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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre! Je
demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place. À ceux qui
sont debout a l'arrière, malheureusement, pour des raisons de
sécurité, on ne peut pas accepter qu'il y ait des gens debout.
Alors, on va essayer de vous procurer des chaises, mais s'il y en a de libres
dans la salle, s'il vous plaît, je vous prierais de les utiliser. On va
essayer d'en faire entrer d'autres. Les règles ici, c'est qu'on ne doit
malheureusement accepter personne debout et je ne peux pas vous donner
accès aux côtés ici, c'est réservé au
personnel parlementaire.
S'il y en avait un qui pouvait faire le placier, comme à
l'église dans le temps, ça irait bien. Nous allons donc essayer
d'avoir quelques chaises supplémentaires et je demanderais, autant que
possible, que tout le monde soit assis parce que si j'accepte une fois, s'il
arrive un groupe de manifestants, je serai obligé d'accepter les
mêmes choses avec eux. Les règles étant strictes et pour
tout le monde, alors c'est malheureux, c'est comme ça.
Dans un premier temps, nous avons un remplacement, ce matin,
monsieur.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc
(Taschereau) est remplacé par M. Richard (Nicolet-Yamaska).
Le Président (M. Bélanger): C'est bien. Alors, il
n'y a pas d'autres remplacements? Mme Marois, non?
Mme Marois: Non, il n'y a pas de remplacement de notre
côté.
Le Président (M. Bélanger): Ce matin, nous
recevons, dans un premier temps, le Groupe Jean Coutu. Alors, nous avons une
heure. Je vous explique nos règles de fonctionnement, les règles
explicites, en tout cas. Vous avez normalement 20 minutes pour la
présentation de votre mémoire et, ensuite, il y a une
période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais,
chaque fois que vous avez une intervention à faire, de bien vouloir vous
identifier, et ceci pour les fins de transcription au Journal des
débats. Ça lui facilite beaucoup le travail et à nous
aussi. Je vous remercie et je vous prierais de commencer.
Groupe Jean Coutu M. Coutu (Jean): Merci, M. le Président,
M. le ministre, Mmes et MM. les députés de ce Parlement qui nous
est si cher. En 1964, lors d'une commission similaire, nous avions
terminé notre mémoire en disant ceci: Nous, pharmaciens et
détaillants, avons choisi un métier de disponibilité et ce
n'est pas à nous à imposer à la clientèle des
heures qui font plaisir à notre vie personnelle, mais plutôt
à cette même clientèle à nous définir les
paramètres et les heures où elle a besoin de nous. Et
aujourd'hui, en dernière page de notre mémoire, nous concluons en
disant ceci: Quand il s'agit de commerce de détail et de services, les
consommateurs possèdent des droits et les commerçants, des
devoirs dont celui de satisfaire tous les besoins du public consommateur dans
le strict respect des droits de celui-ci. De tous les intervenants, le Groupe
Jean Coutu qui, je crois, a été pointé du doigt par
à peu près tout le monde, est certainement celui qui a la plus
grande expérience de cette libéralisation des heures d'affaires
et il est très difficile, pour moi, en 20 minutes, de pouvoir concentrer
40 ans de carrière et 20 ans de Groupe Jean Coutu dans un système
où nous avons l'expérience de la libéralisation. Comme le
dit si bien notre slogan, nous opérons sept jours sept soirs tous les
week-ends 365 jours par année.
Aujourd'hui, c'est quoi le Groupe Jean Coutu? Ce sont 7000
employés dont 6400 au Québec, 170 pharmacies dont 155 au
Québec, huit au Nouveau-Brunswlck, trois en Ontario, quatre aux
États-Unis. Ce sont aussi 510 pharmaciens propriétaires et
pharmaciens salariés. C'est plus ou moins 1 000 000 000 $ de chiffre
d'affaires cette année, 5000 actionnaires cotés à la
Bourse de Montréal et à la Bourse de Toronto, un des rares
membres québécois du TSE300, rare cuvée 1986 qui vaut
aujourd'hui plus de 165 % de sa valeur d'émission en 1986. Le Groupe
Jean Coutu, c'est une masse salariale de 110 000 000 $ répartie en une
politique salariale adaptée à la qualité de vie de nos
employés qui sont de trois catégories: les employés
réguliers, des étudiants et beaucoup de dames qui veulent
retourner partiellement sur le marché du travail. En 1989 - je crois que
c'est tout un sondage - 84 000 000 de clients ont été servis dans
nos quelque 155 pharmacies québécoises. Et ici, il nous fait
plaisir d'y inclure 12 500 000 le dimanche et, dépendant des situations
urbaines ou semi-rurales où nous exerçons notre métier ou
notre profession, de 9 % à 18 %, entre parenthèses 15 % du
chiffre d'affaires total de nos pharmacies. Tout ceci, ça
représente de gros chiffres, une sorte de succès que je dirais
presque habituel chez nous. Mais réellement, ce
n'est que l'addition de 170 PME dont 155 au Québec,
propriétés de pharmaciens, femmes et hommes qui s'occupent
d'appliquer la politique des ressources humaines et des opérations
journalières de notre organisation. Ils engagent leur propre personnel,
font des horaires où chaque employé, huit semaines à
l'avance, connaît ses temps de loisir et ses temps de travail.
À la page 15 de notre mémoire, nous vous expliquons, je
crois, très bien les points saillants de nos relations avec notre
personnel, les horaires, les exigences maximales de chacun de nos employeurs,
enfin, de soir et de fin de semaine, la moyenne d'heures travaillées de
chacun de nos employés, les primes du soir et du dimanche et toute notre
philosophie des ressources humaines avec nos groupes de progrès, nos
gestions participatives, nos cercles de qualité, nos
cafés-conseil avec notre clientèle. Ce sont 155 PME au
Québec qui, depuis 20 ans, ont évolué en restant à
l'écoute des consommateurs.
Mais tel que demandé par cette commission, voici notre opinion
sur tes six points ou thèmes qu'on nous demandait de commenter. D'une
façon générale, nous croyons que ces six points ainsi que
les trois grands principes de base tels que l'équité de
traitement dans les divers types de commerce, la réponse aux besoins
réels des consommateurs ainsi que le maintien de la qualité de
vie ont été abondamment discutés dans notre mémoire
à cette commission. Mais quels sont donc ces six points-là et
quelle est notre façon de les interpréter et quelle a
été notre façon de les vivre?
La révision des exceptions prévues par la loi actuelle.
Comme vous l'ont dit devant vous les membres du Regroupement des SIDAC, ce sont
justement toutes ces exceptions qui ont créé tant d'injustice,
tant d'inégalité et tant d'incohérence. Nous croyons que
plus il y aura d'exceptions, plus il y aura de difficultés et de
non-équités. Pourquoi, allez-vous sans doute me demander? Parce
qu'aujourd'hui, trop de commerces offrent en plus d'une certaine
spécialité une multitude de produits connexes qui s'y rattachent.
En effet, la majorité de ces produits peuvent très bien
être achetés chez un spécialiste comme chez un
généraliste où ça devient, dans la plupart des cas,
partie intégrante d'un concept non dissociable. Ces concepts de
commerces, loin d'être le fruit du hasard, sont la résultante de
l'ingéniosité du commerçant combinée à la
demande des consommateurs. La disponibilité du produit, son
utilité et son prix sont des facteurs qui en universalisent la
distribution. Souvent, ces produits qui peuvent sembler marginaux sont, en les
additionnant, la raison d'être du maintien d'un service essentiel qui
peut, en certaines circonstances et à certains moments de la semaine,
manquer de l'autosuf-fisance nécessaire pour lui permettre d'exister
seul. Tout à l'heure, je vous ai dit ce qu'était le
Groupe Jean Coutu. Ici, si vous me permettez, j'aimerais faire un bref
historique de la pharmacie et vous dire comment a commencé, il y a
déjà plus de 20 ans, ce concept qu'on appelle le concept Jean
Coutu. Au cours des années soixante, il s'est produit de nombreux
changements dans le domaine de la santé. Chez nous, plus
particulièrement, ça été la disparition du
pharmacien artisan. Les médicaments n'étaient plus
fabriqués, d'une façon générale, par les
pharmaciens; ils étaient fabriqués par les grands laboratoires -
pour le plus grand bien du public consommateur, je ne veux pas en douter. Par
contre, le pharmacien ne pouvait plus être jugé sur la
qualité de ses préparations; il devenait de plus en plus
jugé sur ses prix. Vous savez que le pharmacien est un professionnel un
peu unique. Ses connaissances sont bénévoles, gratuites.
Même l'honoraire professionnel du pharmacien se rattache à un
médicament, que ce soit un comprimé, un liquide ou un onguent. Et
ceci est unique. Vous connaissez... Plusieurs d'entre vous sont certainement
avocats et d'autres sont médecins. Vous êtes médecin...
Vous allez voir un médecin: que vous soyez malade ou en santé, le
médecin est rémunéré. Autrefois, il était
rémunéré par le public consommateur; aujourd'hui, le
gouvernement s'occupe de rémunérer les médecins. Un
avocat: que vous soyez innocent ou coupable, l'avocat, peut-être en doses
un peu différentes, l'avocat est rémunéré. Pour le
pharmacien: pas de pilules, pas d'honoraires.
Fin des années soixante, c'est la disparition des visites
médicales, disparition des consultations en soirée dans la
plupart des cas. C'est le début d'une ère, qui existe encore, qui
s'appelle l'ère des urgences hospitalières. Revenons au
pharmacien qui, lui, est formé pour vivre du médicament mais, en
même temps, la société, les associations, les groupes de
toutes sortes disent: II faut en consommer le moins possible. Le pharmacien qui
ne veut vivre que du médicament se doit de limiter sa
disponibilité certains soirs et certainement en fin de semaine, car il
est difficile de n'y vivre que du médicament. La preuve: chez Jean
Coutu, où nous opérons le dimanche et, je me
répète, sept jours, sept soirs, déjà, le dimanche
et le samedi, nous faisons la moitié moins de prescriptions qu'en
semaine. Revenons au public qui a vécu cette situation-là. Le
public, à ce moment-là, semble un peu délaissé et
exige, avec raison, la présence de ce qu'on appelle un professionnel de
la santé. Comment offrir un service nécessaire, mais non rentable
à certains moments de la semaine?
La réponse: en 1969, après avoir travaillé en
pharmacie depuis 1953, après avoir connu toute l'évolution de
cette période de l'après-guerre dans le domaine de la
santé, nous avons créé ce que les gens appellent le
concept PJC. C'est quoi? C'est une partie commerciale forte, une partie
commerciale diversifiée et bien variée, qui sert à
subventionner, à certains moments,
une présence pharmaceutique nécessaire et voulue. Ce fut
le début de ce qu'on appelle aujourd'hui les pharmacies grande
surface.
PJC ou Groupe Jean Coutu a une disponibilité hebdomadaire de 89
à 102 heures, alors que la plupart des autres - mon fils François
pourra vous en dire quelque chose, il est propriétaire d'une pharmacie
clinique - les autres ne peuvent pas ouvrir d'une façon rentable plus de
55 à 65 heures par semaine. Notre formule, je crois que ça a
été une formule gagnante. Notre histoire le prouve. Formule
fragile aussi, parce que notre concept nécessite un large
éventail de produits.
Dans une PJC, nous avons à la disposition du public plus de 22
000 produits différents. Si vous aimez que je vous en fasse la
répartition, j'ai ici les choses... La partie strictement
pharmaceutique, 51,8 % - et ces chiffres-là sont le résultat de
quelque 150 pharmacies; les produits alimentaires, qu'on nous reproche - on
nous pointe du doigt en disant que nous sommes peut-être la raison de la
diminution des produits alimentaires dans certains marchés - 2,8 % de
notre chiffre d'affaires; les produits ménagers, 2,5 %; ce qu'on appelle
les extra divers, avec les produits naturels, nous allons toucher, à ce
moment-là, à 11,9 %; les papiers, les couches, les produits
hygiéniques, 4 %; les photos, les cadeaux, 3,5 %; les cosmétiques
- c'est important les cosmétiques dans un temps où les dames sont
sorties de la maison, elles se doivent d'être plus coquettes qu'elles
étaient autrefois peut-être - 6 % de notre chiffre d'affaires; les
breuvages et les eaux, 1,2 %; la confiserie, 3,5 %; le tabac, 10 %; la balance,
les lotos, les billets de transport quels qu'ils soient, 2,8 %, pour un grand
total de 100 %. Si vous voulez avoir des copies, je vous en donnerai avec
plaisir. . La deuxième question qu'on nous demandait de discuter...
Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez,
on va déposer le document comme officiel...
M. Coutu (Jean): Certainement. Ça me fait plaisir.
Le Président (M. Bélanger): ...au greffier. On va
en faire des photocopies pour les parlementaires. Merci.
M. Coutu (Jean): Le deuxième thème ou le
deuxième point qu'on nous demandait de commenter, c'est le
réaménagement des heures d'ouverture en semaine pour tous les
commerçants. La province de Québec, après lecture des
documents que le ministère du Commerce nous a confiés, est la
seule province au Canada et le seul endroit en Amérique où les
heures d'affaires sont régies d'une façon stricte toute la
semaine durant. Dans certaines provinces ou États américains, des
cités et des villes auraient le pouvoir de réglementer les heures
d'affaires la semaine. Mais, à ma connaissance, aucune
municipalité d'importance n'exerce ce pouvoir. Aucune des raisons qu'on
peut nous servir à propos du repos dominical n'a la moindre logique
lorsqu'on parle de la semaine, surtout dans une province où le taux de
chômage est parmi les plus élevés et si l'on veut permettre
à nos étudiants de trouver les moyens de payer certaines
augmentations de frais de scolarité. Une libéralisation totale et
sans exception pour tous les commerces en semaine va certainement permettre une
certaine rationalisation d'une libéralisation le dimanche. Plusieurs
commerces, suite à une disponibilité beaucoup plus grande en
semaine, jugeront sans doute inutile d'ouvrir le dimanche. De toute
façon, est-il pensable, en ces temps de mondialisation des affaires et
de libre-échange commercial, que l'on trouve chez nous, dans un
Québec qui veut s'affirmer de plus en plus, à l'intérieur
d'une loi qui se veut avant-gardiste, une phrase comme celle-ci, et je ne peux
m'empêcher de la citer dans le texte: Aucun client ne doit être
admis dans un établissement commercial avant 8 h 30 de l'avant-midi, du
lundi au samedi inclusivement, ni après 6 heures le soir, les lundi,
mardi et mercredi, 9 heures du soir, les jeudi et vendredi, et 5 heures de
l'après-midi, le samedi. Ceci est unique et si j'étais impoli je
dirais même inique. Donc, en semaine, libéralisation totale pour
tous. Déjà nous soulagerons, sans doute, plusieurs
susceptibilités à propos de la journée du dimanche.
Troisièmement, augmentation du nombre maximum d'employés
présents en tout temps dans le secteur de l'alimentation pour ouvrir
hors des heures régulières. La raison d'être de tout
commerce, aussi bien dans l'alimentation que dans tous les autres domaines, se
résume à un seul mot: le succès. Dans la loi actuelle, il
faut comprimer le succès à l'intérieur d'un maximum de
trois employés. Ceci est impensable, car ce n'est pas le nombre
d'employés qui doit délimiter le succès, mais plutôt
le contraire. C'est-à-dire que c'est au succès de
délimiter et de prescrire - un mot bien connu en pharmacie - la
quantité d'employés nécessaires, et le tout peut varier,
dépendant des dimensions du local et de la régionalisation du
commerce.
Si, hypothétiquement, aujourd'hui, trois employés
suffisent, pourquoi freiner le progrès à l'intérieur d'un
nombre qui se doit de varier suivant la demande du public consommateur.
Faudra-t-il, dans deux ou trois ans, revenir ici, ensemble, pour permettre une
ouverture de la loi et permettre quatre ou cinq employés, et revenir
dans cinq ans pour en permettre sept ou huit? Toute restriction dans le nombre
d'employés est une limitation au progrès, à moins que des
réglementations restrictives maintiennent en otage un public qui n'a
plus l'avantage de pouvoir bénéficier d'une concurrence pouvant
lui assurer choix, prix et disponibilité. Ce qui
pourrait paraître adéquat aujourd'hui sera très
bientôt complètement dépassé. Seules l'offre et la
demande créent les paramètres de tout succès commercial.
Qu'on se rappelle ces trop nombreux morcellements illusoires pour pouvoir
opérer à l'intérieur de la loi du nombre. Vous connaissez
sans doute ces faux murs, ces fausses divisions pour pouvoir
départementaliser une grande surface en petites boutiques appartenant
trop souvent au même propriétaire.
Quatrièmement, on nous a demandé de parier de l'ouverture
le dimanche des établissements commerciaux du secteur de l'alimentation.
Comme nous vous l'avons mentionné précédemment, nous
croyons qu'une libéralisation et un réaménagement des
heures d'affaires en semaine va grandement diminuer les susceptibilités
vis-à-vis de l'ouverture le dimanche. En effet, une
libéralisation des jours de semaine va permettre à tous les
secteurs commerciaux d'opérer à des heures différentes et
libres pour chaque type de commerce. Il est excessivement difficile
d'intégrer dans le même réseau horaire une panoplie de
différents marchands, de différents commerçants, comme
ceux du meuble, des appareils électriques, une boulangerie, une
pâtisserie et, en même temps, un vendeur de machines agricoles ou
l'automobile. Chacun a des particularités que le législateur
aurait beaucoup de difficultés à synthétiser dans un
même cadre restreint. Par contre, le dimanche comme la semaine, le
consommateur a des impératifs qui peuvent se résumer en services
et dépannage, et, encore là, il est excessivement difficile de
créer des bornes sans en même temps soulever des iniquités.
Mais notre expérience de plus de 20 ans des sept jours sept soirs nous
permet peut-être de hasarder quelques hypothèses - je n'oserais
dire recommandations. (10 h 30)
Ici, nous nous reportons à la page 73 de notre mémoire
où nous disons: Une libéralisation totale des heures d'affaires?
Oui, mais une libéralisation progressive, avec une vision globale du
court moyen et long terme. Qu'est-ce que cela veut dire? À la suite
d'une complète libéralisation en semaine, je me
répète, ce ne sont pas tous les commerces qui verraient la
nécessité d'être disponibles le dimanche. Regardons ce qui
se passe ailleurs au Canada et chez nos voisins américains. Nous le
vivons personnellement, nous y sommes. Nous sommes à Springfield, nous
sommes à New Bedford, nous sommes en Ontario, nous sommes au
Nouveau-Brunswick, et nous cogitons et opérons à
l'intérieur de différentes lois ou de lois inexistantes. Mais
là, encore, II est difficile de catégoriser car,
récemment, des vendeurs de matériaux de construction m'ont
souligné leur désir d'ouvrir le dimanche pour répondre aux
demandes de très nombreux clients qui, accompagnés de leur enfant
et de leur conjoint, veulent planifier ensemble les améliorations et les
changements à apporter à leur demeure. Mais disons que
déjà nous parions du moyen terme.
Court terme: le dimanche. Disons une hypothèse:
libéralisation de tout le secteur de l'alimentation, de tout le secteur
de la santé - et j'inclus les pharmacies grandes et petites - de tout le
secteur des services et de tout le secteur du dépannage, et nous y
incluons les librairies, les tabagies et tous ceux qui, depuis de trop
nombreuses années, se sentent lésés à
l'intérieur de la Loi sur les heures d'affaires.
Et, pour ajouter de la difficulté à mon hypothèse,
j'aimerais vous dire juste un mot des boutiques de sport. Pourquoi
pénaliser une boutique de sport dans une ville ou dans un village quand,
sur une pente de ski, sur un terrain de golf ou sur un terrain de tennis
avoisinants, on peut acheter, presque toujours à des prix
supérieurs, depuis le plus ordinaire des T-shirts, en passant par toute
la gamme des vêtements, jusqu'aux articles de sport les plus dispendieux?
C'est un peu comme dans le secteur alimentaire où, à certains
moments, nous sommes contraints d'acheter à fort prix au
dépanneur de notre quartier.
De plus, le dimanche, beaucoup d'autres commerces voudraient, pourraient
répondre, suivant leur situation, à des demandes qui
dépassent largement le cadre restreint des zones touristiques. Je pense
justement à cet extraordinaire centre d'achats souterrain, en plein
centre-ville de Montréal, accessible sans encombrement, ni pollution,
par notre système de métro, quant tout fonctionne bien. En
pariant de tourisme, pour nous du Groupe Jean Coutu, comme pour vous,
élus du peuple, toute la province de Québec est zone touristique.
Et ce sont les touristes eux-mêmes, je crois, qui se doivent d'en
décrire les paramètres et d'y inclure leurs
préférences.
Quant aux autres commerçants, toujours hypothétiquement,
après un moratoire d'au plus un an, que tous ceux, de quelque
spécialité que ce soit, qui voudraient élargir leur
activité le dimanche, après cette période de rodage en
semaine, s'entendent, en regroupements et associations, pour ouvrir à
des heures qu'ils croient nécessaires à leur succès, mais
sans jamais exiger la fermeture de quelque commerce que ce soit. On peut
ouvrir, si demande il y a, mais on ne peut exiger ni demander une fermeture,
car, si on exige la fermeture d'un concurrent, c'est toujours pour
protéger des intérêts personnels à rencontre des
demandes légitimes des consommateurs.
Cinquièmement, transférer au niveau local le pouvoir
décisionnel de l'ouverture du dimanche. Le législateur, je
m'adresse à vous, se doit de faire respecter la loi qu'il a, je crois,
lui-même conçue. Le transfert aux municipalités est
certainement le moyen le plus sûr de créer toute une nouvelle
sérié d'injustices. Comment, sans
créer d'injustices et d'exceptions, une ville pourrait-elle
réglementer d'une façon ou d'une autre les heures d'ouverture de
ses commerces sans influencer les municipalités voisines? L'Ontario va
bientôt connaître ces difficultés; les municipalités
du Nouveau-Brunswick ont refusé de se conformer à cet ordre du
gouvernement provincial. Ici, au Québec, nous avons déjà
connu quelque chose de similaire à propos de l'incidence de l'ouverture
des débits de boisson. Ça s'est passé en 1894. L'histoire
se répète toujours. Alors que Saint-Henri et
Sainte-Cuné-gonde, qui, dans le temps, n'étaient pas des
paroisses mais des villes avoisinantes, avaient des dispositions
diamétralement opposées à propos de l'ouverture des bars
et des tavernes. Pensez-vous que la plupart des bars et des tavernes
étaient dans la municipalité qui était plus restrictive?
J'en doute et l'histoire nous en donne la conclusion.
Remettre l'application de la loi entre les mains des
municipalités a été très clairement critiqué
par la ville de Montréal qui vous dit: La loi, gardez-la; ne la donnez
pas aux municipalités, parce que nous avons crainte ~ c'est ce qui me
surprend - que les Montréalais aillent s'approvisionner dans ces villes.
On avait même mentionné Montréal-Est. Ceci constitue
presque un aveu, à savoir que les Montréalais sont prêts
à acheter hors des limites municipales pour combler leurs besoins
personnels. Nous avons été surpris de cette attitude des
autorités de Montréal, particulièrement au moment
où un sondage - qu'on les aime ou qu'on ne les aime pas - a
montré que 57 % des électeurs montréalais étaient
en faveur d'une libéralisation. Encore plus récemment, on
mentionnait que, parmi les grandes villes canadiennes, Montréal
était celle qui avait le plus haut taux de chômage.
Sixièmement, enfin, on nous a demandé de dire un mot sur
les amendes pour les contrevenants. Le premier point dont on a parlé
tout à l'heure, que le ministre nous demandait de discuter, était
la révision des exceptions prévues par la loi. À notre
avis, ce sont généralement toutes ces exceptions qui ont
créé des iniquités, des injustices et provoqué des
amendes. Il faut que la loi soit claire et sans aucune exception. Il faut
qu'elle puisse s'adapter à tout changement social ou
démographique. Il est difficile de comprendre qu'un produit puisse
être vendu légalement dans un local qui jouit d'une exception,
alors que le même produit ne peut être vendu dans un autre local
qui ne bénéficie pas d'une exemption ou ne peut se conformer et
se contraindre à la règle des trois employés.
Moi-même, à Montréal, sur la rue Mont-Royal, j'ai
personnellement trois pharmacies, à peine séparées de 500
mètres chacune. Comment expliquer à la clientèle que deux
d'entre elles bénéficient d'une certaine exception alors que la
troisième ne peut leur offrir le même produit à certaines
heures de la semaine et toute la journée du dimanche sans encourir une
amende?
Nous ne croyons pas que la sévérité de l'amende
régularisera une injustice causée non pas par le geste ou la
marchandise vendue, mais plutôt par une panoplie d'exceptions ou de
tolérances. Que la loi soit la même pour tout le monde. Permettez
une libéralisation et nous n'avons pas besoin de parler de quelque
amende que ce soit.
Enfin, je m'excuse d'abuser de votre temps, un mot sur les trois
principes de base que veut privilégier le ministre.
L'équité entre les divers types de commerce.
L'équité, c'est de permettre à chaque commerce de pouvoir
exercer ses activités sans restrictions fonctionnelles ou physiques. Vu
la diversité des intervenants, les différences
démographiques et géographiques des endroits où chacun
professe, il est difficile, dans un cadre rigide et rigoureux, d'être
équitable sans sacrifier l'une ou l'autre des personnes qui exercent des
métiers aussi divers que ceux des secteurs de l'alimentaire, de la
santé, des meubles, des véhicules de toutes sortes, des articles
de sport, des vêtements ou de tout autre commerce que vous pouvez
imaginez. Si l'on dit que Jean Coutu bénéficie d'un
privilège ou d'un statut particulier, Jean Coutu vous répond
qu'au lieu de vouloir diminuer notre concept ou le faire disparaître,
nous vous disons: Donnez ce privilège à tous, nous ne voulons pas
être traités différemment, mais ne touchez pas à
notre concept, que le public aime depuis déjà plus de 20 ans.
L'équité, c'est la libéralisation qui permettra à
chacun de choisir ce qui lui est nécessaire en temps, en employés
ou en espaces pour satisfaire les demandes légitimes de sa
clientèle.
Répondre aux besoins réels des consommateurs. Il est
difficile d'identifier les besoins particuliers des individus, car ils sont
tellement variables d'une personne à l'autre. Bien prétentieux
celui qui veut les cataloguer ou les définir, car ce qui est
nécessaire pour un peut très bien être superflu ou
artificiel pour un autre. Encore ici, la liberté de choix, de temps et
de prix peut, seule, combler les besoins particuliers de chacun.
Le maintien de la qualité de vie. Le Groupe Jean Coutu - et nous
l'avons bien démontré dans notre mémoire - croit que la
qualité de vie est intimement liée à la liberté de
choix. La qualité de vie, c'est, pour chaque individu, la liberté
de pouvoir choisir ses activités de consommation comme de loisir, sans
pour autant les imposer aux autres. La qualité de vie est une
manière d'être, une manière de se sentir bien ou mal et,
dans ce dernier cas, d'avoir les moyens de pouvoir y remédier. La
qualité de vie est autant sociale que personnelle et subjective, et ne
peut s'épanouir que dans un cadre souple, pouvant s'adapter aux
difficultés de la vie quotidienne. La qualité de vie ne peut
être caricaturée, comme trop d'exemples qui vous ont
été servis dernièrement. Je m'en voudrais de les
répéter mais,
si vous les mentionnez, ça me fera plaisir d'y répondre
sans faire de démagogie. De toute façon, la qualité de vie
est tellement personnelle que, si elle était délimitée
seulement par l'ouverture ou la fermeture des commerces de détail, alors
que penser de cette permissibilité de bien d'autres activités
commerciales qui peuvent exercer dans un cadre beaucoup moins rigide, tels les
débits de boisson de toutes sortes, sans pour autant qu'on se sente plus
obligé de consommer. La qualité de vie, en ce qui nous concerne
présentement, c'est d'avoir le choix de pouvoir utiliser des services,
de consommer des biens, quand nos droits de consommateurs dictent aux
commerçants le temps et la durée de leur devoir. La
libéralisation seule permettra l'épanouissement de tous ceux qui
veulent réellement réussir. Toutes restrictions, toutes les
exceptions n'ont créé que des marchés illusoires. Nous
croyons impensable de vouloir arrêter à quelque moment que ce soit
une industrie qui se doit d'être en perpétuelle mouvance pour
pouvoir satisfaire les besoins d'une société moderne comme la
nôtre.
Enfin, si je peux me permettre, j'aimerais terminer par une question.
Vous, mesdames, messieurs, M. le ministre, de tous les intervenants qui sont
venus ici depuis déjà 15 jours et qui sont contre la
libéralisation, y en a-t-il un seul qui a pu vous démontrer avec
clarté que c'est la solution pouvant garantir justice,
équité, qualité de vie, respect des tendances nouvelles
sans sacrifier qui que ce soit aussi bien les travailleurs que les
commerçants, les consommateurs que toute la population en
général? Merci.
Le Président (M. Bélanger): On vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. Coutu, votre formule, elle doit bien
fonctionner parce que vous faites salle comble ici ce matin. Alors, c'est
peut-être comme ça dans vos commerces aussi surtout si on retient
les 84 000 000 de transactions. Vous nous posez une question. Je l'ai bien
notée. J'en aurais quelques-unes à vous poser. Je pense que ce
qu'on peut retenir des débats ou de la réflexion qu'on peut avoir
eue, c'est qu'en grande partie, si on en est rendu où on en est rendu
avec la Loi sur les heures d'affaires, certains vont dire que c'est de votre
faute et d'autres vont dire que c'est à cause de la performance ou du
succès de votre concept.
Alors, première question, dans le débat qu'on vit, on
semble parler beaucoup du corporatif versus le petit détaillant, est-ce
que vous pourriez me dire, parce que vous avez bénéficié
d'une exemption dans la loi, si vous avez - je vais prendre un mot
spécial - exploité le consommateur au niveau des prix, parce que
vous aviez une exception dans la loi? C'est ma première question. La
deuxième, 7000 travailleurs?
Parlez-moi un peu de la qualité de vie de vos travailleurs qui
sont appelés à travailler le dimanche.
M. Coutu (Jean): J'aimerais donner la parole à mon
fils.
M. Coutu (François Jean): Je vous ai fart parvenir une
petite étude à laquelle j'ai participée. Vous en avez
d'ailleurs une copie. On peut se demander ce que ça donne au juste cette
étude-là? Si vous voulez, est-ce qu'on peut avoir quelques
minutes et en discuter? Parce que, fondamentalement, il y a des points qui
devraient être soulevés et remédiés. On disait
évidemment que la libéralisation des heures d'ouverture allait
probablement faire augmenter les prix. Vous vous en souvenez, H y avait
certains commentaires qui disaient ça. Or, moi, j'ai dit: Nous, nous
sommes dans un secteur qui est libéralisé. Il y a des produits
par contre que nous vendons que d'autres individus vendent dans
différents commerces et même qui n'ont peut-être pas aussi
cette liberté, qu'on parie d'alimentaire ou qu'on parie d'autres choses.
Disons qu'il y a des lois strictes qui disent: À telle heure, tu dois
consommer à tel endroit et à telle autre heure, c'est à un
autre endroit. Or, moi, j'ai dit: Je vais prendre de mes produits que j'ai dans
ma pharmacie et que je peux obtenir aussi, la même chose, au
dépanneur ou au supermarché et j'ai créé cette
étude-là que vous voyez. Elle a été faite par la
compagnie A C. Nielsen. Nous avons pris des... Si vous voulez prendre ça
à la page 1: l'étude de prix a été
réalisée auprès de différents marchés en
alimentaire qui représentent à peu près toute la gamme de
commerçants en alimentaire et aussi le Groupe Jean Coutu. Nous avons
pris différents endroits dans la province de Québec. Nous avons
des études à Montréal, les études 1, 2, 3.
L'étude 3 est à Longueuil. Les études 4 et 5 sont
situées à Sherbrooke. Alors, qu'est-ce qu'elles disent ces
études? Je vais essayer de faire ça rapidement. On a des
diapositives. Est-ce que ça vous tente de regarder ça, les
diapositives, ou si vous préférez juste voir les documents que je
vous ai faits?
Le Président (M. Bélanger): Non, ça va bien
comme ça. Ça va. On l'a dans le document qu'on peut suivre. Il
n'y a pas de problème. Continuez. (10 h 45)
M. Coutu (François Jean): Bon, d'accord. 1 et 2. Si on
regarde un peu la méthodologie à la page 5 du document, nous
avions choisi des produits arbitrairement et nous les avons classés par
ordre alphabétique. Nous avons choisi, comme je vous l'ai dit, des
intervenants et, selon la disponibilité de ces produits-là, nous
avons établi une liste de prix, d'accord. Vous voyez pour un produit en
particulier, disons... Plus loin, M. Sainte-Marie, à la page, la
diapositive 5, plus loin encore, l'autre, celle-ci. Évidemment, on
ne
voit pas tellement bien sur la diapositive.
Une voix: On voit bien sur nos papiers.
M. Coutu (François Jean): On vient bien sur nos papiers,
effectivement. Alors, si on prend juste l'exemple du premier qui est Adorn, un
fixatif pour les cheveux, 200 ml, on parle d'un produit en particulier, on peut
voir les différences de prix entre un endroit et un autre, le minimum
à la fin nous donne 3,29 $, le maximum 4,29 $ et une moyenne de 3,81 $.
Nous avons répété cet exercice-là pour tous les
commerçants qui étaient ouverts, de l'alimentaire en particulier,
et pour nous autres. Si on comprend bien la méthodologie, allons
directement à la page 17, qui est la dernière page. Alors,
finalement, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un message dans ce genre de
pyramide, d'un seul côté, d'un versant. En fait, il y a trois
messages. On s'aperçoit que, dans un cadre où il y a des
restrictions, d'accord, où on dit au consommateur: Va à tel
endroit après telle heure, il y a définitivement un changement,
il y a définitivement une augmentation de prix à tel ou tel
endroit et l'augmentation de prix est assez drastique, comme on peut voir. On
peut voir dans le secteur du dépannage, on peut atteindre jusqu'à
24,5 % de différence de prix avec un produit de chez Jean Coutu. Par
contre, dans les secteurs où il y a un peu plus de supermarchés,
qui sont un peu plus dynamiques, la différence de prix est d'environ de
5 %à6 %.
Or, le message, c'est que les prix des mêmes produits alimentaires
varient d'une façon importante selon la période de la
journée ou dans le cas du dimanche. Par contre, dans un secteur
libéralisé et nous, on peut dire qu'on est dans un secteur
libéralisé, d'accord, les prix restent bons. On demandait
souvent: Est-ce que les prix vont augmenter? Bien là, je pense que vous
en avez un exemple. Et non seulement ça, c'est qu'en plus de ça,
Jean Coutu, on dit qu'à différentes périodes de la
journée il n'en profite pas justement pour augmenter ses prix, que ce
soit le soir ou les fins de semaine, il est capable de l'offrir. Alors, je
crois que ça pourrait se faire à tous les niveaux. Aussi, je vous
ai donné une autre page par la suite pour essayer de voir, pour aller un
peu plus loin dans cette recherche-là, pour voir si au Québec et
en Ontario il pouvait y avoir des différences significatives pour le
consommateur. On sait qu'en Ontario, on a une libéralisation des heures
d'affaires sur six jours. Or, j'ai pris selon Statistique Canada des chiffres
de l'alimentaire et au Québec et en Ontario, qui donnent un montant qui
est indiqué à la dernière feuille que je vous ai fait
parvenir. J'ai divisé tout simplement par le nombre de population qu'il
y avait en 1988 dans chacune de ces provinces. J'ai remarqué concernant
l'achat par individu, dans l'alimentaire dans ce cas-ci, qu'au Québec on
payait finalement, dans toute cette tarte comme on appelle souvent
l'alimentaire, 8,7 % plus cher au Québec. C'est à se demander si
on a vraiment les moyens de faire ça. Ce qui arrive, c'est que la tarte
alimentaire, peut-être qu'elle est d'une telle façon, mais
à l'intérieur de ça, il y a probablement des morceaux qui
sont trop chers. C'est juste une pensée de réflexion que
j'aimerais apporter aujourd'hui.
Par contre, dans un secteur libéralisé, pour vous montrer
un peu le dynamisme du commerçant québécois, mais en
pharmacie, j'ai pris les mêmes statistiques pour voir les achats
pharmaceutiques au Québec et en Ontario et j'ai divisé par la
population de chacune des provinces respectives et je m'aperçois que le
Québécois paie en moyenne 33 % moins cher ses médicaments.
Est-ce que Jean Coutu est responsable de ça? Ce serait peut-être
une prétention, mais une chose qui est certaine, c'est qu'on
réalise des économies dans un marché qui est
libéré. J'ai quand même noté qu'en Ontario
l'honoraire professionnel est quand même un peu plus élevé.
Mais en Ontario aussi, dans l'alimentaire, ils ont des coûts
d'exploitation qui sont plus élevés. Normalement, ça
devrait être plus élevé qu'au Québec. Donc,
j'aimerais quand même que ces deux statistiques-là portent
à réflexion. Merci.
M. Tremblay (Outremont): Je vais regarder cela. Je vais
plutôt revenir à la qualité de vie. Bon, ça,
ça répond au premier aspect de la question, les prix. M. Coutu,
vous avez mentionné tout à l'heure que votre formule est fragile,
et vous avez mentionné spécifiquement que vous aviez 22 000
produits. Évidemment, selon votre concept, si vous pouvez offrir ces
prix-là, c'est que vous avez un avantage important au niveau du pouvoir
d'achat parce que vous êtes gros. Il y a deux possibilités qu'on
envisage, si on veut avoir une loi durable, une libéralisation comme
vous la demandez, c'est une possibilité, une libéralisation
totale. J'aimerais savoir si, d'après vous, il va y avoir
création d'emplois, parce que ce qu'on dit, c'est qu'il va y avoir
uniquement déplacement d'emplois. Vous avez fait un petit peu allusion
à ça tout à l'heure, c'est inévitable, il y a des
commerces qui vont devoir s'ajuster, mais est-ce qu'il y aura création
d'emplois? Ça, c'est une possibilité, donc ma première
question. La deuxième possibilité, c'est de retourner en
arrière. C'est prôné au nom de la qualité de vie; on
garde le dimanche. Donc on ferme tous les commerces le dimanche, sauf ceux de
trois employés et moins. Quelles seraient les conséquences
économiques d'un retour en arrière et de la fermeture des
commerces existant le dimanche?
M. Coutu (Jean): M. le ministre, H est difficile pour moi de vous
dire combien nous allons créer d'emplois avec une libéralisation.
Il y a une chose de sûre. Avec toute augmentation des restrictions, nous
allons certainement brimer
des emplois et être obligés de faire des
congédiements. Prenons exemple chez nous. Nous connaissons ce qu'est ta
libéralisation. Toute brisure de notre concept, je vous ai dit qu'il
était fragile, toute brisure de notre concept va nous obliger - on n'est
pas plus Intelligents que les autres - à redevenir des pharmaciens comme
le pharmacien qui ne vit que du médicament et nous allons réduire
nos heures de 102 à 92, cette espèce d'espace qu'il y a entre le
mininum et le maximum chez nous, en équipollence avec ceux qui ne vivent
que du médicament, c'est-à-dire de 55 à 65 heures par
semaine. Alors les 7000 employés, dont 6400 sont au Québec,
ça va être certainement pour nous autres un fardeau impensable
à maintenir. Il va falloir faire des mises à pied. Devant vous,
devant le ministère de l'Industrie et du Commerce, ma question est
celle-ci: est-ce que c'est le rôle d'un ministère de l'Industrie
et du Commerce de passer des règlements ou des lois qui vont
nécessairement diminuer l'emploi au Québec?
M. Tremblay (Outremorrt): Mais si...
M. Coutu (Jean): En... Excusez-moi, oui. Écoutez, je vais
vous donner un exemple que j'ai pris dans votre document. Au Massachusetts, et
nous y sommes, nous y sommes, depuis toujours il y a eu ce qu'on appelle une
libéralisation totale en semaine. Massachusetts, 5 5000 000 de
population, environ 1 100 000 de moins que dans la province de Québec.
Lorsqu'ils ont, pour toutes sortes de difficultés, abandonné le
"Lord's Day" et permis l'ouverture des commerces le dimanche, ça a
créé, et je vais prendre vos chiffres, 1300 emplois
supplémentaires. Mais Ici au Québec, en libéralisant la
semaine et en libéralisant le dimanche, avec 1 100 000 de plus qu'au
Massachusetts, si on fait la règle de trois, nous irons certainement
toucher un peu plus de 2000 emplois supplémentaires. Toute mesure
restrictive va certainement diminuer le nombre d'employés. Lorsqu'on
nous parle de la fameuse tarte, je me rappelle ce que les syndicats nous
avaient servi il y a quelques années ou, c'est ça, il y a
quelques années, après tout, que ce soit en cinq, six ou sept
jours il y a un certain montant à dépenser, mais tout ça
est absolument irréel. C'est que, d'un côté, cette
somme-là est déjà diminuée. Vous savez que les
Québécois, lorsque l'été on veut aller à la
mer, il n'y a pas de mer dans la province de Québec, II faut aller aux
États-Unis. L'hiver, lorsqu'on veut avoir du soleil, il faut encore
aller au États-Unis. Déjà vous avez, deux fois par
année, des sources de dépense de ce qui est gagné
légalement ici au Québec. Est-ce qu'il y a un moyen d'augmenter
cette somme d'argent? Je vous réponds oui. Parce que, avec notre
distribution québécoise limitrophe de plusieurs provinces et de
quelques États américains, je pense bien que je ne vous annonce
rien en vous disant que à Hull, à Pointe-Gati- neau, à
Aylmer, aux endroits où nous pratiquons le soir de semaine, les gens
traversent le pont pour aller dans les centres d'achats de l'Ontario. Et c'est
la même chose qui s'est passé à Burlington ou à
Pittsburgh. Qu'on aille là le dimanche, on y entend plus parler
français que sur la rue Sainte-Catherine à Montréal ou sur
les Plaines d'Abraham, ici, à Québec.
M. Tremblay (Outremont): M. Coutu... M. Coutu (Jean):
Oui.
M. Tremblay (Outremont): ...pariez-moi de la qualité de
vie. Je m'excuse de vous interrompre.
M. Coutu (Jean): Non.
M. Tremblay (Outremont): C'est parce qu'on est limité dans
le temps. Parlez-moi de la qualité de vie de vos 7000 travailleurs. Qui
travaille le dimanche? Est-ce que ce sont des employés à temps
plein? Est-ce que ce sont des employés à temps partiel? Est-ce
qu'ils ont des avantages spéciaux? Sont-ils payés plus cher?
Sont-ils payés moins cher? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Coutu (Jean): C'est bon.
M. Tremblay (Outremont): Au nom de la qualité de vie.
M. Coutu (Jean): Dans ma lecture de ce qui s'est passé
ici, Mme Marois, je crois, a demandé une question à quelqu'un en
lui disant: Écoutez, est-ce que les gens aiment ça travailler le
dimanche? Moi, je vous réponds bien franchement: Non, Ils n'aiment pas
ça. J'ai fait souvent le test. Je suis très intime avec mes
employés, personne n'aime ça travailler le dimanche, personne
n'aime ça travailler le soir. Pas plus dans les domaines
libéralisés, que ce soit la restauration, que ce soit les gars
aux courses ou quoi que ce soit, personne n'aime travailler le soir et les fins
de semaine. Par contre, si on regarde les heures et si on leur dit, comme je
l'ai fait chez moi avec les employés: Écoutez, si jamais on
était obligé de fermer le soir et les fins de semaine,
seriez-vous heureux? Oui, on serait content. Mais j'ai dit: Si ça
arrive, je n'aurai plus besoin de vous la semaine. Est-ce que vous aimez
travailler le dimanche? Oui, M. Coutu, on aime ça travailler le
dimanche.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Coutu (Jean): Ça répond un peu. C'est entendu
qu'N est impensable, il faut être menteur pour vous dire que les gens
aiment ça. Par contre, il y a un moyen d'améliorer ça. Ce
n'est pas tous les dimanches qu'on travaille. Ce n'est pas tous les soirs que
l'on travaille. Chez nous, on a des paramètres bien stricts
là-dessus et
nous avons vécu ceci. Nous obligeons chacun de nos pharmaciens
propriétaires à avoir un code strict, jamais plus de trois soirs
par semaine, jamais plus d'une fin de semaine par quinze jours et, lorsque les
gens travaillent en fin de semaine à patir du samedi soir, il y a une
prime et la prime est uniforme pour tout le monde. Que vous soyez pharmacien
à 25 $ ou 30 $ l'heure ou que vous soyez un jeune employé
à 6 $ ou 6,25 $ l'heure, tout le monde bénéficie du
même montant. Ce n'est pas parce que vous êtes plus instruit ou
plus âgé dans une compagnie que c'est plus ou moins
agréable de travailler le dimanche. Tout le monde est sur le même
pied. On a commencé à 1,25 $, 1,50 $, 1,75 $ et bientôt on
va donner 2,00 $ l'heure de plus à tout le monde quand ils travaillent
le dimanche. Pour leur permettre quoi? Pour leur permettre que le dimanche
suivant ou la fin de semaine suivante où ils ne travailleront pas
d'avoir un petit surplus d'argent qui va leur permettre de jouir un peu plus
à plein de leurs journées de congé.
Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. Coutu. Je
vais maintenant reconnaître Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, il me fait
plaisir de vous souhaiter la bienvenue à nos travaux au nom des membres
de ma formation politique. Je pense que je ne reprendrai pas notre position,
vous la connaissez assez bien. D'ailleurs, vous avez fait mention de certaines
questions que j'avais soulevées devant les membres de cette
commission.
Moi, il y a des choses qui m'agacent un peu et je vais les dire
franchement, à ma façon. C'est vrai que vous avez
développé un concept gagnant et je ne voudrais pas, en aucune
façon, minimiser votre talent pour le faire, parce qu'on doit admettre
que vous en avez pas mal quand même. Mais en même temps, il faut se
dire que vous avez eu un avantage concurrentiel que d'autres commerces n'ont
pas eu et que si cet avantage... Par la loi, là, on s'entend. Je ne dis
pas que c'est illégalement que vous l'avez fait. Je pense que c'est
important de se dire ça, parce que je vois déjà votre
réaction. Mais il y a eu un avantage concurrentiel, parce que tous les
autres commerces ont dû pendant cette même période fermer
leurs portes. Ils étaient contraints de le faire. Vous avez, et c'est la
loi qui vous le permet d'ailleurs... Il y a eu un décret passé
à cet effet-là, donnant même l'adresse - c'est dans le
cahier ici, là - des pharmacies où c'est possible. Vous le
mentionniez tout à l'heure. Il y en a deux sur une rue qui vous
appartiennent. L'une peut vendre un certain nombre de produits, l'autre pas.
Donc, il y a eu quelque part un avantage qui vous a aussi permis que votre
concept prenne la place qu'il prend maintenant. Pour moi, je me dis qu'il faut
au départ qu'on fasse ce constat-là, sinon après tout le
reste de l'analyse est faussé.
Je vais reprendre certaines choses que vous apportiez, entre autres,
dans le document dont on a fait état, les diapositives. Vous dites:
Nous, on est capables, on offre des produits à des prix concurrentiels
et même plus bas que les autres. J'en conviens et même si je vous
disais: Avez-vous choisi les bons produits? On va se fier à la firme qui
est là et j'imagine que vous n'avez pas dit: Allez donc choisir le
produit le plus cher et cachez les autres. On va s'entendre, tout ça
s'est fait bien honnêtement et professionnellement. (11 heures)
Mais, bien sûr, le volume d'achats que vous permet votre grosseur
fait en sorte qu'en bout de piste vous arrivez avec des prix comme
ceux-là. Mais je vais aller plus loin aussi. Dans les techniques
commerciales, II existe aussi le "loss leader", le prix qui attire. Dans
l'alimentaire, dans les produits d'entretien entre autres - parce que
contrairement à ce qu'on dit dans les journaux ce matin, je fais pas mal
souvent mon marché et je vais chez Jean Coutu aussi -pour ces
produits-là, je suis persuadée que vous avez des pertes
réelles pour vous permettre d'attirer le consommateur, vendant les
autres produits à un prix tout à fait concurrentiel
sûrement. Mais quelles sont les marges bénéficiaires dans
le produit comestique?
M. Coutu (Jean): C'est votre question? Une voix: Ha, ha,
ha!
Mme Marois: Sur celle-là. Et après ça je
vais continuer et ne vous inquiétez pas, vous aurez le temps de
réagir. Quelle est la marge bénéficiaire sur un produit
comestique?
M. Coutu (Jean): La marge bénéficiaire ordinaire
est de 40 %.
Mme Marois: Bon, voilà.
M. Coutu (Jean): Je n'ai pas fini.
Mme Marois: Chez vous, elle est différente un peu.
M. Coutu (Jean): Pas juste un peu. Elle peut aller jusqu'à
un escompte de 20 %. Ça va.
Mme Marois: Bon, d'accord. Mais on s'entend que,
généralement, pour ce type de produit, la marge
bénéficiaire est de 40 %, que votre...
M. Coutu (Jean): Lorsqu'ils sont annoncés, ils sont aussi
bon marché que les papiers et les produits d'usage ménager.
Mme Marois: D'accord. Ce n'est pas là-dessus que j'en
suis. Vous me suivez bien à part
ça et vous le savez où j'en suis. J'en suis sur le fait
que votre volume fait en sorte que vous pouvez avoir des produits plus bas
même que vos concurrents pour attirer la clientèle, à qui
vous vendez un produit de qualité et à un prix correct et
comparable, mais votre attrait est là pour faire en sorte que les gens
aussi consomment les autres produits. C'est une technique de marketing de base
pour attirer les consommateurs dans les magasins de vente au détail. Le
formulaire du dimanche n'est pas innocent dans ce sens-là. Je ne sais
pas si c'est le dimanche ou un autre jour, mais le formulaire n'est pas
innocent dans ce sens-là. Innocent dans le sens où II n'est pas
neutre. Il signifie quelque chose.
Alors, moi, je veux bien reconnaître ce concept. Je veux bien en
voir les effets Intéressants, mais il faut aussi savoir dans quel
contexte ça s'est fait. Et ça je pense que c'est important quand
même qu'on parte de ça.
À plusieurs reprises, vous dites dans votre document: C'est non
morcelable. J'ai plein de papiers... Oui?
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait au moins lui
donner la chance de réagir?
Mme Marois: II va réagir, M. le ministre. À date,
j'ai permis à tous les gens d'intervenir. Je ne vois pas pourquoi ce
matin...
M. Tremblay (Outremont): Excusez, on va le prendre sur mon temps
s'il le faut. J'aimerais avoir la réponse. Vous semblez dire - c'est
peut-être le cas, mais il a dit non tout à l'heure - qu'à
cause d'une exception dans la loi, ça lui a permis de grossir, il a du
volume et il peut passer des escomptes. Il se secouait la tête et il
disait non. Moi, je voudrais juste au moins lui donner la possibilité de
répondre sur ce point-là pour savoir si c'est vrai.
Mme Marois: M. le ministre, à date, je pense que les gens
qui sont venus devant la commission ont eu la possibilité de s'exprimer.
Je n'ai pas l'intention d'empêcher M. Coutu ou qui que ce soit de
s'exprimer ici.
Le Président (M. St-Roch): Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: À plusieurs reprises, on dit: C'est un concept
non morcelable. Vous le dites, entre autres, à la page 22. Ça
revient à différents moments dans votre document... Tenez
voilà, à la page 28: "Un concept commercial unitaire, non
morcelable." J'avoue que ça finit par m'agacer. Dans le fond, vous nous
mettez dans une situation où vous nous dites: II n'y a aucune
espèce d'autre solution possible pour nous que de conserver tel quel le
commerce. Donc, la seule solution, si vous voulez être équitable
avec les autres, c'est d'ouvrir complètement.
Le Président (M. St-Roch): M. Coutu
M. Coutu (Jean): Oui. Vous m'en avez posé des
questions.
Mme Marois: Oui, on est là pour ça.
M. Coutu (Jean): Je vais vous en poser une. Imaginez le commerce
que vous voulez, disons, les vêtements. Pouvez-vous vous imaginer un
commerce de vêtements qui, dans sa publicité, n'aurait pas le
droit d'annoncer des vêtements? C'est impensable. Savez-vous que c'est ce
que nous vivons. Savez-vous qu'en pharmacie... j'ai été pendant
14 ans à me débattre avec l'Ordre des pharmaciens, pour dire:
Voici un domaine où au moins les gens devraient avoir
l'opportunité de savoir le prix qu'ils vont payer. On nous a
condamnés. Nous sommes allés jusqu'en Cour suprême. On nous
a dit: Non, tout ce qui s'appelle publicité, lorsque vous touchez la
profession, se doit d'être concentré à l'intérieur
de nom, adresse et numéro de téléphone.
C'est-à-dire que notre véritable source de revenus, notre
véritable spécialité, on ne peut pas en parler
publiquement. Ça, c'est encore unique. On est toujours unique, un peu.
en pharmacie. C'est que la pharmacie, que voulez-vous, c'est une profession
teintée de commerce; c'est un commerce sublimé en profession.
Mais ce qui est drôle, et c'est pour ça, madame, que chez nous
vous dites qu'on se sert de beaucoup de produits pour attirer les gens pour
d'autres choses, c'est que nous n'avons pas le droit d'annoncer des
médica* ments. Rien ne nous ferait plus plaisir que de vous dire:
Madame, lorsque vous venez chez nous, les 222, au lieu de 6,83 $, c'est 3,52 $,
mais ça, je n'ai pas le droit. Je n'ai pas le droit à cause de ma
profession pharmaceutique. Maintenant...
Mme Marois: Mais c'est vrai pour les autres pharmacies, M. Coutu,
vous en conviendrez.
M. Coutu (Jean): C'est vrai pour tout le monde. Et les autres
pharmacies, justement - j'arrivais à répondre à l'autre
partie de votre question - c'est entendu, madame, que si notre concept est
morcelé, diminué, nous n'allons avoir qu'un seul choix, celui de
devenir comme les autres, celui de devenir, comme François ou comme moi
jusqu'en 1981, lorsque j'avais une clinique. J'étais fermé le
soir et les fins de semaine, parce que je n'avais rien pour subventionner cette
présence pharmaceutique que vous, vous voulez à certains moments
et qui, pour moi, n'est pas rentable.
Mme Marois: C'est parce que l'Ordre des pharmaciens est venu nous
dire que ce sont 1400 d'entre eux - je recherche le chiffre, là -
que
1400 pharmacies opèrent. Imaginons que les pharmacies Jean Coutu
et les grandes surfaces sont dedans, enlevons-les, il en restera quelque part
1000 qui, elles, opèrent en vendant du produit pharmaceutique et du
produit hygiénique...
M. Coutu (Jean): Madame...
Mme Marois: ...et, vous avez raison, quelques petits machins de
breuvage, confiserie, etc. Mais l'essentiel de leurs activités, c'est
l'Ordre qui nous l'a dit devant nous, c'est que ces pharmaciens-là
pouvaient vivre en rendant le service qu'ils avaient à rendre.
M. Coutu (Jean): Madame, est-ce que je peux vous
répondre?
Mme Marois: Très certainement.
M. Coutu (Jean): Madame, vous avez parfaitement raison, mais
à l'intérieur d'un cadre très restreint d'heures. Je l'ai
vécu, François ie vit présentement, le président de
l'Ordre des pharmaciens le vit, parce que lui-même est
propriétaire d'une clinique. Qu'est-ce que vous voulez, on n'est pas des
pharmaciens pour être martyrs de la santé.
Mme Marois: Bien non.
M. Coutu (Jean): Écoutez, si je ne suis pas
subventionné par des parcelles de multiprésenta-tions
commerciales autres que la partie pharmaceutique, je ne peux pas pratiquer et
offrir au public cette présence pharmaceutique qui est souvent la seule
personne de la santé disponible. Et je vous mets au défi de me
montrer une pharmacie qui peut opérer aux heures que nous opérons
sans avoir cette grande panoplie de produits que nous offrons à la
clientèle.
M. Coutu (François Jean): Mme Marois...
Mme Marois: J'aimerais ça vous entendre, l'autre M. Coutu,
M. François Jean Coutu, mais il ne faut pas faire pleurer dans les
chaumières.
M. Coutu (Jean): Je ne veux pas vous faire pleurer, je vous dis
la réalité, madame.
Mme Marois: Les pharmacies rendent leurs services disponibles
dans certains quartiers. S'il y a trois pharmacies, un pharmacien va rendre son
service disponible; on va avoir une affichette dans la vitrine pour dire
qu'à tel endroit il y a un service de disponible. Voyons, c'est comme
ça dans plusieurs pays du monde.
M. Coutu (Jean): Madame, j'ai vécu ça. Mme
Marois: Moi aussi.
M. Coutu (Jean): Vous pariez de plusieurs pays dans le monde
où, madame, les pharmaciens opèrent à 37 % et à 42
% de profit. Voulez-vous savoir les profits qu'on fait chez nous? Ils sont
publics. 23,4 %, madame. Si vous voulez absolument que les pharmaciens soient
obligés d'opérer à l'intérieur d'un profit brut de
40 %, que j'ai connu, parfait. Vous allez sacrifier je ne sais pas combien
d'emplois, au détriment des travailleurs qui vont perdre leur emploi et
au détriment du public consommateur. Nous ne pouvons pas offrir au
public le service que nous lui offrons à 23,4 % de profit brut, sans
avoir tout ce consortium et ce volume qui nous permettent de vous offrir ce
service professionnel que vous voulez.
Mme Marois: On nous a dit, ici... M. François Jean, vous
vouliez intervenir?
M. Coutu (François Jean): Oui.
Mme Marois: Je vais revenir sur ce que vous avez
apporté.
M. Coutu (François Jean): Je vais juste parler d'un point
aussi. Bien souvent, il y a beaucoup d'exceptions. Les commerçants qui
jouissent d'une exception de pratique le dimanche, souvent le dimanche est leur
meilleure journée. D'accord? C'est là où ils font le plus
d'affaires. D'ailleurs, ça justifie leur présence. Et ça,
c'est d'une façon artificielle, c'est-à-dire
protégé par une loi. Mais nous, d'une façon naturelle, la
pharmacie, le dimanche, c'est moins bon, Mme Marois; il y a moins de
médicaments qui sont consommés. Par contre, on ne peut pas
prévoir quand on va être malade et les gens apprécient
quand même un service peu coûteux - je l'ai mentionné tout
à l'heure dans mes statistiques, peu coûteux. Alors nous, ce qu'on
dit, à ce moment-là: C'est vrai, nous avons un cadre commercial
qui est important, qui est peut-être, comme je vous le dis, plus
important le dimanche, parce que ça reflète les nouveaux besoins
des consommateurs. Mais, comme je vous le dis, est-ce qu'on doit sacrifier
ça, nous, le dimanche, pour effectivement redevenir comme les autres
commerçants, comme les autres pharmacies? Même mon père a
vécu ça l'époque où les pharmacies, entre autres,
il y en avait à tous les coins de rue. On disait: Toi, tu vas ouvrir
cette fin de semaine-ci, toi, tu vas ouvrir l'autre fin de semaine, etc., on va
s'allier comme ça. Demandez-lui ce qui est arrivé. Effectivement,
comme nous sommes des pharmaciens, mais que nous vivons à partir de la
vente de médicaments, bien, ce sont des clients aussi, madame. Alors, ce
qu'on faisait, c'est qu'il y avait des gens qui faisaient des escomptes en
dessous de la table, ils s'appropriaient de la clientèle. Donc, ce qu'on
voit utopiquement entre les pharmacies n'est pas possible dans le contexte
nord-amérl-
cain.
Mme Marois: Enfin, vous ne m'en convainquez pas, parce que je me
dis qu'il y a certains endroits, même au Québec, où c'est
possible, où ça arrive. Que votre concept ne soit pas possible si
les règles se modifient, ça, je ne le sais pas; peut-être
même qu'il est encore tout à fait possible, votre concept, et ma
présomption, c'est que oui, il pourrait être possible, mais en
respectant les mêmes règles du jeu pour tout le monde, dans le
sens où il y a des heures où on ferme et vous devez fermer en
même temps que les autres. Il y en a des pharmacies qui vivent au
Québec et qui font leur compte, j'imagine, parce que sinon, elles
fermeraient. Ce sont les lois du marché et vous seriez les premiers
à me le dire, que ce sont les lois du marché.
Juste une chose et j'aimerais ça... Vous ne m'avez pas
répondu sur le concept qui a fait que vous avez eu un avantage
concurrentiel.
M. Coutu (Jean): Ah, ça, je vais vous répondre avec
plaisir.
Mme Marois: Je vais y revenir. Mais dans vos chiffres...
M. Coutu (Jean): Vous m'avez tellement posé de questions
que j'en ai oublié quelques-unes.
Mme Marois: J'y reviendrai, ne vous inquiétez pas, je ne
les oublie pas. Dans votre document, le document que vous nous avez
présenté, vous nous dites: Voilà, regardons les achats
pharmaceutiques en 1988, comparons le Québec, comparons l'Ontario, les
achats par individu et on se rend compte qu'au Québec, c'est moins cher
par individu. C'est bien ça, je lis bien vos chiffres, M. Coutu?
M. Coutu (François Jean): Oui.
Mme Marois: Bon! Oui, mais est-ce que le fait qu'on ait mis ici
beaucoup l'accent sur le produit générique, qui souvent... Le
gouvernement, entre autres, qui paie une somme importante pour les
médicaments des personnes âgées, des personnes touchant la
sécurité du revenu, a choisi effectivement des prix, des produits
génériques avec des prix médians. Enfin, il y a toute une
technique pour établir le prix. Est-ce que ça n'a pas un
impact?
M. Coutu (François Jean): Non, justement parce que j'ai
pris une province où il existe à peu près le même
genre de politique, au niveau des services de santé, des services de
médicaments. L'Ontario jouit de la même chose, une
régie...
Mme Marois: Leur régie établit aussi un
générique avec...
M. Coutu (François Jean): C'est ça, oui.
Effectivement, ils doivent donner aux gens âgés le produit
générique, de préférence. Donc, ça se
compare vraiment, Mme Marois.
Mme Marois: Mais est-ce que le gouvernement paie pour le produit
quand il n'est pas générique, en Ontario?
M. Coutu (François Jean): C'est justement, il y a, comme
je peux dire ça, une surprime pour les génériques.
Effectivement, ils vont chercher un plus grand profit. Donc, la recommandation
de le suivre, c'est important, ils font plus de profit sur un
générique.
Mme Marois: D'accord. On me dit que mon temps est terminé
pour maintenant, mais je...
M. Coutu (Jean): Non, je l'aime votre temps, madame.
Mme Marois: Non, j'aimerais que vous me répondiez sur mon
temps, parce que c'est pour ça qu'on est là, pour se parier.
M. Coutu (Jean): Prenez mon temps.
Mme Marois: Non, sur mon temps à moi. Non, non, notre
temps à nous, là. Alors, j'aimerais ça, M. Coutu, que vous
reveniez sur l'affirmation que je faisais au départ.
M. Coutu (Jean): Est-ce que vous pourriez répéter
votre affirmation?
Mme Marois: Pardon?
M. Coutu (Jean): Est-ce que vous pourriez répéter
votre affirmation?
Mme Marois: Certainement. Ce que je disais, c'est que votre
entreprise, bien sûr, je reconnais qu'elle est un succès. J'y
reconnais là votre talent aussi. Je suis prête à vous
l'attribuer. Bon! Ça va de soi. Mais est-ce que vous ne pouvez pas
convenir aussi que vous avez eu un avantage concurrentiel sur les autres
commerces qui n'ont pu, dans des conditions comparables aux vôtres, agir
de la même façon?
M. Coutu (Jean): Deux réponses. Je vous ai dit, tout
à l'heure, si nous avons eu un avantage, au lieu de nous l'enlever,
offrez-le à tout le monde. Ça va? Et, deuxièmement, si
nous avons eu un avantage et un privilège, est-ce que,
monétairement, en pourcentage de profit, nous en avons profité?
Est-ce que, comme les centres de ski ou comme les clubs de golf, nous demandons
plus cher le dimanche? Vous savez... (11 h 15)
Mme Marois: Je n'ai pas dit ça par contre.
M. Coutu (Jean): Je ne sais pas si vous jouez au golf, je ne sais
pas si vous jouez au tennis, je ne sais pas si vous allez en ski, mais...
Mme Marois: À l'occasion, pas souvent. (11 h 15)
M. Coutu (Jean): ...ça coûte beaucoup plus cher le
samedi et le dimanche en ski que le lundi et le mardi. Chez nous, ce sont les
mêmes prix. Si privilège on a eu, peut-être! On vous dit -
et nous sommes les seuls, à date, de tous ceux qui ont un supposé
privilège à vous le dire - ne nous l'enlevez pas, donnez-le
à tout le monde. Demandez la même question aux 4500
dépanneurs qui, eux, ont tenu les gens en otage. Vous n'avez pas le
choix. Nous avions le choix de dire... En plus de ça, madame, je peux
vous dire que nous avons la seule pharmacie de la province de Québec
ouverte 24 heures par jour, et la nuit comme le jour ce sont les mêmes
prix. Déjà, vous savez, au niveau d'autres professionnels, que ce
soient les médecins ou d'autres professionnels de la santé,
qu'ils ont une surprime, ils ont une prime pour certaines heures dans la
semaine. Ça n'existe pas chez nous. Si privilège on a eu,
peut-être, mais nous n'en avons pas profité au détriment de
la clientèle. Est-ce que j'ai répondu un peu à votre
question?
Mme Marois: Oui, vous avez très bien répondu
à ma question...
M. Coutu (Jean): Merci, madame.
Mme Marois: ...parce que, effectivement, vous admettez que
privilège il y a eu. Je suis d'accord avec vous que vous n'en avez pas
profité pour exploiter le consommateur et je partage votre point de vue.
On pourrait creuser les chiffres et je suis pas mal certaine qu'on arriverait
à ces conclusions-là, mais vous admettrez que vous avez fait
quand même un certain profit aussi, alors que d'autres ne pouvaient pas
le faire.
M. Coutu (Jean): Mais, madame...
Mme Marois: Je ne trouve pas le profit détestable en soi,
mais disons que vous aviez plus de chances d'en faire que d'autres à
côté puisqu'ils n'avaient pas le choix de commercer au même
rythme que vous.
M. Coutu (Jean): Madame, comme vous et moi avons
été petits bébés, le Groupe Jean Coutu a
été un petit bébé aussi. Ça a
débuté dans une pharmacie de 18 pieds par 52 pieds de profondeur,
moins de 1000 pieds carrés. Madame, c'est que vous avez la preuve
peut-être de ce que François vous a dit tout à l'heure.
À l'intérieur d'une libéralisation légale et
permise, un petit a eu le malheur québécois de devenir grand.
Mme Marois: M. Coutu, ne me faites pas dire des choses que je
n'ai pas dites.
M. Coutu (Jean): Je ne vous fais pas dire ça, mais il
semble qu'on art une obsession à vouloir dire: Dans le commerce, il faut
rester petit. Madame, la règle de trois, j'ai déjà eu
l'occasion d'en discuter avec vos confrères. Vous avez un
dépanneur, disons... Vous êtes une personne intelligente, vous
nous avez tellement dit de compliments que je vais vous rendre la pareille avec
autant de sincérité.
Mme Marois: Ne vous sentez pas obligé de le faire.
M. Coutu (Jean): Non, non, mais avec autant de
sincérité. Je vous vois avec un dépanneur, ça va,
vous avez une personnalité charmante et vous devenez tellement un grand
succès que vous avez besoin de quatre ou cinq employés.
Expliquez-moi la logique de la loi actuelle qui vous oblige à fermer vos
portes? Moi, je ne peux pas voir, dans un Québec qui se veut
transcendant, qui se veut le trait d'union entre la culture française et
l'anglaise comme il l'est de l'Amérique du Nord et de l'Europe depuis
cinq siècles, et je ne vois pas les restrictions qu'on nous impose parce
qu'il y a des possibilités de devenir important.
Mme Marois: Je reviendrai sur ça, tout à l'heure,
puisque maintenant je ne peux plus intervenir; c'est au ministre à le
faire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de
votre collaboration. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): S'il n'y avait pas eu d'exception dans
la loi et que tous les commerces avaient été fermés le
dimanche, sans exception est-ce que votre formule aurait autant de
succès aujourd'hui?
M. Coutu (Jean): Je me répète. En 1984, un de vos
confrères m'a posé la même question. Il m'a dit: M. Coutu,
si tout était libéralisé, vous ne seriez peut-être
pas ce que vous êtes aujourd'hui. J'ai dit: Si je n'étais pas ce
que je suis aujourd'hui, c'est que je n'avais pas raison d'être
là. Si je ne peux pas compétitionner, je n'ai pas besoin
d'être protégé. Est-ce qu'il y a des lois pour
protéger les petits restaurants? Est-ce qu'on obiige les restaurants de
quinze employés à fermer le dimanche pour donner une chance
à ceux qui ont trois employés? Est-ce qu'il y a des lois pour
protéger les petits postes de radio? Est-ce qu'il y a des lois pour
protéger les petits journalistes et les petits journaux? C'est
drôle, on semble tout à coup pris d'une espèce de sentiment
de culpabilité pour protéger
les petits commerçants... J'aimerais me tourner encore vers Mme
Marois et lui dire qu'en 1984, devant votre confrère, M. Biron - et j'ai
la loi devant moi, ici - la loi de 1969 dit, et je veux vous la citer parce que
c'est...
Mme Marois: Elle est dans notre cahier. D'ailleurs, on peut, je
pense...
Le Président (M. Bélanger): Elle est dans votre
cahier.
Mme Marois: Celle de 1969 était dans notre cahier?
M. Coutu (Jean): Je vais vous la lire, ça me fait plaisir.
En 1969, on disait: La loi ne s'applique pas non plus aux établissements
commerciaux dont l'activité principale est la vente au détail de
denrées et dont le fonctionnement est assuré du début
à la fin d'une journée de 24 heures par un effectif - et c'est
ça qui est important - total de trois employés au plus, incluant
patron et employés. Toutefois, ce commerce ne devra pas faire partie
d'un plus grand nombre d'établissements commerciaux liés les uns
aux autres en association. Et ceci a été changé en 1984.
Là, ça me fait plaisir de vous dire... Là, on ne parle pas
du fictif ni de l'imaginaire. Moi, j'ai dit à M. Biron: Si vous enlevez
ça, votre supposée loi pour protéger les petits, elle
vient de finir. Vous les détruisez. Le commerce du dépannage et
de l'alimentaire restrictif sera la panoplie, sera le résidu et sera la
propriété des grands consortiums. Je n'ai rien contre ça,
mais qu'on ne me dise pas que c'était une loi pour protéger les
petits.
M. Tremblay (Outremont): Dites-moi, est ce que vous avez des
problèmes de recruter des gens pour travailler le dimanche?
M. Coutu (Jean): Eh monsieur! M. le ministre! Les
étudiants qui ont besoin de sous peuvent-ils aller travailler à
l'Alcan, à l'Hydro-Québec lorsqu'ils ont congé? Ils se
doivent pour gagner des sous d'aller dans des endroits qui sont en
équipollence avec leur disponibilité. C'est vrai
qu'aujourd'hui... Il paraît que vendredi dernier à la
télévision de Radio-Québec, on a dit des choses un peu
drôle. Un étudiant a dit qu'il ne voulait pas la
libéralisation, parce que le dimanche il veut étudier. Avec les
heures de cours aujourd'hui, ce n'est plus comme dans notre temps. Dans notre
temps, on commençait le matin à 9 heures et on finissait à
17 heures. Aujourd'hui, ils rentrent à 9 heures. Ils viennent à
16 heures, s'en vont à la maison et reviennent à 20 heures. Vous
avez le temps en masse d'étudier, mais vous n'avez pas le temps de
travailler. Et si des entités comme les nôtres à
l'intérieur d'une non-libéralisation ne peuvent pas se permettre
de pouvoir offrir aux étudiants un travail de qualité à
des conditions ordinaires... Parce que chez nous, on a une politique salariale.
On a une politique salariale obligatoire et stricte pour chacun de nos
propriétaires. Ils ne peuvent pas donner les salaires qu'ils veulent.
Cela fait qu'il n'y a aucune difficulté à avoir des
employés.
M. Coutu (François Jean): Surtout, qu'on favorise beaucoup
le temps plein chez nous. Il y a plus de 50 % des gens qui travaillent à
temps plein. Ça inclut évidemment le travail les fins de semaine.
Mais on refuse... Bien entendu, on a dans nos pharmacies des piles de formules
d'application de gens qui veulent travailler chez nous. C'est entendu, on a
aucun problème de recrutement.
M. Tremblay (Outremont): La dernière question que j'ai,
c'est sur le fameux débat sur la qualité de vie. Quand on regarde
l'équité, une loi équitable, je pense qu'on s'entend bien
là-dessus. Quand on regarde les besoins réels des consommateurs,
on peut s'entendre là-dessus. Mais quand on arrive à la
qualité de vie, il semblerait qu'H se fait un débat important. On
dit que le corporatif, lui, il est gros. D'une façon ou d'une autre, il
s'en fout d'ouvrir le dimanche ou pas, parce qu'il peut toujours engager des
employés qui sont dans ses commerces tous les jours. Tandis que le
petit, lui, il travaille 60 heures par jour et il a besoin d'une
journée. Alors, le dimanche, c'est important, c'est un débat de
société et le gouvernement devrait dire: Voilà, nous
autres, on veut pour protéger le petit, donc la société et
la qualité de vie, fermer les commerces le dimanche, saut le vrai
dépannage. J'aimerais, comme j'ai l'opportunité d'avoir un
père et un fils, donc deux générations, entendre les deux
M. Coutu sur ce point de vue-là. Je veux savoir, c'est quoi pour vous la
qualité de vie? Travaillez-vous, vous autres, le dimanche? Êtes
vous riches au point où vous n'êtes jamais dans vos commerces?
M. Coutu (Jean): Bon. C'est une bonne question. J'ai
débuté en pharmacie en 1949. De 1949 à 1973, j'ai fait une
fin de semaine par quinze jours, parce qu'on a fêté le
vingtième anniversaire de notre organisation. François,
lui-même, qui est ici à côté, dit: Mon père,
je ne l'ai pas connu beaucoup. Pour plusieurs raisons, parce que je ne viens
pas d'un milieu qui était riche et, deuxièmement, parce que
j'essayais de bâtir un concept qui pouvait passer a travers les
changements et les transitions des temps que nous avons vécus depuis la
guerre de 1939-1945. Est-ce que je travaille le dimanche présentement?
Je vais vous dire non. Non, je ne travaille pas le dimanche. Je ne travaille
pas le dimanche, mais par contre, les 170 associés pharmaciens qui sont
avec nous, la plupart d'entre eux travaillent le dimanche. Moi, aujourd'hui, je
ne suis plus un
pharmacien de détail. C'est peut-être ce que j'ai
aimé le plus dans ma vie, mais je ne suis plus un pharmacien de
détail. Et, puis, bien, je crois qu'à 62 ans, je peux me
permettre quelques congés de fin de semaine et c'est la même chose
pour beaucoup de nos employés. Vous savez, avec les années, ce
qui est une politique d'une fin de semaine par quinze jours, ce n'est pas
obligatoire. C'est minimal et maximal. On ne peut jamais exiger plus que
ça, mats dans notre politique de ressources humaines, on tend à
diminuer de plus en plus la fréquence des fins de semaine. On en a
parlé tout à l'heure, ce n'est pas agréable de travailler
les fins de semaine, mais c'est obligatoire. Que voulez-vous, M. Tremblay? Vous
vous rappelez sans doute le temps de la télévision où
ça commençait à 17 heures et à 23 heures, le
sauvage apparaissait. On chantait le Ô Canada et c'était fini.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Coutu (Jean): Qu'est-ce qui arrive aujourd'hui? Aujourd'hui,
vous avez de la télévision presque 24 heures par jour. Est-ce que
quelqu'un a pensé à ces pauvres employés qui sont
là et qui se doivent d'être présents en studio? Est-ce
qu'on a pensé aux journalistes? Est-ce qu'on a pensé aux journaux
du dimanche et du lundi? Écoutez, les gens exigent une présence
et quand vous choisissez le métier de travailler dans une pharmacie, la
première chose qu'on leur dit, c'est la disponibilité sept jours
par semaine. Mais encore là, M. Tremblay, je crois que la semaine, ce
n'est plus lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche. La
semaine maintenant, c'est un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept avec deux
journées de congé obligatoire dans ça pour tout le
monde.
M. Tremblay (Outremont): Mais vous, M. Coutu, vous avez 170
associés. Qu'est-ce que vous répondez à 70 %, parce que 70
% des commerces de détail, ce sont de petits commerces... Et je ne parle
pas des trois employés et moins, je parle surtout des commerces qui
existent depuis 20 ans, 30 ans, transférés de père en
fils, où le père travaille avec son épouse, des enfants et
quelques employés, et qui, passé 60 ans, dit: Moi, je voudrais
fermer le dimanche. Comment réagissez-vous à ça?
M. Coutu (Jean): Écoutez, je vais répondre à
ça d'une façon indirecte. Dans quelque domaine que ce soit - on
parle du domaine du commerce aujourd'hui - toute loi qui maintient une certaine
petitesse ne peut pas permettre l'épanouissement des talents. C'est dans
les difficultés que les talents vont réellement se communiquer et
devenir ce qu'un talent dort être, créateur. Mais si vous donnez
un cadre douillet... Les petits oiseaux, vous savez comment ça
fonctionne. Les petits oiseaux viennent au monde dans un nid, Ils viennent sur
le bord de la branche et, une bonne journée, la maman a le courage de
leur donner un coup d'aile et de leur dire: C'est à ton tour de voler
tout seul. S'il fallait qu'on maintienne toujours les petits oiseaux dans leur
nid, bien, écoutez, ça ne volerait peut-être pas.
Écoutez, je ne crois pas que ce soit le rôle d'un gouvernement de
passer des lois pour protéger, et seulement dans cette
catégorie-là, ceux que l'on considère comme des petits. La
meilleure façon de sortir de notre domaine d'être petit, c'est
d'avoir la chance de devenir important.
M. Tremblay (Outremont): C'est clair. Est-ce que je peux, M.
Coutu, avoir la réponse de François Jean Coutu?
M. Coutu (François Jean): Oui, disons que des fois, je
peux être mal placé parce que j'aime beaucoup travailler.
Évidemment, on est actif dans une entreprise familiale et je pense qu'on
ne compte pas nos heures. J'ai travaillé tout l'été, une
fin de semaine sur trois, pour remplacer mes pharmaciens. À ce
moment-là, je m'étais organisé, c'est entendu. J'ai une
femme, j'ai de jeunes enfants et le dimanche, quand je travaillais, et le
samedi aussi, je m'étais organisé pour avoir une journée
de congé, le lundi. Évidemment, je n'avais pas congé le
vendredi parce que j'avais d'autres occupations au siège social. Alors,
le lundi pour moi, c'était... Peut-être parce que j'avais la
chance d'avoir... Ma femme ne travaille pas, c'est vrai, et j'ai de jeunes
enfants à la maison qui ne vont pas à l'école et pour moi,
le lundi était une journée familiale aussi intense que pouvait
l'être une autre journée de la semaine où on pouvait avoir
congé. Alors, c'est la même chose un peu pour nos employés.
Moi, c'était différent parce que je travaillais six jours et
même, des fois, sept jours par semaine. Mais nos employés, je
n'exige pas d'eux qu'ils travaillent sept jours par semaine. Je leur dis:
Écoutez, c'est encore cinq jours par semaine. On met des horaires huit
semaines à l'avance et ils s'organisent en conséquence. Alors,
pour eux, le dimanche... On a même souvent, comme je vous le dis, quand
on devient un peu plus important, on donne des chances d'avoir des fins de
semaine moins régulières et à ce moment-là, pour
eux, c'est certainement une joie de se retrouver avec le plus de
disponibilité de temps de travail, de temps régulier et en
même temps, d'avoir beaucoup d'heures de loisir et ça peut
être autant la fin de semaine que la semaine.
M. Tremblay (Outremont): O.K. J'ai entendu tout à l'heure
sur les employés... On entend ça. Il y a beaucoup d'intervenants
qui sont venus nous dire ça, les corporatifs: Si l'employé dit
non, mettons, un dimanche pour travailler et s'il dit non un deuxième
dimanche, ce n'est pas long qu'il va perdre sa job.
M. Coutu (François Jean): Écoutez, ça arrive
souvent aussi... Je suis mal placé pour dire ça, mais ça
arrive souvent que des employés disent: Bon, tel dimanche, j'ai une
activité, est-ce que je peux me faire remplacer? Écoutez, ce
n'est pas... Ça peut se faire remplacer aussi, quelqu'un, s'il y a une
activité quelconque. C'est entendu, si continuellement, quelqu'un qui
est "cédulé" une fin de semaine sur trois et qu'à chaque
fin de semaine qu'il travaille, il dit: Écoute, j'ai quelque chose.
À ce moment-là, c'est entendu, on va dire: Nous, on a des
obligations face à notre clientèle; il faut que tu sois
présent. Alors, comme je vous le dis, il y a tout de même moyen de
s'organiser pour être, je pense, de bons patrons et, en même temps,
avoir un cadre législatif qui fasse en sorte qu'on ne brime pas ces
employés-là. (11 h 30)
M. Tremblay (Outremont): Mais je pose la question dans le sens
que ce qu'on dit c'est que... Assumons qu'une des hypothèses, c'est la
libéralisation des commerces. Dans la loi on prévoit qu'on ne
pourra jamais forcer un employé à travailler le dimanche; on le
met dans la loi. Ce qu'on nous dit, c'est que même si c'est écrit
dans la loi, il va refuser une fois, il va refuser deux fois, et la
troisième fois il n'aura plus d'emploi. Est-ce que c'est
réaliste, premièrement, de ne pas forcer un employé
à travailler le dimanche? Est-ce que c'est possible de faire ça
légalement?
M. Coutu (Jean): M. Tremblay, ça tait 40 ans que je vis de
ce métier-là. La question que vous posez là,
écoutez, on l'a tellement vécu chez nous. Je ne me souviens pas
avoir été obligé de congédier un employé en
40 ans - j'ai été employé moi-même - disons au cours
des 30 dernières années où j'ai été
employeur, parce qu'il refusait de travailler le dimanche. Ce n'est jamais
arrivé. Il y a une chose, par exemple, c'est que les employés
savent que chez nous, c'est une disponibilité de sept jours, comme une
garde-malade, comme un chauffeur d'autobus, comme un pilote d'avion. Qu'est-ce
que vous voulez, c'est notre métier d'être disponible.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que, en tant que débat de
société, je reviens d'abord, l'initial... L'autre tendance qui
est véhiculée, c'est de dire: Écoutez, pourquoi notre
main-d'oeuvre, nos travailleurs et nos travailleuses, seraient-ils disponibles
sept jours par semaine? Pourquoi ne pourrait-on pas être disponible six
jours par semaine, et au moins avoir une journée avec tout ce que
ça peut impliquer au niveau de la stabilité familiale? Ça,
on entend ça beaucoup.
M. Coutu (Jean): M. Tremblay, de par la loi, et j'ai eu
l'occasion de discuter avec quelques ministres du Travail sous quelques
gouverne- ments, dans le débat sur les heures d'ouverture, un des
ministères les plus importants, je crois, c'est le ministère du
Travail. S'il y a une loi, s'il y a des amendes, c'est à ce
niveau-là qu'il va peut-être falloir les trouver. C'est que c'est
obligatoire d'imposer un maximum de travail de cinq jours par semaine, à
moins, et nous en avons fait une recommandation, à moins que certains
individus, comme des étudiants, ou comme des gens qui veulent revenir
sur le marché du travail, insistent, eux, pour ne faire que des soirs et
des fins de semaine. Mais il est inique de vouloir Imposer des dimanches et des
samedis continuellement aux mêmes personnes; nous ne l'avons jamais fart.
Mais vous parlez avec des individus qui ont l'expérience de cette
chose-là: 7000 employés, 6400 au Québec. Demandez à
n'importe lequel, et je le répète, personne n'aime travailler le
dimanche. Mais ils savent que le métier qu'ils ont choisi est un
métier de disponibilité. Il y en a peut-être qui vont dire:
Oui, mais il y en a déjà assez. Ce n'est pas à nous de
définir qu'il y en a assez. C'est le public qui dit: Maintenant, ce
métier-là on le veut plus souvent, et plus tard - on en a
parié ici - plus tard, peut-être dans deux ans, ils vont dire: Ce
métier-là on le veut plus souvent. Et c'est ça, les lois
du marché. C'est la seule loi. S'il y a un endroit où le
gouvernement ne devrait pas légiférer, c'est bien dans la
question des heures d'affaires. Vous avez tellement de choses à vous
occuper, il y a tellement de choses qui sont plus importantes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Coutu (Jean): Ça peut se régler tout seul.
Ça peut se régler tout seul. La preuve, nos voisins l'ont fait.
Aux États-Unis, je vous en ai dit un mot tout à l'heure, nous
vivons cette chose-là, et la vie familiale aux États-Unis, le
nombre d'enfants par famille est encore plus important qu'ici au Québec.
Qu'est-ce que vous voulez? C'est cette espèce de crainte qu'on a, la
journée du dimanche. J'ai écouté ce que les
évêques ont dit. Je les respecte beaucoup, je suis un homme
religieux; l'endroit où j'ai rencontré le plus souvent M. Ryan,
c'est à la paroisse Saint-Viateur, pas à l'extérieur,
à l'intérieur à part ça. Mais qu'est-ce que vous
voulez, quand l'Église catholique a accepté que la journée
du Seigneur, ça commençait le samedi à 16 heures... Y
a-t-il des gens plus conservateurs que ça? Ils ont accepté cela.
Ça veut dire que le dimanche, ça devient, comme je vous l'ai dit
tout à l'heure, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept. Si,
aujourd'hui, et là-dessus, c'est bien important... C'est qu'autrefois...
Tout a commencé en l'an 321. Madame, je sais que vous avez des
diplômes de MBA, etc.; vous êtes certainement une bonne
historienne. L'empereur Constantin a décidé, il a dit: Une
minute, ça ne se peut pas, il faut que les gens se reposent une certaine
journée. Et
dans ce temps-là, on a choisi la journée du dimanche. Mais
il y a une chose qu'il faut que vous sachiez. C'est que, à venir
jusqu'au début du XIXe siècle, les services, ça n'existait
pas. Il n'y avait pas de services, il n'y avait que des objets. Et,
aujourd'hui, les objets, le matériel est devenu tellement près
des services que vous avez des matériaux, vous avez des produits, qui
sont presque des services, et vous avez des services qu'on ne peut pas rendre
sans produits. Et c'est la toute la difficulté. C'est qu'aujourd'hui,
sans le savoir, ceux. Et la dernière question que je vous ai
posée tout à l'heure... Ceux qui sont contre la
libéralisation ne savent pas - je l'espère, je leur prête
de bonnes intentions - qu'en exigeant un repos quel qu'il soit, à
quelque journée que ce soit, si c'était un repos total pour tout
le monde, on se promènerait la main dans la main. Pourquoi...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous
interrompre.
M. Coutu (Jean): Excusez-moi.
Le Président (M. Bélanger): C'est parce que je dois
céder la parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui. Ce n'est pas moi qui l'ai demandée, c'est
le président, là, qui agit.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): C'est mon travail,
oui.
Mme Marois: Merci, M. le Président. M. Coutu, vous qui
êtes, et je le pense, parce qu'on a eu l'occasion d'échanger
à d'autres reprises, qui êtes un humaniste, qui nous faites une
réflexion sur l'histoire et un rappel de l'histoire qui est fort
intéressant, vous nous dites dans votre document qu'il y a,
attachée à la liberté de consommer, la qualité de
vie, qu'on doit vivre à sa manière et qu'il y a une
liberté de commercer et, donc, que cette liberté semble
apparaître dans vos documents comme une espèce de liberté
quasi aussi fondamentale que la liberté de presse à la limite, ou
que la liberté de pratique, vous me permettrez d'être un peu en
désaccord avec vous.
Il y a, effectivement, des libertés que l'on ne contraint en
aucune espèce de façon dans nos sociétés
démocratiques et que nous n'encadrons pas, si ce n'est pour leur donner
la possibilité de s'exprimer. La liberté de presse en est un
exemple, la liberté de pensée, la liberté de pratique
religieuse en est une autre, mais je ne pense pas que la liberté de
commercer se situe au même niveau et donc, qu'à cet
égard-là, comme société, on puisse faire un choix
un peu différent. Décider d'encadrer cette liberté de
commercer, ça m'apparaît une possibilité tout à fait
envisageable et tout à fait réalisable et ça ne viendra
pas brimer, me semble-t-il, à ce point les libertés des
personnes. Vous savez, liberté en ton nom, que de crimes a-t-on commis
et la liberté absolue, c'est l'anarchie. Alors, on est dans une
société organisée et on fait un certain nombre de choix
aussi en termes de choix de société.
Dans le fond, quand on arrive là, essentiellement, au fondement
même du débat, il y a devant nous deux thèses et elles sont
difficilement conciliates. D'ailleurs, c'est pour ça que le ministre est
un petit peu mal pris. Il y a une thèse qui dit: Nous proposons que,
comme société, on se donne collectivement et pour la
majorité d'entre nous... Et on ne souhaite pas qu'effectivement il y art
plus de travailleurs et de travailleuses qui soient obligés - comme vous
le dites, ils n'aiment pas ça, d'ailleurs - d'exercer leur profession,
sauf dans des services essentiels. Et là, nous, on dit... Là, ce
sont deux concepts de la qualité de vie. Nous, on dit que le concept que
l'on défend, c'est de souhaiter qu'une majorité d'entre nous,
pendant une journée qui soit la même pour tout le monde parce que
ça facilitera les échanges, la communication, etc. Il ne faut pas
nous faire dire que ça va empêcher la famille, que ça va
empêcher la pratique religieuse. Moi, je n'en suis pas là, je ne
défends pas ce volet-là. Je défends autre chose de plus
fondamental, par exemple, c'est-à-dire que pendant une journée
dans la semaine, la majorité d'entre nous vont cesser les
activités de commerce et de production, sauf pour l'essentiel, et qu'on
va accorder du temps à autre chose dans la vie. Ça, c'est une
philosophie, c'est une approche qui nous apparaît tout aussi comparable
en termes d'évaluation de la qualité de vie qu'une autre approche
qui est de dire: La qualité de vie des gens qui vivent sur le territoire
québécois exige qu'ils aient accès 24 heures par jour, 7
jours par semaine, ou ça peut être de 8 heures le matin à
23 heures et le dimanche y compris, à tous les produits de consommation,
alors que ceux-ci ne sont pas tous essentiels au même niveau. Alors, je
pense que c'est de là qu'on part et c'est là qu'on arrive aussi.
Ça, c'est le fondement même de la discussion qui est devant nous
aujourd'hui et que l'on a ensemble.
Après ça, qu'on me parle, effectivement, des travailleurs
et des travailleuses, je vous suis. Que nos lois soient un peu plus
serrées, un peu plus encadrantes pour qu'on respecte, par exemple, une
loi comme la Loi sur les normes minimales, j'en conviens. Mais vous-même,
vous reconnaissez que les gens ne veulent pas à ce point travailler les
fins de semaine. Même si ce sont des gens qui, pourtant, en ont besoin,
et je le comprends aussi, ils nous disent: II y a une obligation - c'est
écrit dans votre document - qu'à toutes les deux fins de semaine
on
travaille. Si on mettait... C'est ce qui est dit dans votre document...
Peut-être que je n'ai pas... Ou aux trois semaines, dans certains
cas.
Une voix: Maximum.
M. Coutu (Jean): C'est minimal.
Mme Marois: Oui, mais si dans la loi on disait "liberté
totale de refus", auriez-vous encore des travailleurs et des travailleuses dans
vos établissements?
Une voix: Oui.
M. Coutu (Jean): Oui. Madame...
Mme Marois: Bon, alors... Comprenez-vous? Dans le fond... L'autre
chose que je voudrais soulever à votre endroit, c'est la structure de
propriété québécoise. Vous la connaissez. Je n'ai
pas de leçon à vous donner là-dessus, vous la connaissez
probablement même mieux que moi, pour la fréquenter plus souvent
que moi. La structure de propriété au Québec, c'est
beaucoup du petit commerce et du moyen commerce. On le dit, c'est le pays de la
petite et de la moyenne entreprise. Je suis un petit peu en désaccord
avec vous. Je pense qu'il y a de l'avenir pour la grande entreprise, et c'est
souhaitable. Mais il y a de l'avenir aussi pour le petit et le moyen commerce
qui offre un service différencié et tout le reste.
Je ne veux pas, non plus, vous faire dire ce que vous n'avez pas dit.
Vous aurez l'occasion, sûrement, de pouvoir revenir sur ça. Il
reste que c'est ça, notre structure de propriété.
Actuellement, ce que nous disent les gestionnaires eux-mêmes, les
propriétaires eux-mêmes, non pas de petites surfaces et de
dépanneurs seulement, mais des propriétaires d'aussi grandes
surfaces que IGA, que Steinberg, comparable à n'importe quel autre
Steinberg, qui viennent nous dire ici: Écoutez, nous on se sent une
obligation d'ouvrir, bien sûr, si ça ouvre, mais on souhaiterait
plutôt que l'on restreigne les règles, parce que nous-mêmes,
on sait la difficulté qu'on a dans nos magasins et nous-mêmes, on
ne souhaite pas être obligés d'avoir ce travail sept jours
semaine, parce qu'on sait qu'on doit y être dans nos magasins. Comme vous
nous l'avez décrit lorsque vous avez démarré vos
entreprises, et je sais que c'est comme ça. Alors, c'est ça,
notre structure de propriété.
Le dernier élément, c'est quand vous abordez la question
de la mondialisation et les comparaisons avec ce qui se passe ailleurs. Oui, je
veux bien, mais on va s'entendre quand même, disons que ça n'a pas
le même impact dans certains secteurs industriels où il y a
beaucoup d'échanges commerciaux avec l'étranger, que si on parle
de denrées alimentaires, entre autres, et de denrées de type
pharmaceutique. Je trouve que cette argumentation n'est sûrement pas la
plus significative, en tout cas, dans le dossier. Qu'on ait des pouvoirs
d'achat plus grands quand on est plus gros, on convient de ça, mais dans
des secteurs de commerce de détail comme ceux dont on parte aujourd'hui,
faire référence à la mondialisation des marchés,
aux échanges commerciaux, je trouve qu'on étire un petit peu
l'élastique.
M. Coutu (Jean): Madame, vous me posez toujours des questions qui
sont pour moi essoufflantes.
Mme Marois: Je le sais. Mais c'est parce que je sais qu'une fois
que j'ai perdu la parole, j'ai de la difficulté à la reprendre.
C'est un jeu qui se joue à deux, voyez-vous.
M. Coutu (Jean): Mais vous la reprenez très bien.
Mme Marois: J'essaie.
M. Coutu (Jean): Madame, lorsque vous parlez, avec la même
éloquence que vous venez de me donner ici, II y a quelques Instants,
vous jugez un peu. Vous vous permettez de dire que la qualité de vie,
c'est de ne pas travailler. Vous vous permettez de dire que la qualité
de vie... Écoutez, pour plusieurs personnes, la qualité de vie,
c'est d'aller le dimanche dans des centres d'achats, ou d'aller dans des
fruiteries ou dans des grands marchés publics, avec les enfants et
ensemble on fait... C'est pour la famille, dans bien des cas, un loisir
ensemble. Qui peut se permettre, le mari, la femme, le conjoint, la conjointe,
les deux enfants, d'aller magasiner chez Eaton ou chez Simpson, le mercredi
après-midi? C'est impensable. C'est devenu aujourd'hui, et c'est
ça qui est respectable dans la libéralisation... Ce n'est pas
parce que les magasins sont ouverts que vous êtes obligés d'y
aller. Si les gens n'y vont pas, les employés n'auront plus besoin de
travailler, madame.
Ce qui me surprend, c'est de voir la libéralisation que nous
avons dans un domaine qui est certainement polluant, le domaine de la boisson.
Vous pouvez prendre un coup de 6 heures du matin a 3 heures de la nuit, et
là, commander sept Scotch, dans ce qu'on appelle vulgairement le last
call", puis vous pouvez rester à l'intérieur jusqu'à 4 h
30. Ça veut dire qu'il vous reste à peu près une heure et
demie par jour, sept jours par semaine, où vous ne pouvez pas consommer
de boisson. Est-ce que pour ça vous vous sentez obligés de
consommer plus de boisson? Si l'occasion vous en est donnée - on dit que
l'occasion fait le larron - et que vous n'avez pas la résistance de
pouvoir vous en priver, bien ça, écoutez, c'est une question
personnelle. Mais je crois que ce n'est pas la libéralisation qui
crée l'obligation
II y a une chose, c'est que, la vie changeant, et )'ai parié de
la radio, j'ai parlé des journaux le dimanche, qu'est-ce que vous
voulez, personne ne les défend, parce que - c'est toujours le même
argument un peu pharisien - pour certains domaines on se fait le
défenseur du pauvre et de l'orphelin mais, en même temps, on est
exigeant pour des services pour lesquels on n'a aucune compassion. Je vous le
dis, et là-dessus, madame, nous avons toujours eu la même
pensée depuis 1969: Si on veut réellement faire quelque chose
ensemble une seule journée dans la semaine, oublions les religions.
À chaque fois qu'on a voulu faire ça, les juifs ont dit: Nous
autres, c'est le samedi; les musulmans ont dit: Nous autres, c'est le vendredi.
Là, vous en brimez quelques-uns, mais votre argument était la
majorité. Bien, moi, je vous réponds: La totalité; fermons
tout, promenons-nous, vous et moi, la main dans la main et nous jouirons de ce
qui s'appelle la totalité de la liberté individuelle. Ça,
que voulezvous, c'est illusoire. Je ne crois pas que ce soit ce que les gens
veulent.
Aujourd'hui, pourquoi parlons-nous de la libéralisation du
commerce? C'est parce que la preuve en est faite qu'aujourd'hui la
société demande une plus grande libéralisation dans ce
domaine-là, comme elle l'a déjà demandée dans les
loisirs, comme elle l'a déjà demandée dans... Personne ne
défend |es professeurs de tennis; personne ne défend les
professeurs de ski qui sont obligés d'être sur les pentes le
dimanche. Ils ' sont obligés, c'est leur métier. Ils sont
là aussi la semaine et ils chargent meilleur marché la semaine.
Nous y sommes sept jours par semaine et on charge toujours le même
prix.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Le
temps étant écoulé, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Marois: Je suis très heureuse de l'échange
qu'on a eu ce matin. Les positions sont assez claires, je pense, de part et
d'autre. Ça nous a permis quand même de creuser certains points de
vue et ça n'est jamais inutile, loin de là. Je n'ai jamais dit,
par exemple, que ce n'était pas respectable de commercer; il ne faut
jamais me prêter des propos que je ne tiens pas. Ce que je dis,
cependant, c'est qu'il y a une différence, effectivement, fondamentale
quant à l'évaluation que l'on fait de la qualité de vie et
d'une philosophie que l'on défend. Idéalement, je vais vous le
dire, je partage le point de vue que vous avez défendu, dans le sens
où s'il était possible, à l'exception d'un certain nombre
de services essentiels, que toutes les activités cessent une
journée dans la semaine, il serait souhaitable d'y arriver. C'est dans
ce sens-là qu'on défend la position qui est devant nous
aujourd'hui et pour laquelle on espère... Parce qu'elle ne fait pas,
soit dit en passant, l'unanimité; c'est vrai qu'il y a des gens qui
souhaitent l'ouverture, mais on sait foil bien aussi que ça se
départage à peu près, même chez les consommateurs et
les consommatrices, moitié-moitié. Et ne faisons pas dire,
évidemment, aux statistiques ce qu'elles ne disent pas, mais c'est
à peu près ça qui se dégage de l'ensemble des
études qui ont été fartes. Vous me dites qu'ils viennent
chez nous, le dimanche; bien sûr, vous êtes ouverts. C'est la poule
ou l'oeuf; c'est toujours le même débat. (11 h 45)
Cela dit, nos échanges ont été intéressants.
Comme vous avez pu le constater, vous ne m'avez pas convaincue, je ne vous ai
pas convaincus non plus, mais ça a éclairé sûrement
les membres de la commission. Je vous remercie.
Le Président {M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): La députée de Taillon a
mentionné, tout à l'heure, que le ministre est mal pris. Moi, je
dois dire que je ne me considère pas du tout mal pris parce que, moi, je
n'ai rien à vendre. Moi, je suis ici pour écouter. J'ai une
ouverture d'esprit. Si on a senti le besoin d'avoir une commission
parlementaire, c'est pour permettre à tous les intervenants, quelle que
soit leur position, de s'exprimer publiquement et de défendre leur point
de vue au nom de la démocratie. Alors, dans ce sens-là, je n'ai
pris qu'un seul engagement, celui de déposer un projet de loi au
printemps, qu'il y ait consensus ou pas.
Je voudrais remercier MM. Coutu, M. Ste-Marie et M. Masse pour
être venus nous expliquer leur point de vue et, également, pour
nous avoir présenté un mémoire que mon équipe, au
ministère, considère très sérieux et très
complet. Merci beaucoup. Dans notre décision, nous allons prendre en
considération vos représentations. Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le Groupe Jean Coutu de sa
présentation et de sa collaboration à ses travaux et invite
à la table des témoins l'Association provinciale des fruiteries
du Québec.
À l'ordre, s'il vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. S'il
vous plaît, à l'ordre! Si on veut continuer à converser...
S'il vous plaît, à l'ordre! Que la commission puisse reprendre ses
travaux.
Nous recevons, à l'instant même, l'Association provinciale
des fruiteries du Québec, que j'invite à se présenter
à la barre des témoins, à la table des témoins,
excusez! J'étais parti, là! Bien.
Bonjour aux représentants de l'Association provinciale des
fruiteries du Québec.
Messieurs, vous connaissez nos règles de procédure: vous
avez 20 minutes pour la présen-
tation de votre mémoire et il y aura une période
d'échanges avec les parlementaires par la suite. Je vous prierais de
bien vouloir vous identifier à chaque fois que vous devez prendre la
parole, ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats.
Ça aide beaucoup. Sans plus tarder, j'invite votre porte parole
à se présenter, à présenter l'équipe et son
mémoire. Je vous en prie.
Association provinciale des fruiteries du
Québec
M. Laurin (Yvon): Merci, M. le Président. Mon nom est Yvon
Laurin, je suis président de l'Association provinciale des fruiteries du
Québec. Je voudrais aussi mentionner que mon travail de président
de l'Association des fruiteries est un travail à temps partiel, puisque
je suis propriétaire, depuis plus de dix ans maintenant, d'une fruiterie
à Saint-Jérôme. À ma droite, M. Jean-Louis
Falardeau, vice-président de l'Association provinciale des fruiteries du
Québec et copropriétaire des magasins Jardin Mobile, bien connus
dans la région de Québec. À ma gauche, Michel Lapierre,
secrétaire de notre association, propriétaire des magasins le
Végétarien dans l'Estrie et dans la Mauricie.
M. le Président, au nom des propriétaires de fruiteries du
Québec, de leurs employés et des centaines de milliers de
consommateurs qui visitent nos commerces à toutes les semaines, nous
désirons vous exprimer nos remerciements face à la
possibilité qui nous est donnée, aujourd'hui, d'expliquer notre
point de vue devant cette commission. À l'instar de plusieurs groupes
qui ont défilé devant cette commission, nous voudrions aussi
féliciter les fonctionnaires qui ont préparé le document
d'information que nous jugeons très pertinent et très complet.
Félicitations messieurs et mesdames.
Compte tenu de tout ce qui a été dit devant cette
commission depuis quelques semaines, de ce qui a été écrit
dans les différents mémoires et qui a été dit, et
même répété, devant certains médias, nous
allons tenter de nous en tenir à des points spécifiques
concernant les fruiteries et à des éléments qui pourraient
être nouveaux, tout en ne perdant pas de vue les objectifs de cette
commission.
J'aimerais rappeler aux membres de cette commission que notre
association a toujours eu pour but de faire reconnaître la
spécificité des fruiteries: le fait que nous vendons presque
exclusivement des produits périssables, c'est-à-dire des produits
d'une durée de conservation limitée. D'ailleurs, nos nombreuses
interventions au cour des trois dernières années avaient pour but
de faire exempter nos commerces de l'application de la Loi sur les heures
d'affaires en fonction de la nature des produits que nous vendons. Nous ne
nions pas le fait que certains commerces opérant dans des anciens locaux
de supermarchés puissent s'appeler fruiteries, mais ce n'est pas le
concept que nous défendons. En travaillant à la rédaction
de notre mémoire, nous nous sommes rappelé le proverbe une image
vaut mille mots, et on s'est dit: Peut-être qu'un vidéo ne serait
pas de trop. Alors, dans le but de vous illustrer les particularités du
commerce des fruiteries, nous avons fait préparer un vidéo et
nous demandons la permission au président de vous le faire voir, s'il
vous plaît. Ça ne dure pas longtemps.
Le Président (M. Bélanger): Consentement. Donc, il
n'y a pas de problème.
M. Laurin: Alors, on y va pour le vidéo.
Le Président (M. Bélanger): En vous rappelant que
cela fait partie de vos 20 minutes de présentation.
M. Laurin: Merci.
Une voix: (Présentation d'un vidéo) (Suspension de
la séance à 12 heures)
(Reprise à 12 h 3)
M. Laurin: En ce qui a trait à la
spécificité des fruiteries, j'aimerais porter à
l'attention des membres de cette commission qu'ils peuvent trouver en annexe
à notre mémoire, c'est-à-dire les pièces 17 et 18
et ça vient d'être mentionné sur le vidéo, que les
associations des groupements comme la Fédération canadienne
d'entreprises indépendantes et l'Union des producteurs agricoles du
Québec, même si elles font partie de la Coalition contre
l'ouverture des commerces le dimanche, reconnaissent la particularité
des fruiteries et recommandent l'ouverture des fruiteries sept jours par
semaine. Je voudrais aussi vous faire remarquer que la Coalition contre
l'ouverture des commerces le dimanche compte parmi ses membres des
détaillants de matériaux de construction, des bijoutiers, des
fourreurs, des marchands Canadian Tire, des marchands de meubles. Je ne pense
pas que ces commerces-là aient beaucoup à craindre de l'ouverture
des fruiteries le dimanche, à moins qu'on ne leur fasse croire que si
les fruiteries sont ouvertes le dimanche, ils seront forcés d'ouvrir
eux-mêmes, ce qu'ils n'ont pas envie de faire, je pense.
Maintenant que plus personne ne doute du caractère
spécifique des fruiteries, je vais tenter de vous expliquer comment les
fruiteries sont devenues ce qu'elles sont aujourd'hui ou, en d'autres termes,
comment elles ont réussi à accaparer une pointe de la tarte
alimentaire au Québec, puisque c'est une expression qui est
utilisée. Je vous dirai que les fruiteries se sont
développées à cause du changement des habitudes de
consommation de la population. Pendant les dix dernières années,
nous avons été les témoins d'une prise de conscience
massive face à une alimentation plus saine, constituée d'une
quantité grandissante de produits frais. Toujours fallait-il que ces
produits frais soient accessibles en temps et en quantité pour les
consommateurs. Simultanément, les habitudes d'achat des consommateurs
ont évolué. Il y a présentement un nombre grandissant et
déjà important à ce moment-ci de consommateurs qui
préfèrent faire des achats de façon moins fréquente
de produits non périssables - on parle d'une fols par semaine, d'une
fois par quinze jours - et s'approvisionner sur une base presque quotidienne en
produits périssables. C'est ce qui a amené la demande dans les
fruiteries pour d'autres produits périssables, c'est-à-dire des
produits autres que les fruits et légumes, comme des fromages, des
produits de charcuterie ou des produits de boulangerie. Nous constatons
d'ailleurs que ces derniers achats sont beaucoup plus spontanés,
beaucoup plus impulsifs. Quand on sait qu'au moment où on se parle, un
repas sur trois est pris au restaurant, il devient difficile pour beaucoup de
gens de planifier plusieurs jours à l'avance les repas pris à la
maison. Face à ces besoins des consommateurs, nous voudrions
aujourd'hui, M. le Président, déposer devant cette commission -
vous ne le croirez pas - un nouveau sondage. En effet, dans le but de mesurer
nos présomptions, nous avons fait effectuer dernièrement, au
début du mois de février, par l'Institut québécois
d'opinion publique, un nouveau sondage auprès des consommateurs du
Québec, à savoir quelle était leur volonté de
conserver les fruiteries ouvertes le dimanche. Je vous épargne la
tâche de trouver la page et tout ça, mais je vous dirai
qu'à la page 10 de ce sondage on s'aperçoit que 78 % de la
population favorise l'ouverture des fruiteries le dimanche. Nous avions aussi
fait exécuter un autre sondage, en 1987. À ce moment-là,
le pourcentage en faveur de l'ouverture des fruiteries avait été
de 77 %. Alors, on voit que la tendance se maintient. Quand on pense qu'on peut
faire élire des gouvernements majoritaires avec 40 % du vote, alors, 78
%, ça doit être pas mal de monde, ça doit être
important. Quant à la nécessité ou à la
volonté ou au besoin des consommateurs de protéger l'ouverture
des fruiteries sept jours, à ce moment-ci, ça ne fait aucun doute
pour nous.
Je ne voudrais pas mettre fin à mon intervention sans parler de
la qualité de la vie de nos employés. Je voudrais corriger,
à ce moment-ci, des choses que j'ai entendues à cette commission,
pas plus tard qu'hier. Les présidents de grandes chaînes
d'alimentation sont venus vous dire, hier, que les emplois qui existaient
ailleurs que dans les grands supermarchés syndiqués
étaient moins bien payés. Je peux vous dire qu'au niveau des
fruiteries, c'est de moins en moins vrai, et je vous dirai même que ce
n'est plus vrai du tout, parce que quand on regarde les annonces qu'il y a dans
le Journal de Montréal, à peu près tous les jours,
où Steinberg recrute du personnel pour ses nouveaux magasins
franchisés, on s'aperçoit que nos employés sont aussi bien
payés sinon mieux que dans ces supermarchés.
Maintenant, vous le savez, on ne l'a pas fait par choix. Nos commerces
qui étaient, il y a dix ans, des commerces un peu artisanaux sont
devenus des organisations structurées. Notre main-d'oeuvre ayant pour
objectif, dans nos commerces, d'être des spécialistes, nous nous
devons d'avoir du personnel qui a un minimum d'expérience. Et vous savez
que quand les employés ont de l'expérience qu'ils ont acquise
à travailler chez nous comme commis de fruits et légumes, comme
commis de charcuterie, ils peuvent facilement aller travailler dans un
supermarché. Je dois vous dire qu'il y a cinq ou six ans, on a
vécu cette érosion de notre personnel vers les
supermarchés, parce qu'ils en avaient besoin; il y a certaines
chaînes qui prenaient la part du marché qui avaient besoin de
personnel. On a dû s'ajuster, on a dû être plus efficace dans
notre gestion et on a dû donner des conditions de travail comparables
à celles de nos employés.
Il est faux de prétendre que nos employés seraient
stupides au point de travailler chez nous à un salaire inférieur,
à des conditions de travail inférieures à ce qu'ils
pourraient obtenir de l'autre côté de la rue. Vendredi
passé, je faisais une vérification, personnellement, dans le
Journal de Montréal, il y avait 31 offres d'emploi dans le
secteur de l'alimentation; donc, il y a une demande de personnel dans
l'alimentation. Vous savez, même s'il y a quand même une
quantité de gens qui veulent travailler le dimanche, les jeunes qui ont
17 ou 18 ans aujourd'hui, ils sont nés en 1973, au moment où la
pilule avait déjà commencé à faire ses ravages,
puis il commence à y en avoir moins. Alors, il faut être
compétitif si on veut garder nos employés. Un autre
phénomène qui est significatif pour nous, c'est que nos
employés restent chez nous. Autant de la part de nos réguliers
que de nos temps partiel, nous avons une fidélité de nos
employés et nous avons besoin de ça. Nous avons dû agir en
ce sens. Vous savez, il n'est pas rare de voir dans une fruiterie... Et je peux
en témoigner, dans mon cas, j'ai des étudiants qui sont venus
s'engager chez nous à 16 ans, au moment où ils étaient en
secondaire V et aujourd'hui, ils sont en deuxième année
d'université et ils travaillent encore chez nous. Ce qu'on voit aussi,
ce sont des employés qui travaillent dans des supermarchés, qui
viennent nous voir: Est-ce que je pourrais travailler chez vous? Je travaille
au Métro de l'autre bord, je travaille juste cinq heures par semaine, le
jeudi soir. J'aimerais ça travailler quinze heures
par semaine. Alors, chez nous, on a la possibilité, on a la
flexibilité d'offrir plus d'heures à ces gens-là.
On a entendu dernièrement que les employés travaillaient
dans les fruiteries parce qu'ils n'étaient pas protégés
par des syndicats. Ils étaient forcés de travailler. Je peux vous
dire qu'au Québec, dans notre association à tout le moins, il y a
cinq fruiteries qui sont syndiquées. Je vais déposer devant cette
commission cinq conventions collectives pour ces cinq fruiteries-là.
Vous me pardonnerez, M. le Président, je n'ai qu'un seul exemplaire des
conventions collectives. Elles sont arrivées tard hier soir et on n'a
pas pu en faire de copies. Mais dans ces cinq conventions collectives, le
travail le dimanche est prévu, les conditions de travail le dimanche
sont prévues, même qu'on y fait état de la
possibilité de travailler une fin de semaine sur deux. Mais en pratique,
ce n'est pas ça qu'on fait. Parce qu'on veut assurer une meilleure
qualité de vie à nos travailleurs et qu'on veut les garder chez
nous, on les fait travailler une fin de semaine sur trois, une sur quatre et
même souvent, les employés qui ont le plus d'ancienneté ne
travaillent presque pas les fins de semaine. Ce qui peut sembler un peu
paradoxal, c'est qu'il y a deux de ces conventions collectives qui ont
été signées par des syndicats affiliés à la
FTQ. J'achève, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure. Il vous reste une minute.
M. Laurin: Alors, pour ce qui est de la qualité de vie de
nos employés, on s'en porte garant, on n'a pas le choix.
Maintenant, au niveau des approvisionnements, les fruiteries, tel qu'il
a été dit dans le vidéo, encouragent des petits
producteurs au Québec qui n'auraient pas la possibilité de vendre
aux grandes chaînes parce que, évidemment, vous comprenez que
quand Steinberg a besoin de 4000 caisses de choux pour ouvrir son
entrepôt, le lundi, il ne peut pas commencer à appeler 100
producteurs maraîchers qui vont en emmener chacun 40 caisses. Il appelle
quelques gros producteurs qui peuvent lui fournir un volume et, à ce
moment-là, les petits producteurs ont besoin de nos
débouchés pour écouler leurs produits et pour leur
permettre de grandir un jour.
En terminant, puisque mon temps semble tirer à sa fin, un des
objectifs de cette commission est l'équité. Or, nous, nous ne
prétendons pas que nous faisons des affaires le dimanche parce que les
autres sont fermés, mais plutôt parce que nos commerces se
prêtent bien à certaines activités dominicales. Mais si,
pour assurer une équité commerciale dans cette province, il faut
passer par la libéralisation, les fruiteries vont s'y prêter avec
plaisir. Et d'ailleurs, vous avez vu que, lundi matin, nous avons appuyé
la Coalition pour l'ouverture des commer- ces le dimanche et nous ne sommes pas
inquiets de l'ouverture des supermarchés le dimanche; nous ne croyons
pas que ça va affecter notre marché. Ça va, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions.
M. le ministre. M. le député d'Or-ford.
M. Benoit: II va y avoir trois questions, mais vous allez voir,
elles s'enchâssent toutes, MM. Laurin, Falardeau et Lapierre, et vous
déciderez qui va y répondre. Première question:
Pourriez-vous opérer avec trois employés si vous ne vendiez que
des fruits et légumes? Pourriez-vous vivre si vous ne vendiez que des
fruits et légumes? Parce qu'on entend souvent que vous vendez -
d'ailleurs, je regardais dans votre vidéo - plein d'autres choses. Et
finalement, si le gouvernement devait maintenir la règle de trois et
qu'il décidait de la faire respecter, ce que tout le monde nous a dit
à peu près en commission parlementaire, quel serait sur vos
commerces l'effet d'observer cette loi-là?
M. Laurin: Merci, M. le député d'Orford. Quand vous
posez des questions, vous en posez, vous. Quant à la possibilité
d'opérer des commerces qui vendraient uniquement des fruits et
légumes avec trois employés, on en a des exemples concrets.
Certains de nos membres opèrent des fruiteries dans des halles ou dans
des marchés publics où, par des conditions dans leur bail, ils ne
peuvent vendre que des fruits et légumes frais parce que dans le
marché, il y a d'autres commerces qui vendent des fromages, qui vendent
de la viande, etc. Ces gens-là, ils en sont la preuve, ne peuvent pas
opérer avec trois employés. Quand on regarde toutes les
opérations nécessaires à l'exploitation d'un commerce de
fruits et légumes, comme on l'a vu sur le vidéo, il est
absolument impensable d'opérer à trois employés. (12 h
15)
Une autre particularité de nos commerces, c'est que, nous, dans
nos commerces... J'entendais M. Vlrthe la semaine passée qui disait que
nos supermarchés sont des modèles d'inefficacité parce
qu'ils doivent être construits en fonction de la demande du jeudi soir
qui est d'environ 30 % du volume de la semaine. Or, nous, dans nos commerces,
on évite de faire des amoncellements de produits. On essaie, comme on
l'a démontré dans le vidéo, d'avoir des étalages
qui vont respecter une demande minimale du client de façon à
assurer la rotation de nos produits. Il est bien évident que, quand on
arrive en période de pointe, que ce soit le jeudi soir, que ce soit le
samedi après-midi, on a besoin d'un surplus de personnel, à un
moment donné, pour répondre à la demande accrue du
consommateur. Évidemment, le lundi matin, entre 9 heures et midi, on
peut opérer à trois employés, mais le jeudi soir,
entre
18 heures et 21 heures, c'est impossible.
À votre deuxième question, M. le député
d'Orford, soit est-ce qu'on pourrait vivre si on vendait juste des fruits et
légumes, je vous dirais que dans une société de
consommation où les épiciers ne vendraient que de
l'épicerie, où les pharmaciens ne vendraient que des
médicaments et où les Canadian Tire ne vendraient que des pneus,
nous pourrions vivre en vendant juste des fruits, mais, comme vous le
constatez, au Québec, les croisements de mise en marché sont
présents dans tous les secteurs de notre commerce. Vous savez, si vous
achetez un condo aujourd'hui, il y a des bonnes chances qu'on vous donne un
frigidaire, un poêle et un lave-vaisselle avec. Dans les
supermarchés, on voit régulièrement des promotions qui
permettent aux gens de s'acheter des coutelleries, des sets de vaisselle ou des
chaudrons à rabais, à une fréquence de un ou deux par
semaine, de façon à assurer une certaine fidélité
de la clientèle. D'un autre côté, Zellers vend des biscuits
et Jean Coutu vend des produits alimentaires, ainsi de suite. Alors, dans ce
contexte commercial où les croisements en mise en marché sont
présents à tous les niveaux, il est impensable de croire que nous
pourrions vivre en vendant uniquement des fruits et légumes.
Maintenant, la règle de trois employés, ça
signifierait pour les fruiteries, à toutes fins pratiques, la
disparition du concept des fruiteries dans sa version actuelle. Vous savez que,
depuis presque huit mois maintenant, 14 fruiteries ont dû fermer leurs
portes le dimanche. Ces gens-là sont en mesure de témoigner que
la formule des fruiteries telle que nous la vivons depuis dix ans, telle
qu'elle a évolué depuis dix ans, elle n'est pas rentable si elles
ne sont pas ouvertes sept jours par semaine. Maintenant, nous sommes des
commerçants imaginatifs, débrouillards et si jamais il y avait
une règle de trois, ou bien on va devenir des dépanneurs, parce
que vendre de la bière ça ne prend pas de personnel, ou bien on
va sectionner nos commerces, on va devenir des marchés publics, ou on a
certains magasins comme Jardin mobile à Québec qui, en attendant
la modification de la loi, se sont mis à vendre de l'épicerie
pour compenser parce qu'ils doivent survivre en attendant. Mais la formule de
fruiteries telle que nous l'avons développée, telle qu'elle s'est
développée depuis dix ans, n'est pas vivable avec trois
employés.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: M. Laurin, vous venez de mentionner que plusieurs de
vos fruiteries, soit 14, avaient été obligées de fermer le
dimanche. J'aimerais, moi, vous entendre élaborer davantage. Quels ont
été les effets sur la fraîcheur des produits, sur le
chiffre d'affaires parce que vous mentionnez un peu plus loin aussi que
ça pouvait mettre en danger le concept des fruiteries tel que nous le
connaissons? Alors, j'imagine que vous devez déjà avoir
commencé à accumuler des statistiques sur les effets de la
fermeture le dimanche.
M. Laurin: Si vous me permettez, M. le député de
Drummond, là-dessus, je vais laisser la parole à mon
confrère, M. Falardeau, qui est propriétaire de Jardin mobile,
à Québec, et qui, malheureusement, vit cette fermeture le
dimanche depuis quelques mois. Je vais le laisser élaborer.
M. Falardeau (Jean-Louis): En quelques mots, les effets, depuis
le 1er août qu'on est fermés, c'est qu'il y a de 25 % à 30
% de perte de chiffre d'affaires. De 25 % à 30 %, parce que, moi,
j'étais ouvert également le lundi soir, mardi soir, mercredi soir
et les dimanches. De cette perte-là, on peut dire qu'il y en a 15%
à 18% qui proviennent du dimanche et de 10 % à 12 % qui
proviennent des lundi, mardi et mercredi. Si j'extrapole les sept mois de
fermeture sur un an, je peux vous dire que, chez nous, il va se perdre 100 000
heures de travail étudiant par an, carrément perdues parce que,
bon, les salaires, chez nous, sont, évidemment, un frais variable. Je
serais particulièrement étonné de voir ces
heures-ià être récupérées directement par
quelqu'un d'autre puisque, ce qu'on perd chez nous, j'ai l'impression, pour en
avoir parlé avec les propriétaires de chaînes
environnantes, ce n'est pas récupéré directement, il n'y a
pas un effet, à savoir que, si Jardin mobile perd 20 %, automatiquement
le voisin gagne 18 % le samedi. C'est carrément perdu. C'est
dilué dans des produits substituts, tels que les dépanneurs, tels
que les restaurants, tels que les halles d'alimentation, entre autres, qui sont
restés ouverts. Il y a effectivement une baisse du
bénéfice brut également. Je vous donne juste un exemple.
Au 1er août, quand on a reçu l'injonction, il a fallu fermer,
évidemment, nos portes. On était dans le temps du maïs.
Alors, étant donné que notre critère premier est la
qualité, du maïs que j'ai acheté, supposons, le vendredi
pour être vendu le samedi, s'il en reste le samedi, bon, bien, le lundi
ce n'est pas vendable. Moi, je me souviens que, la première fin de
semaine, j'ai dû mettre à la poubelle 200 poches de blé
d'Inde, carrément. Ce n'est pas de la frime, c'est vrai.
Actuellement, pour survivre, comme M. Laurin l'a dit, on a dû
modifier le concept. C'est évident qu'on peut survivre temporairement
avec le concept, mais, que je sache, on n'est pas des gérants de cannage
et on n'a jamais désiré l'être. On a toujours
été des spécialistes en fruits et légumes et en
produits périssables et on aimerait bien le rester. D'ailleurs, si on
fait l'ajout de produits complémentaires dans certaines de nos
succursales, ça ressemble à des produits genre vinaigrettes,
boîtes de conserve, certains légumes en conserve, des fruits
en
conserve, il y a toute une gamme d'épicerie. Si on ne l'avait
jamais fait, nous autres, chez Jardin mobile, auparavant, c'est qu'on concevait
que l'équilible de marché était bien conservé en
ayant une fruiterie avec des produits périssables, un dépanneur
avec des produits de dépannage et des supermarchés avec
l'ensemble des produits qu'on a. On jugeait qu'il y avait un juste
équilibre dans le marché, à ce niveau-là. On
s'était toujours refusé, chez nous, à entrer certains
produits, bon, bien, parce qu'on ne voulait pas entrer en compétition
avec le dépanneur.
Il y a eu un effet qu'il ne faut pas négliger non plus, c'est le
refoulement chez certains producteurs. Je vous ai dit: La première fin
de semaine, j'ai perdu 200 poches de blé d'Inde. La deuxième fin
de semaine, ce n'est sûrement pas moi qui les ai perdues, parce que j'ai
dit au producteur: Je n'en veux pas de ton blé d'Inde. Donc, qu'est-ce
qu'il a fait avec ses 200 poches, lui - ou eux, parce que j'en ai plusieurs -
qu'il fournit? Alors, qu'est-ce qu'ils font avec leur blé d'Inde du
dimanche qu'ils ne pourront plus vendre à une fruiterie?
Généralement, globalement, c'est à peu près les
effets qu'on a pu connaître en fermant le dimanche.
M. Benoit: M. le Président, est-ce que je pourrais
demander une précision sur un chiffre?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Benoit: Comment arrivez-vous à 100 000 emplois de
perdus, là?
M. Falardeau: 100 000 heures.
M. Benoit: Comment arrivez-vous à 100 000 heures?
M. Falardeau: Bon, donc si on part du principe que...
M. Benoit: J'ai fait des calculs et...
M. Falardeau: Je vais essayer. Chez moi, dans les derniers
dimanches où on était ouverts, il y avait 137 employés qui
travaillaient, au total, pour sept magasins. Donc, multiplions ça par
une moyenne d'environ sept heures, plus les lundi, mardi et mercredi soir,
malheureusement, je n'ai pas les chiffres, mais ça ressemble globalement
à ce chiffre-là.
M. Benoit: O.K.
M. Falardeau: Si on extrapole tout ça ensemble, ça
fait 100 000 heures de perte de travail étudiant. Je dis de travail
étudiant, parce que, le dimanche, j'avais, dans sept magasins toujours,
22 réguliers qui travaillaient et 115 étudiants, la
journée du dimanche.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Oui, c'est mon collègue le
député de Bertrand qui va poser quelques questions pour
démarrer, s'il vous plaît, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Ça me prend le
consentement, M. le député de Bertrand n'est pas membre de la
commission.
Mme Marois: Ah, il n'est pas inscrit. Alors, je m'excuse. Est-ce
qu'il y a consentement pour qu'on l'inscrive? D'accord?
Le Président (M. Bélanger): II y a consentement?
Alors, consentement, M. le député de Bertrand.
Une voix: Ça me fait plaisir.
M. Beaulne: Merci, M. le Président, M. le ministre.
D'abord, je tiens à féliciter l'Association provinciale des
fruiteries de nous avoir présenté un excellent mémoire,
avec un vidéo qui apporte beaucoup d'éclaircissements. J'ai
été particulièrement impressionné, non seulement
par la présentation dans le texte, mais je puis vous dire, pour avoir
moi-même quatre fruiteries dans mon comté, que les commentaires
qui sont fait dans le texte, ainsi que les commentaires qui ont
été apportés par le président, correspondent
exactement au profil et au type d'activités des fruiteries. À ce
niveau-là, il y a quelque chose qui a sans doute éveillé
un intérêt chez les membres de la commission, c'est le partage des
employés à temps plein et à temps partiel dans les
fruiteries. Si j'en juge par celles que je connais, la grande partie de ces
employés à temps partiel sont des étudiants et des jeunes
qui ont seulement cette source de travail.
Au moment où on parle de l'augmentation des frais de
scolarité des jeunes, au moment où le pourcentage de
chômage chez les jeunes est particulièrement élevé,
au moment où, pour des raisons de réglementation de
dépenses gouvernementales, on est obligés de couper dans certains
programmes axés vers les jeunes, j'aimerais, M. le représentant
des fruiteries, pour le bénéfice de mes collègues ici et
de tous, que vous nous donniez quelques caractéristiques un peu plus
poussées de ces employés à temps partiel.
Ma deuxième question est la suivante: Vous avez
évoqué tout à l'heure, dans votre présentation, un
peu ce que l'on pourrait appeler une sorte de code d'éthique que les
fruiteries se donnent, c'est-à-dire que vous vendez presque
essentiellement des produits périssables. Alors, pour le
bénéfice de mes collègues encore une fois, j'aimerais
peut-être que vous explicitiez cette sorte de ligne de conduite interne
que vous
vous donnez et que vous leur donniez une idée un peu plus
précise de la proportion des produits périssables que vous vendez
par rapport aux produits non périssables.
M. Laurin: D'accord. Merci, M. le député de
Bertrand. D'abord, en ce qui concerne les employés, je ne chercherai pas
à vous apporter des statistiques supplémentaires, je vais
simplement vous parler de la réalité qu'on vit dans nos
fruiteries. Quand j'engage des étudiants chez nous, je leur dis en les
engageant: Moi, j'ai un commerce idéal pour faire travailler des
étudiants, parce qu'il reste que les fruiteries, c'est quand même
un commerce saisonnier. Évidemment, quand arrive la saison estivale, les
produits sont disponibles en plus grande quantité, la demande est plus
forte au niveau des consommateurs et nous connaissons une période de
pointe dans nos affaires. Comme par hasard, à ce moment-là, les
étudiants sont disponibles à travailler à temps plein et,
la plupart du temps, quand les universités, les cégeps ferment,
on a juste hâte qu'arrivent les étudiants pour venir nous aider
parce qu'on est débordés. Maintenant, quand arrive l'automne et
la période plus calme dans nos commerces, on a besoin de moins de
personnel et nos étudiants retournent en classe. À ce
moment-là, on a besoin d'étudiants pour travailler les fins de
semaine, parce que, môme pendant notre période morte, les fins de
semaine représentent quand même les périodes de pointe dans
nos affaires. À ce moment-là, les étudiants sont
disponibles et ça nous permet d'améliorer la qualité de
vie de nos employés réguliers en faisant travailler nos
étudiants la fin de semaine et en donnant congé à nos
employés réguliers. Alors, c'est comme ça qu'on vit
ça le travail des étudiants dans les fruiteries.
À votre deuxième question, M. le député, une
étude a été effectuée par l'Institut
québécois d'opinion publique auprès des
propriétaires de fruiteries. La raison pour laquelle on l'a fait faire
par IQOP, c'est que je ne voulais pas que mon "chum" de la rive sud pense que
je veux savoir quelle, sorte de business il fait pour essayer de le
compétitionner. Alors, on l'a fait faire par des gens
indépendants pour assurer l'intégrité de cette
étude. Il a été démontré que, sur une base
annuelle, les commerces, membres de notre association, réalisent 70 % de
leur chiffre d'affaires par la vente de fruits et légumes frais; 8 % de
fromage et produits laitiers; poissons et fruits de mer, 1 %; viandes
fraîches, 1 % - évidemment, vous comprendrez que les fruiteries
qui ont des comptoirs de viandes fraîches dans leur magasin, ça
représente plus de 1 %, mais sur l'ensemble de l'échantillonnage,
parce qu'on ne vend pas tous de la viande rouge dans nos magasins, dans nos
fruiteries, ça représentait 1 % - les produits de charcuterie, 6
%; les produits de boulangerie, 6 %; les aliments en vrac, 3 %;
l'épicerie et les autres, 5 % au total. Donc, 95 % du volume d'affaires
des fruiteries proviennent de la vente de produits périssables.
Merci.
Mme Marois: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Marois: Je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation
politique. J'aimerais que vous me disiez combien de fruiteries sont membres de
votre organisation? Combien en représentez-vous devant nous?
M. Laurin: Au moment où on se parle, il y en a 98, Mme
Marois.
Mme Marois: 98. Il y en a combien au total au Québec?
M. Laurin: Nous, quand on a formé notre association, Mme
Marois, on s'est donné une définition très restrictive
d'une fruiterie, c'est-à-dire que pour être membre de notre
association, il faut soutirer au moins 90 % de son chiffre d'affaires de la
vente de produits périssables. Or, comme vous savez, il existe, surtout
dans la région de Montréal, de nombreux dépanneurs qui ont
des gros comptoirs de fruits et légumes et qui prétendent
être des fruiteries. (12 h 30)
Alors, nous, on n'a pas accepté ces gens-là dans notre
association, parce que, dès le départ, compte tenu des
paramètres qu'il y avait, c'est-à-dire la Loi sur les heures
d'affaires à ce moment-là, nous tentions d'obtenir une exemption
sur la base des produits périssables. Alors, ça devient difficile
pour nous, à ce moment-ci, d'évaluer combien il pourrait y avoir
de fruiteries, globalement, au Québec.
Mme Marois: D'accord. Mais vous en représentez 98. C'est
parce que je ne me souviens pas, dans le document du ministère, si
c'était noté, le nombre total. Mais enfin, on pourra y revenir.
Je pourrai fouiller. Dans votre document, vous nous dites: Une fruiterie -
à la page 13 - est un concept non morcelable qui offre - c'est à
la page 13 de votre document - 90 % de produits périssables frais - on
parle d'autour de 95 % - et 10 % de produits non périssables
complémentaires, tels vinaigrettes à salade, épices et
autres.
Donc, vous nous dites que, dans les 98, la grande majorité, pour
90 % des cas - non, je n'ai pas compris - vend à 90 % des produits de
fruiteries, de fruits et légumes.
M. Laurin: Non, 90 % de produits périssables. Ces produits
périssables incluent fruits et légumes frais, produits de
charcuterie...
Mme Marois: Et ce que vous définissiez tout
à l'heure, ce que vous... Bon. M. Laurin: Exactement.
Mme Marois: Ça va. Juste pour se replacer un peu. Parmi
les fruiteries que vous représentez, il y en a combien... La moyenne,
vous dites que c'est autour de 15 employés. C'est ce que vous dites dans
votre document en général. Je me mets des marques habituellement,
mais... Je voudrais savoir comment ça se ventile, ça,
c'est-à-dire il y en a combien à trois, à dix, a quinze,
à vingt employés? Voyez-vous, on dit, à la page 20: Le
personnel d'une fruiterie, membre de l'Association... est constitué, en
moyenne de 15 employés à temps régulier et 16
employés à temps partiel._ Est-ce que c'est une moyenne qui donne
aussi une image réelle de ce qu'elles sont? Parce qu'on sait toujours
qu'une moyenne, évidemment, c'est la somme du tout divisée par le
tout aussi. Mais est-ce qu'il y en a 25 avec 50 employés et puis 10 avec
10 employés? Qu'est-ce que c'est, la ventilation?
M. Laurin: Voyez-vous, dans une étude qui est
annexée à notre mémoire, Mme Marois...
Mme Marois: O.K. Allez-y, dites-moi où.
M. Laurin: Attendez. Je l'ai indépendamment.
Mme Marois: Parce que vous en avez, des annexes; trois pouces
d'épais. Bien, écoutez, pendant que vous cherchez, il y a
peut-être quelqu'un qui peut chercher pour vous.
M. Laurin: Écoutez, Mme Marois, je vais vous donner
l'information, je l'ai. Après, si vous voulez, je pourrais la retrouver
dans notre mémoire, d'accord?
Mme Marois: D'accord.
M. Laurin: Alors, on dit, au niveau du nombre d'employés,
toujours à partir de l'étude d'IQOP qui a été
effectuée auprès des propriétaires de fruiteries, au
niveau des employés réguliers, que les entreprises des fruiteries
qui ont 10 et moins employés réguliers...
Mme Marois: 10 employés et moins, oui.
M. Laurin: ...dans leur commerce, il y en a 22.
Mme Marois: O.K.
M. Laurin: Puis, là, je vous...
Mme Marois: Après ça, le reste, bien, c'est
au-delà de...
M. Laurin: C'est ça, exactement.
Mme Marois: Bon, d'accord. Il y a un argument qui revient
souvent. Je pense que mon temps est presque déjà terminé,
parce que... Il y a un argument qui revient souvent. On nous dit:
Écoutez - puis ça revient dans votre vidéo, d'ailleurs -
pour nous, fermer 30 heures, c'est un petit peu complexe, ce n'est pas possible
ou c'est possible, mais la qualité de nos produits en souffre, etc.
Or, les grandes chaînes alimentaires ont des comptoirs
gigantesques, énormes ou très importants, dans certains cas, de
produits périssables du type de ceux que vous distribuez. Pourtant, je
n'ai pas l'impression, quand on s'y approvisionne, qu'on mange
nécessairement des produits qui ne sont pas frais.
J'ai un petit document, ici, devant moi, où on me dit: Selon
l'endroit d'approvisionnement des fruits - je pense à la Floride - il y
a un temps de transit de trois jours, n'incluant pas la journée de
chargement. Pour la Californie, le temps de transit pour les fruits et
légumes est de quatre jours, Texas, Arizona, bon. Donc, il y a quand
même, selon les lieux d'approvisionnement, des délais, si on veut,
avant qu'ils ne soient rendus chez le consommateur. Parfois, ils passent par la
grande chaîne, parfois ils passent par chez vous, mais je n'ai pas
l'impression, nécessairement, quand je vais dans la grande chaîne
ou le supermarché, qu'on me vend vraiment de la camelote. Vous
comprendrez qu'on peut jouer aussi sur le rythme d'approvisionnement. C'est
pour ça que, quand je fais référence à ça,
s'il y avait une journée où, effectivement, on restreignait, par
exemple, à trois personnes et moins dans un commerce, bien ça
changerait, bien sûr, les règles d'approvisionnement et les
produits rentreraient peut-être à un autre rythme.
M. Laurin: Je comprends le sens de votre question, Mme Marois.
Dans la première partie de votre question concernant la fraîcheur
des produits due à la fermeture des supermarchés, entre autres,
je pense que Provigo Distribution, dans sa présentation, c'est un des
arguments majeurs qu'elle invoque pour souhaiter l'opération continuelle
de ses supermarchés, c'est-à-dire d'éviter ce
dégarnissage des comptoirs le samedi après-midi et ce remplissage
du lundi matin.
Maintenant, je n'ai jamais prétendu que les supermarchés
vendaient des produits de moindre qualité. Par contre, il s'occasionne
des pertes importantes. Mme Marois, le steak qui est tranché le samedi
matin pour être mis au comptoir à l'heure du midi, s'il n'est pas
vendu samedi soir, lundi matin, c'est sûr qu'ils vont faire de la viande
hachée avec et qu'ils vont le vendre moins cher. Ils vont avoir une
perte à partir de ça et c'est le consommateur qui va payer pour
cette perte et qui paie présentement.
Maintenant, nous n'avons jamais prétendu que les tomates ou les
pommes que nous vendons le dimanche, ce ne sont pas les mêmes que nous
vendrions le vendredi. Là, je voudrais revenir à la notion de
besoin fondamental pour les consommateurs. C'est que, quand on constate les
nouvelles habitudes d'achat, de consommation de la population, les gens sont
beaucoup plus spontanés dans les achats périssables. On se
rapproche, en fin de compte, de plus en plus de la restauration. D'ailleurs, on
voit pousser dans les fruiteries, même dans certains supermarchés,
des bars à salade. Les gens viennent chez nous, ils se font une salade
et s'en vont la manger chez eux. Et moi, quand j'ai fait ça dans mon
commerce, je me suis dit: Autour, il y a des bureaux, il y a un salon de
coiffure, les gens vont venir le midi ou le soir, en finissant, chercher une
salade. Là, je m'aperçois qu'ils viennent le samedi
après-midi parce qu'ils ont de la visite. Ils disent: Si je me faisais
une salade comme ça, ça me coûterait 20 $ de stock et j'en
jetterais la moitié. Alors, ils dépensent 5 $, ils se font une
salade bien garnie. Ils s'en vont avec ça et ils sont bien heureux.
Alors, cette nouvelle notion de besoins des consommateurs, c'est dans ce
sens-là que nous voyons l'importance de notre présence sept jours
par semaine.
Vous savez, Mme Marois, qu'il y a des commerces, au Québec, qu'on
appelle des dépanneurs. Mais qu'est devenue cette notion de
dépannage? Moi, je pense que les dépanneurs sont devenus des
commerces de bière, des commerces où on peut louer des
vidéos, où on peut acheter des cigarettes. Maintenant, on y
retrouve des comptoirs bancaires. Les dépanneurs, qui sont aussi
Imaginatifs et débrouillards que nous autres, ont
développé une formule de commerce qui a intérêt
à cette ouverture 7 jours, 24 heures par jour. Nous, on a
développé des commerces en fonction d'une clientèle
spécifique, qui a des besoins spécifiques.
Mme Marois: Je suis bien consciente de ce que vous dites.
Évidemment, le seul bémol que je mets, et on s'entend, c'est une
des raisons pour lesquelles on se retrouve ici, c'est la question
d'équité. Si le dépanneur, en respectant les
règles, peut offrir un certain nombre de services, bien on va mettre au
moins tout le monde sur le même pied d'égalité, à
savoir que, si tu vends dans l'alimentaire, si on permet à des
fruiteries, par exemple, d'ouvrir alors qu'il y a des grandes surfaces qui ne
peuvent pas le faire, mais qui ont des grands espaces, bien, je pense qu'on
crée quand même une inéquité. Vous étiez
là quand j'ai eu la discussion avec M. Coutu, ce matin. On donne un
avantage à un groupe plutôt qu'à un autre. C'est
essentiellement ça, actuellement, le débat pour une partie, pour
l'aspect activités commerciales. Je mets de côté,
évidemment, l'aspect de la relation entre los personnes, la
qualité de vie, mais pour ce qui est de l'aspect commercial, c'est
l'objet, entre autres, du débat qu'on a. Je voudrais juste vous faire un
petit commentaire. Vous dites: C'est sûr que s'il ne vend pas son steak
à trois heures ou à midi, celui qu'il a coupé le matin, il
est obligé de le revendre le lundi. Puisque vous êtes dans le
commerce de produits très périssables, vous êtes aussi
bien, j'imagine, à même de savoir à peu près quel va
être votre achalandage. Vous pouvez vous tromper sur quelques steaks ou
sur quelques pommes, mais vous savez combien vous vendez de volume, le
vendredi, le jeudi, le samedi ou le lundi. Il y a quand même un niveau de
prévision que vous pouvez faire, tant dans vos approvisionnements, que
dans l'organisation de votre plancher.
M. Laurin: Mme Marois, je vais vous faire une...
Mme Marois: Pas parfaitement, par exemple, je sais bien.
M. Laurin: Je vais vous faire une petite confidence que je
voudrais que vous ne répétiez pas aux...
Mme Marois: Elle va rester entre nous, je vous le promets.
M. Laurin: ...grandes chaînes d'alimentation. Mme
Marois: Ha, ha, ha!
M. Laurin: Moi, je pense... Vous reconnaissez, Mme Marois, qu'il
y a une technique en mise en marché qui dit que, quand il y a un steak
dans le comptoir, on est porté à croire qu'il n'est pas frais. Il
faut qu'il y en ait cinq ou six, pour donner le choix, pour qu'on ait
l'impression qu'il y a une certaine abondance, une certaine
disponibilité. Je pense que la perte des supermarchés, le samedi
après-midi, est bien plus au niveau d'une perte de ventes parce qu'il
n'y a rien dans les comptoirs parce qu'ils ont peur d'en couper, ils ont peur
d'en mettre, parce qu'ils savent que, lundi, ils vont faire de la viande
hachée avec. Si l'opération continuelle était possible, on
pourrait récupérer ces pertes-là. Mais ne
répétez pas ça à Provigo.
Mme Marois: D'accord. Il me reste deux minutes au total. Je vais
garder mes deux minutes pour revenir. Il ne me reste que deux minutes.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je suis bien content d'avoir entendu le
député de Bertrand, parce que, si j'ai bien
interprété ses questions, il serait pour l'ouverture des
fruiteries le dimanche.
Mme Marois: II n'a pas dit ça.
M. Tremblay (Outremont): It vient de me dire oui, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: À titre personnel, évidemment, à
ce moment-là.
M. Tremblay (Outremont): Excellent, excellent!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Non, non, mais je trouve ça
très bien, parce que |e commençais à me poser des
questions à savoir si l'Opposition était unanime sur la position
défendue par la députée de Taillon. Alors, je suis
très, très content. Parce que nous, je dois l'admettre et on le
voit aussi, on discute. Ça, je suis très content d'entendre
ça et, deuxièmement, également que la
députée de Taillon ait commencé à poser des
questions sur le nombre d'employés. Avant qu'on fasse une commission
parlementaire, je dis bien avant que je décrète la commission
parlementaire, j'avais eu l'opportunité de rencontrer M. Lord et
également M. Laurin et c'est à la suite de ces deux rencontres
que j'ai décidé d'en faire une, parce que je me suis dit. Les
fruiteries, dans le fond - et là je pense tout haut - la demande est
là, ça joue un rôle, ce sont des biens périssables.
C'est pour ça que je pose beaucoup de questions sur le nombre
d'employés, à savoir s'il y a moyen de jouer. Mais là,
j'ai appris, comme vous, qu'on parle... Je pensais qu'il y en avait moins,
qu'on jouait sur trois, quatre ou cinq, mais là c'est dix, très,
très bien. Ce que je retiens de ce que M. Laurin a mentionné tout
à l'heure, c'est qu'il réalise très bien, puis la
députée de Taillon pour avoir vécu toute la commission
s'en aperçoit également, que si on crée une exception
additionnelle, on va avoir des gros problèmes, parce que, quand vous
dites que vous vendez... Ces 30 % - ce sont les chiffres que j'ai, on ne
s'obstinera pas sur 1 % ou 2 % - de produits que vous vendez, c'est vrai que ce
sont des produits non périssables, mais dans ces produits-là, il
y a des produits laitiers, de boulangerie, il y a de la charcuterie et
plusieurs autres produits qui sont également vendus dans d'autres
commerces. Alors, vous réalisez très bien que, si je
créais une exception dans la loi pour les fruiteries, ça aurait
un effet d'entraînement. C'est pour ça que, ce matin -
corrigez-moi si je me trompe - vous êtes venus nous dire que vous seriez
favorables à la libéralisation des commerces. Vous l'avez dit,
parce que vous avez dit que vous n'avez pas de problèmes avec la
concurrence. Je n'interprète pas, je ne veux surtout pas
interpréter vos paroles. C'est ça?
M. Laurin: Oui, vous me permettez de clarifier à ce
point-ci, M. le ministre?
M. Tremblay (Outremont): Oui, clarifiez-le parce que là
j'arrive avec ma... Je faisais juste des constats et j'allais vous arriver avec
ma question. (12 h 45)
M. Laurin: O.K. Nous, M. le ministre, d'abord, on a fait faire
des études dans nos commerces, à savoir pourquoi les gens
venaient chez nous. O.K.? Et je peux vous dire que le fait qu'on soit ouvert le
dimanche, c'est comme ça et ça ne mérite même pas
qu'on en parie. Pour nous autres, la volatilité des marchés,
parce qu'on sait qu'une partie de la clientèle est volatile, n'a pas
grand-chose à voir avec les heures d'ouverture des commerces. Ce que
nous considérons important, c'est que les commerces doivent s'adapter
aux besoins en évolution de ia clientèle. Nous, on
prétend, selon nos prévisions, d'ailleurs, vous savez, M. le
ministre, en ce qui concerne notre appui à la libéralisation, il
y a deux ans, devant le comité Richard, on avait la même
position... nous, selon nos estimés, on prévoit perdre, s'il y a
libéralisation dans le secteur alimentaire, un maximum de 4 % ou 5 % de
nos ventes. Et on considère qu'on est assez débrouillards pour
aller les récupérer, ces 5 %. quand il y aura
libéralisation.
M. Tremblay (Outremont): Ça clarifie bien ce que je
voulais savoir. Donc, étant donné l'équité qu'on
doit avoir dans la loi, pour ne pas créer une autre exception qui va
avoir un effet d'entraînement, vous êtes favorables à la
libéralisation, et l'interprétation que j'en fais
également, c'est que ce n'est pas juste la libéralisation dans
l'alimentation - corrigez-moi, encore une fois, si je me trompe - parce que
là, on retombe dans les pharmacies d'escomptes ou d'autres qui ont des
privilèges, ça serait une libéralisation totale, si on
veut avoir une loi qu'on va pouvoir gérer puis qui va être
durable.
M. Laurin: Écoutez, en tant que président de
l'Association des fruiteries, je suis obligé de vous dire que ce qui va
se passer dans les meubles, ça me préoccupe plus ou moins. C'est
à partir du moment où je cause une inéquité dans le
secteur alimentaire, je suis d'accord pour vivre avec la
libéralisation.
M. Tremblay (Outremont): Non, non, je vous faisais juste
participer au cheminement qu'on vit. Évidemment, on n'a pas pris de
décision.
M. Laurin: M. le ministre, permettez-moi de poursuivre. Quand
vous me pariez des autres secteurs du commerce au détail, nous, à
l'Association des fruiteries, on croit que ce devrait être les
consommateurs qui fixent les normes du
marché et je pense que, dans le fond, moi, quand j'observe tout
ce qui se passe ici depuis deux semaines, on essaie de déterminer ce que
sont les conditions du marché et ce que devrait être la loi. Puis,
en fin de compte, s'il n'y en avait pas, de loi, on arriverait au même
résultat pareil.
M. Tremblay (Outremont): Bon. M. Laurin, vous dites...
Mme Marois: ...des parts de marché, vous dites. C'est
ça?
M. Laurin: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Alors, j'ai deux questions. La
première: Vous avez dit, tout à l'heure, que votre formule, telle
que conçue - on l'a vue sur vidéo - ce n'est pas rentable selon
la loi actuelle. Oui?
M. Laurin: Oui, oui.
M. Tremblay (Outremont): D'accord. Pourquoi l'avez-vous
conçue, si la loi ne vous le permettait pas? Est-ce que les
commerçants vont créer un besoin et vont forcer le gouvernement
à modifier des lois, puis on va être obligé de toujours se
soumettre, en tant que gouvernement, à la créativité des
commerçants? Alors, ça, c'est ma première question.
M. Laurin: Je peux répondre tout de suite?
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui, allez-y tout de suite.
M. Laurin: M. le ministre, le jour où vendre des fruits et
légumes le dimanche, ce sera défendu pour tout le monde, dans
notre tête, on n'en vendra plus, des fruits et légumes. Mais quand
la loi dit: II est permis de vendre des fruits et légumes si tu as une
porte là, si ton "chum" t'a fait une exemption ou si tu as telle
couleur... Voler, c'est défendu pour tout le monde, M. le ministre! La
limite de vitesse sur l'autoroute, c'est 100 km/h. Ce n'est pas parce que tu as
un char rouge ou jaune que tu peux aller à 110.
Une voix: O.K.
M. Laurin: Puis, vous savez que tout le monde a reconnu que la
loi présente est ingérable, inapplicable et
inéquitable.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais la loi... oui. On dit: Dura
lex, sed lex: la loi est dure, mais c'est la loi. Trois employés et
moins, la loi l'avait dit, un dépanneur peut vendre des fruits et
légumes, puis ça, vous aviez le droit de le faire. Vous avez
décidé, parce que votre nouveau concept n'est pas rentable, que
le consommateur avait raison. Donc, j'opère. Alors, la situation dans
laquelle vous vous trouvez aujourd'hui - je ne porte pas de jugement sur
ça, je veux juste faire le constat et qu'on s'entende sur les faits -
vous amène à la conclusion que ce n'est pas rentable; donc, on
doit changer la loi. Et d'autres défendent exactement la position
contraire pour dire: C'est trois employés et moins, on veut avoir des
petits commerces.
M. Laurin: D'accord. M. le ministre, avant que la loi 59 ait
franchi l'étape, la deuxième étape - vous me passerez les
termes, là - ...
M. Tremblay (Outremont): Les lectures, les lectures...
M. Laurin: ...la deuxième lecture, déjà les
fruiteries, à ce moment-là, s'organisaient dans un organisme pour
contester la loi 59.
M. Tremblay (Outremont): Pourquoi, en 1984, quand le gouvernement
l'a édicté cette loi-là, n'étiez-vous pas
présents? Moi, ce que j'entends, c'est que depuis 15 ans, depuis 20 ans,
il y en a des fruiteries, puis on a toujours opéré, puis on a un
droit acquis, puis le gouvernement ne devrait pas nous fermer. C'est ça
que j'entends, là. Bon, pourquoi, en 1984, n'avez-vous pas fait les
représentations nécessaires pour avoir la protection au niveau
des fruiteries?
M. Laurin: Tout simplement, M. le ministre, parce que naïvement,
nous opérions librement depuis nombre d'années. Jamais il n'avait
été invoqué qu'opérer une fruiterie le dimanche,
c'était illégal, et nous étions sûrs, à ce
moment-là, que la législation en tiendrait compte. Et là,
on a complètement manqué le bateau, à ce moment-là.
Mais quand on a contesté la loi 59, M. le ministre, il y a eu une
manifestation à ce moment-là et, là, la loi a
été sanctionnée puis on n'avait pas de problème.
Alors, on a continué. On a continué et vous savez, M. le
ministre, ça n'arrive pas du jour au lendemain qu'on passe de 3 à
22 dans le magasin. On est 3, on est 4, on est 5. Ça passe et ça
a continué comme ça, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Bon. Dites-moi, si vous disparaissez,
parce que vous dites que ce n'est pas rentable trois employés et moins,
le producteur maraîcher, parce que ça, c'est l'autre argument
qu'on entend souvent, c'est que le producteur maraîcher
québécois, le petit producteur maraîcher ne peut plus
répondre aux besoins, mentionnés dans votre vidéo, des
grandes surfaces. Donc, il s'est trouvé un créneau. Avant,
comment vendait-il, lui? Il prenait son camion et il allait au marché
Jean-Talon ou au marché Atwater ou au marché à
Québec. Il mettait son camion là et c'était M.
Maraîcher avec son épouse ou ses enfants qui vendaient des
fruits et légumes. Aujourd'hui, on a créé un
intermédiaire. Vous êtes devenu un intermédiaire.
Là, il recule son camion chez vous, il met ses produits là et
c'est vous qui les vendez. Est-ce que c'est essentiel que des fruiteries soient
maintenues quand on pourrait s'approvisionner encore dans des marchés
où le petit producteur maraîcher peut vendre? Ça arrive.
Ça se fait ça.
M. Laurin: O.K. Là, je vous dirais, M. le ministre, que,
simultanément à l'organisation des grandes chaînes de
magasin... Je prends l'exemple d'un grossiste à Laval. Avant que les
chaînes aient des entrepôts de fruits et légumes, parce que
si on remonte à il y a dix ans, il y avait seulement Steinberg qui avait
son entrepôt de fruits et légumes, les autres épiciers
indépendants qui, maintenant, sont des Métro, des Provigo
affiliés, enfin tous ces types de commerce-là, étaient
fournis par des grossistes régionaux. Je prends l'exemple de Gravel et
Fils, à Laval, qui était fournisseur d'épicerie comme
ça. Quand, lui, a vu son marché disparaître parce que les
chaînes se fusionnaient ou créaient des entrepôts, lui, il a
parti une chaîne de fruiteries qui s'appelle Octofruit de façon
à assurer son volume et il a développé son volume. Alors,
on a assisté au même mouvement. La naissance des fruiteries,
l'épanouissement de la formule des fruiteries qui est venue
répondre, qui est venue prendre la place de ces petits
grossistes-là qui vendaient à des chaînes et, aussi, vous
savez que dans la culture maraîchère, on a vécu, justement,
l'épanouissement de certains gros producteurs maraîchers.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Ma dernière
question et c'est une question fondamentale du débat qu'on vit. On a la
preuve, avec deux commerçants, à côté, qui ont deux,
trois, je ne sais pas, il en a au moins trois, là, je pense. Le
Végétarien, vous en avez combien?
M. Laurin: Cinq et sept.
M. Tremblay (Outremont): Cinq, bon. C'est le corporatif versus le
petit. Ce n'est pas bon d'être gros, il faut rester petit. On entend
ça. Il y a une position clairement défendue de ce point de
vue-là. Alors, votre formule, elle fonctionne. C'est normal que vous en
profitiez, que vous ayez des économies d'échelle. Donc, vous
ouvrez des fruiteries, vous en avez cinq. Vous, vous en avez combien, à
Québec?
M. Falardeau: Sept.
M. Tremblay (Outremont): Vous en avez sept. C'est quoi
votre...
M. Laurin: Moi, je suis moins ambitieux, j'en ai juste une.
M. Tremblay (Outremont): Bien non...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Vous, c'est parce que vous
défendez l'Association provinciale des fruiteries. Donc, vous êtes
occupé à faire d'autres activités aussi, mais... Alors,
lorsqu'on entend... C'est parce que vous réussissez Vous devez
réussir si vous sentez le besoin d'en ouvrir. Est-ce que, parce que vous
êtes rendus des corporatifs, vos employés vont subir un
préjudice? Deuxièmement, est-ce que votre qualité de vie
est affectée et celle de vos travailleurs?
M. Laurin: Bon...
M. Tremblay (Outremont): Je peux demander, peut-être...
M. Laurin: À M. Lapierre.
M. Tremblay (Outremorrt): ...à M Lapierre,
peut-être.
M. Lapierre (Michel): Oui. Michel Lapierre. Moi, je vous dirai,
M. le ministre, que pour avoir cinq magasins, je ne crois aucunement que ma
qualité de vie en est compromise.
M. Tremblay (Outremont): Travaillez-vous le dimanche?
M. Lapierre: Je vous dirai que dimanche passé,
j'étais dans la Mauricie pour voir mes deux magasins, mais ça me
faisait plaisir d'aller rencontrer les employés. C'est vrai que ce n'est
pas moi qui "trim" la salade.
M. Tremblay (Outremont): Non.
M. Lapierre: Dans l'organisation aussi, nous sommes sur le
comité de direction, moi et Jean-Louis, peut-être les deux plus
importants qui ont développé un réseau de fruiteries. Par
contre, je vous dirai que si vous me parlez de qualité de vie, de la
mienne, de celle de mes employés, nous sommes très soucieux de ce
fait et soyez assurés que dans nos fruiteries, on a des conditions de
travail qui tiennent compte de ces besoins-là. M. Coutu parlait
tantôt au niveau de l'employé. Chez nous, nous avons des
employés qui sont réguliers, un certain ratio, et ce
ratio-là..
Mme Marois: Excusez-moi, c'est quoi le ratio?
M. Lapierre: Le ratio de réguliers dans les
Végétarien, je vais parler en mon nom propre
est, en saison morte qu'on peut dire, en hiver et à l'automne,
environ de 60 % à 65 % de réguliers versus 40 % à 35 % de
partiels qui sont des étudiants. Ce qui arrive, la beauté de ce
concept-là, c'est que lorsque l'été arrive, où les
étudiants sont disponibles, le ratio d'étudiants devient souvent
l'inverse, à 60 % versus 40 % de réguliers, parce que chez nous,
notre chiffre d'affaires est en dents de scie, en été et en
hiver. Et quand je vous parle de qualité de vie, qu'on parle des
travailleurs ou quoi que ce soit, on fait travailler des étudiants qui
ont 17 ans. M. le ministre, j'ai deux adolescentes chez moi, et lorsqu'ils
avaient huit ans et six ans, c'est vrai que j'allais au parc avec eux autres.
Mais à 16 ans, 17 ans, je crois que souvent ils sont portés
à appeler leurs amis en fin de semaine et à se trouver de
l'argent pour s'acheter des choses ou... Je suis un père de famille, moi
aussi, et j'ajouterais que quand on parte de qualité de vie, qu'il
n'empêche en rien... Je ne vois vraiment pas où on peut faire un
débat sur le côté moral, avec une ouverture le dimanche,
parce que, comme on le disait tantôt, ce n'est pas parce que les
fruiteries sont ouvertes que les gens sont obligés de venir. Et ce n'est
pas parce que les fruiteries sont ouvertes que mes employés sont
obligés de travailler à tous les dimanches. Au contraire, les
réguliers ont un dimanche sur quatre dans certaines conventions auxquels
ils sont contraints de travailler, et les partiels qui sont étudiants,
c'est un sur deux, et ça c'est négocié, pas avec un "gun",
parce qu'on a dit que c'était un secteur qui n'était pas
protégé par les syndicats et c'était pour ça qu'on
abusait, nous autres, des gens. Bien, je regrette, nous avons
négocié cinq conventions collectives, chez nous, et on est fiers
de nos employés, et je crois qu'ils sont très fiers de travailler
chez nous. Et on les aime et on cherche à avoir des
considérations pour eux autres. Je terminerais en vous disant...
Le Président (M. Bélanger): Rapidement, s'il vous
plaît.
M. Lapierre: O.K.
Le Président (M. Bélanger): Très
rapidement.
M. Lapierre: Je terminerais en vous disant que, dans le
débat actuel, l'on pense aux employés aussi, ils ont une
liberté de travailler, et la règle de trois n'entraînerait
que la prolifération et multiplication de beaucoup de petits magagins.
Et moi je vous dis, et M. Coutu le disait très bien, tantôt, que
tous les gens sont intelligents. Avec une petite fruiterie, le gars est-il
mieux de dire: Bon, bien, j'ai trois employés, on va remonter la salade
de 0.10 $, on va la remonter de 0.15 $, mais je vais rester à trois.
C'est un illogisme envers l'entrepreneur- ship. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon. Je m'excuse, nous devons être en
Chambre à 14 heures, il faut essayer de manger entre les deux.
Mme Marois: C'est ça, c'est qu'on est pris un peu. Si on
va au bout de votre logique, ça voudrait dire qu'on pourrait mettre dans
une loi de relations de travail, ou dans une loi d'encadrement
général de normes minimales de travail, un droit de refus
complet? C'est-à-dire que jamais on ne pourrait imposer à une
travailleur et à une travailleuse de travailler le dimanche,
régulier ou temps partiel. Ce que vous me dites, c'est que vous en
trouveriez quand même?
M. Laurirt: Écoutez, Mme Marois, ça me fait un peu
peur que vous invoquiez cette possibilité-là, parce qu'il
s'agirait que ce soit écrit de quelque façon pour susciter cette
vogue-là. Maintenant, ça fait 10 ans, 15 ans, qu'on fait
travailler des employés le dimanche et nos gens sont heureux. Quand on
dit que sur 98 de nos membres il y en a 5 qui sont syndiqués, j'imagine
que ça ne doit pas aller si mal que ça, parce qu'ils peuvent
toujours prendre le téléphone et l'appeler, le syndicat.
Mme Marois: Ça n'indique pas nécessairement que
ça va mal tout le temps.
M. Falardeau: II y a la fidélité de nos
employés, aussi. J'ai des employés qui travaillent chez nous
depuis 12 et 13 ans. Ils ne sont pas syndiqués et ils ne doivent pas
être si malheureux que ça, si ça fait 12 et 13 ans.
Mme Marois: Est-ce que vous convenez avec certains de vos
collègues qui sont venus, que ça vous prend... Vos
employés à temps partiel qui sont des étudiants, par
exemple, qui ont 15, 16 ou 17 ans, 16 ou 17 ans, c'est-à-dire, pas 15
ans parce qu'ils ne sont pas censés, là, j'imagine qu'ils ont un
peu moins d'expérience et que ça vous prend des gens
d'expérience pour un peu superviser vos travailleurs et vos
travailleuses.
Une voix: Oui.
Mme Marois: Donc, vous ne pouvez pas dire... C'est parce qu'il y
a une autre chose qui se dit, à savoir: Ce n'est pas grave, on fera
travailler les étudiants et les étudiantes, ils ont besoin de
sous, et tout ça, les fins de semaine, et on n'obligera pas des gens qui
ont des familles ou qui sont un peu plus âgés, peu importe,
là, même s'ils n'en n'ont pas, à travailler. Alors, ce que
vous me dites, c'est que dans votre commerce, comme dans d'autres commerces
à travers le Québec, ça prend une expertise et cette
expertise-là elle est surtout chez les
employés réguliers. Donc ils doivent travailler, ils n'ont
pas le choix.
M. Laurin: Mais, Mme Marois...
Mme Marois: Une fois sur trois ou une fois sur deux, là
mais...
M. Laurin: Mme Marois - ça c'est Important, et quand on en
discute entre nous autres, on réalise comment ça a de
l'importance pour nous, compte tenu de la stabilité des employés
qui travaillent chez nous à temps partiel. Vous savez, quand une commis
de charcuterie est en train de faire sa deuxième année de droit
à l'université, elle commence à avoir une certaine
maturité, une certaine expérience chez nous et cette
personne-là peut très bien assumer des responsabilités
jusqu'à un certain point. Aussi, vous comprendrez, Mme Marois, que le
dimanche il n'y a aucune tâche administrative exécutée,
c'est-à-dire préparer des commandes, faire des changements
d'agencement dans le magasin et ainsi de suite. Alors, ça consiste
uniquement au service à la clientèle et vous savez, les
fruiteries n'ont pas 25 000 pieds carrés de plancher, elles ont une
moyenne de 5000 ou 6000 pieds carrés. Alors, quand il y a un
employé régulier dans le magasin, il peut jeter un coup d'oeil
sur l'ensemble des opérations. A ce moment-là, le nombre de
réguliers qui y travaillent est très limité.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à remercier nos invités, s'il vous plaît.
Mme Marois: Malheureusement, c'est terminé. Je voudrais
juste revenir sur une chose, je ne pense pas qu'il s'agit d'un débat.
Vous avez dit que c'était un débat moral, c'est un débat
de valeur, oui je suis d'accord; maintenant, moral, je n'irais peut-être
pas jusque-là, mais c'est un débat de valeur. J'ai compris aussi
de votre point de vue, à moins que je ne me trompe, que s'il y a une
règle, qu'elle est équitable et qu'elle s'applique à tout
le monde de la même façon, nous la respecterons. J'ai bien compris
ça. Mais, ce que vous voulez, c'est qu'il y en ait une et qu'elle soit
claire.
M. Laurin: Et aussi qu'elle tienne compte des besoins des
consommateurs.
Mme Marois: Et qu'elle puisse tenir compte des besoins des
consommateurs. Il y a une provision de prévue, à mon point de
vue, qui le permet.
M. Lapierre: Et, Mme la députée, tenir compte aussi
du genre de produits vendus dans les commerces.
Mme Marois: Oui, ça va, je pense qu'on en a aussi
parlé. Ce que vous avez dit dans le fond dans votre document, et je le
regardais encore, c'est qu'il y a eu un certain laxisme de la part du
gouvernement et qu'il y a peut-être eu un manque de vigilance, vous le
mentionnez, dans le sens de faire valoir des droits auxquels vous croyez avoir
droit, mais la situation a quand même créé des
inéquités qu'il faudra résoudre. Je vous remercie.
M. Lapierre: Merci, madame.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup de votre
présentation. Je veux juste qualifier un peu la question de Mme la
députée de Taillon, la dernière remarque qu'elle a
mentionnée, quand elle a dit: Si c'était équitable pour
tout le monde, mais pour vous c'est équitable pour tout le monde en
autant que le dimanche il n'y ait personne d'autre qui vende des fruits et
légumes, avec trois employés et moins, parce que votre formule
telle que conçue n'est pas rentable à trois employés et
moins.
M. Laurin: Je m'excuse, M. le ministre, je ne vous suis pas.
M. Tremblay (Outremont): O.K. C'est important. La
députée de Taillon a dit: Un des principes que nous avons, c'est
l'équité. Elle dit: Si on fermait tous les commerces le dimanche,
sauf évidemment une exception pour le vrai dépannage, trois
employés et moins... Elle vous a demandé si vous étiez
d'accord avec ça. Je qualifie votre réponse en disant,
après ce que vous m'avez dit, si j'interprète bien, votre formule
telle que conçue ne serait pas rentable, trois employés et moins,
donc, selon la loi actuelle, on ne peut pas opérer.
M. Laurin: M. le ministre, notre position, c'est que nous sommes
convaincus...
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, je ne
voudrais pas qu'on reprenne la période de questions parce que le temps
est vraiment écoulé et si on veut être prêts pour les
autres invités cet après-midi, il faut arrêter vite.
M. Laurin: On est pour la libéralisation. Le
Président (M. Bélanger): Je m'excuse.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Merci beaucoup. Je pense que vous
nous avez fait une bonne présentation. Votre position est claire et on
va la prendre en considération dans la décision qu'on va avoir
à prendre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de
Bertrand, sous réserve que M. le ministre a un privilège
de droit de réplique, vous avez une intervention.
M. Beaulne: Non, c'est très bref. Je pense qu'il n'y a
vraiment pas dissension ici du côté de l'Opposition sur les
règles de base, mais ce que je tiens à souligner c'est que
l'objectif de cette commission c'est d'écouter les arguments que peuvent
invoquer les gens et que moi, personnellement, je vous avoue que je ne suis pas
demeuré insensible aux arguments des fruiteries.
Le Président (M. Bélanger): Alors, on vous remercie
de cette précision.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 h 30, soit après la période de
questions.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprisée 15 h 24)
Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux d'auditions publiques et
particulières sur les changements à apporter à la Loi sur
les heures d'ouverture dans les commerces. Nous recevons présentement le
groupe Pharmaprix.
Alors, je vous explique un peu nos règles de procédure.
Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. C'est
20 minutes ferme. On ne peut pas excéder. Par la suite, il y a une
période d'échange avec les parlementaires. Je vous prierais,
à cette période d'échange, de bien vouloir vous nommer
chaque fois que vous avez à répondre à une question, ceci
pour les fins de transcription au Journal des débats. Ça
aide beaucoup nos travailleurs qui sont dans une autre pièce.
Ceci dit, je vous prierais d'identifier votre porte-parole, de vous
présenter et de commencer.
Pharmaprix
M. Allard (Claude): Très bien. M. le Président, M.
le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission, je m'appelle
Claude Allard et je suis vice-président exécutif de Pharmaprix
Itée. Je suis accompagné aujourd'hui d'un de mes collègues
que j'aimerais vous présenter. M. Jacques Nadeau, pharmacien, s'est
joint récemment à Pharmaprix en qualité de
vice-président, service pharmaceutique.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de parler, au nom
des 48 pharmaciens propriétaires du regroupement Pharmaprix, de l'impact
des heures d'affaires dans le secteur pharmaceutique. Je suis aussi
vice-président du
Conseil québécois du commerce de détail. Je ne
représente pas ce Conseil ici aujourd'hui. Je dois dire toutefois que ma
position au sein du Conseil du commerce de détail me permet de constater
que le service pharmaceutique occupe une place unique dans le marché de
détail.
Dans le mémoire que nous avons fait parvenir à la fin de
janvier, nous couvrions les six points sur lesquels on nous avait
demandé de commenter. Aujourd'hui, nous essaierons plutôt de vous
faire connaître Pharmaprix, sa raison d'être, et de
présenter des options entre les deux positions extrêmes qui
existent et ça, pour le secteur pharmaceutique.
Pharmaprix est une division québécoise des pharmacies
Shopper's Drug Mart qui comptent 640 unités de Yellowknife à
Saint-Jean de Terre-Neuve. L'approche de Pharmaprix permet aux pharmaciens
d'exploiter leur propre établissement et de bénéficier de
tous les avantages propres à leur appartenance à une grande
entreprise, tout en conservant l'indépendance des pharmaciens
professionnels et des propriétaires d'une petite entreprise.
Dans le réseau Pharmaprix, chaque établissement est
opéré par un pharmacien que nous appelons "affilié". Le
grand succès du concept d'affiliation est dû à la souplesse
accordée à l'affilié pour combler les besoins de ses
propres clients tout en bénéficiant du pouvoir d'ensemble et de
l'identité d'une famille de pharmacies dévouées aux
besoins des collectivités qu'elle dessert en matière de
santé. La plupart des affiliés sont issus du milieu où se
trouve leur établissement et Pharmaprix a toujours accordé la
préférence aux gens de la place.
Le premier établissement Pharmaprix a ouvert ses portes à
Montréal en 1972. Depuis, le nombre de pharmacies Pharmaprix du
Québec est passé à 48. Nous sommes actuellement
implantés dans 24 villes, de Hull aux Îles-de-la-Madeleine, du
Saguenay-Lac-Saint-Jean aux Cantons de l'Est. La famille Pharmaprix compte
environ 1200 employés à temps plein ou partiel. La superficie
moyenne d'un établissement Pharmaprix est de l'ordre de 600
mètres carrés, officine comprise. Pharmaprix est donc largement
un regroupement de pharmacies communautaires.
J'aimerais dire dès le départ que Pharmaprix ne prend pas
position ni pour ni contre la libéralisation des heures d'affaires dans
le secteur du commerce de détail en général. Plusieurs
raisons qui portent cette question à l'attention des gouvernements et du
public sont en effet étrangères au secteur de la pharmacie; je
pense au réaménagement des heures d'ouverture en semaine et
à l'ouverture le dimanche des établissements commerciaux du
secteur de l'alimentation. Je ne prendrai pas de temps là-dessus.
Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour souligner que les pharmacies ont
comme activité principale de dispenser aux Québécois
des
services de santé et que cela est une responsabilité qui
se poursuit sept jours sur sept, 52 semaines par an. Or, la loi actuelle sur
les heures d'affaires ne concerne pas les établissements dont
l'activité principale est la vente de produits pharmaceutiques,
hygiéniques et sanitaires. Cela veut dire que les pharmacies peuvent
être ouvertes en tout temps pour répondre aux besoins de
santé du public.
En outre, il n'y a aucune restriction quant au nombre d'employés,
pourvu qu'on n'y vende pas de produits alimentaires. La loi, sanctionnée
en 1969, reconnaît que les pharmacies fournissent des produits et
services essentiels à la population québécoise. Les gens
doivent avoir accès en tout temps aux médicaments.
La commission Richard a recommandé que toutes les pharmacies
demeurent dispensées des provisions sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux en général et que les
autorisations particulières accordées en 1984 aux pharmacies
alors en place soient révoquées. Pharmaprix appuie cette
recommandation. Les pharmacies doivent être en mesure de fournir des
produits de santé à toute heure du jour et de la nuit, tous les
jours de la semaine. Les gens ne tombent pas malade seulement entre 9 heures et
18 heures du lundi au vendredi, ça leur arrive aussi le soir, la nuit,
le dimanche et les jours de fête.
Pharmaprix a constaté que 50 % des ordonnances
exécutées le dimanche et les jours de fête sont nouvelles.
Plusieurs sont considérées comme urgentes, c'est-à-dire
qu'elles sont signées par un médecin attaché à un
hôpital ou à une clinique. La plupart des ordonnances
exécutées le dimanche et les jours de fête proviennent des
hôpitaux et se rapportent souvent à des antibiotiques ou à
des analgésiques. Les bénéficiaires de ces ordonnances
sont malades ou souffrants et doivent entreprendre immédiatement leur
médication. De plus, il est préférable que les malades
fassent exécuter leur ordonnance toujours à la même
pharmacie puisque le pharmacien connaît leur historique. Ainsi, le
pharmacien tient des dossiers de chacun de ses patients afin de déceler
les réactions allergiques et les interactions médicamenteuses
possibles. Cela est important pour les personnes du troisième âge
qui prennent généralement beaucoup de médicaments et chez
qui les risques de complications à la suite d'une interaction sont donc
plus grands.
D'autres provinces canadiennes ont statué sur la
libéralisation des heures d'affaires. Le gouvernement de toutes les
provinces reconnaît que les pharmacies dispensent au public des services
uniques. En Ontario et au Nouveau-Brunswick, on se sert des limitations de
superficie pour éviter que les pharmaciens aient un avantage
déloyal et pour garantir à toutes les collectivités un
service pharmaceutique d'urgence. Les restrictions de superficie sont
d'application simple. Les restrictions de superficie sont également
acceptées par les détaillants du secteur général,
puisque les pharmacies ne peuvent pas offrir la totalité des produits
offerts ailleurs. Les restrictions de surface de vente sont fixées
à 675 mètres carrés en Ontario et à 820
mètres carrés au Nouveau-Brunswick.
Si certaines pharmacies devaient s'en tenir aux heures d'affaires des
établissements commerciaux, plusieurs malades se verraient interdire
l'accès a leurs médicaments et à leur dossier. Les
nombreuses personnes qui n'ont pas de moyen de transport, surtout les personnes
âgées et les personnes handicapées, ne pourraient pas se
rendre à leur pharmacie habituelle. Bien des gens ont besoin des
conseils du pharmacien pour l'auto-ad ministration d'un médicament dans
les cas des rhumes, des allergies et des premiers soins. Ces personnes seraient
incapables de recevoir cette aide et elles seraient forcées de se
présenter aux urgences des hôpitaux. Cela influerait sur le
coût global des soins de santé du gouvernement.
Je peux affirmer que les restrictions sur le nombre d'employés ne
sont d'aucun avantage pour les consommateurs. Cela entraîne uniquement
une détérioration du service. Je puis vous l'affirmer puisque,
pendant quatre ans, j'ai été président de la chaîne
de dépanneurs La Maisonnée, propriété de Steinberg
à cette époque. Limiter le nombre d'employés n'est donc
pas une solution pratique, peu importe le type de commerce de détail.
L'application est difficile et le seul résultat, comme je le disais, est
la détérioration du service. Cette solution impose aussi des
pressions sur les employés qui choisissent de travailler le dimanche et
les jours de fête.
Certains intervenants qui m'ont précédé ont, si
j'ai bien compris, exprimé une certaine appréhension face
à la gamme des produits offerts par les pharmacies On craint que les
pharmacies ne vendent des produits autres que ce que la loi prévoit. Il
est vrai que les pharmacies modernes offrent une vaste gamme de produits de
commodité. Toutefois, il est vrai aussi que l'activité principale
des pharmacies - et je souligne le mot "principale" - est la vente de produits
pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Or, Pharmaprix, ce sont des
pharmacies traditionnelles dont l'éventail de produits comprend
principalement des médicaments d'ordonnance, des médicaments en
vente libre et des produits de santé et de beauté.
M. le Président, Mmes et MM les membres de la commission, nous
sommes conscients chez Pharmaprix que la libéralisation des heures
d'affaires est une question très importante qui mérite toute
l'attention que vous lui accordez. Les décisions que vous prendrez
auront un impact important sur l'économie du Québec et les
habitudes de vie des Québécois et des Québécoises.
Dans vos délibérations, je vous invite à
garder en mémoire que les pharmacies dispensent au public des
services de santé. Les services pharmaceutiques sont différents
et devraient être traités de manière différente.
Notre recommandation est donc la suivante: Que les exemptions spéciales
prévues pour les pharmacies soient maintenues afin de protéger la
santé, la sécurité et le bien-être des
Québécois et Québécoises. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je veux vous remercier pour votre
présentation. Immédiatement, je vais devoir m'absenter. Je
tenais, par contre, à venir écouter votre présentation et
je vais céder la parole à mes collègues qui ont
sûrement des questions à vous poser. Alors, je vous remercie
immédiatement pour votre présentation.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: Merci, M. le Président. Dans vos
recommandations, vous dites: Au niveau du monde de la pharmacie, annulez le
décret que le gouvernement a émis en 1984. Ce décret dit,
entre autres: Quelque 100 pharmacies très bien dénombrées,
vous autres, vous avez le droit de vendre indépendamment de votre nombre
d'employés et aussi de vendre autre chose que des produits
pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires, comme vous l'avez bien
déterminé tout à l'heure.
M. Allard: C'est ça.
M. Richard: Vous dites: C'est simple, annulez le décret.
Est-ce que ça va aussi loin que de dire que dans vos propres pharmacies,
même si vous sous-tendez qu'il n'y a pas beaucoup de ce qui n'est pas
pharmaceutique, hygiénique et sanitaire, vous êtes prêts
à mettre ça à la porte, à sacrer ça dehors,
tout ce qui n'est pas hygiénique, sanitaire et pharmaceutique,
évidemment tout ce qui est alimentaire? Vous diriez, du jour au
lendemain: On donnerait le mandat à l'ensemble de nos commerçants
de bannir ça de façon à baliser bien comme il faut le
milieu pharmaceutique, revenir en fait à ce qu'on connaît d'une
vraie pharmacie, qu'on n'ait pas trop de problèmes à trouver les
médicaments?
M. Allard: Oui, c'est la position que j'ai donnée sur le
côté de l'alimentation, parce que je pense que la loi
spécifiait bien le côté alimentaire. Si on voit aujourd'hui
la moitié des succursales qui ont des produits alimentaires ou un peu de
produits alimentaires selon ce qu'ils avaient au moment de la loi, et l'autre
moitié qui n'en a pas, je pense que, de un, ce n'est pas
équitable. Le projet de loi comme on l'entend, le nouveau projet, se
veut un projet qui va être équitable et, pour ça, on se
doit, s'il n'y a pas libéralisation des heures d'affaires et qu'on donne
des exemptions, on croit que cette partie-là devra partir si on veut
avoir l'équité entre les pharmacies.
M. Richard: Maintenant, le pourcentage en fonction de l'ensemble
des ventes, c'est quoi, ce qui n'est pas dans les trois arguments qu'on a dit,
dans les trois éléments qu'on a mentionnés tout à
l'heure?
M. Allard: Si on regarde la partie strictement alimentation,
parce que lorsqu'on parle des trois produits on n'est plus, nous, dans la
pharmacie traditionnelle dont je parlais tout à l'heure, on parle aussi
des cosmétiques.
M. Richard: Oui, oui, d'accord.
M. Allard: On parle donc de toute la ligne de produits de
beauté, de santé, cosmétiques et tout ça. Pour
nous, l'alimentation ne représente à peine que 1 % dans nos
magasins. Ce n'est pas un facteur majeur. Je pense que, lorsqu'on regarde la
commercialisation d'un Pharmaprix aujourd'hui et toutes les lignes qui sont
tenues dans un magasin, ça fait une partie globale, et on est conscients
de ça; mais dans un point où on ne peut pas avoir
l'équité, que toutes les pharmacies puissent avoir les
mêmes produits, c'est là que notre recommandation vient:
d'éliminer l'alimentation dans les pharmacies si ça peut aider
à amener l'équité sur ce point-là. L'alimentation,
pour nous, c'étaient les gens qui s'objectaient peut-être le plus
à la pharmacie de grande surface, sous le prétexte que la
pharmacie avait pris beaucoup de son volume, et je ne pense pas que ce
volume-là, quand on regarde l'alimentation qui est faite dans les
pharmacies de grande surface, est réellement justifié.
M. Richard: Vous touchez une autre question, vous touchez
directement le fait que vous n'êtes pas du tout favorable au transfert
à un autre palier de gouvernement pour l'application de cette
loi-là. Vous dites, si j'ai bien lu, que vous n'êtes pas d'accord,
entre autres, que ça soit transféré au monde
municipal.
M. Allard: C'était la position, définitivement,
qu'on avait dans notre mémoire du mois de janvier. On pense que la loi
est une loi que le gouvernement provincial devrait continuer de contrôler
si on veut avoir, encore une fois, une équité dans le domaine du
commerce de détail, je crois qu'il est important que la province...
M. Richard: Est-ce que votre position serait la même si,
par contre, la loi-cadre, en fait les
grandes lignes maîtresses de la loi étaient définies
par le gouvernement du Québec, mais l'application de cette loi-là
sur le terrain ferait par le monde municipal en leur donnant - et c'est
toujours une hypothèse - la possibilité d'aller y chercher les
amendes. C'est pareil comme si, dans une municipalité X, c'est le corps
de police de cette municipalité-là qui applique la loi au
même titre qu'elle applique les autres lois à l'intérieur
de ses limites. Est-ce qu'à ce niveau-là vous n'auriez pas
d'inconvénient ou si vous auriez aussi une réticence? Ce qu'on
veut dire par là, c'est que les inspecteurs, en fait, deviendraient le
corps municipal.
M. Nadeau (Jacques): J'ai été conseiller municipal
pendant quatre ans d'une municipalité de 5000 habitants, où il y
avait deux pharmacies, et puis quand je regarde l'état de la
réglementation et la mise en application de cette
réglementation-là, à toutes fins pratiques, c'est
pratiquement impossible que les autorités municipales, à moins
que ce ne soit une municipalité qui soit très bien
organisée, soient capables de policer cette loi-là.
M. Richard: Merci, c'est clair. Ça me va, moi, pour les
questions.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de l'Acadie.
M. Bordeleau: J'aimerais peut-être revenir un peu sur la
présentation qui a été faite ce matin et avoir votre
réaction. Je pense à la présentation du groupe de Jean
Coutu. On nous a mentionné ce matin qu'en fonction du besoin d'ouvrir
les pharmacies soit le soir ou le dimanche, le dimanche n'étaient pas
nécessairement la journée la plus rentable au niveau des
ordonnances pharmaceutiques, le fait de vendre d'autres produits permettait de
rentabiliser les opérations pharmaceutiques qui ne l'étaient pas
le dimanche. Alors, comment est-ce que vous réagissez à cette
affirmation-là, par rapport au fait que vous nous mentionnez que vous
seriez prêts a ce que les produits qui ne sont pas des produits
pharmaceutiques soient éliminés dans vos pharmacies. Est-ce que
ça demeurerait rentable et est-ce que vos prix, à ce
moment-là, seraient plus élevés que ceux qu'on retrouve,
par exemple, dans une pharmacie de grande surface où il y a des produits
diversifiés qui rentabilisent la partie pharmaceutique?
M. Allard: Alors, Claude Allard. Ma position était
strictement sur l'alimentation et non pas sur tous les autres produits divers
qui sont aujourd'hui dans les grandes surfaces et que, si on remonte dans les
pharmacies traditionnelles, on a toujours trouvés. C'était
peut-être en plus petite quantité, mais il y avait un peu de tous
ces produits-là. Ma position était strictement sur l'alimentation
et je crois que, sans la partie alimentaire - et les chiffres qui ont
été donnés ce matin par le groupe GJC étaient que
l'alimentation représentait à peu près 3 % dans son cas...
Or, je ne pense pas que c'est les 3 % qui vont influencer son commerce
total.
Par contre, le commentaire sur l'assortiment total qui est
nécessaire pour pouvoir ouvrir les succursales aux heures auxquelles on
les ouvre, parce qu'on regarde une moyenne, je crois, qui était
donnée ce matin, de 91 heures... Dans notre cas, on regarde entre 60 et
91 heures, selon les établissements, parce qu'on a beaucoup
d'établissements dans des centres d'achats et certains d'entre eux ne
peuvent pas être ouverts aux mêmes heures que les autres, mais, en
général, on regarde entre 60 et 91. Pour pouvoir offrir le
service total à ces heures-là, le service de santé, il est
nécessaire d'avoir l'assortiment complet et, oui, je supporte la
position qu'on donnait ce matin, que c'est un tout. L'assortiment des produits
nous permet aussi d'annoncer des produits qu'on ne peut pas annoncer du
côté de la santé, ce dont on pariait aussi ce matin, mais
sur les autres items on peut annoncer... Donc, je pense que, sur le plan du
marketing, c'est important d'avoir un ensemble qui nous permette d'aller
chercher des revenus et nous permette d'offrir ces services-là à
des périodes qui ne sont pas, comme vous le dites, nécessairement
les périodes les plus achalandées du côté des
prescriptions.
M. Bordeleau: Quelles seraient les conséquences, si on
regarde une hypothèse qui a été mentionnée à
l'occasion, que l'ouverture des pharmacies, pour ce qui est de ta partie
pharmaceutique, soit permise le dimanche, exclusivement. Supposons que cette
hypothèse-là soit une hypothèse retenue
éventuellement; quelle pourrait être la conséquence
concrète de cette hypothèse sur le fonctionnement des
pharmacies?
M. Allard: Claude Allard. Si on parle strictement de
l'officine...
M. Bordeleau: Oui.
M. Allard: ...à l'intérieur d'une pharmacie de
grande surface, je pense qu'il est à peu près impossible, quand
on regarde aujourd'hui le "layout" de ces magasins, de pouvoir
réellement encadrer le reste du commerce pour dire qu'on n'ouvre
strictement que l'arrière du magasin. Donc, ce qu'on verrait, dans une
telle loi, c'est la fermeture de toutes les grandes surfaces. Opinion
personnelle.
Le Président (M. Bélanger): ...la règle de
l'alternance. Vous aviez un complément de réponse, oui? Je vous
en prie.
M. Nadeau: Jacques Nadeau. Je sais qu'on
vous a donné, on vous a fourni de l'information à l'effet
que les plus petites pharmacies de 1000 pieds carrés ou de 1500 pieds
carrés ou moins seraient quand même rentables, même si elles
n'ont pas une partie commerciale importante. Sauf que, lorsqu'on regarde la
réalité, si vous prenez la dernière enquête
économique de l'AQPP, par exemple, où l'on vous donne le nombre
d'heures d'ouverture des pharmacies, vous allez constater que les grandes
surfaces sont ouvertes beaucoup plus longtemps que les petites et moyennes
surfaces. Ceux qui disent que c'est rentable, c'est assez facile pour eux
autres de le dire, mais si vous allez voir s'ils sont ouverts le dimanche, la
grosse majorité de ceux-là ne le sont probablement pas et il y a
peut-être une raison.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je
cède la parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Bonjour. Ça me fait plaisir de vous souhaiter
aussi la bienvenue au nom de ma formation politique. Je vais reprendre la
question qui était soulevée. Vous dites que, parmi les pharmacies
qui sont membres, là, de... Ce sont des affiliés, chez vous, des
associés, des...
M. Allard: Des franchises.
Mme Marois: Des franchises. Bon, d'accord. Vous dites que
certaines pharmacies ne sont pas rentables. J'aimerais ça
réentendre l'intervention que vous venez de faire, là.
M. Nadeau: Jacques Nadeau. Ce que j'ai dit, c'est que... Je n'ai
pas dit que les pharmacies n'étaient pas rentables - je n'ai pas vu
leurs chiffres - mais ceux qui nous disent que c'est possible d'opérer
une pharmacie avec succès, qu'on n'a pas besoin de partie commerciale
pour l'opérer le dimanche, il y a une grosse partie de ceux-là
qui ne sont pas ouverts le dimanche. Si c'était si rentable que
ça, j'ai l'impression qu'ils seraient ouverts. (15 h 45)
Mme Marois: Oui. J'aimerais ça connaître vos
volumes. M. le député de Nicolet-Yamaska, M. Richard, a
posé la question. On a eu ce matin, avec les pharmacies Jean Coutu, un
descriptif des proportions qui étaient consacrées aux
différents volumes et, en incluant santé-beauté, qui,
évidemment, sont les produits cosmétiques, on arrive à
environ 50 % du volume d'affaires de la pharmacie Jean Coutu. Les produits
alimentaires, c'est vrai, 2,8 %, mais si on rajoute les breuvages, les
confiseries, les bonbons, on augmente évidemment. Qu'est-ce que c'est,
chez vous, cette ventilation-là?
M. Allard: Claude Allard. Les prescriptions et ventes de
médicaments en vente libre repré- sentent 31,1 %.
Mme Marois: D'accord.
M. Allard: Les cosmétiques représentent 10,1 %.
Mme Marois: Oui.
M. Allard: Les produits de beauté-santé,
hygiéniques, les produits HBA qu'on appelle chez nous,
représentent 26,9 %.
Mme Marois: D'accord.
M. Allard: Les papiers, 7,3 %.
Mme Marois: Quand vous dites les papiers, vous pensez surtout
papeterie ou si... Non, non, d'autres...
M. Allard: Les papiers de toilette, les papiers-mouchoirs, les
papiers hygiéniques...
Mme Marois: Les couches et tout le reste.
M. Allard: Les couches et ainsi de suite. C'est ça.
Mme Marois: D'accord.
M. Allard: Les breuvages, 0,6 %; confiserie, 4 %.
Mme Marois: Ils correspondent.
M. Allard: Alimentation, 1 %; tabac, 19 %.
Mme Marois: Vous nous dites que certaines pharmacies ne peuvent
pas ouvrir, évidemment, le dimanche ou n'ouvrent pas parce que ce ne
serait pas utile compte tenu de leur localisation. J'ai bien compris ça.
Dans les centres d'achats entre autres, par exemple, où H n'y a pas un
achalandage qui justifie l'ouverture... Il y en a, comme ça,
combien?
M. Allard: On en a deux, nous, comme ça. Mme Marois:
D'accord.
M. Allard: Une, parce que le centre d'achats n'est pas ouvert,
Carrefour Laval, l'exemple...
Mme Marois: C'est ça.
M. Allard: ...et une autre parce que le franchisé n'a pas
le désir d'ouvrir le dimanche.
Mme Marois: N'ouvre pas le dimanche. Est-ce que ces entreprises
font quand même leurs frais et un certain bénéfice?
M. Allard: Claude Allard. Oui. Ces entreprises sont ouvertes
à l'exception du Carrefour Laval qui est complètement
différent des mixtes dont on a parlé ici...
Mme Marois: Oui.
M. Allard: ...dû à sa localisation. C'est un
magasin, une succursale qui est beaucoup plus cosmétiques et produits de
beauté-santé que produits de médicaments. Elle vient quand
même à bout, à cause de son grand volume, dans une place
comme le Carrefour Laval, de faire ses frais.
Mme Marois: Oui.
M. Allard: Dans l'autre succursale, c'est une succursale qui est
ouverte tous les soirs de la semaine; par contre, qui n'est pas ouverte le
dimanche. Elle aussi réussit très bien.
Mme Marois: Oui.
M. Allard: Mais elle est ouverte six jours, six soirs.
Mme Marois: Est-ce que vous connaissez son achalandage les heures
de semaine où les autres n'ouvrent pas, par exemple, et où elle
ouvre?
M. Allard: Claude Allard. Je n'aurais pas à ce
moment-ci...
Mme Marois: Oui.
M. Allard: ...des détails...
Mme Marois: L'information, là.
M. Allard: ...pour ce magasin spécifique.
Mme Marois: D'accord. Parce que je me dis, quand on m'apporte la
notion du concept non morcelable, on l'a eu ce matin, et puis bon, vous dites:
II faudrait être prudent là-dessus. Vous, vous dites, dans le
fond: On ne veut pas briser le concept mais on est prêts à laisser
tomber l'alimentaire parce que, pour vous, il n'est absolument pas
significatif. Mais vous dites: Gardez le fait que nous sommes un service
essentiel en ce qui a trait à la pharmacie.
Moi, je vais vous retourner la question, c'est-à-dire une
hypothèse. Si on garde le bloc santé, prescriptions,
médicaments, produits de santé, cosmétiques et qu'on
élimine, à toutes fins pratiques, les autres
éléments dans le sens où il y a un empêchement
d'ouvrir le dimanche, est-ce que c'est, d'abord, "opérationnalisable"
dans vos entreprises et est-ce que vous ouvririez quand même le dimanche
à ce moment-là?
M. Allard: Claude Allard. Personnellement, pour moi, si je
regarde tous les autres départements qui sont bien séparés
ici, je ne pense... On ne parle plus du même genre de commerce du tout,
lorsqu'on enlève tous les autres départements. L'alimentation, la
raison de notre recommandation, encore une fois, c'est le fait qu'on ne voit
pas que c'est équitable aujourd'hui, qu'il y a trop de
différence. L'exemple qu'on regarde, ce sont deux ou trois pharmacies
sur une même rue. Il y en a qui l'ont et d'autres qui ne l'ont pas et
c'est aussi la partie pour laquelle, je crois, la pharmacie de grande surface a
été pointée du doigt beaucoup plus que pour les autres
éléments qui font la partie de la pharmacie. Donc, je ne crois
pas qu'on pourrait faire partir tous les autres éléments.
L'alimentation, pour moi, encore une fois, est strictement sur le point
de vue équitable et non pas le fait qu'on ait seulement 1 %. Ça
représente, probablement, 4 % ou 5 % dans certaines succursales et
ça représente 0 % dans d'autres succursales.
Mme Marois: Oui, d'accord.
M. Allard: Donc, il y a un mixte qui se... C'est un ensemble,
ici, qu'on regarde, mais strictement sur la base que ce n'est pas
équitable et c'est pour ça que notre recommandation est
là, pour ça. Mais les autres départements, je pense que
lorsqu'on regarde la pharmacie de grande surface aujourd'hui, c'est très
important d'avoir cet assortiment-là si on veut avoir un programme de
marketing qui est acceptable pour le consommateur.
Mme Marois: D'accord. Les marges bénéficiaires,
évidemment, sont celles dont on parlait ce matin. Il n'y a pas.. Vous
étiez là ce matin. Elles sont, donc... Elles se comparent tout
à fait.
M. Allard: Elles sont très près, oui.
Mme Marois: Oui, c'est ça, de ce qui nous a
été dit. J'aimerais ça revenir sur les conditions offertes
aux travailleurs et aux travailleuses qui sont chez vous. Quelle est la
proportion de gens à temps partiel versus gens à temps plein dans
vos entreprises?
M. Allard: Je dirais qu'on a probablement, dans la plupart des
succursales, à peu près 50-50 ou peut-être un peu plus de
partiel dans certains magasins. Mais, encore là, c'est très
difficile de faire... Parce qu'il y a beaucoup de différence...
Mme Marois: D'accord.
M. Allard: ...mais je dirais à peu près 50-50.
Mme Marois: C'est un ordre de proportion.
M. Allard: Un ordre de grandeur, oui.
Mme Marois: Est-ce que vos entreprises sont
syndiquées?
M. Allard: Une seulement.
Mme Marois: Une seulement. Dans les conditions de travail qui
sont offertes à vos travailleurs et à vos travailleuses, est-ce
qu'il est prévu des obligations pour assurer le service pendant les fins
de semaine, le dimanche entre autres, et aussi les soirs de la semaine
où c'est ouvert en dehors des heures habituelles des autres commerces,
on s'entend bien?
M. Allard: Tous les employés qui rentrent à
l'emploi de nos franchisés sont bien au courant du type de commerce dans
lequel on est et des besoins du commerce sur une base de sept jours pour ceux
qui sont ouverts sept jours. Sur cette base-là, les employés
acceptent de travailler à leur tour les fins de semaine dont ils sont
responsables. Dans la plupart des cas, c'est une fin de semaine à toutes
les deux fins de semaine, et je pense que c'est une situation, à l'heure
actuelle, qui est acceptable. Surtout le fait aussi qu'il y ait des primes de
payées pour les fins de semaine et les soirées
additionnelles.
Mme Marois: D'accord. Évidemment, comme ce sont des
franchisés, est-ce que vous avez quand même une politique qui est
recommandée à vos franchisés sur les salaires, les types
de conditions de travail et tout ça?
M. Allard: Oui. On a des politiques qu'on recommande sur
l'opération totale pour les magasins.
Mme Marois: D'accord, qui permettent, par exemple, à un
franchisé d'appliquer un peu un guide là, si on veut, qui lui est
fourni à cet égard-là. C'est bien ça?
M. Allard: Oui.
Mme Marois: Si dans une loi sur les normes minimales on mettait
une obligation, c'est-à-dire pas une obligation, mais un droit de refus
pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, un droit de refus
complet pour le dimanche, puisque c'est de ça qu'on parle en
particulier, est-ce que, pour vous, ce serait possible de l'appliquer dans
votre travail quotidien?
M. Allard: II serait probablement très difficile... Il
serait probablement difficile de l'appliquer. Je ne dirais pas impossible. Je
pense qu'il faudrait le vivre parce que je pense qu'il y a toujours des
employés qui sont prêts et qui ont le désir de travailler
les fins de semaine, parce que ce sont peut-être les seules
journées qu'ils ont de disponibles pour aller chercher des revenus
additionnels qu'ils veulent. Je pense aux jeunes familles dont la mère
ne peut pas aller travailler à cause de jeunes enfants à la
maison durant la semaine. Elle peut travailler les fins de semaine ou elle peut
prendre des soirées parce qu'elle a quelqu'un pour garder plus
facilement. Donc, je pense qu'on pourrait sûrement trouver des gens parce
qu'on a aujourd'hui... Je ne crois pas, même si la grande majorité
des gens n'aiment pas travailler les soirs ou les fins de semaine, qu'on ait un
groupe dans nos magasins qui soit tous des gens mécontents parce qu'ils
travaillent les fins de semaine. Ils les ont acceptées et c'est un fait,
comme on le voit dans bien d'autres domaines, que ça soit la
restauration ou l'hôtellerie où il y a des services qui sont
nécessaires et II y a des gens qui y travaillent. Donc, chez nous, je
pense que c'est la même chose.
Mme Marois: Mais... Oui, vous voulez ajouter quelque chose, M.
Nadeau.
M. Nadeau: Oui. Je pense que, si vous faites ça, vous
allez peut-être être obligés de créer une exception
qu'on a vue. Je pense que ça cause des problèmes parfois. Vous
allez être obligés de créer une exception probablement au
niveau des pharmaciens. Les pharmacies ne peuvent pas demeurer ouvertes sans la
présence d'un pharmacien. C'est la loi. Actuellement, il y a une
pénurie de pharmaciens, d'environ 500 pharmaciens, au niveau de la
province. A cause de la situation actuelle, vous seriez obligés
d'exclure les pharmaciens de cette loi-là et peut-être que, dans
d'autres circonstances, d'autres catégories de personnes.
Mme Marois: L'Ordre prétend, dans un autre document, qu'il
y a un surplus. Évidemment, ils sont peut-être répartis un
peu différemment. Il y a peut-être un manque dans certains
milieux, certains secteurs d'activité, certaines villes, certaines
régions. L'Ordre prétendait autre chose, l'Ordre des pharmaciens
qui est venu...
M. Nadeau: Je ne veux pas vous contredire, là, mais j'ai
été...
Mme Marois: Non, non, mais ce n'est pas, non plus, dans le but
juste de...
M. Nadeau: J'ai été directeur général
de l'Ordre pendant sept ans, auparavant.
Mme Marois: Ah bon! D'accord.
M. Nadeau: Et je suis administrateur de l'Ordre, actuellement.
Aux dernières nouvelles, en tout cas, on avait encore une
pénurie.
Mme Marois: II y avait encore des pénuries
de l'ordre de ce que vous mentionnez. M. Nadeau: Oui.
Mme Marois: Bon. C'est quand même important. Est-ce que
vous êtes prêt à affirmer aussi clairement que le faisait M.
Coutu, ce matin, qui nous disait: Écoutez, ce serait vous raconter des
histoires de vous dire que les gens aiment travailler le dimanche?
M. Allard: Je pense que c'est évident qu'il n'y a
personne, s'il y avait le choix de ne pas travailler les soirs et le dimanche,
qui désirerait toujours travailler le dimanche. Mais compte tenu du fait
que c'est un fait, aujourd'hui, que beaucoup de gens ont à travailler le
dimanche dans plusieurs services, donc, pour un service essentiel comme la
pharmacie, je pense que les gens ont accepté cette habitude, ce fait
qu'il faut qu'il y ait des gens qui travaillent les fins de semaine.
Mme Marois: On me fait remarquer, parce que ça revient
souvent, que, dans le domaine journalistique, on travaille les fins de semaine;
c'est venu ce matin et c'est venu à d'autres reprises au moment de la
commission. J'ai un collègue qui a déjà été
membre de la Fédération des journalistes, qui me dit: Souvent,
les gens qui travaillent les fins de semaine, dans le domaine journalistique,
enfin dans les grandes sociétés, ont une semaine de trois jours;
ils travaillent pendant trois jours et, après ça, ils peuvent
disposer de... Il faut toujours faire attention quand on fait des comparaisons.
Mais vous ne les avez pas faites; ça ne s'adresse pas à vous,
c'est plutôt aux fins de nos travaux, ici, à la commission.
Ça va pour l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous
remercie.
Mme Marois: J'ai terminé, en ce qui me concerne.
Le Président (M. Bélanger): Alors, du
côté des parlementaires, M. le député d'Orford.
M. Benoit: Vous aimeriez que nous enlevions le règlement
de trois personnes par établissement, mais vous arrivez avec une
nouvelle restriction, celle des 700 mètres carrés, comme en
Ontario, ou 850 mètres, comme au Nouveau-Brunswick. D'autres
intervenants, dans votre secteur, tels que les institutions Coutu, ce matin,
nous disaient: Écoutez, vous pénalisez le succès, laissez
donc les choses aller. Quel est le rationnel dans votre raisonnement entre
enlever les trois employés qui sont une restriction et en mettre une
autre par nombre de pieds, finalement? Pourquoi ne pas toutes les enlever, les
restrictions, ou toutes les mettre?
M. Allard: Claude Allard. Ma recommandation d'une superficie
maximum est basée sur le point... On a dit aussi, au départ,
qu'on ne prenait ni pour, ni contre. S'il y avait libéralisation, on
l'oublie complètement, il n'y a pas de restriction et on est prêts
à accepter de vivre avec. Par contre, si on est contre la
libéralisation des heures, on croit qu'une façon équitable
et une façon de convaincre les autres marchands que la pharmacie de
grande surface n'est pas l'ennemie qu'on a peut-être... On a placé
la pharmacie comme étant celle qui venait chercher le commerce d'une
façon inéquitable pour les autres. On a dit: Appuyons-nous sur un
mode qui semble fonctionner et qui fonctionne en Ontario et au
Nouveau-Brunswick et on pense que la grandeur... Dans notre document, on ne
spécifie pas de grandeur pour le Québec. Ce qu'on dit, c'est que
l'Ontario est à environ 7500 pieds, le Nouveau-Brunswick, environ 9000
pieds. Je pense que, si on prenait la position du Nouveau-Brunswick, à
9000 pieds carrés d'espace de vente, la pharmacie de grande surface peut
très bien fonctionner. Et je ne pense pas que M. Coutu serait restreint
dans ses volumes, non plus, à des surfaces dont on parle ici. Par
contre, ça enlèverait le doute, dans les magasins à
départements ou les autres qui s'objectaient a la pharmacie de grande
surface, que, peut-être dans les prochains cinq ans, au lieu de 18 000,
20 000 "listings" ou 22 000 qu'on a aujourd'hui, on verra 40 000 "listings" et
on pourra trouver des pneus et peut-être autre chose dans les pharmacies.
Donc, je pense qu'une restriction pourrait amener un élément
équitable plus grand et plus acceptable pour le commerce de
détail en général.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Taillon, vous avez d'autres questions?
Mme Marois: Je m'excuse, je veux bien reprendre ce que je disais
tout à l'heure. Effectivement, je ne voudrais pas errer et tromper les
membres de la commission. C'est M. Boisvert qui nous disait: En fait, nous
avons probablement un léger surplus de pharmacies et non pas de
pharmaciens - d'accord, on s'entend - à l'heure actuelle, au
Québec. Mais je vais vous citer autre chose, cependant, qu'il disait
aussi: "II nous apparaît toujours un peu hasardeux d'affirmer en bloc que
la partie commerciale d'une grande surface est absolument essentielle à
la rentabilité de la pharmacie. Ce n'est pas vrai dans l'ensemble des
pharmacies. Il y a d'autres éléments qui entrent en ligne de
compte dans la rentabilité de la pharmacie. La localisation, sa
proximité des marchés, sa proximité d'autres services de
santé comme les bureaux de médecins sont des déterminants
importants de la rentabilité d'une pharmacie, donc l'affirmation
nous
paraît un peu radicale. Ça, c'était un
témoignage de l'Ordre des pharmaciens. C'est son point de vue. On peut
être en désaccord, mais lui dit: Voilà, il est quand
même possible d'opérer un tel service sans nécessairement y
avoir l'ajout d'un certain nombre d'autres produits, que ce soit dans
l'alimentaire ou autre chose, j'imagine.
Moi, j'ai terminé, M. le Président, avec nos
invités.
Le Président (M. Bélanger): II y avait M. le
député de Drummond, que j'avais omis tout à l'heure; je
m'en excuse.
Mme Marois: Vous aviez oublié.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Allard, vous faites
de la publicité, j'imagine, dans les périodiques ou dans les
journaux de fin de semaine.
M. Allard: On fait de la publicité toutes les semaines
dans les circulaires.
M. St-Roch: Dans les circulaires, à l'intérieur du
volume que vous ave2 cité tout à l'heure, les pourcentages de 31
% à 19 %, suivant les catégories, qu'est-ce que vous utilisez
comme cible, dans votre publicité, pour essayer d'attirer le
consommateur dans vos établissements, en réalisant pleinement que
la loi vous défend d'utiliser des produits dits pharmaceutiques? Vous
allez privilégier quels secteurs? Je ne veux pas vous faire
dévoiler non plus des stratégies de mise en marché...
M. Allard: C'est parce que les items qu'on retrouve le plus
souvent dans nos circulaires sont des items de papier, des items de
beauté-santé qui sont annoncés
régulièrement. Quand on regarde la beauté-santé,
aujourd'hui, il y a tellement de produits, quand on regarde toutes les essences
des différents shampooings, par exemple, des "conditioners" et tous ces
produits-là, ce sont des gammes de produits qui sont annoncées.
La confiserie est un autre groupe de produits qu'on annonce
régulièrement.
M. St-Roch: Les produits alimentaires?
M. Allard: On n'annonce pas de produits alimentaires parce qu'on
n'en a pas dans tous les magasins, parce qu'on ne peut pas. Donc, on n'annonce
pas les produits alimentaires. Il y a d'autres groupes qui annoncent des
produits alimentaires avec des astérisques. Nous, on n'annonce pas les
produits alimentaires. Je pense qu'on a une définition peut-être
un peu différente de "produits alimentaires" et il faudrait regarder ce
qu'on appelle "alimentaire"...
Mme Marois: Vous excluez les confiseries des produits
alimentaires.
M. Allard: C'est ça. La confiserie, pour nous, on ne la
compte pas comme un produit alimentaire.
M. St-Roch: Si vous aviez le choix, si la loi vous donnait,
à un moment donné, une exemption et qu'on disait: À partir
d'aujourd'hui, oui, la publicité sur les produits pharmaceutiques est
admissible, est-ce que ça changerait dans votre proportion les trois ou
quatre grandes lignes que vous venez de mentionner?
M. Nadeau: Vous me prenez par surprise, là. Il faudrait
qu'on y réfléchisse. Mais si je regarde ce que Shopper's fait
dans les autres provinces, probablement. Dans huit autres provinces, sauf en
Colombie-Britannique, l'annonce des médicaments en vente libre est
permise. Alors, vous allez retrouver des annonces de...
M. St-Roch: Aspirines et ces choses-là?
M. Nadeau: Oui. Ah! bien là, il y a des
technicalités! Mais tous les produits, tous les
médicaments...
M. St-Roch: En vente libre.
M. Nadeau: ...qui peuvent être obtenus sans ordonnance sont
annonces quand même pas mal par les autres chaînes. Alors, j'ai
l'impression qu'on irait probablement dans cette direction-là.
M. St-Roch: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution à nos
travaux. Évidemment, comme on avait creusé pas mal la question
pharmaceutique à d'autres moments, on a été avec vous un
petit peu plus précisément sur certains aspects. C'est toujours
un éclairage qui aide sûrement les gens de la commission. Merci
beaucoup de votre contribution.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le
député de Nicolet-Yamaska, au nom du ministre.
M. Richard: MM. Allard et Nadeau, grand merci de votre position,
de votre message qui est très clair, d'autant plus qu'il
représente par vous le message des pharmacies qu'on considère
comme plus traditionnelles. Alors, grand merci au nom du ministre et au nom de
mes collègues d'avoir daigné vous présenter à la
commission. Merci, messieurs.
M. Allard: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, pour le
bénéfice des gens qui sont dans la salle, M. le ministre
est absent. Ce n'est pas par désintérêt, c'est tout
simplement qu'il devait faire une intervention en Chambre. Comme les travaux de
la Chambre ont toujours priorité sur les travaux de la commission, le
ministre a dû s'absenter pour aller faire cette intervention-là.
Mais soyez rassurés, il y a au moins sept membres de sa formation qui
vont lui faire part de tous vos points de vue, son personnel politique aussi.
Donc, dans ce sens-là, je vous remercie de votre participation.
Nous appelons à la table l'Association des pâtissiers
artisans du Québec.
La commission suspend ses travaux pour cinq minutes. Si vous permettez,
une pause sanitaire.
(Suspension de la séance à 16 h 6)
(Reprise à 16 h 12)
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez...
D'abord, excusez l'absence de M. le ministre qui est retenu en Chambre et qui
devrait être ici dans quelques minutes. Nous recevons l'Association des
pâtissiers artisans du Québec.
Je vous explique un peu nos règles de procédure. Vous avez
20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire. Par la
suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires.
Je vous prierais, dans cette période d'échanges, de bien vouloir
vous identifier chaque fois que vous prenez la parole, ceci pour les fins de
transcription du Journal des débats. Ça nous aide
beaucoup. Donc, si vous voulez identifier votre porte-parole, présenter
votre groupe et votre mémoire, nous sommes à vous.
Association des pâtissiers artisans du
Québec
M. Edwards (Martin): Je suis l'un des porte-parole de
l'Association des pâtissiers artisans du Québec inc. Je suis
accompagné du président de l'Association, M. Paul-Henri Harvey,
à ma gauche; également, de M. Jean-Michel Cabane, qui est
pâtissier et propriétaire de la pâtisserie de Gascogne,
à Montréal et Pointe-Claire, à gauche de M. Harvey;
également, du vice-président de la section de Québec de
l'Association, M. Jacques Tailleux, propriétaire de la pâtisserie
Aux Délices de Picardie; et, à ma droite, de M. Pablo Martinez,
de la pâtisserie Granada, à Montréal. Je ne suis pas,
moi-même, pâtissier. Je suis avocat de l'étude Gagnon, de
Billy et je vais faire la présentation du mémoire,
brièvement, avant de céder la parole aux pâtissiers et
avant de vous permettre de poser les questions qui s'imposent.
Le Président (M. Bélanger): Alors, j'ai compris que
vous étiez M. Martin Edwards. M. Edwards: C'est exact. Le
Président (M. Bélanger): C'est bien ça?
M. Edwards: D'abord, l'Association existe sous une forme ou une
autre depuis 1940. Elle compte 81 membres qui, typiquement, emploient entre 10
et 15 personnes chacun. Les membres de l'Association confectionnent dans leur
propre laboratoire, ce qu'un profane pourrait appeler une cuisine, 70 % ou plus
des produits qu'ils offrent au public, soit des pâtisseries, du pain et
d'autres produits de boulangerie, des chocolats, des glaces, des sorbets, des
plats cuisinés, des bouchées pour buffets ou réceptions.
Une majorité des membres offrent également, mais à titre
complémentaire seulement, des produits généralement
achetés d'autres fournisseurs, comme les charcuteries, le fromage,
divers produits d'épicerie fine, ethnique ou exotique et du vin.
Les pâtisseries ont toujours été ouvertes le
dimanche, au Québec. Elles bénéficient actuellement d'une
exemption qui leur est propre et qui est prévue au paragraphe 5°, de
l'article 5 de la loi, qui prévoit qu'un établissement dont
l'activité exclusive est la vente de pâtisseries ou de confiseries
est exempté de l'application de la loi. Même avant l'adoption de
cette loi, en 1969, les pâtisseries étaient déjà
ouvertes au Québec.
Plus que jamais, le dimanche est un des moments forts alors que se
réalisent environ 20 % des ventes hebdomadaires, autant que le samedi.
Parmi les produits qui sont offerts en vente par les pâtisseries,
certains éléments de base peuvent être
préparés d'avance, au maximum 24 à 48 heures, mais la
finition de ces produits-là doit survenir le dimanche matin même,
ce qui fait qu'un pâtissier travaille typiquement de minuit à 8
heures le dimanche matin et un boulanger, de 4 heures à midi; à
eux s'ajoutent deux ou trois employés pour le service à la
clientèle.
Les pâtisseries sont des petites et moyennes entreprises, des
petites surtout, dynamiques et prospères dont le succès repose
sur une réponse adéquate aux attentes qui ont été
créées chez le public, c'est-à-dire pour une
qualité, une fraîcheur et une disponibilité de produits de
pâtisserie.
Même si des modifications à la loi peuvent s'avérer
nécessaires - c'est vous qui allez le décider, vous et les autres
parlementaires - notamment dans certains sous-secteurs de l'alimentation,
aucune stipulation ne devrait venir chambarder les normes actuelles
d'exploitation des pâtisseries, que ce soit en termes de limitation, de
superficie de l'espace commercial, en termes de nombre total d'employés
ou en termes d'heures d'ouverture.
Quant à l'ouverture des pâtisseries le dimanche, fait qui
existe depuis de nombreuses
années, il n'y a rien qui indique que la population
québécoise souhaite quelque changement à cette situation.
Même au plus fort du débat et après avoir feuilleté
les revues de presse depuis 1983, on constate qu'il n'y a aucun des
protagonistes en cause qui, jusqu'à ce jour, n'a invoqué quelque
inconvénient ou objection à l'ouverture des pâtisseries en
tant que telle.
Ce que l'Association redoute par-dessus tout, c'est une décision
politique qui, par souci d'uniformité dans le secteur de l'alimentation,
imposerait à l'ensemble des commerces qui veulent ouvrir le dimanche ou
à qui on permettrait d'ouvrir le dimanche, des critères ou des
contraintes qui sont inappropriées aux pâtisseries
québécoises. il est impensable de cesser d'offir aujourd'hui un
service auquel les clients sont habitués et qui contribue à la
qualité de la vie le jour du dimanche.
La première association qui a été fondée,
qui s'appelait l'Association des pâtissiers-détaillants de
Montréal, regroupait des propriétaires d'établissements
qui, premièrement, fabriquaient eux-mêmes leurs produits de
boulangerie et de pâtisserie et, deuxièmement, écoulaient
eux-mêmes leur production. Les critères d'adhésion à
l'Association n'ont pas changé depuis, de là la signification du
mot "artisans" dans la raison sociale: Association des pâtissiers
artisans du Québec.
Les entreprises sont de taille différente au point où deux
membres au moins comptent chacun une centaine d'employés sur leur liste
de paie. Toutefois, un membre typique compte une demi-douzaine
d'employés oeuvrant à la production et deux à quatre
personnes au service à la clientèle. Aucune des entreprises n'est
syndiquée.
Il y a 81 membres dans l'Association et il existe, bien sûr,
beaucoup d'autres pâtisseries au Québec qui ne font pas partie de
cette Association. Sans vouloir prétendre nous exprimer en leur nom,
nous sommes d'avis que nos positions sont tout à fait compatibles avec
les besoins, les intérêts et les aspirations de la très
grande majorité des pâtisseries présentes sur le territoire
du Québec, qu'elles soient ou non membres de notre Association.
Le dénominateur commun qui unit tous les membres et toutes les
pâtisseries, c'est la qualité. Cette qualité-là est
confectionnée par le travail propre du pâtissier dans ses propres
cuisines ou laboratoires et les produits sont écoulés par les
pâtisseries elles-mêmes.
Vous retrouvez, dans une pâtisserie typique, des pâtisseries
bien sûr, du pain, des chocolats, des glaces et sorbets, des plats
cuisinés, des bouchées pour buffets ou réceptions. Ces
produits sont confectionnés à partir d'ingrédients frais,
sains et provenant pour la plupart du Québec. J'ai mentionné
qu'à titre complémentaire il y a certains autres produits qui
sont offerts: les charcuteries, le fromage, divers produits d'épice- rie
fine, ethnique, du vin.
Bien sûr, ces produits-ià ne sont pas expressément
visés par l'exemption qu'on retrouve au paragraphe 5 de l'article 5 de
la loi. L'Association reconnaît dès le départ ce
fait-là, mais l'Association estime qu'il faut reconnaître ce qui
est devenu aujourd'hui une pâtisserie et, en plus de maintenir
l'exemption, il faudrait prévoir aussi la gamme de services actuellement
offerts par les pâtisseries. S'il le faut, l'Association, plutôt
que de perdre son exemption, serait disposée à renoncer à
la vente des produits complémentaires, mais je ne pense pas qu'il soit
opportun de l'exiger puisque c'est un service qui est
apprécié.
Les Québécois ont toujours raffolé des
pâtisseries et du bon pain frais. Les pâtissiers doyens de la
profession relatent avec un brin d'humour et de nostalgie que, jadis, les
pâtisseries s'ouvraient systématiquement aux abords des
églises qui étaient plus fréquentées, dit-on, que
de nos jours. À la sortie de chacune des messes dominicales, des vagues
successives de paroissiens envahissaient la pâtisserie locale pour
agrémenter le petit déjeuner ou pour offrir un goûter
léger à toute la famille.
Il y a aussi un virage significatif qui remonte à Expo 67, alors
que les Québécois ont pris contact avec des traditions culinaires
très variées et ont pris goût pour la pâtisserie
fine. Des innovateurs ont tiré avantage de l'évolution du
goût des consommateurs et ils ont vite été imités.
Comme résultat, la clientèle des pâtisseries est devenue
exigeante et sélective, insistant particulièrement sur la
qualité des ingrédients et la fraîcheur des produits.
De nos jours, nous rappelons que 20 % des ventes hebdomadaires
s'effectuent le dimanche autant que le samedi. Été comme hiver,
la clientèle se présente dès 9 heures le matin pour se
procurer des croissants frais. L'été, les pique-niqueurs se
présentent massivement entre 10 heures et midi pour garnir le panier de
provisions. Le milieu de la journée est calme et 11 y a une reprise en
fin d'après-midi pour le dîner. Et il faut insister sur le fait
que la finition doit survenir le dimanche matin même. Il n'est pas
possible d'offrir un produit de qualité, une qualité à
laquelle les gens s'attendent maintenant, par des produits qui sont
confectionnés entièrement la veille ou l'avant-veille. Ceci
explique pourquoi un pâtissier travaille de minuit à 8 heures du
matin et que le boulanger vient le rejoindre à 4 heures du matin
jusqu'à midi.
Bien sûr, certains employés pour le service à la
clientèle s'ajoutent au pâtissier et au boulanger. Un
employé nouvellement embauché doit, bien sûr, accepter de
travailler périodiquement le dimanche, obligation qui peut s'estomper au
fur et à mesure qu'il acquiert une certaine ancienneté. Donc, les
vieux ont rarement à travailler le dimanche et, pour le service à
la clientèle, sont souvent remplacés par des étu-
diants, qui, bien sûr, ne pourraient pas, de toute façon,
travailler la semaine puisqu'ils sont aux études et les salaires qui
sont versés sont l'équivalent de ce qui est versé dans
d'autres domaines semblables. Il est assez rare que plus de trois
employés, simultanément, servent la clientèle. Toutefois,
ce total de trois, qui a déjà été mentionné
comme critère, se trouve dépassé lorsqu'on ajoute le
pâtissier et le boulanger qui ont préparé les aliments aux
premières heures du dimanche.
Quant à l'espace commercial qui est utilisé, il a
été suggéré de le ramener ou de le fixer à
une superficie déterminée. Normalement, pour une
pâtisserie, cet espace-là est inférieur au critère
suggéré de 3000 pieds carrés sauf si l'on ajoute les
laboratoires. Donc, l'espace qui est destiné à la vente et
l'espace d'entreposage sont normalement inférieurs à 3000 pieds
carrés, mais les produits sont confectionnés par le travail du
pâtissier et du boulanger dans un laboratoire qui, avec l'espace de
vente, pourrait excéder, dans bien des cas, cette superficie
déterminée et, donc, si jamais ce critère-là
était maintenu, il ne faudrait pas oublier, pour le cas des
pâtisseries, qu'il y aura sans doute l'opportunité d'exclure cet
espace de laboratoire auquel, de toute façon, les clients n'ont pas
accès.
Ce que revendique l'Association, c'est le maintien de son exemption,
puisqu'il ressort clairement, je crois, de nos commentaires que les
pâtisseries ne pourront que péricliter si on les prive de 20 % de
leur chiffre d'affaires hebdomadaire qui est réalisé le dimanche;
aussi, que les heures d'affluence typiques, le dimanche, empêchent
d'entrevoir, en guise de solution, une ouverture dominicale retardée
à 11 heures et midi. Il n'est pas possible, logiquement, d'ouvrir une
pâtisserie à 11 heures, une bonne partie de la clientèle
est déjà passée. De plus, une pâtisserie typique ne
peut maintenir son niveau de qualité en limitant à trois le
nombre d'employés en service le dimanche. Il faut ajouter à ces
trois employés-là, qui s'occupent du service à la
clientèle, ceux qui font la production, c'est-à-dire ceux qui
sont devant vous aujourd'hui, les pâtissiers; Que l'idée de
limiter à 3000 pieds carrés la surface des commerces
autorisés n'est valable que si l'on ne mesure que l'aire de vente et
l'aire d'entreposage en excluant, par conséquent, l'espace où les
aliments sont confectionnés.
Le public québécois a pris goût à des
produits de boulangerie et de pâtisserie confectionnés avec des
ingrédients de première qualité et qui se consomment tout
chauds, à peine sortis des fourneaux. Ce goût et le plaisir qui en
découle paraissent dédoublés le dimanche quand les gens
ont un peu plus le temps de déguster. On dira à qui veut
l'entendre que cela fait partie, désormais indissociable, du
phénomène de la joie de vivre au Québec et de la vie de
quartier.
L'Association ne préconise pas que tout puisse ouvrir le
dimanche, compte tenu des bouleversements que cela pourrait occasionner, mais
l'Association ne craint surtout pas et absolument pas l'ouverture des
marchés d'alimentation de grande surface le dimanche.
L'expérience démontre que la proximité d'un géant
de l'alimentation ne gêne pas les ventes d'une pâtisserie, bien au
contraire, qu'elle les stimule en fonction d'un phénomène de
complémentarité: le gros des achats est effectué au
supermarché, mais une partie du budget est réservée pour
quelques achats haut de gamme à la pâtisserie. Sans vouloir
offusquer les grandes chaînes qui ne semblent pas, de toute façon,
être présentes pour nous écouter aujourd'hui...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Edwards: ...sans vouloir les offusquer, il ressort des
habitudes des consommateurs que ceux-ci reconnaissent encore la qualité
supérieure des produits qui sont offerts par certains commerces
spécialisés, en particulier les pâtisseries.
Alors, exiger la fermeture des pâtisseries le dimanche ou imposer
à l'ouverture dominicale des conditions auxquelles les membres de
l'Association ne sauraient se soumettre créerait un préjudice
irréparable. La plupart des pâtisseries constituent des petites
entreprises prospères bâties grâce à l'ardeur et la
persévérance de leurs fondateurs et qui créent des emplois
stables et recherchés dans le quartier. Et les pâtisseries ne
peuvent pas se permettre une perte de l'ordre de 20 % de leur chiffre
d'affaires. Il est clairement établi qu'on ne récupère pas
ces ventes-là le samedi, dans le cas où une pâtisserie
décide de fermer le dimanche; ce n'est pas vrai. Les gens font leurs
achats quand même le dimanche, mais au dépanneur ou ailleurs.
Les recommandations du comité des députés, le
comité Richard. Nous avons fart nos commentaires sur les
différents critères. Il ne faudrait pas oublier les
pâtisseries si jamais ces critères-là, sous une forme ou
une autre, étaient retenus.
La collectivité québécoise et la vie de quartier
seraient les grandes perdantes sur le plan de qualité de vie si les
pâtisseries établies étaient obligées de fermer le
dimanche ou si des conditions contraignantes encadraient et entravaient
l'ouverture dominicale. Les pâtissiers artisans du Québec comptent
que les autorités parlementaires et gouvernementales répondront
favorablement à leur goût du travail bien fait et à leur
volonté d'agir selon des normes de qualité élevées,
de façon à ainsi contribuer à la qualité de vie de
leurs concitoyennes et concitoyens. Et si je me fie aux trois critères
que vous devez privilégier, c'est-à-dire l'équité
entre les commerçants, ce critère-là est respecté.
H n'y a aucun autre commerce de taille semblable qui vend des produits qui doit
fermer le dimanche,
alors que les pâtisseries sont ouvertes. (16 h 30)
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, s'il vous plaît, rapidement.
M. Edwards: D'accord. Alors, je conclus là-dessus et je
sais que les pâtissiers ont beaucoup à ajouter; leur
émotion et l'aspect artistique et artisanal de leur métier leur
tiennent à coeur. Si vous jugez que notre temps est expiré,
même s'il semble rester quelques instants, j'espère que vous allez
faire ressortir cet amour du métier par vos questions.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. Je cède la parole à M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Richard: Merci, M. le Président. Messieurs, je
résume. Vous dites deux choses, vous constatez qu'il y a deux choses qui
peuvent arriver: ou il y a des modifications dans l'applicabilité de la
loi actuelle ou bien il y a une libéralisation. Si on aménage ce
qui existe comme loi actuellement, vous dites: Ne nous oubliez pas, il faut
être encore dans les exemptions, d'une part. Par contre, si nous
libéralisons, vous dites: Ça ne nous dérange pas pantoute
parce qu'on est capables de compétrtionner avec les plus gros parce
qu'on a, nous, un service pas mal plus personnalisé. C'est à peu
près ça, en résumé, que vous dites.
M. Harvey (Paul-Henri): Oui.
M. Richard: Maintenant, Je respecte cette position-là,
sauf qu'au niveau des heures d'affaires comme telles la loi ne traite pas
uniquement le domaine alimentaire, elle va des monuments funéraires, en
montant et en descendant. Alors, c'est l'ensemble du commerce au détail
au Québec. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait y avoir un
réaménagement des heures - oublions le dimanche - sur semaine,
puisque, de toute façon, la semaine est aussi importante pour vous?
Parce que vous dites: Le dimanche, c'est un cinquième de notre revenu,
c'est 20 %; le samedi, sûrement la même chose. Ça veut dire
qu'il reste quand même 60 % sur semaine. Est-ce qu'il y aurait, selon
vous, selon votre expérience, messieurs, un réajustement des
heures en semaine à faire, dans votre domaine spécifique qu'est
le monde de la pâtisserie? Que ce soit M. Martinez... Je n'ai rien contre
vous, M. l'avocat, mais les vrais pâtissiers, est-ce que...
Le Président (M. Bélanger): Ceux qui mettent la
main à la pâte.
Une voix: Jean-Michel.
M. Cabane (Jean-Michel): Je peux peut-être vous expliquer.
Vous voulez que je réponde à la question directement? Est-ce que
vous préférez que je vous dise un peu qui je suis, juste
pour-Une voix: Dites au moins qui vous êtes.
M. Cabane: Mon nom est Jean-Michel Cabane, je suis
copropriétaire d'une entreprise qui a été fondée
par mes parents il y a 30 ans. C'est une entreprise qui a grandi parce qu'elle
a su gagner, comme beaucoup d'entreprises ici présentes, la confiance de
sa clientèle.
Je pense que c'est important de souligner que nous, artisans et
professionnels, avons contribué largement à l'évolution de
la gastronomie au Québec. Sans laisser de côté toute la
question, évidemment, de commerce et toute la dynamique que ça
suppose pour que l'entreprise réussisse, nous sommes d'abord des
artisans et des professionnels. On exerce ce métier-là, parce
qu'il est assez difficile, par amour et par passion. Les résultats qu'on
cherche à atteindre au niveau du produit fini tiennent compte de cette
vérité-là. Alors, il y a des notions commerciales, mais il
y a aussi le fait, par exemple, que si vous avez envie de manger un
millefeuille le dimanche et que vous dussiez l'acheter le samedi, il a des
chances d'être coriace; même chose pour beaucoup d'autres choses.
Donc, il y a une notion de qualité de vie qui est extrêmement
importante. Je pense que c'est un point qui est important, qui doit être
souligné.
Je réponds à la question que vous avez posée:
Est-ce qu'on peut penser qu'il pourrait y avoir un réaménagement
des heures sur semaine? Si on prend le cas de la plupart des entreprises, entre
le vendredi, le samedi et le dimanche, je pense qu'on devrait arriver à
quelque chose comme 70 % ou 75 % du chiffre d'affaires. Nous avons des
entreprises qui sont très nettement orientées vers le plaisir. On
n'a absolument pas besoin de venir chez nous pour faire face au quotidien. Ce
n'est pas de ça qu'il s'agit. Je pense que c'est quelque chose
d'important encore. On est là pour toutes les occasions. Vous pariiez du
monument funéraire; on est là pour les baptêmes, en passant
par les mariages, les divorces quelquefois et tout ça. Bon!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cabane: Alors, je pense qu'on fait partie de tout
ça.
M. Richard: Elle est bonne! Très bien.
M. Cabane: Pratico-pratique, la semaine, je ne pense pas que ce
soit une solution, les clients n'y sont pas. Certains d'entre nous avons
essayé de fermer le dimanche, on le mentionnait tout à l'heure,
c'a été essayé. Le produit que l'on offre, avec les
caractéristiques qu'on souhaite qu'il ait, que ce soit - je ne veux pas
entrer dans les
technicalités - une mousse, comme je le disais, une pâte
à choux, tout produit qui, pour être bon, doit être bien
réalisé, avec une durée de vie très courte... On
doit vivre avec ça. La question de fond, c'est: Est-ce que qu'on a envie
de s'en priver ce jour-là ou pas? Si on parle du produit uniquement,
là.
M. Richard: Ça répond bien à la question, M.
Cabane. Maintenant, une autre question: les exemptions. On dit, à
l'article 5 de la loi actuellement, comme exemption, que ce sont les
pâtisseries. On sait aussi que, depuis quelques années, le monde
de la pâtisserie a quand même été modifié un
peu parce qu'il y a eu des ajouts au niveau de certains de vos commerces.
Est-ce que le pourcentage d'ajouts au niveau de vos commerces depuis quelques
années, de vos membres... Quel est le pourcentage, à part ce qui
est vraiment pâtisserie?
M. Cabane: Bon, voilà. J'aurais souhaité le
mentionner avant. Nous sommes, dans la plupart des cas - je parlerai de moi
pour éviter de dire des bêtises...
M. Richard: Ha, ha, ha!
M. Cabane: Je suis pâtissier, chocolatier, glacier et
traiteur; donc, trois métiers de bouffe sucrée et un salé
pour accommoder. Dans tous les cas, il s'agit de produits de matière
première, donc que l'on sélectionne, que l'on transforme pour en
arriver à vendre un produit fini. Ce qui caractérise nos
entreprises, c'est la vente de produits transformés en très
très grande majorité. Nous sommes des gens qui avons la
capacité de traiter des produits difficiles à gérer. On
peut aller à la limite jusqu'au fromage. Enfin, j'allais faire des
comparaisons plutôt malvenues avec des grandes surfaces qui ne sont pas
forcément là pour traiter des produits difficiles à
gérer. C'est notre rôle, c'est pour ça qu'on a une
formation. Mais ce qui caractérise, donc, ce sont des produits
transformés. Au fil des ans, la chocola-terie, par exemple, est
passée de l'industrie vers l'artisanat pour créer des produits
plus raffinés. Ce faisant, c'est pour ça qu'on s'est mis à
en fabriquer, à en vendre, mais ce sont toujours des produits
transformés, pas des produits qu'on achète et qu'on revend
à l'État.
M. Richard: Donc, ce que vous dites carrément, c'est
effectivement... Et on regrette, à vos commentaires, que vous n'ayez pas
amené de l'échantillonnage.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Mon recherchiste le fait demander aussi.
M. Richard: Surtout moi qui suis amateur de chocolat. Ha, ha,
ha!
M. Edwards: Nous attendons votre rapport. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Richard: Je crois qu'on reconnaît effectivement, M.
Cabane, que vous avez une spécialité. C'était exactement
le sens de ma question. C'est que, même dans une exemption, vous
êtes sûrement une partie commerciale où on peut facilement
baliser et dire: Écoutez, ça, ça fait partie de la
pâtisserie dans le sens large du mot, incluant la chocolaterie. Mais vous
la transformez, vous ne vendez pas un produit qui arrive tout fait dans une
boîte et que vous revendez.
M. Cabane: C'est ça.
M. Richard: Vous faites vraiment de la transformation et de la
manipulation directe.
M. Cabane: Toucher à tout autre produit, ne serait-ce que
par intérêt, signifierait à peu près notre mort
immédiate. Nos entreprises n'ont pas le capital nécessaire, n'ont
pas toutes les structures et les forces pour faire en sorte qu'on vende une
boîte de petits pois dans les meilleures conditions et au meilleur prix.
On n'est pas là pour ça et si on s'en mêle, je suis
à peu près sûr que ce sera notre mort. Je pense que notre
créneau est bien défini. Les gens savent qui on est et ils
viennent chez nous pour des raisons bien particulières. Les gens vivent
très rapidement. Quand on prend le temps de faire le gros de son
marché à un endroit et qu'on passe chez le boucher, chez le
traiteur, chez le pâtissier ou chez le boulanger, c'est vraiment parce
qu'on y attache une grande importance pour dépenser le temps qu'il faut.
Les entreprises ont quand même un succès suffisant pour penser que
les gens y attachent de l'importance.
M. Richard: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, en
vertu de la règle de l'alternance, Mme la députée de
Taillon.
Une voix: Sur la même question, M. le Président, un
complément de réponse. M. Tail-leux.
Mme Marois: Ah oui! Certainement, monsieur peut...
Le Président (M. Bélanger): Oui, un
complément de réponse.
M. Richard: M. Tailleux.
Le Président (M. Bélanger): Oui, M. Tail-
leux.
M. Tailleux (Jacques): Moi, j'avais une question. En 1983, nous
achetions d'une compagnie à Québec, dans la province de
Québec, à peu près une tonne de chocolat et nous sommes
passés à 500 tonnes, à l'heure actuelle, par an, que nous
transformons, nous, les artisans pâtissiers. Il y a des maisons qui
passent entre trois et quatre tonnes de chocolat transformé; la
matière brute passée aux bonbons, passée au moulage,
passée au chocolat, et la proportion est de 60 % de gâteaux qui
sont faits avec des chocolats. Nous avons eu besoin des techniques, nous avons
eu besoin de gens spécialisés pour former des chocolatiers. Nous
avons fait venir les meilleurs ouvriers de France pour venir nous montrer leur
savoir et nous sommes à l'égal d'eux à l'heure actuelle.
Nous sommes exactement au même niveau qu'en Europe. Nous revenons
d'Europe, de voyage, et nous n'avons rien, rien à envier de ce qu'ils
font là-bas. Nous les avons même plantés, comme on dirait,
dans certains domaines, question marché et question mise en
marché.
Alors, voyez-vous, je pense qu'on a fait une progression énorme
et les goûts, les tendances... Moi qui suis de Québec, une ville
comme Québec, cinq ans en arrière, n'achetait que du chocolat au
lait et nous avons fait un virage à 90 degrés où,
maintenant, les gens ne consomment plus que du chocolat noir mi-amer.
Voyez-vous, les tendances sont arrivées à un tel point que
ça a fait une progression énorme à ce sujet-là. Et
nous avons misé beaucoup sur la qualité et surtout les produits
que nous avons fait venir d'un peu partout et que nous avons vraiment pour
travailler.
Le Président (M. Bélanger): Alors, avant que vous
nous fassiez saliver davantage, je cède la parole à Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Surtout quand on est à la diète. Merci,
M. le Président, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au
nom de ma formation politique. C'est intéressant, d'ailleurs, ce que
vous dites, et ce que le dernier intervenant, M. Tailleux, je crois, a dit.
Dans le mémoire, il est intéressant de souligner d'ailleurs que
ce sont des membres à part égale de Québécois de
vieille souche et de Québécois de nouvelle souche. On le
mentionne nommément dans le mémoire et je trouve que c'est bien
dit. Cela étant dit, vous dites dans votre document, à la page 3:
Un membre typique compte une demi-douzaine d'employés oeuvrant à
la production et de deux à quatre préposés au service
à la clientèle. L'une des règles qui est proposée,
de trois employés en tout temps, trois personnes en tout temps dans
l'entreprise, dans le magasin qui vend le produit, combien de vos membres
pourraient être couverts par une règle comme celle- là?
M. Harvey: À peu près 50 % de nos membres.
Mme Marois: À peu près 50 % de vos membres se
situent à peu près dans ce critère-là?
M. Harvey: C'est ça.
Mme Marois: Compte tenu du fait qu'il y a des employés
quand même de production qui sont là la semaine. Parce que je me
dis que, s'il y a une demi-douzaine d'employés à la production,
ils ne sont pas nécessairement tous là en même temps, il y
a une rotation, il y a un travail...
M. Harvey: Je pense que si on passait une loi comme ça, on
priverait beaucoup de nos membres. Je ne sais pas si ça serait bon
de...
Mme Marois: D'accord. Je pense que vous avez fait votre point
à cet égard-là, mais je comprends. Je veux savoir qui
ça concerne. D'accord.
M. Harvey: Environ 50 %.
Mme Marois: Donc, vous dites à peu près 50 % de vos
membres fonctionnent déjà dans un contexte où il y a
environ trois personnes en même temps travaillant dans l'entreprise.
D'accord.
M. Harvey: Ce qui arrive, c'est qu'à un moment
donné le commerce prend de l'ampleur...
Mme Marois: Pouvez-vous parler un petit peu plus fort, s'il vous
plaît?
M. Harvey: À un moment donné, le commerce prend de
l'ampleur; alors, veux veux pas, on engage du monde. Un commerce où,
présentement, il y a deux ou trois personnes, peut-être que dans
deux ans ou cinq ans, ça va doubler. On ne peut pratiquement pas tenir
compte de ça.
Mme Marois: D'accord. J'ai ici le cahier qu'a
préparé le ministère. J'essayais de savoir c'est quoi.
Vous en représentez combien parmi le nombre de confiseries-chocolateries
- on dit ici - et boulangeries-pâtisseries, mais je me méfie un
peu, boulangeries. Ici, on parle d'un nombre de 1096
boulangeries-pâtisseries sur tout le territoire québécois.
Donc, je ne sais pas si elles ouvrent ou pas. Évidemment, c'est le
chiffre du ministère, mais vous, vous devez savoir combien à peu
près dans votre secteur en dehors de vos membres sont aussi des gens qui
opèrent le dimanche?
M. Harvey: Je pense qu'on serait environ
600 membres.
Mme Marois: 600 au total sur le territoire
québécois?
M. Harvey: C'est ça.
Mme Marois: D'accord. Je remarque aussi que vos membres sont
beaucoup concentrés dans les villes.
M. Harvey: C'est ça.
Mme Marois: Dans deux grandes villes, finalement, Québec
et Montréal, et un peu les banlieues de ces deux villes-là,
à quelques exceptions près.
M. Harvey: Ça ne fait pas tellement d'années qu'on
est à la grandeur du Québec. Ça fait quelques
années seulement. On espère...
Mme Marois: Vous étiez concentrés à
Montréal auparavant et à Québec?
M. Harvey: À Montréal, c'est ça. Là,
on espère prendre de l'expansion toujours. On aimerait ça que
tous les pâtissiers deviennent membres, à un moment donné.
Ce qui arrive, c'est que même s'ils ne sont pas membres, automatiquement
ils ont les mêmes privilèges que nous, en
réalité.
Mme Marois: Oui, c'est ça. Sauf que votre critère,
j'imagine que vous devez tenir au critère qui constitue le fondement
même de votre association de pâtissiers artisans. Ce que je lis,
c'est qu'ils fabriqueraient eux-mêmes leurs produits de boulangerie et de
pâtisserie et qu'ils écouleraient eux-mêmes leur production.
(16 h 45)
M. Harvey: Oui, c'est ça. Nos membres sont essentiellement
des membres qui fabriquent eux-mêmes.
Mme Marois: Et ça reste pour vous une...
M. Harvey: II faut qu'ils soient propriétaires,
fabricants.
Mme Marois: D'accord, c'est ça. Ce qui explique bien,
d'ailleurs, le nom de l'entreprise, enfin, de l'Association des
pâtissiers artisans. Il y a un endroit, dans votre document - ça a
été déjà un petit peu abordé, mais
j'aimerais vous entendre nous le préciser - où vous dites: La
grande majorité des produits, 70 % ou plus, offerts au public, ce sont
généralement des pâtisseries, pains, autres produits de
boulangerie et chocolats, glaces, sorbets, plats cuisinés,
bouchées pour buffet ou réception. Est-ce que c'est très
typique de vos membres, cette réalité-là des 70 %?
M. Martinez (Pablo): Pablo Martinez. Mme Marois: Oui.
M. Martinez: Je dirais que la très grosse majorité,
c'est en plein ça, 70 % des produits sont tranformes sur place...
Mme Marois: D'accord.
M. Martinez: ...à partir de produits de base frais. Il y a
maintenant le facteur artisanal qui entre en ligne de compte parce que si vous
n'aimez pas ce que vous faites... Il faut autant d'amour que
d'expérience pour faire ces choses-là. En fait, un dessert vient
couronner, souvent, un repas qui a été un peu à la
va-vite. Et quand on connaît le goût des Québécois de
plus en plus pour la fine cuisine, le plaisir de leur offrir un dessert qui
vient couronner le tout, pour nous, est une grande source de satisfaction.
C'est pour ça que 70 %...
Mme Marois: Je partage votre point de vue à cet
égard-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Je partage aussi le point de vue de votre
collègue de l'autre bout de la table, à savoir qu'on est parmi
les meilleurs au monde ici. Je suis persuadée de ça, pour
m'être promenée un peu, pas partout dans le monde, mais je pense
qu'on est très bons, vous êtes très bons aussi.
Le Président (M. Bélanger): Partout où il y
a de bons desserts, on gagne.
Mme Marois: Cela étant dit, s'il y avait une contrainte
qui vous disait: On restreint la vente de produits essentiellement aux produits
cuisinés et on élimine les charcuteries et un certain nombre
d'autres éléments d'épicerie fine, ethnique ou exotique -
je prends vos propres mots -vos commerces continueraient d'être
rentables.
M. Martinez: C'est ça, oui.
Mme Marois: Parce que ce n'est pas la fin de votre commerce.
M. Martinez: Un peu moins. Évidemment, c'est un
complément qui vient aider un peu. À l'origine, il ne faut pas
oublier que ce sont les pâtissiers artisans qui ont fait connaître
les fromages fins et la charcuterie fine. Ça fait 35 ans que je suis en
opération et, au tout début, ce sont les pâtissiers
artisans qui ont fait connaître la charcuterie fine et les fromages
fins.
Mme Marois: D'accord.
M. Martinez: Nous n'avons rien contre ceux qui nous ont suivis
après. Alors, nous aimerions pouvoir conserver au moins ces deux
items-là qui sont un complément du panier qu'on vient chercher
chez nous. Parce que le dimanche après-midi, on reçoit de la
visite, on prend des charcuteries, un dessert et un bon fromage. On
prétend à juste titre que c'est nous qui avons fait
connaître ces produits il y a quelques années, 25, 30 ans en
arrière.
Mme Marois: Est-ce que tous vos membres sont ouverts le
dimanche?
M. Martinez: La très grosse majorité.
Mme Marois: La très grande majorité. Quoi? 60 %, 70
%,80 %?
M. Martinez: Ça peut aller à 90 %, facilement.
Mme Marois: 90 % de vos membres... Des voix: Oui.
Mme Marois: ...ouvrent le dimanche. Une des questions... Est-ce
que vous vouliez ajouter quelque chose? Oui, monsieur.
M. Harvey: Moi, je pourrais... Mme Marois: Peut-être
un peu... M. Harvey: II y a plusieurs...
Mme Marois: ...plus haut, on a de la difficulté...
M. Harvey: II y en a quelques-uns qui vendent du vin. Le vin, on
serait prêts, si vous voulez, à l'enlever le dimanche.
Mme Marois: Oui, vous seriez prêts...
M. Harvey: Le dimanche, même, ça ne nous
dérangerait pas.
Mme Marois: D'accord.
M. Harvey: Ce serait une des choses qu'on serait prêts
à...
Mme Marois: À envisager.
M. Harvey: ...céder. Oui, à envisager.
Mme Marois: Et la règle de trois vous apparaît
difficile à respecter pour, en tout cas, la moitié de vos
membres, si j'ai bien compris.
M. Harvey: Oui, ça, ça va être très
dif- ficile. On ne pourrait pratiquement pas.
M. Edwards: Martin Edwards. Sur ce point, on constate qu'il n'y
aucun groupe, qu'il n'y a personne qui réclame, de toute façon,
qu'on retranche certains services ou certains produits de ce qui est offert
actuellement. Je pense qu'il faut plutôt, au lieu de retrancher les
produits, surtout se rendre à une réalité, ce que c'est
aujourd'hui une pâtisserie et la reconnaître telle quelle, puisque
personne ne réclame quelque diminution de services ou de produits, de
toute façon.
Mme Marois: Vous savez, je pense qu'on n'a pas besoin de refaire
tout le débat, évidemment, c'est toute la question
d'équité entre les commerces. Si on permet à certains
d'ouvrir et qu'ils peuvent vendre à peu près n'importe quoi...
Évidemment, on le permet à tous ou on ne le permet pas et,
à ce moment-là, on établit des règles un petit peu
plus serrées, un petit peu plus étanches.
Une voix: Je comprends.
Mme Marois: Un des critères qui est proposé par des
personnes qui souhaiteraient retenir ce resserrement, et c'est davantage la
position que l'on défend aussi, c'est qu'on ramène,
effectivement, à trois personnes en même temps dans le commerce,
qui est une règle pour essayer de retrouver l'équité. Je
pense, M. Tailleux, que vous vouliez...
M. Tailleux: Moi, je voudrais dire aussi... On a une question
pour savoir que nos commerces sont très prospères. Dans une ville
comme Québec, nous manquons à peu près de 70
pâtissiers, à l'heure actuelle; on demande en permanence,
continuellement. Tous les établissements recherchent des
pâtissiers et nous n'avons pas de formation pour pouvoir avoir de bons
pâtissiers. Ça, c'est un fléau à l'heure actuelle.
Les compagnies ne peuvent pas grossir à cause du manque de formation
professionnelle. Nous manquons vraiment de main-d'oeuvre qualifiée dans
ce sens-là.
Mme Marois: Je suis contente de vous l'entendre dire. Remarquez
que sur un autre dossier, c'est une demande que l'on fart
désespérément depuis des mois, d'ailleurs, au
gouvernement, qu'il investisse en matière de formation professionnelle.
Que ce soit dans votre secteur ou ailleurs, il y a un problème à
cet égard-là, et il est majeur. On me dit que j'ai terminé
mon temps.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Alors, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je voudrais
m'excuser de mon retard. J'avais pris connaissance de votre
mémoire, j'avais bien hâte que vous soyez ici parce qu'on a
discuté de ce sujet-là spécifiquement avec d'autres
intervenants.
Dans la loi, c'est l'article 5, paragraphe 5 "les pâtisseries ou
confiseries" et c'est marqué, à 5.1 "il ne faut jamais plus de
trois personnes". Donc, vous avez le droit d'opérer: pâtisserie,
confiserie, jamais plus de trois personnes où s'effectue la vente des
denrées alimentaires, le dimanche. J'ai, personnellement, rarement vu
des pâtisseries où il y avait trois personnes et moins, surtout
aux heures d'affluence, pour vendre des pâtisseries. Alors, on a deux
choix: un choix... Quand je dis "on a deux choix", à écouter tous
les intervenants, il semblerait que si on veut éliminer les exceptions -
c'est ça qu'on dit, il ne faut plus avoir d'exceptions, parce que les
exceptions, ça crée de l'inéquité - alors, on
recule et on dit: Aucun commerce n'est ouvert le dimanche, sauf le vrai
dépannage, trois employés et moins et on applique très
sévèrement la loi. Une possibilité!
Et, évidemment, ça veut dire que, parce que vous vendez du
pain... Vous vendez du pain? Ce n'est pas là, ce n'est pas
marqué, du pain. Vous vendez des fromages fins; vous vendez des
charcuteries, vous l'avez mentionné, c'est important, c'est vous autres
qui avez popularisé ça; vous vendez également des produits
importés, des vinaigres fins, pas en grande quantité, mais ce
sont des choses qui sont la. Alors, si on veut maintenir des exceptions, vous,
ce que vous nous dites: Trois employés et moins, on n'est pas capables
de fonctionner en tout temps dans l'établissement. C'est ça que
vous nous dites.
M. Harvey: Oui, c'est ça.
M. Tremblay (Outremont): Donc, il faut libéraliser
l'ouverture des commerces le dimanche pour vous donner le droit d'ouvrir le
dimanche. C'est la deuxième possibilité. Les gens nous disent: Ou
on retourne et on ferme tout le dimanche, trois employés et moins, ou on
libéralise. Si on libéralise, est-ce que ça vous cause un
problème?
M. Harvey: Non, nous autres, ça ne nous dérange
pas, que ce soit...
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que les pâtisseries qui
sont dans les supermarchés, ça vous cause un problème?
M. Harvey: Non, pas du tout. On n'a rien contre l'ouverture de
tous les commerces, le dimanche.
M. Tremblay (Outremont): Vos opérations de traiteur,
est-ce que vous avez des opérations de traiteur?
M. Harvey: Un peu, oui.
M. Tremblay (Outremont): Vous en avez aussi.
M. Harvey: La plupart des pâtisseries font un petit peu de
traiteur. C'est certain qu'un buffet, on ne peut pas le préparer trop
longtemps d'avance. Les canapés, si c'est commandé pour le
dimanche et qu'on les fait le samedi, ce n'est pas...
Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez
une intervention, M. le ministre. Tout à l'heure, les artisans
pâtissiers nous ont fait valoir que la règle de trois était
difficile à appliquer chez eux, ils nous ont expliqué pourquoi.
Alors, je ne sais pas si...
M. Tremblay (Outremont): Oui, je comprends.
Mme Marois: C'est-à-dire que 50 % d'entre eux...
Le Président (M. Bélanger): C'est ça.
Mme Marois: ...vivent déjà avec cette
réalité-là, compte tenu de la taille de leur entreprise,
et 50 % ont un nombre plus grand de personnes à leur emploi...
Le Président (M. Bélanger): C'est ça.
Mme Marois: ...en tout temps ou à toute heure.
M. Tremblay (Outremont): Je m'excuse Est-ce que vous nous avez
expliqué l'économie?
M. Harvey: Oui.
M. Tremblay (Outremont): L'économie des ventes le
dimanche, si vous êtes obligés de fermer, c'est expliqué
ça?
M. Cabane: Oui, on en a parié, la possibilité de
fonctionner avec trois employés. Je reviens encore un peu à la
notion artisanale et à la notion, j'allais dire de formation de la
clientèle, en tout cas, de renseignement. Il s'agit d'un produit que
l'on doit proposer. Ça sous-entend qu'il faut du personnel pour le
faire. On ne peut malheureusement pas, enfin on ne souhaiterait pas mettre les
entremets en boîte, par exemple, et les mettre dans un comptoir ouvert
pour que tous et chacun puisse se servir. Ça ne correspond pas du tout
au rôle que l'on devrait ou que l'on souhaiterait jouer en tout cas. Par
le fait même, trois personnes, ce n'est pas possible.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que je peux vous comparer
à des fruiteries dans le sens que c'est toujours des produits
très frais, il faut les remplacer régulièrement et, pour
ce faire, ça prend un service personnalisé, ça prend une
main-d'oeuvre un peu plus spécialisée?
M. Cabane: Non. Enfin, ce n'est pas du tout à ces
genres... En tout cas, on ne voudrait pas. Je ne crois pas qu'on doive nous
comparer à ce type d'opérateurs ou à ce type de commerces
parce qu'on se définit comme étant des artisans. Nous sommes des
gens qui transformons des produits, qui partons de matières
premières, qui les transformons et qui souhaitons avoir un minimum de
contraintes pour pouvoir présenter un produit qui représente le
plus ce que l'on souhaiterait atteindre et, en pâtisserie comme en
cuisine, on souhaiterait être Identifiés beaucoup plus à la
gastronomie ou à la restauration qu'à un type de commerce, je ne
sais pas, sec, comme on disait, de cannage ou autre. C'est difficile, ce n'est
pratiquement pas envisageable, la fermeture le dimanche, évidemment pour
des raisons économiques parce qu'il y a, je vous dis, 70 %, 75 %,
vendredi, samedi, dimanche. Et, c'est à cause de l'essence même du
produit qui ne pourrait plus exister si on devait le fabriquer le samedi pour
le dimanche, ou le samedi pour le lundi, enfin peu importe.
Une voix: Combien nous reste-t-il de temps?
Le Président (M. Bélanger): II reste encore quatre
minutes sur le deuxième dix minutes. Il y avait un autre intervenant, M.
le député de Drummond.
M. St-Roch: Très brièvement. Mes collègues,
Mme la députée de Taillon et M. le député de
Nicolet-Yamaska, y ont touché par différents angles,
différentes facettes, à propos de votre fabrication, en
pourcentage. Mais si je prenais un terme un peu plus généraliste
qui serait "matière périssable", comment est-ce que vous le
définiriez en pourcentage, votre contenu? Serait-ce 90 %, 95 %? On
mentionne qu'il y a du vin...
M. Cabane: Très près de 100 %.
M. St-Roch: ...un peu ici, il peut y avoir des vinaigres fins ou
ces choses.
M. Cabane: 100 % moins quelques petites choses, à peu de
choses près.
Une voix: C'est presque tout périssable.
M. Cabane: Notre rôle, on est là justement et on a
la capacité de traiter des matières très
périssables. C'est ce qui fait, Mme Marois, que vous trouvez un fromage
au lait cru chez nous et que vous n'en avez pas dans une grande surface parce
que, quand on nous les apporte, il faut refuser trois arrivages pour en avoir
un correct et quand on accepte le quatrième, trois jours après,
il est passé. Ça sous-entend qu'il faut faire plus que du
commerce pour faire ça. Ça sous-entend qu'il faut y mettre autre
chose, finalement, que l'envie de "to do a fast box." C'est autre chose qu'il
faut.
M. St-Roch: Alors, ce serait près de 100 %.
M. Cabane: Pardon?
M. St-Roch: Ce serait très près de 100 %.
M. Cabane: Ah! tout près, tout près, tout
près!
M. St-Roch: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors madame...
M. Cabane: Je voudrais peut-être souligner le fait un petit
peu qu'au niveau de l'image qu'on projette, on fait souvent appel à nous
pour toutes sortes de raisons, que ce soit au niveau de l'ITHQ, par exemple, au
niveau de la collaboration, que ce soit pour l'équipe du Québec
quand il s'agit de monter une équipe pour être
représenté à Francfort ou ailleurs, on véhicule et
on projette une image qui est vraiment plus qu'une image de commerçant.
Il y a une notion d'artisan qui pourrait s'apparenter à un tailleur de
pierre, un ébéniste, beaucoup de métiers qui tendent
à disparaître. On a des problèmes importants de formation.
Ce sont des notions qui sont difficiles à faire accepter par des gens
qui sont plus jeunes, ce sont des métiers durs, ce sont des
métiers qui ne sont pas toujours acceptés. On a des situations
où les gens gagnent souvent moins chez nous qu'un plombier ou des
situations comme celle-là. Donc, on a un environnement économique
qui est difficile, il n'y a pas de doute, là. Et, étant artisans,
travaillant toujours très près des gens, c'est évident
qu'on souhaiterait que l'environnement, entre autres, économique et au
niveau des conditions, soit le meilleur possible. On doit, évidemment,
faire en sorte que notre produit, aussi bon fût-il, on ne peut pas faire
de la poésie tout seul dans notre cave. On ne peut se permettre de faire
des entremets qui coûtent un prix fou. Les gens vont revenir à la
tarte au sucre, hein, c'est clair.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cabane: Au travers de tout ça, il faut qu'on navigue.
Si on coupe le dimanche, c'est une contrainte de plus.
Le Président (M. Bélanger): ...contre la tarte au
sucre.
M. Cabane: Non, non, pas du tout, mais que ça, c'est
lassant.
Le Président (M. Bélanger): Juste pour
préciser.
M. Cabane: C'est parce que ça se conserve mieux.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon, sans relation avec les tartes au sucre. (17
heures)
Mme Marois: Non. J'ai encore une ou deux questions. Ce sera assez
bref. Évidemment, vous avez des employés. Vous le dites, une des
craintes qui est soulevée par l'ouverture
généralisée des commerces le dimanche, c'est effectivement
l'obligation que cela créera à des travailleurs et des
travailleuses de devoir accomplir du travail alors qu'ils ne souhaiteraient pas
le faire cette journée-là. Est-ce que... Non, je vais poser la
question autrement. Si nous introduisions dans une loi un droit de refus absolu
- je m'explique, c'est-à-dire qu'une personne pourrait toujours refuser
de travailler le dimanche; en vertu d'une loi sur les normes minimales par
exemple on pourrait introduire un élément comme celui-là
dans une loi - est-ce que vous seriez quand même capables de vous trouver
du personnel pour assumer le service le dimanche?
M. Tailleux: Oui, là, vraiment, nous faisons appel
à des jeunes qui viennent en formation chez nous. On reçoit
beaucoup de stagiaires des écoles et ces jeunes-là, pour se payer
ces études-là, sont prêts, ils veulent faire ce
métier-là, ils veulent percer parce qu'ils ont toujours la
possibilité de pouvoir s'installer, de faire comme nous, de pouvoir
gravir les échelles et il n'y a aucun problème à ce
niveau-là. Le dimanche le personnel qualifié reste chez eux et
ces jeunes-là qui sont en apprentissage et ce sont des très bons,
des jeunes qui en veulent, même des fois on est obligés de les
restreindre parce qu'ils en veulent même un peu plus.
Mme Marois: Parce qu'ils aiment le métier.
M. Tailleux: Ils sont prêts, ils sont amoureux de ce
métier-là, mais il faut les encadrer comme il faut. C'est un
métier... S'ils le font pour venir chercher juste leur salaire, ils ne
perceront pas ces gens-là. La preuve, on a encore été,
nous... Jean-Michel a un de ses employés qui est meilleur ouvrier du
Québec. On a été à Paris faire une pièce
avec des jeunes Québécois qui ont percé. On est au niveau.
Ces jeunes-là ont besoin de travailler et ils veulent travailler les
fins de semaine pour pouvoir se payer leurs études. Ça, il n'y a
aucun problème là-dessus.
Mme Marois: D'accord. Parce que vous dites cependant dans votre
document... En fait, ça ne contredit pas ce que vous dites là,
d'aucune espèce de façon, mais vous dites que si on a un service
continu accumulé important il reste que ces gens-là
préfèrent travailler la semaine que de travailler la fin de
semaine. Il est même utilisé entre guillemets. Donc, les vieux
employés, entre guillemets, là, ont rarement à travailler
le dimanche. C'est ce que vous affirmez dans votre document.
M. Tailleux: C'est ça.
Mme Marois: C'est leur choix, j'imagine, et leur volonté
aussi que vous essayez de respecter dans ce sens-là.
M. Martinez: On essaie d'être le plus humain possible.
Évidemment, l'ancienneté a toujours préséance. Mais
ces gens-là ont quand même l'amour du métier et, lorsqu'il
y a un besoin, ils vont se sacrifier et ils vont sacrifier un dimanche pour que
tout fonctionne normalement. Avec les gens, on n'a pas beaucoup de
difficultés. Ce n'est pas un problème majeur. D'ailleurs, celui
qui adopte la profession de pâtissier sait au départ, comme le
cuisinier, que le dimanche, il va travailler. Donc, ce n'est pas un
problème de ce côté-là.
Mme Marois: Parce que c'est un métier qui s'exerce
déjà dans les services qui sont actuellement... Si on pense
à la restauration entre autres...
M. Martinez: Exactement...
Mme Marois: ...ce sont des services qui existent
déjà en dehors des heures habituelles de travail. Ça va.
J'ai eu réponse à mes questions. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, est-ce que
vous désirez remercier nos invités?
Mme Marois: Ça va. Je vous remercie de la contribution que
vous avez apportée à nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup de votre
présentation et on va prendre en considération vos remarques dans
la décision que nous aurons à prendre. Merci beaucoup
d'être venus.
Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission de
l'économie et du travail remercie
les membres de l'Association des pâtissiers artisans du
Québec qui nous ont présenté, avec beaucoup de
fraîcheur, à l'égal de leurs produits, leur mémoire,
et invite à la table des témoins la Commission-Jeunesse du Parti
libéral du Québec. Je vous remercie.
Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec
S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir
reprendre sa place. À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais
à chacun de bien vouloir reprendre sa place. S'il vous plaît!
Est-ce qu'on pourrait avoir le silence? S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Je vous remercie de votre collaboration.
Nous recevons présentement la Commission-Jeunesse du Parti
libéral du Québec. Bonsoir! Avant de débuter, je vous
présente un petit peu nos règles de travail. Vous avez 20 minutes
ferme pour la présentation de votre mémoire et il y a une
période d'échanges avec les parlementaires par la suite. Je vous
demanderais, lors de la période d'échanges en particulier, de
bien vouloir vous identifier à chacune de vos interventions, même
si ça peut sembler fastidieux. Ceci aide beaucoup les gens à la
transcription des débats. Alors, sans plus tarder, vous vous identifiez,
identifiez votre porte-parole et présentez votre mémoire.
M. Bissonnette (Michel): Bonsoir. Je suis Michel Bissonnette,
président de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec. Je suis accompagné aujourd'hui, pour la
présentation de notre mémoire, de Mario Dumont ainsi que de
Sylvie Savoie qui sont membres de l'exécutif de la Commission-Jeunesse.
On est heureux de participer à ces audiences publiques,
premièrement, parce que, dans les débats tenus au sein de nos
activités en tant que groupe de jeunes, il a été bon
nombre de fois question de modifications sur divers aspects de la structure
sociale, de façon à l'adapter davantage au contexte actuel des
années quatre-vingt-dix et des années à venir et,
deuxièmement, parce que ces audiences publiques démontrent
à la fois que le gouvernement est à l'écoute des
différents groupes et que le gouvernement reconnaît que la loi ne
répond pas au contexte actuel.
Donc, au nom des 18 000 membres jeunes du Parti libéral du
Québec, on vient aujourd'hui vous présenter, premièrement,
pourquoi on trouve que la loi actuelle est non équitable,
deuxièmement, les attentes des jeunes travailleurs et jeunes parents que
nous sommes ou, du moins, que nous sommes en voie de devenir quant à une
adaptation de la structure sociale au Québec et, troisièmement,
la solution que la Commission-Jeunesse privilégie pour que la Loi sur
les heures d'affaires soit davantage équitable. On n'est pas ici pour
défendre les intérêts particuliers et spécifiques
à notre groupe. On est davantage ici pour que la loi s'inscrive dans une
structure sociale adaptée à la réalité des jeunes
du Québec. On est ici pour vous faire part de nos aspirations en tant
que jeunes et pourquoi c'est important que la Loi sur les heures d'affaires
soit modifiée de façon qu'elle réponde davantage à
un besoin de structure sociale qu'on retrouve chez les jeunes.
Je vais donc céder la parole tout de suite à Sylvie et,
ensuite, Mario enchaînera.
Mme Savoie (Sylvie): Présentement, il existe un cadre
d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux. Ces
règles font en sorte que, principalement, le consommateur ne peut avoir
accès aux commerces les lundi soir, mardi soir, mercredi soir, samedi
soir et le dimanche, au même titre que certains jours
fériés. Bref, la règle générale veut que les
commerces demeurent fermés aux jours et heures prescrits par la loi.
Toutefois, le problème si situe au niveau des exemptions qui sont au
nombre de 19.
Nous savons tous que, pour consolider une entreprise, il est important
de diversifier ses opérations; c'est une pratique commerciale tout
à fait normale et saine. Il existe un litige au niveau des marchands,
c'est lorsqu'un marchand exempt de la loi profite de son statut pour prendre
une part de marché d'un autre commerçant. Ceci crée une
concurrence déloyale et cette pratique incite ceux qui ne peuvent
obtenir le droit d'ouvrir en dehors des heures d'ouverture des commerces
à outrepasser cette loi. Vous n'avez qu'à penser au domaine de
l'alimentation. Vous avez les pharmacies qui peuvent ouvrir le dimanche, mais
elles ont obtenu leur exemption parce qu'elles vendent des produits
pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Certaines ont
diversifié et vendent maintenant des produits alimentaires; donc, elles
empiètent sur le domaine d'autres commerçants.
Que dire des marchés publics? On entend par un marché
public un bâtiment regroupant des établissements commerciaux
appartenant à des propriétaires distincts. Donc, on peut y
retrouver des boulangeries, des pâtisseries, des charcuteries, etc.
Alors, eux ont la possibilité d'ouvrir en dehors des heures prescrites
par la loi.
Il existe plusieurs autres exemples de ce genre. Je vais seulement les
mentionner parce que vous avez probablement connaissance de la situation. Il y
a les marchés aux puces, les marchands de piscines et d'accessoires
nécessaires à leur bon fonctionnement, vous avez aussi la
dispense accordée à des municipalités situées dans
une zone touristique et vous avez la règle des trois
employés.
Toutes ces situations constituent la problématique et nous ne
pouvons que constater des iniquités évidentes qui méritent
toute notre attention. Il est très important de prendre note
que, présentement, 40 % des commerces québécois se
trouvent exclus de la loi, ce qui représente environ la moitié.
On remarque, en plus, qu'avec les ans il y a une augmentation des exemptions.
Donc, on a déjà 40 % des commerces québécois qui ne
peuvent ouvrir, ce qui est trop élevé, et vous avez des pressions
pour que le nombre d'exemptions augmente. Il ne faut pas oublier l'injustice
que cette loi constitue pour l'ensemble du commerce de détail par
rapport aux autres secteurs de l'activité économique. Je prends,
par exemple, le secteur manufacturier où il n'existe aucune
réglementation, lis peuvent ouvrir 24 heures sur 24, 7 jours par
semaine, leurs manufactures.
Pour résumer la situation, la loi actuelle est difficilement
applicable et il existe un non-sens d'une loi qui est faite pleine
d'exceptions. De plus, elle favorise les stratagèmes pour contourner la
loi au sujet des heures d'affaires. Je passe maintenant la parole à
Mario.
M. Dumont (Mario): Oui. Alors, un des principaux reproches que
l'on fait à la loi actuelle, c'est son inadéquation dans la
situation actuelle des familles et des jeunes, en fait des familles
d'aujourd'hui. On sait que la Loi sur les heures d'affaires n'a pas
été amendée depuis une vingtaine d'années. Durant
ces 20 dernières années, la société
québécoise a subi des mutations assez rapides et assez
importantes, à plusieurs égards. On connaît, entre autres,
le déclin démographique qui est une nouvelle
réalité avec laquelle le Québec doit composer. À la
Commission-Jeunesse, on parle déjà, depuis un bout de temps,
d'adapter les structures sociales, de donner davantage de souplesse aux
structures sociales pour donner plus de latitude aux familles qui sont
désireuses d'avoir des enfants, aux couples qui sont désireux
d'avoir des enfants. Évidemment, on ne prétendrait pas qu'il y a
un lien direct entre les heures d'affaires et la natalité, mais c'est un
ensemble de barrières qu'il faut lever pour assouplir notre structure
sociale et l'adapter réellement aux besoins des familles d'aujourd'hui
et aux tâches des parents d'aujourd'hui, de concilier
responsabilités parentales, vie au travail ainsi que les emplettes.
Donc, ce sont trois aspects de la vie qui sont parfois difficiles à
concilier.
Autre aspect important, la cellule familiale. L'organisation, le noyau
même de notre unité familiale a été
bouleversé depuis ces 20 années. On a davantage de familles
monoparentales qui ont des besoins particuliers, on le sait, des besoins
différents. Il y a aussi un nouveau partage des responsabilités
parentales et un partage du travail à l'intérieur de la famille.
Ça aussi, ça crée de nouveaux besoins qu'il ne faudrait
pas oublier dans le débat sur les heures d'affaires.
On a aussi assisté, depuis 20 ans, à une entrée
massive des femmes sur le marché du travail. On n'est plus au
modèle d'il y a un certain nombre d'années, plusieurs
années, où la femme restait majoritairement à la maison
pour s'occuper des enfants, des emplettes et de ces petites choses-là,
alors que l'homme gagnait le pain. Je pense que la société
actuelle, au Québec, a évolué, s'est modernisée et
ce n'est plus la réalité. La femme est sur le marché du
travail et il y a déjà des adaptations de la
société à ce niveau-là. On a mis en place des
garderies, on a eu différentes adaptations pour que la
société puisse fonctionner selon ces nouvelles nonnes, sauf que
la Loi sur les heures d'affaires, elle, n'a pas encore été
adaptée à la réalité dont on parle.
Donc, II y a eu différents changements dans le mode de vie des
Québécois et, comme je le disais, certaines de nos institutions,
dont la Loi sur les heures d'affaires, ne s'y sont pas encore adaptées.
Pour donner un exemple très concret, quand on a deux parents qui
travaillent, qui ont deux enfants, un à l'école et un à la
garderie durant la journée, les parents reviennent du travail, vont
chercher les enfants à la garderie, etc. Quand on regarde la vie de ces
gens-là, on constate, avec la Loi sur les heures d'affaires,
présentement, que les heures qui sont disponibles pour faire leurs
emplettes sont relativement limitées, quelques heures sont disponibles,
ce qui fait que tout le monde se retrouve sur les planchers des
supermarchés et là, on se retrouve avec des achalandages, avec
tous les problèmes qui s'ensuivent et que l'on connaît. (17 h
15)
Donc, ce qu'on dit, c'est que la Loi sur les heures d'affaires est l'un
des éléments qui contribuent à faire une structure sociale
rigide dans notre société et qui créent un problème
pour les parents de façon très évidente. Cette
loi-là ne correspond plus du tout aux besoins de notre
génération avec les changements qu'on a connus au cours des
dernières années. Et cet aspect social là qui,
d'après moi, mérite vraiment d'être pris en
considération dans le débat sur les heures d'affaires, a
été souvent oublié, peut-être pour d'autres
considérations, le lobbying des entreprises qui ont des
intérêts personnels. Je pense que la Loi sur les heures
d'affaires, dans la mesure où elle affecte directement l'organisation
sociale du Québec, mérite d'être prise en
considération.
Donc, en tant que groupe de jeunes qui désirons parler pour notre
génération, parler en tant que futurs parents, futurs
travailleurs ou ceux qui sont déjà travailleurs, on a des
inquiétudes par rapport à la Loi sur les heures d'affaires
présentement. On aspire à ce que cette loi-là ait
davantage de flexibilité. On recherche aussi une solution à long
terme, qui sera une solution souple à long terme et qui répondra
vraiment aux besoins des familles d'aujourd'hui.
M. Bissonnette: Comme on vous l'a expliqué,
on trouve que la loi actuellement est inéquitable pour les
différentes raisons qu'on a pu soulever. On croit que le rôle
même de la commission avec audiences publiques présentement, c'est
de pouvoir écouter les différents groupes pour apporter une
solution à cette loi-là. Je pense qu'il serait très
dangereux de pouvoir faire un retour en arrière et ce serait surtout
injustifiable puisque ça irait à rencontre de l'évolution
sociale qu'on a pu voir au cours des dernières années.
Ajouter des exceptions d'un autre côté, ce serait juste une
solution à court terme qui nous obligerait à faire encore, dans
deux, trois ou quatre ans, le même débat qu'on fait
présentement dans une commission parlementaire parce que, veut, veut
pas, le contexte évolue chaque fois et les besoins des consommateurs
évoluent. Si on y va d'augmentations d'exemptions d'une fois à
l'autre, on aura toujours des besoins qui vont se faire sentir, et on peut voir
qu'au cours des dernières années les besoins sont toujours
grandissants. Est-ce qu'on aura toujours besoin de revenir à
l'Assemblée nationale parce que tel ou tel point aura été
modifié ou tel ou tel aspect des consommateurs québécois
sera en évolution? Je pense que ce serait un terrain très
dangereux sur lequel s'aventurer et ça ne serait certainement pas une
solution à long terme.
Ce qui est essentiel pour la Commission-Jeunesse, c'est que la loi
devienne équitable pour tous, c'est-à-dire équitable entre
le secteur du commerce au détail par rapport aux autres secteurs
économiques, et équitable surtout entre les commerçants du
secteur au détail. Et, deuxièmement, c'est que la Loi sur les
heures d'affaires respecte d'abord et avant tout les consommateurs. Est-il
besoin de vous rappeler que les jeunes travailleurs n'ont pas les mêmes
conditions de travail, n'ont pas la même stabilité d'horaires que
les travailleurs des autres générations qui nous ont
précédés et que les jeunes parents ne se partagent pas les
responsabilités parentales de la même façon que la
génération avant nous l'a fait aussi?
Conséquemment, ce qu'on demande au gouvernement, c'est qu'il
mette un terme à un débat qui, selon nous, a duré depuis
beaucoup trop longtemps par rapport à, oui ou non, la
libéralisation, oui ou non, des exemptions davantage. Selon nous, la
solution la plus équitable consiste à une libéralisation
totale des heures d'affaires. Pour nous, le gouvernement n'a pas à dire
à tel ou tel commerçant s'il peut ou non répondre à
un besoin de sa clientèle. Entre l'État et le consommateur
lui-même, on croit que c'est le consommateur qui est le meilleur juge
pour savoir si, oui ou non, il a un besoin. Le gouvernement doit assurer
également aux jeunes travailleurs et aux jeunes parents la
possibilité de pouvoir concilier à la fois les
responsabilités parentales, les responsabilités au travail et,
également, les besoins que peut entraîner l'en- semble de ces
activités qu'ils mènent.
Donc, évidemment, on ne pourrait pas accepter que le gouvernement
transfère le pouvoir arbitraire d'ouvrir ou non aux commerces, de le
transférer soit aux municipalités régionales de
comté ou encore de le transférer aux municipalités
simplement.
Un gouvernement, selon nous, qui cherche à rendre ses
législations davantage équitables ne pourrait pas
transférer une iniquité entre commerçants pour la rendre
une iniquité entre régions. Ce serait juste transposer le
problème d'une autre façon à un autre endroit, mais
ça ne rendrait certainement pas notre législation plus juste.
Bref, on croit qu'au-delà des lobbys des différents
groupes qui ont pu participer à cette commission parlementaire, qui
viennent défendre leurs intérêts à eux, il est
important que l'orientation qui sera donnée soit vraiment une
écoute et puisse répondre aux besoins des consommateurs. Quand on
libéralise la Loi sur les heures d'affaires, ça veut dire que,
d'année en année, l'adaptation qui va se faire au sein du
commerce au détail va se faire en fonction des besoins des consommateurs
et non pas en fonction des besoins de tel ou tel groupe de pression qui peut
exister au Québec.
Donc, je pense que beaucoup de groupes sont passés avant nous.
C'était important pour nous de pouvoir vous réexpliquer
l'ensemble de la problématique de la loi actuelle. Je pense qu'on aurait
davantage à gagner de la période de questions. Donc, on va couper
sur notre période à nous pour pouvoir augmenter le temps de la
période de questions.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. Bissonnette, M.
Dumont et Mme Savoie. Je pense que votre position est très claire. Pour
moi, la solution à long terme, je l'ai mentionnée depuis le
début: avoir une loi qui est applicable, gérable et durable. Une
loi équitable? C'est fondamental. Est-ce que vous ne
considéreriez pas que ça pourrait être équitable si
on faisait un pas en arrière; on éliminerait sensiblement toutes
les exceptions sauf le vrai dépannage et le dimanche demeurerait une
journée consacrée à la qualité de vie? C'est un
débat de société qu'on discute et j'aimerais vous entendre
là-dessus.
M. Bissonnette: Je pense que c'est un débat de
société et c'est un débat de génération
aussi. Pour nous, pour que la Loi sur les heures d'affaires soit
équitable, il faudrait que l'ensemble des commerces puisse ouvrir ou que
l'ensemble des commerces ne puisse pas ouvrir. On ne veut pas avoir des
exceptions, que telle catégorie de commerces, parce qu'ils ont
telle ou
telle spécificité, puissent ouvrir et que les autres ne
puissent pas ouvrir, parce que ça fait là une guerre où
tout le monde vient couper le marché des autres. De pouvoir les fermer
tous, je pense qu'on a vu qu'avec les exceptions qui se sont faites au cours
des années, ça répond à un besoin des consommateurs
et, comme on vous le soulevait tantôt, il y a un besoin pour les jeunes
qui sont sur le marché dn travail et qui en même temps doivent
concilier la vie de parents. Ce n'est pas évident d'aller faire son
magasinage entre 18 et 21 heures avec le petit dans les bras ou peu Importe. Le
temps alloué à la famille et à pouvoir faire les emplettes
est très minime. Je ne pense pas que la qualité de vie a plus
raison d'être le dimanche entre 9 heures et 17 heures que le lundi soir
entre 18 heures et 21 heures. Je pense que, lorsqu'on parle de qualité
de vie, on parle de qualité au travail, de qualité de garderies,
de qualité de structures sociales. C'est un "melting pot" de tout
ça qui fait qu'on retrouve une qualité de vie. Ce n'est pas juste
de permettre que le dimanche, le seul secteur du commerce au détail soit
fermé, alors que les usines, elles, fonctionnent, que l'ensemble des
autres secteurs peut fonctionner, mais le secteur du commerce au détail,
lui, on va l'empêcher de fonctionner au nom de la qualité de vie.
Je ne pense pas que ce soit vraiment justifiable.
M. Tremblay (Outremont): Vous considérez que ce qu'on
qualifie de vrai dépannage, trois employés et moins, c'est une
exception. Donc, ça ne devrait même pas exister et, tant
qu'à faire ça, c'est aussi bien d'avoir la libéralisation
totale?
M. Bissonnette: On pense que la règle des trois
employés, c'est une prime à la stagnation qui fait que les
entreprises n'ont même plus la possibilité de pouvoir
améliorer. Si elles réussissent à faire davantage de
profits et qu'elles veulent prendre de l'expansion, aussitôt qu'elles
deviennent avec plus d'employés, elles ne pourront plus ouvrir a ce
moment-là. Et si on parie vraiment qu'il y a un besoin des
consommateurs, ce n'est pas un besoin juste pour les petits commerces qui ont
trois employés et moins, c'est parce qu'il y a un besoin des
consommateurs. Il faut pouvoir leur offrir cette
opportunité-là.
M. Tremblay (Outremont): Qu'est-ce que c'est, votre point de vue,
parce qu'on parle de débat de société? On nous dit que 70
% des commerces au Québec, ce sont des petits commerces - petits
comprenant six, sept, huit ou dix employés - et les 30 %, c'est plus des
gros commerces. C'est le contraire de ce qui existe dans d'autres provinces et
aux États-Unis. Alors, on nous a lu, par exemple, hier soir ou
avant-hier soir - honnêtement, je ne me rappelle plus, là - une
décision du juge Gonthier à l'effet que l'objectif de la Loi sur
les heures d'affaires, c'était pour permettre une qualité de vie
et peut-être également pour favoriser l'essor de petits
commerçants au Québec plutôt que de commerçants plus
importants. Comment réagissez-vous à ça?
M. Bissonnette: Personnellement, je ne suis pas convaincu qu'une
libéralisation totale viendrait nécessairement affecter
l'ensemble des petits commerces parce qu'un petit commerce répond bien
souvent à une clientèle qui est environnante, du fait qu'il vende
un produit qui est bien spécifique. Je ne vois pas pourquoi le
gouvernement aurait à s'ingérer uniquement dans la section
commerce au détail alors qu'il va permettre à une grande
compagnie d'assurances d'ouvrir tout le temps. Est-ce qu'on va permettre aux
grandes entreprises, les obliger de fermer le vendredi pour que les plus
petites entreprises et les PME puissent avoir davantage de clientèles?
Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait l'uniformité entre les
différents secteurs économiques aussi. Je suis certain que le
leadership que les Québécois ont démontré dans
l'entreprise privée va se transposer aussi au niveau du petit commerce.
Ce n'est pas ça qui va vraiment les affecter. On va juste avoir une
meilleure répartition des marchés entre commerçants et ce
sera peut-être une période d'adaptation, sauf que sur un long
terme, ça va se réadapter.
M. Tremblay (Outremortt): Et ce que vous dites, un autre
argument, c'est que c'est le seul secteur qui est
légiféré, où le gouvernement édicté
une loi, alors que dans les autres secteurs il n'y a pas de loi. Et vous dites
que la petite entreprise... C'est drôle parce que je lisais justement
votre mémoire hier et je préparais un discours pour
l'Assemblée nationale tout à l'heure. C'est marqué: La
petite entreprise a fait la barbe aux grandes sociétés. Alors, ce
que vous dites, c'est que même s'il y a des gros les petits sont capables
de se défendre ou ils devraient être capables de se
défendre. Vous allez jusque-là.
M. Bissonnette: Absolument!
M. Tremblay (Outremont): Qu'est-ce que vous faites - et c'est ma
dernière question - de la publicité qui est faite quand on voit
un petit garçon ou une petite fille, seul dans le cinéma - il y a
une page complète de journal: Une fille seule qui est assise là.
Où es-tu papa? Où es-tu maman, là? Avez-vous vu ça?
Vous n'avez pas vu cette publicité-là?
M. Bissonnette: Je ne l'ai pas vue, mais je la visualise
très bien.
M. Tremblay (Outremont): Donc, n'ouvrez pas le dimanche, parce
que la qualité de vie des enfants va subir des préjudices
importants.
M. Bissonnette: Je pense qu'il faut être conséquent
dans l'ensemble des choix de société qui ont été
faits avant. On n'a plus la même structure de travail, on n'a plus la
même structure d'allocation de notre temps à l'intérieur de
la semaine. Ce n'est pas vrai que le dimanche, entre 9 heures et 17 heures, la
qualité de vie se fait là, parce que quand on parle de
qualité de vie, quand on veut aller à l'Aquarium, quand on veut
aller au cinéma, quand on veut aller n'importe où pour faire du
loisir et pouvoir faire la vie familiale, ça prend des gens qui doivent
travailler aussi pendant ces journées-là. Et pour ces
gens-là qui travaillent, donc, cette catégorie-là n'aurait
pas droit d'avoir de qualité de vie. Ceux qui ont des commerces de trois
employés et moins, des marchés aux puces, n'auront pas droit
à la qualité de vie, sauf que ceux du grand supermarché
vont avoir droit à une qualité de vie. J'essaie de voir la
logique et j'ai beaucoup de difficultés.
M. Tremblay (Outremont): Je vais tenter une autre question, mais
prenez-la... Il n'y a pas de sous-entendu dans ma question. Est-ce que vous ne
seriez pas motivé de favoriser l'ouverture des commerces le dimanche
parce que ça créerait de l'emploi pour les jeunes?
M. Bissonnette: J'ai déjà un emploi, donc, ce n'est
pas ma cause à moi que je suis en train de défendre.
M. Tremblay (Outremont): Non, mais en général; pas
vous personnellement, mais en général.
M. Bissonnette: Je pense qu'au niveau des étudiants, c'est
certain que les emplois de fin de semaine sont bien souvent plus conciliables
avec du temps alloué aux études. Donc, le commerce qui serait
davantage ouvert le dimanche pourrait permettre une plus grande chance
d'emploi. C'est très difficile de pouvoir évaluer, parce que le
fait de libéraliser, on ne peut pas déjà savoir le nombre
de commerces qui vont se prévaloir de ce droit-là puis quel
impact exact ça va avoir. Ce n'est pas parce qu'on donne le droit de le
faire que tous les commerces vont le faire non plus, sauf qu'au moins on leur
laisse le choix de le faire, puis, automatiquement, ça permet
peut-être à plus de jeunes d'accéder à ces
emplois.
Le Président (M. Bélanger): J'aurais M. le
député d'Orford.
M. Benoit: MM. Bissonnette, Dumont et Mlle Savoie, je suis
heureux de voir que les jeunes - vous êtes le seul groupe, avec la
chambre de commerce des jeunes, qui êtes venu nous rencontrer - font
partie intégrante de la société et que vous ne faites pas
une réflexion seule- ment partisane sur un paquet de choses, mais bien
sur l'avenir de la société québécoise, et je vous
en félicite.
C'est bien de vous prononcer pour l'ouverture du commerce, et les deux
groupes de jeunes qui sont venus nous voir, soit la chambre de commerce et
vous, se prononcent pour l'ouverture libre le dimanche. Quel est votre point de
vue? Est-ce que les plus vieux dans la société, d'autre part,
seraient contre l'ouverture? On n'a pas eu des gens de l'Âge d'or qui
sont venus nous parler; on a eu beaucoup d'hommes et de femmes d'affaires, mais
on n'a pas eu des gens de l'autre génération. Vous avez dit que
c'était un débat de générations, un débat de
société; quelles sont vos réflexions là-dessus, sur
la génération plus âgée? Est-ce qu'elle est pour ou
contre l'ouverture le dimanche?
M. Bissonnette: Dans certaines majorités, au niveau des
résultats fragmentaires - des sondages peuvent toujours être
analysés d'une façon ou de l'autre - on se rend compte que plus
la population est âgée, moins elle est pour la
libéralisation le dimanche. Pour eux, c'est moins un besoin qu'ils
peuvent avoir que les jeunes familles ou les jeunes parents ou les jeunes
travailleurs peuvent avoir. Ils sont davantage appelés à faire
des horaires plus fragmentés, à avoir des problèmes avec
une jeune famille qui nécessite davantage de temps. Je pense que
ça répond moins à un besoin chez eux; donc, le fait que
ça réponde moins à un besoin, automatiquement, ils sont
moins en attente de ça du gouvernement. Sauf que pour les jeunes, je
pense que la jeune chambre de commerce et nous, on avait fait le débat
souvent à l'interne, chez nous, avec nos différents membres;
c'est un consensus qui est très large que oui, il y a un besoin, et
c'est nécessaire que ça soit fait.
M. Benoit: Parlez-moi donc de ce débat très large,
effectivement? Ça date de quand, ça? Est-ce qu'il y a eu des
résolutions, historiquement, dans le parti ou si c'est tout
récent, parce qu'on en parle, ou si ça fait longtemps que vous en
parlez?
M. Bissonnette: Le débat a été fait en 1986
au congrès des jeunes du parti et on l'avait inscrit dans le cadre d'un
débat sur l'ensemble du problème démographique au
Québec. Donc, il y avait un problème de dénatalité.
Il fallait avoir recours, dans un premier temps, à l'immigration, dans
un deuxième temps, à une meilleure politique familiale. On ne
peut pas parler de politique familiale juste avec une prime à la
naissance. Je pense qu'il faut qu'on puisse améliorer la structure
sociale de façon que oui, ça soit faisable d'avoir des enfants en
fonction de la garderie, en fonction des heures d'affaires, en fonction de la
conciliation avec le temps au travail aussi.
M. Benoit: Est-ce qu'il y a un changement d'attitude dans votre
groupe depuis 1986 sur le débat des heures d'ouverture?
M. Bissonnette: En 1986, on était innovateurs, je pense
que ça fait bon nombre d'années aussi que le débat roule
ici. Notre position est demeurée la même, on a juste davantage
hâte que le gouvernement prenne position sur ce dossier-là et
qu'enfin les heures d'affaires soient libéralisées.
Le Président (M. Bélanger): En vertu de l'entente
qu'on a sur l'alternance, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais vous souhaiter
la bienvenue au nom de ma formation politique. J'ai rencontré M.
Bissonnette à une commission, celle sur les normes; j'aimais mieux votre
position sur les normes, je ne partage pas celle que vous défendez
aujourd'hui. Et ce n'est pas parce que vous êtes jeunes que je vais
être complaisante, donc, dans ce sens, je vais vous dire ce que je pense,
moi, du mémoire. Il y aura un temps ensuite qui va revenir
sûrement pour d'autres questions et vous pourrez y revenir. Parce que je
me dis qu'il faut mettre un peu de nuances. (17 h 30)
D'abord, il y a un truc très pernicieux qui se passe et qui
revient tout le temps. On est innovateurs si on pense ouverture et si on veut
commercer; on est rétrogrades si on veut penser à une autre forme
d'activité dans la vie que le commerce. C'est un retour en
arrière. Ce sont toujours ces mots-là qui reviennent. Alors, il y
a quelque chose d'un petit peu pernicieux qui fausse tout le débat et
qui fait passer ceux qui sont plus favorables à une restriction un peu
pour des gens "réactos" sur les bords. Alors, d'une part, je ne pense
pas représenter un parti politique qui se définisse comme
ça d'aucune espèce de façon et, moi-même, je me
considère comme quelqu'un d'assez moderne dans sa façon de
penser, d'agir et de dire.
Cela étant dit, l'autre chose qui revient fréquemment, et
le ministre l'a abordée lui aussi - je me dis: II y a quelque chose de
pas correct là-dedans et je pense qu'il faut un peu plus le
dénoncer - on dit: Pauvre petit commerce qui veut grossir! Il ne peut
pas. Nous l'en empêchons la main sur le c?ur. S'il a de
l'imagination, parce que là il va être obligé de fermer le
dimanche, il peut grossir, il aura juste à fermer le dimanche. Ça
ne l'empêchera pas de grossir, parce qu'une journée par semaine on
lui demande de restreindre ses activités commerciales. Il changera
probablement son créneau; il choisira d'attaquer un autre type de
marché, mais on n'empêchera personne de devenir plus important
parce qu'on va le fermer le dimanche. Si on me dit: II y en a
déjà actuellement qui sont ouverts, qui occupent de grands
créneaux et qui sont de grandes entreprises, mais vous le savez, c'est
ça le problème qu'on essaie de régler, c'est
l'équité entre les commerces et, à cause des exemptions,
et là je vous suis, il y a une inéquité qui existe
actuellement. Alors, donc, je veux qu'on arrête de dire: Bon, le pauvre
petit qui a de l'imagination ne pourra plus en avoir. À mon point de
vue, c'est mal faire l'analyse, mal positionner le problème.
L'autre chose qui se dit, et ça a fait partie un peu de vos
échanges avec le ministre, on dit: Si on permet l'ouverture des grands
commerces le dimanche, les petits risquent de mourir. Ce n'est pas comme
ça que se pose le débat. Il y en a des petits qui disent:
Ça risque d'affecter effectivement ma part de marché. Ça
risque de voir diminuer un peu mes activités commerciales, mais le
débat ne se pose pas du tout comme ça pour la majorité des
gens qui sont venus ici. il se pose de la façon suivante: Le petit, dont
la propriété est souvent entre les mains du petit
propriétaire ou d'un propriétaire qui a une entreprise d'une
relative envergure où il s'implique quotidiennement dans son commerce,
dit: Moi, je ne veux pas avoir, parce que je n'aurai pas le choix - et
ça aussi c'est faux quand on dit les libres choix, ouvre qui veut,
ça ne marche pas de même en commerce; Tout le monde sait
ça, hein? - je sais que je n'aurai pas le choix d'aller travailler aussi
dans mon entreprise en fin de semaine, le dimanche y compris. Bien sûr,
il prendra son congé le lundi, mais ce n'est pas parce qu'il craint
d'être mangé comme petit. Il dit: Moi, je fais un autre choix. La
majorité de mes travailleurs et travailleuses me demandent de faire un
autre choix, parce qu'on peut parler aussi de commerces d'une assez bonne
taille: de 20, 25, 30, 35 personnes. Alors, de dire: Les petits ne veulent pas,
parce qu'ils ont peur de mourir, ce n'est pas ça. Ils disent: Vous nous
obligez à changer un mode de fonctionnement et on pense que ce n'est pas
au mieux: pour nous, nos employés, notre famille, et ce qu'on
évalue, nous, comme étant notre qualité de vie...
D'accord? Alors, ça aussi, je pense que c'est important de le
positionner.
La, on peut s'amuser, si on me dit que ça va aider la
natalité. Je ne veux pas charrier. Vous avez fait une petite nuance dans
votre présentation qui n'était pas à votre document quand
je l'ai lu. Vous dites que ça va aider la natalité. J'imagine
qu'on devrait plutôt revenir à la fermeture complète, parce
que le taux de natalité était beaucoup plus élevé
quand c'était tout fermé. Alors, si on veut appliquer le
syllogisme a contrario, appliquons-le.
Non, je sais que je charrie sur celle-là, mais c'est parce que
dans le document, c'est un petit peu ce qu'on dit. On dit: Adopter la structure
sociale dans le dessein de promouvoir la natalité. Un des obstacles
soulevés à ce moment était la rigidité de la Loi
sur les heures
d'affaires. Moi, je pense que vous avez soulevé aux normes la
question des garderies, la question du congé parental qui sont de vraies
barrières à la natalité au Québec. Mais je ne suis
pas certaine que les heures d'affaires aient un lien très direct avec la
natalité.
Toujours le même argument... Là, mes collègues
doivent sûrement être très fatigués de l'entendre,
mais comme vous venez aujourd'hui et que vous ne serez pas là demain,
vous n'avez pas été là hier et c'est normal et c'est
correct, ça fait partie de nos règles, on nous ramène
toujours l'argument du chef de famille monoparentale qui, on le sait, dans la
majorité des cas, ce sont des femmes, à 85 %. Statistiquement,
62,4 % des chefs de famille monoparentale sont inactifs au sens statistique du
terme. Ils sont inactifs et, donc, ils n'ont pas pas besoin
nécessairement de temps supplémentaire pour magasiner. Alors,
c'est un argument que je trouve qu'il faut utiliser avec prudence.
Un autre élément. Vous revenez dans votre document sur le
fait qu'il y a des entreprises qui ne sont pas contraintes de fermer, des
entreprises de production. Vous le mentionnez à la page 6. Dans le
secteur manufacturier, par exemple, aucune réglementation
n'empêche les entreprises de fonctionner sept jours sur sept, même
vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On sait fort bien que là où
ça se passe en termes de production, c'est à cause de contraintes
économiques majeures. Je pense au secteur des alumineries où on
ne peut pas arrêter une cuve. Enfin, on ne peut pas arrêter une
cuve d'opérer, de fonctionner. On ne peut pas arrêter la machine
à papier non plus. Ça se passe dans les pâtes et papiers.
Et ça se passe dans certains services - c'est vrai - de loisirs, de
restauration.
Mais ce qu'il faut comprendre de la position d'un certain nombre de
personnes qui défendent un autre point de vue, c'est de se dire que,
bien sûr, on sait que ça existe là. Et ça permet
à des gens de se récréer, etc. Mais ce qu'on souhaiterait,
c'est qu'il y en ait le moins possible. Et si même dans le secteur
manufacturier on pouvait encore réduire le nombre de personnes qui ont
à travailler le dimanche, par exemple, on le souhaiterait et on le
ferait en vertu du principe qu'on défend, d'autre part, effectivement,
de se retrouver, le plus grand nombre d'entre nous, une journée par
semaine où les activités commerciales et de production vont
être réduites et où on va être plus nombreux à
pouvoir partager en famille. Peut-être que ça l'aiderait aussi, la
famille, partager entre amis et vivre d'autres types d'activités que les
activités commerciales, s'entendant qu'un certain nombre de services
essentiels devront rester ouverts et qu'effectivement le problème que
ça soulève, c'est qu'un certain nombre de travailleurs et de
travailleuses seront contraints d'y être pour rendre le service.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon, il resterait une minute à votre
première portion.
Mme Marois: Ça va. Je laisserai mon temps après -
c'est parce que je veux être correcte - à une intervention pour
que vous puissiez répondre à certaines objections que je vous
fais.
Le Président (M. Bélanger): J'ai ici la
députée de Kamouraska-Témiscouata et le
député de l'Acadie par la suite.
Mme Dionne: M. le Président, j'aimerais revenir à
la qualité de vie. Puis quand vous parlez d'ouvrir les commerces le
dimanche, vous dites: il faut une loi pour longtemps. Disons que vous n'avez
à peu près pas plus de 25 ans, ce qui veut dire que quand vous
allez avoir 35 ans, 45 ans et 55 ans, ça veut dire que tout va
être ouvert le dimanche, si la loi tient aussi longtemps. On
espère qu'on va pouvoir régler le problème pour
longtemps.
Une voix: II n'y a plus de loi, ils libéralisent.
Mme Dionne: II y a des gens qui nous disent, surtout les gens qui
sont contre l'ouverture des commerces le dimanche, que la qualité de vie
est bien importante. Dans votre mémoire, vous dites: Nous, la
qualité de vie, ce n'est pas seulement le dimanche, c'est aussi la
semaine. Mais n'avez-vous pas l'impression que vous projetez l'avenir...
Ça va devenir sept jours par semaine, tous les commerces vont être
ouverts. Quand on y pense comme il faut, ça ne vous fait pas peur un
peu? Parce que je vous trouve assez braves de dire: Pour l'avenir, tout va
être ouvert. C'est ça qu'on propose au gouvernement.
M. Dumont: Quand on parle de la qualité de vie, je pense
que si la Loi sur les heures d'affaires...
Le Président (M. Bélanger): M. Dumont.
M. Dumont: Quant à la Loi sur les heures d'affaires, s'il
n'y en avait plus ou, en tout cas, s'il y avait une libéralisation
très large, on serait assurés que les heures d'ouverture
répondraient vraiment aux besoins des consommateurs. Et quand les heures
d'ouverture sont, entre guillemets, gérées par les consommateurs
de par leurs relations avec le commerçant, il me semble que ça ne
peut pas nuire à la qualité de vie des mêmes consommateurs,
jusqu'à un certain point. L'avantage de cette solution, c'est
qu'à long terme - on dit en 20, 30, 40 ans - si l'évolution de la
société a fait que les familles ne seront plus ce qu'elles sont
présentement et qu'il y a tout à fait d'autres besoins, on n'aura
pas besoin de passer par tout le processus législatif, etc., avant de
faire des modifications. Les modifica-
tions vont s'opérer d'elles-mêmes par le biais de la
relation, comme je le disais tout à l'heure, entre le commerçant
et le consommateur. Donc, on va arriver avec une loi qui va être souple
et qui va toujours répondre aux besoins des consommateurs. Je pense
qu'en termes de qualité de vie, ce serait, à long terme, un
progrès.
Mme Dionne: J'aurais une deuxième question.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Dionne: On a rencontré, en commission parlementaire,
des gens qui viennent de l'Est du Québec, de Rimouski - comme je sais,
M. Dumont, que vous venez également de Rivière-du-Loup, dans le
même coin - et les gens qui sont venus n'étaient pas pour
l'ouverture des commerces le dimanche. Alors, il y a des réticences
à certains endroits. Quand, nous, on regarde différentes
possibilités, on voit aussi qu'il y a des fruiteries, qu'il y a
différents commerces, qu'il y a un problème d'exceptions et tout
ça, mais il y a aussi une certaine dynamique dans certaines
régions où on dit: Bien non, nous, on n'est absolument pas
favorables à ça. Est-ce que vous avez fait une espèce
d'enquête auprès des jeunes qui viennent des régions pour
savoir ce qu'ils en pensaient également?
M. Oumont: Bien, certainement qu'au congrès des jeunes, en
1986, il y avait sûrement des jeunes de toutes les régions et sur
l'ensemble des résolutions, dont celle sur les heures d'affaires
où on demandait une libéralisation, les jeunes des régions
ont dû avoir leur mot à dire comme les autres. Mais je pense, en
tout cas, au niveau des jeunes, le sentiment que j'ai, c'est que de
façon très large, autant dans les régions que dans les
villes, il y a un désir de libéraliser, de donner davantage de
souplesse à nos structures sociales. Ça, ça me
paraît clair.
Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le
député de l'Acadie.
M. Bordeleau: D'abord, j'aimerais vous remercier de venir nous
présenter le point de vue des jeunes, parce que ça me semble
important, la loi ou la position qui sera prise si ce n'est pas une loi. C'est
à l'intérieur probablement de ce cadre que vous allez avoir
à évoluer au point de vue professionnel et ça me semble
intéressant d'avoir votre point de vue là-dessus.
J'aimerais revenir peut-être à certains
éléments qui ont été mentionnés par rapport
au travail que ça va impliquer, par exemple, le dimanche. Tout à
l'heure, on vous a demandé comment vous voyez ça. Vous dites: II
y a beaucoup d'étudiants qui sont prêts à travailler. On a
également mentionné, à différentes reprises,
là...
Mme Marois: C'est ce qu'on appelle être disponible
vingt-quatre heures sur vingt-quatre?
Une voix: Je suis trop vieux.
Le Président (M. Bélanger): On a des chaînes
modernes. S'il vous plaît, on entend M. le député de
l'Acadie.
Mme Marois: Excusez!
M. Bordeleau: C'est ça. On a mentionné la
précarité de ces emplois de fin de semaine. On a souvent
décrit ces emplois comme des emplois où les gens qui sont
peut-être les plus mal pris auront à assumer ces emplois. Vous
semblez nous dire que ça peut répondre à des besoins chez
les étudiants actuels. Ce qu'il faut réaliser aussi - et je
reviens un peu sur ce que ma collègue mentionnait tout à l'heure
- c'est qu'actuellement, ça peut répondre à vos besoins
à court ternie, comme étudiants. C'est une façon de
compléter vos besoins financiers, mais ça veut également
dire aussi que dans dix ans, ce sera peut-être vous qui devrez
travailler, non plus comme étudiant, mais travailler tout de même
les fins de semaine. Tout à l'heure, on a posé la question. Je
pense que M. Dumont a répondu surtout en fonction de l'ajustement aux
besoins des consommateurs, mais j'aimerais avoir votre réaction sur le
fait que dans cinq ans, dans dix ans, ça voudra peut-être dire que
vous devrez travailler, dans le secteur professionnel où vous aurez
à oeuvrer. Vous aurez peut-être à travailler un dimanche
sur deux ou quelque chose comme ça. Comment est-ce que vous voyez cette
perspective?
M. Bissonnette: Je pense que le problème de la
précarité de l'emploi est fort présent, surtout au niveau
des jeunes. C'est quelque chose qu'on a soulevé à la commission
qui étudiait la Loi sur les normes du travail, sauf qu'il faut
être conscient que plus ça va, plus l'entreprise ou le commerce au
détail va avoir à faire appel à des horaires de temps
partiel qui vont être fractionnés. Je pense qu'il ne faudrait pas
non plus mélanger les deux débats. Ça va être
important que le gouvernement puisse assurer qu'avec un contexte d'entreprises
qui a changé, qui a à s'adapter à plusieurs défis,
qui doit modifier l'horaire de son personnel, qu'on puisse assurer, autant aux
gens qu'ils soient temporaires, qu'ils soient à temps partiel, une
même qualité d'emploi qu'à ceux à qui on a dit
qu'ils auraient toujours un emploi permanent pour les 20 prochaines
années. (17 h 45)
Je ne pense pas que notre génération va avoir à
connaître ça. Sauf que, dans le débat qu'il y a ici, je
pense qu'il y a vraiment un besoin des consommateurs pour pouvoir concilier
à la fois d'être au travail et pouvoir également
faire ses emplettes et pouvoir aller chercher de quoi dans les magasins.
La loi qui a été faite, il y a bon nombre d'années, a
été faite pour répondre à un contexte parce que la
femme était à la maison. Et je pense qu'aujourd'hui,
automatiquement, pour pouvoir élever famille, il faut en
majorité, du moins, que les deux soient sur le marché du travail.
Automatiquement, ça nécessite une structure sociale qui soit
adaptée à ça. C'est ça qu'on soulève. Si on
revient dans les cadres d'il y a 20 ans, peut-être qu'on pourrait
appliquer encore la loi d'il y a 20 ans. Mais dans la mesure où nos
cadres ont changé aujourd'hui, on est appelés davantage à
pouvoir bouger davantage, à avoir des horaires qui sont
différents. Moi, je pense qu'il faut que le gouvernement puisse
être conscient de ça et adapter le commerce au détail pour
qu'il puisse répondre aux attentes de la population.
M. Bordeleau: Est-ce que vous permettez? C'est parce que j'ai
l'impression que je n'ai pas eu réponse clairement à ma question.
Vous revenez sur la question des consommateurs. Je pense que ça,
ça a été démontré. On nous a parlé
souvent d'ajuster, au fond, le commerce aux besoins des consommateurs. La
question que je vous posais est la suivante: Est-ce que vous réalisez
que, concrètement, ça veut dire que dans cinq ans, dans sept ans,
dans dix ans, vous aurez à travailler peut-être une fin de semaine
sur deux? Au fond, on a le choix d'essayer de garantir ce que certains
appellent une qualité de vie qui fait en sorte qu'il y a une
journée dans la semaine où on réduit l'activité le
plus possible, ou on ouvre. Et ouvrir, ça veut dire que vous aurez
à travailler dans une structure commerciale, possiblement une fin de
semaine sur deux.
M. Bissonnette: Je vais vous répondre
précisément. Par rapport à ce que vous soulevez, la
précarité d'emploi, oui, on est conscients que si cette loi est
amenée aujourd'hui, ça veut dire qu'il y a des employés
qui vont avoir à travailler davantage, peut-être le dimanche,
peut-être les soirs de semaine, que dans cinq, dix ans ça va
être encore la même chose. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura
plus de réglementation, ça veut dire que l'ensemble des commerces
va pouvoir ouvrir. Je pense qu'il ne faut pas voir non plus la situation plus
noire que ce qu'elle va être, s'il y avait une libéralisation.
Le nombre de commerces qui ouvriraient davantage le dimanche, je ne
pense pas que ça va être l'ensemble des commerces au détail
qui vont se prévaloir de ça. Sauf que ceux où il y a un
besoin des consommateurs vont le faire. Pour cette catégorie
d'employés, je ne pense pas que ça puisse être pire que les
gens qui sont dans les hôpitaux présentement, que les gens qui
sont policiers. Il y a des gens qui sont appelés à travailler les
fins de semaine. Il y a des gens qui sont appelés à suivre un
horaire plus normal, entre guillemets, du 9 heures à 17 heures le lundi.
Sauf qu'il faut qu'on puisse s'adapter aussi. Je pense que ce côté
négatif, qui pourrait représenter de faire travailler des gens la
fin de semaine, n'a pas de commune mesure avec les besoins de la population
pour avoir ces services la fin de semaine.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Une question, pour vous permettre quand même
d'ouvrir les réponses que vous voulez m'apporter sûrement ou les
commentaires que vous voulez faire. Selon votre logique, on devrait, à
ce moment-tà, ouvrir aussi les services gouvernementaux, qui s'adressent
directement aux personnes, le samedi, le dimanche et le soir. Parce que les
services gouvernementaux, Régie de l'assurance-automobile, services
financiers aux étudiants et aux étudiantes, et on pourrait en
allonger la liste, j'en suis persuadée, selon cette logique-là,
on devrait aussi en permettre l'accès parce que ça
répondrait bien sûr aux besoins des consommateurs et des
consommatrices qui travaillent la semaine. Alors, je veux que vous me
répondiez à ça et une des hypothèses, c'est
d'allonger une plage de travail pendant la semaine. Est-ce que ça ne
vous apparaîtrait pas une solution qui vient répondre en partie au
problème que vous soulevez, qu'il y ait un peu plus de temps pour que
les personnes puissent avoir accès à des services alimentaires,
entre autres, à l'alimentation?
M. Bissonnette: Vous me permettrez... C'est parce que
j'écoutais votre argumentation tantôt, je n'avais pas besoin
vraiment d'une deuxième intervention. J'étais bien motivé
pour pouvoir répondre dès la première que vous avez
faite.
Mme Marois: Ça ne m'inquiète pas non plus.
Ha, ha, ha!
M. Bissonnette: Je pense que c'est normal qu'il y ait un bon
groupe de la population qui soit réticent au changement ou
réticent à une libéralisation des heures d'affaires. Sauf
que j'écoutais votre argumentation et ça me faisait faire un
parallèle beaucoup avec le débat qu'on a eu voilà 20 ans
alors que la femme est entrée sur le marché du travail. Il y a
bon nombre de gens qui disaient que c'était dangereux que la femme
arrive sur le marché du travail, que ça venait enlever des
emplois aux hommes, que ça allait rendre les entreprises moins
compétitives, qu'ils allaient avoir à faire face également
à des besoins pour des gens qui avaient des congés de
maternité, et j'en mets, j'en mets. Sauf qu'on se retrouve aujourd'hui
avec une situation, et je pense que oui, il y a eu des réticences au
changement sauf qu'H faut qu'on suive l'évolution aussi. Quand on
dit qu'il y a un besoin des consommateurs pour pouvoir avoir plus d'heures
d'affaires... Si on voyait que dans les marchés aux puces, le dimanche,
il n'y avait pas un chat, que dans les commerces qui ont le droit d'ouvrir il
n'y avait pas un chat le dimanche, je vous dirais: II n'y a peut-être pas
un besoin des consommateurs. Dans la mesure où il y a un besoin, je ne
vois pas pourquoi le gouvernement aurait à réglementer ce secteur
plus que n'importe quel autre secteur.
Quand on soulevait l'amélioration des structures sociales, vous
disiez qu'en ce qui a trait aux congés parentaux, aux garderies,
c'étaient des éléments qui étaient importants pour
pouvoir concilier à la fois vie parentale et vie au travail. Parce que,
moi, je pense que les heures d'affaires sont également un de ces
éléments-là qui sont importants de pouvoir inclure pour
pouvoir concilier l'ensemble. Je pense que quand on reconnaît que le fait
qu'on travaille et qu'on puisse avoir des enfants, ça nécessite
une politique pour avoir des congés parentaux, quand on a des enfants,
ça nécessite une politique pour avoir un meilleur service de
garderies, on reconnaît également que ça veut dire que le
temps qu'on a à allouer au travail est davantage fragmenté, prend
davantage de notre temps sur semaine et ça oblige donc à avoir un
accès aux commerces qui soit plus grand.
J'aurais, en retour, des petites questions, moi aussi...
Mme Marois: Les services gouvernementaux, bien sûr, aussi,
à ce moment-là, dans votre logique.
M. Bissonnette: Je pense qu'au niveau des services
gouvernementaux il faut faire attention. Ce n'est pas l'ensemble des services
gouvernementaux qui nécessite un déplacement de la personne
là-bas. Je pense qu'il y a un bon nombre de services où on peut
faire appel autrement qu'en se déplaçant sauf qu'il y aurait
moyen de...
Mme Marois: Précisez ça, oui.
M. Bissonnette: ...pouvoir modifier l'ensemble de ces
services-là. Je crois qu'il faut que le gouvernement fasse un premier
pas avec le commerce au détail. Il faut mettre ensemble des choses sur
une même base aussi. Là, on fait appel à l'entreprise
privée et pourquoi une entreprise privée dans le secteur commerce
au détail par rapport à une entreprise privée qui n'est
pas du commerce au détail, une serait réglementée par le
gouvernement et l'autre ne le serait pas? Moi, je me demande pourquoi vous
parlez de qualité de vie uniquement le dimanche. Quand on parle des
soirs de semaine, vous suivez la qualité de vie. Je ne vois pas pourquoi
le gouvernement aurait uniquement à spécifier ce jour-là,
c'est la journée de la qualité de vie des Québécois
et les autres jours on peut faire ce qu'on veut, ça n'a pas
d'importance.
Vous parlez qu'il faut protéger les employés qui sont au
sein de ces commerces-là. Pourquoi est-ce que le gouvernement devrait
protéger uniquement les employés qui travaillent dans des
entreprises de commerce au détail alors que, pour l'ensemble des autres
employés, il n'y a pas de protection accrue qui leur est donnée?
Il y a déjà une loi qui protège le travail au
Québec. Pourquoi est-ce qu'en plus il faudrait protéger... Pour
un type d'employés, on n'aurait pas à les refaire travailler les
jours de fin de semaine alors qu'on l'autorise déjà pour 40 % des
commerces au détail?
Quand on parle que les petits n'auront pas le choix d'ouvrir, je n'en
suis pas convaincu. On se retrouve aujourd'hui avec des petits cinémas
et des grands cinémas et des petits marchés et des grands
marchés. Je n'ai pas l'impression, parce qu'Us vont peut-être
davantage ouvrir le dimanche, que l'ensemble des petits commerces va mourir
automatiquement. Moi, je pense que c'est dramatiser la situation.
Déjà, on se retrouve au Québec avec des grosses
entreprises et des plus petites entreprises, des gros commerces et des plus
petits commerces et je ne vois pas pourquoi, parce qu'on libéraliserait
les heures d'affaires, les gros viendraient essentiellement manger les petits.
Parce que quand on dit pourquoi les gens vont dans les petits commerces, c'est
parce qu'ils répondent à quelque chose davantage de
personnalisé. C'est un commerce qui est plus près encore et je
pense que votre logique peut être remise en question aussi, comme vous
avez remis la mienne en question.
J'imagine que j'ai soulevé assez de points pour pouvoir susciter
une réponse aussi.
Mme Marois: Ah oui! Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Vous me voyez, d'ailleurs, déjà venir.
Là, il ne faut pas charrier non plus. Ça aussi, c'est l'autre
partie du charriage qu'on nous fait dire, que la qualité de la vie,
c'est une journée par semaine et le reste on ne s'en préoccupe
pas. Non, c'est beaucoup plus fondamental que ça. Je pense que le
débat devant lequel on est fait appel évidemment et effectivement
à d'autres types de valeurs où on dit peut-être que l'avoir
est une valeur mais peut-être que l'être, aussi, est une valeur et
que dans ce sens-là on puisse se donner des moyens pour qu'à un
moment - c'est mon collègue, le député de l'Acadie, qui le
rappelait - dans la vie de l'ensemble de notre société on
ralentisse un peu les activités pour mettre l'accent sur autre chose et
que ça ne contraigne pas, justement, des gens qui, autrement, ne
souhaitent pas faire
un choix différent, les travailleurs et les travailleuses.
Vous n'avez pas répondu, non plus, à la question du
député de l'Acadie. Est-ce que vous, quand vous aurez 35 ans ou
40 ans, vous aurez le goût de travailler le samedi et le dimanche? Parce
que ça se posera dans ces termes-là, si on se dit que l'ensemble
des activités de commerce et autres, puisque j'ai bien compris que
celles qui sont de type gouvernemental et qui demandent un accès direct
du public devraient aussi avoir des heures un petit peu différentes que
du 9 à 5... On s'est bien compris. Avant vous, ce matin, est venu un
propriétaire de grandes pharmacies d'escomptes, en fait un actionnaire,
devrais-je dire, puisque sa société est publique maintenant, qui
nous disait: Écoutez, ce serait vous mentir que de vous dire que les
gens aiment et veulent travailler le dimanche.
Une autre des hypothèses aussi qui nous a été
apportée par l'ACEF, qui est venue témoigner, il y a quelques
semaines, c'est de dire: II y a une catégorie de la population, oui, les
jeunes, oui souvent, et les professionnels, davantage que de la classe moyenne
ou que de la classe, je dirais, un petit peu laborieuse ou avec un petit peu
moins de revenus... Elle est jeune, elle n'a pas d'enfant, elle est
professionnelle et elle se dit, dans le fond: C'est un peu bête que je ne
puisse pas, compte tenu des exigeances que comporte mon travail, avoir
accès à des services de commerce le dimanche. Mais cette demande
ne vient pas majoritairement ou globalement, justement, de cet autre groupe de
la population qui, lui, va être obligé d'y être sur le
marché du travail pour rendre le service accessible à d'autres
personnes.
Donc, dans ce sens, il faut être prudent lorsque l'on porte des
jugements. C'est un peu la réplique que me suscitait votre intervention.
Il y aurait eu autre chose. Vous dites que je fais des parallèles, enfir
un certain nombre de parallèles qui sont un peu tirés par les
cheveux, mais je vais vous en faire un autre. Il y a vingt ans - ça a
été dans mon intervention de départ - quand on avait
quelques hurluberlus, et c'est ce terme que j'utilisais, qui nous parlaient
d'environnement et qui nous disaient que nous étions en train de nous
asphyxier nous-mêmes sur notre terre, on les a trouvés un peu
ridicules, on a ri d'eux et on s'en est moqué. Maintenant, et vous en
êtes les premiers conscients, on se dit qu'il y a une prise de conscience
qui fait en sorte que l'on se préoccupe de la qualité de notre
environnement, que l'on se préoccupe du développement durable,
que l'on remet en question, donc, effectivement, des modèles de
développement économique qui nous ont donné ce que l'on
connaît maintenant. Peut-être, peut-être - c'est une question
- peut-être que l'avenir, peut-être que l'an 2000, c'est aussi
mettre du temps ailleurs que sur de la consommation, mais de mettre du temps
davantage sur le rapport entre les personnes.
Le Président (M. Bélanger): Sur ce, le temps est
écoulé.
Mme Marois: C'est terminé.
Le Préskient (M. Bélanger): Aviez-vous une
réaction à cela?
M. Bissonnette: Très courte.
Le Président (M. Bélanger): Très contre,
oui.
M. Bissonnette: Très contre et très courte. Je
pense que vous avez parié qu'une grande pharmacie ce matin avait
soulevé que les employés n'aimaient pas travailler le dimanche.
Je pense que, si on faisait un sondage, ils n'aimeraient pas plus travailler le
lundi matin.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bissonnette: II faut être conscients d'une chose: quand
vous dites qu'on retrouve le dimanche pour pouvoir faire plus de liens entre
les individus, je regrette, ce n'est pas parce que le gouvernement va dire
qu'on ferme tel ou tel type de commerce le dimanche qu'on va avoir une
meilleure relation entre les individus. C'est à chacun des gens de le
faire, sauf que ce que ça démontre, au niveau de votre
intervention, c'est qu'il y a vraiment un débat de
génération. Mais, moi, je peux vous dire qu'en tant que jeune au
Québec j'aime davantage défendre les consommateurs, parce que
oui, il y a un besoin. S'il n'y avait pas de besoin, on ne verrait pas de gens
dans les commerces le dimanche présentement, puis on ne verrait pas de
gens dans les commerces qui veulent ouvrir davantage, que de défendre un
groupe restreint de travailleurs pour ça. Je pense que quand il y a un
besoin de la majorité, c'est essentiel qu'il soit respecté, ce
besoin.
Le Président (M. Bélanger): II reste une minute
à la formation ministérielle, M. le ministre.
Mme Marois: On voudrait bien remercier aussi.
Le Président (M. Bélanger): On va revenir à
vous après.
Mme Marois: En vous remerciant, je vous dirai: On ne sait jamais,
la poule ou l'oeuf. Est-ce que c'est parce que le service existe qu'il a
été utilisé et qui, donc, a créé le
besoin?
M. Tremblay (Outremont): Je vous donne ma minute pour,
peut-être, continuer. Il me reste
une minute, mais pour répondre...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: II change les règles du jeu quand ça
l'arrange; il m'a fait ça au début de la commission! Ha, ha,
ha!
M. Tremblay (Outremorrt): Alors, je vous donne ma minute pour
répondre à la députée de Taillon.
Le Président (M. Bélanger): Surtout qu'il venait de
vous dire que c'était un débat de générations!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Sur ce, Mme la
députée de Taillon, je vous laisse remercier.
Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution. Je vous avais
dit au départ et je pense que ce n'est jamais se rendre service que
d'être complaisant. J'ai apprécié votre franchise aussi et
je pense que c'est ce qui fait justement la richesse des débats que l'on
a à cette commission. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Mme Savoie, M. Bissonnette et M. Dumont,
je pense que c'est rafraîchissant de voir des jeunes qui viennent
défendre un point de vue. Vous soulevez très bien la
problématique du débat. C'est important, puis je le mentionne
depuis le début, qu'on maintienne jusqu'à la fin une ouverture
d'esprit pour prendre connaissance des points de vue de tout le monde.
Deuxièmement, que le Québec d'hier, ce n'est pas comme le
Québec d'aujourd'hui puis ce n'est pas comme le Québec de demain,
puis il y a des grosses chances que le Québec de demain ne sera pas le
même Québec dans cinq ans. Alors, oui, dans la décision
qu'on aura à prendre, si on veut avoir une loi applicable,
gérable et durable, on doit prendre en considération l'avenir et
on doit s'assurer surtout qu'on va avoir une loi équitable. Dans cette
optique, je vous remercie beaucoup d'être venus partager avec nous votre
point de vue et on va le prendre en considération dans la
décision qu'on aura à prendre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie les porte-parole de la
Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec et suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Bélanger): Veuillez prendre votre
place s'il vous plaît, messieurs. La commission de l'économie et
du travail reprend ses travaux pour procéder à une consultation
générale et à des auditions publiques sur les
modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
Nous recevons dans un premier temps l'Association des marchands
détaillants de l'Est du Québec, l'AMDEQ. J'inviterais donc les
représentants de cet organisme à se présenter à la
table des témoins. Pendant que vous le faites, je vous explique nos
règles de procédure.
Vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire.
Oh, excusez, vous avez dix minutes - excusez, j'étais mêlé
dans mon horaire - pour la présentation de votre mémoire et, par
la suite, H y a échange avec les parlementaires. Je vous prierais donc
de vous identifier et de bien vouloir procéder à la
présentation de votre mémoire.
Association des marchands détaillants de l'Est
du Québec
M. Ferland (Claude): Claude Ferland, président-directeur
général de l'Association des marchands détaillants de
l'Est du Québec.
M. Duchesneau (Jean-Baptiste): Mon nom est
Jean-Baptiste Duchesneau. Je suis directeur provincial pour
l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec.
On prend quoi? C'est dix minutes pour vous présenter...
Le Président (M. Bélanger): C'est ça, soit
le résumé ou la lecture de votre mémoire, tout comme vous
désirez.
M. Duchesneau: Alors, l'Association des marchands
détaillants de l'Est du Québec regroupe actuellement
au-delà de 900 marchands associés pour les régions
immédiates de Québec, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Lotbinière,
Portneuf, Beauce, Côte-Sud jusqu'à Matane. Ces marchands sont des
détaillants indépendants qui ont compris l'importance de se
regrouper. Ces marchands contrôlent l'organisme qu'ils ont
créé et retirent des profits à la fois comme
détaillant et comme propriétaire d'une entreprise collective. La
résultante de ces applications démontrent qu'elle constitue l'axe
d'une révolution irréversible.
Considérant que le nombre de marchands indépendants au
Québec totalisent 3500 et considérant aussi que la vocation de
l'AMDEQ est de regrouper des détaillants indépendants, il est
donc impératif que l'Association fasse valoir sa position face au
débat actuel concernant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements
commerciaux. Nous sommes aussi persuadés que notre position dans
le présent dossier reflète celle des 4500 dépanneurs du
Québec. Il est à remarquer que la majorité des
détaillants, avant d'investir des sommes importantes pour la mise en
place de leur commerce, ont tenu compte de plusieurs facteurs importants en ce
qui a trait à leur rentabilité, leur survie, leur
développement ainsi que les besoins de leur clientèle dans leur
milieu respectif. Parmi cette gamme de facteurs importants, tous ont tenu
compte de la loi actuelle sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux.
Qu'adviendra-t-il de la survie de l'avenir des commerçants si des
changements profonds à la présente loi sont adoptés? Ces
marchands de quartier participent à l'essor économique de leur
région en créant des emplois, en participant à la vie
sociale de leur entourage et en essayant au maximum d'offrir à leur
clientèle une gamme de produits répondant à leurs besoins
et tout ceci en leur évitant de parcourir les grandes distances et leur
permettre de bénéficier au maximum de leur vie de famille et
sociale et de ne pas être contraint de perturber leurs moments de loisirs
qui, somme toute, sont bien justifiables après une semaine de travail.
Doit-on sacrifier des éléments sociaux positifs afin de
satisfaire au maximum certains marchands qui, de par leur soif de profits,
ignorent totalement ou semblent ignorer que dans une société en
pleine évolution, il est très important de respecter les
goûts et les loisirs de la collectivité.
Depuis plusieurs mois, des études et des sondages ont
été effectués afin d'essayer de recueillir le degré
de satisfaction de nos consommateurs. Effectivement, AMDEQ aussi a fait des
sondages par écrit, des sondages téléphoniques, afin
d'avoir le pouls et d'avoir aussi exactement ce qui ressortait de nos
marchands. Les consommateurs semblent favorables à l'accès des
commerces et aux services sans pour autant changer leurs habitudes de vie par
rapport à leurs loisirs, leurs hobbies, leurs vacances ou leurs moments
de détente. Les consommateurs craignent aussi les impacts produits par
le prolongement des heures d'affaires. On ne peut définitivement pas
mesurer les retombées négatives et majeures suite à
l'ouverture des centres commerciaux le dimanche. Qu'on s'arrête seulement
à penser aux considérations d'ordre culturel et social pour
lesquelles le législateur devra porter une attention très
spéciale, le dimanche étant une journée de retrouvailles
familiales, journée de loisirs et de détente... l'augmentation du
flânage, du vagabondage, du vandalisme dans les centres commerciaux et
bien d'autres choses qu'il ne serait pas de mise d'énumérer.
Le nombre approximatif de dépanneurs au Québec, 4500. Le
chiffre de ventes annuel, au-delà de 2 000 000 000 $. Au-delà de
9 000 000 $ d'équipement, inventaire et immobilisation. Création
de 20 500 emplois à temps partiel et complet. 3500 des
détaillants dépanneurs sont des détaillants
indépendants qui exercent leur profession de marchand dans toutes les
régions économiques du Québec. Suite à une
statistique parue dans la revue Le Dépanneur de mars 1987, il
semble évident que le partage du marché des dépanneurs se
fait également dans tous les secteurs de la province.
Le consommateur québécois a changé ses habitudes de
vie et ses besoins ont évolué très rapidement et ce depuis
l'adoption des heures d'affaires en 1970. L'arrivée des commerces
d'alimentation et de dépannage a coïncidé avec les
innombrables changements socio-économiques de notre
société tels que la baisse de natalité, vieillissement de
la population, arrivée de plus en plus grande du nombre de femmes sur le
marché du travail, changement radical de vie et d'habitudes pour les
conjoints considérant que ces derniers sont à l'extérieur
du foyer du matin au soir, augmentation des familles monoparentales.
L'industrie du dépanneur du Québec s'est
développée de façon très rapide et ce, en tenant
compte des multiples changements sociaux. Tous ces changements ont
été faits en affectant des investissements qui se sont traduits
par l'injection de capitaux très importants et ce, dans le but de
satisfaire au maximum les besoins, les goûts et les services essentiels
du consommateur en dehors des heures d'affaires normales. Le marchand
dépanneur en alimentation a su comprendre qu'il fallait s'adapter aux
besoins de l'ensemble des consommateurs et son désir est de continuer
dans le même sens afin de toujours mieux servir sa clientèle et
ce, , dans toutes les régions du Québec.
Le changement de la Loi sur les heures d'ouverture aurait sûrement
un impact très négatif parmi les milliers de détaillants
dépanneurs. Ceci leur apporterait une perte de revenus et de profits qui
mettrait en péril leur survie, leur investissement ainsi que de nombreux
emplois. 15 % parmi eux seraient obligatoirement obligés de fermer leur
commerce. Un autre 15 % serait affecté au point de faire des mises
à pied. Pour les propriétaires concernés dans les derniers
15 %, ceux-ci seraient obligés de travailler quinze
heures/journée et ce, sept jours par semaine. Ce qui, à long
terme, les obligerait à fermer, conséquence d'épuisement
et de vie familiale inexistante. Ces familles seraient appelées à
demander de l'aide de l'État pour se procurer le minimum vital. Une
augmentation des heures d'ouverture amènerait une augmentation des
coûts opérationnels du commerçant qui se traduirait
sûrement par une augmentation des prix aux consommateurs. En permettant
une extension des heures d'ouverture, le législateur favoriserait une
minorité de gros commerçants au détriment de la grande
majorité des moyens et des petits commerçants. Cette
catégorie de gens est sûrement celle qui a le plus à perdre
s'il y avait extension des heures d'affaires: impact
négatif sur leur qualité de vie; prolifération des
emplois à temps partiel. Et que dire des travailleurs dans d'autres
secteurs, tels que services publics, réparations, garages, services de
garderie et autres.
L'extension des heures d'affaires aurait sûrement des effets
négatifs pour l'ensemble des travailleurs. Cet aspect peut contribuer
à changer et à perturber le climat social, chose que le
législateur ne peut pas prendre à la légère.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
député de Nicolet-Yamaska, juste auparavant, simplement pour
excuser M. le ministre qui est actuellement au salon bleu, c'est lui qui fait
le discours, présentement; il ne pouvait pas parler en haut puis
écouter en bas. Comme les travaux de la Chambre ont
préséance sur les travaux de la commission, dès qu'il aura
fini son intervention, il va se joindre à nous. M. le
député, je vous en prie.
M. Richard: Merci, M. le Président. Messieurs, dans votre
exposé, évidemment, vous avez une clientèle de
dépanneur et peut-être d'épicerie entre les deux: la
moyenne surface et le dépannage. Dans votre recommandation, vous dites,
premièrement: Vous devriez vous occuper d'appliquer la loi actuelle, on
ne serait peut-être pas rendus où on est là. Vous dites
aussi: La règle de trois employés, vous en faites un absolu; la
règle de trois, vous devriez l'appliquer, pas juste dans les
dépanneurs, vous devriez aussi l'appliquer au niveau des marchés
publics puis au niveau des fruiteries. Au niveau des fruiteries, puisque vous
êtes dans le domaine de l'alimentation, on sait qu'il y a plus de
taponnage - ce n'est pas le bon mot, là - il y a plus de
manipulation...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Richard: Pour prendre un vrai mot, il y a plus de manipulation
dans le domaine de la fruiterie, parce que c'est le seul élément
qui est vivant. De la viande, c'est mort; les cannages, c'est mort, mais le
fruit, le légume, vous devez vous en occuper, sinon il va mourir un
petit peu plus vite que prévu. Donc, il y a beaucoup de manipulation.
Est-ce que vous pensez vraiment, en toute honnêteté, que trois
employés, dans le domaine de la fruiterie, c'est correct aussi?
M. Ferland: Oui. Effectivement, oui. Parce que si on regarde, au
moment où vous nous parlez de fruiterie, il faut essayer de comprendre
qu'il faut regarder le mot "fruiterie". Il ne faut pas que vous m'arriviez avec
une fruiterie aussi grosse qu'un Steinberg, parce que dans une fruiterie,
maintenant, si vous faites le tour, on ne vend pas seulement que des fruits.
Alors, quand vous me parlez des fruits, que s'ils ne s'occupent pas des fruits,
les fruits vont mourir, alors, à ce moment-là, qu'ils laissent
l'autre domaine et qu'Us s'occupent des fruits. C'est tout un ou tout l'autre.
Il faut essayer de comparer, parce qu'une fruiterie, vous allez là,
maintenant, et vous fartes un supermarché. C'est aussi gros, c'est
même plus gros qu'un dépanneur, une fruiterie. Ça commence
très petit mais oh! là, là, ça s'évapore.
C'est ça. C'est la même chose pour nous, pour le sondage qu'on a
fait, oui.
M. Richard: Maintenant, votre collègue faisait allusion,
tout à l'heure, au fait que si on ne posait pas des gestes, comme
gouvernement, la petite entreprise qu'on appellerait communément
dépannage dans le domaine de l'alimentation, il y aurait, selon vous, 15
% de fermeture et 15 % additionnels, je présume, ou dans le même
15 % au moins des mises à pied. Alors, votre 15 %, vous ave2
trouvé ça où?
M. Duchesneau: En fait, ces chiffres-là sont des chiffres
propres à notre association.
M. Richard: O.K.
M. Duchesneau: Ces chiffres-là, en fait, sont ressortis
d'un sondage maison qu'on a fait vis-à-vis de tous nos membres, soit par
téléphone ou par sondage avec nos représentants. Alors,
c'est ce qui ressort des dires de nos marchands membres AMDEQ.
M. Richard: Maintenant, vous ne pensez pas, parce qu'on accuse le
monde du dépannage, à un moment donné, de prendre le mors
aux dents, parce qu'il a été un temps, vous vous rappelez, j'ai
vécu ça aussi parce que j'étais dans l'alimentation
jusqu'à il n'y a pas longtemps, quand est arrivé le
problème de la bière, on a eu une peur maudite, quand ils ont
donné la permission aux grandes surfaces de vendre de la bière,
le monde du dépannage s'est mis à dire: On va tous crever. Sauf
que ce qui s'est passé, c'est un peu l'inverse. Les gens qui achetaient
leur bière chez le dépanneur ont continué à
l'acheter chez le dépanneur. De toute façon, ça
s'achète plus chez un dépanneur, de la bière, que chez une
grande surface, pour toutes sortes de raisons: le cacher à sa femme ou
je ne sais pas quoi. Mais il y a des raisons qui font qu'on va acheter
ça plus chez un dépanneur, pour toutes sortes de raisons
techniques. Ça se vit comme ça sur le terrain. Je ne pense pas
que ça ait changé depuis quelques années. Dans certains
cas, peut-être le mari ou, en tout cas, l'inverse, quelqu'un le cache
à l'autre, mais l'achat se fait chez le dépannage.
Maintenant, est-ce que vous pensez que ça peut avoir eu de
l'impact? À l'époque, ça n'en a pas eu. On l'a
pensé, tout le monde a eu une peur de ça, mais ça n'en a
pas eu vraiment. Est-
ce qu'il y aurait vraiment cet impact et est-ce qu'on ne pourrait pas se
revirer de bord, comme on l'a fait dans le monde du dépannage? Parce
qu'on s'est quand même retourné rapidement de bord. On a pris du
nettoyage, la loto est arrivée dans le portrait. On a transformé
le commerce et on est devenu, comme dépanneur, plus diversifié.
Mais le dépannage en général a été
transformé, a quand même survécu et il n'y a pas eu
d'impact négatif comme on avait pensé.
M. Duchesneau: Effectivement, écoutez, je retiens votre
parole du départ qui dit que les dépanneurs semblent vouloir
prendre le mors aux dents. Ce n'est pas exact comme tel.
M. Richard: Non, je le sais. C'est une figure de style.
M. Duchesneau: Je me dois de vous le dire. Je trouve ça le
"fun", quand même, qu'on puisse s'entendre. Je suis d'accord.
C'était très imagé. À toutes fins pratiques, quand
vous parlez du phénomène de la bière comme tel,
effectivement, vous me dites qu'il y a encore de la bière qui
s'achète chez nos dépanneurs. C'est vrai. Il y a une partie quand
même qui a été grugée, qui s'achète dans les
marchés à grande surface. Alors, si on gruge toujours un petit
peu sur la bière, si on gruge un petit peu sur les lotos, si on gruge un
petit peu sur les croustilles, si on gruge partout, il ne nous reste absolument
rien pour survivre, nous autres. Je pense que c'est réellement la survie
du petit dépanneur. Parce que le dépanneur comme tel, vous le
savez comme moi - je n'ai pas de dessin à faire à personne - ce
sont des petits marchands qui opèrent leur commerce chacun dans leur
unité familiale, le garçon, la mère, la fille, en fait,
tout ça.
Ce qu'on veut tout simplement, c'est garder le droit de vivre et de
participer à l'économie régionale et à
l'économie locale de nos régions. Ça, on y tient
mordicus.
M. Richard: Ma dernière question, c'est la suivante: Quand
vous parlez des 15 % de mises à pied, c'est à cause du chiffre
d'affaires qui diminuerait parce que, déjà, vous faites les
heures.
M. Duchesneau: Effectivement. C'est un manque à gagner
à ce moment-là et le revenu n'est plus là. Alors, en
n'ayant plus le revenu nécessaire pour une survie valable, il faut que
le propriétaire fasse des heures et des heures, jusqu'à...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Beauce-Nord.
M. Audet: Merci, M. le Président. Messieurs, bonsoir.
Des voix: Bonsoir.
M. Audet: Est-ce que vous avez des chiffres? Est-ce que votre
association a des chiffres, par exemple, qui disent le montant moyen d'achat
par transaction, par client chez vous? Lorsque quelqu'un va chez vous, par
exemple, je ne sais pas... On dit que, dans un dépanneur, dans une
journée, il va passer 200 clients. Chaque client a acheté en
moyenne pour 10 $; c'est un exemple. Avez-vous des données comme
ça?
M. Ferland: Non, on n'a pas fait de données exactement sur
ça.
M. Audet: Je vous demande ça parce que, hier, on a
reçu Steinberg. Et, entre autres, le président du conseil
d'administration, M. Gaucher, nous disait que si on en venait à une
libéralisation des heures d'affaires, la compétition ne se ferait
pas entre les dépanneurs ou les petits marchands ou les plus petites
entreprises versus les gros, mais plutôt que la guerre resterait entre
Métro, Provigo et Steinberg, par exemple. Ce qu'il semblait dire, et si
je me trompe, vous me corrigerez, parce que je suis un peu porté
à penser ça et je vais vous dire pourquoi... Je vais au
dépanneur. En tout cas, je regarde mon attitude. J'ai un
dépanneur pas loin de chez moi. J'arrête au dépanneur,
pourquoi? Mon épouse va au dépanneur, pourquoi? On va manquer de
lait, on va au dépanneur. J'ai besoin de cigarettes - je suis fumeur -
j'arrête au dépanneur. La bière, je l'achète au
dépanneur. Il arrive des amis des fois; oup! quelque chose manque, on va
au dépanneur. Même si Provigo qui n'est pas loin de chez moi, qui
est quasiment aussi près, est ouvert ou était ouvert, je n'irais
pas là parce que je peux avoir le même service très
rapidement, je n'ai pas de file d'attente et tout ça. Comment je dirais
ça? Le dépanneur, pour moi, c'est peut-être plus le
fast-food que la grande surface, le fast-food de ce
système-là.
Lorsque je dis, par exemple, que les heures d'affaires seraient
libéralisées, est-ce que je me trompe en disant que la
clientèle que vous avez dans vos dépanneurs ne serait pas
nécessairement affectée le dimanche?
M. Ferland: Je dois vous dire que, personnellement, j'ai un
dépanneur depuis 20 ans. Je suis en face d'un Provigo et je peux vous
assurer, je remarque ce que vous me dites, les gens qui viennent comme vous
chez le dépanneur, à un moment donné, viennent là
parce qu'il y a plutôt un côté familial, on peut les appeler
par leur nom.
M. Audet: C'est ça.
M. Ferland: Chez nous, j'ai six employés sur des "shifts"
tout te temps: 6 heures le matin à 11 heures le soir, sept jours par
semaine. On se
rend compte que notre consommateur ne vient pas chez nous seulement pour
se dépanner comme vous pensez. Ça dépend peut-être
des secteurs. Bien des gens vont venir chez nous pour faire même leur
marché. Ça dépend encore du dépanneur. Si, chez un
dépanneur, il y a trois ou quatre boîtes de bines, puis deux,
trois bouteilles de vin, c'est un peu normal que les gens vont aller là
pour acheter des cigarettes, Loto-Québec, ces affaires-là, puis
ils s'en vont, mais si c'est un dépanneur qui a le sens du
dépannage complet, une épicerie, et qui a tout, là ce
n'est pas la même chose.
M. Audet: À ce moment-là, les 15 % qui fermeraient,
vous pensez plutôt que ce seraient des gens comme vous qui ont plusieurs
employés ou une surface moyenne.
M. Ferland: Ça nous affecterait, effectivement. Je ne dis
pas qu'un dépanneur comme moi mettrait la clé dans la porte, mais
il serait sûrement affecté au moment de congédier des
employés. Je ne pourrais pas garder six employés comme j'ai
là. C'est quelque chose d'impossible.
M. Audet: O.K. Une autre question. Est-ce que j'ai encore un peu
de temps, M. le Président?
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, le
temps est écoulé. Je voudrais céder la parole à Mme
la députée de Taillon.
Mme Marois: Peut-être que je ne prendrai pas tout mon
temps. Alors, s'il en reste, vous pourrez l'utiliser.
Je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation
politique. Je veux d'abord vous dire que je partage votre point de vue. Alors,
évidemment, c'est peut-être un petit peu plus facile à
certains égards. Je vais quand même vous poser un certain nombre
de questions, parce que c'est soulevé ici devant la commission depuis un
bon moment. On nous dit: C'est quasi impossible à appliquer une
règle comme celle que vous nous suggérez, à savoir trois
personnes dans le commerce en tout temps pour permettre l'ouverture en dehors
des heures habituelles qui sont celles que l'on connaît et pour laquelle
il y a une hypothèse de prolongement du mercredi soir pour accommoder un
petit peu plus les consommateurs. Alors, une des objections que nous
présentent les gens qui viennent ici en commission, c'est de nous dire:
Écoutez, comme on ne croit pas que c'est possible d'appliquer une loi,
à ce moment-là, libéralisez les heures et ouvrez tous les
jours, tous les soirs, la fin de semaine et, comme ça, vous ne serez pas
contraints de contrôler une loi qui, de toute façon, ne se
contrôle pas. Or, vous en parlez. J'aimerais que vous m'en parliez.
M. Ferland: Au départ, Mme Marois, lorsqu'on en parle, on
dit de faire appliquer la loi. Si vous remarquez bien, à un moment
donné, au ministère de l'Industrie et du Commerce, au moment
où on va porter plainte qu'il y a des gens qui sont ouverts et qu'ils
n'ont pas d'affaire à être ouverts, on se fait répondre:
Écoutez, on n'a pas d'inspecteur, on n'a pas d'enquêteur à
envoyer. Le gouvernement sauve au lieu de créer des emplois. Le
gouvernement devrait en mettre des inspecteurs pour faire appliquer les lois.
À ce moment-là, si la loi est respectée, s'il y a des gens
du gouvernement qui sont capables d'être en place pour aller faire
respecter les lois, ce serait deux fois mieux que de dire: On fait les lois,
puis on ne les fart pas respecter. Combien le gouvernement peut-il perdre juste
en taxes sur des articles qui sont bien simples? Ici, on n'en parle pas des
marchés aux puces, mais c'est plein. Ça coûte une fortune
au gouvernement, les marchés aux puces, mais personne n'en parle.
Mme Marois: Parce qu'il y a beaucoup d'échappatoire sur la
taxe.
M. Ferland: Bien, voyons donc! Allez aux marchés aux puces
et vous allez voir la marchandise neuve qu'il y a là, pas de taxe, hors
taxe, achetée sans facture a Montréal. C'est incroyable. Il n'y a
rien que ça. Et on a eu beau porter plainte, on a tout fait, mais
ça n'a pas bougé. On n'a pas d'employé à envoyer
là, ça coûte trop cher, mais on ne fait pas appliquer les
lois. On adopte des lois, mais on ne les fait pas appliquer. Alors, ça
donne quoi? Il s'agit, au moins, d'essayer d'adopter des lois puis de les
appliquer. Si les lois sont appliquées, je vous garantis qu'il y a des
gens qui vont... Puis, à part ça, avec des amendes raisonnables,
pas des amendes... On en parle dans ça, dans notre...
Mme Marois: Oui, c'est ça. C'est ça que j'allais
dire. Une des hypothèses que vous soulevez, c'est ça.
M. Ferland: Écoutez, les amendes qu'il y a
présentement sont complètement ridicules. Alors, n'importe quelle
chaîne va ouvrir le dimanche puis elle va se foutre du gouvernement puis
des lois. O.K. Elle a juste à préparer une série de
chèques postdatés puis elle est gras dur. Ça vient de
s'éteindre!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ferland: Nos députés, ils nous ont fait ci et
ils nous ont fait ça. Bien, tiens. Salut, les "boys"! Nous autres, ici,
on se fout bien de tout. C'est ça, le système. Je veux dire, on
travaille... Je pense qu'il y a plusieurs personnes qui travaillent sur le
dossier des heures d'ouverture et que c'est un travail qui est très dur
à
faire, comme je pense celui de plusieurs organismes. Mais écoute
donc, si tout le monde en vient à un consensus, agissons en
conséquence et faisons en sorte que les lois soient respectées.
Malheureusement, elles ne sont pas respectées.
Mme Marois: Oui, d'accord. Je suis d'accord. C'est,
effectivement, un des problèmes aussi qui est soulevé.
M. Ferland: II est là.
Mme Marois: Et la question des amendes revient souvent, le
laxisme et tout le reste. Évidemment, je sais que ce n'est
peut-être pas facile pour vous de répondre à ça,
dans le sens que vous êtes peut-être en conflit
d'intérêts, mais vous êtes nombreux. Vous êtes
combien? 900 marchands associés, c'est bien ça, dans le...
M. Ferland: C'est ça.
M. Duchesneau: On était 910 à 16 h 30 cet
après-midi.
Mme Marois: Pardon?
M. Duchesneau: 910 à 16 h 30 cet après-midi.
Mme Marois: Bon, d'accord. Vous l'avez vérifié
à votre fichier, si je comprends bien.
M. Ferland: Oui. Ha, ha, ha!
Mme Marois: Et vous oeuvrez dans différentes
régions du Québec. Est-ce que, chez vous, vous sentez qu'il y en
a une pression? Parce que d'autres viennent nous dire ça aussi, qu'il y
en a une pression de la part des consommateurs et des consommatrices pour vous
dire: Écoutez, si on pouvait avoir des heures d'ouverture un petit peu
plus convenables; celles qui sont là ne nous conviennent pas. Alors,
dans vos milieux, en essayant de faire un petit peu abstraction parfois d'un
point de vue que vous pouvez défendre et que je pourrais comprendre
aussi.
M. Ferland: Nous autres, on a fait un sondage auprès de
notre clientèle, chez les marchands de l'AMDEQ, sous forme de
pétitions, pour aller chercher le pouls des gens, avec un questionnaire.
Et ce sondage-là, on y a répondu beaucoup plus, en termes de
pourcentage élevé, qu'on ne s'y attendait. Soyez assurée
que ce n'est pas par conflit que je m'oppose, à nulle part, parce que
j'ai un dépanneur et, en plus, que j'en représente 900. Ce n'est
pas là, la situation. C'est tout simplement de voir les gens...
On nous dit assez souvent: C'est le consommateur qui le demande. On
entend crier ça une affaire à tout casser. En tout cas, c'est
drôle. Dans nos dépanneurs, on ne voit pas de ça, cette
affaire-là. Ça dépend des endroits. Il va y avoir un
système comme vous me dites là, si vous vous en allez à
l'université. À l'université, c'est rendu tellement
incroyable que les étudiants, sur semaine, ils n'ont pas le temps
d'aller faire leur marché. Ils prennent un coup, puis ils fument du pot
puis du haschich, mais ils n'ont pas le temps de sortir. Le dimanche, par
exemple, eux autres, ils aimeraient ça aller magasiner.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ferland: Je veux dire, où est-ce qu'elle est, notre
société? Sur quel bord est-elle? Où est-ce que c'est
malade, là? C'est malade quelque part, mais il faut essayer de le
trouver.
Le Président (M. Bélanger): Déjà
qu'il y en a qui veulent retourner aux études. Il ne faudrait pas...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ferland: C'est pas grave. Il paraît qu'on peut commencer
ça à tout âge. Moi, je n'y ai jamais goûté.
Mais il paraît que...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Ça va pour moi. Pour l'instant, j'ai...
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier nos invités, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Ça va. Est-ce que vous souhaitez revenir sur
une question? Non?
Le Président (M. Bélanger): Peut-être qu'il y
a M. le député de Beauce-Nord qui avait une question
additionnelle encore tout à l'heure.
M. Audet: Oui. Je pense que vous en avez parlé un peu.
Mais, en tout cas, j'en ai une autre. Attendez un petit peu. J'en ai deux
autres. Vous parlez à un moment donné - c'est juste un
détail qui me chicote un peu - à la page 4, de l'augmentation de
la criminalité, à savoir que, si les heures d'affaires sont
libéralisées, il y aura une augmentation des vols dans les
commerces de détail. Avez-vous vérifié ça un peu,
ces données-là et tout ça?
M. Duchesneau: Écoutez, ce qui est là quand
même, ce n'est pas de la foutaise. C'est basé sur des faits. C'est
basé sur les enquêtes chez nos marchands et on est quand
même conscients que, avec les heures d'ouverture additionnelles, surtout
dans les centres d'achats...
D'abord, on est actuellement pris avec des problèmes
extrêmement graves en ce qui regarde les vols à l'étalage
et les vols par effraction chez nos dépanneurs. Je pense que tout le
monde est au courant. Alors, on en est conscients et nos marchands nous ont
dit: Si, effectivement, il y a une libéralisation, surtout dans les
centres d'achats. Écoutez, je ne charrie pas en vous disant que les
centres d'achats, pour d'aucuns c'est leur loisir du dimanche et c'est le lieu
de vagabondage pour une catégorie de jeunes, je dis bien une
catégorie qui est peut-être minime, mais qui est là quand
même. (20 h 30)
M. Ferland: On a parlé, effectivement, de
l'université. J'espère qu'il y en a parmi vous qui regardent la
TV. Dimanche, il y en a eu une université à la TV, à
Radio-Canada, qui montrait aux gens comment voler dans les dépanneurs.
C'a duré une demi-heure. Je veux dire, l'université, elle est
où? Tu ne vois pas ça dans les prisons, tu vois ça en
pleine TV. On montre aux jeunes comment voler dans les dépanneurs,
comment s'y prendre pour voler dans les centres commerciaux. Je veux dire,
où est-ce qu'on va?
M. Audet: O.K. Une autre question, une dernière. Vous
parlez, à un moment donné, de l'augmentation des familles
monoparentales. Vous dites que les tendances dans la société ont
changé et tout ça. Vous dites que le dépanneur est
important pour ça, son rôle, le dimanche. C'est ça? C'est
ça que je crois comprendre ici. Pour reprendre un peu ce que ma
collègue de Taillon dit souvent, c'est qu'il y a des choses qu'on a
entendues en commission depuis le début. De l'autre côté,
on dit et Mme Marois l'a répété souvent, que les familles
monoparentales, ce sont des femmes la plupart du temps et que 62 % de ces
gens-là, de ces personnes sont inactives. Je pense que c'est bien
ça, tout ça.
Mme Marois: C'est ça, exactement, M. le
député.
M. Audet: Alors, vous vous servez... Par exemple, ce soir la
Commission-Jeunesse du Parti libéral est venue et il y a eu aussi
d'autres intervenants qui nous ont parlé de ça, des grandes
tendances sociales et tout ça. Eux se servent de ça pour,
justement, justifier l'ouverture ou une libéralisation des commerces le
dimanche. Alors, si je comprends bien, vous, ce que vous dites ici, c'est
qu'étant donné les tendances sociales, vous avez un rôle
important à jouer le dimanche. C'est ça aussi.
M. Ferland: Oui, effectivement. M. Audet: O.K.
M. Ferland: Pour nous, je pense que c'est clair. Je vais vous
poser une question: Votre dame, si elle a 100 $ pour faire un marché,
d'accord, et que vous ajoutez une autre journée, soit le dimanche,
faites-en deux le dimanche, est-ce que vous pensez, si, dans sa semaine, elle
dépense 100 $, que, la fin de semaine, parce que c'est ouvert, elle va
en dépenser 200 $? Elle va se promener, par exemple. Elle va aller faire
un tour un peu. Alors, à ce moment-là, les gens
n'achèteront plus de piscine parce qu'ils n'auront plus le temps de se
baigner. Écoutez! Je veux dire, c'est quoi l'histoire? Bien oui! Combien
y a-t-il de femmes et d'hommes qui vont simplement aller se promener avec leurs
enfants dans les centres commerciaux et partout dans les supermarchés?
Mais ils n'achèteront pas plus, soyez-en assurés. Vous allez
simplement déplacer les gens. C'est ça qui va se produire. Ils
vont déplacer le mal dans un autre endroit. Au départ, un magasin
qui a une superficie assez grosse ne gardera pas des employés plus qu'il
n'en faut. Il va changer les heures. Ça ne créera pas d'emplois,
ce n'est pas vrai ça. Ceux qui ont inventé ça en disant
qu'il se créerait des emplois, bien, je m'excuse, ils ne sont pas
dedans.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous
interrompre, le temps est écoulé. Je vous demanderais donc, Mme
la députée de Taillon, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Marois: Je vous remercie de la présentation que vous
nous avez faite, de votre point de vue et de l'éclairage que vous
apportez ainsi aux membres de la commission. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): J'aimerais vous remercier, M. Ferland,
M. Duchesneau, et vous dire que c'est un peu à cause de l'Opposition si
je n'ai pu être présent durant une demi-heure parce qu'il y a eu
une motion de censure que j'ai dû aller débattre à
l'Assemblée nationale, mais je dois vous dire que j'ai pris connaissance
de votre mémoire et qu'on va prendre vos représentations en
considération dans la décision que nous allons avoir à
prendre. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des marchands
détaillants de l'Est du Québec et invite à la table des
témoins l'Alimentation Couche-Tard inc.
Mme Marois: Je tiens à faire remarquer au ministre que,
s'il y a eu une motion de censure, c'est parce qu'il doit y avoir eu des
problèmes quelque part.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Alors, bonsoir. La
commission de l'économie et du travail reçoit présentement
le groupe Alimentation Couche-Tard inc. Bonsoir, messieurs. Je vais vous
expliquer nos règles de procédure. Comme vous venez d'en
être témoins, vous avez dix minutes au maximum pour la
présentation de votre point de vue et il y a une partie
d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais de vous identifier,
dans un premier temps, et de procéder à la présentation de
votre mémoire. Cependant, lorsqu'il y aura des échanges avec les
parlementaires, dans la mesure où vous vous en rappellerez, si vous
pouviez vous identifier chaque fois pour les fins de transcription au
Journal des débats. Je vous prierais de commencer.
Alimentation Couche-Tard inc.
M. Bouchard (Alain): Alain Bouchard, président
d'Alimentation Couche-Tard.
M. Alepin (François): Mon nom est François Alepin.
Je suis avocat à la firme Alepin & Gauthier à Laval et je
vais présenter le mémoire d'Alimentation Couche-Tard et certains
arguments à son soutien.
Alimentation Couche-Tard intervient devant la commission parlementaire
sur l'étude de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux, non seulement en son nom personnel, mais
également au nom de l'industrie du dépannage où il y a,
comme vous l'avez entendu déjà à plusieurs reprises, entre
4500 et 5000 intervenants. Alors, c'est en cette qualité-là
qu'elle présente son mémoire. Vous avez déjà entre
les mains le mémoire, à proprement parler, qui a
été présenté par Alimentation Couche-Tard,
préparé par le président, M. Alain Bouchard, et M. Claude
Moreau, vice-président en marketing et développement. Tout
à l'heure, je vous inviterai à le survoler avec moi de
façon à en faire sortir quelques faits saillants et je passerai
à certains arguments que je voudrais, toutefois, vous
énumérer immédiatement, ne serait-ce que pour vous en
donner les titres. Je vais les attaquer les uns après les autres par la
suite.
Nous sommes conscients que vous avez pris connaissance d'une multitude
de mémoires et que l'ensemble des arguments contre l'ouverture le
dimanche, vous les connaissez. Nous croyons faire preuve d'un petit peu
d'imagination avec les quelques arguments que nous allons amener. On ne vous
plaidera pas les questions de la religion que vous avez entendues amplement. Ce
n'est pas une position qu'on entend faire valoir aujourd'hui. On va essayer de
faire valoir certains points particuliers. Le premier point que j'aborderai,
dont je traiterai tout à l'heure, c'est que la structure sociale et
économique actuelle serait inadéquate; le deuxième point,
une difficulté de trouver du personnel le dimanche, c'est un point qui a
été soulevé et nous le traiterons; le troisième
point, il n'y a pas de besoins assez importants à combler pour qu'un
choix aussi arbitraire que l'ouverture le dimanche soit fait; quatrième
point, la loi actuelle pourrait être efficace; cinquième point,
l'industrie du dépannage est née suite à un besoin.
Ensuite, je conclurai avec un argument et une conclusion.
Alors, en ce qui a trait à la structure sociale et
économique actuelle qui serait inadéquate, ce qu'on cherche
à dire en gros là-dedans, c'est que nous croyons qu'il est
téméraire de penser que nous puissions faire fonctionner un
secteur de l'activité économique aussi important que celui de
l'alimentation sans faire marcher l'ensemble de la machine économique.
Que penser, ne serait-ce que du transport en commun, ne serait-ce que des
garderies? Est-ce que notre société est actuellement prête
à recevoir l'activité, la mise en branle d'un secteur aussi
important que celui de l'alimentation avec le nombre d'intervenants que cela
comporte, les dizaines de milliers de personnes qui devront bouger et aller au
travail, dans l'éventualité où on ouvre le dimanche, dans
la structure actuelle? Alors, on pourra toujours dire: Oui, mais les garderies
s'adapteront, le transport en commun s'adaptera, mais est-ce que c'est le
désir du gouvernement de voir à bouger tous ces différents
secteurs-là? Je n'en nomme que deux. Évidemment, il y en a
plusieurs autres auxquels vous pourrez penser. Ce qu'on cherche à dire,
c'est que l'impact sera beaucoup plus grand qu'un impact sectoriel sur le
domaine de l'alimentation. Il y aura un impact global sur l'ensemble de
l'activité économique et sociale.
Donc, le prochain point, rapidement - on sait que nous sommes
limités dans le temps - c'est la difficulté de se trouver du
personnel le dimanche. M. Bouchard, qui est dans le domaine de l'alimentation
depuis quelques dizaines d'années, pourra, tout à l'heure, en
répondant à des questions, mettre plus d'emphase
là-dessus. Mais il semblerait, pas il semblerait, mais on me confirme
clairement que c'est excessivement difficile de se trouver du personnel le
dimanche. C'a d'ailleurs été - c'est une déformation
professionnelle d'utiliser ce terme-là - admis par PJC, ce matin, par
les pharmacies Jean Coutu, que c'est difficile de se trouver du personnel le
dimanche. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il faille tourner de midi à 14
heures pour en arriver à cette conclusion-là. Il n'y a pas
beaucoup de monde qui est intéressé à travailler le
dimanche.
Mon client, Alimentation Couche-Tard, comme vous le savez, un
franchiseur dans le domaine du dépannage et le franchiseur, dans son
rôle auprès de ses franchisés, dans l'assumation de ses
devoirs contractuels, dort informer son franchisé sur comment faire des
affaires suivant sa recette. Entre autres choses, il doit lui dire comment
embaucher ses gens et, à l'intérieur de cette partie
d'exécution de ses obligations
contractuelles, il doit dire à son franchisé comment
traiter de la question de la négociation - parce que c'est le terme -
avec son personnel pour l'amener à accepter de travailler le dimanche:
On va te donner deux soirs, tu travailleras le dimanche, en plus de ça,
on va te donner une petite prime sur ton salaire. C'est, effectivement, un type
de négociation qui doit être fait. Alors que dire de la
difficulté qu'auront l'ensemble des entreprises - déjà
celles qui sont en marche le dimanche - à se trouver du personnel si
elles ont à négocier avec des gens qui sont sollicités
à peu près actuellement uniquement par les dépanneurs et
quelques secteurs particuliers. Si l'ensemble du marché de
l'alimentation se met à rechercher des employés le dimanche,
n'est-il pas simplement logique de dire que cette négociation sera de
plus en plus ardue? C'était notre point sur le dépannage et sur
la difficulté de se trouver du personnel le dimanche. J'insiste
également sur le fait que l'opinion de l'industrie du dépanneur
sur cette question-là doit être, à notre humble avis,
sérieusement considérée par la commission parlementaire,
parce que qui mieux, finalement, que l'industrie du dépanneur, qui
oeuvre le dimanche depuis déjà quelques dizaines d'années,
peut informer le ministre et les membres de la commission de ce que peut
constituer la tâche de se trouver des gens le dimanche?
En ce qui a trait, maintenant, au troisième point, le besoin
d'ouvrir le dimanche, nous soumettons qu'il n'y a pas un besoin qui n'est pas
comblé d'avoir des magasins d'alimentation ouverts le dimanche. Je vais
attaquer la question sous un autre angle. N'est-il pas plutôt vrai que
c'est bien plus important de pouvoir s'acheter des vêtements le dimanche,
d'avoir quelques magasins de vêtements ouverts le dimanche? Il est
impossible de s'acheter des vêtements le dimanche ou à peu
près impossible, alors que, pour l'alimentation, ce n'est pas vrai qu'il
est impossible de s'acheter des produits alimentaires le dimanche. On peut le
faire dans la formule actuelle, que ce soit pâtisseries, confiseries,
avec les dépanneurs. Il y a moyen d'acheter. Il n'y a pas un besoin. Il
n'y a pas de gens qui sont en train de crever de faim et qui disent: Ouvrez des
magasins pour qu'on puisse se ravitailler. Ce n'est pas du tout le cas. On peut
se ravitailler dans les magasins d'alimentation traditionnels six jours par
semaine à des heures qui font l'affaire des gens depuis des dizaines
d'années. Actuellement, le dimanche en plus, il y a moyen de se trouver
de la nourriture.
Prochain argument: la loi actuelle pourrait être efficace, voire
même équitable, mais elle ne jouit pas de dents nécessaires
à son application. Je fais surtout référence à la
question de la règle des trois. Alimentation Couche-Tard, l'ensemble du
monde du dépanneur, l'industrie du monde du dépanneur est d'avis
que la règle des trois peut fonctionner. Dans certains cas, ça
peut être difficile, mais la règle des trois peut fonctionner.
Dans l'ensemble des réseaux de dépanneurs sous franchise, qui
exploitent leur chaîne sous forme de franchise, ce sont des
dépanneurs qui jouissent d'un système développé par
le franchiseur où, justement, on maximise la capacité de faire
des ventes à l'intérieur des cadres de la loi actuelle. Nous ne
sommes pas de ceux qui croient qu'on va contrevenir à la loi et ensuite
venir quêter au gouvernement la possibilité de faire des
changements. L'industrie que nous représentons exploite ces entreprises
à l'intérieur des cadres de la loi actuelle et ça
fonctionne. Je veux faire un petit aparté rapidement: nous croyons
également sur ce point, et c'est le mandat que j'ai de vous le dire,
qu'en ce qui a trait aux pharmacies, les exceptions comme celles des
pharmacies, on n'a absolument rien contre ça. Que le pharmacien exploite
sa pharmacie avec 68 personnes; aucun problème, mais parlons de la
partie professionnelle de sa pharmacie. Lorsqu'on commence à parler d'un
magasin de variétés, on ne parle plus d'une pharmacie. C'est
peut-être dans le même local, c'est peut-être en
arrière de la même porte, la même adresse, le même
propriétaire, mais ce n'est plus une pharmacie qu'on exploite, on
exploite un magasin de variétés. Alors, nous disons que cette
division, qu'on appelle communément la partie commerciale, devrait
être soumise aux mêmes règles que l'ensemble des autres,
soit une règle des trois.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, s'il vous plaît!
M. Alepin: Oui. Je conclurai rapidement. L'industrie du
dépanneur, messieurs, mesdames, est née suite à un besoin,
un besoin qui venait du fait que les magasins et grandes chaînes, les
grands magasins d'alimentation étaient fermés le dimanche. Il y a
plus de 20 000 emplois à temps partiel et à temps plein qui sont
actuellement tributaires de l'industrie de l'alimentation de type
dépanneur. Si ce besoin-là est enlevé, nous soumettons
qu'il est tout à fait logique de prétendre que l'industrie qui
est née à cause de ça va mourir lentement, mais elle va
certainement mourir de ça. Les députés qui auront à
éclairer le ministre sur cette question-là ont un choix à
faire, parce que ce n'est un secret pour personne que c'est actuellement une
guerre entre les gros et les petits. Le ministre faisait état, à
juste titre, de la proportion 30-70 - et je conclus, M. le Président, ce
ne sera pas long - du partage des ventes faites: 30, les grosses corporations,
et 70, les entrepreneurs indépendants. Lorsqu'on dit grosses
corporations, on parle de Provigo, de Steinberg, de Métro-Richelieu,
mais on parle de ces chaînes-là corporatives, non pas de leurs
entrepreneurs indépendants qui fonctionnent sous ces
bannières-là, de ces magasins corporatifs seule-
ment.
Alors, le choix est le suivant: c'est clair qu'il n'y a qu'une tarte.
Tous ceux qui prétendront le contraire ne voient pas la
réalité avec logique. Il n'y a qu'une tarte. Il est impossible
que la tarte grossisse parce qu'on rajoute des jours. Ça n'aurait pas
d'allure. S'il n'y a qu'une tarte, de choisir d'ouvrir le dimanche, c'est parce
que les gros pensent qu'ils vont pouvoir vendre plus le dimanche. S'ils pensent
qu'ils vont pouvoir vendre plus le dimanche, c'est qu'il y en a qui vont vendre
moins. Nous représentons ces gens-là qui vont vendre moins et
nous ne pensons pas que c'est une bonne idée qu'ils vendent moins. (20 h
45)
Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous remercie.
M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, Me Alepin et M.
Bouchard. C'est très clair, les intérêts que vous
défendez, puis c'est légitime aussi. Dans votre document à
la page 9, vous parlez, vous faites une référence à... Je
veux toucher à l'aspect économique. L'Association des marchands
détaillants de l'Est du Québec a mentionné, tout à
l'heure, qu'il y aurait au moins 15 % des dépanneurs fermés
advenant un changement à la Loi sur les heures d'affaires.
Dans votre document, vous dites: "Le danger qui guette notre industrie
et qui inquiète davantage les milliers de détaillants
dépanneurs, c'est la perte de revenus et de profits que pourrait
provoquer un prolongement des heures d'ouverture des établissements
commerciaux." Une petite référence, 3: "Document de travail sur
les impacts financiers, Alimentation Couche-Tard." Est-ce qu'on pourrait avoir
ce document-là? En d'autres mots, est-ce que vous pourriez prouver, de
façon économique, les affirmations que vous faites, advenant
l'ouverture des commerces le dimanche?
M. Bouchard: Alain Bouchard. On n'a pas soumis le document
à la présente commission. On ne l'a pas avec nous
aujourd'hui.
M. Tremblay (Outremont): Non...
M. Bouchard: On l'avait déposé lors du
comité Richard. Mais on pourra vous le faire parvenir.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous pourriez, pour
l'information de la commission? Parce que j'avais posé la question
à Maurice Richard, ça fait déjà quelques
années, et il n'était pas certain, là. On aimerait, pour
l'information de la commission...
Le Président (M. Bélanger): ... Vous pourriez le
faire parvenir au secrétaire de la commission.
M. Bouchard: D'accord.
M. Tremblay (Outremont): Ma deuxième question. Est-ce que
je vous ai bien compris, Me Alepin, tout à l'heure, quand vous avez dit
que ce n'est pas essentiel d'acheter de la nourriture le dimanche, parce que
c'est déjà ouvert six jours par semaine puis, si on écoute
ce que d'autres disent, qu'il y a des frigidaires. Alors, on pourrait acheter
ça ces six jours-là puis on ne serait pas obligés
d'acheter de la nourriture le dimanche. Ce n'est pas essentiel. Je pense que
vous avez dit ça tout à l'heure.
M. Alepin: François Alepin. Ce que je disais, M. le
ministre, c'est la chose suivante.
C'est qu'il n'y a pas un besoin, actuellement, qui n'est pas
comblé d'acheter de la nourriture le dimanche. Quiconque voudrait
acheter de la nourriture le dimanche peut le faire. Dans la structure
actuelle...
M. Tremblay (Outremont): Parce qu'il y a une exception dans la
loi qui vous favorise.
M. Alepin: Non, parce qu'il y a une exception qui favorise
n'importe qui qui veut vendre de la nourriture et qui veut être moins de
trois personnes.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Mais si on fermait les commerces le
dimanche pour être juste avec tout le monde; on les ferme.
M. Alepin: On ferme qui?
M. Tremblay (Outremont): On ferme tous les commerces le dimanche
pour la qualité de vie. Est-ce que vous êtes d'accord avec
ça?
M. Alepin: Les dépanneurs inclus? Les dépanneurs et
même selon la règle des trois?
M. Tremblay (Outremorrt): Je fais l'hypothèse qu'on ferme
tous les commerces le dimanche pour l'équité. Tout le monde est
fermé, pas de compétition. Est-ce que vous seriez d'accord avec
ça, sous toute réserve que de droit? Je ne veux pas vous mettre
dans une mauvaise position.
M. Alepin: Non, je pense que M. le président aimerait
répondre.
M. Bouchard: Alain Bouchard. J'aimerais répondre à
cette hypothèse-là, M. le ministre. En fait, on est nés,
nous, de cette loi-là.
M. Tremblay (Outremont): Donc, parce qu'il y a...
M. Bouchard: On est nés de la règle de trois. On
l'a respectée et on a investi en fonction des règles du jeu.
Maintenant, vous proposez
une hypothèse qui changerait les règles du jeu et qui
dirait...
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Je suis content de
vous entendre dire ça, M. Bouchard. Savez-vous pourquoi? Parce que les
pharmacies d'escomptes sont également nées de la loi, de
l'article 5.2, je pense, en 1984. Et ce qu'on nous dit aujourd'hui, c'est qu'il
faudrait fermer les pharmacies d'escomptes. Alors, quand ça fait votre
affaire, vous dites: Je veux rester ouvert, parce que la loi me protège,
mais quand ça ne fait pas votre affaire, vous dites: On devrait fermer
les pharmacies d'escomptes.
M. Bouchard: Vous nous avez entendus dire qu'on voulait que vous
fermiez les pharmacies d'escomptes? Non.
M. Tremblay (Outremont): Non, je retire...
M. Bouchard: Ce n'est pas du tout notre position.
M. Tremblay (Outremont): Je retire, pour vous, ce que je viens de
dire. Mais ce que j'entends de plusieurs intervenants, à cause de
l'inéquité de la loi, causée, entre autres, par les
exceptions créées en 1984, c'est qu'on devrait fermer les
pharmacies d'escomptes le dimanche. Je parle du dimanche.
M. Bouchard: Écoutez, je n'ai pas entendu personne dire
ça. À mon avis, la coalition...
M. Tremblay (Outremont): Ah non, ils ont tous dit ça.
M. Bouchard: Non, c'est la règle de trois. M. Tremblay
(Outremont): Ah oui!
M. Bouchard: On préconise la règle de trois, M. le
ministre. On dit: Si les grandes pharmacies veulent vendre des produits
alimentaires, qu'elles se conforment à la règle de trois. Ce
n'est pas compliqué. C'est 2,8 % de leurs ventes, M. Coutu vous l'a dit
ce matin.
M. Tremblay (Outremont): Je suis d'accord, mais, dans la loi de
1984, la loi... Vous, vous vous référez à votre loi de
1969 qui vous privilégie, trois employés et moins, mais, dans la
loi de 1984, il y a une exception pour 219 pharmacies d'escomptes qui ont plus
de trois employés et qui peuvent être ouvertes en tout temps.
Là, vous nous demandez d'éliminer cette exception-là, mais
de conserver la vôtre. Comment est-ce que c'est équitable,
ça? Parce que j'ai soulevé ce point-là à plusieurs
reprises. Puis on m'a dit: Ah, il n'y a pas de droit acquis puis
l'équité, dans le fond, c'est que tout le monde soit
traité sur le même pied. Moi, j'entends ça de ces
intervenants qui me disent ça.
M. Bouchard: Alain Bouchard. M. le ministre, en 1984, il y a eu
ces exemptions-là, ces 219 pharmacies-là, parce qu'elles
étaient illégales depuis une dizaine d'années. Elles
avaient commencé, elles, malgré la loi, la loi que le
gouvernement n'a jamais fait respecter, à vendre de l'épicerie.
En 1984, lorsqu'il y a eu une remise en question de ladite loi, eh bien, on
était devant un fait accompli et le gouvernement du temps n'a pas mis
son pied à terre. Il a décidé de donner une exemption.
M. Tremblay (Outremont): J'ai compris, mais ce que vous me dites
aujourd'hui, et c'est le seul point que je veux faire, c'est: Ils l'ont dans la
loi. Que ce soit juste ou pas juste, je ne me pose pas la question comme je ne
la pose pas pour vous, mais si vous me dites: Moi, mon exception en 1969, n'y
touchez pas parce qu'elle est dans la loi et j'ai bâti mes commerces sur
une disposition de la loi, comment, en tout équité, puis-je me
retourner et dire aujourd'hui: L'article 5.2, voilà, eux autres l'ont
dans la loi, mais il faut que je l'élimine? C'est ça que j'essaie
de savoir.
M. Bouchard: Alain Bouchard. M. le ministre, vous parlez d'une
chose tout à fait différente. Nous, c'est 100 % de nos ventes
dont vous parlez. Les pharmacies, c'est 2,8 % pour M. Coutu et 1 % pour les
Pharmaprix. C'est totalement différent. Vous parlez de nous fermer tout
simplement, tandis que pour les pharmacies, vous dites qu'elles se conforment
à la règle de trois si elles veulent vendre de l'alimentation ou
qu'elles sortent 2,8 % de leurs ventes de leurs magasins. C'est très
différent.
M. Tremblay (Outremont): Mais 100 % de vos ventes, maintenant,
dans les dépanneurs, peut-être pas les Couche-Tard, je ne le sais
pas, mais dans des dépanneurs, vous vendez, maintenant, autre chose que
de l'alimentation. Ce qu'on entend, les gens viennent nous dire ça, que
ce n'est pas rendu encore des pharmacies d'escomptes, mais que vous avez
élargi grandement. Entre autres, il y en a qui ont des vidéos, il
y en a qui offrent d'autres objets. On nous a même dit, à cette
commission, qu'il y en a qui commencent à vendre des produits
importants, donc à concurrencer. Même si vous avez trois
employés et moins, vous commencez à concurrencer d'autres
commerces qui sont fermés le dimanche.
M. Bouchard: Je vais vous parier de la vraie vie
là-dedans, M. le ministre. Savez-vous ce qu'on a rentré dans nos
magasins depuis quelques années? Des guichets bancaires. Ça nous
donne zéro. Savez-vous ce que ça donne les guichets bancaires
pour une chaîne d'alimentation, des
dépanneurs comme nous? De l'achalandage. On a augmenté nos
ventes de Loto-Québec qui nous donne 5 % de marge brute sur ces ventes,
M. le ministre. On a rentré des comptoirs postaux. Savez-vous ce qu'on
touche pour vendre des timbres? 10 %, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais...
M. Bouchard: Écoutez, on veut faire de la "business", on
veut amener des clients chez nous, on a besoin de ces services-là. On
doit corriger le tir. Nos ventes de cigarettes diminuent avec la consommation,
en général, qui diminue, les ventes de bière stagnent, les
ventes de vin ont plafonné. On est touchés de toute part.
M. Tremblay (Outremont): Mais Jean Coutu, lui, à 1,8 % des
ventes, ce n'est certainement pas là qu'il va chercher sa
rentabilité. Il va chercher son achalandage. Alors, lui, dans la
même chose, il s'est trouvé une forme d'achalandage. Vous, c'est
Loto-Québec, les guichets automatiques. Lui, il s'est dit: Je vais
rentrer 1,8 % d'alimentation. Le seul point que je veux faire, je vous dis que
je suis conscient de la problématique. On veut avoir une loi durable et
quand je pose des questions pour les pharmacies d'escomptes, on semblerait
dire: Bien ça, c'est gros, ce n'est pas grave, elles vont survivre. Vous
autres, les petits, vous dites: J'ai mon exception dans la loi, je veux la
garder. Alors, c'est juste ça le point que j'essaie de faire. Mais je le
comprends votre point de vue. À votre place, je défendrais
exactement ce que vous défendez.
M. Bouchard: M. le ministre, on est nés de
l'exception.
M. Tremblay (Outremont): Bien oui.
M. Bouchard: Les pharmacies d'escomptes ne sont pas nées
de l'exception. C'est une grande différence, ça.
Le Président (M. Bélanger): Elles ont forcé
l'exception, c'est ce que vous voulez dire.
M. Bouchard: Elles ont forcé.
M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est clair, sauf que,
légalement...
M. Bouchard: On n'a pas été illégaux,
jamais, nous, M. le ministre. On a respecté, on a décidé
d'ouvrir un deuxième magasin dans un secteur où on en avait un,
à l'intérieur d'un kilomètre, parce que la règle de
trois était difficile à respecter. Les ventes étaient
suffisantes, alors on a ouvert un deuxième magasin, etc. C'est comme
ça qu'on a bâti notre réseau et que les dépanneurs
ont pris de l'expansion.
M. Tremblay (Outremont): Parfait, et ce que vous nous dites,
c'est que si jamais il y avait la fermeture de tous les commerces le dimanche
et/ou - je mets les deux - la libéralisation des commerces le dimanche,
votre survie économique serait en jeu. J'aimerais vous donner
l'opportunité de déposer, à cette commission, un document
démontrant quantitativement l'affirmation que vous dites.
M. Bouchard: On va vous déposer ça, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci.
Le Président (M. Bélanger): Très bien, je
vous remercie. Je cède la parole à Mme la députée
de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Évidemment,
vous allez me permettre de faire une remarque ou deux au ministre qui, sans
arrêt, revient à la loi de 1984. Sauf que je voudrais juste lui
rappeler que ce n'était pas une obligation dans la loi que de permettre
à des pharmacies d'ouvrir et que le décret qui a
été passé pour permettre à des pharmacies de grande
surface d'ouvrir, donc, d'être légales, ça s'est
passé le 3 juin 1986 et ça a été signé par
le ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque qui s'appelait
Daniel Johnson et qui est membre de son gouvernement. Si le gouvernement croit
qu'il y avait eu une erreur de faite dans la loi, il était toujours
loisible au gouvernement de l'époque de modifier la loi, puisqu'il en
était maintenant le responsable. Le ministre, à chaque fois, dit
ça et il omet toujours de rappeler que c'est son gouvernement qui a
signé les décrets. Que voulez-vous que je vous dise? Il faut
quand même qu'on se dise les choses comme elles se passent.
D'autre part, quand vous dites - et ça me choque un peu de vous
entendre - la loi vous favorise. Vous dites ça...
M. Tremblay (Outremont): M. Bouchard l'admet lui-même, il a
été créé par une exception de la loi. Je n'ai pas
inventé ça, vous l'avez dit.
Mme Marois: Oui, mais, M. le ministre, je trouve, et le point est
assez bien fait par nos invités ce soir, il ne faut pas les
blâmer, eux.
M. Tremblay (Outremont): Non.
Mme Marois: Non, mais le ton que vous utilisiez semblait...
M. Tremblay (Outremont): Je leur permets de faire leur point.
Mme Marois: ...à peu près les mettre sur le
même pied que les gens qui, dans l'illégalité, ont
monté leur commerce et qui, par la suite, se sont fait confirmer dans
leurs activités. C'est tout à fait une situation
différente de celle qui nous est présentée par les gens
qui sont devant nous et qui nous disent: Nous, vous nous avez imposé des
règles, nous nous y sommes conformés, bien sûr, nous sommes
nés en partie à cause de ces règles. Parce que si le
ministre est tant préoccupé qu'il semble l'être par les
besoins des consommateurs et des consommatrices, il va admettre
qu'effectivement il est peut-être utile de pouvoir se dépanner en
alimentaire pendant que l'ensemble des commerces sont fermés, et
c'était ça qu'on a choisi comme voie pour le faire, permettre que
des petits commerces n'ayant pas plus de trois personnes à la fois dans
l'opération du commerce puissent offrir ces
denrées-là.
Cela dit, il y a un certain nombre d'affirmations qui sont faites devant
nous, à savoir que les produits qui sont vendus dans les
dépanneurs sont de l'ordre de 15 % à 20 % plus cher que les
produits que l'on achète dans des grandes surfaces ou ailleurs. Entre
autres, ce matin même, on a eu une démonstration sur un certain
nombre de produits de soins de...
M. Bouchard: L'Adorn de M. Coutu, oui.
Mme Marois: Oui, c'est ça, ce matin.
Particulièrement, d'ailleurs, Adorn, c'était le premier produit,
un shampooing ou un fixatif, qui était sur la liste des produits.
J'aimerais que vous répliquiez à cela, s'il y en a une
réplique; si c'est vrai ou si ce n'est pas le cas.
M. Bouchard: Alain Bouchard. Mme Marois, les produits qu'on vend
dans nos dépanneurs, je voudrais vous disséquer ça un peu.
On vend des chips, beaucoup de chips; les prix sont marqués, ce sont les
mêmes prix pour l'ensemble des marchés d'alimentation,
dépanneurs ou autres. Sauf que nous, on a des promotions
régulières; à chaque période - on a des
périodes de quatre semaines - on a une marque de chips en
spécial. Pour le lait, il y a des réseaux de dépanneurs,
il y a un réseau de dépanneurs au Québec qui vend son lait
moins cher que n'importe qui au Québec. Ça dépend, c'est
leur politique à eux. Nous, dans certains marchés, on vend notre
lait au prix minimum, dans d'autres marchés, au prix moyen et, dans
d'autres marchés, au prix maximum. C'est une question de
compétition. La bière et le vin représentent 30 % de nos
ventes. La bière est vendue dans nos magasins et dans les grandes
surfaces, les supermarchés.
Mme Marois: C'est 30 % de vos... M. Bouchard: Oui. Mme
Marois: D'accord.
M. Bouchard: La bière, on a un prix recommandé et
la grande majorité des marchands suivent ce prix-là, sauf que,
lorsque vous avez un prix coupé sur la bière, c'est dans le
dépanneur, ce n'est pas dans les supermarchés que vous allez
avoir une bière à prix coupé. C'est un embarras pour eux;
ils ne sont pas structurés pour faire des ventes de bière; c'est
nous qui la vendons. Je vous concède que sur le vin on peut avoir un 4 %
ou 5 % de plus cher, encore là, dépendamment des régions.
On vit avec la compétition également. Les cigarettes, eh bien,
grosse compétition dans les cigarettes. On est "rock bottom" dans nos
marges bénéficiaires. On coupe le prix très souvent. Les
garages en vendent, des cigarettes depuis quelques années. Là, je
viens de parier de 80 % de nos ventes. Il nous reste 20 % qui viennent de la
liqueur. On a toujours des produits en vente également, une marque en
spécial, nos promotions aux quatre semaines. Les revues. Les revues, ce
n'est pas nous qui faisons les prix, le prix intégré. Il n'y a
jamais de revues nulle part en spécial. (21 heures)
Je viens de faire le tour de l'ensemble des produits, sauf
Loto-Québec et quelques autres produits que nous vendons. Le panier du
consommateur qui est pris pour faire la statistique de Statistique Canada, ils
vont au supermarché. Ils prennent un panier d'épicerie moyen. Ils
vont au dépanneur et ils prennent certains produits et ils font une
comparaison. C'est impossible d'arriver avec ces prix-là, parce que,
dans l'épicerie, les supermarchés sont en vente à toutes
les semaines. Nous, on n'est pas en vente dans l'épicerie. On vend au
prix régulier, sensiblement au même prix que les
supermarchés, sauf que quand on compare avec un prix...
On a eu un supermarché. Moi, personnellement, j'ai
possédé un marché Métro et on vendait certains
produits en bas du prix coûtant.
Mme Marois: Ce qu'on appelle et ce que j'essayais d'expliquer ce
matin à M. Coutu.. Il y avait certains "lost leaders" qui permettaient
d'attirer une clientèle et, donc, de créer un achalandage. Je
pense qu'il ne faut pas être grand devin en commerce.
M. Bouchard: Juste pour finir, notre marge
bénéficiaire est de 25 %. M. Coutu parlait de 23 % dans ses
pharmacies. Écoutez, on n'invente rien.
Mme Marois: Votre marge bénéficiaire moyenne, c'est
ça.
M. Bouchard: Notre marge bénéficiaire moyenne de
l'ensemble du réseau. C'est dans les mêmes proportions que la
marge de M. Coutu.
Mme Marois: Donc, d'affirmer qu'il y a une
différence de l'ordre de 15 % à 20 %, parce que c'est une
autre des remarques qui nous est faite par certains groupes qui viennent
là, qui viennent devant nous. C'est de nous dire: On oblige des
consommateurs et des consommatrices à aller faire toutes leurs grosses
commandes - pour parler en bon québécois - au dépanneur.
Et comme ils sont obligés de faire leurs grosses commandes au
dépanneur, parce qu'ils n'ont pas assez des six autres jours ni des deux
soirs ouverts dans la semaine, ils paient de 15 % à 20 % plus cher,
parce qu'ils vont chez le dépanneur. Est-ce qu'il y en a beaucoup qui
font leurs grosses commandes chez vous?
M. Bouchard: II n'y en a pas, Mme Marois. On n'est pas là
pour répondre à ce genre de demandes-là. Les gens ne font
pas leur épicerie dans nos magasins. On n'a pas l'assortiment, on n'a
pas les spéciaux, on n'a pas les "lost leaders". Puis on a trois
employés maximum. Ce n'est pas facile de servir pour des grosses
commandes.
Mme Marois: Vouliez-vous ajouter quelque chose, M. Alepin?
M. Alepin: Non, je veux juste attirer l'attention du
président, il pourrait rajouter que l'achat moyen des gens dans un
dépanneur, c'est une donnée que demandait, je pense, l'un des
députés.
Mme Marois: Tout à l'heure, oui.
M. Bouchard: C'est 3 $.
Mme Marois: L'achat moyen chez vous?
M. Bouchard: L'achat moyen.
Mme Marois: C'est intéressant, ça. C'est 3 $?
M. Bouchard: 3 $.
Mme Marois: Donc, on y va vraiment pour se dépanner.
M. Bouchard: C'est un commerce...
Mme Marois: On va acheter un pain, du lait, une pomme de laitue,
parfois, emballée et tout. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de
temps? Oui?
Le Président (M. Bélanger): Une minute, le temps
d'une question.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Vous avez
abordé la question des travailleurs et des travailleuses. Je pense que
c'est Me Alepin qui l'a abordée dans son intervention. Et vous avez
dit... peut-être que mon collègue pourra éventuellement
répondre un petit peu plus loin. J'aimerais ça que vous m'en
parliez, parce que ça revient souvent. J'ai beaucoup aimé ce
matin, d'ailleurs, que, très franchement, l'un de ceux qui défend
l'ouverture des commerces sur une plus grande échelle le dimanche dise:
Bon bien, oui. On va convenir que les gens ne veulent pas travailler. Je veux
que vous me parliez du fait que vous avez ou non des difficultés
à recruter du personnel les fins semaines et particulièrement le
dimanche.
On nous dit aussi: Écoutez, ce n'est pas grave. Il y en a
toujours. Il y a des étudiants et des étudiantes qui veulent...
C'est vrai qu'ils ont souvent besoin aussi... et qui veulent et qui sont
prêts. Donc, c'est quand même un problème... certains nous
disent marginal. Pouvez-vous m'en parler, puisqu'il y en a quand même un
bon nombre de dépanneurs chez vous. Vous ouvrez. Donc, vous l'avez,
l'expérience de la fin de semaine, du samedi et du dimanche.
M. Bouchard: Alain Bouchard. Oui, Mme Marois. Certainement qu'on
l'a, l'expérience de l'embauche d'étudiants ou de gens à
temps régulier pour le dimanche. Ça a toujours été
une période difficile à combler. M. Coutu l'a avoué ce
matin et j'ai trouvé qu'il avait été fair-play dans son
commentaire là-dessus. En connaissez-vous des gens qui veulent
travailler le dimanche? C'est évident que ça fait partie . de nos
conditions de travail. On embauche des étudiants. Les étudiants
veulent travailler; c'est certainement notre plus gros bassin
d'employés. On prend nos employés parmi les étudiants pour
le temps partiel, mais on doit conjuguer avec eux et nos étudiants les
plus expérimentés, ou qui ont le plus d'ancienneté
à l'intérieur d'un magasin, demandent à faire des "shifts"
de soir.
Mme Marois: Plutôt que la fin de semaine?
M. Bouchard: À la limite, ils préfèrent
faire des "shifts" de nuit, lorsque c'est un magasin ouvert 24 heures,
plutôt que de travailler le dimanche. Ce n'est pas nous qui l'inventons,
je crois que ça va de soi, de trouver du personnel le dimanche, c'est
très difficile et on voit ça encore plus difficile
évidemment si on a de la concurrence à ce niveau-là.
Mme Marois: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
remerciez nos invités.
Mme Marois: Nous avons déjà terminé. Je
voudrais vous mentionner et en même temps mentionner au ministre, qui
sûrement m'entend...
M. Tremblay (Outremont): Oui, j'entends bien.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: ...que les dépanneurs sont aussi
défavorisés par la loi, puisque eux sont limités à
trois employés, alors qu'un certain nombre d'autres commerçants
n'ont aucune limite à cet égard-là. Alors,
défavorisés pour défavorisés, j'imagine que parfois
ça doit finir par se comparer.
Cela dit, vous le savez, je n'ai pas besoin de le répéter
très longuement, je partage pour l'essentiel votre point de vue, les
contraintes que vous soulevez et j'espère que ce point de vue sera
entendu du gouvernement. Je vous remercie de la contribution que vous apportez
à nos travaux.
M. Bouchard: Merci, Mme Marois.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Avant de terminer, j'aimerais juste
revenir sur un point parce que fondamentalement, que/le que soit la
décision, il va falloir avoir une loi équitable. En 1969, les
pharmacies qui vendaient des denrées alimentaires, qui opéraient
indépendamment du nombre d'employés, avaient le droit
d'opérer, mais les établissements commerciaux ne pouvaient
être liés les uns aux autres en association. Si je comprends bien,
ça veut dire que ce qui s'est passé en 1984, parce que j'essaie
d'éclaircir ça, ils ont enlevé l'exception de "lié
et associé" pour faire l'exception pour les 219 pharmacies. C'est ma
compréhension. Je voulais juste au moins mentionner ça. Vos
dépanneurs, c'est une compagnie publique Alimentation Couche-Tard,
hein?
M. Bouchard: Oui, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): C'est la propriété de la
compagnie publique.
M. Bouchard: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Juste une dernière chose: vous
avez bien mentionné, pour être certain que j'ai bien compris, que
20 % de vos ventes c'est l'alimentation.
M. Bouchard: Je veux juste faire un point. L'alimentation,
environ 18 %. Pour ce qui est de la compagnie publique, Alimentation
Couche-Tard est un franchiseur listé à la Bourse.
M. Tremblay (Outremont): Donc ce sont des franchisés.
M. Bouchard: Mais ce sont des marchands indépendants et
affiliés qui sont dans le...
M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est parfait.
C'est ce que je pensais.
Mme Marois: Ils achètent une franchise Couche-Tard.
Le Président (M. Bélanger): Je vais vous
interrompre, tout le monde, puisque...
M. Bouchard: On nous avait accordé...
Le Président (M. Bélanger): ..il est 21 h 10 et
nous avons un autre invité.
M. Bouchard: Ah bon! On nous avait accordé un peu plus
longtemps.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, parce que
M. le ministre et Mme la députée de Taillon ont un débat
en Chambre avant 22 heures.
M. Tremblay (Outremont): Encore de la faute de l'Opposition.
Mme Marois: Si le ministre répondait à mes
questions en Chambre, il n'y aurait pas de débat. Comme il ne
répond pas, je vais aller les reposer ce soir en Chambre.
Le Président (M. Bélanger): Alors, pour que vous
puissiez reposer vos questions et pour mettre fin à cette
chose-là, il y a un autre invité aussi que nous recevons et
à qui nous devons au moins le minimum de respect, c'est-à-dire le
temps qu'on lui avait consenti.
Je vous remercie de votre participation à nos travaux et j'invite
la fruiterie Dumont à se présenter à la table des
témoins, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun
de bien vouloir reprendre sa place. S'il vous plaît! À l'ordre! Je
demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place.
Je demanderais à M. le ministre et à Mme la
députée de Taillon de reprendre leur place, de ne pas faire
indirectement ce qu'on ne pouvait pas faire directement. Nous avons un
invité qui nous attend, s'il vous plaît, s'il vous
plaît!
Alors, nous recevons le représentant de la fruiterie Dumont, M.
Dominique Continelli. M. Continelli, si vous voulez prendre place à la
table. Vous avez dix minutes au maximum pour présenter votre
mémoire et il y aura une période d'échanges avec les
parlementaires. Je vous prierais donc de procéder, s'il vous
plaît.
Fruiterie Dumont
M. Continelli (Dominique): Merci. Bonsoir, M. le ministre et les
membres de la commission.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
On écoute notre invité, s'il vous plaît.
M. Continelli: J'ai soumis, ce soir, un deuxième
exposé parce que d'après ce que j'ai entendu, ce que j'ai lu dans
les journaux à date, je ne voulais quand même pas
répéter les mêmes choses. Dans l'exposé de ce soir,
j'ai changé un petit peu mon approche et ce sont vraiment des faits
vécus. C'est ce que je ressens, d'accord?
J'ai lu les mémoires des différents organismes depuis le
début de cette commission parlementaire sur les heures d'ouverture des
établissements commerciaux. Les syndicats qui sont contre disent qu'ils
veulent protéger la qualité de vie des travailleurs.
L'Association des consommateurs donne son appui en disant que l'ouverture, le
dimanche, répondrait véritablement aux intérêts des
consommateurs. Les grosses chaînes de magasins en alimentation veulent
ouvrir parce qu'elles se voient défavorisées étant
donné que les fruiteries, les dépanneurs et les
pharmacies-escomptes leur enlèvent une part du marché.
Moi, je travaille dans une fruiterie depuis l'âge de douze ans,
sept jours par semaine. Je ne fais pas partie d'une association ou d'un
regroupement. Je ne suis pas un diplômé universitaire, donc, je
suis un petit peu nerveux. Je crois que je représente quand même
la majorité silencieuse qui oeuvre dans le domaine de l'alimentation,
plus précisément dans les fruiteries depuis de nombreuses
années.
Mes fruiteries sont le résultat de deux
générations, de beaucoup d'heures de travail, de périodes
de misère, mais aussi quand même de bons souvenirs. Le
métier de fruitier est vraiment une spécialité et
seulement les fruitiers qui connaissent bien leur métier peuvent
réussir. Ce métier, je l'ai choisi tout jeune et je savais,
à cette époque, que la réussite représentait sept
jours de travail par semaine, mais c'est ce que je voulais faire. Nous
travaillons sept jours par semaine parce que c'est nécessaire pour
offrir une qualité supérieure.
Vous, messieurs et madame de la commission, travaillez ce soir.
Pourquoi? Parce que c'est nécessaire pour accomplir ce que vous avez
entrepris. Personne ne vous a tordu le bras, ça a été
votre choix. M. le ministre, ça vous arrive souvent d'assister à
différents événements le dimanche. Pourquoi? Parce que
c'est vous qui avez choisi d'en faire votre vie. Pour réussir en
politique, vous deviez vous impliquer dans vos circonscriptions et aussi
être présents. Pour réussir dans les fruits et
légumes, ça prend une attention particulière, des soins
constants pour assurer aux fruits et légumes le maximum de
fraîcheur et de saveur. C'est notre métier et nous sommes fiers de
les présenter sur les étalages.
Aujourd'hui, les fruits et légumes se conservent bien dans les
chambres froides, mais plus ils y restent, plus ils perdent de leur saveur. Les
magasins d'alimentation spécialisés, les fruiteries, les
charcuteries, les pâtisseries et boulangeries qui réussissent
travaillent sept jours par semaine. Ils sont des dizaines de mille
commerçants qui sont fiers de leur métier en vendant des produits
d'une fraîcheur et d'une saveur recherchées. Les fruits et
légumes, ce n'est pas du papier de toilette qu'on s'assure d'avoir
toujours en réserve.
C'est vrai que les Québécois, aujourd'hui, sont beaucoup
plus conscients de l'importance de leur diète quotidienne et que les
fruits et légumes y sont de plus en plus importants, mais c'est aussi un
goût qui leur vient en prenant une marche un soir d'été
après le souper, c'est un beau dimanche matin où on décide
d'arrêter pour acheter quelques fruits, légumes, charcuteries, du
fromage et un bon pain pour passer la journée en famille en pique-nique.
La qualité de vie, c'est quoi? C'est justement ce dont je parle. Le
même client est beaucoup plus agréable à servir le
dimanche. Il n'est pas pressé et ses achats sont réfléchis
alors que les soirs de semaine, à 17 h 30, après le travail, les
mères de famille sont pressées car elles ont d'autres obligations
qui les attendent. Donc, ce sont des clients moins agréables à
servir et avec raison. (21 h 15)
Personne, à date, je crois, n'est venu défendre ces
spécialistes en alimentation. Ce n'est pas de nous qu'on entend parler
souvent dans les journaux, mais je crois que ces dizaines de mille
commerçants apportent beaucoup à notre société. Ce
ne sont pas tous des petits commerces de moins de trois employés. Mais
je me souviens quand je travaillais seulement avec mon père et ma
mère et nous opérions la petite fruiterie du quartier. Suite
à beaucoup d'heures de travail et le désir de réussir,
aujourd'hui j'ai deux fruiteries de grande surface, modernes, qui conservent
toujours quand même le cachet, l'accueil et les petites attentions
particulières qui en ont fait une réussite. J'emploie environ
quinze personnes à temps plein et environ une vingtaine
d'étudiants les fins de semaine. Et maintenant, parce que j'ai
réussi, je dois fermer le dimanche.
Les investissements dans les fruiteries sont importants et ont
été faits en figurant l'ouverture sept jours par semaine. Si on
m'oblige à couper 20 % de mes recettes, est-ce qu'on va me
réduire de 20 % mon loyer, mes taxes d'affaires ainsi qu'un prêt
bancaire? Sûrement non. Je ne crois pas pouvoir rester ouvert du tout et
je crois que ma situation n'est pas unique. Si on est occupés le
dimanche, c'est parce que la demande est là. Ce n'est pas une
présomption. Ça fait 26 ans que j'ouvre le dimanche, 47 ans si
j'inclus les années de mon père avant moi. Donc, je crois que
c'est à la population du Québec de décider quand elle veut
travailler et quand elle veut manger. Les gens sont assez intelligents pour
décider eux-mêmes. Laissez les commerces aller à leur
propre guise, éliminez ces restrictions qui empêchent les gens de
travailler ou de magasiner s'ils le veulent. Les cultivateurs,
pompiers, policiers, chauffeurs d'autobus ou de taxi, les
employés de restaurant et d'hôpitaux, de parcs d'amusement et de
cinéma, etc., travaillent le dimanche, soit par nécessité
ou soit de leur métier.
Les commerçants devraient être libres d'ouvrir ou pas. Si
un commerçant a décidé d'ouvrir le dimanche et que
ça ne marche pas, soit qu'il n'attire pas suffisamment de clients ou
qu'il ne peut offrir à ses employés des conditions de travail
acceptables, il ne restera pas ouvert. Croyez-vous vraiment que ceux qui vont
à l'église le dimanche vont cesser d'y aller? Croyez-vous que les
journées de ski ou de plage pour la famille vont être
oubliées pour aller magasiner? Laissez les gens décider
eux-mêmes. Vous cherchez à créer des emplois, voici
l'opportunité. N'allez surtout pas éliminer les milliers
d'emplois de fins de semaine qui existent déjà pour de nombreux
étudiants.
Le Président (M. Bélanger): Merci, monsieur. Alors,
je cède la parole au député de Drummond.
M. St-Roch: M. Continelli, bienvenue aux travaux de notre
commission.
M. Continelli: Merci.
M. St-Roch: J'aimerais que vous me parliez brièvement...
Vous êtes réellement, de père en fils, si on peut dire,
dans le commerce.
M. Continelli: C'est ça, oui.
M. St-Roch: Est-ce que c'est possible d'opérer une
fruiterie avec trois employés?
M. Continelli: C'était possible alors que la
fruiterie...
M. St-Roch: Je parle aujourd'hui.
M. Continelli: Aujourd'hui, ce serait possible mais il faudrait
retourner en arrière. Ça a pris de l'ampleur parce que le besoin
est là. Je veux dire, on a grossi parce que la clientèle a
grossi, la demande est devenue de plus en plus forte. On a agrandi notre
magasin, on a agrandi notre surface. Aujourd'hui, c'est sûr que je ne
peux pas fonctionner avec trois employés. J'en ai une quarantaine
d'employés, en comptant les temps partiel et les temps plein. Parce que
j'ai réussi à grossir mon commerce, bien là, on me dit:
Écoutez, il faut fermer les portes. D'après moi, ça n'a
pas d'allure. Ça empêche l'expansion. Ça empêche les
gens d'avoir un peu d'ambition. Ça ne tient pas debout.
On a commencé avec trois. On était, comme je dis, moi, ma
mère et mon père. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Si
c'était resté comme ça, ça aurait été
bien. Aujourd'hui, on ne m'achalerait pas, c'est sûr. J'aurais mon petit
magasin de fruits que j'avais autrefois. Mais j'avais de l'ambition un peu plus
que ça et ça a donné ce que ça a donné.
Aujourd'hui, j'emploie une quarantaine de personnes.
M. St-Roch: Quand vous regardez, vous comparez dans le temps une
fruiterie, lorsque vous étiez avec votre père et votre
mère et aujourd'hui, qu'est-ce qui a changé? Est-ce la gamme de
produits ou les services qui sont différents?
M. Continelli: Les produits ont changé sûrement. Il
y a beaucoup plus de choses disponibles à l'année. Autrefois, on
n'avait pas les moyens de transport. Aujourd'hui, on a les fruits pas mal tout
l'hiver qui parviennent du Chili, de l'Europe. Ils viennent par avion, ainsi de
suite. Mais je me souviens quand même des années où on
achetait des poches de glace pour conserver nos fruits et légumes parce
qu'on n'avait pas les moyens d'avoir la réfrigération qu'on a
aujourd'hui. C'est quand même bien, c'est parfait.
Mais comme je dis, je pense qu'on y tient à coeur. La
qualité, pour nous, c'est important. Un fruit, un légume ou
quelque chose, faites-en l'expérience. Mettez une tomate dans le
frigidaire pendant une semaine et mettez-en une autre sur votre comptoir de
cuisine et mangez les deux au bout d'une semaine. Celle qui a été
au frigidaire, elle va être mangeable. Mais celle qui était sur
votre comptoir, à la température de la pièce, elle va
avoir beaucoup plus de saveur. C'est sûr qu'aujourd'hui, on a
l'équipement nécessaire pour conserver mais est-ce qu'on va
pouvoir vous offrir la même qualité? Sûrement qu'on ne
pourrait pas, ça ne se fait pas.
M. St-Roch: Ma dernière question, M. Continelli. Cet
après-midi lorsqu'on a eu l'Association des fruiteries, on nous a dit
qu'une petite fruiterie, ce qu'on nous a présenté, c'était
une fruiterie qui avait les fruits et légumes, un comptoir qui avait du
fromage, quelques-unes avaient un peu de charcuterie, puis un petit
échantillonnage de pain ou de baguette de pain qui allait avec
ça. Tout cet ensemble représentait à peu près 90 %
en produits périssables. Est-ce que ça décrit bien le type
de commerce que vous exploitez?
M. Contineili: Oui. C'est le même type sûrement.
Parce qu'en fait d'épicerie ou d'article, on ne tient pas grand-chose.
Ce n'est pas dans notre intérêt. On a une clientèle, je
pense, un peu plus sélective. Nous, nous n'avons pas peur des
supermarchés. Qu'ils ouvrent le dimanche, ça ne me dérange
pas du tout. Parce que le client qui vient chez nous, il cherche une
qualité. Il vient chez nous parce qu'on se spécialise dans ce
qu'on vend. On est aussi occupés le samedi que le dimanche. Le dimanche,
c'est une bonne journée, mais le samedi on est encore plus
occupés. Les Steinberg, les Métro, les Richelieu sont
ouverts, ça ne nous empêche pas de vivre. Mais de me couper mon
dimanche, ça me ferait du tort sûrement. Parce que maintenant,
ça coûte cher à opérer. C'est quand même 1 %
de nos chiffres d'affaires.
M. St-Roch: M. le président a été
excessivement généreux avec moi. J'aurais une dernière
question. Ce qu'on regarde, un des objectifs que vous avez dans le
mémoire c'est d'essayer d'avoir une loi qui va être le plus
durable possible dans le temps. À votre idée à vous,
quelle serait l'évolution d'une fruiterie si vous essayiez de projeter
les cinq à dix prochaines années? Où est ce que ça
va évoluer la fruiterie? Vers quel type de services ou de
produits?
M. Continelli: C'est difficile de répondre. La fruiterie,
comme je vous dis, c'est un service spécialisé. C'est de
même que je le vois. Et on va passer à travers de tout ce qui peut
nous venir parce qu'on offre une qualité et on offre un service
personnalisé. L'ère des supermarchés étaient
beaucoup plus forte il y a, je ne sais pas... Il y a dix, quinze ans le
supermarché, le Steinberg, c'était vraiment le mode de vie. Si
vous remarquez, même ces magasins-là ont changé
complètement leur style. Ils deviennent plus spécialisés,
boutiques. On entre dans un Steinberg, on voit les fruits et légumes, on
voit... Ils réalisent que les Québécois ont pris un
différent style pour faire leurs emplettes. Ils deviennent plus dans le
style européens où ils vont chercher leurs petites choses dans
chacun des magasins. C'est pour ça que les supermarchés ont perdu
un peu leur part du marché. On les entend brailler. Comme je dis, ils
peuvent bien ouvrir, le dimanche, je sais bien que ça ne me fera pas du
tort. Mes deux magasins sont situés tout près des Steinberg avec
le but que ça crée pour moi un achalandage, dont je n'ai pas
peur, parce que je sais qu'en ayant un Steinberg tout près, ça
crée l'achalandage dont moi j'ai besoin, parce que le client vient chez
nous, il n'achète pas ses fruits et légumes chez Steinberg, c'est
vrai. Pour bien des raisons...
M. St-Roch: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford. Ça va? Bien. M. le député
de l'Acadie.
M. Bordeleau: Juste une question. Vous étiez ici lors de
la présentation du groupe précédent. On nous a
mentionné que c'était difficile de trouver des gens qui
étaient prêts à travailler les fins de semaine. J'aimerais
avoir vos commentaires sur votre expérience à vous.
M. Continelli: Moi, j'ai 40 employés. J'ai seulement deux
fruiteries. Mes employés, je pense qu'ils sont peut-être mieux
traites, je ne sais pas. Chez nous, comme j'ai dit j'ai 40 employés, ils
ont quand même des assurances-groupe, ils ont des soins dentaires et tout
ça. Je me dis que ces gens, ce ne sont pas des esclaves et si je veux
les garder à travailler pour moi, il faut que je leur crée des
conditions de travail qui sont acceptables. D'abord, ils vont aller travailler
dans les grosses chaînes, ils vont aller travailler ailleurs. Si les
dépanneurs ne sont pas capables de créer des conditions
acceptables pour leurs employés, c'est leur problème. Parce que
je n'ai pas de trouble à avoir des gens le dimanche. J'ai plein
d'étudiants de cégeps et ainsi de suite, ce sont des petites
filles, des garçons quand même assez intelligents. Ce sont des
employés modèles souvent. La seule chose qui est triste, c'est
qu'ils ne restent jamais très très longtemps. Ils font un an ou
deux, ensuite c'est sûr qu'ils poursuivent des études, donc ils
s'en vont dans leur propre carrière. Mais on trouve toujours à
les remplacer. Je ne vois pas le problème vraiment. Je sais que moi, je
n'en ai pas. Comme je vous dis quand même, pour une petite fruiterie, on
offre beaucoup d'avantages que d'autres n'offrent pas. Mais j'aime garder mes
employés. C'est aussi simple que ça.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci,
M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue au nom de
ma formation politique. Je voulais vous dire qu'il ne faut pas vous excuser de
ne pas être un diplômé universitaire, parce que ça ne
donne pas nécessairement du gros bon sens et c'est sûrement la
base d'un fonctionnement dans une société.
M. Continelii: Mon français, je l'ai appris sur la rue,
ça fait qu'il n'est pas nécessairement...
Mme Marois: C'est correct. En autant qu'on réussit
à pouvoir échanger et se comprendre, c'est bien là
l'essentiel. Cela étant dit, dans vos fruiteries, est-ce que vous ne
vendez que du produit de fruits et légumes?
M. Continelli: Non, mais je dirais...
Mme Marois: En pourcentage, qu'est-ce que ça
représente, les autres denrées, et de quelles denrées
s'agit-ll?
M. Continelli: Les fruits et légumes, c'est 60 %,
définitivement.
Mme Marois: D'accord.
M. Continelli: Puis je dirais que les autres 30 %, ce sont nos
produits de boulangerie, de charcuterie et de fromage. Les autres 10 %, ce sont
des petites "canneries", des choses comme
ça, qu'on cache en haut et en dessous des comptoirs. On n'est
même pas intéressés à en vendre, parce que ce n'est
pas notre spécialité. C'est dans ces petites choses-là
qu'on devient un petit peu style dépanneur. Si on a besoin d'une "canne"
de pois, bien, on en a, mais ce n'est pas ce qu'on cherche à vendre.
Mme Marois: D'accord. Il y a une question que j'ai oublié
de poser quand les fruiteries sont venues cet après-midi, mais comme
vous avez quand même deux fruiteries assez importantes, j'imagine que
vous devez assez bien représenter aussi ce type de marché. Votre
approvisionnement, quelle est la proportion d'approvisionnement en produits
locaux versus les produits achetés à l'étranger, aux
États-Unis, en Californie, dans d'autres pays, finalement?
M. Continelli: C'est saisonnier, ça fait que c'est quand
même assez... Mais il faut dire que dès que les produits du
Québec sortent, dans tout ce qui est disponible du Québec,
ça devient, à ce moment-là, 100 % de nos achats;
ça, c'est certain. Il y a la qualité, il y a le goût,
toutes ces choses-là. Nous, étant donné que c'est plus
petit, on peut se permettre d'en avoir, parce qu'on les manipule un peu plus
avec soin. Je sais que les chaînes de magasins, souvent, s'il y a des
tomates du Québec sur le marché et qu'ils peuvent en acheter de
la Floride, ils vont acheter de la Floride, parce que c'est tout de suite dans
des entrepôts, c'est manipulé, c'est pas tout à fait la
même chose. Mais nous, on se soucie beaucoup de la qualité qu'on
va offrir. Quand on fait nos achats, on achète nos choses comme si on
allait les manger et non pas juste les mettre sur des tablettes. Parce que nos
clients, on les connaît tous puis on n'est pas gênés de
dire, à certains députés qui viennent faire leurs
commissions le dimanche qui disent: Vos tomates sont-elles bonnes? Oui, elles
sont bonnes. C'est tout. Ou bien, on va leur dire honnêtement: Elles ne
sont pas fameuses de ce temps-ci, mais il n'y pas d'autre chose. O.K? C'est ce
style de clientèle qu'on a.
Mme Marois: D'accord. Donc, vous dites: En produits saisonniers,
lorsque le produit est disponible au Québec, qu'on prenne la tomate ou
la laitue...
M. Continelli: Tout. Tous les légumes.
Mme Marois: ...tous les légumes auxquels on songe
habituellement, vous vous approvisionnez à 100 % au Québec.
M. Continelli: Oui.
Mme Marois: C'est lorsque c'est non disponible sur la
marché que vous allez vers l'extérieur.
M. Continelli: On achète de l'importation.
Mme Marois: D'accord. Quelle est la proportion dans tout
ça de produits, sur une année, qui viennent de l'extérieur
versus les produits qui sont fournis par des entreprises
québécoises ou des producteurs québécois?
M. Continelli: Je dirais qu'on peut vendre facilement 40 % de
fruits et légumes du Québec, si on regarde sur l'échelle
d'une année, parce que...
Mme Marois: C'est ça, sur une année, oui. C'est
ça, un peu, que je veux avoir.
M. Continelli: ...même si la saison est plus courte, c'est
la période où on en vend le plus, parce que la laitue, les radis,
les échalotes, ainsi de suite, c'est à partir des mois de juin,
juillet où on en vend le plus. L'hiver, on en vend, mais c'est sûr
que les gens sont moins portés à consommer ce type de
légume que quand il fait très chaud l'été.
Ça fait que je pourrais facilement dire que ça peut aller
à 40 %, les légumes qu'on vend vraiment, à
l'année.
Mme Marois: D'accord. Il y a une autre question que j'avais, je
suis en train de la perdre; il faut dire que c'est la fin de la soirée,
on a comme des journées un peu longues. Il y a un collègue d'en
face qui vous la posait tout à l'heure un petit peu la question. Dans
une perspective d'équité que le ministre recherche et que nous
recherchons aussi, une des hypothèses, c'est qu'on dise: L'ouverture
sera permise pour les commerces qui ont trois employés et moins en tout
temps, eux pourront ouvrir le dimanche et certains soirs de la semaine ou en
tout temps, même, et les autres devront se conformer. Si cette
règle vous était imposée, ça impliquerait...
Évidemment, vous ne réduirez pas votre fruiterie, mais j'imagine
que vous seriez amenés à réduire le nombre d'heures
d'ouverture. Tout en réduisant le nombre d'heures d'ouverture, si
d'autres magasins à côté se voient appliquer les
mêmes règles que l'on vous applique à vous, à tous
égards, donc, ce qui veut dire le dépanneur, ça
réduirait l'activité de type commercial alimentaire aux
dépanneurs en dehors des heures normales, est-ce que vous évaluez
- je sais que c'est une question difficile que je vous pose - que vous pourriez
continuer à opérer avec une marge de profits vous permettant de
demeurer en affaires?
M. Continelli: Ce serait très difficile.
Honnêtement, ce serait difficile, parce que je connais ma situation
actuelle. Ces commerces-là, je les bâtis. Mais il y a beaucoup de
prêts qui sont attachés à ça puis ainsi de suite.
Puis me couper 20 %, ce serait très difficile pour moi de rester ouvert.
Parce que j'en parle un petit peu...
Je ne sais pas si...
Mme Marois: Oui, je l'ai lu au complet, votre papier.
M. Continelli: Les fruits et légumes, c'est vraiment
quelque chose, c'est vrai que ça fait partie de notre diète.
Mais, d'un autre côté, c'est quelque chose souvent qu'on se laisse
tenter. Le dimanche, si on s'en va en pique-nique, justement, bien, on aurait
le goût de manger des fruits, bien, on va arrêter à la
fruiterie. Ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on tient
régulièrement dans notre réfrigérateur, à
part les pommes, les poires. C'est quelque chose... on se laisse tenter. On
ouvre les soirs. On n'a pas le droit l'été mais, ça ne
fait rien, on ouvre pareil. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Continelli: À partir du mois de juin. On fait ça
en juin, juillet et août, puis les soirées, de 18 h 30 à 20
h 30, sont quand même assez occupées, parce que les gens,
après qu'ils ont fait leur journée d'ouvrage puis après
qu'ils ont eu le temps d'aller puis ainsi de suite, ils se promènent les
soirées d'été puis ils arrêtent à la
fruiterie pour ramasser soit des fraises, framboises, des cerises, des
pêches, quelque chose qu'ils auraient le goût de manger, parce que
c'est rafraîchissant. Alors, c'est pour ça que je dis que si on
n'est pas ouvert, on élimine le goût, point. Je veux dire, ce
n'est pas...
Mme Marois: Dans le fond, ce que vous me dites, c'est que c'est
une comsommation. Parce qu'une des discussions qu'on a, évidemment,
c'est qu'on dit: On est dans l'alimentation, dans un marché
saturé, en termes de volume général d'achat par les
consommateurs, un marché à maturité. Le terme est plus
juste. Il y a toujours une possibilité de croissance au rythme où
croît la population, mais on est dans un régime à
maturité. Donc, l'hypothèse, c'est de dire que, peu importe si on
ouvre des plages plus grandes, comme les gens ne mangeront pas plus, on dit que
ça va répartir tout simplement les achats sur une période
différente et chez des vendeurs différents.
Mais, vous, vous dites: II y a une partie de la consommation qui ne
serait pas reportée à d'autres jours de la semaine dans votre
spécialité.
M. Continelli: Non, ça ne se peut quasiment pas. Je pense
que, vous même, par expérience à y penser, sûrement
qu'un goût de fruits et légumes, ça vous prend une
journée de temps en temps, une belle journée. Ce n'est pas tout
à fait la même chose. Même de la charcuterie ou un fromage.
On en tient, c'est vrai, à la maison. Mais ce sont quand même des
choses, surtout suite à une sortie ou à une réception, on
prend le goût puis on veut acheter. Ça ne fait pas partie de notre
liste, comme je le mentionne, la liste de Scott Towels, de ci et de ça
qu'on achète parce qu'on en a vraiment besoin. C'est sûr que
ça, ça ne changerait probablement pas, comme vous dites. Ils se
partageraient d'un magasin à l'autre. Mais, nous, on se considère
vraiment à part d'eux, parce que ce n'est pas du tout le même
genre de commerce qu'on fait.
Mme Marois: D'accord. Alors, je vous remercie de votre
contribution à nos travaux. Pour moi, j'ai posé les questions que
je souhaitais poser. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre,
si vous voulez remercier nos invités.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Je voudrais vous remercier puis
surtout vous féliciter, M. Continelli. Je sais que ce n'est pas facile
de venir devant une commission parlementaire.
M. Continelli: Non!
M. Tremblay (Outremont): Surtout seul puis je le sens. Puis
surtout quand vous vous sentez menacé à cause... Alors, dans ce
sens-là, je veux vous féliciter et vous remercier et on va
prendre en considération vos représentations dans la
décision que nous allons avoir à prendre. Je vous remercie
beaucoup, M. Continelli.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie M. Continelli de la fruiterie Dumont.
On vous souhaite un bon retour. Nous ajournons nos travaux à demain 9
heures, dans la même salle, s'il vous plaît.
(Fin de la séance à 21 h 35)