveau plan de développement hydroélectrique de notre
société d'État suscite plusieurs interrogations et les 62
000 000 000 $ d'investissements prévus Inquiètent une
majorité de Québécois. Hydro-Québec qui,
jusqu'à tout récemment, était la fierté nationale
des Québécois et, entre autres, du Parti québécois
laisse maintenant la place à un mécontentement
général. Les consommateurs ont découvert qu'il y avait un
lien entre les grands projets et les hausses de tarifs, ce qui rendait notre
hydroélectricité moins attrayante comparativement aux autres
formes d'énergie. Les difficultés financières de
l'entreprise, reliées aux premières aventures
hydroélectriques, ont fait en sorte que le réseau de distribution
d'Hydro-Québec a été négligé depuis les
dernières années. D'ailleurs, M. le Président, les pannes
d'électricité sont malheureusement devenues le symbole de notre
société d'État. J'ai aussi eu droit à cinq courtes
pannes durant la rédaction du mémoire. Alors, c'est une source
d'inspiration peu commune. M.
le Président.
La détérioration des relations de travail entre les
dirigeants d'Hydro-Québec et ses syndiqués ne rassure en rien la
population sur la fiabilité du réseau. Un climat de confrontation
semble s'installer entre les parties en présence et la loi 58, M. le
Président, amplifie ce sentiment-là. De plus, de très
importantes erreurs de prévision de la demande ont laissé
d'énormes surplus d'électricité qu'on a dû exporter
à rabais, ce qui souligne les risques des mégaprojets.
À cela s'ajoutent les préoccupations écologiques.
L'hydroélectricité, bien que considérée
renouvelable, ne jouit plus de la réputation d'énergie propre,
comme autrefois. On a progressivement découvert qu'elle pouvait
contaminer les bassins des barrages au méthylmercure. Le
détournement des rivières et les Inondations, combinés au
nombre grandissant de pylônes nécessaires à la
distribution, ont largement contribué à la destruction des
forêts et des écosystèmes, au moment où l'un des
grands débats écologiques à l'échelle mondiale est
celui de la protection des forêts.
L'expropriation des peuples autochtones et leur empoisonnement au
méthylmercure les empêchent de vivre selon leurs traditions. On
achète les droits ancestraux des Cris pour réaliser d'autres
barrages et, en échange, c'est la valse des millions, le confort de
l'homme blanc et la perturbation de toute une communauté qui
était là avant nous, M. le Président.
Pour ces différentes raisons, M. le Président, le nouveau
plan de développement de la société d'État ne
suscite pas l'enthousiasme, à l'heure où Hydro-Québec
connaît des difficultés sur tous les fronts. Les énormes
dépenses prévues inquiètent. Est-ce que cela va contribuer
à l'autosuffisance énergétique du Québec ou nous
rendront-elles plus vulnérables aux pressions extérieures?
Les choix politiques, économiques, écologiques et sociaux
devront être pris par la majorité de la population, parce que les
enjeux sont trop importants et les problèmes qui en résultent
nous touchent tous. Plusieurs alternatives peuvent être envisagées
pour répondre à la demande d'énergie. Le temps est venu
pour le Québec de s'engager dans une réelle politique de
développement durable axée sur la conservation et
l'efficacité énergétique.
Dans ce contexte, ne devrions-nous pas augmenter la recherche et le
développement sur de nouveaux procédés qui
réduisent notre consommation d'électricité et sur des
formes d'énergie plus douces et renouvelables qui ne mettent pas
l'environnement en péril, comme c'est le cas avec
l'hydroélectricité et les autres formes, centrales
nucléaires et centrales thermiques? "Le Québec est une immense
centrale hydroélectrique, mais elle n'est encore que partiellement
exploitée. Chaque jour, des millions de kilowattheures potentiels vont
se perdre dans la mer. Quel gaspillage!" C'est en ces termes que le premier
ministre, Robert Bourassa, s'exprime dans son livre "L'énergie du
Nord".
Certes, le potentiel hydroélectrique est impressionnant, mais
comparer la faune, la flore et les écosystèmes fragiles à
une centrale hydroélectrique est une forme de non-respect envers
l'écologie québécoise. Augmenter la puissance
hydroélectrique de 18 800 mégawatts et doubler la superficie du
territoire occupé par Hydro-Québec semble davantage
inspiré par le développement à tout prix et la
consommation à outrance que par un développement viable.
Les prévisions de la demande interne en
électricité, d'Ici l'an 2006 40 % d'augmentation, et la
façon dont Hydro-Québec veut la combler ne semblent pas plus
réalistes que les prévisions des années soixante-dix, lors
de la première Baie James. Après avoir surévalué la
demande interne, Hydro-Québec s'est retrouvée avec un
énorme surplus qu'on a exporté à des prix qu'on pourrait
comparer à une vente de feu. Beaucoup d'exportations combinées
à de faibles apports hydroélectriques, en raison de la baisse des
pluies depuis 1983, ont fait diminuer dangereusement le niveau d'eau des
barrages.
Depuis maintenant deux ans, Hydro-Québec a cessé les
exportations afin d'assurer l'énergie nécessaire au
Québec, a procédé à la mise en marche de la
centrale thermique au mazout de Tracy, beaucoup plus polluante, et au rachat
des contrats de biénergie commerciaux institutionnels et industriels.
Malgré la position d'Hydro-Québec, qui persiste à affirmer
que la situation n'est que temporaire, la réalité nous
démontre qu'il pourrait s'agir d'une situation permanente. En effet, la
crise de la faible hydraulicité, qui vient de connaître ses deux
pires années, en 1988 et 1989, pourrait bien être causée
par un des principaux problèmes à l'échelle de ia
planète, l'effet de serre ou le réchauffement climatique de la
biosphère. Pour pallier aux demandes de pointe, Hydro-Québec
exploite la centrale nucléaire de Gentilly, pour un potentiel de 685
mégawatts. Les problèmes qui en découlent au niveau de la
gestion des déchets et des effluents d'eau lourde nous obligent à
trouver d'autres solutions que ce type de centrale.
Les hausses de tarifs vont contribuer à l'appauvrissement d'une
bonne partie de la population. Déjà, en 1988, des milliers de
consommateurs ont été privés d'électricité
parce que Incapables de payer leurs comptes. La politique tarifaire
d'Hydro-Québec a des conséquences importantes au point où
il est devenu primordial d'adopter des mesures d'atténuation, peu
importe la forme que cela pourrait prendre; ça pourrait être une
forme de crédit d'impôt ou toute autre forme. D'accord, M. le
Président, j'admets que ces augmentations vont encourager la population
à faire attention à sa consommation. Par contre, les
bénéfices encourus serviront-ils à viser une meilleure
efficacité énergétique ou serviront-ils
plutôt à la construction de barrages
supplémentaires, avec tous les impacts qui s'ensuivront, pour alimenter
le marché américain et les nouvelles aluminerles?
M. le Président, on veut savoir les chiffres; on ne
réussit pas à les avoir. Les tarifs préférentiels
aux aluminerles et aux États-Unis inquiètent, à l'heure
où les PME, les serricul-teurs et l'industrie manufacturière ont
besoin d'aide pour faire face à la mondialisation de l'économie.
Au lieu de cela, on augmente les tarifs et on augmente ainsi leurs coûts
de production. La population croit que sa société d'État
et son gouvernement ont de bonnes raisons de cacher une information sur la
politique tarifaire d'Hydro-Québec. Plusieurs croient que cette
politique est socialement inacceptable.
Inonder des milliers de kilomètres carrés a des
conséquences incalculables en matière d'environnement. Le
développement des 18 800 mégawatts supplémentaires portera
de 1 % à 2 % le territoire occupé par l'ensemble des
équipements de transport et de production d'électricité.
L'étude des impacts et des coûts environnementaux du premier
projet de la Baie James n'est pas encore terminée et Hydro-Québec
veut déjà entreprendre des travaux de plus grande envergure
encore.
Hydro-Québec a réalisé près de 160
études d'impact depuis les 20 dernières années. Alors, on
sait qu'elle s'en occupe et que ça lui tient à coeur. La
vice-présidence à l'environnement d'Hydro-Québec prend une
place de plus en plus importante au sein de l'entreprise. Malgré cela,
les répercussions environnementales sont trop nombreuses pour donner le
feu vert aux nouveaux projets. La deforestation et la contamination au
méthytmercure constituent sans aucun doute les principales catastrophes
écologiques émanant de ces mégaprojets. Le mode de vie des
autochtones, en particulier les Cris, est profondément brimé par
les inondations et le contour-nement des rivières, car c'est leur
territoire de chasse et de pêche qui est attaqué, donc leur mode
de subsistance. Après avoir évalué la négociation
de la première Baie James, à la Convention de 1975, les Cris ne
veulent plus des millions de dollars et tiennent à garder leur
environnement à l'état naturel. Les changements de débit
des cours d'eau, les milieux estuariens, le climat, la nappe d'eau
phréatique, les ressources et habitats fauniques, la vie aquatique, les
paysages, les BPC, les phytocides, les déversements accidentels, les
effets biologiques des champs électriques et magnétiques sur la
santé de l'homme et le bruit sont d'autres impacts environnementaux
très importants. Évidemment, Hydro-Québec les
connaît à peu près tous et je 6ens qu'il faut qu'elle
continue à les évaluer davantage. (11 h 30)
Hydro-Québec s'apprête à investir près de 62
000 000 000 $, d'ici 10 ans, dans ses dif- férents pro|ets. Une bonne
partie de ce montant sera empruntée sur les marchés
étrangers, dans le but de satisfaire la demande des nouvelles
alumineries et le marché américain. Pourtant, la
détérioration récente des résultats financiers de
la société d'État démontre sa
vulnérabilité face aux risques extérieurs ou externes.
L'évolution de l'hydraullcité, l'évolution de la demande,
les taux de change et les taux d'intérêt peuvent modifier
radicalement la progression de la situation financière. Selon nous,
investir massivement dans l'exportation d'énergie et d'aluminium non
transformé pourrait même contribuer à créer des
emplois ailleurs qu'au Québec, à notre détriment. Que
ferons-nous de ces barrages à la fin de leur durée de vie de 50
ans? Que ferons-nous de ces alumineries subventionnées à
l'extrême par l'État, lorsque ce produit sera remplacé par
d'autres plus efficaces et plus performants? Le marché de
l'énergie provoque parfois des variations dévastatrices de prix,
ce qui peut rendre une source d'énergie moins concurrentielle qu'une
autre. Ainsi, l'utilisation d'électricité au Québec est
passée de 43 % à 40 %, lors de la baisse du prix mondiaJ du
pétrole.
On peut s'imaginer facilement la différence qu'il peut y avoir
aux États-Unis, alors que leur potentiel hydroélectrique est
beaucoup moindre que celui du Québec. Les Québécois
sont-ils prêts à devancer la mise en chantier de ces nouveaux
projets et à supporter Indirectement leur financement par les hausses
tarifaires, sans avoir l'assurance d'emplois durables? Ces énormes
dépenses aideront-elles le Québec à devenir une
société libre et autosuffisante ou nous rendront-elles encore
plus vulnérables aux pressions extérieures?
Dans ce contexte, peut-on prétendre, hors de tout doute,
qu'exporter notre hydroélectricité soit profitable pour les
Québécois? À notre avis, trop de questions restent sans
réponse et, comme c'est de tout un projet de société qu'il
s'agit, seul un débat public en profondeur sur l'ensemble d'une
politique énergétique peut dégager un consensus populaire,
nécessaire pour de tels projets collectifs. D'ailleurs, tout
récemment, c'est ce que déclarait M. Drouin, le président
d'Hydro-Québec.
Développement durable. Quel terme galvaudé, utilisé
par tous et à toutes les sauces! Nous considérons que
l'interprétation qu'Hydro-Québec en fait ne correspond pas
à la définition du rapport Brundtland et à ce qui est
défini par la Commission mondiale sur l'environnement et le
développement. Hydro-Québec parie d'une croissance mesurée
et prudente, alors que Mme BrundUand préconise davantage des
économies substantielles d'énergie et une diversification vers
les ressources renouvelables et alternatives.
Le virage sensationnel de notre société d'État vers
l'efficacité énergétique tombe juste à point, avant
la commission parlementaire. Malgré la grande visibilité positive
dans la publicité, la
fameuse pomme de douche Water Pik, fabriquée en Ontario, fait
couler beaucoup d'encre ces temps-ci. Nous comprenons que notre
société d'État est encore un peu mal à l'aise avec
ce concept, elle qui, pendant longtemps, a encouragé plutôt la
consommation à outrance. Bien que certains appareils puissent
effectivement contribuer aux économies d'énergie, l'ensemble de
la population doit faire sa part au niveau de la consommation. Et, à
cette fin, le gouvernement doit encourager les consommateurs, d'une
façon globale, en matière énergétique. Mieux
planifier les villes afin de limiter l'étalement urbain - ça,
c'est dans un sens global qui dépasse seulement
l'hydroélectricité - favoriser le transport en commun, lancer un
vaste programme d'Isolation des bâtiments et promouvoir de nouvelles
technologies, comme les chauffe-eau solaires, montreraient une réelle
volonté d'entreprendre un développement durable.
Malgré un potentiel hydroélectrique exceptionnel, M. le
Président, le Québec doit, à l'instar de tous les pays,
développer son autosuffisance et rechercher de nouvelles formes
d'énergie plus douces, qui n'ont pas ou peu d'effets sur
l'environnement. Hydro-Québec pourrait s'engager, en collaboration avec
d'autres entreprises et les universités, à trouver de nouvelles
avenues pour le développement, l'application et l'exportation du
savoir-faire québécois en matière d'énergie
renouvelable, autre que l'hydroélectricité, évidemment. Je
pense surtout aux énergies éollenne et solaire.
D'ailleurs, M. le Président, j'ai assisté, la semaine
dernière, à un court exposé sur les piles ou les plaques
photovoltaïques, qui servent à capter les rayons solaires et
à les transformer en courant électrique. Les
débouchés semblent très prometteurs pour ce type
d'énergie. Et on sent tous que le Québec doit s'engager dans
cette voie. Ça pourrait môme amener une autonomie des
régions en matière énergétique, ce qui est, sans
aucun doute, un avantage.
Notre société d'État pourrait accentuer les
recherches scientifiques afin de perfectionner et de promouvoir
l'hydrogène comme carburant, à partir de nos surplus
d'électricité. L'hydrogène, à l'aide de piles
à combustible, permet d'entreposer l'électricité et
pourrait offrir de fascinantes possibilités pour son transport.
Consciente du potentiel spécifique et des besoins de chacune des
régions, la société nationale pourrait rénover de
petites centrales hydroélectriques où cela pourrait
s'avérer économiquement avantageux. Disons que ces
bâtiments-là sont déjà existants; alors,
plutôt que d'en construire des nouveaux, ça pourrait être
moins coûteux et plus avantageux pour certaines régions.
Un large débat national sur l'énergie. Le nouveau plan de
développement d'Hydro-Québec ne fait pas l'unanimité au
sein de la population. Les audiences tenues devant l'Office national de
l'énergie ont démontré la détermination des groupes
pour sauver nos dernières rivières et nos forêts nordiques.
En raison des performances passées d'Hydro-Québec, de son absence
de transparence, on ne peut accepter que ces décisions cruciales pour
l'écologie, l'économie et le peuple québécois
soient prise par une société d'État et un premier ministre
dont on connaît le parti pris et l'attachement à ces
mégaprojets. Évidemment, celui-ci devrait demander à sa
ministre de l'Énergie d'entreprendre un véritable débat
public, comme les groupes de citoyens le réclament depuis 20 ans, depuis
la phase I.
La commission parlementaire annuelle sur Hydro-Québec n'a jamais
rien remis en question. Le temps de l'Hydro-glasnost est arrivé. Seul un
large débat national sur l'énergie pourrait Informer davantage
sur les véritables intérêts du Québec. Peu importe
la décision qui sera prise, M. le Président, c'est le peuple qui
doit décider, propriétaire légitime de sa
société d'État.
Avant de lui donner le mandat d'accroître notre endettement
collectif de 62 000 000 000 $, nous devons ressaisir collectivement notre
société d'État et la remodeler en fonction des nouveaux
besoins et des nouvelles préoccupations de la communauté, entre
autres les préoccupations environnementales. Une coalition de 25 groupes
représentant plus de 1 000 000 de personnes, pour laquelle j'ai
participé à plusieurs réunions, débats et forums,
veut obtenir ce grand débat de fond sur le développement
énergétique durable.
Pour s'assurer que le Québec entreprend concrètement un
développement soutenable et équitable en matière
d'énergie et que la population soit suffisamment informée, le
Parti québécois demande: une évaluation publique en
profondeur de toutes les facettes de ces projets hydroélectriques et les
autres orientations possibles; un moratoire sur la construction des nouveaux
projets hydroélectriques; que ce moratoire soit en vigueur tant que de
sérieuses études d'impact et des audiences publiques ne seront
pas réalisées pour tous les mégaprojets; qu'aucune
signature de contrats fermes ne résulte des négociations avec les
compagnies américaines de services publics et les autres groupes
impliqués dans ces dossiers tant qu'une vaste consultation publique ne
sera pas effectuée; que cette commission publique soit
itinérante, en région, et composée de représentants
de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de députés
de l'Opposition et du gouvernement, et de commissaires neutres.
Pour conclure, M. le Président, HydroQuébec connaît
toutes sortes de difficultés. Même les plaintes des consommateurs
se ramassent aux poubelles. Ça constitue ni plus ni moins la goutte qui
fait déborder le vase. Le gouvernement du Québec a
décidé d'accélérer et d'intensifier le
développement des ressources hydroélectriques. Cette
décision se base sur une politique économique et sociale
favorisant l'extraction et
l'exploitation des ressources naturelles comme moteur de la croissance
économique et de la création d'emplois. Jusqu'à
présent, ces contrats d'exportation ne visaient qu'à
écouler des surplus. Le contexte change complètement lorsqu'il
s'agit d'un commerce d'énergie garantie à long terme. Ne
sommes-nous pas en train de subventionner des exportations qui vont
créer des emplois ailleurs, tout en détruisant l'environnement
québécois et les moyens de subsistance des premières
nations, des autochtones? Dans ces conditions, peut-on prétendre d'une
façon absolue qu'exporter notre électricité soit
profitable et souhaitable pour les Québécois? La ouananiche, le
saumon, le béluga du nord, la faune, notre forêt boréale et
nos rivières ne représentent-ils pas nos grandes richesses
naturelles à protéger?
Sa prise de conscience sur la nécessité de protéger
l'environnement fait en sorte que la population n'accepte plus que les grandes
décisions qui affectent notre projet de société soient
prises en secret. Hydro-Québec espérait faire valider ces projets
par le gouvernement sans produire de sérieuses études d'Impact.
Le fédéral s'en est mêlé et le tollé de
protestation a fait réagir le Conseil des ministres du gouvernement du
Québec qui a décidé de procéder
unilatéralement à des audiences publiques sur les Impacts
environnementaux.
Après de longues tergiversations, le gouvernement libéral
veut procéder le plus rapidement possible afin de ne pas retarder le
début des constructions du projet Grande Baleine. On peut se questionner
sur le sérieux d'une telle procédure puisqu'on théorie ces
audiences pourraient remettre le projet en question, s'il ne respecte pas
suffisamment l'environnement. Le gouvernement semble prendre cette
procédure comme une simple formalité. Au moment où
Hydro-Québec s'apprête à inonder des milliers de
kilomètres carres de territoire, la tenue d'audiences publiques
réelles et sérieuses sur ces grands projets est essentielle.
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, s'il
vous plaît.
M. Messier (Daniel): Oui, J'ai terminé. Il est important
que la population soit informée sur les impacts écologiques,
sociaux et économiques de ces projets, afin qu'elle puisse faire des
choix éclairés.
Oui, M. le Président, des changements fondamentaux doivent
être discutés au cours des prochains mois pour faire
d'Hydro-Québec une authentique société de services
énergétiques gérée en fonction des besoins de ses
actionnaires, les Québécois et les Québécoises.
Le temps est venu de renationaliser une autre fois Hydro-Québec.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, en remerciant MM. Messier et
Frenette et avant de passer aux questions, j'aimerais quand même relever
certaines erreurs. Vous n'avez pas suivi tout votre document. Je pense que vous
avez de nouvelles notes devant vous. Vous me permettez de suivre le document
que nous avions devant nous et de vous dire tout d'abord. Quand vous parlez des
alumineries qui sont subventionnées fortement, c'était
effectivement le cas quand on pense à Pechiney, mais pour Pechiney, ce
n'est pas notre gouvernement qui était en place à cette
occasion-là. Je dois dire que, depuis que nous sommes là, quand
on parle d'Alumax, quand on parle d'Alouette, les règles du jeu ont
changé et bien changé puisque les subventions ne sont pas
là, il n'y a pas de rabais tarifaire. Aujourd'hui, on fait un partage de
risques et de bénéfices.
Dans l'introduction de votre mémoire, que nous avions devant
nous, vous dites: "De très Importantes erreurs de prévision ont
laissé notre société d'État avec d'énormes
surplus d'électricité de la Baie James qui ont coûté
très cher. " Il serait peut-être bon de préciser que
d'autres planificateurs, en Ontario, par exemple, aux États-Unis, en
France, avaient aussi sous-évalué l'Importance de la crise
économique et l'envergure de la récession des années
quatre-vingt.
Et, toujours en Introduction, lorsque vous mentionnez que "des choix
politiques, économiques, écologiques et sociaux devront
être pris d'une façon éclairée et non partisane",
j'aimerais simplement vous rappeler qu'en septembre 1988, au moment de la
parution de la politique énergétique, l'actuel chef de
l'Opposition avait favorablement réagi à la publication de
l'énoncé de politique qu'il avait Justement qualifié de
document non partisan. Le député d'Ungava s'en souvient
certainement.
En page 3, vous nous dites aussi que "l'électricité
représente plus de 40 % du bilan énergétique du
Québec, le niveau le plus élevé au monde, après la
Norvège". Cette réalité que vous semblez présenter
aujourd'hui comme un reproche, on peut peut-être le rappeler,
découle directement d'un des objectifs de la politique
énergétique du gouvernement du Parti québécois qui
était publiée en 1978. En page 6, vous dites que le complexe
Grande Baleine "entrerait en service entre 1998 et l'an 2000, en même
temps gue l'objectif d'exportation de 3500 MW au Etats-Unis". Je trouve
malheureux de vouloir associer, consciemment ou non, Grande Baleine avec les
exportations. Comme moi, vous savez fort bien que l'objectif d'exporter 3500
mégawatts a été rendu public depuis plusieurs
années, que ce même objectif est passablement entamé
puisque, déjà, 1500 mégawatts sont signés avec les
réseaux voisins, que les livraisons débuteront, dans le cas du
Vermont, dans quelques semaines et, pour ce qui est de New York, en 1995. Il
est donc totalement faux et je regrette de le dire, que les exportations de
3500 mégawatts débute-
rant au moment de la mise en service de Grande Baleine.
Mais j'aurais une question à vous demander: Selon vous, est-ce
que le Québec - et je pourrais en relever d'autres, mais je vais poser
des questions - doit continuer à chercher à établir les
tarifs d'électricité au plus bas niveau possible pour les
consommateurs d'électricité? Parce que je constate que vous
appuyez les économies d'énergie et qu'il est
généralement reconnu que l'un des moyens de favoriser des
économies d'énergie, c'est l'établissement de tarifs
dis-suasifs, voire élevés, pour le consommateur. Est-ce que vous
pouvez expliquer comment vous conciliez l'objectif d'économies
d'énergie et celui de maintenir aussi les tarifs à un plus bas
niveau possible?
M. Messier (Daniel): Disons, ce que j'ai mentionné
tantôt, c'est justement que je sais que l'augmentation des tarifs va
amener une prise de conscience au niveau des consommateurs et que ces
consommateurs-là vont faire plus attention à leur consommation
d'électricité. Mais, par contre, quand les gens des ACEF viennent
dire qu'il y a 4000 foyers qui ont été coupés en plein
hiver, le point de vue humain, Mme la ministre, finit par prendre le dessus ni
plus ni moins, et c'est dans ce sens-là que nous croyons qu'il devrait y
avoir des mesures d'atténuation pour les plus démunis de notre
société. (11 h 45)
Si je peux répondre aussi à une autre affirmation que vous
avez faite tantôt à propos de Grande Baleine et des contrats...
Même si c'était prévu depuis longtemps les contrats
d'exportation, dans le mémoire qui sera déposé plus tard
par Hydro-Québec, on dit que le projet Grande Baleine est
étudié depuis un grand nombre d'années, depuis les
années soixante-dix. C'est ce qu'Hydro-Québec mentionne dans son
mémoire.
Mme Bacon: Oui, mais comme tous les projets qui sont
étudiés. Ils sont tous étudiés depuis
longtemps.
M. Messier (Daniel): Donc, c'est...
Mme Bacon: Mais ce n'est pas pour l'exportation. C'est parce que
vous reliez Grande Baleine strictement à l'exportation. Ça me
rappelle ce que fait le président de votre parti dans le comté de
Vimont, quand il va au Vermont, quand il va voir les Cris, quand il va voir les
Inuit, tout en travaillant pour le ministre Bouchard. Alors, je reviendrai
à d'autres questions, M. le Président.
Relativement au programme d'efficacité énergétique
d'Hydro-Québec que vous estimez trop timide parce que basé sur
des mesures incitatives seulement, vous faites référence à
un potentiel de plus de 6000 mégawatts, vous dites, d'après
"plusieurs experts". Ça, c'est en page 12. Est-ce que vous pouvez
élaborer sur un programme d'économies d'énergie que vous
souhaiteriez voir mis en place de façon plus imposante? Est-ce que vous
pensez à des mesures coercitives, par exemple, pour avoir vraiment des
mesures d'économies d'énergie?
M. Messier (Daniel): Non, dans ce que vous avez dit, je ne
blâme pas Hydro de n'utiliser que la méthode incitative, disons,
là. Je ne tiens pas à ce que les dirigeants ou les
décideurs utilisent le c?rcitif pour faire appliquer des
économies d'énergie. Loin de là.
Mme Bacon: Est-ce que vous trouvez que les mesures incitatives
sont suffisantes pour que les gens arrivent à avoir suffisamment
d'économies d'énergie pour les besoins en énergie?
M. Messier (Daniel): Non. Je trouve que c'est timide comme
approche tout de suite, déjà, d'amener une nouvelle pomme de
douche. Évidemment, au niveau des éclairages, je sens qu'on peut
amener beaucoup d'économies d'énergie, mais...
Mme Bacon: Au niveau du chauffage?
M. Messier (Daniel): Au niveau du chauffage et aussi au niveau de
l'isolation des bâtiments; ça peut être au niveau de
l'enveloppe thermique, comme en parlait Mme Lajambe tantôt, qui pourrait
se faire par l'énergie solaire, amener de nouveaux
procédés...
Mme Bacon: D'autres sources.
M. Messier (Daniel):... d'autres sources renouvelables qui,
évidemment, ne mettent pas l'environnement en péril.
Mme Bacon: D'accord. Mais est-ce que ça va fonctionner si
nous ne restons qu'à l'incitation, dans votre opinion à vous?
M. Messier (Daniel): Disons, depuis, quoi, deux ou trois semaines
à peu près que la vaste campagne de publicité
d'Hydro-Québec a commencé. Je pense que c'est une des bonnes
façons, que le côté incitatif peut fonctionner avec une
bonne campagne de sensibilisation auprès des consommateurs. Je pense que
ça peut fonctionner.
Mme Bacon: Vous n'en êtes pas au coercitlf?
M. Messier (Daniel): Pardon?
Mme Bacon: Vous n'en êtes pas au coercltlf?
M. Messier (Daniel): Non, non, pas du tout.
Mme Bacon: Vous reconnaissez quand même les efforts qui ont
été accomplis par HydroQuébec en matière de
politique d'environnement.
M. Messier (Daniel): Évidemment.
Mme Bacon: Mais vous souhaiteriez que la place
réservée à l'écologie soit encore plus grande chez
les décideurs d'Hydro-Québec Je pense qu'il y a quand môme
un prix à payer pour poser des actions efficaces en environnement.
Quelle place êtes-vous prêt à accorder aux actions
environnementales dans l'ensemble des choix d'une société?
Jusqu'à quel prix peut-on faire assumer à l'ensemble de la
société les décisions environnementales?
M. Messier (Daniel): Disons que ce que je trouve un peu ambigu,
c'est... Évidemment, Hydro-Québec a les meilleurs
spécialistes en environnement et môme Hydro-Québec fait
avancer ni plus ni moins la cause, ou la recherche, ou l'ingénierie
environnementale. Mais Hydro-Québec cause les problèmes et,
après ça, elle crée de l'emploi pour réparer ces
problèmes-là. Alors, c'est dans ce sens-là que j'aimerais
qu'on prenne plus conscience des problèmes environnementaux avant d'agir
sur le terrain et de provoquer ces conséquences environnementales.
Mme Bacon: Ce que vous appelez causer des problèmes, c'est
la construction des barrages?
M. Messier (Daniel): Bien, les changements de débit, les
Inondations, la contamination, au méthylmercure, la deforestation,
etc.
Mme Bacon: D'ici 1996, Hydro-Québec compte engager 4 200
000 000 $ en investissements, en charges d'exploitation pour
l'amélioration de la qualité des services. Hydro-Québec
compte aussi investir 1 800 000 000 $ dans une vingtaine de programmes
d'efficacité énergétique qui sont destinés à
toutes les catégories de clientèle. Elle prévoit, la
société Hydro-Québec, une économie de 12,9
térawattheures en 1999, ce qui serait l'équivalent de 10 % des
ventes d'électricité au Québec en 1989.
Dans ce contexte-là, est-ce que vous pouvez continuer à
soutenir, comme vous le faites dans votre mémoire, que la qualité
et l'amélioration du service semblent céder la place à un
développement à tout prix quand on pense à toutes les
sommes qui sont engagées par Hydro-Québec? Vous le dites dans
votre mémoire que "la qualité et l'amélioration du service
semblent céder la place à un développement à tout
prix". Quand on regarde tous les investissements qu'ils font en
efficacité énergétique, qu'ils font aussi en
économie et que ça va économiser 12,9 tôrawatt-
heures en 1999, est-ce que vous pouvez encore soutenir ça?
Une voix: J'ai manqué un peu...
Mme Bacon: Je vais vous référer à votre
dossier. J'essaie de trouver la page. Page 5 dans votre dossier.
M. Messier (Daniel): Les 1 800 000 000 $ d'investissements au
niveau de l'efficacité énergétique pour les 10 prochaines
années, c'est quand môme beaucoup d'argent, mais, comparativement
aux 62 000 000 000 $ qui vont être requis pour la construction de
nouveaux barrages alors qu'on parte de marché saturé... On parle
de 0,6 % d'augmentation au niveau de la demande des résidences; on parie
d'à peu près 1,2 %, je crois, au niveau des commerces,
l'industrie un peu plus. Alors, avec des bonnes économies
d'énergie, disons qu'Hydro va avoir à gérer, ni plus ni
moins, la décroissance en matière de résidences s'il y a
un bon programme d'efficacité énergétique. Alors, qu'on
investisse 1 800 000 000 $ en efficacité énergétique sur
une enveloppe globale ou sur un financement global de 62 000 000 000 $, je
trouve que les 1 800 000 000 $ ne sont pas si Importants que ça dans la
balance.
Mme Bacon: Vous pariez aussi du risque d'accroissement de gaz
carbonique dans l'atmosphère en raison du déboisement, de
l'inondation de territoires dans le Nord. Ça, c'est en page 8 de votre
mémoire. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette
affirmation que vous nous faites tant que des études scientifiques n'en
auront pas clairement fait la démonstration.
Si la preuve en est faite, qu'est-ce que vous pensez de la position de
certains groupes qui s'opposent à l'émission d'autorisations
distinctes sur les grands projets parce qu'elles laisseraient présumer
l'accord final sur le projet dans son ensemble mais qui a pour fin de
récupérer le bois avant l'inondation des territoires
visés?
M. Messier (Daniel): Je pense que c'était
déjà commencé pour le projet Sainte-Marguerite. J'ai
entendu ça dernièrement qu'on avait commencé
déjà à couper le bois pour justement prévoir dans
quelques années certaines inondations, j'imagine. Alors,
évidemment, couper le bois, ça peut diminuer les impacts
environnementaux ou les impacts globaux que constituent l'effet de serre ou le
réchauffement climatique ou môme la couche d'ozone. Je pense
qu'Hydro, de toute façon, a déjà fait des études
là-dessus, sauf qu'ils ont toujours considéré que,
étant donné, entre autres, que, pour des projets comme Grande
Baleine, les distances sont beaucoup trop grandes à parcourir, donc les
coûts de transport seraient trop élevés, donc, ça ne
serait pas
rentable.
Mme Bacon: Quant à Sainte-Marguerite, j'aimerais juste
vous dire qu'on n'a pas coupé le bois.
M. Messier (Daniel): Pardon?
Mme Bacon: A Sainte-Marguerite, on n'a pas coupé le bois.
On n'a fait que de la réfection de routes. C'est tout ce qu'on fait en
ce moment.
M. Messier (Daniel): D'accord. Excusez-moi.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député, d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Ça me fait
plaisir de saluer votre participation à la commission parlementaire et
de démontrer finalement l'intérêt que le parti porte
à la consultation publique, enfin, au débat nécessaire
d'envergure sur toute la question de l'énergie au Québec qui
dépasse et de beaucoup la simple intervention sur quelques projets en
particulier. Il y a une dynamique globale dans laquelle il va falloir faire
quelque chose.
Je voulais juste dire à Mme la ministre, parce que tout à
l'heure elle me félicitait pour les interventions que j'ai eues
concernant le respect des institutions parlementaires, que je l'en remercie. Je
crois effectivement que l'on doit respecter les institutions parlementaires,
mais il n'en reste pas moins que ce respect-là doit d'abord et avant
tout passer par le respect de ceux que l'on représente. Dans ce
sens-là, tout Parlement, tout gouvernement, dans une démocratie
parlementaire comme la nôtre, qui ferait fi de l'intérêt de
la majorité que l'on est amené à représenter, eh
bien, ne respecterait pas lui-même l'institution parlementaire qui l'a
élu. Et si la majorité de nos citoyens nous dit qu'il faut aller
plus loin dans la démarche, qu'il faut avoir une enquête publique,
qu'au-delà de l'intérêt de quelques groupes corporatifs ou
au-delà de l'intérêt de quelques associations, de quelques
individus, de quelques entreprises de construction, l'ensemble de la population
du Québec croit, elle, qu'il faut aller plus loin et qu'il faut
enquêter sur la situation énergétique, eh bien, il sera du
devoir de ce gouvernement, comme du devoir de tout gouvernement qui pourrait
être à sa place, d'aller plus loin justement dans le respect de
l'institution parlementaire que nous représentons et dans le respect de
notre peuple.
Dans ce sens-là, l'importance de la commission que l'on a
actuellement, sur laquelle on travaille actuellement, va de soi; elle nous
permettra justement de dégager les grandes pistes, les pistes
fondamentales qui devront orienter le gouvernement dans son action future et
dans le suivi que l'on aura à donner à cette commission
parlementaire qui, comme je le disais tout à l'heure, ne devra surtout
pas finir en queue de poisson, en se frottant les mains à la Ponce
Pilate et en disant: Maintenant qu'on a entendu du monde, maintenant que les
gens sont venus nous présenter leurs points de vue, eh bien, on continue
à faire comme on veut. Ce n'est pas le but de cette commission et elle
devra nécessairement déboucher sur quelque chose de plus
fondamental et ce quelque chose, justement, on est ici pour le
définir.
SI, à la limite, l'ensemble des intervenants ou la
majorité des intervenants nous disent que la vision
qu'Hydro-Québec a du développement énergétique
devra être modifiée, eh bien, il sera du devoir du gouvernement et
de la ministre, en tant que responsable du maintien du respect de l'institution
parlementaire que nous représentons, d'aller de l'avant et de satisfaire
les intérêts de l'ensemble, de la majorité de la population
ou de ceux qui auront pris le temps de venir s'exprimer ici pour donner leurs
points de vue sur la situation énergétique du Québec et
sur le plan de développement d'Hydro-Québec.
Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais passer la
parole à mon collègue qui va questionner les représentants
du Parti québécois qui sont à cette table.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux
féliciter les deux porte-parde de la Commission et aussi les remercier,
de même que leurs collègues pour la qualité de leur
travail, qualité qui Inclut même une autocritique tellement elle
est objective, cette étude-là. Mme la ministre tantôt a
fait remarquer que les 40 % du bilan énergétique, c'était
la politique du Parti québécois. C'est vrai. C'est vrai. Mais
elle n'a pas ajouté cependant qu'à cette époque-là
le prix du pétrole avait grimpé entre 35 $ et 40 $ le baril. Et,
depuis c'est baissé de moitié et plus que de moitié.
Je veux revenir sur une question que la ministre a soulevée. Elle
a dit, elle a demandé aux représentants du Parti
québécois: Quel prix pensez-vous que la société est
prête à payer pour respecter l'environnement? Personne ne peut
répondre, évidemment, à cette question-là. Mais une
des façons de commencer à avoir des éléments de
réponse, c'est précisément de faire cette large
consultation avec la population, dans les régions du Québec, et
de confier à des arbitres ou à des commissaires neutres et
compétents, et non pas à la solde directe ou indirecte du
gouvernement ou d'Hydro-Québec, de confier à des personnes
compétentes et neutres le soin d'aller entendre les groupes de citoyens
à travers le Québec et de leur poser justement cette question:
Quel prix la société est-elle prête
à payer pour préserver une qualité saine à
l'environnement? (12 heures)
La dissuasion. Il me semble qu'avec la perte de
crédibilité inquiétante d'Hydro-Québec la ministre
devrait peut-être s'adresser à des collègues ministres de
qui relèvent des réseaux d'édifices parapublics. Je pense
à l'Éducation, par exemple, je pense à la Santé et
aux Services sociaux. Et il y en a d'autres, les Affaires municipales. Sans
avoir à payer des millions à des firmes de publicité,
comme Hydro-Québec le fait, on pourrait très bien, par ces
ministères-là, entreprendre des campagnes de sensibilisation,
d'éducation populaire, pour, par exemple, dans la saison froide,
diminuer le degré de chauffage dans les édifices publics, que ce
soit les édifices de la Santé et des Services sociaux ou de
l'Éducation. Il y a une foule de mesures, à part les fameux trucs
de douche ou les ampoules spéciales, il y a bien des mesures qui ne
demandent pas du tout, du tout d'argent, de remplacement d'équipement,
mais qui demandent une éducation qui pourrait même commencer avec
les enfants à l'école, au primaire, au secondaire pour
sensibiliser la génération montante à l'économie
d'électricité.
Mais je ne suis pas sûr que ça intéresse tellement
la ministre, cette question-là. Je ne suis pas sûr,
malheureusement, que ça l'intéresse tellement. Elle aime mieux
laisser à Hydro le soin de donner de gros contrats de publicité
à des firmes privées, des millions et des millions qu'Hydro
redépense chaque année en publicité. Quand ce n'est pas
pour faire son propre éloge, c'est pour faire l'éloge d'un
nouveau gadget. Alors, moi, je suggère à la ministre de parler
à ses collègues, autres ministres dans le cabinet, qui devraient
entreprendre des campagnes de sensibilisation pour diminuer l'utilisation de
l'électricité au Québec.
J'ai une question pour les porte-parole de la Commission. Vous dites,
à un moment donné, que la Suède a décidé,
d'Ici l'an 2010, de diminuer sa production de 40 %. Est-ce que vous pourriez
nous donner un peu plus de détails sur cette décision de la
Suède et les moyens qu'ils entendent prendre ou qu'ils ont
commencé à prendre pour arriver à cet objectif? Parce que
c'est un objectif considérable; 40 %, dans l'espace de 20 ans, c'est
beaucoup.
M. Messier (Daniel): Je ne suis jamais allé en
Suède, personnellement. Disons que la Suède a
décidé de ne plus endiguer de ses grandes rivières
importantes et a refusé d'accroître le nombre de ses centrales
nucléaires. Par conséquent, il y a différentes sortes de
mesures qui ont été prises, comme une très grande
sensibilisation vers le transport en commun. On parle même de nouveaux
autobus qui fonctionneraient à l'hydrogène et que même le
Québec serait dans la course pour aller chercher des contrats à
ce niveau-là. Ça, c'est un exemple. Disons que je ne pourrais pas
vous en nommer des tonnes. Mais II y a différents exemples comme
ça qui montrent que la Suède, quand même, est en avance. Et
les pays du nord de l'Europe, comme la Norvège, aussi - Mme Brundtland
est la présidente de ce pays-là - montrent vraiment l'exemple et
sont déterminés, quand même, à prendre le virage
vert et à faire attention, à avoir un sain équilibre entre
le développement économique et la protection de
l'environnement.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais souligner que,
dans l'Intervention de la ministre, il a été dit qu'Hydro avait
l'intention de consacrer 1 800 000 000 $ à la question des
économies d'énergie au cours de la décennie. Si on le
rapporte en pourcentage des 62 000 000 000 $ qui sont proposés, on en
est à un chiffre de 3 % des Investissements en cause qui seraient
consacrés aux économies d'énergie. Et il y a un terme
américain qui décrit bien, je pense, ce genre de politique
corporative là; on appelle ça du "tokenism" II y a des gens qui
disent qu'il faut faire des économies d'énergie. On sort un
dépliant en couleur sur les douches, puis, nous, on s'occupe des
économies d'énergie!
L'autre aspect, je pense, de cette question-là, c'est
l'idée qu'en mettant l'électricité chère, on va
faire économiser de l'énergie. Et, là-dessus, la ministre
a posé des gestes concrets, oui, pour que l'électricité
soit chère et le gouvernement fédéral a fait son bout
aussi. Ce qui veut dire que, dans les 12 prochains mois, les gens vont payer
l'électricité 23 % plus cher qu'avant. Et, à cet
égard, il est remarquable de voir que, dans les hausses de tarifs
qu'Hydro-Québec a demandées, et ça augure mal du sens
critique de la ministre vis-à-vis des gros projets de
développement d'Hydro-Québec, qui étaient de 8,5 % pour le
domestique, on a consenti 7,5 %; on demandait 6,5 % pour les moyens
utilisateurs de puissance, donc les PME, on a accordé 1 % de plus, 7,5
%; et, pour les grands utilisateurs d'électricité,
Hydro-Québec demandait 8 %, la ministre a accordé moins que ce
qui était demandé, soit 7,5 %. Et on voit que, dans cette
tarification-là, ce sont les PME qui prennent la douche la plus froide
au moment de faire les tarifs.
À cet égard, je voudrais dire aux Intervenants que je suis
d'accord avec l'idée d'une enquête publique et d'un débat
vraiment fondamental sur les plans, les projets d'Hydro-Québec,
puisqu'il est question, collectivement, de dépenser 62 000 000 000 $
pour s'équiper en matière d'électricité. Donc, on
parle de sommes très considérables et il serait bon de consulter,
je pense, l'ensemble des actionnaires. Et, à cet
égard-là, je tiens à dire aux Intervenants que
nous, on est d'accord avec l'Idée d'aller plus loin que ça et de
pousser plus loin qu'une commission parlementaire qui joue un rôle utile
et qui entend très démocratiquement les intervenants. Mais je
regarde comment ça s'est passé pour les tarifs, entre autres: la
commission a entendu Hydro deux jours et, après ça, la ministre a
accordé à Hydro à peu près tout le montant qui
était demandé comme augmentation de tarifs.
Ce que je veux dire par là - et ça, je pense que c'est
important dans le débat - c'est que, quand Bell Canada veut avoir des
augmentations de tarifs, Bell doit les justifier devant le CRTC et elle est
contre-interrogée et elle est contre-expertisée. Et c'est la
môme chose pour Hydro Ontario qui doit justifier ses hausses de tarifs
devant un organisme public. Alors que nous, on va recevoir, dans quelques
semaines, Hydro-Québec avec un camion de documents et, à ma
connaissance, la commission, à part son secrétaire qui fait un
travail extrêmement utile, n'a même pas ses propres recherchistes
pour faire vraiment l'étude détaillée de quelque chose qui
est un investissement de 62 000 000 000 $.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Ungava, est-ce que vous voulez intervenir encore?
M. Claveau: J'ai combien de...
Le Président (M. Bélanger): II reste dix minutes
à votre formation et six minutes au parti ministériel. M. le
député de Saint-Maurice.
M. Lemire: À ce moment-ci du débat, je voudrais
préciser un peu ce que le député vient d'avancer et
rappeler ceci aux gens qui nous ont présenté le mémoire,
les jeunes du Parti québécois, peut-être pour faire la
lumière sur certaines augmentations d'Hydro-Québec. On se
souvient de l'année 1982, lors de la dernière crise
économique. On avait augmenté, à ce moment-là,
l'électricité. Pour une période de trois ans, on avait eu
des augmentations de l'ordre de 45 %. Dans une période de trois ans, on
a eu des augmentations de 18 %, de 22 %, de 20 %, dans le secteur domestique.
Et on avait eu des augmentations d'au-delà de 20 % pour les PME. Ce que
je veux dire à ce moment-ci, c'est qu'on subit présentement un
réalignement et un réajustement. On est en train de remettre en
marche Hydro-Québec qui est une société d'État qui,
à l'heure actuelle, a toujours un peu donné le ton. Parce qu'il
ne faut pas oublier qu'Hydro-Québec a seulement 45 ans d'âge.
C'est une compagnie qui est très jeune et qui a tout de même des
actifs très considérables. Et quand on dit: 7, 5 %, 7 % et
quelques et qu'on a pénalisé les PME, il faut comprendre que les
PME paient encore très bon marché leur électricité
comparativement à l'Ontario. Il y a encore une dif- férence
d'au-delà de 30 %, dans certaines PME, par rapport à ce qui est
payé en Ontario.
Ce que je veux dire et ce que je veux rappeler ici, au
député qui a mentionné tantôt qu'une augmentation de
7, 5 %, à ce moment-ci, c'est excessif: II faudrait peut-être
prendre en considération que la relance d'Hydro-Québec dans ces
projets, ce sont tout de même des projets qui sont discutés depuis
des dizaines d'années. Parce que les plans de développement
d'Hydro-Québec, il ne faut pas penser qu'on décide ça du
jour au lendemain. Il ne faut pas non plus penser qu'on est là seulement
pour défendre la société d'État. On est là
pour faire un débat qui est non partisan et un débat qui se fait
de façon à dire à tous les Québécois: Si on
choisit des projets importants dans le futur qui vont, en même temps,
relancer notre économie, qui vont remettre en marche la
société d'État qui, dans l'année 1985 n'avait
presque pas d'investissements - on était presque arrivés au point
zéro dans les nouveaux investissements, dans les nouvelles constructions
de barrages - là, on la remet en marche et on dit même que l'an
prochain II y aura 3 500 000 000 $ de nouveaux investissements qui vont
permettre, dans les prochaines années, de remettre 29 000 personnes au
travail.
Je pense que c'est important. Il faut regarder ça d'une
façon constructive et non pas d'une façon à aller
détruire la société d'État, qui est, tout de
même, dans une position financière qui n'est pas si mauvaise que
ça. Parce que, si on regarde les rapports de Nesbitt Thomson, de la
Banque de Montréal et tous les rapports, et la façon dont la
société d'État va emprunter son argent sur les
marchés internationaux, elle ne pourrait pas avoir des emprunts avec les
cotes qu'elle a présentement si elle était réellement en
difficulté financière. Je pense qu'il ne faut pas charrier. Il
faut rester dans le débat. Il faut s'en aller dans une vision qui va
nous permettre de faire un choix et de s'en aller d'une façon
modérée, sans pour autant compromettre la consommation et la
nécessité des Québécois de s'approvisionner en
énergie.
Le Président (M. Bélanger): Je voudrais faire une
petite remarque à ce stade-ci. Les débats qu'on pourrait avoir
entre nous sur les questions de fond ou de rectification m'apparaissent
peut-être très importants et ce n'est pas suite à
l'intervention du député de Saint-Maurice que je fais mon
intervention, mais simplement pour rappeler qu'il serait peut-être
important ou intéressant de questionner un peu plus nos invités.
C'est leur point de vue qu'on veut avoir actuellement. Le nôtre, on aura
d'autres tribunes pour l'émettre, je le pense. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: C'est parce que notre crainte, M. le
Président, c'est qu'après que le dernier
participant à cette commission aura été entendu,
soit Hydro-Québec, on fasse chacun notre petit discours, qu'on ferme les
livres et qu'on n'ait plus jamais l'occasion d'en rediscuter. Alors, c'est
peut-être l'occasion de lancer la perche et...
Le Président (M. Bélanger): Bon, le message
est...
M. Claveau:... savoir quand on va avoir l'occasion de se
réunir en commission pour faire le point sur les travaux de cette
consultation.
Le Président (M. Bélanger): Cette mise au point
étant faite, on a d'autres tribunes pour passer ces messages. Je
souhaiterais qu'on revienne à nos invités, ne serait-ce que par
déférence pour les efforts qu'ils ont fournis pour produire leur
mémoire. M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: En fart, M. le Président, c'est que la vertu
dort commencer à un moment donné. Je vais finir par poser une
question à nos invités, mais je voudrais cependant souligner
que...
Le Président (M. Bélanger): Ne soulignez pas trop,
questionnez plutôt. J'apprécierais.
M. Bourdon: Non, mais, M. le Président, quand le
député de Saint-Maurice parlait, II a dit des choses. Et, quand
on lui répond, ça serait que nous, on ne serait pas dans l'ordre,
mais lui, il lui était bien loisible d'en dire beaucoup, d'une
façon non partisane.
Le Président (M. Bélanger): Mais vous êtes
d'accord avec mol, beaucoup a été dit et on a peu
questionné nos invités. Je préférerais qu'on...
S'il vous plaît! Je préférerais qu'on questionne nos
invités. D'accord?
M. Bourdon: M. le Président, c'est que les règles
doivent s'appliquer également pour tout le monde.
Le Président (M. Bélanger): C'est ce que j'essaie
de faire.
M. Bourdon: Et je veux juste dire qu'au début des
années quatre-vingt les taux d'inflation au Québec ont atteint 11
% et 12 %, que les taux d'intérêt ont frôlé 18 % et
19 % - ça, c'est une réalité - et qu'Hydro-Québec
vient d'obtenir - je vais demander à nos invités s'ils sont au
courant de ça - des hausses de tarifs de 7, 5 %, c'est-à-dire de
50 % de plus que l'inflation constatée ces dernières
années. Alors, la vérité a des droits et je pense que
c'est Important de le dire.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous pouviez
questionner nos invités, je pense qu'ils l'apprécieraient
beaucoup.
M. Bourdon: Je demandais à nos invités s'ils
trouvent que les hausses de tarifs que la ministre a accordées presque
telles quelles à HydroQuébec augurent bien de sa décision
quant aux 62 000 000 000 $ d'Investissements qu'Hydro-Québec nous
propose de faire.
M. Messier (Daniel): C'est évident que c'est difficile de
faire la preuve comme quoi les hausses de tarifs sont directement attribuables
à la construction des futurs barrages. Sauf que, indirectement, le lien
semble un peu évident, comme il l'a été à
l'époque de la première Baie James. (12 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Orford.
M. Benoit: Dans votre mémoire, vous recommandez la
rénovation de petites centrales hydroélectriques par
Hydro-Québec. D'abord, pourquoi faire faire la rénovation de ces
petites centrales-là par Hydro-Québec plutôt que par
l'entreprise privée? Et avez-vous une idée combien elles
généreraient d'énergie si on améliorait ces petites
centrales ou si c'est une recommandation sans aucun chiffre?
M. Messier (Daniel): Comment, sans aucun chiffre?
M. Benoit: Avez-vous une idée, si on avait un programme
pour améliorer les petites centrales, de quelle serait la production et
de combien on améliorerait notre production?
M. Messier (Daniel): Je n'ai pas de chiffres là-dessus.
Une affaire que je sais, par exemple, c'est qu'au Québec - c'est un
chiffre que j'ai déjà eu - il y avait au-dessus de 1500 digues et
barrages dont plusieurs, là-dedans, sont hors d'usage. Alors, au lieu
d'en construire d'autres, on pourrait sûrement en rénover.
À certains endroits, on pourrait faire des études de
faisabilité, à savoir si c'est rentable, si ça vaut la
peine de rénover ces petites centrales-là.
M. Benoit: Dans vos études, est-ce que vous avez
regardé s'il y a avantage, dans le cas des petites centrales, à
le faire sous forme de sous-traitance ou à le faire faire par
Hydro-Québec?
M. Messier (Daniel): J'aimerais mieux ne pas me prononcer
là-dessus.
M. Benoit: Parfait.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, le temps
étant écoulé, M. le député d'Ungava, si
vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: M. le Président, ça m'a fait plaisir de
recevoir devant cette commission et de remercier de leur participation les
membres de la Commission nationale sur l'écologie et l'environnement du
Parti québécois. Et je voudrais, en guise de conclusion,
souligner que j'aurais bien aimé aussi avoir l'opportunité de
questionner devant cette commission la Commission-Jeunesse du Parti
libéral qui est généralement présente à
toutes les commissions parlementaires et consultations publiques.
Peut-être que le dernier exemple qu'ils ont eu dans le cas des frais de
scolarité les a écartés à tout jamais des
consultations publiques. Enfin, nous verrons.
Le Président (M. Bélanger): Ce sont vos
conclusions. Mme la ministre.
Mme Bacon: Merci, M. Messier et M. Frenette.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous voulez
remercier nos invités, Mme la ministre?
Mme Bacon: C'est fait.
Le Président (M. Bélanger): C'est fait. Bien La
commission de l'économie et du travail remercie les représentants
du Parti québécois pour leur présentation et invite
à la table des témoins son prochain groupe qui est le groupe
Cascades, représenté par M. Bernard Lemaire, président, et
M. Jacques Aubert, secrétaire général. Bonjour, messieurs
les représentants de Cascades. Je vais vous expliquer un peu nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la
présentation de votre mémoire ou de votre point de vue. Avant de
procéder, je vous prierais de bien vouloir vous identifier et de
procéder. Nous vous écoutons. Je vous remercie.
Cascades
M. Lemaire (Bernard): Bernard Lemaire, président de
Cascades. M. le Président, Mme la ministre, MM. les
députés. Vous vous demandez peut-être un peu pourquoi
Cascades vient présenter un mémoire sur l'énergie alors
qu'on est dans le papier. Mais vous savez que, dans l'industrie du papier, 15 %
de nos coûts, c'est l'énergie et que l'importance du
développement de nos entreprises passe par l'énergie et qu'on a
vu, dans le passé, des fluctuations des prix importantes qui ont rendu
notre compétitivité dans le monde parfois pas très facile
de 1976 à 1981.
Nous présentons un mémoire peut-être aussi dans un
intérêt personnel. J'ai annoncé que, d'ici à
quelques années, je prendrai la direction seulement du conseil de
Cascades et que je me consacrerai à la nouvelle entreprise que nous
avons formée cette année, Cascades Énergie.
Mon expérience européenne m'a fait réaliser que
l'abondance de l'énergie au Québec et les taux très peu
élevés ont fait que nous n'exploitons pas notre énergie au
maximum et qu'il y a un potentiel important pour l'entreprise privée de
développer l'énergie au Québec et de réaliser des
profits pour le bénéfice des Québécois qui
pourront... On peut exporter ce produit comme on exporte notre papier journal,
on peut exporter l'énergie, et je pense que ça peut être
très rentable à long terme pour le Québec. Et ma vision -
je ne sais pas si elle est juste - je prévois que, dans les trois
à cinq ans qui viennent, nous aurons une nouvelle crise de
l'énergie. C'est pour ça qu'ici, aujourd'hui, nous voulons vous
présenter un mémoire.
Alors, je demanderais à Me Aubert de vous faire part de notre
mémoire et je serai prêt à répondre à vos
questions.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Me
Aubert, on vous écoute.
M. Aubert (Jacques): Merci. Oui, je pense que ce n'est pas d'hier
que le groupe Cascades, avec ses 30 usines - j'ai marqué 30 dans notre
mémoire, c'est maintenant 31 - manifeste un intérêt
important pour l'énergie. En effet, dans l'Industrie des pâtes et
papiers, le prix de l'énergie représente entre 10 % à 15 %
des coûts d'opération, ce qui veut dire chez nous environ 70 000
000 $ à 75 000 000 $ par année. De là, notre implication
dans la recherche des moyens visant à diminuer au maximum ces
coûts parfois astronomiques.
La dimension énergétique est omniprésente dans la
gestion de Cascades, que ce soit lors de l'étude de nouveaux projets,
d'acquisitions d'usines ou de conception d'un nouveau procédé de
fabrication. De fait, Cascades a fait preuve de plusieurs initiatives dans la
conception, le développement et l'utilisation de technologies permettant
à la fois une plus grande flexibilité des sources
d'énergie et une plus grande efficacité
énergétique.
Constamment soucieuse du coût d'investissements reliés
à la mise en place de ces nouvelles technologies, Cascades a
également utilisé son savoir-faire dans ce domaine pour utiliser
des équipements usagers ou réusinés ou réaliser des
projets-pilotes.
La présence de Cascades sur le continent européen
maintenant depuis cinq ans et demi l'a non seulement amenée à
faire partager cette préoccupation pour les coûts
énergétiques à la direction de ses différentes
usines, mais elle lui a également permis de bénéficier des
expériences réalisées par ses diverses usines en vue,
notamment, de produire leur propre électricité et,
conséquemment, d'améliorer leur efficacité
énergétique dans un contexte où l'énergie
électrique est coûteuse et pratiquement inaccessible à
cause de son coût à certaines périodes de l'an-
née.
Voici quelques exemples de mesures concrètes prises par les
usines de Cascades pour réduire les coûts
énergétiques et ce, en misant principalement sur
l'efficacité énergétique.
Installation de bouilloires - en fait, c'est un mot anglais, je le dis
un peu plus loin, les Français nous ont montré que ce
n'étalent pas "bouilloires", mais "chaudières" - de
chaudières à résidus de bois. Il s'agit de
chaudières qui brûlent des résidus de bois qui, autrement,
causeraient des problèmes environnementaux. L'avantage de ces
bouilloires est une économie d'énergie car elles ont pour effet
de générer la vapeur nécessaire au séchage du
papier. Les rebuts d'alimentation proviennent d'une ressource renouvelable et
diminuent ainsi la consommation de combustibles fossiles. Nous avons de
semblables chaudières à résidus à nos usines de
Cabano, East-Angus, Jonquière et LaRochette en France.
Également, la mise en place de presses Tem-Sec, qui est une
exclusivité nord-américaine pour Cascades avec une entreprise
espagnole. En fait, ce sont des presses qui permettent d'obtenir, au niveau de
la feuille de papier, une sciccité plus élevée avant le
séchage et ce, de façon mécanique. Ce
procédé a pour effet de diminuer de façon importante la
consommation de vapeur, et donc de combustible, ou de l'énergie
nécessaire. Des Tem-Sec semblables sont Installées à nos
usines de Cabano, Avot Vallée, Blendecques, Duffel et Kingsey-Falls.
D'autres usines feront bientôt l'installation de presses semblables.
Installation de nouveaux fourneaux. Nous avons conçu à
notre usine de Loulseville un nouveau type de fourneaux pour séchage de
panneaux-particules. L'effet a été que, tout en augmentant la
production de 30 %, nous avons enregistré une économie
d'énergie de l'ordre de 20 %. À l'une de nos unités de
Kingsey-Falls, l'installation d'un fourneau à infrarouge, en
collaboration avec le Centre de recherche d'Hydro-Québec, a permis une
diminution des coûts d'électricité de l'ordre de 25 %.
Interruptible. Notre usine de Port-Cartier a signé le premier
contrat d'énergie interruptible dans les pâtes et papiers avec
Hydro-Québec, contribuant ainsi à ce qu'Hydro puisse mettre en
place les mécanismes nécessaires permettant de ne pas
dépasser la demande maximale permissible sur le réseau en
hiver.
Mais, depuis un certain temps, Cascades s'intéresse plus
particulièrement à un domaine peu connu ici au Canada. En effet,
je veux parler de la cogénération. La vapeur est très
importante et donc très nécessaire dans la production des
pâtes et papiers. Cascades a construit la première usine de
cogénération au Canada. Par l'alimentation au gaz naturel de deux
turbines, nous générons non seulement l'électricité
nécessaire pour nos six usines de Kingsey-Falls, mais également
la vapeur - au- delà de 150 000 livres - et ce, à partir des gaz
d'échappement qui, autrement, se perdraient dans
l'atmosphère.
Mais, déjà, en Europe, des turbines à vapeur sont
installées à nos usines de Blendecques, LaRochette et Avot
Vallée. Il s'agit de vapeur haute pression dont la pression est
diminuée par les turbines. L'effet d'abaisser la pression
génère de l'électricité. De plus, deux turbines
à eau génèrent l'électricité
supplémentaire à notre usine de LaRochette.
Dans une autre usine en Europe, l'installation d'un moteur à
combustion interne au mazout produit de l'électricité et les gaz
d'échappement sont récupérés pour
générer de la vapeur. Il s'agit d'une première mondiale
avec la compagnie Caterpillar.
La performance de ces nouveaux moyens nous permet non seulement des
économies d'échelle, mais également, dans quelques cas, de
sauver l'entreprise d'une fermeture, de là notre intérêt
à poursuivre davantage notre implication dans ce secteur.
Produisant maintenant au-delà de 50 mégawatts et des
possibilités d'autant à partir d'équipements de
cogénération variés et utilisant différentes
sources d'énergie, Cascades veut maintenant s'impliquer davantage dans
la mise en place et/ou l'exploitation de centrales de
cogénération au Québec. Dans cette perspective, elle
pourra être en mesure d'apporter sa contribution pour permettre à
Hydro-Québec de faire face à une demande croissante
d'électricité.
Des projets à réaliser. L'expertise de Cascades
l'amène à considérer un certain nombre de projets de
cogénération pour certaines de ses usines au Québec.
L'électricité ainsi produite servirait non seulement aux besoins
des usines, mais à la collectivité. Évidemment, de tels
projets ne pourront démarrer que dans la mesure où
Hydro-Québec adoptera une tarification basée sur les "coûts
évités" qui permettra de rentabiliser les investissements
requis.
Parmi les projets envisagés, on retrouve les suivants. A l'usine
de Cabano, installation d'une chaudière alimentée totalement par
des résidus de bols qui pourraient générer entre 15 et 20
mégawatts. À notre usine de Port-Cartier, remise en
opération d'une turbine à vapeur d'une capacité de 30
mégawatts. À l'usine d'East-Angus, une étude entreprise
avec le Conseil québécois de valorisation de la biomasse,
à l'usine d'East-Angus, pour la construction d'une unité de
cogénération à partir de biomasse forestière. Notre
usine de Jonquière présente un potentiel très
Intéressant pour la mise en place d'une chaudière
alimentée à partir d'écorce.
Maintenant, des projets pour la collectivité. Cet
intérêt pour la production d'électricité a
également amené Cascades à s'intéresser à
des projets hydroélectriques, un domaine presque exclusivement
laissé à Hydro-Québec. En effet, Cascades détient
des droits sur un site hydroé-
lectrique situé sur la rivière Saint-François,
à l'intérieur des limites municipales de la ville d'East-Angus.
Une étude concernant la faisabilité technique de ce projet a
été réalisée et s'est avérée
positive. La mise en marche de ce projet est, là aussi,
dépendante de la tarification et des conditions contractuelles
proposées par HydroQuébec.
Cascades examine également d'autres sites en vue d'établir
leur faisabilité technique et économique. En ce sens, elle
rejoint les préoccupations d'Hydro-Québec qui, dans son plan de
développement 1990-1992, indique que plus de 400 petites rivières
au Québec offrent un potentiel de l'ordre de quelque 10 000
mégawatts. Cascades considère que ces projets modestes et de
moindre envergure que les mégaprojets peuvent contribuer d'une
façon positive à l'utilisation rationnelle de nos ressources
hydrauliques sans changer le site naturel de nos cours d'eau et sans affecter
la faune et la flore.
Par ailleurs, l'incertitude reliée au remplacement des
énergies non renouvelables, tels le gaz et le pétrole, en
Amérique du Nord devrait inciter le gouvernement du Québec et
HydroQuébec à mettre de l'avant une politique
véritablement incitative pour le développement de ses ressources
hydroélectriques.
Par ailleurs, en 1985, les frères Lemai-re - pourquoi les
frères Lemalre? Pour ne pas mettre la compagnie Cascades dans le cadre
de recherche de gaz, puisqu'on sait que c'est très risqué - donc,
les frères ont formé une société nominale et se
sont impliqués avec SOQUIP et Gaz Métropolitain dans un forage
dans la région de Joly, dans le comté de Lotbinière. Ce
forage s'est avéré infructueux et coûteux. (12 h 30)
Cependant, les frères Lemaire ont quand même voulu
poursuivre leur implication dans le domaine et se sont associés a la
firme Jaltin pour réaliser un programme d'exploration de la
région de Yamachiche. Ce programme d'exploitation a permis de
découvrir un petit gisement de gaz naturel, entre un et trois Bcf,
situé à faible profondeur, soit à 200 ou 350 pieds.
Cascades s'est associée à SOQUIP pour mettre ce gisement
en production au cours du mois de juin. Le gaz produit permettra d'alimenter
dans un premier temps une usine de Cascades à Louiseville, qui
achète et qui s'alimente déjà avec du gaz naturel de Gaz
Métro. Si le gisement donnait les résultats escomptés,
Cascades pourrait choisir d'installer de petites génératrices en
vue de produire de l'électricité avec le gaz en place.
Par cette perspective, Cascades, qui détient des droits de
pétrole et/ou de gaz avec l'entreprise Jaltin sur un territoire
important du Québec, entend poursuivre un programme d'exploration visant
la réactivation de petits gisements de gaz naturel, dont la production
avait été jugée commercialement insuffisante à
l'époque. Cascades compte prochainement continuer son activité
sur un gisement de la région de Gaspé, où la production de
gaz naturel pourrait permettre de générer de
l'électricité sur une base rentable, si la tarification actuelle
d'Hydro-Québec était modifiée.
Mesdames, messieurs, par ce mémoire, Cascades a voulu non
seulement faire état de ses préoccupations pour les coûts
énergétiques de ses usines, - mais également mettre en
évidence le fait qu'elle a su développer son expertise dans la
production d'électricité et qu'elle compte la mettre au service
du Québec sous différentes formes. Le groupe Cascades a
même créé, au début de l'année, une filiale
qui se spécialisera dans l'énergie, Cascades Énergie inc.
Et Bernard Lemaire, qui a annoncé il y a à peu près neuf
mois son retrait de la production des pâtes et papiers d'ici un an ou un
an et demi, en deviendra le président et, donc, s'en occupera d'une
façon particulière. Cascades Énergie inc. veut
principalement centrer son action sur la production d'électricité
à partir de différents moyens et ce, en
complémentarité avec Hydro-Québec.
Cependant, pour que Cascades puisse réaliser, dans une
région tant limitée, ses projets de cogénération
à partir des différentes sources d'énergie et ses projets
hydroélectriques, il est impératif que certaines mesures soient
prises: un, qu'Hydro-Québec bonifie sa tarification actuelle pour
l'achat d'électricité, de manière à ce qu'elle
reflète réellement ses coûts évités; le
maintien de la politique de prix actuel rendra impossible la mise en oeuvre de
nouveaux projets; deux, qu'Hydro-Québec se donne une structure d'accueil
intégrant toutes les fonctions - tarification, normes d'Installation,
branchements, etc., - reliées à la mise en marche de tels
projets, de manière à réduire les temps d'étude et
de réaction et à tenir compte des ressources humaines
limitées dont disposent les entreprises faisant la promotion de ces
projets.
Avec une politique de prix d'achat d'électricité
permettant de rentabiliser les projets envisagés et en allégeant
le processus décisionnel pour obtenir certaines autorisations et/ou
actions, Hydro-Québec pourra compter sur des entreprises, telles que
Cascades, disposées à travailler conjointement avec elles et,
dans la mesure de leurs moyens, contribuer à l'atteinte de certains
objectifs qu'elle s'est donnés.
Pour le Québec, la mise en oeuvre de tels projets aura non
seulement un impact positif sur la situation énergétique
québécoise, mais elle aura aussi un effet significatif sur le
développement économique régional, puisque tous les
projets envisagés par Cascades sont situés dans
différentes régions du Québec. Madame, messieurs, merci de
votre attention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Aubert, M. Lemaire, je vous remercie d'être
présents à cette commission et de nous faire part d'un
éclairage nouveau et différent, aujourd'hui. Dans votre
première recommandation, vous demandez une bonification de la
tarification d'achat d'électricité par HydroQuébec et
qu'Hydro-Québec, par le fait môme, reflète
réellement les coûts qui sont évités, que cette
tarification reflète ça. Vous affirmez aussi que le prix actuel
d'achat d'électricité rendra impossible la mise en oeuvre de
nouveaux projets. Vous semblez sous-entendre que la tarification qui est
proposée ne refléterait pas réellement les coûts
évités d'Hydro-Québec. Est-ce que vous pouvez expliquer
davantage?
M. Lemaire: C'est peut-être difficile de savoir les
coûts évités d'Hydro-Québec. On ne veut pas nous le
dire exactement. Mais ce qu'on entend dire, c'est que, parfois, les coûts
des nouveaux projets d'Hydro-Québec vont faire que le coût de
l'électricité générée dans ces projets sera
peut-être de six centièmes... Si on fait l'ensemble des
coûts d'Hydro-Québec, oui, parce qu'on sait qu'il y a des barrages
qui existent depuis 50 ans, depuis 30 ans et qui n'ont aucun coût, qui
n'ont pratiquement aucune charge. Probablement que les coûts
d'Hydro-Quôbec, dans leur total, sont peut-être ceux qu'ils nous
disent. Mais on pense que ces nouveaux projets-là... Est-ce qu'on ne
pourra pas bénéficier d'une amélioration de ces
coûts-là? Parfois, cette électricité-là est
exportée à des prix qui sont assez élevés aux
États-Unis. On a publié ces montants-là. Mais, quand on
voit le prix qui nous est offert, on se dit: L'Hydro se garde une marge de
manoeuvre très importante.
Et c'est ça qu'il faudrait peut-être réaliser, qu'on
peut exploiter des centrales de cogénéra-tion de
différents types, peut-être à un coût qui fera
bénéficier Hydro-Québec. Hydro-Québec pourra quand
même faire un profit important, tout en occasionnant un profit pour nous.
Je pense que, dans ces petits projets-là, nous pouvons être
efficaces, nous pouvons développer de l'énergie efficacement,
industriellement, ce qu'Hydro-Québec ne peut pas faire.
HydroQuébec, c'est gigantesque. Elle peut faire des projets importants
que les entreprises privées ne peuvent peut-être pas faire. Mais
ces petits projets-là, on peut les faire et être rentables. Ce qui
nous était offert, je peux dire que l'amélioration... Il y a un
mois, on a eu une meilleure qualification pour la mise en marche... On a mis en
marche, il y a quelques semaines, avec HydroQuébec... On a
connecté notre centrale de cogénération de Kingsey-Falls,
le 3 mai, |e crois. Et on a eu une nouvelle tarification
améliorée de ce qui nous avait toujours été dit...
On a même pris le risque. Cascades a pris un risque important. En faisant
le projet avec une tarification, comme on le disait... Mais j'ai pensé
qu'avec le bon sens les gens et les administrateurs d'Hydro-
Québec réaliseraient qu'on ne peut pas arriver à
faire des projets comme ça, avec le taux qu'on nous a fait
Après négociation, on a amélioré le taux.
Mais on a d'autres projets. On s'aperçoit qu'on est très
marginal. C'était peut-être seulement à Klngsey-Falls
où on pouvait employer toute la vapeur générée.
Parce que vous savez que ces projets de cogénération peuvent
être faits seulement si on utilise la vapeur, "l'exhaust", les gaz
d'échappement de la turbine, qui est un moteur d'avion normal - ce sont
des moteurs de DC-8 que nous avons, dans le moment. Les gaz
d'échappement sont transformés en vapeur et c'est cette
vapeur-là que nous pouvons utiliser directement dans nos usines, qui
font que l'économie d'un projet semblable... Une Impianta-tion de
cogénération au gaz en plein milieu d'un champ, sans utilisation
de la vapeur, ne peut pas être rentable. Mais on a su réaliser ce
projet-là. Je pense que si la tarification... Mais il y a beaucoup de
projets semblables qui pourraient être faits, si la tarification
était améliorée.
C'est une amélioration qu'on nous a offerte, dernièrement,
mais j'espère qu'on pourra peut-être bien regarder les coûts
des futurs projets que vous voulez mettre en marche par HydroQuébec, de
ces grands projets, mégaprojets, pour nous faire
bénéficier, nous aussi, à l'entreprise qui
générera... Ce sont des investissements. On a investi tout
près de 16 000 000 $. Gaz Métropolitain Investit des sommes
importantes pour l'oléoduc qui se rend à Kingsey-Falls. Alors,
c'est dans la région un apport d'investissement qui fait profiter
plusieurs régions.
Et vous savez qu'il y a plusieurs petits barrages qui pourraient
être faits dans des régions, qui vont faire une activité
économique dans ces régions-là et qui permettront au
Québec de se développer. Peut-être des mégaprojets
qu'Hydro-Québec... Oui, on va peut-être exporter de
l'énergie, mais peut-être que les entreprises privées
peuvent collaborer avec Hydro-Québec pour en exporter plus.
Mme Bacon: Au niveau des marchés d'énergie, M.
Lemaire, est-ce que vous pensez qu'il y a des alternatives qui seraient
concurrentielles à l'électricité, par exemple?
M. Lemaire: Peut-être, oui. Mais dans combien
d'années? L'hydrogène deviendra peut-être l'énergie
du futur. Dans ma vision, moi, je vois l'hydrogène comme énergie
du futur. Mais on a un long chemin à parcourir avant de mettre de
l'hydrogène. On devra vivre peut-être quelques décennies
avant que cette énergie soit contrôlée et mise à
l'utilité des gens. Alors, je pense que la société va
continuer à progresser. On a besoin d'énergie et on aura une
crise d'énergie
Si vous regardez les prix du pétrole, comme ils vont, et la
consommation du pétrole... Regar-
dez, depute les cinq dernières années, l'augmentation de
consommation de pétrole et la production des pays du Moyen-Orient. Vous
allez voir qu'on est tout près de la balance. On verra peut-être
un emportement des prix du pétrole et on aura encore une crise
énergétique. Alors, je pense qu'on est bien placés au
Québec pour développer notre énergie, pour en
bénéficier. Et je pense que c'est à notre avantage de
développer notre énergie hydroélectrique en faisant aussi
attention à l'environnement. Mais je pense que c'est pour plusieurs
années encore une énergie propre, qui a sa place. On aura
d'autres sources d'énergie qui viendront, mais je pense que ce sera un
développement très long.
Mme Bacon: M. Lemaire, on parie beaucoup d'économies
d'énergie par rapport au secteur résidentiel, par rapport
à nos résidences. On en a beaucoup discuté, ces derniers
temps. On dit qu'il y aura une augmentation de consommation d'énergie
par rapport au secteur industriel dans les années qui viennent. Comment
peut-on arriver à faire des économies d'énergie au niveau
industriel? Est-ce que les gens sont ouverts à ça? Est-ce qu'ils
sont prêts à poser des gestes ou à utiliser, je ne sais
pas, moi, des trucs comme on en utilise - on a parlé de nouvelles
techniques, par exemple - dans le secteur résidentiel?
M. Lemaire: Oui. Je pense qu'une entreprise peut réaliser
des économies d'énergie; c'est pour ça que je
m'intéresse à l'énergie. Dans nos entreprises, on
n'économisait pas l'énergie. J'ai vu en Europe, avec une
tarification qui est différente de la nôtre, ce qu'on a
développé, comme moyens d'économiser l'énergie. Je
pense qu'il y a beaucoup à faire, au Québec, de ce
côté-là. Nos entreprises peuvent le faire. Les coûts
augmentent, les coûts énergétiques des entreprises
augmentent, mais c'est une nouvelle structure. Vous savez que les
chaudières étaient toutes construites à basse pression. On
utilisait des chaudières à 250 livres de pression, et on
n'utilisait pas la détente de cette vapeur-là pour fabriquer de
l'énergie.
Toutes les entreprises qu'on a en Europe fabriquent la vapeur à
des pressions de 600 à 800 livres. On détend l'énergie
à travers une turbine et on fabrique de l'électricité, ce
qu'on ne faisait pas, avant, parce que ce n'était pas rentable. Mais,
aujourd'hui, c'est rentable. Je pense que les sociétés vont
pouvoir mieux utiliser l'énergie fossile qui est employée pour
fabriquer ces énergies, et faire des économies en ayant
utilisé moins d'électricité.
Dans nos entreprises, il y a toujours moyen d'économiser. Aussi,
je pense que ce qui a été fait pour l'énergie de pointe
à Port-Cartier peut être fait dans plusieurs entreprises. Vous
savez qu'on peut accumuler certains produits. On peut diminuer, lors de la
période de pointe. Je pense que, où il y a une économie
importante à faire, pour Hydro-Québec, c'est de ne pas
développer son réseau de distribution pour l'énergie de
pointe. L'industrie peut se charger des pointes. Je pense que s'il y a des
montants de mis qui peuvent favoriser qu'une entreprise se retire de la demande
dans les moments de pointe, si la tarification le fait, ou si l'économie
est permise à l'entreprise, on n'aura pas à modifier le
réseau. Le réseau peut en prendre, mais le réseau ne peut
pas en prendre à certaines heures.
Alors, si vous êtes en France, où j'opère, vous
savez que notre énergie va de une à dix fois, en certaines
périodes du mois de février. Alors, on est équipés
pour s'enlever du réseau à certaines heures. Les principaux
moteurs, qui utilisent beaucoup d'énergie, sont enlevés du
réseau à certaines périodes, et on a seulement à
avoir des réservoirs supplémentaires pour la pâte. Ce sont
des choses qui peuvent être faites pour économiser, sur le
réseau d'Hydro. L'énergie, on en a besoin, on peut l'utiliser,
mais, pour ce qui est des périodes de pointe, on peut certainement faire
des économies sur ces périodes, pour ne pas développer le
réseau. Car ça coûte énormément cher, ie
développement du réseau.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de...
M. Aubert: Excusez! Juste peut-être pour ajouter
là-dessus, quand on parlait, tout à l'heure, de la tarification.
En fait, pendant quatre mois, vous savez que, pour faire des usines de
cogénération comme on a fait, par exemple, à Kingsey - qui
est la première, pour l'instant - ça a pris beaucoup
d'énergie - là, je fais un jeu de mots - beaucoup d'efforts et,
finalement, on a réussi à régler avec HydroQuébec,
le 2 mai, un tarif qui soit raisonnable dans le cadre de l'exploitation de
cette usine de cogénération, pour la mettre en marche avec elle
le 3 mai. Mais ce qui est important... Quand j'écoutais M. Lemaire
parler de pointe, en Europe... Je pense qu'Hydro comprend bien, ici, la
question de pointe, parce que son intérêt à signer ce
contrat d'une période de cinq ans de nos surplus
d'électricité qu'on va vendre à Hydro-Québec, c'est
surtout durant les mois de décembre, janvier, février et mars, et
c'est la raison majeure qui lui a fait augmenter cette tarification.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata. (12 h 45)
Mme Dionne: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais parier
de façon particulière, venant de Kamouraska-Témiscouata
où Cascades a une entreprise, de la biomasse forestière. Alors,
vous parlez d'un projet pour utiliser la biomasse comme combustible, pour
créer de l'énergie. Est-ce que vous pourriez peut-être
décrire un peu
quels sont les résidus que vous allez utiliser? Il y a
peut-être des gens qui vont penser qu'on prend des planches pour faire
ça. Quels sont les résidus que vous allez utiliser pour...
M. Lemaire: Je pense que vous avez eu, dans la région de
Kamouraska, dernièrement, des démonstrations de gens qui
trouvaient que les scieries qui font brûler leurs écorces dans des
"enfers", qu'on appelle, et qui polluent l'environnement, les autos et tout...
Bien, ça pourrait être utilisé pour générer
de l'électricité. Encore une fois, on a étudié
plusieurs projets. Ça fait trois fois qu'on fait refaire les projets
pour la fabrication d'électricité avec l'usine de Cabano, mais la
tarification ne nous permet pas de le justifier. Pour le moment, avec la
nouvelle tarification, s'il y avait encore un effort supplémentaire fait
par Hydro-Québec, je pense que ces projets-là pourraient pousser
à plusieurs endroits. On les a nommés, on pourrait mettre en
place des projets dans ces endroits-là pour générer plus
d'électricité.
Je pense qu'on ne doit pas pénaliser. Vous allez voir, il faut
être franc. Parfois, HydroQuébec nous paie plus cher que nous
payons, dans le moment, notre énergie dans nos entreprises. Mais elle
peut la vendre à un taux beaucoup plus élevé à
l'extérieur. C'est un commerce ça. Cela permet à nos
entreprises de demeurer concurrentielles. On a de l'énergie bon
marché, mais la seule personne qui peut vendre à quelqu'un qui en
a besoin... C'est un commerce qu'on fait. Il y a des demandes, à des
prix plus élevés, à l'extérieur, aux
États-Unis. Pourquoi ne pourrions-nous pas produire une certaine
quantité d'énergie pour la vendre, par le biais
d'Hydro-Québec parce qu'on ne peut pas la vendre, nous - à
l'extérieur, tout en gardant nos entreprises concurrentielles, en payant
le taux de 0,032 $. Chez nous, l'hydroelecticité qu'on a
fabriquée depuis de nombreuses années, qu'on a
développée depuis de nombreuses années et qui ne nous
coûte pas cher, pourquoi ne pas en faire bénéficier nos
entreprises québécoises? Et que nos entreprises
québécoises qui peuvent fabriquer de l'électricité
l'exportent à l'extérieur, comme on exporte nos autres produits.
C'est le développement qui doit être fait dans le futur, le
développement hydroélectrique par les entreprises. Je pense qu'il
y a une bonne approche de faite.
On a conclu, comme M. Aubert nous a dit, une journée avant la
mise en contact avec Hydro-Québec, notre cogénération,
avec une amélioration. Je pense que c'est une négociation, je
pense que les gens d'Hydro-Québec sont de très bons
négociateurs, mais il faudrait peut-être qu'il y ait des efforts.
Je pense que Mme la ministre est là qui contrôle, mais il y a une
possibilité de développement de notre potentiel électrique
dans nos entreprises, ici au Québec. Et, dans Kamouraska, ce sera une
des premières qui pourra être faite avec une nouvelle
tarification.
Mme Dionne: J'aurais, à la suite de ça, M Lemaire,
deux questions, deux hypothèses. Premièrement, si ça se
réalise, cette cogénération à base de biomasse
forestière, est-ce que ça va vous fournir suffisamment
d'énergie pour, éventuellement, avoir une usine de pâtes
à Cabano? Première question. Et la deuxième: Si vous ne
pouvez utiliser vos résidus de bois pour faire de l'énergie,
comment allez-vous en disposer?
M. Lemaire: Â notre usine de Cabano, nous n'avons pas de
problème, parce que nous brûlons nos écorces, dans le
moment, à notre usine. On a un système qui a été
mal conçu, à cause d'une électricité trop bon
marché, on n'a pas fabriqué à haute pression. On fabrique
à basse pression, on ne fait pas la dépense pour fabriquer de
l'électricité avec. Mais nous reconstruirions une nouvelle
unité à haute pression qui générerait de la vapeur
tout en générant de l'électricité, et qui pourrait
utiliser beaucoup plus de biomasse que dans le moment. C'est de rentabiliser
cette chose-là.
Nous avons la chance de pouvoir faire un profit à la vente de
l'électricité, parce que nous pouvons utiliser la vapeur dans
notre usine à Cabano. Une scierie ne peut pas faire la même chose;
un scieur ne peut pas faire la même chose, parce que lui, il ne peut pas
utiliser la vapeur. Nous, chez nous, on a l'avantage d'avoir un besoin de
vapeur, alors ça rentabilise l'ensemble en faisant une usine comme
à Cabano. C'est pour ça que nous sommes intéressés
à un projet semblable.
Mme Dionne: La réponse à ma première
question... C'est peut-être une boutade, mais selon le prix du
marché, si vous avez suffisamment d'énergie, ça donnera
une usine de pâtes à Cabano?
M. Lemaire: Peut-être, si les coûts d'énergie
demeurent bas. Vous savez que la pâte mécanique utilise beaucoup
d'énergie. Alors, on pourra peut-être réaliser le
projet.
Le Président (M. Bélanger): C'est le plan de
développement d'Hydro qu'on regardait, pas celui de Cascades. M. le
député d'Orford.
M. Benoit: M. Aubert, M. Lemaire, une bonne partie de votre
mémoire, particulièrement à la page 8, qui a trait aux 10
000 mégawatts possibles sur les 400 rivières du Québec...
Vous parlez de façon précise du barrage sur la rivière
Saint-François, à East-Angus. Prenons celui-là, à
titre d'exemple. Quel est le taux de rendement qu'un actionnaire normal de
Cascades - Ils sont probablement tous normaux, les actionnaires de
Cascades - exigerait d'un investissement de cet ordre-là? Et dans
quel délai il exigerait une rentabilité, et de quel ordre de
rentabilité, si vous aviez... J'imagine que vous avez
étudié tout ça. Alors, qu'est-ce qu'un actionnaire, un
gars qui met des piastres dans un barrage, exige comme rendement, et à
l'intérieur de quelle période de temps?
M. Lemaire: Bien, je pense que c'est un minimum de 20 %. On dort
avoir 20 %, parce que, lorsqu'on a payé nos impôts et tout, il ne
reste pas... Avec des taux d'intérêt comme aujourd'hui, c'est
moins rentable que de placer son argent à la banque, même si on
fait 20 % sur des investissements. Mais c'est un minimum de 20 %. Je peux vous
dire que le projet étudié à East-Angus n'était pas
rentable avec le coût des investissements, le coût
d'intérêt qui est très élevé; il
n'était pas rentable avec l'ancienne tarification. Avec la nouvelle
tarification, nous allons refaire nos chiffres. On le verra, mais on doit avoir
une rentabilité. Il y a un risque aussi. Vous savez qu'il y a un risque
à construire. Est-ce que les coûts de construction d'un barrage de
cette envergure-là... Il n'y a pas beaucoup d'expertises. Alors, on
prend des risques et il faut avoir peut-être une meilleure
rentabilité, à cause du risque qu'on prend de construire des
barrages. L'expertise va se développer dans les petits barrages. Il y a
quelques expériences, mais pas beaucoup, et je pense que la marge de
manoeuvre n'est pas très grande, dans ces projets-là. Alors, il
faut avoir une bonne tarification. Mais je pense qu'on arrivera à
négocier quelque chose pour le développement. C'est pour
ça que je suis Ici. Je parle pour faire comprendre à MM. les
députés et Mme la ministre et tout ça qu'il y a quelque
chose qui peut se développer par l'entreprise privée, tout en
étant sous la tutelle d'Hydro-Québec. Notre acheteur, c'est
Hydro-Québec, qui en dispose et qui verra à la distribuer
où elle est nécessaire et à la vendre, si elle en a trop.
Elle négociera ces contrats de vente, mais je pense que l'entreprise
privée peut participer à ce développement
d'hydroénergie au Québec.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de
recevoir devant cette commission MM. Lemaire et Aubert, de Cascades. En ce qui
me concerne, je trouve toujours ça intéressant de discuter avec
des gens qui n'ont pas peur de se prendre en main et de trouver des
alternatives ou de chercher des alternatives aux problèmes existants,
avec tous les risques que ça occasionne et que ça
présuppose.
J'ai beaucoup de questions en tête, à la lecture de votre
mémoire qui nous amène des chiffres, qui nous donne, enfin, pour
le moins, une vision nouvelle, une vision intéressante.
Entre autres, toute la question de refiler la pointe à
l'industrie. Il me semble que c'est là une notion sur laquelle
Hydro-Québec aurait avantage à travailler avec beaucoup de
sérieux, au cours des prochaines années, plutôt que de
construire des centrales ce qu'on appelle des puissances additionnelles, comme
Manie 5 PA ou LG 2A, qui sont finalement des "boosters" pour répondre
aux pointes quelques minutes ou quelques heures par jour ou par année et
qui sont excessivement coûteuses. Il y aurait peut-être avantage
à négocier globalement avec l'entreprise une espèce de
transfert de responsabilité à l'entreprise pour absorber les
pointes hivernales, entre autres. Je trouve que cette notion est
particulièrement intéressante.
Si on étendait globalement à l'ensemble de l'industrie un
point de vue tel que le vôtre, si de plus en plus d'entreprises
travaillaient dans ce sens-là, avec la connaissance que vous avez de la
possibilité de faire générer cette
électricité-là à partir des moyens alternatifs,
quel pourrait être l'impact global que cela pourrait avoir sur le niveau
de production d'Hydro-Québec, enfin, sur le... Quel est le pourcentage
global d'électricité, d'après vos analyses, qui pourrait
être produite de cette façon-là pour satisfaire aux besoins
de l'entreprise québécoise?
M. Lemaire: Moi, j'ai regardé cette approche-là sur
un point de vue de commercialisation. Je parle de l'économie de pointe.
Je pense qu'on fait un gaspillage de l'économie de pointe. On pourrait
faire une économie sur les réseaux. Parce que, moi, quand je
voyais construire des réseaux pour servir la pointe seulement, des
réseaux qui ont été construits pour seulement les pointes,
ça, c'est une économie qu'Hydro-Québec peut faire en
jouant avec la tarification ou les "incentives" à donner à une
entreprise, une réduction de tarif, si elle peut s'enlever du... Ce
serait peut-être le meilleur moyen, de dire: Si vous vous enlevez de
telle heure à telle heure et tant de jours de pointe - 27 jours, comme
on a en Europe - qu'entre telle heure et telle heure vous devez être
hors, si vous voulez avoir tel tarif... Alors, ce sont des initiatives qui font
qu'on s'enlève de la pointe. On la prend si on veut, mais il y a une
compétitivité qui se fait sur les produits finis, et, si on est
là et que ça nous coûte trop cher, on est mieux de ne pas
fabriquer à certains taux. Alors, ce sont les économies qu'on
peut réaliser, cette chose-là.
Mais je pense que le potentiel du Québec, ce n'est pas de ne pas
fabriquer de l'électricité. Si on a la chance d'avoir les
ressources de développement et si on a des gens prêts à
acheter notre produit, c'est ça qu'on doit développer. Le
Québec n'a peut-être pas beaucoup de moyens de se
développer; ça en est peut-être un très important.
On peut vendre quelque chose qu'on peut fabriquer au Québec.
On cherche toujours. On n'est peut-être pas capables de fabriquer
des automobiles, pas capables de fabriquer des télévisions, mais
on peut peut-être fabriquer de l'électricité. On va
peut-être être compétitifs à fabriquer de
l'électricité chez nous, la vendre à l'extérieur,
parce qu'il y a un marché pour l'acheter, puis être
peut-être plus écologiques. C'est ça que je voudrais qu'on
développe, au Québec. C'est de l'entreprise électrique
qu'on développe. Peut-être pas pour les besoins du Québec.
Oui, on peut peut-être favoriser les entreprises
québécoises pour se développer à
l'intérieur, des alumineries, peut-être, je ne sais pas le pour et
le contre... Mais vendre cette électricité, c'est aussi payant.
C'est payant de la vendre. Et si ça bénéficie aux
Québécois et que ça bénéficie aux
entreprises québécoises, on deviendrait... Si Cascades
Énergie va être un fabricant d'énergie qui veut vendre
à l'extérieur, ce n'est pas pour fournir ses usines. Cascades
voudrait être un fabricant d'électricité, et on en a la
chance, on a développé des techniques pour transporter notre
électricité par des lignes à haute tension qui peuvent
aller livrer très loin notre énergie. La formation du
Québec est faite de telle manière qu'on a des
dénivellations importantes, et on peut utiliser ça pour faire de
l'énergie; le soleil se charge de remonter l'eau en haut. Alors, c'est
peut-être ça qu'on doit exploiter.
Moi, j'entends beaucoup... Il y a peut-être ceux qui veulent
protéger l'écologie et tout. Oui, c'est bien, mais on doit aussi
se développer. On doit se développer, et on doit faire fabriquer
de l'énergie. Moi, je pense que c'est peut-être le plus
écologiquement possible, parce que tout développement a des
conséquences écologiques. Tout développement. Quand on
fabrique du papier, on a des conséquences écologiques: on coupe
des arbres. Mais on a développé cette ressource-là. On
doit développer notre ressource hydroélectrique. C'est important.
Je pense qu'on peut en bénéficier beaucoup. Il y a beaucoup
à faire, et je pense que c'est pour ça que je suis de cet avis.
On peut aider au développement, on peut peut-être le faire d'une
manière un peu différente, mais je pense qu'on doit exploiter. Je
suis un industriel, peut-être pas un écologiste; je suis un
industriel, et quand il y a un produit à vendre et qu'il y a quelqu'un
pour l'acheter, moi, je suis là pour le produire, si je suis capable de
le produire en faisant un profit. Alors, c'est ça que je regarde en
venant Ici: si je peux vendre quelque chose à profit et en faire
profiter la communauté. Je paierai mes impôts ici, c'est l'argent
des citoyens, alors, le profit restera ici. Nos actionnaires sont
québécois, alors, ça restera au Québec, ça
développera le Québec en vendant un produit à
l'extérieur. C'est pour ça que je pense qu'on doit
développer notre ressource hydroélectrique au maximum.
M. Claveau: Vous ne croyez pas, M. Lemai- re, qu'on aurait ou
qu'on pourrait tirer encore plus d'avantages si on développait nos
besoins hydroélectriques en fonction de ce qu'on est capables de
transformer chez nous, aussi? SI on avait continuellement vendu notre
électricité au plus offrant - parce que
l'électricité, ça se vend bien - eh bien, peut-être
qu'aujourd'hui on n'aurait pas des entreprises comme Bombardier, qui est la
première productrice mondiale d'avions, de petits transporteurs
aériens, actuellement, avec les dernières acquisitions qu'elle a
faites. Peut-être qu'une entreprise comme Cascades n'existerait pas, non
plus, avec toutes ses ramifications internationales. Peut-être qu'on ne
serait pas au niveau où on est dans le domaine des moteurs d'avion ou
des constructions de toutes sortes d'équipements. Vous dites: On n'est
peut-être pas capables de faire des TV" ou des autos, mais on peut vendre
de l'électricité. Et nous, on dit, ou, enfin, moi, je pense que,
peut-être, on pourrait virer à l'envers et dire. Profitons donc de
ce qu'on a pour pouvoir envahir les marchés internationaux avec les
autos et les "TV" qu'on va produire chez nous. Parce que, dans le fond, c'est
là où il y a la plus-value, c'est là où c'est
important. Plus on transforme un produit, plus on en dégage de
bénéfices nets pour l'entreprise et pour l'ensemble de la
société. Je ne sais pas, moi, en tout cas, si on aurait pas
avantage à regarder globalement la chose de cette
façon-là, tout en respectant notre environnement. Parce qu'il
semble de plus en plus évident, dans nos sociétés
modernes, que l'on ne soit pas prêt ou que, globalement, l'ensemble des
citoyens ne soient pas prêts à tout sacrifier pour le rendement,
disons. (13 heures)
M. Lemaire: Oui. Mais j'ai bien dit, tout à l'heure, qu'on
vendait notre électricité à HydroQuébec plus cher
qu'elle nous la vend. Ça, je dis qu'Hydro-Québec devrait demeurer
avec ça, pour qu'on demeure compétitifs. Je pense
qu'Hydro-Québec a peut-être un potentiel encore à pouvoir
vendre de l'énergie qui a été construite il y a plusieurs
années. Cette énergie-là ne coûte pas cher à
Hydro-Québec. Elle peut nous la vendre, celle-là. Elle peut la
vendre aux entreprises. Elle peut fournir les citoyens. Je pense qu'on a un
surplus important, et on peut avoir un surplus important de... Je n'ai pas les
chiffres. Combien utilise-t-on, comparé à ce qu'on exporte? Et
dans le futur, dans les 10 prochaines années, quel sera le pourcentage
qu'on utilisera au Québec, comparé à ce qu'on veut
exporter? Il y a des limites, à utiliser l'énergie. Je pense
qu'on développe la pâte mécanique, on développe.
L'industrie des pâtes et papiers est une industrie qui utilise
beaucoup d'énergie. L'aluminerie, les alumineries, ça utilise
beaucoup d'énergie. La rentabilité de tout ça, c'est bien.
C'est le développement du Québec. C'est partait. Si on peut
créer des entreprises avec ça, qu'on
fasse le maximum, ou si on peut en exporter... Mol, je veux vendre, mais
je sais que, si je vends mon électricité à 0,032 $ du
kilowatt, je ne peux pas créer de nouvelles sources d'énergie.
Hydro-Québec peut peut-être... Elle me la vend à ce
prix-là. Si elle dit: Je vais te payer le môme prix que je te la
vends, je ne peux pas réaliser ces potentiels-là. On ne peut pas
les réaliser. On a la chance d'avoir cette énergie qui nous
coûte ce prix-là, cette tarification nous a été
donnée tout en faisant un profit du côté
d'Hydro-Québec, peut-être, mais qu'est-ce qu'on veut faire?
Si j'avais à construire une entreprise et que je doive payer 0,05
$, peut-être que je créerais l'énergie sur place,
moi-même, pour l'utiliser, comme je le fais en France. On l'emploie,
parce que le taux est plus élevé. Alors, c'est Important que ce
soit l'usine qui utilise l'électricité
générée. Mais, dans le moment, on a l'avantage d'avoir un
taux moindre. On a un taux moindre que ce qu'on peut produire. Les projets ne
se sont pas faits. Pourquoi ces projets ne se sont-ils pas faits? C'est parce
que ce n'est pas rentable. On ne les fait pas, ce n'est pas rentable. On a la
chance d'avoir un taux d'énergie, mais...
Mettons, complètement à côté, une industrie
qui peut être développée pour vendre de l'énergie
à l'extérieur à 0,07 $. Ce qui est fabriqué pour
l'intérieur, il est bon marché, on le paie moins cher, on
développe nos entreprises avec, mais ce sont deux choses. Il faudrait
sôpuror les deux choses, parce qu'on a un client qui est prêt
à payer 0,07 $, à côté. Nous, ça nous
coûte environ, peut-être, 0,05 $ pour la fabriquer. Il y a 0,02 $
de profit à faire. Alors, les 0,02 $, qu'Hydro-Québec les fasse;
je vais faire peut-être 0,005 $ de profit, et on est corrects. Mais, pour
mon entreprise, je paie moins que 0,05 $ pour l'électricité de
mon entreprise. Alors, ce n'est pas rentable de le faire, pour moi. C'est
seulement rentable de le faire pour l'exporter. C'est pour ça que c'est
un développement. Dans ce développement-là, il faut avoir
deux volets. L'énergie qui peut être faite pour être
exportée et l'énergie qui peut être faite pour le
développement du Québec à l'intérieur, à
travers ses entreprises, à un bon taux, le meilleur qui existe en
Amérique. Alors, peut-être que ça, c'est bon pour le
développement industriel du Québec. Je laisse à
Hydro-Québec le soin de développer cette partie-là. Mais
moi, quand je suis situé à Cabano ou à East-Angus, tout
près des frontières américaines, où c'est 0,07 $ de
l'autre côté, le seul transporteur qui peut transporter mon
énergie et qui peut aller la vendre de l'autre côté, c'est
Hydro-Québec, à 0,07 $. Alors, moi, c'est ce que je veux
développer. Je ne suis pas ici pour régler le problème du
total; je suis ici pour dire qu'on peut développer des entreprises pour
fabriquer de l'électricité pour vendre à
l'extérieur.
M. Aubert: C'est pour faire le même commerce qu'on fait
actuellement, qui est celui des pâtes et papiers. On fait de l'argent
avec les pâtes et papiers en les vendant aux Américains. Mais vous
savez qu'il y a des entreprises privées juste à côté
de chez nous, au Vermont, qui ont décidé d'exploiter des petites
centrales hydroélectriques, comme on veut le faire - comme on veut
faire, entre autres, à East-Angus - et elles reçoivent, pour le
prix vendu, 0,09 $ à 0,12 $ du kilowattheure, ce qui est loin des 0,04 $
qu'on reçoit d'Hydro-Québec pour vouloir faire la même
chose. On veut en faire, donc, un commerce au même titre
qu'Hydro-Québec le fait, mais en moins grande envergure, bien
sûr.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: M. le Président, c'est toujours
rafraîchissant d'entendre des gens qui ont eu recours à des
méthodes innovatrices. Et je note aussi, au passage, que M. Lemaire
constitue un bel exemple de transfert de technologies. Il a apporté des
techonologies, qu'il avait développées ici, en France, en Europe.
Mais, par ailleurs, il en a rapporté de France aussi, en matière
d'économies d'énergie. Je pense que c'est un bel exemple de
transfert de technologies. Moi, j'ai été frappé par deux
choses, particulièrement vos installations de chaudières,
là, qui brûlent les résidus de bois, qui, comme vous le
dites très bien dans votre mémoire, autrement deviennent des
nuisances environnementales, et aussi par votre entente avec
Hydro-Québec, concernant le contrat d'énergie interruptible. Et
ça c'est un bel exemple où il y aurait des économies
phénoménales d'énergie, si c'était une pratique qui
se répandait plus. Mais ma question porte surtout sur le premier fait
que vous avez relaté, là, les chaudières à
résidus de bois. Et ma question est toute simple: Ça me
paraît tellement avoir de l'allure et en même temps être
rentable pour l'entreprise, comment se fait-il que les autres papetières
ne le font pas, ou presque pas?
M. Lemaire: Bien, c'est peut-être la question
économique. Notre électricité nous coûte trop bon
marché. C'est ça. Dans le moment on fabrique, seulement avec les
écorces, ce dont on a besoin comme vapeur. Parce que, pour fabriquer ce
dont on a besoin comme vapeur, on doit employer du pétrole. Alors,
là, la rentabilité est là. Mais pour fabriquer de
l'électricité, avec ces mêmes résidus, parce qu'il y
en a en surplus, alors là, ce n'est pas rentable. Ça devient non
rentable. Ce qu'on a, on a cet avantage-là. Il ne faut pas
détruire l'avantage qu'on avait. Ne disons pas qu'Hydro-Québec
nous vend l'électricité trop bon marché.
Hydro-Québec est capable de nous vendre, à l'industrie, meilleur
marché
cette énergie-là, et tout en faisant de l'argent.
Ça c'est... Mais je vous dis qu'il y a un potentiel
supplémentaire d'énergie qu'on peut aller vendre à
l'extérieur, en exploitant ces méthodes-là Fabriquer de
l'énergie, à 0,045 $ ou 0,05 $, on peut le faire, et on sait
qu'il y a des clients pour plus cher à l'extérieur. Alors,
ça, c'est pourquoi ces potentiels-là n'ont pas été
développés. Il n'ont pas été
développés, parce que, quand on arrive, on prend les coûts
d'opération et les coûts d'installation de ces
génératrices-là, et ce n'est pas rentable de le fabriquer
au prix qui est le prix d'Hydro-Québec.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Si vous le permettez. Deux ou trois petites questions
techniques, parce que, voyez-vous, ça m'intéresse dans la mesure,
entre autres, où les projets de centrales de biénergie ou de
cogénération, tout ce que vous voulez, là, sont
excessivement populaires par les temps qui courent dans mon coin de pays. Tout
le monde en étudie, et puis, finalement, on ne sait pas trop ce que
ça va donner. La vapeur à basse pression, qui sort de la turbine,
après avoir produit l'électricité, elle peut être
transportée sur combien de kilomètres ou de mètres?
M. Lemaire: Ah, pas tellement loin, parce ce si vous êtes
à basse pression, le transport dans un tuyau, vous perdez... Vous avez
des pertes de pression par la distance. Ce n'est pas tellement loin.
M. Claveau: Oui.
M. Lemaire: Vous savez que nous, à Kinsey Falls, on a
réuni nos six usines ensemble, dans notre réseau de vapeur, et on
a des pertes de 75 livres, je dirais, dans 1000 pieds. Parce qu'il y a beaucoup
de coudes et... Alors on perd énormément de pression. Nous, on
était chanceux, on avait toutes nos entreprises à peu près
dans le même secteur, en dedans d'un demi-kilomètre. Alors, on a
pu toutes les desservir avec la vapeur générée en un seul
endroit, et c'est pour ça que c'est... On ne peut pas transporter la
vapeur. L'électricité se transporte facilement, mais la vapeur...
Il y a des pertes énormes d'énergie dans le réseau.
M. Aubert: Alors ça ne marchera pas dans le Grand Nord, M.
Claveau.
M. Claveau: Ha, ha, ha! Quel est le pourcentage... Vous nous
dites, vous avez répété à plusieurs reprises que,
pour être rentable, il fallait définitivement être capable
d'écouler sa vapeur à basse pression. Quel est le pourcentage de
revenu qui vient de la vapeur et de l'électricité, là,
avec les nouveaux tarifs que... Si vous aviez à rentabiliser chacune des
opérations, là, vapeur et électricité, comment
départageriez-vous le revenu?
M. Lemaire: Je ne peux pas aller dans les chiffres directement.
Mais je peux vous dire que, à 0,032 $ kilowattheure, ces
projets-là n'étalent pas rentables. Ça je peux vous
dire... Cabano a été étudié, plusieurs fois,
ça n'était pas rentable. Alors, à 0,043 $, comme à
peu près... Parce que là maintenant on nous a fait le tarif plus
élevé en hiver et tout, qu'on dort garantir pour l'hiver, mais je
pense qu'Hydro-Québec va dans le bon sens de son développement.
Il fait des taux plus élevés, nous paie plus cher cette
énergie-là, en hiver, à la condition qu'on lui garantisse
une stabilité, pour l'hiver. Ça, ça l'améliore.
Ça nous oblige à être beaucoup plus efficaces. Parce que,
si nos installations font défaut en hiver, on va être très
pénalisés. Je peux vous dire que, là, on perd tout
l'avantage qu'ils nous ont accordé.
Mais, eux, ils ont un problème à résoudre. Alors,
ils veulent résoudre leur problème et ils nous font supporter ce
problème-là, et c'est à nous. C'est ça d'être
industriels, c'est de vivre avec des risques, de prendre des risques pour faire
un profit. C'est ce qu'on est prêts à faire, et je pense qu'avec
l'amélioration des tarifs on peut faire que ce soit rentable, mais pas
à 0,032 $; on l'a étudié à plusieurs occasions, ce
n'est pas rentable. Ce n'était pas rentable de faire tous ces projets
qui ont été mentionnés, on ne les a pas faits. On a fait
celui de la cogénération avec le gaz, parce qu'on a
été capables de se faire garantir un taux de gaz, à ce
moment-là, à un bon prix, pour cinq ans. On a
évalué notre risque sur cinq ans et on a dit que peut-être
on va même utiliser la température peu élevée de
cette turbine-là, après être passée dans les
chaudières, à d'autres fins, pour séchage d'autres choses,
ou chauffer des serres, ou quoi que ce soit On avait d'autres alternatives qui
peuvent aller utiliser l'énergie pratiquement jusqu'à sa fin,
vous savez.
Alors, on peut faire ça, mais c'est un risque. Je pense qu'on a
fait cette chose-là parce qu'on aime le goût du risque. On a
risqué 16 000 000 $, en disant: On prend un risque, mais on va le
développer. On va faire quelque chose de spécial. Et on a pris ce
rlsque-là. Ça va permettre à d'autres d'en faire d'autres.
On va probablement en faire d'autres. On a fait bouger Hydro, dans son
ensemble, avec ce projet-là. Elle était intéressée.
On a eu les crises de l'hiver passé, qui nous ont aidés beaucoup.
Je pense qu'on était impliqués; même si ça a
causé beaucoup de problèmes à Hydro, ces
problèmes-là nous ont aidés à avoir de meilleurs
tarifs et de négocier plus facilement avec HydroQuébec pour
l'hiver.
M. Claveau: Si vous me permettez, très rapidement, juste
une petite dernière question,
parce que vous vous intéressez beaucoup à cette
question-là: Est-ce que Cascades Énergie va s'intéresser
au solaire?
M. Lemaire: Au solaire?
M. Claveau: À l'industrie solaire?
M. Lemaire: Peut-être qu'on aura, dans cette
société-là... Certainement, après ça, il y
aura des experts. C'est une société qui est un embryon, on
commence. On a quelque chose à mettre dedans, on a deux, trois
chaudières qu'on va installer dans ça, notre
cogénération, nos puits de gaz, ça va tout être un
ensemble qui va ramasser tout ça. Je pense que, dans quelques
années, on regardera toutes les façons de produire de
l'énergie. Ce sera une société consacrée à
l'énergie. Je peux vous dire que, à ma retraite, j'ai toutes
sortes d'idées que j'essaierai de mettre en pratique. Je
dépenserai peut-être de l'argent, mais j'ai des idées de
fabriquer des énergies différentes, puis, je n'ai pas eu le temps
de me consacrer à ça, j'étais dans l'entreprise, mais j'ai
des idées. C'est pour ça que Cascades Énergie... C'est
pour ça que je suis ici aujourd'hui. Je prépare ma retraite, mais
ma retraite pour avoir du plaisir à faire peut-être d'autres
énergies.
Une voix: Une retraite énergétique.
Le Président (M. Bélanger): Bien Alors, si vous
voulez remercier nos invités.
M. Claveau: On va vous souhaiter une bonne retraite
énergique, ou énergétique, M. Lemaire, en vous remerciant
de votre participation, votre collaboration, qui saura sûrement rehausser
les travaux de cette commission, qui sont déjà, par ailleurs,
importants et qui ont déjà donné beaucoup d'alternatives
ou, enfin, de visions différentes aux parlementaires, en souhaitant que
ça débouche vers de véritables solutions, à long
terme, pour l'ensemble de la question énergétique
québécoise. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci Mme la
ministre.
Mme Bacon: M. Lemaire et M. Aubert, je pense que c'est un
éclairage nouveau que vous nous apportez aujourd'hui, fort
différent et, surtout, très intéressant. Ça fera
partie, je pense, des réflexions qu'on aura à entreprendre
à la suite de cette commission parlementaire. Je vous remercie beaucoup
d'y avoir ajouté ces différences qui sont intéressantes.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le groupe Cascades pour sa
participation à ses travaux et nous suspendons nos travaux
jusqu'à 15 heures, soit après la période de questions. Bon
appétit.
(Suspension de la séance à 13 h 15)
(Reprise à 15 h 52)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Alors, bonjour. La commission de l'économie et du travail reprend
ses travaux et nous recevons présentement à la table des
témoins l'Association québécoise pour la maîtrise de
l'énergie. Bonjour, mesdames, messieurs. Je vous explique rapidement nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la
présentation de votre mémoire et, par la suite, une
période d'échanges avec les parlementaires. Alors, je vous
prierais, dans un premier temps, de bien vouloir vous identifier, d'identifier
votre porte-parole et de nous présenter votre mémoire. Nous vous
écoutons.
Association québécoise pour la
maîtrise de l'énergie
M. Sainte-Marie (Alain): Bonjour, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les députés. Permettez-moi de me
présenter ainsi que l'équipe qui m'accompagne. Je suis Alain
Sainte-Marie, un des membres fondateurs et l'actuel président de
l'Association québécoise pour la maîtrise de
l'énergie. À ma droite, il y a Mme Danielle Tanguay, qui est
présidente de Tréma, groupe de consultants de planification,
stratégie et marketing, qui est membre du conseil d'administration de
l'AQME et aussi membre du comité exécutif. À ma gauche, il
y a Mme Lise Brousseau, qui est directrice générale de
l'AQME.
À l'aide de larges extraits de notre mémoire, nous
essaierons, dans un premier temps, de vous présenter la nature de notre
Association. Par la suite, nous ferons ressortir qu'une transition s'Impose au
Québec dans le domaine énergétique et que c'est un
défi de taille à relever. Par ailleurs, nous soulignerons que les
économies d'énergie constituent, entre autres, la marge de
manoeuvre pour passer le cap de la fin du siècle au niveau
énergétique. Ensuite, nous constaterons que l'efficacité
énergétique et les économies d'énergie sont
sous-exploitées au Québec et que, pour cette raison, il est
très rentable d'investir dans la maîtrise de l'énergie.
Nous exprimerons, par la suite, la nécessité de favoriser
l'industrie de l'efficacité énergétique et, finalement,
nous soutiendrons que la maîtrise de l'énergie doit être un
processus planifié et à long terme.
L'Association québécoise pour la maîtrise de
l'énergie existe depuis près de cinq ans. Fondée par des
spécialistes en matière d'énergie provenant des secteurs
privé, public et parapublic, l'AQME regroupe maintenant plus de 600
mem-
bres et atteint pleinement son objectif d'être un carrefour
d'intervenants ayant un intérêt pour la maîtrise de
l'énergie ainsi qu'une plaque tournante entre ces intervenants et entre
leur milieu respectif. Nos membres se recrutent principalement parmi les
utilisateurs d'énergie, les industries, les hôpitaux, les
écoles, les municipalités, les experts et expertes-conseils en
efficacité énergétique, les fournisseurs de produits
efficaces en énergie et les fournisseurs d'énergie, que ce soit
l'électricité, le gaz naturel, l'huile, l'énergie
nucléaire et les énergies nouvelles.
Par cette intervention en commission parlementaire, nous profitons de
l'occasion de féliciter Mme Bacon de son initiative de permettre un
débat sur le développement de l'électricité au
Québec. Donc, nous voulons réaffirmer la nécessité
de mettre en place un programme d'action concret orienté vers une
meilleure maîtrise de l'énergie. Nous sommes persuadés que
la mise en oeuvre d'un tel programme aura comme conséquence de
réduire la croissance de la demande d'énergie et aussi de
favoriser la création d'emplois stables et la croissance d'une industrie
chargée d'offrir des équipements et des services en vue d'une
utilisation plus judicieuse de l'énergie électrique.
Il convient d'abord de noter que l'AQME accueille avec beaucoup
d'intérêt et un certain enthousiasme l'annonce que fait
déjà HydroQuébec, dans sa proposition de plan de
développement, de son intention de s'engager de façon
concrète dans des programmes d'efficacité
énergétique et d'économies d'énergie. Les objectifs
énoncés dans cette proposition sont ambitieux, et on
prévoit les doter d'importants moyens financiers. C'est en s'appuyant
sur de telles bases que l'AQME veut devenir un partenaire
privilégié des initiatives d'Hydro-Québec en
matière de maîtrise de l'énergie, tout en l'encourageant
à devenir le fer de lance de l'efficacité
énergétique au Québec.
Examinons maintenant la transition qui s'impose au Québec, et le
défi de taille qui est à relever. L'AQME croit que la
société québécoise se trouve maintenant à un
point tournant dans son évolution énergétique et
qu'Hydro-Québec a la capacité et la responsabilité de
gérer, efficacement et avec imagination, le changement
inéluctable de la situation énergétique qui s'imposera au
Québec d'ici le tournant du siècle. Mais, pour ce faire, il lui
importe de définir et d'adopter, dès maintenant, une
stratégie cohérente et stable qui permettrait au Québec de
faire face adéquatement au défi énergétique de l'an
2000.
Depuis le dépôt de sa proposition de plan de
développement, on a l'impression qu'Hydro-Québec commence
à percevoir l'ampleur du défi qu'elle doit relever. La
proposition qui nous a été soumise pour étude ne semble
pas, toutefois, remettre en question le credo traditionnel
d'Hydro-Québec de bâtisseur de barrages. Toutes les mesures
d'efficacité énergétique qui y sont proposées sont
en soi valables, mais n'indiquent pas l'émergence d'une volonté
unifiée à la société d'État. Nous croyons
que ces audiences constituent une bonne occasion de préparer l'avenir et
de réévaluer, au besoin, les concepts généraux qui
sont la base de la stratégie d'Hydro-Québec. Il ne faudrait
d'ailleurs pas hésiter à élargir le mandat
d'Hydro-Québec, comme il a été fait en 1983, lorsque
l'exportation d'électricité est devenue une de ses valeurs, afin
d'accorder ça aux nouvelles réalités
énergétiques.
Le gouvernement du Québec doit aussi assumer un leadership social
en matière d'économies d'énergie et d'efficacité
énergétique, de même qu'en recherche et
développement dans ces domaines. On devrait, entre autres, redonner au
Bureau de l'efficacité énergétique des moyens suffisants
pour jouer son rôle essentiel dans le domaine de l'efficacité
énergétique et des énergies renouvelables.
Examinons maintenant comment les économies sont essentielles dans
le domaine énergétique pour passer le cap de la fin du
siècle. Comme l'échéancier de construction
d'Hydro-Québec ne peut être devancé davantage, il serait
essentiel de s'en tenir rigoureusement au taux de croissance prévu de
2,8 % de 1989 à 1996 et de 1,5 % entre 1996 et l'an 2006. Cette
prévision nous semble cependant très optimiste, compte tenu de la
croissance moyenne d'environ 7 % qui a été enregistrée au
cours des 5 dernières années.
Même si l'aménagement des grands bassins
hydroélectriques comme ceux de la rivière Grande Baleine et des
rivières Nottaway, Broadback et Rupert semble inévitable, il
importe toutefois de faire en sorte que ces projets soient
réalisés sans précipitation et en minimisant leurs
conséquences environnementales. Il faut, à cet égard,
rappeler que l'efficacité énergétique devrait constituer
un élément essentiel de toute préoccupation
environnementale et un instrument privilégié
d'amélioration de la qualité de vie. La commission Brundtland l'a
souvent répété, et l'AQME croit fermement en cette
maxime.
De façon plus générale, nous croyons qu'il faut
discuter dès maintenant des sources d'énergie qui devront
êtes mises à profit au-delà des 18 000 mégawatts qui
ont été identifiés comme "économiquement
aménageables" par les experts d'Hydro-Québec. À cet
égard, Hydro-Québec devrait dé/à songer à
diversifier ses sources d'énergie électrique. La
cogénération, le gaz naturel, l'énergie nucléaire,
la biomasse, le vent, le soleil devraient être constamment
évalués en parallèle avec l'énergie hydraulique. Ce
n'est qu'à la lumière de cette vision globale que nous pourrons
définir l'ampleur de l'effort technologique et financier à
consentir dès aujourd'hui dans l'efficacité
énergétique et les économies d'énergie. (16
heures)
Regardons maintenant en quoi les économies d'énergie et
l'efficacité énergétique sont sous-exploitées au
Québec. Le programme d'économie d'énergie proposé
par Hydro-Québec est à la fois très ambitieux, compte tenu
de ce que nous avons pu observer au cours des cinq dernières
années, et peut-être insuffisant, compte tenu de la faible marge
de manoeuvre dont nous disposons, et que nous venons de décrire. Il
faut, d'autre part, s'assurer du réalisme des objectifs
d'économie d'énergie qui seront inclus dans le plan de
développement final d'Hydro-Québec. Sinon, on risque de ne pas
pouvoir répondre à la demande ou encore de devoir mettre en place
des solutions de dépannage qui seront beaucoup plus coûteuses
comme, par exemple, l'importation de puissance de pointe ou la construction de
centrales thermiques.
Il faut investir dans les économies d'énergie et
l'efficacité énergétique, non seulement parce que cela est
souhaitable en termes économique et environnemental, mais parce que
cette contribution à l'équilibre énergétique du
Québec risque de devenir essentielle, si un moindre retard intervient
dans le programme d'équipement ou si la croissance de la demande est
légèrement plus forte que prévu. L'AQME croit donc que
l'efficacité énergétique et les économies
d'énergie devraient faire l'objet d'une politique à long terme de
la gestion de la demande. Trop souvent, on a eu l'impression que de telles
initiatives ont été mises de l'avant pour réagir à
des événements ponctuels comme des difficultés de
livraison ou un programme d'équipement poussé à la
limite.
Une telle politique à long terme permettrait surtout
d'éviter des soubresauts de l'équilibre offre-demande qui ont
souvent forcé HydroQuébec à transmettre des signaux qui
peuvent sembler contradictoires dans l'esprit des consommateurs, aussi bien
individuels que corporatifs.
Dans la situation actuelle, l'AQME croit donc que les objectifs de
réduction de la demande anticipée devraient se faire plus
pressants pour conduire à des résultats tangibles dès les
premières années du plan de développement. Nous
démarrons déjà avec un certain retard, nous ne pouvons
plus nous permettre de perdre encore quelques années.
Il faut, entre autres, corriger dès maintenant les mauvaises
habitudes de gaspillage que nous avons prises au cours des dernières
années d'insouciance énergétique. Hydro-Québec, qui
est elle-même une grande utilisatrice d'électricité doit,
d'ailleurs, donner l'exemple, notamment en matière de chauffage à
l'électricité. On répète souvent que
l'électricité est une forme d'énergie noble et ne doit pas
être réduite à ne produire que de la chaleur. Cela est
aussi vrai pour Hydro-Québec que pour tout autre consommateur.
Pour établir sa proposition de plan de développement,
Hydro-Québec a évalué que plus de la moitié du
potentiel d'économie d'énergie se trouve dans les secteurs
domestiques, contre à peine plus de 15 % dans les secteurs industriels.
Il nous semble cependant que le fait de consentir des tarifs
énergétiques avantageux aux industries, évidemment, afin
de favoriser leur compétitivité économique, ne les porte
pas, par contre, à investir dans l'efficacité
énergétique.
De façon plus générale, nous encourageons
Hydro-Québec à être plus créative dans
l'élaboration de sa tarification. Les tarifs industriels pourraient, par
exemple, être augmentés, si on s'assurait de réinvestir ces
revenus supplémentaires dans ce secteur spécifique, afin d'y
favoriser l'efficacité énergétique. Hydro-Québec
devrait développer et mettre à la disposition de ses clients les
instruments qui leur permettraient de prendre conscience de leur niveau
d'efficacité énergétique et de gérer
eux-mêmes leur consommation d'énergie.
Analysons maintenant pourquoi il faudrait investir davantage dans les
économies d'énergie et l'efficacité
énergétique. Le financement constitue un facteur-clé pour
la réussite de tout programme d'efficacité
énergétique et d'économies d'énergie. À cet
égard, l'AQME est d'avis que l'énergie économisée
devrait bénéficier d'un avantage en termes de prix
équivalent. HydroQuébec entend cependant limiter ses
investissements en matière d'économie d'énergie à
l'écart entre son coût marginal de production et son prix moyen de
vente. En termes clairs, HydroQuébec ne veut investir plus qu'elle
n'économise elle-même grâce aux économies
d'énergie. L'AQME croit, au contraire, qu'il faut investir davantage
pour économiser une certaine quantité d'énergie que pour
produire cette même quantité d'énergie. Compte tenu de
l'incertitude liée aux coûts d'aménagement des ressources
hydroélectriques et du coût environnemental de ces projets,
l'efficacité énergétique devrait bénéficier
d'un avantage significatif en termes de prix équivalent. Le recyclage
énergétique de la biomasse résiduaire des déchets
urbains devrait également bénéficier d'un tel avantage
économique.
Au cours de la prochaine décennie, HydroQuébec
prévoit investir 62 000 000 000 $ dans l'ensemble de son programme
d'équipement, comparativement à moins de 1 500 000 000 $ dans ses
iniatives d'efficacité énergétique. Nous croyons que cet
effort financier devrait être beaucoup plus substantiel et être
constitué exclusivement d'investissements directs. Une plus grande part
des revenus additionnels générés par les augmentations de
tarifs devrait également être directement investie dans
l'efficacité énergétique et les économies
d'énergie.
L'efficacité énergétique est une industrie qu'il
faudrait favoriser. L'AQME est persuadée que l'efficacité
énergétique n'est pas un frein à la croissance
d'Hydro-Québec pas plus qu'elle ne l'est pour le développement
économique de la
société québécoise. L'efficacité
énergétique et les économies d'énergie constituent
à nos yeux un secteur d'activités dont on sous-estime constamment
ie potentiel. Les investissements en efficacité
énergétique peuvent devenir un facteur de développement
économique tout aussi performant que ne le sont les investissements
masstfs dans la production d'énergie.
Un grand nombre d'entreprises québécoises, et plusieurs
sont membres de notre Association, sont déjà à même
de développer une expertise exceptionnelle en matière de
maîtrise de l'énergie, et nous croyons qu'Hydro-Québec
devrait supporter l'émergence de cette nouvelle industrie de la
maîtrise d'énergie. Les fournisseurs de produits et de services
dans le domaine de l'efficacité énergétique et des
économies d'énergie devraient pouvoir jouir d'un support
équivalent à celui dont ont bénéficié les
concepteurs et les constructeurs de grands équipements de production
énergétique.
Tout comme notre expertise dans la production d'énergie est
maintenant exportée à l'échelle internationale, il
pourrait en être de même, dans quelques années, de
l'expertise que nous pourrions développer en matière
d'utilisation efficace de l'énergie électrique. C'est toute une
industrie qu'il s'agit maintenant de développer dans ce secteur, une
industrie dont l'avenir ne peut être que très prometteur dans un
contexte de développement durable. La maîtrise de l'énergie
doit être un processus planifié et à long terme. Si la
notion de développement économique durable est davantage qu'un
simple slogan promotionnel, il faut dès maintenant penser à
l'évolution à long terme de la situation
énergétique du Québec.
Alors que nous négocions actuellement des contrats fermes
d'exportation qui ne viendront à échéance que dans un
quart de siècle, HydroQuébec s'en tient à une
planification de 10 ans dans son programme d'équipement. Qu'allons-nous
faire après que les 18 000 mégawatts économiquement
aménageables auront été mis en production?
L'approvisionnement en énergie électrique renouvelable que
nous offre le territoire québécois constitue un patrimoine dont
la valeur exceptionnelle deviendra de plus en plus évidente avec les
années. Nous ne pouvons plus nous permettre d'hypothéquer cette
richesse par le gaspillage, aussi bien des consommateurs domestiques et
commerciaux qu'industriels. Nous avons tous, fournisseurs, utilisateurs et
décideurs, la responsabilité de préparer dès
maintenant l'atterrissage en douceur de la société
québécoise dans une ère de plafonnement de notre
capacité de production hydroélectrique. L'AQME est, quant
à elle, convaincue que le succès de cette transition
économique et sociale repose avant tout sur une meilleure maîtrise
de l'énergie. L'atteinte des objectifs d'efficacité
énergétique que s'est donnés Hydro-Québec constitue
évidemment une étape primordiale de cette transition qui ne
pourrait être réalisée sans le concours des efforts
soutenus de tous les partenaires du secteur de l'énergie.
En conclusion, j'aimerais résumer en six points le message que
l'AQME veut laisser à cette commission dont nous félicitons,
encore une fois, la tenue. L'AQME, de pair avec l'ensemble des
bénévoles qui la supportent, croit en la nécessité
d'un programme d'efficacité énergétique fort,
cohérent et permanent comme charnière de plan de
développement d'Hydro-Québec. Il faudra toutefois être
très vigilants pour que ces programmes gardent leur caractère
permanent au-delà des aléas de la conjoncture économique
et politique. Il y aura lieu de considérer sérieusement
l'extension du mandat confié à HydroQuébec à cet
effet. Un tel programme aura sans doute des effets Industrialisants importants
au Québec. Il permettra en outre, s'il est installé dans le cadre
d'une planification à long terme et s'il est protégé par
une certaine vigilance, de catalyser le développement du noyau
industriel déjà bien implanté au Québec en
matière d'efficacité énergétique.
Quatrièmement, le défi pour Hydro-Québec sera de
taille. Tous les intervenants importants de la scène
énergétique québécoise, le gouvernement le premier,
doivent s'engager à en faire un rèei succès à long
terme comme partenaire privilégié.
Cinquièmement, l'efficacité énergétique doit
être considérée plus que comme une marge de manoeuvre
temporaire dans le plan de développement de l'électricité
au Québec. Elle doit être la clé de voûte d'une
politique de développement économique durable et
équilibré au Québec. Elle dort être planifiée
à long terme et avec autant de minutie que ne l'est l'offre de
l'énergie.
Sixièmement, le défi est grand et Hydro-Québec aura
besoin du support de tous les partenaires québécois importants
sur la scène énergétique. L'AQME est déjà au
rendez-vous depuis sa création et elle s'est fixé, comme mission
première, de promouvoir l'efficacité énergétique
Elle mettra son expérience à contribution dans toutes les
opportunités de collaboration qui se dessineront. Nous vous remercions
de votre attention et de l'opportunité que vous nous avez donnée
d'être entendus aujourd'hui.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions.
Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Sainte-Marie, Mme Tanguay et Mme Brousseau, en vous
remerciant de vous être présentés devant la commission
parlementaire, vous féliciter de votre document, qui est fort
intéressant et surtout d'actualité.
Dans votre document, vous souhaitez qu'Hydro Québec devienne le
fer de lance de l'efficacité énergétique au Québec
et vous précisez que l'AQME est persuadée qu'Hydro-
Québec a à la fois la capacité et la
responsabilité de gérer la transition qui s'impose dans notre
société. Et vous ajoutez: "II ne faudrait d'ailleurs pas
hésiter à changer le mandat d'Hydro-Québec afin de
l'accorder aux nouvelles réalités
énergétiques."
Parallèlement, vous estimez que le gouvernement du Québec
doit assumer un leadership social en ces matières. En
conséquence, à la page 4: "...que le gouvernement provincial
devrait adopter une stratégie globale, un programme d'objectifs
précis en matière d'efficacité énergétique
et d'énergies renouvelables."
Je crois comme vous que la situation exige le concours, les efforts
soutenus de tous, que ce soient les fournisseurs, que ce soient les
utilisateurs et, aussi, les décideurs. J'aimerais cependant que vous
éclalrcissiez les rôles respectifs que vous souhaitez voir tenir
soit par le gouvernement du Québec, soit par Hydro-Québec.
J'aimerais aussi, en môme temps, que vous précisiez le rôle
de votre Association et le rôle que votre Association est prête
à assumer pour assurer la progression de l'efficacité
énergétique.
M. Sainte-Marie: Comme nous l'avons mentionné lors de
notre allocution, la maîtrise de l'énergie et de
l'efficacité énergétique, c'est l'affaire de tous.
Hydro-Québec étant évidemment le principal producteur
d'électricité au Québec, elle se doit, avec les moyens
financiers dont elle dispose, de faire la promotion de la maîtrise de
l'énergie. Par contre, on voit difficilement Hydro-Québec faire
la promotion de l'efficacité énergétique dans les autres
sources d'énergie. On voit, à ce moment-là, selon les
discussions que nous avons eues avec notre "membership", qu'on...
Écoutez, il est très important, pour mobiliser les entrepreneurs
et les industriels, que le gouvernement prenne une position claire en faveur de
l'efficacité énergétique.
Souvent, lors de nos discussions, on nous a même dit qu'autant au
niveau fédéral qu'au niveau provincial il semblait de moins en
moins évident que le gouvernement prônait l'efficacité
énergétique, d'où un désintéressement au
niveau des présidents d'entreprises pour ce secteur, un
désintéressement aussi... Il y a certains de nos membres qui
étaient chefs de service dans les secteurs de gestion de
l'efficacité énergétique et ces postes ont
été abolis avec les années, parce que la perception d'une
stabilisation des prix de l'énergie était telle qu'il n'y avait
plus d'intérêt pour les entreprises à gérer de
façon efficace. Dernièrement, il y a eu un regain de vie au
niveau de l'efficacité énergétique. À l'AQME,
l'ensemble de nos membres nous dit qu'il faut que le gouvernement soit
présent pour faire une politique à long terme dans l'ensemble du
Québec pour que l'ensemble des sources d'énergie soit
utilisé de façon plus efficace.
Hydro-Québec, au niveau électrique, évidemment,
doit être le fer de lance, doit diriger, doit proposer un ensemble de
solutions à sa clientèle et, par la suite, elle devrait mettre en
pratique et aider ses clients à les mettre en oeuvre.
Pour ce qui est de l'AQME, nous, avec nos modestes moyens, nous avons
essayé, au cours des cinq dernières années, de faire
beaucoup de transferts d'information. Nous publions des revues tous les
trimestres qui font part des réalisations concrètes dans le
domaine de l'efficacité énergétique. Ça n'a pas
toujours été facile, parce que, si on se rappelle il y a cinq
ans, le domaine de l'efficacité énergétique était
quand même très peu reconnu au Québec. Maintenant, avec
l'intervention des ministères, avec les gens du BEE, avec tous ces
intervenants dans le domaine, l'efficacité énergétique
revient sur le tapis. (16 h 15)
Donc, nous croyons fermement que, finalement, c'est le client qui va
voir à la fin qu'il y a un intérêt pour lui, autant
économique au niveau des industriels qu'au niveau budgétaire pour
les institutions, à utiliser l'énergie de façon efficace.
Et c'est de concert avec tous ces gens que nous pourrons arriver à un
meilleur rendement énergétique au Québec.
Mme Bacon: Quels sont les potentiels d'économie
d'électricité qui pourraient être identifiés par
votre organisme, par exemple, dans les différents secteurs de
consommation au Québec? Et est-ce que ces économies
d'électricité impliquent le recours à d'autres sources
d'énergie?
M. Sainte-Marie: J'aimerais pouvoir vous dire que le potentiel
d'économie d'énergie électrique dans le domaine industriel
est de 82,3 %. Malheureusement, je ne peux faire ça. Nous, ce qu'on a
recueilli de la part de nos membres, ce sont des faits concrets. Il y a
certains de nos clients qui ont implanté une nouvelle technologie et qui
vont économiser jusqu'à 40 % sur les coûts de production
énergétique. Évidemment, on ne peut
généraliser ça à l'ensemble du secteur industriel.
Mais il y a des technologies qui existent et qui sont disponibles maintenant,
qui demandent seulement à être implantées.
Au niveau des autres secteurs de l'industrie et de l'efficacité
énergétique, je pense que Mme Tanguay peut apporter un
complément de réponse.
Mme Tanguay (Danielle): Mon nom est
Danielle Tanguay et je suis membre du comité exécutif de
l'AQME. Ce que je voudrais faire ressortir, c'est l'importance de la question
de Mme Bacon en posant la question des potentiels. Lorsque, depuis des
années, on essaie de regarder ce qu'on fait dans le domaine des
économies d'énergie, on se bute systématiquement à
l'évaluation de l'univers des économies qu'on peut
aller chercher. On se bute au fait qu'on ne connaît pas
l'infrastructure môme de production, tant dans nos industries, où
se consomme l'énergie d'une façon systématique, qu'au
niveau commercial et au niveau résidentiel.
L'AQME n'est pas un organisme qui, par ses ressources qui sont
essentiellement constituées de bénévoles, fait des
études sur les évaluations de potentiels. Nous devons, nous,
quand nous nous référons à certains potentiels, nous
référer à ceux qui sont émis par différents
organismes qui ont plus de ressources que nous. Mais ce que nous voudrions
faire ressortir, c'est qu'il ne faudrait pas s'arrêter à la
difficulté de ne pas évaluer les potentiels pour nous
empêcher d'aller de l'avant dans ce secteur-là. Je dois dire
qu'Hydro-Québec doit rencontrer les mêmes problèmes que la
plupart des fournisseurs d'électricité et de gaz en
Amérique du Nord. Présentement, la plupart des programmes visant
les économies d'énergie et la gestion de la demande, qu'on
appelle en bon français, "demand side management" ou gestion axée
sur la demande, commencent par ce premier élément d'investigation
au niveau des potentiels. Il faut dire que peut-être on aurait dû
commencer par les investiguer, mais je pense qu'il faut d'ores et
déjà aborder cela d'une façon systématique et ne
pas retarder nos actions à cause des incertitudes qu'on pourrait avoir
sur ces potentiels.
Mme Bacon: Est-ce que les économies d'énergie
peuvent influencer de façon significative ou de façon permanente
la consommation d'électricité des secteurs d'activité de
l'économie québécoise, incluant le secteur
résidentiel? Il y a l'industriel et le résidentiel aussi.
M. Sainte-Marie: O.K. Au niveau résidentiel, on touche
à un secteur qui est le confort des gens. Les enquêtes, les
études de marché qui ont été
réalisées dans ce domaine de l'énergie, au niveau
résidentiel, nous indiquent que l'énergie est vraiment une
utilité publique. On ne se préoccupe pas de l'énergie tant
que la fournaise ne brise pas. Pour conscientiser la population à faire
un effort et à diminuer son efficacité énergétique,
et nous croyons que ça peut être un... Sur l'ensemble de la
consommation du Québec, surtout si on regarde au niveau du chauffage et
du chauffage de l'eau chaude, il y a lieu de travailler, de sensibiliser la
clientèle. On peut arriver, avec moins d'énergie et avec un
confort égal, à économiser l'énergie pour que cette
énergie-là puisse servir à des fins plus utiles.
Mme Bacon: D'accord.
M. Sainte-Marie: Danielle, je pense, voulait ajouter quelque
chose.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez un
élément de réponse, madame?
Mme Bacon: Allez-y, je vous en prie, madame.
Mme Tanguay: J'aimerais peut-être ajouter un point
d'information supplémentaire. Vous demandiez dans quelle mesure les
économies d'énergie peuvent avoir une influence permanente sur la
consommation d'électricité, ou d'autres sortes d'énergie,
dans les différents secteurs. Je pense qu'il y a lieu de distinguer deux
types d'actions qui peuvent avoir des incidences plus ou moins permanentes Dans
le cas des actions de sensibilisation, je pense que c'est du travail "de
bâton de pèlerin" qu'il faut faire systématiquement et de
façon continue Ce travail de sensibilisation et d'information est
Important pour changer tranquillement les comportements. Ces comportements
peuvent varier essentiellement et, évidemment, en fonction de
différentes autres Incitations. Ce que Je voudrais dire, c'est que,
quand on travaille au niveau des investissements dans l'infrastructure de
consommation d'énergie, si on change certains équipements, que ce
soient dans le secteur résidentiel, commercial ou industriel, ces
équipements-là sont en place et, quel que soit le comportement
plus ou moins cohérent des consommateurs, les équipements seront
en place et garantiront cette permanence. Alors il y a deux
éléments. Il y a l'élément comportement qui peut
varier et, à ce niveau-là, il faut être vigilants et
réinjecter systématiquement; II y a un rôle
systématique du gouvernement là-dedans. Et il y a les
éléments investissements en équipement. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
madame. M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président.
Vous touchez dans votre mémoire, tout particulièrement aux
pages 7 et 11, tout ce qui regarde la problématique de conservation et
d'utilisation efficace de l'énergie. Vous touchez aussi, à la
page 11, avec justesse d'ailleurs... Je pense que ce qui fait la fierté
aujourd'hui de beaucoup de Québécois, c'est de voir qu'à
partir du développement de l'hydroélectricité nous avons
développé une masse de recherche et de développement au
niveau de la production qui est fantastique, parce qu'on est probablement les
leaders mondiaux et qu'on peut exporter cette capacfté-là. Mais
vous vous trouvez aussi à dire. Attention, on a un retard au niveau de
la conservation. Il y a peut-être un autre genre d'expertise qu'on
pourrait regrouper et on pourrait assumer aussi ce rôle de chef de file
et exporter cette technologie-là.
Moi, ma question est celle-ci. Si on prend pour acquis qu'on a un
retard au niveau du développement de cette technologle-là, on
veut faire un accroissement de connaissances à
quelque part, mais comment peut-on combler le retard d'une façon
rapide, si je crois l'ampleur du retard que vous donnez dans votre
mémoire? En d'autres mots, est-ce qu'il ne serait pas
préférable, dans un premier temps, d'Importer cette
technologie-là, quitte à la raffiner, à la
redévelopper, à la redessiner pour qu'on puisse, dans un
deuxième temps, l'exporter?
M. Sainte-Marie: Les chiffres que l'on possède à ce
sujet nous indiquent qu'environ 30 % des produits efficaces en économie
d'énergie proviennent du Québec. Les 70 % additionnels sont
importés, présentement. Donc, effectivement, devant le manque de
structures manufacturières dans ce domaine, on doit Importer ces
produits. On le fait déjà. Par contre, ce qu'on prône,
c'est que, s'il y a une politique claire et à long terme,
c'est-à-dire au moins cinq ans, qui dit que, oui, le Québec se
lance dans le développement durable et l'efficacité
énergétique, nos hommes d'affaires, comme vous l'avez vu, ce
matin, avec M. Lemai-re, lorsqu'il y a une opportunité de le faire, ils
vont y aller. Mais il faut que ça soit clair que ce n'est pas pour deux
ans et que demain matin on change d'idée. SI c'est là, une
Industrie va se développer et je pense qu'il faut la soutenir, cette
industrie-là.
Je peux vous donner un exemple. Il y a des experts en efficacité
énergétique qui ont survécu au cours des cinq
dernières années, au Québec, avec un prix d'énergie
très bas mais Ils ont réussi à faire des produits
efficaces en énergie et à vendre ces produits-là
malgré ce contexte Imaginez-vous lorsque toute cette expertise qui a
été développée va pouvoir être agrandie
à l'ensemble du Québec avec d'autres opportunités. On va
être très certainement en mesure de défendre notre point de
vue. Danielle.
Mme Tanguay: Est-ce que vous me permettez d'ajouter quelque
chose?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Tanguay: Je pense qu'il y avait deux volets à votre
question: un volet de dimension technologique, et on a une
réalité au Québec qui fait que certaines technologies
doivent être importées, et aussi la dimension, comme le disait mon
collègue, de l'expertise-conseil. À l'instar de ce qu'on a comme
expertise-conseil au niveau de l'offre d'énergie, le Québec est
très bien équipé, présentement, en
expertise-conseil pour supporter ces programmes de développement de la
demande gérée, si je peux dire. Cette expertise-conseil est
suffisamment forte pour que déjà on se réfère
à cette expertise à l'exportation pour faire de la formation dans
des pays de la francophonie, par exemple. Alors, il y a lieu de bien comprendre
qu'il est clair qu'il faut accélérer le développement des
technologies, d'autant plus qu'Hydro-Québec, par le passé, par
ses actions et ses plans de développement, a définitivement eu
des impacts industrialisants marqués au Québec. Il y a lieu de
mettre l'emphase sur le développement des technologies au Québec
mais de faire confiance, aussi, et de supporter et de développer
l'expertise-conseil technique, technologique qui, elle, va servir de fer
d'introduction chez le client en complémentarité avec
Hydro-Québec.
M. St-Roch: Est-ce que je pourrais, M. le Président, pour
une autre brève question?
Le Président (M. Bélanger): Une dernière
question, rapidement.
M. St-Roch: Le plan qui a été déposé,
de 1 800 000 000 $ d'Investissements, est-ce que ça répond
à ces critères-là?
M. Sainte-Marie: Le plan est un très bon début. On
pense que c'est déjà très ambitieux et l'ampleur du
défi est tellement grande qu'on est très content que ça
commence maintenant. On espère que, dans l'avenir, ça va
être plus précis, parce que c'est quand même des projets qui
restent à définir, mais on est très enthousiastes face au
dépôt de ce plan-là de 1 800 000 000 $. Mme Tanguay, je
pense, veut compléter.
Mme Tanguay: Lorsqu'on parle d'un programme qu'on
considère ambitieux, il faut bien caractériser ce qu'on veut
dire. Le programme est ambitieux dans la mesure où il va devoir
mobiliser plusieurs ressources financières, mais aussi humaines. Ces
ressources humaines, du fait qu'on traite avec de la demande qui est
très décentralisée et qui se retrouve en région,
devront se référer à une expertise
décentralisée. C'est ambitieux dans la mesure où il faudra
savoir bien gérer ces ressources qui vont mettre de l'avant ce plan de
développement. C'est ambitieux aussi au niveau des objectifs, je dois le
dire; seulement trois à cinq fournisseurs d'électricité
nord-américains, présentement, ont des objectifs ou des cibles de
taille comparable. Par contre, II est difficile pour nous de savoir dans quelle
mesure ces objectifs représentent des défis très
importants, dans la mesure où on ne sait pas si ces objectifs
fixés pour l'ensemble de la période jusqu'à l'an 2000
pourront se réaliser en dedans de cinq ou dix ans. On ne sait pas, si on
s'était fixé des objectifs à court terme, si on serait
capables de les réaliser.
Le programme est ambitieux parce que, pour être
réalisé, on doit se référer à une
connaissance des marchés, à une connaissance de la
clientèle. On doit donc se référer aussi à des
alliances avec des tierces parties qu'on a déjà
développées pour pouvoir le mettre de l'avant déjà.
On doit aussi être capables, déjà, pour le mettre de
l'avant rapidement, d'avoir développé la logistique de livraison
de ces programmes-là. Hydro-Québec semble avoir une base
déjà déve-
loppée là-dessus, mais limitée, dans la mesure
où, d'accord, elle ne part pas du point zéro, dans la mesure
où elle a déjà développé des alliances
stratégiques avec les intervenants, mais on ne sait pas dans quelle
mesure l'organisation de son terrain ou la livraison des programmes sera
suffisante, dans la mesure où on n'a jamais livré les ressources
en place, où on n'a jamais mandaté les ressources en place, chez
HydroQuébec, de la responsabilité de livrer plusieurs programmes,
36 programmes de front, en même temps. Donc, à ce
niveau-là, c'est ambitieux, au niveau des ressources à mobiliser.
Par contre, Hydro-Québec part avec certains avantages, comme la plupart
des fournisseurs d'énergie présentement En fait, elle peut
bénéficier, présentement, de l'expérience des
succès et des échecs des autres fournisseurs
d'électricité qui se sont déjà engagés, il y
a quelques années, dans les programmes de gestion de la demande et
d'efficacité énergétique. D'autres avantages, aussi. On
parlait des technologies, récemment, précédemment...
Le Président (M. Bélanger): Mme Tanguay, je
m'excuse de vous interrompre. C'est très intéressant, mais je
suis obligé, à cause des retards qu'on a, de faire une gestion
très serrée..
Mme Tanguay: Du temps?
Le Président (M. Bélanger): ...du temps Je dois
céder la parole à l'Opposition. Vous m'en excuserez.
M. Claveau: II n'y a pas de problème, M. le
Président. Je vais leur remettre la parole très rapidement, parce
que l'exposé est définitivement intéressant et ouvre des
pistes nouvelles dans la discussion. Avant de revenir là-dessus, par
contre, Mme Tanguay, j'aurais une première question à poser.
À partir de votre mémoire, vous dites, d'abord, dans un premier
temps, qu'Hydro-Québec pourrait ou que l'on pourrait, en tant que
société, annuler des grands travaux, dans ce qui est prévu
au plan de développement. Vous parlez de cela en tout début de
votre mémoire et puis vous dites, après ça... Bon,
là vous avez parlé de la partie ambitieuse, si vous voulez, des
mesures d'économies d'énergie. Et, en contrepartie, en page 4,
vous venez nous dire que le processus d'aménagement des rivières
de la Grande Baleine, de la Nottaway, de la Broad-back et de la Ruppert,
semble, à toutes fins pratiques, irréversible. J'aimerais vous
entendre là-dessus et vous entendre préciser aussi quels sont les
grands travaux qui devraient être abandonnés, si ceux qui sont les
plus grands sont irréversibles. (16 h 30)
M. Sainte-Marie: D'accord. J'aimerais préciser,
effectivement, ce qui a été décrit dans le mémoire.
Pour arriver à une conclusion, nous allons partir de la prémisse
suivante. Nous supposons que le scénario cible d'Hydro-Québec se
réalise En analysant ce scénario cible, on se rend compte que,
pour la construction de Grande Baleine, près de 44 % de l'augmentation
prévue de consommation est due au secteur industriel qui est la fonte et
l'affinage Évidemment, on n'est pas en mesure de se prononcer sur la
politique québécoise de développement économique.
Ce qu'on se dit, ce qu'on constate, c'est que la construction de Grande
Baleine, si elle est basée, en grosse partie, sur le
développement d'une seule industrie qui est l'aluminium, c'est
peut-être risqué. En travaillant dès maintenant avec les
efficacités énergétiques, si la demande dans ce type
d'Industrie fluctue, à ce moment-là, ça va augmenter notre
marge de manoeuvre. Pour ce qui est des autres travaux qui sont
déjà planifiés, on ne pense pas que les résultats,
en domaine d'efficacité énergétique, puissent être
suffisamment rapides pour annuler ces travaux. Par contre, lorsqu'on parle de
NBR dans l'échéancier temps, à ce moment-là, les
réalisations pourraient peut-être nous porter à
réévaluer le besoin de NBR, mais, pour ce qui est des projets qui
précèdent Grande Baleine et Grande Baleine elle-même,
ça serait très difficile d'annuler ce genre de projet
là.
D'autre part, lorsqu'on regarde à court terme, si la
société a une décision à prendre, quelles sont les
autres alternatives qui pourraient être utilisées, à part
la construction d'une centrale? Il existe peut-être un réseau
gazier qui pourrait, dans certains cas, répondre à certaines
demandes de nos industriels, mais, dans des procédés comme
l'électrolyse, au niveau de l'aluminium ou du magnésium, il
n'existe pas d'autres sources d'énergie qui peuvent remplacer
l'électricité. C'est pourquoi nous disons que, dans la mesure du
possible, les efficacités énergétiques peuvent retarder,
dans certains cas, certains projets; on parle de plus long terme. À
court terme, nous pensons que l'alternative qui est choisie est la
meilleure.
M. Claveau: O.K. En contrepartie, il y a d'autres groupes qui se
sont présentés et II y en a d'autres qui vont se présenter
dans les prochains jours qui prétendent eux que, finalement, on pourrait
très bien amorcer très rapidement un virage de ce
côté-là qui ferait en sorte que l'on pourrait investir dans
de nouvelles technologies, dans de nouvelles formes d'énergie, soit
à partir du solaire, ou à partir de la récupération
de déchets ou de résidus forestiers, ou encore par le biais du
gaz naturel ou autrement, ce qui nous amènerait à éliminer
ou à requestionner globalement tous les développements qui ne
sont pas en place actuellement, y compris la Grande Baleine
Là-dessus, je reviendrais peut-être sur ce que vous disiez
tout à l'heure, au moment où on
vous a coupé la parole, Mme Tanguay, sur la question des
économies d'énergie. Supposons que l'on donne à
Hydro-Québec un mandat ferme, très précis et que l'on
oblige Hydro-Québec aussi à y mettre les moyens, d'une
façon ou d'une autre, massivement. Il y a un certain nombre de
problèmes de consommation énergétique qui sont
déjà identifiés où on n'a pas besoin de
s'épivar-der de midi à quatorze heures, on connaît les
problèmes en termes d'isolation, en termes de système de
chauffage, de mauvaise utilisation de surface. Par exemple, on prend les
hangars, juste au niveau du gouvernement, je suis certain que, si on faisait
attention aux portes de hangars du ministère des Transports, l'hiver,
quand on rentre et qu'on sort les charrues, il y a bien des chances qu'on
sauverait du courant. Je connais des exemples, par exemple, au niveau des
con-tracteurs qui ont de plus en plus de difficulté à arriver
avec les soumissions et qui ont réglé une grosse partie de leur
note de chauffage de hangars et de garages juste en mettant des ventilateurs au
plafond qui refont une circulation d'air.
Alors, est-ce que vous ne pensez pas que, si on identifiait très
rapidement un certain nombre de problèmes ou de situations très
énergivores et que l'on se donnait les moyens pour intervenir rapidement
par l'implantation de nouvelles technologies ou des modifications
d'équipements, à ce moment-là, on ne pourrait pas,
à plus brève échéance, remettre en question les
investissements comme NBR et Grande Baleine?
M. Sainte-Marie: Pour ce qui est de NBR, peut-être; pour ce
qui est de Grande Baleine, nous croyons que ce serait très optimiste -
on parle en termes d'efficacité énergétique - de dire que
les mesures pourraient être implantées, en termes
d'économies d'énergie, suffisamment rapidement. Et nous avons de
la difficulté... Encore une fois, on vous a expliqué que ce genre
d'analyses nécessite des moyens considérables. Nous pouvons
difficilement affirmer que, si toutes ces mesures étaient mises en
place, ce serait suffisant pour diminuer la demande suffisamment pour ne pas
avoir besoin de construire Grande Baleine. Nous n'avons pas les informations
précises pour affirmer une telle chose. Nos membres nous disent que, si
on n'a pas l'Information, d'après ce qu'ils nous disent, on peut
difficilement faire des affirmations si nous n'avons pas les chiffres. Donc,
c'est pour ça qu'on... SI les organismes en question font ces
affirmations, ils doivent avoir des études sur lesquelles se fier pour
faire ces affirmations. Malheureusement, nous ne possédons pas ces
études. Donc, d'après les informations que nous avons, nous
concluons que, probablement, pour NBR, le délai serait suffisant, mais
pas pour Grande Baleine. Je pense que Mme Tanguay a un élément
additionnel à vous communiquer.
Mme Tanguay: Je remercie de m'avoir relancé la parole par
votre question, d'une certaine façon. Pour répondre à
votre question, vous demandez dans quelle mesure, si on donne les moyens
massifs et si on structure des programmes qui se réfèrent aux
différentes mesures dont vous nous avez parié, il y aurait lieu
de faire infléchir la demande suffisamment pour retarder des
décisions globales de planification à long terme. Je dois dire
que les programmes mis de l'avant par Hydro-Québec dans son plan de
développement sont des programmes qui sont relativement connus, qui se
retrouvent dans certains programmes de développement des autres
fournisseurs d'électricité en Amérique du Nord, il n'y a
donc pas d'élément expérimental dans ces
programmes-là, ce qui nous laisse penser qu'il y aurait lieu quand
même de croire à un certain succès de ces
programmes-là. Par contre, je dois dire quelque chose. On ne
connaît pas les hypothèses de taux de participation des programmes
qui ont été mis de l'avant pour justifier les inflexions de
demande dans les prévisions des scénarios cibles. Donc, je ne
peux pas vous dire dans quelle mesure c'est réaliste ou pas.
Ce que je voudrais faire ressortir, par contre, c'est qu'il n'existe pas
ou qu'on n'a pas vu ce qu'on appelerait des plans de contingence, dans les
programmes mis de l'avant, si la demande est plus faible ou plus forte que ce
qu'on réussit à faire avec nos programmes. On travaille dans un
milieu - et c'est pour ça qu'on disait que le programme
représente des défis - où il y a beaucoup d'incertitude,
il est montré que plusieurs fournisseurs d'électricité en
Amérique du Nord - je m'y réfère encore parce que
ça donne un contexte de référence aussi - rapportent
certains échecs dramatiques de leurs programmes, pas parce qu'ils
avaient mis le paquet, et pas parce qu'ils n'avaient pas mis le paquet, et pas
parce qu'ils n'avaient pas bien conçu leurs programmes, mais des
échecs qui peuvent aller jusqu'à certains cas où on a eu
des 2 %, 4 % de participation parmi les populations admissibles. D'autre part,
il y a peu de programmes où on rapporte qu'ils ont été
surperformants.
Donc, pour faire une réponse longue dans une synthèse
courte, ce que je voudrais dire, c'est qu'il y a des incertitudes même si
on met le paquet. Il y aurait lieu, par contre, de faire des programmes qui
nous permettent de faire des scénarios alternatifs si ça marche
plus ou moins bien. Il y aurait lieu de faire un suivi très serré
de nos actions. C'est important de le faire. Et, à ce niveau-là,
que ce soit par Hydro-Québec, par le gouvernement ou d'autres
intervenants, mais je pense que les enjeux sont suffisamment grands pour...
Comme ces différents programmes sont relativement nouveaux dans notre
continent, on n'a peut-être pas suffisamment d'information pour avoir des
enjeux ou prendre ces risques-là, du moins, de retarder ou d'annuler
certains programmes. Mais, encore là, peut-être que les
autres groupes qui ont présenté ces assertions
étaient mieux documentés que nous sur ces potentiels ou les
réactions des populations à ces programmes-là.
M. Sainte-Marie: J'aimerais peut-être ajouter quelque
chose. C'est une gestion de risques. Si le programme d'efficacité
énergétique ne se réalise pas, quel est le risque pour la
société québécoise de manquer d'énergie
à la fin et - on le mentionne dans notre mémoire - de fabriquer
avec des centrales thermiques ou d'importer? C'est ça le risque qui est
dur à évaluer. Dans le doute, je pense qu'on peut assurer nos
arrières et, peut-être, entreprendre la construction d'un
barrage.
Mme Tanguay: Au niveau du risque - si je peux ajouter quelque
chose - je pense que ça vaudrait la peine de prendre le risque de faire
trop d'économies d'énergie ou de programmes, dans la mesure
où, en plus, notamment dans le secteur industriel, on dote les
industriels de moyens d'augmenter indirectement et même directement, si
ça touche leurs procédés, leur compétitivité
économique. Et ça, c'est Important et c'est un risque qu'il faut
prendre, aussi.
M. Claveau: En fait, si je comprends bien, vous dites.
Construisons suffisamment pour répondre au moins à la demande
prévisible à moyen terme, tout en mettant en place des
éléments alternatifs qui, eux, pourront prendre la relève
à long terme.
Mme Tanguay: Et forts et permanents, avec une perspective de
planification à long terme qui éviterait toute perception en
dents de scie possible dans les actions à mettre de l'avant.
M. Claveau: Vous parlez, en page 7 de votre mémoire,
d'initiatives d'efficacité énergétique qui auraient
été mises en place pour réagir à des
événements ponctuels. Avez-vous des exemples de ça?
M. Sainte-Marie: On peut citer un exemple, c'est le cas du
programme biénergie où, malheureusement, Hydro-Québec a
dû investir de façon assez importante pour financer les
équipements chez les clients, et on a vu, à cause de
l'imprévision de la demande et des problèmes
d'hydraulicité, qu'Hydro-Québec a dû, pour répondre
à la pointe, cet hiver, racheter une grosse part de ses contrats. Donc,
mettez-vous dans la peau du consommateur ou de l'industriel qui fabrique des
produits, c'est assez ambigu comme message. Est-ce qu'on va favoriser la
gestion de la demande? Est-ce qu'on va se convertir à une source
d'énergie plutôt qu'à une autre? C'est assez difficile,
à ce moment-là C'est un des exemples qu'on pourrait citer.
M. Claveau: Vous parlez aussi, un peu plus loin dans votre
mémoire, des tarifs industriels qui ne favorisent pas
l'efficacité énergétique. En règle
générale, les industriels ont plutôt tendance à
croire qu'ils financent le résidentiel par le biais d'une relation de
cofinancement d'une catégorie de consommateurs à une autre.
Est-ce que vous pensez que ça serait en modifiant la tarification ou, un
peu à l'instar de ce que nous ont dit aussi d'autres qui sont Intervenus
avant vous, par exemple, en mettant des mesures coercltlves qui feraient en
sorte qu'au-delà d'une certaine consommation l'industriel aurait
avantage à s'équiper par lui-même ou, du moins, à
prévoir des équipements plus performants? J'aimerais que vous
soyez un peu plus précis là-dessus aussi, si c'est possible.
M. Sainte-Marie: À l'AQME, nous croyons fermement que,
lorsqu'une entreprise décide d'investir dans le domaine de
l'efficacité énergétique, à moyen terme, elle va
améliorer sa concurrentialité et, par la suite, elle va pouvoir
prendre une plus grande part du marché. À court terme, ça
peut sembler rébarbatif d'avoir une hausse tarifaire Injustifiée.
Nous, on croit fermement - et on le mentionne - que, s'il y a des moyens qui
sont pris pour réinvestir ces sommes dans des technologies efficaces et
qu'on prend les moyens pour qu'elles soient Implantées, à moyen
terme, comme l'a mentionné Mme Tanguay, ces entreprises-là vont
devenir beaucoup plus efficaces, beaucoup plus productives et vont accaparer
une plus grande part du marché.
On parlait tantôt d'intervenants; je pense que, si on regarde la
compagnie Cascades, le genre de contraintes, au niveau tarification, qui
peuvent exister en Europe a forcé la créativité de toutes
sortes de moyens au niveau efficacité énergétique, au
niveau production de chacune des usines qui peuvent maintenant être
implantés ici, avec intérêt. Je pense que ça, c'est
la façon dont on voit les choses.
Utiliser d'autres sources d'énergie? Je pense que ça aussi
on le mentionne très succinctement, au niveau de notre mémoire
L'électricité n'est pas nécessairement la meilleure
énergie au niveau chauffage. Est-ce qu'on va construire un barrage pour
utiliser de l'énergie seulement pendant les périodes d'hiver?
À ce moment-là, il y a moyen, surtout dans le domaine industriel
et dans le domaine du chauffage, d'avoir un mélange, un mixte, entre
guillemets, d'énergie qui pourra optimiser la demande du réseau
d'électricité et la demande des autres fournisseurs
d'énergie. (16 h 45)
Un exemple: la cogénération. Dans certains cas, le
coût de transport d'électricité devient tellement
onéreux qu'une usine de cogénération, qui devient
très efficace parce que la vapeur est récupérée
dans les procédés, peut produire de l'électricité
livrée à un moindre coût que le prochain barrage que l'on
va devoir construire. À
ce moment-là, oui, dans certains cas, pour un industriel,
ça peut être avantageux de se doter de moyens d'autoproduction
d'électricité. Et, si je me souviens bien, dans le document de
référence au niveau de la commission parlementaire, on parlait
d'un potentiel de 750 mégawatts possibles au niveau de la
cogénération. Je pense que c'est une avenue que des compagnies,
comme Cascades, ont déjà entreprise et qu'il y a moyen aussi de
travailler avec d'autres secteurs de l'industrie. Hydro-Québec, je
pense, s'attache à cette tâche-là.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. Si M. le député d'Ungava veut remercier nos
invités.
M. Claveau: Je tiens à vous remercier de l'excellence de
votre présentation. On peut, pour le moins, parier d'un discours
articulé et, disons, réfléchi sur la question globale des
expertises énergétiques pour le Québec, en espérant
que ce ne sera pas tombé dans l'oreille d'un sourd du côté
ministériel. Merci de votre présentation.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Je ne sortirai pas de mes gonds, M. le
Président, quant à la dernière remarque du
député parce que ce que je viens d'entendre est trop
intéressant pour se fâcher contre le député
d'Ungava. Et je dois dire que j'aurais aimé que nous puissions en
discuter encore beaucoup plus longtemps. C'est très bien
préparé, bien recherché. Votre recherche est fort
intéressante. Et, soyez assurés que c'est un ajout important
à la discussion que nous avons.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie l'Association québécoise
pour la maîtrise de l'énergie pour sa participation qualitative
à ses travaux et invite à la table des témoins
l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec.
Messieurs, pendant que vous prenez place, je vous explique nos
règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la
présentation de votre mémoire. Et je me dois de faire une gestion
du temps serrée puisque nous avons du retard et que, pour 18 heures,
nous devons avoir terminé, avant l'ajournement jusqu'à 20 heures.
Alors, dans un premier temps, je vous prierais de présenter votre
équipe, d'identifier votre porte-parole et de bien vouloir nous
présenter votre mémoire. Nous vous écoutons attentivement.
Je vous remercie.
Association des directeurs de recherche industrielle
du Québec
M. Tremblay (Pierre): Alors, l'Association des directeurs de
recherche industrielle du Québec est représentée
aujourd'hui par mon collègue, André Trudel, qui est directeur du
bureau de liaison pour la recherche et développement de
l'Université du Québec à Montréal - M. Trudel est
secrétaire de notre association; M. Jean-Marc Rousseau, qui est
vice-président recherche et développement de la compagnie Giro
inc., une société spécialisée dans les logiciels
d'exploitation de systèmes de transport, et, moi-môme, Pierre
Tremblay, directeur du centre de recherche et développement à
Arvida de la société Alcan. Vous me permettrez, pour souligner de
manière appropriée la tenue du congrès de l'ACFAS ces
jours-ci à Québec, de mentionner que mon collègue, M.
Rousseau, est le dernier récipendiaire du prix J.Armand-Bombardier de
l'ACFAS.
Je voudrais d'abord remercier la commission de l'économie et du
travail, de nous permettre de présenter nos vues sur la proposition de
plan de développement d'Hydro-Québec. Nos propos porteront
exclusivement sur le rôle de la société d'État dans
l'effort québécois de recherche et développement, le fer
de lance d'une industrie forte et compétitive. Nous pensons que, dans le
domaine du développement de l'assise technologique de l'industrie
québécoise, Hydro-Québec a un rôle unique et
prépondérant à jouer. L'ADRIQ, l'Association des
directeurs de recherche industrielle du Québec, est bien placée
pour commenter cet aspect du rôle économique
d'Hydro-Québec. L'ADRIQ a été créée en 1978
par des dirigeants de la communauté scientifique industrielle
québécoise. Et, en quelques années, l'Association est
devenue le porte-parole reconnu de cette communauté qui est responsable
de l'exécution d'activités de recherche et développement
représentant actuellement un budget annuel d'environ 1 000 000 000
$.
Dans ce bref exposé, nous comptons rappeler quelques
données sur l'effort québécois de recherche et
développement, souligner les secteurs Industriels qu'Hydro-Québec
peut contribuer à développer jusqu'à un niveau de
compétitivité internationale et, finalement, rappeler le
rôle considérable, en termes financiers, dévolu à la
société d'État dans la stratégie gouvernementale de
soutien à la recherche et développement.
Au terme de ce bref survol, nous espérons vous avoir convaincus
qu'il faut confirmer le rôle d'Hydro-Québec dans le
développement de la technologie québécoise, lui confier un
mandat clair dans ce sens et lui donner les ressources financières et
autres pour le réaliser.
L'effort de recherche et développement d'un pays, d'une
société est une bonne mesure de la compétitivtté de
son industrie. Il suffit de se rappeler qu'il y a une corrélation
incontestable entre la force de l'industrie japonaise, allemande,
américaine, française, suédoise et suisse - pour n'en
nommer que quelques-unes, les chefs de file
- la compétitivité de ces Industries sur les
marchés internationaux et les investissements de ces pays en recherche
et développement, qui sont tous au moins le double des Investissements
canadiens, les investissements étant traditionnellement mesurés
en pourcentage du produit intérieur brut.
Nous avons préparé un graphique et un tableau qui sont
très éloquents par eux-mêmes. Puis-je suggérer que
l'on distribue ce graphique et ce tableau aux membres de la commission? Alors
vous verrez, sur le graphique, la progression des dépenses de recherche
et développement dans quelques pays de l'OCDE et le tableau qui vous
sera remis avec le graphique fait ressortir la difficulté de progesser
dans ce domaine. Alors, nous ne ferons pas une lecture détaillée
des documents qui vous seront remis. Qu'il nous suffise de remarquer que le
Québec et le Canada ne sont pas dans le peloton de tête des pays
grands investisseurs dans le domaine de la recherche et du
développement. Le dernier chiffre qui apparaît sur le graphique de
1985 montre un investissement très légèrement
supérieur à 1 %, ce qui est très nettement en
deçà de ce que les chefs de file réalisent,
c'est-à-dire 2,7 %, 2,8 % et 2,9 %.
Le tableau intitulé "Rythme de progression des dépenses de
recherche et développement dans certains pays de l'OCDE" montre que les
gains, les progrès dans ce domaine sont extrêmement difficiles
à réaliser. Et, remarquons, en passant, la Suède, chef de
file, qui est passée de 1,5 % à 2,78 %, en 16 ans. D'après
ces chiffres et considérant, d'une part, que le Québec est
présentement à 1,3 % et qu'un niveau d'environ 2 % serait
souhaitable - l'Ontario, par exbmple, investit au rythme de 1,9 % - on peut
affirmer que nous avons, dans ce domaine, 10 ans de retard.
La situation, que nous décrivons d'une manière très
sommaire, est décrite en détail dans le rapport du Conseil de la
science et de la technologie sur la conjoncture scientifique et technologique
au Québec. Et nous devons reconnaître que le gouvernement a mis en
oeuvre un ensemble de programmes visant à augmenter rapidement l'effort
québécois en recherche et développement pour augmenter la
compétitivité de l'industrie québécoise. Ces
programmes sont décrits dans les divers cahiers de la pochette
"Imaginons demain" qui a été lancée l'automne dernier.
Dans la stratégie gouvernementale de soutien à la recherche et
développement dans les entreprises, le rôle d'Hydro-Québec
est considérable en termes financiers. Nous aurons l'occasion d'y
revenir. Regardons plutôt, pour l'instant, les secteurs dans lesquels
Hydro-Québec peut agir comme un puissant catalyseur du
développement technologique.
Les champs d'intérêt scientifiques et techniques
d'Hydro-Québec ne se limitent pas au seul domaine de
l'électricité proprement dit, et nous citons ici un
mémoire qui a été soumis récemment, en janvier
1990, par Hydro-Québec au comité permanent de l'industrie, de la
science et de la technologie du développement régional et du Nord
de la Chambre des communes. Je cite: Ils touchent - ces champs
d'intérêt - à la robotique, l'électronique de
puissance, les nouveaux matériaux, l'intelligence artificielle et les
sytèmes experts, l'informatique et l'ingénierie assistée
par ordinateur, d'autres formes d'énergie que
l'électricité, comme la fission nucléaire, les placements
industriels, les sciences de l'environnement, y compris la
télédétection et, enfin, la prospective technologique dans
les champs d'intérêt potentiels pour l'entreprise: par exemple,
les accumulateurs à electrolyte polymé-rique destinés
à la voiture électrique, la supraconductivité, la
néo-céramique", et on pourrait rajouter, après la
présentation du dernier mémoire, l'économie
d'énergie.
À titre de maître d'oeuvre de grands ouvrages
hydroélectriques, Hydro-Québec a joué un
rôle-clé dans le développement de grandes firmes
québécoise de génie-conseil, dont, aujourd'hui, trois se
classent parmi les dix premières au monde. Nous pensons
qu'Hydro-Québec peut jouer le même rôle dans
réclusion d'un ensemble de PME québécoises de haute
technologie capables de réaliser de la recherche-développement,
le plus souvent, probablement, en collaboration avec les centres de recherche
universitaires, d'incorporer les résultats de la
recherche-développement à leurs produits et services et de
commercialiser ceux-ci à l'échelle mondiale. En d'autres termes,
nous pensons que les succès futurs d'Hydro-Québec doivent reposer
davantage sur le dynamisme des industriels québécois. Et c'est la
raison pour laquelle nous ne pouvons qu'être d'accord avec le passage du
plan de développement où la société d'État
affirme, et je cite, qu'elle entend continuer d'être "l'un des principaux
moteurs du développement technologique du Québec" et qu'elle
compte "amplifier les effets structurants de son activité technologique
en resserrant le plus possible ses liens de coopération avec les
industries, les centres de recherche, les organismes gouvernementaux et les
universités".
Compte tenu de son importance, ce rôie devrait être
élaboré davantage, comporter des objectifs précis et, de
la part du gouvernement, faire l'objet d'un mandat clair.
Abordons maintenant, et finalement, la question des investissements de
la société d'État en recherche-développement. Cette
question a été traitée en détail dans le
mémoire que nous avons soumis au comité. Alors, nous n'allons pas
revoir le mémoire en détail, mais permettez-moi de signaler que,
dans l'une de ses conclusions, lorsque nous comparons l'engagement du discours
sur le budget de 1989, qui apparaît à la page 3 du mémoire,
et les intentions exprimées par la proposition du plan de
développement d'Hydro-
Québec au titre des investissements en
recherche-développement, nous constatons une dif férence quant
à l'ampleur de l'effort financier et aussi une imprécision dans
les modalités d'application.
Alors, précisons, sur ces deux points. D'abord, la
différence. L'analyse des dépenses prévues dans la section
sur la technologie révèle que l'effort d'Hydro-Québec au
titre de l'activité scientifique et technologique représentera au
plus 404 000 000 $ au cours de la période 1990-1992. En effet, nous
avons en quelque sorte refait l'addition et les 27 000 000 $ prévus pour
la commercialisation ainsi que les 35 000 000 $ qui seront investis par
d'autres partenaires dans l'exploration de nouvelles filières
énergétiques ne peuvent être ajoutés aux
dépenses technologiques de la société. (17 heures)
Par rapport aux 500 000 000 $ que permettaient de prévoir le
discours sur le budget de mai 1989, ces 405 000 000 $ qu'Hydro-Québec
doit consacrer à la recherche et au développement
représentent des investissements de presque que 100 000 000 $
inférieurs à ceux prévus dans la stratégie
gouvernementale pour soutenir la recherche et le développement des
entreprises. Conséquemment, compte tenu de l'importance du rôle
confié par le gouvernement du Québec à Hydro-Québec
en matière de développement scientifique et technique, l'ADRIQ
souhaite que la société d'État fasse connaître
précisément le total et la répartition des dépenses
de recherche et développement qu'elle envisage pour la période
1990-1992.
Nous constatons aussi, dans le plan, une lacune, en ce sens que la
section consacrée à la technologie ne comporte pas d'indication
chiffrée sur les intentions de la société d'État en
matière de faire-faire. Il y est question des initiatives
récentes d'Hydro-Québec en matière de collaboration avec
d'autres entreprises, mais, pour l'avenir, on insiste surtout sur la
volonté d'associer d'autres partenaires au financement et à la
réalisation dos projeta. Blon sûr, l'ADRIQ se réjouit de ia
volonté d'Hydro-Québec de maximiser la rentabilité de ces
investissements en y associant d'autres partenaires du secteur privé ou
public. Toutefois, l'Association voudrait être informée sur les
intentions de la société d'État en matière
d'impartition de ces dépenses de recherche et développement.
En conclusion, nous désirons réitérer notre appui
à la définition d'un mandat clair pour Hydro-Québec dans
le développement de l'assise technologique des secteurs industriels
où elle intervient, notamment, par la recherche et
développement.
Finalement, nous souhaitons que le gouvernement laisse la
société d'État investir massivement en recherche et
développement, idéalement, selon les termes du discours sur le
budget de mai 1989, car ces investissements sont le gage d'une industrie
québécoise plus forte et plus compétitive.
Nous sommes maintenant disposés à répondre à
vos questions et à préciser certains aspects de notre
mémoire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Tremblay, M. Trudel, M. Rousseau, en vous
remerciant de votre mémoire, je commencerais tout de suite par une
première question. L'ADRIQ considère les dépenses en
recherche et développement d'Hydro-Québec comme insuffisantes par
rapport aux engagements gouvernementaux - vous venez de le dire - du discours
sur le budget de mai 1989. À ce sujet, il peut peut-être
être important de rappeler qu'Hydro-Québec consacre plus de 2 %
des revenus des ventes à la recherche et au développement, il me
semble que ça constitue un effort qui est tout à fait
considérable, sur le plan canadien et aussi sur le plan
québécois. Dans cet ordre d'idées, quel serait un niveau,
pour vous, réaliste, un niveau peut-être souhaitable pour les
trois prochaines années, à Hydro-Québec et au
Québec en général, pour la recherche et le
développement en énergie?
M. Tremblay (Pierre): Évidemment, lorsqu'on
considère ce niveau d'investissements, quelque 400 000 000 $ pour les
prochaines années, c'est très impressionnant. Cependant, vous me
permettrez de citer un cahier de la pochette "Imaginons demain" où on
lit: Une autre façon de promouvoir... Alors, ce cahier est
intitulé "La stratégie gouvernementale pour soutenir la recherche
et le développement des entreprises". Alors, on y lit: La politique de
faire-faire d'Hydro-Québec, qui est l'un des cinq éléments
de cette stratégie gouvernementale, une autre façon de promouvoir
les activités du secteur privé en recherche et
développement, consiste à l'impliquer dans les projets
réalisés par le secteur public. Ainsi, une partie de l'effort du
secteur privé en recherche et développement, au cours des
prochaines années, découlera des dépenses
d'Hydro-Québec à ce titre. Ces dépenses seront de 830 000
000 $, au cours de la période 1989-1993.
Alors, si on fait une règle de trois, si on prend la tranche
1990-1992, on arrive à 498 000 000 $ qui, selon le document que j'ai en
main, seraient investis au cours de cette période, pour faire un total
de 830 000 000 $ au cours de la période 1989-1993. Alors, vous me posez
la question: Est-ce que c'est suffisant? C'est insuffisant. Je ne voudrais pas
entrer dans ce débat. Simplement, nous voulons signaler qu'il y a une
différence entre ce qu'on a publié en 1989 et ce qui
apparaît dans le plan de développement.
Mme Bacon: Dans le cas d'une éventuelle
politique de faire-faire d'Hydro-Québec, consi-dériez-vous
que la recherche fondamentale devrait se faire dans les laboratoires
d'Hydro-Québec plutôt que d'avoir des contrats à
l'extérieur? Dans le même ordre d'idées, qui devrait
effectuer les étapes plus en aval de la recherche, comme le
développement, la démonstration, la commercialisation, par
exemple?
M. Tremblay (Pierre): J'aime beaucoup votre question. Je pense
qu'elle pose, elle amène en discussion deux sujets très
importants, celui de la recherche fondamentale et celui en aval, comme vous
dites, de la recherche et développement, la commercialisation, la mise
en marché. Vous savez certainement qu'il y a une évolution au
Canada, au Québec et aussi en Amérique du Nord vers une
implication plus grande de l'université dans les domaines de recherche
qui intéressent l'industrie. Alors, cette évolution que nous
vivons fait en sorte que la recherche fondamentale, de plus en plus, sera
réalisée dans les centres de recherche universitaires,
c'est-à-dire la recherche fondamentale qui intéresse
l'industrie.
Je demanderai aussi à mon collègue de commenter sur cela,
mais avant de le faire, pour l'autre aspect de votre question, à savoir
qui devrait s'occuper des opérations en aval de la
recherche-développement, je pense que lorsque la
recherche-développement a été réalisée en
collaboration avec une entreprise, c'est très facile et, ensuite,
probablement plus efficace, pour cette entreprise, de poursuivre au niveau de
la commercialisation mondiale ou nationale. Alors, vous voyez que, si on veut
transférer à l'industrie québécoise la
commercialisation de produits et de services reliés à
l'hydroélectricité, il faut que ces entreprises soient
impliquées dès le début dans la recherche et
développement en collaboration avec Hydro-Québec. Jean-Marc.
M. Rousseau (Jean-Marc): Oui, il y a quelques
éléments de réponse que j'aimerais apporter sur la
question précédente, rapidement. Un autre point, effectivement,
c'est qu'Hydro-Québec, je pense, consacre à peu près 2,4 %
de ses revenus à la recherche-développement, ce qui est
très intéressant comme chiffre et de beaucoup supérieur au
reste des industries québécoises et du gouvernement du
Québec. On peut avoir un autre point de référence qui est
un autre secteur un peu similaire, qui est Bell Canada, où il se
dépense à peu près 5 %. Donc, ce sont des marges qui,
enfin, ce sont des points de référence qui peuvent être
intéressants.
Au point de vue de la dernière question, j'aimerais apporter
quelques éléments. Effectivement, je pense qu'en principe la
recherche fondamentale, on aimerait bien que ça soit fait en
collaboration avec les universités, mais je pense qu'il faut se rendre
compte qu'il y a des domaines de pointe dans lesquels Hydro-Québec a
développé de grandes expertises et qu'elle ne doit pas
nécessairement laisser de côté, mais simplement essayer
d'associer peut-être un petit peu plus le milieu universitaire à
ces recherches-là pour qu'il profite de la communication ou des
échanges dans ce domaine-là.
Au plan de la commercialisation, je sais également qu'il y a
peut-être un rôle parce que les outils ou les produits
développés par l'industrie québécoise pour
Hydro-Québec peuvent trouver un marché dans le domaine de
l'électricité ou de l'hydroélectricité ou de la
distribution électrique, mais souvent peuvent aussi trouver des
marchés dans d'autres secteurs. C'est là qu'il y a
intérêt à associer des entreprises privées aux
activités de recherche et développement d'Hydro-Québec.
Hydro-Québec a développé ou développe une
commercialisation auprès des compagnies d'électricité et
peut, dans ce sens-là, être un fer de lance pour l'industrie
québécoise. Et là il faudrait regarder l'efficacité
avec laquelle son service de technologie et affaires internationales
fonctionne. Je pense qu'ils ont été assez efficaces au cours des
dernières années et c'est un rôle qu'Hydro-Québec
peut continuer à jouer. Mais je pense qu'il est important, dans la
plupart des cas où c'est possible, d'essayer d'associer ou de faire
démarrer des industries québécoises avec leur propre
dynamisme pour qu'il se crée une expertise en dehors
d'Hydro-Québec et que cette expertise-là puisse aussi, dans
beaucoup de cas, servir à d'autres secteurs industriels au Québec
ou à d'autres secteurs Industriels à travers le monde.
M. Trudel (André): Dans le domaine de la recherche
fondamentale, je pense qu'il s'agit d'un secteur où l'équilibre
des forces entre les centres de recherche privés et les centres de
recherche publics universitaires est extrêmement important. Je voudrais
donner comme exemple le fait que la création de l'IREQ a
été un événement extrêmement important dans
le développement de la recherche et tous les centres de recherche,
qu'ils soient privés ou publics, sont en même temps des lieux de
formation, de telle sorte que, maintenant, les jeunes qui ont été
formés à l'IREQ sont rendus dans les universités ou dans
des entreprises et ils sont à récupérer, d'une certaine
manière, des dossiers de recherche fondamentale qui sont pris en compte,
cette fois-là, par des laboratoires universitaires ou d'autres
laboratoires privés. Donc, je pense qu'il ne faut pas enlever le secteur
de la recherche fondamentale à Hydro-Québec parce qu'ils ont un
rôle extrêmement important de précurseurs à jouer.
Par exemple, tout le domaine de la supraconductivité, actuellement, on
n'a pas beaucoup d'équipes de recherche universitaires, mais, à
mesure que le dossier va se développer dans la consortium auquel
participe Hydro-Québec, on aura des jeunes qui deviendront des
ultraspécialistes eux-mêmes et qui seront, ensuite, des
professeurs
universitaires, des chercheurs industriels. Il y a beaucoup d'autres
secteurs dans lesquels on pourrait faire des analogies semblables. Donc, cet
aspect-là, le rôie qu'ils jouent là est extrêmement
important et nous demandons qu'il soit maintenu.
Mme Bacon: D'accord. En début d'année,
Hydro-Québec, conjointement avec quelques partenaires, a mis sur pied ce
qu'on appelle le fonds Caplteq. Cost un fonds qui vise à favoriser le
développement de nouvelles entreprises dans le secteur de la haute
technologie. Est-ce que vous pensez que c'est une initiative susceptible de
générer des retombées Intéressantes dans votre
secteur d'activité ou de quelle façon peut-elle le faire?
M. Trudel (André): Le domaine de la création de
jeunes entreprises de haute technologie en est un qui n'est pas simple à
définir. Évidemment, les contraintes qui sont les leurs sont
extrêmement difficiles à définir, mais, d'une
manière plus simple, je dirais que le fonds Capiteq vient, dans le fond,
appuyer un certain nombre d'autres initiatives, comme Crtec qui a
été développée dans la région
montréalaise et le même type d'activité qu'il y a ici dans
la région de Québec et qu'on commence à voir se
développer dans d'autres régions du Québec, et les autres
groupes d'influence comme Innocentre enfin, il y en a plusieurs. Il est
important qu'il y ait plusieurs partenaires dans ce secteur d'activité,
de telle sorte que les jeunes entrepreneurs qui ont besoin d'aide puissent
avoir, d'une part, des ressources humaines et des conseils qui leur permettent
d'éviter des erreurs, mais aussi, ce qui est extrêmement
important, de l'argent de démarrage, donc du capital de risque, et
là, ça devient un dossier très utile.
Mme Bacon: On a beaucoup parlé, en matière
d'économies d'énergie, aujourd'hui... Le secteur industriel
constitue véritablement une cible qui est toute Indiquée
où d'importantes réductions de consommation d'énergie sont
envisageables. J'aimerais avoir le point de vue de l'ADRIQ sur ce
sujet-là et quel rôle l'ADRIQ pourrait jouer, en collaboration
avec HydroQuébec en particulier, dans l'élaboration d'une
stratégie de recherche et développement pour améliorer,
d'une façon significative, l'efficacité énergétique
des procédés industriels. Est-ce que vous voyez un rôle de
votre groupe?
M. Tremblay (Pierre): Comme nous l'avons mentionné, nos
membres se retrouvent à la tête des équipes de recherche
qui réalisent plus de 80 % de la recherche et développement
industriel au Québec. Donc, nous sommes, évidemment, bien
placés pour collaborer avec Hydro-Québec à la
définition de programmes visant à économiser
l'énergie.
Maintenant, vous parlez plus spécifiquement du secteur
industriel. Il y a des choses qui peuvent être faites, mais, comme vous
le savez, la consommation d'énergie, souvent, est reliée à
une technologie particulière et, tant qu'on ne change pas cette
technologie, les consommations spécifiques d'énergie restent les
mêmes. Évidemment, il y a des gains que l'on peut faire. Mais,
comme les membres de ce comité le savent, c'est surtout par de nouveaux
investissements, par de nouvelles usines, par un nouvel équipement
industriel qu'on réalise des gains importants d'économie
d'énergie. Oui, évidemment, dans le domaine de l'aluminium -
c'est un exemple que l'on peut apporter - les vieilles technologies consomment
typiquement 17 000 kilowattheures par tonne, par 1000 kilogrammes, alors que
les nouvelles technologies consomment environ 13 000 kilowattheures par tonne,
ce qui veut dire un gain de 4 sur 17, 4 sur 16 soit 25 %, mais
réalisable par un nouvel équipement, par des nouvelles
usines.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
M. Trudel (André): C'est la raison...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Trudel (André): Rapidement. C'est la raison pour
laquelle tout le secteur de la recherche et développement nous
apparaît tout à fait primordial. L'innovation technologique, pour
qu'elle se réalise, il est nécessaire qu'il y ait au début
des organismes, des gouvernements, mais aussi d'autres partenaires qui
investissent. Comme ici on n'a pas beaucoup de capital de risque, il faut donc
aller chercher des partenaires comme Hydro-Québec. On en a un exemple
là, l'Alcan ayant un centre de recherche, ils ont pu le faire
eux-mêmes. Mais c'est certain que, dans d'autres secteurs, la seule
façon d'y arriver sera de mettre sur pied des programmes de recherche
qui permettront, justement, de changer la technologie et arriver à une
efficacité énergétique plus grande.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Juste un mot pour vous
souhaiter la bienvenue devant la commission et pour passer la parole à
Mme la députée de Chicoutimi qui aimerait bien vous questionner
sur la recherche et le développement.
Mme Blackburn: Merci, M. le député d'Ungava. M. le
Président, c'est plus à titre de porte-parole de l'Opposition en
matière de recherche et développement. Alors, vous comprendrez
mon intérêt pour votre organisme et pour les questions que vous
soulevez cet après-
midi. Vous allez me permettre d'abord de com mencer par offrir nos
félicitations à l'heureux récipiendaire du prix J.
Armand-Bombardier, distinction qui lui a été remise par l'ACFAS.
Sans doute que ça marque...
Le Président (M. Bélanger): Vous m'excuserez. Je
crois qu'il s'agit d'un vote. Si tel est le cas, nous devons tous aller en
Chambre pour le vote. Alors, est-ce qu'on peut vérifier, s'il vous
plaît?
Mme Blackburn: Ça peut être aussi le quorum.
Le Président (M. Bélanger): Non. On m'avait
prévenu qu'il y aurait un vote autour de 17 heures.
Mme Blackburn: Oui, qu'il y aurait peut être un vote?
Le Président (M. Bélanger): Oui On peut continuer
en attendant. Je vous en prie.
Mme Blackburn: Oui. Alors, ça va couper un peu le rythme.
Quand même, continuons.
Le Président (M. Bélanger): Un vote?
Mme Blackburn: Je voudrais également féliciter
l'Association...
Le Président (M. Bélanger): Alors, je m'excuse. Il
s'agit bel et bien d'un vote.
Mme Blackburn: D'un vote. Bon. Alors...
Le Président (M. Bélanger): Alors, il faut aller en
Chambre. Vous nous excuserez, on doit suspendre les travaux pour quelques
minutes. On va continuer avec vous par la suite. Je vous en prie.
(Suspension de la séance à 17 h 19)
(Reprise à 18 h 1)
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. S'il vous
plaît! Compte tenu de l'heure, la commission devra suspendre ses travaux.
Donc, nos invités, qui sont présentement à la table, on
vous invite à revenir à 20 heures, s'il vous plaît. On
terminera avec vous et on prolongera les groupes de ce soir. C'est l'entente
qu'il y a entre les deux parties.
Une voix: On peut finir celui-là... Mme Bacon: Pour
15 minutes.
Le Président (M. Bélanger): C'est parce que
l'entente, c'était qu'on reprenait à 20 heures, mais...
Mme Bacon: On peut finir celui-là. Une voix: Oui, on
peut.
Le Président (M. Bélanger): Oui? Alors, il y a
consentement pour prolonger après 18 heures? Consentement.
Mme Bacon: Oui, on peut terminer celui-là.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, si vous
voulez, Mme la députée de Chlcoutiml, la parole vous appartient.
Alors, je m'excuse.
Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président.
M. Tremblay (Pierre): Nous apprécions que vous ayez
accepté de poursuivre au lieu de reporter à 20 heures.
Une voix: Je vous remercie Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: C'est en signe d'appréciation de votre
participation aux travaux de cette commission et, comme il s'agit vraiment d'un
impondérable, je pense que c'était élémentaire que
nous acceptions de poursuivre l'échange avec vous étant
donné qu'il reste si peu de temps.
D'abord, je voudrais vous féliciter pour votre participation aux
travaux de cette commission. La crédibilité d'un organisme comme
le vôtre n'est plus à faire quand on sait qu'au total vous
gérez, vous administrez 1 000 000 000 $ de recherche au Québec,
80 % de ce qui se fait en recherche au Québec, c'est majeur. Donc, quand
vous venez dire à cette commission l'importance que devraient prendre,
au Québec, les investissements en recherche et développement,
ça a beaucoup de crédibilité parce que vous êtes en
mesure d'évaluer les retombées économiques de la recherche
et développement et l'Insuffisance des investissements au Québec.
Je pense que vous l'avez bien fait ressortir.
En ce qui a trait aux investissements du gouvernement du Québec,
je dois malheureusement vous dire que je partage votre avis. Il y avait dans le
discours et dans la politique du gouvernement en matière do RD des
projets intéressants en ce qui touche le Fonds de développement
technologique, les investissements qu'Hydro-Québec devait faire, mais,
malheureusement - je trouve ça triste de le dire et de le constater -
c'est comme si le gouvernement se leurrait un peu, ou se mentait à
lui-même. Parce que, quand vous tenez un discours, que je partage, sur la
nécessité d'investir en RD, et
qu'en même temps vous trouvez moyen de périmer 58 000 000 $
des 60 000 000 $ qui devaient être dépensés en 1989-1990,
on a un problème de développement au Québec. C'est
Important.
Moi, j'aurais deux ou trois questions. Vous avez bien fait ressortir
qu'entre le discours sur le budget de 1989-1990, qui contenait les principaux
éléments d'une politique de recherche au Québec, et le
plan de développement présenté par Hydro-Québec il
y a un écart de quelque 100 000 000 $, c'est-à-dire à peu
près 20 %, en ce qui a trait aux travaux de recherche et
développement. Est-ce que vous avez eu des informations sur... Vous
venez ici nous en informer. Je pense que votre calcul, là-dessus, il se
passe de commentaires. Est-ce que vous avez eu des informations à savoir
pourquoi il y a cet écart entre un engagement officiel du gouvernement
dans le discours sur le budget et le plan de développement d'Hydro?
M. Tremblay (Pierre): Comme vous l'avez mentionné, nous
sommes évidemment bien placés pour constater que les
investissements en recherche et développement devraient être plus
considérables au Québec. Et vous me permettrez, regardant la
série d'investissements depuis 1978, de constater que cela a toujours
été. Un des buts que nous avions en nous présentant ici
aujourd'hui, c'était de signaler que, pour des raisons sans doute
excellentes, les investissements prévus par Hydro-Québec au titre
de la recherche et développement sont inférieurs à ceux
que le gouvernement avait laissé entrevoir en mai 1989, et de dire au
comité que cette baisse des investissements n'est pas petite et que cet
aspect devra être sans doute examiné de nouveau.
Mme Blackburn: Bien. Vous faites trois demandes. Vous dites: II
faut absolument que le gouvernement consente les investissements
nécessaires pour soutenir la RD. Vous demandez également que le
gouvernement donne à HydroQuébec un mandat clair en
matière de recherche et développement. Lorsque vous parlez d'un
mandat clair, est-ce que vous parlez d'identifier certains champs de recherche,
d'identifier le partage, le faire-faire et le faire en matière de
recherche? Parce qu'on sait que, dans le budget, on parlait de 60 % de ce
budget qui devaient être consacrés au faire-faire,
c'est-à-dire la recherche à l'extérieur d'Hydro. Est-ce
que vous pourriez nous indiquer les quelques éléments que devrait
contenir ce mandat?
M. Tremblay (Pierre): Oui. Lorsque nous parlions de mandat clair,
il s'agissait, on voulait dire qu'Hydro-Québec devrait recevoir du
gouvernement un mandat clair pour développer des PME
québécoises de haute technologie capables de réaliser de
la recherche et développement, d'en incorporer les résultats
à leurs produits, à leurs services et, finalement, de
commercialiser, sans doute, au niveau mondial. Et ce mandat, à vrai
dire, Hydro-Québec l'a reconnu. Vous vous souvenez, tout à
l'heure nous avons cité un passage du plan de développement et je
le reprends ici: La société d'Etat affirme qu'elle entend
continuer d'être "l'un des principaux moteurs du développement
technologique du Québec", "amplifier les effets structurants de son
activité technologique en resserrant le plus possible ses liens de
coopération". Alors, le mandat, il est reconnu, je pense, par
HydroQuébec et par le gouvernement, et notre propos était que,
compte tenu de son importance, il devrait être précisé
davantage, élaboré davantage.
Mme Blackburn: D'accord. Dans votre présentation, vous
nous avez parlé de la nécessité que les milieux de
recherche industrielle soient informés des intentions
d'Hydro-Québec quant à son plan d'impartition et son programme de
recherche. Quelle est la situation actuellement? Quelle est la pratique dans ce
milieu-là? Est-ce que ça se fait assez en vase clos, mais de
façon assez ouverte? Comment est-ce que ça procède,
actuellement, à Hydro?
M. Tremblay (Pierre): Bien, je pense que les compagnies
privées ne sont pas tenues de dévoiler la part de leurs
investissements en recherche et développement qu'elles comptent donner
à contrat, qu'elles comptent impartir. Cependant, nous pensons
qu'Hydro-Québec, comme c'est une société d'État,
devrait le faire. Et les 60 % que vous mentionnez, nous l'avions pris toujours
dans ce document, "La stratégie gouvernementale pour soutenir la
recherche et le développement", et on pariait de 60 % qui seraient
impartis au secteur privé. Dans notre mémoire, nous signalons que
ce n'est pas repris dans le plan de développement d'Hydro-Québec
et nous demandions qu'Hydro-Québec fasse connaître le pourcentage
qu'elle entend confier au secteur privé.
Mme Blackburn: Vous n'avez pas une idée du partage, dans
les budgets actuels de recherche d'Hydro, dans faire et faire-faire? Vous
n'avez pas de données là-dessus?
M. Tremblay (Pierre): Non, nous n'avons pas cette information. Si
on parie de 60 %, on peut présumer que c'est considérable, de
l'ordre de, je ne sais pas, peut-être 50 %.
Mme Blackburn: D'accord. Quand on parle de faire-faire à
Hydro-Québec, on sait que le gouvernement a pris la manière forte
pour s'assurer que toute l'histoire des entrepreneurs qui négocient des
contrats de construction avec Hydro-Québec, qu'on élargisse la
possibilité de
recours à des sous-contractants pour Hydro Québec. Il
semble, pas il semble, on sait qu'ils ont pris la manière forte, c'est
par une loi qu'on a modifié la convention collective, on a aboli un
certain nombre de lettres d'entente qui prévoyaient certaines
règles pour régir le recours à la sous-traitance. En
matière de recherche-développement, au-delà du discours
sur le budget qui prévoyait une politique de
recherche-développement, il ne semble pas que le gouvernement ait
pensé à des mesures un peu plus incitatives à l'endroit
d'Hydro-Québec pour donner un peu plus de contrats. En tout cas, il me
semble qu'il y a un écart entre ce qu'on a pratiqué à
l'endroit des employés par rapport à Hydro-Québec et
à sa capacité de recourir à la sous-traitance, mais je
n'ai pas l'impression qu'ils aient les mêmes intentions en ce qui a trait
à la recherche-développement. Mais vous, ce que vous dites, c'est
que, si le gouvernement veut réellement réaliser ses engagements
pris dans le discours sur le budget, il doit imposer certaines règles de
conduite à Hydro-Québec à cet égard Est-ce que
c'est ça que je dois entendre?
M. Tremblay (Pierre): Bien, c'était très clair dans
notre mémoire que nous considérions HydroQuébec comme un
élément majeur de succès de toute politique
gouvernementale de soutien à la recherche-développement et,
évidemment, la différence qu'on a exposée est grande, mais
il reste que les investissements d'Hydro-Québec sont, il faut bien en
convenir, considérables et devraient, à notre avis, non seulement
être maintenus, mais encore augmentés, parce
qu'Hy-dro-Québec peut avoir dans ce domaine un effet
d'entraînement qui n'est pas remplaçable. Aucune autre entreprise
québécoise ne peut avoir, dans ce domaine-là, un effet
d'entraînement aussi grand. André.
M. Trudel (André): Si on tient compte des
différentes activités dans le domaine de la
recherche-développement d'Hydro-Québec au cours des cinq
dernières années, on s'aperçoit qu'il y a eu tout de
même une augmentation importante de sa participation à titre de
partenaire dans des projets de recherche importants. Il y a, d'une part, les
relations avec les universités qui se sont accentuées.
Hydro-Québec finance maintenant plusieurs chaires industrielles de
recherche et ça a créé un effet de levier très
important dans ces universités-là. Il y a, d'autre part, la
participation d'Hydro-Québec à des projets majeurs canadiens,
c'est-à-dire la mise sur pied du centre de Shawinigan, le LTEE - je me
mêle toujours dans le détail de la description - mais, donc, dans
tout le domaine de I'electrolyse, et il y a aussi le dossier du Toka-mak. Donc,
les grands projets, et celui de la supraconductivité dont je parlais
tout à l'heure, les grands consortiums de recherche industrielle
auxquols participa Hydro Quoboc, olio y participe d'une façon
très importante et très active. Cependant, comme il s'agit de
consortiums, il faut que la part du partenaire fédéral soit bien
réalisée selon les termes des ententes préalables, ce qui
n'est pas toujours le cas. En particulier, il y a des difficultés, par
exemple, avec le centre d'électrolyse de Shawinigan et c'est dû,
d'une part, à ce type de difficulté de partenariat.
Mme Blackburn: Une définition pas suffisamment claire du
partage des coûts?
M. Trudel (André): C'est-à-dire que les engagements
financiers des autres partenaires ne sont pas toujours réalisés
selon les termes qui avaient été prévus au
préalable.
Mme Blackburn: Donc, si je comprends vos propos un peu sibyllins,
c'est que le Canada n'aurait pas allongé les sommes qu'il s'était
engagea
M. Trudel (André): II y a des difficultés
importantes de ce côté-là.
M. Tremblay (Pierre): Mon collègue, Jean-Marc...
Mme Blackburn: Oui
M. Rousseau: Oui, je voudrais simplement ajouter
qu'effectivement, dans toute organisation, la tendance naturelle est de vouloir
tout faire à l'intérieur et je ne pense pas
qu'Hydro-Québec échappe à cette tendance-là, comme
toute grande organisation, et que ça prend donc, à
l'intérieur d'une organisation comme ça, une politique claire
d'essayer de faire faire le plus possible plutôt que de faire à
l'intérieur. Faire faire en collaboration, pas nécessairement de
ne pas se mêler du tout d'un projet, mais d'impliquer des partenaires
industriels tant que c'est possible, et qu'une mesure d'évaluation...
Peut-être que le rôle du gouvernement du Québec est de
demander à Hydro-Québec des comptes ou des rapports qui donnent,
comme mesure d'évaluation, le nombre de "spin-off qu'ils ont
réussi à créer, dans une année ou dans deux, sur le
plan du développement technologique. Cette "incitative"-là
pourrait permettre de mesurer les progrès réalisés dans ce
contexte-là.
Mme Blackburn: D'accord, alors, je traduis bien votre
pensée si vous nous dites que, d'abord, il faut investir, il faut donner
à Hydro un mandat clair, et ce mandat devrait être de favoriser
des rapports avec les PME de manière à créer des petites
entreprises à la fine pointe de la technologie dans certains domaines
que vous avez identifiés, et que ce serait la voie la plus prometteuse.
Hydro-Québec avait proposé...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion,
Mme la députée, le temps est écoulé.
Mme Blackburn: ...par rapport aux mesures tarifaires, une
augmentation de 6,5 % pour les PME, parce qu'Hydro-Québec était
assez sonslble à la nécessité d'encourager les PME, ot une
des façons, évidemment, ce sont les tarifs préféren
tiels, alors que le gouvernement l'a établie à 7,5 %,
c'est-à-dire l'a établie de façon uniforme, quelles que
soient les entreprises.
En conclusion, je dois dire que j'ai apprécié la
présentation de ce mémoire. Je retiens un certain nombre
d'éléments sur lesquels on pourra interroger Hydro-Québec
lorsqu'elle viendra ici, mais, également, on pourra interroger le
gouvernement, à savoir pour quelles raisons et comment ça s'est
fait qu'ont disparu 100 000 000 $ dans l'enveloppe de recherche. 100 000 000 $,
c'est énorme, c'est 20 % des engagements qui avaient été
pris, et c'est un peu beaucoup l'avenir du développement
économique du Québec qui passe par la RD, je pense que vous
l'avez rappelé. Je vous remercie de votre participation.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
madame. Mme la ministre, si vous voulez bien remercier nos invités.
Mme Bacon: Je vous remercie beaucoup d'être venus, M.
Tremblay, M. Trudel et M. Rousseau, et d'avoir apporté un
éclairage important par rapport à la recherche et
développement. Je pense que tant les réponses que vous nous avez
données que votre mémoire vont être ajoutés à
toute cette réflexion que nous aurons à la fin de la commission
parlementaire. Pour rassurer encore une fois le député d'Ungava,
ça fera partie des éléments importants qui vont guider nos
décisions par la suite. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des directeurs de
recherche industrielle du Québec. On vous remercie
particulièrement de votre patience puisque nous n'avions pas le choix,
et d'être restés. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20
heures. Je vous remercie.
(Suspension de la séance à 18 h 18)
(Reprise à 20 h 2)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à
chacun de bien vouloir reprendre sa place avant d'Inviter le premier groupe
à la table des témoins où je les inviterais à
s'installer. C'est la Société de gestion Aucoin Internationale.
Auparavant, j'aimerais juste préciser à nos invités
particulièrement et aux gens de la commission que nous avons une heure
de retard dans la "cédule", ceci est dû à des situations
que nous ne pouvions pas contrôler, les votes que nous avions en Chambre
aujourd'hui. Alors, on vous remercie de votre coopération, de votre
compréhension et d'être restés parmi nous.
Donc, ce soir, nous allons recevoir, dans un premier temps, la
Société de gestion Aucoin Internationale. Messieurs, vous avez 20
minutes ferme pour la présentation de votre mémoire; par la
suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires.
Dans un premier temps, je vous prierais d'identifier votre porte-parole,
d'identifier votre équipe et de bien vouloir procéder à la
présentation de votre mémoire. Je vous remercie.
SGA Internationale
M. Aucoin (Réjean): Bonsoir, les gens de la commission,
mes respects, Mme la ministre. Réjean Aucoin, P.-D.G. de SGA
Internationale; M. Guy Houle, économiste, Service de la planification
SGA Internationale; mon frère, Serge Aucoin, copropriétaire de
SGA Internationale.
Au niveau du mémoire qu'on a déposé, c'est une
alternative. Autrement dit, au lieu de faire un barrage, on propose la relance
de Gentilly 1, qui est un alternateur de 225 mégawatts
d'électricité, pour produire un cinquième de la vente
d'électricité aux États-Unis. Nous, on est allé du
côté du gouverneur de l'État de New York, au niveau du
premier ministre, de l'Office national de l'énergie au
fédérai et ainsi de suite. On a avisé tout le monde de ce
projet-là, qui est un projet d'intérêt public.
C'est-à-dire que la relance de Gentilly 1 va permettre d'aller chercher
des revenus de 3 500 000 000 $, un cinquième de la vente
d'électricité aux États-Unis, pouvant, autrement dit,
mettre une infrastructure pour, en même temps, dépolluer le fleuve
et ainsi de suite. Les alternateurs sont là, ainsi de suite.
Présentement, cette centrale sert d'école de simulation
pour les gens d'Hydro-Québec. La Commission de contrôle de
l'énergie atomique Canada ne voit pas d'objection à ce qu'on se
serve de cette centrale-là au niveau du projet de dépollution. La
seule condition, c'est l'échange au niveau des baux
emphytéotiques; ce n'est même pas un problème au niveau de
ça. Ça fait qu'il reste en soi, autrement dit, que la centrale
peut être relancée par des moyens conventionnels qui sont une
raffinerie de pétrole, plus un incinérateur de déchets
industriels. Lorsqu'on raffine du pétrole, on produit de la vapeur,
cette vapeur-là peut être recyclée, dans un deuxième
temps, dans l'incinérateur pour produire, être couplée
à des moteurs à vapeur, pompes hydrauliques, transmissions
hydrauliques qui vont faire tourner la centrale de Gentilly 1,
mécanismes conventionnels et ainsi de suite, pour rentabiliser ces
équipements-là qui ont déjà été
payés. Ça, c'est le premier volet pour assurer des revenus de 3
000 000 000 $ pour permettre le paiement de
l'infrastructure, c'est-à-dire des dépôts
jusqu'à la tête des Grands Lacs et jusqu'aux provinces
maritimes.
Il y en a, dans notre pro forma, une dizaine de prévus, à
50 000 000 $ chacun, pour faire des aires de stockage pour stocker les
déchets industriels et ainsi de suite Après, 750 000 000 $ sont
prévus pour la construction de bateaux pour faire la cueillette des
déchets industriels qui vont faire le cycle jusqu'à la tête
des Grands Lacs, jusqu'aux provinces maritimes Des fonds au niveau des aires de
triage pour trier les déchets industriels et ainsi de suite. Les acides
vont être recyclés, les fluides et ainsi de suite. Ce qui ne sera
pas recyclable va être traité soit pour les sites d'enfouissement
ou soit pour être envoyé à l'incinérateur, ce qui va
remettre les matières industrielles au niveau du marché. Une
partie regarde les déchets domestiques, une partie qui est les
matières biodégradablés va servir au niveau des composts
et ainsi de suite, les métaux et le verre vont être
ôtés Le reste devient de la briquette de combustible qui va
être acheminée au niveau des dépôts pour être
ramenée à l'incinérateur pour faire fonctionner aussi
l'incinérateur.
Pourquoi une raffinerie de pétrole aussi? Une raffinerie de
pétrole produit de la vapeur II faut qu'elle marche au moins à 85
% de son volume, une raffinerie de faible débit, 35 000 barils, pour
qu'elle soit en sous-production pour produire en même temps de la vapeur
et ainsi de suite. Ça, c'est le premier volet au niveau des 3 500 000
000 $ pour l'infrastructure, ce qui va permettre aux municipalités aussi
d'avoir un système, parce que les municipalités,
présentement, donnent des permis à leurs entreprises au niveau de
l'implantation, mais elles n'ont pas de service de cueillette de déchets
industriels et ainsi de suite. En permettant tout ce système-là,
on va pouvoir mettre une infrastructure pour des "containers" à partir
des ports, dans les zones fédérales, au niveau de tout ça
Gentilly 1, c'est une zone fédérale, les ports et ainsi de suite.
Ce qui veut dire que, nous, on a l'appui du cabinet du premier ministre au
fédéral reconnaissant le bien-fondé du projet. On commence
par la province de Québec au niveau de l'information de tout ça,
pour avoir l'appui ici La centrale est là Ça fait que, comme M.
Bourassa a fait de la vente d'électricité aux États-Unis,
on dit que, prioritairement avant n'importe quei barrage, ce projet-là
va permettre de créer tout ça, de dépolluer le fleuve tout
en produisant de l'électricité, un premier 225
mégawatts.
Ce qui est prévu dans la deuxième phase, c'est un
deuxième alternateur de 400 mégawatts pour équilibrer
Gentilly 2, avec le même système de transmission hydraulique et
ainsi de suite Parce qu'au niveau de l'hydraulique c'est beau coup plus fort
que la vapeur L'hydraulique, une petite pompe hydraulique, peut pousser un fort
débit de pression. C'est une question de pression pour faire tourner une
transmission. Ça fait que c'est simplement d'équilibrer les
pompes en conséquence II n'y a pas de problème technique
là, mais en équilibrant Gentilly 1, 225 mégawatts, et
Gentilly 2, 400 mégawatts, vous arrivez à 625 mégawatts,
ce qui est le débit de Gentilly 2 Gentilly 2, après, on pourrait
prendre le réacteur nucléaire et le débrancher pour faire
un système d'appoint pour maintenir la pression, autrement dit,
rabaisser les déchets nucléaires pour maintenir la pression. Le
pot nucléaire va devenir générateur de vapeur.
Au niveau des déchets nucléaires à travers le
monde, parce que le Canada vend des systèmes CANDU à travers le
monde, mais il n'y a pas de système de cueillette au niveau des
déchets nucléaires, bien, c'est ça, c'est de
récupérer les cendres nucléaires, les concentrer pour
faire un réchaud nucléaire aussi, ce qui va servir parce que les
cendres nucléaires sont stables au niveau.. Un pot nucléaire
produit de la vibration parce que c'est sous tension C'est une explosion
continuelle au niveau d'un pot nucléaire tandis que la cendre prend 1000
ans à refroidir. Si on la concentre, on va pouvoir
récupérer aussi de la chaleur pour produire un système de
chaleur au niveau de ça
Avec tout ce concept-là, on peut pousser jusqu'à 1250
mégawatts les installations de Gentilly 1, 1A et Gentilly 2 tout en
abaissant les déchets nucléaires, tout en contrôlant aussi
les déchets industriels et domestiques, ce qui veut dire que le concept
de la première phase, c'est de partir simplement Gentilly 1 pour aller
chercher les 225 mégawatts et aller chercher la planification au niveau
des 3 500 000 000.
Le Parti conservateur, dans son programme de réélection, a
mis 1 000 000 000 $ à la disposition pour la dépollutlon fluviale
Nous, comme on présente un projet d'intérêt public,
c'est-à dire le gouvernement en place, qui est le gouvernement
conservateur, les libéraux et le NPD plus le Sénat qui
était visé à ce niveau, c'est un projet
d'intérêt public. Ça fait que c'est simple ment à ce
niveau-là. Il va rester, dans un deuxième temps, à
informer les différents premiers ministres des provinces et ainsi de
suite de tout l'ensemble du projet, ce qui, économiquement, va faire un
développement, au niveau du travail, de toute l'infrastructure, de tout
ce qui en est au niveau de ça: le développement de l'emploi, la
qualité de vie et tout ce qui en est, ainsi de suite.
Présentement, il y a des gisements pétroliers dans le
secteur Arthabaska, Notre-Dame-du-Bon-Conseil, Nicolet et ainsi de suite. En
1978, 1980, 1981. SOQUIP avait "drille" 300 000 000 de trous pour inventorier 6
500 000 000 de barils do pétrole dans cette zone-là. Nous, SGA
Internationale, division Pétrolbec, on a conclu des accords avec les
Waben-Akis au niveau des territoires, des droits miniers, Meta Oil et ainsi de
suite au niveau de ces gisements là.
Ces actifs représentent 6 500 000 000 de barils à 20 $ le
baril, ce qui veut dire 130 000 000 000 $, grosso modo, d'actifs au niveau des
gisements pétroliers seulement.
Les réserves, c'est pour cinq raffineries de pétrole pour
196 ans à 35 000 barils par jour, 200 jours ouvrables par année.
C'est, grosso modo, ce qu'il y a au niveau de ça. Il y a une partie au
niveau du gaz qui peut être exploitable; si on prend le gaz, on va avoir
moins de gisements de pétrole, et ainsi de suite.
La Caisse de dépôt nous a donné son accord pour
l'ensemble du projet, en autant qu'il y avait un accord entre Noverco, SOQUIP
et tout ça. Ce que Canam-Manac vient de faire, Canam-Manac vient d'avoir
le contrôle à 51 % de Noverco, ainsi de suite. La Caisse de
dépôt a sorti 215 000 000 $, je crois, pour aller
récupérer les 27 % du capital-actions qui étaient sur le
marché. Ce qui veut dire que l'accord est conclu pour ce qui est de la
première étape, mais nous, en tant que SGA Internationale, pour
avoir des capitaux, autrement dit, à un taux qui soit rentable, on s'est
adressé, ici, à la banque Indosuez, plus Sonatrach, en
Algérie, pour la liquéfaction du gaz, et ainsi de suite, qui ont
des pétrodollars sur le marché international, pour nous mettre en
position de négociation de ces capitaux.
Il reste de disponibles 20 % du capital-actions au niveau des
raffineries. Pourquoi on ne veut pas sortir les 20 %, on ne demande pas aux
actionnaires ou à ceux qui vont en vouloir de sortir de l'argent tout de
suite? Parce qu'on va aller dans les banques et, après, les actions vont
être payables 30 jours après l'ouverture de la raffinerie, ce qui
veut dire que ceux qui vont vouloir en acheter vont pouvoir escompter leurs
actions à la banque ou ainsi de suite. Il s'agit de ne pas, aussi bien
vis-à-vis de Canam-Manac qui vient de finir ses problèmes
financiers, les obliger à réinjecter des fonds pour l'instant. On
peut avoir des fonds assez facilement sur le marché International, sur
le marché national, dans les caisses de dépôt, on n'en
manque pas. Tout est là dans l'ensemble, il reste que le dossier a
été donné, au niveau de Meta Oil pour les permis de
forage, à Mme Bacon; on attend des développements de ce
côté-là.
Toute l'infrastructure au niveau des gisements, au niveau de la
technologie, tous les protocoles d'entente ont été signés:
ADS, Générale Électrique, Permacon Montco pour le
traitement des cendres de l'incinérateur, pour faire du panneau
thermique à partir des cendres, l'amiante et les cendres, composants
soit en ciment ou ainsi de suite. C'est à peu près
l'infrastructure proposée, ce qu'il peut y avoir au niveau des
traitements nucléaires, industriels et domestiques.
Grosso modo, en relançant Gentilly, ça nous permet d'aller
chercher ces capitaux-là, de relancer la création d'emplois au
niveau de tout ça, de dépolluer le fleuve, et ainsi de suite.
C'est ce qui ressort à ce niveau. S'il y en a qui ont des
questions, c'est à peu près...
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup.
Mme la ministre.
Mme Bacon: MM. Aucoin et Houle, je vous remercie d'être
venus discuter avec nous à la commission et de nous avoir
présenté votre dossier. Le concept que vous avez à
l'intérieur d'un même projet porte sur un très grand nombre
de sujets, on peut dire des sujets qui sont préoccupants. Vous passez de
l'augmentation de la capacité du raffinage au Québec à la
gestion à long terme des déchets nucléaires. Vous passez
par la conversion de réacteurs nucléaires jusqu'à la
cueillette des résidus domestiques, industriels, revalorisation
énergétique. Moi, j'aimerais que vous me précisiez le lien
que vous avez entre votre concept et l'objet de la commission que nous tenons
aujourd'hui qui porte sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec. (20 h 15)
M. Aucoin (Réjean): On dit qu'on a un alternateur de 225
mégawatts qui est là, qui est payé, qui sert juste
d'école de simulation pour l'instant. En relançant ça par
tout simplement une raffinerie et un incinérateur... On en a besoin. Que
ce soit pour les BPC, tous ces produits, on en a besoin. Mais c'est de le
mettre dans un site Idéal pour qu'il soit productif, pour produire de
l'électricité, et ainsi de suite. C'est la première
étape à ce niveau.
Deuxième étape, ce sera de définir les zones les
plus polluées, les produits. Mais déjà, au niveau des
déchets domestiques et tout ça, il y a de la technologie qui
existe pour faire de la briquette de combustible pour pouvoir alimenter
ça. C'est du résidu perpétuel qu'on peut - aussi bien que
l'eau peut l'être pour les barrages - économiquement
développer. Avant de penser à faire d'autres barrages,
Hydro-Québec, à cause de la technologie qui s'en vient, à
cause des économies électriques qu'on va produire, à cause
de cette nouvelle technologie, on devrait simplement améliorer notre
infrastructure pour l'Instant, se créer une qualité de vie. On
est déjà autosuffisant en électricité.
C'est pour la vente? Si c'est pour la vente, déjà
Gentilly, La Prade et tous ces secteurs peuvent facilement voir à ces
besoins de 1200 mégawatts. Pourquoi faire d'autres barrages? Ce sera
plus productif d'accorder une infrastructure dont on a besoin tout le monde
à ce niveau, qui va créer des emplois permanents
améliorant la qualité de vie tout en relançant Gentilly 1.
Il est là, l'alternateur. Il s'agit de mettre une transmission
hydraulique. C'est ça qui a pris trois ans et demi de recherches au
niveau de SGA Interna-
tionale pour tout faire signer les protocoles d'entente, que ce soit
à GE, au niveau de la consultation, pour arriver à un diagramme
de cheminement pour dire: On commence la première étape et,
spécifiquement, Gentilly 1, pour mettre ça.
Le raffinage du pétrole, on en a du pétrole. On le sait
qu'on en a. On a toutes les études sismiques, on a tout ce qu'il faut,
on le sait qu'il y a 6 500 000 000 de barils. Bon, il s'agit de le sortir, de
le mettre en production, mais II s'agit de faire des zones de
développement comme des petites raffineries qui vont être dans les
régions, pour une raison: un baril de pétrole à 95 %:
pétrole, asphalte, goudron, huile diesel, essence sans plomb, thinner,
tout reste dans les régions. C'est de créer des secteurs de
développement économique régional comme...
La première raffinerie, tous les papiers et résolutions
sont faits pour Baie-Comeau. Ça va être pour la
Côte-Nord-Lac-Saint-Jean, pour la première. La deuxième,
Bécancour. la relier à un incinérateur pour pouvoir,
justement, aller chercher l'infrastructure au niveau de Gentilly. Mais nous
autres, dans notre organigramme, au niveau de SGA Internationale,
déjà, on va faire notre raffinerie de pétrole à
Baie-Comeau, indépendamment... On dit qu'au niveau de
l'électricité on est là, mais on est allés chercher
les techniciens au niveau de Générale Électrique, ADS,
tous les meilleurs techniciens pour le faire et le produire, ce
concept-là. Ce concept-là, on aime autant marcher à... 3
500 000 000 $, on sait que ce sont les revenus d'après les ventes que M.
Bourassa a faites aux États-Unis.
On dit: L'ingénierie... si vous voulez, les ingénieurs,
participer à ça, 5 % du concept, c'est le taux normal au niveau
ingénierie. On le sait que ça nous coûte 180 000 000 $ pour
faire faire les plans de ça, mais on sait que ça coûte
ça, on ne va pas en appel d'offres, il n'y a pas de si puis... C'est
clair, c'est 180 000 000 $ pour se payer un concept dont on sait qu'il va
être là, en place, avec des gens qui ont des compétences,
et ainsi de suite. Ça fait que ce n'est pas à réprouver.
Générale Électrique en fait, des alternateurs, mais
Générale Électrique est là comme conseiller, pour
l'instant. Marine Industrie, aussi, en fait des alternateurs. Tout
préparer les plans, les ingénieurs... Ce n'est pas la fin du
monde, un alternateur de 400 mégawatts. On en fait en différentes
quantités, au niveau de nos barrages. C'est simplement de regarder dans
cette direction-là, avant de faire d'autres barrages ou avant de...
C'est de rentabiliser les équipements qu'ils ont là. Tout de
même, ce secteur-là a coûté 2 000 000 000 $ Ça
fait qu'on n'est pas pour... C'est l'argent de tous les contribuables. Je sais
que le gouvernement...
Mme Bacon: Mais un concept comme le vôtre, M. Aucoin,
est-ce que ça existe ailleurs?
M. Aucoin (Réjean): C'est nouveau. Ce qu'on propose
là, ça n'existait à nulle part dans le monde Mais ce que
je veux dire... Les transmissions hydrauliques, les alternateurs, toutes les
pièces d'équipement sont là, il s'agit de les assembler
Des raffineries de pétrole, ça existe. Tout est là, mais
il s'agit d'intégrer ça dans cette zone industrielle là
pour que ça fonctionne pour produire l'électricité. Pas
plus qu'un barrage ne pouvait exister à LG 2 ou dans le Grand Nord. Il
n'existait pas, au début, mais on a mis toute une infrastructure pour
payer des barrages de 6 000 000 000 $, ainsi de suite. Là, on parle d'un
alternateur qui est là. Une raffinerie de pétrole comme on
propose, ça coûte 250 000 000 $. On raffine, nous autres, à
95 % le baril. Les 5 %, c'est pour les matières plastiques. Pour aller
chercher 5 % du produit, je n'irai pas mettre 400 000 000 $, Pétromont
est là pour ça. Elle était déjà
déficitaire, on essayera de sortir 80 000 000 $. J'aime autant leur
confier les produits pour qu'ils soient rentables à ce niveau, puis
raffiner 95 % du baril de pétrole au niveau des goudrons, des machins
comme ça. 400 000 000 $ pour aller chercher 5 %, ce n'est pas rentable
pour nous autres.
Mme Bacon: Quand on pense à la pierre d'assise de votre
concept, c'est la reconversation de la centrale nucléaire de Gentilly 1
pour la production d'électricité. C'est une opération qui
met quand mâme en cause Énergie atomique du Canada et aussi
Hydro-Québec Est-ce que vous les avez toutes les deux informées
de votre projet et quelle est la réaction d'Hydro-Québec et
Energie atomique?
M. Aucoin (Réjean): La Commission de contrôle qui
est le patron d'Énergie automique Canada et ainsi de suite, c'est elle
qui est la surveillante. Elle dit qu'il n'y a aucun problème au niveau
de la Commission de contrôle, il n'y en a pas de problème. Le
problème... C'est sûr qu'Énergie atomique Canada a des
problèmes. Elle a démantelé une partie des
équipements de Gentilly 1, et elle a vendu les équipements
à un gars de Toronto. Elle voulait que je m'arrange avec. Je ne
m'arrange avec personne, moi. Vous n'aviez pas d'affaire à... Allez vous
expliquer avec le gouvernement et ainsi de suite. Ça, ça vient
dans un deuxième temps. Moi, les équipements, il faut qu'ils
restent là, c'est l'argent des contribuables. Moi, je fais un projet
d'intérêt public. C'est sûr que les gars d'Énergie
atomique Canada m'ont créé des problèmes au niveau de
ça. Non pas ça. Pourquoi pas ça? C'est ça. Nous, on
s'en va dans cette direction, puis ce n'est pas le gouvernement en place... Que
le gouvernement conservateur ait dit n'importe quoi, H nous a dit qu'il nous
soutiendrait, qu'il nous aiderait, ainsi de suite.
Au niveau de la banque fédérale, on avait demandé 5
000 000 $ pour nous aider Elle a
prêté 17 000 000 $ pour les bars de danseuses nues, puis
elle n'avait pas 5 000 000 $ pour nous autres. Il va avoir à
s'expliquer, M. Mulroney. Moi, je ne suis pas là pour faire du
sentiment. Je vous dis que je le sais, et qu'économiquement, nous
autres, les études qui ont été faites là ont
été payées par SGA Internationale, alors que c'est un
projet d'intérêt public. La banque fédérale va y
goûter pour 1 000 000 $; on va la poursuivre pour 1 000 000 $ dans ce
dossier-là. Je ne joue pas. moi. Je suis là pour faire le projet
d'intérêt public avec Environnement Canada qui a reconnu qu'il
nous aiderait au niveau des normes, au niveau de tout. Ce qui fait qu'on a
l'appui du cabinet du premier ministre qui reconnaît le bien-fondé
de tout ça, et le ministre fédéral a dit dans son
programme qu'il mettait 1 000 000 000 $ pour la dépollution fluviale.
Bon! Est-il là pour parler ou bien... Nous autres, on n'est pas
là pour parler, parce qu'on a sorti des capitaux depuis trois ans et
demi, on a signé des accords, puis on a toutes les compétences
pour les réaliser avec ces gens-là. S'ils veulent en faire un
débat sur la place publique, on va y aller. On n'est pas
gênés, on est allés chercher tous les groupes
environnementaux, on leur a donné le dossier. Mais, avant d'en arriver
là, on dit: Le dossier repose, il est dans votre main, avant de faire
quoi que ce soit. On attend votre réponse à vous au niveau de
ça aussi, pour dire... Le protocole veut ça. On peut le donner
à Greenpeace puis ainsi de suite. On va le faire dans une
deuxième étape pour l'informer que les industriels ne sont pas...
Ils vivent sur la même planète que tout le monde. On est là
pour trouver des solutions qui soient économiquement rentables pour tout
le monde. C'est tout. C'est ce qu'on essaie de faire.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de
vous souhaiter la bienvenue à la commission parlementaire et de vous
remercier de nous amener une nouvelle dimension au débat qui nous
intéresse et qui, nous le souhaitons tous, là, nous aidera,
aidera la gouvernement à déboucher sur des solutions acceptables
pour l'ensemble des citoyens du Québec quant au pian de
développement d'Hydro-Québec, à l'utilisation
générale et à l'économie générale de
l'énergie sur le territoire québécois.
J'ai quelques questions concernant votre concept qui semble être
un concept plutôt de type global. Vous avez parlé à
quelques reprises de 3 500 000 000 $. C'est quoi, ce chiffre-là? Est-ce
que ce sont des investissements, des revenus anticipés?
M. Aucoin (Réjean): Les 3 500 000 000 $: M. Bourrassa a
vendu 1000 mégawatts aux États-Unis, à l'État de
New York pour 17 000 000 000 $. On a pris un chiffre, 3 500 000 000 $, pour se
donner une marge d'une couple de centaines de millions d'erreurs. On a fait un
pro forma pour voir, pour installer des différents... On mettait 50 000
000 $ par dépôt pour les déchets industriels, et ainsi de
suite, mais il reste, dans un deuxième temps, à définir
les zones plus polluées. Va-t-on mettre 10 000 000 $ là puis en
remettre 40 000 000 $ là ou 70 000 000 $ là, ou ainsi de suite?
C'est ça qu'il reste à déterminer, les produits pour les
zones... puis du côté de Ports Canada, en travaillant avec eux
autres, on va définir les secteurs industriels pour ajuster tout
ça avec les municipalités et ainsi de suite, les types de
"containers".
M. Claveau: Oui, mais ça, ce sont des coûts ou des
revenus?
M. Aucoin (Réjean): Ce sont des revenus sur la vente
d'électricité. On peut produire de l'électricité
pour...
M. Houle (Guy): Ce sont des revenus qui servent pour faire le
projet, pour réaliser le projet, pour les dépenses, pour faire
l'exploitation du projet et les investissements.
M. Claveau: Mais les coûts du projet global sont de
combien?
M. Houle: Bien, là, il y a une étude de
faisabilité à faire pour déterminer toutes les
capacités puis tous les coûts de façon plus précise.
Actuellement, on en est à l'état de concept et c'est ça
qu'on vous présente.
M. Claveau: Mais généralement, par exemple, comme
quand Hydro-Québec nous arrive avec son plan de développement, ce
sont des concepts aussi, finalement, des propositions d'action, mais elle est
capable de nous dire que, quand on construit une centrale, ça va
coûter tant le mégawatt de puissance installée pour cette
centrale-là. Je suppose...
M. Aucoin (Réjean): Par rapport à tant de ciment
puis ainsi de suite. Nous, on vous dit qu'on a 3 500 000 000 $ de revenus au
niveau de la vente de l'électricité. On vous dit que, sur 3 500
000 000 $, notre pro forma nous donne ça, là...
M. Houle: Au niveau du revenu, mais au niveau des coûts il
y a des études de faisabilité...
M. Aucoin (Réjean): ...pour abaisser les coûts.
M. Houle: ...pour définir les niveaux des intrants,
là, tout ce qu'il faut pour produire un mégawatt.
M. Claveau: Alors, au moment où l'on se parie, là,
vous ne savez pas combien va coûter votre projet, finalement?
M. Houle: Non On a un budget, qui est le revenu de la vente de
l'électricité, c'est-à-dire 3 500 000 000 $.
M. Aucoin (Réjean): La raffinerie de pétrole
s'autogénère: elle produit du pétrole, elle n'est pas
là pour produire de la vapeur, mais on en produit, de la vapeur, parce
qu'il faut refroidir nos équipements.
M. Claveau: Oui, mais
M. Aucoin (Réjean): Ou on envoie la vapeur en haut... Non,
vous me parlez de coûts. Moi, je vais vous parler de coûts. La
centrale de Gentilly 1 est là, elle est payée. Il reste un
Incinérateur à mettre entre les deux puis des pompes hydrauliques
puis une transmission hydraulique, vous savez, puis moi je vous dis que j'ai 3
500 000 000 $ de revenus pour payer ça. Une transmission hydraulique ne
me coûtera pas... je ne paierai pas 3 000 000 000 $ pour une
transmission, à moins qu'elle ne soit en diamant. Vous me parlez des
coûts. Tout ce que je peux vous dire c'est que j'ai été au
plus haut et qu'il me reste à rabaisser les coûts. Ma raffinerie,
je la paie en moins de six ans, vous savez, puis elle est rentable. Point,
à la ligne. Vous savez, ce sont des équipements qui avaient
été faits pour l'Alaska, c'est une raffinerie transportable qu'on
a, ça fait que ce n'est pas un problème, on peut l'installer
rapidement...
M. Claveau: Mais...
M. Aucoin (Réjean): ...puis ainsi de suite. Ce sont toutes
des pièces d'équipement qu'on a. Nos ingénieurs, ils ont
bâti 14 raffineries. C'est bien beau la raffinerie de Petro-Canada mais
elle a un défaut, elle saute un peu. Il y a la chambre de
réaction de gaz, il y a un défaut dedans, elle a
coûté 600 000 000 $. Ça ne m'intéresse pas. Ce qui
m'intéresse, c'est la mienne, elle me coûte 250 000 000 $ et elle
va fonctionner, parce que le gars qui l'a faite, il en a fait 14 pour
l'OPEP.
M. Claveau: Est-ce qu'on pourrait s'entendre sur qu'est-ce que
c'est que SGA Interna tionale? Ça a combien comme chiffre d'affaires,
ça a combien d'employés, ça opère dans combien de
pays?
M. Aucoin (Réjean): Ça, c'est confidentiel pour
nous autres. Nous autres on a des protocoles avec 18 directeurs qui ont chacun
leur compagnie. On fait affaire avec les consulats et ainsi de suite. Point
à la ligne. C'est tout. On a les compétences pour le faire. Nos
protocoles d'entente sont là, le reste ça regarde la SGA
Internationale. L'objet c'est qu'on peut produire de
l'électricité à 3 500 000 000 $, aller chercher des
revenus. Y a-t-il quelqu'un qui est capable de faire mieux que nous autres? Le
pétrole, les conventions sont signées pour le pétrole. Le
pétrole, on a les droits exclusifs jusqu'à l'épuisement
des gisements. Les droits territoriaux ne sont pas contestables. Tout le monde
parle de l'accord du lac Meech et ainsi de suite; qu'ils regardent l'Acte de
Québec. L'Acte de Québec dit que tu as le droit de garder ta
propriété avec tous les usages qui s'y rattachent. Point à
la ligne Le traité d'Eden, de 1627, reconnaît aux autochtones les
mômes droits qu'aux Français En 1760, on a passé le pouvoir
des Français aux Anglais, et ainsi de suite. Des conventions ont
été signées internationalement. La seule province qui a
des droits au niveau territorial, c'est le Québec, c'est pas les neuf
autres provinces. C'a été conclu, ça a été
signé pour empêcher l'invasion américaine. Ce n'est pas moi
qui ai fait l'histoire mais, quand on vient se faire conter des conneries et
des débats pour rien, on dit: Les droits territoriaux, on les a. On le
sait, au niveau des droits miniers, il y a juste l'or et l'argent qui
appartiennent à la couronne, 3 % au niveau des droits de surface. On le
dit nous autres et les droits de surface on les laisse à l'UPA, à
l'Union des producteurs agricoles. Mais les gisements appartiennent aux
autochtones, c'est à nous autres. Moi, je suis un Abénaquis, et
lui aussi et on sait qu'on connaît nos droits. Vous autres, vous avez
votre manière de voir les choses mais on dit: Un instant, si ça
ne fait pas, on va aller au tribunal de droit international, on va aller le
débattre. On est bien prêts. Mais c'est à nous autres,
point.
On vient de signer une convention avec Meta Oil qui a les droits
d'exploitation au niveau de tout ça mais avec toute la magouille qu'il y
a eu au niveau de SOQUIP et les 300 000 000 $ que ça a
coûté pour trouver ce pétrole-là et qu'ils ne sont
même pas enregistrés au fédéral, à l'Office
national de l'énergie, bien on dit: Qu'est-ce qu'il se passe? Y a-t-il
une commission d'enquête que Mme Bacon va décider pour faire la
lumière, avec tous ces faits-là? Nous autres, on est prêts
à aller le débattre. Ça ne nous dérange pas, nous
autres, on a les mains propres.
Vous nous demandez qui on est. J'ai fait 13 ans et demi pour le journal
La Presse. J'ai été chercher les meilleurs techniciens au
monde au niveau des protocoles d'entente et chacune des compagnies a ses
industries et ainsi de suite. Nous, on est une société
socio-capitaliste: 25 % des bénéfices nets vont aller à
nos travailleurs et on travaille avec la FTQ, la CSN et l'Internationale qui
sont assujetties à Genève à 60 000 000 de travailleurs.
Vous voulez savoir qui ont est? On est juste ça, SGA Internationale. On
est la première compagnie socio-capitaliste, peut-être Je ne
connais pas les autres pays pour en
parier mais, en tout cas, on est assez bien structurés pour se
défendre. (20 h 30)
M. Claveau: Mais là, écoutez, je comprends qu'il y
a une nouvelle dimension qui vient d'apparaître dans le dossier...
M. Aucoin (Réjean): C'est ça.
M. Claveau:... qui est la dimension des droits des autochtones et
tout ça.
M. Aucoin (Réjean): Bien, ça fait partie de
l'ensemble. Moi, je n'y peux rien. C'est ça qui se négocie. Ce
n'est pas mol qui ai rapatrié la constitution, c'est Trudeau qui a
rapatrié la constitution unilatéralement sans l'accord du
Québec. Québec a dit non, parce que l'Acte de Québec lui
reconnaît le droit de garder leur langue, leur foi, leurs
propriétés et tous les usages qui s'y rattachent pour tous les
Canadiens résidant dans la province de Québec. Relisez votre
histoire. Moi, je ne la referai pas. Ça a été signé
et c'est signé, point. Le reste du Canada n'en a même pas
d'entente. C'est tout ça et c'est dit: Pas de droit de discrimination au
niveau de n'importe quel Canadien. En 1982, la Chambre des Communes a
adopté la Charte des droits et libertés. Moi, je me base sur des
documents, il y en a qui font de la politicaillerie. Moi, je me base sur un
document qui est là.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités,
s'il vous plaît. Ah, il y avait une question, je m'excuse. M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. En tant que
député de Drummond, vous me voyez étonné de
remarquer les quantités de pétrole et de gaz que vous mentionnez
dans votre exposé. Est-ce que ces quantités ont été
prouvées?
M. Aucoin (Réjean): Oui, oui. On peut vous fournir tous
les documents, les études sismiques qui avaient été faites
bout par bout. L'ancien ingénieur de SOQUIP, qui a tout "drillé"
le pétrole, est sous protocole d'entente avec Pétrolbec et SGA
Internationale. On a tout ce qu'il faut pour prouver hors de tout doute que le
pétrole est là, et que ça a été
peut-être le plus gros "boss" qu'on n'a jamais vu dans le domaine
pétrolier.
Ça, ce n'est pas à moi de le déterminer. Mme la
ministre, quand ce sera le temps, on va lui donner tous les documents pour lui
prouver ça. S'il y a un ménage à faire... On ne peut pas
présumer de la mauvaise foi du gouvernement. Il a été
mandaté, élu pour les intérêts... Nous autres, on
est là pour le déposer, pour dire que c'est là. Ce qu'on
atteste, on peut le prouver hors de tout doute.
M. St-Roch: Les quantités qui sont là, vous pouvez
les prouver?
M. Aucoin (Réjean): Oui. Ça, c'est l'ancien
président de SOQUIP qui l'a déclaré, Cloutier. On a tout
ça. On a les études sismiques. Partout, depuis trois ans, on a
été chercher carte par carte pour unifier tout ça, pour
avoir les études sismiques où étaient les gisements, la
quantité de gisements et ainsi de suite. On peut prouver tout ça
hors de tout doute.
M. St-Roch: Et la compagnie Meta Oil, c'est elle qui
détiendrait les droits?
M. Aucoin (Réjean): Meta Oil, ce sont des gars... Eux
autres, ce sont les seuls qui n'ont pas signé avec SOQUIP. Autrement
dit, SOQUIP avait fait signer des procurations aux cultivateurs les mandatant
pour "driller" pour eux autres pour trouver le pétrole. Après,
ils ont passé une loi disant: Si on est 10 ans sans s'en servir, tu
perds tous tes droits. Après, toute l'ancienne "gang" de SOQUIP a
formé Noverco, et toute cette "gang" était au niveau de la
direction de Noverco et tout ça. On dit: Bon, qu'est-ce qui arrive?
Là, Dutil se retrouve avec 275 000 000 $ au niveau d'un pipeline, mais
il n'y a rien qu'une affaire, les droits de gaz et les droits de
pétrole, c'est nous autres qui les avons. On dit: Dutil, on ne favorise
pas de s'associer avec toi, mais 10 % du capital-actions au niveau, ainsi de
suite, et vous avez la Caisse de dépôt. On dit: Je n'ai pas le
droit de présumer de la mauvaise foi de Dutil. Ce n'est pas à moi
de faire l'enquête, c'est au gouvernement à faire ses
enquêtes. Moi, je dis: Qu'est-ce que ça donne comme portrait pour
l'instant? Je me pose autant de questions que vous, mais je dis: Le
pétrole est là, les gisements sont là, on peut le prouver.
Meta Oil, tout est là, il ne reste qu'à sortir nos permis de
forage du côté de Mme Bacon. On peut "driller" demain matin. On a
toutes les compétences pour le faire. On attend carrément
après Mme Bacon pour voir ce qui se passe dans ce dossier.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: C'est en vous remerciant de votre participation
à la commission et des informations que vous nous avez fournies, en
souhaitant qu'il y ait des résultats qui vous soient satisfaisants un
jour ou l'autre.
M. Aucoin (Réjean): Pas de problème, on va en
avoir.
M. Claveau: Merci de votre présentation.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député d'Ungava. Mme la ministre.
Mme Bacon: Ce qu'on peut dire, M. Aucoin, c'est que vous ne
manquez pas d'énergie.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Aucoin (Réjean): Surtout pas avec la ministre de
l'Énergie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie la Société de gestion
Aucoin Internationale pour sa participation à ses travaux. J'invite
à la table M. Michel Yergeau. Merci, bonsoir.
Bonsoir, M. Yergeau. Vous âtes familier avec nos
procédures. Je vous fais grâce de tout cela. Je veux juste vous
prévenir qu'on a 20 minutes pour votre présentation. On vous
écoute.
M. Michel Yergeau
M. Yergeau (Michel): N'ayez crainte. Je compte même prendre
un peu moins que 20 minutes, histoire de vous permettre de rattraper le temps
perdu. Mme la ministre, M. le Président, merci beaucoup de m'avolr
permis de m'adresser à vous. Je n'ai pas préparé de
mémoire comme tel, je vous ai fait parvenir une lettre qui résume
certaines idées qui me sont chères et que j'entends exposer
brièvement. Je ne représente pas de groupe en particulier, je
viens en mon nom personnel, en tant qu'ancien vice-président du Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement, de praticien du droit de
l'environnement, de président du Comité consultatif sur
l'environnement d'Hydro-Québec, de membre de la Commission de
réforme du droit du Canada en matière d'environnement et ainsi de
suite. Donc, en tant que personne qui, dans le domaine de l'environnement,
navigue professionnellement depuis une douzaine d'années, à
toutes fins pratiques.
J'ai, dans la lettre, une dizaine d'idées, ce qui me donne deux
minutes par idée, mais je vais essayer de les ramasser pour ne pas les
prendre de façon trop ennuyeuse. Évidemment, je crains toujours
une commission parlementaire qui aborde le problème de l'énergie
via l'électricité. Je ne fais pas de reproche au gouvernement
d'avoir institué une commission parlementaire, au contraire, je trouve
que c'est une très bonne idée, que c'est un grand pas en avant.
Sauf que je crains qu'aborder le problème de l'énergie par
l'angle de l'électricité mène, nécessairement,
à faire un petit peu le procès d'Hydro-Québec. J'ai eu
l'occasion de lire une bonne partie des mémoires qui ont
été déposés à la commission, et je sens, des
fois, un peu une façon de procès à Hydro-Québec,
mais peut-être que c'est le sort même de l'exercice qui
entraîne ça. Quant à moi, j'aurais tendance à croire
que la problématique de l'énergie est beaucoup plus vaste et,
sans vouloir faire chorus avec les gens qui réclament
nécessairement un grand débat public, je crois que tôt ou
tard cette question va être inévitable, compte tenu de
l'Importance des engagements qu'on va devoir prendre financièrement pour
réaliser certains grands projets, compte tenu aussi de la
complexité et du côté entremêlé et
tricoté serré de l'énergie duquel il est toujours
difficile d'extraire le problème de l'électricité. Si on
reconnaît, par exemple, que le Québec tout à
l'électricité était peut-être, au plan
environnemental, un peu une erreur, parce que ça a forcé, par
exemple, à chauffer les maisons à l'électricité,
qui est, quant à moi, une source d'énergie bien trop noble pour
chauffer des maisons, il n'en demeure pas moins que, si on veut trouver des
alternatives, que ce soit, par exemple le gaz naturel, il est bien sûr
que le gaz naturel appartient à l'entreprise privée qui n'est
plus vraiment Intéressée à investir dans un réseau
domestique de gaz naturel. Et, là encore, on voudrait se mettre au gaz
naturel qu'il y aurait des problèmes, effectivement, de
dégagement du méthane, donc de conséquences sur l'effet de
serre. Donc, si on veut aborder le problème énergétique,
il faut l'aborder globale ment, et je pense que, tôt ou tard, il va
falloir prendre le problème à bras le corps, et peut-être
la seule façon de le faire, ce sera par des états
généraux de l'énergie. Mais ça, ça viendra
sans doute dans un monde meilleur.
Pour moi, le problème des exportations n'est peut-être pas
le principal problème de l'énergie ou de
l'électricité. Quant à moi, c'est le rythme du
développement industriel qui risque d'être le problème. Et
il ne faudrait pas, sous prétexte, même tout à fait
louable, de vendre l'électricité, qu'on crée finalement
des pressions indues sur les mécanismes de protection de l'environnement
que nous avons mis en place. Et c'est une des choses que je crains dans la
situation actuelle, c'est que le gouvernement prend des engagements au niveau
industriel, il y a une accélération des grands projets qui sont
très consommateurs d'électricité, et ma crainte est que,
finalement, on se retrouve que les besoins de fournir de
l'électricité soient tellement grands qu'on ne puisse plus avoir
la patience de passer à travers les procédures qu'on a mises en
place en matière de protection de l'environnement, dans le domaine du
développement hydroélectrique, justement. On a
créé, il y a la Loi sur la qualité de l'environnement, il
y a les mécanismes d'étude d'impact, il y a les audiences
publiques, mais tout ça est assez long et assez complexe, ne serait-ce
que le temps de rédaction des études d'impact et le temps
d'analyse par le ministère de l'Environnement, mais, si on veut presser
indûment le rythme de développement économique, on
risque de s'engouffrer dans un cul-de-sac. C'est ce que je crains, et je crains
que, finalement, ça soit les
institutions qui en souffrent. Si le gouvernement, et je ne fais pas de
reproche, mais si le gouvernement, effectivement, maintient une volonté
de développement économique très fort, il est possible
qu'Hydro-Québec soit placée dans une situation qui soit vite
intenable. Ce seraient, à toutes fins pratiques, les conditions
idéales pour qu'Hydro-Québec soit placée en situation
d'antagonisme, par rapport à la population du Québec,
plutôt que d'être considérée comme une alliée,
tout simplement. Peut-être qu'il ne faut pas favoriser la
détérioration du climat. C'est un peu une des choses que je
crains.
Évidemment, ça me ramène à une vieille
idée qui est la mise en vigueur de l'article 2n du règlement sur
les études d'Impact, qui assujettirait les grands projets industriels du
Québec à la procédure. Je ne le fais pas pour hurler avec
les loups, parce que beaucoup de gens le demandent. Je trouve qu'il serait
normal, cependant, de soumettre les grands projets de développement
à la même procédure et aux mêmes contraintes que le
développement hydroélectrique lui-même. Parce que, si on
met les contraintes seulement du côté du développement
hydroélectrique, encore une fois, on augmente la pression sur les
institutions, et c'est une chose qu'il serait possible d'éviter si on
mettait en vigueur l'article 2n du règlement sur les études
d'impact.
Là encore, il n'est pas tout d'exiger que les mécanismes
soient respectés. Évidemment, mon propos, vouh l'uviv
remarqué, porte aurtout sur l'environnement, mal» on parle do ce
qu'on connaît, et c'est sous cet angle que j'aborde le problème.
À mon sens, ce n'est pas tout d'exiger qu'Hydro-Québec porte le
fardeau de réaliser des études d'impact environnemental qui
soient adéquates, encore faut-Il que le gouvernement, que l'État,
que le ministère de l'Environnement soit équipé pour faire
face à ce travail. Lorsqu'on regarde le rythme prévu de mise en
chantier dans le programme de développement d'Hydro-Québec, je ne
vois pas comment le ministère de l'Environnement va réussir
à faire le travail. Il y a déjà des problèmes au
niveau du ministère, depuis plusieurs années, de
sous-équipement, de personnel à la direction des études
d'impact. On a beau maintenant vouloir engager du personnel et dégager
des crédits, il n'en demeure pas moins que, je sais, par
expérience, que les analystes capables de prendre les études, de
les analyser, de les comprendre, de les valider, de les critiquer demandent
beaucoup d'expérience. Ce n'est pas quelqu'un fraîchement sorti de
l'université qui peut faire ce travail. Ce n'est pas, non plus,
quelqu'un qui a déjà plusieurs années d'expérience
d'analyse, mais qui n'a jamais travaillé dans les dossiers
d'études d'impact complexes d'Hydro-Québec qui peut y parvenir.
Or, on a beau sortir continuellement des dossiers et des études
d'impact, encore faut-il que le ministère de l'Environnement soit
équipé pour les traiter. Présentement, je sais que le
ministère de l'Environnement ne peut pas traiter tout ce qui s'en vient
au cours des prochaines années. C'est un problème, parce que,
tôt ou tard, on va se retrouver, encore une fols, avec des pressions
démesurées sur l'institution. Or, je suis tenant de la protection
de l'institution, comme vous remarquerez, qui est à la fois la Loi sur
la qualité de l'environnement, le ministère de l'Environnement,
la crédibilité d'Hydro-Québec et la
crédibilité du gouvernement et aussi, à toutes fins
pratiques, le respect de la population du Québec dans tout
ça.
Je pense que les économies d'énergie, d'autre part, c'est
une chose absolument essentielle et je crois même que, si on
prétend adhérer aux conclusions de la commission Brundtland,
c'est la seule façon qu'on peut inscrire le Québec dans les
conclusions de la commission Brundtland. Parce que c'est finalement là
qu'on est le plus carence, donc c'est là qu'on peut le plus
s'améliorer. Là encore, je ne crois pas qu'il soit possible
d'arriver à un résultat tangible en matière
d'économies d'énergie si on ne fait pas des économies
d'énergie un véritable grand projet national, De la même
façon qu'on a fait de Manie, à l'époque, un grand projet
national, ou qu'on a fait de la première Baie James un grand projet
national. Les économies d'énergie, c'est bien beau d'en parler,
mais encore faut-il en faire quelque chose d'attrayant. Or,
présentement, je ne suis pas sûr qu'on soit partis pour en faire
quelque chose d'attrayant. Ça va prendre une espèce de
génie pour réussir à faire avaliser ça et en faire
quelque chose de stimulant.
Je donnais juste un exemple à la blague, on pourrait se fixer des
objectifs mensuels, trimestriels, faire des baromètres comme Centraide
et tout, en se disant: Atteindrons-nous nos objectifs annuels
d'économies d'énergie? Mais je pense qu'en se creusant les
méninges on pourrait en faire un projet national. Si on n'en fait pas un
projet national, c'est peine perdue, on n'y parviendra pas. On n'y parviendra
pas, parce que, pour y parvenir, il faut changer les habitudes de consommation
d'électricité. Et ça, ça ne peut pas se faire sans
toucher le coeur des gens. Ce n'est pas qu'une question de tarification, bien
que je sois convaincu qu'il va falloir aussi, parmi les moyens utilisés,
prévoir des aménagements de la grille tarifaire domestique, entre
autres, pour y parvenir. (20 h 45)
Mais, ceci dit, je ne souscris pas non plus totalement à ce que
j'appelle la grand-messe de l'environnement qui fait que la panacée
serait les économies d'énergie. Je crois, d'une part, et pour
trois raisons... D'une part, je crois qu'on ne parviendra pas à
atteindre les objectifs que l'on vise. Deuxièmement, je ne crois pas
qu'on parvienne à les atteindre dans un temps relativement bref.
Troisièmement, des gens disent - parce que j'ai lu ça dans
quelques mé-
moires, avec beaucoup de respect, je ne suis pas tout à fait
d'accord - pourquoi ne pas investir dans les économies d'énergie
tout ce qu'on veut investir dans les grands projets hydroélectriques?
Pour la simple et bonne raison que les prêteurs ne prêteront pas
sur un programme d'économies d'énergie. Ils vont prêter sur
du béton. Tout ça doit être financé et on ne finance
pas vraiment facilement un programme d'économies d'énergie.
Donc, je pense que, si c'est une chose essentielle, ça peut
passer par un programme très stimulant qui soit un sujet de
fierté, mais ça connaît aussi certaines limites qui peuvent
être atteintes plus vite qu'on le croit, et il faut rester
méfiants de ce côté-là.
J'ai été témoin, du temps que j'étais
vice-président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement,
ayant eu à tenir un certain nombre d'enquêtes où
Hydro-Québec était impliquée, des carences au niveau
procédural ou méthodologique de rédaction des
études d'Impact. J'ai eu l'occasion de voir évoluer les choses.
J'ai eu l'occasion, depuis quelques années, de faire partie de ce
comité d'experts qu'Hydro-Québec convoque deux jours par deux
mois, en gros, pour le consulter sur un certain nombre de problèmes
environnementaux et se faire critiquer, et j'ai vu de quelle façon la
méthodologie avait évolué. Lorsqu'on dit maintenant
qu'Hydro-Québec fait peu de cas des études d'impact et tout, je
pense que c'est faux. Hydro-Quebec a développé - et je le dis
sans passion, mais je me crois autorisé à le dire - je pense
qu'Hydro-Québec a réalisé des pas de géant dans la
qualité méthodologique de ses études d'impact, qu'il y a
là un acquis. Ce que je crains, cependant, c'est que les
mécanismes de réception, d'analyse et de contrôle ne soient
pas à la hauteur. Mais, au niveau méthodologique, je crois qu'il
y a là des efforts considérables qui ont été faits.
Mon autre crainte est que nous perdions la mémoire de tout ce qui est
fait là, et il faudrait rendre plus facilement accessible l'océan
d'information qui est contenue dans les études de répercussions
environnementales d'Hydro-Québec.
On parle, évidemment, beaucoup des études d'impact
cumulatif. C'est un sujet qui est à la mode, et je voudrais mettre en
garde la commission, bien humblement, si vous me le permettez, sur ce qui est
peut-être un peu un mirage que sont ces fameuses études d'impact
cumulatif. En gros, une étude d'impact a pour objet d'étudier les
conséquences, les impacts qu'un projet donné aurait sur un milieu
donné. Les études d'impact cumulatif ont pour objet
d'étudier les impacts qui ne naissent pas d'un projet lui-même,
mais de la conjonction de deux ou de plusieurs projets, quels sont les impacts
qui ne sont pas propres à un projet, mais qui apparaissent lorsque
plusieurs projets sont mis ensemble.
Or, ces études d'impact cumulatif sont encore à
l'âge de pierre. À ma connaissance, il n'y a
qu'Hydro-Québec qui a commencé à déve- lopper une
méthodologie sur les études d'impact cumulatif. Si on attend,
cependant, les études d'impact cumulatif et les résultats des
études d'impact cumulatif pour agir, il risque d'y avoir de grands
délais qui vont s'écouler. Est-ce qu'il est
préférable d'aller de l'avant sans savoir vraiment quelles sont
les conséquences de l'accumulation des grands projets
hydroélectriques? Peut-être, mais il n'en demeure pas moins qu'il
ne faut pas croire que c'est pour demain la veille. Il y a encore certainement
pour cinq ans de travail avant que l'outil, qui sera important, des
études d'impact cumulatif soit à point. Ce n'est certainement pas
pour l'an prochain qu'on va voir des résultats très
intéressants, d'autant plus que l'exercice ne peut pas être fait
uniquement par Hydro-Québec, mais qu'il dort être fait en
conjonction avec d'autres utilisateurs, d'autres formes d'énergie,
d'autres formes de grands projets
Ceci dit, je conclus sur deux Wees qui me sont chères. La
première, c'est qu'il y a un certain nombre de cours d'eau au
Québec qui ont le droit de couler sans être dérangés
et, a mon sens, l'objectif collectif du Québec ne devrait pas être
d'harnacher et d'utiliser la moindre ressource hydrique du Québec. La
nature a le droit d'exister en elle-même et pour elle-même et non
pas uniquement au service de l'homme.
Je pense qu'il y aurait lieu d'identifier un certain nombre de cours
d'eau à grand potentiel, dès maintenant, de façon à
les verser dans un fonds collectif de rivières auquel on toucherait le
moins possible et qu'on renoncerait à utiliser, non pas pour verser les
miettes lorsqu'on aura harnaché tout ce qui est beau et bon, mais pour
Identifier, maintenant, ce qui devrait être protégé
coûte que coûte pour l'avenir
Une dernière Idée à laquelle je suis très
sensible, parce que j'y al été confronté à quelques
reprises, et c'est encore une mise en garde que je fais, bien humblement, il ne
faut pas sous-estimer le jugement extrêmement négatif qui est en
train de se bâtir dans la communauté internationale à
propos du sort fait aux autochtones du Québec. J'ai eu l'occasion
d'être confronté dans des réunions, à gauche et
à droite, où j'ai senti une incompréhension à peu
près totale, une ignorance souvent absolue, mais quand même un
jugement qui se bâtit. J'ai eu l'occasion, il y a quelques semaines,
à Munich, de dire à un groupe de savants, là-bas, qu'ils
étaient en train d'aborder - c'était un peu méchant - le
problème des autochtones du Québec de la même façon
qu'ils avaient abordé le problème des bébés
phoques, c'est-à-dire qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, mais
ça ne les empêche pas de causer.
Je crois que c'est en train de se bâtir et, s'il n'y a pas des
efforts qui sont faits pour essayer d'informer la communauté
internationale, nous allons nous retrouver probablement avec un jugement
extrêmement négatif sur le Québec,
qu'il ne faut pas sous-estimer. Je suis certain que ça peut
être absolument fatal. L'Allemagne est en train de se construire une
idéologie qu'elle cherche depuis 40 ans, et cette idéologie
tourne autour de l'environnement. L'Allemagne, par contre, aura besoin
d'énergie, aura probablement besoin d'hydrogène liquide, mais
l'Allemagne ne pourra jamais être un client du Québec si nous ne
réussissons pas à débloquer ce problème du sort
fait aux autochtones, qui est un problème considérable. Je vous
remercie de votre attention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Yergeau. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Yergeau, nous écoutons toujours vos propos
avec beaucoup d'intérêt. Il nous apparaît, à la suite
de certains témoignages - vous vous êtes
référé à certains témoignages et à la
lecture de certains mémoires - qui ont été faits devant
notre commission que la qualité des travaux d'Hydro-Québec en
environnement, que vous soulignez, n'est pas reconnue à son
mérite par les groupes. A quoi pouvons-nous attribuer une telle
situation?
M. Yergeau: Remarquez que j'ai certainement autant de
problèmes que vous, madame, à comprendre. Il y a une mauvaise
diffusion de l'information. Hydro-Québec s'y est peut-être prise
trop tard. Hydro-Québec est partie peut-être un peu en retard,
peut-être que ce n'était pas de mauvaise foi, non plus, parce
qu'il fallait bien commencer quelque part. Hydro-Québec a
accumulé un certain nombre de jugements très négatifs sur
ses études, entre autres, dans les premières années du
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, et je dois confesser que j'en
suis, parfois, un peu l'auteur parce qu'on s'est retrouvé dans des
situations qui étaient critiquables et qui ont été
critiquées.
Je pense qu'un tournant pour Hydro-Québec dans sa
crédibilité au niveau des études ça a
été le dossier de Grondines, l'impression qui est restée
dans la tête de plusieurs qu'Hydro-Québec avait caché le
résultat de certaines études pour éviter le passage
sous-fluvial. Il y a eu une accumulation de critiques et de dossiers
négatifs qui ont laissé une mauvaise impression. Pourtant,
lorsqu'on regarde de près la méthode qui est utilisée, la
rigueur, la vastitude des sources d'information qui sont recherchées, je
crois qu'on a là, méthodologiquement, quelque chose qui est en
train d'être au point. Je ne dis pas absent de critiques, et c'est pour
ça que je m'inquiète de l'autre bout, à la
réception, au ministère de l'Environnement, de ce qu'on peut
faire comme critique, mais je trouve que, méthodologiquement, c'est bien
fait, mais ça ne passe pas. Ça, c'est le drame,
présentement, d'Hydro-Québec. Je pense qu'Hydro-Québec n'a
guère de crédibilité.
La semaine dernière, je lisais, dans le journal... Je plaidais
à Roberval, je n'y ai pas assisté, mais je sais qu'il y a eu une
conférence de presse très longue, qui a été
donnée par Hydro-Québec, pour expliquer son bilan de ses
études en environnement et tout. Ce que j'ai lu dans le journal,
ça a été une opération de relations publiques. Il y
a là effectivement une difficulté, une crainte pour beaucoup de
monde de se laisser flouer et, donc, qu'on assimile très facilement le
travail qui est fait en environnement, qui est un travail sérieux, pour
voir les gens travailler, mais qui est confondu avec des opérations de
relations publiques. C'est toujours le résultat qu'on retrouve.
Mme Bacon: Je pense qu'on assiste en ce moment... Ce que vous
venez de dire donne raison à une certaine crise de confiance de
plusieurs groupes par rapport à la crédibilité des
études qui sont exécutées par Hydro-Québec ou pour
son compte. Il faut dire aussi que cette situation rend difficile la
concertation et peut facilement conduire les discussions à une impasse.
Je pense qu'on l'a vu dans certaines situations. Comment peut-on
résoudre un problème comme ça? Par quel mécanisme,
par quel moyen les citoyens ou les groupes pourraient-ils reconnaître
à leur mérite des études qui sont faites par
Hydro-Québec ou pour Hydro-Québec? Est-ce qu'il serait
nécessaire, par exemple, d'avoir dans tous les cas recours à une
expertise externe pour faire valider ce qui est fait à Hydro?
M. Yergeau: Le problème, c'est que l'expertise externe
risque d'être moins compétente que l'expertise interne souvent. Il
ne faut pas se le cacher. Il y a beaucoup de sujets qui ne sont
étudiés finalement que dans le cadre des études
d'Hydro-Québec. Donc, souvent, les gens les plus compétents,
c'est ceux qui les font et non pas ceux qui sont de l'extérieur.
Évidemment, ça peut aider. Mais, quant à moi, je
pense que la première chose à faire, ce serait de mieux
préciser les rôles, le rôle du gouvernement et le rôle
d'Hydro-Québec. En lisant les mémoires, j'ai souvent l'impression
qu'on considère que c'est Hydro-Québec qui définit la
politique énergétique du Québec. Je sais que ce n'est pas
ça. Mais la perception est celle-là. Peut-être qu'il y a
une confusion des rôles. Si le gouvernement décide, comme c'est
son droit le plus absolu, qu'il faut favoriser un développement
industriel massif qui implique une forte consommation
d'électricité à prix relativement bas, c'est un choix
politique qui doit être annoncé comme étant un choix
politique qu'Hydro-Québec doit par la suite exécuter. Mais ce
n'est pas Hydro-Québec qui décide du nombre d'alumineries ou qui
décide finalement de mettre beaucoup de pression pour faire venir des
industries ou pour l'établissement d'industries qui
sont énergivores. Je pense qu'il y a un problème, d'abord
et avant tout, au niveau de la confusion des rôles entre Hydro et le
gouvernement. Si c'était nettoyé, si Hydro était plus
perçue non pas comme celle qui définit les politiques et les
réalise, mais celle qui est là pour fournir de
l'électricité selon les besoins, déjà ça
irait mieux. Mais, évidemment, je crains aussi une espèce
d'accélération de la demande d'électricité et,
à ce moment-là, c'est Hydro-Québec qui va casquer, qui va
porter toute la responsabilité.
Mme Bacon: À la notion de connaissances ou de diffusion
des connaissances se rattache aussi toute la question de la limite des
connaissances, qui se traduit par la notion d'Incertitude, la notion de risque.
En environnement, comme dans tout autre domaine de l'activité humaine,
la gestion du risque fait partie intégrante de toute décision
d'intervention. En admettant que l'évaluation des risques est de nature
scientifique et que leur acceptabilité est de nature sociale, à
qui selon vous doit-il appartenir de déterminer si un risque est
acceptable, raisonnable, "gérable"? Est-ce que c'est aux
spécialistes de l'entreprise? Est-ce que c'est à la population,
au gouverne ment, à des experts externes, à tout autre organisme?
Quel doit être le rôle à ce moment-là d'audiences
publiques, comme le BAPE, par exemple?
M. Yergeau: Voilà, je pense qu'on a mis en place... Et,
quand je parlais de mon respect des institutions tantôt, c'est ça.
Je pense qu'on a mis en place les mécanismes pour faire ces analyses. En
bout de piste, la décision appartient à l'Etat. Ce n'est pas
Hydro qui décide. Ce n'est pas le Bureau d'audiences publiques qui
décide. C'est le gouvernement qui décide. Ça, c'est
toujours très important de le souligner.
Ceci dit, dans la mesure où on prend le temps et où on
donne le temps aux institutions de jouer leur rôle, d'où me
crainte de la précipitation de tantôt, à ce
moment-là, je pense qu'on a mis en place les mécanismes pour
permettre aux gens de s'informer, de critiquer, d'entendre les experts et de
laisser un organisme qui est jusqu'à maintenant neutre et
crédible... Et, Dieu merci! le Québec est doté du Bureau
d'audiences publiques qui est un organisme éminemment crédible,
bien qu'il ait connu certaines embardées dans les derniers mois et
certaines critiques, mais c'est encore un organisme émi-nement
crédible, et il faut faire jouer ce rôle-là à plein,
à mon sens. (21 heures)
II faut pouvoir permettre au Bureau d'audiences de jouer son rôle
et il faut profiter de la crédibilité que l'organisme a
réussi à bâtir, depuis 10 ans. Mais en matière de
gestion des risques, de toute façon, c'est le gouvernement qui va devoir
trancher dans tous les cas. Et ce sera toujours sa responsabilité. Je
verrais d'un très mauvais oeil, par exemple, que ce soit le Bureau
d'audiences publiques qui devienne décisionnel Le jour où le
Bureau d'audiences publiques deviendra décisionnel, à ce
moment-là, son rôle va se ratatiner nécessairement. Il ne
pourra plus faire l'analyse large qu'il faisait jusqu'à maintenant,
puisqu'il va être confiné à des balises très
étroites. On va y perdre, on n'y gagnera pas, et la décision ne
sera pas mieux prise. Je ne crois pas au gouvernement des juges. Je crois au
gouvernement qui exerce son droit de gouvernement et ses responsabilités
de gouvernement.
Mme Bacon: Le gouvernement s'est engagé à
réviser la procédure d'autorisation de consultations publiques
sur les grands projets d'Hydro-Québec. À votre avis, quelles
seraient les améliorations à apporter, en priorité,
à cette procédure?
M. Yergeau: La première chose, c'est de pouvoir aller
devant le public, avec les grands enjeux, le plus vite possible.
Systématiquement, dans les audiences d'Hydro-Québec, par exemple
- parlons de celles-là, puisqu'on parle de l'électricité -
la critique a toujours été... Écoutez, on est en train de
discuter de la dentelle, c'est-à-dire de savoir où on va passer
la ligne. Je me souviens de l'audience publique sur la troisième ligne
du réseau de transport de la Baie James - ça fait maintenant 10
ans de ça - on discutait si c'était pour passer sur le terrain de
golf ou à côté. Et, petit à petit, les gens ont pris
conscience, toujours, que ça venait bien tard parce que les
décisions de fond, c'est-à-dire est-ce qu'on va en passer une
ligne ou si on n'en passera pas, ça, ça avait été
décidé en amont, ça avait été
décidé avant. Or, à mon sens, il est nécessaire de
pouvoir aller fournir l'information et écouter les réactions des
gens aussi vite que possible sur les grands enjeux. Et, d'autre part, essayer
d'aller en audiences publiques, non pas sur tous les projets, mais sur des
projets types, en laissant un mandat large au Bureau pour qu'ensuite l'audience
puisse servir de précédent dans d'autres projets du même
type. Il ne faut pas essouffler le monde. La consultation publique, on n'a pas
ça, personne dans notre code génétique, n'est-ce pas?
C'est fastidieux, c'est difficile et les gens n'ont pas vraiment l'habitude.
Donc, il ne faut pas y aller à tout bout de champ. Il ne faut pas en
faire d'abus. Il faut y aller bien comme II faut, bien soigneusement, donner le
temps aux gens d'Intervenir et ensuite, faire des analyses qui servent de
précédent.
Par exemple, lorsque le Bureau d'audiences publiques avait tenu une
audience sur le déversement de la neige usée, dans le projet du
quai à neige de la ville de Montréal, après ça, on
n'a pas eu besoin d'une seule audience. Le problème était
réglé. L'analyse avait été faite et, de fait,
depuis ce temps-là, on vit sur le vieux-gagné,
sur les conclusions du Bureau d'audiences publiques, en disant: II
faudrait trouver des méthodes et politiques, et ainsi de suite.
Ça n'a pas été fait, mais on no change pas... On ne
bâtit pas Paris en un jour. Ça va finir par se faire. Mais il faut
y aller sur des cas types. Il faut fournir une information qui est la plus
complète et vulgarisée possible. C'est la pire information
à fournir, parce qu'elle doit être complète, et non pas
partielle et pleine de trous. Par contre, il faut qu'elle soit
compréhensible par ceux que la chose intéresse. On ne fera jamais
venir à des audiences publiques le tout Québec. Ça va
toujours représenter une frange de la population. Ça, ce sont les
conditions essentielles pour que ça marche. Mais, surtout, y aller le
plus vite possible, ça, ça me semble essentiel. Ne pas mettre
indûment de pression sur l'institution, alors qu'il est possible de faire
les choses dans le respect du monde. Quand on n'en fait pas trop, c'est
possible. Quand on essaie d'en faire trop, c'est là que ça
cafouille.
Mme Bacon: Vous soutenez, M. Yergeau, qu'il faut
reconnaître la qualité exceptionnelle de certains cours d'eau et
renoncer à en exploiter le potentiel hydraulique. Certains
régimes juridiques prévoient expressément la conservation,
la protection d'espaces naturels, notamment la Loi sur les parcs. Croyez-vous
qu'il soit souhaitable d'étendre la protection intégrale
au-delà de ces lois et, d'autre part, ne croyez-vous pas qu'il soit
possible, suite à un aménagement hydroélectrique, de
développer des conditions qui rendent environnementalement acceptables
les modifications au cours d'eau original?
M. Yergeau: Oui. C'est une question qu'on me pose souvent et, de
fait, je pense qu'il est toujours possible d'améliorer la nature. Je ne
dis pas que la nature est une chose figée, et, quand je parie de la
nature, j'emploie la nature dans le sens romantique allemand du XIXe
siècle. Donc, c'est très spécifique. Mais II est toujours
possible d'améliorer la nature. Cependant, je pense qu'on a aussi
l'obligation, parfois, de reconnaître que certains cours d'eau devraient
rester dans l'état où ils sont et de permettre à la nature
d'opérer à son rythme à elle. Évidemment, il y a
quelques siècles, lorsqu'on faisait des mégaprojets, on ne
changeait pas la surface de la terre. Quand on a construit la grande muraille
de Chine, on n'a pas modifié la surface de la terre. Et, pourtant,
c'était des projets cyclopéens. Mais maintenant, quand on fait
des projets cyclopéens chez nous, on change des provinces
entières, parce qu'on a de l'équipement, et on le fait. Non
seulement parce qu'on le fait, mais en plus de ça on le fait à un
rythme que la nature ne connaît absolument pas. La nature change
toujours, excepté qu'elle prend mille ans là où on prend
six mois avec des béliers mécaniques. Or, ce que je dis, c'est
que, môme si je crois qu'on peut améliorer la nature et la mettre
à notre main, il y a aussi Un certain nombre de choses qu'il faut
laisser là et qu'il faut juste laisser là. Une rivière a
le droit du couler en paix, comme je le dis tout le temps, et II y en a un
certain nombre, au Québec, qui devraient être conservées,
même si elles ont un grand potentiel énergétique. Et
là, je ne donne pas de noms, parce que je dis que c'est un travail qui
devrait être fait par l'État, qui devrait dire: Procédons
à une analyse. Qu'est-ce qu'on retire du potentiel
hydroélectrique et à quoi renonce-t-on? Parce que je pense que si
on prétend adhérer au principe du développement durable...
Le principe du développement durable, c'est, dans une certaine mesure
aussi, renoncer à certaines choses. C'est renoncer à certaines
habitudes et c'est renoncer à certains projets même s'ils sont
très attrayants. Et il faut avoir cette capacité de renoncer. Or,
je pense qu'il doit bien y avoir dans notre patrimoine de rivières non
exploitées un certain nombre de rivières qui devraient être
là, tout simplement.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, Mme la
ministre, je vais maintenant reconnaître M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: M. Yergeau, il me fait vraiment plaisir d'entendre
votre exposé, qui est assez complet et qui, je pense, va nous
éclairer. Vous avez parlé de la question des études
d'impact et vous disiez avoir de la difficulté à comprendre
pourquoi les études d'impact sont si mai perçues par la
population. J'ai presque envie de vous conter une petite histoire
personnelle...
Le Président (M. St-Roch): Oui, oui.
M. Claveau: Vous savez, pour être personnellement né
sur une terre du Lac-Saint-Jean qui avait été, en partie,
inondée par l'AJcan ou par Saguenay Power au moment de la construction
du barrage de l'île Maligne, pour avoir eu un père qui a
travaillé pendant plus de 30 ans dans la construction et dans
l'opération de centrales hydroélectriques, pour avoir
moi-même eu mon premier emploi rémunéré dans une
centrale hydroélectrique, pour avoir vécu avec ma famille pendant
plus de 14 ans dans une "company town" fermée appartenant à une
compagnie exploitant une centrale hydroélectrique, et pour vivre
maintenant depuis plus de 10 ans sur le territoire cri de la Baie James, je
peux vous dire qu'à l'intérieur de moi, dans les fibres les plus
sensibles de mon être, si vous voulez, sans vouloir faire de
poésie, je comprends, moi, pourquoi les gens ont de la difficulté
à croire les études d'impact. Parce qu'on s'est tellement fait
avoir historiquement avec ces études d'impact là, lorsqu'on
parlait d'inondations territoriales, qu'aujourd'hui il est à peu
près impossible pour ces gens-là de comprendre qu'à partir
d'une
petite étude on puisse régler tous les problèmes
Depuis mon enfance, j'ai toujours vécu, ma famille a toujours
vécu dans des problèmes reliés aux problèmes des
centrales hydroélectriques, et on en a entendu parler tellement, et on a
vu tellement d'à-côtés négatifs, finalement...
Môme si je dois dire, à la décharge de la production
d'électricité, que c'est peut-être à cause d'elle
que l'on a vécu jusqu'à maintenant, dans ma famille, il reste
qu'on a vu tellement d'impacts négatifs qu'on a de la
difficulté... Et tous ceux qui ont vécu dans une même
situation que la mienne ont beaucoup de difficulté à croire que
l'on puisse, à partir d'une étude, trouver des solutions. Et on a
eu exactement un exemple semblable qui nous a été
présenté ici par les Amis de la rivière Moisie, qui sont
venus nous présenter trois études réalisées, coup
sur coup, années après années, et qui, finalement,
finissent par se contredire toutes les trois. Alors, comment voulez-vous que
l'on puisse y croire, tout simplement.
M. Yergeau: Je suis totalement d'accord avec vous, et je pourrais
vous relancer avec une autre histoire. Parce que je me souviens du Dr Frappier
qui me racontait, il y a quelques années, le déchirement qu'il
avait connu lorsqu'on a construit Beauharnois, parce qu'il venait de la
région de Valleyfield. Et les promesses qui avaient été
faites, et le résultat que ça a finalement donné sur le
terrain, la destruction du village, et ainsi de suite... Mais je suis tout
à fait d'accord avec vous, et il est bien évident qu'une
étude d'impact, ce n'est qu'une étude d'impact, hein, ce n'est
que ça, ce n'est pas plus que ça. C'est l'instrument qu'on a
développé, en Amérique du Nord et dans la plupart des pays
industrialisés, pour essayer de prévoir avec assez de
précision quels seront les effets d'un projet. Ce que je dis, ce n'est
pas que les études d'impact sont infaillibles. Je dis
qu'Hydro-Québec a réussi à développer une
méthodologie qui est une méthodologie sérieuse. L'analyse
qui est faite ensuite, le jugement politique qui est posé et la
qualité des mécanismes de vérification des études
d'impact sont aussi importants que l'étude d'impact elle-même.
L'étude d'impact est un outil récent, c'est un outil qui,
à toutes fins pratiques, a quinze ans, ce qui est finalement très
jeune, pour créer un nouvel outil de connaissance, et je dis que
ça s'est considérablement amélioré. Je dis que la
façon dont on va chercher l'information pour bâtir les
études d'impact, c'est-à-dire les outils dont on s'est
dotés - les outils cartographiques, les inventaires, et ainsi de suite -
sont de plus en plus raffinés. Ils ne seront jamais infaillibles, et
c'est encore une technologie ou une méthodologie qui est neuve. Sauf
que, entre jeter la pierre et dire: Les études d'impact sont mal faites
et sont trompeuses, et dire: Voilà la perfection, il y a comme une marge
entre les deux. Et je dis que, comme témoin, peut-être un
témoin privilégié qui a vu évoluer les
études d'impact au Québec depuis une douzaine d'années, je
trouve que la méthode d'Hydro-Québec s'est
considérablement améliorée. Mais elle ne sera jamais
meilleure que le chaînon le plus faible de la chaîne. Or, je crains
que le chaînon le plus faible soit justement l'analyse qui en est faite
par le ministère, non pas par manque de volonté ou par
incompétence, mais par manque de ressources. Si on regarde les
échéanciers qui sont dans le plan de développement et,
donc, la pression qui va être mise sur le ministère de
l'Environnement pour procéder à l'étude de ça, ce
n'est pas la fin du monde, vous savez. Entre le moment où une
étude d'impact est remise et le moment où le projet peut
être autorisé, comptons un an, et on fait bien le travail Mais on
fait bien le travail dans la mesure où il y a quelqu'un pour le faire et
quelqu'un d'expérimenté. Or, c'est ça que je crains un
peu, à ce niveau-là. C'est qu'on s'y soit pris peut-être un
petit peu tard pour équiper le ministère, pour être
capables de faire face à la musique qui va être assez bruyante
dans les prochaines années, mettons pour les cinq prochaines
années, à ce niveau-là.
M. Claveau: Vous nous avez parlé d'un certain nombre de
choix qu'on aurait à faire, éventuellement, entre autres de la
préservation de rivières auxquelles on ne voudrait pas
toucher.
M. Yergeau: Oui.
M. Claveau: Et je donnerais, à titre d'exemple, la
rivière Ashuapmushuan, au Lac-Saint-Jean, qui est la seule
rivière qui n'a pas encore été harnachée dans la
région; la rivière Moisie, sur la Côte-Nord, et,
éventuellement, la Haute-Mauricie, bon! Il y a des trucs semblables et
là-dessus je partage totalement votre opinion en ce qui me concerne.
Mais là où j'ai un problème, c'est: Est-ce que vous ne
croyez pas qu'au moment où l'on se parle, étant donné les
engagements qui sont faits et étant donné aussi - ce sur quoi je
reviendrai tout à l'heure, au niveau du genre de mégaprojet de
conservation d'énergie dont on pourrait peut-être rêver
ensemble... Étant donné tout ça, ne croyez-vous pas ou
n'avez-vous pas la crainte qu'il soit trop tard, au moment où l'on se
parle, pour pouvoir intervenir là-dedans, ou s'il est toujours possible
de faire le virage avant qu'il ne soit trop tard?
M. Yergeau: A mon sens, c'est possible de le faire, et je ne
suggère pas qu'on mette un arrêt sur toutes les rivières du
Québec. Ce que je dis, c'est qu'il faudrait dès maintenant
procéder à une espèce d'analyse et dire: Bien,
écoutez, qu'est-ce qu'on considère comme absolument
important?
II y a quelques années, je vous donne un exemple, il était
question de harnacher les rapides de Lachine. Et je vais violer un secret de
délibération du Comité consultatif sur l'environnement
d'Hydro-Québec - je suis lié par le secret, normalement, mais
l'histoire est trop drôle et, finalement, c'est déjà sorti.
Il y avait un projet qui consistait, à toutes fins pratiques, à
rebâtir les rapides de Lachine. Donc, on construisait une centrale, on
les rebâtissait à un demi-mille en aval et on refaisait un peu
avec du béton le profil actuel, et ça refaisait les rapides de
Lachine.
Une voix: Ha, ha, ha!
(21 h 15)
M. Yergeau: Et ce n'était pas bête, ça
produisait de l'électricité, c'était justifié de
toutes les façons, sauf que... On a amené le Comité
consultatif en hélicoptère sur les rapides et tout le truc, puis
on est revenus en disant: Bien oui, mais c'est parfait comme ça, il ne
faut pas toucher à ça. Il y a des choses qu'il faut pouvoir
protéger. Montréal existe pour deux raisons. Montréal
existe là où elle est parce qu'il n'était pas possible
d'aller plus loin, à cause des rapides, et ça s'appelle
Montréal à cause de la montagne. Il y a deux affaires qu'il faut
protéger absolument: la montagne et les rapides de Lachine. Mais c'est
devenu une évidence et, effectivement, ça a été un
projet qui a été mis sous le boisseau et qui a été
abandonné. Évidemment, ça a été un choix de
dire, à un moment donné: Bien, c'est vrai, économiquement,
c'est peut-être bon, mais, par contre, il y a de telles embûches et
il y a aussi une espèce de patrimoine à préserver, et les
rapides de Lachine font partie de ce patrimoine-là. À toutes fins
pratiques, ça n'a pas été un bien long combat et je pense,
maintenant, que c'est un peu aux oubliettes, comme projet. Ça reviendra
quand on sera en état de carence. Il y aura toujours quelqu'un pour
dire: On va harnacher les rapides de Lachine. Mais ça, c'en est un
exemple. Il est possible de dire, non pas pour l'ensemble du Québec,
mais pour un certain nombre de cours d'eau: Versons ça dans notre
patrimoine commun, laissons i'eau couler là-dedans, laissons les saumons
remonter et tout... Mais je vous le dis, je ne les identifie pas, parce que,
moi, je ne suis pas l'expert, je suis juste avocat. Donc...
M. Claveau: II y a un groupe qui nous disait, cet
après-midi, d'après eux, au moment où on se parle, qu'il
était trop tard pour modifier les plans d'Hydro-Québec en ce qui
concerne la rivière de la Grande Baleine et que, même pour NBR, il
était peut-être déjà un peu tard, mais que l'on
devait remettre en question tous les autres projets qui suivraient ou qui
seraient parallèles à ces deux grands projets, ce qui leur
semblait essentiel pour pouvoir assurer au Québec le taux, le volume
énergétique dont on aura besoin au tournant de l'an 2000, tout en
développant, en parallèle, une dynamique d'énergie
alternative ou de cogénération, enfin, d'autres sources
énergétiques et de préservation ou de conservation
d'énergie. Est-ce que vous seriez tenté de croire, d'abonder dans
le même sens?
M. Yergeau: Je ne me sens pas assez compétent pour porter
un jugement à savoir si, effectivement, il est trop tard pour
arrêter La Grande. Je sais que les pressions sont très fortes,
puisqu'il y a des engagements qui sont pris. Il y a, évidemment, de
nombreuses alumine-ries qui se construisent et, à chaque fois qu'on
construit une aluminerie, on fait champignonner une ville, à toutes fins
pratiques, en termes de consommation. Et ça, compte tenu de
l'accroissement naturel de la demande, est-ce que ça veut dire qu'on a
absolument besoin de La Grande? Je ne le sais pas.
Ce que je sais, c'est que, plutôt que de vouloir à tout
prix mettre un holà et de faire un moratoire sur toute forme de
développement hydroélectrique, je pense qu'il faudrait aussi
mettre un certain holà sur le développement industriel, parce que
l'un ne va pas sans l'autre. SI on arrête, il faut arrêter deux
choses, pas juste une. On n'arrête pas juste un train, là, il faut
en arrêter deux. C'est bien beau de dire qu'on arrête le
développement hydroélectrique, mais si on n'arrête pas le
développement industriel, si on ne ralentit pas le développement
industriel en proportion, bien, qu'est-ce qui vous arrive? Vous allez vous
retrouver... Non seulement vous allez avoir des problèmes majeurs, mais,
en plus de ça, on va perdre toute crédibilité. Ça,
c'est le propre d'un enjeu politique gouvernemental, mais je me dis qu'il y a
une commission parlementaire justement pour aider le gouvernement et Mme la
ministre à saisir ce que j'appelais l'aspect 'tricoté
serré" de la problématique énergétique.
M. Claveau: Ça nous amène, de soi, sur
l'idée dont vous nous avez parlé tout à l'heure, de
financer un vaste programme d'économies d'énergie. Vous disiez:
II faut en faire un projet national si on veut vraiment que la population
embarque et si on ne veut pas que ça reste, à toutes fins
pratiques, des interventions isolées ou des voeux pieux. Mais vous nous
avez tout de suite refroidis et un peu rabattu les oreilles en nous disant
qu'en ce qui concerne le financement de tout ça, eh bien, on pouvait
difficilement imaginer le type mégaprojet, enfin, ou financement
important. J'aimerais savoir comment vous pouvez combiner les deux, si on ne
trouve pas un moyen de financer, d'une façon massive, une intervention
semblable ou d'intéresser la population par le biais de campagnes
publicitaires et d'Interventions directes - parce que ce n'est pas tout le
monde, non plus, qui peut se payer les équipements ou les modifications
nécessaires; il
va falloir que quelqu'un les aide, à un moment donné.
Alors, si on ne trouve pas le moyen de faire ça, bien, notre vaste
projet national peut devenir, lui aussi, un voeu pieux.
M. Yergeau: C'est-à-dire, voici comment je vois la chose.
D'une part, ce que je constate, c'est qu'Hydro-Québec va avoir un peu de
difficulté à passer à travers ce problème, entre
autres parce qu'on ne peut pas avoir vendu par panneaux-réclame pendant
plusieurs années le lave-vaisselle à dix sous l'heure, pour
soudainement apprendre qu'il faudrait essayer de ne plus faire ça. Donc,
Hydro-Québec va être un peu punie pour s'être
traîné les pieds, pour avoir laissé tomber ou avoir
donné l'impression de laisser tomber le problème des
économies d'énergie, pendant les années où
l'accès à l'énergie était plus facile. Donc, il y a
un écueil de ce côté-là.
Un grand projet national ne coûte pas nécessairement 60 000
000 000 $. Ce que je dis, c'est que je prends l'exemple de quelques personnes
qui, au cours des dernières semaines, même dans un ou deux
mémoires... Je prends l'exemple de ces groupes ou de ces personnes qui
disent: Prenons tout l'argent que l'on prévoit investir dans les grands
projets hydroélectriques et utilisons-le dans des programmes
d'efficacité énergétique et d'économie
d'énergie. C'est là où je dis que, au plan des
institutions financières, je ne vois pas comment on peut financer un
programme d'économie d'énergie pour d'aussi grands montants.
Évidemment, les institutions demandent des garanties et les garanties,
normalement, sont en béton; c'est à peine une caricature. Les
programmes d'économie d'énergie, ce sont des programmes.
Évidemment, il va falloir y mettre de l'argent, il est
déjà prévu d'y mettre de l'argent. Mais ce que je dis,
c'est qu'en plus de l'argent il va falloir faire preuve de beaucoup
d'Imagination, de beaucoup de charisme, de beaucoup de séduction pour
réussir à le faire.
Si Hydro-Québec a à se rebâtir une
crédibilité, ça va être, entre autres, par ce
programme d'efficacité énergétique. Mais ça
coûte de l'argent. Ça ne coûte pas 40 000 000 000 $, 50 000
000 000 $ ou 60 000 000 000 $. Ça se finance, sauf que ça ne se
finance pas de la même façon qu'un barrage. C'est tout ce que je
dis. L'argent n'est pas suffisant. Bien plus important que l'argent, c'est
l'imagination pour y parvenir. Quand je lis le plan de développement
d'Hydro-Québec, je suis d'accord avec les objectifs, même si je
doute de la faisabilité d'un certain nombre de choses. Mais je suis
convaincu que c'est profondément ennuyeux, comme présentation, et
ce n'est pas avec ça qu'on va réussir à passer à
travers. C'est une gentille critique pour Hydro-Québec, mais je trouve
que ça donne sommeil, ce chapitre-là. Or, il faut trouver une
façon captivante de le faire. C'est à ce prix-là que je
dis que ça devient une espèce de projet collectif, un sujet de
fierté. Pour moi, c'est beaucoup là la clé, c'est plus que
l'argent.
M. Claveau: Quel est, d'après vous, le sort que l'on doit
réserver aux moyens alternatifs de produire de l'énergie, par le
biais du solaire, de l'utilisation de la biomasse, du gaz naturel ou
autrement?
M. Yergeau: Pour le gaz naturel, j'en ai parlé un peu,
tantôt. Le solaire, moi, j'y crois beaucoup sauf que, jusqu'à
maintenant, on a l'impression que ça demeure toujours une affaire
expérimentale et approximative Et on prend toujours pour acquis qu'au
Québec, de toute façon, le soleil et nous, c'est deux choses et
que si on habitait ailleurs, un peu plus au sud, ce serait plus facile. Je
pense que c'est faisable, sauf que c'est une affaire qui n'a jamais
été vraiment valorisée, et ça demeure une affaire
marginale On peut difficilement, même pour les gens qui sont dans le
milieu tout le temps, réussir à voir quelle est la
faisabilité, quelle est l'efficacité véritable de
l'énergie solaire. Si on réussissait à avoir une meilleure
idée des alternatives solaires - parce que je crois plus au solaire
qu'à autre chose, le gaz naturel n'étant pas vraiment une
énergie alternative, on vit avec depuis longtemps... Si on prend
l'énergie solaire, de ce côté-là, il y a sans doute
quelque chose, mais on manque nettement d'information, on a de la
difficulté à avoir l'heure juste, là-dessus.
Il ne faut pas négliger, il y a des efforts qui ont
été fournis, il y a eu des résultats qui ont
été atteints, mais ça a été emporté
dans le grand courant des dernières années, où on a
laissé tomber les dépenses en matière d'énergie
alternative, et on ne sait plus trop où c'en est rendu. Il y a eu des
efforts à la Polytechnique, à Laval et ainsi de suite, mais il y
a une mise au point à faire, de ce côté-là.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remer cie, M.
le député. Mme la ministre, il vous reste une minute.
Mme Bacon: Alors, une courte question. Un programme, au niveau de
l'économie d'énergie, est-ce qu'on pourrait l'intégrer
à toutes les sources d'énergie, ou s'il ne s'appliquerait, selon
vous, qu'au niveau de l'énergie électrique?
M. Yergeau: II faut absolument l'intégrer à tous
les niveaux. Si on prétend avoir une crédibilité au niveau
international et si on veut pouvoir être un exemple - parce que je pense
qu'on devrait, au Québec, donner l'exemple - c'est à tous les
niveaux. Il est évident qu'il est inutile de vouloir nous faire
économiser de l'électricité si on dépense le gaz
naturel. C'est vraiment à une sagesse énergétique qu'il
faut parvenir. Or, c'est toujours le problème.
C'est de remettre la responsabilité à HydroQuébec
de gérer la sagesse énergétique. Mais Hydro-Québec,
son rôle, c'est l'électricité. Il faut faire plus que
ça. Il faut déborder ça, de la môme façon que
je pense - et ça boucle la boucle - qu'il va falloir à un moment
donné avoir des états généraux sur
l'énergie, parce que tout renvoie à tout. De la même
façon, je pense que, lorsqu'on parle de sagesse
énergétique, tout renvoie à tout. C'est sur tous les
fronts qu'il faut attaquer, et non pas uniquement au niveau de
l'électricité, parce que ce serait faire la preuve que notre
programme ou notre volonté d'économiser de l'énergie n'est
que pour régler un problème ponctuel de faible
hydraulicité, de carence ou de retard dans les mises en chantier.
Mme Bacon: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): M. Yergeau. M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier notre
invité.
M. Claveau: M. le Président, il me fait plaisir de
remercier M. Yergeau pour sa participation hautement constructive, je pense,
aux travaux de cette commission. J'oserais môme dire, pour le
féliciter de la vision globale qu'il a du problème
énergétique et du problème avec lequel le gouvernement,
comme actionnaire d'Hydro-Québec et comme garant des droits de la
population du Québec, a à traiter et ce dans quoi II y a des
décisions à prendre, qui reviennent au gouvernement. Merci de
votre participation.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: M. Yergeau, je vous remercie beaucoup, j'oserais
ajouter, des propos fort rafraîchissants que vous nous avez servis ce
soir. Je pense que c'est fort important pour nous. Justement, je suis d'accord
avec mon collègue d'Ungava. Cette vision globale que vous avez du
dossier est pour nous un atout fort précieux dans la réflexion
qu'on doit entreprendre à la fin de septembre.
M. Yergeau: Merci beaucoup, madame.
Le Président (M. Bélanger): M. Yergeau, la
commission de l'économie et du travail vous remercie de votre
participation à ses travaux.
J'inviterais à la table des témoins M. Gérard
Bélanger et M. Jean-Thomas Bernard. Je vais vous expliquer rapidement
nos règles de procédure. Vous avez un maximum de 20 minutes pour
la présentation de votre mémoire. Ensuite, il y a une
période d'échanges avec les parlementaires. Dans un premier
temps, j'apprécierais si vous pouviez vous identifier et, par la suite,
nous présenter votre mémoire. Nous vous écoutons. Je vous
remercie.
MM. Gérard Bélanger et Jean-Thomas
Bernard
M. Bernard (Jean-Thomas): Jean-Thomas Bernard, professeur au
département d'économique et directeur d'un groupe de recherche
sur l'économie de l'énergie et des ressources.
M. Bélanger (Gérard): Gérard
Bélanger, professeur d'économie publique à
l'Université Laval.
M. Bernard: Nous ne représentons pas de groupe
d'intérêt. Donc, notre présentation portera principalement
sur l'analyse, et beaucoup moins sur les recommandations.
D'abord, un peu d'histoire. M. Bourassa avait
précédé sa rentrée politique de 1985 par la
publication d'un livre, dans lequel il proposait d'accélérer le
développement économique du Québec par la mise en valeur
des ressources hydroélectriques non exploitées, dont la
production serait acheminée au marché du Nord-Est
américain. À cette époque, il avait même
avancé le chiffre de 9000 à 12 000 mégawatts qui
pourraient être ainsi mis en service, vers l'an 20Q0. La quantité
d'énergie associée à un tel projet est à peu
près égale à celle de la Baie James phase I, qui a
été mise en exploitation entre 1979 et 1986. Une fois les
contrats d'exportation expirés, cette énergie et cette
capacité devaient être rapatriées pour satisfaire les
besoins Internes du Québec. Ce projet de développement fut un
élément important du programme électoral qui mena le Parti
libéral à la reconquête du pouvoir, en décembre
1985. (21 h 30)
Ce volet du programme électoral fut, à toutes fins
pratiques, oublié durant la campagne à l'été de
1989. Par contre, celle-ci fut entourée d'une série d'annonces
concernant l'implantation ou l'expansion de quatre alumineries, au
Québec. Ces projets, qui n'incluent pas la modernisation des
installations de l'Alcan au Saguenay, ajouteraient 670 000 tonnes à la
capacité annuelle de production québécoise.
Présentement, le Québec compte pour environ 7 % de la
capacité mondiale et ceci devrait porter sa capacité à un
peu plus de 12 %, suite à l'addition de ces nouvelles affineries ou
à ces expansions. Qu'est-il advenu du fameux plan de
développement des ressources hydroélectriques pour fins
d'exportation? Il semble qu'il ait été relégué aux
oubliettes. Ainsi, on pouvait lire, l'automne dernier, dans un magazine qui
s'adresse principalement aux gens de l'industrie, le commentaire suivant de M.
Guévremont, qui est responsable du marché externe des
publications. Et je traduis: "HydroQuébec n'a pas la capacité
pour entreprendre de nouveaux marchés pour l'exportation
d'électricité durant ce siècle, en plus de ceux qui sont
déjà en cours de négociation ou qui ont été
approuvés. Les contrats déjà signés et ceux qui
sont en cours de négociation ne sont pas en danger,
affirmait M. Guévremont. Mais il n'y a rien qui peut être
fait pour des livraisons avant l'an 2000. La croissance de la demande
domestique a été plus rapide que prévu."
Hydro-Québec a déjà signé deux contrats qui
sont ajourd'hui devant l'Office national de l'énergie, pour une
capacité de 1450 mégawatts. Elle poursuit toujours un objectif
à long terme de 3500 mégawatts. Des négociations sont en
cours pour combler la différence. Il semble que le marché
d'exportation ait perdu de son importance par rapport au marché Interne,
en particulier le marché industriel.
Les deux grands partis politiques sont favorables à cette
orientation d'utiliser l'hydroélectricité pour accroître la
production industrielle au lieu de l'exporter. Le Parti québécois
avait déjà tracé la voie, dans son énoncé de
politique "Bâtir le Québec", et je cite - énoncé qui
a été publié en 1979: "II va de soi que ces
quantités excédentaires d'électricité pourraient
être facilement exportées à l'étranger, mais, dans
le contexte de la situation économique actuelle, il est plus logique
d'utiliser ces ressources afin d'implanter de nouvelles entreprises et de
créer au Québec des effets économiques
bénéfiques."
Le gouvernement libéral a appuyé cette orientation lors de
la mise à jour de la politique énergétique qui est parue,
je crois, en septembre 1988. Et je cite à nouveau: "La modernisation de
ce secteur névralgique de l'économie, la venue d'industries
grandes consommatrices d'énergie, génératrices d'emplois,
le maintien du prix de l'électricité à un niveau
relativement bas pour toutes les entreprises sont, pour le gouvernement, des
instruments essentiels du développement industriel du
Québec."
La politique de développement des ressources
hydroélectriques québécoises en faveur de l'exportation
représentait un changement significatif par rapport à
l'orientation traditionnelle de leur développement associé
à l'industrialisation. Pourquoi maintenant ce retour à la
normale? Alors, nous allons essayer de répondre à cette question
sous deux angles. D'abord, qu'est-ce qui s'est passé?
Deuxièmement, qu'en est-il de la rentabilité relative des
exportations par rapport à la consommation industrielle au
Québec, en particulier celle qui est adressée aux
alumineries?
Dans un premier temps, je vais faire une brève synthèse de
ce qui est en train de se passer dans le Nord-Est américain,
principalement dans la Nouvelle-Angleterre et New York, à partir de deux
tableaux. Alors, pour ceux d'entre vous qui ont le mémoire, on va passer
très rapidement en revue ce qui est présenté au tableau 1.
Ça, ce sont les projections de NEPOOL telles qu'elles ont
été publiées au printemps dernier. Il y a des projections
sur la demande et des projections sur la disponibilité de
capacité. Eh bien, si on regarde d'abord la demande brute, il y a encore
un taux de croissance positif relativement élevé, pour une
région qui est mature sur le plan économique et sur la
consommation de l'énergie. On compte obtenir une assez forte
réduction de cette augmentation à partir de différents
programmes de gestion de la demande et des économies d'énergie.
Il demeure que, pour cette région, on s'attend à ce que la
demande croisse de tout près de 2 % d'ici l'an 2000.
Maintenant, si on regarde du côté des
disponibilités, il n'y a rien de nouveau du côté du
nucléaire. Déjà, la mise en opération de Seabrook
est prise en considération. Il y aura un léger déclin du
charbon, également du pétrole. C'est de l'équipement qui
vieillit et qu'on ne renouvellera pas.
La seule croissance attendue, endogène à la région,
ce sont les achats auprès des petits producteurs locaux qui produisent
de l'électricité à partir de petits sites
hydroélectriques, de cogestions, de cogénérations, et
aussi lorsqu'on brûle du bois, des déchets municipaux, et ainsi de
suite. Donc, ça, c'est la croissance de la génération qui
est assurée d'ici l'an 2000.
J'aimerais lire l'évaluation qui a été faite par le
NAERC, le North American Electric Reliability Council, pour les
États-Unis, lorsqu'il a porté une évaluation sur le
Nord-Est américain. Eh bien, il dit, et Je cite: "La demande de pointe
et les projections en ce qui a trait à la capacité de
génération nous indiquent que des ressources additionnelles, en
plus de celles qui sont déjà engagées, seront requises en
Nouvelle-Angleterre aussi tôt qu'en 1993." Moi-même, il y a deux
ans, passant une année à Harvard, j'ai subi des coupures de
courant, ce que je n'avais jamais expérimenté ici, au
Québec, à savoir des réductions do voltage, de sorte que
votre ordinateur commence à bousiller, ainsi de suite
Maintenant, si on regarde New York, on n'a pas besoin d'élaborer
très longtemps, c'est sensiblement le même scénario,
à savoir qu'on compte encore une fois sur des programmes assez
généreux de gestion de la demande pour réduire la
croissance de la demande. Encore une fois, ici, il faut se rappeler qu'on parle
de régions qui sont matures sur le plan économique, qui ont un
taux de croissance relativement soutenu, mais on ne connaîtra
certainement pas la croissance exceptionnelle, en ce qui a trait à la
Nouvelle-Angleterre, que l'on a connue au cours des deux dernières
décennies. Elle, elle prévoit également une croissance de
la demande.
En ce qui a trait aux disponibilités pour l'État de New
York, bien, encore une fois, le nucléaire, c'est statique, le charbon,
c'est statique, le pétrole, c'est statique. La seule augmentation qui
vient, encore une fois, ce sont les achats externes - le contrat avec
HydroQuébec - et aussi des espérances assez
généreuses auprès des petits producteurs locaux, de sorte
que ces deux réglons vont connaître ce
qu'on appelle un rétrécissement de leurs réserves,
et on entrevoit des difficultés en ce qui a trait à leurs
capacités de rencontrer leurs propres demandes dans la décennie
qui vient.
Maintenant, regardons un peu ce qui se passe au Québec. Dans le
tableau 3, j'ai fait un peu une synthèse des projections
d'Hydro-Québec au cours des 10 dernières années. Alors,
ça, ce sont les projections qui sont parues dans chacun des plans de
développement. Le premier chiffre qui apparaît dans chaque
colonne, évidemment, c'est la réalisation. Ceux d'entre vous qui
ont assisté à la présentation, ici, en commission
parlementaire, connaissent toute la procédure. Donc, en 1981,
Hydro-Québec était, encore une fois, très optimiste... Le
projet de croissance de la demande... Ensuite est survenue la récession
de 1982, ça a pris un certain temps avant qu'on s'ajuste. On est
demeurés optimiste, môme encore en 1983 et en 1984. Par
après, Hydro-Québec a rajusté ses projections à
long terme, de sorte qu'aujourd'hui elles se situent, si ma mémoire est
bonne, autour de 2 % ou un peu moins.
Eh bien, si on regarde la dernière colonne, ce sont les
réalisations. Présentement, les réalisations sont encore
fortes. J'ai oublié de mentionner que même si, en
Nouvelle-Angleterre et à New York, on fait aussi des projections assez
réduites pour les 10 prochaines années, à savoir un taux
de croissance de 1 % à 2 %, bien, les 4 ou 5 dernières
années ne nous ont pas laissé voir du 1 % ou 2 %. Alors, mon
sentiment, présentement, et l'analyse que nous, nous faisons à
partir de notre propre modèle de simulation d'Hydro-Québec, c'est
qu'Hydro-Québec, probablement, sous-estime la croissance de la demande.
Alors, chaque année, nous, on fait des projections qui sont relativement
plus élevées qu'elle, ce qui implique en général
des prix d'électricité plus élevés, co qui va donc
agir un pou comme frein.
Donc, on pense, nous, qu'Hydro-Québec est un peu pessimiste,
parce que, si on regarde l'expérience de la Nouvelle-Angleterre et de
New York, ce sont des régions matures, sur le plan de la consommation de
l'énergie; bien, elles, elles n'anticipent pas une réduction.
Au tableau 4 apparaît l'information qui vous a été
présentée, encore une fois, il y a quelques semaines. Ce sont les
projections de la croissance de la demande pour l'an 2000. Pour le domestique,
une projection assez modérée, le commercial également. On
peut dire, à toutes fins pratiques, sans trop caricaturer, que toute la
croissance de la demande qui est attendue au Québec vient presque
totalement du secteur industriel, et une grosse composante de ça, c'est
évidemment les alumineries.
Alors, qu'en est-ll de la rentabilité, de privilégier ce
type de demande versus les exportations? Eh bien, on a fait une analyse qui est
assez sommaire, mais on peut dire que les grands paramètres sont assez
corrects, de sorte que ce n'est pas ce qu'on met en doute, et on doit dire,
môme, que les hypothèses qu'on a faites sont assez conservatrices,
en ce qui a trait à l'évaluation. Si on regarde le contrat
qu'Hydro-Québec a signé avec New York, notre propre analyse nous
amène à conclure que ce contrat-là va rapporter en
moyenne, sur l'ensemble de la vie du contrat, environ 0,061 $ le kilowattheure
en dollars de 1989.
Eh bien, on ne connaît pas, nous, simples profanes dans les
universités, quels sont les contrats exacts que les alumineries ont
signés avec Hydro-Québec, mais, en étant bien
conservateurs, on dit: On va leur attribuer le coût moyen industriel au
Québec en 1989. Donc, ça, on est convaincus qu'on est
conservateurs de ce côté-là. Eh bien, on leur impute un
coût de 0,029 $ le kilowattheure, coût qu'ils n'auront probablement
pas à rencontrer.
Évidemment, les alumineries ont des contrats spéciaux. On
n'en connaît pas le détail, mais on en connaît un peu
certaines caractéristiques. On sait que le prix sera basé sur le
prix de l'aluminium. Or, II faudrait remarquer, à cet égard, que
le prix de l'aluminium c'est un prix qui est très volatile. Au cours des
deux dernières années, depuis 1988, ce prix est passé de
0,74 $ à 1,65 $ en dollars américains, alors c'est un prix qui
est très volatile. Cela va influencer, probablement, la stabilité
des rentrées d'Hydro-Québec. On sait aussi que ce prix, il nous
semble, est en relation avec le prix de l'électricité dans les
régions concurrentes, à savoir le prix que les alumineries
peuvent obtenir au Brésil, en Australie, au Cameroun ou au
Venezuela.
L'objectif qui est était par ces mesures-là,
c'était d'assurer que la production ici, au Québec, soit stable
à un niveau élevé. Donc, on voulait assuror la
compétitivité. On sait également qu'une pareille pratique
existe ailleurs dans le monde. Notre analyse, donc, nous amène à
conclure que, si Hydro-Québec vendait aux marchés d'exportation
plutôt que de vendre aux alumineries, elles réaliserait environ
0,032 $ additionnelles le kilowattheure. On pense que notre analyse n'est pas
très loin parce que, même dans le plan de développement
d'Hydro-Québec, elle fait une affirmation qui dit qu'elle reçoit
de l'exportation environ deux fois ce qu'elle reçoit pour le tarif
industriel grande puissance au Québec. Donc, ce n'est pas
là-dessus qu'on va se quereller.
L'essentiel de notre message apparaît au tableau 5. Là, on
a les quatre grands projets qui ont été annoncés et qui
sont sur la table. Ce ne sont pas des projets à venir, ce sont des
projets qui sont en cours de réalisation. On a les investissements,
l'addition de capacité de production, les emplois directs de production.
On a les dates de mise en service anticipée, et là, notre petit
calcul, la facture, ce qu'on appelle la facture réduite
d'électricité, c'est-à-dire c'est ce
qu'ils paieraient, s'ils payaient le même tarif qu'on
reçoit à l'exportation.
Bien, j'aimerais revenir un peu sur la rentabilité. Ce n'est pas
avec vous que je vais argumenter que la rentabilité, ça s'analyse
en termes de ce qu'on reçoit et de ce qu'on subit en termes de
coûts. On ne se prononce pas ici sur la rentabilité absolue des
projets. Nous, on ne connaît pas de façon suffisamment
détaillée les coûts d'Hydro Québec pour dire que,
lorsqu'on exporte, ça nous coûte tant, lorsqu'on vend à une
aluminerie, ça nous coûte tant. C'est trop fondu dans le message
qu'on reçoit.
Par contre, on sait que servir les alumine-ries et servir le
marché à l'exportation, c'est sensiblement le même produit.
C'est de l'électricité qui est livrée à haut
voltage, avec un haut facteur d'utilisation, qui est demandée sur une
base plus ou moins continue. Donc, du côté d'Hydro-Québec,
on supporte à peu près le même coût lorsqu'on
décide de servir l'un ou l'autre. C'est pour ça que nous, on dit
que cette rentabilité-là, elle peut s'analyser dans ce
contexte-ci simplement en termes de différence dans les revenus. Et la
différence dans les revenus, c'est 0,032 $. Eh bien, 0,032 $ par rapport
à l'électricité qui sera vendue ainsi, ça
représente 300 000 000 $ par année. Ça, ça veut
dire qu'au cours des 25 prochaines années Hydro-Québec et
l'ensemble de la société québécoise perdront 300
000 000 $ sur une base annuelle.
Pour de modestes profanes comme nous, 300 000 000 $, c'est assez
difficile à représenter. Bien, ce qui est plus proche, pour moi,
de cette représentation-là, c'est que le budget de
l'Université Laval n'est même pas de 300 000 000 $ par
année. L'Université Laval - vous passerez le message à
votre collègue de l'Éducation - emploie tout de même 4000
à 5000 personnes, s'occupe de 35 000 étudiants. Alors, ça,
c'est ma représentation à moi de 300 000 000 $. Ça, c'est
sur une base annuelle au cours des 25 prochaines années.
Si on transpose ça, maintenant, en . termes de subventions - ce
qu'on appelle subventions indirectes par emploi - bien, c'est - bon, on
n'entrera pas trop dans les chiffres - c'est 200 000 $ par emploi par
année pour les 25 prochaines années. Alors, nous, on trouve que
c'est cher pour les emplois qui sont créés. (21 h 45)
C'est l'essentiel de notre message. C'est un message qu'on a
déjà livré dans une version un peu plus mondaine et, en
général, on a trouvé des objections. Les gens nous
apportent facilement des objections. Alors, ce n'est pas sur les chiffres comme
tels qu'on argumente, mais c'est sur d'autres dimensions. Eh bien, j'aimerais
discuter brièvement de quelques objections.
La première, c'est la suivante. On nous dit: Ça se fait
ailleurs. Le Brésil va faire ça, le Venezuela va le faire,
l'Australie va le faire, même Bonneville Power Administration, dans
le
Nord-Ouest des États-Unis, le fait avec ses alumineries. Alors,
nous autres, si on veut demeurer compétitifs dans le secteur des
alumineries, il faut le faire. Bien, il y a une très grande
différence, ici. Nous autres, le Québec, on a l'avantage
d'être localisés à côté d'une région,
la Nouvelle-Angleterre et New York, où l'on pratique des prix
très élevés, tout au moins en Amérique du Nord, et
pour New York, même à l'échelle mondiale. Donc, on est
voisins, nous autres, de cette région-là. Le Venezuela et le
Brésil n'ont pas cette opportunité-là. Eux, ils ne peuvent
pas vendre directement de l'électricité sur le marché
américain. Leur seule façon de transposer leur avantage sur le
marché américain, c'est à travers des lingots ou d'autres
types de produits. Nous, on peut le faire directement. C'est pour ça que
cette comparaison-là n'est pas valable de dire: Eux autres le font. On
n'a pas à le faire parce qu'ils ne sont pas exactement dans la
même situation. Alors, sur ça, je pense que notre avantage
géographique, ici, je n'ai pas à vous l'expliquer très
longuement. On peut l'expliquer aux gens de Terre-Neuve. Ils ont très
bien compris que le Québec était entre eux et le marché du
Nord-Est américain. Alors, ça vaut aussi pour nous,
ça.
Le deuxième point - et ça, c'est celui qui nous est
toujours ramené - ce sont les effets d'entraînement. On dit: Oui,
mais les gens vont dépenser dans la région de Québec,
s'ils sont voisins. Les gens, à Sept-îles, vont dépenser
dans leur région et ainsi de suite, puis ça, ce sont des effets
d'entraînement. Bien, Ici, il faut donner un peu de perspective.
L'industrie de l'aluminium: regardons d'abord ce que nous, nous appelons les
effets en amont. Il faut toujours commencer par en arrière. Eh bien,
l'industrie de l'aluminium importe un produit, l'alumine, qui entre à
toutes fins pratiques directement dans les usines, et la très grande
majorité est ensuite exportée. Donc, pour ce qui est des effets
en arrière, immédiats, là, il y en a relativement peu.
L'Alcan produit son alumine, les autres l'importent. Donc, il y a très
peu d'interaction entre l'usine et les étapes précédant la
fabrication du produit.
Maintenant, en ce qui a trait à la transformation, on dit: Oui,
peut-être que ça va créer des emplois additionnels dans la
transformation. Est-ce qu'on manque d'aluminium au Québec, ici? On a
toujours été inondé d'aluminium parce que c'était
un endroit... À cause des avantages comparés, on a toujours eu
une très grande disponibilité d'aluminium. Celui qui veut partir
un projet d'aluminium demain matin n'a pas besoin, disons... Il n'y a pas de
pénurie dans ce coin-ci, il n'y en a jamais eu. Alors, cet
argument-là est fallacieux. On ne manque pas d'aluminium pour
générer des effets en aval.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Bernard, je
vous inviterais malheureusement à
conclure.
M. Bernard: Oui. Alors, je vais conclure en disant que l'essence
de notre message, à nous, c'est que ce qu'on oublie facilement
là-dedans, c'est que les fameux 300 000 000 $ en ont, eux aussi, des
effets d'entraînement. Ils pourraient prendre la forme d'un dividende
versé au gouvernement, puis là, je laisse aux politiciens
l'Imagination pour savoir ce qu'ils feraient avec ça; on pourrait aussi
baisser les tarifs aux consommateurs, mais pas à la marge pour induire
de la consommation additionnelle au Québec, et là les gens vont
dépenser, puis ça aussi, ça aura des effets. Le
problème, c'est que ces autres effets-là, associés,
disons, aux 300 000 000 $, sont beaucoup plus diffus sur l'ensemble de la
population et beaucoup moins concentrés que les projets d'aluminerie
dans une région ou dans l'autre. Alors, c'est là le sens de notre
message. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Bernard et M. Bélanger, je vous
remercie d'être ici avec nous, ce soir, pour discuter de ce grand dossier
d'énergie électrique et pour faire le point avec nous sur votre
vision des choses.
Votre mémoire constitue, somme toute, une analyse
économique des opportunités qui sont reliées à
l'utilisation de nos ressources hydrauliques et j'en déduis - et vous me
corrigerez si ça s'avère inexact - que vous appuyez le
développement hydroélectrique au Québec par rapport
à d'autres filières énergétiques. Mais vous me
semblez quand même préoccupés par l'utilisation de cette
ressource naturelle. Ceci étant dit, j'aimerais quand même aborder
des hypothèses qui sous-tendent votre analyse économique qui
conclut que le Québec encourt une perte économique importante,
soit de 300 000 000 $ par année sur la durée de vie des contrats
des alumlneries. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces
chiffres-là frappent suffisamment l'imagination. Vous avez
utilisé l'Université Laval, on pourrait utiliser d'autres
organismes, au Québec, qui aimeraient bénéficier de ces
300 000 000 $. Si le Québec n'avait pas la possibilité, par
exemple, de vendre son électricité sur des marchés
étrangers, est-ce que vous arriveriez à la même conclusion
en ce qui a trait à la perte économique que vous associez au
développement industriel du Québec?
M. Bernard: Évidemment non. C'est parce qu'on a cette
opportunité-là, justement, qui est au sud de chez nous. Nous, ce
qu'on dit, c'est: Si on veut mettre l'accent sur l'augmentation de la richesse
pour l'ensemble du Québec, il faut regarder la meilleure
opportunité qui se présente à nous. Eh bien, une des
opportunités, c'est justement, présentement, d'exporter vers la
Nouvelle-Angleterre et New York plutôt que d'exporter en Ontario. Une
autre alternative serait d'exporter en Ontario, mais les prix en Ontario sont
beaucoup moins intéressants. Donc, si on n'avait pas cette
possibilité-là, l'analyse serait très différente,
et là peut-être qu'on serait comme le Brésil et le
Venezuela et que l'exportation, ce qu'on appelle l'exportation
d'électricité à travers les lingots, ça serait une
alternative viable. Mais nous, on en a une autre.
Mme Bacon: Votre étude fait nettement ressortir les
avantages économiques qui sont reliés aux exportations
d'électricité sur une base ferme, garantie, pour une longue
durée. Selon votre expertise, quelle serait la perte économique
que le Québec devrait subir si on imposait un moratoire sur les
exportations d'électricité? Et à défaut,
peut-être, d'une réponse quantitative, est-ce que vous pouvez nous
indiquer de quelle manière on devrait comptabiliser le coût d'une
décision pareille?
M. Bernard: Bien, pour demeurer dans notre même ligne de
pensée, c'est un peu comme si le Québec décidait de
s'éloigner de la Nouvelle-Angleterre. Là, on dirait: On n'a plus
cette possibilité-là. Ça serait l'équivalent d'un
moratoire. Eh bien, dans ce contexte-là, évidemment, la
rentabilité ou le calcul économique serait basé uniquement
en fonction du marché interne. Ça, ça voudrait dire
nécessairement qu'il y aurait un développement plus lent des
ressources hydroélectriques et qu'il y aurait peut-être même
un développement accéléré de l'industrie, parce que
ça serait une possibilité qu'on devrait exploiter davantage, dans
ce contexte-là. Mais ça serait un second choix inférieur.
Ce que, nous autres, on dit, c'est qu'il faut d'abord exploiter les ressources
- et ça a été notre expérience aussi qui
coûtent moins cher par rapport aux ressources qui coûtent plus
cher. Alors, nous autres, ici, au Québec, on a commencé par
développer d'abord ce qui était sur le Saint-Laurent même
et le long du Saint-Laurent; c'est celles-là qui ont coûté,
de loin, le moins cher à exploiter. Aujourd'hui, on s'éloigne de
plus en plus et ça coûte de plus en plus cher. Alors, ça,
c'est dans le même ordre de raisonnement. Il faut d'abord aller, d'un
côté, vers ce qui nous coûte le moins cher à produire
et, d'un autre côté, vers ce qui nous rapporte le plus. C'est
comme ça qu'on va faire la plus grande contribution à la richesse
québécoise.
Mme Bacon: Vous considérez, là, et je reviens
encore sur la vente aux alumineries, que ça entraînerait une perte
de revenu potentiel, on l'a dit tantôt. Ces pertes, est-ce qu'elles
s'appliqueraient à toutes les autres ventes d'électricité
aux Québécois et aux Québécoises, par exemple?
Est-ce que vous seriez favorables à une modifi-
cation du premier principe tarifaire, qui est une tarification au
coût moyen, pour que dorénavant tous les consommateurs paient le
coût marginal?
M. Bernard: Disons, comme économiste, que je devrais vous
répondre oui et vous dire que ce n'est pas la première fois que
Je réponds oui. J'ai déjà fait des travaux
là-dessus, j'ai appliqué ça à Hydro-Québec,
puis je pourrais vous en laisser des copies. Bien, l'idée, c'est la
suivante: c'est que, nous, on a de bonnes ressources hydroélectriques,
mais elles ne sont pas de qualité égale. Alors, lorsqu'on prend
la tarification au coût moyen, ça veut dire que les sites les
mieux dotés fournissent de l'interfinancement aux sites qui
coûtent plus cher à développer. Ça, ça veut
dire que, à la marge, les gens ne paient pas pour ce que ça
coûte. Bien, ça, ça veut dire que, comme
société, on est en train de s'appauvrir lorsqu'on fart ça.
Je ne pense pas que je choque personne en disant ici que le chauffage au
Québec - le chauffage domestique - ne fait pas ses frais. Je ne pense
pas que je choque personne ici. Bien, ça, ça veut dire qu'on
utilise quelque chose qui, selon nos calculs, pourrait coûter
peut-être - à ce moment-là, c'est un service bien
particulier, qui est sur une petite période de l'année et qui est
assez volatile - qui peut coûter peut-être entre 0, 12 $ et 0, 15
$, et les gens paient seulement 0, 04 $ pour ça. Alors ça,
ça veut dire qu'on est en train de s'appauvrir. On utilise quelque chose
qui coûte 0, 12 $, puis le bénéfice, pour moi, c'est
seulement 0, 04 $. Alors, je suis en train de m'appauvrir lorsque je fais
ça. Nous, on est favorables à un développement ou, tout au
moins, à une meilleure représentation du coût marginal de
développement. C'est bien clair que si on le développe... Je
pense que, au Québec, qu'on le veuille ou non, même avec des
programmes généreux - je vais revenir là-dessus -
d'économie d'énergie et ainsi de suite, la croissance de la
demande va probablement diminuer, mais elle ne viendra pas à
zéro. Donc, il faudra la rencontrer. Ça, ça veut dire
qu'on va faire appel à des sites qui sont de plus en plus coûteux
à développer.
Je pense qu'il faut envoyer aux gens ce signal-là. Il ne faut pas
leur dire que Beauhar-nois est encore sur la table. Ce n'est plus Beauharnois
qui est sur la table, ce n'est plus Saint-Maurice qui est sur la table. Il faut
leur dire que, présentement, ce qu'on développe, ça
coûte 0, 03 $ ou 0, 04 $ à amener au réseau de
distribution. Évidemment, on sait qu'il y a des coûts additionnels
pour le service. Autrement, on est en train de leurrer les gens, on leur dit:
Ça ne coûte pas cher. Ça ne coûte pas cher parce
qu'on utilise de l'énergie qui a coûté moins de 0, 01 $
à développer et, pour le mêler avec de l'énergie,
ça coûte 0, 05 $ ou 0, 06 $, et on dit: Écoutez, on va vous
faire un paquet de 0, 03 $. Bien, pour celui qui l'achète, ça
vaut juste 0, 03 $, aussi, mais il consomme quelque chose qui vaut 0, 06 $;
alors, on s'appauvrit.
Mme Bacon: On sait que la tarification à coût
marginal... Est-ce qu'elle devrait subir... Je vais dire ça autrement.
Est-ce qu'on devrait abolir la tarification à coût marginal ou
conserver l'uniformité territoriale?
M. Bernard: Ça, c'est dangereux. Vous savez comme moi que
ça a été un des principes qui étaient poursuivis au
moment de la nationalisation, en 1962, un principe qui semblait
sacré...
Mme Bacon: Ça nous rappelle de vieux souvenirs.
M. Bernard: Oui. Il semble assez sacré, alors je serais
assez mal placé, aujourd'hui, pour le mettre en doute.
Je ne mettrai pas en cause le principe parce que, encore une fois, je
pense que c'est le gouvernement, ça, et tout. Mais on sait que
l'histoire de l'uniformité, ça nous a amenés à des
choses bien bizarres. J'aime beaucoup les Îles-de-la-Madeleine, les gens
sont charmants et tout, mais l'électricité, là-bas, ne
coûte pas 0, 04 $ à produire, on sait que ça coûte...
Lorsqu'on a décidé de l'uniformisation, qu'est-ce qu'on a fait?
Les gens ont dit: Je vais me chauffer à l'électricité.
Ça coûtait beaucoup moins cher pour l'ensemble de la
société québécoise qu'elle se chauffe au
pétrole. Alors, il y a certainement des manifestations territoriales
qu'on veut garder à l'esprit.
Dans ce sens-là, il est tout de même heureux que les
alumineries soient sur la rive nord, parce que le coût additionnel pour
passer à travers le fleuve est assez élevé. Selon moi, on
a eu une petite attention à l'égard de ce
problème-là. Il y a des régions - c'est de la petite
histoire - au moment de la nationalisation, il y a des gens qui
n'étaient pas contents; les gens qui étaient autour du
Saint-Maurice et les gens de la région de Hull n'aimaient pas ça,
parce qu'ils savaient bien qu'en faisant une moyenne pour la province leurs
tarifs augmenteraient et, a cette époque, ils se sont
opposés.
Mme Bacon: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: M. Bélanger, M. Bernard, depuis que Je suis au
monde, j'ai l'impression que les prévisions de consommation ne se sont
jamais réalisées. On était supposé avoir du
pétrole pour des générations à venir, on s'est
réveillé un matin, il n'y en avait plus; on a fait des campagnes
nous disant de nous servir de l'électricité, on s'est
réveillé un matin, on nous a dit de ne plus nous servir de
l'électricité, qu'il en manquait. Pourquoi vous, des
économistes, n'êtes-
vous pas capables de faire des prévisions aussi valables et
pourquoi, finalement, arrtve-t-on si loin de la réalité dans nos
prévisions, et à très court terme? Je comprendrais que,
dans 20 ans, vous ne soyez pas capables de me répondre, mais, à 2
ans, à 3 ans... Comment se fait-Il qu'on soit si loin de la
réalité? J'aurai une deuxième question, ensuite.
M. Bernard: Mon collègue est plus âgé, II a
plus d'expérience, je vais le laisser...
Des voix: Ha, ha, hal
M. Bélanger (Gérard): II faut dire aussi, à
la décharge d'Hydro-Québec... Prenez l'exemple des alumineries,
ça a été quatre demandes additionnelles pour un proche
avenir. Si ce projet-là n'est pas dans vos prévisions de demandes
et que vous avez quatre projets nouveaux qui viennent sur la table, ça
va faire que vos prévisions vont être erronées à la
baisse. Donc, ceci joue.
L'autre point, aussi, c'est qu'il faut dire, les économistes
comme tout le monde, qu'on prédit ce qui s'est passé dans le
passé récent. Donc, Hydro-Québec, comme plusieurs
économistes, joue sûr et projette à partir du passé
récent. Souvent, l'activité change et, donc, on fait des
surestimations et des sous-estimations. il y a une chose qu'il faut dire,
aussi, c'est que les demandes sont modifiées. Si vous avez une demande
élevée, vous pouvez prendre certaines politiques ou ajuster vos
prix de façon à les réduire et, donc, peut-être que
vous pouvez fausser vos prévisions de cette façon-là. (22
heures)
M. Bernard: C'est vrai que les prévisions
d'Hydro-Québec, comme elles étaient indiquées là,
n'étaient pas dans le mille - elles étaient loin d'être
dans le mille - mais il faut dire que... Je regarde un peu ce qui s'est
prédit à l'extérieur, aussi, principalement aux
États-Unis, ils n'étalent pas pires que les autres non plus. Tout
le monde s'est trompé sur la décennie 1980, initialement. La
récession de 1982, il y a très peu de gens qui en avaient
prévu l'ampleur et la manifestation que ça a pris, en termes de
demandes d'emploi et ainsi de suite. C'est assez difficile de voir ça
dans notre boule de cristal. Ce qui s'est passé sur le prix du
pétrole dans la décennie 1970, l'avoir su, même si à
l'époque j'avais peu de ressources, j'aurais essayé d'en acheter
du pétrole. À ce prix-là, c'aurait été
rentable de le revendre. Alors ça, ce sont des événements
très importants qui ne sont pas contrôlés par
HydroQuébec et ni Hydro-Québec, ni cette Chambre, ni
nous-mêmes n'avons le monopole sur ce type d'informations. On est
probablement ni mieux ni pire que les autres.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie,
oui.
M. Benoit: Vous avez mentionné dans votre exposé,
M. Bernard, tantôt, que vous ne croyez pas que les prévisions de
croissance d'Hydro-Québec seront ça. Vous n'étiez pas
d'accord avec leurs prévisions. Quelle marge d'erreur donnez-vous dans
tout ça et quelles seraient vos prévisions de croissance
d'énergie dans les prochaines années?
M. Bernard: Nous autres, si ma mémoire est bonne,
même avec un prix qui croît plus rapidement que ce
qu'Hydro-Québec anticipe, on avait 10 térawattheures de plus en
l'an 2000. 10 térawattheures sur ce qui est prévu... On peut voir
ça au tableau 3, si ma mémoire est bonne, au tableau 4,
c'est-à-dire. Disons, 10 térawattheures, ce serait environ 4 %
à 5 % de plus qu'eux autres.
M. Benoit: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être enchaîner, M. le
Président. Vous avez probablement lu le document annexe au plan
d'Hydro-Québec sur l'efficacité énergétique. On en
a beaucoup parlé de l'efficacité énergétique, ici
à la commission. Hydro-Québec y énonce qu'elle
s'apprête à consacrer aux économies d'énergie des
sommes représentant jusqu'à la différence entre le
coût marginal d'un projet d'équipement, production, transport,
distribution, et le manque à gagner qui résulte des
économies d'énergie. Qu'est-ce que vous pensez de cette approche
d'Hydro-Québec?
M. Bernard: Bien, ça, c'est une proposition qui fait
gagner les deux parties. Je pense que c'est la bonne proposition dans le sens
que là Hydro-Québec, à la marge, si on prend les chiffres,
perd 0,02 $. C'est-à-dire que ça lui coûte 0,06 $ à
développer et elle reçoit 0,04 $; elle perd 0,02 $. Donc, elle
dit: On va vous les donner, les 0,02 $. Dans ce sens-là, de toute
façon, elle les perdait. Pour elle, une perte, c'est une perte.
Ça va à la même chose.
Maintenant, si on regarde du côté du client, lui, il
était prêt à payer 0,04 $, puisqu'il l'achetait, et il
recevait un bénéfice. Il avait jugé que ça valait
0,04 $. Maintenant, on lui dit: Si tu arrêtes de le consommer, on va te
donner 0,02 $. Évidemment, il va économiser ses 0,04 $, mais, par
contre, il va perdre le bénéfice de l'électricité
qu'il avait évalué à 0,04 $. Donc, il va recevoir les 0,02
$ additionnels. Hydro-Québec y gagne parce qu'elle subit la même
perte et le client, quel que soit le type - résidentiel, commercial ou
industriel - va y gagner par rapport à ce qu'il aurait fait
autrement.
Mme Bacon: J'aimerais connaître votre opinion sur les
moyens que le Québec devrait
prendre pour contribuer à la mise en place du
développement durable. Ça aussi, on en discute beaucoup à
cette commission. Est-ce qu'on doit s'engager dans le nucléaire? Est-ce
qu'on doit s'engager dans la cogénératlon? Est-ce qu'on doit
s'engager dans la poursuite des développements hydroélectriques?
Est-ce qu'on doit exporter notre électricité? Jusqu'à quel
point et selon quels critères doit-on poursuivre les économies
d'énergie? En bref, quelles doivent être nos priorités?
M. Bernard: II y a beaucoup dans votre question.
Mme Bacon: C'est large.
M. Bernard: C'est très large. Sur ce qui est des
économies d'énergie, ça me choque un peu lorsqu'on me dit:
II s'en fait beaucoup en Nouvelle-Angleterre; il s'en fait déjà
pas mal plus en Ontario. Ça me choque parce que la réalité
est tout autre. Nous, ici, on paie 0, 04 $ ou 0, 05 $. J'arrive d'une
année sabbatique dans la région de Boston. Ça me
coûtait plus cher pour chauffer un petit appartement qui a une quinzaine
d'années que pour chauffer ma maison à Québec, ici. Quand
tu paies ce prix-là, tu t'inquiètes de fermer tes fenêtres,
de voir à ce que l'air ne rentre pas et ainsi de suite. Alors, le
contexte économique, en termes d'économies d'énergie, est
très différent. SI j'installe une lumière, là-bas,
qui me permet de réduire ma consommation de, on va dire, je ne sais pas,
10 % ou 15 %, lorsque tu pales 0, 12 $ du kilowattheure, c'est une
économie de temps; lorsque tu paies 0, 04 $ du kilowattheure, c'est une
économie de temps, mais beaucoup moindre. Alors, l'économie de
l'énergie ici est très différente. C'est pour ça
que, lorsque les gens prennent des situations externes au Québec, ils
disent: On va faire la même chose avec à peu près les
mêmes programmes. Bien, je pense que là il y a de l'erreur. Pour
avoir un programme d'économies d'énergie qui sera sensé,
II faudra, malheureusement - parce que, comme client d'Hydro-Québec, je
n'aime pas payer, mol non plus - que ce soit supporté par une
tarification appropriée, autrement, je pense qu'on va se leurrer un peu
sur les objectifs qu'on voudra atteindre. Parce que l'économie de la
chose, elle est différente. Alors, le même dollar
dépensé par Boston Electric et dépensé par
Hydro-Québec n'aura pas le même impact. Alors, c'est ça
qu'il faut garder aussi à l'esprit. C'est pour ça que je pense
qu'ici, présentement, les gens sont un peu optimistes, de ce
côté-là. Il faudra penser à une tarification qui
supporte ça. Et je pense que ce travail-là n'a pas
été fait.
Mme Bacon: D'accord, merci.
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie,
Mme la ministre. M. le député d'Ungava?
M. Claveau: MM. Bernard et Bélanger, ça me fait
plaisir de vous souhaiter la bienvenue parmi nous, bien que je doive vous
avouer que j'ai une certaine difficulté à vivre avec vos
énoncés. Je crois comprendre qu'à la limite vous nous
dites. Le plus payant serait de vendre notre électricité aux
Américains parce que c'est la façon la plus rentable de
dégager de la plus-value, à partir des installations
hydroélectriques. J'aurais presque tendance à vous conter une
autre histoire. Il y a quelques dizaines d'années, des experts se
promenaient sur le territoire de l'Afrique occidentale française et
regardaient les paysans qui cultivaient du mil et du sorgho. Ils disaient:
Écoutez, ce n'est pas payant de cultiver du mil et du sorgho et, en
plus, ce n'est pas très très nutritif. Alors, cultivez du coton
et puis, en vendant ce coton-là à bon prix sur le marché
international, vous pourrez racheter des produits alimentaires beaucoup plus
nutritifs que ce que vous cultivez et, en plus, vous aurez de l'argent dans vos
poches. Malheureusement, de trop nombreux paysans de ces pays-là, qui
sont devenus, par la suite, différents pays, entre autres, la
Haute-Volta, qui s'appelle maintenant le Burkina-Faso, le Niger, le Mali, sont
embarqués dans ce bateau-là. Ils ont vendu du coton, ils ont
ramassé de l'argent et ils ont acheté leurs aliments de
l'extérieur: du blé qui venait d'Occident, de partout. Mais le
jour où le coton n'a plus rien valu sur le marché international,
les paysans se sont retrouvés avec pas de terres à cultiver,
parce que le coton avait fini de manger tout ce qu'il y avait de
minéraux dans le sol. Donc, des pays en désertification, avec des
plantations qui ne sont plus vendables et avec plus aucun moyen de produire
leur alimentation, d'où les famines que l'on connaît et la
désertification qui avance à pas de géant. Et, maintenant,
on réinvestit à coups de millions de l'argent pour essayer de
trouver des solutions. D'autres experts sont en train de trouver des
solutions.
J'ai malheureusement le même réflexe lorsque je vols la
façon dont vous abordez le problème de
l'électricité. Vous nous dites: Vendons à nos amis
américains, nos proches voisins - on a la chance d'être proches de
chez eux - et puis, avec l'argent qui nous reviendra de ça parce que
c'est le plus payant à faire, pour le moment - on pourra
réinvestir. Mais réinvestir dans quoi? Réinvestir dans des
condos en Floride? Réinvestir dans des voiliers aux Bahamas?
Réinvestir dans quoi? Et qu'est-ce qu'il va advenir de nos
régions? Et qu'est-ce qu'on va faire le jour où,
éventuellement, on ne sera plus concurrentiels et qu'on se retrouvera
avec des bassins immenses qui auront été inondés et avec
lesquels on devra vivre, mais avec aucune structure industrielle pour absorber
cela en
territoire québécois, si, advenant le cas - ce qui est
toujours possible, connaissant l'évolution rapide de la technologie -
d'ici 20, 30 ou 40 ans, nos amis Américains nous disent: On n'en a plus
besoin parce que, maintenant, on a de nouvelles façons de produire, eh
bienl tant pis, on ne renouvelle pas nos contrats? Mais, nous, on n'aura pas
développé des infrastructures industrielles qui vont créer
des emplois chez nous, alors qu'eux vont l'avoir fait avec notre propre
énergie. Et qu'est-ce qu'on va faire? C'est quoi, la solution à
long terme? Ne trouvez-vous pas que, même si, pour le moment, c'est moins
rentable pour une petite partie d'individus, finalement, une petite partie de
la société qui pourrait éventuellement en
bénéficier immédiatement, il n'est pas plus sage, à
long terme, de s'assurer de cet avantage marginal que l'on a - avantage
comparatif - d'avoir de l'électricité sur notre territoire, pour
se doter d'une structure industrielle forte... Et le jour où nos amis
américains manqueront d'électricité, comme vous le dites
si bien dans votre mémoire, sous peu - 1993, vous nous dites - eh bien,
à ce moment-là, nous serons en position, nous, de les inviter
à, soit venir chez nous, soit acheter nos surplus à un prix qui
va nous convenir, nous. Vous ne croyez pas que ce serait probablement plus
louable ou plus sensé pour assurer l'avenir du Québec?
M. Bernard: Je voudrais avoir toute cette sagesse. Disons qu'on
n'est pas devins. Une partie de votre raisonnement me rappelle un peu le
début du développement du nucléaire qui a joué un
très vilain tour à Terre-Neuve. On disait: Écoutez, dans
quelques années, l'électricité, à la grandeur du
monde, ça sera le nucléaire. Puis l'expression qu'on utilisait,
c'était: Ça va être tellement peu dispendieux que ça
va être comme le téléphone. On ne mesurera même plus.
Les gens vont prendre un abonnement mensuel. Quand on laisse entrevoir des
possibilités que l'électricité devienne relativement
abondante, peu dispendieuse... On ne parle pas dans cinq ou dix ans, parce que
d'ici cinq à dix ans, à moins d'un miracle à travers le
monde, ça ne sera pas le cas, mais on parle, disons, peut-être, en
l'an 2005, 2020, que là on serait pris. Mais, à ce
moment-là, une grosse partie aura déjà été
financée et ça serait surprenant qu'avec le coût
additionnel qu'il nous restera à supporter à ce moment-là
on ne soit pas capable de rencontrer à peu près n'importe quel
type d'équipement.
L'histoire du nucléaire, elle est très riche en
enseignement. Au sortir de la guerre, on s'est dit, encore une fois: Ça,
c'est demain. Même aux États-Unis, vers 1970, plus de la
moitié de la capacité était de type nucléaire,
parce que c'était l'énergie de l'avenir. Bien, malheureusement,
20 ans plus tard, ce n'est plus l'industrie de l'avenir, c'est une industrie
qui a déjà eu son passé. Alors, peut-être qu'un jour
elle aura un second avenir, mais pas celui qu'on lui pensait. Alors, c'est pour
ça que je dis: Dans ce contexte, d'après ce qu'on peut
prévoir, nous, on parle des 20 prochaines années.
Maintenant, on connaît les prix que les Américains sont
prêts à nous payer pour l'électricité, on les
connaît, nous, c'est dans les contrats. Est-ce qu'on connaît mieux
les prix de l'aluminium pour les 20 prochaines années? Est-ce que je
suis capable, moi, de dire, présentement, le prix qu'on... Au cours des
deux dernières années, ce prix-là est passé
d'à peu près 0,65 $ à 1,65 $. Vous ne pensez pas que
ça a un impact très significatif sur la rentabilité de ces
gens-là? Il y en a plusieurs d'entre nous qui, à travers leur
REA, avaient acheté de l'Alcan, à une certaine époque.
Bien, pendant quelques années, il y en a plusieurs qui l'ont
regretté aussi. Pourtant, c'étaient tous des gens qui pensaient
bien faire. Et dans ce contexte-là, c'est tout des gens qui pensaient
que la rentabilité de ça était assurée. L'aluminium
a beaucoup de concurrents. Je ne veux pas Jouer l'avocat du diable, mais
l'aluminium a beaucoup de concurrents. Les gens sont assez pessimistes sur
l'avenir de cette industrie-là, ils prévoient une croissance plus
lente que l'ensemble de l'économie mondiale. Les plastiques leur ont
rentré dans le corps. On pensait que l'automobile, ça serait leur
gros secteur, parce que c'est léger puis que ça consomme moins.
Bien, malheureusement, le plastique leur a damé le pion de ce
côté-là, puis ça, ce n'était pas
prévisible il y a 10 ou 12 ans. Bon, on s'est dit: Le plastique, c'est
un dérivé du pétrole, ça va revenir cher, mais
ça n'a pas été le cas. Aujourd'hui, on produit des...
Alors, moi, je dis... puis là, je trouve ça malheureux un
peu, parce que je pensais que les politiciens étaient imbus de beaucoup
de sagesse et d'imagination, mais ils disent: Je ne sais pas quoi faire avec
300 000 000 $ - c'est ce que vous me dites. Bien, à l'Université
Laval, qui a un budget beaucoup plus petit, on en prendrait une petite partie,
nous. On s'occupe de 32 000, 35 000 étudiants, puis je vois beaucoup
d'endroits où on pourrait en utiliser une petite partie de façon
très rentable, très rentable, pas en cré-mant le
gâteau, là.
M. Claveau: Oui, mais justement, d'abord, il me semble que c'est
différent de dire: Nous devons vendre notre électricité,
parce que c'est la façon la plus rentable de l'utiliser, ou, en
contrepartie, de dire: Développer des alumineries au Québec,
c'est probablement très risqué et on aurait peut-être
avantage à trouver d'autres façons de développer notre
structure économique. Là, on ne dit pas la même chose,
lorsque l'on dit ça. Moi, je comprends, dans votre texte, que vous nous
dites: Que ce soit les alumineries ou n'importe quel autre
développement, à partir du
moment où c'est moins rentable, où on reçoit moins,
Hydro-Québec encaisse moins que de vendre aux Américains, elle
devrait tout simplement vendre aux Américains. Est-ce que c'est
ça que vous dites? Moi, c'est ce que j'ai compris. (22 h 15)
M. Bernard: A la limite, c'est un peu ça, parce qu'il y a
un subside. Pensez qu'avec les 200 000 $ on va supporter un emploi, un emploi
où le travailleur va gagner en moyenne 40 000 $. Vous ne pensez pas
qu'avec 200 000 $ au Québec, présentement, on pourrait engager
plus qu'une personne? Même des professeurs d'université, on
pourrait en engager quelques-uns, heinl
M. Claveau: Oui, mais on dit aussi que. lorsque l'on crée
un emploi dans l'Industrie primaire, on génère un certain nombre
d'emplois. Enfin, je ne m'avancerai pas sur les chfffres là - vous
êtes probablement plus compétent que moi pour le dire - mais on
crée un certain nombre d'emplois dans l'industrie secondaire et dans le
tertiaire. Est-ce que l'hypothèse que vous avancez ne nous
amènerait pas à ce qu'un économiste égyptien,
Mohamed Dovidar, appelait, l'hypertrophie du tertiaire? Dans le fond, c'est une
structure économique tout à fait tiers-mondiste où on
retrouve une grande partie de l'économie qui est strictement
basée sur les services et l'industrie tertiaire en
général, avec une infrastructure de base, dans le primaire et
dans le secondaire, à peu près inexistante. Et si on veut
développer, en contrepartie, le primaire et l'industrie de
transformation, le secondaire, II faut, de toute évidence, qu'on se
serve de l'avantage comparatif que l'on a en termes énergétiques,
étant donné que nous, du pétrole, on n'en a pas, du gaz
naturel - il y en a qui prétendent qu'on en a, en tout cas, au moment
où se parle, il n'y en a pas - c'est la même chose, mais on a
l'hydroélectricité ou, enfin, différentes
possibilités de produire de l'électricité.
M. Bernard: Ce n'est pas parce qu'on a de
l'électricité qu'on doit l'utiliser selon des critères
différents de celle qu'on achète. Celle qu'on achète, on
paie pour l'acquérir, celle qu'on a, on pourrait en obtenir un revenu.
Alors, on va prendre un exemple simple: un cultivateur qui déciderait de
produire uniquement ce dont il a besoin pour sa famille, il serait probablement
capable de le faire, mais, entre nous autres, II aurait un niveau de revenu
assez bas. Qu'est-ce qu'il fait? Il se spécialise, puis il regarde le
meilleur marché. Ma terre, peut-être que je pourrais produire des
carottes, des choux et ainsi de suite. Par contre, si je produis seulement du
maïs et que j'en nourris des porcs, je vais me faire un revenu suffisant
pour mol et toute ma famille et là je...
Alors, c'est le même raisonnement, nous autres, qu'on applique. Ce
n'est pas parce que c'est à nous qu'on doit oublier qu'en l'utilisant on
perd quelque chose. Alors, on ne pense pas vous avoir convaincu totalement de
ce point-là, mais on voulait semer suffisamment juste un peu de doute,
de sorte que, lorsqu'on prend des actions comme ça, on y pense, à
créer des emplois. Je vais vous dire un petit détail, j'ai
été un peu choqué - choqué dans le sens de surpris
- parce que des économistes universitaires, ça écrit
beaucoup, c'est un peu bavard, puis bon, hein! Ça va? Mais, entre nous
autres, ça va bien. Mais, lorsqu'on a écrit ça, c'est une
des rares occasions où des gens nous ont appelés de façon
agressive. Puis, ça m'a surpris parce que je ne pensais pas choquer du
monde, moi. J'ai dit: Écoutez, on veut contribuer à la richesse
québécoise. On leur dit: Voici comment on devrait s'enrichir.
Puis, bon, qu'est-ce que vous voulez, je n'ai pas fait voeu de pauvreté.
Ça s'est présenté clairement, il y a 20 ans, et ce n'est
pas ce que j'ai choisi. Alors, j'ai dit. 300 000 000 $, on va dire ça
pour la collectivité québécoise et ça devrait
réjouir le monde. Au contraire, les gens du Lac-Saint-Jean nous ont
appelés, sans raison, parce que l'Alcan, on ne traite pas du tout
d'Alcan, Alcan a ses ressources et elle fera ce qu'elle voudra avec ses
ressources. Ils nous ont dit: Écoutez, nous autres, si on n'a pas
ça, qu'est-ce qu'on va avoir? Puis là, c'est votre point de tout
à l'heure. Bien, je pense, que, si on vous nommait ministre du
développement régional du Lac-Saint-Jean - peut-être que
c'est votre aspiration - avec 200 000 $ par emploi, Je pense que vous seriez
capable de faire des choses dans ce coin-là, même pour
peut-être moins cher, je crois. Alors, c'est ce qu'on dit, nous autres.
L'Université du Québec à Chicoutimi, j'ai beaucoup de
respect, c'est du bien bon monde, mais on ne paie pas 200 000 $ par emploi pour
ces gens-là...
M. Claveau: Oui, mais une université, M. Bernard...
M. Bernard: C'est mon exemple, helnl
M. Claveau: ...une université ou n'importe quel autre
service du genre, ça ne vit pas en l'air. Ça s'enracine sur un
vécu régional, ça s'enracine sur une expérience et
parce qu'il y a des gens qui y vivent, hein! Et ce n'est pas toute une
population qui peut vivre d'une université. S'il y a une
université au Sague-nay-Lac-Salnt-Jean et s'il y a un niveau de services
qui est développé, c'est, entre autres, parce que la grande
entreprise y est présente depuis à peu près un
siècle et qu'on y retrouve à peu près tout ce qu'il y a de
compagnies pape-tières opérant au Québec, que l'on
retrouve Alcan, que l'on retrouve Hydro-Québec, qu'on retrouve, enfin,
un certain nombre de grandes entreprises qui ont créé une assise
économique.
D'autres régions, comme l'Abitlbi, l'ont fait à travers
l'industrie minière. Mais on s'assoit sur une activité de base
et, dans le fond, l'université, comme le secteur commercial, ne vient
que donner des services à une population qui vit déjà
essentiellement d'autres choses. Alors, si vous me dites: Au lieu de
développer cette autre chose-là à partir de l'avantage
comparatif que l'on a avec l'électricité, on va vendre cette
électricité-là pour se donner des services par
après, moi, je veux bien, mais avec quoi va-t-on faire vivre l'essentiel
des populations régionales qui, elles non plus, à l'instar de ce
que vous nous avez dit, n'ont pas fait le voeu de pauvreté?
M. Bernard: bisons, je ne veux pas du tout être pessimiste,
puis il y a des ressources. L'hydroélectricté dans le
Lac-Saint-Jean, selon tous les critères qu'on peut utiliser, elle
méritait d'être développée, puis elle mérite
toujours d'être développée. Ça, ça aurait eu
sa place. Et, à une certaine époque, la transformation par
l'aluminium, c'était la meilleure chose, parce que le transport par
haute tension, c'était limité, et ainsi de suite. Alors,
c'était la meilleure chose. Je ne remets pas en cause l'histoire. La
foresterie va toujours demeurer importante au Québec, on ne met pas
ça en cause, et c'est un des développements qui vont prendre
place dans les régions. Par contre, il faut admettre une certaine
flexibilité dans le temps. SI une ressource s'épuise dans une
région, il faut penser aussi que, parfois, ce sera des mécanismes
de substitution qui vont permettre aux gens... mais, parfois aussi, le
mécanisme d'ajustement, c'est le déplacement régional.
Moi, j'ai été élevé dans les Appalaches, puis le
petit village où j'ai été élevé, aujourd'hui
les gens, on se compte sur la main. A l'époque, c'était le petit
village florissant, et ainsi de suite, puis je rêverais, moi, que mon
village existe encore dans sa forme d'il y a 25 ou 30 ans. Mais ça
aurait coûté cher de l'avoir gardé dans cette
forme-là. Alors, quand on applique ça à toute une
région, il faut être un petit peu prudent aussi.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député, si vous voulez...
M. Claveau: Le temps est écoulé?
Le Président (M. Bélanger): Oui, si vous voulez
remercier nos invités.
M. Claveau: Alors, je vous remercie bien de votre
présentation qui nous a amené un autre éclairage, enfin,
un autre point de vue, et c'est bon dans le genre de travaux que l'on
mène; justement, c'est que l'on veut avoir les points de vue, je pense,
d'à peu près tout le monde, ce qui va permettre un
éclairage complet du problème pour le gouvernement qui aura des
décisions à prendre. Merci de votre présentation.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: M. Bernard et M. Bélanger, vous rassurez le
député d'Ungava quand il parle des décisions du
gouvernement. Ce que vous venez de nous donner comme possibilités va
nous forcer, je pense, à faire l'effort de continuer notre
réflexion et de regarder toutes les facettes, je pense, du
problème. Vous nous faites faire cet effort-là, ce soir. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. Bernard et M.
Bélanger, la commission de l'économie et du travail vous remercie
de votre précieuse collaboration à ses travaux. J'inviterais le
prochain représentant, c'est M. Frank Auf Der Maur. Bonsoir, M. Auf Der
Maur. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre
mémoire et, par la suite, il y aura une partie d'échanges avec
les parlementaires. Je vous prierais donc, dès que vous aurez fini de
vous installer, de procéder à la présentation de votre
mémoire. Je vous remercie.
M. Auf Der Maur (Frank): Puis-je m'assoir?
Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en
prie.
M. Frank Auf Der Maur
M. Auf Der Maur: Merci. Bonsoir, M. le Président, membres
de la commission. Bonsoir, membres du public. Ça me fait grand plaisir
d'être ici avec vous ce soir et de participer à la grande
responsabilité de trouver des solutions énergétiques pour
le peuple du Québec. D'abord, je veux juste mentionner, par exemple, que
je viens de passer à M. Bédard, ce soir, le deuxième
rapport préliminaire. C'est écrit en anglais. Ça remplace
le rapport préliminaire que j'ai présenté la semaine
passée, qui était écrit en français.
J'espère de passer à M. Bédard, avant mardi matin
prochain, la version française du dernier rapport. Malheureusement, j'ai
oublié d'ajouter, dans le dernier rapport que j'ai donné à
M. Bédard, les recommandations et je vais le faire bientôt, dans
les premières 20 minutes.
M. le Président, d'abord, l'heure avance et peut-être que
Je ne lirai pas mon mémoire; vous aurez le temps, j'espère, de le
lire pendant vos heures limitées, je sais, mais j'espère avoir
vos commentaires. D'abord, pourquoi est-ce que je me trouve ici? Par exemple,
je pense que c'était très important pour le mandat de votre
commission de savoir, par exemple, si nous avons fait des
bénéfices avec la Baie James. Je viens de recevoir cinq
publications par Hydro-Québec qui offrent une description de la Baie
James, phase II. Je suis sûr que vous avez examiné les cinq
publications. Vous n'avez trouvé aucune référence à
savoir si nous avons fait des bénéfices. Ça doit
commencer avec ça. Si nous avons fait des bénéfices
avec la phase I, peut-être qu'on va le prendre en considération
pour la phase II. J'avais pensé que, peut-être, je peux jouer un
rôle responsable si j'offre mes estimations des bénéfices
de la phase I.
Dans le premier rapport préliminaire... Dans le deuxième
que j'ai présenté à M. Bédard ce soir, c'est
doublé en dimension et j'ai doublé le nombre de chiffres
présentés. Tous les chiffres que j'ai présentés
viennent de mes amis, les publications aussi, de l'Office national de
l'énergie, de New York Power Pool, de PASNY, Power Authority of the
State of New York, Consolidated Edison of New York. C'étaient mes amis
depuis les deux ou trois dernières semaines. Si, par exemple, vous avez
des questions sur les chiffres que j'ai présentés dans mon
rapport préliminaire, si vous avez eu l'occasion de le lire, j'ai
montré l'origine de ces chiffres. Ça ne vient pas du
Saint-Esprit, ça vient des publications.
C'était la première raison et, après, j'ai
commencé à examiner la situation. J'ai pensé que,
peut-être, je pouvais aussi faire des recommandations plus solides que
ça. Peut-être parce que l'heure avance, je vais commencer avec mes
recommandations et je vais développer mes recommandations, avec votre
permission. D'abord, j'ai demandé à M. Bédard, le
secrétaire, de passer des copies de mes rapports aux personnes
intéressées au gouvernement du Québec et j'espère
avoir des commentaires publics sur mes conclusions.
Deuxième chose, j'ai demandé aussi, par exemple, des
commentaires d'Hydro-Québec sur mes conclusions. Troisième chose,
ce sont mes recommandations. Je recommande qu'Hydro-Québec cesse
d'offrir l'électricité pour les besoins de chauffage dans
l'avenir. Deuxième recommandation, c'était pour commencer
à retirer l'électricité pour le chauffage et de
coopérer avec les fournisseurs des produits de l'huile et du gaz pour
permettre à ces produits naturels de servir les besoins de chauffage
dans l'avenir. Aussi, je recommande qu'Hydro-Québec doit annoncer un
"moratorium" dans tous les projets majeurs pour la génération et
la transmission de l'électricité dans la phase II et engager un
groupe indépendant pour vérifier les estimations
présentées dans les cinq publications, soit 1600 $ le kilowatt.
Juste pour faire un petit commentaire sur ce chiffre, on dit que ça va
coûter 1600 $ le kilowatt, multiplié par 18 000, ça monte
à 30 000 000 000 $. Il y a des doutes sur l'accuracy" de ce chiffre. Par
exemple, nous avons payé 500 $ le kilowatt il y a dix ans, quand le
dollar était deux fois plus fort qu'aujourd'hui, par exemple. Tous les
projets pour la phase II sont plus au nord dans la province de Québec.
Je ne sais pas, peut-être qu'un "physicist" aurait une
sensibilité... peut-être qu'il y a des doutes dans cette
estimation. (22 h 30)
Alors, je crois que ce sont toutes mes recommandations. Je crois aussi
que je vais rappeler les autres et les mentionner. D'abord, permettez-moi, par
exemple, de présenter ma feuille sur le bénéfice de la
Baie James phase I depuis les dix dernières années. J'ai
indiqué que nous avons produit depuis les derniers 11 ans, ça
veut dire, de la mise en marche dès 1979 jusqu'à aujourd'hui,
nous avons eu une période de onze ans... J'ai fait mes estimés
parce qu'il n'y a pas d'autres chiffres concrets présentés par
HydroQuébec. Alors, peut-être que ce sera la première fois
que quelqu'un présente un estimé officiellement sur les
bénéfices de la phase I. J'ai indiqué que nous avons
produit peut-être 8 000 000 000 $ pendant les derniers 11 ans avec la
phase I. Mais, en termes globaux, Hydro-Québec avait indiqué,
dans cette période, un bénéfice global de 6 000 000 000 $.
Mais c'est beaucoup, tous les projets avant 1979, c'est-à-dire la
Manicouagan, le Beauharnois, se trouvent maintenant dans nos livres avec une
valeur de 200 $ le kilowatt.
Je fais mon magasinage chaque samedi après-midi dans le
marché Jean-Talon. Quand j'achète un panier de tomates, il y a
toujours des bonnes tomates bien rouges sur la "surface". En dessous du panier,
de temps en temps, on trouve des tomates un peu moins intéressantes. Je
crois que dans le panier d'Hydro-Québec il y a beaucoup de bons projets
comme la Manicouagan, Churchill Falls, Beauharnois. Mais on commence à
ajouter dans le panier d'autres tomates qui ne sont pas tellement
intéressantes. Et peut-être que la phase I était une tomate
un peu moins intéressante. Si on commence à ajouter trop de
mauvaises tomates dans le même panier, ça va augmenter nos tarifs
d'électricité plus vite que jamais.
Faites une petite promenade avec moi, par exemple, juste pour faire
vous-mêmes un estimé sur le bénéfice de la phase I.
On va faire cette petite promenade entre 1978 et aujourd'hui, 1989. J'apporte
deux rapports annuels d'Hydro-Québec L'un pèse tellement lourd,
parce qu'il y a des frais d'intérêts, l'autre, de 1978, n'est pas
tellement lourd. Juste la différence, si vous commencez juste à
calculer ça, vous pensez que vous pouvez vous-mêmes
déterminer qu'il y a une différence dans les
intérêts dans les deux publications, madame, de 1 800 000 000 $.
Si vous regardez dans les deux publications une autre fois, vous voyez que,
dans deux périodes différentes, la seule chose que nous avons
fabriquée dans la province de Québec, c'était 50 000 000
de mégawattheures d'électricité par année. Alors,
nous avons augmenté l'intérêt de 18 000 000 000 $. Nous
avons fait une production annuelle augmentée de 50 000 000. Faites juste
le calcul vous-mêmes. Vous montez à un chiffre de 36 $ le
mégawattheure. J'ai indiqué que le coût pendant les
derniers 11 ans, c'était 45 $ Ce n'est pas tellement différent.
Vous pouvez
maintenant commencer à calculer vous-mêmes au lieu de
demander des chiffres d'Hydro-Québec. Vous pouvez faire le calcul
vous-mêmes. C'est important que vous preniez la responsabilité
d'examiner ça si votre Hydro-Québec ne veut pas présenter
des chiffres. Alors, vous avez vu ça, 1 800 000 000 $ de
différence dans l'intérêt, une production annuelle
augmentée par 50 000 000 de mégawattheures. Le taux
d'intérêt pour chaque 1000 kilowattheures, 36 $.
Quel est le prix que le monsieur a indiqué à propos de nos
ventes aux Américains depuis les dernières années?
Qu'est-ce que nous avons gagné de ça? Ne me demandez pas à
moi. Mais, par exemple, prenez les chiffres de l'Office national de
l'énergie. Vous voyez que nous avons gagné peut-être 28 $
le mégawattheure. Nous avons envoyé aux Américains des
intérêts qui ont une valeur de 38 $, juste pour
l'intérêt. Quand nous avons vendu l'électricité,
nous avons gagné 26 $ ou quelque chose comme ça. Nous avons fait
une Baie James ici, dans la province de Québec. Nous avons envoyé
l'électricité aux Américains. Nous avons envoyé
plus d'intérêt aux Américains. Calculez, vous-mêmes
s'ils ont fait de l'argent avec Baie James, phase I, c'est très douteux.
Maintenant, on veut commencer avec la phase II plus au nord, peut-être
que c'est tout "spread out" dans la province de Québec, ils nous disent
que ça va coûter 1600 $ le kilowatt dix ans après, quand le
dollar avait la moitié de sa valeur. Il faut réfléchir sur
ça.
C'est très douteux, les chiffres présentés par
Hydro-Québec. Maintenant, qu'est-ce qui est arrivé? Un accident
est arrivé pendant les années soixante-dix, madame.
C'était parce que toutes les "utilités" étaient dans la
même situation, toute l'expansion était basée sur le taux
de croissance depuis la guerre, ça avait augmenté par un facteur
de quelque chose comme 5 %, Hydro-Québec et toutes les "utilités"
aux États-Unis, dans l'Ouest du Canada avaient toujours basé leur
expansion sur ça, quelqu'un leur a dit: Nous avons besoin de la phase I,
à un certain moment, on a commencé, le chiffre a
été présenté, la consommation a été
baissée. Toutes les autres "utilités" en Amérique du Nord
avaient coupé les expansions, sauf une, Hydro-Québec. Alors,
qu'est-ce qui est arrivé? En 1979, nous avons eu un surplus. Nous avons
réagi, dans cette situation, nous avons commencé à vendre
les surplus, nous avons commencé à changer une tradition
d'utiliser le gaz et l'huile pour le chauffage. Ce qui veut dire que nous avons
utilisé une forme d'énergie de haute qualité pour un
besoin de basse qualité.
Si vous vous rappelez vos cours, il faut utiliser des choses de haute
entreprise pour des besoins de haute entreprise. C'était une situation
qu'on n'a pas retrouvée dans le monde, sauf en Norvège ou en
Suède où il y a des maisons chauffées avec
l'électricité. Cette électricité vient des projets
qui avaient coûté... Si vous avez examiné les rapports
annuels des "utilités" en Norvège, comme je l'ai fait,
c'étaient des projets qui avaient une valeur de moins de 500 $ le
kilowatt, pas des projets qui avaient une valeur de 500 $ le kilowatt avec un
taux d'intérêt de 12 %; pour les projets, en Norvège, on
paie des taux d'intérêt de moins de 10 %. Nous sommes tellement
différents ici, dans la province de Québec, avec notre taux
d'intérêt, avec l'investissement requis pour chaque kilowatt pour
nos projets d'expansion dans le nord du Québec.
Maintenant, je veux dire que, pendant le temps que nous avons
changé le système de chauffage de nos maisons, dans nos foyers,
qu'est-ce qui est arrivé? Je viens de Montréal, une fois, nous
avions six raffineries dans la ville, maintenant nous en avons deux. Dans
Montréal, nous avons perdu 2000 employés parce qu'il y a eu un
changement par une erreur d'expansion dans la province de Québec par
Hydro-Québec, nous avons changé l'huile et le gaz par
l'électricité, nous avons perdu des emplois, mais, plus
important, nous avons perdu 3 000 000 000 $... Excusez-moi si je parle trop
fort, je deviens un peu excité, vous avez une salle, ici, tellement
splendide, j'ai gagné l'expérience comme Napoléon, M. le
Président.
M. le Président, je veux dire que les revenus des trois niveaux
de gouvernement avaient perdu 3 000 000 000 $, depuis les onze dernières
années, quand l'huile et le gaz ont été remplacés
par l'électricité. Si vous avez fait vos calculs, le gaz et
l'huile ne coûtent pas tellement cher. C'est parce qu'il y a beaucoup
d'impôts dans toutes les phases de passage de l'huile et du gaz des puits
en Alberta qui passent dans les oléoducs, dans les gazoducs; quand
ça passe dans les raffineries, quand ça passe dans le
réseau de distribution de Gaz Métropolitain, il y a beaucoup
d'activités qui donnent de l'argent au gouvernement.
Tous les revenus gagnés par le gouvernement de la province de
Québec, Hydro-Québec, sauf les dividendes, représentent 2
% sur les Investissements d'Hydro-Québec. Les chiffres pour l'industrie
de l'huile et du gaz au Canada sont de 19 %. Consolidated Edison... On montre
toujours qu'ici au Québec les tarifs au Québec sont moins chers
qu'à New York. C'est vrai parce que c'est le coût de
l'énergie là-bas. Mais on n'indique pas que les revenus de New
York gagnent beaucoup d'argent de Consolidated Edison. Ça
représente 19 % sur les investissements. A Hydro-Québec, si par
exemple le gouvernement du Québec veut prendre de l'argent, ça
devient... La concurrence n'est pas là. Alors, quand nous avons des
changements, c'est parce qu'on manque d'argent pour le Medicare aujourd'hui. M.
Bédard, le secrétaire... Nous avons fait de grands changements
depuis les dix dernières années avec la phase I. On doit
réfléchir avant de donner 60 000 000 000 $ à
Hydro-Québec pour la phase II. Réfléchir sur ce
chiffre de 60 000 000 000 $.
Tous les investissements dans l'industrie de l'huile et du gaz au Canada
sont de 75 000 000 000 $. Ça donne 20 fois l'énergie de la phase
II. Faites vos calculs vous-mêmes. Ils nous demandent pour 60 000 000 000
$ dans les cinq publications que vous avez présentées, M. le
Président, sans référence aux bénéfices pour
un projet qui nous donne 5 % d'énergie, madame, de l'industrie de
l'huile et du gaz au Canada. Faites vos calculs vous-mêmes. Quand vous
faites les décisions pour nos enfants dans l'avenir, est-ce que nous
allons leur laisser un projet qui va coûter 60 000 000 000 $? Ça,
c'est peut-être, je pense, mes recommandations qu'on doit laisser les
besoins de chauffage pour l'huile et le gaz parce que ça coûte
moins cher. On va se concentrer sur les autres choses.
Une autre recommandation que j'ai faite, M. le Président,
c'était que Hydro-Québec doit être moins secret. Il doit
ouvrir la conversation avec le peuple. Juste par exemple, j'ai une publication
ici. Je suis familier par exemple avec le grand centre de production
d'aluminerie. On parle beaucoup ce soir d'aluminium, que nous avons un peu
comme favori. C'est Bondfleld Power Administration. Ça vient des projets
sur le fleuve Columbia. Je suis familier avec tous les détails du
contrat entre les alumineries dans cette région des États-Unis et
le Bondfleld Power Administration. J'ai tous les détails, comme citoyen
du Canada. J'ai les droits et je les reçois.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute, malheureusement.
M. Auf Oer Maur: O.K. M. le Président. Ça veut dire
qu'Hydro-Québec doit annoncer les détails de notre situation
commerciale avec les alumineries parce que le "secrecy" encourage la
spéculation. Peut-être que le peuple de Québec est mal
traité. Laissez les choses sur la table pour que tout le monde les voie.
J'ai présenté beaucoup de chiffres parce que je suis un homme de
chiffres. Je ne suis pas un homme de mots. Je veux encourager et stimuler la
conversation à propos de l'avenir d'Hydro-Québec, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre. (22 h 45)
Mme Bacon: M. Auf Oer Maur, je vous remercie d'abord d'être
ici, d'avoir eu la patience d'attendre jusqu'à cette heure
avancée. Dans votre mémoire, vous suggérez que les futurs
consommateurs et même les consommateurs qui utilisent actuellement
l'électricité pour le chauffage de leurs locaux passent de
l'électricité à l'huile ou au gaz. Vous soutenez aussi que
la réduction de la demande d'électricité qui en
résulterait éviterait à Hydro-Québec la construe
tion de nouveaux équipements de production. C'est une hypothèse
qui soulève un certain nombre de questions que j'aimerais discuter avec
vous. Commençons d'abord par cette mesure qui ramènerait le bilan
énergétique québécois à la situation qui
existait au début des années soixante-dix, à savoir une
forte dépendance de notre consommation d'énergie à
l'égard des hydrocarbures. En conséquence, j'aimerais savoir quel
serait, d'après vous, l'effet de cette mesure sur la
sécurité des approvisionnements et aussi le degré
d'autonomie énergétique du Québec.
M. Auf Der Maur: C'est une bonne question, madame. Je vais
répondre en vous présentant des chiffres. Je ne sais pas si ces
chiffres ont été présentés dans le rapport auquel
vous faites référence, mais c'est certainement dans le rapport
que j'ai présenté à M. Bédard, ce soir.
D'abord, le coût des réserves d'huile et de gaz
représente 10 % des coûts des réserves
d'électricité à la Baie James, phase I. J'ai fait le
calcul dans le dernier rapport que j'ai présenté. D'abord, vous
avez plus de sécurité si vous placez votre argent sur quelque
chose de plus efficace au point de vue du rendement. Je répète:
Si vous faites votre calcul sur un investissement de 500 $ le kilowatt, sur un
facteur de capacité de 50 % et que c'est un projet qui, d'une
façon optimiste, a une vie de 50 ans, vous arrivez à un calcul
que le coût de réserve, pour chaque mégawattheure, est de 8
$.
Si vous prenez les chiffres de Statistique Canada, qui offre une
description de l'industrie de l'huile et du gaz en Alberta et partout au
Canada, vous verrez que nous avons des réserves de 25 ans. Ça
coûte l'équivalent de 1,50 $ le mégawattheure. Par exemple,
j'ai mentionné que l'industrie de l'huile et du gaz au Canada avait
adopté un "reserve life index - c'est la mesure de 25 ans. Mais, pour
une raison autre, aux États-Unis, ils avaient adopté une
réserve de neuf ans et, en Angleterre, de huit ans. Ce qui veut dire
qu'ici au Canada on a bien peu d'intérêt d'avoir une vie de 25
ans. Et si on va baisser cette chose, au lieu de coûter 1,50 $ par
mégawattheure, ça va coûter moins cher. C'est une
possibilité que j'ai mentionnée. Ça veut dire que,
d'abord, c'est la sécurité offerte aux citoyens de la province du
Québec, que ça coûte moins cher, des réserves dans
l'Ouest du Canada avec un bon gazoduc, un bon oléoduc, une bonne
coopération entre les deux provinces. Notre sécurité
était montée.
Mme Bacon: Est-ce que vous croyez que les consommateurs qui se
chauffent actuellement à l'électricité sont en mesure de
transformer leur système de chauffage à un coût raisonnable
pour passer à l'huile ou au gaz?
M. Auf Der Maur: C'est un accident, madame, que la plupart, les
deux tiers des
personnes se chauffent à l'électricité. C'est un
accident qui est arrivé, parce que l'estimation d'Hydro-Québec
était mauvaise. Ils veulent créer un surplus. Ils veulent pousser
l'électricité au peuple, et ils ont un marché captif. Mon
frère avait changé sa fournaise de 50 ans pour
l'électricité. Il n'y a pas d'options.
Dans le mémoire que j'ai présenté ce soir, madame,
j'ai analysé les coûts pour mon frère et les autres
citoyens à Montréal entre le gaz, l'huile et
l'électricité, et j'ai présenté les chiffres. Il
avait payé plus cher, parce que les personnes qui gardent nos
"sécurités" à New York veulent avoir le paiement des
intérêts. Il faut monter les tarifs avec un projet qui va nous
coûter 500 $ le kilowatt, avec un panier de tomates, et le meilleur qui
était en haut, qui devait nous coûter seulement 200 $ le
kilowatt...
Nous sommes dans une autre phase, au Nord, avec la Baie James, phase I.
Nous allons dans une autre phase plus haute, avec le coût
d'investissement. On change toute la tradition de la province de Québec
avec nos pensées de grandeur dans le Nord du Québec.
Mme Bacon: Au moment où l'on se parle, le chauffage
à l'huile ou au gaz est souvent plus économique que le chauffage
électrique. Mais un consommateur qui choisit cette année l'huile
ou le gaz, est-ce qu'il peut prétendre que, dans quelques années
ou dans plusieurs années, il ne payera pas plus cher que s'il avait un
chauffage à l'électricité?
M. Auf Der Maur: II n'y a aucune garantie qu'il va payer moins
cher avec l'électricité. Certainement, avec Baie James II, il
faut payer l'intérêt de cette Baie James II, et il n'y a pas de
garantie. Peut-être l'augmentation des prix de l'énergie ici dans
la province de Québec est plus forte que le coût en Alberta, par
exemple... Parce que je le répète, nous sommes dans une autre
phase des projets... Churchill Falls va nous coûter... Peut-être
dans le livre, c'est, en dollars, 200 $ le kilowatt. Maintenant, la personne
qui chauffe sa maison doit payer les taux d'intérêt sur les
investissements, peut-être 2500 $ le kilowatt. Et il y a moins de
sécurité. Vous ferez des choses fantastiques pour la personne qui
chauffe sa maison, dans l'avenir, si vous lui offrez l'huile et le gaz.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: M. le Président. J'ai retenu, M. Auf Der Maur,
certains passages de votre mémoire sur lesquels j'aimerais bien avoir
quelques éclaircissements. Quand vous nous dites que ça
coûte plus cher de produire un kilowattheure d'énergie à
partir d'une centrale hydroélectrique, je veux bien, dans un premier
temps. Mais je me demande si, sur une analyse à long terme, ce n'est pas
le contraire qui se passe. Et j'en prends à témoin la page 5 de
votre mémoire, où vous nous dites que, globalement pour le parc
d'Hydro-Québec, pour l'ensemble des installations d'Hydro-Québec
- qui, dans bien des cas, sont des installations payées - le coût
de production se situe autour de 200 $ le kilowatt. Ça, c'est de la
puissance Installée. Et vous faites la comparaison avec la Baie James
qui, elle, n'est pas payée, et vous dites: Pour la Baie James I,
ça nous coûte 1450 $ du kilowatt de puissance
installée.
Si c'est vrai que, globalement, l'ensemble du parc d'Hydro-Québec
coûte 200 $ du kilowatt à opérer, en comprenant tous les
coûts, ça, ça veut dire que les installations qui sont plus
vieilles ne coûtent rien, ou à peu près rien. Donc, est-ce
qu'il est vrai de dire que, sur une perspective historique, après un
certain nombre d'années, finalement, ça devient beaucoup moins
cher de produire avec de l'hydroélectricité qu'avec une centrale
nucléaire, par exemple, qui a un coût de remplacement beaucoup
plus élevé? Parce qu'une centrale nucléaire, ça
n'opère pas pendant un siècle, alors qu'une centrale
hydroélectrique peut opérer pendant un siècle.
Alcan, au Lac-Saint-Jean, a une centrale hydroélectrique, celle
d'AJma, de l'île Maligne, qui opère depuis 1920 ou 1921. Alors,
l'électricité qui en sort est nécessairement à peu
près gratuite, alors que ce n'est pas le cas d'une centrale
nucléaire. Et, d'ailleurs, Hydro-Québec prévoit, pour sa
seule centrale nucléaire de Gentilly 2... Elle a dans ses postes
budgétaires un "item" de coût de remplacement, parce qu'il va
falloir la changer. Alors, s'il est vrai qu'au moment de construire c'est
peut-être moins coûteux pour toutes les considérations que
vous nous donnez et pour les comparaisons que vous faites avec Hydro-Ontario,
en page 6 de votre mémoire, s'il est vrai que ça coûte
moins cher de produire avec une centrale nucléaire au moment de la
construire, il est peut-être aussi vrai que, 50 ans plus tard, c'est pas
mal moins cher de produire avec une centrale hydroélectrique.
M. Auf Der Maur: D'abord, permettez-moi juste de répondre.
Vous utilisez l'expression "si", par exemple, sur les coûts d'Ontario
Hydro. Un si devient un fait... Les coûts viennent de publications
d'Ontario Hydro, qui est ouverte avec le public là-bas. Ce n'est pas une
question de si, ça a été annoncé dans les
publications d'Ontario Hydro. O.K. Les chiffres viennent de là, à
propos des coûts nucléaires. Ça, ce sont des chiffres
publiés parce qu'Ontario Hydro a une politique de présenter tous
les chiffres aux personnes de l'Ontario. Ça, c'est un fait, le
coût que j'ai présenté.
D'abord, c'est une bonne considération que nous sommes
favorisés par le produit de Mani-couagan parce que quelqu'un a
payé pour le projet pendant 20 ans, disons. Juste une autre
chose, pour dire que ça c'est un bon point, mais il est autre
chose d'Important. C'est que nous sommes dans une autre phase à propos
des taux d'intérêt. Ce projet-là était à un
taux d'intérêt de 2 % ou 3 % et maintenant on vit dans un contexte
où les taux d'Intérêt sont plus élevés Alors,
II faut devoir une "faster payout", II faut faire une autre "calculation" comme
ça Les décisions faites il y a 20 ou 30 ans, nous en avons
l'héritage aujourd'hui. Ça, c'est une chose importante.
La deuxième chose, ce n'est pas qu'on mette un projet à
côté de Beauharnois, aujourd'hui. On parle d'un projet plus au
nord, dans un autre contexte de prix, de coûts. Ça, ce sont les
choses importantes. Les coûts montent. Ce n'est pas une question de
toujours.. Quand on place le nucléaire, on place le nucléaire
dans la môme ambiance, mais ici on parle, on va au nord où
ça coûte plus cher. On va transporter le béton, on va
transporter le ciment Ça prend beaucoup de chaleur pour fabriquer les
choses. Les coûts augmentent tellement. Le contexte d'escalade, c'est
tellement différent de ça, le taux d'intérêt,
l'escalade des prix.
J'ai mentionné aussi le... "reserve life index" de l'industrie de
l'huile. J'ai dit que, 25 ans, on doit baisser ça parce que le taux
d'intérêt serait trop énorme. On doit adapter la
réalité des choses. Maintenant, on parle de la situation en
Russie, par exemple. You know, la Russie c'est un pays fantastique. Les
gisements sont tellement plus au nord que n'importe où dans notre pays.
Pour une raison ou l'autre... Mais, dans l'économie de la Russie, ils
avaient posé trop d'investissements dans l'industrie basique comme les
puits de gaz. Dans les puits de gaz, ils ont une réserve de 60 ans,
ça veut dire qu'ils ont trop d'investissements dans les projets et ils
n'ont pas laissé d'argent pour le marché, pour permettre au
peuple d'acheter de la nourriture. Ça, c'est le danger avec
l'économie de la Russie. Ça, c'est le danger avec la province de
Québec, si on commence à mettre trop d'argent dans les projets
trop coûteux parce que, aujourd'hui, dans les années
quatre-vingt-dix, on ne parle pas de projets à Beauharnois, tout
près de la ville, on parle de projets tellement loin de nous autres. Et
c'est dans ce contexte qu'il est difficile de prendre des leçons du
passé. Après un certain moment, le prix va baisser à 200 $
le kilowatt. Ça, c'est important. On doit éviter le
problème qui s'est passé en Russie. (23 heures)
M. Claveau: Oui, mais pour reprendre le même exemple, les
réserves de gaz naturel, les réserves de pétrole sont des
réserves qui sont limitées dans le temps On parie de milliards de
mètres cubes ou de milliards de barils et on sait qu'après un
certain temps il n'y en aura plus. Alors, le jour où on ne pourra plus
s'approvisionner en gaz naturel, même si c'est dans 50 ou 60 ans, il
reste une chose. C'est que, là, il va falloir développer des
énergies alternatives qui risquent d'être très
coûteuses. Si, au moment où on se parle, nous, au Québec,
on a la possibilité de développer des centrales
hydroélectriques, peut-être, oui, qu'au moment où on la
conçoit on va payer plus cher, sauf qu'il y a une chose qui est à
pou près certaine, c'est que, dans 60 ans, la même centrale va
continuer à opérer. Il y a des exemples, au Québec, de
centrales qui opèrent depuis plus de 60 ans. Elle va être
là. Alors que les autres vont se chercher de nouvelles sources
d'énergie, nous, on va avoir notre technologie, peut-être un peu
vieille, vous me direz, mais encore fonctionnelle qui, finalement, ne nous
coûtera à peu près plus rien à opérer.
Est-ce que vous ne croyez pas que dans une vision à long terme -
je ne parle pas d'une vision d'accumulation Immédiate de capital, de
faire des profits immédiats, mais d'une vision à long terme - on
n'a pas avantage à développer cette technologie sur laquelle on
peut compter et qui va nous assurer, quand même, pendant des
périodes assez vastes, un approvisionnement en énergie qui, elle,
ne coûte à peu près plus rien? L'autre problème,
aussi, c'est que le gaz naturel, le pétrole, même les biomasses,
si on veut aller là-dedans, vont toujours nous coûter quelque
chose en approvisionnement, en plus de l'entretien et des
réinvestissements nécessaires pour la réfection des
centrales. Il y a toujours un coût d'approvisionnement, alors que l'eau,
normalement, quand il y a des précipitations, elle coule
d'elle-même, on a peu de coûts d'approvisionnement. Est-ce que ce
n'est pas un avantage, pour nous?
M. Auf Der Maur: Certainement, vous présentez une bonne
thèse, mais on se doit du mesurer avec des chiffres. Je l'ai
mesuré avec des chiffres dans le mémoire que j'ai
présenté à M. Bédard, ce soir. J'ai fait 50
feuilles de calculs, on doit faire face à la réalité des
taux d'intérêt d'aujourd'hui à 12 % d'Hydro-Québec.
Quelqu'un avait pris la décision, je répète, maintenant,
il y a 20 ans, 30 ans... Vous pariez des projets bâtis il y a 60 ans;
quelqu'un avait pris la décision, avait fait des calculs basés
sur le taux d'intérêt de cette période-là. J'ai fait
les calculs. En théorie, vous avez présenté un argument
solide, mais, en termes pratiques, avec le taux d'Intérêt
d'aujourd'hui qu'Hydro-Québec doit payer, ce n'est pas une bonne
décision, d'après mes calculs présentés ce
soir.
Le Président (M. Bélanger): Je dois maintenant
céder la parole au député de Jacques-Cartier. M. le
député.
M. Cameron: Merci, M. le Président. I would like to,
maybe, repeat or recapitulate on the major points in Mr Auf Der Maur's
presentation. I might mention that I have some acquaintance with Mr Auf Der
Maur and. in fact, when I
heard about this commission, I ask to run about who knew more about the
energy and economics of Hydro-Québec than anybody else could be found.
Several people told me that Mr. Auf Der Maur was precisely the person who did
know such things.
As I understand it, It seems to me, to summarize the main points of your
presentation, you have analyzed the actual effect, benefit or absence of
benefit of James Bay I and found that we spent about 60 000 000 000 $ on it and
we lost almost 8 000 000 000 $ on it. That is the actual story about James Bay
I. The 6 000 000 000 $ plus profit of Hydro-Québec over the same
1979-1990 interval is to be explained rather by the much cheaper Beauhar-nois,
Churchill Falls and so forth which come In at kilowatthour cost a thing like
1/6 or 1/7 the cost levels for James Bay. By applying the same argument, you
were showing that the likelihood is that the James Bay II is not an economic
enterprise and that, in fact, as long as we use electricity to try to do what
Is better done by gas and oil In domestic heating we have so many things, that
are not economic that, given the cost of capital nowadays, given the present
level of interest rates, there is no way this thing could make sense. Is that
roughly...
M. Auf Der Maur: That clearely is a basically... We have to take
it into account, we have to "faire face à la réalité
d'aujourd'hui". Un taux d'Intérêt de 12 % est tellement
différent des décisions faites il y 60 ans, quand les
décisions faites étaient à cette période-là.
Et certainement, that precisely is the case, and I think that we have to see
things simply and that we have to do our own calculations with respect to this
matter. And I do hope, with respect to the mémoire that I presented
tonight, that people will be encouraged to take out their pencils and to do
their own particular calculations. And, primarily, with respect to, allow me to
mention that my particular interest really only originated in 1977, when by
accident I heard about the National Energy Board having earings regarding the
first major contracts for the export of the surplus electricity from Bay James,
and I presented arguments to indicate... National Energy Board invited people
to go to Hydro-Québec building to examinate les contrats qui sont
disponibles que nous venons de signer avec PASNY. PASNY, ça veut dire
Power Authority State of New York. J'ai passé une demi-heure, Je
travaille pour mon compte, je dois gagner ma vie sur mes propres actions, et je
dois signer des contrats avec mes clients. J'ai examiné le contrat avec
PASNY en 1978 et, après 30 minutes, j'ai dit qu'on ne va jamais faire
d'argent avec cette chose. J'ai eu l'obligation de faire un mémoire pour
l'Office national de l'énergie à l'hôtel
Reine-Élizabeth en juin 1978 et j'ai présenté mes
arguments, que la demande d'Hydro-Québec d'avoir un permis d'exportation
doit être refusée aux termes de ce contrat, parce qu'on ne va pas
gagner un prix compétitif. Douze ans après, toutes les choses que
j'ai Indiquées en 1978, c'est la réalité. Nous avons
gagné avec nos exportations 50 % de moins que le prix gagné par
le Nouveau-Brunswick, 40 % de moins que le prix gagné par l'Ontario,
basé sur les contrats que nous avons mandaté HydroQuébec
de faire pour nous autres. Je parle, j'ai distingué entre "interruptible
and firm power", j'ai analysé les deux. J'ai analysé aussi, par
exemple, les premiers trois mois de cette année, nous avons payé
peut-être 55 $ le mégawattheure pour nos importations
d'électricité, deux fois plus cher que l'Ontario, deux fois plus
cher que le Nouveau-Bruswick pour les mêmes importations. On doit
commencer à examiner les activités d'Hydro-Québec. Elle
doit mettre sur la table les bénéfices de la Baie James. Elle va
vous présenter cinq publications pour vous demander un chèque de
50 000 000 000 $, sans indiquer si elle nous a gagné des
bénéfices de la phase I. Ça c'est une insulte aux
députés de la province de Québec! Nos représentants
du peuple! Sans la preuve des bénéfices qu'ils nous ont
gagné depuis les dernières 11 années! Vous, vous
êtes les députés, ici. Vous représentez le peuple,
et vous acceptez d'avoir cinq publications, comme ça! Examinez la
situation d'Hydro-Québec, faites un moratoire dans tous les projets
majeurs, coupez les ventes d'électricité pour le chauffage,
ça ce sont les responsabilités des députés de la
province de Québec pour le peuple du Québec.
Le Président (M. Bélanger): Je suis obligé
de vous interrompre. Compte tenu de l'heure, nous devons mettre fin à
nos travaux. Si M. le député d'Ungava veut remercier notre
invité.
M. Claveau: Je vous remercie de votre présentation, pour
le moins énergique. Et puis, je pense qu'il y a matière à
réflexion dans votre document, alors il faudra s'y pencher
peut-être beaucoup plus sérieusement que ce que l'on a fait
jusqu'à maintenant, sur toute cette question du coût,
d'opportunité, des coûts évités et des coûts
réels que représente chacun des projets. Merci pour votre
présentation.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. Auf Der
Maur: Merci.
Mme Bacon: M. Auf Der Maur, merci beaucoup. Nous prendrons
connaissance des dossiers que vous avez apportés aussi ce soir pour
compléter le mémoire qu'on avait déjà en main, et
ça va ajouter à notre réflexion, M. Auf Der Maur.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission
de l'économie et du travail remercie M. Auf Der
Maur pour sa participation à ses travaux. Et compte tenu de
l'heure, nous ajournons les travaux à 10 heures demain. Je vous
remercie.
(Fin de la séance à 23 h 10)