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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 15 mars 1990 - Vol. 31 N° 18

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Bélanger): À l'ordre! Je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place. À ceux qui sont debout a l'arrière, malheureusement, pour des raisons de sécurité, on ne peut pas accepter qu'il y ait des gens debout. Alors, on va essayer de vous procurer des chaises, mais s'il y en a de libres dans la salle, s'il vous plaît, je vous prierais de les utiliser. On va essayer d'en faire entrer d'autres. Les règles ici, c'est qu'on ne doit malheureusement accepter personne debout et je ne peux pas vous donner accès aux côtés ici, c'est réservé au personnel parlementaire.

S'il y en avait un qui pouvait faire le placier, comme à l'église dans le temps, ça irait bien. Nous allons donc essayer d'avoir quelques chaises supplémentaires et je demanderais, autant que possible, que tout le monde soit assis parce que si j'accepte une fois, s'il arrive un groupe de manifestants, je serai obligé d'accepter les mêmes choses avec eux. Les règles étant strictes et pour tout le monde, alors c'est malheureux, c'est comme ça.

Dans un premier temps, nous avons un remplacement, ce matin, monsieur.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Richard (Nicolet-Yamaska).

Le Président (M. Bélanger): C'est bien. Alors, il n'y a pas d'autres remplacements? Mme Marois, non?

Mme Marois: Non, il n'y a pas de remplacement de notre côté.

Le Président (M. Bélanger): Ce matin, nous recevons, dans un premier temps, le Groupe Jean Coutu. Alors, nous avons une heure. Je vous explique nos règles de fonctionnement, les règles explicites, en tout cas. Vous avez normalement 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et, ensuite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, chaque fois que vous avez une intervention à faire, de bien vouloir vous identifier, et ceci pour les fins de transcription au Journal des débats. Ça lui facilite beaucoup le travail et à nous aussi. Je vous remercie et je vous prierais de commencer.

Groupe Jean Coutu M. Coutu (Jean): Merci, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés de ce Parlement qui nous est si cher. En 1964, lors d'une commission similaire, nous avions terminé notre mémoire en disant ceci: Nous, pharmaciens et détaillants, avons choisi un métier de disponibilité et ce n'est pas à nous à imposer à la clientèle des heures qui font plaisir à notre vie personnelle, mais plutôt à cette même clientèle à nous définir les paramètres et les heures où elle a besoin de nous. Et aujourd'hui, en dernière page de notre mémoire, nous concluons en disant ceci: Quand il s'agit de commerce de détail et de services, les consommateurs possèdent des droits et les commerçants, des devoirs dont celui de satisfaire tous les besoins du public consommateur dans le strict respect des droits de celui-ci. De tous les intervenants, le Groupe Jean Coutu qui, je crois, a été pointé du doigt par à peu près tout le monde, est certainement celui qui a la plus grande expérience de cette libéralisation des heures d'affaires et il est très difficile, pour moi, en 20 minutes, de pouvoir concentrer 40 ans de carrière et 20 ans de Groupe Jean Coutu dans un système où nous avons l'expérience de la libéralisation. Comme le dit si bien notre slogan, nous opérons sept jours sept soirs tous les week-ends 365 jours par année.

Aujourd'hui, c'est quoi le Groupe Jean Coutu? Ce sont 7000 employés dont 6400 au Québec, 170 pharmacies dont 155 au Québec, huit au Nouveau-Brunswlck, trois en Ontario, quatre aux États-Unis. Ce sont aussi 510 pharmaciens propriétaires et pharmaciens salariés. C'est plus ou moins 1 000 000 000 $ de chiffre d'affaires cette année, 5000 actionnaires cotés à la Bourse de Montréal et à la Bourse de Toronto, un des rares membres québécois du TSE300, rare cuvée 1986 qui vaut aujourd'hui plus de 165 % de sa valeur d'émission en 1986. Le Groupe Jean Coutu, c'est une masse salariale de 110 000 000 $ répartie en une politique salariale adaptée à la qualité de vie de nos employés qui sont de trois catégories: les employés réguliers, des étudiants et beaucoup de dames qui veulent retourner partiellement sur le marché du travail. En 1989 - je crois que c'est tout un sondage - 84 000 000 de clients ont été servis dans nos quelque 155 pharmacies québécoises. Et ici, il nous fait plaisir d'y inclure 12 500 000 le dimanche et, dépendant des situations urbaines ou semi-rurales où nous exerçons notre métier ou notre profession, de 9 % à 18 %, entre parenthèses 15 % du chiffre d'affaires total de nos pharmacies. Tout ceci, ça représente de gros chiffres, une sorte de succès que je dirais presque habituel chez nous. Mais réellement, ce

n'est que l'addition de 170 PME dont 155 au Québec, propriétés de pharmaciens, femmes et hommes qui s'occupent d'appliquer la politique des ressources humaines et des opérations journalières de notre organisation. Ils engagent leur propre personnel, font des horaires où chaque employé, huit semaines à l'avance, connaît ses temps de loisir et ses temps de travail.

À la page 15 de notre mémoire, nous vous expliquons, je crois, très bien les points saillants de nos relations avec notre personnel, les horaires, les exigences maximales de chacun de nos employeurs, enfin, de soir et de fin de semaine, la moyenne d'heures travaillées de chacun de nos employés, les primes du soir et du dimanche et toute notre philosophie des ressources humaines avec nos groupes de progrès, nos gestions participatives, nos cercles de qualité, nos cafés-conseil avec notre clientèle. Ce sont 155 PME au Québec qui, depuis 20 ans, ont évolué en restant à l'écoute des consommateurs.

Mais tel que demandé par cette commission, voici notre opinion sur tes six points ou thèmes qu'on nous demandait de commenter. D'une façon générale, nous croyons que ces six points ainsi que les trois grands principes de base tels que l'équité de traitement dans les divers types de commerce, la réponse aux besoins réels des consommateurs ainsi que le maintien de la qualité de vie ont été abondamment discutés dans notre mémoire à cette commission. Mais quels sont donc ces six points-là et quelle est notre façon de les interpréter et quelle a été notre façon de les vivre?

La révision des exceptions prévues par la loi actuelle. Comme vous l'ont dit devant vous les membres du Regroupement des SIDAC, ce sont justement toutes ces exceptions qui ont créé tant d'injustice, tant d'inégalité et tant d'incohérence. Nous croyons que plus il y aura d'exceptions, plus il y aura de difficultés et de non-équités. Pourquoi, allez-vous sans doute me demander? Parce qu'aujourd'hui, trop de commerces offrent en plus d'une certaine spécialité une multitude de produits connexes qui s'y rattachent. En effet, la majorité de ces produits peuvent très bien être achetés chez un spécialiste comme chez un généraliste où ça devient, dans la plupart des cas, partie intégrante d'un concept non dissociable. Ces concepts de commerces, loin d'être le fruit du hasard, sont la résultante de l'ingéniosité du commerçant combinée à la demande des consommateurs. La disponibilité du produit, son utilité et son prix sont des facteurs qui en universalisent la distribution. Souvent, ces produits qui peuvent sembler marginaux sont, en les additionnant, la raison d'être du maintien d'un service essentiel qui peut, en certaines circonstances et à certains moments de la semaine, manquer de l'autosuf-fisance nécessaire pour lui permettre d'exister seul. Tout à l'heure, je vous ai dit ce qu'était le

Groupe Jean Coutu. Ici, si vous me permettez, j'aimerais faire un bref historique de la pharmacie et vous dire comment a commencé, il y a déjà plus de 20 ans, ce concept qu'on appelle le concept Jean Coutu. Au cours des années soixante, il s'est produit de nombreux changements dans le domaine de la santé. Chez nous, plus particulièrement, ça été la disparition du pharmacien artisan. Les médicaments n'étaient plus fabriqués, d'une façon générale, par les pharmaciens; ils étaient fabriqués par les grands laboratoires - pour le plus grand bien du public consommateur, je ne veux pas en douter. Par contre, le pharmacien ne pouvait plus être jugé sur la qualité de ses préparations; il devenait de plus en plus jugé sur ses prix. Vous savez que le pharmacien est un professionnel un peu unique. Ses connaissances sont bénévoles, gratuites. Même l'honoraire professionnel du pharmacien se rattache à un médicament, que ce soit un comprimé, un liquide ou un onguent. Et ceci est unique. Vous connaissez... Plusieurs d'entre vous sont certainement avocats et d'autres sont médecins. Vous êtes médecin... Vous allez voir un médecin: que vous soyez malade ou en santé, le médecin est rémunéré. Autrefois, il était rémunéré par le public consommateur; aujourd'hui, le gouvernement s'occupe de rémunérer les médecins. Un avocat: que vous soyez innocent ou coupable, l'avocat, peut-être en doses un peu différentes, l'avocat est rémunéré. Pour le pharmacien: pas de pilules, pas d'honoraires.

Fin des années soixante, c'est la disparition des visites médicales, disparition des consultations en soirée dans la plupart des cas. C'est le début d'une ère, qui existe encore, qui s'appelle l'ère des urgences hospitalières. Revenons au pharmacien qui, lui, est formé pour vivre du médicament mais, en même temps, la société, les associations, les groupes de toutes sortes disent: II faut en consommer le moins possible. Le pharmacien qui ne veut vivre que du médicament se doit de limiter sa disponibilité certains soirs et certainement en fin de semaine, car il est difficile de n'y vivre que du médicament. La preuve: chez Jean Coutu, où nous opérons le dimanche et, je me répète, sept jours, sept soirs, déjà, le dimanche et le samedi, nous faisons la moitié moins de prescriptions qu'en semaine. Revenons au public qui a vécu cette situation-là. Le public, à ce moment-là, semble un peu délaissé et exige, avec raison, la présence de ce qu'on appelle un professionnel de la santé. Comment offrir un service nécessaire, mais non rentable à certains moments de la semaine?

La réponse: en 1969, après avoir travaillé en pharmacie depuis 1953, après avoir connu toute l'évolution de cette période de l'après-guerre dans le domaine de la santé, nous avons créé ce que les gens appellent le concept PJC. C'est quoi? C'est une partie commerciale forte, une partie commerciale diversifiée et bien variée, qui sert à subventionner, à certains moments,

une présence pharmaceutique nécessaire et voulue. Ce fut le début de ce qu'on appelle aujourd'hui les pharmacies grande surface.

PJC ou Groupe Jean Coutu a une disponibilité hebdomadaire de 89 à 102 heures, alors que la plupart des autres - mon fils François pourra vous en dire quelque chose, il est propriétaire d'une pharmacie clinique - les autres ne peuvent pas ouvrir d'une façon rentable plus de 55 à 65 heures par semaine. Notre formule, je crois que ça a été une formule gagnante. Notre histoire le prouve. Formule fragile aussi, parce que notre concept nécessite un large éventail de produits.

Dans une PJC, nous avons à la disposition du public plus de 22 000 produits différents. Si vous aimez que je vous en fasse la répartition, j'ai ici les choses... La partie strictement pharmaceutique, 51,8 % - et ces chiffres-là sont le résultat de quelque 150 pharmacies; les produits alimentaires, qu'on nous reproche - on nous pointe du doigt en disant que nous sommes peut-être la raison de la diminution des produits alimentaires dans certains marchés - 2,8 % de notre chiffre d'affaires; les produits ménagers, 2,5 %; ce qu'on appelle les extra divers, avec les produits naturels, nous allons toucher, à ce moment-là, à 11,9 %; les papiers, les couches, les produits hygiéniques, 4 %; les photos, les cadeaux, 3,5 %; les cosmétiques - c'est important les cosmétiques dans un temps où les dames sont sorties de la maison, elles se doivent d'être plus coquettes qu'elles étaient autrefois peut-être - 6 % de notre chiffre d'affaires; les breuvages et les eaux, 1,2 %; la confiserie, 3,5 %; le tabac, 10 %; la balance, les lotos, les billets de transport quels qu'ils soient, 2,8 %, pour un grand total de 100 %. Si vous voulez avoir des copies, je vous en donnerai avec plaisir. . La deuxième question qu'on nous demandait de discuter...

Le Président (M. Bélanger): Si vous le permettez, on va déposer le document comme officiel...

M. Coutu (Jean): Certainement. Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Bélanger): ...au greffier. On va en faire des photocopies pour les parlementaires. Merci.

M. Coutu (Jean): Le deuxième thème ou le deuxième point qu'on nous demandait de commenter, c'est le réaménagement des heures d'ouverture en semaine pour tous les commerçants. La province de Québec, après lecture des documents que le ministère du Commerce nous a confiés, est la seule province au Canada et le seul endroit en Amérique où les heures d'affaires sont régies d'une façon stricte toute la semaine durant. Dans certaines provinces ou États américains, des cités et des villes auraient le pouvoir de réglementer les heures d'affaires la semaine. Mais, à ma connaissance, aucune municipalité d'importance n'exerce ce pouvoir. Aucune des raisons qu'on peut nous servir à propos du repos dominical n'a la moindre logique lorsqu'on parle de la semaine, surtout dans une province où le taux de chômage est parmi les plus élevés et si l'on veut permettre à nos étudiants de trouver les moyens de payer certaines augmentations de frais de scolarité. Une libéralisation totale et sans exception pour tous les commerces en semaine va certainement permettre une certaine rationalisation d'une libéralisation le dimanche. Plusieurs commerces, suite à une disponibilité beaucoup plus grande en semaine, jugeront sans doute inutile d'ouvrir le dimanche. De toute façon, est-il pensable, en ces temps de mondialisation des affaires et de libre-échange commercial, que l'on trouve chez nous, dans un Québec qui veut s'affirmer de plus en plus, à l'intérieur d'une loi qui se veut avant-gardiste, une phrase comme celle-ci, et je ne peux m'empêcher de la citer dans le texte: Aucun client ne doit être admis dans un établissement commercial avant 8 h 30 de l'avant-midi, du lundi au samedi inclusivement, ni après 6 heures le soir, les lundi, mardi et mercredi, 9 heures du soir, les jeudi et vendredi, et 5 heures de l'après-midi, le samedi. Ceci est unique et si j'étais impoli je dirais même inique. Donc, en semaine, libéralisation totale pour tous. Déjà nous soulagerons, sans doute, plusieurs susceptibilités à propos de la journée du dimanche.

Troisièmement, augmentation du nombre maximum d'employés présents en tout temps dans le secteur de l'alimentation pour ouvrir hors des heures régulières. La raison d'être de tout commerce, aussi bien dans l'alimentation que dans tous les autres domaines, se résume à un seul mot: le succès. Dans la loi actuelle, il faut comprimer le succès à l'intérieur d'un maximum de trois employés. Ceci est impensable, car ce n'est pas le nombre d'employés qui doit délimiter le succès, mais plutôt le contraire. C'est-à-dire que c'est au succès de délimiter et de prescrire - un mot bien connu en pharmacie - la quantité d'employés nécessaires, et le tout peut varier, dépendant des dimensions du local et de la régionalisation du commerce.

Si, hypothétiquement, aujourd'hui, trois employés suffisent, pourquoi freiner le progrès à l'intérieur d'un nombre qui se doit de varier suivant la demande du public consommateur. Faudra-t-il, dans deux ou trois ans, revenir ici, ensemble, pour permettre une ouverture de la loi et permettre quatre ou cinq employés, et revenir dans cinq ans pour en permettre sept ou huit? Toute restriction dans le nombre d'employés est une limitation au progrès, à moins que des réglementations restrictives maintiennent en otage un public qui n'a plus l'avantage de pouvoir bénéficier d'une concurrence pouvant lui assurer choix, prix et disponibilité. Ce qui

pourrait paraître adéquat aujourd'hui sera très bientôt complètement dépassé. Seules l'offre et la demande créent les paramètres de tout succès commercial. Qu'on se rappelle ces trop nombreux morcellements illusoires pour pouvoir opérer à l'intérieur de la loi du nombre. Vous connaissez sans doute ces faux murs, ces fausses divisions pour pouvoir départementaliser une grande surface en petites boutiques appartenant trop souvent au même propriétaire.

Quatrièmement, on nous a demandé de parier de l'ouverture le dimanche des établissements commerciaux du secteur de l'alimentation. Comme nous vous l'avons mentionné précédemment, nous croyons qu'une libéralisation et un réaménagement des heures d'affaires en semaine va grandement diminuer les susceptibilités vis-à-vis de l'ouverture le dimanche. En effet, une libéralisation des jours de semaine va permettre à tous les secteurs commerciaux d'opérer à des heures différentes et libres pour chaque type de commerce. Il est excessivement difficile d'intégrer dans le même réseau horaire une panoplie de différents marchands, de différents commerçants, comme ceux du meuble, des appareils électriques, une boulangerie, une pâtisserie et, en même temps, un vendeur de machines agricoles ou l'automobile. Chacun a des particularités que le législateur aurait beaucoup de difficultés à synthétiser dans un même cadre restreint. Par contre, le dimanche comme la semaine, le consommateur a des impératifs qui peuvent se résumer en services et dépannage, et, encore là, il est excessivement difficile de créer des bornes sans en même temps soulever des iniquités. Mais notre expérience de plus de 20 ans des sept jours sept soirs nous permet peut-être de hasarder quelques hypothèses - je n'oserais dire recommandations. (10 h 30)

Ici, nous nous reportons à la page 73 de notre mémoire où nous disons: Une libéralisation totale des heures d'affaires? Oui, mais une libéralisation progressive, avec une vision globale du court moyen et long terme. Qu'est-ce que cela veut dire? À la suite d'une complète libéralisation en semaine, je me répète, ce ne sont pas tous les commerces qui verraient la nécessité d'être disponibles le dimanche. Regardons ce qui se passe ailleurs au Canada et chez nos voisins américains. Nous le vivons personnellement, nous y sommes. Nous sommes à Springfield, nous sommes à New Bedford, nous sommes en Ontario, nous sommes au Nouveau-Brunswick, et nous cogitons et opérons à l'intérieur de différentes lois ou de lois inexistantes. Mais là, encore, II est difficile de catégoriser car, récemment, des vendeurs de matériaux de construction m'ont souligné leur désir d'ouvrir le dimanche pour répondre aux demandes de très nombreux clients qui, accompagnés de leur enfant et de leur conjoint, veulent planifier ensemble les améliorations et les changements à apporter à leur demeure. Mais disons que déjà nous parions du moyen terme.

Court terme: le dimanche. Disons une hypothèse: libéralisation de tout le secteur de l'alimentation, de tout le secteur de la santé - et j'inclus les pharmacies grandes et petites - de tout le secteur des services et de tout le secteur du dépannage, et nous y incluons les librairies, les tabagies et tous ceux qui, depuis de trop nombreuses années, se sentent lésés à l'intérieur de la Loi sur les heures d'affaires.

Et, pour ajouter de la difficulté à mon hypothèse, j'aimerais vous dire juste un mot des boutiques de sport. Pourquoi pénaliser une boutique de sport dans une ville ou dans un village quand, sur une pente de ski, sur un terrain de golf ou sur un terrain de tennis avoisinants, on peut acheter, presque toujours à des prix supérieurs, depuis le plus ordinaire des T-shirts, en passant par toute la gamme des vêtements, jusqu'aux articles de sport les plus dispendieux? C'est un peu comme dans le secteur alimentaire où, à certains moments, nous sommes contraints d'acheter à fort prix au dépanneur de notre quartier.

De plus, le dimanche, beaucoup d'autres commerces voudraient, pourraient répondre, suivant leur situation, à des demandes qui dépassent largement le cadre restreint des zones touristiques. Je pense justement à cet extraordinaire centre d'achats souterrain, en plein centre-ville de Montréal, accessible sans encombrement, ni pollution, par notre système de métro, quant tout fonctionne bien. En pariant de tourisme, pour nous du Groupe Jean Coutu, comme pour vous, élus du peuple, toute la province de Québec est zone touristique. Et ce sont les touristes eux-mêmes, je crois, qui se doivent d'en décrire les paramètres et d'y inclure leurs préférences.

Quant aux autres commerçants, toujours hypothétiquement, après un moratoire d'au plus un an, que tous ceux, de quelque spécialité que ce soit, qui voudraient élargir leur activité le dimanche, après cette période de rodage en semaine, s'entendent, en regroupements et associations, pour ouvrir à des heures qu'ils croient nécessaires à leur succès, mais sans jamais exiger la fermeture de quelque commerce que ce soit. On peut ouvrir, si demande il y a, mais on ne peut exiger ni demander une fermeture, car, si on exige la fermeture d'un concurrent, c'est toujours pour protéger des intérêts personnels à rencontre des demandes légitimes des consommateurs.

Cinquièmement, transférer au niveau local le pouvoir décisionnel de l'ouverture du dimanche. Le législateur, je m'adresse à vous, se doit de faire respecter la loi qu'il a, je crois, lui-même conçue. Le transfert aux municipalités est certainement le moyen le plus sûr de créer toute une nouvelle sérié d'injustices. Comment, sans

créer d'injustices et d'exceptions, une ville pourrait-elle réglementer d'une façon ou d'une autre les heures d'ouverture de ses commerces sans influencer les municipalités voisines? L'Ontario va bientôt connaître ces difficultés; les municipalités du Nouveau-Brunswick ont refusé de se conformer à cet ordre du gouvernement provincial. Ici, au Québec, nous avons déjà connu quelque chose de similaire à propos de l'incidence de l'ouverture des débits de boisson. Ça s'est passé en 1894. L'histoire se répète toujours. Alors que Saint-Henri et Sainte-Cuné-gonde, qui, dans le temps, n'étaient pas des paroisses mais des villes avoisinantes, avaient des dispositions diamétralement opposées à propos de l'ouverture des bars et des tavernes. Pensez-vous que la plupart des bars et des tavernes étaient dans la municipalité qui était plus restrictive? J'en doute et l'histoire nous en donne la conclusion.

Remettre l'application de la loi entre les mains des municipalités a été très clairement critiqué par la ville de Montréal qui vous dit: La loi, gardez-la; ne la donnez pas aux municipalités, parce que nous avons crainte ~ c'est ce qui me surprend - que les Montréalais aillent s'approvisionner dans ces villes. On avait même mentionné Montréal-Est. Ceci constitue presque un aveu, à savoir que les Montréalais sont prêts à acheter hors des limites municipales pour combler leurs besoins personnels. Nous avons été surpris de cette attitude des autorités de Montréal, particulièrement au moment où un sondage - qu'on les aime ou qu'on ne les aime pas - a montré que 57 % des électeurs montréalais étaient en faveur d'une libéralisation. Encore plus récemment, on mentionnait que, parmi les grandes villes canadiennes, Montréal était celle qui avait le plus haut taux de chômage.

Sixièmement, enfin, on nous a demandé de dire un mot sur les amendes pour les contrevenants. Le premier point dont on a parlé tout à l'heure, que le ministre nous demandait de discuter, était la révision des exceptions prévues par la loi. À notre avis, ce sont généralement toutes ces exceptions qui ont créé des iniquités, des injustices et provoqué des amendes. Il faut que la loi soit claire et sans aucune exception. Il faut qu'elle puisse s'adapter à tout changement social ou démographique. Il est difficile de comprendre qu'un produit puisse être vendu légalement dans un local qui jouit d'une exception, alors que le même produit ne peut être vendu dans un autre local qui ne bénéficie pas d'une exemption ou ne peut se conformer et se contraindre à la règle des trois employés. Moi-même, à Montréal, sur la rue Mont-Royal, j'ai personnellement trois pharmacies, à peine séparées de 500 mètres chacune. Comment expliquer à la clientèle que deux d'entre elles bénéficient d'une certaine exception alors que la troisième ne peut leur offrir le même produit à certaines heures de la semaine et toute la journée du dimanche sans encourir une amende?

Nous ne croyons pas que la sévérité de l'amende régularisera une injustice causée non pas par le geste ou la marchandise vendue, mais plutôt par une panoplie d'exceptions ou de tolérances. Que la loi soit la même pour tout le monde. Permettez une libéralisation et nous n'avons pas besoin de parler de quelque amende que ce soit.

Enfin, je m'excuse d'abuser de votre temps, un mot sur les trois principes de base que veut privilégier le ministre. L'équité entre les divers types de commerce. L'équité, c'est de permettre à chaque commerce de pouvoir exercer ses activités sans restrictions fonctionnelles ou physiques. Vu la diversité des intervenants, les différences démographiques et géographiques des endroits où chacun professe, il est difficile, dans un cadre rigide et rigoureux, d'être équitable sans sacrifier l'une ou l'autre des personnes qui exercent des métiers aussi divers que ceux des secteurs de l'alimentaire, de la santé, des meubles, des véhicules de toutes sortes, des articles de sport, des vêtements ou de tout autre commerce que vous pouvez imaginez. Si l'on dit que Jean Coutu bénéficie d'un privilège ou d'un statut particulier, Jean Coutu vous répond qu'au lieu de vouloir diminuer notre concept ou le faire disparaître, nous vous disons: Donnez ce privilège à tous, nous ne voulons pas être traités différemment, mais ne touchez pas à notre concept, que le public aime depuis déjà plus de 20 ans. L'équité, c'est la libéralisation qui permettra à chacun de choisir ce qui lui est nécessaire en temps, en employés ou en espaces pour satisfaire les demandes légitimes de sa clientèle.

Répondre aux besoins réels des consommateurs. Il est difficile d'identifier les besoins particuliers des individus, car ils sont tellement variables d'une personne à l'autre. Bien prétentieux celui qui veut les cataloguer ou les définir, car ce qui est nécessaire pour un peut très bien être superflu ou artificiel pour un autre. Encore ici, la liberté de choix, de temps et de prix peut, seule, combler les besoins particuliers de chacun.

Le maintien de la qualité de vie. Le Groupe Jean Coutu - et nous l'avons bien démontré dans notre mémoire - croit que la qualité de vie est intimement liée à la liberté de choix. La qualité de vie, c'est, pour chaque individu, la liberté de pouvoir choisir ses activités de consommation comme de loisir, sans pour autant les imposer aux autres. La qualité de vie est une manière d'être, une manière de se sentir bien ou mal et, dans ce dernier cas, d'avoir les moyens de pouvoir y remédier. La qualité de vie est autant sociale que personnelle et subjective, et ne peut s'épanouir que dans un cadre souple, pouvant s'adapter aux difficultés de la vie quotidienne. La qualité de vie ne peut être caricaturée, comme trop d'exemples qui vous ont été servis dernièrement. Je m'en voudrais de les répéter mais,

si vous les mentionnez, ça me fera plaisir d'y répondre sans faire de démagogie. De toute façon, la qualité de vie est tellement personnelle que, si elle était délimitée seulement par l'ouverture ou la fermeture des commerces de détail, alors que penser de cette permissibilité de bien d'autres activités commerciales qui peuvent exercer dans un cadre beaucoup moins rigide, tels les débits de boisson de toutes sortes, sans pour autant qu'on se sente plus obligé de consommer. La qualité de vie, en ce qui nous concerne présentement, c'est d'avoir le choix de pouvoir utiliser des services, de consommer des biens, quand nos droits de consommateurs dictent aux commerçants le temps et la durée de leur devoir. La libéralisation seule permettra l'épanouissement de tous ceux qui veulent réellement réussir. Toutes restrictions, toutes les exceptions n'ont créé que des marchés illusoires. Nous croyons impensable de vouloir arrêter à quelque moment que ce soit une industrie qui se doit d'être en perpétuelle mouvance pour pouvoir satisfaire les besoins d'une société moderne comme la nôtre.

Enfin, si je peux me permettre, j'aimerais terminer par une question. Vous, mesdames, messieurs, M. le ministre, de tous les intervenants qui sont venus ici depuis déjà 15 jours et qui sont contre la libéralisation, y en a-t-il un seul qui a pu vous démontrer avec clarté que c'est la solution pouvant garantir justice, équité, qualité de vie, respect des tendances nouvelles sans sacrifier qui que ce soit aussi bien les travailleurs que les commerçants, les consommateurs que toute la population en général? Merci.

Le Président (M. Bélanger): On vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): M. Coutu, votre formule, elle doit bien fonctionner parce que vous faites salle comble ici ce matin. Alors, c'est peut-être comme ça dans vos commerces aussi surtout si on retient les 84 000 000 de transactions. Vous nous posez une question. Je l'ai bien notée. J'en aurais quelques-unes à vous poser. Je pense que ce qu'on peut retenir des débats ou de la réflexion qu'on peut avoir eue, c'est qu'en grande partie, si on en est rendu où on en est rendu avec la Loi sur les heures d'affaires, certains vont dire que c'est de votre faute et d'autres vont dire que c'est à cause de la performance ou du succès de votre concept.

Alors, première question, dans le débat qu'on vit, on semble parler beaucoup du corporatif versus le petit détaillant, est-ce que vous pourriez me dire, parce que vous avez bénéficié d'une exemption dans la loi, si vous avez - je vais prendre un mot spécial - exploité le consommateur au niveau des prix, parce que vous aviez une exception dans la loi? C'est ma première question. La deuxième, 7000 travailleurs?

Parlez-moi un peu de la qualité de vie de vos travailleurs qui sont appelés à travailler le dimanche.

M. Coutu (Jean): J'aimerais donner la parole à mon fils.

M. Coutu (François Jean): Je vous ai fart parvenir une petite étude à laquelle j'ai participée. Vous en avez d'ailleurs une copie. On peut se demander ce que ça donne au juste cette étude-là? Si vous voulez, est-ce qu'on peut avoir quelques minutes et en discuter? Parce que, fondamentalement, il y a des points qui devraient être soulevés et remédiés. On disait évidemment que la libéralisation des heures d'ouverture allait probablement faire augmenter les prix. Vous vous en souvenez, H y avait certains commentaires qui disaient ça. Or, moi, j'ai dit: Nous, nous sommes dans un secteur qui est libéralisé. Il y a des produits par contre que nous vendons que d'autres individus vendent dans différents commerces et même qui n'ont peut-être pas aussi cette liberté, qu'on parie d'alimentaire ou qu'on parie d'autres choses. Disons qu'il y a des lois strictes qui disent: À telle heure, tu dois consommer à tel endroit et à telle autre heure, c'est à un autre endroit. Or, moi, j'ai dit: Je vais prendre de mes produits que j'ai dans ma pharmacie et que je peux obtenir aussi, la même chose, au dépanneur ou au supermarché et j'ai créé cette étude-là que vous voyez. Elle a été faite par la compagnie A C. Nielsen. Nous avons pris des... Si vous voulez prendre ça à la page 1: l'étude de prix a été réalisée auprès de différents marchés en alimentaire qui représentent à peu près toute la gamme de commerçants en alimentaire et aussi le Groupe Jean Coutu. Nous avons pris différents endroits dans la province de Québec. Nous avons des études à Montréal, les études 1, 2, 3. L'étude 3 est à Longueuil. Les études 4 et 5 sont situées à Sherbrooke. Alors, qu'est-ce qu'elles disent ces études? Je vais essayer de faire ça rapidement. On a des diapositives. Est-ce que ça vous tente de regarder ça, les diapositives, ou si vous préférez juste voir les documents que je vous ai faits?

Le Président (M. Bélanger): Non, ça va bien comme ça. Ça va. On l'a dans le document qu'on peut suivre. Il n'y a pas de problème. Continuez. (10 h 45)

M. Coutu (François Jean): Bon, d'accord. 1 et 2. Si on regarde un peu la méthodologie à la page 5 du document, nous avions choisi des produits arbitrairement et nous les avons classés par ordre alphabétique. Nous avons choisi, comme je vous l'ai dit, des intervenants et, selon la disponibilité de ces produits-là, nous avons établi une liste de prix, d'accord. Vous voyez pour un produit en particulier, disons... Plus loin, M. Sainte-Marie, à la page, la diapositive 5, plus loin encore, l'autre, celle-ci. Évidemment, on ne

voit pas tellement bien sur la diapositive.

Une voix: On voit bien sur nos papiers.

M. Coutu (François Jean): On vient bien sur nos papiers, effectivement. Alors, si on prend juste l'exemple du premier qui est Adorn, un fixatif pour les cheveux, 200 ml, on parle d'un produit en particulier, on peut voir les différences de prix entre un endroit et un autre, le minimum à la fin nous donne 3,29 $, le maximum 4,29 $ et une moyenne de 3,81 $. Nous avons répété cet exercice-là pour tous les commerçants qui étaient ouverts, de l'alimentaire en particulier, et pour nous autres. Si on comprend bien la méthodologie, allons directement à la page 17, qui est la dernière page. Alors, finalement, ce que je veux dire, c'est qu'il y a un message dans ce genre de pyramide, d'un seul côté, d'un versant. En fait, il y a trois messages. On s'aperçoit que, dans un cadre où il y a des restrictions, d'accord, où on dit au consommateur: Va à tel endroit après telle heure, il y a définitivement un changement, il y a définitivement une augmentation de prix à tel ou tel endroit et l'augmentation de prix est assez drastique, comme on peut voir. On peut voir dans le secteur du dépannage, on peut atteindre jusqu'à 24,5 % de différence de prix avec un produit de chez Jean Coutu. Par contre, dans les secteurs où il y a un peu plus de supermarchés, qui sont un peu plus dynamiques, la différence de prix est d'environ de 5 %à6 %.

Or, le message, c'est que les prix des mêmes produits alimentaires varient d'une façon importante selon la période de la journée ou dans le cas du dimanche. Par contre, dans un secteur libéralisé et nous, on peut dire qu'on est dans un secteur libéralisé, d'accord, les prix restent bons. On demandait souvent: Est-ce que les prix vont augmenter? Bien là, je pense que vous en avez un exemple. Et non seulement ça, c'est qu'en plus de ça, Jean Coutu, on dit qu'à différentes périodes de la journée il n'en profite pas justement pour augmenter ses prix, que ce soit le soir ou les fins de semaine, il est capable de l'offrir. Alors, je crois que ça pourrait se faire à tous les niveaux. Aussi, je vous ai donné une autre page par la suite pour essayer de voir, pour aller un peu plus loin dans cette recherche-là, pour voir si au Québec et en Ontario il pouvait y avoir des différences significatives pour le consommateur. On sait qu'en Ontario, on a une libéralisation des heures d'affaires sur six jours. Or, j'ai pris selon Statistique Canada des chiffres de l'alimentaire et au Québec et en Ontario, qui donnent un montant qui est indiqué à la dernière feuille que je vous ai fait parvenir. J'ai divisé tout simplement par le nombre de population qu'il y avait en 1988 dans chacune de ces provinces. J'ai remarqué concernant l'achat par individu, dans l'alimentaire dans ce cas-ci, qu'au Québec on payait finalement, dans toute cette tarte comme on appelle souvent l'alimentaire, 8,7 % plus cher au Québec. C'est à se demander si on a vraiment les moyens de faire ça. Ce qui arrive, c'est que la tarte alimentaire, peut-être qu'elle est d'une telle façon, mais à l'intérieur de ça, il y a probablement des morceaux qui sont trop chers. C'est juste une pensée de réflexion que j'aimerais apporter aujourd'hui.

Par contre, dans un secteur libéralisé, pour vous montrer un peu le dynamisme du commerçant québécois, mais en pharmacie, j'ai pris les mêmes statistiques pour voir les achats pharmaceutiques au Québec et en Ontario et j'ai divisé par la population de chacune des provinces respectives et je m'aperçois que le Québécois paie en moyenne 33 % moins cher ses médicaments. Est-ce que Jean Coutu est responsable de ça? Ce serait peut-être une prétention, mais une chose qui est certaine, c'est qu'on réalise des économies dans un marché qui est libéré. J'ai quand même noté qu'en Ontario l'honoraire professionnel est quand même un peu plus élevé. Mais en Ontario aussi, dans l'alimentaire, ils ont des coûts d'exploitation qui sont plus élevés. Normalement, ça devrait être plus élevé qu'au Québec. Donc, j'aimerais quand même que ces deux statistiques-là portent à réflexion. Merci.

M. Tremblay (Outremont): Je vais regarder cela. Je vais plutôt revenir à la qualité de vie. Bon, ça, ça répond au premier aspect de la question, les prix. M. Coutu, vous avez mentionné tout à l'heure que votre formule est fragile, et vous avez mentionné spécifiquement que vous aviez 22 000 produits. Évidemment, selon votre concept, si vous pouvez offrir ces prix-là, c'est que vous avez un avantage important au niveau du pouvoir d'achat parce que vous êtes gros. Il y a deux possibilités qu'on envisage, si on veut avoir une loi durable, une libéralisation comme vous la demandez, c'est une possibilité, une libéralisation totale. J'aimerais savoir si, d'après vous, il va y avoir création d'emplois, parce que ce qu'on dit, c'est qu'il va y avoir uniquement déplacement d'emplois. Vous avez fait un petit peu allusion à ça tout à l'heure, c'est inévitable, il y a des commerces qui vont devoir s'ajuster, mais est-ce qu'il y aura création d'emplois? Ça, c'est une possibilité, donc ma première question. La deuxième possibilité, c'est de retourner en arrière. C'est prôné au nom de la qualité de vie; on garde le dimanche. Donc on ferme tous les commerces le dimanche, sauf ceux de trois employés et moins. Quelles seraient les conséquences économiques d'un retour en arrière et de la fermeture des commerces existant le dimanche?

M. Coutu (Jean): M. le ministre, H est difficile pour moi de vous dire combien nous allons créer d'emplois avec une libéralisation. Il y a une chose de sûre. Avec toute augmentation des restrictions, nous allons certainement brimer

des emplois et être obligés de faire des congédiements. Prenons exemple chez nous. Nous connaissons ce qu'est ta libéralisation. Toute brisure de notre concept, je vous ai dit qu'il était fragile, toute brisure de notre concept va nous obliger - on n'est pas plus Intelligents que les autres - à redevenir des pharmaciens comme le pharmacien qui ne vit que du médicament et nous allons réduire nos heures de 102 à 92, cette espèce d'espace qu'il y a entre le mininum et le maximum chez nous, en équipollence avec ceux qui ne vivent que du médicament, c'est-à-dire de 55 à 65 heures par semaine. Alors les 7000 employés, dont 6400 sont au Québec, ça va être certainement pour nous autres un fardeau impensable à maintenir. Il va falloir faire des mises à pied. Devant vous, devant le ministère de l'Industrie et du Commerce, ma question est celle-ci: est-ce que c'est le rôle d'un ministère de l'Industrie et du Commerce de passer des règlements ou des lois qui vont nécessairement diminuer l'emploi au Québec?

M. Tremblay (Outremorrt): Mais si...

M. Coutu (Jean): En... Excusez-moi, oui. Écoutez, je vais vous donner un exemple que j'ai pris dans votre document. Au Massachusetts, et nous y sommes, nous y sommes, depuis toujours il y a eu ce qu'on appelle une libéralisation totale en semaine. Massachusetts, 5 5000 000 de population, environ 1 100 000 de moins que dans la province de Québec. Lorsqu'ils ont, pour toutes sortes de difficultés, abandonné le "Lord's Day" et permis l'ouverture des commerces le dimanche, ça a créé, et je vais prendre vos chiffres, 1300 emplois supplémentaires. Mais Ici au Québec, en libéralisant la semaine et en libéralisant le dimanche, avec 1 100 000 de plus qu'au Massachusetts, si on fait la règle de trois, nous irons certainement toucher un peu plus de 2000 emplois supplémentaires. Toute mesure restrictive va certainement diminuer le nombre d'employés. Lorsqu'on nous parle de la fameuse tarte, je me rappelle ce que les syndicats nous avaient servi il y a quelques années ou, c'est ça, il y a quelques années, après tout, que ce soit en cinq, six ou sept jours il y a un certain montant à dépenser, mais tout ça est absolument irréel. C'est que, d'un côté, cette somme-là est déjà diminuée. Vous savez que les Québécois, lorsque l'été on veut aller à la mer, il n'y a pas de mer dans la province de Québec, II faut aller aux États-Unis. L'hiver, lorsqu'on veut avoir du soleil, il faut encore aller au États-Unis. Déjà vous avez, deux fois par année, des sources de dépense de ce qui est gagné légalement ici au Québec. Est-ce qu'il y a un moyen d'augmenter cette somme d'argent? Je vous réponds oui. Parce que, avec notre distribution québécoise limitrophe de plusieurs provinces et de quelques États américains, je pense bien que je ne vous annonce rien en vous disant que à Hull, à Pointe-Gati- neau, à Aylmer, aux endroits où nous pratiquons le soir de semaine, les gens traversent le pont pour aller dans les centres d'achats de l'Ontario. Et c'est la même chose qui s'est passé à Burlington ou à Pittsburgh. Qu'on aille là le dimanche, on y entend plus parler français que sur la rue Sainte-Catherine à Montréal ou sur les Plaines d'Abraham, ici, à Québec.

M. Tremblay (Outremont): M. Coutu... M. Coutu (Jean): Oui.

M. Tremblay (Outremont): ...pariez-moi de la qualité de vie. Je m'excuse de vous interrompre.

M. Coutu (Jean): Non.

M. Tremblay (Outremont): C'est parce qu'on est limité dans le temps. Parlez-moi de la qualité de vie de vos 7000 travailleurs. Qui travaille le dimanche? Est-ce que ce sont des employés à temps plein? Est-ce que ce sont des employés à temps partiel? Est-ce qu'ils ont des avantages spéciaux? Sont-ils payés plus cher? Sont-ils payés moins cher? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Coutu (Jean): C'est bon.

M. Tremblay (Outremont): Au nom de la qualité de vie.

M. Coutu (Jean): Dans ma lecture de ce qui s'est passé ici, Mme Marois, je crois, a demandé une question à quelqu'un en lui disant: Écoutez, est-ce que les gens aiment ça travailler le dimanche? Moi, je vous réponds bien franchement: Non, Ils n'aiment pas ça. J'ai fait souvent le test. Je suis très intime avec mes employés, personne n'aime ça travailler le dimanche, personne n'aime ça travailler le soir. Pas plus dans les domaines libéralisés, que ce soit la restauration, que ce soit les gars aux courses ou quoi que ce soit, personne n'aime travailler le soir et les fins de semaine. Par contre, si on regarde les heures et si on leur dit, comme je l'ai fait chez moi avec les employés: Écoutez, si jamais on était obligé de fermer le soir et les fins de semaine, seriez-vous heureux? Oui, on serait content. Mais j'ai dit: Si ça arrive, je n'aurai plus besoin de vous la semaine. Est-ce que vous aimez travailler le dimanche? Oui, M. Coutu, on aime ça travailler le dimanche.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Coutu (Jean): Ça répond un peu. C'est entendu qu'N est impensable, il faut être menteur pour vous dire que les gens aiment ça. Par contre, il y a un moyen d'améliorer ça. Ce n'est pas tous les dimanches qu'on travaille. Ce n'est pas tous les soirs que l'on travaille. Chez nous, on a des paramètres bien stricts là-dessus et

nous avons vécu ceci. Nous obligeons chacun de nos pharmaciens propriétaires à avoir un code strict, jamais plus de trois soirs par semaine, jamais plus d'une fin de semaine par quinze jours et, lorsque les gens travaillent en fin de semaine à patir du samedi soir, il y a une prime et la prime est uniforme pour tout le monde. Que vous soyez pharmacien à 25 $ ou 30 $ l'heure ou que vous soyez un jeune employé à 6 $ ou 6,25 $ l'heure, tout le monde bénéficie du même montant. Ce n'est pas parce que vous êtes plus instruit ou plus âgé dans une compagnie que c'est plus ou moins agréable de travailler le dimanche. Tout le monde est sur le même pied. On a commencé à 1,25 $, 1,50 $, 1,75 $ et bientôt on va donner 2,00 $ l'heure de plus à tout le monde quand ils travaillent le dimanche. Pour leur permettre quoi? Pour leur permettre que le dimanche suivant ou la fin de semaine suivante où ils ne travailleront pas d'avoir un petit surplus d'argent qui va leur permettre de jouir un peu plus à plein de leurs journées de congé.

Le Président (M. St-Roch): Je vous remercie, M. Coutu. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à nos travaux au nom des membres de ma formation politique. Je pense que je ne reprendrai pas notre position, vous la connaissez assez bien. D'ailleurs, vous avez fait mention de certaines questions que j'avais soulevées devant les membres de cette commission.

Moi, il y a des choses qui m'agacent un peu et je vais les dire franchement, à ma façon. C'est vrai que vous avez développé un concept gagnant et je ne voudrais pas, en aucune façon, minimiser votre talent pour le faire, parce qu'on doit admettre que vous en avez pas mal quand même. Mais en même temps, il faut se dire que vous avez eu un avantage concurrentiel que d'autres commerces n'ont pas eu et que si cet avantage... Par la loi, là, on s'entend. Je ne dis pas que c'est illégalement que vous l'avez fait. Je pense que c'est important de se dire ça, parce que je vois déjà votre réaction. Mais il y a eu un avantage concurrentiel, parce que tous les autres commerces ont dû pendant cette même période fermer leurs portes. Ils étaient contraints de le faire. Vous avez, et c'est la loi qui vous le permet d'ailleurs... Il y a eu un décret passé à cet effet-là, donnant même l'adresse - c'est dans le cahier ici, là - des pharmacies où c'est possible. Vous le mentionniez tout à l'heure. Il y en a deux sur une rue qui vous appartiennent. L'une peut vendre un certain nombre de produits, l'autre pas. Donc, il y a eu quelque part un avantage qui vous a aussi permis que votre concept prenne la place qu'il prend maintenant. Pour moi, je me dis qu'il faut au départ qu'on fasse ce constat-là, sinon après tout le reste de l'analyse est faussé.

Je vais reprendre certaines choses que vous apportiez, entre autres, dans le document dont on a fait état, les diapositives. Vous dites: Nous, on est capables, on offre des produits à des prix concurrentiels et même plus bas que les autres. J'en conviens et même si je vous disais: Avez-vous choisi les bons produits? On va se fier à la firme qui est là et j'imagine que vous n'avez pas dit: Allez donc choisir le produit le plus cher et cachez les autres. On va s'entendre, tout ça s'est fait bien honnêtement et professionnellement. (11 heures)

Mais, bien sûr, le volume d'achats que vous permet votre grosseur fait en sorte qu'en bout de piste vous arrivez avec des prix comme ceux-là. Mais je vais aller plus loin aussi. Dans les techniques commerciales, II existe aussi le "loss leader", le prix qui attire. Dans l'alimentaire, dans les produits d'entretien entre autres - parce que contrairement à ce qu'on dit dans les journaux ce matin, je fais pas mal souvent mon marché et je vais chez Jean Coutu aussi -pour ces produits-là, je suis persuadée que vous avez des pertes réelles pour vous permettre d'attirer le consommateur, vendant les autres produits à un prix tout à fait concurrentiel sûrement. Mais quelles sont les marges bénéficiaires dans le produit comestique?

M. Coutu (Jean): C'est votre question? Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Sur celle-là. Et après ça je vais continuer et ne vous inquiétez pas, vous aurez le temps de réagir. Quelle est la marge bénéficiaire sur un produit comestique?

M. Coutu (Jean): La marge bénéficiaire ordinaire est de 40 %.

Mme Marois: Bon, voilà.

M. Coutu (Jean): Je n'ai pas fini.

Mme Marois: Chez vous, elle est différente un peu.

M. Coutu (Jean): Pas juste un peu. Elle peut aller jusqu'à un escompte de 20 %. Ça va.

Mme Marois: Bon, d'accord. Mais on s'entend que, généralement, pour ce type de produit, la marge bénéficiaire est de 40 %, que votre...

M. Coutu (Jean): Lorsqu'ils sont annoncés, ils sont aussi bon marché que les papiers et les produits d'usage ménager.

Mme Marois: D'accord. Ce n'est pas là-dessus que j'en suis. Vous me suivez bien à part

ça et vous le savez où j'en suis. J'en suis sur le fait que votre volume fait en sorte que vous pouvez avoir des produits plus bas même que vos concurrents pour attirer la clientèle, à qui vous vendez un produit de qualité et à un prix correct et comparable, mais votre attrait est là pour faire en sorte que les gens aussi consomment les autres produits. C'est une technique de marketing de base pour attirer les consommateurs dans les magasins de vente au détail. Le formulaire du dimanche n'est pas innocent dans ce sens-là. Je ne sais pas si c'est le dimanche ou un autre jour, mais le formulaire n'est pas innocent dans ce sens-là. Innocent dans le sens où II n'est pas neutre. Il signifie quelque chose.

Alors, moi, je veux bien reconnaître ce concept. Je veux bien en voir les effets Intéressants, mais il faut aussi savoir dans quel contexte ça s'est fait. Et ça je pense que c'est important quand même qu'on parte de ça.

À plusieurs reprises, vous dites dans votre document: C'est non morcelable. J'ai plein de papiers... Oui?

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait au moins lui donner la chance de réagir?

Mme Marois: II va réagir, M. le ministre. À date, j'ai permis à tous les gens d'intervenir. Je ne vois pas pourquoi ce matin...

M. Tremblay (Outremont): Excusez, on va le prendre sur mon temps s'il le faut. J'aimerais avoir la réponse. Vous semblez dire - c'est peut-être le cas, mais il a dit non tout à l'heure - qu'à cause d'une exception dans la loi, ça lui a permis de grossir, il a du volume et il peut passer des escomptes. Il se secouait la tête et il disait non. Moi, je voudrais juste au moins lui donner la possibilité de répondre sur ce point-là pour savoir si c'est vrai.

Mme Marois: M. le ministre, à date, je pense que les gens qui sont venus devant la commission ont eu la possibilité de s'exprimer. Je n'ai pas l'intention d'empêcher M. Coutu ou qui que ce soit de s'exprimer ici.

Le Président (M. St-Roch): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: À plusieurs reprises, on dit: C'est un concept non morcelable. Vous le dites, entre autres, à la page 22. Ça revient à différents moments dans votre document... Tenez voilà, à la page 28: "Un concept commercial unitaire, non morcelable." J'avoue que ça finit par m'agacer. Dans le fond, vous nous mettez dans une situation où vous nous dites: II n'y a aucune espèce d'autre solution possible pour nous que de conserver tel quel le commerce. Donc, la seule solution, si vous voulez être équitable avec les autres, c'est d'ouvrir complètement.

Le Président (M. St-Roch): M. Coutu

M. Coutu (Jean): Oui. Vous m'en avez posé des questions.

Mme Marois: Oui, on est là pour ça.

M. Coutu (Jean): Je vais vous en poser une. Imaginez le commerce que vous voulez, disons, les vêtements. Pouvez-vous vous imaginer un commerce de vêtements qui, dans sa publicité, n'aurait pas le droit d'annoncer des vêtements? C'est impensable. Savez-vous que c'est ce que nous vivons. Savez-vous qu'en pharmacie... j'ai été pendant 14 ans à me débattre avec l'Ordre des pharmaciens, pour dire: Voici un domaine où au moins les gens devraient avoir l'opportunité de savoir le prix qu'ils vont payer. On nous a condamnés. Nous sommes allés jusqu'en Cour suprême. On nous a dit: Non, tout ce qui s'appelle publicité, lorsque vous touchez la profession, se doit d'être concentré à l'intérieur de nom, adresse et numéro de téléphone. C'est-à-dire que notre véritable source de revenus, notre véritable spécialité, on ne peut pas en parler publiquement. Ça, c'est encore unique. On est toujours unique, un peu. en pharmacie. C'est que la pharmacie, que voulez-vous, c'est une profession teintée de commerce; c'est un commerce sublimé en profession. Mais ce qui est drôle, et c'est pour ça, madame, que chez nous vous dites qu'on se sert de beaucoup de produits pour attirer les gens pour d'autres choses, c'est que nous n'avons pas le droit d'annoncer des médica* ments. Rien ne nous ferait plus plaisir que de vous dire: Madame, lorsque vous venez chez nous, les 222, au lieu de 6,83 $, c'est 3,52 $, mais ça, je n'ai pas le droit. Je n'ai pas le droit à cause de ma profession pharmaceutique. Maintenant...

Mme Marois: Mais c'est vrai pour les autres pharmacies, M. Coutu, vous en conviendrez.

M. Coutu (Jean): C'est vrai pour tout le monde. Et les autres pharmacies, justement - j'arrivais à répondre à l'autre partie de votre question - c'est entendu, madame, que si notre concept est morcelé, diminué, nous n'allons avoir qu'un seul choix, celui de devenir comme les autres, celui de devenir, comme François ou comme moi jusqu'en 1981, lorsque j'avais une clinique. J'étais fermé le soir et les fins de semaine, parce que je n'avais rien pour subventionner cette présence pharmaceutique que vous, vous voulez à certains moments et qui, pour moi, n'est pas rentable.

Mme Marois: C'est parce que l'Ordre des pharmaciens est venu nous dire que ce sont 1400 d'entre eux - je recherche le chiffre, là - que

1400 pharmacies opèrent. Imaginons que les pharmacies Jean Coutu et les grandes surfaces sont dedans, enlevons-les, il en restera quelque part 1000 qui, elles, opèrent en vendant du produit pharmaceutique et du produit hygiénique...

M. Coutu (Jean): Madame...

Mme Marois: ...et, vous avez raison, quelques petits machins de breuvage, confiserie, etc. Mais l'essentiel de leurs activités, c'est l'Ordre qui nous l'a dit devant nous, c'est que ces pharmaciens-là pouvaient vivre en rendant le service qu'ils avaient à rendre.

M. Coutu (Jean): Madame, est-ce que je peux vous répondre?

Mme Marois: Très certainement.

M. Coutu (Jean): Madame, vous avez parfaitement raison, mais à l'intérieur d'un cadre très restreint d'heures. Je l'ai vécu, François ie vit présentement, le président de l'Ordre des pharmaciens le vit, parce que lui-même est propriétaire d'une clinique. Qu'est-ce que vous voulez, on n'est pas des pharmaciens pour être martyrs de la santé.

Mme Marois: Bien non.

M. Coutu (Jean): Écoutez, si je ne suis pas subventionné par des parcelles de multiprésenta-tions commerciales autres que la partie pharmaceutique, je ne peux pas pratiquer et offrir au public cette présence pharmaceutique qui est souvent la seule personne de la santé disponible. Et je vous mets au défi de me montrer une pharmacie qui peut opérer aux heures que nous opérons sans avoir cette grande panoplie de produits que nous offrons à la clientèle.

M. Coutu (François Jean): Mme Marois...

Mme Marois: J'aimerais ça vous entendre, l'autre M. Coutu, M. François Jean Coutu, mais il ne faut pas faire pleurer dans les chaumières.

M. Coutu (Jean): Je ne veux pas vous faire pleurer, je vous dis la réalité, madame.

Mme Marois: Les pharmacies rendent leurs services disponibles dans certains quartiers. S'il y a trois pharmacies, un pharmacien va rendre son service disponible; on va avoir une affichette dans la vitrine pour dire qu'à tel endroit il y a un service de disponible. Voyons, c'est comme ça dans plusieurs pays du monde.

M. Coutu (Jean): Madame, j'ai vécu ça. Mme Marois: Moi aussi.

M. Coutu (Jean): Vous pariez de plusieurs pays dans le monde où, madame, les pharmaciens opèrent à 37 % et à 42 % de profit. Voulez-vous savoir les profits qu'on fait chez nous? Ils sont publics. 23,4 %, madame. Si vous voulez absolument que les pharmaciens soient obligés d'opérer à l'intérieur d'un profit brut de 40 %, que j'ai connu, parfait. Vous allez sacrifier je ne sais pas combien d'emplois, au détriment des travailleurs qui vont perdre leur emploi et au détriment du public consommateur. Nous ne pouvons pas offrir au public le service que nous lui offrons à 23,4 % de profit brut, sans avoir tout ce consortium et ce volume qui nous permettent de vous offrir ce service professionnel que vous voulez.

Mme Marois: On nous a dit, ici... M. François Jean, vous vouliez intervenir?

M. Coutu (François Jean): Oui.

Mme Marois: Je vais revenir sur ce que vous avez apporté.

M. Coutu (François Jean): Je vais juste parler d'un point aussi. Bien souvent, il y a beaucoup d'exceptions. Les commerçants qui jouissent d'une exception de pratique le dimanche, souvent le dimanche est leur meilleure journée. D'accord? C'est là où ils font le plus d'affaires. D'ailleurs, ça justifie leur présence. Et ça, c'est d'une façon artificielle, c'est-à-dire protégé par une loi. Mais nous, d'une façon naturelle, la pharmacie, le dimanche, c'est moins bon, Mme Marois; il y a moins de médicaments qui sont consommés. Par contre, on ne peut pas prévoir quand on va être malade et les gens apprécient quand même un service peu coûteux - je l'ai mentionné tout à l'heure dans mes statistiques, peu coûteux. Alors nous, ce qu'on dit, à ce moment-là: C'est vrai, nous avons un cadre commercial qui est important, qui est peut-être, comme je vous le dis, plus important le dimanche, parce que ça reflète les nouveaux besoins des consommateurs. Mais, comme je vous le dis, est-ce qu'on doit sacrifier ça, nous, le dimanche, pour effectivement redevenir comme les autres commerçants, comme les autres pharmacies? Même mon père a vécu ça l'époque où les pharmacies, entre autres, il y en avait à tous les coins de rue. On disait: Toi, tu vas ouvrir cette fin de semaine-ci, toi, tu vas ouvrir l'autre fin de semaine, etc., on va s'allier comme ça. Demandez-lui ce qui est arrivé. Effectivement, comme nous sommes des pharmaciens, mais que nous vivons à partir de la vente de médicaments, bien, ce sont des clients aussi, madame. Alors, ce qu'on faisait, c'est qu'il y avait des gens qui faisaient des escomptes en dessous de la table, ils s'appropriaient de la clientèle. Donc, ce qu'on voit utopiquement entre les pharmacies n'est pas possible dans le contexte nord-amérl-

cain.

Mme Marois: Enfin, vous ne m'en convainquez pas, parce que je me dis qu'il y a certains endroits, même au Québec, où c'est possible, où ça arrive. Que votre concept ne soit pas possible si les règles se modifient, ça, je ne le sais pas; peut-être même qu'il est encore tout à fait possible, votre concept, et ma présomption, c'est que oui, il pourrait être possible, mais en respectant les mêmes règles du jeu pour tout le monde, dans le sens où il y a des heures où on ferme et vous devez fermer en même temps que les autres. Il y en a des pharmacies qui vivent au Québec et qui font leur compte, j'imagine, parce que sinon, elles fermeraient. Ce sont les lois du marché et vous seriez les premiers à me le dire, que ce sont les lois du marché.

Juste une chose et j'aimerais ça... Vous ne m'avez pas répondu sur le concept qui a fait que vous avez eu un avantage concurrentiel.

M. Coutu (Jean): Ah, ça, je vais vous répondre avec plaisir.

Mme Marois: Je vais y revenir. Mais dans vos chiffres...

M. Coutu (Jean): Vous m'avez tellement posé de questions que j'en ai oublié quelques-unes.

Mme Marois: J'y reviendrai, ne vous inquiétez pas, je ne les oublie pas. Dans votre document, le document que vous nous avez présenté, vous nous dites: Voilà, regardons les achats pharmaceutiques en 1988, comparons le Québec, comparons l'Ontario, les achats par individu et on se rend compte qu'au Québec, c'est moins cher par individu. C'est bien ça, je lis bien vos chiffres, M. Coutu?

M. Coutu (François Jean): Oui.

Mme Marois: Bon! Oui, mais est-ce que le fait qu'on ait mis ici beaucoup l'accent sur le produit générique, qui souvent... Le gouvernement, entre autres, qui paie une somme importante pour les médicaments des personnes âgées, des personnes touchant la sécurité du revenu, a choisi effectivement des prix, des produits génériques avec des prix médians. Enfin, il y a toute une technique pour établir le prix. Est-ce que ça n'a pas un impact?

M. Coutu (François Jean): Non, justement parce que j'ai pris une province où il existe à peu près le même genre de politique, au niveau des services de santé, des services de médicaments. L'Ontario jouit de la même chose, une régie...

Mme Marois: Leur régie établit aussi un générique avec...

M. Coutu (François Jean): C'est ça, oui. Effectivement, ils doivent donner aux gens âgés le produit générique, de préférence. Donc, ça se compare vraiment, Mme Marois.

Mme Marois: Mais est-ce que le gouvernement paie pour le produit quand il n'est pas générique, en Ontario?

M. Coutu (François Jean): C'est justement, il y a, comme je peux dire ça, une surprime pour les génériques. Effectivement, ils vont chercher un plus grand profit. Donc, la recommandation de le suivre, c'est important, ils font plus de profit sur un générique.

Mme Marois: D'accord. On me dit que mon temps est terminé pour maintenant, mais je...

M. Coutu (Jean): Non, je l'aime votre temps, madame.

Mme Marois: Non, j'aimerais que vous me répondiez sur mon temps, parce que c'est pour ça qu'on est là, pour se parier.

M. Coutu (Jean): Prenez mon temps.

Mme Marois: Non, sur mon temps à moi. Non, non, notre temps à nous, là. Alors, j'aimerais ça, M. Coutu, que vous reveniez sur l'affirmation que je faisais au départ.

M. Coutu (Jean): Est-ce que vous pourriez répéter votre affirmation?

Mme Marois: Pardon?

M. Coutu (Jean): Est-ce que vous pourriez répéter votre affirmation?

Mme Marois: Certainement. Ce que je disais, c'est que votre entreprise, bien sûr, je reconnais qu'elle est un succès. J'y reconnais là votre talent aussi. Je suis prête à vous l'attribuer. Bon! Ça va de soi. Mais est-ce que vous ne pouvez pas convenir aussi que vous avez eu un avantage concurrentiel sur les autres commerces qui n'ont pu, dans des conditions comparables aux vôtres, agir de la même façon?

M. Coutu (Jean): Deux réponses. Je vous ai dit, tout à l'heure, si nous avons eu un avantage, au lieu de nous l'enlever, offrez-le à tout le monde. Ça va? Et, deuxièmement, si nous avons eu un avantage et un privilège, est-ce que, monétairement, en pourcentage de profit, nous en avons profité? Est-ce que, comme les centres de ski ou comme les clubs de golf, nous demandons plus cher le dimanche? Vous savez... (11 h 15)

Mme Marois: Je n'ai pas dit ça par contre.

M. Coutu (Jean): Je ne sais pas si vous jouez au golf, je ne sais pas si vous jouez au tennis, je ne sais pas si vous allez en ski, mais...

Mme Marois: À l'occasion, pas souvent. (11 h 15)

M. Coutu (Jean): ...ça coûte beaucoup plus cher le samedi et le dimanche en ski que le lundi et le mardi. Chez nous, ce sont les mêmes prix. Si privilège on a eu, peut-être! On vous dit - et nous sommes les seuls, à date, de tous ceux qui ont un supposé privilège à vous le dire - ne nous l'enlevez pas, donnez-le à tout le monde. Demandez la même question aux 4500 dépanneurs qui, eux, ont tenu les gens en otage. Vous n'avez pas le choix. Nous avions le choix de dire... En plus de ça, madame, je peux vous dire que nous avons la seule pharmacie de la province de Québec ouverte 24 heures par jour, et la nuit comme le jour ce sont les mêmes prix. Déjà, vous savez, au niveau d'autres professionnels, que ce soient les médecins ou d'autres professionnels de la santé, qu'ils ont une surprime, ils ont une prime pour certaines heures dans la semaine. Ça n'existe pas chez nous. Si privilège on a eu, peut-être, mais nous n'en avons pas profité au détriment de la clientèle. Est-ce que j'ai répondu un peu à votre question?

Mme Marois: Oui, vous avez très bien répondu à ma question...

M. Coutu (Jean): Merci, madame.

Mme Marois: ...parce que, effectivement, vous admettez que privilège il y a eu. Je suis d'accord avec vous que vous n'en avez pas profité pour exploiter le consommateur et je partage votre point de vue. On pourrait creuser les chiffres et je suis pas mal certaine qu'on arriverait à ces conclusions-là, mais vous admettrez que vous avez fait quand même un certain profit aussi, alors que d'autres ne pouvaient pas le faire.

M. Coutu (Jean): Mais, madame...

Mme Marois: Je ne trouve pas le profit détestable en soi, mais disons que vous aviez plus de chances d'en faire que d'autres à côté puisqu'ils n'avaient pas le choix de commercer au même rythme que vous.

M. Coutu (Jean): Madame, comme vous et moi avons été petits bébés, le Groupe Jean Coutu a été un petit bébé aussi. Ça a débuté dans une pharmacie de 18 pieds par 52 pieds de profondeur, moins de 1000 pieds carrés. Madame, c'est que vous avez la preuve peut-être de ce que François vous a dit tout à l'heure. À l'intérieur d'une libéralisation légale et permise, un petit a eu le malheur québécois de devenir grand.

Mme Marois: M. Coutu, ne me faites pas dire des choses que je n'ai pas dites.

M. Coutu (Jean): Je ne vous fais pas dire ça, mais il semble qu'on art une obsession à vouloir dire: Dans le commerce, il faut rester petit. Madame, la règle de trois, j'ai déjà eu l'occasion d'en discuter avec vos confrères. Vous avez un dépanneur, disons... Vous êtes une personne intelligente, vous nous avez tellement dit de compliments que je vais vous rendre la pareille avec autant de sincérité.

Mme Marois: Ne vous sentez pas obligé de le faire.

M. Coutu (Jean): Non, non, mais avec autant de sincérité. Je vous vois avec un dépanneur, ça va, vous avez une personnalité charmante et vous devenez tellement un grand succès que vous avez besoin de quatre ou cinq employés. Expliquez-moi la logique de la loi actuelle qui vous oblige à fermer vos portes? Moi, je ne peux pas voir, dans un Québec qui se veut transcendant, qui se veut le trait d'union entre la culture française et l'anglaise comme il l'est de l'Amérique du Nord et de l'Europe depuis cinq siècles, et je ne vois pas les restrictions qu'on nous impose parce qu'il y a des possibilités de devenir important.

Mme Marois: Je reviendrai sur ça, tout à l'heure, puisque maintenant je ne peux plus intervenir; c'est au ministre à le faire.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie de votre collaboration. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): S'il n'y avait pas eu d'exception dans la loi et que tous les commerces avaient été fermés le dimanche, sans exception est-ce que votre formule aurait autant de succès aujourd'hui?

M. Coutu (Jean): Je me répète. En 1984, un de vos confrères m'a posé la même question. Il m'a dit: M. Coutu, si tout était libéralisé, vous ne seriez peut-être pas ce que vous êtes aujourd'hui. J'ai dit: Si je n'étais pas ce que je suis aujourd'hui, c'est que je n'avais pas raison d'être là. Si je ne peux pas compétitionner, je n'ai pas besoin d'être protégé. Est-ce qu'il y a des lois pour protéger les petits restaurants? Est-ce qu'on obiige les restaurants de quinze employés à fermer le dimanche pour donner une chance à ceux qui ont trois employés? Est-ce qu'il y a des lois pour protéger les petits postes de radio? Est-ce qu'il y a des lois pour protéger les petits journalistes et les petits journaux? C'est drôle, on semble tout à coup pris d'une espèce de sentiment de culpabilité pour protéger

les petits commerçants... J'aimerais me tourner encore vers Mme Marois et lui dire qu'en 1984, devant votre confrère, M. Biron - et j'ai la loi devant moi, ici - la loi de 1969 dit, et je veux vous la citer parce que c'est...

Mme Marois: Elle est dans notre cahier. D'ailleurs, on peut, je pense...

Le Président (M. Bélanger): Elle est dans votre cahier.

Mme Marois: Celle de 1969 était dans notre cahier?

M. Coutu (Jean): Je vais vous la lire, ça me fait plaisir. En 1969, on disait: La loi ne s'applique pas non plus aux établissements commerciaux dont l'activité principale est la vente au détail de denrées et dont le fonctionnement est assuré du début à la fin d'une journée de 24 heures par un effectif - et c'est ça qui est important - total de trois employés au plus, incluant patron et employés. Toutefois, ce commerce ne devra pas faire partie d'un plus grand nombre d'établissements commerciaux liés les uns aux autres en association. Et ceci a été changé en 1984. Là, ça me fait plaisir de vous dire... Là, on ne parle pas du fictif ni de l'imaginaire. Moi, j'ai dit à M. Biron: Si vous enlevez ça, votre supposée loi pour protéger les petits, elle vient de finir. Vous les détruisez. Le commerce du dépannage et de l'alimentaire restrictif sera la panoplie, sera le résidu et sera la propriété des grands consortiums. Je n'ai rien contre ça, mais qu'on ne me dise pas que c'était une loi pour protéger les petits.

M. Tremblay (Outremont): Dites-moi, est ce que vous avez des problèmes de recruter des gens pour travailler le dimanche?

M. Coutu (Jean): Eh monsieur! M. le ministre! Les étudiants qui ont besoin de sous peuvent-ils aller travailler à l'Alcan, à l'Hydro-Québec lorsqu'ils ont congé? Ils se doivent pour gagner des sous d'aller dans des endroits qui sont en équipollence avec leur disponibilité. C'est vrai qu'aujourd'hui... Il paraît que vendredi dernier à la télévision de Radio-Québec, on a dit des choses un peu drôle. Un étudiant a dit qu'il ne voulait pas la libéralisation, parce que le dimanche il veut étudier. Avec les heures de cours aujourd'hui, ce n'est plus comme dans notre temps. Dans notre temps, on commençait le matin à 9 heures et on finissait à 17 heures. Aujourd'hui, ils rentrent à 9 heures. Ils viennent à 16 heures, s'en vont à la maison et reviennent à 20 heures. Vous avez le temps en masse d'étudier, mais vous n'avez pas le temps de travailler. Et si des entités comme les nôtres à l'intérieur d'une non-libéralisation ne peuvent pas se permettre de pouvoir offrir aux étudiants un travail de qualité à des conditions ordinaires... Parce que chez nous, on a une politique salariale. On a une politique salariale obligatoire et stricte pour chacun de nos propriétaires. Ils ne peuvent pas donner les salaires qu'ils veulent. Cela fait qu'il n'y a aucune difficulté à avoir des employés.

M. Coutu (François Jean): Surtout, qu'on favorise beaucoup le temps plein chez nous. Il y a plus de 50 % des gens qui travaillent à temps plein. Ça inclut évidemment le travail les fins de semaine. Mais on refuse... Bien entendu, on a dans nos pharmacies des piles de formules d'application de gens qui veulent travailler chez nous. C'est entendu, on a aucun problème de recrutement.

M. Tremblay (Outremont): La dernière question que j'ai, c'est sur le fameux débat sur la qualité de vie. Quand on regarde l'équité, une loi équitable, je pense qu'on s'entend bien là-dessus. Quand on regarde les besoins réels des consommateurs, on peut s'entendre là-dessus. Mais quand on arrive à la qualité de vie, il semblerait qu'H se fait un débat important. On dit que le corporatif, lui, il est gros. D'une façon ou d'une autre, il s'en fout d'ouvrir le dimanche ou pas, parce qu'il peut toujours engager des employés qui sont dans ses commerces tous les jours. Tandis que le petit, lui, il travaille 60 heures par jour et il a besoin d'une journée. Alors, le dimanche, c'est important, c'est un débat de société et le gouvernement devrait dire: Voilà, nous autres, on veut pour protéger le petit, donc la société et la qualité de vie, fermer les commerces le dimanche, saut le vrai dépannage. J'aimerais, comme j'ai l'opportunité d'avoir un père et un fils, donc deux générations, entendre les deux M. Coutu sur ce point de vue-là. Je veux savoir, c'est quoi pour vous la qualité de vie? Travaillez-vous, vous autres, le dimanche? Êtes vous riches au point où vous n'êtes jamais dans vos commerces?

M. Coutu (Jean): Bon. C'est une bonne question. J'ai débuté en pharmacie en 1949. De 1949 à 1973, j'ai fait une fin de semaine par quinze jours, parce qu'on a fêté le vingtième anniversaire de notre organisation. François, lui-même, qui est ici à côté, dit: Mon père, je ne l'ai pas connu beaucoup. Pour plusieurs raisons, parce que je ne viens pas d'un milieu qui était riche et, deuxièmement, parce que j'essayais de bâtir un concept qui pouvait passer a travers les changements et les transitions des temps que nous avons vécus depuis la guerre de 1939-1945. Est-ce que je travaille le dimanche présentement? Je vais vous dire non. Non, je ne travaille pas le dimanche. Je ne travaille pas le dimanche, mais par contre, les 170 associés pharmaciens qui sont avec nous, la plupart d'entre eux travaillent le dimanche. Moi, aujourd'hui, je ne suis plus un

pharmacien de détail. C'est peut-être ce que j'ai aimé le plus dans ma vie, mais je ne suis plus un pharmacien de détail. Et, puis, bien, je crois qu'à 62 ans, je peux me permettre quelques congés de fin de semaine et c'est la même chose pour beaucoup de nos employés. Vous savez, avec les années, ce qui est une politique d'une fin de semaine par quinze jours, ce n'est pas obligatoire. C'est minimal et maximal. On ne peut jamais exiger plus que ça, mats dans notre politique de ressources humaines, on tend à diminuer de plus en plus la fréquence des fins de semaine. On en a parlé tout à l'heure, ce n'est pas agréable de travailler les fins de semaine, mais c'est obligatoire. Que voulez-vous, M. Tremblay? Vous vous rappelez sans doute le temps de la télévision où ça commençait à 17 heures et à 23 heures, le sauvage apparaissait. On chantait le Ô Canada et c'était fini.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Coutu (Jean): Qu'est-ce qui arrive aujourd'hui? Aujourd'hui, vous avez de la télévision presque 24 heures par jour. Est-ce que quelqu'un a pensé à ces pauvres employés qui sont là et qui se doivent d'être présents en studio? Est-ce qu'on a pensé aux journalistes? Est-ce qu'on a pensé aux journaux du dimanche et du lundi? Écoutez, les gens exigent une présence et quand vous choisissez le métier de travailler dans une pharmacie, la première chose qu'on leur dit, c'est la disponibilité sept jours par semaine. Mais encore là, M. Tremblay, je crois que la semaine, ce n'est plus lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi et dimanche. La semaine maintenant, c'est un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept avec deux journées de congé obligatoire dans ça pour tout le monde.

M. Tremblay (Outremont): Mais vous, M. Coutu, vous avez 170 associés. Qu'est-ce que vous répondez à 70 %, parce que 70 % des commerces de détail, ce sont de petits commerces... Et je ne parle pas des trois employés et moins, je parle surtout des commerces qui existent depuis 20 ans, 30 ans, transférés de père en fils, où le père travaille avec son épouse, des enfants et quelques employés, et qui, passé 60 ans, dit: Moi, je voudrais fermer le dimanche. Comment réagissez-vous à ça?

M. Coutu (Jean): Écoutez, je vais répondre à ça d'une façon indirecte. Dans quelque domaine que ce soit - on parle du domaine du commerce aujourd'hui - toute loi qui maintient une certaine petitesse ne peut pas permettre l'épanouissement des talents. C'est dans les difficultés que les talents vont réellement se communiquer et devenir ce qu'un talent dort être, créateur. Mais si vous donnez un cadre douillet... Les petits oiseaux, vous savez comment ça fonctionne. Les petits oiseaux viennent au monde dans un nid, Ils viennent sur le bord de la branche et, une bonne journée, la maman a le courage de leur donner un coup d'aile et de leur dire: C'est à ton tour de voler tout seul. S'il fallait qu'on maintienne toujours les petits oiseaux dans leur nid, bien, écoutez, ça ne volerait peut-être pas. Écoutez, je ne crois pas que ce soit le rôle d'un gouvernement de passer des lois pour protéger, et seulement dans cette catégorie-là, ceux que l'on considère comme des petits. La meilleure façon de sortir de notre domaine d'être petit, c'est d'avoir la chance de devenir important.

M. Tremblay (Outremont): C'est clair. Est-ce que je peux, M. Coutu, avoir la réponse de François Jean Coutu?

M. Coutu (François Jean): Oui, disons que des fois, je peux être mal placé parce que j'aime beaucoup travailler. Évidemment, on est actif dans une entreprise familiale et je pense qu'on ne compte pas nos heures. J'ai travaillé tout l'été, une fin de semaine sur trois, pour remplacer mes pharmaciens. À ce moment-là, je m'étais organisé, c'est entendu. J'ai une femme, j'ai de jeunes enfants et le dimanche, quand je travaillais, et le samedi aussi, je m'étais organisé pour avoir une journée de congé, le lundi. Évidemment, je n'avais pas congé le vendredi parce que j'avais d'autres occupations au siège social. Alors, le lundi pour moi, c'était... Peut-être parce que j'avais la chance d'avoir... Ma femme ne travaille pas, c'est vrai, et j'ai de jeunes enfants à la maison qui ne vont pas à l'école et pour moi, le lundi était une journée familiale aussi intense que pouvait l'être une autre journée de la semaine où on pouvait avoir congé. Alors, c'est la même chose un peu pour nos employés. Moi, c'était différent parce que je travaillais six jours et même, des fois, sept jours par semaine. Mais nos employés, je n'exige pas d'eux qu'ils travaillent sept jours par semaine. Je leur dis: Écoutez, c'est encore cinq jours par semaine. On met des horaires huit semaines à l'avance et ils s'organisent en conséquence. Alors, pour eux, le dimanche... On a même souvent, comme je vous le dis, quand on devient un peu plus important, on donne des chances d'avoir des fins de semaine moins régulières et à ce moment-là, pour eux, c'est certainement une joie de se retrouver avec le plus de disponibilité de temps de travail, de temps régulier et en même temps, d'avoir beaucoup d'heures de loisir et ça peut être autant la fin de semaine que la semaine.

M. Tremblay (Outremont): O.K. J'ai entendu tout à l'heure sur les employés... On entend ça. Il y a beaucoup d'intervenants qui sont venus nous dire ça, les corporatifs: Si l'employé dit non, mettons, un dimanche pour travailler et s'il dit non un deuxième dimanche, ce n'est pas long qu'il va perdre sa job.

M. Coutu (François Jean): Écoutez, ça arrive souvent aussi... Je suis mal placé pour dire ça, mais ça arrive souvent que des employés disent: Bon, tel dimanche, j'ai une activité, est-ce que je peux me faire remplacer? Écoutez, ce n'est pas... Ça peut se faire remplacer aussi, quelqu'un, s'il y a une activité quelconque. C'est entendu, si continuellement, quelqu'un qui est "cédulé" une fin de semaine sur trois et qu'à chaque fin de semaine qu'il travaille, il dit: Écoute, j'ai quelque chose. À ce moment-là, c'est entendu, on va dire: Nous, on a des obligations face à notre clientèle; il faut que tu sois présent. Alors, comme je vous le dis, il y a tout de même moyen de s'organiser pour être, je pense, de bons patrons et, en même temps, avoir un cadre législatif qui fasse en sorte qu'on ne brime pas ces employés-là. (11 h 30)

M. Tremblay (Outremont): Mais je pose la question dans le sens que ce qu'on dit c'est que... Assumons qu'une des hypothèses, c'est la libéralisation des commerces. Dans la loi on prévoit qu'on ne pourra jamais forcer un employé à travailler le dimanche; on le met dans la loi. Ce qu'on nous dit, c'est que même si c'est écrit dans la loi, il va refuser une fois, il va refuser deux fois, et la troisième fois il n'aura plus d'emploi. Est-ce que c'est réaliste, premièrement, de ne pas forcer un employé à travailler le dimanche? Est-ce que c'est possible de faire ça légalement?

M. Coutu (Jean): M. Tremblay, ça tait 40 ans que je vis de ce métier-là. La question que vous posez là, écoutez, on l'a tellement vécu chez nous. Je ne me souviens pas avoir été obligé de congédier un employé en 40 ans - j'ai été employé moi-même - disons au cours des 30 dernières années où j'ai été employeur, parce qu'il refusait de travailler le dimanche. Ce n'est jamais arrivé. Il y a une chose, par exemple, c'est que les employés savent que chez nous, c'est une disponibilité de sept jours, comme une garde-malade, comme un chauffeur d'autobus, comme un pilote d'avion. Qu'est-ce que vous voulez, c'est notre métier d'être disponible.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que, en tant que débat de société, je reviens d'abord, l'initial... L'autre tendance qui est véhiculée, c'est de dire: Écoutez, pourquoi notre main-d'oeuvre, nos travailleurs et nos travailleuses, seraient-ils disponibles sept jours par semaine? Pourquoi ne pourrait-on pas être disponible six jours par semaine, et au moins avoir une journée avec tout ce que ça peut impliquer au niveau de la stabilité familiale? Ça, on entend ça beaucoup.

M. Coutu (Jean): M. Tremblay, de par la loi, et j'ai eu l'occasion de discuter avec quelques ministres du Travail sous quelques gouverne- ments, dans le débat sur les heures d'ouverture, un des ministères les plus importants, je crois, c'est le ministère du Travail. S'il y a une loi, s'il y a des amendes, c'est à ce niveau-là qu'il va peut-être falloir les trouver. C'est que c'est obligatoire d'imposer un maximum de travail de cinq jours par semaine, à moins, et nous en avons fait une recommandation, à moins que certains individus, comme des étudiants, ou comme des gens qui veulent revenir sur le marché du travail, insistent, eux, pour ne faire que des soirs et des fins de semaine. Mais il est inique de vouloir Imposer des dimanches et des samedis continuellement aux mêmes personnes; nous ne l'avons jamais fart. Mais vous parlez avec des individus qui ont l'expérience de cette chose-là: 7000 employés, 6400 au Québec. Demandez à n'importe lequel, et je le répète, personne n'aime travailler le dimanche. Mais ils savent que le métier qu'ils ont choisi est un métier de disponibilité. Il y en a peut-être qui vont dire: Oui, mais il y en a déjà assez. Ce n'est pas à nous de définir qu'il y en a assez. C'est le public qui dit: Maintenant, ce métier-là on le veut plus souvent, et plus tard - on en a parié ici - plus tard, peut-être dans deux ans, ils vont dire: Ce métier-là on le veut plus souvent. Et c'est ça, les lois du marché. C'est la seule loi. S'il y a un endroit où le gouvernement ne devrait pas légiférer, c'est bien dans la question des heures d'affaires. Vous avez tellement de choses à vous occuper, il y a tellement de choses qui sont plus importantes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Coutu (Jean): Ça peut se régler tout seul. Ça peut se régler tout seul. La preuve, nos voisins l'ont fait. Aux États-Unis, je vous en ai dit un mot tout à l'heure, nous vivons cette chose-là, et la vie familiale aux États-Unis, le nombre d'enfants par famille est encore plus important qu'ici au Québec. Qu'est-ce que vous voulez? C'est cette espèce de crainte qu'on a, la journée du dimanche. J'ai écouté ce que les évêques ont dit. Je les respecte beaucoup, je suis un homme religieux; l'endroit où j'ai rencontré le plus souvent M. Ryan, c'est à la paroisse Saint-Viateur, pas à l'extérieur, à l'intérieur à part ça. Mais qu'est-ce que vous voulez, quand l'Église catholique a accepté que la journée du Seigneur, ça commençait le samedi à 16 heures... Y a-t-il des gens plus conservateurs que ça? Ils ont accepté cela. Ça veut dire que le dimanche, ça devient, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept. Si, aujourd'hui, et là-dessus, c'est bien important... C'est qu'autrefois... Tout a commencé en l'an 321. Madame, je sais que vous avez des diplômes de MBA, etc.; vous êtes certainement une bonne historienne. L'empereur Constantin a décidé, il a dit: Une minute, ça ne se peut pas, il faut que les gens se reposent une certaine journée. Et

dans ce temps-là, on a choisi la journée du dimanche. Mais il y a une chose qu'il faut que vous sachiez. C'est que, à venir jusqu'au début du XIXe siècle, les services, ça n'existait pas. Il n'y avait pas de services, il n'y avait que des objets. Et, aujourd'hui, les objets, le matériel est devenu tellement près des services que vous avez des matériaux, vous avez des produits, qui sont presque des services, et vous avez des services qu'on ne peut pas rendre sans produits. Et c'est la toute la difficulté. C'est qu'aujourd'hui, sans le savoir, ceux. Et la dernière question que je vous ai posée tout à l'heure... Ceux qui sont contre la libéralisation ne savent pas - je l'espère, je leur prête de bonnes intentions - qu'en exigeant un repos quel qu'il soit, à quelque journée que ce soit, si c'était un repos total pour tout le monde, on se promènerait la main dans la main. Pourquoi...

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous interrompre.

M. Coutu (Jean): Excusez-moi.

Le Président (M. Bélanger): C'est parce que je dois céder la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui. Ce n'est pas moi qui l'ai demandée, c'est le président, là, qui agit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): C'est mon travail, oui.

Mme Marois: Merci, M. le Président. M. Coutu, vous qui êtes, et je le pense, parce qu'on a eu l'occasion d'échanger à d'autres reprises, qui êtes un humaniste, qui nous faites une réflexion sur l'histoire et un rappel de l'histoire qui est fort intéressant, vous nous dites dans votre document qu'il y a, attachée à la liberté de consommer, la qualité de vie, qu'on doit vivre à sa manière et qu'il y a une liberté de commercer et, donc, que cette liberté semble apparaître dans vos documents comme une espèce de liberté quasi aussi fondamentale que la liberté de presse à la limite, ou que la liberté de pratique, vous me permettrez d'être un peu en désaccord avec vous.

Il y a, effectivement, des libertés que l'on ne contraint en aucune espèce de façon dans nos sociétés démocratiques et que nous n'encadrons pas, si ce n'est pour leur donner la possibilité de s'exprimer. La liberté de presse en est un exemple, la liberté de pensée, la liberté de pratique religieuse en est une autre, mais je ne pense pas que la liberté de commercer se situe au même niveau et donc, qu'à cet égard-là, comme société, on puisse faire un choix un peu différent. Décider d'encadrer cette liberté de commercer, ça m'apparaît une possibilité tout à fait envisageable et tout à fait réalisable et ça ne viendra pas brimer, me semble-t-il, à ce point les libertés des personnes. Vous savez, liberté en ton nom, que de crimes a-t-on commis et la liberté absolue, c'est l'anarchie. Alors, on est dans une société organisée et on fait un certain nombre de choix aussi en termes de choix de société.

Dans le fond, quand on arrive là, essentiellement, au fondement même du débat, il y a devant nous deux thèses et elles sont difficilement conciliates. D'ailleurs, c'est pour ça que le ministre est un petit peu mal pris. Il y a une thèse qui dit: Nous proposons que, comme société, on se donne collectivement et pour la majorité d'entre nous... Et on ne souhaite pas qu'effectivement il y art plus de travailleurs et de travailleuses qui soient obligés - comme vous le dites, ils n'aiment pas ça, d'ailleurs - d'exercer leur profession, sauf dans des services essentiels. Et là, nous, on dit... Là, ce sont deux concepts de la qualité de vie. Nous, on dit que le concept que l'on défend, c'est de souhaiter qu'une majorité d'entre nous, pendant une journée qui soit la même pour tout le monde parce que ça facilitera les échanges, la communication, etc. Il ne faut pas nous faire dire que ça va empêcher la famille, que ça va empêcher la pratique religieuse. Moi, je n'en suis pas là, je ne défends pas ce volet-là. Je défends autre chose de plus fondamental, par exemple, c'est-à-dire que pendant une journée dans la semaine, la majorité d'entre nous vont cesser les activités de commerce et de production, sauf pour l'essentiel, et qu'on va accorder du temps à autre chose dans la vie. Ça, c'est une philosophie, c'est une approche qui nous apparaît tout aussi comparable en termes d'évaluation de la qualité de vie qu'une autre approche qui est de dire: La qualité de vie des gens qui vivent sur le territoire québécois exige qu'ils aient accès 24 heures par jour, 7 jours par semaine, ou ça peut être de 8 heures le matin à 23 heures et le dimanche y compris, à tous les produits de consommation, alors que ceux-ci ne sont pas tous essentiels au même niveau. Alors, je pense que c'est de là qu'on part et c'est là qu'on arrive aussi. Ça, c'est le fondement même de la discussion qui est devant nous aujourd'hui et que l'on a ensemble.

Après ça, qu'on me parle, effectivement, des travailleurs et des travailleuses, je vous suis. Que nos lois soient un peu plus serrées, un peu plus encadrantes pour qu'on respecte, par exemple, une loi comme la Loi sur les normes minimales, j'en conviens. Mais vous-même, vous reconnaissez que les gens ne veulent pas à ce point travailler les fins de semaine. Même si ce sont des gens qui, pourtant, en ont besoin, et je le comprends aussi, ils nous disent: II y a une obligation - c'est écrit dans votre document - qu'à toutes les deux fins de semaine on

travaille. Si on mettait... C'est ce qui est dit dans votre document... Peut-être que je n'ai pas... Ou aux trois semaines, dans certains cas.

Une voix: Maximum.

M. Coutu (Jean): C'est minimal.

Mme Marois: Oui, mais si dans la loi on disait "liberté totale de refus", auriez-vous encore des travailleurs et des travailleuses dans vos établissements?

Une voix: Oui.

M. Coutu (Jean): Oui. Madame...

Mme Marois: Bon, alors... Comprenez-vous? Dans le fond... L'autre chose que je voudrais soulever à votre endroit, c'est la structure de propriété québécoise. Vous la connaissez. Je n'ai pas de leçon à vous donner là-dessus, vous la connaissez probablement même mieux que moi, pour la fréquenter plus souvent que moi. La structure de propriété au Québec, c'est beaucoup du petit commerce et du moyen commerce. On le dit, c'est le pays de la petite et de la moyenne entreprise. Je suis un petit peu en désaccord avec vous. Je pense qu'il y a de l'avenir pour la grande entreprise, et c'est souhaitable. Mais il y a de l'avenir aussi pour le petit et le moyen commerce qui offre un service différencié et tout le reste.

Je ne veux pas, non plus, vous faire dire ce que vous n'avez pas dit. Vous aurez l'occasion, sûrement, de pouvoir revenir sur ça. Il reste que c'est ça, notre structure de propriété. Actuellement, ce que nous disent les gestionnaires eux-mêmes, les propriétaires eux-mêmes, non pas de petites surfaces et de dépanneurs seulement, mais des propriétaires d'aussi grandes surfaces que IGA, que Steinberg, comparable à n'importe quel autre Steinberg, qui viennent nous dire ici: Écoutez, nous on se sent une obligation d'ouvrir, bien sûr, si ça ouvre, mais on souhaiterait plutôt que l'on restreigne les règles, parce que nous-mêmes, on sait la difficulté qu'on a dans nos magasins et nous-mêmes, on ne souhaite pas être obligés d'avoir ce travail sept jours semaine, parce qu'on sait qu'on doit y être dans nos magasins. Comme vous nous l'avez décrit lorsque vous avez démarré vos entreprises, et je sais que c'est comme ça. Alors, c'est ça, notre structure de propriété.

Le dernier élément, c'est quand vous abordez la question de la mondialisation et les comparaisons avec ce qui se passe ailleurs. Oui, je veux bien, mais on va s'entendre quand même, disons que ça n'a pas le même impact dans certains secteurs industriels où il y a beaucoup d'échanges commerciaux avec l'étranger, que si on parle de denrées alimentaires, entre autres, et de denrées de type pharmaceutique. Je trouve que cette argumentation n'est sûrement pas la plus significative, en tout cas, dans le dossier. Qu'on ait des pouvoirs d'achat plus grands quand on est plus gros, on convient de ça, mais dans des secteurs de commerce de détail comme ceux dont on parte aujourd'hui, faire référence à la mondialisation des marchés, aux échanges commerciaux, je trouve qu'on étire un petit peu l'élastique.

M. Coutu (Jean): Madame, vous me posez toujours des questions qui sont pour moi essoufflantes.

Mme Marois: Je le sais. Mais c'est parce que je sais qu'une fois que j'ai perdu la parole, j'ai de la difficulté à la reprendre. C'est un jeu qui se joue à deux, voyez-vous.

M. Coutu (Jean): Mais vous la reprenez très bien.

Mme Marois: J'essaie.

M. Coutu (Jean): Madame, lorsque vous parlez, avec la même éloquence que vous venez de me donner ici, II y a quelques Instants, vous jugez un peu. Vous vous permettez de dire que la qualité de vie, c'est de ne pas travailler. Vous vous permettez de dire que la qualité de vie... Écoutez, pour plusieurs personnes, la qualité de vie, c'est d'aller le dimanche dans des centres d'achats, ou d'aller dans des fruiteries ou dans des grands marchés publics, avec les enfants et ensemble on fait... C'est pour la famille, dans bien des cas, un loisir ensemble. Qui peut se permettre, le mari, la femme, le conjoint, la conjointe, les deux enfants, d'aller magasiner chez Eaton ou chez Simpson, le mercredi après-midi? C'est impensable. C'est devenu aujourd'hui, et c'est ça qui est respectable dans la libéralisation... Ce n'est pas parce que les magasins sont ouverts que vous êtes obligés d'y aller. Si les gens n'y vont pas, les employés n'auront plus besoin de travailler, madame.

Ce qui me surprend, c'est de voir la libéralisation que nous avons dans un domaine qui est certainement polluant, le domaine de la boisson. Vous pouvez prendre un coup de 6 heures du matin a 3 heures de la nuit, et là, commander sept Scotch, dans ce qu'on appelle vulgairement le last call", puis vous pouvez rester à l'intérieur jusqu'à 4 h 30. Ça veut dire qu'il vous reste à peu près une heure et demie par jour, sept jours par semaine, où vous ne pouvez pas consommer de boisson. Est-ce que pour ça vous vous sentez obligés de consommer plus de boisson? Si l'occasion vous en est donnée - on dit que l'occasion fait le larron - et que vous n'avez pas la résistance de pouvoir vous en priver, bien ça, écoutez, c'est une question personnelle. Mais je crois que ce n'est pas la libéralisation qui crée l'obligation

II y a une chose, c'est que, la vie changeant, et )'ai parié de la radio, j'ai parlé des journaux le dimanche, qu'est-ce que vous voulez, personne ne les défend, parce que - c'est toujours le même argument un peu pharisien - pour certains domaines on se fait le défenseur du pauvre et de l'orphelin mais, en même temps, on est exigeant pour des services pour lesquels on n'a aucune compassion. Je vous le dis, et là-dessus, madame, nous avons toujours eu la même pensée depuis 1969: Si on veut réellement faire quelque chose ensemble une seule journée dans la semaine, oublions les religions. À chaque fois qu'on a voulu faire ça, les juifs ont dit: Nous autres, c'est le samedi; les musulmans ont dit: Nous autres, c'est le vendredi. Là, vous en brimez quelques-uns, mais votre argument était la majorité. Bien, moi, je vous réponds: La totalité; fermons tout, promenons-nous, vous et moi, la main dans la main et nous jouirons de ce qui s'appelle la totalité de la liberté individuelle. Ça, que voulezvous, c'est illusoire. Je ne crois pas que ce soit ce que les gens veulent.

Aujourd'hui, pourquoi parlons-nous de la libéralisation du commerce? C'est parce que la preuve en est faite qu'aujourd'hui la société demande une plus grande libéralisation dans ce domaine-là, comme elle l'a déjà demandée dans les loisirs, comme elle l'a déjà demandée dans... Personne ne défend |es professeurs de tennis; personne ne défend les professeurs de ski qui sont obligés d'être sur les pentes le dimanche. Ils ' sont obligés, c'est leur métier. Ils sont là aussi la semaine et ils chargent meilleur marché la semaine. Nous y sommes sept jours par semaine et on charge toujours le même prix.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Le temps étant écoulé, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Marois: Je suis très heureuse de l'échange qu'on a eu ce matin. Les positions sont assez claires, je pense, de part et d'autre. Ça nous a permis quand même de creuser certains points de vue et ça n'est jamais inutile, loin de là. Je n'ai jamais dit, par exemple, que ce n'était pas respectable de commercer; il ne faut jamais me prêter des propos que je ne tiens pas. Ce que je dis, cependant, c'est qu'il y a une différence, effectivement, fondamentale quant à l'évaluation que l'on fait de la qualité de vie et d'une philosophie que l'on défend. Idéalement, je vais vous le dire, je partage le point de vue que vous avez défendu, dans le sens où s'il était possible, à l'exception d'un certain nombre de services essentiels, que toutes les activités cessent une journée dans la semaine, il serait souhaitable d'y arriver. C'est dans ce sens-là qu'on défend la position qui est devant nous aujourd'hui et pour laquelle on espère... Parce qu'elle ne fait pas, soit dit en passant, l'unanimité; c'est vrai qu'il y a des gens qui souhaitent l'ouverture, mais on sait foil bien aussi que ça se départage à peu près, même chez les consommateurs et les consommatrices, moitié-moitié. Et ne faisons pas dire, évidemment, aux statistiques ce qu'elles ne disent pas, mais c'est à peu près ça qui se dégage de l'ensemble des études qui ont été fartes. Vous me dites qu'ils viennent chez nous, le dimanche; bien sûr, vous êtes ouverts. C'est la poule ou l'oeuf; c'est toujours le même débat. (11 h 45)

Cela dit, nos échanges ont été intéressants. Comme vous avez pu le constater, vous ne m'avez pas convaincue, je ne vous ai pas convaincus non plus, mais ça a éclairé sûrement les membres de la commission. Je vous remercie.

Le Président {M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): La députée de Taillon a mentionné, tout à l'heure, que le ministre est mal pris. Moi, je dois dire que je ne me considère pas du tout mal pris parce que, moi, je n'ai rien à vendre. Moi, je suis ici pour écouter. J'ai une ouverture d'esprit. Si on a senti le besoin d'avoir une commission parlementaire, c'est pour permettre à tous les intervenants, quelle que soit leur position, de s'exprimer publiquement et de défendre leur point de vue au nom de la démocratie. Alors, dans ce sens-là, je n'ai pris qu'un seul engagement, celui de déposer un projet de loi au printemps, qu'il y ait consensus ou pas.

Je voudrais remercier MM. Coutu, M. Ste-Marie et M. Masse pour être venus nous expliquer leur point de vue et, également, pour nous avoir présenté un mémoire que mon équipe, au ministère, considère très sérieux et très complet. Merci beaucoup. Dans notre décision, nous allons prendre en considération vos représentations. Merci.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le Groupe Jean Coutu de sa présentation et de sa collaboration à ses travaux et invite à la table des témoins l'Association provinciale des fruiteries du Québec.

À l'ordre, s'il vous plaît!

Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. S'il vous plaît, à l'ordre! Si on veut continuer à converser... S'il vous plaît, à l'ordre! Que la commission puisse reprendre ses travaux.

Nous recevons, à l'instant même, l'Association provinciale des fruiteries du Québec, que j'invite à se présenter à la barre des témoins, à la table des témoins, excusez! J'étais parti, là! Bien.

Bonjour aux représentants de l'Association provinciale des fruiteries du Québec.

Messieurs, vous connaissez nos règles de procédure: vous avez 20 minutes pour la présen-

tation de votre mémoire et il y aura une période d'échanges avec les parlementaires par la suite. Je vous prierais de bien vouloir vous identifier à chaque fois que vous devez prendre la parole, ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats. Ça aide beaucoup. Sans plus tarder, j'invite votre porte parole à se présenter, à présenter l'équipe et son mémoire. Je vous en prie.

Association provinciale des fruiteries du Québec

M. Laurin (Yvon): Merci, M. le Président. Mon nom est Yvon Laurin, je suis président de l'Association provinciale des fruiteries du Québec. Je voudrais aussi mentionner que mon travail de président de l'Association des fruiteries est un travail à temps partiel, puisque je suis propriétaire, depuis plus de dix ans maintenant, d'une fruiterie à Saint-Jérôme. À ma droite, M. Jean-Louis Falardeau, vice-président de l'Association provinciale des fruiteries du Québec et copropriétaire des magasins Jardin Mobile, bien connus dans la région de Québec. À ma gauche, Michel Lapierre, secrétaire de notre association, propriétaire des magasins le Végétarien dans l'Estrie et dans la Mauricie.

M. le Président, au nom des propriétaires de fruiteries du Québec, de leurs employés et des centaines de milliers de consommateurs qui visitent nos commerces à toutes les semaines, nous désirons vous exprimer nos remerciements face à la possibilité qui nous est donnée, aujourd'hui, d'expliquer notre point de vue devant cette commission. À l'instar de plusieurs groupes qui ont défilé devant cette commission, nous voudrions aussi féliciter les fonctionnaires qui ont préparé le document d'information que nous jugeons très pertinent et très complet. Félicitations messieurs et mesdames.

Compte tenu de tout ce qui a été dit devant cette commission depuis quelques semaines, de ce qui a été écrit dans les différents mémoires et qui a été dit, et même répété, devant certains médias, nous allons tenter de nous en tenir à des points spécifiques concernant les fruiteries et à des éléments qui pourraient être nouveaux, tout en ne perdant pas de vue les objectifs de cette commission.

J'aimerais rappeler aux membres de cette commission que notre association a toujours eu pour but de faire reconnaître la spécificité des fruiteries: le fait que nous vendons presque exclusivement des produits périssables, c'est-à-dire des produits d'une durée de conservation limitée. D'ailleurs, nos nombreuses interventions au cour des trois dernières années avaient pour but de faire exempter nos commerces de l'application de la Loi sur les heures d'affaires en fonction de la nature des produits que nous vendons. Nous ne nions pas le fait que certains commerces opérant dans des anciens locaux de supermarchés puissent s'appeler fruiteries, mais ce n'est pas le concept que nous défendons. En travaillant à la rédaction de notre mémoire, nous nous sommes rappelé le proverbe une image vaut mille mots, et on s'est dit: Peut-être qu'un vidéo ne serait pas de trop. Alors, dans le but de vous illustrer les particularités du commerce des fruiteries, nous avons fait préparer un vidéo et nous demandons la permission au président de vous le faire voir, s'il vous plaît. Ça ne dure pas longtemps.

Le Président (M. Bélanger): Consentement. Donc, il n'y a pas de problème.

M. Laurin: Alors, on y va pour le vidéo.

Le Président (M. Bélanger): En vous rappelant que cela fait partie de vos 20 minutes de présentation.

M. Laurin: Merci.

Une voix: (Présentation d'un vidéo) (Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 12 h 3)

M. Laurin: En ce qui a trait à la spécificité des fruiteries, j'aimerais porter à l'attention des membres de cette commission qu'ils peuvent trouver en annexe à notre mémoire, c'est-à-dire les pièces 17 et 18 et ça vient d'être mentionné sur le vidéo, que les associations des groupements comme la Fédération canadienne d'entreprises indépendantes et l'Union des producteurs agricoles du Québec, même si elles font partie de la Coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche, reconnaissent la particularité des fruiteries et recommandent l'ouverture des fruiteries sept jours par semaine. Je voudrais aussi vous faire remarquer que la Coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche compte parmi ses membres des détaillants de matériaux de construction, des bijoutiers, des fourreurs, des marchands Canadian Tire, des marchands de meubles. Je ne pense pas que ces commerces-là aient beaucoup à craindre de l'ouverture des fruiteries le dimanche, à moins qu'on ne leur fasse croire que si les fruiteries sont ouvertes le dimanche, ils seront forcés d'ouvrir eux-mêmes, ce qu'ils n'ont pas envie de faire, je pense.

Maintenant que plus personne ne doute du caractère spécifique des fruiteries, je vais tenter de vous expliquer comment les fruiteries sont devenues ce qu'elles sont aujourd'hui ou, en d'autres termes, comment elles ont réussi à accaparer une pointe de la tarte alimentaire au Québec, puisque c'est une expression qui est utilisée. Je vous dirai que les fruiteries se sont

développées à cause du changement des habitudes de consommation de la population. Pendant les dix dernières années, nous avons été les témoins d'une prise de conscience massive face à une alimentation plus saine, constituée d'une quantité grandissante de produits frais. Toujours fallait-il que ces produits frais soient accessibles en temps et en quantité pour les consommateurs. Simultanément, les habitudes d'achat des consommateurs ont évolué. Il y a présentement un nombre grandissant et déjà important à ce moment-ci de consommateurs qui préfèrent faire des achats de façon moins fréquente de produits non périssables - on parle d'une fols par semaine, d'une fois par quinze jours - et s'approvisionner sur une base presque quotidienne en produits périssables. C'est ce qui a amené la demande dans les fruiteries pour d'autres produits périssables, c'est-à-dire des produits autres que les fruits et légumes, comme des fromages, des produits de charcuterie ou des produits de boulangerie. Nous constatons d'ailleurs que ces derniers achats sont beaucoup plus spontanés, beaucoup plus impulsifs. Quand on sait qu'au moment où on se parle, un repas sur trois est pris au restaurant, il devient difficile pour beaucoup de gens de planifier plusieurs jours à l'avance les repas pris à la maison. Face à ces besoins des consommateurs, nous voudrions aujourd'hui, M. le Président, déposer devant cette commission - vous ne le croirez pas - un nouveau sondage. En effet, dans le but de mesurer nos présomptions, nous avons fait effectuer dernièrement, au début du mois de février, par l'Institut québécois d'opinion publique, un nouveau sondage auprès des consommateurs du Québec, à savoir quelle était leur volonté de conserver les fruiteries ouvertes le dimanche. Je vous épargne la tâche de trouver la page et tout ça, mais je vous dirai qu'à la page 10 de ce sondage on s'aperçoit que 78 % de la population favorise l'ouverture des fruiteries le dimanche. Nous avions aussi fait exécuter un autre sondage, en 1987. À ce moment-là, le pourcentage en faveur de l'ouverture des fruiteries avait été de 77 %. Alors, on voit que la tendance se maintient. Quand on pense qu'on peut faire élire des gouvernements majoritaires avec 40 % du vote, alors, 78 %, ça doit être pas mal de monde, ça doit être important. Quant à la nécessité ou à la volonté ou au besoin des consommateurs de protéger l'ouverture des fruiteries sept jours, à ce moment-ci, ça ne fait aucun doute pour nous.

Je ne voudrais pas mettre fin à mon intervention sans parler de la qualité de la vie de nos employés. Je voudrais corriger, à ce moment-ci, des choses que j'ai entendues à cette commission, pas plus tard qu'hier. Les présidents de grandes chaînes d'alimentation sont venus vous dire, hier, que les emplois qui existaient ailleurs que dans les grands supermarchés syndiqués étaient moins bien payés. Je peux vous dire qu'au niveau des fruiteries, c'est de moins en moins vrai, et je vous dirai même que ce n'est plus vrai du tout, parce que quand on regarde les annonces qu'il y a dans le Journal de Montréal, à peu près tous les jours, où Steinberg recrute du personnel pour ses nouveaux magasins franchisés, on s'aperçoit que nos employés sont aussi bien payés sinon mieux que dans ces supermarchés.

Maintenant, vous le savez, on ne l'a pas fait par choix. Nos commerces qui étaient, il y a dix ans, des commerces un peu artisanaux sont devenus des organisations structurées. Notre main-d'oeuvre ayant pour objectif, dans nos commerces, d'être des spécialistes, nous nous devons d'avoir du personnel qui a un minimum d'expérience. Et vous savez que quand les employés ont de l'expérience qu'ils ont acquise à travailler chez nous comme commis de fruits et légumes, comme commis de charcuterie, ils peuvent facilement aller travailler dans un supermarché. Je dois vous dire qu'il y a cinq ou six ans, on a vécu cette érosion de notre personnel vers les supermarchés, parce qu'ils en avaient besoin; il y a certaines chaînes qui prenaient la part du marché qui avaient besoin de personnel. On a dû s'ajuster, on a dû être plus efficace dans notre gestion et on a dû donner des conditions de travail comparables à celles de nos employés.

Il est faux de prétendre que nos employés seraient stupides au point de travailler chez nous à un salaire inférieur, à des conditions de travail inférieures à ce qu'ils pourraient obtenir de l'autre côté de la rue. Vendredi passé, je faisais une vérification, personnellement, dans le Journal de Montréal, il y avait 31 offres d'emploi dans le secteur de l'alimentation; donc, il y a une demande de personnel dans l'alimentation. Vous savez, même s'il y a quand même une quantité de gens qui veulent travailler le dimanche, les jeunes qui ont 17 ou 18 ans aujourd'hui, ils sont nés en 1973, au moment où la pilule avait déjà commencé à faire ses ravages, puis il commence à y en avoir moins. Alors, il faut être compétitif si on veut garder nos employés. Un autre phénomène qui est significatif pour nous, c'est que nos employés restent chez nous. Autant de la part de nos réguliers que de nos temps partiel, nous avons une fidélité de nos employés et nous avons besoin de ça. Nous avons dû agir en ce sens. Vous savez, il n'est pas rare de voir dans une fruiterie... Et je peux en témoigner, dans mon cas, j'ai des étudiants qui sont venus s'engager chez nous à 16 ans, au moment où ils étaient en secondaire V et aujourd'hui, ils sont en deuxième année d'université et ils travaillent encore chez nous. Ce qu'on voit aussi, ce sont des employés qui travaillent dans des supermarchés, qui viennent nous voir: Est-ce que je pourrais travailler chez vous? Je travaille au Métro de l'autre bord, je travaille juste cinq heures par semaine, le jeudi soir. J'aimerais ça travailler quinze heures

par semaine. Alors, chez nous, on a la possibilité, on a la flexibilité d'offrir plus d'heures à ces gens-là.

On a entendu dernièrement que les employés travaillaient dans les fruiteries parce qu'ils n'étaient pas protégés par des syndicats. Ils étaient forcés de travailler. Je peux vous dire qu'au Québec, dans notre association à tout le moins, il y a cinq fruiteries qui sont syndiquées. Je vais déposer devant cette commission cinq conventions collectives pour ces cinq fruiteries-là. Vous me pardonnerez, M. le Président, je n'ai qu'un seul exemplaire des conventions collectives. Elles sont arrivées tard hier soir et on n'a pas pu en faire de copies. Mais dans ces cinq conventions collectives, le travail le dimanche est prévu, les conditions de travail le dimanche sont prévues, même qu'on y fait état de la possibilité de travailler une fin de semaine sur deux. Mais en pratique, ce n'est pas ça qu'on fait. Parce qu'on veut assurer une meilleure qualité de vie à nos travailleurs et qu'on veut les garder chez nous, on les fait travailler une fin de semaine sur trois, une sur quatre et même souvent, les employés qui ont le plus d'ancienneté ne travaillent presque pas les fins de semaine. Ce qui peut sembler un peu paradoxal, c'est qu'il y a deux de ces conventions collectives qui ont été signées par des syndicats affiliés à la FTQ. J'achève, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure. Il vous reste une minute.

M. Laurin: Alors, pour ce qui est de la qualité de vie de nos employés, on s'en porte garant, on n'a pas le choix.

Maintenant, au niveau des approvisionnements, les fruiteries, tel qu'il a été dit dans le vidéo, encouragent des petits producteurs au Québec qui n'auraient pas la possibilité de vendre aux grandes chaînes parce que, évidemment, vous comprenez que quand Steinberg a besoin de 4000 caisses de choux pour ouvrir son entrepôt, le lundi, il ne peut pas commencer à appeler 100 producteurs maraîchers qui vont en emmener chacun 40 caisses. Il appelle quelques gros producteurs qui peuvent lui fournir un volume et, à ce moment-là, les petits producteurs ont besoin de nos débouchés pour écouler leurs produits et pour leur permettre de grandir un jour.

En terminant, puisque mon temps semble tirer à sa fin, un des objectifs de cette commission est l'équité. Or, nous, nous ne prétendons pas que nous faisons des affaires le dimanche parce que les autres sont fermés, mais plutôt parce que nos commerces se prêtent bien à certaines activités dominicales. Mais si, pour assurer une équité commerciale dans cette province, il faut passer par la libéralisation, les fruiteries vont s'y prêter avec plaisir. Et d'ailleurs, vous avez vu que, lundi matin, nous avons appuyé la Coalition pour l'ouverture des commer- ces le dimanche et nous ne sommes pas inquiets de l'ouverture des supermarchés le dimanche; nous ne croyons pas que ça va affecter notre marché. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions. M. le ministre. M. le député d'Or-ford.

M. Benoit: II va y avoir trois questions, mais vous allez voir, elles s'enchâssent toutes, MM. Laurin, Falardeau et Lapierre, et vous déciderez qui va y répondre. Première question: Pourriez-vous opérer avec trois employés si vous ne vendiez que des fruits et légumes? Pourriez-vous vivre si vous ne vendiez que des fruits et légumes? Parce qu'on entend souvent que vous vendez - d'ailleurs, je regardais dans votre vidéo - plein d'autres choses. Et finalement, si le gouvernement devait maintenir la règle de trois et qu'il décidait de la faire respecter, ce que tout le monde nous a dit à peu près en commission parlementaire, quel serait sur vos commerces l'effet d'observer cette loi-là?

M. Laurin: Merci, M. le député d'Orford. Quand vous posez des questions, vous en posez, vous. Quant à la possibilité d'opérer des commerces qui vendraient uniquement des fruits et légumes avec trois employés, on en a des exemples concrets. Certains de nos membres opèrent des fruiteries dans des halles ou dans des marchés publics où, par des conditions dans leur bail, ils ne peuvent vendre que des fruits et légumes frais parce que dans le marché, il y a d'autres commerces qui vendent des fromages, qui vendent de la viande, etc. Ces gens-là, ils en sont la preuve, ne peuvent pas opérer avec trois employés. Quand on regarde toutes les opérations nécessaires à l'exploitation d'un commerce de fruits et légumes, comme on l'a vu sur le vidéo, il est absolument impensable d'opérer à trois employés. (12 h 15)

Une autre particularité de nos commerces, c'est que, nous, dans nos commerces... J'entendais M. Vlrthe la semaine passée qui disait que nos supermarchés sont des modèles d'inefficacité parce qu'ils doivent être construits en fonction de la demande du jeudi soir qui est d'environ 30 % du volume de la semaine. Or, nous, dans nos commerces, on évite de faire des amoncellements de produits. On essaie, comme on l'a démontré dans le vidéo, d'avoir des étalages qui vont respecter une demande minimale du client de façon à assurer la rotation de nos produits. Il est bien évident que, quand on arrive en période de pointe, que ce soit le jeudi soir, que ce soit le samedi après-midi, on a besoin d'un surplus de personnel, à un moment donné, pour répondre à la demande accrue du consommateur. Évidemment, le lundi matin, entre 9 heures et midi, on peut opérer à trois employés, mais le jeudi soir, entre

18 heures et 21 heures, c'est impossible.

À votre deuxième question, M. le député d'Orford, soit est-ce qu'on pourrait vivre si on vendait juste des fruits et légumes, je vous dirais que dans une société de consommation où les épiciers ne vendraient que de l'épicerie, où les pharmaciens ne vendraient que des médicaments et où les Canadian Tire ne vendraient que des pneus, nous pourrions vivre en vendant juste des fruits, mais, comme vous le constatez, au Québec, les croisements de mise en marché sont présents dans tous les secteurs de notre commerce. Vous savez, si vous achetez un condo aujourd'hui, il y a des bonnes chances qu'on vous donne un frigidaire, un poêle et un lave-vaisselle avec. Dans les supermarchés, on voit régulièrement des promotions qui permettent aux gens de s'acheter des coutelleries, des sets de vaisselle ou des chaudrons à rabais, à une fréquence de un ou deux par semaine, de façon à assurer une certaine fidélité de la clientèle. D'un autre côté, Zellers vend des biscuits et Jean Coutu vend des produits alimentaires, ainsi de suite. Alors, dans ce contexte commercial où les croisements en mise en marché sont présents à tous les niveaux, il est impensable de croire que nous pourrions vivre en vendant uniquement des fruits et légumes.

Maintenant, la règle de trois employés, ça signifierait pour les fruiteries, à toutes fins pratiques, la disparition du concept des fruiteries dans sa version actuelle. Vous savez que, depuis presque huit mois maintenant, 14 fruiteries ont dû fermer leurs portes le dimanche. Ces gens-là sont en mesure de témoigner que la formule des fruiteries telle que nous la vivons depuis dix ans, telle qu'elle a évolué depuis dix ans, elle n'est pas rentable si elles ne sont pas ouvertes sept jours par semaine. Maintenant, nous sommes des commerçants imaginatifs, débrouillards et si jamais il y avait une règle de trois, ou bien on va devenir des dépanneurs, parce que vendre de la bière ça ne prend pas de personnel, ou bien on va sectionner nos commerces, on va devenir des marchés publics, ou on a certains magasins comme Jardin mobile à Québec qui, en attendant la modification de la loi, se sont mis à vendre de l'épicerie pour compenser parce qu'ils doivent survivre en attendant. Mais la formule de fruiteries telle que nous l'avons développée, telle qu'elle s'est développée depuis dix ans, n'est pas vivable avec trois employés.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le député de Drummond.

M. St-Roch: M. Laurin, vous venez de mentionner que plusieurs de vos fruiteries, soit 14, avaient été obligées de fermer le dimanche. J'aimerais, moi, vous entendre élaborer davantage. Quels ont été les effets sur la fraîcheur des produits, sur le chiffre d'affaires parce que vous mentionnez un peu plus loin aussi que ça pouvait mettre en danger le concept des fruiteries tel que nous le connaissons? Alors, j'imagine que vous devez déjà avoir commencé à accumuler des statistiques sur les effets de la fermeture le dimanche.

M. Laurin: Si vous me permettez, M. le député de Drummond, là-dessus, je vais laisser la parole à mon confrère, M. Falardeau, qui est propriétaire de Jardin mobile, à Québec, et qui, malheureusement, vit cette fermeture le dimanche depuis quelques mois. Je vais le laisser élaborer.

M. Falardeau (Jean-Louis): En quelques mots, les effets, depuis le 1er août qu'on est fermés, c'est qu'il y a de 25 % à 30 % de perte de chiffre d'affaires. De 25 % à 30 %, parce que, moi, j'étais ouvert également le lundi soir, mardi soir, mercredi soir et les dimanches. De cette perte-là, on peut dire qu'il y en a 15% à 18% qui proviennent du dimanche et de 10 % à 12 % qui proviennent des lundi, mardi et mercredi. Si j'extrapole les sept mois de fermeture sur un an, je peux vous dire que, chez nous, il va se perdre 100 000 heures de travail étudiant par an, carrément perdues parce que, bon, les salaires, chez nous, sont, évidemment, un frais variable. Je serais particulièrement étonné de voir ces heures-ià être récupérées directement par quelqu'un d'autre puisque, ce qu'on perd chez nous, j'ai l'impression, pour en avoir parlé avec les propriétaires de chaînes environnantes, ce n'est pas récupéré directement, il n'y a pas un effet, à savoir que, si Jardin mobile perd 20 %, automatiquement le voisin gagne 18 % le samedi. C'est carrément perdu. C'est dilué dans des produits substituts, tels que les dépanneurs, tels que les restaurants, tels que les halles d'alimentation, entre autres, qui sont restés ouverts. Il y a effectivement une baisse du bénéfice brut également. Je vous donne juste un exemple. Au 1er août, quand on a reçu l'injonction, il a fallu fermer, évidemment, nos portes. On était dans le temps du maïs. Alors, étant donné que notre critère premier est la qualité, du maïs que j'ai acheté, supposons, le vendredi pour être vendu le samedi, s'il en reste le samedi, bon, bien, le lundi ce n'est pas vendable. Moi, je me souviens que, la première fin de semaine, j'ai dû mettre à la poubelle 200 poches de blé d'Inde, carrément. Ce n'est pas de la frime, c'est vrai.

Actuellement, pour survivre, comme M. Laurin l'a dit, on a dû modifier le concept. C'est évident qu'on peut survivre temporairement avec le concept, mais, que je sache, on n'est pas des gérants de cannage et on n'a jamais désiré l'être. On a toujours été des spécialistes en fruits et légumes et en produits périssables et on aimerait bien le rester. D'ailleurs, si on fait l'ajout de produits complémentaires dans certaines de nos succursales, ça ressemble à des produits genre vinaigrettes, boîtes de conserve, certains légumes en conserve, des fruits en

conserve, il y a toute une gamme d'épicerie. Si on ne l'avait jamais fait, nous autres, chez Jardin mobile, auparavant, c'est qu'on concevait que l'équilible de marché était bien conservé en ayant une fruiterie avec des produits périssables, un dépanneur avec des produits de dépannage et des supermarchés avec l'ensemble des produits qu'on a. On jugeait qu'il y avait un juste équilibre dans le marché, à ce niveau-là. On s'était toujours refusé, chez nous, à entrer certains produits, bon, bien, parce qu'on ne voulait pas entrer en compétition avec le dépanneur.

Il y a eu un effet qu'il ne faut pas négliger non plus, c'est le refoulement chez certains producteurs. Je vous ai dit: La première fin de semaine, j'ai perdu 200 poches de blé d'Inde. La deuxième fin de semaine, ce n'est sûrement pas moi qui les ai perdues, parce que j'ai dit au producteur: Je n'en veux pas de ton blé d'Inde. Donc, qu'est-ce qu'il a fait avec ses 200 poches, lui - ou eux, parce que j'en ai plusieurs - qu'il fournit? Alors, qu'est-ce qu'ils font avec leur blé d'Inde du dimanche qu'ils ne pourront plus vendre à une fruiterie? Généralement, globalement, c'est à peu près les effets qu'on a pu connaître en fermant le dimanche.

M. Benoit: M. le Président, est-ce que je pourrais demander une précision sur un chiffre?

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

M. Benoit: Comment arrivez-vous à 100 000 emplois de perdus, là?

M. Falardeau: 100 000 heures.

M. Benoit: Comment arrivez-vous à 100 000 heures?

M. Falardeau: Bon, donc si on part du principe que...

M. Benoit: J'ai fait des calculs et...

M. Falardeau: Je vais essayer. Chez moi, dans les derniers dimanches où on était ouverts, il y avait 137 employés qui travaillaient, au total, pour sept magasins. Donc, multiplions ça par une moyenne d'environ sept heures, plus les lundi, mardi et mercredi soir, malheureusement, je n'ai pas les chiffres, mais ça ressemble globalement à ce chiffre-là.

M. Benoit: O.K.

M. Falardeau: Si on extrapole tout ça ensemble, ça fait 100 000 heures de perte de travail étudiant. Je dis de travail étudiant, parce que, le dimanche, j'avais, dans sept magasins toujours, 22 réguliers qui travaillaient et 115 étudiants, la journée du dimanche.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Oui, c'est mon collègue le député de Bertrand qui va poser quelques questions pour démarrer, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Ça me prend le consentement, M. le député de Bertrand n'est pas membre de la commission.

Mme Marois: Ah, il n'est pas inscrit. Alors, je m'excuse. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on l'inscrive? D'accord?

Le Président (M. Bélanger): II y a consentement? Alors, consentement, M. le député de Bertrand.

Une voix: Ça me fait plaisir.

M. Beaulne: Merci, M. le Président, M. le ministre. D'abord, je tiens à féliciter l'Association provinciale des fruiteries de nous avoir présenté un excellent mémoire, avec un vidéo qui apporte beaucoup d'éclaircissements. J'ai été particulièrement impressionné, non seulement par la présentation dans le texte, mais je puis vous dire, pour avoir moi-même quatre fruiteries dans mon comté, que les commentaires qui sont fait dans le texte, ainsi que les commentaires qui ont été apportés par le président, correspondent exactement au profil et au type d'activités des fruiteries. À ce niveau-là, il y a quelque chose qui a sans doute éveillé un intérêt chez les membres de la commission, c'est le partage des employés à temps plein et à temps partiel dans les fruiteries. Si j'en juge par celles que je connais, la grande partie de ces employés à temps partiel sont des étudiants et des jeunes qui ont seulement cette source de travail.

Au moment où on parle de l'augmentation des frais de scolarité des jeunes, au moment où le pourcentage de chômage chez les jeunes est particulièrement élevé, au moment où, pour des raisons de réglementation de dépenses gouvernementales, on est obligés de couper dans certains programmes axés vers les jeunes, j'aimerais, M. le représentant des fruiteries, pour le bénéfice de mes collègues ici et de tous, que vous nous donniez quelques caractéristiques un peu plus poussées de ces employés à temps partiel.

Ma deuxième question est la suivante: Vous avez évoqué tout à l'heure, dans votre présentation, un peu ce que l'on pourrait appeler une sorte de code d'éthique que les fruiteries se donnent, c'est-à-dire que vous vendez presque essentiellement des produits périssables. Alors, pour le bénéfice de mes collègues encore une fois, j'aimerais peut-être que vous explicitiez cette sorte de ligne de conduite interne que vous

vous donnez et que vous leur donniez une idée un peu plus précise de la proportion des produits périssables que vous vendez par rapport aux produits non périssables.

M. Laurin: D'accord. Merci, M. le député de Bertrand. D'abord, en ce qui concerne les employés, je ne chercherai pas à vous apporter des statistiques supplémentaires, je vais simplement vous parler de la réalité qu'on vit dans nos fruiteries. Quand j'engage des étudiants chez nous, je leur dis en les engageant: Moi, j'ai un commerce idéal pour faire travailler des étudiants, parce qu'il reste que les fruiteries, c'est quand même un commerce saisonnier. Évidemment, quand arrive la saison estivale, les produits sont disponibles en plus grande quantité, la demande est plus forte au niveau des consommateurs et nous connaissons une période de pointe dans nos affaires. Comme par hasard, à ce moment-là, les étudiants sont disponibles à travailler à temps plein et, la plupart du temps, quand les universités, les cégeps ferment, on a juste hâte qu'arrivent les étudiants pour venir nous aider parce qu'on est débordés. Maintenant, quand arrive l'automne et la période plus calme dans nos commerces, on a besoin de moins de personnel et nos étudiants retournent en classe. À ce moment-là, on a besoin d'étudiants pour travailler les fins de semaine, parce que, môme pendant notre période morte, les fins de semaine représentent quand même les périodes de pointe dans nos affaires. À ce moment-là, les étudiants sont disponibles et ça nous permet d'améliorer la qualité de vie de nos employés réguliers en faisant travailler nos étudiants la fin de semaine et en donnant congé à nos employés réguliers. Alors, c'est comme ça qu'on vit ça le travail des étudiants dans les fruiteries.

À votre deuxième question, M. le député, une étude a été effectuée par l'Institut québécois d'opinion publique auprès des propriétaires de fruiteries. La raison pour laquelle on l'a fait faire par IQOP, c'est que je ne voulais pas que mon "chum" de la rive sud pense que je veux savoir quelle, sorte de business il fait pour essayer de le compétitionner. Alors, on l'a fait faire par des gens indépendants pour assurer l'intégrité de cette étude. Il a été démontré que, sur une base annuelle, les commerces, membres de notre association, réalisent 70 % de leur chiffre d'affaires par la vente de fruits et légumes frais; 8 % de fromage et produits laitiers; poissons et fruits de mer, 1 %; viandes fraîches, 1 % - évidemment, vous comprendrez que les fruiteries qui ont des comptoirs de viandes fraîches dans leur magasin, ça représente plus de 1 %, mais sur l'ensemble de l'échantillonnage, parce qu'on ne vend pas tous de la viande rouge dans nos magasins, dans nos fruiteries, ça représentait 1 % - les produits de charcuterie, 6 %; les produits de boulangerie, 6 %; les aliments en vrac, 3 %; l'épicerie et les autres, 5 % au total. Donc, 95 % du volume d'affaires des fruiteries proviennent de la vente de produits périssables. Merci.

Mme Marois: M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Marois: Je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique. J'aimerais que vous me disiez combien de fruiteries sont membres de votre organisation? Combien en représentez-vous devant nous?

M. Laurin: Au moment où on se parle, il y en a 98, Mme Marois.

Mme Marois: 98. Il y en a combien au total au Québec?

M. Laurin: Nous, quand on a formé notre association, Mme Marois, on s'est donné une définition très restrictive d'une fruiterie, c'est-à-dire que pour être membre de notre association, il faut soutirer au moins 90 % de son chiffre d'affaires de la vente de produits périssables. Or, comme vous savez, il existe, surtout dans la région de Montréal, de nombreux dépanneurs qui ont des gros comptoirs de fruits et légumes et qui prétendent être des fruiteries. (12 h 30)

Alors, nous, on n'a pas accepté ces gens-là dans notre association, parce que, dès le départ, compte tenu des paramètres qu'il y avait, c'est-à-dire la Loi sur les heures d'affaires à ce moment-là, nous tentions d'obtenir une exemption sur la base des produits périssables. Alors, ça devient difficile pour nous, à ce moment-ci, d'évaluer combien il pourrait y avoir de fruiteries, globalement, au Québec.

Mme Marois: D'accord. Mais vous en représentez 98. C'est parce que je ne me souviens pas, dans le document du ministère, si c'était noté, le nombre total. Mais enfin, on pourra y revenir. Je pourrai fouiller. Dans votre document, vous nous dites: Une fruiterie - à la page 13 - est un concept non morcelable qui offre - c'est à la page 13 de votre document - 90 % de produits périssables frais - on parle d'autour de 95 % - et 10 % de produits non périssables complémentaires, tels vinaigrettes à salade, épices et autres.

Donc, vous nous dites que, dans les 98, la grande majorité, pour 90 % des cas - non, je n'ai pas compris - vend à 90 % des produits de fruiteries, de fruits et légumes.

M. Laurin: Non, 90 % de produits périssables. Ces produits périssables incluent fruits et légumes frais, produits de charcuterie...

Mme Marois: Et ce que vous définissiez tout

à l'heure, ce que vous... Bon. M. Laurin: Exactement.

Mme Marois: Ça va. Juste pour se replacer un peu. Parmi les fruiteries que vous représentez, il y en a combien... La moyenne, vous dites que c'est autour de 15 employés. C'est ce que vous dites dans votre document en général. Je me mets des marques habituellement, mais... Je voudrais savoir comment ça se ventile, ça, c'est-à-dire il y en a combien à trois, à dix, a quinze, à vingt employés? Voyez-vous, on dit, à la page 20: Le personnel d'une fruiterie, membre de l'Association... est constitué, en moyenne de 15 employés à temps régulier et 16 employés à temps partiel._ Est-ce que c'est une moyenne qui donne aussi une image réelle de ce qu'elles sont? Parce qu'on sait toujours qu'une moyenne, évidemment, c'est la somme du tout divisée par le tout aussi. Mais est-ce qu'il y en a 25 avec 50 employés et puis 10 avec 10 employés? Qu'est-ce que c'est, la ventilation?

M. Laurin: Voyez-vous, dans une étude qui est annexée à notre mémoire, Mme Marois...

Mme Marois: O.K. Allez-y, dites-moi où.

M. Laurin: Attendez. Je l'ai indépendamment.

Mme Marois: Parce que vous en avez, des annexes; trois pouces d'épais. Bien, écoutez, pendant que vous cherchez, il y a peut-être quelqu'un qui peut chercher pour vous.

M. Laurin: Écoutez, Mme Marois, je vais vous donner l'information, je l'ai. Après, si vous voulez, je pourrais la retrouver dans notre mémoire, d'accord?

Mme Marois: D'accord.

M. Laurin: Alors, on dit, au niveau du nombre d'employés, toujours à partir de l'étude d'IQOP qui a été effectuée auprès des propriétaires de fruiteries, au niveau des employés réguliers, que les entreprises des fruiteries qui ont 10 et moins employés réguliers...

Mme Marois: 10 employés et moins, oui.

M. Laurin: ...dans leur commerce, il y en a 22.

Mme Marois: O.K.

M. Laurin: Puis, là, je vous...

Mme Marois: Après ça, le reste, bien, c'est au-delà de...

M. Laurin: C'est ça, exactement.

Mme Marois: Bon, d'accord. Il y a un argument qui revient souvent. Je pense que mon temps est presque déjà terminé, parce que... Il y a un argument qui revient souvent. On nous dit: Écoutez - puis ça revient dans votre vidéo, d'ailleurs - pour nous, fermer 30 heures, c'est un petit peu complexe, ce n'est pas possible ou c'est possible, mais la qualité de nos produits en souffre, etc.

Or, les grandes chaînes alimentaires ont des comptoirs gigantesques, énormes ou très importants, dans certains cas, de produits périssables du type de ceux que vous distribuez. Pourtant, je n'ai pas l'impression, quand on s'y approvisionne, qu'on mange nécessairement des produits qui ne sont pas frais.

J'ai un petit document, ici, devant moi, où on me dit: Selon l'endroit d'approvisionnement des fruits - je pense à la Floride - il y a un temps de transit de trois jours, n'incluant pas la journée de chargement. Pour la Californie, le temps de transit pour les fruits et légumes est de quatre jours, Texas, Arizona, bon. Donc, il y a quand même, selon les lieux d'approvisionnement, des délais, si on veut, avant qu'ils ne soient rendus chez le consommateur. Parfois, ils passent par la grande chaîne, parfois ils passent par chez vous, mais je n'ai pas l'impression, nécessairement, quand je vais dans la grande chaîne ou le supermarché, qu'on me vend vraiment de la camelote. Vous comprendrez qu'on peut jouer aussi sur le rythme d'approvisionnement. C'est pour ça que, quand je fais référence à ça, s'il y avait une journée où, effectivement, on restreignait, par exemple, à trois personnes et moins dans un commerce, bien ça changerait, bien sûr, les règles d'approvisionnement et les produits rentreraient peut-être à un autre rythme.

M. Laurin: Je comprends le sens de votre question, Mme Marois. Dans la première partie de votre question concernant la fraîcheur des produits due à la fermeture des supermarchés, entre autres, je pense que Provigo Distribution, dans sa présentation, c'est un des arguments majeurs qu'elle invoque pour souhaiter l'opération continuelle de ses supermarchés, c'est-à-dire d'éviter ce dégarnissage des comptoirs le samedi après-midi et ce remplissage du lundi matin.

Maintenant, je n'ai jamais prétendu que les supermarchés vendaient des produits de moindre qualité. Par contre, il s'occasionne des pertes importantes. Mme Marois, le steak qui est tranché le samedi matin pour être mis au comptoir à l'heure du midi, s'il n'est pas vendu samedi soir, lundi matin, c'est sûr qu'ils vont faire de la viande hachée avec et qu'ils vont le vendre moins cher. Ils vont avoir une perte à partir de ça et c'est le consommateur qui va payer pour cette perte et qui paie présentement.

Maintenant, nous n'avons jamais prétendu que les tomates ou les pommes que nous vendons le dimanche, ce ne sont pas les mêmes que nous vendrions le vendredi. Là, je voudrais revenir à la notion de besoin fondamental pour les consommateurs. C'est que, quand on constate les nouvelles habitudes d'achat, de consommation de la population, les gens sont beaucoup plus spontanés dans les achats périssables. On se rapproche, en fin de compte, de plus en plus de la restauration. D'ailleurs, on voit pousser dans les fruiteries, même dans certains supermarchés, des bars à salade. Les gens viennent chez nous, ils se font une salade et s'en vont la manger chez eux. Et moi, quand j'ai fait ça dans mon commerce, je me suis dit: Autour, il y a des bureaux, il y a un salon de coiffure, les gens vont venir le midi ou le soir, en finissant, chercher une salade. Là, je m'aperçois qu'ils viennent le samedi après-midi parce qu'ils ont de la visite. Ils disent: Si je me faisais une salade comme ça, ça me coûterait 20 $ de stock et j'en jetterais la moitié. Alors, ils dépensent 5 $, ils se font une salade bien garnie. Ils s'en vont avec ça et ils sont bien heureux. Alors, cette nouvelle notion de besoins des consommateurs, c'est dans ce sens-là que nous voyons l'importance de notre présence sept jours par semaine.

Vous savez, Mme Marois, qu'il y a des commerces, au Québec, qu'on appelle des dépanneurs. Mais qu'est devenue cette notion de dépannage? Moi, je pense que les dépanneurs sont devenus des commerces de bière, des commerces où on peut louer des vidéos, où on peut acheter des cigarettes. Maintenant, on y retrouve des comptoirs bancaires. Les dépanneurs, qui sont aussi Imaginatifs et débrouillards que nous autres, ont développé une formule de commerce qui a intérêt à cette ouverture 7 jours, 24 heures par jour. Nous, on a développé des commerces en fonction d'une clientèle spécifique, qui a des besoins spécifiques.

Mme Marois: Je suis bien consciente de ce que vous dites. Évidemment, le seul bémol que je mets, et on s'entend, c'est une des raisons pour lesquelles on se retrouve ici, c'est la question d'équité. Si le dépanneur, en respectant les règles, peut offrir un certain nombre de services, bien on va mettre au moins tout le monde sur le même pied d'égalité, à savoir que, si tu vends dans l'alimentaire, si on permet à des fruiteries, par exemple, d'ouvrir alors qu'il y a des grandes surfaces qui ne peuvent pas le faire, mais qui ont des grands espaces, bien, je pense qu'on crée quand même une inéquité. Vous étiez là quand j'ai eu la discussion avec M. Coutu, ce matin. On donne un avantage à un groupe plutôt qu'à un autre. C'est essentiellement ça, actuellement, le débat pour une partie, pour l'aspect activités commerciales. Je mets de côté, évidemment, l'aspect de la relation entre los personnes, la qualité de vie, mais pour ce qui est de l'aspect commercial, c'est l'objet, entre autres, du débat qu'on a. Je voudrais juste vous faire un petit commentaire. Vous dites: C'est sûr que s'il ne vend pas son steak à trois heures ou à midi, celui qu'il a coupé le matin, il est obligé de le revendre le lundi. Puisque vous êtes dans le commerce de produits très périssables, vous êtes aussi bien, j'imagine, à même de savoir à peu près quel va être votre achalandage. Vous pouvez vous tromper sur quelques steaks ou sur quelques pommes, mais vous savez combien vous vendez de volume, le vendredi, le jeudi, le samedi ou le lundi. Il y a quand même un niveau de prévision que vous pouvez faire, tant dans vos approvisionnements, que dans l'organisation de votre plancher.

M. Laurin: Mme Marois, je vais vous faire une...

Mme Marois: Pas parfaitement, par exemple, je sais bien.

M. Laurin: Je vais vous faire une petite confidence que je voudrais que vous ne répétiez pas aux...

Mme Marois: Elle va rester entre nous, je vous le promets.

M. Laurin: ...grandes chaînes d'alimentation. Mme Marois: Ha, ha, ha!

M. Laurin: Moi, je pense... Vous reconnaissez, Mme Marois, qu'il y a une technique en mise en marché qui dit que, quand il y a un steak dans le comptoir, on est porté à croire qu'il n'est pas frais. Il faut qu'il y en ait cinq ou six, pour donner le choix, pour qu'on ait l'impression qu'il y a une certaine abondance, une certaine disponibilité. Je pense que la perte des supermarchés, le samedi après-midi, est bien plus au niveau d'une perte de ventes parce qu'il n'y a rien dans les comptoirs parce qu'ils ont peur d'en couper, ils ont peur d'en mettre, parce qu'ils savent que, lundi, ils vont faire de la viande hachée avec. Si l'opération continuelle était possible, on pourrait récupérer ces pertes-là. Mais ne répétez pas ça à Provigo.

Mme Marois: D'accord. Il me reste deux minutes au total. Je vais garder mes deux minutes pour revenir. Il ne me reste que deux minutes.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je suis bien content d'avoir entendu le député de Bertrand, parce que, si j'ai bien interprété ses questions, il serait pour l'ouverture des fruiteries le dimanche.

Mme Marois: II n'a pas dit ça.

M. Tremblay (Outremont): It vient de me dire oui, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: À titre personnel, évidemment, à ce moment-là.

M. Tremblay (Outremont): Excellent, excellent!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Non, non, mais je trouve ça très bien, parce que |e commençais à me poser des questions à savoir si l'Opposition était unanime sur la position défendue par la députée de Taillon. Alors, je suis très, très content. Parce que nous, je dois l'admettre et on le voit aussi, on discute. Ça, je suis très content d'entendre ça et, deuxièmement, également que la députée de Taillon ait commencé à poser des questions sur le nombre d'employés. Avant qu'on fasse une commission parlementaire, je dis bien avant que je décrète la commission parlementaire, j'avais eu l'opportunité de rencontrer M. Lord et également M. Laurin et c'est à la suite de ces deux rencontres que j'ai décidé d'en faire une, parce que je me suis dit. Les fruiteries, dans le fond - et là je pense tout haut - la demande est là, ça joue un rôle, ce sont des biens périssables. C'est pour ça que je pose beaucoup de questions sur le nombre d'employés, à savoir s'il y a moyen de jouer. Mais là, j'ai appris, comme vous, qu'on parle... Je pensais qu'il y en avait moins, qu'on jouait sur trois, quatre ou cinq, mais là c'est dix, très, très bien. Ce que je retiens de ce que M. Laurin a mentionné tout à l'heure, c'est qu'il réalise très bien, puis la députée de Taillon pour avoir vécu toute la commission s'en aperçoit également, que si on crée une exception additionnelle, on va avoir des gros problèmes, parce que, quand vous dites que vous vendez... Ces 30 % - ce sont les chiffres que j'ai, on ne s'obstinera pas sur 1 % ou 2 % - de produits que vous vendez, c'est vrai que ce sont des produits non périssables, mais dans ces produits-là, il y a des produits laitiers, de boulangerie, il y a de la charcuterie et plusieurs autres produits qui sont également vendus dans d'autres commerces. Alors, vous réalisez très bien que, si je créais une exception dans la loi pour les fruiteries, ça aurait un effet d'entraînement. C'est pour ça que, ce matin - corrigez-moi si je me trompe - vous êtes venus nous dire que vous seriez favorables à la libéralisation des commerces. Vous l'avez dit, parce que vous avez dit que vous n'avez pas de problèmes avec la concurrence. Je n'interprète pas, je ne veux surtout pas interpréter vos paroles. C'est ça?

M. Laurin: Oui, vous me permettez de clarifier à ce point-ci, M. le ministre?

M. Tremblay (Outremont): Oui, clarifiez-le parce que là j'arrive avec ma... Je faisais juste des constats et j'allais vous arriver avec ma question. (12 h 45)

M. Laurin: O.K. Nous, M. le ministre, d'abord, on a fait faire des études dans nos commerces, à savoir pourquoi les gens venaient chez nous. O.K.? Et je peux vous dire que le fait qu'on soit ouvert le dimanche, c'est comme ça et ça ne mérite même pas qu'on en parie. Pour nous autres, la volatilité des marchés, parce qu'on sait qu'une partie de la clientèle est volatile, n'a pas grand-chose à voir avec les heures d'ouverture des commerces. Ce que nous considérons important, c'est que les commerces doivent s'adapter aux besoins en évolution de ia clientèle. Nous, on prétend, selon nos prévisions, d'ailleurs, vous savez, M. le ministre, en ce qui concerne notre appui à la libéralisation, il y a deux ans, devant le comité Richard, on avait la même position... nous, selon nos estimés, on prévoit perdre, s'il y a libéralisation dans le secteur alimentaire, un maximum de 4 % ou 5 % de nos ventes. Et on considère qu'on est assez débrouillards pour aller les récupérer, ces 5 %. quand il y aura libéralisation.

M. Tremblay (Outremont): Ça clarifie bien ce que je voulais savoir. Donc, étant donné l'équité qu'on doit avoir dans la loi, pour ne pas créer une autre exception qui va avoir un effet d'entraînement, vous êtes favorables à la libéralisation, et l'interprétation que j'en fais également, c'est que ce n'est pas juste la libéralisation dans l'alimentation - corrigez-moi, encore une fois, si je me trompe - parce que là, on retombe dans les pharmacies d'escomptes ou d'autres qui ont des privilèges, ça serait une libéralisation totale, si on veut avoir une loi qu'on va pouvoir gérer puis qui va être durable.

M. Laurin: Écoutez, en tant que président de l'Association des fruiteries, je suis obligé de vous dire que ce qui va se passer dans les meubles, ça me préoccupe plus ou moins. C'est à partir du moment où je cause une inéquité dans le secteur alimentaire, je suis d'accord pour vivre avec la libéralisation.

M. Tremblay (Outremont): Non, non, je vous faisais juste participer au cheminement qu'on vit. Évidemment, on n'a pas pris de décision.

M. Laurin: M. le ministre, permettez-moi de poursuivre. Quand vous me pariez des autres secteurs du commerce au détail, nous, à l'Association des fruiteries, on croit que ce devrait être les consommateurs qui fixent les normes du

marché et je pense que, dans le fond, moi, quand j'observe tout ce qui se passe ici depuis deux semaines, on essaie de déterminer ce que sont les conditions du marché et ce que devrait être la loi. Puis, en fin de compte, s'il n'y en avait pas, de loi, on arriverait au même résultat pareil.

M. Tremblay (Outremont): Bon. M. Laurin, vous dites...

Mme Marois: ...des parts de marché, vous dites. C'est ça?

M. Laurin: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Alors, j'ai deux questions. La première: Vous avez dit, tout à l'heure, que votre formule, telle que conçue - on l'a vue sur vidéo - ce n'est pas rentable selon la loi actuelle. Oui?

M. Laurin: Oui, oui.

M. Tremblay (Outremont): D'accord. Pourquoi l'avez-vous conçue, si la loi ne vous le permettait pas? Est-ce que les commerçants vont créer un besoin et vont forcer le gouvernement à modifier des lois, puis on va être obligé de toujours se soumettre, en tant que gouvernement, à la créativité des commerçants? Alors, ça, c'est ma première question.

M. Laurin: Je peux répondre tout de suite?

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui, allez-y tout de suite.

M. Laurin: M. le ministre, le jour où vendre des fruits et légumes le dimanche, ce sera défendu pour tout le monde, dans notre tête, on n'en vendra plus, des fruits et légumes. Mais quand la loi dit: II est permis de vendre des fruits et légumes si tu as une porte là, si ton "chum" t'a fait une exemption ou si tu as telle couleur... Voler, c'est défendu pour tout le monde, M. le ministre! La limite de vitesse sur l'autoroute, c'est 100 km/h. Ce n'est pas parce que tu as un char rouge ou jaune que tu peux aller à 110.

Une voix: O.K.

M. Laurin: Puis, vous savez que tout le monde a reconnu que la loi présente est ingérable, inapplicable et inéquitable.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais la loi... oui. On dit: Dura lex, sed lex: la loi est dure, mais c'est la loi. Trois employés et moins, la loi l'avait dit, un dépanneur peut vendre des fruits et légumes, puis ça, vous aviez le droit de le faire. Vous avez décidé, parce que votre nouveau concept n'est pas rentable, que le consommateur avait raison. Donc, j'opère. Alors, la situation dans laquelle vous vous trouvez aujourd'hui - je ne porte pas de jugement sur ça, je veux juste faire le constat et qu'on s'entende sur les faits - vous amène à la conclusion que ce n'est pas rentable; donc, on doit changer la loi. Et d'autres défendent exactement la position contraire pour dire: C'est trois employés et moins, on veut avoir des petits commerces.

M. Laurin: D'accord. M. le ministre, avant que la loi 59 ait franchi l'étape, la deuxième étape - vous me passerez les termes, là - ...

M. Tremblay (Outremont): Les lectures, les lectures...

M. Laurin: ...la deuxième lecture, déjà les fruiteries, à ce moment-là, s'organisaient dans un organisme pour contester la loi 59.

M. Tremblay (Outremont): Pourquoi, en 1984, quand le gouvernement l'a édicté cette loi-là, n'étiez-vous pas présents? Moi, ce que j'entends, c'est que depuis 15 ans, depuis 20 ans, il y en a des fruiteries, puis on a toujours opéré, puis on a un droit acquis, puis le gouvernement ne devrait pas nous fermer. C'est ça que j'entends, là. Bon, pourquoi, en 1984, n'avez-vous pas fait les représentations nécessaires pour avoir la protection au niveau des fruiteries?

M. Laurin: Tout simplement, M. le ministre, parce que naïvement, nous opérions librement depuis nombre d'années. Jamais il n'avait été invoqué qu'opérer une fruiterie le dimanche, c'était illégal, et nous étions sûrs, à ce moment-là, que la législation en tiendrait compte. Et là, on a complètement manqué le bateau, à ce moment-là. Mais quand on a contesté la loi 59, M. le ministre, il y a eu une manifestation à ce moment-là et, là, la loi a été sanctionnée puis on n'avait pas de problème. Alors, on a continué. On a continué et vous savez, M. le ministre, ça n'arrive pas du jour au lendemain qu'on passe de 3 à 22 dans le magasin. On est 3, on est 4, on est 5. Ça passe et ça a continué comme ça, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Bon. Dites-moi, si vous disparaissez, parce que vous dites que ce n'est pas rentable trois employés et moins, le producteur maraîcher, parce que ça, c'est l'autre argument qu'on entend souvent, c'est que le producteur maraîcher québécois, le petit producteur maraîcher ne peut plus répondre aux besoins, mentionnés dans votre vidéo, des grandes surfaces. Donc, il s'est trouvé un créneau. Avant, comment vendait-il, lui? Il prenait son camion et il allait au marché Jean-Talon ou au marché Atwater ou au marché à Québec. Il mettait son camion là et c'était M.

Maraîcher avec son épouse ou ses enfants qui vendaient des fruits et légumes. Aujourd'hui, on a créé un intermédiaire. Vous êtes devenu un intermédiaire. Là, il recule son camion chez vous, il met ses produits là et c'est vous qui les vendez. Est-ce que c'est essentiel que des fruiteries soient maintenues quand on pourrait s'approvisionner encore dans des marchés où le petit producteur maraîcher peut vendre? Ça arrive. Ça se fait ça.

M. Laurin: O.K. Là, je vous dirais, M. le ministre, que, simultanément à l'organisation des grandes chaînes de magasin... Je prends l'exemple d'un grossiste à Laval. Avant que les chaînes aient des entrepôts de fruits et légumes, parce que si on remonte à il y a dix ans, il y avait seulement Steinberg qui avait son entrepôt de fruits et légumes, les autres épiciers indépendants qui, maintenant, sont des Métro, des Provigo affiliés, enfin tous ces types de commerce-là, étaient fournis par des grossistes régionaux. Je prends l'exemple de Gravel et Fils, à Laval, qui était fournisseur d'épicerie comme ça. Quand, lui, a vu son marché disparaître parce que les chaînes se fusionnaient ou créaient des entrepôts, lui, il a parti une chaîne de fruiteries qui s'appelle Octofruit de façon à assurer son volume et il a développé son volume. Alors, on a assisté au même mouvement. La naissance des fruiteries, l'épanouissement de la formule des fruiteries qui est venue répondre, qui est venue prendre la place de ces petits grossistes-là qui vendaient à des chaînes et, aussi, vous savez que dans la culture maraîchère, on a vécu, justement, l'épanouissement de certains gros producteurs maraîchers.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Ma dernière question et c'est une question fondamentale du débat qu'on vit. On a la preuve, avec deux commerçants, à côté, qui ont deux, trois, je ne sais pas, il en a au moins trois, là, je pense. Le Végétarien, vous en avez combien?

M. Laurin: Cinq et sept.

M. Tremblay (Outremont): Cinq, bon. C'est le corporatif versus le petit. Ce n'est pas bon d'être gros, il faut rester petit. On entend ça. Il y a une position clairement défendue de ce point de vue-là. Alors, votre formule, elle fonctionne. C'est normal que vous en profitiez, que vous ayez des économies d'échelle. Donc, vous ouvrez des fruiteries, vous en avez cinq. Vous, vous en avez combien, à Québec?

M. Falardeau: Sept.

M. Tremblay (Outremont): Vous en avez sept. C'est quoi votre...

M. Laurin: Moi, je suis moins ambitieux, j'en ai juste une.

M. Tremblay (Outremont): Bien non...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Vous, c'est parce que vous défendez l'Association provinciale des fruiteries. Donc, vous êtes occupé à faire d'autres activités aussi, mais... Alors, lorsqu'on entend... C'est parce que vous réussissez Vous devez réussir si vous sentez le besoin d'en ouvrir. Est-ce que, parce que vous êtes rendus des corporatifs, vos employés vont subir un préjudice? Deuxièmement, est-ce que votre qualité de vie est affectée et celle de vos travailleurs?

M. Laurin: Bon...

M. Tremblay (Outremont): Je peux demander, peut-être...

M. Laurin: À M. Lapierre.

M. Tremblay (Outremorrt): ...à M Lapierre, peut-être.

M. Lapierre (Michel): Oui. Michel Lapierre. Moi, je vous dirai, M. le ministre, que pour avoir cinq magasins, je ne crois aucunement que ma qualité de vie en est compromise.

M. Tremblay (Outremont): Travaillez-vous le dimanche?

M. Lapierre: Je vous dirai que dimanche passé, j'étais dans la Mauricie pour voir mes deux magasins, mais ça me faisait plaisir d'aller rencontrer les employés. C'est vrai que ce n'est pas moi qui "trim" la salade.

M. Tremblay (Outremont): Non.

M. Lapierre: Dans l'organisation aussi, nous sommes sur le comité de direction, moi et Jean-Louis, peut-être les deux plus importants qui ont développé un réseau de fruiteries. Par contre, je vous dirai que si vous me parlez de qualité de vie, de la mienne, de celle de mes employés, nous sommes très soucieux de ce fait et soyez assurés que dans nos fruiteries, on a des conditions de travail qui tiennent compte de ces besoins-là. M. Coutu parlait tantôt au niveau de l'employé. Chez nous, nous avons des employés qui sont réguliers, un certain ratio, et ce ratio-là..

Mme Marois: Excusez-moi, c'est quoi le ratio?

M. Lapierre: Le ratio de réguliers dans les Végétarien, je vais parler en mon nom propre

est, en saison morte qu'on peut dire, en hiver et à l'automne, environ de 60 % à 65 % de réguliers versus 40 % à 35 % de partiels qui sont des étudiants. Ce qui arrive, la beauté de ce concept-là, c'est que lorsque l'été arrive, où les étudiants sont disponibles, le ratio d'étudiants devient souvent l'inverse, à 60 % versus 40 % de réguliers, parce que chez nous, notre chiffre d'affaires est en dents de scie, en été et en hiver. Et quand je vous parle de qualité de vie, qu'on parle des travailleurs ou quoi que ce soit, on fait travailler des étudiants qui ont 17 ans. M. le ministre, j'ai deux adolescentes chez moi, et lorsqu'ils avaient huit ans et six ans, c'est vrai que j'allais au parc avec eux autres. Mais à 16 ans, 17 ans, je crois que souvent ils sont portés à appeler leurs amis en fin de semaine et à se trouver de l'argent pour s'acheter des choses ou... Je suis un père de famille, moi aussi, et j'ajouterais que quand on parte de qualité de vie, qu'il n'empêche en rien... Je ne vois vraiment pas où on peut faire un débat sur le côté moral, avec une ouverture le dimanche, parce que, comme on le disait tantôt, ce n'est pas parce que les fruiteries sont ouvertes que les gens sont obligés de venir. Et ce n'est pas parce que les fruiteries sont ouvertes que mes employés sont obligés de travailler à tous les dimanches. Au contraire, les réguliers ont un dimanche sur quatre dans certaines conventions auxquels ils sont contraints de travailler, et les partiels qui sont étudiants, c'est un sur deux, et ça c'est négocié, pas avec un "gun", parce qu'on a dit que c'était un secteur qui n'était pas protégé par les syndicats et c'était pour ça qu'on abusait, nous autres, des gens. Bien, je regrette, nous avons négocié cinq conventions collectives, chez nous, et on est fiers de nos employés, et je crois qu'ils sont très fiers de travailler chez nous. Et on les aime et on cherche à avoir des considérations pour eux autres. Je terminerais en vous disant...

Le Président (M. Bélanger): Rapidement, s'il vous plaît.

M. Lapierre: O.K.

Le Président (M. Bélanger): Très rapidement.

M. Lapierre: Je terminerais en vous disant que, dans le débat actuel, l'on pense aux employés aussi, ils ont une liberté de travailler, et la règle de trois n'entraînerait que la prolifération et multiplication de beaucoup de petits magagins. Et moi je vous dis, et M. Coutu le disait très bien, tantôt, que tous les gens sont intelligents. Avec une petite fruiterie, le gars est-il mieux de dire: Bon, bien, j'ai trois employés, on va remonter la salade de 0.10 $, on va la remonter de 0.15 $, mais je vais rester à trois. C'est un illogisme envers l'entrepreneur- ship. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon. Je m'excuse, nous devons être en Chambre à 14 heures, il faut essayer de manger entre les deux.

Mme Marois: C'est ça, c'est qu'on est pris un peu. Si on va au bout de votre logique, ça voudrait dire qu'on pourrait mettre dans une loi de relations de travail, ou dans une loi d'encadrement général de normes minimales de travail, un droit de refus complet? C'est-à-dire que jamais on ne pourrait imposer à une travailleur et à une travailleuse de travailler le dimanche, régulier ou temps partiel. Ce que vous me dites, c'est que vous en trouveriez quand même?

M. Laurirt: Écoutez, Mme Marois, ça me fait un peu peur que vous invoquiez cette possibilité-là, parce qu'il s'agirait que ce soit écrit de quelque façon pour susciter cette vogue-là. Maintenant, ça fait 10 ans, 15 ans, qu'on fait travailler des employés le dimanche et nos gens sont heureux. Quand on dit que sur 98 de nos membres il y en a 5 qui sont syndiqués, j'imagine que ça ne doit pas aller si mal que ça, parce qu'ils peuvent toujours prendre le téléphone et l'appeler, le syndicat.

Mme Marois: Ça n'indique pas nécessairement que ça va mal tout le temps.

M. Falardeau: II y a la fidélité de nos employés, aussi. J'ai des employés qui travaillent chez nous depuis 12 et 13 ans. Ils ne sont pas syndiqués et ils ne doivent pas être si malheureux que ça, si ça fait 12 et 13 ans.

Mme Marois: Est-ce que vous convenez avec certains de vos collègues qui sont venus, que ça vous prend... Vos employés à temps partiel qui sont des étudiants, par exemple, qui ont 15, 16 ou 17 ans, 16 ou 17 ans, c'est-à-dire, pas 15 ans parce qu'ils ne sont pas censés, là, j'imagine qu'ils ont un peu moins d'expérience et que ça vous prend des gens d'expérience pour un peu superviser vos travailleurs et vos travailleuses.

Une voix: Oui.

Mme Marois: Donc, vous ne pouvez pas dire... C'est parce qu'il y a une autre chose qui se dit, à savoir: Ce n'est pas grave, on fera travailler les étudiants et les étudiantes, ils ont besoin de sous, et tout ça, les fins de semaine, et on n'obligera pas des gens qui ont des familles ou qui sont un peu plus âgés, peu importe, là, même s'ils n'en n'ont pas, à travailler. Alors, ce que vous me dites, c'est que dans votre commerce, comme dans d'autres commerces à travers le Québec, ça prend une expertise et cette expertise-là elle est surtout chez les

employés réguliers. Donc ils doivent travailler, ils n'ont pas le choix.

M. Laurin: Mais, Mme Marois...

Mme Marois: Une fois sur trois ou une fois sur deux, là mais...

M. Laurin: Mme Marois - ça c'est Important, et quand on en discute entre nous autres, on réalise comment ça a de l'importance pour nous, compte tenu de la stabilité des employés qui travaillent chez nous à temps partiel. Vous savez, quand une commis de charcuterie est en train de faire sa deuxième année de droit à l'université, elle commence à avoir une certaine maturité, une certaine expérience chez nous et cette personne-là peut très bien assumer des responsabilités jusqu'à un certain point. Aussi, vous comprendrez, Mme Marois, que le dimanche il n'y a aucune tâche administrative exécutée, c'est-à-dire préparer des commandes, faire des changements d'agencement dans le magasin et ainsi de suite. Alors, ça consiste uniquement au service à la clientèle et vous savez, les fruiteries n'ont pas 25 000 pieds carrés de plancher, elles ont une moyenne de 5000 ou 6000 pieds carrés. Alors, quand il y a un employé régulier dans le magasin, il peut jeter un coup d'oeil sur l'ensemble des opérations. A ce moment-là, le nombre de réguliers qui y travaillent est très limité.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à remercier nos invités, s'il vous plaît.

Mme Marois: Malheureusement, c'est terminé. Je voudrais juste revenir sur une chose, je ne pense pas qu'il s'agit d'un débat. Vous avez dit que c'était un débat moral, c'est un débat de valeur, oui je suis d'accord; maintenant, moral, je n'irais peut-être pas jusque-là, mais c'est un débat de valeur. J'ai compris aussi de votre point de vue, à moins que je ne me trompe, que s'il y a une règle, qu'elle est équitable et qu'elle s'applique à tout le monde de la même façon, nous la respecterons. J'ai bien compris ça. Mais, ce que vous voulez, c'est qu'il y en ait une et qu'elle soit claire.

M. Laurin: Et aussi qu'elle tienne compte des besoins des consommateurs.

Mme Marois: Et qu'elle puisse tenir compte des besoins des consommateurs. Il y a une provision de prévue, à mon point de vue, qui le permet.

M. Lapierre: Et, Mme la députée, tenir compte aussi du genre de produits vendus dans les commerces.

Mme Marois: Oui, ça va, je pense qu'on en a aussi parlé. Ce que vous avez dit dans le fond dans votre document, et je le regardais encore, c'est qu'il y a eu un certain laxisme de la part du gouvernement et qu'il y a peut-être eu un manque de vigilance, vous le mentionnez, dans le sens de faire valoir des droits auxquels vous croyez avoir droit, mais la situation a quand même créé des inéquités qu'il faudra résoudre. Je vous remercie.

M. Lapierre: Merci, madame.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Je veux juste qualifier un peu la question de Mme la députée de Taillon, la dernière remarque qu'elle a mentionnée, quand elle a dit: Si c'était équitable pour tout le monde, mais pour vous c'est équitable pour tout le monde en autant que le dimanche il n'y ait personne d'autre qui vende des fruits et légumes, avec trois employés et moins, parce que votre formule telle que conçue n'est pas rentable à trois employés et moins.

M. Laurin: Je m'excuse, M. le ministre, je ne vous suis pas.

M. Tremblay (Outremont): O.K. C'est important. La députée de Taillon a dit: Un des principes que nous avons, c'est l'équité. Elle dit: Si on fermait tous les commerces le dimanche, sauf évidemment une exception pour le vrai dépannage, trois employés et moins... Elle vous a demandé si vous étiez d'accord avec ça. Je qualifie votre réponse en disant, après ce que vous m'avez dit, si j'interprète bien, votre formule telle que conçue ne serait pas rentable, trois employés et moins, donc, selon la loi actuelle, on ne peut pas opérer.

M. Laurin: M. le ministre, notre position, c'est que nous sommes convaincus...

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, je ne voudrais pas qu'on reprenne la période de questions parce que le temps est vraiment écoulé et si on veut être prêts pour les autres invités cet après-midi, il faut arrêter vite.

M. Laurin: On est pour la libéralisation. Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Merci beaucoup. Je pense que vous nous avez fait une bonne présentation. Votre position est claire et on va la prendre en considération dans la décision qu'on va avoir à prendre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de

Bertrand, sous réserve que M. le ministre a un privilège de droit de réplique, vous avez une intervention.

M. Beaulne: Non, c'est très bref. Je pense qu'il n'y a vraiment pas dissension ici du côté de l'Opposition sur les règles de base, mais ce que je tiens à souligner c'est que l'objectif de cette commission c'est d'écouter les arguments que peuvent invoquer les gens et que moi, personnellement, je vous avoue que je ne suis pas demeuré insensible aux arguments des fruiteries.

Le Président (M. Bélanger): Alors, on vous remercie de cette précision.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 h 30, soit après la période de questions.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprisée 15 h 24)

Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux d'auditions publiques et particulières sur les changements à apporter à la Loi sur les heures d'ouverture dans les commerces. Nous recevons présentement le groupe Pharmaprix.

Alors, je vous explique un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. C'est 20 minutes ferme. On ne peut pas excéder. Par la suite, il y a une période d'échange avec les parlementaires. Je vous prierais, à cette période d'échange, de bien vouloir vous nommer chaque fois que vous avez à répondre à une question, ceci pour les fins de transcription au Journal des débats. Ça aide beaucoup nos travailleurs qui sont dans une autre pièce.

Ceci dit, je vous prierais d'identifier votre porte-parole, de vous présenter et de commencer.

Pharmaprix

M. Allard (Claude): Très bien. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission, je m'appelle Claude Allard et je suis vice-président exécutif de Pharmaprix Itée. Je suis accompagné aujourd'hui d'un de mes collègues que j'aimerais vous présenter. M. Jacques Nadeau, pharmacien, s'est joint récemment à Pharmaprix en qualité de vice-président, service pharmaceutique.

Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de parler, au nom des 48 pharmaciens propriétaires du regroupement Pharmaprix, de l'impact des heures d'affaires dans le secteur pharmaceutique. Je suis aussi vice-président du

Conseil québécois du commerce de détail. Je ne représente pas ce Conseil ici aujourd'hui. Je dois dire toutefois que ma position au sein du Conseil du commerce de détail me permet de constater que le service pharmaceutique occupe une place unique dans le marché de détail.

Dans le mémoire que nous avons fait parvenir à la fin de janvier, nous couvrions les six points sur lesquels on nous avait demandé de commenter. Aujourd'hui, nous essaierons plutôt de vous faire connaître Pharmaprix, sa raison d'être, et de présenter des options entre les deux positions extrêmes qui existent et ça, pour le secteur pharmaceutique.

Pharmaprix est une division québécoise des pharmacies Shopper's Drug Mart qui comptent 640 unités de Yellowknife à Saint-Jean de Terre-Neuve. L'approche de Pharmaprix permet aux pharmaciens d'exploiter leur propre établissement et de bénéficier de tous les avantages propres à leur appartenance à une grande entreprise, tout en conservant l'indépendance des pharmaciens professionnels et des propriétaires d'une petite entreprise.

Dans le réseau Pharmaprix, chaque établissement est opéré par un pharmacien que nous appelons "affilié". Le grand succès du concept d'affiliation est dû à la souplesse accordée à l'affilié pour combler les besoins de ses propres clients tout en bénéficiant du pouvoir d'ensemble et de l'identité d'une famille de pharmacies dévouées aux besoins des collectivités qu'elle dessert en matière de santé. La plupart des affiliés sont issus du milieu où se trouve leur établissement et Pharmaprix a toujours accordé la préférence aux gens de la place.

Le premier établissement Pharmaprix a ouvert ses portes à Montréal en 1972. Depuis, le nombre de pharmacies Pharmaprix du Québec est passé à 48. Nous sommes actuellement implantés dans 24 villes, de Hull aux Îles-de-la-Madeleine, du Saguenay-Lac-Saint-Jean aux Cantons de l'Est. La famille Pharmaprix compte environ 1200 employés à temps plein ou partiel. La superficie moyenne d'un établissement Pharmaprix est de l'ordre de 600 mètres carrés, officine comprise. Pharmaprix est donc largement un regroupement de pharmacies communautaires.

J'aimerais dire dès le départ que Pharmaprix ne prend pas position ni pour ni contre la libéralisation des heures d'affaires dans le secteur du commerce de détail en général. Plusieurs raisons qui portent cette question à l'attention des gouvernements et du public sont en effet étrangères au secteur de la pharmacie; je pense au réaménagement des heures d'ouverture en semaine et à l'ouverture le dimanche des établissements commerciaux du secteur de l'alimentation. Je ne prendrai pas de temps là-dessus.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour souligner que les pharmacies ont comme activité principale de dispenser aux Québécois des

services de santé et que cela est une responsabilité qui se poursuit sept jours sur sept, 52 semaines par an. Or, la loi actuelle sur les heures d'affaires ne concerne pas les établissements dont l'activité principale est la vente de produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Cela veut dire que les pharmacies peuvent être ouvertes en tout temps pour répondre aux besoins de santé du public.

En outre, il n'y a aucune restriction quant au nombre d'employés, pourvu qu'on n'y vende pas de produits alimentaires. La loi, sanctionnée en 1969, reconnaît que les pharmacies fournissent des produits et services essentiels à la population québécoise. Les gens doivent avoir accès en tout temps aux médicaments.

La commission Richard a recommandé que toutes les pharmacies demeurent dispensées des provisions sur les heures d'affaires des établissements commerciaux en général et que les autorisations particulières accordées en 1984 aux pharmacies alors en place soient révoquées. Pharmaprix appuie cette recommandation. Les pharmacies doivent être en mesure de fournir des produits de santé à toute heure du jour et de la nuit, tous les jours de la semaine. Les gens ne tombent pas malade seulement entre 9 heures et 18 heures du lundi au vendredi, ça leur arrive aussi le soir, la nuit, le dimanche et les jours de fête.

Pharmaprix a constaté que 50 % des ordonnances exécutées le dimanche et les jours de fête sont nouvelles. Plusieurs sont considérées comme urgentes, c'est-à-dire qu'elles sont signées par un médecin attaché à un hôpital ou à une clinique. La plupart des ordonnances exécutées le dimanche et les jours de fête proviennent des hôpitaux et se rapportent souvent à des antibiotiques ou à des analgésiques. Les bénéficiaires de ces ordonnances sont malades ou souffrants et doivent entreprendre immédiatement leur médication. De plus, il est préférable que les malades fassent exécuter leur ordonnance toujours à la même pharmacie puisque le pharmacien connaît leur historique. Ainsi, le pharmacien tient des dossiers de chacun de ses patients afin de déceler les réactions allergiques et les interactions médicamenteuses possibles. Cela est important pour les personnes du troisième âge qui prennent généralement beaucoup de médicaments et chez qui les risques de complications à la suite d'une interaction sont donc plus grands.

D'autres provinces canadiennes ont statué sur la libéralisation des heures d'affaires. Le gouvernement de toutes les provinces reconnaît que les pharmacies dispensent au public des services uniques. En Ontario et au Nouveau-Brunswick, on se sert des limitations de superficie pour éviter que les pharmaciens aient un avantage déloyal et pour garantir à toutes les collectivités un service pharmaceutique d'urgence. Les restrictions de superficie sont d'application simple. Les restrictions de superficie sont également acceptées par les détaillants du secteur général, puisque les pharmacies ne peuvent pas offrir la totalité des produits offerts ailleurs. Les restrictions de surface de vente sont fixées à 675 mètres carrés en Ontario et à 820 mètres carrés au Nouveau-Brunswick.

Si certaines pharmacies devaient s'en tenir aux heures d'affaires des établissements commerciaux, plusieurs malades se verraient interdire l'accès a leurs médicaments et à leur dossier. Les nombreuses personnes qui n'ont pas de moyen de transport, surtout les personnes âgées et les personnes handicapées, ne pourraient pas se rendre à leur pharmacie habituelle. Bien des gens ont besoin des conseils du pharmacien pour l'auto-ad ministration d'un médicament dans les cas des rhumes, des allergies et des premiers soins. Ces personnes seraient incapables de recevoir cette aide et elles seraient forcées de se présenter aux urgences des hôpitaux. Cela influerait sur le coût global des soins de santé du gouvernement.

Je peux affirmer que les restrictions sur le nombre d'employés ne sont d'aucun avantage pour les consommateurs. Cela entraîne uniquement une détérioration du service. Je puis vous l'affirmer puisque, pendant quatre ans, j'ai été président de la chaîne de dépanneurs La Maisonnée, propriété de Steinberg à cette époque. Limiter le nombre d'employés n'est donc pas une solution pratique, peu importe le type de commerce de détail. L'application est difficile et le seul résultat, comme je le disais, est la détérioration du service. Cette solution impose aussi des pressions sur les employés qui choisissent de travailler le dimanche et les jours de fête.

Certains intervenants qui m'ont précédé ont, si j'ai bien compris, exprimé une certaine appréhension face à la gamme des produits offerts par les pharmacies On craint que les pharmacies ne vendent des produits autres que ce que la loi prévoit. Il est vrai que les pharmacies modernes offrent une vaste gamme de produits de commodité. Toutefois, il est vrai aussi que l'activité principale des pharmacies - et je souligne le mot "principale" - est la vente de produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Or, Pharmaprix, ce sont des pharmacies traditionnelles dont l'éventail de produits comprend principalement des médicaments d'ordonnance, des médicaments en vente libre et des produits de santé et de beauté.

M. le Président, Mmes et MM les membres de la commission, nous sommes conscients chez Pharmaprix que la libéralisation des heures d'affaires est une question très importante qui mérite toute l'attention que vous lui accordez. Les décisions que vous prendrez auront un impact important sur l'économie du Québec et les habitudes de vie des Québécois et des Québécoises. Dans vos délibérations, je vous invite à

garder en mémoire que les pharmacies dispensent au public des services de santé. Les services pharmaceutiques sont différents et devraient être traités de manière différente. Notre recommandation est donc la suivante: Que les exemptions spéciales prévues pour les pharmacies soient maintenues afin de protéger la santé, la sécurité et le bien-être des Québécois et Québécoises. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je veux vous remercier pour votre présentation. Immédiatement, je vais devoir m'absenter. Je tenais, par contre, à venir écouter votre présentation et je vais céder la parole à mes collègues qui ont sûrement des questions à vous poser. Alors, je vous remercie immédiatement pour votre présentation.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: Merci, M. le Président. Dans vos recommandations, vous dites: Au niveau du monde de la pharmacie, annulez le décret que le gouvernement a émis en 1984. Ce décret dit, entre autres: Quelque 100 pharmacies très bien dénombrées, vous autres, vous avez le droit de vendre indépendamment de votre nombre d'employés et aussi de vendre autre chose que des produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires, comme vous l'avez bien déterminé tout à l'heure.

M. Allard: C'est ça.

M. Richard: Vous dites: C'est simple, annulez le décret. Est-ce que ça va aussi loin que de dire que dans vos propres pharmacies, même si vous sous-tendez qu'il n'y a pas beaucoup de ce qui n'est pas pharmaceutique, hygiénique et sanitaire, vous êtes prêts à mettre ça à la porte, à sacrer ça dehors, tout ce qui n'est pas hygiénique, sanitaire et pharmaceutique, évidemment tout ce qui est alimentaire? Vous diriez, du jour au lendemain: On donnerait le mandat à l'ensemble de nos commerçants de bannir ça de façon à baliser bien comme il faut le milieu pharmaceutique, revenir en fait à ce qu'on connaît d'une vraie pharmacie, qu'on n'ait pas trop de problèmes à trouver les médicaments?

M. Allard: Oui, c'est la position que j'ai donnée sur le côté de l'alimentation, parce que je pense que la loi spécifiait bien le côté alimentaire. Si on voit aujourd'hui la moitié des succursales qui ont des produits alimentaires ou un peu de produits alimentaires selon ce qu'ils avaient au moment de la loi, et l'autre moitié qui n'en a pas, je pense que, de un, ce n'est pas équitable. Le projet de loi comme on l'entend, le nouveau projet, se veut un projet qui va être équitable et, pour ça, on se doit, s'il n'y a pas libéralisation des heures d'affaires et qu'on donne des exemptions, on croit que cette partie-là devra partir si on veut avoir l'équité entre les pharmacies.

M. Richard: Maintenant, le pourcentage en fonction de l'ensemble des ventes, c'est quoi, ce qui n'est pas dans les trois arguments qu'on a dit, dans les trois éléments qu'on a mentionnés tout à l'heure?

M. Allard: Si on regarde la partie strictement alimentation, parce que lorsqu'on parle des trois produits on n'est plus, nous, dans la pharmacie traditionnelle dont je parlais tout à l'heure, on parle aussi des cosmétiques.

M. Richard: Oui, oui, d'accord.

M. Allard: On parle donc de toute la ligne de produits de beauté, de santé, cosmétiques et tout ça. Pour nous, l'alimentation ne représente à peine que 1 % dans nos magasins. Ce n'est pas un facteur majeur. Je pense que, lorsqu'on regarde la commercialisation d'un Pharmaprix aujourd'hui et toutes les lignes qui sont tenues dans un magasin, ça fait une partie globale, et on est conscients de ça; mais dans un point où on ne peut pas avoir l'équité, que toutes les pharmacies puissent avoir les mêmes produits, c'est là que notre recommandation vient: d'éliminer l'alimentation dans les pharmacies si ça peut aider à amener l'équité sur ce point-là. L'alimentation, pour nous, c'étaient les gens qui s'objectaient peut-être le plus à la pharmacie de grande surface, sous le prétexte que la pharmacie avait pris beaucoup de son volume, et je ne pense pas que ce volume-là, quand on regarde l'alimentation qui est faite dans les pharmacies de grande surface, est réellement justifié.

M. Richard: Vous touchez une autre question, vous touchez directement le fait que vous n'êtes pas du tout favorable au transfert à un autre palier de gouvernement pour l'application de cette loi-là. Vous dites, si j'ai bien lu, que vous n'êtes pas d'accord, entre autres, que ça soit transféré au monde municipal.

M. Allard: C'était la position, définitivement, qu'on avait dans notre mémoire du mois de janvier. On pense que la loi est une loi que le gouvernement provincial devrait continuer de contrôler si on veut avoir, encore une fois, une équité dans le domaine du commerce de détail, je crois qu'il est important que la province...

M. Richard: Est-ce que votre position serait la même si, par contre, la loi-cadre, en fait les

grandes lignes maîtresses de la loi étaient définies par le gouvernement du Québec, mais l'application de cette loi-là sur le terrain ferait par le monde municipal en leur donnant - et c'est toujours une hypothèse - la possibilité d'aller y chercher les amendes. C'est pareil comme si, dans une municipalité X, c'est le corps de police de cette municipalité-là qui applique la loi au même titre qu'elle applique les autres lois à l'intérieur de ses limites. Est-ce qu'à ce niveau-là vous n'auriez pas d'inconvénient ou si vous auriez aussi une réticence? Ce qu'on veut dire par là, c'est que les inspecteurs, en fait, deviendraient le corps municipal.

M. Nadeau (Jacques): J'ai été conseiller municipal pendant quatre ans d'une municipalité de 5000 habitants, où il y avait deux pharmacies, et puis quand je regarde l'état de la réglementation et la mise en application de cette réglementation-là, à toutes fins pratiques, c'est pratiquement impossible que les autorités municipales, à moins que ce ne soit une municipalité qui soit très bien organisée, soient capables de policer cette loi-là.

M. Richard: Merci, c'est clair. Ça me va, moi, pour les questions.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: J'aimerais peut-être revenir un peu sur la présentation qui a été faite ce matin et avoir votre réaction. Je pense à la présentation du groupe de Jean Coutu. On nous a mentionné ce matin qu'en fonction du besoin d'ouvrir les pharmacies soit le soir ou le dimanche, le dimanche n'étaient pas nécessairement la journée la plus rentable au niveau des ordonnances pharmaceutiques, le fait de vendre d'autres produits permettait de rentabiliser les opérations pharmaceutiques qui ne l'étaient pas le dimanche. Alors, comment est-ce que vous réagissez à cette affirmation-là, par rapport au fait que vous nous mentionnez que vous seriez prêts a ce que les produits qui ne sont pas des produits pharmaceutiques soient éliminés dans vos pharmacies. Est-ce que ça demeurerait rentable et est-ce que vos prix, à ce moment-là, seraient plus élevés que ceux qu'on retrouve, par exemple, dans une pharmacie de grande surface où il y a des produits diversifiés qui rentabilisent la partie pharmaceutique?

M. Allard: Alors, Claude Allard. Ma position était strictement sur l'alimentation et non pas sur tous les autres produits divers qui sont aujourd'hui dans les grandes surfaces et que, si on remonte dans les pharmacies traditionnelles, on a toujours trouvés. C'était peut-être en plus petite quantité, mais il y avait un peu de tous ces produits-là. Ma position était strictement sur l'alimentation et je crois que, sans la partie alimentaire - et les chiffres qui ont été donnés ce matin par le groupe GJC étaient que l'alimentation représentait à peu près 3 % dans son cas... Or, je ne pense pas que c'est les 3 % qui vont influencer son commerce total.

Par contre, le commentaire sur l'assortiment total qui est nécessaire pour pouvoir ouvrir les succursales aux heures auxquelles on les ouvre, parce qu'on regarde une moyenne, je crois, qui était donnée ce matin, de 91 heures... Dans notre cas, on regarde entre 60 et 91 heures, selon les établissements, parce qu'on a beaucoup d'établissements dans des centres d'achats et certains d'entre eux ne peuvent pas être ouverts aux mêmes heures que les autres, mais, en général, on regarde entre 60 et 91. Pour pouvoir offrir le service total à ces heures-là, le service de santé, il est nécessaire d'avoir l'assortiment complet et, oui, je supporte la position qu'on donnait ce matin, que c'est un tout. L'assortiment des produits nous permet aussi d'annoncer des produits qu'on ne peut pas annoncer du côté de la santé, ce dont on pariait aussi ce matin, mais sur les autres items on peut annoncer... Donc, je pense que, sur le plan du marketing, c'est important d'avoir un ensemble qui nous permette d'aller chercher des revenus et nous permette d'offrir ces services-là à des périodes qui ne sont pas, comme vous le dites, nécessairement les périodes les plus achalandées du côté des prescriptions.

M. Bordeleau: Quelles seraient les conséquences, si on regarde une hypothèse qui a été mentionnée à l'occasion, que l'ouverture des pharmacies, pour ce qui est de ta partie pharmaceutique, soit permise le dimanche, exclusivement. Supposons que cette hypothèse-là soit une hypothèse retenue éventuellement; quelle pourrait être la conséquence concrète de cette hypothèse sur le fonctionnement des pharmacies?

M. Allard: Claude Allard. Si on parle strictement de l'officine...

M. Bordeleau: Oui.

M. Allard: ...à l'intérieur d'une pharmacie de grande surface, je pense qu'il est à peu près impossible, quand on regarde aujourd'hui le "layout" de ces magasins, de pouvoir réellement encadrer le reste du commerce pour dire qu'on n'ouvre strictement que l'arrière du magasin. Donc, ce qu'on verrait, dans une telle loi, c'est la fermeture de toutes les grandes surfaces. Opinion personnelle.

Le Président (M. Bélanger): ...la règle de l'alternance. Vous aviez un complément de réponse, oui? Je vous en prie.

M. Nadeau: Jacques Nadeau. Je sais qu'on

vous a donné, on vous a fourni de l'information à l'effet que les plus petites pharmacies de 1000 pieds carrés ou de 1500 pieds carrés ou moins seraient quand même rentables, même si elles n'ont pas une partie commerciale importante. Sauf que, lorsqu'on regarde la réalité, si vous prenez la dernière enquête économique de l'AQPP, par exemple, où l'on vous donne le nombre d'heures d'ouverture des pharmacies, vous allez constater que les grandes surfaces sont ouvertes beaucoup plus longtemps que les petites et moyennes surfaces. Ceux qui disent que c'est rentable, c'est assez facile pour eux autres de le dire, mais si vous allez voir s'ils sont ouverts le dimanche, la grosse majorité de ceux-là ne le sont probablement pas et il y a peut-être une raison.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Bonjour. Ça me fait plaisir de vous souhaiter aussi la bienvenue au nom de ma formation politique. Je vais reprendre la question qui était soulevée. Vous dites que, parmi les pharmacies qui sont membres, là, de... Ce sont des affiliés, chez vous, des associés, des...

M. Allard: Des franchises.

Mme Marois: Des franchises. Bon, d'accord. Vous dites que certaines pharmacies ne sont pas rentables. J'aimerais ça réentendre l'intervention que vous venez de faire, là.

M. Nadeau: Jacques Nadeau. Ce que j'ai dit, c'est que... Je n'ai pas dit que les pharmacies n'étaient pas rentables - je n'ai pas vu leurs chiffres - mais ceux qui nous disent que c'est possible d'opérer une pharmacie avec succès, qu'on n'a pas besoin de partie commerciale pour l'opérer le dimanche, il y a une grosse partie de ceux-là qui ne sont pas ouverts le dimanche. Si c'était si rentable que ça, j'ai l'impression qu'ils seraient ouverts. (15 h 45)

Mme Marois: Oui. J'aimerais ça connaître vos volumes. M. le député de Nicolet-Yamaska, M. Richard, a posé la question. On a eu ce matin, avec les pharmacies Jean Coutu, un descriptif des proportions qui étaient consacrées aux différents volumes et, en incluant santé-beauté, qui, évidemment, sont les produits cosmétiques, on arrive à environ 50 % du volume d'affaires de la pharmacie Jean Coutu. Les produits alimentaires, c'est vrai, 2,8 %, mais si on rajoute les breuvages, les confiseries, les bonbons, on augmente évidemment. Qu'est-ce que c'est, chez vous, cette ventilation-là?

M. Allard: Claude Allard. Les prescriptions et ventes de médicaments en vente libre repré- sentent 31,1 %.

Mme Marois: D'accord.

M. Allard: Les cosmétiques représentent 10,1 %.

Mme Marois: Oui.

M. Allard: Les produits de beauté-santé, hygiéniques, les produits HBA qu'on appelle chez nous, représentent 26,9 %.

Mme Marois: D'accord.

M. Allard: Les papiers, 7,3 %.

Mme Marois: Quand vous dites les papiers, vous pensez surtout papeterie ou si... Non, non, d'autres...

M. Allard: Les papiers de toilette, les papiers-mouchoirs, les papiers hygiéniques...

Mme Marois: Les couches et tout le reste.

M. Allard: Les couches et ainsi de suite. C'est ça.

Mme Marois: D'accord.

M. Allard: Les breuvages, 0,6 %; confiserie, 4 %.

Mme Marois: Ils correspondent.

M. Allard: Alimentation, 1 %; tabac, 19 %.

Mme Marois: Vous nous dites que certaines pharmacies ne peuvent pas ouvrir, évidemment, le dimanche ou n'ouvrent pas parce que ce ne serait pas utile compte tenu de leur localisation. J'ai bien compris ça. Dans les centres d'achats entre autres, par exemple, où H n'y a pas un achalandage qui justifie l'ouverture... Il y en a, comme ça, combien?

M. Allard: On en a deux, nous, comme ça. Mme Marois: D'accord.

M. Allard: Une, parce que le centre d'achats n'est pas ouvert, Carrefour Laval, l'exemple...

Mme Marois: C'est ça.

M. Allard: ...et une autre parce que le franchisé n'a pas le désir d'ouvrir le dimanche.

Mme Marois: N'ouvre pas le dimanche. Est-ce que ces entreprises font quand même leurs frais et un certain bénéfice?

M. Allard: Claude Allard. Oui. Ces entreprises sont ouvertes à l'exception du Carrefour Laval qui est complètement différent des mixtes dont on a parlé ici...

Mme Marois: Oui.

M. Allard: ...dû à sa localisation. C'est un magasin, une succursale qui est beaucoup plus cosmétiques et produits de beauté-santé que produits de médicaments. Elle vient quand même à bout, à cause de son grand volume, dans une place comme le Carrefour Laval, de faire ses frais.

Mme Marois: Oui.

M. Allard: Dans l'autre succursale, c'est une succursale qui est ouverte tous les soirs de la semaine; par contre, qui n'est pas ouverte le dimanche. Elle aussi réussit très bien.

Mme Marois: Oui.

M. Allard: Mais elle est ouverte six jours, six soirs.

Mme Marois: Est-ce que vous connaissez son achalandage les heures de semaine où les autres n'ouvrent pas, par exemple, et où elle ouvre?

M. Allard: Claude Allard. Je n'aurais pas à ce moment-ci...

Mme Marois: Oui.

M. Allard: ...des détails...

Mme Marois: L'information, là.

M. Allard: ...pour ce magasin spécifique.

Mme Marois: D'accord. Parce que je me dis, quand on m'apporte la notion du concept non morcelable, on l'a eu ce matin, et puis bon, vous dites: II faudrait être prudent là-dessus. Vous, vous dites, dans le fond: On ne veut pas briser le concept mais on est prêts à laisser tomber l'alimentaire parce que, pour vous, il n'est absolument pas significatif. Mais vous dites: Gardez le fait que nous sommes un service essentiel en ce qui a trait à la pharmacie.

Moi, je vais vous retourner la question, c'est-à-dire une hypothèse. Si on garde le bloc santé, prescriptions, médicaments, produits de santé, cosmétiques et qu'on élimine, à toutes fins pratiques, les autres éléments dans le sens où il y a un empêchement d'ouvrir le dimanche, est-ce que c'est, d'abord, "opérationnalisable" dans vos entreprises et est-ce que vous ouvririez quand même le dimanche à ce moment-là?

M. Allard: Claude Allard. Personnellement, pour moi, si je regarde tous les autres départements qui sont bien séparés ici, je ne pense... On ne parle plus du même genre de commerce du tout, lorsqu'on enlève tous les autres départements. L'alimentation, la raison de notre recommandation, encore une fois, c'est le fait qu'on ne voit pas que c'est équitable aujourd'hui, qu'il y a trop de différence. L'exemple qu'on regarde, ce sont deux ou trois pharmacies sur une même rue. Il y en a qui l'ont et d'autres qui ne l'ont pas et c'est aussi la partie pour laquelle, je crois, la pharmacie de grande surface a été pointée du doigt beaucoup plus que pour les autres éléments qui font la partie de la pharmacie. Donc, je ne crois pas qu'on pourrait faire partir tous les autres éléments.

L'alimentation, pour moi, encore une fois, est strictement sur le point de vue équitable et non pas le fait qu'on ait seulement 1 %. Ça représente, probablement, 4 % ou 5 % dans certaines succursales et ça représente 0 % dans d'autres succursales.

Mme Marois: Oui, d'accord.

M. Allard: Donc, il y a un mixte qui se... C'est un ensemble, ici, qu'on regarde, mais strictement sur la base que ce n'est pas équitable et c'est pour ça que notre recommandation est là, pour ça. Mais les autres départements, je pense que lorsqu'on regarde la pharmacie de grande surface aujourd'hui, c'est très important d'avoir cet assortiment-là si on veut avoir un programme de marketing qui est acceptable pour le consommateur.

Mme Marois: D'accord. Les marges bénéficiaires, évidemment, sont celles dont on parlait ce matin. Il n'y a pas.. Vous étiez là ce matin. Elles sont, donc... Elles se comparent tout à fait.

M. Allard: Elles sont très près, oui.

Mme Marois: Oui, c'est ça, de ce qui nous a été dit. J'aimerais ça revenir sur les conditions offertes aux travailleurs et aux travailleuses qui sont chez vous. Quelle est la proportion de gens à temps partiel versus gens à temps plein dans vos entreprises?

M. Allard: Je dirais qu'on a probablement, dans la plupart des succursales, à peu près 50-50 ou peut-être un peu plus de partiel dans certains magasins. Mais, encore là, c'est très difficile de faire... Parce qu'il y a beaucoup de différence...

Mme Marois: D'accord.

M. Allard: ...mais je dirais à peu près 50-50.

Mme Marois: C'est un ordre de proportion.

M. Allard: Un ordre de grandeur, oui.

Mme Marois: Est-ce que vos entreprises sont syndiquées?

M. Allard: Une seulement.

Mme Marois: Une seulement. Dans les conditions de travail qui sont offertes à vos travailleurs et à vos travailleuses, est-ce qu'il est prévu des obligations pour assurer le service pendant les fins de semaine, le dimanche entre autres, et aussi les soirs de la semaine où c'est ouvert en dehors des heures habituelles des autres commerces, on s'entend bien?

M. Allard: Tous les employés qui rentrent à l'emploi de nos franchisés sont bien au courant du type de commerce dans lequel on est et des besoins du commerce sur une base de sept jours pour ceux qui sont ouverts sept jours. Sur cette base-là, les employés acceptent de travailler à leur tour les fins de semaine dont ils sont responsables. Dans la plupart des cas, c'est une fin de semaine à toutes les deux fins de semaine, et je pense que c'est une situation, à l'heure actuelle, qui est acceptable. Surtout le fait aussi qu'il y ait des primes de payées pour les fins de semaine et les soirées additionnelles.

Mme Marois: D'accord. Évidemment, comme ce sont des franchisés, est-ce que vous avez quand même une politique qui est recommandée à vos franchisés sur les salaires, les types de conditions de travail et tout ça?

M. Allard: Oui. On a des politiques qu'on recommande sur l'opération totale pour les magasins.

Mme Marois: D'accord, qui permettent, par exemple, à un franchisé d'appliquer un peu un guide là, si on veut, qui lui est fourni à cet égard-là. C'est bien ça?

M. Allard: Oui.

Mme Marois: Si dans une loi sur les normes minimales on mettait une obligation, c'est-à-dire pas une obligation, mais un droit de refus pour l'ensemble des travailleurs et des travailleuses, un droit de refus complet pour le dimanche, puisque c'est de ça qu'on parle en particulier, est-ce que, pour vous, ce serait possible de l'appliquer dans votre travail quotidien?

M. Allard: II serait probablement très difficile... Il serait probablement difficile de l'appliquer. Je ne dirais pas impossible. Je pense qu'il faudrait le vivre parce que je pense qu'il y a toujours des employés qui sont prêts et qui ont le désir de travailler les fins de semaine, parce que ce sont peut-être les seules journées qu'ils ont de disponibles pour aller chercher des revenus additionnels qu'ils veulent. Je pense aux jeunes familles dont la mère ne peut pas aller travailler à cause de jeunes enfants à la maison durant la semaine. Elle peut travailler les fins de semaine ou elle peut prendre des soirées parce qu'elle a quelqu'un pour garder plus facilement. Donc, je pense qu'on pourrait sûrement trouver des gens parce qu'on a aujourd'hui... Je ne crois pas, même si la grande majorité des gens n'aiment pas travailler les soirs ou les fins de semaine, qu'on ait un groupe dans nos magasins qui soit tous des gens mécontents parce qu'ils travaillent les fins de semaine. Ils les ont acceptées et c'est un fait, comme on le voit dans bien d'autres domaines, que ça soit la restauration ou l'hôtellerie où il y a des services qui sont nécessaires et II y a des gens qui y travaillent. Donc, chez nous, je pense que c'est la même chose.

Mme Marois: Mais... Oui, vous voulez ajouter quelque chose, M. Nadeau.

M. Nadeau: Oui. Je pense que, si vous faites ça, vous allez peut-être être obligés de créer une exception qu'on a vue. Je pense que ça cause des problèmes parfois. Vous allez être obligés de créer une exception probablement au niveau des pharmaciens. Les pharmacies ne peuvent pas demeurer ouvertes sans la présence d'un pharmacien. C'est la loi. Actuellement, il y a une pénurie de pharmaciens, d'environ 500 pharmaciens, au niveau de la province. A cause de la situation actuelle, vous seriez obligés d'exclure les pharmaciens de cette loi-là et peut-être que, dans d'autres circonstances, d'autres catégories de personnes.

Mme Marois: L'Ordre prétend, dans un autre document, qu'il y a un surplus. Évidemment, ils sont peut-être répartis un peu différemment. Il y a peut-être un manque dans certains milieux, certains secteurs d'activité, certaines villes, certaines régions. L'Ordre prétendait autre chose, l'Ordre des pharmaciens qui est venu...

M. Nadeau: Je ne veux pas vous contredire, là, mais j'ai été...

Mme Marois: Non, non, mais ce n'est pas, non plus, dans le but juste de...

M. Nadeau: J'ai été directeur général de l'Ordre pendant sept ans, auparavant.

Mme Marois: Ah bon! D'accord.

M. Nadeau: Et je suis administrateur de l'Ordre, actuellement. Aux dernières nouvelles, en tout cas, on avait encore une pénurie.

Mme Marois: II y avait encore des pénuries

de l'ordre de ce que vous mentionnez. M. Nadeau: Oui.

Mme Marois: Bon. C'est quand même important. Est-ce que vous êtes prêt à affirmer aussi clairement que le faisait M. Coutu, ce matin, qui nous disait: Écoutez, ce serait vous raconter des histoires de vous dire que les gens aiment travailler le dimanche?

M. Allard: Je pense que c'est évident qu'il n'y a personne, s'il y avait le choix de ne pas travailler les soirs et le dimanche, qui désirerait toujours travailler le dimanche. Mais compte tenu du fait que c'est un fait, aujourd'hui, que beaucoup de gens ont à travailler le dimanche dans plusieurs services, donc, pour un service essentiel comme la pharmacie, je pense que les gens ont accepté cette habitude, ce fait qu'il faut qu'il y ait des gens qui travaillent les fins de semaine.

Mme Marois: On me fait remarquer, parce que ça revient souvent, que, dans le domaine journalistique, on travaille les fins de semaine; c'est venu ce matin et c'est venu à d'autres reprises au moment de la commission. J'ai un collègue qui a déjà été membre de la Fédération des journalistes, qui me dit: Souvent, les gens qui travaillent les fins de semaine, dans le domaine journalistique, enfin dans les grandes sociétés, ont une semaine de trois jours; ils travaillent pendant trois jours et, après ça, ils peuvent disposer de... Il faut toujours faire attention quand on fait des comparaisons. Mais vous ne les avez pas faites; ça ne s'adresse pas à vous, c'est plutôt aux fins de nos travaux, ici, à la commission. Ça va pour l'instant, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie.

Mme Marois: J'ai terminé, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Bélanger): Alors, du côté des parlementaires, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Vous aimeriez que nous enlevions le règlement de trois personnes par établissement, mais vous arrivez avec une nouvelle restriction, celle des 700 mètres carrés, comme en Ontario, ou 850 mètres, comme au Nouveau-Brunswick. D'autres intervenants, dans votre secteur, tels que les institutions Coutu, ce matin, nous disaient: Écoutez, vous pénalisez le succès, laissez donc les choses aller. Quel est le rationnel dans votre raisonnement entre enlever les trois employés qui sont une restriction et en mettre une autre par nombre de pieds, finalement? Pourquoi ne pas toutes les enlever, les restrictions, ou toutes les mettre?

M. Allard: Claude Allard. Ma recommandation d'une superficie maximum est basée sur le point... On a dit aussi, au départ, qu'on ne prenait ni pour, ni contre. S'il y avait libéralisation, on l'oublie complètement, il n'y a pas de restriction et on est prêts à accepter de vivre avec. Par contre, si on est contre la libéralisation des heures, on croit qu'une façon équitable et une façon de convaincre les autres marchands que la pharmacie de grande surface n'est pas l'ennemie qu'on a peut-être... On a placé la pharmacie comme étant celle qui venait chercher le commerce d'une façon inéquitable pour les autres. On a dit: Appuyons-nous sur un mode qui semble fonctionner et qui fonctionne en Ontario et au Nouveau-Brunswick et on pense que la grandeur... Dans notre document, on ne spécifie pas de grandeur pour le Québec. Ce qu'on dit, c'est que l'Ontario est à environ 7500 pieds, le Nouveau-Brunswick, environ 9000 pieds. Je pense que, si on prenait la position du Nouveau-Brunswick, à 9000 pieds carrés d'espace de vente, la pharmacie de grande surface peut très bien fonctionner. Et je ne pense pas que M. Coutu serait restreint dans ses volumes, non plus, à des surfaces dont on parle ici. Par contre, ça enlèverait le doute, dans les magasins à départements ou les autres qui s'objectaient a la pharmacie de grande surface, que, peut-être dans les prochains cinq ans, au lieu de 18 000, 20 000 "listings" ou 22 000 qu'on a aujourd'hui, on verra 40 000 "listings" et on pourra trouver des pneus et peut-être autre chose dans les pharmacies. Donc, je pense qu'une restriction pourrait amener un élément équitable plus grand et plus acceptable pour le commerce de détail en général.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Taillon, vous avez d'autres questions?

Mme Marois: Je m'excuse, je veux bien reprendre ce que je disais tout à l'heure. Effectivement, je ne voudrais pas errer et tromper les membres de la commission. C'est M. Boisvert qui nous disait: En fait, nous avons probablement un léger surplus de pharmacies et non pas de pharmaciens - d'accord, on s'entend - à l'heure actuelle, au Québec. Mais je vais vous citer autre chose, cependant, qu'il disait aussi: "II nous apparaît toujours un peu hasardeux d'affirmer en bloc que la partie commerciale d'une grande surface est absolument essentielle à la rentabilité de la pharmacie. Ce n'est pas vrai dans l'ensemble des pharmacies. Il y a d'autres éléments qui entrent en ligne de compte dans la rentabilité de la pharmacie. La localisation, sa proximité des marchés, sa proximité d'autres services de santé comme les bureaux de médecins sont des déterminants importants de la rentabilité d'une pharmacie, donc l'affirmation nous

paraît un peu radicale. Ça, c'était un témoignage de l'Ordre des pharmaciens. C'est son point de vue. On peut être en désaccord, mais lui dit: Voilà, il est quand même possible d'opérer un tel service sans nécessairement y avoir l'ajout d'un certain nombre d'autres produits, que ce soit dans l'alimentaire ou autre chose, j'imagine.

Moi, j'ai terminé, M. le Président, avec nos invités.

Le Président (M. Bélanger): II y avait M. le député de Drummond, que j'avais omis tout à l'heure; je m'en excuse.

Mme Marois: Vous aviez oublié.

M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Allard, vous faites de la publicité, j'imagine, dans les périodiques ou dans les journaux de fin de semaine.

M. Allard: On fait de la publicité toutes les semaines dans les circulaires.

M. St-Roch: Dans les circulaires, à l'intérieur du volume que vous ave2 cité tout à l'heure, les pourcentages de 31 % à 19 %, suivant les catégories, qu'est-ce que vous utilisez comme cible, dans votre publicité, pour essayer d'attirer le consommateur dans vos établissements, en réalisant pleinement que la loi vous défend d'utiliser des produits dits pharmaceutiques? Vous allez privilégier quels secteurs? Je ne veux pas vous faire dévoiler non plus des stratégies de mise en marché...

M. Allard: C'est parce que les items qu'on retrouve le plus souvent dans nos circulaires sont des items de papier, des items de beauté-santé qui sont annoncés régulièrement. Quand on regarde la beauté-santé, aujourd'hui, il y a tellement de produits, quand on regarde toutes les essences des différents shampooings, par exemple, des "conditioners" et tous ces produits-là, ce sont des gammes de produits qui sont annoncées. La confiserie est un autre groupe de produits qu'on annonce régulièrement.

M. St-Roch: Les produits alimentaires?

M. Allard: On n'annonce pas de produits alimentaires parce qu'on n'en a pas dans tous les magasins, parce qu'on ne peut pas. Donc, on n'annonce pas les produits alimentaires. Il y a d'autres groupes qui annoncent des produits alimentaires avec des astérisques. Nous, on n'annonce pas les produits alimentaires. Je pense qu'on a une définition peut-être un peu différente de "produits alimentaires" et il faudrait regarder ce qu'on appelle "alimentaire"...

Mme Marois: Vous excluez les confiseries des produits alimentaires.

M. Allard: C'est ça. La confiserie, pour nous, on ne la compte pas comme un produit alimentaire.

M. St-Roch: Si vous aviez le choix, si la loi vous donnait, à un moment donné, une exemption et qu'on disait: À partir d'aujourd'hui, oui, la publicité sur les produits pharmaceutiques est admissible, est-ce que ça changerait dans votre proportion les trois ou quatre grandes lignes que vous venez de mentionner?

M. Nadeau: Vous me prenez par surprise, là. Il faudrait qu'on y réfléchisse. Mais si je regarde ce que Shopper's fait dans les autres provinces, probablement. Dans huit autres provinces, sauf en Colombie-Britannique, l'annonce des médicaments en vente libre est permise. Alors, vous allez retrouver des annonces de...

M. St-Roch: Aspirines et ces choses-là?

M. Nadeau: Oui. Ah! bien là, il y a des technicalités! Mais tous les produits, tous les médicaments...

M. St-Roch: En vente libre.

M. Nadeau: ...qui peuvent être obtenus sans ordonnance sont annonces quand même pas mal par les autres chaînes. Alors, j'ai l'impression qu'on irait probablement dans cette direction-là.

M. St-Roch: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution à nos travaux. Évidemment, comme on avait creusé pas mal la question pharmaceutique à d'autres moments, on a été avec vous un petit peu plus précisément sur certains aspects. C'est toujours un éclairage qui aide sûrement les gens de la commission. Merci beaucoup de votre contribution.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska, au nom du ministre.

M. Richard: MM. Allard et Nadeau, grand merci de votre position, de votre message qui est très clair, d'autant plus qu'il représente par vous le message des pharmacies qu'on considère comme plus traditionnelles. Alors, grand merci au nom du ministre et au nom de mes collègues d'avoir daigné vous présenter à la commission. Merci, messieurs.

M. Allard: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, pour le

bénéfice des gens qui sont dans la salle, M. le ministre est absent. Ce n'est pas par désintérêt, c'est tout simplement qu'il devait faire une intervention en Chambre. Comme les travaux de la Chambre ont toujours priorité sur les travaux de la commission, le ministre a dû s'absenter pour aller faire cette intervention-là. Mais soyez rassurés, il y a au moins sept membres de sa formation qui vont lui faire part de tous vos points de vue, son personnel politique aussi. Donc, dans ce sens-là, je vous remercie de votre participation.

Nous appelons à la table l'Association des pâtissiers artisans du Québec.

La commission suspend ses travaux pour cinq minutes. Si vous permettez, une pause sanitaire.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez... D'abord, excusez l'absence de M. le ministre qui est retenu en Chambre et qui devrait être ici dans quelques minutes. Nous recevons l'Association des pâtissiers artisans du Québec.

Je vous explique un peu nos règles de procédure. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire. Par la suite, il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais, dans cette période d'échanges, de bien vouloir vous identifier chaque fois que vous prenez la parole, ceci pour les fins de transcription du Journal des débats. Ça nous aide beaucoup. Donc, si vous voulez identifier votre porte-parole, présenter votre groupe et votre mémoire, nous sommes à vous.

Association des pâtissiers artisans du Québec

M. Edwards (Martin): Je suis l'un des porte-parole de l'Association des pâtissiers artisans du Québec inc. Je suis accompagné du président de l'Association, M. Paul-Henri Harvey, à ma gauche; également, de M. Jean-Michel Cabane, qui est pâtissier et propriétaire de la pâtisserie de Gascogne, à Montréal et Pointe-Claire, à gauche de M. Harvey; également, du vice-président de la section de Québec de l'Association, M. Jacques Tailleux, propriétaire de la pâtisserie Aux Délices de Picardie; et, à ma droite, de M. Pablo Martinez, de la pâtisserie Granada, à Montréal. Je ne suis pas, moi-même, pâtissier. Je suis avocat de l'étude Gagnon, de Billy et je vais faire la présentation du mémoire, brièvement, avant de céder la parole aux pâtissiers et avant de vous permettre de poser les questions qui s'imposent.

Le Président (M. Bélanger): Alors, j'ai compris que vous étiez M. Martin Edwards. M. Edwards: C'est exact. Le Président (M. Bélanger): C'est bien ça?

M. Edwards: D'abord, l'Association existe sous une forme ou une autre depuis 1940. Elle compte 81 membres qui, typiquement, emploient entre 10 et 15 personnes chacun. Les membres de l'Association confectionnent dans leur propre laboratoire, ce qu'un profane pourrait appeler une cuisine, 70 % ou plus des produits qu'ils offrent au public, soit des pâtisseries, du pain et d'autres produits de boulangerie, des chocolats, des glaces, des sorbets, des plats cuisinés, des bouchées pour buffets ou réceptions. Une majorité des membres offrent également, mais à titre complémentaire seulement, des produits généralement achetés d'autres fournisseurs, comme les charcuteries, le fromage, divers produits d'épicerie fine, ethnique ou exotique et du vin.

Les pâtisseries ont toujours été ouvertes le dimanche, au Québec. Elles bénéficient actuellement d'une exemption qui leur est propre et qui est prévue au paragraphe 5°, de l'article 5 de la loi, qui prévoit qu'un établissement dont l'activité exclusive est la vente de pâtisseries ou de confiseries est exempté de l'application de la loi. Même avant l'adoption de cette loi, en 1969, les pâtisseries étaient déjà ouvertes au Québec.

Plus que jamais, le dimanche est un des moments forts alors que se réalisent environ 20 % des ventes hebdomadaires, autant que le samedi. Parmi les produits qui sont offerts en vente par les pâtisseries, certains éléments de base peuvent être préparés d'avance, au maximum 24 à 48 heures, mais la finition de ces produits-là doit survenir le dimanche matin même, ce qui fait qu'un pâtissier travaille typiquement de minuit à 8 heures le dimanche matin et un boulanger, de 4 heures à midi; à eux s'ajoutent deux ou trois employés pour le service à la clientèle.

Les pâtisseries sont des petites et moyennes entreprises, des petites surtout, dynamiques et prospères dont le succès repose sur une réponse adéquate aux attentes qui ont été créées chez le public, c'est-à-dire pour une qualité, une fraîcheur et une disponibilité de produits de pâtisserie.

Même si des modifications à la loi peuvent s'avérer nécessaires - c'est vous qui allez le décider, vous et les autres parlementaires - notamment dans certains sous-secteurs de l'alimentation, aucune stipulation ne devrait venir chambarder les normes actuelles d'exploitation des pâtisseries, que ce soit en termes de limitation, de superficie de l'espace commercial, en termes de nombre total d'employés ou en termes d'heures d'ouverture.

Quant à l'ouverture des pâtisseries le dimanche, fait qui existe depuis de nombreuses

années, il n'y a rien qui indique que la population québécoise souhaite quelque changement à cette situation. Même au plus fort du débat et après avoir feuilleté les revues de presse depuis 1983, on constate qu'il n'y a aucun des protagonistes en cause qui, jusqu'à ce jour, n'a invoqué quelque inconvénient ou objection à l'ouverture des pâtisseries en tant que telle.

Ce que l'Association redoute par-dessus tout, c'est une décision politique qui, par souci d'uniformité dans le secteur de l'alimentation, imposerait à l'ensemble des commerces qui veulent ouvrir le dimanche ou à qui on permettrait d'ouvrir le dimanche, des critères ou des contraintes qui sont inappropriées aux pâtisseries québécoises. il est impensable de cesser d'offir aujourd'hui un service auquel les clients sont habitués et qui contribue à la qualité de la vie le jour du dimanche.

La première association qui a été fondée, qui s'appelait l'Association des pâtissiers-détaillants de Montréal, regroupait des propriétaires d'établissements qui, premièrement, fabriquaient eux-mêmes leurs produits de boulangerie et de pâtisserie et, deuxièmement, écoulaient eux-mêmes leur production. Les critères d'adhésion à l'Association n'ont pas changé depuis, de là la signification du mot "artisans" dans la raison sociale: Association des pâtissiers artisans du Québec.

Les entreprises sont de taille différente au point où deux membres au moins comptent chacun une centaine d'employés sur leur liste de paie. Toutefois, un membre typique compte une demi-douzaine d'employés oeuvrant à la production et deux à quatre personnes au service à la clientèle. Aucune des entreprises n'est syndiquée.

Il y a 81 membres dans l'Association et il existe, bien sûr, beaucoup d'autres pâtisseries au Québec qui ne font pas partie de cette Association. Sans vouloir prétendre nous exprimer en leur nom, nous sommes d'avis que nos positions sont tout à fait compatibles avec les besoins, les intérêts et les aspirations de la très grande majorité des pâtisseries présentes sur le territoire du Québec, qu'elles soient ou non membres de notre Association.

Le dénominateur commun qui unit tous les membres et toutes les pâtisseries, c'est la qualité. Cette qualité-là est confectionnée par le travail propre du pâtissier dans ses propres cuisines ou laboratoires et les produits sont écoulés par les pâtisseries elles-mêmes.

Vous retrouvez, dans une pâtisserie typique, des pâtisseries bien sûr, du pain, des chocolats, des glaces et sorbets, des plats cuisinés, des bouchées pour buffets ou réceptions. Ces produits sont confectionnés à partir d'ingrédients frais, sains et provenant pour la plupart du Québec. J'ai mentionné qu'à titre complémentaire il y a certains autres produits qui sont offerts: les charcuteries, le fromage, divers produits d'épice- rie fine, ethnique, du vin.

Bien sûr, ces produits-ià ne sont pas expressément visés par l'exemption qu'on retrouve au paragraphe 5 de l'article 5 de la loi. L'Association reconnaît dès le départ ce fait-là, mais l'Association estime qu'il faut reconnaître ce qui est devenu aujourd'hui une pâtisserie et, en plus de maintenir l'exemption, il faudrait prévoir aussi la gamme de services actuellement offerts par les pâtisseries. S'il le faut, l'Association, plutôt que de perdre son exemption, serait disposée à renoncer à la vente des produits complémentaires, mais je ne pense pas qu'il soit opportun de l'exiger puisque c'est un service qui est apprécié.

Les Québécois ont toujours raffolé des pâtisseries et du bon pain frais. Les pâtissiers doyens de la profession relatent avec un brin d'humour et de nostalgie que, jadis, les pâtisseries s'ouvraient systématiquement aux abords des églises qui étaient plus fréquentées, dit-on, que de nos jours. À la sortie de chacune des messes dominicales, des vagues successives de paroissiens envahissaient la pâtisserie locale pour agrémenter le petit déjeuner ou pour offrir un goûter léger à toute la famille.

Il y a aussi un virage significatif qui remonte à Expo 67, alors que les Québécois ont pris contact avec des traditions culinaires très variées et ont pris goût pour la pâtisserie fine. Des innovateurs ont tiré avantage de l'évolution du goût des consommateurs et ils ont vite été imités. Comme résultat, la clientèle des pâtisseries est devenue exigeante et sélective, insistant particulièrement sur la qualité des ingrédients et la fraîcheur des produits.

De nos jours, nous rappelons que 20 % des ventes hebdomadaires s'effectuent le dimanche autant que le samedi. Été comme hiver, la clientèle se présente dès 9 heures le matin pour se procurer des croissants frais. L'été, les pique-niqueurs se présentent massivement entre 10 heures et midi pour garnir le panier de provisions. Le milieu de la journée est calme et 11 y a une reprise en fin d'après-midi pour le dîner. Et il faut insister sur le fait que la finition doit survenir le dimanche matin même. Il n'est pas possible d'offrir un produit de qualité, une qualité à laquelle les gens s'attendent maintenant, par des produits qui sont confectionnés entièrement la veille ou l'avant-veille. Ceci explique pourquoi un pâtissier travaille de minuit à 8 heures du matin et que le boulanger vient le rejoindre à 4 heures du matin jusqu'à midi.

Bien sûr, certains employés pour le service à la clientèle s'ajoutent au pâtissier et au boulanger. Un employé nouvellement embauché doit, bien sûr, accepter de travailler périodiquement le dimanche, obligation qui peut s'estomper au fur et à mesure qu'il acquiert une certaine ancienneté. Donc, les vieux ont rarement à travailler le dimanche et, pour le service à la clientèle, sont souvent remplacés par des étu-

diants, qui, bien sûr, ne pourraient pas, de toute façon, travailler la semaine puisqu'ils sont aux études et les salaires qui sont versés sont l'équivalent de ce qui est versé dans d'autres domaines semblables. Il est assez rare que plus de trois employés, simultanément, servent la clientèle. Toutefois, ce total de trois, qui a déjà été mentionné comme critère, se trouve dépassé lorsqu'on ajoute le pâtissier et le boulanger qui ont préparé les aliments aux premières heures du dimanche.

Quant à l'espace commercial qui est utilisé, il a été suggéré de le ramener ou de le fixer à une superficie déterminée. Normalement, pour une pâtisserie, cet espace-là est inférieur au critère suggéré de 3000 pieds carrés sauf si l'on ajoute les laboratoires. Donc, l'espace qui est destiné à la vente et l'espace d'entreposage sont normalement inférieurs à 3000 pieds carrés, mais les produits sont confectionnés par le travail du pâtissier et du boulanger dans un laboratoire qui, avec l'espace de vente, pourrait excéder, dans bien des cas, cette superficie déterminée et, donc, si jamais ce critère-là était maintenu, il ne faudrait pas oublier, pour le cas des pâtisseries, qu'il y aura sans doute l'opportunité d'exclure cet espace de laboratoire auquel, de toute façon, les clients n'ont pas accès.

Ce que revendique l'Association, c'est le maintien de son exemption, puisqu'il ressort clairement, je crois, de nos commentaires que les pâtisseries ne pourront que péricliter si on les prive de 20 % de leur chiffre d'affaires hebdomadaire qui est réalisé le dimanche; aussi, que les heures d'affluence typiques, le dimanche, empêchent d'entrevoir, en guise de solution, une ouverture dominicale retardée à 11 heures et midi. Il n'est pas possible, logiquement, d'ouvrir une pâtisserie à 11 heures, une bonne partie de la clientèle est déjà passée. De plus, une pâtisserie typique ne peut maintenir son niveau de qualité en limitant à trois le nombre d'employés en service le dimanche. Il faut ajouter à ces trois employés-là, qui s'occupent du service à la clientèle, ceux qui font la production, c'est-à-dire ceux qui sont devant vous aujourd'hui, les pâtissiers; Que l'idée de limiter à 3000 pieds carrés la surface des commerces autorisés n'est valable que si l'on ne mesure que l'aire de vente et l'aire d'entreposage en excluant, par conséquent, l'espace où les aliments sont confectionnés.

Le public québécois a pris goût à des produits de boulangerie et de pâtisserie confectionnés avec des ingrédients de première qualité et qui se consomment tout chauds, à peine sortis des fourneaux. Ce goût et le plaisir qui en découle paraissent dédoublés le dimanche quand les gens ont un peu plus le temps de déguster. On dira à qui veut l'entendre que cela fait partie, désormais indissociable, du phénomène de la joie de vivre au Québec et de la vie de quartier.

L'Association ne préconise pas que tout puisse ouvrir le dimanche, compte tenu des bouleversements que cela pourrait occasionner, mais l'Association ne craint surtout pas et absolument pas l'ouverture des marchés d'alimentation de grande surface le dimanche. L'expérience démontre que la proximité d'un géant de l'alimentation ne gêne pas les ventes d'une pâtisserie, bien au contraire, qu'elle les stimule en fonction d'un phénomène de complémentarité: le gros des achats est effectué au supermarché, mais une partie du budget est réservée pour quelques achats haut de gamme à la pâtisserie. Sans vouloir offusquer les grandes chaînes qui ne semblent pas, de toute façon, être présentes pour nous écouter aujourd'hui...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Edwards: ...sans vouloir les offusquer, il ressort des habitudes des consommateurs que ceux-ci reconnaissent encore la qualité supérieure des produits qui sont offerts par certains commerces spécialisés, en particulier les pâtisseries.

Alors, exiger la fermeture des pâtisseries le dimanche ou imposer à l'ouverture dominicale des conditions auxquelles les membres de l'Association ne sauraient se soumettre créerait un préjudice irréparable. La plupart des pâtisseries constituent des petites entreprises prospères bâties grâce à l'ardeur et la persévérance de leurs fondateurs et qui créent des emplois stables et recherchés dans le quartier. Et les pâtisseries ne peuvent pas se permettre une perte de l'ordre de 20 % de leur chiffre d'affaires. Il est clairement établi qu'on ne récupère pas ces ventes-là le samedi, dans le cas où une pâtisserie décide de fermer le dimanche; ce n'est pas vrai. Les gens font leurs achats quand même le dimanche, mais au dépanneur ou ailleurs.

Les recommandations du comité des députés, le comité Richard. Nous avons fart nos commentaires sur les différents critères. Il ne faudrait pas oublier les pâtisseries si jamais ces critères-là, sous une forme ou une autre, étaient retenus.

La collectivité québécoise et la vie de quartier seraient les grandes perdantes sur le plan de qualité de vie si les pâtisseries établies étaient obligées de fermer le dimanche ou si des conditions contraignantes encadraient et entravaient l'ouverture dominicale. Les pâtissiers artisans du Québec comptent que les autorités parlementaires et gouvernementales répondront favorablement à leur goût du travail bien fait et à leur volonté d'agir selon des normes de qualité élevées, de façon à ainsi contribuer à la qualité de vie de leurs concitoyennes et concitoyens. Et si je me fie aux trois critères que vous devez privilégier, c'est-à-dire l'équité entre les commerçants, ce critère-là est respecté. H n'y a aucun autre commerce de taille semblable qui vend des produits qui doit fermer le dimanche,

alors que les pâtisseries sont ouvertes. (16 h 30)

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît, rapidement.

M. Edwards: D'accord. Alors, je conclus là-dessus et je sais que les pâtissiers ont beaucoup à ajouter; leur émotion et l'aspect artistique et artisanal de leur métier leur tiennent à coeur. Si vous jugez que notre temps est expiré, même s'il semble rester quelques instants, j'espère que vous allez faire ressortir cet amour du métier par vos questions.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie. Je cède la parole à M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: Merci, M. le Président. Messieurs, je résume. Vous dites deux choses, vous constatez qu'il y a deux choses qui peuvent arriver: ou il y a des modifications dans l'applicabilité de la loi actuelle ou bien il y a une libéralisation. Si on aménage ce qui existe comme loi actuellement, vous dites: Ne nous oubliez pas, il faut être encore dans les exemptions, d'une part. Par contre, si nous libéralisons, vous dites: Ça ne nous dérange pas pantoute parce qu'on est capables de compétrtionner avec les plus gros parce qu'on a, nous, un service pas mal plus personnalisé. C'est à peu près ça, en résumé, que vous dites.

M. Harvey (Paul-Henri): Oui.

M. Richard: Maintenant, Je respecte cette position-là, sauf qu'au niveau des heures d'affaires comme telles la loi ne traite pas uniquement le domaine alimentaire, elle va des monuments funéraires, en montant et en descendant. Alors, c'est l'ensemble du commerce au détail au Québec. Est-ce que vous pensez qu'il pourrait y avoir un réaménagement des heures - oublions le dimanche - sur semaine, puisque, de toute façon, la semaine est aussi importante pour vous? Parce que vous dites: Le dimanche, c'est un cinquième de notre revenu, c'est 20 %; le samedi, sûrement la même chose. Ça veut dire qu'il reste quand même 60 % sur semaine. Est-ce qu'il y aurait, selon vous, selon votre expérience, messieurs, un réajustement des heures en semaine à faire, dans votre domaine spécifique qu'est le monde de la pâtisserie? Que ce soit M. Martinez... Je n'ai rien contre vous, M. l'avocat, mais les vrais pâtissiers, est-ce que...

Le Président (M. Bélanger): Ceux qui mettent la main à la pâte.

Une voix: Jean-Michel.

M. Cabane (Jean-Michel): Je peux peut-être vous expliquer. Vous voulez que je réponde à la question directement? Est-ce que vous préférez que je vous dise un peu qui je suis, juste pour-Une voix: Dites au moins qui vous êtes.

M. Cabane: Mon nom est Jean-Michel Cabane, je suis copropriétaire d'une entreprise qui a été fondée par mes parents il y a 30 ans. C'est une entreprise qui a grandi parce qu'elle a su gagner, comme beaucoup d'entreprises ici présentes, la confiance de sa clientèle.

Je pense que c'est important de souligner que nous, artisans et professionnels, avons contribué largement à l'évolution de la gastronomie au Québec. Sans laisser de côté toute la question, évidemment, de commerce et toute la dynamique que ça suppose pour que l'entreprise réussisse, nous sommes d'abord des artisans et des professionnels. On exerce ce métier-là, parce qu'il est assez difficile, par amour et par passion. Les résultats qu'on cherche à atteindre au niveau du produit fini tiennent compte de cette vérité-là. Alors, il y a des notions commerciales, mais il y a aussi le fait, par exemple, que si vous avez envie de manger un millefeuille le dimanche et que vous dussiez l'acheter le samedi, il a des chances d'être coriace; même chose pour beaucoup d'autres choses. Donc, il y a une notion de qualité de vie qui est extrêmement importante. Je pense que c'est un point qui est important, qui doit être souligné.

Je réponds à la question que vous avez posée: Est-ce qu'on peut penser qu'il pourrait y avoir un réaménagement des heures sur semaine? Si on prend le cas de la plupart des entreprises, entre le vendredi, le samedi et le dimanche, je pense qu'on devrait arriver à quelque chose comme 70 % ou 75 % du chiffre d'affaires. Nous avons des entreprises qui sont très nettement orientées vers le plaisir. On n'a absolument pas besoin de venir chez nous pour faire face au quotidien. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit. Je pense que c'est quelque chose d'important encore. On est là pour toutes les occasions. Vous pariiez du monument funéraire; on est là pour les baptêmes, en passant par les mariages, les divorces quelquefois et tout ça. Bon!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cabane: Alors, je pense qu'on fait partie de tout ça.

M. Richard: Elle est bonne! Très bien.

M. Cabane: Pratico-pratique, la semaine, je ne pense pas que ce soit une solution, les clients n'y sont pas. Certains d'entre nous avons essayé de fermer le dimanche, on le mentionnait tout à l'heure, c'a été essayé. Le produit que l'on offre, avec les caractéristiques qu'on souhaite qu'il ait, que ce soit - je ne veux pas entrer dans les

technicalités - une mousse, comme je le disais, une pâte à choux, tout produit qui, pour être bon, doit être bien réalisé, avec une durée de vie très courte... On doit vivre avec ça. La question de fond, c'est: Est-ce que qu'on a envie de s'en priver ce jour-là ou pas? Si on parle du produit uniquement, là.

M. Richard: Ça répond bien à la question, M. Cabane. Maintenant, une autre question: les exemptions. On dit, à l'article 5 de la loi actuellement, comme exemption, que ce sont les pâtisseries. On sait aussi que, depuis quelques années, le monde de la pâtisserie a quand même été modifié un peu parce qu'il y a eu des ajouts au niveau de certains de vos commerces. Est-ce que le pourcentage d'ajouts au niveau de vos commerces depuis quelques années, de vos membres... Quel est le pourcentage, à part ce qui est vraiment pâtisserie?

M. Cabane: Bon, voilà. J'aurais souhaité le mentionner avant. Nous sommes, dans la plupart des cas - je parlerai de moi pour éviter de dire des bêtises...

M. Richard: Ha, ha, ha!

M. Cabane: Je suis pâtissier, chocolatier, glacier et traiteur; donc, trois métiers de bouffe sucrée et un salé pour accommoder. Dans tous les cas, il s'agit de produits de matière première, donc que l'on sélectionne, que l'on transforme pour en arriver à vendre un produit fini. Ce qui caractérise nos entreprises, c'est la vente de produits transformés en très très grande majorité. Nous sommes des gens qui avons la capacité de traiter des produits difficiles à gérer. On peut aller à la limite jusqu'au fromage. Enfin, j'allais faire des comparaisons plutôt malvenues avec des grandes surfaces qui ne sont pas forcément là pour traiter des produits difficiles à gérer. C'est notre rôle, c'est pour ça qu'on a une formation. Mais ce qui caractérise, donc, ce sont des produits transformés. Au fil des ans, la chocola-terie, par exemple, est passée de l'industrie vers l'artisanat pour créer des produits plus raffinés. Ce faisant, c'est pour ça qu'on s'est mis à en fabriquer, à en vendre, mais ce sont toujours des produits transformés, pas des produits qu'on achète et qu'on revend à l'État.

M. Richard: Donc, ce que vous dites carrément, c'est effectivement... Et on regrette, à vos commentaires, que vous n'ayez pas amené de l'échantillonnage.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Mon recherchiste le fait demander aussi.

M. Richard: Surtout moi qui suis amateur de chocolat. Ha, ha, ha!

M. Edwards: Nous attendons votre rapport. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Richard: Je crois qu'on reconnaît effectivement, M. Cabane, que vous avez une spécialité. C'était exactement le sens de ma question. C'est que, même dans une exemption, vous êtes sûrement une partie commerciale où on peut facilement baliser et dire: Écoutez, ça, ça fait partie de la pâtisserie dans le sens large du mot, incluant la chocolaterie. Mais vous la transformez, vous ne vendez pas un produit qui arrive tout fait dans une boîte et que vous revendez.

M. Cabane: C'est ça.

M. Richard: Vous faites vraiment de la transformation et de la manipulation directe.

M. Cabane: Toucher à tout autre produit, ne serait-ce que par intérêt, signifierait à peu près notre mort immédiate. Nos entreprises n'ont pas le capital nécessaire, n'ont pas toutes les structures et les forces pour faire en sorte qu'on vende une boîte de petits pois dans les meilleures conditions et au meilleur prix. On n'est pas là pour ça et si on s'en mêle, je suis à peu près sûr que ce sera notre mort. Je pense que notre créneau est bien défini. Les gens savent qui on est et ils viennent chez nous pour des raisons bien particulières. Les gens vivent très rapidement. Quand on prend le temps de faire le gros de son marché à un endroit et qu'on passe chez le boucher, chez le traiteur, chez le pâtissier ou chez le boulanger, c'est vraiment parce qu'on y attache une grande importance pour dépenser le temps qu'il faut. Les entreprises ont quand même un succès suffisant pour penser que les gens y attachent de l'importance.

M. Richard: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, en vertu de la règle de l'alternance, Mme la députée de Taillon.

Une voix: Sur la même question, M. le Président, un complément de réponse. M. Tail-leux.

Mme Marois: Ah oui! Certainement, monsieur peut...

Le Président (M. Bélanger): Oui, un complément de réponse.

M. Richard: M. Tailleux.

Le Président (M. Bélanger): Oui, M. Tail-

leux.

M. Tailleux (Jacques): Moi, j'avais une question. En 1983, nous achetions d'une compagnie à Québec, dans la province de Québec, à peu près une tonne de chocolat et nous sommes passés à 500 tonnes, à l'heure actuelle, par an, que nous transformons, nous, les artisans pâtissiers. Il y a des maisons qui passent entre trois et quatre tonnes de chocolat transformé; la matière brute passée aux bonbons, passée au moulage, passée au chocolat, et la proportion est de 60 % de gâteaux qui sont faits avec des chocolats. Nous avons eu besoin des techniques, nous avons eu besoin de gens spécialisés pour former des chocolatiers. Nous avons fait venir les meilleurs ouvriers de France pour venir nous montrer leur savoir et nous sommes à l'égal d'eux à l'heure actuelle. Nous sommes exactement au même niveau qu'en Europe. Nous revenons d'Europe, de voyage, et nous n'avons rien, rien à envier de ce qu'ils font là-bas. Nous les avons même plantés, comme on dirait, dans certains domaines, question marché et question mise en marché.

Alors, voyez-vous, je pense qu'on a fait une progression énorme et les goûts, les tendances... Moi qui suis de Québec, une ville comme Québec, cinq ans en arrière, n'achetait que du chocolat au lait et nous avons fait un virage à 90 degrés où, maintenant, les gens ne consomment plus que du chocolat noir mi-amer. Voyez-vous, les tendances sont arrivées à un tel point que ça a fait une progression énorme à ce sujet-là. Et nous avons misé beaucoup sur la qualité et surtout les produits que nous avons fait venir d'un peu partout et que nous avons vraiment pour travailler.

Le Président (M. Bélanger): Alors, avant que vous nous fassiez saliver davantage, je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Surtout quand on est à la diète. Merci, M. le Président, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. C'est intéressant, d'ailleurs, ce que vous dites, et ce que le dernier intervenant, M. Tailleux, je crois, a dit. Dans le mémoire, il est intéressant de souligner d'ailleurs que ce sont des membres à part égale de Québécois de vieille souche et de Québécois de nouvelle souche. On le mentionne nommément dans le mémoire et je trouve que c'est bien dit. Cela étant dit, vous dites dans votre document, à la page 3: Un membre typique compte une demi-douzaine d'employés oeuvrant à la production et de deux à quatre préposés au service à la clientèle. L'une des règles qui est proposée, de trois employés en tout temps, trois personnes en tout temps dans l'entreprise, dans le magasin qui vend le produit, combien de vos membres pourraient être couverts par une règle comme celle- là?

M. Harvey: À peu près 50 % de nos membres.

Mme Marois: À peu près 50 % de vos membres se situent à peu près dans ce critère-là?

M. Harvey: C'est ça.

Mme Marois: Compte tenu du fait qu'il y a des employés quand même de production qui sont là la semaine. Parce que je me dis que, s'il y a une demi-douzaine d'employés à la production, ils ne sont pas nécessairement tous là en même temps, il y a une rotation, il y a un travail...

M. Harvey: Je pense que si on passait une loi comme ça, on priverait beaucoup de nos membres. Je ne sais pas si ça serait bon de...

Mme Marois: D'accord. Je pense que vous avez fait votre point à cet égard-là, mais je comprends. Je veux savoir qui ça concerne. D'accord.

M. Harvey: Environ 50 %.

Mme Marois: Donc, vous dites à peu près 50 % de vos membres fonctionnent déjà dans un contexte où il y a environ trois personnes en même temps travaillant dans l'entreprise. D'accord.

M. Harvey: Ce qui arrive, c'est qu'à un moment donné le commerce prend de l'ampleur...

Mme Marois: Pouvez-vous parler un petit peu plus fort, s'il vous plaît?

M. Harvey: À un moment donné, le commerce prend de l'ampleur; alors, veux veux pas, on engage du monde. Un commerce où, présentement, il y a deux ou trois personnes, peut-être que dans deux ans ou cinq ans, ça va doubler. On ne peut pratiquement pas tenir compte de ça.

Mme Marois: D'accord. J'ai ici le cahier qu'a préparé le ministère. J'essayais de savoir c'est quoi. Vous en représentez combien parmi le nombre de confiseries-chocolateries - on dit ici - et boulangeries-pâtisseries, mais je me méfie un peu, boulangeries. Ici, on parle d'un nombre de 1096 boulangeries-pâtisseries sur tout le territoire québécois. Donc, je ne sais pas si elles ouvrent ou pas. Évidemment, c'est le chiffre du ministère, mais vous, vous devez savoir combien à peu près dans votre secteur en dehors de vos membres sont aussi des gens qui opèrent le dimanche?

M. Harvey: Je pense qu'on serait environ

600 membres.

Mme Marois: 600 au total sur le territoire québécois?

M. Harvey: C'est ça.

Mme Marois: D'accord. Je remarque aussi que vos membres sont beaucoup concentrés dans les villes.

M. Harvey: C'est ça.

Mme Marois: Dans deux grandes villes, finalement, Québec et Montréal, et un peu les banlieues de ces deux villes-là, à quelques exceptions près.

M. Harvey: Ça ne fait pas tellement d'années qu'on est à la grandeur du Québec. Ça fait quelques années seulement. On espère...

Mme Marois: Vous étiez concentrés à Montréal auparavant et à Québec?

M. Harvey: À Montréal, c'est ça. Là, on espère prendre de l'expansion toujours. On aimerait ça que tous les pâtissiers deviennent membres, à un moment donné. Ce qui arrive, c'est que même s'ils ne sont pas membres, automatiquement ils ont les mêmes privilèges que nous, en réalité.

Mme Marois: Oui, c'est ça. Sauf que votre critère, j'imagine que vous devez tenir au critère qui constitue le fondement même de votre association de pâtissiers artisans. Ce que je lis, c'est qu'ils fabriqueraient eux-mêmes leurs produits de boulangerie et de pâtisserie et qu'ils écouleraient eux-mêmes leur production. (16 h 45)

M. Harvey: Oui, c'est ça. Nos membres sont essentiellement des membres qui fabriquent eux-mêmes.

Mme Marois: Et ça reste pour vous une...

M. Harvey: II faut qu'ils soient propriétaires, fabricants.

Mme Marois: D'accord, c'est ça. Ce qui explique bien, d'ailleurs, le nom de l'entreprise, enfin, de l'Association des pâtissiers artisans. Il y a un endroit, dans votre document - ça a été déjà un petit peu abordé, mais j'aimerais vous entendre nous le préciser - où vous dites: La grande majorité des produits, 70 % ou plus, offerts au public, ce sont généralement des pâtisseries, pains, autres produits de boulangerie et chocolats, glaces, sorbets, plats cuisinés, bouchées pour buffet ou réception. Est-ce que c'est très typique de vos membres, cette réalité-là des 70 %?

M. Martinez (Pablo): Pablo Martinez. Mme Marois: Oui.

M. Martinez: Je dirais que la très grosse majorité, c'est en plein ça, 70 % des produits sont tranformes sur place...

Mme Marois: D'accord.

M. Martinez: ...à partir de produits de base frais. Il y a maintenant le facteur artisanal qui entre en ligne de compte parce que si vous n'aimez pas ce que vous faites... Il faut autant d'amour que d'expérience pour faire ces choses-là. En fait, un dessert vient couronner, souvent, un repas qui a été un peu à la va-vite. Et quand on connaît le goût des Québécois de plus en plus pour la fine cuisine, le plaisir de leur offrir un dessert qui vient couronner le tout, pour nous, est une grande source de satisfaction. C'est pour ça que 70 %...

Mme Marois: Je partage votre point de vue à cet égard-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Je partage aussi le point de vue de votre collègue de l'autre bout de la table, à savoir qu'on est parmi les meilleurs au monde ici. Je suis persuadée de ça, pour m'être promenée un peu, pas partout dans le monde, mais je pense qu'on est très bons, vous êtes très bons aussi.

Le Président (M. Bélanger): Partout où il y a de bons desserts, on gagne.

Mme Marois: Cela étant dit, s'il y avait une contrainte qui vous disait: On restreint la vente de produits essentiellement aux produits cuisinés et on élimine les charcuteries et un certain nombre d'autres éléments d'épicerie fine, ethnique ou exotique - je prends vos propres mots -vos commerces continueraient d'être rentables.

M. Martinez: C'est ça, oui.

Mme Marois: Parce que ce n'est pas la fin de votre commerce.

M. Martinez: Un peu moins. Évidemment, c'est un complément qui vient aider un peu. À l'origine, il ne faut pas oublier que ce sont les pâtissiers artisans qui ont fait connaître les fromages fins et la charcuterie fine. Ça fait 35 ans que je suis en opération et, au tout début, ce sont les pâtissiers artisans qui ont fait connaître la charcuterie fine et les fromages fins.

Mme Marois: D'accord.

M. Martinez: Nous n'avons rien contre ceux qui nous ont suivis après. Alors, nous aimerions pouvoir conserver au moins ces deux items-là qui sont un complément du panier qu'on vient chercher chez nous. Parce que le dimanche après-midi, on reçoit de la visite, on prend des charcuteries, un dessert et un bon fromage. On prétend à juste titre que c'est nous qui avons fait connaître ces produits il y a quelques années, 25, 30 ans en arrière.

Mme Marois: Est-ce que tous vos membres sont ouverts le dimanche?

M. Martinez: La très grosse majorité.

Mme Marois: La très grande majorité. Quoi? 60 %, 70 %,80 %?

M. Martinez: Ça peut aller à 90 %, facilement.

Mme Marois: 90 % de vos membres... Des voix: Oui.

Mme Marois: ...ouvrent le dimanche. Une des questions... Est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose? Oui, monsieur.

M. Harvey: Moi, je pourrais... Mme Marois: Peut-être un peu... M. Harvey: II y a plusieurs...

Mme Marois: ...plus haut, on a de la difficulté...

M. Harvey: II y en a quelques-uns qui vendent du vin. Le vin, on serait prêts, si vous voulez, à l'enlever le dimanche.

Mme Marois: Oui, vous seriez prêts...

M. Harvey: Le dimanche, même, ça ne nous dérangerait pas.

Mme Marois: D'accord.

M. Harvey: Ce serait une des choses qu'on serait prêts à...

Mme Marois: À envisager.

M. Harvey: ...céder. Oui, à envisager.

Mme Marois: Et la règle de trois vous apparaît difficile à respecter pour, en tout cas, la moitié de vos membres, si j'ai bien compris.

M. Harvey: Oui, ça, ça va être très dif- ficile. On ne pourrait pratiquement pas.

M. Edwards: Martin Edwards. Sur ce point, on constate qu'il n'y aucun groupe, qu'il n'y a personne qui réclame, de toute façon, qu'on retranche certains services ou certains produits de ce qui est offert actuellement. Je pense qu'il faut plutôt, au lieu de retrancher les produits, surtout se rendre à une réalité, ce que c'est aujourd'hui une pâtisserie et la reconnaître telle quelle, puisque personne ne réclame quelque diminution de services ou de produits, de toute façon.

Mme Marois: Vous savez, je pense qu'on n'a pas besoin de refaire tout le débat, évidemment, c'est toute la question d'équité entre les commerces. Si on permet à certains d'ouvrir et qu'ils peuvent vendre à peu près n'importe quoi... Évidemment, on le permet à tous ou on ne le permet pas et, à ce moment-là, on établit des règles un petit peu plus serrées, un petit peu plus étanches.

Une voix: Je comprends.

Mme Marois: Un des critères qui est proposé par des personnes qui souhaiteraient retenir ce resserrement, et c'est davantage la position que l'on défend aussi, c'est qu'on ramène, effectivement, à trois personnes en même temps dans le commerce, qui est une règle pour essayer de retrouver l'équité. Je pense, M. Tailleux, que vous vouliez...

M. Tailleux: Moi, je voudrais dire aussi... On a une question pour savoir que nos commerces sont très prospères. Dans une ville comme Québec, nous manquons à peu près de 70 pâtissiers, à l'heure actuelle; on demande en permanence, continuellement. Tous les établissements recherchent des pâtissiers et nous n'avons pas de formation pour pouvoir avoir de bons pâtissiers. Ça, c'est un fléau à l'heure actuelle. Les compagnies ne peuvent pas grossir à cause du manque de formation professionnelle. Nous manquons vraiment de main-d'oeuvre qualifiée dans ce sens-là.

Mme Marois: Je suis contente de vous l'entendre dire. Remarquez que sur un autre dossier, c'est une demande que l'on fart désespérément depuis des mois, d'ailleurs, au gouvernement, qu'il investisse en matière de formation professionnelle. Que ce soit dans votre secteur ou ailleurs, il y a un problème à cet égard-là, et il est majeur. On me dit que j'ai terminé mon temps.

Le Président (M. Bélanger): Oui. Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je voudrais

m'excuser de mon retard. J'avais pris connaissance de votre mémoire, j'avais bien hâte que vous soyez ici parce qu'on a discuté de ce sujet-là spécifiquement avec d'autres intervenants.

Dans la loi, c'est l'article 5, paragraphe 5 "les pâtisseries ou confiseries" et c'est marqué, à 5.1 "il ne faut jamais plus de trois personnes". Donc, vous avez le droit d'opérer: pâtisserie, confiserie, jamais plus de trois personnes où s'effectue la vente des denrées alimentaires, le dimanche. J'ai, personnellement, rarement vu des pâtisseries où il y avait trois personnes et moins, surtout aux heures d'affluence, pour vendre des pâtisseries. Alors, on a deux choix: un choix... Quand je dis "on a deux choix", à écouter tous les intervenants, il semblerait que si on veut éliminer les exceptions - c'est ça qu'on dit, il ne faut plus avoir d'exceptions, parce que les exceptions, ça crée de l'inéquité - alors, on recule et on dit: Aucun commerce n'est ouvert le dimanche, sauf le vrai dépannage, trois employés et moins et on applique très sévèrement la loi. Une possibilité!

Et, évidemment, ça veut dire que, parce que vous vendez du pain... Vous vendez du pain? Ce n'est pas là, ce n'est pas marqué, du pain. Vous vendez des fromages fins; vous vendez des charcuteries, vous l'avez mentionné, c'est important, c'est vous autres qui avez popularisé ça; vous vendez également des produits importés, des vinaigres fins, pas en grande quantité, mais ce sont des choses qui sont la. Alors, si on veut maintenir des exceptions, vous, ce que vous nous dites: Trois employés et moins, on n'est pas capables de fonctionner en tout temps dans l'établissement. C'est ça que vous nous dites.

M. Harvey: Oui, c'est ça.

M. Tremblay (Outremont): Donc, il faut libéraliser l'ouverture des commerces le dimanche pour vous donner le droit d'ouvrir le dimanche. C'est la deuxième possibilité. Les gens nous disent: Ou on retourne et on ferme tout le dimanche, trois employés et moins, ou on libéralise. Si on libéralise, est-ce que ça vous cause un problème?

M. Harvey: Non, nous autres, ça ne nous dérange pas, que ce soit...

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que les pâtisseries qui sont dans les supermarchés, ça vous cause un problème?

M. Harvey: Non, pas du tout. On n'a rien contre l'ouverture de tous les commerces, le dimanche.

M. Tremblay (Outremont): Vos opérations de traiteur, est-ce que vous avez des opérations de traiteur?

M. Harvey: Un peu, oui.

M. Tremblay (Outremont): Vous en avez aussi.

M. Harvey: La plupart des pâtisseries font un petit peu de traiteur. C'est certain qu'un buffet, on ne peut pas le préparer trop longtemps d'avance. Les canapés, si c'est commandé pour le dimanche et qu'on les fait le samedi, ce n'est pas...

Le Président (M. Bélanger): Si vous me permettez une intervention, M. le ministre. Tout à l'heure, les artisans pâtissiers nous ont fait valoir que la règle de trois était difficile à appliquer chez eux, ils nous ont expliqué pourquoi. Alors, je ne sais pas si...

M. Tremblay (Outremont): Oui, je comprends.

Mme Marois: C'est-à-dire que 50 % d'entre eux...

Le Président (M. Bélanger): C'est ça.

Mme Marois: ...vivent déjà avec cette réalité-là, compte tenu de la taille de leur entreprise, et 50 % ont un nombre plus grand de personnes à leur emploi...

Le Président (M. Bélanger): C'est ça.

Mme Marois: ...en tout temps ou à toute heure.

M. Tremblay (Outremont): Je m'excuse Est-ce que vous nous avez expliqué l'économie?

M. Harvey: Oui.

M. Tremblay (Outremont): L'économie des ventes le dimanche, si vous êtes obligés de fermer, c'est expliqué ça?

M. Cabane: Oui, on en a parié, la possibilité de fonctionner avec trois employés. Je reviens encore un peu à la notion artisanale et à la notion, j'allais dire de formation de la clientèle, en tout cas, de renseignement. Il s'agit d'un produit que l'on doit proposer. Ça sous-entend qu'il faut du personnel pour le faire. On ne peut malheureusement pas, enfin on ne souhaiterait pas mettre les entremets en boîte, par exemple, et les mettre dans un comptoir ouvert pour que tous et chacun puisse se servir. Ça ne correspond pas du tout au rôle que l'on devrait ou que l'on souhaiterait jouer en tout cas. Par le fait même, trois personnes, ce n'est pas possible.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que je peux vous comparer à des fruiteries dans le sens que c'est toujours des produits très frais, il faut les remplacer régulièrement et, pour ce faire, ça prend un service personnalisé, ça prend une main-d'oeuvre un peu plus spécialisée?

M. Cabane: Non. Enfin, ce n'est pas du tout à ces genres... En tout cas, on ne voudrait pas. Je ne crois pas qu'on doive nous comparer à ce type d'opérateurs ou à ce type de commerces parce qu'on se définit comme étant des artisans. Nous sommes des gens qui transformons des produits, qui partons de matières premières, qui les transformons et qui souhaitons avoir un minimum de contraintes pour pouvoir présenter un produit qui représente le plus ce que l'on souhaiterait atteindre et, en pâtisserie comme en cuisine, on souhaiterait être Identifiés beaucoup plus à la gastronomie ou à la restauration qu'à un type de commerce, je ne sais pas, sec, comme on disait, de cannage ou autre. C'est difficile, ce n'est pratiquement pas envisageable, la fermeture le dimanche, évidemment pour des raisons économiques parce qu'il y a, je vous dis, 70 %, 75 %, vendredi, samedi, dimanche. Et, c'est à cause de l'essence même du produit qui ne pourrait plus exister si on devait le fabriquer le samedi pour le dimanche, ou le samedi pour le lundi, enfin peu importe.

Une voix: Combien nous reste-t-il de temps?

Le Président (M. Bélanger): II reste encore quatre minutes sur le deuxième dix minutes. Il y avait un autre intervenant, M. le député de Drummond.

M. St-Roch: Très brièvement. Mes collègues, Mme la députée de Taillon et M. le député de Nicolet-Yamaska, y ont touché par différents angles, différentes facettes, à propos de votre fabrication, en pourcentage. Mais si je prenais un terme un peu plus généraliste qui serait "matière périssable", comment est-ce que vous le définiriez en pourcentage, votre contenu? Serait-ce 90 %, 95 %? On mentionne qu'il y a du vin...

M. Cabane: Très près de 100 %.

M. St-Roch: ...un peu ici, il peut y avoir des vinaigres fins ou ces choses.

M. Cabane: 100 % moins quelques petites choses, à peu de choses près.

Une voix: C'est presque tout périssable.

M. Cabane: Notre rôle, on est là justement et on a la capacité de traiter des matières très périssables. C'est ce qui fait, Mme Marois, que vous trouvez un fromage au lait cru chez nous et que vous n'en avez pas dans une grande surface parce que, quand on nous les apporte, il faut refuser trois arrivages pour en avoir un correct et quand on accepte le quatrième, trois jours après, il est passé. Ça sous-entend qu'il faut faire plus que du commerce pour faire ça. Ça sous-entend qu'il faut y mettre autre chose, finalement, que l'envie de "to do a fast box." C'est autre chose qu'il faut.

M. St-Roch: Alors, ce serait près de 100 %.

M. Cabane: Pardon?

M. St-Roch: Ce serait très près de 100 %.

M. Cabane: Ah! tout près, tout près, tout près!

M. St-Roch: Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors madame...

M. Cabane: Je voudrais peut-être souligner le fait un petit peu qu'au niveau de l'image qu'on projette, on fait souvent appel à nous pour toutes sortes de raisons, que ce soit au niveau de l'ITHQ, par exemple, au niveau de la collaboration, que ce soit pour l'équipe du Québec quand il s'agit de monter une équipe pour être représenté à Francfort ou ailleurs, on véhicule et on projette une image qui est vraiment plus qu'une image de commerçant. Il y a une notion d'artisan qui pourrait s'apparenter à un tailleur de pierre, un ébéniste, beaucoup de métiers qui tendent à disparaître. On a des problèmes importants de formation. Ce sont des notions qui sont difficiles à faire accepter par des gens qui sont plus jeunes, ce sont des métiers durs, ce sont des métiers qui ne sont pas toujours acceptés. On a des situations où les gens gagnent souvent moins chez nous qu'un plombier ou des situations comme celle-là. Donc, on a un environnement économique qui est difficile, il n'y a pas de doute, là. Et, étant artisans, travaillant toujours très près des gens, c'est évident qu'on souhaiterait que l'environnement, entre autres, économique et au niveau des conditions, soit le meilleur possible. On doit, évidemment, faire en sorte que notre produit, aussi bon fût-il, on ne peut pas faire de la poésie tout seul dans notre cave. On ne peut se permettre de faire des entremets qui coûtent un prix fou. Les gens vont revenir à la tarte au sucre, hein, c'est clair.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cabane: Au travers de tout ça, il faut qu'on navigue. Si on coupe le dimanche, c'est une contrainte de plus.

Le Président (M. Bélanger): ...contre la tarte au sucre.

M. Cabane: Non, non, pas du tout, mais que ça, c'est lassant.

Le Président (M. Bélanger): Juste pour préciser.

M. Cabane: C'est parce que ça se conserve mieux.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon, sans relation avec les tartes au sucre. (17 heures)

Mme Marois: Non. J'ai encore une ou deux questions. Ce sera assez bref. Évidemment, vous avez des employés. Vous le dites, une des craintes qui est soulevée par l'ouverture généralisée des commerces le dimanche, c'est effectivement l'obligation que cela créera à des travailleurs et des travailleuses de devoir accomplir du travail alors qu'ils ne souhaiteraient pas le faire cette journée-là. Est-ce que... Non, je vais poser la question autrement. Si nous introduisions dans une loi un droit de refus absolu - je m'explique, c'est-à-dire qu'une personne pourrait toujours refuser de travailler le dimanche; en vertu d'une loi sur les normes minimales par exemple on pourrait introduire un élément comme celui-là dans une loi - est-ce que vous seriez quand même capables de vous trouver du personnel pour assumer le service le dimanche?

M. Tailleux: Oui, là, vraiment, nous faisons appel à des jeunes qui viennent en formation chez nous. On reçoit beaucoup de stagiaires des écoles et ces jeunes-là, pour se payer ces études-là, sont prêts, ils veulent faire ce métier-là, ils veulent percer parce qu'ils ont toujours la possibilité de pouvoir s'installer, de faire comme nous, de pouvoir gravir les échelles et il n'y a aucun problème à ce niveau-là. Le dimanche le personnel qualifié reste chez eux et ces jeunes-là qui sont en apprentissage et ce sont des très bons, des jeunes qui en veulent, même des fois on est obligés de les restreindre parce qu'ils en veulent même un peu plus.

Mme Marois: Parce qu'ils aiment le métier.

M. Tailleux: Ils sont prêts, ils sont amoureux de ce métier-là, mais il faut les encadrer comme il faut. C'est un métier... S'ils le font pour venir chercher juste leur salaire, ils ne perceront pas ces gens-là. La preuve, on a encore été, nous... Jean-Michel a un de ses employés qui est meilleur ouvrier du Québec. On a été à Paris faire une pièce avec des jeunes Québécois qui ont percé. On est au niveau. Ces jeunes-là ont besoin de travailler et ils veulent travailler les fins de semaine pour pouvoir se payer leurs études. Ça, il n'y a aucun problème là-dessus.

Mme Marois: D'accord. Parce que vous dites cependant dans votre document... En fait, ça ne contredit pas ce que vous dites là, d'aucune espèce de façon, mais vous dites que si on a un service continu accumulé important il reste que ces gens-là préfèrent travailler la semaine que de travailler la fin de semaine. Il est même utilisé entre guillemets. Donc, les vieux employés, entre guillemets, là, ont rarement à travailler le dimanche. C'est ce que vous affirmez dans votre document.

M. Tailleux: C'est ça.

Mme Marois: C'est leur choix, j'imagine, et leur volonté aussi que vous essayez de respecter dans ce sens-là.

M. Martinez: On essaie d'être le plus humain possible. Évidemment, l'ancienneté a toujours préséance. Mais ces gens-là ont quand même l'amour du métier et, lorsqu'il y a un besoin, ils vont se sacrifier et ils vont sacrifier un dimanche pour que tout fonctionne normalement. Avec les gens, on n'a pas beaucoup de difficultés. Ce n'est pas un problème majeur. D'ailleurs, celui qui adopte la profession de pâtissier sait au départ, comme le cuisinier, que le dimanche, il va travailler. Donc, ce n'est pas un problème de ce côté-là.

Mme Marois: Parce que c'est un métier qui s'exerce déjà dans les services qui sont actuellement... Si on pense à la restauration entre autres...

M. Martinez: Exactement...

Mme Marois: ...ce sont des services qui existent déjà en dehors des heures habituelles de travail. Ça va. J'ai eu réponse à mes questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, est-ce que vous désirez remercier nos invités?

Mme Marois: Ça va. Je vous remercie de la contribution que vous avez apportée à nos travaux.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup de votre présentation et on va prendre en considération vos remarques dans la décision que nous aurons à prendre. Merci beaucoup d'être venus.

Le Président (M. Bélanger): Merci. La commission de l'économie et du travail remercie

les membres de l'Association des pâtissiers artisans du Québec qui nous ont présenté, avec beaucoup de fraîcheur, à l'égal de leurs produits, leur mémoire, et invite à la table des témoins la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec. Je vous remercie.

Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec

S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. S'il vous plaît! Est-ce qu'on pourrait avoir le silence? S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous remercie de votre collaboration.

Nous recevons présentement la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec. Bonsoir! Avant de débuter, je vous présente un petit peu nos règles de travail. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et il y a une période d'échanges avec les parlementaires par la suite. Je vous demanderais, lors de la période d'échanges en particulier, de bien vouloir vous identifier à chacune de vos interventions, même si ça peut sembler fastidieux. Ceci aide beaucoup les gens à la transcription des débats. Alors, sans plus tarder, vous vous identifiez, identifiez votre porte-parole et présentez votre mémoire.

M. Bissonnette (Michel): Bonsoir. Je suis Michel Bissonnette, président de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui, pour la présentation de notre mémoire, de Mario Dumont ainsi que de Sylvie Savoie qui sont membres de l'exécutif de la Commission-Jeunesse. On est heureux de participer à ces audiences publiques, premièrement, parce que, dans les débats tenus au sein de nos activités en tant que groupe de jeunes, il a été bon nombre de fois question de modifications sur divers aspects de la structure sociale, de façon à l'adapter davantage au contexte actuel des années quatre-vingt-dix et des années à venir et, deuxièmement, parce que ces audiences publiques démontrent à la fois que le gouvernement est à l'écoute des différents groupes et que le gouvernement reconnaît que la loi ne répond pas au contexte actuel.

Donc, au nom des 18 000 membres jeunes du Parti libéral du Québec, on vient aujourd'hui vous présenter, premièrement, pourquoi on trouve que la loi actuelle est non équitable, deuxièmement, les attentes des jeunes travailleurs et jeunes parents que nous sommes ou, du moins, que nous sommes en voie de devenir quant à une adaptation de la structure sociale au Québec et, troisièmement, la solution que la Commission-Jeunesse privilégie pour que la Loi sur les heures d'affaires soit davantage équitable. On n'est pas ici pour défendre les intérêts particuliers et spécifiques à notre groupe. On est davantage ici pour que la loi s'inscrive dans une structure sociale adaptée à la réalité des jeunes du Québec. On est ici pour vous faire part de nos aspirations en tant que jeunes et pourquoi c'est important que la Loi sur les heures d'affaires soit modifiée de façon qu'elle réponde davantage à un besoin de structure sociale qu'on retrouve chez les jeunes.

Je vais donc céder la parole tout de suite à Sylvie et, ensuite, Mario enchaînera.

Mme Savoie (Sylvie): Présentement, il existe un cadre d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux. Ces règles font en sorte que, principalement, le consommateur ne peut avoir accès aux commerces les lundi soir, mardi soir, mercredi soir, samedi soir et le dimanche, au même titre que certains jours fériés. Bref, la règle générale veut que les commerces demeurent fermés aux jours et heures prescrits par la loi. Toutefois, le problème si situe au niveau des exemptions qui sont au nombre de 19.

Nous savons tous que, pour consolider une entreprise, il est important de diversifier ses opérations; c'est une pratique commerciale tout à fait normale et saine. Il existe un litige au niveau des marchands, c'est lorsqu'un marchand exempt de la loi profite de son statut pour prendre une part de marché d'un autre commerçant. Ceci crée une concurrence déloyale et cette pratique incite ceux qui ne peuvent obtenir le droit d'ouvrir en dehors des heures d'ouverture des commerces à outrepasser cette loi. Vous n'avez qu'à penser au domaine de l'alimentation. Vous avez les pharmacies qui peuvent ouvrir le dimanche, mais elles ont obtenu leur exemption parce qu'elles vendent des produits pharmaceutiques, hygiéniques et sanitaires. Certaines ont diversifié et vendent maintenant des produits alimentaires; donc, elles empiètent sur le domaine d'autres commerçants.

Que dire des marchés publics? On entend par un marché public un bâtiment regroupant des établissements commerciaux appartenant à des propriétaires distincts. Donc, on peut y retrouver des boulangeries, des pâtisseries, des charcuteries, etc. Alors, eux ont la possibilité d'ouvrir en dehors des heures prescrites par la loi.

Il existe plusieurs autres exemples de ce genre. Je vais seulement les mentionner parce que vous avez probablement connaissance de la situation. Il y a les marchés aux puces, les marchands de piscines et d'accessoires nécessaires à leur bon fonctionnement, vous avez aussi la dispense accordée à des municipalités situées dans une zone touristique et vous avez la règle des trois employés.

Toutes ces situations constituent la problématique et nous ne pouvons que constater des iniquités évidentes qui méritent toute notre attention. Il est très important de prendre note

que, présentement, 40 % des commerces québécois se trouvent exclus de la loi, ce qui représente environ la moitié. On remarque, en plus, qu'avec les ans il y a une augmentation des exemptions. Donc, on a déjà 40 % des commerces québécois qui ne peuvent ouvrir, ce qui est trop élevé, et vous avez des pressions pour que le nombre d'exemptions augmente. Il ne faut pas oublier l'injustice que cette loi constitue pour l'ensemble du commerce de détail par rapport aux autres secteurs de l'activité économique. Je prends, par exemple, le secteur manufacturier où il n'existe aucune réglementation, lis peuvent ouvrir 24 heures sur 24, 7 jours par semaine, leurs manufactures.

Pour résumer la situation, la loi actuelle est difficilement applicable et il existe un non-sens d'une loi qui est faite pleine d'exceptions. De plus, elle favorise les stratagèmes pour contourner la loi au sujet des heures d'affaires. Je passe maintenant la parole à Mario.

M. Dumont (Mario): Oui. Alors, un des principaux reproches que l'on fait à la loi actuelle, c'est son inadéquation dans la situation actuelle des familles et des jeunes, en fait des familles d'aujourd'hui. On sait que la Loi sur les heures d'affaires n'a pas été amendée depuis une vingtaine d'années. Durant ces 20 dernières années, la société québécoise a subi des mutations assez rapides et assez importantes, à plusieurs égards. On connaît, entre autres, le déclin démographique qui est une nouvelle réalité avec laquelle le Québec doit composer. À la Commission-Jeunesse, on parle déjà, depuis un bout de temps, d'adapter les structures sociales, de donner davantage de souplesse aux structures sociales pour donner plus de latitude aux familles qui sont désireuses d'avoir des enfants, aux couples qui sont désireux d'avoir des enfants. Évidemment, on ne prétendrait pas qu'il y a un lien direct entre les heures d'affaires et la natalité, mais c'est un ensemble de barrières qu'il faut lever pour assouplir notre structure sociale et l'adapter réellement aux besoins des familles d'aujourd'hui et aux tâches des parents d'aujourd'hui, de concilier responsabilités parentales, vie au travail ainsi que les emplettes. Donc, ce sont trois aspects de la vie qui sont parfois difficiles à concilier.

Autre aspect important, la cellule familiale. L'organisation, le noyau même de notre unité familiale a été bouleversé depuis ces 20 années. On a davantage de familles monoparentales qui ont des besoins particuliers, on le sait, des besoins différents. Il y a aussi un nouveau partage des responsabilités parentales et un partage du travail à l'intérieur de la famille. Ça aussi, ça crée de nouveaux besoins qu'il ne faudrait pas oublier dans le débat sur les heures d'affaires.

On a aussi assisté, depuis 20 ans, à une entrée massive des femmes sur le marché du travail. On n'est plus au modèle d'il y a un certain nombre d'années, plusieurs années, où la femme restait majoritairement à la maison pour s'occuper des enfants, des emplettes et de ces petites choses-là, alors que l'homme gagnait le pain. Je pense que la société actuelle, au Québec, a évolué, s'est modernisée et ce n'est plus la réalité. La femme est sur le marché du travail et il y a déjà des adaptations de la société à ce niveau-là. On a mis en place des garderies, on a eu différentes adaptations pour que la société puisse fonctionner selon ces nouvelles nonnes, sauf que la Loi sur les heures d'affaires, elle, n'a pas encore été adaptée à la réalité dont on parle.

Donc, II y a eu différents changements dans le mode de vie des Québécois et, comme je le disais, certaines de nos institutions, dont la Loi sur les heures d'affaires, ne s'y sont pas encore adaptées. Pour donner un exemple très concret, quand on a deux parents qui travaillent, qui ont deux enfants, un à l'école et un à la garderie durant la journée, les parents reviennent du travail, vont chercher les enfants à la garderie, etc. Quand on regarde la vie de ces gens-là, on constate, avec la Loi sur les heures d'affaires, présentement, que les heures qui sont disponibles pour faire leurs emplettes sont relativement limitées, quelques heures sont disponibles, ce qui fait que tout le monde se retrouve sur les planchers des supermarchés et là, on se retrouve avec des achalandages, avec tous les problèmes qui s'ensuivent et que l'on connaît. (17 h 15)

Donc, ce qu'on dit, c'est que la Loi sur les heures d'affaires est l'un des éléments qui contribuent à faire une structure sociale rigide dans notre société et qui créent un problème pour les parents de façon très évidente. Cette loi-là ne correspond plus du tout aux besoins de notre génération avec les changements qu'on a connus au cours des dernières années. Et cet aspect social là qui, d'après moi, mérite vraiment d'être pris en considération dans le débat sur les heures d'affaires, a été souvent oublié, peut-être pour d'autres considérations, le lobbying des entreprises qui ont des intérêts personnels. Je pense que la Loi sur les heures d'affaires, dans la mesure où elle affecte directement l'organisation sociale du Québec, mérite d'être prise en considération.

Donc, en tant que groupe de jeunes qui désirons parler pour notre génération, parler en tant que futurs parents, futurs travailleurs ou ceux qui sont déjà travailleurs, on a des inquiétudes par rapport à la Loi sur les heures d'affaires présentement. On aspire à ce que cette loi-là ait davantage de flexibilité. On recherche aussi une solution à long terme, qui sera une solution souple à long terme et qui répondra vraiment aux besoins des familles d'aujourd'hui.

M. Bissonnette: Comme on vous l'a expliqué,

on trouve que la loi actuellement est inéquitable pour les différentes raisons qu'on a pu soulever. On croit que le rôle même de la commission avec audiences publiques présentement, c'est de pouvoir écouter les différents groupes pour apporter une solution à cette loi-là. Je pense qu'il serait très dangereux de pouvoir faire un retour en arrière et ce serait surtout injustifiable puisque ça irait à rencontre de l'évolution sociale qu'on a pu voir au cours des dernières années.

Ajouter des exceptions d'un autre côté, ce serait juste une solution à court terme qui nous obligerait à faire encore, dans deux, trois ou quatre ans, le même débat qu'on fait présentement dans une commission parlementaire parce que, veut, veut pas, le contexte évolue chaque fois et les besoins des consommateurs évoluent. Si on y va d'augmentations d'exemptions d'une fois à l'autre, on aura toujours des besoins qui vont se faire sentir, et on peut voir qu'au cours des dernières années les besoins sont toujours grandissants. Est-ce qu'on aura toujours besoin de revenir à l'Assemblée nationale parce que tel ou tel point aura été modifié ou tel ou tel aspect des consommateurs québécois sera en évolution? Je pense que ce serait un terrain très dangereux sur lequel s'aventurer et ça ne serait certainement pas une solution à long terme.

Ce qui est essentiel pour la Commission-Jeunesse, c'est que la loi devienne équitable pour tous, c'est-à-dire équitable entre le secteur du commerce au détail par rapport aux autres secteurs économiques, et équitable surtout entre les commerçants du secteur au détail. Et, deuxièmement, c'est que la Loi sur les heures d'affaires respecte d'abord et avant tout les consommateurs. Est-il besoin de vous rappeler que les jeunes travailleurs n'ont pas les mêmes conditions de travail, n'ont pas la même stabilité d'horaires que les travailleurs des autres générations qui nous ont précédés et que les jeunes parents ne se partagent pas les responsabilités parentales de la même façon que la génération avant nous l'a fait aussi?

Conséquemment, ce qu'on demande au gouvernement, c'est qu'il mette un terme à un débat qui, selon nous, a duré depuis beaucoup trop longtemps par rapport à, oui ou non, la libéralisation, oui ou non, des exemptions davantage. Selon nous, la solution la plus équitable consiste à une libéralisation totale des heures d'affaires. Pour nous, le gouvernement n'a pas à dire à tel ou tel commerçant s'il peut ou non répondre à un besoin de sa clientèle. Entre l'État et le consommateur lui-même, on croit que c'est le consommateur qui est le meilleur juge pour savoir si, oui ou non, il a un besoin. Le gouvernement doit assurer également aux jeunes travailleurs et aux jeunes parents la possibilité de pouvoir concilier à la fois les responsabilités parentales, les responsabilités au travail et, également, les besoins que peut entraîner l'en- semble de ces activités qu'ils mènent.

Donc, évidemment, on ne pourrait pas accepter que le gouvernement transfère le pouvoir arbitraire d'ouvrir ou non aux commerces, de le transférer soit aux municipalités régionales de comté ou encore de le transférer aux municipalités simplement.

Un gouvernement, selon nous, qui cherche à rendre ses législations davantage équitables ne pourrait pas transférer une iniquité entre commerçants pour la rendre une iniquité entre régions. Ce serait juste transposer le problème d'une autre façon à un autre endroit, mais ça ne rendrait certainement pas notre législation plus juste.

Bref, on croit qu'au-delà des lobbys des différents groupes qui ont pu participer à cette commission parlementaire, qui viennent défendre leurs intérêts à eux, il est important que l'orientation qui sera donnée soit vraiment une écoute et puisse répondre aux besoins des consommateurs. Quand on libéralise la Loi sur les heures d'affaires, ça veut dire que, d'année en année, l'adaptation qui va se faire au sein du commerce au détail va se faire en fonction des besoins des consommateurs et non pas en fonction des besoins de tel ou tel groupe de pression qui peut exister au Québec.

Donc, je pense que beaucoup de groupes sont passés avant nous. C'était important pour nous de pouvoir vous réexpliquer l'ensemble de la problématique de la loi actuelle. Je pense qu'on aurait davantage à gagner de la période de questions. Donc, on va couper sur notre période à nous pour pouvoir augmenter le temps de la période de questions.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. Bissonnette, M. Dumont et Mme Savoie. Je pense que votre position est très claire. Pour moi, la solution à long terme, je l'ai mentionnée depuis le début: avoir une loi qui est applicable, gérable et durable. Une loi équitable? C'est fondamental. Est-ce que vous ne considéreriez pas que ça pourrait être équitable si on faisait un pas en arrière; on éliminerait sensiblement toutes les exceptions sauf le vrai dépannage et le dimanche demeurerait une journée consacrée à la qualité de vie? C'est un débat de société qu'on discute et j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bissonnette: Je pense que c'est un débat de société et c'est un débat de génération aussi. Pour nous, pour que la Loi sur les heures d'affaires soit équitable, il faudrait que l'ensemble des commerces puisse ouvrir ou que l'ensemble des commerces ne puisse pas ouvrir. On ne veut pas avoir des exceptions, que telle catégorie de commerces, parce qu'ils ont telle ou

telle spécificité, puissent ouvrir et que les autres ne puissent pas ouvrir, parce que ça fait là une guerre où tout le monde vient couper le marché des autres. De pouvoir les fermer tous, je pense qu'on a vu qu'avec les exceptions qui se sont faites au cours des années, ça répond à un besoin des consommateurs et, comme on vous le soulevait tantôt, il y a un besoin pour les jeunes qui sont sur le marché dn travail et qui en même temps doivent concilier la vie de parents. Ce n'est pas évident d'aller faire son magasinage entre 18 et 21 heures avec le petit dans les bras ou peu Importe. Le temps alloué à la famille et à pouvoir faire les emplettes est très minime. Je ne pense pas que la qualité de vie a plus raison d'être le dimanche entre 9 heures et 17 heures que le lundi soir entre 18 heures et 21 heures. Je pense que, lorsqu'on parle de qualité de vie, on parle de qualité au travail, de qualité de garderies, de qualité de structures sociales. C'est un "melting pot" de tout ça qui fait qu'on retrouve une qualité de vie. Ce n'est pas juste de permettre que le dimanche, le seul secteur du commerce au détail soit fermé, alors que les usines, elles, fonctionnent, que l'ensemble des autres secteurs peut fonctionner, mais le secteur du commerce au détail, lui, on va l'empêcher de fonctionner au nom de la qualité de vie. Je ne pense pas que ce soit vraiment justifiable.

M. Tremblay (Outremont): Vous considérez que ce qu'on qualifie de vrai dépannage, trois employés et moins, c'est une exception. Donc, ça ne devrait même pas exister et, tant qu'à faire ça, c'est aussi bien d'avoir la libéralisation totale?

M. Bissonnette: On pense que la règle des trois employés, c'est une prime à la stagnation qui fait que les entreprises n'ont même plus la possibilité de pouvoir améliorer. Si elles réussissent à faire davantage de profits et qu'elles veulent prendre de l'expansion, aussitôt qu'elles deviennent avec plus d'employés, elles ne pourront plus ouvrir a ce moment-là. Et si on parie vraiment qu'il y a un besoin des consommateurs, ce n'est pas un besoin juste pour les petits commerces qui ont trois employés et moins, c'est parce qu'il y a un besoin des consommateurs. Il faut pouvoir leur offrir cette opportunité-là.

M. Tremblay (Outremont): Qu'est-ce que c'est, votre point de vue, parce qu'on parle de débat de société? On nous dit que 70 % des commerces au Québec, ce sont des petits commerces - petits comprenant six, sept, huit ou dix employés - et les 30 %, c'est plus des gros commerces. C'est le contraire de ce qui existe dans d'autres provinces et aux États-Unis. Alors, on nous a lu, par exemple, hier soir ou avant-hier soir - honnêtement, je ne me rappelle plus, là - une décision du juge Gonthier à l'effet que l'objectif de la Loi sur les heures d'affaires, c'était pour permettre une qualité de vie et peut-être également pour favoriser l'essor de petits commerçants au Québec plutôt que de commerçants plus importants. Comment réagissez-vous à ça?

M. Bissonnette: Personnellement, je ne suis pas convaincu qu'une libéralisation totale viendrait nécessairement affecter l'ensemble des petits commerces parce qu'un petit commerce répond bien souvent à une clientèle qui est environnante, du fait qu'il vende un produit qui est bien spécifique. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement aurait à s'ingérer uniquement dans la section commerce au détail alors qu'il va permettre à une grande compagnie d'assurances d'ouvrir tout le temps. Est-ce qu'on va permettre aux grandes entreprises, les obliger de fermer le vendredi pour que les plus petites entreprises et les PME puissent avoir davantage de clientèles? Moi, je pense qu'il faut qu'il y ait l'uniformité entre les différents secteurs économiques aussi. Je suis certain que le leadership que les Québécois ont démontré dans l'entreprise privée va se transposer aussi au niveau du petit commerce. Ce n'est pas ça qui va vraiment les affecter. On va juste avoir une meilleure répartition des marchés entre commerçants et ce sera peut-être une période d'adaptation, sauf que sur un long terme, ça va se réadapter.

M. Tremblay (Outremortt): Et ce que vous dites, un autre argument, c'est que c'est le seul secteur qui est légiféré, où le gouvernement édicté une loi, alors que dans les autres secteurs il n'y a pas de loi. Et vous dites que la petite entreprise... C'est drôle parce que je lisais justement votre mémoire hier et je préparais un discours pour l'Assemblée nationale tout à l'heure. C'est marqué: La petite entreprise a fait la barbe aux grandes sociétés. Alors, ce que vous dites, c'est que même s'il y a des gros les petits sont capables de se défendre ou ils devraient être capables de se défendre. Vous allez jusque-là.

M. Bissonnette: Absolument!

M. Tremblay (Outremont): Qu'est-ce que vous faites - et c'est ma dernière question - de la publicité qui est faite quand on voit un petit garçon ou une petite fille, seul dans le cinéma - il y a une page complète de journal: Une fille seule qui est assise là. Où es-tu papa? Où es-tu maman, là? Avez-vous vu ça? Vous n'avez pas vu cette publicité-là?

M. Bissonnette: Je ne l'ai pas vue, mais je la visualise très bien.

M. Tremblay (Outremont): Donc, n'ouvrez pas le dimanche, parce que la qualité de vie des enfants va subir des préjudices importants.

M. Bissonnette: Je pense qu'il faut être conséquent dans l'ensemble des choix de société qui ont été faits avant. On n'a plus la même structure de travail, on n'a plus la même structure d'allocation de notre temps à l'intérieur de la semaine. Ce n'est pas vrai que le dimanche, entre 9 heures et 17 heures, la qualité de vie se fait là, parce que quand on parle de qualité de vie, quand on veut aller à l'Aquarium, quand on veut aller au cinéma, quand on veut aller n'importe où pour faire du loisir et pouvoir faire la vie familiale, ça prend des gens qui doivent travailler aussi pendant ces journées-là. Et pour ces gens-là qui travaillent, donc, cette catégorie-là n'aurait pas droit d'avoir de qualité de vie. Ceux qui ont des commerces de trois employés et moins, des marchés aux puces, n'auront pas droit à la qualité de vie, sauf que ceux du grand supermarché vont avoir droit à une qualité de vie. J'essaie de voir la logique et j'ai beaucoup de difficultés.

M. Tremblay (Outremont): Je vais tenter une autre question, mais prenez-la... Il n'y a pas de sous-entendu dans ma question. Est-ce que vous ne seriez pas motivé de favoriser l'ouverture des commerces le dimanche parce que ça créerait de l'emploi pour les jeunes?

M. Bissonnette: J'ai déjà un emploi, donc, ce n'est pas ma cause à moi que je suis en train de défendre.

M. Tremblay (Outremont): Non, mais en général; pas vous personnellement, mais en général.

M. Bissonnette: Je pense qu'au niveau des étudiants, c'est certain que les emplois de fin de semaine sont bien souvent plus conciliables avec du temps alloué aux études. Donc, le commerce qui serait davantage ouvert le dimanche pourrait permettre une plus grande chance d'emploi. C'est très difficile de pouvoir évaluer, parce que le fait de libéraliser, on ne peut pas déjà savoir le nombre de commerces qui vont se prévaloir de ce droit-là puis quel impact exact ça va avoir. Ce n'est pas parce qu'on donne le droit de le faire que tous les commerces vont le faire non plus, sauf qu'au moins on leur laisse le choix de le faire, puis, automatiquement, ça permet peut-être à plus de jeunes d'accéder à ces emplois.

Le Président (M. Bélanger): J'aurais M. le député d'Orford.

M. Benoit: MM. Bissonnette, Dumont et Mlle Savoie, je suis heureux de voir que les jeunes - vous êtes le seul groupe, avec la chambre de commerce des jeunes, qui êtes venu nous rencontrer - font partie intégrante de la société et que vous ne faites pas une réflexion seule- ment partisane sur un paquet de choses, mais bien sur l'avenir de la société québécoise, et je vous en félicite.

C'est bien de vous prononcer pour l'ouverture du commerce, et les deux groupes de jeunes qui sont venus nous voir, soit la chambre de commerce et vous, se prononcent pour l'ouverture libre le dimanche. Quel est votre point de vue? Est-ce que les plus vieux dans la société, d'autre part, seraient contre l'ouverture? On n'a pas eu des gens de l'Âge d'or qui sont venus nous parler; on a eu beaucoup d'hommes et de femmes d'affaires, mais on n'a pas eu des gens de l'autre génération. Vous avez dit que c'était un débat de générations, un débat de société; quelles sont vos réflexions là-dessus, sur la génération plus âgée? Est-ce qu'elle est pour ou contre l'ouverture le dimanche?

M. Bissonnette: Dans certaines majorités, au niveau des résultats fragmentaires - des sondages peuvent toujours être analysés d'une façon ou de l'autre - on se rend compte que plus la population est âgée, moins elle est pour la libéralisation le dimanche. Pour eux, c'est moins un besoin qu'ils peuvent avoir que les jeunes familles ou les jeunes parents ou les jeunes travailleurs peuvent avoir. Ils sont davantage appelés à faire des horaires plus fragmentés, à avoir des problèmes avec une jeune famille qui nécessite davantage de temps. Je pense que ça répond moins à un besoin chez eux; donc, le fait que ça réponde moins à un besoin, automatiquement, ils sont moins en attente de ça du gouvernement. Sauf que pour les jeunes, je pense que la jeune chambre de commerce et nous, on avait fait le débat souvent à l'interne, chez nous, avec nos différents membres; c'est un consensus qui est très large que oui, il y a un besoin, et c'est nécessaire que ça soit fait.

M. Benoit: Parlez-moi donc de ce débat très large, effectivement? Ça date de quand, ça? Est-ce qu'il y a eu des résolutions, historiquement, dans le parti ou si c'est tout récent, parce qu'on en parle, ou si ça fait longtemps que vous en parlez?

M. Bissonnette: Le débat a été fait en 1986 au congrès des jeunes du parti et on l'avait inscrit dans le cadre d'un débat sur l'ensemble du problème démographique au Québec. Donc, il y avait un problème de dénatalité. Il fallait avoir recours, dans un premier temps, à l'immigration, dans un deuxième temps, à une meilleure politique familiale. On ne peut pas parler de politique familiale juste avec une prime à la naissance. Je pense qu'il faut qu'on puisse améliorer la structure sociale de façon que oui, ça soit faisable d'avoir des enfants en fonction de la garderie, en fonction des heures d'affaires, en fonction de la conciliation avec le temps au travail aussi.

M. Benoit: Est-ce qu'il y a un changement d'attitude dans votre groupe depuis 1986 sur le débat des heures d'ouverture?

M. Bissonnette: En 1986, on était innovateurs, je pense que ça fait bon nombre d'années aussi que le débat roule ici. Notre position est demeurée la même, on a juste davantage hâte que le gouvernement prenne position sur ce dossier-là et qu'enfin les heures d'affaires soient libéralisées.

Le Président (M. Bélanger): En vertu de l'entente qu'on a sur l'alternance, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. J'ai rencontré M. Bissonnette à une commission, celle sur les normes; j'aimais mieux votre position sur les normes, je ne partage pas celle que vous défendez aujourd'hui. Et ce n'est pas parce que vous êtes jeunes que je vais être complaisante, donc, dans ce sens, je vais vous dire ce que je pense, moi, du mémoire. Il y aura un temps ensuite qui va revenir sûrement pour d'autres questions et vous pourrez y revenir. Parce que je me dis qu'il faut mettre un peu de nuances. (17 h 30)

D'abord, il y a un truc très pernicieux qui se passe et qui revient tout le temps. On est innovateurs si on pense ouverture et si on veut commercer; on est rétrogrades si on veut penser à une autre forme d'activité dans la vie que le commerce. C'est un retour en arrière. Ce sont toujours ces mots-là qui reviennent. Alors, il y a quelque chose d'un petit peu pernicieux qui fausse tout le débat et qui fait passer ceux qui sont plus favorables à une restriction un peu pour des gens "réactos" sur les bords. Alors, d'une part, je ne pense pas représenter un parti politique qui se définisse comme ça d'aucune espèce de façon et, moi-même, je me considère comme quelqu'un d'assez moderne dans sa façon de penser, d'agir et de dire.

Cela étant dit, l'autre chose qui revient fréquemment, et le ministre l'a abordée lui aussi - je me dis: II y a quelque chose de pas correct là-dedans et je pense qu'il faut un peu plus le dénoncer - on dit: Pauvre petit commerce qui veut grossir! Il ne peut pas. Nous l'en empêchons la main sur le c?ur. S'il a de l'imagination, parce que là il va être obligé de fermer le dimanche, il peut grossir, il aura juste à fermer le dimanche. Ça ne l'empêchera pas de grossir, parce qu'une journée par semaine on lui demande de restreindre ses activités commerciales. Il changera probablement son créneau; il choisira d'attaquer un autre type de marché, mais on n'empêchera personne de devenir plus important parce qu'on va le fermer le dimanche. Si on me dit: II y en a déjà actuellement qui sont ouverts, qui occupent de grands créneaux et qui sont de grandes entreprises, mais vous le savez, c'est ça le problème qu'on essaie de régler, c'est l'équité entre les commerces et, à cause des exemptions, et là je vous suis, il y a une inéquité qui existe actuellement. Alors, donc, je veux qu'on arrête de dire: Bon, le pauvre petit qui a de l'imagination ne pourra plus en avoir. À mon point de vue, c'est mal faire l'analyse, mal positionner le problème.

L'autre chose qui se dit, et ça a fait partie un peu de vos échanges avec le ministre, on dit: Si on permet l'ouverture des grands commerces le dimanche, les petits risquent de mourir. Ce n'est pas comme ça que se pose le débat. Il y en a des petits qui disent: Ça risque d'affecter effectivement ma part de marché. Ça risque de voir diminuer un peu mes activités commerciales, mais le débat ne se pose pas du tout comme ça pour la majorité des gens qui sont venus ici. il se pose de la façon suivante: Le petit, dont la propriété est souvent entre les mains du petit propriétaire ou d'un propriétaire qui a une entreprise d'une relative envergure où il s'implique quotidiennement dans son commerce, dit: Moi, je ne veux pas avoir, parce que je n'aurai pas le choix - et ça aussi c'est faux quand on dit les libres choix, ouvre qui veut, ça ne marche pas de même en commerce; Tout le monde sait ça, hein? - je sais que je n'aurai pas le choix d'aller travailler aussi dans mon entreprise en fin de semaine, le dimanche y compris. Bien sûr, il prendra son congé le lundi, mais ce n'est pas parce qu'il craint d'être mangé comme petit. Il dit: Moi, je fais un autre choix. La majorité de mes travailleurs et travailleuses me demandent de faire un autre choix, parce qu'on peut parler aussi de commerces d'une assez bonne taille: de 20, 25, 30, 35 personnes. Alors, de dire: Les petits ne veulent pas, parce qu'ils ont peur de mourir, ce n'est pas ça. Ils disent: Vous nous obligez à changer un mode de fonctionnement et on pense que ce n'est pas au mieux: pour nous, nos employés, notre famille, et ce qu'on évalue, nous, comme étant notre qualité de vie... D'accord? Alors, ça aussi, je pense que c'est important de le positionner.

La, on peut s'amuser, si on me dit que ça va aider la natalité. Je ne veux pas charrier. Vous avez fait une petite nuance dans votre présentation qui n'était pas à votre document quand je l'ai lu. Vous dites que ça va aider la natalité. J'imagine qu'on devrait plutôt revenir à la fermeture complète, parce que le taux de natalité était beaucoup plus élevé quand c'était tout fermé. Alors, si on veut appliquer le syllogisme a contrario, appliquons-le.

Non, je sais que je charrie sur celle-là, mais c'est parce que dans le document, c'est un petit peu ce qu'on dit. On dit: Adopter la structure sociale dans le dessein de promouvoir la natalité. Un des obstacles soulevés à ce moment était la rigidité de la Loi sur les heures

d'affaires. Moi, je pense que vous avez soulevé aux normes la question des garderies, la question du congé parental qui sont de vraies barrières à la natalité au Québec. Mais je ne suis pas certaine que les heures d'affaires aient un lien très direct avec la natalité.

Toujours le même argument... Là, mes collègues doivent sûrement être très fatigués de l'entendre, mais comme vous venez aujourd'hui et que vous ne serez pas là demain, vous n'avez pas été là hier et c'est normal et c'est correct, ça fait partie de nos règles, on nous ramène toujours l'argument du chef de famille monoparentale qui, on le sait, dans la majorité des cas, ce sont des femmes, à 85 %. Statistiquement, 62,4 % des chefs de famille monoparentale sont inactifs au sens statistique du terme. Ils sont inactifs et, donc, ils n'ont pas pas besoin nécessairement de temps supplémentaire pour magasiner. Alors, c'est un argument que je trouve qu'il faut utiliser avec prudence.

Un autre élément. Vous revenez dans votre document sur le fait qu'il y a des entreprises qui ne sont pas contraintes de fermer, des entreprises de production. Vous le mentionnez à la page 6. Dans le secteur manufacturier, par exemple, aucune réglementation n'empêche les entreprises de fonctionner sept jours sur sept, même vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On sait fort bien que là où ça se passe en termes de production, c'est à cause de contraintes économiques majeures. Je pense au secteur des alumineries où on ne peut pas arrêter une cuve. Enfin, on ne peut pas arrêter une cuve d'opérer, de fonctionner. On ne peut pas arrêter la machine à papier non plus. Ça se passe dans les pâtes et papiers. Et ça se passe dans certains services - c'est vrai - de loisirs, de restauration.

Mais ce qu'il faut comprendre de la position d'un certain nombre de personnes qui défendent un autre point de vue, c'est de se dire que, bien sûr, on sait que ça existe là. Et ça permet à des gens de se récréer, etc. Mais ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y en ait le moins possible. Et si même dans le secteur manufacturier on pouvait encore réduire le nombre de personnes qui ont à travailler le dimanche, par exemple, on le souhaiterait et on le ferait en vertu du principe qu'on défend, d'autre part, effectivement, de se retrouver, le plus grand nombre d'entre nous, une journée par semaine où les activités commerciales et de production vont être réduites et où on va être plus nombreux à pouvoir partager en famille. Peut-être que ça l'aiderait aussi, la famille, partager entre amis et vivre d'autres types d'activités que les activités commerciales, s'entendant qu'un certain nombre de services essentiels devront rester ouverts et qu'effectivement le problème que ça soulève, c'est qu'un certain nombre de travailleurs et de travailleuses seront contraints d'y être pour rendre le service.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon, il resterait une minute à votre première portion.

Mme Marois: Ça va. Je laisserai mon temps après - c'est parce que je veux être correcte - à une intervention pour que vous puissiez répondre à certaines objections que je vous fais.

Le Président (M. Bélanger): J'ai ici la députée de Kamouraska-Témiscouata et le député de l'Acadie par la suite.

Mme Dionne: M. le Président, j'aimerais revenir à la qualité de vie. Puis quand vous parlez d'ouvrir les commerces le dimanche, vous dites: il faut une loi pour longtemps. Disons que vous n'avez à peu près pas plus de 25 ans, ce qui veut dire que quand vous allez avoir 35 ans, 45 ans et 55 ans, ça veut dire que tout va être ouvert le dimanche, si la loi tient aussi longtemps. On espère qu'on va pouvoir régler le problème pour longtemps.

Une voix: II n'y a plus de loi, ils libéralisent.

Mme Dionne: II y a des gens qui nous disent, surtout les gens qui sont contre l'ouverture des commerces le dimanche, que la qualité de vie est bien importante. Dans votre mémoire, vous dites: Nous, la qualité de vie, ce n'est pas seulement le dimanche, c'est aussi la semaine. Mais n'avez-vous pas l'impression que vous projetez l'avenir... Ça va devenir sept jours par semaine, tous les commerces vont être ouverts. Quand on y pense comme il faut, ça ne vous fait pas peur un peu? Parce que je vous trouve assez braves de dire: Pour l'avenir, tout va être ouvert. C'est ça qu'on propose au gouvernement.

M. Dumont: Quand on parle de la qualité de vie, je pense que si la Loi sur les heures d'affaires...

Le Président (M. Bélanger): M. Dumont.

M. Dumont: Quant à la Loi sur les heures d'affaires, s'il n'y en avait plus ou, en tout cas, s'il y avait une libéralisation très large, on serait assurés que les heures d'ouverture répondraient vraiment aux besoins des consommateurs. Et quand les heures d'ouverture sont, entre guillemets, gérées par les consommateurs de par leurs relations avec le commerçant, il me semble que ça ne peut pas nuire à la qualité de vie des mêmes consommateurs, jusqu'à un certain point. L'avantage de cette solution, c'est qu'à long terme - on dit en 20, 30, 40 ans - si l'évolution de la société a fait que les familles ne seront plus ce qu'elles sont présentement et qu'il y a tout à fait d'autres besoins, on n'aura pas besoin de passer par tout le processus législatif, etc., avant de faire des modifications. Les modifica-

tions vont s'opérer d'elles-mêmes par le biais de la relation, comme je le disais tout à l'heure, entre le commerçant et le consommateur. Donc, on va arriver avec une loi qui va être souple et qui va toujours répondre aux besoins des consommateurs. Je pense qu'en termes de qualité de vie, ce serait, à long terme, un progrès.

Mme Dionne: J'aurais une deuxième question.

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.

Mme Dionne: On a rencontré, en commission parlementaire, des gens qui viennent de l'Est du Québec, de Rimouski - comme je sais, M. Dumont, que vous venez également de Rivière-du-Loup, dans le même coin - et les gens qui sont venus n'étaient pas pour l'ouverture des commerces le dimanche. Alors, il y a des réticences à certains endroits. Quand, nous, on regarde différentes possibilités, on voit aussi qu'il y a des fruiteries, qu'il y a différents commerces, qu'il y a un problème d'exceptions et tout ça, mais il y a aussi une certaine dynamique dans certaines régions où on dit: Bien non, nous, on n'est absolument pas favorables à ça. Est-ce que vous avez fait une espèce d'enquête auprès des jeunes qui viennent des régions pour savoir ce qu'ils en pensaient également?

M. Oumont: Bien, certainement qu'au congrès des jeunes, en 1986, il y avait sûrement des jeunes de toutes les régions et sur l'ensemble des résolutions, dont celle sur les heures d'affaires où on demandait une libéralisation, les jeunes des régions ont dû avoir leur mot à dire comme les autres. Mais je pense, en tout cas, au niveau des jeunes, le sentiment que j'ai, c'est que de façon très large, autant dans les régions que dans les villes, il y a un désir de libéraliser, de donner davantage de souplesse à nos structures sociales. Ça, ça me paraît clair.

Le Président (M. Bélanger): Bien. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: D'abord, j'aimerais vous remercier de venir nous présenter le point de vue des jeunes, parce que ça me semble important, la loi ou la position qui sera prise si ce n'est pas une loi. C'est à l'intérieur probablement de ce cadre que vous allez avoir à évoluer au point de vue professionnel et ça me semble intéressant d'avoir votre point de vue là-dessus.

J'aimerais revenir peut-être à certains éléments qui ont été mentionnés par rapport au travail que ça va impliquer, par exemple, le dimanche. Tout à l'heure, on vous a demandé comment vous voyez ça. Vous dites: II y a beaucoup d'étudiants qui sont prêts à travailler. On a également mentionné, à différentes reprises, là...

Mme Marois: C'est ce qu'on appelle être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre?

Une voix: Je suis trop vieux.

Le Président (M. Bélanger): On a des chaînes modernes. S'il vous plaît, on entend M. le député de l'Acadie.

Mme Marois: Excusez!

M. Bordeleau: C'est ça. On a mentionné la précarité de ces emplois de fin de semaine. On a souvent décrit ces emplois comme des emplois où les gens qui sont peut-être les plus mal pris auront à assumer ces emplois. Vous semblez nous dire que ça peut répondre à des besoins chez les étudiants actuels. Ce qu'il faut réaliser aussi - et je reviens un peu sur ce que ma collègue mentionnait tout à l'heure - c'est qu'actuellement, ça peut répondre à vos besoins à court ternie, comme étudiants. C'est une façon de compléter vos besoins financiers, mais ça veut également dire aussi que dans dix ans, ce sera peut-être vous qui devrez travailler, non plus comme étudiant, mais travailler tout de même les fins de semaine. Tout à l'heure, on a posé la question. Je pense que M. Dumont a répondu surtout en fonction de l'ajustement aux besoins des consommateurs, mais j'aimerais avoir votre réaction sur le fait que dans cinq ans, dans dix ans, ça voudra peut-être dire que vous devrez travailler, dans le secteur professionnel où vous aurez à oeuvrer. Vous aurez peut-être à travailler un dimanche sur deux ou quelque chose comme ça. Comment est-ce que vous voyez cette perspective?

M. Bissonnette: Je pense que le problème de la précarité de l'emploi est fort présent, surtout au niveau des jeunes. C'est quelque chose qu'on a soulevé à la commission qui étudiait la Loi sur les normes du travail, sauf qu'il faut être conscient que plus ça va, plus l'entreprise ou le commerce au détail va avoir à faire appel à des horaires de temps partiel qui vont être fractionnés. Je pense qu'il ne faudrait pas non plus mélanger les deux débats. Ça va être important que le gouvernement puisse assurer qu'avec un contexte d'entreprises qui a changé, qui a à s'adapter à plusieurs défis, qui doit modifier l'horaire de son personnel, qu'on puisse assurer, autant aux gens qu'ils soient temporaires, qu'ils soient à temps partiel, une même qualité d'emploi qu'à ceux à qui on a dit qu'ils auraient toujours un emploi permanent pour les 20 prochaines années. (17 h 45)

Je ne pense pas que notre génération va avoir à connaître ça. Sauf que, dans le débat qu'il y a ici, je pense qu'il y a vraiment un besoin des consommateurs pour pouvoir concilier à la fois d'être au travail et pouvoir également

faire ses emplettes et pouvoir aller chercher de quoi dans les magasins. La loi qui a été faite, il y a bon nombre d'années, a été faite pour répondre à un contexte parce que la femme était à la maison. Et je pense qu'aujourd'hui, automatiquement, pour pouvoir élever famille, il faut en majorité, du moins, que les deux soient sur le marché du travail. Automatiquement, ça nécessite une structure sociale qui soit adaptée à ça. C'est ça qu'on soulève. Si on revient dans les cadres d'il y a 20 ans, peut-être qu'on pourrait appliquer encore la loi d'il y a 20 ans. Mais dans la mesure où nos cadres ont changé aujourd'hui, on est appelés davantage à pouvoir bouger davantage, à avoir des horaires qui sont différents. Moi, je pense qu'il faut que le gouvernement puisse être conscient de ça et adapter le commerce au détail pour qu'il puisse répondre aux attentes de la population.

M. Bordeleau: Est-ce que vous permettez? C'est parce que j'ai l'impression que je n'ai pas eu réponse clairement à ma question. Vous revenez sur la question des consommateurs. Je pense que ça, ça a été démontré. On nous a parlé souvent d'ajuster, au fond, le commerce aux besoins des consommateurs. La question que je vous posais est la suivante: Est-ce que vous réalisez que, concrètement, ça veut dire que dans cinq ans, dans sept ans, dans dix ans, vous aurez à travailler peut-être une fin de semaine sur deux? Au fond, on a le choix d'essayer de garantir ce que certains appellent une qualité de vie qui fait en sorte qu'il y a une journée dans la semaine où on réduit l'activité le plus possible, ou on ouvre. Et ouvrir, ça veut dire que vous aurez à travailler dans une structure commerciale, possiblement une fin de semaine sur deux.

M. Bissonnette: Je vais vous répondre précisément. Par rapport à ce que vous soulevez, la précarité d'emploi, oui, on est conscients que si cette loi est amenée aujourd'hui, ça veut dire qu'il y a des employés qui vont avoir à travailler davantage, peut-être le dimanche, peut-être les soirs de semaine, que dans cinq, dix ans ça va être encore la même chose. Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura plus de réglementation, ça veut dire que l'ensemble des commerces va pouvoir ouvrir. Je pense qu'il ne faut pas voir non plus la situation plus noire que ce qu'elle va être, s'il y avait une libéralisation.

Le nombre de commerces qui ouvriraient davantage le dimanche, je ne pense pas que ça va être l'ensemble des commerces au détail qui vont se prévaloir de ça. Sauf que ceux où il y a un besoin des consommateurs vont le faire. Pour cette catégorie d'employés, je ne pense pas que ça puisse être pire que les gens qui sont dans les hôpitaux présentement, que les gens qui sont policiers. Il y a des gens qui sont appelés à travailler les fins de semaine. Il y a des gens qui sont appelés à suivre un horaire plus normal, entre guillemets, du 9 heures à 17 heures le lundi. Sauf qu'il faut qu'on puisse s'adapter aussi. Je pense que ce côté négatif, qui pourrait représenter de faire travailler des gens la fin de semaine, n'a pas de commune mesure avec les besoins de la population pour avoir ces services la fin de semaine.

Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Une question, pour vous permettre quand même d'ouvrir les réponses que vous voulez m'apporter sûrement ou les commentaires que vous voulez faire. Selon votre logique, on devrait, à ce moment-tà, ouvrir aussi les services gouvernementaux, qui s'adressent directement aux personnes, le samedi, le dimanche et le soir. Parce que les services gouvernementaux, Régie de l'assurance-automobile, services financiers aux étudiants et aux étudiantes, et on pourrait en allonger la liste, j'en suis persuadée, selon cette logique-là, on devrait aussi en permettre l'accès parce que ça répondrait bien sûr aux besoins des consommateurs et des consommatrices qui travaillent la semaine. Alors, je veux que vous me répondiez à ça et une des hypothèses, c'est d'allonger une plage de travail pendant la semaine. Est-ce que ça ne vous apparaîtrait pas une solution qui vient répondre en partie au problème que vous soulevez, qu'il y ait un peu plus de temps pour que les personnes puissent avoir accès à des services alimentaires, entre autres, à l'alimentation?

M. Bissonnette: Vous me permettrez... C'est parce que j'écoutais votre argumentation tantôt, je n'avais pas besoin vraiment d'une deuxième intervention. J'étais bien motivé pour pouvoir répondre dès la première que vous avez faite.

Mme Marois: Ça ne m'inquiète pas non plus. Ha, ha, ha!

M. Bissonnette: Je pense que c'est normal qu'il y ait un bon groupe de la population qui soit réticent au changement ou réticent à une libéralisation des heures d'affaires. Sauf que j'écoutais votre argumentation et ça me faisait faire un parallèle beaucoup avec le débat qu'on a eu voilà 20 ans alors que la femme est entrée sur le marché du travail. Il y a bon nombre de gens qui disaient que c'était dangereux que la femme arrive sur le marché du travail, que ça venait enlever des emplois aux hommes, que ça allait rendre les entreprises moins compétitives, qu'ils allaient avoir à faire face également à des besoins pour des gens qui avaient des congés de maternité, et j'en mets, j'en mets. Sauf qu'on se retrouve aujourd'hui avec une situation, et je pense que oui, il y a eu des réticences au

changement sauf qu'H faut qu'on suive l'évolution aussi. Quand on dit qu'il y a un besoin des consommateurs pour pouvoir avoir plus d'heures d'affaires... Si on voyait que dans les marchés aux puces, le dimanche, il n'y avait pas un chat, que dans les commerces qui ont le droit d'ouvrir il n'y avait pas un chat le dimanche, je vous dirais: II n'y a peut-être pas un besoin des consommateurs. Dans la mesure où il y a un besoin, je ne vois pas pourquoi le gouvernement aurait à réglementer ce secteur plus que n'importe quel autre secteur.

Quand on soulevait l'amélioration des structures sociales, vous disiez qu'en ce qui a trait aux congés parentaux, aux garderies, c'étaient des éléments qui étaient importants pour pouvoir concilier à la fois vie parentale et vie au travail. Parce que, moi, je pense que les heures d'affaires sont également un de ces éléments-là qui sont importants de pouvoir inclure pour pouvoir concilier l'ensemble. Je pense que quand on reconnaît que le fait qu'on travaille et qu'on puisse avoir des enfants, ça nécessite une politique pour avoir des congés parentaux, quand on a des enfants, ça nécessite une politique pour avoir un meilleur service de garderies, on reconnaît également que ça veut dire que le temps qu'on a à allouer au travail est davantage fragmenté, prend davantage de notre temps sur semaine et ça oblige donc à avoir un accès aux commerces qui soit plus grand.

J'aurais, en retour, des petites questions, moi aussi...

Mme Marois: Les services gouvernementaux, bien sûr, aussi, à ce moment-là, dans votre logique.

M. Bissonnette: Je pense qu'au niveau des services gouvernementaux il faut faire attention. Ce n'est pas l'ensemble des services gouvernementaux qui nécessite un déplacement de la personne là-bas. Je pense qu'il y a un bon nombre de services où on peut faire appel autrement qu'en se déplaçant sauf qu'il y aurait moyen de...

Mme Marois: Précisez ça, oui.

M. Bissonnette: ...pouvoir modifier l'ensemble de ces services-là. Je crois qu'il faut que le gouvernement fasse un premier pas avec le commerce au détail. Il faut mettre ensemble des choses sur une même base aussi. Là, on fait appel à l'entreprise privée et pourquoi une entreprise privée dans le secteur commerce au détail par rapport à une entreprise privée qui n'est pas du commerce au détail, une serait réglementée par le gouvernement et l'autre ne le serait pas? Moi, je me demande pourquoi vous parlez de qualité de vie uniquement le dimanche. Quand on parle des soirs de semaine, vous suivez la qualité de vie. Je ne vois pas pourquoi le gouvernement aurait uniquement à spécifier ce jour-là, c'est la journée de la qualité de vie des Québécois et les autres jours on peut faire ce qu'on veut, ça n'a pas d'importance.

Vous parlez qu'il faut protéger les employés qui sont au sein de ces commerces-là. Pourquoi est-ce que le gouvernement devrait protéger uniquement les employés qui travaillent dans des entreprises de commerce au détail alors que, pour l'ensemble des autres employés, il n'y a pas de protection accrue qui leur est donnée? Il y a déjà une loi qui protège le travail au Québec. Pourquoi est-ce qu'en plus il faudrait protéger... Pour un type d'employés, on n'aurait pas à les refaire travailler les jours de fin de semaine alors qu'on l'autorise déjà pour 40 % des commerces au détail?

Quand on parle que les petits n'auront pas le choix d'ouvrir, je n'en suis pas convaincu. On se retrouve aujourd'hui avec des petits cinémas et des grands cinémas et des petits marchés et des grands marchés. Je n'ai pas l'impression, parce qu'Us vont peut-être davantage ouvrir le dimanche, que l'ensemble des petits commerces va mourir automatiquement. Moi, je pense que c'est dramatiser la situation. Déjà, on se retrouve au Québec avec des grosses entreprises et des plus petites entreprises, des gros commerces et des plus petits commerces et je ne vois pas pourquoi, parce qu'on libéraliserait les heures d'affaires, les gros viendraient essentiellement manger les petits. Parce que quand on dit pourquoi les gens vont dans les petits commerces, c'est parce qu'ils répondent à quelque chose davantage de personnalisé. C'est un commerce qui est plus près encore et je pense que votre logique peut être remise en question aussi, comme vous avez remis la mienne en question.

J'imagine que j'ai soulevé assez de points pour pouvoir susciter une réponse aussi.

Mme Marois: Ah oui! Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Vous me voyez, d'ailleurs, déjà venir. Là, il ne faut pas charrier non plus. Ça aussi, c'est l'autre partie du charriage qu'on nous fait dire, que la qualité de la vie, c'est une journée par semaine et le reste on ne s'en préoccupe pas. Non, c'est beaucoup plus fondamental que ça. Je pense que le débat devant lequel on est fait appel évidemment et effectivement à d'autres types de valeurs où on dit peut-être que l'avoir est une valeur mais peut-être que l'être, aussi, est une valeur et que dans ce sens-là on puisse se donner des moyens pour qu'à un moment - c'est mon collègue, le député de l'Acadie, qui le rappelait - dans la vie de l'ensemble de notre société on ralentisse un peu les activités pour mettre l'accent sur autre chose et que ça ne contraigne pas, justement, des gens qui, autrement, ne souhaitent pas faire

un choix différent, les travailleurs et les travailleuses.

Vous n'avez pas répondu, non plus, à la question du député de l'Acadie. Est-ce que vous, quand vous aurez 35 ans ou 40 ans, vous aurez le goût de travailler le samedi et le dimanche? Parce que ça se posera dans ces termes-là, si on se dit que l'ensemble des activités de commerce et autres, puisque j'ai bien compris que celles qui sont de type gouvernemental et qui demandent un accès direct du public devraient aussi avoir des heures un petit peu différentes que du 9 à 5... On s'est bien compris. Avant vous, ce matin, est venu un propriétaire de grandes pharmacies d'escomptes, en fait un actionnaire, devrais-je dire, puisque sa société est publique maintenant, qui nous disait: Écoutez, ce serait vous mentir que de vous dire que les gens aiment et veulent travailler le dimanche.

Une autre des hypothèses aussi qui nous a été apportée par l'ACEF, qui est venue témoigner, il y a quelques semaines, c'est de dire: II y a une catégorie de la population, oui, les jeunes, oui souvent, et les professionnels, davantage que de la classe moyenne ou que de la classe, je dirais, un petit peu laborieuse ou avec un petit peu moins de revenus... Elle est jeune, elle n'a pas d'enfant, elle est professionnelle et elle se dit, dans le fond: C'est un peu bête que je ne puisse pas, compte tenu des exigeances que comporte mon travail, avoir accès à des services de commerce le dimanche. Mais cette demande ne vient pas majoritairement ou globalement, justement, de cet autre groupe de la population qui, lui, va être obligé d'y être sur le marché du travail pour rendre le service accessible à d'autres personnes.

Donc, dans ce sens, il faut être prudent lorsque l'on porte des jugements. C'est un peu la réplique que me suscitait votre intervention. Il y aurait eu autre chose. Vous dites que je fais des parallèles, enfir un certain nombre de parallèles qui sont un peu tirés par les cheveux, mais je vais vous en faire un autre. Il y a vingt ans - ça a été dans mon intervention de départ - quand on avait quelques hurluberlus, et c'est ce terme que j'utilisais, qui nous parlaient d'environnement et qui nous disaient que nous étions en train de nous asphyxier nous-mêmes sur notre terre, on les a trouvés un peu ridicules, on a ri d'eux et on s'en est moqué. Maintenant, et vous en êtes les premiers conscients, on se dit qu'il y a une prise de conscience qui fait en sorte que l'on se préoccupe de la qualité de notre environnement, que l'on se préoccupe du développement durable, que l'on remet en question, donc, effectivement, des modèles de développement économique qui nous ont donné ce que l'on connaît maintenant. Peut-être, peut-être - c'est une question - peut-être que l'avenir, peut-être que l'an 2000, c'est aussi mettre du temps ailleurs que sur de la consommation, mais de mettre du temps davantage sur le rapport entre les personnes.

Le Président (M. Bélanger): Sur ce, le temps est écoulé.

Mme Marois: C'est terminé.

Le Préskient (M. Bélanger): Aviez-vous une réaction à cela?

M. Bissonnette: Très courte.

Le Président (M. Bélanger): Très contre, oui.

M. Bissonnette: Très contre et très courte. Je pense que vous avez parié qu'une grande pharmacie ce matin avait soulevé que les employés n'aimaient pas travailler le dimanche. Je pense que, si on faisait un sondage, ils n'aimeraient pas plus travailler le lundi matin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnette: II faut être conscients d'une chose: quand vous dites qu'on retrouve le dimanche pour pouvoir faire plus de liens entre les individus, je regrette, ce n'est pas parce que le gouvernement va dire qu'on ferme tel ou tel type de commerce le dimanche qu'on va avoir une meilleure relation entre les individus. C'est à chacun des gens de le faire, sauf que ce que ça démontre, au niveau de votre intervention, c'est qu'il y a vraiment un débat de génération. Mais, moi, je peux vous dire qu'en tant que jeune au Québec j'aime davantage défendre les consommateurs, parce que oui, il y a un besoin. S'il n'y avait pas de besoin, on ne verrait pas de gens dans les commerces le dimanche présentement, puis on ne verrait pas de gens dans les commerces qui veulent ouvrir davantage, que de défendre un groupe restreint de travailleurs pour ça. Je pense que quand il y a un besoin de la majorité, c'est essentiel qu'il soit respecté, ce besoin.

Le Président (M. Bélanger): II reste une minute à la formation ministérielle, M. le ministre.

Mme Marois: On voudrait bien remercier aussi.

Le Président (M. Bélanger): On va revenir à vous après.

Mme Marois: En vous remerciant, je vous dirai: On ne sait jamais, la poule ou l'oeuf. Est-ce que c'est parce que le service existe qu'il a été utilisé et qui, donc, a créé le besoin?

M. Tremblay (Outremont): Je vous donne ma minute pour, peut-être, continuer. Il me reste

une minute, mais pour répondre...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: II change les règles du jeu quand ça l'arrange; il m'a fait ça au début de la commission! Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremorrt): Alors, je vous donne ma minute pour répondre à la députée de Taillon.

Le Président (M. Bélanger): Surtout qu'il venait de vous dire que c'était un débat de générations!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Sur ce, Mme la députée de Taillon, je vous laisse remercier.

Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution. Je vous avais dit au départ et je pense que ce n'est jamais se rendre service que d'être complaisant. J'ai apprécié votre franchise aussi et je pense que c'est ce qui fait justement la richesse des débats que l'on a à cette commission. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Mme Savoie, M. Bissonnette et M. Dumont, je pense que c'est rafraîchissant de voir des jeunes qui viennent défendre un point de vue. Vous soulevez très bien la problématique du débat. C'est important, puis je le mentionne depuis le début, qu'on maintienne jusqu'à la fin une ouverture d'esprit pour prendre connaissance des points de vue de tout le monde.

Deuxièmement, que le Québec d'hier, ce n'est pas comme le Québec d'aujourd'hui puis ce n'est pas comme le Québec de demain, puis il y a des grosses chances que le Québec de demain ne sera pas le même Québec dans cinq ans. Alors, oui, dans la décision qu'on aura à prendre, si on veut avoir une loi applicable, gérable et durable, on doit prendre en considération l'avenir et on doit s'assurer surtout qu'on va avoir une loi équitable. Dans cette optique, je vous remercie beaucoup d'être venus partager avec nous votre point de vue et on va le prendre en considération dans la décision qu'on aura à prendre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie les porte-parole de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec et suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Bélanger): Veuillez prendre votre place s'il vous plaît, messieurs. La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour procéder à une consultation générale et à des auditions publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Nous recevons dans un premier temps l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec, l'AMDEQ. J'inviterais donc les représentants de cet organisme à se présenter à la table des témoins. Pendant que vous le faites, je vous explique nos règles de procédure.

Vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire. Oh, excusez, vous avez dix minutes - excusez, j'étais mêlé dans mon horaire - pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, H y a échange avec les parlementaires. Je vous prierais donc de vous identifier et de bien vouloir procéder à la présentation de votre mémoire.

Association des marchands détaillants de l'Est du Québec

M. Ferland (Claude): Claude Ferland, président-directeur général de l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec.

M. Duchesneau (Jean-Baptiste): Mon nom est

Jean-Baptiste Duchesneau. Je suis directeur provincial pour l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec.

On prend quoi? C'est dix minutes pour vous présenter...

Le Président (M. Bélanger): C'est ça, soit le résumé ou la lecture de votre mémoire, tout comme vous désirez.

M. Duchesneau: Alors, l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec regroupe actuellement au-delà de 900 marchands associés pour les régions immédiates de Québec, Saguenay-Lac-Saint-Jean, Lotbinière, Portneuf, Beauce, Côte-Sud jusqu'à Matane. Ces marchands sont des détaillants indépendants qui ont compris l'importance de se regrouper. Ces marchands contrôlent l'organisme qu'ils ont créé et retirent des profits à la fois comme détaillant et comme propriétaire d'une entreprise collective. La résultante de ces applications démontrent qu'elle constitue l'axe d'une révolution irréversible.

Considérant que le nombre de marchands indépendants au Québec totalisent 3500 et considérant aussi que la vocation de l'AMDEQ est de regrouper des détaillants indépendants, il est donc impératif que l'Association fasse valoir sa position face au débat actuel concernant la Loi sur les heures d'affaires des établissements

commerciaux. Nous sommes aussi persuadés que notre position dans le présent dossier reflète celle des 4500 dépanneurs du Québec. Il est à remarquer que la majorité des détaillants, avant d'investir des sommes importantes pour la mise en place de leur commerce, ont tenu compte de plusieurs facteurs importants en ce qui a trait à leur rentabilité, leur survie, leur développement ainsi que les besoins de leur clientèle dans leur milieu respectif. Parmi cette gamme de facteurs importants, tous ont tenu compte de la loi actuelle sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Qu'adviendra-t-il de la survie de l'avenir des commerçants si des changements profonds à la présente loi sont adoptés? Ces marchands de quartier participent à l'essor économique de leur région en créant des emplois, en participant à la vie sociale de leur entourage et en essayant au maximum d'offrir à leur clientèle une gamme de produits répondant à leurs besoins et tout ceci en leur évitant de parcourir les grandes distances et leur permettre de bénéficier au maximum de leur vie de famille et sociale et de ne pas être contraint de perturber leurs moments de loisirs qui, somme toute, sont bien justifiables après une semaine de travail. Doit-on sacrifier des éléments sociaux positifs afin de satisfaire au maximum certains marchands qui, de par leur soif de profits, ignorent totalement ou semblent ignorer que dans une société en pleine évolution, il est très important de respecter les goûts et les loisirs de la collectivité.

Depuis plusieurs mois, des études et des sondages ont été effectués afin d'essayer de recueillir le degré de satisfaction de nos consommateurs. Effectivement, AMDEQ aussi a fait des sondages par écrit, des sondages téléphoniques, afin d'avoir le pouls et d'avoir aussi exactement ce qui ressortait de nos marchands. Les consommateurs semblent favorables à l'accès des commerces et aux services sans pour autant changer leurs habitudes de vie par rapport à leurs loisirs, leurs hobbies, leurs vacances ou leurs moments de détente. Les consommateurs craignent aussi les impacts produits par le prolongement des heures d'affaires. On ne peut définitivement pas mesurer les retombées négatives et majeures suite à l'ouverture des centres commerciaux le dimanche. Qu'on s'arrête seulement à penser aux considérations d'ordre culturel et social pour lesquelles le législateur devra porter une attention très spéciale, le dimanche étant une journée de retrouvailles familiales, journée de loisirs et de détente... l'augmentation du flânage, du vagabondage, du vandalisme dans les centres commerciaux et bien d'autres choses qu'il ne serait pas de mise d'énumérer.

Le nombre approximatif de dépanneurs au Québec, 4500. Le chiffre de ventes annuel, au-delà de 2 000 000 000 $. Au-delà de 9 000 000 $ d'équipement, inventaire et immobilisation. Création de 20 500 emplois à temps partiel et complet. 3500 des détaillants dépanneurs sont des détaillants indépendants qui exercent leur profession de marchand dans toutes les régions économiques du Québec. Suite à une statistique parue dans la revue Le Dépanneur de mars 1987, il semble évident que le partage du marché des dépanneurs se fait également dans tous les secteurs de la province.

Le consommateur québécois a changé ses habitudes de vie et ses besoins ont évolué très rapidement et ce depuis l'adoption des heures d'affaires en 1970. L'arrivée des commerces d'alimentation et de dépannage a coïncidé avec les innombrables changements socio-économiques de notre société tels que la baisse de natalité, vieillissement de la population, arrivée de plus en plus grande du nombre de femmes sur le marché du travail, changement radical de vie et d'habitudes pour les conjoints considérant que ces derniers sont à l'extérieur du foyer du matin au soir, augmentation des familles monoparentales.

L'industrie du dépanneur du Québec s'est développée de façon très rapide et ce, en tenant compte des multiples changements sociaux. Tous ces changements ont été faits en affectant des investissements qui se sont traduits par l'injection de capitaux très importants et ce, dans le but de satisfaire au maximum les besoins, les goûts et les services essentiels du consommateur en dehors des heures d'affaires normales. Le marchand dépanneur en alimentation a su comprendre qu'il fallait s'adapter aux besoins de l'ensemble des consommateurs et son désir est de continuer dans le même sens afin de toujours mieux servir sa clientèle et ce, , dans toutes les régions du Québec.

Le changement de la Loi sur les heures d'ouverture aurait sûrement un impact très négatif parmi les milliers de détaillants dépanneurs. Ceci leur apporterait une perte de revenus et de profits qui mettrait en péril leur survie, leur investissement ainsi que de nombreux emplois. 15 % parmi eux seraient obligatoirement obligés de fermer leur commerce. Un autre 15 % serait affecté au point de faire des mises à pied. Pour les propriétaires concernés dans les derniers 15 %, ceux-ci seraient obligés de travailler quinze heures/journée et ce, sept jours par semaine. Ce qui, à long terme, les obligerait à fermer, conséquence d'épuisement et de vie familiale inexistante. Ces familles seraient appelées à demander de l'aide de l'État pour se procurer le minimum vital. Une augmentation des heures d'ouverture amènerait une augmentation des coûts opérationnels du commerçant qui se traduirait sûrement par une augmentation des prix aux consommateurs. En permettant une extension des heures d'ouverture, le législateur favoriserait une minorité de gros commerçants au détriment de la grande majorité des moyens et des petits commerçants. Cette catégorie de gens est sûrement celle qui a le plus à perdre s'il y avait extension des heures d'affaires: impact

négatif sur leur qualité de vie; prolifération des emplois à temps partiel. Et que dire des travailleurs dans d'autres secteurs, tels que services publics, réparations, garages, services de garderie et autres.

L'extension des heures d'affaires aurait sûrement des effets négatifs pour l'ensemble des travailleurs. Cet aspect peut contribuer à changer et à perturber le climat social, chose que le législateur ne peut pas prendre à la légère.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le député de Nicolet-Yamaska, juste auparavant, simplement pour excuser M. le ministre qui est actuellement au salon bleu, c'est lui qui fait le discours, présentement; il ne pouvait pas parler en haut puis écouter en bas. Comme les travaux de la Chambre ont préséance sur les travaux de la commission, dès qu'il aura fini son intervention, il va se joindre à nous. M. le député, je vous en prie.

M. Richard: Merci, M. le Président. Messieurs, dans votre exposé, évidemment, vous avez une clientèle de dépanneur et peut-être d'épicerie entre les deux: la moyenne surface et le dépannage. Dans votre recommandation, vous dites, premièrement: Vous devriez vous occuper d'appliquer la loi actuelle, on ne serait peut-être pas rendus où on est là. Vous dites aussi: La règle de trois employés, vous en faites un absolu; la règle de trois, vous devriez l'appliquer, pas juste dans les dépanneurs, vous devriez aussi l'appliquer au niveau des marchés publics puis au niveau des fruiteries. Au niveau des fruiteries, puisque vous êtes dans le domaine de l'alimentation, on sait qu'il y a plus de taponnage - ce n'est pas le bon mot, là - il y a plus de manipulation...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Richard: Pour prendre un vrai mot, il y a plus de manipulation dans le domaine de la fruiterie, parce que c'est le seul élément qui est vivant. De la viande, c'est mort; les cannages, c'est mort, mais le fruit, le légume, vous devez vous en occuper, sinon il va mourir un petit peu plus vite que prévu. Donc, il y a beaucoup de manipulation. Est-ce que vous pensez vraiment, en toute honnêteté, que trois employés, dans le domaine de la fruiterie, c'est correct aussi?

M. Ferland: Oui. Effectivement, oui. Parce que si on regarde, au moment où vous nous parlez de fruiterie, il faut essayer de comprendre qu'il faut regarder le mot "fruiterie". Il ne faut pas que vous m'arriviez avec une fruiterie aussi grosse qu'un Steinberg, parce que dans une fruiterie, maintenant, si vous faites le tour, on ne vend pas seulement que des fruits. Alors, quand vous me parlez des fruits, que s'ils ne s'occupent pas des fruits, les fruits vont mourir, alors, à ce moment-là, qu'ils laissent l'autre domaine et qu'Us s'occupent des fruits. C'est tout un ou tout l'autre. Il faut essayer de comparer, parce qu'une fruiterie, vous allez là, maintenant, et vous fartes un supermarché. C'est aussi gros, c'est même plus gros qu'un dépanneur, une fruiterie. Ça commence très petit mais oh! là, là, ça s'évapore. C'est ça. C'est la même chose pour nous, pour le sondage qu'on a fait, oui.

M. Richard: Maintenant, votre collègue faisait allusion, tout à l'heure, au fait que si on ne posait pas des gestes, comme gouvernement, la petite entreprise qu'on appellerait communément dépannage dans le domaine de l'alimentation, il y aurait, selon vous, 15 % de fermeture et 15 % additionnels, je présume, ou dans le même 15 % au moins des mises à pied. Alors, votre 15 %, vous ave2 trouvé ça où?

M. Duchesneau: En fait, ces chiffres-là sont des chiffres propres à notre association.

M. Richard: O.K.

M. Duchesneau: Ces chiffres-là, en fait, sont ressortis d'un sondage maison qu'on a fait vis-à-vis de tous nos membres, soit par téléphone ou par sondage avec nos représentants. Alors, c'est ce qui ressort des dires de nos marchands membres AMDEQ.

M. Richard: Maintenant, vous ne pensez pas, parce qu'on accuse le monde du dépannage, à un moment donné, de prendre le mors aux dents, parce qu'il a été un temps, vous vous rappelez, j'ai vécu ça aussi parce que j'étais dans l'alimentation jusqu'à il n'y a pas longtemps, quand est arrivé le problème de la bière, on a eu une peur maudite, quand ils ont donné la permission aux grandes surfaces de vendre de la bière, le monde du dépannage s'est mis à dire: On va tous crever. Sauf que ce qui s'est passé, c'est un peu l'inverse. Les gens qui achetaient leur bière chez le dépanneur ont continué à l'acheter chez le dépanneur. De toute façon, ça s'achète plus chez un dépanneur, de la bière, que chez une grande surface, pour toutes sortes de raisons: le cacher à sa femme ou je ne sais pas quoi. Mais il y a des raisons qui font qu'on va acheter ça plus chez un dépanneur, pour toutes sortes de raisons techniques. Ça se vit comme ça sur le terrain. Je ne pense pas que ça ait changé depuis quelques années. Dans certains cas, peut-être le mari ou, en tout cas, l'inverse, quelqu'un le cache à l'autre, mais l'achat se fait chez le dépannage.

Maintenant, est-ce que vous pensez que ça peut avoir eu de l'impact? À l'époque, ça n'en a pas eu. On l'a pensé, tout le monde a eu une peur de ça, mais ça n'en a pas eu vraiment. Est-

ce qu'il y aurait vraiment cet impact et est-ce qu'on ne pourrait pas se revirer de bord, comme on l'a fait dans le monde du dépannage? Parce qu'on s'est quand même retourné rapidement de bord. On a pris du nettoyage, la loto est arrivée dans le portrait. On a transformé le commerce et on est devenu, comme dépanneur, plus diversifié. Mais le dépannage en général a été transformé, a quand même survécu et il n'y a pas eu d'impact négatif comme on avait pensé.

M. Duchesneau: Effectivement, écoutez, je retiens votre parole du départ qui dit que les dépanneurs semblent vouloir prendre le mors aux dents. Ce n'est pas exact comme tel.

M. Richard: Non, je le sais. C'est une figure de style.

M. Duchesneau: Je me dois de vous le dire. Je trouve ça le "fun", quand même, qu'on puisse s'entendre. Je suis d'accord. C'était très imagé. À toutes fins pratiques, quand vous parlez du phénomène de la bière comme tel, effectivement, vous me dites qu'il y a encore de la bière qui s'achète chez nos dépanneurs. C'est vrai. Il y a une partie quand même qui a été grugée, qui s'achète dans les marchés à grande surface. Alors, si on gruge toujours un petit peu sur la bière, si on gruge un petit peu sur les lotos, si on gruge un petit peu sur les croustilles, si on gruge partout, il ne nous reste absolument rien pour survivre, nous autres. Je pense que c'est réellement la survie du petit dépanneur. Parce que le dépanneur comme tel, vous le savez comme moi - je n'ai pas de dessin à faire à personne - ce sont des petits marchands qui opèrent leur commerce chacun dans leur unité familiale, le garçon, la mère, la fille, en fait, tout ça.

Ce qu'on veut tout simplement, c'est garder le droit de vivre et de participer à l'économie régionale et à l'économie locale de nos régions. Ça, on y tient mordicus.

M. Richard: Ma dernière question, c'est la suivante: Quand vous parlez des 15 % de mises à pied, c'est à cause du chiffre d'affaires qui diminuerait parce que, déjà, vous faites les heures.

M. Duchesneau: Effectivement. C'est un manque à gagner à ce moment-là et le revenu n'est plus là. Alors, en n'ayant plus le revenu nécessaire pour une survie valable, il faut que le propriétaire fasse des heures et des heures, jusqu'à...

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Merci, M. le Président. Messieurs, bonsoir.

Des voix: Bonsoir.

M. Audet: Est-ce que vous avez des chiffres? Est-ce que votre association a des chiffres, par exemple, qui disent le montant moyen d'achat par transaction, par client chez vous? Lorsque quelqu'un va chez vous, par exemple, je ne sais pas... On dit que, dans un dépanneur, dans une journée, il va passer 200 clients. Chaque client a acheté en moyenne pour 10 $; c'est un exemple. Avez-vous des données comme ça?

M. Ferland: Non, on n'a pas fait de données exactement sur ça.

M. Audet: Je vous demande ça parce que, hier, on a reçu Steinberg. Et, entre autres, le président du conseil d'administration, M. Gaucher, nous disait que si on en venait à une libéralisation des heures d'affaires, la compétition ne se ferait pas entre les dépanneurs ou les petits marchands ou les plus petites entreprises versus les gros, mais plutôt que la guerre resterait entre Métro, Provigo et Steinberg, par exemple. Ce qu'il semblait dire, et si je me trompe, vous me corrigerez, parce que je suis un peu porté à penser ça et je vais vous dire pourquoi... Je vais au dépanneur. En tout cas, je regarde mon attitude. J'ai un dépanneur pas loin de chez moi. J'arrête au dépanneur, pourquoi? Mon épouse va au dépanneur, pourquoi? On va manquer de lait, on va au dépanneur. J'ai besoin de cigarettes - je suis fumeur - j'arrête au dépanneur. La bière, je l'achète au dépanneur. Il arrive des amis des fois; oup! quelque chose manque, on va au dépanneur. Même si Provigo qui n'est pas loin de chez moi, qui est quasiment aussi près, est ouvert ou était ouvert, je n'irais pas là parce que je peux avoir le même service très rapidement, je n'ai pas de file d'attente et tout ça. Comment je dirais ça? Le dépanneur, pour moi, c'est peut-être plus le fast-food que la grande surface, le fast-food de ce système-là.

Lorsque je dis, par exemple, que les heures d'affaires seraient libéralisées, est-ce que je me trompe en disant que la clientèle que vous avez dans vos dépanneurs ne serait pas nécessairement affectée le dimanche?

M. Ferland: Je dois vous dire que, personnellement, j'ai un dépanneur depuis 20 ans. Je suis en face d'un Provigo et je peux vous assurer, je remarque ce que vous me dites, les gens qui viennent comme vous chez le dépanneur, à un moment donné, viennent là parce qu'il y a plutôt un côté familial, on peut les appeler par leur nom.

M. Audet: C'est ça.

M. Ferland: Chez nous, j'ai six employés sur des "shifts" tout te temps: 6 heures le matin à 11 heures le soir, sept jours par semaine. On se

rend compte que notre consommateur ne vient pas chez nous seulement pour se dépanner comme vous pensez. Ça dépend peut-être des secteurs. Bien des gens vont venir chez nous pour faire même leur marché. Ça dépend encore du dépanneur. Si, chez un dépanneur, il y a trois ou quatre boîtes de bines, puis deux, trois bouteilles de vin, c'est un peu normal que les gens vont aller là pour acheter des cigarettes, Loto-Québec, ces affaires-là, puis ils s'en vont, mais si c'est un dépanneur qui a le sens du dépannage complet, une épicerie, et qui a tout, là ce n'est pas la même chose.

M. Audet: À ce moment-là, les 15 % qui fermeraient, vous pensez plutôt que ce seraient des gens comme vous qui ont plusieurs employés ou une surface moyenne.

M. Ferland: Ça nous affecterait, effectivement. Je ne dis pas qu'un dépanneur comme moi mettrait la clé dans la porte, mais il serait sûrement affecté au moment de congédier des employés. Je ne pourrais pas garder six employés comme j'ai là. C'est quelque chose d'impossible.

M. Audet: O.K. Une autre question. Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, le temps est écoulé. Je voudrais céder la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Peut-être que je ne prendrai pas tout mon temps. Alors, s'il en reste, vous pourrez l'utiliser.

Je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique. Je veux d'abord vous dire que je partage votre point de vue. Alors, évidemment, c'est peut-être un petit peu plus facile à certains égards. Je vais quand même vous poser un certain nombre de questions, parce que c'est soulevé ici devant la commission depuis un bon moment. On nous dit: C'est quasi impossible à appliquer une règle comme celle que vous nous suggérez, à savoir trois personnes dans le commerce en tout temps pour permettre l'ouverture en dehors des heures habituelles qui sont celles que l'on connaît et pour laquelle il y a une hypothèse de prolongement du mercredi soir pour accommoder un petit peu plus les consommateurs. Alors, une des objections que nous présentent les gens qui viennent ici en commission, c'est de nous dire: Écoutez, comme on ne croit pas que c'est possible d'appliquer une loi, à ce moment-là, libéralisez les heures et ouvrez tous les jours, tous les soirs, la fin de semaine et, comme ça, vous ne serez pas contraints de contrôler une loi qui, de toute façon, ne se contrôle pas. Or, vous en parlez. J'aimerais que vous m'en parliez.

M. Ferland: Au départ, Mme Marois, lorsqu'on en parle, on dit de faire appliquer la loi. Si vous remarquez bien, à un moment donné, au ministère de l'Industrie et du Commerce, au moment où on va porter plainte qu'il y a des gens qui sont ouverts et qu'ils n'ont pas d'affaire à être ouverts, on se fait répondre: Écoutez, on n'a pas d'inspecteur, on n'a pas d'enquêteur à envoyer. Le gouvernement sauve au lieu de créer des emplois. Le gouvernement devrait en mettre des inspecteurs pour faire appliquer les lois. À ce moment-là, si la loi est respectée, s'il y a des gens du gouvernement qui sont capables d'être en place pour aller faire respecter les lois, ce serait deux fois mieux que de dire: On fait les lois, puis on ne les fart pas respecter. Combien le gouvernement peut-il perdre juste en taxes sur des articles qui sont bien simples? Ici, on n'en parle pas des marchés aux puces, mais c'est plein. Ça coûte une fortune au gouvernement, les marchés aux puces, mais personne n'en parle.

Mme Marois: Parce qu'il y a beaucoup d'échappatoire sur la taxe.

M. Ferland: Bien, voyons donc! Allez aux marchés aux puces et vous allez voir la marchandise neuve qu'il y a là, pas de taxe, hors taxe, achetée sans facture a Montréal. C'est incroyable. Il n'y a rien que ça. Et on a eu beau porter plainte, on a tout fait, mais ça n'a pas bougé. On n'a pas d'employé à envoyer là, ça coûte trop cher, mais on ne fait pas appliquer les lois. On adopte des lois, mais on ne les fait pas appliquer. Alors, ça donne quoi? Il s'agit, au moins, d'essayer d'adopter des lois puis de les appliquer. Si les lois sont appliquées, je vous garantis qu'il y a des gens qui vont... Puis, à part ça, avec des amendes raisonnables, pas des amendes... On en parle dans ça, dans notre...

Mme Marois: Oui, c'est ça. C'est ça que j'allais dire. Une des hypothèses que vous soulevez, c'est ça.

M. Ferland: Écoutez, les amendes qu'il y a présentement sont complètement ridicules. Alors, n'importe quelle chaîne va ouvrir le dimanche puis elle va se foutre du gouvernement puis des lois. O.K. Elle a juste à préparer une série de chèques postdatés puis elle est gras dur. Ça vient de s'éteindre!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ferland: Nos députés, ils nous ont fait ci et ils nous ont fait ça. Bien, tiens. Salut, les "boys"! Nous autres, ici, on se fout bien de tout. C'est ça, le système. Je veux dire, on travaille... Je pense qu'il y a plusieurs personnes qui travaillent sur le dossier des heures d'ouverture et que c'est un travail qui est très dur à

faire, comme je pense celui de plusieurs organismes. Mais écoute donc, si tout le monde en vient à un consensus, agissons en conséquence et faisons en sorte que les lois soient respectées. Malheureusement, elles ne sont pas respectées.

Mme Marois: Oui, d'accord. Je suis d'accord. C'est, effectivement, un des problèmes aussi qui est soulevé.

M. Ferland: II est là.

Mme Marois: Et la question des amendes revient souvent, le laxisme et tout le reste. Évidemment, je sais que ce n'est peut-être pas facile pour vous de répondre à ça, dans le sens que vous êtes peut-être en conflit d'intérêts, mais vous êtes nombreux. Vous êtes combien? 900 marchands associés, c'est bien ça, dans le...

M. Ferland: C'est ça.

M. Duchesneau: On était 910 à 16 h 30 cet après-midi.

Mme Marois: Pardon?

M. Duchesneau: 910 à 16 h 30 cet après-midi.

Mme Marois: Bon, d'accord. Vous l'avez vérifié à votre fichier, si je comprends bien.

M. Ferland: Oui. Ha, ha, ha!

Mme Marois: Et vous oeuvrez dans différentes régions du Québec. Est-ce que, chez vous, vous sentez qu'il y en a une pression? Parce que d'autres viennent nous dire ça aussi, qu'il y en a une pression de la part des consommateurs et des consommatrices pour vous dire: Écoutez, si on pouvait avoir des heures d'ouverture un petit peu plus convenables; celles qui sont là ne nous conviennent pas. Alors, dans vos milieux, en essayant de faire un petit peu abstraction parfois d'un point de vue que vous pouvez défendre et que je pourrais comprendre aussi.

M. Ferland: Nous autres, on a fait un sondage auprès de notre clientèle, chez les marchands de l'AMDEQ, sous forme de pétitions, pour aller chercher le pouls des gens, avec un questionnaire. Et ce sondage-là, on y a répondu beaucoup plus, en termes de pourcentage élevé, qu'on ne s'y attendait. Soyez assurée que ce n'est pas par conflit que je m'oppose, à nulle part, parce que j'ai un dépanneur et, en plus, que j'en représente 900. Ce n'est pas là, la situation. C'est tout simplement de voir les gens...

On nous dit assez souvent: C'est le consommateur qui le demande. On entend crier ça une affaire à tout casser. En tout cas, c'est drôle. Dans nos dépanneurs, on ne voit pas de ça, cette affaire-là. Ça dépend des endroits. Il va y avoir un système comme vous me dites là, si vous vous en allez à l'université. À l'université, c'est rendu tellement incroyable que les étudiants, sur semaine, ils n'ont pas le temps d'aller faire leur marché. Ils prennent un coup, puis ils fument du pot puis du haschich, mais ils n'ont pas le temps de sortir. Le dimanche, par exemple, eux autres, ils aimeraient ça aller magasiner.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ferland: Je veux dire, où est-ce qu'elle est, notre société? Sur quel bord est-elle? Où est-ce que c'est malade, là? C'est malade quelque part, mais il faut essayer de le trouver.

Le Président (M. Bélanger): Déjà qu'il y en a qui veulent retourner aux études. Il ne faudrait pas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ferland: C'est pas grave. Il paraît qu'on peut commencer ça à tout âge. Moi, je n'y ai jamais goûté. Mais il paraît que...

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Ça va pour moi. Pour l'instant, j'ai...

Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez remercier nos invités, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Ça va. Est-ce que vous souhaitez revenir sur une question? Non?

Le Président (M. Bélanger): Peut-être qu'il y a M. le député de Beauce-Nord qui avait une question additionnelle encore tout à l'heure.

M. Audet: Oui. Je pense que vous en avez parlé un peu. Mais, en tout cas, j'en ai une autre. Attendez un petit peu. J'en ai deux autres. Vous parlez à un moment donné - c'est juste un détail qui me chicote un peu - à la page 4, de l'augmentation de la criminalité, à savoir que, si les heures d'affaires sont libéralisées, il y aura une augmentation des vols dans les commerces de détail. Avez-vous vérifié ça un peu, ces données-là et tout ça?

M. Duchesneau: Écoutez, ce qui est là quand même, ce n'est pas de la foutaise. C'est basé sur des faits. C'est basé sur les enquêtes chez nos marchands et on est quand même conscients que, avec les heures d'ouverture additionnelles, surtout dans les centres d'achats...

D'abord, on est actuellement pris avec des problèmes extrêmement graves en ce qui regarde les vols à l'étalage et les vols par effraction chez nos dépanneurs. Je pense que tout le monde est au courant. Alors, on en est conscients et nos marchands nous ont dit: Si, effectivement, il y a une libéralisation, surtout dans les centres d'achats. Écoutez, je ne charrie pas en vous disant que les centres d'achats, pour d'aucuns c'est leur loisir du dimanche et c'est le lieu de vagabondage pour une catégorie de jeunes, je dis bien une catégorie qui est peut-être minime, mais qui est là quand même. (20 h 30)

M. Ferland: On a parlé, effectivement, de l'université. J'espère qu'il y en a parmi vous qui regardent la TV. Dimanche, il y en a eu une université à la TV, à Radio-Canada, qui montrait aux gens comment voler dans les dépanneurs. C'a duré une demi-heure. Je veux dire, l'université, elle est où? Tu ne vois pas ça dans les prisons, tu vois ça en pleine TV. On montre aux jeunes comment voler dans les dépanneurs, comment s'y prendre pour voler dans les centres commerciaux. Je veux dire, où est-ce qu'on va?

M. Audet: O.K. Une autre question, une dernière. Vous parlez, à un moment donné, de l'augmentation des familles monoparentales. Vous dites que les tendances dans la société ont changé et tout ça. Vous dites que le dépanneur est important pour ça, son rôle, le dimanche. C'est ça? C'est ça que je crois comprendre ici. Pour reprendre un peu ce que ma collègue de Taillon dit souvent, c'est qu'il y a des choses qu'on a entendues en commission depuis le début. De l'autre côté, on dit et Mme Marois l'a répété souvent, que les familles monoparentales, ce sont des femmes la plupart du temps et que 62 % de ces gens-là, de ces personnes sont inactives. Je pense que c'est bien ça, tout ça.

Mme Marois: C'est ça, exactement, M. le député.

M. Audet: Alors, vous vous servez... Par exemple, ce soir la Commission-Jeunesse du Parti libéral est venue et il y a eu aussi d'autres intervenants qui nous ont parlé de ça, des grandes tendances sociales et tout ça. Eux se servent de ça pour, justement, justifier l'ouverture ou une libéralisation des commerces le dimanche. Alors, si je comprends bien, vous, ce que vous dites ici, c'est qu'étant donné les tendances sociales, vous avez un rôle important à jouer le dimanche. C'est ça aussi.

M. Ferland: Oui, effectivement. M. Audet: O.K.

M. Ferland: Pour nous, je pense que c'est clair. Je vais vous poser une question: Votre dame, si elle a 100 $ pour faire un marché, d'accord, et que vous ajoutez une autre journée, soit le dimanche, faites-en deux le dimanche, est-ce que vous pensez, si, dans sa semaine, elle dépense 100 $, que, la fin de semaine, parce que c'est ouvert, elle va en dépenser 200 $? Elle va se promener, par exemple. Elle va aller faire un tour un peu. Alors, à ce moment-là, les gens n'achèteront plus de piscine parce qu'ils n'auront plus le temps de se baigner. Écoutez! Je veux dire, c'est quoi l'histoire? Bien oui! Combien y a-t-il de femmes et d'hommes qui vont simplement aller se promener avec leurs enfants dans les centres commerciaux et partout dans les supermarchés? Mais ils n'achèteront pas plus, soyez-en assurés. Vous allez simplement déplacer les gens. C'est ça qui va se produire. Ils vont déplacer le mal dans un autre endroit. Au départ, un magasin qui a une superficie assez grosse ne gardera pas des employés plus qu'il n'en faut. Il va changer les heures. Ça ne créera pas d'emplois, ce n'est pas vrai ça. Ceux qui ont inventé ça en disant qu'il se créerait des emplois, bien, je m'excuse, ils ne sont pas dedans.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse de vous interrompre, le temps est écoulé. Je vous demanderais donc, Mme la députée de Taillon, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Marois: Je vous remercie de la présentation que vous nous avez faite, de votre point de vue et de l'éclairage que vous apportez ainsi aux membres de la commission. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): J'aimerais vous remercier, M. Ferland, M. Duchesneau, et vous dire que c'est un peu à cause de l'Opposition si je n'ai pu être présent durant une demi-heure parce qu'il y a eu une motion de censure que j'ai dû aller débattre à l'Assemblée nationale, mais je dois vous dire que j'ai pris connaissance de votre mémoire et qu'on va prendre vos représentations en considération dans la décision que nous allons avoir à prendre. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie l'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec et invite à la table des témoins l'Alimentation Couche-Tard inc.

Mme Marois: Je tiens à faire remarquer au ministre que, s'il y a eu une motion de censure, c'est parce qu'il doit y avoir eu des problèmes quelque part.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): Alors, bonsoir. La commission de l'économie et du travail reçoit présentement le groupe Alimentation Couche-Tard inc. Bonsoir, messieurs. Je vais vous expliquer nos règles de procédure. Comme vous venez d'en être témoins, vous avez dix minutes au maximum pour la présentation de votre point de vue et il y a une partie d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais de vous identifier, dans un premier temps, et de procéder à la présentation de votre mémoire. Cependant, lorsqu'il y aura des échanges avec les parlementaires, dans la mesure où vous vous en rappellerez, si vous pouviez vous identifier chaque fois pour les fins de transcription au Journal des débats. Je vous prierais de commencer.

Alimentation Couche-Tard inc.

M. Bouchard (Alain): Alain Bouchard, président d'Alimentation Couche-Tard.

M. Alepin (François): Mon nom est François Alepin. Je suis avocat à la firme Alepin & Gauthier à Laval et je vais présenter le mémoire d'Alimentation Couche-Tard et certains arguments à son soutien.

Alimentation Couche-Tard intervient devant la commission parlementaire sur l'étude de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux, non seulement en son nom personnel, mais également au nom de l'industrie du dépannage où il y a, comme vous l'avez entendu déjà à plusieurs reprises, entre 4500 et 5000 intervenants. Alors, c'est en cette qualité-là qu'elle présente son mémoire. Vous avez déjà entre les mains le mémoire, à proprement parler, qui a été présenté par Alimentation Couche-Tard, préparé par le président, M. Alain Bouchard, et M. Claude Moreau, vice-président en marketing et développement. Tout à l'heure, je vous inviterai à le survoler avec moi de façon à en faire sortir quelques faits saillants et je passerai à certains arguments que je voudrais, toutefois, vous énumérer immédiatement, ne serait-ce que pour vous en donner les titres. Je vais les attaquer les uns après les autres par la suite.

Nous sommes conscients que vous avez pris connaissance d'une multitude de mémoires et que l'ensemble des arguments contre l'ouverture le dimanche, vous les connaissez. Nous croyons faire preuve d'un petit peu d'imagination avec les quelques arguments que nous allons amener. On ne vous plaidera pas les questions de la religion que vous avez entendues amplement. Ce n'est pas une position qu'on entend faire valoir aujourd'hui. On va essayer de faire valoir certains points particuliers. Le premier point que j'aborderai, dont je traiterai tout à l'heure, c'est que la structure sociale et économique actuelle serait inadéquate; le deuxième point, une difficulté de trouver du personnel le dimanche, c'est un point qui a été soulevé et nous le traiterons; le troisième point, il n'y a pas de besoins assez importants à combler pour qu'un choix aussi arbitraire que l'ouverture le dimanche soit fait; quatrième point, la loi actuelle pourrait être efficace; cinquième point, l'industrie du dépannage est née suite à un besoin. Ensuite, je conclurai avec un argument et une conclusion.

Alors, en ce qui a trait à la structure sociale et économique actuelle qui serait inadéquate, ce qu'on cherche à dire en gros là-dedans, c'est que nous croyons qu'il est téméraire de penser que nous puissions faire fonctionner un secteur de l'activité économique aussi important que celui de l'alimentation sans faire marcher l'ensemble de la machine économique. Que penser, ne serait-ce que du transport en commun, ne serait-ce que des garderies? Est-ce que notre société est actuellement prête à recevoir l'activité, la mise en branle d'un secteur aussi important que celui de l'alimentation avec le nombre d'intervenants que cela comporte, les dizaines de milliers de personnes qui devront bouger et aller au travail, dans l'éventualité où on ouvre le dimanche, dans la structure actuelle? Alors, on pourra toujours dire: Oui, mais les garderies s'adapteront, le transport en commun s'adaptera, mais est-ce que c'est le désir du gouvernement de voir à bouger tous ces différents secteurs-là? Je n'en nomme que deux. Évidemment, il y en a plusieurs autres auxquels vous pourrez penser. Ce qu'on cherche à dire, c'est que l'impact sera beaucoup plus grand qu'un impact sectoriel sur le domaine de l'alimentation. Il y aura un impact global sur l'ensemble de l'activité économique et sociale.

Donc, le prochain point, rapidement - on sait que nous sommes limités dans le temps - c'est la difficulté de se trouver du personnel le dimanche. M. Bouchard, qui est dans le domaine de l'alimentation depuis quelques dizaines d'années, pourra, tout à l'heure, en répondant à des questions, mettre plus d'emphase là-dessus. Mais il semblerait, pas il semblerait, mais on me confirme clairement que c'est excessivement difficile de se trouver du personnel le dimanche. C'a d'ailleurs été - c'est une déformation professionnelle d'utiliser ce terme-là - admis par PJC, ce matin, par les pharmacies Jean Coutu, que c'est difficile de se trouver du personnel le dimanche. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il faille tourner de midi à 14 heures pour en arriver à cette conclusion-là. Il n'y a pas beaucoup de monde qui est intéressé à travailler le dimanche.

Mon client, Alimentation Couche-Tard, comme vous le savez, un franchiseur dans le domaine du dépannage et le franchiseur, dans son rôle auprès de ses franchisés, dans l'assumation de ses devoirs contractuels, dort informer son franchisé sur comment faire des affaires suivant sa recette. Entre autres choses, il doit lui dire comment embaucher ses gens et, à l'intérieur de cette partie d'exécution de ses obligations

contractuelles, il doit dire à son franchisé comment traiter de la question de la négociation - parce que c'est le terme - avec son personnel pour l'amener à accepter de travailler le dimanche: On va te donner deux soirs, tu travailleras le dimanche, en plus de ça, on va te donner une petite prime sur ton salaire. C'est, effectivement, un type de négociation qui doit être fait. Alors que dire de la difficulté qu'auront l'ensemble des entreprises - déjà celles qui sont en marche le dimanche - à se trouver du personnel si elles ont à négocier avec des gens qui sont sollicités à peu près actuellement uniquement par les dépanneurs et quelques secteurs particuliers. Si l'ensemble du marché de l'alimentation se met à rechercher des employés le dimanche, n'est-il pas simplement logique de dire que cette négociation sera de plus en plus ardue? C'était notre point sur le dépannage et sur la difficulté de se trouver du personnel le dimanche. J'insiste également sur le fait que l'opinion de l'industrie du dépanneur sur cette question-là doit être, à notre humble avis, sérieusement considérée par la commission parlementaire, parce que qui mieux, finalement, que l'industrie du dépanneur, qui oeuvre le dimanche depuis déjà quelques dizaines d'années, peut informer le ministre et les membres de la commission de ce que peut constituer la tâche de se trouver des gens le dimanche?

En ce qui a trait, maintenant, au troisième point, le besoin d'ouvrir le dimanche, nous soumettons qu'il n'y a pas un besoin qui n'est pas comblé d'avoir des magasins d'alimentation ouverts le dimanche. Je vais attaquer la question sous un autre angle. N'est-il pas plutôt vrai que c'est bien plus important de pouvoir s'acheter des vêtements le dimanche, d'avoir quelques magasins de vêtements ouverts le dimanche? Il est impossible de s'acheter des vêtements le dimanche ou à peu près impossible, alors que, pour l'alimentation, ce n'est pas vrai qu'il est impossible de s'acheter des produits alimentaires le dimanche. On peut le faire dans la formule actuelle, que ce soit pâtisseries, confiseries, avec les dépanneurs. Il y a moyen d'acheter. Il n'y a pas un besoin. Il n'y a pas de gens qui sont en train de crever de faim et qui disent: Ouvrez des magasins pour qu'on puisse se ravitailler. Ce n'est pas du tout le cas. On peut se ravitailler dans les magasins d'alimentation traditionnels six jours par semaine à des heures qui font l'affaire des gens depuis des dizaines d'années. Actuellement, le dimanche en plus, il y a moyen de se trouver de la nourriture.

Prochain argument: la loi actuelle pourrait être efficace, voire même équitable, mais elle ne jouit pas de dents nécessaires à son application. Je fais surtout référence à la question de la règle des trois. Alimentation Couche-Tard, l'ensemble du monde du dépanneur, l'industrie du monde du dépanneur est d'avis que la règle des trois peut fonctionner. Dans certains cas, ça peut être difficile, mais la règle des trois peut fonctionner. Dans l'ensemble des réseaux de dépanneurs sous franchise, qui exploitent leur chaîne sous forme de franchise, ce sont des dépanneurs qui jouissent d'un système développé par le franchiseur où, justement, on maximise la capacité de faire des ventes à l'intérieur des cadres de la loi actuelle. Nous ne sommes pas de ceux qui croient qu'on va contrevenir à la loi et ensuite venir quêter au gouvernement la possibilité de faire des changements. L'industrie que nous représentons exploite ces entreprises à l'intérieur des cadres de la loi actuelle et ça fonctionne. Je veux faire un petit aparté rapidement: nous croyons également sur ce point, et c'est le mandat que j'ai de vous le dire, qu'en ce qui a trait aux pharmacies, les exceptions comme celles des pharmacies, on n'a absolument rien contre ça. Que le pharmacien exploite sa pharmacie avec 68 personnes; aucun problème, mais parlons de la partie professionnelle de sa pharmacie. Lorsqu'on commence à parler d'un magasin de variétés, on ne parle plus d'une pharmacie. C'est peut-être dans le même local, c'est peut-être en arrière de la même porte, la même adresse, le même propriétaire, mais ce n'est plus une pharmacie qu'on exploite, on exploite un magasin de variétés. Alors, nous disons que cette division, qu'on appelle communément la partie commerciale, devrait être soumise aux mêmes règles que l'ensemble des autres, soit une règle des trois.

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît!

M. Alepin: Oui. Je conclurai rapidement. L'industrie du dépanneur, messieurs, mesdames, est née suite à un besoin, un besoin qui venait du fait que les magasins et grandes chaînes, les grands magasins d'alimentation étaient fermés le dimanche. Il y a plus de 20 000 emplois à temps partiel et à temps plein qui sont actuellement tributaires de l'industrie de l'alimentation de type dépanneur. Si ce besoin-là est enlevé, nous soumettons qu'il est tout à fait logique de prétendre que l'industrie qui est née à cause de ça va mourir lentement, mais elle va certainement mourir de ça. Les députés qui auront à éclairer le ministre sur cette question-là ont un choix à faire, parce que ce n'est un secret pour personne que c'est actuellement une guerre entre les gros et les petits. Le ministre faisait état, à juste titre, de la proportion 30-70 - et je conclus, M. le Président, ce ne sera pas long - du partage des ventes faites: 30, les grosses corporations, et 70, les entrepreneurs indépendants. Lorsqu'on dit grosses corporations, on parle de Provigo, de Steinberg, de Métro-Richelieu, mais on parle de ces chaînes-là corporatives, non pas de leurs entrepreneurs indépendants qui fonctionnent sous ces bannières-là, de ces magasins corporatifs seule-

ment.

Alors, le choix est le suivant: c'est clair qu'il n'y a qu'une tarte. Tous ceux qui prétendront le contraire ne voient pas la réalité avec logique. Il n'y a qu'une tarte. Il est impossible que la tarte grossisse parce qu'on rajoute des jours. Ça n'aurait pas d'allure. S'il n'y a qu'une tarte, de choisir d'ouvrir le dimanche, c'est parce que les gros pensent qu'ils vont pouvoir vendre plus le dimanche. S'ils pensent qu'ils vont pouvoir vendre plus le dimanche, c'est qu'il y en a qui vont vendre moins. Nous représentons ces gens-là qui vont vendre moins et nous ne pensons pas que c'est une bonne idée qu'ils vendent moins. (20 h 45)

Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, Me Alepin et M. Bouchard. C'est très clair, les intérêts que vous défendez, puis c'est légitime aussi. Dans votre document à la page 9, vous parlez, vous faites une référence à... Je veux toucher à l'aspect économique. L'Association des marchands détaillants de l'Est du Québec a mentionné, tout à l'heure, qu'il y aurait au moins 15 % des dépanneurs fermés advenant un changement à la Loi sur les heures d'affaires.

Dans votre document, vous dites: "Le danger qui guette notre industrie et qui inquiète davantage les milliers de détaillants dépanneurs, c'est la perte de revenus et de profits que pourrait provoquer un prolongement des heures d'ouverture des établissements commerciaux." Une petite référence, 3: "Document de travail sur les impacts financiers, Alimentation Couche-Tard." Est-ce qu'on pourrait avoir ce document-là? En d'autres mots, est-ce que vous pourriez prouver, de façon économique, les affirmations que vous faites, advenant l'ouverture des commerces le dimanche?

M. Bouchard: Alain Bouchard. On n'a pas soumis le document à la présente commission. On ne l'a pas avec nous aujourd'hui.

M. Tremblay (Outremont): Non...

M. Bouchard: On l'avait déposé lors du comité Richard. Mais on pourra vous le faire parvenir.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous pourriez, pour l'information de la commission? Parce que j'avais posé la question à Maurice Richard, ça fait déjà quelques années, et il n'était pas certain, là. On aimerait, pour l'information de la commission...

Le Président (M. Bélanger): ... Vous pourriez le faire parvenir au secrétaire de la commission.

M. Bouchard: D'accord.

M. Tremblay (Outremont): Ma deuxième question. Est-ce que je vous ai bien compris, Me Alepin, tout à l'heure, quand vous avez dit que ce n'est pas essentiel d'acheter de la nourriture le dimanche, parce que c'est déjà ouvert six jours par semaine puis, si on écoute ce que d'autres disent, qu'il y a des frigidaires. Alors, on pourrait acheter ça ces six jours-là puis on ne serait pas obligés d'acheter de la nourriture le dimanche. Ce n'est pas essentiel. Je pense que vous avez dit ça tout à l'heure.

M. Alepin: François Alepin. Ce que je disais, M. le ministre, c'est la chose suivante.

C'est qu'il n'y a pas un besoin, actuellement, qui n'est pas comblé d'acheter de la nourriture le dimanche. Quiconque voudrait acheter de la nourriture le dimanche peut le faire. Dans la structure actuelle...

M. Tremblay (Outremont): Parce qu'il y a une exception dans la loi qui vous favorise.

M. Alepin: Non, parce qu'il y a une exception qui favorise n'importe qui qui veut vendre de la nourriture et qui veut être moins de trois personnes.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Mais si on fermait les commerces le dimanche pour être juste avec tout le monde; on les ferme.

M. Alepin: On ferme qui?

M. Tremblay (Outremont): On ferme tous les commerces le dimanche pour la qualité de vie. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Alepin: Les dépanneurs inclus? Les dépanneurs et même selon la règle des trois?

M. Tremblay (Outremorrt): Je fais l'hypothèse qu'on ferme tous les commerces le dimanche pour l'équité. Tout le monde est fermé, pas de compétition. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça, sous toute réserve que de droit? Je ne veux pas vous mettre dans une mauvaise position.

M. Alepin: Non, je pense que M. le président aimerait répondre.

M. Bouchard: Alain Bouchard. J'aimerais répondre à cette hypothèse-là, M. le ministre. En fait, on est nés, nous, de cette loi-là.

M. Tremblay (Outremont): Donc, parce qu'il y a...

M. Bouchard: On est nés de la règle de trois. On l'a respectée et on a investi en fonction des règles du jeu. Maintenant, vous proposez

une hypothèse qui changerait les règles du jeu et qui dirait...

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Je suis content de vous entendre dire ça, M. Bouchard. Savez-vous pourquoi? Parce que les pharmacies d'escomptes sont également nées de la loi, de l'article 5.2, je pense, en 1984. Et ce qu'on nous dit aujourd'hui, c'est qu'il faudrait fermer les pharmacies d'escomptes. Alors, quand ça fait votre affaire, vous dites: Je veux rester ouvert, parce que la loi me protège, mais quand ça ne fait pas votre affaire, vous dites: On devrait fermer les pharmacies d'escomptes.

M. Bouchard: Vous nous avez entendus dire qu'on voulait que vous fermiez les pharmacies d'escomptes? Non.

M. Tremblay (Outremont): Non, je retire...

M. Bouchard: Ce n'est pas du tout notre position.

M. Tremblay (Outremont): Je retire, pour vous, ce que je viens de dire. Mais ce que j'entends de plusieurs intervenants, à cause de l'inéquité de la loi, causée, entre autres, par les exceptions créées en 1984, c'est qu'on devrait fermer les pharmacies d'escomptes le dimanche. Je parle du dimanche.

M. Bouchard: Écoutez, je n'ai pas entendu personne dire ça. À mon avis, la coalition...

M. Tremblay (Outremont): Ah non, ils ont tous dit ça.

M. Bouchard: Non, c'est la règle de trois. M. Tremblay (Outremont): Ah oui!

M. Bouchard: On préconise la règle de trois, M. le ministre. On dit: Si les grandes pharmacies veulent vendre des produits alimentaires, qu'elles se conforment à la règle de trois. Ce n'est pas compliqué. C'est 2,8 % de leurs ventes, M. Coutu vous l'a dit ce matin.

M. Tremblay (Outremont): Je suis d'accord, mais, dans la loi de 1984, la loi... Vous, vous vous référez à votre loi de 1969 qui vous privilégie, trois employés et moins, mais, dans la loi de 1984, il y a une exception pour 219 pharmacies d'escomptes qui ont plus de trois employés et qui peuvent être ouvertes en tout temps. Là, vous nous demandez d'éliminer cette exception-là, mais de conserver la vôtre. Comment est-ce que c'est équitable, ça? Parce que j'ai soulevé ce point-là à plusieurs reprises. Puis on m'a dit: Ah, il n'y a pas de droit acquis puis l'équité, dans le fond, c'est que tout le monde soit traité sur le même pied. Moi, j'entends ça de ces intervenants qui me disent ça.

M. Bouchard: Alain Bouchard. M. le ministre, en 1984, il y a eu ces exemptions-là, ces 219 pharmacies-là, parce qu'elles étaient illégales depuis une dizaine d'années. Elles avaient commencé, elles, malgré la loi, la loi que le gouvernement n'a jamais fait respecter, à vendre de l'épicerie. En 1984, lorsqu'il y a eu une remise en question de ladite loi, eh bien, on était devant un fait accompli et le gouvernement du temps n'a pas mis son pied à terre. Il a décidé de donner une exemption.

M. Tremblay (Outremont): J'ai compris, mais ce que vous me dites aujourd'hui, et c'est le seul point que je veux faire, c'est: Ils l'ont dans la loi. Que ce soit juste ou pas juste, je ne me pose pas la question comme je ne la pose pas pour vous, mais si vous me dites: Moi, mon exception en 1969, n'y touchez pas parce qu'elle est dans la loi et j'ai bâti mes commerces sur une disposition de la loi, comment, en tout équité, puis-je me retourner et dire aujourd'hui: L'article 5.2, voilà, eux autres l'ont dans la loi, mais il faut que je l'élimine? C'est ça que j'essaie de savoir.

M. Bouchard: Alain Bouchard. M. le ministre, vous parlez d'une chose tout à fait différente. Nous, c'est 100 % de nos ventes dont vous parlez. Les pharmacies, c'est 2,8 % pour M. Coutu et 1 % pour les Pharmaprix. C'est totalement différent. Vous parlez de nous fermer tout simplement, tandis que pour les pharmacies, vous dites qu'elles se conforment à la règle de trois si elles veulent vendre de l'alimentation ou qu'elles sortent 2,8 % de leurs ventes de leurs magasins. C'est très différent.

M. Tremblay (Outremont): Mais 100 % de vos ventes, maintenant, dans les dépanneurs, peut-être pas les Couche-Tard, je ne le sais pas, mais dans des dépanneurs, vous vendez, maintenant, autre chose que de l'alimentation. Ce qu'on entend, les gens viennent nous dire ça, que ce n'est pas rendu encore des pharmacies d'escomptes, mais que vous avez élargi grandement. Entre autres, il y en a qui ont des vidéos, il y en a qui offrent d'autres objets. On nous a même dit, à cette commission, qu'il y en a qui commencent à vendre des produits importants, donc à concurrencer. Même si vous avez trois employés et moins, vous commencez à concurrencer d'autres commerces qui sont fermés le dimanche.

M. Bouchard: Je vais vous parier de la vraie vie là-dedans, M. le ministre. Savez-vous ce qu'on a rentré dans nos magasins depuis quelques années? Des guichets bancaires. Ça nous donne zéro. Savez-vous ce que ça donne les guichets bancaires pour une chaîne d'alimentation, des

dépanneurs comme nous? De l'achalandage. On a augmenté nos ventes de Loto-Québec qui nous donne 5 % de marge brute sur ces ventes, M. le ministre. On a rentré des comptoirs postaux. Savez-vous ce qu'on touche pour vendre des timbres? 10 %, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais...

M. Bouchard: Écoutez, on veut faire de la "business", on veut amener des clients chez nous, on a besoin de ces services-là. On doit corriger le tir. Nos ventes de cigarettes diminuent avec la consommation, en général, qui diminue, les ventes de bière stagnent, les ventes de vin ont plafonné. On est touchés de toute part.

M. Tremblay (Outremont): Mais Jean Coutu, lui, à 1,8 % des ventes, ce n'est certainement pas là qu'il va chercher sa rentabilité. Il va chercher son achalandage. Alors, lui, dans la même chose, il s'est trouvé une forme d'achalandage. Vous, c'est Loto-Québec, les guichets automatiques. Lui, il s'est dit: Je vais rentrer 1,8 % d'alimentation. Le seul point que je veux faire, je vous dis que je suis conscient de la problématique. On veut avoir une loi durable et quand je pose des questions pour les pharmacies d'escomptes, on semblerait dire: Bien ça, c'est gros, ce n'est pas grave, elles vont survivre. Vous autres, les petits, vous dites: J'ai mon exception dans la loi, je veux la garder. Alors, c'est juste ça le point que j'essaie de faire. Mais je le comprends votre point de vue. À votre place, je défendrais exactement ce que vous défendez.

M. Bouchard: M. le ministre, on est nés de l'exception.

M. Tremblay (Outremont): Bien oui.

M. Bouchard: Les pharmacies d'escomptes ne sont pas nées de l'exception. C'est une grande différence, ça.

Le Président (M. Bélanger): Elles ont forcé l'exception, c'est ce que vous voulez dire.

M. Bouchard: Elles ont forcé.

M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est clair, sauf que, légalement...

M. Bouchard: On n'a pas été illégaux, jamais, nous, M. le ministre. On a respecté, on a décidé d'ouvrir un deuxième magasin dans un secteur où on en avait un, à l'intérieur d'un kilomètre, parce que la règle de trois était difficile à respecter. Les ventes étaient suffisantes, alors on a ouvert un deuxième magasin, etc. C'est comme ça qu'on a bâti notre réseau et que les dépanneurs ont pris de l'expansion.

M. Tremblay (Outremont): Parfait, et ce que vous nous dites, c'est que si jamais il y avait la fermeture de tous les commerces le dimanche et/ou - je mets les deux - la libéralisation des commerces le dimanche, votre survie économique serait en jeu. J'aimerais vous donner l'opportunité de déposer, à cette commission, un document démontrant quantitativement l'affirmation que vous dites.

M. Bouchard: On va vous déposer ça, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Merci.

Le Président (M. Bélanger): Très bien, je vous remercie. Je cède la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de ma formation politique. Évidemment, vous allez me permettre de faire une remarque ou deux au ministre qui, sans arrêt, revient à la loi de 1984. Sauf que je voudrais juste lui rappeler que ce n'était pas une obligation dans la loi que de permettre à des pharmacies d'ouvrir et que le décret qui a été passé pour permettre à des pharmacies de grande surface d'ouvrir, donc, d'être légales, ça s'est passé le 3 juin 1986 et ça a été signé par le ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque qui s'appelait Daniel Johnson et qui est membre de son gouvernement. Si le gouvernement croit qu'il y avait eu une erreur de faite dans la loi, il était toujours loisible au gouvernement de l'époque de modifier la loi, puisqu'il en était maintenant le responsable. Le ministre, à chaque fois, dit ça et il omet toujours de rappeler que c'est son gouvernement qui a signé les décrets. Que voulez-vous que je vous dise? Il faut quand même qu'on se dise les choses comme elles se passent.

D'autre part, quand vous dites - et ça me choque un peu de vous entendre - la loi vous favorise. Vous dites ça...

M. Tremblay (Outremont): M. Bouchard l'admet lui-même, il a été créé par une exception de la loi. Je n'ai pas inventé ça, vous l'avez dit.

Mme Marois: Oui, mais, M. le ministre, je trouve, et le point est assez bien fait par nos invités ce soir, il ne faut pas les blâmer, eux.

M. Tremblay (Outremont): Non.

Mme Marois: Non, mais le ton que vous utilisiez semblait...

M. Tremblay (Outremont): Je leur permets de faire leur point.

Mme Marois: ...à peu près les mettre sur le même pied que les gens qui, dans l'illégalité, ont monté leur commerce et qui, par la suite, se sont fait confirmer dans leurs activités. C'est tout à fait une situation différente de celle qui nous est présentée par les gens qui sont devant nous et qui nous disent: Nous, vous nous avez imposé des règles, nous nous y sommes conformés, bien sûr, nous sommes nés en partie à cause de ces règles. Parce que si le ministre est tant préoccupé qu'il semble l'être par les besoins des consommateurs et des consommatrices, il va admettre qu'effectivement il est peut-être utile de pouvoir se dépanner en alimentaire pendant que l'ensemble des commerces sont fermés, et c'était ça qu'on a choisi comme voie pour le faire, permettre que des petits commerces n'ayant pas plus de trois personnes à la fois dans l'opération du commerce puissent offrir ces denrées-là.

Cela dit, il y a un certain nombre d'affirmations qui sont faites devant nous, à savoir que les produits qui sont vendus dans les dépanneurs sont de l'ordre de 15 % à 20 % plus cher que les produits que l'on achète dans des grandes surfaces ou ailleurs. Entre autres, ce matin même, on a eu une démonstration sur un certain nombre de produits de soins de...

M. Bouchard: L'Adorn de M. Coutu, oui.

Mme Marois: Oui, c'est ça, ce matin. Particulièrement, d'ailleurs, Adorn, c'était le premier produit, un shampooing ou un fixatif, qui était sur la liste des produits. J'aimerais que vous répliquiez à cela, s'il y en a une réplique; si c'est vrai ou si ce n'est pas le cas.

M. Bouchard: Alain Bouchard. Mme Marois, les produits qu'on vend dans nos dépanneurs, je voudrais vous disséquer ça un peu. On vend des chips, beaucoup de chips; les prix sont marqués, ce sont les mêmes prix pour l'ensemble des marchés d'alimentation, dépanneurs ou autres. Sauf que nous, on a des promotions régulières; à chaque période - on a des périodes de quatre semaines - on a une marque de chips en spécial. Pour le lait, il y a des réseaux de dépanneurs, il y a un réseau de dépanneurs au Québec qui vend son lait moins cher que n'importe qui au Québec. Ça dépend, c'est leur politique à eux. Nous, dans certains marchés, on vend notre lait au prix minimum, dans d'autres marchés, au prix moyen et, dans d'autres marchés, au prix maximum. C'est une question de compétition. La bière et le vin représentent 30 % de nos ventes. La bière est vendue dans nos magasins et dans les grandes surfaces, les supermarchés.

Mme Marois: C'est 30 % de vos... M. Bouchard: Oui. Mme Marois: D'accord.

M. Bouchard: La bière, on a un prix recommandé et la grande majorité des marchands suivent ce prix-là, sauf que, lorsque vous avez un prix coupé sur la bière, c'est dans le dépanneur, ce n'est pas dans les supermarchés que vous allez avoir une bière à prix coupé. C'est un embarras pour eux; ils ne sont pas structurés pour faire des ventes de bière; c'est nous qui la vendons. Je vous concède que sur le vin on peut avoir un 4 % ou 5 % de plus cher, encore là, dépendamment des régions. On vit avec la compétition également. Les cigarettes, eh bien, grosse compétition dans les cigarettes. On est "rock bottom" dans nos marges bénéficiaires. On coupe le prix très souvent. Les garages en vendent, des cigarettes depuis quelques années. Là, je viens de parier de 80 % de nos ventes. Il nous reste 20 % qui viennent de la liqueur. On a toujours des produits en vente également, une marque en spécial, nos promotions aux quatre semaines. Les revues. Les revues, ce n'est pas nous qui faisons les prix, le prix intégré. Il n'y a jamais de revues nulle part en spécial. (21 heures)

Je viens de faire le tour de l'ensemble des produits, sauf Loto-Québec et quelques autres produits que nous vendons. Le panier du consommateur qui est pris pour faire la statistique de Statistique Canada, ils vont au supermarché. Ils prennent un panier d'épicerie moyen. Ils vont au dépanneur et ils prennent certains produits et ils font une comparaison. C'est impossible d'arriver avec ces prix-là, parce que, dans l'épicerie, les supermarchés sont en vente à toutes les semaines. Nous, on n'est pas en vente dans l'épicerie. On vend au prix régulier, sensiblement au même prix que les supermarchés, sauf que quand on compare avec un prix...

On a eu un supermarché. Moi, personnellement, j'ai possédé un marché Métro et on vendait certains produits en bas du prix coûtant.

Mme Marois: Ce qu'on appelle et ce que j'essayais d'expliquer ce matin à M. Coutu.. Il y avait certains "lost leaders" qui permettaient d'attirer une clientèle et, donc, de créer un achalandage. Je pense qu'il ne faut pas être grand devin en commerce.

M. Bouchard: Juste pour finir, notre marge bénéficiaire est de 25 %. M. Coutu parlait de 23 % dans ses pharmacies. Écoutez, on n'invente rien.

Mme Marois: Votre marge bénéficiaire moyenne, c'est ça.

M. Bouchard: Notre marge bénéficiaire moyenne de l'ensemble du réseau. C'est dans les mêmes proportions que la marge de M. Coutu.

Mme Marois: Donc, d'affirmer qu'il y a une

différence de l'ordre de 15 % à 20 %, parce que c'est une autre des remarques qui nous est faite par certains groupes qui viennent là, qui viennent devant nous. C'est de nous dire: On oblige des consommateurs et des consommatrices à aller faire toutes leurs grosses commandes - pour parler en bon québécois - au dépanneur. Et comme ils sont obligés de faire leurs grosses commandes au dépanneur, parce qu'ils n'ont pas assez des six autres jours ni des deux soirs ouverts dans la semaine, ils paient de 15 % à 20 % plus cher, parce qu'ils vont chez le dépanneur. Est-ce qu'il y en a beaucoup qui font leurs grosses commandes chez vous?

M. Bouchard: II n'y en a pas, Mme Marois. On n'est pas là pour répondre à ce genre de demandes-là. Les gens ne font pas leur épicerie dans nos magasins. On n'a pas l'assortiment, on n'a pas les spéciaux, on n'a pas les "lost leaders". Puis on a trois employés maximum. Ce n'est pas facile de servir pour des grosses commandes.

Mme Marois: Vouliez-vous ajouter quelque chose, M. Alepin?

M. Alepin: Non, je veux juste attirer l'attention du président, il pourrait rajouter que l'achat moyen des gens dans un dépanneur, c'est une donnée que demandait, je pense, l'un des députés.

Mme Marois: Tout à l'heure, oui.

M. Bouchard: C'est 3 $.

Mme Marois: L'achat moyen chez vous?

M. Bouchard: L'achat moyen.

Mme Marois: C'est intéressant, ça. C'est 3 $?

M. Bouchard: 3 $.

Mme Marois: Donc, on y va vraiment pour se dépanner.

M. Bouchard: C'est un commerce...

Mme Marois: On va acheter un pain, du lait, une pomme de laitue, parfois, emballée et tout. Est-ce qu'il me reste encore un petit peu de temps? Oui?

Le Président (M. Bélanger): Une minute, le temps d'une question.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Vous avez abordé la question des travailleurs et des travailleuses. Je pense que c'est Me Alepin qui l'a abordée dans son intervention. Et vous avez dit... peut-être que mon collègue pourra éventuellement répondre un petit peu plus loin. J'aimerais ça que vous m'en parliez, parce que ça revient souvent. J'ai beaucoup aimé ce matin, d'ailleurs, que, très franchement, l'un de ceux qui défend l'ouverture des commerces sur une plus grande échelle le dimanche dise: Bon bien, oui. On va convenir que les gens ne veulent pas travailler. Je veux que vous me parliez du fait que vous avez ou non des difficultés à recruter du personnel les fins semaines et particulièrement le dimanche.

On nous dit aussi: Écoutez, ce n'est pas grave. Il y en a toujours. Il y a des étudiants et des étudiantes qui veulent... C'est vrai qu'ils ont souvent besoin aussi... et qui veulent et qui sont prêts. Donc, c'est quand même un problème... certains nous disent marginal. Pouvez-vous m'en parler, puisqu'il y en a quand même un bon nombre de dépanneurs chez vous. Vous ouvrez. Donc, vous l'avez, l'expérience de la fin de semaine, du samedi et du dimanche.

M. Bouchard: Alain Bouchard. Oui, Mme Marois. Certainement qu'on l'a, l'expérience de l'embauche d'étudiants ou de gens à temps régulier pour le dimanche. Ça a toujours été une période difficile à combler. M. Coutu l'a avoué ce matin et j'ai trouvé qu'il avait été fair-play dans son commentaire là-dessus. En connaissez-vous des gens qui veulent travailler le dimanche? C'est évident que ça fait partie . de nos conditions de travail. On embauche des étudiants. Les étudiants veulent travailler; c'est certainement notre plus gros bassin d'employés. On prend nos employés parmi les étudiants pour le temps partiel, mais on doit conjuguer avec eux et nos étudiants les plus expérimentés, ou qui ont le plus d'ancienneté à l'intérieur d'un magasin, demandent à faire des "shifts" de soir.

Mme Marois: Plutôt que la fin de semaine?

M. Bouchard: À la limite, ils préfèrent faire des "shifts" de nuit, lorsque c'est un magasin ouvert 24 heures, plutôt que de travailler le dimanche. Ce n'est pas nous qui l'inventons, je crois que ça va de soi, de trouver du personnel le dimanche, c'est très difficile et on voit ça encore plus difficile évidemment si on a de la concurrence à ce niveau-là.

Mme Marois: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, remerciez nos invités.

Mme Marois: Nous avons déjà terminé. Je voudrais vous mentionner et en même temps mentionner au ministre, qui sûrement m'entend...

M. Tremblay (Outremont): Oui, j'entends bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: ...que les dépanneurs sont aussi défavorisés par la loi, puisque eux sont limités à trois employés, alors qu'un certain nombre d'autres commerçants n'ont aucune limite à cet égard-là. Alors, défavorisés pour défavorisés, j'imagine que parfois ça doit finir par se comparer.

Cela dit, vous le savez, je n'ai pas besoin de le répéter très longuement, je partage pour l'essentiel votre point de vue, les contraintes que vous soulevez et j'espère que ce point de vue sera entendu du gouvernement. Je vous remercie de la contribution que vous apportez à nos travaux.

M. Bouchard: Merci, Mme Marois.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Avant de terminer, j'aimerais juste revenir sur un point parce que fondamentalement, que/le que soit la décision, il va falloir avoir une loi équitable. En 1969, les pharmacies qui vendaient des denrées alimentaires, qui opéraient indépendamment du nombre d'employés, avaient le droit d'opérer, mais les établissements commerciaux ne pouvaient être liés les uns aux autres en association. Si je comprends bien, ça veut dire que ce qui s'est passé en 1984, parce que j'essaie d'éclaircir ça, ils ont enlevé l'exception de "lié et associé" pour faire l'exception pour les 219 pharmacies. C'est ma compréhension. Je voulais juste au moins mentionner ça. Vos dépanneurs, c'est une compagnie publique Alimentation Couche-Tard, hein?

M. Bouchard: Oui, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): C'est la propriété de la compagnie publique.

M. Bouchard: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Juste une dernière chose: vous avez bien mentionné, pour être certain que j'ai bien compris, que 20 % de vos ventes c'est l'alimentation.

M. Bouchard: Je veux juste faire un point. L'alimentation, environ 18 %. Pour ce qui est de la compagnie publique, Alimentation Couche-Tard est un franchiseur listé à la Bourse.

M. Tremblay (Outremont): Donc ce sont des franchisés.

M. Bouchard: Mais ce sont des marchands indépendants et affiliés qui sont dans le...

M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est parfait.

C'est ce que je pensais.

Mme Marois: Ils achètent une franchise Couche-Tard.

Le Président (M. Bélanger): Je vais vous interrompre, tout le monde, puisque...

M. Bouchard: On nous avait accordé...

Le Président (M. Bélanger): ..il est 21 h 10 et nous avons un autre invité.

M. Bouchard: Ah bon! On nous avait accordé un peu plus longtemps.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, parce que M. le ministre et Mme la députée de Taillon ont un débat en Chambre avant 22 heures.

M. Tremblay (Outremont): Encore de la faute de l'Opposition.

Mme Marois: Si le ministre répondait à mes questions en Chambre, il n'y aurait pas de débat. Comme il ne répond pas, je vais aller les reposer ce soir en Chambre.

Le Président (M. Bélanger): Alors, pour que vous puissiez reposer vos questions et pour mettre fin à cette chose-là, il y a un autre invité aussi que nous recevons et à qui nous devons au moins le minimum de respect, c'est-à-dire le temps qu'on lui avait consenti.

Je vous remercie de votre participation à nos travaux et j'invite la fruiterie Dumont à se présenter à la table des témoins, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. S'il vous plaît! À l'ordre! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place.

Je demanderais à M. le ministre et à Mme la députée de Taillon de reprendre leur place, de ne pas faire indirectement ce qu'on ne pouvait pas faire directement. Nous avons un invité qui nous attend, s'il vous plaît, s'il vous plaît!

Alors, nous recevons le représentant de la fruiterie Dumont, M. Dominique Continelli. M. Continelli, si vous voulez prendre place à la table. Vous avez dix minutes au maximum pour présenter votre mémoire et il y aura une période d'échanges avec les parlementaires. Je vous prierais donc de procéder, s'il vous plaît.

Fruiterie Dumont

M. Continelli (Dominique): Merci. Bonsoir, M. le ministre et les membres de la commission.

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît! On écoute notre invité, s'il vous plaît.

M. Continelli: J'ai soumis, ce soir, un deuxième exposé parce que d'après ce que j'ai entendu, ce que j'ai lu dans les journaux à date, je ne voulais quand même pas répéter les mêmes choses. Dans l'exposé de ce soir, j'ai changé un petit peu mon approche et ce sont vraiment des faits vécus. C'est ce que je ressens, d'accord?

J'ai lu les mémoires des différents organismes depuis le début de cette commission parlementaire sur les heures d'ouverture des établissements commerciaux. Les syndicats qui sont contre disent qu'ils veulent protéger la qualité de vie des travailleurs. L'Association des consommateurs donne son appui en disant que l'ouverture, le dimanche, répondrait véritablement aux intérêts des consommateurs. Les grosses chaînes de magasins en alimentation veulent ouvrir parce qu'elles se voient défavorisées étant donné que les fruiteries, les dépanneurs et les pharmacies-escomptes leur enlèvent une part du marché.

Moi, je travaille dans une fruiterie depuis l'âge de douze ans, sept jours par semaine. Je ne fais pas partie d'une association ou d'un regroupement. Je ne suis pas un diplômé universitaire, donc, je suis un petit peu nerveux. Je crois que je représente quand même la majorité silencieuse qui oeuvre dans le domaine de l'alimentation, plus précisément dans les fruiteries depuis de nombreuses années.

Mes fruiteries sont le résultat de deux générations, de beaucoup d'heures de travail, de périodes de misère, mais aussi quand même de bons souvenirs. Le métier de fruitier est vraiment une spécialité et seulement les fruitiers qui connaissent bien leur métier peuvent réussir. Ce métier, je l'ai choisi tout jeune et je savais, à cette époque, que la réussite représentait sept jours de travail par semaine, mais c'est ce que je voulais faire. Nous travaillons sept jours par semaine parce que c'est nécessaire pour offrir une qualité supérieure.

Vous, messieurs et madame de la commission, travaillez ce soir. Pourquoi? Parce que c'est nécessaire pour accomplir ce que vous avez entrepris. Personne ne vous a tordu le bras, ça a été votre choix. M. le ministre, ça vous arrive souvent d'assister à différents événements le dimanche. Pourquoi? Parce que c'est vous qui avez choisi d'en faire votre vie. Pour réussir en politique, vous deviez vous impliquer dans vos circonscriptions et aussi être présents. Pour réussir dans les fruits et légumes, ça prend une attention particulière, des soins constants pour assurer aux fruits et légumes le maximum de fraîcheur et de saveur. C'est notre métier et nous sommes fiers de les présenter sur les étalages.

Aujourd'hui, les fruits et légumes se conservent bien dans les chambres froides, mais plus ils y restent, plus ils perdent de leur saveur. Les magasins d'alimentation spécialisés, les fruiteries, les charcuteries, les pâtisseries et boulangeries qui réussissent travaillent sept jours par semaine. Ils sont des dizaines de mille commerçants qui sont fiers de leur métier en vendant des produits d'une fraîcheur et d'une saveur recherchées. Les fruits et légumes, ce n'est pas du papier de toilette qu'on s'assure d'avoir toujours en réserve.

C'est vrai que les Québécois, aujourd'hui, sont beaucoup plus conscients de l'importance de leur diète quotidienne et que les fruits et légumes y sont de plus en plus importants, mais c'est aussi un goût qui leur vient en prenant une marche un soir d'été après le souper, c'est un beau dimanche matin où on décide d'arrêter pour acheter quelques fruits, légumes, charcuteries, du fromage et un bon pain pour passer la journée en famille en pique-nique. La qualité de vie, c'est quoi? C'est justement ce dont je parle. Le même client est beaucoup plus agréable à servir le dimanche. Il n'est pas pressé et ses achats sont réfléchis alors que les soirs de semaine, à 17 h 30, après le travail, les mères de famille sont pressées car elles ont d'autres obligations qui les attendent. Donc, ce sont des clients moins agréables à servir et avec raison. (21 h 15)

Personne, à date, je crois, n'est venu défendre ces spécialistes en alimentation. Ce n'est pas de nous qu'on entend parler souvent dans les journaux, mais je crois que ces dizaines de mille commerçants apportent beaucoup à notre société. Ce ne sont pas tous des petits commerces de moins de trois employés. Mais je me souviens quand je travaillais seulement avec mon père et ma mère et nous opérions la petite fruiterie du quartier. Suite à beaucoup d'heures de travail et le désir de réussir, aujourd'hui j'ai deux fruiteries de grande surface, modernes, qui conservent toujours quand même le cachet, l'accueil et les petites attentions particulières qui en ont fait une réussite. J'emploie environ quinze personnes à temps plein et environ une vingtaine d'étudiants les fins de semaine. Et maintenant, parce que j'ai réussi, je dois fermer le dimanche.

Les investissements dans les fruiteries sont importants et ont été faits en figurant l'ouverture sept jours par semaine. Si on m'oblige à couper 20 % de mes recettes, est-ce qu'on va me réduire de 20 % mon loyer, mes taxes d'affaires ainsi qu'un prêt bancaire? Sûrement non. Je ne crois pas pouvoir rester ouvert du tout et je crois que ma situation n'est pas unique. Si on est occupés le dimanche, c'est parce que la demande est là. Ce n'est pas une présomption. Ça fait 26 ans que j'ouvre le dimanche, 47 ans si j'inclus les années de mon père avant moi. Donc, je crois que c'est à la population du Québec de décider quand elle veut travailler et quand elle veut manger. Les gens sont assez intelligents pour décider eux-mêmes. Laissez les commerces aller à leur propre guise, éliminez ces restrictions qui empêchent les gens de travailler ou de magasiner s'ils le veulent. Les cultivateurs,

pompiers, policiers, chauffeurs d'autobus ou de taxi, les employés de restaurant et d'hôpitaux, de parcs d'amusement et de cinéma, etc., travaillent le dimanche, soit par nécessité ou soit de leur métier.

Les commerçants devraient être libres d'ouvrir ou pas. Si un commerçant a décidé d'ouvrir le dimanche et que ça ne marche pas, soit qu'il n'attire pas suffisamment de clients ou qu'il ne peut offrir à ses employés des conditions de travail acceptables, il ne restera pas ouvert. Croyez-vous vraiment que ceux qui vont à l'église le dimanche vont cesser d'y aller? Croyez-vous que les journées de ski ou de plage pour la famille vont être oubliées pour aller magasiner? Laissez les gens décider eux-mêmes. Vous cherchez à créer des emplois, voici l'opportunité. N'allez surtout pas éliminer les milliers d'emplois de fins de semaine qui existent déjà pour de nombreux étudiants.

Le Président (M. Bélanger): Merci, monsieur. Alors, je cède la parole au député de Drummond.

M. St-Roch: M. Continelli, bienvenue aux travaux de notre commission.

M. Continelli: Merci.

M. St-Roch: J'aimerais que vous me parliez brièvement... Vous êtes réellement, de père en fils, si on peut dire, dans le commerce.

M. Continelli: C'est ça, oui.

M. St-Roch: Est-ce que c'est possible d'opérer une fruiterie avec trois employés?

M. Continelli: C'était possible alors que la fruiterie...

M. St-Roch: Je parle aujourd'hui.

M. Continelli: Aujourd'hui, ce serait possible mais il faudrait retourner en arrière. Ça a pris de l'ampleur parce que le besoin est là. Je veux dire, on a grossi parce que la clientèle a grossi, la demande est devenue de plus en plus forte. On a agrandi notre magasin, on a agrandi notre surface. Aujourd'hui, c'est sûr que je ne peux pas fonctionner avec trois employés. J'en ai une quarantaine d'employés, en comptant les temps partiel et les temps plein. Parce que j'ai réussi à grossir mon commerce, bien là, on me dit: Écoutez, il faut fermer les portes. D'après moi, ça n'a pas d'allure. Ça empêche l'expansion. Ça empêche les gens d'avoir un peu d'ambition. Ça ne tient pas debout.

On a commencé avec trois. On était, comme je dis, moi, ma mère et mon père. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Si c'était resté comme ça, ça aurait été bien. Aujourd'hui, on ne m'achalerait pas, c'est sûr. J'aurais mon petit magasin de fruits que j'avais autrefois. Mais j'avais de l'ambition un peu plus que ça et ça a donné ce que ça a donné. Aujourd'hui, j'emploie une quarantaine de personnes.

M. St-Roch: Quand vous regardez, vous comparez dans le temps une fruiterie, lorsque vous étiez avec votre père et votre mère et aujourd'hui, qu'est-ce qui a changé? Est-ce la gamme de produits ou les services qui sont différents?

M. Continelli: Les produits ont changé sûrement. Il y a beaucoup plus de choses disponibles à l'année. Autrefois, on n'avait pas les moyens de transport. Aujourd'hui, on a les fruits pas mal tout l'hiver qui parviennent du Chili, de l'Europe. Ils viennent par avion, ainsi de suite. Mais je me souviens quand même des années où on achetait des poches de glace pour conserver nos fruits et légumes parce qu'on n'avait pas les moyens d'avoir la réfrigération qu'on a aujourd'hui. C'est quand même bien, c'est parfait.

Mais comme je dis, je pense qu'on y tient à coeur. La qualité, pour nous, c'est important. Un fruit, un légume ou quelque chose, faites-en l'expérience. Mettez une tomate dans le frigidaire pendant une semaine et mettez-en une autre sur votre comptoir de cuisine et mangez les deux au bout d'une semaine. Celle qui a été au frigidaire, elle va être mangeable. Mais celle qui était sur votre comptoir, à la température de la pièce, elle va avoir beaucoup plus de saveur. C'est sûr qu'aujourd'hui, on a l'équipement nécessaire pour conserver mais est-ce qu'on va pouvoir vous offrir la même qualité? Sûrement qu'on ne pourrait pas, ça ne se fait pas.

M. St-Roch: Ma dernière question, M. Continelli. Cet après-midi lorsqu'on a eu l'Association des fruiteries, on nous a dit qu'une petite fruiterie, ce qu'on nous a présenté, c'était une fruiterie qui avait les fruits et légumes, un comptoir qui avait du fromage, quelques-unes avaient un peu de charcuterie, puis un petit échantillonnage de pain ou de baguette de pain qui allait avec ça. Tout cet ensemble représentait à peu près 90 % en produits périssables. Est-ce que ça décrit bien le type de commerce que vous exploitez?

M. Contineili: Oui. C'est le même type sûrement. Parce qu'en fait d'épicerie ou d'article, on ne tient pas grand-chose. Ce n'est pas dans notre intérêt. On a une clientèle, je pense, un peu plus sélective. Nous, nous n'avons pas peur des supermarchés. Qu'ils ouvrent le dimanche, ça ne me dérange pas du tout. Parce que le client qui vient chez nous, il cherche une qualité. Il vient chez nous parce qu'on se spécialise dans ce qu'on vend. On est aussi occupés le samedi que le dimanche. Le dimanche, c'est une bonne journée, mais le samedi on est encore plus

occupés. Les Steinberg, les Métro, les Richelieu sont ouverts, ça ne nous empêche pas de vivre. Mais de me couper mon dimanche, ça me ferait du tort sûrement. Parce que maintenant, ça coûte cher à opérer. C'est quand même 1 % de nos chiffres d'affaires.

M. St-Roch: M. le président a été excessivement généreux avec moi. J'aurais une dernière question. Ce qu'on regarde, un des objectifs que vous avez dans le mémoire c'est d'essayer d'avoir une loi qui va être le plus durable possible dans le temps. À votre idée à vous, quelle serait l'évolution d'une fruiterie si vous essayiez de projeter les cinq à dix prochaines années? Où est ce que ça va évoluer la fruiterie? Vers quel type de services ou de produits?

M. Continelli: C'est difficile de répondre. La fruiterie, comme je vous dis, c'est un service spécialisé. C'est de même que je le vois. Et on va passer à travers de tout ce qui peut nous venir parce qu'on offre une qualité et on offre un service personnalisé. L'ère des supermarchés étaient beaucoup plus forte il y a, je ne sais pas... Il y a dix, quinze ans le supermarché, le Steinberg, c'était vraiment le mode de vie. Si vous remarquez, même ces magasins-là ont changé complètement leur style. Ils deviennent plus spécialisés, boutiques. On entre dans un Steinberg, on voit les fruits et légumes, on voit... Ils réalisent que les Québécois ont pris un différent style pour faire leurs emplettes. Ils deviennent plus dans le style européens où ils vont chercher leurs petites choses dans chacun des magasins. C'est pour ça que les supermarchés ont perdu un peu leur part du marché. On les entend brailler. Comme je dis, ils peuvent bien ouvrir, le dimanche, je sais bien que ça ne me fera pas du tort. Mes deux magasins sont situés tout près des Steinberg avec le but que ça crée pour moi un achalandage, dont je n'ai pas peur, parce que je sais qu'en ayant un Steinberg tout près, ça crée l'achalandage dont moi j'ai besoin, parce que le client vient chez nous, il n'achète pas ses fruits et légumes chez Steinberg, c'est vrai. Pour bien des raisons...

M. St-Roch: Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): M. le député d'Orford. Ça va? Bien. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Juste une question. Vous étiez ici lors de la présentation du groupe précédent. On nous a mentionné que c'était difficile de trouver des gens qui étaient prêts à travailler les fins de semaine. J'aimerais avoir vos commentaires sur votre expérience à vous.

M. Continelli: Moi, j'ai 40 employés. J'ai seulement deux fruiteries. Mes employés, je pense qu'ils sont peut-être mieux traites, je ne sais pas. Chez nous, comme j'ai dit j'ai 40 employés, ils ont quand même des assurances-groupe, ils ont des soins dentaires et tout ça. Je me dis que ces gens, ce ne sont pas des esclaves et si je veux les garder à travailler pour moi, il faut que je leur crée des conditions de travail qui sont acceptables. D'abord, ils vont aller travailler dans les grosses chaînes, ils vont aller travailler ailleurs. Si les dépanneurs ne sont pas capables de créer des conditions acceptables pour leurs employés, c'est leur problème. Parce que je n'ai pas de trouble à avoir des gens le dimanche. J'ai plein d'étudiants de cégeps et ainsi de suite, ce sont des petites filles, des garçons quand même assez intelligents. Ce sont des employés modèles souvent. La seule chose qui est triste, c'est qu'ils ne restent jamais très très longtemps. Ils font un an ou deux, ensuite c'est sûr qu'ils poursuivent des études, donc ils s'en vont dans leur propre carrière. Mais on trouve toujours à les remplacer. Je ne vois pas le problème vraiment. Je sais que moi, je n'en ai pas. Comme je vous dis quand même, pour une petite fruiterie, on offre beaucoup d'avantages que d'autres n'offrent pas. Mais j'aime garder mes employés. C'est aussi simple que ça.

Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci,

M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue au nom de ma formation politique. Je voulais vous dire qu'il ne faut pas vous excuser de ne pas être un diplômé universitaire, parce que ça ne donne pas nécessairement du gros bon sens et c'est sûrement la base d'un fonctionnement dans une société.

M. Continelii: Mon français, je l'ai appris sur la rue, ça fait qu'il n'est pas nécessairement...

Mme Marois: C'est correct. En autant qu'on réussit à pouvoir échanger et se comprendre, c'est bien là l'essentiel. Cela étant dit, dans vos fruiteries, est-ce que vous ne vendez que du produit de fruits et légumes?

M. Continelli: Non, mais je dirais...

Mme Marois: En pourcentage, qu'est-ce que ça représente, les autres denrées, et de quelles denrées s'agit-ll?

M. Continelli: Les fruits et légumes, c'est 60 %, définitivement.

Mme Marois: D'accord.

M. Continelli: Puis je dirais que les autres 30 %, ce sont nos produits de boulangerie, de charcuterie et de fromage. Les autres 10 %, ce sont des petites "canneries", des choses comme

ça, qu'on cache en haut et en dessous des comptoirs. On n'est même pas intéressés à en vendre, parce que ce n'est pas notre spécialité. C'est dans ces petites choses-là qu'on devient un petit peu style dépanneur. Si on a besoin d'une "canne" de pois, bien, on en a, mais ce n'est pas ce qu'on cherche à vendre.

Mme Marois: D'accord. Il y a une question que j'ai oublié de poser quand les fruiteries sont venues cet après-midi, mais comme vous avez quand même deux fruiteries assez importantes, j'imagine que vous devez assez bien représenter aussi ce type de marché. Votre approvisionnement, quelle est la proportion d'approvisionnement en produits locaux versus les produits achetés à l'étranger, aux États-Unis, en Californie, dans d'autres pays, finalement?

M. Continelli: C'est saisonnier, ça fait que c'est quand même assez... Mais il faut dire que dès que les produits du Québec sortent, dans tout ce qui est disponible du Québec, ça devient, à ce moment-là, 100 % de nos achats; ça, c'est certain. Il y a la qualité, il y a le goût, toutes ces choses-là. Nous, étant donné que c'est plus petit, on peut se permettre d'en avoir, parce qu'on les manipule un peu plus avec soin. Je sais que les chaînes de magasins, souvent, s'il y a des tomates du Québec sur le marché et qu'ils peuvent en acheter de la Floride, ils vont acheter de la Floride, parce que c'est tout de suite dans des entrepôts, c'est manipulé, c'est pas tout à fait la même chose. Mais nous, on se soucie beaucoup de la qualité qu'on va offrir. Quand on fait nos achats, on achète nos choses comme si on allait les manger et non pas juste les mettre sur des tablettes. Parce que nos clients, on les connaît tous puis on n'est pas gênés de dire, à certains députés qui viennent faire leurs commissions le dimanche qui disent: Vos tomates sont-elles bonnes? Oui, elles sont bonnes. C'est tout. Ou bien, on va leur dire honnêtement: Elles ne sont pas fameuses de ce temps-ci, mais il n'y pas d'autre chose. O.K? C'est ce style de clientèle qu'on a.

Mme Marois: D'accord. Donc, vous dites: En produits saisonniers, lorsque le produit est disponible au Québec, qu'on prenne la tomate ou la laitue...

M. Continelli: Tout. Tous les légumes.

Mme Marois: ...tous les légumes auxquels on songe habituellement, vous vous approvisionnez à 100 % au Québec.

M. Continelli: Oui.

Mme Marois: C'est lorsque c'est non disponible sur la marché que vous allez vers l'extérieur.

M. Continelli: On achète de l'importation.

Mme Marois: D'accord. Quelle est la proportion dans tout ça de produits, sur une année, qui viennent de l'extérieur versus les produits qui sont fournis par des entreprises québécoises ou des producteurs québécois?

M. Continelli: Je dirais qu'on peut vendre facilement 40 % de fruits et légumes du Québec, si on regarde sur l'échelle d'une année, parce que...

Mme Marois: C'est ça, sur une année, oui. C'est ça, un peu, que je veux avoir.

M. Continelli: ...même si la saison est plus courte, c'est la période où on en vend le plus, parce que la laitue, les radis, les échalotes, ainsi de suite, c'est à partir des mois de juin, juillet où on en vend le plus. L'hiver, on en vend, mais c'est sûr que les gens sont moins portés à consommer ce type de légume que quand il fait très chaud l'été. Ça fait que je pourrais facilement dire que ça peut aller à 40 %, les légumes qu'on vend vraiment, à l'année.

Mme Marois: D'accord. Il y a une autre question que j'avais, je suis en train de la perdre; il faut dire que c'est la fin de la soirée, on a comme des journées un peu longues. Il y a un collègue d'en face qui vous la posait tout à l'heure un petit peu la question. Dans une perspective d'équité que le ministre recherche et que nous recherchons aussi, une des hypothèses, c'est qu'on dise: L'ouverture sera permise pour les commerces qui ont trois employés et moins en tout temps, eux pourront ouvrir le dimanche et certains soirs de la semaine ou en tout temps, même, et les autres devront se conformer. Si cette règle vous était imposée, ça impliquerait... Évidemment, vous ne réduirez pas votre fruiterie, mais j'imagine que vous seriez amenés à réduire le nombre d'heures d'ouverture. Tout en réduisant le nombre d'heures d'ouverture, si d'autres magasins à côté se voient appliquer les mêmes règles que l'on vous applique à vous, à tous égards, donc, ce qui veut dire le dépanneur, ça réduirait l'activité de type commercial alimentaire aux dépanneurs en dehors des heures normales, est-ce que vous évaluez - je sais que c'est une question difficile que je vous pose - que vous pourriez continuer à opérer avec une marge de profits vous permettant de demeurer en affaires?

M. Continelli: Ce serait très difficile. Honnêtement, ce serait difficile, parce que je connais ma situation actuelle. Ces commerces-là, je les bâtis. Mais il y a beaucoup de prêts qui sont attachés à ça puis ainsi de suite. Puis me couper 20 %, ce serait très difficile pour moi de rester ouvert. Parce que j'en parle un petit peu...

Je ne sais pas si...

Mme Marois: Oui, je l'ai lu au complet, votre papier.

M. Continelli: Les fruits et légumes, c'est vraiment quelque chose, c'est vrai que ça fait partie de notre diète. Mais, d'un autre côté, c'est quelque chose souvent qu'on se laisse tenter. Le dimanche, si on s'en va en pique-nique, justement, bien, on aurait le goût de manger des fruits, bien, on va arrêter à la fruiterie. Ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on tient régulièrement dans notre réfrigérateur, à part les pommes, les poires. C'est quelque chose... on se laisse tenter. On ouvre les soirs. On n'a pas le droit l'été mais, ça ne fait rien, on ouvre pareil. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Continelli: À partir du mois de juin. On fait ça en juin, juillet et août, puis les soirées, de 18 h 30 à 20 h 30, sont quand même assez occupées, parce que les gens, après qu'ils ont fait leur journée d'ouvrage puis après qu'ils ont eu le temps d'aller puis ainsi de suite, ils se promènent les soirées d'été puis ils arrêtent à la fruiterie pour ramasser soit des fraises, framboises, des cerises, des pêches, quelque chose qu'ils auraient le goût de manger, parce que c'est rafraîchissant. Alors, c'est pour ça que je dis que si on n'est pas ouvert, on élimine le goût, point. Je veux dire, ce n'est pas...

Mme Marois: Dans le fond, ce que vous me dites, c'est que c'est une comsommation. Parce qu'une des discussions qu'on a, évidemment, c'est qu'on dit: On est dans l'alimentation, dans un marché saturé, en termes de volume général d'achat par les consommateurs, un marché à maturité. Le terme est plus juste. Il y a toujours une possibilité de croissance au rythme où croît la population, mais on est dans un régime à maturité. Donc, l'hypothèse, c'est de dire que, peu importe si on ouvre des plages plus grandes, comme les gens ne mangeront pas plus, on dit que ça va répartir tout simplement les achats sur une période différente et chez des vendeurs différents.

Mais, vous, vous dites: II y a une partie de la consommation qui ne serait pas reportée à d'autres jours de la semaine dans votre spécialité.

M. Continelli: Non, ça ne se peut quasiment pas. Je pense que, vous même, par expérience à y penser, sûrement qu'un goût de fruits et légumes, ça vous prend une journée de temps en temps, une belle journée. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Même de la charcuterie ou un fromage. On en tient, c'est vrai, à la maison. Mais ce sont quand même des choses, surtout suite à une sortie ou à une réception, on prend le goût puis on veut acheter. Ça ne fait pas partie de notre liste, comme je le mentionne, la liste de Scott Towels, de ci et de ça qu'on achète parce qu'on en a vraiment besoin. C'est sûr que ça, ça ne changerait probablement pas, comme vous dites. Ils se partageraient d'un magasin à l'autre. Mais, nous, on se considère vraiment à part d'eux, parce que ce n'est pas du tout le même genre de commerce qu'on fait.

Mme Marois: D'accord. Alors, je vous remercie de votre contribution à nos travaux. Pour moi, j'ai posé les questions que je souhaitais poser. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le ministre, si vous voulez remercier nos invités.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Je voudrais vous remercier puis surtout vous féliciter, M. Continelli. Je sais que ce n'est pas facile de venir devant une commission parlementaire.

M. Continelli: Non!

M. Tremblay (Outremont): Surtout seul puis je le sens. Puis surtout quand vous vous sentez menacé à cause... Alors, dans ce sens-là, je veux vous féliciter et vous remercier et on va prendre en considération vos représentations dans la décision que nous allons avoir à prendre. Je vous remercie beaucoup, M. Continelli.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie M. Continelli de la fruiterie Dumont. On vous souhaite un bon retour. Nous ajournons nos travaux à demain 9 heures, dans la même salle, s'il vous plaît.

(Fin de la séance à 21 h 35)

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