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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que la
commission de l'économie et du travail puisse procéder à
la consultation générale et aux auditions publiques sur les
modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
Ce matin, dans un premier temps, nous recevons le groupe Provigo
Distribution qui sera représenté par M. Bussières, M.
Dubé, M. Ponton, M. Sicotte et Mme Pierrot. Bonjour. Vous connaissez nos
règles de procédure: vous avez 20 minutes ferme pour
présenter votre mémoire; ensuite, il y a une période
d'échanges avec les parlementaires. Chaque fois que vous aurez à
prendre la parole, s'il vous plaît, je vous prierais de bien vouloir vous
identifier, ceci pour les fins de la transcription du Journal des
débats; ça rend la tâche plus facile. Si vous voulez
présenter votre porte-parole, présenter votre équipe et
procéder, nous vous écoutons.
Provigo Distribution inc.
M. Bussières (Yvan): Merci, M. le Président. Mon
nom est Yvan Bussières, je suis le président du conseil
d'administration de Provigo Distribution inc., et aussi chef des
opérations de Provigo inc. J'ai avec moi, ce matin: à ma droite,
Mme Colette Pierrot, directrice recherche-marketing pour Provigo Distribution;
à ma gauche, M. Gérard Dubé, vice-président senior
pour les supermarchés Provigo dans Provigo Distribution inc.; M.
Gérald Ponton, vice-président, affaires corporatives et
développement immobilier pour Provigo Distribution; et M. André
Sicotte, vice-président, communications pour Provigo Distribution
inc.
M. le Président, je vous remercie, tout d'abord, de nous avoir
permis, de nous avoir donné cette occasion de venir présenter le
point de vue de Provigo Distribution inc., sur la question des heures
d'affaires des commerces de détail au Québec. Je vais
débuter en vous décrivant très rapidement Provigo
Distribution. Provigo Distribution, c'est tout un réseau à
travers la province de Québec, qui comprend 12 centres de distribution,
31 entrepôts libre-service, 1187 magasins répartis sous 7
bannières de Provigo Distribution, avec la particularité que 95 %
des magasins sont affiliés, c'est-à-dire qu'ils sont la
propriété d'indépendants, de franchisés,
d'entrepreneurs qui forment ce réseau de Provigo Distribution. Nous
avons des ventes réseau, c'est-à-dire des ventes qui sont
générées à travers ces 1187 points de vente, de
l'ordre de plus de 3 000 000 000 $ annuellement et ces commerces emploient
environ 24 000 personnes qui travaillent dans tout ce réseau.
En fait, j'aimerais vous dire que je me trouve un peu dans la même
position que le ministre puisque, sous le chapeau de Provigo, je dois concilier
les intérêts de tous les marchands des différentes
bannières, c'est-à-dire Provigo, les Proprio, les Jovi, les
Héritage, les Maxi, les Intermarché, et aussi trouver, à
l'intérieur de Provigo, une solution qui est valable, qui est
équitable et qui est gérable pour tout le monde, tout en
répondant de façon adéquate à l'évolution
des besoins des consommateurs québécois.
La libéralisation nous apparaît comme la seule solution
équitable, durable et gérable. Les principes qui sont
défendus par Provigo Distribution sont d'abord le principe
d'équité entre les commerces d'alimentation, le libre choix des
consommateurs, le libre choix des marchands et le libre choix des travailleurs.
En d'autres mots, ce qu'on défend ici ce matin, c'est le principe de la
libre concurrence. Récemment - j'en étais le porte-parole - nous
avons adhéré au Mouvement québécois pour la
libéralisation des heures d'affaires; certains d'entre vous ont
peut-être entendu une conférence de presse qui s'est donnée
lundi passé, à 11 heures. Et j'aimerais vous mentionner
très rapidement qui sont les protagonistes à l'intérieur
de ce mouvement québécois. Il y a d'abord Provigo, il y a
Steinberg, il y a Métro-Richelieu, il y a l'Association provinciale des
fruiteries du Québec, il y a l'Association des marchés publics du
Québec. Il y a la Coalition des marchands de piscines. Il y a la
Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec qui
représente 18 000 membres. Il y a le Comité de défense des
commerçants artisans, 8 000 membres et 25 auxiliaires. Il y a la Jeune
Chambre de commerce de Montréal qui représente au-delà de
800 membres et un regroupement important des grands centres de
rénovation du Québec. Il y a le Groupe Jean Coutu, Club Price et
certains autres.
Globalement, évidemment, ce qu'on a élaboré lundi,
c'est qu'on veut tout simplement qu'il y ait une libre concurrence et qu'il y
ait beaucoup plus d'équité présentement entre les
différents intervenants dans le commerce de détail.
Ces principes établis, permettez-moi maintenant de vous brosser
rapidement le portrait de la situation de l'alimentation au Québec. Vous
avez devant vous un tableau qui vous montre qu'en 1984 les ventes au
détail, au Québec, dans les commerces d'alimentation,
étaient de
8 400 000 000 $. Ça a évolué de 8 400 000 000 $
à 10 800 000 000 $, en 1988. Le pourcentage de ces ventes qui sont
faites par les supermarchés, dans le temps, c'est-à-dire au cours
de ces cinq dernières années, est passé de 69 % à
60,8 %. Il y a eu une détérioration très substantielle de
8,2 points de part de marché, que les supermarchés ont perdus, ce
qui représente, en 1988, sur une base annuelle 1988, plus de 885 000 000
$ de perte de ventes par les supermarchés, au Québec.
Pourquoi a-ton perdu ça? Évidemment, il y a de la
concurrence déloyale des nouveaux types de commerces qui,
légalement, à la limite de la légalité ou
illégalement, ont prospéré en ouvrant le dimanche. O
commerces ont eu beaucoup de succès parce que justement, ils
répondent aux besoins des cor,.,~.nmateurs. Les restaurateurs aussi ont
pu s'adapter aux changements des habitudes des consommateurs, parce qu'ils ne
sont pas réglementés du tout au niveau des heures d'affaires.
Regardons maintenant les pertes d'emplois pour les supermarchés.
Plus de 7 300 000 heures perdues, au cours de cette époque. Plus de 4
100 emplois permanents perdus et plus de 10 300 emplois à temps partiel
perdus. Si on admet que, dans un supermarché, le salaire moyen, avec les
avantages, les bénéfices et tout ça, est de l'ordre de 25
000 $ par année pour une personne, 4 000 emplois représentent 100
000 000 $ de pertes de salaires pour les travailleurs de l'alimentation dans
les supermarchés, sur une base de cinq ans. Alors, dans un marché
en stagnation, les propriétaires indépendants de
supermarché, qui représentent finalement le coeur de
l'alimentation au Québec, vont devoir, tôt ou tard, fermer, faute
d'avoir pu augmenter la profitabilité de leur magasin.
Regardons maintenant le portrait de l'évolution des services le
dimanche. On a 12 877 commerces qui sont ouverts ou qui peuvent
présentement ouvrir le dimanche et ce dont il est question maintenant,
c'est de 1 123 supermarchés qui, eux, à cause des lois, ne
peuvent pas ouvrir le dimanche. Évidemment, nous ne sommes pas 'à
pour dicter ce que devrait être la qualité de vie du consommateur.
Il a déjà démontré qu'il avait des besoins et qu'il
voulait magasiner le dimanche. C'est à nous et c'est au gouvernement de
s'ajuster à cette réalité.
Si on regarde un peu l'évolution des services le dimanche, on a
mis ici une liste. Évidemment, on aurait pu ajouter beaucoup de nous,
mais regardons les principaux magasins qui sont ouverts le dimanche
Évidemment, les dépanneurs comptent pour une très forte
proportion. On a les pharmacies, on a les librairies, on a les fruiteries, on a
les marchés publics, on a Price Club. On a l'extension, si on regarde
les stations-service et tout ça. On a les poissonneries, les petites
épiceries. Il y a énormément de commerces
présentement, dans le domaine de l'alimentation, qui sont ouverts le
dimanche et, évidemment, ça vient affecter de façon
très importante les supermarchés qui, eux, ne peuvent ouvrir.
Je voudrais maintenant m'attarder sur des questions qui ont
été soulevées lors des audiences de cette commission
parlementaire et qui, à mon sens, n'ont peut-être pas reçu
toutes les réponses ou, enfin, des réponses complètes.
Première question: En quoi Couverture le dimanche
répond-elle aux besoins des consommateurs? Pourquoi ne pas tout
simplement prolonger les heures en semaine? Si l'ouverture le dimanche
n'était pas importante pour les consommateurs, vous pouvez être
assurés qu'on ne serait pas là aujourd'hui. Il n'y aurait pas
tant d'exemptions et d'exceptions à la loi si les besoins des
consommateurs le dimanche n'étaient pas réels. Et ça, le
gouvernement l'a reconnu, en 1984. Le comportement des consommateurs qui
magasinent le dimanche dans les pharmacies, les fruiteries, clubs Price,
dépanneurs, marchés publics et autres illustre ces besoins. Il y
a 29 % des consommateurs qui magasinent le dimanche. Les fruiteries sont
à 100 % ouvertes le dimanche, tandis qu'en début de semaine, par
exemple, elles sont ouvertes seulement à 20 % les soirs de semaine.
Les contraintes des familles où les deux conjoints travaillent,
la présence accrue des femmes sur le marché du travail et
l'augmentation du nombre de familles monoparentales ont créé des
besoins réels. Alors, l'enjeu pour les commerçants, c'est la
liberté de pouvoir s'adapter et répondre à ces nouveaux
besoins. Et la mission du commerçant consiste, justement, à
répondre aux besoins du consommateur et à lui offrir le meilleur
service possible, au moment qui lui convient le mieux. Et la mission du
ministre, M. le Président, est de favoriser le commerce au Québec
et non de le restreindre.
Deuxième question: Qu'est-ce que la qualité de vie? La
crainte qui est exprimée par plusieurs est que le dimanche va devenir
une journée comme les autres et que nous allons révolutionner les
moeurs des Québécois simplement pour satisfaire des ambitions
mercantiles. Ce que ces gens devraient réaliser, c'est que cette
révolution est une réalité. La vie sociale, le dimanche,
n'est plus ce qu'elle était il y a 20 ans. Stations-service, guichets
automatiques, dépanneurs ouverts 24 heures, journaux le dimanche, les
marchés publics ouverts hiver comme été. Alors, il faut se
rendre compte de ça. Revenir en arrière et tout fermer est une
vue de l'esprit et c'est contraire à une tendance qu'exprime le
consommateur dans ses opinions, mais, surtout et avant tout, dans ses
comportements. (10 h 15)
La liberté de choix est l'élément fondamental du
concept de qualité de vie défendu par Provigo Distribution: la
liberté pour le consommateur de magasiner le dimanche, la liberté
pour le commerçant d'ouvrir le dimanche et la liberté
pour le travailleur de travailler le dimanche. Quand on parle de
qualité de vie des travailleurs, H faut réaliser que pas mal de
gens travaillent déjà le dimanche. Enfin, on a un tableau ici qui
vous montre - et je ne vais pas passer à travers - qui travaille le
dimanche. Il y a plus de 800 000 Québécois et
Québécoises qui travaillent le dimanche, à temps plein,
à temps partiel, occasionnellement ou autrement. Il n'y a pas de
dépanneurs qui vont fermer le dimanche au nom de la qualité de
vie. C'est donc dire que leurs propriétaires sont satisfaits de leur
sort et sont satisfaits de leur qualité de vie actuelle.
Troisième question: L'ouverture le dimanche va-t-elle
entraîner une hausse de prix pour le consommateur? En fait, si on regarde
un petit peu les implications financières d'une ouverture le dimanche
dans un supermarché conventionnel, il y a des frais fixes que
déjà, le dimanche, on doit absorber: on doit payer le loyer, on
doit payer l'électricité, on doit payer la
réfrigération, le chauffage, les taxes, etc., et ça,
ça représente 35 % des coûts d'exploitation dans un
supermarché. Évidemment, il y a aussi des économies
éventuelles à ouvrir le dimanche: les opérations
continuent, on n'aurait pas à vider nos comptoirs le samedi soir pour
les recharger le lundi matin. Alors, nous, notre position, c'est que des
coûts additionnels d'opération le dimanche, il n'y en a absolument
aucun; au contraire, les supermarchés deviendront plus efficients et
plus efficaces.
Quatrième question, et ça, c'est un point très
important: Est-ce que les supermarchés vont augmenter leur part de
marché aux dépens des petits commerces? Je pense qu'il faut
commencer par démystifier le concept des gros et des petits. Le
Québec alimentaire, je l'ai dit tantôt au début de mon
exposé, est un ensemble d'entrepreneurs indépendants,
propriétaires de PME. II y a 95 % dos commerces d'alimentation qui sont
détenus par des indépendants, et ça augmente. Quand
Steinberg va continuer à franchiser ses magasins, bien, il va y en avoir
de moins en moins; ça va être 96 %, puis 97 % demain matin qui
seront des entrepreneurs du Québec qui ont besoin d'ouvrir leur commerce
d'alimentation le dimanche. Alors, ce n'est pas le gros contre le petit. Je
pense que le jeu de la libre concurrence, Tentrepreneur-ship" et le sens de
l'innovation permettent à chacun, quelle que soit sa taille, de
s'adapter à l'évolution du marché. Prenons l'exemple du
vin et de la bière dans les supermarchés: les dépanneurs
n'en ont pas été affectés et les supermarchés en
vendent le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi et le vendredi.
Essayons de démystifier la boule des pertes de ventes que les
dépanneurs feraient. Prenons comme exemple - et ce n'est pas seulement
un exemple, ce sont des réalités - le chiffre d'affaires d'un
dépanneur le dimanche: il représente 20 % de ses ventes totales
de la semaine. Admettons que le dépanneur perdrait 20 % de ses ventes le
dimanche: 20 % de 20 %, c'est 4 % de ses ventes totales sur une base annuelle
qu'il perdrait. Quatre pour cent, ce n'est même pas l'inflation d'une
année. Alors, je pense qu'il faut démystifier ces grands concepts
qui font que le gros va abattre le petit. Il faut se rappeler aussi que les
dépanneurs sont ouverts, pour la majorité, 24 heures par jour,
365 jours par année. Et aussi, la deuxième meilleure
journée, et par un très faible écart de ventes pour les
dépanneurs, c'est le samedi, alors que tous les commerces d'alimentation
sont ouverts. Et l'offre des dépanneurs est de moins en moins,
d'ailleurs, concurrente à celle des supermarchés, puisqu'ils ont
su s'adapter, avec le fast-food, les vidéos, etc.
Est-ce que ça va se traduire par un déplacement d'emplois?
Non, ça ne va pas se traduire par un déplacement d'emplois. Qui
va travailler le dimanche? C'est bien certain que nous, nous avons
exprimé - je l'ai exprimé au début de mon exposé -
qu'il fallait que nous permettions aux employés, sur une base
volontaire, de travailler ou non le dimanche, et ça, on va respecter
cette question-là.
Maintenant, quelle est la solution définitive, concernant la loi
sur les heures d'affaires, qui soit à la fois équitable, durable
et applicable?
Première option: maintenir le statu quo. Vous avez tous admis -
à peu près tout le monde l'a admis ici - que le statu quo
était injuste et inacceptable.
Deuxième option: tout fermer le dimanche. Je pense que c'est une
solution qui détruit des entreprises, c'est contraire à la
mission des entreprises et c'est contraire à l'évolution et aux
tendances de la société actuelle.
Troisième option: libéraliser les heures d'affaires. C'est
la solution la plus équitable, la plus durable. la plus lacilo ot la
plus économiquo à gérer, et la mieux adaptée aux
besoins dos consommateurs actuels et futurs. Alors, la libéralisation
des heures d'affaires est, pour nous, le libre choix des consommateurs de
magasiner ou non le dimanche, le libre choix des marchands d'ouvrir ou non le
dimanche et le libre choix du travailleur de travailler ou non le dimanche.
M. le Président, nous croyons que toute solution qui nous
ramènerait en arrière est contraire à l'évolution
des besoins des consommateurs et des commerces qui ont prospéré
en répondant à ces besoins. Notre recommandation se fonde donc
sur une formule basée sur le libre choix, le libre accès, la
libre concurrence et la libre entreprise, soit: la libéralisation
complète des heures d'affaires pour les commerces d'alimentation.
Toutefois, tous les intervenants en alimentation devraient avoir une chance
égale de s'adapter graduellement à cette évolution et de
satisfaire les besoins légitimes de leur clientèle.
Conséquemment, même si cette formule ouvre la porte à des
difficultés d'application de la loi et, possiblement, à d'autres
exceptions, nous recom-
mandons un minimum acceptable pour les consommateurs au point de vue de
leurs besoins réels, à l'aube des années quatre-vingt-dix
et, pour les marchés d'alimentation, du point de vue de
l'équité, soit des plages horaires de 9 à 9, en semaine et
de 9 à 5, le samedi et le dimanche. En dehors de ces heures, la
règle des établissements de trois employés ou moins en
tout temps devrait être maintenue, sans qu'il soit fait
référence à des contraintes de superficie ou d'espace. M.
le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. Bussières.
Deux gestions d'information et une question de fond. Sur la
représentativité de votre groupe, on dit que vous
représentez 1150 établissements. Évidemment, il y a les
bannières Provigo, Intermarché, Axep, Jovi, Proprio, Maxi,
Héritage et, globalement, au Québec, il y a 1123
supermarchés. Donc, combien y a-t-il de supermarchés dans vos
1150 établissements qui n'ont pas le droit d'ouvrir le dimanche parce
qu'il y a plus de trois employés?
M. Bussières: M. le ministre, environ 260. Je peux me
tromper de quelques-uns.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait dire que les
autres ont trois employés ou moins? Non?
M. Bussières: Non. Je parle des supermarchés
Provigo. Dans les autres, il y a environ 300 magasins que j'appelle des
magasins de quartier qui sont des Axep, qui ont une taille d'environ 5000 pieds
carrés et qui sont des magasins qui ont plus de trois employés,
en règle générale. Certains d'entre eux ont moins de trois
employés, mais 95 % ont plus de trois employés. On a aussi des
Jovi, environ 300 aussi, qui, eux, sont de beaucoup plus petite taille.
Certains de ces Jovi ont trois employés ou moins et on a aussi la
bannière Proprio où, tous, ont trois employés ou moins. On
a 350 ou 360 Proprio.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait dire que, disons,
la moitié des 1150, ce sont des établissements qui sont
fermés le dimanche parce qu'ils ont plus que trois employés? Sans
vous tenir à 50 %, ça peut être 52 %. Donc, disons 575.
Beaucoup d'intervenants semblent dire... Je lis les journaux et on a vu qu'au
niveau de Métro, ça a été contesté hier. Sur
les 575, combien sont favorables à l'ouverture des commerces le
dimanche?
M. Bussières: II y en a au moins 50 %, M. le ministre. Il
y a 80 % dos supermarchers Provigo - et c'est un dernier sondage qu'on vient de
faire chez nous, en 1990 - qui sont indépendants, qui sont d'accord avec
l'ouverture le dimanche.
M. Tremblay (Outremont): Donc, c'est 50-50.
M. Bussières: C'est 80 % des supermarchés
Provigo. Il y a eu une évolution importante depuis 1988. Alors
qu'en 1988 c'était peut-être entre 30 % et 40 % qui étaient
d'accord pour l'ouverture le dimanche, maintenant, on est à 80 %, pour
les supermarchés Provigo.
M. Tremblay (Outremont): La deuxième question. C'est
mentionné, dans votre document, qu'au niveau des conventions collectives
90 % des employés syndiqués sont déjà pourvus de
lettres d'entente prévoyant l'ouverture le dimanche. J'ai posé la
question lorsque les Travailleurs unis de l'alimentation sont venus et,
à ce moment-là, ils ont été très surpris de
cette affirmation. On m'a remis, il y a quelques minutes, une lettre, que je
vais donner aux membres de la commission, à l'effet qu'il y a seulement
une convention signée qui prévoit l'ouverture le dimanche. Quelle
est votre réaction à ça?
M. Bussières: Écoutez, je ne veux pas vous
contredire, M. le ministre, mais, à mon avis, c'est beaucoup plus qu'une
convention signée qui prévoit l'ouverture.
M. Tremblay (Outremont): Sur ce point-là, est-ce que vous
pourriez, pour nous aider dans notre réflexion, nous soumettre,
même si vous ne l'avez pas aujourd'hui, une lettre, une très
brève lettre d'une page, qui nous dirait: On a regardé nos
conventions et il y en a tant de signées qui permettent l'ouverture le
dimanche?
M. Bussières: Avec plaisir, M. le ministre. M. Tremblay
(Outremont): Très bien.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, vous
désirez déposer le document?
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vais en faire
faire des photocopies pour les collègues, s'il vous plaît. Merci.
Vous pouvez continuer.
M. Tremblay (Outremont): Une autre chose qu'on entend de
représentants des supermarchés - là, je vais sur le fond -
c'est: Le gouvernement n'aura pas le courage de revenir en arrière;
donc, on doit aller de l'avant. SI le gouvernement envisageait la
possibilité - je dis bien "si" pour des raisons d'équité -
et l'expression que vous avez employée, c'est "chance égale" -
d'éliminer les exceptions, de fermer les commerces le dimanche sauf ceux
qui
sont réellement de véritables dépanneurs, de trois
employés ou moins, est-ce que vous auriez des objections, au nom de
l'équité, à ce principe-là?
M. Bussières: M. le ministre, en tant que chef des
opérations de Provigo, je suis totalement en désaccord avec cette
solution-là parce que ce serait ne pas reconnaître que les besoins
des consommateurs ont évolué depuis les vingt dernières
années et qu'il vont évoluer encore beaucoup plus au cours des
dix prochaines années. On a habitué les consommateurs à
magasiner le dimanche. Il y a 29 % des gens qui magasinent le dimanche; de plus
en plus, présentement, on a probablement 55 % des femmes qui sont sur le
marché du travail, on s'en va à 70 % dans l'année 2000 et
peut-être qu'on atteindra 70 % beaucoup plus tôt que ça. Les
familles monoparentales, c'est un phénomène qui continue à
s'amplifier et à s'accroître. Je pense que ce serait revenir en
arrière et une solution totalement inacceptable.
M. Tremblay (Outremont): Je comprends bien ce point de vue et je
pense que vous l'exprimez clairement. Mais, si on regarde l'économique,
parce que vous nous donnez des chiffres de 1985 et des années
subséquentes pour nous démontrer que votre part de marché
a baissé de 68 % à 60 %, vous savez que les exceptions, au
niveau, par exemple, des marchés publics, des fruiteries, des
supermarchés qui ont commencé à vous concurrencer, ont
été mises en application en 1985.
Si je regarde l'évolution de la part des supermarchés
depuis 1972 jusqu'en 1985, je m'aperçois que, en 1972, c'était de
71,5 % et, en 1984, c'était de 69,8 %. Donc, même s'il y a eu
trois employés ou moins - parce que la permission d'ouvrir les
commerces, dans le secteur de l'alimentation, de trois employés ou
moins, c'est depuis 1970 - de 1970 à 1985, il n'y a pas eu de
problème, vous n'avez pas eu de problème de part de
marché. En 1985, le gouvernement a créé des exceptions et
vous, vous avez réagi, parce que, sous vos bannières, vous avez
des franchises ou des 'trois employés ou moins".
Là, je veux juste voir au niveau économique, pas au niveau
philosophique, si on retournait en arrière et que la loi était
équitable, est-ce que vous pensez que vous pourriez reprendre votre part
de marché qui était de 68 %?
M. Bussières: Non, je ne le crois pas. M. Tremblay
(Outremont): Pourquoi?
M. Bussières: II y a les commerces qui sont établis
depuis. Évidemment, ces lois-là ont été
modifiées en 1984. Les commerces qui sont établis sont là,
ils vont rester là. Il y a beau- coup de dépanneurs qui se sont
construits depuis 1984 parce qu'ils peuvent ouvrir 24 heures par jour, il y a
beaucoup de marchés publics qui sont là et vous ne voulez pas
économiquement, M. le ministre...
M. Tremblay (Outremont): Non, non.
M. Bussières: ...fermer les marchés publics le
dimanche.
M. Tremblay (Outremont): Non, M. Bussières.
M. Bussières: J'y vais d'un point de vue économique
aussi. (10 h 30)
M. Tremblay (Outremont): Non. L'hypothèse que je fais,
c'est que si on veut avoir une loi équitable, si le gouvernement
acceptait de retourner en arrière, ça veut dire en 1985, pour
rendre la loi équitable, ça impliquerait la fermeture des
pharmacies d'escomptes en dehors des heures d'ouverture normale des commerces,
ça impliquerait la fermeture des marchés publics et/ou des
fruiteries qui oeuvrent avec trois employés ou plus. La question que je
vous pose est de dire: Si, de 1970 à 1984, vous avez maintenu votre part
de marché, est-ce que, si on vous redonnait la chance égale, que
vous avez mentionnée tout à l'heure, de concurrencer les
commerces de trois employés ou moins, vous reprendriez votre part de
marché?
M. Bussières: Probablement, M. le ministre, mais sur une
période de temps très longue. Ce ne serait pas une ou deux
années, mais je pense que ce serait sur une période de temps
relativement longue
M. Tremblay (Outremont): Pourquoi?
M. Bussières: Pour l'exemple que je vous donnais
tantôt, le fait que - puis, j'oublie le strict principe des pharmacies -
depuis 1984, entre autres, il y a eu des plages horaires différentes
pour les petits commerces et les plus grands commerces, qui ont favorisé
la croissance des petits commerces et fait réduire le nombre des plus
grands commerces. À ce moment-là, avant que ce
phénomène-là se renverse, ça va prendre sept, huit,
neuf ou dix ans. Évidemment, c'est très hypothétique, ce
que je vous dis...
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais les gens doivent manger.
M. Bussières: ...mais je vous dis qu'on ne le
récupérerait pas demain matin.
M. Tremblay (Outremont): Mais si les gens doivent manger, puis
avoir accès à des commerces d'alimentation, si tous les commerces
sont
ouverts aux mêmes heures, là ils vont avoir le libre choix
que vous prônez et donc ils vont pouvoir aller où ils veulent.
M. Bussières: Écoutez, possiblement, mais je vous
dis que ça va se faire sur une période de temps beaucoup plus
grande qu'on peut le penser.
M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question: S'il y
avait fermeture des commerces le dimanche pour donner une chance égale,
une équité à tout le monde, comment allez-vous
réagir à ça?
M. Bussièr^r- À mon avis, ce n'est pas, M. le
ministre, une solution q;." est durable, ce n'est pas une solution ""li est
permanente. On va toujours avoir la fameuse règle des trois
employés. Les supermarchés vont essayer do trouver des trucs,
vont essayer de contourner la loi pour "boutiquer" leur magasin, en faire des
boutiques déguisées; on va faire de petits marchés publics
à l'intérieur. Écoutez, on est en business, pour faire de
l'argent et puis tout le monde qui est dans le commerce de l'alimentation et
dans les autres commerces est en business pour faire de l'argent. Alors, si on
est limités, à mon avis, on va trouver des solutions pour se
débattre et puis pour...
M. Tremblay (Outremont): Une des solutions que j'ai soumises
à cette commission, justement sur le point que vous soulevez, je me suis
dit: Théoriquement, c'est de la légitime défense, les
supermarchés pourraient subdiviser leur surface en de petits commerces
où la personne arriverait avec son même "carrosse",
arrêterait pour acheter ses légumes, puis après ses
fromages, puis sa boucherie. Est-ce que c'est utopique, ça, ou si c'est
quelque chose que vous pourriez envisager?
M. Bussières: Ça existe déjà dans
certains supermarchés. D'ailleurs, il y a certains marchands qui ont
pris des injonctions contre certains commerces, principalement au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui faisaient cette chose-là. Alors, ce n'est
pas utopique du tout.
Le Président (M. Bélanger): Bien Alors, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous
souhaite la bienvenue, au nom de ma formation politique. J'ai beaucoup de
questions, puis j'ai beaucoup de commentaires. Vous n'en doutez sûrement
pas puisque, si vous suivez de près les travaux de la commission, et
c'est tout à fait normal que vous le fassiez d'ailleurs, vous connaissez
notre point de vue et vous connaissez un petit peu le point de vue que je
défends.
Il y a des choses que j'aimerais replacer ou remettre dans leur
perspective, puis, après ça, soulever avec vous un certain nombre
de questions. Remarquez que la dernière question du ministre est
intéressante, parce que, dans le fond, il y a aussi une philosophie,
dans notre système légal, qui dit: Tu n'essaies pas de faire
indirectement ce que la loi ne te permet pas de faire directement. Bon! Alors,
il y a aussi ça qui est en jeu et je pense que vous le souleviez aussi
comme réalité.
Une première petite chose, rapidement. C'est un argument qui
revient dans tous les mémoires qui sont d'accord avec l'ouverture des
commerces le dimanche, avec l'élargissement des heures, on dit qu'il y a
une hausse sensible du taux de l'activité des femmes sur le
marché du travail: exact. Il y a une hausse aussi sensible du nombre de
chefs de famille monoparentale: exact. Ce sont toujours, d'ailleurs, les femmes
à 85 % qui sont chefs de famille monoparentale. Puis, comme on sort
à peine du 8 mars, on a fait tout le tour de cette réalité
et on sait que ces femmes-là ont, entre autres, des revenus beaucoup
plus bas.
Mais, poussons plus loin. Ça, c'est la Fédération
des ACEF qui l'a déposé; on dit: 62,4 % des chefs de ces familles
monoparentales sont inactives et donc n'ont pas nécessairement besoin de
temps supplémentaire pour magasiner. C'est un peu surfait quand on
utilise cette statistique-là pour dire que la hausse du nombre de
personnes chefs de famille fait qu'elles ont besoin d'avoir accès
pendant un nombre plus grand d'heures à l'alimentation ou à
d'autres biens. Voilà pour une chose.
Deuxième chose, et ça rejoint un peu les questions que
soulevait le ministre sur les parts de marché... Moi, je me reporte au
document, dont tout le monde d'ailleurs a souligné la qualité
jusqu'à maintenant, qui a été produit par le
ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie sur la loi
sur les heures d'affaires. Allons au niveau de la croissance des ventes dans le
secteur alimentaire. Voici ce qui nous est dit, à la page 31 du document
si jamais vous l'avez: "Au cours de la période 1981-1987, le secteur de
l'alimentation a connu une croissance plus lente que celle des autres secteurs
du commerce de détail au Québec. Les ventes des commerces en
alimentation se sont accrues à un rythme de 6,7 % par année
contre 9,4 % pour l'ensemble des commerces de détail." Je pense qu'on
convient de ça, ça va assez bien. Mais poussons plus loin, et il
nous est dit: "La croissance du secteur alimentaire, lorsque l'on soustrait
l'inflation, en termes réels, 1,6 % par an depuis 1981." Là
encore, je veux bien qu'on me dise: Si on libéralise, on risque - parce
que je vais aller plus loin encore - de créer des emplois J'ai un peu de
problèmes avec ça, parce que ici on me dit. Cette
croissance-là - et encore la semaine dernière - est de 1,6 % en
termes réels, de 1981 à 1987. La semaine dernière, on nous
disait: Le secteur de la restaura-
tion draine effectivement un grand nombre de consommateurs qui
consomment moins à la maison dans le secteur alimentaire. Pourquoi?
Parce que les familles sont plus réduites, parce qu'on a plus facilement
accès, monétairement aussi, à des services de
restauration. Donc, on se rend compte qu'il y a une certaine stabilité
ou que la croissance est relativement faible.
Quand on me dit que l'ouverture des commerces va avoir un impact sur
l'emploi, j'ai de la difficulté à vous suivre, à moins
qu'on amène le consommateur, par toute espèce de techniques ou de
moyens de marketing, tout à fait honnêtes et corrects, d'ailleurs,
je n'en suis pas là, à consommer davantage. Ça peut
être cette avenue-là, et vous pouvez nous dire qu'effectivement il
y a encore une marge, il y a encore quelque chose à travailler qui fait
qu'on pourrait augmenter le niveau de consommation, et que là il y
aurait peut-être un impact sur l'emploi. Ça me choque un peu quand
on me dit ... Et je reprends votre papier; c'est celui de la coalition, j'ai
compris, que vous nous avez représenté par les tableaux. On dit:
"Plus de 7 300 000 heures perdues, 4000 emplois permanents perdus, 10 000
emplois à temps partiel perdus", dans les magasins d'alimentation de
grande surface, mais au profit de petits commerces ou de magasins
spécialisés, etc.... À moins que vous ne me disiez que
votre niveau d'efficacité est plus bas que celui des autres. Parce que
si la somme totale de ce qui s'est dépensé n'a à peu
près pas progressé, si vous avez perdu des parts de
marché, c'est au profit d'autres ailleurs, à ce moment-là.
Que ça ait réduit l'emploi chez vous, là je vous suis,
sûrement, mais ça l'a augmenté ailleurs.
Parce que je ne veux pas non plus parier pour parler, comme diraient
d'autres, et avoir l'air d'affirmer des choses qui ne sont pas justes, alors,
encore une fois, je me reporte au document du ministère et je me reporte
à la page 87 du document: "La plupart des agents économiques qui
se prononcent sur l'opportunité de libéraliser la loi des heures
d'affaires des établissements commerciaux font état d'impacts
plus ou moins importants d'une libéralisation sur le niveau
général des ventes, des prix et de l'emploi. Or, à notre
connaissance, il n'existe pas d'études sérieuses qui permettent
d'orienter le décideur à propos de ces aspects du
problème."
Et là, évidemment, on nous cite toute espèce
d'études se contredisant, mais arrivant à peu près
à dire qu'on n'est pas capable d'évaluer réellement,
là où il y a eu passage d'une fermer-ture le dimanche vers une
ouverture plus grande des heures, une réelle augmentation de l'emploi.
Et il y a même une étude qui dit, là, que, dans les
États américains où ça s'est
libéralisé, "ie taux de chômage et le nombre hebdomadaire
moyen d'heures de travail semblent légèrement plus bas dans les
États libéralisés que dans les États non
libéralisés".
Évidemment, je prends chacun des éléments parce que
je reprends votre présentation, particulièrement, et j'imagine
bien que vous aurez des commentaires à me faire, et on est là
pour ça, pour échanger là-dessus, mais je veux au moins
que vous répondiez à ces questions que moi je soulève ou
à ces commentaires que je fais. Bon, il y en a un certain nombre
d'autres. Là, j'ai aussi un autre problème.
M. Bussières: Mme Marois... Mme Marois: Oui.
M. Bussières: ...vous m'avez posé à peu
près 12 questions depuis le début.
Mme Marois: Vous avez raison.
M. Bussières: Je ne sais pas si vous voulez que je
commence à vous répondre.
Mme Marois: Ça va me faire plaisir, à part
ça, je vais vous entendre. C'est parce que je ne veux pas perdre mon
temps ici...
M. Bussières: D'accord.
Mme Marois: ...parce qu'il est bien dur avec moi. Non, ce n'est
pas vrai.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: II est très correct, il est très,
très correct, très équitable.
Le Président (M. Bélanger): Je n'oserais pas
être dur avec vous. Je vous en prie, monsieur.
Mme Marois: Très équitable.
M. Bussières: Je voudrais revenir d'abord sur deux points,
la question des emplois perdus au niveau des supermarchés au cours des
dernières années. Dans le grand système économique,
un emploi qui est perdu dans un supermarché, c'est 25 000 $ par
année qui sont perdus dans un supermarché, tandis qu'un emploi
qui est perdu dans d'autres types de commerces qui, en règle
générale, ne sont pas syndiqués, c'est probablement la
moitié de ça, et moins de la moitié de ça. Alors,
économiquement parlant, le système économique perd de
l'argent quand les supermarchés ferment. Ce n'est pas parce qu'on est
moins efficaces que les autres; c'est parce que, évidemment, les
dépanneurs, à un moment donné, ont ouvert 24 heures par
jour. Avant ça, ils étaient ouverts de 7 à 23 heures;
maintenant ils le sont 24 heures. Et il y a un paquet de commerces qui ouvrent
le dimanche. Alors, ça vient affecter nos ventes; donc, on est
obligés de couper de l'emploi.
Deuxièmement, écoutez, je ne parie pas
dune augmentation de 25 % du nombre d'emplois si jamais les
supermarchés étaient ouverts le dimanche. Je veux tout simplement
dire qu'il y aurait une augmentation légère de l'emploi, au
niveau des supermachés. Pourquoi? Parce que le dépanneur du coin
qui va perdre 4 % de ses ventes, il ne va mettre personne à la porte
parce qu'il va peiu're 4 % de ses ventes. Donc, il va avoir les mêmes
emplois. O.K. Alors, s'il y a trois personnes qui travaillent pour un
dépanneur le dimanche, il va continuer de travailler avec trois
personnes, tandis que dans les supermarchés ça va créer de
l'emploi au niveau des supermarchés. L'améliorai ion ne sera pas
sensible, mais il va y avoir dé livement une création
d'emplois, si minime puisse-t elle être. D'ailleurs, vous le dites
vous-même qu'on a..
Mme Marois: Si vous allez chercher une nouvelle part de
marché, c'est évident. Mais si cette progression se fait
très, très lentement, est-ce que ce n'est pas un
déplacement - je m'excuse de vous interrompre - de l'emploi vers les
heures superachalandées actuellement et une répartition de
l'achalandage?
M. Bussières: Écoutez, moi, ce que je veux vous
dire, c'est qu'il y a plus de gens qui vont travailler. C'est bien sûr
qu'il va s'en éliminer des jobs, graduellement, du côté des
dépanneurs. Mais il va s'en éliminer moins, je pense, et c'est
logique de penser ça, qu'il va s'en créer. Maintenant, dans le
domaine de la restauration, on sait tous aujourd'hui qu'il y a près de
30 % des repas qui sont pris a l'extérieur du foyer, et je peux vous
dire que le dimanche ils ont une part de marché très importante,
un énorme pourcentage du chiffre d'affaires des restaurants est fait le
dimanche. Pourquoi? Parce que souvent les supermarchés sont
fermés le dimanche. Les gens n'ont pas eu le temps de magasiner pendant
la semaine et, au lieu d'aller s'approvisionner pour leur commande principale
chez le dépanneur, ils vont chercher les besoins d'appoint chez le
dépanneur et ensuite de ça ils s'en vont au restaurant.
Évidemment, on pense que les restaurants ont connu une croissance
relativement importante de leur chiffre d'affaires ou de leur part de
marché au cours des 10 dernières années. Et c'a
été une croissance, je dirais, autour de 8 %, composés
annuellement. Évidemment, c'est venu faire mal aussi aux
supermarchés.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je cède
la parole au député d'Orford.
Mme Marois: Est ce que vous me permettez une phrase sur mon
temps?
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, je vous en
prie. (10 h 45)
Mme Marois: Sur mon temps.
Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en
prie.
Mme Marois: Je comprends bien vos explications sur l'emploi, mais
à ce moment-là ce que vous dites vient de beaucoup nuancer les
affirmations et la présentation des chiffres qui sont là. Quand
ces nuances-là sont apportées, je suis prête davantage
à vous suivre dans votre raisonnement. Mais il faut faire attention
quand on les présente.
M. Bussières: Madame, vous avez raison.
Mme Marois: Parce que l'image qui reste, c'est qu'on perd X mille
emplois et ce sont des emplois très très payants qu'on perd.
Alors, ii faut faire les nuances, il faut faire les distinctions; je pense que
c'est important. Là, on n'arrive plus à ce qui est ici.
M. Bussières: Mais là, je ne vois pas ce qui est
là, madame. Vous faites juste me...
Mme Marois: Ce qui est là, ce sont les emplois perdus
depuis 1985. C'est votre propre tableau. D'accord?
M. Bussières: Ah! d'accord.
Emplois perdus dans les supermarchés depuis
1985.
Mme Marois: Voilà! Mais ce n'est pas écrit.
M. Bussières: Ah bon! Excusez. On va faire
l'amendement.
Mme Marois: C'est juste ça.
Le Président (M. Bélanger): Je cède la
parole au député d'Orford.
M. Benoit: M. Bussières deux courtes questions. La
première, dans votre mémoire, à la page 10, vous parlez
d'une réglementation municipale. Vous vous opposeriez à une
réglementation municipale comme en Ontario. Par la suite, vous seriez
pour un "opting out"; finalement, ce serait une zone touristique, mais à
l'envers, c'est-à-dire dans la mesure où les municipalités
se retireraient. J'ai de la misère à suivre le rationnel de
ça.
M. Bussières: En fait, le rationnel, c'est que le
gouvernement du Québec et vous, je crois, M. le ministre, vous avez
déjà soumis l'idée que possiblement vous remettriez la
décision aux municipalités, à savoir si chacun devait
ouvrir ou non le dimanche. Alors, nous, en réaction à cette
idée-là qui était, à un moment donné, je
pense, au cours des derniers mois, préconisée par le ministre, on
disait tout simplement: Au lieu que
ce soit laissé aux municipalités, plutôt, que le
gouvernement légifère pour le dimanche et, ensuite de ça,
les villes pourront toujours se servir du "opting out", c'est-à-dire
volontairement décider de légiférer autrement. On sait ce
qui se passe en Ontario, présentement; excusez l'expression, c'est le
bordel monumental. Alors, je pense que le ministre doit statuer sur cette
chose-là.
M. Benoit: Deuxième question: Dans votre
présentation, il y a quelques minutes, vous faisiez part qu'il n'y
aurait pas de coûts additionnels pour le consommateur dans la mesure
où vous ouvririez vos commerces le dimanche. On siège depuis le
27 février et on a entendu, à de multiples occasions,
différents groupes qui sont venus nous dire totalement l'opposé:
A chaque fois qu'il va y avoir plus d'heures d'ouverture, il va y avoir plus de
personnel qui va travailler, il va y avoir plus de chauffage, il va y avoir
plus de déneigement, il va y avoir, finalement, pas mal plus de choses,
ce qui fait que le coût va être repassé aux consommateurs.
Est-ce qu'on peut trancher, une fois pour toutes?
M. Bussières: Oui. Je peux vous dire que,
présentement, dans le système québécois, les
consommateurs paient plus cher, puis je vais vous dire pourquoi ils paient plus
cher. Parce qu'il y a 29 % des consommateurs qui magasinent le dimanche,
présentement. Puis ces 29 % là paient des coûts pas mal
plus élevés pour le même article qu'ils achètent au
niveau des fruiteries, au niveau des petites boucheries qui sont ouvertes, au
niveau des dépanneurs qui sont ouverts qu'ils paieraient s'ils allaient
dans des supermarchés. Alors, globablement, non seulement il n'y aura
pas d'augmentation de coûts, il va y avoir une réduction de
coûts. Prenons l'exemple suivant qu'un supermarché fait un profit
brut de 20 % en vendant ses "Items". Je vous ai dit tantôt qu'il y a 35 %
des coûts qui étaient des coûts fixes, qui étaient
là; que vous ouvriez, que vous n'ouvriez pas, ils sont là. Moi,
quand je vends une "canne de bines" 1 $, déjà, ça me
coûte à peu près, en salaires, 11 % -
salaires-bénéfices - et ça me coûte à peu
près 7 % au niveau de mes frais fixes. Alors, les supermarchés
vont quand même réaliser un profit sur cette vente additionnelle
là, parce qu'ils n'ont pas les coûts additionnels à
supporter au niveau du loyer, au niveau de l'électricité, au
niveau, enfin, de tous les coûts fixes que l'on doit absorber, de toute
façon. Je suis sûr, je garantis qu'il n'y aura pas d'augmentation
de coûts; au contraire, dans le grand système, les consommateurs,
pour acheter la même chose, vont payer moins, dans l'ensemble.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: Merci, M. le Président. À la
lumière de vos chiffres et à la lumière de la
transformation qui s'est produite dans le domaine alimentaire depuis 1985,
donc, à votre niveau, avec l'adaptation à la loi ou aux
amendements qu'il y a eu en 1985, vous n'avez pas l'impression que - je vais
faire une figure de style - vous vous seriez tiré dans le pied
vous-mêmes? Dans le sens que vous avez créé
carrément une série de dépanneurs dont vous êtes le
grossiste chez qui les dépanneurs vont acheter, car ils sont la
moitié, en fait, de votre clientèle. Depuis 1985, vous avez quand
même adapté votre système à ça. Aujourd'hui,
vous dites: On a perdu une part de marché. C'est un peu comme si vous
aviez mis des enfants au monde et qu'aujourd'hui vous diriez: Ce n'est pas trop
grave, ils vont en arracher juste de quelques pour-cent si jamais nous, on
pouvait ouvrir aussi le dimanche. Vous n'avez pas cette impression-là
que vous vous êtes adaptés depuis 1985 à cette modification
de la loi, a ces exemptions là. Nous sommes conscients qu'il y a des
exemptions qui ont peut-être été mal
évaluées. On s'aperçoit qu'il y a un problème dans
l'applicabilité, mais vous ne pensez pas que cette adaptation-là
que vous avez faite depuis 1985, vous pourriez aussi la faire si on rendait la
loi équitable en revoyant l'ensemble des exemptions puisque, de toute
façon, vous en êtes le grossiste et c'est vous, en fait, qui avez
créé de toutes pièces cette adaptation par de petits
commerces? Est-ce que j'ai une mauvaise vision de la situation dans le domaine
alimentaire?
M. Bussières: C'est-à-dire que vous dites seulement
une partie, un côté de la médaille. C'est vrai qu'on s'est
adaptés aux lois et tout ça, mais, principalement, on est en
business et on s'est adaptés aux consommateurs, on s'est adaptés
aux besoins des consommateurs. En 1976, on a été les premiers
à ouvrir un dépanneur 24 heures de temps à
Saint-Jérôme. On s'est adaptés graduellement à
ça. Évidemment, on n'est pas plus fous que d'autres. Quand on
voit dans le système que les supermarchés ne peuvent pas ouvrir,
à quelle place on peut aller chercher de la business? Là, on a
ouvert des dépanneurs parce que, justement, le système
était tellement restrictif au niveau des supermarchés le dimanche
qu'on a ouvert des dépanneurs. Je suis d'accord avec vous que cette
prolifération des petits commerces en tant que telle fait qu'aujourd'hui
on est un peu en mauvaise posture, un peu beaucoup en mauvaise posture. On a 1
000 000 000 $ de moins dans l'ensemble de l'industrie alimentaire au niveau des
supermarchés. Aujourd'hui, on perd 1 000 000 000 $, c'est bien certain,
mais ce sont les lois qui nous ont fait nous adapter justement au
marché.
M. Richard: Bon. J'aurais une autre question, M.
Bussières, très directe. Vos clients, vos
500 dépanneurs, un, est-ce qu'ils sont d'accord et comment
vont-ils s'adapter si on acceptait votre recommandation de
libéralisation?
M. Bussières: D'abord, nos clients, les 500
dépanneurs, ils ne sont pas d'accord. Ils sont en désaccord.
Évidemment, c'est foncièrement très logique qu'ils soient
en désaccord parce qu'ils vont perdre, veux veux pas, des ventes. Et je
vous ai dit tantôt que la situation n'était pas dramatique
à ce point parce que je sais pertinemment qu'un dépanneur,
ça fait 20 % de ses ventes le dimanche. S'ils se font arracher 20 % de
leurs ventes, ça représente à peu près 4 % de leur
volume qu' " vont perdre sur une base annuelle. C'est un manque de croissance
pour un an. Ils ne sont pas l'accord. Ça va leur faire mal, mais
ça ne leur fera pas mal beaucoup. Qu'on se rappelle, en 1981, l'histoire
de la bière et du vin. Et ça, la bière et le vin, les
supermarchés n'en vendent pas seulement le dimanche ou ils n'en vendent
pas seulement une journée par semaine, excusez. Ils en vendent le lundi,
puis le mardi, puis le mercredi, puis le jeudi. Il n'y a pas un mosus de
dépanneur qui est fermé. Au contraire, vous l'avez dit
tantôt: II y a beaucoup plus de dépanneurs aujourd'hui qu'il y en
avait en 1982. Donc, ils n'ont pas été affectés et vous
vous souviendrez qu'au moment des auditions c'était le cri de terreur
comme quoi les gros voulaient mettre les dépanneurs... Pantoute, les
ventes des dépanneurs ont augmenté et le nombre de
dépanneurs a augmenté, à part ça. Alors, à
mon avis, non, les dépanneurs ne sont pas d'accord avec notre position
qu'on ouvre le dimanche, sauf qu'il faut démystifier la boule et je
crois qu'ils vont s'en sortir très honorablement.
M. Richard: C'est la moitié de votre clientèle en
nombre.
M. Bussières: C'est la moitié de notre
clientèle en nombre.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Du côté économique,
est-ce que, s'il y avait fermeture des commerces le dimanche, votre part de
marché, vous allez la perdre du côté américain ou
d'autres provinces? Est-ce que c'est réaliste, ce qu'on lit dans les
journaux, souvent, de dire que les Québécois vont faire leur
épicerie le dimanche à Plattsburgh pour être plus
précis?
M. Bussières: M. le ministre, ce n'est pas un facteur
important du tout.
M. Tremblay (Outremont): O. K. Partait. Pour l'alimentaire?
M. Bussières: Du tout.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
M. Bussières: II y en a qui y vont, mais iI ne faut
pas...
M. Tremblay (Outremont): O. K. Parfait.
M. Bussières: Ça représente peut-être
0, 05 %; alors, pour nous, ce n'est pas Important. C'est plus important pour
les Ontariens qui ont de grandes villes sur la frontière.
M. Tremblay (Outremont): Donc, l'argument que vous retenez, c'est
de dire: Môme si on resserrait la loi, au point de vue économique,
on pourrait reprendre notre part de marché. D'ailleurs, on a des
dépanneurs. C'est surtout le besoin réel du consommateur et vous
dites: II doit exister un besoin parce qu'on nous le demande. C'est surtout
là-dessus.
M. Bussières: C'est ça.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Je suis bien contente d'entendre M. Bussières
nous dire ça parce que c'est le genre de choses aussi qui sont parfois
utilisées à outrance, je me dis. Ce n'est parce qu'il y a 100
personnes qui vont aller faire leurs courses un samedi après-midi ou un
dimanche à Plattsburgh que la part des supermarchés, que les
revenus financiers des supermarchés vont en souffrir
sérieusement.
Effectivement, la question que M. Richard a posée est pertinente
parce qu'on a devant nous, évidemment, un autre mémoire qu'on
verra la semaine prochaine ou cette semaine même, mais enfin. C'est le
mémoire présenté par Provi-Soir, une compagnie du groupe
Provigo.
M. Bussières: Certainement, madame.
Mme Marois: Alors, disons qu'ils sont quand même assez
nombreux effectivement à être en désaccord avec cette
position. On nous dit que 93 % des détaillants indépendants
seraient en désaccord. Évidemment, ça comprend des
dêtaillants, on s'entend, d'autres bannières...
M. Bussières: Des supermarchés.
Mme Marois:... que chez vous: Provigo, on parle de 88 %,
Métro-Richelieu, de 86 %, Hudon et Deaudelin, de 97 %. Et là,
après ça, on répartit un petit peu. Évidemment, les
gens de la coalition contre l'ouverture ont fait, semble-t-il, une
enquête et arrivent avec des chiffres assez importants de gens qui se
manifestent contre l'ouverture. Vous disiez, au début de votre
présentation: Écoutez, ce n'est pas une bataille
entre les grands et les petits. Il faut essayer de défaire cette
Image qui nous est présentée. Moi, je veux bien vous suivre, M.
Busslères, et je veux bien suivre les représentants de la
nouvelle coalition, du mouvement pour la libéralisation des heures
d'affaires. Mais, quand je regarde la liste des membres de la coalition,
à l'exception peut-être de la Commission-Jeunesse du Parti
libéral et de la Jeune Chambre de commerce de Montréal, tous les
autres m'apparaissent quand même des grandes entreprises à
succursales, multiples. D'ailleurs, c'était assez clair. Si on prend du
côté des quincailliers, le même jour où on a eu les
détaillants propriétaires sous bannière venir nous dire
qu'Us étaient en désaccord, en même temps, on a eu
effectivement les grands du secteur venir nous dire qu'eux étaient
d'accord. Alors, je veux bien que vous me disiez que, non, ce n'est pas les
grands contre les petits, sauf que la liste des grands est plus importante que
ta liste des petits réunis sous un chapeau ou l'autre. O.K. Bon.
Ça, c'est une chose. Une autre chose, vous dites: Les gens ont
changé d'avis parce qu'on évolue... Je vais juste finir avec
ça et après ça, vous pourrez revenir sur ce que je
disais.
M. Bussfères: C'est parce que j'ai seulement une
capacité limitée de retenir vos questions. Alors, c'est pour
ça que j'aurais aimé mieux...
Mme Marois: Bien, écoutez, allez-y sur
celle-là.
M. Bussières: Bien, je voulais savoir si vous aviez lu
aussi un mémoire des supermarchés Provigo indépendants au
Québec. Peut-être que vous avez le mémoire.
Mme Marois: Oui. Il est d'ailleurs à côté de
moi. J'essaie d'être la plus correcte possible et donc de voir...
M. Bussières: D'accord.
Mme Marois: ...où sont toutes les positions.
Effectivement, je l'ai avec moi ce matin. Je l'ai même ressorti.
M. Bussières: Un autre point...
Mme Marois: Les marchands des supermarchés Provigo
favorables à l'ouverture des marchés d'alimentation le
dimanche.
M. Bussières: II y a des choses aussi là-dedans que
vous n'avez pas citées mais que...
Mme Marois: Oui, je l'ai lu. D'ailleurs, je me suis même
mis des papiers et je l'ai annoté.
M. Bussières: Parfait. Je voulais juste revenir. Ici. on
ne demande pas d'ouvrir 168 heures par semaine. On demande d'ouvrir une plage
additionnelle de huit heures le dimanche. Il y a un gros paquet de
dépanneurs présentement qui sont ouverts 168 heures par
semaine...
Mme Marois: C'est vrai.
M. Bussières: ...24 heures par jour, sept jours par
semaine, 365 jours par année.
M. Tremblay (Outremont): Plus la semaine.
Mme Marois: Vous nous demandez jusqu'à 21 heures aussi,
non?
M. Bussières: Bon, on demande jusqu'à 21 heures.
Mais si vous ne voulez pas nous donner le lundi ni le mardi, on va se passer de
ça parce que le consommateur se passe de ça. Il n'y a pas un
consommateur... Il n'y a pas de business qui se fart le lundi, de toute
façon, très peu de business qui se fait le lundi. Alors, on
serait peut-être prêts à laisser tomber le lundi et le
mardi, au pis aller le mercredi, mais le dimanche est essentiel.
Mme Marois: D'accord. Non, je comprends, mais ça ne
répond pas à la question: les gros ou les petits. Je pense que
ça reste là. Je vais revenir sur une chose. Vous nous dites:
Ça s'est beaucoup modifié. Nos gens, parce qu'ils sont conscients
des besoins des consommateurs, sont davantage d'accord avec l'ouverture le
dimanche, hein, et vous parliez d'une proportion de 50 % - est-ce que je me
trompe? - des gens chez vous.
M. Bussières: De 50 %.
Mme Marois: C'est ce que vous avez mentionné?
Évidemment, moi, je vous dirai: Vous savez, quand il y a effectivement
des services qui sont ouverts, c'est bien sûr qu'on les utilise s'ils
sont ouverts le dimanche, d'accord, mais s'ils ne sont pas ouverts, on peut
s'organiser aussi autrement. Alors, qu'est-ce qui vient l'un avant l'autre?
Est-ce que c'est le besoin du consommateur qui a créé l'ouverture
d'un certain nombre de ces commerces ou si ce sont les trous dans la loi? Et
là-dessus, je vous suis à plein. Vous avez raison sur
l'inéquité dans laquelle vous vous trouvez et je partage tout
à fait votre point de vue à cet égard-là. Bon. Mais
si les gens ont changé d'idée, là, je me dis: Est-ce que
ce n'est pas parce qu'il y a un certain nombre de pressions qui se font? (11
heures)
J'ai ici, devant moi, une lettre de Provigo Distribution qui s'adresse
à tous les propriétaires et directeurs ou directrices des
supermarchés Provigo, qui est signée par M. Lessard, et on vous
cite M. Bussières. Elle date de un an et
cinq mois. Exactement, elle date du 28 octobre 1988. On y dit dans le
dernier paragraphe... Enfin, non, je vais vous lire les trois derniers
paragraphes. "La proposition que le gouvernement du Québec semble
vouloir mettre de l'avant pour solutionner la situation actuelle s'apparente
à celle que Provigo et ses partenaires avaient proposée.
Cependant, nous sommes informés que la firme Hudon et Deaudelin, par la
voie de l'agence NRG, tente de contacter des marchands affiliés pour
leur faire prendre position contre Provigo, contre son porte-parole, M.
Bussières, et contre ses partenaires désirant obtenir un meilleur
service à leur clientèle. Il est impérieux que pour -
souligné - aucune circonstance vous n'endossiez cette démarche
faite par la firme NRG puisqu'elle est totalement contraire à l'esprit
d'équipe et à la solidarité - souligné - dont les
marchands affiliés Provigo doivent faire preuve. En plus, il est clair
que cette démarche est à l'encontre de vos propres
intérêts - souligné -. Là, ce n'est pas moi qui l'ai
souligné, c'est souligné dans la lettre. C'est signé par
M. Lessard qui était vice-président exécutif. Ça
s'adresse à tous les propriétaires et directeurs... Bon, je ne
répète pas. Alors, est-ce que cet accord que l'on va chercher
chez des gens qui, maintenant, partagent votre point de vue, on n'est pas un
peu trop incitatif pour l'obtenir?
M. Bussières: Mme Marois, je pense que notre devoir en
tant que distributeurs, c'est d'aider nos affiliés, d'aider nos
associés à passer le mieux possible à travers des crises
économiques qui se produisent dans un cycle de vie et on en a une crise
économique, là, les gens ne peuvent pas ouvrir le dimanche.
Alors, évidemment, notre recommandation était là, oui.
C'est une recommandation qui est, pour le moins, insistante et, aujourd'hui,
j'écrirais encore la même lettre ou M. Lessard écrirait
encore la même lettre. Je pense que c'était notre devoir à
ce moment-là de le dire à nos affiliés et on ferait encore
exactement la même chose aujourd'hui parce qu'on a la
responsabilité envers nos affiliés de nous assurer que leur
croissance économique est saine. Évidemment, on s'assure aussi,
à ce moment-là, que la croissance de Provigo est saine aussi.
Mme Marois: Je comprends très bien votre point de vue et
je pense que, dans un monde où on est en concurrence, c'est normal que
des gestes comme ceux-là se posent. Cependant, vous comprendrez que
c'est difficile quand même pour moi de tirer la conclusion. Alors,
ça, je comprends que vous l'ayez écrit et que vous la
réécririez aujourd'hui. Il n'y a rien d'incorrect dans ça.
Mais qu'ensuite on me dise que 50 % des gens sous bannière ou
affiliés ont changé d'idée, bien, peut-être qu'eux
aussi ont été aidés.
M. Bussières: Oui, définitivement.
Mme Marois: Bon, O. K.
Une voix: Par le consommateur.
M. Bussières: Sûrement. Ils ont été
aidés, d'une part, par les consommateurs et Ils sont aidés aussi
par Provigo.
Mme Marois: Oui.
M. Bussières: Je ne veux pas me cacher, là. Je ne
veux pas me mettre la tête dans le sable, là.
Mme Marois: Non. J'aime bien les choses franches et
claires...
M. Bussières: Oui.
Mme Marois:... comme ça. Je trouve ça correct
aussi.
M. Bussières: Nous, on pense que le premier
intérêt de nos clients, de nos affilies, c'est qu'ils soient
ouverts le dimanche et qu'ils profitent des mêmes avantages, des
mêmes plages commerciales, au moins de la plage commerciale du dimanche.
On pense que c'est leur Intérêt et on va les Inciter de
façon importante à se conduire dans ce sens-là.
Mme Marois: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il vous
reste une minute.
M. Tremblay (Outremont): Avec votre permission, deux
éclaircissements surtout.
Mme Marois: Alors, moi aussi, j'en aurais une autre.
M. Tremblay (Outremont): J'ai fait allusion aux
zones limitrophes tout à l'heure. J'ai mentionné les
Américains, mais, si on regarde l'Ontario, si les commerces
étaient ouverts le dimanche, dans l'alimentation, en Ontario, par
exemple à Ottawa, est-ce que là vous auriez un
problème?
M. Bussières: Oui, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Ça, ça en causerait un.
Bon.
M. Bussières: On aurait un problème
sérieux.
M. Tremblay (Outremont): O. K. Deuxièmement, les zones
touristiques permettent l'ouverture des commerces, dans certaines plages,
sept
jours par semaine, surtout l'alimentation. Est-ce que vous auriez
construit vos supermarchés si vous n'aviez pas eu le droit d'ouvrir le
dimanche dans les zones touristiques?
M. Bussières: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Pareil.
M. Bussières: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Vous êtes certain, là?
M. Bussières: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Pourquoi?
M. Bussières: On les aurait construits parce que,
évidemment, on a aussi d'autres jours de la semaine et on se serait
adaptés à cette demande-là.
M. Tremblay (Outremont): Très bien.
M. Bussières: C'est à cause, évidemment, de
la demande de nos consommateurs qu'on les ouvre le dimanche. D'ailleurs, les
municipalités ont reconnu ça.
M. Tremblay (Outremont): Oui, je comprends ça.
M. Bussières: On les aurait peut-être bâtis un
petit peu moins grands.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Mme Marois: Juste une
autre.
Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en
prie.
Mme Marois: Le ministre va sûrement me permettre une autre
question. Une des craintes qui sont amenées par les gens qui sont en
désaccord avec l'ouverture le dimanche, c'est de dire: Une fois qu'on va
avoir le pied dans la porte, dans l'alimentaire - le risque est là et on
pense que, de toute façon, c'est là qu'on s'en va, je ne dis pas
qu'on est en accord, mais c'est là qu'on s'en va - on va ouvrir pour le
reste, parce que, écoutez - et vous le disiez vous-même - il y a
des gens qui commencent à ouvrir les départements de ci et de
ça. S'il faut se morceler, on se morcellera et puis, de toute
façon, il y a des gens qui vendent ailleurs, dans d'autres types de
surfaces que les vôtres, d'autres types de produits que des produits
alimentaires. Je pense aux pharmacies à grande surface qui vendent du
produit de quincaillerie, etc.
Le raisonnement qui vaut maintenant, qui dit: Ce n'est pas
équitable pour l'alimentation, donc on ouvre pour l'alimentation, est-ce
qu'il ne vaudra pas après, seconde étape, pour d'autres types de
produits? Donc, libéjalisoos tous les. commerces le dimanche.
M. Bussières: Je suis d'accord avec vous, sauf que
ça va se faire sur une période beaucoup plus étendue qu'on
peut le penser. Pourquoi? Parce que l'alimentation est un besoin essentiel. On
a besoin de s'alimenter au moins deux repas par jour, le dimanche. Je n'ai pas
besoin d'avoir une paire de souliers le dimanche, je pourrai peut-être
l'acheter le lundi, le mardi, le jeudi ou à un moment donné. Je
n'ai pas besoin de m'acheter de complet le dimanche nécessairement.
Alors, oui, il y aura un besoin, mais un besoin beaucoup moins primordial qui
va se faire sentir de sotte que, oui, peut-être que, dans dix ans, on
aura une libéralisation complète. Mais ce qu'on demande
aujourd'hui, c'est l'équité au niveau de l'alimentaire et on ne
veut pas, aussi, que notre consommateur revienne en arrière, on ne veut
pas rabrouer notre consommateur. C'est la raison pour laquelle on pense que la
seule solution, la solution la plus équitable possible pour le
consommateur et aussi pour nous, les gens de Provigo, pour ,nos marchands,
c'est l'ouverture des commerces d'alimentation d'abord le dimanche.
Mme Marois: Je mettrais le bémol suivant - j'en mettrais
évidemment sur bien d'autres choses - entre autres, sur le fait que, si
les ventes croissent plus vite dans d'autres secteurs de la consommation que
dans le secteur alimentaire, croissent à un rythme plus
élevé, en tout cas au moins du double - on parle de 3 %, de 3,6
%, je pense - est-ce que les pressions ne seront pas aussi très
importantes du côté d'autres types de marchandises que
l'alimentaire?
M. Bussières: Je pense que oui, sauf qu'on vit un
phénomène, depuis les années soixante-dix, où la
part du revenu disponible qui va à l'alimentation a baissé de
façon dramatique. Peut-être que les gens, en 1970,
dépensaient 25 % de leur revenu disponible; maintenant, c'est
peut-être 15 % du revenu disponible.
Le Président (M. Bélanger): Alors, pour justifier
ma réputation, le temps étant écoulé, si vous
voulez remercier nos invités.
Mme Marois: Oui. Ça me fait plaisir de vous remercier.
Évidemment, vous connaissez le point de vue que je défends au nom
de ma formation politique. J'essaie de creuser quand même avec les gens,
à chaque fois, leur motivation, leurs argumentations, de telle sorte que
la commission soit aussi mieux éclairée quant à sa
décision.
Je vous dirai que c'est vrai qu'il y a des changements qui se font dans
notre société et peut-être que les changements qui se font
vont
davantage vers le fait que l'on se garde un peu plus de temps pour du
loisir, de temps accorde à des relations entre les personnes. Et
justement, le fait que l'on aille au restaurant, ce n'est peut-être pas
nécessairement parce qu'on ne peut pas aller acheter des trucs le
dimanche, mais peut-être parce qu'on souhaite se rencontrer alors que
tout le monde est un petit peu au même niveau pour échanger et pas
pris par les tâches reliées a la préparation des repas. Je
vous remercie de votre participation.
M. Bussières: Merci, Mme Marois.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Juste des petits points:
hypothèse de travail et municipalités. Alors, c'est une
hypothèse de travail, pas une suggestion du ministre, une
hypothèse de travail clairement identifiée dans le document
à l'effet qu'on voulait consulter sur la possibilité de.
Deuxièmement, sur l'effet d'entraînement que la
députée de Taillon mentionne souvent, je pense que, si on veut
avoir une loi applicable, durable et "gérable", à cause de la
créativité des commerçants... On a juste à regarder
un peu ce que Provigo aurait pu" faire, peut-être moins aujourd'hui, au
niveau des catalogues pour distribution aux consommateurs, on regarde les
guichets bancaires, on regarde la créativité de Jean Coutu. Si on
veut avoir une loi durable, il faut peut-être - encore une
hypothèse de travail - évaluer la possibilité que, si on
fait un pas, peut-être de faire un pas total pour être certains
qu'on ne soit pas obligés, dans un an, deux ans ou trois ans, parce que
peut-être que ça ne prendra pas dix ans...
Sur les conventions collectives, ce qui a été
mentionné tout à l'heure, on m'informe et M. Tremblay va
peut-être être d'accord avec ça... On a toute la pile des
conventions collectives en arrière et on nous dit qu'après
vérification, c'est bel et bien vrai qu'il y a un nombre important -
peut-être vos 90 %, on pourra le vérifier - qui ont des ententes
signées. Je ne sais pas, M. Tremblay, vous avez consulté?
Oui?
M. Tremblay (Marcel): Oui
M. Tremblay (Outremont): J'ai demandé la preuve,
mais...
M. Tremblay (Marcel): II y a une possibilité. L'ouverture
n'est pas réglée.
M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'est ça. Ce qu'on a
toujours dit, c'est qu'il y avait une possibilité d'ouverture des
commerces... Je vous remets, et je dépose à la commission ici, je
pense que c'est important, un document économique qui met un peu en
question les données financières que vous nous avez
données tout à l'heure. Je pense qu'en 20 minutes, ce n'est pas
honnête de vous demander de réagir à ça. J'aimerais,
par contre, le déposer. Par exemple, on dit qu'il y a eu une
augmentation de la part de marché de 1988 à 1989. Au lieu
d'être 60,8 %, ça semble être passé à 61,4 %,
pas une grosse, mais une tendance... Et il y a des chiffres qui semblent un peu
contredire... J'aimerais vous le remettre et que vous nous déposiez vos
commentaires sur ce document-là.
Est-ce que vous pouvez nous prouver par écrit et de façon
quantitative les économies de prix? Un petit document qui nous
prouverait ça. Parce que souvent les intervenants viennent, c'est
toujours qualitatif. Même nous, dans le document, on a eu de la
misère parce qu'on a dit 13 %, 15 %. J'aimerais, parce que vous l'avez
mentionné, vous avez donné tous les élémens, que
vous remettiez à cette commission un document économique,
quantitatif, qui va nous démontrer que, oui, il y aurait une
économie de prix.
Alors, M. Bussières et les membres de votre équipe, je
vous remercie beaucoup d'être venus nous faire valoir votre point de
vue.
M. Bussières: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le groupe Provigo Distibution inc., et
invite à la table des témoins le groupe Hudon et Deaudelin, s'il
vous plaît.
M. Bussières: M. le Président, merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, s'il vous
plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place.
À l'ordre s'il vous plaît! S'H vous plaît, je demanderais
qu'il y ait le moins de bruit possible dans la salle, s'il vous plaît!
S'H vous plaît! Je vous remercie de votre collaboration. Alors, nous
recevons présentement le groupe Hudon et Deaudelin. Vous connaissez nos
règles de procédure, sans doute. Vous avez 20 minutes ferme pour
la présentation de votre mémoire et une période
d'échanges avec les parlementaires. Or, je vous prierais donc de vous
identifier, d'identifier votre porte-parole et de procéder à la
présentation de votre mémoire. Une petite précision,
cependant: si vous pouviez, à chaque fois que vous aurez à
intervenir, vous nommer au préalable pour les fins de la transcription
du Journal des débats, ça nous aiderait beaucoup. Je vous
remercie. Si vous voulez procéder. (11 h 15)
Hudon et Deaudelin
M. Hinse (Richard): Pour les fins d'enregistrement, Richard
Hinse. Nous aurons effec-
tivement trois porte-parole, nous avons divisé nos tâches.
À ma gauche, nous avons M. Jean-Marie Gaudreault, qui est
vice-président exécutif de Hudon et Deaudelin Itée. M.
Gaudreault a été impliqué dans les domaines de
l'alimentation et de la pharmacie depuis environ 30 ans. Dans notre
présentation, M. Gaudreault s'occupera effectivement de faire la
présentation de Hudon et Deaudelin, d'exposer la position de Hudon et
Deaudelin sur la loi en question et ensuite de traiter de la question des
exemptions. Au bout, nous avons M. Pierre Sévigny, qui est
vice-président, exploitation et développement de détail.
M. Sévigny a été impliqué dans le domaine de
l'alimentation, tant au détail qu'au gros, depuis environ 28 ans. M.
Sévigny a aussi été un témoin important dans la
cause impliquant l'association de distribution alimentaire du Québec
contre La Ferme Carnaval, sur la question du marché de l'alimentation au
Québec. M. Sévigny traitera de la question du marché
d'alimentation au Québec, du maintien de la fermeture le dimanche et de
l'impact, tant au niveau économique que social, d'une ouverture le
dimanche. Il pariera enfin de la question de la libéralisation.
De ma part, je suis Richard Hinse. Je suis avocat avec l'étude
Lavery, O'Brien à Montréal. Je suis procureur de Hudon et
Deaudelin dans le dossier des heures d'affaires. J'ai aussi
représenté le domaine de l'alimentation, dont l'ADA, dans
plusieurs dossiers cherchant le respect de la loi.
On a parlé tout à l'heure du dossier du Lac-Saint-Jean.
J'ai été procureur dans le dossier, tant de Ferme Carnaval que
Bonanza à Montréal, que le dossier de Marché Baribo
à Trois-Rivières, le Végétarien à Sherbrooke
et Consomat à Aima. J'ai eu l'occasion effectivement de faire face
à tous les problèmes qui se sont posés dans les
dernières années avec la loi en question.
Je m'occupais effectivement d'exposer notre position, entre autres sur
les objectifs de la loi, sur son application et sur la question du pouvoir
décisionnel. Ceci étant dit, je passerai la parole à M.
Gaudreault.
M. Gaudreault (Jean-Marie): Merci. On a changé de
président. Je vais quand même profiter de l'occasion pour
remercier le président de nous fournir l'opportunité de
présenter notre mémoire.
Hudon et Deaudelin, le grossiste Hudon et Deaudelin est le pionnier des
grossistes en alimentation au Québec. Sa fondation remonte à 1873
sous la raison sociale Hudon et Orsali Itée. Aujourd'hui Hudon et
Deaudelin a un chiffre d'affaires au gros de 1 200 000 000 $. Elle emploie 1135
personnes et représente plus de 14 000 emplois au détail par le
biais de ses épiciers affiliés. Nous exploitons quatre centres de
distribution, deux à Montréal-Nord, un à Québec et
un quatrième à Saint-Jérôme.
La clientèle de Hudon et Deaudelin est composée uniquement
d'épiciers indépendants de toute catégorie, du
supermarché au dépanneur. Donc, une clientèle de PME
québécoises qui, dans bien des cas, sont des entreprises
familiales qui ont commencé petites pour grossir progressivement.
Contrairement à ses trois concurrents majeurs, Hudon et Deaudelin n'a
pas de magasins corporatifs, c'est-à-dire des magasins qui lui
appartiennent en propre. Elle ne fait donc pas compétition à ses
affiliés au détail. Toutes nos ressources humaines, physiques et
financières sont investies dans la réussite de nos
épiciers indépendants.
Nous approvisionnons plus de 2000 clients dont 839 sont affiliés
à une de nos six bannières: 189 supermarchés IGA qui
représentent 67 % de notre chiffre d'affaires, 154 épiciers de
quartier, Bonichoix et Boniplus, 294 dépanneurs Bonisoir, 204
dépanneurs de quartier, Élite et Voisin. Les autres clients sont
des membres acheteurs qui, sans exploiter leur commerce sur une de nos
bannières, s'approvisionnent dans nos centres de distribution.
Bien entendu, l'approvisionnement est le service de base que nous
offrons à nos épiciers, mais notre rôle est beaucoup plus
vaste. Nous mettons à leur disposition une gamme complète de
programmes et de services-conseils qui sont conçus avec l'objectif
d'aider nos détaillants à s'ajuster au marché hautement
concurrentiel et à stimuler leur croissance.
Notre priorité est de prévoir et satisfaire les besoins de
nos détaillants qui, eux, sont à l'écoute des
consommateurs. Nos services-conseils englobent toutes les facettes de
l'exploitation d'un magasin d'alimentation, depuis la mise en marché, la
publicité, la construction ou la rénovation de magasins, les
relations du travail, l'implantation des nouvelles technologies, etc.
Au cours de la dernière décennie, la part de marché
de Hudon et Deaudelin est passée de 6 % à 14 %. Le nombre de
points de vente IGA est passé de 94 à 187. IGA a le plus haut
chiffre d'affaires moyen parmi les épiciers indépendants du
Québec. Au Québec, Bonisoir est le plus important regroupement
volontaire de dépanneurs, avec 294 magasins, dont 52 sont jumelés
à des postes d'essence. Il est important de noter qu'un regroupement
volontaire est différent d'une franchise. Bonisoir est composé de
propriétaires indépendants. Ils sont propriétaires de leur
commerce, c'est à la fois leur avoir et leur gagne-pain.
Dans le dossier des heures d'affaires, Hudon et Deaudelin est et a
toujours été solidaire de la position de ses épiciers
indépendants affiliés et de leurs employés qui sont
massivement contre l'ouverture des commerces le dimanche. Reconnaissant que les
besoins des consommateurs et leurs habitudes de consommation ont changé
dans les dernières années, pour répondre à la
demande de ces derniers, Hudon et Deaudelin serait favorable à une
libéralisation des heures d'ouver-
ture le mercredi soir jusqu'à 21 heures, et si les heures
devaient être prolongées davantage, sans permettre l'ouverture le
dimanche, alors les lundis et mardis soir jusqu'à 19 heures.
M. Sevigny (Pierre): Le Québec a connu, au cours de la
dernière décennie, des changements sociodémographiques
très importants. Le vieillissement de la population, la progression du
taux des femmes sur le marché du travail et du nombre de familles
monoparentales sont quelques-uns des facteurs qui ont eu pour effet de ralentir
la croissance des ventes au détail. Actuellement, tout le monde de
l'alimentation est d'accord sur a;- moins un point: le marché de
l'alimentation est un marché qui est saturé, un marché
avec une progression presque nulle. Une caractéristique très
importante distingue le marché québécois de
l'alimentation, les détaillants indépendants, au Québec,
représentent 70 % des parts de marché au détail. Il ne
reste que 30 % pour les chaînes corporatives. La moyenne des autres
provinces au Canada n'est pas très difficile à retenir: c'est
tout à fait l'opposé, c'est-à-dire 70 % pour les
chaînes corporatives et 30 % pour les indépendants. La position de
Hudon et Deaudelin est très claire et l'a été depuis le
début, soit le maintien de la fermeture des commerces le dimanche.
Vous vous êtes sûrement posé la question: Pourquoi
Hudon et Deaudelin veut-elle maintenir la fermeture alors que nos
compétiteurs, soit Provigo, Steinberg et Métro-Richelieu, veulent
la libéralisation? La réponse est la suivante. Hudon et Deaudelin
a une seule vocation, celle d'être grossiste et de laisser à ses
marchands propriétaires indépendants les profits du
détail, alors que les autres grands de l'alimentation possèdent
des chaînes de supersurfaces qu'ils désirent rentabiliser.
L'ouverture des grandes surfaces le dimanche aura un effet très
simple et très logique, c'est-à-dire un déplacement des
ventes des petites aux grandes surfaces. La question qu'on doit se poser est:
Combien de nos PME vont réussir à survivre et durant combien de
temps dans un marché qui est très mature? À notre avis,
advenant une libéralisation des heures d'affaires, un nombre très
important d'entre eux devront fermer les portes. Les grossistes en alimentation
- je dis bien les grossistes - n'ont aucun intérêt, à titre
de grossistes, à voir disparaître les petits détaillants.
Les quatre grands de l'alimentation détiennent plus de 90 % du
marché, au niveau de grossiste, mais l'intérêt
réside à s'approprier les profits de la vente au détail
qui appartiennent présentement, comme je l'ai mentionné
précédemment, à 70 % des PME du Québec.
Il est certain que, si le gouvernement permet aux magasins
d'alimentation d'ouvrir leurs portes le dimanche, un effet d'entraînement
sur tous les autres types de commerce serait Iné- vitable à
très court terme. Ceci signifie qu'ap-proximativement 15 % de la
population active aurait à travailler les samedis et les dimanches, si
l'on considère les services connexes que cette situation engendrerait,
tels les garderies, les services de transport, la sécurité et
autres. La vie familiale et la qualité de vie des travailleurs et
travailleuses ainsi que celles des propriétaires travaillant dans le
commerce au détail seraient sérieusement affectées. Nous
ne croyons pas, par exemple, que les commissions scolaires soient prêtes
à planifier des classes en fin de semaine pour permettre aux enfants des
parents qui travaillent dans des commerces au détail de voir leurs
parents deux jours dans le courant de la semaine.
La libéralisation des heures d'ouverture le dimanche aura un
effet négatif sur le nombre d'heures de travail, au niveau de l'emploi.
Il existe, dans l'industrie alimentaire, une unité de mesure pour
l'efficacité, pour l'utilisation de la main-d'oeuvre. Celle-ci se nomme,
pour ceux qui connaissent l'alimentation, des ventes par homme-heure. Dans les
supermarchés, la norme des ventes par homme-heure est de 120 $. Dans les
dépanneurs, elle est de 60 $. C'est-à-dire que, pour vendre des
denrées pour 120 $, le supermarché emploie une heure de travail,
alors que le dépanneur en emploie deux. Conséquem-ment, il y aura
une réduction des emplois qui sera proportionnelle aux ventes
déplacées des petites aux grandes surfaces.
Plusieurs études auprès des consommateurs ont
confirmé que les opinions sont très partagées. Ces
résultats doivent être interprétés tout en
considérant que les répondants ne sont pas toujours très
informés sur les conséquences économiques et sociales d'un
tel changement. Un changement socio-économique demande
définitivement un élargissement des heures d'affaires. La
recommandation de Hudon et Deaudelin est l'ouverture des magasins le mercredi
soir jusqu'à 21 heures et, si nécessaire, les lundis et mardis
jusqu'à 19 heures. Le sondage de La Presse, en annexe VII de
notre mémoire, démontre que les Québécois
préféreraient le mercredi soir au dimanche.
Le deuxième sujet qui fait consensus sur ce dossier est
l'équité entre les commerçants. À moins d'avoir une
libéralisation totale, c'est-à-dire 24 heures sur 24, on se doit
d'avoir une réglementation, et nos recommandations sont les suivantes.
Je laisse la parole à M. Gaudreault pour nous donner les
recommandations.
M. Gaudreault: En ce qui concerne les exemptions, si on parle des
dépanneurs, contrairement à ce que plusieurs prétendent,
la règle de trois n'a jamais causé beaucoup de problèmes,
si ce n'est que l'application de la loi n'a pas toujours été
faite. Je me souviens, en 1988, lorsque nous avons présenté notre
mémoire devant le comité Richard, j'avais posé la
question
à un des fonctionnaires, M. Plante, à savoir
jusqu'à quel point l'application de la règle de trois
était observée, et il avait dit qu'elle était
observée jusqu'à 95 %. Je pense qu'on est capables de
régler le... S'il y a une volonté claire de faire respecter la
loi et de l'appliquer à tout le monde, les problèmes seront
éliminés. Que la règle soit de 4 ou de 5, ou de 2000 ou
3000 pieds carrés, la situation demeurera inchangée si on n'a pas
la volonté de faire appliquer la loi.
En ce qui concerne les marchés publics, nous avons de la
difficulté à comprendre pourquoi un marché public ouvert
avant le 12 janvier 1985 serait exempté, alors qu'un autre ouvert
après ne le serait pas. Les établissements se trouvant dans un
marché public devraient pouvoir ouvrir le dimanche, en autant qu'ils
respectent la règle de trois.
En ce qui concerne les clubs avec cartes de membres, il est difficile de
croire que l'on puisse permettre à des commerces, dont, entre autres,
Club Price, sous prétexte de vente en gros, de contourner la loi par
l'élaboration de stratagèmes.
Pour ce qui est des zones touristiques, on croit qu'il n'est pas
nécessaire d'avoir des exemptions, en ce sens que les magasins pouvant
ouvrir légalement le dimanche, dans ces zones, peuvent satisfaire aux
besoins. Cependant, s'il devait y avoir exemption, il devrait s'agir de zones
touristiques et non pas de zones de villégiature.
En ce qui concerne les boulangeries, les charcuteries et les
confiseries, celles-ci devraient également être assujetties
à la règle de trois. Les fruiteries sont devenues des
épiceries parce que la loi n'a pas été appliquée.
Il n'y a pas de raison pour qu'un statut particulier soit accordé aux
fruiteries. Elles devraient également être assujetties à la
règle de trois.
En ce qui concerne les pharmacies, celles désirant offrir en
vente non seulement les produits traditionnellement vendus en pharmacie, mais
aussi les denrées alimentaires vendues dans les commerces
d'alimentation, devraient respecter les mêmes jours et heures
d'ouverture. La pharmacie traditionnelle, quant à nous, devrait pouvoir
ouvrir en tout temps. Les pharmacies voulant avoir une vocation de
supermarché ou de magasin à rayons devraient respecter les
mêmes règles que ces derniers.
(11 h30)
M. Hinse: Sur la question des objectifs de la loi qu'on devait
vous présenter un peu plus tôt, mais Pierre en a changé un
peu l'ordre, dans les différentes contestations et interventions dans le
domaine de l'alimentation concernant la loi sur les heures d'ouverture, toutes
sortes de questions ont été soulevées, tant des questions
de charte que des questions d'application de la loi et des questions de
discrimination, et elles sont encore soulevées lorsqu'on tient compte,
effectivement, des différentes interventions.
Dépendant du résultat recherché, on retrouve
plusieurs interventions qui semblent se limiter à défendre
l'objectif principal qui est le jour unique de repos, sans parler des autres
considérations. A l'autre extrême, on trouve ceux qui,
effectivement, exigent une libéralisation totale et une concurrence sans
limite.
Or, on doit se souvenir que, dans la mise en oeuvre de l'objectif, qui
était le jour commun de repos, on avait tenté de maintenir un
équilibre entre les intérêts des consommateurs, des
commerçants et des employés, et ce, en tenant compte des diverses
considérations tant économiques que sociales. Donc, au lieu,
effectivement, d'y aller par extrême, il faut à un moment
donné se demander vraiment ce qu'on avait fait dans le temps, ce qu'on
veut faire aujourd'hui et ce qu'on voudra faire demain.
Nous ne sommes pas ici pour plaider une cause basée sur la
jurisprudence. Il demeure cependant que les tribunaux du Québec ont eu
à analyser la loi et ses objectifs dans le contexte du marché de
l'alimentation au Québec. Dans le rapport qui nous a été
soumis, on a vu effectivement qu'il y avait des références
à de nombreuses décisions qui avaient été rendues
sur des lois semblables au Canada. À notre étonnement, on a
constaté qu'aucune référence n'était faite entre
autres à une cause. Quand je dis des décisions qui avaient
été rendues dans les autres provinces, on a constaté
qu'aucune mention à la cause de Ferme Carnaval et de l'ADA n'avait
été faite, alors qu'en réalité, s'il y avait une
cause qu'il fallait effectivement regarder, c'était celle-là,
parce que celle-là, non seulement avait traité de la loi sur les
heures d'ouverture, mais elle en avait traité dans le contexte du
marché d'alimentation au Québec. Tout avait été
soulevé, dans cette cause-là, tout était contesté,
tant l'objectif que les exemptions.
Le juge Gonthier, qui est maintenant à la Cour suprême du
Canada, s'était penché sur la raison d'être de la loi, son
objectif et ses exemptions. Je ne pourrais pas faire mieux que de relater
certaines constatations faites par le juge Gonthier. Les passages que je vais
vous citer, on les retrouve effectivement dans le mémoire que nous avons
présenté, Hudon et Deaudelin, mais j'aimerais en lire deux.
Le premier passage, effectivement, est à la page 5 de notre
mémoire, où le juge Gonthier disait ce qui suit. Il dit: "En
l'occurence, on doit considérer, d'une part, l'objectif de la loi, soit
l'établissement d'un jour de repos unique et ceci de façon en
particulier à assurer la rentabilité des commerces et une
concurrence équilibrée entre les petits et les gros
commerçants, tout en maintenant un service approprié au
consommateur - je suis à la page 5 du mémoire - objectif dont le
caractère raisonnable est bien reconnu et fait depuis très
longtemps l'objet de législation au Canada et dans les autres pays
démocratiques et aussi dans de nombreuses autres
sociétés." Et,
encore plus important, il ajoute: "Dans la réalisation de cet
objectif, la loi tente de concilier, en vue d'un juste équilibre, les
différents intérêts en jeu, soit ceux des consommateurs,
des exploitants d'entreprises et des employés, ceci dans le contexte
particulier au Québec du commerce de l'alimentation au détail,
dont plus des deux tiers sont exploités par des commerçants
indépendants ou sous franchise."
Et là, il fart une étude de tout: il tient compte des
contestations à tous les niveaux, etc., pour conclure ce qu'il pense
vraiment que cette loi-là voulait régler, et je cite le passage
que nous retrouvons ensuite à la page 10 de notre mémoire,
où il dit: "S'agissant de réconcilier plusieurs objectifs
légitimes, il ne peut être question de les réalu>v,r ou
de les respecter tous de façon absolue, mais plutôt de les
concilier, ce qui implique une réalisation partielle de chacun, une
solution qui ne peut être parfaite, mais que l'on veut
équilibrée et équitable. Dans un tel contexte, il y a
matière à appréciation - c'est sûr au niveau des
exemptions - on ne peut démontrer qu'il n'existe qu'une seule solution
acceptable ou qui puisse être acceptée. Ainsi en va-t-il dans la
nature des choses. Un tel état des choses ne dort pas être une
excuse de ne pas agir pour répondre à ces divers besoins de la
société, encore moins emporte-t-il une obligation de ne pas agir
en raison de la charte."
Il n'y en a pas, de solution parfaite. La position de Hudon, qui a
toujours été la même et qui l'est encore aujourd'hui, est
à l'effet que si, effectivement, les objectifs qui ont voulu être
couverts par la loi en question... S'il est toujours de l'intention du
gouvernement de préserver ces mêmes objectifs et plus
particulièrement l'équilibre qui était recherche entre le
gros et le petit commerçant, et aussi une certaine qualité de
vie, la solution, selon Hudon et Deaudelin, est de maintenir la non-ouverture
des commerces d'alimentation le dimanche.
Sur l'application de la loi, le comité Richard s'était
penché, entre autres, sur la question: Est-ce qu'il y a volonté
d'appliquer la loi? Je pourrais vous en parler pendant des heures. On se
retrouvait seuls, avec l'arrivée du Procureur général
à la dernière seconde. S'il y a volonté, on peut faire
respecter la loi. Et en fin de compte, sur la question du pouvoir
décisionnel, à cause de son importance, la position de Hudon est
qu'il n'est pas question que ça soit transféré aux
municipalités. Merci.
Le Président (M. Richard): Merci, Me Hinse. Je me
permettrais de faire un commentaire humoristique: Vous avez le nom pour
défendre le milieu de l'alimentation. M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Hinse: Je suis la 58e variété.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, messieurs.
J'adresse mes questions au groupe, alors la personne la mieux placée
pourra répondre. Au début, je vous remercie de votre
présentation, puis je dois vous dire que je cherche une solution
durable, Me Hinse. Espérons que je vais réussir, même
après le commentaire que vous venez de faire. Ce que j'entends, c'est
que vous, dans le fond, Hudon et Deaudelin, 80 % de vos détaillants sont
des petits commerçants, donc vous voulez défendre les petits
commerçants; c'est votre intérêt économique de faire
ça, donc vous êtes contre l'ouverture des commerces le
dimanche.
M. Sévigny: Non, M. le ministre. Notre position, c'est
qu'on a 67 % de nos marchands qui sont des supermarchés IGA...
M. Tremblay (Outremont): Non, ce n'est pas ça qu'on a dit
tout à l'heure. On a dit que 67 % du volume d'affaires...
M. Gaudreautt: Était fait par les supermarchés
IGA.
M. Tremblay (Outremont): Ah oui! Non, mais moi, je ne parle pas
de la même chose.
M. Gaudreautt: Vous parlez de quoi?
M. Tremblay (Outremont): On va revenir à ça, les 67
%.
M. Gaudreau»: O.K.
M. Tremblay (Outremont): En nombre, on dit que 80 % de vos
détaillants - en nombre, pas en volume - sont...
M. Gaudreautt: Ah! oui. O.K.
M. Tremblay (Outremont): Oui?
M. Gaudreautt: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Donc, votre intérêt, c'est
de défendre le petit Politiquement, je me mets à votre place,
puis votre intérêt, c'est de dire: On n'ouvre pas le dimanche,
parce que 80 %, en nombre, de mes détaillants sont favorables à
la fermeture le dimanche.
M. Sévigny: Oui, mais 80 % de notre volume est fait dans
des supermarchés, des magasins qui ne peuvent pas ouvrir le
dimanche.
M. Tremblay (Outremont): Non, non. Ce n'est pas mauvais, ce que
je dis, mais je veux juste au moins clarifier ça, parce qu'on entend
ça. Je veux être bien certain qu'on s'entend sur les
prémisses. Vous, votre intérêt, vu que 80 % en nombre - je
vais revenir au volume - de
votre clientèle est pour la fermeture le dimanche, donc,
politiquement, en tant qu'organisation, c'est normal que vous protégiez
ces membres-là. Mais là je retiens ce que vous avez
mentionné tout à l'heure, que 67 % de vos ventes - là, on
parle de volume - sont au niveau des supermarchés. Une question au
niveau économique. Vous avez fait une affirmation, puis j'espère
que les gens de Steinberg vont reprendre ça tout à l'heure, puis
corrigez-moi si je l'interprète mai. Vous avez dit que
l'intérêt des chaînes corporatives, c'est-à-dire
Provigo, pour être plus précis, et Steinberg pour le moment, c'est
de s'approprier une part de plus en plus importante des profits des petits
détaillants.
M. Sévigny: Au détail.
M. Tremblay (Outremont): Le profit au détail. Bon. O.K. Je
note, là. Je veux être bien certain que c'est ça que vous
avez dit.
M. Sévigny: Le profit au détail.
M. Tremblay (Outremont): Bon. Est-ce que vous vendez, vous, en
tant que grossiste, au môme prix à vos petits commerçants
qu'à vos grandes surfaces? Est-ce que votre marge de profit est la
même? En d'autres mots, la pomme de salade que vous vendez au
supermarché puis celle que vous vendez au dépanneur, est-ce que
vous vendez ça au même prix? Je ne parle pas du détaillant,
je parle de vous en tant que grossiste. Je veux voir où est votre
intérêt économique.
M. Sévigny: C'est une structure de prix qui est similaire;
il demeure toutefois qu'il y a des frais d'administration qui varient,
dépendant du volume du magasin. Et ça s'applique à toutes
les bannières.
M. Tremblay (Outremont): Je vais essayer... Je ne veux pas
être technique. Est-ce que vous avez une contribution plus importante
pour couvrir vos frais fixes d'opération, proportionnellement, des
petits commerçants dépanneurs que des grandes surfaces?
M. Sévigny: Non. Notre contribution la plus importante est
des grandes surfaces.
M. Tremblay (Outremont): Donc, si vous vendez sensiblement -
parce que j'arrive à faire l'équation - au même prix
à la grande surface qu'aux détaillants, l'intérêt
pour vos détaillants, c'est d'opérer des petits commerces parce
que, premièrement, c'est ouvert le dimanche et, deuxièmement, si
on se fie aux statistiques qui nous ont été données par
d'autres, parce que c'est 15 % plus cher au niveau des petits
commerçants, des dépanneurs.
M. Sévigny: Nos dépanneurs, nos magasins et nos
propriétaires de marchés de quartier rêvent tous d'avoir
des grandes surfaces, M. le ministre. Les grandes surfaces sont beaucoup plus
payantes au détail que les petites surfaces en termes de
rentabilité au détail.
M. Tremblay (Outremont): Je comprends. Vous avez fait allusion
aux zones touristiques tout à l'heure. Si on appliquait... Parce que Me
Hinse parte de l'équité, et je pense que vous avez raison,
l'équité de la loi, c'est important, éliminer les
exceptions. Dans les zones touristiques, les vraies - on oublie les zones de
villégiature - Sainte-Adèle, par exemple, je pense qu'on va
s'entendre que c'est une zone touristique, le dimanche, est-ce que vous seriez
d'accord de fermer votre IGA, en autant que les autres soient
fermés...
M. Sévigny: Définitivement, en autant que les
autres soient fermés.
M. Tremblay (Outremont): ...et que les trois employés ou
moins soient ouverts?
M. Sévigny: On considère qu'il y a suffisamment de
dépanneurs structurés dans ces régions-là pour
faire face aux besoins des consommateurs.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Est-ce que votre
détaillant, propriétaire de ce IGA-là, serait
d'accord?
M. Sévigny: II est d'accord.
M. Tremblay (Outremont): II est d'accord. Bon. Là, je vais
revenir à... J'ai deux autres petits points. L'autre, la
stratégie de développement corporatif de Hudon et Deaudelin. J'ai
entendu Me Hinse nous citer le jugement de Me Gonthier. Est-ce que je peux
interpréter l'importance que vous attachez à ce
jugement-là pour dire ceci: Si, le dimanche, c'est fermé pour
permettre un meilleur équilibre entre les petits et les gros ou les
chaînes corporatives versus les indépendants, vous avez pris
ça en considération dans votre stratégie de
développement corporatif? Vais-je trop loin, là?
Une voix: Répétez-la donc. J'en ai compris une
partie.
M. Tremblay (Outremont): Bon. Un commerçant veut
connaître les règles du jeu, parce qu'il investit à moyen
et à long terme. Donc, si vous sentez le besoin, Me Hinse, de lire le
jugement du juge Gonthier qui dit clairement: Une journée de repos,
c'était l'objectif de la loi, fermeture le dimanche, équilibre
entre les petits détaillants et les grandes surfaces... Est-ce que vous
avez pris ça en considération
lorsque vous avez établi votre stratégie de
développement corporatif où vous semblez plus
équilibrés que les autres?
M. Hinse: Juste avant que Pierre ne réponde, il y a une
prémisse à ce que vous dites. C'est qu'il ne faut jamais perdre
de vue que le marché d'alimentation au détail, et surtout dans le
contexte du jugement de Gonthier, au Québec est un marché
mature.
M. Tremblay (Outremont): Oui, ça, c'est clair.
M. Hinse: Jt, en partant du fait qu'on est dans un marché
mature et en partant du fait qu'on accepte une autre prémisse, sort
qu'il doit y avoir une certaine protection vis-à-vis le petit et le
gros, à ce moment-là, il n'y a pas trop de solution. Là,
sur le plan marketing, je vais laisser Pierre Sévigny répondre,
mais, d'après moi, il n'y a pas beaucoup de planification que vous
pouvez faire de ce côté-là.
M. Tremblay (Outremont): Je vais peut-être trop loin.
J'admets que je vais peut-être trop loin.
M. Hinse: Non.
M. Tremblay (Outremont): C'est parce que vous l'avez cité
clairement et je vais essayer de faire un lien avec ce que vous me lisez, un
jugement, et votre stratégie corporative.
M. Sévigny: Si vous me le permettez, M. le ministre, je
peux peut-être élaborer un peu sur... J'espère que je vais
viser juste. Ma réponse va viser votre question. Il n'y a pas de doute
que Hudon et Deaudelin, il y a quelques années, a pris une
décision avec l'avènement des grandes et supersurfaces. Est-ce
que la route de Hudon et Deaudelin est de se lancer dans des supersurfaces? On
a regardé tout le contexte sociodémo-graphique, on a
regardé les besoins des consommateurs et on a regardé
réellement ta vocation et surtout les éléments distincts
qu'on vit au Québec en termes de besoins, en termes de comportement de
la clientèle. On a réalisé qu'il n'y a pas de doute que
les grandes surfaces rencontrent une part de marché qui... Il y a
certains consommateurs, mais, ce n'est pas tous les consommateurs. Il y a des
consommateurs qui désirent, avec une structure de prix convenables,
avoir des services personnalisés, mais à partir de
supermarchés. Ce qui fait que notre vocation a été plus
d'élaborer, comme vous avez vu dans notre croissance au cours des dix
dernières années, des marchés plus conventionnels mais qui
sont à la proximité des gens et dans lesquels il y a des services
personnalisés et une structure de prix qui est très
compétitive. (11 h 45)
M. Tremblay (Outremont): De façon moins philosophique et
plus précise, vous n'avez pas de Super Carnaval, vous n'avez pas
d'Héritage, vous n'avez pas de Club Price.
Une voix: Non.
M. Sévigny: Puis on a des bons états
financiers.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Bon, ma dernière question. Je ne
sais pas si j'ai pris mon temps, mais il me reste une petite...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le
ministre, rapidement.
M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question. S'il n'y a
pas d'ouverture le dimanche, vous dites: Oui, peut-être que les besoins
réels des consommateurs sont là. Donc, une des
possibilités c'est d'ouvrir jusqu'à 21 heures le mercredi. Et
vous soulevez la possibilité qui a déjà été
mentionnée ici d'ouvrir jusqu'à 19 heures le lundi et le mardi.
Est-ce que, d'après vous, il y a un besoin des consommateurs pour ouvrir
le lundi et le mardi jusqu'à 19 heures?
M. Sévigny: On ne croit pas. Mais il demeure quand
même que plusieurs études des consommateurs disent que le soir,
lorsque les gens reviennent du travail - il y a plusieurs femmes qui sont au
travail et le couple est au travail - ils vont être obligés de
"rusher* pour aller magasiner à 18 heures. C'est réellement dans
le but de répondre aux besoins réels des consommateurs qu'on a
fait cette proposition, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais est-ce que vous y croyez?
M. Sévigny: Oui, on y croit.
M. Tremblay (Outremont): C'est parce que j'ai compris: On n'y
croit pas, mais...
M. Gaudreault: On préférerait le mercredi soir
jusqu'à 21 heures parce qu'on sait très bien que le lundi soir et
le mardi soir jusqu'à 19 heures, ça va affecter les ventes des
dépanneurs, des petits magasins. Pour revenir à - c'est un point
très important - une statistique que M. Bussières vous a
donnée tout à l'heure, il a mentionné que les
dépanneurs, le dimanche, perdraient 20 % de leur volume, qu'ils seraient
affectés de 4 %. Je pense qu'a a dit ça - c'est une affirmation
gratuite - sans aucun "back-up", sans aucun sondage.
J'ai ici un sondage qui a été fait par la firme Processus
Marketing, hiver 1989. Ça, c'est
une firme de sondages qui fait des sondages pour les grandes
chaînes de dépanneurs. Bonisoir, Chez Nous, Provi-Soir, Perrette
achètent ces informations sur le comportement des consommateurs par
rapport aux dépanneurs. Et on a fait un sondage qui dit ceci. C'est un
sondage qui a été fait au téléphone. Les
résultats analysés dans ce rapport ont été
recueillis par entrevues téléphoniques, du 1er décembre
1988 au 5 mars 1989, auprès d'un échantillon aléatoire de
1226 consommateurs adultes québécois. Afin de mesurer le niveau
de vulnérabilité des dépanneurs à une ouverture
possible des supermarchés le dimanche, nous avons demandé quel
serait le choix des consommateurs si les deux types de magasins étaient
ouverts simultanément. 60 % feraient leurs achats aux
supermarchés. Bonisoir, Perrette et Provi-Soir perdraient entre 65 % et
70 % de leurs clients du dimanche. La Maisonnée, vraisemblablement
à cause de sa variété de produits, est la chaîne la
plus vulnérable. Elle perdrait 75 % de sa clientèle du
dimanche.
Alors, on est loin du 20 % ou du 4 %. Là, on parle possiblement
de 65 % à 70 %, de 20 % des ventes. On parle de 15 %. Si on ajoute le
lundi soir et le mardi soir, on parle peut-être d'un autre 10 %, ce qui
veut dire que les dépanneurs, en bout de ligne, seraient probablement
affectés de 25 % de leurs ventes.
M. Tremblay (Outremont): Toujours sur notre temps...
M. Gaudreaurt: C'est disponible cène
étude-là.
Le Président (M. Bélanger): Oui, rapidement, M. le
ministre.
Mme Marois: Ce serait intéressant qu'on puisse l'avoir
peut-être à la commission.
M. Gaudreaurt: On va vous le faire parvenir.
M. Tremblay (Outremont): L'économique... Parce qu'il y a
quelque chose que je ne peux pas laisser passer, et vous aviez peut-être
raison quand vous avez mentionné que vous avez des bons états
financiers en faisant allusion qu'il y en a d'autres qui en ont des moins bons.
En fait, la députée de Taillon mentionne ça souvent aussi
et elle n'est pas la seule, il y a d'autres intervenants qui disent que la
seul» façon.. J'exagère, là, j'exagère
volontairement pour avoir une réponse précise. Est-ce que la
seule façon d'assurer la survie des gros, plus précisément
Provigo et Steinberg, c'est d'aller chercher plus d'argent au niveau des petits
détaillants à cause de leur structure et leur plan de
développement corporatif?
M. Sévigny: Nul doute, M. le ministre.
M. Gaudreault: Ils ont des grandes surfaces à rentabiliser
qui fonctionnent à peut-être 60 % de leur capacité; ils
sont capables de prendre du volume et, étant dans un marché
mature, la seule façon de prendre du volume, c'est d'aller l'enlever
à un compétiteur.
Une voix: C'est très osé.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que ça se peut - je vais
aller plus loin - et ça expliquerait pourquoi les gens de Steinberg sont
intéressés à la privatisation, pour justement créer
le contexte du petit gestionnaire impliqué dans son commerce? Oui?
M. Sévigny: Non, je ne pense pas...
M. Tremblay (Outremont): Non? Ça n'a rien à faire
avec ça.
M. Sévigny: ...que ceci ait un rapport avec les heures
d'affaires, non.
M. Tremblay (Outremont): Ça n'a rien à faire avec
ça?
M. Sévigny: Non, pas à notre avis.
M. Tremblay (Outremont): O.K.
M. Sévigny: Pas à notre avis.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis contente qu'on
soit revenu sur ça parce que je trouve toujours ça un peu
inquiétant quand on garroche des chiffres comme on le fait depuis
quelques jours, sans qu'il n'y ait d'assises un peu solides pour dire, si on
affirme qu'on perd des emplois, si on affirme qu'on va chercher une part de
marché, on a quelque part les moyens de le prouver. Et, d'ailleurs, le
ministre a été bien gentil tout à l'heure. Je ne sais pas
si c'est parce qu'il ne voulait pas prendre les questions les unes après
les autres, mais effectivement, dans le document qui a été
présenté par son ministère et qu'il nous a
déposé sur les affirmations de Provigo qui nous ont
été faites tout à l'heure, c'est exactement les questions
que j'ai posées à Provigo. Évidemment, le ministère
est mieux instrumonté- quo moi pour répondre parco que,
évidemment, toute seule . faire ma recherche, c'est un peu
compliqué des fois, mais au moins j'arrive aux mêmes conclusions.
Alors, on doit être pas trop pire.
Cela dit, vous avez de bons recherchistes, à votre
ministère. Je veux faire un autre commentaire. C'est parce qu'on a l'air
de minimiser le fait qu'on se bat pour des parts de marché d'à
peine 2 % et 3 %. L'une des affirmations de la
nouvelle coalition qui est née au début de la semaine,
c'est qu'on dit: Écoutez, c'est juste 2 % ou 3 %, mais 2 % ou 3 %, c'est
là qu'est tout le débat finalement, parce qu'on sait ce que
ça peut signifier et ça, ce n'est pas moi non plus qui le dis, ce
sont les professeurs des HEC qui ont fait cette analyse-là devant nous
en nous disant: C'est sûr qu'actuellement, la bataille, c'est pour des 2
% ou 3 % du marché et c'est énorme quand on sait que le
marché ne croît en termes réels que de 1,6 % par
année.
Maintenant que j'ai fait ce point-là, j'aimerais ça que
vous... D'abord, j'aime beaucoup cette approche sur cet équilibre
à trouver entre les trois groupe, concernés: les consommateurs,
les entreprises et i«s différents groupes concernés par la
question. J'aime cette approche, cet équilibre et c'est un peu choquant
des fois évidemment, quand on est en commission, parce qu'on est
obligés d'exagérer compte tenu que les positions vont dans un
extrême ou dans l'autre. La vôtre, dans ce sens-là, apporte
un éclairage neuf. Ça, c'est intéressant.
M. Hinse a dit dans sa présentation tout à l'heure: Je
pourrais vous raconter une série d'événements vous disant
que, si la loi était réellement appliquée, on ne se
trouverait pas dans la situation où on se trouve maintenant et, d'autre
part, s'il y avait une loi qui prônait une fermeture plus grande des
commerces le dimanche, il est possible qu'elle s'applique parce que... Et
là, moi, je n'exagère pas, le ministre dit souvent ça ici
à la commission, il apparaît difficile a cause de l'imagination de
nos gens - bravo, c'est vrai, on en a de l'imagination - de penser une loi qui
sera étanche et surtout applicable. Et c'est souvent l'argumentation qui
nous est présentée ici Partait, on trouve votre point de vue
intéressant, mais comment voulez-vous qu'on applique ça? Alors
j'aimerais que vous me parliez de la façon dont on pourrait l'appliquer,
des expériences que, comme procureur, vous avez vécues ou
vous-mêmes, comme membres de l'entreprise, avez, et qui permettraient
d'éclairer un peu la commission à cet égard-là.
M. Hinse: Je pense que la première chose sur ce
point-là, c'est qu'il doit y avoir une volonté de la part du
gouvernement d'appliquer sa loi, surtout qu'il s'agit d'une loi du
gouvernement. Si on regarde le dossier des heures d'affaires dans les
dernières années, le gouvernement n'a pas, effectivement,
bougé pour faire respecter la loi. Et quand je dis "n'a pas
bougé" je parle par le processus de prendre des injonctions pour fermer
les commerces qui agissaient illégalement.
La question de la division des magasins, la question des cartes de
membre. Il n'y a personne qui va me faire accroire que, si, effectivement, il y
avait vraiment volonté de la part du gouvernement, on ne pourrait pas
rédiger une loi de telle sorte que les gens ne pourraient pas la
contourner, effectivement, à cause de sa rédaction.
Les exemptions. Si, effectivement, il y en avait une, en principe... La
question des pharmacies, c'est un problème à part. S'il y a une
exemption, dans le domaine alimentaire, qui couvre effectivement la
règle de trois... M. Gaudreault a expliqué tout à l'heure
que la règle de trois s'appliquerait aux dépanneurs, aux
pâtisseries, aux charcuteries, aux boulangeries, aux fruiteries. Une
question se pose. Comment se fait-il que, dans les dernières
années, on n'ait pas, effectivement, fermé les fruiteries? Moi,
j'ai pris une injonction, pour le domaine de l'alimentation, à
Sherbrooke, dans le cas du Végétarien. Ça faisait
plusieurs années. J'ai été impliqué aussi dans le
dossier de Consomat où, en fin de compte, à cause d'interventions
de dernière minute de la part du Procureur général, le
résultat arrivait qu'on se faisait suspendre notre injonction devant la
Cour supérieure et la Cour d'appel. C'est le monde à
l'envers.
Encore pire que ça, on arrive en commission parlementaire et,
parce qu'effectivement les gens on pu agir dans l'illégalité
pendant X période de temps et que, parce que, effectivement,
peut-être que les gens disent que le consommateur a pu aimer ça,
que ça fait peut-être partie de nos moeurs, soudainement, II faut
donner une bénédiction aux fruiteries. À ce moment
là, il y en a une règle, c'est la règle pour tout le
monde, toujours dans le contexte de l'équilibre entre le gros et le
petit. C'est la règle de trois, avec une volonté claire de la
part du gouvernement. À ce moment-là, d'après moi, tous
les problèmes, sur le plan légal, seraient réglés
pour l'avenir. Mais il faut que la volonté soit là.
M. Tremblay (Outremont): Avec la permission de
l'Opposition...
Mme Marois: Certainement.
M. Tremblay (Outremont): Là, vous me parlez du
passé.
M. Hinse: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Moi, j'aime mieux parler de
l'avenir.
M. Hinse: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Et je pense que c'était la
question de la députée de Talion. Je vais vous donner trois
exemples. Là, j'aimerais que vous réagissiez de façon
pratique à ces trois exemples-là. Vendeur itinérant, on en
a parlé hier, on pourrait faire allusion dans les produits de
beauté, on peut faire allusion dans le prêt-à-porter et
maintenant dans l'alimentation. Théori-
quement, c'est possible d'avoir un vendeur itinérant qui va
desservir les propriétés, les différents consommateurs.
Deuxièmement, les ventes par correspondance. De plus en plus, il y a des
gens qui sont venus nous voir, des spécialistes, pour nous dire que la
vente par correspondance va prendre de plus en plus de place. Finalement, la
télématique. On a eu les gens de Pascal qui sont venus et les
gens de Canadian Tire. Vous savez très bien aujourd'hui qu'on peut faire
de la publicité par les différents médias écrits et
que la personne peut commander ces produits par Alex. Quand la
députée de Taillon fait allusion à l'imagination et
à la créativité, quand on dit qu'en tant que gouvernement
on veut avoir une loi durable, on ne veut pas être obligés de la
rouvrir dans deux ans, alors, c'est à ça qu'on aimerait que vous
réagissiez.
M. Hinse: Je vais laisser Pierre répondre, mais juste
avant j'aimerais vous dire... C'est bien simple. Ce n'est pas chinois.
Effectivement, ce que vous semblez me dire, c'est: Est-ce qu'on peut acheter
notre épicerie à la télévision, le dimanche
après-midi? Tout ce qu'on a à faire, c'est de déclarer que
le vendeur itinérant, la correspondance et la télématique
par Alex, etc., c'est illégal et qu'on prévoie dans la loi... Si
vous cherchez comment vous allez régler votre problème,
là, je vais laisser, effectivement, Pierre répondre, dans le
domaine de l'alimentation...
M. Tremblay (Outremont): Un dépanneur créatif,
trois employés et moins, pourrait décider de livrer ses produits
le dimanche. Permis par la loi, trois employés et moins, il pourrait
dire: On en a besoin de deux à l'intérieur, un à
l'extérieur, voilà, nous autres, on livre le dimanche.
Des voix:...
M. Tremblay (Outremont): Non. Oublions...
M. Gaudreault: Ça existe.
M. Sévigny: Les dépanneurs dans le
Vieux-Montréal, ils livrent le dimanche.
Une voix: Ils livrent des caisses de bière.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): M. Sévigny. (12
heures)
M. Sévigny: Écoutez, sur le plan pratique, on a
fait beaucoup de travail, on a fait beaucoup de recherches concernant Alex,
concernant... On est très conscients de ce que Canadian Tire a
présentement sur le dossier Alex. On ne sait pas si Alex va
réellement prendre de l'envol. On sait qu'il y a seulement 10 000
terminaux présentement dans la province de Québec.
Dernièrement, même, ça a été réduit
à 7000, les derniers chiffres qu'on a eus. Effectivement, il faut
prévoir quelque chose à cet effet-là parce qu'on ne sait
pas si, éventuellement... On a Vidéotron, maintenant, qui a
développé Vidéoway et qui semble beaucoup plus pratique.
Nous autres mêmes, on étudie la possibilité de faire de la
publicité là-dessus. La publicité, le dimanche, il n'y a
rien de mal à ça. On envoie nos circulaires par des camelots, il
y en a qui sont livrés, le dimanche; on ne le sait pas, ce sont des
distributeurs indépendants. Il demeure que ce qui est important, c'est
que les points de vente soient fermés ou qu'ils respectent la
règle de trois. C'est ça qui est très important.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais je veux revenir
là-dessus.
Mme Marois: M. le ministre utilise son temps et mon temps...
M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est mon temps.
Mme Marois: Ça va, allez.
M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'est mon temps.
Mme Marois: C'est intéressant, ce sont des questions
intéressantes...
M. Tremblay (Outremont): C'est mon temps. Mme Marois:
...auxquelles, je pense... M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.
Le Président (M. Bélanger): Sur son temps, il lui
reste deux minutes, d'ailleurs.
Mme Marois: ...il est utile d'avoir votre point de vue.
M. Tremblay (Outremont): Les cartes de crédit, maintenant.
Vous recevez - c'a été soulevé par des
députés ministériels - dans votre carte de crédit
un document qui dit: Vous pouvez commander à peu près ce que vous
voulez et, habituellement, c'est en Ontario. Bon! Ils vont travailler le
dimanche parce que ce n'est pas un établissement commercial ouvert
à tous les jours au public. Pascal est venu nous dire carrément
ici qu'ils ont fait une filiale Pascal grande surface, des salaires, des frais
fixes importants; ils ont fait une filiale dans laquelle on peut commander par
Alex ou par correspondance. Cette filiale-là va opérer sept jours
par semaine, si on veut, même le dimanche, et ils vont
pouvoir livrer. Alors, si on veut avoir de la créativité -
c'est pour ça que je voulais profiter de la présence de Me Hinse
- comment vous arrêtez ça, si on veut avoir une loi durable?
M. Hinse: Savez-vous, je viens de le noter. Ça me fait
penser, dans le temps où on représentait les compagnies de
finance, etc., et que, soudainement, le gouvernement avait adopté la Loi
sur la protection du consommateur. Je me souviens, c'était la fin du
monde. En rétrospective, aujourd'hui, lorsqu'on retourne en
arrière et qu'on regarde ce qui avait été fait, on se dit:
C'était nécessaire Puis lorsque la volonté était,
effectivement, de régler les problèmes et de les éliminer
une fois peur toutes, il a peut-être fallu aller loin dans la Loi sur la
protection du consommateur. Dix ans après, peut-être qu'on recule
un peu, mais le fait demeure, c'est que les problèmes ont
été réglés.
Donc, à ce moment-là, vous soulevez plusieurs
problèmes. Sur le plan pratique - ça, je ne veux pas me
mêler là-dedans parce qu'effectivement, peut-être, sur le
plan d'affaires, ce que je dis affecte la business de Hudon et Deaudelin, ce
que je ne voudrais pas faire - mais il y a une chose qui demeure, c'est que si
les situations que vous soulevez effectivement causent des problèmes au
niveau de l'application de la loi ou au niveau d'un équilibre, etc.,
réglez-les. Et c'est réglable. Il faudra peut-être prendre
des moyens qui iront loin, mais...
M. Sévigny: Juste pour renchérir sur la
réponse, si vous me le permettez, M. le ministre. On a - le document
d'information, par ailleurs, est très bien fait - 14 000 points de vente
au niveau de la province de Québec. Ces points de vente là sont
très soucieux de leurs compétiteurs. Sur le marché mature,
les gens sont très soucieux. Ces gens-là, lorsqu'ils voient une
part de marché partir, pour la laisser aller à quelqu'un d'autre,
définitivement, ils sont alarmés, ils surveillent ce qui
arrive.
Nos marchands ont présenté des plaintes au
ministère et toutes ces plaintes n'ont pas eu de réponse. Je
pense que ce qu'il est important de retenir, c'est la volonté politique
de faire respecter la loi. Si cette volonté-là existe, je crois
qu'il y a sûrement des méthodes et des façons d'arriver
à la faire respecter.
Mme Marois: Vous dites que des plaintes ont été
déposées et n'ont pas obtenu de suivi.
M. Sévigny: Oui.
Mme Marois: Un nombre significatif de plaintes?
M. Sévigny: Un nombre significatif, oui. Mme Marois:
D'accord.
M. Sévigny: Qui datent des quelques dernières
années.
Mme Marois: Oui, qui s'étendent dans les dernières
années.
Il y a une question que le ministre pose à l'occasion et que je
vais vous poser - je vais prendre sa relève - sur les droits acquis.
Ça l'inquiète, parce qu'il dit - sur mon temps - le ministre dit:
Écoutez... Et c'est vrai qu'il y en a qui ont agi dans
l'Illégalité, c'est vrai qu'ils ont été poursuivis,
d'autres pas, et d'autres agissent encore dans l'illégalité. Bon!
Mettons-les de côté, II y en a d'autres qui sont dans la
légalité, à la marge et, si on creusait bien fort,
probablement qu'on arriverait à... mais ils sont dans la
légalité. La loi prévoit des exemptions, la loi
prévoit que certaines pharmacies à grande surface, pour ne pas
les nommer, sont exemptées et elles sont nommément
identifiées en plus dans la loi, avec adresse civique, etc.
Alors donc, ces commerces, évidemment, ont prospéré
au détriment des autres qui, eux, ne jouaient pas avec les mêmes
règles du jeu, on s'entend? Donc, une des prétentions, c'est de
dire: Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'incorrect à faire en sorte
qu'on ne respecte pas les droits acquis, parce que ça devrait être
des droits acquis, le fait que ces personnes puissent opérer, elles le
font, elles ont monté une belle "business" - moi, je dis "sur le dos des
autres", mais ça - avec la bénédiction du gouvernement...
Tout cela est là. Il y a quelqu'un qui est avocat dans votre groupe,
vous y avez peut-être pensé; à mon point de vue, un des
problèmes qu'a le gouvernement et auquel il ne veut pas faire face,
c'est le fait qui sait qu'il veut aller au bout c'est-à-dire au bout
d'une décision qui l'amènerait à resserrer les
critères, mais il n'ose pas, à cause de toutes ces exemptions qui
ont été faites et sur lesquelles II devrait revenir. Donc, II y a
toutes espèces d'échappatoires, et moi je pense que beaucoup de
vos collègues dans le secteur alimentaire ont décidé ou
s'imaginent que, comme le gouvernement n'ira pas jusque-là, ils se
disent: Aussi bien embarquer nous aussi et dire: On veut l'ouverture.
Alors, là, je veux que vous m'apportiez un petit peu votre
réflexion sur les droits acquis.
M. Hinse: Légalement, je pourrais facilement vous dire:
Vous savez, pour avoir des droits acquis, il faut mettre ça dans le
contexte et il faut en faire une analyse ou quoi que ce soit. Mais je peux vous
dire que je ne vous donnerai pas une opinion à l'effet que Jean Coutu a
ou n'a pas des droits acquis. Ce que je suis prêt à dire,
cependant, c'est qu'il y a un problème.
Mme Marois: D'accord.
M. Hinse: Qu'il y ait droits acquis ou non, sur un plan
techniquement légal, il y a un problème, c'est sûr. Tout ce
que je peux dire et c'est peut-être comme le disque cassé, je vais
revenir à la notion de volonté. Si erreur il y a eu... Et quand
je dis "erreur", ne parlons pas d'erreur, parlons peut-être d'oubli ou de
juste une ficelle qui a passé et le résultat de ça, on se
retrouve cinq ans après ou sept ans après et on s'aperçoit
qu'il y a une situation qui ne fonctionne pas. Je dois dire que vous êtes
dans une position, quant à moi, très difficile. Quand je vous
lisais le dernier passage de Gonthier tout à l'heure, et ça,
c'était ses exemptions dans le temps, où effectivement la
discrimination sur les marchés publics avec les pharmacies...
Mme Marois: C'est ça. C'est parce que sur les
marchés publics, tout à l'heure, vous avez dit...
M. Hinse: II faut faire de quoi. Ce que le gouvernement va faire,
je ne le sais pas. Mais ce que Hudon et Deaudelin a avancé,
c'était effectivement la pharmacie traditionnelle, oui; les pharmacies
venant avec des magasins à rayons ou venant avec des
supermarchés, qu'elles respectent les mêmes lois. Et le
problème des droits acquis, il va falloir le régler.
M. Sévigny: Le problème de Jean Coutu, on tente de
l'amplifier énormément. Il demeure que j'ai devant moi une
coupure de journal qui date du 5 novembre 1988, qui était une
déclaration de François-Jean Coutu qui disait, et je cite: "Jean
Coutu, lui, n'a que pour 1, 12 % du 800 000 000 $ - on parle des ventes
d'épicerie. Ces ventes de produits alimentaires durant les 31 heures
où lui a le droit d'ouvrir et non les supermarchés se limitent
à 8 900 000 $ sur 600 000 000 $. Ce n'est pas...
Mme Marois: Sur mon temps mais je le permets. Allez, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Sur ce point-là, à ce
qu'on nous dit, ce que j'ai entendu, c'est que Jean Coutu, par légitime
défense, a commencé à vendre de l'alimentation dans ses
superpharmacies parce que vous autres, les supermarchés, vous avez
commencé à vendre des produits hygiéniques et
pharmaceutiques. Donc, lui, il a dit: Je ne suis pas plus fou qu'eux autres.
S'ils veulent venir sur mon marché pour attirer... Parce que, dans le
fond, c'est ça. Il ne doit pas faire beaucoup d'argent, mais il attire
des gens chez lui pour vendre un petit peu d'alimentation et il vend ses autres
produits au même titre que, vous, vous vendez des produits
pharmaceutiques, des couches, des pilules, du Bromo Seltzer, des aspirines pour
vendre vos autres produits. Moi, j'entends ça souvent. Comment
réagissez-vous à ça?
M. Gaudreault: Vous viendrez voir dans une section de produits de
beauté dans un supermarché, des produits grand public, vous allez
voir que c'est très petit comme section par rapport aux sections de
produits alimentaires que vous retrouvez dans les pharmacies Jean Coutu.
Trouvez-vous ça normal, vous, que Coutu vende des produits laitiers, des
produits surgelés, du pain, du lait, du beurre le dimanche? S'il s'en
tenait encore aux cannages, aux conserves. Mais rendu dans des produits comme
ça, vraiment de dépannage...
M. Hinse: Si du côté gouvernemental - et je retourne
dans le temps - lorsque l'exemption de Jean Coutu a été
accordée, si oui, effectivement, on voulait l'exempter de certaines
choses mais qu'on ne s'attendait pas à ce que, quelques années
après, il se retrouve dans la même situation effectivement qu'un
supermarché, et que là, soudainement, on réalise
ça, il n'y a rien de pas correct, cinq ans après, de dire: O. K.,
à cause effectivement du développement, à ce
moment-là, on va appliquer les mêmes règles qu'aux autres.
Ou si ce qui est avancé dans l'article de Pierre est exact, à ce
moment-là, Jean Coutu ne devrait pas avoir d'objection à ce qu'on
règle la situation. Donc, c'est l'un ou c'est l'autre, mais ça ne
doit pas vous empêcher effectivement de trouver une solution au
problème. Et je réalise que la solution n'est pas facile.
M. Sévigny: Juste un mot, M. le ministre, pour
compléter la réponse. Je ne pense pas qu'on ait
décidé d'installer les produits de beauté et santé,
les produits de papier, les produits de savon dans nos supermarchés
depuis que Jean Coutu a fait de la progression, c'était depuis
très longtemps dans nos supermarchés. D'ailleurs, ces
produits-là se vendent. à peu près à 60 %, 75 % et
85 % en promotion. C'est d'ailleurs... Les produits à prix
régulier ne se vendent pas, ce sont des produits qu'on appelle à
"stockage", en termes de marketing, et ce sont des produits que les gens
emmagasinent et ils se vendent strictement en promotion. D'ailleurs, ils se
servent de ces produits-là. On ne fait pas rapport à ces
produits-là, on fait rapport plutôt aux pintes de lait, aux
produits alimentaires, ce qui se mange, ce qui se boit.
Mme Marois: Ce serait intéressant que le ministre aille
faire son marché, de temps en temps...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois:... pour voir un peu comment ça se
répartit dans les rayons.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Je peux confirmer...
M. Hinse: C'est situé sur Langelier...
Mme Marois: ...parce que j'y vais, à l'occasion...
M. Hinse: ...le boulevard Langelier.
Mme Marois: ...pas toujours moi, par exemple, mais j'y vais
à l'occasion. Et ce que vous dites est juste, en termes de rayonnage et
de volume, si on veut. D'ailleurs, je suis allée samedi justement pour
faire les deux: dans un Steinberg et, après ça, dans un Jean
Coutu. Je m'enfargeais chez Jean Coutu, je pensais que j'allais tomber n - ^s
les allées tellement il y avait du stock, qui éiait plutôt
du stock que je trouvais aussi chez Steinberg, mais enfin, cela étant
dit... Une autre chose sur laquelle je veux pouvoir revenir... Mais je ne le
dis pas à la blague, soit dit en passant, M. le ministre, je pense que
ce serait intéressant que vous puissez y aller. On tire un certain
nombre de conclusions après ça.
Il y a un autre thème qui revient souvent, c'est la question de
l'emploi. Vous l'avez abordé évidemment et je pense que,
là-dessus, on ne recommencera pas le débat. Moi, je dis que, s'il
y a un marché plafonné, si on est à maturité dans
le marché, ça va être des transferts, donc les emplois vont
se transférer aussi en conséquence ou vont s'étendre sur
des périodes différentes et le résultat net ne sera pas
une création d'emplois. Bon. À moins qu'on mette une pression
telle sur le consommateur qu'il augmente sa consommation. Dans l'alimentaire,
il reste que, à un moment donné, il y a une limite et c'est celle
qu'on semble atteindre actuellement. Mais, en plus de cette question de
l'emploi en termes de nombre, on en parle en termes de qualité. Vous
faites affaire, vous, avec de la petite entreprise, des dépanneurs. On
dit... Et c'étaient les propos de ceux qui vous ont
précédés un peu. Un emploi, quand même dans une
grande surface, c'est un emploi beaucoup plus intéressant qu'un emploi
chez un dépanneur ou dans une petite surface. On peut comprendre
qu'évidemment, quand un nombre d'employés est très grand,
on puisse penser à des conditions relativement à des fonds de
pension, etc. Je pense qu'on peut comprendre ça. Mais on sous-entend
aussi qu'il y a plus que ça, que, en termes de qualité de la
façon dont la relation s'établit, il y a un grand roulement de
personnel et, finalement, c'est mieux pour les travailleurs et les
travailleuses d'être dans des grandes surfaces que d'être dans de
la petite ou de la moyenne entreprise. Vous avez, vous, cette expérience
essentiellement, non pas vous-même comme grossiste, mais avec les gens
qui font affaire avec vous. J'aimerais ça que vous me parliez un petit
peu de cet aspect-là de ce qui est soulevé dans la question qui
nous préoccupe. (12 h 15)
M. Sévigny: Je vais vous répondre, Mme Marois.
À notre avis... et ça fait plusieurs années que je suis
dans l'alimentation, j'ai eu l'occasion de travailler pour la firme Steinberg,
dans des magasins de détail et... On a commencé au bas de
l'échelle, on a grimpé... Juste pour vous faire réaliser
que, à mon avis, présentement - et c'est l'avis de plusieurs des
spécialistes que j'ai consultés dans notre boîte - c'est
que, au contraire, on dit que les ventes vont être
déplacées; les ventes vont être déplacées de
la semaine au dimanche, c'est tout à fait normal. Il y a des ventes qui
vont être déplacées de la semaine au dimanche, à
l'intérieur même des supermarchés, vu qu'on offre une plage
beaucoup plus grande. À ce moment-là, les employés qui
travaillent à l'intérieur n'augmenteront pas
nécessairement leur nombre d'heures de travail, mais les besoins seront
très différents à différents moments de la semaine.
Certains employés réguliers seront obligés de travailler
au cours des fins de semaine, mais, s'il y a de l'emploi qui sera
créé, c'est beaucoup plus de l'emploi à temps partiel. Et
dans l'emploi a temps partiel, c'est tout à fait très
équlibré. Les emplois à temps partiel des
supermarchés et les emplois à temps partiel des
dépanneurs. Dieu merci! on a une norme des salaires minimaux et, en
raison de cette norme-là, H n'y aura aucune dégradation de la
qualité. Il va sûrement y avoir une réduction du nombre des
employés à temps partiel. La norme qui existe - je parte toujours
de la norme dans l'alimentation, mais je crois que c'est relativement important
- c'est 60 % de réguliers et 40 % de temps partiel; cette
norme-là va être appelée à changer. Soyez
assurés que, si elle avait eu réellement un avantage, nos amis
les syndicats auraient sauté sur l'occasion.
Mme Marois: Ils ont eu l'occasion, d'ailleurs, de faire
valoir...
Le Président (M. Bélanger): Alors, une
dernière question.
Mme Marois: ...leur point de vue à différentes
reprises. Ils sont d'ailleurs là; Is pourront vous faire leurs
commentaires.
Moi, en fait, j'ai terminé, M. le Président, sur les
questions. Je voudrais plutôt remercier nos amis qui sont venus. Ce que
j'essaie de tirer un petit peu comme conclusion de votre intervention, c'est
que, contrairement à d'autres qui sont parmi vos concurrents, qui sont
dans le même marché, vous défendez une approche qui dit au
gouvernement qu'il est possible, quand on veut et quand on a une idée
claire de ce que l'on recherche comme objectif, de prendre les moyens pour
opérationnaliser ses objectifs. Compte tenu de l'expérience que
vous avez, puisqu'il semble que, depuis 1873, vous êtes dans cette
business-là, comme on dit, j'imagine
que votre expérience devrait pouvoir être utile aux membres
de la commission. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Avant de vous remercier, j'aimerais
répondre à la remarque sexiste de la députée de
Taillon...
Mme Marois: C'est parce que vous aviez l'air d'être
étonné qu'il y ait ça dans les rayons des
supermarchés. Je me suis dit: Ça doit faire un moment qu'il n'y
est pas allé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): ...pour lui dire ceci: Tous les
dimanches soir, je prends dans la boîte aux lettres les circulaires
d'information de IGA, de Provigo, de Pharmaprix, de Steinberg;
régulièrement la fin de semaine, le vendredi et le samedi, pour
permettre à mon épouse et à mes jumeaux de faire du ski,
je vais faire les courses dans tous ces endroits-là. Alors, je peux vous
dire...
Mme Marois: Super! Vous ne rencontrez pas mon mari, à
l'occasion?
M. Tremblay (Outremont): ...la différence de prix et les
spéciaux et je peux vous dire tous les trucs...
Mme Marois: Bien, bravo!
M. Tremblay (Outremont): ...au niveau du Perrier et des eaux
Montclair pour savoir qui attire qui quelle fin de semaine.
Le Président (M. Bélanger): On doit conclure que
l'épicerie...
M. Tremblay (Outremont): Deuxièmement...
Le Président (M. Bélanger): ...c'est une affaire
d'homme.
M. Tremblay (Outremont): Non, non.
Mme Marois: D'homme et de femme, bien sûr.
M. Tremblay (Outremont): Deuxièmement, je voudrais dire,
quand Me Hinse dit que le gouvernement devrait décider, devrait assumer
ses responsabilités, je dois vous dire qu'on va décider. Je me
suis engagé à déposer un projet de loi au printemps et
à une condition, c'est qu'on ait, au préalable, la commission
parlementaire parce que je crois que c'est important de donner l'occasion
à tous les intervenants de se faire entendre publiquement. Alors, en ce
sens-là, je vous remercie beaucoup d'être venus faire vos
représentations; on va les prendre en considération dans la
décision qu'on sera appelés à prendre.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le groupe Hudon et Deaudelin de sa
participation à ses travaux et invite à la table des
témoins les représentants de Steinberg inc.
Alors, j'inviterais chacun à reprendre sa place, s'il vous
plaît. S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien
vouloir prendre sa place afin que nous procédions à l'audition du
mémoire de Steinberg inc.
Nous recevons le groupe Steinberg inc. Bonjour, messieurs! Je vais vous
expliquer un peu nos règles de procédure. D'abord, si vous
pouviez vous présenter et identifier votre porte-parole, et, si
possible, lorsque vous serez interrogés par un membre de la commission,
de bien vouloir donner votre nom... Ceci permet aux gens de la transcription de
mieux faire leur travail ou de le faire plus facilement, pour le Journal des
débats.
Alors, sans plus tarder, je vous invite donc à commencer.
Merci.
Steinberg inc.
M. Bilodeau (Alain): M. le Président, tout d'abord, je
voudrais effectivement présenter les personnes qui m'accompagnent, qui
constituent la délégation de Steinberg. Tout d'abord, M. Michel
Gaucher, président du conseil et chef de la direction; M. Jean-Roch
Vachon, président et chef de l'exploitation; M. André D'Ostie,
vice-président senior et directeur général de la division
du Québec, Steinberg Québec; M. Marcel Croux,
vice-président du groupe, alimentation Canada.
J'aimerais d'abord vous remercier de nous permettre d'exprimer notre
point de vue sur ce dossier-là, on l'apprécie
énormément. J'aimerais également faire mention, comme
probablement plusieurs intervenants l'ont fait, de la qualité du
document qui nous a été produit par le ministère.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, puis-je
vous demander de parler un petit peu plus fort, s'il vous plaît?
M. Bilodeau: Alors, je soulignais la qualité du document
produit par le ministère. C'est toujours apprécié de
travailler avec des instruments de travail comme celui-là. Je pense que
les gens qui l'ont préparé méritent cette
mention-là.
Si vous me le permettez, plutôt que de lire le mémoire que
vous avez déjà devant vous, je vais utiliser nos 20 minutes
précieuses pour essayer d'aborder le sujet sous l'angle sous lequel la
commission a bien voulu l'aborder, c'est-à-dire essentiellement les
trois thèmes
concernant la question de l'équité, les besoins des
consommateurs et, finalement, la question de la qualité de vie. La
position de Steinberg, comme vous le savez, est très claire. Nous avons
eu l'occasion de l'exprimer, entre autres, cette semaine par
l'intermédiaire du Mouvement québécois pour la
libéralisation des heures d'affaires. Nous aommes en faveur,
effectivement, d'un élargissement des heures d'affaires en semaine et
aussi en faveur de l'ouverture le dimanche, car nous croyons essentiellement
que nous devrions, comme compagnie, participer au volume croissant d'affaires
que nous connaissons sur notre territoire, volume commercial.
Deuxiè-ment, et le p"; important, nous avons, comme marchands, un
dédr et une mission de satisfaire et de rendre servie à nos
clients, de leur fournir les services qu'ils nous réclament de plus en
plus. Troisièmement, notre position est également basée
sur le respect des personnes, c'est-à-dire le respect de la
définition que les personnes veulent donner de leur propre
qualité de vie.
Sur la question de l'équité commerciale, M. le
Président, vous me permettrez de ne pas passer beaucoup de temps de ces
20 minutes pour défendre une thèse qui, au fond, rallie tout le
monde. J'ai eu l'occasion de prendre connaissance des propos introductifs de la
commission où et M. le ministre et Mme la députée de
Taillon ont effectivement constaté que la loi actuelle est inapplicable,
elle est inéquitable. C'est d'ailleurs la conclusion du document
d'information que votre ministère nous a présenté,
notamment aux pages 4 et 46. Donc, si on admet que la loi est
inéquitable et inapplicable, il reste deux solutions possibles: soit la
fermeture complète, sous réserve du strict dépannage qu'on
connaît, sort l'ouverture complète. Nous estimons, basé sur
notre expérience et notre analyse des faits qui se déroulent dans
notre société en 1990 et dans les années à venir,
que la thèse de l'ouverture doit être
préférée dans ce débat-ci. Vous avez
évidemment une décision difficile à prendre qui comporte
de mesurer ou de balancer des intérêts. Et nous estimons que,
clairement, la balance penche en faveur de la thèse de l'ouverture,
particulièrement pour les raisons suivantes, ce qui m'amène,
évidemment, à parler des deux autres aspects du dossier, les plus
importants: soit les besoins du consommateur, d'une part, et la question de la
qualité de vie.
Je ne voudrais pas, sur la question des besoins du consommateur, faire
une guerre de sondages. Je pense qu'on a tous suffisamment d'expérience
pour savoir que, dans un sondage, on peut en prendre un petit peu, en laisser
un petit peu. Il y a le phénomène en vertu duquel les gens,
généralement, disent des choses mais font autre chose ou encore,
dépendamment du groupe de consommateurs auquel on s'adresse, on peut
avoir des réponses différentes. Par exemple, si on s'adresse
à M. le ministre qui fait lui-même son supermarché, moi, je
fais mon marché, le consommateur ou la consommatrice qui effectue le
supermarché hebdomadaire, vous avez une réponse qui est pas mal
plus forte, à mon sens, parmi ce groupe-là. Donc, les sondages
peuvent nous dire des choses mais c'est surtout l'expérience ou les
faits que nous observons dans les supermarchés qui nous ont
importé, nous, comme analyse.
Je mentionne, à titre d'exemple, qu'à Calgary, où
on permet l'ouverture des supermarchés le dimanche, les trois quarts des
personnes qui se disaient contre avaient magasiné au cours des deux mois
précédents. Alors, le comportement des consommateurs n'est pas
toujours - et je porte ça discrètement à votre attention -
celui que l'on voudrait refléter dans les sondages.
Par ailleurs, on dort admettre que l'ensemble des sondages nous semble
révéler une préférence pour une thèse de
libéralisation. C'est, du moins ce que vous mentionnez dans le document
d'information, à la page 112: En résumé, selon l'ensemble
des sondages - je lis ça - consultés, l'appui de la population
québécoise aux propositions visant la libéralisation
semble, en général, plutôt favorable. Maintenant, ceci est
beaucoup plus clair lorsqu'il s'agit de l'ouverture des supermarchés
d'alimentation au Québec, toujours à la page 112.
Maintenant, nous, on s'intéresse aux faits. Et les faits, M. le
Président, je crois, sont assez clairs. La question
socio-démographique au Québec a changé beaucoup depuis
quelques années. En 1986, on avait 62 % des femmes mariées avec
enfant de moins de six ans qui travaillaient II y en a plus encore aujourd'hui.
Quant aux femmes de 25 a 34 ans, sans enfant, il y en a 91,5 % qui travaillent.
Ça apparaît à l'étude de M. Virthe, à la page
27. Et le document d'information du ministère, à la page 67, nous
révèle qu'en 1986, 77 % des emplois occupés par les femmes
étaient à temps plein. C'est assez intéressant comme
facteur.
Donc, il existe un pourcentage - que ce soit un pourcentage ou un autre
- significatif de gens pour lesquels les heures actuelles ne conviennent pas.
Or, dans le débat, à savoir s'H s'agirait de favoriser des heures
de semaine ou des heures de dimanche, les habitudes des consommateurs sont
assez révélatrices. Et nous, comme commerçants, on doit
observer ces habitudes-là d'une façon objective. Or, il semble
que les gens ont fait leur choix. Suivant le document d'information, à
la page 83, lorsqu'on commente le dernier sondage fait par les HEC, on voit que
37 % des consommateurs font des achats d'aliments le dimanche, dans la
région de Montréal. Dans la province, on comprend que c'est 29 %
et, en début de semaine, c'est la moitié, à peu
près 15 %. C'est 14 et quelques versus 29 % la fin de semaine. Mais je
vous prie de constater que nous avons une représentation très
forte, une concentration très forte en
milieu urbain. Notre présence dans la ville de Montréal
est très forte et nous devons servir le consommateur de la ville de
Montréal. C'est pourquoi le facteur 37 % prend une certaine
importance.
Alors, ces chiffres nous démontrent que le comportement social
est de plus en plus orienté vers le dimanche plutôt que les autres
heures de la semaine. Et ça s'explique pour plusieurs raisons. D'autre
part, ce n'est pas surprenant que les fruiteries soient ouvertes à 100 %
le dimanche et les marchés publics à 80 % alors que ces
mêmes organisations sont ouvertes dans une proportion de 40 % et 20 %
respectivement en début de semaine. C'est parce qu'elles savent bien que
c'est le dimanche, effectivement, que leurs affaires sont les plus florissantes
et que les gens préfèrent faire le magasinage ou acheter ce dont
ils ont besoin.
Il y a donc un besoin. Ce n'est pas un caprice. On constate que c'est un
besoin. Devant ces faits, nous, comme commerçants, on ne peut pas se
permettre, M. te Président, de dire aux consommateurs: On ne vous
servira pas quand vous avez besoin d'être servis. On va continuer de
préconiser une thèse où vous êtes forcés de
magasiner aux heures où le magasinage est le plus difficile,
c'est-à-dire aux heures de pointe, ou encore de payer des prix plus
élevés ailleurs. Comme commerçants, notre mission est de
servir le client. Et si on constate, d'après les faits, que les clients
nous le réclament, ce besoin-là, et très
particulièrement en milieu urbain dans la province de Québec, on
se doit de favoriser la thèse de l'ouverture le dimanche. C'est pourquoi
nous favorisons cette thèse-là. (12 h 30)
On a parlé de la question des prix. Je pense que vous avez
entendu suffisamment de chiffres. Mais c'est assez simple de constater
qu'actuellement les marges brutes, au Québec, dans les
supermarchés sont de l'ordre de 20 %. Vous avez les petites
épiceries où les marges brutes sont à peu près de
22 %, 23 % à 25 % et, enfin, des dépanneurs qui ont des marges de
25 % à 28 %. Toujours selon l'étude de M. Virthe, les
consommateurs qui sont actuellement forcés de faire leur magasinage
à l'extérieur des heures présentement permises paieraient
de 3 % à 10 % de plus que ce qu'ils paieraient si les
supermarchés pouvaient ouvrir le dimanche. Alors il y aurait
vraisemblablement une diminution des prix et ce n'est pas difficile, je pense,
de comprendre cela, surtout que quand on connaît la thèse
commerciale, quand vous permettez à plusieurs commerçants
d'ouvrir en même temps, il est rare que ça résulte en une
augmentation des prix, ça résulte généralement en
une diminution et, pour le consommateur, le coût de l'alimentation serait
clairement inférieur.
En plus de ça, l'ouverture des supermarchés - et ça
apparaît encore dans le document d'information, à la page 100 -
produirait évidem- ment non seulement un avantage sur le plan des prix,
mais également sur le plan de la variété qui est offerte
aux consommateurs le dimanche et moins de files d'attente, plus de confort dans
le phénomène du magasinage.
Face à tout cela, c'est illogique de prétendre... Je
pense... Je ne sais pas si quelqu'un l'a prétendu. Je crois que ce
serait illogique de prétendre qu'on pénaliserait le consommateur
en lui permettant de magasiner, s'il le veut, dans le meilleur climat possible,
c'est-à-dire en dehors des engorgements qu'on connaît
actuellement, en obtenant le plus de variété possible et en
payant le meilleur prix. À tout le moins, lui permettre cette
possibilité là, ce n'est pas, dans mon esprit, quelque chose qui
est pénalisant.
Le droit de faire quelque chose - et je vous suggère que
ça doit être probablement une considération du
législateur, lorsqu'il légifère
-généralement, n'est pas pénalisant pour le consommateur
ou pour le citoyen. C'est plutôt la prohibition de faire quelque chose
qui l'est clairement, pour une grande partie de la population. Alors il me
semble que, politiquement et économiquement, c'est beaucoup plus facile,
beaucoup plus logique et beaucoup plus confortable de supporter une
thèse qui permet aux gens de faire leur choix personnel aujourd'hui et
dans les années qui s'en viennent. Alors, ce sont, à notre avis,
les consommateurs qui devraient être maîtres des heures d'ouverture
suivant leurs propres besoins. Quand on examine la composante de la population
en 1990 et dans les années qui vont venir, on n'a pas tellement d'autre
choix que de réaliser que le besoin va aller en s'ac-croissant.
Ça relève d'ailleurs du document d'information et des
enquêtes qui ont été effectuées. Plus les gens sont
jeunes dans notre société, plus ils sont en faveur de la
libéralisation complète, y compris le dimanche. Ce sont ces
gens-là qu'on doit servir aujourd'hui et qu'on va devoir servir en 1995,
en 1996, en 2000. Je vous suggère respectueusement que la demande va
aller en s'accroissant plutôt qu'en diminuant. Alors si on parle de loi
durable, de loi viable, je pense que c'est une considération importante.
Voilà donc pour le consommateur.
Pour ce qui est de la qualité de vie, je crois qu'elle doit
être regardée sous deux phases: d'abord, du point de vue de la
population et, ensuite, du point de vue des employés. Du point de vue de
la population, on a vu qu'il y a de plus en plus un nombre grandissant de
personnes qui ne peuvent pas faire leur marché aux heures qui leur
conviennent. C'est de plus en plus vrai. On connaît le
phénomène des familles monoparentales, le phénomène
des conjoints qui travaillent... Je lisais, dans La Presse d'hier, encore les
statistiques du ministère de l'Éducation qui nous disaient qu'un
enfant sur quatre d'âge scolaire provient d'une famille monoparentale ou
dont les conjoints sont en union libre. Assez intéressant. Le seul point
que je veux faire, c'est qu'on a
une société qui est décidée autrement
qu'elle ne l'était il y a 20 ans. Il faut l'admettre et il faut s'y
adapter, à cette société-là. Alors, les gens ne
peuvent plus se procurer les biens qu'ils veulent, au moment où ils
veulent et au meilleur prix. Alors, moi je suggère que la qualité
de vie, entre autres, c'est de corriger ce phénomène-là
pour leur permettre effectivement d'avoir accès au choix. Je pense qu'on
ne peut plus dire aux citoyens aujourd'hui: Nous autres, les
législateurs, on va décider de ce qui est bon pour vous. On va
décider de votre qualité de vie et de vos choix. On va fermer vos
magasins le dimanche pour être certains que vous allez faire les bons
choix de société. Je pense que nos gens sont suffisamment matures
pour le faire eux-mêmes leur choix personnel de vie, et on n'a pas
à leur imposer, donc, des comportements. Laisser la liberté de
choisir, ce n'est pas pénalisant. Et c'est prouvé partout
où cela existe, la liberté de commerce le dimanche, que ça
n'a pas affecté effectivement la qualité de vie des gens.
Regardons l'expérience dans l'Ouest canadien, regardons
l'expérience aux États-Unis, les enquêtes qui ont
été faites sont à l'effet qu'effectivement les gens... Les
gens, d'abord, n'ont pas l'obligation d'aller magasiner, d'une part, et,
d'autre part, ceux qui le font vont peut-être passer une heure dans le
supermarché ou une heure et quart et, ensuite, le
phénomène religieux n'a pas été affecté, le
phénomène familial n'a pas été affecté. Les
études ont révélé, d'une part, que le chiffre
d'affaires était plus grand, ce ne sont pas six jours d'affaires
répartis sur sept, mais il y a une légère augmentation du
chiffre d'affaires; d'après l'étude de Corposult, ce serait de
l'ordre de 9 %. D'ailleurs, le document d'information, à la page 87 - je
vous mentionne ça - fait état que 40 % de ceux qui visitent les
centres d'achats, la fin de semaine, font des achats spontanés. Donc, le
chiffre d'affaires est plus grand, d'une part, et d'autre part, l'ouverture du
dimanche n'entraîne pas la transformation de la société,
n'a pas eu d'effet sur la religion et le magasinage demeure une question de
choix personnel.
Alors, eu égard au consommateur, si, naturellement, on voulait
accoler l'épithète "qualité de vie" à un des deux
termes suivants "liberté" ou "prohibition", il me semble que ce n'est
pas déraisonnable de prétendre naturellement qu'on associerait
ça au phénomène de la liberté ou du choix, sur le
plan du consommateur.
Sur le plan de l'employé, je veux vous préciser tout de
suite, M. le Président, que Steinberg a toujours été
respectueux des désirs des gens, du désir des gens de travailler
ou de ne pas travailler. Je l'ai indiqué, d'ailleurs, à la page 9
de notre mémoire, nous ne nous objecterions, d'aucune façon,
à ce que la loi comporte une disposition en vertu de laquelle un
employé ne pourrait perdre son emploi à cause du fait qu'il a
refusé de travailler le dimanche. Ça, c'est très
clair.
Maintenant, le principe que l'on préconise, c'est un principe de
respect. Il s'applique aux trois intervenants: les commerçants, d'une
part, commercer ou ne pas commercer le dimanche; les consommateurs, magasiner
ou ne pas magasiner le dimanche - vous l'avez entendu plusieurs fois, mais je
pense qu'il faut le répéter - et puis les employés,
travailler ou ne pas travailler le dimanche. Je crois que l'insertion d'une
disposition qui protégerait les employés en ce sens-là
aurait un effet rassurant, d'une part, et, d'autre part, permettrait à
ceux qui veulent se faire un revenu additionnel ou un revenu d'appoint de le
faire dans des circonstances qui sont favorables.
Également, je pense qu'il faut démystifier une chose,
c'est qu'il y a 78 280 personnes qui travaillent dans l'alimentation, au
Québec, qui travaillent dans le domaine de l'alimentation, oui, ce qui
représente 2, 6 % de la population active du Québec. Ça
veut dire que c'est une fraction de 1 % qui seraient touches par le travail du
dimanche et c'est précisément cette fraction de gens qui
désirent travailler. Alors, je le répète encore une fois.
II ne s'agit pas de déterminer qui on va pénaliser ici, il s'agit
de déterminer dans les 10 ans, dans les 20 ans qui s'en viennent ce
qu'on peut le mieux faire pour offrir à la population des choix. Je
pense que dans la balance des choses, si on regarde l'ensemble, la thèse
de l'ouverture est largement favorisée.
Je mentionne que la création... On parle d'emplois à temps
partiel, etc., ça vaêtre des emplois à temps partiel, mais
pourquoi pas? Moi, j'aimerais vous rappeler ceci: II y a, actuellement, dans
notre société un grand nombre de personnes pour lesquelles le
temps partiel est une option de vie, un choix. Il y a énormément
de gens qui ne peuvent pas travailler la semaine et II y a des gens qui ne
voulent pas travailler la semaine; ça, c'est un fait. D'après
Statistique Canada, il y a 40 % des femmes qui ne veulent pas travailler
à temps plein. Il y a les étudiants qui veulent payer leurs
études, etc.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Bilodeau, je
vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.
M. Bilodeau: Oui, c'est bien. Je conclurais en disant ceci: Le
ministre a indiqué au début et II l'a indiqué assez
clairement, s'il s'agit de faire une loi qui soit durable et qui soit viable,
je pense qu'il faut regarder les composantes actuelles de la
société. Je pense qu'il faut mettre dans une balance les
avantages et les inconvénients qu'auraient la thèse de la
fermeture et la thèse de l'ouverture et constater qu'effectivement la
seule façon de favoriser le public dans une société qui
est démocratique, c'est plutôt lui permettre, lui donner le choix.
Je pense qu'il
faut résister... Il ne faut pas résister au changement. Je
pense que la société est prête à quelque chose de
nouveau, que personne n'est vraiment pénalisé dans un
système où un commerçant peut commercer mais nul n'y est
tenu, où un consommateur peut acheter mais nul n'y est tenu et où
un employé peut travailler mais nul n'y est tenu. Ça, c'est la
thèse que Steinberg favorise et vous invite à considérer.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie, M. Bilodeau. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup. J'ai
plusieurs petites questions. Quand on parie d'une loi durable, vous le
mentionnez clairement, il y a peut-être deux voies. Parce que, si on fait
des demi-mesures, on s'aperçoit qu'on fait juste retarder des
échéances. Alors, des deux voies, il y en a une qui est claire,
c'est celle que vous prônez, la libéralisation. C'est la
liberté de commerce. C'est les choix personnels de vie, ses besoins
réels. Et ces besoins vont aller en s'accroissant. Alors, quand on parle
de libéralisation, je pense que c'est élargi pour dire que, si on
veut avoir une loi durable et applicable, on s'aperçoit que, de plus en
plus, les commerçants diversifient leur gamme de produits. Donc, si on
disait uniquement l'alimentation, on ne ferait peut-être que retarder une
échéance dans un an, deux ans, trois ans à cause des
superficies des grands magasins qui vendent plus que de l'alimentation. Alors,
une voie, c'est la libéralisation. Je n'insiste pas là-dessus, je
pense que vous avez clairement exprimé votre point de vue.
L'autre voie, c'est un retour en arrière. Ce que j'ai entendu
dire de certains représentants de supermarchés, c'est: D'une
façon ou d'une autre, on est mieux d'aller par en avant, parce que le
gouvernement n'osera jamais retourner en arrière et fermer les commerces
le dimanche. Alors, si jamais le gouvernement avait le courage de faire
ça... Toujours des si, là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Toujours dans votre document, c'est
marqué: Le minimum raisonnable, c'est l'ouverture du lundi au samedi,
dites-vous, jusqu'à 21 heures, mais, en plus, vous voudriez avoir le
dimanche.
M. Bilodeau: Je tiens à préciser tout de suite que
le minimum raisonnable, ici, qualifie la semaine. Parce que j'ai
distingué, dans le document, deux phénomènes totalement
séparés. Pour ce qui est de la semaine, il nous apparaît...
Parce qu'il y a une thèse: par exemple, c'est 24 heures par jour, six
jours par semaine, comme en Ontario.
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.
M. Bilodeau: Alors, le minimum raisonnable, c'était
l'encadrement de neuf à neuf, six jours par semaine. Je l'ai
séparé. Ce n'est pas en comparaison, si vous vouk'7, avec
l'ouverture le dimanche. Et je pense que c'est un bon point qui est
soulevé.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Donc, comme minimum raisonnable,
vous ne dites pas: La situation idéale, c'est sept jours par semaine,
aux heures mentionnées là. Mais vous dites que, si jamais le
gouvernement, pour des raisons politiques, décidait de faire un pas en
arrière pour que la loi soit équitable, comme minimum
raisonnable, vous ne seriez pas satisfaits d'avoir neuf à neuf, six
jours par semaine.
M. Bilodeau: Non, M. le ministre, ça n'a pas
été mis de cette façon-là, vous avez raison.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que c'est ça que vous
dites?
M. Bilodeau: C'est ce que l'on dit, effectivement, car l'attitude
ou les habitudes des consommateurs, suivant nous, ont démontré
que les besoins sont plus orientés vers le dimanche que vers le
début de semaine. C'est une constatation factuelle. Et si on veut servir
le client, nous autres, on a le devoir de regarder où il nous le demande
et on croit que c'est le dimanche, en vertu de ce qui nous est
présenté.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Deuxième point.
À la page 5 de votre mémoire, vous dites que nul n'est en mesure
de démontrer quelque effet négatif que ce soit de l'ouverture des
commerces d'alimentation le dimanche. Au contraire, il y aura probablement lieu
de s'attendre à une légère diminution des prix et à
une légère augmentation du taux d'emploi. Et vous reprenez
ça également à la page 7, en haut. Vous dites: "Diminution
potentielle des prix; il y a lieu de s'attendre à ce que la
compétition dans les commerces d'alimentation le dimanche ait un effet
favorable du point de vue du consommateur quant au coût des aliments." Ce
que j'aimerais, pas immédiatement, là, est-ce que vous pouvez
remettre à cette commission un document, aussi simple sort-il, qui
quantifierait ce que vous dites à la page 5, au point 4, et au haut de
la page 7? J'ai demandé ça également aux gens de Provigo.
Est-ce que vous pouvez faire un effort et nous le prouver?
M. Bilodeau: Oui, M. le ministre. On va faire l'effort et on va
vous le prouver, effec- ' tivement.
Mme Marois: Sur l'emploi?
M. Tremblay (Outremont): Non, pas ça.
Bien, oui, oui. Je parle des prix. On dit qu'il va y avoir une
diminution de prix, aussi minime soit-elle; en tout cas, sûrement pas une
augmentation et possiblement une augmentation d'emplois. Mais toutes les fois
que les intervenants défendent cette position-là, c'est purement
qualitatif et ce n'est jamais quantifié. Alors, si on pouvait essayer de
nous quantifier ça, on apprécierait.
M. Bilodeau: On va le quantifier, M. le ministre. Je vous
réfère discrètement, encore une fois, à
l'étude de M. Virthe sur ce point-là, où aux pages 20 et
21 il représentait quelques facteurs Par exemple. Ie fait que
Voyez-vous, vous avez les prix ei vous avez le coût de l'alimentation
aussi. Le coût de l'alimentation serait nécessairement
inférieur, puisque tous les gens qui s'approvisionnent actuellement
à l'extérieur des supermarchés sont forcés de payer
de 3 % à 10 % plus cher, suivant les études. Vous avez ça
d'une part. D'autre part, le phénomène de la concurrence entre
les chaînes et les marchands en général, a
généralement un effet favorable sur le consommateur.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais ce qu'on nous dit...
M. Bilodeau: Là, on peut parier des marges, des prix
fixes, etc. Ça, on va le faire. (12 h 45)
M. Tremblay (Outremont): Non, non, mais ce qu'on nous dit, et
c'est important que vous nous le démontriez, noir sur blanc...
M. Bilodeau: Oui, absolument.
M. Tremblay (Outremont):... ce qu'on nous dit, c'est que les gros
vont ouvrir le dimanche, ils vont faire des promotions à 20 % et 30 %,
Ils vont fermer les petits et, quand ils vont avoir le monopole, ils vont
augmenter les prix. Bon! C'est pour être précis, c'est exactement
ça qu'on entend de ceux qui prônent la fermeture le dimanche et de
garder les petits commerces. Alors, on peut continuer à donner des
arguments qualitatifs, mais là il faut démontrer ça.
M. Bilodeau: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Donc, à la page 7 de votre
mémoire, en bas, au point 8, vous dites: "Le magasinage du dimanche dans
les localités américaines situées près de la
frontière canadienne est très significatif, avec l'effet que cela
comporte inévitablement sur les volumes d'affaires et sur l'emploi.
"
J'ai posé exactement cette question-là à M.
Bussières, tout à l'heure, représentant de Provi-go; pour
les zones américaines, il m'a répondu: Non. Est-ce que vous
pouvez nous démontrer que ce que vous dites au point 8, c'est vrai que
ça va arriver, que les gens vont aller faire leur épicerie aux
États-Unis le dimanche?
M. Bilodeau: Oh! Cela est une grande phrase. La réponse
à ça, vous démontrer que les gens vont aller faire
l'épicerie, ce serait charrier, M. le ministre, et ce n'est pas notre
intention de charrier. Ce n'est pas une proportion significative;
d'après les études que, moi, j'ai, il y aurait à peu
près 12 000 000 $ de chiffre d'affaires qui se feraient; c'est une
étude que je détiens sut cette question-là.
Maintenant, si on veut parler du phénomène des
frontières, je pense que le phénomène ontarien serait plus
menaçant pour nous..
M. Tremblay (Outremont): Très bien.
M. Bilodeau:... au Québec que le phénomène
américain. Évidemment, c'est un commerce qu'on aimerait toujours
avoir, mais, de là à dire qu'on va fonder notre thèse sur
ça, je ne pense pas qu'on va fonder notre thèse sur
ça.
M. Tremblay (Outremont): Non, exactement Alors, à la
réponse de M. Bussières, à l'effet que c'est non pour le
point 8, pour les frontières américaines, j'ai
spécifiquement posé la question au niveau de l'Ontario pour
savoir si, dans l'Outaouais, il y aurait une répercussion. Là, il
m'a répondu: Oui. Ça, je vais le faire vérifier par le
ministère, mais si vous pouviez nous donner de l'information, ça,
on l'apprécierait.
M. Bilodeau: Oui. La raison pour laquelle je l'ai indiqué,
c'est que c'est un indicateur du comportement des citoyens à la grandeur
du Canada, c'est vrai. Dans certaines régions ontariennes, par exemple,
le problème est très clair. Mais ce n'est pas la base ou le
fondement de notre thèse.
M. Tremblay (Outremont): O. K. A la page 9 de votre
mémoire, vous dites - et c'est souligné en noir, donc ça
doit âtre Important - "insère dans la loi une disposition
prévoyant qu'aucun employé ne peut perdre son emploi en raison du
fait qu'il a refusé de travailler le dimanche". Plusieurs
représentants syndicaux sont venus nous affirmer que, même si on
avait une disposition de la loi à cet effet-là, après une
fois ou deux fois, l'employeur trouverait le moyen de congédier ou de
remplacer cet employé-là par quelqu'un d'autre. Ça, je
pense que ça a été clairement mentionné.
Mme Marois: Aussi, si vous permettez, M. le ministre...
M. Tremblay (Outremont): Allez-y, oui.
Mme Marois:... c'était dans le sens aussi de dire: Bien,
on va lui réserver par la suite des
horaires peut-être un peu moins intéressants, après
qu'il aura dit non pendant un certain temps. Alors, on ne le remerciera pas,
mais on s'organisera pour qu'il se retrouve sur des horaires assez emmerdants
que, la prochaine fois qu'on le lui demandera, il va nous dire oui.
M. Tremblay (Outremont): Quelqu'un qui va vous dire à 10
ou 20 reprises: Pour ma qualité de vie, moi, je préfère
rester avec mes enfants et ma famille le dimanche, vous allez accepter
ça une fois, deux fols, trois fois, mais, après ça, on
nous dit que cet employé-là va être pénalisé
parce qu'on va lui donner moins d'heures ou on va lui faire tellement de
misère qu'il n'aura pas le choix de se trouver un autre emploi.
M. Bllodeau: Sur ça, je voudrais mentionner trois choses.
Dans un premier temps, évidemment, sur l'aspect procès
d'intention, entre guillemets, je n'a) pas de boule de cristal; comme
législateur, je pense que le mieux que l'on puisse faire, c'est de
protéger nos gens par des lois, par des réglementations, et on
espère que les lois vont être respectées. Je pense qu'on
doit présumer que les lois vont être respectées. Alors,
c'est sûr qu'on peut faire des procès d'intention, mais,
là-dessus, je ne peux pas commenter plus loin que ça. Je dirais
que, quant à nous, notre corporation a toujours été
soucieuse de voir à ce que les lois soient respectées et on les
respecte, les lois, effectivement.
Deuxièmement, il y a un grand nombre de gens, actuellement, qui
ne demandent pas mieux que de travailler le dimanche; ils le veulent, eux
autres, c'est leur intérêt, et on estime que la fraction de gens
qui vont devoir travailler le dimanche va effectivement être suffisante.
On va avoir plus de volontaires qu'on n'en a vraiment besoin. Alors, le
problème ne devrait pas être si grave que ça.
Troisièmement, c'est assez intéressant de constater, que
là on fait ici - je pense que c'est un point important - une
présomption qu'il va y avoir uniquement du temps partiel de
créé. Ce n'est pas tout à fait exact. Je pense qu'à
court terme il est raisonnablement prévisible qu'on va avoir plus
d'emplois à temps partiel; c'est raisonnablement prévisible.
Cependant, la ventilation des heures d'ouverture et la ventilation des heures
de magasinage, dans les supermarchés, sur sept jours, va avoir, à
mon opinion, à moyen terme et à long terme, un effet favorable
sur la composante de main-d'oeuvre tout au long de la semaine.
L'expérience vécue actuellement dans les provinces ou dans les
États où on a ventilé les heures est très
intéressante. De la façon dont ça se distribue, ça
permet au marchand de prévoir, d'abord, sa clientèle ou son
volume d'affaires d'une façon qui est plus efficace, d'offrir un service
plus uniforme au cours de la semaine et ça peut favoriser,
effectivement, l'emploi régulier. C'est un phénomène qui
va se produire, à mon sens, à moyen terme, pas à court
terme, mais à moyen terme à cause de la ventilation, justement.
Alors, c'est très difficile de faire des thèses, actuellement, de
dire: On va pénaliser les emplois réguliers, etc. Je pense qu'il
faut être très prudent là-dessus parce que
l'expérience ne révèle pas ça.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous accepteriez - avant de
céder la parole - d'inclure dans la convention collective de travail que
vous avez avec le TUAC, le local 500, une clause à l'effet que les
employés qui refuseraient de travailler le dimanche seraient
protégés?
M. Bilodeau: D'abord, il faudrait qu'ils le demandent à la
table de négociation. Et s'ils le faisaient... Je peux vous dire que
ceci a déjà fait l'objet de discussions entre nous, comme
entreprise, moi-même, comme individu et les syndicats avec lesquels on a
des relations depuis des années, chez Steinberg. Nous avons,
effectivement, une disposition, dans notre convention collective, qui envisage
l'éventualité d'une ouverture le dimanche. C'est bien sûr
qu'elle ne la règle pas parce que ce n'est pas
légiféré encore. Mais, dans l'hypothèse où
il y aurait une permission, les parties se rencontrent et discutent du contenu
des heures de travail et des aménagements nécessaire.
Mme Marois: Comment ça se passe-t-il actuellement? Je
pense que le ministre a terminé son temps. Comment ça se
passe-t-il actuellement - et même un peu dépassé - le
samedi?
M. Bilodeau: Le samedi.
Mme Marois: Le samedi, c'est aussi une journée qui, par
rapport aux heures habituelles de travail pour une majorité de
travailleurs et de travailleuses... Les bureaux ne sont pas ouverts. Le
gouvernement n'est pas ouvert, etc.
M. Bilodeau: Vous avez dans le moment une situation où,
aux heures de pointe, le jeudi soir, le vendredi soir et les samedis, 70 %
à 80 % des heures sont faites à temps partiel. C'est une
situation actuelle. Ce n'est pas une situation hypothétique. C'est la
même situation qui existe dans le moment. Maintenant, je vous rappelle
que, contrairement à ce qu'on a prétendu tout à l'heure,
les conditions de travail des gens qui sont dans les magasins
syndiqués... Et ça, c'est un point que je tiens à faire.
On permet actuellement à 13 000 commerces sur 14 000, virtuellement,
d'ouvrir le dimanche et on interdit à 1100 commerces qui sont,
précisément, les grandes surfaces où la grande
majorité des employés sont syndiqués... Moi, je
prétends que ça bénéficierait aux employés
syndiqués, le fait de pouvoir ouvrir parce que, effectivement, ces
gens-là, on leur refuse un volume et une part du marché
auxquels
ils ont parfaitement droit, tout comme nous, d'une part.
D'autre part, ces heures-là, ce sont des heures qui sont mieux
rémunérées que dans l'industrie non syndiquée. Et
ça, les représentants syndicaux vont l'affirmer, c'est leur
raison d'être. Chez nous, ils ont des bénéfices, des fonds
de pension, le plan dentaire, des assurances, un taux horaire qui est meilleur.
Les gens syndiqués sont, actuellement, virtuellement les seuls à
qui on refuse systématiquement de prendre part à un marché
qui va grandir pendant les prochains dix ans, u n'y a pas de doute
là-dessus. Je crois que les syndicats doivent considérer ce poh.
a et je crois que le législateur doit le considérer ausbi.
Mme Marois: Remarquez qu'ils partagent un point de vue autre, en
tout cas...
M. Bilodeau: C'est vrai, Mme Marois. Mme Marois: ...sur la
fermeture, là. M. Bilodeau: II y a deux thèses.
Mme Marois: Je vais y venir, là. Il y a une chose que je
veux qu'on remette en perspective. Je vais répéter des choses.
Vous l'avez peut-être entendu tantôt, mais je vais le
répéter pareil parce que la pédagogie, ça a l'air
que c'est de la répétition aussi, de temps en temps. D'abord, il
y a une chose qu'on va dire. Quand on me dit: 13 000 peuvent ouvrir sur 14 000
ou ouvrent sur 14 000, je suis d'accord, mais c'est quand même de la
petite surface, du petit commerce, de la spécialité ou du
dépanneur. Il y a, évidemment, et on le sait, un secteur des
pharmacies à grande surface, par exemple, et un certain nombre d'autres.
Alors, moi, je veux bien qu'on me dise: 13 000 ouvrent sur 14 000, mais si ce
sont les 13 000 petits qui se situent dans les règles, ce n'est pas le
cas et on n'en parlera pas, on se l'est dit ensemble. Donc, faisons attention
aussi en disant: Bon, il y en a 14 000, 13 000 qui ouvrent, laissons les 1000
autres ouvrir.
M. Bilodeau: Je suis d'accord avec vous. Je n'ai pas
affirmé qu'ils ouvraient, mais j'ai dit qu'on ne permet pas à des
personnes.. Il y a 33 000 personnes syndiquées, sur 78 000, qui
travaillent dans le domaine de l'alimentation et c'est à elles qu'on
refuse actuellement la part, la possibilité d'avoir ces
heures-là.
Mme Marois: Oui, mais c'est parce que c'est eux - et là on
pourra en discuter - qui nous disent aussi, puisqu'ils font partie dune
coalition, qui nous recommandent de resserrer les critères pour le
dimanche et que l'ensemble des commerces se conforment à un certain
nombre de règles qui seraient établies et qui feraient que,
généralement, les activités commerciales seraient
davantage limitées une journée dans la semaine.
M. Bilodeau: Mme Marois, vous avez raison. Il y en a qui vous
disent cela. Et je vous prie de considérer qu'il y en a également
beaucoup qui ne disent pas cela. C'est toujours difficile d'essayer de parler
pour un groupe de personnes. Nous autres, on essaie d'éviter autant que
possible de parler pour un groupe parce que c'est difficile. Il y a deux
thèses et les deux thèses... Vous avez un problème
complexe. Cependant, on croit que dans la balance des choses, encore une fois,
la thèse du choix... On s'avance clairement. Quand on préconise
que la loi protège les employés et donne le choix au
consommateur, il nous semble que c'est plus facile, c'est plus confortable de
défendre cette thèse-là, tout en étant conscient
qu'il y a des gens qui ne veulent pas travailler et on dit: On ne les fera pas
travailler. C'est vrai qu'il y en a qui ne veulent pas.
Mme Marois: Oui, mais est-ce que c'est plus confortable de
défendre cette thèse-là ou si c'est parce qu'on sait que
l'autre thèse, on n'ira pas jusqu'au bout? On n'ira pas jusqu'au bout
dans le sens, et c'est le ministre lui-même qui l'a dit - je prends ses
propres propos - que le gouvernement n'aura pas le courage de dire: La logique
d'une approche qui est de dire: On resserre les critères, on ferme. Il
n'ira pas jusqu'au bout de cette logique. Donc, comme il n'ira pas. choisissons
l'autre avenue, et vous avez totalement raison si l'analyse que vous faites,
c'est celle-là.
Parce que, en plus - et j'aimerais ça que vous m'expliquiez
ça - en septembre 1989, si je ne m'abuse, j'ai une lettre signée
par M. Croux. Vous êtes là. On dit donc: En regard de tous ces
faits, il nous semble préférable de préconiser pour le
moment un élargissement des heures d'affaires en début de semaine
de 9 heures à 21 heures, du lundi au vendredi, plutôt que d'ouvrir
nos supermarchés le dimanche. Qu'est-ce qui a fait que. de ce
moment-là à maintenant, vous ayez changé de point de vue?
Ça, c'est une question.
Deuxième question. Vous représentez - en tout cas, on a
posé la question à tout le monde - vous dites: On essaie de se
représenter, c'est déjà compliqué, et de ne pas
essayer de parler au nom d'autres gens. Dans le document que votre nouvelle
coalition a sorti hier, on parle de 110 commerces d'alimentation chez
Steinberg, 15 000 employés. Dans les 110 commerces, combien sont
franchisés? Combien sont des magasins corporatifs?
M. Bilodeau: Je vais d'abord répondre à la
première question et puis j'inviterai peut-être un de mes
collègues, un de mes associés, à répondre à
la deuxième.
Mme Marois: D'accord.
M. Bilodeau: Sur la première question, à laquelle
je m'attendais peut-être un petit peu, je vous dirai ceci. Un, ça
fait 70 ans qu'on est en affaires et une des principales raisons pour
lesquelles on est en affaires encore, c'est qu'on a su évoluer, changer
et s'adapter. Dans ce cas-ci, je vous témoigne que, lorsque M. Croux a
répondu à cette lettre, il devait, comme exécutif de
l'entreprise, répondre conformément à la dernière
position publique que l'entreprise avait été invitée
à prendre, il y a déjà maintenant deux ans, en 1988. Je
rappelle par ailleurs qu'en 1988 ce qu'on disait, c'est qu'elle permette ou non
aux supermarchés ou aux marchés publics d'ouvrir le dimanche, la
loi devra refléter une politique ferme et équitable des heures
d'affaires. C'était surtout le point qu'on voulait faire à ce
moment-là. Maintenant, quand nous avons été...
Mme Marois: Mais il reste que la position est claire.
M. Bilodeau: Oui, oui. Quand nous avons été requis
de faire l'étude à nouveau... Moi, je vous le dis franchement,
Mme Marois, j'ai lu le document d'information de a à z et, après
l'avoir lu au complet, je pense que, si on fait l'exercice à
l'intérieur de nous, naturellement, de dire ce qui en ressort, on est
amenés à conclure, à tout le moins comme
commerçant... On ne peut pas répondre au consommateur
actuellement: Non, on vous refuse ie dimanche. On n'ouvrira pas le dimanche. On
ne favorise pas cette thèse-là. On n'est pas capables de faire
ça vis-à-vis ie consommateur.
Mme Marois: Écoutez, moi je vais vous répondre
à ça parce que... Je veux bien vous suivre sur ce
terrain-là et qu'on le discute ensemble. Mais votre objectif à
vous, et il est louable, il est correct - parce qu'on essaie de me faire dire
des fois des choses que je ne dis pas - c'est d'aller chercher votre profit. Et
c'est correct. On est dans une société organisée comme
celle-là. Et que pour atteindre votre objectif économique, qui
est sain, je le répète, vous essayiez effectivement de faire en
sorte que vous puissiez aller chercher le plus grand nombre de consommateurs
possible qui vont aller chez vous plutôt qu'ailleurs, bon, c'est normal.
(13 heures)
Mais qu'on me dise que votre premier objectif, c'est de répondre
aux besoins des consommateurs, je suis consciente que pour que votre business
fonctionne, et ça on va s'entendre, il faut que vous répondiez
aux besoins des consommateurs. D'accord? Mais votre premier objectif, c'est la
business. O.K.? C'est parce qu'il faut replacer les choses un petit peu dans
leur encadrement général et dire: C'est ça, l'objectif; le
moyen, c'est ça et c'est correct, ça a du bon sens, bon. O.K.?
Là, on va venir à ma question - je veux que vous y
répondiez aussi -concernant ie nombre de commerces d'alimentation.
Combien sont sous bannière? Combien sont corporatifs? Et j'ai un certain
nombre d'autres commentaires à faire - je vais les réserver - sur
la question de la qualité de la vie et des consommateurs.
M. Bilodeau: Bien. M. Vachon va répondre à cette
question-là et on reviendra sur le sujet des consommateurs.
Mme Marois: D'accord. Je vais revenir sur cette question quand
même rapidement. On dit: Les pauvres consommateurs ne peuvent pas avoir
accès, bon, c'est difficile, etc. Il me semble que si, effectivement, on
va vers une amélioration des plages horaires en semaine, qu'il y a un
dépannage permis et possible le dimanche, on va répondre aux
besoins de base et essentiels des consommateurs et des consommatrices. Vous me
dites: Vous savez, ce n'est pas parce qu'on est ouvert que les gens doivent
aller consommer ou ce n'est pas parce qu'on est ouvert que l'autre doit ouvrir.
Vous êtes en affaires. Vous savez aussi que, si sur une rue il y en a un
qui ouvre et que tout le monde y va, les autres disent: II est en train de me
prendre mes parts de marché; moi aussi, je vais ouvrir. Alors, la
liberté a quelques limites, quand même.
M. Bilodeau: Malheureusement, Mme Marois, notre
expérience et notre vécu, je dois l'avouer, c'est que ça
ne corrigera pas le problème, les heures en début de semaine.
Vous savez, vous avez un comportement social actuellement qui est très
clair. Les gens travaillent et les raisons pour... Les gens travaillent et
prolonger ça le mercredi et le mardi, je pense que c'est
nécessaire et que c'est bien. Mais la grande majorité des gens,
quand ils arrivent chez eux pour souper - c'est concret ce que je vous dis
là, mais c'est la réalité, c'est la vraie vie - ils ont
fait leur journée de travail, ils en ont jusque-là. Ils arrivent
chez eux pour souper le soir. Avec leur voiture, ils ont passé une heure
dans le trafic. Ils veulent souper et ils ne vont pas nécessairement
toujours faire leur supermarché. Ça ne réglera pas le
problème.
Il y a un phénomène actuellement de demande pour magasiner
le dimanche, où tu te sens plus libre, où tu veux consacrer une
heure sans balises, etc. C'est l'expérience qui est vécue sur
notre territoire dans le moment et, malheureusement ou heureusement, je ne le
sais pas, c'est un fait et ça va s'en aller en s'accroissant. C'est
pourquoi, moi, je vous dis: Considérez ce fait-là. Parce qu'on
n'a pas le choix. Ce sont nos gens à nous qui agissent comme ça.
Ils agissent comme ça. Ce n'est pas parce que nous... Vous parlez de
l'intérêt mercantile. C'est bien évident.
Quand on est en affaires, on est en affaires. Ça, vous l'avez
dit, c'est normal.
Mme Marois: C'est correct, bien oui.
M. Bilodeau: Ce n'est pas une question strictement mercantile.
C'est une question que nous ne sommes plus ce que nous avons été,
il y a un temps. Il faut l'accepter. Et nous, on est prêts à
s'adapter et à changer, avec les difficultés que ça
comporte. Ça comporte certaines difficultés, mais on est
prêts à le faire, on doit le faire.
Mme Marois- Combien de commerces sous bannière ou magasins
corporatifs? Et dans cette subdivision-là, est-ce qu'ii y en a qui se
sont prononcés contre l'ouverture ou s'il y a unanimité ou...
M. Vachon (Jean-Roch): Mme Marois, en 1985, Steinberg
était une chaîne d'alimentation. Ses ventes étaient
consacrées à 100 % à un réseau corporatif. Depuis
ce temps-là, il y a eu un changement de cap et on a adopté un
mode grossiste de sorte que, de 1984-1985 à 100 %, aujourd'hui, en
1989-1990, il y a 52 % de notre volume qui est fait avec des magasins
corporatifs. Et il sera de 30 % en 1990-1991. Maintenant, il faut...
Mme Marois: 30 %?
M. Vachon: 30 % environ. Ce sont des appréciations. Ce
qu'il faut reconnaître là-dedans, c'est qu'on a
procédé aussi à des acquisitions de grossistes depuis ce
moment-là qui ont ajouté à notre...
Mme Marois: Cela a modifié la structure financière
de l'entreprise. Ça, ça va.
M. Vachon: Oui. Sur les 110 magasins dont on parlait
tantôt, il y a 10 magasins qui sont affiliés. Il y a 40 magasins
qui sont franchisés, le reste étant des magasins corporatifs. Et
le groupe de franchisés sera ici, à la commission, je pense que
c'est vendredi.
Mme Marois: Ils vont venir dans deux jours.
M. D'Ostie (André): Dans deux jours, le 16.
Mme Marois: II y en a 16?
M. D'Ostie: Non.
Mme Marois: Ils vont venir le 16, vous dites.
M. D'Ostie: Ils vont venir le 16.
Mme Marois: Est-ce qu'il y en a un nombre déterminé
qui s'est prononcé en faveur ou...
M. D'Ostie: La position des franchisés, ils vont vous la
présenter le 16. Mais leur position est en faveur des heures d'ouverture
le dimanche.
Mme Marois: O. K.
M. D'Ostie: À l'unanimité.
Mme Marois: D'accord. Bon. Une autre question que je veux aborder
avec vous: Les Maisonnées.
Le Président (M. Bélanger): Si vous Je permettez,
il resterait cinq minutes à la formation ministérielle et on vous
reviendrait.
Mme Marois: II me resterait combien de temps?
Le Président (M. Bélanger): II vous resterait cinq
minutes. D'accord?
Mme Marois: D'accord. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Deux petites questions. La
deuxième, je vais la poser à M. Gaucher. Ce matin, Provigo nous a
dit: Perte de marché. On l'a vu. Qu'on s'obstine sur un point ou deux,
ce n'est pas ça... Deuxièmement, perte d'emplois, vous y avez
fait allusion tout à l'heure, des emplois rémunérateurs.
Quand on mentionne ça aux représentants syndicaux, ils nous
disent: Premièrement, il n'y a pas de preuve qu'il va y avoir une perte
d'emplois s'il y a fermeture le dimanche. Ils nous disent ça. M. Croux,
peut-être, sur celle-là, vous pourrez me répondre.
Deuxièmement, même s'il y avait ouverture le dimanche, s'il y a
création d'emplois, ça va être des emplois à temps
partiel et il va y avoir une clause "orphelin" qui va faire que les nouveaux
arrivés à temps partiel n'auront pas la même
rémunération, des emplois rémunérateurs, que les
autres qu'on mentionnait tout à l'heure. Comment réagissez-vous
à ça? Ensuite de ça, je vais avoir une question pour M.
Gaucher.
M. Bilodeau: Pour ce qui est de la fermeture, si nous étions,
évidemment, pour retourner, ce que vous appelez "reculer en
arrière", si nous étions pour fermer tous les commerces qui,
actuellement, opèrent sur le territoire québécois, je
pense qu'il y aurait tout de suite une perte d'emplois, on ne peut pas le nier.
Il y aurait énormément de gens qui seraient soudainement sans
emploi. Deuxièmement, si on favorise l'ouverture des commerces...
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais est-ce que vous allez fermer
vos supermarchés parce qu'on ferme le dimanche?
M. Bilodeau: Non, nous, actuellement, on n'a pas le droit
d'ouvrir, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je le sais. M. Bilodeau: II n'y
aura pas de...
M. Tremblay (Outremont): Bon, II y a ou une perte d'emplois.
Est-ce qu'il va y avoir d'autres pertes d'emplois?
M. Bilodeau: Si vous fermez les supermarchés, il y aurait
la perte d'emplois de ceux qui travaillent actuellement le dimanche. Ceux qui
ne travaillent pas, je ne vois pas de perte d'emplois là.
M. Tremblay (Outremont): Mais il n'y en a pas qui travaillent le
dimanche, là.
M. Bilodeau: Bien, dans le cas des supermarchés, chez
nous, nous sommes fermés le dimanche. Je voudrais juste bien comprendre
votre question.
M. Tremblay (Outremont): OK Je vais l'expliquer d'une autre
façon.
M. Bilodeau: La perte d'emplois immédiate par une
législation qui favorise la fermeture, c'est d'enlever à tous
ceux qui travaillent dans le moment l'opportunité de travailler.
M. Tremblay (Outremont): Ce qu'on nous dit, la tendance...
M. Bilodeau: Ça, c'est immédiat.
M. Tremblay (Outremont): La tendance... Je ne veux pas revenir
sur les chiffres de Provigo. La part de marché de 69 %, en 1985, est
rendue à 60%; perte d'emplois, X milliers d'emplois. Est-ce que la
tendance va se poursuivre si vos commerces n'ouvrent pas le dimanche?
Allez-vous continuer à perdre des parts de marché? Le syndicat,
à ça, dit qu'il n'y a pas de preuve que, si nous n'êtes pas
ouverts le dimanche, la tendance va se poursuivre. C'est ça, la
question.
M. Bilodeau: Évidemment, on fait une hypothèse
où on ferme tout le monde et j'ai de la misère, dans ma
tête, à la faire. Mais supposons que je la fais, je crois qu'il y
a déjà un certain nombre d'habitudes de consommation chez les
gens qui feraient en sorte que, parmi les quelques-uns qui resteraient ouverts,
il y aurait un achalandage considérable. C'est
récupérable, probablement, mais ça serait difficile.
Ça ne serait pas facile. L'élément inconnu dans ça,
c'est l'élément public, c'est le comportement du citoyen sur une
base de cinq ans en cinq ans et c'est vraiment difficile de prévoir
comment le citoyen se comporterait. Il n'y a pas de réponse miracle
à ça. M. Vachon veut peut-être ajouter quelque chose.
M. Vachon: Peut-être un complément de réponse
là-dessus. Au niveau du commerce qui est celui de l'alimentation, comme
tel, il y a une érosion uyHt6inntl(|uo. doptita min di/nluo d'an
nées, qui va à un autre secteur qui est le secteur de la
restauration. Je pense que, quand on parle du secteur du commerce du dimanche,
le commerce du dimanche est un commerce qui est différent. On commerce,
nous, aux États-Unis où on est ouverts sept jours par semaine et
il y a des secteurs d'activités où le "mix" de produits est
complètement différent: des mets cuisinés, pour justement
concurrencer tout ce secteur-là... De sorte que vous retrouvez dans
certains magasins américains d'autres types d'emplois. Il y a des chefs
qui travaillent dans des magasins, il y a des cuisiniers qui travaillent dans
des magasins d'alimentation, de sorte que c'est un moyen aussi de faire face
à un marché qui est changeant.
M. Tremblay (Outremont): Je vais le reprendre d'une autre
façon. Même si je prends une minute de plus,
j'espère...
Mme Marois: Allez!
M. Tremblay (Outremont): Ma deuxième question...
Mme Marois: La réponse n'est pas...
M. Tremblay (Outremont): C'est parce que je veux poser une
question à M. Gaucher, et celle-là, c'est pour lui donner la
chance de réagir à quelque chose que j'ai mentionné tout
à l'heure. Les syndicats, ce sont des gens d'affaires aussi. Ils se
disent: Nous autres, on représente un certain nombre de personnes avec
des emplois rémunérateurs, dans les supermarchés. C'est
syndiqué, ça. Les travailleurs, dans les dépanneurs, ne
sont pas syndiqués. Alors, leur intérêt, c'est que vous
grossissiez, c'est que vous preniez de l'importance. En tout cas, c'est
l'hypothèse que je fais, une hypothèse économique. Alors,
ils disent: Non, on ferme le dimanche. Ma première question, je vous la
pose encore: S'il y a une fermeture le dimanche, est-ce que vous allez perdre
encore une part de marché et va-t-il y avoir une perte d'emplois? Les
syndicats, à ça, ils disent: Non, on n'a aucune preuve que, si
tout le monde est fermé le dimanche, au niveau de l'alimentation, sauf
les dépanneurs, II va y avoir une porte de marché, donc une perte
d'emplois. Donc, on veut main-
tenir le statu quo.
Le deuxième argument...
M. Bilodeau: Ça m'apparaît une vérité
de La Palice, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Pardon?
M. Bilodeau: Ça m'apparaît une vérité
du La Palice. Si on ferme tout le monde, je pense que, raisonnablement, il faut
répondre que ça n'affectera pas les parts de marché
substantiellement si tout le monde est fermé.
M. Tremblay (Outremont): Sauf, et là j'arrive...
M. Bilodeau: Mais là on déplace le problème
de l'ouverture le dimanche...
M. Tremblay (Outremont): Non, non. M. Bilodeau:... de loin.
M. Tremblay (Outremont): Sauf si on prend l'hypothèse de
M. Vachon, à savoir que ce n'est pas uniquement le dépanneur
traditionnel de trois employés et moins, parce que le dépanneur
traditionnel pourrait commencer à vendre des mets cuisinés avec
trois employés et moins; ça se conserve. La restauration pourrait
prendre de plus en plus d'importance. Les dépanneurs... La restauration,
ce n'est pas syndiqué. Donc la part de marché que les
supermarchés perdraient dans le temps, ça créerait des
pertes d'emplois. Des pertes d'emplois, ça affecte directement les
syndicats.
Une voix: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Mais c'est ça que je veux dire,
je ne vais pas trop loin, je ne veux pas imaginer des choses.
M. Bilodeau: Nous sommes d'accord avec votre réponse.
M. Tremblay (Outremont): C'est économique. Il me semble
que vous devez...
Mme Marois: Ils travaillaient contre leurs
intérêts.
M. Tremblay (Outremont): II me semble que vous devez penser
à ça quand vous regardez vos parts de marché.
M. Bilodoau: Moi, je pense que ça travaillerait contre
leurs intérêts. C'est ce que J'essaie...
M. Tremblay (Outremont): O. K. Et ce qu'on me dit...
Mme Marois: Vous êtes convaincu de ça, qu'ils
travailleraient contre leurs intérêts?
M. Bilodeau: Oui. Je pense que quand on réalise... Je
pense qu'une fois que les syndicats auront réalisé cela, s'ils le
réalisent, ils vont se rallier à la thèse.
M. Tremblay (Outremont): O. K.
M. Bilodeau: C'est une question purement objective, purement
factuelle.
M. Tremblay (Outremont): Très bien.
M. Bilodeau: Ils ne veulent pas travailler contre leurs
intérêts.
M. Gaucher (Michel): Seulement pour ajouter un petit point
là-dessus. J'ai l'impression que l'hypothèse des syndicats, c'est
bien fondamental dans le dialogue, c'est qu'on va vivre dans un monde parfait,
d'équité et que le dimanche, ça va être
fermé. Dans cette hypothèse-là, moi, je suis tout à
fait d'accord avec eux, qu'il n'y a pas tellement d'érosion de
l'assiette à se partager entre travailleurs, actionnaires,
dépenses en capital, dépenses de gestion de l'entreprise
Steinberg, ou Provigo, ou autre. Mais dans l'hypothèse où
ça n'est pas soutenu, là, je pense qu'il va falloir qu'ils
réfléchissent une deuxième fois à la question parce
qu'on a une tarte à partager La tarte, ce n'est pas parce qu'elle est
partagée en sept jours, elle est partagée dans un an. Et s'il
nous manque 10 %, 15 % ou 20 % de chiffre d'affaires à la fin de
l'année pour combler les frais généraux, les frais de
développement et tout ce qui n'est pas amortissable dans une
journée d'ouverture, bien, ils vont réaliser qu'on en a moins
à donner aussi en taux horaire, en fonds de pension, en
sécurité, dans tout le tralala qui suit une convention
collective.
M. Tremblay (Outremont): Et si on va plus loin et qu'on dit que
le dépanneur de trois employés et moins, non syndiqué, la
restauration non syndiquée pourraient continuer à prendre une
part de marché, si on regarde, entre autres, les mets
cuisinés...
M. Gaucher: Pour moi qui suis tout à fait nouveau dans le
contexte de l'alimentation - j'en apprends à tous les jours - ça
me semble être une aberration de voir la contradiction qui existe - parce
que je suis encore peut-être un peu objectif - entre les
Intérêts des supermarchés et les Intérêts des
syndicats qui sont là à avoir une position que je ne comprends
pas, personnellement.
M. Tremblay (Outremont): O. K. Le deuxième volet de cette
question-là et je n'ai toujours pas
posé ma question à M. Gaucher... Je m'excuse si je
prends...
Mme Marois: Oui, mais c'est parce que le temps court.
M. Tremblay (Outremont): Bien oui, je le sais.
Mme Marois: Et on a comme autre chose à faire aussi.
M. Tremblay (Outremont): En quoi... Je vous donnerai, on
prendra... Ce qu'on dit: Si on ouvre le dimanche, ce que j'entends des
syndicats...
M. Gaucher: C'est ma question, là?
M. Tremblay (Outremont): Non, non, elle s'en vient, tout de
suite...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'était le
deuxième volet et je n'ai pas eu ma réponse. Les syndicats
disent: Si vous ouvrez le dimanche, on n'aura pas d'emplois plus
rémunérateurs parce que ça va être des emplois
à temps partiel et il va y avoir une clause "orphelin".
M. Gaucher: II est certain, en tout cas, que ceux qui
travailleront le dimanche seront mieux rémunérés chez
Provigo et chez Steinberg que chez le dépanneur, ou chez le
fruitier.
M. Tremblay (Outremont): Bon! Ma question, la voilà, pour
M. Gaucher: Tout à l'heure - je l'ai répétée
à Hudon et Deaudelin pour être certain que je l'avais comme il
faut - on me disait que Provigo et Steinberg, à cause de votre
rentabilité qui est moins importante que celle de IGA - c'a
été très clair - votre intérêt, c'est de vous
approprier une partie des profits des petits détaillants. En d'autres
mots... Bien, c'est ça...
M. Gaucher: C'est quoi, la question?
M. Tremblay (Outremont): C'est quoi, est-ce vrai?
M. Gaucher: Ah!
M. Tremblay (Outremont): En d'autres mots, si vous autres, vous
ouvrez... Est-ce vrai? Il a dit ça...
Mme Marois: ...parts de marché. Une voix: Elle est
bonne, celle-là. M. Gaucher: O.K., Mme Marois.
Mme Marois: ...oui? O.K.
M. Gaucher: Je suis connecté.
M. Tremblay (Outremont): C'est le gros contre le petit et le gros
a besoin d'argent pour payer ses frais fixes, il va chercher le petit.
M. Gaucher: Je suis content que vous me posiez la question parce
que c'étaient justement des notes et je ne savais pas comment je
pourrais intervenir là-dessus.
M. Tremblay (Outremont): C'est pour ça que je vous donne
la parole. (13 h 15)
M. Gaucher: Moi, avant do mettre le pied dans l'alimentation,
j'ai été dans des secteurs où il y avait moins de
concurrence, dans le secteur du transport maritime, où on s'est fait une
niche. Dans la construction, dans d'autres secteurs, dans le transport
scolaire, il y a moins de concurrence. Mais, dans le secteur de l'alimentation,
laissez-moi vous dire que la concurrence, elle est féroce, elle est
quotidienne. Il y a ce qui s'appelle de l'espionnage de prix, de jour en jour.
Mme Marois, si vous pensez que les prix ne sont pas concoctés, ils le
sont, mais dans un contexte où chaque cent est prise. Métro
surveille nos prix la semaine d'avant. Moi, je n'ai jamais vu un secteur
pareil. La vraie concurrence de Steinberg, j'ai le regret de vous le dire,
c'est IGA, c'est Provigo et c'est Métro, ce ne sont pas les
dépanneurs. Et dans un monde réel, dans la réalité
des faits, on va continuer à se battre. Tantôt, il y a eu l'image
du gros et du petit. Je trouve ça une farce parce que ce n'est pas vrai.
On est dans un marché où il y a 1 % ou 2 % de marges
bénéficiaires à la fin de l'année. Il ne faut pas
grand-chose pour se péter la gueule, dans ce domaine-là. La
preuve, c'est qu'il y en a qui sont très fragiles à cause
d'opérations difficiles. Et dès qu'il y a un manque de discipline
dans le réseau, que ce soit Métro aujourd'hui, Steinberg demain
ou Provigo après-demain, ça casse, ça ne marche plus.
Alors, avec des marges de 1 % ou 2 %, vous vivez déjà dans un
marché quasi parfait. Le réseau de distribution ne peut pas
être mieux huilé que ça pour le consommateur. Donc, la
compétition du dimanche, elle va être aussi féroce. Vous
allez avoir les mêmes "bargains", les mêmes prix, les mêmes
avantages. Vous . aile/ avoir les mêmes choix. Malheureusement pour moi,
comme actionnaire, vous allez pouvoir aller où vous voudrez et les
marges ne seront pas mieux. Alors, c'est faux de prétendre que c'est une
affaire de gros et de petit. Les marges ne seront pas plus fortes. C'est
évident que, par exemple, le pouvoir d'achat des chaînes va faire
que le coût va être minime. Je pense que si vous êtes inquiet
de l'efficacité...
J'aimerais peut-être juste finir avec une suggestion qui fait
partie de notre présentation.
Vous avez un choix difficile, vous avez un noeud gordien à
trancher, dans le fond, et je ne voudrais pas être à votre place.
Mais votre seul secours, a mon avis, c'est que vous adoptiez des principes
fondamentaux, des principes de liberté de choix, des principes
d'équité en commerce, ne pas créer deux classes de
citoyens corporatifs. Vous avez un fromage suisse devant vous et il faut que
vous le remplissiez d'une façon ou d'une autre. Et le troisième
de vos choix, c'est de vous assurer qu'il y a une efficacité
économique pour les contribuables. Ça, c'est votre
responsabilité. C'est de ne pas écouter notre problème de
part de marché, ni ceux de Provigo ni ceux de Métro.
Arrêtez-vous au .iveau des principes. Posez-vous la question: Quelle la
méthode la plus efficace de livrer six bananes uj deux "Mae West" dans
la main des consommateurs? C'est ça, la question que vous avez à
vous poser; le reste, ce n'est pas important. Ce n'est pas important que 1000,
2000 ou 3000 actionnaires, employeurs ou employés rançonnent 6
000 000 d'habitants, au Québec. Ça, ce n'est pas important. Ce
qui est important, c'est quel est le meilleur système pour... Mme
Marois, tantôt, vous avez soulevé un point. Je pense que n'importe
quelle situation serait odieuse à partir du moment où une
personne n'a pas le choix de faire son marché quand elle veut, au
meilleur prix qu'elle peut.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Je suis d'accord avec vous. Ce ne serait pas
nécessairement odieux, mais ce serait incorrect, disons, si vous me
permettez de reprendre l'expression que vous utilisez. Sauf que vous êtes
conscient aussi, pour être en affaires, qu'une situation de concurrence
parfaite, ça n'existe pas. Vous dites: Dans l'alimentation, ça se
rapproche peut-être à cause des petites marges
bénéficiaires dont on parle. Je suis bien consciente de
ça. Mais là où j'ai un peu de difficulté à
vous suivre... C'est bien sûr que vous allez vous battre pour avoir des
parts de marché de Provigo, de Métro et de IGA, mais toute la
thèse des personnes qui défendent l'ouverture des commerces
alimentaires le dimanche, c'est de nous dire: On a été
traités inéquitablement et d'autres types de commerces, soit de
plus petite taille, mais plus grands que ce qui est prévu dans la loi,
ou les pharmacies à grande surface sont venus gruger notre part de
marché. Donc, si je fais le raisonnement dans l'autre sens, et je ne
peux pas ne pas le faire, vous allez essayer d'aller rechercher cette part de
marché que vous avez perdue. Et vous, comme Provigo, comme Métro,
tout le monde, vous avez perdu cette part de marché ensemble. Parce
qu'on dit que ce sont les grandes surfaces qui ont vu leur volume de ventes
diminuer au profit de tous ceux dont on parte. Donc, à partir du moment
où on arrive dans un marché à maturité, qu'on parle
de marges bénéficiaires de l'ordre de 1 % ou 2 %, c'est
évident que ce ne sera pas seulement entre les supermarchés que
ça va se passer, mais ça va se passer aussi avec les petits, les
moyens, tes spécialités et tout le reste. Il m'apparaît
qu'en termes d'analyse économique je ne puisse pas tirer une conclusion
très différente. D'accord?
Maintenant, moi, je ne veux pas revenir sur des questions, j'en aurais
un certain nombre d'autres, mais je vous dirais qu'il y a dans tout le
débat que l'on a actuellement une question de philosophie,
fondamentalement. Il y a, d'abord, une question organisationnelle et
institutionnelle et après ça une question de philosophie. Une
question organisationnelle et institutionnelle - M. Gaucher, vous avez assez
bien décrit, à un moment donné, la situation; tout
à l'heure, vous avez dit: Écoutez, c'est bien sûr que si on
arrivait à une équité... Vous dites que ce serait un
retour en arrière qu'on en arrive à la fermeture, mais, au moins,
tout le monde serait traité de la même façon et serait sur
le môme pied. Bon! Donc, on dit: Comme ça ne risque pas de se
passer, allons vers une liberté de choix parce que l'autre est plus
difficile. C'est vrai que l'autre est plus difficile à aménager,
je suis d'accord avec vous. Mais, après ça, une fois qu'on a
tassé les problèmes juridiques, tassé les problèmes
organisationneJs, on se heurte à une question de philosophie, une
question de valeurs.
Est-ce qu'on ne peut pas s'entendre, comme société, que la
qualité de vie, ce n'est pas seulement, uniquement et ultimement la
liberté de commercer le dimanche? Je ne veux pas vous faire dire des
choses que vous n'avez pas dites. Vous n'avez pas dit ça; c'est autre
chose. C'est un des éléments que vous défendez. D'autres -
et c'est cette thèse-là devant laquelle on se trouve
confrontés - disent: Est-ce que, dans notre société, on ne
peut pas s'entendre qu'une journée semaine, on va faire en sorte que nos
activités commerciales et de production vont se réduire pour un
ensemble le plus Important possible de personnes? Quand on me dit que 1 %,
ça équivaut à 15 000 ou 20 000 personnes qui
travailleraient en plus des 800 000 qui travaillent déjà, bien
moi, ce n'est pas 20 000 de plus que je voudrais qui travaillent, c'est de
regarder comment on pourrait réduire le fait que 800 000 personnes
soient déjà obligées de travailler pour rendre des
services essentiels. Parce que, comme société, il y a un choix
différent que l'on peut faire aussi et qui dit qu'on va mettre un peu de
temps sur les relations entre les personnes, qu'on va mettre un peu de temps
sur les communications entre les personnes et que, oui, on va aller dans des
restaurants manger ensemble parce qu'on va se retrouver en bonne compagnie et
que c'est un loisir auquel on va se donner accès. Boni Parce qu'une
vision de société de l'an 2000, c'est peut-être aussi une
société de loisirs. Il y a 20 ans, on en discutait et on disait
que c'était ça,
l'avenir, c'était la société de loisirs, tout le
monde se battait pour réduire les heures de travail, faire en sorte
qu'on s'accorde plus de temps. Là, on a changé, tout d'un coup,
là ce serait la société de consommation qui serait la
société de qualité de vie.
Alors, évidemment, je suis consciente que, quand j'aborde cette
question-là, quand je m'en vais dans cette ligne-là, on se heurte
à des questions de philosophie, à des questions de valeurs et
à des questions d'orientations fondamentales. Je vais faire une petite
remarque en disant: Vous savez, quand on me dit qu'aux États-Unis on
peut magasiner 24 heures par jour, sept jours par semaine, je ne suis pas
sûre que j'échangerais ma qualité de vie
québécoise contre la qualité de vie des
Américains.
M. Bilodeau: Eh bien, vous me permettrez, Mme Marois, de vous
mentionner ceci. Moi, avec respect, je pense qu'on a trop souvent tendance ici
à qualifier beaucoup de choses de débat de société.
Un débat de société ou un choix de société,
je vous indique respectueusement, je ne crois pas qu'il s'agisse ici
nécessairement d'un choix de société, quand il s'agit de
déterminer si les gens vont pouvoir faire leur alimentation ou non le
dimanche. Il y a déjà 800 000 personnes, comme vous l'avez dit,
qui travaillent dans des horaires autres que les horaires conventionnels et je
suis loin, loin d'être convaincu que ces gens-là ont une
qualité de vie inférieure à vous et moi. Au contraire, il
y a beaucoup de gens qui ont déterminé ou qui vivent actuellement
leur qualité de vie personnelle par choix et ça, je pense qu'il
ne faut pas l'oublier. Donc, ce n'est pas une question, à mon sens, d'un
choix de société.
Sur le plan philosophique, je vous suggérerais respectueusement
que quand il s'agit pour le législateur, finalement, de
légiférer, s'il s'agit de prohiber un droit, s'il s'agit de
prohiber un droit à un citoyen - et ça arrive - il faut que la
balance des inconvénients penche fortement en faveur de cette
prohibition-là, par exemple quand il s'agit de l'intérêt
public, etc. Mais, sur le plan philosophique, ça c'est correct. Mais
ici, dans le cas qui nous concerne, je ne crois pas que la balance penche si
fortement en faveur de la fermeture parce que, justement, le comportement,
encore une fois, le comportement des citoyens aujourd'hui, il faut l'accepter,
il est différent de celui des citoyens, il y a 20 ans et, Mme Marois, il
va être beaucoup différent dans 5 ans, dans 6 ans, dans 10 ans. On
ne peut pas dire aux femmes mariées aujourd'hui qui travaillent cinq
jours par semaine et qui ont des difficultés: On ne s'occupe pas de
votre problème. On ne peut pas dire aux familles monoparentales et aux
gens qui, pour des raisons personnelles, ne peuvent pas magasiner aux heures
actuelles: On ne s'occupe pas de votre problème.
Mme Marois: M. Bilodeau, je veux qu'on se...
M. Bilodeau: Mais on ne peut forcer personne, non plus, à
magasiner.
Mme Marois: Bien voilà!
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure et à remercier nos invités.
Mme Marois: Oui, je vais conclure et ça va être ma
phrase de conclusion. Remarquez que, quand je m'emporte, c'est parce que je
crois fondamentalement à ce que je défends, sinon je
n'interviendrais pas d'une façon aussi forte. Je pense qu'on va en
convenir. Et c'est en tout respect aussi pour votre point de vue, même si
je ne le partage pas. D'accord? À partir de là, je vais faire une
autre remarque, oui, sur le fait qu'on veut pouvoir avoir accès aux
magasins d'alimentation le dimanche, et qu'on me sert la remarque de chefs de
famille monoparentale. C'est sur ça que je voulais revenir tout à
l'heure en disant: Je fais de la répétition, mais je vais en
faire ma conclusion. 62,4 % des chefs de famille monoparentale sont inactives;
62,4 % sont inactives et, donc, n'ont pas besoin de temps supplémentaire
pour magasiner. C'est la Fédération des ACEF qui le dit. Quand on
parle du choix des femmes qui veulent travailler à temps partiel, j'en
suis et je sais qu'il y en a, sauf que je ne suis pas certaine qu'elles
souhaiteraient cependant travailler le dimanche alors que leur chum, leur mari
ou leur conjoint est à la maison avec les petits. Je ne pense pas que je
fais de la démagogie quand je dis ça. Bon.
M. Bilodeau: Et voilà pourquoi nous...
Mme Marois: Alors, c'est... Mais je suis consciente que ces
gens-là peuvent avoir des besoins aussi d'avoir accès à
des services, et dans ce sens-là il ne faut pas se dire qu'on s'en va
vers...
Le Président (M. Bélanger): II faudrait conclure
parce qu'on déborde de beaucoup beaucoup.
Mme Marois: ...une espèce de blockhaus total. On ouvre
plus tard en semaine, on ouvre...
M. Bilodeau: II est vrai, Mme Marois, que des...
Mme Marois: ...plus tard et on permet que du dépannage
existe aussi pendant les fins de semaine. D'accord? J'aurais eu bien d'autres
choses à vous dire.
M. Bilodeau: Moi aussi, évidemment.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, si vous
voulez remercier nos invités.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup d'être
venus nous exprimer clairement votre point de vue. Ce que je retiens quand vous
dites... Vous mentionniez tout à l'heure qu'il y en a qui semblent dire
que le gouvernement n'aura pas le courage de... Mais ce que vous dites, c'est,
indépendamment de ça: Est-ce que le gouvernement doit, par un
projet de loi, aller à contre-courant? Et à la page 10, dans la
conclusion de votre mémoire, vous dites: Est-ce qu'on doit
résister aux changements qui feraient abstraction des 'tits réels
et des voeux de la majorité? Alors, on va prendre en
considération vos représentations dans la décision qu'on
aura à prendre. Merci beaucoup d'être venus.
M. Bilodeau: Merci, M. le ministre. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie le groupe
Steinberg Inc., et ajourne ses travaux à demain, 10 heures, dans
la même salle.
(Fin de la séance à 13 h 28)