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(Neuf heures cinq minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux
pour procéder à une consultation générale et
à des auditions publiques sur les modifications à apporter
à la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux.
Ce matin, dans un premier temps, nous recevons les Marchands des
supermarchés Provigo favorables à l'ouverture le dimanche. Ce
n'est pas une façon de les nommer, c'est le titre qu'ils se sont
donné.
Alors, M. le secrétaire, avant qu'on passe la parole à nos
amis de Provigo, est-ce qu'on a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, il y a un remplacement. M. Leclerc
(Taschereau) est remplacé par M. Richard (Nicolet-Yamaska).
Le Président (M. Bélanger): Alors, bienvenue
à M. Richard qui est devenu un permanent de notre commission.
Alors, en ce beau vendredi matin, à 9 heures, on vous remercie
d'abord d'avoir accepté de vous présenter plus tôt;
ça nous arrangeait beaucoup, ça nous permettait de régler
certains petits problèmes. Alors, vous connaissez un petit peu nos
règles de procédure, j'imagine. Vous avez 20 minutes ferme pour
la présentation de votre mémoire et, par la suite, il y a une
période d'échanges avec les parlementaires. Alors, je vous
prierais, au moment de l'échange, de bien vouloir, chaque fois, vous
nommer avant de parler, ceci pour les fins de la transcription du Journal
des débats. C'est que les personnes qui travaillent au Journal
des débats, qui tapent tout ça, sont dans une autre
pièce, ne nous voient pas, alors ne savent pas les noms. Elles sont
familières avec nos voix, mais pas avec les vôtres. Quand
ça fera cinq ans, vous allez voir, elles vont vous
reconnaître.
Alors, sans plus tarder, si vous pouviez présenter votre
équipe, identifier votre porte-parole et procéder, on vous
écoute.
Marchands des supermarchés Provigo favorables
à l'ouverture le dimanche
M. Girard (Normand): M. le ministre, M. ie Président de la
commission, Mmes et MM. les députés, mon nom est Normand Girard.
Je suis propriétaire de deux supermarchés Provigo à Laval,
l'un situé sur le boulevard des Laurentides et l'autre à
Vimont.
Nous sommes ici, aujourd'hui, comme représentants d'un groupe de
plus de 200 propriétaires de marchés d'alimentation, qui tous ont
appuyé au moyen de lettres d'appui... Ces lettres d'appui,
signées par les marchands eux-mêmes, ont été
envoyées à la commission avec notre mémoire. J'ai le
plaisir d'avoir avec moi à cette tribune quelques-uns de ces marchands.
Je leur laisse le soin de se présenter. Richard.
M. Tanguay (Richard): Bonjour, mon nom est Richard Tanguay, je
suis propriétaire d'un supermarché Provigo à ville
LaSalle.
M. DessureauSt (René): Bonjour, mon nom est René
Dessureault, je suis propriétaire d'un supermarché Provigo
à La Prairie.
M. Drolet (Rémy): Bonjour, mon nom est Rémy Drolet,
je suis propriétaire d'un marché Provigo à
L'Ancienne-Lorette.
M. Girard: Nous aimerions, tout d'abord, remercier le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, ainsi que les membres de la
commission d'accepter de nous recevoir aujourd'hui et de nous donner la chance
de faire entendre notre point de vue.
Vous avez entendu, cette semaine, la direction de Provigo qui vous a
présenté les arguments économiques militant en faveur de
la libéralisation des heures d'affaires. Ce matin, vous avez devant vous
de simples marchands qui n'ont pas la prétention d'être de grands
orateurs, mais nous connaissons nos commerces et nous sommes des gens
d'affaires qui donnons de l'emploi au Québec et nous avons tenu à
faire part de nos expériences personnelles.
Tout d'abord, je voudrais clarifier une chose. Tous les marchands qui
sont ici et tous ceux que je représente aujourd'hui ne sont pas des
propriétaires de grandes entreprises, de corporations ou de grandes
sociétés multinationales. Nous sommes tous des entrepreneurs
indépendants qui venons, avant tout, défendre la survie de nos
commerces, dans lesquels nous avons investi notre temps, notre argent, certains
depuis quelques années. Je cède maintenant la parole à
René Dessureault et nous interviendrons, tour à tour, pour vous
présenter notre position.
M. Dessureault: M. le Président, au départ,
j'aimerais peut-être faire une rectification. J'ai eu l'occasion de
feuilleter le catalogue, que j'ai ici dans les mains, en provenance du
Regroupement des détaillants Indépendants et des travailleurs et
travailleuses contre l'ouverture le
dimanche, et j'ai remarqué beaucoup d'anomalies dans ce rapport.
D'ailleurs, j'aimerais vous présenter un document que j'aimerais que
vous puissiez lire, s'il vous plaît, pour corroborer ce que j'avance. Si
je regarde ici, dans leur rapport, je remarque le magasin Provigo qui est
situé à Dollard-des-Ormeaux à Montréal; on lit dans
le môme rapport que ce marchand est contre l'ouverture. C'est
complètement faux car M. Bouchard est pour l'ouverture depuis 1985. Je
m'en vais un peu plus loin. Je retrouve le marché de M. Poirier qui est
situé à Chomedey. Encore là, on nous dit non et M. Poirier
est pour l'ouverture le dimanche depuis 1985. Si je vais encore plus loin, j'ai
ici sur le boulevard Labelle le magasin de M. Raymond Lapolnte à
Rosemôre. On marque encore non et M. Lapointe est pour l'ouverture le
dimanche. Le même M. Lapointe a un autre magasin à Lorraine, sur
la rue de Gaulle. On marque encore non et M. Lapointe est pour l'ouverture le
dimanche. À Repentigny, le même M. Lapointe a encore un magasin
Provigo. On marque encore non et celui-ci est pour l'ouverture le dimanche. Ce
que je trouve le plus aberrant dans ce rapport, c'est qu'à ma gauche
ici, j'ai M. Richard Tanguay qui est propriétaire de magasin. On marque
non. Est-ce que vous êtes contre l'ouverture le dimanche?
M. Tanguay: On en repariera tout à l'heure.
M. Dessureault: L'aberrance va encore plus loin que ça
parce que mon président de comité, ici, a deux magasins et on
vient nous dire - d'ailleurs, vous allez le voir sur votre document - non. Et
voici, il est ici pour représenter la libéralisation des heures
d'ouvrage. Alors, M. le Président, moi, j'en viens à la
conclusion que ça ne devrait pas être un document de travail pour
la commission parce que c'est rempli de faussetés. Nous, quel est notre
degré de représentativité? Ici, ce matin, si vous avez
remarqué, lorsqu'on a présenté le mémoire, on vous
a donné des lettres affirmant que tous les magasins Provigo, tous les
noms qui figurent sont pour l'ouverture. Alors, nous représentons 80 %
des marchands Provigo qui sont pour la libéralisation des heures
d'affaires le dimanche.
M. Girard: Normand Girard. Pourquoi libéraliser les heures
d'affaires? Pour l'inéquité, parce que je subis des pertes de
ventes - et vous pouvez voir sur le tableau combien il y a de clients qui
entrent dans les marchés publics ou dans les clubs Price le dimanche -
au profit de ces marchés publics, clubs Price, fruiteries, pharmacies et
le nouveau "fast", et combien d'autres encore qui vont se rajouter plus tard.
Les consommateurs, nos clients, nous demandent d'ouvrir. Nombreux sont les
témoignages de nos clients. On parle aussi d'allonger des heures au
début de la semaine. L'expérience des fêtes nous le prouve.
Les marchands ne veulent même pas ouvrir et ils ont la possibilité
d'ouvrir. On n'ouvre pas parce que, justement, il n'y a personne dans nos
magasins. La demande est pour le dimanche et j'en ai fait moi-même la
preuve. Lorsque j'ai ouvert le dimanche, les clients rentraient à pleine
porte et je me suis tenu à la porte le dimanche justement pour
interviewer ou demander à ma clientèle qui entrait: Si
j'étais fermé, qu'est-ce qu'ils auraient fait? Bien, on m'a
répondu sûrement à 90 % ou à 95 %, qu'ils allaient
au marché public. Bien, pour moi, je pense que je suis brimé dans
mon commerce et je n'accepte pas ça parce que je comprends que c'est une
compétition qui est déloyale complètement.
Avoir du personnel disposé à travailler le dimanche? La
preuve, c'est qu'il y en a présentement qui travaillent le dimanche et
on est fermés. Ça, on peut le voir aussi chez Métro et
chez IGA, parce que le monde demande de travailler le dimanche pour être
prêt aux affaires le lundi matin. Les seules personnes qui n'ont pas le
droit d'entrer dans le magasin, c'est nos clients. Je pense qu'il devrait y
avoir une révision de la loi vis-à-vis de ça. Pour
travailler le dimanche, je n'ai aucun problème pour avoir du personnel.
Au cours des semaines où j'ai été ouvert, les
employés étaient libres de le faire. (9 h 15)
M. Dessureauit: Alors, on parle d'augmentation de coûts, on
entend ça un peu partout là. Moi, je ne suis pas prêt
à dire que c'est négatif parce que, si les marchés sont
ouverts le dimanche, si les magasins d'alimentation sont ouverts le dimanche,
moi, je sais qu'à toutes les fins de mois il faut que je paie mon loyer,
que je paie mes taxes, tous mes frais fixes en fin de compte.
Présentement, j'ai des employés qui travaillent le dimanche: cinq
ou six des fois pour préparer le magasin. Je suis obligé de
démonter mes comptoirs le samedi, puis de m'affirmer comme vendeur de
tôle peut-être, comme on pourrait dire, à partir de 15 h 30
ou 16 heures parce que je n'ai pas l'opération continue, pour essayer de
minimiser mes pertes. Par contre, si j'étais ouvert le dimanche - et
quand je dis "si", je parle pour la majorité des marchands qui sont pour
la libéralisation - au lieu de démonter mon magasin le samedi, je
monterais mon magasin. Ça veut dire qu'en étant ouvert le
dimanche je créerais à ce moment-là des ventes qui
généreraient certains profits qui pourraient venir couvrir le
surplus que je paie en salaires, mais, par contre, ça me donnerait aussi
l'opportunité de donner une meilleure variété et une
meilleure qualité à la semaine longue à ma
clientèle.
Lorsque je suis fermé, c'est officiel, je me dis: J'invite tout
simplement mes clients à aller magasiner dans la structure
parallèle. Ce que je trouve aberrant, c'est que des fois je suis dans la
vitrine le dimanche chez moi et je vois des gens qui s'en vont chez Jean Coutu,
parce qu'il
y a un Jean Coutu pas loin de chez mol. Ensuite de ça, il y a une
fruiterie bâtie dans ma cour qui opère illégalement, en
passant, avec une grande surface qui vend pratiquement tout ce que je vends
dans mon magasin. Je suis là et je regarde passer la parade. Je vois
passer un sac de Jean Coutu; je vois partir le client qui s'en va à la
fruiterie. Je trouve ça frustrant, M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
aucune manifestation dans la salle!
M. Dessureault: C'est de l'inéquité
légalisée, en réalité. Le point que je viens
défendre pour mes confrères de Provigo, c'est exactement le
même point pour moi parce que j'en suis frustré. Normand.
M. Girard: J'aimerais ajouter que, si le gouvernement voulait
retourner en arrière, nous n'aurions pas le choix. Nous allons
cloisonner et "boutiquer" et ça va coûter cher aux consommateurs.
Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons suivre face au marché
public, car le consommateur peut faire une commande totale dans cet
endroit.
En guise de conclusion, mes confrères et moi-même ne
demandons qu'une chose: Laissez-nous servir notre clientèle et laissez
le consommateur décider du moment où il veut magasiner. Laissez
les gens décider de la qualité de vie qu'ils veulent se
donner.
Nos principales recommandations sont les suivantes: l'ouverture des
marchés d'alimentation le dimanche; le libre choix des marchands de
décider de leurs heures d'ouverture en semaine, de maintenir la
règle de trois employés pour les commerces d'alimentation qui
opéreront en dehors des heures fixées si le gouvernement
décide de mettre des restrictions. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Juste avant de débuter, le
document que vous nous avez remis, est-ce que vous êtes prêts
à le signer? Je ne vois pas de signatures sur ce document.
M. Girard: Aucun problème. C'est le groupe qui a sorti
ça, qui a analysé les signatures fausses dedans.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous me dites que vous
êtes prêts à le signer?
M. Girard: Oui, oui.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous pourriez apposer vos
signatures sur ce document-là et le remettre à la commission?
Lorsque j'ai senti le besoin de faire une commission publique,
c'était pour permettre à tous les intervenants, quel que soit
leur point de vue, de se faire entendre publiquement. J'ai mentionné que
j'aurais une ouverture d'esprit. Toutes les solutions étaient possibles
et les solutions devaient être équitables, dans le meilleur
intérêt de tout le monde si c'était possible. J'ai
même mentionné, puis la députée de Taillon est
d'accord avec ça, qu'on vit présentement un débat de
société et on doit permettre à tous les intervenants de
venir faire valoir leur point de vue. Vous demandez s'il va y avoir une
révision de la loi. Oui, il va y avoir une révision de la loi.
Qu'il y ait consensus ou pas, il va y avoir un dépôt de loi au
printemps.
Ce qui est troublant dans ce que vous apportez ce matin - c'est pour
ça que je vous ai demandé de le signer - c'est que ça
vient contredire des documents qui nous ont été
présentés, premièrement. Deuxièmement, il y a
même des membres de cette commission qui ont eu certaines menaces. Je
pense qu'en permettant à tous les intervenants de venir faire valoir
leur point de vue, si on veut avoir une loi équitable, il va falloir les
écouter et toute représentation... J'ai même entendu, hier,
que des personnes devaient se présenter devant cette commission et ne se
présenteront pas à la suite, également, de menaces. Je
dois vous dire que c'est totalement inacceptable. Nous sommes un gouvernement
qui se veut à l'écoute de la population et qui doit prendre des
décisions qui font appel à des principes
élémentaires d'honnêteté, de franchise et
d'intégrité.
Alors, ceci dit, je tenais à faire ces commentaires ce matin, et
je vous remercie sincèrement d'être venus nous le dire, même
après d'autres commentaires que je peux avoir entendus et que je ne
voudrais pas dire ce matin. Je sais que ce n'est pas facile. Je sais que
ça implique des sommes financières pour des petits
commerçants, pour des moyennes entreprises et pour des grosses
entreprises. Et j'ouvre la porte à toutes les autres personnes qui
pourraient être dans votre position, quel que soit leur point de vue, de
venir nous expliciter leur démarche et leurs besoins.
J'ai deux questions à vous poser: la première,
l'équité. C'est très important, l'équité. Il
semble y avoir deux tendances assez claires. L'une que vous privilégiez,
soit l'ouverture; l'autre qui serait une fermeture qui restaurerait
l'équité. Vous mentionnez que la raison pour laquelle vous
trouvez la loi inéquitable, c'est parce qu'il y a certains
commerçants qui, soit par des exceptions à la loi ou soit dans
l'illégalité, ouvrent leur commerce. Si on réussissait
à rétablir une équité qui irait jusqu'au point de
ne pas encourager les commerçants à faire indirectement ce que la
loi ne leur permet pas de faire directement, et plus précisément
- vous l'avez mentionné tout à l'heure - cloisonner et
"boutiquer", est-ce que vous seriez d'accord avec une fermeture des
commerces le dimanche qui prendrait en considération les
problèmes que vous avez soulevés et qui ne permettrait que le
vrai dépannage le dimanche? Est-ce que ce serait équitable pour
vous, ça?
M. Girard: Normand Girard. M. le ministre, c'est une chose que
nous avons regardée aussi, mais placez-vous vis-à-vis de la
clientèle et du consommateur. Vous avez des preuves, vous avez sur le
tableau des indications bien précises et, si vous faites le tour, si
vous faites enquête, présentement, combien de personnes, de
clients, d'achalandage peut-il se ramasser dans les marchés publics,
clubs Price, "fast", dans les pharmacies Jean Coutu, dans les marchés
aux puces et combien d'autres? Ça veut dire que notre consommateur,
notre clientèle se donne une qualité de vie pour sortir dans ces
endroits-là. Présentement, elles peuvent aller, disons, au
théâtre, prendre des marches dans le bois, aller n'importe
où avec la famille, mais je pense qu'il y a une majorité de
personnes qui va dans ces places, justement, pour le divertissement, ou pour
acheter des denrées ou se tenir dans ces endroits.
M. Tremblay (Outremont): Mais ne pensez-vous pas, M. Girard, que
l'idéal, pour le consommateur, c'est que les commerces soient ouverts
vingt-quatre heures par jour, sept jours par semaine? SI vous êtes debout
à la porte de votre commerce quand tous ces gens-là passent,
c'est évident qu'ils vont vous dire: Ouvrez. Mais les questions qu'on va
se poser en tant que commission, c'est: Quelles sont les considérations
financières de la décision de ces commerçants? Est-ce
qu'ils sont au courant de toutes les considérations économiques?
Finalement, quel apport cela peut-il avoir sur notre société au
niveau de la qualité de vie? Je vous laisse sur ce point parce que
ça, en fait, c'est plus philosophique, mais c'est ce qu'on va regarder:
philosophique et économique.
Deuxième question. Vous avez mentionné tout à
l'heure que vous êtes de petits propriétaires indépendants
qui voulez assurer la survie de vos commerces. Comment conciliez-vous ce point
de vue - je dis bien des petits - avec le point de vue d'autres petits
commerçants qui, eux, se disent: S'il y a ouverture des commerces le
dimanche, on travaille déjà soixante heures par semaine,
qu'est-ce qu'on va faire? On n'aura plus de vie familiale, on n'aura plus de
qualité de vie. Comment conciliez-vous ça?
M. Tanguay: Vous permettez?
M. Tremblay (Outremont): M. Tanguay.
M. Tanguay: Mon nom est Richard Tanguay. Lorsqu'on parle de
commerces et des incidences négatives que pourrait avoir l'ouverture ou
la fermeture, dites-vous une chose, M. le ministre, c'est que, si la
réglementation était imposée telle qu'elle devrait
l'être selon les termes de la loi actuellement, il y aurait
déjà beaucoup de ces petits commerces, qui craignent que, si les
grandes surfaces ouvrent, ça pourrait leur nuire, qui devraient fermer
le dimanche ou en dehors des heures normales. Alors, partons du principe que,
si vous décrétez une loi très sévère qui
réglemente à peu près tout, l'incidence sera tout aussi
négative pour les petits commerces qui, actuellement, sont ouverts en
dehors des heures normales.
Lorsqu'on parle de notre problème à nous, il est
évident que le marché évolue. On est en 1990, le
marché a beaucoup évolué. La dernière loi sur les
heures d'affaires date de 1969. On parle de 20 ans dans un contexte de
progression rapide. L'évolution actuelle a fait que le consommateur
s'est créé des besoins, le consommateur a changé ses
habitudes. Sauf votre respect, permettez-moi, quelles que soient les
réglementations qu'on puisse imposer, quelles que soient les
réglementations qu'on puisse établir, je crois sincèrement
que, si le besoin existe, il y aura toujours quelqu'un qui trouvera le moyen de
contourner les règlements de façon à combler le besoin.
Alors, il y aura toujours quelqu'un qui va en souffrir au bout du compte.
Je comprends votre point de vue lorsque vous dites que, si les gros
ouvrent, il y a des petits qui vont fermer. Il y a une chose qui demeure: si
ceux qui sont illégaux fermaient, il y aurait beaucoup plus de petits
commerces qui fermeraient actuellement.
M. Tremblay (Outremont): Une autre chose que j'entends et vous
pouvez me faire vos commentaires sur ce point de vue. On dit que, au
Québec, 70 % de nos détaillants sont de petits commerces, 30 %
sont de gros commerces. Dans d'autres provinces canadiennes et aux
États-Unis, c'est le contraire: il y a 70 % de gros commerçants
et 30 % de petits. On dit qu'on a fait un choix de société au
Québec de favoriser la petite entreprise. Donc - ce que j'entends -
est-ce qu'on doit renverser cette tendance et répondre aux besoins
nord-amérlcalns d'autres provinces ou des États américains
qui ne collent pas à la réalité
québécoise?
M. Tanguay: Si vous me le permettez, M. le ministre, j'aimerais
faire une petite mise au point quant aux chiffres que vous énoncez,
à savoir que, dans les autres provinces canadiennes, il y a 70 % de gros
commerçants. C'est plutôt qu'au Québec nous avons une
très grande quantité de marchands indépendants, alors que,
dans les autres provinces, ce sont des structures corporatives très,
très bien implantées. Alors, ce n'est pas un choix de
société. C'est que le besoin s'est créé, le
contexte social a fait que des petits commerces se sont ouverts pour
contourner
certaines... en tout cas, pour arriver à passer à travers
les mailles d'un filet. Je ne crois pas qu'on modifie en profondeur,
strictement par une question d'heures d'affaires, la base d'une
société.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je veux vous
souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. En fait, c'est un
appel au secours que vous faites que moi, je veux bien entendre et je veux bien
comprendre. Il est fait depuis le début de la commission. Depuis le
début de la commission, on se rend compte que ce débat est d'une
émottvité absolument hors de proportion. On a l'impression qu'il
est hors de proportion. En fait, il n'est pas hors de proportion, parce qu'il
s'agit effectivement du revenu des gens qui sont concernés. Moi, je suis
bien consciente de l'importance d'un débat comme celui-là. (9 h
30)
Quand on regarde le nombre de mémoires, pour les fins de
l'information générale, on a eu 90 mémoires sur un
thème comme l'ouverture ou non des commerces le dimanche, versus
même pas 40 mémoires, dans une autre commission que je
préside, sur les normes minimales du travail qui concernent l'ensemble
des travailleurs et des travailleuses non syndiqués du Québec.
Alors, on peut voir l'importance que ça prend comme objet de discussion,
cette question des heures d'ouverture.
Je suis très sensible aux propos que vous tenez et à
l'expression du malaise dans lequel vous vous trouvez. Je pense que c'est
monsieur qui disait tout à l'heure: Nous, on assiste les yeux
fermés ou ouverts au morcellement de notre marché. En face de
nous, des gens peuvent ouvrir, ils ont des surfaces plus grandes que les
nôtres presque. Nous, on respecte la loi; eux ne la respectent pas. C'est
nous qui sommes pénalisés de respecter la loi, alors que,
normalement, dans une société qui a des règles du jeu un
peu claires pour tout le monde, ce n'est pas ça qui se passe. C'est
celui ou celle qui ne respecte pas la loi qui se trouve pénalisé.
Bon.
Cette mise en situation étant faite, vous avez parlé d'un
autre document qui est devant nous, en disant: II y a des données qui
sont probablement inexactes dans ce document, dans le sens où il y a des
marchands qui sont identifiés - je pense à ce gros document - et
qui ne partageraient pas le point de vue qu'on leur prête ici. Moi, je
voudrais savoir... J'ai regardé aussi vos listes. J'avais
commencé à additionner, à un moment donné, les
signatures. Je pense que j'ai tous les documents. J'arrive à peu
près à 200 signatures, mais je me rends compte qu'il y a des fois
où un même marchand a signé, ses employés ont
signé, et tout ça; ce n'est pas incorrect, ça va. Mais
est-ce qu'on les additionne ou si, quand vous dites que vous représentez
200 marchands, c'est vraiment 200 propriétaires d'entreprises ou si
c'est 200 unités de distribution? J'aimerais savoir qui exactement...
Quand je fais l'addition des signatures, j'arrive à 200, mais ça
ne fait pas 200 marchands, parce que, à Grand-Mère, il ne doit
pas y avoir 25 Provigo. Ce n'est pas pour vous ennuyer. Je veux juste qu'on
parte des bonnes choses et des mêmes choses.
M. Dessureault: Vous avez des propriétaires avec des
magasins multiples.
Mme Marois: Oui, c'est ça.
M. Dessureault: Alors, c'est officiel que vous allez rencontrer
cinq fois la même signature ou six fois la même signature...
Mme Marois: D'accord.
M. Dessureault: ...parce que ce sont des entités
complètement différentes. C'est pourquoi vous trouvez les
mêmes noms à d'autres...
Mme Marois: D'accord. Mais ça fait combien de
marchands?
M. Dessureautt: Ça fait 200 points de vente.
Mme Marois: Mais ça ne fait pas nécessairement 200
marchands?
M. Dessureault: Je ne comprends pas le sens de votre
question.
Mme Marois: Un marchand peut avoir quatre points de vente.
M. Dessureault: Oui, je comprends.
Mme Marois: Donc, s'il y a 200 points de vente, il y a
peut-être quoi? 150 marchands.
M. Dessureault: Ça peut représenter 180 marchands,
parce qu'il y a sept ou huit propriétaires de surfaces multiples.
Mme Marois: Autant que cela?
M. Dessure mit: Oui. D'ailleurs, ils ont tous signé.
Mme Marois: Oui, mais c'est ça que je vous dis. Je le
sais. Je les al devant mol. Je les al même additionnés.
M. Tanguay: Excusez-moi, madame. Mme Marois: Oui.
M. Tanguay: La très grande majorité des marchands
Provigo n'ont qu'un seul magasin.
Mme Marois: D'accord. C'est ça que je veux savoir.
M. Tanguay: Lorsqu'on parle de regroupement de plusieurs, c'est
quelques propriétaires qui possèdent plus d'un point de vente,
à ce moment-là.
Mme Marois: D'accord.
M. Tanguay: Ce n'est pas la majorité, si c'est ce que vous
voulez...
Mme Marois: Ça veut dire à peu près, autour
de 180 qui ont un seul point de vente, leur magasin, et les autres, un
même propriétaire peut en avoir cinq ou six. C'est ça? On
se comprend bien. Ces 180 marchands ont signé le document qui est devant
nous...
M. Oessureault: C'est ça.
Mme Marois: ...partout à travers le territoire. O.K. Parce
que je me dis qu'il faut partir des mômes données, des mêmes
informations; sinon, ça engage mal le débat.
Cela étant dit, M. le ministre - je trouve ça assez grave
et, si ça se passe comme ça, je me dis que c'est un petit peu
inquiétant - faisait référence à du tordage de bras
qui se fait à l'égard d'un certain nombre de groupes, j'imagine,
ou de personnes. Il a été un peu sibyllin dans ses propos. Je
n'ai pas compris exactement à qui il pensait. Mais, la commission a
rencontré, avant-hier, la corporation Provigo et ses
représentants, dont M. Busslères. Je leur faisais part d'une
lettre qui avait été envoyée aux marchands Provigo, que
vous avez sûrement reçue, qui date de la fin de l'année
1988 et je cite le dernier paragraphe; c'est signé du
vice-président exécutif, M. Lessard. Il dit: "II est
impérieux que pour - et là c'est souligné - aucune
circonstance vous n'endossiez cette démarche faite par la firme NRG
puisqu'elle est totalement contraire à l'esprit d'équipe et
à la solidarité - "solidarité" est souligné - dont
les marchands affiliés Provigo doivent faire preuve. En plus, il est
clair que cette démarche est à rencontre de vos propres
intérêts", souligné.
Évidemment, on faisait référence à une
démarche qui disait que des gens étaient défavorables
à l'ouverture et on ne souhaitait pas que vous alliez dans ce
sens-là. J'ai posé la question aux gens de Provigo en leur
disant: Est-ce que vous ne croyez pas que c'est un petit peu forcer la note et
que vos marchands ne se sentiront pas un petit peu contraints, après
ça, d'endosser la position que vous défendez? Parce qu'ils se
disent: Bon, bien, je fais partie d'un groupe, j'ai des relations d'affaires
avec Provigo Distribution, avec la corporation. Est-ce que ça ne va pas
me mettre un peu en mauvaise situation, ensuite, quand j'aurai à
négocier avec l'entreprise pour le volume ou quoi que ce soit? Vous
savez mieux que moi, sûrement, ce dont vous discutez avec Provigo. Donc,
dans ce sens-là, est-ce que ce n'est pas aussi une pression qui a
été faite à votre endroit - et là, je vais pousser
plus loin, puis je vais reprendre ce que le ministre lui-même disait -
pour dire: Comme le gouvernement ne reviendra pas à un respect de la loi
intégral... Parce que la loi a été changée en
1984.
Une voix: Oui.
Mme Marois: Oui, je le sais, c'est vrai que la base, c'est 1969;
vous avez fait référence à 1984. Bon. Comme le
gouvernement ne reviendra pas au resserrement des critères sur les trois
employés ou moins en tout temps dans l'entreprise, on risque
d'être défavorisés. Vous avez totalement raison, de ce
point de vue. Alors, comme le gouvernement risque de ne pas revenir là,
est-ce que, à ce moment-là, la meilleure solution ne serait pas
de dire: Ouvrons, tout le monde? Comme ça, au moins, on sera
traités équitablement; comme ça, on retrouvera la
capacité de concurrencer, mais à armes égaies et non pas
défavorisés comme on l'est maintenant, alors qu'on respecte la
loi et que d'autres ne le font pas.
M. Tanguay: Mon nom est Richard Tanguay. Vous avez une question
à plusieurs volets.
Mme Marois: Oui.
M. Tanguay: On va essayer de les décortiquer un par
un.
Mme Marois: Mais vous comprenez tout le contexte, je pense, assez
bien. Il y a une logique dans toute la démonstration ou l'espèce
d'analyse que je fais.
M. Tanguay: Je le comprends très bien, madame. Ce sur quoi
je voudrais revenir, c'est, évidemment, sur l'aspect de pression dont
vous avez parlé, qui est une chose très importante. Dans les
faits, écoutez bien, une prise de position comme celle-là, c'est
un cheminement. Il est évident que, la nature humaine étant ce
qu'elle est, travailler le dimanche, travailler huit jours par semaine,
ça n'a jamais fait plaisir à personne. Il est évident que,
la consommation étant au point où elle est, il s'agit d'y
répondre le mieux possible en évitant des écarts de
conduite, en évitant d'être dans des situations illégales.
Mais dites-vous bien, madame, que les positions qui sont prises le sont par des
entrepreneurs qui ont à gérer une entreprise, puis qui voient
leur part de marché s'émietter. Ce ne sont pas des
recommandations émanant de qui
que ce soit, à quelque niveau que ce soit, qui peuvent faire
changer l'idée de quelqu'un à ce niveau-là. C'est
strictement une question de logique et de gestion financière.
Pour ce qui est de ce que vous nous disiez à la toute fin,
c'est-à-dire que la façon idéale de régler le
problème, c'est de libéraliser, écoutez, c'est un petit
peu notre position, fondamentalement, à savoir qu'on ne peut pas faire
des contraintes suffisamment sévères pour fermer
légalement, fermer par la loi, une multitude de commerces qui existent
déjà, qui ont déjà des structures, puis qui ont
déjà des employés; ça aurait un impact social et
économique absolument épouvantable. Donc, ne pouvant revenir en
arrière, la seule façon, c'est de laisser agir les lois du
marché. Que certaines personnes soient en meilleure position que
d'autres pour se défendre face au marché, c'est possible. On le
voit, actuellement, il y a un marché qui existe hors des heures, puis il
y a des gens qui sont mieux équipés que nous pour s'en sortir. Si
on a la même possibilité, à ce moment-là, ça
sera une question de force. Ça sera une question de savoir qui peut se
débrouiller avec le marché, puis c'est une question de lois du
marché.
C'est difficile, lorsqu'on parle de légiférer, en 1990, de
vouloir faire, avec une loi sur les heures d'affaires, une revue du climat
social ou de vouloir faire une synthèse de ce que devrait être la
qualité de vie au Québec. Je crois que, si on veut en venir
à régler tous ies problèmes de front, le consensus
étant absolument impossible, vous le voyez, vous avez 90
mémoires, puis... Je ne crois pas qu'on arrive un jour à trouver
la solution parfaite. Le consensus étant absolument impossible, il me
semble que les lois du marché devraient régler les
problèmes avec le moins de tension, à mon point de vue.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je voudrais juste revenir...
Mme Marois: Je reviendrai, parce qu'il y a des questions
auxquelles... Non, mais je reviendrai. Il me reste encore une dizaine de
minutes. Allez.
M. Tremblay (Outremont): Je peux vous laisser continuer, si vous
voulez.
Mme Marois: Je vous écoute.
M. Tremblay (Outremont): Je veux juste revenir sur un petit
point, avant de céder la parole à mes collègues. La
députée de Taillon a mentionné qu'il y a un appel au
secours. Je voudrais juste le qualifier. Moi, j'interprète les
représentations qui nous sont faites à cette commission comme
étant un appel au secours, mais des deux côtés. Alors,
c'est ça.
Mme Marois: C'est ce que j'entendais, d'ailleurs.
M. Tremblay (Outremont): O.K. Je suis certain que...
Mme Marois: Je ne présumais pas que c'était un
appel au secours d'un seul bord. C'est ça, d'ailleurs, le dilemme dans
lequel vous vous trouvez.
M. TrembSay (Outremont): Oui. En fait, on est d'accord
là-dessus, mais je voulais bien le qualifier. Quand on parie de la
lettre de Provigo dont on a pris connaissance hier, ça, c'est un
écrit. C'est un écrit, Je l'admets, qui peut être
interprété par des détaillants comme étant -
employons les mots - des représentations forcées un peu avec des
conséquences commerciales et financières. Mais c'est un
écrit de la haute direction. Ce à quoi je faisais allusion tout
à l'heure, c'est plus à des représentations verbales qui
ont eu, ont et peuvent avoir des conséquences physiques et
matérielles. Et je le répète encore: Je ne voudrais pas
que des personnes qui ont un point de vue à faire valoir ne viennent pas
le faire à cette commission, à cause de l'importance du
débat que nous avons à trancher.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
ministre. M. le député de Nicoiet-Yamaska.
M. Richard: Merci, M. le Président. Vous-même, les
journées où vous avez ouvert de façon illégale, et
je ne vous le reproche pas nécessairement... C'était
illégal, je ne peux pas vous dire que je vous félicite. Lors de
votre sondage personnel, est-ce que vous avez constaté que
c'était une nouvelle clientèle ou si c'était votre
clientèle habituelle qui arrivait le dimanche plutôt que le
samedi?
M. Girard: J'ai remarqué que c'était une nouvelle
clientèle. Excusez-moi, Normand Girard. C'était une
clientèle qui relaxait; c'était une clientèle qui
était bien. C'était une clientèle avec laquelle je pariais
et on avait le temps de parler ensemble, puis cette clientèle-là,
à plusieurs reprises me disait: C'est pour mol une journée
idéale, parce que mon mari peut garder les enfants. Je peux sortir, puis
magasiner en paix. Je ne suis pas pressée, parce qu'on travaille tous
les deux. Je cours pour aller chercher les enfants, le soir, j'arrive à
la maison... Présentement, c'est le jeudi soir que je fais mes
commissions, mes emplettes. Ou, j'ai à faire mes emplettes la
journée du dimanche, je dois aller au marché public. Puis, c'est
là que je peux avoir la satisfaction de relaxer. Mais je n'aime pas
aller au marché public, parce que je dois entrer et sortir
peut-être trois ou quatre fois,
parce que ce sont toutes des boutiques différentes. C'est la
raison pour laquelle j'appuie beaucoup votre ouverture et j'espère que
vous allez continuer.
M. Richard: Maintenant, M. Girard, si le même dimanche ou
les mêmes dimanches, parce que vous avez été parmi ceux qui
ont ouvert trois ou quatre dimanches d'affilée, je présume...
M. Girard: Sept.
M. Richard: Sept. C'était seulement pour vous le faire
dire. Après avoir ouvert sept dimanches d'affilée, si l'ensemble
des commerces de la superficie du vôtre avaient été ouverts
les mêmes dimanches, d'une façon généralisée,
est-ce que vous pensez que, chez vous, vous auriez obtenu des ventes
additionnelles? Parce que, en fait, vous dites que c'est massivement, selon
vous, de la clientèle nouvelle. Donc, c'est un apport nouveau, c'est
votre assiette à vous qui a augmenté, mais au détriment de
quelqu'un inévitablement, parce que ces gens-là qui relaxaient,
selon vous - et je vous crois - ça n'a pas augmenté leur salaire,
ça n'a pas augmenté leur revenu. C'est donc dire que, s'ils l'ont
amené chez vous, ils ne l'ont pas amené chez votre voisin qui,
lui, respectait peut-être la loi ce dimanche-là. Si l'ensemble des
commerces - je répète ma question - avaient été
ouverts, est-ce que vous auriez eu cet apport nouveau? Est-ce que vous auriez
obtenu une clientèle additionnelle? (9 h 45)
M. Girard: Je suis sûr et certain que j'aurais eu une
addition, parce qu'on me le disait. On me le disait, qu'ils allaient
présentement aux marchés publics. Que mes compétiteurs
ouvrent le dimanche, on n'enverra pas ces clients-là ailleurs.
Là, présentement, je dis à ma clientèle de mon
entourage: Fais trois, quatre ou cinq milles, va-t'en magasiner ailleurs. Moi,
j'ai investi ici dans le quartier pour bien vivre, pas pour que mon magasin
perde de plus en plus de volume et que j'envoie mes clients ailleurs. C'est la
raison pourquoi j'ai ouvert: j'étais tanné de faire rire de moi.
Et je suis tanné encore de faire rire de moi, parce que, justement, j'ai
investi de l'argent dans mon commerce et je dis à ma clientèle:
Là, allez-vous-en ailleurs. Le dimanche, moi, je ne peux pas avoir la
même chose que les marchés publics, clubs Price ou ces
places-là. C'est la raison pourquoi j'en avais assez. Je me dis aussi
que, si le gouvernement ferme tout, c'est la décision du gouvernement,
mais on s'en va en arrière. Je crois aussi que ce n'est pas ce que la
clientèle désire.
M. Richard: Je terminerais, M. le Président, par la
question suivante: La part de marché que vous avez perdue chez vous,
dans le type d'entreprise, c'a été à l'avantage de qui?
Sûrement des marchés publics, parce que vous y avez fait
référence. Mais, dans l'ensemble, c'a été dû
à quoi et à qui?
M. Girard: Disons... Depuis que Club Price a ouvert, dans mon
bout - parce qu'on est à peu près à deux milles d'un club
Price et d'un marché public 440 - j'ai eu des pertes de vente
régulières d'environ 10 000 $ à 15 000 $ par semaine.
C'est beaucoup d'argent.
M. Richard: Alors, votre gros compétiteur, en fait, c'est
Club Price.
M. Girard: Ou le marché public aussi, parce que lui
aussi... Ils sont un à côté de l'autre. Ça veut dire
que c'est le bouchon: il y a beaucoup de monde qui se ramasse là, le
dimanche.
M. Richard: Vos employés, les sept semaines,
étaient heureux de travailler le dimanche?
M. Girard: Je n'ai jamais forcé... Je travaille avec mes
employés comme je travaille avec mes enfants. Je suis pratiquement un
père avec eux autres et jamais je ne forcerai un employé à
travailler le dimanche s'il ne veut pas travailler. Je donne à mes
employés tout ce qu'ils veulent. Il y en a qui veulent avoir des samedis
de congé: je les leur donne. J'essaie de m'arranger le plus possible
avec mes employés. Je pense que j'ai des résultats, aussi, avec
ça.
M. Richard: Merci, M. Girard.
Le Président (M. Bélanger): Du côté
ministériel, est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur
une question qui vous a été posée tantôt. Je ne sais
pas combien vous représentez... Il y en a 200 qui ont signé,
c'est ça?
M. Girard: Oui.
M. Audet: Sous la bannière Provigo, combien y a-t-il de
marchands comme vous dans le Québec? Parce que j'ai regardé la
liste et je regarde dans ma région, par exemple,
Chaudière-Appalaches, ici en face de Québec: il n'y a aucun
marchand qui est inscrit dans cette liste-là. Est-ce que ça veut
dire que ce sont des gens qui sont... Premièrement, combien
êtes-vous? Deuxièmement, ceux qui ne se sont pas joints à
vous, est-ce qu'ils sont nécessairement contre l'ouverture ou si ce sont
des gens que vous n'avez pas eu le temps de contacter, pour toutes sortes de
raisons? Je veux que ce sort...
M. Girard: O.K. Il y a 227 marchands Provigo, je crois. Le
chrfire exact, je no pour-
rais pas...
Mme Marois: Au total.
M. Audet: Au total.
M. Girard: O.K., au total. Si dans votre...
Mme Marois: Qui ne sont pas des corporatifs, là.
M. Girard: Des corporatifs, il n'y en a pas tellement. O.K. Ce
sont surtout tous des indépendants.
M. Audet: La bannière Provigo, les marchands
indépendants, O.K.
M. Girard: Dans votre bout, s'il n'y a pas de marchands,
probablement qu'on les a oubliés. Ou probablement qu'il n'est pas
intéressé non plus à ouvrir le dimanche; il n'a
peut-être pas de marché public, lui, à côté de
chez lui, il n'a peut-être pas de club Price à côté
de chez lui, il n'a peut-être pas un Jean Coutu, non plus, etc., ou de
fruiterie.
M. Audet: Des fruiteries, oui.
M. Girard: Si le type ne se sent pas piétiné ou
s'il ne sent aucune compétition directe, moi, je dis: N'ouvre pas, reste
fermé. Mais moi, la raison pourquoi je suis ici aujourd'hui, c'est pour
défendre mes biens, O.K., pour défendre ce que j'ai investi,
justement parce qu'on a laissé aller les marchés publics, les
pharmacies et j'en passe. C'est la raison pourquoi je suis ici, pour
défendre mon point de vue.
M. Audet: D'accord, merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: J'ai l'air, des fois, de ne pas vous écouter,
mais je vous écoute d'un bord à l'autre. J'ai fait une remarque
au ministre. Je me dis: C'est tellement choquant quand on volt des
envahissements de marché sauvages, comme le fait Club Price, au
détriment, justement, de marchands comme vous. Parce que c'est ce qui
s'est passé. On essaie de trouver n'importe quel trou dans une loi pour
essayer de la contourner, pour essayer de passer à côté et,
je me dis, à votre détriment. Parce que c'est vous qui
témoignez de ça, d'ailleurs, M. Girard. Vous l'avez vu, vous,
concrètement. Ce n'est pas théorique, là. Ce n'est pas sur
papier, ce n'est pas dans des grands cahiers bien imprimés. Vous dites:
Quelque part, il y en a un qui a ouvert un jour et qui est venu chercher chez
moi 1 %, 2 %, 3 %. Bon.
Et, là, je reprends aussi vos propos. On dit: Si tu n'as pas de
concurrence déloyale, pourquoi tu ouvrirais le dimanche? Bon. Alors, je
reviens au fond du débat qui est: Comment faire respecter une loi qui
fasse qu'on arrive à l'équité? Là, je vais essayer
de faire une comparaison. On a des institutions financières très
complexes, dans nos systèmes sophistiqués des années
quatre-vingt-dix. On a des institutions bancaires, des institutions plus
coopératives, de type privé, de type public. On a des lois
fiscales d'une technicité et d'une complexité absolument
incroyables. On est obligés d'aller chercher des spécialistes
pour venir nous expliquer ça. On a des commissions de contrôle -
la Commission des valeurs mobilières du Québec en est un exemple
- pour essayer de s'assurer que tout le monde respecte bien les règles
du jeu, dans l'ensemble des institutions financières. C'est souvent des
processus qui se passent sur papier. On ne peut pas contrôler très
matériellement ces situations-là. C'est complexe à
contrôler. Alors, d'un côté, on a un secteur financier
complexe, difficile à contrôler, où les contrevenants sont,
dans l'ensemble du système, une minorité, comme partout ailleurs.
De l'autre côté, on retrouve une loi sur les heures d'affaires
où c'est visible, là. Il y a X mille pieds carrés, il y a
trois ou quatre personnes. Alors, c'est tangible, c'est concret; on peut le
voir, le contrôler. Comment se fait-il que, dans un secteur, on
réussit à se discipliner et à respecter la loi - avec,
bien sûr, des contrevenants, comme il y en a dans tous les
systèmes, mais dans une proportion toute petite - alors qu'à
côté on a un système qui m'apparaft, il me semble, moins
complexe à contrôler que tout ce qui concerne nos institutions
financières et on ne semble pas y arriver?
Dans le fond, mes propos, vous comprenez, s'adressent beaucoup au
ministre. On n'arrive pas à le contrôler. Moi, j'ai de la
difficulté à me convaincre de cela, que ce n'est pas possible de
contrôler une règle d'application que l'on va avoir
établie, si on se donne bien les moyens de le faire et qu'elle est
étanche. Parce que, le jour où quelqu'un est illégat... Si
on était allé chez vous et qu'on vous avait dit: Vous avez ouvert
le dimanche: votre amende, c'est 150 % du chiffre d'affaires que vous avez fait
aujourd'hui, auriez-vous ouvert le dimanche suivant?
M. Girard: Je dois répondre. Normand Girard. J'aurais
ouvert si la compétition avait continué. Permettez-moi de
rajouter une chose. Vous voyez aussi l'achalandage des personnes dans ces lieux
publics là. Je m'en vais sur l'autre côté, là, et je
me dis: S'il y a un achalandage de cette envergure, il y a un besoin. Dans
ces endroits où il y a un besoin, est-ce que nous sommes au service
de cette clientèle?
Mme Marois: Là-dessus, moi, je vous dirai ce que j'ai dit
à plusieurs personnes qui sont venues ici. Est-ce que c'est la poule qui
vient
avant l'?uf ou l'oeuf avant la poule? On l'aime parce qu'on en
mange, on en mange parce qu'on l'aime. Alors, c'est toujours un peu
compliqué. Quand il y a un service qui est offert, les gens vont
l'utiliser s'il est là. S'il n'est pas là, ça ne veut pas
dire nécessairement qu'on les en prive parce qu'il n'est pas là.
Alors, il peut y avoir un effet d'attraction parce que le service est
là. Je vous donne un exemple bien concret et je suis sûre que
c'est votre réalité aussi. SI je sais que, le dimanche, ce n'est
pas possible de me procurer un certain nombre de produits - et on en a des
exemples dans le domaine vestimentaire, dans le domaine de l'ameublement; on
sait que c'est difficile de se procurer des produits, ou c'est quasi impossible
- alors, on s'organise pour le faire autrement, à un autre moment.
Ça nous contraint un peu, j'en conviens, mais la liberté des uns
s'arrête là où la liberté des autres commence. On
vit dans une société où on est obligés de
s'établir des règles du jeu et il y a des contraintes. C'est le
nombre.
M. Girard: Je vais vous donner un endroit sur la rue
Sainte-Catherine où vous pouvez avoir un complet.
Mme Marois: Où je pourrais me dépanner si jamais je
suis mal prise. D'accord.
M. Girard: Exact.
Mme Marois: De toute façon, j'aime mieux faire autre
chose, le dimanche. Ha' ha, ha!
M. Girard: C'est votre privilège.
Mme Marois: Mais je pense qu'il y a de ça aussi. Je
reviens à ma comparaison que je ne voudrais pas qu'on perde de vue;
sûrement que ça amènera aussi le ministre à y
réfléchir. J'ai de la difficulté à me convaincre de
ça: qu'une loi sur les heures d'affaires, où on établit
des règles dont on peut voir l'application, on ne puisse pas
l'appliquer, alors qu'on peut le faire dans des systèmes beaucoup plus
complexes.
Je vais revenir avec une dernière question. Est-ce que vous
êtes assez d'accord avec les données que l'on retrouve dans le
document fait par le ministère de l'Industrie et du Commerce, qui a
été la base pour nous permettre d'avoir les échanges que
l'on a et d'avoir un tableau de fond qui est assez correct en termes
d'information?
M. Girard: Moi, je pourrais laisser peut-être...
Mme Marois: Oui, mais c'est ça.
M. Girard: ...mes collègues...
Mme Marois: En fait, vous ne contestez pas les données qui
sont là. M. Girard: Non.
Mme Marois: Bon, d'accord. C'est plus ça. On peut
être en désaccord avec des points, là...
M. Girard: Définitivement.
Mme Marois: ...mais vous ne contestez pas les données qui
sont là. Or, dans les données qui sont là, ce que l'on
constate, c'est que le marché de l'alimentation arrive à
maturité, est à maturité, dans le sens où il va
progresser au rythme où va progresser la population, bien sûr,
ça va de soi, mais il ne devrait pas y avoir de croissance
exponentielle, ni très importante. Est-ce que vous êtes d'accord
avec moi quand je dis: Dans un contexte comme celui-là, en
libéralisant les heures d'affaires, ce que l'on fait, ce sont des vases
communicants? C'est-à-dire que, si les personnes vont plus acheter chez
vous, elles vont moins acheter soit à la fruiterie, soit à la
pâtisserie, soit à la pharmacie ou ailleurs, parce que la masse
totale consacrée à la consommation alimentaire est à peu
près stable. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette analyse que
je fais des données qui sont devant nous?
M. Tanguay: Mon nom est Richard Tanguay. Il est évident
que la masse totale d'argent dépensé par le consommateur au
Québec, que nous soyons ouvert vingt-quatre heures par jour, ne changera
absolument pas. Comme le disait si bien M. Richard tout à l'heure, son
salaire n'augmente pas même s'il relaxe. Alors, partant de ce
principe-là, évidemment, la masse de dépenses ne sera pas
plus grande. La seule chose, c'est que ça va permettre de stabiliser la
fameuse masse de dépenses qui, actuellement, a tendance à se...
Les vases communicants communiquent vers le bas actuellement et, tout en
communiquant vers le bas, plus le vase du bas devient grand, bien, plus il
s'étend. Alors, ayant beaucoup de respect pour les législateurs
en général, on a établi déjà, dans le
passé, des lois. En 1984, on a fait des amendements, avec toute la bonne
volonté du monde. On voit le résultat, où on en est,
aujourd'hui. Alors, les solutions fondamentales à ça, les vraies
solutions: des contraintes suffisamment solides et sévères.
On a 14 000 points de vente d'alimentation au Québec. Il en
pousse quelques centaines par année. Je doute fort qu'on puisse
contrôler ça sur une base efficace. Ça prendrait, à
tout le moins, une armée d'inspecteurs pour réussir à
faire respecter une loi où il y aurait des contraintes très
sévères. Il y a aussi un paquet de facteurs qui viennent
influencer, mais il y a un fait qui demeure: c'est que la masse totale de
dépenses ne changera pas. Ça va strictement se rétablir
selon le marché.
Mme Marois: D'accord. Je vais juste faire une remarque sur ce que
vous apportez. C'est vrai que ça prend une foule d'inspecteurs, si tout
le monde y contrevient. Mais, à partir du moment où la loi
s'applique et qu'il est clair qu'il y a une volonté politique qu'elle va
s'appliquer, qu'elle va être respectée, que les amendes vont
être imposées, est-ce que ça ne désincitera pas
à la récidive et est-ce qu'à ce moment-là on risque
d'atteindre l'objectif que l'on visait, sans pour autant augmenter d'une
façon substantielle les inspections nécessaires pour s'assurer du
respect de la loi?
M. Tanguay: II est très possible qu'on puisse y arriver,
là, qu'on puisse avoir des contraintes, si la volonté y est -
O.K., - comprenons-nous bien. Est-ce que je dois comprendre que la
volonté n'y est pas ou n'y était pas, depuis 1969? C'est
là qu'est le doute raisonnable dans mon esprit, à savoir: est-ce
que vraiment ça peut s'avérer possible de vouloir
réglementer le marché? J'ai des doutes raisonnables
là-dessus.
Mme Marois: Bien. D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je vous
inviterais à conclure et à remercier nos invités. (10
heures)
Mme Marois: Oui. Je vous remercie de nous avoir
présenté votre point de vue. Je n'ai pas rappelé celui que
je défends. Je pense que vous le connaissez. Mais ce que je voulais vous
dire, cependant, et je pense que c'est toujours Important de le
répéter à chacun des groupes qui viennent ou à
chacune des journées que l'on entreprend ensemble, c'est que ce n'est
pas un débat facile. Et ce n'est pas parce que j'ai une position que je
ne suis pas sensible au point de vue que vous défendez et que je ne le
comprends pas. Mais moi, je tire une conclusion qui est différente de la
vôtre. Je fais la même analyse que vous. Je partage le même
point de vue quant à la défense de vos intérêts
légitimes, mais ma conclusion, c'est que je pense qu'il est possible
d'arriver à ce que votre intérêt légitime sort
respecté et que vous soyez dans un contexte où on ne vous fait
pas de concurrence déloyale. Voilà ce que je voulais vous dire.
Je vous remercie de votre participation à nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. Girard, ce que je retiens, c'est que
vous me dites: Est-ce que c'est possible d'avoir une loi sans faille?
Honnêtement, je ne le sais pas encore, parce que j'ai souvent posé
la question à cette commission, puis je fais référence
à la créativité des commerçants. Je vais prendre en
considération vos remarques. Je vous remercie encore une fois
d'être venu avec votre groupe nous expliquer votre point de vue.
Ça va sûrement nous aider dans la décision qu'on va
être appelés à prendre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le groupe des marchands des
supermarchés Provigo favorables à l'ouverture le dimanche et
invite à la table des témoins le groupe Provi-Soir. Merci.
Alors, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa
place, s'il vous plaît. À l'ordre! S'il vous plaît, je
demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place et j'invite le
groupe Provi-Soir à se présenter à la table des
témoins. S'il vous plaît!
Merci de votre collaboration. Nous recevons présentement le
groupe Provi-Soir qui sera représenté, selon l'information que
j'ai ici, par M. Jean Bernier et M. Yves Rondeau.
Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire. Je vous prierais, chaque fois que vous avez à
intervenir, de bien vouloir vous nommer, ceci pour les fins de la transcription
du Journal des débats. Sans plus tarder, je vous invite à
présenter votre mémoire.
S'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît, on
écoute nos invités.
Provi-Soir
M. Bernier (Jean): M. le Président, M. te ministre, Mmes
et MM. les députés, je me présente, Jean Bernier,
vice-président et directeur général de Provi-Soir. Je vais
demander à mon collègue de se présenter.
M. Rondeau (Yves): Bonjour. Mon nom est Yves Rondeau et je suis
directeur des opérations chez Provi-Soir.
M. Bernier: Dans un premier temps, on va vous faire un court
résumé du mémoire qu'on a soumis à la commission.
Essentiellement, notre intervention va porter sur quatre principaux points.
Dans un premier temps, on va vous faire un résumé de nos
recommandations et de la position qui est défendue par Provi-Soir dans
le dossier. Dans un deuxième temps, on va vous donner un aperçu
du réseau Provi-Soir, des gens qu'on a la prétention de
représenter; on va également vous brosser un court tableau de
l'industrie du dépannage au Québec. Dans un troisième
temps, on aimerait vous entretenir un peu sur les impacts d'une modification
des heures d'affaires sur les principaux intervenants, c'est-à-dire sur
les consommateurs, sur les détaillants, sur les travailleurs et
travailleuses, et sur les gens du commerce de détail en
général. On va terminer en faisant un bref exposé des
impacts qu'une modification des heures d'affaires aurait sur le réseau
Provi-Soir en tant que tel.
M. le Président, nos recommandations, je pense, sont très
simples et très claires. Dans un
premier temps, on est en faveur de la fermeture des
établissements commerciaux du secteur de l'alimentation le dimanche,
sauf pour deux exceptions: la première, ce sont les commerces qui
opèrent avec trois employés ou moins en tout temps et,
également, ceux dont la superficie totale est de 3500 pieds
carrés ou moins, incluant l'arrière-magasin et/ou le sous-sol.
Ça, c'est notre position fondamentale. Deuxièmement, on est
d'accord avec un réaménagement des heures d'ouverture en
début de semaine pour tous les commerces selon la formule suivante, soit
les lundi, mardi et mercredi jusqu'à 19 heures, ou les lundi et mardi
jusqu'à 19 heures et le mercredi jusqu'à 21 heures.
Troisièmement, on est en faveur d'une application rigoureuse et
vigoureuse de la loi, contrairement, à notre avis, à ce qui s'est
fait jusqu'à date. Sur ce point-là, on est tout à fart en
accord avec les recommandations du rapport de M. Richard concernant les amendes
qui devraient être imposées aux contrevenants.
Quatrièmement, on est d'avis que la loi doit demeurer de juridiction
provinciale. Cinquièmement, on est d'avis qu'on doit abolir toutes les
exemptions, sauf celles qui étaient prévues, encore une fois, au
rapport de M. Richard. Donc, M. le Président, c'est l'essentiel de notre
position.
Les gens qu'on représente, c'est le réseau Provi-Soir;
Provi-Soir est une division de C Corp. Inc., qui est une compagnie
détenue à part entière par Provigo. C'est un réseau
de près de 240 magasins - 237 pour être exact - dont 137 sont
jumelés à des postes d'essence. On effectue pour 450 000 000 $ de
ventes annuellement au Québec et on opère tous nos magasins selon
un système de franchises qu'on appelle "clé en main",
c'est-à-dire que c'est nous qui choisissons les sites, qui faisons les
investissements, qui déterminons la mise en marché, mais chacun
de nos établissements, sans exception, est opéré par un
franchisé indépendant qui a investi entre 60 000 $ et 75 000 $
pour faire l'acquisition de la franchise et pour faire l'acquisition de
l'inventaire. Donc, on représente 237 franchisés qui sont des
hommes ou des femmes d'affaires indépendants qui ont investi entre 60
000 $ et 75 000 $ dans leur commerce.
L'industrie du dépannage au Québec, on vous en brosse un
court tableau. Il n'y a pas de statistiques précises qui existent sur
cette industrie. C'est une industrie qui est dominée par des hommes ou
des femmes d'affaires Indépendants. Selon nos chiffres, il existe
à peu près 4600 dépanneurs au Québec, ce qui
représente 23 000 emplois et des investissements totaux d'environ 2 000
000 000 $; Ils effectuent des ventes globales, au Québec, d'environ 2
300 000 000 $. Donc, on pense que c'est une industrie qui est majeure, qui est
importante et qui serait menacée s'il y avait des modifications au
niveau de la loi sur les heures d'affaires.
En ce qui a trait à l'impact d'une modifica- tion, on aimerait
juste souligner un certain nombre de points. Premièrement, les
consommateurs. Je pense que les principaux intervenants qui argumentent en
faveur de la libéralisation des heures d'affaires le font au nom des
consommateurs. Mais, quand on demande aux consommateurs ce qu'ils veulent,
c'est-à-dire quand on analyse les différents sondages qui sont
présentés dans le rapport du ministère, à notre
avis, il n'y a pas de consensus clair qui se dégage. On ne retrouve pas
de façon constante une majorité, c'est-à-dire plus que 50
% des consommateurs en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche. Et
deuxièmement, quand on donne le choix aux consommateurs de l'ouverture
ou d'un allongement en début de semaine versus l'ouverture le dimanche,
dans tous les sondages qui l'ont demandé, les consommateurs
préfèrent un allongement des heures d'affaires en début de
semaine. Donc, notre position, c'est que, quand on le demande aux consommateurs
qui, on pourrait le penser, seraient ceux qui auraient le plus à gagner
d'un élargissement des heures d'affaires, ce n'est sûrement pas la
réponse claire qu'on a, en tout cas.
Les détaillants. Écoutez, les différents sondages
qui ont été faits, particulièrement le sondage du
regroupement des détaillants indépendants, indiquent qu'il y a
une vaste majorité, c'est-à-dire plus de 90 % des
détaillants qui sont contre l'ouverture le dimanche.
Les travailleurs et les travailleuses, qui sont un autre groupe qui
serait sûrement touché de façon importante par un
élargissement des heures d'affaires, je pense que leur position est
clairement établie sur ce dossier-là. On pense que ce seraient
ceux qui auraient le plus à perdre et qu'on assisterait à une
prolifération des emplois à temps partiel.
Et un dernier point pour ce qui est du commerce de détail en
général. À date, le débat a été
centré uniquement sur le secteur de l'alimentation. C'est le secteur qui
semble poser le plus gros problème. Mais on vous soumet que, si on
permettait un élargissement des heures d'affaires pour le secteur de
l'alimentation, tôt ou tard les pressions deviendraient très
fortes pour accorder le même privilège à l'ensemble du
commerce de détail au Québec. Dans les centres d'achats, les
commerces d'alimentation représentent souvent un pôle d'attraction
important pour l'ensemble des petits commerçants qui sont
présents dans ces centres commerciaux. Nous pensons qu'il y aurait des
pressions très importantes pour permettre la libéralisation au
niveau du commerce de détail.
Permettez-moi de terminer en vous pariant un petit peu de l'impact que
nous pensons qu'un élargissement des heures d'affaires aurait sur le
réseau Provi-Soir. On effectue à peu près 18 % de nos
ventes le dimanche. Il est très difficile d'évaluer avec
précision quel serait l'impact d'un élargissement des heures
d'affaires sur les ventes
des dépanneurs, combien de ventes on perdrait. On peut avancer
différentes hypothèses pour essayer de quantifier et de chiffrer
ces ventes. L'étude des HEC, qui est citée d'ailleurs dans le
mémoire du ministère, cite une perte de ventes potentielle
d'environ 8,9 %. Est-ce que c'est exact ou non? Je ne le sais pas. Nous, notre
prétention, c'est que les pertes se situeraient entre 7,5 % et 10 %. Nos
marchands, nos franchisés ne peuvent pas se permettre de perdre entre
7,5 % et 10 % de leurs ventes. Dans bien des cas, c'est la marge de manoeuvre,
c'est le profit net qu'il leur reste pour vivre. Alors, on pense qu'un
élargissement des heures d'affaires créerait un préjudice
très important sur la rentabilité de l'industrie du
dépannage.
Dans un deuxième temps, l'autre problème important qui
serait créé serait le problème du recrutement
d'employés pour travailler le dimanche ou les fins de semaine. Si vous
vous promenez dans le réseau, que vous rencontrez des marchands
Provi-Soir ou des gens qui opèrent des dépanneurs, que vous leur
demandez comment ça va, la première chose dont ils vont vous
parler invariablement, leur problème d'exploitation numéro un,
c'est de recruter, d'embaucher un personnel de qualité. Ce n'est pas un
problème qui est typique au Québec. C'est un problème qui
est nord-américain. C'est probablement le problème le plus
important auquel on va avoir à faire face dans les cinq prochaines
années. Si on permet l'ouverture des supermarchés le dimanche -
et on pense aussi des autres commerces d'alimentation, parce que ça va
devoir venir tôt ou tard, à notre avis - on va connaître des
problèmes très importants de recrutement d'employés au
niveau de nos magasins. On pense que, encore une fois, ça va nous causer
un préjudice important.
M. le Président, c'était l'essentiel de notre position. Si
vous avez des questions. (10 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. Bernier. Quand vous
dites que les pressions peuvent avoir un effet d'entraînement sur la
libéralisation totale, je dois vous dire que les pressions sont
déjà très fortes. Mais une des considérations de
cette commission, c'est d'avoir une loi durable. Donc, on va
définitivement prendre en considération ce que vous avez
mentionné tout à l'heure, parce que les pressions sont
très présentes aujourd'hui. Alors, si on veut avoir une loi
durable, je pense qu'il faut regarder le problème de fond et
trancher.
J'ai trois questions à vous poser. La première. Je pense
que vous avez bien expliqué l'économique des dépanneurs et
l'importance pour vous de maintenir l'ouverture le dimanche en ayant une
certaine exclusivité. Est-ce que des franchisés qui ont investi
des sommes - vous avez mentionné tout à l'heure des sommes
importantes, 75 000 $ - pourraient, si on arrivait à la conclusion qu'on
libéralisait les heures d'affaires le dimanche, vous poursuivre pour les
représentations que vous leur avez faites au niveau des heures
d'ouverture? Est-ce que vos avocats se sont penchés sur ce sujet? Vous
ne comprenez pas la question?
M. Bernier: Oui, oui.
Mme Marois: Je réfléchissais à autre chose.
Je m'excuse, M. le ministre. Ce n'est pas parce que...
M. Tremblay (Outremont): Quand Provigo a décidé
d'ouvrir des Provi-Soir, il a fait des représentations à des
franchisés. Il leur a dit: Voici le contexte actuel, investissez de
l'argent. Là, ce que j'entends, c'est que, si on changeait les heures
d'affaires et qu'on ouvrait le dimanche, on attaque directement, en fait, ia
marge bénéficiaire. Même, vous avez dit que c'était
le profit net qui disparaîtrait. Je veux savoir si ces
franchisés-là, en fonction soit de vos contrats et/ou d'autres
dispositions légales pourraient intenter des poursuites contre
Provigo.
M. Bernier: Écoutez, je vais passer la parole à mon
collègue. À ma connaissance on n'a pas demandé d'avis
juridique sur cette question très précise.
M. Rondeau: Effectivement, on n'a pas d'avis juridique sur ce
point. Par contre, dans Je service qu'on offre à nos marchands, on leur
vend un concept, on leur assure un concept viable et rentable. Dans certains
magasins où les ventes ne rencontrent pas nos espérances,
où il y a des situations économiques ou compétitives plus
agressives, on est obliges de faire certaines corrections au système de
base pour assurer quand même un minimum vital aux exploitants de ces
commerces. Donc, on pense également qu'on aurait une retombée
directe, parce que, à ce moment-là, on serait probablement
obligés de supporter - si on peut me permettre l'expression - plusieurs
de nos franchisés, pour ne pas dire les trois quarts de nos
franchisés, puisque leurs revenus n'atteindraient pas le seuil sur
lequel on s'était entendus, qui était des revenus normaux
d'exploitation pour un type de commerce comme celui qu'ils opèrent.
M. Tremblay (Outremont): Ça, je le comprends bien. En
fait, ça, c'est la responsabilité corporative pour
protéger le réseau, surtout si vous avez assuré un concept
viable et rentable. Mais, si la loi est changée, est-ce que vous avez
encore une obligation légale? Je suis certain que vous avez une
obligation morale, mais est-ce que vous avez une obligation légale? Si
vous n'avez pas la réponse, si vous pouvez nous la donner...
Je vais demander au ministère d'avoir une opinion légale
là-dessus parce que ça peut avoir des influences
éventuelles. Ça, c'est la première question.
Deuxième question. Dans des représentations
antérieures et même dans le document original - je sais que c'est
le document révisé; j'ai souvent posé cette question,
surtout au début de la commission - on parlait de la possibilité
de quatre employés. Là, je vois dans la version
révisée que vous revenez à trois. Vous avez le droit, ce
n'est pas ça que je remets en question. Ce que je veux bien comprendre,
c'est: si vous avez senti le besoin d'aller à quatre employés -
je reviens au principe de base d'avoir une loi durable - est-ce que c'est parce
que, quand on va avoir fait une loi à trois employés, on va
s'apercevoir, dans un an, deux ans, trois ans, que vous êtes rendus
à quatre employés et, là, on va avoir des problèmes
d'application de la loi, puis on va être obligés de rouvrir la
loi? Pourquoi avez-vous senti le besoin de nous demander quatre employés
dans le document original?
M. Bernier: II est évident, M. le ministre, qu'avec les
différents intervenants qu'on a consultés c'est une question qui
a été discutée. Vous mentionnez, à juste titre,
qu'il y a eu deux versions du mémoire, puis que, dans une
première version, on mentionnait quatre employés. Par contre,
après avoir regardé le dossier de façon complète,
on en est venus à la conclusion que la règle de trois qui
prévaut actuellement et avec laquelle on a développé notre
réseau actuel qui compte, comme je vous le mentionnais, 237
établissements, c'est une règle avec laquelle on a
été capables de vivre depuis les 14 dernières
années et avec laquelle on pense être capables de vivre pour
l'avenir prévisible.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Alors, ce que vous me
dites, c'est que, si jamais ii y avait des commerces de vrai dépannage
qui opéraient avec quatre employés, vous vous assureriez que ces
commerces-là n'opéreront jamais avec plus de trois
employés, si on allait dans ce sens.
M. Bernier: Si la loi était de cette
façon-là, comme on l'a fait depuis le début,
d'ailleurs.
M. Tremblay (Outremont): La dernière question. Vous
apportez un élément nouveau; je pense que c'est la
première fois que quelqu'un l'apporte globalement comme ça. Vous
dites que vous seriez prêts à considérer un
réaménagement en semaine des heures d'ouverture, pas uniquement
le mercredi soir, mais également le lundi et le mardi jusqu'à 19
heures, si on ouvrait à 9 heures. Alors, on a beaucoup pensé, on
a beaucoup cheminé. C'est parce que vous perdez, dans le fond, une heure
le soir, mais vous gagnez une demi-heure Importante le matin, si on le regarde
sur une base économique, puis je ne dis pas que ça ne fait pas de
sens.
La question est la suivante. On entend beaucoup, au nom de la
qualité de vie, que si on élargissait jusqu'à 19 heures le
lundi et le mardi, par opposition à uniquement le mercredi
jusqu'à 21 heures, les couples qui travaillent ne pourront pas aller
à la maison pour rencontrer leurs enfants, on ne pourra pas faire de
bénévolat, parce qu'il y en a qui doivent se libérer
tôt pour aller faire du bénévolat le soir. Comment
réagissez-vous à ces arguments-là? Parce que, en fait,
tout le débat est là: Est-ce qu'on permet à des jeunes
couples qui travaillent jusqu'à 17 h 30 ou 18 heures, principalement
dans des milieux urbains, qui doivent prendre soit le métro ou leur
automobile... Souvent, ils arrivent dans leur environnement à 17 h 55 et
c'est trop tard. Donc, l'heure additionnelle a du sens, a une certaine
importance, mais il y a d'autres arguments. L'autre position, c'est de dire: La
qualité de vie, pour d'autres, c'est différent; c'est de faire du
bénévolat ou d'être avec les enfants. Comment concilie-t-on
ça, puis comment en êtes-vous venus à nous faire cette
recommandation-là?
M. Bernier: Je pense que la préoccupation qu'on a eue en
mettant de l'avant cette recommandation, c'est d'aborder la question de
façon constructive. Je ne vous cacherai pas qu'on
préférerait le maintien de la loi telle qu'elle existe
présentement. Par contre, ce qu'on a voulu faire, c'est présenter
à la commission une approche constructive et qui nous apparaissait
réaliste. Dans ce contexte, on pense qu'un élargissement des
heures d'affaires en début de semaine jusqu'à 17 heures va
rencontrer les besoins des consommateurs. Donc, ça va présenter
une alternative durable au gouvernement, en termes d'une loi qu'on est capables
d'appliquer, puis avec laquelle on est capables de vivre. Et nous, même
si, encore une fois, on préférerait le maintien du statu quo,
bien, c'est une position avec laquelle on est capables de vivre. Donc, la
réponse, simplement, c'est que c'est dans un esprit de le faire de
façon constructive.
M. Tremblay (Outremont): M. Bernier, j'ai bien compris que ce
n'est pas 17 heures, c'est 19 heures.
M. Bernier: Vous avez raison. Je m'excuse.
M. Tremblay (Outremont): Je sais que ça vous a... Je
voulais juste au moins clarifier ça.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous
souhaite la bienvenue au nom de ma
formation politique. Je comprends bien aussi votre appel au secours, de
la môme façon qu'il nous a été
présenté tout à l'heure, mais je partage davantage,
évidemment, votre point de vue et vos conclusions parce que je crois
qu'il est imaginable d'aller dans le sens de ce que vous proposez.
Cela étant dit, hier, on a eu - comment s'appelaient-iis? - les
dépanneurs Couche-Tard. On nous disait que l'achat moyen chez un
dépanneur, c'était de l'ordre de 3 $. Est-ce que ça se
compare à ce que vous vivez chez vous?
M. Rondeau: Yves Rondeau. Effectivement, nos ventes moyennes sont
de 3,11 $ par client.
Mme Marois: D'accord. Il y a une autre chose qui était
dite aussi dans le document et je ne crois pas qu'on la retrouve, là,
chez vous. Bien, c'est-à-dire qu'on la retrouve un peu, oui, dans le
sens de l'investissement, là, pour chaque dépanneur et du chiffre
d'affaires. Hier, Couche-Tard, dans le document, nous disait: Chiffre
d'affaires moyen - évidemment, une moyenne, on sait que ça peut
varier - 450 000 $ et le propriétaire finit par se retirer à peu
près un salaire de l'ordre de 35 000 $. Est-ce que ça correspond
à peu près à l'image de votre réseau?
Je fais souvent la remarque, quand j'entends le bruit, que ce n'est pas
nécessairement ça, la qualité de vie. Pour elle; moi,
ça ne me dérange pas.
Des voix: Ha, ha, hal
M. Tremblay (Outremont): Moi non plus.
Mme Marois: Est-ce que c'est à peu près la
même image générale chez vous? Évidemment, il y a,
chez vous, le jumelage avec l'essence. Remarquez que c'est vrai aussi pour
Couche-Tard.
M. Rondeau: Je crois que M. Bouchard, lorsqu'il faisait allusion
aux dépanneurs qui vendaient pour 400 000 $ à 500 000 $ et qui
avaient un revenu d'environ 35 000 $, faisait surtout référence
aux petits dépanneurs indépendants ou "bannières" qui sont
des gens qui ont investi dans leur propre commerce au niveau des
équipements et au niveau de la bâtisse. Chez nous, les gens ont
investi uniquement...
Mme Marois: Sur l'achalandage, la franchise, en fait.
M. Rondeau: -sur la franchise et sur l'inventaire des produits
qui se trouvent à l'intérieur de leur magasin. Donc, à ce
moment-là, nous, on "charge" ce qui est communément appelé
dans le domaine des redevances ou des "royalties" sur les ventes faites. Dans
un système de franchisage, autant celui de Couche-Tard que celui de
Provi-Soir, on peut parier de ventes moyennes qui sont le double, en
général, parce qu'on a de meilleurs sites, on est très
accessibles, au carrefour de grosses intersections ou des choses comme
ça. Donc, on peut parler peut-être de ventes moyennes qui vont se
situer plutôt dans les alentours de 800 000 $ à 900 000 $.
À Montréal, dans le système de franchise Provi-Soir, un
magasin qui vend pour 900 000 $ tire environ 30 000 $ de revenu, surtout
à cause du coût des taxes d'affaires. C'est sûr que, si on
s'éloigne en province, à ce moment-là, le revenu
peut...
Mme Marois: Peut être meilleur.
M. Rondeau: ...peut-être passer à 40 000 $ ou 45 000
$.
M. Tremblay (Outramont): Après... Mme Marois: Oui,
allez-y.
M. Tremblay (Outremont): Net, mais après son salaire
payé. Si c'est le propriétaire qui l'opère, il a son
salaire, plus il reste un bénéfice?
M. Rondeau: Non.
M. Tremblay (Outremont): Non?
M. Rondeau: C'est le salaire du propriétaire avant
Impôts.
M. Tremblay (Outremont): Ah oull M. Rondeau: Oui. Mme
Marois: Ouf!
M. Tremblay (Outremont): Sur 900 000 $ de chiffre d'affaires?
M. Rondeau: Oui. A Montréal, oui.
Mme Marois: De volume de ventes là. Alors, quand on parle
des petits là, on parle de ça aussi. Moi, j'aimerais ça
revenir sur une autre chose, sur le personnel. Vous l'avez bien abordé
et plusieurs avant vous... En fait, ça se départage, comme sur le
fond de la question. Certains disent: Ah oui! C'est facile. D'autres disent:
Non.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
il y a beaucoup de bruit dans la salle. S'il vous plaît!
Mme Marois: Les informations obtenues ont suscité
beaucoup...
Le Président (M. Bélanger): De brouhaha.
Mme Marois: ...de réactions. C'est ça. Bon.
Évidemment, les tenants d'une thèse nous disent: Oui, c'est
relativement facile d'avoir du personnel. Les tenants de l'autre thèse
nous disent: Non, c'est un peu compliqué. Mais il y a quelque chose qui
se dégage tout le temps, je pense là, c'est que le monde ne veut
pas travailler le dimanche. Évidemment, l'obligation les amène
à le faire, etc.
Il y a certaines personnes qui sont venues Ici, entre autres, les
quincailliers, qui nous ont dit: Nous, un des graves problèmes que l'on
prévoit si vous ouvrez l'alimentaire - ils partagent votre point de vue
- ce sera le pied dans la porte pour autre chose. On ira donc aux commerces de
détail et nous, on a besoin de personnel spécialisé sur
nos planchers. On vend des boulons, on vend de la mécanique, etc., et
ça nous prend des gens capables d'expliciter le produit. On ne peut pas
prendre l'étudiant qui fait ça six mois, puis qui change
d'endroit. (10 h 30)
A contrario, votre entreprise est plutôt une entreprise de type
général. Vous avez du produit alimentaire, de la revue. On sait
ce qui se vend dans un dépanneur, on n'a pas besoin d'en faire la liste.
Et, par contre, vous soulevez quand même le problème de la
qualité du personnel. Et c'est sous quel angle, à ce
moment-là? Parce que ça ne prend pas nécessairement des
spécialistes. Est-ce que c'est sous l'angle de l'absentéisme?
Est-ce que c'est sous l'angle de la fiabilité? Quels sont les
problèmes majeurs que vous rencontrez?
M. Bernier: Je pense que le problème le plus important,
avant de parler d'absentéisme, puis de la notion de service à la
clientèle aussi, c'est tout simplement la notion d'accessibilité.
C'est très difficile... Yves, je pense, a mentionné tantôt
les marges de profit qui existent au niveau du dépanneur. Il est
évident que ce ne sont pas des emplois qui peuvent être
rémunérés à 10 $, puis à 12 $ l'heure. Et il
est évident aussi, comme je le mentionnais, que c'est un problème
nord-américain qui est en partie causé par des questions
démographiques. Il y a de moins en moins de jeunes qui sont
intéressés ou disposés à travailler à des
conditions qui sont plus ou moins près du salaire minimum.
Donc, il y a un problème réel de recruter, d'avoir
accès à un personnel pour opérer le magasin. Dans un
deuxième temps, les autres qualités qui sont recherchées,
il y a des qualités de service, d'accueil, des habiletés de
pouvoir quand même opérer la caisse, les différentes
consoles, les différents équipements qui sont en place et qui,
comme tout le reste, deviennent de plus en plus complexes.
Mme Marois: Et, donc, vous avez à cet
égard-là un certain nombre de difficultés. Une des
hypothèses qui est amenée ici... Il me reste du temps,
monsieur?
Le Président (M. Bélanger): Oui.
Mme Marois: Une des hypothèses qui est amenée ici
pour contrer le fait que des travailleurs et des travailleuses nous disent: On
ne souhaite pas travailler le dimanche et, d'autre part, on veut être
bien protégés si on veut pouvoir refuser de le faire...
Evidemment, dans vos entreprises, j'imagine que ce n'est pas syndiqué.
Si, dans une loi de relation du travail ou de normes minimales - ce serait
mieux dans une loi de normes minimales, à ce moment-là - on
mettait un droit de refus absolu - je m'explique: dans une loi, on pourrait
dire: Quelqu'un qui ne veut pas travailler le dimanche a toujours le droit de
refuser - est-ce que vous pourriez vivre avec ça, vous autres?
M. Rondeau: Vivrions-nous? Je pense que ça deviendrait
très difficile, parce que évidemment, compte tenu que nos
commerces sont ouverts 24 heures et que le dimanche, ça
représente, comme Jean le mentionnait tantôt, 18 % de nos ventes,
assez régulièrement, dans de bons magasins, on va opérer
avec deux personnes le dimanche, donc, sur au moins deux "shifts", deux quarts
de travail. Donc, ça va nous prendre quatre personnes par magasin, plus
la personne qui s'occupe du quart de nuit. À ce moment-là, on
aurait beaucoup de difficultés, parce que je pense que les jeunes aiment
ça avoir leur dimanche, aiment ça avoir leur fin de semaine. Ceux
qui étudient la semaine, s'ils avaient le loisir de dire qu'ils ne sont
pas disponibles le dimanche, je pense que sûrement ils le
prendraient.
Par contre, ce qu'on est obligés de faire aussi, parce qu'on est
conscients que les gens ne veulent pas travailler le dimanche, on est
obligés de travailler avec des formules qui vont leur permettre d'avoir
un dimanche sur trois, un dimanche sur deux de congé, puis de faire des
rotations de personnel. Alors, à ce moment-là, dès
que...
Mme Marois: C'est inclus dans vos conditions de travail, la
façon dont vous opérez.
M. Rondeau: C'est ça. Si quelqu'un dit: Je ne veux plus
travailler le dimanche, bien, là, ça va défaire un peu
l'engrenage et ça risque d'avoir une réaction négative
aussi sur les autres individus.
Mme Marois: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, M. le
député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir
sur certaines données que vous avez mentionnées tout à
l'heure. J'aimerais
comprendre certaines choses que je ne comprends pas actuellement. Dans
votre mémoire, vous nous pariez du système de franchises. Vous
nous dites que l'ensemble du réseau est exploité par un
système clé en main, que vous êtes responsables du choix
des emplacements, de la construction, de l'achat des équipements
nécessaires aux opérations. "Nous fournissons des services de
support aux détaillants franchisés. Ceux-ci sont responsables de
l'exploitation des magasins, incluant le recrutement et la gestion de leur
personnel, et l'inventaire des marchandises. Les marchands Provi-Soir sont donc
tous des entrepreneurs indépendants qui ont investi de 60 000 $ à
75 000 $ pour faire l'acquisition de la franchise et défrayer
l'inventaire."
Moi, il y a quelque chose que j'ai de la misère à saisir,
actuellement, et que je voudrais que vous m'expliquiez un peu plus. Vous dites
que Provi-Soir appartient à une firme qui s'appelle C Corp. inc., et
ainsi que Provi-Soir est détenue, au fond, à 100 %, par Provigo
inc. Bon, si je comprends bien, Provigo là-dedans a investi quand
même beaucoup au niveau de la construction des infrastructures. Le
franchisé, lui, met son argent dans l'inventaire, dans la franchise,
essentiellement. Ce que j'ai de la misère à saisir, c'est qu'une
firme qui détient 100 %, au fond, de Provi-Soir vienne nous dire, elle,
qu'elle est favorable à l'ouverture et, d'après ce que l'on lit
dans votre mémoire, ça mettrait en danger, de façon
sérieuse, la survie des franchisés Provi-Soir.
Alors, comment une compagnie qui détient 100 % de la compagnie,
au fond, qui opère Provi-Soir peut-elle venir nous faire des
recommandations qui, de l'autre côté, risquent de lui être
défavorables à ce niveau-là? Alors, c'est ma
première question. J'aurai une autre question, après, sur
laquelle je vais revenir.
M. Bernier: Provigo opère un certain nombre
d'unités d'exploitation, un certain nombre de centres de profit sur un
modèle holding, avec un certain nombre de compagnies d'exploitation.
Vous avez mentionné, à juste titre, que Provi-Soir est une
division de C Corp. inc., et que C Corp. inc., est une compagnie
détenue, à part entière, par Provigo; elle est donc une
des unités d'exploitation de Provigo.
Comme vous le savez aussi, probablement, parce que vous avez une
formation en affaires, le modèle qui est suivi par Provigo, c'est que
chacune des compagnies d'exploitation a une mission très clairement
définie, très précise et est responsable de ses objectifs
de vente et de profit. La mission de Provi-Soir est d'exploiter l'ensemble du
réseau de dépanneurs et de distribution d'essence de Provigo au
Québec. C'est mon rôle, c'est ma mission et, dans ce
rôle-là, je ne peux que vous présenter la position que je
vous présente.
Vous avez fait allusion au fait que M.
Bussières était ici, il y a quelques jours, pour
présenter la position pour la libéralisation des heures
d'affaires. Je pense, comme M. le ministre l'a dit au début de son
allocution, qu'il était approprié, dans un débat comme
celui-ci, que les différents groupes, les différents intervenants
se manifestent pour laisser savoir leur point de vue. Mais je pense que M.
Bussières a tout simplement décidé d'adopter la même
politique à l'intérieur du groupe Provigo. Je pense que c'est
tout à son honneur.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais c'est lui qui est en
tête, en haut, puis il prône l'ouverture des commerces le dimanche,
ce qui peut mettre en faillite tous vos dépanneurs. Comment ça se
concilie, ça?
M. Bernier: Écoutez, je ne prétends pas parler au
nom du groupe Provigo dans son ensemble. Comme je vous le mentionnais, je fais
partie d'une unité d'exploitation de Provigo qui a une mission
très claire. Ma mission, c'est d'exploiter un réseau de
dépanneurs et de distribution d'essence et, à ce
titre-là, je ne peux que vous présenter la position que je
vous présente.
M. Bordeleau: J'aimerais revenir sur un chiffre que vous avez
mentionné tout à l'heure; je veux être bien certain qu'il
est exact. Vous dites que, sur un chiffre d'affaires annuel de 900 000 $, pour
un Provi-Soir, ce qui reste au franchisé, c'est 40 000 $ ou 45 000 $ de
salaire. Ça, c'est ce qu'il lui reste.
M. Rondeau: Yves Rondeau. Ce qu'on a mentionné, c'est que
sur un volume de 900 000 $, à Montréal, sur certains sites
où on a des taxes d'affaires qui vont s'élever jusqu'à 16
000 $, 18 000 $ et aller jusqu'à 22 000 $, il peut rester 30 000 $
à 35 000 $ pour l'opérateur. C'est évident que, si on se
ramasse avec des taxes d'affaires de 3000 $ comme dans d'autres centres, Laval
et même en s'en allant vers le nord ou en s'éloignant des grands
centres urbains, à ce moment-là, l'excédent des 16 000 $
ou 18 000 $, ça va s'ajouter. Donc, on peut retrouver en province un
magasin avec les mêmes ventes de 900 000 $ qui va réaliser
peut-être un profit net avant impôt, pour l'opérateur, entre
45 000 $ et 50 000 $.
M. Bordeleau: Les 30 000 $ dont vous parlez, c'est 30 000 $ qui
correspondent à son salaire; ce n'est pas 30 000 $ après que le
franchisé a retiré un salaire raisonnable.
M. Rondeau: Non, c'est son revenu.
M. Tremblay (Outremont): Combien Provigo fait-il, lui, sur les
900 000 $ de ventes ou combien Provi-Soir fait-il sur les 900 000 $? Je
veux savoir si vous exploitez vos petits détaillants.
Des voix: Ah! Ah!
M. Rondeau: Yves Rondeau. Je pourrais vous répondre
très vaguement en disant que les taux de redevance varient
peut-être de moins 4 %, moins 5 % à 12 %. Mais je vais être
beaucoup plus précis en disant que, dans les magasins qui
dépassent un chiffre d'affaires d'au-dessus de 1 000 000 $ ou de 1 500
000 $, ce qui inclut uniquement les ventes de dépanneurs... Dans les
ventes de dépanneurs, on inclut les ventes d'épicerie, de
bière, de vin, de tabac, etc., mais on exclut, par contre, les ventes de
pétrole, les loteries et la taxe de vente.
M. Tremblay (Outremont): Si je vais au plus bas, 900 000 $, 4 %
c'est 36 000 $. Vous faites 36 000 $ et votre petit détaillant qui
travaille, lui, peut-être 24 heures par jour, sept jours par semaine, il
fait 30 000 $.
M. Rondeau: Exact.
M. Tremblay (Outremont): C'est le minimum, ça peut
être plus.
M. Rondeau: Mais il faut toujours garder en arrière-plan
que nous, on investit dans un dépanneur avec pétrole des sommes
qui vont varier entre 750 000 $ et 1 000 000 $ et, sans le pétrole, qui
vont s'approcher de 500 000 $.
M. Tremblay (Outremont): Mais je comprends très bien que
vos 4 % minimum, c'est une contribution à des frais
généraux d'opération. Donc, en tant que Provlgo, et
j'oublie Provi-Soir, lui, ce sont des économies d'échelle parce
que ça ne lui coûte pas nécessairement plus cher
d'approvisionner 100, 200, 300 ou 500 commerces là.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Saint-Maurice.
M. Lemire: Merci, M. le Président. Moi, je vais continuer
dans la même veine, messieurs. Moi, j'ai une question que je me pose
depuis le début. On est rendus au cinquantième mémoire de
regroupements qui passent devant nous et on parle de différentes choses,
de qualité de vie, on parle de choix de société. Est-ce
que vous ne trouvez pas que, présentement, on assiste surtout à
un débat de part de marché? Est-ce que vous vous sentez
menacés avec la loi qui a été faite en 1984? Est-ce qu'il
aurait dû y avoir un débat, à ce moment-là? Je pense
qu'en tant que petits investisseurs, les dépanneurs, même si,
à l'époque, il y avait une loi qui était tout de
même... À mon avis, elle devait être bien faite, cette
loi-là, mais elle a été faite de façon à
laisser certains privilèges à beaucoup de groupes et à
beaucoup d'investisseurs. Là, on se retrouve aujourd'hui avec des gens
qui sont inquiets. Moi, je vois 237 dépanneurs. Combien y en avait-il,
il y a dix ans? Là, on est rendu, au total, à 4600
dépanneurs au Québec. Vous avez pris sûrement une part de
marché, vous autres. Vous l'avez prise quelque part. Est-ce que vous
avez ces chiffres-là, à l'intérieur du groupe Provigo? Ce
n'est pas juste club Price, depuis un an, qui est ailé chercher une part
du marché; ce n'est pas aussi seulement les marchés publics.
Est-ce que le débat arrive à une période où... Vous
sentez-vous si menacés que ça? (10 h 45)
M. Bernier: Si je comprends bien votre question, je pense que la
position qu'on soumet, c'est qu'effectivement, s'il y a libéralisation
des heures d'affaires et ouverture de l'ensemble des commerces d'alimentation
le dimanche, la réponse est oui, on sent qu'on va perdre une proportion
de nos ventes importante. Comme je le mentionnais dans ma présentation,
quel est le pourcentage des ventes qui seront effectivement perdues? C'est
très difficile de l'évaluer avec certitude. Il y a
différentes études qui ont été
présentées. Je mentionnais l'étude des HEC qui a
été présentée et qui cite un chiffre de 8,9 %.
Nous, comme je vous le mentionnais, on prétend qu'on va perdre entre 7,5
% et 10 % des ventes, s'il y a libéralisation des heures d'affaires et
ouverture le dimanche.
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement, il reste 30 secondes.
M. Lemire: Je me dis que vous devez sûrement avoir des
statistiques à l'intérieur de votre compagnie. Vous êtes
parent avec Provigo. Les grandes surfaces, elles doivent savoir à peu
près quelle part de marché vous leur avez enlevée, parce
qu'on s'aperçoit que ceux qui ont des surfaces d'une grandeur - je ne
parle pas de grandes surfaces - de 20 000, 25 000 pieds, ce sont eux qui ont
des problèmes, dans le moment, bien plus que vous. Je fais la conclusion
dans ma tête. Je me dis: On assiste à un problème dans les
surfaces moyennes, puis, à mon avis, il est créé parce
qu'il y a trop de dépanneurs. Vous êtes trop. Est-ce que vous
êtes trop? Êtes-vous trop de monde dans le marché?
M. Bernier: Je partage et je peux comprendre l'inquiétude
des magasins de moyenne surface, mais, à notre avis et, je pense, comme
il a été présenté par plusieurs des intervenants,
que le problème des moyennes et des grandes surfaces a été
l'ouverture illégale d'un paquet de concepts comme Club Price. Nous, je
pense que la position qu'on défend, on a développé un
réseau en respectant la loi depuis le début et ce qu'on
prétend, c'est que, si le gouvernement applique la loi de façon
rigoureuse et vigoureuse,
on pense que ça va régler un paquet de problèmes
des moyennes et des grandes surfaces.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Je suis content de votre
présentation parce que ça nous montre jusqu'à quel point
la chose n'est pas facile, il y a un certain nombre de complexités.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: Imaginez-vous, si juste à l'intérieur
d'un groupe du genre Provigo on ne réussit pas à s'entendre sur
ce qui est le mieux pour tout le monde, y compris pour le client, bien
évidemment, parce qu'il est toujours sup-posément à la
racine du problème, comment peut-on réussir à s'entendre
globalement avec l'ensemble des intervenants dans une société? Je
pense que Provigo aurait éventuellement besoin au minimum d'une
leçon de démocratie au moins pour nous présenter une
position qui se tienne au niveau d'une entreprise.
Remarquez qu'en ce qui me concerne je préfère de beaucoup
la position du groupe Provi-Soir à celle du groupe Provigo comme telle.
Mais, essentiellement, ce qui se dégage de ça, c'est que, quoi
qu'on dise que c'est en fonction du client, le pauvre diable qui a besoin de
son paquet de cigarettes et de sa livre de beurre le dimanche matin ou qui a
oublié de s'acheter du pain le samedi et qui n'a pas de toasts le
dimanche matin, au-delà de ça, il y a une part du marché
que tout le monde veut aller ramasser et qui se trouve le dimanche, puis qu'on
va essayer de ramasser. On va conditionner les habitudes de la population en
fonction de ça, en prétextant qu'on ne peut pas ouvrir ailleurs
sur semaine. Je dis: Écoutez, on va se promener le samedi dans les
grandes surfaces et il y a la moitié des caisses qui sont
fermées. Si on veut que ça se dégage un peu plus vite, on
n'a qu'à ouvrir toutes les caisses, puis les gens n'attendront pas deux
heures en ligne d'attente derrière le comptoir avant de passer.
Ça va peut-être aller plus vite. Ça va être plus
intéressant de magasiner le samedi, plus relax un peu, comme ça
peut être relax de magasiner le dimanche pour ceux qui aiment
ça.
Mais, au-delà de tout ça, est-ce que vous ne vous sentez
pas, vous les représentants de Provi-Soir, un peu captifs à
l'intérieur du groupe Provigo? En tout cas, il me semble que, si
j'étais dans votre situation, en défendant votre point de vue,
d'ailleurs que je partage ~ parce que là on parle d'un service
très spécifique à une certaine clientèle qui est
prête à payer un peu plus cher sa livre de beurre parce qu'elle a
oublié de l'acheter le samedi; il faut qu'elle l'ait, elle en a besoin
pour déjeuner dimanche matin - je me sentirais un peu captif dans la
mesure où, en ce qui concerne le groupe Provigo comme tel, vous, vous
dites: Nous autres, on perd 10 % de notre marché. Nos petits
investisseurs vont avoir de la misère à survivre. Oui, mais pour
le groupe Provigo, les 10 % de marché que vous pouvez perdre dans les
dépanneurs, il y a de fortes chances qu'ils se retrouvent dans les
supermarchés Provigo. En bout de piste, pour Provigo, il n'y a rien de
perdu comme groupe, comme corporation: c'est juste un déplacement. Et il
est bien possible, même, qu'au lieu de faire un achat de 3,11 $ en allant
chez vous, chez Provi-Soir, le même client achète pour 25 $ en
allant dans une grande surface Provigo. Donc, pour l'ensemble du groupe
Provigo, ce ne sont pas 10 % qui vont être perdus dans une vente, c'est
une récupération, peut-être, de l'ordre de 12 % ou 15 %
parce qu'il est ouvert le dimanche et il fait concurrence, dans le fond,
à une de ses activités ou à une de ses fonctions qui est
peut-être de moins en moins rentable ou de moins en moins souhaitable
à l'intérieur du groupe.
À mon avis, ce n'est pas évident que, si on ouvre '"at
large" tous les commerces d'alimentation le dimanche, dans 10 ans, il y aura
encore quelque 200 Provi-Soir au Québec. Il faut bien comprendre aussi
qu'à l'intérieur du groupe Provigo la création de la
division Provi-Soir était une façon aussi de s'adapter à
la loi pour pouvoir réussir à écouler ses inventaires et
à vendre le dimanche sans avoir à déroger à la loi.
Est-ce que vous ne vous sentez pas un peu captifs à l'intérieur
de tout ça et, finalement, si on acceptait la position du groupe
Provigo, plus ou moins condamnés à la pendaison à plus ou
moins long terme?
M. Bemier: Je pense que vous avez mentionné un certain
nombre de choses dans votre intervention. Écoutez, je n'ai pas la
prétention de parler pour l'ensemble du groupe Provigo. Comme je vous le
mentionnais, Provigo est formée d'un certain nombre d'unités
d'exploitation qui opèrent de façon relativement autonome et qui
ont des objectifs de vente et de bénéfices très
précis, qui ont une mission très claire. Je ne peux parler que
pour le groupe d'exploitation que je représente, qui est le groupe de
dépanneurs Provi-Soir. À ce titre et dans ce rôle, je ne
peux que vous présenter la position que je vous ai
présentée.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci. En fait, j'ai eu une discussion très
coriace avec M. Bussières, mardi; d'autres diraient virile, mais
ça ne me convient pas, à moi, alors j'utilise un autre terme.
Effectivement, c'est vrai, je pense que c'était son devoir,
sûrement - et vous l'avez salué à cet
égard-là - de défendre le point de vue
général de Provigo et que l'ensemble de ses entités,
aussi, défende un point de vue qui peut apparaître
contradictoire, enfin, pas qui peut apparaître, qui est contradictoire.
Mais moi, je ne mettrais pas le poids sur M. Bussières, sur Provigo ou
sur vous. Le poids, on va le mettre là où il doit être mis,
et c'est sur le gouvernement. On se dit que tout est possible,
évidemment, qu'on peut aller vers l'ouverture ou vers un resserrement,
mais ce qui se dégage parfois des propos, c'est qu'on a l'Impression
qu'il y a une tendance à aller plutôt vers l'ouverture. Mais j'ai
dit: Ce qui semble se dégager. Je fais bien attention parce que le
ministre nous rappelle toujours qu'il consulte et qu'il veut être
éclairé le plus largement possible de tous les points de vue et
que sa décision n'est pas prise.
Mais, c'est le gouvernement qui met l'entreprise dans cette
situation-là et on n'a pas à blâmer Provi-Soir d'avoir
développé un concept comme Couche-Tard, comme d'autres groupes
l'ont fait, sur la base du respect intégral de la loi, alors qu'en
contrepartie on a des entreprises qui se sont développées en
étant dans l'illégalité et elles nous le disent. Alors, on
n'invente rien. Il y a des gens qui sont venus hier, et même encore ce
matin qui nous ont dit: On a ouvert en sachant que c'était
illégal, mais on l'a fait parce qu'on voulait faire une preuve, ou pour
toutes espèces de raisons. Mais c'est le gouvernement qui crée la
situation dans laquelle on se trouve actuellement, qui fait que,
premièrement, il n'a pas appliqué sa loi et que, d'autre part,
actuellement, après quatre ans et demi de tergiversations, de
consultations et de discussions, il ne s'est pas encore branché. Alors,
donc, ça provoque à nouveau tout ce débat auquel on
assiste actuellement.
Cela étant dit, je voulais le mentionner aux membres de la
commission tout à l'heure et c'est dommage, je l'ai oublié
lorsque les marchands Provigo pour l'ouverture sont venus présenter leur
mémoire, mais comme on est dans la mouvance Provigo, si on veut... Vous
remarquerez que dans le texte et la présentation, comment dire?
dactylographiée, la mise en page des documents, dans le cas de la
corporation Provigo et dans le cas des marchands Provigo, en tout cas, il y a
une espèce de parenté dans la façon dont on a écrit
la page couverture, les textes et l'endroit où on les a placés.
C'est peut-être la même secrétaire - ou le même
secrétaire, ça arrive aussi - ou le même ordinateur qui l'a
fait. Je voulais juste le mentionner aux membres de la commission. Je m'excuse,
c'est vraiment un oubli parce que je voulais le mentionner au groupe qui a
précédé nos amis de Provi-Soir. Vous pouvez le constater,
d'ailleurs. Vous avez les mémoires, vous regarderez: c'est placé
aux mêmes endroits, les tables des matières sont produites de la
même façon.
Cela étant dit, je comprends essentiellement le point de vue que
vous défendez. Je sais que vous n'êtes pas dans une situation
facile. Je pense que mon collègue d'Ungava a bien fait le portrait dans
ce sens-là. Donc, je comprends cette situation difficile. Je comprends
aussi que vous venez faire la représentation devant nous parce que vous
avez à défendre les intérêts de la corporation, bien
sûr, mais aussi les intérêts de vos affiliés ou de
vos franchisés. Je pense que c'est correct de le faire.
Vous nous avez parlé d'un certain nombre de problèmes qui
sont vécus à l'égard du personnel. À cet
égard-là, je vous dirai que, si on libéralise l'ouverture
des magasins d'alimentation et éventuellement des autres le dimanche, si
on pense qu'on a un problème de personnel maintenant, on ne sait pas ce
que ce sera dans six mois si on le fait. Parce que déjà il y a
des restrictions. Déjà, le bassin de personnel disponible est
plus important et vous nous dites que vous avez des difficultés. Alors,
imaginons qu'on augmente le nombre de plages horaires avec toujours ce
même personnel. Comme ces mêmes personnes seront sollicitées
différemment, je pense que notre problème s'amplifie.
Parce que, en plus, on le sait très bien - vous ne l'avez pas
mentionné, mais d'autres l'ont fait - il y a des coûts de services
publics et de développement de services publics aussi qui s'ajouteront,
si vous voulez. C'est évident que, si on circule davantage sur les
routes, s'il y a un achalandage plus grand dans certains commerces, ça
prendra plus de sécurité, ça prendra du transport en
commun un petit peu plus important, du système de garde. Sans
exagérer, ça en prendra. Donc, ça viendra aussi à
avoir un impact sur l'aspect du personnel.
Dernière remarque...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion.
Mme Marois: Je n'ai pas de question, je conclus. Dernière
remarque, vous avez apporté aussi un élément nouveau et on
va le creuser sûrement dans les autres séances de travail.
J'aimerais ça peut-être que le ministère, s'il a
l'information, nous la donne. Vous avez mentionné que la grande surface
- qu'elle s'appelle Provigo, qu'elle s'appelle Steinberg ou autre -est souvent
un élément d'attrait pour construire même le centre
d'achats. On sait fort bien que les propriétaires immobiliers, avant de
construire un centre d'achats, s'assurent qu'aux deux bouts du centre ou aux
quatre, selon qu'il est en croix, on a des éléments pour attirer
une clientèle. C'est l'alimentaire, c'est le magasin de type plus
général, La Baie, etc., et une grosse quincaillerie, on sait
ça.
Là, j'aimerais ça savoir c'est combien, ia proportion des
supermarchés sous les différentes bannières qui sont dans
les centres d'achats versus ceux qui sont sur une rue. Je ne sais pas si on a
une proportion. Peut-être qu'on aurait dû la poser, d'ailleurs,
à ceux qui sont venus. Parce que ça vient d'autant plus appuyer
la thèse que,
si eux aussi veulent, advenant le cas d'une libéralisation,
profiter de la possibilité d'ouvrir le dimanche, c'est évident
que les pressions vont être immédiates. La loi n'aura pas
été passée que le lendemain la pression va recommencer
pour nous dire: Écoutez, si je veux ouvrir là, le reste du centre
d'achats devra ouvrir. Donc, c'est une libéralisation de l'ensemble des
heures d'affaires.
Je vous remercie de la contribution que vous avez apportée
à nos travaux. Je n'aurais pas nécessairement aimé
être à votre place ce matin. Merci. (11 heures)
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vais juste faire quelques brefs
commentaires. C'est évident que tous les intervenants à cette
commission, pour diverses raisons, se sentent menacés. M. Bouchard, le
président d'Alimentation Couche-Tard, hier, nous a clairement admis que
l'exception a créé les dépanneurs. Les dépanneurs
existent à cause d'une exception de la loi. Les questions qu'on va se
poser dans notre réflexion: Est-ce que c'est au gouvernement de
créer des commerces? Dans votre cas, est-ce qu'on peut croire que la
main gauche ne sait pas ce que la main droite fait? Qu'arrivera-t-il du petit
détaillant? Ça, c'est une question importante. Dans ce
sens-là, j'apprécierais, si on pouvait avoir, pour en faire
vérifier la légalité ou la responsabilité, une
copie de votre contrat type. Est-ce qu'on pourrait en avoir une à donner
aux gens du ministère, si c'est possible, pour qu'on puisse l'analyser,
parce que ça va être la première question que nos avocats
vont nous poser?
Le Président (M. Bélanger): Alors, vous pourriez
faire parvenir ce document au secrétaire de la commission, s'il vous
plaît.
M. Tremblay (Outremont): Vous pouvez enlever les données
financières, ce n'est pas ça qui est important.
Juste une remarque sur un commentaire de la députée de
Taillon au niveau du personnel. Il faut dire aussi, pour bien qualifier cette
remarque, qu'il y a eu beaucoup de violence dans certains dépanneurs, ce
qui affecte, en partie, le recrutement. Si on se fie à ce qui est
arrivé dans mon comté, il y a quelques jours, ça va
sûrement grandement affecter les boutiques de
prêt-à-porter.
Je voudrais vous remercier, en terminant, de votre ouverture d'esprit,
parce que je pense que vous en avez eu une, également de votre approche
constructive et réaliste face à l'importante décision que
nous avons à prendre. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le groupe
Provl-Soir pour sa participation à ses travaux et invite à
la table des témoins le Regroupement des hommes d'affaires en
alimentation du Québec (franchises Steinberg) en faveur de
l'équité des heures d'affaires.
Bonjour. Nous recevons présentement le Regroupement des hommes
d'affaires en alimentation du Québec (franchises Steinberg) en faveur de
l'équité des heures d'affaires. Bonjour, messieurs; ça
nous fait plaisir de vous recevoir. Je vous explique un petit peu nos
règles de procédure. Vous avez un maximum de 20 minutes pour
présenter votre point de vue. Ensuite, II y a une période
d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais de bien vous
identifier à chaque fois que vous prenez la parole, dans la mesure
où on se le rappelle, évidemment. Ça facilite
énormément le travail de nos gens à la transcription des
débats. Sans plus tarder, je vous invite à identifier votre
porte-parole et à présenter votre mémoire. Merci.
Regroupement des hommes d'affaires en
alimentation du Québec (franchisés
Steinberg)
en faveur de l'équité des heures
d'affaires
M. Laliberté (René): M. le ministre, Mmes, MM. les
députés, mon nom est René Laliberté. J'opère
un supermarché Steinberg en franchise à Laval, tout comme les
marchands qui m'accompagnent aujourd'hui. Nous venons vous présenter le
mémoire du regroupement des franchisés Steinberg en faveur de
l'équité des heures affaires, dont je suis le porte-parole. Avant
de poursuivre, j'inviterais mes confrères à se
présenter.
M. Bilodeau (André): André Bilodeau,
propriétaire d'un marché Steinberg à Montréal.
M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre, propriétaire d'un
supermarché Steinberg, à Verdun.
M. St-Amant (Jean): Jean St-Amant, propriétaire d'un
supermarché Steinberg de Montréal-Est.
M. Laliberté: Nous sommes actuellement 40
franchisés Steinberg. Il s'ajoute à peu près deux nouveaux
franchisés par semaine dans le cadre du pian mis en place par Steinberg.
En devenant franchisés, nous devenons individuellement, à titre
d'entrepreneurs indépendants, responsables de l'exploitation de nos
commerces. Nous serons plus de 60 Steinberg franchisés d'ici la fin de
juillet.
Mme Marois: Combien vous avez dit?
M. Laliberté: Soixante. C'est à la suite d'une
consultation auprès des franchisés - au moment de notre
consultation, il y avait environ
une trentaine de franchisés, dont 27 étaient
présents à la réunion - actuellement en opération
que nous avons établi la position que nous vous présentons
aujourd'hui. Elle est appuyée par la très grande majorité
des franchisés Steinberg. J'ai d'ailleurs avec moi, et je l'ai remise
avec le mémoire, la liste des signatures qui accompagnent le
mémoire, des personnes qui ont contresigné.
Notre Regroupement représente des franchisés de la
région de Montréal, de Hull, de Québec et des Cantons de
l'Est. Le chiffre d'affaires moyen de leurs commerces ou de nos commerces peut
varier entre 5 000 000 $ et 14 000 000 $ par année. Le nombre de nos
employés est environ de 55 à 100 employés par commerce et
peut même dépasser légèrement la centaine
d'employés pour certains établissements. Nous sommes donc de
véritables PME. Nous sommes des entités distinctes de la
corporation Steinberg. Nous louons ou achetons des services et produits de
Steinberg, mais nous sommes responsables de nos investissements et de la
gestion de nos commerces.
Les franchisés Steinberg, comme d'ailleurs Steinberg inc., ont
récemment appuyé le Mouvement québécois pour la
libéralisation des heures d'affaires et nous continuons de
défendre le principe fondamental que le Mouvement a mis de l'avant,
c'est-à-dire la liberté de choix. Je vais maintenant vous
expliquer pourquoi. Dans une société en constante
évolution, les habitudes des consommateurs se modifient de mois en mois;
je pense que je n'apprends rien à personne là-dessus.
Aujourd'hui, où une très grande majorité des femmes sont
sur le marché du travail, où la famille traditionnelle
connaît un éclatement et des changements sans
précédent, nous avons conservé des heures d'affaires
conventionnelles pour les supermarchés.
Nous vivons, comme commerçants, un sérieux problème
d'iniquité. D'une part, la loi interdit à une catégorie de
commerçants d'offrir un service à leur clientèle le
dimanche et, d'autre part, elle permet à d'autres de le faire. C'est
d'autant plus étonnant que ces épiciers du dimanche se plaignent
d'être menacés par les gros, alors qu'ils continuent de profiter
d'une concurrence déloyale qui nous fait perdre, à nous,
année après année, d'importantes parts de marché.
Est-ce que, parce que nous avons plus de 50 employés, nous devons
être pénalisés? Je me demande ce que diraient nos fameuses
PME québécoises si on leur imposait pareil traitement.
Nous ne demandons pas aux petites épiceries de fermer; elles ont
pu, grâce aux exemptions, répondre aux besoins d'une
clientèle en constante évolution. Elles ont pu s'adapter et faire
de leurs entreprises des réussites commerciales, et ce, en travaillant
le dimanche.
Les commerces des marchés publics, les boucheries, les
fromageries, les fruiteries et autres, sans parier des pharmacies, ont
profité de cette situation de concurrence déloyale. Aussi, nous
vivons depuis plusieurs années le marché du "fast food", qui
prend de plus en plus d'ampleur et qui nous cause une perte de ventes
considérable. Nous aussi, de par nos boutiques, nous pouvons offrir des
mets prêts à manger pour répondre aux besoins de nos
clients sans cesse croissants. On n'est pas dedans. Aujourd'hui, nous demandons
l'équité, et l'équité le plus rapidement possible,
car chaque mois qui passe nous cause un tort considérable.
Les franchisés sont de nouveaux entrepreneurs et, comme tels, ils
sont exclus d'un marché en pleine expansion qui correspond aux besoins
et à la demande du consommateur.
En Amérique du Nord, je n'ai pas besoin de vous le
répéter, la tendance est à la libéralisation des
heures d'affaires du commerce de détail, ce qui concorde avec
l'évolution de la mentalité des consommateurs par rapport aux
heures d'ouverture. Établir l'équité par la fermeture est
inacceptable. C'est un retour en arrière qui ne colle pas à la
réalité des années quatre-vingt-dix et qui ne
répond pas adéquatement aux besoins du consommateur. Nous sommes
une entreprise de services.
Chacun des marchands qui sont ici, aujourd'hui, peut témoigner
des besoins de sa clientèle, ils sont variables selon l'endroit
où leur commerce est situé et c'est justement cette situation qui
exige une plus grande latitude dans les heures d'ouverture. Personnellement,
mon supermarché, à moi, avec la compétition que j'ai:
magasin de fruits, Jean Coutu, marché public, il serait très
profitable que je l'ouvre le dimanche et mes consommateurs le réclament.
C'est pour ça qu'on dit que c'est un libre choix, à un moment
donné, du commerçant parce que le marchand qui est au
centre-ville, lui, par exemple, qui est dans les Tours de la cité,
peut-être que lui ce serait préférable, à un moment
donné, qu'il ouvre tous les soirs jusqu'à 23 heures, 22 heures ou
21 heures et il n'a peut-être pas nécessairement besoin
d'être ouvert le dimanche dans son cas. Ça fait qu'on dit: C'est
selon notre environnement, selon les besoins de notre clientèle. Ceux
qui sont dans une région touristique, déjà, ouvrent le
dimanche. Ceux qui sont près de ces régions-là ne peuvent
pas ouvrir. C'est au marchand de décider et de répondre aux
besoins de son consommateur.
C'est pourquoi nous nous prononçons en faveur de l'extension des
heures d'affaires sur semaine ainsi que pour l'ouverture le dimanche, laissant
à chaque marchand, individuellement, la décision d'ouvrir selon
son environnement et les besoins changeants de sa clientèle, je me
répète. Cette liberté est essentielle pour la croissance
de nos entreprises et pour que nous puissions remplir adéquatement notre
devoir de commerçant envers les besoins de la clientèle. Si l'on
veut restreindre cette liberté, alors que tout le monde soit
traité sur un même pied d'égalité et qu'il en soit
fini des exceptions qui enlèvent toute
signification à la loi.
En effet, si le gouvernement en venait à la conclusion que les
besoins des consommateurs ne justifiaient pas encore une libéralisation
complète des heures d'affaires, tous les commerces qui offrent des
produits d'alimentation devraient être traités de la même
façon quant aux heures d'affaires, et ce, quel que soit leur nom et
quelles que soient leurs heures d'ouverture. On a vu ce que ça donnait
d'entrouvrir la porte aux exceptions. Elles en entraînent d'autres et
d'autres encore et, au bout du compte, nous allons donc revenir dans cinq ans
pour régler le problème. Le gouvernement, avec la
libéralisation, a la possibilité de régler le
problème une fois pour toutes de façon équitable, durable,
gérable, en respectant la liberté de choix du consommateur et du
marchand.
Nous ne sommes pas favorables à l'idée de
déléguer le pouvoir de décision aux municipalités
car cela risque de créer d'autres Iniquités qui vont
pénaliser les marchands et les consommateurs. Pourquoi à
Montréal les magasins seraient fermés et qu'à
Saint-Léonard les magasins pourraient ouvrir? Ça n'a aucun bon
sens.
En résumé, nous recommandons la libéralisation des
heures d'affaires le dimanche et en semaine pour tous les commerces qui offrent
des produits d'alimentation. Laissons la liberté de choix aux
consommateurs. Laissons la liberté de choix aux marchands. Si le
gouvernement devait en décider autrement, alors nous souhaitons la fin
de toutes les exceptions et que tous les commerces d'alimentation soient
traités sur un pied d'égalité, incluant les pharmacies.
Par contre, nous sommes convaincus que cela ne serait pas,
nécessairement, la bonne solution, basée sur les besoins des
consommateurs sans cesse grandissants.
Je vous remercie et nous demeurons disponibles pour des questions.
Merci.
La Présidente (Mme Dionne): Merci, M. Laliberté. M.
le ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. Laliberté, juste pour les fins
de la discussion là, faisons abstraction de la tendance à la
libéralisation, on vit au Québec et on est isolés. Je veux
juste parler avec vous de l'équité. Vous dites: II faudrait que
tout le monde sort traité sur le même pied. En d'autres mots, on
ferme tout le dimanche. Qu'est-ce que vous pensez de l'exception du vrai
dépannage qui vend inévitablement des produits alimentaires,
trois employés ou moins? Est-ce que vous seriez prêts à
accepter ça?
M. Laliberté: Nous, on a vraiment dit que ça ne
serait pas nécessairement la solution qu'on préconise.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Laliberté: On est pour une ouverture complète.
Mais II est difficile, quand on parle d'exception, de déterminer c'est
quoi la vraie exception. Si c'est ie véritable dépanneur du coin
qui, lui, vend, à un moment donné, du lait, du pain, des oeufs ou
des paquets de cigarettes dont des gens ont besoin, est-ce qu'on inclut les
pharmacies? (11 h 15)
M. Tremblay (Outremont): Non.
M. Laliberté: Ou est-ce qu'on arrête là?
M. Tremblay (Outremont): Si on parle d'équité,
l'hypothèse qui est faite, c'est que les seuls commerces qui seraient
ouverts le dimanche, ce sont les commerces qui ont trois employés ou
moins, ie vrai dépannage. Alors, on sait très bien qu'une grande
surface et des pharmacies d'escomptes ne peuvent pas fonctionner avec trois
employés en tout temps. Donc, elfes devraient fermer, si la loi est bien
appliquée et a des dents.
M. Laliberté: C'est parce qu'on peut avoir des
superdépanneurs. Il y a des dépanneurs qui vendent maintenant de
ia viande préparée et qui vendent des fruits et légumes,
qui vendent de tout ça et ça devient très difficile.
M. Tremblay (Outremont): Bon. Est-ce que...
M. Laliberté: C'est pour ça qu'on se prononce
carrément contre. On est pour l'ouverture totale.
M. Tremblay (Outremorrt): Très bien. Je comprends. Je veux
juste bien l'éclaircir, parce que ce n'est pas clair dans votre
document. C'est clair, ce que vous voulez, mais, au niveau de
l'équité, vous dites: II faudrait que tout le monde soit
traité sur le même pied. Vous, l'hypothèse que vous faites,
c'est de dire: Oui, aujourd'hui, c'est du vrai dépannage,
peut-être, mais ce qui pourrait arriver demain, c'est que ces
dépanneurs pourraient trouver le moyen de commencer à vendre
d'autres produits alimentaires et vous avez fait allusion tout à l'heure
à des mets préparés. Vous n'avez pas parlé de la
cuisine sous vide, mais vous avez parié des superdépanneurs qui
pourraient arriver et opérer avec trois employés et moins.
Alors, vous dites, au nom d'une loi durable: Pourquoi un
dépanneur qui vend de l'alimentation avec trois employés ou moins
peut opérer le dimanche et pas moi? C'est ça que vous dites.
M. Laliberté: Effectivement, comme il est difficile de
limiter, parce qu'en termes de dépanneur ou en termes de marché
public, il peut avoir seulement un employé pour opérer un
commerce de fruits et légumes et puis, si on a
l'exception de trois employés, il va ouvrir pareil son commerce,
puis lui, il va me gruger. Ils peuvent "boutiquer", ils peuvent se
séparer, ils peuvent faire un paquet de choses. À ce
moment-là, l'équité n'est pas là et puis elle est
difficile. Quand on parle d'exceptions, c'est vraiment difficile de donner
l'équité pour tout le monde à ce moment-là.
La Présidente (Mme Dionne): Ça va, M. le ministre?
On est encore sur les 10 minutes des ministériels. M. le
député de Nlcolet-Yamaska.
M. Richard: Merci, Mme la Présidente. M. Laliberté,
seulement pour une question de... Vous avez parlé tantôt de libre
choix. Vous mentionnez que vous êtes maintenant 60 franchisés.
M. Laliberté: Non. On a dit qu'on est 40 maintenant.
M. Richard: Vous êtes 40. Par contre, vous avez fait une
vérification ou un questionnement au niveau d'une trentaine.
M. Laliberté: Au moment où on a discuté de
la commission parlementaire sur les heures d'affaires, nous étions une
trentaine de franchisés, parce qu'on vous a dit tout à l'heure
qu'il s'en ajoutait deux par semaine.
M. Richard: O.K.
M. Laliberté: Au moment où on a discuté
entre nous, il y avait une trentaine de franchisés dont 27
étalent présents à notre réunion.
M. Richard: Et, sur les 27 à votre réunion, combien
étaient favorables à la libéralisation? Vous quatre,
évidemment, mais...
M. Laliberté: Pardon?
M. Richard: Vous quatre sûrement.
M. Laliberté: Oui.
M. Richard: Mais les autres?
M. Laliberté: Et on a remis à la commission le
document cl-joint qui accompagne... Vous avez 26 signatures en bonne et due
forme ici.
M. Richard: Ça va. Mais vous ne l'avez pas
actualisé, au moment où on se parle, pour aller jusqu'à
40?
M. Laliberté: Non, c'est à cause du facteur temps
qui était là, parce que deux par semaine, ça va assez
vite.
M. Richard: O.K. Maintenant, une autre question, parce que vous
avez traité, à quelques endroits, la liberté de choix.
Comment devient-on franchisé chez Steinberg? Qui est le bailleur de
fonds? Parce que, en fait, la liberté de choix, c'est comme la personne
qui a une hypothèque sur sa maison, son gérant de caisse a
affaire à lui un peu une fois de temps en temps. Mais, chez vous, pour
devenir franchisé chez Steinberg est-ce que le bailleur de fonds, c'est
la compagnie mère Steinberg?
M. Laliberté: En partie. On doit injecter, à un
moment donné, du capital dans notre franchise. Et je n'entrerai pas dans
les modalités ici, aujourd'hui.
M. Richard: Non, ça va.
M. Laliberté: Et on est responsables de-Nos inventaires
nous appartiennent. C'est à nous, ça. Comme je l'ai dit tout
à l'heure, par exemple, nous louons les équipements de Steinberg.
Comme tel, on paie à tous les mois pour nos équipements. On doit
aussi donner, en plus des mises de fonds demandées, des garanties
personnelles vraiment illimitées. Donc, on est vraiment
propriétaires de notre franchise. La relation avec le gérant de
banque, c'est nous autres qui l'avons.
M. Richard: O.K., ça va. Le sens de la question... C'est
parce que vous savez qu'il y a des groupes qui viennent souvent sous une
bannière, mais qui ont des positions diamétralement
opposées, tout en étant sous la même bannière.
Alors, je voulais vérifier si, chez vous, la maison mère avait
toujours affaire chez les franchisés, directement ou indirectement.
Parce qu'on a vu des maisons mères qui ont envoyé des lettres
assez directives, en fait, à certains de leurs membres. Je ne veux pas
savoir s'il y a eu une lettre chez vous là, mais...
M. Laliberté: Si je veux bien comprendre, vous voulez
savoir si la maison mère nous a demandé de déposer un
mémoire ou nous a forcés à déposer un
mémoire.
M. Richard: À peu près ça.
Mme Marois: Incités.
M. Laliberté: Non.
M. Richard: Incités fortement.
M. Laliberté: Tu veux répondre? Alors, vas- y-
M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. M. Richard, notre
position a été prise de façon extrêmement
démocratique. On n'a pas eu d'influence de la part de Steinberg. On a
fait une réunion du groupe des franchisés, un mardi
soir, où, effectivement, on était 27 ou 28.
M. Laliberté: 27.
M. Lefebvre (Jacques): 27. Et on a discuté pendant une
heure trente sur ce sujet-là. Est-ce que tout le monde était
unanime? Non, parce qu'on n'aurait pas discuté pendant une heure trente.
Sauf qu'à la fin, au bout d'une heure trente, on a eu une position
commune. Quand on dit que 26 sur 27 présents sont d'accord avec le
mémoire qu'on présente, on peut parler de démocratie et on
peut facilement dire aussi que l'influence de Steinberg, en pointillé,
n'existait pas puisqu'ils n'étaient pas là, eux autres.
M. Laliberté: Est-ce que je peux rajouter un point?
La Présidente (Mme Dionne): M. Laliberté.
M. Laliberté: Nous représentons - moi, je suis
président et Jacques est vice-président, ainsi qu'André,
le trésorier et administrateur - le regroupement des hommes d'affaires
en alimentation du Québec, c'est-à-dire que c'est un regroupement
de tous les franchisés qui est complètement indépendant de
Steinberg, comme tel. On présente la position du Regroupement et non pas
la position de Steinberg. Ça n'a rien à voir
là-dedans.
M. Richard: Alors, c'est parce que vous-mêmes, dans votre
document, vous vous identifiez regroupement des hommes d'affaires en
alimentation de Steinberg et vous mettez, entre parenthèses,
franchisés Steinberg.
M. Laliberté: Oui, c'est volontaire parce qu'on a dit: Les
gens...
M. Richard: Je suis d'accord avec vous, vous aimeriez
peut-être mieux ne pas voir Steinberg dans le nom.
M. Laliberté: ...ne sauront pas ce que c'est que ce
regroupement-là.
M. Richard: Mais, pour vous identifier, vous l'utilisez.
M. Laliberté: O.K. C'est parce qu'il faut dire que nous,
c'est relativement récent comme regroupement et comme franchise. Les
franchises Steinberg ont débuté il y a à peine un an. O.K.
Donc, à un moment donné, on voulait vraiment s'assurer qu'on
était perçus comme tels, comme des propriétaires de
magasins Steinberg.
M. Richard: Ça va, ça répond à mes
questions.
La Présidente (Mme Dionne): Ça va. M. le
député d'Acadie, vous avez une minute et demie. Est-ce que vous
préférez questionner tout de suite ou revenir tantôt?
M. Bordeleau: Non, non, ça va aller.
La Présidente (Mme Dionne): Ça va aller,
d'accord.
M. Bordeleau: Ce que M. Lefebvre mentionnait tout à
l'heure nous fait envie. Je pense que, si dans une heure et demie, vous
n'étiez pas d'accord et que vous avez réussi à vous mettre
d'accord, il faut espérer que ce sera peut-être la même
chose au niveau de la commission parlementaire, qu'après discussion on
sera d'accord!
M. Laliberté: On vous le souhaite. M. Bordeleau:
Oui.
M. Lefebvre (Jacques): On vous souhaite de...
M. Bordeleau: On se le souhaite aussi. Écoutez, ma
question est la suivante... On a fait allusion, tout à l'heure, à
des commentaires qui avaient été faits. Éventuellement, si
la règle des trois demeurait et que ça soit la seule façon
de fonctionner, il y a des gens qui ont des surfaces moyennes qui nous ont dit:
Écoutez, on va faire des petites boutiques.
M. Laliberté: C'est ça. C'est très
facilement contournable.
M. Bordeleau: Est-ce que vous avez eu l'occasion de discuter de
ça dans vos rencontres? Qu'est-ce qui a été dit à
ce niveau-là?
M. Laliberté: J'ai mal saisi la dernière partie, je
m'excuse.
M. Bordeleau: Est-ce que vous avez eu l'occasion d'en discuter
dans les rencontres que vous avez pu avoir? Qu'est-ce qui a été
mentionné à ce niveau-là?
M. Laliberté: Vous parlez de la règle de trois
employés, de boutiques.
M. Bordeleau: Oui. Si, éventuellement, cette
règle-là était maintenue, comment allez-vous
réagir?
M. Laliberté: On n'a pas abordé cette
facette-là de l'exemption de la loi. Nous, la discussion a tourné
essentiellement sur la libéralisation des heures d'affaires qu'on
voulait prêcher, sur la liberté de choix de chaque marchand de
s'adapter à son milieu et aux besoins de sa clientèle, comme
telle et aussi, à un moment donné, sur le fait que notre part
de
marché s'effrite d'année en année au
détriment de tous ces marchés-là, des marché
publics. Dans un marché public, il peut y avoir 25 commerces avec un
employé dans chacun des commerces, mais ça fait un supergros
supermarché, je n'ai pas besoin de le mentionner. On n'a pas
touché à la règle de trois, d'aucune façon, ou
à l'histoire de "boutiquer"; on n'a pas parlé de ça non
plus.
M. Bordeleau: Éventuellement, si on faisait
l'hypothèse que cette règle-là est maintenue, comment
allez-vous vous organiser? Est-ce que c'est quelque chose que vous avez
envisagé?
M. Laliberté: Toutes les possibilités sont
envisageables. On analysera, à un moment donné, ce qui est la
meilleure décision en fonction de ça. Mais nous croyons que le
présent gouvernement, à un moment donné, va vraiment se
rendre à l'évidence des besoins des années
quatre-vingt-dix et légiférer en fonction des années
quatre-vingt-dix et des besoins futurs des clients vers l'an 2000. Nous avons
confiance au présent gouvernement là-dessus.
M. Bordeleau: Alors, merci.
La Présidente (Mme Dionne): Merci, M. le
député d'Acadie. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom
de ma formation politique. Je vais revenir sur cette notion de franchise. Le
député Richard disait: On a quand môme affaire avec son
banquier et, de temps en temps, il nous parle. Vous dites: Moi, Je fais affaire
avec mon banquier directement. Mon banquier, ce n'est pas Steinberg, mais il y
a quand même des liens financiers. Qui achète la franchise? Ce
sont habituellement les gens qui géraient l'entreprise? Qui sont les
franchisés chez Steinberg? N'essayons pas de le découvrir pour
les autres qui ne sont pas présents, mais regardons les 26 qui
s'étaient réunis, avec qui vous vous êtes réunis.
Est-ce que ce sont des anciens gérants de Steinberg? Est-ce que ce sont
des gens qui étaient hors de l'entreprise ou qui étaient dans une
entreprise connexe et qui ont acheté la franchise Steinberg? J'aimerais
que vous me décriviez qui est le franchisé Steinberg et quel est
le processus poursuivi pour acheter la franchise, sans entrer dans les
détails. Je pense qu'on a quand même posé pas mal de
questions tantôt à Provi-Soir, là: marge
bénéficiaire, etc. Jean Coutu a dû répondre aussi
à un certain nombre de nos questions hier. M. Coutu a répondu a
un certain nombre de nos questions. C'est quoi, autrement dit, le lien
financier que vous conservez avec Steinberg?
M. Bilodeau: André Bilodeau. Si je peux me le permettre,
je dois d'abord vous dire qu'à ce nlveau-là tout dépend de
la situation financière de chacun des individus qui sont entrepreneurs,
de nos capitaux. Il y a des mises de fonds qu'on fait, mais je ne veux pas
élaborer ici. Il y a d'autres mises de fonds qui peuvent être plus
grandes aussi. Bien évidemment, pour en revenir à votre
deuxième question...
Mme Marois: Mais qui achète la franchise? Est-ce que ce
sont des personnes qui oeuvraient dans l'entreprise?
M. Bilodeau: C'est justement. En ce moment, ça a
été ouvert à tout le monde. Par contre, la compagnie
Steinberg a pris en considération les gens selon leurs
compétences. Bien évidemment, les gens qui étaient dans la
compagnie même, comme gérants de magasins, étaient les plus
favorisés à ce niveau-là, mais la compagnie ouvre les
portes quand même à d'autres personnes à
l'extérieur, bien évidemment selon leurs compétences tout
est là.
Mme Marois: Un peu de fric aussi, un peu de sous aussi. C'est
relié aussi à la capacité qu'on a de payer la
franchise?
M. Bilodeau: Mais c'est bien évident, ça, madame,
selon nos moyens.
Mme Marois: O.K. Bon. C'est parce qu'il a compétence et
capacité de payer.
M. Bilodeau: Ce sont les deux, madame, qui font la paire.
Mme Marois: D'accord. On s'entend. On se comprend bien, on a les
mêmes critères.
M. Laliberté: Si je peux ajouter à ce qu'il a dit,
il a mentionné qu'on avait donné une certaine
préférence à certains bons opérateurs de
supermarchés, mais il y a des gens de l'extérieur qui se sont
joints à nous. Il y a des anciens propriétaires de Métro
qui ont acheté des franchises chez Steinberg, il y a des anciens
propriétaires de Provi-Soir qui ont acheté des franchises de
Steinberg.
Mme Marois: D'accord. C'est pour ça que je disais que
c'est dans la grande famille alimentaire. Il y en a qui peuvent, à cause
de leur expertise prise ailleurs...
M. Laliberté:...et des capitaux qu'ils avaient à
investir aussi.
Mme Marois: C'est ça. Mais qui sont-ils, les 26,
là? Sans me les nommer les uns à la suite des autres, est-ce que
ce sont surtout des gens qui originent de chez Steinberg même?
M. Laliberté: C'est ce que je viens de vous dire. Il y a
des gens de Steinberg, et il y a des
gens venant de l'extérieur.
Mme Marois: Je veux savoir la proportion. C'est 50 % qui viennent
de chez Steinberg?
M. Laliberté: C'est plus que ça. C'est au moins 75
% dans le moment, au minimum.
Mme Marois: D'accord. Quel est le lien financier entre le
franchisé et Steinberg?
M. Bilodeau: André Bilodeau. Est-ce que vous pourriez
élaborer votre question, s'il vous plaît?
Mme Marois: Je veux savoir... Ils vous vendent une franchise.
Est-ce que c'est eux qui la financent? Est-ce qu'ils sont colatéraux
avec vous? C'est quoi, les règles qui lient...
M. Bilodeau: Je pense que, comme on vous a répondu
tantôt, c'est dépendamment de...
Mme Marois: Bien, répétez-le, je n'ai pas
compris.
M. Bilodeau:... l'aspect financier que moi, en tant que
propriétaire je suis capable d'investir dans mon commerce. Il n'y a pas
de limite.
Mme Marois: Je suis d'accord avec vous.
M. Bilodeau: Si je peux payer mon inventaire complètement
qui est de 500 000 $, je le paie.
Mme Marois: Vous esquivez la question. Sur 25 qui sont
membres...
M. Bilodeau: On ne le sait pas, c'est tout individuel.
M. Laliberté: René Laliberté. Je vais
répondre.
Mme Marois: C'est vrai que c'est individuel, mais habituellement
on sait un petit peu ce qui se passe dans le marché.
M. Laliberté: II n'y a pas de cachette là-dedans.
Il y a vraiment une aide, à un moment donné, de Steinberg pour
nous aider à démarrer.
Mme Marois: D'accord.
M. Laliberté: Je pense que, même si on a
travaillé 20 ans dans une corporation...
Mme Marois: C'est ça que je veux savoir. (11 h 30)
M. Laliberté:... qu'on a accumulé des choses - moi,
j'ai accumulé des choses personnelles - on n'accumule pas des capitaux
d'une façon extraordinaire. On a une maison, on a d'autres petits
placements, etc. On a eu une forme d'aide à ce niveau-là et une
forme de garantie basée sur les investissements qu'on a mis. On a
dû mettre des investissements dans ces entreprises-là, par
exemple.
Mme Marois: Oui, bien sûr.
M. Laliberté: On a dû donner aussi des garanties
comme telles.
Mme Marois: Mais il y a un lien financier qui reste
au-delà du lien de distributeur.
M. Laliberté: Comme dans tout processus de franchisage, je
pense qu'il y a un lien financier entre le franchiseur et les franchisés
comme tels.
Mme Marois: D'accord.
M. Laliberté: D'ailleurs, c'est pour ça que
ça s'appelle franchise aussi.
Mme Marois: Oui, je suis consciente de ça aussi, sauf
qu'il y a deux modèles; enfin, il y a plus que deux modèles, mais
II y a deux modèles généralement, ti y a celui où
c'est - comment dirais-jG ça? - un développement par la
tête et on vend la franchise quand on trouve un franchisé qui va
aller s'installer. Et il y a un système, qui est déjà
existant, de corporation, qui est le cas de Steinberg, qui dit: Je choisis
maintenant un nouveau modèle de développement où on va
procéder à la vente des magasins sous franchise. Ça aurait
pu être sous d'autres formes, mais c'est comme ça qu'ils ont
procédé. Alors, c'est dans ce sens-là que ça
commande par la suite des structures financières souvent
différentes. D'accord?
M. Laliberté: C'est ça.
Mme Marois: Bon. Alors, c'est ça que je voulais avoir
comme portrait. Mon collègue d'Ungava a quelques questions et je
reviendrai dans la deuxième partie du temps qui m'est imparti.
La Présidente (Mme Dlonne): Alors, M. le
député d'Ungava, vous avez quatre minutes.
M. Claveau: Quatre minutes?
La Présidente (Mme Dionne): Oui.
M. Claveau: Mais on peut revenir après.
La Présidente (Mme Dionne): Dans les 10 premières
minutes.
M. Claveau: Oui.
La Présidente (Mme Dionne): C'est ça.
M. Claveau: Je vous remercie, Mme la Présidente. Moi,
j'essaie de comprendre quelque chose. Vous avez beaucoup parlé, M.
Laliberté, de la notion de la concurrence déloyale. Vous avez dit
que les franchises chez Steinberg, c'est assez récent, ça,
là. C'est ça?
M. Laliberté: Oui.
M. Claveau: Ça ne fait pas longtemps. Moi, je voudrais
comprendre une chose. Quelqu'un qui, dans une entreprise, en fonction de la loi
actuelle, en connaissant bien la loi, peut opérer le dimanche, comment
peut-on l'accuser de faire une concurrence déloyale dans la mesure
où, qui que vous soyez, les franchisés de Steinberg comme les
autres franchisés, je suppose qu'en tant qu'entrepreneurs, lorsque vous
avez à investir, vous magasinez un tant soit peu, là où
votre argent pourrait être éventuellement le plus rentable?
Généralement, on n'investit pas pour les beaux yeux du client et
on n'investit pas uniquement pour le plaisir de garrocher son argent en l'air.
On magasine pour voir là où on met notre argent, à savoir
où ça peut rapporter le plus. Au moment où vous avez fait
ça et en connaissant la loi du moment qui régit les
marchés d'alimentation, vous deviez savoir qu'il y avait une autre
catégorie d'investisseurs qui, eux, pour des raisons autres que les
vôtres supposé-ment, ont décidé, quant à eux,
d'investir dans des entreprises qui, en fonction de la loi existante, ont le
droit d'opérer le dimanche. Et maintenant que vous avez fait vos
investissements dans, un secteur où vous ne pouvez pas opérer le
dimanche en fonction de la loi existante, vous dites: Bon, bien, là,
c'est drôle, mais ceux qui ont décidé d'investir dans des
entreprises qui, elles, peuvent opérer le dimanche en fonction de la
loi, elles nous font une concurrence déloyale.
Comment se fait-il, en supposant que c'est si rentable que ça
d'opérer le dimanche et en prenant comme acquis aussi que vous
connaissiez la loi en vigueur au moment où vous avez fait votre
investissement, que vous n'avez pas décidé d'investir
d'emblée dans un secteur d'activité de vente au détail de
l'alimentation qui, lui, en fonction de la loi, au moment où vous avez
décidé de faire votre investissement, avait le droit de vendre le
dimanche? Pourquoi avez-vous choisi l'option que vous avez là entre les
mains en venant, après, accuser de concurrence déloyale ceux qui,
en fonction de la même loi, ont décidé d'investir dans un
autre secteur?
M. Laliberté: René Laliberté. O.K. Je vais
répondre, M. ie député. Si j'ai choisi d'acheter une
franchise Steinberg, c'est très simple. J'ai vu une certaine
rentabilité à travers ça, basée sur ce que je vis
présentement et aussi ça fait 20 ans... Moi, j'ai
été élevé là-dedans, l'alimentation. Donc,
je pense que j'ai les compétences pour bien gérer et bien
investir mon argent dans ce domaine-là, un.
Aujourd'hui, dans les représentations qu'on fait, on se sert du
passé pour expliquer un petit peu tout ce qui est arrivé, mais on
entrevoit aussi les années à venir. Je pense que c'est
très pertinent. Il y a 10 ans - je peux peut-être me tromper -
Jean Coutu vendait presque essentiellement des pilules. Aujourd'hui, on nous
fait des circulaires avec du savon en Iront page", on nous fait des circulaires
avec de l'eau de Javel, on nous fait des circulaires avec des bonbons et on
nous fait des circulaires avec d'autres choses. Et demain? Qu'est-ce que
ça va être, demain?
Aujourd'hui, on m'a grugé, peut-être, une certaine part de
marché et moi, j'ai fait une analyse de rentabilité. Je suis un
entrepreneur et moi, je travaille 70, 80, 90 heures dans mon commerce. Je mets
beaucoup d'efforts. Ma famille est impliquée là-dedans. Mes
employés le sont d'ailleurs aussi, à un moment donné,
parce que c'est leur sécurité d'emploi à eux autres aussi
et on entrevoit l'avenir. On voit, à un moment donné, comment se
font les choses. Lorsque tu entres dans un Jean Coutu, le dimanche, et que tu
peux faire ton épicerie, je m'excuse, mais plus les femmes travaillent,
moins les gens, à un moment donné, ont de disponibilité
pour faire leur "shopping" et plus ils vont aller chez Jean Coutu le dimanche.
La preuve: à un moment donné, on a juste à prendre nos
autos et à passer devant ces commerces-là. Après
ça, je n'ai pas parlé nécessairement des marchés
publics, des fruiteries ou des petites boucheries. En tout cas, je peux en
mettre, je peux en mettre, je peux en mettre! Ça, ça se
développe; plus ça va, plus ça se développe.
M. Claveau: O.K. Là-dessus, je vous comprends dans le
fond. Moi, je ne parle pas en fonction de ceux qui réussissent à
contourner la loi d'une façon ou d'une autre et qui devraient
probablement être mieux contrôlés ou faire l'objet d'un
resserrement de la part du ministère. D'ailleurs, je voudrais dire au
ministre que, quand on parle de réglementation de la vitesse sur les
routes, ce n'est pas à partir du principe qu'on ne peut pas
arrêter tout le monde qui fait de l'excès de vitesse qu'on va
laisser aller la vitesse et qu'on va dire: Écoutez, roulez, on ne peut
pas tous vous arrêter. Non, on veut du resserrement.
Eh bien, dans le même sens, peut-être que, si le
ministère décidait vraiment d'appliquer la loi, en disant: On
resserre et on la fait appliquer tel que ça devrait être,
ça serait plus payant probablement pour le gouvernement, à court
terme du moins, tant qu'il y a des contrevenants, que ça peut
l'être de garder des milliers de véhicules de la
Sûreté du Québec sur les routes
à ramasser des contraventions de 45 $. Il fera appliquer sa loi
comme il faut et le gouvernement pourra en retirer des bénéfices
aussi. Ce n'est pas plus difficile que de contrôler la vitesse sur la
route.
Cela étant dit, moi, je parle en fonction de celui qui respecte
la loi, genre les dépanneurs. Tout à l'heure, vous deviez
être dans la salle, au moment où Provi-Soir a fait sa
présentation. Ce sont des entreprises, des business conçues en
fonction de la loi actuelle et qui, elles, ne doivent, en aucun moment, se
sentir coupables de concurrence illégale, dans la mesure où elles
respectent les normes. Le propriétaire, celui qui a
décidé, l'année dernière, il y a deux ans, il y a
cinq ans d'investir dans un dépanneur de ce style-là, lui aussi
avait un choix à faire en termes d'investissement. Il avait de l'argent
à mettre, il a magasiné et il a dit: Moi, je vais
là-dedans, ça ne me dérange pas de travailler le dimanche,
peut-être. Lui aussi, il met ses 75, 80 heures par semaine pour faire
vivre sa "business". En quoi vous fait-il de la concurrence illégale? En
quoi n'aurait-il pas le droit de vivre tout autant que vous dans le cadre de la
loi actuelle?
M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. M. le
député, ça fait deux fois que vous revenez avec le
même élément, nous faisant dire qu'on est contre les gens
qui ont un petit dépanneur et qui sont trois ou moins. On a convenu
tantôt, avec Mme Marois, que les gens qui ont un petit dépanneur,
pas un superdépanneur...
M. Claveau: O.K.
M. Lefebvre (Jacques): ...pas un dépanneur avec une
boulangerie, avec une charcuterie, avec une fruiterie, ça, pour nous,
c'est viable. On n'a absolument rien...
M. Claveau: Oui.
M. Lefebvre (Jacques): ...contre les gens qui respectent comme il
faut l'article de la loi et qui respectent aussi l'esprit de la loi. Ceux
contre qui on en a, c'est une façon de parler, mais les gens dont on
trouve le comportement excessif, on peut citer les pharmacies. Les pharmacies,
aujourd'hui, n'ont de pharmacie que le nom. Qu'est-ce qu'on retrouve dans une
pharmacie? Un petit comptoir de pilules et le reste, c'est carrément de
la concurrence pour nous. Les marchés publics, René en parlait
tantôt, si on fait la somme des employés dans un marché
public, on en arrive à, bon Dieu, deux fois plus que le plus gros des
supermarchés corporatifs de Steinberg et ça, c'est ouvert le
dimanche, monsieur. Ça, ça touche nos clients.
M. Claveau: O.K.
M. Lefebvre (Jacques): On n'a jamais attaqué le petit
dépanneur qui respecte l'article de la loi et la lettre de la loi.
Personne ici ne l'a fait, mais il faudrait s'entendre: Qu'est-ce qu'un
dépanneur? Est-ce que quelqu'un peut donner une définition exacte
du dépanneur permis par la loi? Est-ce qu'il y en a un qui peut le
faire?
Mme Marois: Trois personnes.
M. Claveau: Bien lui, il en a une définition.
M. Lefebvre (Jacques): Trois personnes, mais ce n'est pas tout,
trois personnes. Trois personnes, si le dépanneur se met à vendre
des aspirines, des pilules, des ci, des ça, il respecte encore la loi
parce qu'il a trois personnes? Mais là, on a un problème
sérieux.
La Présidente (Mme Oionne): Alors, merci M. Lefebvre. M.
le député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, Mme la Présidente. Ma première
question va être brève. Lorsque vous avez mentionné, tout
à l'heure, dans votre présentation, que vous louez vos
équipements, est-ce que ça inclut aussi la bâtisse dans le
cas où le corporatif était propriétaire de la
bâtisse? Parce que je sais qu'il y en a qui sont à loyer, dans les
centres d'achats entre autres. Il y en a d'autres qui sont propriétaires
de la bâtisse, c'étaient des corporatifs. Alors, les
bâtiments, l'équipement à l'intérieur, ça
c'est resté au corporatif.
M. Laliberté: C'est-à-dire qu'on doit signer un
bail de sous-location. Dans le sens que là on doit retransférer
le bail à nous autres et c'est nous autres qui devenons
propriétaire du sous-bail, avec les conditions s'y rattachant.
M. St-Roch: Dans le cas où le corporatif était
propriétaire de la bâtisse?
M. Laliberté: Même avec le corporatif.
M. St-Roch: Mais est-ce que vous pouvez...
M. Laliberté: On signe un bail avec la corporation
à ce moment-ià.
M. St-Roch: De location seulement. M. Laliberté:
Oui.
M. St-Roch: Sans possibilité d'achat futur. M.
Laliberté: Non.
M. St-Roch: C'était ma première question, Mme la
Présidente. Ma deuxième question. M. le ministre mentionnait,
avec justesse d'ailleurs, qu'on essaie d'avoir une loi qui va être la
plus
durable possible dans le temps. Mais, lorsque je regarde, moi, la
société québécoise d'aujourd'hui et si on essaie de
prévoir les prochaines évolutions, n'est-il pas un fait qu'on est
une population qui est vieillissante, qu'on a vécu une fragmentation de
la famille, ce qui veut dire des paniers d'épicerie - si l'on est quatre
dans une famille et si on se fractionne - des paniers différents, et
qu'on est une société de plus en plus, à cause de toutes
sortes de facteurs sociaux de travail, où on prend présentement
un repas sur trois dans les restaurants, et on se dirige vers un repas sur
deux? Quand on regarde aussi les habitudes alimentaires de chacun et chacune
d'entre nous et peut-être parce qu'on est une société riche
aussi - il faudrait peut-être un jour se l'admettre - et qu'on aime de
plus en plus avoir un traitement, et je le mets entre guillemets, à
l'européenne, où on préfère aller chez le
pâtissier, on préfère aller chez notre chocolatier, on
préfère aller à notre charcuterie parce qu'on peut avoir
deux tranches de jambon parce que c'est ça qu'on a le goût de
manger ce soir avec la baguette de pain... Alors, quand je regarde tout
ça, est-ce qu'il y a un avenir encore pour la grande surface?
M. Laliberté: Moi, je suis content... Je m'excuse,
René Laliberté. On n'est pas habitués à se nommer.
Je suis content que vous ameniez cet argument-là parce qu'aujourd'hui
les habitudes des gens ont tellement changé. Les gens veulent avoir...
Première des choses, ils ne font plus, comme avant, des commandes aux 15
jours, au mois ou à la semaine nécessairement parce qu'ils sont
payés une fois par 15 jours ou qu'ils sont payés une fois par
mois. Les gens, aujourd'hui, apprécient aller plusieurs fois au
marché, aller chercher le petit rôti qu'ils aiment parce qu'ils
ont le goût de manger un rôti ce soir ou aller chercher le poisson
frais parce qu'ils ont le goût de se faire un bon filet de poisson frais.
Les habitudes changent et ont changé. Nous, dans nos
supermarchés, en tant que franchisés, on a notre
pâtisserie. On a notre boulangerie. Le pain est cuit sur place. On a
notre poisson frais. On a tous ces services-là, mais on ne peut pas les
offrir aux gens parce que c'est dimanche. Par contre, à la petite
pâtisserie du coin, je peux aller chercher deux pâtisseries. Je
peux arrêter à la boucherie après ça et aller me
chercher un autre rôti et je peux acheter mon pain aussi. Mais moi,
là, j'ai tout ça. J'ai des coûts fixes. Je paie quand
même mon équipement, je paie tout ça et je ne peux pas m'en
servir. Il ne sert à rien le dimanche. Et plus ça va, plus les
gens veulent être capables d'y aller selon leurs goûts, selon... Et
ils n'achètent pas d'avance. La petite famille, l'homme et la femme
travaillent. Ils vont chercher, peut-être deux fois ou trois fois par
semaine, ce dont ils ont besoin et ce qui leur tente. C'est encore plus
important le dimanche.
C'est pour ça que les marchés publics, et tout ça,
croissent.
Si je pouvais ajouter, par exemple au niveau du "fast food", juste un
exemple bien frappant. Moi, j'ai un supermarché qui vendait
peut-être, avant qu'on rajoute des boutiques, l'équivalent de 400
$ à 500 $ de poulets Bar-B-Q chauds par semaine. Je suis rendu que j'en
vends 1200 $, 1300 $. Ça, ce sont des poulets que je fais cuire dans mon
magasin. Le client, lui, en faisant sa commande parce que là c'est le
jeudi soir, il est pressé et il n'a pas le temps de faire à
manger, II veut avoir un poulet chaud. Si j'étais ouvert le dimanche,
juste des poulets chauds, je pourrais peut-être en vendre 400 $, 500 $,
juste là, sans parler de tout le restant parce que c'est facile. Il fait
beau aujourd'hui, je suis dans ma cour, j'ai besoin de quelque chose. Je vais
au supermarché et je retrouve ce dont j'ai besoin et je n'ai même
pas la peine de me casser la tête. Mais là, parce que je n'ai pas
le goût de faire la cuisine, je m'en vais chez McDonald ou je m'en vais
chez St-Hubert Bar-B-Q quand je pourrais faire aussi bien sans me changer et
rester dans ma cour.
M. St-Roch: Je vous suis jusqu'à un certain point, mais ne
pensez-vous pas non plus que le consommateur va aller sur la
spécialité? Je vais prendre la poissonnerie en exemple, parce que
si on va dans les grandes surfaces on va être quand même
limité au niveau du choix. Est-ce qu'on ne préférera pas,
en tant que client, présentement et dans le futur, aller chez le
poissonnier pour être capables de déguster un poisson que,
normalement, on mange dans les grands restaurants, avec quelqu'un qui est
spécialisé et qui va nous donner aussi la recette
d'accompagnement ou l'art de le préparer? C'est là qu'on se
dirige. Alors, si on se dirige vers ça pour le poisson, c'est
peut-être vrai pour les fromages fins, c'est peut-être vrai pour la
pâtisserie, c'est peut-être vrai pour la boulangerie et ces
choses-là. À ce moment-là, quel est l'intérêt
d'aller dans une grande surface où on est moins nombreux aussi? (11 h
45)
M. Laliberté: René Laliberté. Je vous donne
entièrement raison sur ce que vous dites excepté que nous,
aujourd'hui, on est en mesure d'offrir tous ces services-là. On a des
spécialistes en fromagerie, on a des spécialistes en poissons.
Même, on est en mesure de dire au client comment faire cuire, comment
apprêter ces poissons. On est en mesure de lui donner des recettes. On a
des gens compétents pour le faire, mais on est limités.
M. St-Roch: Est-ce que je peux me permettre une dernière
question?
La Présidente (Mme Dionne): Une dernière question,
M. le député de Drummond.
M. St-Roch: Je prends l'hypothèse - je le souligne et je
le mets en lettres majuscules - l'hypothèse qu'on dit que les commerces
sont fermés le dimanche, sauf la fameuse règle de trois. Est-ce
que les franchisés de Steinberg, à ce moment-là, vont
commencer à compartimenter leur magasin pour avoir la poissonnerie, pour
se rendre conformes?
M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. De façon
hypothétique, l'avenir le dira. On ne peut pas répondre à
ça, pas présentement, tant que vous n'avez pas pris une
décision.
M. St-Roch: Ça ne peut pas faire partie de vos discussions
d'une heure et demie?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lefebvre (Jacques): Sûrement pas.
M. St-Roch: Merci.
M. Lefebvre (Jacques): Bienvenue.
La Présidente (Mme Dionne): Merci, M. le
député de Drummond. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Mme la Présidente, rapidement. Dans le
contexte actuel, est-ce que vos entreprises sont rentables?
M. Laliberté: Si elles n'étaient pas rentables, on
n'en aurait pas acheté.
M. Claveau: Donc, vos entreprises sont rentables. Ça veut
dire que ceux qui font du commerce la fin de semaine actuellement, dans le
respect de la loi qu'on connaît, ne mettent pas en danger vos
investissements.
M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. À court terme,
peut-être pas. À moyen terme, oui.
M. Claveau: Peut-être. Est-ce que, par contre, si on
ouvrait la loi... Parce que, dans le fond, on est à l'intérieur,
toujours, de la même "bracket", du même volume de marché. On
l'a dit tout à l'heure, c'a été explicité
très clairement par d'autres intervenants, les gens ne gagneront pas
plus cher et n'auront pas plus de moyen de dépenser parce que vous
ouvrez le dimanche. Par contre, vous, vos frais vont être probablement
plus élevés. Est-ce que vous pensez que, dans la mesure où
vous avez la chance d'aller chercher plus de marché le dimanche,
ça veut dire que vous allez en ôter à d'autres qui
opèrent le dimanche, ce qui pourrait, à la limite, rendre
très précaires certaines entreprises qui opèrent dans le
cadre de la loi actuelle?
M. Laliberté: Je pourrais vous répondre de la
même façon. Cet argument-là est venu lors- qu'on a
parlé d'obtenir les permis de bière et vin pour les
supermarchés à grande surface. On se rappelle bien, dans ces
années-là, un des principaux arguments qui avait
été tablé était le fait que, si on permettait la
vente de bière et de vin dans les grandes surfaces, on mettrait en
danger les dépanneurs. On tuerait les dépanneurs. Je pense que
l'expérience nous prouve aujourd'hui, M. le député, que
c'était totalement faux. Je pense que ce que ça a fait, au
contraire, c'est que ça a développé le marché du
vin au Québec. Avant ça, on importait beaucoup plus de vin, par
exemple de France ou des autres pays, et, aujourd'hui, on a
généré des ventes supplémentaires et
généré une création d'emplois avec nos Industries
locales.
Je pense que le fait d'ouvrir le dimanche les grandes surfaces ne mettra
pas en danger les petits. Les gens qui s'identifient à une personne vont
continuer, je pense, à un moment donné, parce qu'ils ont
confiance, à les voir. Cependant, il va y avoir une partie de
consommation qui va augmenter. Les gens aujourd'hui ne sont pas tous sur le
bien-être social, en tout cas, dépendant des régions. Mol,
je regarde ma clientèle. Je peux juger selon ma clientèle et les
gens ont des moyens un petit peu plus grands. Ils vont peut-être
consommer davantage ou ils vont peut-être changer... Au lieu de
dépenser 25 $ au restaurant, ils vont peut-être
préférer dépenser 15 $ chez nous, tu sais, parce que je
vais être en mesure de leur offrir quelque chose qui est vite fait.
Prenons juste l'exemple des "charcoals" l'été. Je pourrais
vous donner juste cet exemple-là. SI, au lieu de faire dégeler un
steak de votre congélateur, vous pouviez aller au marché du coin
chercher deux beaux T-Bone et les mettre directement sur votre barbecue
plutôt que d'aller manger au restaurant, je pense que c'est Important
pour les gens.
M. Claveau: Sauf que, pour revenir à votre exemple du vin,
on avait un marché à ce moment-là qui était
nouveau, qui était en pleine expansion, en plein développement.
Dans le cas du T-Bone, on ne vendra pas plus de boeuf au Québec parce
que, finalement, on en mange déjà assez. Donc, si vous en vendez
un, il y en a un à côté qui va perdre sa vente, lui.
Je voudrais vous poser rapidement une dernière question,
peut-être, avant de passer la parole à ma collègue. Vous
serez d'accord avec mol que, généralement, quand on va dans un
dépanneur la fin de semaine - je parle du dépanneur, là,
je ne parle pas du marché et tout ça - on paie un peu plus cher
qu'ailleurs pour le service qui est là. Dans la mesure où vous
voulez aller chercher une clientèle à ce
dépanneur-là, finalement, en ouvrant le dimanche, vous ne pourrez
pas faire autrement...
M. Laliberté: Est-ce que je peux vous
interrompre? Si vous vous référez à notre
mémoire, on n'a jamais mentionné les dépanneurs.
M. Claveau: Oui, mais...
M. Laliberté: C'est parce que, depuis tout à
l'heure, vous revenez avec le terme "dépanneur". Et, nous autres, on a
un blocage, parce qu'on n'est pas contre les dépanneurs, d'aucune
façon.
M. Claveau: Vous savez très bien...
M. Laliberté: On est contre ceux qui touchent directement
notre "business": les fruiteries, les Jean Coutu, les marchés publics,
puis tout ça.
M. Claveau: Mais vous savez très bien que si, dans un
milieu donné, il y a trois dépanneurs puis qu'on ouvre la grande
surface le dimanche, le dépanneur vend déjà plus cher que
chez vous, est-ce que vous allez ajuster vos prix à la hausse pour
arriver aux prix du dépanneur ou si vous allez obliger le
dépanneur à baisser ses prix tout en lui enlevant sa
clientèle?
La Présidente (Mme Dionne): En conclusion.
M. Lefebvre (Jacques): Jacques Lefebvre. M. le
député...
M. Claveau: C'est intéressant pour le
dépanneur.
M. Lefebvre (Jacques): Franchement, si vous croyez qu'on va
augmenter nos prix pour la journée du dimanche, vous avez un
problème quelque part.
M. Claveau: Ah. Donc, vous venez de faire crever...
M. Lefebvre (Jacques): Ça ne se peut pas. C'est
impossible, on ne peut pas faire ça.
M. Claveau: Vous venez de faire crever tous les dépanneurs
du Québec.
M. Lefebvre (Jacques): Puis autre chose, M. le
député.
La Présidente (Mme Dionne): En conclusion.
M. Lefebvre (Jacques): Vous dites que, si on ouvre le dimanche,
on nuit aux dépanneurs. À quelle place les dépanneurs se
situent-ils? À quelle place vont-il s'installer? À quelle place
les boulangeries vont-elles s'installer? À quelle place les charcuteries
vont-elles s'Installer? Toujours près d'un supermarché. Pourquoi?
Parce que le "puller", c'est le supermarché. Le "puller" va être
encore le supermarché le dimanche. Je ne vois pas en quoi ça va
nuire à l'ensemble de ces commerces-là. Parce qu'ils sont
déjà là. Ecoute, la pâtisserie est ouverte le samedi
dans le jour.
Est-ce que je la fais mourir, parce que je suis ouvert le samedi dans le
jour? Non.
La Présidente (Mme Dionne): En conclusion, M.
Lefebvre.
M. Lefebvre (Jacques): Par contre, elle est à
côté de moi.
La Présidente (Mme Dionne): Vous concluez, M.
Lefebvre?
M. Lefebvre (Jacques): D'accord, c'est terminé.
Mme Marois: On est aux conclusions.
La Présidente (Mme Dionne): Mme la députée
de Taillon.
Mme Marois: Je vais en tirer quelques-unes avec vous. J'ai bien
compris et je pense que mon collègue aussi a très bien compris le
fait que vous n'attaquez pas, d'aucune espèce de façon, les
dépanneurs, mais que vous vouliez être traités
équitablement et que ce ne sont pas les dépanneurs qui vous font
la vie dure, mais ce sont plus des pharmacies à grande surface qui se
servent de "lost leader", de votre secteur alimentaire, de produits de
nettoyage - il faut assez regarder le marché pour savoir ça -
pour attirer une clientèle qui ne va pas chez vous si elle va là.
Et, en plus, elle va chez elles lorsqu'elles sont ouvertes et que vous, vous ne
pouvez pas l'être.
Puis il y a Club Price aussi. Peut-être pas vous personnellement,
mais il y en a d'autres avant vous qui nous ont dit que ça leur faisait
mal pas mal. Club Price qui appartient à qui, déjà?
Steinberg pour 50 %.
La Présidente (Mme Dionne): En conclusion...
Une voix: Je m'excuse, Mme Marois, est-ce que je pourrais dire
quelque chose?
La Présidente (Mme Dionne): Je m'excuse.
Mme Marois: Peut-être qu'il y aura d'autres moments
où on pourra entendre des gens qui nous donneront une information plus
complète.
La Présidente (Mme Dionne): Effectivement. Mme la
députée de Taillon, en conclusion.
Mme Marois: Oui. Je vous remercie de votre contribution. Vous
savez quel est le point de vue que l'on défend. Nous, on pense, et dans
votre for intérieur vous y penserez, qu'une loi sérieuse, avec
des dents, qui limiterait au dépannage la
possibilité d'ouvrir le dimanche et qui serait donc
équitable pour l'ensemble du réseau et de la chaîne
alimentaire au Québec, ce serait mieux vous servir que la situation
d'une plus grande libéralisation. Merci de votre contribution à
nos travaux.
La Présidente (Mme Dionne): M. le ministre, en
conclusion.
M. Tremblay (Outremont): Ce que je retiens de vos commentaires,
c'est: Oui, une loi équitable. Là, on s'entend très bien
avec la députée de Taillon. Mais, étant donné la
tendance à la libéralisation, vous dites qu'on est mieux d'avoir
une loi qui tend vers la libéralisation si on veut avoir une loi
durable. Alors, dans ce sens-là, on va prendre en considération
vos remarques. Je vous remercie beaucoup d'être venus nous faire partager
votre point de vue.
La Présidente (Mme Dionne): Alors, la commission remercie
le Regroupement des hommes d'affaires en alimentation du Québec de leur
participation à cette commission et suspend ses travaux jusqu'à
15 heures.
(Suspension de la séance à 11 h 55)
(Reprise à 15 h 4)
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail va reprendre ses consultations
particulières sur les modifications à apporter aux heures
d'ouverture des commerces. Nous recevons présentement le groupe Colabor
Canada (1973) Itée.
Je vous explique un peu nos règles de fonctionnement. Vous avez
20 minutes pour la présentation de votre mémoire; ce sont 20
minutes fermes qu'on ne peut pas excéder. Par la suite, il y a une
période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais,
chaque fois que vous prenez la parole, de bien vouloir vous identifier; dans la
mesure où on se le rappelle, je sais que ça devient un petit peu
fastidieux, mais ça aide beaucoup les gens qui font la transcription des
débats, qui sont dans une autre pièce et qui ne vous connaissent
pas.
Sans plus tarder, je vous invite à identifier votre porte-parole
et à présenter l'équipe et votre mémoire, s'il vous
plaît.
Colabor Canada (1973) Itée
M. Ledoux (Pierre): D'accord. Je suis Pierre
Ledoux. M. le Président, madame et messieurs, membres de la
commission, nous vous remercions de nous permettre d'exprimer nos idées,
nos suggestions concernant la loi et les règlements régissant les
heures d'ouverture des commerces de détail de la province de
Québec.
Mon nom est Pierre Ledoux. Je suis directeur général du
groupe de détaillants affiliés à Colabor et j'occupe
diverses fonctions au sein de Colabor, principalement en ce qui touche les
achats et la mise en marché des produits alimentaires. Je suis
accompagné par M. Raymond Trempe, propriétaire d'un commerce de
gros dans le domaine de la distribution de produits alimentaires. Il occupe
différents postes au sein de l'organisation Colabor et siège au
conseil d'administration d'autres commerces de gros faisant partie de notre
groupe. Il est aussi président de Point d'aide inc., qui est le
regroupement de quelque 700 épiciers-dépanneurs opérant
sous les bannières Visez juste, Point d'aide et groupes affiliés.
Il y a aussi M. Daniel Cadrin, président de J.B. Cadrin, distributeur en
gros dans les comtés de Québec, Bellechasse, Lévis et
Montmagny, et M. Chen, qui est propriétaire du dépanneur L'Escale
à Saint-Georges de Beauce.
Permettez-moi de vous signaler qu'aucun de notre groupe n'est un
spécialiste de ces commissions parlementaires. Nous sommes des
commerçants, soit grossistes ou détaillants en alimentation. Il
est possible que nous n'utilisions pas les termes habituels pour une telle
présentation. Toutefois, nous désirons vous exprimer en nos
propres mots nos idées sur le sujet du dossier des heures
d'ouverture.
Nous sommes les porte-parole de tous les grossistes indépendants
de la province de Québec. Il s'agit de distributeurs en gros de produits
alimentaires, confiserie, produits de tabac et autres produits connexes. Le
réseau de grossistes couvre la presque totalité du territoire du
Québec. Ce groupe a une qualité remarquable: il est
composé uniquement d'entreprises à capitaux
québécois. Tous les sièges sociaux et entrepôts sont
situés dans la province et tous les employés et cadres sont des
Québécois. De plus, aucun n'a jamais reçu de subvention ou
d'aide de quelque gouvernement que ce soit. Les grossistes que nous
représentons sont regroupés au sein de Colabor, qui est le centre
de distribution pour chacun d'entre eux et aussi le centre de mise en
marché des produits pour les détaillants que nous desservons.
Colabor fut formé il y a maintenant plus de 25 ans sur la Loi des
syndicats coopératifs. Il regroupe maintenant tous les grossistes
indépendants de la province. Notre réseau de grossistes fournit
de l'emploi à plus de 1000 personnes. Le groupe des grossistes
intégrés à Colabor est le coeur de la distribution pour le
réseau des détaillants indépendants de petites et moyennes
surfaces. Nous représentons 70 % des détaillants
indépendants non rattachés à des groupes corporatifs.
Les détaillants que nous servons fournissent de l'emploi à
plus de 10 000 personnes. Aussi, nous devons vous signaler que ces commerces
sont tous québécois. En résumé, nous
représentons plus de 10 000 emplois au Québec, avec plus
de 1 000 000 000 $ de ventes au détail dans la distribution de
produits alimentaires et autres produits connexes. Notre groupe
représente un groupe sélectif de commerces de denrée
alimentaire tels que dépanneurs, épiceries de petites et moyennes
surfaces.
Se conformant au règlement actuel des heures d'ouverture, ce
réseau de ventes au détail existe par l'application de la loi et
a été créé et élargi grâce à
l'existence de cette loi. Nous ne sommes pas des spécialistes pour tous
les genres de commerces de détail et nous ne connaissons pas toutes les
implications d'un changement de la loi sur ces autres commerces. Toutefois,
nous sommes les spécialistes du commerce de détail des
indépendants dans la province de Québec et c'est de ce sujet que
nous voulons traiter avec vous, à l'occasion de cette commission
parlementaire.
Comme vous avez pu le constater à la lecture de notre
mémoire, nous sommes résolument contre l'élargissement des
heures d'ouverture. Notre présentation est plutôt directe et nous
voulons aller au coeur du problème, sans détour. Sur ce, je
laisse la parole à M. Trempe.
M. Trempe (Raymond): Je continue la présentation. Les
principaux points sur lesquels nous avons tenu à vous sensibiliser sont
les suivants: premièrement, nous voulons aussi mettre en garde les
législateurs de suivre les sondages pour modifier la loi.
L'objectivité ou la subjectivité du répondant peut donner
une impression bien différente de l'opinion populaire.
En deuxième partie, il y a eu un abus inacceptable des exceptions
prévues dans la loi, permettant la création d'un volume de ventes
au détriment des autres réseaux de distribution qui observent la
loi.
La troisième partie: ce sont les groupes corporatifs qui ont fait
des erreurs dans leur prise de contrôle et leur part du marché
n'augmente pas suffisamment. On ne voudrait pas que le gouvernement leur
permette une reprise en transférant une part du marché du
détail dans leurs mains par une législation qui les
favoriserait.
Le premier point: la question des sondages. La guerre engendrée
par la question des heures d'ouverture a poussé les groupes favorables
à l'élargissement des heures d'ouverture à demander des
sondages. La stratégie était bonne. On se doit d'être pour
le beau, le bien et la plus grande facilité. On savait bien qu'à
une telle question les réponses seraient favorables. Aussi, on a souvent
entendu que le gouvernement était dirigé par des sondages.
Quoique je doute d'un tel fait, ce serait un manque sérieux et de
très mauvais goût pour le législateur d'agir ainsi. La
rumeur étant ce qu'elle est, on a cru pouvoir ébranler le
gouvernement avec des sondages de toutes sortes. Dans certains cas, on a
publié le résultat de sondages, mais il était totalement
impossible de connaître la question posée. Nous voulons mettre en
garde le législateur du danger de suivre des sondages dans ces cas
particuliers. Dépendant si on examine une question de sondage de
façon objective ou subjective, le résultat peut être
très différent.
Objectivement, on se devrait d'obtenir 100 % de répondants qui
soient pour l'ouverture des magasins de détail sept jours par semaine,
24 heures par jour. Subjectivement, tout probablement que l'inverse se
produirait. On se doit de connaître les implications d'un tel changement
dans l'économie de notre province. Une perte de 10 % du volume de ventes
ferait fermer la presque totalité des dépanneurs de la province.
Par entraînement, la presque totalité des grossistes fermerait ses
portes. Nous croyons que l'élargissement total des heures d'ouverture
ferait perdre aux dépanneurs plus de 20 % de leurs ventes. Avec une
perte de 20 % de leurs ventes, très peu survivront. Cela
représente près de la totalité de leurs revenus nets, car
les frais d'opération demeureront les mêmes.
Comme nous le mentionnons dans notre mémoire, le dépanneur
fait partie de notre société distincte. Des
téléromans de notre télévision se vivent avec un
dépanneur au centre de la vie communautaire des Québécois,
pas avec un supermarché ou une superpharmacie. Le dépanneur fait
aussi partie de la vie communautaire. C'est le point de rencontre des
étudiants qui attendent les autobus scolaires. C'est le point de
rencontre des gens d'un quartier. Aussi, le dépanneur est la seule
institution qui peut préparer une commande prise au
téléphone et en faire la livraison pour les personnes
handicapées. Le dépanneur peut faire crédit, en certaines
occasions. Aussi, le dépanneur est accessible. Il y en a beaucoup dans
la province, dans chaque secteur de chaque municipalité.
Un sondage devrait inclure toutes ces facettes et parler de la
possibilité de la disparition des dépanneurs avec
l'élargissement des heures d'ouverture. Un sondage sérieux tel
qu'un sondage Gallup nous montre que seulement 40 % des répondants
désirent l'élargissement des heures d'ouverture. Ce sondage nous
démontre que plusieurs des répondants ont
interprété la question de façon subjective. Les personnes
plus âgées sont majoritairement contre. Les résidents des
petites municipalités sont contre. Ces répondants ont compris
subjectivement que leurs dépanneurs en sortiront affaiblis et que leur
disparition leur rendrait la vie plus difficile.
Les petites municipalités n'auront pas toutes leur centre
d'achats et les personnes plus âgées ou ayant des moyens de
transport réduits devront parcourir de plus grandes distances pour se
rendre au centre d'achats.
Pour démontrer le danger de l'interprétation d'un sondage,
nous citons en exemple le sondage récent qui a été fait
lors de l'attaque de l'armée américaine au Panama. Le soir de
l'invasion, un
canal de télévision américain a fait un sondage. 95
% des répondants étaient en faveur de l'invasion. Réponse:
objective. Le lendemain soir, après la mort d'un seul soldat
américain, à la même question, le résultat tombe
à 65 %. Réponse: subjective. Il faut tenir compte de quelque
chose de nouveau avant de répondre.
À une question: Voulez-vous abolir toute la pollution dans la
province de Québec, objectivement, 100 % des répondants diraient
oui. Mais si cela force la fermeture de la majorité des industries et la
défense d'utiliser une automobile, subjectivement, j'imagine que la
majorité des répondants dirait non. À une question:
Voulez-vous ne plus payer aucun impôt, objectivement on dirait oui. Mais
si on implique que, par ce fait, la fonction publique et le gouvernement
disparaîtraient, dans ce seul cas, peut-être que la réponse,
même subjectivement, serait oui. Mais il ne faut pas poser de telles
questions. (15 h 15)
Tout ceci pour vous dire que les sondages demeurent des sondages et ne
donnent qu'une impression d'une volonté populaire. Un groupe
sérieux se doit de regarder les résultats d'un sondage, mais il
serait dangereux de légiférer d'après les sondages. Nous
tenons à mettre en garde le législateur et lui disons surtout de
faire bien attention aux sondages dont les questions ne sont pas connues. Je
laisse la parole à M. Ledoux pour continuer.
M. Ledoux: Le deuxième sujet, c'est les exemptions et les
abus engendrés. Ce sujet n'est certainement pas nouveau pour vous. On a
dû en parler dans chacun des mémoires qui vous ont
été présentés. C'est le coeur du problème.
La loi de 1969 était une loi parfaite et l'est encore aujourd'hui. Les
problèmes, ce sont les exceptions à la loi. Comme toujours,
certains ont profité des trous afin de se créer une sorte de
monopole de la vente au détail. Il était légitime pour le
législateur d'accorder une exception pour les pharmacies. L'achat de
produits pharmaceutiques ne peut souvent pas être prévu et
l'accessibilité à une pharmacie en tout temps était
raisonnable.
Mais ce qui devait arriver s'est produit. Dans le cas-problème
des superpharmacies, nous n'avons plus affaire à des pharmacies, mais
plutôt à des supermarchés. On a oublié le sens de la
loi, sa raison première. L'avènement de ces superpharmacies a
pris une part importante du commerce des magasins corporatifs et aussi des
dépanneurs qui respectaient la loi. Par entraînement, il est
normal que Provigo et Steinberg crient. Leur compétiteur a des
permissions spéciales. Nous croyons que le ton baisserait si on enlevait
ces exceptions.
Le réseau des détaillants indépendants et des
grossistes les servant est très fragile. Une perte de 10 % du volume de
ventes ferait disparaître la presque totalité des profits. Une
fois affaiblis, les détaillants deviendront une proie facile pour les
sociétés à grandes surfaces. Ceux qui parient au nom des
consommateurs et de l'équité visent, en fait, beaucoup plus le
contrôle du marché à leur avantage. Les grandes surfaces
pourront facilement réaliser un déplacement appréciable de
la consommation avec des superrabais du dimanche, quitte à mieux les
ajuster plus tard, le temps d'habituer le consommateur à
fréquenter leur commerce. La structure commerciale du Québec sera
touchée de façon définitive au détriment de la
petite et moyenne entreprise de l'alimentation au détail. Le tout
amènera la perte de dizaines de milliers d'emplois qui seront
remplacés par des emplois à temps partiel.
De plus, selon nous, la libéralisation du commerce le dimanche,
dans l'alimentation, créera un effet d'entraînement dans tous les
autres secteurs du commerce au détail. Les autres commerçants
voudront profiter de l'achalandage des consommateurs au supermarché pour
réclamer leur droit à l'ouverture de leur commerce le dimanche.
À ce stade, les Québécois n'auront que le travail en
commun. Nous pensons que le gouvernement a le devoir de favoriser
l'épanouissement familial, à l'heure où le contexte social
est déjà si difficile pour lui, à moins que cette valeur
ne soit considérée comme dépassée.
Nous voici aujourd'hui devant une commission parlementaire en laquelle
nous avons une grande confiance. Nous vous soumettons humblement nos
propositions qui se résument ainsi. Vous les retrouverez dans notre
mémoire aux pages 21,22,23 et 24.
Un résumé. Numéro un: dans la définition de
"client", nous demandons d'inclure un membre acheteur d'un club d'achats afin
de faire cesser les abus des clubs d'achats tels que Club Price.
Nous demandons d'inclure une enumeration limitative des genres de
produits pouvant être vendus pour chacune des exceptions
autorisées par la loi. Nous demandons le maintien de la règle de
trois personnes, en tout temps. De plus, nous demandons que le commerce n'ait
pas plus de 3000 pieds carrés, y compris dans les zones touristiques,
où étaler les produits à la clientèle.
Ne permettre aucune exception et aucun droit acquis pour les
opérations soi-disant autorisées actuellement à contourner
la loi. Augmenter la limite des amendes pour les contrevenants et garder
intégralement l'article 3 de fa ioi actuelle.
En terminant, nous vous soulignons que nous avons une confiance en la
vigueur des PME du Québec et qu'avec un bon encadrement
législatif il va se créer un réseau encore plus complet de
points de vente dans toutes les régions. De plus, un réseau de
dépanneurs bien structuré et protégé par une loi
ayant suffisamment de dents aidera à maintenir un système de prix
de vente au détail concurrentiel et freinera
toute prise de contrôle ou coalition qui serait au
détriment de la population du Québec.
Nous espérons que le gouvernement apportera une solution
définitive à un problème sérieux, sans perdre de
vue le caractère distinctrf de notre structure commerciale
québécoise, et qu'il considérera ce dossier dans la
perspective de son effet d'entraînement.
M. le Président et MM. les membres de cette commission, à
nouveau nous exprimons notre entière confiance en votre bonne
compréhension et nous anticipons des recommandations qui garantiront la
survie de milliers d'emplois à temps plein et permettront la
continuité des PME qui existent grâce à la loi depuis
maintenant près d'un siècle. Mesdames et messieurs, si vous
désirez des explications supplémentaires, nous sommes à
votre disposition. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Juste pour une
précision. M. le ministre est en retard de quelques minutes; c'est qu'il
a dû aller, à l'heure du dîner, à une
conférence de presse, à une présentation de quelque chose
à Montréal. Il devrait être de retour dans quelques
minutes. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs.
Maintenant, ça semble être bien clair, après avoir lu votre
mémoire et selon vos exposés. Messieurs, vous dites: Si jamais il
y a élargissement. Vous imagez ça dans le sens: le gros contre le
petit. Vous dites qu'il y a deux possibilités, en fait. En
réfléchissant tout haut, on s'aperçoit qu'il y a deux
choses qui peuvent se passer. Plus on fait d'auditions, plus on réalise
que c'est ça: Ou bien il y a la loi actuelle, excessivement
renforcée, en enlevant ou en cancellant des décrets qui ont
permis à certains marchés publics, qui ont permis à
certaines fruiteries, qui ont permis à certains types de pharmacies
d'ouvrir, par une liste très précise, avec des dates
précises et qui ont donné, en fait, une forme de droit que
d'autres n'ont pas eu parce qu'ils n'étaient pas là avant cette
date, donc par décret, par volonté gouvernementale, à tort
ou à raison; alors, ça voudrait dire qu'il faudrait effacer
ça, ou en grande partie, en tout cas. Ou bien revenir, comme vous le
suggérez, au minimum d'exemptions. Actuellement, II y a 19 exemptions
dans la loi, entre autres à l'article 5. Vous dites: II faut minimiser
ça et aller au minimum. Donc, le dépannage, la gazoline, et il y
en a un certain nombre d'autres, qui peuvent aller jusqu'à six ou sept,
où on n'a pas le choix, on est pogné avec, il faut absolument
qu'ils ouvrent.
Maintenant, le plus gros ou le corporatif - pas nécessairement le
plus gros, mais le corporatif - il a tendance à venir nous dire
"libéralisation". Libéralisez ça parce que nous, on a
perdu du marché, pour toutes sortes de raisons. Certains gros, dans
l'alimentaire entre autres, vendent très peu de fruits et
légumes; c'est bien évident, on n'en mange pas plus, des fruits
et légumes, ou du moins peut-être un petit peu plus, mais pas
assez pour que ce soit impressionnant au niveau des chiffres d'affaires, sauf
que c'a été transféré en grande partie dans le
monde de la fruiterie, qui est un avènement nouveau depuis quelques
années, donc de nouvelles habitudes de consommateurs. Là, on y va
graine à graine et on s'aperçoit qu'il y en a certains, puisque
l'assiette est toujours la même et que l'argent, on n'en invente pas, le
salaire n'augmente pas, on l'a souligné ici à plusieurs
reprises... Ça veut dire qu'à un moment donné ce sont les
mêmes achats ou sensiblement, mais ils ont été
transférés d'une place à l'autre, d'un coin de rue
à l'autre, dans certains cas.
Alors, ce sont les deux alternatives: ou bien on rend ça plus
rigide et on l'applique comme il faut, cette fois-ci, ou bien on
libéralise en faisant juste une surveillance, en mettant des balises au
niveau des horaires et en surveillant beaucoup plus la qualité du
produit. Cependant, les gros nous disent aussi: II y en a, dans le
dépannage, qui sont rendus qu'ils font autre chose que du
dépannage. Vous avez avec vous M. Chen, entre autres, chez qui je suis
allé il y a une dizaine de jours. Vous êtes à Saint-Georges
de Beauce.
M. Chen (Ti-Tune): C'est bien ça, monsieur.
M. Richard: J'y suis allé et j'ai acheté, entre
autres, parce que vous avez des éléments exotiques... C'est
peut-être exagéré, "exotiques", là...
M. Chen: Non, vous avez bien raison.
M. Richard: ...mais vous vendez des coffres à bijoux, vous
vendez des produits qui sont de la Chine ou du Japon...
M. Chen: De la Chine.
M. Richard: ...de la Chine et qui sont magnifiques, en passant,
des brûleurs d'encens, beaucoup d'objets de décoration ou d'objets
qui sont du luxe, en fait, dans votre dépanneur qui est magnifique, en
passant, très bien aménagé et très propre, sauf que
ça déborde de beaucoup le dépannage qu'on connaissait.
Vous avez effectivement un assortiment de fromages, de vins, et vous avez
après ça tout ce qu'on appellerait le matériel d'un
dépanneur classique. Ça, vous l'avez, mais vous avez ça en
ajout. Maintenant,
tous ces ajouts-là, chez vous - parce que vous avez quelques
comptoirs qui traitent de ça, il y a ces ventes-là - ça
représente quoi par rapport à ce qui est vraiment
alimentaire?
M. Chen: Je me suis basé sur ça pour faire un coin
touristique. Je suis d'origine chinoise; les gens apprécient la
différence de culture, en fait. Ça me crée un lien, une
manière d'avoir un lien plus proche avec ma clientèle. Alors, en
fait de ventes, ce sont peut-être plus des dépenses
d'immobilisation, de tourisme, de contact. Le but de tout ça, c'est
d'accrocher la clientèle pour qu'elle puisse rester plus longtemps chez
nous puis qu'elle vole les autres produits. Le produit chinois tel que vous
l'avez vu, en lui-môme, ce n'était pas dans un but commercial;
ça a l'impression d'être commercial, parce qu'il faut que je le
vende quand même, mais je ne vends pas réellement de ces
produits-là; ça ne représente vraiment pas une portion du
chiffres d'affaires du tout, c'est plus touristique, c'est plus pour garder la
clientèle chez nous, pour marquer une différence culturelle.
M. Richard: Un peu pour l'attirer, vous semblez dire, au
même titre que vous avez la mini-loto, qui n'est pas payante mais qui
attire le client.
M. Chen: En fait, dans la Beauce, en étant asiatique, il
n'y en a pas beaucoup, alors cet échange culturel me permet de nous
faire connaître plus dans le quartier. C'est un moyen pour moi
d'approcher les clients, une manière de parler d'abord de produits
chinois puis, en fait, de connaître ma clientèle.
M. Richard: Mais pour prendre une expression que vous avez
utilisée vous-même, quand j'ai été faire ces
quelques achats-là chez vous, surtout pour voir ce que vous aviez
à vendre, vos chinoiseries, est-ce que vous les sortiriez de votre
commerce si on prenait votre recommandation qui dit: Trois employés et
moins pour un dépanneur?
M. Chen: J'ai toujours trois employés et moins. Pour un
dépanneur, j'accepterais. Si vous voulez que je sorte ces
produits-là, II n'y a pas de problème, monsieur.
M. Richard: C'est parce qu'il pourrait arriver aussi, dans la
réglementation, que l'on dise: II faut qu'il y ait un pourcentage
alimentaire...
M. Chen: il n'y a pas de problème.
M. Richard: ...en fait, ce qui se mange et qui se boit, au
même titre que, pour émettre un permis de boisson, actuellement,
on vérifie l'inventaire et l'inventaire constant pour s'as- surer que ce
n'est pas uniquement ce qu'on appelle, dans le jargon d'épicerie, un
"facing".
M. Chen: Je suis prêt à l'accepter. M. Richard:
Vous accepteriez ça.
M. Chen: J'accepterais ça, parce que ça ne fait pas
partie de mon commerce, en fait.
M. Richard: Une sous-question: Est-ce que ça ne
handicaperait la rentabilité de votre commerce d'aucune
façon?
M. Chen: Non. D'après mol, non.
M. Richard: Ça va. Ça répond à ma
question à ce niveau-là. Merci, M. Chen.
M. Chen: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): J'avais M. le
député de Drummond, pour laisser le temps à M. le ministre
de respirer quelques instants.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. J'aimerais entendre un
peu ce qu'est Colabor Canada (1973) Itée. Vous avez débuté
comme étant un syndicat coopératif. Qui est-ce qui détient
aujourd'hui Colabor Canada (1973) Itée?
M. Trempe: Ce sont des grossistes. Tous les grossistes
indépendants de fa province de Québec font partie de Colabor.
Quand on a commencé, c'était régi par la Loi des syndicats
coopératifs, mais c'est devenu très laborieux, parce que la loi
nous obligeait à répartir les dépenses à parts
égales entre chacun des membres, ce qui est devenu fastidieux, à
un moment donné. Puis, on s'est Incorporé par la suite pour avoir
une facilité d'opération plus grande. Quand même, c'est la
propriété entière des grossistes. Tous les grossistes
indépendants de la province de Québec sont propriétaires
de Colabor. C'est un centre de distribution et un centre de marketing pour des
produits d'épicerie, principalement.
M. St-Roch: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
j'aimerais saluer le groupe-Le Président (M. Bélanger):
Excusez, M. le député de Richelieu. Est-ce que j'ai
consentement, puisque M. le député n'est pas... Maintenant, il
est remplaçant de M. Benoit, d'Orford, si...
Mme Marois: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Consentement sur toute
la ligne? Je vous remercie beaucoup. M. le député de Richelieu,
je vous en prie.
M. Khelfa: Merci, madame. Je suis ému! Des voix:
Ha, ha, ha!
M. Khelfa: M. le Président, je suis ému du
consentement unanime, surtout de l'Opposition, bien sûr.
Le Président (M. Bélanger): Mais ne parlez pas de
Marine, juste de...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Khelfa: On va parier d'autre chose. De toute façon, je
pourrais... M. le Président, dans un premier temps, j'aimerais saluer le
groupe Colabor et souligner l'excellent mémoire qu'il a
présenté, surtout souligner la présence de son
président dynamique qui vient de mon comté. J'aimerais vous
souligner que votre présentation, M. Trempe, était
intéressante, surtout dans son esprit nouveau, humoristique surtout. Ma
question est la suivante. C'est dans le contexte de société libre
et de libre concurrence et la possibilité, pour le citoyen en
général, d'avoir la liberté de choisir le moment où
il pourra magasiner, de choisir le moment où il peut faire ses
emplettes. Ne croyez-vous pas que cette concurrence, en étalant
l'ouverture un peu plus large, pourrait permettre aux citoyens en
général de trouver un prix inférieur au prix qu'on trouve
à l'heure actuelle sur le marché? (15 h 30)
M. Trempe: Quand vous pariez de liberté absolue, je pense
que Mme la députée de Taillon l'a mentionné hier d'une
façon exemplaire, en disant que l'ultime de la liberté devient
l'anarchie finalement, parce que la liberté absolue, dans le contexte
où ça se présente, avec le volume de ventes possibles que
vous avez dans les produits alimentaires, en très peu de temps,
deviendra une concentration absolue vers un ou deux centres de distribution
dans la province de Québec.
La concentration, certainement, va approcher le contrôle de prix.
Je pourrais vous citer le cas Steinberg dernièrement, puis il faut faire
l'analogie aussi et la différence qui se produisent là-dedans.
N'oubliez pas que Steinberg, avant de devenir la propriété de
Gaucher et de la Caisse de dépôt, était contre la
libéralisation des heures d'ouverture. Il a changé
complètement lorsqu'il est devenu une propriété
différente.
Steinberg, auparavant, était certainement une opération
rentable, j'imagine, du moins, par ses états financiers, sa
présentation. Il savait très bien que ça augmenterait les
coûts de changer les heures d'ouverture, alors il se contentait de ce
qu'il avait. Comme de raison, Steinberg disait, dans la coalition contre
l'élargissement, qu'il était très mécontent des
exceptions, parce que c'était leur voler une part de marché, mais
il pouvait s'arranger facilement à l'intérieur de ça.
Par contre, depuis l'acquisition de Steinberg par Gaucher, il y a une
chose qui laisse démontrer de quelle façon il voit arriver la
possibilité de faire une sorte de coalition, parce que Gaucher,
lui-même, lors d'une conférence de presse qui était
relatée dans le journal La Presse, dtt qu'il vise à une
concertation entre les gros de l'alimentation contre les autres. Il dit que de
s'entendre ensemble va certainement améliorer la
"profitabilité".
Vous savez, messieurs, que dire des paroles semblables - avec mes
compétiteurs grossistes, je serais probablement en prison - ça va
à rencontre de la loi des coalitions fédérale. M. Gaucher
le dit, mais il dit: Ça va assez bien, parce qu'une concertation, dans
leur cas, est très facile. La Caisse de dépôt est
mêlée dans Pro-vigo, elle est mêlée dans Steinberg
aujourd'hui puis elle est mêlée dans Métro-Richelieu. Elle
a des représentants sur les trois bureaux de direction. Comment
voulez-vous empêcher une concertation?
Alors, si on regarde le but visé parce que parmi toutes ces
organisations-là, je crois qu'aucune n'est là purement et
simplement pour le bien-être de la société comme telle,
c'est de faire des profits. Si on regarde le cas de Provi-go, depuis les sept
ou hurt dernières années, depuis que Lortie a fait partie de
l'organisation Provigo, ils ont fait de très mauvais coups. Alphonse
Turmel, ex-président fondateur de Provigo, l'a mentionné. La
preuve, c'est qu'aujourd'hui Médi-Service, Distribution aux
consommateurs, Sports Experts puis Market Wholesale, de Californie, sont tous
en vente, parce qu'ils perdent de l'argent partout.
Le détaillant ne veut pas arriver un matin puis se ramasser
à devoir porter l'odieux du blâme pour réparer, parce que
messieurs Provigo ont manqué leur coup. Steinberg, c'est pour le futur,
mais que va-t-il se produire? D'après le contexte dans lequel ça
se présente, avec les personnes qui sont sur place, qui n'ont absolument
aucune connaissance en distribution alimentaire... Je veux bien croire que
Steinberg, entre nous, a certainement trouvé un moyen, parce que, avec
l'avènement de Mario Bertrand, probablement que ça va aider. Il
doit s'y connaître énormément en distribution alimentaire,
j'imagine. Si on les prend ensemble, ça va nous faire la Caisse de
dépôt, Mario Bertrand puis Gaucher.
Si ça ne va pas bien un jour, dans le futur, il me semble qu'il
va y avoir des portes d'ouvertes pour eux autres à quelques hauts lieux
dans le gouvernement. Ça va certainement être plus facile pour eux
autres de rejoindre quelqu'un à
un moment donné pour lui dire: Ça ne va pas bien. Mais
pour ceux qui sont dans le problème, il y a des étapes à
suivre. SI on libéralise les heures d'ouverture, c'est bien certain
qu'on permet une concentration. Les plus faibles vont disparaître au
départ.
Nous autres, on est les représentants des plus faibles. Vous avez
rencontré des groupes comme Provi-Soir, Septs Jours. Il y a le palier du
corporatif, bien soutenu, très lourd, très pesant, bien
structuré. Ensuite, il y a le groupe Provi-Soir ou le groupe qu'on
calcule être associé au corporatif, parce que les immeubles, les
équipements appartiennent au corporatif. Ils sont sur franchise et puis
ils louent, ils paient tant de leurs ventes.
Vous avez, au bas de l'échelle, le groupe que, nous autres, on
représente. On est totalement indépendants. On n'est
rattachés à personne. On a une indépendance totale, mais
nous sommes les plus vulnérables. Alors, supposons qu'au départ
les plus vulnérables disparaissent avec un élargissement des
heures d'ouverture. Vous avez, la journée qu'ils disparaissent, le
contrôle absolu dans la main des trois principaux distributeurs de la
province de Québec. Il ne reste plus rien d'autre.
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez,
je vous interromps pour céder la parole à Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Comme mon
collègue mentionnait que le président demeurait dans son
comté, l'entreprise Colabor est dans mon comté. Je vous souhaite
la bienvenue au nom de...
Une voix:...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Vous êtes bien sûr? Peut-être
qu'à fouiller on en trouverait.
Le Président (M. Bélanger): On ne fera pas de
guerre intestine. On va continuer sur les heures d'ouverture.
Mme Marois: Faites attention! J'ai donné la permission que
vous soyez là et je peux la retirer. Mais je ne ferai pas ça,
vous le savez bien. La liberté d'expression.
Le Président (M. Bélanger): ...n'aggravez pas.
Mme Marois: N'aggravez pas votre situation. Le
Président (M. Bélanger): Mme la députée.
Mme Marois: Je crois que les propos que vous tenez vont un peu
dans le sens de tout ce qui se fait comme analyse actuellement sur les
marchés. D'ailleurs, dans le journal Les Affaires du 24
février au 2 mars, on disait: Distribution alimentaire, au
Québec, un des quatre grands disparaîtra. C'était un petit
peu l'analyse qui était faite de ce qui se passe actuellement au niveau
du secteur alimentaire.
Je pense bien que je n'ai pas à vous redire que je partage votre
point de vue. J'ai déjà eu l'occasion de le dire à maintes
reprises ici. Quand je dis "je", je le fais au nom de ma formation
politique.
Je vais poser un certain nombre de questions, mais, avant de vous
adresser quelques questions, j'aimerais savoir si ce qui est affirmé
dans le rapport... Comme on a le responsable du rapport Richard ici, j'aimerais
peut-être lui poser quelques questions. Il est dit dans le rapport que,
bien que les représentants de la société ou de la
corporation Jean Coutu aient été invités à
présenter des recommandations lorsque vous avez siégé, ils
ne l'ont pas fait. Est-ce que c'est juste?
M. Richard: Je dois dire, Mme Marois, que oui, c'est exact. Nous
avions, évidemment, comme toute formation, demandé et émis
des délais qui étaient relativement longs. Ça s'est
espacé d'ailleurs sur plusieurs mois. En aucun temps les pharm-escomptes
n'ont présenté un mémoire. On les a contactés
à plusieurs reprises et c'est lorsque l'ensemble des mémoires et
des auditions ont été terminés que là on a eu un
contact direct avec Jean Coutu. Et là ça passait par en haut de
la ligne directement. Ils ont dit: Oui, c'est vrai, on réalise qu'il y a
une consultation et on serait prêts à aller vous rencontrer. Les
auditions étaient terminées et ça faisait un bon petit
bout de temps. On a quand même rencontré, non pas le
comité, mais quelques membres du comité, M. Coutu et son
garçon, qui nous ont présenté, à ce
moment-là, un mémoire.
Mme Marois: D'accord.
M. Richard: Mais c'est un mémoire qui a été
présenté post...
Mme Marois: Après que les délais eurent
été...
M. Richard: Oui, postconsultation.
Mme Marois: D'accord. Alors, c'est parce que
c'était...
M. Trempe: De quelle façon compte-t-on la période
des questions, quand ça se produit entre les deux groupes
parlementaires?
Mme Marois: Je perds de mon temps. Mais je ne le perds pas
vraiment. Vous avez vu, j'ai une réponse très pertinente de la
part...
Le Président (M. Bélanger): Elle prend du temps,
mais ne le perd pas.
Mme Marois: Jamais. Je pense que c'est important. Vous le
rappelez à quelques reprises. J'avais regardé rapidement votre
mémoire. Évidemment, à 90 mémoires, on n'a pas le
temps de tous les voir les uns après les autres dans le détail.
Évidemment, quand arrive la journée, on les revoit, etc. Alors,
je me souvenais que c'était quelque part, mais ça m'avait
échappé un peu. Et la vous le rappelez très clairement,
évidemment, ça ne peut pas être davantage dit. Je vous
dirais que vous avez peu d'expérience pour présenter un
mémoire en commission, mais que vous le faites comme si vous en aviez
beaucoup. Il y a beaucoup d'humour aussi dans votre mémoire. Parfois de
l'humour noir, mais il y en a. Je vous cite Juste une phrase qui est un peu
amusante: N'importe quel nono sait très bien que, lorsqu'on est le seul
à faire du commerce certains jours les soirs de la semaine, c'est
payant, c'est normal, on arrache des ventes à d'autres. Mais je pense
que c'est un peu l'objet de nos débats et ce qui explique, d'ailleurs,
notre consultation, c'est: Comment faire en sorte qu'on rende les
marchés plus équitables?
Vous distribuez à combien de détaillants?
M. Trempe: C'est une question qui est difficile à
répondre parce que ce qu'on qualifie comme étant un
dépanneur est évalué différemment par certains
groupes. La coalition pour l'élargissement des heures d'ouverture parle
de 14 000 points de détail en épicerie au total, dont 1100 et
quelques qui sont corporatifs. Ça veut donc dire que,
théoriquement, le reste serait 13 000 dépanneurs. Par contre, le
journal Le dépanneur en dénombre à peu près
8000 dans la province. D'un autre côté, quand on fait un
dénombrement des dépanneurs, il y a aussi de très petits
dépanneurs, qui sont des opérations familiales seulement, qui
semblent être oubliés dans certains recensements de
dépanneurs.
Mme Marois: Dans certaines données statistiques, oui.
M. Trempe: Nous autres, on sait pertinemment que le
dépanneur indépendant à sa simple expression...
Mme Marois: Oui.
M. Trempe: ...on en fournit probablement 70 % à 75 % de ce
qui existe dans la province de Québec.
Mme Marois: O.K.
M. Trempe: Pour le démontrer comme tel, si on veut
être conservateur, le nombre de ce qu'on appelle un dépanneur,
ça joue entre 4500 et 7500 points de vente, dépendant de la
définition qu'on donne à "dépanneur".
Mme Marois: D'accord. Mais c'est un chiffre à peu
près de cet...
M. Trempe: Oui.
Mme Marois: ...ordre-là. Bon! Je pense que vous faites une
démonstration quant à tout l'aspect économique du
problème qui est soulevé.
Il y a un problème... Enfin, chaque fois, on se pose la question
et j'imagine que chez vous ça doit être particulièrement le
cas puisque souvent ces dépanneurs-là sont nés ou ont
existé de par le fait que la loi, justement, a établi qu'il y
avait des services essentiels qu'on devait rendre et, pour éviter qu'il
n'y ait de l'injustice, on l'a fait dans des règles bien strictes. Donc,
j'imagine que les dépanneurs que vous desservez sont des gens qui sont
favorables au point de vue que vous défendez aujourd'hui.
M. Trempe: À100 %.
Mme Marois: Alors, vous poser la question, c'est y
répondre dans le contexte actuel, donc passons à une autre
plutôt qui me préoccupe. Une des questions qui est soulevée
ici, depuis le début, c'est: Pourquoi faire une loi qu'on ne sera pas
capable de faire respecter? Le ministre a une façon très
élégante de dire ça - d'ailleurs, je lui rends hommage
pour cette élégance qu'il met à le dire - il dit: Nos
entrepreneurs ont tellement d'imagination - et c'est vrai, d'ailleurs - qu'ils
trouveront bien des façons d'imaginer des trous, des failles dans la loi
et, de façon tout à fait légale, mettront en place de
nouveaux commerces, de nouveaux services pour lesquels il faudra encore se
reposer la question dans quelques années.
Alors, selon votre point de vue à vous, l'expérience que
vous avez dans le type de commerces que vous fréquentez - il y a des
gens qui ont même des commerces et qui sont là aujourd'hui -
est-ce qu'il est possible d'appliquer une loi qui respecterait les
critères que vous nous proposez de retenir?
M. Trempe: Absolument. Toute loi doit être
respectée. La preuve, c'est que les dépanneurs que nous
représentons ont toujours respecté la loi. J'ai entendu, lors des
interventions, hier ou avant-hier, quelques représentants qui parlaient
des dépanneurs quasiment avec dédain, en disant: Ce sont des
vendeurs de bière, de cigarettes, de vidéos et ça
arrête là. Nous autres, on est de puissants personnages,
opérant de puissantes entreprises! Mais la chose qui se produit, c'est
que le dépanneur a tout le temps opéré en dedans de la
loi. Il y a des personnes, parmi les dépanneurs qui opèrent dans
la province de
Québec, qui sont aussi brillantes que n'Importe laquelle des
personnes que vous avez rencontrées...
Mme Marois: Je suis persuadée de ça.
M. Trempe: ...et qui, aujourd'hui, contrôlent des empires.
Mais ils ont opéré en dedans du contexte de la loi, ils n'ont
jamais pu aller plus loin. Alors, c'est vrai qu'aujourd'hui un dépanneur
vend peut-être 10 % ou 15 % de ses ventes en vraie épicerie. C'est
un gros vendeur de bière, à prix coupés. C'est un vendeur
de produits de tabac, de vidéos peut-être comme
à-côté. Parce qu'ils sont limités à trois
personnes, ils ne peuvent pas s'en aller dans une distribution qui prendrait
beaucoup de personnel. Donc, vendre des vidéos, c'est un
à-côté qui ne prend pas de personnel supplémentaire,
qui est un certain profit d'appoint. Mais on ne peut pas les traiter avec
dédain; ils ont suivi la loi.
Mme Marois: Oui.
M. Trempe: Vous parlez de l'application de la loi. Je trouve
curieux qu'à une loi, qui a été faite en 1969, qui est une
loi parfaite, on arrive en 1984 et on accepte des exceptions parce que les
exceptions ont désobéi à la loi depuis 1969. Il se passe
un bon bout de temps, là! Eux autres, ils ont oublié la loi, ils
avaient le droit d'oublier la loi. Ce sont des groupes, on le voit par leurs
déclarations dans les journaux, qui semblent être au-dessus du
gouvernement; ils n'ont peur de personne, ils n'ont peur d'aucun
député. Ils sont habitués d'opérer en dehors de la
loi et ils ont tout le temps été respectés en
opérant en dehors de la loi; ils sont puissants et ils s'en vantent.
Nous autres, c'est le petit dépanneur. Je disais, dans les parties que
je ne vous ai pas présentées, que la plupart de nos
dépanneurs ne se laveraient probablement pas la main pendant une semaine
de temps après avoir serré la main d'un ministre, alors que les
gros, ceux dont on parle, s'en foutent comme de l'an quarante ou ont une porte
d'entrée assez grande qu'ils n'ont même pas besoin de se poser la
question. Ça fait que ce sont deux genres complètement
différents de personnes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trempe: Bien, c'est sûr qu'on représente, nous
autres, ceux qui ne se laveraient pas la main.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Vous décrivez bien, je pense, un certain
nombre de choses.
M. Trempe: Je dis: Pour respecter la loi, moi, j'ai une
très grande confiance - et on le dit dans la présentation - que
nos dépanneurs, ce sont des gars aussi brillants que ceux de n'importe
quelle superpharmacie. Donnez-leur une protection par une loi simple et il n'y
aura aucun problème avec ça, la distribution va se faire partout
dans la province. On n'a même pas peur des zones touristiques parce qu'il
va y avoir des dépanneurs assez brillants pour aller en ouvrir à
la place où ça doit être ouvert. On n'a pas peur de
ça du tout, mais avec une loi simple, pas d'exception.
Mme Marois: D'accord. Parce que vous pensez que c'est le
régime d'exception qui rend la loi difficilement applicable?
M. Trempe: Plus que ça, le régime d'exception force
Provigo et Steinberg à crier aujourd'hui. Être à leur
place, je crierais; ils ont créé des exceptions, une
compétition directe. Ils ne leur manque plus qu'une boucherie dans
certains cas et le cas est réglé. Et, si vous regardez,
l'exception est drôlement faite. Je connais une pharmacie Jean Coutu,
moi, qui a doublé son espace de plancher l'an passé. (15 h
45)
Mme Marois: Oui. Vous le mentionnez dans ça,
d'ailleurs.
M. Trempe: Oui. C'est quoi qui se passe? Il n'avait pas le droit
d'agrandir avant 1969, mais là, après, ils ont le droit de faire
ce qu'ils veulent. À un moment donné, Ils vont avoir une
boucherie là-dedans et ils vont avoir à peu près n'importe
quoi. Dans le contexte présent, vous opéreriez une superpharmacie
à côté d'un Steinberg et je pense que vous feriez fermer le
Steinberg. Ça ne tient plus debout. Ça fait que là ils ont
droit de crier, eux autres, et c'est normal, mais ils ne crient pas parce
qu'ils doivent crier. Ils ont tenté toutes sortes d'expériences
depuis les dix dernières années pour essayer de s'en sortir; ils
ont fait un flop partout, puis là, ils sont mal pris puis ils disent:
Astheure, donnez-nous du commerce; détruisez tous les autres et
donnez-nous-en.
Mais le problème original vient de quoi? L'exception. L'exception
qui a tout le temps brisé l'opération d'un commerce normal
régi par une loi normale. La loi de 1969 est d'une beauté
parfaite, pourvu qu'elle soit appliquée telle qu'elle doit l'être,
et je n'ai aucune crainte. N'oubliez pas une chose aussi, la loi de 1969, la
qualité qu'elle avait: elle a créé des emplois permanents.
Tous les dépanneurs qui opèrent un dépanneur, aujourd'hui,
c'est un emploi permanent. Dans beaucoup de municipalités ou de
comtés où it y a eu des problèmes économiques, du
chômage - j'en parle, dans mon comté, avec Marine Industrie - vous
avez eu plusieurs personnes qui se sont permis d'ouvrir, dans leur salon, un
dépanneur familial. Ça, c'est la plus simple expression d'un
dépanneur. Ce gars-là,
aujourd'hui, n'est pas sur le bien-être social, il ne retire pas
d'assurance-chômage puis il fart vivre sa famille. C'est la plus simple
expression d'un dépanneur, mais c'est un emploi permanent.
De l'autre côté, les pharmacies ou les supergrands vous
parlent de création d'emplois temporaires. Je vois leur jeu, il est
extraordinaire. Quand on voit - j'espère qu'il n'y en a pas ici - des
représentants des syndicats qui sont contre l'élargissement, ils
le font, eux autres, parce qu'ils voient très bien que leur mobilisation
va disparaître. Ça va peut-être bien être plus facile
d'opérer avec très très peu de personnes permanentes, puis
un grand groupe de personnes qui vont avoir une rotation les soirs, les fins de
semaines. Ça va être excessivement facile pour eux autres, ils
vont couper leurs coûts. Mais là vous créez des emplois
temporaires puis vous faites disparaître des emplois permanents.
Dans des mémoires qui vous ont été
présentés, on parie de création de 2500 emplois
temporaires. Extraordinaire! Ah c'est-y beau! Mais c'est peut-être la
disparition de 10 000 emplois permanents. Là, c'est l'autre bout qu'on
oublie, par exemple: ils sont permanents ces emplois-là. Ce ne sont pas
des emplois...
Le Président (M. Bélanger): Je vous interromps, je
dois céder la parole à M. le ministre.
Mme Marois: Merci. M. Trempe: Merci.
Le Président (M. Bélanger): II y avait M. le
député de Drummond qui voulait prendre la parole. Non?
M. St-Roch: C'est déjà fait, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): C'est
déjà fait? Bien.
M. Tremblay (Outremont): Ça me fait plaisir. Je m'excuse
d'avoir été en retard tout à l'heure.
Si on retournait à la loi de 1969, toutes les pharmacies
d'escomptes qui opèrent aujourd'hui de grande surface, en autant
qu'elles ne soient plus liées entre elles, pourraient opérer.
Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?
M. Trempe: Pourvu qu'il y ait moins de trois employés
ou...
M. Tremblay (Outremont): Non. Non, non. Dans la loi de 1969,
elles avaient le droit. Ce qui a changé, en 1984, c'est le fait qu'on a
éliminé, en échange - non, non, attendez! - du fait que
les commerces ne pouvaient pas être liés en 1969 - il y avait
l'exception qu'il pourrait y avoir plus de trois employés pour les
pharmacies avec l'alimentaire... Ce qui s'est passé, en 1984, c'est
qu'en échange du fait que les commerces ne puissent pas être
liés, entre autres des pharmacies d'escomptes, on a créé
une exception dans la loi pour 219 pharmacies. Alors, si vous voulez qu'on
retourne à la loi de 1969 telle qu'elle était, ça veut
dire que tout ce que Jean Coutu aurait a faire, pour être plus
précis, parce que c'est vous qui le mentionnez, c'est vendre, à
qui il veut, ses commerces Et, si ces personnes-là ne sont pas
liées et n'ont pas une structure corporative, il n'y a aucun
problème, toutes les pharmacies d'escomptes pourraient opérer.
Ça, c'est la loi de 1969.
M. Trempe: M. le ministre, première chose, vous êtes
tout excusé, en autant que je sois concerné, d'avoir
été absent pendant un petit bout de temps. Ça concerne
certainement mon comté et je crois que tous les résidents du
comté vont être excessivement intéressés.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Trempe: Si vous regardez, M. le ministre, pour revenir au
sujet que l'on veut traiter, la loi de 1969, l'article 5.7° dit qu'il y a
exemption pour les points de vente vendant des "produits pharmaceutiques,
hygiéniques ou sanitaires".
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais continuez...
M. Trempe: Comme tel, on n'a absolument rien contre l'application
de cette loi, parce que c'est normal que vous ayez accès à une
pharmacie le plus d'heures possible.
M. Tremblay (Outremont): ...continuez à lire. Continuez
à lire. Lisez le paragraphe, en bas.
M. Trempe: Bien non, il arrête, le paragraphe. Après
ça, "de boissons alcooliques", ça ne doit pas concerner les
pharmacies.
M. Tremblay (Outremont): Non, mais c'est parce que vous n'avez
pas la loi de 1969.
M. Trempe: Oui, c'est la loi de 1969.
M. Tremblay (Outremont): En bas c'est marqué... Attendez,
je ne pense pas que vous ayez... Elle n'est pas là...
M. Trempe: Elle vient de votre livre.
M. Tremblay (Outremont): Non, mais ce n'est pas la loi de
1969.
M. Trempe: Ah, bien, c'est une belle affaire, une loi sur les
heures d'ouverture...
M. Tremblay (Outremont): Non, c'est la loi modifiée en
1984. Il n'y avait pas de "7°". C'était de l'alphabet qu'il y avait.
Il y avait: "...de produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires".
Après, on disait: "Elle ne s'applique pas aux établissements
commerciaux ni aux parties distinctes et cloisonnées de tels
établissements." On parlait spécifiquement des produits
pharmaceutiques et ça terminait par: Ils peuvent avoir plus de trois
personnes, "comprenant patrons et employés; toutefois - c'était
ça la subtilité - ce commerce ne devra pas faire partie d'un plus
grand nombre d'établissements commerciaux liés les uns aux autres
en association". Ça veut dire que, si on retournait à cette loi
et qu'on avait des propriétaires indépendants pour les pharmacies
à grande surface, ces pharmacies pourraient faire ce qu'elles
veulent.
Mme Marois: M. le ministre, je ne comprends pas. Je n'ai pas la
loi, Je m'excuse.
M. Tremblay (Outremont): Je peux vous la...
Mme Marois: J'aimerais l'avoir, parce que je ne pense pas qu'elle
est au cahier de toute façon. Il est dit: "produits pharmaceutiques,
hygiéniques".
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais après ça...
Mme Marois: On ne parie pas d'autres produits, ça
s'arrête là.
M. Tremblay (Outremont): On peut vendre tous les autres produits
mentionnés en haut, même s'il y a plus de trois employés,
en autant que les commerces ne soient pas liés.
Mme Marois: Mais les produits mentionnés en haut c'est de
pharmacie.
M. Tremblay (Outremont): Non, il y a les produits alimentaires
aussi. C'est: "...s'y vende en outre que des produits alimentaires". En tout
cas, c'est le passé, mais tout ce que je veux vous dire, c'est:
Pourquoi, en 1984, y a-t-il eu un changement? C'est qu'il y a eu certaines
pharmacies d'escomptes qui s'étaient regroupées sous un chapeau
corporatif. Alors, en échange de leur droit individuel d'opérer
des pharmacies séparées, vendant sur de grande surface, ils ont
dit: On va renoncer à ce droit, en autant que vous nous permettiez, pour
les pharmacies mentionnées dans la loi, donc 219 pharmacies, le droit
d'ouvrir en tout temps, même si on n'a pas que trois employés.
C'est ça qui est arrivé.
Alors, quand vous me dites que vous êtes prêt à
retourner à la loi de 1969, je vous comprends, mais la loi de 1969 a
cette disposition. Mais, dans le débat qu'on a, je comprends très
bien votre position. Je voulais au moins clarifier ça. Je pense que
c'est important.
M. Trempe: Si on le regarde... Et je crois qu'il n'y a personne
de nous - vous êtes tous jeunes - qui étaient là, en 1969,
pour faire les modifications. Si les modifications ont été faites
dans ce sens, ce n'est pas de la façon que je les vois. Je voulais
revenir à l'essence de la loi même où une pharmacie est
autorisée à ouvrir pourvu qu'elle vende des produits
pharmaceutiques, des produits de santé et de beauté. Là,
c'est arrêté. On l'a marqué dans notre mémoire. On
ne peut pas être spécialistes dans toutes les matières. Je
ne voudrais pas m'imposer comme étant un spécialiste dans les
fruiteries, dans les pharmacies, dans tout ça. Il y a des besoins de
société que cette commission doit examiner. Par contre, on marque
dans notre mémoire que, si jamais la commission doit donner une
exemption, elle le fasse avec une quantité limitative de sortes de
produits qui pourraient être vendus dans telle sorte d'exception. Qu'on
n'ouvre pas tout grand une exception. Qu'on dise, à un moment
donné, que pour une pharmacie - comme c'était écrit dans
le texte que moi j'ai ici - il s'agit "de produits pharmaceutiques,
hygiéniques ou sanitaires". Si ça se tient à ça:
merveilleux. S'ils ont moins de trois personnes: parfait, c'est
différent. Toute la règle des trois personnes, nous l'acceptons.
S'ils ont plus de trois personnes, c'est la partie qui doit être vendue
en dehors des heures. Mais je ne veux pas aller à l'extrême et
vous imposer... On ne s'y connaît pas là-dedans. Par contre,
j'imagine qu'ils pourraient quand même survivre en leur permettant, en
dehors des heures d'ouverture permises par la loi, d'avoir une certaine
division et de vendre les trois sortes de produits qui sont là. Ils
feront un réaménagement là-dedans, ils poseront un mur
quelconque et ils vendront ces produits dans les heures permises. Qu'ils
vendent comme n'importe qui. On n'est pas contre ça.
Je ne sais pas, je n'ai pas eu le plaisir d'assister... Par contre j'ai
parlé avec quelques pharmaciens. Le pharmacien comme on l'entend, la
petite pharmacie avec tous les services, je ne sais pas s'ils ont
présenté un mémoire, mais je sais qu'ils ne doivent pas
aimer ce qui se produit dans le cas des pharmacies Jean Coutu.
M. Tremblay (Outremont): L'Ordre des pharmaciens, est venu nous
exposer son point de vue, qui représente sensiblement ce que vous dites.
C'était clair.
M. Trempe: C'est ça. On regarde la question...
Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez,
on va céder la parole à Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: Continuez, je vous écoute.
M. Trempe: Je voulais faire une comparaison: les pharmacies que
l'on connaît ici, les petites pharmacies avec tous les services ont
complètement disparu avec l'avènement des très grandes
pharmacies. Regardez dans le sud des Etats-Unis, par exemple. Tentez d'avoir
une prescription d'une pharmacie livrée chez vous! Tentez ça!
Ça n'existe pas. Rendez-vous sur place et la plupart n'ont même
pas de téléphone. C'est rendez-vous là. C'est un service
que nos pharmacies donnent partout dans la province de Québec quand
quelqu'un est malade un dimanche après-midi ou un soir. Vous pouvez
appeler et elles ont le service de livraison dans la plupart des pharmacies.
Mais, aussitôt que la pharmacie devient une superpharmacie, ça
n'existe plus. Elles sont peut-être obligées, dans certains cas,
présentement, de le faire, parce qu'il y a une compétition qui le
fait, mais faites disparaître les autres et il n'y en aura plus. C'est
l'opération d'un numéro pure et simple. Rends-toi sur place.
Même si tu fais 102° de température, ça n'a pas
d'importance. Ce service-là n'existe plus.
Dans la province de Québec, c'est différent, on l'a le
service. Il ne faut pas tenter de le faire disparaître, c'est un
très bon service. Protégeons-le, permettons à la vraie
pharmacie d'ouvrir sept jours par semaine, mais n'allons pas la faire
disparaître pour en ouvrir une autre à côté qui,
elle, a tous les droits. Moi, je dis: ôtons les exceptions, faisons-les
disparaître complètement. Provigo, Steinberg ne crieront plus
tellement fort parce qu'ils ont leur marché et qu'ils sont solides dans
leur marché.
M. Tremblay (Outremont): Sauf le vôtre.
M. Trempe: Non, on dit trois personnes ou moins.
M. Tremblay (Outremont): Non, mais c'est ça, c'est une
exception.
M. Trempe: Elle origine de tellement loin qu'il s'est
créé alentour de cette exception...
M. Tremblay (Outremont): Vous pouvez rationaliser votre position.
Je comprends, mais je vous dis...
Mme Marois: Ça fait longtemps, M. le ministre, que vous le
faites, alors je vais la rationaliser pour vous.
Le Président (M. Bélanger): Avec raison, puisque la
parole appartient à Mme la députée de Taillon.
M. Trempe: Merci, Mme Marois.
Mme Marois: C'est parce que je trouve qu'il faut faire attention
quand on dit ça parce qu'il est nécessaire d'avoir du
dépannage. L'idée, c'était de s'assurer - c'était
justement ça - qu'il y ait le respect d'une journée où on
cessait les activités parce que, d'abord, c'était l'objectif
à l'origine. Mais justement, en cessant les activités
commerciales et de production pour la majorité, on se disait: II faut
quand même être capable de répondre aux besoins essentiels.
Donc, on a prévu les pharmacies, les besoins de santé et on a
prévu du dépannage aussi en se disant qu'il fallait quand
même que quelqu'un qui est mal pris puisse manger. C'était la
philosophie et l'idée de permettre que des entreprises pouvant faire
commerce ouvrent le dimanche, à la condition qu'elles respectent
certaines règles. Alors, c'étaient des exceptions, puisqu'on
parle souvent du besoin des consommateurs et des consommatrices, permettant
d'assurer une réponse aux besoins des consommateurs et des
consommatrices. Il ne faut pas retourner les choses, maintenant, et leur faire
dire ce qu'elles ne disent pas. C'était ça la philosophie,
c'était ça l'origine et ça préservait
l'équité parce que, justement, on se disait: Ce seront de petits
commerces, ils ne concurrenceront pas l'ensemble du marché alimentaire,
et on s'imaginait qu'il allait s'en ouvrir, de toute façon, dans les
différents quartiers ou les différentes communautés des
régions. C'est terminé. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
inviterais à remercier nos invités.
Mme Marois: Je vous remercie de votre intervention.
C'était, effectivement, très intéressant de vous entendre.
On sent que vous croyez beaucoup au point de vue que vous défendez. Vous
le défendez avec beaucoup de fougue et de passion. Je pense que c'est
important aussi qu'il y ait un peu de passion dans la vie. Alors, je vous
remercie de votre contribution à nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, MM.
Trempe, Ledoux, Cadrin et Chen Ti-Tune. Je vous remercie d'être venus
nous voir. On va prendre en considération vos représentations
dans l'importante décision qu'on va avoir à prendre. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le groupe Colabor Canada (1973)
Itée et invite à la table des témoins les Marchands
Métro pour l'ouverture des marchés d'alimentation le
dimanche.
Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place, s'il
vous plaît, pour que nous puissions procéder à l'audition
du mémoire des
Marchands Métro pour l'ouverture des marchés
d'alimentation le dimanche. Alors, bonjour, mesdames et messieurs. Je vais vous
préciser nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes
ferme, maximales pour la présentation de votre mémoire et, par la
suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires.
Je vous prierais, s'il vous plaît, chaque fois que la chose est possible
ou que vous y penserez, de bien vouloir vous identifier lorsque vous aurez
à prendre la parole, ceci pour les fins de transcription au Journal
des débats. Ça aide beaucoup. Sans plus tarder, je vous
prierais de commencer. (16 heures)
Marchands Métro favorables à l'ouverture
des marchés d'alimentation le dimanche
M. Boyer (Jean-Pierre): Pour commencer, je voudrais remercier le
ministre, Mmes et MM. les députés. J'aimerais, tout d'abord,
remercier les membres de cette commission parlementaire de nous accueillir
aujourd'hui pour permettre aux marchands Métro favorables -
tantôt, vous avez donné un mauvais titre, je pense: "pour
l'ouverture" des magasins; c'est "favorables à l'ouverture" - à
l'ouverture des magasins le dimanche de faire valoir leurs points de vue. Je me
présente, Jean-Pierre Boyer. Je suis un marchand Métro,
propriétaire d'un supermarché situé sur le chemin Chambly,
à Longueuil. J'ai avec moi des confrères marchands et je leur
laisserai le plaisir de se présenter.
Mme Choquette (Marilyn): Marilyn Cho-quette, propriétaire
de deux supermarchés Métro, à Magog. Je suis située
dans une zone touristique.
Pépin (Jean-Yves): Jean-Yves Pépin, marchand
Métro de Boucherville et de Varennes.
M. Boyer: Tout d'abord, je veux dissiper toute
ambiguïté quant à la position des marchands Métro. Il
n'y a pas de chicane dans la cabane chez nous. Il y a juste des gens qui sont
pour l'ouverture, et il y a des gens qui sont contre l'ouverture.
Le Président (M. Bélanger): Comme ici. M. Boyer:
Comme ici, exactement. Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: II y en a qu'on ne sait pas, et il y en a qu'on
sait.
M. Boyer: C'est ça. Je représente, pour ma part, un
groupe important de marchands qui sont favorables à l'ouverture le
dimanche parce qu'ils veulent travailler le dimanche, mais aussi parce qu'ils
sont convaincus que c'est la seule voie réaliste et acceptable,
aujourd'hui, compte tenu de la demande des consommateurs. Je tiens, d'ailleurs,
à préciser que la liste des marchands Métro contre
l'ouverture le dimanche nous a été remise hier. C'est
erroné un petit peu là-dedans parce que j'ai ma consoeur ici, Mme
Choquette, son nom est dedans et, je veux dire, elle n'a pas signé cette
liste. On y mentionne des marchands, supposément contre, qui sont avec
moi aujourd'hui. Jean-Yves, la même chose Ici.
À titre de commerçant indépendant, je me suis
impliqué, depuis plusieurs années déjà, dans le
débat des heures d'affaires. En 1988, un groupe de 20 marchands a
été à l'origine d'une première coalition pour faire
valoir l'équité entre les commerces. M. le ministre, à ce
moment-ci, permettez-moi de vous dire que j'avais fait le tour de la province
de Québec, justement parce que j'étais tanné de voir des
gens qui ouvraient leurs magasins et que, nous autres, on était
obligés de fermer. À ce moment-là, j'avais fait le tour
deux fois de la province de Québec pour sensibiliser les gens et essayer
de trouver une solution à apporter au gouvernement, de façon
qu'on vienne à bout de trouver une équité quelque
part.
Maintenant, le groupe des 20 s'est considérablement élargi
depuis et a intégré d'autres bannières. C'est devenu la
Coalition pour l'équité et le libre accès aux
marchés d'alimentation le dimanche. Lors d'une tournée
provinciale effectuée en 1988, les marchands Métro et Richelieu
se sont déclarés favorables à l'ouverture le dimanche,
dans une proportion de 66 %. Je dois souligner que les enjeux de l'avenir pour
leurs commerces leur avaient été bien expliqués et que
c'est dans ce contexte qu'ils se sont prononcés. C'est sur cette base
que Métro-Richelieu a fait part, lundi, de sa position en faveur de la
libéralisation dans le mouvement québécois pour la
libéralisation des heures d'affaires.
M. Jacques Maltais, président et directeur général
de Métro-Richelieu, a d'ailleurs admis, en conférence de presse,
que la question divisait les gens. Et ça, nous là, on le
respecte. On est d'accord. Il y a des gens chez nous, on peut parier chez nous.
C'est une coopérative capitaliste, comme on l'appelle. On peut dire
notre opinion. Maintenant, je veux dire, je ne voudrais pas être
menacé parce que je dis mon opinion. Parce qu'en 1988 il s'est
passé des choses. J'ai dit mon opinion et il s'est passé des
choses. Je n'aimerais pas que ça revienne encore parce que, des vitres
descendues, je n'en veux plus.
Permettez-moi de reprendre quelques points défendus lundi par
Métro-Richelieu, qui résument bien l'opinion des marchands que je
représente. La libéralisation ne veut pas dire obligation. Au
contraire, c'est une position qui favorise la liberté de choix, quel que
soit ce choix.
Beaucoup d'inquiétudes et de craintes ont été
exprimées à ce sujet. Il n'est pas certain que nous ayons
aujourd'hui toutes les réponses à ces
questions. Mais on doit se rendre compte que le monde a changé et
qu'on ne peut pas construire l'avenir avec les arguments du passé.
Il est difficile de revenir en arrière, surtout dans certaines
régions où vous avez des clubs Price d'ouverts. Vous avez
répondu, peut-être sans vous en rendre compte, à un besoin
de consommateurs et qui, aujourd'hui, génère beaucoup de chiffres
d'affaires dans un secteur donné, qui est l'alimentation. Moi, je suis
à Longueuil et je peux vous dire - c'est près de votre
comté ça, madame...
Mme Marois: Oui, ça dépend de quel
côté du chemin Chambly vous êtes. À l'ouest ou
à l'est?
M. Boyer: À l'ouest.
Mme Marois: À l'ouest, c'est dans Ma-rie-Victorin. Mais
ça me fait plaisir quand même de vous entendre.
M. Boyer: Oui. Il y a beaucoup d'activité sur le chemin
Chambly.
Mme Marois: Oui, je sais.
M. Boyer: Ce serait fermer les yeux sur les changements qui sont
déjà là et refuser les défis qu'annonce l'avenir.
Le profil des familles québécoises a changé et les besoins
des consommateurs aussi. Ce sont des réalités avec lesquelles
nous devons composer. Plus que tout autre, le commerçant doit s'ajuster
aux besoins de ces consommateurs pressés, coincés par des
craintes de temps réelles, qui recherchent des alternatives au
magasinage aux seules heures d'affluence. Et j'ajouterai que tous les
commerçants qui se sont ajustés, en utilisant divers moyens, ont
vu leur fréquentation augmenter de façon impressionnante. Ici,
j'ai ma collègue qui est dans une zone touristique, et elle se fera un
plaisir de répondre aux questions sur les zones touristiques. Elle
opère deux magasins.
C'est en tenant compte de ces données que nous
privilégions la liberté de choix, car c'est l'option la plus
souple pour répondre aux besoins actuels et à ceux de
l'avenir.
Nous reconnaissons tous ici l'urgence d'en arriver à une solution
qui va rétablir l'équité entre les commerces. Je m'en
tiendrai, cet après-midi, à répondre aux
inquiétudes et aux craintes qui ont été soulevées,
depuis le début de cette commission parlementaire, par rapport à
l'ouverture le dimanche et à vous faire part de nos recommandations.
Premièrement, on nous a dit: Les petits commerçants vont
être pénalisés aux dépens des gros. Mais moi, j'ai
commencé en affaires en 1967 avec un commerce de 3000 pieds
carrés, comme vendeur de cannes de "beans", je me suis bâti un
clientèle, j'ai travaillé fort et, aujour- d'hui, je suis rendu
avec un commerce de 30 000 pieds carrés. Quand je vois des surfaces
ouvrir le dimanche près de chez nous, des clubs Price, des
marchés publics, je me pose de sérieuses questions: Où
s'en va mon commerce? Est-ce que je me suis battu pour rien pendant 23 ans?
Je ne connais aucun propriétaire de supermarché
Métro qui soit propriétaire d'une multinationale. Ce sont des
PME, des PME qui sont lésées par une loi qui favorise des
commerçants au détriment des autres en empêchant ceux-ci de
s'adapter aux besoins de leur clientèle.
C'est la raison même de notre présence ici. On veut
résoudre le problème de l'iniquité. Alors, pourquoi nous
servir l'argument des petits contre les gros alors qu'une loi qui
protège des commerçants aux dépens d'autres
commerçants est contraire à toute logique commerciale?
La libéralisation est la formule qui se rapproche le plus de ce
qui prévaut dans tous les autres secteurs de l'activité
économique où il y a fa libre concurrence et la liberté
dans les heures d'affaires.
Je voudrais ici faire un commentaire sur la position de la ville de
Montréal qui, récemment, donnait un commentaire en disant: On est
contre l'ouverture des magasins. Mais on demande, par en arrière, des
protections sur les zones touristiques, par exemple, pour le
Vieux-Montréal, pour le quartier chinois. Face à la commission,
on dit: Fermer les magasins, pas d'ouverture. Mais, par en arrière, on
passe et on va avoir une zone touristique. Je trouve ça vraiment
incohérent de la part de la ville de Montréal. Si on parle, par
exemple, des zones frontalières, qu'est-ce que vous en faites des zones
frontalières comme Hull, comme Ottawa? Vous avez 125 localités,
au Québec, qui sont dans les zones touristiques. Qu'est-ce que vous
faites des 125 autres villes qui sont à côté de ces zones
touristiques? Elles sorit pénalisées.
Je vais me permettre un autre commentaire sur cette question des petits
et des gros. J'ai entendu M. Lord dire publiquement à M. Rizzuto, de
l'Association des marchés publics du Québec, qu'il était
agréable pour le consommateur de magasiner le dimanche dans leurs
commerces et qu'ils n'avaient rien à craindre d'une loi restrictive
puisque les commerces de trois employés ou moins seront maintenus.
Dites-moi la différence entre un supermarché qui offre tous les
services par départements, et une espèce de gros marché
public qui a des petites boutiques individuellement autour de ça? Quelle
est la différence? Il n'y en a pas, sauf une: lui va ouvrir le dimanche
et, moi, je ne suis pas capable d'ouvrir le dimanche. C'est une position que je
trouve illogique et inacceptable.
Ensuite, on dit: La qualité de vie des employés qui auront
à travailler le dimanche. Chez nous, le travail du dimanche va
être assuré par des employés qui veulent travailler ce
jour-là. On ne forcera personne à travailler le
dimanche. Ce sont, pour la majorité, des étudiants qui
veulent pouvoir profiter de revenus additionnels. Aucun employé ne va
être forcé de travailler le dimanche car nous respectons son choix
dans l'optique d'une liberté qui a été défendue par
plusieurs autres Intervenants favorables à la libéralisation des
heures d'affaires.
D'ailleurs, Mme Choquette pourrait vous en parier. Elle en a, des
expériences; elle ouvre le dimanche et elle va vous en parler, elle, de
la qualité de vie. Et de sa qualité de vie et de la
qualité de vie des employés. La qualité de vie de tous les
Québécois et Québécoises, le dimanche, dans une
démocratie, la qualité de vie est une question de choix et de
valeur individuelle. Elle ne doit pas être dictée par une loi.
C'est absurde. Un autre point aussi: les petits commerçants vont
être obligés de sacrifier leur dimanche pour pouvoir ouvrir. Je
vais commencer par démystifier ce que représente la semaine pour
le commerçant. J'en suis un et ça fait 23 ans que je suis
là-dedans. Les journées de congé du propriétaire,
ça, c'est éphémère. Ça peut être le
lundi, ça peut être le mardi, ça peut être le
vendredi, ça peut être le samedi; des fois, on entre le dimanche
aussi.
C'est basé sur la disponibilité de nos gérants, sur
les cédules de vacances, sur les journées disponibles de tout le
monde. Nous autres, après ça, on prend un congé si c'est
possible. Sur sept, la situation ne serait pas beaucoup différente. On
devrait s'organiser. On devra s'organiser, comme on le faisait avant, en
instaurant un système de délégation qui nous permettra
tantôt de prendre un congé le dimanche, tantôt le samedi, le
mardi, le mercredi, n'importe quel jour. Ne me faites pas accroire - on parle
souvent de dépanneurs - que le dépanneur travaille sept jours par
semaine, voyons donc! Que font les petits restaurateurs? Que font les
commerçants en zone touristique? Que font les horticulteurs, les centres
de jardinage? Que font les dépanneurs?
Posons-nous la question. Que font ces gens-là pour avoir une
qualité de vie, et les employés qui travaillent là-dedans?
Personnellement, j'apprécie avoir un congé le dimanche, en
famille, mais ma qualité de vie et celle de mes employés,
ça dépend, avant tout, du maintien de mon commerce en vie. C'est
impossible, pour moi, de ne pas être inquiet quand je vois mes
concurrents ouvrir le dimanche et gruger mes parts de marché. C'est
irréaliste, pour moi, de demander aux consommateurs de se restreindre
aux seules heures de magasinage en semaine. Quand je les vois par centaines se
précipiter chez Club Price, chez Marché public, la grosse
fruiterie sur Tas-chereau... Le besoin, il est là. (16 h 15)
Je peux me fermer les yeux mais je risque de me retrouver bientôt
en faillite, si je ne réagis pas. Ça, ma faillite personnelle, ce
n'est pas l'affaire de Métro. On est tous propriétaires
individuels de nos commerces. On entend dire: Les consommateurs vont subir des
pressions pour magasiner le dimanche, avec des offensives de publicité.
Écoutez, la publicité, ça coûte cher à dire
aux gens... Je pense que la publicité qui va se faire, ça va
être la publicité qui va durer du lundi au dimanche au lieu de
durer du lundi au samedi. On ne va pas se mettre à faire des
spéciaux spécifiquement pour le dimanche, ça va
coûter une fortune, ça.
Le Président (M. Bélanger): M. Boyer, je vous
inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Boyer: En somme, moi, ce que je dis, c'est que si les
recommandations qu'on a: ouverture des marchés d'alimentation le
dimanche, possibilité d'élargissement des heures en semaine... Si
le gouvernement devait choisir une option de fermeture le dimanche, ce qui,
selon nous, serait contraire à l'évolution des besoins des
consommateurs et de la société en général, les
marchands Métro que je représente recommandent que les
règles soient les mêmes pour tous les commerces d'alimentation,
à l'exception des dépanneurs qui ont trois employés ou
moins, en tout temps. Il va de soi que les amendes seront alors haussées
considérablement pour décourager les "illégaux". Nous
souhaitons également que la décision soit du ressort du
gouvernement provincial. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Boyer. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): J'ai mentionné ce matin, je ne
sais pas si vous étiez présent, M. Boyer ou peut-être
certains membres de votre équipe, on a beaucoup de personnes qui
viennent nous faire des appels au secours, et ceci, des deux
côtés... On a eu des représentations d'un autre groupe,
précédemment. Je pense que c'est très légitime.
Moi, je n'ai pas de problème avec ça. Je pense que c'est
ça, le but de la commission parlementaire. C'est de permettre à
tous les intervenants qui ont un point de vue de le faire valoir pour qu'on
puisse prendre la meilleure décision possible en fonction des principes
que j'ai mentionnés tout à l'heure. Au début de votre
introduction, il y a quelque chose... J'ai fait allusion à ça ce
matin: Est-ce que vous pouvez être plus explicite sur ce qui s'est
passé? Vous avez mentionne: J'ai été menacé en
1988.
M. Boyer: C'est bien clair. Lorsque je faisais le tour de la
province de Québec avec une équipe de huit personnes pour
rencontrer les marchands de la province de Québec, que ce soit
Métro ou Provigo, il s'est produit un événement
malheureux: Un bon soir, on a descendu toutes mes vitrines. Vous savez, un
magasin de 30 000 pieds carrés, il y en a des vitrines, hein? Ça
a
descendu, il y avait juste des belles roches. Elles n'étaient pas
signées mais, en tout cas, il y avait des belles roches. C'est ça
que j'ai eu.
M. Tremblay (Outremont): O.K. Mais, à ce moment-là,
quand vous faisiez le tour en 1988, c'était pour l'ouverture des
commerces le dimanche?
M. Boyer: Non, non.
M. Tremblay (Outremont): C'était pourquoi?
M. Boyer: Moi, j'étais pour l'équité.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais ça voulait dire quoi,
à ce moment-là?
M. Boyer: L'équité, c'était... On a
l'équité, par la fermeture ou l'ouverture. C'était
ça qu'on disait, nous. Ce n'était pas équitable pour
nous.
Il y avait des commerces qui ouvraient leurs portes, il y en avait
d'autres qui n'étaient pas capables d'ouvrir.
M. Tremblay (Outremont): O.K. Mais, donc, on ne peut pas savoir,
en fait... Parce que là je veux être bien juste dans
l'évaluation qu'on est appelés à faire, parce que vous
prôniez une position ou l'autre, donc les roches auraient pu venir d'un
côté ou de l'autre.
M. Boyer: Ah! Je ne dis pas de qui que ce soit, je veux
dire...
M. Tremblay (Outremont): Non, non, parfait.
M. Boyer: On a reçu ça. Je veux dire...
Écoutez là...
M. Tremblay (Outremont): Parfait, j'ai compris.
M. Boyer: Je veux dire...
M. Tremblay (Outremont): Mais là, en 1990, aujourd'hui,
vous n'avez pas eu de menaces, vous êtes venu ici librement exprimer
votre point de vue.
M. Boyer: Librement, oui, parce que je respecte les gens qui
sont... C'est pour ça que je vous ai dit, au début: Je respecte
ceux qui ont donné leur opinion et, moi, je veux qu'on respecte la
mienne aussi.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Mettons qu'on revient
sur le point de l'équité. Si on fait abstraction, pour les fins
de la discussion, de la tendance à la libéralisation des
commerces, on fait abstraction de ça, et on parle de
l'équité. Si on retournait à trois employés ou
moins, une loi bien gérée... Parce que vous, vous étiez en
affaires en 1967? M. Boyer: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Vous avez commencé en 1967. Alors
on a trois employés ou moins, le vrai dépannage. Est-ce que c'est
réaliste? Et est-ce que vous seriez d'accord avec cette
position-là?
M. Boyer: Du vrai dépannage?
M. Tremblay (Outremont): En d'autres mots, tout le monde est
fermé le dimanche, sauf le vrai dépannage, le petit
dépanneur de trois employés ou moins, en tout temps.
M. Boyer: Je me demande comment vous feriez pour faire ça
parce que je vous ai dit: Vous avez répondu à un besoin depuis
1984...
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais c'est pour ça que je
vous le demande, pour les fins de la discussion. Je comprends que c'est
ça que vous me dites, mais je me dis: Si on était appelés
à faire abstraction de la tendance à la libéralisation des
commerces, donc tous les besoins qui ont été créés,
est-ce que là la loi serait équitable? Tous les commerces
seraient fermés le dimanche, sauf le vrai dépannage. Est-ce que
vous seriez heureux si c'était comme en 1969? Vous pourriez...
M. Boyer: Je ne suis pas un gars qui va de l'arrière.
M. Tremblay (Outremont): Non, je comprends.
M. Boyer: Écoutez, M. le ministre, vous me demandez de
reculer en arrière.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Boyer: J'ai été en arrière, j'ai
foncé, puis j'ai grossi. Je veux continuer à grossir.
M. Tremblay (Outremont): O.K. J'aimerais donner
l'opportunité à Mme Choquette. Quand je dis d'éliminer les
exceptions, c'est évident qu'on éliminerait les exceptions au
niveau des zones touristiques. Les représentations qui sont faites,
c'est de dire: zones touristiques limitées dans le temps, trois
employés ou moins en tout temps. Il y a deux choses sur lesquelles
j'aimerais vous entendre. Premièrement: Est-ce que ça affecterait
vos commerces, les zones touristiques? Et, évidemment, vous avez
mentionné les zones limitrophes. Je ne les mentionne pas parce que vous
êtes spécialement dans une zone touristique. Deuxièmement,
peut-être qu'on pourrait vous entendre sur votre qualité de vie.
Je ne sais pas si vous avez des enfants mais, avec deux maga-
sins Métro, vous devez être pas mal occupée le
dimanche.
Mme Choquette: M. le ministre, n'enlevez pas la zone touristique,
donnez-la à la province.
M. Tremblay (Outremont): Si on l'enlève, est-ce que
ça va affecter la rentabilité de vos commerces? Comment ça
va-t-il vous affecter en tant que commerçante?
Mme Choquette: Ça fait cinq ans qu'on est ouvert zone
touristique. Nous nous sommes habitués à cette chose-là.
Les employés le vivent. Ils ont décidé s'ils travaillaient
ou non. Ça fait partie de notre vie, aujourd'hui. Reculer, je ne peux
pas le concevoir du tout, M. le ministre. Je ne peux pas concevoir que vous
enleviez une zone touristique et je vous dis: Donnez-la à la province au
lieu de l'enlever. Donnez la libéralisation des heures. .
Vous me posez la question sur la qualité de vie. Il y a cinq ans,
quand on a eu la permission, à Magog, je vous avoue que j'ai eu peur, je
ne savais pas comment réagir. Alors, je suis allée voir mes
employés, mes opérateurs de commerce; je me suis assise avec mes
comités, parce que j'ai des comités d'employés dans chaque
magasin, et je leur ai dit: Écoutez, on a une situation. Voulez-vous
m'aider à la régler? Ils ont dit: Oui, nous, on ne veut pas
perdre nos jobs, on ne veut pas perdre du volume. C'est à nous; nous
avons travaillé pour ce volume-là; nous ne voulons pas le perdre,
alors nous allons nous arranger, nous allons faire nos horaires, on va
s'arranger avec le gérant de magasin. Il y en a qui travaillent le
samedi et le dimanche, mais ils ont le lundi et le mardi. Pourquoi? Parce
qu'ils veulent être avec leurs enfants qui, eux, travaillent le dimanche.
Il y en a d'autres qui ont dit: Nous, on ne veut pas travailler jeudi et
vendredi. Ça n'a pas d'allure, les magasins, ça roule trop. On
veut travailler les samedi et dimanche. C'est merveilleux. Alors, avec tout ce
monde-là, parce que j'ai 150 employés, j'ai grossi mon personnel,
parce que ça a créé de l'emploi. Aujourd'hui, tout le
monde est heureux. Il y en a qui ne travaillent pas, mais il y en a qui
travaillent, puis ceux qui ont travaillé ont dit: Coudon, ce n'est pas
si pire que ça, le dimanche. C'est même extraordinaire, l'ambiance
du magasin. Tout le monde est de bonne humeur, il n'y a personne de
pressé. Ils font le même nombre d'heures et c'est leur choix.
Ma qualité de vie. M. le ministre, la qualité de vie d'une
femme comme celle d'un homme, ce n'est pas le dimanche que ça se fait,
c'est sur 365 jours. J'ai un mari. Ça fait 20 ans qu'on est
mariés; j'ai deux enfants. Ils travaillent dans le commerce actuellement
et mon fils m'a dit, la semaine dernière: J'ai hâte que tu ouvres
le dimanche, parce que je vais aller travailler le dimanche, je veux me payer
une auto.
Dans les débats auxquels j'ai assisté hier, ça
pariait du troisième âge. L'an passé, dans un de mes
commerces, le responsable du dimanche était une personne du
troisième âge. Il était heureux, il travaillait une
journée par semaine. Il faisait beaucoup de partage dans mon magasin. Il
attirait beaucoup de monde, parce qu'il y a beaucoup de gens du
troisième âge dans mes magasins le dimanche. C'était une
rencontre sociale, c'était ça, puis lui aimait ça et il
était bien énervé de travailler le dimanche, li allait
chercher la clé, il l'oubliait; ça avait donné un sens
à sa vie. Il était bien heureux. Puis cette année, il m'a
dit qu'il ne savait pas, il était stressé, ça le
stressait. Mais chaque année que je vis cette ouverture-là, je
m'adapte, je consulte mes employés, je consulte mes clients. Ce sont eux
qui me donnent la réponse. Ce sont eux qui me disent quoi faire, ils
sont mes "boss".
M. Tremblay (Outremont): Vous avez mentionné, tout
à l'heure... En fait, ça fait cinq ans que vous êtes en
affaires. On entend souvent dire que les grandes surfaces ont perdu une part de
marché. Vous, dans votre région, est-ce que votre volume
d'affaires a augmenté, sur une période de cinq ans?
Mme Choquette: Depuis trois ans, je peux dire que non parce qu'il
y a eu l'ouverture de commerces dans mon secteur. Il y a eu l'ouverture d'un
gros marché d'alimentation; jeudi passé, il y a eu une ouverture
de Jean Coutu. Alors, je ne prévois pas du tout... Je ne suis pas en
augmentation depuis trois ans et je ne prévois pas du tout l'être
non plus, même si je suis ouvert ie dimanche. Par contre, si je n'avais
pas ouvert le dimanche, j'aurais probablement eu une diminution assez
forte.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Et quel est votre point de vue sur
la question que je posais tout à l'heure à M. Boyer à
l'effet que, encore une fois, je sais que c'est difficile de faire abstraction
d'une tendance à la libéralisation, mais si, au nom de
l'équité, on fermait tous les commerces le dimanche, incluant les
zones touristiques, trois employés ou moins, pour permettre le vrai
dépannage, quelle est votre réaction à ça?
Mme Choquette: M. le ministre, avec tout le respect que je vous
dois, je n'y crois pas. J'aimerais, si vous me le permettez... Nous avons
vécu l'ouverture d'une fruiterie dans ma région. Elle a
commencé tout petit quand elle a ouvert. Elle ne dérangeait pas
mais, à un moment donné, il n'y avait pas juste des fruits dans
son magasin; il y avait de l'eau de source, etc. Alors, moi, je fais partie de
l'ADA, l'Association des détaillants en alimentation, et la personne qui
avait la fruiterie, elle en avait aussi dans d'autres régions. On a dit:
Bon, on va faire un
front commun avec les dépanneurs, on va les appeler: Voulez-vous
travailler avec nous? Les dépanneurs ont dit: Non, nous autres, on ne
veut pas travailler avec vous autres parce qu'elle ne nous dérange pas.
J'ai dit: Écoutez, elle ne vous dérange pas là, mais,
attendez, elle va peut-être vous déranger et peut-être que
moi, un jour, j'aurai le droit d'ouvrir et j'ouvrirai. Ils ont dit: Là,
bien on travaillera avec toi.
J'ai continué dans mon cheminement avec l'ADA et, à un
moment donné, nous avons intenté une injonction personnelle parce
qu'elle était dans l'illégalité. Nous avons gagné
cette injonction, mais ça a pris trois, quatre, cinq, six mois. Elle a
fait beaucoup de publicité sur la nutrition: Je vais prendre une
marche... C'est excellent, son marketing est excellent, sauf que le mien... Je
fais quoi là-dedans, moi? Je n'ai pas le droit d'ouvrir le dimanche. Je
peux vous dire que ma qualité de vie, le dimanche, était à
zéro, à ce moment-là, parce que je m'en allais en ski, je
passais devant son magasin et il y avait "full" de monde. J'en ai des
légumes, moi, j'en ai des produits naturels, des produits biologiques,
la miche, j'ai tout ça, mais ma clé était dans ma main. Je
m'en allais en ski avec ma clé dans la main pendant que lui était
ouvert. Alors, je peux vous dire que ma qualité de vie était de
zéro.
Souvent les employés me disaient: As-tu vu ça? C'est
effrayant! Les heures sont coupées, est-ce à cause de ça?
Écoutez, donnez-moi la chance d'ouvrir à l'année longue,
on s'assoira avec les compétiteurs parce qu'on se respecte, les
compétiteurs; il n'y a personne qui va ouvrir 24 heures. J'ai le droit,
dans la zone touristique, d'ouvrir 24 heures. On s'appelle: Tu ouvres de quelle
heure à quelle heure? De 8 h 30 à 17 heures. C'est merveilleux,
bonjour. Le jour où je dirai: J'ouvre 24 heures, bien peut-être
qu'ils vont dire: Peut-on s'asseoir, peut-on aller dîner? Mais on
s'entend. Mais, votre question...
Mme Marois: Mais ça ne fonctionne pas pour le
dimanche.
Mme Choquette: Ah! oui, on s'appelle.
Mme Marois: Ça ne fonctionnait pas avant, pour le
dimanche, avec d'autres commerçants pour le dimanche.
Mme Choquette: Non, ils ouvraient illégalement et
ça prend un an à le fermer. Moi, pendant ce temps-là, je
végète et je réponds quoi à mes employés qui
disent: Mes heures sont coupées? Ah! oui, bon. Je n'avais pas de
qualité de vie. Ce n'est pas grave, je veux dire, c'était
à moi à me débattre, mais je me pose la question. Moi, je
pars un commerce, je vends des fruits et légumes, de la viande. Ma job,
quand vous venez chez moi, c'est que je vous accueille avec un magasin
impeccable. Mais là je passais mon temps à vouloir fermer
quelqu'un qui, vraiment... Je peux vous dire, M. le ministre, qu'il a
fermé et que mon ratio a monté de 1 % dans mes fruits et
légumes.
Le Président (M. Bélanger): Si vous me le
permettez, madame, je dois vous interrompre pour passer à travers. Mme
la députée de...
Mme Marois: Sans ça, je vais continuer avec madame. Je
vous salue, au nom de ma formation politique. Je suis aussi très
consciente, comme le mentionnais le ministre au début de son
intervention, du cri au secours que vous nous lancez, comme d'autres nous le
lancent. Évidemment, chacun défend son point de vue
légitime et ça, là-dessus, n'ayez crainte du respect que
je peux avoir de votre position, même si je ne la partage pas, mais je la
respecte. Je pense qu'on peut faire les distinctions et ça, c'est
important. Vous me disiez que votre volume est resté stable.
Mme Choquette: Oui.
Mme Marois: Pour opérer votre magasin le dimanche, est-ce
que vous avez augmenté votre nombre de personnel?
Mme Choquette: Oui.
Mme Marois: D'accord. De quel ordre? (16 h 30)
Mme Choquette: Écoutez, pas beaucoup là.
Peut-être...
Mme Marois: Combien d'heures-personne, à peu
près?
Mme Choquette: D'heures-personne? Mme Marois: Je dis
heures-personne...
Mme Choquette: Combien d'employés, mettons.
Écoutez, c'est que mes employés, l'été, ne veulent
pas faire beaucoup d'heures. D'accord? D'accord, ils ne font pas beaucoup
d'heures et j'ai engagé des étudiants, quatre, cinq
étudiants, ou cinq, six étudiants, dans la boucherie, pour
permettre à mes employés, qui sont là à
l'année...
Mme Marois: Réguliers.
Mme Choquette: Réguliers ou temps partiel, qui sont
là à l'année longue de pouvoir profiter de
l'été. Ça fait leur affaire, comme je vous dis et
ça fait la mienne aussi.
Mme Marois: Ça, là, je comprends bien, mais est-ce
que votre masse salariale globale a augmenté?
Mme Choquette: Non. On opère très bien les
magasins. C'est tout simplement un boni.
Mme Marois: Je comprends bien. C'est que, dans le fond, ça
vous a permis de réaménager le temps horaire.
Mme Choquette: Oui.
Mme Marois: Et de faire en sorte que vos employés
réguliers qui disaient: Mol je n'aime pas trop ça travailler les
week-ends, l'été particulièrement, on embauche d'autres
types de personnes. Si la masse salariale n'augmente pas, ce qui veut dire que
c'est à peu près le même nombre d'emplois,
d'heures-personne...
Mme Choquette: Oui, exact. Parce que j'ai eu une grosse
compétition, moi. Il y a un gros marché qui s'est
installé, alors, j'ai subi, à ce moment-là...
Mme Marois: D'accord. Parce que c'est un des
éléments qui est regardé ici, évidemment.
Mme Choquette: Oui.
Mme Marois: ...où certains nous disent: Ça nous
permettrait d'augmenter le nombre d'emplois. Et là je vais globaliser un
petit peu plus ma question. En fait, ce que l'on constate et les données
du cahier qui a été produit par le ministère et auquel
tout le monde se réfère et qui, je pense... Enfin, moi, je le
trouve très bien fait. À date, les gens nous ont dit que - ils
peuvent être en désaccord, mais - les données qui sont
là sont bonnes. On constate qu'il y a un marché à peu
près à maturité dans l'alimentation, c'est-à-dire
qu'il va progresser au rythme où va progresser la population, où
va grossir le nombre de population. On parle d'une augmentation, en termes
réels, de 1,6 % par année. Donc, c'est une augmentation
très très mince, si on veut.
Alors, l'hypothèse qui est faite, c'est qu'en augmentant le
nombre d'heures où on peut aller faire des achats, ce qu'on fait tout
simplement, c'est qu'on répartit le volume de ventes et c'est un petit
peu ce que vous me disiez en disant: Je n'ai pas eu à embaucher d'autres
personnes parce que mon volume de ventes n'a pas vraiment bougé. Vous me
dites: Bien sûr - et ça, je suis capable de comprendre ça,
je l'ai entendu - II y a eu de la compétition autour de moi. Bon.
Qu'est-ce que vous voulez? Elle s'est installée. Mais même
globalement, quand on regarde l'ensemble du marché, s'il est à
maturité, on dit donc qu'on augmente le nombre d'heures disponibles, on
va donc étaler dans le temps les ventes et étaler aussi les
heures-personne pour répondre aux besoins des consommateurs et des
consommatrices qui vont venir parce qu'on dit: On a un achalandage
énorme le jeudi, particulièrement, le vendredi et le samedi.
Évidemment, si les gens sont un peu plus relax le dimanche, c'est parce
qu'ils ne sont pas venus le jeudi, j'imagine. Donc, ça doit
être... Ce n'est pas... Vous comprenez où je vais avec
ça?
M. Boyer: Oui. Mme Marois, je vous rappellerai qu'actuellement on
est fermé, "right"? Vous allez quand même concevoir que, si on
ouvre, ça nous prend des heures.
Mme Marois: Oui.
M. Boyer: D'accord? À ce moment-là, si j'ouvre,
j'ai vécu l'expérience un dimanche qu'on a ouvert, à ce
moment-là, madame, j'avais au moins besoin de 15 personnes pour
travailler. Donc, ça crée des heures additionnelles. Si je
calcule, moi, dans mon cas à moi, personnel là, j'irais chercher
1 500 000 $ de chiffre d'affaires par année.
Mme Marois: De plus. M. Boyer: De plus. Mme Marois:
Mais sans...
M. Boyer: Sans affecter mes débuts de semaine, sans
affecter mon samedi...
Mme Marois: Je suis d'accord avec vous. M. Boyer:
O.K.?
Mme Marois: Excusez. Je suis tout à fait d'accord avec
vous parce que d'abord, premièrement, vous semblez pas mal agressif en
affaires.
M. Boyer: Absolument pas.
Mme Marois: Non, mais d'une saine agressivité, s'entend,
et c'est correct. Je pense que quand on est en affaires, que voulez-vous, on
est dans un monde de concurrence et il faut se batailler un petit peu et c'est
correct. Je suis en politique, vous savez.
M. Boyer: Mme Marois, on refoule ça depuis 1984.
Mme Marois: Ce que je veux dire, je vous suis et je suis d'accord
avec vous. Mais revenez à mon raisonnement. Il y a 100 000 000 $,
possiblement, de ventes à faire. Vous dites: Moi, il y a une
journée que je ne peux pas en faire, donc, cette
journée-là, c'est sûr qu'ils ne viendront pas acheter chez
nous. J'ouvre. Je fais une bonne promotion. Je fais un bon travail correct.
J'offre un bon service de qualité et c'est agréable de venir chez
nous et les gens viennent chez nous, c'est parce qu'ils n'iront pas ailleurs.
Si le volume global dans l'alimentation ne bouge à peu près pas,
c'est parce qu'on est un marché
à maturité. J'ai bien fait attention de dire: Est-ce que
vous avez consulté le document et que vous partagez à peu
près les données qui sont là? Moi, quand je vous dis
ça, je n'invente rien. Je pars de données qui sont là.
M. Boyer: Ça, je veux dire... Mme Marois:
D'accord?
M. Boyer: Les données actuellement qui sont dans ce
volume-là, je ne les conteste pas, mais il y a une chose, par exemple,
c'est que le dimanche, vous, madame, votre qualité de vie, vous partez
et vous allez au restaurant...
Mme Marois: Je reviendrai sur ça tantôt. Là,
on est sur les chiffres d'affaires, les volumes et...
M. Boyer: Oui, oui. Vous allez au restaurant, vous allez prendre
un repas au restaurant. Au lieu de payer la facture au restaurant, est-ce que
ça ne vous tenterait pas de venir acheter un steak chez nous, d'aller le
manger autour du barbecue et en famille; et un rosbif? Vous allez en
dépenser moins au restaurant et vous allez en dépenser plus dans
l'alimentation. Ce qui va faire que le volume alimentaire, comme vous dites, au
lieu d'être saturé, il ne sera pas saturé, il va avoir une
augmentation.
Mme Marois: Mol, là-dessus, je ne partage pas votre
conclusion. Je pense qu'il va se répartir différemment. Et
probablement qu'une des hypothèses que vous faites n'est pas bête
du tout, dans le sens où les gens vont probablement, peut-être
parce que vous êtes ouverts, dire: Là, achetons le bon steak et
allons le manger chez nous. O.K?
M. Boyer: Oui.
Mme Marois: Mais ça veut dire qu'au restaurant ils en
vendront moins, ils en achèteront moins quelque part. Comprenez-vous?
L'un dans l'autre, c'est une question de vases communicants. Là, je vais
vous ramener à ce que vous m'avez dit et je vous ai bien
écouté dans votre présentation. Vous avez dit: Moi, je
défends aussi ma qualité de vie parce que je défends aussi
un commerce que j'ai mis pas mal d'heures à mettre en place. Je suis
parti petit et j'ai grossi. Je suis fier de ce commerce-là, il va bien
et c'est intéressant de travailler chez nous et on pourrait en remettre,
d'accord? Mais avant vous, hier et avant-hier, j'en ai eu d'autres qui m'ont
dit exactement la même chose, mais qui, eux, prônent un point de
vue différent. Vous, actuellement, vous vivez une situation
d'iniquité et vous dites: Je ne me bats pas dans le marché avec
les mêmes armes que mes concurrents. Il y en a d'autres qui sont venus
ici en disant: Mol, je suis dans un marché où les règles
du jeu, je les ai respectées à la lettre, strictement, l'esprit
et la lettre de la loi. Parce qu'on sait fort bien qu'on peut faire des
distinctions et des nuances longtemps. J'ai respecté l'esprit et la
lettre. Je demande au législateur de revenir à l'esprit et
à la lettre et d'arriver à une situation d'équité
parce que, si on passe à une autre situation, vous risquez de voir, le
mien, mon commerce - là, je ne parle pas pour moi évidemment, je
fais une image - sinon baisser, même m'amener à le fermer,
à partir du raisonnement que je fais qu'il n'y aura pas
nécessairement une hausse suffisamment significative de consommation de
produits d'alimentation même si on ouvre quatre, cinq et dix heures de
plus. L'un des points de la demande devant nous, c'est de dire: II y a un
problème pour les consommateurs et les consommatrices d'avoir
accès, pendant des plages plus longues, aux services et, donc, on les
pénalise. Et il y a d'autres hypothèses évidemment qui
permettent de répondre à ça en dehors de l'ouverture le
dimanche mais qui est l'ouverture, une plage de plus dans la semaine ou
même des allongements les lundi et mardi, que certains proposent.
Alors, je comprends votre volonté, votre détermination et
votre souci d'équité. Mais je regarde de l'autre
côté aussi celui qui, comme vous, a respecté la loi
très correctement et il dit: Si maintenant vous changez les
règles du jeu, tout simplement vous venez reconnaître des gens qui
ont agi dans l'illégalité, vous me pénalisez moi et vous
risquez de voir mon commerce diminuer, sinon fermer, alors que, moi, j'ai
respecté tout à fait les règles dans lesquelles vous
m'aviez demandé de travailler.
M. Boyer: Oe quel commerce vous parlez, là?
Mme Marois: Je pense, entre autres... Vous étiez là
sûrement cet après-midi, je vous ai vu d'ailleurs à
différents moments. Qu'on pense aux dépanneurs, qu'on pense aux
petits commerces de quartier qui sont de type dépanneurs, enfin qui
respectent la règle des trois personnes - ce n'est pas trois
employés - et moins en tout temps dans l'entreprise. D'accord?
M. Boyer: Moi, si je me fie à la déclaration de M.
Bouchard dans le journal Les Affaires, et je cite: "L'ouverture des
épiceries le dimanche influencerait peu Alimentation Couche-Tard."
Ça, c'est M. Bouchard qui dit ça. "L'impact de l'ouverture des
supermarchés d'alimentation le dimanche serait inexistant ou très
faible. C'est en ces termes que le président du conseil et chef de la
direction d'Alimentation Couche-Tard, Alain Bouchard, a rassuré ses
actionnaires lors de leur récente assemblée annuelle." Ça,
c'est le président de Couche-Tard. Je ne pense pas qu'on affecte...
Parce qu'on est ouverts durant la
semaine pared. Ils sont là et on ne les affecte pas. Ce n'est pas
ça, l'affaire. C'est qu'actuellement il y en a encore des bien plus gros
que ça. Qu'est-ce que vous faites des clubs Price?
Mme Marois: Mais ça, je suis...
M. Boyer: Venez près de votre comté, puis faites un
tour le dimanche.
Mme Marois: M. Boyer, je suis tellement d'accord avec votre point
de vue, dans le sens que ce n'est pas correct la façon dont on vous
traite. C'est Inacceptable, je l'ai dit ce matin à d'autres qui sont
venus. D'ailleurs il y a quelqu'un qui était dans la salle et qui m'a
informée. Je vais le dire aux gens de la commission. Je vais faire mes
vérifications plus tard, mais je pense que c'est important de le dire:
Club Price, en fait, appartient à la succession Steinberg, mais n'a pas
été acheté par Michel Gaucher, dans l'ensemble de
l'opération. Cela étant dit, on vérifiera les liens de
propriété, tout le reste, mais, juste pour ne pas qu'on dise
n'importe quoi ici, je pense que c'est important qu'on parle des bonnes
choses.
Je le dis encore et je l'ai dit ce matin, je trouve ça
Inacceptable, et là on ne contourne peut-être pas
nécessairement la loi, quoique actuellement il y a des discussions qui
se font autour de ça, je ne me mêlerai pas de ça, mais
probablement l'esprit de la loi, et à votre détriment, puis au
détriment d'un bon nombre d'autres marchands. Il y a des gens ce matin
qui représentaient une autre bannière et qui nous ont dit
exactement ça. Un qui était assis à votre place nous a
dit: Moi, madame, j'ai senti chez moi une baisse réelle de mon volume le
jour où il a ouvert. Ça fait que ça a
bénéficié à quelqu'un quelque part. Ça a
fait un transfert effectivement de son entreprise vers Club Price, mais ils ne
sont pas du tout dans l'esprit de la loi. Ils ont utilisé une
espèce de technicalité pour pouvoir intervenir. C'est vrai
d'autres intervenants dans le marché, vous le savez. Dans ce
sens-là, je vous suis, sauf que la solution que je préconise est
d'un autre ordre essentiellement.
Oui, la solution que nous proposons c'est de réduire les
exceptions et de faire en sorte qu'on ne permette que le dépannage dans
l'essentiel, de telle sorte qu'avec le critère de trois personnes et
moins en tout temps dans une entreprise on pense pouvoir réussir
à atteindre l'objectif à cet égard-là et
réassurer l'équilibre et l'équité entre l'ensemble
des intervenants. Remarquez que je sais qu'il y a des batailles de signatures
et de papiers. Ça nous arrive de partout. On ne s'arrêtera pas
là-dessus. Il y a un certain nombre de marchands chez vous qui
l'appuient. J'en ai une liste longue de je ne sais pas combien de centaines de
noms. Métro viendra à un autre moment. Ils disent qu'ils sont
d'accord plutôt avec ce qu'on appelle communément la solution
Richard un peu amendée.
Alors, on ne fera pas cette bataille-là nécessairement,
mais on sait que les points de vue sont très partagés. Mais,
entre autres, chez Métro et Richelieu, vous y faisiez
référence tout à l'heure et c'est le sentiment que j'ai.
J'essaie de savoir si je me trompe ou pas. Je vous lis la petite phrase qui est
extraite d'une lettre de M. Marcel Guertin: "À la lumière de
plusieurs consultations auprès de divers milieux, des différentes
études entreprises auprès de la population, ainsi que des
événements qui se sont déroulés depuis le
dépôt du rapport du comité Richard, il apparaît que
le gouvernement ne fera pas marche arrière pour fermer les commerces du
secteur alimentaire auxquels il a déjà permis d'ouvrir depuis
plusieurs années". Il continue: "II est évident que le dimanche
constitue une journée privilégiée et que naturellement la
majorité des marchands et des employés auraient
préféré - j'imagine que vous faites partie de la
minorité, et ça, on a le droit aussi - que les commerces
demeurent fermés. Cependant, nous ne pouvons rester fermés
pendant qu'une compétition déloyale gruge notre
marché."
Mon sentiment profond c'est qu'on n'a pas confiance au fait que l'on
fasse respecter une loi qui serait équitable. Alors on dit: À ce
moment-là, qu'on nous traite de la même façon tout le monde
et on prône la libéralisation des heures d'affaires le
dimanche.
M. Boyer: Je ne viens pas ici défendre la lettre de Marcel
Guertin.
Mme Marois: Non, non, pas du tout, mais je veux...
M. Boyer: Je ne fais pas partie du conseil d'administration, puis
je...
Mme Marois: Je sais ça et je pense que vous l'avez bien
mentionné, mais ce que je veux dire c'est que c'est un peu l'esprit
actuellement qui règne pour un certain nombre de gens qui demandent la
libéralisation, parce qu'ils se disent: L'autre voie ne sera pas
retenue. Comme l'autre voie ne sera pas retenue, prenons celle-là et
essayons au moins d'être traités dans ce sens-là
loyalement. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le
député de Drummond, il reste une minute à votre formation.
(16 h 45)
M. St-Roch: Je vais être très bref, M. le
Président. Les fruits et légumes, ça représente
combien dans le chiffre d'affaires global d'une de vos succursales ou une de
vos épiceries? Mme Choquette mentionne qu'elle en a deux, vous en avez
un, monsieur, probablement un aussi?
M. Boyer: Ça joue environ entre 12 % et
13 % de ratio, qu'on appelle, nous. M. St-Roch: Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la
députée de Taillon, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Marois: Alors, je vous remercie de votre contribution
à nos travaux. Il y a bien des sujets que j'aurais voulu aborder, entre
autres la qualité de la vie. Je suis d'accord avec vous, on ne dicte
ça à personne. Ce n'est pas vrai que ça se dicte, la
qualité de la vie, sauf que ma prétention bien humble,
peut-être que je suis dans l'erreur, mais ma prétention, c'est de
dire que, comme société, on peut peut-être se donner juste
de petits outils qui nous permettent de favoriser son expression. Mais je suis
d'accord avec vous que, idéalement, c'est à tous les jours qu'on
devrait avoir une société où il est agréable de
vivre, parce que ça fait partie de la qualité de la vie. Donc, il
ne faut pas, je pense, interpréter les propos que l'on tient ici en
disant: On ne voit ça que sous cet angle-là, le dimanche, et
c'est là que ça va se passer, mais c'est de dire que c'est un
moyen qui permettrait aux personnes de se retrouver ensemble, plus nombreuses,
à un moment dans notre vie collective, tout simplement.
M. Boyer: Je tiens à vous faire remarquer... Mme
Marois: Oui?
M. Boyer: ...que le problème se situe le dimanche, ce
n'est pas le lundi soir, le mardi soir ou le mercredi soir. Parce que
l'élargissement des heures d'affaires en début de semaine, ce
serait catastrophique pour un épicier parce que, là, ça
coûterait trop cher et il n'y aurait pas de clients, parce qu'il n'y a
pas d'argent dans le système. C'est bien simple, la cliente ne viendra
pas le lundi soir, le mardi soir et le mercredi soir. Donc, c'est le dimanche,
le problème crucial. C'est là qu'est le problème, le
dimanche.
Mme Marois: Je suis d'accord avec vous et c'est pour ça
qu'on est ici. Merci de votre intervention à la commission.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre. Si vous
voulez remercier nos invités.
M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est de valeur qu'on n'ait pas pu
continuer sur le dernier point qui a été soulevé, parce
qu'il y en a beaucoup qui demandent l'élargissement des heures en
semaine, en guise de compromis.
M. Boyer: M. le ministre, tu ne peux pas mettre du monde, parce
que ça te prend un minimum de personnes dans le magasin. On le vit dans
des situations, vous allez dire extraordinaires, le temps des fêtes; il
n'y a pas de chiffre d'affaires et on est là ouvert. On fait quoi?
M. Tremblay (Outremont): Non, mais si au lieu d'ouvrir, mettons,
à 8 h 30, le matin... Je ne sais pas, vous ouvrez à 8 h 30 ou 9
heures...
M. Boyer: C'est très rare, les gens qui ouvrent à 8
h 30, c'est 9 heures ou 9 h 30.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais si on disait de 9 h 30
jusqu'à 19 heures, le soir...
M. Boyer: Ça nous emmerderait, parce qu'on a des
conventions collectives et il faut les respecter et ça, ce sont des
blocs de quatre et cinq heures; ça ne se fait pas.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, M.
Boyer, Mme Choquette et M. Pépin, d'être venus partager votre
point de vue avec nous.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie les marchands Métro pour
l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche et invite à la
table des témoins le Conseil québécois du commerce de
détail.
A l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien
vouloir reprendre sa place. Alors, nous recevons présentement le Conseil
québécois du commerce de détail. Bonjour, messieurs,
madame. Alors, je vous présente rapidement nos règles de
procédure. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, ce sont 20 minutes ferme qu'on ne peut pas dépasser. Par
la suite, il y aura une période d'échanges avec les
parlementaires. Je vous prierais, chaque fois que vous prenez la parole, de
vous identifier; pour les fins de transcription du Journal des
débats, ça nous aide beaucoup. Alors, sans plus tarder, si
vous voulez identifier votre porte-parole et présenter votre
équipe, nous vous écoutons.
Conseil québécois du commerce de
détail
M. Lafleur (Gaston): Merci beaucoup, M. le Président. Mon
nom est Gaston Lafleur, je suis président et directeur
général du Conseil québécois du commerce de
détail. J'aimerais rapidement vous présenter les membres qui
m'accompagnent aujourd'hui: à ma gauche immédiate, M. Peter
Lamont, qui est membre du comité de direction. Il oeuvre dans le secteur
des magasins à rayons; à ma gauche éloignée, M.
Pierre Bovet, membre du comité de direction aussi, qui représente
le secteur du vêtement pour hommes ainsi que la moyenne entreprise dans
le secteur du vêtement;
à ma droite immédiate, Mme Louise Dufresne, qui est aussi
membre de notre comité de direction et qui est propriétaire d'une
petite entreprise de quelques magasins dans le secteur du vêtement pour
dames, et, à ma droite éloignée, M. Pierre Couture,
président de notre conseil d'administration, qui oeuvre dans le secteur
des magasins généraux.
Chacune de ces personnes abordera un thème particulier. M. Lamont
présentera l'aspect du réaménagement des heures
d'ouverture en semaine pour les établissements commerciaux; Mme Dufresne
vous entretiendra de la position et de l'impact des petits détaillants;
M. Pierre Couture traitera des exceptions prévues à la loi; M.
Bovet, de son côté, traitera de l'impact de la
libéralisation des heures d'affaires dans le secteur alimentaire sur
l'ensemble des autres secteurs du commerce de détail et, en dernier
lieu, je traiterai rapidement des questions d'ordre technique reliées
à l'administration de la loi et la destination d'un établissement
commercial.
À titre d'introduction, le Conseil québécois du
commerce de détail est un organisme à but non lucratif qui
regroupe plusieurs détaillants dans divers secteurs d'activité du
secteur du détail. Le Conseil québécois est de plus
affilié au Conseil canadien du commerce de détail qui a pour
fonction principale de représenter les intérêts nationaux
du commerce de détail.
Comme par le passé, le Conseil québécois n'entend
pas se prononcer pour le secteur alimentaire dans le présent
débat. De plus, le Conseil invite les membres qui ne partageraient pas
certains points de vue qui sont émis par le Conseil à formuler
leurs propres recommandations.
Le mémoire qui vous a été soumis a reçu
l'aval du conseil d'administration. Dans le cadre de la présente
démarche, le Conseil a pris connaissance du rapport du comité des
députés sur les heures d'affaires, le rapport Richard. On a, de
plus, pris connaissance du document de consultation ainsi que du document
d'information qui nous a été communiqué par la direction
du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
Notre démarche, dans le cadre de l'émission des points de
vue et des recommandations que nous faisons, est fondée sur des
principes de base privilégiés par le gouvernement, qui sont
d'emblée acceptés par le Conseil et qui ont guidé notre
démarche. Ces principes sont: le rétablissement de
l'équité entre les divers types de commerces, la réponse
aux besoins réels des consommateurs et le maintien de la qualité
de vie de la population, notamment celle des travailleurs et travailleuses du
Québec.
Le Conseil québécois tient aussi pour acquis que le
gouvernement, en délimitant le mandat qu'il a confié à la
commission de l'économie et du travail, n'entend pas modifier la
règle fondamentale édictée par l'article 2 de la loi
à l'effet que le dimanche aucun client ne peut être admis dans un
établissement commercial. Nous croyons que cette règle
fondamentale doit s'appliquer à tout établissement commercial tel
que défini par la loi. Les seules entorses à cette règle
concernent les exceptions qui y sont prévues.
En dernier lieu, même si dans le présent débat nous
ne traitons pas formellement du secteur alimentaire, nous croyons qu'une
solution équitable est nécessaire pour résoudre le
problème des heures d'affaires quant aux petits dépanneurs. Sur
ce, je vais céder la parole à M. Peter Lamont. Merci.
M. Lamont (Peter): Merci et bonjour. Au sujet du
réaménagement des heures d'ouverture en semaine pour les types
d'établissements commerciaux, le Conseil québécois du
commerce de détail est conscient de l'évolution du contexte
sociodémographique et des aspects de la croissance lente, du
vieillissement de la population ainsi que des modifications apportées
à la cellule familiale et à la participation de plus en plus vive
de la femme au marché du travail.
De plus, révolution des habitudes de consommation des
Québécois fait que certains réaménagements des
heures d'ouverture en semaine pourraient apporter une réponse aux
besoins réels des consommateurs, tout en permettant le maintien de la
qualité de vie des commerçants et des travailleurs et
travailleuses. La période des fêtes constitue une période
importante pour les détaillants et les modifications
sociodémographiques et les impératifs reliés au
marché du travail nous amènent à conclure qu'un
élargissement du nombre de jours précédant le 24
décembre serait souhaitable.
Quant à l'ensemble des commerces non alimentaires, le Conseil
québécois du commerce de détail a toujours
été opposé à l'ouverture des magasins le dimanche,
sauf pour les articles et les services essentiels, et est fortement en faveur
d'une journée de repos obligatoire au niveau de la province. Le Conseil
s'oppose à l'ouverture de ces établissements le dimanche pour
plusieurs raisons dont, entre autres, les suivantes: Le dimanche est un jour de
repos pour la plupart des gens et, si les magasins ouvrent ce jour-là,
des milliers d'employés du secteur de la vente au détail
passeront moins de temps avec les membres de leur famille et leurs amis, ce qui
est une atteinte à la qualité de la vie. Si la pratique de
l'ouverture le dimanche se répand, les industries de fabrication,
grossistes, compagnies de transport, etc., desservant les détaillants
seront vite touchés, sans compter l'effet qu'une telle décision
pourra avoir sur d'autres secteurs, tels que le transport en commun, garderie,
etc. Nous prévoyons la nécessité de
rééquilibrer les inventaires pendant la fin de semaine,
c'est-à-dire le samedi et/ou le dimanche. Nous serons obligés de
transporter des
marchandises de nos entrepôts et de nos fournisseurs les samedis
et les dimanches. Les manufacturiers seront obligés de nous fournir
leurs services durant la fin de semaine pour certaines lignes de
marchandises.
Les détaillants ne réaliseront pas plus de
bénéfices, les consommateurs ne dépenseront pas plus
d'argent pour autant et l'ouverture des magasins, le dimanche, ne veut pas
nécessairement dire que le consommateur achètera plus que
d'habitude. Selon l'expérience vécue par certains qui
opèrent des magasins dans certaines provinces de l'Ouest et qui sont
ouverts le dimanche, les résultats ne démontrent pas une
amélioration dans leur part du marché, ni une croissance
significative des ventes. Plutôt, il semble tout simplement qu'une partie
des ventes qui se faisaient dans les six autres jours de la semaine se font le
dimanche. Le seul avantage a été de protéger leur part de
marché.
D'autres facteurs importants sont l'augmentation des coûts des
opérations, tels que la maintenance, l'énergie, etc. Un facteur
important serait la diminution du service à la clientèle. En
ajoutant une journée à la semaine d'ouverture sans sensiblement
améliorer le chiffre d'affaires, les effets sur le service au client se
feront sentir durant les sept jours de la semaine. La supervision est
réduite a un septième durant le reste de la semaine et
l'étalement des horaires signifie un moins bon service au client et
moins d'efficacité.
La vente au détail est une industrie établie et de nature
extrêmement concurrentielle. Ceux qui optent pour l'ouverture des
magasins le dimanche espèrent accaparer une plus grande part du
marché en présumant, bien entendu, que leurs concurrents seront
fermés ce jour-là. Il est évident qu'aucun
détaillant ne peut se permettre de fermer et, si les concurrents directs
décidaient d'ouvrir, il espère survivre.
Un autre point important est le recrutement du personnel. Les
employés travaillant le dimanche passent moins de temps avec les membres
de leur famille. Il est évident qu'il sera de plus en plus difficile
d'attirer du personnel de qualité vers la carrière de
vendeur.
En résumé, les responsabilités premières
d'un marchand, d'un marchand professionnel sont de prendre soin de ses clients
et de ses employés et, dans cet esprit, le Conseil
québécois recommande l'élargissement des heures
d'ouverture pour les établissements commerciaux les mercredis, jeudis et
vendredis jusqu'à 21 h 30, l'élargissement pour tous les
établissements commerciaux, des heures d'ouverture de 14 jours à
18 jours précédant le 24 décembre et le statu quo pour les
établissements commerciaux quant aux autres jours de la semaine.
Merci.
Mme Dufresne (Louise): Louise Dufresne. Les facteurs qui ont
été énumérés par mon
prédécesseur sont également valables pour les petites
entreprises que je représente ici, aujourd'hui, entre autres
l'augmentation des coûts d'opération et la qualité du
personnel qui risque de diminuer, justement à cause d'une
difficulté de recrutement. En ce qui concerne les petites entreprises,
c'est le service qui, vraiment, fait la différence. Si notre service
diminue le dimanche, à long terme, forcément, notre
réputation sera touchée et, évidemment, la qualité
de vie du personnel.
Mais j'aimerais insister sur un autre point pour la petite entreprise,
c'est la question de la sécurité. Si les petits commerces restent
ouverts le dimanche, leur personnel sera réduit, donc plus
vulnérable, d'autant plus que les forces policières sont souvent
moins nombreuses, moins présentes le dimanche et que le nombre de
clients risque d'être minime, donc moins de personnes dans le magasin; je
parle bien de petits commerçants. Nous risquons donc de vivre le
même cauchemar que les dépanneurs et de se retrouver dans une
situation d'augmentation de criminalité, y compris une augmentation de
vols à l'étalage. De plus, le personnel de ces boutiques
étant en majorité des femmes très souvent, je parle bien
de boutiques et de petits commerçants, c'est une cible de choix, de nos
jours; je pense que les événements récents de l'avenue
Laurier et de l'avenue Saint-Hubert prouvent que ça devient, de plus en
plus, une question pressante. (17 heures)
Maintenant, il y a un autre point aussi qui est particulier au petit
commerçant, c'est, bien sûr, la qualité de vie du
propriétaire. J'ai assisté, tout à l'heure, à
l'autre représentation. Évidemment, je pense que le
propriétaire a aussi droit à une septième journée,
à une journée de congé dans la semaine et, très
souvent, le propriétaire est obligé de travailler
déjà six jours et il n'a pas toujours les moyens de se payer un
personnel additionnel pour le dimanche. Donc, il sera peut-être
obligé de travailler sept jours ou, en tout cas, d'aménager ses
heures, mais pas nécessairement, et à ce moment-là,
évidemment, sa qualité de vie va changer parce que lui non plus
n'aura plus de vie de famille.
Vous me direz qu'on n'est pas obligé d'ouvrir le dimanche. C'est
vrai, mais la concurrence touche les petits marchands également, ce qui
m'amène à mentionner le fait de cette concurrence déloyale
qui existe présentement. On a parié des clubs Price, on a
parlé des pharmacies à escomptes. Ce sujet sera traité par
M. Couture tout à l'heure.
Maintenant, je voudrais vous faire part d'une inquiétude,
simplement la survie des rues commerciales. C'est que, s'il y a une ouverture
générale le dimanche, on risque fort de voir un pôle
d'attraction vers les centres commerciaux majeurs et de banlieue, au
détriment des rues commerciales et des petits centres extérieurs.
Parce que souvent le magasinage du dimanche,
c'est une distraction, un loisir. Les gens vont faire un tour d'auto,
ils vont se promener et, impulsivement, font des achats. L'achat fait le
dimanche, peut-être dans ces endroits, dans ces pôles d'attraction,
c'est évidemment de l'argent qui ne reviendra plus dans les commerces de
quartier qui risquent de se retrouver en difficulté
éventuellement et, pourtant, ces commerces répondent à un
besoin pour les consommateurs. Le consommateur aime bien avoir près de
chez lui un commerce quelconque de boutique de vêtements, de
sous-vêtements, qui peut le dépanner à l'occasion,
où il aime bien avoir son service personnalisé. Mais le pouvoir
d'achat n'augmente pas. Donc, l'argent dépensé le dimanche
ailleurs ne reviendra pas dans le quartier et je vous laisse déduire ce
qui peut arriver, faillite, perte d'emploi, locaux vides, donc, incitation au
vandalisme, etc. Maintenant, je conclus là-dessus, et je voudrais passer
la parole à M. Couture.
M. Couture (Pierre): Bonjour. Les exceptions prévues par
la loi actuelle créent, à plusieurs égards, des situations
de concurrence déloyale flagrante, je pense que c'est ce qu'on discute.
Il y a particulièrement cinq secteurs dans lesquels il y a des
problèmes. Je pense aussi qu'en accordant des exceptions à la loi
le législateur n'avait certainement pas voulu encourager cette
concurrence déloyale, mais les faits sont que tous les prétextes
et les déguisements, alliés à quelques brèches dans
la loi, font que la concurrence devient de plus en plus déloyale. Les
cinq secteurs particuliers, le premier qui en est un, c'est celui des
pharmacies avec tout ce qu'ils nous racontent. Ils nous disent que le besoin du
consommateur, c'est important et tout ça. Par hasard, quand on regarde
la publicité de ces pharmacies à grande surface, c'est que la
publicité est toujours soit le samedi pour annoncer que c'est ouvert le
dimanche, ou encore le dimanche. C'est probablement par hasard.
Aussi, ils sont, à l'occasion, obligés de rappeler aux
gens dans leur publicité qu'eux ils sont ouverts le dimanche. J'ai ici
un exemple d'une pharmacie où on dit effectivement: Ouvert le dimanche.
C'est très important de le dire. Si vous voyez ce que vous avez
là-dessus, vous avez des casseroles, des montres, des rasoirs, des
séchoirs à cheveux. Vous avez de tout ce qui peut être
autre chose que ce que nous, on considère comme étant des objets
de pharmacie.
Le marché aux puces est aussi un autre secteur qui, de plus en
plus, a perdu sa définition originale qui, dans la définition
d'un marché aux puces, est normalement la vente d'articles non neufs,
c'est-à-dire de marchandises usagées et aussi de l'artisanat. De
plus en plus, ce phénomène de concurrence déloyale fait
que, par exemple, dernièrement, sur une grande route
métropolitaine, on annonçait à grand renfort de
publicité la réouverture d'un marché aux puces qui
vendrait des marchandises neuves et qui, de plus, serait ouvert, lui, le jeudi,
le vendredi, le samedi et le dimanche, où c'est le meilleur temps pour
être capable d'ouvrir. C'est de la concurrence déloyale.
Les marchés publics. Aussi, par définition, et dans la loi
actuelle, on parle que c'est quand même supposé être pour un
contexte alimentaire. Si on s'en va dans les marchés publics, de plus en
plus, il y a une tendance qui fait qu'on remplace les étals
d'alimentation par des tables où on retrouve des marchandises
sèches et c'est actuellement une tendance qui devient de plus en plus
une réalité. J'arrive de Sherbrooke ce matin où les
marchands, dans cette région, viennent d'apprendre qu'on ouvre le
Versant Bromont, centre de magasins et d'usines - "factory outlet", qu'on
appelle ça - et c'est bien marqué, bien indiqué: Ouvert
sept jours par semaine.
Le même phénomène arrive dans les zones
touristiques. Les zones touristiques, dans notre esprit, ce ne sont pas des
endroits de villégiature, parce qu'on parle de touristes et on doit se
demander... La première chose qu'on doit faire, c'est de desservir et de
bien desservir le touriste qui va aller là. Est-ce que le touriste,
quand on parie de zone, on pense qu'il va pouvoir acheter des meubles? Est-ce
qu'on pense qu'il va pouvoir acheter des appareils ménagers? Est-ce
qu'il va acheter de la quincaillerie? Encore là, c'est une
définition qui est trop large. La preuve, c'est qu'à
Sainte-Agathe, actuellement, même en dehors - et dans son ensemble -
c'est une zone touristique qui est normalement définie par la loi, en
termes de date, et tout le monde est ouvert. Les marchands,
dernièrement, en sont venus à un accord qu'ils pourraient ouvrir,
plutôt que de 9 h 30 jusqu'en soirée... Ils sont ouverts
maintenant à partir de 10 heures le matin jusqu'à 17 heures
l'après-midi.
Que faisons-nous aussi des nouvelles tendances dans le...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
je vous inviterais à conclure. Le temps est écoulé.
M. Couture: D'accord. Il restait, bien sûr, les clubs Price
et je passe la parole à M. Bovet.
Le Président (M. Bélanger): On vous donne une
couple de minutes.
M. Bovet (Pierre): Deux minutes.
Le Président (M. Bélanger): On ne dira pas un mot,
c'est vendredi.
M. Bovet: Étant donné que je suis le dernier de la
semaine, M. le ministre, Mme la députée, MM. les
députés, je vous remercie. Évidemment, je
représente les chaînes de moyenne grosseur. Le point de vue des
chaînes de
moyenne grosseur, disons de 30 à 200 magasins, qui sont dans le
domaine du vêtement, c'est un petit peu la position. Depuis trois ans que
je suis dans ce problème-là, ayant déjà
présenté devant la commission Richard notre point de vue, je peux
vous dire que je suis un vétéran du problème, pour en
avoir discuté avec des présidents de compagnies et des
employés.
Je veux juste vous donner le texte un petit peu pour l'effet
d'entraînement qui pourrait suivre dans les autres commerces avec la
libéralisation des heures d'ouverture le dimanche dans le secteur
alimentaire. C'est peut-être le problème qui vous préoccupe
le plus. Trois points: Premier point, on pense que les grandes chaînes
d'alimentation vont faire ce que les grandes chaînes pharmaceutiques ont
fait, c'est-à-dire qu'elles vont vendre de multiples produits non
alimentaires que nos membres vendront seulement durant les six autres jours.
Ça, c'est clair que c'est ça qui va se passer, à court
terme.
Deuxièmement, ça va diminuer l'achalandage des autres
commerces au Québec, nos commerces, durant les six autres jours de la
semaine pendant que nous autres, on va être ouverts. Là, il faut
penser aux centres d'achats, c'est-à-dire que ça va
répartir l'achalandage sur sept jours au centre d'achats où il y
a un supermarché à l'autre bout du centre d'achats; donc, durant
les six jours où, nous autres, on va payer encore 75 $ le pied, pendant
que les grandes surfaces, elles, paient 10 $, 12 $ ou 15 $ et nos frais vont
augmenter. On va avoir un autre désavantage. Ça va baisser
l'achalandage dans les centres commerciaux de 100, 150, 200, 300 magasins ainsi
que les rues commerciales.
Troisièmement, ça va changer la vocation de petits
commerces existants sur des rues commerciales. On va déplacer le
pôle d'attraction vers les grandes surfaces des centres commerciaux.
Donc, effet négatif pour les commerces de quartier. Nous opérons
deux magasins sur des rues commerciales et 31 ou 32 dans des centres d'achats.
Alors, je devrais être de l'avis de M. Coutu et dire: Bravo! On est
ouverts le dimanche, on va en profiter. Ça fait trois ou quatre ans que
je me bats contre les promoteurs de centres d'achats à Toronto ou
à Montréal pour dire: Écoutez, je pense que la
qualité de vie au Québec... On n'est pas en Californie, on n'a
pas 25 000 000 d'habitants au Québec et la concentration de la
population au Québec ne justifie pas l'argument d'ouvrir le dimanche. Ce
n'est pas vrai, on n'a pas besoin de ça. Tous les autres arguments, vous
les avez entendus: les syndicats, la qualité de vie et tout
ça.
Je vous donne quelques réflexions. On a insisté devant la
commission Richard pour dire: 21 h 30. Nous autres, dans le vêtement,
à 20 h 45, 20 h 50, quand le client est en train de s'acheter un habit,
il aimerait ça finir à 21 h 30, ça ne le dérange
pas, et l'employé non plus, ça ne le dérange pas, 21 h 30.
Avant, on était à 22 heures. Dans le temps de mon père, on
était à 23 heures. Là, je pense qu'on va au restaurant, on
va souper à 20 heures, 20 h 30. Ça fait que 21 h 30 ce n'est pas
une grosse différence, mais ça vient aider le ministre pour
améliorer les besoins réels des consommateurs.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bovet: Je pense à vous, M. le ministre. Disons que je
ne suis pas un politicien, mais J'ai appris qu'il fallait faire des
cadeaux.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bovet: Alors, le mercredi soir...
Le Président (M. Bélanger): C'est réellement
tendancieux et inacceptable, de notre point de vue.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bovet: ...ça fait trois heures et demie, si on va
jusqu'à 21 h 30; le jeudi, une demi-heure, le vendredi soir, une
demi-heure. On l'a vérifié avec beaucoup d'employés. Ce
n'est pas un problème. Ça fait quatre heures et demie de plus.
Ça aide dans une situation où vraiment il y a des besoins
réels du consommateur: la femme au travail, etc.
Autre réflexion - c'est une réflexion, ce n'est pas dans
notre mémoire - les magasins d'entrepôt actuellement - vous savez
lesquels, je ne parlerai pas de la nouvelle chaîne qui vient d'en ouvrir
deux - visent 7 % de leur volume dans le vêtement. Les magasins
d'alimentation vous ont parlé d'alimentation dans le magasins
d'entrepôt. Moi, je peux vous dire que c'est 7 %. Ils visent 100 000 000
$ par magasin de chiffres d'affaires. Vous le savez, ça vous a
été dit. Ils ont commencé à 60 000 000 $, ils
visent 100 000 000 $: 7 %, vous pouvez calculer ce que ça veut dire dans
le vêtement. Alors, ils profitent de l'achalandage le dimanche, le lundi
soir, le mardi soir et le mercredi soir pour vendre du vêtement. Autre
tendance dans le moment dans le marché, l'intégration verticale
dans le domaine du vêtement. Vous savez qu'il y a une récession...
un ralentissement économique, excusez. Il y a beaucoup de manufacturiers
qui commencent à acheter des chaînes de magasins. Ce sont des gens
qui vendent au gros et qui ouvrent comme... Je vais vous donner un exemple pas
visé, mais connu: Esprit, qui est une chaîne de Californie qui
ouvre ses propres magasins. D'autres distribuaient les produits Esprit, mais
évidemment la compagnie a commencé à distribuer ses
propres produits. Donc, ces gens-là vont pouvoir utiliser l'argument de
dire: Nous, on vend au gros. C'est sûr qu'on vend au gros. Alors
là il y a encore des chaînes le mois passé qui se sont
vendues à des manufacturiers qui commencent à élargir
leurs tentacules dans les centres commerciaux de classe A, les "triple
A" comme on les appelle. Évidemment, ces gens-fà vont pouvoir
vous dire: Oui, c'est vrai, on vend au gros. Dans la semaine, on vend au gros,
mais le samedi et le dimanche, on vend au détail. Pensez à
ça.
Les marchés aux puces, le dimanche, c'est un gros
problème, parce qu'on a parlé de marchandises usagées et
de marchandises neuves. On ne peut pas contrôler ça, c'est
impossible. Donnez-leur les mêmes règles du jeu que nous autres:
que les marchés aux puces soient fermés le dimanche et qu'ils
puissent vendre n'importe quoi le reste de la semaine, ça ne nous
dérange pas. Merci, messieurs.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup. Je dois vous dire que,
quand vous dites que le Conseil québécois du commerce de
détail prend pour acquis - au nom de l'équité, quand on
parlait de l'équité - que le gouvernement n'entend pas, dans le
cadre de la présente consultation, remettre en question les dispositions
de l'article 2 de la loi, je pense qu'après avoir entendu tous les
intervenants, au nom de l'équité, ce n'est pas tout à fait
vrai qu'on ne prendra pas pour acquis - je fais juste vous faire ce
commentaire-là en passant, je vous le dis justement à cause de la
prolifération des articles qui sont vendus dans les commerces... Si on
veut avoir une loi équitable, il va falloir définitivement
prendre ça en considération. Je voulais juste faire cette mise au
point.
Je vous pose des petites questions très rapides. Vous dites: Les
marchés aux puces doivent être limités à la vente de
produits usagés, et aussi définir menus articles. Pour avoir bien
écouté M. Bovet, si on veut réellement pouvoir appliquer
la loi, il faudrait éliminer "menus articles", parce que vous n'auriez
pas d'objection qu'ils pourraient opérer le dimanche en vendant
uniquement de l'usagé.
M. Couture: Et on pourrait ajouter: marchandise usagée ou
d'antiquité ou artisanat.
M. Tremblay (Outremont): Oui, je comprends. Bon. Alors, est-ce
que vous modifiez votre recommandation pour ne pas nous obliger à
définir "menus articles"?
M. Couture: Oui.
M. Bovet: Si vous me permettez, "menus articles" fait
référence aussi aux pharmacies, je pense.
Une voix: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Non, ça je comprends. Je parlais
juste pour les marchés aux puces. Je suis d'accord pour l'autre
aussi.
M. Bovet: Si vous le définissez pour les marchés
aux puces, vous allez le définir pour les pharmacies.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Je suis d'accord. Je visais surtout
plus les marchés aux puces, mais c'est évident qu'il va falloir
faire... parce que les marchés aux puces, normalement, vendent du
prêt-à-porter le dimanche. C'est directement de la concurrence.
C'est difficile à définir ce qu'est un menu article. (17 h
15)
M. Bovet: M. le ministre, on a des manufacturiers qui ont leurs
propres kiosques dans les marchés aux puces, des manufacturiers de
vêtements québécois qui ont leurs kiosques, qui ont leur
réseau de distribution. On a coupé les ponts avec ces
manufacturiers. Je suis en contact souvent avec le ministère de
l'Industrie et du Commerce et avec la Sûreté du Québec pour
les vols aussi, je pense qu'on ne réglera pas... M. Richard m'avait
déjà fait la remarque qu'au Québec, à ce
moment-là, il y a deux ans ans, il y avait 100 marchés aux puces
qui avaient chacun 1000 tables. Donc, ça faisait 100 000 tables à
contrôler. Je pense qu'on ne peut pas vous donner des solutions
brillantes pour contrôler, avec des inspecteurs, les marchés aux
puces. Tout ce que je vous dis, c'est que pour nos petits détaillants,
au Québec, que ce soient les petits détaillants de la ville de
Montréal - parce que j'ai siégé sur la CIDEM pour la ville
de Montréal, pour les petits détaillants, j'ai été
président du Conseil québécois - les petits
détaillants, ça les affecte beaucoup les marchés aux puces
et, le dimanche, ça les affecte encore plus.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Bovet: Alors, il n'y a pas de solution, ià.
M. Tremblay (Outremont): Parfait, c'est ça. Mais
ça, ça va être notre responsabilité. Ça
prouve que j'ai besoin de plus que votre petite demi-heure, jusqu'à 21 h
30! Mais ce que je comprends de ce que vous me dites, c'est que, s'ils
vendaient uniquement des produits usagers, s'il y avait des antiquités
ou de l'artisanat et qu'on avait de très bons mécanismes de
contrôle pour s'assurer qu'ils ne vendraient pas du neuf ou du
prêt-à-porter, vous n'auriez pas de problèmes avez
ça. J'en ai beaucoup d'autres petits détails, ce sont tous
des...
Une voix: O.K.
M. Tremblay (Outremont): Moi, je ne sais pas, vous
êtes...
M. Couture: Moi, je pense qu'on se sent à l'aise avec
ça, conditionnellement à toutes les choses que vous venez de
dire, oui, effectivement.
M. Tremblay (Outremont): Pour les zones touristiques, vous dites:
"...loi ou par règlement les critères applicables à
l'exception territoriale ou touristique." Si on prend le mot "touristique", on
restreint les régions dans le temps, trois employés et moins en
tout temps. Est-ce que vous êtes d'accord que tous les commerces
pourraient ouvrir dans un zone touristique, sept jours par semaine,
vingt-quatre heures par jour, trois employés et moins, et ça veut
dire des boutiques de prêt-à-porter?
M. Couture: Ce qu'on recommandait, finalement, si on regarde les
recommandations qu'on faisait à la page huit de notre
mémoire...
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Couture: ...on parle des librairies, on parle des tabagies, on
parle des restaurants, on parie des pâtisseries...
M. Tremblay (Outremont): O.K. C'est clair. M. Couture:
...et tout ça.
M. Tremblay (Outremont): C'est parfait, très bien.
M. Couture: On pense, dans le contexte d'une zone touristique,
que ça suffit comme services aux touristes à ce
moment-là.
M. Tremblay (Outremont): C'est clair, très bien. Quand
vous dites de réaménager les heures pour tous les
établissements commerciaux les mercredis, jeudis et vendredis
jusqu'à 21 h 30, j'ai compris le raisonnement. Est-ce que vous ouvrez
toujours à 8 h 30 le matin? Vous n'ouvrez pas à 8 heures. Est-ce
qu'on pourrait modifier le 8 h 30 le matin? En d'autres mots, ça
n'empêche pas le propriétaire ou la propriétaire
d'être présent dans son commerce, mais la porte ouvrirait à
9 h 30. Ça, vous n'avez pas d'objections à ça?
Mme Dufresne: Bien non.
M. Tremblay (Outremont): Parce que, d'une façon ou d'une
autre, il n'y a pas grand clients à 8 h 30 ou 9 heures.
Mme Outresne: C'est déjà le cas, d'ailleurs. La
plupart ouvrent à 9 h 30.
M. Couture: Je voudrais peut-être apporter juste un point
ici. C'est que ça semble probablement vrai dans les grands centres. Pour
avoir vécu dans des plus petits centres, moi, je vous dis que souvent
les gens attendent à la porte. Dans des petits centres - j'ai
vécu à Maniwaki, par exemple, ou quoi que ce soit - pour les gens
c'est très important; si on ouvrait à 8 heures dans ces
régions, les gens seraient là. 8 h 30, c'était
acceptable.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais on peut venir dans les grands
centres, si vous voulez - parce que vous pariiez des petits centres - les gens
attendent à la banque à 10 heures. Si l'ouverture était
à 9 heures, ils attendraient.
M. Couture: Effectivement.
M. Tremblay (Outremont): Je suis d'accord que le consommateur a
toujours raison, mais... Ça, ce n'est pas majeur non plus. Pour les
zones limitrophes, la raison pour laquelle je vais parier de la zone
limitrophe, c'est que vous dites d'élargir, avant le 24 décembre,
les 14 jours; vous aimeriez aller à 18 jours. Est-ce que vous incluriez
le dimanche dans ces 18 jours-là?
M. Lamont: Non, seulement les six jours ouvrables
présentement.
M. Tremblay (Outremont): Vous êtes conscients que dans une
zone limitrophe, si vous y aviez votre commerce, il faudrait peut-être
demander à vos petits détaillants qui sont à Hull,
à Aylmer, à Gatineau... En Ontario, c'est ouvert à partir,
disons, du 1er décembre jusqu'au 24 décembre, tous les jours,
incluant le dimanche. Alors, je dois vous dire, pour votre information, que le
ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie a le droit de donner
une exemption dans les zones limitrophes. Alors, est-ce que c'est majeur pour
vous autres, dans les jours précédant Noël, d'ouvrir le
dimanche? Si on veut éliminer une exception. J'essaie d'éliminer
des exceptions. Je pose une question, c'est tout. Vous n'êtes pas
obligés d'ouvrir.
M. Bovet: Vous ne pariez pas de Montréal. M. Tremblay
(Outremont): Non, non.
M. Bovet: Vous parlez juste des zones limotrophes, près de
Hull, Ottawa.
M. Tremblay (Outremont): Non, mais il y en a plus que ça
parce qu'il y en a sur la frontière....
M. Bovet: D'accord. D'accord.
M. Tremblay (Outremont): D'autres frontières au
Nouveau-Brunswick.
Mme Marois: La plus grosse là, vraiment
c'est Hull.
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui. Mme Marois: Parce
qu'ailleurs...
M. Bovet: Je ne peux pas vous donner de point de vue
là-dessus. Je ne suis pas qualifié pour vous donner le point de
vue là-dessus.
M. Tremblay (Outremont): Non, je vous pose la question parce que,
pour avoir été un commerçant opérant des petites
boutiques, je peux vous dire que dans les 15, 16 jours précédant
Noël, quand on est très très très occupé,
même si on est très très fatigué, c'est une
période excessivement rentable, et je peux vous dire que, le dimanche,
il y a beaucoup de personnes qui pourraient dire: On pourrait profiter au
maximum de ce dimanche. Moi je parle uniquement des dimanches qui...
M. Bovet: Deux dimanches?
M. Tremblay (Outremont): Non, mais moi je vous dis, j'essaie de
régler un autre problème, et je pense... Vous me donnez votre
réflexion, parce qu'à cause des zones limitrophes, pour
éliminer les zones limitrophes... Le problème c'est que les
autres ouvrent le dimanche. Ça ne vous empêche pas de fermer le
dimanche, mais est-ce que c'est majeur? Je sais que vous ne représentez
pas tous les commerçants, tous les détaillants non plus. Juste
votre point de vue...
M. Couture: Je peux vous dire qu'on a des magasins dans cette
région-là, Hull, Aylmer, Gatineau, moi, et c'est la
première fois que j'entends parler... En tout cas, je n'ai jamais eu, de
mes marchands dans cette région-là, des problèmes à
ce niveau. Jamais, c'est la première fois que j'en entends parler.
M. Tremblay (Outremont): Je dois vous dire que j'ai eu des
demandes pressantes pour que les personnes... C'est toujours une
municipalité qui demande à la suite de demandes des
commerçants, pour qu'ils puissent commencer à faire de la
publicité pour le début décembre pour être capables
de concurrencer toute la région d'Ottawa.
M. Bovet: Tous les secteurs d'activité?
M. Tremblay (Outremont): Ah oui. Tous les secteurs
d'activité, et spécifiquement les dimanches dans ce
cas-là. Pourquoi? Parce que, juste à la frontière, ils
sont opérationnels. Ils me l'ont demandé uniquement pour la
période de décembre et plus que les 14 jours qui sont là,
je ne me rappelle pas de mémoire exactement le nombre de jours. Je l'ai
autorisé...
M. Bovet: M. le ministre...
M. Tremblay (Ouiremont): Je vous le dis là, je l'ai
autorisé parce que la loi me le permet aujourd'hui pour les zones
limitrophes.
M. Bovet: Ce qui amène votre décision, M. le
ministre, c'est une concurrence qui pourrait être déloyale par
rapport à la frontière, ou les établissements commerciaux
outre-frontières.
M. Tremblay (Outremont): Ce que je dis, c'est qu'il est facile de
traverser un petit pont. Oublions les frontières américaines,
mais pour vos détaillants - vous connaissez Hull, il fait le tour de
l'autre côté et il va acheter. Je fais abstraction du
problème de taxe de vente. Je regarde juste l'aspect de commerce, d'un
commerçant. Ifs peuvent être frustrés, ils se disent: Moi,
je n'ai pas le droit parce que, de l'autre côté de l'eau, ils
vendent des produits. Je vous soulève le point. Je veux juste que vous
réagissiez à ça. On n'a pas de décision de
prise.
Mme Dufresne: Si j'ai bien compris, M. le ministre, vous voulez
dire que vous accorderiez une exemption, ou, enfin, pour les deux dimanches
avant Noël pour tout le monde. C'est ça. Plutôt que d'avoir
une exception pour les zones limitrophes. C'est ça que vous voulez dire
en gros?
M. Tremblay (Outremont): Je dis que le problème, c'est les
exceptions.
Mme Dufresne: Oui, c'est ça.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je me dis: Si je commence
à créer une exception dans une zone limitrophe, après
ça il faut définir la zone limitrophe et après ça,
ça veut dire quoi? Limitrophe à limitrophe, puis limitrophe
à limitrophe, on arrête où? Bon. Alors, moi ce que je vous
dis, c'est que moi je vais vivre de l'expérience passée dans ma
réflexion. Je vous dis que l'Ontario ouvre ces deux jours-là, les
deux dimanches avant la période des fêtes, et je vous demande si,
pour vous, c'est un problème majeur. C'est tout. C'est juste
ça.
M. Bovet: Est-ce qu'on pourrait consulter nos membres dans cette
région-là pour revenir d'ici deux semaines?
M. Tremblay (Outremont): Oui. Est-ce que vous pourriez...
M. Bovet: Parce qu'on n'est pas qualifié pour
répondre à votre question.
M. Tremblay (Outremont): Très bien, M. Bovet.
J'apprécie ça. Est-ce que vous pourriez revenir d'ici une semaine
avec un écrit parce que
deux semaines c'est un peu tard?
M. Bovet: D'accord, une semaine.
M. Tremblay (Outremont): Une semaine.
M. Bovet: Parfait.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Je cède la
parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Je pense que mon
collègue a une question ou deux à poser. Ça me fait
plaisir de vous recevoir au nom de ma formation politique. Évidemment,
vous savez que je partage votre point de vue pour l'essentiel. Est-ce que c'est
une demi-heure, une heure qu'il faut allonger? Je pense que ça se
discute. On n'en est pas là. Je voudrais revenir sur des propos que vous
avez tenus en disant: Au Québec, ce n'est pas la Californie. Ce n'est
pas 30 000 000, 40 000 000 d'habitants, c'est 6 500 000. Moi, j'aimerais
partager avec vous plus une réflexion à ce moment-ci et j'ai une
question sur le personnel. Je l'ai dit un peu brusquement, je dirais, à
certains autres groupes qui sont venus, mais je ne suis pas certaine d'ailleurs
que moi, je voudrais avoir la qualité de vie des Américains et
que je l'échangerais contre le mienne. C'était amusant, parce
qu'avant vous, aujourd'hui, un groupe est venu et il nous a expliqué
comment ça fonctionnait une pharmacie, une superpharmacie
américaine ouverte 24 heures par jour, parfaitement
dépersonnalisée et où, comme des robots, on réussit
à se servir plus ou moins et on n'a plus de qualité de service.
Peut-être que, aussi, ça fait partie de la qualité de vie,
en tout cas!
Alors, moi, je ne suis pas certaine que c'est l'avenue à
privilégier. Je suis à ce point certaine que, mon point de vue,
ce n'est pas ça, c'est de dire qu'on doit se ménager un moment et
que notre infrastructure de propriété qui a permis que se
développent et la petite entreprise et la moyenne entreprise a permis
à des gens de bien vivre, de développer des commerces qu'ils
gèrent avec fierté et desquels ils retirent un revenu
décent et correct. Sans surprotéger cela - je pense que ce n'est
pas l'objectif d'une loi comme celle qui est devant nous - il faut au moins
s'assurer qu'équitablement les gens vont être traités dans
ce système.
Moi, ma question va porter sur le personnel. C'est difficile d'avoir
l'heure juste. Vous avez remarqué, vous avez suivi un peu la commission
aujourd'hui, je reconnais vos visages. Certains nous disent: Ah moi, mes gens
avaient hâte de venir. D'autres me disent: Écoutez, Mme Marois, si
vous saviez la difficulté que j'ai à recruter des gens; ou ils
viennent cinq mois et, au bout de cinq mois, ils sont étudiants, donc
ils quittent, ils font autre chose, j'en forme un autre. Alors, le principal
problème, c'est le personnel. Les quincailliers nous ont dit ça.
Certains marchands dans l'alimentation nous ont dit ça, etc. Vous
êtes moins dans l'alimentation, peut-être davantage dans d'autres
types de commerce, d'après ce que j'ai compris. Est-ce que, à
votre point de vue, ce problème-là se pose ou vous le vivez ou
vous l'avez? Comment se vit-il? Remarquez que les travailleurs, les
représentants des travailleurs et travailleuses, par les syndicats, nous
disent que le problème existe. Mais là, évidemment, on dit
à peu près n'importe quoi après qu'ils ont dit ça.
Alors, je me dis: Moi, je les crois, mais j'aimerais ça que vous m'en
parliez.
M. Couture: Faire du commerce au détail, si on retourne
à peu près dix ans en arrière, c'était le secteur
oublié, c'était le dernier secteur où les gens et les
jeunes voulaient venir travailler. On a, au cours des années,
créé des emplois qui devenaient très intéressants
particulièrement dans la mise en marché, où il y a des
étudiants qui viennent effectivement maintenant chez nous. Du moment
qu'il arrive une opportunité ailleurs que dans le secteur du commerce au
détail, ils s'en vont. Ils aiment le travail, ils aiment... Ce qu'ils
aiment moins, c'est le fait d'être obligés de travailler les
jeudis soir, vendredis soir et samedis.
Mme Marois: Exactement ce que je posais comme question aux jeunes
libéraux...
M. Couture: Et dans cet aspect-là, si l'on devait aller en
plus travailler le dimanche, on va devenir encore défavorisés.
C'est une réalité. Je peux vous dire qu'il y a des jeunes qui ont
du potentiel, qui pourraient nous aider dans l'ensemble du commerce au
détail et que, malheureusement, quand on réussit à les
garder deux ou trois ans, parce que, tout feu tout flamme, ils sont
enthousiasmés et tout ça... Mais là, les conditions, soit
à cause des aspects familiaux, soit à cause des amis ou quoi que
ce soit, ils ne peuvent pas sortir normalement comme tout le monde le samedi.
Ils ne peuvent pas planifier. Quand arrive un mariage dans la famille, ils sont
obligés de demander une permission spéciale, longue comme le
bras. C'est difficile, mais c'est la réalité de chez nous. Et
c'est le service à la clientèle qu'on veut assurer.
Vous avez beaucoup de marchands qui, pour être capables de pallier
ce problème-là, vont faire travailler strictement leurs
employés réguliers, aux heures normales de la semaine - on est
obligés de les garder en petit nombre à ce moment-là - et
essayer de faire travailler des étudiants les fins de semaine, ce qui
est louable. Le problème aussi qu'on rencontre, c'est que si on met deux
blocs d'employés comme tels, c'est que les jeudis soir, les vendredis
soir et les
samedis, vous allez vous retrouver avec du personnel non
expérimenté et on a besoin de personnes pour nous aider. C'est le
phénomène... Vous avez entièrement raison quand vous
parlez comme ça.
Mme Marois: D'accord. Oui, monsieur.
Le Président (M. Bélanger): M. Bovet voulait
réagir.
M. Bovet: Oui, deux choses. Si vous êtes familiers avec les
centres d'achats, vous allez vous promener...
Mme Marois: Oui.
M. Bovet: ...vous allez voir des affiches dans tous les magasins:
Personnel demandé. Urgent.
Mme Marois: Oui, oui.
M. Bovet: D'accord? (17 h 30)
Mme Marois: Oui.
M. Bovet: On est tous d'accord avec ça. Deux, tous les
magasins de vêtements pour femmes, toutes les nouvelles chaînes, je
ne nommerai pas de nom, toutes les nouvelles chaînes
québécoises, cotées à la Bourse ou pas, qui ont des
magasins, 100, 200, 300, ce sont de mes amis, ils vont diront qu'ils utilisent
beaucoup de personnel féminin, entre 20 et 35. Actuellement, le gros
problème, c'est qu'elles sont toutes enceintes, beaucoup de femmes qui
deviennent enceintes.
Mme Marois: Et le Québec va être heureux, mais
enfin!
M. Bovet: Oui, à cause des nouvelles politiques
gouvernementales.
Le Président (M. Bélanger): Donc, ça,
ça marche! Alors, si on veut faire un aparté, ça veut dire
que ça marche, cette politique-là.
M. Bovet: Oui.
Le Président (M. Bélanger): O.K. On va en parler
à M. Bourassa.
M. Bovet: Alors, il y a des problèmes, c'est que les gens
ne veulent pas travailler dans le domaine du détail.
Deuxièmement, c'est qu'il y a une rareté de personnel, beaucoup
de personnel féminin. Les enfants, à ma connaissance, j'en ai
trois, vont encore à l'école du lundi au vendredi. Quand vous me
direz que les écoles vont être ouvertes le samedi et le dimanche
et qu'ils vont avoir des "breaks", des brisures de sept jours ou du mercredi et
jeudi, ce sera un autre rythme de vie, mais on n'a pas ça dans le
moment.
L'autre facteur que je voulais vous dire, au niveau des employés
a commission, les vendeurs à commission...
Mme Marois: Oui.
M. Bovet: ...ceux qui gagnent strictement à commission
vont être obligés de travailler le samedi et le dimanche.
Mme Marois: Ah oui.
M. Bovet: Ils n'auront pas le choix.
Mme Marois: Ah oui, moi, je suis persuadée.
M. Bovet: lis sont obligés de travailler dans les deux ou
trois journées où il va y avoir le plus de monde. Alors, les gens
que je connais, qui ont des chaînes à travers le Canada, qui ne
sont pas ce qu'on appelle de grands détaillants, mais qui sont des
chaînes, me disent: Au début, la première année,
ça va, ils travaillent à toutes les deux semaines; après
ça, ils travaillent à toutes les trois semaines et, après
ça, ils travaillent à toutes les quatre semaines. Après
ça, ils laissent carrément. On a plus de roulement de personnel.
C'est un problème humain, c'est un problème normal et on a de la
difficulté à "enrôler". Une des préoccupations du
Conseil canadien du commerce de détail, sur lequel je siège
à Toronto, c'est le personnel et, deux, les migrations, parce qu'on a
ouvert trop de magasins et on n'a pas assez de clients.
Mme Marois: Ah bon, d'accord.
M. Bovet: Je parie à travers le Canada.
Mme Marois: Oui, on a compris.
M. Bovet: Ça s'applique pour le Québec. Vous allez
commencer à avoir des centres d'achats vides...
Mme Marois: Oui.
M. Bovet: ...qui se videront tranquillement, dans les prochaines
années. Actuellement... Il y a des centres d'achats qui vont avoir des
portions de centre d'achats vides. Alors, c'est une réalité. On
n'a pas besoin de sept jours. Il faudrait plutôt concentrer ce qu'on peut
pour avoir une qualité de vie égale, et pour les employés,
et pour les patrons.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, si vous permettez. Je voudrais revenir
rapidement sur la question des
marchés aux puces. Vous avez été
particulièrement radical avec la façon d'interpréter ou de
gérer l'ouverture des marchés aux puces, en les fermant tous le
dimanche. Je me...
M. Bovet: Une réflexion, ce n'était pas le
commentaire du Conseil québécois dans le mémoire. Je
m'excuse...
M. Claveau: Oui, c'est ça.
M. Bovet: ...c'était une réflexion personnelle.
M. Claveau: Mais il reste que c'est une réflexion qui a
été enregistrée au niveau des débats qu'on a ici.
Moi, je me permettrai une autre réflexion. Tout le monde s'essaie
partout. Les gens respectent la loi, mais on s'essaie tout le temps. Pourtant,
ça ne veut pas dire qu'on abandonne les lois chaque fois. Je vais vous
donner un petit exemple. Les commerçants, règle
générale, respectent la loi. Sauf qu'il y a une loi, entre
autres, qui dit qu'on n'a pas le droit de vendre de la boisson à un
mineur de moins de 18 ans. Moi, je peux vous dire ceci, expérience
à l'appui, chiffres à l'appui, une expérience qu'on a
menée dans notre petit coin de pays sous l'égide, la surveillance
du conseil des services sociaux. Dans 17 points de vente dans une
municipalité entre autres, dans 17 points de vente où il se vend
de la boisson, on a pris un jeune de treize ans, on l'a fait passer dans les
points de vente, un en arrière de l'autre, pour aller chercher de la
bière. Bien, sur 17 places, il en a sorti à 15 places et c'est un
jeune qui était facilement identifiable, il n'avait pas l'air de plus de
dix ans. Bon! Il en a sorti dans 15 sur 17; là où il n'en a pas
sorti, c'est à la Régie des alcools et, la deuxième place,
c'est parce qu'ils la vendaient juste à la caisse et ils ont dit: "On va
t'en vendre une caisse, mais, à la bouteille, on n'en vend pas" et il
n'avait pas d'argent pour en acheter une caisse, ça fait qu'il n'en a
pas pris.
Donc, tout le monde s'essaie. Est-ce que, parce que c'est le cas, on va
abandonner la loi et dire: Si tout le monde vend de la boisson aux enfants de
moins de 18 ans, on va les laisser en vendre? Non. On s'est retroussé
les manches, on a développé quelque chose avec la
Sûreté du Québec, avec la Sûreté municipale,
avec les commerçants et on a dit: C'est fini. La chambre de commerce
s'en est mêlée, enfin on a réglé le
problème.
Moi, je pense que, par rapport aux marchés aux puces, il y a une
approche un peu semblable. Écoutez, ce n'est pas sorcier, j'ai eu
l'occasion, moi-même, de m'intéresser un peu à la question
des marchés aux puces, à Jonquière entre autres, il y a
exactement dix ans de ça. On avait une entente avec la ville de
Jonquière pour vendre dans un marché aux puces. C'était
très strict et on faisait respecter le règlement. Il y a beau y
avoir 1000 kiosques, je vous dis qu'un inspecteur avec un petit calepin est
capable d'en faire des kiosques dans une journée. Ça ne lui prend
pas une demi-heure à chaque kiosque pour évaluer ce qu'il y a
là-dedans. Il marche à bon pas, il prend des notes et ça
va vite.
Si on a une bonne équipe d'intervention de la part du
ministère, c'est facile à voir ce qu'il y a dans les kiosques, ce
n'est pas sorcier. À ce moment-là pourquoi ne
développerait-on pas une approche qui serait à l'effet de ramener
les marchés aux puces à leur vocation première? Ce qui est
très intéressant. C'est, entre autres, un attrait touristique
dans certaines régions. Le marché aux puces pourrait avoir les
vieilleries, l'artisanat, puis ces choses-là. Mais qu'on ait une bonne
équipe d'intervention qui ne serait pas nécessairement une
équipe lourde. On n'a pas besoin de sortir la grosse artillerie: un
petit peloton bien facile à déplacer, puis je vous assure que
ça ne prendrait pas grand temps que tous les contrevenants, si on leur
met des amendes en conséquence, n'auront plus grand-chose de neuf
à vendre sur leurs comptoirs. Est-ce que vous partagez cette
opinion-là de la possibilité de contrôler ça?
M. Lafleur: Comme l'a mentionné M. Bovet, il exprimait une
opinion. Le conseil, de son côté, lui, a recommandé
essentiellement la continuation de l'existence des marchés aux puces,
sauf qu'on demande l'abolition de la vente de produits neufs, du fameux petit
article du décret qui fait référence aux produits neufs,
parce qu'on sait pertinemment que ce n'est pas du produit neuf à 20 $
qui se vend, que ce sont des produits neufs à gros montant et que
ça cause un tort certain à un ensemble de détaillants qui
paient des taxes foncières, des taxes d'affaires, des employés,
des impôts, qui sont respectueux de la loi. C'est ça qu'il faut:
le retrait de la disposition juridique qui existe et, évidemment, un
contrôle plus sévère exercé par les inspecteurs du
ministère pour s'assurer que la loi est respectée. Mais, dans
l'ensemble, on est d'accord pour que la vocation du marché aux puces
continue.
M. Claveau: O.K. Je voulais être bien certain de
ça.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Pour vous rassurer, on trouvera bien un
moyen si c'est ça la décision de faire respecter la loi si ce
n'est pas fait.
Deux petites précisions que je voudrais avoir: ça me
chicote 21 h 30, parce qu'il y en a beaucoup... Vous savez que l'article 4 de
la présente loi permet à un client de demeurer dans un
établissement commercial 30 minutes après
l'heure au-delà de laquelle il a été interdit d'y
admettre des clients. Donc, la porte ferme a 21 heures, il est là
jusqu'à 21 h 30. Ce que vous dites: II pourrait être là
jusqu'à 22 heures.
M. Lafleur: L'accès aux lieux. Les portes seraient
ouvertes jusqu'à 21 h 30.
Mme Dufresne: Bien oui, on ne le mettra pas dehors.
M. Tremblay (Outremont): C'est ça. Donc, quand on parlait
de la qualité de vie de vos travailleurs qui vont souper à 20
heures, là ils iraient souper à 22 heures. Je veux juste
être certain que...
M. Bovet: M. le ministre, on disait que les
Québécois, en général, quand ils vont souper au
restaurant, ils vont souper à 20 heures. Je ne parlais pas des
employés, je m'excuse, vous m'avez mal compris.
M. Tremblay (Outremont): Non, non, je n'ai pas mal compris.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bovet: Si vous modifiez votre raisonnement sur la demi-heure
après...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
M. Bovet: ...en voulant dire: Ils ferment la caisse, ils vident
le magasin, etc., ou il reste un client encore pour 15 minutes, écoutez,
c'est quand même très rare. Je dois dire que, dans les 10
dernières années, c'est très rare que des clients restent
après l'heure, parce que je peux vous dire que les employés
essaient autant que possible de finir à l'heure.
M. Tremblay (Outremont): Ils ont assez hâte qu'à 20
h 50 ils barrent la porte.
Le Président (M. Bélanger): Parlant d'heure de
fermeture, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): J'ai juste... Dans votre
réflexion sur les zones limitrophes, on m'informe, et je le savais:
Beaucoup de commerces dans la région de Montréal sont ouverts les
deux dimanches précédant Noël. On a eu
énormément de plaintes au ministère. Je peux vous le dire,
parce que je le sais par des plaintes. Alors, c'est un problème
très sérieux. Des recommandations nous ont été
faites au niveau du ministère pour les deux dimanches
précédant Noël, parce que les commerçants ne
respectent pas la loi à cause de la demande qui est très forte.
Alors, j'aimerais que vous reveniez me dire quelle est votre position pour tous
les commerces de détail les deux dimanches précédant
Noël.
Le Président (M. Bélanger): M. Bovet.
M. Tremblay (Outremont): D'ailleurs, j'ai vu...
M. Bovet: Je suis conscient de ça parce qu'on a pris des
injonctions contre des grands magasins qui vendaient à leurs
employés le dimanche avant Noël, les centres commerciaux au complet
qui restaient ouverts le dimanche avant Noël. On est conscients de cette
position-là. Ça va être assez facile à
vérifier et vous donner une information.
M. Tremblay (Outremont): Tout à l'heure vous sembliez dire
que ça existait juste sur les zones limitrophes, que ça
n'existait pas dans la zone métropolitaine de Montréal. Je vous
confirme qu'on a eu énormément de plaintes. À moins que
j'aie 250 fonctionnaires, ça va être très difficile
à contrôler ça parce que les gens... Ça va
être difficile.
M. Bovet: D'accord.
M. Tremblay (Outremont): Tout est possible, mais... En tout cas,
revenez-moi avec une réflexion sur ça d'ici une semaine,
j'apprécierais beaucoup.
M. Bovet: Quand vous parlez, M. le ministre, des dimanches,
est-ce que la commission s'est penchée sur l'article 5.3, paragraphe 2,
qui est la question du dimanche, si les commerces sont fermés le
vendredi soir et le samedi?
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui. M. Bovet: Oui?
M. Tremblay (Outremont): On a eu toutes les
représentations des communautés juives qui sont venues ici.
M. Bovet: O.K. Le problème est le suivant: C'est qu'il y a
un trou dans la loi qui fait que des chaînes de magasins - des
chaînes - deux chaînes de magasins entre autres qui
possèdent 10, 20, 30, 40 magasins, avec tout ce qu'ils devaient
faire...
M. Tremblay (Outremont): Trois employés...
M. Bovet: ...la demande au ministre, l'autorisation du
Congrès juif canadien... Ils gardent tous les autres magasins
fermés, sauf un, celui de la rue Sainte-Catherine; celuMà est
ouvert. Alors, je pense qu'il faudrait que ça s'applique au
propriétaire d'un établissement unique et non pas à une
compagnie.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'il y a plus de trois
employés, dans ce commerce-là, le
dimanche?
M. Bovet: Ce n'est pas là la question; la question, c'est
que le propriétaire se dit...
M. Tremblay (Outremont): Non, non, je comprends. On ne peut pas
avoir... La religion, si on l'Invoque, on doit l'appliquer partout.
M. Bovet: C'est ça.
M. Tremblay (Outremont): Mais ce que je veux savoir... Je suis
très conscient de ça.
M. Bovet: Le monsieur est à Toronto, ses commerces au
Québec...
M. Tremblay (Outremont): Parfait.
M. Bovet: ...sont tous fermés le dimanche, sauf celui de
la rue Sainte-Catherine...
M. Tremblay (Outremont): Oui, parfait. M. Bovet: ...ou du
Vieux-Montréal.
M. Tremblay (Outremont): Ça, c'est clair. Cette
réflexion-là, dans tout cas, dans mon cas à moi, je l'ai
faite, mais s'il y a trois employés et moins, en tout temps, dans ce
commerce-là, là, vous n'auriez pas de problème.
M. Bovet: Ah oui, j'ai un problème pareil, parce que... Je
pense que le but de la loi, dans le temps, c'était pour protéger
la communauté...
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.
M. Bovet: ...ethnique qui avait un commerce sur la rue Notre-Dame
ou sur la rue Saint-Hubert. Il était tout seul dans son commerce, avec
son épouse, il fermait le vendredi soir et le samedi et il voulait quand
même vendre des fruits et légumes, le dimanche. Je parie de
ça, il y a longtemps, mais ça ne s'applique pas à une
corporation. Je pense que ça ne doit pas s'appliquer à une
corporation qui a une chaîne de magasins, parce qu'actuellement cette
technique-là est bien comprise à Toronto et ça
prolifère. Il y avait des annonces, encore dimanche dernier.
M. Tremblay (Outremont): Mais, pour vous rassurer, on a
demandé à la communauté juive de nous revenir avec un
écrit qui va confirmer que, lorsqu'un membre de cette
communauté-là invoque la loi, ça veut dire qu'il ne
pourrait même pas engager des personnes pour travailler dans son
commerce, cette journée-là. Alors, on va avoir une opinion pour
bien clarifier ce que ça veut dire, être un membre de cette
communauté-là. On va l'avoir. Mais soyez assuré qu'on
n'ouvrira pas... Parce que la discussion qu'on a eue, théoriquement,
cette personne-là qui ferme le samedi, peut avoir un monopole le
dimanche, décider d'ouvrir des commerces à la grandeur du
Québec, le dimanche, et faire beaucoup de sous.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
ministre...
M. Tremblay (Outremont): On est très conscients de
ça.
Le Président (M. Bélanger): ..je me dois de vous
interrompre. Mme la députée de Taillon, si vous voulez remercier
nos Invités.
Mme Marois: Je vous remercie de votre présentation et de
l'éclairage nouveau et différent que vous nous apportez, parce
que je pense que vous soulevez des éléments différents.
Moi, je vais en profiter, en vous remerciant, pour dire que si on a un
système comme celui dans lequel on vit, depuis quand même quelques
décennies, avec des lois adoptées dans un processus
démocratique et qu'il y a une volonté d'appliquer ces
lois-là, je crois qu'elles peuvent être respectées.
Je le répète à nouveau, je ne peux pas me
convaincre, dans un processus logique que je connais, je ne peux pas me
convaincre que, si la volonté est là, si les moyens pour
l'opération-naliser sont là, pas 5000 inspecteurs, mais 10 qui
vont faire quelques exemples quelque part, j'ai hâte de voir l'effet
d'entraînement positif dans le respect de fa loi que cela aura. Je pense
que c'est possible et j'aimerais ça qu'on trouve une solution dans ce
sens-là aussi. Je suis consciente aussi que ce que vous soulevez dans le
fond - et on ne l'a pas beaucoup abordé avec vous, mais vous l'avez
abordé dans votre présentation - c'est que l'ouverture des
commerces d'alimentation le dimanche, c'est le pied dans la porte pour l'effet
d'entraînement sur l'ensemble du commerce de détail au
Québec. Je suis persuadée à 80 % que c'est vers là
que l'on va si cette décision est prise, compte tenu, entre autres, du
phénomène des centres d'achats qui existe à l'heure
actuelle et aussi des pressions qui s'exerceront pour vendre des produits dans
les marchés d'alimentation et vendre des produits qui, habituellement,
sont vendus d'une façon spécialisée dans d'autres types de
commerce.
Alors, je vous remercie de la contribution à nos travaux et on
espère ne pas vous avoir trop bousculés, malgré que ce
soit vendredi et que vous soyez le dernier groupe. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Juste pour rassurer, avant de partir
pour la fin de semaine, la députée de Taillon, le
député du comté de Drummond a mentionné à
plusieurs reprises qu'un
des moyens, quand j'ai parlé qu'il faudrait que j'aie 250
fonctionnaires, et peut-être qu'on peut réfléchir, c'est la
possibilité, non pas de tansférer le pouvoir décisionnel
à la municipalité, mais, si les amendes sont importantes, on peut
transférer - évidement avec l'accord des municipalités et
on va leur poser la question lorsqu'ils vont venir - la supervision et la
perception des amendes. Ils se paieront à même ça. Donc,
là ce serait plus facile parce qu'eux ont des inspecteurs, ils ont des
corps policiers, ils ont bien des choses et la meilleure police, c'est toujours
les commerçants eux-mêmes qui font les plaintes.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail vous remercie de votre participation et, avant
d'être elle-même dans l'obligation de faire ses achats le dimanche,
va ajourner ses travaux à mardi matin, 10 heures. Merci.
Des voix: Ha, ha, ha!
(Fin de la séance à 17 h 47)