Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures trente minutes)
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail so réunit pour procéder à
une consultation générale et des auditions publiques sur les
modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux. Nous avons donc M. le député
Richard (Nicolet-Yamaska) en remplacement de M. Audet (Beauce-Nord). Il n'y a
pas d'autres remplacements?
M. Jolivet: Pas de remplacements.
Mme Marois: Non, il n'y en a pas de notre côté.
Le Président (M. Bélanger): Pas d'autres
remplacements. Bien. Sans plus tarder nous appelons nos premiers témoins
a la barre. Je vous en prie, M. le député de Laviolette.
L'objet de la consultation M. Jean-Pierre
Jolivet
M. Jolivet: Juste une question au ministre. Compte tenu de ce qui
a paru dans le journal Le Nouvelliste chez moi, hier, que j'ai repris et
que le ministre a maintenant entre les mains, le responsable du comité
Maurice Richard sur les heures d'affaires du dimanche, M. Richard, nous indique
que, comme plusieurs parmi nous, il est catholique pratiquant et il est pour le
repos dominical. Alors, je pense que c'est une invitation au ministre d'une
décision allant vers la non-ouverture des commerces le dimanche.
D'un autre côté, j'ai entendu à la
télévision un reportage nous indiquant que, du bureau du premier
ministre, des rumeurs circulaient voulant qu'ils étaient pour
l'ouverture des commerces le dimanche. Alors, comme le ministre ne le sait
peut-être pas, puisqu'il est nouveau comme ministre, nous, ayant
vécu 1985-1989 où, quand le "bunker" décidait des choses,
le ministre n'avait qu'à faire ce que le "bunker" décidait, je me
demande, au départ de cette commission, M. le Président, si on
doit continuer après maintenant quatre jours de débats - on en a
encore pour environ sept jours à venir - et si ça vaut la peine
de continuer en commission parlementaire ou si vraiment la décision du
ministre est prise ou si, encore, la décision du "bunker" étant
prise, il est décidé que les commerces vont ouvrir le dimanche,
à rencontre de ce comité et du représentant honoraire de
ce comité, M. Richard. Je voulais juste me faire rassurer parce que j'ai
l'impression que l'idée est faite, puis on nous fait travailler. Quand
on dit que c'est un peu une commission bidon, c'est parce qu'on a l'impression
qu'on travaille pour rien, dans le fond. On perd notre temps. La
décision est prise, alors pourquoi ne pas la dévoiler
immédiatement?
M. le Président, tout simplement, je vous l'indique. C'est bien
la position du député de Nicolet-Yamaska qui est, lui, contre
l'ouverture le dimanche, alors que le "bunker", ayant plus de force que le
député de Nicolet-Yamaska et que le ministre, décide que
ça va être ouvert. Alors, j'aimerais savoir où on s'en va
avant...
Mme Marois: Le député va sûrement convenir
lui-même que...
Le Président (M. Bélanger): Comme on ne lit
malheureusement pas Le Nouvelliste à Laval...
M. Jolivet: Je vous en donne une copie, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): ...je n'ai pas pris
connaissance de ce texte, que je lirai d'ailleurs tout à l'heure, mais
je peux vous dire que jusqu'à maintenant la commission a un mandat
clair. Je vais l'exercer avec toutes ses prérogatives. Je comprends la
position du député Richard. Il est l'auteur d'un rapport qui
avait une telle recommandation et, dans ce sens-là, il n'est que
"congruent" avec lui-même. Dans ce sens-là, on l'en
félicite.
Maintenant, ça ne présume en rien de la décision
qui sera prise. Elle ira dans un sens ou dans l'autre. Je pense qu'il y a
encore des réflexions à faire. Il y a encore des gens à
rencontrer, des invités à recevoir, avant de faire notre opinion.
Je pense que le bureau du premier ministre, le temps venu, sera partie prenante
de la consultation, mais je ne crois pas qu'il ait ce droit de veto que vous
semblez lui prêter. Je fais confiance à M. le ministre qui nous a
dit tout le long que son lit n'était pas fait. Dans ce sens-là,
je pense qu'on n'a aucune indication comme quoi son lit serait fait et...
M. Jolivet: J'aurais aimé entendre le ministre. On verra,
avec ce qu'il nous dira, les résultats au bout des trois prochaines
semaines. L'impression qu'il me reste dans mon esprit, avec les questions qu'il
nous pose, avec ce qui est dit de la part du "bunker", c'est que l'idée
est déjà faite, sauf que, pour sauver la face, on fait une
commission parlementaire. On invite du monde
qui dépense énormément d'argent et d'énergie
pour venir nous rencontrer mais, dans le fond, on est ici avec l'idée
déjà préconçue qu'il va y avoir ouverture des
commerces le dimanche. Alors, j'aimerais bien entendre le ministre, moi.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Mais si
c'était le cas, je peux vous avouer que je serais le premier très
choqué si c'était...
M. Jolivet: li ne vous dira pas ça de même
aujourd'hui. On verra à l'usure ce que ça va donner, par
exemple.
Le Président (M. Bélanger): Oui. M. le
ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Je voudrais rassurer le
député de Laviolette ainsi que la députée de
Taillon à l'effet que lorsqu'on a, avec l'accord du présent
gouvernement, décidé de faire une commission parlementaire sur
les heures d'ouverture des établissements commerciaux, c'était
dans le but de permettre à tous les intervenants qui avaient une opinion
sur le sujet de nous la faire connaître. Je voudrais vous rassurer et
vous répéter encore une fols que ce n'est pas une commission
bidon. Je pense que nous avons vécu peut-être quatre ou cinq jours
de travail ensemble. On a, de l'Opposition et je pense également du
côté de la deputation ministérielle, une bonne relation de
travail. On essaie de trouver une solution pratique dans un dossier qui n'est
pas facile. J'ai demandé à tous les intervenants d'avoir une
ouverture d'esprit, de venir ici non pas pour nous exposer leurs
problèmes, mais pour dire comment ils voient le règlement de ce
dossier-là.
Alors, dans cette optique-là, je répète encore une
fois qu'aucune décision n'a été prise. Après la
commission parlementaire, on s'est engagés à déposer un
projet de loi. J'aimerais peut-être, pour la première partie de
votre intervention, donner la parole au député de Nicolet, qui
est directement visé par les affirmations que vous avez fartes, pour lui
donner l'opportunité de répondre.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Nicolet.
M. Maurice Richard
M. Richard: Vous permettez, M. le Président?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Richard: Merci, M. le ministre. Effectivement, le journaliste
posait la question dans un sens très pur et très clair: Est-ce
que vous êtes catholique? Effectivement, je suis catholique pratiquant et
je n'ai aucun remords à cet effet-là, au contraire, sauf que le
journaliste aussi, quand même, mentionne que "le député de
Nicolet estime toutefois que le jour du Seigneur est une vision si personnelle
qu'en fait, le débat d'ouverture des commerces le dimanche lui semble
indépendant de tout sentiment religieux. "Ce n'est pas, au fond, une
question de jour du Seigneur, c'est une question de qualité de vie et de
choix de société", reprend-il en ne voulant pas trop laisser
transpirer ouvertement ses convictions intérieures et religieuses." En
fait, c'est qu'on dit que c'est un choix societal. Effectivement, c'est mon
opinion que c'est un choix societal. Et comme le disait M. le Président
tout à l'heure, c'est certain que j'ai été à la
tête d'un groupe qui a fait toute une recherche en 1988, et il y a un
rapport qui s'appelle le rapport Richard qui a traité de ça. Le
premier argument du rapport Richard était de dire non à
l'ouverture du dimanche, en septembre 1988. Alors ça complète et
je ne pense pas que le journaliste... Je ne fais pas partie de la troupe des
mal cités. C'est exactement ce que j'ai mentionné à
Sainte-Thècle.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, ceci
étant dit...
M. Tremblay (Outremont): Avec votre permission, M. le
Président...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
Dépôt d'une lettre de la SAQ
M. Tremblay (Outremont): ...vous vous rappelez, on a
discuté la semaine dernière des affirmations qui ont
été faites à l'effet que la Société des
alcools du Québec pourrait, dans certaines régions - on parlait
surtout, à ce moment-là, des zones touristiques - ne pas
respecter la Loi sur les heures d'affaires. Je voudrais déposer à
cette commission une lettre que j'ai demandée au président de la
Société des alcools du Québec qui se lit comme suit: "Par
la présente, je désire vous confirmer que la
Société des alcools du Québec respecte
intégralement l'article 5.8° de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux." Alors, si jamais, pour une raison, vous
avez de l'information que nous n'avons pas, je suis prêt, comme je l'ai
toujours mentionné, à faire respecter la loi. Alors, c'est une
lettre que je dépose à la suite des discussions que nous avons
eues la semaine dernière.
Le Président (M. Bélanger): Bien, je vous remercie.
Alors, le document étant officiellement déposé, on vous en
fera faire des copies dans quelques instants.
Auditions Assemblée des évêques du
Québec
J'appelle donc nos premiers invités qui sont l'Assemblée
des évêques du Québec qui est représentée par
M. Jacques Côté, M. René Théberge et Mme Christiane
Lagueux. Je vous prierais de vous identifier et de bien vouloir procéder
à la présentation de votre mémoire. On a 20 minutes
fermes. S'il vous plaît, aussi, surtout durant la période
d'échange, chaque fois qu'on vous pose une question, bien vouloir vous
identifier avant de répondre, pour les fins de transcription au
Journal des débats. Ceux qui font la transcription ne vous voient
pas, alors c'est très difficile pour eux, ça les aide beaucoup.
S'il vous plaît, si vous voulez procéder.
M. Théberge (René): M. le Président, je
tiens à me présenter, René Théberge. Nous sommes
ici pour représenter le comité des affaires sociales de
l'Assemblée des évêques du Québec, dont Mgr Jean-Guy
Hamelin, évêque de Rouyn-Noranda, est le président. Mon nom
est René Théberge; je suis directeur de l'Office de la pastorale
sociale au diocèse de Québec. Les collègues: Mme
Christiane Lagueux, qui est adjointe à l'Office de la pastorale sociale
au diocèse de Québec et M. Jacques Côté, qui est
directeur de l'Office de la famille au diocèse de Québec.
Nos objectifs en venant ici, c'est, au fond, précisément
pour participer à un débat de société et non pas un
débat purement commercial, comme le disait M. le ministre Tremblay au
début de cette commission parlementaire. J'ajouterais même,
à partir de ce que je viens d'entendre, que ce n'est pas un débat
religieux non plus, comme tel, c'est clair. Aussi, dans d'autres mots, c'est
pour participer à un débat sur les valeurs, selon les mots
mêmes de Mme Pauline Marois, députée de Taillon et
porte-parole de l'Opposition. C'étaient ses mots lorsqu'elle a
présenté la position de l'Opposition.
Notre position dans ce débat, c'est assez précis: nous
nous associons à tous ceux qui refusent, je dirais,
l'élargissement des heures d'affaires le dimanche. En ce sens, bien,
ça veut dire restreindre dans la mesure du possible les activités
commerciales du dimanche, y compris dans le secteur alimentaire. Ça veut
dire limiter le nombre d'exemptions. S'il paraît nécessaire
d'augmenter le nombre d'heures d'ouverture des commerces, ce qui nous
paraît, je dirais, des choses faciles, je crois, en tout cas, possibles,
en pensant aux soirs de la semaine, nous sommes tout à fait en accord
avec cette possibilité d'aménagement sur les journées de
semaine. Quatrième élément, laisser à la
juridiction provinciale le pouvoir décisionnel en ce domaine.
J'ajouterais ceci: De façon plus technique, le rapport Richard
explicite avec beaucoup d'à-propos ces quatre recommandations. Pour
avoir participé lors de cette commission, avoir lu le rapport de la
commission Richard, donc au plan plus technique, ce qui se retrouve, de
façon générale, dans le rapport Richard nous rejoint
beaucoup en termes d'aménagement.
Bien sûr qu'en explicitant un peu notre position on n'a pas la
prétention de répondre à toutes les objections. Mais il
reste que nous voulons apporter un certain éclairage, encore une fois,
en termes de débat de société. Je crois que c'est
là que nous voulons intervenir, et en termes aussi de valeurs qui sont
en question.
Si on explicite un peu ces prises de position, on le fait en se
référant aux principes qui ont été mis de l'avant
dans cette consultation, à savoir l'équité entre les
commerces, les besoins réels des consommateurs, la qualité de vie
de la population, en particulier des travailleurs et de la famille. Nous
donnerons aussi quelques considérations sur fe dimanche dans sa
dimension plus large, culturelle et je dirais même anthropologique.
C'est certain que ces principes ont donné lieu et, je suppose,
dans les jours qui viennent, vont donner lieu à de multiples lectures,
de multiples interprétations. Nous tenons, en tout cas, à
éclairer notre interprétation à partir d'une certaine
réflexion éthique - je crois que c'est vraiment ça - sur
les valeurs et sur la culture qui est la nôtre et dans laquelle nous
souhaitons vivre.
Là-dessus, je passe la parole à Mme Lagueux pour cerner la
question des besoins du consommateur. Mme Lagueux.
Mme Lagueux (Christiane): Je suis Christiane Lagueux. Je suis
animatrice en pastorale sociale au diocèse de Québec.
Répondre aux besoins des consommateurs, qu'est-ce que ça
signifie? C'est ce qu'on a essayé d'élaborer dans les quelques
pages qui suivent. D'abord, on remarque au niveau des différents
sondages qui ont été publiés... En particulier, je
m'arrête à celui qui a paru dans Le Soleil du 8 janvier
1990, où on remarquait qu'il y avait 48 % de la population du
Québec qui se disait en accord avec l'ouverture des magasins le
dimanche. Soit. Par contre, quand on lit ces sondages-là après le
commentaire qu'on a entendu des ACEF sur les cinq derniers sondages qui avaient
été commandés, je pense qu'on doit mettre un bémol
sur cette dimension-là. (15 h 45)
Par ailleurs, on a aussi recueilli nous-mêmes, l'année
dernière, au mois d'avril ou mai, des citoyens en paroisse, des
millions... des milliers de signatures, pardon; des millions, c'est un peu
gros. Alors, plus exactement du diocèse de Québec, on en a
calculé 20 668 plus les signatures qui ont probablement dû vous
parvenir directement, ici, à la suite de l'envoi direct de
paroisses qui n'a pas été contrôlé par le
diocèse. Toutes ces signatures-là s'ajoutent à celles de
la coalition des différents diocèses du Québec qui,
m'a-t-on dit, représenteraient à peu près 400 000
signatures. Alors, sondage pour sondage, c'en est un autre. Je pense qu'il peut
avoir sa valeur aussi.
Du côté des arguments en faveur de l'ouverture ou de
l'augmentation des heures d'ouverture, le dimanche en particulier, pour les
magasins d'alimentation, on cite le fait d'avoir une journée
supplémentaire pour être capable de faire ses courses avec un peu
plus de sérénité. On dit souvent aussi que les centres
commerciaux peuvent peut-être devenir des lieux de rencontre. Ils le sont
aussi, à voir d'ailleurs la quantité de gens qui se
promènent à l'intérieur de ça. On peut ajouter
à ces arguments le fait aussi que le style de vie des travailleurs et
des gens a changé, s'est modifié par le fait, par exemple, que
les deux conjoints travaillent souvent, par le fait qu'on retrouve des familles
avec un seul chef, qu'on retrouve des gens qui, devant allier travail et
organisation de la famille, ont besoin de plages d'ouverture plus grandes.
Alors, effectivement, on retrouve ces types d'arguments. Par contre, on
se dit que, si ce sont un peu des arguments qui vont dans le sens d'assurer un
peu le confort des personnes, alors, tant qu'à faire, est-ce qu'on ne
peut pas penser à d'autres types de services qui seraient aussi utiles
sinon plus aux différentes personnes dont il est question actuellement,
comme tous les services publics, par exemple, qui pourraient être offerts
et qui pourraient, dans le fond, aller aussi dans le sens du nouveau style de
vie des gens?
S'il faut respecter les besoins de l'individu comme consommateur - quand
on dit respecter les besoins de l'individu comme consommateur, pour moi,
ça ne veut pas nécessairement seulement dire avoir accès
aux produits de consommation, ça veut aussi dire la qualité des
services, ça veut aussi dire l'accessibilité, je dirais,
monétaire de ces différents services - je pense qu'on doit aussi
respecter, protéger des besoins qui sont probablement moins palpables,
moins visibles, mais qui sont tout aussi réels et fondamentaux pour la
personne. On a nommé, ici, se reposer, se ressourcer, maintenir et
renforcer ses relations avec les siens et avec ses amis,
réfléchir sur le sens profond de la vie et je dirais que les
psychologues et ceux qui sont préoccupés par le
développement humain vont parler des besoins d'amour et d'appartenance,
des besoins de considération et d'estime, des besoins de connaître
et de comprendre, des besoins d'esthétique, des besoins d'actualisation,
des besoins de transcendance, en plus des besoins purement physiologiques ou de
sécurité. Alors, je pense qu'il y a toute une gamme de besoins
qui dépasse le simple besoin premier du consommateur.
On pourrait alléguer également que chacun est tout
à fait libre de ses activités et que l'ouverture des commerces
d'alimentation ou autres n'oblige tout à fait personne. Peut-être,
mais, quand on regarde cette nouvelle convivialité commerciale qui en
résulterait, est-ce qu'elle ne se feraft pas, elle, au détriment
d'autres convivialités - et, quand je dis convivialité, dans le
fond, je parle de la capacité d'une société de favoriser
les échanges réciproques entre les personnes ou entre les groupes
de cette société - plus fondamentales, comme les
convivialités culturelles, sportives, familiales et religieuses? Plus de
liberté pour vendre et acheter, est-ce que ça ne signifie pas
moins de liberté pour d'autres dimensions de notre activité
humaine, pourtant tout aussi essentielle à notre
épanouissement?
Alors, je passe maintenant la parole à mon collègue.
M. Côté (Jacques): Jacques Côté,
directeur de l'Office de la pastorale familiale. M. le Président, M. le
ministre, Mme Marois, vous ne serez pas étonnés que notre
organisation ait voulu consacrer un chapitre entier à la qualité
de la vie. D'entrée de jeu, disons-le tout de suite, nous estimons que
de libéraliser les activités commerciales le dimanche - nous
n'avons pas dit d'élargir possiblement les heures en semaine - nous
apparaîtrait contraire à une véritable recherche d'une
meilleure qualité de vie, pour plusieurs raisons et sous
différents aspects.
Tout d'abord, considérons, si vous le voulez, pendant un moment,
la question du dimanche et de la famille. La plupart des gens dans notre
société vont admettre que compétition, surmenage et
productivité existent et qu'il nous est indispensable de prendre au
moins, au moins une journée de repos par semaine pour se libérer
des contraintes du travail quotidien. S'il importe, bien sûr, au plus
haut point de s'accorder un jour de repos, il n'est pas moins important que ce
jour soit commun, afin de permettre aux gens de maintenir et de renforcer le
tissu des relations humaines qui les supportent. Le rapport Richard a
d'ailleurs mentionné cet aspect lorsqu'il évoquait, je pense
à peu près textuellement, les liens familiaux qui se voient
suffisamment effrités actuellement. Nous avons besoin de ce jour de
repos pour préserver cet aspect de la qualité de la vie. Nous
estimons qu'il ne faudrait pas accentuer l'isolement qui risque de compromettre
l'épanouissement intégral des personnes. La faculté de
choisir son jour de repos ne ferait, nous semble-t-il, qu'amplifier la
privatisation et l'individualisme déjà très
répandus dans notre société. Toute occasion de se
rencontrer, de bâtir des liens interpersonnels, communautaires est
certainement un facteur de cohésion déterminant pour la vie
familiale. Le dimanche reste le seul jour où les membres de la
famille
et les amis ont encore la possibilité de se rencontrer. Le
banaliser par la libéralisation des activités commerciales,
est-ce que ce n'est pas là créer une pression indue et tout
à fait inutile sur la famille, qui est une institution fondamentale de
la société et qui est déjà suffisamment
éclatée actuellement? La famille a besoin qu'on protège un
temps en commun pour resserrer les liens de la vie conjugale et parentale.
Autrement dit, le consommateur auquel nous pensons n'est pas seulement un
simple consommateur, il est aussi famille, être de relations.
Deuxième élément, la question du dimanche et du
travail. Nous estimons que le travail est source - qu'il doit l'être, en
tout cas - d'épanouissement et de dignité pour la personne. Nous
traversons actuellement une période de chômage - nous en
connaissons une - et c'est sûr que le travail est devenu un bien rare.
L'augmentation du travail le dimanche permettrait, dit-on, le maintien et
même le développement de l'em ploi. Est-ce qu'on n'assisterait pas
plutôt au déplacement des heures de travail pour des travailleurs
et travailleuses souvent très vulnérables, les jeunes en
particulier, les petits salariés, pour ne pas les nommer, qui sont tous
et toutes à statut précaire? Cette forme de réorganisation
du travail n'entraînerait-elle pas plutôt une augmentation des
heures coupées du travail à temps partiel? Est-ce que ce serait
augmenter la qualité de la vie, pourrions-nous nous demander, que de
créer et d'élargir ce genre de conditions de travail?
Le travail du dimanche a aussi des répercussions réelles
sur le mode de vie des personnes impliquées - on s'en doute - et, en
conséquence, sur l'équilibre psychologique. En effet, à
notre point de vue, c'est toute la vie sociale dans son ensemble qui en
pâtit et qui en pâlit. Les moments pour se voir, pour visiter sont
diminués. Le temps que requiert l'exercice de loisirs est compromis. Le
travailleur et la travailleuse du dimanche entreraient en contradiction avec le
régime de travail le plus répandu. Ils risquent donc de
rencontrer des difficultés d'intégration en raison de la
désynchronisation de leur rythme de vie par rapport aux autres personnes
de leur famille et de leur milieu.
Je résumerais cette partie en rappelant que, quand il n'y a pas
de ressourcement, il y a de l'usure; quand il y a moins de repos, il y a plus
de stress et de pression. La participation aux activités culturelles,
aux activités sportives communautaires, les loisirs familiaux, la
convivialité avec ses parents, ses amis, les personnes
âgées, le contact avec la nature aussi, le temps pour soi, le
temps pour ses enfants, les droits de visite pour les familles monoparentales,
tout cela est principalement vécu en journée de dimanche.
Je redonne la parole à mon collègue René
Théberge.
M. Théberge: Au-delà de ce qu'on vient d'aborder,
j'aimerais tout simplement ajouter quelques éléments encore sur
le dimanche. On associe à cette réalité-là, dans
notre société, des mots comme solidarité et
fraternité et des réalités, en arrière de ces
mots-là, qui ne vont pas nécessairement de soi et qui ont besoin
d'être défendues autant que d'autres réalités dans
notre société. C'est une plage de liberté et j'oserais
même dire que non seulement le dimanche est un moment de liberté,
un jour plus libre, mais c'est un jour à libérer et non pas
à encombrer davantage dans le rythme de la semaine. C'est un temps de
gratuité pour soi, pour les autres. Il y a quelque chose là aussi
qui m'apparaît une force sociale. Face à notre culture, dans notre
vie culturelle, ça s'enracine très loin le dimanche. Je n'oserais
pas vous apporter les arguments que je lisais, il y peu de temps, en fouillant
un peu là-dessus, d'un médecin américain qui avait fait la
démonstration que quelqu'un - celui qui se rendait à 50 ans
à l'époque - qui se reposait un jour par semaine allongeait sa
vie de sept ans. Je n'oserais pas vous avancer ça, parce que c'est
simplement une détente. Il ajoutait même que celui qui refusait
ça, comme il portait atteinte à sa vie, il était passible
d'une peine. J'efface.
Donc, le choix du dimanche, la question est plus large que simplement -
pour reprendre un commentaire que je lisais dans le journal d'hier - celle de
vider les magasins pour remplir les églises ou de vider les
églises pour remplir les magasins. C'est beaucoup plus large que
ça. Si prendre congé le dimanche, ça fait partie de notre
culture, c'est un élément qui a des références
profondes. Le dimanche n'est-il pas le jour qui marque le rythme de la semaine
par sa différence? C'est le point que je veux peut-être simplement
souligner ici, l'idée d'avoir une journée qui casse un rythme
dans la vie. C'est très vieux, ça s'enracine très loin.
J'évoque ici les premières pages de la Bible six jours de travail
et une journée de repos. Ce n'est pas parce qu'il avait besoin de se
reposer, c'est un texte qu'il faut situer dans toute une recherche
anthropologique et religieuse, mais qui dit le besoin d'un rythme qui est
brisé.
J'ajouterai ceci. Ce besoin de rythme et d'alternance, if me semble
qu'on le voit dans la tendance actuelle d'introduire de plus en plus des
semaines complètes de congé familial, soit la mi-session, par
exemple, qui vient de se vivre, la mi-session universitaire qui se vit cette
semaine, dans le réseau secondaire, collégial, en partie,
ça s'est vécu la semaine dernière et l'Ontario le vit
actuellement dans les pentes de ski à Québec. C'est une tendance
nouvelle d'introduire une semaine complète qui vient briser le rythme
d'une saison. C'est vrai maintenant aussi à l'occasion de Noël, de
plus en plus, il y a une semaine de dégagée...
Le Président (M. Bélanger): Je vous
inviterais à conclure, le temps est écoulé.
M. Théberge: Oui. Alors, je crois que ça dit
l'importance d'un temps d'arrêt, d'un congé commun dans le rythme
de la vie. Il me semble que cette tendance nouvelle doit, du même coup,
nous inciter à ne pas mettre en cause trop facilement ce jour dans la
semaine, ce jour régulier qui vient briser le rythme du travail. Donc,
il y a une invitation, il me semble, très profonde à se rendre
compte qu'il y a une respiration collective qui a un poids, qui a une richesse.
C'est un acquis. Sous prétexte de modernité, sous prétexte
de beaucoup de nouveauté, il me semble qu'il y a un progrès
social qui n'en serait pas un, si on empiète sur cet espace.
Je terminerai en disant que ce seront les petites gens, ce seront les
nouveaux arrivants, les immigrants, les jeunes, ce sont ces gens qui seront le
plus pénalisés par le travail le dimanche. Ce ne seront pas les
gens les mieux salariés. Ce ne seront pas les patrons. Ce seront les
petites gens qui auront à choisir ces espaces pour travailler parce
qu'ils devront gagner leur vie. (16 heures)
Le Président (M. Bélanger): Je suis obligé
de vous interrompre. Le temps est écoulé.
M. Théberge: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre
M. Tremblay (Outremont): M. Théberge, je vois que votre
présentation est faite au nom du comité des affaires
sociales.
M. Théberge: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous avez, à
l'Assemblée des évêques du Québec, un comité
des affaires économiques?
M. Théberge: À ma connaissance, non. Le
comité des affaires sociales traite des différentes questions
économiques, politiques et sociales.
M. Tremblay (Outremont): Pouvez-vous me parler un peu de la
représentativité du comité des affaires sociales?
M. Théberge: Oui. Le comité des affaires sociales,
c'est le comité qui parle au nom de l'Assemblée des
évêques du Québec pour les questions
précisément économiques, politiques et sociales qui sont
intervenues à l'occasion de la réforme sur la
sécurité du revenu. Bon, vous connaissez probablement le message
du 1er mai autour du monde du travail qui émane de ce groupe de
réflexion dont ce groupe d'évêques. Ce sont, en fait, cinq
évêques qui siègent à ce comité-là
plus quelques laïcs, quelques experts qui travaillent avec eux pour
réfléchir sur ces questions-là et donner des avis comme
ça au nom de l'ensemble des évêques des 20 diocèses
de la province de Québec.
M. Tremblay (Outremont): Et les sondages maison, je pense, que
Mme Lagueux a mentionnés tout à l'heure, ce sont surtout des gens
qui vont à la messe le dimanche. C'est là que vous avez... Est-ce
que c'est ça?
M. Théberge: Oui. Ça a été dans la
ligne des pétitions qui se signaient dans les pharmacies, qui se
signaient un peu partout..
M. Tremblay (Outremont): Oui
M. Théberge: ...qu'on a tout simplement dit pourquoi,
à l'arrière de l'église, on n'inviterait pas, si les gens
veulent s'exprimer... Donc, il y a plusieurs paroisses un peu dans tous les
coins de la province qui ont mis les pétitions et les gens se sont
exprimés de telle sorte que ce qu'on voulait dire, une pétition
versus l'autre, ça vient se balancer.
M. Tremblay (Outremont): Dites-moi, au niveau économique,
une des recommandations ou des suggestions que vous nous faites, c'est de
restreindre, dans la mesure du possible, les activités commerciales le
dimanche. Je pense que plus on regarde la loi existante, on s'aperçoit
qu'à cause des exceptions, elle est inéquitable, la
possibilité de faire un retour en arrière ou d'aller de l'avant.
Alors, dans votre cas, vous préférez le retour en arrière
pour protéger le dimanche et je pense que c'est une position que vous
défendez bien. C'est pour ça que je vous demandais tout à
l'heure les conséquences économiques, vous ne les avez pas
abordées, s'il y en a. Je ne dis pas qu'il y a des intervenants qui sont
venus nous expliquer ça mais je voudrais juste voir si vous avez pris en
considération l'aspect économique.
M. Théberge: En tout cas, on n'est pas les
spécialistes du domaine comme on le disait. Maintenant, ce qui a
amené un peu le trouble, à ce que j'ai pu saisir, ce sont les
amendements de 1984, de fait, qui ont ouvert une porte et ceux qui ont
utilisé cette porte après y être passés ont
élargi le mur en arrière. Donc, il me semble qu'il y a quelque
chose à corriger dans ce sens-là.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Théberge: J'oserais dire que c'est un peu comme un
fumeur dans cette salle, ça ne dérangerait pas beaucoup, mais si
tout le monde fumait... C'est ce dont on s'est rendu compte dans la
société à un moment donné. Tant qu'il n'y avait que
quelques fumeurs... Mais, à un
moment donné, on s'est rendu compte que lorsque tout le monde
fumait, woop, là, on a dû revenir en arrière et faire des
réglementations pour dire: Bien, il y a des conséquences. Et il
me semble que dans ce cas-là, une ouverture, on se rend compte
après coup qu'il y a des conséquences, qu'il y a des injustices.
Est-ce que ça veut dire: Bien, ouvrons encore plus large pour
réparer les injustices ou s'il n'y a pas à corriger certaines
dimensions de cet amendement de loi qui a eu lieu en 1984?
M. Tremblay (Outremont): Mais vous allez convenir avec moi que si
on parle de la cigarette, ce qui se passe aujourd'hui au niveau d'une certaine
réglementation dans les avions, dans les endroits publics, c'est
principalement parce qu'on a dépassé la majorité.
Peut-être qu'aujourd'hui ce sont 53 %, 54 %, 55 % des personnes qui ne
fument pas, peut-être plus même.
M. Théberge: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Alors, il y a eu un changement
d'attitude important.
M. Théberge: Je pourrais dire qu'il y a eu une
éducation.
M. Tremblay (Outremont): Oui, je suis d'accord.
M. Théberge: On s'est éveillé à des
conséquences. Et je me demande si dans ce domaine-la, actuellement...
C'est certain que si vous me demandez à brûle-pourpoint comme
ça sur la rue: Est-ce que tu souhaiterais pouvoir magasiner quand tu
veux? Un premier réflexe, "me and myself, c'est le moins de contraintes
possible. Et, ça, c'est un premier réflexe comme... la même
chose pour la cigarette. Le premier réflexe: Bien, oui, que je fume
quand je veux et là où je voudrai, puis peu importe les autres.
Je dirais que c'est un second réflexe, lorsque je prends conscience des
conséquences ou que la science m'amène à voir les
conséquences de la cigarette que, là, je change mes comportements
et ma façon de voir.
Et je crois qu'on peut appliquer ça aussi actuellement face
à tout ce débat autour des heures d'affaires. On a l'impression
qu'on peut gruger cet espace social privilégié. Cet espace de
repos commun, on peut le gruger sans conséquence à long terme. On
pourrait élargir un peu et j'ai l'impression qu'on ne s'en porterait pas
plus mal, tout ce qu'on en est, dans les années qui viendront. Mais,
à long terme, quel sera l'impact réel sur la famille, sur la
convivialité, comme on l'a dit? Ça, c'est...
M. Tremblay (Outremont): Parlons exactement de ça. C'est
ma dernière question, les besoins réels des consommateurs. Je me
rappelle les bonnes années où, avant d'aller communier, il
fallait jeûner. Je me rappelle également que dans le temps,
lorsque je servais la messe, pendant le temps des fêtes, il fallait
servir trois messes. Je me rappelle également le temps où il y
avait certaines formes de confession puis, aujourd'hui, on peut faire la
même confession en groupe.
Alors, ce que je me dis, vous avez senti le besoin, pour répondre
aux besoins réels de votre clientèle, d'élargir la messe,
par exemple, le samedi soir pour justement permettre à des gens qui,
à la suite d'une sortie le samedi, voulaient se reposer en famille,
profiter du dimanche plutôt que d'aller à la messe le dimanche,
donc le samedi.
Est-ce qu'il n'y a pas une contradiction dans ce que vous nous dites que
si, lorsqu'on parle de l'Assemblée des évêques du
Québec, vous adaptez vos services aux besoins réels de votre
clientèle avec - je fais le parallèle entre les deux - les
besoins réels des consommateurs?
M. Théberge: Moi, je répondrais que d'adapter des
services et d'en changer la nature, ça me paraît deux choses. Et
ouvrir ce que je lisais hier - vous avez dû voir la nouvelle coalition
qui vient de surgir pour l'ouverture - là, quand je lis ça, ce ne
sont plus des adaptations. C'est la nature des choses qui change. Il faut,
à ce moment-là, que tout soit, je dirais, le salut... Et j'ai
été surpris de lire ça. Il y a une vocation. Le seul moyen
pour l'entreprise privée de remplir sa vocation, c'est d'ouvrir le
dimanche. Et Steinberg s'est trouvé une vocation aussi pour le dimanche.
C'est en ouvrant le dimanche que Steinberg pourra le mieux accomplir sa
mission. Là, pour moi, quand je lis ça, c'est la nature des
choses qui est changée.
M. Tremblay (Outremont): Restons au niveau philosophique, la
nature, justement ce point-là. Oublions les intervenants. Restons au
niveau philosophique, la nature. En quoi pouvez-vous reprocher à des
commerçants d'ouvrir le dimanche qui change la nature, si je compare
à la nature de vos services? Ils vont offrir les mêmes services,
sauf qu'ils vont les offrir sept jours par semaine au lieu de six.
M. Théberge: Vous avez parlé tantôt
d'adaptation. Et je crois que dans le domaine des modifications à la
loi, il y a eu des adaptations heureuses et moi, je suis tout à fait
d'accord. Qu'on me dise qu'autrefois, la fonction que remplissait le perron
d'église d'être un lieu de convivialité, aujourd'hui, il ne
le remplit plus et qu'on développe d'autres lieux pour que cette
fonction sociale soit remplie... M. le député de Langelier disait
l'autre fois qu'il est allé aux halles et il a été surpris
de voir le nombre de personnes qui étaient là et qui prenaient un
café. Bien, bravo!
Mais, pour que se vive cette convivialité est-ce qu'il faut que
le rapport devienne un rapport marchand? Est-ce qu'il faut absolument que
j'achète ou que je vende pour remplir cette fonction sociale que les
personnes se rencontrent et qu'on trouve des lieux, qu'on en développe,
parce que, effectivement, le perron d'église jouait ce rôle, il y
a un certain temps et ce n'est plus vrai, sinon partiellement? Donc, à
ce niveau-là, je trouve qu'on doit fournir une multitude de lieux, mais
penser que tous ces rapports-là doivent devenir des rapports marchands,
il me semble qu'on rapetisse et qu'on change la nature des choses.
Le Président (M. Bélanger): Je cède la
parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Ça me fait
plaisir de vous souhaiter la bienvenue aussi au nom de ma formation politique.
Je pense que vous n'êtes pas sans savoir que je partage essentiellement
votre point de vue sur le fond de la question, particulièrement autour
de tout ce concept de maintien de la qualité de la vie. Et,
actuellement, ce qui m'agace un peu dans le débat, c'est qu'on tente de
ridiculiser un petit peu, justement, cette espèce de vision en disant:
Bon, là, vous exagérez, vous charriez quand vous dites qu'une
journée, quelque part dans la semaine, qu'on en modifie son utilisation
à des fins commerciales va avoir un tel impact sur la qualité de
la vie. Alors, on tente donc de ridiculiser un petit peu cet aspect en disant:
Bon, c'est vraiment accorder beaucoup d'importance à un
élément qui, pourtant, est relativement secondaire.
Ce n'est pas mon point de vue, vous le savez, mais je le dis pour dire
dans quel contexte on fait le débat. Ce n'est pas facile de tenir le
point de vue que vous défendez et celui aussi que je défends au
nom de ma formation politique. Mais allons-y, justement, au fond de cette
réalité de la nouvelle éthique à développer.
Parce que moi, j'y crois et je pense qu'on a un problème de
société et il est dû au fart justement qu'on a un
problème au niveau des valeurs.
Dans votre document, à la page 4, vous mentionnez le fait que...
À la fin de la page, dans "dimanche et famille", vous dites: II ne
faudrait pas accentuer l'isolement qui compromet l'épanouissement
intégral des personnes. La faculté de choisir son jour de repos
ne ferait qu'amplifier la privatisation et l'individualisme déjà
très répandus dans notre société. Toute occasion de
se rencontrer et de bâtir des liens interpersonnels communautaires est un
facteur de cohésion pour la vie familiale.
J'aimerais que vous me parliez un petit peu des conséquences sur
la vie des personnes et sur la communication entre les personnes et aussi sur
l'aspect peut-être convivialité dont vous parlez, de cette
philosophie qui se développe où "que le meilleur gagne", "chacun
pour soi". Qu'il n'y ait pas de règle d'encadrement parce que ce n'est
pas utile, surtout pour des activités de ce type-là - commercial
- on dit: Pourquoi, finalement, un gouvernement se mêlerait-il
d'organiser un peu le temps des gens? Qu'on laisse la liberté à
chacun de choisir et de décider et on sera dans la meilleure des
sociétés. J'aimerais que vous me parliez un petit peu de la
réflexion que vous pouvez avoir fait autour de cette
question-là.
M. Côté (Jacques): Mme Marois, je pense que nous
n'avons surtout pas voulu faire un plaidoyer - on l'a dit d'ailleurs, je pense,
clairement - pour que les gens... On enlève cette liberté qu'on
peut avoir de choisir les loisirs qu'on veut, par exemple. Je pense que ce
n'est pas à ce niveau qu'on situait notre intervention. C'est plus au
niveau de ce qu'on pourrait appeler peut-être l'acquis social actuel dans
notre société québécoise d'une journée - on
pourrait souhaiter deux, mais soyons réalistes - qui permet dans la
très grande majorité des cas au plus grand nombre de gens
possible de vivre justement cette gratuité, cette convivialité,
etc., dont nous avons fait mention tout à l'heure.
Je pense que la ligne est dans cette direction-là. Nous
souhaitons, nous, que cet acquis que nous avons actuellement puisse être
maintenu, quitte à adapter. On a parlé d'élargissement des
heures en semaine. Il y a toutes sortes de modalités, on n'entrera pas
dans le détail. On n'est pas spécialistes là-dedans.
Ça, c'est un concept qui peut être intéressant. Mais
gardons donc, pour la très grande majorité des citoyens et des
citoyennes du Québec, cette possibilité, au-delà
même, je dirais, de ce que nous avons appelé tout à l'heure
le dimanche vu sous l'aspect religieux. C'est une question de liberté de
conscience mais...
Mme Marois: Ça, c'est une autre chose.
M. Côté (Jacques): ...cette possibilité que
nous voudrions garder pour les gens d'exercer facilement, sans contrainte,
cette journée qu'on appelle "journée de repos", journée
plus propice à la qualité de la vie. Ça ne veut pas dire
qu'elle est la seule possible de la semaine. Ça ne veut pas dire que,
dans certains milieux plus favorisés, le mercredi on peut faire jour de
relâche si on est dans tel type de profession. Mais au plan social,
actuellement, il est communément admis que le dimanche est la
journée qu'à peu près tout le monde, en
général, sauf les cas de services particuliers, bien sûr...
Tous les travailleurs ne sont pas impliqués à conduire des
autobus, par exemple, à travailler dans les hôpitaux. Alors, le
dimanche est la journée qui est communément admise dans les faits
actuellement, comme représentant cette possibilité. C'est plus le
sens. On ne voulait pas, au nom des
fameux soi-disant droits individuels... On en fait d'ailleurs, que ce
soit aux questions de la langue, que ce soit à d'autres niveaux en
politique, une marotte actuellement des droits individuels. Gardons cet acquis
commun, sinon communautaire, du dimanche. C'est un peu le sens. Je ne sais pas
si ça répond à votre question. (16 h 15)
La Présidente (Mme Marois): Oui, madame, vous voulez
ajouter quelque chose?
Mme Lagueux: Je pourrais ajouter que les raisons communautaires
qui font que je pense que c'est important de protéger le dimanche sont
les mêmes que pour, si on regarde autour, par exemple, la semaine de
mi-session. À un moment donné, le choix a été fait
dans chacune des commissions scolaires et même, au départ,
c'était chacune des écoles qui choisissait sa semaine. Alors,
petit à petit, à quoi est-on en train d'assister et pourquoi? Je
pense que ce sont les mêmes raisons qui sont en arrière de
ça qui font que les gens ont besoin d'une plage commune et que les gens
qui se connaissent, les gens qui ont à se rencontrer ou qui veulent
développer des relations plus intimes et plus profondes ont besoin,
effectivement, d'un temps comme ça. Peut-être qu'actuellement on
est en train de banaliser cette journée qui arrive parce qu'elle peut
être bien trop régulière, mais je pense qu'elle est
à protéger, un peu pour les mêmes raisons.
Mme Marois: Oui.
M. Théberge: René Théberge. Il me semble
qu'on sent, en arrière de ce débat, bien sûr, une question
de profit. Ce n'est jamais nommé, mais c'est toujours sous-jacent. Il me
semble que ce serait trop facile de vouloir envahir cet espace à grand
pas sans en mesurer, encore une fois, les conséquences sociales, les
conséquences, je dirais, sur la vie familiale, ia rencontre des
personnes, sur toute la gratuité qui peut s'exercer, qui est possible
parce qu'il y a beaucoup de monde qui est dégagé. C'est là
que, je dirais, on voit du monde sur les stationnements. Quand est-ce que les
stationnements des hôpitaux sont remplis? C'est le dimanche, et on
pourrait donner d'autres exemples comme ça où il y a cette
gratuité qui s'exerce et qui est un acquis social qui ne se chiffre pas
dans les revenus et déboursés d'une société, d'un
État, mais qui devrait, qui doit, je dirais, compter dans la balance
commerciale, dans, je dirais, le trésor d'une province, d'une certaine
manière, à côté, bien sûr, d'autres
intérêts qui se font valoir et qui ont leur importance, mais
ça, pour un gouvernement, il me semble que c'est important qu'on
pèse ça. Et encore une fols, c'est a long terme, je crois, qu'on
mesurera davantage comment le tissu social pourra se détériorer
ou se construire. Ce n'est pas indifférent; il y a des lois, il y a des
gestes, des libéralisations qui font que ça se
détériore ou que ça se construit. C'est vrai dans un
milieu familial et c'est vrai aussi dans une société.
Le Président (M. Bélanger): II y a M.
Côté et Mme Lagueux qui voudraient réagir.
M. Côté (Jacques): J'aimerais rappeler que le
gouvernement a bien indiqué clairement tout récemment, il y a
quelques mois, par ia création du Conseil de la famille, il a
rappelé sa préoccupation fondamentale de protéger en
quelque sorte le noyau familial. Je pense que c'est une préoccupation
très légitime et à laquelle nous souscrivons
d'emblée. La famille - je cite à peu près textuellement -
garde son importance. On a parlé de garder le dimanche jour de repos
traditionnel reconnaissant par là qu'il y avait une tradition chez nous
de culture effective extrêmement intéressante à
préserver et on a parié du dimanche dont la fonction
première, sinon parmi les plus importantes, est de permettre les
rencontres, le loisir, le ressourcement. En ce sens-là, lorsqu'on
affirme que le coeur du problème de ia question qui nous
préoccupe actuellement est beaucoup plus la surabondance des exemptions
qui a créé une concurrence déloyale, etc. - je ne referai
pas le dossier que d'autres ont mieux présenté que nous sur ces
questions-là - moi, je pense que, de libéraliser le commerce le
dimanche, ce n'est certainement pas aller dans la ligne de cette noble
préoccupation que le gouvernement s'est plu à nous rappeler,
à redire et à rappeler encore par l'avis tout récent du
Conseil de la famille, sur les critères à préserver dans
les politiques familiales pour favoriser l'éclosion et défendre
ia famille sous différents aspects.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Nicolet?
Une voix: Yamaska.
Le Président (M. Bélanger): Yamaska, oui.
M. Richard: Merci, M. le Président. Vous mentionnez dans
votre mémoire: "Restreindre, dans la mesure du possible, les
activités commerciales du dimanche, y compris dans le secteur
alimentaire." On sait que, dans le secteur alimentaire, depuis quelques
années, on pose des gestes à caractère quotidien. Vous
semblez dire, d'une façon générale: Nous, on ne veut pas
qu'il y ait d'autres commerces d'ouverts le dimanche, on veut réduire
les exemptions qui existent dans la loi actuelle, mais est-ce que ça va
aussi loin que de dire même dans le milieu alimentaire, en prenant comme
exemple le monde de la fruiterie, qui est quand même un avènement
assez nouveau depuis quelques années, donc uniquement ce qu'on appelle
le dépanneur, trois personnes et
moins?
Mme Lag ueux: De toute façon, je pense qu'on va
répondre la même chose. Là-dessus, je pense que ce qu'on
veut protéger à l'intérieur de ça, c'est
effectivement une certaine forme de qualité de vie, donc d'amener les
restrictions le plus complètement possible, y compris dans le secteur
alimentaire, y compris pour la question des fruiteries. Je pense qu'il y en a
d'autres qui ont pu vous faire des démonstrations tout à fait
complètes à savoir que la qualité des produits qui sont
offerts n'est pas mise en jeu par le fait qu'on ferme une journée, le
dimanche. De toute façon, j'ai l'impression que la science est assez
avancée là-dessus pour qu'on soit capables, effectivement, de
nous offrir des produits de qualité.
Deuxièmement, c'est entendu que, comme société ou
comme mode, on revient en arrière - pour reprendre un petit peu les
propos du début - au temps où personne n'avait de
réfrigérateur et où il fallait, effectivement,
s'approvisionner à tous les Jours. C'est une mode. Est-ce que, parce que
c'est une mode, ça ne changera pas demain ou autrement? Je pense
qu'effectivement, cette mode, on peut la suivre sans que ce soit une telle
journée, soit le dimanche. En soi, je pense qu'on peut très bien
s'organiser autrement dans cette perspective.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. Très
brièvement, j'aimerais vous entendre élaborer un petit peu plus.
Vous avez mentionné, dans votre message, qu'une de vos craintes - je
crois que c'est M. Côté qui a mentionné ça -
c'était aussi l'effritement de la famille, étant donné
qu'il y a de plus en plus de familles monoparentales, et que ça puisse
affecter le droit de visite. Si c'est possible, j'aimerais que vous
élaboriez juste un peu sur le droit de visite des enfants, à
savoir si ça pourrait chambarder quelque chose?
M. Côté (Jacques): J'ai plutôt voulu dire,
monsieur, qu'en pratique, si nous considérons l'exemple des maisons de
la famille, actuellement, je n'apprendrai rien à personne en disant
qu'il y a beaucoup de familles, au Québec, qui sont des familles dites
éclatées, réorganisées, reconstituées, comme
on veut les appeler. Dans les faits, à la Maison de la famille de
Limoilou, par exemple, qui est un service offert à la communauté,
nous constatons que pour la très grande majorité des
pères, car ce sont souvent les pères qui sont les plus
impliqués dans cette forme de garde partagée - les mères
aussi -c'est en fin de semaine et le dimanche, principalement, non pas
exclusivement mais principalement, que ça se fait. Dans la pratique, de
tous les jours de la semaine, c'est le dimanche que le père prend les
enfants. Là, on parle de système de malsons avec droit de visite
où des gens, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent pas prendre leurs
enfants chez eux. Alors, c'est le dimanche, principalement, qu'ils vont le
faire. Et je ne dis pas que ça va empocher ça. Je dis simplement
qu'on va, encore une fois, créer une condition d'exercice encore plus
difficile qu'elle ne l'est actuellement, à des gens qui ont
déjà des difficultés à cause des horaires de
travail de la semaine régulière et aussi des écoles. Il
faut penser que... supposons que, moi, je vivrais cette situation et que
j'aimerais bien avoir mes enfants deux jours par semaine en plein milieu de la
semaine scolaire, ça poserait aussi des problèmes, ça. Je
pense qu'il faut être réaliste et voir que, dans notre
système actuel, le dimanche - pour certains, c'est aussi le samedi, mais
parlons du dimanche - est quand même la journée qui semble la plus
propice pour un très grand nombre de gens, pour maintenir cette visite
aux enfants. C'est le seul sens de ce que j'ai voulu apporter.
M. St-Roch: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de l'Acadle.
M. Bordeleau: D'abord, je veux vous remercier de nous avoir
présenté votre point de vue. J'aimerais, juste avant de vous
poser une question plus précise, réagir à ce que la
députée de Taillon mentionnait tout à l'heure à
savoir que le point de vue que vous défendez a peut-être tendance
à être ridiculisé par certains. Je ne sais pas exactement
à qui elle faisait référence quand elle mentionnait ce
fait-là, mais je voudrais bien que ce soit clair - et j'ai l'impression
de parler pour mes collègues de la deputation ministérielle -
à savoir qu'il n'est pas question, pour nous, de ridiculiser aucun point
de vue. Au contraire, je crois que les gens viennent nous présenter des
points de vue très différents, notre objectif est d'essayer de
faire le maximum pour comprendre exactement toute la valeur de chaque
présentation qui nous est faite. Il n'est pas question pour nous d'avoir
une position préétablie. En tout cas, dans mon cas, ce n'est pas
du tout ce qui se produit. Alors, on est intéressés à
avoir tous les différents points de vue et je pense que le fait de poser
des questions ne veut pas dire qu'on ridiculise une position ou l'autre. Ceci
étant dit...
Mme Marois: M. le Président, s'il vous plaît.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon. C'est une question de privilège.
Mme Marois: Je m'excuse auprès de nos invités.
C'est une question de privilège. Il est
bien entendu... et le député va sûrement apprendre
à travailler avec moi, on va apprendre a se connaître. Ça
fait peu de temps qu'on travaille ensemble, mais il va apprendre que je suis
très respectueuse, d'une part, des personnes qui nous présentent
leur point de vue, et aussi de mes collègues, tant de mon
côté que de l'autre côté de la Chambre. Et il est
évident que mon propos n'était pas de dire que, d'aucune
espèce de façon, le gouvernement avait voulu ridiculiser cette
approche-là, mais c'est un discours qui a cours, cependant, ailleurs
qu'à cette commission et où des gens nous disent: C'est
effectivement ridicule, etc., etc. Moi, j'en défends une position et
c'est à cela que j'essaie de trouver des arguments et aussi une
façon de défendre le point de vue qui est présenté,
entre autres, par les gens qui sont devant nous. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci madame. Alors, M.
le député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Alors, écoutez, je reviens à ma
question d'une façon plus précise. Sur la première page de
votre document, vous mentionnez de limiter le nombre d'exceptions. Je me
demandais, de façon concrète, quelles seraient les exceptions
auxquelles vous avez peut-être pensé? Vous connaissez la liste
d'exceptions qui existent actuellement. On a fait référence aux
difficultés actuelles et à une certaine Inéquité
qui peut exister, mais concrètement, ce seraient quoi les exceptions
qu'il vous paraîtrait au fond acceptable de retenir
éventuellement?
M. Théberge: Moi là-dessus, je veux vous
référer, encore une fois, au rapport Richard qui a
été produit par une commission et qui indique, qui donne des
références claires et qui nous paraissent tout à fait
acceptables en termes de limitation et, entre autres, je sais que ça
touche autour des pharmacies...
M. Bordeleau: O.K.
M. Théberge: ...à un moment donné qui ont
sauté les barrières. Bon, je n'entrerai pas encore une fois dans
les détails, mais notre référence, c'est ce document qui
appartient à cette Chambre...
M. Bordeleau: O.K.
M. Théberge: ...le rapport Richard où ça
nous donne des balises qui nous semblent tout à fait
intéressantes et qui, encore une fois... C'est certain, la position
qu'on tient, ça touche à des valeurs traditionnelles et ça
ne me gêne pas qu'on me dise que je défends des valeurs
traditionnelles dans un débat comme celui-ci parce qu'il me semble
que... En tout cas, je suis aussi à l'aise pour défendre ces
valeurs-là que, je dirais, quand j'entends, sans que ça soit trop
dit, la force de la loi du profit actuellement qui devient une loi qui semble
devoir prendre toute la place et tous les droits. J'oserais ici reprendre
quelqu'un qui me précédait quand je suis passé à la
commission Richard. C'étaient des propriétaires de grandes
surfaces qui louent des espaces, et je ne sais pas si M. Richard se souvient,
mais on disait ceci et c'est le mot à mot: "L'homme est un animal
économique. Ce qui est important, c'est de susciter chez lui
"l'Impulsion bound" -M. Richard incline - le réflexe conditionné
pour le faire acheter et pour ça, ii faut qu'il soit le plus souvent
possible mis en contact avec la vitrine pour qu'il voie et, du même coup,
que se déclenche cette impulsion qui va faire qu'il va acheter.
Ça, c'étaient leurs propos. Il y avait de quoi, forcément,
faire un peu dresser les cheveux, mais ça dit de manière
caricaturale cette loi du profit qui, actuellement, je dirais, veut s'imposer
de façon discrète, dans un langage très très
soigné habituellement, mais il me semble que l'homme est...
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que vous
pourriez conclure, s'il vous plaît, puisque le temps est
écoulé?
M. Théberge: Oui. L'homme est plus qu'un consommateur en
puissance. L'homme est plus que ça. Et quand je dis l'homme ici, c'est
sûr, c'est dans le sens large, homme et femme, bien sûr.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette, vous aviez une question?
M. Jolivet: Oui, bien en fait, c'est peut-être un
commentaire plus qu'une question. Je me souviens de ce qui différenciait
autrefois les collèges privés des collèges publics,
c'était qu'on y enseignait le latin et le grec, qu'on n'allait pas
à l'école le mercredi après-midi et qu'on y allait le
samedi matin et, à un moment donné, pour des raisons diverses, on
a tout fusionné ça pour les besoins des polyvalentes. Simplement
pour donner l'autre partie aussi à la réplique du
député de Taschereau qui disait qu'il était tout surpris
de voir des gens aller prendre un café dans des halles, le dimanche.
Je dois vous dire que si on part de ce principe-là pour
rassembler le monde, je trouve qu'on voit un peu mal, dans la mesure où
on regardera ce qui s'est fait dans les centres commerciaux... Faites la
différence entre Place Laurier et le mail Saint-Roch, faites la
différence entre Rockland et Anjou, vous allez voir la différence
énorme. Si on se fie sur ça pour amener le monde à vivre
en société et à se rencontrer, moi, j'ai peut-être
des fois des soupçons à l'idée que ça ne devrait
pas être ça. Et regardez ce qui est arrivé au mail
Saint-Roch en particulier pour le donner comme exemple,
parce que c'est arrivé ailleurs aussi - ce n'est pas le
député de Salnt-Roch, le député de Drummond - au
mail Saint-Roch, qu'est-ce qu'on a fait à un moment donné, pour
se débarrasser de personnes indésirables? On les a
parquées dans un coin en disant: Allez au petit café de la paix -
je ne sais pas comment on l'appelle là - puis allez prendre un
café là plutôt que de vous asseoir dans le centre
commercial ou encore dans le mail intérieur, comme vous le connaissez,
ou ailleurs, et on met des policiers pour les sortir de la place. (16 h 30)
SI c'est ça qu'on veut comme société, si on veut un
lieu de rassemblement où on va se débarrasser de ceux qu'on ne
veut pas voir par des moyens détournés, je trouve que ce n'est
pas la solution du futur. Dans ce sens-là, si, en plus, on veut ajouter
une journée de plus à ce phénomène-là, je ne
vois pas comment on va rassembler une population et lui dire: Vivez en
communauté, vivez de façon à vous donner une
qualité de vie. C'est mon impression personnelle et c'est pour
répondre un peu à ce que disait le député de
Taschereau, la semaine dernière.
Le Président (M. Bélanger): Alors,
brièvement, s'il vous p'aît, M. Côté.
M. Côté (Jacques): Nous, nous pensons que, dans
toute cette question, il y a des erreurs à corriger et que la solution,
c'est la correction des erreurs ou du laxisme excessif beaucoup plus que la
remise en question systématique d'acquis sociaux et culturels aussi
riches que le dimanche dans notre société
québécoise.
Le Président (M. Bélanger): Très
rapidement.
M. Théberge: En terminant, je crois qu'on est rendus
là, au nom de l'Assemblée des évêques du
Québec, je tiendrais à remercier la commission, M. le
Président, M. le ministre et les membres de l'Opposition de nous avoir
entendus.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: On vous remercie aussi de votre présentation.
Je voudrais juste revenir, puisque j'ai une ou deux minutes pour clore,
à mon tour, sur certains éléments que vous apportez dans
votre document. Vous dites que peut-être ça créera des
emplois - vous laissez un point d'interrogation - mais il est aussi assez
clairement dit, dans les documents que nous avons devant nous, que ce que
ça peut faire, c'est plutôt de déplacer des emplois que
d'en créer effectivement. Donc, il ne faut pas non plus - parce que
ça aussi, ça fait partie du débat - soulever une
culpabilité en disant: Là, maintenant, on est contre l'emploi,
alors qu'on se défend pour que les travailleurs et les travailleuses, au
contraire, aient des conditions de travail plus décentes et moins
précaires. On sait que, souvent, le travail de fin de semaine
amène aussi la précarisation du travail. D'autre part,
effectivement, la bataille qui est devant nous est, entre autres, une bataille
de parts de marché. Certains diront: C'est tellement petit comme
pourcentage, ce qu'on peut aller chercher, c'est 1 %, 2 %, 3 %. Pourquoi? Donc,
ce n'est pas vrai, ce n'est pas une bataille de parts de marché, c'est
une bataille de services au consommateur. D'autre part, en même temps, on
nous dit, et ce sont des chercheurs qui nous l'ont dit jusqu'à
maintenant, que 1 % ou 2 %, dans l'alimentation, à cause des marges
bénéficiaires, c'est énorme. Alors, il y a aussi une
bataille de parts de marché dans ce que l'on discute actuellement.
Ceia étant dit, je vous remercie de la contribution que vous
apportez à nos travaux et de la réflexion supplémentaire
que vous nous amenez sûrement à faire. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Mme Lagueux, MM. Théberge et
Côté, j'aimerais vous remercier et vous dire que je pense que
c'est important, les valeurs traditionnelles. On est d'accord avec ça,
mais je ne voudrais surtout pas vous laisser ou que vous nous laissiez avec
l'impression, quand on parie, soit de bataille de marché ou de profit,
que ce n'est pas sain. Je pense que même si on en arrivait à la
conclusion que la volonté générale, c'est la fermeture des
commerces le dimanche, un fait demeure, le profit va toujours être
là et les valeurs traditionnelles vont devoir vivre avec cette notion de
profit. Je pense que ce que je retiens de votre présentation,
au-delà de l'importance de la qualité de vie et des valeurs
traditionnelles, c'est que, quelle que soit la décision que nous allons
prendre, la loi va devoir être équitable. Et si elle est
équitable pour tous et pour toutes, on en arrivera peut-être
à un meilleur équilibre des profits qui permettra à des
gens de maintenir une qualité de vie. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie l'Assemblée des
évêques du Québec et invite, à la table des
témoins, le Congrès juif canadien.
J'inviterais chacun des membres de la commission à reprendre sa
place, s'il vous plaît, afin que nous procédions à
l'audition du Congrès juif canadien, qui sera représenté
par M. Jack Jedwab et M. Richard Levy. Je vous prierais donc, messieurs, de
bien vouloir vous identifier et de procéder à la
présentation de votre mémoire. Vous avez 20 minutes pour ce
faire, 20 minutes fermes et, par la suite il y aura une période
d'échange avec les parlementaires. Je vous prierais aussi, à
chaque fois que vous
prenez la parole, de bien vouloir vous identifier, cela pour les fins de
transcription au Journal des débats. Je vous remercie, je
vous écoute.
Congrès juif canadien
M. Levy (Richard): Merci, M. le Président. Je me
présente, Richard Levy. Je suis président du sous-comité
sur les heures d'ouverture du comité des relations communautaires de la
région du Québec du Congrès juif canadien. C'est beaucoup
de mots pour vous dire que je suis la personne qui s'occupe de ce dossier
auprès du Congrès juif canadien. Je vous présente M. Jack
Jedwab, qui est directeur des relations communautaires du Congrès juif
canadien, région du Québec. M. Jedwab enseigne à
l'Université McGill, au département de sociologie; il donne un
cours sur les minorités du Québec. Moi, je ferai la
présentation de notre mémoire dont j'espère tout le monde
a reçu copie. M. Jedwab et moi allons partager l'honneur de
répondre à vos questions.
Peut-être que je devrais commencer par expliquer un peu ce que
ça veut dire, le Congrès juif canadien, région du
Québec. Le Congrès juif canadien, ce n'est pas un organisation
religieuse, c'est une organisation communautaire qui unit différentes
organisations, fédérations juives du Québec, qui
représentent ou tentent de représenter différents points
de vue des juifs du Québec sur des questions politiques et sociales.
Nous nous intéressons au dossier des heures d'ouverture des
établissements commerciaux depuis longtemps et nous avons
présenté plusieurs mémoires devant d'autres commissions
parlementaires, l'an passé. Nous vous remercions pour
l'opportunité de présenter, lors de cette consultation, encore
une fois, notre position qui, comme... La société du
Québec est développée et, chaque fois qu'on
présente un mémoire, ça nous donne une chance de
réfléchir un peu sur ce que représente la loi sur les
heures d'ouverture le dimanche. (16 h 45)
Je pense que ce serait bon de commencer en vous résumant un peu
nos recommandations qui sont clarifiées dans notre mémoire. Mais
avant de faire ça, juste un peu d'histoire. Nous avons fait, lors des
consultations parlementaires, en 1984, une présentation sur le fait
qu'il n'y avait aucune exemption dans la loi parmi toutes les exemptions que
vous avez pour combler, pour solutionner le problème suivant: Parmi
notre communauté, il y a beaucoup de juifs, qu'on appelle des juifs
religieux, qui suivent très soigneusement les dictées, les
règles de la religion juive. Et une de ces règles - que tout le
monde connaît - c'est qu'un juif religieux doit fermer son commerce du
coucher du soleil le vendredi jusqu'au coucher du soleil le samedi soir. Et
à cette époque-là, avec la loi canadienne sur la fermeture
des commerces le dimanche, qui est maintenant déclarée invalide
et la loi provin- ciale, il y a eu ce résultat qui n'était pas
prévu par la loi qu'un religieux juif devait fermer son commerce le
samedi, à cause de ses convictions religieuses, et à cause de la
loi, il devait fermer son commerce le dimanche. Alors, vraiment, il
était pris dans une position onéreuse: la fin de semaine, le
week-end, les deux journées importantes, il devait rester
fermé.
À cause des représentations du Congrès juif
canadien, il y a eu une exemption qui a été introduite à
l'article 5.4 de la loi qui dit ceci: "Le ministre peut également, aux
conditions déterminées par le gouvernement, autoriser des
établissements commerciaux à exercer leurs activités le
dimanche, si ces établissements effectuent leurs activités de
façon régulière et conformément à la loi, du
lundi au vendredi, et s'ils sont fermés le vendredi, à compter du
coucher du soleil, le samedi toute la journée, et si à chaque
jour d'ouverture, il n'y a jamais plus de trois personnes en même temps
pour en assurer le fonctionnement." Alors, on a travaillé avec cette
exemption depuis 1984. Cette exemption a permis à beaucoup de commerces
qui sont gérés par des juifs religieux de rester ouverts le
dimanche. Mais ça a causé beaucoup de problèmes.
Le premier point que je voudrais présenter devant cette
commission, c'est de rectifier ces problèmes, qui sont des
problèmes techniques, et qui peut-être n'ont pas été
prévus par les personnes qui ont rédigé cette loi. On a
demandé dans le décret que toute demande d'autorisation de rester
ouvert le dimanche soit accompagnée d'une recommandation du
Congrès juif canadien. Depuis 1984, le processus est le suivant: On
reçoit une demande de quelqu'un qui s'identifie. On passe la demande au
ministère de l'Industrie et du Commerce, et le ministère de
l'Industrie et du Commerce refuse ou accueille la demande. Mais ça nous
a mis vraiment dans une position vicieuse, si vous me permettez l'expression,
parce que ça nous a obligés à demander aux personnes:
Quelles sont vos convictions religieuses? Si on a demandé de fournir une
recommandation, on n'a aucun fondement dans les recommandations sans faire une
enquête auprès de la conviction d'une personne. Ça veut
dire qu'on doit demander: Êtes-vous juif? Ou on peut aller plus loin
qu'on n'a pas à aller pour dire: Est-ce que vous êtes un juif
religieux? Et je pense que je partage probablement l'opinion des membres de
cette commission que c'est vraiment quelque chose qui est vicieux et inopportun
que de demander aux personnes: Quelles sont vos convictions religieuses?
Alors, notre première recommandation et on espère que le
gouvernement va maintenir cette exemption - c'est que l'exemption soit
donnée sur la base d'une demande faite directement par le
requérant, ou comme pour les autres exemptions. Cela veut dire que si
vous pensez qu'une personne viole l'esprit ou la lettre d'une exemp-
tion, vous avez des Inspecteurs pour vérifier si vraiment le
commerce ferme le samedi. On vous demande de laisser la recommandation du
Congrès juif canadien de côté, parce que c'est vraiment
nous mettre dans une position inconfortable. On ne veut pas être
l'intermédiaire entre un requérant et le gouvernement, juste en
passant la demande. Certainement, on ne voudrait passer un avis sur la bonne
foi d'un requérant qui se dit: Je profite de l'exemption.
Nous avons trois autres recommandations et je résume comme suit.
Le Congrès juif canadien recommande que la loi soit amendée de
façon à permettre à tous ceux qui observent le "shabbat"
de demeurer ouverts le dimanche, indépendamment de la taille du commerce
et de la main-d'oeuvre. Maintenant, si vous opérez une pharmacie, ou une
librairie avec cinq, six ou sept personnes pendant la semaine, vous ne devez
pas réduire votre effectif le dimanche pour profiter de l'exemption.
Mais si vous êtes un juif religieux et que vous voulez profiter de
l'exemption pour ceux qui observent le "shabbat", vous devriez, selon la loi,
opérer votre commerce avec un maximum de trois employés, pendant
toute la semaine. Ça veut dire qu'il n'est pas possible pour vous
d'opérer un commerce avec dix personnes pendant les cinq journées
de la semaine et de diminuer votre effectif le dimanche. La loi dit ceci, qu'il
faut que chaque jour que vous êtes ouverts, votre effectif ne
dépasse pas trois personnes. Pour nous, ça viole un des principes
directeurs de votre comité consultatif. Parce que votre principe
numéro un, c'est l'équité entre des commerces. En
rédigeant l'exemption de cette façon, vous créez une
division dans la communauté juive. Et vous créez une division
entre ceux qui peuvent opérer leur commerce avec trois personnes et ceux
qui ne le peuvent pas. Je pense que cette discrimination entre des personnes de
la même communauté crée des divisions dans la
communauté et c'est vraiment quelque chose qui n'est pas souhaitable.
C'est pour ça que notre deuxième recommandation est que,
indépendamment de la taille du commerce ou de la main-d'oeuvre, les
personnes qui profitent de l'exemption devraient en profiter.
Juste pour vous montrer que la même question est maintenant
débattue en Ontario... En Ontario, leur nouveau projet de loi a
écarté cette restriction. En Ontario il y avait une restriction
qui était plus large que la nôtre. Auparavant, en Ontario on
pouvait bénéficier de l'exemption en ayant sept employés -
au Québec c'est trois - et un maximum d'espace des lieux de 5000 pieds
carrés. Maintenant, en Ontario, avec le nouveau projet de loi, on a
trouvé que, pour les raisons que je viens de vous donner, c'est injuste
et on a aboli les restrictions. Ça veut dire que tout le monde qui
bénéficie de l'exemption peut ouvrir le dimanche.
Notre troisième recommandation se résume comme suit. Le
Congrès juif canadien région du Québec pense qu'une
exemption du dimanche juste et équitable devrait être assez vaste
pour profiter à tous ceux qui observent un jour de repos autre que le
dimanche. C'est encore une question d'équité. C'est vrai qu'on
représente le Congrès juif canadien, mais on est conscients qu'il
y a d'autres groupes religieux qui observent une journée de repos, une
journée avec leur famille ou une journée de réflexion, un
jour autre que le samedi et on pense que nos recommandations devraient
être équitables pour tous les citoyens du Québec. C'est
pour ça qu'on dit ceci: Si une personne a une journée de repos le
vendredi, ou une autre journée de la semaine, elle devra profiter aussi
de l'exemption.
On vient de vous passer des feuilles d'un document, avec le document de
fond, qui s'appelle "L'Église des adventistes du septième jour
à Saint-Hubert." C'est intéressant qu'on ait reçu une
demande de cette église adventiste pour donner une recommandation
à un de ses membres. On a été vraiment mis dans une
position gênante. On a été mis dans la position de
recommander au gouvernement une exemption pour quelqu'un qui est d'une autre
croyance. Ça se peut qu'on reçoive des demandes des musulmans qui
observent le vendredi. C'est vrai que maintenant, la loi est
rédigée pour englober le coucher du soleil le vendredi jusqu'au
coucher du soleil le samedi, mais si, par exemple, vous élargissez la
loi pour un musulman, la question de recommandation est toujours une question
onéreuse. Mais, à part la question de recommandation, je pense
que tout le monde qui observe une journée de repos devrait
bénéficier de la même exemption.
Notre quatrième recommandation est ceci. On recommande qu'une loi
sur le travail sort ébauchée pour assurer à tout
employé de commerce au détail la possibilité de choisir
entre le samedi et le dimanche comme journée de repos pour la consacrer
à sa convenance à sa famille ou ses amis. On est conscients que
pour beaucoup, le troisième principe directeur de votre comité,
la qualité de vie, est quelque chose de très précieux et
très important. Je viens d'écouter la présentation qui a
été très éloquente sur l'importance de la
qualité de vie et les liens entre familles. Nous autres, nous sommes
conscients que pour les personnes qui ferment une autre journée de
semaine, il soit permis d'ouvrir le dimanche - cette recommandation sera-t-elle
acceptée par votre gouvernement? - que ça peut agrandir,
élargir le nombre des employés qui seront mis en position de
travailler le dimanche.
Dans notre opinion, on devrait chercher un équilibre entre les
besoins des consommateurs de faire le magasinage le dimanche, les besoins des
commerçants de faire le commerce le dimanche et les besoins des
travailleurs. Et, dans notre opinion, ce n'est pas le bon endroit dans une loi
sur les droits d'ouverture pour réaliser cet
équilibre. Nous sommes d'opinion qu'un employé qui ne veut
pas travailler le dimanche pour des raisons religieuses ou pour toute autre
raison devrait avoir protection selon la loi sur le travail pour
protéger ses droits et ce congé du dimanche.
Je devrais juste finir en disant un mot sur les consommateurs de
croyance religieuse juive. Ces consommateurs juifs sont maintenant vraiment
désavantagés par le présent régime. Ils ne
devraient pas, par leurs croyances religieuses, faire le magasinage le samedi.
La plupart des commerces sont fermés le dimanche. Le vendredi soir,
c'est aussi leur sabbat. Alors, ceux qui travaillent, il y a aussi beaucoup de
couples de croyance religieuse juive partout dans la société
québécoise où les deux personnes, la femme et le mari,
travaillent et ça leur donne juste le jeudi soir pour faire tout le
magasinage. Si vous allez dans certains magasins à Montréal le
jeudi soir, vous penserez qu'il y a des milliers et des milliers de juifs
religieux à Montréal parce qu'ils font tout leur magasinage le
jeudi soir, ils n'ont pas le choix. Ça, ça me rappelle le
commentaire d'un journaliste pigiste, Claude Piché, dans La Presse
du 13 février 1990. J'espère que je vais lire ça sans
violer les droits d'auteur: "La loi présente oblige les gens à
vivre continuellement en course contre la montre. Les commerces sont ouverts
alors que personne ne peut aller magasiner et sont fermés alors que les
consommateurs auraient le temps d'y aller." Je pense que c'est surtout le
problème des consommateurs juifs. On peut régler ces
problèmes et les problèmes des autres citoyens
québécois en mettant, dans une loi sur le travail, la protection
des employés. (17 heures)
Le Président (M. Bélanger): Je vous invite à
conclure.
M. Jedwab (Jack): Si vous me permettez d'ajouter quelques mots
à la présentation de M. Lévy.
Le Président (M. Bélanger): C'est M. Jedwab.
M. Jedwab: M. Jedwab, oui. Est-ce que je me présente? Je
pense que je n'ai pas besoin. Je suis directeur des relations communautaires au
Congrès juif canadien. J'offre également un cours à McGill
sur les minorités au Québec au département de
sociologie.
Premièrement je veux dire que le Congrès juif a bien
apprécié la bonne volonté du gouvernement qui a
accordé une exemption aux observateurs du sabbat, je pense que
c'était en 1985. Mais, simplement, notre expérience
démontre que ça ne fonctionne pas, et c'est mis en
évidence, non seulement par la lettre qu'on a reçue... Ce n'est
pas la lettre que nous avons reçue de l'Église adventiste, mais
on a reçu une lettre de la Direction des services aux entreprises com-
merciales qui a envoyé une lettre à l'Église adventiste,
et ils ont référé leur cas au Congrès juif
canadien. Alors, j'espère que vous comprendrez que notre rôle
intermédiaire dans une telle situation n'est pas pour nous autres la
meilleure situation pour traiter des cas particuliers. En
général, ça soulève une autre question, c'est le
gouvernement, l'autorité gouvernementale pour enquêter, pas sur
les convictions religieuses, mais dans ce cas-là, c'était sur les
pratiques religieuses de certains individus. Je comprends très bien que,
dans un Québec qui n'est pas monolithique, où il y a des
personnes qui partagent des valeurs différentes, je comprends que les
intervenants... C'est terminé?
Le Président (M. Bélanger): Le temps est
écoulé, si vous voulez, très rapidement...
M. Jedwab: Vous avez un discours très éloquent! Je
vais arrêter là.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez, quand
même, finir votre point de vue.
M. Jedwab: Oui, juste encore une autre minute. Je vais essayer
d'être bref. Je comprends que l'intervention que vous avez entendue - moi
j'ai bien entendu l'intervention tantôt - où les
représentants étaient très préoccupés par la
qualité de la vie. Nous autres aussi, sommes aussi
préoccupés par la même question. Dans la communauté
juive, ce ne sont pas toutes les personnes qui respectent le sabbat, vous le
savez, bien sûr. Moi, par exemple, je suis laïc, mais, quand
même, je pense que c'est nécessaire de protéger les
observateurs du sabbat, qui ont leur propre rythme de vie, et avec plusieurs
autres personnes dans la société, qui ne partagent pas des
valeurs, je ne dirais pas, il n'est pas nécessaire de dire des valeurs
chrétiennes, parce qu'il y a des valeurs non-chrétiennes
où certaines personnes pensent que le dimanche doit être un
journée en commun, une journée de repos. Bien sûr, il y a
beaucoup d'autres personnes qui pensent que, pour eux-autres, ils ont leur
propre rythme de vie, et puis, ils pensent que c'est toujours possible dans la
société québécoise, qui est de moins en moins
homogène, que ça ne brise pas pour un grand nombre de personnes
qui veulent respecter le dimanche, cette possibilité. Je termine
là.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup. J'aimerais
que vous m'aidiez dans la réflexion, surtout du point de vue suivant:
À cause de vos convictions religieuses et de votre religion - pas juste
les convictions, de vos contraintes au niveau de votre religion - au
coucher du soleil et le samedi, vos commerces doivent être
fermés, pas nécessairement les vôtres, là. Donc, un
des problèmes qu'on a avec la loi, c'est l'équité.
Théoriquement, peut-être pas aujourd'hui, mais peut-être
dans un an, deux ans ou trois ans, si on permettait l'ouverture des commerces,
vos commerces, l'exception que vous demandez le dimanche, indépendamment
du nombre d'employés, ce que vous demandez également, ne pas le
limiter à trois, on pourrait très bien, dans une situation
où ces commerces-là feraient la concurrence à d'autres
commerces comme ça arrive présentement, sans vouloir mentionner
le nom des commerces. Étant donné qu'on veut avoir une loi
équitable, ce que vous nous dites, c'est: Oui, respectez nos valeurs
religieuses. Par contre, nous, ce qu'on dit, c'est: Tout le monde pourrait
ouvrir le dimanche puis ça ne nous dérangerait pas. Vous
êtes d'accord avec ça? En d'autres mots, vous ne nous dites pas,
parce que vous autres, vous avez des problèmes religieux, qu'il faut
fermer le dimanche. Ce que vous dites, c'est: Nous, on veut avoir le droit
d'ouvrir ie dimanche, indépendamment du nombre d'employés. Si
d'autres sont ouverts, tant mieux! Bon, parfait. Un, ça, c'est
clair.
Deuxièmement, vous allez même plus loin, vous faites une
suggestion pour dire, dans le fond: SI d'autres, pour des valeurs religieuses
ou pour d'autres raisons, fermaient, par exemple, le lundi et voulaient ouvrir
le dimanche, ils le pourraient. C'est ça que vous nous dites?
La Présidente (Mme Dionne): M. Levy.
M. Levy: Oui. Brièvement, on se demande à certains
moments pourquoi les religieux juifs devraient bénéficier d'une
exemption...
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Levy: ...sans que les autres communautés en
bénéficient.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Levy: On connaît les musulmans, par exemple; on ne
connaît pas toutes les religions, les croyances religieuses. Alors,
finalement, on dit ceci: Si quelqu'un ferme pour une raison une journée
de la semaine, il devrait ouvrir le dimanche. On peut dire pour des croyances
religieuses, mais le problème, en disant pour des convictions
religieuses, comment est-ce qu'on peut régler ça? On est dans le
même trou; ça veut dire que notre seule façon de
régler les convictions religieuses, c'est de demander à
quelqu'un: Quelles sont vos convictions religieuses? La Cour suprême du
Canada - je partage et je pense que la majorité des
Québécois partage cette opinion - dit que c'est contre nos
libertés et nos droits de citoyens de recevoir une enquête sur nos
convictions. Alors, si on ne permet pas une enquête sur nos convictions
religieuses, pour moi, la seule solution est de dire: Ceux qui ferment une
journée de semaine devraient ouvrir le dimanche. C'est comme ça
qu'on a abouti à cette logique.
M. Tremblay (Outremont): Comment réagi-riez-vous si on
disait qu'on ferme les commerces le dimanche, sauf s'il y a trois
employés et moins, tout le monde? Parce qu'on voit la complexité,
là. En fait, on parle de la communauté juive; on peut avoir la
communauté musulmane éventuellement. Si on regarde au niveau de
l'immigration, il y a d'autres communautés qui vont se joindre à
nous éventuellement et qui pourraient nous faire des demandes
spéciales pour dire: Nous autres, on a une journée de religion.
Est-ce que c'est au gouvernement de s'adapter aux immigrants qui viennent ici
ou si c'est au gouvernement de dire: On permet une certaine législation,
puis adaptez-vous à cette législation-là? En d'autres
mots, ce que je dis, c'est qu'il y a deux façons de le faire. On ouvre
les commerces le dimanche, donc tout le monde est sur le même pied. Vous,
vous êtes, à cause de vos convictions religieuses, peut-être
comme un catholique qui dirait: Moi, je n'ouvre pas le dimanche, vous, vous
n'ouvririez pas le samedi. Ça, c'est une possibilité. L'autre
possibilité, c'est de dire: On ferme, tout le monde, le dimanche.
M. Levy: La première possibilité ne nous nuit pas
du tout...
M. Tremblay (Outremorrt): C'est ça. M. Levy:
...c'est égal, c'est équitable. M. Tremblay (Outremont):
Oui.
M. Levy: La deuxième possibilité, ça nuit
aux commerçants religieux parce que, comme il a été dit
à l'unanimité par la Cour suprême du Canada dans une cause
qui date d'à peu près trois ans, si une personne doit choisir
entre ses convictions religieuses et son commerce, c'est-à-dire sa
façon de faire sa vie, ça viole ses droits religieux. Si une
personne est désavantagée parce qu'elle devra fermer deux jours,
un jour pour ses convictions religieuses et l'autre jour parce que la loi
l'exige, ça lui cause un problème, un conflit entre sa religion
et son mode de vie, son gagne-pain, et la Cour suprême a dit: Ça
viole carrément le droit à la liberté religieuse.
À notre avis, si on fait une restriction pour dire qu'on doit
couper l'exemption aux commerces qui opèrent avec trois personnes, pour
nous, ça crée une inégalité entre ceux qui peuvent
opérer chaque jour de la semaine avec trois personnes et les autres.
Alors, ça veut dire que quelqu'un qui n'est pas un juif religieux
peut
ouvrir son commerce avec 50 personnes le samedi, et le dimanche, c'est
fermé. Ça veut dire qu'il est ouvert six jours par semaine, et la
fin de semaine, c'est le plus important, comme tout le monde sait.
M. Tremblay (Outremorrt): Oui, mais mettons...
M. Levy: Peut-être que je ne réponds pas à
votre question.
M. Tremblay (Outremont): Je m'excuse de vous interrompre. Si on
oublie la nourriture "kosher", parce qu'on ne parle plus de ça, on
élargit, si j'étais, moi, un membre de la corn munauté
juive et s'il y avait un besoin réel des consommateurs, comme on semble
le voir, le dimanche, j'ai un créneau extraordinaire: je vais me
spécialiser dans l'ouverture d'un commerce où je ne suis plus
limité dans le nombre. On ne parle plus uniquement de nourriture, on
parle de tous les produits possibles. On va se ramasser dans une situation...
Je ne vise pas la communauté juive, là, je veux bien que vous
soyez conscient de ça, parce que vous avez mentionné tout
à l'heure les musulmans; puis si on veut avoir une vision dans deux ans,
dans trois ans, je verrais très bien, parce que les juifs sont des
personnes d'affaires, un scénario où on se dit: On ferme le
samedi, ce n'est pas plus grave que ça, mais on a un marché libre
le dimanche, puis on va commencer, dans tous les centres commerciaux, dans nos
environnements respectifs, non pas à vendre uniquement des biens
réservés à la communauté juive qui ne peut pas
magasiner ces jours-là, mais à élargir l'éventail
puis à prendre le marché le dimanche. Si c'est vrai qu'au niveau
des consommateurs il y a un besoin, comment je fais, en tant que
législateur, pour m'assurer que dans deux ou trois ans on ne crée
pas une concurrence illégale qui fait qu'on a les
inéquités d'aujourd'hui? Avez-vous une réponse à
ça? Comment vais-je faire, là?
M. Levy: Pour moi, c'est un choix entre deux situations
inégales. Maintenant, la situation est inégale pour les
commerçants de religion juive. Et dans votre situation, où il y a
juste des commerçants de religion juive qui peuvent ouvrir des commerces
de grande taille, ça peut être une situation inégale.
M. Tremblay (Outremont): Prenons les pharmacies d'escompte.
M. Levy: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Un exemple précis: si on arrive
à la conclusion qu'il faut fermer tous les commerces de trois
employés et moins le dimanche, on ferme, disons, 50 % des pharmacies
d'escompte. Par contre, l'autre 50 % - je n'ai pas les statistiques, je donne
ça juste à titre d'exemple - propriété, mettons, de
commerçants juifs, il a le droit d'ouvrir, indépendamment de la
superficie et du nombre d'employés. Comment je fais, là? Comment
je vais faire? Vous allez faire des affaires en or le dimanche, parce que ce ne
sont pas juste des membres de votre communauté qui vont aller acheter
dans ces pharmacies d'escompte, ou même dans des supermarchés. Je
vais aller sur la rue Saint-Laurent, à Montréal, puis je vais
ouvrir Warshaw, je vais ouvrir tous ces commerçants-là, puis
ça va être plein de monde comme ça. Je vais me
spécialiser dans le domaine touristique, je vais avoir des commerces, fa
même chose, parce que la communauté juive est partout. Elle est
partout, puis ce sont des commerçants. Comment je fais pour être
équitable avec les autres nationalités qui veulent réussir
en affaires? Vous voyez la dimension du problème.
M. Levy: Oui, je vois la dimension du problème, et c'est
pour ça qu'on est allés plus loin que dans les mémoires
qu'on a présentés les années passées. Parce que
maintenant on a élargi notre recommandation pour dire que l'exemption
devrait bénéficier à tous les commerçants qui
devront fermer leurs portes le samedi. Alors, pour mettre ces
commerçants sur le même pied que les autres commerçants,
ils devront...
M. Tremblay (Outremont): Je m'excuse, je suis d'accord; je l'ai
lu, ça, mais c'est impensable, parce que ia communauté juive est
concentrée sur certains territoires, puis ça ne serait pas
praticable que quelqu'un ferme le samedi. Peut-être que l'autre
possibilité serait qu'il faudrait que quelqu'un ferme un jour, mais
fà, les communautés qui ont un problème religieux nous
imposent leur problème religieux; en d'autres mots, le samedi, il faut
fermer.
Je ne l'ai pas, ia réponse. Je vous le dis, je ne l'ai pas. La
seule possibilité que j'ai trouvée à date, si on veut
répondre à ça, puis je le dis ouvertement, c'est qu'il
faudra ouvrir les commerces pour tout le monde le dimanche. Là, on
n'aurait pas de problème. Mais le jour où on ne fait pas
ça et on répond à votre demande, je ne sais pas comment on
va le régler. Mais je suis très conscient qu'une chose est
certaine: c'est beaucoup vous demander d'assumer la responsabilité de
nous donner un visa pour permettre à des commerces d'ouvrir. Je suis
conscient de ça, puis ce n'est pas facile.
L'autre problème que j'ai, pour en avoir discuté avec des
membres de votre communauté, c'est que, si je vous donne un monopole le
dimanche, vous allez l'exploiter au maximum, comme certains, puis je fais
abstration même de la communauté hassidique, je vais aller dans
une autre communauté membre de la communauté juive, ils
l'exploitent au maximum. La preuve, c'est qu'ils ferment. Ils ont deux, trais,
quatre et
cinq commerces et ils ferment les commerces où il y a moins de
monde le dimanche et ils ouvrent les autres. Alors, ils attirent la
clientèle dépen-damment des besoins des différentes
régions. Je ne sais pas. Peut-être que ça faisait... J'ai
sûrement dépassé mes dix minutes, mais vous allez
comprendre, Mme la députée de Taillon... (17 h 15)
Mme Marois: Remarquez, d'ailleurs, que je n'ai fait aucun
commentaire.
M. Tremblay (Outremont): ...et comment on va faire... C'est
ça. Comment je fais ça? Parce que ça, là, j'ai un
gros problème et peut-être que, là, vous pouvez
enchaîner et poser ces questions-là. On peut revenir. Essayez de
nous aider là-dessus.
M. Levy: Finalement, notre dernière recommandation...
Le Président (M. Bélanger): M. Levy
M. Levy: Merci. Notre dernière recommandation, c'est de
laisser les personnes qui ferment une autre journée de semaine ouvrir le
dimanche. Est-ce que c'est près de la solution d'ouverture pour tout le
monde le dimanche? Oui, je suppose que c'est très proche de cette
solution-là. En suivant la logique pour diminuer
l'inégalité entre les commerces juifs, on a abouti à cette
conclusion.
M. Tremblay (Outremont): Mais non le samedi. En d'autres mots, ce
que vous dites, c'est que, idéalement, celui qui ferme le samedi devrait
avoir le droit d'ouvrir le dimanche. Idéalement. Mais, en guise de
compromis, vous diriez: Si quelqu'un veut ouvrir le dimanche, il faut qu'il
ferme une autre journée dans la semaine.
M. Levy: On veut que tout le monde soit sur un pied
d'égalité.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais c'est parce que... Je veux
bien comprendre ce que vous dites, c'est important. Vous, vous dites: Nous,
nous sommes fermés le samedi. Donc, je suis pénalisé
à cause de mes valeurs religieuses une journée la semaine, le
samedi. J'ai cru lire - peut-être que je me suis trompé - que si
on ferme le samedi, si quelqu'un ferme le samedi, il peut ouvrir le dimanche.
L'autre chose que je vous ai entendu dire après, c'est: Oublions le
samedi. Si quelqu'un fermait une journée la semaine...
M. Levy: Oui.
M. Tremblay (Outremont): ...indépendamment du jour, il
pourra ouvrir le dimanche. Oui?
M. Levy: Oui.
M. Tremblay (Outremont): O.K. Très bien
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députéa de Taillon.
Mme Marois: Merci. Je vous remercie de votre contribution
à nos travaux. Effectivement, les questions soulevées par le
ministre sont évidemment les questions qui nous viennent
immédiatement en tête. En ce sens-là, je suis aussi
intéressée que lui à avoir les réponses que vous
nous donnez. On va essayer de départager un petit peu les choses.
D'abord, je pense que vous présentez bien le point de vue que vous
êtes un petit peu en porte-à-faux dans cette histoire de
recommander ou non et, en ce sens-là, je comprends très bien
votre point de vue et je pense que c'est tout à fait légitime de
faire cette recommandation-là. Quand on dit qu'on va vous consulter pour
que vous alliez, à votre tour, enquêter sur les croyances
religieuses, je me dis que c'est un peu... ça vous met dans une
situation, je pense, incorrecte. Donc, en ce sens-là, c'est
sûrement souhaitable que ce soit éliminé de la loi parce
que c'était... Ce n'était pas dans la loi comme dans un
règlement, je crois, qui avait été... C'est dans un
règlement. C'est ça que je regardais. C'est dans un
règlement, oui, c'est ça. C'est un décret qui avait
été passé. Bon, alors, mettons ça de
côté. Je pense que c'est tout à fait correct et logique.
Vous avez tout à fait raison. Peut-être que ma question, en ce
sens-là, devient un peu difficile à répondre, mais je la
pose quand même. À votre point de vue, combien de membres de la
communauté juive sont respectueux, en termes de proportion ou de nombre
à peu près, de cette conviction - ça ne veut pas dire que
les autres ne sont pas respectueux d'autres convictions, on s'entend bien -
mais du respect du jour du sabbat? Est-ce que vous avez une idée de la
proportion?
M. Jedwab: De la communauté juive, dans son entier...
Mme Marois: Oui.
M. Jedwab: ...vous voulez dire...
Mme Marois: Oui.
M. Jedwab: ...ou dans les personnes qui ont...
Mme Marois: Sur ie territoire québécois
M. Jedwab: ...demandé une exemption à la loi?
Mme Marois: Non.
M. Jedwab: J'ai mal compris.
Mme Marois: On pourrait regarder ceux qui ont demandé une
exemption. Je me demandais... C'est peut-être le ministre qui pourrait me
répondre sur ça parce que ça, ils ont ies données
au ministère. Je ne sais pas si vous gardez un registre, mais le
ministère en garde sûrement un. Non, moi, c'était
plutôt sur l'ensemble de la communauté: Combien de personnes ou
combien de gens d'affaires seraient concernés?
M. Jedwab: J'estime que ça dépend, parce qu'il y a
différents niveaux de pratique...
Mme Marois: Oui, bien, c'est ça.
M. Jedwab: ...même à l'intérieur de la
communauté juive qui... Je suis certain que la plupart d'entre vous
connaissez un peu... même dans les communautés plus religieuses,
il y a différentes formes de pratique.
Mme Marois: Tout à fait.
M. Jedwab: Mais j'estime que, pour les observateurs du sabbat, il
y a à peu près 20 % ou c'est entre 10 %et20 %, ça
dépend.
Mme Marois: D'accord.
M. Jedwab: Ça dépend, c'est-à-dire que, dans
la communauté juive, il y a environ 100 000 personnes. On parle... on
pourrait dire 10 000.
Mme Marois: Qui seraient...
M. Jedwab: 10 000
Mme Marois: C'est ça, très...
M. Jedwab: Qui sont des observateurs du sabbat. Ce ne sont pas
nécessairement des hassidiques.
Mme Marois: Non, non, je fais bien la distinction. Est-ce que...
et là, par exemple, je veux voir sur le fond aussi de la question:
est-ce que, pour la communauté jufve pratiquant le respect du jour du
sabbat, il y a aussi obligation que le commerce soit fermé, même
si des gens qui y travaillent, comprenez-vous, ne sont pas
nécessairement de cette conviction-là, enfin, ne partagent pas
nécessairement les convictions, par exemple, d'un patron?
M. Jedwab: Ça dépend encore. Ça
dépend. Dans certains cas, oui; dans certains cas, non.
Mme Marois: Certains vont jusqu'à évaluer qu'il est
nécessaire que leur propre...
M. Jedwab: Mais, dans le cas de ces personnes qui permettent
à leurs employés de travailler le samedi, la loi n'a pas un
impact direct sur eux mais...
Mme Marois: Parce que vous voyez un petit peu où je veux
en venir, en ce sens où la loi pourrait s'appliquer
généralement avec un bloc de fermeture le dimanche, etc. Et que,
dans un commerce où les personnes concernées, étant
pratiquantes, décident qu'elles ne travaillent pas mais le commerce ne
ferme pas nécessairement, il peut y avoir du remplacement par des gens
qui, eux, ne partagent pas les mêmes convictions ou ne pratiquent
pas.
M. Jedwab: Oui, mais il reste toujours - il ne faudrait pas
oublier ça - la question des consommateurs que M. Levy a
mentionnée tantôt...
Mme Marois: Ça, je vais y venir, c'est pour ça que
j'ai essayé de solutionner un peu le problème là.
Prenons-les l'un après l'autre.
M. Jedwab: Ce n'est pas facile. Même les juifs qui
étaient ici, au début du XXe siècle, ont vécu le
même problème. Il y avait même un débat à
l'Assemblée nationale - l'Assemblée législative à
cette époque - sur cette question. Mais il faut dire une chose, c'est
que même si la majorité des membres de la communauté juive
ne pratique pas ou n'observe pas le sabbat dans sa pratique, ils
défendent le principe qu'ils voient dans cette question parce que, parmi
ce grand pourcentage de personnes qui ne sont pas des observateurs du Sabbat,
ils n'ont pas nécessairement un respect religieux pour le dimanche non
plus. Alors, il se trouve parmi un grand nombre de personnes qui respectent la
loi parce que c'est la loi de l'État, mais qui ne croient pas
nécessairement que le dimanche doive être une journée de
repos. Alors, quand nous autres et les membres de notre comité de
relations communautaires défendons notre position, c'est une question de
principe, premièrement, et, deuxièmement, on pense que ces
minorités dans la communauté juive doivent être en mesure
de pratiquer leur religion à pleine capacité.
Mme Marois: Oui. La troisième question que je voulais
soulever - et je pense que ma collègue a une autre question aussi -
c'est le fait... Je comprends aussi le problème que peut avoir un
consommateur qui se trouve dans cette situation-là et qui voit son temps
réduit à une portion congrue pour faire ses courses, mais si - et
c'est une des hypothèses aussi qui sont sur la table - on parle
d'allonger les heures d'ouverture d'un autre soir dans la semaine, par exemple,
le mercredi, est-ce que ça ne répondrait pas, en partie - je sais
que ce n'est pas complet, bien sûr, je suis bien consciente de ça
- au besoin
qu'ont les gens d'avoir un nombre d'heures un peu plus grand pour avoir
accès aux biens nécessaires pour vivre, quoi?
Le Président (M. Bélanger): Richard Levy.
M. Levy: Pour répondre à ça, oui, ça
va améliorer la situation pour ceux qui devront faire toutes leurs
courses le jeudi soir, mais il reste le fait que, pour tout le monde dans notre
société comme dans la plupart des sociétés de
l'Ouest, les deux journées du week-end sont les journées
où les enfants n'ont pas d'école, les adultes ne travaillent pas.
D'habitude, les personnes que je connais, je pense, ont un peu
répondu... elles font le magasinage, les courses un des jours et,
l'autre jour peut-être, elles font des activités, du ski, du sport
avec la famille. Maintenant, parce que, à cause de la loi, on est un peu
coincés, un peu dirigés pour faire les activités du
magasinage le samedi et les autres activités le dimanche, les juifs qui
ne sont pas...
Mme Marois: Pratiquants.
M. Levy: ...pratiquants mais souhaitent être un peu
pratiquants - parce qu'il y a tous les degrés, comme pour les
chrétiens - maintenant, ils ont vraiment cette force législative
de faire toutes les courses le samedi. S'ils avaient le choix, ils pourraient
choisir le dimanche pour faire les courses, pratiquer cet aspect de la religion
juive et passer le temps avec leur famille le samedi. Alors, je pense qu'il y a
cet aspect aussi qui n'est pas réglé par l'ouverture des heures
de commerce le mercredi soir.
Mme Marois: D'accord, ça va pour moi. Je pense que ma
collègue a une question à soulever.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Chlcoutimi.
M. Tremblay (Outremont): Excusez-moi, juste une question
d'information. Est-ce que j'ai bien compris qu'un Juif non pratiquant -
peut-être que j'étais distrait - pourrait, à cause de
l'ouverture le dimanche, au niveau de sa qualité de vie, pratiquer,
retourner à la pratique le samedi pour profiter du dimanche, si on
répondait à votre demande. Est-ce ça que vous avez
dit?
M. Levy: Tout est possible.
M. Tremblay (Outremont): Qu'il y a des juifs qui sont non
pratiquants parce qu'ils ne peuvent pas magasiner le dimanche. Je le pose d'une
autre façon.
M. Levy: Oui, avec peut-être ce petit exemple pour bien
clarifier le point. Pour être un peu personnel, moi, je ne suis pas un
juif pratiquant, mais j'essaie de faire quelque chose que les juifs pratiquants
font le samedi, soit la lecture avec mes enfants, par exemple, les promenades
et tout ça. Mais je n'ai pas de croyances très fermes, ce qui
veut dire que, pour toutes sortes de raisons, je garde mes convictions
religieuses et je suis toutes les règles. Mais si j'avais plus de choix,
je pense que je suivrais plus les règles. Faire plus que je fais le
dimanche, le samedi, c'est difficile pour mol, pour l'instant.
Mme Marois: Oui, ma collègue, M. le Président,
voudrait...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Brièvement,
parce que je sais que le temps est presque écoulé. Si j'ai bien
compris vos explications, tout à l'heure, dans les chiffres que vous
nous fournissez, vous dites qu'il y a entre 10 % et 20 % de la
communauté qui sont pratiquants. Pour voir si vraiment il y a un rapport
qui observe le sabbat, à ce moment-là, pour bien voir s'il y a un
rapport entre la pratique et le fait que les commerces sont ouverts ou non le
dimanche, il faudrait voir un peu ce que ça donne aux États-Unis,
par exemple, il faudrait établir des comparaisons. Là, je vous
dis, là-dessus, j'imagine... Peut-être l'avez-vous fait, mais si
ça se fait comme dans notre propre religion, je pense que ça se
ressemble un peu, il y a un peu plus de liberté là-dedans et plus
de variantes.
Il y a 10 % ou 20 %, disons, au maximum 20 % de votre communauté
qui sont pratiquants, qui observent le sabbat. De cette communauté, on
estime à combien le nombre qui seraient propriétaires de
commerce? Parce que pour se donner une idée de ce que ça veut
dire, faut-il savoir combien sont effectivement affectés par cette
mesure alors qu'on sait que ceux qui ne pratiquent pas - et ce sont les plus
nombreux, 80 % - peuvent ouvrir et le samedi et le dimanche, s'ils ont moins de
trois employés. Donc, ils ont des avantages que n'ont pas... Non?
M. Tremblay (Outremont): Non.
Mme Blackburn: Non? Parce qu'il faut vraiment qu'on mesure le
degré de pratique.
M. Tremblay (Outremont): Ils peuvent ouvrir le dimanche
uniquement avec trois employés ou moins, s'ils ferment le commerce au
coucher du soleil le vendredi et le samedi.
Mme Blackburn: S'ils ferment le samedi. D'accord. Alors, revenons
à la question principale. Vous avez donc 80 % de votre commu-
nauté qui ne sont pas affectés par l'ouverture ou la
fermeture des commerces le dimanche. Mais ça représente combien,
en chiffres réels, qui ne peuvent pas compenser en ouvrant le dimanche?
Alors, combien en avez-vous dans vos 20 % -parce que je mets le maximum - qui
sont effectivement affectés?
M. Levy: Moi, je ne connais pas ces chiffres.
M. Jedwab: On n'a jamais fait de sondage de la sorte, même
si, au Québec, on est forts dans les sondages. Nous autres, on n'a
jamais fait un sondage pour mesurer ça. Comme je l'ai mentionné
tantôt, pour nous autres, c'est plutôt une question de principe
qu'une question de chiffres. Je comprends que, pour M. Tremblay ou pour les
autres, ça pourrait être plus important d'obtenir un aperçu
sur les chiffres mais, pour nous autres, ça devrait être, enfin,
une question de principe. On défend des principes de ce groupe
minoritaire, même dans la communauté juive entière.
M. Tremblay (Outremont): Avec votre permission, M. le
Président, je veux juste donner...
Le Président (M. Bélanger): II reste quelques
minutes à votre formation.
M. Tremblay (Outremont): En fait, je ne suis pas... 59...
Mme Marois: II y en a combien? C'est ça qu'il avait
demandé comme... (17 h 30)
M. Tremblay (Outremont): Depuis 1985, pour votre information, les
dispenses accordées pour le jour du Sabbat, il y en a eu 59.
Mme Marois: Au total?
M. Tremblay (Outremont): Au total, c'est 59. Mais, aussi, il faut
dire que tous les commerces de trois employés ou moins...
Mme Blackburn: Ça veut dire que ce sont les plus
gros...
M. Tremblay (Outremont): ...parce qu'on parle souvent de petits
commerces.
Mme Blackburn: Les plus gros.
M. Tremblay (Outremont): Un point important, c'est que tous les
commerces de trois employés ou moins ne nous ont jamais demandé
d'autorisation parce qu'ils ont le droit d'ouvrir le dimanche.
M. Levy: Est-ce que vous dites que les commerces qui ont moins de
trois employés sont...
M. Tremblay (Outremont): Non pas dans tous les secteurs, mais
dans l'alimentation.
M. Levy: Ah! dans l'alimentation. C'est vrai. Ils entrent dans
notre exemption.
M. Tremblay (Outremont): Non pas dans tous les secteurs. Je veux
dire dans les secteurs exemptés et, principalement, l'alimentation.
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais un petit
peu d'ordre parce qu'il y a des conversations parallèles et ça
devient très difficile à suivre.
Mme Marois: On s'excuse, M. le Président, c'est parce
qu'on essaie de bien comprendre les proportions, les données, etc.
Là, on veut bien comprendre que la règle des trois
employés s'applique aussi en semaine, s'ils peuvent ouvrir le
dimanche.
M. Tremblay (Outremont): En tout temps.
Mme Marois: On s'entend. Bon, voilà. C'est ça.
D'accord? Alors, c'est la même...
M. Tremblay (Outremont): En tout temps.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Vous avancez un principe intéressant mais
qui, finalement, trouve ses limites dans notre organisation de
société qui prévoit l'ouverture des bureaux du lundi au
vendredi, des écoles, ainsi de suite. Vous dites, en page 7 de votre
mémoire, au dernier paragraphe: "...II est impératif que
toute famille québécoise ait le plus de liberté possible
pour déterminer ses propres loisirs ainsi que ses jours de repos." Il
est évident que les jours de repos, au Québec, pour vous, c'est
le samedi, pour nous, c'est le dimanche, parce que ça peut difficilement
être un autre jour de la semaine. Si vous avez des enfants, si vous
faites des affaires et, finalement, si vous travaillez dans un bureau ou
êtes à l'université, comme c'est le cas chez vous, la
limite existe dans notre organisation même, on n'a pas ce loisir de le
prendre n'importe quand. Je trouvais que c'était un argument qui
était...
M. Jedwab: Quand vous avez mentionné "pour vous" et "pour
nous"... Je pense qu'il y a un grand nombre de personnes qui ne reconnaissent
pas de façon... dans leur foi, enfin, que c'est ou le dimanche ou le
samedi. Alors, je dois me joindre un peu à eux, dans ces circonstances,
parce que je ne veux pas simplement approcher la question de façon
paroissiale. Et comme je
suis une personne qui ne pratique pas, ni le dimanche ni le samedi, et
que je suis en contact avec un grand nombre de personnes de diverses
communautés, je dois dire qu'eux, comme Québécois et
Québécoises, ils veulent avoir un certain contrôle sur leur
propre rythme de vie. Je sais que ça pose un problème quand on
essaie de légiférer sur ces questions, mais j'essaie seulement de
vous présenter un peu l'opinion d'un grand nombre de personnes dans tous
les secteurs.
J'aimerais ajouter une autre chose. J'ai entendu, lors d'une
dernière intervention, qu'il y aura un grand Impact sur les immigrants
qui arrivent Ici parce qu'ils seront forcés de travailler le dimanche.
Ça, c'est l'ancienne hypothèse. Je ne suis pas certain si on
pourra confirmer une telle hypothèse mais, parmi les immigrants... Je
travaille et je participe à une table de concertation sur les
réfugiés et dans plusieurs autres organismes qui s'occupent des
préoccupations des immigrants et des réfugiés, et je suis
loin d'être certain qu'ils ne pensent pas que, pour maintenir leur propre
rythme de vie, ils préfèrent que les commerces soient
fermés le dimanche.
Mme Marois: J'aimerais réagir juste une minute à ce
que vous dites. Je comprends très bien votre point de vue et je suis
très consciente de ce pluralisme dans lequel on est, comme
société, et aussi le respect de cette pluralité devant
laquelle on se retrouve. Je ne veux pas non plus défendre le groupe qui
est passé avant, mais quand ils parlaient des personnes immigrantes qui
seraient davantage concernées par la précarité du travail,
on sait, statistiquement parlant, qu'un certain nombre de membres des
communautés immigrantes, non pas tous mais un nombre significatif et
important, vivent effectivement des conditions de travail précaires. Et
on risque de précariser davantage le travail en le morcelant pour, en
tout cas, une majorité. Et c'est plus dans ce sens-là, je pense,
que ça a été apporté.
M. Jedwab: Oui.
Mme Marois: Mais je comprends aussi le point de vue que vous
défendez.
M. Jedwab: Je comprends votre point de vue. Je voulais seulement
dire que je pense que c'est mieux pour les immigrants de présenter leur
point de vue. Je ne me présente pas comme porte-parole pour les
immigrants mais je ne pense pas que personne d'autre ne pourrait être un
porte-parole pour eux non plus. Alors, peut-être que c'est mieux de
demander aux groupes immigrants de savoir ce qu'ils pensent de cette question
au lieu de dire qu'on protège les immigrants, qu'on les protège
de telles lois. C'est tout.
Mme Marois: Oui, mais a contrario, je vous dirais...
c'est-à-dire je vous retournerais le fait que vous qui êtes un
non-pratiquant, vous défendez quand même les pratiquants et je
pense que c'est correct aussi, d'accord.
M. Levy: Si vous me permettez un dernier point qui a
été soulevé sur la question de trois employés. Je
ne me souviens pas si ce point a été fait. Parce que l'exemption
s'applique à la personne qui doit travailler avec trois employés
toutes les journées de semaine. Ça veut dire que la personne qui
a bien réussi dans son commerce ne peut pas engager une quatrième
ou une cinquième personne et va perdre son exemption. C'est très
Important de s'en souvenir.
M. Tremblay (Outremont): Non, ça, j'en suis très
conscient. Dites-moi une chose. Est-ce que vous pourriez sur une question...
Les juifs pratiquants, est-ce qu'ils pourraient le samedi ouvrir pareil en
engageant des juifs non pratiquants? Est-ce que c'est réaliste
ça?
M. Levy: Je ne suis pas une autorité dans (a loi juive. Je
sais qu'il y a des difficultés et que j'ai... Il y a quelques
années, j'ai abordé ces questions et c'était assez
complexe. Il faut vraiment faire quelque chose, une structure corporative qui
est assez complexe pour essayer de dire que la personne ne travaille pas. Ce
n'est pas simplement une question d'engager des employés non juifs. Mais
plus que ça, peut-être je vais me renseigner et si c'est possible,
me renseigner sur la question et présenter un mémoire en surplus
sur cet aspect de la question spécifique, si ça peut vous
aider.
M. Tremblay (Outremorrt): La raison pour laquelle je pose cette
question-là, c'est que c'est vrai qu'on a eu juste 59 demandes
d'exemption. On ne compte pas les trois commerces et moins. Mais si on regarde
la tendance, si on crée une autre exception, parce que, aujourd'hui, on
parle des juifs, demain, on va parler des musulmans et après-demain, on
va parier d'une autre communauté, ça serait purement logique
qu'éventuellement, on se trouve un créneau particulier pour
ouvrir les commerces le dimanche dans ces religions-là et c'est normal.
Pourquoi pas? On va en profiter. On est seuls le dimanche. Alors, moi, la
raison pour laquelle je vous pose cette question-là, et je veux que vous
l'ayez à l'esprit, nous revenir, est-ce que c'est possible, si jamais on
décrétait la fermeture des commerces le dimanche pour tout le
monde sauf trois employés et moins, que vous puissiez compenser le
samedi en engageant soit des non-juifs ou d'autres nationalités pour ces
commerces-là qui ne peuvent pas pour des considérations
religieuses ouvrir le samedi? J'aimerais ça si vous aviez une chance de
nous déposer juste un avis. Il y a d'autres communautés juives
qui vont venir. On
va poser à nouveau la même question. Peut-être que
vous pouvez y penser et en parler entre vous tout à l'heure et nous
donner la réponse par le biais des autres organismes.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Taillon, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Marois: Je vous remercie de l'éclairage que vous
apportez à la commission, aux travaux de la commission. Je pense que
vou3 soulevez effectivement un problème réel, un problème
concret qui n'est pas facile nécessairement à résoudre
mais, évidemment, auquel on doit faire face quand on est un gouvernement
responsable. On doit assumer que ces décisions auront des
conséquences en souhaitant qu'elles soient le moins pénalisantes
possible et qu'elles ne le soient pas du tout à la limite pour votre
communauté. C'est, bien sûr, ce qui est souhaitable. Mais
ça se fait quand même dans ce cadre-là. Je vous remercie de
votre contribution à nos travaux.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. Levy, M. Jedwab, je suis encore
très préoccupé par cette question-là. Que vous en
soyez... Je comprends votre problème. Je suis d'autant plus
préoccupé qu'étant député du comté
d'Outremont, j'ai 3500 électeurs qui représentent votre
communauté qui sont de très bons commerçants. Je suis
très sensible pour en avoir discuté avec les différents
membres des communautés. Mais il faut trouver un mécanisme,
j'aimerais ça, on ne l'a pas trouvé, qui va être
équitable pour tout le monde et qui ne fera pas, quand je le dis... on
veut avoir une loi applicable, une loi gérable, et une loi durable. Il
ne faudrait pas, à cause d'autres demandes qu'on pourrait avoir dans les
années à venir, être obligés de rouvrir la loi et de
créer un vide qui va permettre à des gens d'affaires, comme les
membres de votre communauté qui sont très d'affaires, de profiter
de ça pour créer une concurrence à d'autres
commerçants qui ne pourront pas ouvrir le dimanche, si jamais il y a un
besoin réel des consommateurs d'avoir accès aux commerces le
dimanche. Alors vous nous avez donné, par contre, des
éléments de solution, il y en a au moins deux que vous avez
mentionnés. Un c'est: on pourrait ouvrir le dimanche; deux, c'est de
dire: La personne qui voudrait ouvrir le dimanche doit au moins fermer un autre
jour de la semaine. Ça serait une position de compromis si je retiens
bien ce que vous avez dit, parce que initialement, vous nous disiez: Si
quelqu'un ferme le samedi il peut ouvrir le dimanche. Là on pourrait
dire: Si quelqu'un ferme un jour de la semaine, il pourrait ouvrir le dimanche.
Je ne dis pas que c'est ça. Dans notre réflexion on peut au moins
garder ça à l'esprit.
Alors je vous remercie beaucoup. Il y a d'autres membres des
communautés, je pense, qui vont venir. Peut-être que vous pouvez
en discuter entre vous pour nous revenir avec des solutions, parce qu'on n'en a
pas trouvé encore.
M. Levy: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Bien, alors la
commission de l'économie et du travail remercie les représentants
du Congrès juif canadien et Invite à la table des témoins
l'Archidiocèse de Montréal.
Alors j'inviterais tout le monde à reprendre sa place, s'il vous
plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!
À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais à chacun de bien
vouloir reprendre sa place. Nous avons déjà du retard sur notre
horaire et une formation politique a un caucus et... s'il vous plaît je
demande à chacun de bien vouloir reprendre sa place. Nous recevons
présentement l'Archidiocèse de Montréal. Alors, messieurs,
si vous voulez bien d'abord, dans un premier temps, vous présenter, vous
Identifier et identifier votre porte-parole, et procéder à la
présentation de votre mémoire, nous vous écoutons. Je vous
rappelle que vous avez 20 minutes fermes, pas une seconde de plus, pour la
présentation de votre mémoire. Ce n'est pas une limite qu'on vous
impose à vous, c'est que nos horaires très chargés nous
les imposent eux-mêmes. Alors je vous en prie donc, procédez.
Archidiocèse de Montréal
M. Parenteau (Jules): M. le Président, je dois d'abord
vous exprimer mes vifs remerciements pour nous donner la chance d'exercer un
privilège démocratique de paraître dans une commission
parlementaire. C'est une expérience qui m'a séduit, et j'ai pris
le risque de venir ici avec des collègues vous exposer le point de vue
que nous avons, à Montréal, sur la problématique de
Montréal un peu, sur certains aspects que j'ai pu partager avec la
coalition et aussi pour répondre à vos questions.
Je m'appelle Jules Parenteau, je suis directeur adjoint de l'Office des
oeuvres. Je ne suis pas un spécialiste des questions économiques
et sociales. J'ai simplement le privilège d'être le frère
de Roland Parenteau, qui est un économiste assez réputé et
avec qui je partage depuis 45 ans sur ces questions-là. Je suis un
praticien, plutôt, ayant travaillé dans des paroisses
ouvrières. J'ai été curé, vicaire et aumônier
d'hôpitaux. C'est dans ce domaine-là que j'excerce mon
ministère et c'est là aussi que je peux observer beaucoup de
choses qui ajoutent à notre expérience pastorale. (17 h 45)
Je vous présente mes collègues. D'abord, Mme Micheline
Morency qui est directrice adjointe à l'Office des oeuvres. Elle a
été gestionnaire dans le secteur des affaires à un assez
haut niveau. Maintenant, elle est responsable de la pastorale des groupes
communautaires des oeuvres sociales de Montréal et elle s'occupe du
réseau d'aide de tout ce qui demande un support, une animation, parce
qu'il y a énormément de besoins dans la région de
Montréal, surtout depuis que certains programmes de services sociaux ont
été éliminés ou diminués. M. André
Lafrance, à ma gauche, qui a un diplôme en sociologie. Il est
commissaire à la Commission des écoles catholiques de
Montréal, président du Conseil pastoral de sa paroisse,
Sacré-Coeur, dans une zone un peu défavorisée, le
centre-sud de Montréal. Aussi, M. Gérard Valade, qui est, de
profession, un enseignant, qui est maintenant le directeur de l'Office de la
famille et qui remplace M. Fortin, qui est actuellement au Conseil de la
famille. J'ajoute que nous représentons aussi un peu l'opinion du
Conseil des catholiques d'expression anglaise. Ils sont parfaitement d'accord.
Nous sommes parfaitement unis. Nous venons, non seulement en notre nom, mais
aussi en communion de pensée avec le Comité episcopal des
affaires sociales de l'Assemblée des évêques du
Québec et aussi avec la Coalition contre l'ouverture des magasins le
dimanche et la Fédération des ACEF. Nous avons, depuis le
début, suivi leurs délibérations, leur cheminement
vis-à-vis certaines conclusions ou autres et nous voulions aussi en
témoigner quelque peu.
Maintenant, je dois vous avouer qu'après avoir entendu la
première heure, je réalise que tout a été dit. Je
ne voudrais pas tellement répéter sur l'exposé des
valeurs, peut-être simplement souligner quelques aspects pratiques et
puis peut-être prendre aussi d'autres trajectoires pour aller
peut-être au même but qui est quand même de défendre
des mêmes valeurs.
Notre position est résumée comme ceci. Assurer tout au
cours de cette remise en question, de ce débat, le respect et la
primauté des valeurs fondamentales de la personne humaine dans le
domaine commercial par la sauvegarde d'une journée commune de repos qui,
au Québec, est traditionnellement fixée au dimanche pour les
besoins de la cause. Évidemment, j'ai le plus grand respect pour toutes
les demandes de la communauté juive puisque je suis
intéressé au dialogue judéo-chrétien depuis mes
années de grand séminaire.
Ensuite, deuxièmement, une opposition ferme à toute mesure
de libéralisation sauf pour des exemptions prévues et suffisantes
- s'il y en a d'autres qui se présentent - des heures d'ouverture de
commerce le dimanche, y compris dans le secteur alimentaire. Dans ce domaine,
nous endossons la position de la Coalition dans le domaine de notre
compétence, parce que nous n'avons pas compétence pour toutes les
modalités techniques de l'application de ces lois.
Troisièmement, défense et promotion de la meilleure
qualité de vie sous toutes ses formes gravement menacée par
l'érosion inévitable et irréversible du respect social
dû à cette journée commune de repos. Nous ne sommes pas
fatalistes mais nous savons que la société, quand même,
s'oriente dans un sens qui peut être menaçant et, avant que nous y
soyons rendus, peut-être qu'il est mieux de sonner l'alarme un peu.
Nous faisons un peu l'historique de notre participation. C'est un peu
important pour comprendre nos positions. D'abord, nous savons que les
évêques du Canada et du Québec interviennent depuis un bon
bout de temps sur la question du dimanche. Je ne parle pas de l'aspect
religieux qui est une question qui concerne les croyants et qui
n'intéresse peut-être pas la société en
général, quoique des chrétiens qui croient à leurs
valeurs, qui les mettent en pratique, qui essaient de conformer leur conduite
à leurs paroles ou à leur credo ne sont pas de très
mauvais citoyens. C'est reconnu habituellement par les sociologues que ceux qui
sont fidèles à leurs églises sont aussi, la plupart du
temps, d'excellents citoyens.
Les interventions de l'épiscopat du Canada et du Québec
révèlent un peu aussi par les titres des documents, un peu,
l'évolution des églises vis-à-vis ce
phénomène du dimanche. Je vous les signale. En 1986, il y a eu
une lettre pastorale des évêques du Canada, sous le titre "Le sens
du dimanche dans une société pluraliste". On répondait en
particulier à l'accusation que le dimanche était un idéal
sectaire chrétien. Ça a été développé
assez longuement par les évêques. En 1987, un journal,
Parabole, de la Société catholique de la Bible, a fait un
numéro spécial complet sur le dimanche intitulé: Un repos
bien mérité, en prenant racine dans la Bible et en montrant le
déroulement jusqu'à nos jours. En 1988, il y a eu un appel des
évêques du Québec et on a envoyé aussi aux
fidèles un dépliant, au-delà de 100 000 exemplaires. Ce
dépliant-là est intitulé "Le droit au repos", et, à
l'intérieur, "Libérez le dimanche. Le dimanche n'est pas un jour
comme les autres. Libre des activités commerciales habituelles, c'est un
jour favorable pour se reposer des contraintes du travail, renouveler nos
énergies physiques et mentales, briser l'isolement qui compromet
l'épanouissement des personnes, se retrouver soi-même et retrouver
les personnes qu'on aime, maintenir et renforcer des liens d'amitié,
intensifier les relations humaines dans la gratuité, bâtir des
liens interpersonnels et communautaires, profiter de la détente et des
activités de loisir, développer des talents que les milieux de
travail ne peuvent pas accueillir, prier et rencontrer Dieu."
Voyez que la préoccupation religieuse n'était pas le but
principal, c'était de défendre une valeur qui est
rattachée au dimanche depuis que la Bible nous a dit que Dieu s'est
reposé le
septième jour. Une parabole, si vous voulez, une comparaison,
mais quand même qui montre l'importance de cette tradition
judéo-chrétienne. Ensuite, en 1988, en 1989, il y a eu plusieurs
messages épiscopaux de différents diocèses. En cette
année, aussi, il y a un bulletin qui s'appelle "Liturgie, foi et
culture", qui était autrefois uniquement bulletin de liturgie,
maintenant on fait un rapprochement, une espèce d'harmonie entre la
liturgie, la foi et la culture, c'est nouveau. Le numéro spécial
qui vient de paraître, il y a quelques mois, "Le dimanche
éclaté". Nous sommes assez réalistes, je pense, en
église, pour réaliser que le dimanche ne peut pas se vivre comme
autrefois.
On nous accuse parfois de vouloir revenir au Québec du
début du siècle, ou bien on dit que ce débat est une
querelle de clocher. Non, je pense qu'il y a pour nous une préoccupation
sincère pour le bien des concitoyens, quels qu'ils soient, même
ceux qui ne sont pas catholiques. Nous voulons que l'on n'oublie pas ces
valeurs qui nous paraissent primordiales dans une société
où la loi du marché, les impératifs économiques
sont en train de vouloir s'affirmer avec des moyens considérables. J'en
ai entendu parler pas mal au moment des discussions de la Coalition. Je
n'entrerai pas dans les détails pour le moment. Je voudrais donc vous
dire que, quand j'y suis allé, j'y suis allé comme observateur et
ce n'est pas moi qui devais y aller. Comme tout le monde était
très occupé, et moi également d'ailleurs, j'y suis
allé par curiosité, simplement pour voir ce qui se passait. J'ai
été très Impressionné par la rencontre des
laïcs qui étaient là. Ils étaient très
nombreux, plus nombreux qu'ici, et ils étaient des gens
représentant les syndicats, les consommateurs et les commerçants
de toutes sortes. C'était une assemblée considérable. J'ai
été invité à plusieurs reprises et j'ai
été, je vous le dis franchement, séduit par leur approche,
leur honnêteté, leur désintéressement et leur haut
idéal pour leur famille, leur société. C'est entendu
qu'ils discutaient de leurs intérêts économiques, mais
j'entendais aussi à tout instant un rappel que c'était d'abord
une question de qualité de vie, une question de projet de
société, une question de tissu social à préserver.
Ça revenait souvent au cours des réunions.
J'ai été très impressionné, et ce sont ces
laïcs-là qui m'ont converti à la cause, qui,
jusque-là, me laissait peut-être tiède, je dois l'avouer
à ma courte honte. Alors, je les ai accompagnés tout au long, je
n'ai jamais senti aucune pression, aucun désir de
récupération de l'influence de l'Église, je tiens aussi
à le dire. J'étais parfaitement libre, et ils ne nous ont jamais
talonnés, simplement: venez voir, venez participer, venez écouter
ce que vous voulez parmi nous. Ensuite, nous avons donc décidé de
nous compromettre, non seulement sur la question des principes et des valeurs,
qui est un peu de notre compétence, mais aussi sur les solutions
techniques. Nous avons adopté celle de la Coalition et celle de la
Fédération des ACEF, globalement. Nous ne sommes pas
équipés, à tous points de vue, pour défendre tous
les aspects techniques, les modalités, j'espère que vous me ferez
grâce de cet aspect-là. Nous voulons simplement avertir que nous
croyons qu'il y a une qualité de vie à préserver et qu'il
y a des valeurs à promouvoir. Donc, nous avons rédigé ce
mémoire dans des conditions un peu difficiles, parce que notre travail
était un petit peu interrompu par toutes sortes de contraintes. Mais
comme il reprend fondamentalement presque les idées d'autres
mémoires, je n'insisterai pas trop. Je compterai plutôt sur vos
questions pour qu'on approfondisse un point ou l'autre.
Nous sommes d'accord avec la considération des besoins
réels du consommateur, comme nous le disons, comme il a
déjà été dit, ces besoins sont non moins
réels quand ils touchent à des choses invisibles. L'invisible est
aussi du réel. Le spirituel est aussi du réel, ce n'est pas du
rêve, de l'imagination. C'est ce que nous croyons. Le consommateur est un
être qui exerce une fonction da consommateur, à un moment
donné, mais il est d'abord une personne humaine, un homme ou une femme,
il est peut-être responsable de famille ou seul, il est en relation avec
d'autres et tout cela vit en lui pendant qu'il consomme, ne l'oublions pas.
Nous identifions quelques besoins. C'est plutôt une espèce de
table. L'alimentation c'est un besoin, le vêtement, logement, le repos,
la détente. Alors il y a l'aspect de loisir, la "participaction",
à laquelle on nous invite systématiquement. Il y a aussi tout
l'appel de communion à la nature qui rejoint un peu aussi le mouvement
écologique. Ce sont des besoins réels et ces besoins-là ne
sont peut-être pas facilités tellement par le rythme de vie
moderne. Nous souhaiterions peut-être qu'une organisation de la vie
sociale, du travail et des loisirs favorise plus cette liberté de choix
pour ces valeurs.
Deuxièmement, on parle des besoins émotifs. J'ai eu le
privilège, comme prêtre accompagnateur, d'accompagner des couples
du mouvement Renouement conjugal en fin de semaine... D'ailleurs, depuis 1946,
je m'occupe de mouvements de couples, c'était des mouvements des couples
ouvriers, ensuite la préparation au mariage, et ainsi de suite. Depuis
bientôt 45 ans, je suis régulièrement en contact avec
beaucoup de couples et je constate que la grande tragédie des temps
d'aujourd'hui, c'est le manque de temps et d'ambiance, de climat pour pratiquer
le dialogue. Nous insistons beaucoup sur le dialogue, parce que c'est la
clé de beaucoup de problèmes familiaux et sociaux. Nous le
constatons tous les jours. Nous avons rencontré souvent, dans ces fins
de semaine, des couples qui nous ont dit, combien, après 10, 15, 20 ans
de mariage, ils dialoguaient pour la première fois de leur vie, parce
qu'on leur a donné un instrument pour le
faire, ils l'ont fait pendant 44 heures et ça a été
une ouverture sur une toute autre vie, une vie vraiment... découverte du
bonheur conjugal et un printemps de l'amour.
Je pense que cet aspect est un aspect qui mérite d'être
considéré, même si ça n'entre pas dans les
statistiques ou les sondages.
Il y a aussi les besoins de partage avec les enfants. Ça aussi,
ça demande du temps. Ça demande des occasions... Je me rappelle
un père de famille qui était allé à la pêche
avec son fils sur un lac éloigné. Le petit garçon au bout
d'un certain temps - il avait deux soeurs et sa mère qui étaient
assez présentes dans la maison - il a dit: Papa, ça fait donc du
bien de pouvoir se parler entre hommes. Ce petit bonhomme avec son père.
Il y a beaucoup de réactions de jeunes qui sont heureux d'avoir un peu
de temps pour parler à leurs parents. Je pense qu'il y a des enfants qui
sont pas mal malmenés aujourd'hui. Ce sont des problèmes qui vont
coûter cher aux services sociaux, tout à l'heure, dès
maintenant. Eh bien, c'est un peu dû au fait que le tissus du dialogue
familial est vraiment menacé par toutes sortes de pratiques et qu'on
laisse introduire... Évidemment il faut respecter la liberté des
gens, mais nous croyons qu'il y aurait peut-être quelque chose à
faire pour faciliter cela.
Alors, il y a des besoins rationnels aussi. Beaucoup de gens suivent des
sessions en fin de semaine. Beaucoup en profitent pour se reposer. Mais
étudier aussi, tous ceux qui suivent des cours du soir. Il y a plusieurs
activités en fin de semaine qui seraient certainement menacées
si, par une publicité et un marketing très habiles, on arrive
à faire croire aux gens que, le dimanche, il faut se trouver au centre
d'achats, que c'est l'activité normale à faire et que c'est
là qu'on doit être pour vivre comme les autres. (18 heures)
Ensuite, il y a les besoins sociaux, il y a le partage, le service des
autres, et je m'occupe beaucoup de bénévolat dans les
hôpitaux et les centres d'accueil où ça en prend de plus en
plus, étant donné que le personnel est de moins en moins
disponible. Alors, je dois dire que ce domalne-là aussi est très
menacé: beaucoup de personnes âgées ne reçoivent pas
du tout de visite; dans les hôpitaux, bien, évidemment, c'est
moins grave. Il y a aussi la solution qui consiste, pour certaines personnes,
à considérer les centres d'achats comme des lieux de
récréation, des lieux de loisirs: je pense que ça devrait
être plutôt des lieux d'achat et qu'on développe
plutôt les parcs et les autres attractions pour que les gens puissent se
développer.
Enfin, les valeurs spirituelles. Bien, là, je n'ai pas à
développer, nous y croyons profondement et c'est une gratuité que
nous voulons sauvegarder.
Nous concluons donc que tous ces besoins, il faudrait les
apprécier et les équilibrer pour faire une société
qui soit équilibrée. Évidemment, c'est la liberté
de chacun de choisir, de faire ses choix, et nous ne voulons pas aller contre
cette liberté, mais une liberté est toujours accompagnée
ds responsabilités et il faut peut-être considérer les
responsabilités qu'on a vis-à-vis les siens, vis-à-vis
ceux qui nous entourent et cette responsabilité nous amènera
peut-être à renoncer à certains aspects de la
liberté: quand on doit, par exemple, vivre avec sa famille, ce n'est pas
le temps de se sauver au centre d'achats.
Ensuite, en vue d'assurer une meilleure qualité de vie. Bien, la
qualité de vie, pour nous, ce n'est pas seulement une qualité de
vie d'ordre économique, c'est une qualité de vie d'ordre
profondément humain, et cette qualité de vie comporte tous les
aspects du bien-être physique, moral, spirituel et social, comme on l'a
défini pour la notion de santé. C'est un équilibre
dynamique, c'est quelque chose qui est toujours à refaire, mais la
notion de vie, je ne pense pas qu'on la trouve dans simplement la
fréquentation de centre d'achats pour se distraire ou se changer les
idées. Alors, les champs d'application de cette qualité de vie,
c'est dans le couple - nous l'avons développée tout à
l'heure, la question du dialogue - dans la famille, avoir du temps et un climat
pour des échanges libres, pour les fêtes familiales - Mme Morency
pourrait vous parler d'un exemple dans sa famille - la visite des malades et
des personnes âgées qui se fait souvent le dimanche.
Les relations du travail. Nous soulignons, comme les coalitions l'ont
fait, les menaces de dégradation des conditions de travail, le travail
précaire, à temps partiel et bien d'autres menaces qui viendront
par la pression économique. Les relations commerciales: on sait aussi
qu'il y a un débat sur les lois du marché et nous croyons que les
lois du marché, dans un certain cadre, ont un rôle à jouer
mais que le pouvoir économique, uniquement parce qu'il est puissant et
qu'il dispose de beaucoup d'argent, ne doit pas dicter les lois de la
société et les valeurs de la société. Je pense
qu'il doit plutôt servir. C'est entendu que le pouvoir économique
amène un certain bien-être mais, d'autre part, on y perd dans
d'autres domaines. Je pense que, si on pense à l'Allemagne de l'Est,
quand tous les gens ont envahi à travers les brèches du mur de
Berlin l'Allemagne de l'Ouest, ils n'ont pas trouvé le bonheur complet
et, quand ils sont retournés chez eux, ils avaient les mêmes
problèmes sociaux, les mêmes problèmes éthiques
qu'avant. Ce n'est pas le marchandage qui est le produit de consommation qu'on
désirait voir et approcher depuis longtemps qui a réglé
leurs problèmes de société.
Enfin, nous voulons une société qui soit équitable,
juste et où les droits - parce que le repos, je pense, est devenu un
droit fondamental de l'homme - soient respectés et qu'il y ait dans tout
cela, évidemment, une certaine paix sociale
qu'il va peut-être être difficile d'établir et c'est
pourquoi j'admire énormément nos hommes politiques qui donnent
tellement de temps et d'attention à écouter ce que nous avons a
dire. Je trouve que c'est admirable et, pour moi, c'est un aspect que je ne
connaissais pas, mais j'ai ouvert les yeux - c'est toujours le temps - pour
découvrir un peu le dévouement de nos hommes publics.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. Parenteau, en
parlant de temps, je vous inviterais à conclure, s'il vous
plaît.
M. Parenteau: J'ai fini, mais je voulais dire un mot de ce que
représente le dimanche, le jour du Seigneur, pour nous,
chrétiens: Eh bien, ça fait partie de notre culture, ça
fait partie de nos acquis, ça fait partie même de notre
inconscient, je pense, et on l'a très bien souligné, et je ne
développerai pas ça, parce que cela avait été bien
expliqué par M. Théberge. Alors, c'est pour vous dire en somme
que, pour les valeurs, nous sommes parfaitement d'accord avec
l'Assemblée des évêques du Québec, et c'est normal.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, qu'il nous reste
une journée pour s'habiller en dimanche.
M. Parenteau: Oui, c'est ça. Une voix: Ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup M. Parenteau.
Dites-moi... On dit que la population catholique de l'archidiocèse de
Montréal, 2 000 000... La population totale est de 2 151 000 et la
population catholique, c'est 1 567 000.
M. Parenteau: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que... Une, c'est par
curiosité. Quel est le pourcentage de la population pratiquante sur ces
1 567 000? Avez-vous des statistiques là-dessus?
M. Parenteau: Si vous voulez dire ceux qui pratiquent dans la
région de Montréal... Parce qu'il y a tous ceux qui se sont
évadés dans des maisons de villégiature. Il y en a
énormément. J'ai déjà fait du ministère dans
des petites chapelles de campagne qui sont débordées, qui ne
fournissent pas avec plusieurs messes par jour. Alors, si on parle de
Montréal, je pense que, le dimanche, on calcule peut-être de 20 %
à 30 % à peu près.
M. Tremblay (Outremont): Si on ajoutait ceux qui vont dans des
endroits, ceux et celles qui vont dans des endroits de...
M. Parenteau: Nous n'avons aucune idée. Il n'y a aucun
moyen de le savoir.
M. Tremblay (Outremont): O.K.
M. Parenteau: J'aimerais ça vous le dire, mais...
M. Tremblay (Outremont): Non, parfait. C'était une
question d'information plutôt. Dites-moi, quand vous dites que vous avez
été mandaté pour exposer le point de vue - et il est
très clair, votre point de vue - vous n'avez pas fait des sondages au
niveau de... On a rencontré d'autres personnes tout à l'heure qui
partagent votre point de vue et qui nous ont dit: Pour contrebalancer, par
exemple, d'autres sondages, ceux qui sont favorables à l'ouverture le
dimanche, nous, on a commencé à en faire et on... Est-ce que vous
en avez fait auprès de la population catholique de 1 567 000?
M. Parenteau: Pas systématiquement, non. M. Tremblay
(Outremont): O.K.
M. Parenteau: Cependant, j'ai fait une expérience. Depuis
que je suis entré comme observateur dans la coalition, depuis 1988, j'ai
parlé de ce sujet-là à différentes personnes,
à un aussi grand nombre de non-pratiquants que de pratiquants, si on
veut préciser, et ça m'a frappé de voir que tout le monde
est d'accord, sauf dans un cas ou deux et ils n'avaient pas pensé aux
aspects négatifs. Il y a beaucoup de gens qui m'ont dit comme ceci: On
n'a pas besoin de ça. Ça revenait un peu à ce
raisonnement-là. On peut s'organiser autrement. Ce n'est pas
nécessaire de magasiner le dimanche. On aime mieux, vraiment, le garder
pour notre famille. Maintenant, je ne sais pas s'il y en a, parmi ceux qui
m'accompagnent, qui voudraient ajouter quelque chose sur cette perception que
l'on a de ce que la population pense. Dans nos services, on a rencontré
énormément de monde. Il y avait plusieurs réunions par
semaine, des gens de différentes catégories, et je pense que
c'est assez général.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on peut vous demander... Tout
à l'heure, vous m'avez ouvert un peu la porte de votre expertise au
niveau de la communauté juive. Vous avez un peu assisté à
la discussion qu'on a eue tout à l'heure. Vous voyez un peu la
problématique que nous avons à ce sujet-là. Un des
problèmes de la loi, c'est qu'avec le temps il y a eu des exceptions.
Puis, ça a été ajusté un petit peu. Mais ce sont
des exceptions qui créent une certaine inéquité. Donc,
est-ce que je me trompe - parce que c'est peut-être moi qui vois des
choses qui n'arrive-
ront peut-être pas - mais, à cause de l'immigration,
à cause de l'importance de plus en plus croissante de la
communauté juive, considérant également que ce sont des
personnes d'affaires, considérant maintenant, éventuellement, les
mul-sulmans, on nous demande des exceptions. Comment... Avez-vous une
suggestion à nous faire de ce côté-là?
M. Parerrteau: Pas du tout. Mais j'ai pris la précaution
de téléphoner au père Stéphane Valiquette, qui est
le pionnier du dialogue judéo-chrétien depuis 1937 et qui est en
train de préparer un livre sur son expérience du dialogue
judéo-chrétien. Je lui ai demandé s'il croyait que les
juifs avaient des positions très arrêtées par rapport au
sabbat et au dimanche. Il croit, lui qui a fréquenté le
Congrès juif canadien et est l'ami personnel de plusieurs
personnalités juives, qu'il n'y a pas tellement de problèmes pour
eux à accepter cette journée de congé commune. C'est son
opinion et il m'a donné la permission de la refléter ici. Il ne
croit pas qu'il y ait des positions tellement tranchées. Il me disait
même que, d'après lui, le Congrès juif canadien n'avait pas
une idéologie précise, mais qu'il était plutôt un
groupe de coordination des différents mouvements juifs avec les
différentes insistances sur... Il me disait qu'ils étaient 3 %
à Montréal et que la partie la plus orthodoxe ou la plus
rigoureuse représentait 40 % des juifs à Montréal. Je ne
pourrais pas aller plus loin. Franchement, ce serait un sujet trop
délicat. Je ne suis pas assez informé.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Alors, quand vous
dites: "maintien de la fermeture le plus étanche possible des commerces
le dimanche"... La loi mentionne trois employés et moins en tout
temps.
M. Parenteau: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous seriez favorables
à ça? En d'autres mots: il ne faut pas élargir à
cause de la demande. Je ne veux pas vous mettre dans une mauvaise position
là.
M. Parenteau: C'est à peu près... Non, non, c'est
à peu près ça. Maintenant, je vous dis que nous l'avons
fait par loyauté avec la coalition, qui nous a fourni une multitude
d'arguments au cours des réunions qu'on a eues avec eux. Mais, comme je
vous dis, ce n'est pas de la compétence de l'Église de se
prononcer officiellement et avec autorité sur ces aspects-là.
Nous considérons ça comme des modalités qui sont
très discutables. Je n'aimerais pas qu'on traite cela comme si on
pouvait qualifier cette opinion-là au même niveau que le principe
des valeurs.
M. Tremblay (Outremont): Très bien.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Au nom de ma formation
politique, je vous souhaite la bienvenue à cette commission.
Évidemment, vous avez entendu aussi mes propos avant de venir à
la table, vous connaissez donc un petit peu mon point de vue. J'aimerais juste
vous poser une question pour permettre d'aller un peu plus loin. C'est une
question que j'ai aussi posée à des personnes qui sont venues
avant vous, entre autres les représentants de l'Assemblée des
évêques du Québec, où on identifie un certain nombre
de difficultés rencontrées par les personnes, qui nous
amènent à miser davantage sur l'individualisme que les valeurs
collectives. Vous avez fait un assez bon tour de piste sur ce que vous
souhaitiez comme activités de rencontres, de communication,
d'échanges, mais vous avez parlé aussi, et plus dans votre
présentation peut-être que dans le document qui est devant nous,
des conséquences du fait que plusieurs personnes soient occupées
à des activités de type commercial ou de production, puisque
ça en impliquera peut-être, et qu'ainsi il y aura des gens qui se
retrouveront un peu plus seuls, parce que d'autres seront occupés
à du travail. J'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu.
Quand vous parlez des centres d'accueil, des personnes âgées, des
visites dans les centres hospitaliers... Je pense que vous travaillez beaucoup
avec les bénévoles dans ce sens-là et j'aimerais que vous
me parliez un petit peu des conséquences que cela aurait à votre
point de vue et à partir de l'expérience que vous avez
vécue; ça, c'est une première question.
Je vais poser la deuxième tout de suite. Je ne sais pas si mon
collègue en a, parce que, comme on a fait un bon tour de piste
ensemble... J'aimerais ça que madame, peut-être, nous fasse part
de son expérience. Vous l'avez présentée, d'ailleurs,
dans...
M. Parenteau: J'allais vous demander qu'elle réponde en
mon nom.
Mme Marois: Ah, bien, c'est intéressant. J'aimerais ,
ça qu'elle me fasse part de son expérience, puisqu'elle a
été du côté aussi des affaires. Je vais me permettre
un commentaire avant que vous répondiez. Une chose à laquelle on
arrive ou qu'on constate actuellement, et les travaux de la commission,
évidemment, vont nous permettre d'aller plus loin pour confirmer ou
infirmer ce que j'avance, c'est qu'il semble se dégager un clivage entre
les propriétaires de grandes chaînes ou les grandes corporations
et les propriétaires indépendants ou de commerces à nombre
limité de succursales. Et ça semble vraiment se dégager.
Dans un cas, on est d'accord, parce qu'on se dit: On va faire la bataille des
parts de marché; mais, dans l'autre cas, on
est en désaccord, parce qu'on voit immédiatement ce que
ça a comme impact sur nos travailleurs et travailleuses, puisqu'on est
très près d'eux. Alors, peut-être que votre expertise
pourrait nous éclairer de ce côté-là aussi.
Mme Morency (Micheline): Mon travail quotidien me met en contact
régulièrement avec des regroupements populaires, donc avec une
couche très appauvrie de notre société, à
Montréal spécialement. On a initié, je pense que c'est
connu de tous, les cuisines collectives. C'est un nouveau
phénomène qui met en action des personnes qui sont sur le
bien-être social, qui ont des bouches à nourrir: des femmes chefs
de famille, seules, avec deux ou trois enfants, et qui doivent faire face
à des situations économiques absolument intenables à
Montréal avec la "gen-trtfication", les loyers et tout ça; c'est
la bouffe, c'est la nourriture qui en prend un coup. Des gens appauvris qui
sont susceptibles de, surtout avec les nouvelles lois, qui sont forcés
de retourner coûte que coûte sur le chemin du travail. La situation
de ces gens, c'est qu'ils ne sont pas souvent qualifiés pour des travaux
autres que le commerce, les petits commerçants, des petits travaux qui
ne demandent pas d'expérience particulière, et c'est cette couche
de la société qui, finalement, aura à assumer un travail
le dimanche. Je suis convaincue, pour avoir géré du personnel,
que, lorsqu'on peut étendre les journées d'ouverture, ça
devient très facile de n'employer que du temps partiel, parce qu'on met
les gens...
On peut arriver à trois jours, on engage à temps partiel
et on étend le personnel, mais finalement ce ne sont que des emplois
précaires, sans sécurité d'emploi et tout ça, et ce
sont ces personnes qui seront au travail durant les week-ends. Les gens des
couches plus aisées, eux, auront le choix parce que ça ne les
touche pas, parce que ce ne sont pas des petits commerçants, eux; il n'y
aura rien de changé pour eux, ils pourront aller faire leurs courses si
ça leur chante, prendre le choix... D'accord, on est tous d'accord
là-desus, c'est un choix libre de consommer ou de ne pas consommer. La
question, c'est pour les gens qui seront privés d'une journée
avec leurs enfants et c'est spécialement les femmes qui seront
touchées et qui devront... Qu'est-ce qu'elles vont faire avec les
enfants? Quel contact... On voit déjà la difficulté que
les mères peuvent avoir avec la garde des enfants et tout ça pour
travailler. Les enfants qui seront à la maison les fins de semaine,
qu'est-ce qui va se passer? Et ça, c'est une réalité que
je vois actuellement. Évidemment, les relations parents-enfants... On
sait actuellement que c'est de plus en plus difficile d'assurer une
présence auprès des enfants, ce qui donne lieu à des
enfants qui sont laissés à eux-mêmes et qui ont toutes
sortes de problèmes. Ça, c'est une chose à laquelle je
touche spécialement dans ma pratique actuelle.
Et les relations de couple? Je pense que c'est évident que quand
l'un et l'autre travaillent... Moi, je peux vous dire que dans ma famille,
depuis 20 ans, j'ai deux frères dans la police et deux belles-soeurs
infirmières. Alors, vous pouvez imaginer ce que ça
représente pour la famille d'avoir une réunion de famille. On
doit la planifier et on n'en a qu'une par année, parce que c'est la
seule... Et au temps des fêtes, il n'y a jamais tout le monde, parce
qu'il y a toujours quelqu'un en devoir. Près de la retraite, ça
s'arrange, mais pour les plus jeunes... Pendant des années,
c'était impossible d'avoir des réunions familiales. On peut
imaginer, si c'est étendu à une pratique générale,
ce que ça va donner comme société. Ça va être
des problèmes extrêmement difficiles pour se rencontrer entre amis
pour faire des choses ensemble, et les relations familiales vont être
très difficiles. Voilà ce que j'avais à dire
là-dessus.
Mme Marois: C'est un petit peu cette expérience-là
dont je voulais que vous nous parliez aussi. Oui?
M. Parenteau: M. Valade aimerait peut-être ajouter quelque
chose au nom de la famille.
Mme Marois: Oui.
M. Valade (Gérard): Ce que Mme Morency vient de dire,
c'est ce qu'on retrouve aussi à l'Office de la famille dans le secteur
des personnes séparées, divorcées. Mais je voudrais
apporter un autre son de cloche et vous raconter ce qui s'est passé chez
moi, hier, non pas pour allonger le temps, mais parce que d'après moi...
En tout cas... Je vous l'explique.
On est allés à l'hôpital, hier, parce que ma
belle-mère a eu un infarctus. Toute la famille, on y est allés,
sauf ma grande - j'ai deux enfants - parce qu'elle ne pouvait pas, elle
étudiait. On est revenus à la maison, on en a parlé, on a
discuté longtemps, on a regardé les travaux scolaires. Bon, si je
vous raconte ça, c'est pour vous dire que ce n'est pas nécessaire
d'aller le dimanche à l'hôpital. Ma belle-mère est
rentrée le lundi, donc je ne pouvais pas y aller la veille. Donc, c'est
possible d'aJIer un autre tantôt qu'un dimanche. Faire des travaux
scolaires, c'est aussi possible de faire ça un autre tantôt que le
dimanche. Se parler en famille, c'est aussi possible de faire ça un
autre tantôt que le dimanche. Puis je vous dirai, mais ne dites pas
ça à mon archevêque, que, des fois, je magasine chez Jean
Coutu le dimanche avec ma famille. Mais tout ça nous a fait poser une
question, parce que les filles, mes enfants, savaient que je venais aujourd'hui
à la commission parlementaire sur ce sujet. Là, ma grande qui est
bien pointilleuse, me dit: Qu'est-ce que tu vas dire au juste, parce que des
fois, le dimanche, on va magasiner chez Jean Coutu? On
fait bien d'autres choses, les loisirs, autre que le dimanche, et cette
question, on en a parlé ensemble un lundi soir. On s'est dit, on a le
choix aussi môme le dimanche, parce que c'est déjà
arrivé d'aller magasiner chez les Juifs. Ils sont ouverts, certains, et
sont moins cher. Pourtant, à un moment donné, on a pris la
décision de ne pas y aller. Et dans le fond, ça revient... Quand
je regarde ma famille et quand je regarde un gouvernement, ça se
ressemble beaucoup. Je ne sais pas qui est le premier ministre chez nous mais,
enfin, ça importe peu.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Valade: Ou la première ministre, excusez-moll Ha, ha,
ha! Ce qui arrive, c'est qu'on a décidé ensemble... Et je rejoins
ce qui est marqué dans le document "Familles en tête" - vous
connaissez sans doute - où on dit, au tout début que M. Bourassa
disait qu'il faut accroître la qualité de vie et un peu plus loin,
à la page 45, on parle de loisirs, d'activités en famille.
À un moment donné, on s'est posé la question. Hier,
on s'est reposé cette même question: Pourquoi on irait magasiner?
Pourquoi on irait faire autre chose qu'être en famille le dimanche? Et,
dans le fond, ça a été une décision de famille. On
s'est dit: Oui, on va conserver le dimanche pour se reposer, pour "vacher",
pour, des fois, aller faire des loisirs et même - je me pense à
l'Assemblée nationale - pour se chicaner de temps en temps. Or, on s'est
dit: Le dimanche, au moins, ça nous permet de faire des choses qu'on ne
fait pas dans la semaine. Et c'est intéressant de s'arrêter. Dans
le fond, ma remarque... Je ne voudrais pas passer pour le mouton noir de la
"gang", dire qu'il faut absolument que le dimanche soit un congé. Nous,
on a pris notre décision en famille: que le dimanche, parce que c'est
congé, on décide de faire toutes sortes d'activités, des
fois individuelles et des fois en famille. Parce qu'on sait qu'on aura la
chance de se parler cette journée-là, surtout le dimanche
soir.
Bon, c'est ça. C'est mon expérience de père aussi,
pas nécessairement de directeur de la famille, mais aussi... Je dirais
que l'expérience de directeur de la famille me dit qu'il y a un tas de
gens, de familles qui sont comme moi. C'est grâce à un dimanche
où on a congé qu'on peut se retrouver de différentes
façons en famille.
Mme Marois: Ça va.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre,
d'autres questions? Ça nous convient?
Mme Marois: Ça va
Le Président (M. Bélanger): Si on veut remercier
nos invités.
Mme Marois: On vous remercie de votre contribution à nos
travaux, de la réflexion que vous nous avez apportée et aussi de
l'expérience dont vous nous avez fait part. Merci beaucoup.
M. Parenteau: Nous vous remercions également.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Moi, j'ai quelques petits commentaires
que je vais faire à haute voix. En fart, deux commentaires. Le premier,
c'est pour Mme Morency, parce que j'ai pris une note tout à l'heure. Je
ne vous souhaite pas d'avoir un frère ou une soeur en politique parce
que vous allez avoir des problèmes de coordination avec vos
frères ou soeurs qui sont déjà policier ou
infirmière. C'est un petit aparté.
Tout à l'heure, M. Parenteau, vous avez mentionné toute la
question d'insister sur le dialogue et la communication. Je pense que c'est
important, que c'est très important. Je voulais juste faire cette
remarque et surtout dire à M. Valade... Je tiens à vous
féliciter parce que c'est la première fois, à cette
commission parlementaire, qu'on a un intervenant qui vient, complice d'une
démarche, qui nous dit réellement: Écoutez, c'est un choix
qu'on fait. Vous fartes votre choix de magasiner ou pas le dimanche. Vous
l'avez fait. Je retiens ça, mais je retiens également que ce que
vous auriez pu ajouter, c'est qu'il y a plus de chances - pour au moins que ce
sort intégré avec les autres membres de votre groupe-il y a plus
de chances de se retrouver si, le dimanche, c'est fermé.
Je veux vous remercier beaucoup et on va prendre en considération
votre position dans la décision qu'on aura à prendre.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie les représentants de
l'archidiocèse de Montréal et suspend ses travaux jusqu'à
20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 24)
(Reprise à 20 h 6)
Le Président (M. Bélanger): On se réunit
afin que la commission de l'économie et du travail procède
à une consultation générale et à des auditions
publiques sur les modifications à apporter à la Loi sur les
heures d'affaires des établissements commerciaux.
Ce soir, nous recevons - je m'excuse, je cherche mon horaire; il est ici
- la Congrégation Beth Tikvah. Est-ce que je l'ai bien dit? Je ne
voudrais surtout pas vous choquer, mais vous
comprendrez que mes langues étrangères ne sont pas
toujours au point.
Je vous prierais donc de bien vouloir vous identifier, de
procéder à la présentation de votre mémoire, soit
en le lisant, soit en le commentant. Vous avez 20 minutes pour ce faire et,
dans la période d'échanges avec les parlementaires, je vous
prierais, s'il vous plaît, de bien vouloir vous identifier chaque fois,
ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats. Ils
ne vous connaissent pas. Je vous en prie, allez-y.
M. Jolivet: Ce n'est pas 20 minutes. Mme Marois: Je ne
crois pas.
M. Jolivet: J'ai l'impression que c'est 10 minutes.
Mme Marois: C'est 10 minutes ce soir.
Le Président (M. Bélanger): Ah! Excusez-moi! C'est
10 minutes de présentation. Je m'excuse; c'est mon erreur. Je n'avais
pas regardé mon horaire comme il faut.
Congrégation Beth Tikvah
M. Elberg (Nathan): M. le Président, M. le ministre, MM.
et Mmes les députés, je m'appelle Nathan Elberg, de la
Congrégation Beth Tikvah, à Dollard-des-Ormeaux. À ma
gauche, M. Joseph Posman. Je veux m'excuser, premièrement, pour
continuer en anglais, parce que je pense que vous comprendrez mon anglais mieux
que mon français.
We represent Congregation Beth Tikvah, Dollard-des-Ormeaux, a suburb of
Montreal. You have already heard from the Canadian Jewish Congress which speaks
for the Jewish community in Québec as a whole. The Jewish community in
Québec is a blend of people, ideas and different ways of life. Our point
of view is that of one corner of the community.
Beth Tikvah, the name of our synagogue, is Hebrew for house of hope,
"maison d'espoir". We are building our community on hope and confidence for the
future, participating fully in Quebec's society while following the ancient
traditions of our forefathers. Beth Tikvah is not just a house of prayer. It is
the central point of Dollard's Jewish life. The building is busy seven days a
week. Our school, which teaches in French and Hebrew with no English until
grade 4, has just undergone a major expansion. Our population is young and
dynamic and is growing faster than any other Jewish community in Québec.
We are here tonight to assert our confidence in our future in Québec and
to ensure that our Government understands the needs of the many different
groups that make up its population. We thank you for the opportunity to be
here.
We are concerned about business hours of commercial establishments. We
feel that current restrictions make it more difficult for us to participate
fully in Quebec's society, while following our traditions. As a compliment, one
can say that these restrictions make it more difficult to be an observant Jew.
This is true from the point of view of the Jewish consumer, retailer or retail
clerk. I will not repeat our brief to you as I understand we were invited
because you already read it and considered it somewhat interesting. Me Posman
will now make a few remarks and than we will be happy to answer your
questions.
M. Posman (Joseph): M. le Président, M. le ministre, MM.
et Mmes les députés, c'est réellement la croyance de notre
congrégation que la liberté de religion ne devrait pas priver ses
individus, surtout ceux qui sont plus pratiquants, du droit d'accès au
marché comme consommateurs. Comme vous le savez - probablement,
ça vous a été dit de nombreuses fois, je ne savais pas que
vous aviez d'autres auditions aujourd'hui - la journée juive commence au
coucher du soleil et se termine au coucher du soleil. Je ne veux pas être
indiscret, vous le savez. Alors, effectivement, le sabbat, c'est le vendredi
soir et ça finit le samedi soir. Le pire dans tout ça, c'est que
le vendredi soir, pendant l'hiver, pendant cinq ou six mois... Je pense qu'au
mois de décembre, c'est à 15 h 30, 16 heures, 16 h 15; je ne suis
pas un rabbin, mais c'est à peu près ça. Ça veut
dire que ces individus qui sont très pratiquants doivent terminer leur
travail, sans que je veuille exagérer, à 1 heure, midi, pour se
laver, se préparer pour le sabbat, pour aller à la synagogue.
Cela veut dire, effectivement, que ceux qui sont très pratiquants
ont réellement un soir pour faire leurs achats importants. Je ne parle
pas du manger, de ia nourriture. Je parle des vêtements ou d'aller chez
Canadian Tire faire réparer une automobile, ou je ne sais quoi. C'est
vrai que les autos, des fois, ils peuvent les réparer dans la semaine.
Mais, disons, aller dans les quincailleries, des affaires comme ça. En
tenant compte, comme nous tous ici, qu'on a tous des obligations avec nos
enfants, il y a l'école, il y a ci, il y a ça, des fois les
enfants sont malades, alors on ne peut pas toujours aller faire des achats le
jeudi soir. Ce qui arrive, c'est que ces individus-là, qui sont
obligés d'y aller seulement le jeudi soir, forcément, ils n'ont
pas le droit de courir les aubaines. Je pense que courir des aubaines, c'est
notre droit dans notre société québécoise
d'Amérique du Nord, c'est une partie du marché.
Quand je parlais du samedi, même l'été, quand le
sabbat commence - dans quelques mois encore, ça va commencer vers les 17
ou 18 heures - le type va travailler jusqu'à 15 heures; il arrive chez
lui, c'est le même phénomène, c'est le sabbat et ça
finit tard. Alors, le samedi
soir ça finit pius tard.
Je n'aime pas utiliser le mot "préjudice", probablement parce que
je viens du Lac-Saint-Jean et que notre famille a été
élevée là-bas. On n'a jamais subi de préjudice, la
famille Posman. Je n'aime pas utiliser le mot "préjudice", mais l'effet
de la loi c'est que, finalement, ces gens-là ne subissent pas un
préjudice, mais ils sont forcés d'aller faire des achats à
des heures spécifiques sans pouvoir bénéficier des choses
que j'ai stipulées.
Quand on m'a demandé de venir ici, je pensais à deux
choses. Je m'étais dit que celui qui est très pratiquant comme
juif, l'employé, le salarié, est encore plus puni que
l'employeur, parce que l'employeur, s'il a quelques employés, peut
toujours s'arranger dans la journée pour aller faire ses achats, pas
nécessairement avec ses enfants, sauf exception. Mais pour le
salarié, ce n'est pas le cas; c'est le jeudi soir et c'est tout. La
chose qui m'intrigue - c'est mon opinion personnelle - c'est qu'à
Dollard-des-Ormeaux -ça ne veut pas dire que je suis contre - vous avez
le Marché de l'Ouest. Pour moi, un marché, ça veut dire
des fruits et des légumes, mais ce n'est pas ça. C'est une
boutique d'opticien, un salon de coiffure et je pense qu'on peut même se
faire faire des verres la même journée, le dimanche. Il y a un
opticien et la société des alcools. Je ne suis pas sûr si
la société des alcools est ouverte le dimanche, je ne suis pas
prêt à dire ça. Mal il y a une coiffeuse et un magasin
où on peut acheter toutes sortes de cadeaux. En plus, il y a un magasin
qui s'appelle La Réserve. Je ne suis pas contre ça, mais, si
c'est comme ça pour le Marché de l'Ouest, pourquoi ce ne serait
pas comme ça dans d'autres parties de Dollard?
Un autre exemple. Il y en a qui vont dire que c'est l'argument
contraire, mais prenez Saint-Sauveur et Sainte-Agathe. Je sais que ce sont des
endroits touristiques, mais ce sont des endroits, et je le dis avec le plus de
respect, où il y a plus de chrétiens et les magasins sont
ouverts. Je comprends que c'est une question économique, parce que ces
endroits-là sont touristiques, sont plus petits. Je ne suis pas contre
ça, mais si c'est ça dans ces endroits-là, si c'est
ça au Marché de l'Ouest, pourquoi ce ne serait pas pareil pour
d'autres marchands ou pour d'autres magasins? Vous voyez, ça
dépend aussi de la municipalité. Je crois que la
municipalité, ça devrait être elle qui décide des
heures de fermeture suivant les besoins de sa population et ses exigences,
réellement.
Prenez aussi le salarié qui est très pratiquant. Il ne
peut pas se trouver un emploi que le dimanche. Il travaille cinq jours par
semaine et ça y est. Alors, je reviens à la proposition que je
soumets: Ça devrait être dans les mains de notre
municipalité, suivant, naturellement, les besoins dans chaque cas.
Chaque municipalité est différente. Si vous êtes à
Aima ou à Québec, où c'est à 90 % ou à 95 %
catholique, c'est sûr que ça va être fermé le
dimanche, s'ils veulent. Mais, encore là et même là, c'est
une autre opinion, la liberté de religion, ça c'est une chose et
les heures d'affaires, ça devrait être une autre chose. Je vous
remercie de nous avoir donné le privilège de venir et de nous
avoir entendus. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie
beaucoup. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Me Posman, en fait, j'écoute bien
les explications que vous nous donnez et ça justifie amplement, je
pense, le débat que nous avons en ce moment sur la loi sur les heures
d'affaires, parce qu'on s'aperçoit qu'à cause des nombreuses
exceptions ça crée énormément d'iniquités.
Vous dites vous-même: Comment se fait-il qu'un est ouvert et que l'autre
n'est pas ouvert? Alors, le but de la commission parlementaire, c'est de
s'assurer qu'on va être équitable.
Je voudrais, moi, juste profiter de cette occasion d'avoir des membres
de la communauté juive pour nous aider dans la démarche que nous
avons. On a un article dans la loi, l'article 5.3, qui est balisé par un
règlement qui permet, à cause de vos pratiques religieuses,
l'ouverture des commerces le dimanche, à la condition qu'en tout temps
il y ait trois employés et moins. En tout temps, ça veut dire pas
en tout temps le dimanche, mais en tout temps à la semaine longue.
Il semblerait que les intervenants précédents... Le
congrès juif nous dit: Bon, premièrement, nous, on a un
problème, par exemple, d'être obligés de donner le visa
pour l'ouverture des commerces. Deuxièmement, on nous dit: On est un peu
pénalisés parce que trois employés, c'est difficile. On a
beaucoup de commerces qui sont ouverts la semaine et qui ont plus de trois
employés. Quand il faut ouvrir le dimanche, si on les limite à
trois, on les pénalise. Donc, ils nous disent: La solution
idéale, si tous les commerces veulent fermer une journée, que ce
soit le dimanche, le lundi ou le mardi - évidemment, ils
préféreraient que tout le monde soit fermé le samedi - ils
pourraient ouvrir le dimanche.
Nous, on est en train d'écouter tous les intervenants et il
semble y avoir deux tendances qui se dessinent. L'une, c'est la
possibilité d'ouverture des commerces le dimanche, une
libéralisation. Il y en a qui nous ont soumis ça. Alors,
ça règle votre problème, parce que ce serait
général. Tous les commerces qui veulent ouvrir le dimanche
pourraient ouvrir. Alors, vous seriez satisfaits de ça? Vous ne le dites
pas clairement. Parce que vous pensez uniquement à votre problème
- c'est légitime - vous nous dites: En autant que ce soit ma
communauté et la municipalité où vous êtes le plus
concentrés, si j'ai la permission d'ouvrir, moi, ça va. Donc,
le dimanche, si je comprends bien, si vous aviez la possibilité
d'ouvrir, vous ne vous opposeriez pas à ce que tout le monde ait la
possibilité d'ouvrir.
M. Posman: Non seulement s'il y avait une ouverture
complète... Ça, c'est mon opinion personnelle, en dehors de mon
opinion comme membre de la congrégation. SI les magasins veulent ouvrir
partout au Québec, je n'aurais aucune objection.
M. Tremblay (Outremont): Mais, comme représentant de votre
congrégation, peut-être, je peux le demander à M. Elberg?
Vous, comme représentant... Dans les deux solutions, il y en a une qui
est l'ouverture le dimanche et l'autre, c'est la fermeture le dimanche. Si on
ferme le dimanche, on a un problème, c'est-à-dire que vous avez
un problème et nous, on a un problème pour décider de
l'équité. Alors, moi, ce qui me fait peur, c'est que de plus en
plus on semble avoir des demandes. On a eu la demande des congrégations
juives, on a les musulmans qui, pour des considérations religieuses
aussi, vont nous demander l'ouverture le dimanche. Et ce qu'on veut
éviter, c'est de créer un statut particulier qui pourrait
générer, par exemple, un marché libre pour les juifs,
disons, le dimanche. Ça, ça nous crée un problème.
Peut-être que la première question que je pose, c'est: Qu'est-ce
qui arrive s'il y a ouverture totale le dimanche? Avez-vous un problème
avec ça, M. Elberg?
M. Elberg: Non, nous n'avons pas un problème avec
l'ouverture totale le dimanche, ça serait la solution idéale.
Notre position, c'est que les droits des travailleurs doivent être
protégés, mais pas par une restriction des ouvertures. Je pense
qu'ils peuvent être protégés par d'autres moyens. Et si on
donne aux gens la liberté de choisir leur journée de repos,
ça donne la solution au problème.
M. Tremblay (Outremorrt): Et vous considérez qu'à
cause de vos valeurs religieuses, le coucher du soleil et le samedi, vous
n'êtes pas pénalisés parce que, dans le fond, c'est un
choix religieux que vous faites, s'il y a une ouverture le dimanche et si on
prend en considération la protection des travailleurs et des
travailleuses.
M. Elberg: Oui, je pense que ce serait la meilleure solution, que
les gens puissent choisir s'ils vont ouvrir le dimanche, le samedi ou les deux
journées.
M. Tremblay (Outremont): Bon. O.K.. Je voulais juste clarifier.
Si on en arrivait à la conclusion, à la suite des analyses, qu'on
n'ouvre pas le dimanche, on veut une loi équitable, il faut
éliminer les exceptions, qu'est-ce qu'il faut faire dans votre cas?
C'est quoi, votre sugges- tion? Vous en avez une exception, est-ce que vous en
êtes satisfaits? Vous avez une exception, en ce moment, qui vous permet
en tout temps, avec trois employés et moins, d'être ouverts le
dimanche.
M. Eiberg: Je peux donner un exemple personnel. Si je veux
magasiner pour des fournitures pour ma maison, II n'y a pas beaucoup de
magasins de fournitures où il y a moins de trois employés.
Ça ne donne pas l'opportunité de faire des achats, de participer
normalement à la société comme consommateur. Je peux
ajouter aussi que c'est un problème pour les juifs qui travaillent dans
les magasins, parce que, si on veut travailler dans un magasin, on doit
travailler un jour de fin de semaine, parce que ce sont les jours les plus
importants, où on fait le plus de commerce. Si on doit travailler un
jour de fin de semaine et qu'on est fermé le dimanche, on doit
travailler le sabbat.
M. Tremblay (Outremont): C'est clair, ce que vous dites, mais si
on créait une exception pour permettre aux membres de la
communauté juive, qui sont propriétaires de commerces, d'ouvrir
le dimanche, s'il y a un besoin - toujours des "si" - réel et que les
gens sentent le besoin d'aller acheter autre chose que ce qui se vend
normalement dans de plus petites entreprises, on crée un statut
particulier qui va, éventuellement créer des problèmes
dans un an, deux ans ou trois ans, parce que, comme tout bon commerçant,
on peut profiter de cette exception-là pour élargir les commerces
et profiter d'un marché, en fait d'un monopole le dimanche.
M. Elberg: On pense que ça peut être dangereux
d'avoir des lois qui spécifient que certains groupes ont des droits, ont
des exemptions qui n'appartiennent pas à d'autres groupes. Si on fait
des lois sur le commerce pour les juifs, on peut avoir des problèmes. Ce
sont des lois qui causeront des problèmes pour les juifs ou pour un
autre groupe dans deux, trois, dix ou vingt ans.
M. Tremblay (Outremont): Je donnais l'exemple des pharmacies
d'escompte.
M. Elberg: Oui.
M. Tremblay (Outremont): II y a plus que trois employés
dans les pharmacies d'escompte. Si on prenait la décision de fermer les
commerces le dimanche...
M. Elberg: Oui.
M. Tremblay (Outremont): II y a des pharmacies d'escompte
importantes, qui sont la propriété de membres de votre
communauté.
M. Elberg: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Alors, ces pharmacies-là sont
ouvertes le dimanche.
M. Elberg: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Bon! S'il y a un besoin, ça veut
dire qu'en bons hommes d'affaires ces commerçants-là vont attirer
toute la clientèle, qui allait, par exemple, dans d'autres pharmacies
d'escompte, dans leurs pharmacies d'escompte. Alors, on va avoir donné
une journée qui est supposée importante. Si on écoute ceux
qui défendent cette position, vous allez ouvrir des pharmacies
d'escompte partout pour avoir accès à ce marché-là
le dimanche. Est-ce une hypothèse farfelue, ça?
M. Elberg: Je pense que c'est une situation qu'on veut
éviter, qu'il y ait des magasins juifs ouverts et que les autres soient
fermés le dimanche. Si on veut magasiner le dimanche, si on est juifs,
si on est chrétiens, si on est bouddhistes, on va au magasin juif. Quand
on parle de magasins juifs qui ont des...
M. Tremblay (Outremont): Mais ce n'est pas le cas, c'est à
cause de - par exemple, je vais pousser plus loin - la mise en marché
que vous faites. On dit toujours qu'on peut aller chez certains
commerçants. Il y a de meilleurs prix.
M. Elberg: Oui.
M. Tremblay (Outremont): il y en a beaucoup qui sont venus en
commission parlementaire, môme des gens qui sont contre l'ouverture le
dimanche, qui nous ont dit qu'on pourrait théoriquement avoir des
commerces ouverts le dimanche où on dirait: Venez le dimanche, vous
allez avoir 20 % d'escompte.
M. Elberg: Oui.
M. Tremblay (Outremont): On pourrait faire ça et vous
pourriez prendre une part importante du marché.
M. Elberg: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Comment on fait là? Aidez-nous
à régler ce problème-là. On est sensible à
vos préoccupations religieuses, mais on veut avoir une loi
équitable et une loi durable. Comment on fait?
M. Elberg: Notre position, c'est qu'on doit répondre aux
situations spécifiques des secteurs de population. Dans un endroit, une
ville ou une partie de ville, si on a besoin de magasins qui sont ouverts le
dimanche ou si on a besoin d'emplois le dimanche, on doit répondre
à ça. Je pense que c'est le "market place", on répond par
le "market place" qui va vous donner la formule qu'il peut être ouvert.
Si on veut répondre d'une manière décentralisée au
problème, ça permet de le faire plus facilement. Notre
idéal, c'est que tout le monde puisse choisir quand ce sera ouvert et
quand ce sera fermé. Aux États-Unis, il y a des magasins qui sont
ouverts sept jours par semaine, 24 heures par jour. On ne demande pas
ça, mais je pense que, pour nous, l'idéal, c'est de donner la
liberté de choix dans ce cas. Nous reconnaissons qu'il y a des besoins.
Alors, pour les règlements, si on peut les faire à un niveau
local, comme ça on peut répondre plus directement aux besoins des
populations locales.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la
bienvenue au nom de ma formation politique. Il y a des représentants du
Congrès juif canadien qui sont venus cet après-midi. On a donc eu
l'occasion d'aborder avec eux un certain nombre des problèmes que vous
soulevez. J'aimerais d'entrée de jeu peut-être préciser une
chose. Je suis un peu mal à l'aise face à votre position, quand
vous mentionnez le fait qu'on laisse à chaque municipalité la
possibilité de choisir ses heures d'ouverture On sait que l'organisation
commerciale des villes est différente selon qu'on soit à
Montréal, selon qu'on soit en région, selon qu'on soit dans les
grands centres ou en périphérie, etc. Il est évident que,
si une ville a le choix et qu'elle décide, par exemple, de
libéraliser complètement, elle a un impact, qu'on le veuille ou
non, sur son environnement et peut forcer d'autres villes à
décider d'aller dans le même sens. Donc en disant qu'on
décentralise cette décision, je pense que dans le fond on se
départit du problème et on l'envoie ailleurs. Mais le
problème reste entier ou sinon, s'il ne reste pas entier, c'est qu'on a
décidé que ça ouvrirait les jours où les gens
veulent bien que ça ouvre, à n'importe quel moment, le dimanche,
le samedi, le vendredi ou peu importe. Parce que, en mettant le poids sur les
municipalités, certaines décidant de le faire, ça va avoir
un effet d'entraînement, la chaîne continuant, évidemment,
car on se touche les unes les autres, bon! Alors, je pense que vous êtes
conscients de ça. Notre point de vue, c'est qu'on pense qu'il est
préférable d'avoir une loi d'encadrement général.
Bon! Ça, c'est le point de vue de mon parti; je vous en fais part, je
vous le dis pour ne pas qu'il y art d'ambiguïté sur ça.
Moi, j'aimerais revenir à une question que j'ai soulevée
auprès des représentants de votre communauté cet
après-midi, évidemment pas de votre congrégation, mais de
la communauté juive, du Congrès juif canadien. Est-ce qu'il
pourrait être imaginable qu'un propriétaire d'entreprise qui est
pratiquant et qui respecte le sabbat
puisse décider, iui comme propriétaire, elle comme
propriétaire, de respecter le sabbat, donc, d'arrêter toute
activité pour elle-même à partir du vendredi au coucher du
soleil jusqu'au samedi, mais que, par contre, son entreprise puisse être
gérée à ce moment-là par des travailleurs ou des
travailleuses qui sont à l'emploi de l'entreprise et donc qu'elle puisse
rester ouverte? Oui, certainement, M. Posman.
M. Posman: Oui, je pense qu'il y a deux choses.
Premièrement, je ne suis pas ministre de la religion. À ma
connaissance, c'est que, techniquement, un juif réellement pratiquant
doit fermer son commerce pour lui, de même que pour tous ses
employés. Même s'il avait des employés et qu'il restait
ouvert, en quoi cela change-t-il le problème pour les salariés
qui sont pratiquants? Ça ne change rien pour ceux qui sont des
salariés et des employés, ils n'ont quand même pas
accès au marché.
Mme Marois: C'est un autre problème, ça. On va y
venir.
M. Posman: Du côté financier, cela aide
peut-être celui qui est propriétaire, mais ça ne change
absolument rien pour celui qui est salarié. (20 h 30)
Mme Marois: Combien y a-t-il de membres dans votre
communauté? On a posé la question. On ne vous la pose pas,
à vous particulièrement; on l'a posée aux
évêques cet après-midi et à tous les groupes qui
sont venus devant nous. Combien votre communauté comprend-elle de
membres à peu près?
M. Elberg: II y a 2500 familles juives à
Dollard-des-Ormeaux.
Mme Marois: D'accord, qui sont membres de la Congrégation
Beth Tikvah.
M. Elberg: Dans la synagogue elle-même, il y a 800 familles
qui sont des membres.
Mme Marois: D'accord.
M. Elberg: Alors, ça vous donne une idée que ce
n'est pas complètement une communauté homogène...
Mme Marois: Oui, oui.
M. Elberg: ...mais c'est une communauté dynamique.
Mme Marois: Oui, je n'en doute pas.
M. Elberg: Au sujet du fait qu'une ville commence à
permettre aux magasins d'ouvrir, par exemple, si on commençait à
Dollard-des-Ormeaux et si le conseil municipal décidait qu'il y a assez
de demandes pour que les magasins soient ouverts Se dimanche et qu'on vole que
des gens viennent non seulement de Dollard-des-Ormeaux, mais de Pointe-Claire,
de Sainte-Anne-de-Bellevue, de ville d'Anjou...
Mme Marois: Voiià.
M. Elberg: ...pour magasiner à Dollard-des-Ormeaux parce
que les magasins sont ouverts, ça va donner une indication aux conseils
municipaux et aux administrateurs de ces villes que leur population
s'intéresse à l'ouverture le dimanche et ça vous donnerait
une vraie connaissance de l'opinion de la population à ce sujet. C'est
la demande. Si on va, par exemple, au Marché de l'Ouest comme on l'a
mentionné, il est toujours rempli le dimanche, pas juste de juifs, mais
de gens de toutes ies communautés. On vient de l'autre côté
de l'île à ce marché public.
Mme Marois: Bien sûr. Je vous dirai, moi, vous savez: Si la
Régie de l'assurance automobile est ouverte le samedi, peut-être
que je vais attendre le samedi aussi pour m'en occuper, parce que ça va
m'arranger. Comprenez-vous? On ne sait pas lequel vient avant l'autre. Est-ce
qu'effectivement il y a un besoin tel qu'on doive ouvrir - je reviendrai
tantôt au besoin réel de votre communauté, d'accord? - ou
si du fait que le service est là, on se dit: On va l'utiliser, puisqu'il
est là? Il faut faire une distinction, quand même, entre le fait
que, si le service est offert, je m'en prévaux, mais, s'il n'est pas
offert, ça ne me prive pas nécessairement.
M. ESberg: Mais si les gens ont le choix, non pas pour les juifs
pratiquants, mais pour les autres gens du Québec, d'aller magasiner le
samedi ou s'ils ont le choix d'aller magasiner le dimanche et, au fond, si le
choix de magasiner le dimanche indique que c'est leur demande, leur besoin,
comment fait-on une distinction entre l'utilisation d'un service et un
besoin?
Mme Marois: Je suis d'accord et je comprends bien ce que vous
présentez, sauf qu'on peut le décider aussi comme
société, comme vous dans votre congrégation. Vous dites:
Notre foi nous amène à dire qu'il y a une journée
où on veut pouvoir se recueillir, réfléchir, respecter les
convictions profondes que l'on a. On peut, sur un autre plan - non pas sur un
plan religieux, je n'en suis absolument pas là, mais sur le plan d'une
éthique sociale ou sur celui des valeurs - décider qu'un jour
dans la semaine sera un jour où, comme société, on va
ralentir les activités de production, les activités de commerce,
pour mettre davantage l'accent sur des activités de réflexion,
des activités d'échange, de loisir, etc. Vous me suivez bien
jusque-là quant au choix de société?
C'est bien sûr que, si on ouvre sept jours
par semaine, il y a des gens qui vont y aller le septième, le
sixième, le cinquième ou le premier, parce qu'il est là.
Moi qui privilégie le fait que l'on resserre un petit peu nos
critères et qu'on se donne une journée un petit peu plus
tranquille, je me dis: Si c'est ouvert, bien sûr que je vais y aller,
parce que je me dis que ce que je n'ai pas fart hier, je le ferai ce
jour-là. Donc, qu'est-ce qui crée le besoin, le fait que le
service est offert ou le besoin réel?
Maintenant, revenons au problème que vous soulevez, soit la
difficulté pour les membres de votre communauté qui respectent le
jour du sabbat d'avoir accès à des services pendant des heures un
peu plus longues. On comprend bien, comme c'est fermé le dimanche
généralement, que vos membres respectant le sabbat n'ont pas
d'activités commerciales le samedi ni le vendredi soir. Donc ils ne vont
pas aller acheter non plus et ils disent: II nous reste le jeudi soir. Une des
propositions, c'est qu'il y ait un élargissement des heures d'ouverture
le mercredi soir. Évidemment, ça ne satisfait pas
complètement et parfaitement, je dirais, tous les besoins, mais est-ce
que ça ne répond pas en partie au besoin que vous avez, qui est
réel et que je comprends?
M. Elberg: Mercredi soir, ça répond un peu, comme
vous dites. C'est une amélioration, mais je dois dire que ce n'est pas
juste parce qu'on a besoin des services, qu'on a besoin d'être des
consommateurs. Quand on pense aux juifs, on pense peut-être,
premièrement, à des détaillants, à des
propriétaires de commerces, mais il y a aussi beaucoup de gens qui sont
des travailleurs, qui ne sont pas...
M. Posman: Qui ne sont pas...
Mme Marois: Qui n'ont pas d'habileté, de profession.
M. Elberg: Qui n'ont pas de profession. Ils ont besoin de
travailler dans un magasin comme "clerk"...
Mme Marois: Oui. Comme commis, oui.
M. Elberg: ...et, pour eux, c'est très difficile d'avoir
un emploi et d'être des juifs pratiquants. Au sujet de l'éthique
sociale que vous avez mentionnée, les gens qui vont nous suivre vont
expliquer un peu plus les origines de cette éthique sociale qui vient de
la Torah. Nous sommes complètement d'accord avec cette éthique
sociale: on a besoin d'un jour de repos. Notre position, c'est que ie
gouvernement ne doit pas dire aux gens quel jour on va avoir ce jour de
repos.
Mme Marois: Je vous comprends, mais je...
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais, Mme
la députée, à conclure, malheureusement.
Mme Marois: Eh bien, je vais conclure. Ça va être ma
conclusion. Je suis d'accord avec vous que le gouvernement n'a pas à
décider des religions, des croyances, de ci, de ça.
Là-dessus, on va s'entendre bien, bien, bien. Mais le gouvernement a la
responsabilité de s'assurer que l'intérêt collectif,
général, va être préservé.
M. Elberg: Oui.
Mme Marois: Le gouvernement peut se dire qu'il souhaite qu'il y
ait une journée où on ralentit un peu les activités. S'il
définit cette journée-là, il y a un risque que la large
majorité se retrouve dans une situation où on puisse jouir de
cette journée-là ensemble, les membres d'une même famille,
les amis, les groupes, etc. Tandis que, si on laisse le libre choix, on
n'atteint pas l'objectif qui était d'avoir la possibilité d'une
journée où les échanges entre personnes, les loisirs,
etc., étaient un petit peu plus mis en valeur. Alors, à votre
objection, moi, je réponds cela. Je vous remercie de la contribution que
vous apportez à nos travaux. J'ai terminé, moi, mes propos?
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, oui.
Si vous me le permettez, j'aurais besoin du consentement des membres de la
commission pour permettre au député de D'Arcy-McGee pendant
quelques minutes d'échanger avec les gens Alors, est-ce qu'on a ce
consentement? Bien.
Mme Marois: Pour quelques minutes.
Le Président (M. Bélanger): Pour quelques minutes,
oui.
Mme Marois: On a beaucoup de groupes.
M. Libman: Juste pour ajouter un dernier mot. Je pense qu'ouvrir
le mercredi soir, c'est une amélioration de la situation, mais je pense
qu'ils ont raison de vouloir avoir la capacité d'ouvrir le dimanche,
parce que n'oubliez pas qu'ils ne peuvent pas ouvrir le samedi. Alors, il faut
dire que ça donne un grand avantage dont peuvent profiter les autres
commerçants. Il ne faut pas oublier qu'ils ne peuvent pas profiter d'une
grande clientèle qui existe le samedi aussi pour tous les autres
commerces. C'est juste un dernier mot là-dessus. Je pense qu'ils ont
raison pour leurs besoins de vouloir être capables d'ouvrir le
dimanche.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, je vous
remercie, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Posman: C'est que même... Excusez-moi.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie,
allez-y, M. Posman.
M. Posman: Je comprends que vous avez parlé
d'iniquité, si c'est seulement les magasins juifs qui ouvrent le
dimanche. Par contre, il y a bien bien des services à la population, par
exemple, des grands grands magasins qui ne seraient pas ouverts. Je pense que
c'est à ça qu'on se réfère: ils ne sont pas ouverts
pour la population. Par exemple, Canadian Tire - c'est juste un exemple, je ne
fais pas de publicité pour eux - ou n'importe quel autre ne sont pas
là et on en a besoin. On n'a pas le service. Alors, à moins que
réellement vous ayez une grande clientèle juive,
l'équité, je me demande si réellement elle se
créerait. Naturellement, votre proposition d'élargir les heures
sur semaine, c'est toujours mieux. Mais, une chose que j'aimerais souligner,
c'est qu'aux États-Unis, mon Dieu, c'est ouvert sept jours par semaine.
Je ne dis pas que c'est parfait, mais je pense que, si vous allez vers des
heures d'ouverture durant la semaine, on devrait peut-être ouvrir plus
que le mercredi soir. Prenez les vendeurs d'automobiles, ils sont ouverts les
lundi, mercredi, bref toute la semaine. J'ai un exemple: pourquoi est-ce
différent pour les vendeurs d'automobiles?
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à être bref, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, MM. Elberg et Posman. Je
vous laisse sur une remarque et c'est surtout pour introduire les
représentants de la communauté juive, parce que je n'ai pas la
réponse. Je regarde cela. Vous avez une exception dans la loi en ce
moment qui dit que vous avez le droit d'ouvrir vos commerces en tout temps, en
autant que vous ayez trois employés et moins pour en assurer le
fonctionnement. D'autres représentants de votre communauté nous
ont dit: Trois employés, ce n'est pas assez. Il faudrait avoir plus de
trois employés. Je reconnais ça. Une façon simple de
régler le problème: on ouvre les commerces le dimanche; vous
n'avez plus de problème, c'est réglé. Par contre, s'il
faut élargir cette demande-là de trois employés et plus
pour répondre à vos besoins, en fermant les commerces le
dimanche, si ce n'est pas l'ouverture qu'on prend, là où j'ai un
problème de fond, c'est que je crée une exception aujourd'hui
pour la communauté juive qui, dans le passé, je suis d'accord,
n'en a pas abusé. Mais avec la tendance, je l'ai mentionné tout
à l'heure, d'autres communautés peuvent nous demander la
même chose et on peut être éventuellement dans une situation
où des commerçants intelligents profitant d'une journée
exclusive pour opérer un commerce pourraient engendrer des
iniquités - je ne parle pas de ceux de trois employés et moins -
où on pourrait avoir des problèmes.
On va écouter la Communauté juive de Montréal qui
va nous faire d'autres remarques. J'aimerais ça qu'on arrive avec des
suggestions concrètes, mais quant à l'accessibilité,
à l'ouverture, aux États-Unis et à tout ça, ne vous
en faites pas, il y en a beaucoup qui défendent ce point de vue
là et qui vont venir le défendre en commission parlementaire. Ce
n'est pas le point que j'essaie de faire ressortir des membres de la
communauté juive. Celui-là, M. Posman, est très bien
défendu.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je dois
vous interrompre. La commission de l'économie et du travail remercie la
Congrégation Beth Tikvah et invite à la table des témoins
la Communauté juive de Montréal. Merci.
M. Posman: C'est moi qui vous remercie de nous avoir
invités.
Des voix: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre! Je demanderais à chacun de bien
vouloir reprendre sa place pour que nous recevions notre prochain groupe
d'invités, les représentants de la Communauté juive de
Montréal. Messieurs, bonsoir. Juste pour vous présenter un peu
nos règles, nous avons 30 minutes. Donc, vous avez dix minutes pour
présenter votre point de vue, soit par la lecture de votre
mémoire ou en nous présentant les principaux points de votre
mémoire et, par la suite, il y aura une période d'échange
avec les parlementaires.
Je vous demanderais, s'il vous plaît, chaque fois de bien vouloir
donner vos noms, chaque fois que vous interviendrez de vous nommer, ceci pour
les fins de la transcription au Journal des débats. Alors, je vous
remercie. Si vous voulez procéder, on vous écoute.
Communauté juive de Montréal
M. Bensabbath (David): Bonsoir, M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, c'est David Bensabbath de la
Communauté juive de Montréal et M...
M. Rouimi (Albert): Albert Rouimi.
M. Bensabbath: Albert Rouimi. On m'a demandé de venir
faire cette présentation. Le document que vous avez reçu a
été rédigé par M. Monheit qui ne peut pas se
présenter ce soir. Je le fais à sa place. Je vais surtout parler
du "chabate", en particulier, et essayer de faire de mon mieux pour exposer ce
que c'est le "chabate" du point de vue juif. il faut bien se mettre dans la
tête que, du point de vue de la religion, il n'y a pas de
différence dans l'idée du "chabate" du point de
vue de la loi elle-même; II y a une différence dans la
pratique que les gens font de ce jour-là, mais le "chabate" en tant que
tel est une journée particulière qui, dans l'esprit orthodoxe, a
été décidée, qui vient de la bible. C'est une
demande divine, puisque la Bible pour nous est considérée comme
étant d'origine divine, et le "chabate" est un jour d'origine biblique
et qui est un des fondements mêmes de la vie juive. (20 h 45)
Avant d'aller plus loin concernant le "chabate", je voudrais seulement
vous préciser ce que sont les lois au point de vue juif. On a un
système de lois qui correspond, si vous voulez, au système
parlementaire. Disons, si on appelait la Bible dans son entier constitution, de
ce point de vue là que ce serait la constitution, le Pen-tateuque,
c'est-à-dire les cinq livres, l'Exode, le Lévitlque, la
Genèse, ces livres-là, si vous voulez. C'est le Pentateuque ou
les cinq livres qu'on appelle la Torah pour nous. La Torah, ce sont les cinq
livres du Pentateuque et ces cinq livres sont vraiment notre code de loi de
base. C'est ce qu'on appelle la loi écrite.
Parallèlement à cette loi écrite, s'est
développée ce qu'on appelle une loi orale, une loi orale qui
pendant près de - si je considère que nous sommes en 1990 - 1000
ans est restée orale. Et pour des raisons évidentes de
mémoire, de passage de la connaissance, de troubles politiques et
historiques, ces lois ont dû être mises par écrit et on a
appelé ça le Talmud. Le Talmud est fait alors de commentaires
oraux qui sont parallèles et qui sont très vieux, qui couvrent,
si on se fonde sur des connaissances historiques moyennes, une période
d'à peu près 3500 ans, Je veux dire, sans entrer dans des
discussions historiques. Ce qui fait que c'est un code de loi qui,
jusqu'à nos jours, est utilisé, a été
utilisé, s'est développé.
Tout rabbin, aujourd'hui, qui a une décision à prendre est
comme un juge. C'est un juge rabbinique, c'est-à-dire que le rabbin joue
plusieurs rôles, entre autres celui de juge rabbinique. On lui pose une
question concernant, disons, le "chabate". On lui dit: Est-ce que je peux, moi,
juif orthodoxe, ouvrir mon magasin le "chabate" en laissant ce magasin aux
mains d'un non juif? Le monsieur, le rabbin en question qui est
spécialiste en son domaine... N'oubliez pas que les juifs orthodoxes ou
les juifs tout court, les rabbins, ce sont des gens qui possèdent un
savoir. Ce n'est pas un savoir qui tombe du ciel, si je peux dire, c'est un
savoir qui s'acquiert. Ils étudient, ils vont dans des écoles et
passent tous les niveaux d'étude, dès l'âge de trois ans...
Je ne sais pas si ça vous choque ou non, mais un enfant dans nos
familles, à l'âge de trois ans, sait lire. Personnellement,
à l'âge de quatre ans et demi, j'étais en première
année et je savais déjà lire en français, en
hébreu et en araméen. Pour vous dire un peu, le système
est totalement différent, ce qui fait que très tôt les
enfants sont habitués à étudier, à connaître
les textes de loi et à les connaître de façon
précise, parce que ce n'est pas une question, ce n'est pas quelque chose
qui est artificiel. J'ai fait mon droit, mais les trois quarts de ce que j'ai
fait comme droit, je l'ai oublié, je vous l'avoue honnêtement,
mais ce que j'ai étudié comme textes de loi du point de vue
rabbinique, je m'en souviens parce que, pour moi, c'est vital. C'est tous les
jours que j'applique ces lois et le "chabate" est vital pour nous, c'est un
fondement.
Ce rabbin qui a cette décision devant lui, il ne va pas me
répondre tout de suite: Tu peux ouvrir le "chabate", tu peux donner ton
magasin, ton commerce ou ton étude à M. Untel. Alors, il va me
dire: Je vais réfléchir, je vais consulter les textes. Qu'est-ce
qu'il va faire premièrement? Il va aller à la source. Il va
commencer par prendre la Bible qu'il connaît déjà. Je vous
donne un exemple exprès pour vous montrer le processus mental de la
personne. Il va aller à la Bible, il va voir les premiers versets. Il va
lire tel chapitre. Ah! C'est le chapitre qui parle de ça.
Le "chabate", tu ne peux pas travailler. Que veut dire, "chabate"?
"Chabate" veut dire "Cesser", arrêter de travailler. Dans la racine
hébraïque, je fais exprès de le mentionner, le mot "chabate"
veut dire en même temps chômer, au sens de ne pas travailler, et
veut dire aussi, par extension, faire la grève. Donc, il faut prendre le
bon sens du mot. "Chabate" veut dire cesser, arrêter tout travail, mais
tout travail. Ce qui fait que c'est très important pour quelqu'un qui
s'arrête absolument d'être prêt pour ce jour-là. Ce
qui veut dire que, dès la veille ou quelques jours auparavant, il doit
être prêt pour son "chabate". Ça veut dire quoi, prêt?
Ça veut dire, des fois, pour certaines personnes qui sont très
pieuses, dès le mardi, parce que c'est une question d'esprit, de
spiritualité, qu'elles vont commencer à acheter, à faire
leur marché pour préparer leur "chabate". Ça, c'est le cas
extrême, ce sont les gens très pieux. Mais la majorité des
gens qui ont une vie familiale, le travail, l'école, rentrer de
l'école, du travail, pour eux, les jours c'est jeudi, vendredi
habituellement. Il faut faire la cuisine, il faut se préparer, acheter
tout ce qu'il faut, cuisiner pour du vendredi soir au samedi soir, parce qu'on
n'utilise pas du tout, on ne fait pas du tout de cuisson. Ce sont des lois
très détaillées. Il y a plein de choses qu'on ne peut pas
faire. C'est très dur pour quelqu'un qui ne connaît pas la chose,
mais, pour quelqu'un qui est habitué, ça coule de source. Le
"chabate", en passant, est une des journées, comme c'est
mentionné dans le petit fascicule... Toute fête juive, tout
élément important dans la vie juive s'explique à plusieurs
niveaux. La première raison, c'est toujours la raison divine. Si
quelqu'un vous dit que c'est pour une raison hygiénique ou autre, ne le
croyez pas, ce n'est qu'une
raison secondaire qui a été ajoutée 1000 ans plus
tard. Je peux vous donne un exemple très simple. Les juifs ne mangent
pas de porc depuis que la Bible existe. Pensez-vous, il y a 2000 ans, que les
gens savaient qu'il y avait de la trichinose dans le porc? Je ne crois pas. Les
gens, peut-être, savaient que les gens tombaient malades, mais est-ce
qu'ils savaient qu'il y avait vraiment quelque chose dans le truc? Ce n'est pas
connu. D'un autre côté, la vie juive a permis, si vous voulez, par
cette interdiction... Ce qui fait que c'est une raison divine au départ
qui a dit: Tu ne mangeras pas telle chose, tu mangeras kascher. C'est une
façon de procéder. Si d'autres raisons se sont ajoutées
à cela, tant mieux. Ce qui fait qu'il y a eu des raisons sociales. Le
"chabate", c'est... Je pense que la Bible est le premier... D'ailleurs, la
civilisation judéo-chrétienne d'aujourd'hui repose sur cette
idée du "chabate" dans la mesure où la Bible est l'un des
premiers textes antiques à avoir donné un jour de repos, à
une époque où la notion de repos n'existait pas, un repos
obligatoire - obligatoire, j'insiste sur le mot. Souvent, dans les controverses
théologiques, on dit: Le juif est-il fait pour le "chabate" ou le
"chabate" fait pour le juif? L'homme pour le "chabate" ou le "chabate" pour
l'homme? Dans la Bible, le terme "homme" est souvent pris de façon
universelle et ne concerne pas seulement le juif. Et ça, c'est
très important parce que nous vivons dans un contexte... Vous ne vous en
rendez pas compte, la société, au Québec, a
évolué depuis 20 ans, 30 ans. Je suis enseignant, j'ai des
élèves québécois dans ma classe, pure laine - je
dis bien pure laine - ce qui fait qu'ils ne connaissent pas leur religion. Ils
ne savent plus ni qui est saint Paul ni qui est saint Pierre ni quoi que ce
soit. C'est très choquant pour moi, dans la mesure où...
Quelqu'un qui tient à certaines valeurs, il faut les faire passer, ces
valeurs. Et si les enfants n'ont plus ces valeurs, on ne doit pas
s'étonner qu'aujourd'hui on en soit à cette situation.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, s'il vous plaît.
M. Bensabbath: Je vais abréger, là. Je regardais ma
montre...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Bensabbath: C'est pour vous dire que le "chabate", pour nous,
est très important et que ce n'est pas seulement un jour comme les
autres de la semaine. Et pour le commerçant ou pour le juif simple... Il
y a beaucoup d'ouvriers juifs. Je ne sais pas si vous le réalisez, il y
a beaucoup d'ouvriers juifs. Je parle pour cette personne-là qui n'a pas
une vie facile, qui doit courir tous les jours. Il faut accommoder ces
personnes-là.
Et la meilleure façon de les accommoder, de les aider... Vous
parliez d'équité, tout à l'heure. J'entendais les
différents points, ils se valent. On parle d'équité. Je
pense que la loi doit être faite de façon équitable, mais
la loi doit être faite pour les personnes et non pas... Et c'est à
la loi, au législateur, justement, de trouver les façons de
répondre aux besoins individuels, aux besoins particuliers des gens. Et
la loi doit tenir compte de ces besoins particuliers. Je pense qu'il est
très facile pour le législateur de faire une loi-cadre
générale, mais d'introduire dans ce cadre certains chapitres qui
vont répondre aux besoins des communautés comme les adventistes
ou les juifs orthodoxes. Je pense que c'est très important.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Je
comprends les frustrations...
M. Bensabbath: Je m'excuse, mais là...
Le Président (M. Bélanger): ...inhérentes
à nos contraintes de temps, mais... M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vais en profiter pour vous demander
de saluer le rabbin Monheit de ma part...
M. Bensabbath: Je n'y manquerai pas, merci.
M. Tremblay (Outremont): ...et, également, pour vous
remercier d'avoir sensibilisé les membres de cette commission à
l'importance du "chabate" dans la vie juive. Une question. Vous y avez juste
touché, tout à l'heure. Est-ce qu'un juif pratiquant peut ouvrir
son commerce le samedi en demandant à des juifs non pratiquants, disons,
d'opérer ce commerce-là? Est-ce qu'il peut le faire ou si
l'obligation religieuse, c'est la fermeture totale du commerce, môme s'il
était géré le samedi par d'autres personnes?
M. Bensabbath: Je ne suis pas rabbin et ce sont des questions
rabbiniques très précises. C'est dommage qu'il n'y ait pas un
rabbin... Mais je vais vous répondre dans la mesure de ma
possibilité, même si je peux répondre plus en
détail.
M. Tremblay (Outrernont): Mais, M. Bensabbath...
M. Bensabbath: Je vais vous répondre. Je vais
répondre à ça. Normalement...
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais ce que je vais vous demander
après... Je ne veux pas vous couper la parole. J'ai d'autres questions
à vous poser et je suis certain que...
M. Bensabbath: Je vais répondre en une phrase.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on peut avoir un écrit?
Est-ce que vous pouvez me donner un écrit à cet
effet-là?
M. Bensabbath: Certainement.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que c'est oui ou non?
M. Bensabbath: Oui.
M. Tremblay (Outremont): C'est parce qu'on a de ia misère.
J'ai demandé à M. Eiberg, tout à l'heure...
M. Bensabbath: Je vais vous répondre. Je vais
répondre à votre question d'une façon précise.
Normalement, non. Vous pouvez voir des exemples très simples. Il y a de
grandes compagnies au Canada qui appartiennent à des juifs de grandes
familles juives et qui, pour des raisons religieuses, ferment
entièrement et qui, même... Je vais vous donner un exemple
très simple. Si moi, personnellement - vous pouvez faire l'extrapolation
de l'exemple que je vous donne - quand je veux finir mon sous-sol, j'ai mis
dans le contrat du corrtracteur une clause qu'absolument il devait finir
à telle heure, que tel jour de la semaine, parce qu'il y avait une
fête, il ne pouvait pas travailler, parce qu'on a fart ça à
l'avance et il a respecté ces clauses et que je ne pouvais pas le faire
travailler... Il a dit: Mais moi, je ne suis pas juif. J'ai dit: Non, il n'en
est pas question. Tu fais ce travail pour moi. La loi est claire, on ne doit
pas faire travailler ni nous-mêmes, bien entendu, ni ses serviteurs ni
ses employés ni ses animaux. Le verset est très clair...
M. Tremblay (Outremont): Très bien.
M. Bensabbath: ...les animaux sont cités avant les
personnes, parce qu'on aurait tendance, même l'animal... Et si vous me le
permettez, en deux minutes, je vais vous raconter une histoire. Un juif a vendu
une ânesse, un âne de bât, de transport à un fermier
voisin non Juif. Cet âne, pendant dix ans, avait travaillé
à transporter, mais il était habitué à ne pas
travailler le "chabate". C'est une histoire vérldique que,
personnellement... Le vendredi après-midi, l'âne s'arrête de
travailler. Le propriétaire ne comprend pas pourquoi. Il se met à
le battre. L'âne se sauve et retourne chez son maître. Le fermier
suit son âne et demande ce qui se passe. Son âne ne veut pas
travailler le vendredi après-midi ni le "chabate". Alors, il lui a
expliqué que voilà, pendant tant d'années, il n'a pas
travaillé. Le fermier juif a tout de suite compris et il le lui a
expliqué. C'est pour vous dire à quel point... Ça, si vous
voulez, c'est...
M. Tremblay (Outremont): Merci, M. Ben- sabbath. Pour nous aider
dans notre réflexion, est-ce qu'on pourrait avoir - je ne doute pas de
ce que vous venez de nous dire...
M. Bensabbath: Si je comprends bien, vous voulez quelques
références.
M. Tremblay (Outremont): Je voudrais juste avoir, pour la
commission parlementaire, une lettre du rabbin Monheit - je n'aurais aucun
problème avec ça, je pense qu'il est très
représentatif de votre communauté - qui dirait qu'un juif
pratiquant ne peut pas céder la direction de son commerce à
d'autres personnes, des juifs non pratiquants ou même d'autres personnes,
le samedi. Deuxièmement, qu'est-ce que vous nous suggérez?
À la page 8, il y a des recommandations. Dans la loi actuelle, vous
mentionnez l'article 5.3. Si on maintenait le statu quo pour la
communauté juive, est-ce que vous seriez satisfait de ça?
M. Bensabbath: Les gens seront satisfaits parce qu'ils l'ont
utilisé jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de plainte...
M. Tremblay (Outremont): Bon!
M. Bensabbath: Mais vu que la tendance actuelle sociale, en
général, au Québec est pour une libéralisation du
système pour l'ouverture du dimanche, je crois qu'une
libéralisation totale ne soulèverait aucun problème de la
part de la communauté.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Qu'est-ce que veut
dire le deuxième paragraphe de la recommandation? "Cependant, la
recommandation..."
M. Bensabbath: Oui, c'est-à-dire "...la possibilité
d'équité entre nos membres qui respectent les heures prescrites
par la "Loi du chabate" et l'ensemble de la population." C'est qu'il ne faut
pas non plus... Si jamais la loi en décide autrement, il faut penser
à ces besoins particuliers et ne pas pénaliser. Parce que, du
point de vue commercial, il est certain que le "chabate", le samedi, est la
journée commerciale par excellence.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Bensabbath: Et ces gens qui ferment le "chabate" sont
doublement pénalisés parce qu'ils ne pourront, même s'ils
ouvrent le dimanche, jamais avoir la même affluence, le même nombre
de clientèles. Les gens, le dimanche, qu'on le veuille ou non, ils sont
sur les pentes de ski, ils sont à Sainte-Agathe, ils sont dans les
Cantons de l'Est, ils sont dans le Vermont, ce qui fait..
M. Tremblay (Outremont): Très bien Alors,
si je résume votre pensée, vous dites, en fait: S'il y a
une ouverture des commerces le dimanche, la communauté juive ne
s'objecterait pas à ça, mais une chose est certaine, c'est que,
s'il y a une fermeture, l'exception qui est dans la loi, l'article 5.3, c'est
important parce que notre communauté, à cause de ses obligations
religieuses et de ses besoins, ne pourrait pas se permettre de ne pas avoir
accès aux commerces le samedi et le dimanche en plus. J'ai bien
résumé, là?
M. Bensabbath: C'est bien le point, oui.
M. Tremblay (Outremont): Très bien.
M. Bensabbath: C'est bien le point.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée...
Mme Marois: Je n'avais pas compris que vous alliez aussi loin que
cela, j'ai compris qu'on a respecté la loi jusqu'à maintenant, on
a demandé des exemptions, on a respecté la loi. Comme il n'y a
pas eu de plaintes, ça ne nous plairait pas, ça ne
répondrait pas totalement à nos besoins, mais on vivrait avec
cette réalité-là. Est-ce que je me trompe?
M. Bensabbath: Oui, je disais: Si la loi changeait - c'est pour
ça qu'il y avait ce "si"...
Mme Marois: D'accord.
M. Bensabbath: Si la loi changeait, tout dépend...
Personnellement, je ne suis pas un magicien, je ne lis pas dans les esprits des
parlementaires, alors je ne sais pas quelle tournure ou comment la loi va
être rédigée, ce qui va être décidé, en
fin de compte, ce qui fait que ce que moi, je dis, et je le
répète, c'est qu'il faut tenir compte des besoins de la
communauté orthodoxe et juive. J'entendais parler de "chabate", il faut
réaliser une chose, c'est que, dans la communauté juive, les
orthodoxes qui sont, je dirais - personnellement, je pense qu'actuellement,
parce qu'il y a un renouveau, un retour aux valeurs traditionnelles qui est
très fort...
Une voix: Ah!
(21 heures)
M. Bensabbath: ...j'évaluerais peut-être à
entre 20 % et 30 % les gens qui respecteraient scrupuleusement le "chabate".
Mais si on dit... C'est une question, c'est un peu élastique, cette
idée, vous croyez... C'est une question de pratique comme dans toutes
les religions, il ne faut pas se leurrer, il ne faut pas se faire d'illusion
mais, à mon avis, concernant l'ouverture des synagogues, si je tiens
compte de la population qui est présente dans les synagogues tous les
"chabate", je dirais qu'un bon 70 %, 75 % sont présents dans les
synagogues au "chabate". Ce qui fait que beaucoup de gens sont touchés
par la loi. Qu'ils s'en prévalent ou non, c'est un problème
individuel. Si ces gens-là vont à la synagogue toute la
matinée - parce qu'en général c'est de 8 heures du matin
à midi et demi - c'est peut-être que, l'après-midi, ils
sont dans leurs affaires. Vous comprenez ce que je veux dire? Ce qui fait que
ces gens-là... Il faut faire la part des choses. La
réalité du "chabate" est beaucoup plus près dans la
communauté, elle peut toucher un grand nombre de personnes. Je dirais
même, à Montréal - parce qu'en France c'est très
différent et dans les pays d'Europe - mais ici je dirais, compte tenu de
la vie sociale, parce que la synagogue est un lieu social avant tout en
Amérique, je pourrais monter même à 85 % ou 90 % de
présence. C'est une évaluation un peu à la
légère, mais franchement, compte tenu... Et dans les synagogues
ici, il y a des gens très pratiquants et des gens pas du tout
pratiquants qui se présentent...
Mme Marois: Est-ce qu'on peut aller aussi loin que de dire, par
exemple: II y eut un temps où, aussi, chez les catholiques romains, on
disait le jour du dimanche est un jour de repos?
M. Bensabbath: Mais oui.
Mme Marois: Et donc on va à la messe et, en plus, on se
repose, mais évidemment il y avatt des gens qui allaient à la
messe et même on était très nombreux à y aller,
pendant une certaine époque. On est pas mal moins nombreux
maintenant.
M. Bensabbath: Mais non, mais je...
Mme Marois: Mais le repos après, bien ça,
c'était autre chose. D'accord? Donc, il y avait des degrés dans
ce sens-là. Donc, on peut aller à la synagogue, mais après
aussi...
M. Bensabbath: Pour ceux... Oui. Votre réponse,
honnêtement, oui, parce que la réalité humaine et
sociale... Les gens font leur choix.
Mme Marois: Voilà.
M. Bensabbath: Mais si on vient à tenir compte de la loi
et des gens parce que, finalement, un judaïsme qui se pratique, c'est,
comme on dit souvent en anglais, un "package deal"...
Mme Marois: Oui.
M. Bensabbath: Quelqu'un qui est honnête avec
lui-même va prendre tous les morceaux du "package deal"... Si vous allez
en voyage, si vous ne voulez pas déjeuner ce jour-là à
votre hôtel, c'est votre droit.
Mme Marois: C'est ça, mais...
M. Bensabbath: Pour les gens orthodoxes...
Mme Marois: ...c'est dans le prix.
M. Bensabbath: Oui, c'est le même prix. Les orthodoxes, ils
suivent tous les aspects de la loi. Certains vont prendre ça un peu
comme ça les arrange, même si, personnellement... Mais c'est la
réalité. Mais ça n'empêche que même... Ce que
je veux dire, c'est que même ces gens-là sont touchés par
une loi qui les empêcherait d'avoir un accès à l'ouverture
le dimanche parce que, justement, ils n'ouvrent pas toute la journée,
même s'ils sont élastiques dans leur foi, dans leur pratique...
peut-être pas dans leur foi, mais dans leur pratique, ils sont
élastiques.
Mme Marois: Oui, oui, c'est ça. Moi, je veux revenir juste
à un élément de votre document et ça revenait
d'ailleurs dans votre présentation, je vous ai bien
écouté. Entre autres, à la page 4 de votre document, on
dit en haut de la page: "...à une époque où il n'existait
aucune loi sociale imposant au patron de laisser ses employés se
reposer, le Pentateuque est venu proclamer au Sinaï le droit de tout
individu à une journée obligatoire de repos. Notre civilisation
actuelle repose profondément sur ces principes bibliques." Et je pense
que c'est vrai pour l'ensemble...
M. Bensabbath: ...de la population.
Mme Marois: ...des communautés chrétiennes, de
tradition judéo-chrétienne. En fait, ce qui est regardé et
analysé actuellement, c'est de dire: En lien avec cette tradition, mais
en sortant sous l'angle laïque, on convient aussi qu'il y avait une
sagesse à cette philosophie qui disait: Un jour de repos après
avoir travaillé. Et c'est un peu ce que vous dites, dans vos documents.
Il y a une espèce de sagesse profonde dans ça. Et le
débat, dans le fond, porte sur le fait qu'on souhaiterait, comme
société, que cette sagesse, on la retrouve dans notre pratique
quotidienne et, donc, au-delà de toute espèce d'engagement
religieux, on dise: Comme société, on souhaîte qu'il y art
une journée où il y a un ralentissement...
Une voix: Disons, oui.
Mme Marois: ... - je me répète souvent, j'ai
l'impression que mes collègues sont tannés de m'entendre - enfin,
un ralentissement des activités commerciales et de production. Et je
pense que ça se rejoint bien, nos points de vue à cet
égard-là. Dans le fond, moi qui suis plutôt d'accord avec
cet objectif que l'on resserre les critères et qu'on fasse une
journée où on va un peu ralentir les activités, vous me
posez un problème, je suis bien consciente de ça et je suis
persuadée que les gens de ma formation sont bien aussi sensibles
à cette réalité-là. Mais il y a un choix, à
un moment donné, à faire pour une majorité et en se
disant: On essaiera d'aménager pour qu'une minorité et un
ensemble de minorités... Parce que vous avez raison aussi de souligner
que votre réalité à vous fait en sorte que c'est le samedi
et le vendredi soir et que dans une autre religion, ou selon d'autres
convictions, la pratique se traduira d'une autre façon et posera
d'autres types de contraintes. Mais qu'on puisse imaginer des
aménagements - je pense que le ministre cherche un peu dans ce
sens-là - et qu'en même temps on se dise: II y a peut-être
quelque part une solution générale à retenir qui fait
qu'on respecte moins cette attente fondamentale d'une société
quant aux besoins d'une journée de repos quelque part, c'est le dilemme
devant lequel on se trouve actuellement comme commission quand vous arrivez
avec un point de vue qui est tout à fait légitime et pour lequel
j'ai énormément de respect. Mais ça me pose un
problème et je me dis: Comment le règle-t-on?
M. Bensabbath: Je ne pense pas qu'il y ait un problème
parce que nous vivons dans une société ouverte, tolérante.
Je ne pense pas qu'on doive créer des problèmes artificiels ou
inutiles dans la mesure où le législateur dans sa sagesse se doit
d'accommoder les différentes réalités auxquelles ii fait
face. C'est au législateur justement, à vous messieurs, de
trouver... Justement, mais la solution n'est pas...
Mme Marois: Le ministre veut répondre aussi ou il veut
vous poser une question. Mais je veux réagir à ça. C'est
qu'on a une responsabilité d'équilibre entre les
intérêts des uns et des autres.
M. Bensabbath: L'intérêt général ne va
pas contre l'intérêt particulier de ces communautés,
justement. Oui, parce que je vais vous dire: Tout le monde reconnaît avec
nous que tous les gens ont le droit à un jour. La majorité de la
population du Québec a comme jour de repos le dimanche.
Mme Marois: Voilà!
M. Bensabbath: Et beaucoup de gens - je dis beaucoup parce que
les chiffres des statistiques, je ne veux pas faire de bataille - trouvent que
c'est pratique d'avoir une journée, vu que le niveau de
religiosité en général dans la communauté
québécoise a diminué pour ne pas dire disparu, bien qu'il
y ait un renouveau spirituel ces dernières années. Ce qui fait
que si les gens, s'il y avait une opposition très forte à
l'ouverture le dimanche de la part des communautés
religieuses chrétiennes et une opposition très,
très forte de la base, je pense, c'est certain que... Il existe des
endroits dans le monde. Je sais que... Je ne les connaissais pas, mais des gens
qui ont parlé avant nous, nos coreligionnaires, ont parlé de pays
où c'est ouvert, aux États-Unis. Moi, je connais des pays
où c'est fermé deux jours. J'ai vécu dans une province, en
France, où c'est fermé le samedi et le dimanche.
Mme Marois: Voilà!
M. Bensabbath: Un instant, un instant. Vous ne réalisez
pas à quel point ce n'est pas pratique. Vous ne le réalisez pas
du tout.
Mme Marois: Mais oui. C'est pour ça d'ailleurs qu'on veut
qu'il y en ait au moins un des deux où ce soit ouvert. Ha, ha, ha!
M. Bensabbath: Non, non, mais imaginez, pour quelqu'un qui est
orthodoxe, le problème. Je vous ai parlé de préparation du
sabbat. Je vais prendre deux minutes, M. le Président, si vous le
permettez. En tant qu'enfant, il fallait acheter le pain. Souvent le vendredi,
vu que les journées sont très courtes, on est à
l'école, on revient de l'école, on se prépare, on va
à la synagogue, on n'a pas tellement de temps. Donc, le jeudi, il faut
acheter du pain pour trois jours. Ce n'est pas tout le monde qui faisait son
pain, à l'époque, du moins. Nous on le fait, mais ce n'est pas
tout le monde. À la maison, on le fait, mais dans certains cas, les gens
l'achètent à la boulangerie. En France, les boulangeries, le pain
sont kas-cher. Dans toutes les boulangeries, c'est du pain simple, à
l'eau et c'est kascher. Alors, il faut acheter du pain pour trois jours,
imaginez ça! Il faut faire vos provisions pour trois jours et ce n'est
pas du tout pratique. Ce qui fait que, arrivé le lundi matin, c'est la
course encore parce que tout est fermé; en Alsace, en Lorraine, tout est
fermé. Il y a des gens qui, le dimanche, pour pouvoir avoir du frais, se
déplacent. Ils prennent leur voiture, vont jusqu'à Belfort. Ils
sortent des limites pour aller acheter, comme on dit, à
l'intérieur. Mais je pense que c'était beaucoup plus
libéral et beaucoup plus tolérant et je pense que cette
liberté qui existe ici... Personnellement, je le dis franchement je suis
ici depuis quinze ans, il y a une liberté de base chez les gens, dans la
population, à laquelle il ne faut pas toucher. Et la loi doit montrer
tout ça. Ce respect du particularisme dans une loi universelle ne
dérange pas parce que, comme je dis, finalement, l'individu choisit sa
croyance. On ne peut pas...
Mme Marois: Ça, on convient de ça, on convient de
ça. On ne peut pas contraindre les gens à choisir une foi
à laquelle ils n'adhèrent pas.
M. Bensabbath: Ils n'adhèrent pas, quel que soit...
Le Président (M. Bélanger): Excusez-moi, le temps
est écoulé. Il reste deux minutes à M. le ministre.
Mme Marois: Excusez-moi. Le ministre veut poser une question.
M. Tremblay (Outremont): Je veux être bien certain qu'on se
comprenne...
M. Bensabbath: Oui.
M. Tremblay (Outremont): ...et je veux également profiter
de la présence du Congrès juif qui est encore ici
également, et de la Congrégation Beth Tikvah, parce que vous ne
vous entendez pas sur une chose. S'il y a ouverture le dimanche, pas de
problème. S'il y a fermeture le dimanche, la loi vous donne une
exception: trois employés et moins en tout temps dans le commerce, pas
de problème. Ça, ça veut dire là, non pas pour la
nourriture, vous l'avez tout le temps, mais ça veut dire pour les
autres. Vous avez déjà un avantage sur tous les autres commerces.
Un avantage important, c'est-à-dire que vous pouvez vendre du
prêt-à-porter le dimanche ou à peu près tout ce que
vous voulez - trois employés et moins. Vous, vous dites que vous seriez
satisfaits de ça. Par contre, les deux groupes précédents
nous ont dit: Les commerces opérés par des juifs pratiquants, de
trois employés et plus, vont être pénalisés parce
qu'ils vont être obligés de fermer deux jours par semaine. C'est
le dilemme que vous nous laissez. On se comprend bien. Moi, ce que je vous dis,
c'est que, si vous avez des suggestions à nous faire...
M. Bensabbath: Personnellement, c'est une technicité
commerciale à laquelle je ne suis pas confronté.
M. Tremblay (Outremont): Non, non. Mais je vais vous dire une
chose. Moi, je dis toujours ça, et vous allez peut-être
l'apprécier: Le diable se cache dans les détails.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Vous allez voir que c'est quand on
crée une petite exception, avec l'imagination de nos commerçants,
on peut éventuellement se ramasser avec un très gros
problème. Alors, les quatre, cinq, six, sept ou dix commerçants
qui ouvrent des commerces le dimanche se trouvent dans un créneau
particulier. J'aimerais que vous nous reveniez, par écrit, pour tous les
membres de la commission, pour dire comment on pourrait régler ce
problème-là.
M. Bensabbath: Une suggestion. S! je vous comprends bien, ce qui
vous effraie, enfin ce qui effraie le législateur...
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Bensabbath: ...c'est que certaines per sonnes à
l'esprit inventif puissent, disons, ouvrir et le samedi et le dimanche...
M. Tremblay (Outremont): Ce serait que...
M. Bensabbath: ...et ces commerces seraient ouverts sept jours
par semaine, toujours en profitant de ce créneau...
M. Tremblay (Outremont): Non, non, ils seraient fermés le
samedi...
M. Bensabbath: Non, mais...
M. Tremblay (Outremont): Ils seraient fermés le samedi, -
quatre employés et plus -mais ils seraient ouverts le dimanche et ils
auraient un monopole le dimanche pour vendre certains...
Mme Marois: Concurrence déloyale.
M. Tremblay (Outremont): Concurrence déloyale. J'ai
donné l'exemple des pharmacies d'escomptes...
M. Bensabbath: Ce serait...
M. Tremblay (Outremont): ...qui sont la propriété
de juifs pratiquants, qui pourraient dire: On ouvre le dimanche.
M. Bensabbath: Je peux vous répondre tout de suite, enfin
avec mesure, mais je peux vous répondre tout de suite.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Bensabbath: il n'y aurait pas, si la personne est orthodoxe
pratiquante, qu'elle ferme entièrement du vendredi après-midi...
Comme l'a mentionné un de mes coreligionnaires
précédemment, souvent c'est du vendredi midi jusqu'au samedi
soir, 21 heures, 22 heures et 23 heures même, en été, avec
l'heure avancée. Ce qui fait que, du vendredi midi au samedi soir, 23
heures, si je prends l'étalage le plus grand, un jour et demi
fermé déjà. C'est certain que, si cette personne a
fermé un jour, il n'y a pas de concurrence déloyale; elle sera
ouverte le dimanche un certain nombre d'heures légales; il n'y aurait
pas concurrence déloyale. Ça tomberait, cette raison.
M. Tremblay (Outremont): Je vous laisse sur cette
réflexion-ci.
M. Bensabbath: Parce que concurrence déloyale, ça
veut dire qu'il y a vraiment un avantage absolument certain. Or, le dimanche
n'est pas le jour du commerce par excellence, puisque les gens,
justement...
M. Tremblay (Outremont): Si on se fie aux représentations
qui sont faites à cette commission, je peux vous dire une chose, si,
pour des raisons religieuses, je dois fermer le samedi, alors qu'il y a une
concurrence totale au niveau de tous les commerces, j'ai le plus beau commerce
au Québec parce que, en tant que juif pratiquant, je me trouve un
créneau où je suis le seul à ouvrir mes commerces au
Québec le dimanche. C'est extraordinaire si c'est vrai que le
consommateur a un besoin d'acheter le dimanche. C'est ça. Là, on
parie à des gens qui sont, aujourd'hui, évidemment de bonne foi.
Il n'y a jamais eu d'abus dans le passé. Mais, si on regarde
l'évolution de l'immigration au Québec -par exemple, maintenant,
on a des communautés musulmanes qui commencent à nous poser la
môme question - on peut éventuellement avoir un très gros
problème, non pas dans dix ans, mais dans les mois à venir.
M. Bensabbath: Dans les mois qui viennent.
M. Tremblay (Outremont): C'est juste ça Si vous avez des
suggestions à nous faire sur les trois employés et plus, pour ne
pas pénaliser ces commerçants qui sont fermés le samedi et
le dimanche; qu'est-ce qu'on peut faire? On est ouvert aux suggestions que vous
pourriez soumettre à cette commission.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre...
M. Bensabbath: Si je peux me permettre... Je m'excuse.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Bensabbath: Vous partez de l'hypothèse que la loi... Je
trouve ça bizarre. Vous partez de l'hypothèse, alors que le
dimanche sera une journée chômée.
M. Tremblay (Outremont): Ce que je dis, c'est qu'il y a deux
possibilités.
M. Bensabbath: Parce que ce n'est pas dans le cas où ce
sera complètement fermé.
M. Tremblay (Outremont): Non, non. Il y a deux
possibilités: que ce soit ouvert, alors ça, ça
règle tous les problèmes...
M. Bensabbath: Ça règle le problème.
M. Tremblay (Outremont): ...ou que ce soit fermé. Si c'est
fermé le dimanche, c'est fermé
pour tout le monde, sauf pour les commerces ayant trois employés
et moins, dans l'alimentation, sauf pour la communauté juive
pratiquante, où là, vous avez l'exception pour permettre, par
exemple, le prêt-à-porter ou d'autres commerces. Trois
employés et moins. En d'autres mots, c'est le très petit commerce
pour vous permettre d'acheter votre pain le dimanche. C'est ça que
ça veut dire en pratique.
M. Bensabbath: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, notre temps est
malheureusement écoulé. Mme la députée de Taillon,
si vous voulez remercier nos invités. (21 h 15)
Mme Marois: Je vous remercie de votre apport à nos
travaux. Je pense que vous soulevez un problème que vit
réellement votre communauté, problème auquel,
évidemment, il faudra être sensible lors de l'adoption de la loi.
Je reviens, cependant, sur une philosophie de fond que vous défendez
aussi et à laquelle j'adhère, qui est que l'on puisse consacrer
une journée de la semaine, soit à se reposer, soit à
prier, soit à échanger, ou à faire autre chose, mais
où une majorité des membres de la communauté peuvent le
faire à peu près en même temps. Merci.
M. Bensabbath: Je vous remercie de nous avoir donné
l'occasion de présenter notre point de vue.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions.
M. le député de D'Arcy-McGee, est-ce que vous désirez
remercier nos invités?
M. Libman: Je vous remercie de nous avoir présenté
vos opinions et j'espère que vous allez avoir satisfaction avec la loi
28.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, M. Bensabbath
et M. Rouimi, pour vos réponses. Si vous pouvez nous revenir avec
d'autres hypothèses sur le point que j'ai soulevé, on
apprécierait. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie les représentants de la
communauté juive de Montréal et invite à la table des
témoins le Groupe Expositions.
Je demanderais au représentant du Groupe Expositions de bien
vouloir prendre place à la barre des témoins. J'inviterais tous
les membres de la commission à reprendre leur place, s'il vous
plaît. S'il vous plaît, je demanderais à chacun de bien
vouloir reprendre sa place, nos contraintes de temps étant ce qu'elles
sont.
S'il vous plaît, s'il vous plaît, à l'ordre!
Donc, nous recevons le Groupe Expositions représenté par
M. Gilles Martin. M. Martin, vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire ou votre point de vue, et il y aura une période
d'échange avec les parlementaires par la suite. 20 minutes, oui. Je vous
prierais donc de bien vouloir commencer.
Groupe Expositions
M. Martin (Gilles): Merci, M. le Président. M. le
ministre, mesdames et messieurs. En premier lieu, j'aimerais expliquer un peu
le Groupe Expositions. Je suis tout seul, mais on a un groupe un peu plus
large. C'est une société qui a été fondée en
1979 et qui organise, au Canada, des expositions. Depuis maintenant huit ans,
notre société oeuvre seulement dans l'organisation d'expositions
commerciales. Au début, de 1980 à 1983, nous avons
organisé à Montréal et à Québec des
expositions ouvertes au public. En 1983, suivant la visite d'un inspecteur de
la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux à
notre exposition, "La super exposition d'ameublement", qui avait remis à
chaque exposant une mise en demeure au sujet des heures d'affaires pour la
journée du dimanche, nous avons décidé de ne plus tenir ce
genre d'événement. L'on sait que des arrangements sont toujours
possibles, puisque beaucoup de salons publics obtiennent des tolérances
dans divers secteurs.
Présentement, nous organisons des expositions commerciales dans
le domaine de la mode, dans le domaine de la fourrure, du
prêt-à-porter féminin, du prêt-à-porter pour
la mode enfantine. D'ailleurs, nous avons aussi organisé l'exposition
qui s'est tenue en parallèle à la cinquième
conférence internationale sur le sida, en juin dernier, qui a
attiré plus de 10 000 délégués du monde entier.
Le Québec, en 1990. La mise en marché de différents
produits au Québec, en 1990, ne se limite pas seulement à ce que
des consommateurs visitent des magasins. Le secteur de la mise en marché
est très dynamique et très changeant et toujours prêt
à s'adapter aux nouvelles conditions du marché et répond
ainsi aux besoins des consommateurs. C'est pour cela qu'aujourd'hui nous
pouvons commander par catalogue des produits et ce, 24 heures par jour, sept
jours par semaine. Nous pouvons même, via les réseaux de
câblodistribution, commander des produits tant au Québec qu'aux
États-Unis.
D'autre part, des milliers de vendeurs et de vendeuses ratissent le
marché québécois et vont dans les résidences offrir
des produits, que ce soit dans le domaine de l'alimentation, celui des produits
de beauté ou encore dans le domaine vestimentaire. Le genre de promotion
Tupperware est très prospère et génère des revenus
con-
sidérables. Des activités telles que l'Expo-Québec
qui acceptent différents commerçants dans des secteurs
réglementés, mais qui sont certainement des marchands
privilégiés, bénéficient d'activités
commerciales et ce, sous la judicieuse égide des divers paliers
gouvernementaux.
Nous tenons aussi à souligner l'existence hors des
frontières du Québec de centres commerciaux dans des petites
villes américaines dont l'importance n'a aucune mesure avec la
population locale et qui sont capables de drainer des millions de dollars de
pouvoir d'achat des consommateurs québécois. L'existence des
clubs d'achat qui connaissent une popularité croissante sont une
indication du changement survenu dans les moeurs des consommateurs.
La loi du marché devrait résumer toute l'activité
commerciale et répondre aux besoins des consommateurs. Tout le monde est
d'accord pour dire que la loi actuelle, avec ses exceptions, ses
tolérances, son illogisme, ne contribue qu'à perpétuer la
confusion au sein de la population et est hautement injuste pour les
consommateurs et les différents types d'établissements
commerciaux. On remarque que les détaillants de services ont une
liberté quasi totale, tandis que ceux qui vendent certains biens sont
assujettis à des règlements qui, dans beaucoup de cas, n'ont
aucun sens et qui surtout ne répondent pas aux besoins du consommateur
urbain québécois. Nous sommes donc pour la libéralisation
des heures d'affaires des établissements commerciaux de manière
que les commerçants répondent aux lois du marché, en plus
d'être traités sur un seul et même pied.
Deux situations antérieures devraient faire
réfléchir les membres de la commission sur l'importance de
traiter les consommateurs québécois de milieux ethniques
différents de la manière la plus équitable. Qui ne se
souvient pas, à chaque printemps, être allé, il y a
quelques années, attendre pendant des heures au Bureau des
véhicules automobiles pour renouveler son immatriculation. Le
ministère a cru bon de changer la façon de procéder et
maintenant tout se fait par le biais de la poste et la productivité s'en
est trouvée accrue, sans parler des milliers d'heures d'attente du
consommateur qui ont été récupérées. Il y a
aussi le cas de la Société des alcools. Il y a plusieurs
années, il fallait faire des queues interminables pendant le temps des
fêtes pour se procurer ces biens. Le changement de philosophie en
plaçant les produits en libre-service a été
bénéfique pour tous.
Nous mettons en garde la commission contre des représentations
qu'elle peut recevoir de toutes sortes d'associations qui prétendent
représenter des commerçants dont les membres sont souvent
très ouverts à l'idée de faire des entorses à la
loi, mais qui se servent de leur association pour restreindre le libre
accès à leurs produits. Souvent le dicton "Fais ce que je te dis,
mais ne fais pas ce que je fais" s'applique.
D'autres arguments sont présentés alléguant le
manque de personnel permettant d'ouvrir sept jours par semaine et 24 heures par
jour. À cela, on ne peut que répondre que les dépanneurs
qui sont le reflet d'une très petite entreprise offrent, lorsque le
besoin s'en fait sentir, un service de 24 heures par jour, sept jours par
semaine et on n'entend jamais parler de regroupement de dépanneurs qui
s'opposeraient dans le but de changer quoi que ce soit.
Par contre, les lois du marché aidant, il faut reconnaître
que des commerçants décideront d'ouvrir à certaines heures
et fermeront leurs portes à d'autres heures, répondant ainsi
justement aux besoins de leur clientèle et non se conformant à
des règlements faisant l'affaire des bureaucrates
Lorsqu'on enlève des libertés aux gens, les pressions pour
répondre à certains besoins deviennent si fortes que la situation
devient encore plus intolérable. Prenons comme exemple les
marchés aux puces qui, d'un concept relativement simple de transiger des
produits usagés, sont devenus à cause de la demande des
consommateurs des endroits où l'on commerce des produits neufs, qui font
une concurrence déloyale aux magasins qui sont forcés de fermer
le dimanche. On crée des situations où tout le monde est perdant
et où les frustrations sont dirigées vers ceux qui sont
chargés de l'application des règlements. Pourquoi le
législateur ne se montre-t-il pas généreux envers les
citoyens en leur permettant de vivre à leur goût? Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, M. Martin. C'est clair.
Je n'ai pas beaucoup de questions, sauf quand vous dites qu'en 1983 les
inspecteurs du gouvernement, je voulais juste savoir... Vous savez qu'il y a
une exception dans la loi qui permet au ministre, lors d'un
événement spécial tel un festival, une foire, un salon ou
des expositions comme vous en faites, de donner l'autorisation,
d'émettre des permis pour la vente de certains biens pendant la
durée de l'exposition. En 1983, est-ce parce que vous ne l'aviez pas
demandé que les inspecteurs se sont présentés
là?
M. Martin: Je vais vous répondre en deux parties.
Premièrement, j'ai attaché deux documents à mon
mémoire: l'un, c'est une annonce qui a paru dans La Presse, en
1988, une annonce du supermarché aux puces 5 étoiles. Je ne sais
pas si vous l'avez vue.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Martin: Oui? Moi, je n'avais pas fait de demande. Nous, on est
une société privée. On organisait des expositions
publiques et l'inspec-
teur est venu nous voir à l'exposition pour donner des mises en
demeure à tous les exposants la journée avant le commencement de
l'exposition pour les mettre en garde contre une ouverture le dimanche.
C'était une exposition qu'on organisait pour la deuxième fois.
Lorsque j'ai été capable de parler à l'inspecteur à
ce moment-là, je lui ai demandé pourquoi il n'était pas
venu me voir avant. Il m'a dit: Ça fait partie de mon travail d'aller
voir ceux qui peuvent enfreindre les règlements. Mais j'ai dit: Vous
savez, au niveau des expositions, il y a des expositions publiques qui ont
été tenues il y a deux semaines; il y a des expositions publiques
qui ont été tenues il y a un mois. Pourquoi commencer par nous?
Il a dit: Vous savez, il faut commencer quelque part.
J'ai déjà opéré des maisons de chambres,
à Montréal, pendant quelques années. J'avais eu la visite
de certains inspecteurs de la ville et on m'avait dit comment faire affaire
avec des inspecteurs, mais j'ai vendu les maisons de chambres. Et quand ce
genre d'approche m'a été fait, bien, j'ai fermé
l'exposition et je me suis concentré dans d'autres secteurs.
M. Tremblay (Outremont): Mais lorsque vous faites des
expositions, comme vous le mentionniez au début, le Salon canadien
international de mode féminine, le Salon de mode enfantine
Montréal...
M. Martin: Ce sont des foires commerciales.
M. Tremblay (Outremont): II n'y a pas de ventes là?
M. Martin: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Donc, vous demandez...
M. Martin: II y a des ventes, mais il n'y a pas de ventes aux
consommateurs. Ce sont des ventes...
M. Tremblay (Outremont): C'est ça. O.K.
M. Martin: C'est pour ça que la société...
J'écoutais Mme Marois... La plupart des salons commerciaux ouvrent le
dimanche; donc, les transactions se font le dimanche. Il y a beaucoup de gens
qui voyagent le dimanche; donc, ils travaillent le dimanche. Mais ça, ce
n'est pas assujetti à la loi.
M. Tremblay (Outremont): Parfait. O.K. Vous, ce que vous dites,
si on se fie à ce qui existe, comme vous l'avez mentionné, la
vente par correspondance, par catalogue, vous avez regardé le
côté de l'informatique et de la télématique, vous
dites que, d'une façon ou d'une autre, il y a un besoin. La
créativité des com- merçants est telle qu'ils vont trouver
un moyen de contourner la loi. Donc, tant qu'à vivre ça, vous
prônez la libéralisation totale.
M. Martin: Ce n'est pas ça. Je pense que vous, en tant que
législateurs, vous êtes toujours à la remorque de ce que
vous appelez la créativité. Ce n'est pas la
créativité, c'est répondre à un besoin. Quand vous
parlez des commerces, vous parlez des commerces qui ont pignon sur rue, mais il
y a beaucoup d'autres commerces. Il y a 40 000 vendeurs et vendeuses
itinérants au Canada qui vendent des produits de beauté de porte
en porte. , Là, j'ai appris, dernièrement, qu'une de ces grandes
sociétés va commencer à vendre de la lingerie pour dames.
Elles vendent des produits de beauté et elles vont vendre de la
lingerie, mais ce sont des produits, ça. Donc, il y a toutes sortes
d'activités qui se passent en dehors des commerces qui ont pignon sur
rue et vous, vous vous acharnez à essayer de réglementer ce petit
secteur-là et il y a d'autres secteurs qui vont toujours passer outre
à la loi. Donc, ça rend la situation très injuste pour les
commerçants. (21 h 30)
M. Tremblay (Outremont): La question que je posais, c'est, si on
regarde un exemple connu... Je ne veux pas faire de publicité, surtout
pour une maison qui s'appelle Avon. Mais théoriquement, ce que vous nous
dites, c'est que, les personnes étant chez elles le dimanche parce
qu'elles ne peuvent pas magasiner ailleurs, Avon pourrait continuer... Parce
que la loi dit bien que... L'article 2, c'est: "Aucun client ne peut être
admis dans un établissement commercial." Ce que vous nous dites, c'est:
Le fait qu'Avon se promène avec sa petite valise, il a juste à
mettre plus de choses dans sa valise et il va pouvoir cogner à toutes
les portes et vendre des produits le dimanche, concurrençant entre
autres...
M. Martin: Le dimanche ou le soir. M. Tremblay (Outremont):
Oui, oui. M. Martin: Le lundi soir, le mardi soir.
M. Tremblay (Outremont): Oui, c'est ça. Oui, le dimanche
ou le soir.
M. Martin: Donc, le commerçant qui est pris à
opérer son commerce et à être réglementé par
vous, les législateurs...
M. Tremblay (Outremont): Avec un loyer, des taxes et...
M. Martin: Un loyer et des taxes. Sa concurrence, elle, se
promène avec sa petite valise et peut faire des affaires d'or.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée
de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous
souhaite la bienvenue à la commission au nom de ma formation politique.
On ne partage pas le môme point de vue, mais c'est toujours
intéressant d'en débattre. C'est pour ça qu'on est
là.
M. Martin: Vous savez, moi, je ne suis pas un spécialiste.
Mol, je suis ici parce que je trouve qu'il y a peut-être beaucoup de
groupes qui peuvent être bien organisés et beaucoup qui ont une
facilité de parole, mais...
Mme Marois: D'accord.
M. Martin: ...moi, je voudrais donner mon point de vue.
Mme Marois: Est-ce que vous êtes propriétaire de
l'entreprise?
M. Martin: Oui.
Mme Marois: C'est ça, le Groupe Expositions. D'accord.
Vous opérez surtout dans d'autres provinces, si je comprends bien.
M. Martin: Non.
Mme Marois: Surtout au Québec?
M. Martin: Oui.
Mme Marois: Essentiellement et uniquement au Québec?
M. Martin: C'est ça. Mme Marois: D'accord.
M. Martin: J'organise des expositions commerciales, entre autres,
à la Place Bonaven- ture. On loue la salle, il y a des exposants qui
viennent de 17 pays. Il y a des acheteurs qui viennent...
Mme Marois: Oui, j'ai vu, là.
M. Martin: C'est ça.
Mme Marois: D'accord. Donc, vous n'opérez... Dit comme
c'était au début de votre document, on avait l'impression que
vous opériez surtout dans le reste du Canada et peu au Québec,
sauf pour quelques salons. Mais je comprends que vos activités se
tiennent au Québec. Remarquez que le fait que ce soit fermé, des
fois, le dimanche, ça permet au monde d'aller aux foires.
M. Martin: C'est ça.
Mme Marois: Alors, ça, c'est Intéressant. Il y a un
point de vue qu'il n'est pas négligeable non plus, à cet
égard, d'envisager. Quand vous dites, à un moment donné,
que les membres... À la page 3 de votre document, vous dites: "Nous
mettons en garde le comité contre des représentations qu'il peut
recevoir de toutes sortes d'associations qui prétendent
représenter des commerçants, dont les membres sont souvent
très ouverts à l'idée de faire des entorses à la
loi, mais qui se servent de leur association pour restreindre le libre
accès à leurs produits." J'en conviens. Mais, en même
temps, j'ai devant moi la liste de toutes les personnes, de toutes les
organisations qui sont passées devant nous jusqu'à maintenant.
Évidemment, ça fait quelques jours qu'on siège, donc, on
commence à en avoir vu quelques-uns. Je ne peux pas remettre en question
la bonne foi des gens qui sont là. Je pense, entre autres, à des
gens avec lesquels vous faites affaire. Je pense aux Maltres-Four-reurs
associés du Québec dont les représentants sont venus nous
dire très carrément: Écoutez, c'est notre mort comme
artisans, propriétaires de nos entreprises. Parce que c'est ça
aussi. Et je pense que les gens qui vont vous suivre vont venir nous dire un
peu la même chose, c'est-à-dire: C'est notre mort si vous
libéralisez les heures d'ouverture des commerces, même si vous ne
commencez que par l'alimentation. Parce qu'on va commencer par l'alimentation,
mais il y a un pied dans la porte. Je pense que ce n'est pas à vous que
je vais expliquer le principe du centre d'achat, comment ça fonctionne
d'un bout à l'autre du centre d'achat et qu'est-ce qui attire le monde
au centre d'achat. Alors, ça va être assez vite, on va se
comprendre là-dessus.
Alors, quand je fais la liste, j'ai plutôt tendance à me
dire: II y a un clivage et non pas: Les gens nous disent des choses, mais ils
ne veulent pas se l'appliquer à eux, ils voudraient que ça
s'applique au voisin. Un certain nombre le font, mais pour un bon nombre des
gens qui sont là... D'abord, je présume de leur bonne foi, mais,
en plus, je pense qu'elle se vérifie aussi de par leur organisation
financière et leur mode de propriété. Le
propriétaire indépendant, souvent, se dit, et les quincailliers
sont venus nous dire ça, entre autres: J'aime mieux être sur le
plancher, avec mes travailleurs et mes travailleuses le dimanche; on a besoin
d'expertise, aussi, qu'on a de la difficulté à obtenir. Ça
aussi, vous le dites dans votre mémoire. Vous dites: Qu'on ne nous dise
pas que c'est difficile d'obtenir du personnel, ce n'est pas difficile.
Attention! Il y a des gens qui sont venus ici et qui ont dit: Si on veut bien
servir notre clientèle, ça nous prend des gens
d'expérience sur notre plancher. Bon, alors, on peut, bien sûr,
avoir des occasionnels, on peut, bien sûr, avoir des étudiants,
mais ça prend de l'encadrement et ça prend des gens qui ont un
petit peu plus de calibre expérimental, c'est-à-dire
d'expérience,
"expérienciel", pour pouvoir répondre aux besoins de nos
gens.
Alors, je suis un petit peu...
M. Martin: Pourquoi serait-ce plus compliqué de vendre des
produits dans une quincaillerie qu'opérer un restaurant
français?
Mme Marois: Parce que...
M. Martin: Dites-moi le donc. Pourquoi un restaurant
français peut-il ouvrir le dimanche, peut ouvrir sept jours par
semaine?
Mme Marois: Oui.
M. Martin: Moi, je trouve que, pour créer des plats dans
un restaurant français, ça prend autant de connaissances...
Mme Marois: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
M. Martin: ...que de travailler dans une quincaillerie.
Mme Marois: On va s'entendre vite vite là-dessus, c'est
même, probablement, dans certains cas, beaucoup plus exigeant si on veut
faire de bons plats.
M. Martin: Oui!
Mme Marois: Si vous connaissez un peu la cuisine, vous savez
ça aussi. Bon!
M. Martin: Oui, parce que j'ai un restaurant aussi.
Mme Marois: Parfait. Alors, notre objectif, c'est justement de
dire que, si on ouvre, ça va demander des expertises. Ça en
demande déjà dans certains services spécialisés.
C'est vrai là, c'est vrai à l'hôpital aussi et c'est vrai
à la pharmacie où ça demande des gens qui connaissent
ça un petit peu, les médicaments, si on veut bien servir les gens
et ne pas faire d'erreurs. Donc ça demande du personnel
spécialisé. Mais ce qu'on dit et ce que je dis, au nom de ma
formation politique, ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y en ait le moins
possible de gens qui sont obligés de travailler le dimanche pour qu'on
puisse, au contraire, dégager ce temps-là pour la majorité
des personnes qui vivent au Québec, de telle sorte qu'il ne reste que
des services reliés à un certain nombre... qu'il ne reste ouvert
que des établissements qui sont des établissements de services,
soit essentiels, soit reliés effectivement aux loisirs et qui aident
d'autres personnes à se réunir, à se rassembler et
à bénéficier d'une vie différente. D'accord?
M. Martin: Non, moi, je ne suis pas d'ac- cord, mais c'est
dû...
Mme Marois: Je sais que vous n'êtes pas d'accord, mais moi
non plus.
M. Martin: Pour moi, madame, c'est du dirigisme. Allez-vous
arrêter Aican d'opérer le dimanche?
Mme Marois: Ah! Vous savez pourquoi...
M. Martin: Pourtant, c'est une grosse usine.
Mme Marois: ...la majorité des gens ne travaillent pas, ne
font pas d'activité de production le dimanche. Alcan est un exemple, les
usines de papier en sont un autre, parce qu'on sait effectivement le coût
qu'il y a à arrêter les machines et parfois même
l'impossibilité technique. À l'Alcan, c'est même une
impossibilité technique, on le sait, là aussi on pourrait s'en
parler longuement et parler des cuves - voilà le mot que je cherchais.
Alors, c'est l'objectif que l'on a. C'est vrai qu'il y a un petit
côté, je ne dirais pas de dirigisme, mais il y a un
côté - là, je vais vous reprendre aussi quand vous dites
dans votre document: "Lorsqu'on enlève aux gens des libertés...",
la liberté des uns commence là où la liberté des
autres... la liberté des uns...
M. Martin: Pardon?
Mme Marois: ...s'arrête là où la
liberté des autres commence. Si on enlève des
libertés...
M. Martin: Quelles libertés, madame? La loi du
marché, c'est une liberté. Quand les gens vont à
Burlington ou à Plattsburg, il y a des immenses centres d'achat
là qui ne répondent pas aux besoins locaux. C'est pour les
Montréalais qui vont y aller. Pourquoi aller faire des détours
pour essayer de créer des embûches? Moi, je vous l'ai dit, j'ai un
restaurant, on est fermé le samedi midi et on est fermé le
dimanche midi, parce que c'est de nos affaires. Il y a des stations-service qui
sont fermées deux jours par semaine, le samedi et le dimanche. J'en
avais une où je travaillais, à Westmount, parce que ça
répond... Il y en a d'autres qui sont ouvertes 24 heures par jour.
Laissons aux gens la liberté.
Mme Marois: Vous savez, la liberté totale, ça donne
aussi l'anarchie.
M. Martin: Pardon?
Mme Marois: Ça donne aussi l'anarchie et ça a
donné aussi le capitalisme sans contrainte et sans règle. Ca a
donné les exagérations que l'on a connues au début du
siècle et qui se sont maintenant tout à fait civilisées et
organisées, on va en convenir, mais parce qu'il y a eu aussi
des gouvernements qui ont établi des règles d'encadrement
qui ont fait qu'on n'a pas outrepassé un certain nombre de limites qu'on
s'était fixées. On va convenir de ça ensemble aussi.
M. Martin: Oui, là on va convenir. Mme Marois:
D'accord? M. Martin: Oui.
Mme Marois: C'est parce que vous faites des affirmations dans
votre document, que je veux bien suivre, mais que je questionne. Vous me dites
- là, je ne veux pas les reprendre, j'en fais juste la liste - qu'il y a
des gens qui disent: Ne faites pas ça, mais nous, on va le faire, moi je
dis qu'il y a la bonne foi des gens qui sont venus nous présenter leur
point de vue. Qu'est-ce que vous voulez, je ne peux pas faire autrement que d'y
croire et de les respecter, parce qu'ils ont déployé, je pense,
tout un tas d'arguments qui nous ont été présentés
et qui faisaient bien valoir leur point de vue. Je peux comprendre le
vôtre aussi, même si je ne suis pas d'accord. Vous le
défendez bien aussi. Mais je dis: On ne peut pas mettre en doute ni
votre bonne foi ni la leur. Ça, c'est une chose. L'autre chose: c'est
vrai qu'il se développe...
M. Martin: O.K. Je peux vous arrêter. En 1983, pour la
superexposition d'ameublement, il y a un exposant qui, en 1982 - il n'est plus
en affaires maintenant, c'est Valiquette - était venu participer
à notre exposition. En 1983, il décide de ne pas venir à
Place Bonaventure. Le direc teur général de Valiquette est le
président de la Corporation des marchands de meubles. On l'invite
à l'ouverture officielle, en tant que président, disons à
11 heures le matin - ça, c'est le jeudi ou le vendredi - et à 2
heures il fait une plainte au ministère, au nom de la Corporation, pour
dire: Ces gens-là vont ouvrir. Il y avait beaucoup de membres de la
Corporation des marchands de meubles qui étaient à notre
exposition. O.K.? Pendant ce temps-là, l'inspecteur vient, met des mises
en demeure à tout le monde. Pendant ce temps-là, Valiquette a
ouvert toute la fin de semaine. Il n'a pas payé. Comme de raison, il n'a
pas participé. Puis c'est le président de l'association qui, lui,
a ouvert toute la fin de semaine. L'inspecteur n'est pas venu le voir et il ne
s'en est pas occupé parce que c'est arrivé trop vite. Moi, j'ai
travaillé longtemps dans le domaine des associations. Je connais un peu
comment ça fonctionne, hein?
Mme Marois: Oui.
M. Martin: Des fois, les consensus sont assez vite pris et c'est
facile d'avoir la vertu haute. Mais il peut y avoir beaucoup d'exceptions quand
on regarde.
Mme Marois: Oui, je suis d'accord avec vous que c'est parfois
facile d'avoir un langage d'un côté de la bouche et d'en pratiquer
un autre de l'autre bord. Ça aussi, on le sait Mais ce n'est pas une
mauvaise expérience, c'est une exception quelque part qui doit nous
faire extrapoler pour l'ensemble des autres.
M. Martin: Non.
Mme Marois: D'accord.
M. Martin: O.K.
Mme Marois: Alors ça va. Je n'ai pas d'autres questions,
M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Drummond.
M. St-Roch: Merci, M. le Président. M. Martin...
M. Martin: Oui.
M. St-Roch: ...je pense que c'est un secret de Polichinelle
aujourd'hui de savoir que, dans la plupart des municipalités - là
je parle des villes de moyenne à grande importance, qui ont du transport
en commun, qui ont des forces policières - lorsque arrive le dimanche,
on réduit les effectifs pour faire en sorte qu'on puisse donner des fins
de semaine à des hommes et des femmes qui travaillent dans ces
professions-là, mais ça a aussi une incidence au niveau des
coûts des opérations des municipalités. Je prends votre
optique. On ouvre les magasins et on s'en va tous azimuts les fins de
semaine.
M. Martin: Vous n'ouvrez pas les magasins. Vous permettez aux
magasins...
M. St-Roch: On permet... M. Martin: ...d'ouvrir.
M. St-Roch: Oui. Connaissant aussi tout ce qui peut arriver dans
les centres d'achats: l'un ouvre, l'autre ouvre, on renégocie les baux
en tout... Mais, si vous me permettez, assumons que la plupart des commerces
vont être ouverts À ce moment-là, on accroît
drôlement les affluences au niveau du commerce, ce qui va vouloir dire
que la plupart des municipalités vont être obligées de
mettre des forces policières en supplément. Parce qu'on a plus de
gens, ça va être le transport ambulancier qui va
s'accroître, ça va être le transport en commun aussi qui va
venir. Parce qu'on va avoir des travailleuses et travailleurs qui vont oeuvrer,
ça va demander de plus en plus de garderies. Qui va payer la note?
M. Martin: Je pense qu'il faut que la
société paie pour les services qu'elle veut se donner, la
qualité de services qu'elle veut se donner.
M. St-Roch: Mais à l'heure actuelle, si on regarde les
sondages, ça semble être drôlement partagé. Alors,
pourquoi - je vais assumer que les sondages sont exacts, qu'on a 50-50 - 50 %
des propriétaires d'une municipalité de moyenne importance
verraient-ils leur facture de fiscalité municipale s'accroître
pour donner des services supplémentaires pour un autre 50 % qui voudrait
avoir une qualité de vie supposément dans...
M. Martin: Oui. Je vais vous poser une question, vous. C'est quoi
le pourcentage des commerces qui sont assujettis, des commerces dans le sens
des produits et des services? Quel est le pourcentage des commerces qui sont
présentement assujettis à la Loi sur les heures d'affaires?
Disons, dans une ville, vous avez un coiffeur, vous avez trois restaurants,
vous avez un hôtel, vous avez un magasin de meubles, vous avez... C'est
quoi le pourcentage?
M. St-Roch: Bien, je ne le sais pas. Je regarde une ville comme
la mienne qui a quand même 36 000 de population, avec 25
municipalités. On a les dépanneurs, on a les pharmacies... (21 h
45)
M. Martin: Oui.
M. St-Roch: ...régulières ou d'escompte. Mais on a
trois centres d'achats qui regroupent peut-être 150 commerces qui sont
fermés. On a un centre-ville qui est pratiquement désert, sauf la
pharmacie ou sauf le dépanneur qui vont s'être installés.
Quand je regarde, moi, dans une municipalité comme la mienne, le trafic
la fin de semaine, ça permet à la municipalité de donner
à des policiers et à des policières des fins de semaine
aussi parce qu'il y a moins de circulation. Ceux qui opèrent le
système ambulancier, bien, parce qu'il y a moins de trafic dans la
ville, on fart la même chose; la même chose au niveau des
garderies. Mais si demain matin on leur dit: On ouvre nos centres d'achats,
tout ouvre tous azimuts, on va avoir tout un va-et-vient.
Alors, je pense que vous allez conclure avec moi qu'il va y avoir une
augmentation de tous ces frais-là. Il va falloir que quelqu'un la paye,
la note, à quelque part. Alors, est-ce qu'on met un impôt
spécial à ceux qui vont ouvrir le dimanche pour payer la
note?
M. Martin: Ce n'est pas un pauvre citoyen comme moi qui va vous
dire de mettre de l'impôt ou de ne pas mettre de l'impôt, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. St-Roch: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Taillon, si vous voulez remercier notre
invité.
Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution.
M. Martin: O.K. Merci.
Mme Marois: Comme vous l'avez mentionné, on ne partage pas
nécessairement les mêmes points de vue, mais ça reste
toujours intéressant qu'on confronte nos idées, de telle sorte
que ça puisse peut-être nous amener à adopter une loi qui
réponde le mieux possible à l'ensemble des besoins que l'on veut
couvrir. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Comme le dit l'adage:
Du choc des idées jaillit la lumière!
Mme Marois: Semble-t-il!
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, si vous
voulez remercier notre invité.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, M.
Martin. Je pense que le point que vous défendez, c'est clair. Ce que je
retiens, c'est que la loi mentionne qu'aucun client ne peut être admis
dans un établissement commercial. Vous soulevez des
éléments qui ont déjà été
soulevés dans le passé, entre autres, la vente par catalogue. Je
pense que M. Virthe est venu nous parier clairement et dire que de plus en plus
c'est un secteur d'avenir. Vous pariez des vendeurs itinérants qui
offrent des produits dans le domaine de l'alimentation. Donc, ça,
ça veut dire celui qui se promène avec son petit camion, avec ses
fruits, ses légumes et également ses poissons congelés et
qui peut vendre ça de porte en porte. Vous pariez également des
produits de beauté. Bon, ça, on les connaît.
Également, ils sont en train d'élargir dans le domaine
vestimentaire. Vous soulevez ça. Je suis content que vous le fassiez
parce que, si on veut avoir une loi équitable et une loi durable, il va
falloir évaluer ces éléments-là dans la
décision qu'on va avoir à prendre. Je vous remercie beaucoup, M.
Martin.
M. Martin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie M. Martin, du Groupe Expositions, et
invite à la barre des témoins la Corporation des bijoutiers du
Québec.
Bonsoir, madame, messieurs. Il me fait plaisir de vous recevoir. Alors,
vous connaissez nos règles de procédure. Vous avez au maximum dix
minutes pour présenter votre point de vue. Il
y aura une partie d'échanges avec les membres de la commission.
Je vous prierais, lorsque vous interviendrez, de bien vouloir vous identifier,
ceci pour les fins de la transcription du Journal des débats.
Alors, si vous voulez commencer, on vous écoute.
Corporation des bijoutiers du Québec
M. Marchand (André): Alors, M. le Président, M. le
ministre, mesdames, messieurs, je me présente: André Marchand,
président de la Corporation des bijoutiers du Québec. À ma
droite, Mme Lise Petltpas, directrice générale du même
organisme. J'ai fermement l'intention de vous faire un résumé du
mémoire. Il se fait tard. Vous êtes tous sûrement
fatigués et je ne voudrais pas que ce soit trop fastidieux. Alors,
j'entre immédiatement dans le vif du sujet. J'imagine et j'espère
que vous avez tous lu notre mémoire. Je prends pour acquis que c'est
chose faite.
Alors, j'aimerais le résumer comme ceci: L'association
professionnelle que je représente existe depuis 1952. Je dois ajouter
que nous sommes mandatés à l'unanimité de nos membres.
Notre organisme regroupe près de 1000 membres. On peut compter pour la
province environ 1200 bijouteries réparties sur l'ensemble du
Québec. La moitié de ces bijouteries sont gérées
par des artisans, c'est-à-dire que ce sont des entreprises familiales
occupant une ou deux personnes, la plupart du temps le mari et la femme ou un
des enfants. Ces personnes travaillent présentement un minimum de 60
heures-semaine, heures ouvrables. Je vous fais grâce de toutes les heures
supplémentaires pour faire les vitrines, les comptes, enfin, toutes ces
heures qui ne paraissent pas aux yeux du public, mais que nous sommes
obligés de nous payer, puisque nous n'avons pas toujours les
employés voulus pour le faire à notre place.
Tout ajout à ces heures de travail ne pourrait que nuire à
la qualité de vie que nous sommes en droit d'avoir comme d'ailleurs
notre clientèle présentement. C'est pourquoi nous, les membres de
la Corporation des bijoutiers du Québec, nous nous opposons fermement
à tout changement de principe de la présente
législation.
Ceci étant dit, nous aimerions quand même apporter
réponse aux six questions que vous nous avez posées via le
document 'Tenue d'une consultation générale de la loi sur les
heures d'affaires". Nous voulons d'abord remercier et féliciter les
personnes ou les groupes responsables de la parution de ce document de base.
Son contenu et la qualité de sa présentation nous ont grandement
aidés à compléter nos Informations. Si vous voulez leur
transmettre nos félicitations, ça nous ferait plaisir.
Première question, révision des exemptions prévues
par la loi. Selon nous, le gros du problème et la source de tous les
ennuis consistent justement dans les nombreuses exemptions qui ont
été accordées. Tout le monde le sait, nous sommes dans un
marché stagnant; aucune augmentation de population, sinon une diminution
et, donc, automatiquement, l'augmentation des ventes se fait au
détriment des autres. Nous sommes donc devant un choix politique entre
les multinationales et l'ensemble des commerçants indépendants.
Les Pharmacies Jean Coutu, pour ne pas les nommer, profitent d'un
privilège et, selon nous, non d'un droit acquis. Elles possèdent
des comptoirs de bijouterie et sont nos concurrents directs,
indûment.
Nous avons également le problème des marchés aux
puces. Il y a une prolifération de plus en plus grande de ces fameux
marchés aux puces. Dans le territoire de Laval où je demeure, il
s'en est ouvert deux nouveaux en moins de six mois. Pour parler du plus connu
et peut-être de l'ancêtre de la province, la
Récréathèque, si vous entrez dans la
Récréathèque, immédiatement en face de vous, vous
allez voir un comptoir de bijouterie; là, je ne parie pas d'un kiosque
de 10 par 10; il y a douze comptoirs de bijoux. En entrant, vous ne pouvez pas
les manquer, ça a au moins 25 pieds par 25 pieds. Ils vendent des
bagues, diamants, rubis, émeraudes, saphirs, d'une gamme de prix de 200
$ à 2000 $, des bracelets, gourmettes et autres bijoux de 150 $ à
1500 $. Je puis vous affirmer, pour y avoir été à maintes
reprises - j'ai d'ailleurs fait de nombreuses plaintes à ce sujet - que
90 % de ce qui se trouve dans ces comptoirs vaut plus de 20 $ et est à
l'encontre de la loi telle qu'elle existe présentement. Au même
endroit dont je vous parle, il y a trois bancs de bijoutiers et un banc
d'horlogers. Il y en a très peu présentement, dans toute la
province, des bijouteries bona fide qui possèdent un aussi grand nombre
d'ouvriers sur place pour les réparations. Donc, le marché est
important.
Au même endroit, vous avez deux autres endroits similaires
à celui que je viens de vous citer. Vous avez présentement
plusieurs marchés aux puces qui n'ouvrent que les fins de semaine. S'ils
n'ouvrent que les fins de semaine, c'est parce que c'est plus payant pour eux
d'ouvrir ces jours-là, puisque nous, nous sommes fermés. Alors,
pour nous, c'est vraiment une compétition directe, grave et importante,
et on voudrait bien, quelles que soient vos décisions dans la prochaine
loi, qu'au moins, si elle est similaire à celle qui existe
présentement, elle soit enfin respectée.
Nous demandons donc le respect intégral de la loi existante ou
une révision afin qu'elle définisse mieux les règles du
jeu. Nous croyons que ces commerçants devraient être régis
par la loi des heures d'affaires puisque, présentement, leur commerce ne
se distingue en rien de celui des commerçants ayant pignon sur rue.
Marchés aux puces, marchés publics, Club Price, Pharmacies Jean
Coutu, etc., ils veulent tous
augmenter leur part du marché. C'est leur droit le plus strict,
à la condition qu'ils soient placés sur le même pied que la
compétition. Nous disons donc non à toute forme d'exemption ou
d'exception, sauf celles contenues dans la loi de base de 1970.
Deuxième question, le réaménagement des heures
d'affaires sur semaine pour tous les types de commerces. Nous sommes pour le
statu quo. Les raisons vous en sont fournies dans notre mémoire.
Trois, l'ouverture le dimanche des établissements commerciaux du
secteur de l'alimentation. Vous le savez tous, ça a été le
déclencheur des polémiques et des problèmes actuels. Plus
vous ouvrez une porte, plus il est facile d'y mettre le pied. De là
à se mettre les deux pieds dans les plats, il y a peu de marge. C'est
donc un choix de société, vous l'avez dit, vous nous l'avez
écrit, et nous y croyons tous. Nous sommes donc contre l'ouverture des
commerces le dimanche, mais nous n'avons rien contre la possibilité d'un
réaménagement des heures actuelles en y ajoutant possiblement un
soir de plus, toujours, bien entendu, strictement dans le domaine de
l'alimentation.
Quatre, transfert du pouvoir au niveau local. Nous sommes
catégoriquement contre. Cette responsabilité vous appartient et
vous vous devez de faire respecter les lois que vous votez.
Cinq, l'augmentation du nombre d'employés présents, en
tout temps, dans le secteur de l'alimentation. Nous croyons qu'il est
important, d'abord et avant tout, de respecter l'esprit de la loi et de limiter
les abus et échappatoires afin d'éviter la récidive des
problèmes actuels et afin d'éviter, même si je trouve
ça très agréable, d'être encore devant vous dans un
an ou deux pour être face aux mêmes difficultés.
Six, les mécanismes et les modalités d'application de la
loi, ainsi que l'augmentation des amendes pour les contrevenants. Il faut une
volonté politique, je me répète, de faire respecter la
loi. Ceci nous semble un prérequis essentiel à l'administration
pratique de la même loi. Nous croyons vraiment que cette volonté
existe, car nous sommes conscients des efforts que vous apportez à date.
L'augmentation des amendes va de soi afin qu'aucun contrevenant ne puisse se
vanter d'avoir enfreint la loi parce que c'était payant de le faire.
De plus, nous croyons que tous les médias qui ont publicise
l'ouverture d'un ou des commerces à rencontre de la loi doivent
également être poursuivis au même titre que le ou les
contrevenants. Notre argumentation est simple: si personne ne sait qu'un ou des
commerces seront ouverts, aucun client ne s'y présentera. En justice,
celui qui tient le sac est sûrement aussi coupable que celui qui tient le
fusil. Nous croyons donc que les amendes doivent être assez
élevées pour dissuader toute ouverture non permise par la loi.
Nous demandons également que celles et ceux qui diffusent l'information
soient aussi assujettis à la même loi, car ils sont complices
avant le fait et encouragent ainsi une activité illégale.
J'aimerais ouvrir une parenthèse en ce qui touche bien
particulièrement le domaine de la bijouterie au détail. Nous
avons de forts problèmes de sécurité. Inutile d'ajouter
que nous en sommes rendus avec des portes barrées, avec des sas de
sécurité; certains de nos membres ont même des chiens
préparés et élevés dans le but de nous
protéger. On a des caméras de télévision en circuit
fermé. Nous avons tout ceci et, malgré tout les compagnies
d'assurances refusent, pour la plupart d'entre nous, de nous accorder une
protection valable.
Saviez-vous que moins de 20 % des bijoutiers au détail au
Québec sont assurés contre le vol? C'est relativement grave. Ils
se fient, à ce moment-là, à la protection publique et
c'est très difficile pour nous de subir ce stress quotidien. Seule la
compagnie Lloyd's de Londres - et je ne fais pas sa publicité - pour le
moment, accepte de couvrir les risques inhérents à notre
profession, et encore avec tellement d'exigences et de restrictions que
ça devient aléatoire d'y faire une demande. Des heures
d'ouverture prolongées nécessitent donc une protection
proportionnelle et des dépenses sûrement supplémentaires,
sans compter que les compagnies d'assurances refusent souvent d'assurer
possiblement ces heures.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, s'il vous plaît.
M. Marchand: Oui, certainement. En conclusion, j'aimerais vous
dire que présentement, avec la loi actuelle, il est possible, comme nous
le mentionnons dans notre mémoire, d'acheter cadeaux, parfums, bijoux,
montres, marchandises sèches, épicerie, articles de jardinage,
ainsi que des médicaments, tout ça dans des pharmacies bien
connues; vin, bière, charcuterie, épicerie, pain frais, repas
précuits, chez les dépanneurs, la plupart ouverts vingt-quatre
heures; de la sculpture, des peintures, des émaux, poterie,
macramé, soieries, tout objet d'artisanat. Ça ne fait l'objet
d'aucune restriction, vous le savez. Antiquités, livres, autres produits
reliés à ces activités, ouverts en tout temps au
gré du propriétaire. Fruits et légumes - pour les
commerces de trois employés ou moins - marchandises en vrac:
marchés, halles peuvent ouvrir sans restrictions autres que celles
mentionnées. Denrées, articles de toutes sortes: les
marchés aux puces - on en a parlé tantôt - qui ne
respectent pas la loi font donc une concurrence déloyale aux commerces
qui respectent les lois. Tous les articles qu'on peut se procurer dans les
zones touristiques, le consommateur peut également se les procurer.
Que demander de plus? Les faits le prouvent. La loi sur les heures
d'affaires répond aux
besoins des commerces de détail. Et, à ce niveau,
j'aimerais conclure par cette phrase: Nos recommandations n'ont donc qu'un seul
but: le rétablissement d'une saine compétition. Merci de m'avoir
écouté.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. Marchand, au début, vous nous
avez mentionné - je pensais que c'était à cause de votre
enthousiasme - que c'était unanime, mais je le vois bien, c'est clair:
100 % des bijoutiers se sont prononcés contre l'ouverture des commerces
le dimanche. Vous nous avez mentionné que vous avez 1000 membres. Il y a
1200 bijouteries. Ça veut dire que vous en représentez, si je
fais bien la bonne comparaison, là, 1000 sur 1200. (22 heures)
M. Marchand: Non. Je pense qu'il faut être quand même
précis et exact. Nous représentons l'industrie de la bijouterie,
c'est-à-dire les membres commerçants, les industriels et les
représentants, en tant que membres bijoutiers détaillants:
environ 500.
M. Tremblay (Outremorrt): 500 sur les 1000? M. Marchand:
C'est exact.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce qu'on pourrait en déduire
que les 500 autres ne sont pas unanimes sur l'ouverture?
M. Marchand: Nous avons fait étalage, sans conteste,
depuis douze ans, de notre position sur les heures d'affaires, à tous
nos congrès, à toutes nos réunions. Nous l'avons aussi
fart paraître dans différents journaux, lors de notre prise de
position en ce qui regardait Jean Coutu et d'autres. Nous avons donc
été actifs dans ce domaine. Nous envoyons les résultats de
nos congrès et autres à tous les non-membres, à tous les
bijoutiers. Ça a paru dans notre revue, qui s'appelle Bijou, tous
ces résultats, sans jamais recevoir un seul appel
téléphonique ou lettre de contestation.
M. Tremblay (Outremont): O.K. Deuxième question que vous
avez posée: "Êtes-vous en faveur d'un changement des heures
d'ouverture actuellement en vigueur?" Vous nous dites que, si jamais il y avait
ouverture en semaine, le mercredi jusqu'à 21 heures, vous seriez
d'accord avec ça, mais uniquement pour l'alimentation.
M. Marchand: Exact.
M. Tremblay (Outremont): Par contre, tout à l'heure, vous
nous avez clairement exprimé votre point de vue en mentionnant que Jean
Coutu vendait d'autres produits que des produits alimentaires, qu'il vend
également des bijoux. Alors, ne pensez-vous pas que vous auriez
intérêt à être ouverts également le mercredi
soir? Parce que vous demandez au gouvernement de contrôler la vente de
ces menus articles et c'est pas mal difficile. Est-ce que vous seriez
prêt à repenser, avec vos membres, si jamais c'était une
solution qui était retenue, à ce que tous les commerces sans
exception soient ouverts le mercredi soir jusqu'à 21 heures?
M. Marchand: Je crois que notre position a été
très explicite lors de nos derniers congrès. Nous reposons la
question chaque année parce que révolution des gens et des choses
fait que les opinions peuvent être modifiées. C'est très
clair et très explicite qu'on veut, nous, le statu quo actuel. On veut
quand même démontrer une certaine souplesse et démontrer
que nous n'avons pas des oeillères et qu'il est possible, pour certaines
activités de l'alimentation, de rendre service aux familles
monoparentales ou autres, afin qu'elles puissent obtenir quelques heures de
plus pour faire leurs commissions. Mais, si on se fie aux directives que nous
avons reçues de nos membres, il est clair et net que c'est le statu quo
intégral.
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais, M. Marchand, vous nous avez
clairement exprimé, tout à l'heure, des réserves sur la
loi actuelle qui ne permet pas aux Pharmacies Jean Coutu de vendre des bijoux
le dimanche s'ils coûtent plus de 20 $. Vous vous opposez à
ça et là vous seriez favorable à ce que Jean Coutu, pour
les produits alimentaires, pour la pharmacie, soit ouvert le mercredi - c'est
une suggestion qui est faite - jusqu'à 21 heures alors que vous allez
rester fermés. Il se pourrait que ce soit difficile à
contrôler. C'est ça qu'on essaie d'éviter, si on veut avoir
une loi applicable, gérable et durable. Vous ne pensez pas que, par
légitime défense, vous auriez intérêt à
ouvrir le mercredi soir jusqu'à 21 heures?
M. Marchand: II m'est difficile de parler au nom des membres. Je
puis vous dire et vous répéter encore une fois ce qu'ils nous ont
chargés de vous transmettre, mais je ne crois pas qu'il y aurait non
plus une levée de boucliers énorme si une semblable chose
arrivait. Il reste, je pense, que la liberté d'ouvrir ou de ne pas
ouvrir un mercredi, éventuellement, laisse à chacun son libre
choix.
M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question: Vous dites:
Ça va être important qu'on ait une loi qu'on puisse appliquer.
Donc, vous faites allusion directement aux amendes. Dans votre esprit, à
vous... Êtes-vous un commerçant? Opérez-vous?
M. Marchand: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Qu'est ce qui serait une amende assez
Importante pour s'assurer que la loi soit respectée pour vous, en tant
que commerçant?
M. Marchand: C'est très relatif. Si je reste ouvert et que
je possède un petit commerce, non pas dans un centre d'achats, mais sur
une rue régionale, il reste que, pour moi, une amende de 1500 $ serait
énorme, parce que j'aurais peut-être vendu pour la moitié
de cette somme dans ma journée et peut-être moins. Mais pour
quelqu'un qui a une bijouterie très reconnue, plusieurs employés
et qui pourrait drainer, par une publicité adéquate, des ventes
de 20 000 $, 1500 $ c'est encore très payant- Vous le savez tous, dans
notre domaine, les profits bruts sont assez élevés.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Donc, combien?
M. Marchand: Moi, je verrais une amende dissuasive d'un minimum
de 2500 $ pour la première infraction.
Mme Marois: Merci, M. le Président, de me passer la
parole. Ha, ha, ha! Je suis assez capable de la prendre habituellement, de
toute façon.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Ça ne l'inquiète pas, vous avez
remarqué.
Le Président (M. Bélanger): Non, il n'y a pas de
problème.
Mme Marois: Ça me fait plaisir de vous souhaiter la
bienvenue à nos travaux. Je pense que vous étiez dans la salle
lorsqu'on a eu des échanges avec des gens qui sont venus avant vous.
Vous connaissez un petit peu mon point de vue et le point de vue de ma
formation politique.
Je pense que vous soulevez un certain nombre de questions, un certain
nombre de problèmes, enfin, que je comprends, que je partage avec vous.
Et je partage avec vous aussi la proposition que vous retenez. J'en faisais
état à la personne qui vous a précédé, qui a
présenté son entreprise, le Groupe Expositions. Effectivement,
ça ressort encore là et vous le dites, vous, carrément
dans votre mémoire: Le type d'organisation de notre
société est différent de ce qu'on connaît, par
exemple, en Ontario où on a beaucoup de petits propriétaires et
moins de grandes corporations à filiales. Donc, ça modifie aussi
toute l'organisation, évidemment, sur le terrain et c'est ce que vous
défendez.
Mais il y a une chose que vous soulevez dans votre mémoire et que
je trouve intéressante parce que ça nous amène à
repositionner le problème. Le ministre l'a fait lui-même aussi en
vous posant la question. C'est que, dans le fond, si on ouvre pour
l'alimentation le dimanche, vous, ça ne vous concerne pas et, à
cet égard-là, à la limite, vous dites: Bon, ce n'est pas
trop grave. Sauf que si on permet d'ouvrir pour l'alimentation le dimanche,
comme l'un de ceux qui vous font le plus de concurrence, à vous,
à des quincailliers même et à un certain nombre d'autres
petits commerçants, c'est, entre autres, la pharmacie à grande
surface parce qu'elle vend des produits de bijouterie, parce qu'elle vend des
produits de quincaillerie, parce qu'elle vend d'autres types de produits, donc,
si en ouvrant le dimanche pour les commerces d'alimentation, on pense qu'on
règle le problème, on en règle seulement la moitié
parce que, si on permet à ces grandes surfaces de continuer à
vendre des produits que vous vendez et qu'on ne vous permet pas d'ouvrir, on
garde la même iniquité. On s'entend bien?
M. Marchand: Oui.
Mme Marois: C'est ça que vous soulevez ici quand vous
pariez des marchés aux puces, entre autres, et de l'ouverture des
établissements commerciaux le dimanche.
M. Marchand: Mme Marois, vous me dites que ce n'est pas grave que
les établissements d'alimentation ouvrent. Moi, je ne suis pas d'accord
avec ce principe pour une raison très simple.
Mme Marois: Remarquez que moi non plus, mais je veux que vous me
la disiez.
M. Marchand: J'aimerais l'exprimer quand même parce que, si
on recule de quelques mois seulement, Distribution aux consommateurs, qui est
notre plus gros concurrent dans la bijouterie - il draine tout près de
25 % du marché - appartenait à Provigo. Et vous aviez
déjà, chez Provigo, des comptoirs de prises de commandes pour
Distribution aux consommateurs. Qui peut empêcher une autre chaîne
à venir, Steinberg ou une autre, de faire de même et de s'affilier
avec un autre représentant de bijoux? Alors, avec le morcellement des
commerces, ce n'est plus spécialisé comme ça
l'était. On tend vers une généralisation. Si ma
mémoire est bonne, il y a même eu une injonction, de votre part,
pour arrêter une superpharmacie qui se servait du prétexte de la
pharmacie pour pouvoir englober à peu près toutes les autres
sortes de commerces. Vous avez Club Price qui, sous prétexte
d'être un club privé, avec une grosse parenthèse, selon
moi, et un coût de 25 $, ce qui est un coup génial en marketing,
fait payer les clients pour venir acheter. Je trouve ça génial,
peut-être, mais au détriment de qui? De nous. Et
ils drainent des sommes absolument incroyables, des millions. Où
vont-ils s'arrêter? Pour l'instant, ce ne sont pas, pour nous, des
compétiteurs majeurs parce qu'ils se sont limités dans d'autres
domaines, mais Ils vont s'apercevoir tôt ou tard que c'est
également payant, la bijouterie, et ils vont embarquer dedans comme tout
le monde. Alors, c'est ça, le problème, et je crois, M. le
ministre, l'avoir mentionné antérieurement, c'est que vous donnez
un pied et on prend une verge.
Mme Marois: Voilà!
M. Marchand: Et si on laisse aller les exemptions de plus en plus
nombreuses et les exceptions, encore une fois, de plus en plus nombreuses, on
se retrouve devant le même fouillis.
Mme Marois: Tout à fait. Vous avez des travailleurs et des
travailleuses dans vos entreprises. Évidemment, ce sont de petites
entreprises, mais il y a quand même des gens qui travaillent chez vous.
Quel est leur point de vue, à eux? J'Imagine que vous êtes
très près d'eux ou très près d'elles.
M. Marchand: Oui. C'est sûr que chez nous, dans la
bijouterie, chacun qui va paraître ici va toujours dire qu'il est
distinct des autres et, dans le fond, c'est un peu vrai. Chez nous, ça
prend quand même une certaine expertise et je ne veux pas minimiser ou
réduire la valeur des autres types de commerces, loin de moi cette
pensée. Il reste quand même que nous avons besoin de plus en plus
d'expertise dans notre domaine. Être bijoutier, ce n'est pas seulement
prendre un bijou, le livrer; on doit l'expliquer, on doit le connaître,
on doit le comprendre et on doit souvent - plusieurs parmi nous sont des
artisans - les fabriquer également. Alors, la chaîne est quand
même assez longue et je crois qu'il serait absolument impossible pour
nous de prendre quelqu'un au salaire minimum et de lui dire: Toi, tu vends de
la bijouterie demain matin. C'est peut-être possible, mais je doute de la
qualité des résultats. Nos membres, à l'année
longue, sont en période de recyclage, s'Inscrivent à des cours de
perfectionnement chez nous. C'est comme dans tous les domaines, ça
évolue et nous sommes obligés de suivre le train. Alors, pour
nous, ce serait très complexe, très compliqué et ça
ajouterait une chose très simple: pas de nouveaux employés avec
un coût supplémentaire. On se taperait plus d'heures de travail
parce qu'on n'a pas les moyens, tout simplement, d'en payer d'autres. C'est
tout.
Mme Petitpas (Lise): Si vous me permettez d'ajouter une
chose.
Mme Marois: Oui, certainement, madame.
Le Président (M. Bélanger): Mme Petitpas.
Mme Petitpas: Merci. On parlait, tout à l'heure, de salons
d'exposition. À la Corporation des bijoutiers du Québec, on
organise, une fois par année, un salon commercial. Bien sûr, on
vend le dimanche à des commerçants, mais il n'y a aucune
livraison. C'est une règle du jeu. Bien sûr, ils vont placer des
commandes. Mais je veux en venir au fait qu'on a voulu organiser aussi un salon
ouvert aux consommateurs et, bien sûr, qu'on pensait vendre aux
consommateurs. Nous avons demandé la permission, mais on nous l'a
refusée et on a trouvé ça correct. Il faut être
cohérents, quand même, dans notre ligne de pensée. Je pense
qu'on peut quand même - et même on en étudie la
possibilité - organiser un salon pour consommateurs où on va leur
montrer des belles choses, où on va mettre en valeur ce qu'on fait en
bijouterie. Ce n'est pas nécessaire de vendre. Ils vont venir quand
même et ils vont apprécier quand même ce qu'on leur montre,
mais ça va être un loisir, par exemple. Moi, je me verrais
très mal, en tout cas, aller à rencontre de ça. Il y a
moyen d'organiser un beau salon pour consommateurs sans vendre.
Mme Marois: C'est ça. Bon. Écoutez, je ne veux pas
prendre plus de votre temps. Je pense que votre mémoire présente
bien votre point de vue. Vous l'avez bien fait valoir aux membres de la
commission. Je le partage et ma formation politique appuie aussi ce point de
vue que vous défendez. J'espère qu'on saura le faire valoir
correctement jusqu'à la fin des travaux de cette commission, au nom d'un
certain nombre de principes auxquels nous adhérons dont, entre autres,
le fait que nous mettions, pour nous, en tout cas, de l'avant une valeur qui
nous apparaît importante, soit la qualité de vie pour les
travailleurs et les travailleuses. Vous êtes des travailleurs et des
travailleuses, propriétaires de vos entreprises, mais vous y travaillez
aussi; donc, ça vous concerne aussi très largement. Je vous
remercie.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Juste deux petites questions. Combien de
vos membres vendent des articles d'artisanat fabriqués par des
Québécois? Est-ce qu'il y en a?
M. Marchand: C'est une excellente question, M. le ministre.
J'aimerais avoir une bonne réponse. C'est très difficile pour
nous de le juger. On fait une tournée occasionnelle, bien sûr, de
nos membres, on va les saluer en passant, on discute de leurs problèmes
et tout, mais de là à faire un bref inventaire... Nous savons
pertinemment que plusieurs de nos membres fabriquent des pièces
sur mesure, sur commande; ça, c'est un fait. Ce n'est pas la
majorité quand même. Par contre, nous avons beaucoup de
très bons fabricants québécois. Et je peux vous dire que,
dans notre domaine, nous sommes à l'avant-garde même, du produit
européen, présentement.
M. Tremblay (Outremont): C'est parce que le but de ma question...
Il y a une exception, dans la loi. Je voulais avoir votre opinion sur
l'exception.
M. Marchand: Oui.
M. Tremblay (Outremont): L'article 14 permet l'ouverture des
commerces le dimanche pour les établissements commerciaux qui vendent
exclusivement des articles d'artisanat, s'ils sont créés
par un artisan québécois. C'est pour ça que je
vous posais cette question-là. Est-ce que c'est important qu'on
maintienne cette exception-là?
M. Marchand: Je pense que, pour nous, c'est quasi inexistant. Ce
n'est pas 1 %, j'en suis sûr. Il y a quelques artisans, peut-être,
dans le bijou plus mode, le bijou de cuir, le bijou en émail. Est-ce que
c'est de la bijouterie ou non? Nous, on peut le conserver, ça ne nous
nuit absolument en rien.
M. Tremblay (Outremont): Bon. Vous avez... M. Marchand:
C'est vraiment limité.
M. Tremblay (Outremont): Je veux juste profiter de votre
présence ici. Je pense que vous y étiez, quand on a
discuté, tout à l'heure, avec les communautés juives.
M. Marchand: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Vous étiez ici?
M. Marchand: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Les communautés juives, à
cause du "chabate" le samedi, vous savez, peuvent ouvrir, par la loi, leurs
commerces le dimanche, toute opération, donc la bijouterie. Est-ce que
vous auriez objection à maintenir l'exception pour les
communautés juives?
M. Marchand: M. le ministre, d'abord, j'ai appris qu'existait
cette exemption. Pourtant, il me semble que, depuis nombre d'années,
j'ai fouillé à peu près partout et je lis
intégralement tout ce que vous me faites parvenir et un peu plus. Alors,
je me tiens vraiment au courant de la loi. Je le croyais, du moins,
jusqu'à tantôt où vous m'avez appris que cette exemption
existait sur l'ensemble. Je ne croyais vraiment pas que c'était pour
autre chose que l'alimentation. À partir de là, nous, on se dit
qu'en mettant cette exemption - vous l'avez très bien mentionné -
il y a les musulmans, il y aura d'autres religions qui vont vouloir faire
pareil; un, ce sera le lundi, l'autre, le mercredi et l'autre, le jeudi. Qui
pourra dicter qui est qui et quelle sorte de police - mettez-le entre
parenthèses toujours -pourra vraiment gérer cette forme
d'exemption?
Alors, pour nous, avec le fait que nous soyons contre l'ensemble des
exemptions, je crois que définitivement elle ne devrait pas exister pour
eux, pas plus que pour les autres.
M. Tremblay (Outremont): En tout cas, je pose la question...
M. Marchand: Oui.
M. Tremblay (Outremont): ...après les avoir
écoutés. Ça voudrait dire que ces gens-là, à
cause de leur religion, seraient pénalisés le samedi et le
dimanche.
M. Marchand: Oui. Pénalisés est un grand mot, c'est
un choix, un choix de vie. Je ne veux pas être contre eux. Moi, je sais
une chose, c'est que je fais affaire avec plusieurs juifs, parce que, vous le
savez, dans notre domaine, beaucoup de nos fournisseurs sont d'origine juive.
J'ai de bons amis parmi eux. Il y en a qui sont très stricts
d'observance. Je sais que - je ne veux pas nommer la compagnie - la plus grosse
compagnie d'importation de perles du Canada ferme le vendredi et que, quand je
veux parler aux propriétaires, ils ne sont pas là le vendredi
après-midi. Mais il y a toujours quelques employés sur place,
d'origine juive, qui répondent à mes besoins jusqu'aux heures de
fermeture normales et régulières.
M. Tremblay (Outremont): Dans les zones touristiques, une des
recommandations qui nous est faite, c'est, possiblement en limitant le temps,
en balisant bien le temps, de garder de petits commerces. Alors, ce serait fort
possible que, dans des zones touristiques, des commerces de trois
employés et moins, en tout temps, donc des bijouteries puissent
être ouvertes. Est-ce que vous auriez une objection à
ça?
M. Marchand: Si vous gardez la limite de temps,
c'est-à-dire que ce ne soit pas douze mois ou treize mois par
année, oui, définitivement, on n'aurait pas d'objection à
ce que ça demeure.
M. Tremblay (Outremont): Oui. J'en avais une autre. C'est moi qui
suis en train de penser, j'en avais une autre à vous poser.
M. Marchand: Prenez tout votre temps.
M. Tremblay (Outremont): Non, non, je le
sais, je comprends. C'est parce que ça ne reviendra
peut-être pas et vous...
Le Président (M. Bélanger): J'aimerais mieux qu'il
se presse.
M. Tremblay (Outremont): ...allez trouver le temps long.
M. Jolivet: Ca pourrait arriver un dimanche.
Le Président (M. Bélanger): Alors, est-ce qu'il y a
d'autres interventions?
M. Marchand: Alors, M. le ministre, si jamais votre question vous
revient à l'esprit, ça nous fera plaisir d'y répondre par
écrit.
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement, le
temps est écoulé. M. le ministre, vous voulez remercier nos
invités?
M. Tremblay (Outremont): Les avez-vous remerciés, oui?
Mme Marois: Oui, oui, moi, je l'ai déjà fait, je
pense, en expliquant un petit peu mon point de vue, mais je peux les remercier
à nouveau. Je pense que c'est toujours intéressant qu'une
expertise nous soit apportée par les gens qui sont concernés
eux-mêmes par le problème.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vous remercie beaucoup, Mme
Petitpas et M. Marchand, d'être venus nous exposer votre point de vue. On
va sérieusement le prendre en considération dans notre
réflexion.
M. Marchand: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la Corporation des bijoutiers du
Québec et ajourne ses travaux à demain, mercredi, 10 heures,
à la salle Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je voudrais... S'il vous
plaît. Je voudrais vous rappeler que, vendredi, il y aura un changement
à l'horaire. Alors, s'il vous plaît, vérifiez vos horaires;
ils seront distribués demain et il y aura un changement à
l'horaire pour la journée de vendredi. Ceux qui ont des engagements
à prendre ou quoi que ce soit, veuillez d'abord vérifier
l'horaire. À demain, 10 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-Lafontaine.
(Fin de la séance à 22 h 19)