Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place pour que
la commission de l'économie et du travail puisse procéder
à une consultation générale et à des auditions
publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec. J'aimerais faire une petite mise en garde.
On est entre nous autres, ici. Il y a des gens, des fois, qui ne sont pas
habitués a participer à des commissions parlementaires et qui se
sentent déjà mal à l'aise. Ils ont l'impression qu'on
n'est peut-être pas tout ouïe à eux parce qu'on a des petits
échanges parallèles. Nous, on le sait, on en a pour un mois et
demi. On est habitués à fonctionner comme ça et ce n'est
pas par manque de respect, mais ces gens-là se sentent mal à
l'aise devant ça. Si on pouvait faire un petit peu attention à
ça, au moins ne pas lire nos documents ou nos journaux. Pardon?
Une voix: Parce que les mémoires, on en a pris
connaissance avant.
Le Président (M. Bélanger): Bien, c'est ça.
Je sais qu'on a tous pris connaissance des mémoires, tout ça.
Mais il m'apparaîtrait que nos invités se sentiraient plus
à l'aise. Alors, j'ai eu cette remarque et je l'ai trouvée
pertinente. Je me permets de vous la suggérer simplement. Je pense que
tout le monde ici sait très bien ce qu'il a à faire. Alors, dans
un tel contexte, j'invite donc notre premier groupe d'invités, ce matin,
qui est le Centre international de recherche et formation en gestion des grands
projets, le centre GP, qui sera représenté par M. Gaudreau, M.
Roquet et M. Desforges. Alors, je les invite donc à la table des
témoins et j'en profite pour expliquer nos règles de
procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de
votre mémoire, que ce soit en résumé ou n'importe comment;
par la suite, il y aura une période d'échanges avec les
parlementaires.
J'apprécierais aussi, et particulièrement pour les gens
qui font la transcription au Journal des débats et qui sont dans
une autre pièce, si vous pouviez donner vos noms chaque fois que vous
intervenez. Nous autres, ils nous connaissent mais, malheureusement, nos
invités, ils ne les connaissent pas. Alors, ils ne seront pas capables
de les identifier et ça leur crée des petits problèmes.
Alors, si on pouvait juste faire un petit effort là-dessus, ce serait
très apprécié. Si vous voulez procéder, on vous
écoute.
Centre international de recherche et formation en
gestion des grands projets
M. Gaudreau (Pierre): Je vous remercie beaucoup. Alors, bonjour,
Mme la ministre, messieurs et mesdames. Ça nous fait plaisir
d'être ici, devant vous. Je vais débuter par présenter les
gens qui m'accompagnent aujourd'hui pour faire la présentation de notre
mémoire. Alors, je vais débuter par M. Jean-Guy Desforges,
à ma droite, professeur aux Hautes études commerciales de
l'Université de Montréal; M. Vincent Roquet, à ma gauche,
qui est du groupe Option aménagement; moi-même, Pierre Gaudreau,
directeur du Centre international GP.
Alors, Mme la ministre, messieurs, nous tenons d'abord à vous
remercier de nous permettre de nous exprimer sur un sujet aussi important, pour
l'ensemble de notre collectivité, que les perspectives de
l'énergie électrique au Québec et les moyens
proposés par Hydro-Québec pour répondre aux besoins des
prochaines années.
On nous permettra, en tout premier lieu, de donner quelques informations
sur notre centre. Créé en 1984, à l'initiative de la
Chambre de commerce de Montréal, le Centre international de recherche et
formation en gestion des grands projets est un organisme privé sans but
lucratif qui s'est donné pour mission de promouvoir et soutenir la
formation, l'échange d'informations et la recherche en gestion des
grands projets. Le Centre international regroupe donc des dirigeants
d'entreprises privées et publiques de génie-conseil, de
construction, de fabrication, des représentants d'universités et
des experts reliés à des institutions financières et
divers organismes engagés dans la réalisation de grands travaux.
Nous comptons aussi sur un réseau international de membres
agréés qui nous permet d'être présents dans toutes
les parties du monde, que ce soit l'Asie, l'Afrique, l'Amérique du Sud
ou l'Europe.
Les principales activités du centre comprennent la mise au point
et l'organisation de programmes de formation sur mesure destinés
à des cadres dirigeants d'entreprises canadiennes et
étrangères, de même que la tenue de conférences,
séminaires et colloques sur les grandes problématiques de l'heure
en matière de grands projets et sur les principales
caractéristiques des différents marchés mondiaux.
On va passer maintenant au plan de développement
d'Hydro-Québec. Malgré les nombreux problèmes
rencontrés au cours des dernières années,
Hydro-Québec demeure inconstestable-ment un outil
privilégié de développement pour le Québec.
L'hydroélectricité représente encore
notre premier atout sur le plan énergétique et la
société d'État créée pour optimiser un tel
atout doit demeurer une locomotive en matière d'investissements,
d'activité économique, d'aménagement du territoire, de
développement régional, de recherche de pointe et de service
à la collectivité.
D'autre part, les facteurs comme la croissance de la demande
d'électricité et l'urgence de procéder à
l'amélioration et au renouvellement de certains équipements de
production, de transport et de distribution sont des données qu'il est
impossible d'ignorer. Aussi endossons-nous, sans hésitation, le principe
d'une accélération importante des investissements pour la
décennie qui vient, de même que les grands choix
stratégiques qui sont proposés par Hydro-Québec. Cet appui
va d'ailleurs dans le sens de l'énoncé de politique
énergétique que le gouvernement du Québec rendait public,
en 1988, dans lequel il était affirmé ce qui suit: "Le potentiel
hydroélectrique non encore utilisé reste imposant. Le
caractère renouvelable de l'énergie hydroélectrique donne
une valeur exceptionnelle à ce potentiel. Il signifie aussi que tout
retard dans l'aménagement représente un manque à gagner
irrécupérable."
Ce qui nous apparaît le plus important, dans le contexte actuel,
c'est de mettre en place les moyens susceptibles de nous permettre d'atteindre
tous nos objectifs, à la fois économiques et sociaux, et de
mobiliser les ressources requises à tous les niveaux pour
réaliser un tel plan. Pour nous, un des principaux défis à
relever concerne la main-d'oeuvre, parce qu'il faut envisager
sérieusement de possibles pénuries dans certains secteurs
névralgiques. Cette main-d'oeuvre, il faut aussi y penser en fonction de
standards de qualité toujours plus élevés et il faudra
trouver des moyens nouveaux de répondre aux besoins de formation et de
recyclage. On devra enfin se montrer plus inventifs et plus efficaces que
jamais au niveau de l'organisation même du travail.
Dans un autre ordre d'idées, les difficultés,
financières ou autres, des dernières années ne doivent
surtout pas entraîner une crise de confiance dans le potentiel de
recherche et de développement technologique que permettent de
réaliser les activités d'Hydro-Québec, et encore moins une
réduction de l'effort dans ce domaine. Si tel était le cas, tout
le Québec y perdrait énormément.
En ce qui a trait à l'environnement, nous ne pouvons que
souscrire à la décision d'Hydro-Québec d'inscrire, de
façon formelle, l'ensemble de sa stratégie dans le contexte du
développement durable. La société d'État se montre
déterminée à intégrer, de manière
très nette, la prise en compte de la dimension environnementale dans
toutes les étapes de ses travaux. Les efforts consentis, depuis 1987 en
particulier, pour mesurer les effets environnementaux cumulatifs des projets
prévus ont donné jusqu'ici des résultats
intéressants. Il nous semble toutefois que les recherches
d'Hydro-Québec devraient mettre les effets analysés en relation
avec ceux d'autres sources d'énergie électrique, ce qui pourrait
nous permettre d'arriver plus rapidement à un consensus sur le type de
produit dont nous voulons nous doter. Il est tout aussi fondamental de mettre
en parallèle la mise en valeur immédiate de tout le potentiel
d'énergie électrique disponible et l'utilisation rationnelle de
l'énergie déjà produite. Pour freiner le gaspillage, il
est nécessaire d'améliorer la performance en matière de
gestion de la demande et de planification contrôlée de la
croissance des besoins. En ce sens, nous croyons que les scénarios
proposés, tant pour le marché interne que pour l'exportation,
sont réalistes et tiennent raisonnablement compte des besoins
domestiques et industriels.
Au chapitre de la protection de l'environnement, Hydro-Québec a
été l'objet de nombreuses critiques, au cours des
dernières années Plusieurs de ces critiques ne sont pas sans
fondement et il est normal, et même souhaitable, que soit exercée
désormais une plus grande vigilance face aux conséquences de
certaines activités. Mais, comme plusieurs de ces effets doivent
être calculés sur une très longue période, les
certitudes ne sont pas nombreuses, les avis sont souvent partagés et les
consensus difficiles à établir.
Comme nous avons souvent l'occasion de le constater au Centre
international GP, HydroQuébec est considérée, par ceux qui
viennent de l'étranger, comme un exemple en matière de recherche,
de mise au point de méthodes et de systèmes d'évaluation
et de préservation de l'environnement, en particulier dans la
planification de ses travaux. Les débats internes au Québec, si
légitimes soient-ils, nous font souvent oublier cet état de
choses. En ce sens, nous appuyons les efforts déjà consentis par
HydroQuébec et exprimons notre accord avec les grandes lignes de son
programme d'intervention pour les années qui viennent. Qu'il s'agisse
des améliorations à apporter aux installations et
équipements existants, de la gestion des contaminants ou encore des
nouveaux travaux de construction à réaliser, la
préoccupation environnementale est largement présente et garantit
mieux une intégration au milieu et une protection des sites
naturels.
Qu'en est-il maintenant de la concertation avec le milieu? La
société d'État affiche un bilan plus difficile à
qualifier au chapitre de l'intégration sociale de ses interventions et
de la concertation avec le milieu. C'est à ce niveau, croyons-nous,
qu'il y a le plus d'efforts à faire. La notion de développement
durable suppose une adhésion à un certain nombre de valeurs et
comporte inévitablement la nécessité, pour les
décideurs, de mettre tout le monde dans le coup des projets, même
si l'unanimité est impossible à
atteindre sur tous les aspects de ces projets. Les efforts réels
et la solide performance affichés par Hydro-Québec sur le plan
technique ont été souvent annulés aux yeux des citoyens
par une incapacité, tout au moins apparente, à communiquer en
temps opportun avec les populations concernées.
Hydro-Québec doit donc créer les conditions lui permettant
d'établir un nouveau dialogue avec la population. La
société d'État a déjà démontré
qu'elle est consciente de la responsabilité claire qui est la sienne
à l'égard de l'impact de ses interventions sur le milieu. Elle
doit maintenant faire preuve de son aptitute à associer le plus grand
nombre possible de citoyens à ses efforts pour minimiser ces impacts.
Nous sommes, quant à nous, convaincus qu'elle possède les
ressources, la motivation et la volonté nécessaires pour y
arriver. Il lui faut notamment lier de manière vraiment organique ses
analyses environnementales et sa politique d'information et de
communication.
En conclusion, le plan présenté par HydroQuébec
n'est certes pas parfait, nous l'avons déjà dit. Mais nous
estimons que, dans l'ensemble, il répond de manière satisfaisante
aux grandes préoccupations et aux besoins des consommateurs
québécois. Il comporte également des mesures importantes
de correction aux situations et aux insuffisances qui ont suscité le
plus de critiques au cours des dernières années. Il mérite
donc notre appui. Il importe maintenant de mobiliser toutes les ressources
nécessaires pour réaliser les différentes étapes de
ce plan et c'est là, pour nous, le plus grand défi. Si cette
commission parlementaire permettait de créer un niveau suffisamment
élevé de consensus autour des principaux objectifs et des grands
choix stratégiques proposés en matière de
développement et d'exploitation de nos ressources
énergétiques, cette mobilisation des énergies se ferait
plus facilement et les perspectives de succès seraient beaucoup plus
grandes. Nous espérons fortement que cela sera le cas, parce que, s'il
est un domaine où nous sommes condamnés à l'excellence,
c'est bien celui-là.
Mme la ministre, messieurs, c'est le principal de notre exposé au
sujet du mémoire.
Le Président (M. Bélanger): M. Gaudreau, nous vous
remercions. Mme la ministre.
Mme Bacon: Merci, MM. Gaudreau, Roquet et Desforges, de votre
mémoire dans lequel vous indiquez qu'un des principaux défis
à relever dans l'aménagement des ressources
hydroélectriques concerne la main-d'oeuvre, parce qu'il faut envisager
sérieusement de possibles pénuries dans certains secteurs
névralgiques. Un colloque tenu par votre organisme, en mars 1989, a fait
ressortir le caractère incertain du marché de la main-d'oeuvre.
Est-ce que vous pouvez préciser peut-être dans quel secteur, et
même sous-sec- teur, ces pénuries risquent de se produire et quel
suivi a été fait au colloque auprès des principaux
intervenants?
M. Gaudreau: Effectivement, vous avez raison, un colloque a
été organisé sur ce sujet-là. Au cours du colloque,
dans les discussions que l'on peut qualifier de formelles ou d'officielles, les
gens ont plutôt affiché une attitude optimiste, en ce sens qu'il
est beaucoup plus agréable de relever un défi de manque de
personnel que de relever un défi de manque de travail. Cela étant
dit, dans les discussions peut-être un petit moins formelles, on a pu
savoir que certaines firmes de génie-conseil faisaient de l'embauche
dans des pays étrangers; que certaines firmes de construction ne
soumissionnaient pas sur des projets, à moins d'avoir, au
préalable, le personnel clé pour réaliser les travaux.
Ça nous a permis d'être sensibilisés et de sensibiliser
l'ensemble des intervenants. Parce qu'il faut se rappeler qu'avant ce
colloque-là il est loin d'être certain que l'ensemble des
intervenants - on peut penser à certains ministères, on peut
penser même à Hydro-Québec, on peut penser à
d'autres organismes - n'étaient pas nécessairement d'opinion
qu'il puisse y avoir des pénuries. Je pense qu'aujourd'hui la situation
n'est pas tout à fait la même. D'ailleurs, à ce
sujet-là, le Centre a une approche au niveau des dossiers où la
plupart des études sont faites conjointement avec de nos membres. Comme
on l'a dit un peu plus tôt, nous avons la particularité de
regrouper, de faire le lien entre les universités, les gens
d'entreprises et d'autres organismes impliqués dans la gestion de
projets. Alors, au sujet du domaine de la main-d'oeuvre, le Centre a
déjà développé un projet conjointement avec
l'École des hautes études commerciales de Montréal. Alors,
je demanderais à M. Desforges de donner plus d'explications à ce
sujet-là. M. Desforges est la personne avec qui on travaille dans ce
dossier. Alors, M. Desforges, s'il vous plaît.
M. Desforges (Jean-Guy): Mme la ministre, MM. et Mmes les
députés, sur cette question de la main-d'oeuvre, au début,
ça semblait paradoxal parce qu'on semble toujours dire qu'on a des
problèmes de chômage. Or, les premières indications, aussi
sommaires soient-elles, de la projection des investissements dans la prochaine
décennie semblent démontrer qu'il y aura effectivement des creux
ou des trous importants, en termes de disponibilité de main-d'oeuvre, ce
qui nécessite, à très court terme, des mesures... une
analyse, une étude de programmes de formation professionnelle et de
recyclage, et ça s'applique non seulement à la main-d'oeuvre de
la construction mais aussi aux effectifs de gérance et
d'ingénierie. Ça semble paradoxal dans la mesure où les
données de ces années-ci... La chute très importante de la
construction domiciliaire et
commerciale est compensée partiellement par la construction dans
le domaine industriel. On n'est pas dans une situation de pénurie de
main-d'oeuvre, en particulier dans le domaine de la construction, mais les
prévisions d'investissements semblent indiquer que, d'ici trois ans,
nous serons dans une situation de pénurie. Nous commençons
à ressentir des effets de pénurie assez importants, d'où
l'importance de mesures de redressement. En collaboration avec certains travaux
qui ont été réalisés par la Commission de la
construction du Québec, nous travaillons avec le Centre des grands
projets justement à mieux documenter, étudier cette situation,
à en faire un bilan plus fortement articulé pour mieux identifier
les mesures de redressement qui, à court terme, s'imposent si on ne veut
pas se retrouver dans une situation de pénurie de main-d'?uvre dans
trois ou quatre ans, ce qui, en ternies de coûts de réalisation de
projets ou de travaux, que ce soit deux d'Hydro ou dans d'autres domaines
d'infrastructure routière ou autres, par exemple, pourrait avoir des
conséquences importantes.
Mme Bacon: Merci. Aussi, dans votre mémoire, à la
page 5, vous mentionnez avoir tenu un colloque, en novembre dernier, sur le
thème du développement durable. Est-ce qu'on pourrait avoir
peut-être des indices quant aux résultats et aux conclusions de ce
colloque?
M. Gaudreau: Le colloque en question visait principalement une
sensibilisation de l'ensemble des groupes impliqués au
développement durable. Ça visait justement le grand objectif qui
est de sensibiliser tous les intervenants des efforts faits par
Hydro-Québec dans ce domaine.
Une des grandes particularités de l'activité en question a
été de réunir tous les groupes impliqués dans les
projets. Alors, on a mis ensemble des gens d'Hydro-Québec, des
ingénieurs-conseils, des entrepreneurs, les syndicats, les
représentants des groupes autochtones et tous ceux impliqués dans
la gestion de grands projets, de façon à ce que tous aient
l'occasion d'échanger sur ce grand objectif qu'est le
développement durable qui, en fait, est la version moderne de traiter
l'environnement, de le regarder à plus long terme, et de façon
globale, avec l'ensemble des secteurs.
Alors, le résultat que l'on a pu voir à partir de
l'activité en question est à l'effet que tous les groupes ont un
objectif qui est le même. Par contre, les dialogues offerts par chacun
des groupes ne sont pas nécessairement les mêmes. La
différence provient peut-être plus de la particularité de
traiter le sujet que du fond même du sujet.
Ce que ça a permis de faire de façon première,
c'est de présenter l'approche HydroQuébec à l'ensemble des
intervenants canadiens. Le colloque en question, comme on l'a dit un peu plus
tôt aussi, a été rendu disponible à nos membres
agréés qui sont un peu partout dans le monde, en Asie, en
Afrique, en Amérique du Sud Encore là, ça a permis de
faire connaître l'expertise du Québec en matière
d'environnement et ça a permis de favoriser le développement des
affaires de plusieurs entreprises de chez nous vis-à-vis des pays
étrangers. Une activité semblable, lorsqu'on vit une
période que l'on peut qualifier de creuse, peut permettre de reprendre
les pointes par le biais de l'exportation de notre expertise du Québec.
Déjà, les documents qui ont été publiés lors
du colloque nous sont demandés par des membres agréés qui
sont aussi loin qu'au Pakistan, en Inde, en Thaïlande ou dans d'autres
pays d'Asie. C'est un effet qui peut être difficile à mesurer de
façon concrète, mais dont les résultats sont bien
réels. (10 h 30)
Mme Bacon: Ça m'amène à vous demander... Aux
pages 8 et 9 de votre mémoire, vous soulignez qu'Hydro-Québec est
considérée sur le plan de la préservation de
l'environnement comme un exemple par ceux qui viennent de l'étranger.
Vous affirmez aussi que plusieurs des nombreuses critiques dont a
été l'objet Hydro-Québec au cours des dernières
années ne sont pas sans fondement. Comment conciliez-vous ces deux
affirmations qui sont quand même en apparence assez contradictoires?
M. Gaudreau: Oui, sauf que, dans le domaine de l'environnement,
il y a un facteur qui est rarement présent: c'est le facteur des nuances
Souvent, on voit des groupes qui sont positionnés de façon
totalitaire dans un sens ou dans l'autre Nous optons plus pour une position qui
est nuancée. Il y a une certaine façon de dire, au Québec:
quand on se regarde, on se désole, lorsqu'on se compare, on se console.
Alors, il s'agit peut-être d'aller dans d'autres pays pour voir comment
ça se passe en Thaïlande, aux Indes ou dans la majorité des
pays du monde et de regarder ce qui se passe ici. J'ai eu l'occasion de le
faire et, dans certains commentaires que l'on s'est échangés
lorsqu'on était à l'extérieur, on s'est dit. Si jamais il
y avait des représentants du ministère de l'Environnement ici,
ils tomberaient sûrement malades.
Mais, ceci dit, il n'y a rien de parfait. Même si
Hydro-Québec fait beaucoup de choses au niveau de l'environnement, je
pense qu'on peut difficilement parler de perfection. L'erreur est humaine, la
perfection n'existe pas sur la terre, ou très rarement, et il faut aussi
penser à une question de bilan ou de balance entre les discussions
économiques et les discussions environnementales. Est-ce qu'il est
logique de dépenser une fortune pour sauver un oiseau?
Par contre, est-ce qu'il est logique de dépenser des sommes
relativement modérées pour sauver l'écologie d'une
rivière? Alors, c'est un peu ça, la question qu'il faut se poser,
la balance
qu'on peut penser. À ce sujet, j'ai justement M. Roquet avec moi,
qui est plus versé dans le domaine de l'environnement; c'est un domaine
que je ne connais pas très bien. Alors, je peux peut-être demander
à M. Roquet de donner plus d'informations sur ce point.
M. Roquet (Vincent): Bonjour, Mme la ministre, MM., Mmes les
députés. Pour revenir sur une question que vous posiez un peu
avant par rapport au développement durable, c'est une
préoccupation qui tient un peu à coeur tout le monde et qui est
encore un peu prospective. Ce qui est un peu fondamental, je pense, par rapport
à toute la problématique du développement durable, c'est
toute la question de développer les concertations avec le milieu. C'est
également toute la question qu'on soulevait par rapport à
l'étude des alternatives énergétiques au niveau des effets
cumulatifs. C'est de trouver une façon de pouvoir équilibrer le
développement économique avec le développement
environnemental.
Je pense également que les contacts qu'on a eus au niveau
international ont permis de voir que, dans les grands projets, souvent les
problèmes qui se posent avec plus d'acuité ne sont pas tant au
niveau de l'évaluation environnementale des projets que de l'acceptation
sociale des projets, de trouver des façons pour que les gens puissent
accepter les projets comme étant conçus avec leur accord.
À ce niveau-là, Hydro-Québec commence seulement à
faire de la recherche dans ces domaines-là, qui est fondamentale,
à notre avis, et qui est un domaine de recherche fondamentale
également à l'étranger. Il y a des travaux de
révision méthodologique en cours à Hydro-Québec et,
dans les futurs projets de lignes et de postes, on commence à
expérimenter des techniques de sondage, de groupes témoins, des
techniques diverses pour trouver une façon de faire entrer la population
dans la conception des projets. Toute cette problématique se joue de
façon encore plus forte au niveau de l'intégration des
autochtones dans les projets. Le développement durable permet de mieux
cerner le débat environnemental et ses aspects sociaux, ses implications
sociales dans le milieu.
Mme Bacon: Merci. Vous utilisez, en page 7, une formule que
j'appellerais une formule-choc, lorsque vous dites, et je vous cite: "Nous
sommes condamnés à l'efficacité électrique et ce,
dans un contexte où les consensus sont plus difficiles à
établir entre les différents types d'utilisateurs
d'énergie." J'aimerais ça, peut-être, que vous nous en
disiez davantage là-dessus.
M. Gaudreau: En fait, lorsque nous disons que nous sommes
condamnés, c'est un peu lorsqu'un groupe, une entreprise, un pays ou une
province s'est déjà fait une réputation dans un certain
sens. Si on veut continuer à se dévelop- per sur le plan
commercial, sur le plan économique et si on veut continuer à
faire affaire avec les clients qui sont habitués à le faire,
lorsqu'on a déjà affiché une performance qui est une
performance d'excellence, nous devons conserver cette performance-là,
sans quoi nous perdons la crédibilité, nous perdons des clients
éventuels et, tôt ou tard, ça finit par créer des
problèmes au niveau de l'économie. Alors, ce que le Québec
a affiché jusqu'à date, c'est une approche d'excellence
vis-à-vis du domaine de l'environnement, vis-à-vis du domaine de
l'énergie électrique en particulier. Alors, il faut que le
Québec conserve cette excellence-là. Parce qu'il ne faut pas
oublier que l'exportation de notre savoir-faire est une de nos richesses
premières, ici, au Québec. Si on veut continuer à
l'exporter sur le plan mondial, il ne faut pas oublier que la concurrence est
féroce. Il y a des Japonais, il y a des Européens. Il faut
s'assurer que ce que l'on offre est de qualité, si on veut continuer
à exporter. Alors, c'est dans ces sens-là que le commentaire a
été présenté.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, on constate que vous passez
sous silence tout le volet des économies d'énergie, de
l'efficacité énergétique, qui est repris par
Hydro-Québec dans son plan de développement. Est-ce que vous
pouvez quand même donner votre opinion sur cette dimension du plan?
Est-ce que vous envisagez peut-être une implication de votre organisme
vis-à-vis de l'efficacité énergétique et des
économies d'énergie?
M. Gaudreau: Disons, de la passer sous silence... Peut-être
pas sous silence, sauf qu'on n'en fait pas beaucoup mention, on effleure le
sujet. En fait, on est bien d'accord et ça fait partie de la
stratégie du développement durable dans le sens où, oui,
il faut développer l'énergie, mais, par contre, il ne faut pas la
gaspiller, parce que le gaspillage d'énergie va automatiquement
dégénérer avec une possibilité d'altération
de l'environnement. Dans ce sens-là, il faut éviter tout
gaspillage et il faut aussi favoriser la préservation des
énergies.
Il faut réaliser que, lorsqu'on construit un nouveau projet, que
ce soit un projet hydroélectrique, un projet thermique ou
nucléaire, dans ça, le coût de l'électricité
qui va être produite éventuellement est beaucoup plus
élevé que le coût moyen de l'électricité
actuelle. Alors, gaspiller l'énergie, ça contribue à faire
augmenter de façon globale le coût de l'électricité
dans la province. En plus, ça contribue à la pollution, à
augmenter la détérioration de l'ensemble du territoire, dans une
certaine mesure.
Hydro-Québec présente différentes alternatives pour
favoriser la conservation d'énergie. Les alternatives en question, nous
sommes bien d'accord avec elles. La façon dont notre organisme peut
favoriser ces activités, qui sont des
activités de conservation, c'est par la dissémination des
développements technologiques qui peuvent justement inciter les
entreprises ou les particuliers à adopter des méthodes de
fabrication ou d'utilisation de l'énergie qui permettent d'être
beaucoup plus efficaces.
Mme Bacon: D'accord. Vous faites référence aussi,
en page 8, à la contribution majeure d'Hydro-Québec aux
progrès technologiques considérables qui sont accomplis par les
entreprises québécoises dans le domaine de l'environnement. Je
trouve particulièrement intéressante cette dimension, qui n'est
pas tellement connue, des activités de la société
d'État. Est-ce que vous pourriez, peut-être, nous en dire
davantage là-dessus, ce matin?
M. Gaudreau: En fait, c'est un autre sujet que nous n'avons pas
abordé dans le mémoire et c'est un peu volontaire, à cause
de tout le contexte social dans ce domaine, le contexte des liens entre
Hydro-Québec et les firmes avec lesquelles Hydro-Québec fait
affaire. Si je peux me permettre une comparaison, on est deux provinces
voisines qui ont adopté des approches différentes à ce
sujet-là. Hydro-Québec a adopté l'approche du faire-faire,
où elle travaille en coopération avec des entreprises qui, elles,
peuvent faire affaire à l'étranger après coup. Au niveau
de l'Ontario, ils ont plutôt adopté une approche où
Hydro-Ontario fait beaucoup plus ses projets elle-même. Lorsqu'une
entreprise comme Hydro-Ontario veut exporter, c'est beaucoup plus
compliqué.
Si on examine le résultat net des deux expériences, le
Québec s'est fait une réputation mondiale au niveau du
savoir-faire et exporte son savoir-faire, alors que l'Ontario le fait dans une
proportion beaucoup plus faible. Alors, toute la problématique de la
balance des travaux qui sont faits par Hydro-Québec et qui sont faits
par les firmes privées, c'est un sujet qui est très important sur
lequel nous n'avons pas donné notre opinion dans le mémoire,
à cause de tout le contexte social qui reliait ce sujet-là. Mais
il reste que c'est drôlement important.
Mme Bacon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la
bienvenue, vous qui représentez ici le Centre international GP. Les
grands projets, ça paraît toujours bien, c'est toujours plaisant
de parier de grands projets. Mais, effectivement, plus l'intervention est
importante sur le milieu, plus les effets secondaires, aussi, risquent d'avoir
des répercussions.
Je vais commencer par vous questionner sur la fin de votre
mémoire. En page 9, juste- ment - puisqu'on en parlait tout à
l'heure, de la page 9 - vous dites, aux toutes dernières lignes de cette
page-là: "Une information insuffisante, un dialogue déficient
avec le milieu ont souvent obligé, après coup, à des
révisions et ajustements qui ont coûté beaucoup de temps et
d'argent." Et vous parlez là d'Hydro-Québec. Est-ce que vous
pourriez, devant une affirmation semblable, nous donner des exemples
peut-être un petit peu plus précis de ce que vous voulez dire?
M. Gaudreau: Ce qu'on veut dire, à ce niveau-là,
c'est toute la stratégie de négociation et la stratégie de
présentation. Comme il a été mentionné un peu plus
tôt, le côté environnemental est une chose. Aujourd'hui,
dans l'approche moderne de la réalisation de projets majeurs, il faut
parier beaucoup plus d'intégration sociale des projets qui, à mon
avis et à lavis de plusieurs, déborde largement les questions
d'environnement. Quand on parie d'intégration sociale, je ne sais pas si
je devrais m'avan-cer pour dire: C'est une nouvelle science ou un nouveau
domaine en soi. Ce que je peux, par contre, dire à ce sujet-là,
c'est que, lorsqu'on parie d'intégration sociale, on aborde
jusqu'à un certain point la question politique
Lundi dernier, je dînais justement à LG-2 avec des
représentants du Pakistan et de l'Inde et on discutait de ce
problème-là, de l'intégration sociale des projets. Eux
nous disent que, effectivement, ils font face au même problème
dans leur pays. Le problème auquel ils font face est le suivant: les
masses populaires qui sont affectées par un grand projet,
habituellement, sont relativement neutres, au départ. Les promoteurs,
évidemment, sont favorables à leurs projets. Dans tous les cas,
on retrouve des groupes minoritaires qui cherchent à utiliser une
situation pour, peut-être, en tirer des bénéfices Alors, il
s'agit de voir comment la situation se présente. (10 h 45)
Juste pour vous expliquer, rapidement: habituellement, le promoteur ou
le contestataire qui aborde le groupe le plus important, qui est le groupe
populaire, et informe ce groupe-là en premier lieu a normalement un
avantage sur le groupe qui va passer en deuxième temps Les
premières informations qui sont fournies à la population sont
toujours celles qui vont être examinées et crues en premier lieu.
Lorsque le promoteur ou le contestataire se place en situation de
défense, il passe en deuxième lieu pour donner des
contre-arguments; à ce moment-là, c'est beaucoup plus difficile
et ça crée des obligations de part et d'autre pour solutionner
les problèmes. C'est à ce moment-là qu'il peut y avoir des
décisions de prises, à l'origine, dans un projet; et, pour
satisfaire des groupes contestataires, il peut y avoir des modifications qui
soient faites au projet qui, en fonction de l'environnement, peuvent
peut-être améliorer la
situation, mais pas nécessairement. Les promoteurs peuvent
être amenés à investir des sommes importantes pour
satisfaire des groupes minoritaires qui créent des contestations et qui
font, jusqu'à un certain point, de la politique avec leurs
contestations. Je ne sais pas si je m'exprime suffisamment clairement.
M. Claveau: Oui, je trouve que vous vous exprimez clairement,
sauf qu'il y a peut-être là quelque matière à
débat. Vous semblez dire, finalement, dans l'ensemble - vous prenez des
exemples aussi à l'extérieur, mais à la limite, pour
justifier aussi des questions locales - que, lorsqu'il y a contestation d'un
projet, c'est souvent et probablement, dans la plupart du temps, parce qu'il y
a quelque part un groupe de contestataires dans le milieu qui verraient des
avantages à se servir de la population pour satisfaire leurs propres
intérêts. Est-ce que c'est vraiment à ça que vous
réduisez, d'une façon générale, l'ensemble des
contestations populaires sur un projet, par exemple, d'inondation d'un
territoire immense ou d'un truc comme ça?
M. Gaudreau: Non. Il ne faut pas déformer les paroles non
plus. Tantôt, on parlait d'investissements majeurs reliés à
de la contestation. Lorsqu'il y a des investissements majeurs reliés
à de la contestation, de deux choses l'une: soit que le projet de base
était très mauvais, soit que ce sont des façons de
régler une négociation qui permettent de gagner du temps et
peut-être d'acheter la paix, en bon québécois.
Au niveau des révisions, il ne faut pas dire que ce sont toujours
des groupes contestataires. Comme on l'a mentionné un peu plus
tôt, les questions de l'environnement sont des questions où on
retrouve rarement des absolus, où on retrouve rarement des consensus. On
arrive plutôt à des consensus après discussion. La
perfection n'existe pas au niveau de l'environnement. Lorsqu'un projet est
présenté, advenant que ce projet soit présenté sous
sa forme finale et que la population n'ait pas été
consultée auparavant, il y a toujours place à faire plus de
choses en matière d'environnement. Lorsque le projet est
présenté pour une première fois, il est, je pourrais dire,
humain et normal que les gens à qui le projet est présenté
demandent à ce qu'il y ait plus de choses faites au niveau
environnemental. Ça permet d'engager une discussion de façon
relativement tardive dans le processus.
À ce sujet, je pourrais peut-être demander à M.
Roquet d'expliquer un petit peu plus. M. Roquet est déjà
impliqué dans une réflexion à ce sujet, pour voir de
quelle façon présenter les projets éventuellement. Alors,
M. Roquet, s'il vous plaît.
M. Roquet: Oui. On revient un petit peu à ce dont on
discutait tantôt. C'est la question de l'acceptabilité sociale des
projets dans le milieu, pour Hydro-Québec. C'est une question qui
préoccupe au plus haut point Hydro-Québec dans ses
révisions méthodologiques en environnement. Il y a eu des bilans
de réalisés sur les projets antérieurs où on a
constaté que certains projets qui ont eu des difficultés dans le
milieu n'étaient pas forcément environnementalement douteux, mais
avaient été mal présentés, mal expliqués
à la population. Non seulement ça, mais on s'est rendu compte
aussi de la nécessité d'intégrer la population dans la
conception même des projets. C'est le plus grand défi auquel est
confrontée Hydro-Québec, actuellement, dans la révision de
ses méthodologies de travail.
M. Claveau: O.K. Maintenant, j'aimerais savoir si, au niveau de
votre groupe, vous avez poussé une certaine réflexion concernant
les alternatives économiques sur un territoire donné. On sait
très bien que, lorsque l'on construit un barrage, on vient d'avoir un
impact, à toutes fins pratiques, sinon éternel, pour le moins
important et définitif dans un horizon que l'on peut concevoir sur
l'utilisation finale de ce territoire. Ça veut dire que tout ce qui
était possible avant n'est plus possible en termes de
développement touristique, en termes de développement
touristique, en termes de développement minier, d'utilisation des
forêts, de pêche, d'activités carrément
récréotouristiques, etc. Est-ce que vous croyez qu'avant de
bâtir ou de décider que l'on doit inonder x milliers de
kilomètres carrés sur un territoire donné on n'aurait pas
avantage à s'assurer qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas sur ce
territoire-là des alternatives économiques, si on se donnait la
peine d'investir autant de milliards que peut le faire Hydro-Québec pour
développer quelques mégawatts, qui pourraient être,
à long terme, énormément plus payantes et
intéressantes pour l'ensemble de la société
québécoise?
À cette fin-là, je donnerais juste l'exemple de la
rivière Ashuapmushuan qui a fait rebondir toute une population
régionale non pas parce qu'il y a certains groupuscules régionaux
qui y voyaient des intérêts particuliers, mais parce que, au
niveau d'une région, on ne peut s'imaginer qu'on va prendre ce que le
Québec a mis des années d'investisement, par le biais d'une zone
protégée, d'un parc national, à bâtir un jardin et
que l'on va prendre ça pour en faire un aquarium. Il y a donc des
alternatives qui sont possibles. Est-ce que vous croyez qu'on ne devrait pas
obliger, d'une certaine façon, HydroQuébec et/ou le gouvernement
du Québec à vraiment faire des études ou à
envisager des alternatives économiques approfondies sur les
possibilités d'utilisation de ces territoires-là?
Quand ils sont inondés, après ça, il n'est pas
question de dire: On se reprendra dans dix ans. Vous avez juste à
traverser le parc de La Vérendrye, le réservoir Cabonga et tout
ça; les
souches et la cochonnerie, ça traîne longtemps sur les
berges et les têtes d'épinettes dépassent au-dessus de
l'eau. Ce n'est pas particulièrement attrayant et ça ne se
nettoie pas immédiatement, des berges de réservoir. On a beau
faire de la coupe un petit peu avant pour du nettoyage, il reste que ça
prend un sacré bout de temps avant de se reconstituer et de devenir,
pour le moins, visuellement acceptable.
M. Gaudreau: Oui. Vous avez raison dans une large mesure.
Maintenant, j'aimerais quand même reprendre certains propos que vous
mentionnez. Vous avez parlé tantôt de quelques kilowatts
d'électricité. De ce que j'ai pu voir, les quelques kilowatts, en
fait, c'est beaucoup de kilowatts, d'une première part. Pour le
Québec, l'hydroélectricité, c'est une ressource
première, une ressource naturelle, une ressource renouvelable, une
énergie que l'on peut qualifier de douce; c'est de l'évaporation
d'eau et c'est faire passer de l'eau dans des turbines pour produire de
l'électricité. Si on compare cette énergie-là avec
d'autres énergies, il y a d'autres énergies douces: il y a des
moulins à vent; il y a des panneaux solaires. Pour produire les quelques
kilowatts que vous mentionniez tantôt, avez-vous imaginé le nombre
de moulins à vent que ça prendrait? Probablement que tout le
territoire du Québec serait fardé de moulins à vent qui
risqueraient de tomber à tout moment et d'écraser le monde en le
faisant. Si vous parlez des panneaux solaires, on arriverait peut-être au
rêve de certains maires, d'avoir des toits sur des villes.
Si on parle d'autres énergies qui sont peut-être moins
douces, à ce moment-là, on peut penser à l'énergie
nucléaire. Que je sache, l'énergie nucléaire coûte
actuellement plus cher que l'énergie hydroélectrique. En plus, si
on parle d'énergie nuclaire, on parle de déchets radioactifs. On
peut peut-être vous poser la question: Qu'est-ce que vous en faites?
Si on pense à une autre alternative, on pense à
l'énergie thermique, que ce soit par charbon, que ce soit par
pétrole. L'énergie thermique, on parle de production d'acide
sulfurique dans l'air. On a des difficultés, actuellement, avec les
pluies acides. Est-ce que c'est une bonne solution d'envoyer plus
d'acidité dans l'air? Peut-être.
Dans notre mémoire, on mentionne qu'il serait intéressant
qu'Hydro-Québec fasse des études sur le plan environnemental de
façon à avoir des comparaisons un petit peu plus nettes au niveau
de ces différentes variations ou de ces différentes alternatives
d'énergie. Actuellement, c'est une autre forme de protestation qui se
développe. C'est de dire: L'énergie hydroélectrique, c'est
une énergie polluante, c'est une énergie dangereuse, et il
pourrait y avoir des alternatives. C'est vrai, mais est-ce que les alternatives
sont mieux? Il faudrait peut-être qu'on les compare et c'est un peu ce
qu'on propose dans le mémoire en question. Je ne sais pas si M. Roquet
peut ajouter quelques éléments à ce sujet-là,
d'ailleurs
M. Roquet: Oui. Tout simplement, par rapport à votre
intervention, je suis également tout à fait d'accord avec ce que
vous disiez II reste qu'il y a un point qui est intéressant, c'est en ce
qui concerne la modification de la nature ou de l'environnement.
L'environnement ou la nature ce n'est pas quelque chose de statique, c'est
quelque chose qui est en évolution. Quand vous parlez de territoires qui
sont noyés et qui sont, dans un sens, rayés de la carte pour
toujours, en fait, la réalité est un peu plus complexe que
ça. Il y a des cas de réservoirs qui ont été
inondés par Hydro-Québec où les niveaux de pêche
sont actuellement supérieurs à ce qu'ils étaient avant
d'avoir été inondés. Il faut qu'on se rende compte que
l'environnement n'a pas disparu. Ce que vous mentionnez en termes
d'alternatives, de rechercher des alternatives, de trouver une meilleure
utilisation pour les territoires qui sont inondés, c'est effectivement
ce qui se fait dans le cadre des études d'impact, ou des avant-projets,
ou études préliminaires à Hydro-Québec et de plus
en plus. Par exemple, dans le cas du projet de la rivière Moisie, une
des préoccupations essentielles, c'est de trouver des façons de
pouvoir harnacher la rivière tout en ne gênant pas la production
de saumon ou même en trouvant des moyens pour améliorer la
production de saumon. Dans ce sens-là, je suis tout à fait
d'accord avec ce que vous dites. Par contre, il y a quand même
matière à faire une nuance.
M. Gaudreau: Je m'excuse, si je peux me permettre d'ajouter
quelques mots à ce sujet-là. Lorsqu'on fait des comparaisons avec
différents projets, il faut regarder aussi à quelle
période les projets ont été réalisés parce
que l'environnement est quand même un domaine qui évolue. C'est un
domaine qui évolue avec les façons de vivre, avec les cultures
des citoyens. Je ne me considère pas tellement vieux encore et puis je
me rappelle que, lorsque j'étais plus jeune et qu'on se promenait en
voiture avec mes parents, sur le bord des routes, au Québec, il y avait
des paquets de cigarettes, des bouteilles de bière, des bouteilles de
coke. Aujourd'hui, on n'en voit plus. Alors, les ingénieurs, les
techniciens sont là pour répondre à un souhait de la
population II y a 20 ans, il y a 30 ans, les projets étaient
réalisés en fonction des critères de l'époque. Les
projets sont réalisés aujourd'hui avec les critères
d'aujourd'hui et il faut espérer que ceux de demain vont l'être
avec des critères de demain. Alors, si on compare les projets qui sont
faits aujourd'hui par Hydro-Québec ou par les firmes avec lesquelles
Hydro travaille, je suis d'avis et beaucoup sont d'avis que les questions
environnementales sont bien considérées et bien
traitées dans ces projets-là en fonction de nos critères
actuels.
M. Claveau: Vous avez probablement raison et vous avez même
sûrement raison quant à l'évolution de la conscience
environnementale. Je me souviens que, lorsqu'on allait à la pêche
étant petits, tout passait par-dessus le canot et ça allait tout
au fond de la rivière, le lunch finissait là. Mais, aujourd'hui,
ce n'est plus ça, au contraire, même que ça nous choque
lorsqu'on le voit, ça c'est vrai. Mais il y a quand même une
dimension - et là c'est peut-être plus une réflexion qu'une
question - qui est importante. Les projets hydroélectriques se font
généralement en région. C'est très rare, tout au
moins, qu'on inonde des territoires hautement peuplés ou avec des zones
agricoles à haut potentiel identifié, etc. Peut-être aussi
parce que le potentiel de puissance à installer n'existe pas sur les
rivières dans ces coins-là, mais il reste qu'on ne le fait pas en
zones hautement urbanisées. Ça va dans les régions.
À bien des égards, les interventions
d'Hy-dro-Québec dans ces régions-là entrent en
contradiction flagrante avec les intérêts de développement
régional dans le milieu parce qu'une centrale, une fois que c'est
bâti, pour la construire oui, ça prend du monde, mais les
contracteurs viennent d'en dehors et puis ils amènent leur main-d'oeuvre
spécialisée d'en dehors et, au niveau des régions,
généralement, quand tu réussis à placer quelques
camions tu es bien content et c'est à peu près tout ce que tu
peux fournir de main-d'oeuvre. Et puis quand c'est fini la construction, pour
l'entretien etc., c'est la même chose, quand on ne fait pas de "fly in"
et "fly out", si vous me passez l'expression.
Alors, vous savez, là, il y a un affrontement direct et de plus
en plus évident entre les intérêts d'Hydro-Québec
comme société qui veut développer des barrages et les
intérêts économiques et socio-économiques des
régions qu'elle va inonder qui, elles, verraient, éventuellement,
d'autres alternatives économiques pour une bien meilleure utilisation
régionale de ces mêmes territoires là, dans le cas de
plusieurs des rivières dont le harnachement est prévu au plan de
développement. (11 heures)
Ceci étant dit, j'ai peut-être un dernière question
parce que mon temps doit achever.
Le Président (M. Bélanger): II reste une
minute.
M. Claveau: II me reste une minute. Dans votre conclusion, il y a
une autre petite phrase qui m'a comme un peu fait réagir et j'aimerais
vous entendre la commenter. Vous dites: "Mais nous estimons que, dans
l'ensemble, il ré- pond - en parlant du plan de développement -
de manière satisfaisante aux grandes préoccupations et aux
besoins des consommateurs québécois."
Moi, ça m'a fait sursauter parce que, dans l'ensemble justement,
ce sont les consommateurs québécois qui sont
préoccupés, et très préoccupés, par
l'importance du plan de développement, ce que ça va nous amener,
ils ont une espèce d'incertitude à long terme par rapport aux
sommes investies et ce sont eux aussi qui expriment quand même un certain
nombre d'insatisfactions devant Hydro-Québec en tant qu'utilisateurs pas
nécessairement hautement satisfaits des services qui sont rendus par
Hydro-Québec. Donc, il y a comme quelque chose qui se passe au niveau de
la population qui, à mon avis, semble être différent de
l'affirmation que vous faites en conclusion.
M. Gaudreau: Ce n'est pas tout à fait ça. Je pense
qu'il faut nuancer les choses et elles ne le sont peut-être pas beaucoup
actuellement. En fait, lorsque vous dites que la population est insatisfaite,
il faut peut-être se poser la question à savoir pourquoi elle est
insatisfaite. J'ai l'impression que celle à laquelle vous faites
référence, c'est une population qui n'a pas
d'électricité et qui se plaint de ne pas avoir
d'électricité parce qu'il fait 20 en bas de zéro, les gens
n'ont pas de chauffage chez eux et que l'eau va geler s'ils ne trouvent pas une
façon de s'en sortir. Ces gens-là sont insatisfaits,
effectivement.
D'autres peuvent être insatisfaits parce qu'il y a des territoires
qui sont inondés. Par contre, lorsqu'on va sur les mêmes
territoires, on se rend compte que les mêmes personnes qui sont
insatisfaites parce que les territoires sont inondés et qu'elles ne
peuvent plus chasser dessus parce qu'il y a de l'eau, c'est devenu un aquarium,
à ce moment-là, elles vont à la pêche puis elles
emplissent leur embarcation de poisson. Puis, lorsqu'elles se promènent
sur les routes pour se rendre à leur territoire de pêche ou de
chasse, elles peuvent le faire avec de véhicules quatre-par-quatre,
surtout parce qu'il y a eu des compensations monétaires importantes et
que ces gens peuvent se promener avec des très beaux véhicules
sur les routes qui sont fabriquées par Hydro-Québec pour le
développement du territoire et qui demeurent disponibles, après
coup, pour faciliter la vie de ces gens-là.
Dans tout ça, il y a des nuances à figurer. Je demanderais
peut-être à M. Jean-Guy Desforges d'en dire un peu plus long
à ce sujet-là.
M. Desforges: M. le député, je suis sensible
à votre remarque sur la question de l'impact sur les gens des groupes
qui montent avec les entrepreneurs avec leurs équipes. Je vous dis
ça sous toute réserve parce que je n'ai pas les données
avec moi, mais le gros de la main-
d'oeuvre des projets, historiquement, d'Hydro-Québec, notamment
la Baie James, venait des régions du Québec où les taux de
chômage sont les plus élevés.
Ça ne veut pas dire qu'ils viennent tous de la région
où est le projet - et je vous le dis sous toute réserve - mais
les données semblent indiquer - je ne les ai pas avec moi - que,
effectivement, ce sont, par exemple, les régions comme le
Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie et autres qui sont les gros foyers, les
gros bassins de main-d'oeuvre pour ces projets. Il y a un impact
régional que je ne peux documenter plus que de soulever des pistes, mais
qu'il est possible de vérifier avec les données de certains
ministères et aussi, quant à l'importance des investissements, 38
% sont versés en salaires. Quand on a le chiffre d'investissements, 38 %
de ça, ce sont des salaires.
Il y a un impact économique qui, en soi, me semble assez
substantiel, ce qui n'évite pas certains des problèmes que vous
soulevez, mais qui est aussi à mettre dans l'ensemble du dossier pour en
faire le bilan.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Bien, je suis content de la discussion qu'on vient
d'avoir ensemble et je pense que ça nous ouvre des perspectives sur
toute la question des interactions régionales que peuvent avoir les
implantations d'Hydro-Québec. C'est là une donnée qui
devra, à mon avis, être étudiée d'une façon
beaucoup plus substantielle au cours des prochaines années. Je souhaite
vous voir activement et vous rencontrer à l'occasion dans ces
dossiers-là. Je pense qu'il serait intéressant de pouvoir
profiter de votre expertise dans ce sens-là. Merci de votre
présentation.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: MM. Gaudreau, Roquet et Desforges, je voulais vous
remercier ce matin, d'abord, d'être venus nous rencontrer et de nous
avoir fait parvenir votre mémoire. Je pense que vous avez bien raison.
Les nuances ne sont pas toujours faciles à faire et vous avez ouvert,
quand même, des perspectives. Il y a des réflexions qu'on doit
faire à partir de cet échange qu'on a eu qui nous apporte
d'autres dimensions par rapport même au mémoire que vous nous avez
fait parvenir. Tout ça est fort intéressant pour nous et on va
continuer à vous suivre de près dans les autres analyses ou
colloques que vous aurez parce que les sujets sont des sujets de l'heure. Quand
on parle de développement durable, quand on parle d'autres domaines,
comme la main-d'oeuvre, je pense que c'est fort intéressant. Au
gouvernement, on se penche là- dessus aussi en ce moment. C'est l'avenir
du Québec, au fond, dont on discute en ce moment. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le Centre international de recherche
et formation en gestion des grands projets pour sa participation à ses
travaux et invite à la table de témoins l'Association de
protection de la rivière Moisie.
M. Gaudreau: Mme la ministre...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Gaudreau: ...Mmes et MM. les députés, nous vous
remercions, au nom du Centre international des grands projets, de nous avoir
écoutés et on espère que vous en ferez bon usage.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): C'est une contribution
positive à nos travaux qui est très appréciée.
J'invite donc, à la table des témoins, le groupe suivant,
l'Association de protection de la rivière Moisie.
Messieurs, il nous fait plaisir de vous accueillir au nom de la
commission de l'économie et du travail. Alors, je vous explique nos
règles de procédure. Vous avez un maximum de 20 minutes pour la
présentation de votre point de vue et, par la suite, il y aura une
période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais
donc, dans un premier temps, de vous identifier, votre porte-parole et
l'équipe qui l'accompagne, et de procéder à la
présentation de votre mémoire. Je vous remercie.
Association de protection de la rivière
Moisie
M. Girard (Daniel): Bonjour, M. le Président, Mme la
ministre, MM. et Mmes les commissaires. Ça me fait plaisir de vous
présenter M. Jean Masse, à ma gauche, qui est le président
de l'Association de protection de la rivière Moisie. À ma droite,
j'ai M. Bernard Lynch, qui est le relationniste à l'Association de
protection de la rivière Moisie, et moi-même, Daniel Girard,
premier vice-président et porte-parole pour cette commission
parlementaire.
Mmes et MM. les commissaires, notre association a hésité
longuement avant de présenter un mémoire pour les audiences de
cette commission. Nous espérons ne pas regretter cette démarche.
La proximité de la décision d'Hydro-Québec dans le dossier
de développement de la Sainte-Marguerite, le projet SM3, justifie cette
approche. Nous aurions aimé participer à un débat beaucoup
plus large que celui qui nous est offert pour mettre en lumière toute la
problématique du développement hydroélectrique au
Québec. Le temps nous presse car notre société
d'État doit prendre sa décision en juin prochain
II nous faut agir rapidement pour sauver une des plus belles
rivières à saumon au monde.
L'Association de protection de la rivière Moisie est un organisme
sans but lucratif fondé en 1978, regroupant plus de 700 membres ayant
pour but la protection de la faune et de la flore de la rivière Moisie
et de ses tributaires. Cette association est reconnue dans le milieu comme
étant à lavant-garde dans le domaine de l'environnement, tant par
ses luttes contre le braconnage que par ses campagnes de sensibilisation pour
la protection des berges de la rivière ou pour l'aménagement
harmonieux de son territoire. Le ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche a toujours considéré cette association comme un
intervenant de première qualité.
Notre association est l'instigatrice de la coalition Les Amis de la
Moisie, coalition sans précédent créée pour lutter
contre le détournement des rivières aux Pékans et Carheil.
L'association est aussi vue par les différentes
fédérations comme une association bien représentative du
milieu puisqu'elle regroupe des gens de toutes les catégories de la
population.
Le saumon atlantique. Depuis près de dix ans, le gouvernement du
Québec a reconnu l'urgence d'agir dans le domaine du saumon atlantique.
Le déficit en géniteurs de plusieurs rivières du
Québec a imposé des actions radicales. D'abord, les
pêcheurs commerciaux de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent ainsi
que ceux du Saguenay et de la Haute-Côte-Nord se sont vu retirer le droit
d'exercer leur métier traditionnel, compensé par un programme de
rachat de permis. Ce programme s'étendra même aux pêcheurs
de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord, étant donné la
situation fragile des stocks de saumon. Des démarches sont
également entreprises avec Terre-Neuve pour faire cesser la pêche
commerciale. Des négociations avec les différents pays exploitant
la pêche au Groenland sont en cours depuis deux ans afin de diminuer les
quotas de prises annuelles.
Dans le domaine de la pêche sportive, tous les pêcheurs du
Québec se sont vu limiter le nombre de prises annuelles ainsi que leurs
prises quotidiennes, étant donné la situation d'urgence qui
prévalait en 1984. Depuis ce temps, les mêmes restrictions sont
maintenues. Même les autochtones ont cessé la pêche
d'alimentation sur certaines rivières dû au nombre restreint de
géniteurs se retrouvant en rivière. Différentes
associations travaillent maintenant avec acharnement à la restauration
de rivières ayant perdu, par l'exploitation irrationnelle de l'homme,
leur population de saumon. Plusieurs programmes gouvernementaux ont
été mis sur pied pour permettre à la population du saumon
du Québec de revenir à son niveau d'antan.
Le saumon de la Moisie. Le saumon de la rivière Moisie est une
espèce unique. Cette espèce est issue de plus de 10 000 ans de
sélection génétique. Sa population comporte une
majorité de tribermarins, une quantité appréciable de
multifrayeurs, des dibermarins et une très faible quantité de
madeleinaux, ce qui est exceptionnel. Cette composition de la population de la
Moisie fait de cette rivière, une rivière unique au monde.
Chaque année, il remonte plus de 20 000 saumons, ce qui est plus
que l'ensemble des rivières de la Gaspésie et du
Bas-Saint-Laurent. Le poids moyen se situe aux alentours de neuf kilos. Lorsque
les deux facteurs sont réunis, le poids moyen et la remontée
annuelle, cela permet de hisser la rivière Moisie au niveau mondial.
D'ailleurs, c'est la seule rivière au Québec qui peut aspirer
à un tel rang.
Une rivière exceptionnelle. La rivière Moisie a su, au fil
des ans, conserver son caractère sauvage. La qualité de ses eaux,
ses paysages, ses habitats, la faune et la flore variées ont
conservé à travers des siècles de civilisation leurs
caractéristiques, devenant ainsi un héritage patrimonial
incontestable. En 1987, une demande avait été
déposée pour intégrer la rivière Moisie au
réseau des rivières du patrimoine canadien. À l'automne
dernier, cette demande fut réitérée, mais, jusqu'à
maintenant, elle est demeurée sans réponse. Aujourd'hui, nous
profitons de l'occasion exceptionnelle qui nous est donnée pour
déposer officiellement le mémoire sur la candidature de la
rivière Moisie. D'ailleurs, les deux représentants de
l'Association vont remettre des copies originales à Mme la ministre, au
président et au représentant officiel de l'Opposition. C'est un
mémoire avec photos originales.
Le Président (M. Bélanger): Alors, le document est
officiellement déposé. On vous remercie.
M. Girard: Nous aimerions aussi vous informer que cette
rivière a toujours été reconnue par les autochtones comme
étant très importante. D'ailleurs, dans leur langage, les
Montagnais la surnomment MIS-TE-SHIPU, ce qui signifie "la Grande
Rivière".
Le plan de développement d'Hydro-Québec.
Hydro-Québec prévoit ses développements
hydro-élecriques 20 ans à l'avance. Quoiqu'il soit écrit
10 sur les projets, c'est bien 20 ans à l'avance. Cette planification
est basée sur la croissance prévisible de la demande. Ces
prévisions sont établies de la façon suivante: une
augmentation de la consommation domestique; une augmentation de la consommation
industrielle; l'implantation de nouvelles industries énergivores, par
exemple l'aluminerie, et les contrats d'exportation aux États-Unis
négociés par nos gouvernements élus, les contrats
variables et les contrats fermes. (11 h 15)
Les données établies, les équipes
d'ingénieurs comptabilisent les besoins en puissance (mégawatts)
nécessaire pour répondre à ces
demandes. Après ces deux étapes, des équipes
analysent le potentiel énergétique de nos rivières. Les
données ainsi recueillies leur permettent d'élaborer un plan
alliant la demande et les coûts de production.
En aucun temps, ce plan ne tient compte de l'environnement, puisqu'il
est construit à partir de besoins et de rentabilité. Après
l'adoption de ces plans, l'on envoie les équipes environnementales faire
leurs études d'impact. Ces équipes, malgré toute leur
bonne volonté, ne peuvent faire autrement que fournir des rapports
confirmant l'inexistence d'impacts environnementaux. D'ailleurs, j'aimerais,
dans un premier temps, vous faire une petite démonstration de ce qu'on
vient d'affirmer, parce qu'il y en a plusieurs qui pensent que c'est seulement
en s'opposant que les groupes...
En 1988, Hydro-Québec - et ce n'est pas dans le mémoire -
nous a déposé une étude d'impact, en mai 1988. Une brique
quand même assez volumineuse et il n'y avart aucun effet négatif
relevé dans cette étude d'impact. À la suite
d'interventions d'associations comme la nôtre, elle a fait une
deuxième étude. La deuxième a paru en juillet 1989: 5 %, 6
%, 7 % et même 10 % des territoires étaient affectés.
Maintenant, on nous dépose une troisième étude, au mois
d'avril dernier, disant: Maintenant, avec les mesures d'atténuation, il
n'y en a pas de problème. Comment voulez-vous que les organismes du
milieu soient en mesure de croire la société d'État,
quand, dans un premier temps, on nous dit qu'il n'y en a pas d'impact et qu'il
faut démontrer qu'il y a des problèmes pour qu'elle fasse une
deuxième étude?
J'aimerais aussi rappeler qu'en novembre 1988 le président
d'Hydro-Québec avait mentionné, lors d'un
souper-conférence de Saumon Illimitée, que, s'il y avait
seulement 1 % d'impact sur le saumon de la Moisie, il n'y aurait pas de
détournement. Vous comprendrez que, lorsque nous avons vu le rapport, en
juillet 1989, pour nous, le projet de détournement, c'était
terminé. Mais, à ce qu'on peut voir dans le temps, ça
continue.
Les plans d'Hydro-Québec sont tellement serrés dans le
temps que leurs équipes environnementales ne peuvent prescrire un projet
de quelque nature qu'il soit. Le projet de détournement de deux
tributaires de la rivière Moisie en est le meilleur exemple.
Pendant que toute la population du Québec, les pêcheurs
commerciaux, les pêcheurs sportifs, les autochtones, les organismes
à but non lucratif, les entreprises privées, les gouvernements
municipaux et différents ministères, travaille conjointement
à protéger et améliorer la ressource saumon par des
programmes de restauration, d'aménagement et d'éducation, alors
que tout ce monde croit à l'importance de cette richesse naturelle, il
existe encore, au Québec, une société qui se croit tout
permis. C'est la seule qui n'a pas à se priver. Elle peut prendre le
risque de tout détruire. Bien entendu, vous l'avez reconnue, cette
société d'État, c'est Hydro-Québec.
Le développement économique régional. Au
début des années quatre-vingt, la région de
Sept-îles - Port-Cartier a connu des difficultés
économiques importantes, dues, principalement, à l'affaissement
du marché mondial de l'acier. Depuis ce temps, les populations locales
et régionales sont en attente de projets majeurs qui pourraient leur
permettre de relancer l'économie. Cette période fut très
difficile pour la population, la rendant moins exigeante pour son
environnement, lorsqu'un développement industriel est envisagé.
C'est ainsi qu'Hydro Québec profite de cette situation pour menacer la
population locale du report du projet SM-3, advenant le refus du gouvernement
du Québec envers le projet de détournement des rivières
Carheil et aux Pékans, les deux tributaires importants de la
rivière Moisie. Dans ce dossier, cette société
d'État a besoin de partenaires pour réussir à faire
accepter un projet aussi insensé et controversé, n'ayant qu'un
seul but, qu'un seul objectif, le rendement économique. Elle trouvera
ses appuis uniquement en utilisant ce chantage éhonté.
Nous tenons à vous informer que, malgré la crise
économique vécue dans notre région, la rivière
Moisie a continué et même a augmenté sa contribution
à l'économie régionale. Lorsqu'on parle de qualité
de vie et de développement durable, nous pouvons être
assurés que la rivière Moisie fournira, pendant des centaines et
des centaines d'années, des retombées plus
quappré-ciables. Le maintien de la rivière Moisie dans son
intégrité nous donnera cette garantie. Il ne faudrait surtout pas
reiaire la même erreur que la région de
Sept-îles-Port-Cartier a faite au début des années
quatre-vingt, c'est-à-dire axer son développement sur une seule
industrie. Aujourd'hui, l'hydroélectricité peut paraître
intéressante, mais, dans 20 ans, elle sera probablement
dépassée.
Les solutions. Étant donné la qualité
exceptionnelle de la population de saumon de la rivière Moisie et la
fragilité des tribermarins; étant donné
l'intégrité de la rivière Moisie; étant
donné l'importance de la rivière Moisie dans le
développement économique régional; étant
donné les risques environnementaux qu'entraînerait le
détournement des deux tributaires de la rivière Moisie;
étant donné que ce projet va à l'en-contre d'un
développement durable, puisqu'il risque de mettre en péril le
développement économique des générations futures;
étant donné les besoins énergétiques du
Québec; étant donné que chaque projet de
développement hydroélectrique rencontre une opposition sans cesse
croissante, nous demandons au gouvernement du Québec d'intégrer
la rivière Moisie au réseau des rivières du patrimoine
canadien, d'exiger d'Hy-
dro-Québec la construction du barrage SM-3 sans le
détournement des deux tributaires de la Moisie et de mener un
débat large sur nos développements hydroélectriques.
En terminant, j'aimerais aussi rappeler, Mme la ministre, que, l'an
passé, en juillet 1989, le Conseil de la conservation et de
l'environnement, lorsque vous étiez titulaire du ministère de
l'Environnement, vous avait émis un avis. Et je cite un passage
important: 'Toutefois, en fonction des aspects d'unicité du saumon de la
rivière Moisie et de la renommée internationale de celle-ci, en
raison des caractéristiques génétiques de sa population de
saumon, le Conseil est d'avis qu'aucun détournement total ou partiel de
cours d'eau du bassin de la rivière Moisie susceptible de diminuer la
productivité et le potentiel d'utilisation de cette rivière ne
devrait être autorisé."
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. Masse. Je
vais maintenant reconnaître Mme la ministre.
Mme Bacon: C'est M. Girard, je pense. M. Girard, M. Masse et M.
Lynch, je vous remercie d'avoir résisté à votre
hésitation et d'être ici avec nous, de nous avoir d'abord
envoyé votre mémoire et d'être venus dialoguer avec nous
aujourd'hui.
Vous déposez un mémoire au nom de l'Association de
protection de la rivière Moisie et vous nous mentionnez que votre
association est l'instigatrice de la coalition Les Amis de la Moisie. Est-ce
qu'en même temps vous parlez aujourd'hui au nom de l'Assocation de
protection et des Amis de la Moisie? Est-ce que vous parlez au nom des deux
aujourd'hui?
M. Girard: II faut comprendre qu'au niveau des Amis de la Moisie
c'est moi qui suis le porte-parole de la coalition Les Amis de la Moisie et que
je suis aussi vice-président pour la Côte-Nord de la
Fédération québécoise pour le saumon atlantique.
Nous avons vraiment, dans ce débat-là, voulu amener une
connotation régionale. On a vraiment voulu démontrer ce qu'une
association du milieu était capable de faire dans un travail par rapport
à un travail local. Parce qu'il faut bien comprendre, que ce soit la
Fédération québécoise pour le saumon atlantique ou
les autres groupes - la Fédération pour le saumon atlantique est
internationale - que ce sont les gens du milieu qui connaissent vraiment les
impacts d'un détournement ou qui connaissent vraiment la rivière
et la portée qu'un tel détournement peut amener. Donc, on a
vraiment voulu amener une connotation régionale. Par contre, Les Amis de
la Moisie, comme vous aurez sûrement l'occasion de les entendre. Ils vont
présenter un mémoire à l'intérieur d'un autre
groupe venant se présenter ici. Donc, c'est vraiment une connotation
régionale, purement, à ce moment-là.
Mme Bacon: D'accord. Vous savez, je crois, moi en tout cas,
sincèrement aux bénéfices que peuvent apporter la
consultation, la concertation dans la recherche des solutions quand on est face
à un problème. Au lieu d'envisager les relations entre le
promoteur et la population comme des rapports de forces - et vous avez
même utilisé le mot "chantage" tout à l'heure - je pense
qu'une collaboration, une participation de l'ensemble des intervenants pourrait
être profitable à tout le monde. Dans ce contexte-là, quel
est le mécanisme, quelle est la formule que vous pourriez proposer pour
mettre en place, afin de sortir peut-être de l'impasse - je pense qu'on
doit l'appeler l'impasse - et faire avancer un dossier?
M. Girard: Nous, ce qu'on prétend, principalement, bien
entendu, en regard de la rivière Moisie, c'est qu'il n'y a aucune
expertise mondiale présentement qui permet de déterminer qu'un
détournement de rivière, partiel ou total, peut conserver, peut
permettre à une rivière à saumon de maintenir sa
qualité exceptionnelle de saumon. À partir de ce
moment-là, on a beaucoup de difficultés à voir quel
processus de collaboration avec Hydro-Québec on pourrait vraiment
enclencher pour leur permettre de trouver des solutions acceptables. Il est
difficile - et c'est sûrement dans ce contexte-là - quand tu n'as
pas de données scientifiques et que tu n'as pas de données
précises, d'exemples dans le monde où ça existe, de croire
qu'il n'y a pas de risque. Dans un cadre qui pourrait peut-être
être différent, on pourrait demander à notre
société d'État, Hydro-Québec, de prendre une
rivière de la Côte-Nord, de la Gaspésie ou du
Saguenay-Lac-Saint-Jean - parce qu'il y en a quand même au Saguenay - qui
a des difficultés en nombre de géniteurs et qui a des
difficultés en ressource saumon, lui demander de réinstaurer le
saumon dans cette rivière avec des ensemencements massifs et de faire un
détournement, de vérifier ses dires. Parce que, là, c'est
difficle. Il n'y a rien dans le monde présentement qui peut garantir un
tel succès. Et là on s'attaque probablement à la meilleure
rivière au monde pour faire une expérience. On trouve ça
un petit peu illogique. C'est dans ce sens-là qu'on trouve que la
consultation est difficile et la collaboration avec Hydro-Québec est
difficile. On trouve que c'est un risque tellement énorme comme
expérience que ça n'a quasiment pas de bon sens. On n'est pas
contre la collaboration, mais contre le fait de prendre la Moisie, qui est
notre meilleure, pour faire... On est prêts à faire une
expérience sur une autre rivière. La rivière Matamec a
été détruite il y a quelques années. Ses
populations de saumon ont diminué. On serait prêts à
travailler avec Hydro-Québec pour vérifier si vraiment il y a des
effets. C'est le
genre de situation dans laquelle on serait prêts à le
faire. Les associations du milieu travaillent, de toute façon,
grandement à protéger la ressource.
Mme Bacon: C'est parce que je n'ai pas tout à fait ma
réponse, mais je vais continuer parce que j'ai trop de choses à
vous demander. Vous parlez de moyens. Je pense qu'il faut regarder les moyens
de concertation, de consultation, davantage.
Vous soutenez que les études d'impact sur l'environnement sont
exécutées uniquement dans le but, si je vous ai bien compris, de
confirmer les choix techniques et les choix économiques
d'Hydro-Québec. Moi, j'aimerais vous faire remarquer que non seulement
les experts du gouvernement, y compris ceux du ministère de
l'Environnement, doivent valider la rigueur, la qualité des
études, mais, dans le cas particulier du saumon de la rivière
Moisie, il y a un comité d'experts qui est externe à
Hydro-Québec, qui est de réputation internationale, qui encadre
des études qui sont à réaliser. Je pense qu'on ne laisse
pas faire les gens comme ça, tout seuls, dans le paysage.
On a dit tantôt, et vous étiez présents, qu'en
environnement - et, pour être une ancien ne ministre de l'Environnement,
je sais ce que c'est - c'est difficile d'apporter des nuances quand on croit
à ce qu'on veut et qu'on pousse notre dossier. Vous avez quand
même fait des affirmations et j'essaie d'apporter un autre
éclairage à ces affirmations. Encore une fois, comment
pensez-vous être capables d'arriver à avoir une consultation et
une concertation? Il y a non seulement une consultation qui doit être
faite de part et d'autre, je pense, avec les différents groupes et
l'organisme qui est mis en cause. Comment peut-on arriver à le faire
sans toujours mettre en doute l'intégrité de l'autre?
M. Girard: Vous avez parlé tantôt du comité
d'experts. Je pense que c'est important de voir qu'on a des experts, par
exemple, le Dr Biélak, qui est un membre de la Fédération
pour le saumon atlantique; Yvon Côté, qui est le responsable des
ressources fauniques au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. On voit qu'il y a un comité d'experts. (11 h 30)
Mais ce qui est difficile entre le comité d'experts et le rapport
d'Hydro-Québec, c'est deux choses. Par exemple, je vous cite l'exemple -
et c'est là qu'on a de la difficulté - de confiance. Je crois
vraiment que c'est une question de confiance. Par exemple, dans son dernier
rapport du mois d'avril, Hydro-Québec confirme qu'il y a eu un atelier
sur la génétique au mois de novembre. À la fin de son
rapport, elle nous écrit qu'il ne devrait pas y avoir de problème
de génétique avec des mesures d'atténuation, sauf que
lorsque tu prends le rapport comme tel, page par page, et que tu le lis, tu
t'aperçois qu'il y a seulement 50 % des experts qui se sont
prononcés parce qu'ils n'avaient pas assez de connaissances et que, de
ces 50 %, il y a seulement 50 % qui ont dit qu'effectivement il n'y aurait pas
d'impact. Donc, tu as seulement un expert sur quatre qui l'a dit, mais dans les
rapports de la société, ça semble très très
beau II est difficile, pour nous, dans un contexte comme ça, d'aller
travailler en étroite collaboration avec eux autres, de se sentir en
confiance et de sentir que nous ne sommes pas manipulés comme
intervenants dans le milieu. Donc, c'est pour ça que notre affirmation
dit que c'est un rendement économique parce que, peu importe ce qu'ils
vont dire au niveau environnemental, on cherche toujours le même
objectif, avoir le plus de mégawatts possible. Et c'est dans ce
sens-là qu'on trouve la collaboration difficile.
Mme Bacon: Mais j'espère que vous faites confiance au
ministère de l'Environnement, qui doit regarder toutes ces
études, les analyser avec rigueur.
M. Girard: Dans le domaine du saumon atlantique, Mme la ministre,
vous savez que les connaissances sont très très faibles
Même à l'interne dans les différents ministères du
gouvernement du Québec; que ce soit au ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche ou au ministère de l'Environnement, les
connaissances sont à l'état embryonnaire. On ne sait même
pas présentement où circule la population de saumon; on ne sait
même pas pourquoi... Et, par exemple, parce qu'on a cité dans
notre mémoire les tribermarins, comment se fait-il que la rivière
Moisie a su maintenir une population exceptionnelle de tribermarins pendant que
toutes les rivières dans le monde - il faut bien être conscient de
ça - ont quasiment perdu toute leur population de tribermarins?
Pourquoi? Y a-t-il un expert au Québec ou dans le monde qui est capable
de me confirmer ça? Personne n'est capable de nous le dire actuellement.
Et c'est ce risque-là qu'on met vraiment en affirmation et qu'on trouve
trop important. Ce risque-là est tellement grand qu'on ne peut pas se
permettre un tel risque.
Mme Bacon: Ce que vous êtes en train de me dire, M. Girard,
c'est que les autres, on ne doit pas leur faire confiance; à vous, on
doit vous faire confiance. C'est ça?
M. Girard: Non. Je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut pas
faire confiance... Ce que j'ai dit...
Mme Bacon: C'est là qu'on dit qu'il n'y a pas de nuance en
environnement C'est vrai?
M. Girard: O.K. Ce que j'ai dit, c'est qu'au niveau des experts
qui vont travailler pour
Hydro-Québec il n'y a pas d'unanimité. Il sera toujours
facile pour un expert par rapport à un autre expert de venir dire le
contraire de l'autre. Au moment où le résultat de l'un par
rapport à l'autre a été fait, c'est lorsque tu l'as
vérifié dans le milieu; lorsque la vérification, ton
hypothèse de travail a été vérifiée, ton
expérimentation a été faite, là, celui, un des
deux, qui avait eu la bonne hypothèse au départ, dit: Ah! c'est
moi qui avais raison. Mais, avant, personne n'est capable de dire qui avait
raison. Présentement, dans le débat d'experts, c'est ça
qui se passe. Il y en a qui disent oui, il y en a qui disent non. Mais nous, on
dit: On ne peut pas prendre le risque d'un oui ou d'un non avec la meilleure
rivière à saumon au monde. C'est dans ce sens-là qu'on
dit: Ce n'est pas une question de confiance envers les experts.
Mme Bacon: Je vais revenir à d'autres questions, si vous
voulez bien. Vous opposez deux types de développement économique
régional: l'un qui est néfaste pour l'environnement, comme le
développement industriel, l'autre qui est profitable en environnement,
comme le secteur récréotouristique. Vous ne croyez pas qu'il est
possible de concilier ces deux types de développement,
bénéficier des retombées économiques d'un projet de
centrale et, également, des aménagements fauniques qui peuvent en
découler? On parle d'ouverture de chute, de passe migratoire, de
débit garanti. Qu'est-ce que vous pensez de ça, du lien des deux:
économie, environnement et ce qui devient du développement
durable?
M. Girard: La preuve qu'on est d'accord avec les deux, c'est que,
même dans notre mémoire, on dit: Faites-le le barrage sur la
Sainte-Marguerite. C'est une rivière qui, présentement, est
aménagée à deux endroits, il y a déjà deux
barrages dessus qui, environnementale-ment et au niveau de l'état
faunique de ses espèces, n'a plus d'espèces particulières
et n'a justement pas trop de risque environnemental surtout dans le sens de la
configuration que cette rivière-là a. Donc, on dit: Faites-le.
Ça donne quand même un barrage de 540 mégawatts. Il ne faut
pas se leurrer, ce n'est pas un petit barrage, un barrage de 540
mégawatts. De plus, dès le début, dès le
départ avec Hydro-Québec, nous leur avions demandé de
regarder le détournement possible d'autres rivières dont les
espèces étaient moins importantes, entre autres, la Toulnustouc,
et, aussi, nous leur avions demandé de regarder la possibilité de
prendre le petit barrage Manicouagan, le petit bassin de la Manie, et de s'en
servir à double couloir. Il y a déjà un barrage sur la
Hart Jaune qui se déverse dans le grand réservoir Manicouagan.
À ce niveau-là, les courbes de niveau sont très
très faibles. On leur avait demandé de se servir du petit Manie
comme équilibrateur et du grand Manie et de la Sainte-
Marguerite. Nous avions regardé cette
possibilité-là et, comme on dit, la rivière
Sainte-Marguerite - d'ailleurs, dans notre mémoire on le dit - 540
mégawatts, c'est important. C'est quand même un facteur qui, pour
nous, était justement d'allier les deux: un barrage sur une
rivière, le saumon sur l'autre rivière, parce qu'on ne croit pas
que les barrages et le saumon, dans ce cas-là, peuvent aller de pair.
Donc, il y avait quand même une possibilité importante.
Il y a un autre facteur au niveau économique et je tiens quand
même à le souligner: faire un barrage, le temps de la
construction, ça dure cinq, six, sept ans. Là, on le sait dans le
plan de développement d'Hydro-Québec. Après ces cinq, six,
sept ans-là, on va retomber dans la région a peu près au
même niveau économique. La seule chose qui va se maintenir
toujours et qui va aller en s'améliorant, ça va être la
rivière Moisie par les infrastructures qu'on va y installer, mais le
barrage n'améliorera pas notre niveau. D'un autre côté, on
dit aussi à Hydro-Québec: Si vous faites l'expérience sur
une autre rivière, une rivière de plus petite envergure, et que
vous nous prouvez qu'il n'y a pas de problème, bien, vous ferez un
projet de puissance additionnelle en 2005 ou en 2010, vous ferez un projet de
puissance additionnelle lorsque vous aurez vérifié vos dires. Le
risque est tellement grand que, présentement, on ne peut pas être
d'accord avec un tel projet. Et la rivière Moisie, soit dit en passant,
étant de renommée internationale, ça lui permet de donner
des retombées économiques plus qu'appréciables. Les
études à l'interne nous démontrent que la variation d'une
année à l'autre est de 8 000 000 $ à 10 000 000 $ par
année, annuellement, pour la rivière Moisie étant
donné la qualité exceptionnelle. J'aimerais quand même vous
souligner que, sur certaines pourvoiries de la rivière Moisie, ça
coûte jusqu'à 1000 $ par jour pour aller pêcher. Il n'y a
aucune pourvoirie au Québec, et même dans le monde, qui charge un
tel prix. Donc, c'est pour vous démontrer quelle qualité il y a
là et on est au début du développement. Je pense qu'on a
encore besoin de développer cette rivière avec des
infrastructures importantes. D'ailleurs, l'association locale qui est là
est en négociation constante avec le club local pour améliorer
des choses. Et je crois que ça, ce sera un développement rentable
à long terme pour la population du Québec.
Mme Bacon: Je pense qu'il est toujours - et vous allez être
d'accord avec moi - un petit peu difficile de fonder le développement
économique d'une région sur l'exploitation d'une seule ressource.
On sait que les villes mono-industrielles en ce moment connaissent de graves
problèmes et, quand on regarde dans cinq ans, dans dix ans, il faut
déjà planifier d'autres industries importantes pour que la
population ne se base pas que sur une seule industrie. Je pense que vous
êtes d'accord avec moi là-dedans. Peut-être
que vous apportez un cas aussi qu'on a déjà connu, le cas
de la montaison du poulamon, par exemple, vers la rivière Sainte-Anne.
On appréhendait l'effet de la jetée qui a été
construite pour la traversée Grondines-Lotbinière. Et ça a
été des études de simulation, de comportement des glaces,
de dynamique des eaux et aussi des recherches sur les conditions de migration
du poisson qui ont permis de définir les mesures adéquates qui
ont été appliquées et qui ont été
appliquées avec succès dans ce cas-là. Je pense qu'il en
faut quand même, des études qui soient faites. Je sais que vous
les questionnez, mais je pense qu'il doit quand même y avoir des experts
qui doivent se pencher sur ces questions-là.
On m'informe aussi qu'il y a des démarches qui ont
été entreprises par Hydro-Québec dans le dossier de la
Sainte-Marguerite; des études sur le saumon sont menées - vous le
dites vous-même - depuis l'été 1987. Il y en a d'autres qui
seront déposées, ces études-là seront
déposées à l'été 1990. il y a un
comité scientifique qui est formé d'experts extérieurs
à Hydro-Québec, encore une fois, qui conseille
Hydro-Québec dans ces études-là. Je pense qu'on a pu
constater aussi dans le plan de développement de cette année le
report de la mise en service de la centrale, un report de deux ans.
Hydro-Québec a annoncé aussi qu'un débit
réservé serait maintenu pour la Moisie, on en parlait
tantôt. Elle s'engage à maintenir un programme d'acquisition de
connaissances sur le saumon de la Moisie. On ne peut pas nier, je pense, les
efforts qui sont faits par Hydro-Québec et, de façon plus
particulière, en ce qui concerne le projet.
Ceci étant dit, vous semblez quand même remettre en
question le sérieux des études environnementales qui sont
engagées par HydroQuébec. J'aimerais que vous en disiez davantage
là-dessus parce qu'on ne peut pas avoir la vérité juste
d'un côté et pas de vérité de l'autre. Je pense que,
encore là, même si en environnement il n'y a pas de nuance, il
faut quand même essayer de nuancer les choses, comme je disais
tantôt, pour arriver à une consultation, à une
concertation. Il faut sortir de cette impasse-là. Je pense qu'il faut
trouver un moyen de le faire.
M. Girard: Quand on dit qu'on met en doute le sérieux des
études, ce n'est pas nécessairement le sérieux, mais
l'ensemble des études. On pense que, oui, Hydro-Québec fait des
efforts intéressants pour regarder la problématique, sauf qu'il y
a un problème majeur. Dans le cas, par exemple, de la Moisie, on s'est
fié uniquement aux habitats. Mais il n'y a pas seulement les habitats
dans le saumon. Il y a aussi tout le facteur de la montaison. Il y a aussi
l'aspect de la nutrition, l'oxygène dissous dans l'eau, on peut en
mettre plusieurs. Il y a beaucoup d'aspects et ça, Hydro-Québec
ne l'a pas fait, n'a jamais dit qu'elle le ferait et n'a jamais dit, non plus,
qu'elle irait chercher chaque problème qu'il y avait.
Jusqu'à date...
Mme Bacon: Vous leur avez demandé?
M. Girard: Oui.
Mme Bacon: Vous leur avez demandé?
M. Girard: On leur a demandé. À chaque fois qu'on
leur pose une question le moindrement embêtante... Par exemple, ils nous
ont proposé des mesures d'atténuation et on leur a dit: La
qualité de l'eau qui va venir de votre bassin, parce que ça va
être un bassin, quelle sera-t-elle? Est-ce qu'elle va avoir la même
quantité d'oxygène dissous? Est-ce que les particules pour la
nutrition des tacons et des alevins vont être suffisantes? Est ce que
votre eau va être contaminée au mercure, étant donné
que ça va être un bassin? La seule chose qu'on sait, c'est qu'ils
affirment qu'il y aura un taux supérieur en mercure, mais, en dehors de
ça, ils ne savent absolument rien.
On trouve que, dans un cas comme ça, c'est tellement important
qu'on ne peut pas se permettre de mettre des doutes comme ça à
chaque endroit. C'est l'ensemble des impacts. Peut-être que sur chaque
élément, la nutrition, l'oxygène dissous, que ce soit la
montaison des saumons, les habitats des tacons ou les habitats des.. S'il y a
un petit impact à chaque place, dans la chaîne totale, ce qui va
faire à l'autre bout que ça va être un impact
désastreux.. Puis, quand on prend la meilleure rivière au monde,
bien, on ne comprend pas qu'on prenne un tel risque. C'est dans ce
sens-là.
Mme Bacon: Est-ce que, M. Girard...
Le Président (M. St-Roch): En conclusion, Mme la
ministre.
Mme Bacon: Une dernière question Je vais faire rapidement.
Est-ce que, M. Girard, la population est consultée quand vous formulez
ces questions à Hydro-Québec? Est-ce que vous le faites dans un
rapport de forces ou au niveau d'une rencontre, d'une consultation? De quelle
façon vous les posez, ces questions-là, à
HydroQuébec? Après avoir consulté la population?
M. Girard: Depuis le début qu'on rencontre
Hydro-Québec, parce qu'il y a eu des rencontres depuis mai 1988...
D'ailleurs, en mai 1988, ils ont été tellement surpris qu'on leur
dise que leurs études n'avaient pas d'allure, en partant, ils ont
été tellement surpris, ils pensaient qu'on allait prendre
ça comme ça et qu'il n'allait pas y avoir d'impact.
C'était la preuve qu'Hydro-Québec n'avait pas grand connaissances
dans le domaine du saumon. Mais, à chaque fois, ils nous remettent leurs
études. Normalement, ils seraient
supposés nous les remettre d'avance, parce que c'est ce qu'on
leur avait demandé, mais, ordinairement, ils nous les remettent la
journée de la rencontre et, là, ils veulent qu'on réagisse
sur une brique - vous voyez l'épaisseur des briques. La première
est plus épaisse, il n'y avait pas d'impact. Les autres sont moins
épaisses parce qu'il y a des impacts. C'est un peu le...
Mme Bacon: Vous semblez avoir les experts pour pouvoir
réagir à ça, M. Girard.
M. Girard: O.K. Ça vous démontre un peu... On nous
remet ça lors d'une réunion et on veut qu'on réagisse
immédiatement là-dessus et qu'on leur dise où sont les
problèmes. Eux, ils ont pris des mois, même des années
à créer ça, puis ils voudraient qu'en l'espace de dix
minutes on soit capables d'analyser tout ça et de leur dire ce qui ne va
pas.
Mme Bacon: Vous ne charriez pas un petit peu, là, quand on
dit ça, dix minutes?
M. Girard: La dernière fois, le 7 avril, et je ne suis pas
si... Le 7 avril, à Montréal, nous avons rencontré
Hydro-Québec quand elle nous a déposé sa dernière
étude. Jean Masse peut en être témoin, le président
de l'Association, parce qu'on était là ensemble, nous avons
demandé une rencontre pour qu'on puisse vraiment leur poser des
questions. Ils nous avaient dit: Oui. Mais, entre-temps, qu'est-ce qui s'est
passé dans le milieu? Hydro est venue avec son super-vidéo, avec
un moyen technologique peut-être un peu, je dirais, impressionnant, avec
une machine publicitaire pour vendre son projet, avant même qu'on ait pu
réagir là-dessus.
Vous comprendrez qu'on a de la difficulté, nous, à avoir
une pleine confiance en l'entreprise dans des cas comme ça.
Mme Bacon: Vous ne semblez pas quelqu'un qui est facilement
impressionnable, M. Girard, puisque vous continuez. C'est le signe que vous
n'êtes pas facilement impressionnable. Vous n'avez pas lâché
quand même.
Le Président (M. St-Roch): Brièvement, M.
Girard.
M. Girard: Oui. Pardon?
Le Président (M. St-Roch): J'ai dit: Brièvement. Si
vous voulez réagir, très brièvement. (11 h 45)
M. Girard: On croit que le risque est tellement grand que,
même s'ils arrivaient avec les plus beaux vidéos du monde, avec
des graphiques où l'eau est en déplacement, ce n'est pas
ça qui va nous convaincre. Je lisais justement dernièrement un
article. Vous savez que toutes les données qu'ils nous ont
données présente- ment, c'est sur ordinateur et c'est sur le
graphique qu'ils ont sorti sur ordinateur. Un ordinateur, ça n'est
jamais meilleur que les données qu'on lui donne. À partir de ce
moment-là, on aimerait mieux l'expérimentation sur un terrain
pratique.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, Mme la
ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je pense qu'on doit
endosser du côté de l'Opposition officielle que M. Girard
connaît très bien son dossier et je pense que même la
ministre a été très impressionnée de la
façon dont vous vous défendez. M. le Président, je
voudrais dans un premier temps souhaiter la bienvenue aux représentants
de l'Association de protection de la rivière Moisie, tout en excusant
mon collègue d'Ungava, M. Claveau, qui a dû s'absenter pour une
urgence avec le chef de l'Opposition officielle, M. Parizeau. C'est au nom de
l'Opposition officielle que je vous accueille ici aujourd'hui avec beaucoup de
plaisir.
Vous connaissez, M. Girard et vos collègues, très bien ma
position face à Hydro-Québec et la rivière Moisie et ce
depuis 1988, où j'avais une position qui était non,
jusqu'à nouvel ordre, au détournement de la Carheil et au
détournement de la Pékans. En 1989, même chose. Et
aujourd'hui, en 1990, suite au rapport que j'ai étudié
moi-même, en parallèle avec vous, c'est toujours la même
réponse, c'est qu'Hydro-Québec n'a pas fait la preuve
qu'effectivement il n'y aurait plus de problème ou il n'y aurait pas de
problème si jamais ces deux rivières sont
détournées de la rivière Moisie vers la
Sainte-Marguerite.
Et à ce que je sache - et là-dessus j'endosse
entièrement ce que vous avez dit tout à l'heure, suite à
une question qui a été posée par la ministre - c'est que
le ministère de l'Environnement du Québec n'a aucune ou
très peu d'expertise se rapportant à la question saumon, les
impacts de construction face aux barrages, face aux digues, face aux centrales
et face à n'importe quel harnachement de quelque rivière à
saumon que ce soit au Québec. J'endosse entièrement aussi votre
position à l'effet qu'on ne doit pas faire une expérience sur la
rivière Moisie, et je parle au nom de l'Opposition officielle, qu'on ne
doit pas faire une expérience sur la plus belle rivière à
saumon du monde pour savoir ce qui va se passer par la suite quant à la
question saumon.
J'ai plusieurs questions à vous poser et je sais très bien
qu'avec le temps que nous avons à notre disposition il ne sera pas
possible de les poser toutes. Cependant, je voudrais débuter avec la
page 7 de votre mémoire se rapportant à l'implantation de
nouvelles industries énergivores. Est-ce que vous pourriez nous
donner... Je sais que la coalition a une position, mais quelle est
votre position à vous en tant qu'Association de protection de la
rivière Moisie, en rapport avec cette question des industries
énergivores, par exemple, les alumineries, par exemple d'autres domaines
très actifs dans le domaine de l'électricité et des
besoins énergétiques?
M. Girard: Bien entendu, on sait que dans notre région
l'aluminerie Alouette, c'est un projet qui a été annoncé
et on croit qu'effectivement la région peut avoir besoin dune aluminerie
pour son développement, pour donner une deuxième industrie.
D'ailleurs, dans ce sens, c'est pour ça qu'à l'intérieur
de notre mémoire nous avons dit: Le barrage de la Sainte-Marguerite,
nous ne sommes pas contre parce que nous, en région, on dit: Oui, on
obtient une aluminerie, mais d'un autre côté, avec 540
mégawatts, avec le barrage de la Sainte-Marguerite, on est capable de la
fournir. Comme population régionale, on a pris les deux. On a pris, oui,
l'aluminerie qui est énergivore mais, oui, on est prêt aussi
à la fournir en électricité avec nos ressources du
milieu.
Donc, à partir de ce moment-là, nous on n'est pas contre
et on sait que l'aluminerie dans la région c'est important. Je ne peux
pas vous dire qu'au niveau des membres on a fait une consultation pour demander
à l'ensemble de nos membres s'ils sont pour ou contre les alumineries,
O.K., mais, par rapport à notre position actuelle, ça ne pose pas
de problème.
M. Perron: En somme, M. le Président, j'ai bien compris
que les représentants de l'Association ne sont pas contre la
construction d'une centrale ou de centrales ou de barrages sur la
rivière Sainte-Marguerite. On dit oui à ça mais sans les
détournements.
M. Girard: Exact.
M. Perron: C'est ça. Alors, on ne dit pas non à la
Sainte-Marguerite. On dit oui mais sans les détournements.
Une autre question et, après ça, je vais passer la parole
à mon collègue de droite, parce qu'il veut vous poser une couple
de questions se rapportant à la question environnementale, et je
reviendrai par la suite. Lorsqu'on parle des contrats d'exportation, aux
États-Unis, des contrats négociés par les gouvernements
élus, est-ce que vous pourriez nous donner votre position
là-dessus par rapport aux besoins américains, aux besoins
québécois? Et de quelle façon vous voyez l'ensemble de ce
dossier énergétique par rapport à l'exportation de
l'électricité versus les besoins du Québec et les besoins
des Québécoises et Québécois?
M. Girard: Nous, notre position, pour en avoir discuté
plusieurs fois, étant donné qu'on est dans un débat qui
nous a été imposé, nous sommes contre l'exportation de
l'électricité aux États-Unis sur des contrats fermes. On
s'entend bien, si on a des surplus à turbiner au printemps ou à
l'été, plutôt que mettre l'eau à côté
dans les - oui, je cherche le nom d'évacuation, comme le début -
évacuations, plutôt que la tirer à côté, oui,
à ce moment-là, en vendre aux États-Unis, on n'a rien
contre. Mais, construire des barrages, briser des belles rivières et
harnacher des rivières pour vendre de l'électricité aux
États-Unis, on sera toujours contre. Parce qu'on pense que
l'hydroélectricité, ça a été
développé pour nous chez nous. À ce moment-là,
c'est dans ce sens-là; les surplus, d'accord. Mais on sait que
présentement, dans le développement, dans le plan de
développement d'Hydro-Québec, il y en a beaucoup pour
l'exportation Et ce qui fait que le plan de développement est si
coûteux, c'est que harnacher aujourd'hui, ça coûte plus cher
que harnacher il y a 20 ans, et nos coûts d'exploitation vont aller en
augmentant. Donc, on ne cautionnera pas un gouvernement qui va aller vers
l'exportation. Et je pense que cette philosophie, cette pensée-là
est largement partagée par la population régionale, en tout cas,
de notre coin de pays.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Bien, moi aussi, je
veux féliciter les porte-parole de l'Association de protection de la
rivière Moisie. Vous avez cité tantôt un extrait d'un avis
que le Conseil de la conservation et de l'environnement avait fourni à
la ministre de l'Environnement de l'époque qui est maintenant ministre
de l'Énergie en juillet 1989, extrait dans lequel on dit qu'aucun
détournement total ou partiel ne devrait être autorisé.
Est-ce que vous avez été mis au courant de la réaction de
la ministre de l'Environnement de l'époque à cet avis du
Conseil?
M. Girard: Nous avons eu connaissance de cet avis lorsqu'il a
été publié en janvier 1990. J'imagine que c'était
la période préélectorale et qu'à ce
moment-là ce n'était peut-être pas le moment. Mais nous
n'avons pas eu de réponse de Mme la ministre à ce
sujet-là. Nous n'étions pas au courant. Sauf quand il a
été publié par les médias, on a été
mis au courant
M. Lazure: Bon. Je suppose que, comme nous, vous seriez
intéressés à connaître la réaction de la
ministre de l'Environnement de l'époque ou de la ministre de
l'Énergie d'aujourd'hui.
Mme Bacon: Vous êtes toujours aussi sympathique.
M. Lazure: Pardon?
Mme Bacon: Vous êtes toujours aussi sympathique.
M. Lazure: Oui. Je fais mon travail. Mais, en tout cas.
Peut-être qu'elle nous le donnera tantôt dans ses conclusions.
Mais, nous, évidemment, on appuie totalement cet avis du Conseil de la
conservation et de l'environnement et qui est aussi votre position.
Je voulais poser la question aussi au sujet du patrimoine canadien. Vous
proposez d'intégrer la rivière Moisie au réseau des
rivières du patrimoine canadien. Alors, je serais curieux de voir,
d'abord, qui amorçait une telle procédure, comment ça se
faisait. Et, deuxièmement, est-ce qu'il n'y a pas la contrepartie du
patrimoine québécois dans lequel une telle rivière
pourrait être inscrite? Je pose la question. Êtes-vous au
courant?
M. Girard: Bon. On sait que dans ce dossier-là, parce que
c'est un dossier qui relève de Parcs Canada - peut-être
qu'éventuellement, dans un avenir rapproché, on aura un dossier
de Parcs Québec, mais on verra - c'est un dossier de Parcs Canada et
c'est par l'entremise de ce milieu-là qu'un dossier est
présenté. On le présente au ministère du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche au niveau du Québec, parce que le
représentant sur le comité de sélection du réseau
des rivières du patrimoine canadien vient du ministère du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche. Donc, nous, c'est dans cette forme-là
qu'on l'a présenté. On l'a présenté au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Le premier
ministre en a eu une copie aussi. On l'a présenté directement au
comité. Mais, jusqu'à maintenant, on attend toujours une
réponse. On aimerait bien avoir une réponse. On pense que c'est
le temps que cette rivière soit reconnue comme exceptionnelle.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Oui, M. le Président, une autre question que je
voudrais poser en rapport avec ce qui est écrit à la page 8 de
votre mémoire, deuxième paragraphe: "Les plans
d'Hydro-Québec sont tellement serrés dans le temps que leurs
équipes environnementales ne peuvent prescrire un projet de quelque
nature qu'il sort." Est-ce que vous pourriez élaborer davantage sur
cette prise de position - parce qu'en fait c'est une prise de position que vous
donnez - qui est tout de même très rigide, comme on pourrait dire
dans notre langage, très raide? Moi, j'ai besoin de savoir le pourquoi
de cet écrit.
M. Girard: Nous, quand nous avons établi cet
écrit... Il faut quand même comprendre que notre association,
notre groupe a participé à différents colloques,
différents forums sur l'énergie depuis quelques années,
entre autres, un colloque sur l'énergie qui était
organisé^ par la Corporation de l'environnement de Sept-îles l'an
passé, et où Hydro-Québec était présente,
les représentants d'Hydro-Québec, tant au niveau environnemental
qu'au niveau de ceux qui préparent les plans, les ingénieurs qui
viennent donner le potentiel de chacune des rivières. Et ils nous ont
dit que leur plan de développement partait de 28 000 mégawatts,
montait à 43 000 mégawatts, qu'il y avait tant d'années,
selon les demandes, que telle année il fallait qu'ils sortent 500
mégawatts, l'autre année, il fallait qu'ils en sortent 800. Ils
nous le démontraient de façon graphique, de façon
très très claire, lors de ce colloque. Et c'étaient des
gens d'Hydro-Québec. Et, effectivement, quand on regarde le plan de
développement qui est présentement sur la table, on
s'aperçoit qu'ils sont serrés dans le temps et qu'ils n'ont pas
le temps d'étirer leur projet bien longtemps. Il faut qu'ils prennent
une décision tôt ou tard. Et dans le projet qui nous
préoccupe, la décision du conseil d'administration est au
début de juin, selon les dernières informations. À moins
qu'elle soit repoussée encore mais, selon les dernières
informations, c'est ça. C'est pour ça que nous affirmons que
c'est serré comme plan de développement.
M. Perron: Je remercie M. Girard de sa réponse. M. le
Président, à la page 9, on mentionne le développement
économique régional, et je présume aussi que, M. Girard,
vous êtes très bien informés au niveau des impacts
économiques locaux, par exemple, par rapport à la rivière
Moisie, parce que vous en avez mentionné quelque peu tout à
l'heure, suite à une question qui a été posée par
la ministre. Puisque vous êtes très impliqués dans le
domaine du saumon de l'Atlantique, dans l'ensemble du dossier international,
donc vous êtes très impliqués localement,
régionalement et au niveau du Québec, même au niveau
pancanadien, est-ce que vous pourriez nous donner des retombées, puisque
l'hydroélectricité concerne le Québec dans le dossier
énergétique que nous avons devant nous? Et face au plan de
développement d'Hydro-Québec, est-ce que vous auriez des
données économiques, par rapport aux retombées se
rapportant à la rivière Moisie, aux rivières de la
Côte-Nord et aussi aux rivières du côté sud, donc par
rapport à l'ensemble des rivières à saumon du
Québec? Puisqu'il est question, dans notre dossier et dans le
vôtre en particulier, de la rivière Moisie, c'est surtout
là qu'il y a une importance de savoir exactement quelles sont les
retombées économiques qui peuvent se faire sentir dans notre
milieu et dans l'ensemble du Québec.
M. Girard: Bien entendu, je ne peux pas vous chiffrer ça
en termes de millions. Pour la rivière Moisie, on le sait, c'est 8 000
000 $ à
10 000 000 $ et elle est au début de son développement; 8
000 000 $ à 10 000 000 $ annuellement. Mais je vais vous donner un
exemple quand même pour faire comprendre l'aspect important. Je vais
prendre l'exemple de la rivière Saint-Jean de la Côte-Nord. Je ne
prendrai pas la rivière Saint-Jean, Gaspésie, je vais prendre
celle de la Côte-Nord que je connais mieux, étant donné que
c'est notre coin de pays. La rivière Saint-Jean, par l'entremise d'une
association comme la nôtre, a créé une pourvoirie, a
créé de l'emploi pour l'ensemble du village. D'ailleurs, ils se
sont même donné une politique d'achat local pour que cette
pourvoirie achète tout au niveau de leur village. Seulement le fait
d'avoir cette pourvoirie dans ce village, ça a permis à
l'ensemble de cette population d'être capable de se sortir d'une
situation économique qui était très très faible. Je
ne peux pas vous le chiffrer, je peux dire que c'est important comme
développement et ils vont en s'améliorant. (12 heures)
D'année en année, ils améliorent leur réseau
routier, ils améliorent leurs installations d'accueil. Parce que, quand
tu parles du domaine de la pourvoirie ou quand tu parles même du domaine
des ZEC, c'est important d'avoir des infrastructures d'accueil importantes. Et
il y a de l'emploi important à ce niveau-là. Et, à long
terme, c'est incomparable. Ce n'est pas un boum qui dure un très court
laps de temps. C'est à longue échéance, c'est pour - comme
on dit - 100 ans, 200 ans, selon le cas, que ces emplois-là vont durer.
Parce qu'il faut quand même comprendre que la pêche au saumon est
une activité exceptionnelle. Et la qualité des gens qui vont
là, même s'il y a du M. Tout-le-monde, ils sont prêts
à débourser des montants importants. Je pense que, dans ce
sens-là, oui, c'est important. Je ne peux pas chiffrer,
malheureusement.
M. Perron: Bon! Disons que ça me va pour le moment. Ces
chiffres-là, on peut tout de même les trouver quand même.
Pour avoir une situation globale, on peut tout de même les trouver
auprès de certaines associations à but non lucratif, même
auprès des pourvoyeurs, auprès de certaines organisations
régionales aussi, malgré qu'on aurait aimé... Moi, en tout
cas, personnellement, j'aurais aimé les avoir ce matin.
Une autre question que je voudrais poser, je vais la poser comme je le
pense et elle va être directe. Vous dites, toujours à la page 9:
"Notre société d'État a besoin de partenaires pour
réussir à faire accepter un projet." Est-ce que vous pensez,
comme, par exemple, les appuis du milieu, par rapport au projet de la SM3, le
projet de la Sainte-Marguerite, où Hydro-Québec a ramassé
des appuis de la part de la Corporation de promotion industrielle et
commerciale de Sept-îles, par rapport à la Chambre de commerce de
Sept-îles... Est-ce que vous pensez que les membres et les
représentants et représentantes de ces deux organismes sont
vraiment bien versés sur la question du saumon, d'une part? Et est-ce
que ces gens-là ont vraiment des expertises nouvelles qui pourraient
être ajoutées à celles d'Hydro-Québec pour pouvoir
prendre une position comme celle-là qui est strictement à
caractère économique et non pas à caractère
environnemental? Je le dis comme je le pense et je voudrais connaître
votre position là-dessus.
M. Girard: Mais, nous, c'est très clair La Chambre de
commerce, la Corporation de promotion industrielle de Sept-îles, entre
autres, ont appuyé le projet. Mais c'est une petite poignée de
gens. Il faut bien comprendre, ce n'est pas la population, c'est une petite
poignée de gens et des gens qui ne connaissent - quand on dit - rien,
mais absolument rien du développement régional par rapport au
saumon atlantique. Si Hydro-Québec dit: C'est beau, c'est beau. Si elle
dit: Ce n'est pas beau, ce n'est pas beau. Et dans cet esprit-là, nous,
on trouve ça très déplorable qu'on ne fasse pas confiance
aux gens du milieu qui sont impliqués dans ces dossiers là. C'est
par eux, ce sont eux qui ont la meilleure expertise. Mais c'est ça,
effectivement, les alliés dont on parle, c'est la Chambre de commerce.
Eux, ils ne voient vraiment que l'aspect économique, ils ne voient pas
du tout l'aspect envi ronnemental; et, d'ailleurs, on le mentionne dans notre
mémoire.
M. Perron: Alors, j'ai bien compris que vous aviez une
réponse directe, aussi, à me donner sur cette question.
M. Girard: Effectivement.
M. Perron: À la page 10: "Aujourd'hui,
l'hydroélectricité peut paraître intéressante ..
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Duplessis, ce sera une dernière question, il
vous reste deux minutes. Je vous en prie.
M. Perron: Bien, je vais passer à une autre question que
celle que j'allais poser, M le Président. Mais je vous passe un papier
que le temps passe vite quand on pose des questions à un organisme qui
est intéressant.
Dans le journal Le Soleil, lundi, 7 mai 1990, le titre du journal
était comme ceci: "45 000 000 $ pour sauvegarder les saumons
géants de la rivière Moisie". Est-ce que vous pourriez m'informer
de votre position par rapport à ces fameux 45 000 000 $ dont il est
question ici?
M. Girard: Je vais essayer de vous brosser un petit peu le
tableau En détournant la rivière Carheil et la rivière aux
Pékans, Hydro-Québec
prévoit faire, annuellement, 173 000 000 $ de revenus.
Étant donné qu'ils nous donnent quelques petits débits
réservés, ça diminue leur assiette de 173 000 000 $ aux
alentours de 125 000 000 $. Et ils nous disent qu'ils nous donnent 45 000 000 $
par année. Je vais vous faire une figure de style qui est possiblement
la plus ressemblante. Vous avez quelqu'un qui vient dans votre cour ou qui vous
vole 100 $ et, par conscience ou pour pouvoir se priver un peu de ces
moyens-là, vous remet 25 $ II dit: 75 $, je vais en avoir assez, et il
faudrait que tu le remercies! À ce que je sache, il t'a quand même
volé et pris l'instrument indispensable pour maintenir ta rivière
de première qualité. Donc, il ne nous donne rien. Donc, on
comprend, par une attitude comme ça, que pour Hydro-Québec les
rivières sont toutes à elle. Ça n'appartient pas plus aux
populations régionales. Ça n'appartient pas à la
population du Québec. C'est à elle. Elle s'en sert du mieux
qu'elle peut et si ça crie trop fort: On va vous en donner des petits
bouts. Nous on n'accepte pas une attitude comme ça. Et c'est dans ce
sens-là, notre position. On dit: Ce n'est pas vrai 45 000 000 $, c'est
45 000 000 $ de revenu de moins, mais ce n'est pas 45 000 000 $ qu'elle injecte
dans le saumon, pour améliorer le saumon. C'est très
différent.
M. Perron: D'accord. M. le Président, je remercie les
représentants et, en particulier, M. Girard pour les
représentations faites auprès de la commission. Et ce que je peux
vous dire en conclusion, par rapport à l'Opposition officielle, c'est
que, dans les recommandations que vous faites au gouvernement du Québec,
quant à nous on dit oui à l'intégration de la
rivière Moisie au réseau de rivières du patrimoine
canadien, jusqu'à nouvel ordre, en tout cas, canadien.
Et, deuxièmement, lorsqu'on parle d'exiger d'Hydro-Québec
la construction du barrage SM3 sans le détournement des deux tributaires
de la Moisie, je pense qu'on se doit de dire oui à ça aussi pour
protéger une richesse qui s'appelle la richesse saumon qui a des
retombées économiques locales, sous-régionales et
régionales qui sont tout de même très fortes pour notre
milieu, pour une population qui joue dans l'ordre d'à peu près 40
000, 45 000 personnes. C'est tout de même très impressionnant.
Et, quant à la question 3 où vous prenez une position
à l'effet de mener un débat large sur nos développements
hydroélectriques du Québec, ce dont je peux vous assurer c'est
ceci: En tant que membre de l'Opposition officielle, en tant que
député du comté de Duplessis, je ferai tout en mon pouvoir
pour faire en sorte que l'Opposition officielle à l'Assemblée
nationale soit d'accord avec moi pour que, éventuellement, on ait un
grand débat sur la question énergétique. Et,
là-dessus, on pourra s'en reparler plus tard. Merci aux
représentants de l'organisme. Merci à l'organisme et à
tous ses membres.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député de Duplessis. Mme la ministre.
Mme Bacon: Juste quelques mots en terminant, M. le
Président. D'abord j'aimerais répéter ce que j'ai dit
tantôt, que le projet a été reporté de deux ans. Je
pense qu'on n'avait pas saisi tantôt quand j'ai parlé de
ça. J'aimerais dire aussi que, parmi les experts qui ont
été des consultants auprès du ministère de
l'Environnement, il y a M. Yvon Côté, du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, que vous devez sûrement
connaître et qui est un spécialiste du saumon,
réputé et reconnu aussi sur le plan international. Je comprends
que vous n'avez confiance en personne, mais peut-être que... Moi, en tout
cas, je fais confiance à M. Côte, qui est un expert du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
On a parlé tantôt d'un débat large et je maintiens
et je dis encore une fois que le débat que nous avons est fait avec des
membres de l'Assemblée nationale élus par l'ensemble de la
population dans chacun de leur comté. Et je ne veux pas diminuer ici la
responsabilité des membres de l'Assemblée nationale. Donc, je
crois que nous sommes déjà ici des personnes qui sont capables de
faire un débat suffisamment large pour bien représenter
l'ensemble de la population. C'est pour ça qu'on nous a envoyés
à Québec, pour être capables de prendre nos
responsabilités comme représentants de la population. Et je suis
certaine que malgré vos hésitations, M. Girard, vous allez quand
même être satisfait de votre rencontre de ce matin avec les
élus du peuple que, vous, vous avez envoyés et qui sont capables
de prendre leurs responsabilités.
Je ne tirerai pas de conclusions, ce matin, de nos rencontres. C'est
trop tôt pour le faire. Ce n'est pas le temps de tirer des conclusions.
On a un mois de commission parlementaire, donc je pense que vous allez
comprendre que, comme responsable de ce dossier, je tirerai mes conclusions
après ce mois par respect pour ceux et celles qui viendront nous
rencontrer et dialoguer avec nous. Je vous remercie d'avoir fait cet effort. Je
pense que c'a dû vous en prendre d'abord pour nous envoyer votre
mémoire, pour venir nous rencontrer et discuter avec nous ce matin de
votre dossier. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie l'Association de protecton de la
rivière Moisie pour sa participation à ses travaux et appelle
à la table... Vous aviez un commentaire? Brièvement, s'il vous
plaît.
M. Girard: J'aimerais remercier la commission parlementaire, Mme
la ministre, M. le Président, de nous avoir reçus. Effectivement,
ça nous a pris un effort pour venir ici. Parce que
c'est du bénévolat qu'on fait dans notre milieu.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): On vous remercie
beaucoup et on l'apprécie davantage. J'invite, à la table des
témoins, le Conseil du patronat du Québec qui sera
représenté par M. Dufour, M. Garon, M. Beaulieu et M. Normand Me
Neil, de Filiatrault, Me Neil et Associés.
Bonjour. Il nous fait plaisir d'accueillir le Conseil du patronat du
Québec comme prochain groupe apportant un témoignage à la
commission. Vous êtes sûrement très familiers avec nos
procédures. Je vous les rappelle au cas où. Nous avons 20 minutes
ferme pour la présentation de votre mémoire. Il y a une
période d'échanges avec les parlementaires par la suite. Alors je
vous prierais, dans un premier temps, d'identifier votre porte-parole, de
présenter votre équipe et de nous présenter votre
mémoire, que nous écouterons avec beaucoup d'attention. Je vous
remercie.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, ça va bien
aller et je suis également bien habitué à votre
présidence. Mme la ministre, Mesdames, Messieurs, je voudrais vous
présenter mes collègues: à ma droite, Jacques Garon, qui
est directeur de la recherche au Conseil du patronat; à mon
extrême gauche, M. Alexandre Beaulieu, qui est président
d'Alexandre Beaulieu inc., qui est une entreprise spécialisée en
électricité, et M. Normand Me Neil, qui est ingénieur et
directeur général de Filiatrault, Me Neil et Associés, une
firme de consultants.
Le Président (M. Bélanger): Merci.
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, dans une vingtaine
de minutes, il nous faut résumer notre mémoire. Il y a des choses
que je considère importantes et que je devrai laisser tomber. Nous
allons aller à l'essentiel.
Le projet de développement d'Hydro-Québec de 62 000 000
000 $ au cours de la décennie des années quatre-vingt-dix est,
selon le Conseil, un investissement de très grande importance pour
stimuler le développement économique du Québec. Pour le
CPQ, qui n'entend pas aborder ce dossier sous son angle technique, la mise en
oeuvre d'un tel projet doit mettre dans le coup la population, les entreprises
et les gouvernements, qui doivent être convaincus que le projet
proposé est un investissement rentable et qu'il protège au mieux
l'environnement.
Voyons d'abord l'apport du plan de développement à
l'économie québécoise. Comme on le sait tous, le
Québec a besoin de projets de développement économique
majeurs au moment où nous entrons dans une phase de ralentisse- ment
économique. Un investissement de 62 000 000 000 $ sur 10 ans constitue
pour l'économie québécoise un projet d'une très
grande importance.
Signalons d'abord l'impact du projet sur les emplois. En termes
d'emplois reliés à l'exploitation et aux investissements, le plan
de développement d'Hydro-Québec entre 1990 et 1992 prévoit
la création de 19 000 emplois. Si l'on tient compte des emplois
indirects soutenus par les entreprises et les programmes commerciaux, le projet
d'Hydro-Québec générerait près de 25 000 nouveaux
emplois, en trois ans. En d'autres termes, plus de 85 000 personnes auraient,
au cours des trois prochaines années, des emplois directement ou
indirectement reliés aux activités de la société.
S'agit-il d'une proposition trop optimiste? Nous ne le souhaitons pas et nous
osons croire que ces nouveaux emplois ne seront pas créés au
détriment d'emplois dans d'autres secteurs.
Quant au long terme, le seul programme d'équipement
proposé soutiendrait, en moyenne, près de 40 000 emplois entre
1993 et 1999, soit une augmentation de plus de 5000 emplois
On peut donc affirmer que ce projet engendrerait à lui seul une
augmentation d'environ 30 000 emplois au cours de cette décennie. Dans
une telle perspective, sa mise en oeuvre est d'autant plus imperative qu'elle
interviendrait non seulement au moment d'un ralentissement économique
important, mais aussi parce que le taux de chômage au Québec
dépasse actuellement 10 %.
Signalons ensuite l'impact de la politique d'achat d'Hydro-Québec
sur l'économie québécoise. L'objectif et les
stratégies élaborés en 1989 dans le cadre de la politique
d'approvisionnement d'Hydro Québec ayant, selon la
société, donné des résultats encourageants, ils
demeurent en vigueur pour les prochaines années. On veut ainsi maximiser
les retombées économiques des achats de matériel
stratégique d'Hydro-Québec. Le CPQ est totalement d'accord avec
ces stratégies, et, bien sûr, leur maintien. (12 h 15)
Signalons enfin à ce chapitre toujours du développement
économique l'impact du plan de développement sur les
fournisseurs. La politique d'acquisition d'Hydro-Québec contient une
directive d'achat préférentiel qui accorde une priorité
à certains fournisseurs en fonction du contenu québécois
de leurs produits.
Hydro-Québec poursuit également une politique de
développement économique Cette dernière vise
essentiellement le développement d'une industrie électrique
québécoise répondant aux besoins d'Hydro-Québec
tout en dépendant le moins possible de ses achats. Aussi, dans le cadre
de ses accords de fabrication, l'entreprise met particulièrement
l'accent sur la qualité du produit, la recherche et le
développement, les investissements et l'exportation. Les
orientations
de cette politique rassortent d'ailleurs clairement des
stratégies énoncées dans le plan de développement
d'Hydro-Québec.
Il est cependant à noter que le succès des politiques
d'achat et de la politique d'acquisition d'Hydro-Québec dépendent
dans une large mesure d'une politique de faire-faire, c'est-à-dire la
sous-traitance sur laquelle nous reviendrons plus tard. Donc, ce plan de
développement aurait, à sa face même, un impact
économique positif important sur le développement du
Québec.
Dans un deuxième ordre d'idées, il nous faut affirmer que
l'énergie hydroélectrique est l'une des plus importantes
ressources naturelles renouvelables du Québec et l'approvisionnement
concurrentiel de cette source d'énergie permet d'attirer des
investissements importants. La recherche et le développement
effectués par Hydro-Québec sont aussi très importants pour
le Québec.
Disons d'abord un mot de l'énergie hydroélectrique et du
secteur industriel, qui nous concerne davantage. Pour les clients industriels,
l'hydroélectricité québécoise est une
énergie performante qui convient à des utilisations multiples. Le
marché industriel compte quelque 13 000 entreprises oeuvrant dans
différents secteurs dont les trois principaux, on le sait, sont les
pâtes et papiers, la fonte et l'affinage ainsi que la chimie. La
consommation totale de ce marché s'élevait en 1989 à 46,3
térawatt-heures réparties en différents usages. Nonobstant
cette utilisation importante de l'électricité il faut, cependant,
M. le Président, être prudent. Le plan de développement
mise essentiellement sur la force motrice et l'électrolyse pour
favoriser le développement économique du Québec par
l'intermédiaire de trois industries fortes consommatrices
d'électricité que je viens d'identifier. Dans la mesure du
possible il faudrait donc, en toute prudence, diversifier la clientèle
industrielle d'Hydro-Québec pour que cette société soit
moins vulnérable aux aléas de la conjoncture économique.
On peut penser ici, par exemple, à tout le nouveau secteur de la
serriculture. Selon la planification d'Hydro Québec, par ailleurs, la
grande entreprise constituerait le premier groupe cible de ces interventions.
Suivent de très près les petites et moyennes entreprises et, pour
l'avenir, Hydro propose d'étendre ces programmes à la
clientèle commerciale pour des usages communs avec la clientèle
industrielle.
En plus de ces programmes, il en existe déjà un autre qui
contribue de façon marquante à l'efficacité globale des
entreprises. Il s'agit du programme d'aide à l'implantation des
électrotechnologies qui favorise la conversion des
procédés industriels utilisant du combustible vers des
procédés faisant appel à l'électricité. Et
j'oublie d'autres programmes qui sont mis de l'avant dans le projet qui nous
est présenté par Hydro.
Quant à la recherche et au développement, ils jouent
également un rôle de premier plan dans la proposition du plan de
développement. En fait, de 1990 à 1992, sur un budget total de
dépenses technologiques de 467 000 000 $, la recherche et le
développement directement axés sur les besoins d'Hydro
représentent 342 000 000 $, soit 73 %. En plus, Hydro prévoit des
travaux qui, au cours des prochaines années, porteront sur toute une
série d'équipements, dont les pompes à chaleur, les
chauffe-eau, le chauffage par accumulation, etc. Il est clair que les
transferts de technologies d'un tel programme contribueront à
l'amélioration de la compétitivité des entreprises
québécoises et à l'amélioration de
l'efficacité énergétique.
Troisième raison, M. le Président, qui milite en faveur de
notre acceptation du plan, c'est que le plan de développement d'Hydro
permet d'atteindre une plus grande autosuffisance en matière de
consommation énergétique tout en satisfaisant la
flexibilité d'adaptation face à la demande. On le sait,
l'ensemble de la consommation énergétique du Québec
devrait croître au rythme annuel moyen de 1,3 % d'ici l'an 2006.
La part de l'électricité dans les secteurs
résidentiel et commercial devrait continuer à croître
jusqu'à l'an 2006 pour répondre à près des deux
tiers des besoins énergétiques de ces secteurs et, dans le
secteur industriel, la part de l'électricité, comme on le sait,
se maintient aux environs de 48 %.
Pour ce qui est, on le sait également, de révolution des
autres formes d'énergie, les parts du gaz naturel, du charbon et de la
biomasse stagnent respectivement aux alentours de 15,1 % et 7 %.
Le plan de développement prend donc en compte notre besoin
d'atteindre une plus grande autosuffisance en matière de consommation
énergétique. Par ailleurs, pour satisfaire à la demande,
Hydro doit être en mesure de réagir aux changements de contextes
et s'adapter à une croissance plus forte ou plus faible que
prévu. Son défi consiste donc à maintenir une
flexibilité d'adaptation face à de longs délais de
réalisation, étant donné qu'il faut entre dix et quinze
ans de la conception à la mise en oeuvre d'un projet
hydroélectrique. Or, dans le contexte actuel, il nous semble
évident que, compte tenu de la demande d'électricité
prévue et des délais, le projet de Grande Baleine devrait
être commencé dans les plus brefs délais.
Nonobstant notre accord avec le plan pour les raisons que l'on vient
d'invoquer, il y a quand même certaines conditions de base à la
base de la réalisation du plan et je voudrais en mentionner trois.
1° Une gestion beaucoup plus efficace sur le plan interne s'impose de
manière à augmenter la productivité des ressources
humaines, ce qui suppose une plus grande responsabilisation également
des syndicats. La pierre angulaire du succès du plan de
développement proposé tient moins à la question tech-
nologique ou au financement du projet qu'à la qualité du
service. Or, celle-ci tient à deux facteurs fondamentaux, la
fiabilité du service et la productivité des ressources humaines.
Par ailleurs, Hydro-Québec rencontre d'énormes obstacles dans la
gestion de ses ressources humaines. En fait, le carcan des conventions
collectives ne semble pas permettre toujours aux cadres et dirigeants de
gérer efficacement les ressources humaines. Il est impératif de
restituer au contremaître ses tâches de planification,
d'organisation, de direction et de contrôle en lui apportant le soutien
et les outils nécessaires pour éclaircir son rôle avec
efficacité.
Deuxième condition, le développement de la sous-traitance
qui, pour nous, est un élément vital de la croissance
économique du Québec et important moyen de réduire les
coûts. Un des points majeurs des discussions qui ont entouré
toutes les négociations des conventions collectives à
Hydro-Québec au cours des dernières années touche à
l'attribution des travaux de sous-traitance, c'est-à-dire la recherche
d'un équilibre juste entre le faire-faire et le faire. C'est non
seulement une question d'amélioration de la productivité interne,
mais également la possibilité de faire effectuer des travaux de
façon efficace par les entreprises privées Ces dernières
bénéficient également des transferts de technologie que
seule une entreprise d'envergure nationale peut canaliser vers des PME.
La loi 58 du 3 mai est venue solutionner, en partie, ce problème
de la sous-traitance, un problème dont les parties ne se seraient certes
jamais elles-mêmes sorties. À plus long terme, cependant, la
tâche d'une entreprise comme Hydro-Québec serait simplifiée
si le gouvernement intervenait à ce sujet comme nous l'y avons maintes
fois invité, et modifiait ou clarifiait les dispositions de l'article 45
du Code du travail relatives à la sous-traitance et ne réagissait
pas comme il vient de le faire sur une base ad hoc étant donné
que sur une base ad hoc il sera peut-être obligé de se reprendre
dans deux ans ou dans quatre ans, lors de la négociation des prochaines
conventions collectives. Quant à nous, la solution pour aider
Hydro-Québec et bon nombre d'autres sociétés d'État
dans ce cheminement qu'on a actuellement avec la sous-traitance, ce sont des
amendements à l'article 45 du Code du travail.
Troisième condition, une approche nouvelle et une importante
rationalisation des évaluations environnementales s'imposent
également pour éviter des délais coûteux. Notre
mémoire signale que peu d'entreprises nord-américaines peuvent
s'enorgueillir d'avoir une fonction environnementale intégrée
à la gestion de l'entreprise comme on la trouve à
Hydro-Québec. Sans compter les spécialistes externes et
universitaires, il y a là 370 personnes. Cette préoccupation de
l'entreprise est tout à fait normale, sachant que cette question est au
premier plan des inquiétudes de la population surtout lorsqu'il s'agit
d'un projet d'une telle envergure. Mais il est évident que toutes les
considérations concernant l'environne ment impliquent des délais
importants pour l'entreprise et pour la société
québécoise. Pour minimiser des délais très
coûteux, il serait souhaitable que la concertation soit établie et
maintenue entre l'entreprise et surtout entre les deux paliers de gouvernement.
Étant donné qu'un tel projet constitue un processus long et
rigoureux, il faut, dans toute la mesure du possible, M. le Président,
éviter les duplications et favoriser la coopération entre les
deux niveaux de gouvernement.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie.
M. Dufour (Ghislain): Je termine. J'ai encore du temps?
Le Président (M. Bélanger): Ah, oui.
Excusez-moi.
M. Dufour (Ghislain): J'ai mon troisième volet, si vous le
me permettez, les problèmes d'image que rencontre actuellement Hydro
Québec avec un certain nombre de clientèles et sur lequel nous
voudrions très rapidement dire quelques mots. D'abord, les
consommateurs, qui digèrent difficilement les augmentations annuelles
annoncées, devraient savoir que les petites et moyennes entreprises
subventionnent très largement actuellement le secteur
résidentiel. Ce n'est pas assez dit quant à nous. Juste quelques
chiffres: Hydro Québec vend plus que 42 % de sa production
d'électricité au secteur domestique et ça ne
représente que 14,5 % de ses revenus. Hydro vend aux entreprises 57,7 %
de l'électricité et ça représente 85,5 % des
bénéfices d'Hydro. Donc, ça joue contre nous, entreprises,
dans notre développement. C'est un outil que l'on a de
développement économique. On devrait l'utiliser et le dire
davantage aux consommateurs.
Deuxièmement, quant aux entreprises, elles devraient savoir
davantage clairement que la tarification québécoise actuelle se
compare avantageusement à celle en vigueur dans d'autres provinces
canadiennes, voire même aux États-Unis. Et on peut même vous
faire des témoignages sur l'Europe où on a une situation ici qui
se compare très avantageusement avec ce qu'on nous présente dans
la concurrence. Et, finalement, toujours avec une troisième
clientèle, les institutions financières doivent demeurer
convaincues qu'un investissement de cette envergure ne mettra pas en danger la
santé financière de la société.
Conclusion. Nous croyons que le plan de développement d'Hydro,
à court et à long terme, est un investissement rentable. Nous
croyons également qu'il est nécessaire pour faire face à
la demande prévue d'électricité et pour attirer
les investissements dont le Québec a besoin, tout en ayant
constamment en tête le souci de la protection de l'environnement. La
réalisation de ce projet repose cependant en très grande partie
sur l'augmentation de la productivité des ressources humaines. Tant et
aussi longtemps que le carcan des conventions collectives, un peu
corrigé par la loi 58, sera un frein à l'efficacité de
l'entreprise, on devra se poser de sérieuses questions au sujet de la
viabilité du projet. De plus, l'article 45 du Code ayant trait à
la sous-traitance doit être amendé afin de permettre - à
long terme, pas purement à court terme - à Hydro-Québec -
et d'ailleurs aux autres sociétés d'État - d'être
plus efficace, tout en donnant la possibilité à de nombreuses PME
de bénéficier de cet investissement majeur. Il est par
conséquent impératif de poser publiquement ce dossier, de
manière à rendre l'ensemble du personnel conscient des enjeux en
cours et de démontrer à la population et aux entreprises
qu'Hydro-Québec peut offrir un service de qualité et fiable.
Finalement, M. le Président, il est très important pour
Hydro-Québec de faire connaître un certain nombre de constats du
type de ceux dont on vient de parler aux différents clientèles
d'Hydro-Québec, notamment aux consommateurs. Les consommateurs comme les
entreprises et les institutions financières, doivent avoir l'image
qu'Hydro-Québec leur offre toujours le meilleur produit au meilleur
prix. Et, on sait, pour avoir fait des comparaisons que tel est vraiment le
cas. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
président. Je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Bacon: Merci, M. Dufour et MM. Garon, Beaulieu et Me Neil, de
venir ici nous rencontrer et dialoguer avec nous au nom du Conseil du patronat
du Québec sur un dossier fort important pour l'ensemble de la
collectivité. Vous suggérez dans votre mémoire que le
gouvernement modifie ou clarifie l'article 45 du Code du travail, qui est
relatif à la sous-traitance, pour que le transfert d'une activité
d'une entreprise à un sous-traitant puisse se faire sans le transfert
des accréditations syndicales. (12 h 30)
J'aurais deux questions à vous poser. D'abord, nous
préciser les modifications que vous désirez voir exactement
apporter au Code du travail. Est-ce que vous pourriez aussi nous donner un
exemple concret de l'impact de vos propositions sur des activités
d'Hydro-Québec, par exemple?
M. Dufour (Ghislain): Mme la ministre, je dois vous dire
qu'à ce jour nous avons plusieurs fois débattu ce dossier avec le
ministre du Travail. On pourra vous expédier plusieurs mémoires
qu'on a écrits sur les articles 45 et 46.
Ce que l'on dit, c'est qu'avec la loi 48 vous avez réglé
temporairement le problème en suspendant l'application d'un certain
nombre de clauses de la convention collective, sauf que, dès la
première négociation, ce dossier-là va revenir dans le
contexte où il était avant avec Hydro-Québec, parce que la
loi aura terminé son effet. Pour ne pas toujours revenir de façon
ad hoc dans des législations pour régler ce genre de
problème, on dit: Revoyez l'article 45 pour permettre davantage la
sous-traitance que ne le permet actuellement l'article 45. Quand l'article 45
avait été prévu en 1964, c'était tout simplement
pour éviter qu'une entreprise ferme ses portes et aille ailleurs avec
une entente, essaie de transférer ses activités pour
éviter le syndicat. Alors, on dit que ça, ce n'est pas
acceptable. Mais, au moment où une entreprise décide d'obtenir
des services à meilleur coût à l'extérieur, à
ce moment-là ça devrait être permis, surtout si, comme vous
le dites dans la loi 58, ça ne fait perdre l'emploi de personne, et
conserver le plancher de l'emploi.
Là, vous avez réglé le problème
d'Hydro-Québec, mais, à court terme, vous allez recommencer dans
deux ou trois ans. La solution demeure dans un amendement à l'article 45
qui viendrait régler de façon générale ce
problème de la sous-traitance, ce qui éviterait aussi aux
travailleurs de peut-être avoir une impression négative face
à une législation ad hoc; sachant que le Code du travail a
été modifié, dorénavant ce sont les règles
du jeu auxquelles ils devraient être assujettis.
Quant à un exemple, je vous en donne un qui est à
Hydro-Québec, qui donne des contrats dans des boîtes comme chez
notre collègue ici, Filiatrault. On a eu le cas de Dessau, qui est un de
ses concurrents à Laval, où il y a eu de l'activité
interne d'Hydro qui a été transférée dans un bureau
de consultants. Qu'est-ce que vous pensez que le syndicat a fait? Il a
demandé un transfert d'accréditation d'Hydro à ce bureau
de consultants. C'est ça qu'on n'accepte pas. C'est ça, l'article
45, c'est le transfert de la convention collective au sous-traitant.
Dans la construction, ça va bien, parce qu'ils sont
déjà syndiqués. Donc, il n'y a pas de transfert comme tel,
mais, dès que vous arrivez dans les activités de recherche et
développement, de technologie, etc., on ne peut pas transférer
chez lui le contrat de travail d'Hydro-Québec.
Mme Bacon: L'approche retenue par HydroQuébec dans le
dossier de la sous-traitance, c'était le maintien d'un équilibre
entre le faire et le faire-faire, de façon générale, en
attribuant les travaux d'entretien, donc des travaux qui sont récurrents
ou permanents, aux employés d'Hydro-Québec et, aussi, en
requérant l'expertise pour des travaux de construction qui sont de
nature plus temporaire. Est-ce que le Conseil du patronat appuie cette approche
générale de
recours à fa sous-traitance, de cette façon-là?
M. Dufour (Ghisfain): Carrément, oui. C'est l'approche
qu'on a toujours privilégiée. Bien sûr, le faire
soi-même est aussi tout à fait défendable pour un certain
nombre d'activités, mais nous avons toujours été en
débat avec les centrales syndicales sur le faire-faire qu'ils veulent
toujours, puis ce n'est pas seulement le problème d'Hydro, c'est le
problème des municipalités, des commissions scolaires que le
travail soit fait par le syndicat local, alors que les travailleurs locaux
n'ont pas toujours l'expertise. C'est le cas, par exemple, quand on parle des
boîtes de consultations. Ils ne peuvent pas toujours le faire, ces corps
d'État, a meilleur coût que peut le faire l'entreprise
privée, le faire-faire.
Alors, le cas d'Hydro, je ne veux pas le débattre, Mme la
ministre, parce qu'on a essayé nous-mêmes de comprendre comment on
pouvait interpréter et appliquer le faire et le faire-faire des clauses
des conventions collectives. Hydro et le syndicat n'ont jamais
été capables de réaliser des ententes et ce n'est pas moi
qui ai la solution ce matin. Mais, que l'on fasse des démarcations
très claires, un peu comme le fait la loi 58, par exemple, et qui ne
pénalisent personne, les gens conservent leur emploi, c'est notre
approche, mais ça devrait être confirmé dans l'article
45.
Mme Bacon: D'accord. A la page 7 de votre mémoire, vous
indiquez que le programme d'aide à l'implantation de
l'électrotechnologie d'Hydro-Québec a connu un succès
jusqu'à maintenant, mais qui comporte quand même des avantages
particuliers pour les PME. Est-ce que vous pourriez peut-être nous en
préciser quelques-uns de ces avantages-là?
M. Dufour (Ghislain): En fait, ce qu'on dit... Moi, je n'ai pas
d'exemple très concret. On pourra vous en vous fournir. Mais c'est
l'histoire d'Hydro, finalement, que d'avoir développé à
l'interne la recherche et développement qui a permis à un paquet
de PME de se développer, d'aller chercher l'expertise que l'IREQ peut se
donner, mais que les PME ne peuvent pas se donner.
Alors, dans un certain nombre de secteurs, les entreprises
québécoises ont été tributaires de ce qui s'est
passé à Hydro. Et, si on remonte loin en arrière, la
majorité de nos grandes firmes d'ingénieurs d'aujourd'hui se sont
développées, justement, à partir d'Hydro. Les Lavalin et
les SNC n'existeraient peut-être pas - en tout cas, de la façon
dont elles existent aujourd'hui - s'il n'y avait pas eu l'entreprise-moteur qui
a été Hydro-Québec. As-tu des exemples, Jacques?
M. Garon (Jacques): Non. Mais on cite dans le mémoire,
justement, qu'il y a eu plus de 500 projets, tout de même, de
développés jusqu'à maintenant pour des investissements de
230 000 000 $. Ça a des effets d'entraînement très
très importants. Et c'est là où on effectue justement ces
transferts de technologies qui sont très importants pour les PME.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. Garon.
Mme Bacon: D'accord. Une de vos préoccupations majeures
aussi, c'est la rationalisation des évaluations environnementales pour
éviter des délais coûteux. Vous considérez, dans
votre mémoire, que la réalisation d'études d'impact
environnemental requises par la loi s'impose. Quels seraient les irritants
majeurs dans la réglementation environnementale relative à
l'énergie, pour vous?
M. Dufour (Ghislain): Je ne suis pas un spécialiste de
l'environnement. Je vais demander à M. Me Neil de répondre
à votre question précise. Sauf que je voudrais situer votre
question dans une perspective qui est celle de notre mémoire. Notre
mémoire - on le dit au début - n'embarque pas dans la technique.
Il n'identifie donc pas les problèmes que vous tentez de soulever. Nous,
ce qu'on dit, c'est qu'on assiste actuellement au débat de juridiction
entre Pierre Paradis et Lucien Bouchard et il y a un autre problème
constitutionnel dans l'air. Et on dit: On a un projet, nous, qui est là
et qui est important pour l'économie québécoise puis il ne
faudrait pas, encore une fois, s'enfarger dans un dossier constitutionnel dans
un projet aussi important pour le développement économique du
Québec.
C'est ce qu'on dit et on pense qu'il est possible, entre les deux ordres
de ministère, de s'entendre pour avoir une seule audition, pas commencer
à avoir des auditions parallèles dans chacune des villes
concernées. On n'en sortira pas. Mais, à votre question
précise, je pose la question à un spécialiste.
M. Me Neil (Normand): Mme la ministre, bien entendu, dans les
aménagements hydroélectriques, les impacts environnementaux qui
sont les plus remarquables ou qu'on peut identifier comme étant les plus
importants sont nécessairement la création des réservoirs
et la modification des cours d'eau eux-mêmes. Bien sûr, les
réservoirs vont noyer un certain territoire, déranger la faune,
changer le cours d'eau lui-même et changer également tout le
processus de nourriture des poissons, autant dans l'estuaire que dans la
rivière elle-même.
Je crois que ce sont les impacts, à ce moment-là, qui sont
quand même les plus importants et qui sont analysés par les
spécialistes de l'environnement. Il y en a d'autres également au
point de vue social. Évidemment, les projets de la Baie James et
même de La Grande, phase I,
ont obligé notamment à déplacer les Cris de
Chisasibi et de les ramener un petit peu plus à l'amont pour
éviter que IHe où ils étaient à l'époque
soit noyée.
Mais, compte tenu de tous ces facteurs environnementaux
qu'Hydro-Québec, bien sûr, essaie, avec le ministère de
l'Environnement, d'amoindrir et de planifier le plus possible, il n'en demeure
pas moins, Mme la ministre, que les aménagements hydroélectriques
demeurent toujours de l'énergie propre et certainement plus propre que
le charbon ou d'autres fossiles combustibles que l'on retrouve dans le monde.
J'ai eu l'occasion de visiter la Chine à plusieurs reprises. Et la Chine
utilise beaucoup de charbon et on ne traite aucunement les fumées. Donc,
les émissions de soufre, par exemple, dans l'air, c'est absolument
faramineux. On a parlé notamment des impacts du projet des trois gorges
dans les journaux qui est un projet hydroélectrique sur lequel j'ai eu
l'occasion de participer. Je crois que les impacts environnementaux d'un projet
hydroélectrique comme les trois gorges sont certainement beaucoup moins
importants que les impacts environnementaux que peuvent créer les
multitudes de centrales thermiques au charbon que l'on rencontre en Chine
présentement.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. Me Neil. Je
cède la parole au député d'Orford.
M. Benoit: M. Dufour, si je comprends bien, il y a trois points
à la base de la réalisation du plan aux pages 10, 11 et 12. Le
point A, c'est une gestion beaucoup plus efficace. Le point B, vous dites: "Le
développement de la sous-traitance, élément vital de la
croissance économique du Québec et important moyen de
réduire les coûts..." Mme la ministre vous a posé des
questions là-dessus; j'aimerais y revenir. Un élément
vital de la croissance économique... Le même nombre d'emplois se
créent, qu'on le fasse à Hydro-Québec ou qu'on le fasse en
sous-traitance, la même énergie, probablement. Pouvez-vous
m'expliquer comment c'est un élément plus vital si on le fait
à l'extérieur d'Hydro-Québec que si on le fait à
l'intérieur d'Hydro-Québec?
M. Dufour (Ghislain): Pour ne pas personnaliser le dossier, je
vais juste prendre un exemple d'entretien ménager. Si vous le faites
à l'interne et que vous avez une convention collective où vous
payez les travailleurs 12 $ l'heure et qu'ils ont la pleine
sécurité d'emploi, trois semaines de vacances payées
durant la première année, des congés, des
bénéfices marginaux, etc., et que vous arrivez à 20 $
l'heure, vous allez sûrement trouver sur le marché privé
quelqu'un qui est spécialisé dans l'entretien ménager, qui
va vous le faire à moindre coût que ça parce que, dans
l'entreprise privée, la sécurité d'emploi mur à
mur, ce genre de conditions-là, etc., ça n'existe pas. Donc, il
s'est développé dans la fonction publique et parapublique
québécoise, incluant Hydro - d'ailleurs, on le sait, ce sont les
meilleurs salaires payés au Québec, ou à peu près -
des conditions de travail qui, maintenant, ne résistent plus aux forces
du marché. Alors, tout le dossier de la sous-traitance, c'est de dire:
Si on peut faire faire à meilleurs coûts, en protégeant les
droits des travailleurs qui sont là, on doit le faire, d'une part.
D'autre part, si la boîte qui s'appelle Hydro n'a pas l'expertise
pour le faire, par exemple, dans le domaine de l'ingénierie, dans le
domaine de la technologie, elle n'a pas à se bâtir une boîte
pour, absolument, le faire à l'interne. Elle doit, à ce
moment-là, être capable de faire de la sous-traitance en donnant
ça à des boîtes comme Lavalin, SNC, Dessau ou mon ami
d'à côté. C'est ça, la sous-traitance. C'est de ne
pas bâtir des boîtes pour bâtir des boîtes. C'est
d'être capable d'aller chercher l'expertise là où elle
existe, notammement, et d'être capable de faire faire à meilleurs
coûts à cause des économies d'échelle que l'on peut
faire, par exemple - dans mon exemple d'entretien ménager - si on est
à l'extérieur du système.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoit: Au dernier point de votre mémoire où
vous parlez d'environnement, vous nous demandez qu'il n'y ait pas duplication
au niveau de l'environnement, des différents niveaux. D'une façon
concrète, ce serait quoi la proposition: qu'il y ait un nouveau tribunal
de créé où le provincial, le fédéral, les
municipalités, tout le monde serait là pour arriver à une
conclusion, qu'on évite tous ces niveaux d'autorité?
M. Dufour (Ghislain): C'est ce qu'on appelle, M. Benoit, une
approche nouvelle, à la page 12, M. le Président, une approche
nouvelle. Si les structures actuelles font en sorte, obligatoirement, que M.
Bouchard doive maintenir sa position, que M. Paradis doive maintenir sa
position, bon, M. Bouchard dit: Moi, j'ai une décision de la Cour
fédérale dans un dossier du Manitoba qui me dit que c'est moi qui
est responsable de ça. M. Paradis, pour d'autres raisons tout aussi
justifiées dit: Non, c'est mon dossier. S'il faut une approche nouvelle,
s'il faut qu'on bâtisse un nouveau BAPE dans un cas comme ça,
bien, qu'on le fasse, mais qu'on ne commence pas à avoir chacun son
étude, parce que vous savez comme moi comment ça fonctionne, ces
enquêtes-là. C'est très long et les groupes vont se
promener de l'un à l'autre. De toute façon, ce seront les
mêmes intervenants et
il n'y a aucun intérêt à ce que les intervenants
soient présents. Je regardais les gens avant nous, ici, pour la
rivière Moisie. Il n'y a aucune fichue de raison qu'ils se
présentent devant deux groupes pour faire ce qu'ils viennent de faire,
ce matin, devant vous. Alors, c'est ça qu'on veut éviter, compte
tenu du fait que ça va éliminer des coûts et des
délais.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de l'Acadie.
M. Bordeleau: M. Dufour, j'aimerais revenir peut-être
à la page 6 du mémoire. Au deuxième paragraphe, vous
mentionnez: "Dans la mesure du possible, il faudrait donc, en toute prudence,
diversifier la clientèle industrielle d'HydroQuébec pour que
cette société soit moins vulnérable aux aléas de la
conjoncture économique" Je ne veux pas remettre du tout en cause la
pertinence de cette suggestion-là. Un peu plus loin dans le rapport,
également, à la page 14, on a les bénéfices
relatifs aux différentes catégories tarifaires et, dans la
section industrielle, évidemment, on voit que c'est là que la
part des bénéfices est la plus faible. Maintenant, je constate
cet élément-là. Par contre, vous mentionnez la pertinence,
disons, dans un contexte de prudence, de diversifier la clientèle
industrielle. J'aimerais savoir si... En fait, il y a seulement cette
phrase-là et vous n'allez pas plus loin à ce niveau. Est-ce que
vous aviez pensé à des interventions particulières ou
est-ce que vous aviez des choses plus précises en tête? Et est-ce
que vous pouvez relier ça, peut-être, au fait aussi que c'est la
section où les bénéfices sont les moins
intéressants, si on veut? (12 h 45)
M. Dufour (Ghislain): Bon, d'abord, partons de la première
page, la page 6. Je demanderais à M. Beaulieu, là, d'exprimer ce
que l'on veut dire lorsqu'on dit qu'Hydro-Québec ne doit pas être
carrément liée à quelques secteurs. M. Beaulieu.
M. Beaulieu (Alexandre): M. le Président, on songe
à la tarification, à ce moment-là, qu'Hydro-Québec
applique. Il y a des choix qui doivent être faits. Je ne sais pas si
c'est politique, ou si Hydro-Québec doit les faire. Politique, dans le
sens que, depuis la dernière décennie, sauf la ministre actuelle
qui, je la félicite, a été très responsable dans
les discussions avec HydroQuébec, il y a toujours eu un mélange
de politique qui a interféré dans les décisions
d'Hydro-Québec. Et dans celle-ci, dans la tarification, certaines
tarifications, par exemple, pour les compagnies d'aluminium, on charge 0,01 $
le kilowatt ou environ, et on prend un exemple, la serriculture, qui est un
nouveau développement très important au Québec, on la
menace de tripler sa tarification. C'est pour ça qu'on dit
qu'Hydro-Québec devrait tenir compte de ces différents facteurs,
qui sont importants pour notre développement Est-ce que c'est
HydroQuébec elle-même qui doit définir quelles sont nos
priorités? Je vais vous laisser le soin de dire ça. Mais,
l'agriculture, la serriculture, je prends cet exemple-là, nous
apparaît importante, et surtout que, présentement, elle paie
combien, 0,018 $. On la menace de monter ça à 0,03 $ et quelque
chose. Et ça donne des emplois 10 fois plus que les alumineries On n'a
pas de solution à vous donner ce matin Mais, ça, c'est le genre
de préoccupations qui intéressent le Conseil du patronat, et
c'est pour ça qu'on vous dit ça ce matin. On vous en donne un
exemple, il y en a bien d'autres.
M. Dufour (Ghislain): Si vous me permettez d'ajouter un mot,
durant les 20 prochaines années, au Québec, on n'aura plus bien
bien d'alumineries qui vont se mettre sur pied. Il commence à en avoir
plusieurs, et elles sont un peu en concurrence. Alors, à un moment
donné, cet outil de développement économique qui est
utilisé par Hydro-Québec à des tarifs plus bas devra
être diversifié. C'est dans ce sens-là qu'on vous donne un
exemple comme ce matin Les pâtes et papiers aussi, à un moment
donné, les moulins ont une capacité x. M. Jolivet connaît
très bien ce dossier-là. À un moment donné, on ne
peut plus Alors, il faut aller vers des secteurs nouveaux. C'est ce genre de
commentaires que l'on fait. Comment le relie-t-on, après, à cette
distribution? Ce que l'on dit, c'est que, si je me rappelle bien, pour 57 % de
consommation, les entreprises paient 85,5 %, alors que le résidentiel,
pour 42 %, ne paie que, c'est-à-dire ne paie pas, mais en termes de
profits, là, 14,5 %. Alors, on dit: On doit garder ça, parce que
ça joue en notre faveur. C'est ce qui fait notre développement
économique. C'est pour ça qu'Hydro-Québec a
été mise sur pied, comme organisation de développement
économique. Alors, on doit essayer de garder ça. Mais, au moment
où on le garde, on doit aussi informer les consommateurs de cette
réalité-là. Il n'y a pas grand consommateurs... L'autre
jour, quand ils ont vu la hausse de 7,5 %, une hausse de 7,5 %, il est
évident qu'on va réagir négativement, mais le
deuxième volet où on leur dit: II faudrait que vous contribuiez
davantage aux dépenses d'Hydro-Québec, ça c'était
peut-être dans les articles des médias, ce n'est pas ça que
je mets en cause, mais ce n'est pas ça qui apparaît en
première manchette. Alors, on essaie de faire le lien entre les
deux.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'abord, il me fait
toujours plaisir de saluer M. Dufour et ses collègues. Même si je
ne partage pas toujours vos avis, je dois dire que j'apprécie la
constance avec laquelle vous participez à tous
les débats du Québec. Je voudrais d'abord commencer par
excuser mon collègue, qui est porte-parole officiel de l'Opposition en
matière d'hydroélectricité. Il a dû, pour des
raisons urgentes, s'absenter. Il devrait être là dans le courant
de l'après-midi. Alors, si vous me permettez de le remplacer.
Juste une petite remarque à votre inquiétude sur
l'environnement. Votre inquiétude est légitime, effectivement.
L'ingérence du fédéral dans les domaines de juridiction du
Québec provoque des retards dont on se passerait bien, mais on a
l'impression que les événements risquent de régler
ça peut-être plus vite qu'on le pense. Mais revenons à des
choses plus sérieuses. Je vais peut-être reprendre sur la question
que soulevait mon collègue, le député de l'Acadie,
touchant la proposition que vous faites quant à la diversification de la
clientèle industrielle. Je comprends que les avantages
énergétiques consentis à des entreprises très
énergivores, telles les alumineries et les papeteries, ont peu de
retombées secondaires au Québec, c'est-à-dire qu'il ne se
fait pour ainsi dire pas de transformation de l'aluminium, qui plus est, les
contrats passés entre le Québec et les alumineries fluctuent, les
rentrées d'argent fluctuent selon le prix de la livre d'aluminium. Comme
on sait que le marché est très variable en matière
d'alumine-rie - on dit qu'en 1988 le prix a fluctué de 0,74 $ à
1,65 $, ce qui, évidemment, a une incidence directe sur les
rentrées à HydroQuébec - vous soulignez avec beaucoup de
pertinence la nécessité d'investir dans d'autres types
d'entreprises, particulièrement dans les entreprises comme la
serriculture. Et je pense que cette semaine il y a eu des interventions
intéressantes de faites de la part de serriculteurs qui estimaient que
pour 1 800 000 000 $ d'investissements dans une aluminerie - je pense que
c'était Pechiney; je ne me rappelle plus laquelle il citait - la
création d'emplois, c'était 800 emplois et, pour 300 000 000 $
dans les serres, c'était 4000 emplois. Alors, il y a vraiment... Vous
avez tout à fait raison de le souligner.
À présent, est-ce que vous estimez que dans la politique,
pas nécessairement d'Hydro-Québec mais du gouvernement, il
devrait y avoir des conditions faites ou des exigences faites aux grandes
entreprises, les alumineries pour ne pas les nommer, à l'effet
d'investir aussi dans la transformation?
M. Dufour (Ghislain): Là, c'est un tout autre
débat, Mme la députée. Je vais d'abord dire que, en ce qui
nous concerne, nous n'avons pas pris position quant à la
responsabilité de l'environnement entre le fédéral et le
provincial. On a juste soulevé le dossier pour faire une proposition qui
accélérerait le processus. Je veux que ça soit très
clair.
C'est un secteur quand même, le secteur des alumineries, qui est
créateur d'emplois. Bien sûr, ça coûte plus cher de
créer un emploi dans tout le secteur manufacturier que dans le secteur
des services - ça, c'est évident - ou que dans le secteur de
l'agriculture, mais il reste que, quand même, c'est un secteur qui est
très créateur d'emplois. Nous, on ne favorisera jamais que le
gouvernement intervienne pour obliger une entreprise à faire quelque
chose dont un pourcentage de transformation. Je veux dire, les marchés
libres, pour nous, ne s'expriment pas de cette façon-là, mais on
souhaiterait, bien sûr, que les entreprises fassent plus de
transformation, c'est évident, parce que notre secteur manufacturier
baisse au Québec et notre secteur des services augmente. Alors, tout ce
qui est outil de l'État, qui est non réglementaire, qui peut
favoriser, avantager ce genre de création d'emplois accru, c'est
évident qu'on va le partager.
Mme Blackburn: Selon une étude réalisée par
les professeurs Bélanger et Bernard, de l'Université Laval, les
avantages énergétiques consentis aux alumineries, parce que c'est
de ça que ça traite, comparativement aux coûts, par
exemple, de vente de l'électricité aux États-Unis, le
manque à gagner - on estime que chaque emploi créé, en
moyenne, coûte annuellement, pour les 25 prochaines années, 190
577 $, emploi-année - est 300 000 000 $ sur 25 ans, comparativement
à ce qu'on en retirerait si on vendait l'énergie aux
États-Unis. Je ne veux pas ouvrir le débat là-dessus. Je
pense qu'ils doivent venir incessamment. On aura l'occasion de les entendre
là-dessus.
J'aimerais aborder une autre question. J'ai l'habitude, pour vous avoir
entendus souvent, de vous entendre tenir un discours pas trop prosyndical.
Cependant, je dois vous dire que...
M. Dufour (Ghislain):... Une voix: Ce n'est pas sûr.
Mme Blackburn: Ce n'est pas sûr parce que... Je voudrais
vous dire qu'il m'a semblé que, dans la gestion d'Hydro-Québec,
il y avait certaines questions qu'on pouvait poser sur les pratiques
administratives, les modes de gestion, la valeur des programmes de formation.
Moi, je vous dis, en toute candeur, que, si vous aviez aussi abordé
ça dans votre mémoire, il me semble qu'on aurait peut-être
un peu enrichi le débat. L'impression que ça nous laisse: C'est
toujours tout blanc ou tout noir; ce sont les syndicats, puis ce ne sont pas
les autres.
Je reviens à la question de la sous-traitance, parce que, pour
moi, c'est important. La réponse que vous avez donnée, tout
à l'heure, au député d'Orford...
Le Président (M. Bélanger): Orford, oui.
Mme Blackburn: ...m'a éclairée sur la conception
que vous faites de la sous traitance par rapport aux économies qu'on
réalise Et vous avez cité en exemple l'entretien ménager,
en disant: Selon qu'on fait affaire avec une entreprise ou quelqu'un qui est
indépendant, c'est du simple au double. Vous ne l'avez pas dit tout
à fait comme ça, mais vous avez dit que c'est 12 $ et on peut
présumer que ça peut être jusqu'à 5 $, si vous le
faites faire par quelqu'un, au noir, en particulier.
Une voix: Pardon?
Mme Blackburn: Au noir, en particulier.
M. Dufour (Ghislain): Ça, ça vient de vous,
là.
Mme Blackburn: Non, non. Oui, bien sûr, ça vient de
moi, mais je veux dire... Vous savez comme moi que c'est
généralement comme ça que ça se passe,
également.
Mme Bacon: C'est en toute candeur.
Mme Blackburn: Oui, oui, tout à fait. Ce que le Conseil
des affaires sociales soulève, particulièrement en regard de la
sous-traitance - et je sais que vous l'abordez aussi pour les hôpitaux,
les CLSC, et tout ça - c'est que la stabilité du
développement économique repose sur la qualité et la
stabilité des emplois. Précisément, ma madame - parce que
ce sont généralement des madames qui font l'entretien
ménager - à 12 $ l'heure a plus de chances de se donner une
qualité de vie un peu acceptable que celle qui travaille à 5 $.
Celui qui, pour un "contracteur", quel qu'il soit, gagne 12 $ l'heure, alors
qu'il en gagnerait 18 $ s'il était dans une entreprise un peu plus
stable... a plus de chances d'investir dans des biens durables.
Le Conseil des affaires sociales recommande précisément
qu'on maintienne, au Québec, un niveau d'emplois stables et bien
rémunérés, de manière à mieux asseoir le
développement économique. Il me semble que ça nous
concerne tous, ça. Alors, quand on parle de sous-traitance et quand on
veut encore élargir en modifiant l'article 48 du Code du travail, je me
demandais, en toute candeur, en toute sincérité, en toute
simplicité, vous qui avez fait beaucoup d'études sur ces
questions, vous êtes-vous déjà... Avez-vous
déjà fait des recherches sur l'impact économique des
emplois mieux rémunérés, à long terme?
Évidemment, c'est complexe. Je sais que ça ne se règle pas
en cinq minutes. Mais ça m'impressionne toujours quand on semble tout
miser sur la précarisation des emplois. Parce que, souvent, petite
entreprise et petit entrepreneur, c'est de la précarisation.
M. Dufour (Ghislain): C'est parce que, pour vous, sous-traitance
égale précarité des emplois, ce qui est absolument faux Ce
n'est pas parce que les PME existent et, par définition, font de la sous
traitance... Mon collègue en fait, mon autre collègue fait de la
sous-traitance, ses employés ne sont pas des employés à
statut précaire. C'est une mauvaise définition que vous avez de
la sous-traitance. Ce que l'on dit, nous, c'est: Quand vous avez, dans un
secteur donné du privé, des organisations qui peuvent vous donner
un service identique et souvent meilleur, à meilleur coût, vous
devez le faire pour l'économie québécoise, sinon on
devient non concurrentiel, sinon vous allez payer des taux
d'électricité aussi élevés que ceux que vous payez
aujourd'hui. Et pourquoi est-ce cher, aujourd'hui, l'électricité?
C'est justement parce qu'on ne fait peut-être pas assez de sous-traitance
à Hydro et parce que les salaires sont devenus très
élevés, parce qu'il y a eu des décisions qui ont
été prises à Hydro, à certains niveaux, en 1976,
quand, par exemple, on a donné carrément la promotion, à
Hydro, selon l'ancienneté sans, d'aucune façon, tenir compte de
la compétence. Ça a coûté excessivement cher. Alors,
dans des boîtes, on a bâti des coûts de ce genre-là,
qu'il faut aujourd'hui rattraper d'une certaine façon. Mais ce n'est pas
tellement la sous-traitance qui me fatigue dans votre intervention, c'est que
vous dites carrément que l'on ne blâme toujours que les syndicats,
lorsque la gestion interne va plus ou moins bien. Ce n'est pas du tout ce que
nous disons. On dit: Une gestion beaucoup plus efficace, sur le plan interne,
s'impose, de manière à augmenter la productivité des
ressources humaines. C'est-à-dire l'augmentation de la
responsabilisation des ressources humaines, l'augmentation de la
productivité, c'est une question de gestion, de "management". Et, je
veux dire, on ne passe pas à côté, là On le dit
carrément. Vous n'avez vu que le petit bout de phrase qui dit, qui
suppose une plus grande responsabilisation des syndicats. Ce qui est vrai
aussi. (13 heures)
Mais on n'a jamais dit, nous, qu'Hydro avait été
superbement gérée, on n'a jamais dit ça. Vous ne pourrez
jamais voir ça dans nos déclarations. C'est une boîte de 20
000 employés, une boîte excessivement difficile à
gérer. Il y a des choses qui se font actuellement qui, quant à
nous, sont de l'ordre des choses qui devaient se faire. La distinction, par
exemple, qui a été faite récemment entre la
présidence du conseil et la présidence des opérations,
c'est un pas dans la bonne voie. Déjà, c'est une
amélioration qui a été faite sur le plan de la gestion.
Non, ça, je ne le prends pas qu'on chicane toujours les syndicats. Dans
certains cas, c'est vrai, mais surtout pas dans le texte qui est là.
C'est une responsabilité vraiment partagée.
Si vous me le permettez, je vais demander à un collègue
entrepreneur qui fait beaucoup
affaire avec Hydro-Québec de réagir également. M.
Beaulieu.
M. Beaulieu: On peut faire des débats philosophiques, mais
on parle d'Hydro-Québec ce matin. Je pense que ce serait dans l'ordre.
Les conventions collectives dans le passé ont enlevé, à
toutes fins pratiques, le droit de gérance à Hydro-Québec.
Vous autres, les politiciens, vous n'êtes pas étrangers à
cette situation-là. Il va falloir que chacun assume ses
responsabilités. C'est peut-être le temps que quelqu'un le dise.
Et c'a créé des problèmes considérables. Vous
n'avez qu'à regarder les études sur la productivité
à Hydro-Québec et c'est assez effarant. Alors, quand on vous dit
que la sous-traitance est nécessaire, on parle d'Hydro-Québec et
ailleurs, mais on parle surtout d'Hydro-Québec parce que c'est notre
fonction de venir ici vous parler d'Hydro-Québec. Ça
s'impose parce que ça coûte, à toutes fins pratiques, moins
cher que de les faire faire à l'intérieur d'Hydro-Québec.
Quand on dit qu'il faut donner... Vous interprétez peut-être qu'on
s'en prend aux syndicats quand on dit qu'il faut donner le droit de
gérance à Hydro-Québec. Il me semble que ça va de
soi. Si vous avez étudié ce qui se passait à
HydroQuébec - et je ne suis pas le seul, c'est connu - c'est public et
le droit de gérance n'existait à peu près plus. Alors, la
situation s'est détérioriée. Tous ensemble,
collectivement, tout le monde a embarqué sur Hydro-Québec, notre
organisme national, avec fierté. On a descendu ça; les
politiciens n'en sont pas exempts, avec la réputation que ça leur
crée aujourd'hui sur le plan québécois, le plan national
et le plan international; mon collègue pourra vous en parler longuement.
Je pense qu'il faudrait faire preuve de beaucoup de réserve - c'est mon
opinion personnelle - lorsqu'on s'attaque à un organisme qui nous
appartient.
Cela étant dit, ce n'est pas une attaque qu'on voit dans le
syndicat. C'est une attaque contre la situation. On est habitués de
traiter avec des syndicats. Ce n'est pas d'aujourd'hui. On siège au
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et ça fait
longtemps qu'on s'entend. On n'est pas d'accord partout mais on s'entend. Mais
la situation particulière d'Hydro-Québec, c'est un
problème colossal. Là, il y a eu une loi qui ne nous satisfait
pas complètement. On dit: Bien, c'est pour deux ans. Ça va
probablement revenir encore dans deux ans. On voudrait que l'article 45 soit
modifié pour la sous-traitance. Mais c'est ça notre analyse qu'on
porte présentement et c'est sur Hydro-Québec, je pense. C'est
notre rôle ici.
M. Dufour (Ghislain): Madame, j'aimerais que mon collègue
Me Neil, qui fait affaire en Europe, nous dise c'est quoi la réputation
en Europe de ce qu'on vient de dire d'Hydro-Québec.
M. Me Neil: M. le Président, effectivement, j'ai eu
l'occasion à moul reprise - et ça, depuis au moins 15 à 20
ans - de travailler par le biais et avec l'Agence de développement
international sur des projets internationaux d'envergure et, notamment, en Asie
et en Afrique et surtout en Afrique de l'Ouest. Par les années
passées, notre société d'État, Hydro-Québec,
qui avait formé - elle est toujours là, d'ailleurs -
HydroQuébec International, avait une réputation très
grande auprès des organismes, je dirais, européens et
également les organismes africains. On considérait
Hydro-Québec comme une société extrêmement
compétente. On considérait que le "know how"
d'Hydro-Québec était parmi le "know how" le meilleur au monde,
notamment sur les réseaux de distribution, parce qu'Hydro-Québec
a même imposé de ses propres technologies en Afrique de l'Ouest et
avec de grandes bagarres, notamment avec la France. Et elle avait gagné.
Ses réseaux se sont installés, notamment en Côte-d'lvoire
et en Tunisie aussi. Ce sont deux secteurs que je connais plus
particulièrement. Mais malheureusement, pour des raisons qu'on pourrait
énumérer pendant longtemps, cette réputation de grande
société d'État, depuis, je dirais, quatre ou cinq ans, a
commencé malheureusement à se détériorer. Les
problèmes d'entretien, notamment, de notre réseau de distribution
que l'on a rencontrés depuis quelques années ont commencé
à faire des échos chez nos voisins européens.
Évidemment, ça s'est suivi dans les pays africains et
également en Asie. Si bien qu'aujourd'hui Hydro-Québec
International, qui, je crois, a toujours une bonne réputation et
travaille également dans ces pays, a quand même moins de vigueur.
C'est-à-dire qu'il est difficile pour une société
d'État de dire: Bien, écoutez, on va vous mettre du
monophasé, c'est merveilleux, on a ça chez nous. Lorsque l'on
sait pertinemment qu'il y a eu des coupures de courant parce que le
réseau que nous avons n'est pas tout à fait dans l'état
qu'il devrait être. Et j'espère bien que cette situation, je
dirai, à court et à moyen terme, se corrigera. Parce que c'est
important qu'Hydro-Québec conserve sa réputation. Je travaille
avec la société d'État, moi, depuis 25 ans et
c'était une fierté nationale. Je pense que ça le demeure
encore. Mais, malheureusement, comme on dit dans le langage courant, elle a
perdu quelques plumes. Il est temps, je pense, que ces plumes soient
regagnées et son blason redoré.
J'aurais aimé souligner, sur l'aspect de la sous-traitance, juste
un petit point ici en tant qu'ingénieur-conseil. Je ne crois pas que ce
soit le cas que les ingénieurs-conseils, parce qu'on a donné
l'exemple des salaires qui pourraient même diminuer le niveau de vie des
personnes travaillant dans les industries ou travaillant dans les bureaux
d'ingénieurs-conseils... À ce que je sache, je parlerai pour mon
bureau, mais je pense que je pourrais généraliser, je ne crois
pas
que nous bradions nos salaires. Je crois que nos employés sont
payés de façon correcte. Je crois qu'ils sont également
heureux. Et pourquoi arrive-t-on à être compétitifs avec la
société d'État? Je crois qu'il y a des
considérations autres que seulement les salaires. Il y a des coûts
administratifs à la société d'État qui font que,
lorsque l'ingénieur-conseil propose des services, il arrivera
éventuellement à le faire à meilleur compte, non pas
nécessairement à cause des salaires qui peuvent peut-être
avoir quelques petites variations, mais...
Mme Blackburn: Ça, ce sont des techniques syndicales. Ha,
ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Vous êtes plus au
courant que moi. Ha, ha, ha!
Mme Blackburn: Là-dessus, M. Charbonneau est passé
maître.
Le Président (M. Bélanger): Une dernière
question rapide.
Mme Blackburn: II prend tout le temps et il évite les
questions. Alors, je dois vous dire que, comme vous, je suis
particulièrement préoccupée et soucieuse de la
réputation qu'on est en train de faire à Hydro-Québec.
Sauf que ce n'est pas d'hier, ce n'est pas d'aujourd'hui et, malheureusement,
je n'ai pas l'impression que la dernière loi va régler beaucoup
de choses par rapport à la mobilisation du personnel. Ça, c'est
ma perception. Par rapport à la sous-traitance, au retrait
préventif, ainsi de suite, j'en connais un bout et je sais qu'il y avait
des problèmes et je sais qu'il y en a quelques-uns qui vont être
corrigés. Et je suis tout à fait de votre avis. Ce qu'on est en
train de faire, on est en train de démolir ce qu'on a adoré. Et
je suis d'accord avec vous. Et ce n'est pas exclusivement relié à
la qualité des conventions collectives ou à leur contenu, c'est
beaucoup aussi une affaire de gestion, puis vous le savez comme moi.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
inviterais à conclure, Mme la députée Le temps est
largement écoulé.
Mme Blackburn: Alors, une toute petite question. Les salaires,
quand vous parlez.. Je n'ai jamais parlé des entreprises de
génie-conseil C'est vous qui l'avez fait. J'ai pris l'exemple de M.
Dufour qui parlait des aides-ménagères. C'est vraiment
là-dessus...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée, s'il vous plaît, rapidement, parce que votre temps
est écoulé.
Mme Blackburn: Alors, rapidement, mon- sieur.
Le Président (M. Bélanger): Oui
Mme Blackburn: On va pouvoir aller manger dans quelques minutes.
À la page 14, vous parlez de ce qu'on appelle l'interfinancement. Alors,
comment réagissez-vous à la décision qui a
été prise par le gouvernement de diminuer les demandes
d'augmentation? Pour le tarif industriel ce qui avait été
demandé par Hydro, c'était 8 %, et le gouvernement l'a
réduit à 7, 5 %; et Hydro-Québec demandait 6, 5 % pour le
commercial, ce qui allait davantage dans le sens de ce que vous
préconisez; et le gouvernement a mis un tarif uniforme, 7, 5 %.
M. Dufour (Ghislain): On n'a pas participé à cette
commission parlementaire sur les tarifs. Et je pense que ce matin, en tout cas,
moi, je ne serais pas capable de faire ce genre de débat là. Mais
il y a peut-être une suggestion que je voudrais faire à partir de
votre intervention. Nous, nous serions favorables à ce que la discussion
des tarifs d'Hydro permette à d'autres groupes qu'Hydro de se faire
entendre et, à ce moment-là, votre question aurait pris toute sa
pertinence.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Je
cède la parole au député de Jacques-Cartier.
M. Cameron: Merci, M. le Président. I wonder if Mr. Dufour
would mind if I ask my question in English.
M. Dufour (Ghislain): Yes
M. Cameron: I would have tried to do it in French but I think it
would then keep us much longer than I want. As I speak rapidly, in French not
only would you not understand me, but I would not understand me.
I think the key question or the key point in your very forceful and
effective memoire is on page 10. I noticed that sentence when I was reading if.
"La pierre angulaire du succès du plan de développement
proposé tient moins à la question technologique ou au financement
du projet qu'à la qualité du service "
I wonder if we can be entirely certain of that is the case. It would
seem to me that we are all very naturally extremely interested in the question
of economic development, potential presented by this huge project, by labour
relations and by the environmental questions and the general public worries
about domestic services. But, as a larger concern, do we not have to worry
about things like alternative energy forms? I am not talking about windmills
and solar, all that sort of things. I mean nuclear power plants, alternative
hydroelectric coming on
streams in the United States, competitive improved forms of fossil fuel
plants, things of this kind, and what effect that could have, even in a long
term, financing the main projects like Hydro. I was interested to hear Mr. Me
Neil at least mention the interesting comparison of what kind of fuel would be
required if we do not undertake this project, for other sides to that issue as
well. I mean things like the revenues that come from taxes from, let us say,
refineries, as opposed to the bound financing costs of Hydro, and so on.
What I am getting at, in brief, and why I thought the Conseil du
patronat might be a particularly good organization to ask this question, is
that I wonder if we could not be moving in the same direction as happened, for
instance, with railways in the turn of the century, where there was an
overbuilding. It was not the competition later of automobiles, trucks and
airplanes that put out railways; they never did. They continue to remain
important throughout the century, but what happened instead was that there were
too much tracks, too many lines, and, above all, there were too much debts. The
amount of debts financing was staggering and that is what eventually would gave
us the glories of the Canadian National Railway system.
I wonder if the possibility exists for a Hydro project of this scale, if
the same thing would happen. That is, if the project would succeed, in the
broad sense, it would provide many jobs, economic development in Québec,
but the cost, in particular the debt service cost, and the competition from
alternative sources of power could ultimately mean this was not to the
advantage of the people of Québec.
M. Dufour (Ghislain): C'est une question très large qu'on
n'aborde pas dans notre mémoire, parce qu'on est restés
carrément sur le projet de développement d'Hydro. Je vais
demander à M. Me Neil de répondre. Mais oui. You use French,
yes?
M. Me Neil: M. le Président, évidemment, la
question est celle que tout le monde se pose lorsqu'on commence un
aménagement hydroélectrique: Est-il ou n'est-il pas rentable?
Est-il favorable par rapport à d'autres sources d'énergie? C'est
la première question qu'on se pose, non seulement au Québec, mais
je dirais au Canada, aux États-Unis et dans le monde. Si on parle de
projets à l'étranger, on compare toujours
l'hydroélectricité au thermique. On dit: Bon, d'accord, voici, en
thermique, ça va coûter tant. Est-ce qu'on peut faire mieux avec
l'hydroélectricité? Et on va jusqu'au coût marginal de
l'énergie thermique. C'est bien sûr qu'il y en a d'autres sources
d'énergie et je pense que la principale qui viendra après
l'hydroélectricité... Effectivement,
l'hydroélectricité, il y a tant de rivières au
Québec et dans le monde mais, quand les rivières seront toutes
"harnachées" et si la population continue de croître, et
l'énergie va croître également, c'est bien sûr qu'il
faudra passer à d'autre chose. Et l'autre chose sera probablement
l'énergie nucléaire qui est la source la plus évidente qui
se présente actuellement, combinée peut-être avec
l'énergie solaire.
Je vous dirai, pour répondre à une question qui est quand
même générale, que c'est une question de comparaison de
coûts, de faisabilité et d'environnement. L'énergie
nucléaire est peut-être le plus sérieux compétiteur
à l'hydroélectricité, mais c'est un secteur qui est encore
relativement inconnu. Tchernobyl et Three Mile Island aux États-Unis ont
quand même créé des problèmes sérieux
à la population, notamment Tchernobyl. Je pense qu'il serait dangereux,
à ce stade-ci, d'aller de l'avant et de promouvoir: Allons-y gaiement
avec l'énergie nucléaire. Je crois qu'il y a encore des
études à faire là-dessus. Je ne crois pas, par exemple,
qu'il faille mettre complètement de côté l'énergie
nucléaire; au contraire, parce que, si on met de côté
l'énergie nucléaire, notre "know-how" québécois
dans ce domaine sera modifié et on perdra du "know-how" en tant
qu'ingénieurs et en tant que personnes responsables de développer
des sources futures d'énergie.
Mais je crois que pour l'instant, et avec le potentiel
hydroélectrique du Québec, et compte tenu des conditions
d'environnement, qui sont quand même très importantes
là-dedans, je considère que les centrales hydroélectriques
demeurent encore, tout au moins pour la prochaine décennie, voire
même les deux prochaines décennies, la source d'énergie
qu'il faut encore considérer, bien que, dans un avenir plus ou moins
proche, il faudra penser à d'autres sources d'énergie, c'est bien
entendu.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. Mme la députée de Chicoutimi, si vous voulez remercier
nos invités.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais
à nouveau répéter ce que j'ai dit au tout début:
J'apprécie toujours votre fidélité à participer aux
débats qui touchent les grands dossiers au Québec. J'aurais
aimé, évidemment, quoique, à mon avis, quand on parle de
sous-traitance, ça touche aussi Hydro-Québec, très
sincèrement aimé qu'on puisse savoir si, oui ou non, il
avait...
Le Président (M. Bélanger): Madame, il s'agit juste
de remercier nos invités.
Mme Blackburn: ...oui, M. le Président, si, oui ou non, il
y avait eu des études de réalisées sur l'impact des
salaires par rapport au développement économique du
Québec, et, évidemment, je ne faisais pas référence
aux grandes entreprises de génie-conseil, que je connais bien.
Alors,
je voudrais vous remercier infiniment.
M. Dufour (Ghislain): Là-dessus, M. le
Président...
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Dufour (Ghislain): ...nous venons de faire une analyse d'une
thèse de doctorat, réalisée par un étudiant de
Concord ia, dans le domaine de l'entretien ménager dans le domaine
hospitalier - et je vais vous l'envoyer - et qui prouve carrément notre
thèse. Je vous l'envoie.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Comme le temps est écoulé, M. le
Président, merci beaucoup, M. Dufour, M. Garon, M. Me Neil et M.
Beaulieu. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le Conseil du patronat pour sa
contribution à ses travaux. M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Oui, j'aimerais que l'étude, M. le
Président, que M. Dufour mentionne soit envoyée à la
commission pour qu'on puisse bénéficer d'une copie.
Le Président (M. Bélanger): Pour qu'elle soit
distribuée à tout le monde, oui. Excellente remarque. Alors, je
rappelle à l'équipe des parlementaires que la période des
questions est à 14 heures et que nous reviendrons par la suite en
commission parlementaire, immédiatement après la période
des questions. Alors, je vous remercie. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 13 h 17)
(Reprise à 15 h 24)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à
chacun de bien vouloir prendre sa place, s'il vous plaît, pour que nous
puissions procéder à une consultation générale et
à des auditions publiques sur la politique énergétique
d'Hydro-Québec. Nous recevons présentement la Coalition pour un
débat public sur l'énergie qui sera représentée par
M. Bernard Cleary - je vous fais grâce des titres, parce que je ne veux
pas m'enfarger dans les noms, vous allez comprendre pourquoi tout à
l'heure - M. Ronald O'Narey, M. André Bélisle, M.
Jean-François Turmel, M. Roger Deslaurier et M. Jean Paradis. Bonjour,
messieurs.
Je vais vous expliquer un petit peu nos règles de
procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de
votre mémoire et, par la suite, il y aura une partie d'échanges
avec les parlementaires. Avant de débuter, je vous prierais de bien
vouloir vous identifier, de présenter vos porte-parole et les gens qui
sont à la table avec vous. Lorsque vous aurez à prendre la
parole, aussi, si la chose vous est possible, je sais qu'on l'oublie
facilement, veuillez vous nommer auparavant, ça rend plus facile la
transcription du Journal des débats. Je vous en prie, si vous
voulez commencer.
Coalition pour un débat public sur
l'énergie
M. Cleary (Bernard): Merci, M. le Président. Mme la
ministre, messieurs les députés du parti au pouvoir et de
l'Opposition, si vous le permettez, je vous présenterai ceux qui, avec
nous, vont discuter de cette question importante: Jean-François Turmel,
à mon extrême droite, qui est le représentant du Mouvement
au courant, groupe spécialisé en efficacité
énergétique; M. Ronald O'Narey, porte-parole des associations de
consommateurs du Québec; M. André Bélisle, qui est membre
de la table ronde québécoise sur l'environnement et
l'économie, et présidont de l'AQLPA; à ma gauche, à
l'extrême gauche, M. Marc-André Lemay, représentant du
secteur syndical; et, enfin, M. Jean Paradis, porte-parole pour les
régions à la Coalition et aussi porte-parole du regroupement de
la rivière Ashuap-mushuan.
Mme la ministre, si vous me le permettez, étant donné
qu'il semblerait, en tout cas, à ce qu'on lit dans les journaux, que
vous avez tendance à vouloir réduire l'importance de la Coalition
à des thèses écologiques, j'aimerais vous donner la
liste...
Mme Bacon: Je vous arrête tout de suite.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Je pense qu'on va mettre les choses au clair. Les
commentaires des journaux, c'est une chose; ce que je dis, c'est autre chose.
Il faudrait peut-être prendre connaissance des galées de la
commission parlementaire avant de porter des accusations, monsieur.
M. Cleary: Je vais vous donner la liste des membres de notre
Coalition: l'Association des consommateurs du Québec, l'Association
provinciale des trappeurs indépendants, l'Association
québécoise de lutte contre les pluies acides, la Centrale de
l'enseignement du Québec, la Coalition pour la surveillance du
nucléaire, le Comité Baie James, le Comité de la pastorale
auprès des autochtones (Assemblée des évêques du
Québec), la Confédération des organismes de la faune, la
Confédération des syndicats nationaux, le Conseil de
l'environnement des régions de Québec et de
Chaudière-Appalaches, le Conseil des Algonquins
de l'Ouest, le Conseil des Atikamekw et des Montagnais, la
Fédération des associations coopératives d'économie
familiale, la Fédération des pourvoyeurs du Québec, la
Fédération pour le saumon atlantique, la Fédération
nationale des associations de consommateurs du Québec, la
Fédération québécoise de la faune, la
Fédération québécoise des gestionnaires de ZEC, la
Fédération québécoise pour le saumon atlantique, le
Grand Conseil des Cris, Greenpeace, les Amies de la Moisie, les Amies de la
terre du Québec, les Ami-e-s de la vallée du Saint-Laurent, la
Ligue des droits et libertés, le Mouvement au courant, le groupement
pour la rivière Ashuap-mushuan, le Réseau québécois
des groupes écologistes, la Société linéenne du
Québec, la Société pour vaincre la pollution, Stop inc.,
l'Union des producteurs agricoles, l'Union québécoise pour la
conservation de la nature, ce qui regroupe environ quelque 1 000 000 de
personnes au Québec ou encore plus. Donc, c'était tout simplement
pour vous souligner l'importance de notre Coalition.
Je voudrais aussi, si vous me le permettez, vous souligner à quel
point on a été un peu déçus de votre
déclaration d'ouverture qui a limité passablement tout le dossier
de l'étude que l'on est en train de faire à cette commission
parlementaire. On considère, Mme la ministre, que c'aurait pu être
une occasion pour les groupes qui ont intérêt à ce qu'il y
ait, au Québec, un débat sur l'énergie, un vaste
débat, parce qu'on considère simplement et sérieusement
que ce débat-là est à faire... Évidemment, pour
nous, on vous l'a demandé à maintes reprises, il doit se faire
à l'extérieur d'une commission parlementaire et se faire chez les
Québécois, à l'extérieur et dans toutes les
régions.
Vous nous répondez et, évidemment, on ne pourrait se
satisfaire de cette réponse-là, parce qu'on est moralement
convaincus que plus de Québécois avec nous vont faire ce que l'on
souhaite et vont exiger ce débat. C'est donc dire que, pour nous, le
gouvernement du Québec a décidé unilatéralement que
ce débat-là ne pouvait pas s'obtenir; que, pour nous, le
Québec avait choisi, que le développement
énergétique, style hydroélectrique, était le
développement préconisé par le gouvernement du
Québec et qu'il n'y avait aucune possibilité d'y changer quoi que
ce soit. Pourtant, on est moralement convaincus, et beaucoup de
Québécois le sont, qu'il n'y a pas eu un véritable bilan
des effets ou des impacts autant du côté des inondations que du
côté du mercure ou du côté de
l'électricité.
On pense qu'un débat au Québec sur l'énergie
permettrait au gouvernement et à Hydro-Québec de faire la
démonstration, hors de tout doute, que le choix de société
que l'on fait pour nous est le véritable choix que l'on devrait suivre.
Ce n'est pas, on le pense honnêtement, en nous l'imposant de la
façon dont vous le faites présentement qu'on va trouver un
consen- sus ou refaire un consensus autour d'une société
d'État qui a, à notre avis, à ce moment-ci, puisqu'elle
est assise entre deux chaises, un intérêt certain à refaire
son image auprès d'une population qui a toujours été
derrière HydroQuébec. Même plus que ça,
Hydro-Québec, dans sa revue de prestige, sous la signature de M. Yergeau
prône un vaste débat sur l'énergie. Donc, à partir
de ce moment-là, on est moralement convaincus qu'il serait important
pour le gouvernement du Québec qu'on nous permette d'exprimer simplement
ce que l'on croit être ce dossier ou comment on voit le
développement de ce dossier-là chez nous.
On nous avait dit au départ que l'exportation de
l'électricité ne devait se faire qu'en fonction des surplus.
Malheureusement, aujourd'hui, on constate de toute part que ce n'est plus en
fonction des surplus, mais que c'est devenu la politique du gouvernement
d'exporter beaucoup plus ce qui est présentement produit et non pas de
se contenter uniquement des surplus.
On trouve aussi triste qu'en 1990 on essaie d'abaisser le débat
à des extrémités comme: si on ne prône pas le
développement d'Hydro-Québec dans son programme, on devra soit
aller au nucléaire ou revenir à l'éclairage à la
chandelle. On pense qu'il y a à l'intérieur de ces deux
extrêmes une place pour situer tout le dossier de l'énergie et,
lorsqu'on vous demande ce débat, on ne le fait pas avec un esprit
négatif. Tantôt, je vous ai donné la liste des gens
à l'intérieur de notre Coalition, mais on veut le faire tout
simplement pour que chacun puisse s'exprimer et on souhaite de tout coeur qu'il
y ait des gens positifs, favorables à Hydro-Québec et à la
politique énergétique d'aujourd'hui pour que les
Québécois puissent vraiment être capables de faire un
véritable choix.
Donc, Mme la ministre, encore une fois, on demande surtout aux membres
de cette commission de reconsidérer vos réponses et de faire en
sorte de favoriser ce genre de débat au Québec. Nous sommes
moralement convaincus que vous en sortiriez grandie comme ministre, parce que
vous auriez accordé à une bonne partie de la population
québécoise ce qu'elle demande depuis pas mal d'années et
ce qu'elle avait obtenu déjà par un gouvernement
antécédent. Ce débat indépendant pourrait, on n'en
doute pas du tout, donner un éclairage nouveau et permettre au
gouvernement et à Hydro-Québec de développer un certain
nombre d'autres choix qui n'élimineraient pas nécessairement le
développement de cette entreprise, mais qui ouvriraient des horizons
nouveaux.
Enfin, je ne veux pas entrer dans les détails du mémoire,
parce que vous avez sans aucun doute pu le lire attentivement, mais je voudrais
tout simplement vous lire la conclusion: Un tel débat public sur
l'énergie tient maintenant d'une nécessité
démocratique urgente pour les Québécois dans l'exercice de
choix fondamen-
taux qui caractériseront plus que jamais l'évolution de
leur société. Les enjeux que nous propose Hydro-Québec
dans son plan de développement sont gigantesques. Tous les membres de la
Coalition pour un débat public sur l'énergie sont unanimes
à dire que le Québec doit prendre le temps et les moyens afin de
pouvoir analyser la situation actuelle, et étudier d'autres
possibilités comme la conservation, l'amélioration du rendement
et de l'efficacité, le retrait de contrats ou d'autres alternatives que
la croissance. Bref, il importe de bien jauger l'ampleur de la menace qui
pèse sur l'intégrité de notre environnement collectif et
c'est seulement par un large débat public que ce but pourra être
atteint. Avant de s'engager plus à fond pour plusieurs décennies,
donnons-nous ce moment de réflexion collective pour notre profit
à tous.
Voilà ce qui était l'essentiel du message de la Coalition
pour un débat public sur l'énergie. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie, M. Cleary, et
je reconnais Mme la ministre.
Mme Bacon: Oui, M. le Président. M. Cleary, je reviens
à la page 14 de votre mémoire et aux remarques que vous venez de
faire, d'entrée de jeu, les premières remarques que vous avez
fartes. Vous demandez au gouvernement de consulter la Coalition que vous
représentez, "ainsi que tous les membres intéressés sur
toutes les modalités relatives à cette large consultation afin de
dégager un consensus autour des travaux de cette commission
spéciale."
Vous me permettrez, tout d'abord, de vous faire remarquer que,
malgré le nombre imposant de groupes qui se sont joints à cette
Coalition, il y a quand même une large partie de la population du
Québec qui n'est pas représentée; privilégier ainsi
un groupe de pression, aussi vaste soit-il, serait, pour moi, un geste
antidémocratique et que le gouvernement du Québec est
composé d'hommes, de femmes élus auxquels la population a
accordé sa confiance lors d'élections démocratiques.
Vous parlez de consultation. Pour moi, consulter, c'est prendre avis,
prendre conseil auprès de quelqu'un. Il ne s'agit donc pas, pour celui
ou celle qui consulte, de déléguer son pouvoir de décision
et de prendre en compte les avis qui sont reçus dans sa prise de
décision. Pourquoi le gouvernement devrait-il, de façon
privilégiée, consulter les membres de la Coalition sur les
modalités relatives à cette consultation si tant est qu'elle ait
lieu? Comment pouvez-vous parler de consultation si le gouvernement qui
consulte s'engage à appliquer à la lettre les avis reçus?
Et si la majorité des avis reçus allaient à rencontre de
la position de la Coalition, est-ce que vous souhaiteriez toujours leur
application?
Je dois dire, M. Cleary, que le but principal de votre présence
ici, je ne pense pas que ce soit seulement de nous convaincre de la
nécessité d'un autre débat parce qu'on doit quand
même aller au coeur des préoccupations que nous avons au cours de
cette commission parlementaire. Alors, pour ce faire, j'aimerais d'abord savoir
si, à votre avis, à l'avis des membres de votre Coalition,
l'électricité est un bien essentiel pour le Québec.
M. Cleary: Ah! Il ne fait aucun doute dans notre esprit que
l'électricité est un bien essentiel pour le Québec, aucun
doute.
Mme Bacon: Est-ce que vous croyez qu'il soit acceptable, compte
tenu des risques de pénurie - parce qu'il y en a. des risques de
pénurie - d'interrompre la production d'un bien essentiel s'il n'existe
pas de substitut disponible à court terme?
M. Cleary: Mais je pense que tout le monde est d'accord avec
ça, Mme la ministre. Ce n'est pas à cette question-là que
l'on veut s'opposer. Lorsqu'on vous dit qu'on est d'accord avec
l'électricité, je pense que c'est une réponse très
simple et une réponse très facile. Il serait bien ridicule de ne
pas être d'accord avec ça. Là où, en tout cas, dans
certains groupes, chez nous, on n'est pas d'accord, où certains membres
de la population québécoise ne sont pas d'accord, c'est
peut-être avec ce qu'on fait de l'électricité, avec la
façon dont on exploite l'électricité. Lorsque vous nous
dites un peu, dans le préambule de vos questions: Est-ce que ça
appartient au gouvernement élu de diriger ou de prendre des
décisions? on est d'accord avec vous, mais il y a beaucoup de
gouvernements élus qui ont fait de vastes débats - et je pense
que vous les connaissez autant que moi - à travers le monde, sur
l'évolution de l'électricité. Je pourrais vous parler de
l'Allemagne, je pourrais parler de la Suède, je pourrais parler de la
Norvège, je pourrais parler de la Suisse, je pourrais parler des
États-Unis. C'étaient tous des gouvernements élus et ils
ont cru bon de consulter leur population parce que c'était important
pour ces pays-là, semble-t-il, de savoir de quelle façon on
pourrait développer l'énergie. Ce n'est pas plus que
ça.
Et lorsque vous dites Quelle serait la réaction de la Coalition
si jamais on favorisait le développement énergétique de la
façon dont ça se fait aujourd'hui? je ne peux pas vous parler de
ce que pourrait être la réaction directe de chaque groupe, mais
une chose est certaine, c'est qu'au moins la Coalition pourrait dire: Ce
débat-là s'est fait parmi les Québécois et chacun a
pu s'exprimer au mieux et démontrer son intérêt, poser des
questions ou faire des corrections. Il n'est pas question du tout et il n'a
jamais été question, dans la Coalition, de dire qu'on
était contre tout. On est simplement pour une chose: regarder ce qui
s'est fait par le passé et regar-
der si on est d'accord pour l'avenir. Ce n'est pas plus que ça,
en réalité. Je pense qu'on exagère lorsque...
C'est pour ça que j'ai voulu vous donner la liste. On souhaite de
tout coeur qu'il y ait d'autres groupes. Vous disiez tantôt que ce n'est
qu'un groupe particulier. C'est un groupe qui ne cesse de s'élargir et
on espère de tout coeur que les ingénieurs qui sont venus, hier,
vous rencontrer ou qui ont discuté avec vous vont favoriser le
débat sur l'énergie. Qu'ils soient favorables, aucune
espèce de problème là-dessus; qu'ils croient y retrouver
des retombées économiques, aucune espèce de
problème là-dessus. Mais qu'on leur permette, à eux, de
s'exprimer et qu'on nous permette, à nous et aux simples citoyens, de
nous exprimer. Ce n'est pas plus que ça. Ce n'est pas un débat
contre. C'est un débat simplement pour dégager ce que l'on pense
qui pourrait se dégager de sain pour tout le monde, il ne faut pas le
voir comme un geste négatif, mais il faut surtout le voir comme un geste
positif. C'est comme ça, Mme la ministre, qu'on voudrait que vous
compreniez nos interventions dans le public. Je peux vous dire qu'on va
continuer dans ce sens-là parce qu'on ne le fait pas contre; on le fait
pour les Québécois, pour être sûrs que le choix de
société qui aura été fait, dans l'avenir, de ce
côté-là sera un véritable choix. Ce n'est pas plus
que ça.
Mme Bacon: M. Cleary, vous citez dans votre mémoire, je
crois, la phrase de la politique énergétique: "Tout retard dans
l'aménagement (de ce potentiel) représente un manque à
gagner irrécupérable", et vous prêtez au gouvernement une
politique d'encouragement à une surconsommation
d'hydro-électricité créée artificiellement. Cette
phrase-là se rapporte au caractère renouvelable de
l'hydroélectricité et signifie simplement que l'exploitation la
plus immédiate de ce potentiel peut, dès à présent,
engendrer des bénéfices sur tous les plans, sans compromettre
ceux qu'on pourra en retirer dans un avenir plus ou moins
éloigné. (15 h 45)
Si le gouvernement entretenait des tendances à la
surconsommation, nous n'aurions certainement pas observé une
amélioration de 30 %, par exemple, dans l'efficacité
énergétique entre 1971 et 1986. Hydro-Québec ne
proposerait pas, non plus, cette année, un programme d'efficacité
énergétique, qui vise l'économie, là, de 12,9
térawattheures par an, à l'horizon de 1999. La progression
souhaitée de l'hydroélectricité n'a pas pour but de
favoriser un scénario de forte consommation, mais bien de
développer une source d'énergie renouvelable pour le
bénéfice de tous, ce qui n'est pas, je pense, incompatible.
Dans son rapport, la commission Brundtland se dit convaincue qu'il faut
faire tous les efforts imaginables pour exploiter le potentiel des sources
d'énergie renouvelable, qui pourraient constituer le noyau de la
structure énergétique mondiale du XXIe siècle. À
votre avis, comment le Québec pourrait-il contribuer davantage à
l'atteinte de cet objectif, sans développer son potentiel hydraulique?
Comment pourrait-il, selon les termes mêmes du rapport Brundtland,
accorder aux énergies renouvelables un plus haut rang de priorité
dans son programme énergétique national, s'il ne peut
considérer, à cette fin seulement, les autres sources
renouvelables, dont le potentiel demeure marginal?
M. Cleary: M. le Président, si vous le permettez, je
demanderais à Jean-François Turmel de répondre à
cette question.
M. Turmel (Jean-François): Oui. Alors, Mme Bacon, vous
comprendrez que nous sommes d'un avis différent. Quand on parle de
surconsommation, évidemment, même s'il y a eu une
amélioration de... Et, là, je vous cite les chiffres qui sont
à l'intérieur même de la publication de votre
ministère, "L'énergie au Québec", la dernière
édition, celle de 1988. Entre 1973 et 1987, la consommation
énergétique absolue, totale au Québec a diminué de
5,8 %. Per capita, ça a diminué de 14 % et par 1 000 $ de
production, ça a diminué de 38 %. Or, en 1973, il y avait des
gens qui faisaient des déclarations comme les vôtres, à
l'effet qu'on allait devoir s'éclairer aux chandelles si on pensait
pouvoir améliorer le rendement énergétique. Parce qu'il y
avait, à l'époque, des gens qui le disaient. Au XIXe
siècle, on disait des choses pareilles. Les propriétaires de
mines disaient aussi que, si le gouvernement interdisait le travail des enfants
dans les mines, on s'en allait vers le chaos économique. Je pense que
les gens ont beaucoup plus d'imagination que ça, hein?
Et je vous citerai la Bonneville Power Administration, aux
États-Unis, dans la région de Seattle, qui, maintenant, a
éliminé complètement toute possibilité de recours
à des ajouts de capacité de production pour répondre
à l'évolution de la demande. Ils ne vont répondre à
l'évolution de la demande que par des programmes de conservation et
d'efficacité.
En Suède, ils ont travaillé sur quatre scénarios.
Le premier scénario est un scénario de gel de la consommation
à son niveau actuel et il y a plusieurs autres scénarios, dont un
scénario de très haute efficacité qui permettrait une
diminution de 37 % de la consommation d'électricité par rapport
à son niveau actuel, et ceci tout en permettant une croissance
économique à peu près du même ordre que celle que
prévoit le Québec dans les vingt prochaines années. La
Suède a tenu un référendum, il y a une dizaine
d'années, sur son option nucléaire. Le débat sur la
question énergétique dure depuis ce temps-là, depuis dix
ans. Ça va bien au-delà d'une simple commission parlementaire qui
siège durant quatre semaines.
Évidemment, nous sommes en désaccord avec
l'évaluation qu'Hydro-Québec a faite du potentiel
d'économie d'énergie au Québec. On se demande sur quelle
base de données HydroQuébec s'appuie pour estimer que le
potentiel maximal est de l'ordre de 18 %. On a rencontré les gens
d'Hydro-Québec à ce sujet-là. Je dois vous dire que,
jusqu'à maintenant, après leur avoir demandé de nous
révéler leur méthodologie de travail là-dessus, ils
ont refusé de la donner. Alors, s'ils sont si certains que ça, si
le ministère est si certain que le potentiel d'efficacité
énergétique au Québec n'est pas plus élevé
que 18 %, pourquoi hésite-t-on à mettre sur la table les
études qui justifient que ce n'est pas plus que 18 %? Il ne faut quand
même pas prendre les Québécois pour des nonos. On est
capables d'examiner ces documents-là et de les critiquer au besoin. M.
Florentin Krause, du Lawrence Berkeley Laboratory en Californie, à qui
on a commandé une étude sur l'utilisation de
l'électricité en Europe - le gouvernement de Hollande lui a
demandé cette étude - doit publier son étude au mois de
juin et il estime que le potentiel d'économie dans le domaine de
l'électricité en Europe est de l'ordre de 50 %. Et vous avez
plusieurs autres analystes qui estiment qu'aux États-Unis, c'est encore
plus élevé. Alors, au Québec, ici, étant
donné qu'on a, grosso modo, relativement les mêmes habitudes de
vie, structure industrielle, etc., le potentiel est certainement du même
ordre de grandeur.
Mme Bacon: J'aimerais ça que vous me citiez correctement,
M. Turmel, quand vous faites des citations, mais je ne reviendrai pas
là-dessus. Quant à Seattle, je pense qu'on va laisser le charbon
de côté. Au Québec, ça fait longtemps qu'on a
décidé qu'on ne faisait pas d'électricité avec le
charbon.
M. Turmel: Permettez que j'ouvre une parenthèse. La
Bonneville Power Administration ne produit pas un seul kilowattheure avec du
charbon...
Mme Bacon: II y a des endroits...
M. Turmel: Non, pas la Bonneville Power Administration.
Mme Bacon: L'autre, l'autre.
M. Turmel: La Bonneville Power Administration, c'est elle qui
produit l'électricité à partir du fleuve Columbia, c'est
de l'hydroélectricité.
Mme Bacon: Quant à la Suède, je pense qu'on n'a pas
encore tout défait tout ce qui est nucléaire là-bas; c'est
encore là, ce n'est pas encore défait. M. le Président,
j'aimerais continuer, si vous me le permettez, de regarder le mémoire de
plus près. Il met sérieusement en doute, ce mémoire, les
exigences d'examen et d'évaluation des impacts sur l'environnement des
grands projets énergétiques, de même que les
mécanismes actuels de consultation publique. Au soutien de cette
argumentation, vous dites qu'on fait des études d'impact des lignes de
transport à haute tension, alors que les barrages qui produiront
l'électricité sont en phase de construction ou tout simplement
déjà construits. J'apprécierais que vous citiez les cas
auxquels vous faites référence depuis l'entrée en vigueur
des mécanismes d'examen des impacts actuels, de façon que, si
cette pratique apparaît fréquente, nous puissions apporter les
correctifs qui sont nécessaires. De façon plus
générale, quels sont les mécanismes de participation
publique que vous souhaiteriez voir instituer pour que le processus de
consultation sur les grands projets énergétiques soit acceptable?
Et par rapport aux études d'impact que vous estimez insatisfaisantes,
quelles exigences additionnelles devraient, à votre avis, être
imposées aux promoteurs de grands projets
énergétiques?
M. Cleary: Si vous le permettez, M. le Président, je
demanderais à M. Bélisle de répondre à la question
de Mme la ministre.
Le Président (M. Bélanger): M. Bélisle.
M. Bélisle (André): Disons que, pour
répondre aux questions de Mme Bacon, premièrement, il existe une
Loi sur la qualité de l'environnement où il y a un article qui
n'a pas été adopté, qui est l'article 2n, qui ferait que
tous les grands projets, les grandes industries seraient soumis, à
l'origine, dès le départ, à une évaluation d'impact
et à une audience publique. Comme ça n'a pas été
adopté, donc la Baie James n'y est pas soumise, ni les projets comme les
alumi-neries. Donc, ça, ça serait déjà quelque
chose qu'on pourrait changer qui améliorerait la participation du
public. Deuxièmement, étant donné que ces
projets-là se tiennent un peu partout à la grandeur du
Québec et qu'il y a des populations, que ce soit au Lac-Saint-Jean, que
ce soit sur la Côte-Nord, que ce soit à la Baie James, qui ne sont
pas d'accord avec la situation, on pourrait avoir une commission élargie
où on pourrait débattre de ces questions, une commission
itinérante qui prendrait l'opinion des gens dans toutes les
régions pour, après, justement voir si les décisions sont
éclairées. Voilà, je pense que ça répond
à la question malgré qu'on pourrait avoir peut-être une
petite consultation ici parce qu'il y a bien des gens qui auraient à
répondre là-dessus.
Mme Bacon: J'aimerais peut-être juste vous dire, M.
Bélisle, qu'en ce qui concerne l'énergétique, ils sont
tous assujettis à la loi en ce moment. Alors, si...
M. Bélisle (André): L'article 2n de la loi aurait
été adopté dernièrement?
Mme Bacon: Non, non. Les projets de l'énergie sont tous
assujettis à la loi.
M. Bélisle (André): Oui, O.K. À ce
moment-là, donc...
Mme Bacon: C'est parce que vous les incluiez avec les autres.
Alors, il faut faire une distinction entre les deux.
M. Bélisle (André): ...on fait des études
d'impact sur la construction de ces projets-là.
Mme Bacon: Les projets énergétiques.
M. Bélisle (André): O.K. Et c'est
HydroQuébec qui fait les études d'impact et c'est Lavalin qui en
est chargée par Hydro-Québec, et ils sont en conflit
d'intérêts tout simplement parce qu'ils sont promoteur, juge et
partie. Voilà!
Mme Bacon: Vous savez, ce matin, il y avait quelqu'un qui nous
disait qu'en environnement on fait peu de nuances. Alors, je pense qu'on a
toujours l'impression que, quand on veut défendre l'environnement - et
c'est vrai, j'ai été ministre de l'Environnement et je le sais -
on ne nuance pas beaucoup nos propos bien souvent. Mais il faudrait
peut-être faire quand même une différence entre les projets
énergétiques et ne pas dire qu'il ne se fait aucune étude
d'impact. Il s'en fart, des études d'impact.
M. Cleary: Mme la ministre, si vous me le permettez, sur les
études d'impact, nous avons eu l'occasion nous, au Conseil des Attikamew
et des Montagnais, de participer à différentes études
d'impact. J'ai en tête la dernière sur la ligne
Radisson-Nicolet-Des Cantons et le président de la commission avait bien
admis devant nous qu'il serait important, au lieu d'analyser morceau par
morceau les développements d'Hydro-Québec, qu'on essaie à
un moment donné d'analyser ça dans son ensemble parce que, en
réalité, pièce par pièce, on réussit
à faire la démonstration qu'il n'y a pas de problème
majeur ou encore que les correctifs sont apportés. Mais l'accumulation
de tout ce genre de dossiers là permettrait de faire un bilan beaucoup
plus complet. C'est à ça, dans le fond, que l'on se
réfère lorsqu'on demande un débat sur l'énergie,
c'est de faire un bilan environnemental plus complet et non pas toujours y
aller à la pièce.
Le Président (M. Leclerc): Le temps ministériel
étant presque terminé, je reconnais maintenant le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Juste un mot pour vous
souhaiter la bienvenue et espérer aussi que ce que vous apportez devant
la commission ait toute l'attention qu'il mérite.
En ce qui me concerne, je tiens à m'excu-ser de ne pas avoir pu
assister à votre présentation étant donné que j'ai
été retenu ailleurs bien malgré moi. Peut-être
serait-il mieux pour le moment que je passe la parole à mon
collègue de La Prairie qui était là et qui s'occupe des
dossiers de l'environnement pour notre formation politique, qui me signifiait
qu'il aimerait vous poser quelques questions.
Le Président (M. Leclerc): Bien, M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais
féliciter d'abord la Coalition pour la qualité du mémoire
qu'elle présente et aussi reconnaître l'importance de cette
Coalition. Non seulement c'est très diversifié comme groupements,
mais aussi ça représente un grand nombre de citoyennes et de
citoyens. Je pense que les remarques de la ministre au tout début et qui
ont fait la manchette hier, à moins qu'elle n'ait été mal
citée par plusieurs journalistes parce que les versions semblent
converger partout, ont été malheureuses, en ce sens qu'elles
disent, à toutes fins pratiques, ces remarques-là: Les jeux sont
faits, nous allons procéder, quel que soit l'éclairage que nous
recevrons à la commission. Je pense que c'est tout à fait
décevant pour les groupes qui se présentent ici. C'est
décevant, aussi, pour l'Opposition. Et ça apporte une raison de
plus, justement, pour justifier la demande de la Coalition. Ça
démontre bien que ça n'est qu'à l'occasion d'une
consultation publique qui pourra prendre le temps que ça devra prendre,
des mois, une consultation publique qui donnerait la chance à tous les
groupes, dans notre population, de se prononcer sur un projet aussi important
que celui-là...
Mme la ministre disait tantôt, dans sa déclaration
écrite qu'elle a préparée avec soin: Nous avons eu des
élections, laissant entendre par là que nous avons le droit de
procéder. C'est vrai. Mais, à ce que je sache, l'élection
n'a pas porté particulièrement sur ce projet majeur
d'investissements en hydroélectricité. Ça a porté
beaucoup plus sur d'autres questions que sur celle-là. Il y a
déjà eu une élection, en 1962, qui a porté sur
l'électricité, sur la nationalisation d'Hydro-Québec, etc.
Ça n'est pas inconcevable qu'il y ait une élection. Donc, dans
nos moeurs électorales, on a vu l'importance que
l'électricité a historiquement eu aux yeux de la population du
Québec. Donc, ça n'est pas inconcevable. À plus forte
raison, si, au lieu de parler d'une élection sur les
développements hydroélectriques, on parle d'une vaste
consultation, ça nous paraît très raisonnable. Ça
nous paraît très raisonnable non seulement à cause de
l'importance des sommes, 60 000 000 000 $ et plus, mais, peut-être encore
plus, à cause de l'impor-
tance des changements qu'apportent de tels projets dans la vie
quotidienne de milliers de personnes. Des sociétés
entières, et Dieu sait qu'il s'agit de sociétés bien
distinctes, les premiers occupants, sont affectées par de tels
développements. Aussi, l'histoire nous le démontre, il y a les
atteintes évidentes à l'environnement que causent ces
développements-là. Alors, M. le Président, notre formation
ne dit pas qu'il faut arrêter tout développement
hydroélectrique, mais notre formation dit: Gardons en suspens ce projet.
Donnons-nous le temps, donnons-nous la peine de consulter la population, comme
le demande la Coalition. Gardons l'esprit ouvert. Et je pense qu'il faut
regretter une espèce de discours démagogue qui dit: Ou bien on
procède vite dans les mois qui viennent ou bien c'est la chandelle. Je
pense qu'il s'agit là d'un faux dilemme. (16 heures)
Mme Bacon: Réduisez ça à Grande Baleine,
ça va aller mieux.
M. Lazure: II s'agit d'un faux dilemme, M. le Président.
Je n'ai pas interrompu la ministre, tantôt.
Le Président (M. Leclerc): Je comprends, M le
député de La Prairie, sauf qu'en principe le temps est pour
questionner nos invités. Là, vous faites, vous entretenez un
débat, et, à un moment donné, ça provoque des
réponses. Mais je vous donne raison, à savoir que c'est votre
temps de parole.
M. Lazure: Ayant été présent, Mme la
ministre a commencé par faire des remarques, d'ordre
général. Et je fais des remarques d'ordre général,
M. le Président. Je pense que, si la Coalition demande des audiences
publiques, objectives, en dehors du cadre de cette commission parlementaire,
c'est parce qu'elle a l'esprit ouvert. Et il faut se fier à l'esprit
démocratique des groupements, surtout quand ils représentent 1
000 000 de personnes. Je pense qu'on ne peut pas dire: Bien, vous demandez
ça, mais, si la population dit oui au développement, vous
continuerez d'être contre. Ça, c'est préjuger de la
position de la Coalition. En tout cas, ce serait préjuger de notre
position, à nous de l'Opposition.
Alors, moi, je n'ai pas beaucoup de questions à demander aux
groupements parce que je pense que l'essentiel de leur message, c'est
ça: il faut qu'il y ait des consultations. Nous disons: Oui, il faut
qu'il y ait des consultations. Et je pense, en terminant, qu'il ne faut pas
utiliser ce processus vicieux, qui a été décrit
tantôt par des représentants, qui fait qu'Hydro-Québec
demande à des petits copains consultants de faire des études
d'impact qui vont dans le sens de ce qu'Hydro-Québec souhaite. Il ne
faut pas se cacher que la crédibilité d'Hydro-Québec, M.
le Président, est en baisse, malheureusement. Alors, il faut qu'il y art
une consultation publique, de la même manière qu'il faut que
l'article 2n de la loi sur l'environnement soit mis en vigueur pour tous les
grands projets industriels. Et je me permets de terminer en disant que, si ce
gouvernement libéral refuse de mettre en vigueur l'article 2n qui permet
des audiences publiques pour les grands projets, ça n'est pas surprenant
qu'il refuse aussi des audiences publiques dans le grand public sur les projets
de développement hydroélectrique. Merci.
Le Président (M. Leclerc): M. le député de
La Prairie, je vous remercie. Et je reconnais maintenant le
député de Duplessis. Enfin, on m'a demandé de vous
reconnaître là.
M. Perron: Le député d'Ungava.
Le Président (M. Leclerc): O.K. Alors, à la demande
du député de Duplessis, je reconnais maintenant le
député d'Ungava.
M. Claveau: Alors, merci, M. le Président. J'aurais, en ce
qui me concerne, quelques questions à poser à la Coalition, ayant
pris connaissance du mémoire, concernant la consultation publique ou ce
débat élargi sur l'énergie, ce avec quoi d'ailleurs nous
avons une certaine sym pathie, il faut bien le dire. J'aimerais quand
même vous entendre élaborer plus sur le genre de mécanique
et les intérêts vraiment qui peuvent s'en dégager de la
part des groupes qui y participeraient. Et pourquoi, par exemple, cette
insistance, en ce qui vous concerne, à faire en sorte que l'on ait une
commission itinérante, à toutes fins pratiques, une commission
d'enquête qui se déplace partout en région et qui aille
vraiment consulter à fond à peu près tout le monde?
J'aimerais vous entendre vraiment élaborer là-dessus.
Le Président (M. Leclerc): M. Cleary.
M. Cleary: Si vous le permettez, il y aura plusieurs personnes
qui vont intervenir sur cette question parce qu'elle touche les régions
et elle touche différents secteurs. Mais je me permettrai quand
même, préalablement, d'y aller d'éléments de
réponse. Au départ, notre objectif n'est pas de cadrer le
débat. Ça ne nous appartient pas, à nous, à ce
stade-ci, de cadrer le débat, de l'encadrer ou de limiter, un peu comme
Mme la ministre l'a fait pour la commission, le carré de sable.
Ça ne nous appartient pas, à nous. On considère que, si le
gouvernement décidait d'investir au niveau d'une véritable
consultation, il donnerait les moyens, O.K., il situerait le débat, il
organiserait le débat d'une façon correcte et d'une façon
indépendante. Et, à ce stade-ci, on n'a pas de formule magique.
Il en existe. On pourrait vous faire lire tous les
débats, toutes les formules qui ont été
utilisées ailleurs, mais on n'a pas, nous, à ce stade-ci, la
prétention de vouloir imposer une forme, pas plus, d'ailleurs, qu'on ne
veut faire, à ce stade-ci, le débat On veut simplement demander
au gouvernement que ce débat-là se fasse.
Quant à l'implication à l'intérieur des
régions, si vous le permettez, je laisserais Jean Paradis, qui est plus
particulièrement concerné par ce dossier, vous expliquer un peu
l'importance pour nous d'aller dans les régions.
M. Paradis (Jean): Oui. Ça me fait plaisir de pouvoir vous
parler un peu de notre région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, mais aussi de
toutes les régions du Québec. Je pense que c'est très
important que les régions soient inscrites dans le processus du
débat public. Et, quand on connaît l'éloignement des
régions, c'est très difficile pour les populations de venir
s'exprimer dans le cadre, entre autres, d'une commission parlementaire. Une des
faiblesses des commissions parlementaires, c'est qu'on soit obligé de se
déplacer à Québec, alors que, principalement, les
conséquences des développements hydroélectriques se
situent dans les régions justement et ce sont les gens dans ces
régions-là qui doivent être consultés.
La Coalition demande une commission itinérante pour que la
commission se déplace pour rencontrer les gens chez eux, dans la rue,
dans leur ville, parce que c'est là que se passent les
conséquences. Et nous, du Regroupement pour la protection de
l'Ashuapmushuan, on est très au courant de ça, parce qu'on en vit
un actuellement, un projet qui est avancé par HydroQuébec et on
est train d'essayer de s'opposer au harnachement d'une rivière.
Et un des éléments qu'on souhaite au niveau de cette
commission itinérante et indépendante, c'est qu'il y ait, entre
autres, un support financier pour les organismes qui désirent se faire
entendre. C'est un problème souvent des consultations, et un
problème majeur, que les gens qui sont des promoteurs ont des budgets
illimités et les gens qui sont opposés au projet n'ont pas de
budget. Et le gouvernement ne les supporte pas financièrement, entre
autres, pour aider les régions à s'organiser, pour pouvoir avoir
un discours et pouvoir être présentes dans les audiences de la
commission. On demande qu'il y ait des supports financiers d'accordés
aux organismes.
Vous savez, ce n'est pas nouveau; c'est un problème
régional. C'est un problème qui se vit dans tous les domaines,
pas seulement dans le domaine de l'hydroélectricité, et c'est
pour ça que les régions tiennent à ce que cette
commission-là fasse le tour du Québec, fasse le point avec les
Québécoises et les Québécois de partout, surtout
quand les conséquences sont dans les régions.
M. Cleary: Si vous le permettez, M. Jean-François Turmel
aura un complément d'information.
Le Président (M. Leclerc): M. Turmel.
M. Turmel: Merci. Alors, c'est très important que cette
commission-là, qui pourrait éventuellement être
formée, le soit de personnes complètement indépendantes,
que ce soit une commission non partisanne, impartiale, qui ait tout le soutien
technique dont elle pourrait avoir besoin dans l'accomplissement de son mandat.
On fait, à l'heure actuelle, face à ce problème où
Hydro-Québec fait des études d'impact environnemental, mais,
évidemment, elle fait des études d'impact environnemental avec
l'objectif que les études d'impact ne doivent pas remettre en question
la construction des barrages, primo. Hydro-Québec met sur pied un
programme d'économies d'énergie, bien sûr, mais, encore une
fois, elle est juge et partie, et elle met sur pied un programme
d'économies d'énergie qui, bien sûr, ne doit pas remettre
en question la construction des barrages. Il faut soumettre ça à
une expertise indépendante. Il faut que la commission soit formée
de personnes complètement indépendantes d'Hydro-Québec et
du gouvernement, et qu'elle puisse faire appel à de l'expertise
indépendante, qu'elle ait tous les budgets pour faire appel à
cette expertise-là, pour soumettre toutes les hypothèses de
travail d'Hydro-Québec, sa méthodologie, ses évaluations
à une expertise indépendante. Alors, on pourra dresser un certain
nombre de scénarios et la population du Québec aura un choix. En
ce moment, on n'a pas de choix. On nous dit: C'est Grande Baleine, NBR, etc.,
ou un chapelet de centrales nucléaires le long de la vallée du
Saint-Laurent. Ce n'est pas ça, un choix. Il y a toute une série
d'options et les pays qui font cet exercice-là examinent toutes les
options les unes après les autres, font rapport à leur population
qui, là, peut exercer un choix démocratique.
Le Président (M. Leclerc): Bien. M. le
député d'Ungava.
M. Cleary: Permettez-vous, juste pour conclure sur cette
question? Je m'excuse, elle était vaste votre question, c'était
une question à plusieurs volets, c'est pour ça qu'on a...
M. Claveau: Je vais y revenir, d'ailleurs.
M. Cleary: Je voudrais juste vous dire deux choses. Je voudrais
vous parler un petit peu... Lorsqu'on a parti la Coalition, on avait
souligné un certain nombre d'éléments et je vais vous les
citer. La désignation de commissaires représentatifs de
l'ensemble de la société québécoise, objectifs et
crédibles, avec toute indépendance et
les pouvoirs que nécessite la réalisation adéquate
du mandat; échancier de réalisation qui permet la consultation en
région et favorise une large participation du public; le financement
complet des travaux de la commission, notamment quant au personnel requis pour
l'assister dans ses déplacements en région pour les audiences et
les consultations populaires; le support financier pour tous les organismes
désireux de participer aux débats; les moyens de communication
adéquats favorisant l'expression et la large diffusion de tous les
points et, enfin, un dépôt public du rapport de la commission.
Pour nous, il est important aussi de savoir que ce n'est pas un
débat de spécialistes qu'on veut nécessairement. C'est un
débat de gens, de Québécois, qui pourraient être
pour ou contre pour toutes sortes de raisons, sans y être à partir
d'un vaste mémoire qui coûterait une petite fortune. C'est
simplement ceci. Et quand on dit d'aller dans les régions, c'est tout
simplement pour écouter ou entendre Mme Unetelle ou M. Untel qui aurait,
lui, une opinion. Il ne veut pas de pylône dans le coin de chez lui,
c'est aussi simple que ça. Il n'en veut pas, des pylônes, lui. Il
n'a peut-être pas des raisons très scientifiques, mais, en tout
cas, il n'en veut pas, etc. Ce genre de débat, ça nous
permettrait, on pense, nous, de pouvoir aller dans ce sens-là.
Merci.
M. Claveau: Moi, si vous me le permettez, le seul problème
que j'ai avec ça, c'est la notion de commission indépendante.
C'est quoi, l'intérêt, finalement... Moi, ce que je pressens en
dessous de tout ça, c'est l'intérêt d'évacuer les
aspects politiques de la discussion. Hydro-Québec a un actionnaire qui
s'appelle le gouvernement du Québec, donc les citoyens du Québec.
Donc, un gouvernement qui a à orienter les décisions
d'Hydro-Québec. Et eux-mêmes, ces citoyens-là, sont
représentés dans leur ensemble par un certain nombre
d'élus que l'on appelle les députés, bon, avec toutes les
lacunes que cela peut représenter. Il me semble que, si on veut faire
une consultation qui soit autre chose que, finalement, un groupe d'experts
indépendants qui se promènent à travers le pays pour
ramasser des informations et rédiger un beau rapport qui, trois ans plus
tard, va aller échouer sur une tablette et qui sera peut-être
sorti de la poussière dans 20 ans pour dire. Ah! Ils avaient raison, il
faut, au contraire, que l'élément politique de ceux qui sont
mandatés, qu'on le veuille ou non, par la population du Québec
pour la représenter à l'Assemblée nationale soit
présent dans cette consultation-là. Et ça, moi, je ne le
retrouve jamais. J'ai quand même, malgré toutes les restrictions
que ça peut supposer, de la difficulté à admettre que ceux
qui, en bout de piste, auront à prendre la décision finale et
à orienter soient évacués du débat au début
de la consultation, sous prétexte qu'ils ne sont pas
représentatifs ou qu'ils ne sont pas indépendants
C'est un peu comme les pays non alignés. En fait, les pays non
alignés sont tous les pays qui sont alignés sur autre chose que
les États-Unis, mais ce ne sont pas des non-alignés au sens
pur.
Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, M....
M. Claveau: Alors, j'aimerais que vous précisiez, pendant
30 secondes, cette notion d'indépendance de la commission.
M. Cleary: Je vous avoue que je suis un peu surpris de vos
propos. D'abord, pour commencer, on n'a jamais eu l'intention d'évacuer
qui que ce soit, O.K.? C'est que le pouvoir politique, à mon avis,
décidera en temps et lieu Une commission, ce n'est pas là pour
décider; c'est là pour recommander clairement un certain nombre
de choses. Et je ne vois pas l'utilité, chaque fois qu'il y a une
consultation importante dans la population, qu'il y ait toujours des
députés ou des ministres là. Moi, je n'en vois pas une
utilité certaine et je ne sens pas du tout qu'une commission
indépendante brime le pouvoir politique. Au contraire, je pense que vous
devriez être heureux que la population décide et que la population
souhaite qu'il y ait une commission indépendante qui fasse des
recommandations au gouvernement et à son Opposition sur l'avenir. On n'a
jamais eu l'intention de vous évacuer dans le débat. Vous
participerez, comme de simples citoyens, au débat. Ce n'est pas
péjoratif que d'agir comme de simples citoyens, à un moment
donné, et on n'a pas du tout l'intention de vous enlever quoi que ce
soit. Au contraire, c'est pour vous donner une force. Maintenant, si vous
voulez être présents partout, pauvres vous autres, vous n'aurez
jamais le temps de tout couvrir à travers le monde ce qui se consulte.
Laissez de la place à d'autres personnes qui peuvent le faire d'une
façon compétente et qui peuvent aussi, honnêtement, vous
faire des recommandations que vous rejetterez ou que vous mettrez dans la
poubelle
Ça n'a absolument aucun effet dans ce sens là. Votre
question, je la sens, moi, partout, dans le sens qu'on dirait que vous avez
peur qu'on vous brime. On ne vous brime pas, pas du tout. On complète
des informations qui devraient vous aider à prendre les meilleures
décisions comme parti au pouvoir et, comme parti de l'Opposition,
à forcer le parti au pouvoir à prendre des bonnes
décisions C'est simplement un geste des plus démocratiques que
l'on souhaite là, et on le souhaite d'une façon correcte Ah! Vous
pouvez sortir les rouleaux compresseurs des personnes élues et nous
écraser, mais vous n'aurez pas atteint grand-chose.
Moi, je pense, M. le député, qu'il est important pour
nous, pour les Québécois et pour vous aussi - vous êtes
québécois, on n'en doute
pas - que cette consultation-là se fasse. Il y a eu des
commissions sur tout, à travers le Canada. Je n'ai pas besoin de vous en
citer, vous les connaissez toutes. Il y en a eu qui ont été sur
les tablettes et il y en a eu qui ont donné des résultats. Ce
n'est pas parce que c'était une commission que ça allait sur la
tablette. C'est parce que le gouvernement voulait la mettre sur la tablette et
il prenait le moyen habituel pour éteindre le dossier: tu donnes
ça à une commission. Mais nous autres, on ne veut pas ça
dans cet esprit-là. Ce n'est pas le gouvernement qui veut
éteindre le dossier en donnant une commission. C'est la population du
Québec qui veut vraiment, par son choix de société hors
d'une élection, orienter son propre gouvernement sur un choix de
société, point. Et moi, si les élus, à ce
moment-là, ne trouvent pas leur profit à ça, je ne
comprends plus rien à la démocratie. Honnêtement, je ne
comprends plus rien à la démocratie.
Le Président (M. Leclerc): M. Cleary, je m'excuse. Le
temps imparti à l'Opposition est maintenant terminé. Je vais
reconnaître Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, j'aimerais peut-être prendre la minute
qui me reste pour dire à nos invités que c'est évident
qu'en 1990 on ne construit pas un barrage comme on en construisait en 1970. En
20 ans, on a développé une sensibilité, une connaissance
en matière environnementale qui exige une attention beaucoup plus
poussée dans la réalisation des projets. En 1990, nous devons
penser aussi économie et écologie. C'est ça qu'on appelle
le développement durable et c'est ça qui doit être
discuté aussi à cette commission. C'est dans ce sens-là et
à cette fin-là que nous avons entrepris la commission
parlementaire.
Au Québec, on a une demande à satisfaire; on a une demande
domestique, pas des exportations, strictement domestique. Je pense aussi que
les exportations qui ont été faites nous ont quand même
aidés, les Québécois, à autofinancer certains des
coûts des barrages qui vont servir aux Québécois. J'y
reviens encore, et je suis tout à fait d'accord avec mon collègue
d'Ungava: C'est que les gens ont été élus pour assumer des
responsabilités. C'est ce que nous faisons ici, à cette
commission parlementaire. Si c'était le seul moment où on fait le
temps d'une paix avec l'Opposition, c'aura déjà
été, je pense, un acquis important. C'est grâce à
vous que nous l'avons et je vous en remercie.
Le Président (M. Leclerc): Bien. Merci, Mme la ministre.
M. le député d'Ungava, pour remercier nos invités.
M. Claveau: Oui, M. le Président, très rapidement.
D'abord, pour tous vous remercier de votre présentation et pour dire
aussi à M. Cleary que je le remercie de sa dernière
réponse qui me satisfait grandement et qui me rassure aussi quant
à certaines interventions, en dehors des murs de cette assemblée,
qui me tracassaient un peu, de la part de certains, quant au rôle que la
politique devait jouer dans ce genre de démarche là. Alors, vous
me voyez rassuré par vos propos et, ceci étant dit, je suis
certain que votre intervention va contribuer grandement à la
démarche entreprise par cette commission parlementaire. Merci de votre
présence.
Le Président (M. Leclerc): Bien. Alors, à mon tour,
MM. Cleary, Paradis, Lemay, Bélisle, O'Narey et Turmel, je vous remercie
de vous être déplacés pour venir vous faire entendre devant
cette commission. Je vous souhaite un bon retour à la maison et je
suspens une minute, le temps de permettre à l'Association des
commissaires industriels du Québec de prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 20)
(Reprise à 16 h 22)
Le Président (M. Leclerc): Bien. Alors, la commission
parlementaire de l'économie et du travail reprend ses travaux et
reçoit l'Association des commissaires industriels du Québec.
Alors, M. Dallaire, au nom de la commission, je vous souhaite la bienvenue et
je vous prie de nous présenter les gens qui vous accompagnent, en vous
rappelant nos règles de procédure fort simples. Vous avez 20
minutes pour présenter votre mémoire à la commission et
autant le côté ministériel que l'Opposition auront ensuite
20 minutes pour vous interroger sur votre mémoire. M. Dallaire.
Association des commissaires industriels du
Québec
M. Dallaire (Yves): Merci, M. le Président. Alors,
moi-même, Yves Dallaire, commissaire industriel des Bois-Francs, à
Victoriaville, et président de l'Association des commissaires
industriels du Québec. Je suis accompagné de M. Daniel Dicaire,
qui est commissaire industriel à Beauharnois-Valleyfield et qui est
membre de notre conseil d'administration, et de Mme Sylvie Gosselin, qui est
notre agente de communication. Si vous voulez...
Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, là. On
avait suspendu pour une minute et je me rends compte que nos collègues
de l'Opposition nous ont quittés avec vos prédécesseurs.
Alors, si vous le permettez, on va attendre une minute.
M. Dallaire: Parfait, M. le Président.
Le Président (M. Leclerc): On s'excuse. De façon
générale, ça se fait d'habitude en une minute et tout le
monde reste là. Je ne sais pas... Je m'excuse auprès du
député d'Ungava; la prochaine fois, je vérifierai s'il est
bien revenu.
Bien, alors, on s'excuse et vous pouvez continuer.
M. Oallaire: Alors, merci. M. le Président, M. Leclerc,
Mme la ministre, Mme Bacon, mesdames et messieurs, membres de la commission de
l'économie et du travail, l'Association des commissaires industriels du
Québec poursuit plusieurs objectifs. Parmi ceux-ci, l'ACIQ veut
favoriser le regroupement et la concertation des partenaires du
développement économique du Québec; assurer une
représentation efficace auprès des autorités
compétentes afin que des politiques et des programmes de
développement économique cohérents soient définis
et mis en application; participer activement à la définition et
à la promotion du rôle des agents de développement
économique.
Pour sa part, le commissaire industriel s'intéresse, en
priorité, au développement et à la croissance
économique de son territoire. Plus précisément, son
rôle est d'accélérer la croissance et le
développement économique de sa région par la
consolidation, l'expansion et l'implantation d'entreprises locales ou
étrangères. De fait, elle ou il guide ou conseille les dirigeants
d'entreprises dans le développement de leurs projets auprès des
intervenants et fournisseurs de services; encourage les entreprises de son
territoire à lancer des projets pouvant favoriser leur croissance;
s'emploie à la promotion des biens et services disponibles chez les
entreprises de sa région et, finalement, prospecte des investissements
étrangers en tenant compte du potentiel de son agglomération.
D'entrée de jeu, il nous semble important de préciser que
l'ACIQ considère l'énergie hydroélectrique comme un
important facteur de développement économique. Non seulement nous
permet-elle d'attirer chez nous de nouvelles entreprises, mais elle nous permet
également d'envisager avec optimisme les projets d'agrandissement et de
modernisation de celles qui y sont déjà implantées. Aussi,
compte tenu du mandat de l'ACIQ et du rôle du commissaire industriel, il
n'est pas surprenant de constater que nos membres se soient
intéressés de très près à vos travaux
portant sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec. De fait, l'ACIQ souscrit à
l'orientation fondamentale d'Hydro-Québec et au plan de
développement proposé. L'Association des commissaires industriels
du Québec est en accord avec l'orientation fondamentale
d'Hydro-Québec, qui est de fournir de l'électricité au
Québec aux meilleures conditions possible et d'optimiser l'avantage
comparatif que représente le développement de
l'hydroélectricité. Par ailleurs, pour en avoir pris connaissance
avec un vif intérêt, l'ACIQ appuie les cinq volets du plan de
développement d'Hydro-Québec.
L'hydroélectricité, un levier important de notre
développement économique. Depuis sa création, en 1944,
Hydro-Québec a toujours été un partenaire de premier ordre
dans le développement économique du Québec. De fart, parmi
les premiers commissaires industriels du Québec, nous retrouvions des
employés d'Hydro-Québec. Aujourd'hui, leader mondial dans le
développement et la gestion de l'énergie hydroélectrique,
Hydro-Québec doit agir chez nous comme catalyseur de l'économie
québécoise dans toutes ses activités de producteur,
d'employeur, d'acheteur, de vendeur et de chercheur.
L'hydroélectricité est présentement une source
d'énergie durable qui peut être utilisée de façon
économiquement rentable. Toutefois, l'état actuel des
réserves d'électricité disponibles, de même que la
faible hydraulicrté nous amènent à penser que cette
ressource renouvelable n'est tout de même pas inépuisable. Il est
inquiétant de constater qu'il serait présentement difficile
d'accueillir un projet industriel d'envergure, grand consommateur
d'électricité, en raison de la faible marge de manoeuvre dont
nous disposons pour desservir même la demande domestique. Aussi, l'ACIQ
recommande que les programmes mis de l'avant pour promouvoir une utilisation
plus efficace de l'hydroélectricité doivent être soutenus,
appuyés, voire accentués.
De plus, s'il est vrai qu'il faut optimiser l'avantage que
représente l'énergie hydroélectrique, l'ACIQ croit qu'il
faut avoir également l'oeil ouvert sur les autres sources
d'énergie qui, dans l'avenir, viendront peut-être remplacer
l'hydroélectricité, tout comme l'électricité a
remplacé le mazout dans la plupart des foyers québécois.
Il est important qu'Hydro-Québec se préoccupe du cycle de vie de
l'hydroélectricité comme produit énergétique.
L'Association des commissaires industriels du Québec vous formule
cette première recommandation: que, tout en privilégiant
l'énergie hydroélectrique, Hydro-Québec puisse disposer de
la latitude et des moyens requis pour assurer au Québec les
réserves d'électricité nécessaires à son
plein développement économique dans le respect de
l'environnement.
M. Dicaire (Daniel): L'autosuffisance énergétique
à des coûts économiquement rentables, et j'ajouterais
compétitifs. L'Association des commissaires industriels du Québec
souscrit au principe de l'autosuffisance énergétique à des
coûts économiquement rentables. Comme nous l'avons
mentionné, l'ACIQ considère l'hydroélectricité
comme une source énergétique propre. Nous sommes également
d'avis que le potentiel de développement de cette richesse naturelle
québécoise est énorme. Conséquemment, nous
considérons que l'objectif d'autosuffisance en
énergie hydroélectrique doit être atteint à
des coûts qui rendent son utilisation économiquement rentable pour
nos entreprises.
Ce développement de nos richesses naturelles doit,
évidemment, se faire dans le respect de l'environnement. Aussi,
l'Association se réjouit de constater qu'Hydro-Québec fait sien
le concept du développement durable. Il est important d'envisager un
développement de nos richesses naturelles qui réponde aux besoins
du présent sans compromettre les besoins des générations
futures. L'atteinte de cet objectif peut également passer par la
sous-traitance. Les petites centrales privées en sont un exemple parmi
d'autres.
L'Association estime que, si ce développement entraîne une
hausse des coûts de production, cette dernière ne soit pas
seulement compensée par une hausse de tarifs, mais aussi par une
utilisation plus efficace de la ressource et par un accroissement de la
productivité de l'entreprise. Par ailleurs, mais parallèlement au
souci environnemental, l'ACIQ considère que l'avantage concurrentiel que
possède HydroQuébec doit être conservé, même
renforcé. Nos tarifs industriels d'électricité
étaient les moins chers au monde. Malheureusement, il existe des
exemples où nous avons perdu des entreprises énergivores en
raison de rabais des coûts d'énergie consentis par d'autres pays,
provinces ou Etats.
L'Association formule comme deuxième recommandation:
qu'Hydro-Québec vise à obtenir un niveau de productivité
similaire ou supérieur à celui d'autres entreprises
d'électricité canadiennes et qu'elle tende à assurer au
Québec l'auto-suffisance énergétique à des
coûts économiquement rentables et compétitifs.
Un produit et des services de qualité. Il est essentiel
qu'Hydro-Québec offre un produit et un service dont la qualité
réponde aux attentes de sa clientèle. On a beaucoup parlé
des pannes électriques, ces derniers mois. Nous comprenons qu'en raison
de la nature de notre climat et de la longueur des lignes de transmission
l'élimination de toutes les pannes est un objectif utopi-que. L'ACIQ
considère cependant qu'Hydro-Québec doit mettre de l'avant tous
les moyens possibles pour améliorer la fiabilité de son
réseau. Donc, nous accueillons favorablement la décision
d'Hydro-Québec d'investir plus de 4 000 000 000 $ pour améliorer
la fiabilité de son service au cours des sept prochaines années.
L'ACIQ souhaite que, par cet investissement, le réseau de distribution
d'Hydro-Québec puisse répondre aux plus hauts standards de
qualité, afin d'assurer la fiabilité des approvisionnements aux
entreprises.
L'ACIQ considère que le produit d'Hydro-Québec doit
être de qualité. Elle croit que le service offert doit
également être à la hauteur. À cet égard,
certains irritants subsistent. Nous pensons, par exemple, au taux de
réponse téléphonique lorsqu'une entreprise tente d'entrer
en contact avec les préposés d'Hydro-Québec. Nous pensons
aussi aux interruptions planifiées par Hydro qui doivent être
mieux publicisées dans les secteurs qui seront touchés. Les
entreprises ont besoin aussi de planifier leurs opérations. Les
variations de voltage constituent des irritants majeurs pour plusieurs
entreprises, surtout celles qui ont à utiliser de l'appareillage
électronique de pointe, nécessitant une source d'énergie
constante et continue. Finalement, une demande de raccordement, lorsque
formulée, présente aussi des irritants au niveau du délai
d'attente. L'Association appuie donc HydroQuébec dans ses
démarches en vue d'améliorer la fiabilité de son produit
et la qualité des services que l'entreprise offre à sa
clientèle.
La sous-traitance. Les différents sous-traitants et fournisseurs
qui transigent avec Hydro-Québec constituent pour l'entreprise une
clientèle importante. Nous savons que toute la question de la
sous-traitance a déjà été étudiée par
votre commission. Nous ne voudrions donc pas ici refaire un débat qui a
déjà eu lieu. L'ACIQ considère toutefois
qu'Hydro-Québec a réussi dans le passé à
développer et à encourager la philosophie du faire-faire. En
cela, HydroQuébec dispose d'un levier économique important qu'il
faut utiliser davantage. Cette attitude historique - qu'on pense aux grandes
sociétés d'ingénierie qui ont été
développées - a fait d'Hydro-Québec un moteur du
développement technologique au Québec. Plusieurs entreprises ont
donc vu le jour dans le sillage d'Hydro-Québec et ont réussi
à développer leur propre expertise pour répondre aux
exigences d'Hydro-Québec. Cependant, le processus de sélection
des fournisseurs aurait avantage à être éclairci et
peut-être modernisé.
Hydro-Québec pèche peut-être par excès
lorsqu'il s'agit de régler les factures de ses fournisseurs. Un compte
peut demeurer en souffrance bien au-delà des 30 jours habituels. En plus
d'entraîner des tracas dans les systèmes comptables des
entreprises victimes, ces dernières peuvent manquer des
liquidités requises pour assurer leur plein développement. Aussi,
l'Association vous formule-t-elle cette troisième recommandation:
qu'Hydro-Québec respecte le délai habituel de 30 jours pour
régler ses comptes payables. À cette fin, qu'elle
décentralise son processus d'achat et qu'elle institue un poste de
commissaire aux plaintes pour traiter les requêtes des fournisseurs et
des sous-traitants.
M. Dallaire: L'hydroélectricité, une force à
développer. La satisfaction de nos besoins énergétiques
domestiques. L'ACIQ souscrit au programme d'économies d'énergie
proposé par Hydro-Québec. Il est essentiel de viser une
utilisation optimale de cette ressource précieuse qu'est
l'hydroélectricité et, conséquemment, d'éviter le
gaspillage. L'ACIQ n'est pas convain-
cue qu'un programme d'économies d'énergie suffirait
à lui seul à dégager la marge de manoeuvre requise pour
assurer le développement économique futur. Une telle
stratégie risquerait de limiter notre développement, si la
croissance économique était plus forte que prévu. Dans
quelques États américains, pour contrer la carence en sources
d'énergie, on a dû forcer certaines entreprises, grandes
consommatrices, à n'être en opération que la nuit et l'ACIQ
ne serait pas du tout favorable à une telle situation.
Par ailleurs, d'après les chiffres fournis par
Hydro-Québec, nous savons qu'à partir de 1996 les
équipements actuels, combinés au programme d'achat
d'électricité, ne seront plus suffisants pour combler les besoins
domestiques du Québec, et ceci exclut toute exportation. Même si,
comme nous l'avons dit plus haut, nous prenons résolument parti pour la
protection de l'environnement, nous nous inquiétons des capacités
à répondre à la demande. Aussi, non seulement
l'Association appuie-t-elle le plan de développement
d'Hydro-Québec, mais elle exprime ouvertement ses craintes quant
à l'insuffisance de la marge de manoeuvre énergétique.
D'autre part, nous estimons qu'il faut également encourager les
initiatives privées qui peuvent produire de l'énergie
électrique à coût inférieur à celui
d'Hydro-Québec. Par exemple, nous savons que les papetières
produisent beaucoup de vapeur qui peut être transformée en
énergie électrique. Si l'électricité ainsi produite
est de qualité et que ses coûts de production sont
inférieurs à ceux d'Hydro-Québec, cette dernière
devrait l'acheter systématiquement.
L'Association des commissaires formule, comme quatrième
recommandation: qu'Hydro-Québec dispose de la marge de manoeuvre et des
appuis requis pour assumer pleinement son rôle de leader en
matière de gestion de notre potentiel énergétique.
À cette fin, elle doit promouvoir l'économie d'énergie,
développer notre potentiel hydroélectrique et aussi se porter
acquéreur de l'énergie de qualité produite par le secteur
privé à moindre coût.
Les exportations. L'ACIQ estime qu'Hydro-Québec doit être
en mesure de répondre adéquatement aux besoins domestiques en
énergie hydroélectrique. Nous croyons vital qu'il faille disposer
des réserves énergétiques requises pour attirer ici des
entreprises génératrices d'emploi et de développement
économique. Aussi, nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt
le débat entourant toute la question de l'exportation
d'électricité.
L'ACIQ reconnaît l'avantage économique à exporter
notre énergie à profit, dans la mesure où on s'est d'abord
assuré de répondre à la demande énergétique
interne et que le prix de vente de l'électricité ne contribue pas
à ce que l'importateur se dégage un avantage concurrentiel.
À cet égard, nous avons pris connaissance, avec beaucoup
d'intérêt, d'un article publié dans le cahier
économique de La Presse du 4 avril dernier. On y apprenait que la
New York Power Authority, l'organisme public qui assure le transport
d'électricité sur le territoire de cet État, soldait son
électricité afin d'attirer des entreprises
québécoises. Nous l'avons dit plus haut, l'avantage concurrentiel
que représente le capital énergétique
québécois doit être conservé et
amélioré.
L'ACIQ estime qu'une part de ces profits à l'exportation devrait
bénéficier aux entreprises québécoises. Aussi, nous
formulons cette cinquième et dernière recommandation: un peu
selon le principe du 1 % des coûts d'un ouvrage consenti à
l'environnement, qu'Hydro-Québec investisse 1 % de ses ventes à
l'exportation dans un fonds spécial voué au développement
de l'entreprise québécoise.
En conclusion, rappelons que l'Association des commissaires industriels
du Québec a notamment pour mandat de favoriser le regroupement et la
concertation des partenaires du développement au Québec, Le
rôle principal de ses membres est de s'intéresser en
priorité au développement et à la croissance
économique de son territoire. L'ACIQ estime qu'Hydro-Québec est,
depuis sa création, un partenaire important de notre
développement et que notre capital énergétique constitue
un élément essentiel de notre infrastructure économique.
Hydro-Québec doit disposer de la marge de manoeuvre requise pour nous
assurer, en tant que société, des réserves
énergétiques nécessaires. C'est ainsi que nous pourrons
favoriser la croissance de nos entreprises québécoises et attirer
chez nous des entreprises créatrices d'emploi.
Il est important que le gouvernement joue son rôle d'actionnaire
unique et, en cela, il doit fixer, au nom de la collectivité, des
objectifs clairs et juger la direction sur les résultats obtenus. Par
ailleurs, cette imputabilité a comme corollaire le fait
qu'Hydro-Québec doit disposer de l'autonomie de gestion
nécessaire.
M. le Président, M. Leclerc, Mme la ministre, Mme Bacon, et
messieurs, dames de la commission de l'économie et du travail,
l'Association des commissaires industriels, l'ACIQ, vous remercie de votre
attention, et nous demeurons à votre entière disposition pour
répondre à vos questions. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Leclerc): Je vous remercie et je
reconnais Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Dallaire et M. Dicaire, je voudrais vous
remercier de votre... Madame?
M. Dallaire: Gosselin.
Mme Bacon: C'est ça, Mme Gosselin,
excusez-moi. Alors, je vous remercie de votre mémoire, de votre
présentation et des commentaires que vous nous apportez aujourd'hui, de
même que de l'analyse que vous avez faite dans votre dossier. Je dois
dire que j'ai trouvé dans cette analyse-là un soutien
encourageant aux démarches qui ont été entreprises par
notre gouvernement pour assurer le développement économique du
Québec.
J'aimerais que vous nous précisiez un élément de
votre mémoire. Je comprends que vous encouragiez Hydro-Québec
à privilégier l'énergie hydroélectrique, mais vous
faites part aussi d'une préoccupation à l'égard du cycle
de vie de l'hydroélectricité comme produit
énergétique. J'aimerais ça, de façon plus
concrète, que vous nous disiez dans quelle direction on devrait avoir
l'oeil ouvert, comme vous le dites, sur les autres formes d'énergie.
M. Dallaire: Bien, comme vous le savez, il y a plusieurs
recherches qui sont faites actuellement dans le domaine
énergétique. Je vais donner seulement un exemple qui nous est
souvent cité dans la relation qu'on a avec les gens qui font de la
recherche et du développement dans ce secteur-là, dont
Hydro-Québec: on parle de l'hydrogène qui pourrait devenir une
source énergétique importante au Québec. Alors,
finalement, ce qu'on veut susciter par cette proposition-là, c'est que
le gouvernement du Québec, qui se trouve à être actionnaire
d'Hydro-Québec, dispose donc actuellement d'une ressource
énergétique très importante, mais, finalement, via
Hydro-Québec, il devrait se pencher sur des sources
énergétiques alternatives qui pourraient - par exemple, le cas de
l'hydrogène dans le futur - être utilisables à ce point de
vue là. Donc, on parie de cette orientation-là comme une
préoccupation gouvernementale plutôt que le gouvernement, par
exemple, se contente, entre guillemets, d'aller dans la direction de
l'hydroélectricité. C'est dans ce sens-là.
Mme Bacon: D'accord. Vous suggérez aussi l'institution
d'un poste de commissaire aux plaintes pour traiter les requêtes des
fournisseurs et les requêtes des sous-traitants. Vous dites
qu'Hydro-Québec pèche par excès quand il s'agit de
régler les factures de ses fournisseurs. Vous dites même que les
comptes peuvent demeurer en souffrance au-delà de 30 jours. Ça,
je pense qu'on va en prendre bonne note. Mais j'aimerais que vous
précisiez davantage l'ampleur de ce phénomène. Est-ce que
ça affecte certains secteurs en particulier ou certaines régions
plus que d'autres?
M. Dicaire: II y a peut-être deux volets à la
question. D'une part, au niveau des délais, on n'a pas d'enquête
en bonne et due forme dont on dispose, mais c'est un commentaire qu'on entend
souvent au niveau de la durée. Au niveau des modalités pour
encourager de nouveaux fournisseurs, il semble, toujours d'après les
commentaires qu'on peut recevoir des entreprises, pour ce qui est des nouveaux
fournisseurs, qu'il soit souvent difficile, à l'intérieur des
devis de l'entreprise, de s'y retrouver. On peut avoir, par exemple, une
période de 10 jours pour aller chercher le devis, et y répondre.
Mais, à l'intérieur du devis qu'on remet à l'entreprise,
il y a des références à des normes internes à
l'Hydro, non pas à des normes standards habituelles de l'industrie, mais
à des normes propres à la qualité Hydro, qui ne sont pas
tout de suite incluses dans le document. Alors, l'entreprise en prend
connaissance et elle doit les retourner à Hydro. Il arrive souvent que
le délai se termine. C'est un autre exemple, si vous voulez, des
tracasseries.
Mme Bacon: D'accord. (16 h 45)
M. Dallaire: Je peux peut-être apporter un
complément, si vous me le permettez, madame. Dans le cas de la
sous-traitance, mes confrères, mes consoeurs et moi-même avons eu
de très tristes expériences en ce qui concerne les fournisseurs
québécois qui, parfois, pouvaient apporter des produits
fabriqués au Québec, qui faisaient du remplacement de produits
d'importation. Si une commission comme celle-là se penchait sur ce seul
aspect, il y en aurait pour longtemps, parce que ça, c'est un
très gros problème. Mais il n'y a pas de mécanique d'appel
à Hydro-Québec, indépendante, si l'on veut, de la haute
direction et c'est assez complexe de faire valoir son point, pour un
industriel. Alors, c'est ce à quoi on fait référence dans
le cas d'un commissaire aux plaintes.
Mme Bacon: D'accord. Vous reconnaissez aussi l'avantage
économique à exporter l'électricité. Vous
suggérez qu'Hydro-Québec investisse 1 % de ses ventes à
l'exportation dans un fonds spécial qui serait voué au
développement de l'entreprise québécoise. Je pense que je
suis d'accord avec vous pour utiliser l'énergie électrique pour
stimuler le développement économique, appuyer aussi le
développement régional. Mais j'aurais quand même trois
questions qui seraient relatives à votre proposition de fonds de
développement. Qui, selon vous, devrait être responsable
d'établir les orientations d'un fonds - parce que ça en prendrait
- en termes de stratégie de développement économique? Ce
serait ma première question. La deuxième: Quelle forme
croyez-vous que l'aide procurée aux entreprises par ce fonds pourrait
prendre? Enfin, est-ce que vous croyez que la création d'un tel fonds
serait bien reçue, par exemple, aux États-Unis, dans le cadre du
libre-échange, dans le cas des droits compensateurs?
M. Dallaire: D'abord, à qui? Il est impératif
que ce fonds4à, à notre avis, ne soit pas
géré, naturellement, par Hydro-Québec. On parle du
gouvernement du Québec, ici, qui, par le biais des revenus et des
profits d'Hydro-Québec, pourrait gérer cette enveloppe-là,
d'une part. Quant aux orientations, à la stratégie d'application
de ça, je ferais un parallèle que vous connaissez très
bien en tant que ministre responsable de l'Office de planification et de
développement du Québec Si on parle du fonds de
développement régional, c'est un très bon exemple. Donc,
possiblement que le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie et l'Office de planification et de développement du
Québec, devraient, de concert, déterminer les modalités
d'application en région d'un tel fonds.
Quant à la forme d'aide consentie par ce fonds-là, elle
pourrait être de plusieurs ordres. Généralement, le FDR
peut s'appliquer à des infrastructures et peut aussi, à la
limite, s'appliquer à des projets industriels - pas
nécessairement industriels, ça peut être dans le tertiaire
aussi ou dans le primaire - un peu particuliers dans certaines régions.
Donc, je pense que ça vaudrait la peine de l'appliquer à
différents étages économiques, dans ce sens-là.
Vous avez raison, le 1 % ne devrait pas sourire aux Américains,
généralement, surtout que c'est leur attitude
générale depuis bien avant l'Accord de libre-échange.
Cependant, il y a des impacts régionaux à tous les projets
d'Hydro-Québec; le groupe précédent en a fait mention et
je pense qu'on ne peut pas passer à côté, comme
Hydro-Québec a elle-même instauré un petit peu le
système compensatoire dans le cas des lignes qui s'en allaient justement
pour les exportations aux États-Unis. Ça pourrait être une
façon d'avoir un impact direct sur les régions par le biais des
bénéfices à l'exportation d'Hydro-Québec.
Évidemment, il faudra convaincre nos voisins américains du
bien-fondé de la chose.
Mme Bacon: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Votre
Association considère aussi qu'Hydro-Québec a réussi
à développer, à encourager la philosophie du faire-faire
et qu'Hydro Québec dispose d'un levier économique important qu'il
faudrait utiliser davantage. Vous considérez quand même que le
processus de sélection aurait avantage à être
éclairci. Quelles sont les améliorations qui sont souhaitables
à cet égard?
M. Oallaire: Je vais vous donner un exemple pratique qui est
assez typique à Hydro-Québec, sans rien particulariser. Vous avez
le processus des demandes de soumissions à Hydro-Québec qui est
un dédale dont peu peuvent se vanter de ressortir facilement. Donc, le
processus de soumissions est relativement, pour plusieurs industriels du moins
- et vous savez comment les industriels traitent ce genre de questions -
aléatoire en termes de temps. Ça arrive souvent - moi-même,
je l'ai vécu - que les soumis- sions sortent à un tel moment et
exigent des livraisons à un tel autre moment, ce qui élimine
complètement les sous-traitants québécois car, par manque
complet de temps, ils ne peuvent pas se virer de bord pour répondre
à la demande d'Hydro-Québec, en tout ou en partie, dans certains
cas. Je l'ai vécu souvent, dans les Bois-Francs; on a été
pris avec ce problème-là à de multiples reprises. Alors,
c'est le genre de problèmes qui se répètent à
Hydro-Québec. Évidemment, Hydro-Québec a fait des efforts
dans la recherche et le développement de produits en investissant avec
des entreprises québécoises, mais, tout de même, ce
processus-là, qui semble être indépendant de l'autre,
aurait nettement avantage à être éclairci.
Mme Bacon: Vous affirmez aussi dans votre mémoire qu'il
existe des exemples où nous avons perdu des entreprises
énergivores en raison de rabais des coûts d'énergie
consentis par d'autres pays, d'autres provinces ou d'autres États.
Est-ce que vous pouvez nous présenter quelques-uns de ces
exemples-là?
M. Dicaire: Je peux peut-être, à titre d'exemple,
vous donner un produit chimique précis: te chlorate de soude. Le
chlorate de soude est un agent de blanchiment utilisé dans l'industrie
des pâtes et papiers, qui, avec toutes les discussions environnementales
sur d'autres produits de blanchiment qui seraient nocifs, est de plus en plus
en demande; il y a eu un accroissement de la demande. L'industrie estime qu'en
Amérique du Nord il y aura pour environ 318 mégawatts
additionnels - je dis bien additionnels - qui seront demandés, seulement
en 1993, par les industries de ce secteur-là, pour produire 484 000
tonnes du produit. La plupart de ces entreprises ont une usine au
Québec, il y en a au total 7 au Québec, et le volume >;ue je
vous ai donné, réparti entre 5 de ces 7 entreprises, sera pour la
majorité réalisé dans le Sud-Est américain.
M. Dallaire: Vous comprendrez qu'on ne nomme pas d'entreprises
comme telles.
Mme Bacon: Non, non, non, je comprends, là. Mais vous avez
vous-même, dans votre Association, des exemples bien précis
À la page 7 de votre mémoire, vous mentionnez que
l'atteinte de l'objectif d'un développement durable peut passer par la
sous-traitance. Vous donnez les exemples de petites centrales privées.
Est-ce que vous pourriez nous préciser comment vous voyez la
contribution des petites centrales privées au développement
durable?
M. Dallaire: Au développement durable comme tel, il ne me
vient pas d'idée en tête.
L'exemple que je vois, qui est tout neuf et qu'Hydro a
étudié elle-même, c'est le cas de
Cascades, à Kingsey Falls, qui, par le gaz naturel, fait
fonctionner des turbines qui, elles, produisent plus
d'électricité que ce que Cascades peut consommer. C'est une
question de rentabilité d'installation qui fait que Cascades produit
plus d'électricité qu'elle ne peut en consommer pour le moment.
Alors, évidemment, le gaz naturel aussi est une ressource qui
s'épuise, mais, tout de même, c'est le genre de projet - imaginons
que les principales papetières de la province y contribuent - qui
donnerait une ressource supplémentaire quand même imposante
à Hydro-Québec.
Mme Bacon: Vous mentionnez aussi, à la page 9 de votre
mémoire, qu'Hydro-Québec doit "réduire sensiblement les
délais de réalisation des demandes de raccordement de ses
clients". Mardi dernier, on a eu la Corporation des maîtres
électriciens du Québec qui nous a également fait part de
ce problème-là. Quel est, selon vous, le délai actuel de
raccordement et quel devrait être un délai raisonnable?
M. Dallaire: Les commissaires industriels sont des personnes de
terrain; je vais vous répondre comme quelqu'un de terrain. Si une
entreprise passe au feu et qu'Hydro-Québec doit la raccorder très
rapidement, ça se comprend bien. Mais si l'entreprise, pour une raison
ou une autre, a une planification à très long terme de son
implantation, on peut planifier, comme on le fait avec Hydro-Québec dans
les réseaux locaux, un raccordement à assez longue
échéance; actuellement, ça peut aller chercher dans les
deux mois, ça se tient là-dedans.
Il me semble toutefois inacceptable, finalement, que ça se tienne
dans ces délais-là, surtout à partir d'installations
régionales, de centres régionaux de services. Ça ne
devrait pas dépasser au maximum trois semaines, un mois, disons,
après la demande planifiée, mais HydroQuébec devrait avoir
la flexibilité de répondre à une demande rapidement dans
un cas exceptionnel, disons.
Mme Bacon: D'accord. À la page 13 de votre mémoire,
vous faites référence à un article du journal La Presse
qui nous apprend que la New York Power Authority soldait son
électricité pour attirer les entreprises
québécoises. Est-ce que vous considérez que le rabais de
10 % offert par la NYPA est susceptible d'intéresser les entreprises
québécoises à investir dans l'État de New York
davantage qu'au Québec?
M. Dicaire: Après les vérifications qu'on a faites,
il semble que, pour cet exemple, le coût réel demandé par
cette société aux entreprises est supérieur au prix
demandé par Hydro-Québec, sauf qu'il est évident que, de
la façon dont les Américains traitent cet exemple-là, ils
l'utilisent beaucoup plus comme un pouvoir subjectif, pour jeter de la poudre
aux yeux en d'autres mots. Il faut donc être prudent quand on voit ces
gestes des sociétés productrices américaines.
Mme Bacon: On pourrait peut-être dire que les prix qu'on
charge à ces États sont suffisamment bas pour qu'ils puissent
encore même offrir des rabais? Est-ce que vous pensez qu'on peut dire
ça? Vous indiquez, en conclusion de votre mémoire, que le
gouvernement doit fixer, au nom de la collectivité, des objectifs
clairs, juger la direction d'Hydro-Québec sur les résultats
obtenus, que la société d'État doit aussi disposer dp
l'autonomie de gestion nécessaire. Est-ce que vous croyez que les
mécanismes actuels qui gouvernent les relations entre l'État et
HydroQuébec sont adéquats?
M. Dallaire: Généralement parlant, on peut penser
que les récents problèmes d'Hydro-Québec laissaient
sous-jacentes - appelons ça diplomatiquement ainsi - des
difficultés de communication entre le gouvernement et la direction
d'Hydro-Québec, apparemment, s'il faut en croire la situation actuelle.
Dans l'avenir, finalement, il faudrait ultimement que le gouvernement puisse
avoir des positions claires dans certains domaines qui touchent au
développement de la province de Québec via
Hydro-Québec.
Je citais tout à l'heure, parce que c'est un point qui est chaud
pour nous, la question de la sous-traitance. S'il y a quelque chose qui est
directement lié au développement de la province, c'est bien
ça et ça semble être très diffus par rapport aux
propres politiques d'Hydro-Québec. Là, si on avait
Hydro-Québec devant nous, elle dirait: Bien non, ce n'est pas diffus, il
y a des politiques particulières à tout ça. Mais quand on
vient pour appliquer des cas, on se rend compte que des fois ça marche
par soumissions, que des fois ça marche par propositions à des
entreprises, que ça dépend des situations et qu'il y a toutes
sortes de cas particuliers que moi-même j'ai vécus dans certains
cas et nos confrères aussi; ce n'est pas ça qui manque.
Alors, ce n'est pas tellement sur la question de la gestion interne
d'Hydro-Québec. C'est une question de politique globale, finalement,
d'Hydro-Québec. Et là, la convention qui est intervenue entre ses
employés et la direction, qu'on vit aujourd'hui, fait voir que,
normalement, la sous-traitance devrait être encouragée et
systématisée jusqu'à un certain point. Alors, c'est au
niveau des politiques. Ce n'est pas au niveau de la rentabilité, ni
même, finalement, de l'image publique d'Hydro-Québec, mais c'est
au niveau du fondement du développement via HydroQuébec.
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Leclerc): Merci, Mme la ministre. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Mme la ministre, en
début d'intervention, disait qu'elle constatait que dans votre
mémoire vous souteniez la position d'Hydro-Québec. Je pense que
c'est le moins qu'on puisse dire. En fait, votre opinion est assez claire
là-dessus; c'est très évident. D'ailleurs, je vous en
félicite. C'est bon d'avoir des opinions claires sur des choses comme
ça.
Ça m'amène quand même à vous poser quelques
questions. D'abord, en page 6 de votre mémoire, lorsque vous dites
qu'Hydro-Québec doit disposer de toute la latitude et des moyens requis
pour assurer au Québec les réserves énergétiques
nécessaires à son plein développement économique
dans le respect de l'environnement, c'est toujours là qu'il semble y
avoir un problème. Lorsque l'on parle d'énergie, on parle
d'impacts environnementaux et, quelle que soit la forme d'énergie dont
on parie, on a toujours un problème à s'entendre sur l'importance
relative de cette sorte d'énergie là quant à l'impact
environnemental qu'elle crée. Fondamentalement - d'ailleurs, c'est
peut-être la plus grande raison d'être de cette
commission-là, le début de toute la mécanique - comment
peut-on allier le fait que l'on demande la plus grande latitude possible
à Hydro-Québec pour développer les potentiels
hydroélectriques au Québec, tout en disant qu'il va falloir
respecter l'environnement, quand on sait très bien que la principale
contrainte à cette latitude-là ou qu'une des contraintes qui
doivent être considérées en toute priorité, c'est
justement le domaine environnemental? (17 heures)
M. Dallaire: Je vais essayer de répondre à votre
question, parce que votre question ressort, je dois dire, dans une certaine
partie, de nos compétences. Cependant, ce qu'on peut dire, c'est qu'il
s'agit de mesurer, en fait, pour le gouvernement du Québec, aujourd'hui,
l'impact d'investissements majeurs comme ceux dont on parle versus
l'environnement. Votre préoccupation est tout à fait
légitime. Nous-mêmes, on se penche beaucoup là-dessus, par
rapport aux commissaires industriels, et on a fait un bon bout de chemin par
rapport aux expansions dans les parcs industriels et tout ça. Mais, tout
de même, il faut apporter le point dans le sens où, si le
gouvernement du Québec veut faire ces investissements-là par sa
société d'État, Hydro-Québec devra avoir, elle, une
mécanique très arrêtée pour consulter les gens et
s'assurer que le minimum d'interventions environnementales aura
été fait dans la réalisation des projets.
Évidemment, ça peut vous sembler flou, ce que je vous dis.
Mais on ne voulait pas proposer à Hydro-Québec d'investir
aveuglément ces sommes-là sans s'occuper de cette
notion-là, ce qui ne semble pas être la visée du
gouvernement du Québec non plus. Mais je ne peux pas vous
préciser, en dehors de ma compétence, jusqu'à quel point
on doit avoir deux poids, deux mesu- res dans l'énoncé que vous
soulignez.
M. Dicaire: On peut peut-être résumer en mentionnant
ceci: Respectons les démarches d'études environnementales
à prendre, mais n'en ajoutons pas à outrance et rappelons-nous
qu'à partir de 1996 les équipements actuels vont avoir beaucoup
de difficultés à satisfaire la demande en énergie pour le
Québec.
M. Claveau: Vous dites de ne pas ajouter à outrance des
études environnementales. J'ai bien compris?
M. Dicaire: J'ai dit: N'ajoutons pas à outrance au
processus actuel.
M. Claveau: À outrance. Non, c'est parce que, dans la page
suivante, vous dites justement que vous vous réjouissez de constater
qu'Hydro-Québec fait siens les concepts de développement durable.
Beaucoup de groupes, jusqu'à maintenant, sont venus nous dire que, quant
à eux, les énoncés d'Hydro-Québec, en termes de
l'intérêt qu'elle porte au développement durable, leur
semblent plutôt flous ou à l'occasion, même, quelque peu
contestables Est-ce que, en ce qui vous concerne, si je me fie à ce que
dit cette ligne-là, vous considérez que les interventions ou la
préoccupation actuelle d'Hydro-Québec, dans le domaine du
développement durable et des impacts environnementaux, sont
suffisantes?
M. Dallaire: Je vais répondre à ça d'une
autre manière, si vous le permettez. Il y a très peu
d'entreprises, de très, très grosses entreprises
québécoises qui peuvent se vanter d'être engagées,
entre guillemets, dans un processus de développement durable, en
général, par rapport à leur société.
Dans le cas d'Hydro-Québec, je ne crois pas qu'elle soit rendue
à satiété en ce qui concerne les mécanismes qui
permettraient de participer à un développement durable des
ressources en général, loin de là, comme beaucoup
d'entreprises majeures de la province de Québec. Ce qu'on dit, par
contre, c'est que, évidemment, cette notion-là, qui est de plus
en plus développée, a intérêt à faire l'objet
de recherche et de développement à Hydro-Québec pour
améliorer ce genre de situations là, bien entendu.
On parlait de la question du 1 % des exportations, tout à
l'heure, qui pourrait venir encourager le développement des entreprises
québécoises. C'est un aspect qui est très
intéressant, si on l'applique à de la haute technologie qui
permet de participer au développement durable. Économiquement,
c'est intéressant Maintenant, c'est sûr que, comme bien des
sociétés, Hydro-Québec n'est pas rendue à la fine
pointe dans le sujet que vous citez
M. Claveau: Justement, parlons un peu des
exportations. Croyez-vous - j'ai une couple de petites questions en
même temps - que les données que l'on a actuellement, qui ont
été fournies par Hydro-Québec, les études qui
existent sont suffisantes pour dire: Définitivement, c'est rentable
d'exporter, ça vaut la peine d'inonder des immensités de
territoire pour vendre un petit peu aux États-Unis, d'une part? Et
croyez-vous que les territoires, qui seront nécessairement
inondés, justement, pour vendre de l'électricité aux
États-Unis avec des retours qui, en ce qui me concerne, restent toujours
incertains, ne pourraient pas, à bien des égards, être
utilisés à meilleur escient par les intérêts
régionaux pour le développement d'activités
économiques régionales qui seraient peut-être bien plus des
activités d'économie à long terme et de
développement durable que des aquariums?
M. Dicaire: Au niveau de l'énergie qui est
déjà actuellement exportée, notre première
réaction, notre premier préjugé était à
l'effet qu'effectivement c'est un montant d'électricité
qu'à tout le moins on aurait pu utiliser ici. Sauf qu'après
vérification et à partir des petites enquêtes qu'on a pu
mener, il semble que la situation soit que ces montants à l'exportation
- et en tant que commissaires industriels on ne peut que reconnaître
qu'Hydro-Québec agisse en tant qu'entreprise privée et veuille
rentabiliser ses opérations, "profitabiliser" ou, si vous voulez,
augmenter sa productivité - impliquent un retour sur l'investissement.
Et, je parle en langage de finance ou d'entreprise, le retour sur
l'investissement de ses ventes à l'exportation est à tout le
moins justifiable dans les bilans de la société d'État. En
ce sens-là, on ne peut qu'être d'accord avec ça quand on
considère que c'est fait sans priver les entreprises
québécoises, et ça semble être le cas, oui.
M. Claveau: Vous dites: Quand c'est fait sans priver les
entreprises québécoises.
M. Dicaire: Bien, quand on parie de toute la question de
l'exportation, il faut presque regarder contrat par contrat ce qui se passe,
où va cette électricité, où elle irait autrement,
et notre compréhension est à l'effet qu'actuellement ce qui est
dans ces contrats d'exportation est comme je vous l'expliquais.
M. Claveau: Essentiellement, vous êtes des gens du domaine
des analyses financières du développement régional; on
vous retrouve à peu près partout au Québec, vous agissez
dans différents secteurs ou avec différentes compositions de
tissus économiques dans les régions. Une fois que l'on a
adhéré au premier principe, que vous énonciez tout
à l'heuro et qu'on discutait ensemble, de s'assurer que les
Québécois ont toute l'énergie dont ils ont besoin pour
pouvoir développer leurs industries, pour avoir une économie
rentable telle que tous nous le souhaitons, une fois qu'on a fait ça, au
lieu d'exporter ou au lieu de développer de nouvelles centrales pour
exporter en énergie ferme à puissance garantie la promesse de
1985 des 12 000 mégawatts, est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait
plutôt voir à une meilleure utilisation des territoires dont il
sera question? Parce que ce ne sera pas de l'abstraction à long terme,
ça. Un jour ou l'autre, ça va se concrétiser par un
certain nombre de kilomètres carrés de forêts, de plages,
de lacs, de lieux à pourvoirie qui vont se retrouver carrément
sous l'eau. C'est ça, la concrétisation de ça.
Alors, est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait plus profitable, pour
le développement des régions qui seront affectées, de
travailler à investir des sommes dans le développement
touristique, dans le loisir en général, dans la chasse sportive,
enfin, dans tout un tas d'activités qui, elles, pourraient être
générées sur ces mêmes territoires-là,
surtout que, généralement, ça se passe autour des lacs et
des rivières et que c'est là que sont les points les plus
intéressants pour le tourisme, où dans le domaine de
l'exploration minière ou dans le domaine du reboisement? On va avoir des
cas, par exemple, de zones qui ont été reboisées à
grands frais par le gouvernement et qu'Hydro-Québec prétend
inonder maintenant. Est-ce qu'ils vont repayer tous les petits arbres au
gouvernement? Alors, est-ce que vous ne pensez pas qu'on devrait plutôt
essayer d'utiliser autrement ces territoires-là qui sont le long de lacs
et dans les pourtours des rivières, dans des zones
généralement ou souvent très fertiles, avec une faune et
une flore intéressantes, avec une forêt abondante? Est-ce qu'on ne
devrait pas, même, inciter l'État à investir autrement sur
ces territoires-là, pour le mieux-être des populations qui y
demeurent en permanence? Je ne parle pas de quelques bureaux d'architectes ou
d'ingénieurs des tours de Montréal.
M. Dicaire: D'une part, notre compréhension du plan de
développement est que les principaux équipements à
être construits doivent l'être pour répondre à une
demande québécoise, d'abord. Notre compréhension n'est pas
qu'on construit pour de l'exportation. Pour ce qui est de votre question, vous
avez dans notre mémoire des recommandations où on aborde,
à tout le moins, d'autres possibilités qu'uniquement la
construction de nouveaux équipements. Par exemple, on a parlé
d'encourager les petites centrales qui vont représenter un certain
nombre de mégawatts. On a parlé de diversifier dans d'autres
sources d'énergie telles que l'hydrogène. On pourrait aussi
parler de la possibilité de construire des centrales thermiques à
partir de la vapeur existant dans les industries du Québec. Ce sont
d'autres alternatives qu'on encourage.
M. Claveau: Je connais certains commissaires industriels qui,
actuellement, travaillent justement sur des projets de production
d'énergie à partir des résidus de scieries, bon, qui
essaient de négocier avec l'industrie minière, enfin, pour des
utilisations, éventuellement, de vapeur à basse pression parce
que ces entreprises-là ne peuvent devenir rentables que dans la mesure
aussi où on peut vendre la vapeur d'une façon importante. Est-ce
que, vous, au niveau de l'ACIQ, vous avez une préoccupation constante ou
si vous alimentez les commissaires industriels du Québec en analyses, en
réflexions, en documents d'information sur, justement, les
opportunités qui pourraient exister dans ces domaines-là, en tant
qu'alternatives au développement de grands barrages et toujours en
fonction aussi, en bout de piste, de ménager de très beaux
territoires québécois qui peuvent être, à mon avis,
utilisés à bien des égards d'une façon beaucoup
plus rentable pour l'ensemble des Québécois qu'ils ne le seront
si jamais ils sont inondés?
M. Dallaire: J'ai deux réponses à votre question.
La première, c'est que, l'année dernière, le
congrès des commissaires industriels portait sur l'aménagement du
territoire et le développement. Cette question-là a
été débattue lors de ce congrès-là.
Ça a éveillé, je dois vous le dire pour être franc
avec vous, cette mentalité-là chez certains commissaires
industriels, qui était complètement absente dans certains
cas.
L'autre réponse que je voulais vous faire, c'est qu'il ne faut
pas oublier que, dans le cas où on installe des infrastructures pour
HydroQuébec dans certains territoires éloignés, par
exemple, ça amène au gouvernement du Québec des revenus
supplémentaires dans le cas d'exportations, disons, éventuelles,
des revenus de deuxième génération, si on veut, qui
peuvent, eux, être utilisables dans les régions
éloignées de la province de Québec. Je ne vous dis pas que
ça ne peut pas... Nécessairement, dans certains cas, étant
donné qu'on met un barrage à telle place, peut-être qu'on
annihile toute possibilité de développement dans ce
coin-là, peut-être, à la limite. Mais il y a moyen de faire
coexister ce genre d'infrastructures et peut-être de développer
avec les revenus mêmes de cette infrastructure-là, dans ces
régions-là, des projets majeurs.
Quand on parle d'utiliser pour le développement de l'entreprise
québécoise 1 % des ventes à l'exportation, c'est ça
qu'on veut dire. Si on peut faire développer l'entreprise
québécoise dans le Nord du Québec pour telle et telle
raison, ça pourrait être une justification très bonne
à l'utilisation de ce 1 %. Mais peut-être qu'il y a moyen, sans
dire de ne pas installer d'infrastructures dans certains régions, de
faire cohabiter des projets très rentables à long terme et
d'avoir des infrastructures tout de même dans ces territoires-là.
À ça, je ne pense pas qu'il y ait de réponse unique.
Ça dépend aussi des projets dont vous parlez. Est-ce qu'un projet
touristique peut, à la limite, faire durer le développement d'un
territoire comme les revenus que peut tirer un territoire d'une infrastructure
énergétique? Il faudrait le mesurer. C'est très difficile
à dire. Mais...
M. Claveau: Les revenus qu'il en tire sont minces.
M. Dallaire: du moins, la règle du 1 % permettrait une
latitude au gouvernement du Québec, à notre avis. Mais vous avez
raison dans ce que vous dites. C'est une approche qui devrait être
regardée attentivement.
M. Claveau: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Alors, si vous voulez remercier nos invités, M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Je vous remercie de votre présentation, en
souhaitant que les préoccupations que l'on retrouve dans votre
mémoire soient complétées, si vous voulez, par les
préoccupations qui, peut-être, peuvent différer et qui
émanent de certains commissaires industriels qui sont dans des
régions beaucoup plus limitrophes des propositions de construction
d'équipements qu'on a actuellement sur la table de la part
d'Hydro-Québec. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.
(17h 15)
Mme Bacon: Alors, Mme Gosselin, M. Dallaire et M. Dicaire, je
vous remercie de votre intervention. Je pense que c'est un ajout
intéressant à ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant.
Ça fera partie de cette grande consultation que nous avons entreprise
cette semaine. Je pense que ça va être intéressant,
à la fin, de compiler ce que chacun pense, en fait, non seulement du
développement durable, mais du développement de notre
économie par rapport à la protection de notre environnement. Je
pense que ça fait partie des préoccupations de chacun qui vient
ici.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des commissaires
industriels du Québec pour sa participation à ses travaux et
invite le prochain groupe, l'Association Québec-scolaire.
Une voix: Solaire.
Le Président (M. Bélanger): Solaire, excusez.
M. Dallaire: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, MM les
représentants du groupe Québec-solaire, venez faire mon
éducation, ça presse. Je m'excuse de ce lapsus. Et, pendant que
vous prenez place à la table, je vous explique un peu nos règles
de procédure. Vous bénéficiez de 20 minutes ferme pour la
présentation de votre mémoire. Il y aura une partie, par la
suite, d'échanges avec les parlementaires. Alors, je vous prierais donc,
avant de commencer, d'identifier votre porte-parole, les gens qui vous
accompagnent et de bien vouloir procéder. Je vous remercie.
Association Québec-solaire
M. Côté (Richard): Alors, moi, je m'appelle Richard
Côté, je suis président de l'Association
Québec-solaire, et M. Pierre Thisdale, lui, est secrétaire de
l'Association.
Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs,
bonjour. Je tiens, tout d'abord, à remercier cette commission
parlementaire d'avoir invité l'Association Québec-solaire a venir
soumettre ses vues sur l'avenir énergétique du Québec. Et
je veux aussi remercier la quarantaine de ministres et de députés
qui ont manifesté un vif intérêt pour l'énergie
solaire, ce qui nous a encouragés à présenter ce
mémoire.
La perspective où on se place aujourd'hui, c'est celle du
développement durable. Les experts du monde entier s'entendent pour dire
qu'au rythme où on consomme actuellement l'énergie notre
planète sera devenue invivable d'ici 50 ans. La seule façon
d'empêcher cette éventualité, c'est d'amorcer dès
aujourd'hui une transition vers une politique énergétique qui
fait de plus en plus de place aux énergies renouvelables et à la
réduction de la demande d'énergie. Au Québec, environ 57 %
de toute l'énergie consommée sert à la production de
chaleur, soit pour le chauffage des locaux, ou pour l'eau chaude sanitaire, ou
pour les fluides utilisés dans les processus industriels. À
l'heure actuelle, on utilise surtout les combustibles fossiles, comme le gaz,
ou le pétrole, ou bien l'électricité, pour subvenir
à ces besoins. Or, l'énergie solaire peut, théoriquement,
combler la totalité des besoins de chaleur lorsque ses technologies
seront rendues à maturité. Ça, c'est dans notre climat.
C'est prouvé scientifiquement.
L'affirmation de l'Association des ingénieurs-conseils du
Québec, selon laquelle le solaire est encore au stade
expérimental, est absolument fausse et reflète bien le manque
flagrant de connaissances de la plupart des ingénieurs dans ce domaine.
Il existe, à l'heure actuelle, une foule de produits et de techniques
éprouvés depuis cinq a dix ans, qui peuvent facilement combler 30
% des besoins de chauffage d'un bâtiment neuf bien conçu ou
jusqu'à 50 % des besoins de chauffage de fluides, dans les
procédés industriels, ou de l'eau chaude dans un
établissement.
Alors, quels sont les principaux avantages de notre forme
d'énergie? D'abord, on utilise une source d'énergie abondante,
gratuite, qui nous arrive selon des cycles prévisibles dans le temps et
qui est sans danger pour l'environnement. Ça offre une grande
sécurité en cas de panne de courant. Ensuite, on obtient un
étalement significatif de la pointe quotidienne d'Hydro-Québec,
ce qui permet de rentabiliser davantage les installations existantes. Ensuite,
on augmente la quantité d'énergie disponible pour l'industrie et
l'exportation. On recule de plusieurs années l'échéance de
projets hydroélectriques importants dont on ne connaît pas encore
tous les impacts négatifs sur l'environnement. Alors, ça permet
de les étudier davantage et d'essayer de diminuer les
inconvénients possibles. Ensuite, on augmente la qualité de vie
dans les bâtiments. On obtient aussi de très importantes
retombées économiques en termes d'emplois dans des industries
comme l'industrie des fenêtres, qui est très importante au
Québec et qui pourrait avoir, comme marché potentiel, tout le
Nord des États-Unis qui a des conditions climatiques semblables aux
nôtres.
Avec tous ces avantages-là, pourquoi donc est-ce qu'on n'utilise
pas davantage l'énergie solaire? Alors, un des principaux obstacles,
d'après l'Association, c'est l'inégalité entre les formes
d'énergie. En effet, il existe une très forte distorsion
lorsqu'on compare le solaire et les autres formes d'énergie. Par
exemple, on compare, généralement, le prix du kilowattheure
moyen, alors qu'il faudrait plutôt utiliser le coût marginal des
nouvelles installations que nous pouvons éviter en utilisant des
installations solaires. Ensuite, il faudrait quantifier et ajouter aussi tous
les autres coûts que la société doit défrayer pour
réparer les dommages causés à l'environnement ou aux
populations par d'autres formes d'énergie. Par exemple, est-ce qu'on
compte les prestations de revenu garanti aux populations autochtones dans le
coût de l'électricité? Est-ce qu'on compte la perte d'aires
de repos pour les oiseaux migrateurs, qui ne nous affecte pas directement pour
la chasse à la sauvagine, mais qui fait que ces oiseaux-là vont
diminuer en grand nombre aux États-Unis, dans le Sud des
États-Unis? Ça, c'est d'après une étude de la
société Audubon. Ensuite, est-ce qu'on compte le prix que
ça va coûter pour gérer des déchets
nucléaires pendant plusieurs millénaires parce que ces
déchets-là ne disparaîtront pas tout seuls? Est-ce qu'on
compte le dommage aux poissons et aux populations par l'ingestion de mercure?
Et est-ce qu'on compte le coût de la nuisance des lignes de transport?
Alors, ce sont ces divers facteurs qu'on préconise maintenant de
calculer si on veut savoir le vrai coût de l'énergie pour
l'environnement. Il faut calculer tous ces coûts cachés là
qui sont assumés par d'autres parties de la société.
Ensuite, il y a une inégalité des formes d'énergie
par rapport aux sources de financement. Par exemple, lorsqu'un consommateur
installe un chauffe-eau solaire chez lui, il est obligé
d'emprunter peut-être à 16 % ou à 17 % en prêt
personnel pour financer son équipement qui est pourtant un
équipement producteur d'énergie, au même titre qu'un
barrage hydroélectrique, et qui a une espérance de vie, bien,
peut-être un peu inférieure. Mais, quand même, c'est un
équipement qui peut s'amortir à long terme. Si on regarde
Hydro-Québec, bien, eux, ils sont financés par des
émissions d'obligations à 9 % ou à des taux
intéressants, puis ils ont un avantage marqué sur
l'énergie solaire de ce point de vue là.
Ensuite, un autre obstacle, ce sont les préjugés et la
méconnaissance presque totale de cette forme d'énergie là.
On dirait que, depuis qu'il y a un certain nombre d'années certains
experts du fédéral ont décrété que ce
n'était pas rentable ou qu'il y avait eu des systèmes qui avaient
coulé, des choses comme ça, ça a comme créé
une espèce d'opinion généralisée que le solaire,
c'était bon à rien, ce qui est tout à fait faux, c'est un
préjugé. Puis, depuis ce temps-là, on s'est servis de ce
prétexte-là pour faire comme si l'énergie solaire
n'existait pas, alors que, dans d'autres pays, dans tout le Nord des
États-Unis où II fait aussi froid qu'ici, dans des pays d'Europe,
comme l'Allemagne, par exemple, où on consacre 26 000 000 $ sur trois
ans à la recherche et au développement dans les isolants
transparents, eux, ils ne trouvent pas que c'est négligeable, le
solaire. Puis, en France, les codes de bâtiment incluent la part de
l'énergie solaire dans le calcul pour accorder des réductions
tarifaires aux gens qui l'utilisent.
Il y a aussi une absence presque totale de soutien du gouvernement au
solaire. Alors, depuis la fermeture de la Direction des technologies et des
énergies nouvelles l'an dernier, il n'existe plus aucune source de
renseignement officielle sur le solaire au Québec de la part du
gouvernement. Ensuite, il y a une insuffisance aussi de la
recherche-développement. Si on regarde le budget total du
ministère de l'Énergie et des Ressources pour la RD, en 1989,
c'était seulement d'environ 300 000 S à partager entre toutes les
formes d'énergie, c'est-à-dire le nucléaire,
l'hydroélectricité, le gaz, le pétrole, la biomasse, etc.
C'est sûr que ceux qui ont pris les plus gros morceaux, ce ne sont pas
les plus petits. Alors, il ne reste plus grand-chose pour l'énergie
solaire. Pourtant, la clé de la réduction des coûts et de
l'augmentation de l'efficacité, c'est d'avoir un bon programme de
recherche-développement.
Alors, les recommandations qu'on pourrait faire peut-être,
ça serait la création d'un organisme indépendant, qui
pourrait aussi être une société d'État,
chargé d'implanter, partout où c'est possible, des
équipements solaires. Ensuite, ça serait d'augmenter le soutien
à la recherche-développement dans le domaine et de créer
une sorte de partenariat avec les industries pour vraiment les encourager
à faire plus de recherche-développement. Ensuite, enfin, il
faudrait créer des incitatifs pour les consommateurs afin d'augmenter la
demande pour les choses solaires. Par exemple, on pourrait faire des
crédits d'impôt ou donner des meilleurs tarifs électriques
aux gens qui utilisent l'énergie solaire et qui, de cette
façon-là, diminuent les coûts sociaux de
l'énergie.
Maintenant, je vais donner la parole à M. Pierre Thisdale qui va
vous parler un peu de notre Association et vous expliquer plus en détail
les possibilités de l'énergie solaire.
M. Thisdale (Pierre): Mesdames et messieurs, bonjour. Avant tout,
je vous souligne que je ne lirai pas le document en tant que tel; ça va
plutôt être un résumé, compte tenu du temps qui nous
est alloué.
L'objectif de l'Association Québec-solaire est de vous
présenter une alternative qui peut satisfaire une partie importante des
besoins énergétiques du Québec, sans porter atteinte
à l'environnement Nous voulons vous sensibiliser aux différentes
possibilités de l'énergie solaire pour répondre à
la demande thermique à basse et moyenne température dans les
bâtiments Le présent document est donc avant tout une illustration
du potentiel des technologies solaires en matière d'énergie
alternative et non pas une étude exhaustive. Nous espérons,
mesdames et messieurs, susciter chez vous suffisamment d'intérêt
et de curiosité pour l'énergie solaire pour que vous en teniez
compte dans le processus de décision sur le développement de la
production hydroélectrique au Québec
Au Québec, le chauffage et la climatisation des bâtiments
accaparent une part importante de notre dépense
énergétique. L'électricité, le mazout et le gaz
sont largement utilisés pour satisfaire ces besoins de chaleur à
basse et moyenne température. Alors que les technologies solaires sont
suffisamment au point pour remplir efficacement ce créneau, elles sont
néanmoins très peu utilisées. L'utilisation des
technologies solaires sur une plus grande échelle se présente
comme une alternative souhaitable parmi les diverses formes d'énergie
renouvelable. Leur implantation est moins coûteuse que celle des
centrales nucléaires ou hydrauliques et moins nuisible à
l'environnement.
Dans le cas du potentiel des énergies solaires, il y a trois
filières principales qu'on doit considérer dont, selon le cas, la
part d'économie d'énergie peut dépasser les 50 % sous nos
conditions climatiques au Québec. Le solaire passif, appelé aussi
bioclimatique, offre un potentiel de 40 % d'économie de chauffage. Avec
cette technologie, c'est le bâtiment tout entier qui a comme fonctions
auxiliaires la captation, le stockage et la distribution de l'énergie du
soleil.
Le solaire actif, ou thermique, est la transformation de
l'énergie héliothermique par un capteur pour réchauffer un
fluide. Cette tech-
nologie est reliée à un système de stockage et de
distribution et son taux d'efficacité dépasse souvent les 50 %
des systèmes conventionnels, c'est-à-dire au mazout ou
électriques. Enfin le photovoltaïque transforme directement le
fluide lumineux en électricité.
Le capteur du chauffe-eau solaire est sans nul doute la première
image qui vient à l'esprit des gens lorsqu'on parle d'énergie
solaire. Installé sur les toitures des maisons, il sert au
préchauffage de l'eau chaude sanitaire et, peut-être plus souvent
encore, pour l'eau de la piscine. Son potentiel est énorme et a un
impact concret sur le budget énergétique du ménage.
Prenons comme exemple un ménage de deux adultes et de deux enfants dont
les besoins en eau chaude sont d'environ 500 litres par jour. Cette
consommation quotidienne nécessite quelque 5000 kilowatts
d'énergie électrique par année. Avec 1 000 000 de
ménages susceptibles de faire des réductions appréciables,
cela équivaut à environ 5000 gigawatts d'énergie.
Toutefois, avec un peu de prudence, on peut considérer que le potentiel
du marché se situe au tiers des chauffe-eau disponibles qui utilisent
actuellement l'électricité comme source d'énergie. Avec
une efficacité qui tourne autour de 50 % des systèmes solaires,
il reste tout de même une capacité d'économie qui se situe
à environ 15 % de la consommation totale du secteur résidentiel,
ce qui peut représenter à peu près 1000 gigawatts
d'énergie uniquement pour les besoins en eau chaude.
En faisant le même calcul pour tous les secteurs d'activité
où l'énergie solaire peut remplir un rôle important, on
obtient des quantités phénoménales d'énergie
à économiser ou à exporter. Ainsi, l'énergie
solaire peut être une alternative très efficace pour le chauffage
et la ventilation des bâtiments résidentiels, à partir d'un
unifamilial jusqu'aux tours d'habitation, pour les édifices commerciaux
étalés sur de grandes surfaces ou en hauteur ou pour
améliorer la qualité de l'air à l'intérieur des
piscines, des centres sportifs ou autre édifice institutionnel.
Le solaire peut être aussi d'un très grand
intérêt pour l'industrie et l'agriculture. Voici, à titre
d'exemple, quelques réalisations concrètes dont le rendement
solaire a dépassé les prévisions de départ: les
piscines municipales de Saint-Léonard et de Port-Cartier; la
papetière McLaren, dans l'Outaouais, qui se sert d'un système
solaire pour chauffer l'eau nécessaire au processus de production de la
pâte à papier; l'usine Ford d'Oakville, en Ontario, qui est
équipée d'un système solaire pour le préchauffage
de l'air de ventilation. En agriculture, il existe des équipements qui
servent au séchage des céréales et des fourrages, au
pompage de l'eau, à l'arrosage des champs. (17 h 30)
En plus, il y des usages beaucoup plus précis qui font appel
à l'énergie électrique tirée du
photovoltaïque. Il y a des stations de communication
éloignées, des aides à la navigation, telles que les
bouées ou les phares, le pompage de l'eau dans le tiers monde et les
régions difficiles d'accès pour le combustible fossile, les
téléphones d'urgence sur les autoroutes, le pompage dans les
étangs d'aquaculture, l'éclairage des centres de ski de fond -
ça n'existe pas au Québec, mais, en France, il y en a un qui
fonctionne, apparemment, très bien - les camps de vacances en zone
éloignée et ça peut même remplacer des unités
diesel aux Îles-de-la-Madeleine ou ailleurs où c'est
nécessaire.
Pour conclure, nous vous avons présenté, en fait,
sommairement, une alternative souhaitable en matière d'utilisation
énergétique, ce qui ne veut pas dire que l'on doit cesser le
développement de l'hydroélectricité. Cependant, une mise
en valeur sérieuse des technologies solaires existantes nous assurerait
une quantité importante d'énergie électrique exportable,
tout en prenant un répit dans la course effrénée de nos
agressions sur l'environnement. Et, généralement, quand on parle
d'alternative en matière d'énergie, on parle plus souvent du
nucléaire que du solaire. On oublie trop facilement que la plus
importante centrale nucléaire qu'on puisse imaginer est le soleil et que
la transformation de cette source d'énergie en énergie utile ne
constitue pas une menace pour nous et notre environnement. En dernier lieu,
nous considérons qu'en matière d'énergie le
développement des ressources doit être vu comme un investissement
dans ce que nous avons d'inépuisable et non comme une hypothèque
sur ce que nous possédons.
Si vous me le permettez, Mme la ministre, pour revenir sur des
interventions précédentes, j'aimerais terminer sur un mot
d'humour pour vous dire qu'on peut s'éclairer autrement qu'avec une
chandelle puisque, chez Radio Shack, ils vendent des chargeurs à
batteries solaires. Je vous remercie.
Mme Bacon: Vous n'en ferez pas la démonstration ici,
j'espère.
M. Thisdale: Non, je n'y ai pas pensé.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions de
votre présentation. Mme la ministre.
Mme Bacon: Alors, M. Côté et M. Thisdale, je vous
remercie de votre mémoire qui fait certainement ressortir le potentiel
de l'énergie solaire pour satisfaire certains besoins
énergétiques. Par contre, il est souvent avancé
qu'à cause de notre climat le Québec serait plutôt
défavorisé quant aux possibilités de recourir à
l'énergie solaire. Moi, j'aimerais que vous exposiez aux membres de la
commission en quoi le Québec constitue un terrain
privilégié pour
l'application des technologies solaires et quels sont nos avantages, ici
au Québec. Est-ce qu'il y a des obstacles aussi, en particulier,
à surmonter pour y arriver?
M. Côté (Richard): Bon, bien, premièrement,
le climat du Québec, pour ce qui est de l'ensoleillement, on a un
ensoleillement supérieur aux autres pays d'Europe, par exemple, qui sont
sous les mêmes latitudes, comme la France, la Belgique ou l'Allemagne. On
n'a pas, évidemment, un ensoleillement aussi grand que les pays
méditerranéens, parce que la terre de prédilection des
technologies solaires, ce sont les pays méditerranéens. Ici, on a
un moins grand ensoleillement, mais il y a des pays, comme la Suède, par
exemple, qui en ont encore beaucoup moins que chez nous et où on a
réussi à utiliser le principe du stockage annuel de
l'énergie pour capter de l'énergie pendant tout
l'été, la stocker dans des cavernes souterraines pendant l'hiver.
Eux, ils ont du chauffage par district, comme ils l'appellent. Alors, ils ont
déjà des réseaux de tuyauterie existants et ils sont
capables de stocker assez d'énergie pour chauffer toute l'année
avec ça. Au Québec, on pourrait facilement faire la même
chose. Ça, c'est quelque chose qui est dans le futur.
Mais, dans le présent, avec la quantité d'énergie
qu'on a, disons, dans les entresaisons, jusque vers la fin de novembre et
à partir du début de février, on peut chauffer de
façon passive, là, facilement un bâtiment lorsque la
journée est ensoleillée. C'est sûr que, dans les mois de
décembre et de janvier où il n'y a pratiquement pas de soleil,
ça prend des techniques de stockage à plus long terme pour
garantir cette partie-là, mais, pour ça, il faut un appoint
électrique en plus.
Mme Bacon: D'accord.
M. Thisdale: J'aimerais peut-être ajouter une chose. Je ne
sais pas si c'est une conséquence des problèmes de la couche
d'ozone, mais, depuis quelques années, les mois froids d'hiver sont
particulièrement froids et, au Québec, quand il fait froid, on a
du soleil. En particulier, ça me revient, l'an passé, en 1989, au
mois de février, il y a eu 176 heures de soleil par rapport à une
moyenne qui tourne autour de 90, ce qui fait que, dans des cas semblables, le
chauffage de l'eau est aussi efficace au mois de janvier ou de février
qu'au mois de juin.
Mme Bacon: Mais quel est l'obstacle qui fait qu'on n'en voit pas
plus?
M. Thisdale: Si tu permets, il y a peut-être un aspect
culturel. À un moment, quand les recherches sur le développement
de l'énergie solaire ont commencé au Québec ou au Canada,
disons, de façon très globale, au début des années
soixante-dix, ça a été un peu l'apanage de marginaux. Il y
a eu toutes sortes d'expériences et, dans beaucoup de cas, fort
désastreuses - certaines personnes des Cantons de l'Est pourront s'en
souvenir - ce qui a donné mauvaise presse au solaire. Ensuite, on s'est
complètement désintéressé de la technologie, au
Québec en particulier, alors que, partout ailleurs dans le monde, on a
continué à développer et à utiliser des
technologies qui viennent, d'ailleurs, de chez nous.
M. Côté (Richard): Excusez-moi. Si je peux vous
répondre d'une façon plus technique peut-être, c'est parce
que, pour utiliser, disons, dans les bâtiments, l'énergie solaire
pour le chauffage passif, il faut utiliser de la masse thermique et les
méthodes de construction au Québec sont de la construction
légère faite avec de la charpente de colombage. On utilise
généralement assez peu les matériaux de masse thermique
qui sont, par exemple, je ne sais pas, de la céramique, de la brique,
n'importe quel matériau qui peut absorber la chaleur. L'eau, entre
autres, est une excellente masse thermique. Ça implique, disons, un
changement dans les habitudes des constructeurs. Ça implique, justement,
une espèce de changement d'habitudes qui avait commencé pendant
un certain temps, mais on dirait que les efforts se sont arrêtés,
à un moment donné, parce que ça pressait moins; la crise
de l'énergie était passée. Ça prendrait beaucoup de
transferts technologiques envers les constructeurs pour les amener à
changer leurs habitudes un peu, mais ça prend aussi des incitatifs.
Généralement, si on regarde une construction de bonne
qualité, par exemple des condos avec des planchers en béton et
tout ça, ils ont suffisamment de masse thermique sans rien ajouter pour
profiter pleinement de la quantité de soleil qu'on a ici.
Mme Bacon: D'accord. Dans votre mémoire, vous faites
ressortir le potentiel de l'énergie solaire pour satisfaire certains
besoins énergétiques. Pour être en mesure de discuter de
l'opportunité d'y recourir, j'aimerais que vous nous précisiez
mieux l'apport de ce potentiel-là qui pourrait, éventuellement,
faire l'objet d'applications économiques, par exemple.
M. Côté (Richard): Là, ça
dépend encore C'est un point que j'ai soulevé un peu au
début. Ça dépend de la façon de calculer la
rentabilité parce que, si on considère que c'est un
équipement producteur d'énergie au même titre qu'un
barrage, qu'on y applique les mêmes critères de rentabilité
et qu'on le compare au coût marginal d'une installation de production
d'énergie, à ce moment-là, la rentabilité augmente
beaucoup. Déjà, à l'heure actuelle, le solaire passif est
rentable d'utilisation en utilisant les techniques actuelles qui sont
éprouvées et qui ont été utilisées depuis
bien des années dans le Nord des
États-Unis. Ça, c'est rentable. Ça donne un
surcoût variant de 1 % à 5 % par rapport à une construction
normale et ça sauve à peu près 30 % de la facture
énergétique d'une maison qui est bien conçue. Lorsqu'on va
avoir des améliorations dans les vitrages, par exemple dans les vitrages
isolants qui vont laisser moins sortir la chaleur, on va pouvoir augmenter la
proportion des vitrages orientés au sud et arriver à des taux de
40 % ou 50 %.
Mme Bacon: Votre mémoire ne fait pas état des
besoins de recherche et développement en énergie solaire. Est-ce
que c'est parce que vous jugez que ce domaine-là a déjà
suffisamment été développé pour remplir un
rôle significatif pour satisfaire des besoins énergitiques au
Québec? Quelles technologies solaires sont éprouvées, en
ce moment, sur le marché québécois? Est-ce qu'on pourrait
savoir lesquelles sont suffisamment au point? Parce que, si vous ne parlez pas
de recherche et développement, est-ce que c'est parce que vous n'avez
pas voulu couvrir ça, ce domaine-là?
M. Côté (Richard): Si je n'ai pas parlé de la
recherche et du développement - je les ai juste mentionnés
brièvement dans le mémoire qu'on vous a présenté
par écrit, j'en ai parlé un peu plus danr, la présentation
tout à l'heure - ce n'est pas parce que ce n'est pas nécessaire.
Au contraire, c'a en prend beaucoup parce que la plupart de la recherche et du
développement dans le solaire ont été faits dans des pays
où il y avait plus de soleil et, si on veut adapter ces
technologies-là à notre climat, bien, il faut changer un peu les
stratégies, il faut changer... Par exemple, il existe tout un corpus
scientifique de règles qui permettent de déterminer pour tel
climat, pour telle latitude, quelle est la quantité de fenêtres
à avoir, quelle est la quantité de masse thermique, la grandeur
des avant-toits pour éviter la surchauffe l'été. Alors, il
y a eu peu d'applications de faites au Québec. Il y a eu peu de
démonstration et de mesurage de faits sur des maisons comme ça.
Je pense que ça nécessite encore beaucoup de recherche et
développement dans ce domaine-là. Mais il y a, par contre, des
produits, comme les capteurs. Est-ce que je peux nommer une compagnie
québécoise qui en fabrique? Fournel, entre autres. Elle a
acheté une technologie européenne de la compagnie Philips qui
avait coûté plusieurs millions de dollars à
développer. Elle l'a achetée pour beaucoup moins cher que ce que
ça valait et elle a une usine, ici, pour fabriquer. C'est très au
point, là, elle fabrique des tubes qui ont un très haut rendement
en hiver parce que c'est sous vide. Alors, il n'y a pas de perte par
convection. Ça, ça fonctionne très bien l'hiver. Ça
peut chauffer l'eau en plein hiver et ça peut venir bouillant. Il y a,
ensuite, les techniques du solaire passif dont je vous parlais. Tout ce que
ça demande, c'est d'appliquer certaines formules qui existent. Alors
ça, c'est au point. Par exemple, le préchauffage de l'air de
ventilation des bâtiments, c'est très au point et c'est
très rentable. Ça, c'est une des applications les plus rentables.
On a l'usine de Ford d'Oakville, en Ontario, qui en est un exemple. Il y a,
d'ailleurs, un bureau d'ingénieurs québécois qui a
collaboré à ça. Et puis, la compagnie Ford trouve
ça tellement rentable qu'elle en pose sur toutes ses usines, maintenant,
pour préchauffer l'air de ventilation. On pourrait utiliser les
mêmes techniques pour faire du retrofit sur des bâtiments qui ont
le syndrome de l'air vicié. Si on utilisait l'énergie solaire
pour préchauffer l'air de ventilation, on pourrait augmenter l'air de
ventilation, comme c'est préconisé par l'Association des
ingénieurs en ventilation, sans coût supplémentaire
d'énergie.
Mme Bacon: On sait qu'il y a quelques maisons solaires qui ont
été construites au Québec. Est-ce que vous pouvez
préciser quelle proportion des frais de chauffage a été
évitée, par rapport aux habitations conventionnelles?
M. Côté (Richard): Les proportions varient. C'est
assez difficile de les établir exactement parce qu'il y a très
peu de maisons qui ont subi un mesurage scientifique. Mais, si on se fie,
disons, à des calculs prévisionnels, avec des logiciels comme le
Hotcan ou des choses comme ça, ça peut être de 20 %
à 30 % facilement.
Mme Bacon: D'accord. Vous mentionnez aussi qu'il serait possible
d'améliorer la performance des serres de production. Vous comprendrez
qu'au moment où les serriculteurs sont confrontés à une
hausse importante de leurs frais d'électricité nous sommes
vraiment tous intéressés à connaître davantage des
moyens qui seraient susceptibles d'atténuer la facture
énergétique, dans ce secteur-là. Est-ce qu'il vous serait
possible de développer davantage ce que sont ces moyens?
M. Côté (Richard): Ça dépend, disons,
de la configuration des serres. L'Université Laval, il y a quelques
années, avait fait une étude assez poussée sur une
nouvelle forme de serre qui, au lieu d'être orientée, d'être
à deux versants, avait seulement un versant sud et le versant nord,
c'était comme un toit isolé. Alors, ce type de serres est
peut-être difficilement adaptable à des terrains plats, mais on
pourrait utiliser facilement les terrains qui sont en pente vers le sud assez
prononcée, comme à peu près 45°, pour faire des serres
qui auraient seulement un versant sud et qui seraient presque
entièrement chauffées par le soleil.
Dans le genre de serres, comme on a à Mirabel, par exemple,
où ce sont de grands toits en vitre, ce sont des pertes d'énergie
épouvantables. Ça, ce sont des genres de serres... On a
importé, tout simplement, des serres comme en Hollande, où
il ne fait pas froid, puis on les a mises ici et on a chauffé à
bloc. Une autre chose qui pourrait être faite, c'est, au lieu de les
chauffer par résistance électrique, ce qui est un pur gaspillage
d'électricité, ce serait d'utiliser des thermopompes qui
utilisent l'énergie géothermique. Alors, là, on multiplie
par trois l'efficacité de notre chauffage. D'après moi, ce serait
deux des solutions.
M. Thisdaie: Et pour ajouter à ça, sans faire une
publicité pour une des deux compagnies québécoises qui
produisent des équipements solaires, la compagnie Soltrac serait
à mettre au point un moteur solaire pour alimenter en
électricité certaines fermes, entre autres, parce que dans des
productions délicates de fleurs, ou des choses comme ça, c'est un
peu embêtant quand il arrive une panne électrique. Au lieu
d'utiliser des unités diesels ou au gaz, ils pensent... En tout cas,
actuellement, ils ont un équipement qui le fait. Je ne sais pas à
quel point sa rentabilité est valable, mais je sais qu'ils ont un
équipement, actuellement, qui est en démonstration.
Mme Bacon: Votre proposition qui concerne le financement de
projets domestiques à un taux préférentiel comparable aux
projets publics, est-ce que ce serait suffisant pour rendre la technologie
solaire rentable pour l'usager?
M. Thisdaie: Sûrement, oui.
M. Côté (Richard): Oui, ça la rendrait tout
de suite, là, ça la placerait dans une fourchette de
rentabilité qui devient intéressante pour les gens. Mais
ça prendrait peut-être des incitatifs plus forts parce que, vu
que... Quand ça représente un grand changement par rapport
à ce qu'on faisait avant, soit dans les habitudes du consommateur, ou
dans les habitudes du constructeur, ou de l'industrie, il faut pousser un peu
plus fort que juste par une incitation normale. Il faut
généralement donner une poussée. C'est le même
principe, disons, que la société distincte. Je veux dire, on
reconnaît, on dit que, quand une langue est plus faible, il faut la
protéger plus que l'autre. Alors, si une industrie est plus faible, il
faut faire la même chose.
Mme Bacon: Quel rôle souhaiteriez-vous voir jouer à
Hydro-Québec relativement à l'implantation des technologies
solaires? Est-ce que vous y voyez un rôle, à
Hydro-Québec?
M. Côté (Richard): D'après moi, le rôle
d'Hydro-Québec serait plutôt un rôle de partenariat qu'un
rôle de recherche et développement, parce qu'une entreprise de ce
type-là est conçue, sa structure, son organisation est
conçue plutôt pour gérer la production, la distribution,
etc, de l'énergie. Elle n'est pas conçue pour favoriser
l'innovation C'est comme une structure un peu lourde, mais elle serait, par
contre, bien placée pour implanter des choses chez ses clients, parce
que, si elle a une politique actuellement d'économie d'énergie,
c'est à peu près l'équivalent d'une politique, par
exemple, d'utilisation de l'énergie alternative. Elle pourrait aussi
essayer de vendre ça à ses clients. Il y a aussi le (ait que
ça comporte certains avantages très forts pour Hydro
Québec le fait d'avoir do la masse thermique dans les bâtiments
Ça fait que l'on peut éteindre, par exemple, le système de
chauffage électrique à 15 heures puis le rallumer à 21
heures le soir, puis le bâtiment va demeurer chaud, parce qu'il y a une
masse thermique. Alors, ça réduit le pire problème
d'Hydro-Québec, qui est la pointe journalière. (17 h 45)
M. Thisdaie: II faut ajouter, parce que c'est une
expérience personnelle et que j'ai perdu mon combat il y a deux ans,
qu'il y aurait peut-être lieu à Hydro-Québec de refuser
l'installation ou le service électrique par ligne dans les endroits de
villégiature éloignée. Je prends un exemple, parce que je
l'ai vécu. Il y a, dans un magnifique endroit, une ligne
électrique qui alimente sept chalets, sur cinq kilomètres de
long. Je ne sais pas combien ça coûte, installer ça, pour
un usage de deux ou trois mois par année, mais je suis convaincu qu'ils
auraient pu donner des capteurs solaires aux gens pour s'alimenter en eau
chaude ou en électricité pour les besoins de la
télévision, sur batterie 12 volts. Ça aurait
été probablement beaucoup plus intéressant, même au
niveau de l'innovation technologique ou de l'application existante et efficace,
au lieu d'aller ouvrir une tranchée de 40 pieds dans un bois, à
peu près autour de 50 mètres le long de la rive du lac.
M. Côté (Richard): Excusez moi, il y a aussi une
chose très précise qu'Hydro-Québec pourrait faire dans le
domaine du photovoltaïque. C'est prouvé que, au coût actuel
du photovoltaïque, c'est concurrentiel avec l'électricité
produite par le diesel, dans les communautés éloignées,
entre autres aux Îles-de-la-Madeleine. Et puis je ne sais pas si
Hydro-Québec a fait des études pour savoir qu'est ce que
ça prendrait pour produire de l'électricité de cette
façon là aux Îles-de-la-Madeleine. Je sais que dans
plusieurs communautés éloignées le gouvernement
fédéral a financé des projets où est ce qu'ils ont
conservé les anciennes génératrices diesels comme appoint,
pour des périodes où c'est nuageux ou quelque chose, puis ils ont
installé des systèmes photo-voltaïques pour la
capacité nouvelle, et puis ça fonctionne très très
bien, même dans les endroits où on pense que l'ensoleillement est
faible, comme dans le Grand Nord
Mme Bacon: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. lo Président. Il me fait plaisir de
vous accueillir à la commission. J'ai réalisé enfin que,
en ce qui vous concerne, les oeuvres témoignent de votre foi et la
présentation sur papier recyclé de votre mémoire est tout
à votre honneur, en tant que respectueux de l'environnement. Il est
aussi à souhaiter que les quelques arbres que vous avez pu
économiser ne se retrouvent pas malencontreusement au fond d'un
réservoir d'Hydro-Québec.
Il est de monnaie courante de dire que le solaire, ça coûte
cher. Une maison solaire, ce n'est pas abordable; faire du solaire, ça
coûte cher. Vous venez de nous dire, tout à l'heure, qu'avec le
photovoltaïque ça revient à peu près au prix du
diesel. Mais, où en est-on exactement là-dedans? Pourriez-vous
nous faire un tableau plus précis du coût du solaire par rapport
au reste dans une maison, par rapport à un chauffe-eau, par exemple, les
frais d'installation, la modification de l'équipement, bon, les
marchés de ça?
M. Côté (Richard): Ce qui fait, disons, qu'une
maison solaire semble coûter cher, c'est parce que l'investissement
initial est plus cher que pour une maison ordinaire, pour une raison bien
précise, c'est qu'en plus d'investir dans une maison c'est comme si on
investissait dans un petit morceau de barrage hydroélectrique en plus
qu'on collait sur la maison. On investit dans un équipement qui produit
de l'énergie, qui est collé à la maison. Alors, que ce
soit un chauffe-eau solaire, disons, qui coûte 1500 $ mais qui, sur 20
ans, va s'amortir très bien, je veux dire, qui va produire beaucoup plus
d'économie en dollars que ce qu'il va coûter... C'est parce que
c'est l'investissement initial qui est cher. Si on regarde les constructeurs,
eux autres, ils ne sont pas intéressés. Il faut qu'ils sortent la
maison la moins chère possible pour que ça se vende au public.
Alors, si la maison coûte 1000 $ de plus et qu'ils disent au consommateur
qu'il va le récupérer dix fois en 20 ans, le consommateur n'est
pas intéressé. Il n'a pas l'argent pour payer plus. Alors, s'il y
avait, par exemple, une possibilité pour que les caisses populaires ou
les banques, les institutions financières consentent des
hypothèques à long terme sur des équipements de ce
genre-là ou consentent de payer un peu plus cher la maison, que la
maison coûte un peu plus cher et que ce soit financé par
l'hypothèque... Mais, généralement, ils vont dire: Bien
non, c'est plus cher que la moyenne. Alors, on vous donne tant et c'est tout et
arrangez-vous avec le reste.
M. Claveau: Si vous le permettez, M. le Président, je
passerais la parole au député de La Prairie. Après, je
reviendrai là-dessus.
M. Côté (Richard): Oui, O.K.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi aussi, comme
porte-parole de l'Opposition en matière d'environnement, je vous
félicite pour avoir utilisé le papier recyclé. C'est un
mémoire que j'ai trouvé bien intéressant. Ma
première question, c'est sur la disparition de la Direction des
technologies et des énergies nouvelles en 1989. Est-ce que vous pouvez
nous expliquer pourquoi c'est disparu et qu'est-ce qu'il faudrait faire pour
qu'il y en ait une parce que, de toute évidence, selon vous,
c'était utile?
M. Côté (Richard): Oui, c'était certainement
utile parce que c'était le seul endroit au Québec où le
gouvernement offrait au public des renseignements sur l'énergie solaire,
sur l'éolienne, sur la biomasse, etc. Puis, c'est à l'occasion de
compressions budgétaires, d'après ce que j'ai pu voir, du
ministère de l'Énergie et des Ressources. Ils ont
été obligés de comprimer les budgets et ils ont
coupé où ils pensaient que c'était moins important,
c'est-à-dire ils ont coupé le plus faible finalement. C'est
toujours ce qui arrive dans notre société. Les forts restent
là et les faibles se font couper.
M. Lazure: C'est malheureusement trop souvent vrai. La ministre
vous a bien écouté et on peut espérer que cette
économie de bouts de chandelle, c'est le cas de le dire...
Mme Bacon: Au début, j'avais l'impression que vous nous
feriez encore votre discours comme tantôt. Alors, je n'osais pas trop
saisir.
M. Lazure: ...cette économie de bouts de chandelle pourra
être remplacée par une autre vraie économie.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Si on pouvait s'adresser à nos invités ou à la
présidence, s'il vous plaît.
M. Lazure: Ma deuxième question: Quand vous parlez de
financement d'organismes comme le vôtre, actuellement, si je comprends
bien, vous n'avez pas de financement gouvernemental, aucune subvention, ou
est-ce que vous en avez?
M. Côté (Richard): On en a eu... M. Lazure:
Dans le moment?
M. Côté (Richard): ...il y a quatre ou cinq ans. Il
en reste encore un petit peu. Là, on a fait des demandes
dernièrement mais c'est assez difficile de savoir à qui
s'adresser parce qu'ils ne savent plus qui s'occupent du solaire passif ou du
solaire actif ou... Alors, on espère avoir des
réponses bientôt à nos demandes.
M. Perron: Les sommets socio-économiques, c'est une bonne
place.
M. Côté (Richard): Pardon?
M. Perron: Les sommets socio-économiques, c'est une bonne
place.
M. Lazure: Les sommets régionaux socio-économiques,
peut-être.
M. Côté (Richard): Mais c'est en perte de
vitesse.
Mme Bacon: Ce sont les gens qui les ont commencés qui
parlent comme ça. Je trouve ça intéressant.
M. Lazure: Je pense qu'on peut souhaiter qu'il y ait
peut-être une consultation, une concertation entre l'Énergie et
l'Environnement parce que vous touchez vraiment aux deux ministères.
Peut-être qu'après concertation entre les deux ministères,
et la ministre comprenant très bien maintenant votre raison d'être
et le rôle que vous avez à jouer, la réponse sera
favorable.
La dernière question que j'avais, c'est touchant votre revue.
J'étais curieux de pouvoir... Vous avez une revue qui est publiée
à combien d'exemplaires?
M. Thisdale: On publie à peu près 1000 copies,
jusqu'à maintenant, par numéro. Le troisième numéro
devrait sortir autour de 500 parce que, dans les deux premiers, on s'est servi
de ça pour faire du recrutement et onvoyer ça sur des listes
d'adresses et participer au Salon de l'habitation, entre autres, à
Montréal.
M. Lazure: Ce ne serait peut-être pas une mauvaise
idée que les députés la reçoivent.
M. Thisdale: On l'a fait le dernier envoi, on en a envoyé
à tous les députés du Québec,
fédéraux et provinciaux, et on a eu, jusqu'à maintenant,
une assez bonne réponse, du moins, d'appui à continuer.
M. Lazure: Moi, je l'ai reçue. Je me suis abonné et
je conseille aux autres députés, des deux côtés de
la Chambre, de faire la même chose. Félicitations!
M. Côté (Richard): II y a déjà une
quarantaine de députés, dont trois ministres, qui ont
manifesté un grand intérêt pour la revue. Malheureusement,
il y en a seulement quelques-uns qui se sont abonnés.
M. Lazure: Bon.
M. Thisdale: De toute façon, selon nos moyens, on va quand
même continuer à l'envoyer aux membres de l'Assemblée
nationale
M. Lazure: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: On me disait que votre revue est plus populaire en
Afrique qu'au Québec. Est-ce que c'est vrai ou si c'est un adage?
M. Côté (Richard): Je ne sais pas. Malheureusement,
on n'a pas les fonds pour aller faire des sondages en Afrique.
M. Claveau: Non, mais on m'a dit ça. On m'avait
donné cette information-là. Revenons sur les coûts du
solaire, si vous le permettez, la Vous aviez quelque chose à
ajouter?
M. Thisdale: Oui. Quand on parlait, tantôt, de
l'architecture solaire, particulièrement dans des maisons unifamiliales
ou multifamiliales, c'est un petit peu difficile, dans le fond, de comparer
entre deux maisons, parce qu'il n'y a jamais eu assez d'unités pour dire
qu'on compare vraiment, sinon quo les coûts de chauffage ou de
climatisation de la maison solaire, de par sa conception, sont
généralement moindres que ceux d'une maison, disons, de 100 000
$, conventionnelle, qu'on voit dans les développements urbains
Deuxième chose, la technologie des chauffe eau solaires est
actuellement suffisamment au point pour, dans beaucoup de cas, réduire
la consommation et les besoins d'énergie de chauf fago de l'eau chaude
sanitaire, de l'ordre do 70 %. Il y a des systèmes qui fonctionnent
même lorsque le soleil est à peu près absent, durant le
jour, ce qui ramène donc. . Par contre, ça, c'est toujours la
difficulté d'inciter les gens à l'utiliser, d'une part, parce que
les gens ont peur de ça; ensuite, parce que la plupart des maisons ne
sont pas nécessairement orientées pour.. en tout cas, il y a au
moins, dans les rues, la moitié des maisons qui sont mal
orientées pour ne pas que le système vienne, entre guillemets,
déparer la devanture de la maison. Ce qui fait que, dans ce
sens-là, ça donne un petit peu mauvaise presse à un
chauffe eau solaire Par contre, lorsque, dans l'architecture nouvelle ou
même dans l'architecture déjà existante, les gens se
donnent la peine de l'intégrer, ce n'est pas plus laid, dans le fond,
que des poteaux électriques dans la rue
M. Claveau: Je vais vous poser une question, en tout cas,
écoutez, vous pourrez y répondre.
M. Thisdale: Puis, excusez-moi, juste...
M. Claveau: Si vous aviez, O.K... Hier, on a eu des
représentants d'un groupe, l'association des constructeurs
résidentiels du Québec, qui sont venus nous parler, quant
à eux, du concept R-2000.
M. Thisdale: Oui.
M. Claveau: Si vous aviez à construire une maison ou
à proposer sur le marché un produit qui coûte 10 % à
15 % de plus qu'une maison normale - enfin, c'est ce qu'eux nous ont dit que
ça leur coûtait, leur concept R-2000 - est-ce que vous croyez que
le consommateur aurait avantage à aller vers le solaire plutôt que
vers un concept d'isolation tout à fait révolutionnaire,
semble-t-il?
M. Côté (Richard): Le concept de maison R-2000, en
fait, inclut le concept du solaire dedans, parce qu'ils utilisent le logiciel
Hotcan pour calculer les apports solaires. Tout ce que c'est, c'est une maison
qui est isolée à peu près selon les mêmes normes que
ce qu'exige le règlement actuel du Québec. Le règlement de
l'économie d'énergie exige à peu près R20 dans les
murs, R30 au plafond. Une maison R-2000, pour dire qu'elle est R-2000, il faut
qu'elle soit comme ça et qu'elle ait un taux d'infiltration assez
faible. Alors, finalement, c'est une maison qui ressemble beaucoup à ce
que tous les constructeurs construisent au Québec. La différence,
pour que ce soit solaire, c'est d'ailleurs une chose très importante,
c'est l'orientation. Puis c'est une chose sur laquelle il faudrait agir
dès maintenant. Il faudrait presque obliger les municipalités et
les développeurs, lorsqu'ils font un lotissement, à orienter les
rues, dès maintenant, de façon à ce qu'on puisse implanter
les maisons avec la façade bien orientée vers le sud, parce que
ça augmente considérablement l'efficacité. Et même
si, aujourd'hui, on peut, avoir seulement 30 % des besoins de chauffage, on
peut envisager là que, d'ici une vingtaine d'années, lorsque les
techniques de stockage auront été perfectionnées puis que,
peut-être, toutes les toitures seront photovoltaïques et seront
reliées au réseau d'Hydro-Québec... En tout cas, on peut
se plaire à imaginer les possibilités qu'il pourrait y avoir. Si
les rues sont mal orientées, ça va être bien difficile de
réaliser ces possibilités-là. C'est comme si on faisait
une hypothèque sur le futur.
M. Claveau: Le problème... En tout cas, je soulève
un autre problème par rapport à ça. C'est bien
évident que c'est beau puis c'est fin. Sauf que, hier, on me disait
à l'association, à l'APCHO, association québécoise
des constructeurs d'habitations, qu'il y avait à peu près 4 % de
la clientèle qui pouvaient se permettre ça, en gros. Ça
allait autour de 4 % des maisons, des nouvelles maisons, qui étaient en
fonction de ces concepts-là et, entre autres, que le prix était
un facteur déterminant pour réduire le nombre de clients. Il
reste que votre approche, tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas
intégrée dans une dynamique globale où on la retrouve au
niveau industriel, commercial, dans le multi-familial, tout ça, et
qu'elle est restreinte à une approche petit bungalow de banlieue, beau,
"clean", propre, eh bien, on n'a pas réglé, on n'a à peu
près rien fait sur le plan global, dans le domaine
énergétique.
Tout à l'heure, vous disiez qu'il ne vous semblait pas
évident que ce soit le rôle d'Hydro-Québec d'intervenir
là-dedans. Mais si, à la lumière des travaux de la
commission, l'actionnaire d'Hydro-Québec donnait un mandat à sa
compagnie d'y aller pour un programme de 5 000 000 000 $, mettons, dans les
cinq prochaines années, à raison de 1 000 000 000 $ par
année qu'elle pourrait soustraire à ses programmes de
construction de barrages pour les transférer dans des programmes au
niveau solaire, est-ce que vous pensez que, là, on commencerait à
parler sérieusement, on commencerait à parler de véritable
politique?
M. Coté (Richard): Là, je trouve que vous me donnez
une idée très intéressante à laquelle je n'avais
pas vraiment pensé. Ça combine le fait que, pour
Hydro-Québec, ça coûterait probablement moins cher de
subventionner la différence de coûts des acheteurs de maisons,
dans le même esprit qu'ils disent, dans leur mémoire, qu'ils
veulent subventionner certaines économies d'énergie; ça
leur coûterait moins cher que de construire des installations de
production additionnelle. Et puis vous dites que c'est limité aux
bungalows, tout ça, ce n'est pas du tout le cas. Le solaire peut
s'appliquer à tous les genres de bâtiments, que ce soient des
bâtiments commerciaux, industriels, que ce soient des bâtiments de
fermes. Par exemple, si on regarde la problématique du chauffage des
étables, en hiver. Actuellement, le chauffage est assuré par la
quantité supplémentaire de fourrage qu'on donne aux animaux pour
qu'ils fassent de la chaleur. Ce serait facile d'installer sur le sud d'une
grange - c'est très facile, le cultivateur est capable de le faire
lui-même - un petit capteur solaire bien rudimentaire, qui
réchauffe l'air de ventilation, parce qu'il faut ventiler ça, ces
installations-là. Ça diminuerait ses besoins en fourrage. Alors,
ça peut s'appliquer à des bâtiments de ce genre-là,
à des bâtiments industriels. Ça peut s'appliquer facilement
à des maisons appartements qui sont bien orientées, où on
peut avoir, par exemple, des solariums sur la façade sud, des choses
comme ça. Ça peut s'appliquer à tout genre de
bâtiment.
M. Claveau: Mais ça, on ne pourra le faire que dans la
mesure où il y aura un programme massif d'intervention dans le secteur,
parce que
l'agriculteur qui tire déjà le diable par la queue...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: ...je comprends qu'il y a peut-être
intérêt pour lui à long terme de pouvoir chauffer son
étable avec ça, mais, sur le moment, il n'est peut-être pas
capable de se payer l'investissement.
M. Côté (Richard): C'est ça. Bien, si un
organisme comme Hydro-Québec, qui comprend que ça lui fait
économiser de l'argent, est prêt à financer ces
investissements-là, ce serait certainement ce qui aiderait le plus, soit
HydroQuébec ou le gouvernement. Moi, je pense que ce serait mieux que ce
soit le gouvernement plutôt qu'Hydro-Québec, parce
qu'Hydro-Québec est peut-être un peu en conflit
d'intérêts dans ce genre de chose là.
M. Claveau: Ça va.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier nos invités, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: J'ai trouvé que vous aviez un apport
très très intéressant aux travaux de la commission et qui
pourrait éventuellement, et c'est à souhaiter, amener
Hydro-Québec et son actionnaire à réfléchir sur des
alternatives possibles qui pourraient faire en sorte qu'en investissant moins
on puisse, à la limite, produire plus. L'approche, telle que vous la
présentez, a deux éléments qui me semblent importants ou
intéressants. D'une part, c'est une technologie qui est vendable, dans
laquelle Hydro-Québec pourrait investir et retirer des
bénéfices, parce que c'est de la production supplémentaire
d'électricité, et, d'un autre côté, le
deuxième avantage, c'est que, tout en réussissant ça, on
empêche ou on diminue passablement des impacts dans le milieu et des
investissements énormes pour produire des mégawatts à
partir de mégaprojets dont l'efficacité à long terme n'est
peut-être pas aussi évidente qu'on voudrait le croire. Merci de
votre présentation.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M Thisdale, vous
aviez un commentaire?
M. Thisdale: Oui, j'aimerais juste ajouter un commentaire.
Tantôt, quand on parlait des maisons R-2000, une des difficultés
qui existent dans ces programmes-là, c'est qu'on parle toujours
d'ajouter quelque chose. Quand on parle d'une maison R-2000 par rapport
à une maison ordinaire, on parle toujours qu'on va ajouter 10 % parce
qu'il faut faire telle ou telle bebelle. C'est la même chose quand on
parie de maison solaire, d'architecture solaire ou d'équipement solaire;
on parie toujours de vendre une maison sur laquelle on va ajouter, comme si on
ajoutait, dans une maison, un tapis de deux pouces d'épais qui
coûte plus cher qu'un tapis d'un pouce et quart. Dans le cas d'une maison
solaire ou d'une maison efficace au plan énergétique, il faut la
concevoir en tant qu'unité de consommation d'énergie et non pas
comme un bloc de base sur lequel on ajoute des éléments, parce
que, de cette façon-là, on va toujours avoir des maisons hybrides
affreuses et qui ne correspondront jamais à un mode de vie, à un
changement d'attitude devant la consommation d'énergie. C'est pour
ça que l'APCHQ, que ce soit n'importe quel autre groupe, même ceux
qui font de l'architecture solaire, .ant et aussi longtemps qu'ils vendent du
solaire comme étant quelque chose qu'on ajoute et non pas quelque chose
qui est conçu au départ, ça ne marche jamais parce qu'il
n'y a personne qui est intéressé à dépenser 10 % de
plus sur sa maison quand on met un brûleur au mazout ou qu'on se branche
sur l'électricité et que les intérêts du
supplément paient amplement la différence de consommation
d'énergie, sauf que, socialement, ce n'est pas rentable. C'est ça
que je voulais ajouter sur le concept même des maisons R-2000 ou des
maisons solaires en tant que telles.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie Mme la
ministre.
Mme Bacon: Alors, MM. Côté et Thisdale, on vous
remercie d'être venus ici dialoguer avec nous, aujourd'hui, sur une forme
d'énergie qui sera peut-être une forme d'avenir, au fond. Je pense
que c'a réussi à éveiller la curiosité des
collègues et surtout notre intérêt. Encore une fois,
ça ajoute aussi à cette forme de consultation qui est
nécessaire pour connaître davantage l'ensemble des formes
énergétiques, les possibilités énergétiques
que nous avons devant nous. Je dois dire que, pour ma part, dans mon
comté, quand on fait notre porte-à-porte, il y en a deux. Bien,
c'est un commencement, c'est un début. C'est dire qu'il y a encore du
chemin à parcourir, mais je pense qu'on va s'arrêter quand
même à ce que vous nous avez donné comme dossier, qui est
un dossier important pour nous dans la consultation que nous faisons et dans la
réflexion qui sera faite par la suite. Je pense que c'est important et
c'est un ajout fort important que vous nous apportez aujourd'hui. Merci
beaucoup.
M. Côté (Richard): Je vous remercie de votre
attention, Mme la ministre
Mme Bacon: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie l'Association Québec-solaire -
je ne me suis pas
trompé - de sa participation.
Mme Bacon: Vous avez fait notre éducation.
Le Président (M. Bélanger): Oui, absolument. Donc,
mon "scolaire" n'était pas un lapsus si grand que ça.
M. Côté (Richard): Non, mais on... Des voix:
Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): On vous remercie de
votre participation et la commission ajourne ses travaux au mardi 15 mai,
à 10 heures, dans la même salle.
(Fin de la séance à 18 h 5)