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(Onze heures cinq minutes)
Le Président (M. Bélanger): Bonjour. Je demanderais
à chacun de bien vouloir prendre place pour que nous commencions les
travaux de la commission de l'économie et du travail qui
procédera à une consultation générale et à
des auditions publiques sur la situation et les perspectives de
l'énergie électrique au Québec.
Alors, avant de commencer, M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, il y a un remplacement: Mme Marois
(Taillon) est remplacée par M. Perron (Duplessis).
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme Marois
(Taillon) est remplacée par M. Perron (Duplessis). Bien. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui, M. le Président, compte tenu de
l'envergure des sessions qu'on va entreprendre en commission parlementaire,
j'aurais une demande à faire au nom de tous les membres de la
commission, du côté ministériel comme du côté
de l'Opposition, à l'effet que toute personne puisse intervenir à
l'intérieur de l'enveloppe de temps qui sera...
Le Président (M. Bélanger): Tout membre du
Parlement.
M. Jolivet: Tout membre du Parlement. Excusez-moi, c'est bien
vrai. Que tout membre de l'Assemblée nationale puisse participer
à cette commission en autant qu'il respecte l'enveloppe de temps qui
sera déterminée pour chacun des partis. Seuls les membres de la
commission qui seront dûment inscrits à tous les jours auront le
droit de vote, les autres n'ayant qu'un droit de parole.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la
ministre.
Mme Bacon: Bien, c'est la première fois qu'on nous
amène ça. On n'en a pas discuté. Je ne pense pas que
ça ait fait partie des discussions entre l'Opposition et le
gouvernement.
Le Président (M. Bélanger): Habituellement, la
procédure, c'est qu'on demande le consentement à chaque fois.
M. Jolivet: C'est ça.
Le Président (M. Bélanger): De mémoire, on
ne l'a jamais refusé. Alors, vous proposez qu'on le fasse en vrac au
départ pour ne pas avoir à le faire à chaque fois.
Mme Bacon: Non, je voulais juste souligner que c'est la
première fois qu'on entend parler de ça. La demande est faite par
l'Opposition. Elle n'avait pas été faite auparavant.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, j'ai
l'accord du parti ministériel là-dessus?
Mme Bacon: Si on n'avait pas pensé que c'était
important, M. le Président, on n'aurait pas tenu une telle commission
parlementaire.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, votre
requête est accordée, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Nous en sommes donc au
stade des remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre, la parole est
à vous.
Déclarations d'ouverture Mme Lise Bacon
Mme Bacon: Alors, M. le Président, la commission
parlementaire de l'économie et du travail entame aujourd'hui et, on
vient de le dire encore une fois, une session de discussion qui est
exceptionnelle à bien des égards. Le fait même que nous
ayons décidé de consacrer l'ensemble de nos travaux aux
réflexions concernant le développement du secteur
électrique est en soi inhabituel. Autant que je le sache, jamais
jusqu'ici, l'Assemblée nationale du Québec n'avait
réservé les travaux d'une de ses commissions à cette seule
question. Au cours des années passées, le développement du
secteur de l'électricité était abordé à
l'occasion des discussions annuelles sur les tarifs, ou, plus
épisodiquement, lors des consultations intéressant l'ensemble du
secteur énergétique.
Cette année, il nous a semblé essentiel d'affecter
plusieurs semaines de nos travaux au seul dossier du développement de
l'électricité. Ça s'explique, bien sûr, par
l'importance des enjeux qui sont en cause. Avec le plan de développement
qu'elle a déposé il y a quelques semaines, la
société Hydro-Québec nous propose pour les 10 prochaines
années de nous engager dans un effort d'investissement, de mise en
valeur du potentiel hydroélectrique québécois
tout à fait considérable. De plus, cette stratégie
s'inscrit dans un contexte national et international également
exceptionnel. Dans le monde, les interrogations et les inquiétudes sur
l'environnement et la sécurité de notre planète se
multiplient, tandis que la compétition économique internationale
se fait chaque jour plus agressive et plus exigeante.
La proposition de développement élaborée par
Hydro-Québec est fondée sur un ensemble d'analyses et de
prévisions qui constituent, en fait, la perception qu'a la
société d'État de notre situation et de notre devenir dans
le secteur de l'électricité. Ces analyses, ces prévisions,
c'est à nous maintenant d'en étudier les implications avec soin
et d'en déduire les choix existants tout en envisageant les alternatives
possibles.
Les enjeux des discussions que nous commençons aujourd'hui sont
donc tout à fait majeurs. De nos analyses découleront les
orientations finalement retenues pour assurer la gestion et le
développement de notre principale ressource naturelle
énergétique. Dans ces circonstances, il était normal que
le débat soit le plus ouvert possible et qu'en particulier tous les
intervenants intéressés aient la possibilité de
communiquer à cette commission leurs propres analyses et
recommandations. Il est donc particulièrement heureux qu'un grand nombre
d'invidus, de groupes et de compagnies aient saisi l'occasion qui leur
était offerte et viennent nous présenter, au cours des prochaines
semaines, les résultats de leurs réflexions. Je reviendrai dans
quelques minutes sur l'organisation de cette commission parlementaire et aussi
sur le déroulement de nos débats. J'aimerais cependant auparavant
rappeler quelques données qui me semblent fondamentales et qui
délimitent en fait le contexte dans lequel nous allons devoir engager
nos discussions.
Parmi les réalités incontournables que l'on doit avoir en
mémoire lorsque l'on traite du secteur électrique
québécois, la première donnée concerne, bien
entendu, l'importance de notre potentiel hydroélectrique. La nature a
doté le Québec d'un bassin hydrographique dont les
caractéristiques physiques rendaient l'utilisation à des fins
énergétiques techniquement et économiquement très
intéressante. Très tôt, ce potentiel a commencé
d'être exploité, mais le rythme et la nature des efforts de mise
en valeur se sont profondément transformés au cours des
dernières décennies. On a assisté à une
accélération des efforts consentis, à un accroissement de
leur ampleur, tandis que les sites aménagés étaient de
plus en plus éloignés des centres de consommation, avec les
résultats que l'on peut imaginer au plan des coûts et des
exigences en matière de transport.
Comme on le sait, les résultats de l'effort consenti par les
Québécois sont tout à fait spectaculaires. En 1989,
l'essentiel de l'électricité utilisée au Québec
était produite sur place à partir des ressources
hydroélectriques que nous avons mises en valeur. Hydro-Québec
contrôlait directement 25 000 mégawatts de puissance
installée, dont plus de la moitié résultait
d'investissements consentis au cours des 15 dernières années.
En tenant compte de toute l'hydroélectricité disponible
à Hydro-Québec ou chez les producteurs privés
québécois, le Québec assumait à lui seul, en 1987,
9 % de la production mondiale d'hydroélectricité, 32 % de la
production nord-américaine et 58 % de la production canadienne.
Quatrième producteur mondial d'hydroélectricité, le
Québec gérait également l'un des réseaux de
transport parmi les plus vastes en Amérique du Nord Ces
résultats, on le sait, s'expliquent en bonne partie par les
aménagements de la Baie James qui, à eux seuls, ont ajouté
10 000 mégawatts au parc de production d'Hydro-Québec. Sans
préjuger de l'avenir, cette première réalité doit
donc être rappelée. Le Québec est l'un des producteurs
majeurs d'hydroélectricité dans le monde. Son savoir-faire en la
matière a fait ses preuves et le potentiel restant encore
aménageable, sur l'analyse duquel nous reviendrons au cours des
prochains jours, offre des perspectives qu'Hydro-Québec propose
justement d'exploiter dans son plan de développement
La deuxième donnée sur laquelle je voudrais insister
concerne la demande énergétique québécoise. Elle
est, en fait, directement reliée à notre patrimoine
hydroélectrique. Les réserves hydroélectriques
québécoises ont été aménagées et
mises en valeur avant tout parce qu'un marché important pouvait en
justifier l'exploitation. Ce marché, le marché
énergétique québécois, a en même temps
été bouleversé par la possibilité d'utiliser
massivement l'hydroélectricité. L'évolution de notre bilan
énergétique depuis le début des années soixante-dix
est bien connue: En moins de 20 ans, l'électricité a
doublé sa part relative dans le bilan énergétique total.
Dans les secteurs industriel, commercial et résidentiel,
l'électricité constitue, et de loin, la première forme
d'énergie employée. Ce n'est que parce que les transports restent
un marché captif des hydrocarbures que le pétrole dépasse
encore l'électricité dans le bilan énergétique
global.
Les aménagements hydroélectriques effectués au
Québec ont donc, avant tout, profité aux Québécois,
qui ont massivement remplacé les hydrocarbures par
l'électricité, là où cela était possible.
Les phénomènes observés dans le secteur résidentiel
sont particulièrement illustra-tifs à cet effet. En 1971, au
Québec, 83 % des logements étaient chauffés au
pétrole et seulement 7 % utilisaient l'électricité. En
1989, l'électricité est, et de loin, la principale forme
d'énergie utilisée pour le chauffage: 68 % des foyers se
chauffent à l'électricité, le pétrole et le gaz
naturel représentant respectivement 21 % et 7 % du marché.
Le Président (M. Bélanger): Si vous me le
permettez, Mme la ministre, on est à la page 7, au dernier
paragraphe en bas. Je m'excuse.
Mme Bacon: Des phénomènes analogues se sont
produits dans le secteur industriel et dans le secteur commercial. Alors qu'au
début des années soixante-dix l'électricité restait
cantonnée dans des marchés où son utilisation était
irremplaçable, cette forme d'énergie intervient maintenant dans
des usages où elle entre en concurrence directe avec le pétrole
et le gaz naturel. En 1970, les Québécois utilisaient surtout
l'électricité pour s'éclairer, pour faire fonctionner
leurs appareils électroménagers et, dans le secteur industriel,
en tant que force motrice et intrant pour certains procédés.
L'électricité occupe maintenant une part importante du
marché de la chauffe, ce qui explique, en fait, l'accroissement de son
rôle dans le bilan énergétique total. (11 h 15)
Au niveau des usages, j'ajouterais une constatation qui s'applique, en
fait, à l'ensemble de nos sociétés industrielles. Les
progrès technologiques des années récentes ont
multiplié le nombre et l'importance des systèmes
automatisés dont la source d'approvisionnement énergétique
est l'électricité. Sur le plan qualitatif et non plus
quantitatif, l'électricité joue maintenant un rôle crucial
dans le fonctionnement des sociétés modernes. Pour s'en
convaincre, il suffit de mesurer les perturbations extrêmement
déplaisantes causées par des pannes et des ruptures
d'approvisionnement. L'importance de l'électricité sur les
marchés énergétiques dépasse ainsi
singulièrement sa contribution simplement mesurée en
unités thermiques.
Au Québec, la pénétration de
l'électricité sur le marché énergétique a
eu, on le sait, un effet très positif sur la sécurité
globale de nos approvisionnements. La croissance de
l'hydroélectricité disponible, jointe à la
pénétration du gaz naturel et aux économies
d'énergie, nous a permis de réduire très sensiblement
notre dépendance vis-à-vis du pétrole importé.
Mesurée par ce que l'on appelle le degré d'autonomie
énergétique, notre autosuffisance est maintenant largement
supérieure à celle de l'Ontario, de la plupart des pays
européens, et approche celle des États-Unis. Nous ne devons pas
oublier que cette situation, dont on ne peut que se réjouir,
découle pour l'essentiel de l'exploitation de nos richesses
hydroélectriques.
La troisième réalité qui doit être
rappelée concerne l'importance prise par l'électricité
dans le développement économique du Québec. Là
aussi, les données sont bien connues. Au Québec, en termes de
création de richesse, le secteur de l'électricité à
lui seul représente plus de 90 % du produit intérieur brut du
secteur de l'énergie. Depuis 1980, en dollars constants, l'industrie de
l'électricité a investi, au Québec, une vingtaine de
milliards de dollars, ces investissements représentant, certaines
années, jusqu'à 20 % des investissements totaux de
l'économie. La disponibilité d'électricité au
Québec a permis le développement d'activités
industrielles, de firmes de services dont les performances sont de niveau
international. L'exemple de l'aluminium est à cet égard
très caractéristique. Dans ce secteur d'activité,
où le Québec dispose d'un avantage déterminant avec son
électricité à offrir, nous sommes maintenant le
troisième producteur et le premier exportateur mondial.
Les secteurs d'activité liés à
l'électricité, qu'il s'agisse d'industries très grandes
consommatrices d'énergie, de fournisseurs d'appareillage ou de firmes de
services, contribuent de façon très dynamique à notre
croissance économique. Ces entreprises jouent un rôle primordial
dans nos échanges avec l'extérieur. Nombre d'entre elles exercent
l'essentiel de leurs activités en région. D'une façon
générale, l'électricité a joué un grand
rôle au Québec dans le développement régional, que
ce soit lors de la mise en valeur des ressources hydroélectriques ou en
raison du développement d'industries attirées par notre
électricité. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la région de
Bécancour sont deux exemples de développement régional
directement imputable à la mise en valeur de nos ressources
hydrauliques.
En soulignant ces quelques réalités, je souhaitais
rappeler le cadre, le contexte dans lequel vont se dérouler nos
discussions, car il est évident que nous sommes actuellement
confrontés à plusieurs questions qui constituent autant de
défis pour les prochaines années. La première question -
j'y ai fait référence au début de cette intervention -
concerne l'environnement. On assiste dans le monde entier à une prise de
conscience très rapide des menaces qui pèsent sur notre
environnement. Il se trouve que plusieurs des problèmes environnementaux
identifiés sont étroitement reliés aux activités
énergétiques.
La production, la transformation et l'utilisation de l'énergie
entraînent, on le sait, trois séries de problèmes au niveau
environnemental. En premier lieu, les aménagements
énergétiques nécessitent des modifications, souvent
importantes, de l'environnement naturel. La construction de barrages est un
exemple de ce type d'impact, mais on pourrait citer également les
modifications environnementales provoquées par l'exploitation des
gisements de charbon, de certains types de pétrole ou les risques
liés au transport des hydrocarbures.
En deuxième lieu, l'utilisation de certaines formes
d'énergie s'accompagne d'émissions de gaz, de pollution
atmosphérique dont les effets sur l'environnement peuvent être
très dommageables. C'est bien sûr le cas des pluies acides,
produites en partie par les centrales thermiques, mais aussi des
émissions de gaz carbonique, auxquelles on attribue le processus de
réchauffement de l'atmosphère qui serait actuellement
enclenché.
Enfin, on doit mettre dans une catégorie à part les
impacts réels ou appréhendés de la filière
nucléaire, dont l'exploitation soulève des questions
spécifiques en matière de sécurité et de traitement
des déchets.
Pour ce qui est de cette question environnementale, qui sera bien
évidemment largement abordée au cours de notre commission
parlementaire, j'aimerais simplement rappeler que le Québec a la chance
d'échapper à plusieurs des problèmes que je viens
d'évoquer. Nous n'utilisons que marginalement la filière
nucléaire, ce qui nous permet d'éviter les risques
attribués à cette forme d'énergie. En employant de
l'électricité d'origine hydraulique, nous écartons l'une
des sources importantes de pollution atmosphérique, il faut savoir, par
exemple, que le Québec produit per capita moitié moins de gaz
carbonique que la moyenne canadienne, et que ce résultat remarquable est
directement imputable à la place de l'hydroélectricité
dans notre secteur énergétique.
En fait, sur le plan environnemental, nos problèmes sont
liés essentiellement aux aménagements que nécessite
l'exploitation des ressources hydrauliques, aussi bien sur les sites
mêmes de production que pour la construction des lignes de transport. Le
fait que les questions que nous nous posons sur le plan environnemental soient
clairement identifiées et localisées ne les rend pas moins
importantes. On doit cependant convenir que dans le dossier environnemental le
secteur énergétique québécois dispose d'atouts et
d'avantages que d'autres sociétés nous envient.
Une deuxième question, que beaucoup d'intervenants vont
certainement aborder, concerne les solutions alternatives au
développement proposé par Hydro-Québec. Pour
répondre à la demande d'électricité qu'elle a
identifiée, la société d'État nous présente
un plan de développement qui se veut une réponse cohérente
et globale aux besoins de la collectivité. Bien évidemment, cette
réponse n'est pas la seule envisageable et d'autres orientations peuvent
être aussi imaginées. Nous pourrions, par exemple, moduler le
recours que nous faisons à l'hydroélectricité. Surtout,
les économies d'énergie pourraient peut-être
infléchir la courbe de nos besoins et donc limiter les efforts à
consentir pour les satisfaire.
Dans son plan de développement, HydroQuébec a introduit
des programmes d'économies d'énergie qui semblent majeurs. Au
cours de cette commission, de nombreuses suggestions et recommandations seront
sans doute présentées, afin de mieux utiliser notre
énergie. Quel Impact peut-on attendre de ces mesures? Comment les
intégrer dans une politique de développement global dans notre
secteur de l'électricité? Cette commission devrait nous
éclairer sur ces questions. Je pense que, de toute façon, nous
pouvons nous entendre sur un point: II est essentiel pour notre
collectivité que nous fassions le choix le plus éclairé
parmi les différentes solutions énergétiques qui se
présentent à nous, et un tel choix suppose une analyse rigoureuse
des différentes alternatives et de leurs implications.
Une troisième question que l'on doit poser aussi au début
de cette commission concerne les retombées économiques du
développement de l'électricité. J'ai rappelé, il y
a quelques minutes, le rôle majeur qu'a joué jusqu'ici le secteur
de l'électricité dans la croissance de l'économie
québécoise. Quelles que soient les orientations retenues pour les
années futures, nous devrons faire en sorte que le développement
de l'électricité ait le maximum de retombées sur notre
structure industrielle, sur notre croissance économique. Face à
la concurrence internationale, le Québec peut-il se payer le luxe de ne
pas utiliser pleinement l'un des atouts majeurs dont il dispose?
Personnellement, j'espère que cette commission parlementaire nous
permettra de dégager des stratégies, des interventions qui auront
pour effet de faire profiter d'abord les Québécois des
investissements à venir. Notre structure industrielle et notre
main-d'oeuvre devront être en mesure de répondre avec
efficacité aux demandes provenant du secteur de
l'électricité. Je compte sur nos travaux pour identifier les
difficultés éventuelles et, bien sûr, suggérer les
approches à privilégier.
Les trois séries de questions que je viens d'évoquer ne
sont probablement pas les seules que l'on doit se poser lorsque l'on
réfléchit au développement de l'électricité.
Beaucoup d'autres thèmes seront certainement abordés par les
intervenants. Je songe, par exemple, aux droits des autochtones et à
leur rôle dans le développement du secteur, aux questions
directement reliées à notre société d'État,
à ses modes de gestion. L'éventail des mémoires qui nous
ont été adressés me rassure immédiatement sur un
point: Au cours des prochaines semaines, nous devrions être en mesure
d'aborder l'essentiel des questions que l'on doit soulever lorsque l'on veut
réfléchir à la situation du secteur électrique
québécois et à son évolution future.
J'en viens, en fait, à l'organisation des travaux de cette
commission parlementaire. Cinq questions avaient été
identifiées dans l'avis annonçant la tenue de cette session
spéciale. Ces questions, vous vous en souviendrez, faisaient
référence à la place de l'électricité dans
les besoins énergétiques du Québec, à
l'évolution à moyen et à long terme de notre demande
d'électricité, aux choix possibles afin de satisfaire cette
demande, aux moyens proposés par HydroQuébec pour fournir
l'électricité nécessaire au Québec et, enfin, aux
politiques permettant de concilier la satisfaction de nos besoins, la
qualité de l'environnement et le développement durable.
Ces questions rejoignent, bien sûr, les préoccupations que
je mentionnais tout à l'heure. Elles confirment le caractère
très ouvert de nos
débats et le grand nombre de thèmes que nous aurons
à aborder. Avec l'accord de l'Opposition officielle, la
présentation des mémoires devant la commission a
été organisée de telle sorte que tous les intervenants
soient traités sur un pied d'égalité et qu'aucun sujet ne
sort spécifiquement privilégié. Au cours des prochaines
semaines, plusieurs recommandations s'y imposeront peut-être. Sans
vouloir anticiper le contenu de nos discussions, il est même possible que
des consensus apparaissent. En tout état de cause, les travaux de cette
commission auront un impact déterminant sur nos orientations futures en
matière d'électricité. En conviant la commission
parlementaire de l'économie et du travail à
réfléchir sur l'électricité au Québec, le
gouvernement a marqué clairement son souhait de discuter sans
intermédiaire, et le plus largement possible, des développements
que nous souhaitons entreprendre dans ce secteur. Au terme de ces travaux, il
s'agira d'appliquer dans les faits les conclusions que les différents
intervenants nous auront permis de dégager. Voilà, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la ministre.
J'inviterais donc le porte-parole officiel de l'Opposition, M. le
député d'Ungava, à prendre la parole.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. En commençant
les travaux de cette commission sur la question de la problématique
globale de l'énergie au Québec...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, M. le
député d'Ungava, est-ce qu'on a une copie de votre texte?
M. Claveau: Je n'ai pas de texte, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Ah bon! Alors, je vous
remercie.
M. Claveau: Je n'ai que quelques notes. Donc, en
commençant les travaux de cette commission qui va, au cours des quatre
prochaines semaines, étudier l'ensemble des problèmes de
l'énergie, de la production, de la distribution et de l'utilisation de
l'énergie au Québec, je voudrais d'abord saluer la
présence de Mme la ministre, qui se prête à cet exercice
avec beaucoup de grâce, semble-t-il, à la suite de ce que l'on
vient de voir dans son discours, ainsi que son personnel et l'ensemble des
parlementaires qui sont intéressés par le sujet. On sait que
c'est un sujet qui prend de plus en plus d'importance et qui sera
sûrement au coeur des débats de l'Assemblée nationale et de
notre travail de parlementaires au cours des prochains mois, sinon des
prochaines années.
Je tiens aussi à remercier très sincèrement
l'ensemble des groupes, qui sont au-delà de 70, qui se présentent
devant cette commission, qui nous ont déposé des mémoires
et qui viendront faire valoir des points de vue. Des points de vue qui sont,
à bien des égards, très différents et qui semblent
presque inconciliables lorsqu'on regarde les différents
intérêts qui sont soulevés ou qui sont exprimés dans
ces mémoires-là. Mais, je pense que ça fait partie de
l'exercice. C'est essentiel pour qu'on réussisse en tant que
législateurs à se faire une idée globale de
l'intérêt de l'ensemble des Québécois quant à
la question de l'énergie et à tout ce qui touche aussi les
questions de l'environnement, les problèmes de main-d'oeuvre, les
problèmes des impacts dans les différents milieux là
où on construit des barrages ou des centrales hydroélectriques.
Alors, je crois qu'il s'agit là d'un intérêt certain pour
les travaux de cette commission-là, le simple fait que l'on ait
au-delà de 70 groupes qui viennent nous présenter des
mémoires.
L'an dernier, M. le Président, l'Opposition officielle avait
conclu l'étude du plan de développement d'Hydro-Québec en
demandant deux choses essentiellement, soit un moratoire sur tous les projets
d'exportation d'électricité d'Hydro-Québec et la tenue
d'un débat public sur les politiques énergétiques du
gouvernement du Québec. L'un ne va pas sans l'autre dans la mesure
où, d'une part, on ne peut pas entreprendre une étude sur la
situation énergétique au Québec, avec tous les
délais que ça suppose, tout en continuant à promouvoir -
sans considération finalement pour les résultats des travaux
d'une commission parlementaire qui ferait une telle étude, comme celle
qu'on entreprend aujourd'hui - les exportations d'électricité,
qui sont au coeur du débat. On se souviendra d'ailleurs que, depuis
1985, on a fait grand état de la possibilité d'exporter de
l'énergie à nos voisins américains, ce qui devait
être excessivement rentable pour le Québec. Cette
politique-là, qui, à l'origine, voulait amener le Québec
à exporter, autour de l'horizon 2000, quelque chose comme 12 000
mégawatts d'énergie ferme à puissance garantie chez nos
voisins américains, a été, à bien des
égards, à l'origine du débat qui nous amène
aujourd'hui devant cette commission parlementaire, parce que ce n'était
pas tout le monde qui était d'accord, à ce moment-là. Et
de ce qu'on voit dans les mémoires que l'on a sous les yeux, ce n'est
pas tout le monde qui est d'accord encore aujourd'hui que l'on inonde
au-delà de 1 % du territoire du Québec à des fins
d'exportation ou à des fins qui, pour une bonne part, seraient de
produire de l'électricité pour vendre à nos voisins
américains. (11 h 30)
Ceci étant dit, nous devons constater que les travaux de la
commission sont quand même un peu, je n'oserais pas dire
prématurés, mais
bousculés dans la mesure où plusieurs groupes nous ont
fait des représentations à l'effet que le temps de
préparation pour arriver avec des mémoires qui soient
substantiels, qui leur permettent de donner complètement l'ensemble des
idées qu'ils avaient à émettre, a été
plutôt court. On se souviendra que, finalement, on a réussi
à négocier un délai d'une soixantaine de jours entre le
moment où on a fait l'annonce de la commission et le début des
travaux, ce qui représente quand même pour beaucoup de groupes un
délai relativement court. En ce qui me concerne et au nom de ma
formation politique, je tiens à m'en excuser auprès des groupes.
Nous croyons que plusieurs groupes auraient profité d'un meilleur
délai pour nous donner, peut-être, une version plus
complète et des points de vue plus raffinés quant aux
intérêts des groupes ou des gens qu'ils représentent.
Par ailleurs, nous croyons qu'il s'agit là aussi d'une
première étape dans l'ensemble de la dynamique que nous sommes
à mettre en place pour arriver à redéfinir une politique
globale de l'énergie au Québec. À notre avis - et je tiens
à le préciser - pour tous les parlementaires qui auront à
participer au débat au cours des prochains jours et qui auront aussi,
par la suite, à prendre des décisions là-dessus, il est
important de voir la consultation qui débute aujourd'hui comme une
étape d'information, mais une première étape, ce qui
signifie qu'en bout de piste, au moment de recevoir le dernier groupe et de
faire nos discours de clôture de la commission parlementaire, les travaux
ne doivent pas s'arrêter là. Il va y avoir un certain
remue-ménage d'idées qui émaneront de cette commission
parlementaire, étant donné la grande divergence des points de vue
qui émanent des différents mémoires. Dans ce
sens-là, il est bien évident que nous aurons à prendre des
décisions quant au suivi que nous aurons à donner à cette
commission parlementaire là. D'ailleurs, je souhaite que nous
réussissions à nous entendre avec le gouvernement sur une
dynamique qui permettra, au cours des mois qui suivront, de ressasser tout
ça et de retravailler l'ensemble des idées qui vont
apparaître sur la table pour nous amener à décortiquer ou
à mettre en place une véritable approche en vue de trouver des
solutions aux problèmes de l'énergie.
Il ne s'agit pas non plus pour nous de faire ici le procès
d'Hydro-Québec. C'est bien évident qu'Hydro-Québec, en
tant que société d'État, a un mandat à accomplir et
un mandat qui lui est donné justement par cet État qui,
lui-même, représente l'ensemble des citoyens du Québec.
Dans la mesure où Hydro-Québec tient à bien remplir les
mandats qui lui sont donnés par le gouvernement, eh bien,
Hydro-Québec, comme société responsable, a à
prendre des décisions en conséquence.
Au moment où on se parle, le mandat d'Hydro-Québec est de
fournir de l'électricité au meilleur prix possible à
l'ensemble des Québécois, tout en assurant une gestion rentable.
Dans le cadre de ce mandat-là, j'admets que les administrateurs
d'Hydro-Québec puissent vouloir établir des critères
financiers qui soient parmi les meilleurs que l'on puisse retrouver a travers
l'Amérique du Nord, pour le moins, sinon au monde, dans des
sociétés de même calibre ou de même catégorie.
J'admets aussi qu'Hydro-Québec puisse avoir des visions de produire de
plus en plus d'électricité et de développer des
marchés pour cette électricité-là, toujours dans
l'esprit de fournir de l'électricité à tous les
Québécois et de rentabiliser ces investissements ou de faire en
sorte de les gérer de la meilleure façon possible et que l'une de
ces façons-là puisse être de vendre de
l'électricité aux réseaux voisins, afin de faire entrer de
l'argent dans les coffres d'Hydro-Québec. Je l'admets, mais ça ne
veut pas dire pour autant que je partage cette idée-là.
Donc, le problème tel qu'il se présente n'est pas,
à notre avis, au niveau d'Hydro-Québec, mais au niveau de ceux
qui donnent les mandats à Hydro-Québec, de l'État, qui est
le seul actionnaire d'Hydro-Québec au nom de tous les
Québécois. Dans la mesure où, à la sortie de cette
commission parlementaire, nous pourrons identifier de nouvelles pistes
grâce à la collaboration de tous ceux qui viendront
présenter des mémoires devant nous au cours des quatre prochaines
semaines, dans la mesure où nous nous donnerons la peine, par
après, de bien reprendre nos travaux et, à partir de cette
première démarche, d'établir une véritable
politique énergétique au Québec, non pas quelque chose qui
a été pensé par un beau soir de printemps par un ministre
qui a sa propre idée sur la question énergétique, mais
à la suite d'une consultation globale où nous aurons pu prendre
connaissance des différents points de vue exprimés par la
population, eh bien, à ce moment-là, en tant que
propriétaire d'Hydro-Québec, l'État sera en mesure de
donner des nouveaux mandats à Hydro-Québec au besoin, ou de
préciser d'une façon très claire les mandats qu'elle lui
donne actuellement.
Dans ce sens-là, si, à la suite des travaux que nous
entreprenons, on en conclut que l'on doit construire moins de barrages, que
l'on doit produire moins d'électricité ou, du moins,
développer moins de nouveaux potentiels de production
d'électricité et que, par contre, on devrait investir d'une
façon beaucoup plus massive, beaucoup plus substantielle dans des
politiques d'économie d'énergie, eh bien, ce sera à
l'actionnaire d'Hydro-Québec, au nom de tous les
Québécois, de donner ce nouveau mandat-là à la
compagnie. Et la compagnie n'aura qu'à se conformer en
conséquence, comme toute compagnie responsable qui répond aux
voeux de ses actionnaires, d'où l'importance que tous les citoyens du
Québec, que tous les groupes qui ont quelque chose à dire
expriment leur point de
vue, que ce soit dans le domaine environnemental, en termes de services
à la population, en termes de coûts, de facturation, d'utilisation
finale du produit hydroélectrique, que l'on s'intéresse à
la question du développement hydroélectrique en fonction du
développement économique, qu'on s'y intéresse d'une
façon peut-être un petit peu plus attentive en termes de
développement durable et respectueux de l'environnement ou qu'on s'y
intéresse avec un oeil ou d'un point de vue autochtone, car il est de
plus en plus évident et certain que toutes nos interventions sur le
territoire ont des impacts énormes sur les conditions de vie des
autochtones, sur des terres qui sont traditionnellement utilisées par
les autochtones, à leurs fins de subsistance ou d'activités
traditionnelles.
Quel que soit le point de vue que l'on ait de ça, il est
important que l'on vienne le dire ici aujourd'hui, qu'on en discute, qu'on
s'exprime devant les instances gouvernementales qui auront à prendre les
décisions et à donner les nouveaux mandats à
Hydro-Québec.
Si vous me le permettez, M. le Président, je vais terminer mon
intervention là-dessus, étant donné qu'on n'est pas ici
pour s'autosatisfaire, pour se parler, se faire de beaux discours entre nous et
essayer de se convaincre, tous et chacun d'entre nous, de ce que nous pensons,
mais plutôt pour écouter très attentivement, avec tout le
devoir que l'on doit y mettre, les groupes qui viennent nous exposer leur point
de vue dans le but évident de mettre en application, en bout de piste,
les principes ou les idées qui nous seront émis par ces
différents groupes. C'est avec plaisir que je m'empresse de terminer et
de passer la parole, si vous le permettez, au premier groupe qui aura à
ouvrir ce grand débat sur l'avenir des politiques
énergétiques québécoises.
Auditions Association des ingénieurs-conseils
du Québec
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
député d'Ungava. J'inviterais donc à la table des
témoins l'Association des ingénieurs-conseils du Québec
qui sera représentée par M. Jean-H. Ouimet, président, M.
Bertrand Beaulieu, trésorier, et M. Jean-Pierre Sauriol,
ex-président.
Bonjour, messieurs. Rapidement, je vais vous expliquer nos règles
de procédure. Vous avez 20 minutes fermes pour la présentation de
votre mémoire et il y aura une partie d'échanges de 40 minutes
avec les parlementaires. Pour bien nous comprendre, tous les parlementaires, je
voudrais vous informer de la chose suivante: je ferai une gestion très
serrée du temps, c'est-à-dire que je m'en tiendrai à
l'horaire prévu pour éviter les débordements et les
désagréments que nous causent les retards lorsqu'on en prend.
Alors, ne m'en tenez pas rigueur si j'applique à la lettre l'horaire
qu'on a accepté ensemble.
Messieurs, si vous voulez identifier vos porte-parole et, chaque fois
que vous prendrez la parole, bien vouloir vous identifier, ce qui facilite de
beaucoup le travail des gens qui font la transcription du Journal des
débats. Alors, messieurs, procédez.
M. Ouimet (Jean-H.): M. le Président de la commission, Mme
la ministre, M. le porte-parole de l'Opposition, Mmes et MM. les membres de la
commission, comme le président de la commission vient de le faire
lui-même, je me présente: Jean Ouimet, le président de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Mon
collègue à ma gauche, Jean-Pierre Sauriol, ingénieur, est
le président de l'an dernier, Bertrand Beaulieu, ingénieur, est
le trésorier de notre Association, et nous avons également avec
nous Jean-Noël Duff, ingénieur, qui est un spécialiste en
environnement.
Nous sommes les premiers entendus. C'est tout un honneur et c'est toute
une responsabilité. Je vous en remercie. L'Association des
ingénieurs-conseils du Québec désire, en premier lieu,
vous remercier de lui donner l'occasion de faire valoir son point de vue devant
cette commission sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique au Québec et, en particulier, sur le plan de
développement proposé par HydroQuébec.
Nous tenons à souligner au départ que notre contribution
à ce débat est fondée sur l'expertise acquise par les
membres de l'AICQ dans les technologies de l'énergie et qu'elle se veut
tout à fait désintéressée. En effet, quelles que
soient les orientations qui seront prises par le Québec à
l'avenir dans le domaine de la production d'énergie électrique,
les ingénieurs seront, de toute façon, appelés à
mettre leur contribution pour en assurer la réalisation.
Les commentaires qui vont suivre sont le fruit d'une réflexion
collective à laquelle ont participé plusieurs spécialistes
recrutés dans les entreprises membres de notre Association. Il y a plus
de 25 bureaux qui ont participé à la rédaction du
mémoire. En ce sens, on peut affirmer qu'il représente assez
fidèlement le point de vue de l'ensemble des membres de l'AICQ.
Pour résumer en quelques mots la position de l'AICQ sur le sujet
qui nous préoccupe, je dirai que nous voulons convaincre les membres de
cette commission et la population québécoise dans son ensemble
que les options énergétiques qui s'offrent à notre
société sont très limitées et que, compte tenu de
cette réalité, le plan de développement proposé par
Hydro-Québec s'oriente dans la bonne direction en ce qui concerne les
choix technologiques qui doivent être privilégiés.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous croyons important de rappeler
qu'Hydro-Québec constitue le fer de lance de notre économie et
que les décisions qu'elle est appelée à prendre
ont un impact important sur toute la société
québécoise. Depuis la nationalisation de
l'électricité, au début des années soixante, on
peut affirmer qu'Hydro-Québec s'est acquittée de sa tâche
de façon remarquable, malgré tous les obstacles qu'elle a
dû affronter.
Un mandat d'une telle envergure ne peut certes s'accomplir sans
soubresauts et sans quelques incidents, je dirais plutôt accidents de
parcours, comme les pannes de courant que nous avons connues. S'il faut se
montrer vigilant quant au devoir de l'entreprise d'apporter une solution rapide
et efficace à de tels problèmes, nous devons cependant nous
garder de condamnations hâtives et globalisantes. (11 h 45)
À ce propos, nous déplorons que, à partir de
quelques bris de courant survenus dans des conditions climatiques
exceptionnelles, certains critiques aient exagéré la situation
à un point tel qu'on en a conclu à une absence totale de
fiabilité dans notre réseau électrique. Nous profitons
donc de l'occasion pour réitérer notre confiance en
Hydro-Québec et en l'expertise technique de son personnel, de même
que dans sa volonté d'améliorer la qualité et la
fiabilité de ses services. Nos membres peuvent également
témoigner du sérieux de ses préoccupations
environnementales qui font, encore là, l'objet de critiques injustes et
hautement exagérées. D'ailleurs, nous reviendrons sur ce sujet
plus loin dans notre exposé.
Abordons maintenant la question de la demande en
électricité. À ce propos, permettez-moi de vous
présenter deux tableaux qui serviront de base à nos commentaires.
On retrouve d'ailleurs ces tableaux dans notre mémoire. Je m'excuse,
ça a été fait au dessin informatisé et je
réalise maintenant, en les voyant, que c'est vraiment trop petit. Mais,
de toute façon, comme je viens de le dire, vous avez ces tableaux dans
le mémoire et ça me permettra, les ayant à
côté de moi, de peut-être vous donner une explication un peu
plus complète.
Le premier des deux tableaux qui fait l'historique des sources
d'énergie à l'échelle canadienne ne permet pas de mettre
suffisamment en relief l'évolution toute particulière qu'a connue
le Québec au cours des 30 dernières années. Nous le
présentons quand même pour situer le débat dans son
contexte historique. D'ailleurs, l'allure des courbes que l'on voit sur ce
tableau, on la retrouve dans à peu près tous les pays
industrialisés.
Si on retourne au début de l'ère industrielle, à la
fin du siècle dernier, on voit que, évidemment, le charbon et le
bois étaient les deux sources d'énergie
privilégiées. Ce n'est qu'au début du siècle qu'on
a commencé à privilégier l'électricité et le
gaz naturel. Alors, la tendance que l'on voit, pour les années futures,
si on regarde l'allure de la courbe, évidemment, c'est que le
pétrole qui a fait son entrée à la fin du siècle
dernier a tendance à diminuer et, comme le disait Mme la ministre tout
à l'heure, son importance demeure encore relative à cause du
transport, évidemment. Dans le contexte de la commission parlementaire,
on pense énergie électrique, donc production d'énergie
électrique.
Quant aux autres modes d'énergie, le gaz naturel, on le voit, a
connu une ascension très lente, mais qui a été
accélérée au moment de la crise du pretrole, et là,
ça devient très important dans le contexte
énergétique. Le bois a repris un petit peu d'ascension dans la
courbe de consommation a cause de certains foyers qui utilisent des
poêles à combustion lente, etc. Mais selon l'allure de la courbe,
ici, si je reviens aux chiffres du Québec, à la veille de la
première crise pétrolière, en 1973, on peut rappeler que
20,3 % seulement des besoins en énergie des Québécois
étaient assurés par l'électricité, comparativement
à 72,8 % pour le pétrole et 1,6 % pour le gaz.
Quinze ans plus tard, en 1988, la situation était radicalement
transformée. La part du pétrole tombait à 43,3 % et celle
de l'électricité grimpait à 40,5 %, tandis que le gaz
portait la sienne à 14,8 %. Il est probable que la part de
l'électricité et du gaz, dans le bilan énergétique
du Québec, continuera de monter au cours des prochaines années.
Dans le secteur de l'habitation, par exemple, la quasi-totalité des
nouvelles constructions, au moins unifamiliales, sont munies de chauffage
à l'électricité. De plus, on retrouve un nombre croissant
d'habitations munies de thermopompes ou de systèmes de ventilation et de
climatisation.
Par ailleurs, dans le secteur industriel, il faut prévoir,
notamment dans le contexte du libre-échange, une
accélération du processus de modernisation de nos industries
où certaines techniques traditionnelles de fabrication faisant appel aux
hydrocarbures laissent la place aux électrotechniques et aux techniques
gazières souvent plus efficaces et, surtout, moins polluantes,
auxquelles s'ajoute l'installation de systèmes informatisé de
commande et de contrôle.
Enfin, mentionnons les nouveaux besoins créés par
l'expansion de nos PME et la création de nouvelles entreprises, deux
phénomènes qui prennent de plus en plus d'importance,
actuellement, grâce à l'audace et au dynamisme dont font preuve
les entrepreneurs québécois.
Pour toutes ces raisons, nous estimons très conservatrice la
position d'Hydro-Québec selon laquelle les besoins en
électricité augmenteront au même rythme que la consommation
moyenne générale en énergie. Nous pensons que la demande
interne de la prochaine décennie sera plus élevée que les
prévisions utilisées dans le plan de développement. En
conséquence et compte tenu des risques de faible hydraulicité qui
peuvent entraver sérieusement les disponibilités actuelles, nous
pensons qu'il est primordial que
soit réalisé le projet de Grande Baleine selon les
échéanciers proposés, si l'on veut répondre
adéquatement aux besoins du Québec à moyen terme.
Je me permets de répéter que le projet Grande Baleine est
nécessaire pour assurer les besoins internes du Québec. On n'a
qu'à se référer au deuxième tableau pour constater
qu'en situation de demande interne moyenne les disponibilités pour
l'exportation sont, somme toute, peu importantes. Encore une fois, le
deuxième tableau, vous l'avez dans notre mémoire.
Ce que l'on a fait, c'est qu'on a superposé plusieurs
informations qui sont contenues dans le document qui s'appelle proposition de
plan de développement d'Hydro-Québec 1990-1992 Horizon 1999.
Alors, on voit la courbe réelle de consommation jusqu'en 1990-1991 et on
voit également les trois projections selon les scénarios
suivants: prévision scénario fort, prévision
scénario moyen et prévision scénario faible. On a
ajouté à cette courbe-là le chiffre réel des
exportations jusqu'en 1990 pour montrer l'importance relative des exportations,
dont la quantité, en chiffres absolus, a tendance à diminuer.
Donc, l'importance relative a également tendance à diminuer,
puisque la courbe de consommation, elle, augmente nécessairement chaque
année.
Quant à la marge de manoeuvre qui est indiquée ici, c'est
toute la problématique de l'hydraulicité qui est variable et
imprévisible. Dans une prévision de scénario de
consommation moyenne, à la deuxième ligne, celle du milieu, nous
avons ajouté l'impact prévisible des mesures d'économie
d'énergie pour bien montrer l'importance relative des mesures
d'économie d'énergie, avec la prévision d'une dizaine
d'années. On parle d'un potentiel d'économie réalisable de
10 % et les prévisions d'Hydro-Québec se situent quelque part
entre 5 % et 10 %. Autrement dit, Hydro-Québec prévoit qu'avec
des moyens raisonnables on va pouvoir atteindre à peu près la
moitié du potentiel extrême.
Évidemment, il serait très coûteux de
réaliser toutes les économies d'énergie qu'on pourrait
faire. Alors, à des coûts raisonnables, si on ajoute cette courbe
des économies d'énergie, on voit, par la partie hachurée
en dessous de la deuxième courbe, ce que ça représente
relativement toujours à la même échelle, où on voit
les années en bas et la consommation en térawatt-heures.
Nous avons ajouté également un deuxième
tracé hachuré à cette courbe-là qui permettrait de
prévoir que quelque part, au moment où le projet Grande Baleine
serait terminé - parce que je sais que l'exportation, c'est une grande
préoccupation de la commission - au moment où le potentiel
maximum de Grande Baleine pourrait être utilisé, on aurait
nécessairement, pendant un certain nombre d'années, un surplus
momentané d'énergie. Et, dans le scénario de consommation
moyenne, on voit qu'il y a une nouvelle tranche d'exportation possible qui
pourrait venir s'ajouter à celle qu'on avait en bas.
Dans un cas de scénario fort, cette tranche-là n'existe
pas et, dans un cas d'hydraulicité faible, cette tranche-là
n'existe pas. Alors, il faut quand même situer le débat à
l'intérieur de ces deux paramètres: l'hydraulicité et
l'augmentation de la consommation interne d'énergie électrique au
Québec.
On voudrait, dans certains milieux, que soit
décrété un moratoire sur les projets
hydroélectriques futurs afin d'en analyser en profondeur toutes les
conséquences. Pour ce qui est de Grande Baleine en particulier, en
raison de la lenteur du processus de préparation menant à la
réalisation d'un projet d'une telle envergure, tout retard serait
désastreux. En effet, les solutions de rechange seraient à la
fois coûteuses et difficilement acceptables. Si l'on retarde Grande
Baleine et que nous devions faire face à la fois à une faible
hydraulicité et à une demande interne plus forte que
prévu, nous serions forcés d'importer de
l'électricité pour assurer nos besoins et donner plus
d'importance à la production d'électricité utilisant le
gaz naturel. Le feu vert à la réalisation du projet Grande
Baleine doit être donné dans les plus brefs délais
possible, si l'on veut respecter les échéanciers prévus et
être en mesure de répondre aux besoins internes du Québec
au cours de la prochaine décennie. Une telle situation d'urgence ne
devrait plus se répéter dans l'avenir, ni dépendre des
politiques de relance économique ou de revirements soudains dans les
politiques d'exportation.
L'apport économique de projets de cette ampleur est tel qu'il
doit s'inscrire dans la continuité d'un plan harmonieux de progression,
si l'on veut assurer au Québec une stabilité économique.
C'est pourquoi nous recommandons que la planification des projets de
développement soit intensifiée, de manière à
envisager continuellement les exigences d'un scénario de forte demande
interne, quitte à ralentir si les prévisions s'avèrent
tronquées.
Comme nous le disions déjà en février 1980, dans un
mémoire présenté au ministère des Richesses
naturelles du temps, je cite: "II sera toujours plus facile de vendre un
surplus d'énergie que de s'adapter à des pénuries ou
d'avoir à prendre des mesures d'urgence pour acheter l'énergie
que notre manque de prévision nous forcerait à nous procurer." Un
tel effort de planification dans un esprit de continuité est en outre
important pour le maintien de l'expertise québécoise reconnue
internationalement dans les domaines de production, de transport et de
l'utilisation efficace de l'énergie et de l'électricité.
Il permettra également de maintenir plus facilement l'emploi dans ce
secteur d'activité, évitant ainsi les aléas des cycles
économiques et des orientations politiques.
Nous avons la chance, au Québec, ce que
nous envient un grand nombre de sociétés, de
posséder une abandondance de ressources énergétiques
efficaces et non polluantes. L'agronome de réputation internationale,
René Dumont, dont les préoccupations écologiques sont bien
connues, affirmait récemment que, de toutes les sources
d'énergie, l'hydroélectricité était la moins
dommageable pour la planète. Il est donc tout à fait
légitime que nous cherchions à développer graduellement
cette richesse pour satisfaire nos besoins en énergie et offrir nos
surplus temporaires à nos voisins, qui ne bénéficient pas
des mêmes avantages. Actuellement, nos exportations sous forme de
contrats fermes représentent une part très modeste de notre
capacité globable de production hydroélectrique. C'est la courbe
ici - avant qu'on l'enlève, évidemment - en bas.
Quant aux autres surplus, ils servent momentanément à
rentabiliser des centrales et des réseaux de distribution qui sont, de
toute façon, destinés à répondre à nos
propres besoins. C'est la problématique de l'hydraulicité faible
ou forte.
Dans une telle optique de développement durable, ce serait
d'ailleurs profitable pour tous si le Québec exportait davantage son
électricité. Au plan économique, ces exportations sont
rentables pour le Québec. D'autre part, l'exportation de
l'hydraulicité québécoise aux États-Unis permet non
seulement de réduire la pollution de l'air dans ce pays, mais aussi chez
nous, compte tenu que les polluants atmosphériques produits par les
centrales thermiques américaines sont poussés par les vents vers
notre territoire sous forme de pluies acides. L'abondance de nos ressources
hydrauliques et le potentiel hydroélectrique économiquement
exploitable ne doivent pas, cependant, nous empêcher d'explorer d'autres
moyens de produire l'électricité. À ce propos, nous
pensons que la filière nucléaire constitue une alternative
valable qu'il faudra certainement considérer dans un proche avenir, en
particulier les réacteurs du type CANDU qui sont parmi les plus
performants, les plus fiables et les plus sécuritaires au monde.
Les réticences envers le nucléaire sont bien connues.
Elles nous font oublier certains avantages du nucléaire qui sont
appréciables. La construction de centrales nucléaires à
proximité des grands centres de consommation ne nécessite pas de
transport de courant sur de longues distances, non plus que l'inondation de
vastes territoires. Malgré des coûts initiaux
élevés, les frais d'entretien et d'exploitation sont minimes et
contribuent à maintenir à long terme des tarifs concurrentiels.
(12 heures)
Moins de 3 % des besoins en électricité du Québec
sont satisfaits par la production d'énergie nucléaire
comparativement à 50 % pour l'Ontario et à 40 % pour le
Nouveau-Brunswick. Il nous apparaît souhaitable qu'Hydro-Québec
augmente quelque peu la contribution du nucléaire dans le cadre d'une
politique de diversification pouvant pallier aux facteurs impondérables
reliés à l'hydroélectricité. Quant aux autres modes
d'énergie... Combien de minutes?
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute.
M. Ouimet: Une minute. Je vais passer quelques pages de ma
présentation.
Les perturbations de l'environnement social sont également un
facteur très important auquel il faut accorder toute l'attention
nécessaire avant d'entreprendre la réalisation des grands projets
de développement hydroélectrique. Nous invitons donc cette
commission - que nous proposons dans notre mémoire,
l'établissement, pour l'après Grande Baleine, d'une commission
environnementale sur l'énergie - à porter une grande attention
aux représentations et revendications des populations autochtones, il va
de soi, pour permettre de limiter la portée des changements à
leur mode de vie, pour limiter autant que possible les atteintes à
l'environnement physique et social. L'objectif visé est qualifié
de réaliste par certains de nos membres, tandis que d'autres, on l'a vu
tout à l'heure, dans les consommations d'énergie, le trouvent
optimiste, alléguant les difficultés de modifier des habitudes en
l'absence de situations d'urgence, toujours en parlant d'économies
d'énergie, ou de mesures incitatives vraiment alléchantes.
En dernier lieu, nous appuyons l'intention d'Hydro-Québec
d'encourager la production d'électricité par des producteurs
indépendants, notamment par la construction d'usines de
cogé-nération et de petites centrales
hydroélectriques.
Permettez-moi de conclure en résumant en quelques phrases le
point de vue de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec
sur le plan de développement hydroélectrique. Nous sommes
globalement d'accord avec l'orientation technologique qui est proposée
et en particulier avec la réalisation du projet Grande Baleine sans
lequel nous risquons de nous trouver en état de pénurie
d'énergie vers l'an 2000. Nous tenons à souligner le peu de
flexibilité des choix à notre portée. Il s'agit d'un choix
de société. Il faut se préparer au nucléaire qui
devra être utilisé dans l'éventualité où
Hydro-Québec devrait cesser de privilégier
l'hydroélectricité. C'est un ou c'est l'autre. Pour notre part,
nous réaffirmons que le Québec se doit d'accorder la
priorité à la rentabilisation maximale de ses ressources
hydroélectriques qui font l'envie des pays industrialisés.
Enfin, les orientations d'Hydro-Québec visant à limiter
l'augmentation de la demande constituent, à nos yeux, une amorce
intéressante de développement durable. Il nous faut cependant
insister sur la faiblesse des moyens techniques
dont dispose notre société pour réduire la demande
d'énergie dans une économie en progression. Encore là, il
s'agit d'un choix de société. Je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Ouimet. J'inviterais Mme la ministre à poser des questions à nos
invités.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. MM. Ouimet, Sauriol,
Beaulieu et Duff, ce n'est jamais facile d'être les premiers à
participer à la présentation d'un mémoire dans une
commission d'importance comme celle que nous avons. Dans le mémoire que
votre association a déposé, un mémoire qui est fort bien
articulé, d'ailleurs, vous analysez la demande à court terme,
à moyen terme, et vous analysez aussi les moyens pour satisfaire cette
demande, sans oublier les impacts physiques des grands aménagements
hydroélectriques et aussi les dérangements sociaux qui sont
occasionnés par la réalisation de ces grands projets.
Je crois que votre mémoire s'inscrit en ligne droite avec les
énoncés de la politique énergétique,
développement de potentiel hydroélectrique, exploration, aussi,
des possibilités d'exportation rentable, tout en essayant de
gérer au mieux l'environnement.
À la lecture de votre mémoire, il se dégage un
certain nombre de messages et même, je dirais, de signaux que je
considère importants et qui mériteraient peut-être qu'on
s'y attarde quelque peu ce matin. À plusieurs reprises, vous insistez
sur la faiblesse des moyens techniques dont notre société dispose
pour diminuer la demande d'énergie, les options
énergétiques qui seraient très limitées aussi pour
satisfaire les besoins en électricité. J'aimerais
peut-être, pour amorcer le débat ce matin, vous demander
d'expliquer de façon plus détaillée les deux affirmations
que vous faites.
M. Ouimet: Mme la ministre, il faut se rappeler que depuis
plusieurs années les ingénieurs sont très actifs dans le
domaine des économies d'énergie. Donc, il y a plusieurs de ces
mesures qui ont déjà été implantées. Les
mesures faciles à implanter l'ont déjà
été.
Le programme de remplacement du pétrole par
l'électricité et le gaz a grandement contribué à
ces économies d'énergie. Ça a permis à des
propriétaires de gros complexes immobiliers de refaire des
systèmes de chauffage, des systèmes de climatisation, d'y
installer des contrôles beaucoup plus efficaces avec des ordinateurs qui
prévoient, qui anticipent les variations de température, qui font
le contrôle de l'éclairage, etc. Ces choses-là ont
déjà été faites.
La deuxième phase à laquelle s'attaque Hydro-Québec
dans les résidences, évidemment, il y a des choses qui sont
évidentes. Par exemple, on utilise beaucoup, au Québec, les
chauffe- moteurs. Les gens ont la vilaine habitude d'arriver à 17 heures
ou à 18 heures et de laisser chauffer le "block heater" comme on dit, le
chauffe-moteur, jusqu'au lendemain matin. Ça, c'est un gaspillage
absolument inutile d'énergie. Une heure suffit pour réchauffer le
moteur. Il ne sera pas plus chaud après 12 heures ou après 15
heures. Il y a des choses comme ça qui sont encore faciles à
faire. On peut remplacer les lampes incandescentes par des sources plus
efficaces au quartz, des lampes fluorescentes.
Mais lorsqu'on s'adresse à l'industrie, l'efficacité des
moteurs, par exemple, pour une grosse pièce d'équipement, on va
aller chercher quelques pourcentages d'économies d'énergie.
Ça peut avoir une influence importante sur la facture
énergétique mais, dans l'ensemble du réseau, ça
n'aura pas d'influence importante tant qu'on ne s'attaquera pas au
procédé comme tel dans les papeteries, dans les alumineries,
enfin... Il faut penser que nous sommes en train... Alcan, par exemple, est en
train de construire une nouvelle aluminerie, non pas pour augmenter sa
capacité de production, mais pour améliorer l'efficacité
de sa production. Il y a beaucoup de ces économies dans l'industrie qui
sont déjà réalisées ou qui sont en voie
d'être réalisées.
Lorsqu'on regarde les projections et qu'on dit: On va essayer
d'atteindre la moitié du potentiel... D'abord, le 10 %, d'où
vient-il? Le 10 % potentiel vient d'études très poussées
qui ont été faites un peu partout aux États-Unis, ailleurs
au Canada et au Québec. Les experts s'entendent pour dire qu'il y a un
potentiel actuellement, en 1990, d'économie d'énergie
électrique d'environ 10 %. Et les experts s'entendent également
pour dire que la moitié ou un peu plus de ce potentiel est
réalisable à des coûts qui font que ça va se
réaliser. Le programme, actuellement, il y a beaucoup de
publicité qu'Hydro-Québec fait sur l'économie dans les
résidences. On parle de chauffe-eau plus efficace. On parle de lampes
plus efficaces. Ça va avoir un effet direct sur la consommation. Mais
n'oublions pas que, dans notre climat, une grosse partie de
l'électricité dans le résidentiel est utilisée pour
le chauffage. La plupart de ces maisons qui sont chauffées à
l'électricité sont de construction récente, sont bien
isolées et ont une très bonne fenestration. Donc, c'est un peu
marginal, dans l'ensemble de la consommation de chacune des résidences,
par exemple, les économies qu'on va réaliser. C'est pour
ça qu'on dit qu'avec nos moyens techniques actuels il ne faut quand
même pas s'imaginer que les ingénieurs vont pouvoir proposer des
économies d'énergie additionnelles à celles qu'ils
proposent depuis 10 ans, encore aussi importantes que celles qui ont
été réalisées depuis 10 ans. Parce que toutes les
choses faciles et peu coûteuses ont été faites.
Mme Bacon: Vous soulignez aussi, je pense à juste titre,
que l'électricité va demeurer un
élément primordial, un élément essentiel
à notre économie et aussi à notre façon de vivre.
J'aimerais connaître votre opinion sur l'utilisation de
l'électricité en tant qu'outil de développement
économique par l'entremise, notamment, du développement
industriel, mais aussi des exportations d'électricité.
M. Ouimet: Pour le premier volet de votre question, Mme la
ministre, je pense que nous avons tous, Québécois, la
responsabilité d'attirer des industries qui vont venir chez nous
transformer, par exemple, l'aluminium ou le magnésium que nous
produisons maintenant ici. Ce sera nécessairement des industries qui
vont consommer une grande quantité d'énergie électrique,
peut-être pas autant que les affineries comme telles. Si on regarde le
nombre d'emplois créés, nécessairement les petites et
moyennes entreprises sont les générateurs d'emploi. Donc,
l'industrie des transformations, les petites et moyennes entreprises qui vont
venir se greffer autour de nos complexes de transformation de métaux, il
est très important qu'on puisse les attirer avec des coûts
d'électricité relativement bas, relativement bas par rapport
à ce qu'on peut avoir dans les autres provinces canadiennes ou aux
États-Unis. Dans un contexte de libre-échange, si vous regardez
la carte de l'Amérique du Nord, il faut quand même réaliser
que le Québec a un climat qui n'est pas facile, est un peu loin des
centres de distribution. Alors, si on veut attirer ici l'industrie de
transformation, si on veut que les petites et moyennes entreprises
s'installent, un des avantages que nous avons sur les autres, c'est de
l'électricité en quantité abondante et à des prix
relativement bas. Il ne faut pas le négliger, dans le contexte global du
développement industriel du Québec.
Quant au deuxième volet de votre question, au sujet des
exportations, il faut bien faire la distinction entre les contrats
d'exportation d'énergie ferme et les contrats d'exportation
d'énergie de surplus. Dans le contexte des liens qui existent entre les
États de la Nouvelle-Angleterre, l'État de New York, et la
province de Québec et les provinces de l'Ontario et du
Nouveau-Brunswick, particulièrement, il y a un échange. Leurs
demandes maximales arrivent durant l'été, à cause de la
climatisation, tandis que notre demande maximale arrive durant l'hiver à
cause du chauffage. C'est la résultante de notre climat. Au moment
où nous avons des installations hydroélectriques ou de production
d'électricité suffisantes pour répondre à la pointe
que nous devons rencontrer durant l'hiver, durant l'été, cette
pointe-là n'est pas utilisée. Cette énergie-là, qui
est exportée, particulièrement en période de haute
hydraulicité, c'est un revenu important, c'est un avantage qui n'est pas
à négliger, puisque nous devons avoir la capacité de
production pour répondre à la consommation d'hiver, de toute
façon, et que notre consomma- tion d'été diminue
considérablement, alors que, pour nos voisins du Sud, c'est le
contraire, ils ont besoin de beaucoup plus d'énergie, à cause de
la climatisation durant juillet et août, par exemple.
Mme Bacon: M. Ouimet, il y a des éléments qui vous
portent à croire, si j'ai bien compris votre mémoire, que la
demande des années futures est sous-estimée par
Hydro-Québec, par exemple, par rapport à ce qu'ils ont
estimé eux-mêmes, et, quand on considère que la
société d'État, Hydro-Québec, retient
l'hypothèse du libre-échange dans le cadre de ses
prévisions, comment réagissez-vous à ça? (12 h
15)
M. Ouimet: Je l'ai mentionné, tout à l'heure, Mme
la ministre, et peut-être que je peux revenir sur la courbe, ici, c'est
que la courbe du scénario moyen prévoit une augmentation moyenne
annuelle de consommation d'électricité de 2 %, qui est
égale à la consommation d'énergie que les
économistes prévoient. Donc, Hydro-Québec ne
prévoit pas que l'apport de l'électricité va augmenter,
mais, connaissant les avantages de l'électricité, par exemple
pour le chauffage domestique, on voit mal comment les constructeurs de
nouvelles maisons vont utiliser autre chose que l'électricité,
sauf dans certaines régions où le gaz naturel est disponible. Je
ne pense pas que l'on retourne dans des nouvelles constructions à des
chauffages à l'huile. Alors, c'est l'un ou c'est l'autre.
Mme Bacon: C'est ça. En fait, est-ce qu'on peut quantifier
l'écart de prévision de la demande d'Hydro-Québec par
rapport à vos analyses? Est-ce qu'il serait possible de quantifier?
M. Ouimet: II serait un peu téméraire de notre part
de...
Mme Bacon: ...M. Ouimet, aujourd'hui?
M. Ouimet: ...le faire, Mme la ministre, mais je pense qu'on sera
d'accord pour dire que 2 %, soit le même taux d'augmentation que
l'énergie d'une façon générale, ça nous
semble bas. Encore une fois, il faut bien se mettre dans le contexte de 1990,
au moment où nous réalisons des économies
d'énergie, les ingénieurs, depuis de nombreuses années. Il
y en a de moins en moins à réaliser, parce que,
évidemment, le contexte, le scénario tient compte de ces
économies tel que montré ici. Alors, le jeu est de 1 % en plus ou
en moins. On ne joue pas avec des pourcentages très importants sur le
nombre total de térawatt-heures annuellement.
Mme Bacon: Sur un autre sujet, dans votre mémoire,
à la page 28, on parle d'études qui sont réalisées
par votre association, qui démontrent que le prix offert par
Hydro-Québec ne sera pas,
dans bien des cas, suffisant pour justifier la construction d'usines de
cogénération. Est-ce qu'il vous serait possible d'illustrer
davantage les propos que vous tenez à la page 28?
M. Ouimet: Madame, je pense que les conclusions de nos membres -
et plusieurs de nos spécialistes se sont penchés sur le sujet -
c'est qu'au moment où on pourra utiliser l'énergie de rejet
ça va devenir rentable. Il faut bien réaliser qu'une turbine
à gaz, par exemple, est un appareil qui n'est finalement pas tellement
efficace. Il faut la refroidir et l'eau qui sert à refroidir cette
turbine a quand même un potentiel énergétique important:
l'eau est encore très chaude. Si on n'utilise pas cette eau-là
dans une industrie secondaire qui serait voisine d'une usine de
cogénération, les chiffres que l'on a actuellement - remarquez
bien que c'est assez nouveau que nous pensions cogénération au
Québec - il y a une étude qui avait été faite il y
a quelques années par le ministère fédéral de
l'Énergie qui s'appelait "Energy Cascading", la cascade de l'utilisation
de l'énergie. Alors, on utilise l'énergie à très
haute température pour faire tourner les turbines. L'énergie de
rejet peut être utilisée dans l'industrie pour faire du lavage, en
teinture, dans l'industrie textile ou quoi que ce soit, et cette eau de rejet
qui contient encore une certaine quantité d'énergie pourrait
être utilisée, par exemple, pour chauffer des serres. Enfin, dans
un complexe global d'utilisation d'énergie, il n'y a pas de doute que la
cogénération va devenir rentable. Mais, la
cogénération comme telle, c'est un peu actuellement
aléatoire. La comparaison avec l'Ontario où il s'en est fait
beaucoup, si vous me permettez, c'est qu'on utilise le gaz naturel en Ontario
pour faire la cogénération, mais les coûts de transport,
particulièrement dans l'ouest de l'Ontario, sont beaucoup moins
importants qu'au Québec. Alors, évidemment, le gaz a à peu
près la double distance à parcourir avant de se rendre à
Montréal, par exemple, par rapport au Nord-Ouest de l'Ontario.
Évidemment, le coût du gaz naturel là-bas, c'est le
coût du producteur, plus le coût de transport. Alors, le coût
de revient du producteur de cogénération là-bas en Ontario
est beaucoup moins élevé. Alors, en Ontario, on a beaucoup
maintenant de cogénération et c'est rentable. Ici, je peux vous
dire, Mme la ministre, que les ingénieurs étudient ça avec
attention et qu'on est en conversation constante avec les gens de Gaz
Métropolitain et d'Hydro-Québec pour dégager la dynamique
de l'économie, au sens précis du terme, de la
cogénération.
Mme Bacon: Serions-nous capables d'indiquer en ce moment quel
serait le seuil de rentabilité pour un projet de
cogénération type? Est-ce qu'on est en mesure d'indiquer
ça?
M. Ouimet: Vous voulez dire la dimension de l'installation?
Mme Bacon: Oui.
M. Ouimet: Oh, je pense bien qu'en bas de... On a parlé de
25 mégawatts maximum. Et je ne pense pas qu'en dessous de 5
mégawatts ça vaille la peine de regarder le projet. C'est quelque
part entre 5 et 10 que serait le seuil minimum. Hydro-Québec s'engage
à acheter l'énergie qui serait produite dans toute installation
jusqu'à 25 mégawatts. Alors, je pense que c'est quelque part,
disons, entre 10 et 25 que la rentabilité doit s'étudier.
Il y a des coûts de main-d'oeuvre assez importants à
l'opération d'une telle usine. Évidemment, entre 5 et 10, la
rentabilité est peut-être un peu douteuse. À 25, ou autour
de 25, il y a plus de chances que ce soit rentable parce que les coûts
d'opération, les coûts de main-d'oeuvre, vont être à
peu près les mêmes, quelle que soit la dimension de l'usine. Il
faut avoir des mécaniciens en charge 24 heures par jour, etc.
Mme Bacon: II faudrait peut-être penser davantage en
fonction du 25 que du 5 ou 10, si je comprends bien.
M. Ouimet: Oui, c'est exact. Maintenant, je ne vous cache pas
que, les coûts de gaz, actuellement, étant - comme je le disais
tout à l'heure - beaucoup plus élevés qu'en Ontario, c'est
un peu la pierre d'achoppement. Mais je ne voudrais pas vous donner une
réponse définitive, puisque nous sommes tous en train
d'étudier des problèmes, des projets très précis,
en cogénération. Dans quelques mois, on pourra vous donner des
données beaucoup plus précises là-dessus.
Mme Bacon: M. le Président, je pense que vous m'indiquez
que mon temps est terminé. Je voudrais vous remercier, M. Ouimet, M.
Beaulieu, M. Sauriol et M. Duff et, même temps, vous dire que je pense
qu'on a très bien décodé certains messages et surtout
certains signaux que vous nous avez faits. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Alors, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. À la lecture de
votre mémoire, je dois dire que j'ai effectivement quelques
réflexions. Et je suis étonné aussi par quelques-uns des
énoncés que vous mettez de l'avant dans votre mémoire. Je
voudrais vous dire très brièvement et très
sincèrement, en quelques lignes, ce que je retiens du mémoire et
vous me direz si je me trompe et, si oui, en quoi je me trompe.
J'ai eu l'impression, une fois que j'avais terminé de lire votre
mémoire, que vous disiez: II faut tout harnacher ce qu'il y a de
rivières
harnachables au Québec, étant donné que c'est
encore la meilleure source pour produire et puis tout le monde est jaloux de
notre potentiel hydro-électrique. Harnachons! Exportons tant qu'on peut.
On dit: Les énergies alternatives ne sont à peu près pas
intéressantes. Donc, produisons de l'hydroélectricité et,
quand nous ne pourrons plus rien harnacher, nous construirons des centrales
nucléaires. Et vous justifiez cela, entre autres, en disant
qu'Hydro-Québec a sous-évalué la demande et que la demande
pourrait être beaucoup plus grande qu'elle ne l'est actuellement. Mais,
par contre, vous n'admettez pas la possibilité que l'on puisse diminuer
cette demande-là ou la restreindre par le biais de politiques
très substantielles, très coriaces en termes d'économie
d'énergie. Donc, la seule façon de répondre vraiment
à la demande, c'est de construire des barrages.
Et puis, en bout de piste, vous dites: Si jamais on a des
problèmes avec les autochtones ou ces gens-là dans le milieu, on
s'arrangera, on négociera des conventions - ce n'est pas tout à
fait ce que je retrouve dans le texte mais, en gros, c'est ce que je retiens -
on paiera et puis on achètera la paix, d'une certaine façon, et
puis on construira.
Est-ce que c'est vraiment ça, la philosophie qui sous-tend votre
mémoire et l'importance que les ingénieurs-conseils du
Québec donnent à la question hydroélectrique au
Québec?
M. Ouimet: Je crois qu'il y a beaucoup d'exagération dans
vos propos, M. le porte-parole de l'Opposition.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ouimet: Disons, d'abord, que l'hydroélectricité
est un produit québécois. Le gaz naturel doit être
importé de l'Ouest canadien, si on se sert du gaz et on le fait pour des
pointes. Mais je crois que, dans un contexte québécois, de penser
répondre à la demande habituelle avec de
l'électricité produite avec du gaz naturel parce qu'on a
parlé... Tout à l'heure, j'ai répondu à Mme la
ministre pour la cogénération, mais on peut imaginer que le gaz
naturel... D'ailleurs, le gaz naturel est utilisé par
Hydro-Québec dans des turbines pour répondre à la demande
de pointe. La demande normale, la consommation normale, la politique - et je
pense qu'en tant que Québécois nous devons être d'accord -
de la consommation normale de tous les jours doit être alimentée
par des ressources hydroélectriques.
Alors, quand on parle de nucléaire, on ne dit pas: Allons
jusqu'au bout des ressources hydroélectriques et ensuite de ça on
utilisera le nucléaire. Ce que l'on dit, c'est que le projet Grande
Baleine doit être réalisé sans autre retard, sans retard.
Ce que l'on propose, c'est qu'il y ait une commission environnementale sur
l'énergie qui regarde dans un contexte global de l'Est de
l'Amérique du Nord les conséquences écologiques de la
production d'électricité avec des centrales thermiques, au
charbon ou à l'huile, comme ça se fait au sud de la
frontière, ou avec du gaz naturel qui est beaucoup moins polluant, mais
qui est quand même un peu polluant, ou les conséquences
écologiques du développement de nos ressources
hydroélectriques.
À ce propos-là, si vous me le permettez, il y a un tableau
- tout à l'heure, j'ai dû escamoter certaines pages de mon texte -
que j'aimerais vous présenter. Celui-là, vous ne l'avez pas dans
votre mémoire. J'ai pensé que, pour situer le projet Grande
Baleine dans le contexte environnemental, il serait important de comparer les
surfaces inondées, parce qu'on parle beaucoup des surfaces
inondées. Alors, on a préparé un tableau où on
montre les surfaces inondées en kilomètres carrés pour
trois projets: le projet La Grande, phase I, La Grande, phase II - LG 1, LG2 -
et Grande Baleine.
Le premier chiffre, ici, la première colonne nous donne les
superficies inondées après les travaux. La deuxième
colonne nous donne le territoire inondé à l'état naturel,
parce qu'on sait qu'il y a une grande partie de ce territoire-là qui est
déjà inondée. La troisième colonne nous donne
l'augmentation de la surface inondée pour chacun des trois projets. On
se plaît, en certains milieux, à comparer cette surface
inondée à la surface du lac Saint-Jean. Alors, j'ai pensé
comparer les trois projets à la surface du lac Saint-Jean parce qu'il y
a toutes sortes de chiffres qui sont lancés. Je peux vous dire, à
moins que nos ingénieurs se soient trompés radicalement,
qu'à 1 % ou 2 % près ces chiffres-là sont bons.
Augmentation du nombre de fois de la superficie du lac Saint-Jean.
Évidemment, si on regarde LG 1 qui est le grand projet, il y a eu une
inondation additionnelle équivalente à 5,3 fois le lac Saint-Jean
Comme on le dit dans notre rapport, les conséquences écologiques
n'ont finalement pas été si horribles qu'on le prévoyait
et, quant au gros problème de mercure, il y a une stabilisation et la
concentration de mercure, après quelques années, diminue
considérablement. Pour LG 2, la superfie inondée
représente une demi-fois la surface du lac Saint-Jean. Pour Grande
Baleine, la superficie inondée additionnelle représente un petit
peu moins que 1 %, 0,45 %. Situons ces surfaces-là, si vous voulez bien,
dans un contexte global du continent nord-américain, parce qu'on a peur
que les surfaces inondées affectent le climat du monde La superficie du
lac Saint-Jean est de 1850 kilomètres carrés. À titre de
comparaison, rappelons-nous que la superficie du lac Érié, par
exemple, qui est le plus petit des Grands Lacs, est de 25 800 kilomètres
carrés, presque 20 fois plus, et la superficie du lac Supérieur
est de 82 300 kilomètres carrés. Alors, je ne vous dis pas
que
ça n'a pas des conséquences, je ne vous dis pas qu'il n'y
a pas des autochtones qui vont être lésés, le seul message
que nous, les ingénieurs-conseils, on veut transmettre à la
commission parlementaire, c'est que, au moins, partons des bons chiffres, des
bonnes surfaces, lorsqu'on porte un jugement sur les conséquences
écologiques de l'inondation de certains territoires. (12 h 30)
Le choix de société. M. le porte-parole de l'Opposition,
à quel moment est-ce qu'on va vouloir, nous, les
Québécois, aller au nucléaire? Ce n'est pas aux
ingénieurs-conseils à le faire. C'est à la population, au
gouvernement, enfin, à tout le monde et à tous les
intéressés. La raison pour laquelle on parle du nucléaire,
c'est que, d'une part, on pense que le CANDU, le système canadien CANDU,
est vraiment le plus sécuritaire. Deuxièmement, on pense que, au
Québec, on doit quand même conserver une certaine expertise dans
le nucléaire, de sorte que, si un jour on doit y retourner, nous n'ayons
pas à importer la technologie du nucléaire. Et,
troisièmement, dans un contexte de commission sur l'environnement, que
l'on propose après Grande Baleine, non pas après que Grande
Baleine sera terminé, mais après que Grande Baleine sera
commencé - ça peut être le lendemain - on pense qu'il y
aura un choix de société et qu'à ce moment-là le
nucléaire devra être considéré.
Si vous avez vu l'Economist du 14 avril, on nous rappelle des chiffres.
En France, c'est 75 % ou 80 % pour le nucléaire, la production
d'électricité. Au Japon, c'est 60 %. En Amérique du Nord,
au Canada, aux États-Unis, le total est de 20 %, de façon
générale. La moyenne varie d'une région à l'autre.
On a vu qu'en Ontario et au Nouveau-Brunswick, les deux provinces qui nous
entourent, c'est de l'ordre de 50 % ou 40 %. Au Québec, on parle de
quelques pour cent. Alors, à un moment donné, dans ce contexte
global de choix de société, il faudrait savoir à quel
moment on veut rentrer le tiroir nucléaire. On ne dit pas:
Développons toutes les ressources hydrauliques. Si on veut continuer
à développer l'économie du Québec, si on veut
continuer à attirer la petite et la moyenne entreprise, ça va
nous prendre de l'électricité. Comment allons-nous
répondre à la demande d'électricité? On ne pourra
pas l'importer, nos voisins n'en auront pas. Et les voisins qui en auraient, si
le Nouveau-Brunswick, par exemple, fait Pointe-Lepreau 2, ça va
être du nucléaire. Alors, le nucléaire ne sera pas
tellement loin de la frontière du Québec, à ce
moment-là. Pointe-Lepreau 1 est collé sur la frontière du
Québec, enfin, à quelques kilomètres.
M. Claveau: II reste, M. le président, qu'en page 32 de
votre mémoire je retiens deux phrases où vous dites: "II sera
toujours plus facile de vendre un surplus d'énergie que de s'adapter
à des pénuries ou d'avoir à prendre des mesures d'urgence
pour acheter l'énergie que notre manque de prévisions nous
forcerait à nous procurer." Ça, ça présuppose que
votre choix, le choix que vous feriez, si vous aviez à prendre la
décision finale, serait de construire plus de barrages, d'installer un
potentiel de production supérieur à toute prévision, dans
la mesure où, si on en a de plus, ce sera toujours plus facile de s'en
débarrasser que d'acquérir ce qu'il nous manquerait.
Et vous dites, après: "Nous continuons d'affirmer qu'en
priorité nous devons rentabiliser au maximum l'hydroénergie dont
nous disposons et qui fait l'envie du monde." Donc, votre choix est
définitivement fait là-dessus.
M. Ouimet: Écoutez, je pense que vous parlez de deux
choses, là. D'une part, il n'y a pas de doute que, dans le choix de
société, on pense, nous, que l'hydroélectricité
doit être privilégiée, mais on la construit au moment
où on en a besoin. Et, d'autre part, les exportations, comme on le voit
sur les courbes - et je l'ai expliqué tout à l'heure - et dans le
document d'Hydro-Québec, c'est très bien expliqué,
évidemment, lorsque vous construisez un nouveau barrage, vous avez une
augmentation soudaine de la capacité. Alors, durant cette
période-là où la demande doit rattraper, parce que la
demande va augmenter chaque année, il va y avoir, temporairement, un
surplus.
Ça s'est présenté lorsque les installations de la
phase I de la Baie James ont été raccordées au
réseau. À ce moment-là, on a eu des surplus beaucoup plus
importants que prévus, parce qu'il y a eu un ralentissement
économique, d'une part, et on a mis en oeuvre des mesures importantes
d'économie d'énergie, ce qui fait que nos surplus ont duré
plus longtemps que prévu. Mais il est évident que, quel que soit
le mode de production que vous utilisiez, que ce soit du nucléaire, du
thermique ou que ce soit de l'hydroélectricité, dès que
cette nouvelle installation sera raccordée au réseau, vous allez
avoir, pendant quelques années, un surplus disponible qui peut
être exporté. Parce que votre courbe de construction va
nécessairement être en dents de scie, alors que la courbe de
consommation va augmenter graduellement chaque année. Est-ce que je
réponds bien à vos préoccupations?
M. Claveau: Ça me va pour le moment. Je voudrais revenir
sur la question des économies d'énergie. Vous ne semblez pas
être très friand de mesures d'économie d'énergie,
d'après, en tout cas, ce qui me semble transparaître de votre
mémoire. Vous avez dit que les ingénieurs du Québec
avaient déjà beaucoup investi là-dedans et finalement que
vous saviez à quoi vous en tenir, comme ingénieurs, sur les
économies d'énergie, et que vous doutiez de la capacité
d'Hydro-Québec de réaliser ses souhaits d'économiser
quelque chose comme l'équivalent de 2,5
mégawatts de puissance au cours des prochaines années.
Alors qu'Hydro-Québec nous dit, à toutes fins pratiques, que le
potentiel d'économie qu'elle voudrait idéalement réaliser,
serait de l'ordre de 5,6 mégawatts. Moi, j'aimerais savoir pourquoi, en
tant qu'ingénieurs, vous remettez ça en doute et vous pensez que
ce n'est à peu près pas réalisable, alors que pas plus
tard que lundi dernier, le 7 mai, dans le journal Le Soleil, en page
C-11, on avait un gros titre qui disait que le Québec arrive bon dernier
en matière d'économie et d'efficacité
énergétique. On démontre là-dedans que, par rapport
à ce qui se fait en Europe, aux États-Unis ou ailleurs dans le
monde, on est vraiment des gaspilleurs d'énergie.
On va se référer au choc pétrolier, si vous voulez,
du début des années soixante-dix, alors qu'on se promenait en
Amérique du Nord et au Québec avec des voitures avec lesquelles,
lorsqu'on faisait 15 milles au gallon, on était contents, parce qu'on se
disait ce n'était pas de dépense; on pouvait avoir des gros
quatre barils qui faisaient 7 à 8 milles au gallon, et on était
fiers de ça. Et les compagnies nous disaient: Ce n'est pas possible,
l'économie d'énergie, les moteurs, c'est comme ça.
À 20 milles au gallon, c'est le maximum qu'on peut faire, alors
qu'à ce moment-là, en Europe, ils faisaient 35 à 40 milles
au gallon. Aujourd'hui, on est rendu qu'on construit des voitures, des moteurs
qui sont tout aussi puissants, performants, mais beaucoup plus
économiques. On fait 40 milles au gallon avec des moteurs qui sont,
à toutes fins pratiques, aussi performants que ceux qui marchaient
à 10 milles au gallon, il y a à peine 15 ans, mais, en Europe,
ils le faisaient déjà. Sauf que, nous, on ne voulait pas
l'accepter, on dépensait du pétrole. J'ai l'impression qu'on a
à peu près encore la même vision aujourd'hui par rapport
à l'électricité. Alors qu'on nous prouve noir sur blanc
que dans les pays européens et ailleurs dans le monde on met en place
des mesures énergétiques qui font qu'on puisse consommer moins
d'énergie électrique par tête de pipe, eh bien, nous, on a
encore une discours à l'effet qu'on ne peut pas faire mieux et que, de
toute façon, investir là-dedans, c'est de l'argent perdu. On est
mieux de bâtir des barrages et de produire plus, parce qu'on va en avoir
besoin de plus.
M. Ouimet: Si vous me le permettez, il ne faut quand même
pas confondre énergie au total et électricité. Lorsqu'on
parle de transport, je pense qu'on s'entend qu'Hydro-Québec n'est pas
impliquée. Lorsqu'on regarde les chiffres de consommation
d'énergie pour le Québec, il n'y a pas de doute qu'avec notre
climat et avec les distances qu'on a à parcourir nous consommons plus
d'énergie per capita que tous les pays d'Europe. Si l'on compare aux
autres provinces canadiennes, l'Ontario consomme plus d'énergie per
capita que le Québec. Le climat est un peu moins rigoureux, les
distances, ça peut probablement se comparer, les habitudes de vie,
ça peut peut-être se comparer, mais le développement
industriel est plus important en Ontario. Donc, la consommation
d'électricité en Ontario est légèrement plus
importante qu'au Québec, per capita.
Quand aux économies d'énergie, nous sommes d'accord avec
le 5 % d'Hydro-Québec. Ce que l'on dit, c'est que c'est un chiure qui va
demander beaucoup d'efforts à atteindre. Ce que l'on dit, c'est que
toutes les économies d'énergie faciles ont été
faites. Encore là, c'est un choix de société. Si vous avez
des enfants, combien de fois leur dites-vous d'éteindre les
lumières lorsqu'ils quittent leur chambre? Une lampe de 100 watts qui
fonctionne 24 heures par jour, c'est 2,4 kilowatts. En fait, tout ça
s'additionne et je pense que les sociétés européennes sont
beaucoup plus disciplinées qu'on ne l'est. Alors, il y a un choix de
société, il y a une éducation à faire, et je pense
que le travail qu'Hydro-Québec fait, dans le moment, la campagne de
publicité qui est faite dans le moment est un pas dans la bonne voie.
L'augmentation des coûts décrétée récemment
va avoir un effet, nous le pensons. Les gens qui se donneront la peine de ne
pas mettre en fonction leur chauffe-moteur toute la nuit et qui vont se donner
la peine d'éteindre quelques ampoules dans leur maison, chaque soir,
vont réaliser une économie équivalente à
l'augmentation de tarif qu'ils ont à subir. Est-ce que ça va les
convaincre du bien-fondé des mesures d'économie
d'énergie?
C'est un choix de société, et je pense
qu'Hydro-Québec et nous tous devons nous pencher sur ce choix de
société. Est-ce qu'on veut vraiment ici, au Québec,
surchauffer nos maisons? Est-ce qu'on veut vraiment éclairer partout? Si
c'est ça qu'on veut, il va falloir en payer le prix. Même à
Paris, par exemple, les monuments sont éclairés seulement
quelques heures chaque soir; ils ne sont pas éclairés toute la
nuit. C'est un choix de société et, eux, ils ont fait ce
choix-là il y a longtemps. Il y a même eu des périodes, on
se souvient, après la Guerre, où ce n'était pas
éclairé du tout, où c'était éclairé
un soir par semaine Alors, ici, on est gâté, on est habitué
à penser que l'énergie est une denrée illimitée,
pas chère, qu'on peut utiliser. Vous parliez d'automobile, tout à
l'heure. Il n'y a pas seulement le transport, c'est partout. Alors, c'est un
choix de société, il y a une éducation à faire et
on est parfaitement d'accord avec cet effort qui est fait. Ce qu'on dit, c'est
qu'on pense que, réaliser 50 % du potentiel, c'est réaliste, mais
n'oubliez pas que même HydroQuébec prévoit - on le voyait
tout à l'heure sur la courbe, là - que ce potentiel-là va
être atteint d'ici 10 ans. Donc, ça n'aura pas d'effet
immédiat; ça aura un effet chaque année et ça va
aller en s'additionnant. Les économies d'éner-
gie s'additionnent chaque année.
M. Claveau: Mais nous sommes ici pour avoir...
Le Président (M. Bélanger): Très
rapidement.
M. Claveau: ...l'opinion de ceux qui viennent se présenter
devant la commission. Vous, en tant que représentant d'un groupe,
l'association des ingénieurs-conseils du Québec, est-ce que vous
privilégiez que l'on continue à éclairer nos monuments
toute la nuit en construisant des barrages pour ce faire ou que l'on ferme la
"switch" pour ne plus avoir de barrages à construire? C'est quoi, votre
choix, là-dedans?
M. Ouimet: Bien, je pense qu'on a prouvé...
Peut-être que les monuments sont un mauvais exemple, mais, si on regarde
l'éclairage dans les édifices publics, par exemple, toutes nos
recommandations sont à l'effet que, dans les édifices où
l'on chauffe au mazout, on éteigne les lumières la nuit. Il y a
eu une époque où on laissait fonctionner l'éclairage la
nuit. Par contre, si vos édifices sont chauffés à
l'électricité, de toute façon, les watts de
l'éclairage vont dégager de la chaleur et ça va contribuer
à chauffer l'édifice. Alors, il y a un choix à faire, et
c'est dans les mesures d'économie d'énergie que ça devient
évident.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Alors, je vous remercie, MM. Ouimet, Beaulieu,
Sauriol, et Duff, de votre présentation. Je pense que le débat
est bien enclenché, est bien parti. C'est une présentation digne
du niveau des travaux que nous souhaitons avoir tout au long de cette
commission parlementaire. Je suis heureux, là, d'avoir eu les quelques
minutes qui nous ont été offertes pour partager quelques
discussions sur les différents points de vue avec vous. Merci de votre
présentation.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre,
si vous voulez remercier nos invités.
Mme Bacon: À nouveau, je voudrais vous remercier,
messieurs, de votre présentation, et aussi pour tous les tableaux que
vous nous avez présentés, en particulier le dernier, qui
réussit, je pense, à dégonfler certains mythes qui
circulent en ce moment et qui nous donne des chiffres pour nous faire vraiment
comprendre les situations et les évaluer telles qu'elles devraient
être évaluées.
Je pense que la commission, vous le dites vous-mêmes, va nous
permettre de dégager un consensus, et c'est le but même de la
commis- sion. On va identifier ce consensus social et ensuite nous allons tous
ensemble y participer. Merci beaucoup d'avoir été là ce
matin.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie les représentants de
l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Nous suspendons
nos travaux jusqu'à environ 13 heures, c'est-à-dire
jusqu'à 15 heures, pardon, soit après la période des
questions. Alors, ça peut varier de quelques minutes. Je vous
remercie.
(Suspension de la séance à 12 h 45)
(Reprise à 15 h 23)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à
chacun de bien vouloir prendre sa place, afin que la commission de
l'économie et du travail puisse procéder à une
consultation générale et à des auditions publiques sur la
situation et les perspectives de l'énergie électrique au
Québec.
Nous recevrons à la table des témoins le Bureau de
commerce de Montréal, c'est-à-dire probablement la section Forum
énergie centre-ville, qui sera représenté par M. Harper,
M. Powell, M. Ouellet et M. La Salle. Or, je prierais donc ces personnes de
s'avancer à la table, s'il vous plaît!
Après avoir pris place, je vous prierais, dans un premier temps,
de bien vouloir vous présenter, d'identifier votre porte-parole et de
procéder à la présentation de votre mémoire. Vous
avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et
une période de 40 minutes d'échanges avec les parlementaires.
Alors, sans plus tarder, je vous inviterais donc à vous identifier et
à procéder. Je vous remercie.
Bureau de commerce de Montréal
M. Harper (Alex): M. le Président, Mme la ministre, je
suis Alex Harper. Je suis le vice-président exécutif du Bureau de
commerce de Montréal. À ma droite, M. Michel La Salle, membre du
comité, qui nous a aidés à rédiger notre
mémoire; à mon extrême gauche, Christian Ouellet,
architecte, et aussi, à ma gauche, Claude Boisvert, aussi architecte.
Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour vous présenter
notre mémoire. Notre façon de procéder, c'est que je dirai
quelques mots d'ouverture et, après, mes trois collègues feront
part du mémoire. On ne fera pas la lecture du mémoire, on fera
une présentation du contenu.
Juste quelques mots. Vous savez que le Bureau de commerce de
Montréal est un organisme qui existe depuis 1822. Nous sommes une
association d'affaires à Montréal et nous avons dans notre
"membership" environ 3000 entreprises, la plupart étant les plus petites
et moyennes
entreprises. Vous avez raison, M. le Président, nous avons aussi
eu la collaboration du Forum énergie centre-ville dans la
préparation de notre mémoire et nous leur sommes très
reconnaissants de l'aide qu'ils nous ont donnée afin de préparer
la présentation.
Nous remercions la commission parlementaire de l'économie et du
travail de l'Assemblée nationale de bien vouloir recevoir le
présent mémoire sur la situation et les perspectives de
l'énergie électrique au Québec. Nous reconnaissons le
rôle clé qu'Hydro-Québec a joué dans le
développement économique du Québec. Non seulement la
société a-t-elle apporté et continue-t-elle à
apporter des revenus financiers directs au gouvernement et, par le fait
même, à la population, mais sa politique de faire faire a
été à l'origine de la création de beaucoup d'autres
industries et de découvertes technologiques qui ont grandement
contribué à rehausser la réputation internationale du
Québec.
C'est une grande source de fierté qu'Hydro-Québec ait
toujours réussi, dans le passé, à fournir à la
population du Québec des services hydroélectriques fiables et
à bon marché. Cependant, il nous importe que les plans actuels
reflètent les succès passés, les nouvelles
réalités et les nouveaux défis, permettant ainsi à
HydroQuébec de mieux répondre, dans l'avenir, aux besoins de la
population locale, ainsi que ceux de ses clients de l'extérieur.
Les préoccupations énoncées dans notre
mémoire le sont en vue de fournir quelques indications utiles pour
permettre de rendre accessible la plus grande réserve de puissance
hydroélectrique au plus grand nombre de clients potentiels, tout en
causant le moins de dommages à l'environnement et au plus bas coût
possible. Dans ce contexte, nous croyons qu'Hydro-Québec doit d'abord
commencer par améliorer le réseau existant, améliorer sa
productivité, adopter une nouvelle culture d'entreprise basée sur
l'efficacité, la conservation et la gestion appropriée de ses
installations, plutôt qu'uniquement sur la construction de nouveaux
barrages, favoriser conséquemment l'établissement d'une nouvelle
éthique grand public d'efficacité énergétique;
conduire son action surtout en fonction des préoccupations
socio-environnementales; consulter les groupes d'intérêt
spécialisés et ne pas se limiter au seul examen en commission
parlementaire; et, finalement, échanger et s'ouvrir davantage au secteur
privé.
Je laisserai maintenant M. La Salle continuer la
présentation.
M. La Salle (Michel): Merci, M. Harper. Le Bureau de commerce de
Montréal s'inquiète grandement, en fait, de la facture du plan de
développement d'Hydro-Québec jusqu'à l'orée du
prochain millénaire pour la bonne et unique raison
qu'Hydro-Québec répond mal à ses abonnés
actuellement et qu'elle répond de moins en moins bien aux attentes de
l'industrie.
Nous estimons qu'avant de lancer sur d'autres mers le navire amiral de
l'économie québécoise, Hydro-Québec, ferait bien de
passer quelque temps en cale sèche, car nous trouvons qu'il tangue de
manière fort suspecte. Qui plus est, l'examen des travaux
nécessaires à sa réfection de même que son plan de
navigation, ainsi que l'indique le plan de développement, nous semblent
un peu précipités. Il y a trop d'impacts socioculturels,
économiques et environnementaux qui ne sont pas mesurés et qui
sont en jeu dans le présent plan. Nous nous inquiétons de ce que
Hydro-Québec envisage uniquement le bien-être de la
collectivité, en termes de développement à tous crins.
La création du réservoir, d'une superficie de plusieurs
fois celle du lac Saint-Jean ou de l'ordre la France, n'affectera pas seulement
les collectivités autochtones dans le Grand Nord, mais aussi la
vallée du Saint-Laurent, le climat et peut avoir des conséquences
imprévisibles absolument néfastes, qu'on ne connaît
même pas.
En fait, est-ce qu'on sait bien à qui et à quoi tous les
développements qu'Hydro-Québec propose vont servir? Est-ce que ce
sont seulement quelques utilisateurs ou si c'est bien l'ensemble des
utilisateurs? En fait, dans le village global dans lequel nous vivons, on se
rend compte que 25 % de la population utilise 75 % des ressources
énergétiques. À l'échelon planétaire, notre
chance de survie dépend directement de notre façon de
réduire radicalement la consommation d'énergie, en particulier
dans les pays industrialisés.
Nous pensons que le bien-être de la collectivité
[«pose davantage sur la qualité de vie plutôt que sur le
développement effréné En fait, ça nous semble
être le sérieux avertissement que nous donne le rapport Brundtland
de la Commission mondiale sur le développement et l'environnement qui
stipule que, pour assurer un développement durable, il faut
réduire notre consommation énergétique. De ce point de vue
là, il ne faudrait pas oublier que la société
québécoise est une des sociétés les plus
énergivores au monde.
Dans cette perspective, ne vaut-il pas mieux considérer les
méthodes d'efficacité énergétique plutôt que
de nouvelles constructions? L'audace des planificateurs nous semble
céder le pas à trop de témérité. Certaines
questions demeurent sans réponse. D'où vient ce nombre alarmant
de pannes qui touchent au plus haut point notre industrie? En cette heure de
globalisation des marchés fortement axée sur le contrôle
des coûts, le Québec ne risque-t-il pas de perdre un avantage
énergétique concurrentiel, crucial, avec un réseau
existant de plus en plus vétusté?
L'entreprise, en particulier la PME - on se targue que le Québec
est le paradis de la PME - ne risque-t-elle pas d'être
désavantagée par des tarifs plus élevés? Quelles
sont les répercussions des augmentations tarifaires sur les
consommateurs et la PME en particulier? A-ton attribué
suffisamment de ressources pour consolider les acquis en entretenant et en
mettant à jour les installations existantes de production et de
distribution d'électricité plutôt que d'accumuler de
nouvelles constructions insuffisamment entretenues? Devrait-on proposer la
construction de nouveaux barrages quand on ne connaît même pas tous
les effets souvent néfastes et irréversibles sur l'environnement
socioculturel et physique? Qui bénéficierait des nouveaux
barrages et à qui bénéficierait une politique
d'efficacité énergétique généralisée?
L'énergie récupérée dans le cadre d'un programme
d'efficacité énergétique servirait-il à d'autres
développements énergivores ou freinerait-elle l'ajout de
nouvelles installations de production hydroélectrique?
Cet ensemble de questions nous fait penser qu'en raison de son envergure
le plan de développement d'Hydro-Québec ne devrait certainement
pas être étudié à la vapeur uniquement en commission
parlementaire. Il devrait d'abord être scruté à la loupe
par des groupes d'intérêt spécialisés
indépendants et expérimentés, suivant un calendrier
d'études qu'ils jugent suffisant. Nous estimons que le projet
proposé renferme un véritable plan de société dont
les tenants et les aboutissants n'ont pas encore fait l'objet d'un examen
approfondi par les usagers, les associations professionnelles, les autochtones,
cités, villes et municipalités, consommateurs domestiques et
industriels, milieux éducatifs et hospitaliers, organismes de promotion
de l'efficacité énergétique - comme l'AQME, l'Association
des propriétaires et administrateurs d'immeubles, Forum énergie
centre-ville - les syndicats, les organismes environnementaux.
Nous ne mettons pas en doute la compétence de la
société Hydro-Québec de lancer le Québec dans un
nouveau projet hydroélectrique. Ses réussites dans le
passé le prouvent amplement. Mais, compte tenu de ses difficultés
administratives répétées, nous préférons
qu'elle concentre d'abord ses énergies sur l'organisation et l'entretien
de son réseau et qu'elle en oriente la gestion sur l'efficacité
énergétique.
Nous exposerons maintenant nos appréhensions et nos
interrogations à partir des rubriques suivantes. Mon collègue
Claude Boisvert, architecte et homme d'affaires, traitera de la question
énergétique et du contexte économique au Québec,
suivi de la gestion du réseau et du développement et de la
création d'emplois. M. Christian Ouellet, architecte, exposera ses
propos sur la gestion de la conservation et l'efficacité
énergétique ainsi que sur la protection de l'environnement.
Enfin, M. Boisvert reviendra pour parler de la culture d'entreprise et du
maillage industriel. Nous ferons ensuite les recommandations
appropriées. M. Boisvert.
M. Boisvert (Claude): Merci. Mon propos s'adresse en premier lieu
à la question énergétique et au contexte
économique. Hydro-Québec présente la problématique
de l'énergie au Québec selon quatre axes: l'énergie comme
moteur de développement économique; la sécurité des
approvisionnements; la protection de l'environnement; et, enfin, le
bénéfice du consommateur québécois.
Nous remettons en question la notion de développement durable,
comme l'invoque HydroQuébec. La société tente seulement de
minimiser les impacts environnementaux de ses mégaprojets, plutôt
que de considérer ces impacts dans leur totalité. Les conditions
récentes sur le marché mondial nous font prendre conscience que
l'électricité est une ressource limitée et coûteuse.
Du fait de son caractère essentiel pour l'éclairage et la force
motrice, elle occupe une place centrale dans le débat
énergétique. Même si elle est porteuse des plus grands
espoirs, la question énergétique est conditionnée par le
contexte économique. Or, le présent contexte nous demande de
redoubler de prudence dans les choix économiques qu'Hydro-Québec
devra faire.
Est-ce qu'il est temps de surcharger la société de dettes
au moment où l'économie du Québec entre en période
de ralentissement? Les principaux paramètres et indices
économiques nous font voir que la situation, à court terme et
moyen terme, se présente de façon peu pessimiste, mais marque un
ralentissement certain. Considérée comme le moteur de
l'économie québécoise, Hydro-Québec en
deviendra-t-elle un frein? En 1989, pour la première fois en trois ans,
la croissance économique du Québec a été
limitée à une performance inférieure à celle de
l'ensemble du Canada. Remarquons que de 1983 à 1988 la croissance
annuelle moyenne du produit intérieur brut québécois a
connu un taux supérieur à 5 %. Cette année,
l'économie affichera de nouveau une croissance d'environ 1 %, soit la
moitié de celle du Canada. En 1991, la croissance de 1,5 % du produit
intérieur brut québécois sera toujours inférieure
à celle du produit intérieur brut canadien. De plus, la menace
inflationniste que la Banque du Canada tente de subjuguer par une politique de
taux d'intérêt élevés favorise une période de
ralentissement économique, sinon de récession. Dans ce contexte,
emprunter pour construire de nouveaux ensembles de barrages nous semble
même hasardeux, à moins d'ententes financières avantageuses
conclues à long terme avant d'entreprendre la construction.
Deuxièmement, en ce qui touche la gestion du réseau, le
développement et la création d'emplois, on ne saurait trop
encourager HydroQuébec de prendre le temps nécessaire pour bien
prévoir et ne pas céder à un climat de panique à la
seule lecture d'indices conjoncturels et structurels. La société
devrait se méfier davantage des probabilités d'erreurs
croissantes lorsque le calendrier de planification est trop serré.
Efficacité et sécurité en prennent alors un coup. La
qualité du réseau actuel illustre parfaitement ce point de
vue.
Et, finalement, le consommateur industriel va écoper en bout de
ligne de ces décisions prises, peut-être, à la hâte.
À vouloir construire à tout prix de nouvelles installations
hydroélectriques, la société a laissé
dépérir le réseau actuel, à tel point qu'il sera
nécessaire, d'après le plan, d'investir 2 000 000 000 $ au cours
des quatre prochaines années, pour pallier aux déficiences
conjoncturelles et structurelles. Cette insuffisance administrative est lourde
de conséquences, car la fiabilité du service
d'Hydro-Québec affecte directement le tissu industriel
québécois. De plus, une réputation longue à
bâtir et solide est maintenant mise en jeu par les politiques
récentes et les problèmes récents de réseau.
Selon un sondage mené en 1988 auprès de l'Association
québécoise des consommateurs industriels
d'électricité, les pannes répétées du
réseau ont causé des pertes sèches de 9 600 000 $ pour les
usagers. À la lecture de ces chiffres, pour la prochaine année,
Hydro-Québec pourrait coûter plus de 16 000 000 $ en pannes
à 23 membres de cette même association. Donc, ces
instantanés représentent bien peu de chose quand
Hydro-Québec déclare 34 732 pannes pour les deux dernières
années, excluant décembre 1989 qui a été, à
ce chapitre-là, pas un record, mais pas loin. Donc, combien de
chaînes de montage, d'heures de travail, de matériaux perdus
à cause d'arrêts inopinés de courant? Ces pertes
irrécupérables par notre industrie minent sa
compétitivité au plan international quand on parle de
globalisation des marchés.
Nul doute que la grande entreprise et les grands projets créent
des emplois, mais au Québec la majorité des emplois, nous l'avons
souligné, proviennent de PME. L'accent a été mis dans tous
les programmes de développement économique sur Pentrepreneurship"
et la place des PME dans l'industrie québécoise. Le gouvernement,
par une politique énergétique appropriée, et
Hydro-Québec, par une saine gestion du réseau existant, peuvent
les aider à améliorer leur position concurrentielle, en
particulier lorsque la composante énergétique est importante dans
les coûts de production. On parle ici d'autres pays qui ont des avantages
en termes de politique d'économie d'énergie, qui sont en directe
concurrence avec nos PME québécoises, qui exportent en ayant des
taux d'électricité qui sont artificiellement
subventionnés. Qu'est-ce qui en sera quand on va arriver pour exporter
des biens à contenu énergétique à
l'étranger? La compétitivité est minée à la
base.
Donc, Hydro-Québec favorise-t-elle suffisamment les PME?
Derrière sa volonté de faire du Québec un fournisseur
d'énergie à rabais, elle tend à surspécialiser
l'économie québécoise, surtout dans les secteurs de
production primaires caractérisés par des procédés
énergivores. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant
qu'Hydro-Québec affirme ne pouvoir satisfaire à la demande
d'autres projets majeurs, tels que les alumine-ries déjà
annoncées.
Il n'est pas surprenant, non plus, qu'elle se serve de cet argument pour
justifier des ambitieux projets en évoquant la sécurité
des approvisionnements. Or, le coût en immobilisation d'un emploi dans
ces secteurs est très élevé. Un article dans This Week
In Business parle de coûts d'emplois subventionnés dans les
secteurs de l'aluminerie qui peuvent aller de 150 000 $...
Une voix:...
M. Boisvert: Parfait, merci. Donc, sans plus tarder, je vais
laisser la parole à M. Ouellet, qui va enchaîner avec la gestion
de la conservation énergétique.
M. Ouellet (Christian): Est-ce qu'il me reste du temps?
Le Président (M. St-Roch): il vous reste environ quatre
minutes.
M. Ouellet: Donc, je vais être très bref. Je ne vous
dirai pas que le Bureau de commerce aimerait peut-être, ou
suggérerait de complètement privatiser Hydro-Québec; je
n'irai pas jusque-là. Mais il reste quand même que ce serait
peut-être intéressant de voir le nom d'Hydro-Québec
changé. Peut-être qu'on pourrait appeler ça
"Électricité et énergie du Québec". Parce que,
quand ça s'appelle Hydro-Québec, on a l'impression que ça
va toujours être de l'hydroélectricité qu'on va faire et,
pourtant, il y a tant d'autres sources d'énergie qui pourraient
être exploitées, et des énergies absolument non polluantes,
comme le solaire, en particulier.
Le Solar Energy Research Institute (SERI), qui est le centre
d'études américain sur l'énergie solaire, dit que 50 % de
l'efficacité énergétique, ou d'économies
d'énergie, pourraient être faits, actuellement, aux
États-Unis, et 25 % de ces 50 % - autrement dit, la moitié -
pourraient venir du solaire. C'est donc une source importante dans le
bâtiment - et on sait que l'électricité est très
importante dans le bâtiment, au Québec - sans compter les
éoliennes, qui ont une efficacité accrue de 25 % depuis cinq ans.
Sans compter, aussi, la géothermie, les pompes géothermiques, en
particulier, si on regarde les exemples qui ont été faits
à Ottawa, où on va sauver 1 000 000 $ par année, en
énergie, à l'Université de Carlton; la
photovoltaïque, quand on pense qu'on a 85 % du soleil qui existe en
Floride - on a l'impression que c'est juste en Floride que ça existe -
et, naturellement, les mini et les moyennes centrales qui pourraient devenir
très importantes avec la coproduction et la production de
méthanes à travers les déchets et la production
d'économie d'énergie.
Finalement, si on met tout ça ensemble, ça équivaut
à deux mégaprojets. Il est important pour nous d'insister sur les
économies d'énergie en tant que construction au Québec.
C'est aussi rentable de construire des économies d'énergie, de
faire de l'équipement pour des économies d'énergie, que
c'est important de construire des barrages. On n'est pas contre la construction
des barrages. On pense seulement qu'Hydro-Québec, actuellement, dans son
programme, ne vise pas assez haut au niveau des économies
d'énergie.
M. La Salle: Alors, voilà. C'est un peu le propos que nous
voulions vous tenir. Je pourrais terminer notre prestation en vous faisant part
des recommandations que nous faisons.
Que le gouvernement du Québec revoie entièrement sa
politique énergétique, qui ne nous semble déjà plus
conforme à nos besoins et aux moyens de les satisfaire.
Qu'une analyse plus approfondie du plan de développement de la
société, incluant les retombées économiques,
écologiques et socioculturelles, soit menée.
Que cette analyse soit faite par une association indépendante de
spécialistes rassemblant les représentants de tous les groupes
intéressés par la question énergétique plutôt
que d'être uniquement étudiée en commission
parlementaire.
Qu'Hydro-Québec redéfinisse ses orientations, de
manière à ajuster sa culture institutionnelle de constructeur de
barrages à celle de gestionnaire de réseau.
Que la société rationalise ses ressources humaines et
physiques, qu'elle revoie ses méthodes de gestion et qu'elle collabore
davantage avec l'industrie et adopte le maillage industriel pour ses besoins et
pour vraiment favoriser le secteur privé québécois.
Que les mesures visant la conservation de l'énergie soient
encouragées et stimulées au premier chef d'une façon plus
soutenue que les propositions actuelles ne le laissent faire.
Qu'un suivi périodique des programmes de conservation
d'Hydro-Québec soit effectué en concertation avec les milieux
économique, industriel, institutionnel, privé, public et
parapu-blic.
Qu'Hydro-Québec revienne, dans deux années,
présenter publiquement les résultats des mesures
d'efficacité énergétique mises en plan.
Que soit analysée la privatisation éventuelle de certains
aspects du réseau d'Hydro-Québec et soit permis
l'établissement de micro-réseaux privés sur des
rivières facilement harnachables. (15 h 45)
Que le gouvernement du Québec investisse de façon
significative dans la recherche - développement en conservation
énergétique et fasse appel directement à l'industrie pour
ce faire.
Que le gouvernement et Hydro-Québec, en fait, élaborent au
grand jour et en concerta- tion - nous revenons souvent sur cet
aspect-là - avec tous les organismes intéressés à
la question énergétique, une autre politique
énergétique, dans l'éventualité d'une opposition
juridique victorieuse à la construction des mégaprojets qui ont
lieu actuellement ou qui sont en gestation dans le Grand Nord.
Le Président (M. St-Roch): Alors, en conclusion,
brièvement, s'il vous plaît.
M. Harper: Je pense que ça a été fait, M. le
Président. Nous sommes prêts à répondre aux
questions.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. Harper. Je
vais maintenant reconnaître Mme la ministre.
Mme Bacon: Merci, M. le Président. MM. Harper, Boisvert,
Ouellet et La Salle, je vous remercie de votre mémoire et de vous
être déplacés pour venir discuter avec nous, cet
après-midi, du dossier énergie.
J'ai pris bonne note de votre mémoire et je pense qu'il y a
certaines mises au point qui doivent être faites. D'abord, je constate
qu'il y a des sections entières de votre document qui consistent
à faire le procès d'Hydro-Québec. J'ai déjà
déclaré publiquement, et ça, à plusieurs reprises,
qu'il n'était nullement question de faire ici, aujourd'hui, le
procès de la société d'État, et je pense que
là-dessus, ce matin, le député d'Ungava était tout
à fait d'accord avec moi: Nous ne venons pas ici dans ce but.
Vous avez aussi un certain nombre d'énoncés dans votre
mémoire et des recommandations qui méritent, je crois, qu'on
fasse certaines précisions. À la page 1 de votre mémoire,
vous soutenez, et là, je vous cite: "La création du
réservoir d'une superficie de l'ordre de celle de la France n'affectera
pas seulement les communautés autochtones, mais aussi le climat de la
vallée du Saint-Laurent, avec toutes les conséquences
imprévisibles que cela comporte." J'aimerais bien rectifier votre
première assertion. Pour les fins des projets Grande-Baleine et NBR, les
superficies inondées seraient respectivement de 3140 kilomètres
carrés et de 6500 kilomètres carrés, soit, au total, moins
de 10 000 kilomètres carrés. Je souligne, à titre
indicatif, que la France couvre au moins 50 fois cette superfie, et que le
Québec couvre 3 fois la superficie de la France.
Quant à la corrélation que vous établissez entre la
création des réservoirs et un impact sur le climat de la
vallée du Saint-Laurent, je présume que vous associez le
Saint-Laurent à l'effet de serre. À ma connaissance, les
spécialistes qui examinent ces questions, même s'ils se penchent
actuellement sur des émanations de CO2 qui pourraient résulter de
la création de réservoirs, ne nous ont fait part d'aucune
conclusion
qui soutiendrait l'hypothèse que vous tenez pour certaine.
J'aimerais que vous nous expliquiez sur quelle étude vous fondez
l'hypothèse que vous avancez dans votre mémoire.
M. Ouellet: Bon. Écoutez, on me demande de
répondre, de prendre la parole. Sur ce sujet-là, personnellement,
je ne suis pas très au fart sur quelle étude ça a
été fondé, mais beaucoup plus probablement sur une
série de lectures qui ont été faites par l'ensemble des
membres qui ont collaboré à la préparation de ce
mémoire. Donc, personnellement, je n'ai pas vu cette étude
même, mais il y a certainement d'autres membres qui l'ont vue. Par
contre, je sais une chose, que j'ai entendue tout récemment et qui est
fort intéressante, c'est que l'emmagasinage de grandes surfaces d'eau,
apparemment d'après une étude américaine en cours,
pourrait provoquer des tremblements de terre inattendus. Je trouve ça
intéressant à rapporter, parce que c'est quelque chose dont peu
de monde a entendu parler auparavant.
Mme Bacon: Ce sont des hypothèses que des gens
émettent. Est-ce que ce sont vraiment des études qui ont
été réalisées par des firmes qui peuvent prouver
ces avancés?
M. Ouellet: La plupart des études qui ont
été faites sur la qualité de l'air dans le bâtiment,
sur la toxicité des matériaux, dont je m'occupe principalement,
sont toutes parties d'hypothèses et, maintenant, 20, 30 ou 40 ans
après, on les prouve. Donc, je crois que les hypothèses qui sont
actuellement émises valent la peine d'être retenues.
Mme Bacon: Vous soutenez aussi qu'Hydro-Québec devrait
s'ouvrir davantage aux méthodes de gestion du secteur privé en
matière de conservation .de l'énergie. Est-ce que vous pouvez
préciser le contenu de ces méthodes de gestion que vous
avancez?
M. Boisvert: Oui, je réponds. On parle ici de gérer
le secteur public comme le secteur privé est géré et
qu'Hydro-Québec soit un moteur dans le sens de leader, en ternies de
gestion énergétique dans les bâtiments. Si on regarde, on a
1 800 000 000 $ d'investis dans les mesures d'économie d'énergie.
Sur un budget total de 62 000 000 000 $ en immobilisation, c'est très
peu. Ce sur quoi je suis revenu tout à l'heure, c'est une question de
culture d'entreprise, je crois. Si on garde la mentalité
qu'Hydro-Québec - sans vouloir minimiser le rôle
d'Hydro-Québec - est avant tout un constructeur de barrages plutôt
qu'un gestionnaire d'énergie, je pense qu'il est difficile que la
communauté d'affaires prenne les mesures qui s'imposent. Donc, si
Hydro-Québec garde en tête que l'électricité est une
denrée précieuse à économiser et fait office de
leader, en termes d'économie d'énergie, je crois que la
communauté d'affaires est prête à suivre. La
majorité de nos membres, c'est la communauté d'affaires, et le
mémoire émane de sondages auprès de ces
membres-là.
Mme Bacon: Vous vous questionnez aussi, je pense avec raison, sur
les répercussions des augmentations tarifaires sur les consommateurs et
sur la PME, en particulier. Vous soutenez qu'Hydro-Québec devrait
promouvoir davantage les économies d'énergie en fondant le
coût de rachat des mégawatts sur le coût marginal de
production évité. Vous savez sans doute que la mise en place d'un
tel critère exercerait certainement des pressions à la hausse sur
le prix de l'électricfté, en raison des pertes de revenus que
cela pourrait entraîner pour Hydro-Québec. Est-ce qu'on doit
conclure que les membres de la communauté d'affaires que vous
représentez accepteraient des hausses tarifaires pour favoriser des
économies d'énergie? Est-ce que c'est le sens de votre
mémoire?
M. Ouellet: Je crois que oui, parce que effectivement les hausses
tarifaires qui pourraient survenir parce qu'on voudrait économiser plus
d'énergie ou être plus efficace en énergie seraient une
retombée profitable sur les PME et sur la petite entreprise, parce que
ça les prépa rerait. Ça les mettrait dans une situation de
concurrence qu'elles devront subir dans une dizaine d'années où
l'énergie aura, de toute façon, augmenté dans les autres
pays et ici aussi Si on ne se prépare pas en faisant de grandes
économies d'énergie, des économies d'énergie
d'importance, l'industrie ne sera pas prête à pouvoir payer,
à ce moment là, de l'énergie plus chère dans une
dizaine d'années et on ne sera plus dans une situation
concurrentielle.
Mme Bacon: Vous faites aussi, à plusieurs reprises, le
reproche à Hydro-Québec de cons truire des projets, alors que les
effets environ nementaux ne sont pas tous connus et ne sont pas non plus tous
maîtrisés. J'aimerais aussi rappeler, à ce moment-ci, que
chacun des projets de construction d'Hydro-Québec est assujetti à
une procédure d'examen et aussi à une procédure
d'évaluation des impacts qui permet de retenir le projet de moindre
impact. Et, évidemment, Hy dro-Québec a démarré en
1987 une étude sur les effets environnementaux cumulatifs qui permet
d'évaluer l'effet global du plan des installations et d'intégrer
les résultats à l'étape de planification des projets.
Quelles démarches environnementales, selon vous, Hydro-Québec
devrait-elle entreprendre et quelles mesures devrait-elle prendre pour assurer
la protection, la mise en valeur de l'environnement de plus qu'elle ne le fait
maintenant?
M. Ouellet: Pour moi, ce serait - et je
pense que le Bureau partagera mon opinion là-dessus -
qu'Hydro-Québec fasse faire des études indépendantes.
Indépendantes, ça veut dire quoi? Est-ce que ça veut dire
de donner ça à des firmes qui, de toute façon, vont
être intéressées à avoir les prochaines
études d'impact à faire? Non. Ça serait plutôt de le
donner à un regroupement universitaire ou carrément à une
université qui a encore - je crois ici au Québec - une certaine
liberté d'expression et eux, ils pourraient faire des études qui
seraient publiques et qui intéresseraient tout le monde, où les
gens pourraient donner leur opinion, et non pas une étude interne ou
faite par une firme qui, de toute façon, va être
intéressée à ce qu'Hydro-Québec lui donne une autre
étude à faire.
Vous voyez, tant qu'on n'aura pas quelque chose de réellement
très clair, très net, à l'extérieur
d'Hydro-Québec, il va toujours subsister un doute dans la tête des
gens, et je crois que ce doute-là, on doit le partager et on se demande
pourquoi Hydro-Québec ne donnerait pas ça à
l'extérieur.
Mme Bacon: Est-ce que vous pouvez justifier à la page 11,
où vous jugez de faible importance les programmes d'efficacité
qui couvrent un large type d'intervention et qui coûtent plus de 1 000
000 000 $ à Hydro-Québec? Quelles seraient les conditions d'une
mise en application efficace de ces programmes-là? C'est à la
page 11.
M. Ouellet: Bien, ça, ça devait être une des
choses qu'Hydro-Québec devrait nous démontrer: Comment va-t-elle
faire pour être efficace? Actuellement, je crois qu'en partant avec des
petites choses dans le domaine domiciliaire, avec des pommes de douche ou avec
des éclairages qui, de toute façon, réchauffent la maison,
je ne crois pas qu'on aille très loin.
Il me semble qu'on devrait sortir une politique beaucoup plus globale
sur les économies d'énergie et se donner un devoir de revenir
devant une commission indépendante, au moins à tous les deux ans,
pour démontrer les économies d'énergie qu'on a faites et
être beaucoup plus soutenus que juste par une entente avec le Bureau des
économies d'énergie; que le Bureau des économies
d'énergie ait un rôle de surveillance plus indépendant dans
les économies d'énergie qui peuvent se faire. Ça serait
beaucoup plus sûr qu'il va se faire quelque chose d'important.
Je crois, en plus, que 1 800 000 000 $ dévolus à
l'économie d'énergie, c'est très peu par rapport aux 60
000 000 000 $ qu'on veut dépenser. Et qu'on donne uniquement le
coût marginal de la dépense entre la création d'une
nouvelle centrale et le coût actuel n'est pas, quoi qu'en dise Hydro dans
son rapport, quelque chose que toutes les "utilities" aux États-Unis
font. Au contraire, il y a des compagnies sur la côte ouest qui donnent
jusqu'à 7 % et 10 % de plus que ce que leur coûte
réellement un nouveau projet de construction de centrale
électrique pour faire des économies d'énergie. Parce que
l'économie d'énergie, c'est un investissement auquel toutes les
petites PME et toutes les moyennes industries - et même la
création d'emplois - doivent être intéressées. Nous,
ce qui nous intéresse, c'est justement que ça tourne rond dans
notre province.
Mme Bacon: Vous avez dit, tout à l'heure, M. Ouellet,
qu'Hydro-Québec ne visait pas suffisamment haut dans sa cible par
rapport aux économies d'énergie. Quelle serait la
vôtre?
M. Ouellet: C'est-à-dire d'avoir au moins quelque 30 %
d'économies d'énergie. Ça devrait être possible
parce que, uniquement dans le bâtiment, qui est quand même quelque
chose d'important, on peut viser 30 %. Si on ajoute à ça les
transferts d'énergie qu'on peut faire dans la moyenne et grande
entreprise, les déphasages d'énergie qu'on peut faire, comme les
Japonais le font, effectivement, on pourrait, à ce moment-là,
penser se rapprocher des 50 %. Donc, quand on vise, dans 10 ans, 18 %, eh bien,
c'est peu 18 % ou 20 %; on pourrait viser facilement 30 % et plus.
Mme Bacon: Vous exposez à la page 14 de votre
mémoire que, "d'un point de vue juridique, il faut redoubler de prudence
quand on sait que les lois relatives à la protection de l'environnement
ne sont pas nécessairement applicables dans les régions
éloignées du Grand Nord québécois." J'aimerais
peut-être juste rappeler, ici, que la Loi sur la qualité de
l'environnement du Québec a été modifiée, en 1978,
de façon à intégrer le territoire qui est couvert par la
Convention de la Baie James et du Nord québécois, un
régime de protection aussi rigoureux que dans la partie qu'on appelle la
partie méridionale du Québec. La loi a été
adoptée aussi de façon à respecter les pouvoirs
dévolus par la Convention à différents comités qui
sont chargés de la protection du milieu nordique. Quand on regarde les
chapitres II et III de la loi, ils sont consacrés entièrement au
milieu nordique. Si on considère le caractère obligatoire de ces
régimes juridiques, comment pouvez-vous soutenir, comme vous le faites
dans votre mémoire, qu'ils ne sont pas nécessairement applicables
dans les régions éloignées du Grand Nord
québécois?
M. Ouellet: À notre connaissance, ces lois-là n'ont
été faites ni avec l'accord complet ni avec la présence,
au niveau de la rédaction, des gens du Grand Nord, des Cris, des
Montagnais. Ces gens-là n'étaient pas présents au moment
où la rédaction de la loi a été faite. Maintenant,
ils se plaignent. Ils doivent se plaindre pour quelque chose. Alors, est-ce
que, pour nous, ici, une
protection environnementale est la même que là-bas dans une
situation aussi fragile que celle qu'ils ont? Probablement pas et c'est
ça qui nous fait affirmer qu'il y a un danger d'appliquer nos normes
écologiques à un territoire qui nous est, finalement, très
peu familier. (16 heures)
Mme Bacon: Je suis un peu. . Vous me permettrez, M. Ouellet,
d'être un peu surprise parce que la Convention de la Baie James a quand
même été acceptée, et non seulement acceptée
par les parties qui... bien, négociée et acceptée, et
acceptée aussi par le gouvernement fédéral. Je pense que
tout le monde était partie prenante dans ce dossier-là. Mais,
encore une fois, je pense qu'il y a quand même des précisions
à apporter à votre mémoire.
Le Président (M. Sl-Roch): Je vous remercie, Mme la
ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je tiens à
féliciter le Bureau de commerce de Montréal pour le travail
qu'ils ont mis à la préparation de ce mémoire-là,
un mémoire qui, à bien des égards, soulève beaucoup
plus de questions qu'il n'amène de réponses. En tout cas,
à ma façon de le lire, on a des pages complètes de
questionnement, un questionnement qui est sain, qui, à beaucoup
d'égards, est très intéressant. Mais je reste quand
même sur mon appétit quant aux réponses ou à
l'argumentaire qui accompagne les réponses que vous voudriez donner
à ces questions-là.
Ma première question se réfère à une
citation que vous avez en page 3 et qui dit: "En raison de son envergure, le
plan de développement d'Hydro-Québec ne devrait certes pas
être étudié à la vapeur, uniquement en commission
parlementaire. Il doit d'abord être scruté à la loupe par
des groupes d'intérêt spécialisés,
indépendants et expérimentés suivant un calendrier
d'étude qu'ils jugent suffisant." Est-ce que, lorsque vous dites
ça, vous vous référez au genre de groupes universitaires
dont vous pariiez tout à l'heure en ce qui regarde, par exemple, les
dynamiques d'économie d'énergie ou autres? D'autre part, ne
trouvez-vous pas là que, pour un exercice annuel, c'est un peu lourd?
Ça risque de devenir un exercice beaucoup plus bureaucratique que
fonctionnel. Et est-ce que, dans ces conditions-là, on n'aurait pas
avantage à essayer de trouver une autre mécanique par le biais,
par exemple, de consultations quinquennales ou autres choses semblables
plutôt que de s'attarder d'une façon très spécifique
à la problématique du plan de développement comme tel qui,
en bout de piste, est en somme un mandat, le mandat annuel ou la vision
annuelle que l'entreprise propose à son actionnaire?
M. Ouellet: Je pense qu'on a pris un peu comme modèle ce
qui se fart en Californie. En Californie, ils ont réuni une cinquantaine
de groupements, dont les universités, mais tout le monde, enfin, qui
voulait et qui avait réellement une affinité particulière
face à l'énergie, et ils ont fait des sessions qui,
effectivement, ont duré plusieurs mois. Je crois que ça a
duré presque six à huit mois. Ils sont finalement arrivés
à un consensus où tout le monde semblait, en tout cas, être
plus heureux que s'ils avaient été obligés de projeter
quelque chose à la vapeur. Et nous, on n'a pas eu l'impression que
c'était quelque chose d'annuel mais c'était un plan de
développement qui y allait pour 10, 15, ou 20 ans. Ça, disons que
ça nous a donné une impression de quelque chose de gros qui
allait passer très rapidement.
M. Claveau: On ne parie pas de la même chose. Parce que
nous, lorsqu'on parte du plan de développement ou de la proposition de
plan de développement d'Hydro-Québec, c'est la vision annuelle
que l'entreprise a, ou vient défendre vis-à-vis de l'actionnaire.
Alors, à ce moment-là, si on veut bien s'entendre, il faudrait
dans ce cas-là, comme vous le dites, utiliser un autre terme que le plan
de développement qui est, à toutes fins pratiques, une expression
consacrée là dans le cadre d'une relation entre les gestionnaires
de l'entreprise et l'actionnaire. O.K.
Vous pariez beaucoup des énergies alternatives et des
économies d'énergie. Hydro-Québec, justement dans sa
proposition de plan de développement et l'efficacité
énergétique, en page 6, a une définition à savoir
jusqu'où elle est prête à aller en termes d'économie
d'énergie. Et je voudrais vous entendre commenter cette
citation-là que je fais immédiatement. On dit:
"Hydro-Québec s'apprête à consacrer aux économies
d'énergie des sommes représentant jusqu'à la
différence entre le coût marginal d'un projet d'équipement
et le manque à gagner résultant des économies
d'énergie." Est-ce que vous pouvez nous commenter un peu cette
façon de voir d'Hydro-Québec finalement qui dit qu'elle ne
dépassera pas, en termes d'économie d'énergie, la
différence entre le coût marginal d'un projet d'équipement
et le manque à gagner résultant des économies
d'énergie elles-mêmes?
M. Ouellet: Oui. Je l'ai déjà un peu com mente tout
à l'heure quand j'ai dit qu'ailleurs il se fait beaucoup plus que
ça. Et je pense que c'est timide comme mesure, en ce sens qu'on veut
rester rentables avec les nouvelles productions d'électricité
hydraulique, tandis que nous, on considère que la production de
"négawatts", autrement dit la production de watts qu'on évite,
qu'on ne fait pas, est aussi une production productive. C'est aussi rentable
pour l'ensemble de l'économie d'un pays et, à ce
moment-là, on devrait lui donner sa juste part. Et cette juste part,
c'est le coût réel d'un nouveau projet
hydroélectrique, plus, même, augmenté, parce que les
économies d'énergie c'est quelque chose qui va demeurer
longtemps, qui va exister longtemps. Peut-être même plus longtemps
qu'une centrale hydroélectrique. Donc, si on ne va pas plus loin, qu'on
donne au moins le même coût marginal que coûtera une nouvelle
centrale.
M. Claveau: Lorsque l'on parle de ralentir ou de modifier les
plans d'équipement, finalement, et éventuellement d'abandonner
les projets d'équipement, la construction de barrages, on a un autre
problème qui se pose. Ça représente éventuellement,
et sûrement même, un certain nombre de mises à pied ou de
manque à gagner pour l'industrie de la construction. Et on a, d'autre
part, des syndiqués, des travailleurs de l'industrie de la construction,
comme des entreprises aussi, des firmes spécialisées dans le
domaine qui maintiennent au Québec des milliers et des milliers
d'emplois qui sont indirectement reliés à
l'électricité, à cause de ces projets de construction de
centrales, de barrages, d'équipement de transport et de distribution.
Est-ce que vous avez fait des études à savoir si la mise en place
de programmes de conservation d'énergie peut, et jusqu'à quel
pourcentage, remplacer d'abord l'expertise développée par les
constructions de barrages, et aussi le manque à gagner pour le
travailleur qui, finalement, se retrouve avec rien à faire si on ne
bâtit plus de centrales hydroélectriques, ou si on en bâtit
moins? Est-ce que vous avez fait la relation économique globale entre
ces différents facteurs-là?
M. Boisvert: Non, on n'a pas fait d'études en profondeur
sur ça. Ce que je dois dire, c'est qu'il est certain qu'on peut estimer
qu'une partie des emplois perdus via la construction de barrages peut
être récupérée si on utilise cet argent-là
pour faire de la recherche et développement en matière
d'économies d'énergie, et se développer une
compétence distinctive en matière d'économies
d'énergie qu'on puisse exporter par le biais de nos PME. Mais je dois
dire que ce n'est pas une étude qu'on a eu le temps de faire vu le court
délai qu'on a eu pour se préparer. Et, comme je le disais, on l'a
souligné, on s'est préparé en conséquence de
critiquer ou d'apprécier, si on veut, le plan de développement
d'Hydro-Québec pour les 10 prochaines années. Donc on n'a
pas...
M. Ouellet: Par contre, d'autres les ont faites pour nous, ces
études-là. Et en particulier, justement en Californie, on s'est
rendu compte que développer un secteur d'économies
d'énergie était quelque chose d'excessivement rentable si on
prenait un leadership là-dessus. Et nous, du Bureau de commerce, on
croit que justement, au Québec, on pourrait prendre un leadership,
développer une expertise qui ferait qu'on exporterait, comme l'a dit mon
confrère Boisvert, notre expertise vers l'extérieur. Et on ne dit
pas de ne pas construire de barrages. On dit juste que les deux devraient
être faits en parallèle, et l'économie d'énergie
devrait être aussi importante que la construction de barrages, et c'est
ce qu'on ne trouve pas actuellement dans la volonté actuelle du plan de
développement. C'est surtout de construire des barrages, 60 000 000 000
$, 1 800 000 000 $ pour les économies d'énergie. Quand on
considère, nous, que ça peut aller jusqu'à 50 %, on dit,
à ce moment-là, c'est timide, il devrait y en avoir plus, et que
ce plus-là va faire qu'on va développer réellement une
structure industrielle ici, chez nous, qu'on pourrait exporter.
Prenez l'exemple, simplement, de l'éclairage de rues et
l'éclairage de routes, qu'on pourrait avoir, ou bien l'éliminer
ou le conserver à sodium à basse pression, où, là,
on aurait 125 lumens par watt, tandis qu'actuellement on s'en va dans un
éclairage de sodium à haute pression, à 50 lumens par
watt, et on ne les fabrique pas chez nous, tandis qu'on est capable, on serait
capable de fabriquer les 125 lumens, le sodium à basse pression, et les
exporter. Dans 10 ans, on va renverser encore, on va dire: On ne fait pas
encore assez d'économies d'énergie, on va aller vers la basse
pression, et là on sera obligé d'acheter ces
lumières-là ailleurs.
M. Claveau: Je comprends l'intérêt de tout votre
raisonnement de ce côté-là. Un autre problème: vous
parlez des énergies alternatives, ou ce qu'on appelle
généralement des énergies alternatives: domaine solaire,
les éoliennes, la co-génération, les bouilloires... Enfin,
il y a différentes possibilités de produire de
l'électricité autrement qu'avec du nucléaire ou des
barrages hydroélectriques. Est-ce que vous avez fait aussi des
études quant au coût du kilowattheure produit qui sort de ce genre
d'équipement? Et est-ce que vous avez une évaluation, je dirais,
assez précise, ou du moins significative de l'intérêt ou de
ce que la population en général serait prête à payer
pour se chauffer ou s'éclairer à partir d'énergies
alternatives? On sait très bien que de produire de
l'électricité avec du solaire, ça paraît beau
à première vue, mais pour s'acheter une maison solaire, il faut
avoir du "cash" dans ses poches. La même chose pour les projets
d'éoliennes. On en a déjà plusieurs au Québec. Il y
a la grande éolienne des Îles-de-la-Madeleine. Il y en a une
à Kuujjuaq. Il y a celle de Cap-Chat. On a fait des projets
d'éoliennes un peu partout au Québec et, jusqu'à
maintenant, on n'a jamais réussi à trouver un seuil de
rentabilité à ces projets. La même chose pour des projets
de cogénération qu'on commence maintenant avec certaines
entreprises, mais on n'arrive à y trouver une certaine
rentabilité que dans la mesure où l'entreprise
intéressée est la première consommatrice ou la plus grande
consommatrice de l'énergie qui en est produite.
Jusqu'à quel point vos études là-dessus
démontrent-elles que l'on pourrait, sans risque de se tromper, amener la
population à prêcher vraiment pour les énergies
alternatives?
M. Ouellet: Avant d'amener la population à prêcher
pour ces énergies alternatives comme vous les appelez il faudrait
peut-être prêcher auprès du gouvernement qui a fermé
son département des énergies renouvelables. À grand
regret, parce qu'il me semble qu'il existe beaucoup de choses là...
Actuellement, aux États-Unis, on se rend compte que
l'intérêt remonte à vue d'oeil, parce que les techniques
sont réellement à un point de développement qu'elles
peuvent être appliquées. Mais aussi, ce qu'on dit, c'est qu'il
faut faire de la recherche et du développement. On a fait et on fait
toujours de la recherche et du développement pour produire justement de
l'hydroélectricité à meilleur compte et d'une façon
plus efficace. On fait du développement pour que le réseau soit
en bon ordre. On fait du développement aussi pour le nucléaire
dans le reste du Canada, mais on ne fait pas de développement pour aller
chercher justement une énergie qui serait gratuite et non polluante,
comme le solaire. On ne fait presque rien, sinon rien. C'est évident que
la population, à ce moment-là, ne peut pas être au courant
qu'il y a une base valable dans ces choses-là. Quand vous dites qu'on
n'a rien fait dans les éoliennes, j'ai bien mentionné tout
à l'heure qu'il y a eu une augmentation de 25 % d'efficacité
depuis cinq ans, mais vous pariez de projets d'antan. Les projets qui ont
été faits ici au Québec datent de 15 ans.
M. Claveau: Dans le projet de Kuujjuaq, sans vouloir vous
démentir, l'éolienne date de deux ans et elle est à peine
en phase expérimentale.
M. Ouellet: ...c'est une vieille technologie. M. Claveau:
Pardon?
M. Ouellet: C'est une vieille technologie qui a été
utilisée à ce moment-là. Ça va tellement vite dans
ces choses-là. Prenez seulement que le photovoltaïque,
actuellement, les progrès sont énormes et ça va
très rapidement. Je ne dis pas de faire des centrales en
photovoltaïque. Mais le photovoltaïque pourrait être
développé pour les régions du Nord en particulier et
remplacer le mazout Même, éventuellement, si on arrivait à
le produire à meilleur marché, on pourrait penser utiliser le
photovoltaïque dans des domaines qui n'ont pas encore été
envisagés ici au Québec. Toutes ces énergies, si on les
laisse de côté, si on ne s'en occupe pas, c'est bien
évident que nous n'arriverons jamais à un résultat
concluant. Il faut les aider. Il faut faire de la recherche. C'est pour
ça que je crois et que nous croyons, nous, que c'est dans
l'intérêt du Québec qu'Hy-dro-Québec débloque
des montants pour faire de la recherche dans ces domaines Prenez juste J'ai
parlé de la géopompe tout à l'heure L'Université de
Carlton va économiser 1 000 000 $ par année d'énergie de
chauffage, quand leur pompe va être installée dans trois ans.
C'est énorme comme énergie qu'on peut économiser (16 h
15)
M. Claveau: J'essaie de concilier des tendances et je voudrais
savoir comment vous vous y prendriez pour concilier, par exemple, le fait que
les ingénieurs-conseils du Québec, eux, nous disaient, cet
avant-midi, qu'en ce qui les concerne - et, semble-t-il, ils s'y connaissent
dans le domaine de la technologie et de la conception d'équipement, etc
- il y a très peu d'espoir, à court et à moyen terme, dans
les énergies alternatives - donc, ils auraient tendance à dire:
Oui, on va en faire, mais vous savez que ce n'est probablement pas là la
voie de l'avenir - et une position comme la vôtre, par exemple, qui dit:
Écoutez, c'est probablement ça, la voie de l'avenir, et au
contraire, il faut y aller, là, à plein, dans ce
domaine-là. Laquelle d'entre les deux positions, croyez-vous, va
être la plus capable de faire la preuve la plus tangible possible de son
point de vue, devant un gouvernement qui aura une décision à
prendre de ce côté-là?
M. Bois vert: Si vous me permettez de répondre,
l'Association des ingénieurs-conseils regroupe des membres qui sont
spécialisés dans le domaine ou, à toutes fins utiles, ils
touchent le domaine de l'énergie. Le Bureau de commerce de
Montréal regroupe des gens d'affaires dont les intérêts
sont variés, qui ne sont pas des spécialistes de la question
énergétique Le Bureau de commerce est ici à titre
d'intervenant dans la société québécoise, mais pas
à titre d'intervenant spécialisé, comme le sont les
ingénieurs-conseils Ce n'est pas le rôle du Bureau de commerce,
comme ce serait celui de l'Association des ingénieurs-conseils, de
démontrer, par des études, parce qu'on n'a pas l'argent pour le
faire et ce n'est pas notre but de démontrer que ça vaut la peine
de faire des économies d'énergie, chiffres à l'appui. On
n'a aucun intérêt, on n'a aucun budget pour faire ça.
L'Association des ingénieurs-conseils, c'est une association
d'intérêts Donc, ils ont un intérêt, ils ont les
budgets, ils peuvent aller chercher des subventions pour documenter des
études dont les résultats peuvent contredire les aboutissements
auxquels on est arrivés. Les nôtres ne sont pas fondés sur
des études parce qu'on n'a pas, justement, ces budgets-là. Si on
poursuivait ces études-là, de façon très
poussée, il serait à voir qui a raison, qui n'a pas raison Mais,
n'ayant pas plus d'informations que ça, on ne peut pas avancer.
M. Ouellet: II demeure quand même que,
lorsqu'il y a des rencontres de gens qui s'occupent d'énergies
alternatives, on ne voit jamais les ingénieurs dans ces
rencontres-là. Que ce soit à Ottawa, à Vancouver -
où j'étais l'an passé - à Denver - où
j'étais, il y a quinze jours - en Allemagne, au mois de septembre,
à Plea, en Hongrie, ou ici, à Halifax, au printemps, les
ingénieurs sont toujours absents. Comment voulez-vous qu'ils soient au
courant?
M. Claveau: Le message est passé, j'espère qu'ils
ont compris. Une dernière question, puisqu'on me dit que mon temps
achève. Vous avez une nouvelle notion qui apparaît, que j'ai cru
voir poindre, en page 9 de votre mémoire, où vous parlez
d'emplois vraiment reliés à la consommation d'énergie et
vous utilisez les mots: "emploi à faible consommation d'énergie"
versus emploi à haute consommation d'énergie ou à grande
consommation d'énergie. J'aimerais vous entendre élaborer un peu
là-dessus. Parce que vous semblez attaquer de plein fouet les
entreprises qui sont de grandes consommatrices d'énergie, en disant:
Écoutez, un emploi créé par une entreprise semblable,
c'est un emploi vraiment hautement subventionné, alors qu'on peut
créer beaucoup plus d'emplois avec moins d'énergie dans d'autres
types d'entreprises. Mais est-ce que, jusqu'à un certain point, ces
grandes entreprises... Et, quand on parle de ça, on vise essentiellement
ou très souvent, pour le moins, le secteur des alumineries. Est-ce que
ces entreprises-là ne sont pas, à bien des égards,
nécessaires dans la structuration d'une base économique
régionale, et ne vont-elles pas être, finalement, un fer de lance
ou un moteur économique qui va générer un certain nombre
d'entreprises et qui vont elles-mêmes maintenir en place des dizaines et
des dizaines de milliers d'emplois à plus faible consommation
d'énergie, à cause de leur existence?
Si on les enlève... Et je prends, à titre d'exemple - et
peut-être que vous pourriez me le commenter, je ne le sais pas, là
- ce qu'on a vu dans la région de l'est de Montréal, lorsque des
entreprises peut-être un peu plus énergivores sont disparues; eh
bien, il y a un certain nombre de problèmes qui sont apparus. Si on
regarde, par exemple, une région comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y
a énormément de PME, mais elles sont toutes, en bout de piste,
reliées soit à l'industrie de l'aluminium ou à l'industrie
forestière, qui sont deux activités industrielles hautement
consommatrices d'énergie. Est-ce qu'il y a vraiment une confrontation,
là, une dichotomie entre les deux approches? Ou est-ce que ce n'est pas
plutôt quelque chose qui est complémentaire, finalement, dans une
structure économique globale?
M. Boisvert: Je pense que les deux approches sont
complémentaires. Mais on parlait d'une base d'infrastructure
industrielle axée sur l'aluminerie. Ici, on dit qu'on est en train de
spécialiser, peut-être même de surspécialiser
l'économie québécoise, et il arrivera ce qui est
arrivé dans les secteurs du papier où d'autres pays qui font de
la recherche et du développement, ou des pays qui n'ont pas encore
développé des potentiels énergétiques à base
d'hydroélectricité comme la Chine, comme certains pays
d'Amérique du Sud, pourront les développer à court ou
moyen terme. Donc, que va-t-il arriver? C'est que les centres de production
vont se déplacer, comme il est arrivé pour le papier:
Trois-Rivières était le plus grand centre de production mondial
de papier. Qu'est-ce qu'il en reste aujourd'hui? On fait du papier à
partir d'essences de bois dont, il y a 30 ans, on n'aurait jamais pensé
pouvoir faire du papier à partir de ces essences de bois. On a des
usines de papier flottantes qu'on exporte en Amazonie; montées au Japon,
exportées flottant en Amazonie pour aller faire du papier là-bas.
Donc, si on axe tout le développement futur sur l'aluminerie, et que des
pays en voie de développement développent des capacités
énergétiques à moyen terme, bien, on sera obligés
de faire un redéploiement industriel, comme on a été
obligés de l'assumer dans le domaine du papier, comme on l'a fait aussi
dans d'autres domaines industriels.
M. Ouellet: Actuellement, on veut investir dans l'aluminium les
12,9 térawattheures qu'on va économiser par les économies
d'énergie, par l'efficacité énergétique.
L'aluminium est 56 fois plus omnivore que de fabriquer de l'acier à
poids égal. C'est un matériau, l'aluminium, qui est en chute
libre au niveau de l'utilisation. On croyait qu'on allait l'utiliser dans
l'automobile, on l'utilise moins; en architecture, dans les bâtiments,
c'est en chute libre, aussi, parce qu'on croyait que c'était un
matériau qui ne se désagrégeait pas et, au contraire, on
se rend compte qu'on a des aciers qui sont beaucoup plus résistants que
l'aluminium dans le bâtiment. Donc, le commerce de l'aluminium, d'ici 10
ans, va certainement être moins florissant qu'il ne l'est actuellement,
et pourtant on va investir tout notre potentiel, en tout cas, qu'il est dit
actuellement, d'efficacité énergétique dans ces quatre
alumineries-là.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez, Mme la
ministre, il vous reste cinq minutes.
Mme Bacon: Vous me permettez d'utiliser mes cinq minutes? Alors,
je reviens à votre document. Vous me permettrez de revenir à la
page 13, où vous indiquez que, "contrairement à
Hydro-Québec, la plupart des fournisseurs d'électricité
canadiens et américains ne songent pas à se lancer dans de
nouvelles constructions." Sur quoi vous basez-vous pour justifier cette
affirmation, alors que, par exemple, on n'a qu'à penser à Hydro
Ontario qui vient de présenter
un plan qui allie un programme d'efficacité
énergétique au développement de l'offre, y compris le
nucléaire? Ils vont très loin dans le nucléaire, Hydro
Ontario. Est-ce qu'il faudrait, là aussi, qu'on change le nom d'Hydro
Ontario? Sur quoi vous basez-vous pour nous dire ça?
M. Ouellet: Qui veut répondre? Moi? Bon. Ça a l'air
que ça me revient encore. Je vais répondre. Écoutez,
ça, c'est une des autres affirmations qui a été faite par
quelqu'un dans le comité, qui avait apporté cette lecture des
documents qu'il a faits. Je pense que les quatre personnes qui sont ici,
actuellement, n'ont pas la référence pour dire ça. Une
référence que j'ai, par contre, c'est que, justement, dans le
Ver-mont, on vient de dire, et ça, ça ne date pas d'un mois,
qu'on va faire des économies d'énergie plus grandes que jamais on
en avait prévu pour, justement, éviter - on n'a pas dit qu'on
n'en construira pas - la construction d'une nouvelle centrale. Et nous, du
Bureau, on ne dit pas de ne plus faire de production avec de nouvelles
centrales; on ne dit pas ça. On dit juste qu'on devrait - en tout cas,
c'est notre pensée - développer un secteur, le secteur des
énergies renouvelables et le secteur des économies
d'énergie, en parallèle avec les centrales, parce qu'avec un taux
d'augmentation de 7 % - non pas 5,7 % sur 15 ans - les dernières
années d'augmentation de consommation, c'est évident qu'on ne
sera pas capables de faire assez de mégaprojets pour pouvoir combler
ça d'ici l'an 2015. Donc, on est mieux d'aller aussi, et d'une
façon non pas timide mais très ardue, vers une économie
d'énergie, vers une efficacité énergétique, pour
être capables aussi d'atteindre le public, pour être capables de
convaincre les gens par toutes sortes de façons qu'on doit tomber
à une augmentation de 2 % seulement. Ce qu'Hy-dro-Québec,
actuellement, propose, c'est d'augmenter de 2 % au cours des années qui
s'en viennent. Mais on avait 7 %, les années passées. Qu'est-ce
qu'ils proposent, pour changer l'opinion publique là-dessus? Juste les
économies d'énergie? Ça ne suffira pas.
Mme Bacon: J'aimerais juste relever que le Vermont a aussi dit
que l'hydroélectricité était la source d'énergie la
plus propre, par rapport à ce qui pouvait être utilisé aux
États-Unis, comme le charbon et d'autres sources d'énergie. Vous
me permettrez juste de vous dire ça.
M. Ouellet: La plus propre, mais pas autant que le solaire.
Mme Bacon: J'ai bien lu aussi. Dans votre mémoire, vous
adhérez quand même au programme de développement de petites
centrales. Vous savez que nous avons fait des modifications à la Loi sur
le régime des eaux récemment, pour faciliter l'accès de
promoteurs privés aux sites hydrauliques du domaine public. Ce seraient
des centrales de moins de 25 mégawatts. Vous faites
référence à un potentiel de 10 000 mégawatts
d'aménagement des petites rivières, mais vous contestez, par
ailleurs, la construction d'un nouveau barrage en disant qu'on ne connaît
pas tous les effets environnementaux d'un nouveau barrage. Comment pouvez-vous
être assurés que les effets environnementaux d'une multitude de
petites centrales sur presque l'ensemble des rivières du Québec -
si on veut arriver à 10 000 mégawatts, il en faut - comment
pouvez-vous nous dire que ça va être moins dommageable qu'une
seule construction?
M. Ouellet: Je ne crois pas qu'on en soit assurés. Je
crois tout simplement que les petites centrales ont beaucoup plus de chance de
contenir le changement écologique qu'elles vont faire. Même,
effectivement, on pourrait dire que dans ça on comptait - et le chiffre
vient d'un autre membre - mais on comptait là-dessus qu'il y a plusieurs
barrages qui existent actuellement et dont on ne se sert plus à travers
le Québec, des anciens barrages qui pourraient être refaits, mais
où l'eau est déjà rendue à un niveau assez
élevé pour être utilisable. Et quand on parle de mini, on
parle même de cinq kilowatts. Rendu à aussi petit que ça,
c'est évident qu'on ne fait pas un gros changement sur un petit cours
d'eau, sur un petit ruisseau, mais si l'ensemble de tout ça deviendrait
une force énorme.
Mme Bacon: Vous n'avez pas peur des effets cumulatifs si la
majorité de nos rivières étaient utilisées pour des
petits barrages. Et je voulais juste vous dire que c'est pour ça qu'on a
fait un changement dans la loi, c'est pour pouvoir utiliser ceux
déjà existants qui ont été délaissés
en cours de route et qu'on voudrait voir réutilisés. Mais ils ne
sont pas si nombreux que ça quand même au Québec Quand vous
parlez de 10 000 mégawatts, on n'est pas rendus la, même avec ceux
qui existent déjà et qui pourraient être
réutilisés.
M. Ouellet: On vous l'accorde, mais les projets
d'Hydro-Québec, de toute façon, sont de harnacher toute
rivière harnachable au Québec. Ça aussi, ça a un
efffet cumulatif.
Mme Bacon: Mais l'effet cumulatif de l'ensemble des
rivières pour aller chercher 10 000 mégawatts, ça ne vous
inquiète pas sur le plan environnemental?
M. Ouellet: Oui, c'est une chose qui, à mon sens, devrait
être étudiée en profondeur. Absolument, mais...
Mme Bacon: Vous préférez cela à un seul
barrage?
M. Ouellet: Pour le moment, oui. Un seul barrage a certainement
un effet monumental.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Ça me fait plaisir, effectivement, de vous
remercier de votre présentation, au nom de l'Opposition officielle.
Soyez assurés que les nombreuses questions que l'on retrouve dans votre
mémoire, jumelées aux réponses très
intéressantes que vous nous avez données, seront sûrement
de nature à faire avancer les travaux de la commission. Je crois qu'il
s'agit là, comme je le disais encore ce matin, d'un excellent
début qui prouve l'importance des travaux que nous allons tenir au cours
du prochain mois. Merci!
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: Je pense qu'il y a des sons de cloche
différents que nous avons entendus depuis le matin et je dois vous
remercier d'être venus devant nous, discuter avec nous. C'était le
but d'avoir cette commission, d'établir un large consensus dans la
société québécoise, et ce consensus, à un
certain moment donné, nous amène aussi à entendre des sons
qui sont tout à fait différents les uns des autres; c'est
l'importance de cette commission parlementaire. Je vous remercie beaucoup
d'être venus nous rencontrer, d'avoir discuté avec nous et de nous
avoir présenté votre mémoire.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le Bureau de commerce de
Montréal pour sa participation à nos travaux et invite à
la table des témoins le Syndicat professionnel des ingénieurs
d'Hydro-Québec.
Bonjour messieurs. Je vais vous expliquer les règles de
fonctionnement de la commission. Vous avez 20 minutes ferme pour la
présentation de votre mémoire et il y aura une partie
d'échange avec les parlementaires par la suite. Je vous prierais donc,
dans un premier temps, de vous identifier et, si vous avez à
répondre aux questions par la suite, de bien vouloir vous identifier
à chaque fois. Cela facilite beaucoup le travail des gens qui sont
à la transcription du Journal des débats. Sans plus
tarder, donc, je vous invite à commencer. (16 h 30)
Syndicat professionnel des ingénieurs
d'Hydro-Québec
M. Ménard (Philippe-André): M. le Président,
Mme la ministre, M. le porte-parole de l'Opposition officielle, Mmes et MM. les
membres de la commission parlementaire, j'aimerais, tout d'abord, vous
présenter mes collègues. À ma droite, M. Michel
Lacharité, secrétaire du syndicat; M. Louis Mauger,
vice-président; à ma gauche, M. Michel Parrot,
vice-président et, à l'extrême gauche, M. Val Tessier,
trésorier.
Au nom des membres du Syndicat professionnel des ingénieurs
d'Hydro-Québec, je tiens à vous remercier, tout d'abord, de votre
invitation à participer à cette importante consultation. Notre
exposé portera, bien sûr, sur les orientations de
développement présentées dans la proposition de plan de
développement d'Hydro-Québec. Mais, auparavant, il nous importe
de vous présenter notre organisme et nos membres. Par la suite, afin de
bien saisir la situation actuelle de l'entreprise, nous allons dresser un bref
bilan des 10 dernières années.
Le SPIHQ a été fondé en 1964. Il représente
aujourd'hui plus de 1200 ingénieurs répartis sur l'ensemble du
territoire québécois, ce qui en fait le plus important syndicat
d'ingénieurs et l'un des plus importants syndicats de professionnels au
Québec. Pour ce qui est des ingénieurs oeuvrant à
Hydro-Québec, leur compétence n'est plus à
démontrer. Certaines de leurs réalisations techniques sont
mondialement connues et leur ont valu une renommée internationale. Bien
que la mission fondamentale des ingénieurs reste, encore aujourd'hui,
d'ordre technique, avec les années, le champ d'intervention des
ingénieurs d'Hydro-Québec et l'éventail des tâches
qui leur sont confiées se sont beaucoup élargis. Outre les
activités traditionnelles reliées à la planification,
à l'ingénierie, à la construction et à l'entretien
des équipements de production, de transport et de distribution de
l'électricité, les ingénieurs d'Hydro-Québec
doivent aujourd'hui tenir compte de paramètres dont la quantité
et la complexité n'ont cessé d'augmenter. Par exemple, la
dimension environnementale d'un projet occupe désormais une place
importante dans la conception technique.
Quant au réseau de transport et de distribution, son expansion et
son vieillissement forcent les ingénieurs à proposer des
solutions innovatrices qui vont au-delà des processus normalisés.
Les domaines de la planification et de l'encadrement des ventes sur les
différents marchés de l'entreprise font aussi maintenant partie
des nouvelles préoccupations des ingénieurs. Finalement, les
contraintes de coûts, d'échéanciers et de qualité
des projets sont aussi des éléments pris en compte par les
ingénieurs. Par le passé, les ingénieurs
d'Hydro-Québec ont été en mesure d'effectuer ce travail
efficacement. Cependant, les ingénieurs ont vu, au cours des
dernières années, leur influence et leur rôle-conseil
diminuer. Ils sont trop souvent devenus de simples exécutants de
décisions techniques prises en haut lieu afin de répondre
à des impératifs imprécis sans qu'ils y participent ou
qu'on les consulte.
Depuis sa création jusqu'à la fin des années
soixante-dix, Hydro-Québec a été une source de
fierté pour tous les Québécois. Considérée
comme
une entreprise efficace, à la fine pointe de la technologie,
capable des plus grandes réalisations, Hydro-Québec
représentait alors pour les Québécois le symbole de la
prise en main de leur société, le premier élément
concret du nationalisme économique et politique du Québec.
En 1981, le gouvernement nomme à la tête
d'Hydro-Québec un président qui vient de l'extérieur de
l'entreprise, M. Guy Coulombe. L'équipe de M. Coulombe dresse rapidement
plusieurs constats négatifs sur l'entreprise. Selon eux,
Hydro-Québec serait une "boîte d'ingénieurs" mal
gérée dont les charges financières seraient trop
élevées; les frais d'exploitation auraient une croissance trop
rapide; les prévisions de croissance de la demande seraient trop
optimistes. Selon eux, l'entreprise s'orienterait vers des surplus
énergétiques importants. Ce serait le cul-de-sac.
Les premiers chiffres de 1982 donneront raison à M. Coulombe et
à son équipe. Hélas! M. Coulombe y voit alors l'indice
d'une tendance a long terme. Il fait fi des mises en garde qui lui sont fartes
et lance une vaste offensive de ventes à l'externe, doublée d'une
rationalisation draconienne à l'interne. La nouvelle direction chambarde
l'entreprise. Plus de 2000 personnes quittent l'entreprise, 2000 autres sont
mises en disponibilité, le nombre de cadres est réduit de 1000
personnes, et 2000 employés sont décentra lises. Les coupures
sont appliquées également et aveuglément dans toutes les
unités administratives de l'entreprise. On délaisse les missions
principales des unités administratives pour répondre à des
objectifs à court terme auxquels sont reliés des bonis.
En 1982, M. Coulombe impose une révision à la baisse
importante du taux de croissance projeté. Tous les changements que
s'apprête à vivre l'entreprise s'appuient sur cette
présomption. Les employés, dont les ingénieurs, s'op
posent à l'ampleur des changements et à la férocité
avec laquelle ils sont implantés. Le SPIHQ, en outre, s'inquiète
publiquement des conséquences de la décentralisation sur le
savoir-faire en matière d'ingénierie et se préoccupe
également des impacts sur la qualité du service. Ces changements
sèment le désarroi et la consternation au sein du personnel, et
résultent en une perte de motivation et de mobilisation des
employés.
Aujourd'hui, l'histoire donne raison à ceux qui
s'inquiétaient. Dès la fin de la récession, la demande
québécoise d'électricité reprend son rythme soutenu
de croissance. En 1984, le taux annuel de croissance des ventes
d'électricité régulière atteint plus de 6 %.
Depuis, ce taux n'a pas baissé en deçà de 6 %. Les choix
stratégiques de l'équipe Coulombe ont été quand
même maintenus. Les budgets n'ont pas augmenté. L'entreprise a
continué à négliger l'entretien préventif et les
investissements requis pour maintenir la qualité du service. En
conséquence, le réseau est aujourd'hui extrêmement
vulnérable à toute variation, qu'on l'appelle variation
climatique, orage magnétique ou faible niveau d'hydraulicité. De
plus, la réalisation d'un scénario de forte croissance de la
demande interne risque d'entraîner un déficit
énergétique important au cours des années
quatre-vingt-dix
Le bilan que les ingénieurs dressent de révolution qu'a
vécue Hydro-Quebec au cours des dernières années est le
suivant. Les changements qu'a connus Hydro-Québec ont
résulté en une perte d'influence de la technique, en un manque de
cohérence de la gestion, ainsi qu'en une baisse de la qualité du
service. Les économies de coûts et la réduction des
délais ont eu priorité sur la qualité des projets.
Hydro-Quebec a lésiné sur l'ingénierie des projets. Avec
les années, les ingénieurs ont été de plus en plus
écartés des tables de décision, même quand celles-ci
étaient techniques En fixant a priori des paramètres
d'études limités, l'entreprise a restreint l'implication des
ingénieurs dans la détermination de ses choix
stratégiques. La décentralisation de l'entreprise a
résulté en une perte de savoir-faire dans plusieurs domaines
techniques stratégiquement importants pour l'entreprise. Le peu
d'efforts de l'entreprise en matière de formation continue a
érodé l'avantage technologique de ses ingénieurs. Le
manque de sang neuf dans l'entreprise, et particulièrement chez les
ingénieurs, a causé un viellissement important de la population,
un manque de ressourcement et un manque d'idées nouvelles dans
l'entreprise. Pendant ce temps, le départ de nombreux ingénieurs
parmi les plus expérimentés a, lui aussi, causé une perte
sensible d'expertise qui n'a pas été compensée par une
transmission adéquate du savoir-faire des plus vieux aux plus jeunes
Pendant que la tâche a augmenté et s'est complexifiée,
l'embauche de nouveaux effectifs a stagne Les ingénieurs, actuellement,
sont débordés. Plusieurs projets sont mis en marche avant que les
études soient terminées. Des avant-projets sont confiés
à l'externe, ce qui résulte en une perte supplémentaire
d'expertise dans l'entreprise et en une perte de contrôle par
l'entreprise sur les choix stratégiques qui guident ses
orientations.
L'ensemble de ces facteurs, les reorganisa tions
répétées et la perte d'expertise qui s'ensuivit, les
coupures de personnel, les attaques soutenues de l'entreprise pour
réduire les salaires et la dévalorisation du rôle de
l'ingénieur dans l'entreprise ont entraîné un climat de
travail malsain. Ce climat est le résultat des actions passées de
la direction et la source de ses problèmes actuels.
Hydro-Québec se retrouve aujourd'hui de vant plusieurs
défis à relever au cours des années quatre-vingt-dix.
L'entreprise devra être en mesure de proposer un développement
durable et harmonieux tout en offrant à la population une
fiabilité améliorée, une gestion de la demande plus
serrée, des impacts environnementaux
plus faibles et des tarifs avantageux. Pour atteindre ces
résultats, Hydro-Québec propose une stratégie
d'intervention en quatre volets: la qualité du service, les
économies d'énergie, l'environnement et les exportations.
Pour ce qui est des ressources humaines, Hydro-Québec devra
compter sur des employés motivés et mobilisés quant aux
objectifs de l'entreprise. La nouvelle direction d'Hydro-Québec a admis
plusieurs des lacunes passées et soumet maintenant des mesures de
correction dans sa proposition de plan de développement.
Par contre, le SPIHQ croit qu'en termes de motivation et de mobilisation
des ressources humaines le gouvernement actuel a posé un geste
inapproprié, la semaine dernière, avec l'imposition de sa loi
spéciale. Comment croire que les employés seront maintenant
enthousiastes à adhérer aux objectifs de l'entreprise, alors que
le gouvernement vient de leur nier le droit d'en venir à une entente
négociée avec leur employeur? Comment retrouver la fierté
alors que l'on vient de perdre sa dignité?
Pour ce qui est des orientations proposées par
Hydro-Québec dans sa proposition de plan de développement, les
ingénieurs d'Hydro-Québec sont globalement d'accord avec ces
orientations. Cependant, certaines mises en garde doivent être faites et
des actions autres que celles déjà proposées doivent
compléter cette stratégie pour assurer le succès de sa
réalisation.
Afin d'améliorer la qualité de son service,
Hydro-Québec propose, au cours des six prochaines années, une
série de programmes représentant des investissements de plus de 4
000 000 000 $. La direction des années quatre-vingt a laissé en
héritage une fiabilité du réseau sérieusement
détériorée. Pour leur part, les ingénieurs ont
été occupés à éteindre les feux, ainsi
qu'à répondre aux objectifs à court terme de l'entreprise
et ont assisté, impuissants, à cette détérioration.
Faute de ressources et surtout d'influence dans les décisions, les
préoccupations techniques à long terme des ingénieurs ont
été délaissées pour d'autres priorités.
Pour être fiable, le réseau doit donc se développer
de façon cohérente et optimale. En ce sens, l'amélioration
de la continuité du service passe par une planification à long
terme adéquate et par la conservation et le développement du
savoir-faire dans l'entreprise. Tel que nous l'avons présenté
devant cette commission en octobre 1987, le SPIHQ n'est pas contre
l'attribution de contrats à l'externe. Cependant, Hydro-Québec
doit s'assurer de demeurer un propriétaire averti ainsi que
développer et conserver son savoir-faire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, s'il vous plaît. Il reste une minute.
M. Ménard: Merci. Nous croyons que la décennie
quatre-ving-dix sera celle de l'éthique professionnelle et de la
responsabilité environnementale. La décennie devra aussi
être celle de la transparence d'Hydro-Québec. Les
ingénieurs d'Hydro-Québec sont ouverts aux nouvelles valeurs et
ils sont aptes à proposer des solutions originales pour répondre
aux nouveaux choix de société. Nous voulons redonner aux
Québécois un réseau dont la continuité de service
sera jugée excellente et nous sommes prêts à mettre notre
savoir-faire et notre ingéniosité au service d'un programme
agressif d'efficacité énergétique. Nous sommes, en outre,
en mesure d'élaborer des projets en harmonie avec le milieu et nous nous
engageons à réaliser les orientations retenues en matière
d'exportations sans pour autant mettre en péril le service offert aux
Québécois.
Les ingénieurs d'Hydro-Québec sont prêts à se
mobiliser autour des objectifs présentés dans la proposition de
plan de développement d'Hydro-Québec et désirent
participer activement à la mise en application des stratégies de
l'entreprise. En bref, nous voulons travailler à redonner à
l'entreprise sa fierté d'antan, pour peu qu'on nous en donne les moyens.
Nous lançons un appel à tous les intervenants pour contribuer de
façon positive aux débats et aux choix de société
qui en découleront. Le SPIHQ remercie la commission parlementaire et
demeure disponible pour toute autre consultation. (16 h 45)
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, M. Ménard et ceux qui
vous accompagnent, je voulais vous remercier de votre mémoire. Vous
comprendrez que je ne ferai pas, aujourd'hui, le procès de l'ex-P.-D.G.
d'Hydro-Québec et que nous allons nous en tenir au mandat de la
commission. Mais j'ai remarqué les derniers mots de votre exposé,
qui étaient "mobilisation" et "fierté", et là-desssus je
suis tout à fait d'accord avec vous.
Votre mémoire met beaucoup l'accent sur la responsabilisation des
ingénieurs et cette volonté de mobilisation des ressources
humaines est aussi exprimée par Hydro-Québec, je pense, dans son
plus récent plan de développement. Par ailleurs, nous avons
récemment exprimé la volonté gouvernementale d'un
nécessaire accroissement de la productivité au sein
d'Hydro-Québec. Vus sous cet angle, j'aimerais que vous fassiez
ressortir en quoi les changements que vous préconisez en matière
de gestion des ressources humaines se traduisent pas des gains de
productivité et quels sont les effets probables sur l'accroissement des
effectifs.
M. Ménard: Je pense que, malgré notre intervention
en termes de mobilisation des ingénieurs, on n'a pas de recette miracle
à proposer à l'entreprise. Par contre, effective-
ment, depuis quelques années, depuis, je dirais, l'arrivée
en place de la nouvelle direction, on sent une nouvelle approche. On est
très en faveur de cette nouvelle approche-là. Dans le fond, notre
message est de dire que c'est une question d'attitude, de la part de la
direction, d'être à l'écoute de son personnel technique,
parce que le produit qu'elle a à livrer, c'est un produit qui est quand
même hautement technique. Souvent, c'est plus économique, c'est
plus productif de regarder a priori l'ensemble des possibilités, ou des
choix ou des options à faire, plutôt que d'arriver avec un projet
des fois préconçu et que ce projet-là soit remis en
question soit par la société en général, soit par
des groupes de pression. S'il y a une écoute, de la part de la
direction, de son personnel technique, je pense qu'on va avoir des gains de
productivité. C'est bien évident que la décroissance
qu'Hydro-Québec a connue au cours des années quatre-vingt va
avoir un certain impact au niveau de l'embauche de nouveau personnel. Par
contre, je ne pense pas que cette nouvelle embauche-là mette en cause la
productivité. Au contraire, ça va assurer le maintien et le
transfert du savoir-faire au sein de l'entreprise.
Mme Bacon: II doit y en avoir, de l'embauche, parce qu'il y a des
bureaux d'ingénieurs qui se plaignent qu'on va chercher les
ingénieurs dans leurs bureaux et qu'on les amène à
HydroQuébec. Pour revenir au personnel technique, vous souhaitez,
à la page 26 de votre mémoire, qu'Hydro-Québec redevienne
"une entreprise à l'avant-garde de la technologie." Les budgets
d'Hydro-Québec, ce qu'elle consacre à la
recherche-développement, en fonction de son chiffre d'affaires,
ça la classe quand même parmi les entreprises canadiennes les plus
actives dans le domaine de la recherche-développement. Comment
expliquez-vous cette situation qui me semble, de prime abord, paradoxale?
M. Lâchante (Michel): Michel Lâchante, si vous le
permettez. Je pense qu'au niveau de l'ensemble du développement
technologique on a un institut de recherche. C'est sûr qu'il y a beaucoup
de sous qui peuvent se mettre au niveau du développement technologique.
Ce qu'on vient dire ici, c'est qu'en termes de constat pour l'ensemble des
ingénieurs dans le quotidien les gens vont parfois faire des diagnostics
comme quoi il y a des procédés ou des demarches qui ne sont pas
nécessairement accomplis au sein de l'entreprise en termes
d'études et, à ce moment-là, ils vont faire des demandes.
C'est tout récemment, je pense, depuis quelques années, qu'il y a
une démarche structurée, qui vient avec un plan de technologie
précis qui est déposé, dans lequel on met des
énergies pour essayer de développer certains domaines. On ne dit
pas qu'il n'y en a pas, sauf que je pense qu'il est important qu'on mette
"l'emphase" la plus grande possible dans ce domaine-là. Nous, on pense
qu'il pourrait y avoir encore un petit peu plus d"emphase" et que ça
serait juste mieux pour la connaissance de notre technologie.
Mme Bacon: D'accord. En matière d'environnement, vous
suggérez, à la page 23 de votre mémoire, pour les
nouvelles constructions, qu'il y ait des critères environnementaux qui
soient plus sévères que ceux qui sont actuellement en vigueur.
Dans quels domaines voudriez-vous voir ces critères environnementaux
plus sévères, où ça devrait-il être
appliqué et qu'est-ce que vous, vous proposez?
M. Ménard: Je pense que, encore là, c'est une
question de philosophie ou d'attitude. Je ne pense pas qu'on demande qu'il y
ait des règlements plus sévères pour Hydro Québec.
Mais, je pense qu'Hydro-Québec, tout d'abord, doit évidemment se
conformer aux lois et règlements en vigueur, ce qu'elle ne fait pas
toujours de façon complète. Par contre, dans l'élaboration
de ses projets, je ne pense pas qu'elle doive s'arrêter, dans certains
choix qu'elle doit poser, au fait qu'il y a un règlement ou non. Je
pense que, s'il y a un choix à faire en fonction de la protection de
l'environnement, on doit faire ce choix-là, peu importe qu'on y soit
forcé ou non par la réglementation. Donc, dans ce sens-là,
c'est une question d'attitude et de philosophie, de dépasser la
réglementation et de ne pas s'arrêter strictement à la
lettre des lois.
Mme Bacon: À la page 15, dans votre mémoire, vous
soutenez que "la décentralisation de l'entreprise a
résulté en une perte de savoir-faire dans plusieurs domaines
techniques straté-giquement importants pour l'entreprise." C'est un
constat, quand même, pour le moins inquiétant que vous faites.
Est-ce qu'il vous serait possible d'identifier les domaines où ça
peut être davantage important et est-ce que vous proposez des solutions
qui viseraient à rétablir le savoir faire de l'entreprise? C'est
le deuxième paragraphe, page 15
M. Parrot (Michel): Je vais répondre à cette
question. En fait, sur la décentralisation, il y a certains domaines, au
niveau de l'expertise, où l'entreprise a effectivement conservé
une masse critique d'ingénieurs à Montréal, des domaines
tels que le transport et la production. Toutefois, lorsqu'on touche à
des domaines comme la répartition, la répartition, c'est une
notion qui est moins connue dans le public, si on veut, mais c'est un palier,
à Hydro-Québec, qui fait le lien entro la distribution et les
grands réseaux de transport.
Dans des régions comme Québec, il y a quand même
là un volume qui justifie la présence, si on veut, d'un nombre
suffisant d ingénieurs. Toutefois, il y a des régions plus
petites
où des ingénieurs, la première des choses, il y en
a moins parce que les réseaux sont moins gros. Deuxièmement, ce
qui se produit, c'est que bien souvent ce sont des régions
éloignées. Donc, l'ingénieur est porté à
vouloir revenir en région urbaine. Donc, il y a un certain manque de
continuité de ce côté-là.
Au niveau de la distribution aussi, il y a une décentralisation
qui s'est faite vers les secteurs. Ce n'est pas qu'on soit contre ces mesures
de décentralisation, sauf qu'il y a des impacts qui sont associés
à ça, des impacts qui, à long terme, peuvent être
pénalisants, si on veut, au niveau de la qualité du service,
parce qu'il n'y a pas un nombre suffisant d'ingénieurs pour
échanger, pour conserver un savoir-faire dans ces différents
domaines.
M. Ménard: De toute façon, je pense que
l'entreprise, depuis environ un an ou deux, commence aussi à poser le
même diagnostic dans différentes autres fonctions. Il y a des
mesures correctives qui sont en cours actuellement pour remédier
à ces problèmes.
Mme Bacon: Dans le mémoire aussi, je trouve fort
encourageant votre engagement à développer à l'interne des
nouveaux modes d'économies d'énergie et de gestion de la demande.
J'aimerais quand même que vous élaboriez quelque peu sur les
incertitudes liées aux programmes d'économies d'énergie
auxquelles vous faites référence dans votre mémoire.
M. Ménard: La question des incertitudes, c'est que, comme
les ingénieurs conseils l'ont mentionné ce matin, le potentiel
facile d'économie d'énergie a été quand même
réalisé au début des années quatre-vingt, suite aux
crises du pétrole. Par contre, on pense qu'il y a encore un certain
potentiel d'économies d'énergie à réaliser, mais
ça ne pourra pas se réaliser dans les prochains mois ou dans la
prochaine année. Donc, le degré d'incertitude, d'une part, il est
temporel. Ça ne se réalisera pas à très court
terme. D'autre part, les études qu'Hydro-Québec a menées
au niveau du potentiel d'économies d'énergie, ça s'est
réalisé auprès d'autres réseaux, dans d'autres
sociétés. Donc, c'est l'incertitude au niveau de
l'applicabilité dans la société québécoise
de ces économies d'énergie. On ne réagit pas tous de la
même façon aux mêmes incitatifs. Donc, il y a une
incertitude à ce niveau-là, puis aussi au niveau de quand
ça va se réaliser.
Mme Bacon: Vous indiquez, à la page 19 de votre
mémoire, que, selon Hydro-Québec, "le contrôle de la
qualité est lié à ce que chacun ait reçu la
formation appropriée, que le climat de travail soit favorable, que les
objectifs soient clairs et cohérents, que les résultats soient
suivis et reconnus et que les ressources humaines, matérielles et
financières soient suffisantes." Vous spécifiez aussi que la
direction de l'entreprise n'a pas encore réussi à mettre en
oeuvre des moyens pour faire de ces énoncés une
réalité dans le quotidien d'Hydro-Québec. Comment
expliquez-vous cette situation-là? Et quelles sont les mesures pratiques
qui devraient être adoptées par la haute direction
d'Hydro-Québec pour mettre en application cet énoncé que
vous avez dans votre mémoire?
M. Lacharité: Je pense qu'on peut revenir sur le discours
de l'écoute dont M. Ménard parlait tantôt. Je pense qu'il y
a des mécanismes - on le disait tantôt - il y a certains
correctifs qui se mettent en place par-ci, par-là, sauf que,
globalement, ce qu'on dit, c'est que, débordés par la
quantité de projets, compte tenu qu'on est pris de court un petit peu
avec notre propre croissance de la demande, débordés un peu par
la croissance des projets, les ingénieurs, de l'autre côté,
ne sont pas nécessairement les gens les plus écoutés au
sein de l'entreprise, en termes de table technique ou en termes d'intervention,
d'influence, si vous voulez, au niveau de la conduite ou du
développement du réseau. Ils collaborent à ça, ils
font certaines études, mais avec des paramètres
déjà très arrêtés.
Donc, à ce moment-là, ce qu'on dit, c'est qu'on sent un
certain vent nouveau, mais on n'a pas encore une garantie que toutes les
mesures vont être mises en place, dans les années qui viennent,
pour nous redonner cette espèce de nostalgie du passé, si vous
voulez - sans vouloir retomber dans le passé, parce qu'il y a bien des
paramètres qui ont changé - pour nous redonner une écoute
favorable, du côté de la direction, dans le développement
de ses équipements.
Mme Bacon: D'accord. Est-ce que j'ai fini mon temps?
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute, Mme la ministre.
Mme Bacon: Je reviendrai tantôt.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Vous voulez vous garder une minute? Soit.
D'abord, tout en vous remerciant pour la présentation que vous
nous avez faite et pour les idées qui émanent de votre
mémoire, je me dois de vous dire que j'ai beaucoup de difficultés
à accepter qu'on se serve d'une tribune de consultation publique comme
celle-ci pour faire le procès d'individus. J'avoue qu'il y a certaines
choses, quand on parle d'individus, qu'on les identifie nominalement comme
étant des causes de problèmes... Je ne pense pas que ce soit
vraiment la place pour le faire. Je ne vous
questionnerai sûrement pas sur ces points-là.
D'autre part, j'aurais aussi aimé retrouver dans votre
mémoire certains éléments, disons, de critique envers le
plan de développement d'Hydro-Québec, l'approche
d'Hydro-Québec et la façon dont vous, vous vivez et fonctionnez
ou dont vous aimeriez être considérés à
l'intérieur même de la dynamique de préparation des plans
de développement et des orientations à long terme
d'Hydro-Québec. À titre d'exemple, on ne retrouve pas grand-chose
sur la question des économies d'énergie, des énergies
alternatives. C'est plutôt dans ce sens-là que je vais vous
questionner.
Ma première question vise une affirmation qui est souvent faite
à Hydro-Québec et que vous avez vous-mêmes relevée,
qui dit: HydroQuébec a une mentalité de constructeur de barrages.
J'aimerais savoir comment vous, en tant qu'ingénieurs à
Hydro-Québec, vous vous sentez, de quelle façon vous
réagissez, comment vous percevez cette affirmation-là lorsqu'on
accuse Hydro-Québec d'être une boîte d "engineering" qui n'a
qu'une vision de constructeur de barrages et qui a, en somme, très peu
et même, pour certains, n'a pas du tout de préoccupation quant aux
économies d'énergie ou aux alternatives de production
d'énergie autres que par le biais de la construction de barrages et
d'inondation de territoires. (17 heures)
M. Ménard: O.K. Je pense que la notion
"Hydro-Québec, une boîte d'ingénieurs", ou
"Hydro-Québec, une boîte de bâtisseurs de barrages",
découle d'une vision historique d'Hydro-Québec. Si on regarde
l'évolution d'Hydro-Québec au cours des 40 ou 50 dernières
années, effectivement, Hydro-Québec a construit beaucoup de
barrages; effectivement, les ingénieurs construisaient beaucoup
d'équipements. Ça, c'est évidemment dû à
l'évolution de la société québécoise,
à l'accroissement de l'économie du Québec. Je pense que,
à l'époque, c'était requis.
Par contre, on a fait mention que, depuis quelques années, depuis
même, je dirais, une décennie, notre travail s'est beaucoup
diversifié. On intervient dans des domaines très
différents de la construction strictement. On intervient dans les
domaines du marketing, de l'environnement, de la tarification, dans plusieurs
domaines. Je pense que, au niveau de la construction de barrages ou des
économies d'énergie, ce qu'on vient dire, dans le fond, c'est que
les choix de société, ce n'est pas aux ingénieurs
d'Hydro-Québec de les faire. Ce n'est pas à nous de les faire,
les choix de société, je pense que c'est à la
société en général à faire ces choix. C'est
au gouvernement de les incarner, puis de les traduire en termes de mandats pour
HydroQuébec. Ce qu'on vient dire, c'est que les ingénieurs seront
au rendez-vous pour mettre en oeuvre les choix de société qui
seront faits, suite, entre autres, à la commission parlemen- taire.
M. Claveau: O.K. Alors, si je prends ce que vous venez de me
dire, en supposant qu'à la suite des consultations et de
différents processus qui pourraient être mis en place le
gouvernement, l'actionnaire d'Hydro-Québec, donne à
Hydro-Québec un mandat, par exemple, qui serait de voir à
réaliser, au cours des 10 prochaines années, ou à mettre
en place des politiques d'économies d'énergie de l'ordre de 30 %,
pour reprendre un chiffre qui nous était donné, juste avant vous,
par le Bureau du commerce de Montréal et qui, selon lui, est
réalisable, ça veut dire, ça, que les ingénieurs
d'Hydro-Québec seraient prêts immédiatement à
embarquer dans le nouveau mandat, à se remettre sur la planche à
dessin, à reconsidérer toute l'approche actuelle et à
collaborer avec la compagnie, avec l'entreprise, pour faire en sorte que cet
objectif de 30 % soit réalisé. Est-ce qu'on ne risquerait pas
plutôt de retrouver, dans quatre ou cinq ans, une petite note au bas
d'une page, comme on voit en page 2 du résumé de votre
mémoire, où vous dites. "La décentralisation de
l'entreprise a résulté en une perte de savoir-faire dans
plusieurs domaines techniques stratégiquement importants pour
l'entreprise", alors que l'on sait très bien que, selon la même
logique, cette décentralisation - ce que vous appelez
décentralisation, nous, on appelle ça de la
régionalisation - c'est aussi un choix de société? C'est
un choix d'actionnaires qui donnent un mandat à une entreprise Pourtant,
ça ne semble pas faire l'affaire de tout le monde à
l'intérieur de l'entreprise. Est-ce que vous nous dites que vous
êtes prêts à refaire globalement tous les devoirs
nécessaires si l'actionnaire d'Hydro-Québec donne un mandat
carrément différent de ce que l'on retrouve actuellement dans le
plan de développement?
M. Ménard: Je pense que le message de notre
mémoire, puis le message qu'on est venus livrer ici, c'est qu'on est
prêts à travailler, à mettre en oeuvre les choix de
société qui seront posés, puis je pense que, de toute
façon, les potentiels d'économie d'énergie ou
d'efficacité énergétique, ce sont des choses qui sont
quand même hautement techniques. Si je pense juste, entre autres,
à la gestion de la demande, ça ne se fait pas tout seul,
ça; je pense que ça prend toute une panoplie de techniques que
les ingénieurs devront mettre en oeuvre pour réaliser ce
potentiel d'économie d'énergie.
Si je fais une petite parenthèse sur la décentralisation,
je suis d'accord que la décentralisation est peut-être un choix de
société Par contre, ce qu'on décrit, ce n'est pas
nécessairement un choix de société, c'est la façon,
d'une part, dont ça a été fait, parce qu'on a
décentralisé des activités, mais on n'a pas mis les
ressources en place pour que cette décentralisa-
tion-là soit efficace pour l'entreprise et pour la
société québécoise. Donc, ce que je viens dire,
c'est que oui, on va réaliser les choix de société, mais
donnez-nous-en les moyens.
M. Claveau: Vous dites, en page 24 de votre mémoire:
"Hydro-Québec doit démontrer à la population la
rentabilité des exportations." Vous élaborez là-dessus,
mais vous dites essentiellement qu'Hydro-Québec devrait démontrer
la rentabilité des exportations. Avec tout ce qui a été
dit depuis 1986 sur la question des exportations, est-ce que vous
considérez, par cette affirmation-là, que, malgré tout,
Hydro-Québec n'a pas encore fait la preuve noir sur blanc de la
rentabilité des exportations?
M. Lacharité: Ce dont on a l'impression, c'est qu'au
niveau du débat public autour des exportations il y a une série
de balises qui... Les gens vont craindre que les exportations, ce ne soit pas
rentable, les gens vont craindre qu'à un moment ou l'autre on ne soit en
train d'exporter du nucléaire, supposons. Les gens peuvent craindre un
jour ou l'autre de perdre du courant chez eux parce qu'il va y avoir des
exportations, etc. C'est sûr que l'entreprise répond du mieux
qu'elle peut à ces objections-là qui viennent de
l'extérieur. Sur les coûts, qui sont un des sujets, souvent le
discours est à l'effet que c'est un peu secret, parce qu'il y a une
négociation avec un tiers et qu'on ne peut pas commencer à
révéler tous nos coûts sur la place publique, etc. Nous, ce
que l'on vient dire ici, c'est que, dans le fond, à une commission
parlementaire comme celle-ci où à d'autres tribunes possibles,
l'entreprise devrait, comme on peut le faire autour des économies
d'énergie en lançant des programmes, prendre le temps de
vulgariser sa méthodologie et les balises qu'elle se donne en termes de
sécurité par rapport à ses exportations, de telle
façon que les gens comprennent vraiment les enjeux des exportations sans
qu'il soit nécessaire de dire au bout de la ligne... Ça
coûte 0,04 $ le kilowattheure ou ça coûte 0,80 $ le
kilowattheure. Ça, j'imagine que le gouvernement doit savoir ce que
ça coûte. La population peut lui faire confiance, en autant
qu'elle comprenne comment tout le processus qui mène à
l'établissement de ces coûts-là s'est bâti et comment
le déroulement des activités s'est fait.
Donc, qu'on rassure la population sur l'ensemble des balises qui
tournent autour des exportations par une démonstration publique
peut-être plus cohérente, plutôt que d'être en
réaction par rapport au public. Peut-être qu'Hydro-Québec
pourrait prendre la "pole", la tribune et venir expliquer ces balises-là
sur la place publique et, à ce moment-là, ça pourrait
peut-être être mieux compris.
M. Claveau: D'après vous, puisqu'on est ici quand
même en tant que parlementaires pour recevoir justement, de la part des
intervenants, des opinions qui vont permettre éventuellement à
l'actionnaire d'Hydro-Québec de prendre des décisions
d'orientation sur la compagnie, donc, d'après vous qui êtes
intimement liés au fonctionnement de l'entreprise et au
développement des différents équipements de l'entreprise,
est-ce que les exportations sont définitivement rentables et est-ce que
c'est un bon choix pour la société québécoise de
s'axer sur les exportations, comme nous le disait d'ailleurs l'Association
québécoise des ingénieurs-conseils tout à
l'heure?
M. Lacharité: Je ne veux pas me prononcer si c'est un bon
choix de société dans son ensemble; nous, on se prononce ici,
dans le mémoire, comme quoi les exportations ont des avantages pour
notre société au niveau des coûts, parce qu'à
l'interne on croit que les coûts des équipements sont les plus
élevés qu'on a au niveau de notre facturation. Donc, à
partir de là, on croit que ça peut être rentable pour
l'économie québécoise, sauf que, en termes de choix de
société, la société pourrait décider de...
Tantôt, il y avait des gens des PME, ici, qui disaient: II faudra faire
quelque chose, il y a peut-être des développements
d'énergies nouvelles qui peuvent se faire. Peut-être que les PME
en question auraient des contrats et qu'elles pourraient faire fonctionner
leurs usines avec ça, puis peut-être que le choix de
société, comme on le fait avec l'aluminium, c'est de
subventionner l'énergie pour générer de l'emploi, etc.
Ça, c'est un choix de société. Nous, tout ce qu'on
dit, c'est qu'en termes d'exportations on est en train de mener des
études. On se plaint qu'elles sont peut-être menées un
petit peu vite ou que l'implantation des critères pour la
stabilité de notre réseau va peut-être se faire rapidement,
mais il y a quand même des gestes qui vont se poser pour essayer de se
donner une meilleure stabilité pour nos interconnexions avec les
réseaux voisins. Et il y a peut-être aussi une
démonstration, en fait, à faire qui fait que nous, on est
favorables aux exportations, mais on n'a pas à faire le choix pour la
société.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir
sur une question qui a été abordée par mon collègue
d'Ungava sur la décentralisation. Votre réponse me laisse un peu
perplexe, parce que vous dites que la décentralisation a eu comme effet
d'amener une perte de savoir-faire et que cette constatation avait
été faite par l'administration dans d'autres secteurs. Moi, je
voudrais bien savoir dans quels secteurs on a fait le même type de
constatation. Est-ce que je comprends bien votre conclusion en disant: II faut,
pour avoir une masse critique, une masse critique qu'on n'a plus dans les
régions, développer un savoir-faire; donc, rapatrions tous
les ingénieurs à Montréal ou à Québec?
Est-ce que c'est ça, votre discours?
M. Ménard: Ce n'est pas tout à fait ça,
notre discours. Quand on parle d'autres secteurs, je pense que l'entreprise a
identifié certains secteurs, que ce soit les secteurs d'appareillage,
d'automatisme ou de planification du réseau. Des activités ont
été décentralisées. On a dit: Ce sont maintenant
les régions qui s'occupent de ces activités-là. Mais on
n'a pas donné les ressources aux régions pour s'en occuper. Ce
qu'on dit, c'est: Soit qu'on recentralise les activités, soit qu'on
augmente le personnel dans les régions pour s'occuper de ces
activités-là.
Ce n'est pas en engageant un ingénieur qui sort de
l'université et en l'envoyant à Rouyn-Noranda qu'il va pouvoir
s'occuper de la fiabilité du réseau ou de l'entretien des
équipements. Il n'a pas l'expérience, il n'a pas l'expertise et
il n'est pas entouré de collègues qui ont cette expérience
ou cette expertise-là. Ce même jeune ingénieur, à
l'époque où c'était centralisé, lorsqu'il arrivait
à Montréal, il était entouré de collègues
qui pouvaient le "coacher", le "baquer". Qu'on laisse les activités en
région, d'accord, mais qu'on mette le personnel nécessaire pour
réaliser ces activités-là. Je pense que c'est aussi le
constat que l'entreprise a fait au cours des dernières
années.
Mme Blackburn: Comme syndicat, quel est votre choix? Quel serait
votre choix? Parce que je n'étais pas certaine d'avoir... Comme je sais
que dans la région du Saguenay on a perdu en quelques mois quatre postes
d'ingénieur, j'ai comme des problèmes à vous suivre. Si
ça devait continuer à glisser, je ne suis pas certaine que
ça soit à l'avantage des régions. Mais vous, comme
syndicat, vous semblez dire que la centralisation est préférable
à la décentralisation. Comme le dit mon collègue, sans
vous prononcer sur les choix de société, vous les écorchez
un peu.
M. Ménard: Non, mais je pense que je ne répondrai
pas en tant que syndicat, je répondrai en tant que professionnel. Quand
on sort des écoles d'ingénierie, on a une espèce de stage
de deux ans où on doit théoriquement être "coaché"
par des ingénieurs d'expérience. Quand HydroQuébec,
à l'époque de la décentralisation, disait: On va engager
de jeunes ingénieurs et on va les mettre dans le champ pour qu'ils
prennent l'expérience dans le champ, bien, ils étaient tout seuls
dans le champ. C'est là un peu que le bât blesse: quand les gens
sont tout seuls et qu'ils n'ont pas l'expertise ni l'expérience pour
réaliser les activités. Je pense qu'on doit s'attendre à
ce que ces gens-là aient le support nécessaire pour
réaliser ces activités-là.
Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps est
écoulé, malheureusement. M. le député d'Ungava,
est-ce que vous voulez remercier nos invités? Je m'excuse, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Claveau: Mme la ministre ne s'était elle pas
réservé une minute?
Le Président (M. Bélanger): Effectivement, je
m'excuse. Mme la ministre.
Mme Bacon: Avant les remerciements, vous me permettrez
peut-être une dernière question qui n'en est pas moins importante.
Les prochaines années pourraient peut-être être
chargées pour les ingénieurs d'Hydro-Québec, dans la
mesure où le programme d'équipement d'Hydro-Québec va de
l'avant. Est-ce que vous pensez que l'organisation du travail à
Hydro-Québec, particulièrement chez les ingénieurs,
permettrait qu'on puisse livrer la marchandise, advenant que le consensus se
fasse autour de ces grands projets?
M. Ménard: Je pense que, comme on l'a mentionné,
historiquement il y a eu certaines défaillances au niveau de
l'organisation du travail, mais je pense qu'il y a actuellement un vent de
changement dans l'entreprise et je pense que les ingénieurs, justement
en tant que professionnels, sont intéressés à livrer la
marchandise et à produire un travail de qualité
Mme Bacon: Vous revenez à votre mobilisation et à
la fierté?
M. Ménard: Effectivement.
M. Claveau: Malgré la loi spéciale?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): M le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Alors, ça m'a fait plaisir d'avoir eu
l'opportunité d'échanger avec vous sur quelques points de vue
concernant le fonctionnement d'Hydro-Québec et, enfin, la participation
active des ingénieurs d'Hydro-Québec aux choix qui seront faits
par la société. Alors, dans l'espérance d'avoir à
continuer à travailler avec vous d'une façon harmonieuse dans
l'exécution de ces choix de société, eh bien, je vous
remercie de la présentation que vous êtes venus nous faire
aujourd'hui.
M. Ménard: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la ministre.
(17 h 15)
Mme Bacon: Quant à moi, je voudrais vous remercier de
votre présence et de cette contribution au dialogue qui a
été entrepris au début de cette journée. Je dois
vous dire que la fierté que vous voulez éprouver, nous voulons
tous, les Québécois, l'éprouver aussi avec vous.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission de
l'économie et du travail remercie les représentants du Syndicat
professionnel des ingénieurs d'Hydro-Québec pour leur
participation à nos travaux. J'invite à la table des
témoins le Groupe de recherche appliquée en
macro-écologie. Merci.
Nous accueillons maintenant M. Guérard, qui est le
président et le représentant du Groupe de recherche
appliquée en macro-écologie. Vous connaissez nos règles de
procédure, vous avez au maximum... On va être obligés de
réduire un peu le temps de tout le monde, parce que les deux formations
ont un caucus à 18 heures, alors, en trichant un peu, peut être
à 18 h 5; donc, on va vous donner 15 minutes pour votre
présentation de mémoire. Si ce n'est pas suffisant, on essaiera
d'allonger et puis on coupera dans les questions après. Je vous en prie,
si vous voulez procéder.
Groupe de recherche appliquée en
macro-écologie
M. Guérard (Yves): Merci. Bonjour. L'énergie, c'est
comme l'alcool: un peu, c'est merveilleux; trop, ça mène à
des gros problèmes: pollution, maladies, débalancement
général du système, empoisonnement de la vie des autres,
dépenses ruineuses et, surtout, exclusives. Et on consomme encore plus
pour fuir le problème. Au Québec, on est clairement des
alcooliques énergétiques. Si tous les habitants de la
planète consommaient de l'énergie comme nous, il y aurait
production de sept fois plus de gaz carbonique qu'actuellement, donc un effet
de serre probablement mortel pour toute vie sur terre. Étendre à
tous les habitants de la planète nos habitudes
énergétiques, c'est pourtant la meilleure façon de tester
la "soutenabilité" de notre développement. Notre
développement est donc totalement non soutenable et il n'a pas tendance
à s'améliorer, depuis quelques années.
Comment est-ce qu'on a glissé dans l'alcoolisme
énergétique? C'est essentiellement à cause de notre mode
de vie axé sur la trilogie auto-bungalow-banlieue. En décuplant
notre mobilité, l'auto et les carburants à bon marché ont
généralisé l'accès au bungalow et à la
banlieue éloignée. Réciproquement, le bungalow et la
banlieue éloignée nous ont rendus de plus en plus
dépendants de l'auto. L'inefficacité énergétique du
transport de masse par automobile est ainsi multipliée par
l'augmentation des distances à parcourir qu'occasionnent
inéluctablement la faible densité et l'éloignement des
centres d'emploi. Mathématiquement, la perfor- mance écologique
d'un quartier de bungalows est quatre fois plus mauvaise que la performance
écologique d'un quartier de duplex en rangée, par exemple. Pour
chacun de ses habitants, un quartier de bungalows nécessite quatre fois
plus d'espace, quatre fois plus de déplacements, quatre fois plus
d'infrastructures et, donc, quatre fois plus d'énergie. Notre
consommation d'énergie est donc structurellement inefficace.
Pour remédier à ça, les grands de
l'écolo-gisme international (Commission mondiale, René Dumont,
WorldWatch et World Resources Institute) nous prescrivent la
sobriété énergétique. L'économie massive de
l'énergie est la solution primordiale. On nous demande de couper de 50 %
d'ici 2030. Cependant, la tentation, même chez les écologistes,
est très forte de chercher plutôt la solution du côté
des énergies douces ou alternatives, ou du côté de la
diversification des sources d'énergie. Pourtant, aucune forme
d'énergie n'est vraiment plus propre qu'une autre. À niveaux
d'utilisation égaux, elles ont des amplitudes d'impacts tout à
fait comparables sur les grands équilibres biosphériques. La
matrice des impacts des énergies alternatives que vous allez trouver
dans le mémoire le démontre assez bien.
Quand on réussit, par contre, à démontrer les
avantages très nets d'une forme d'énergie par rapport à
une autre, c'est généralement qu'on compare l'impact
nécessairement mineur d'une énergie mineure (le bois, les
résidus agricoles, l'éthanol) à l'impact
nécessairement majeur d'une énergie majeure, comme le
pétrole ou l'hydroélectricité. Pourtant, là
où ils sont surconsommés en tant que sources majeures
d'énergie, le bois, les résidus agricoles et l'éthanol
sont des causes majeures de deforestation, de désertification et de
pollution de l'air, y compris de l'effet de serre. Le Brésil et
l'Afrique l'illustrent bien. Il en va de même pour le méthanol,
l'hydrogène, l'électricité et le gaz naturel. En
comparaison, c'est l'hydroélectricité qui paraîtrait douce,
mais c'est en grande partie une illusion. Il n'y a pas de bonnes et de
mauvaises formes d'énergie. Certaines technologies rendent le charbon
beaucoup plus propre que le bois. Vouloir remplacer - et on l'entend souvent -
le pétrole ou l'hydroélectricité par le méthanol ou
le gaz naturel, c'est comme vouloir régler son problème
d'alcoolisme en passant de la bière au vin.
Notre recommandation 1: l'efficacité énergétique -
la conservation de l'énergie - est la seule priorité.
Il y a, en fait, trois dimensions à l'efficacité
énergétique, comme il y a trois dimensions en
réalité. La tableau 1 du mémoire les décrit et
fournit quelques exemples. Il est essentiel de tenir compte de cette
représentation en trois dimensions, parce que des progrès dans
une dimension de l'efficacité sont souvent annulés par un recul
dans une autre dimension, on pourrait dire annihilés.
Ainsi, une amélioration de 25 % de l'efficacité marginale
des automobiles ou du chauffage des maisons est absolument dérisoire par
rapport au fait que déménager de son duplex à
Montréal pour aller s'installer dans un bungalow de banlieue à
Mascouche ou Rosemère, ça va multiplier par 10 la consommation
d'énergie d'une famille. Ça, c'est 1000 % d'augmentation de la
consommation d'énergie.
La performance énergétique des pays de l'OCDE s'explique
à la lumière d'une analyse détaillée de ces trois
dimensions de l'efficacité énergétique. Les
États-Unis, dont les villes sont caractérisées par une
très grande inefficacité structurelle, une très grande
dispersion des activités, et par un effort exclusif du côté
des normes sur l'efficacité marginale pour les autos et les
électroménagers efficaces, affichent pourtant une consommation de
7,7 tonnes d'équivalent pétrole par habitant par année. La
CEE et le Japon ne souffrent pas d'une aussi grande inefficacité
structurelle, puis réussissent à avoir une consommation de
seulement trois tonnes d'équivalent pétrole par habitant. Le
Japon, qui, en plus, procède à l'implantation systématique
des technologies d'épuration les plus modernes et les plus propres - il
a donc une grande efficacité marginale dans la dépollution -
arrive à produire respectivement 10, 37 et 8 fois moins de SO2, de
particules et de NOx per capita que les États-Unis. Ce sont des gros
chiffres. C'est encore plus gros en regard du Canada et du Québec.
L'efficacité énergétique structurelle du Japon
explique certainement en bonne partie son excellente performance
économique. Même si ce pays est un grand importateur de
pétrole coûteux, l'énergie est utilisée efficacement
pour produire des biens d'exportation plutôt que d'être
gaspillée par les citoyens japonais. Les cas du Japon et des
États-Unis semblent bien indiquer que l'efficacité
énergétique est à la base de la capacité
concurrentielle sur les marchés internationaux. Plus fondamentalement,
les expériences du Japon et de l'Europe montrent que les taxes à
la consommation agissent positivement et simultanément sur les trois
dimensions de l'efficacité énergétique.
Recommandation 2: toujours tenir compte des trois dimensions de
l'efficacité énergétique.
Maintenant, les taxes. Nos études démontrent que plus on
taxe l'énergie, moins on la consomme. Le graphique 1 du présent
mémoire l'illustre de façon convaincante. En fait, toutes les
nuisances associées à la consommation excessive d'énergie
pourraient être ramenées à un niveau soutenable si et
seulement si la consommation finale et intermédiaire de l'énergie
était adéquatement taxée, qu'on le veuille ou non.
Il y a quelques mois, dans le débat concernant la TPS, le premier
ministre Mulroney affirmait devant les médias que "les taxes de vente
sont un mal nécessaire". Avec tout le respect qu'on lui doit, j'aimerais
démontrer ici à quel point ce cri du coeur spontané de M.
Mulroney nous apparaît aussi erroné, à nous - à
vous, je ne le sais pas - que riche en éléments de
réflexion.
Nos études montrent que certaines taxes de vente, loin de
constituer un mal nécessaire, sont au contraire
bénéfiques. Il s'agit des taxes qu'on impose sur des produits de
consommation jugés nuisibles, taxes sur les cigarettes, l'alcool et les
carburants. Fournissant des revenus appréciables au gouvernement tout en
décourageant des comportements néfastes et destructeurs, ces
taxes de nuisance ont une petite mais réelle tendance à orienter
notre économie vers des modes de développement plus soutenables.
Si leur effet reste mineur, c'est que leur application reste mineure. Ces taxes
de nuisance constituent un bien nécessaire. Et les corrélations
avec le PIB (produit intérieur brut) per capita indiquent clairement que
les taxes de nuisance ne sont pas un handicap économique. Les taxes de
nuisance constituent un outil très puissant et très souple de
gestion de l'économie et de l'environnement. On aura
intérêt à implanter ces taxes de façon progressive,
planifiée, prévisible à long terme et publicisée
pour permettre aux consommateurs (finals ou intermédiaires) d'adapter en
conséquence leur planification et leurs habitudes de consommation. Les
taxes de nuisance ont des caractères qui leur confèrent des
qualités qui en font des outils de gestion extrêmement avantageux
dans le domaine énergétique. Elles sont une mesure
d'efficacité énergétique en soi. Elles sont un
mécanisme spontané. Au contraire de la norme, du règlement
ou du programme qui nécessitent un effort de la part de l'État,
la taxe de nuisance est lucrative; elle fournit plus de moyens qu'elle n'en
nécessite. Elles sont un outil de planification, les taxes de nuisance
Elles permettent une meilleure prévisibilité de la demande
à long terme, puisque le principal facteur influençant la demande
(le prix) est contrôlé par le planificateur. Ceci est
particulièrement important pour une industrie comme celle de
l'électricité où l'évolution de la demande est
presque imprévisible sur la période de temps nécessaire
à la construction des infrastructures de production, de transport et de
distribution
Les taxes de nuisance, par exemple sur la cigarette, sont politiquement
plus défendables qu'une hausse des impôts. Il viendra probablement
un temps où la virulence des problèmes reliés aux
pollutions globales rendra politiquement aussi facile une hausse de taxe de
0,10 $ le litre d'essence et de diesel, c'est à-dire 1 000 000 000 $ de
recettes au Québec seulement, qu'une même hausse actuellement pour
le paquet de cigarettes. Ce n'est pas demain la veille, je suis d'accord. Elles
sont proportionnelles à l'ampleur du problème. Un problème
lourd comme celui de l'automobile générera des recet-
tes tout aussi lourdes, si le niveau de taxation est adéquat.
Elles sont créatrices d'emplois, parce que les produits les plus
intensifs en énergie, ceux qui sont les plus susceptibles d'être
les plus touchés par les taxes de nuisance, sont ceux qui créent
le moins d'emplois. Ça se ferait au profit des produits et services les
plus intensifs en main-d'oeuvre.
Maintenant, quelques exemples du potentiel des taxes de nuisance. Au
Québec, chaque tranche de 0,01 $ de taxe de nuisance sur le litre
d'essence et de diesel rapporterait 100 000 000 $ par année. C'est deux
fois plus que ce qui avait été promis comme ajout au budget du
ministère de l'Environnement. Personne ne hurlerait pour ça, avec
cette destination-là. Pour l'automobiliste moyen, ça correspond
à seulement 25 $ par année, en une cinquantaine de versements,
dépendant des fois qu'il passe à la pompe. Mieux, l'automobiliste
ne subira aucune hausse de ses coûts s'il acquiert une voiture 2 % plus
efficace ou s'il roule 2 % moins.
Toujours au Québec, chaque tranche de 0,02 $ de taxe de nuisance
sur le mètre cube de gaz naturel rapporterait 100 000 000 $ par
année. Il n'en coûterait rien au consommateur s'il diminuait sa
consommation de 8 %. Une taxe de 8 % sur la facture d'électricité
au Québec rapporterait 500 000 000 $ par année et ne
coûterait rien à personne avec une hausse moyenne de 8 % de
l'efficacité énergétique.
Une taxe comme la TPS, proposée par le ministre Wilson au
fédéral, est une barrière continue et incontournable pour
l'acquéreur d'un produit ou d'un service. À l'opposé, pour
les consommateurs finals et intermédiaires, des taxes de nuisance
constituent une barrière pleine de trous dans lesquels ils peuvent se
glisser pour éviter de payer la taxe, et ce, en toute
légitimité et au plus grand profit de l'environnement, de la
santé et des produits, services et processus conciliables avec le
développement soutenable. Contrairement aux hausses de taxes et
d'impôt qui, traditionnellement, arrivent comme des surprises
imprévisibles et imparables, les taxes de nuisance peuvent être
progressives dans le temps, planifiées à long terme et
publicisées. Elles seront donc tout à fait évitables si on
oriente sa production ou sa consommation vers des produits, processus et
services non nuisibles ou bénéfiques. À long terme, la
taxation des nuisances induira une évolution spontanée de la
production et de la consommation vers le développement soutenable, par
sélection naturelle négative des nuisances.
Maintenant, les taxes de nuisance ne sont pas régressives. Le
seul argument vraiment embêtant qui va à rencontre de la taxation
systématique des nuisances, c'est l'argument de la
régressivité sociale des taxes à la consommation.
Pourtant, une analyse juste de la question montre que rien, fondamentalement,
ni théoriquement, ni en pratique, ne condamne les taxes de nuisance
à être existentiellement régressives. Les produits de base
de la vie des classes sociales les plus modestes ne sont pas des nuisances
notoires et ne sont pas susceptibles d'être touchés par la
taxation systématique des nuisances. Au contraire, ces produits,
consommés par les classes sociales les plus modestes (logement de haute
et moyenne densité, vêtements, chaussures, aliments, produits et
services de télécommunications, télévision,
téléphones, transport en commun) sont plutôt susceptibles
d'être financés par une partie des recettes des taxes de nuisance.
(17 h 30)
De plus, des crédits d'impôt remboursables
systématiques peuvent naturellement accompagner toute nouvelle mesure de
taxation d'une nuisance et concilier ainsi systématiquement les
objectifs sociaux et écologiques, selon le bon jugement des dirigeants
et de leur électorat. Des taxes de nuisance dont les recettes iraient en
totalité ou en bonne partie à l'établissement d'un
régime de revenu minimum garanti, ce qui ne dépend que d'une
volonté et d'une capacité politiques, seraient des taxes
socialement très progressives.
Enfin, on oublie trop souvent que les impacts de la dégradation
de l'environnement sont eux-mêmes régressifs, touchant beaucoup
plus les pauvres des villes centrales que les classes moyennes aisées
des banlieues ou les classes riches. L'outil primordial du développement
soutenable s'attaque à la surconsommation non soutenable dont les plus
pauvres ne sont certainement pas, presque par définition, les
responsables.
C'est dur à prendre, mais l'information et les efforts personnels
sont totalement inefficaces sans signal de prix. Ainsi, les quelques gestes
suivants permettraient de diminuer radicalement la consommation
d'énergie d'une famille: ne pas avoir plus d'une auto par famille; quand
vient le temps de déménager, aller s'installer près de son
lieu de travail, dans un quartier de densité moyenne ou forte, genre
duplex; d'une manière générale, favoriser les produits
dont la préparation apparaît la moins énergivore; parfaire
l'isolation de son logement; économiser l'eau chaude. Si elle habitait
initialement dans un bungalow de banlieue éloignée, une famille
réussirait ainsi à consommer 10 fois moins d'énergie,
directement et indirectement.
Cependant, si les efforts personnels sont louables, les statistiques
démontrent que sans taxes lourdes sur les nuisances écologiques,
dont le gaspillage énergétique, la seule sensibilisation du
public ne peut pas suffire à diminuer la consommation de
l'énergie. Ainsi, entre 1982 et 1987, dans la région de
Montréal, alors que la sensibilisation écologique de la
population atteignait un niveau record...
J'avais prévu 20 minutes.
Le Président (M. Bélanger): Alors, allez-y.
On est d'accord?
M. Guérard: Surtout que j'arrive à
HydroQuébec.
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Guérard: Bon. Le nombre de familles à deux autos
et plus, pendant que la sensibilisation à l'écologie atteignait
un maximum, a augmenté de 40 % en cinq ans, dans la région de
Montréal. La proportion des déplacements faits par auto passait
de 65 % à 71 %. La part du transport collectif, du transport public,
tombait de 28 % à 23 %. Dans les couronnes nord et sud de
Montréal, il y a maintenant plus de familles avec trois autos ou plus
que de familles sans auto.
La recommandation 3 s'impose naturellement: adopter les taxes de
nuisance comme outil primordial de gestion de la demande
énergétique.
La problématique particulière de l'énergie
électrique au Québec. Le programme d'économies
d'énergie proposé par Hydro-Québec dans son document
"Hydro-Québec et l'efficacité énergétique"
constitue, selon nous, un effort modeste, mais réel, qui donne la mesure
de ce qui est réalisable à l'intérieur des règles
du jeu actuelles, dans le domaine des économies d'énergie.
L'aspect positif du programme vient du fait que ça permettra de limiter
la consommation d'électricité au Québec, en 1999, à
165,1 térawatt-heures, plutôt que de la laisser grimper à
178 térawattheures, scénario moyen.
L'aspect négatif de cette projection correspond, en fait,
à une hausse de la consommation d'électricité de 31 %
entre 1990 et 1999, alors que la commission Brundtland et la Con férence
de Toronto nous demandent plutôt de réduire de 20 % d'ici l'an
2000... Ce n'est pas la bonne direction, mais c'est à peu près le
bon rythme. On pourra toujours argumenter que le cas de
l'hydroélectricité est différent et que sa consommation
industrielle, qui est la principale cause de la forte augmentation
prévue, correspond, en fait, à un déplacement de
consommation de l'électricité produite à partir de charbon
ailleurs dans le monde (aux États-Unis). C'est vrai en partie, mais
moins vrai que le fait que les ventes d'électricité
régulière au Québec ont augmenté de 6,5 % de 1988
à 1989 et que ce taux correspondrait presque à un doublement de
la consommation d'électricité régulière d'ici l'an
2000, si la tendance devait se maintenir. Mais c'est encore moins vrai que le
fait que les ventes d'hydroélectricité excédentaire ont
dû être diminués de façon draconienne pour faire
place à cette croissance incontrôlée de la consommation
d'électricité régulière, générant
ainsi plus de pollution globale et la non-atteinte des engagements
intergouvernementaux du Québec en matière de lutte aux pluies
acides.
Pourtant, le programme d'économies d'énergie
proposé par Hydro-Québec comporte tous les éléments
prescrits par les spécialistes nationaux et mondiaux de
l'efficacité énergétique: de l'isolation des
bâtiments à la cogénération, en passant par les
électroménagers, les fluorescents compacts, les moteurs
industriels à haut rendement, l'éducation et le
développement d'une expertise en matière d'efficacité
énergétique. Il ne faut pas non plus oublier que le programme
repose sur un budget de 1 451 000 000 $ sur 10 ans, ce qui n'est pas rien, quoi
qu'on en dise.
Le caractère non soutenable du plan de développement
d'Hydro-Québec ne provient pas de l'incompétence de ses
dirigeants, ni de la faiblesse de son programme d'économies
d'énergie. Le caractère non soutenable découle
essentiellement de règles du jeu qui vont fondamentalement à
rencontre du développement soutenable. Les prix de l'énergie sont
beaucoup trop bas - même si ça fait mal à entendre - et
trop instables. L'électricité au Québec est deux fois
moins chère qu'aux USA et moins chère que partout ailleurs dans
les pays de l'OCDE étudiés par le Bureau de l'efficacité
énergétique. J'ai les chiffres ici.
Le critère du moindre coût, autre règle du jeu qui
nous empêche de fonctionner par objectifs. Autre règle du jeu,
Hydro-Québec qui est en conflit d'intérêts; on demande aux
producteurs de diminuer la consommation. Les autres formes d'énergie,
enfin, et ce n'est pas la faute d'Hydro-Québec, qui représentent
60 % du bilan de consommation intérieure, ne font pas partie du
portrait.
Cinquièmement, on néglige totalement
l'électrification des transports - trams, trains, trolleys - par fil,
alors que c'est là que l'hydroélectricité a
incontestablement la meilleure efficacité marginale dans la
consommation, la meilleure efficacité marginale dans la
dépollution et la meilleure efficacité structurelle, mieux que
toute autre source d'énergie dans le transport électrique par
fil: trains, trams, trolleys.
Recommandation 4: taxe de 0,05 $ le litre d'essence et de diesel, 500
000 000 $ par année, pour procéder à
l'électrification des transports ferroviaires et publics au
Québec.
Pour conclure, la taxation des nuisances est appelée à
devenir un outil courant et fondamental de gestion de l'environnement,
tôt ou tard. La question vient naturellement: Qui contrôlera ce
nouvel outil macro-écologique ou macroéconomique? Ni le ministre
de l'Environnement, ni le ministre des Finances ne peuvent agir seuls. Le
ministre de l'Environnement n'a pas le pouvoir, le ministre des Finances n'a
pas l'expertise pour imposer les taxes de nuisance. Quant aux comités de
ministres, ils sont lourds et n'ont aucun pouvoir réel.
La réforme institutionnelle la plus efficace, la plus simple, la
plus légère et la plus définitive, selon nous, pour nous
engager dans la voie du développement soutenable consistera à
faire cumuler par la même personne les deux postes de
ministre des Finances et de ministre de l'Environnement. Les cumuls de
ministères sont chose courante dans tous les gouvernements. Le ministre
des Finances et de l'Environnement aura à la fois l'expertise, le
pouvoir et la motivation nécessaires pour opérer l'outil que
constituent les taxes de nuisance. Il aura la volonté politique et,
surtout, la capacité politique d'agir dans le sens du
développement soutenable. Les électeurs seront, en
conséquence, eux aussi, pleinement responsables de leurs choix quant au
niveau de taxation des nuisances qu'ils voudront bien tolérer et quant
à la proportion des recettes des taxes qu'ils souhaiteront voir
réinvestie dans la conservation de l'environnement.
Une telle réforme, mineure au plan institutionnel, aura pourtant
des conséquences fondamentales quant à la réconciliation
de l'environnement et du développement et quant à la
réconciliation de l'écologie (la science de la maison selon ses
racines grecques) et de l'économie (l'administration de la maison selon
ses racines grecques).
Aussi, par souci d'efficacité et de sincérité, il
faut que l'électorat et l'opinion publique exigent l'engagement des
partis politiques à procéder à la nomination d'un ministre
des Finances et de l'Environnement comme seul test valide non pas de leur
volonté politique, mais de leur capacité politique de s'engager
véritablement dans la voie du développement soutenable.
Je vous remercie. C'est un cours de six heures pour mes
étudiants, demain, que je vous ai résumé en 20
minutes.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la ministre.
Mme Bacon: Je vous félicite de votre capacité de
nous résumer ce cours, M. Guérard. Votre mémoire nous
semble quand même contenir une idée très
intéressante et j'aimerais ça qu'on regarde avec vous certains
points. Dans votre exposé, vous vous attardez longuement à
dénoncer la trilogie: auto, bungalow, banlieue. Il est indéniable
que l'usage généralisé de l'automobile privée soit,
en grande partie, responsable de la dispersion urbaine et aussi de la
consommation d'énergie qu'elle sous-tend. Quand même, ce
problème s'inscrit dans un ensemble, qui est beaucoup plus complexe, de
certains phénomènes. Il y a des déplacements interurbains
individuels de travail, de loisir, la sous-utilisation aussi des transports en
commun au profit de l'automobile privée à l'intérieur
même des villes. Il y a l'évasion des urbains vers les campagnes
éloignées les fins de semaine, les résidences secondaires.
Ce ne sont que des exemples, je pense, qui révèlent une situation
où l'automobile privée peut être tenue responsable d'une
grande consommation d'énergie.
Avant de dégager les solutions qui sont appropriées
à un problème, il faut, je pense, non seulement examiner toutes
les facettes, les répercussions, mais aussi, faut considérer les
avantages, les inconvénients qui sont relatifs à chacun des
éléments qui visent à le résoudre.
J'aimerais d'abord cerner avec vous de plus près la nature et
l'ampleur du problème que vous soulevez. Vous parlez de banlieues
éloignées, par rapport aux villes du Québec. Est-ce que
vous pouvez préciser le sens exact que vous accordez à ce concept
de banlieues éloignées?
M. Guérard: Banlieues éloignées. Bien, je
veux dire, Montréal-Nord, c'est une ville collée sur
Montréal, avec 100 000 habitants, 90 000, la plus dense au Canada, je
pense. Puis Rosemère ou Mascouche, ce sont des villes à plusieurs
dizaines de kilomètres du centre-ville de Montréal de
très, très faible densité. La différence de
consommation d'énergie, directement et indirectement, entre une famille
de Montréal-Nord et une famille de Mascouche ou de Rosemère,
c'est un facteur 10. C'est phénoménal, mais c'est ça.
C'est ce qui explique... Puis, vous dites... Mais je voudrais tout de suite pas
juste essayer de me défendre, je voudrais comme...
Mme Bacon: Non, non, on ne vous accuse de rien, là. Vous
n'avez pas à vous défendre, là.
M. Guérard: O.K. Non, non, non, je le sais. Ce que je
voudrais essayer de vous montrer, c'est que vous me parlez de banlieues. Vous
dites: Transport en commun aussi, il y a un problème, parce que, en
banlieue, les gens utilisent leur auto...
Mme Bacon: Ce sont quand même des villes.
M. Guérard: ...ils n'utilisent pas l'autobus, mais les
autobus sont quatre fois plus inefficaces en banlieue, parce que la population
est quatre fois moins dense. Donc, soit que l'autobus est quatre fois plus
vide, donc, pollue quatre fois plus par passager, soit qu'il passe quatre fois
moins souvent, donc, on s'achète un char.
Mme Bacon: Mais même à l'intérieur des
villes...
M. Guérard: Mais tout ça découle d'une
tradition nord-américaine de faible prix de l'essence. Il est beaucoup
plus faible qu'en Europe depuis 60 ans.
Mme Bacon: La revitalisation des centres-villes,
évidemment que ça a des effets: ça chasse la population la
plus pauvre, souvent, au prix des classes plus aisées, des gens qui sont
plus aisés. Est-ce que vous ne croyez pas que la formation de nouveaux
ghettos périphériques pourrait voir le jour, si on suit votre
raisonnement?
M. Guérard: Écoutez, je n'ai pas la
référen-
ce exacte, c'était un organisme de surveillance, on en partait
dans L'actualité récemment. Un article du Devoir
d'il y a quelque temps disait qu'il restait juste 10 % des pauvres du
Québec - et c'est une tendance vers ça - à
l'extérieur des grandes villes, à l'extérieur des grands
centres urbains; que la majorité des plus pauvres sont proches des
centre-villes ou des grandes villes; que les pauvres qui ne sont pas dans les
grandes villes sont dans les petites villes; puis, qu'à
l'extérieur des villes il y a juste 10 % des pauvres du Québec.
Vraiment, les pauvres habitent les villes pour une bonne raison, c'est qu'ils
n'ont pas d'auto.
Mme Bacon: Si on fait la revitalisation des villes et qu'on
chasse les gens qui sont moins aisés, vous allez transporter votre
problème en périphérie?
M. Guérard: Écoutez! Montréal-Nord, c'est la
ville type de ça, qui a hérité des assistés sociaux
déplacés du centre-ville de Montréal. Bon. Ce n'est pas
une banlieue éloignée de type bungalow, Montréal-Nord;
c'est de la très haute densité, la partie des assistés
sociaux étant...
Mme Bacon: Hum!
M. Guérard: Oui, oui, je viens de là.
Mme Bacon: J'ai habité là aussi.
M. Guérard: C'est vrai.
Mme Bacon: Je l'ai habitée aussi.
M. Guérard: Mais c'est l'est de Montréal-Nord qui
est très dense; c'est la ville la plus dense au Canada, la plus
densément peuplée.
Il y a le problème de la "gentrification", effectivement. Ce
qu'on propose dans une annexe du document - mais ça, c'est une mesure
dont je ne voulais même pas vous parler, parce que c'est évident
que ça va être dans 50 ans qu'on va l'envisager - c'est de taxer
à 100 % le gain de capital sur les revenus provenant de la
spéculation sur le fonds de terrain, mais c'est évident que
ça ne passera pas. C'est une façon de tuer la "gentrification",
puis de laisser les pauvres dans des maisons rénovées où
ils sont, oui, mais ce n'est pas demain la veille.
Mme Bacon: Non. J'aimerais peut-être aussi qu'on
considère les effets des mesures que vous proposez. Je pense qu'on
n'ignore pas personne que l'accès à la propriété
privée est plus dispendieux dans les centres urbains qu'en
périphérie. Par le fait d'une taxe de nuisance imposante sur
l'énergie, l'espace urbain deviendrait encore plus convoité, je
pense bien, et la propriété ne serait accessible qu'aux mieux
nantis. Quelles solutions de rechange proposez-vous à la classe
moyenne?
Parce que c'est toujours celle-là qui paye souvent le prix, qui
est désireuse d'élever ses enfants en sécurité et
qui veut avoir un accès direct sur l'extérieur. Est-ce que vous
avez des propositions concrètes pour cette classe moyenne? (17 h 45)
M. Guérard: Écoutez! Moi, primo, je ne
prétends pas que les changements qu'on propose sont plaisants et qu'ils
vont se faire sans hurlements, sans douleur. Ce qu'on propose, c'est un
scénario de développement soutenabJe, le reste, selon nous, ne
sera pas soutenable, O.K. La classe moyenne, comment la protéger? Toute
taxe de nuisance qui vise à arrêter l'explosion urbaine, donc taxe
sur le transport, peut-être sur la faible densité, une partie des
recettes de cette taxe-là peut être retournée à la
classe moyenne. Là, ce peut être sous forme de crédits
d'impôt remboursables, d'une façon assez progressive, de
façon à ce que l'effet soit tamponné, qu'on
décourage le gaspillage de l'énergie, sans pour autant
nécessairement appauvrir injustement la classe moyenne modeste. Mais il
faut voir aussi, une fois qu'on a des millions en recettes, qu'on peut les
investir dans l'achat de banques de terrains près des centres-villes. Ce
sont des choses qui se font. Je veux dire, la ville est à rebâtir;
Montréal est une ville qui a perdu des centaines de milliers de
personnes, pas nécessairement la ville, mais le centre de
Montréal.
Mme Bacon: Peut-être une dernière question, parce
que mon temps achève. Si on en vient au rapport Brundtland, les
principaux problèmes énergétiques mondiaux sont
associés à la combustion des hydrocarbures. Est-ce que vous ne
croyez pas qu'il serait judicieux de maintenir peut-être un écart
de taxation beaucoup plus substantiel entre les différentes sources
énergétiques renouvelables ou non renouvelables? Si on faisait la
différence entre les sources d'énergie renouvelable ou non
renouvelable par rapport à la taxation que vous proposez?
M. Guérard: Mais c'est évident. Si on avait des
trains, tramways, trolleys à l'hydroélectricité qui sont
structurants d'abord, qui ramènent le développement dans des axes
plutôt que de le faire "at large", c'est évident qu'on n'aurait
pas à taxer aussi lourdement cette sorte de transport là qu'est
le transport automobile individuel à une personne par auto qui cause
l'effet de serre, les pluies acides, le "smog" des villes. Une taxe de
nuisance, c'est un outil de direction pour le dirigeant, pour le gouvernement;
ce n'est pas quelque chose qui est mathématique C'est comme un budget,
on prépare ça au jugé pour donner une direction. Si la
taxe n'est pas assez forte, on peut l'augmenter; si elle est trop forte, on
peut la diminuer. S'il y a quelque chose qui n'est pas une nuisance, eh bien,
ce ne sera pas taxé. Une énergie qui n'est pas une nuisance:
le
solaire, si on a des autos solaires... Je n'y crois pas aux autos
solaires, il n'y a jamais de soleil au Québec. Je veux dire, les autos
solaires, ça marche dans le désert de Mojave, aux
États-Unis, où il fait toujours soleil et où le soleil est
beaucoup plus haut dans le ciel, mais, au Québec, c'est une cause
presque désespérée. Mais si ça marchait, les autos
solaires, eh bien, elles ne seraient pas taxées ou à peine, un
peu pour l'étalement urbain.
Mme Bacon: C'est ça. Alors, vous feriez la
différence entre le renouvelable et le non renouvelable.
M. Guérard: Bien, absolument. C'est un outil de direction.
Ce n'est pas un outil aveugle.
Mme Bacon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Bien, je dois vous
dire qu'en ce qui me concerne je trouve très intéressantes un
certain nombre de choses qu'il y a là-dedans. En fart, j'admire la somme
de travail qu'a pu représenter la préparation de ce document et
je me demande, d'ailleurs, si ce n'est pas un document qui fait partie dune
série de cours ou de choses semblables, comme vous avez dit que vous
nous avez résumé en 20 minutes un cours de six heures. Alors,
est-ce qu'il s'agit là d'un document pédagogique que vous
utilisez dans certaines séances de formation? C'est un premier volet de
ma question.
Mais je vous dis que moi, en tout cas, j'ai presque envie de m'excuser
auprès de la population québécoise de demeurer à
quelque 800 kilomètres de Montréal. Je m'imagine que je dois
coûter drôlement cher à la société
québécoise. Dans le fond, ce que je veux dire par là, et
vous me démentirez si je me trompe, c'est qu'il me semble que votre
document ne se base que sur une vision essentiellement urbaine du
problème. Je ne retrouve rien là-dedans qui ait une vision
régionale, qui ait une vision territoriale qui colle à la
situation réelle que l'on vit au Québec en termes d'occupation
d'un vaste territoire de quelque 1 500 000 kilomètres carrés par
moins de 7 000 000 d'habitants, ce qui est quand même différent de
ce que l'on retrouve dans certains pays européens auxquels vous vous
référez. À ce niveau-là, en tout cas, moi, je crois
qu'il y a une dimension territoriale et d'occupation d'un territoire par un
peuple donné qui n'apparaît pas dans votre document.
M. Guérard: O.K. D'abord, le document a été
fait à peu près gratuitement, mais c'est une façon de
parler. Il a été fait depuis à peu près quatre ou
cinq ans. C'est la somme de nos expériences. On fait beaucoup de
demandes de financement et on a peu de réponses, mais on ne se plaint
pas; on sait qu'à un moment donné on va réussir. Bon!
Vous dites que vous restez à 800 kilomètres de
Montréal et vous sentez le besoin de vous excuser. Dans la perspective
des taxes de nuisance, on essaie de rejeter toute moralisation, tout "jouage"
de violon. On dit: Paie la taxe et, après ça, tu es quitte. C'est
une façon de s'acquitter, une taxe de nuisance. C'est comme la taxe sur
la cigarette. Maintenant, vous dites: En région. Effectivement, c'est la
question qui, à part la "régressivité" sociale, revient le
plus souvent. Je vous dirai ceci: Premièrement, il n'y a pas de raison,
quand on reste en région... Oui, voilà! Ce n'est pas parce qu'on
reste en région qu'il est normal qu'on reste à 80 ou à 100
kilomètres de son lieu de travail et qu'on voyage quotidiennement. Je ne
dis pas que c'est un mal; je dis qu'il n'y a pas de raison. À
Montréal, on reste-Une voix: On va se construire des
maisons...
M. Guérard: Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'on
peut très bien rester en région à 10 kilomètres de
son lieu de travail. On ne peut pas rester en région à 10
kilomètres de Montréal, mais on peut rester en région dans
un domicile qui est à 10 kilomètres de son travail. Mais ce n'est
pas, non plus, une nécessité morale. Si on reste à 80
kilomètres de son travail, bien on paiera la taxe; on aura une auto qui
consomme deux fois moins ou trois fois moins; on polluera d'abord trois fois
moins si on a une auto qui consomme trois fois moins. On se sentira moins
coupable et on fera sa part pour, par exemple, financer du reboisement qui va
permettre de refixer le CO2 dans la matière ligneuse. Ce n'est pas une
question de morale. C'est une question d'être quitte avec l'environnement
et avec la société.
M. Claveau: Juste une petite remarque...
M. Guérard: En plus, pour la région, par exemple,
il y a moyen, tout à fait, de trouver des ajustements. On parle de
crédits d'impôt remboursables pour les classes modestes ou
moyennes, correspondant à une taxe de nuisance. Pourquoi pas des
crédits d'impôt remboursables pour certaines fonctions ou
certaines régions, pour les habitants de certaines régions? Une
taxe de nuisance, c'est un outil de direction, un outil de gestion, ce n'est
pas quelque chose comme un impôt sur le revenu qui s'applique
aveuglément.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Je voudrais vous dire que je trouve la notion de taxe
de nuisance intéressante. Aux États-Unis, le sénateur
Kennedy, par
exemple, a proposé à maintes reprises de rendre le
pétrole plus cher et de réduire l'impôt sur le revenu dans
la même proportion pour que les gens soient incités à
consommer moins. Mais, au Québec ou au Canada, on est dans un contexte
un peu particulier, on est le seul pays occidental qui a financé la
consommation de pétrole pendant plusieurs années pour le
maintenir artificiellement en bas du prix mondial. Et, à cet
égard, je trouve que la première page de la partie 3 de votre
document, où on met la consommation d'énergie par pays, est
révélatrice. Je veux dire, le Canada est bon champion per
capita...
M. Guérard: Ah oui! Ce n'est pas un hasard.
M. Bourdon: ...et il y a des pays comme l'Italie ou le Japon, des
pays nordiques aussi qui, au plan du froid, se comparent au Québec - je
pense à la Finlande, je pense au Danemark - qui ont une performance
autrement meilleure que la nôtre. Maintenant, la crainte que j'ai de vos
taxes de nuisance, c'est que le gouvernement ne retienne qu'une partie de votre
discours et qu'il y ait une taxe, mais sans avoir des compensations. Et,
à cet égard, je voudrais vous signaler que, pour ce qui est du
transport en commun, le gouvernement va absolument dans l'autre voie que celle
que vous suggérez. Le dernier budget nous annonce le retour aux
municipalités des frais d'opération du transport en commun. Pour
Montréal, c'est à peu près entre 150 000 000 $ et 190 000
000 $ qui devraient être payés en augmentant les tarifs ou en
augmentant la taxe foncière. Puis, quand on augmente la taxe
foncière, on augmente l'étalement urbain, parce qu'on ne se
cachera pas que, dans une grande ville, les gens qui vont vers la banlieue,
c'est parce qu'à cause des lois du marché le terrain est moins
cher et, donc, les bâtisses à acheter sont moins chères -
ça, c'est un facteur incontournable, comme dirait l'autre - mais c'est
aussi pour fuir les coûts qu'il provoque, parce que les
Montréalais, les gens du centre-ville à Montréal paient
des taxes en partie pour la circulation, pour la pollution, pour ce qui est
amené par ailleurs. Dans ce sens-là, je veux juste vous dire que
je trouve l'idée sympathique d'une plus grande densité, mais le
gouvernement a des politiques d'étalement urbain.
Quant au zonage agricole, c'est la même logique. On veut
dézoner et, donc, dissuader de s'installer au centre et rendre plus
accessible de s'en aller en périphérie. On n'a peut-être
pas assez dit que le zonage agricole au Québec n'a pas que
protégé les terres agricoles. Le zonage agricole a
contribué à densifier un peu et a poussé vers les
centres-villes des développements parce que les lois du marché
faisaient en sorte qu'un développeur qui ne trouvait plus de terrains,
bien, il achetait des vieux immeubles qu'il rénovait pour faire les
logements qu'il y a à faire. Alors, ma question: Est-ce que vous pensez
que le gouvernement est sur la même longueur d'onde que vous?
M. Guérard: O.K. Je pense qu'il n'y a pas grand monde qui
est sur la même longueur, qui va dans la direction de ce que j'ai
présenté O.K. Disons que la TPS fédérale, ça
va complètement dans l'autre sens. On détaxe des produits
éner-givores - la taxe va passer de 13 % pour certains produits
énergivores à 7 % - puis on taxe des services qui sont neutres ou
bénéfiques. Des services de consultants en environnement, c'est
bénéfique à l'environnement; on les taxe maintenant. Bon,
enfin, c'est un détail. Je ne reçois pas d'argent; je ne suis pas
en conflit d'intérêts. Le budget Levesque, effectivement, me
semble aller drôlement dans l'autre sens. Par contre, la critique de M.
Garon, qui dit que ce n'est pas assez ce qu'on donne aux autoroutes, va dans le
même sens que le budget Levesque, mais un peu plus loin. C'est une
nouvelle notion, puis il va falloir commencer à l'apprivoiser et
à l'utiliser. Bon. On ne va pas dans la bonne direction et c'est pour
ça que notre consommation d'énergie actuellement explose. Parce
que notre non-gestion des taxes de nuisance s'additionne à la baisse
internationale des prix de l'énergie depuis quatre, cinq ans. Il y a
ça. Il y a aussi la question que vous avez mentionnée des
arbitrages. Qu'est-ce qu'on va faire? On taxe l'essence. Mais, là, les
pauvres vont être déplacés en périphérie.
Où vont-ils rester? Vu qu'ils vont être loin, ils ne pourront
même plus se déplacer parce qu'ils n'ont pas d'argent. Ils ne
pourront pas rester au centre-ville parce que les terrains vont prendre...
Les arbitrages, ça avait J'ai vu bien du monde sourire, mais le
ministre des Finances et de l'Environnement qu'on propose, c'est la personne
qui, avec des centaines de collaborateurs, mais tous les ministres fonctionnent
comme ça, des centaines de fonctionnaires, pourrait réaliser ces
arbitrages-là. On prend de l'argent sur telle nuisance. Qu'est-ce qu'on
fait avec? Quelle partie de ces recettes-là va être imputée
aux solutions? Quelles parties vont simplement aller à régler le
maudit problème du déficit? Un ministre des Finances et de
l'Environnement serait une personne qui a non seulement la volonté
politique, mais la capacité politique de bouger pour nous faire prendre
le virage vert. Après, on pourra découpler les deux
ministères. Mais pour prendre le virage il faut tourner. Après,
on peut aller tout droit. On découplera. Mais pour tourner, ce serait,
il me semble, le changement institutionnel.
Aussi, juste pour terminer, je ne vous demande pas aujourd'hui d'aller
aux 2 $ le litre, comme on demandait l'année passée, d'ici 10
ans. Je vous demanderais juste d'essayer de faire en sorte que, d'ici quelques
années, on ait 0,01 $, ou 0,02 $, ou 0,03 $ le litre pour financer du
transport en commun. Souvenez-vous, 0,01 $ le
litre d'essence et de diesel, 100 000 000 $. C'est énorme. C'est
un effort que beaucoup de gens consentiraient à faire, 0,01 $ le litre.
Ça ne paraît dans aucun budget.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier notre
invité.
M. Claveau: Oui, peut-être une petite réflexion en
même temps, si vous me le permettez, dans notre enveloppe de temps, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Oui.
M. Claveau: N'allez pas croire que nous prenons à la
légèro ce qu'il y a là dedans. Je pense qu'il y a
énormément de notions qui sont très intéressantes,
des choses qui sont à faire, à titre d'exemple, quand on parlait
des régions tout à l'heure, eh bien, encore là, ce n'est
pas pour être en conflit avec le centre urbain de Montréal; tout
ça doit être complémentaire dans une économie
globale. Mais, par exemple, pourquoi construit-on des routes qui sont à
mesure détériorées par des flottes de camions à
n'en plus finir, alors qu'en même temps on démantèle le
réseau ferroviaire? Alors, c'est là-dessus, d'ailleurs, qu'on se
bat depuis des années, en région, pour garder le réseau
ferroviaire, pour faire en sorte que les compagnies qui opèrent ces
réseaux-là offrent des services et aillent négocier avec
des clients, ce qui ne se passe pas actuellement aujourd'hui. Quand on parle de
construction à la Baie James, par exemple, pourquoi fait monter le
ciment en camions à partir de Montréal jusqu'à la
Baie-James, alors qu'on pourrait lui faire faire plus de la moitié du
chemin en train, jusqu'à Matagami? Et, à ce moment-là, on
vient d'économiser et sur le réseau et sur les polluants qui sont
liés au transport, etc. Il y a plein de choses, là-dedans qui
sont excessivement intéressantes et qui s'appliquent aussi bien en
région qu'ailleurs, que dans les centres urbains.
Là où on aurait éventuellement avantage à
s'asseoir et à discuter un peu plus, c'est sur la notion essentiellement
de taxe de nuisance. Et, juste à titre de référence, ce
n'est pas une question que je pose, là, parce qu'on n'a pas le temps,
malheureusement, mais je prends une ligne, dans votre mémoire, dont les
pages ne sont pas numérotées, malheureusement, et où vous
dites: "Une taxe de nuisance de 8 % sur la facture d'électricité
au Québec rapporterait 500 000 000 $ par année et ne
coûterait rien à personne avec une hausse moyenne de 8 %
d'efficacité d'énergie." Moi, je veux bien, sauf que si vous
arrivez avec ça auprès des quelques centaines de milliers
d'assistés sociaux qu'on a au Québec et qui ne sont
déjà pas des consommateurs à outrance, eh bien, il y a
bien des chances qu'ils ne soient même plus capables de se brancher sur
le compteur d'électricité parce qu'ils ne seront plus capables de
payer. Alors, il y a aussi un genre de décorticage à faire parce
que l'application d'une façon parallèle ou unilatérale
à tout le monde de certaines taxes de nuisance pourrait s'avérer
très compliquée. La taxe sur l'essence, j'en conviens, mais de
quelle façon on va compenser, par exemple, pour les pêcheurs de la
Gaspésie qui tirent déjà le diable par la queue alors
qu'ils ont des moteurs au mazout et qu'ils ont quand même besoin de
s'acheter du pétrole à l'occasion? Tout ça fait partie du
débat.
Ceci étant dit, je vous remercie de la présentation que
vous nous avez faite parce qu'elle nous amène à aller
passablement plus loin dans ta réflexion que l'on doit faire quant
à l'utilisation de l'énergie sur le territoire
québécois. Dans ce sens-là, je crois que vous avez fait
une contribution très louable aux travaux de la commission.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Mme la
ministre.
Mme Bacon: Oui, très courte, M. le Président. Je
remercie M. Guérard de son exposé et je veux lui dire que, quand
on propose des changements profonds de société, il est normal de
donner un peu de temps à cette société de les accepter.
Nous avons voulu avec la commission essayer d'atteindre un consensus au
Québec sur l'énergie électrique. Je pense que votre
intervention est un atout dans tout ce processus de concertation, de dialogue
que nous avons avec les différents groupes et les individus qui viennent
nous voir pour, justement, faire avancer ce consensus de notre
société. Avant d'arriver à adhérer pleinement
à votre proposition, je pense qu'il y a ces étapes-là
qu'il faut franchir et vous en êtes bien conscient, vous aussi. Je vous
remercie de l'apport que vous avez donné à cette commission et je
vous encourage à continuer. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le Groupe de recherche
appliquée en macroécologie et suspend ses travaux jusqu'à
20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux pour procéder
à des consultations générales et à des auditions
publiques sur la situation et les perspectives de l'énergie
électrique.
Ce soir, nous recevons un premier groupe,
la Corporation des maîtres électriciens du Québec,
que j'inviterais à s'approcher de la table des témoins, s'il vous
plaît. Ils seront représentés pas M. GuHbault, M. Gosselin,
M. Noiet, M. Boucher et M. Auger. Bonsoir, messieurs. Nos règles de
procédure: D'abord, vous avez 20 minutes ferme pour la
présentation de votre mémoire et il y aura, par la suite, une
période d'échange avec les parlementaires. Avant de commencer, je
vous prierais d'identifier votre porte-parole, de bien vouloir identifier les
membres de votre équipe et de procéder à la
présentation de votre mémoire. Je vous en prie.
Corporation des maîtres électriciens du
Québec
M. Gosselin (Roger): Mon nom, c'est Roger Gosselin. Je suis
président de la Corporation des maîtres électriciens du
Québec. Je voudrais présenter les gens qui sont ici à la
table. A ma gauche, M. Richard Noiet, qui est président sortant de la
Corporation des maîtres électriciens du Québec, M.
Guilbault, qui est directeur général de la corporation. À
ma droite, M. Jean-Louis Auger, ex-président de la corporation, et M.
Anicet Boucher, secrétaire de la corporation.
Le Président (M. Bélanger): Bonsoir, si vous voulez
présenter votre mémoire, on vous écoute.
M. Gosselin: La Corporation des maîtres électriciens
du Québec a examiné la proposition de plan de
développement d'Hydro-Québec pour la prochaine décennie.
Les chiffres cités sont vertigineux: 62 000 000 000 $ d'investissement
sur 10 ans, dont 43 000 000 000 $ devront être empruntés. 85 000
emplois seront reliés au cours des trois prochaines années aux
activités d'Hydro-Québec. Les retombées économiques
pour le Québec sont faramineuses. Partout, des
mégadonnées, de mégaprojets pour un
mégaorganisme.
Par contre, il faut bien l'avouer, au cours des dernières
années les pannes ont été plus nombreuses, la
détérioration du réseau de distribution et plusieurs
reportages médiatiques plutôt négatifs ont
considérablement ébranlé le géant qu'est
Hydro-Québec. La confiance de sa clientèle a été
altérée. Le doute s'est installé. Toute orientation, toute
initiative, toute décision d'Hydro-Québec doivent être
longuement expliquées, d'autant plus que chaque citoyen entretient le
sentiment qu'Hydro-Québec lui appartient un peu.
Dans tout ce contexte, la proposition de plan de développement
d'Hydro-Québec a suscité à la Corporation des
maîtres électriciens du Québec une curiosité
intéressée.
Les visions et les perspectives. Les gestionnaires d'Hydro-Québec
nous transmettent leur vision, leurs solutions, avec une bonne ouverture
d'esprit et saisissent bien, de l'avis de la CMEQ, les préoccupations
des Québécois et leurs atten- tes. Quelques extraits du plan
l'illustrent bien: "Vous attendez d'Hydro-Québec un service de
première qualité et de l'électricité en
quantité suffisante... Ces propositions permettront d'assurer le
maintien d'un équilibre entre les besoins du Québec et les
ressources disponibles, tout en assurant une meilleure utilisation de
l'électricité." Néanmoins, une contrepartie s'impose et
HydroQuébec nous le rappelle: "Un prérequis demeure toujours
vrai: notre entreprise doit être en bonne santé financière
pour pouvoir assurer sa mission." Autrement dit, Hydro-Québec pose les
vrais enjeux: Vous voulez la qualité du produit, la qualité du
service, alors donnez-nous les moyens pour atteindre ces objectifs. Ces moyens
totalisent plus de 4 000 000 000 $. Hydro-Québec ne se défile pas
et fait preuve de lucidité.
Voici d'autres extraits: "Nous croyons que vos exigences en
matière de qualité de service sont pleinement
justifiées..." À un autre endroit on peut lire: "Nous
réduirons de moitié la durée moyenne des interruptions de
courant pour atteindre une performance comparable à la moyenne des
autres entreprises canadiennes d'électricité. Enfin, nous
réduirons les délais de raccordement des nouveaux clients..."
Pour les entrepreneurs électriciens, ce dernier objectif
réalisé sera un soulagement. En matière d'installation
électrique, le maître électricien est le maillon entre le
client et le producteur d'électricité. Tout délai de
raccordement ne suscite que mécontentement et frustration. La CMEQ est
d'accord avec les objectifs définis et les moyens ont été
identifiés
Un choix: les économies d'énergie et le
développement durable des ressources hydroélectriques. Les
documents d'Hydro-Québec nous apprennent que: "Depuis 1983, la
consommation d'électricité des Québécois a
augmenté de 50 % et 90 % des ensembles d'habitation sont chauffés
à l'électricité." Les besoins continuent d'augmenter.
Hydro-Québec précise qu'elle doit prendre les mesures pour
réduire la croissance de notre consommation et pour assurer un
développement durable des ressources À cet effet,
Hydro-Québec privilégie les économies d'énergie et
le développement durable des ressources hydroélectriques La CMEQ
souscrit à cette orientation qu'elle juge fort sage D'ici à 1999,
Hydro-Québec a l'intention d'investir quelque 1 800 000 000 $ dans une
vingtaine de programmes destinés à réaliser une
économie d'énergie Selon Hydro-Québec, ces programmes
permettront d'équilibrer l'offre et la demande tout en augmentant la
marge de manoeuvre nécessaire pour assurer le développement
à long terme du Québec.
Prévoir aujourd'hui les besoins de demain. Pas de choix possible,
il faut aller de l'avant. Les besoins en électricité des
Québécois augmenteront en moyenne de 2 % par année d'ici
l'an 2006: une augmentation totale de 40 % en 16 ans. Il faut donc mettre en
chantier de nouveaux
projets de centrales et de lignes. S'il faut compter 10 ans entre le
moment où HydroQuébec entreprend des études pour
construire une centrale hydroélectrique importante et le moment
où celle-ci commence à produire de l'électricité,
il ne faut pas hésiter: les moyens nécessaires doivent être
pris pour assurer la mise en service du complexe Grande-Baleine, en 1998.
La santé financière d'Hydro-Québec. Le programme
d'équipement d'Hydro-Québec exigera des investissements de 62 000
000 000 $, dont 43 000 000 000 $ devront être financés par des
emprunts. Hydro-Québec maintient qu'elle a fait tous les efforts pour
comprimer ses dépenses et affirme que plusieurs facteurs ont assombri
ses pronostics financiers, dont la faible hydraulicité, la baisse des
ventes à l'exportation et le coût de nouveaux programmes.
Ces constatations sont pondérées par le fait
qu'Hydro-Québec admet qu'il est encore possible d'améliorer la
productivité individuelle de ses employés et que des efforts sont
faits dans ce sens. Sur ce point précis, la CMEQ se doit de
surenchérir. À n'en point douter, le plan de développement
est solide quant à son analyse technologique, financière,
prévisionnelle, environnementale et économique.
Il y a un doute sur la productivité des ressources humaines. Or,
les meilleurs scénarios ne sauraient tenir sans l'implication et la
productivité des ressources humaines. Les relations de travail sont
tendues chez Hydro-Québec. Les dirigeants ne peuvent pas toujours
assurer une gestion efficace des ressources humaines et toute perte de
productivité se reflète nécessairement sur les coûts
d'opération.
Dans un tel contexte, comment parler de qualité de services sans
une certaine responsabilisation des employés et des syndicats? Cette
seule question de la productivité des ressources humaines peut
démolir le plan de développement d'Hydro-Québec,
subtilement, pernicieusement et de façon durable. C'est pourquoi la CMEQ
estime que la productivité des ressources humaines doit être au
centre des discussions au cours de chacune des présentes et prochaines
négociations.
Le rôle de la sous-traitance. Si l'augmentation de la
productivité des ressources humaines d'Hydro-Québec est une
question primordiale, le développement de la sous-traitance l'est tout
autant. Hydro-Québec doit favoriser l'octroi de contrats à des
entreprises privées. Il est économiquement
bénéfique que les entreprises privées profitent des
retombées du plan de développement proposé par
Hydro-Québec. Il s'agit d'une saine concurrence où
Hydro-Québec peut profiter du rendement des entreprises les plus
productives, tout en diminuant ses coûts. Bien souvent l'exécution
de travaux ad hoc ne justifie pas la permanence d'employés. À
plusieurs reprises, il a été démontré que dans de
nombreux cas la sous-traitance demeure la solution idéale, tant sur le
plan technique que financier. Dans le cas d'Hy- dro-Québec, les
retombées économique de son plan de développement doivent
profiter au plus grand nombre possible d'entreprises québécoises
et à plus forte raison si elles ont le faire-faire
nécessaire.
Conclusion. Hydro-Québec a défini dans son plan de
développement des objectifs réalistes et attendus: la
qualité du produit, la qualité du service et une augmentation de
sa capacité de production pour pourvoir aux besoins futurs et
anticipés. Elle réclame avec raison des moyens financiers pour
réaliser ses objectifs. La CMEQ estime que l'augmentation de la
productivité des ressources humaines d'Hydro-Québec est une
condition essentielle à la réalisation du plan proposé par
Hydro-Québec et que la sous-traitance est le meilleur moyen pour
réduire les coûts, favoriser une meilleure productivité et
développer un faire-faire indispensable à l'évolution de
l'économie québécoise. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
président.
Mme la ministre.
Mme Bacon: M. Gosselin et messieurs, d'abord je veux vous
remercier de votre présence à cette commission parlementaire, qui
est une présence importante pour l'intérêt, je pense, de la
discussion que nous avons en ce moment et qui va durer tout le mois de mai.
Vous soulevez dans votre mémoire la question de la
réduction des délais de raccordement des nouveaux clients. Quel
devrait être, selon vous, un délai raisonnable pour le
raccordement de nouveaux clients?
M. Gosselin: Quand les installations électriques de base
sont faites, je pense que les critères d'Hydro-Québec, il y a
quelques années, étaient de trois jours - à moins que je
ne me trompe - et actuellement il y a des délais qui sont souvent plus
importants que ça. Évidemment, je ne parle pas des endroits
où les réseaux ne sont pas rendus, où il y a des
études de réseaux à faire, mais évidemment,
là encore, il y a de la concordance probablement à faire entre
les services d'Hydro-Québec pour que les travaux se réalisent le
plus rapidement possible. Un délai raisonnable, autrement dit, dans une
situation normale, ça pourrait être trois jours.
Mme Bacon: Trois jours. Le thème de la productivité
d'Hydro-Québec occupe aussi une place importante dans votre
mémoire et vous savez comme on a mis l'accent sur la productivité
après la commission parlementaire sur la tarification. Est-ce que vous
pourriez nous préciser votre perception des moyens pour accroître
la productivité chez Hydro-Québec? Est-ce que, selon vous, il
faudrait des ajustements sur le plan de la rémunération seulement
ou encore est-ce qu'il faudrait des changements
dans l'adaptation de nouveaux modes de gestion? Est-ce que c'est par les
modes de gestion ou par la rémunération des ressources? Qu'elle
serait pour vous la meilleure façon d'accroître la
productivité?
M. Gosselin: Savez-vous que la question est bonne, la
réponse est plus difficile. Dans un cas comme...
Mme Bacon: II y a plusieurs facettes.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M.
Guilbault.
M. Guilbault (Y von): La question, évidemment, n'est pas
facile pour des gens qui sont de l'extérieur, surtout quand on parle de
gestion de ressources humaines, et là on fait affaire, vous le savez,
à beaucoup d'impondérables. Pour être des gens qui
travaillons régulièrement avec Hydro-Québec, il y a une
perception très nette et très claire que la productivité
des ressources humaines d'Hydro-Québec a gravement
périclité au cours des dernières années. C'est une
constatation qui est faite par une perception, donc ce n'est pas une, ce n'est
quand même pas une déduction qui provient d'analyses techniques.
Les gens le sentent, les gens le voient par des délais, par des
façons de répondre, par vingt coups de téléphone
avant qu'il y ait une réponse, plutôt que deux coups de
téléphone. Ce qui fait que ce qui circule dans notre milieu, ce
n'est sûrement pas par des augmentations de salaire qu'on peut
résoudre ces questions-là. Les joueurs de baseball en ont des
augmentations de salaire, et pourtant ça ne résoud pas tous les
problèmes. C'est sûrement par des modes de gestion et une
complicité entre la direction et les employés, puis cette
complicité-là, on ne la sent pas, un peu tout le monde se fout du
résultat au bout de la ligne et tout le monde en souffre un peu, puis,
pourtant, à peu près tout le monde a le sentiment
qu'Hydro-Québec lui appartient un peu, ce qui devient fort frustrant
Mme Bacon: D'accord.
M. Guilbault: Alors, c'est définitivement du
côté des moyens de gestion...
Mme Bacon: Les moyens de gestion...
M. Guilbault: À long terme. Le salaire, ça, on l'a
une journée, et le lendemain on pense à la prochaine qu'on va
avoir.
Mme Bacon: II n'y a rien de plus vieux qu'une ancienne
convention.
M. Guilbault: Pardon?
Mme Bacon: II n'y a rien de plus vieux qu'une ancienne
convention.
M. Guilbault: À peu près ça, et le
lendemain.
Mme Bacon: Vous préconisez un recours accru
d'Hydro-Québec à la sous-traitance pour réaliser son
mandat. Quels sont les critères, peut-être, de partage des travaux
entre l'interne et l'externe que vous favorisez9 Est-ce qu'on doit
accorder l'entretien à l'interne, la construction à l'externe, ou
si on doit aller selon les besoins qu'Hydro-Québec sent dans les travaux
à faire immédiatement?
M. Gosselin: Évidemment, encore là, il y a une
stratégie de gestion qui va entrer en ligne de compte au niveau de la
planification de la sous-traitance, mais il est bien évident qu un peu
plus loin dans le mémoire on souligne qu'on a l'impression comme
Québécois qu'Hydro-Québec nous appartient un peu, et je
pense que tout le monde voudrait avoir, peut-être, la chance d'y
travailler tout au moins dans les travaux de construction, même dans les
travaux d'entretien, si ce sont des travaux qui ne justifient pas l'embauche de
personnes permanentes, de façon annuelle, dans le domaine. Mais, au
niveau de la sous-traitance, ce qui est revenu le plus souvent, nous autres, au
cours des discussions - c'est évident que c'est un choix de gestion,
aussi, à l'intérieur de ça - c'est: si c'est moins cher
d'aller en sous-traitance, pourquoi ne pas aller en sous-traitance, quand c'est
moins cher? Ça se résume peut-être à ça,
comme stratégie. Mais, à savoir quels travaux devraient aller en
sous-traitance, je pense que notre mémoire ne rentre pas en profondeur
à l'intérieur de ça. Je ne sais si c'est assez clair.
Mme Bacon: D'accord. Vous soulevez aussi, dans les
problèmes des délais de raccordement, les pannes qui sont plus
nombreuses, la détérioration du réseau de distribution, en
termes de faiblesse. Au niveau de la qualité de service, si on
s'arrête à seulement la qualité de service, est-ce que vous
pourriez nous indiquer d'autres éléments qui pourraient faire
l'objet d'une attention particulière dans l'effort d'amélioration
de la qualité de service? Est-ce qu'il y a d'autres
éléments, qui pourraient paraître même mineurs ou
même majeurs, mais qui pourraient améliorer la qualité de
service? Souvent, ce sont de petits éléments comme ça, et
il y a une accumulation d'éléments qui fait que le service est ou
bon ou mauvais.
M. Guilbautt: Évidemment, on va parler pour notre groupe,
notre version des choses. Les entrepreneurs électriciens, il y en a
3000. au Québec. Donc, ce sont des entrepreneurs. Ce qui fait que,
chaque fois qu'il y a un raccordement à faire au réseau, ou une
modification d'installation
qui implique un raccordement au réseau, ça implique une
communication avec Hydro-Québec. Et, encore là, l'entrepreneur
électricien va faire affaire directement avec le client. À partir
du moment où il y a des délais entre la commande passée
par le client à l'entrepreneur électricien et un délai
entre l'entrepreneur électricien et Hydro-Québec, c'est ce qui
suscite du mécontentement.
Je pense que, dans le milieu, à peu près tout le monde
pourrait vous donner des exemples où il y a eu des retards absolument
indus, où on est absolument incapables de mettre la
responsabilité sur quelqu'un. Comme si ce n'était la faute de
personne. Or, pour donner du service, c'est clair que ça prend des
normes, ça prend des procédures, ça prend de la gestion.
Souvent, on a de la difficulté à identifier qui est le patron
à Hydro-Québec, à partir de la base. Et ce n'est pas un
phénomène normal. Donc, pour les entrepreneurs
électriciens, pour eux, la qualité du service, on ne parle pas
vis-à-vis du public, mais la qualité du service, c'est
d'être capable de rejoindre les gens à Hydro-Québec
lorsqu'ils ont des questions à leur poser, en termes de techniques, en
termes de modifications, ce qu'on appelle, dans le milieu, le livre bleu,
c'est-à-dire toutes les procédures pour procéder au
raccordement sur le réseau d'Hydro-Québec. Mais, si cette
communication-là est très lente et qu'il y a des délais
absolument inacceptables, vous comprendrez que c'est le public qui en souffre
au bout de la ligne et l'entrepreneur électricien est mécontent,
parce que son client est mécontent, et ainsi de suite. La perception du
milieu, c'est qu'il est souvent très difficile de mettre le doigt sur le
responsable de quelque chose. Comme s'il n'y avait pas de définition de
tâche. Vu de l'extérieur, c'est quand même très
difficile, parce qu'Hydro-Québec c'est gros. C'est difficile à
mettre le doigt sur le bobo.
Mme Bacon: C'est ça. Vous appuyez aussi, à la page
4 de votre mémoire, l'orientation que prend Hydro-Québec par
rapport à privilégier les économies d'énergie.
Comme Corporation des maîtres électriciens est-ce que vous auriez
d'autres suggestions à faire à Hydro-Québec relativement
à des façons d'économiser l'électricité?
M. Guilbault: Dans la trentaine de moyens qui sont listés
dans le document produit par Hydro-Québec, c'est évident qu'avec
le temps il va s'en ajouter d'autres. Pour nous, les moyens
préconisés par Hydro-Québec ne sont pas exhaustifs, dans
le sens que, s'il y a d'autres bonnes idées qui se rajoutent dans le
temps, il est évident qu'Hydro-Québec va en prendre
considération. On a retenu l'idée d'amener les gens à
concevoir les économies d'énergie comme un mode de vie. C'est
comme ça qu'on l'entrevoit, nous. Déjà, on a des
communications avec Hydro-
Québec concernant certains projets, comme ce qu'on appelle les
options résidentielles que la Corporation a fortement publicisées
au cours des derniers mois, pour amener les gens, les acheteurs de maison ou
ceux qui font de la rénovation à penser économie
d'énergie au moment de la construction de la maison et non après,
quand les murs sont fermés et que ça devient excessivement
dispendieux de faire des réparations. Ces discussions-là sont en
cours. Pour nous, c'est carrément une question d'ouverture d'esprit,
face aux économies d'énergie. Ce qui n'était pas possible
il y a quatre, cinq ans, parce que les gens s'en foutaient royalement,
maintenant, ça s'en vient dans les moeurs parce que les journaux en
parlent. Quelqu'un qui ne s'intéresserait pas aux économies
d'énergie ne serait pas à l'avant-garde.
Nous, notre travail, dans une organisation comme la Corporation, c'est
d'amener les entrepreneurs à penser économie d'énergie
quand elle offre les produits directement au public. C'est un peu le rôle
qu'on joue à l'heure actuelle. C'est ce qu'on a fait dans un programme
comme les options résidentielles qu'on va publiciser, encore une fois,
au cours des prochains mois et des prochaines années.
Mme Bacon: Par rapport à Hydro-Québec, vous vous
permettez de leur faire aussi des recommandations en cours de route?
M. Guilbault: Absolument. Parce que les meilleures
recommandations, si elles ne sont pas applicables, ça cause
drôlement... C'est du rêve. Dans le fond... Je vous donne un
exemple de ce qu'on fait, en collaboration d'ailleurs avec Hydro-Québec:
On amène, régulièrement et progressivement, les
entrepreneurs électriciens vers des programmes comme celui-là, en
les identifiant et en les forçant à s'identifier comme tels,
comme étant intéressés à un phénomène
comme les économies d'énergie Et sur 3000, en l'espace de six
mois, il y en a 400 qui se sont dit: Nous, on est intéresses à
embarquer dans des programmes comme ceux-là, à parler avec la
clientèle de ce qu'ils pourraient ajouter dans la maison comme
économies d'énergie, et ainsi de suite. 400, ça ne
paraît peut-être pas beaucoup. En fait, c'est énorme, dans
un premier temps. C'est de donner la tendance, de telle façon que, si
quelqu'un ne suit pas cette tendance-là, il a l'air un peu fou en
arrière, et là c'est strictement humain, mais c'est comme
ça qu'on procède un peu.
Mme Bacon: Ça je pense que c'est donner le ton, aussi.
M. Guilbault: C'est ça.
Mme Bacon: Vous illustrez aussi, dans l'annexe de votre
mémoire, le rôle des entrepre-
neurs électriciens, et leur importance dans l'économie du
Québec. Vous dites que vous employez quand même, directement, plus
de 12 000 salariés de la construction. Vous versez annuellement environ
280 000 000 $ en salaires. Est-ce que vous pourriez nous décrire
l'impact que pourraient avoir des projets, là, dans le plan de
développement d'Hydro-Québec cur votre secteur d'activité
en particulier? (20 h 30)
M. Guilbault: Ah l'impact peut être énorme, dans le
sens où souvent... comment expliquer? Les entrepreneurs
électriciens, évidemment, sont indépendants l'un de
l'autre. Ils sont 3000 mais ils sont indépendants. Une bonne partie va
s'intéresser au secteur résidentiel, le secteur de la
rénovation. D'autres vont surtout être spécialisés
dans de la grosse construction industrielle ou institutionnelle. Les programmes
d'Hydro-Québec, s'ils sont pensés, systématisés,
ça permet à une organisation comme la nôtre d'orienter tous
ces entrepreneurs-là dans la même direction. Parce qu'il ne faut
pas oublier que, comme ils sont indépendants l'un de l'autre, chacun a
son idée, et par définition, parce que ce sont des entrepreneurs,
on peut vous dire que ce sont souvent des personnes fort individualistes. Et si
les programmes d'Hydro-Québec, par sa puissance - parce que,
écoutez, quand on parle de 62 000 000 000 $, c'est quelque chose - et
son image, peuvent amener les gens à travailler dans une même
direction, c'est ce que ça peut produire. En termes de chiffres, on ne
peut pas quantifier ce que ça peut représenter. Par contre, on
sait que ça solidifie des emplois, parce que ça force des gens
à se spécialiser, plutôt que courir après chaque
contrat qui passe.
Mme Bacon: Pour être prêt à faire face
à... M. Guilbault: C'est ça Mme Bacon: ...à
toute éventualité. Merci. M. Guilbault: Parce que...
pardon. Mme Bacon: Allez-y.
M. Guilbault: Parce qu'un entrepreneur, évidemment, par
définition, cherche des contrats et, s'il n'est pas
spécialisé, il va soumissionner dans beaucoup de cas, surtout
dans les petites villes, sur à peu près tous les contrats qui
vont passer. Tandis que, s'il est identifié comme un expert en
économies d'énergie offrant des produits et étant la
personne qui connaît ça, c'est évident qu'à ce
moment-là les gens qui vont travailler pour lui vont avoir un emploi
mieux assuré, et ainsi de suite.
Mme Bacon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. J'ai
écouté avec intérêt votre présentation. Je
trouve, dans le texte de votre mémoire, que vous avez été
fidèles à votre lettre que vous adressiez au secrétariat
de la commission le 6 avril, où vous disiez que vous souhaitiez
intervenir pour donner un appui de principe au plan de développement
d'Hydro-Québec, tout en formulant certains commentaires sur la
productivité de l'entreprise et sa politique de sous-traitance. C'est
effectivement ce que l'on retrouve dans votre mémoire. Si j'avais un
commentaire complémentaire à faire, c'est que je constate que
votre mémoire, par contre, évacue complètement le grand
problème de société auquel nous sommes confrontés
et que nous aimerions discuter avec tous ceux qui participent à cette
commission parlementaire, c'est-à-dire le développement
hydroélectrique versus les problèmes environnementaux ou en
fonction des orientations que l'on doit prendre comme société
quant à l'utilisation de l'électricité et aux
modalités de production de cette même
électricité-là.
Ce qui m'amène à une première question. En page 5
de votre mémoire, vous dites, et c'est très précis, il n'y
a pas de tergiversation là-dessus: "Les moyens nécessaires
devront être pris pour assurer la mise en service du complexe
Grande-Baleine en 1998." Qu'est-ce que vous entendez essentiellement par moyens
nécessaires? Connaissant très bien toute la problématique
qui tourne autour du complexe Grande-Baleine, la position des autochtones qui
vivent sur le territoire, qui vont continuer à y vivre, qui ont
probablement leur mot à dire, eux aussi, là-dedans concernant les
impacts environnementaux que ça va avoir, enfin, toute la dynamique qui
existe actuellement autour du projet Grande-Baleine, ça ne semble pas
vous préoccuper particulièrement. Vous dites: Tous les moyens
nécessaires devront être pris pour que ça soit
réalisé. Quels sont tous ces moyens nécessaires?
M. Gosselin: Ça nous préoccupe, c'est
évident. D'ailleurs, on le souligne en page 6 du mémoire. Mais,
quand on regarde le document synthèse ou le document
préparé par HydroQuébec, on remarque que le
problème environnemental est quand même assez largement couvert et
on pense que les moyens nécessaires doivent être pris pour assurer
la mise en service du complexe Grande-Baleine en 1998 II est bien
évident que le problème environnemental fait partie des
discussions qui doivent avoir lieu préalablement à la mise en
place des structures. Je pense que, dans notre esprit, c'était clair. Je
ne sais pas si ça répond à votre question.
M. Claveau: Moi, c'est quelque chose en rapport avec la
formulation dans le fond. C'est qu'on ne souhaite même pas que ça
se réalise.
On demande que l'on prenne nécessairement les moyens pour que
ça se réalise. Alors, ce n'est pas évident. Il pourrait
éventuellement arriver pour une raison ou une autre, à l'issu des
débats là-dessus, malgré un souhait, que ça ne se
réalise pas quand même.
M. Guilbault: Oui, mais il faut comprendre l'optique dans
laquelle on a écrit notre mémoire. C'est évident que vous
avez réalisé que ce n'est pas un mémoire chiffré
dans le sens que ce n'est pas un mémoire technique, ce n'est pas un
mémoire qui a touché tous les aspects de la question. Autrement
dit, ce n'est pas parce qu'on ne les a pas touchés qu'on n'en est pas
conscients. L'optique qu'on a prise c'est que globalement il y a des besoins
qui sont là. Les gens veulent la qualité du service; ils veulent
la qualité du produit. Alors, il y a une constatation que s'ils veulent
la qualité du service et la qualité du produit, si on
évalue les besoins pour les 10 prochaines années, il y a des
décisions qui doivent être prises. On n'est pas naÏÏs au
point de croire que ces décisions-là n'engendreront pas ou
n'occasionneront pas des difficultés. Ce qu'on dit c'est qu'il faut
prendre les décisions pour combler ces besoins-là et les moyens
qui ont été... c'est-à-dire la façon de combler ces
besoins, ce sont des barrages hydroélectriques. Ce qu'on dit c'est qu'on
souscrit au moyen hydroélectrique de produire
l'électricité mais c'est évident que, dans toute
décision qui implique la société, il y a des groupes qui
vont avoir des commentaires qui vont être négatifs. Ça ne
veut pas dire de les mettre de côté mais ça veut dire de
tenter de trouver des solutions. Autrement dit, s'il n'y a pas d'idées
meilleures que celles qui sont exprimées par le plan de
développement, bien, qu'on aille de l'avant. C'est ce qu'on a voulu
dire.
M. Claveau: Dans un autre ordre d'idées, un peu plus loin
dans votre mémoire, vous faites référence à la
dynamique interne d'Hydro-Qué-bec, les problèmes de relations du
travail, d'appartenance, d'intérêt des travailleurs par rapport
à l'entreprise, etc., et on sait très bien qu'un des gros
problèmes actuellement, qui est peut-être... En tout cas, un des
noeuds importants des relations du travail à l'intérieur
d'Hydro-Québec, c'est la question de la sous-traitance. Vous souhaitez
que l'on règle le problème des relations du travail à
Hydro-Québec pour que ça aille de mieux en mieux et que
l'entreprise soit efficace, etc. Par contre, en même temps, tout de suite
à la page suivante, vous souhaitez qu'Hydro-Québec favorise... Et
vous allez plus loin que ça parce que vous dites: "Hydro-Québec
doit favoriser - donc ce n'est pas un souhait, c'est une
nécessité dans votre esprit - l'octroi de contrats à des
entreprises privées." Advenant le cas où le problème des
relations du travail à Hydro-Québec serait résolu en bout
de piste justement par l'abandon de certains contrats concernant les
entreprises privées, des contrats de sous-traitance, que ça
deviendrait nécessaire pour régler des problèmes, est-ce
que vous maintiendriez toujours quand même que l'on doive favoriser les
relations du travail à l'intérieur d'Hydro-Québec comme
étant une des premières choses auxquelles on doive
s'attaquer?
M. Guilbault: Votre question concerne la sous-traitance? C'est
parce qu'à un moment donné vous avez parlé de
sous-traitance et je n'ai pas fait le joint avec votre conclusion.
M. Claveau: Non, non. C'est parce que vous dites qu'on doit tout
faire, en fait, pour régler les problèmes de relations du travail
à l'intérieur d'Hydro. D'une part, vous dites ça. D'autre
part, vous dites: Hydro doit continuer à donner des contrats de
sous-traitance. Moi, je dis: Soit, mais si on arrivait à la conclusion
que pour justement régler les problèmes internes de relations du
travail à Hydro et améliorer la qualité du service, la
productivité, etc., à l'intérieur des structures
mêmes d'Hydro-Québec, on doive y sacrifier à la
sous-traitance, seriez-vous d'accord toujours pour qu'on donne quand même
la priorité à l'amélioration des relations du travail et
de l'efficacité interne à l'Hydro-Québec?
M. Guilbault: On ne peut pas être cartésien comme
votre question le laisse supposer. Quand il y a des investissements de 62 000
000 000 $ dans une société comme celle dans laquelle on vit, je
pense que les gens s'attendent à ce qu'il y ait une redistribution de
ces investissements-là. Là, c'est carrément des choix de
société. C'est évident qu'à un moment donné
les gens qui vont travailler pour Hydro-Québec vont vouloir avoir tout
le gâteau si nécessaire, puis ceux qui n'en ont pas en veulent une
partie. Mais quand il y a 62 000 000 000 $ d'investissements, ça serait
tout à fait normal que le gâteau déborde sur le reste des
entrepreneurs québécois. Et ça, ce sont des choix de
société, ça ne se fait pas toujours très
facilement, ça peut se faire par des choix politiques. Mais, si vous
posez la question à des gens d'Hydro-Québec, c'est-à-dire
les syndicats et ainsi de suite, c'est clair qu'ils vont vous répondre
que tout devra être fait par les employés d'Hydro-Québec.
Mais, comme entrepreneurs, il nous apparaît clair, à cause de la
dimension tout à fait gigantesque des retombées
économiques des investissements d'Hydro-Québec, que les
entrepreneurs aient non seulement leur part du gâteau, mais puissent
aussi développer un faire-faire supposé par ces investissements
qui sont tout à fait faramineux. On ne peut pas poser la question avec
un choix comme celui-là. On ne peut pas.
M. Claveau: Bien, un jour ou l'autre, il va
falloir qu'il y ait un choix qui se fasse. Vous avez dit vous même
que c'est un choix de société.
M. Guilbault: Bien, écoutez. Si vous voulez une
réponse très précise, la sous-traitance, c'est clair que
les entrepreneurs privés doivent en avoir et, s'il y avait un choix
à faire, il faudrait que les employés d'Hydro-Québec
comprennent qu'ils font partie de la société
québécoise mais tout le gâteau ne leur appartient pas. Si
vous voulez une réponse précise.
M. Claveau: Mais les employés d'Hydro-Québec, de
toute façon, n'ont jamais demandé tout le gâteau. Est-ce
que vous seriez d'accord, par contre, que l'on définisse une fois pour
toutes et, ce, d'une façon non imposée mais à la suite de
négociations vraiment en bonne et due forme, que l'on définisse
vraiment une ligne qui délimiterait ce qui doit aller à la
sous-traitance et ce qui doit rester à l'interne à
Hydro-Québec?
M. Guilbault: Oui. Mais, vous savez, normalement, de la
façon dont ça se passe dans ce genre de chose là, on ne
nous demande pas nécessairement notre avis. Il y a une
négociation entre la direction d'Hydro-Québec et les syndicats
d'Hydro-Québec. Et les entrepreneurs privés, ce qu'ils peuvent
faire, ils peuvent se présenter en commission parlementaire, comme ici
ce soir, en toute démocratie et dire: Nous autres aussi, on veut notre
part du gâteau. On n'est pas nécessairement partie à cette
négociation-là, malheureusement.
M. Claveau: O.K. Je vais passer à d'autres questions puis
peut-être que mon collègue de Duplessis aurait une ou deux
questions à poser après là-dessus. Mais je voudrais quand
même, là... Dans la dynamique des relations entre les
entrepreneurs qui font la connection, si vous voulez, du service et
Hydro-Québec, il semble y avoir un problème. Hydro-Québec
nous disait en commission parlementaire, il n'y a pas plus tard que quelques
semaines, au moment de parler de la tarification, qu'elle avait beaucoup de
difficulté à planifier au niveau régional parce que,
d'abord, elle n'est pas toujours avertie des modifications qu'il peut y avoir,
par exemple, quant au chauffage, du changement du mazout à
l'électricité. D'autre part, il peut y avoir, ça arrive
qu'il y ait des nouveaux quartiers résidentiels, dans des nouveaux
secteurs de développement qui sont connectés au réseau
sans que pour autant Hydro-Québec soit avertie. Ce qui fait, finalement,
que dans certaines régions on se retrouve avec une surcharge par rapport
aux installations, aux équipements mis en place par Hydro-Québec,
alors que dans d'autres régions les équipements dépassent
largement la demande.
Alors, comment pensez-vous qu'on pourrait réussir à
établir un mécanisme qui ferait en sorte que, lorsque vous allez
connecter de nouvelles résidences ou lorsque vous faites des
modifications, par exemple, pour changer un système de chauffage du
mazout à l'électricité, les instances
d'Hydro-Québec concernées soient immédiatement averties
pour pouvoir, elles aussi, prévoir d'avance les travaux qu'elles auront
à réaliser sur leurs installations?
M. Gosselin: Je vais recommencer. Juste pour clarifier,
peut-être, la situation, il y a déjà un mécanisme
qui est en place, qui est un formulaire que l'entrepreneur électricien
doit compléter pour toute entrée électrique ou toute
modification dépassant une certaine charge et en faire rapport à
Hydro-Québec avant que tous travaux soient entrepris, ce qui s'appelle
une formule de demande de raccordement ou de demande de modification. C'est
déjà en place.
À savoir maintenant comment planifier ces choses-là, je
pense que vous allez comprendre que nous, les entrepreneurs
électriciens, sommes quand même des sous-traitants dans le
réseau de l'industrie. Les contrôles ou les développements,
ou les planifications de développement, quand on arrive là,
souvent, il y a de l'infrastructure de faite. Il y a des routes de faites. Il y
a des rues qui ont été développées. Il y a des
réseaux d'égout et d'aqueduc qui sont posés et on arrive
un peu plus tard, nous autres, dans le circuit. Mais, nous, comme
entrepreneurs, on a une obligation de donner à Hydro-Québec les
renseignements sur les modifications de charge ou des nouveaux raccordements
pour tout ce qui touche les 400 ampères et plus à 120, 240.
Ça veut dire tout ce qui est de 10 kilowatts et plus, si on veut.
Ça fait que c'est déjà en place. (20 h 45)
À savoir comment l'améliorer, tantôt on parlait
d'améliorer la situation au niveau des constructions. On a eu dans nos
demandes d'entrepreneurs des gens qui ont fait des demandes et, au bout de
trois mois, les raccordements n'étaient pas encore faits dans des
nouvelles installations. Le délai, pourquoi le délai est
là, pourquoi est-ce si long? Est ce que c'est une planification interne
qui est déficiente? Je pense qu'encore là on est peut-être
mal placés pour juger de ces choses là, mais on sait que, de
temps à autre, ça ne prend pas de temps, et d'autres fois
ça prend plus de temps. Il y a certainement des raisons qui expliquent
ça. Je pense que, pour nous autres, c'est difficile. C'est difficile
d'accepter que les délais soient si longs, ça c'est officiel.
Mais, à savoir comment planifier ça et quelle pourrait être
notre intervention, je vous dis qu'il y a déjà un
mécanisme qui est en place, et c'est un formulaire que nous,
l'entrepreneur, on doit transmettre à Hydro-Québec. Je pense que
les gens d'Hydro-Québec ont dû vous la faire savoir, cette
chose-là.
M. Claveau: Une dernière question brève,
avant de passer la parole à mon collègue de Duplessis, si
vous le permettez. Est-ce que, selon ce que vous connaissez, étant
donné que c'est vous qui travaillez directement avec les clients,
surtout au niveau du résidentiel - l'industriel, c'est la même
chose - est-ce que, actuellement, il y a une tendance à la baisse de la
conversion à l'électricité des système de
chauffage, dans les... Il reste encore un bassin de l'ordre de 25 % à 26
%, peut-être même 27 %, d'anciennes résidences ou
d'installations peut-être un petit peu plus désuètes qui ne
sont toujours pas converties à l'électricité. Est-ce qu'il
y a une tendance à la conversion, ou s'il y a plutôt
ralentissement de tendance?
M. Gosselin: Vous comprendrez qu'à la suite du programme
biénergie résidentiel il est bien évident qu'il y a eu une
baisse, et que cette baisse-là s'est maintenue. Il y a eu un gros boum,
à un moment donné, dans la conversion, lors des subventions
à la biénergie, dans le secteur résidentiel. C'est
évident qu'au moment où on se parle on ne vit pas ce qu'on a
vécu dans la transformation à cette époque-là.
Ça c'est au niveau résidentiel. Et, au niveau commercial et
industriel, vous savez ce qu'a fait Hydro-Québec il y a à peu
près six mois ou au 1er janvier dernier, elle a racheté des
contrats afin de régler un manque d'alimentation pour l'année en
cours. Ça, je pense que tout le monde est conscient que c'est
évident. Je ne peux pas vous dire les statistiques au niveau du
chauffage à l'électricité au Québec, mais
déjà II y a beaucoup de conversions qui ont été
faites dans les programmes antérieurs. C'est certain qu'ils ne se
referont pas, ces programmes-là. Mais je ne pense pas, je ne crois pas
que dans le domaine résidentiel les gens reviennent vers le chauffage
à l'huile, actuellement, ou vers le chauffage autre
qu'électrique. Évidemment, il y a des ajouts qui se font, comme
la thermopompe, ou ces choses-là, mais je ne pense pas que ce soit
majeur. C'est un point de vue sans statistiques.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Oui, merci, M. le Président. Concernant le plan
de développement d'Hydro-Québec, tout le monde sait que ce plan
de développement, tel qu'il est préconisé actuellement,
tel qu'il est présenté par la société
HydroQuébec, est de l'ordre de 62 000 000 000 $. À
l'intérieur de ces 62 000 000 000 $, il y a, en fait, deux aspects
spéciaux: l'aspect construction, l'aspect rénovation et
réparation dans certains équipements. Aspect construction, si ma
mémoire est bonne, c'est de l'ordre d'à peu près 52 000
000 000 $. En passant, ce que les employés actuels d'Hydro-Québec
ne veulent pas nécessairement avoir sous leur juridiction... Ce n'est
pas là qu'est le problème de la sous-traitance pour les
employés d'Hydro-Québec. Le problème de la sous-traitance,
c'est sur la réparation et la rénovation des équipements.
C'est là qu'est le problème, qui représente, dans
l'ensemble du plan de 62 000 000 000 $, un montant de l'ordre d'à peu
près 10 000 000 000 $. On sait que les employés
d'Hydro-Québec ne veulent pas avoir l'ensemble, non plus, de ces 10 000
000 000 $ dont je viens de parler par rapport aux rénovations et
réparations. Ça on sait ça. Mais ce que je voudrais savoir
de votre part, parce que ça fait des années qu'on en parle, de la
question de la sous-traitance, d'après vous, quelle est la proportion
que devrait avoir l'entreprise privée dans le cadre de la
réparation ou encore de la rénovation des équipements?
Quelle est la proportion générale, normale, que devrait avoir
l'entreprise privée par rapport aux employés
d'Hydro-Québec? Qu'on parle du local 1500, qu'on parle du local 957 ou
qu'on parle du local 2000.
M. Gosselin: Je suis un petit peu mal placé pour chiffrer
les choses comme ça. Vous comprendrez que c'est difficile de chiffrer
des choses. Je pourrais peut-être vous renvoyer une question?
M. Perron: Non, je vais...
M. Gosselin: Je pourrais peut-être vous répondre par
une question.
M. Perron: Bien, écoutez, ce n'est pas...
M. Gosselin: Est-il normal de vouloir protéger, à
l'intérieur d'une convention collective, un travail pour obliger une
entreprise à ne pas aller en sous-traitance, alors que ce serait
peut-être meilleur marché de le faire? C'est la question que je me
pose moi aussi, comme utilisateur, comme payeur de taxes dans la
société québécoise, et je me la pose la question.
Si c'était meilleur marché de ne pas aller en sous-traitance,
peut-être qu'on pourrait regarder ça autrement.
M. Perron: Alors, M. le Président, normalement, c'est nous
qui posons les questions et non pas nous qui nous faisons poser des
questions...
M. Gosselin: C'est pour ça, je n'ai pas de
réponse.
M. Perron: Mais je vais répondre à votre
question.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît.
M. Perron: Je pense qu'il est parfaitement normal...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît,
on va y aller plus calmement.
M. Perron: Oui, oui. Mais je pense qu'il est parfaitement normal
que les employés d'Hydro-Québec veuillent maintenir une
juridiction à l'intérieur même d'une convention collective
qui a dûment été négociée
antérieurement et où on parlait justement de sous-traitance par
le biais d'une lettre d'entente. Vous comprenez, je connais un peu le dossier
parce que j'ai travaillé 20 ans pour Hydro-Québec. Vous comprenez
un peu les questions que je pose parce que, justement, je suis d'accord avec
une répartition équitable de l'ensemble des opérations de
réparation et de rénovation qu'entreprend la
société Hydro-Québec mais, cependant, dans le respect de
la convention collective des employés d'Hy-dro-Québec, d'une
part, et aussi dans le respect de la définition du mot "construction"
que l'on retrouve dans le décret. Si on prend les deux...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Duplessis, pour reprendre l'essentiel de vos propos de
tout à l'heure...
M. Perron: Je comprends. Vous prenez les propos de la ministre,
là.
Le Président (M. Bélanger): Si on s'en tenait
à questionner nos invités plutôt qu'à les
informer... Ce sont des grands garçons, ils vont s'informer tout
seuls.
M. Perron: Oui, oui, je suis d'accord que ce sont des grands
garçons, mais...
Le Président (M. Bélanger): Si vous vouliez juste
les questionner, s'il vous plaît.
M. Perron: M. le Président, comme j'ai eu une question qui
m'a été posée, j'ai répondu à la question,
d'une part.
Le Président (M. Bélanger): Bon.
M. Perron: D'autre part, je sais que vous n'avez pas besoin des
informations de la ministre pour pouvoir me rappeler à l'ordre sur cette
question-là. La question... Ce que je voudrais savoir...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Duplessis, s'il vous plaît.
Mme Bacon: Je pense qu'on a un ton sensé depuis le matin,
il faudrait peut-être le garder. Le député d'Ungava a
été très correct là-dessus.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
je vous demande un petit peu de modération.
Mme Bacon: M. le député de Duplessis, vous pouvez
peut-être faire la même chose. Donnez donc l'exemple.
Le Président (M. Bélanger): Je voudrais qu'on en
revienne à questionner nos invités puisque c'est leur point de
vue qu'on veut connaître C'est ça qui est le plus important
ici.
Alors, si on voulait s'en tenir à cela et les questionner pour
connaître leur point de vue, c'est la raison pour laquelle ils sont ici.
Je vous remercie.
M. Perron: M. le Président, je voudrais bien les
questionner mais on m'a posé une question, alors j'ai
répondu.
Le Président (M. Bélanger): Parfait. Maintenant, on
revient aux questions.
M. Perron: Si vous me permettez, M. le Président, je vais
lui poser les questions que je veux poser.
Le Président (M. Bélanger): Allez-y, on est
là pour ça.
M. Perron: À la condition qu'on ne me pose pas des
questions en retour. Qu'est-ce que vous entendez lorsque vous parlez de
sous-traitance? Non pas par rapport à la nouvelle construction,
ça c'est une autre chose. Il n'y a pas de sous-traitance
là-dessus demandée de la part des employés
d'Hydro-Québec Lorsque vous parlez de la sous-traitance elle-même,
pourriez-vous nous expliquer quelle est votre définition de la sous
traitance par rapport à vos besoins, par rapport à vos
écrits, par rapport à ce que vous voulez exactement? C'est
quoi?
M. Gosselin: Tantôt, vous m'avez demandé de
chiffrer. Je vous dis que je ne suis pas capable de chiffrer. Je vous ai
répondu, je pense, à cette question-là. Nos besoins, on
l'a dit tantôt, dans toute société québécoise
où il y a un gâteau qui touche toute la société
québécoise, je pense qu'il est normal que ceux qui oeuvrent dans
l'industrie de près avec un organisme comme Hydro-Québec aient
une part. Cette part-là, je ne suis pas capable de vous la chiffrer, moi
personnellement. Je ne sais pas si, vous, vous êtes capable. Je ne
poserai pas de question parce que je ne veux pas éterniser le
débat, apparemment je suis là pour répondre à des
questions. Je vous dis que je ne peux pas le chiffrer.
Le Président (M. Bélanger): Bien, alors le temps de
la formation de l'Opposition étant écoulé, il restait
à la formation ministérielle six...
Mme Bacon: Six minutes.
Le Président (M. Bélanger): Six minutes.
Alors, Mme la ministre.
Mme Bacon: On va prendre un meilleur ton, M. le Président,
pour poser nos questions et traiter nos invités avec respect.
Au-delà des pannes et des problèmes de raccordement, la
qualité de service, je pense, peut se traduire également en
termes de qualité de produits, comme vous le mentionnez à la page
8 de votre mémoire. Vous parlez de qualité de produits. Qu'est-ce
que vous entendez par la qualité de produits? Dans votre travail comme
maître électricien, est-ce qu'il y a des moyens que vous pouvez
suggérer pour améliorer cette qualité de produits que vous
mentionnez dans votre mémoire? Est ce que vous considérez que le
produit d'Hydro-Québec est assez adapté aux besoins des clients?
Les variations de tension, par exemple, ça fait partie de votre...
M. Guilbault: Sur cette question-là, pour répondre
peut-être indirectement à une question qui est directe, la
façon dont on a analysé le mémoire, on a pris pour acquis
que les gens à Hydro-Québec, en termes de vision, comme on a dit,
je pense, à la page 2 du mémoire, on dit: Les gens veulent une
qualité de produits et une qualité de service. Ils veulent que
ça fonctionne. À partir du moment où on va dans les moyens
qui, souvent, sont hautement techniques et sur lesquels les gens ne se
questionnent pas toujours... Quand un moteur roule, ça ne veut pas dire
qu'on va aller voir nécessairement ce qui se passe en dedans, mais on
veut qu'il roule. Alors, nous autres, on dit: Hydro-Québec a clairement
identifié les besoins et les attentes des gens: fiabilité du
réseau, endurance du réseau. Quand les gens font appel à
Hydro-Québec, en termes de service, que le téléphone ne
sonne pas 22 coups, que les factures arrivent comme il faut, en temps et lieu,
et ainsi de suite, choses qui se sont gravement
détériorées au moment où on se parle... Ça
présuppose qu'Hydro-Québec ait clairement identifié ces
besoins-là, les attentes des gens. C'est notre vision, à nous. On
s'est dit: On n'entrera pas dans les données techniques. On ne pense pas
que ce sont nos fonctions de nous substituer à la gérance
d'Hydro-Québec. Par contre, on dit que les attentes ont
été bien identifiées, que les moyens pour y parvenir
doivent être pris. C'est notre vision des choses. Autrement, on va se
substituer et, là, ça pourrait faire des discussions
excessivement longues. Mais, pour le faire, ça prendrait, de notre part,
clairement, une étude plus complète.
Mme Bacon: Mais, quand vous travaillez, là, au niveau de
contrats pour Hydro-Québec, par exemple, de quoi se plaignent les gens,
par rapport à la qualité du produit? Vous devez en entendre, des
plaintes, à un moment donné.
M. Gosselin: Je pense qu'on l'a dit un peu, tantôt, c'est
souvent une question de rapidité. Actuellement, c'est peut-être ce
qui chatouille le plus les gens chez nous, ce sont les délais, les
délais de raccordement, les délais de construction de lignes, les
délais ou les personnes à rejoindre. Je pense qu'on l'a
défini tantôt, un petit peu. Et au niveau de trouver la bonne
personne à HydroQuébec, pour le contact. Des fois, on se demande,
comme entrepreneurs, si on n'est pas mieux de passer par quelqu'un qui a un
beau-frère qui travaille à Hydro-Québec, si ça ne
va pas plus vite. Ce sont des questions qu'on se pose. Évidemment,
ça fait partie, ça, de nos préoccupations.
Mme Bacon: C'est parce que, en fait, ça me semble,
à moi, beaucoup plus la qualité de service, quand vous parlez de
ça...
M. Gosselin: Je pense que, pour nous autres qui faisons...
Mme Bacon: ...que la qualité du produit qui est offert par
Hydro-Québec, en termes d'électricité.
M. Gosselin: Pour nous autres, qui faisons affaire directement
avec Hydro-Québec, c'est évidemment la qualité du service
qui est...
Mme Bacon: Davantage, oui.
M. Gosselin: ...primordiale, pour nous autres, dans le champ
d'utilisation. Parce que, quand on a une question économique qui
dépend directement d'une question de raccordement, par exemple, on a
hâte que le client soit raccordé.
Mme Bacon: D'accord.
M. Gosselin: C'est peut-être la préoccupation
majeure au niveau des contacts avec HydroQuébec.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député d'Ungava, si vous voulez remercier nos invités.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Ça me fait
plaisir de remercier la Corporation des maîtres électriciens de
nous avoir fait sa présentation, qui va sûrement aider à
l'avancement de nos travaux et, éventuellement, faire en sorte que l'on
finisse, un jour ou l'autre, par trouver la véritable et la plus
raisonnable des démarcations possibles entre les sous-traitants et les
employés permanents à Hydro-Québec.
Le Président (M. Bélanger): Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, je voudrais remercier M. le
président et son groupe de la
Corporation des maîtres électriciens. J'avais l'impression
que le député d'Ungava dirait: Ça va nous faire voir la
lumière. Mais j'ai l'impression que c'est un ajout important dans tout
ce processus, un processus démocratique - le raccordement n'est pas
encore fait - qui s'enclenche aujourd'hui. Je pense qu'on en a pour tout le
mois de mai. Pour moi, c'est un processus important que vous ayez d'y
participer, et je vous en remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la cornmission
de l'économie et du travail remercie la Corporation des maîtres
électriciens du Québec pour sa présentation, sa
contribution à nos travaux et, compte tenu de l'heure, nous ajournons
nos travaux jusqu'à demain, 10 heures, à la même salle.
Merci. Bonsoir.
(Fin de la séance à 20 h 59)