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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 14 mars 1990 - Vol. 31 N° 17

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que la commission de l'économie et du travail puisse procéder à la consultation générale et aux auditions publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux.

Ce matin, dans un premier temps, nous recevons le groupe Provigo Distribution qui sera représenté par M. Bussières, M. Dubé, M. Ponton, M. Sicotte et Mme Pierrot. Bonjour. Vous connaissez nos règles de procédure: vous avez 20 minutes ferme pour présenter votre mémoire; ensuite, il y a une période d'échanges avec les parlementaires. Chaque fois que vous aurez à prendre la parole, s'il vous plaît, je vous prierais de bien vouloir vous identifier, ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats; ça rend la tâche plus facile. Si vous voulez présenter votre porte-parole, présenter votre équipe et procéder, nous vous écoutons.

Provigo Distribution inc.

M. Bussières (Yvan): Merci, M. le Président. Mon nom est Yvan Bussières, je suis le président du conseil d'administration de Provigo Distribution inc., et aussi chef des opérations de Provigo inc. J'ai avec moi, ce matin: à ma droite, Mme Colette Pierrot, directrice recherche-marketing pour Provigo Distribution; à ma gauche, M. Gérard Dubé, vice-président senior pour les supermarchés Provigo dans Provigo Distribution inc.; M. Gérald Ponton, vice-président, affaires corporatives et développement immobilier pour Provigo Distribution; et M. André Sicotte, vice-président, communications pour Provigo Distribution inc.

M. le Président, je vous remercie, tout d'abord, de nous avoir permis, de nous avoir donné cette occasion de venir présenter le point de vue de Provigo Distribution inc., sur la question des heures d'affaires des commerces de détail au Québec. Je vais débuter en vous décrivant très rapidement Provigo Distribution. Provigo Distribution, c'est tout un réseau à travers la province de Québec, qui comprend 12 centres de distribution, 31 entrepôts libre-service, 1187 magasins répartis sous 7 bannières de Provigo Distribution, avec la particularité que 95 % des magasins sont affiliés, c'est-à-dire qu'ils sont la propriété d'indépendants, de franchisés, d'entrepreneurs qui forment ce réseau de Provigo Distribution. Nous avons des ventes réseau, c'est-à-dire des ventes qui sont générées à travers ces 1187 points de vente, de l'ordre de plus de 3 000 000 000 $ annuellement et ces commerces emploient environ 24 000 personnes qui travaillent dans tout ce réseau.

En fait, j'aimerais vous dire que je me trouve un peu dans la même position que le ministre puisque, sous le chapeau de Provigo, je dois concilier les intérêts de tous les marchands des différentes bannières, c'est-à-dire Provigo, les Proprio, les Jovi, les Héritage, les Maxi, les Intermarché, et aussi trouver, à l'intérieur de Provigo, une solution qui est valable, qui est équitable et qui est gérable pour tout le monde, tout en répondant de façon adéquate à l'évolution des besoins des consommateurs québécois.

La libéralisation nous apparaît comme la seule solution équitable, durable et gérable. Les principes qui sont défendus par Provigo Distribution sont d'abord le principe d'équité entre les commerces d'alimentation, le libre choix des consommateurs, le libre choix des marchands et le libre choix des travailleurs. En d'autres mots, ce qu'on défend ici ce matin, c'est le principe de la libre concurrence. Récemment - j'en étais le porte-parole - nous avons adhéré au Mouvement québécois pour la libéralisation des heures d'affaires; certains d'entre vous ont peut-être entendu une conférence de presse qui s'est donnée lundi passé, à 11 heures. Et j'aimerais vous mentionner très rapidement qui sont les protagonistes à l'intérieur de ce mouvement québécois. Il y a d'abord Provigo, il y a Steinberg, il y a Métro-Richelieu, il y a l'Association provinciale des fruiteries du Québec, il y a l'Association des marchés publics du Québec. Il y a la Coalition des marchands de piscines. Il y a la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec qui représente 18 000 membres. Il y a le Comité de défense des commerçants artisans, 8 000 membres et 25 auxiliaires. Il y a la Jeune Chambre de commerce de Montréal qui représente au-delà de 800 membres et un regroupement important des grands centres de rénovation du Québec. Il y a le Groupe Jean Coutu, Club Price et certains autres.

Globalement, évidemment, ce qu'on a élaboré lundi, c'est qu'on veut tout simplement qu'il y ait une libre concurrence et qu'il y ait beaucoup plus d'équité présentement entre les différents intervenants dans le commerce de détail.

Ces principes établis, permettez-moi maintenant de vous brosser rapidement le portrait de la situation de l'alimentation au Québec. Vous avez devant vous un tableau qui vous montre qu'en 1984 les ventes au détail, au Québec, dans les commerces d'alimentation, étaient de

8 400 000 000 $. Ça a évolué de 8 400 000 000 $ à 10 800 000 000 $, en 1988. Le pourcentage de ces ventes qui sont faites par les supermarchés, dans le temps, c'est-à-dire au cours de ces cinq dernières années, est passé de 69 % à 60,8 %. Il y a eu une détérioration très substantielle de 8,2 points de part de marché, que les supermarchés ont perdus, ce qui représente, en 1988, sur une base annuelle 1988, plus de 885 000 000 $ de perte de ventes par les supermarchés, au Québec.

Pourquoi a-ton perdu ça? Évidemment, il y a de la concurrence déloyale des nouveaux types de commerces qui, légalement, à la limite de la légalité ou illégalement, ont prospéré en ouvrant le dimanche. O commerces ont eu beaucoup de succès parce que justement, ils répondent aux besoins des cor,.,~.nmateurs. Les restaurateurs aussi ont pu s'adapter aux changements des habitudes des consommateurs, parce qu'ils ne sont pas réglementés du tout au niveau des heures d'affaires.

Regardons maintenant les pertes d'emplois pour les supermarchés. Plus de 7 300 000 heures perdues, au cours de cette époque. Plus de 4 100 emplois permanents perdus et plus de 10 300 emplois à temps partiel perdus. Si on admet que, dans un supermarché, le salaire moyen, avec les avantages, les bénéfices et tout ça, est de l'ordre de 25 000 $ par année pour une personne, 4 000 emplois représentent 100 000 000 $ de pertes de salaires pour les travailleurs de l'alimentation dans les supermarchés, sur une base de cinq ans. Alors, dans un marché en stagnation, les propriétaires indépendants de supermarché, qui représentent finalement le coeur de l'alimentation au Québec, vont devoir, tôt ou tard, fermer, faute d'avoir pu augmenter la profitabilité de leur magasin.

Regardons maintenant le portrait de l'évolution des services le dimanche. On a 12 877 commerces qui sont ouverts ou qui peuvent présentement ouvrir le dimanche et ce dont il est question maintenant, c'est de 1 123 supermarchés qui, eux, à cause des lois, ne peuvent pas ouvrir le dimanche. Évidemment, nous ne sommes pas 'à pour dicter ce que devrait être la qualité de vie du consommateur. Il a déjà démontré qu'il avait des besoins et qu'il voulait magasiner le dimanche. C'est à nous et c'est au gouvernement de s'ajuster à cette réalité.

Si on regarde un peu l'évolution des services le dimanche, on a mis ici une liste. Évidemment, on aurait pu ajouter beaucoup de nous, mais regardons les principaux magasins qui sont ouverts le dimanche Évidemment, les dépanneurs comptent pour une très forte proportion. On a les pharmacies, on a les librairies, on a les fruiteries, on a les marchés publics, on a Price Club. On a l'extension, si on regarde les stations-service et tout ça. On a les poissonneries, les petites épiceries. Il y a énormément de commerces présentement, dans le domaine de l'alimentation, qui sont ouverts le dimanche et, évidemment, ça vient affecter de façon très importante les supermarchés qui, eux, ne peuvent ouvrir.

Je voudrais maintenant m'attarder sur des questions qui ont été soulevées lors des audiences de cette commission parlementaire et qui, à mon sens, n'ont peut-être pas reçu toutes les réponses ou, enfin, des réponses complètes.

Première question: En quoi Couverture le dimanche répond-elle aux besoins des consommateurs? Pourquoi ne pas tout simplement prolonger les heures en semaine? Si l'ouverture le dimanche n'était pas importante pour les consommateurs, vous pouvez être assurés qu'on ne serait pas là aujourd'hui. Il n'y aurait pas tant d'exemptions et d'exceptions à la loi si les besoins des consommateurs le dimanche n'étaient pas réels. Et ça, le gouvernement l'a reconnu, en 1984. Le comportement des consommateurs qui magasinent le dimanche dans les pharmacies, les fruiteries, clubs Price, dépanneurs, marchés publics et autres illustre ces besoins. Il y a 29 % des consommateurs qui magasinent le dimanche. Les fruiteries sont à 100 % ouvertes le dimanche, tandis qu'en début de semaine, par exemple, elles sont ouvertes seulement à 20 % les soirs de semaine.

Les contraintes des familles où les deux conjoints travaillent, la présence accrue des femmes sur le marché du travail et l'augmentation du nombre de familles monoparentales ont créé des besoins réels. Alors, l'enjeu pour les commerçants, c'est la liberté de pouvoir s'adapter et répondre à ces nouveaux besoins. Et la mission du commerçant consiste, justement, à répondre aux besoins du consommateur et à lui offrir le meilleur service possible, au moment qui lui convient le mieux. Et la mission du ministre, M. le Président, est de favoriser le commerce au Québec et non de le restreindre.

Deuxième question: Qu'est-ce que la qualité de vie? La crainte qui est exprimée par plusieurs est que le dimanche va devenir une journée comme les autres et que nous allons révolutionner les moeurs des Québécois simplement pour satisfaire des ambitions mercantiles. Ce que ces gens devraient réaliser, c'est que cette révolution est une réalité. La vie sociale, le dimanche, n'est plus ce qu'elle était il y a 20 ans. Stations-service, guichets automatiques, dépanneurs ouverts 24 heures, journaux le dimanche, les marchés publics ouverts hiver comme été. Alors, il faut se rendre compte de ça. Revenir en arrière et tout fermer est une vue de l'esprit et c'est contraire à une tendance qu'exprime le consommateur dans ses opinions, mais, surtout et avant tout, dans ses comportements. (10 h 15)

La liberté de choix est l'élément fondamental du concept de qualité de vie défendu par Provigo Distribution: la liberté pour le consommateur de magasiner le dimanche, la liberté pour le commerçant d'ouvrir le dimanche et la liberté

pour le travailleur de travailler le dimanche. Quand on parle de qualité de vie des travailleurs, H faut réaliser que pas mal de gens travaillent déjà le dimanche. Enfin, on a un tableau ici qui vous montre - et je ne vais pas passer à travers - qui travaille le dimanche. Il y a plus de 800 000 Québécois et Québécoises qui travaillent le dimanche, à temps plein, à temps partiel, occasionnellement ou autrement. Il n'y a pas de dépanneurs qui vont fermer le dimanche au nom de la qualité de vie. C'est donc dire que leurs propriétaires sont satisfaits de leur sort et sont satisfaits de leur qualité de vie actuelle.

Troisième question: L'ouverture le dimanche va-t-elle entraîner une hausse de prix pour le consommateur? En fait, si on regarde un petit peu les implications financières d'une ouverture le dimanche dans un supermarché conventionnel, il y a des frais fixes que déjà, le dimanche, on doit absorber: on doit payer le loyer, on doit payer l'électricité, on doit payer la réfrigération, le chauffage, les taxes, etc., et ça, ça représente 35 % des coûts d'exploitation dans un supermarché. Évidemment, il y a aussi des économies éventuelles à ouvrir le dimanche: les opérations continuent, on n'aurait pas à vider nos comptoirs le samedi soir pour les recharger le lundi matin. Alors, nous, notre position, c'est que des coûts additionnels d'opération le dimanche, il n'y en a absolument aucun; au contraire, les supermarchés deviendront plus efficients et plus efficaces.

Quatrième question, et ça, c'est un point très important: Est-ce que les supermarchés vont augmenter leur part de marché aux dépens des petits commerces? Je pense qu'il faut commencer par démystifier le concept des gros et des petits. Le Québec alimentaire, je l'ai dit tantôt au début de mon exposé, est un ensemble d'entrepreneurs indépendants, propriétaires de PME. II y a 95 % dos commerces d'alimentation qui sont détenus par des indépendants, et ça augmente. Quand Steinberg va continuer à franchiser ses magasins, bien, il va y en avoir de moins en moins; ça va être 96 %, puis 97 % demain matin qui seront des entrepreneurs du Québec qui ont besoin d'ouvrir leur commerce d'alimentation le dimanche. Alors, ce n'est pas le gros contre le petit. Je pense que le jeu de la libre concurrence, Tentrepreneur-ship" et le sens de l'innovation permettent à chacun, quelle que soit sa taille, de s'adapter à l'évolution du marché. Prenons l'exemple du vin et de la bière dans les supermarchés: les dépanneurs n'en ont pas été affectés et les supermarchés en vendent le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi et le vendredi.

Essayons de démystifier la boule des pertes de ventes que les dépanneurs feraient. Prenons comme exemple - et ce n'est pas seulement un exemple, ce sont des réalités - le chiffre d'affaires d'un dépanneur le dimanche: il représente 20 % de ses ventes totales de la semaine. Admettons que le dépanneur perdrait 20 % de ses ventes le dimanche: 20 % de 20 %, c'est 4 % de ses ventes totales sur une base annuelle qu'il perdrait. Quatre pour cent, ce n'est même pas l'inflation d'une année. Alors, je pense qu'il faut démystifier ces grands concepts qui font que le gros va abattre le petit. Il faut se rappeler aussi que les dépanneurs sont ouverts, pour la majorité, 24 heures par jour, 365 jours par année. Et aussi, la deuxième meilleure journée, et par un très faible écart de ventes pour les dépanneurs, c'est le samedi, alors que tous les commerces d'alimentation sont ouverts. Et l'offre des dépanneurs est de moins en moins, d'ailleurs, concurrente à celle des supermarchés, puisqu'ils ont su s'adapter, avec le fast-food, les vidéos, etc.

Est-ce que ça va se traduire par un déplacement d'emplois? Non, ça ne va pas se traduire par un déplacement d'emplois. Qui va travailler le dimanche? C'est bien certain que nous, nous avons exprimé - je l'ai exprimé au début de mon exposé - qu'il fallait que nous permettions aux employés, sur une base volontaire, de travailler ou non le dimanche, et ça, on va respecter cette question-là.

Maintenant, quelle est la solution définitive, concernant la loi sur les heures d'affaires, qui soit à la fois équitable, durable et applicable?

Première option: maintenir le statu quo. Vous avez tous admis - à peu près tout le monde l'a admis ici - que le statu quo était injuste et inacceptable.

Deuxième option: tout fermer le dimanche. Je pense que c'est une solution qui détruit des entreprises, c'est contraire à la mission des entreprises et c'est contraire à l'évolution et aux tendances de la société actuelle.

Troisième option: libéraliser les heures d'affaires. C'est la solution la plus équitable, la plus durable. la plus lacilo ot la plus économiquo à gérer, et la mieux adaptée aux besoins dos consommateurs actuels et futurs. Alors, la libéralisation des heures d'affaires est, pour nous, le libre choix des consommateurs de magasiner ou non le dimanche, le libre choix des marchands d'ouvrir ou non le dimanche et le libre choix du travailleur de travailler ou non le dimanche.

M. le Président, nous croyons que toute solution qui nous ramènerait en arrière est contraire à l'évolution des besoins des consommateurs et des commerces qui ont prospéré en répondant à ces besoins. Notre recommandation se fonde donc sur une formule basée sur le libre choix, le libre accès, la libre concurrence et la libre entreprise, soit: la libéralisation complète des heures d'affaires pour les commerces d'alimentation. Toutefois, tous les intervenants en alimentation devraient avoir une chance égale de s'adapter graduellement à cette évolution et de satisfaire les besoins légitimes de leur clientèle. Conséquemment, même si cette formule ouvre la porte à des difficultés d'application de la loi et, possiblement, à d'autres exceptions, nous recom-

mandons un minimum acceptable pour les consommateurs au point de vue de leurs besoins réels, à l'aube des années quatre-vingt-dix et, pour les marchés d'alimentation, du point de vue de l'équité, soit des plages horaires de 9 à 9, en semaine et de 9 à 5, le samedi et le dimanche. En dehors de ces heures, la règle des établissements de trois employés ou moins en tout temps devrait être maintenue, sans qu'il soit fait référence à des contraintes de superficie ou d'espace. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, monsieur. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. Bussières. Deux gestions d'information et une question de fond. Sur la représentativité de votre groupe, on dit que vous représentez 1150 établissements. Évidemment, il y a les bannières Provigo, Intermarché, Axep, Jovi, Proprio, Maxi, Héritage et, globalement, au Québec, il y a 1123 supermarchés. Donc, combien y a-t-il de supermarchés dans vos 1150 établissements qui n'ont pas le droit d'ouvrir le dimanche parce qu'il y a plus de trois employés?

M. Bussières: M. le ministre, environ 260. Je peux me tromper de quelques-uns.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait dire que les autres ont trois employés ou moins? Non?

M. Bussières: Non. Je parle des supermarchés Provigo. Dans les autres, il y a environ 300 magasins que j'appelle des magasins de quartier qui sont des Axep, qui ont une taille d'environ 5000 pieds carrés et qui sont des magasins qui ont plus de trois employés, en règle générale. Certains d'entre eux ont moins de trois employés, mais 95 % ont plus de trois employés. On a aussi des Jovi, environ 300 aussi, qui, eux, sont de beaucoup plus petite taille. Certains de ces Jovi ont trois employés ou moins et on a aussi la bannière Proprio où, tous, ont trois employés ou moins. On a 350 ou 360 Proprio.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait dire que, disons, la moitié des 1150, ce sont des établissements qui sont fermés le dimanche parce qu'ils ont plus que trois employés? Sans vous tenir à 50 %, ça peut être 52 %. Donc, disons 575. Beaucoup d'intervenants semblent dire... Je lis les journaux et on a vu qu'au niveau de Métro, ça a été contesté hier. Sur les 575, combien sont favorables à l'ouverture des commerces le dimanche?

M. Bussières: II y en a au moins 50 %, M. le ministre. Il y a 80 % dos supermarchers Provigo - et c'est un dernier sondage qu'on vient de faire chez nous, en 1990 - qui sont indépendants, qui sont d'accord avec l'ouverture le dimanche.

M. Tremblay (Outremont): Donc, c'est 50-50.

M. Bussières: C'est 80 % des supermarchés

Provigo. Il y a eu une évolution importante depuis 1988. Alors qu'en 1988 c'était peut-être entre 30 % et 40 % qui étaient d'accord pour l'ouverture le dimanche, maintenant, on est à 80 %, pour les supermarchés Provigo.

M. Tremblay (Outremont): La deuxième question. C'est mentionné, dans votre document, qu'au niveau des conventions collectives 90 % des employés syndiqués sont déjà pourvus de lettres d'entente prévoyant l'ouverture le dimanche. J'ai posé la question lorsque les Travailleurs unis de l'alimentation sont venus et, à ce moment-là, ils ont été très surpris de cette affirmation. On m'a remis, il y a quelques minutes, une lettre, que je vais donner aux membres de la commission, à l'effet qu'il y a seulement une convention signée qui prévoit l'ouverture le dimanche. Quelle est votre réaction à ça?

M. Bussières: Écoutez, je ne veux pas vous contredire, M. le ministre, mais, à mon avis, c'est beaucoup plus qu'une convention signée qui prévoit l'ouverture.

M. Tremblay (Outremont): Sur ce point-là, est-ce que vous pourriez, pour nous aider dans notre réflexion, nous soumettre, même si vous ne l'avez pas aujourd'hui, une lettre, une très brève lettre d'une page, qui nous dirait: On a regardé nos conventions et il y en a tant de signées qui permettent l'ouverture le dimanche?

M. Bussières: Avec plaisir, M. le ministre. M. Tremblay (Outremont): Très bien.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, vous désirez déposer le document?

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vais en faire faire des photocopies pour les collègues, s'il vous plaît. Merci. Vous pouvez continuer.

M. Tremblay (Outremont): Une autre chose qu'on entend de représentants des supermarchés - là, je vais sur le fond - c'est: Le gouvernement n'aura pas le courage de revenir en arrière; donc, on doit aller de l'avant. SI le gouvernement envisageait la possibilité - je dis bien "si" pour des raisons d'équité - et l'expression que vous avez employée, c'est "chance égale" - d'éliminer les exceptions, de fermer les commerces le dimanche sauf ceux qui

sont réellement de véritables dépanneurs, de trois employés ou moins, est-ce que vous auriez des objections, au nom de l'équité, à ce principe-là?

M. Bussières: M. le ministre, en tant que chef des opérations de Provigo, je suis totalement en désaccord avec cette solution-là parce que ce serait ne pas reconnaître que les besoins des consommateurs ont évolué depuis les vingt dernières années et qu'il vont évoluer encore beaucoup plus au cours des dix prochaines années. On a habitué les consommateurs à magasiner le dimanche. Il y a 29 % des gens qui magasinent le dimanche; de plus en plus, présentement, on a probablement 55 % des femmes qui sont sur le marché du travail, on s'en va à 70 % dans l'année 2000 et peut-être qu'on atteindra 70 % beaucoup plus tôt que ça. Les familles monoparentales, c'est un phénomène qui continue à s'amplifier et à s'accroître. Je pense que ce serait revenir en arrière et une solution totalement inacceptable.

M. Tremblay (Outremont): Je comprends bien ce point de vue et je pense que vous l'exprimez clairement. Mais, si on regarde l'économique, parce que vous nous donnez des chiffres de 1985 et des années subséquentes pour nous démontrer que votre part de marché a baissé de 68 % à 60 %, vous savez que les exceptions, au niveau, par exemple, des marchés publics, des fruiteries, des supermarchés qui ont commencé à vous concurrencer, ont été mises en application en 1985.

Si je regarde l'évolution de la part des supermarchés depuis 1972 jusqu'en 1985, je m'aperçois que, en 1972, c'était de 71,5 % et, en 1984, c'était de 69,8 %. Donc, même s'il y a eu trois employés ou moins - parce que la permission d'ouvrir les commerces, dans le secteur de l'alimentation, de trois employés ou moins, c'est depuis 1970 - de 1970 à 1985, il n'y a pas eu de problème, vous n'avez pas eu de problème de part de marché. En 1985, le gouvernement a créé des exceptions et vous, vous avez réagi, parce que, sous vos bannières, vous avez des franchises ou des 'trois employés ou moins".

Là, je veux juste voir au niveau économique, pas au niveau philosophique, si on retournait en arrière et que la loi était équitable, est-ce que vous pensez que vous pourriez reprendre votre part de marché qui était de 68 %?

M. Bussières: Non, je ne le crois pas. M. Tremblay (Outremont): Pourquoi?

M. Bussières: II y a les commerces qui sont établis depuis. Évidemment, ces lois-là ont été modifiées en 1984. Les commerces qui sont établis sont là, ils vont rester là. Il y a beau- coup de dépanneurs qui se sont construits depuis 1984 parce qu'ils peuvent ouvrir 24 heures par jour, il y a beaucoup de marchés publics qui sont là et vous ne voulez pas économiquement, M. le ministre...

M. Tremblay (Outremont): Non, non.

M. Bussières: ...fermer les marchés publics le dimanche.

M. Tremblay (Outremont): Non, M. Bussières.

M. Bussières: J'y vais d'un point de vue économique aussi. (10 h 30)

M. Tremblay (Outremont): Non. L'hypothèse que je fais, c'est que si on veut avoir une loi équitable, si le gouvernement acceptait de retourner en arrière, ça veut dire en 1985, pour rendre la loi équitable, ça impliquerait la fermeture des pharmacies d'escomptes en dehors des heures d'ouverture normale des commerces, ça impliquerait la fermeture des marchés publics et/ou des fruiteries qui oeuvrent avec trois employés ou plus. La question que je vous pose est de dire: Si, de 1970 à 1984, vous avez maintenu votre part de marché, est-ce que, si on vous redonnait la chance égale, que vous avez mentionnée tout à l'heure, de concurrencer les commerces de trois employés ou moins, vous reprendriez votre part de marché?

M. Bussières: Probablement, M. le ministre, mais sur une période de temps très longue. Ce ne serait pas une ou deux années, mais je pense que ce serait sur une période de temps relativement longue

M. Tremblay (Outremont): Pourquoi?

M. Bussières: Pour l'exemple que je vous donnais tantôt, le fait que - puis, j'oublie le strict principe des pharmacies - depuis 1984, entre autres, il y a eu des plages horaires différentes pour les petits commerces et les plus grands commerces, qui ont favorisé la croissance des petits commerces et fait réduire le nombre des plus grands commerces. À ce moment-là, avant que ce phénomène-là se renverse, ça va prendre sept, huit, neuf ou dix ans. Évidemment, c'est très hypothétique, ce que je vous dis...

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais les gens doivent manger.

M. Bussières: ...mais je vous dis qu'on ne le récupérerait pas demain matin.

M. Tremblay (Outremont): Mais si les gens doivent manger, puis avoir accès à des commerces d'alimentation, si tous les commerces sont

ouverts aux mêmes heures, là ils vont avoir le libre choix que vous prônez et donc ils vont pouvoir aller où ils veulent.

M. Bussières: Écoutez, possiblement, mais je vous dis que ça va se faire sur une période de temps beaucoup plus grande qu'on peut le penser.

M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question: S'il y avait fermeture des commerces le dimanche pour donner une chance égale, une équité à tout le monde, comment allez-vous réagir à ça?

M. Bussièr^r- À mon avis, ce n'est pas, M. le ministre, une solution q;." est durable, ce n'est pas une solution ""li est permanente. On va toujours avoir la fameuse règle des trois employés. Les supermarchés vont essayer do trouver des trucs, vont essayer de contourner la loi pour "boutiquer" leur magasin, en faire des boutiques déguisées; on va faire de petits marchés publics à l'intérieur. Écoutez, on est en business, pour faire de l'argent et puis tout le monde qui est dans le commerce de l'alimentation et dans les autres commerces est en business pour faire de l'argent. Alors, si on est limités, à mon avis, on va trouver des solutions pour se débattre et puis pour...

M. Tremblay (Outremont): Une des solutions que j'ai soumises à cette commission, justement sur le point que vous soulevez, je me suis dit: Théoriquement, c'est de la légitime défense, les supermarchés pourraient subdiviser leur surface en de petits commerces où la personne arriverait avec son même "carrosse", arrêterait pour acheter ses légumes, puis après ses fromages, puis sa boucherie. Est-ce que c'est utopique, ça, ou si c'est quelque chose que vous pourriez envisager?

M. Bussières: Ça existe déjà dans certains supermarchés. D'ailleurs, il y a certains marchands qui ont pris des injonctions contre certains commerces, principalement au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui faisaient cette chose-là. Alors, ce n'est pas utopique du tout.

Le Président (M. Bélanger): Bien Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous souhaite la bienvenue, au nom de ma formation politique. J'ai beaucoup de questions, puis j'ai beaucoup de commentaires. Vous n'en doutez sûrement pas puisque, si vous suivez de près les travaux de la commission, et c'est tout à fait normal que vous le fassiez d'ailleurs, vous connaissez notre point de vue et vous connaissez un petit peu le point de vue que je défends.

Il y a des choses que j'aimerais replacer ou remettre dans leur perspective, puis, après ça, soulever avec vous un certain nombre de questions. Remarquez que la dernière question du ministre est intéressante, parce que, dans le fond, il y a aussi une philosophie, dans notre système légal, qui dit: Tu n'essaies pas de faire indirectement ce que la loi ne te permet pas de faire directement. Bon! Alors, il y a aussi ça qui est en jeu et je pense que vous le souleviez aussi comme réalité.

Une première petite chose, rapidement. C'est un argument qui revient dans tous les mémoires qui sont d'accord avec l'ouverture des commerces le dimanche, avec l'élargissement des heures, on dit qu'il y a une hausse sensible du taux de l'activité des femmes sur le marché du travail: exact. Il y a une hausse aussi sensible du nombre de chefs de famille monoparentale: exact. Ce sont toujours, d'ailleurs, les femmes à 85 % qui sont chefs de famille monoparentale. Puis, comme on sort à peine du 8 mars, on a fait tout le tour de cette réalité et on sait que ces femmes-là ont, entre autres, des revenus beaucoup plus bas.

Mais, poussons plus loin. Ça, c'est la Fédération des ACEF qui l'a déposé; on dit: 62,4 % des chefs de ces familles monoparentales sont inactives et donc n'ont pas nécessairement besoin de temps supplémentaire pour magasiner. C'est un peu surfait quand on utilise cette statistique-là pour dire que la hausse du nombre de personnes chefs de famille fait qu'elles ont besoin d'avoir accès pendant un nombre plus grand d'heures à l'alimentation ou à d'autres biens. Voilà pour une chose.

Deuxième chose, et ça rejoint un peu les questions que soulevait le ministre sur les parts de marché... Moi, je me reporte au document, dont tout le monde d'ailleurs a souligné la qualité jusqu'à maintenant, qui a été produit par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie sur la loi sur les heures d'affaires. Allons au niveau de la croissance des ventes dans le secteur alimentaire. Voici ce qui nous est dit, à la page 31 du document si jamais vous l'avez: "Au cours de la période 1981-1987, le secteur de l'alimentation a connu une croissance plus lente que celle des autres secteurs du commerce de détail au Québec. Les ventes des commerces en alimentation se sont accrues à un rythme de 6,7 % par année contre 9,4 % pour l'ensemble des commerces de détail." Je pense qu'on convient de ça, ça va assez bien. Mais poussons plus loin, et il nous est dit: "La croissance du secteur alimentaire, lorsque l'on soustrait l'inflation, en termes réels, 1,6 % par an depuis 1981." Là encore, je veux bien qu'on me dise: Si on libéralise, on risque - parce que je vais aller plus loin encore - de créer des emplois J'ai un peu de problèmes avec ça, parce que ici on me dit. Cette croissance-là - et encore la semaine dernière - est de 1,6 % en termes réels, de 1981 à 1987. La semaine dernière, on nous disait: Le secteur de la restaura-

tion draine effectivement un grand nombre de consommateurs qui consomment moins à la maison dans le secteur alimentaire. Pourquoi? Parce que les familles sont plus réduites, parce qu'on a plus facilement accès, monétairement aussi, à des services de restauration. Donc, on se rend compte qu'il y a une certaine stabilité ou que la croissance est relativement faible.

Quand on me dit que l'ouverture des commerces va avoir un impact sur l'emploi, j'ai de la difficulté à vous suivre, à moins qu'on amène le consommateur, par toute espèce de techniques ou de moyens de marketing, tout à fait honnêtes et corrects, d'ailleurs, je n'en suis pas là, à consommer davantage. Ça peut être cette avenue-là, et vous pouvez nous dire qu'effectivement il y a encore une marge, il y a encore quelque chose à travailler qui fait qu'on pourrait augmenter le niveau de consommation, et que là il y aurait peut-être un impact sur l'emploi. Ça me choque un peu quand on me dit ... Et je reprends votre papier; c'est celui de la coalition, j'ai compris, que vous nous avez représenté par les tableaux. On dit: "Plus de 7 300 000 heures perdues, 4000 emplois permanents perdus, 10 000 emplois à temps partiel perdus", dans les magasins d'alimentation de grande surface, mais au profit de petits commerces ou de magasins spécialisés, etc.... À moins que vous ne me disiez que votre niveau d'efficacité est plus bas que celui des autres. Parce que si la somme totale de ce qui s'est dépensé n'a à peu près pas progressé, si vous avez perdu des parts de marché, c'est au profit d'autres ailleurs, à ce moment-là. Que ça ait réduit l'emploi chez vous, là je vous suis, sûrement, mais ça l'a augmenté ailleurs.

Parce que je ne veux pas non plus parier pour parler, comme diraient d'autres, et avoir l'air d'affirmer des choses qui ne sont pas justes, alors, encore une fois, je me reporte au document du ministère et je me reporte à la page 87 du document: "La plupart des agents économiques qui se prononcent sur l'opportunité de libéraliser la loi des heures d'affaires des établissements commerciaux font état d'impacts plus ou moins importants d'une libéralisation sur le niveau général des ventes, des prix et de l'emploi. Or, à notre connaissance, il n'existe pas d'études sérieuses qui permettent d'orienter le décideur à propos de ces aspects du problème."

Et là, évidemment, on nous cite toute espèce d'études se contredisant, mais arrivant à peu près à dire qu'on n'est pas capable d'évaluer réellement, là où il y a eu passage d'une fermer-ture le dimanche vers une ouverture plus grande des heures, une réelle augmentation de l'emploi. Et il y a même une étude qui dit, là, que, dans les États américains où ça s'est libéralisé, "ie taux de chômage et le nombre hebdomadaire moyen d'heures de travail semblent légèrement plus bas dans les États libéralisés que dans les États non libéralisés".

Évidemment, je prends chacun des éléments parce que je reprends votre présentation, particulièrement, et j'imagine bien que vous aurez des commentaires à me faire, et on est là pour ça, pour échanger là-dessus, mais je veux au moins que vous répondiez à ces questions que moi je soulève ou à ces commentaires que je fais. Bon, il y en a un certain nombre d'autres. Là, j'ai aussi un autre problème.

M. Bussières: Mme Marois... Mme Marois: Oui.

M. Bussières: ...vous m'avez posé à peu près 12 questions depuis le début.

Mme Marois: Vous avez raison.

M. Bussières: Je ne sais pas si vous voulez que je commence à vous répondre.

Mme Marois: Ça va me faire plaisir, à part ça, je vais vous entendre. C'est parce que je ne veux pas perdre mon temps ici...

M. Bussières: D'accord.

Mme Marois: ...parce qu'il est bien dur avec moi. Non, ce n'est pas vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: II est très correct, il est très, très correct, très équitable.

Le Président (M. Bélanger): Je n'oserais pas être dur avec vous. Je vous en prie, monsieur.

Mme Marois: Très équitable.

M. Bussières: Je voudrais revenir d'abord sur deux points, la question des emplois perdus au niveau des supermarchés au cours des dernières années. Dans le grand système économique, un emploi qui est perdu dans un supermarché, c'est 25 000 $ par année qui sont perdus dans un supermarché, tandis qu'un emploi qui est perdu dans d'autres types de commerces qui, en règle générale, ne sont pas syndiqués, c'est probablement la moitié de ça, et moins de la moitié de ça. Alors, économiquement parlant, le système économique perd de l'argent quand les supermarchés ferment. Ce n'est pas parce qu'on est moins efficaces que les autres; c'est parce que, évidemment, les dépanneurs, à un moment donné, ont ouvert 24 heures par jour. Avant ça, ils étaient ouverts de 7 à 23 heures; maintenant ils le sont 24 heures. Et il y a un paquet de commerces qui ouvrent le dimanche. Alors, ça vient affecter nos ventes; donc, on est obligés de couper de l'emploi.

Deuxièmement, écoutez, je ne parie pas

dune augmentation de 25 % du nombre d'emplois si jamais les supermarchés étaient ouverts le dimanche. Je veux tout simplement dire qu'il y aurait une augmentation légère de l'emploi, au niveau des supermachés. Pourquoi? Parce que le dépanneur du coin qui va perdre 4 % de ses ventes, il ne va mettre personne à la porte parce qu'il va peiu're 4 % de ses ventes. Donc, il va avoir les mêmes emplois. O.K. Alors, s'il y a trois personnes qui travaillent pour un dépanneur le dimanche, il va continuer de travailler avec trois personnes, tandis que dans les supermarchés ça va créer de l'emploi au niveau des supermarchés. L'améliorai ion ne sera pas sensible, mais il va y avoir dé • livement une création d'emplois, si minime puisse-t elle être. D'ailleurs, vous le dites vous-même qu'on a..

Mme Marois: Si vous allez chercher une nouvelle part de marché, c'est évident. Mais si cette progression se fait très, très lentement, est-ce que ce n'est pas un déplacement - je m'excuse de vous interrompre - de l'emploi vers les heures superachalandées actuellement et une répartition de l'achalandage?

M. Bussières: Écoutez, moi, ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a plus de gens qui vont travailler. C'est bien sûr qu'il va s'en éliminer des jobs, graduellement, du côté des dépanneurs. Mais il va s'en éliminer moins, je pense, et c'est logique de penser ça, qu'il va s'en créer. Maintenant, dans le domaine de la restauration, on sait tous aujourd'hui qu'il y a près de 30 % des repas qui sont pris a l'extérieur du foyer, et je peux vous dire que le dimanche ils ont une part de marché très importante, un énorme pourcentage du chiffre d'affaires des restaurants est fait le dimanche. Pourquoi? Parce que souvent les supermarchés sont fermés le dimanche. Les gens n'ont pas eu le temps de magasiner pendant la semaine et, au lieu d'aller s'approvisionner pour leur commande principale chez le dépanneur, ils vont chercher les besoins d'appoint chez le dépanneur et ensuite de ça ils s'en vont au restaurant. Évidemment, on pense que les restaurants ont connu une croissance relativement importante de leur chiffre d'affaires ou de leur part de marché au cours des 10 dernières années. Et c'a été une croissance, je dirais, autour de 8 %, composés annuellement. Évidemment, c'est venu faire mal aussi aux supermarchés.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je cède la parole au député d'Orford.

Mme Marois: Est ce que vous me permettez une phrase sur mon temps?

Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, je vous en prie. (10 h 45)

Mme Marois: Sur mon temps.

Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en prie.

Mme Marois: Je comprends bien vos explications sur l'emploi, mais à ce moment-là ce que vous dites vient de beaucoup nuancer les affirmations et la présentation des chiffres qui sont là. Quand ces nuances-là sont apportées, je suis prête davantage à vous suivre dans votre raisonnement. Mais il faut faire attention quand on les présente.

M. Bussières: Madame, vous avez raison.

Mme Marois: Parce que l'image qui reste, c'est qu'on perd X mille emplois et ce sont des emplois très très payants qu'on perd. Alors, ii faut faire les nuances, il faut faire les distinctions; je pense que c'est important. Là, on n'arrive plus à ce qui est ici.

M. Bussières: Mais là, je ne vois pas ce qui est là, madame. Vous faites juste me...

Mme Marois: Ce qui est là, ce sont les emplois perdus depuis 1985. C'est votre propre tableau. D'accord?

M. Bussières: Ah! d'accord.

Emplois perdus dans les supermarchés depuis 1985.

Mme Marois: Voilà! Mais ce n'est pas écrit.

M. Bussières: Ah bon! Excusez. On va faire l'amendement.

Mme Marois: C'est juste ça.

Le Président (M. Bélanger): Je cède la parole au député d'Orford.

M. Benoit: M. Bussières deux courtes questions. La première, dans votre mémoire, à la page 10, vous parlez d'une réglementation municipale. Vous vous opposeriez à une réglementation municipale comme en Ontario. Par la suite, vous seriez pour un "opting out"; finalement, ce serait une zone touristique, mais à l'envers, c'est-à-dire dans la mesure où les municipalités se retireraient. J'ai de la misère à suivre le rationnel de ça.

M. Bussières: En fait, le rationnel, c'est que le gouvernement du Québec et vous, je crois, M. le ministre, vous avez déjà soumis l'idée que possiblement vous remettriez la décision aux municipalités, à savoir si chacun devait ouvrir ou non le dimanche. Alors, nous, en réaction à cette idée-là qui était, à un moment donné, je pense, au cours des derniers mois, préconisée par le ministre, on disait tout simplement: Au lieu que

ce soit laissé aux municipalités, plutôt, que le gouvernement légifère pour le dimanche et, ensuite de ça, les villes pourront toujours se servir du "opting out", c'est-à-dire volontairement décider de légiférer autrement. On sait ce qui se passe en Ontario, présentement; excusez l'expression, c'est le bordel monumental. Alors, je pense que le ministre doit statuer sur cette chose-là.

M. Benoit: Deuxième question: Dans votre présentation, il y a quelques minutes, vous faisiez part qu'il n'y aurait pas de coûts additionnels pour le consommateur dans la mesure où vous ouvririez vos commerces le dimanche. On siège depuis le 27 février et on a entendu, à de multiples occasions, différents groupes qui sont venus nous dire totalement l'opposé: A chaque fois qu'il va y avoir plus d'heures d'ouverture, il va y avoir plus de personnel qui va travailler, il va y avoir plus de chauffage, il va y avoir plus de déneigement, il va y avoir, finalement, pas mal plus de choses, ce qui fait que le coût va être repassé aux consommateurs. Est-ce qu'on peut trancher, une fois pour toutes?

M. Bussières: Oui. Je peux vous dire que, présentement, dans le système québécois, les consommateurs paient plus cher, puis je vais vous dire pourquoi ils paient plus cher. Parce qu'il y a 29 % des consommateurs qui magasinent le dimanche, présentement. Puis ces 29 % là paient des coûts pas mal plus élevés pour le même article qu'ils achètent au niveau des fruiteries, au niveau des petites boucheries qui sont ouvertes, au niveau des dépanneurs qui sont ouverts qu'ils paieraient s'ils allaient dans des supermarchés. Alors, globablement, non seulement il n'y aura pas d'augmentation de coûts, il va y avoir une réduction de coûts. Prenons l'exemple suivant qu'un supermarché fait un profit brut de 20 % en vendant ses "Items". Je vous ai dit tantôt qu'il y a 35 % des coûts qui étaient des coûts fixes, qui étaient là; que vous ouvriez, que vous n'ouvriez pas, ils sont là. Moi, quand je vends une "canne de bines" 1 $, déjà, ça me coûte à peu près, en salaires, 11 % - salaires-bénéfices - et ça me coûte à peu près 7 % au niveau de mes frais fixes. Alors, les supermarchés vont quand même réaliser un profit sur cette vente additionnelle là, parce qu'ils n'ont pas les coûts additionnels à supporter au niveau du loyer, au niveau de l'électricité, au niveau, enfin, de tous les coûts fixes que l'on doit absorber, de toute façon. Je suis sûr, je garantis qu'il n'y aura pas d'augmentation de coûts; au contraire, dans le grand système, les consommateurs, pour acheter la même chose, vont payer moins, dans l'ensemble.

Le Président (M. Bélanger): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: Merci, M. le Président. À la lumière de vos chiffres et à la lumière de la transformation qui s'est produite dans le domaine alimentaire depuis 1985, donc, à votre niveau, avec l'adaptation à la loi ou aux amendements qu'il y a eu en 1985, vous n'avez pas l'impression que - je vais faire une figure de style - vous vous seriez tiré dans le pied vous-mêmes? Dans le sens que vous avez créé carrément une série de dépanneurs dont vous êtes le grossiste chez qui les dépanneurs vont acheter, car ils sont la moitié, en fait, de votre clientèle. Depuis 1985, vous avez quand même adapté votre système à ça. Aujourd'hui, vous dites: On a perdu une part de marché. C'est un peu comme si vous aviez mis des enfants au monde et qu'aujourd'hui vous diriez: Ce n'est pas trop grave, ils vont en arracher juste de quelques pour-cent si jamais nous, on pouvait ouvrir aussi le dimanche. Vous n'avez pas cette impression-là que vous vous êtes adaptés depuis 1985 à cette modification de la loi, a ces exemptions là. Nous sommes conscients qu'il y a des exemptions qui ont peut-être été mal évaluées. On s'aperçoit qu'il y a un problème dans l'applicabilité, mais vous ne pensez pas que cette adaptation-là que vous avez faite depuis 1985, vous pourriez aussi la faire si on rendait la loi équitable en revoyant l'ensemble des exemptions puisque, de toute façon, vous en êtes le grossiste et c'est vous, en fait, qui avez créé de toutes pièces cette adaptation par de petits commerces? Est-ce que j'ai une mauvaise vision de la situation dans le domaine alimentaire?

M. Bussières: C'est-à-dire que vous dites seulement une partie, un côté de la médaille. C'est vrai qu'on s'est adaptés aux lois et tout ça, mais, principalement, on est en business et on s'est adaptés aux consommateurs, on s'est adaptés aux besoins des consommateurs. En 1976, on a été les premiers à ouvrir un dépanneur 24 heures de temps à Saint-Jérôme. On s'est adaptés graduellement à ça. Évidemment, on n'est pas plus fous que d'autres. Quand on voit dans le système que les supermarchés ne peuvent pas ouvrir, à quelle place on peut aller chercher de la business? Là, on a ouvert des dépanneurs parce que, justement, le système était tellement restrictif au niveau des supermarchés le dimanche qu'on a ouvert des dépanneurs. Je suis d'accord avec vous que cette prolifération des petits commerces en tant que telle fait qu'aujourd'hui on est un peu en mauvaise posture, un peu beaucoup en mauvaise posture. On a 1 000 000 000 $ de moins dans l'ensemble de l'industrie alimentaire au niveau des supermarchés. Aujourd'hui, on perd 1 000 000 000 $, c'est bien certain, mais ce sont les lois qui nous ont fait nous adapter justement au marché.

M. Richard: Bon. J'aurais une autre question, M. Bussières, très directe. Vos clients, vos

500 dépanneurs, un, est-ce qu'ils sont d'accord et comment vont-ils s'adapter si on acceptait votre recommandation de libéralisation?

M. Bussières: D'abord, nos clients, les 500 dépanneurs, ils ne sont pas d'accord. Ils sont en désaccord. Évidemment, c'est foncièrement très logique qu'ils soient en désaccord parce qu'ils vont perdre, veux veux pas, des ventes. Et je vous ai dit tantôt que la situation n'était pas dramatique à ce point parce que je sais pertinemment qu'un dépanneur, ça fait 20 % de ses ventes le dimanche. S'ils se font arracher 20 % de leurs ventes, ça représente à peu près 4 % de leur volume qu' " vont perdre sur une base annuelle. C'est un manque de croissance pour un an. Ils ne sont pas l'accord. Ça va leur faire mal, mais ça ne leur fera pas mal beaucoup. Qu'on se rappelle, en 1981, l'histoire de la bière et du vin. Et ça, la bière et le vin, les supermarchés n'en vendent pas seulement le dimanche ou ils n'en vendent pas seulement une journée par semaine, excusez. Ils en vendent le lundi, puis le mardi, puis le mercredi, puis le jeudi. Il n'y a pas un mosus de dépanneur qui est fermé. Au contraire, vous l'avez dit tantôt: II y a beaucoup plus de dépanneurs aujourd'hui qu'il y en avait en 1982. Donc, ils n'ont pas été affectés et vous vous souviendrez qu'au moment des auditions c'était le cri de terreur comme quoi les gros voulaient mettre les dépanneurs... Pantoute, les ventes des dépanneurs ont augmenté et le nombre de dépanneurs a augmenté, à part ça. Alors, à mon avis, non, les dépanneurs ne sont pas d'accord avec notre position qu'on ouvre le dimanche, sauf qu'il faut démystifier la boule et je crois qu'ils vont s'en sortir très honorablement.

M. Richard: C'est la moitié de votre clientèle en nombre.

M. Bussières: C'est la moitié de notre clientèle en nombre.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Du côté économique, est-ce que, s'il y avait fermeture des commerces le dimanche, votre part de marché, vous allez la perdre du côté américain ou d'autres provinces? Est-ce que c'est réaliste, ce qu'on lit dans les journaux, souvent, de dire que les Québécois vont faire leur épicerie le dimanche à Plattsburgh pour être plus précis?

M. Bussières: M. le ministre, ce n'est pas un facteur important du tout.

M. Tremblay (Outremont): O. K. Partait. Pour l'alimentaire?

M. Bussières: Du tout.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

M. Bussières: II y en a qui y vont, mais iI ne faut pas...

M. Tremblay (Outremont): O. K. Parfait.

M. Bussières: Ça représente peut-être 0, 05 %; alors, pour nous, ce n'est pas Important. C'est plus important pour les Ontariens qui ont de grandes villes sur la frontière.

M. Tremblay (Outremont): Donc, l'argument que vous retenez, c'est de dire: Môme si on resserrait la loi, au point de vue économique, on pourrait reprendre notre part de marché. D'ailleurs, on a des dépanneurs. C'est surtout le besoin réel du consommateur et vous dites: II doit exister un besoin parce qu'on nous le demande. C'est surtout là-dessus.

M. Bussières: C'est ça.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je suis bien contente d'entendre M. Bussières nous dire ça parce que c'est le genre de choses aussi qui sont parfois utilisées à outrance, je me dis. Ce n'est parce qu'il y a 100 personnes qui vont aller faire leurs courses un samedi après-midi ou un dimanche à Plattsburgh que la part des supermarchés, que les revenus financiers des supermarchés vont en souffrir sérieusement.

Effectivement, la question que M. Richard a posée est pertinente parce qu'on a devant nous, évidemment, un autre mémoire qu'on verra la semaine prochaine ou cette semaine même, mais enfin. C'est le mémoire présenté par Provi-Soir, une compagnie du groupe Provigo.

M. Bussières: Certainement, madame.

Mme Marois: Alors, disons qu'ils sont quand même assez nombreux effectivement à être en désaccord avec cette position. On nous dit que 93 % des détaillants indépendants seraient en désaccord. Évidemment, ça comprend des dêtaillants, on s'entend, d'autres bannières...

M. Bussières: Des supermarchés.

Mme Marois:... que chez vous: Provigo, on parle de 88 %, Métro-Richelieu, de 86 %, Hudon et Deaudelin, de 97 %. Et là, après ça, on répartit un petit peu. Évidemment, les gens de la coalition contre l'ouverture ont fait, semble-t-il, une enquête et arrivent avec des chiffres assez importants de gens qui se manifestent contre l'ouverture. Vous disiez, au début de votre présentation: Écoutez, ce n'est pas une bataille

entre les grands et les petits. Il faut essayer de défaire cette Image qui nous est présentée. Moi, je veux bien vous suivre, M. Busslères, et je veux bien suivre les représentants de la nouvelle coalition, du mouvement pour la libéralisation des heures d'affaires. Mais, quand je regarde la liste des membres de la coalition, à l'exception peut-être de la Commission-Jeunesse du Parti libéral et de la Jeune Chambre de commerce de Montréal, tous les autres m'apparaissent quand même des grandes entreprises à succursales, multiples. D'ailleurs, c'était assez clair. Si on prend du côté des quincailliers, le même jour où on a eu les détaillants propriétaires sous bannière venir nous dire qu'Us étaient en désaccord, en même temps, on a eu effectivement les grands du secteur venir nous dire qu'eux étaient d'accord. Alors, je veux bien que vous me disiez que, non, ce n'est pas les grands contre les petits, sauf que la liste des grands est plus importante que ta liste des petits réunis sous un chapeau ou l'autre. O.K. Bon. Ça, c'est une chose. Une autre chose, vous dites: Les gens ont changé d'avis parce qu'on évolue... Je vais juste finir avec ça et après ça, vous pourrez revenir sur ce que je disais.

M. Bussfères: C'est parce que j'ai seulement une capacité limitée de retenir vos questions. Alors, c'est pour ça que j'aurais aimé mieux...

Mme Marois: Bien, écoutez, allez-y sur celle-là.

M. Bussières: Bien, je voulais savoir si vous aviez lu aussi un mémoire des supermarchés Provigo indépendants au Québec. Peut-être que vous avez le mémoire.

Mme Marois: Oui. Il est d'ailleurs à côté de moi. J'essaie d'être la plus correcte possible et donc de voir...

M. Bussières: D'accord.

Mme Marois: ...où sont toutes les positions. Effectivement, je l'ai avec moi ce matin. Je l'ai même ressorti.

M. Bussières: Un autre point...

Mme Marois: Les marchands des supermarchés Provigo favorables à l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche.

M. Bussières: II y a des choses aussi là-dedans que vous n'avez pas citées mais que...

Mme Marois: Oui, je l'ai lu. D'ailleurs, je me suis même mis des papiers et je l'ai annoté.

M. Bussières: Parfait. Je voulais juste revenir. Ici. on ne demande pas d'ouvrir 168 heures par semaine. On demande d'ouvrir une plage additionnelle de huit heures le dimanche. Il y a un gros paquet de dépanneurs présentement qui sont ouverts 168 heures par semaine...

Mme Marois: C'est vrai.

M. Bussières: ...24 heures par jour, sept jours par semaine, 365 jours par année.

M. Tremblay (Outremont): Plus la semaine.

Mme Marois: Vous nous demandez jusqu'à 21 heures aussi, non?

M. Bussières: Bon, on demande jusqu'à 21 heures. Mais si vous ne voulez pas nous donner le lundi ni le mardi, on va se passer de ça parce que le consommateur se passe de ça. Il n'y a pas un consommateur... Il n'y a pas de business qui se fart le lundi, de toute façon, très peu de business qui se fait le lundi. Alors, on serait peut-être prêts à laisser tomber le lundi et le mardi, au pis aller le mercredi, mais le dimanche est essentiel.

Mme Marois: D'accord. Non, je comprends, mais ça ne répond pas à la question: les gros ou les petits. Je pense que ça reste là. Je vais revenir sur une chose. Vous nous dites: Ça s'est beaucoup modifié. Nos gens, parce qu'ils sont conscients des besoins des consommateurs, sont davantage d'accord avec l'ouverture le dimanche, hein, et vous parliez d'une proportion de 50 % - est-ce que je me trompe? - des gens chez vous.

M. Bussières: De 50 %.

Mme Marois: C'est ce que vous avez mentionné? Évidemment, moi, je vous dirai: Vous savez, quand il y a effectivement des services qui sont ouverts, c'est bien sûr qu'on les utilise s'ils sont ouverts le dimanche, d'accord, mais s'ils ne sont pas ouverts, on peut s'organiser aussi autrement. Alors, qu'est-ce qui vient l'un avant l'autre? Est-ce que c'est le besoin du consommateur qui a créé l'ouverture d'un certain nombre de ces commerces ou si ce sont les trous dans la loi? Et là-dessus, je vous suis à plein. Vous avez raison sur l'inéquité dans laquelle vous vous trouvez et je partage tout à fait votre point de vue à cet égard-là. Bon. Mais si les gens ont changé d'idée, là, je me dis: Est-ce que ce n'est pas parce qu'il y a un certain nombre de pressions qui se font? (11 heures)

J'ai ici, devant moi, une lettre de Provigo Distribution qui s'adresse à tous les propriétaires et directeurs ou directrices des supermarchés Provigo, qui est signée par M. Lessard, et on vous cite M. Bussières. Elle date de un an et

cinq mois. Exactement, elle date du 28 octobre 1988. On y dit dans le dernier paragraphe... Enfin, non, je vais vous lire les trois derniers paragraphes. "La proposition que le gouvernement du Québec semble vouloir mettre de l'avant pour solutionner la situation actuelle s'apparente à celle que Provigo et ses partenaires avaient proposée. Cependant, nous sommes informés que la firme Hudon et Deaudelin, par la voie de l'agence NRG, tente de contacter des marchands affiliés pour leur faire prendre position contre Provigo, contre son porte-parole, M. Bussières, et contre ses partenaires désirant obtenir un meilleur service à leur clientèle. Il est impérieux que pour - souligné - aucune circonstance vous n'endossiez cette démarche faite par la firme NRG puisqu'elle est totalement contraire à l'esprit d'équipe et à la solidarité - souligné - dont les marchands affiliés Provigo doivent faire preuve. En plus, il est clair que cette démarche est à l'encontre de vos propres intérêts - souligné -. Là, ce n'est pas moi qui l'ai souligné, c'est souligné dans la lettre. C'est signé par M. Lessard qui était vice-président exécutif. Ça s'adresse à tous les propriétaires et directeurs... Bon, je ne répète pas. Alors, est-ce que cet accord que l'on va chercher chez des gens qui, maintenant, partagent votre point de vue, on n'est pas un peu trop incitatif pour l'obtenir?

M. Bussières: Mme Marois, je pense que notre devoir en tant que distributeurs, c'est d'aider nos affiliés, d'aider nos associés à passer le mieux possible à travers des crises économiques qui se produisent dans un cycle de vie et on en a une crise économique, là, les gens ne peuvent pas ouvrir le dimanche. Alors, évidemment, notre recommandation était là, oui. C'est une recommandation qui est, pour le moins, insistante et, aujourd'hui, j'écrirais encore la même lettre ou M. Lessard écrirait encore la même lettre. Je pense que c'était notre devoir à ce moment-là de le dire à nos affiliés et on ferait encore exactement la même chose aujourd'hui parce qu'on a la responsabilité envers nos affiliés de nous assurer que leur croissance économique est saine. Évidemment, on s'assure aussi, à ce moment-là, que la croissance de Provigo est saine aussi.

Mme Marois: Je comprends très bien votre point de vue et je pense que, dans un monde où on est en concurrence, c'est normal que des gestes comme ceux-là se posent. Cependant, vous comprendrez que c'est difficile quand même pour moi de tirer la conclusion. Alors, ça, je comprends que vous l'ayez écrit et que vous la réécririez aujourd'hui. Il n'y a rien d'incorrect dans ça. Mais qu'ensuite on me dise que 50 % des gens sous bannière ou affiliés ont changé d'idée, bien, peut-être qu'eux aussi ont été aidés.

M. Bussières: Oui, définitivement.

Mme Marois: Bon, O. K.

Une voix: Par le consommateur.

M. Bussières: Sûrement. Ils ont été aidés, d'une part, par les consommateurs et Ils sont aidés aussi par Provigo.

Mme Marois: Oui.

M. Bussières: Je ne veux pas me cacher, là. Je ne veux pas me mettre la tête dans le sable, là.

Mme Marois: Non. J'aime bien les choses franches et claires...

M. Bussières: Oui.

Mme Marois:... comme ça. Je trouve ça correct aussi.

M. Bussières: Nous, on pense que le premier intérêt de nos clients, de nos affilies, c'est qu'ils soient ouverts le dimanche et qu'ils profitent des mêmes avantages, des mêmes plages commerciales, au moins de la plage commerciale du dimanche. On pense que c'est leur Intérêt et on va les Inciter de façon importante à se conduire dans ce sens-là.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, il vous reste une minute.

M. Tremblay (Outremont): Avec votre permission, deux éclaircissements surtout.

Mme Marois: Alors, moi aussi, j'en aurais une autre.

M. Tremblay (Outremont): J'ai fait allusion aux zones limitrophes tout à l'heure. J'ai mentionné les Américains, mais, si on regarde l'Ontario, si les commerces étaient ouverts le dimanche, dans l'alimentation, en Ontario, par exemple à Ottawa, est-ce que là vous auriez un problème?

M. Bussières: Oui, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Ça, ça en causerait un. Bon.

M. Bussières: On aurait un problème sérieux.

M. Tremblay (Outremont): O. K. Deuxièmement, les zones touristiques permettent l'ouverture des commerces, dans certaines plages, sept

jours par semaine, surtout l'alimentation. Est-ce que vous auriez construit vos supermarchés si vous n'aviez pas eu le droit d'ouvrir le dimanche dans les zones touristiques?

M. Bussières: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Pareil.

M. Bussières: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Vous êtes certain, là?

M. Bussières: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Pourquoi?

M. Bussières: On les aurait construits parce que, évidemment, on a aussi d'autres jours de la semaine et on se serait adaptés à cette demande-là.

M. Tremblay (Outremont): Très bien.

M. Bussières: C'est à cause, évidemment, de la demande de nos consommateurs qu'on les ouvre le dimanche. D'ailleurs, les municipalités ont reconnu ça.

M. Tremblay (Outremont): Oui, je comprends ça.

M. Bussières: On les aurait peut-être bâtis un petit peu moins grands.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Mme Marois: Juste une autre.

Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en prie.

Mme Marois: Le ministre va sûrement me permettre une autre question. Une des craintes qui sont amenées par les gens qui sont en désaccord avec l'ouverture le dimanche, c'est de dire: Une fois qu'on va avoir le pied dans la porte, dans l'alimentaire - le risque est là et on pense que, de toute façon, c'est là qu'on s'en va, je ne dis pas qu'on est en accord, mais c'est là qu'on s'en va - on va ouvrir pour le reste, parce que, écoutez - et vous le disiez vous-même - il y a des gens qui commencent à ouvrir les départements de ci et de ça. S'il faut se morceler, on se morcellera et puis, de toute façon, il y a des gens qui vendent ailleurs, dans d'autres types de surfaces que les vôtres, d'autres types de produits que des produits alimentaires. Je pense aux pharmacies à grande surface qui vendent du produit de quincaillerie, etc.

Le raisonnement qui vaut maintenant, qui dit: Ce n'est pas équitable pour l'alimentation, donc on ouvre pour l'alimentation, est-ce qu'il ne vaudra pas après, seconde étape, pour d'autres types de produits? Donc, libéjalisoos tous les. commerces le dimanche.

M. Bussières: Je suis d'accord avec vous, sauf que ça va se faire sur une période beaucoup plus étendue qu'on peut le penser. Pourquoi? Parce que l'alimentation est un besoin essentiel. On a besoin de s'alimenter au moins deux repas par jour, le dimanche. Je n'ai pas besoin d'avoir une paire de souliers le dimanche, je pourrai peut-être l'acheter le lundi, le mardi, le jeudi ou à un moment donné. Je n'ai pas besoin de m'acheter de complet le dimanche nécessairement. Alors, oui, il y aura un besoin, mais un besoin beaucoup moins primordial qui va se faire sentir de sotte que, oui, peut-être que, dans dix ans, on aura une libéralisation complète. Mais ce qu'on demande aujourd'hui, c'est l'équité au niveau de l'alimentaire et on ne veut pas, aussi, que notre consommateur revienne en arrière, on ne veut pas rabrouer notre consommateur. C'est la raison pour laquelle on pense que la seule solution, la solution la plus équitable possible pour le consommateur et aussi pour nous, les gens de Provigo, pour ,nos marchands, c'est l'ouverture des commerces d'alimentation d'abord le dimanche.

Mme Marois: Je mettrais le bémol suivant - j'en mettrais évidemment sur bien d'autres choses - entre autres, sur le fait que, si les ventes croissent plus vite dans d'autres secteurs de la consommation que dans le secteur alimentaire, croissent à un rythme plus élevé, en tout cas au moins du double - on parle de 3 %, de 3,6 %, je pense - est-ce que les pressions ne seront pas aussi très importantes du côté d'autres types de marchandises que l'alimentaire?

M. Bussières: Je pense que oui, sauf qu'on vit un phénomène, depuis les années soixante-dix, où la part du revenu disponible qui va à l'alimentation a baissé de façon dramatique. Peut-être que les gens, en 1970, dépensaient 25 % de leur revenu disponible; maintenant, c'est peut-être 15 % du revenu disponible.

Le Président (M. Bélanger): Alors, pour justifier ma réputation, le temps étant écoulé, si vous voulez remercier nos invités.

Mme Marois: Oui. Ça me fait plaisir de vous remercier. Évidemment, vous connaissez le point de vue que je défends au nom de ma formation politique. J'essaie de creuser quand même avec les gens, à chaque fois, leur motivation, leurs argumentations, de telle sorte que la commission soit aussi mieux éclairée quant à sa décision.

Je vous dirai que c'est vrai qu'il y a des changements qui se font dans notre société et peut-être que les changements qui se font vont

davantage vers le fait que l'on se garde un peu plus de temps pour du loisir, de temps accorde à des relations entre les personnes. Et justement, le fait que l'on aille au restaurant, ce n'est peut-être pas nécessairement parce qu'on ne peut pas aller acheter des trucs le dimanche, mais peut-être parce qu'on souhaite se rencontrer alors que tout le monde est un petit peu au même niveau pour échanger et pas pris par les tâches reliées a la préparation des repas. Je vous remercie de votre participation.

M. Bussières: Merci, Mme Marois.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Juste des petits points: hypothèse de travail et municipalités. Alors, c'est une hypothèse de travail, pas une suggestion du ministre, une hypothèse de travail clairement identifiée dans le document à l'effet qu'on voulait consulter sur la possibilité de. Deuxièmement, sur l'effet d'entraînement que la députée de Taillon mentionne souvent, je pense que, si on veut avoir une loi applicable, durable et "gérable", à cause de la créativité des commerçants... On a juste à regarder un peu ce que Provigo aurait pu" faire, peut-être moins aujourd'hui, au niveau des catalogues pour distribution aux consommateurs, on regarde les guichets bancaires, on regarde la créativité de Jean Coutu. Si on veut avoir une loi durable, il faut peut-être - encore une hypothèse de travail - évaluer la possibilité que, si on fait un pas, peut-être de faire un pas total pour être certains qu'on ne soit pas obligés, dans un an, deux ans ou trois ans, parce que peut-être que ça ne prendra pas dix ans...

Sur les conventions collectives, ce qui a été mentionné tout à l'heure, on m'informe et M. Tremblay va peut-être être d'accord avec ça... On a toute la pile des conventions collectives en arrière et on nous dit qu'après vérification, c'est bel et bien vrai qu'il y a un nombre important - peut-être vos 90 %, on pourra le vérifier - qui ont des ententes signées. Je ne sais pas, M. Tremblay, vous avez consulté? Oui?

M. Tremblay (Marcel): Oui

M. Tremblay (Outremont): J'ai demandé la preuve, mais...

M. Tremblay (Marcel): II y a une possibilité. L'ouverture n'est pas réglée.

M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'est ça. Ce qu'on a toujours dit, c'est qu'il y avait une possibilité d'ouverture des commerces... Je vous remets, et je dépose à la commission ici, je pense que c'est important, un document économique qui met un peu en question les données financières que vous nous avez données tout à l'heure. Je pense qu'en 20 minutes, ce n'est pas honnête de vous demander de réagir à ça. J'aimerais, par contre, le déposer. Par exemple, on dit qu'il y a eu une augmentation de la part de marché de 1988 à 1989. Au lieu d'être 60,8 %, ça semble être passé à 61,4 %, pas une grosse, mais une tendance... Et il y a des chiffres qui semblent un peu contredire... J'aimerais vous le remettre et que vous nous déposiez vos commentaires sur ce document-là.

Est-ce que vous pouvez nous prouver par écrit et de façon quantitative les économies de prix? Un petit document qui nous prouverait ça. Parce que souvent les intervenants viennent, c'est toujours qualitatif. Même nous, dans le document, on a eu de la misère parce qu'on a dit 13 %, 15 %. J'aimerais, parce que vous l'avez mentionné, vous avez donné tous les élémens, que vous remettiez à cette commission un document économique, quantitatif, qui va nous démontrer que, oui, il y aurait une économie de prix.

Alors, M. Bussières et les membres de votre équipe, je vous remercie beaucoup d'être venus nous faire valoir votre point de vue.

M. Bussières: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie le groupe Provigo Distibution inc., et invite à la table des témoins le groupe Hudon et Deaudelin, s'il vous plaît.

M. Bussières: M. le Président, merci beaucoup.

Le Président (M. Bélanger): Alors, s'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place. À l'ordre s'il vous plaît! S'H vous plaît, je demanderais qu'il y ait le moins de bruit possible dans la salle, s'il vous plaît! S'H vous plaît! Je vous remercie de votre collaboration. Alors, nous recevons présentement le groupe Hudon et Deaudelin. Vous connaissez nos règles de procédure, sans doute. Vous avez 20 minutes ferme pour la présentation de votre mémoire et une période d'échanges avec les parlementaires. Or, je vous prierais donc de vous identifier, d'identifier votre porte-parole et de procéder à la présentation de votre mémoire. Une petite précision, cependant: si vous pouviez, à chaque fois que vous aurez à intervenir, vous nommer au préalable pour les fins de la transcription du Journal des débats, ça nous aiderait beaucoup. Je vous remercie. Si vous voulez procéder. (11 h 15)

Hudon et Deaudelin

M. Hinse (Richard): Pour les fins d'enregistrement, Richard Hinse. Nous aurons effec-

tivement trois porte-parole, nous avons divisé nos tâches. À ma gauche, nous avons M. Jean-Marie Gaudreault, qui est vice-président exécutif de Hudon et Deaudelin Itée. M. Gaudreault a été impliqué dans les domaines de l'alimentation et de la pharmacie depuis environ 30 ans. Dans notre présentation, M. Gaudreault s'occupera effectivement de faire la présentation de Hudon et Deaudelin, d'exposer la position de Hudon et Deaudelin sur la loi en question et ensuite de traiter de la question des exemptions. Au bout, nous avons M. Pierre Sévigny, qui est vice-président, exploitation et développement de détail. M. Sévigny a été impliqué dans le domaine de l'alimentation, tant au détail qu'au gros, depuis environ 28 ans. M. Sévigny a aussi été un témoin important dans la cause impliquant l'association de distribution alimentaire du Québec contre La Ferme Carnaval, sur la question du marché de l'alimentation au Québec. M. Sévigny traitera de la question du marché d'alimentation au Québec, du maintien de la fermeture le dimanche et de l'impact, tant au niveau économique que social, d'une ouverture le dimanche. Il pariera enfin de la question de la libéralisation.

De ma part, je suis Richard Hinse. Je suis avocat avec l'étude Lavery, O'Brien à Montréal. Je suis procureur de Hudon et Deaudelin dans le dossier des heures d'affaires. J'ai aussi représenté le domaine de l'alimentation, dont l'ADA, dans plusieurs dossiers cherchant le respect de la loi.

On a parlé tout à l'heure du dossier du Lac-Saint-Jean. J'ai été procureur dans le dossier, tant de Ferme Carnaval que Bonanza à Montréal, que le dossier de Marché Baribo à Trois-Rivières, le Végétarien à Sherbrooke et Consomat à Aima. J'ai eu l'occasion effectivement de faire face à tous les problèmes qui se sont posés dans les dernières années avec la loi en question.

Je m'occupais effectivement d'exposer notre position, entre autres sur les objectifs de la loi, sur son application et sur la question du pouvoir décisionnel. Ceci étant dit, je passerai la parole à M. Gaudreault.

M. Gaudreault (Jean-Marie): Merci. On a changé de président. Je vais quand même profiter de l'occasion pour remercier le président de nous fournir l'opportunité de présenter notre mémoire.

Hudon et Deaudelin, le grossiste Hudon et Deaudelin est le pionnier des grossistes en alimentation au Québec. Sa fondation remonte à 1873 sous la raison sociale Hudon et Orsali Itée. Aujourd'hui Hudon et Deaudelin a un chiffre d'affaires au gros de 1 200 000 000 $. Elle emploie 1135 personnes et représente plus de 14 000 emplois au détail par le biais de ses épiciers affiliés. Nous exploitons quatre centres de distribution, deux à Montréal-Nord, un à Québec et un quatrième à Saint-Jérôme.

La clientèle de Hudon et Deaudelin est composée uniquement d'épiciers indépendants de toute catégorie, du supermarché au dépanneur. Donc, une clientèle de PME québécoises qui, dans bien des cas, sont des entreprises familiales qui ont commencé petites pour grossir progressivement. Contrairement à ses trois concurrents majeurs, Hudon et Deaudelin n'a pas de magasins corporatifs, c'est-à-dire des magasins qui lui appartiennent en propre. Elle ne fait donc pas compétition à ses affiliés au détail. Toutes nos ressources humaines, physiques et financières sont investies dans la réussite de nos épiciers indépendants.

Nous approvisionnons plus de 2000 clients dont 839 sont affiliés à une de nos six bannières: 189 supermarchés IGA qui représentent 67 % de notre chiffre d'affaires, 154 épiciers de quartier, Bonichoix et Boniplus, 294 dépanneurs Bonisoir, 204 dépanneurs de quartier, Élite et Voisin. Les autres clients sont des membres acheteurs qui, sans exploiter leur commerce sur une de nos bannières, s'approvisionnent dans nos centres de distribution.

Bien entendu, l'approvisionnement est le service de base que nous offrons à nos épiciers, mais notre rôle est beaucoup plus vaste. Nous mettons à leur disposition une gamme complète de programmes et de services-conseils qui sont conçus avec l'objectif d'aider nos détaillants à s'ajuster au marché hautement concurrentiel et à stimuler leur croissance.

Notre priorité est de prévoir et satisfaire les besoins de nos détaillants qui, eux, sont à l'écoute des consommateurs. Nos services-conseils englobent toutes les facettes de l'exploitation d'un magasin d'alimentation, depuis la mise en marché, la publicité, la construction ou la rénovation de magasins, les relations du travail, l'implantation des nouvelles technologies, etc.

Au cours de la dernière décennie, la part de marché de Hudon et Deaudelin est passée de 6 % à 14 %. Le nombre de points de vente IGA est passé de 94 à 187. IGA a le plus haut chiffre d'affaires moyen parmi les épiciers indépendants du Québec. Au Québec, Bonisoir est le plus important regroupement volontaire de dépanneurs, avec 294 magasins, dont 52 sont jumelés à des postes d'essence. Il est important de noter qu'un regroupement volontaire est différent d'une franchise. Bonisoir est composé de propriétaires indépendants. Ils sont propriétaires de leur commerce, c'est à la fois leur avoir et leur gagne-pain.

Dans le dossier des heures d'affaires, Hudon et Deaudelin est et a toujours été solidaire de la position de ses épiciers indépendants affiliés et de leurs employés qui sont massivement contre l'ouverture des commerces le dimanche. Reconnaissant que les besoins des consommateurs et leurs habitudes de consommation ont changé dans les dernières années, pour répondre à la demande de ces derniers, Hudon et Deaudelin serait favorable à une libéralisation des heures d'ouver-

ture le mercredi soir jusqu'à 21 heures, et si les heures devaient être prolongées davantage, sans permettre l'ouverture le dimanche, alors les lundis et mardis soir jusqu'à 19 heures.

M. Sevigny (Pierre): Le Québec a connu, au cours de la dernière décennie, des changements sociodémographiques très importants. Le vieillissement de la population, la progression du taux des femmes sur le marché du travail et du nombre de familles monoparentales sont quelques-uns des facteurs qui ont eu pour effet de ralentir la croissance des ventes au détail. Actuellement, tout le monde de l'alimentation est d'accord sur a;- moins un point: le marché de l'alimentation est un marché qui est saturé, un marché avec une progression presque nulle. Une caractéristique très importante distingue le marché québécois de l'alimentation, les détaillants indépendants, au Québec, représentent 70 % des parts de marché au détail. Il ne reste que 30 % pour les chaînes corporatives. La moyenne des autres provinces au Canada n'est pas très difficile à retenir: c'est tout à fait l'opposé, c'est-à-dire 70 % pour les chaînes corporatives et 30 % pour les indépendants. La position de Hudon et Deaudelin est très claire et l'a été depuis le début, soit le maintien de la fermeture des commerces le dimanche.

Vous vous êtes sûrement posé la question: Pourquoi Hudon et Deaudelin veut-elle maintenir la fermeture alors que nos compétiteurs, soit Provigo, Steinberg et Métro-Richelieu, veulent la libéralisation? La réponse est la suivante. Hudon et Deaudelin a une seule vocation, celle d'être grossiste et de laisser à ses marchands propriétaires indépendants les profits du détail, alors que les autres grands de l'alimentation possèdent des chaînes de supersurfaces qu'ils désirent rentabiliser.

L'ouverture des grandes surfaces le dimanche aura un effet très simple et très logique, c'est-à-dire un déplacement des ventes des petites aux grandes surfaces. La question qu'on doit se poser est: Combien de nos PME vont réussir à survivre et durant combien de temps dans un marché qui est très mature? À notre avis, advenant une libéralisation des heures d'affaires, un nombre très important d'entre eux devront fermer les portes. Les grossistes en alimentation - je dis bien les grossistes - n'ont aucun intérêt, à titre de grossistes, à voir disparaître les petits détaillants. Les quatre grands de l'alimentation détiennent plus de 90 % du marché, au niveau de grossiste, mais l'intérêt réside à s'approprier les profits de la vente au détail qui appartiennent présentement, comme je l'ai mentionné précédemment, à 70 % des PME du Québec.

Il est certain que, si le gouvernement permet aux magasins d'alimentation d'ouvrir leurs portes le dimanche, un effet d'entraînement sur tous les autres types de commerce serait Iné- vitable à très court terme. Ceci signifie qu'ap-proximativement 15 % de la population active aurait à travailler les samedis et les dimanches, si l'on considère les services connexes que cette situation engendrerait, tels les garderies, les services de transport, la sécurité et autres. La vie familiale et la qualité de vie des travailleurs et travailleuses ainsi que celles des propriétaires travaillant dans le commerce au détail seraient sérieusement affectées. Nous ne croyons pas, par exemple, que les commissions scolaires soient prêtes à planifier des classes en fin de semaine pour permettre aux enfants des parents qui travaillent dans des commerces au détail de voir leurs parents deux jours dans le courant de la semaine.

La libéralisation des heures d'ouverture le dimanche aura un effet négatif sur le nombre d'heures de travail, au niveau de l'emploi. Il existe, dans l'industrie alimentaire, une unité de mesure pour l'efficacité, pour l'utilisation de la main-d'oeuvre. Celle-ci se nomme, pour ceux qui connaissent l'alimentation, des ventes par homme-heure. Dans les supermarchés, la norme des ventes par homme-heure est de 120 $. Dans les dépanneurs, elle est de 60 $. C'est-à-dire que, pour vendre des denrées pour 120 $, le supermarché emploie une heure de travail, alors que le dépanneur en emploie deux. Conséquem-ment, il y aura une réduction des emplois qui sera proportionnelle aux ventes déplacées des petites aux grandes surfaces.

Plusieurs études auprès des consommateurs ont confirmé que les opinions sont très partagées. Ces résultats doivent être interprétés tout en considérant que les répondants ne sont pas toujours très informés sur les conséquences économiques et sociales d'un tel changement. Un changement socio-économique demande définitivement un élargissement des heures d'affaires. La recommandation de Hudon et Deaudelin est l'ouverture des magasins le mercredi soir jusqu'à 21 heures et, si nécessaire, les lundis et mardis jusqu'à 19 heures. Le sondage de La Presse, en annexe VII de notre mémoire, démontre que les Québécois préféreraient le mercredi soir au dimanche.

Le deuxième sujet qui fait consensus sur ce dossier est l'équité entre les commerçants. À moins d'avoir une libéralisation totale, c'est-à-dire 24 heures sur 24, on se doit d'avoir une réglementation, et nos recommandations sont les suivantes. Je laisse la parole à M. Gaudreault pour nous donner les recommandations.

M. Gaudreault: En ce qui concerne les exemptions, si on parle des dépanneurs, contrairement à ce que plusieurs prétendent, la règle de trois n'a jamais causé beaucoup de problèmes, si ce n'est que l'application de la loi n'a pas toujours été faite. Je me souviens, en 1988, lorsque nous avons présenté notre mémoire devant le comité Richard, j'avais posé la question

à un des fonctionnaires, M. Plante, à savoir jusqu'à quel point l'application de la règle de trois était observée, et il avait dit qu'elle était observée jusqu'à 95 %. Je pense qu'on est capables de régler le... S'il y a une volonté claire de faire respecter la loi et de l'appliquer à tout le monde, les problèmes seront éliminés. Que la règle soit de 4 ou de 5, ou de 2000 ou 3000 pieds carrés, la situation demeurera inchangée si on n'a pas la volonté de faire appliquer la loi.

En ce qui concerne les marchés publics, nous avons de la difficulté à comprendre pourquoi un marché public ouvert avant le 12 janvier 1985 serait exempté, alors qu'un autre ouvert après ne le serait pas. Les établissements se trouvant dans un marché public devraient pouvoir ouvrir le dimanche, en autant qu'ils respectent la règle de trois.

En ce qui concerne les clubs avec cartes de membres, il est difficile de croire que l'on puisse permettre à des commerces, dont, entre autres, Club Price, sous prétexte de vente en gros, de contourner la loi par l'élaboration de stratagèmes.

Pour ce qui est des zones touristiques, on croit qu'il n'est pas nécessaire d'avoir des exemptions, en ce sens que les magasins pouvant ouvrir légalement le dimanche, dans ces zones, peuvent satisfaire aux besoins. Cependant, s'il devait y avoir exemption, il devrait s'agir de zones touristiques et non pas de zones de villégiature.

En ce qui concerne les boulangeries, les charcuteries et les confiseries, celles-ci devraient également être assujetties à la règle de trois. Les fruiteries sont devenues des épiceries parce que la loi n'a pas été appliquée. Il n'y a pas de raison pour qu'un statut particulier soit accordé aux fruiteries. Elles devraient également être assujetties à la règle de trois.

En ce qui concerne les pharmacies, celles désirant offrir en vente non seulement les produits traditionnellement vendus en pharmacie, mais aussi les denrées alimentaires vendues dans les commerces d'alimentation, devraient respecter les mêmes jours et heures d'ouverture. La pharmacie traditionnelle, quant à nous, devrait pouvoir ouvrir en tout temps. Les pharmacies voulant avoir une vocation de supermarché ou de magasin à rayons devraient respecter les mêmes règles que ces derniers.

(11 h30)

M. Hinse: Sur la question des objectifs de la loi qu'on devait vous présenter un peu plus tôt, mais Pierre en a changé un peu l'ordre, dans les différentes contestations et interventions dans le domaine de l'alimentation concernant la loi sur les heures d'ouverture, toutes sortes de questions ont été soulevées, tant des questions de charte que des questions d'application de la loi et des questions de discrimination, et elles sont encore soulevées lorsqu'on tient compte, effectivement, des différentes interventions.

Dépendant du résultat recherché, on retrouve plusieurs interventions qui semblent se limiter à défendre l'objectif principal qui est le jour unique de repos, sans parler des autres considérations. A l'autre extrême, on trouve ceux qui, effectivement, exigent une libéralisation totale et une concurrence sans limite.

Or, on doit se souvenir que, dans la mise en oeuvre de l'objectif, qui était le jour commun de repos, on avait tenté de maintenir un équilibre entre les intérêts des consommateurs, des commerçants et des employés, et ce, en tenant compte des diverses considérations tant économiques que sociales. Donc, au lieu, effectivement, d'y aller par extrême, il faut à un moment donné se demander vraiment ce qu'on avait fait dans le temps, ce qu'on veut faire aujourd'hui et ce qu'on voudra faire demain.

Nous ne sommes pas ici pour plaider une cause basée sur la jurisprudence. Il demeure cependant que les tribunaux du Québec ont eu à analyser la loi et ses objectifs dans le contexte du marché de l'alimentation au Québec. Dans le rapport qui nous a été soumis, on a vu effectivement qu'il y avait des références à de nombreuses décisions qui avaient été rendues sur des lois semblables au Canada. À notre étonnement, on a constaté qu'aucune référence n'était faite entre autres à une cause. Quand je dis des décisions qui avaient été rendues dans les autres provinces, on a constaté qu'aucune mention à la cause de Ferme Carnaval et de l'ADA n'avait été faite, alors qu'en réalité, s'il y avait une cause qu'il fallait effectivement regarder, c'était celle-là, parce que celle-là, non seulement avait traité de la loi sur les heures d'ouverture, mais elle en avait traité dans le contexte du marché d'alimentation au Québec. Tout avait été soulevé, dans cette cause-là, tout était contesté, tant l'objectif que les exemptions.

Le juge Gonthier, qui est maintenant à la Cour suprême du Canada, s'était penché sur la raison d'être de la loi, son objectif et ses exemptions. Je ne pourrais pas faire mieux que de relater certaines constatations faites par le juge Gonthier. Les passages que je vais vous citer, on les retrouve effectivement dans le mémoire que nous avons présenté, Hudon et Deaudelin, mais j'aimerais en lire deux.

Le premier passage, effectivement, est à la page 5 de notre mémoire, où le juge Gonthier disait ce qui suit. Il dit: "En l'occurence, on doit considérer, d'une part, l'objectif de la loi, soit l'établissement d'un jour de repos unique et ceci de façon en particulier à assurer la rentabilité des commerces et une concurrence équilibrée entre les petits et les gros commerçants, tout en maintenant un service approprié au consommateur - je suis à la page 5 du mémoire - objectif dont le caractère raisonnable est bien reconnu et fait depuis très longtemps l'objet de législation au Canada et dans les autres pays démocratiques et aussi dans de nombreuses autres sociétés." Et,

encore plus important, il ajoute: "Dans la réalisation de cet objectif, la loi tente de concilier, en vue d'un juste équilibre, les différents intérêts en jeu, soit ceux des consommateurs, des exploitants d'entreprises et des employés, ceci dans le contexte particulier au Québec du commerce de l'alimentation au détail, dont plus des deux tiers sont exploités par des commerçants indépendants ou sous franchise."

Et là, il fart une étude de tout: il tient compte des contestations à tous les niveaux, etc., pour conclure ce qu'il pense vraiment que cette loi-là voulait régler, et je cite le passage que nous retrouvons ensuite à la page 10 de notre mémoire, où il dit: "S'agissant de réconcilier plusieurs objectifs légitimes, il ne peut être question de les réalu>v,r ou de les respecter tous de façon absolue, mais plutôt de les concilier, ce qui implique une réalisation partielle de chacun, une solution qui ne peut être parfaite, mais que l'on veut équilibrée et équitable. Dans un tel contexte, il y a matière à appréciation - c'est sûr au niveau des exemptions - on ne peut démontrer qu'il n'existe qu'une seule solution acceptable ou qui puisse être acceptée. Ainsi en va-t-il dans la nature des choses. Un tel état des choses ne dort pas être une excuse de ne pas agir pour répondre à ces divers besoins de la société, encore moins emporte-t-il une obligation de ne pas agir en raison de la charte."

Il n'y en a pas, de solution parfaite. La position de Hudon, qui a toujours été la même et qui l'est encore aujourd'hui, est à l'effet que si, effectivement, les objectifs qui ont voulu être couverts par la loi en question... S'il est toujours de l'intention du gouvernement de préserver ces mêmes objectifs et plus particulièrement l'équilibre qui était recherche entre le gros et le petit commerçant, et aussi une certaine qualité de vie, la solution, selon Hudon et Deaudelin, est de maintenir la non-ouverture des commerces d'alimentation le dimanche.

Sur l'application de la loi, le comité Richard s'était penché, entre autres, sur la question: Est-ce qu'il y a volonté d'appliquer la loi? Je pourrais vous en parler pendant des heures. On se retrouvait seuls, avec l'arrivée du Procureur général à la dernière seconde. S'il y a volonté, on peut faire respecter la loi. Et en fin de compte, sur la question du pouvoir décisionnel, à cause de son importance, la position de Hudon est qu'il n'est pas question que ça soit transféré aux municipalités. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, Me Hinse. Je me permettrais de faire un commentaire humoristique: Vous avez le nom pour défendre le milieu de l'alimentation. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Hinse: Je suis la 58e variété.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, messieurs. J'adresse mes questions au groupe, alors la personne la mieux placée pourra répondre. Au début, je vous remercie de votre présentation, puis je dois vous dire que je cherche une solution durable, Me Hinse. Espérons que je vais réussir, même après le commentaire que vous venez de faire. Ce que j'entends, c'est que vous, dans le fond, Hudon et Deaudelin, 80 % de vos détaillants sont des petits commerçants, donc vous voulez défendre les petits commerçants; c'est votre intérêt économique de faire ça, donc vous êtes contre l'ouverture des commerces le dimanche.

M. Sévigny: Non, M. le ministre. Notre position, c'est qu'on a 67 % de nos marchands qui sont des supermarchés IGA...

M. Tremblay (Outremont): Non, ce n'est pas ça qu'on a dit tout à l'heure. On a dit que 67 % du volume d'affaires...

M. Gaudreautt: Était fait par les supermarchés IGA.

M. Tremblay (Outremont): Ah oui! Non, mais moi, je ne parle pas de la même chose.

M. Gaudreautt: Vous parlez de quoi?

M. Tremblay (Outremont): On va revenir à ça, les 67 %.

M. Gaudreau»: O.K.

M. Tremblay (Outremont): En nombre, on dit que 80 % de vos détaillants - en nombre, pas en volume - sont...

M. Gaudreautt: Ah! oui. O.K.

M. Tremblay (Outremont): Oui?

M. Gaudreautt: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Donc, votre intérêt, c'est de défendre le petit Politiquement, je me mets à votre place, puis votre intérêt, c'est de dire: On n'ouvre pas le dimanche, parce que 80 %, en nombre, de mes détaillants sont favorables à la fermeture le dimanche.

M. Sévigny: Oui, mais 80 % de notre volume est fait dans des supermarchés, des magasins qui ne peuvent pas ouvrir le dimanche.

M. Tremblay (Outremont): Non, non. Ce n'est pas mauvais, ce que je dis, mais je veux juste au moins clarifier ça, parce qu'on entend ça. Je veux être bien certain qu'on s'entend sur les prémisses. Vous, votre intérêt, vu que 80 % en nombre - je vais revenir au volume - de

votre clientèle est pour la fermeture le dimanche, donc, politiquement, en tant qu'organisation, c'est normal que vous protégiez ces membres-là. Mais là je retiens ce que vous avez mentionné tout à l'heure, que 67 % de vos ventes - là, on parle de volume - sont au niveau des supermarchés. Une question au niveau économique. Vous avez fait une affirmation, puis j'espère que les gens de Steinberg vont reprendre ça tout à l'heure, puis corrigez-moi si je l'interprète mai. Vous avez dit que l'intérêt des chaînes corporatives, c'est-à-dire Provigo, pour être plus précis, et Steinberg pour le moment, c'est de s'approprier une part de plus en plus importante des profits des petits détaillants.

M. Sévigny: Au détail.

M. Tremblay (Outremont): Le profit au détail. Bon. O.K. Je note, là. Je veux être bien certain que c'est ça que vous avez dit.

M. Sévigny: Le profit au détail.

M. Tremblay (Outremont): Bon. Est-ce que vous vendez, vous, en tant que grossiste, au môme prix à vos petits commerçants qu'à vos grandes surfaces? Est-ce que votre marge de profit est la même? En d'autres mots, la pomme de salade que vous vendez au supermarché puis celle que vous vendez au dépanneur, est-ce que vous vendez ça au même prix? Je ne parle pas du détaillant, je parle de vous en tant que grossiste. Je veux voir où est votre intérêt économique.

M. Sévigny: C'est une structure de prix qui est similaire; il demeure toutefois qu'il y a des frais d'administration qui varient, dépendant du volume du magasin. Et ça s'applique à toutes les bannières.

M. Tremblay (Outremont): Je vais essayer... Je ne veux pas être technique. Est-ce que vous avez une contribution plus importante pour couvrir vos frais fixes d'opération, proportionnellement, des petits commerçants dépanneurs que des grandes surfaces?

M. Sévigny: Non. Notre contribution la plus importante est des grandes surfaces.

M. Tremblay (Outremont): Donc, si vous vendez sensiblement - parce que j'arrive à faire l'équation - au même prix à la grande surface qu'aux détaillants, l'intérêt pour vos détaillants, c'est d'opérer des petits commerces parce que, premièrement, c'est ouvert le dimanche et, deuxièmement, si on se fie aux statistiques qui nous ont été données par d'autres, parce que c'est 15 % plus cher au niveau des petits commerçants, des dépanneurs.

M. Sévigny: Nos dépanneurs, nos magasins et nos propriétaires de marchés de quartier rêvent tous d'avoir des grandes surfaces, M. le ministre. Les grandes surfaces sont beaucoup plus payantes au détail que les petites surfaces en termes de rentabilité au détail.

M. Tremblay (Outremont): Je comprends. Vous avez fait allusion aux zones touristiques tout à l'heure. Si on appliquait... Parce que Me Hinse parte de l'équité, et je pense que vous avez raison, l'équité de la loi, c'est important, éliminer les exceptions. Dans les zones touristiques, les vraies - on oublie les zones de villégiature - Sainte-Adèle, par exemple, je pense qu'on va s'entendre que c'est une zone touristique, le dimanche, est-ce que vous seriez d'accord de fermer votre IGA, en autant que les autres soient fermés...

M. Sévigny: Définitivement, en autant que les autres soient fermés.

M. Tremblay (Outremont): ...et que les trois employés ou moins soient ouverts?

M. Sévigny: On considère qu'il y a suffisamment de dépanneurs structurés dans ces régions-là pour faire face aux besoins des consommateurs.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Est-ce que votre détaillant, propriétaire de ce IGA-là, serait d'accord?

M. Sévigny: II est d'accord.

M. Tremblay (Outremont): II est d'accord. Bon. Là, je vais revenir à... J'ai deux autres petits points. L'autre, la stratégie de développement corporatif de Hudon et Deaudelin. J'ai entendu Me Hinse nous citer le jugement de Me Gonthier. Est-ce que je peux interpréter l'importance que vous attachez à ce jugement-là pour dire ceci: Si, le dimanche, c'est fermé pour permettre un meilleur équilibre entre les petits et les gros ou les chaînes corporatives versus les indépendants, vous avez pris ça en considération dans votre stratégie de développement corporatif? Vais-je trop loin, là?

Une voix: Répétez-la donc. J'en ai compris une partie.

M. Tremblay (Outremont): Bon. Un commerçant veut connaître les règles du jeu, parce qu'il investit à moyen et à long terme. Donc, si vous sentez le besoin, Me Hinse, de lire le jugement du juge Gonthier qui dit clairement: Une journée de repos, c'était l'objectif de la loi, fermeture le dimanche, équilibre entre les petits détaillants et les grandes surfaces... Est-ce que vous avez pris ça en considération

lorsque vous avez établi votre stratégie de développement corporatif où vous semblez plus équilibrés que les autres?

M. Hinse: Juste avant que Pierre ne réponde, il y a une prémisse à ce que vous dites. C'est qu'il ne faut jamais perdre de vue que le marché d'alimentation au détail, et surtout dans le contexte du jugement de Gonthier, au Québec est un marché mature.

M. Tremblay (Outremont): Oui, ça, c'est clair.

M. Hinse: Jt, en partant du fait qu'on est dans un marché mature et en partant du fait qu'on accepte une autre prémisse, sort qu'il doit y avoir une certaine protection vis-à-vis le petit et le gros, à ce moment-là, il n'y a pas trop de solution. Là, sur le plan marketing, je vais laisser Pierre Sévigny répondre, mais, d'après moi, il n'y a pas beaucoup de planification que vous pouvez faire de ce côté-là.

M. Tremblay (Outremont): Je vais peut-être trop loin. J'admets que je vais peut-être trop loin.

M. Hinse: Non.

M. Tremblay (Outremont): C'est parce que vous l'avez cité clairement et je vais essayer de faire un lien avec ce que vous me lisez, un jugement, et votre stratégie corporative.

M. Sévigny: Si vous me le permettez, M. le ministre, je peux peut-être élaborer un peu sur... J'espère que je vais viser juste. Ma réponse va viser votre question. Il n'y a pas de doute que Hudon et Deaudelin, il y a quelques années, a pris une décision avec l'avènement des grandes et supersurfaces. Est-ce que la route de Hudon et Deaudelin est de se lancer dans des supersurfaces? On a regardé tout le contexte sociodémo-graphique, on a regardé les besoins des consommateurs et on a regardé réellement ta vocation et surtout les éléments distincts qu'on vit au Québec en termes de besoins, en termes de comportement de la clientèle. On a réalisé qu'il n'y a pas de doute que les grandes surfaces rencontrent une part de marché qui... Il y a certains consommateurs, mais, ce n'est pas tous les consommateurs. Il y a des consommateurs qui désirent, avec une structure de prix convenables, avoir des services personnalisés, mais à partir de supermarchés. Ce qui fait que notre vocation a été plus d'élaborer, comme vous avez vu dans notre croissance au cours des dix dernières années, des marchés plus conventionnels mais qui sont à la proximité des gens et dans lesquels il y a des services personnalisés et une structure de prix qui est très compétitive. (11 h 45)

M. Tremblay (Outremont): De façon moins philosophique et plus précise, vous n'avez pas de Super Carnaval, vous n'avez pas d'Héritage, vous n'avez pas de Club Price.

Une voix: Non.

M. Sévigny: Puis on a des bons états financiers.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Bon, ma dernière question. Je ne sais pas si j'ai pris mon temps, mais il me reste une petite...

Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, M. le ministre, rapidement.

M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question. S'il n'y a pas d'ouverture le dimanche, vous dites: Oui, peut-être que les besoins réels des consommateurs sont là. Donc, une des possibilités c'est d'ouvrir jusqu'à 21 heures le mercredi. Et vous soulevez la possibilité qui a déjà été mentionnée ici d'ouvrir jusqu'à 19 heures le lundi et le mardi. Est-ce que, d'après vous, il y a un besoin des consommateurs pour ouvrir le lundi et le mardi jusqu'à 19 heures?

M. Sévigny: On ne croit pas. Mais il demeure quand même que plusieurs études des consommateurs disent que le soir, lorsque les gens reviennent du travail - il y a plusieurs femmes qui sont au travail et le couple est au travail - ils vont être obligés de "rusher* pour aller magasiner à 18 heures. C'est réellement dans le but de répondre aux besoins réels des consommateurs qu'on a fait cette proposition, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais est-ce que vous y croyez?

M. Sévigny: Oui, on y croit.

M. Tremblay (Outremont): C'est parce que j'ai compris: On n'y croit pas, mais...

M. Gaudreault: On préférerait le mercredi soir jusqu'à 21 heures parce qu'on sait très bien que le lundi soir et le mardi soir jusqu'à 19 heures, ça va affecter les ventes des dépanneurs, des petits magasins. Pour revenir à - c'est un point très important - une statistique que M. Bussières vous a donnée tout à l'heure, il a mentionné que les dépanneurs, le dimanche, perdraient 20 % de leur volume, qu'ils seraient affectés de 4 %. Je pense qu'a a dit ça - c'est une affirmation gratuite - sans aucun "back-up", sans aucun sondage.

J'ai ici un sondage qui a été fait par la firme Processus Marketing, hiver 1989. Ça, c'est

une firme de sondages qui fait des sondages pour les grandes chaînes de dépanneurs. Bonisoir, Chez Nous, Provi-Soir, Perrette achètent ces informations sur le comportement des consommateurs par rapport aux dépanneurs. Et on a fait un sondage qui dit ceci. C'est un sondage qui a été fait au téléphone. Les résultats analysés dans ce rapport ont été recueillis par entrevues téléphoniques, du 1er décembre 1988 au 5 mars 1989, auprès d'un échantillon aléatoire de 1226 consommateurs adultes québécois. Afin de mesurer le niveau de vulnérabilité des dépanneurs à une ouverture possible des supermarchés le dimanche, nous avons demandé quel serait le choix des consommateurs si les deux types de magasins étaient ouverts simultanément. 60 % feraient leurs achats aux supermarchés. Bonisoir, Perrette et Provi-Soir perdraient entre 65 % et 70 % de leurs clients du dimanche. La Maisonnée, vraisemblablement à cause de sa variété de produits, est la chaîne la plus vulnérable. Elle perdrait 75 % de sa clientèle du dimanche.

Alors, on est loin du 20 % ou du 4 %. Là, on parle possiblement de 65 % à 70 %, de 20 % des ventes. On parle de 15 %. Si on ajoute le lundi soir et le mardi soir, on parle peut-être d'un autre 10 %, ce qui veut dire que les dépanneurs, en bout de ligne, seraient probablement affectés de 25 % de leurs ventes.

M. Tremblay (Outremont): Toujours sur notre temps...

M. Gaudreaurt: C'est disponible cène étude-là.

Le Président (M. Bélanger): Oui, rapidement, M. le ministre.

Mme Marois: Ce serait intéressant qu'on puisse l'avoir peut-être à la commission.

M. Gaudreaurt: On va vous le faire parvenir.

M. Tremblay (Outremont): L'économique... Parce qu'il y a quelque chose que je ne peux pas laisser passer, et vous aviez peut-être raison quand vous avez mentionné que vous avez des bons états financiers en faisant allusion qu'il y en a d'autres qui en ont des moins bons. En fait, la députée de Taillon mentionne ça souvent aussi et elle n'est pas la seule, il y a d'autres intervenants qui disent que la seul» façon.. J'exagère, là, j'exagère volontairement pour avoir une réponse précise. Est-ce que la seule façon d'assurer la survie des gros, plus précisément Provigo et Steinberg, c'est d'aller chercher plus d'argent au niveau des petits détaillants à cause de leur structure et leur plan de développement corporatif?

M. Sévigny: Nul doute, M. le ministre.

M. Gaudreault: Ils ont des grandes surfaces à rentabiliser qui fonctionnent à peut-être 60 % de leur capacité; ils sont capables de prendre du volume et, étant dans un marché mature, la seule façon de prendre du volume, c'est d'aller l'enlever à un compétiteur.

Une voix: C'est très osé.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que ça se peut - je vais aller plus loin - et ça expliquerait pourquoi les gens de Steinberg sont intéressés à la privatisation, pour justement créer le contexte du petit gestionnaire impliqué dans son commerce? Oui?

M. Sévigny: Non, je ne pense pas...

M. Tremblay (Outremont): Non? Ça n'a rien à faire avec ça.

M. Sévigny: ...que ceci ait un rapport avec les heures d'affaires, non.

M. Tremblay (Outremont): Ça n'a rien à faire avec ça?

M. Sévigny: Non, pas à notre avis.

M. Tremblay (Outremont): O.K.

M. Sévigny: Pas à notre avis.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis contente qu'on soit revenu sur ça parce que je trouve toujours ça un peu inquiétant quand on garroche des chiffres comme on le fait depuis quelques jours, sans qu'il n'y ait d'assises un peu solides pour dire, si on affirme qu'on perd des emplois, si on affirme qu'on va chercher une part de marché, on a quelque part les moyens de le prouver. Et, d'ailleurs, le ministre a été bien gentil tout à l'heure. Je ne sais pas si c'est parce qu'il ne voulait pas prendre les questions les unes après les autres, mais effectivement, dans le document qui a été présenté par son ministère et qu'il nous a déposé sur les affirmations de Provigo qui nous ont été faites tout à l'heure, c'est exactement les questions que j'ai posées à Provigo. Évidemment, le ministère est mieux instrumonté- quo moi pour répondre parco que, évidemment, toute seule . faire ma recherche, c'est un peu compliqué des fois, mais au moins j'arrive aux mêmes conclusions. Alors, on doit être pas trop pire.

Cela dit, vous avez de bons recherchistes, à votre ministère. Je veux faire un autre commentaire. C'est parce qu'on a l'air de minimiser le fait qu'on se bat pour des parts de marché d'à peine 2 % et 3 %. L'une des affirmations de la

nouvelle coalition qui est née au début de la semaine, c'est qu'on dit: Écoutez, c'est juste 2 % ou 3 %, mais 2 % ou 3 %, c'est là qu'est tout le débat finalement, parce qu'on sait ce que ça peut signifier et ça, ce n'est pas moi non plus qui le dis, ce sont les professeurs des HEC qui ont fait cette analyse-là devant nous en nous disant: C'est sûr qu'actuellement, la bataille, c'est pour des 2 % ou 3 % du marché et c'est énorme quand on sait que le marché ne croît en termes réels que de 1,6 % par année.

Maintenant que j'ai fait ce point-là, j'aimerais ça que vous... D'abord, j'aime beaucoup cette approche sur cet équilibre à trouver entre les trois groupe, concernés: les consommateurs, les entreprises et i«s différents groupes concernés par la question. J'aime cette approche, cet équilibre et c'est un peu choquant des fois évidemment, quand on est en commission, parce qu'on est obligés d'exagérer compte tenu que les positions vont dans un extrême ou dans l'autre. La vôtre, dans ce sens-là, apporte un éclairage neuf. Ça, c'est intéressant.

M. Hinse a dit dans sa présentation tout à l'heure: Je pourrais vous raconter une série d'événements vous disant que, si la loi était réellement appliquée, on ne se trouverait pas dans la situation où on se trouve maintenant et, d'autre part, s'il y avait une loi qui prônait une fermeture plus grande des commerces le dimanche, il est possible qu'elle s'applique parce que... Et là, moi, je n'exagère pas, le ministre dit souvent ça ici à la commission, il apparaît difficile a cause de l'imagination de nos gens - bravo, c'est vrai, on en a de l'imagination - de penser une loi qui sera étanche et surtout applicable. Et c'est souvent l'argumentation qui nous est présentée ici Partait, on trouve votre point de vue intéressant, mais comment voulez-vous qu'on applique ça? Alors j'aimerais que vous me parliez de la façon dont on pourrait l'appliquer, des expériences que, comme procureur, vous avez vécues ou vous-mêmes, comme membres de l'entreprise, avez, et qui permettraient d'éclairer un peu la commission à cet égard-là.

M. Hinse: Je pense que la première chose sur ce point-là, c'est qu'il doit y avoir une volonté de la part du gouvernement d'appliquer sa loi, surtout qu'il s'agit d'une loi du gouvernement. Si on regarde le dossier des heures d'affaires dans les dernières années, le gouvernement n'a pas, effectivement, bougé pour faire respecter la loi. Et quand je dis "n'a pas bougé" je parle par le processus de prendre des injonctions pour fermer les commerces qui agissaient illégalement.

La question de la division des magasins, la question des cartes de membre. Il n'y a personne qui va me faire accroire que, si, effectivement, il y avait vraiment volonté de la part du gouvernement, on ne pourrait pas rédiger une loi de telle sorte que les gens ne pourraient pas la contourner, effectivement, à cause de sa rédaction.

Les exemptions. Si, effectivement, il y en avait une, en principe... La question des pharmacies, c'est un problème à part. S'il y a une exemption, dans le domaine alimentaire, qui couvre effectivement la règle de trois... M. Gaudreault a expliqué tout à l'heure que la règle de trois s'appliquerait aux dépanneurs, aux pâtisseries, aux charcuteries, aux boulangeries, aux fruiteries. Une question se pose. Comment se fait-il que, dans les dernières années, on n'ait pas, effectivement, fermé les fruiteries? Moi, j'ai pris une injonction, pour le domaine de l'alimentation, à Sherbrooke, dans le cas du Végétarien. Ça faisait plusieurs années. J'ai été impliqué aussi dans le dossier de Consomat où, en fin de compte, à cause d'interventions de dernière minute de la part du Procureur général, le résultat arrivait qu'on se faisait suspendre notre injonction devant la Cour supérieure et la Cour d'appel. C'est le monde à l'envers.

Encore pire que ça, on arrive en commission parlementaire et, parce qu'effectivement les gens on pu agir dans l'illégalité pendant X période de temps et que, parce que, effectivement, peut-être que les gens disent que le consommateur a pu aimer ça, que ça fait peut-être partie de nos moeurs, soudainement, II faut donner une bénédiction aux fruiteries. À ce moment là, il y en a une règle, c'est la règle pour tout le monde, toujours dans le contexte de l'équilibre entre le gros et le petit. C'est la règle de trois, avec une volonté claire de la part du gouvernement. À ce moment-là, d'après moi, tous les problèmes, sur le plan légal, seraient réglés pour l'avenir. Mais il faut que la volonté soit là.

M. Tremblay (Outremont): Avec la permission de l'Opposition...

Mme Marois: Certainement.

M. Tremblay (Outremont): Là, vous me parlez du passé.

M. Hinse: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Moi, j'aime mieux parler de l'avenir.

M. Hinse: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Et je pense que c'était la question de la députée de Talion. Je vais vous donner trois exemples. Là, j'aimerais que vous réagissiez de façon pratique à ces trois exemples-là. Vendeur itinérant, on en a parlé hier, on pourrait faire allusion dans les produits de beauté, on peut faire allusion dans le prêt-à-porter et maintenant dans l'alimentation. Théori-

quement, c'est possible d'avoir un vendeur itinérant qui va desservir les propriétés, les différents consommateurs. Deuxièmement, les ventes par correspondance. De plus en plus, il y a des gens qui sont venus nous voir, des spécialistes, pour nous dire que la vente par correspondance va prendre de plus en plus de place. Finalement, la télématique. On a eu les gens de Pascal qui sont venus et les gens de Canadian Tire. Vous savez très bien aujourd'hui qu'on peut faire de la publicité par les différents médias écrits et que la personne peut commander ces produits par Alex. Quand la députée de Taillon fait allusion à l'imagination et à la créativité, quand on dit qu'en tant que gouvernement on veut avoir une loi durable, on ne veut pas être obligés de la rouvrir dans deux ans, alors, c'est à ça qu'on aimerait que vous réagissiez.

M. Hinse: Je vais laisser Pierre répondre, mais juste avant j'aimerais vous dire... C'est bien simple. Ce n'est pas chinois. Effectivement, ce que vous semblez me dire, c'est: Est-ce qu'on peut acheter notre épicerie à la télévision, le dimanche après-midi? Tout ce qu'on a à faire, c'est de déclarer que le vendeur itinérant, la correspondance et la télématique par Alex, etc., c'est illégal et qu'on prévoie dans la loi... Si vous cherchez comment vous allez régler votre problème, là, je vais laisser, effectivement, Pierre répondre, dans le domaine de l'alimentation...

M. Tremblay (Outremont): Un dépanneur créatif, trois employés et moins, pourrait décider de livrer ses produits le dimanche. Permis par la loi, trois employés et moins, il pourrait dire: On en a besoin de deux à l'intérieur, un à l'extérieur, voilà, nous autres, on livre le dimanche.

Des voix:...

M. Tremblay (Outremont): Non. Oublions...

M. Gaudreault: Ça existe.

M. Sévigny: Les dépanneurs dans le Vieux-Montréal, ils livrent le dimanche.

Une voix: Ils livrent des caisses de bière.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bélanger): M. Sévigny. (12 heures)

M. Sévigny: Écoutez, sur le plan pratique, on a fait beaucoup de travail, on a fait beaucoup de recherches concernant Alex, concernant... On est très conscients de ce que Canadian Tire a présentement sur le dossier Alex. On ne sait pas si Alex va réellement prendre de l'envol. On sait qu'il y a seulement 10 000 terminaux présentement dans la province de Québec. Dernièrement, même, ça a été réduit à 7000, les derniers chiffres qu'on a eus. Effectivement, il faut prévoir quelque chose à cet effet-là parce qu'on ne sait pas si, éventuellement... On a Vidéotron, maintenant, qui a développé Vidéoway et qui semble beaucoup plus pratique. Nous autres mêmes, on étudie la possibilité de faire de la publicité là-dessus. La publicité, le dimanche, il n'y a rien de mal à ça. On envoie nos circulaires par des camelots, il y en a qui sont livrés, le dimanche; on ne le sait pas, ce sont des distributeurs indépendants. Il demeure que ce qui est important, c'est que les points de vente soient fermés ou qu'ils respectent la règle de trois. C'est ça qui est très important.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais je veux revenir là-dessus.

Mme Marois: M. le ministre utilise son temps et mon temps...

M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est mon temps.

Mme Marois: Ça va, allez.

M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'est mon temps.

Mme Marois: C'est intéressant, ce sont des questions intéressantes...

M. Tremblay (Outremont): C'est mon temps. Mme Marois: ...auxquelles, je pense... M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.

Le Président (M. Bélanger): Sur son temps, il lui reste deux minutes, d'ailleurs.

Mme Marois: ...il est utile d'avoir votre point de vue.

M. Tremblay (Outremont): Les cartes de crédit, maintenant. Vous recevez - c'a été soulevé par des députés ministériels - dans votre carte de crédit un document qui dit: Vous pouvez commander à peu près ce que vous voulez et, habituellement, c'est en Ontario. Bon! Ils vont travailler le dimanche parce que ce n'est pas un établissement commercial ouvert à tous les jours au public. Pascal est venu nous dire carrément ici qu'ils ont fait une filiale Pascal grande surface, des salaires, des frais fixes importants; ils ont fait une filiale dans laquelle on peut commander par Alex ou par correspondance. Cette filiale-là va opérer sept jours par semaine, si on veut, même le dimanche, et ils vont

pouvoir livrer. Alors, si on veut avoir de la créativité - c'est pour ça que je voulais profiter de la présence de Me Hinse - comment vous arrêtez ça, si on veut avoir une loi durable?

M. Hinse: Savez-vous, je viens de le noter. Ça me fait penser, dans le temps où on représentait les compagnies de finance, etc., et que, soudainement, le gouvernement avait adopté la Loi sur la protection du consommateur. Je me souviens, c'était la fin du monde. En rétrospective, aujourd'hui, lorsqu'on retourne en arrière et qu'on regarde ce qui avait été fait, on se dit: C'était nécessaire Puis lorsque la volonté était, effectivement, de régler les problèmes et de les éliminer une fois peur toutes, il a peut-être fallu aller loin dans la Loi sur la protection du consommateur. Dix ans après, peut-être qu'on recule un peu, mais le fait demeure, c'est que les problèmes ont été réglés.

Donc, à ce moment-là, vous soulevez plusieurs problèmes. Sur le plan pratique - ça, je ne veux pas me mêler là-dedans parce qu'effectivement, peut-être, sur le plan d'affaires, ce que je dis affecte la business de Hudon et Deaudelin, ce que je ne voudrais pas faire - mais il y a une chose qui demeure, c'est que si les situations que vous soulevez effectivement causent des problèmes au niveau de l'application de la loi ou au niveau d'un équilibre, etc., réglez-les. Et c'est réglable. Il faudra peut-être prendre des moyens qui iront loin, mais...

M. Sévigny: Juste pour renchérir sur la réponse, si vous me le permettez, M. le ministre. On a - le document d'information, par ailleurs, est très bien fait - 14 000 points de vente au niveau de la province de Québec. Ces points de vente là sont très soucieux de leurs compétiteurs. Sur le marché mature, les gens sont très soucieux. Ces gens-là, lorsqu'ils voient une part de marché partir, pour la laisser aller à quelqu'un d'autre, définitivement, ils sont alarmés, ils surveillent ce qui arrive.

Nos marchands ont présenté des plaintes au ministère et toutes ces plaintes n'ont pas eu de réponse. Je pense que ce qu'il est important de retenir, c'est la volonté politique de faire respecter la loi. Si cette volonté-là existe, je crois qu'il y a sûrement des méthodes et des façons d'arriver à la faire respecter.

Mme Marois: Vous dites que des plaintes ont été déposées et n'ont pas obtenu de suivi.

M. Sévigny: Oui.

Mme Marois: Un nombre significatif de plaintes?

M. Sévigny: Un nombre significatif, oui. Mme Marois: D'accord.

M. Sévigny: Qui datent des quelques dernières années.

Mme Marois: Oui, qui s'étendent dans les dernières années.

Il y a une question que le ministre pose à l'occasion et que je vais vous poser - je vais prendre sa relève - sur les droits acquis. Ça l'inquiète, parce qu'il dit - sur mon temps - le ministre dit: Écoutez... Et c'est vrai qu'il y en a qui ont agi dans l'Illégalité, c'est vrai qu'ils ont été poursuivis, d'autres pas, et d'autres agissent encore dans l'illégalité. Bon! Mettons-les de côté, II y en a d'autres qui sont dans la légalité, à la marge et, si on creusait bien fort, probablement qu'on arriverait à... mais ils sont dans la légalité. La loi prévoit des exemptions, la loi prévoit que certaines pharmacies à grande surface, pour ne pas les nommer, sont exemptées et elles sont nommément identifiées en plus dans la loi, avec adresse civique, etc.

Alors donc, ces commerces, évidemment, ont prospéré au détriment des autres qui, eux, ne jouaient pas avec les mêmes règles du jeu, on s'entend? Donc, une des prétentions, c'est de dire: Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'incorrect à faire en sorte qu'on ne respecte pas les droits acquis, parce que ça devrait être des droits acquis, le fait que ces personnes puissent opérer, elles le font, elles ont monté une belle "business" - moi, je dis "sur le dos des autres", mais ça - avec la bénédiction du gouvernement... Tout cela est là. Il y a quelqu'un qui est avocat dans votre groupe, vous y avez peut-être pensé; à mon point de vue, un des problèmes qu'a le gouvernement et auquel il ne veut pas faire face, c'est le fait qui sait qu'il veut aller au bout c'est-à-dire au bout d'une décision qui l'amènerait à resserrer les critères, mais il n'ose pas, à cause de toutes ces exemptions qui ont été faites et sur lesquelles II devrait revenir. Donc, II y a toutes espèces d'échappatoires, et moi je pense que beaucoup de vos collègues dans le secteur alimentaire ont décidé ou s'imaginent que, comme le gouvernement n'ira pas jusque-là, ils se disent: Aussi bien embarquer nous aussi et dire: On veut l'ouverture.

Alors, là, je veux que vous m'apportiez un petit peu votre réflexion sur les droits acquis.

M. Hinse: Légalement, je pourrais facilement vous dire: Vous savez, pour avoir des droits acquis, il faut mettre ça dans le contexte et il faut en faire une analyse ou quoi que ce soit. Mais je peux vous dire que je ne vous donnerai pas une opinion à l'effet que Jean Coutu a ou n'a pas des droits acquis. Ce que je suis prêt à dire, cependant, c'est qu'il y a un problème.

Mme Marois: D'accord.

M. Hinse: Qu'il y ait droits acquis ou non, sur un plan techniquement légal, il y a un problème, c'est sûr. Tout ce que je peux dire et c'est peut-être comme le disque cassé, je vais revenir à la notion de volonté. Si erreur il y a eu... Et quand je dis "erreur", ne parlons pas d'erreur, parlons peut-être d'oubli ou de juste une ficelle qui a passé et le résultat de ça, on se retrouve cinq ans après ou sept ans après et on s'aperçoit qu'il y a une situation qui ne fonctionne pas. Je dois dire que vous êtes dans une position, quant à moi, très difficile. Quand je vous lisais le dernier passage de Gonthier tout à l'heure, et ça, c'était ses exemptions dans le temps, où effectivement la discrimination sur les marchés publics avec les pharmacies...

Mme Marois: C'est ça. C'est parce que sur les marchés publics, tout à l'heure, vous avez dit...

M. Hinse: II faut faire de quoi. Ce que le gouvernement va faire, je ne le sais pas. Mais ce que Hudon et Deaudelin a avancé, c'était effectivement la pharmacie traditionnelle, oui; les pharmacies venant avec des magasins à rayons ou venant avec des supermarchés, qu'elles respectent les mêmes lois. Et le problème des droits acquis, il va falloir le régler.

M. Sévigny: Le problème de Jean Coutu, on tente de l'amplifier énormément. Il demeure que j'ai devant moi une coupure de journal qui date du 5 novembre 1988, qui était une déclaration de François-Jean Coutu qui disait, et je cite: "Jean Coutu, lui, n'a que pour 1, 12 % du 800 000 000 $ - on parle des ventes d'épicerie. Ces ventes de produits alimentaires durant les 31 heures où lui a le droit d'ouvrir et non les supermarchés se limitent à 8 900 000 $ sur 600 000 000 $. Ce n'est pas...

Mme Marois: Sur mon temps mais je le permets. Allez, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Sur ce point-là, à ce qu'on nous dit, ce que j'ai entendu, c'est que Jean Coutu, par légitime défense, a commencé à vendre de l'alimentation dans ses superpharmacies parce que vous autres, les supermarchés, vous avez commencé à vendre des produits hygiéniques et pharmaceutiques. Donc, lui, il a dit: Je ne suis pas plus fou qu'eux autres. S'ils veulent venir sur mon marché pour attirer... Parce que, dans le fond, c'est ça. Il ne doit pas faire beaucoup d'argent, mais il attire des gens chez lui pour vendre un petit peu d'alimentation et il vend ses autres produits au même titre que, vous, vous vendez des produits pharmaceutiques, des couches, des pilules, du Bromo Seltzer, des aspirines pour vendre vos autres produits. Moi, j'entends ça souvent. Comment réagissez-vous à ça?

M. Gaudreault: Vous viendrez voir dans une section de produits de beauté dans un supermarché, des produits grand public, vous allez voir que c'est très petit comme section par rapport aux sections de produits alimentaires que vous retrouvez dans les pharmacies Jean Coutu. Trouvez-vous ça normal, vous, que Coutu vende des produits laitiers, des produits surgelés, du pain, du lait, du beurre le dimanche? S'il s'en tenait encore aux cannages, aux conserves. Mais rendu dans des produits comme ça, vraiment de dépannage...

M. Hinse: Si du côté gouvernemental - et je retourne dans le temps - lorsque l'exemption de Jean Coutu a été accordée, si oui, effectivement, on voulait l'exempter de certaines choses mais qu'on ne s'attendait pas à ce que, quelques années après, il se retrouve dans la même situation effectivement qu'un supermarché, et que là, soudainement, on réalise ça, il n'y a rien de pas correct, cinq ans après, de dire: O. K., à cause effectivement du développement, à ce moment-là, on va appliquer les mêmes règles qu'aux autres. Ou si ce qui est avancé dans l'article de Pierre est exact, à ce moment-là, Jean Coutu ne devrait pas avoir d'objection à ce qu'on règle la situation. Donc, c'est l'un ou c'est l'autre, mais ça ne doit pas vous empêcher effectivement de trouver une solution au problème. Et je réalise que la solution n'est pas facile.

M. Sévigny: Juste un mot, M. le ministre, pour compléter la réponse. Je ne pense pas qu'on ait décidé d'installer les produits de beauté et santé, les produits de papier, les produits de savon dans nos supermarchés depuis que Jean Coutu a fait de la progression, c'était depuis très longtemps dans nos supermarchés. D'ailleurs, ces produits-là se vendent. à peu près à 60 %, 75 % et 85 % en promotion. C'est d'ailleurs... Les produits à prix régulier ne se vendent pas, ce sont des produits qu'on appelle à "stockage", en termes de marketing, et ce sont des produits que les gens emmagasinent et ils se vendent strictement en promotion. D'ailleurs, ils se servent de ces produits-là. On ne fait pas rapport à ces produits-là, on fait rapport plutôt aux pintes de lait, aux produits alimentaires, ce qui se mange, ce qui se boit.

Mme Marois: Ce serait intéressant que le ministre aille faire son marché, de temps en temps...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois:... pour voir un peu comment ça se répartit dans les rayons.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Je peux confirmer...

M. Hinse: C'est situé sur Langelier...

Mme Marois: ...parce que j'y vais, à l'occasion...

M. Hinse: ...le boulevard Langelier.

Mme Marois: ...pas toujours moi, par exemple, mais j'y vais à l'occasion. Et ce que vous dites est juste, en termes de rayonnage et de volume, si on veut. D'ailleurs, je suis allée samedi justement pour faire les deux: dans un Steinberg et, après ça, dans un Jean Coutu. Je m'enfargeais chez Jean Coutu, je pensais que j'allais tomber n - ^s les allées tellement il y avait du stock, qui éiait plutôt du stock que je trouvais aussi chez Steinberg, mais enfin, cela étant dit... Une autre chose sur laquelle je veux pouvoir revenir... Mais je ne le dis pas à la blague, soit dit en passant, M. le ministre, je pense que ce serait intéressant que vous puissez y aller. On tire un certain nombre de conclusions après ça.

Il y a un autre thème qui revient souvent, c'est la question de l'emploi. Vous l'avez abordé évidemment et je pense que, là-dessus, on ne recommencera pas le débat. Moi, je dis que, s'il y a un marché plafonné, si on est à maturité dans le marché, ça va être des transferts, donc les emplois vont se transférer aussi en conséquence ou vont s'étendre sur des périodes différentes et le résultat net ne sera pas une création d'emplois. Bon. À moins qu'on mette une pression telle sur le consommateur qu'il augmente sa consommation. Dans l'alimentaire, il reste que, à un moment donné, il y a une limite et c'est celle qu'on semble atteindre actuellement. Mais, en plus de cette question de l'emploi en termes de nombre, on en parle en termes de qualité. Vous faites affaire, vous, avec de la petite entreprise, des dépanneurs. On dit... Et c'étaient les propos de ceux qui vous ont précédés un peu. Un emploi, quand même dans une grande surface, c'est un emploi beaucoup plus intéressant qu'un emploi chez un dépanneur ou dans une petite surface. On peut comprendre qu'évidemment, quand un nombre d'employés est très grand, on puisse penser à des conditions relativement à des fonds de pension, etc. Je pense qu'on peut comprendre ça. Mais on sous-entend aussi qu'il y a plus que ça, que, en termes de qualité de la façon dont la relation s'établit, il y a un grand roulement de personnel et, finalement, c'est mieux pour les travailleurs et les travailleuses d'être dans des grandes surfaces que d'être dans de la petite ou de la moyenne entreprise. Vous avez, vous, cette expérience essentiellement, non pas vous-même comme grossiste, mais avec les gens qui font affaire avec vous. J'aimerais ça que vous me parliez un petit peu de cet aspect-là de ce qui est soulevé dans la question qui nous préoccupe. (12 h 15)

M. Sévigny: Je vais vous répondre, Mme Marois. À notre avis... et ça fait plusieurs années que je suis dans l'alimentation, j'ai eu l'occasion de travailler pour la firme Steinberg, dans des magasins de détail et... On a commencé au bas de l'échelle, on a grimpé... Juste pour vous faire réaliser que, à mon avis, présentement - et c'est l'avis de plusieurs des spécialistes que j'ai consultés dans notre boîte - c'est que, au contraire, on dit que les ventes vont être déplacées; les ventes vont être déplacées de la semaine au dimanche, c'est tout à fait normal. Il y a des ventes qui vont être déplacées de la semaine au dimanche, à l'intérieur même des supermarchés, vu qu'on offre une plage beaucoup plus grande. À ce moment-là, les employés qui travaillent à l'intérieur n'augmenteront pas nécessairement leur nombre d'heures de travail, mais les besoins seront très différents à différents moments de la semaine. Certains employés réguliers seront obligés de travailler au cours des fins de semaine, mais, s'il y a de l'emploi qui sera créé, c'est beaucoup plus de l'emploi à temps partiel. Et dans l'emploi a temps partiel, c'est tout à fait très équlibré. Les emplois à temps partiel des supermarchés et les emplois à temps partiel des dépanneurs. Dieu merci! on a une norme des salaires minimaux et, en raison de cette norme-là, H n'y aura aucune dégradation de la qualité. Il va sûrement y avoir une réduction du nombre des employés à temps partiel. La norme qui existe - je parte toujours de la norme dans l'alimentation, mais je crois que c'est relativement important - c'est 60 % de réguliers et 40 % de temps partiel; cette norme-là va être appelée à changer. Soyez assurés que, si elle avait eu réellement un avantage, nos amis les syndicats auraient sauté sur l'occasion.

Mme Marois: Ils ont eu l'occasion, d'ailleurs, de faire valoir...

Le Président (M. Bélanger): Alors, une dernière question.

Mme Marois: ...leur point de vue à différentes reprises. Ils sont d'ailleurs là; Is pourront vous faire leurs commentaires.

Moi, en fait, j'ai terminé, M. le Président, sur les questions. Je voudrais plutôt remercier nos amis qui sont venus. Ce que j'essaie de tirer un petit peu comme conclusion de votre intervention, c'est que, contrairement à d'autres qui sont parmi vos concurrents, qui sont dans le même marché, vous défendez une approche qui dit au gouvernement qu'il est possible, quand on veut et quand on a une idée claire de ce que l'on recherche comme objectif, de prendre les moyens pour opérationnaliser ses objectifs. Compte tenu de l'expérience que vous avez, puisqu'il semble que, depuis 1873, vous êtes dans cette business-là, comme on dit, j'imagine

que votre expérience devrait pouvoir être utile aux membres de la commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Avant de vous remercier, j'aimerais répondre à la remarque sexiste de la députée de Taillon...

Mme Marois: C'est parce que vous aviez l'air d'être étonné qu'il y ait ça dans les rayons des supermarchés. Je me suis dit: Ça doit faire un moment qu'il n'y est pas allé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): ...pour lui dire ceci: Tous les dimanches soir, je prends dans la boîte aux lettres les circulaires d'information de IGA, de Provigo, de Pharmaprix, de Steinberg; régulièrement la fin de semaine, le vendredi et le samedi, pour permettre à mon épouse et à mes jumeaux de faire du ski, je vais faire les courses dans tous ces endroits-là. Alors, je peux vous dire...

Mme Marois: Super! Vous ne rencontrez pas mon mari, à l'occasion?

M. Tremblay (Outremont): ...la différence de prix et les spéciaux et je peux vous dire tous les trucs...

Mme Marois: Bien, bravo!

M. Tremblay (Outremont): ...au niveau du Perrier et des eaux Montclair pour savoir qui attire qui quelle fin de semaine.

Le Président (M. Bélanger): On doit conclure que l'épicerie...

M. Tremblay (Outremont): Deuxièmement...

Le Président (M. Bélanger): ...c'est une affaire d'homme.

M. Tremblay (Outremont): Non, non.

Mme Marois: D'homme et de femme, bien sûr.

M. Tremblay (Outremont): Deuxièmement, je voudrais dire, quand Me Hinse dit que le gouvernement devrait décider, devrait assumer ses responsabilités, je dois vous dire qu'on va décider. Je me suis engagé à déposer un projet de loi au printemps et à une condition, c'est qu'on ait, au préalable, la commission parlementaire parce que je crois que c'est important de donner l'occasion à tous les intervenants de se faire entendre publiquement. Alors, en ce sens-là, je vous remercie beaucoup d'être venus faire vos représentations; on va les prendre en considération dans la décision qu'on sera appelés à prendre.

Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de l'économie et du travail remercie le groupe Hudon et Deaudelin de sa participation à ses travaux et invite à la table des témoins les représentants de Steinberg inc.

Alors, j'inviterais chacun à reprendre sa place, s'il vous plaît. S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien vouloir prendre sa place afin que nous procédions à l'audition du mémoire de Steinberg inc.

Nous recevons le groupe Steinberg inc. Bonjour, messieurs! Je vais vous expliquer un peu nos règles de procédure. D'abord, si vous pouviez vous présenter et identifier votre porte-parole, et, si possible, lorsque vous serez interrogés par un membre de la commission, de bien vouloir donner votre nom... Ceci permet aux gens de la transcription de mieux faire leur travail ou de le faire plus facilement, pour le Journal des débats.

Alors, sans plus tarder, je vous invite donc à commencer. Merci.

Steinberg inc.

M. Bilodeau (Alain): M. le Président, tout d'abord, je voudrais effectivement présenter les personnes qui m'accompagnent, qui constituent la délégation de Steinberg. Tout d'abord, M. Michel Gaucher, président du conseil et chef de la direction; M. Jean-Roch Vachon, président et chef de l'exploitation; M. André D'Ostie, vice-président senior et directeur général de la division du Québec, Steinberg Québec; M. Marcel Croux, vice-président du groupe, alimentation Canada.

J'aimerais d'abord vous remercier de nous permettre d'exprimer notre point de vue sur ce dossier-là, on l'apprécie énormément. J'aimerais également faire mention, comme probablement plusieurs intervenants l'ont fait, de la qualité du document qui nous a été produit par le ministère.

Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, puis-je vous demander de parler un petit peu plus fort, s'il vous plaît?

M. Bilodeau: Alors, je soulignais la qualité du document produit par le ministère. C'est toujours apprécié de travailler avec des instruments de travail comme celui-là. Je pense que les gens qui l'ont préparé méritent cette mention-là.

Si vous me le permettez, plutôt que de lire le mémoire que vous avez déjà devant vous, je vais utiliser nos 20 minutes précieuses pour essayer d'aborder le sujet sous l'angle sous lequel la commission a bien voulu l'aborder, c'est-à-dire essentiellement les trois thèmes

concernant la question de l'équité, les besoins des consommateurs et, finalement, la question de la qualité de vie. La position de Steinberg, comme vous le savez, est très claire. Nous avons eu l'occasion de l'exprimer, entre autres, cette semaine par l'intermédiaire du Mouvement québécois pour la libéralisation des heures d'affaires. Nous aommes en faveur, effectivement, d'un élargissement des heures d'affaires en semaine et aussi en faveur de l'ouverture le dimanche, car nous croyons essentiellement que nous devrions, comme compagnie, participer au volume croissant d'affaires que nous connaissons sur notre territoire, volume commercial. Deuxiè-ment, et le p"; important, nous avons, comme marchands, un dédr et une mission de satisfaire et de rendre servie à nos clients, de leur fournir les services qu'ils nous réclament de plus en plus. Troisièmement, notre position est également basée sur le respect des personnes, c'est-à-dire le respect de la définition que les personnes veulent donner de leur propre qualité de vie.

Sur la question de l'équité commerciale, M. le Président, vous me permettrez de ne pas passer beaucoup de temps de ces 20 minutes pour défendre une thèse qui, au fond, rallie tout le monde. J'ai eu l'occasion de prendre connaissance des propos introductifs de la commission où et M. le ministre et Mme la députée de Taillon ont effectivement constaté que la loi actuelle est inapplicable, elle est inéquitable. C'est d'ailleurs la conclusion du document d'information que votre ministère nous a présenté, notamment aux pages 4 et 46. Donc, si on admet que la loi est inéquitable et inapplicable, il reste deux solutions possibles: soit la fermeture complète, sous réserve du strict dépannage qu'on connaît, sort l'ouverture complète. Nous estimons, basé sur notre expérience et notre analyse des faits qui se déroulent dans notre société en 1990 et dans les années à venir, que la thèse de l'ouverture doit être préférée dans ce débat-ci. Vous avez évidemment une décision difficile à prendre qui comporte de mesurer ou de balancer des intérêts. Et nous estimons que, clairement, la balance penche en faveur de la thèse de l'ouverture, particulièrement pour les raisons suivantes, ce qui m'amène, évidemment, à parler des deux autres aspects du dossier, les plus importants: soit les besoins du consommateur, d'une part, et la question de la qualité de vie.

Je ne voudrais pas, sur la question des besoins du consommateur, faire une guerre de sondages. Je pense qu'on a tous suffisamment d'expérience pour savoir que, dans un sondage, on peut en prendre un petit peu, en laisser un petit peu. Il y a le phénomène en vertu duquel les gens, généralement, disent des choses mais font autre chose ou encore, dépendamment du groupe de consommateurs auquel on s'adresse, on peut avoir des réponses différentes. Par exemple, si on s'adresse à M. le ministre qui fait lui-même son supermarché, moi, je fais mon marché, le consommateur ou la consommatrice qui effectue le supermarché hebdomadaire, vous avez une réponse qui est pas mal plus forte, à mon sens, parmi ce groupe-là. Donc, les sondages peuvent nous dire des choses mais c'est surtout l'expérience ou les faits que nous observons dans les supermarchés qui nous ont importé, nous, comme analyse.

Je mentionne, à titre d'exemple, qu'à Calgary, où on permet l'ouverture des supermarchés le dimanche, les trois quarts des personnes qui se disaient contre avaient magasiné au cours des deux mois précédents. Alors, le comportement des consommateurs n'est pas toujours - et je porte ça discrètement à votre attention - celui que l'on voudrait refléter dans les sondages.

Par ailleurs, on dort admettre que l'ensemble des sondages nous semble révéler une préférence pour une thèse de libéralisation. C'est, du moins ce que vous mentionnez dans le document d'information, à la page 112: En résumé, selon l'ensemble des sondages - je lis ça - consultés, l'appui de la population québécoise aux propositions visant la libéralisation semble, en général, plutôt favorable. Maintenant, ceci est beaucoup plus clair lorsqu'il s'agit de l'ouverture des supermarchés d'alimentation au Québec, toujours à la page 112.

Maintenant, nous, on s'intéresse aux faits. Et les faits, M. le Président, je crois, sont assez clairs. La question socio-démographique au Québec a changé beaucoup depuis quelques années. En 1986, on avait 62 % des femmes mariées avec enfant de moins de six ans qui travaillaient II y en a plus encore aujourd'hui. Quant aux femmes de 25 a 34 ans, sans enfant, il y en a 91,5 % qui travaillent. Ça apparaît à l'étude de M. Virthe, à la page 27. Et le document d'information du ministère, à la page 67, nous révèle qu'en 1986, 77 % des emplois occupés par les femmes étaient à temps plein. C'est assez intéressant comme facteur.

Donc, il existe un pourcentage - que ce soit un pourcentage ou un autre - significatif de gens pour lesquels les heures actuelles ne conviennent pas. Or, dans le débat, à savoir s'H s'agirait de favoriser des heures de semaine ou des heures de dimanche, les habitudes des consommateurs sont assez révélatrices. Et nous, comme commerçants, on doit observer ces habitudes-là d'une façon objective. Or, il semble que les gens ont fait leur choix. Suivant le document d'information, à la page 83, lorsqu'on commente le dernier sondage fait par les HEC, on voit que 37 % des consommateurs font des achats d'aliments le dimanche, dans la région de Montréal. Dans la province, on comprend que c'est 29 % et, en début de semaine, c'est la moitié, à peu près 15 %. C'est 14 et quelques versus 29 % la fin de semaine. Mais je vous prie de constater que nous avons une représentation très forte, une concentration très forte en

milieu urbain. Notre présence dans la ville de Montréal est très forte et nous devons servir le consommateur de la ville de Montréal. C'est pourquoi le facteur 37 % prend une certaine importance.

Alors, ces chiffres nous démontrent que le comportement social est de plus en plus orienté vers le dimanche plutôt que les autres heures de la semaine. Et ça s'explique pour plusieurs raisons. D'autre part, ce n'est pas surprenant que les fruiteries soient ouvertes à 100 % le dimanche et les marchés publics à 80 % alors que ces mêmes organisations sont ouvertes dans une proportion de 40 % et 20 % respectivement en début de semaine. C'est parce qu'elles savent bien que c'est le dimanche, effectivement, que leurs affaires sont les plus florissantes et que les gens préfèrent faire le magasinage ou acheter ce dont ils ont besoin.

Il y a donc un besoin. Ce n'est pas un caprice. On constate que c'est un besoin. Devant ces faits, nous, comme commerçants, on ne peut pas se permettre, M. te Président, de dire aux consommateurs: On ne vous servira pas quand vous avez besoin d'être servis. On va continuer de préconiser une thèse où vous êtes forcés de magasiner aux heures où le magasinage est le plus difficile, c'est-à-dire aux heures de pointe, ou encore de payer des prix plus élevés ailleurs. Comme commerçants, notre mission est de servir le client. Et si on constate, d'après les faits, que les clients nous le réclament, ce besoin-là, et très particulièrement en milieu urbain dans la province de Québec, on se doit de favoriser la thèse de l'ouverture le dimanche. C'est pourquoi nous favorisons cette thèse-là. (12 h 30)

On a parlé de la question des prix. Je pense que vous avez entendu suffisamment de chiffres. Mais c'est assez simple de constater qu'actuellement les marges brutes, au Québec, dans les supermarchés sont de l'ordre de 20 %. Vous avez les petites épiceries où les marges brutes sont à peu près de 22 %, 23 % à 25 % et, enfin, des dépanneurs qui ont des marges de 25 % à 28 %. Toujours selon l'étude de M. Virthe, les consommateurs qui sont actuellement forcés de faire leur magasinage à l'extérieur des heures présentement permises paieraient de 3 % à 10 % de plus que ce qu'ils paieraient si les supermarchés pouvaient ouvrir le dimanche. Alors il y aurait vraisemblablement une diminution des prix et ce n'est pas difficile, je pense, de comprendre cela, surtout que quand on connaît la thèse commerciale, quand vous permettez à plusieurs commerçants d'ouvrir en même temps, il est rare que ça résulte en une augmentation des prix, ça résulte généralement en une diminution et, pour le consommateur, le coût de l'alimentation serait clairement inférieur.

En plus de ça, l'ouverture des supermarchés - et ça apparaît encore dans le document d'information, à la page 100 - produirait évidem- ment non seulement un avantage sur le plan des prix, mais également sur le plan de la variété qui est offerte aux consommateurs le dimanche et moins de files d'attente, plus de confort dans le phénomène du magasinage.

Face à tout cela, c'est illogique de prétendre... Je pense... Je ne sais pas si quelqu'un l'a prétendu. Je crois que ce serait illogique de prétendre qu'on pénaliserait le consommateur en lui permettant de magasiner, s'il le veut, dans le meilleur climat possible, c'est-à-dire en dehors des engorgements qu'on connaît actuellement, en obtenant le plus de variété possible et en payant le meilleur prix. À tout le moins, lui permettre cette possibilité là, ce n'est pas, dans mon esprit, quelque chose qui est pénalisant.

Le droit de faire quelque chose - et je vous suggère que ça doit être probablement une considération du législateur, lorsqu'il légifère -généralement, n'est pas pénalisant pour le consommateur ou pour le citoyen. C'est plutôt la prohibition de faire quelque chose qui l'est clairement, pour une grande partie de la population. Alors il me semble que, politiquement et économiquement, c'est beaucoup plus facile, beaucoup plus logique et beaucoup plus confortable de supporter une thèse qui permet aux gens de faire leur choix personnel aujourd'hui et dans les années qui s'en viennent. Alors, ce sont, à notre avis, les consommateurs qui devraient être maîtres des heures d'ouverture suivant leurs propres besoins. Quand on examine la composante de la population en 1990 et dans les années qui vont venir, on n'a pas tellement d'autre choix que de réaliser que le besoin va aller en s'ac-croissant. Ça relève d'ailleurs du document d'information et des enquêtes qui ont été effectuées. Plus les gens sont jeunes dans notre société, plus ils sont en faveur de la libéralisation complète, y compris le dimanche. Ce sont ces gens-là qu'on doit servir aujourd'hui et qu'on va devoir servir en 1995, en 1996, en 2000. Je vous suggère respectueusement que la demande va aller en s'accroissant plutôt qu'en diminuant. Alors si on parle de loi durable, de loi viable, je pense que c'est une considération importante. Voilà donc pour le consommateur.

Pour ce qui est de la qualité de vie, je crois qu'elle doit être regardée sous deux phases: d'abord, du point de vue de la population et, ensuite, du point de vue des employés. Du point de vue de la population, on a vu qu'il y a de plus en plus un nombre grandissant de personnes qui ne peuvent pas faire leur marché aux heures qui leur conviennent. C'est de plus en plus vrai. On connaît le phénomène des familles monoparentales, le phénomène des conjoints qui travaillent... Je lisais, dans La Presse d'hier, encore les statistiques du ministère de l'Éducation qui nous disaient qu'un enfant sur quatre d'âge scolaire provient d'une famille monoparentale ou dont les conjoints sont en union libre. Assez intéressant. Le seul point que je veux faire, c'est qu'on a

une société qui est décidée autrement qu'elle ne l'était il y a 20 ans. Il faut l'admettre et il faut s'y adapter, à cette société-là. Alors, les gens ne peuvent plus se procurer les biens qu'ils veulent, au moment où ils veulent et au meilleur prix. Alors, moi je suggère que la qualité de vie, entre autres, c'est de corriger ce phénomène-là pour leur permettre effectivement d'avoir accès au choix. Je pense qu'on ne peut plus dire aux citoyens aujourd'hui: Nous autres, les législateurs, on va décider de ce qui est bon pour vous. On va décider de votre qualité de vie et de vos choix. On va fermer vos magasins le dimanche pour être certains que vous allez faire les bons choix de société. Je pense que nos gens sont suffisamment matures pour le faire eux-mêmes leur choix personnel de vie, et on n'a pas à leur imposer, donc, des comportements. Laisser la liberté de choisir, ce n'est pas pénalisant. Et c'est prouvé partout où cela existe, la liberté de commerce le dimanche, que ça n'a pas affecté effectivement la qualité de vie des gens. Regardons l'expérience dans l'Ouest canadien, regardons l'expérience aux États-Unis, les enquêtes qui ont été faites sont à l'effet qu'effectivement les gens... Les gens, d'abord, n'ont pas l'obligation d'aller magasiner, d'une part, et, d'autre part, ceux qui le font vont peut-être passer une heure dans le supermarché ou une heure et quart et, ensuite, le phénomène religieux n'a pas été affecté, le phénomène familial n'a pas été affecté. Les études ont révélé, d'une part, que le chiffre d'affaires était plus grand, ce ne sont pas six jours d'affaires répartis sur sept, mais il y a une légère augmentation du chiffre d'affaires; d'après l'étude de Corposult, ce serait de l'ordre de 9 %. D'ailleurs, le document d'information, à la page 87 - je vous mentionne ça - fait état que 40 % de ceux qui visitent les centres d'achats, la fin de semaine, font des achats spontanés. Donc, le chiffre d'affaires est plus grand, d'une part, et d'autre part, l'ouverture du dimanche n'entraîne pas la transformation de la société, n'a pas eu d'effet sur la religion et le magasinage demeure une question de choix personnel.

Alors, eu égard au consommateur, si, naturellement, on voulait accoler l'épithète "qualité de vie" à un des deux termes suivants "liberté" ou "prohibition", il me semble que ce n'est pas déraisonnable de prétendre naturellement qu'on associerait ça au phénomène de la liberté ou du choix, sur le plan du consommateur.

Sur le plan de l'employé, je veux vous préciser tout de suite, M. le Président, que Steinberg a toujours été respectueux des désirs des gens, du désir des gens de travailler ou de ne pas travailler. Je l'ai indiqué, d'ailleurs, à la page 9 de notre mémoire, nous ne nous objecterions, d'aucune façon, à ce que la loi comporte une disposition en vertu de laquelle un employé ne pourrait perdre son emploi à cause du fait qu'il a refusé de travailler le dimanche. Ça, c'est très clair.

Maintenant, le principe que l'on préconise, c'est un principe de respect. Il s'applique aux trois intervenants: les commerçants, d'une part, commercer ou ne pas commercer le dimanche; les consommateurs, magasiner ou ne pas magasiner le dimanche - vous l'avez entendu plusieurs fois, mais je pense qu'il faut le répéter - et puis les employés, travailler ou ne pas travailler le dimanche. Je crois que l'insertion d'une disposition qui protégerait les employés en ce sens-là aurait un effet rassurant, d'une part, et, d'autre part, permettrait à ceux qui veulent se faire un revenu additionnel ou un revenu d'appoint de le faire dans des circonstances qui sont favorables.

Également, je pense qu'il faut démystifier une chose, c'est qu'il y a 78 280 personnes qui travaillent dans l'alimentation, au Québec, qui travaillent dans le domaine de l'alimentation, oui, ce qui représente 2, 6 % de la population active du Québec. Ça veut dire que c'est une fraction de 1 % qui seraient touches par le travail du dimanche et c'est précisément cette fraction de gens qui désirent travailler. Alors, je le répète encore une fois. II ne s'agit pas de déterminer qui on va pénaliser ici, il s'agit de déterminer dans les 10 ans, dans les 20 ans qui s'en viennent ce qu'on peut le mieux faire pour offrir à la population des choix. Je pense que dans la balance des choses, si on regarde l'ensemble, la thèse de l'ouverture est largement favorisée.

Je mentionne que la création... On parle d'emplois à temps partiel, etc., ça vaêtre des emplois à temps partiel, mais pourquoi pas? Moi, j'aimerais vous rappeler ceci: II y a, actuellement, dans notre société un grand nombre de personnes pour lesquelles le temps partiel est une option de vie, un choix. Il y a énormément de gens qui ne peuvent pas travailler la semaine et II y a des gens qui ne voulent pas travailler la semaine; ça, c'est un fait. D'après Statistique Canada, il y a 40 % des femmes qui ne veulent pas travailler à temps plein. Il y a les étudiants qui veulent payer leurs études, etc.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Bilodeau, je vous inviterais à conclure, s'il vous plaît.

M. Bilodeau: Oui, c'est bien. Je conclurais en disant ceci: Le ministre a indiqué au début et II l'a indiqué assez clairement, s'il s'agit de faire une loi qui soit durable et qui soit viable, je pense qu'il faut regarder les composantes actuelles de la société. Je pense qu'il faut mettre dans une balance les avantages et les inconvénients qu'auraient la thèse de la fermeture et la thèse de l'ouverture et constater qu'effectivement la seule façon de favoriser le public dans une société qui est démocratique, c'est plutôt lui permettre, lui donner le choix. Je pense qu'il

faut résister... Il ne faut pas résister au changement. Je pense que la société est prête à quelque chose de nouveau, que personne n'est vraiment pénalisé dans un système où un commerçant peut commercer mais nul n'y est tenu, où un consommateur peut acheter mais nul n'y est tenu et où un employé peut travailler mais nul n'y est tenu. Ça, c'est la thèse que Steinberg favorise et vous invite à considérer. Merci.

Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous remercie, M. Bilodeau. M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup. J'ai plusieurs petites questions. Quand on parie d'une loi durable, vous le mentionnez clairement, il y a peut-être deux voies. Parce que, si on fait des demi-mesures, on s'aperçoit qu'on fait juste retarder des échéances. Alors, des deux voies, il y en a une qui est claire, c'est celle que vous prônez, la libéralisation. C'est la liberté de commerce. C'est les choix personnels de vie, ses besoins réels. Et ces besoins vont aller en s'accroissant. Alors, quand on parle de libéralisation, je pense que c'est élargi pour dire que, si on veut avoir une loi durable et applicable, on s'aperçoit que, de plus en plus, les commerçants diversifient leur gamme de produits. Donc, si on disait uniquement l'alimentation, on ne ferait peut-être que retarder une échéance dans un an, deux ans, trois ans à cause des superficies des grands magasins qui vendent plus que de l'alimentation. Alors, une voie, c'est la libéralisation. Je n'insiste pas là-dessus, je pense que vous avez clairement exprimé votre point de vue.

L'autre voie, c'est un retour en arrière. Ce que j'ai entendu dire de certains représentants de supermarchés, c'est: D'une façon ou d'une autre, on est mieux d'aller par en avant, parce que le gouvernement n'osera jamais retourner en arrière et fermer les commerces le dimanche. Alors, si jamais le gouvernement avait le courage de faire ça... Toujours des si, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Toujours dans votre document, c'est marqué: Le minimum raisonnable, c'est l'ouverture du lundi au samedi, dites-vous, jusqu'à 21 heures, mais, en plus, vous voudriez avoir le dimanche.

M. Bilodeau: Je tiens à préciser tout de suite que le minimum raisonnable, ici, qualifie la semaine. Parce que j'ai distingué, dans le document, deux phénomènes totalement séparés. Pour ce qui est de la semaine, il nous apparaît... Parce qu'il y a une thèse: par exemple, c'est 24 heures par jour, six jours par semaine, comme en Ontario.

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.

M. Bilodeau: Alors, le minimum raisonnable, c'était l'encadrement de neuf à neuf, six jours par semaine. Je l'ai séparé. Ce n'est pas en comparaison, si vous vouk'7, avec l'ouverture le dimanche. Et je pense que c'est un bon point qui est soulevé.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Donc, comme minimum raisonnable, vous ne dites pas: La situation idéale, c'est sept jours par semaine, aux heures mentionnées là. Mais vous dites que, si jamais le gouvernement, pour des raisons politiques, décidait de faire un pas en arrière pour que la loi soit équitable, comme minimum raisonnable, vous ne seriez pas satisfaits d'avoir neuf à neuf, six jours par semaine.

M. Bilodeau: Non, M. le ministre, ça n'a pas été mis de cette façon-là, vous avez raison.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que c'est ça que vous dites?

M. Bilodeau: C'est ce que l'on dit, effectivement, car l'attitude ou les habitudes des consommateurs, suivant nous, ont démontré que les besoins sont plus orientés vers le dimanche que vers le début de semaine. C'est une constatation factuelle. Et si on veut servir le client, nous autres, on a le devoir de regarder où il nous le demande et on croit que c'est le dimanche, en vertu de ce qui nous est présenté.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Deuxième point. À la page 5 de votre mémoire, vous dites que nul n'est en mesure de démontrer quelque effet négatif que ce soit de l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche. Au contraire, il y aura probablement lieu de s'attendre à une légère diminution des prix et à une légère augmentation du taux d'emploi. Et vous reprenez ça également à la page 7, en haut. Vous dites: "Diminution potentielle des prix; il y a lieu de s'attendre à ce que la compétition dans les commerces d'alimentation le dimanche ait un effet favorable du point de vue du consommateur quant au coût des aliments." Ce que j'aimerais, pas immédiatement, là, est-ce que vous pouvez remettre à cette commission un document, aussi simple sort-il, qui quantifierait ce que vous dites à la page 5, au point 4, et au haut de la page 7? J'ai demandé ça également aux gens de Provigo. Est-ce que vous pouvez faire un effort et nous le prouver?

M. Bilodeau: Oui, M. le ministre. On va faire l'effort et on va vous le prouver, effec- ' tivement.

Mme Marois: Sur l'emploi?

M. Tremblay (Outremont): Non, pas ça.

Bien, oui, oui. Je parle des prix. On dit qu'il va y avoir une diminution de prix, aussi minime soit-elle; en tout cas, sûrement pas une augmentation et possiblement une augmentation d'emplois. Mais toutes les fois que les intervenants défendent cette position-là, c'est purement qualitatif et ce n'est jamais quantifié. Alors, si on pouvait essayer de nous quantifier ça, on apprécierait.

M. Bilodeau: On va le quantifier, M. le ministre. Je vous réfère discrètement, encore une fois, à l'étude de M. Virthe sur ce point-là, où aux pages 20 et 21 il représentait quelques facteurs Par exemple. Ie fait que Voyez-vous, vous avez les prix ei vous avez le coût de l'alimentation aussi. Le coût de l'alimentation serait nécessairement inférieur, puisque tous les gens qui s'approvisionnent actuellement à l'extérieur des supermarchés sont forcés de payer de 3 % à 10 % plus cher, suivant les études. Vous avez ça d'une part. D'autre part, le phénomène de la concurrence entre les chaînes et les marchands en général, a généralement un effet favorable sur le consommateur.

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais ce qu'on nous dit...

M. Bilodeau: Là, on peut parier des marges, des prix fixes, etc. Ça, on va le faire. (12 h 45)

M. Tremblay (Outremont): Non, non, mais ce qu'on nous dit, et c'est important que vous nous le démontriez, noir sur blanc...

M. Bilodeau: Oui, absolument.

M. Tremblay (Outremont):... ce qu'on nous dit, c'est que les gros vont ouvrir le dimanche, ils vont faire des promotions à 20 % et 30 %, Ils vont fermer les petits et, quand ils vont avoir le monopole, ils vont augmenter les prix. Bon! C'est pour être précis, c'est exactement ça qu'on entend de ceux qui prônent la fermeture le dimanche et de garder les petits commerces. Alors, on peut continuer à donner des arguments qualitatifs, mais là il faut démontrer ça.

M. Bilodeau: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Donc, à la page 7 de votre mémoire, en bas, au point 8, vous dites: "Le magasinage du dimanche dans les localités américaines situées près de la frontière canadienne est très significatif, avec l'effet que cela comporte inévitablement sur les volumes d'affaires et sur l'emploi. "

J'ai posé exactement cette question-là à M. Bussières, tout à l'heure, représentant de Provi-go; pour les zones américaines, il m'a répondu: Non. Est-ce que vous pouvez nous démontrer que ce que vous dites au point 8, c'est vrai que ça va arriver, que les gens vont aller faire leur épicerie aux États-Unis le dimanche?

M. Bilodeau: Oh! Cela est une grande phrase. La réponse à ça, vous démontrer que les gens vont aller faire l'épicerie, ce serait charrier, M. le ministre, et ce n'est pas notre intention de charrier. Ce n'est pas une proportion significative; d'après les études que, moi, j'ai, il y aurait à peu près 12 000 000 $ de chiffre d'affaires qui se feraient; c'est une étude que je détiens sut cette question-là.

Maintenant, si on veut parler du phénomène des frontières, je pense que le phénomène ontarien serait plus menaçant pour nous..

M. Tremblay (Outremont): Très bien.

M. Bilodeau:... au Québec que le phénomène américain. Évidemment, c'est un commerce qu'on aimerait toujours avoir, mais, de là à dire qu'on va fonder notre thèse sur ça, je ne pense pas qu'on va fonder notre thèse sur ça.

M. Tremblay (Outremont): Non, exactement Alors, à la réponse de M. Bussières, à l'effet que c'est non pour le point 8, pour les frontières américaines, j'ai spécifiquement posé la question au niveau de l'Ontario pour savoir si, dans l'Outaouais, il y aurait une répercussion. Là, il m'a répondu: Oui. Ça, je vais le faire vérifier par le ministère, mais si vous pouviez nous donner de l'information, ça, on l'apprécierait.

M. Bilodeau: Oui. La raison pour laquelle je l'ai indiqué, c'est que c'est un indicateur du comportement des citoyens à la grandeur du Canada, c'est vrai. Dans certaines régions ontariennes, par exemple, le problème est très clair. Mais ce n'est pas la base ou le fondement de notre thèse.

M. Tremblay (Outremont): O. K. A la page 9 de votre mémoire, vous dites - et c'est souligné en noir, donc ça doit âtre Important - "insère dans la loi une disposition prévoyant qu'aucun employé ne peut perdre son emploi en raison du fait qu'il a refusé de travailler le dimanche". Plusieurs représentants syndicaux sont venus nous affirmer que, même si on avait une disposition de la loi à cet effet-là, après une fois ou deux fois, l'employeur trouverait le moyen de congédier ou de remplacer cet employé-là par quelqu'un d'autre. Ça, je pense que ça a été clairement mentionné.

Mme Marois: Aussi, si vous permettez, M. le ministre...

M. Tremblay (Outremont): Allez-y, oui.

Mme Marois:... c'était dans le sens aussi de dire: Bien, on va lui réserver par la suite des

horaires peut-être un peu moins intéressants, après qu'il aura dit non pendant un certain temps. Alors, on ne le remerciera pas, mais on s'organisera pour qu'il se retrouve sur des horaires assez emmerdants que, la prochaine fois qu'on le lui demandera, il va nous dire oui.

M. Tremblay (Outremont): Quelqu'un qui va vous dire à 10 ou 20 reprises: Pour ma qualité de vie, moi, je préfère rester avec mes enfants et ma famille le dimanche, vous allez accepter ça une fois, deux fols, trois fois, mais, après ça, on nous dit que cet employé-là va être pénalisé parce qu'on va lui donner moins d'heures ou on va lui faire tellement de misère qu'il n'aura pas le choix de se trouver un autre emploi.

M. Bllodeau: Sur ça, je voudrais mentionner trois choses. Dans un premier temps, évidemment, sur l'aspect procès d'intention, entre guillemets, je n'a) pas de boule de cristal; comme législateur, je pense que le mieux que l'on puisse faire, c'est de protéger nos gens par des lois, par des réglementations, et on espère que les lois vont être respectées. Je pense qu'on doit présumer que les lois vont être respectées. Alors, c'est sûr qu'on peut faire des procès d'intention, mais, là-dessus, je ne peux pas commenter plus loin que ça. Je dirais que, quant à nous, notre corporation a toujours été soucieuse de voir à ce que les lois soient respectées et on les respecte, les lois, effectivement.

Deuxièmement, il y a un grand nombre de gens, actuellement, qui ne demandent pas mieux que de travailler le dimanche; ils le veulent, eux autres, c'est leur intérêt, et on estime que la fraction de gens qui vont devoir travailler le dimanche va effectivement être suffisante. On va avoir plus de volontaires qu'on n'en a vraiment besoin. Alors, le problème ne devrait pas être si grave que ça.

Troisièmement, c'est assez intéressant de constater, que là on fait ici - je pense que c'est un point important - une présomption qu'il va y avoir uniquement du temps partiel de créé. Ce n'est pas tout à fait exact. Je pense qu'à court terme il est raisonnablement prévisible qu'on va avoir plus d'emplois à temps partiel; c'est raisonnablement prévisible. Cependant, la ventilation des heures d'ouverture et la ventilation des heures de magasinage, dans les supermarchés, sur sept jours, va avoir, à mon opinion, à moyen terme et à long terme, un effet favorable sur la composante de main-d'oeuvre tout au long de la semaine. L'expérience vécue actuellement dans les provinces ou dans les États où on a ventilé les heures est très intéressante. De la façon dont ça se distribue, ça permet au marchand de prévoir, d'abord, sa clientèle ou son volume d'affaires d'une façon qui est plus efficace, d'offrir un service plus uniforme au cours de la semaine et ça peut favoriser, effectivement, l'emploi régulier. C'est un phénomène qui va se produire, à mon sens, à moyen terme, pas à court terme, mais à moyen terme à cause de la ventilation, justement. Alors, c'est très difficile de faire des thèses, actuellement, de dire: On va pénaliser les emplois réguliers, etc. Je pense qu'il faut être très prudent là-dessus parce que l'expérience ne révèle pas ça.

M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous accepteriez - avant de céder la parole - d'inclure dans la convention collective de travail que vous avez avec le TUAC, le local 500, une clause à l'effet que les employés qui refuseraient de travailler le dimanche seraient protégés?

M. Bilodeau: D'abord, il faudrait qu'ils le demandent à la table de négociation. Et s'ils le faisaient... Je peux vous dire que ceci a déjà fait l'objet de discussions entre nous, comme entreprise, moi-même, comme individu et les syndicats avec lesquels on a des relations depuis des années, chez Steinberg. Nous avons, effectivement, une disposition, dans notre convention collective, qui envisage l'éventualité d'une ouverture le dimanche. C'est bien sûr qu'elle ne la règle pas parce que ce n'est pas légiféré encore. Mais, dans l'hypothèse où il y aurait une permission, les parties se rencontrent et discutent du contenu des heures de travail et des aménagements nécessaire.

Mme Marois: Comment ça se passe-t-il actuellement? Je pense que le ministre a terminé son temps. Comment ça se passe-t-il actuellement - et même un peu dépassé - le samedi?

M. Bilodeau: Le samedi.

Mme Marois: Le samedi, c'est aussi une journée qui, par rapport aux heures habituelles de travail pour une majorité de travailleurs et de travailleuses... Les bureaux ne sont pas ouverts. Le gouvernement n'est pas ouvert, etc.

M. Bilodeau: Vous avez dans le moment une situation où, aux heures de pointe, le jeudi soir, le vendredi soir et les samedis, 70 % à 80 % des heures sont faites à temps partiel. C'est une situation actuelle. Ce n'est pas une situation hypothétique. C'est la même situation qui existe dans le moment. Maintenant, je vous rappelle que, contrairement à ce qu'on a prétendu tout à l'heure, les conditions de travail des gens qui sont dans les magasins syndiqués... Et ça, c'est un point que je tiens à faire. On permet actuellement à 13 000 commerces sur 14 000, virtuellement, d'ouvrir le dimanche et on interdit à 1100 commerces qui sont, précisément, les grandes surfaces où la grande majorité des employés sont syndiqués... Moi, je prétends que ça bénéficierait aux employés syndiqués, le fait de pouvoir ouvrir parce que, effectivement, ces gens-là, on leur refuse un volume et une part du marché auxquels

ils ont parfaitement droit, tout comme nous, d'une part.

D'autre part, ces heures-là, ce sont des heures qui sont mieux rémunérées que dans l'industrie non syndiquée. Et ça, les représentants syndicaux vont l'affirmer, c'est leur raison d'être. Chez nous, ils ont des bénéfices, des fonds de pension, le plan dentaire, des assurances, un taux horaire qui est meilleur. Les gens syndiqués sont, actuellement, virtuellement les seuls à qui on refuse systématiquement de prendre part à un marché qui va grandir pendant les prochains dix ans, u n'y a pas de doute là-dessus. Je crois que les syndicats doivent considérer ce poh. a et je crois que le législateur doit le considérer ausbi.

Mme Marois: Remarquez qu'ils partagent un point de vue autre, en tout cas...

M. Bilodeau: C'est vrai, Mme Marois. Mme Marois: ...sur la fermeture, là. M. Bilodeau: II y a deux thèses.

Mme Marois: Je vais y venir, là. Il y a une chose que je veux qu'on remette en perspective. Je vais répéter des choses. Vous l'avez peut-être entendu tantôt, mais je vais le répéter pareil parce que la pédagogie, ça a l'air que c'est de la répétition aussi, de temps en temps. D'abord, il y a une chose qu'on va dire. Quand on me dit: 13 000 peuvent ouvrir sur 14 000 ou ouvrent sur 14 000, je suis d'accord, mais c'est quand même de la petite surface, du petit commerce, de la spécialité ou du dépanneur. Il y a, évidemment, et on le sait, un secteur des pharmacies à grande surface, par exemple, et un certain nombre d'autres. Alors, moi, je veux bien qu'on me dise: 13 000 ouvrent sur 14 000, mais si ce sont les 13 000 petits qui se situent dans les règles, ce n'est pas le cas et on n'en parlera pas, on se l'est dit ensemble. Donc, faisons attention aussi en disant: Bon, il y en a 14 000, 13 000 qui ouvrent, laissons les 1000 autres ouvrir.

M. Bilodeau: Je suis d'accord avec vous. Je n'ai pas affirmé qu'ils ouvraient, mais j'ai dit qu'on ne permet pas à des personnes.. Il y a 33 000 personnes syndiquées, sur 78 000, qui travaillent dans le domaine de l'alimentation et c'est à elles qu'on refuse actuellement la part, la possibilité d'avoir ces heures-là.

Mme Marois: Oui, mais c'est parce que c'est eux - et là on pourra en discuter - qui nous disent aussi, puisqu'ils font partie dune coalition, qui nous recommandent de resserrer les critères pour le dimanche et que l'ensemble des commerces se conforment à un certain nombre de règles qui seraient établies et qui feraient que, généralement, les activités commerciales seraient davantage limitées une journée dans la semaine.

M. Bilodeau: Mme Marois, vous avez raison. Il y en a qui vous disent cela. Et je vous prie de considérer qu'il y en a également beaucoup qui ne disent pas cela. C'est toujours difficile d'essayer de parler pour un groupe de personnes. Nous autres, on essaie d'éviter autant que possible de parler pour un groupe parce que c'est difficile. Il y a deux thèses et les deux thèses... Vous avez un problème complexe. Cependant, on croit que dans la balance des choses, encore une fois, la thèse du choix... On s'avance clairement. Quand on préconise que la loi protège les employés et donne le choix au consommateur, il nous semble que c'est plus facile, c'est plus confortable de défendre cette thèse-là, tout en étant conscient qu'il y a des gens qui ne veulent pas travailler et on dit: On ne les fera pas travailler. C'est vrai qu'il y en a qui ne veulent pas.

Mme Marois: Oui, mais est-ce que c'est plus confortable de défendre cette thèse-là ou si c'est parce qu'on sait que l'autre thèse, on n'ira pas jusqu'au bout? On n'ira pas jusqu'au bout dans le sens, et c'est le ministre lui-même qui l'a dit - je prends ses propres propos - que le gouvernement n'aura pas le courage de dire: La logique d'une approche qui est de dire: On resserre les critères, on ferme. Il n'ira pas jusqu'au bout de cette logique. Donc, comme il n'ira pas. choisissons l'autre avenue, et vous avez totalement raison si l'analyse que vous faites, c'est celle-là.

Parce que, en plus - et j'aimerais ça que vous m'expliquiez ça - en septembre 1989, si je ne m'abuse, j'ai une lettre signée par M. Croux. Vous êtes là. On dit donc: En regard de tous ces faits, il nous semble préférable de préconiser pour le moment un élargissement des heures d'affaires en début de semaine de 9 heures à 21 heures, du lundi au vendredi, plutôt que d'ouvrir nos supermarchés le dimanche. Qu'est-ce qui a fait que. de ce moment-là à maintenant, vous ayez changé de point de vue? Ça, c'est une question.

Deuxième question. Vous représentez - en tout cas, on a posé la question à tout le monde - vous dites: On essaie de se représenter, c'est déjà compliqué, et de ne pas essayer de parler au nom d'autres gens. Dans le document que votre nouvelle coalition a sorti hier, on parle de 110 commerces d'alimentation chez Steinberg, 15 000 employés. Dans les 110 commerces, combien sont franchisés? Combien sont des magasins corporatifs?

M. Bilodeau: Je vais d'abord répondre à la première question et puis j'inviterai peut-être un de mes collègues, un de mes associés, à répondre à la deuxième.

Mme Marois: D'accord.

M. Bilodeau: Sur la première question, à laquelle je m'attendais peut-être un petit peu, je vous dirai ceci. Un, ça fait 70 ans qu'on est en affaires et une des principales raisons pour lesquelles on est en affaires encore, c'est qu'on a su évoluer, changer et s'adapter. Dans ce cas-ci, je vous témoigne que, lorsque M. Croux a répondu à cette lettre, il devait, comme exécutif de l'entreprise, répondre conformément à la dernière position publique que l'entreprise avait été invitée à prendre, il y a déjà maintenant deux ans, en 1988. Je rappelle par ailleurs qu'en 1988 ce qu'on disait, c'est qu'elle permette ou non aux supermarchés ou aux marchés publics d'ouvrir le dimanche, la loi devra refléter une politique ferme et équitable des heures d'affaires. C'était surtout le point qu'on voulait faire à ce moment-là. Maintenant, quand nous avons été...

Mme Marois: Mais il reste que la position est claire.

M. Bilodeau: Oui, oui. Quand nous avons été requis de faire l'étude à nouveau... Moi, je vous le dis franchement, Mme Marois, j'ai lu le document d'information de a à z et, après l'avoir lu au complet, je pense que, si on fait l'exercice à l'intérieur de nous, naturellement, de dire ce qui en ressort, on est amenés à conclure, à tout le moins comme commerçant... On ne peut pas répondre au consommateur actuellement: Non, on vous refuse ie dimanche. On n'ouvrira pas le dimanche. On ne favorise pas cette thèse-là. On n'est pas capables de faire ça vis-à-vis ie consommateur.

Mme Marois: Écoutez, moi je vais vous répondre à ça parce que... Je veux bien vous suivre sur ce terrain-là et qu'on le discute ensemble. Mais votre objectif à vous, et il est louable, il est correct - parce qu'on essaie de me faire dire des fois des choses que je ne dis pas - c'est d'aller chercher votre profit. Et c'est correct. On est dans une société organisée comme celle-là. Et que pour atteindre votre objectif économique, qui est sain, je le répète, vous essayiez effectivement de faire en sorte que vous puissiez aller chercher le plus grand nombre de consommateurs possible qui vont aller chez vous plutôt qu'ailleurs, bon, c'est normal. (13 heures)

Mais qu'on me dise que votre premier objectif, c'est de répondre aux besoins des consommateurs, je suis consciente que pour que votre business fonctionne, et ça on va s'entendre, il faut que vous répondiez aux besoins des consommateurs. D'accord? Mais votre premier objectif, c'est la business. O.K.? C'est parce qu'il faut replacer les choses un petit peu dans leur encadrement général et dire: C'est ça, l'objectif; le moyen, c'est ça et c'est correct, ça a du bon sens, bon. O.K.? Là, on va venir à ma question - je veux que vous y répondiez aussi -concernant ie nombre de commerces d'alimentation. Combien sont sous bannière? Combien sont corporatifs? Et j'ai un certain nombre d'autres commentaires à faire - je vais les réserver - sur la question de la qualité de la vie et des consommateurs.

M. Bilodeau: Bien. M. Vachon va répondre à cette question-là et on reviendra sur le sujet des consommateurs.

Mme Marois: D'accord. Je vais revenir sur cette question quand même rapidement. On dit: Les pauvres consommateurs ne peuvent pas avoir accès, bon, c'est difficile, etc. Il me semble que si, effectivement, on va vers une amélioration des plages horaires en semaine, qu'il y a un dépannage permis et possible le dimanche, on va répondre aux besoins de base et essentiels des consommateurs et des consommatrices. Vous me dites: Vous savez, ce n'est pas parce qu'on est ouvert que les gens doivent aller consommer ou ce n'est pas parce qu'on est ouvert que l'autre doit ouvrir. Vous êtes en affaires. Vous savez aussi que, si sur une rue il y en a un qui ouvre et que tout le monde y va, les autres disent: II est en train de me prendre mes parts de marché; moi aussi, je vais ouvrir. Alors, la liberté a quelques limites, quand même.

M. Bilodeau: Malheureusement, Mme Marois, notre expérience et notre vécu, je dois l'avouer, c'est que ça ne corrigera pas le problème, les heures en début de semaine. Vous savez, vous avez un comportement social actuellement qui est très clair. Les gens travaillent et les raisons pour... Les gens travaillent et prolonger ça le mercredi et le mardi, je pense que c'est nécessaire et que c'est bien. Mais la grande majorité des gens, quand ils arrivent chez eux pour souper - c'est concret ce que je vous dis là, mais c'est la réalité, c'est la vraie vie - ils ont fait leur journée de travail, ils en ont jusque-là. Ils arrivent chez eux pour souper le soir. Avec leur voiture, ils ont passé une heure dans le trafic. Ils veulent souper et ils ne vont pas nécessairement toujours faire leur supermarché. Ça ne réglera pas le problème.

Il y a un phénomène actuellement de demande pour magasiner le dimanche, où tu te sens plus libre, où tu veux consacrer une heure sans balises, etc. C'est l'expérience qui est vécue sur notre territoire dans le moment et, malheureusement ou heureusement, je ne le sais pas, c'est un fait et ça va s'en aller en s'accroissant. C'est pourquoi, moi, je vous dis: Considérez ce fait-là. Parce qu'on n'a pas le choix. Ce sont nos gens à nous qui agissent comme ça. Ils agissent comme ça. Ce n'est pas parce que nous... Vous parlez de l'intérêt mercantile. C'est bien évident.

Quand on est en affaires, on est en affaires. Ça, vous l'avez dit, c'est normal.

Mme Marois: C'est correct, bien oui.

M. Bilodeau: Ce n'est pas une question strictement mercantile. C'est une question que nous ne sommes plus ce que nous avons été, il y a un temps. Il faut l'accepter. Et nous, on est prêts à s'adapter et à changer, avec les difficultés que ça comporte. Ça comporte certaines difficultés, mais on est prêts à le faire, on doit le faire.

Mme Marois- Combien de commerces sous bannière ou magasins corporatifs? Et dans cette subdivision-là, est-ce qu'ii y en a qui se sont prononcés contre l'ouverture ou s'il y a unanimité ou...

M. Vachon (Jean-Roch): Mme Marois, en 1985, Steinberg était une chaîne d'alimentation. Ses ventes étaient consacrées à 100 % à un réseau corporatif. Depuis ce temps-là, il y a eu un changement de cap et on a adopté un mode grossiste de sorte que, de 1984-1985 à 100 %, aujourd'hui, en 1989-1990, il y a 52 % de notre volume qui est fait avec des magasins corporatifs. Et il sera de 30 % en 1990-1991. Maintenant, il faut...

Mme Marois: 30 %?

M. Vachon: 30 % environ. Ce sont des appréciations. Ce qu'il faut reconnaître là-dedans, c'est qu'on a procédé aussi à des acquisitions de grossistes depuis ce moment-là qui ont ajouté à notre...

Mme Marois: Cela a modifié la structure financière de l'entreprise. Ça, ça va.

M. Vachon: Oui. Sur les 110 magasins dont on parlait tantôt, il y a 10 magasins qui sont affiliés. Il y a 40 magasins qui sont franchisés, le reste étant des magasins corporatifs. Et le groupe de franchisés sera ici, à la commission, je pense que c'est vendredi.

Mme Marois: Ils vont venir dans deux jours.

M. D'Ostie (André): Dans deux jours, le 16.

Mme Marois: II y en a 16?

M. D'Ostie: Non.

Mme Marois: Ils vont venir le 16, vous dites.

M. D'Ostie: Ils vont venir le 16.

Mme Marois: Est-ce qu'il y en a un nombre déterminé qui s'est prononcé en faveur ou...

M. D'Ostie: La position des franchisés, ils vont vous la présenter le 16. Mais leur position est en faveur des heures d'ouverture le dimanche.

Mme Marois: O. K.

M. D'Ostie: À l'unanimité.

Mme Marois: D'accord. Bon. Une autre question que je veux aborder avec vous: Les Maisonnées.

Le Président (M. Bélanger): Si vous Je permettez, il resterait cinq minutes à la formation ministérielle et on vous reviendrait.

Mme Marois: II me resterait combien de temps?

Le Président (M. Bélanger): II vous resterait cinq minutes. D'accord?

Mme Marois: D'accord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Deux petites questions. La deuxième, je vais la poser à M. Gaucher. Ce matin, Provigo nous a dit: Perte de marché. On l'a vu. Qu'on s'obstine sur un point ou deux, ce n'est pas ça... Deuxièmement, perte d'emplois, vous y avez fait allusion tout à l'heure, des emplois rémunérateurs. Quand on mentionne ça aux représentants syndicaux, ils nous disent: Premièrement, il n'y a pas de preuve qu'il va y avoir une perte d'emplois s'il y a fermeture le dimanche. Ils nous disent ça. M. Croux, peut-être, sur celle-là, vous pourrez me répondre. Deuxièmement, même s'il y avait ouverture le dimanche, s'il y a création d'emplois, ça va être des emplois à temps partiel et il va y avoir une clause "orphelin" qui va faire que les nouveaux arrivés à temps partiel n'auront pas la même rémunération, des emplois rémunérateurs, que les autres qu'on mentionnait tout à l'heure. Comment réagissez-vous à ça? Ensuite de ça, je vais avoir une question pour M. Gaucher.

M. Bilodeau: Pour ce qui est de la fermeture, si nous étions, évidemment, pour retourner, ce que vous appelez "reculer en arrière", si nous étions pour fermer tous les commerces qui, actuellement, opèrent sur le territoire québécois, je pense qu'il y aurait tout de suite une perte d'emplois, on ne peut pas le nier. Il y aurait énormément de gens qui seraient soudainement sans emploi. Deuxièmement, si on favorise l'ouverture des commerces...

M. Tremblay (Outremont): Oui, mais est-ce que vous allez fermer vos supermarchés parce qu'on ferme le dimanche?

M. Bilodeau: Non, nous, actuellement, on n'a pas le droit d'ouvrir, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je le sais. M. Bilodeau: II n'y aura pas de...

M. Tremblay (Outremont): Bon, II y a ou une perte d'emplois. Est-ce qu'il va y avoir d'autres pertes d'emplois?

M. Bilodeau: Si vous fermez les supermarchés, il y aurait la perte d'emplois de ceux qui travaillent actuellement le dimanche. Ceux qui ne travaillent pas, je ne vois pas de perte d'emplois là.

M. Tremblay (Outremont): Mais il n'y en a pas qui travaillent le dimanche, là.

M. Bilodeau: Bien, dans le cas des supermarchés, chez nous, nous sommes fermés le dimanche. Je voudrais juste bien comprendre votre question.

M. Tremblay (Outremont): OK Je vais l'expliquer d'une autre façon.

M. Bilodeau: La perte d'emplois immédiate par une législation qui favorise la fermeture, c'est d'enlever à tous ceux qui travaillent dans le moment l'opportunité de travailler.

M. Tremblay (Outremont): Ce qu'on nous dit, la tendance...

M. Bilodeau: Ça, c'est immédiat.

M. Tremblay (Outremont): La tendance... Je ne veux pas revenir sur les chiffres de Provigo. La part de marché de 69 %, en 1985, est rendue à 60%; perte d'emplois, X milliers d'emplois. Est-ce que la tendance va se poursuivre si vos commerces n'ouvrent pas le dimanche? Allez-vous continuer à perdre des parts de marché? Le syndicat, à ça, dit qu'il n'y a pas de preuve que, si nous n'êtes pas ouverts le dimanche, la tendance va se poursuivre. C'est ça, la question.

M. Bilodeau: Évidemment, on fait une hypothèse où on ferme tout le monde et j'ai de la misère, dans ma tête, à la faire. Mais supposons que je la fais, je crois qu'il y a déjà un certain nombre d'habitudes de consommation chez les gens qui feraient en sorte que, parmi les quelques-uns qui resteraient ouverts, il y aurait un achalandage considérable. C'est récupérable, probablement, mais ça serait difficile. Ça ne serait pas facile. L'élément inconnu dans ça, c'est l'élément public, c'est le comportement du citoyen sur une base de cinq ans en cinq ans et c'est vraiment difficile de prévoir comment le citoyen se comporterait. Il n'y a pas de réponse miracle à ça. M. Vachon veut peut-être ajouter quelque chose.

M. Vachon: Peut-être un complément de réponse là-dessus. Au niveau du commerce qui est celui de l'alimentation, comme tel, il y a une érosion uyHt6inntl(|uo. doptita min di/nluo d'an nées, qui va à un autre secteur qui est le secteur de la restauration. Je pense que, quand on parle du secteur du commerce du dimanche, le commerce du dimanche est un commerce qui est différent. On commerce, nous, aux États-Unis où on est ouverts sept jours par semaine et il y a des secteurs d'activités où le "mix" de produits est complètement différent: des mets cuisinés, pour justement concurrencer tout ce secteur-là... De sorte que vous retrouvez dans certains magasins américains d'autres types d'emplois. Il y a des chefs qui travaillent dans des magasins, il y a des cuisiniers qui travaillent dans des magasins d'alimentation, de sorte que c'est un moyen aussi de faire face à un marché qui est changeant.

M. Tremblay (Outremont): Je vais le reprendre d'une autre façon. Même si je prends une minute de plus, j'espère...

Mme Marois: Allez!

M. Tremblay (Outremont): Ma deuxième question...

Mme Marois: La réponse n'est pas...

M. Tremblay (Outremont): C'est parce que je veux poser une question à M. Gaucher, et celle-là, c'est pour lui donner la chance de réagir à quelque chose que j'ai mentionné tout à l'heure. Les syndicats, ce sont des gens d'affaires aussi. Ils se disent: Nous autres, on représente un certain nombre de personnes avec des emplois rémunérateurs, dans les supermarchés. C'est syndiqué, ça. Les travailleurs, dans les dépanneurs, ne sont pas syndiqués. Alors, leur intérêt, c'est que vous grossissiez, c'est que vous preniez de l'importance. En tout cas, c'est l'hypothèse que je fais, une hypothèse économique. Alors, ils disent: Non, on ferme le dimanche. Ma première question, je vous la pose encore: S'il y a une fermeture le dimanche, est-ce que vous allez perdre encore une part de marché et va-t-il y avoir une perte d'emplois? Les syndicats, à ça, ils disent: Non, on n'a aucune preuve que, si tout le monde est fermé le dimanche, au niveau de l'alimentation, sauf les dépanneurs, II va y avoir une porte de marché, donc une perte d'emplois. Donc, on veut main-

tenir le statu quo.

Le deuxième argument...

M. Bilodeau: Ça m'apparaît une vérité de La Palice, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Pardon?

M. Bilodeau: Ça m'apparaît une vérité du La Palice. Si on ferme tout le monde, je pense que, raisonnablement, il faut répondre que ça n'affectera pas les parts de marché substantiellement si tout le monde est fermé.

M. Tremblay (Outremont): Sauf, et là j'arrive...

M. Bilodeau: Mais là on déplace le problème de l'ouverture le dimanche...

M. Tremblay (Outremont): Non, non. M. Bilodeau:... de loin.

M. Tremblay (Outremont): Sauf si on prend l'hypothèse de M. Vachon, à savoir que ce n'est pas uniquement le dépanneur traditionnel de trois employés et moins, parce que le dépanneur traditionnel pourrait commencer à vendre des mets cuisinés avec trois employés et moins; ça se conserve. La restauration pourrait prendre de plus en plus d'importance. Les dépanneurs... La restauration, ce n'est pas syndiqué. Donc la part de marché que les supermarchés perdraient dans le temps, ça créerait des pertes d'emplois. Des pertes d'emplois, ça affecte directement les syndicats.

Une voix: Oui.

M. Tremblay (Outremont): Mais c'est ça que je veux dire, je ne vais pas trop loin, je ne veux pas imaginer des choses.

M. Bilodeau: Nous sommes d'accord avec votre réponse.

M. Tremblay (Outremont): C'est économique. Il me semble que vous devez...

Mme Marois: Ils travaillaient contre leurs intérêts.

M. Tremblay (Outremont): II me semble que vous devez penser à ça quand vous regardez vos parts de marché.

M. Bilodoau: Moi, je pense que ça travaillerait contre leurs intérêts. C'est ce que J'essaie...

M. Tremblay (Outremont): O. K. Et ce qu'on me dit...

Mme Marois: Vous êtes convaincu de ça, qu'ils travailleraient contre leurs intérêts?

M. Bilodeau: Oui. Je pense que quand on réalise... Je pense qu'une fois que les syndicats auront réalisé cela, s'ils le réalisent, ils vont se rallier à la thèse.

M. Tremblay (Outremont): O. K.

M. Bilodeau: C'est une question purement objective, purement factuelle.

M. Tremblay (Outremont): Très bien.

M. Bilodeau: Ils ne veulent pas travailler contre leurs intérêts.

M. Gaucher (Michel): Seulement pour ajouter un petit point là-dessus. J'ai l'impression que l'hypothèse des syndicats, c'est bien fondamental dans le dialogue, c'est qu'on va vivre dans un monde parfait, d'équité et que le dimanche, ça va être fermé. Dans cette hypothèse-là, moi, je suis tout à fait d'accord avec eux, qu'il n'y a pas tellement d'érosion de l'assiette à se partager entre travailleurs, actionnaires, dépenses en capital, dépenses de gestion de l'entreprise Steinberg, ou Provigo, ou autre. Mais dans l'hypothèse où ça n'est pas soutenu, là, je pense qu'il va falloir qu'ils réfléchissent une deuxième fois à la question parce qu'on a une tarte à partager La tarte, ce n'est pas parce qu'elle est partagée en sept jours, elle est partagée dans un an. Et s'il nous manque 10 %, 15 % ou 20 % de chiffre d'affaires à la fin de l'année pour combler les frais généraux, les frais de développement et tout ce qui n'est pas amortissable dans une journée d'ouverture, bien, ils vont réaliser qu'on en a moins à donner aussi en taux horaire, en fonds de pension, en sécurité, dans tout le tralala qui suit une convention collective.

M. Tremblay (Outremont): Et si on va plus loin et qu'on dit que le dépanneur de trois employés et moins, non syndiqué, la restauration non syndiquée pourraient continuer à prendre une part de marché, si on regarde, entre autres, les mets cuisinés...

M. Gaucher: Pour moi qui suis tout à fait nouveau dans le contexte de l'alimentation - j'en apprends à tous les jours - ça me semble être une aberration de voir la contradiction qui existe - parce que je suis encore peut-être un peu objectif - entre les Intérêts des supermarchés et les Intérêts des syndicats qui sont là à avoir une position que je ne comprends pas, personnellement.

M. Tremblay (Outremont): O. K. Le deuxième volet de cette question-là et je n'ai toujours pas

posé ma question à M. Gaucher... Je m'excuse si je prends...

Mme Marois: Oui, mais c'est parce que le temps court.

M. Tremblay (Outremont): Bien oui, je le sais.

Mme Marois: Et on a comme autre chose à faire aussi.

M. Tremblay (Outremont): En quoi... Je vous donnerai, on prendra... Ce qu'on dit: Si on ouvre le dimanche, ce que j'entends des syndicats...

M. Gaucher: C'est ma question, là?

M. Tremblay (Outremont): Non, non, elle s'en vient, tout de suite...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'était le deuxième volet et je n'ai pas eu ma réponse. Les syndicats disent: Si vous ouvrez le dimanche, on n'aura pas d'emplois plus rémunérateurs parce que ça va être des emplois à temps partiel et il va y avoir une clause "orphelin".

M. Gaucher: II est certain, en tout cas, que ceux qui travailleront le dimanche seront mieux rémunérés chez Provigo et chez Steinberg que chez le dépanneur, ou chez le fruitier.

M. Tremblay (Outremont): Bon! Ma question, la voilà, pour M. Gaucher: Tout à l'heure - je l'ai répétée à Hudon et Deaudelin pour être certain que je l'avais comme il faut - on me disait que Provigo et Steinberg, à cause de votre rentabilité qui est moins importante que celle de IGA - c'a été très clair - votre intérêt, c'est de vous approprier une partie des profits des petits détaillants. En d'autres mots... Bien, c'est ça...

M. Gaucher: C'est quoi, la question?

M. Tremblay (Outremont): C'est quoi, est-ce vrai?

M. Gaucher: Ah!

M. Tremblay (Outremont): En d'autres mots, si vous autres, vous ouvrez... Est-ce vrai? Il a dit ça...

Mme Marois: ...parts de marché. Une voix: Elle est bonne, celle-là. M. Gaucher: O.K., Mme Marois.

Mme Marois: ...oui? O.K.

M. Gaucher: Je suis connecté.

M. Tremblay (Outremont): C'est le gros contre le petit et le gros a besoin d'argent pour payer ses frais fixes, il va chercher le petit.

M. Gaucher: Je suis content que vous me posiez la question parce que c'étaient justement des notes et je ne savais pas comment je pourrais intervenir là-dessus.

M. Tremblay (Outremont): C'est pour ça que je vous donne la parole. (13 h 15)

M. Gaucher: Moi, avant do mettre le pied dans l'alimentation, j'ai été dans des secteurs où il y avait moins de concurrence, dans le secteur du transport maritime, où on s'est fait une niche. Dans la construction, dans d'autres secteurs, dans le transport scolaire, il y a moins de concurrence. Mais, dans le secteur de l'alimentation, laissez-moi vous dire que la concurrence, elle est féroce, elle est quotidienne. Il y a ce qui s'appelle de l'espionnage de prix, de jour en jour. Mme Marois, si vous pensez que les prix ne sont pas concoctés, ils le sont, mais dans un contexte où chaque cent est prise. Métro surveille nos prix la semaine d'avant. Moi, je n'ai jamais vu un secteur pareil. La vraie concurrence de Steinberg, j'ai le regret de vous le dire, c'est IGA, c'est Provigo et c'est Métro, ce ne sont pas les dépanneurs. Et dans un monde réel, dans la réalité des faits, on va continuer à se battre. Tantôt, il y a eu l'image du gros et du petit. Je trouve ça une farce parce que ce n'est pas vrai. On est dans un marché où il y a 1 % ou 2 % de marges bénéficiaires à la fin de l'année. Il ne faut pas grand-chose pour se péter la gueule, dans ce domaine-là. La preuve, c'est qu'il y en a qui sont très fragiles à cause d'opérations difficiles. Et dès qu'il y a un manque de discipline dans le réseau, que ce soit Métro aujourd'hui, Steinberg demain ou Provigo après-demain, ça casse, ça ne marche plus. Alors, avec des marges de 1 % ou 2 %, vous vivez déjà dans un marché quasi parfait. Le réseau de distribution ne peut pas être mieux huilé que ça pour le consommateur. Donc, la compétition du dimanche, elle va être aussi féroce. Vous allez avoir les mêmes "bargains", les mêmes prix, les mêmes avantages. Vous . aile/ avoir les mêmes choix. Malheureusement pour moi, comme actionnaire, vous allez pouvoir aller où vous voudrez et les marges ne seront pas mieux. Alors, c'est faux de prétendre que c'est une affaire de gros et de petit. Les marges ne seront pas plus fortes. C'est évident que, par exemple, le pouvoir d'achat des chaînes va faire que le coût va être minime. Je pense que si vous êtes inquiet de l'efficacité...

J'aimerais peut-être juste finir avec une suggestion qui fait partie de notre présentation.

Vous avez un choix difficile, vous avez un noeud gordien à trancher, dans le fond, et je ne voudrais pas être à votre place. Mais votre seul secours, a mon avis, c'est que vous adoptiez des principes fondamentaux, des principes de liberté de choix, des principes d'équité en commerce, ne pas créer deux classes de citoyens corporatifs. Vous avez un fromage suisse devant vous et il faut que vous le remplissiez d'une façon ou d'une autre. Et le troisième de vos choix, c'est de vous assurer qu'il y a une efficacité économique pour les contribuables. Ça, c'est votre responsabilité. C'est de ne pas écouter notre problème de part de marché, ni ceux de Provigo ni ceux de Métro. Arrêtez-vous au .iveau des principes. Posez-vous la question: Quelle la méthode la plus efficace de livrer six bananes uj deux "Mae West" dans la main des consommateurs? C'est ça, la question que vous avez à vous poser; le reste, ce n'est pas important. Ce n'est pas important que 1000, 2000 ou 3000 actionnaires, employeurs ou employés rançonnent 6 000 000 d'habitants, au Québec. Ça, ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est quel est le meilleur système pour... Mme Marois, tantôt, vous avez soulevé un point. Je pense que n'importe quelle situation serait odieuse à partir du moment où une personne n'a pas le choix de faire son marché quand elle veut, au meilleur prix qu'elle peut.

Le Président (M. Bélanger): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je suis d'accord avec vous. Ce ne serait pas nécessairement odieux, mais ce serait incorrect, disons, si vous me permettez de reprendre l'expression que vous utilisez. Sauf que vous êtes conscient aussi, pour être en affaires, qu'une situation de concurrence parfaite, ça n'existe pas. Vous dites: Dans l'alimentation, ça se rapproche peut-être à cause des petites marges bénéficiaires dont on parle. Je suis bien consciente de ça. Mais là où j'ai un peu de difficulté à vous suivre... C'est bien sûr que vous allez vous battre pour avoir des parts de marché de Provigo, de Métro et de IGA, mais toute la thèse des personnes qui défendent l'ouverture des commerces alimentaires le dimanche, c'est de nous dire: On a été traités inéquitablement et d'autres types de commerces, soit de plus petite taille, mais plus grands que ce qui est prévu dans la loi, ou les pharmacies à grande surface sont venus gruger notre part de marché. Donc, si je fais le raisonnement dans l'autre sens, et je ne peux pas ne pas le faire, vous allez essayer d'aller rechercher cette part de marché que vous avez perdue. Et vous, comme Provigo, comme Métro, tout le monde, vous avez perdu cette part de marché ensemble. Parce qu'on dit que ce sont les grandes surfaces qui ont vu leur volume de ventes diminuer au profit de tous ceux dont on parte. Donc, à partir du moment où on arrive dans un marché à maturité, qu'on parle de marges bénéficiaires de l'ordre de 1 % ou 2 %, c'est évident que ce ne sera pas seulement entre les supermarchés que ça va se passer, mais ça va se passer aussi avec les petits, les moyens, tes spécialités et tout le reste. Il m'apparaît qu'en termes d'analyse économique je ne puisse pas tirer une conclusion très différente. D'accord?

Maintenant, moi, je ne veux pas revenir sur des questions, j'en aurais un certain nombre d'autres, mais je vous dirais qu'il y a dans tout le débat que l'on a actuellement une question de philosophie, fondamentalement. Il y a, d'abord, une question organisationnelle et institutionnelle et après ça une question de philosophie. Une question organisationnelle et institutionnelle - M. Gaucher, vous avez assez bien décrit, à un moment donné, la situation; tout à l'heure, vous avez dit: Écoutez, c'est bien sûr que si on arrivait à une équité... Vous dites que ce serait un retour en arrière qu'on en arrive à la fermeture, mais, au moins, tout le monde serait traité de la même façon et serait sur le môme pied. Bon! Donc, on dit: Comme ça ne risque pas de se passer, allons vers une liberté de choix parce que l'autre est plus difficile. C'est vrai que l'autre est plus difficile à aménager, je suis d'accord avec vous. Mais, après ça, une fois qu'on a tassé les problèmes juridiques, tassé les problèmes organisationneJs, on se heurte à une question de philosophie, une question de valeurs.

Est-ce qu'on ne peut pas s'entendre, comme société, que la qualité de vie, ce n'est pas seulement, uniquement et ultimement la liberté de commercer le dimanche? Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites. Vous n'avez pas dit ça; c'est autre chose. C'est un des éléments que vous défendez. D'autres - et c'est cette thèse-là devant laquelle on se trouve confrontés - disent: Est-ce que, dans notre société, on ne peut pas s'entendre qu'une journée semaine, on va faire en sorte que nos activités commerciales et de production vont se réduire pour un ensemble le plus Important possible de personnes? Quand on me dit que 1 %, ça équivaut à 15 000 ou 20 000 personnes qui travailleraient en plus des 800 000 qui travaillent déjà, bien moi, ce n'est pas 20 000 de plus que je voudrais qui travaillent, c'est de regarder comment on pourrait réduire le fait que 800 000 personnes soient déjà obligées de travailler pour rendre des services essentiels. Parce que, comme société, il y a un choix différent que l'on peut faire aussi et qui dit qu'on va mettre un peu de temps sur les relations entre les personnes, qu'on va mettre un peu de temps sur les communications entre les personnes et que, oui, on va aller dans des restaurants manger ensemble parce qu'on va se retrouver en bonne compagnie et que c'est un loisir auquel on va se donner accès. Boni Parce qu'une vision de société de l'an 2000, c'est peut-être aussi une société de loisirs. Il y a 20 ans, on en discutait et on disait que c'était ça,

l'avenir, c'était la société de loisirs, tout le monde se battait pour réduire les heures de travail, faire en sorte qu'on s'accorde plus de temps. Là, on a changé, tout d'un coup, là ce serait la société de consommation qui serait la société de qualité de vie.

Alors, évidemment, je suis consciente que, quand j'aborde cette question-là, quand je m'en vais dans cette ligne-là, on se heurte à des questions de philosophie, à des questions de valeurs et à des questions d'orientations fondamentales. Je vais faire une petite remarque en disant: Vous savez, quand on me dit qu'aux États-Unis on peut magasiner 24 heures par jour, sept jours par semaine, je ne suis pas sûre que j'échangerais ma qualité de vie québécoise contre la qualité de vie des Américains.

M. Bilodeau: Eh bien, vous me permettrez, Mme Marois, de vous mentionner ceci. Moi, avec respect, je pense qu'on a trop souvent tendance ici à qualifier beaucoup de choses de débat de société. Un débat de société ou un choix de société, je vous indique respectueusement, je ne crois pas qu'il s'agisse ici nécessairement d'un choix de société, quand il s'agit de déterminer si les gens vont pouvoir faire leur alimentation ou non le dimanche. Il y a déjà 800 000 personnes, comme vous l'avez dit, qui travaillent dans des horaires autres que les horaires conventionnels et je suis loin, loin d'être convaincu que ces gens-là ont une qualité de vie inférieure à vous et moi. Au contraire, il y a beaucoup de gens qui ont déterminé ou qui vivent actuellement leur qualité de vie personnelle par choix et ça, je pense qu'il ne faut pas l'oublier. Donc, ce n'est pas une question, à mon sens, d'un choix de société.

Sur le plan philosophique, je vous suggérerais respectueusement que quand il s'agit pour le législateur, finalement, de légiférer, s'il s'agit de prohiber un droit, s'il s'agit de prohiber un droit à un citoyen - et ça arrive - il faut que la balance des inconvénients penche fortement en faveur de cette prohibition-là, par exemple quand il s'agit de l'intérêt public, etc. Mais, sur le plan philosophique, ça c'est correct. Mais ici, dans le cas qui nous concerne, je ne crois pas que la balance penche si fortement en faveur de la fermeture parce que, justement, le comportement, encore une fois, le comportement des citoyens aujourd'hui, il faut l'accepter, il est différent de celui des citoyens, il y a 20 ans et, Mme Marois, il va être beaucoup différent dans 5 ans, dans 6 ans, dans 10 ans. On ne peut pas dire aux femmes mariées aujourd'hui qui travaillent cinq jours par semaine et qui ont des difficultés: On ne s'occupe pas de votre problème. On ne peut pas dire aux familles monoparentales et aux gens qui, pour des raisons personnelles, ne peuvent pas magasiner aux heures actuelles: On ne s'occupe pas de votre problème.

Mme Marois: M. Bilodeau, je veux qu'on se...

M. Bilodeau: Mais on ne peut forcer personne, non plus, à magasiner.

Mme Marois: Bien voilà!

Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais à conclure et à remercier nos invités.

Mme Marois: Oui, je vais conclure et ça va être ma phrase de conclusion. Remarquez que, quand je m'emporte, c'est parce que je crois fondamentalement à ce que je défends, sinon je n'interviendrais pas d'une façon aussi forte. Je pense qu'on va en convenir. Et c'est en tout respect aussi pour votre point de vue, même si je ne le partage pas. D'accord? À partir de là, je vais faire une autre remarque, oui, sur le fait qu'on veut pouvoir avoir accès aux magasins d'alimentation le dimanche, et qu'on me sert la remarque de chefs de famille monoparentale. C'est sur ça que je voulais revenir tout à l'heure en disant: Je fais de la répétition, mais je vais en faire ma conclusion. 62,4 % des chefs de famille monoparentale sont inactives; 62,4 % sont inactives et, donc, n'ont pas besoin de temps supplémentaire pour magasiner. C'est la Fédération des ACEF qui le dit. Quand on parle du choix des femmes qui veulent travailler à temps partiel, j'en suis et je sais qu'il y en a, sauf que je ne suis pas certaine qu'elles souhaiteraient cependant travailler le dimanche alors que leur chum, leur mari ou leur conjoint est à la maison avec les petits. Je ne pense pas que je fais de la démagogie quand je dis ça. Bon.

M. Bilodeau: Et voilà pourquoi nous...

Mme Marois: Alors, c'est... Mais je suis consciente que ces gens-là peuvent avoir des besoins aussi d'avoir accès à des services, et dans ce sens-là il ne faut pas se dire qu'on s'en va vers...

Le Président (M. Bélanger): II faudrait conclure parce qu'on déborde de beaucoup beaucoup.

Mme Marois: ...une espèce de blockhaus total. On ouvre plus tard en semaine, on ouvre...

M. Bilodeau: II est vrai, Mme Marois, que des...

Mme Marois: ...plus tard et on permet que du dépannage existe aussi pendant les fins de semaine. D'accord? J'aurais eu bien d'autres choses à vous dire.

M. Bilodeau: Moi aussi, évidemment.

Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, si vous voulez remercier nos invités.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup d'être venus nous exprimer clairement votre point de vue. Ce que je retiens quand vous dites... Vous mentionniez tout à l'heure qu'il y en a qui semblent dire que le gouvernement n'aura pas le courage de... Mais ce que vous dites, c'est, indépendamment de ça: Est-ce que le gouvernement doit, par un projet de loi, aller à contre-courant? Et à la page 10, dans la conclusion de votre mémoire, vous dites: Est-ce qu'on doit résister aux changements qui feraient abstraction des 'tits réels et des voeux de la majorité? Alors, on va prendre en considération vos représentations dans la décision qu'on aura à prendre. Merci beaucoup d'être venus.

M. Bilodeau: Merci, M. le ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bélanger): La commission de l'économie et du travail remercie le groupe

Steinberg Inc., et ajourne ses travaux à demain, 10 heures, dans la même salle.

(Fin de la séance à 13 h 28)

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