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(Neuf heures sept minutes)
Le Président (M. Bélanger): La commission des
affaires sociales...
Une voix: De l'économie et du travail.
Le Président (M. Bélanger): De l'économie et
du travail, excusez. Quatre ans de mauvaises habitudes. Excusez, ce sont les
réminiscences du passé. Or, la commission de l'économie et
du travail se réunit ce matin pour procéder à une
consultation générale et à des auditions publiques sur les
modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
Ce matin, nous recevrons la Coalition pour l'équité et le
libre accès aux marchés d'alimentation le dimanche et la
Coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche.
On se rappelle que, ce matin, il y a une petite particularité
dans notre horaire: nous devons suspendre nos travaux entre 10 h 30 et 11 h 30,
tel qu'on l'avait précisé hier, ce qui explique pourquoi nous
débutons à 9 heures plutôt qu'à 10 heures.
Messieurs, dames de la Coalition pour l'équité et le libre
accès aux marchés d'alimentation le dimanche, j'ai trois... Vous
avez rétabli l'équilibre. J'ai juste des dames ici. Alors, Mme
Nicole Laliberté, Mme Solange Guillot-Lemelin et Mme Josée
Béliveau. De toute façon, vous vous présenterez et vous
identifierez votre porte-parole. Par la suite, vous aurez 30 minutes pour
procéder à la présentation de votre mémoire.
Or, je vous prierais donc de commencer, s'il vous plaît!
Mme Marois: M. le Président, si vous me permettez...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: On s'étonne toujours quand il n'y a que des
femmes et on ne s'étonne jamais quand il n'y a que des hommes.
Le Président (M. Bélanger): Non
Mme Marois: Non, je le sais, vous avez dit que s'était
rétabli l'équilibre, mais, dans les autres cas...
Le Président (M. Bélanger): Mon document ici ne
tenait compte que des noms de femmes et je m'aperçois qu'il y a cinq
personnes ce matin alors que j'en avais trois ici. C'était juste
ça.
M. Tremblay (Outremont): II y en a qui semblent s'étonner,
mais au moins on les écoute.
Des voix: Ha,ha, ha!
Mme Marois: Mais certainement. Moi, j'écoute toujours
aussi, M. le ministre.
M. Jolivet: Sans arrière-pensée.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
écoutons nos invités, ce sera plus pertinent. Alors, je vous en
prie.
Mme Laliberté (Nicole): Alors, je me présente. Je
suis Nicole Laliberté, présidente de la Coalition pour
l'équité et le libre accès, et je vais laisser les gens
qui sont ici se présenter eux-mêmes.
Coalition pour l'équité et le libre
accès aux marchés d'alimentation le dimanche
Mme Guillot-Lemelin (Solange): Bonjour, mesdames, messieurs. Mon
nom est Solange Guillot-Lemelin. Je suis ex-présidente de l'Association
des consommateurs du Québec. Il y en a qui doivent se souvenir de moi,
qui m'ont déjà vue à d'autres commissions parlementaires
sur le même sujet. Je suis toujours bénévole active au sein
de l'Association des consommateurs du Québec.
M. Falardeau (Jean): Bonjour. Mon nom est Jean Falardeau. Je suis
propriétaire d'un supermarché d'alimentation sous la
bannière Provigo situé à Québec.
M. Racicot (Jean-Guy): Jean-Guy Racicot, propriétaire d'un
magasin d'alimentation Métro, à Montréal.
Mme Béliveau (Josée): Bonjour. Josée
Béliveau, vice-présidente executive de la Jeune Chambre de
commerce de Montréal.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, votre
porte-parole peut-il nous liver votre message? Madame.
Mme Laliberté: Nous remercions les membres de cette
commission parlementaire de nous donner l'occasion de présenter notre
position sur un sujet qui a déjà fait couler beaucoup d'encre,
les heures d'affaires.
Nous tenons à remercier plus particulièrement le ministre
de l'Industrie et du Commerce
d'avoir annoncé clairement hier matin, à l'ouverture des
travaux de cette commission, que son gouvernement n'allait trancher le
débat qu'après avoir entendu publiquement toutes les parties,
car, que nous aurait servi d'avoir préparé notre
présentation ce matin pendant plusieurs semaines si cette commission
avait déjà fait son lit.
À ce sujet, nous sommes un peu déçus de l'attitude
des représentants de l'Opposition à cette commission qui,
d'entrée de jeu, hier matin, ont annoncé leur opposition dans ce
dossier en précisant que les travaux de la commission et la
présentation des 80 groupes ne la changeraient pas. Néanmoins,
nous espérons que nos arguments sauront les convaincre que la
qualité de vie si nettement défendue par eux passe aussi par le
respect des groupes qui témoigneront ici pendant plus de trois
semaines
M le Président, dans un contexte de démocratie, de libre
entreprise et d'évolution d'une société moderne, la
Coalition pour l'équité et le libre accès aux
marchés d'alimentation prend position en faveur de l'ouverture le
dimanche et fonde son action sur les besoins des consommateurs et
consommatrices, l'équité commerciale et la protection des
travailleurs.
La Coalition, c'est l'Association des consommateurs du Québec,
les Femmes regroupées pour l'accessibilité aux pouvoirs politique
et économique, la Jeune Chambre de commerce de Montréal, avec
l'appui de la Fédération des clubs de l'âge d'or de
Québec qui compte plus de 37 000 membres, de la Fédération
de l'âge d'or Concordia Montréal et de la Fédération
de l'âge d'or du lac Saint-Louis, Montréal aussi De plus, la
Coalition se fait le porte-parole de 54,7 % des consommateurs
québécois qui se sont prononcés en faveur de l'ouverture
des marchés d'alimentation le dimanche dans le cadre d'une étude
scientifique du professeur Jacques Nantel, PhD, des HEC.
Dans le contexte de cette présentation, la Coalition met de
l'avant un principe qui est reconnu par l'International Organization of
Consumers Unions, IOCU, qui siège à l'ONU, le droit de choisir
qui donne au consommateur l'accès à une variété de
produits et de services à des prix compétitifs
Sous l'initiative de la Coalition, des lettres d'appui des groupes de
consommateurs québécois représentant 49 comtés -
qui sont tous ici - du Québec, cinq régions et des organismes
membres de la Coalition, ont été signées et
distribuées aux députés concernés afin de leur
démontrer qu'il y avait un appui dans la population à notre
position.
Si nous sommes ici aujourd'hui réunis, c'est parce que la loi 59
qui régit présentement les heures d'ouverture des commerces n'a
jamais été fondamentalement modifiée depuis son
entrée en application le 1er janvier 1990. Les ajustements qui ont
été apportés au cours de toutes ces années font que
cette loi est devenue un véri- table fouillis d'exemptions et de
règlements plus ou moins observés qui ont contribué
à créer une inéquité commerciale. D'ailleurs, le
comité de députés dirigé par M. Maurice Richard et
chargé de faire la lumière sur la situation en 1988 a reconnu que
la loi est très difficile à appliquer de façon
rigoureuse.
Dans ce secteur de l'alimentation, l'accord de toutes ces exemptions a
créé, d'abord, une inéquité commerciale
décriée par tous les intéressés, soit les
marchands, les consommateurs et consommatrices et même les
députés. Ces exemptions ont de plus entraîné
l'apparition d'une structure parallèle qui, à son tour, est la
cause d'une concurrence déloyale. Par exemple, pourquoi une fruiterie
devant employer plus de trois personnes à la fois, à cause de la
manutention des produits, ne peut elle ouvrir le dimanche, tandis quo, dans un
marché public, il peut y avoir 20 travailleurs et on peut ouvrir le
dimanche?
Parlons des zones touristiques, ces fameuses zones touristiques. Nous
nous demandons sur quel principe le législateur s'est basé pour
formuler cette loi. En voici les critères: service adéquat
nécessaire à la clientèle, résolutions du conseil
municipal, accord de la majorité des commerçants environnants et
organismes représentatifs démontré par la
municipalité relié à une période d'activité
pour une période de temps déterminé. Où voit-on
dans ces critères la mention des mots "touriste" ou "touristique"?
De plus, il y a certaines aberrations qu'on a relevées dans cette
loi. Par exemple, Saint-Sauveur, qui est un centre de ski bien reconnu, qui est
largement habité par des Montréalais qui y possèdent une
résidence secondaire, est une zone touristique. Bromont, qui est un
centre de ski, largement habité par des Montréalais qui y
possèdent une résidence secondaire, ne peut être une zone
touristique. Est-ce qu'à Saint-Sauveur et Bromont, la qualité des
citoyens serait plus importante que celle des villes, puisque eux ont
accès aux services le dimanche?
À l'aube de l'an 2000, nous voyons apparaître de nouvelles
façons de magasiner à domicile La vente par catalogue. J'en ai
ici trois nouveaux que je ne connaissais pas et que j'ai reçus, tous les
trois, le même dimanche: Intimité Jour et Nuit, Sélect
et l'autre s'appelle Collection Orford La vente par catalogue, donc,
c'est déjà un phénomène qui se répand de
plus en plus. La télévision, le système Alex et
Vidéoway, ce ne sont là que quelques exemples très
concrets de modes de magasinage qui ne sont réglementés en aucune
façon par la Loi sur les heures d affaires et qui rejoignent les
consommateurs et consommatrices dans leur foyer à toute heure de la
journée, semaine et week-end,
II nous apparaît très étrange que ces
phénomènes qui sont à nos portes n'aient pas
été traités dans le document d'information du
ministère. Pourtant, ces systèmes existent
déjà.
Par exemple, on peut, aujourd'hui, acheter chez Pascal par catalogue
sept jours sur sept et se faire livrer de la marchandise à domicile. De
plus, des études américaines récentes estiment qu'en l'an
2000, 50 % des gens vont adopter ces nouveaux modes d'achat.
Tous reconnaîtront que se nourrir est un besoin réel et
essentiel et c'est tellement important que nous avons décidé de
le souligner, ici, dans le tableau. C'est un acte vital qu'il faut
répéter tous les jours de sa vie. Pour ce faire, les
Québécois et Québécoises doivent avoir accès
aux commerces qui vendent des produits alimentaires frais, à bon prix et
en grande variété tous les jours. Il s'agit d'un
élément essentiel à la qualité de la vie.
Ce sont, contrairement à ce qu'on peut répandre, des
contraintes de temps de plus en plus importantes qui incitent les consommateurs
québécois à magasiner le dimanche afin d'étaler
leurs achats sur deux jours plutôt qu'un seul. Présentement, ceux
qui n'ont pas le temps de faire leur épicerie sont, en plus,
pénalisés parce qu'ils doivent s'approvisionner chez le
dépanneur où les prix sont au moins 13 % à 15 % plus cher
qu'ailleurs.
Pour souligner la qualité de vie, permettez-moi de vous citer les
témoignages de deux personnes entendues, hier, à
l'émission Midi dix, de Radio-Canada. Il s'agit ici de Mme
Ouellet, de Montréal: "Moi, j'ai vécu en Alberta pendant sept ans
et à peu près les trois, quatre dernières années
que j'y étais, ils ont ouvert les magasins. Tout était ouvert le
dimanche et même les épiceries étaient ouvertes: le lundi
soir jusqu'à 23 heures, toute la semaine jusqu'au vendredi soir. Le
samedi, c'était ouvert de 8 heures jusqu'à 18 heures et le
dimanche, c'était ouvert toute la journée. J'ai vécu, moi,
une liberté d'achat incroyable. J'ai extrêmement souffert de
revenir au Québec et d'avoir seulement le jeudi, le vendredi et le
samedi, surtout qu'avec les emplois que j'ai, c'est souvent que je travaille de
longues heures et que le samedi, parfois, j'ai à travailler pour
rattraper le temps perdu. Alors, ça arrivait parfois que je ne pouvais
pas aller faire l'épicerie, jamais. J'ai trouvé ça
très pénible l'ajustement de revenir et d'avoir à subir
les restrictions des heures. La grande chose que je trouvais
intéressante, c'était d'avoir autant d'heures d'ouverture. C'est
que je pouvais répartir mes loisirs en fonction de mes goûts
à moi et non pas en fonction des heures d'ouverture. Je pouvais faire de
la randonnée pédestre le samedi parce que je savais que, le
dimanche, je pouvais aller faire mon épicerie, ou le lundi, dans la
semaine ou quoi que ce soit. Je n'avais aucune restriction à ce
niveau-là."
Et j'ajouterai aussi, l'autre témoignage de Mme Dumas, de
Montréal. Elle dit: "Alors, moi, je suis pour l'ouverture des magasins
et j'ai grande hâte que l'ouverture se fasse et je vais vous dire
pourquoi. Parce qu'on travaille, on est obligés de faire toutes les
courses à la vitesse, puis c'est le samedi. On est tout
essoufflés, puis arrive le dimanche, là, c'est un gros vide.
Alors, on pourrait répartir." Elle dit: "Le soir, moi, j'ai mon voyage,
comme on dit, et aller faire mon épicerie, là ça ne va
pas. Un autre point que j'apporte, c'est pour les personnes âgées
aussi. Pour elles aussi, c'est très possible que ça fasse leur
affaire. En plus de ça, ça donnerait du travail aux gens. On dit
tout le temps que les gens n'ont pas de travail. Bien, ça pourrait
répartir le travail. Moi, je trouve que ça, c'est une très
bonne chose." Et voilà.
Au Québec, 13 % . de la population active travaille dans le
secteur du commerce de détail, dont 2,6 % dans le secteur de
l'alimentation. On estime que moins de 1 % de la population active serait
appelée à travailler le dimanche si on ouvrait les marchés
d'alimentation. À la lumière de ces chiffres, on peut donc
affirmer que le gouvernement a fait et maintient une loi pour une
minorité de travailleurs plutôt que pour la collectivité.
Il faudrait donc que certains groupes cessent de nous dire que tout le monde
serait appelé à travailler le dimanche. Nous avons ici la preuve
qu'il s'agit de moins de 1 % de toute la population active du
Québec.
Les travailleurs et travailleuses en alimentation, de plus, selon nos
recherches, seront libres de travailler ou non le dimanche Ils auront le choix.
Selon le document d'information du MICT, on estime qu'au moins de 45 % des
travailleurs et travailleuses du secteur alimentaire font partie d'une
association syndicale, dont deux travailleurs sur trois dans les
supermarchés. Un grand nombre de conventions collectives ont en annexe
des lettres d'entente qui prévoient que les parties s'engagent à
rouvrir la convention - donc, les syndicats savaient que c'était une
possibilité et que ça s'en venait - et sont prêtes à
négocier selon les conditions de travail advenant l'ouverture le
dimanche.
De plus, ce n'est pas vrai que les travail leurs auraient à
travailler plus d'heures puisque les lois du travail au Québec
régissent le nombre d'heures de travail et, en plus, les jours de
congé. On nous dit que, de toute façon, les travailleurs ne
seraient pas appelés à travailler tous les dimanches. En ouvrant
les supermarchés le dimanche, par contre, on permettrait d'étaler
sur une plus longue période l'achalandage au bénéfice tant
des consommateurs que des travailleurs.
Le dernier sondage effectué en septembre 1989 par Jacques Nantel
à la demande de la Coalition démontre qu'une majorité,
soit 54,7 %, des Québécois se disent favorables à
l'ouverture de leur principal marché d'alimentation le dimanche tandis
que la portion des opposants passe à 34 %; elle était de 36 %. Le
nombre de personnes pour, en 1988, qui ont répondu exactement à
la même question, était de 43,9 % par rapport à 54,7 %.
Lorsque la question de l'équité
est évoquée, 63,5 % des consommateurs trouvent la loi
inéquitable, 25 % la trouvent équitable
Pour quelles raisons de plus en plus de gens sont-ils en faveur de
l'ouverture des marchés d'alimentation le dimanche? Parce que les
consommateurs vivent avec des contraintes de temps plus fortes qu'en 1970, au
moment de l'entrée en application de la loi, parce que la cellule
familiale traditionnelle a beaucoup changé depuis ce temps. Aujourd'hui,
le modèle dominant est la famille à deux revenus.
L'intégration de la majorité des femmes sur le marché du
travail, l'augmentation du nombre des familles où les deux adultes
travaillent et l'augmentation des familles monoparentales ont contribué
à transformer considérablement la structure familiale au cours
des dernières années et à diminuer les heures disponibles
au magasinage. Les familles doivent quotidiennement composer avec des
problèmes d'organisation de temps, notamment, en ce qui concerne des
tâches répétitives comme l'approvisionnement hebdomadaire
en alimentation.
L'accroissement du taux d'activité des femmes, qui atteint
aujourd'hui 59 % avec 77 % des emplois occupés à temps plein,
constitue une variable des plus significatives en faveur de l'ouverture des
marchés d'alimentation le dimanche, d'autant plus que si la tendance
actuelle se maintient, on prévoit que le taux d'activité des
femmes au Canada pourrait être de 71,3 % en l'an 2000.
Le nombre de familles monoparentales a augmenté
considérablement. En fait, il a plus que quadruplé entre 1961 et
1986 au Canada et représentait, en 1986, 12,7 % de la population
Pour le magasinage en général, il est toujours possible de
reporter la plupart des achats à la semaine suivante, mais, lorsqu'il
s'agit de dépenses inévitables comme l'alimentation, les
perspectives sont moins évidentes, et la régularité de ces
achats engendre des contraintes de temps toujours plus exigeantes. Pour un
couple ou une personne seule qui travaille de 9 heures à 17 heures, il
ne reste plus que les jeudi et vendredi soir et le samedi pour faire des
achats. Le temps du magasinage doit alors être partagé avec celui
d'autres activités qui ont souvent été, elles-mêmes,
reportées à la fin de semaine par manque de temps.
Pour la Coalition, la prolongation des heures d'ouverture les lundi,
mardi et mercredi soir ne réglerait en rien cette situation. Dans le peu
d'heures que cela représente, une foule d'autres tâches familiales
et professionnelles doivent être accomplies. Cette prolongation
équivaudrait pour nous à ne reporter notre course que du jeudi au
mercredi. À titre d'exemple, nous pouvons prendre la situation qui
prévaut en Ontario. Malgré le fait que les commerces soient
ouverts de 9 heures à 21 heures tous les jours de la semaine, les
consommateurs ontariens et les consommatrices ontariennes sont insatisfaits et
ils réclament l'ouverture le dimanche. On a vu apparaître, au
cours des dernières années, de nouveaux types de commerces qui
sont venus compenser les besoins en alimentation, le dimanche, des
consommateurs québécois qui ne peuvent avoir accès
à leur principal marché d'alimentation.
Cette structure de dépannage ne comble qu'une partie seulement
des besoins des consommateurs et selon l'Office de la protection du
consommateur et une étude des HEC, en plus, les gens sont
pénalisés pour ne pas avoir de temps pour magasiner; ils paient
toujours de 13 % à 15 % plus cher dans cette structure
parallèle.
Les dépanneurs, de même que les marchés publics et
les fruiteries répondent à des besoins bien particuliers des
consommateurs mais, malheureusement, ils ne peuvent pas prendre la place d'un
supermarché. La Coalition ne croit pas que les petites entreprises
soient menacées par l'ouverture des supermarchés le dimanche
parce que la vocation des dépanneurs se déconcentre de plus en
plus du domaine de l'alimentation pour offrir des services connexes et
spécialisés. Ces petites entreprises, de plus, à notre
avis, possèdent beaucoup d'atouts qui attirent la clientèle:
proximité du domicile, livraison, possibilité de s'adapter aux
besoins de leur clientèle très rapidement, justement à
cause de leur taille. De plus, toutes les statistiques indiquent que la
structure parallèle est bien en santé puisque le
dépanneur, dans un marché stagnant, et les petites
épiceries ont gagné plus de 6 points de pourcentage depuis 1985
et les magasins spécialisés, eux, 2,3 % Nous avons pris cette
information dans le document du MICT. De leur côté, les
supermarchés du Québec, eux, ont perdu près de 10 points
de pourcentage au cours des dernières années.
Un autre phénomène vient confirmer cette affirmation que
les petites entreprises ne subiraient pas tant de dommage, c'est qu'à
l'époque de l'entrée de la bière dans les
épiceries, si vous vous souvenez, on avait prédit que parce qu'on
vendrait de la bière dans les grandes corporations, il y aurait 2000
faillites de dépanneurs, ce qui ne s'est jamais produit. Ils ont
continué même de progresser au cours des dernières
années
Contrairement à ce que certains groupes prodament, l'ouverture
des marchés d'alimentation le dimanche n'entraînerait pas de
hausse de prix anormale ou exagérée parce que la concurrence est
encore la meilleure garantie de meilleurs prix De plus, cela avantagerait le
consommateur pour ce qui est de la variété des produits frais
disponibles. Tel que mentionné dans le document d'information du MICT,
les commerces supportent déjà les coûts fixes
(bâtiment, chauffage, surveillance) même s'ils sont fermés
le dimanche De plus, on nous dit que les pertes de denrées
périssables engendrées dans la période de fermeture du
vendredi au lundi est assez si-
gnificative. Donc, peut-être qu'on pourrait
récupérer là aussi.
L'ouverture le dimanche entraînerait inévitablement un
nouvel horaire d'approvisionnement. Cela ne pourrait être que
bénéfique pour les consommateurs qui pourraient
bénéficier de produits frais et en grande quantité tous
les jours. Un fait est certain, les consommateurs, eux, se sont habitués
à la structure parallèle. Il leur serait impensable que le
gouvernement leur enlève leur acquis. Le gouvernement ne peut pas tout
fermer car là, il soulèverait des protestations de la part des
consommateurs et consommatrices qui ont déjà pris des habitudes
du dimanche et le magasinage du dimanche étant en progression, je pense
que ça passerait difficilement.
Tout ce que la Coalition souhaite, c'est que les Québécois
puissent choisir le type de commerces qu'ils veulent fréquenter le
dimanche. L'achalandage actuel le dimanche, au Québec, démontre
bien le besoin d'une libération des heures d'ouverture des commerces en
alimentation. Selon l'Association provinciale des fruiteries du Québec
et dont les données sont fournies dans le document d'information du
MICT, environ 80 000 clients visitent les fruiteries chaque dimanche.
L'achalandage moyen par fruiterie serait de 800 clients le dimanche et de 3500
clients par semaine.
Pour ce qui est des marchés publics, leur association
représentative estime l'achalandage à 100 000 clients par
dimanche, ce qui donnerait une moyenne de 8000 clients par marché
public. Si on combine ces chiffres, c'est plus de 180 000 clients,
ménages québécois, qui fréquentent ces divers
commerces en alimentation le dimanche. Il faut compter en plus les milliers de
consommateurs qui fréquentent les marchés aux puces, les
pharmacies, les dépanneurs, les pâtisseries, les clubs Price, les
commerces situés dans les zones touristiques et autres commerces ouverts
le dimanche. Et on a vu hier - ce fait est confirmé par M. Jacques
Nantel - qu'on dépense 7 000 000 $ en produits alimentaires chaque
dimanche pour un total de 320 000 000 $ et, là-dedans, nous n'avons pas
non plus les chiffres des États frontaliers américains qui font
également des bonnes affaires avec les Québécois le
dimanche. Nous n'avons qu'à penser aux nombreux départs d'autobus
de Montréal, chaque week-end, en direction de Plattsburg ou d'autres
villes américaines.
La libération des heures d'ouverture le dimanche là
où elle est en vigueur, ne semble pas perturber outre mesure la vie des
clients. À preuve, voici les résultats d'un sondage
effectué en Alberta et que le témoignage de Mme Ouellet tout
à l'heure venait confirmer. Lorsqu'en 1984, il n'y avait que 42 % de la
population en faveur de l'ouverture le dimanche, en 1989, 74 % des
consommateurs sont en faveur de l'ouverture le dimanche, 69 % affirment que
l'ouverture facilite le magasinage, 93 % affirment que cela ne les a pas
empêchés daller à l'église et 91 % affirment que
cela n'a pas modifié leur vie familiale.
La Coalition estime que la décision du gouvernement doit se baser
sur des résultats d'études scientifiques plutôt que sur des
analyses sommaires et des impressions. L'ouverture des marchés
d'alimentation le dimanche répond à un besoin réel d'un
nombre de plus en plus élevé de familles et de personnes qui, du
fait qu'elles sont actives sur le marché du travail, ont de moins en
moins de temps pour magasiner. Elles doivent alors partager ce temps entre
l'achat de divers produits et la participation à d'autres
activités qui doivent se faire la fin de semaine. Même si
plusieurs types d'achats peuvent être reportés, il n'en va pas de
même pour l'approvisionnement hebdomadaire en alimentation. La Coalition
estime que le gouvernement doit baser ses décisions sur des
résultats d'enquêtes, plutôt que sur des analyses sommaires.
Des changements majeurs ont eu lieu dans la société
québécoise au cours des dernières années, il faut
donc que la législation suive ce courant et s'ajuste aux besoins des
consommateurs des années quatre-vingt-dix.
Le débat sur les heures d'affaires des commerces en alimentation,
à notre avis, a trop duré. La Coalition demande au gouvernement
de régler définitivement ce problème dès ce
printemps. Le gouvernement n'a pas plusieurs solutions pour régler ce
dossier. Régler l'inéquité commerciale en fermant tout le
dimanche est une solution socialement et politiquement impensable, qui
soulèverait un tollé de la part des consommateurs qui se sont
habitués à la structure parallèle existante et qui n'ont
pas d'autres choix, à cause de fortes contraintes de temps. Modifier le
régime actuel d'exceptions ne simplifierait pas l'application de la loi
et créerait, à notre avis, de nouvelles inéquités
en plus d'entraîner des coûts juridiques et de contrôle
très importants. (9 h 30)
Libéraliser l'ouverture dans le monde de l'alimentation serait,
selon nous, la meilleure solution, car elle permettrait à chaque
commerce de décider de ses heures d'ouverture selon le marché
dans lequel il se trouverait. Un retour à la formule de trois personnes
en tout temps, le dépannage, ne pourrait répondre aux besoins des
consommateurs en termes de prix, de qualité des produits et de
variété. De plus, seulement 35 % de la population trouve
satisfaisante cette formule pour une commande principale. N'oublions pas que
présentement beaucoup de dépanneurs emploient plus de trois
employés. La Coalition est en désaccord total avec la proposition
du MICT de transférer aux municipalités et aux MRC la
décision ultime sur les heures d'ouverture des commerces. Une telle
décision créerait une situation invivable, tant pour les
consommateurs que pour les commerçants qui ne s'y
retrouveraient pas, d'une ville à l'autre.
Faut-il vous rappeler que le gouvernement, et plus
particulièrement le ministère de l'Industrie, du Commerce et de
la Technologie, se doit de favoriser la libre concurrence au
bénéfice des consommateurs et laisser les lois du marché
décider de l'ouverture des commerces? En conséquence, la
Coalition demande au ministère de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie d'agir dans les plus brefs délais, dans
l'intérêt de tous, de donner la liberté d'ouvrir les
commerces en alimentation le dimanche, et de laisser les règles du
marché rétablir la situation.
Je terminerai en vous donnant les avantages d'une libéralisation:
des produits plus frais, à meilleur prix, en plus grande quantité
et variété, choix du moment du magasinage sans stress, meilleure
gestion du temps, diminution de l'achalandage et meilleur service,
création d'emplois pour les étudiants et les personnes voulant
apporter un revenu d'appoint. Ça égale amélioration de la
qualité de vie Je vous ferai remarquer que dans le document
d'information, on parle de maintien de qualité de vie. Nous, nous
préférons parler d'amélioration de qualité de vie.
La libéralisation n'égale pas l'obligation pour le
commerçant de commercer, pour le travailleur de travailler et pour le
consommateur de magasiner. Voilà! C'est tout.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions,
Madame. Avant de céder la parole à M. le ministre ou à Mme
la députée de Taillon, il y a un petit point de procédure
qu'on a oublié en débutant, ce matin. Si vous me permettez de
faire machine arrière. C'est qu'il y avait un remplacement et j'ai
oublié de l'annoncer II s'agit du député Benoît, de
Orford qui est remplacé par le député Richard, de
Nicolet-Yamaska. C'est ça? On ne fera pas de discussion sur la
qualité, on va le prendre tel quel.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Peut être une
petite annonce aussi, ce qui est très inhabituel, mais c'est la
fête de Mme Lambert, ce matin. C'est incroyable qu'elle puisse vieillir.
Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha! Des voix: Qu'elle doive!
Le Président (M. Bélanger): Qu'elle doive, c'est
encore pire. C'est inévitable. Bien. Alors, cela dit, nous revenons
à la pertinence de notre sujet, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, Mme
Laliberté, pour votre présentation. J'aimerais profiter de ce que
vous avez mentionné.. Vous nous faites la recommandation de ne pas
donner suite à la proposition du ministère de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie de transférer aux municipalités la
responsabilité J'aimerais y référer pour clarifier quelque
chose parce qu'il y a beaucoup d'intervenants qui mentionnent ça. Le
document de consultation qui a été remis à tous les
intervenants mentionne comme hypothèse de travail, donc pas comme
proposition, mais comme hypothèse de travail la possibilité de
transférer au niveau local le pouvoir décisionnel de l'ouverture
le dimanche dans le secteur de l'alimentation, au même titre qu'on
mentionne la possibilité d'élargir les heures en semaine, la
possibilité d'augmenter le nombre d'employés Alors, c'est une
hypothèse de travail seulement. Je pense que c'est important de le
répéter encore, ça n'a jamais été une
proposition du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie.
Mme Laliberté: ...oui, parce que, vraiment, elle ne me
plaisait pas du tout.
M. Tremblay (Outremont): Ça, je l'ai bien compris.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): J'ai deux questions. La première,
pour être bien certain qu'on clarifie votre position, en quoi l'ouverture
le dimanche répond-elle aux besoins réels du consommateur et
pourquoi, dans cette optique, ne pas simplement prolonger les heures en
semaine, ce qui pourrait peut-être également répondre aux
besoins réels des consommateurs?
Mme Laliberté: La prolongation en semaine, nous l'avions
déjà étudiée lorsque j'étais à
l'Association des consommateurs du Québec, en 1983 À ce
moment-là, ça nous semblait une hypoythèse acceptable,
mais si vous remarquez, on a toujours parlé de libéralisation.
Bon. Mais on est rendus en 1990 et, en approfondissant nos études, on se
rend compte que si on prolonge le mercredi soir, on va en venir à
refaire ce fameux débat sur les heures d'ouverture dans très peu
de temps parce que ce n'est réellement pas la solution. Ce n'est qu'une
amélioration de la situation, mais pas la solution définitive De
plus, les gens qui Le très peu d'heures que l'on a II y a d'autres
raisons pratiques qui vont vous être apportées probablement par
l'Association des consommateurs, cet après-midi, reliées au fait
que le mercredi, ce n'est vraiment pas l'idéal. C'est encore du
dépannage, quoi!
M. Tremblay (Outremont): Ma deuxième question... Je fais
référence à votre mémoire, à la page 18,
où on discute de l'effet sur les prix Vous mentionnez que "contrairement
à ce que certains groupes proclament - et je vous cite - l'ouverture des
marchés d'alimentation le
dimanche n'entraînerait aucune hausse de prix, mais au contraire,
avantagerait le consommateur pour ce qui est du prix et de la
variété des produits frais disponibles". Comment conciliez-vous
cette affirmation-là avec la position de la Coalition contre l'ouverture
des commerces le dimanche? Et je cite également: "Le constat
général prévoit un étalement de coûts plus
qu'une augmentation des revenus" On fait référence à 85 %
des 993 marchands qui ont collaboré à ces chiffres-là:
"...croient que les revenus supplémentaires ne pourront justifier les
coûts d'exploitation."
Mme Laliberté: Je pense que si on parle de l'alimentation,
ce n'est pas vrai, parce qu'en alimentation, justement, il y a des coûts
reliés à la fermeture du samedi soir jusqu'au lundi. Alors,
déjà, là il y a une perte. En plus, pour les marchands -
puis, là, on me corrigera ici; il y a des marchands avec moi - la
possibilité d'étaler leurs achats sur une semaine plutôt
que de les faire en un seul jour, ça représente aussi des
économies. Il y aurait une répartition du temps de travail et non
pas nécessairement beaucoup plus d'heures d'ouverture. Donc, là
aussi...
En plus, pour nous, le point important, c'est que la concurrence, si
tous les magasins sont ouverts, va être assez forte pour empêcher
la tentation, surtout dans l'alimentation, pour empêcher les hausses de
prix. Il y a déjà une très forte concurrence dans la... Et
une autre chose que je pourrais souligner, c'est que, présentement, si
on a des aubaines, c'est grâce aux supermarchés qui, eux, ont un
volume d'achat très élevé et qui peuvent, finalement, nous
refiler des aubaines. Si les supermarchés continuent à perdre des
parts de marché, comme on nous le dit, les premiers qui vont être
touchés, ce sont les travailleurs sûrement, mais aussi les
consommateurs, parce que, s'il y a une diminution d'efficacité, je pense
bien qu'on va payer en bout de ligne. Donc, pour nous, c'est important. Pour
nous, cette concurrence-là, c'est notre meilleur garant de prix
raisonnables
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que je peux demander, soit
à M. Falardeau ou à M. Racicot qui exploitent des commerces,
donc, qui connaissent très bien l'aspect quantitatif... Est-ce que vous
pourriez nous donner des arguments quantitatifs, nous démontrer la
réponse, parce qu'on va devoir faire face...
M. Falardeau: Si vous voulez me permettre de répondre.
Évidemment, pour reprendre la question que vous avez posée
à Mme Laliberté, actuellement, compte tenu qu'on doit
libérer ou, en fait, vider nos comptoirs le samedi soir, étant
donné qu'on est fermés le dimanche, il y a une augmentation de
coûts qui est justifiée, parce qu'on a des pertes de marchandise.
Le fait que les commerces seraient ouverts le dimanche ne nous obligerait pas
à vider nos comptoirs; donc, il y aurait probablement une diminution de
nos pertes de produits périssables. Et, à ce niveau-là, il
y aurait une économie de coûts.
Quand vous disiez tout à l'heure qu'il y aurait une augmentation
au niveau des coûts par rapport aux revenus engendrés, j'imagine
que les gens de la Coalition pour le non font référence à
l'augmentation des salaires ou des taux de salaires qu'on devra
dépasser, compte tenu que le dimanche est régi par une loi
différente. Mais on sait que dans la majorité des conventions
collectives, il y a des lettres d'entente stipulant que ça pourrait les
réglementer. Et, nous, on serait même très ouverts à
ce qu'il y ait une modification au niveau de la Loi sur les normes du travail
qui fasse en sorte que les salariés ne seraient pas tenus ou \
obligés de travailler le dimanche, que ce serait par
bénévolat. À ce niveau-là, on n'a aucune objection
à ce type de modification dans la loi.
Au niveau de la quantité, c'est évident que les revenus ne
seraient pas supérieurs de façon très substantielle, mais
il y aurait une répartition au niveau des chiffres d'affaires que nous
ferions, ce qui ferait en sorte que nous pourrions servir de façon plus
efficace notre clientèle et nous aurions des périodes de pointe
moins considérables que celles que nous avons actuellement, ce qui fait
en sorte que les jeudi, vendredi et samedi représentent, pour nous,
environ tout près de 75 % de notre chiffre d'affaires.
Évidemment, c'est très difficile. Ça demande un surplus
d'employés dans des périodes, dans des plages horaires
très précises et c'est très difficile à
gérer. Je pense que l'augmentation de coûts qu'on a
présentement avec les pertes de produits périssables, le samedi
soir, serait nettement justifiée par l'étalement des revenus que
nous aurions le dimanche. Ça, j'en suis convaincu et M. Racicot pourrait
vous confirmer mes dires.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: M. le ministre a terminé complètement?
Est-ce que c'est ça?
Une voix: Pas nécessairement.
Mme Marois: Alors, il me semble qu'on s'était entendus,
hier, sur les règles du jeu de ce matin. C'était une demi-heure
à peu près, trente minutes.
Le Président (M. Bélanger): Trente minutes,
oui.
Mme Marois: Trente minutes de notre côté. Alors, je
vais leur laisser le temps qui leur est nécessaire.
Le Président (M. Bélanger): Non, mais je
pense qu'on peut...
Mme Marois: Sinon, s'ils ont terminé, je vais prendre le
reste du temps. Ça ne m'ennuie pas, on peut aller jusqu'à 10 h
30.
Le Président (M. Bélanger): Non, je pense qu'il
faut comprendre une chose: l'article 169 de notre règlement
énonce dune façon très claire le partage du temps entre
les députés de la majorité et ceux de l'Opposition, le
temps que la commission consacre à chaque personne ou organisme,
c'est-à-dire 30 minutes par parti. Or, sous réserve de
l'alternance, chaque député peut parler aussi souvent qu'il le
désire, sans excéder dix minutes consécutives et c'est
même appelé sur une décision de M. Jean-Pierre Charbonneau
que vous avez bien connu, qui était de votre parti, qui présidait
la commission de l'économie et du travail en 1986, le 26 mars 1986.
Donc, si un parti, comme vous, décidiez au bout de cinq minutes
que vous voulez revenir plus tard, tout simplement, on fera une forme
d'alternance par bloc.
Mme Marois: M. le Président, je suis un petit peu
déçue de votre attitude ce matin et je ne comprends pas...
Le Président (M. Bélanger): Vous n'avez pas
à être déçue de l'attitude du
président...
Mme Marois: ...ce qui se passe.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse, madame.
Vous n'avez pas à être déçue de l'attitude du
président; il est là pour diriger et organiser les travaux. Il
fait...
Mme Marois: II me semble que nous nous étions entendus, M.
le Président, hier. Le ministre est devant moi. Est-ce que le ministre
est d'accord avec le fait que nous nous étions entendus que vous preniez
généralement le temps qui vous était alloué dans un
premier temps et que, par la suite, notre formation politique prenait le sien?
Alors, je ne comprends absolument pas cette attitude. On revient sur les
engagements pris, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: M. le Président, si vous me le permettez. Vous
savez que nous avons vécu ensemble et probablement ainsi qu'un certain
nombre de membres de la commission parlementaire qui a étudié la
réforme de l'aide sociale et qui a entendu, si ma mémoire est
exacte, à peu près 120 mémoires... Nous avions, à
ce moment-là, avec Mme la députée de Maisonneuve - et vous
pouvez lui demander, je suis sûr qu'elle se le rappelle -
fonctionné par alternance, faisant en sorte que la parole allait, pour
commencer, au ministre, ensuite à la critique officielle et ensuite, par
alternance, aux divers membres de la commission qui voulaient poser des
questions à nos intervenants De mémoire, ça avait
très bien fonctionné et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions
plus... Je comprends que la députée de Taillon n'était pas
là à ce moment-là, mais je ne comprends pas pourquoi ce
qui était bon à la commission des affaires sociales ne serait pas
bon à la commission de l'économie et du travail.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Si vous me le permettez, mon cher collègue,
c'était peut-être bon et j'en conviens, sauf que le ministre, le
président et moi avions convenu d'autre chose, hier, et je croyais que
lorsque l'on donnait sa parole, ça avait une signification Je ne
continuerai pas un débat de procédure parce que je crois que nous
faisons perdre le temps aux invités qui sont devant nous, mais
j'aimerais bien signifier aux membres de la commission que ce n'est pas moi qui
ai engagé un débat de procédure. Au contraire, j'ai
souhaité, dès hier, le régler de telle sorte que ce soit
clair. Maintenant, si la parole donnée est remise en question, on va se
le dire et on partira sur d'autres bases.
Le Président (M. Bélanger): Bon, il y a eu
effectivement une forme d'entente, hier. Maintenant, je constate
qu'après X minutes - je ne sais pas combien - le ministre a posé
un certain nombre de questions, en fait une première série de
questions et qu'il n'y a personne d'autre qui désire du
côté ministériel prendre la parole pour le moment Or, sous
réserve de revenir plus tard, je cède la parole à l'autre
parti. Maintenant, si on veut reprendre la discussion sur notre façon de
procéder, on pourra le faire tout à l'heure. Nous aurons une
suspension des travaux d'une heure. Alors, on pourra profiter de ce
moment-là pour (9 h 45)
M. Jolivet: . pour ajouter à ce que ma collègue
dit...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: c'est simplement le "fair play" normal Je connais le
ministre comme étant quelqu'un qui a dit quelque chose hier. Tout le
monde s'était entendu. Alors, moi, je m'attendais que ce soit la
même chose ce matin. Je ne vois pas pourquoi on ferait une
procédure ce matin, une question de procédure. C'est quelque
chose qui avait été entendu et même inscrit à notre
procès-verbal.
M. Tremblay (Outremont): En tout cas. En
fait, je vais essayer de clarifier ma position. Ma compréhension
de l'entente que nous avions hier, c'est que nous avions chacun 20 minutes et
qu'on les respecterait. Je ne pense pas honnêtement de rappeler qu'on
avait clairement défini qu'il n'y aurait pas d'alternance. Alors, ce
qu'on a fait, on a pris chacun 20 minutes de notre côté. Et je
m'aperçois que dans le meilleur intérêt de la dynamique
qu'on doit créer, c'est plus normal qu'on alterne. Ça fait une
meilleure dynamique et ça permet de revenir sur des
éléments, d'avoir une meilleure discussion. Dans mon cas, j'aime
mieux une procédure comme celle-là. Je vous dis, j'ai
donné ma parole sur le temps et non pas sur la spécificité
de l'alternance. Et je pense que dans le meilleur intérêt des
débats, c'est mieux qu'on alterne et ça va permettre aux
intervenants et à nous de poser, je pense, des questions beaucoup
pertinentes qui vont aider au débat.
Mme Marois: Alors, je ne suis pas d'accord avec
l'interprétation que vous donnez et je vais le dire, M. le
Président, ici, devant les membres de cette commission. Je ne suis
d'accord avec l'interprétation que le ministre fait de l'entente que
nous avons eue hier, en plus du fait que sur la base de cette entente d'hier,
toute la journée, nous avons fonctionné à 20 minutes d'un
côté et 20 minutes de l'autre. Si vous me dites que vous avez
changé d'avis, ça, c'est une autre chose et que vous retirez
l'engagement pris hier, vous le retirez. Mais au moins, dites-le-moi clairement
et après ça, on va discuter.
M. Jolivet: C'est ça qui est arrivé. En fait, M. le
Président, c'est ce qui est arrivé hier.
Le Président (M. Bélanger): En tout cas. On a des
invités et on a un horaire à respecter.
Mme Marois: Je vous l'ai fait remarquer.
Le Président (M. Bélanger): Alors, il y aura une
intermission d'une heure tout à l'heure. On pourra s'asseoir ensemble et
discuter de toutes ces choses-là, à ce moment-là.
Maintenant, ce que je comprends bien, c'est qu'on désire mettre en
pratique l'alternance, c'est bien ça? Alors, pour cette audition-ci, on
va procéder avec l'alternance. On refera l'entente, si vous voulez,
d'une façon plus formelle durant l'heure d'inter-mission que nous aurons
tout à l'heure.
Mme Marois: Vous permettrez, M. le Président, que je mette
en doute le fait qu'on procède à nouveau à une autre
entente puisque celles que l'on prend ne sont pas tenues Alors, je vous
remercie. Cela dit, par respect pour les invités qui sont devant nous,
je vais procéder à un certain nombre de questions et ce n'est pas
parce que je n'en ai pas, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Ah, ça, je ne
suis pas inquiet.
Mme Marois: D'abord, avec tout le respect que je vous dois, Mme
Laliberté, bonjour, bonjour, mesdames et messieurs. Je vous ferai
remarquer... Je sais que vous avez mentionné dès le départ
que vous étiez un petit peu déçus de l'attitude du parti
de l'Opposition. Mais je vous ferai remarquer que si je suis élue comme
députée à l'Assemblée nationale, c'est, entre
autres, parce que j'ai une idée claire sur un certain nombre de sujets,
pas sur tout mais sur un certain nombre de sujets. Quand je me fais
élire, c'est aussi sur ces points de vue-là que je veux
défendre et représenter. Et, comme vous, j'ai une idée
claire du débat dans lequel nous nous engageons actuellement. J'ai
beaucoup de respect pour votre point de vue. Votre point de vue pourra venir
nuancer le mien, pourra venir l'aménager peut-être, je le
respecte. Mais d'autre part, dans ce sens-là, je pense qu'on part sur le
même pied à cet égard puisque si vous vous êtes fait
un point de vue, je m'en suis fait un. Alors, je vous remercie.
Mme Laliberté: Je n'aurai pas à prendre une
décision. Ce n'est pas moi qui vais décider de la
libération des heures d'ouverture. Alors, je viens...
Mme Marois: Moi non plus, mais j'essaierai de l'influencer
cependant.
Mme Laliberté: Je suis bien contente de voir que quand
même vous acceptiez d'entendre nos revendications.
Mme Marois: Voyez-vous, Mme la présidente, vous
comprendrez que ça fait quand même quatre ans qu'il se fait des
consultations et il m'apparaissait qu'il y avait un éclairage
déjà pas mal important qui avait été apporté
sur la question. Si l'exercice que nous faisons à cet
égard-là en apporte un de plus, d'accord. Bon
Cela dit, une question d'abord sur la représentativité et
la représentation de vos membres. Quand vous dites l'Association des
consommateurs du Québec, bon, je vois plus loin dans votre document une
définition de qui vous êtes, etc., mais quel est votre membership?
Comment s'établit votre membership? Est-ce qu'on paie pour être
membre chez vous? Est-ce qu'on a une carte de membre?
Mme Laliberté: Bon, je peux vous dire que j'ai
milité très longtemps à l'Association des consommateurs du
Québec. J'ai quitté il y a quatre ans pour d'autres
activités. L'Association des consommateurs du Québec a un
fonctionnement, et je passerai la parole à Solange tout à
l'heure, elle vous dira le reste. D'ailleurs, ces gens vont être entendus
cet après-midi et vont
clarifier cette situation-là. Donc, on ne perdra pas trop de
temps là-dessus. C'est une association qui est là depuis 40 ans,
donc, reconnue, qui a participé à des dossiers aussi importants
que les dossiers qui ont amené l'enquête de la CECO, par
exemple.
Mme Marois: Oui, mais pour éviter justement que l'on
élabore trop longuement, combien y a-t-il de membres à
l'Association?
Mme Laliberté: L'Association des consommateurs du
Québec a environ 5000 membres qui paient une cotisation.
Mme Marois: D'accord.
Mme Laliberté: Par contre, l'Association des consommateurs
du Québec a des publications qui sont extrêmement populaires. Par
exemple, la revue Jouets tire à 120 000 exemplaires et chaque
revue, nos enquêtes nous le disent, est lue par au moins douze
personnes.
Mme Marois: D'accord.
Mme Laliberté: Donc, elle a un centre d'information, par
lequel elle répond aux consommateurs, et elle a une autre publication
qui est très populaire aussi, qui est une publication sur les
assurances.
Mme Marois: D'accord. Maintenant...
Mme Laliberté: Veux-tu ajouter quelque chose d'autre,
Solange?
Mme Marois: C'est parce que je voulais savoir vraiment le mode de
membership?
Mme Laliberté: Bien, c'est parce que cet
après-midi, ils vont faire le point. Les gens sont ici pour
ça.
Mme Marois: Bon, d'accord, et comme vous me l'avez
mentionné, il ne s'agit pas de perdre trop de temps sur ça. Je
suis membre de FRAPPE, remarquez qu'on ne m'a pas consultée sur cette
question-là, alors peut-être qu'il y en a d'autres comme ça
qui ne l'ont pas été non plus dans FRAPPE et qui ne partageraient
pas ce point de vue-là. Il y a combien de membres, déjà,
dans FRAPPE? Est-ce que vous le savez?
Mme Laliberté: Mme Dumas? D'abord, je dois excuser Mme
Dumas, elle devait être ici ce matin, mais elle a été
hospitalisée et n'a pu être présente.
Mme Marois: Ah bon
Mme Laliberté: Mme Dumas me dit que vous êtes
environ, à FRAPPE, 800 à 900 membres, je crois.
Mme Marois: D'accord. Bon, la Jeune chambre - j'ai vu dans les
mémoires - on parle de 200 propriétaires. Plus loin, vous
mentionnez à la page 2, que de nombreux intervenants reliés au
secteur de l'alimentation se sont d'ailleurs prononcés en faveur de
l'ouverture des commerces en alimentation le dimanche Et vous incluez, entre
autres, l'Ordre des pharmaciens du Québec. Oui, c'est à votre
mémoire, à la page 2, mémoire de la Coalition pour
l'équité, l'Ordre des pharmaciens du Québec. Or, j'ai
compris, hier, lors de leur présentation..
Mme Laliberté: Ah, d'accord.
Mme Marois: qu'ils étaient d'accord avec l'ouverture de la
pharmacie le dimanche, parce que c'était un produit essentiel, mais
qu'ils n'avaient absolument pas l'intention de se mêler de l'autre
débat, et que, même aux réponses aux questions - je ne
voudrais pas leur faire dire ce qu'ils n'ont pas dit - ils semblaient plus ou
moins favorables à l'ouverture. Mais je ne leur fais pas dire
ça.
Mme Laliberté: Bon, d'accord.
Mme Marois: Comment se fait-il qu'ils se retrouvent
là?
Mme Laliberté: Parce qu'on a mentionné des gens qui
étaient en faveur d'une libéralisation ou d'une certaine
ouverture le dimanche, et on a mentionné l'Ordre des pharmaciens, c'est
peut-être pas la meilleure, mais en tout cas.
Mme Marois: D'accord, mais disons qu'on a étiré un
petit peu la vérité, dans ce cas-là.
Mme Laliberté: Bien, je ne crois pas, parce qu'en fait, si
on met ces gens là, c'est que, eux, ils sont ouverts le dimanche et ils
n'ouvrent pas tous le dimanche.
Mme Marois: D'accord.
Mme Laliberté: Alors, pour nous, c'était un exemple
d'une profession où on a la liberté d'ouvrir ou de ne pas ouvrir
et qui ne semble pas créer de problème à
l'intérieur.
Mme Marois: C'est parce qu'on a dit: Ils se sont d'ailleurs
prononcés en faveur de l'ouverture Alors, j'imagine que...
Mme Laliberté: Bien, ils sont déjà ouverts,
je crois que..
Mme Marois: c'est une modification qui pourrait être
apportée. Qui finance la Coalition?
Mme Laliberté: La Coalition est financée par des
marchands: Métro, Provigo et Steinberg.
Mme Marois: D'accord. Comment est...
Mme Laliberté: Bon, quand vous me demandez
ça...
Mme Marois: Les marchands.
Mme Laliberté:... ça me fait toujours un peu peur,
parce que la contribution de l'Association des consommateurs du Québec -
et je pense que vous êtes au courant des subventions que reçoivent
les associations de consommateurs - ne peut pas être la seule, mais quand
même...
Mme Marois: Je comprends ça.
Mme Laliberté:... je peux dire qu'en temps, en personnel
et en recherches, elles ont une grosse contribution, de même que FRAPPE,
de même que la Jeune Chambre de commerce de Montréal, qui ont
contribué beaucoup en temps. Elles ont mis à notre disposition
leur personnel.
Mme Marois: Mais ce sont majoritairement les marchands qui...
Mme Laliberté: Mais pour ce qui est du financement, comme
la Coalition contre, d'ailleurs.
Mme Marois: On posera la question à la Coalition contre
qui pourra sans doute nous répondre.
Mme Laliberté: Je pense que tout le monde sait que des
associations de consommateurs ne peuvent pas être seules dans un
financement d'une telle envergure.
Mme Marois: Je vais vous poser une autre question. J'en ai
beaucoup d'autres mais je reviendrai, comme on tranche notre temps en petites
tranches de saucisse. Vous avez parlé de sept droits du consommateur,
à la page 2, le droit de choisir, le droit d'être entendu... Quels
sont les autres types de droits? Juste pour mon intérêt
personnel.
Mme Guillot-Lemelin: Le droit de choisir, le droit d'être
entendu, le droit à la sécurité, et des nouveaux droits
qui sont aussi ajoutés par l'IOCU, dont Nicole a parlé tout
à l'heure, le droit de recours, le droit à un environnement sain
et le droit à l'éducation, également.
Mme Marois: D'accord. Ça va.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: Je vois dans votre mémoire, mesdames et
messieurs, que vous faites allusion uniquement au dossier de l'alimentaton.
Mme Laliberté: Oui.
M. Richard: En ce qui a trait au reste - parce qu'il ne faut pas
oublier que c'est la Loi sur les heures d'affaires des commerces au
détail au Québec - vous semblez du moins, puisque vous ne prenez
pas position, dire que ça, ça devrait aussi être ouvert ou
élargi le dimanche ou ça devrait rester avec des exemptions.
C'est quoi votre position là-dessus?
Mme Laliberté: Bon, on a formé une coalition pour
étudier la question de l'alimentation. Donc, on s'est penchés sur
la question de l'alimentation dans le temps que l'on a eu pour faire les
études, aller voir ce que ça voulait dire et aller voir la
protection des travailleurs. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on
s'est basés sur trois choses: l'inéquité commerciale, la
protection des travailleurs et les besoins réels des consommateurs.
C'est que dans le domaine de l'alimentation, ça nous semble
évident que ça ne peut pas durer. C'est là qu'est
l'inéquité, c'est là qu'il y a des exceptions et si ces
exceptions-là sont apparues, c'est parce qu'il y avait des besoins des
consommateurs. Donc, c'est pourquoi on s'est penchés sur ce
dossier-là parce que ça nous a semblé que c'était
le plus gros problème dans le domaine du commerce de détail.
C'est là que résidait le plus d'inéquités et pour
les consommateurs et pour les marchands. C'est pourquoi nous avons fait nos
études sur le domaine de l'alimentation.
M. Richard: Maintenant, Mme Laliberté, puisque, avec vous,
vous avez des gens qui se sont impliqués directement chez Provigo et
chez Métro...
Mme Laliberté: Et chez Steinberg. M. Richard:... et
chez Steinberg.
Mme Laliberté: II n'est pas ici ce matin mais il...
M. Richard: Alors j'ajoute Steinberg parce que ça va dans
le même sens. Vous, MM. Falardeau et Racicot, vous êtes de ceux...
Je dis bien vous êtes de ceux, parce que ce n'est pas unanime chez
Provigo, chez Métro et chez Steinberg l'élargissement des heures
d'affaires dans le domaine de l'alimentation. Je sais que ce qu'on appelle le
Métro corporatif ou le Provigo corporatif, eux demandent
l'élargissement des heures d'affaires, sauf que chez le
propriétaire de ces entreprises-là, ce n'est pas tout à
fait la même chose sur le terrain. Dans mon propre comté,
où il y a quand même plusieurs Provigo
et plusieurs Métro, on s'aperçoit que ce n'est pas tout
à fait l'unanimité. Maintenant, dans votre esprit,
libéraliser en alimentation, ça veut dire que tout ce qui se
mange et qui se boit serait libéralisé.
Mme Laliberté: Tous les points de vente en
alimentation.
M. Richard: Parfait. Maintenant, vous savez qu'il n'y a pas de
cloisonnement au Québec au niveau des commerces. Qu'est-ce qui
arriverait avec, par exemple, un élargissement des heures d'affaires -
je fais l'hypothèse - dans le domaine alimentaire et qu'est-ce qui
empêcherait, par exemple, un Métro, entre autres - ça
pourrait être une autre firme - de vendre autre chose que de
l'alimentation le dimanche puisqu'il n'y a pas de cloisonnement? Je veux dire,
vous savez, il y a déjà des marchés d'alimentation...
Mme Laliberté: Oui.
M. Richard: ..qui ont la vente par catalogue, qui louent des
aspirateurs, qui, bon... Dans le commerce de l'alimentation, ça commence
à être élargi aussi, là. Qu'est-ce qui
empêcherait ça si un jour on disait l'alimentation "at large" et
qu'est-ce qui pourrait baliser ça?
Mme Laliberté: Je ne sais pas si M. Falar-deau veut
répondre mais, en tout cas, il peut y avoir à l'intérieur
du commerce en alimentation des consensus et des règles qui sont
établis par les marchands. On s'entend sur des choses. Ça peut
exister, ça peut... Par exemple, des marchands d'automobiles peuvent
ouvrir, eux, le dimanche. S'ils se sont entendus pour ne pas ouvrir, ils
n'ouvrent pas. Si on ouvre en alimentation, on s'entend sur ce qu'on vend en
alimentation le dimanche. M. Falardeau, voulez-vous ajouter quelque chose? (10
heures)
M. Falardeau: Je pense que par la nature du commerce, ce à
quoi vous faites allusion probablement c'est... Je regarde l'apparition des
fameux clubs Price où vous pouvez vous procurer des frites
congelées, des pneus d'hiver, un ensemble de stéréo.. On
peut tout se procurer. C'est le magasin, le super "store" qu'on appelle, qui
fait son apparition au Québec. Dans le type de supermarche qu'on a, qui
est conventionnel, qui n'est pas du dépannage, qui n'est pas de la
grande surface - je pense que M. Racicot le vit depuis plus longtemps que moi -
c'est un type de commerce qui se spécialise dans la vente de
denrées périssables principalement et de conserves.
D'après les expériences qu'on a de vente de produits non
alimentaires - quand je dis "non alimentaires", je ne parie pas d'une
cuillère à soupe, mais de produits qui sont carrément
autres que des denrées périssables - je ne pense pas qu'on aurait
beaucoup de succès, considérant les types de commerce que nous
avons
Si nous avions des surfaces de 75 000 pieds carrés, comme Club
Price, là. nous pourrions vendre des réfrigérateurs, des
laveuses, des sécheuses, mais ça prendrait des surfaces
faramineuses pour ça.
M. Richard: Club Price vend de l'alimentation Si on
libéralisait dans le domaine alimentaire, est ce que Club Price pourrait
rester ouvert?
Mme Laliberté: Bien, si on libéralisait tous les
points de vente en alimentation...
M. Richard: Vous avez exactement le sens de ma question Est-ce
que...
Mme Laliberté: Oui
M. Richard: ...Club Price resterait ouvert parce qu'il vend de
l'alimentation?
Une voix: Pourquoi pas?
Mme Laliberté: C'est de la concurrence.
M. Richard: Ah bon!
M. Falardeau: Actuellement, il ouvre sept jours par semaine..
M. Richard: Mais, par contre...
M. Falardeau: ...dans la région de Montréal.
M. Richard: en contrepartie, vous dites: On ne s'occupe pas du
reste, on ne s'occupe que de l'alimentaire. Mais à l'instant où
je vous pose la question: Est-ce que Club Price resterait ouvert. Alors
là, ce n'est plus de l'alimentation, c'est, entre autres, de
l'alimentation, mais c'est à peu près n'importe quoi, des
Esquimaux en descendant.
M. Falardeau: Ça dépend aussi comment est-ce que
vous le cataloguez. Parce que Club Price fonctionne, présentement, sept
jours par semaine dans la région de Montréal et il vend autant
des produits alimentaires que des produits non alimentaires. C'est un type de
commerce qui a fait son apparition récemment. Comment le cataloguer? Il
est très difficile, au même titre que la vente par catalogue.
Éventuellement, il y aura peut être de la vente par catalogue des
produits périssables seulement et non des produits durables.
M. Richard: Alors, vous comprenez la complexité de ce
dossier-là En libéralisant dans le domaine alimentaire, on risque
de libéraliser aussi dans l'ensemble des domaines. Qui vous
empêcherait, vous, à l'intérieur de votre marché
Provigo, d'avoir une section de bijouterie?
Mme Laliberté: Bien, quand on parle de libre choix, on
parle de libre choix. Dans le domaine du commerce, s'il existe un libre choix,
il y aura un libre choix. Ce n'est pas une obligation, c'est un libre
choix.
M. Richard: Ça veut dire, en fait, que vous avez de
camouflé le fait qu'en disant "libéralisation en alimentation",
ça veut dire libéralisation dans tous les domaines.
Mme Laliberté: On n'a camouflé absolument
rien...
M. Richard: Non, non.
Mme Laliberté: ...je m'excuse On a pris un domaine qu'on a
pensé... Vu que c'est toujours très compliqué,
politiquement, d'agir sur une grande échelle, on a pris un domaine
où on trouve qu'il faut agir, présentement, parce que c'est
devenu intolérable pour tout le monde. Ça, au moins, on s'entend
tous sur ça. Bon! On a besoin d'élargissement d'heures
d'ouverture et on a besoin de rétablir une équité
commerciale, surtout en alimentation. Alors, on s'est penchés sur
l'alimentation parce que... Ce n'était pas pour cacher qu'on est pour ci
ou pour ça, mais c'est parce que c'est là qu'est le
problème, présentement. Comme je le disais tout à l'heure,
ça semble toujours très très compliqué, en
politique, d'agir tout de suite, de tout déréglementer. Il faut
toujours procéder par étapes, semble-t-il. Donc, nous, on vous
dit: Cette étape-là, c'est tout de suite; c'est celle-là
qui fait le problème et c'est tout de suite.
Alors, si vous voulez tout libéraliser, alors là à
vous... Mais, au moins ça, c'est quelque chose qui ne peut pas
attendre.
M. Richard: Merci...
Le Président (M. Bélanger): Moi, comme
député de Laval-des-Rapides, ça me suggère une
réflexion. Quand j'écoute ça, j'ai l'impression qu'on va
revenir à la formule des anciens magasins généraux...
Une voix: ...M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît.
Je vous remercie.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Ça me fait
penser aux anciens magasins généraux où on avait de tout:
des pneus, des machines agricoles, des sacs de grain, du café, de la
nourriture, n'importe quoi. Va-t-on revenir à ça? Je ne le sais
pas. J'ai l'impression qu'on s'en va vers une sorte de commerce.
Mme Guillot-Lemelin: J'aimerais peut-être dire quelque
chose là-dessus, M. le Président. Ça me surprendrait qu'on
revienne 40 ans en arrière, ou encore plus, 100 ans en arrière,
de la façon dont vous le décrivez puisque, évidemment, le
marché a évolué et les systèmes de production ne
sont plus les mêmes. Et on n'offre plus à l'intérieur d'un
club Price ce qu'on offrait dans un marché du type dont vous parlez. Et,
entre autres, si on pense au consommateur, il y a un principe bien connu
auprès du consommateur qui dit que... Moi, je ne vous conseillerais pas
- en tant que conseillère en consommation - d'aller vous acheter un
appareil de système de son dans un endroit où il n'y a à
peu près qu'un petit coin dans le magasin où on vend ce genre de
produit-là puisque souvent le service après vente, la
qualité du produit... puisque ce sont des gens qui ne connaissent pas le
produit, ils risquent de ne pas vous offrir un bon service après vente.
Mais ça serait la même chose. C'est un peu comme M. Richard
disait. Est-ce qu'on fera des bijouteries à l'intérieur des
marchés d'alimentation? Il ne faut quand même pas exagérer.
Est-ce que les gens seront intéressés d'aller s'acheter des
bijoux, je ne sais pas, moi, chez Provigo? Je serais très
étonnée puisque le consommateur a quand même
évolué depuis tout ce temps-là.
Le Président (M. Bélanger): Moi, je... Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors si je comprends
bien...
Mme Laliberté: Oui, bien ça, c'est son choix.
Mme Marois: Excusez-moi. Mme Laliberté: C'est son
choix.
Mme Marois: Mais je comprends bien, dans vos propos deux choses,
d'une part, c'est une étape. Vous dites: À la limite, nous, ce
qu'on voudrait c'est que...
Mme Laliberté: Comme je ne parle pas... Mme Marois:
Non?
Mme Laliberté: ...au nom de la Coalition, on me pose la
question...
Mme Marois: D'accord.
Mme Laliberté: ...on me dit. Est-ce que si on
libéralisait tout... bien je veux dire, moi, je suis ici, je vous dis ce
qu'on a fait, nous, en alimentation et je pense qu'on vous a fourni des
études bien étoffées pour un problème
précis.
Mme Marois: Merci. C'est parce que j'ai d'autres questions
à vous poser. Ce que vous dites, madame, par contre, en répondant
à la question du président de la commission et
député, bien sûr, de Laval-des-Rapides, vous dites,
inversement de ce qui a été dit tout à l'heure, que dans
le fond, les clubs Price, ce serait préférable que la partie qui
n'est pas alimentaire soit...
Mme Guillot-Lemelin: Non, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit.
Au contraire. C'est le contraire que j'ai dit.
Mme Marois: Non? Parce qu'on en vend des stéréos,
là, on en vend des produits d'un autre...
Mme Guillot-Lemelin: C'est justement Si, par exemple, le
consommateur se satisfait du stéréo qui est vendu chez Price
parce que ça correspond au prix qu'il veut payer et qu'il se fout de la
garantie et qu'il se fout du service après vente et qu'il ne s'interroge
pas du tout sur ce qu'on va faire après, peut-être qu'il peut
aller là mais, au contraire, en consommation, on recommande, pour ce
genre de produit-là, d'aller dans les endroits
spécialisés. Alors si le consommateur veut y aller, c'est
à son choix mais c'est aussi à ses risques.
Mme Marois: Mais vous le lui déconseilleriez
évidemment, comme agente de protection du consommateur.
Mme Guillot-Lemelin: D'aller acheter ça là? Mme
Marois: Oui.
Mme Guillot-Lemelin: Bien, c'est selon ses besoins à lui,
ça dépend.
Mme Marois: D'accord.
Mme Laliberté: Mais je voudrais juste ajouter un point.
Quand on parle de ça, peut-être qu'on ne pose pas la bonne
question. On pourrait peut-être se demander pourquoi...
Mme Marois: C'est M. Richard qui l'a posée.
Mme Guillot-Lemelin: il y a des commerces comme Club Price
présentement. Ce serait peut-être... Moi, je vous retourne la
question. Mais pourquoi y a-t-il des commerces comme Club Price,
présentement? Avec toute la législation, les exceptions, les ci,
les ça, pourquoi a-t-on des commerces comme Club Price?
Mme Marois: Parce que, sans doute, il y a un certain nombre de
trous dans la loi et qu'ils sont exploités par...
Mme Laliberté: Bon, alors...
Mme Marois: ...un certain nombre de marchands qui ont
l'agressivité pour le faire, j'imagine.
Mme Guillot-Lemelin: Nous avions un expert, hier, qui vous
disait, M Sletmo... Je veux dire c'est bien difficile de revenir en
arrière, de dire: Ce genre de commerce-là, on met la clé
dans la porte parce que... je veux dire, dans un conlexte de libre
échange et partout, on ne peut pas le faire. Pourquoi y a-t-il un
club Price? Moi, je vous pose la question. Vous avez une loi et il y a un club
Price pareil, et il y a une inéquité.
Mme Marois: Oui, parce qu'il y a des trous dans la loi et c'est,
entre autres, pour ça qu'on se réunit, pour essayer de voir
comment...
Mme Laliberté: Bon alors..
Mme Marois: ...soit les colmater ou les ouvrir plus
béatement et qu'il n'y en ait plus, à la limite Vous
évaluez que la solution d'ouverture pour les lundis, mardis et
mercredis, soit jusqu'à 19 heures ou jusqu'à 21 heures, il y a
différentes hypothèses, vous évaluez, vous, que ça
ne répondrait pas aux besoins des personnes...
Mme Laliberté: Non.
Mme Marois: ...des consommateurs et des consommatrices.
Mme Laliberté: Pas de ceux qui ont besoin du service le
dimanche, ça ne répond pas.
Mme Marois: Est-ce que vous avez des sondages sur ça, qui
vous le prouvent? Comme vous utilisez d'autres sondages pour dire que les gens
sont d'accord pour aller magasiner le dimanche...
Mme Laliberté: Oui. Justement, dans nos sondages, quand M.
Nantel vous disait hier qu'on a évalué le comportement du
consommateur, les gens vont.. Quand on leur pose la question, en
général, à tout le monde: Est-ce que vous
préférez l'ouverture le mercredi? Bien la, si on la pose à
tout le monde, ceux qui n'ont pas de problème et ceux qui en ont, ont
dit: Oui, le mercredi. Quand on la pose aux gens qui ont des problèmes,
c'est le dimanche et ça, c'est à quelque chose comme 53 % des
gens qui ont des contraintes de temps, c'est le dimanche qu'on
préfère.
Mme Marois: D'accord, mais
Mme Laliberté: En plus, le mercredi soir où les
magasins sont ouverts et les gens...
Mme Marois: Pardon?
Mme Laliberté: ...c'est seulement... Il y a des magasins
présentement...
Mme Marois: Oui.
Mme Laliberté: Ceux qui peuvent ouvrir en dehors des
heures des plages horaires le sont le mercredi soir, et la fréquentation
est de 15 % par rapport au dimanche où c'est 30 %; c'est le double de
personnes qui vont le dimanche. À un moment donné, on a fait
l'étude, à l'Association, pour le mercredi soir et puis, comme
tout évolue, on s'est rendu compte que ça ne répondait
plus, en 1990, aux besoins des consommateurs. En fait, comme vous le dites dans
le document...
Mme Marois: Mais vous ne les avez pas déposées, ces
études-là. C'est parce que...
Mme Laliberté: Bien...
Mme Marois: Je vous le dis, là, vous allez me permettre
d'intervenir un petit peu...
Mme Laliberté: Oui.
Mme Marois: ...pour qu'on clarifie les choses. D'accord? C'est
parce que vous avancez des chiffres, vous avancez des données et moi,
j'aime bien qu'on parte sur les mêmes bases et les bonnes bases. Alors,
quand on me dit que 54,7 % des Québécois se disent favorables
à l'ou-verturue de leur principal marché d'alimentation le
dimanche, si on leur dit: Voulez-vous ouvrir le dimanche? et que les gens ont
la possibilité de répondre oui ou non, ça peut arriver
peut-être à des solutions comme celles-là. Mais si on pose
la question: Qu'est ce que vous préféreriez entre le lundi,
mardi, mercredi - mettons-les jusqu'à 19 heures, 21 heures, mettons les
trois hypothèses - est-ce qu'on arrive à la même chose?
Ce que M. Nantel nous a dit hier, c'est qu'il y avait eu une
légère préférence pour l'ensemble des consommateurs
pour le début de semaine. Hein?
Mme Laliberté: Oui.
Mme Marois: II a dit: Pour ceux et celles - et c'est surtout
celles - qui font le marché, il y a une légère
préférence pour le dimanche. Et il a dit: Là, madame,
c'est une bibite de chercheur - et je pense que je le cite au texte. Nous avons
privilégié, compte tenu qu'il y avait à la marge une
différence, cette hypothèse-là et nous l'avons
creusée, et je respecte son point de vue, je le comprends. Mais ce que
je vous dis, vous êtes des représentants de consommateurs et de
consommatrices. Est-ce que vous n'auriez pas pu creuser aussi l'autre
hypothèse ou ces deux hypothèses-là, pourquoi pas? Moi, je
n'ai absolument rien contre, mais les creuser à fond, selon les
mêmes techniques. Bon, ça, c'est pour une chose
Une autre chose. À la page 9 - c'est pour ça que je dis
qu'il faut faire attention aux chiffres - de votre document, vous dites: 60 %
voudraient utiliser leur... On va lire comme il faut la phrase, on dit: 27,8 %
des consommateurs déclaraient faire régulièrement ou
occasionnellement l'achat de produits alimentaires le dimanche. Parmi ceux-ci,
60 % voudraient utiliser leur supermarché le dimanche, dont la
moitié pour y faire leur commande principale. Quand on lit ces
chiffres-là, c'est époustouflant aussi. La conclusion qu'on a
envie de tirer, c'est que la moitié voudrait faire leur commande
principale le dimanche. Mais attention, c'est 60 % des 28 % qui le font et
c'est 50 % de tout ce monde-là... Ça nous donne quoi, au bout de
la ligne? Moi, je l'ai fait le calcul, ça nous donne, entre autres, 8,1
%. Quand vous dites que 28,7 % des consommateurs déclaraient faire
régulièrement l'achat de produits alimentaires, c'est 8,1 % qui
font leurs achats le dimanche. Ce n'est pas 50 %, ce n'est pas 30 %, de tous
les consommateurs qui font leurs courses.
Puis, dans l'autre cas, on parle de Montréal, après
ça, on applique cette même formule à Montréal.
Là, on dit: 54 % de ces derniers feraient leur commande principale. Mais
54 %, quand on décortique les chiffres, ça donne 13,7 % des gens.
Bon. Alors, je veux bien, mais je veux aussi qu'on fasse un petit peu
attention. On va en prendre un autre - c'est dans votre mémoire, je ne
l'invente pas, hein? - l'Alber-ta.
Une voix: Oui.
Mme Marois: Là, on nous dit que pour l'Alberta - et vous
nous l'avez donné tout à l'heure en chiffres et c'était
intéressant - ça n'avait pas modifié leur vie de famille,
ça affirmait que l'ouverture le dimanche facilitait le magasinage, etc.
Bon. En Alberta, effectivement, c'est libéralisé, sauf que, et
ça, c'est dans le document du ministère, je ne me trompe pas,
c'est à Calgary et à Edmonton que ça se passe et pas
ailleurs, c'est libéralisé là. Alors, il faut faire
attention. Il faut le dire. Il faut dire: Oui, en Alberta, une province qui a
libéralisé, voici comment les gens sont contents, voici comment
la moitié de la population que cela concerne a été
consultée. Cette moitié nous a dit, à x %, qu'elle
était contente. Il faut dire ça, sinon on fait dire n'importe
quoi aux chiffres qui sont devant nous, hein?
Une voix: Bon, je pense...
Mme Marois: Là, je viens de vous citer trois exemples
où moi, je soulève des questions.
Ça sème le doute dans ma tête. Et, peu importe,
à cet égard-là, je suis persuadée que mes
collègues - je vois des points d'interrogation chez les gens d'en face -
je suis sûre que ça soulève aussi des questions dans leur
tête.
Mme Laliberté: Bon Je pense qu'on vous a mis les vrais
chiffres. C'est déjà... On ne les a pas truqués, ils sont
là. Josée voudrait vous répondre là-dessus.
Mme Marois: Sauf qu'on ne les a pas mis complètement. Vous
savez, en philosophie, on apprenait le mensonge blanc. Ha, ha, ha!
Mme Laliberté: Oui. Bien non. On vous a dit exactement ce
que l'on a découvert et ce qu'on avait. On ne peut pas vous mettre ce
qu'on n'a pas, alors on vous a mis ce qu'on avait, ce qu'on a découvert.
Je pense qu'on a été assez francs pour vous citer les chiffres
tels qu'ils étaient. On ne les a pas truqués et on ne les a
pas...
Mme Marois: Je n'ai pas dit que vous les aviez
truqués.
Mme Laliberté: Non plus. Ils sont tels qu'on les a
découverts. Mais n'oubliez pas qu'on parie de tendance et que, dans la
vraie vie, parce que vous nous dites que nous, on est en consommation,
ça se vérifie par les 180 000 ménages qui magasinent le
dimanche, de cette façon-là, et par les témoignages de
gens, par l'achalandage. En tout cas, je ne sais pas si vous faites votre
épicerie de temps en temps le dimanche, mais il y a du monde.
Mme Marois: Oui, je le fais, bien sûr, à
l'occasion.
Mme Laliberté: Bon. Alors, Josée, sur la question
des chiffres.
M. Jolivet: Chez le dépanneur.
Mme Marois: Chez le dépanneur. (10 h 15)
Mme Béliveau: Je ne répondrai peut être pas
nécessairement aux questions des chiffres, mais peut-être à
la question que vous avez posée à savoir pourquoi on a
creusé le dimanche, pourquoi on n'a pas creusé les soirs de
semaine. Le principe de base est l'inéquité commerciale,
ça je pense qu'il faut le montrer, c'est l'inéquité
commerciale qui est la base de tout. Ce qu'on demande, c'est un libre choix, on
demande que les gens aient le choix, la liberté d'aller consommer,
d'aller magasiner aux heures, aux moments où ils sont disponibles.
Notre principe de base, c'est qu'il y a des commerces
présentement qui sont ouverts le dimanche. Il y en a qui sont dans la
légalité, il y en a qui sont dans l'illégalité On
peut contester aussi la légalité, les exceptions, mais c'est la
réalité, il y a des commerces qui sont ouverts le dimanche et il
y a un achalandage certain, on parle de 320 000 000 $ par année qui sont
dépensés au Québec. On n'a pas de chiffres,
malheureusement, pour ce qui est dépensé aux États-Unis,
mais je pense qu'on n'a pas besoin de chiffres pour se dire qu'il y a un besoin
là. L'été, combien de gens s'en vont à Plattsburgh,
à Burlington, à Rouses Point? Il y a énormément de
gens. Donc, ça, c'est la réalité d'aujourd'hui.
Ce que nous disons, s'il y a du monde qui magasine le dimanche, c'est
qu'il y a un besoin chez les gens. C'est sûr que ça ne sera pas
tout le monde qui va devoir aller magasiner le dimanche, ceux qui ne veulent
pas y aller. C'est certain qu'il y a des gens qui sont contre parce qu'il y a
des gens qui ne travaillent pas à temps plein, il y a des gens qui n'ont
pas le même besoin que d'autres. Alors, c'est certain que ça ne
sera pas tout le monde qui va aller magasiner le dimanche. Mais il y a un
besoin chez les gens Ce que nous demandons, de base, c'est le dimanche. Si vous
voulez ouvrir le lundi, mardi, mercredi soir, que vous voulez ouvrir la nuit,
le samedi, faites le, libéralisez ça, mais ce que nous demandons,
le minimum, la base de départ qu'on demande, c'est le dimanche. Si vous
voulez libéraliser les autres types de commerce, si vous voulez ouvrir
24 heures par jour, que les gens se mobilisent et fassent ce qu'ils veulent, on
est très, très ouverts à ça, mais ce qu'on demande,
c'est un minimum et toute notre présentation est basée autour de
ça. On veut le minimum, on veut le dimanche parce qu'il y a un besoin,
il y a une réalité.
Les chiffres, tout le monde peut en parier, on peut les
interpréter de différentes façons selon qu'on est d'un
côté ou de l'autre. On les montre. Il y a 54, 7 %. Vous allez me
dire: Bien, il y en a quelque 40 % de l'autre côté. C'est certain.
Il y a 55 % des femmes qui travaillent à l'extérieur. Je suis
sûre que ces 55 % sont d'accord avec l'ouverture le dimanche ou
c'est...
Mme Marois: Mais si vous êtes certaine de ça, et
c'est ça mon propos, comprenez-vous... Je vous comprends très
bien que vous vouliez l'équité. J'ai bien entendu votre
première phrase. Je suis à 100 % d'accord avec vous. Il y a
actuellement inéquité. Ça a été mon propos
hier matin. Il faut aller vers une équité qui va faire en sorte
qu'un marchand ne va pas être traité différemment à
côté de l'autre marchand. Ça n'a pas de bon sens.
Mme Béliveau: Une inéquité commerciale, et
pour le consommateur ou si...
Mme Marois: Bon. Après ça, pour le consommateur,
oui, je sais, vous l'avez abordé aussi. Mais ce que je vous dis, c'est
que les éléments
que vous nous apportez en nous faisant des affirmations que je trouve
grosses des fois, je les questionne Vous me dites La Coalition estime que lo
gouvernement doit baser ses décisions sur les résultats
d'études scientifiques plutôt que sur des analyses sommaires de
syndicats et de groupes de consommateurs. Et moi, je vous dis. Pourquoi
n'avez-vous pas fait l'autre analyse? Est-ce que la vôtre n'est pas aussi
sommaire ou ne présente pas autant de limites?
Mme Béliveau: Bien, c'est certain qu'elle présente
un côté...
Mme Marois: D'autre part, vous savez, quand vous me dites: II y a
des gens qui fréquentent les centres commerciaux de Plattsburg, le
dimanche, j'imagine qu'ils ne vont quand même pas faire leur commande
principale à Plattsburg. S'ils y vont...
Mme Laliberté: Non. Ça, c'était dans un
autre contexte.
Mme Marois: ...vous m'apprendriez des choses.
Mme Béliveau: Oui, mais on parle d'alimentation.
Probablement que les gens, l'été, peut être vont faire leur
épicerie, ou en tout cas une partie de leur épicerie...
Mme Marois: Mais on ne peut pas l'affirmer, ni vous ni moi.
Mme Béliveau: Non. Mme Marois: D'accord.
Mme Béliveau: Comme on parle de structure de
dépannage, présentement, le dimanche, c'est peut-être du
dépannage, sauf qu'il faut voir la réalité d'aujourd'hui.
La réalité, elle est là. Je pense qu'on ne peut pas s'en
sortir. On parle de qualité de vie, de projet de vie sociale. Il y a une
réalité et elle est là. Ceux qui ne veulent pas s'en
servir du dimanche, ils ne s'en serviront pas. Ils feront comme ils font
aujourd'hui. C'est ce qu'on dit.
Mme Marois: Oui.
Mme Guillot-Lemelin: Je peux vous dire, Mme Marois, qu'à
l'Association des consommateurs du Québec, lorsqu'on a interrogé
les consommateurs, dans un dépistage qu'on appelle "maison",
c'est-à-dire qu'on n'a pu le considérer comme scientifique selon
les critères, sauf qu'en ce qui concerne le mercredi soir, on avait
quand même un bon pourcentage - je donnerai le chiffre exact cet
après-midi, d'après moi, c'est autour de 63 %, d'accord? Et on
leur a posé la question, puisque de 1987 à aujourd'hui, il y a eu
aussi des changements, l'année dernière, à peu près
au même moment, en ce qui concerne les marchés d'alimentation
Donc, ce que vous dites, on l'a fait Et pour le marché d'alimentation,
pour le dimanche, c'était 52 %, où il y avait quand même
une bonne proportion des consommateurs qui était favorable.
Donc, on sait que, peut-être d'une façon
générale, c'est que les consommateurs...
Mme Marois: Est-ce que vous pouvez nous déposer ces
données-là?
Mme Guillot-Lemelin: Certainement, cet après-midi.
Mme Marois: D'accord? Ce serait intéressant qu'on les ait
à la commission.
Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Étant donné
qu'à ce moment-là, c'étaient des sondages maison, on s'est
fait critiquer. On s'est fait dire: Bon, ça vaut ce que ça vaut.
Effectivement, ce sont les gens dans nos régions qui
téléphonent aux membres et qui posent la question. Et,
évidemment, on a confiance en nos travailleurs. Mais, étant
donné que certains s'interrogeaient sur les sondages maison, on s'est
dit: On va s'organiser cette fois-là en étant membre d'une
coalition, et on aura des sondages scientifiques. Alors, voilà la
façon dont on a procédé.
Mme Marois: D'accord.
M. Falardeau: J'aimerais peut-être ajouter quelque chose.
Au-delà de toutes les statistiques ou des recherches scientifiques qui
peuvent être faites, regardons seulement la demande commerciale qui est
faite actuellement. Pour avoir resté quelques années à
l'île Bizard, Mme Marois, vous comprenez que je connais très bien
le marché de l'ouest, et aller au marché de l'ouest le dimanche,
comparativement...
Mme Marois: Remarquez que je n'y suis jamais allée au
marché de l'ouest, mais je devrais peut-être.
M. Falardeau: Vous devriez peut-être, pour voir comment
est-ce que la demande est là, le dimanche, principalement. Et je pense
que ces commerces-là ont compris qu'il y avait un besoin le dimanche et
non les lundi, mardi, mercredi soir. Le marché de l'ouest actuellement,
c'est un des marchés publics qui fonctionne le mieux dans la province de
Québec et c'est aberrant de voir les gens qui sont là, qui ne
font peut-être pas leur commande principale, mais qui achètent
tout près de 50 % de leur épicerie sous forme de viande, de
fruits et légumes ou de produits d'épicerie. Je pense que ces
commerces-là ont répondu effectivement à la demande. Ils
n'ont pas attendu qu'il y ait des études statistiques
pour dire: Est-ce que les gens seraient prêts à y aller au
début de la semaine plutôt que le samedi? Les gens y vont le
dimanche principalement. Et au début de la semaine, à ma
connaissance, c'est ouvert pour les agriculteurs qui sont à
l'extérieur et non pour les commerces, à l'intérieur.
Mme Marois: À cela, j'aurais le goût de vous dire:
Qu'est-ce qui vient avant, la poule ou l'oeuf? Tu es là, tu crées
un achalandage, tu fais une publicité... Il y a ça aussi qui
joue. Mais je conviens avec vous qu'il y a un certain nombre de marchés,
le dimanche, de produits spécialisés - on en convient aussi - qui
commandent un certain achalandage.
M. Falardeau: Si vous dites que les fruits et légumes, la
viande sont des produits spécialisés, on n'est pas tout à
fait d'accord. Les produits spécialisés, quant à moi. ce
sont des produits qui ont un créneau très particulier comme - je
ne le sais pas, moi - des produits naturels ou des trucs comme ça. Mais
les deux kiosques de fruits et légumes qui sont là et les quatre
boucheries qui sont là fonctionnent très bien. À ma
connaissance, ce ne sont pas des produits spécialisés, dans mon
livre à moi, en tout cas.
Mme Marois: Oui, d'accord. Il me reste combien de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Cinq...
Mme Marois: Sept minutes? Alors, je vais les garder...
Le Président (M. Bélanger): Cinq minutes,
vingt.
Mme Marois: ...en vertu de la règle d'alternance.
Le Président (M. Bélanger): Oui, vous pourrez
terminer. Alors, j'avais ici M. le député d'Acadie qui avait
demandé la parole.
M. Bordeleau: Oui. Je veux juste avoir une information. On a
reçu une pétition que vous aviez fait circuler. Tout à
l'heure, vous y avez fait référence, je pense, en mentionnant
qu'il y avait 49 comtés.
Une voix:...
M. Bordeleau: Bon. C'est bien ça, 49 comtés.
Mme Laliberté: Oui, c'est 49 comtés. La Coalition,
ce n'est pas une coalition, c'est aussi des... Nous sommes allés voir ce
que les consommateurs pensaient et...
M. Bordeleau: En fait, ma question, précisé- ment,
c'est de savoir combien de personnes, dans ces 49 comtés, ont
signé la pétition.
Mme Laliberté: Bon. Nous, on a procédé sous
forme de mémoires. On a appelé ça des petits
mémoires. Donc, on avait comme objectif de rencontrer des gens. On leur
exposait nos raisons pour lesquelles on demandait la libéralisation le
dimanche et on demandait que, dans les groupes, il y ait au moins 25 signatures
par petit mémoire.
M. Bordeleau: Alors, c'est un peu au-dessus de 25 signatures
par...
Mme Laliberté: II y en a plus, là II y en a
ailleurs. Il y en a qui en ont plus, mais au moins 25 personnes.
M. Bordeleau: Alors, je reviens à ma question plus
précise. Tout à l'heure, le député de Nicolet
Yamaska mentionnait la complexité du problème. Je veux juste
faire une relation entre votre présentation et une présentation
d'hier. Vous arrivez un peu à des conclusions... À partir de la
même position de libéralisation, vous arrivez, sur un point
particulier, disons, à des positions divergentes. Je fais
référence ici à votre mémoire, à la page 17,
où vous mentionnez que "la Coalition ne croit pas que les petites
entreprises soient menacées par l'ouverture des supermarchés le
dimanche..." Hier, M. Sletmo, qui favorisait aussi la libéralisation des
heures d'ouverture, lui, arrivait à une conclusion différente
dans la mesure où on lui a demandé s'il y avait des
désavantages à la formule de libéralisation, quels
pouvaient être ces désavantages, parce qu'il n'y a pas une formule
qui est parfaite
Mme Laliberté: Non.
M. Bordeleau: Et ce qu'il nous a mentionné, à ce
moment-là, c'est qu'un des dangers ou un des risques, c'était la
fermeture de petits commerces qui, dans son esprit à lui, de toute
façon, à long terme, devaient fermer. Et vous, ici, vous nous
dites qu'il n'y a pas de difficultés et que les petites entreprises ne
seront pas menacées par l'ouverture des supermarchés.
Mme Laliberté: En fait, on se base vraiment sur notre
expertise en consommation. C'est que, quand on va chez le dépanneur, on
y va pour des raisons spécifiques. Quand on va au marché, on y va
pour d'autres raisons. Donc, les mêmes raisons pour lesquelles on va
aller chez le dépanneur sont toujours là. Et les
dépanneurs, comme on l'a dit tout à l'heure, et ça, c'est
une tendance, on le voit, ils délaissent, à part ceux qui se sont
introduits dans l'alimentation à cause des heures d'ouverture et qui
sont devenus des presque supermarchés, des grandes surfaces de
nourriture, les vrais dépanneurs délaissent l'alimentation
de plus en plus; ils s'en vont vers la vidéo; ils vont offrir... Il y en
a qui offrent du nettoyage. Il y en a qui offrent différents produits
que ceux de l'alimentation. Donc, ils vont vraiment dans leur créneau de
dépannage, qui est différent de l'alimentation.
Donc, on ira chez le dépanneur toujours pour les mêmes
raisons. On vous soulignait l'exemple de la bière. Les dépanneurs
disaient que la bière, c'était ce qui attirait les gens chez eux
et que si on leur enlevait ça, ils étaient tous pour mourir. On
avait dit, a ce moment-là - c'est l'Association des consommateurs qui
défendait le dossier: Non, nous, dans la vraie vie, ce n'est pas comme
ça que ça fonctionne. Quand on va chez le dépanneur, c'est
pour d'autres raisons que quand on va au supermarché, et les
dépanneurs, ils sont utiles Ils sont là, il vont rester s'ils
savent s'ajuster au nouveau marché, s'ils savent prévoir les
besoins de leurs consommateurs. C'est ce qu'on dit aussi dans notre
mémoire. Les dépanneurs peuvent s'ajuster très rapidement
aux besoins de leurs consommateurs. S'ils s'aperçoivent, dans une
certaine région, que les gens ont besoin d'un endroit pour aller
chercher des vidéos, ou pour le nettoyage, ou des choses qu'on demande
24 heures par jour, bien, ils vont s'ajuster à leur clientèle.
Donc, pour nous, c'est vraiment, par expérience en consommation, du
comportement du consommateur qu'on dit: Ne vous en faites pas. Et je peux vous
apporter la même chose... Les restaurateurs aussi avaient dit que si on
permettait d'apporter du vin dans certains restaurants, ce serait la
catastrophe. Et non, on leur a dit la même chose: Les consommateurs vont
dans des restaurants où ils apportent leur vin, ils vont pour certaines
raisons, dans ces restaurants-là et pour d'autres raisons dans un
restaurant rapide. Donc, c'est la même chose pour les dépanneurs,
les petites entreprises. Moi, en tout cas...
M. Bordeleau: Juste pour...
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous me le
permettez, un instant. Merci, Mme Laliber-té. Mme Guillot-Lemelin
voulait aussi ajouter quelque chose.
Mme Guillot-Lemelin: C'est sûr que c'est dans le même
sens que ce que Nicole vient d'annoncer, c'est que nous, en tant qu'association
de consommateurs, évidemment, notre but, c'est de protéger le
consommateur dans toute cette histoire-là et c'est de ne pas être
pour les grands et contre les petits, c'est bien évident. Alors, si le
dépanneur du coin - d'ailleurs, on ne serait pas ici aujourd'hui, autour
de la table, pour en parler, le problème serait le même - n'innove
pas, n'essaie pas d'aller chercher le consommateur pour que ce soit
agréable de rentrer chez lui pour aller s'acheter des produits, bien, il
va mourir peut-être un jour, c'est évident. Toute entreprise,
aujourd'hui, qui ne satisfait pas le consommateur court à sa perte.
Alors, donc, effectivement, il devra s'ajuster, quelles que soient les raisons
qui vont amener des changements dans le commerce de détail.
Évidemment, c'est une question de service à la clientèle.
Ce n'est pas parce qu'il est petit qu'il peut se permettre de ne pas bien nous
servir, comme le grand, évidemment. Alors, c'est sur ce
principe-là qu'il n'y a aucune raison que le petit dépanneur
disparaisse. S'il nous accueille, s'il a un service de courtoisie et qu'on se
sent bien accueilli chez lui, c'est évident qu'on va continuer d'y
aller.
Le Président (M. Bélanger): Alors, simplement un
petit point. Vous aviez une question, M. le député de Laviolette?
Oui? Alors, on va respecter l'alternance. C'est que j'allais faire une
proposition. Comme dans la règle de l'alternance, normalement, on
commence du côté ministériel avec la parole, que
l'Opposition... Techniquement, c'est l'Opposition qui devrait finir. En simple
fair-play, j'aurais aimé vous laisser quelques minutes...
Mme Marois: Nous allons les garder pour la fin, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): ...d'autant plus que M.
le ministre est celui qui a le dernier, dernier droit de parole, je pense que
ça, c'était compris. Alors, si vous acceptez cette
règle-là, ce n'est pas une décision, c'est simplement une
position de fair-play que je demanderais qu'on respecte.
M. Jolivet: On est habitué au fair-play.
Le Président (M. Bélanger): Oui! Alors, dans ce
sens-là, est-ce que vous désirez toujours, M. le
député de Laviolette... M. le député de Laviolette,
vous désirez toujours avoir la parole maintenant?
M. Jolivet: Bien, je garde les cinq minutes.
Le Président (M. Bélanger): Excellent. Alors, je
cède donc la parole à Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais
adresser ma question à M. Racicot qui, d'après moi, est
propriétaire d'un marché d'alimentation, vous nous l'avez dit
tout à l'heure. Est-ce que vous êtes en zone touristique ou en
zone régulière, normale?
M. Racicot: J'ai les deux.
Mme Dionne: Vous avez les deux. Bon!
M. Racicot: Oui
Mme Dionne: Alors, comme ça... M. Racicot: J'avais
les deux. Mme Dionne: Vous aviez les deux.
M. Racicot: J'étais à Saint-Sauveur avant; je ne
suis plus à Saint-Sauveur, mais je suis à Montréal.
Mme Dionne: D'accord. Alors, parlons de la zone touristique,
puisque c'est là où vous pouviez ouvrir le dimanche. Est-ce que
vous aviez des difficultés à recruter du personnel, le dimanche?
(10 h 30)
M. Racicot: Pas du tout. Notre personnel se recrute, en
général, chez les étudiants, en fait, qui veulent
travailler. On leur donne des heures... Ils veulent avoir des heures
supplémentaires et ça leur fait plaisir de travailler Ce n'est
pas un problème.
Mme Dionne: J'aimerais aussi vous entendre sur la qualité
de vie autant des travailleurs - je pense que vous avez beaucoup
d'expérience - que des propriétaires de magasins qui sont ouverts
le dimanche. Parce qu'on a entendu, hier, des gens qui ont dit: Écoutez,
ce n'est pas facile quand on est une famille, tout ça et qu'on doit
ouvrir sept jours par semaine. La vie familiale, pour un propriétaire de
marché d'alimentation, elle en prend pour son rhume. Est ce que vous
pouvez nous parler de ça et aussi au niveau des travailleurs des
marchés d'alimentation?
M. Racicot: Je pense que pour un propriétaire, que
ça soit un supermarché ou un dépanneur, je ne pense pas
que le bonhomme travaille sept jours par semaine comme propriétaire. On
est en 1990 maintenant. En 1970, oui, le gars travaillait sept jours par
semaine. Mais en 1990, je pense que la madame qui vit avec le gars veut avoir
une journée à passer avec son mari et ils s'organisent avec des
employés pour se faire remplacer. Je ne vois absolument pas
d'inconvénient à ce que le patron... Il prend, de toute
façon, une journée de congé dans la semaine, que ce soit
un dépanneur ou un supermarché
Mme Dionne: Pour revenir aux travailleurs, quel est le
pourcentage de temps - toujours d'après votre expérience - qu'on
peut passer comme travailleur à temps plein et travailleur à
temps partiel? Est-ce que vous aviez seulement des étudiants qui
étaient à temps partiel ou vous aviez du personnel à temps
plein qui travaillait...
M. Racicot: Je peux dire que ma proportion est d'à peu
près 70 % de partiels contre 30 % de réguliers.
Mme Dionne: Contre 30 % de réguliers?
M. Racicot: Oui J'avais trois magasins. J'ai 300 employés,
alors c'est.. Je marche sur le même principe. Mes caissières, mes
"wrappers" ce sont tous des étudiants et étudiantes. Ils veulent
travailler, c'est évident.
Mme Dionne: Daccord. Alors pour les étudiants, c'est
sûr que c'était un salaire de fin de semaine, c'était
sûrement bien apprécié. Si on regarde le temps plein, les
30 %, est-ce qu'au fil des années ces gens-là on eu des
conditions différentes de travail? Comment se sentaient-ils de
travailler le dimanche parce que ce n'est pas facile?
M. Racicot: Je pense que tout le monde a des conventions
collectives. On leur donne cinq jours de travail. II n'est pas question de
faire travailler un employé six jours ou sept jours, maintenant. Comme
je l'ai dit. on est en 1990. II faut s'adapter en 1990 Moi, ça fait dix,
quinze ans que mes employés travaillent cinq jours par semaine, 40
heures II n'est pas question de 50 heures par semaine. Ce n'est plus ça,
maintenant. Il y a une alternative entre le samedi ou le dimanche. Le bonhomme,
ça ne lui fait rien de travailler le dimanche. Il n'y a pas de
problème là-dessus.
Mme Dionne: II n'y a pas de problème là dessus?
M. Racicot: Pas du tout.
Mme Dionne: Pas dans ce que vous avez vécu. Parce que je
posais la question... On en parle beaucoup dans... Je pense que les gens qui
sont justement contre l'ouverture le dimanche parlent de cette qualité
de vie des travailleurs...
M. Racicot: Je pense qu'elle est faussée. Ce n'est pas
vrai. Je ne pense pas. Maintenant, le personnel dans l'alimentation travaille
entre 38 et 40 heures. Il n'y a pas de 45 heures.
Mme Dionne: Sur cinq jours?
M. Racicot: Sur cinq jours. Et il va y avoir une alternance.
Qu'est-ce qu'on peut faire.. Ce que je faisais à Saint-Sauveur, on avait
un employé, disons un boucher, si vous voulez. Le boucher pouvait
travailler... J'ai quatre bouchers, disons. Bien, ils alternaient. Une
journée par mois ils travaillaient le dimanche. Et ça faisait
leur affaire. Chacun a un congé des fois dans la semaine, ça fait
son affaire II est avec son épouse, il fait son magasinage. Parce qu'il
ne peut pas faire son marché le dimanche, alors il est obligé de
prendre une journée dans la semaine pour le faire. Je pense qu'il n'y a
absolument pas de problème.
Mme Dionne: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M le
député de Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président Moi aussi, comme ma
collègue, j'ai une question sur la qualité de vie. Parce que vous
qui êtes pour et ceux qui sont contre et qu'on va entendre tout à
l'heure, je pense que c'est un des points d'achoppement. Vous, vous
prétendez que le fait d'être ouvert le dimanche ça va
permettre aux gens, aux consommateurs d'avoir une meilleure qualité de
vie et que ça ne touchera pas finalement la qualité de vie des
travailleurs.
Ceux qui sont contre vont sans doute nous dire que le consommateur,
ça n'augmentera pas sa qualité de vie parce qu'il a bien d'autres
choses à faire le dimanche et que ça va, par contre,
embêter un certain nombre de travailleurs. Je pense qu'il y a une
différence fondamentale de perception entre tes deux groupes et, de
toute façon, je poserai également la question aux gens qui sont
contre tout à l'heure.
Moi, je veux savoir de M. Falardeau... Vous, je pense que vous avez un
Métro dans la région de Québec?
M. Falardeau: Un Provigo.
M. Leclerc: Un Provigo dans la région de
Québec. Est-ce que vous avez ouvert... À un moment
donné, il y a eu, il y a quelques mois, une campagne d'ouverture le
dimanche, ce n'est pas un secret, c'était à pleines pages dans
les journaux. Vous, est-ce que vous avez ouvert, à ce
moment-là?
M. Falardeau: Si j'étais hors la loi? Oui, j'étais
hors la loi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Leclerc: Vous n'avez pas eu trop de problèmes avec les
amendes? Non?
M. Falardeau: Non, ce n'était pas si pire.
M. Leclerc: Donc, ça prouve qu'elles ne sont pas assez
hautes. Cela dit, est-ce que vous pouvez nous dire, vous qui êtes
passé, du jour au lendemain, d'un établissement qui était
toujours fermé le dimanche à un établissement qui a ouvert
un ou deux dimanches, je ne sais pas, comment les employés ont pris
ça? Et comment les consommateurs... D'abord, est-ce qu'ils se sont
déplacés pour aller dans votre supermarché? Ont-ils
acheté une pinte de lait et une livre de beurre ou est-ce qu'ils ont
fait leurs emplettes complètes? Est-ce que ce sont des personnes
âgées qui, à la retraite, peuvent aller à peu
près n'importe quand au supermarché, mais qui ont dit: Tiens,
ça ferait peut-être quelque chose à faire dimanche, ou
est-ce que ce sont des familles ou des chefs de famille monoparentale qui vous
ont dit. Aïe! On est bien contents, ça m'arrange que ce soit
ouvert. C'est ça que je voudrais savoir. Vous, comment avez-vous
vécu ça, sur le terrain, en ouvrant, vous l'avez confessé,
illégalement? Loin de là notre idée de cautionner
ça, mais c'est fait aujourd'hui, on pourrait peut-être au moins
tirer ce que vous avez remarqué et chez vos employés et chez les
consommateurs.
M. Falardeau: Je pense qu'il y a deux volets: le premier, c'est
la réaction qu'ont eue mes employés. Évidemment, quand je
leur ai parlé de la possibilité d'ouvrir le commerce le dimanche,
les gens étaient réfractaires à ça.
Évidemment, les gens travaillent des plages de cinq jours sur une
possibilité de six. Mais je pense que ce sont des réactions tout
à fait humaines. On vous demanderait, messieurs, de siéger douze
mois par année, je pense qu'à un moment donné, vous
diriez: Bien là, on aurait besoin d'un petit "break", à un moment
donné, pour faire d'autre chose. Mais les gens ne travailleront pas plus
que cinq jours par semaine parce que la loi permettrait qu'on ouvre les
commerces sept jours, c'est bien évident. Mais je peux vous dire que je
n'ai pas eu de problème du tout à recruter de la main-d'oeuvre
pour travailler le dimanche et le pourcentage d'employés à temps
partiel qui travaillent dans un supermarché serait peut-être
environ 70 % de la main-d'oeuvre, ce que M. Racicot confirmait tout à
l'heure.
Ce dimanche-là, j'ai eu tout près de 80 % en main-d'oeuvre
qui étaient des employés à temps partiel parce que, eux,
vont à l'école. Les étudiants maintenant
fréquentent les cégeps, universités et gardent des emplois
à temps partiel pour payer les frais de scolarité qui vont
augmenter et ils doivent trouver des salaires d'appoint, des revenus d'appoint.
Alors, travailler le samedi et travailler le dimanche, pour eux, ce sont des
revenus supplémentaires. Ce qu'on disait tout à l'heure, c'est
pareil Ce sont les employés qui travaillent à temps plein, qui
ont la charge dune famille, qui ont des responsabilités, peut-être
que ça ne leur convient pas, mais, aujourd'hui, il y a de plus en plus
de secteurs d'activité où les gens travaillent cinq jours, deux
jours de congé, qui ne sont pas vraiment du lundi au vendredi, qui
peuvent être le samedi et le dimanche et qui peuvent avoir des
journées de congé, dans la semaine, consécutives, qui
peuvent être le mardi et le mercredi. Si, jumelé à
ça, on doit faire des modifications au niveau de la Loi sur les normes,
on n'est pas contre non plus. Si les salariés réguliers, qui sont
des soutiens de famille, qui ne veulent pas avoir leur horaire de famille
dérangé à cause de ça, qui auraient deux jours de
congé consécutifs dans la semaine, je
pense que ça réglerait beaucoup le problème Les
gens seraient très heureux de ça. Il y a beaucoup de travail
maintenant, professionnel ou non, qui se fait le samedi et le dimanche. Les
gens ont congé dans la semaine. À ce niveau-là, je pense
que la société a évolué énormément,
l'apparition des femmes sur le marché du travail vient changer toutes
les habitudes.
Au niveau des clients, je peux vous dire que les gens ont
magasiné dans un climat très détendu, très
différent et, en termes de... Évidemment que les gens savaient
que j'étais ouvert le dimanche parce qu'on en avait fait écho un
petit peu, c'était un chiffre d'affaires très intéressant,
mais le climat dans lequel les gens ont magasiné était
très détendu Les gens prenaient plus de temps pour faire leur
épicerie et ils n'avaient pas de pression, ils n'avaient pas de
contrainte de temps pour faire leur épicerie. Il y en a qui ont fait
leur commande principale, mais je ne dirais pas que c'est représentatif
parce que c'était une occasion, c'était un coup
d'épée dans l'eau, ce n'était pas une habitude. Alors la
majorité des gens sont venus chercher des choses d'appoint parce que
soit qu'ils avaient oublié d'acheter ces trucs-là durant la
semaine, soit qu'ils avaient de la visite à la maison. Ce sont les
commentaires que les clients m'ont rapportés ou qu'il y avait certains
produits qu'ils ne pouvaient pas se procurer dans un autre supermarché,
qu'ils se sont procurés dans le mien parce que j'étais ouvert et
que les autres étaient fermés. C'est évident Mais je pense
que le tableau qui est ici répond très bien à la question
au niveau des employés: la population active qui représente moins
de 1 %.
Mme Laliberté: La population active du Québec, vous
avez dans le commerce de détail, c'est 13 %; dans le commerce de
l'alimentation, c'est 2,6 % et ce qui serait requis de travailleurs pour le
dimanche, c'est moins de 1 %. C'est ça ici.
M. Falardeau: Là-dedans, on parle aussi des...
Mme Laliberté: Si on visualise ça, je pense que ce
n'est pas une loi pour une minorité dont on a besoin, mais c'est une loi
pour une majorité.
M. Falardeau: Et je pense que dans ce moins de 1 %, les
employés à temps plein... temps partiel. Je pense que le travail
effectué le dimanche va être beaucoup plus un travail
effectué par des employés à temps partiel. On aura besoin
d'employés à temps plein, c'est évident, qui demandent
plus de responsabilité, mais je pense que, de façon majoritaire,
ces employés.. Même, d'ailleurs, le samedi, dans la
majorité de nos établissements, ce sont beaucoup plus des
employés à temps partiel qui sont là parce que c'est plus
facile de recruter une main-d'oeuvre, le samedi, qui est disponible, qui est
accessible que dans la semaine.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon, il vous reste cinq minutes vingt.
M. Jolivet: Bien, je vais commencer par deux...
Le Président (M. Bélanger): Ah! M. Jolivet,
député de Laviolette.
M. Jolivet: ...oui, par deux réflexions. D'abord, quand
Mme Laliberté a parlé d'une personne de l'extérieur disant
qu'elle a eu de la difficulté à s'adapter au Québec, je
pourrais dire la même chose et vouloir l'utiliser à mes fins en
disant qu'une personne qui a vécu à Toronto, qui est
habituée de tourner à droite à la lumière rouge va
avoir de la difficulté à s'habituer au Québec après
deux ou trois contraventions. Tu sais, je veux dire que ça, pour moi,
là, ça ne m'émeut pas du tout.
La deuxième, c'est quand on a fait des batailles sur la question
des chemises puis du linge au Québec On a dit: II ne faudrait pas
s'opposer à l'entrée de ce qui vient de Taiwan ou d'ailleurs
parce que les consommateurs vont acheter à meilleur prix Je dois vous
dire qu'aujourd'hui, à Grand-Mère, il n'y a plus de chemises qui
se fait, il n'y a presque plus de textile qui se fait, puis tout ce qui vient
de l'extérieur est plus cher et de moindre qualité. Ça
fait que ça, là, quand on le regarde bien honnêtement, il
faut se poser la question: Est-ce que ça n'aura pas des effets sur
l'ensemble des prix à la consommation pour le consommateur
lui-même?
Deux questions Dans un contexte de libéralisation, est-ce que
vous seriez d'accord, à ce moment-là, pour dire que, pour
éviter toute inéquité quelconque, qu'on fasse
disparaître - ou même actuellement, ça dépend comment
vous le voyez - toute vente par catalogue, que ça soit Sears, que
ça soit Club Price, que ça sort Québec Loisirs? C'est
quoi, votre position dans l'un ou dans l'autre? Est-ce que. pour vous,
ça veut dire que ça, ça serait ouvert, puis ça
serait des formules nouvelles au niveau de la vente par catalogue?
Et la deuxième question: À la page 20. vous dites que la
Coalition a beaucoup d'admiration pour les travailleurs, etc., en disant qu'il
faut voir ce qui se passe le samedi à 11 heures, la cohue, la bataille,
en tout cas, pour avoir un panier. Et là, vous terminez en disant: En
ouvrant les supermarchés le dimanche, on permettrait d'étaler sur
une plus longue période la cohue Je ne crois pas comprendre que vous
seriez d'accord pour qu'il y ait une cohue le dimanche, là?
Mme Laliberté: C'est une erreur.
M. Jolivet: D'accord, ce n'est pas grave.
Mme Laliberté: Je l'ai dit tout à l'heure, c'est
l'achalandage.
M. Jolivet: Oui, mais c'est parce que...
Mme Laliberté: C'est une erreur de transcription.
M. Jolivet: Mais je veux aller là parce que moi,
là... Je vous pose la question suivante: Quelqu'un qui veut avoir le
marché le dimanche - puisque vous dites qu'il y a tellement de gens qui
veulent magasiner le dimanche, là - est-ce qu'il n'y aurait pas,
justement, le dimanche, de la part des entreprises, les gros
supermarchés en particulier, la capacité de dire: On fait une
vente, puis une telle vente que, là, on va en avoir encore davantage le
dimanche? Est-ce que, dans le fond, l'ouverture le dimanche ne reporterait pas
sur une autre journée ce qui se passe les autres journées et que
l'étalage sur la semaine serait peut-être une meilleure
façon que de le faire un dimanche? Parce que, il est évident que,
si je veux avoir la part du marché, je vais faire de méchantes
belles ventes cette journée-là, le dimanche, pour avoir du
monde.
Mme Laliberté: En tant que consommateur, en tout cas, je
n'aurais aucune objection aux ventes du dimanche si c'est à mon
avantage. Ha, ha!
M. Jolivet: Mais ça n'enlèvera pas
l'achalandage...
Mme Laliberté: Non.
M. Jolivet: ...ça n'enlèvera pas les batailles des
gens...
Mme Laliberté: C'est parce que
M. Jolivet: ...qui vont aller acheter à 1,49 $ le
mercredi, là, hein?
Mme Laliberté: Oui, bien, il y a plus d'heures le dimanche
que le mercredi soir, vous avouerez.
M. Jolivet: Non, mais...
Mme Laliberté: Bon, en tout cas, c'est la meilleure...
M. Jolivet: D'accord, mais ce que je veux dire, c'est que vous
reportez sur une autre journée, vous acceptez, dans le fond, qu'il y ait
ce que vous appelez l'achalandage de la journée du samedi un
dimanche.
Mme Laliberté: Bon. Vous avez posé deux questions
et j'aimerais que vous les répétiez parce que, là, vous
avez élaboré et je ne suis plus certaine de la question que vous
voll!e2 poser.
M. Jolivet: La première, c'est la vente par catalogue.
Mme Laliberté: Bien non. Nous, ce qu'on demande, c'est de
la concurrence: la meilleure garantie de prix pour les consommateurs, c'est la
concurrence. Donc, on ne demande pas d'en enlever, on demande de
libéraliser.
M. Jolivet: Comme consommateur...
Mme Laliberté: Même dans l'alimentation, quand on
veut rétablir l'équité, on a deux formules: fermer ou
ouvrir. Nous, on vous dit: Si vous fermez, non, on ne peut pas accepter que
ça soit fermé parce que, là, il n'y aura pas assez de
magasins pour servir les gens le dimanche, qui ont besoin du dimanche. Et puis,
il y en a une cohue, le jeudi et le vendredi. Quand on parle... ce sont des
choses vécues. Moi, je ne trouve pas que c'est une qualité de vie
que d'arriver le jeudi soir au marché... Parce qu'il faut y aller le
jeudi, parce que mon gérant m'a dit: Si vous voulez profiter des
aubaines, bien, venez le jeudi. Hein? Bon! Alors, d'arriver le jeudi soir au
marché, d'attendre pour avoir un panier pendant dix minutes, de
finalement mettre la main sur un panier, de partir avec mon panier, de mettre
quelque chose dedans, de me retourner de bord pour aller chercher du
café et de m'apercevoir qu'on a vidé mon panier et qu'on est
parti avec. Alors, je vous assure que, moi, je ne trouve pas que c'est bien
pratique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Je change de supermarché.
Mme Laliberté: Bon! Puis, quand vous arrivez le samedi
matin à 11 heures, à l'épicerie, c'est la même
chose, je l'ai fait deux fois. La course au panier... Je ne trouve pas que
c'est une qualité de vie. Je pense que si j'y allais le dimanche, je
pourrais avoir plus d'heures, être moins stressée et je pourrais
avoir accès aussi à des produits plus frais parce que, au lieu de
défaire les étalages à 15 heures de l'après-midi,
on les referait, les étalages à 15 heures de l'après-midi.
Donc, pour moi, ce serait certainement meilleur en termes de qualité de
vie, d'avoir des épiceries ouvertes le dimanche. Et je vous dis
que...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Laliberté: ...le mercredi, moi, c'est une... Le
mercredi, on peut dire... c'est comme
dans le document du MICT, c'est peut être un maintien, même
pas un maintien, c'est une petite amélioration de la qualité de
vie sur tout l'ensemble. Alors on ne parle pas de maintien mais
d'amélioration de la qualité de vie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la députée de Taillon, il vous reste une minute.
Mme Marois: II ne me reste qu'un temps pour la conclusion.
J'avais une question à poser; je vais la faire en remarque. Quand vous
dites que 1 % des travailleurs et des travailleuses serait concerné,
c'est environ 30 000 personnes. Je peux me tromper, mais c'est autour de 30 000
personnes, ce qui, évidemment, concerne la vie de peut-être 60 000
ou 70 000 personnes et peut-être davantage...
Mme Laliberté: En majorité des
étudiants.
Mme Marois:... parce qu'il faut aussi imaginer que ça
amène le fait que d'autres types de services ouvrent aussi pour
accommoder les consommateurs et, à mon point de vue, c'est un pas dans
la porte pour ouvrir - et c'était assez évident au début
de vos interventions - vers le commerce de détail en
général.
Il y a une affirmation que je ne peux pas suivre, quand vous dites:
Permettre l'ouverture ne veut pas dire obligation d'ouverture. Mais, si je me
tourne vers les gens d'affaires, ils savent très bien que, dans certains
contextes, dire: Nous permettons mais nous n'obligeons pas, amène
certains commerçants à être obligés d'ouvrir, sinon
ils perdent leur part de marché, et l'alimentation est actuellement
assez serrée. M. Nantel disait hier qu'on se battait pour 10 000 000 $,
pour 15 000 000 $. pour 120 000 000 $... de chiffre d'affaires réparti
sur l'ensemble du territoire.
Ce marché-là est tellement serré que je ne peux
accepter votre affirmation que ça ne crée pas d'obligation;
ça en crée une si on veut pouvoir rester dans le marché.
Et vous savez très bien que sur certaines rues, dans certains coins,
lorsqu'on va ouvrir un commerce, si les autres n'ouvrent pas, ce n'est pas
intéressant de le faire. Donc, on va créer une pression pour que
les autres commerces ouvrent, alors on recrée une autre forme
d'inéquité que, pourtant, on veut actuellement combattre. Je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre, en conclusion.
M. Tremblay (Outremont): Ma conclusion, c'est de remercier Mme
Laliberté et son équipe de l'excellente présentation
qu'ils nous ont faite ce matin. Soyez assurés qu'on va prendre en
considération votre argumentation dans la décision que nous
aurons à prendre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie la Coalition pour
l'équité et le libre accès aux marchés
d'alimentation le dimanche, et elle suspend ses travaux une heure,
c'est-à-dire jusqu'à 11 h 30.
Une voix: En tout cas, jusqu'à 11 h 30.
Le Président (M. Bélanger): À 11 h 30, on
demanderait à tout le monde d'être présent, s'il vous
plaît.
(Suspension de la séance à 10 h 48)
(Reprise à 11 h 34)
Coalition contre l'ouverture des commerces le
dimanche
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux
pour procéder à une consultation générale et
à des auditions publiques sur les modifications à apporter
à la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux. Nous recevons présentement la Coalition contre l'ouverture
des commerces le dimanche, Nous avons une heure trente pour discussions avec
vous.
Pour vous expliquer un peu la procédure, d'abord, vous vous
présentez, donnez vos noms. Chaque fois que vous aurez une intervention
à faire durant la période de questions, s'il vous plaît,
donnez votre nom avant. Ce n'est pas pour nous faire plaisir, à nous.
C'est tout simplement aux fins do transcription au Journal des
débats. Les petites madames qui font la transcription des
débats, en bas, ont un plaisir fou quand on donne les noms, mais ont un
travail épouvantable quand on ne les donne pas. Il faut les
considérer. Elles travaillent dans l'ombre. Si vous pouviez vous
présenter. Vous avez 30 minutes pour présenter votre
mémoire et, ensuite, il y aura la période d'échanges avec
les parlementaires. Alors, si vous voulez procéder, je vous en prie.
M. Tremblay (Marcel): D'accord. M. le Président, M. le
ministre, Mme la députée, membres de la commission, mon nom est
Marcel Tremblay C'est moi qui suis le porte-parole général au
niveau de la Coalition; je suis vice-président au niveau de la FTQ; je
suis président des TOAC, local 503
J'ai avec moi des gens qui regroupent à peu près tous les
acteurs que l'on retrouve au niveau du commerce au détail. Il y a des
gens qui sont
ici présents qui sont des gens du non alimentaire, des gens qui
représentent les commerçants et des gens qui représentent
les commerces. J'aimerais que chacun se présente lui-même.
M. Nantel (Yves): Mon nom est Yves Nantel. Je suis de la
Fédération des associations coopératives d'économie
familiale du Québec, de la Fédération des ACEF; je suis
responsable do la commission pratique commerciale qui, elle, est responsable de
ce dossier des heures d'ouverture
M. Gadbois (Michel): Je suis Michel Gadbois. Je suis le directeur
de la Coalition.
M. Lord (Gérald): Gérald Lord, président du
Regroupement des détaillants et vice-président de la Coalition,
marchand IGA.
M. Vaillancourt (Paul): Paul Vaillancourt, président de la
Corporation des marchands de meubles du Québec et responsable dans la
Coalition au niveau du non alimentaire.
M. Tremblay (Marcel): Ça va au niveau de la
présentation. Je pense qu'il y a un fait qu'il faut remarquer au niveau
de cette Coalition. C'est quand même, je pense, un moment quand
même assez historique ici, au Québec, de retrouver à une
même table une espèce de solidarité entre travailleurs,
propriétaires indépendants et grossistes, ainsi qu'une
très grande majorité d'associations représentant les
consommateurs. Ça, ce sont des gens qui, finalement, travaillent dans ce
secteur comme tel au niveau pratique, qui sont là tous les jours, qui
peuvent réellement vous donner le "feeling", ce qui se passe dans ce
secteur, les besoins autant au niveau des consommateurs, des commerçants
que des travailleurs et travailleuses que représente finalement ce
secteur, de même que les gens qui ne sont pas syndiqués et qui
sont également des commerçants et des gens qui ne font pas
également partie de l'alimentation.
Ça, c'est un consensus qui existe finalement depuis 1988.
D'ailleurs, déjà, au bureau du premier ministre, je pense qu'on
avait présenté ce que cet organisme présentait comme
position et les raisons de cette position et que la majorité de ces
positions s'appuyaient sur les recommandations finalement du rapport Richard.
Et lorsque, d'ailleurs, a eu lieu cette espèce de commission Richard, de
commission pour aller chercher une espèce d'information dans le secteur,
je pense que tout ce que la commission Richard avait soumis comme tel, a fait
une espèce d'unification d'un groupement, qui regroupait l'ensemble,
comme je le disais tout à l'heure, des acteurs, et qui faisait qu'on
adoptait finalement presque unanimement le rapport Richard comme tel.
Également, au niveau de cette Coalition, on retrouve environ 1
500 000 personnes qui sont représentées par différentes
personnes, ici dans cette salle, qui se sont d'ailleurs déplacées
ce matin. Et tout ça pour vous dire que, finalement, la loi sur les
heures d'ouverture, c'est quand même une loi très importante. Pour
que des gens prennent la peine de se déplacer, de venir ici, ce matin,
nombreux, qui représentent à peu près toutes ces
associations et ces regroupements... C'est une loi, finalement, qui touche
l'ensemble de la société et c'est réellement une loi de
société.
On retrouve également dans ces organismes, des organismes quand
même assez importants comme la FTQ, la CSN, la CEQ, la CSD. On retrouve
l'UPA. On retrouve les AFEAS. On retrouve des associations telles que le Cercle
des fermières, qui sont quand même des associations très
représentatives, je pense, au niveau de la population comme telle.
C'est sûr que cette Coalition a basé finalement ses
interventions sur deux prémisses qui sont les suivantes et que vous
retrouverez, d'ailleurs, à la page 5 de notre mémoire. L'une de
ces premières prémisses est la suivante: Une opposition ferme
à toute libéralisation des heures d'affaires le dimanche, dans le
secteur de l'alimentation, puisqu'elle aurait un effet d'entraînement sur
d'autres secteurs du commerce des biens et services, de détail comme de
gros. La deuxième: La défense de la qualité de vie que
représente le dimanche comme journée commune de vie sociale
contre son érosion par la libéralisation des commerces le
dimanche.
Maintenant, j'aimerais passer la parole au représentant du non
alimentaire, M. Vaillancourt.
M. Vaillancourt: Évidemment, notre position sur le non
alimentaire, et ce qui nous fait craindre un peu, ce sont les effets de
débordement. Les effets de débordement, quand on parle de
l'alimentation, actuellement, dans laquelle il existe une certaine
inéquité, à entendre parier plusieurs, pour nous autres,
ces effets de débordement sont un point des plus importants parce que
c'est ouvrir une porte à une libéralisation des heures des plus
complètes dans l'avenir. On ne voudrait pas se ramasser dans deux ans,
comme une personne l'a mentionné, ce matin, devant une autre commission
parlementaire pour définir le reste du secteur du commerce de
détail, au niveau des heures d'ouverture.
Mais il y a des exemples concrets auxquels il faut faire attention et
qu'il faut mentionner. Je donne un exemple. En 1985, on a amendé une loi
pour les marchés publics La définition des entreprises qui
devaient oeuvrer dans les marchés publics a été
établie dans cette loi et dans cet amendement Je ne sais pas si
quelqu'un parmi vous a visité récemment des marchés
publics, mais, moi, je me suis aperçu que, après quelques
années... Évidemment, il y avait une mode de marchés
publics et on en a créé peut-être un peu plus que la
demande. Croyez-moi, dans les
marchés publics que vous allez visiter aujourd'hui, vous allez
trouver des coiffeurs ou des salons de coiffure, des agences de voyage. Dans le
dernier, j'ai même vu un vendeur d'automobiles ou location-achat
d'automobiles. Alors, c'est devenu un royaume pour contourner la loi sur les
heures d'ouverture dans les commerces de détail.
Qu'est-ce qu'on fait avec - je vous donne un autre exemple - les grands
Miracle Mart qui ont, dans la majorité de leurs magasins, un secteur
alimentaire? Comment va-ton faire pour essayer de ne contrôler que le
secteur alimentaire et que les autres départements de vente ne se
ramassent pas sur les tablettes de l'alimentaire? C'est un peu ça qu'on
retrouve actuellement Nous, le non alimentaire, on se dit: II faut combien de
temps encore pour qu'on retrouve.. Et d'ailleurs, ça existe
déjà sur les tablettes des grands pharmaciens: des micro-ondes,
des cafetières, des électroménagers. Alors, on se dit:
L'effet de débordement, il est là. Le statut des entreprises,
comme tel, ça n'a pas été tellement touché.
On vient de voir apparaître, et on en entend parler couramment, ce
nouveau mode de club d'achat, Club Price ou autres, parce qu'aux
États-Unis il en existe d'autres. Club Price en est un qui a
touché ici, actuellement, le Québec, mais il y en a certainement
d'autres qui pourront suivre dans l'avenir. Tout ça, évidemment,
fonctionne avec le problème qu'on a de notre chef-d'oeuvre
d'incohérence, comme le mentionnait M. le ministre, au début de
cette commission, avec cette loi qu'on a ici, actuellement présente.
Il y a un phénomène qui est très important au
Québec et qu'il ne faut pas oublier, qu'il ne faut pas négliger.
Moi, je l'appelle un peu le patrimoine économique du Québec. Eh
bien, 70 % des entreprises de commerce de détail sont des entreprises
privées contre 30 % qui sont des chaînes nationales ou autres. En
Ontario, vous allez trouver 55 % de ces entreprises-là qui sont des
entreprises d'entrepreneurship privé. En Colombie-Britannique, et je
vous donne les trois grands schelems qui contrôlent peut-être 75 %
du commerce de détail de tout le Canada... 57 % en Colombie-Britannique.
Qu'est-ce qui arrive dans cinq ans si on prend la formule de 70-30 et qu'elle
est inversée? Le Québec deviendra une autre province comme
l'Ontario, une province de succursales et beaucoup moins de sièges
sociaux. Quand on dit que le Québec, par tête, per capita,
actuellement, a le plus de sièges sociaux, c'est vrai. Mais n'oubliez
pas que, là-dedans, il n'y a pas seulement les nationales, il n'y a pas
seulement les grandes entreprises. Il faut aussi considérer qu'il y a
des PME qui font partie de ça.
Alors, comment on protège ça? Évidemment, pourquoi
on est rendu là, au Québec? Eh bien, ce n'est pas seulement le
phénomène des minorités, mais c'est surtout
l'entrepreneurship québécois qui a fait qu'il y a 25, 30 ans, on
a commencé à se regrouper dans différents secteurs du
commerce de détail, pas seulement l'alimentation, mais... L'alimentation
a créé ce qu'on sait aujourd'hui, des Provigo, des Métro
et des corporatifs Dans l'ameublement, vous le retrouvez; dans le secteur de la
ferronnerie, vous le retrouvez; dans plusieurs autres secteurs de commerce de
détail, vous le retrouvez Alors, cet effet de regroupement de
même, sous des bannières unifiées, a fait que, cela a
préservé nos entreprises québécoise du commerce de
détail.
Alors, ça n'améliorera pas définitivement, une
libéralisation ou une ouverture le dimanche, parce qu'on a une autre
statistique qui dit aussi que, dans nos commerces de détail, 68 % de ces
entreprises là sont des entreprises familiales de cinq employés
et moins, de trois employés et moins, et, la grande majorité, de
cinq employés et moins. Alors, comment une entreprise régionale
ou locale dans une autre municipalité que les grands centres, soit
Montréal et Québec, peut-elle venir à bout de
compétitionner des chaînes qui pourraient s'installer
régionalement, dans nos régions, et qui deviendraient des
chaînes nationales, compétitionner avec ces gens-là sur des
heures d'ouverture libéralisées? Il y a ce
phénomène d'entrepreneurship québécois qui existe,
qui a fait ses preuves. Il a fait ses preuves quand on regarde les autres
provinces et il ne faut pas le négliger, il faut continuer à le
protéger.
Évidemment, ce matin, on a entendu parler de liberté de
choix. La liberté de choix, évidemment, quand on parle
d'alimentation... Ce matin, on disait que ça pouvait ne
représenter que 30 000 emplois, mais quand vous allez prendre tout
l'ensemble du commerce de détail, on ne parie plus de 30 000 emplois,
mais on parle de beaucoup d'emplois. Alors, la liberté de choix, sur le
dos de qui veut-on la faire? Est-ce qu'on veut commencer à créer
deux classes de citoyens, deux classes de travailleurs au Québec? C'est
ça, le point qu'il faut se demander, c'est un choix de
société Nos entreprises québécoises de
détail sont compétitives, l'ont été, ont pris les
moyens nécessaires de le demeurer au cours des derniers 25, 30 ans et je
pense que c'est important, au Québec, qu'on protège ce
système de commerce de détail qui existe. (11 h 45)
Dans l'effet du non alimentaire, il faut surtout ne pas oublier que dans
la plupart des commerces de détail, ça prend du personnel
qualifié, du personnel entraîné. Autrement dit, dans mon
domaine ou dans le domaine de la construction, ce n'est pas un bonhomme au bout
d'une caisse enregistreuse qui fout des aliments ou des boîtes dans un
sac. Ça ne prend pas un entraînement et une compétence de
travail énorme pour faire ça Par contre, ça couvre un
dossier important au niveau de l'emploi à temps
partiel ou contractuel chez nos jeunes, chez nos étudiants. Je ne
mets pas ça en doute. Mais quand vous allez tomber dans les autres
lignes du commerce de détail, dans l'ameublement, ça prend des
personnes qualifiées et entraînées. Moi aussi, je me
promène un peu partout dans le monde et je peux vous dire qu'aux
États-Unis, quand on me cite des exemples américains, de
municipalités frontières ou autres, ou touristiques, c'est
vrai... Mais c'est aussi vrai qu'il ne faut pas négliger que, quand on
pénètre dans ces magasins-là, eh bien, on a le service
qu'on doit s'attendre d'avoir, mais on n'a pas l'information, le service et la
compétence qu'on devrait s'attendre de recevoir.
Alors, je me permets de terminer là-dessus et de transmettre la
parole à mon collègue, immédiatement, sur
l'alimentaire.
M. Lord: Gérald Lord, secteur alimentaire. Je peux vous
dire qu'on prône, nous autres aussi, l'équité, mais
l'équité par la fermeture le dimanche. Je pense que ça
rejoint énormément de gens parce que... Pour ceux qui se
souviennent, il y a deux ans, au Reine Elizabeth, il y a eu un colloque sur les
heures d'affaires. J'étais panel-liste. Ma position est la même,
c'est non au dimanche. D'ailleurs, la coalition de 1 500 000, qui a beaucoup de
représentants dans la salle, a commencé à ce
moment-là. M. Laberge était présent. Nous avons,
aujourd'hui, M. Tremblay, vice-président de la FTQ. Donc, 1 500 000 gens
de la province de Québec, ça doit vouloir dire quelque chose.
Donc, c'est vraiment l'équité, mais par la fermeture, bien
sûr, tout en laissant le dépannage le dimanche.
Brièvement, j'interviendrai sur trois aspects demandés par
le gouvernement pour l'application de la loi. Et ça, vous l'avez
à la page 13, au chapitre 2 du document de la Coalition. C'est la
révision des exemptions, le transfert au niveau local du pouvoir
décisionnel de l'ouverture le dimanche du secteur alimentation et les
mécanismes et modalités d'application de la loi. En ce qui
concerne les deux derniers aspects, vous les trouverez dans nos propositions,
aux pages 11 et 12, et je pourrai les expliquer à la période de
questions.
Pour ce qui est des exemptions, la Coalition appuie les recommandations
du rapport Richard et, à la page 44 du même rapport du
comité Richard... Et M. Richard, on vous salue. Dieu sait si vous avez
fait un travail qui a duré environ neuf mois et vous étiez
vraiment sur le terrain pour tout comprendre. Par contre, la Coalition tient
à mettre en garde les membres de la commission face aux revendications
de certains droits acquis que pourraient invoquer certains marchés
publics, marchés aux puces et pharmacies en s'appuyant sur les
décrets de janvier 1985 et février 1987. L'abrogation de ces
décrets, telle que recommandée par le comité Richard,
à la page 43 du rapport Richard, est, en plus, appuyée par le
jugement tout récent, le 12 septembre 1989, durant la campagne
électorale, dans la cause de la plantation de fruits Levy inc. qui
déclare le règlement de février 1987 inopérant dans
sa totalité. Et ça, la référence, vous l'avez dans
le document d'information du gouvernement, aux pages 2 et 3.
Enfin, cette fameuse formule dont M. Vaillancourt parlait tantôt,
les entrepôts-clubs, constitue un nouveau secteur de la distribution au
détail qui n'est réglementé par aucune loi actuelle.
L'achalandage en dehors des heures d'ouverture normales démontre
que, par le biais de cartes de membres, par une structure de prix à
trois niveaux, ils font une concurrence directe aux commerçants
conventionnels.
Donc, j'insiste que si la loi tient compte de ces
éléments, ça rejoint exactement les trois critères
du gouvernement: l'équité entre les commerçants, les
besoins réels du consommateur le dimanche, la qualité de vie des
Québécois. En parlant d'équité entre
commerçants, je pense que je peux vous en parler, de père en fils
on est épicier depuis au-delà d'une cinquantaine d'années
et ça fait 30 ans, moi-même, que je suis à temps plein dans
une épicerie. Le vrai problème, fondamentalement, à part
les grandes corporations qui ont bien des raisons bien connues pour ouvrir sans
limite, sept jours par semaine, 24 heures sur 24... Nous retrouvons un petit
nombre de marchands qui les appuient, et cela, pour deux raisons
différentes d'équité. Le premier, c'est un petit groupe
qui pense qu'il va faire de grosses affaires le dimanche et probablement que
ces gens-là se disent: On va devenir tellement gros que ça va
être comme les corporations, on n'aura pas besoin de travailler le
dimanche. L'autre groupe, ils sont plus nombreux, on les connaît, j'en ai
vu ici ce matin. On parle ensemble, on est tous des confrères
épiciers; on n'est pas des ennemis dans la vie, on est des amis, disons,
au niveau de la business, mais en tant qu'épiciers
québécois, on vit les mêmes choses. Ils se sont fait dire
par les grandes corporations, comme je me suis fait dire, comme les gens de la
Coalition avec moi se sont fait dire, en 1988, précisément au
mois d'octobre: C'est tout décidé, messieurs, le gouvernement ne
fait pas appliquer la loi. Regardez ça, ce que vous faites avec les
injonctions: vous dépensez de l'argent, vous prenez des injonctions
partout, ça n'aboutit pas, ça traîne sur les tablettes, il
y a toutes sortes de choses qui se passent en cour, on manque de jeu, c'est
effrayant. Vous voyez, ils ne veulent pas, ils sont convaincus que le
gouvernement n'a pas les moyens ni la volonté politique d'avoir une loi
qui respecte le dimanche. Cependant, mesdames et messieurs, depuis les travaux
du comité Richard, son rapport nous a toujours convaincus que
l'équité était possible dans la fermeture le dimanche.
N'est-ce pas ce que tout le monde cherche, l'équité?
Je vous soumettrais très respectueusement la dernière
phrase du mémoire du gouvernement, à la page 113, la toute
dernière phrase qui se lit comme ceci: "Enfin, ne devons-nous pas
convenir qu'il faille maintenir, dans notre société, le niveau de
la qualité de vie associé à la journée du
dimanche." Là-dessus, j'invite donc Yves Nantel, qui représente
40 associations de consommateurs du Québec, à vous parier de la
qualité de vie. Merci.
M. Nantel: Alors, au point de départ, soyons clairs. Le
libre choix des propriétaires de magasins à ouvrir ou à ne
pas ouvrir, le libre choix des travailleurs de travailler ou de ne pas
travailler, le libre choix des consommateurs d'aller acheter ou de ne pas
acheter, ça demande énormément de nuances et c'est quelque
chose en laquelle nous ne croyons pas, du moins de la façon dont
ça a été affirmé jusqu'à aujourd'hui.
Quand on regarde la qualité de vie, il faut regarder les
implications ou les perturbations qui vont se produire, d'une part, chez les
travailleurs et, soit dit en passant, quand on parle des travailleurs du
commerce, on devrait plutôt dire régulièrement les
travailleuses du commerce parce qu'elles sont - on a une statistique au niveau
syndical - 57 % des syndiqués au niveau du commerce de l'alimentation
sont des femmes, alors la qualité de vie de ces femmes est aussi
très importante. Alors obligés de travailler le dimanche, les
travailleuses et travailleurs se voient définitivement privés de
leur vie familiale, la fin de semaine. Le conjoint au travail ou la conjointe
se retrouve à la maison avec les enfants le dimanche. Les sorties en
famille, ça doit aller le lundi ou le mercredi soir ou le mercredi dans
la journée parce que les congés sont le mercredi, excepté
que le problème, c'est que les enfants sont à l'école et
le conjoint ou la conjointe est au travail. Alors, beau congé!
Les sorties avec les amis, la randonnée à la plage, en
ski, on repassera ou bien, change de job, c'est tout.
Si on demande aux gens: Est-ce que vous accepteriez de travailler le
dimanche, même avec une surprime? Cette question-là a
été posée justement en Alberta, où on a
libéralisé l'ouverture des magasins le dimanche, et le
résultat du sondage qui est rapporté dans la revue
Protégez-vous de l'Office de la protection du consommateur est
que seulement 2 % des répondants accepteraient de travailler le
dimanche, même avec une surprime. Le travail le dimanche, c'est la
dislocation de la vie familiale et de la vie sociale de ces personnes. Les
répercussions vont se faire sentir sur l'éducation des enfants,
sur les résultats scolaires, etc. Évidemment, ça va faire
vivre les psychologues: les dépressions nerveuses, les
difficultés d'apprentissage à l'école...
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Nantel: Oui. Mais je pense que l'objectif n'est pas de faire
vivre les psychologues, on ne se retrouvera pas avec une société
très forte avec ça. Ces contraintes, bien que un peu moins
présentes, vont se retrouver chez un grand nombre de
propriétaires de magasin qui vont être obligés aussi de
rester sur le plancher le dimanche pour travailler et voir à la
gérance de leur magasin.
Si on revient aux travailleurs, si on regarde à
l'intérieur même, pour voir non seulement la qualité de vie
mais la qualité des conditions de travail de r:es
travailleurs-là. Qu'est-ce qui arrive dans un même milieu de
travail - concrètement, là, pas en l'air - quand le patron
demande de travailler en fin de semaine et que lui ne veut pas travailler mais
que son confrère, lui, est prêt à travailler et que
s'installe une compétition? Le patron, lui, dit. Écoute, lui ne
veut pas travailler, mais c'est un bon travailleur, je veux l'avoir. Les
pressions qui sont faites et toute cette concurrence qui va s'installer
à l'intérieur même du milieu de travail, c'est important
à considérer.
À ce moment-là, l'insécurité va s'installer:
Est-ce que je vais aller travailler? Je veux aller avec les enfants, je veux
aller avec ma femme, ça va être des conditions de travail qui vont
se détériorer et, en même temps, qu'on le veuille ou non,
la pression des patrons pour avoir leur meilleur employé - parce que ce
n'est pas avec les temps partiels qu'on va amener une qualité de
services au consommateur - alors, avec quoi on se retrouve? Avec un travail qui
est de moins en moins intéressant.
Qu'est ce que les travailleurs préfèrent au niveau des
normes de travail? On retrouve une donnée intéressante dans le
livre de Lise Poiriin-Simon au niveau du plein emploi au Québec
où on demandait au travailleur qu'est-ce qui était le plus
intéressant Dans 61,5 % des cas, les travailleurs ont répondu:
Nous, dans notre travail, là, quant à l'éthique du
travail, ce qu'on préfère, c'est d'avoir un travail
intéressant. Seulement 3,1 % ont dit qu'ils préféraient
avoir un salaire élevé Alors, la surprime pour travailler en fin
de semaine, ce n'est pas ça qu'ils veulent. Alors, à ce
moment-là, avec quoi on va se retrouver? C'est vraiment avec des
conditions de travail qui vont se dégrader à l'intérieur.
Et ça, ça va se traduire demain matin, c'est-à-dire le
lendemain matin que la loi va être acceptée, ça ne sera pas
à long terme, c'est à court terme. (12 heures)
Au niveau des conditions de la qualité de vie des consommateurs.
Si les consommateurs substituent les activités que j'appelle
d'épanouissement personnel ou de relations sociales par des
activités de magasinage - et quand je parle des activités de
relations sociales, j'entends autant les activités à
l'intérieur de la famille, les visites dans la famille, les visites dans
les
centres d'accueil, à des personnes qui sont dans les
hôpitaux; j'entends les activités culturelles. On voit toute
l'effervescence actuellement avec les expositions Cités-cinés,
Insectarium, etc., mettons-en, les gens veulent une politique de loisir, de
développement et d'activités culturelles - si les gens
substituent les contacts avec la nature ou avec leurs enfants par des
activités de magasinage, à ce moment-là, nous croyons
qu'on diminue, qu'on atténue, que le tissu social au Québec va se
dégrader et on va faire face à des problèmes sociaux qui
vont aller en grandissant. C'est dans ce sens-là qu'on dit que la
qualité de vie des consommateurs va aussi se dégrader; non
seulement la qualité de vie des travailleurs, mais celle de l'ensemble
des consommateurs que nous sommes tous ici d'ailleurs.
Je vais terminer en parlant très rapidement d'autres impacts et
coûts sociaux que ça pourrait entraîner. On n'a pas fait
d'étude exhaustive et ce serait intéressant d'avoir des
études plus intéressantes, mais je veux parler, entre autres, de
l'augmentation de l'achalandage dans les transports publics, donc de
l'augmentation du service surtout dans les grandes villes, de l'augmentation de
la surveillance policière, des pressions pour ouvrir les garderies le
dimanche pour les travailleurs et les travailleuses, de l'encombrement des
routes par les camions de transport pour faire leurs livraisons, et tout
ça va se répercuter par des coûts sociaux que l'État
aura à assumer. À ce jour, aucune étude d'impact sur la
qualité de vie n'a été faite et, hélas! le document
d'information du ministère ne nous informe pas du tout. Il est
très peu bavard sur cette question-là; il ne fait que poser la
question à la fin du document. Nous, nous essayons de pallier cette
question-là.
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure. Il vous reste deux minutes.
M. Tremblay (Marcel): D'ailleurs je vais conclure, M. le
Président. Je pense que la Coalition a été
créée pour faire une démonstration d'un ensemble d'acteurs
qui oeuvrent dans le secteur sur lequel vous avez à vous pencher.
À la page 11 de notre mémoire, je pense qu'on a
résumé en six points ce que pourraient être une position et
une loi qui permettraient une équité.
Pour terminer, M. le Président, j'aimerais quand même vous
souligner qu'il y a deux ans, en Suisse, on a fait, dans le canton de
Genève, une espèce de référendum sur l'extension
des heures d'ouverture le dimanche et la population a
préféré une qualité de vie et a rejeté
à 83 % le fait d'extensionner les heures d'ouverture le dimanche.
Également, l'an passé, en Allemagne fédérale, qui
est quand même une Allemagne où les activités
économiques sont aussi grandes sinon plus grandes qu'ici au
Québec, on a également fait une espèce de sondage
auprès de la population et la population a également
rejeté toute possibilité d'extension des heures d'ouverture des
commerces. Il ne faut pas oublier une chose, messieurs et mesdames, si on a
pollué la planète à un point tel qu'aujourd'hui, on n'a
pas les moyens de la dépolluer, il ne faudrait pas non plus polluer la
société à un point tel qu'un jour on ne soit plus capable
de la dépolluer. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, messieurs. Je vais avoir
quelques questions. Celui qui se sentira le plus apte à répondre
aux questions pourra le faire. Je voudrais vous dire, juste au départ,
que lorsque vous vous référez au document du gouvernement,
à la page 113, la conclusion, la conclusion parle des trois principes:
de l'équité, des besoins réels et de la qualité de
vie Alors, tout ce que je veux vous dire... c'est qu'il y a un point
d'interrogation aussi. Le but, justement, de la commission, c'est ensemble,
avec l'Opposition, essayer de voir qu'est-ce que ça veut dire pour tous
et chacun. C'est justement dans cette optique qu'on est bien contents que vous
soyez ici pour nous expliquer ce que c'est, pour vous, la qualité de
vie.
Deuxièmement, vous avez mentionné que la loi est un
chef-d'oeuvre... Vous me citez, c'est ça que vous faites, en disant que
la loi est un chef-d'oeuvre d'incohérence. Alors, je suis bien content
d'entendre ça parce que je pense que, là-dessus, on est
d'accord.
Mme Marois: Vous êtes d'accord sur le reste aussi?
M. Tremblay (Outremont): Oui. Attendez. Attendez.
Premièrement, je voulais dire que je n'ai pas de position pour le reste
encore. Je l'ai assez dit de fois. Deuxièmement, je voulais, pour une
fois, être gentil avec l'Opposition et ne pas lui dire que c'est elle qui
avait créé cette loi. Alors.. On m'attaque, alors, je dois au
moins faire ça.
Ce que j'ai dit, par contre, c'est qu'il faut avoir une loi qui va
être applicable, qui va être gérable, qui va être
viable. Je pense qu'on est d'accord avec ça II ne faudrait pas se
ramasser, dans deux ans, avec la même situation. C'est ce que j'ai
mentionné dans mes propos initiaux.
Dans cette optique, je pense qu'il faut avoir une vision globale. C'est
le but du gouvernement d'avoir tenu ces consultations pour avoir cette vue
globale. J'aimerais que vous preniez la loi. Vous avez une copie de la loi? On
peut vous en donner une si vous ne l'avez pas, dans le document ici.
Si je fais abstraction des décrets, parce que je pense que, tout
à l'heure, M. Lord a fait un point là-dessus, quelles exceptions
vous abrogeriez dans cette loi? Vous savez qu'il y en a à
peu près 23.
M. Lord: M. le ministre, je peux me permettre de répondre.
Gérald Lord. Dans nos recommandations, nous l'avons. Alors, s'il y en a
parmi vous qui ont actuellement avec eux le comité Richard, à la
page 44, la citation est telle quelle: Le rapport du comité Richard, du
député, sur la Loi sur les heures d'affaires, septembre 1988,
à la page 44. Mais vous l'avez aussi dans nos positions. Est-ce que vous
voulez qu'on lise, M. le ministre?
M. Tremblay (Outremont): Non, non M. Lord: Ça
va?
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vais poser la question d'une
façon différente: Qu'est-ce que vous faites avec les zones
touristiques?
M. Lord: Les zones touristiques, M. le ministre, on dit qu'elles
doivent être contrôlées. Je pense que tout le monde a vu
ça, ce matin. Maintenant, si je peux vous conter une petite anecdote que
vous connaissez bien dans la région, disons, de Sainte-Adèle, qui
est devenue une zone touristique à l'année, juste par la demande
actuellement du ministre. Ce qui est arrivé avec les zones touristiques,
c'est-à-dire la demande du greffier de la ville au ministre et le
ministre accorde... On va expliquer ça comme il faut.
Ce qui est arrivé là-dedans, c'est que les zones
touristiques, lorsque ça a débuté, c'était pour une
période bien fixe de six semaines d'été où les gens
allaient à leur chalet d'été, que ce soit dans les Cantons
de l'Est, dans les Laurentides ou dans la Gatineau. Ça a
été aussi au niveau des périodes des fêtes. Ensuite,
ça s'est propagé, disons, au niveau du commerce
général, l'ouverture du 11 décembre jusqu'au 24, et vous
savez que dans certaines autres régions, c'est encore plus loin à
cause des zones frontalières.
Donc, ce qu'on dit, on n'est pas absolument contre les zones
touristiques, mais il faut qu'elles soient contrôlées et que ce
soit vraiment question de zone touristique à des moments opportuns. Moi,
je peux vous dire, les marchands, c'est mon coin, je demeure à
Saint-Jérôme, je connais tous les épiciers, même M.
Racicot qui était ici ce matin. Les gens nous disent: M. Lord, dans les
périodes, on est prêts à rendre service aux consommateurs,
mais les "in-between", on ne peut pas fermer, l'autre est ouvert, ça a
été demandé par la municipalité et ça a
été accordé par le ministère. Qu'est-ce qu'on fait?
On est obligés d'ouvrir.
Les gens me disent: Bien, écoutez, fais fermer les autres, pas de
problème, je vais fermer.
M. Tremblay (Outremont): Alors, deux questions sur ça.
Premièrement, qu'est-ce que c'est, pour vous, une zone touristique?
Deuxièmement, quelles sont les dates ou les mois où on devrait
permettre l'ouverture?
M. Vaillancourt: M. le ministre, si je pouvais me permettre une
réponse à votre première question sur les zones
touristiques. Évidemment, on n'est pas ici pour dire que la loi qui
existe est ce qu'il y a de mieux. On est ici pour encore la discuter et essayer
de trouver un encadrement de loi dans lequel on peut tout inclure. Mais, je
voudrais juste rappeler ou vous retourner votre question dans l'autre sens.
Qu'est ce qu'on fait avec les zones touristiques? Eh bien, surtout ne pas faire
ce que les gouvernements ont fait avec les marchés publics, attendre que
ça devienne tellement ouvert qu'on soit obligés de
légiférer.
Alors, c'est un peu ce qui est arrivé avec les zones touristiques
et je pense que mon collègue essayait d'expliquer tantôt: une zone
touristique commençait sur un laps de temps dans un endroit
désigné et ce laps de temps-là a été
étalé plus qu'indéfiniment. Il y a ça aussi dans le
cadre de la prochaine loi avec laquelle on sera d'accord qu'il y ait une
structure.
M. Tremblay (Outremont): Ça je le comprends, M
Vaillancourt. Le premier principe, c'est l'équité. On a une loi
qui existe. Les zones touristiques, ça existe depuis assez longtemps. Et
faisons abstraction des marchés publics ou des fruiteries à cause
des remarques de M. Lord, tout à l'heure, concernant le décret.
Juste à titre d'information, j'essaie de prendre un exemple, qui est
dans votre environnement, qui est partout au Québec, il y en a des zones
touristiques, et il y a des attentes qui ont été
créées. Il y a des commerçants qui se sont établis,
par exemple, à Sainte-Adèle, à Saint-Sauveur, à
Bromont, à Magog, sur la base d'une loi qui permettait d'ouvrir des
zones touristiques.
Alors là, si on veut être équitables, ce que
j'essaie de voir, quelle serait votre position. C'est quoi, une zone
touristique, d'après vous? Et c'est quoi, les dates où il
faudrait permettre l'ouverture pour que vous soyez heureux?
M. Vaillancourt: M. le ministre, si je peux me permettre, s'il
vous plait. Vous pariez de zone touristique. Il existe, ce problème de
zone touristique, mais c'est un tout ça aussi. Ou vous n'avez pas une
zone touristique actuellement ou, entre deux zones touristiques, on a
créé un autre problème, ce sont des marchés aux
puces qui deviennent des zones touristiques. Dans le même...
M. Tremblay (Outremont): Mais ne mélangeons pas. Je veux
vous faire saisir la vision globale qu'on veut avoir. Je comprends que des
intervenants viennent nous voir et nous disent:
Moi, c'est ça que je veux. Ça, je l'apprécie, je le
comprends. Je pense que c'est correct. Mais il faut regarder la
problématique globale C'est également ça que j'ai dit au
niveau de mes remarques préliminaires En d'autres mots, tout le monde
nous donne leurs problèmes. La zone touristique, vous ne nous demandez
pas dans votre mémoire de l'abolir, la zone touristique. Au contraire,
vous reconnaissez, indépendamment des dates, qu'il y a un certain besoin
du consommateur - parce que je pense que vous représentez les
consommateurs - pour une zone touristique.
Alors, là je vous demande: C'est quoi ça? C'est moi, c'est
un pouvoir du ministre. Je devrais ouvrir de quand à quand, pour la zone
touristique? Premièrement, est-ce que je dois l'abolir, d'après
vous? Parce que c'est ça, l'équité, là. Pensez-y
l'équité. On a des gens qui, depuis 1984, sur la base d'une zone
touristique, que ce soit Sainte-Adèle, Saint-Sauveur, ont ouvert des
commerces. Le commerce est là. Alors là, qu'est-ce que je
fais?
M. Tremblay (Marcel): M. le ministre, je pense que vous n'avez
pas à abolir les zones touristiques. Sauf les critères sur
lesquels on doit se baser pour fixer des dates au niveau des zones
touristiques, ce sont des critères qui, à un moment donné,
sont très objectifs et qui existent d'une façon naturelle,
finalement.
M. Tremblay (Outremont): Très bien
M. Tremblay (Marcel): Je vais donner l'exemple du lac
Saint-Joseph. Prenons la période d'été où tout le
monde reconnaît d'une façon naturelle, on voit les bassins de
population augmenter, on voit d'une façon naturelle qu'il y a
effectivement un besoin qui s'accroît à une période X dans
le temps. Si je suis bien placé pour en parler, M. le ministre, c'est
qu'on a des conventions collectives dans les magasins finalement qui existent
dans des zones touristiques et, dans ces conventions collectives, il y a des
périodes bien précises où les employeurs peuvent ouvrir le
dimanche.
Je pense qu'on s'entend très bien. Moi, j'ai pour mon dire, M. le
ministre, que si on est capable, en tant qu'entité syndicale, de
définir une zone touristique et des dates, c'est que vous êtes
capable, en tant que gouvernement avec l'aide du ministère du Tourisme,
de la Chasse et de la Pêche, d'arriver à établir quelles
sont les dates d'ouverture qui peuvent être permises au niveau
touristique.
M. Tremblay (Outremont): Excellent! M. Nantel. Quelles sont ces
dates?
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
M. le ministre... Nos dix premières minutes étant
écoulées, est-ce qu'on a consentement pour poursuivre quelques
minutes?
Mme Marois: Non, M. le Président. (12 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Alors, sans
consentement. Donc, la parole...
Mme Marois: II n'y a pas le consentement...
Le Président (M. Bélanger): ...appartient à
Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: ...parce que moi, je pense que c'est justement
intéressant...
Une voix: II n'y a pas de problème. Il n'y a pas de
problème.
Mme Marois: M. le Président, c'est justement...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Je voudrais...
Mme Marois: C'est...
Le Président (M. Bélanger): ...qu'on s'adresse
à nos invités et qu'on ne discute pas entre nous
là-dessus.
Mme Marois: Vous avez tout à fait raison.
Le Président (M. Bélanger): Alors, s'il vous
plaît.
Mme Marois: Comme ce matin nous avons discuté une question
quant au fait que l'on puisse interroger nos invités pendant une
période relativement longue nous permettant de creuser à fond
certaines questions, le ministre s'était entendu avec moi
là-dessus hier et a changé d'idée ce matin. Je croyais que
les travaux de la commission iraient mieux si on fonctionnait selon mon point
de vue. Je respecte le sien. Il a fini ses dix minutes, c'est à mon
tour.
Le Président (M. Bélanger): Alors, selon le
règlement, c'est effectivement à votre tour, madame.
Mme Marois: Merci, M. le Président. C'est parce que je vis
une autre expérience comme présidente de commission,
depuis...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, on
procède.
Mme Marois: ...un mois. Un peu comme je l'ai fait pour ceux qui
vous ont précédés, j'ai questionné sur qui
étaient membres, qui font partie de la Coalition. Je vois, à la
page 9 de votre mémoire, la liste des membres de la Coalition. Est-ce
que, dans le cas qui nous
préoccupe, ces personnes-là vous ont fait tenir soit des
résolutions, des lettres ou si, dans tous les cas, vous avez une
déclaration soit publique ou privée dans le sens où on
vous a au moins envoyé une lettre ou un document disant: Nous appuyons
la Coalition?
M. Gadbois: Si vous me permettez...
Mme Marois: Vous savez pourquoi? Parce que je pense que vous
étiez là ce matin. On disait: Bon, bien, tel groupe a
appuyé cette position-là. Et, pour avoir entendu ce
groupe-là hier, ça ne semblait pas être le cas. Alors, je
voudrais bien qu'on parte sur les mêmes bases de discussion.
M. Gadbois: Si vous me le permettez, en tant que directeur je
dois faire la gérance de cette réalité-là.
Le Président (M. Bélanger): C'est M. Gadbois.
M. Gadbois: M. Gadbois, je m'excuse. Dans la plupart des cas, on
a reçu des lettres d'appui très claires. On a eu des
réunions avec les représentants - on les a envoyés ici -
qui viennent à des réunions régulières de la
Coalition, depuis un an et demi. Il y a même un fonds qui a
été composé à partir de ces membres-là, pour
pouvoir opérer. C'est très ouvert. En plus, je peux vous dire
que, de façon très publique, on se promène avec cet
encart-là depuis un bout de temps, qui se promène partout avec
les noms des gens. S'ils n'étaient pas d'accord, vous le sauriez depuis
longtemps. Alors, il y a une adhésion formelle et ces gens-là
viennent à nos réunions régulièrement. Ce n'est pas
juste depuis le printemps dernier que ça existe; ça fait un an et
demi que ces gens-là sont là.
Mme Marois: D'accord. M. Nantel, je crois, de la
Fédération des ACEF, a donné au début de la semaine
une conférence de presse, appuyée en cela par un certain nombre
de représentants et de représentantes des consommateurs.
Ça regroupait combien de membres consommateurs ou consommatrices, ces
personnes qui vous appuyaient dans votre démarche?
M. Nantel: Je pense que je ne pourrais pas répondre en
termes de membres précis de chacune de ces associations-là, parce
que ce sont des associations indépendantes et qu'on ne se parle pas
nécessairement tout le temps, excepté que, ce que je peux dire,
c'est qu'actuellement le mouvement de consommateurs au Québec est
constitué, gosso modo, d'une cinquantaine d'associations de
consommateurs. De ces 50 associations, il y en a 42 qui se sont
prononcées. Et 40, en conférence de presse, lundi matin, se sont
prononcées contre l'ouverture des magasins le dimanche, en favorisant le
réaménagement le mercredi soir. Alors, je pense qu'on a une
représentativité très, très large. Et toutes ces
associations de consommateurs font du travail sur le terrain: cours sur le
budget familial, rencontres d'information, consultations budgétaires,
recueil de plaintes des consommateurs. Elles sont enracinées dans le
milieu.
Mme Marois: D'accord. Est-ce que vous avez une idée de la
taille moyenne des associations ou pas vraiment? C'est très disparate ou
quoi?
M. Nantel: C'est-à-dire que, de ces associations de
consommateurs, il y en a onze qui sont regroupées à
l'intérieur de la Fédération des ACEF, il y en a neuf qui
sont regroupées à l'intérieur de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec et les autres, ce sont des associations indépendantes de
consommateurs partant de la Gaspésie, de Sept-îles. passant par le
Lac-Saint-Jean, Thetford Mines, etc., à travers tout le Québec,
en fait.
Mme Marois: D'accord. C'est parce que c'est important qu'on
s'entende sur la représentativité - je me dis - pour partir sur
des bases solides.
Maintenant, je vais prendre un autre thème qui est abordé
par la Coalition pour et qui vous met en cause un peu, qui met en cause
particulièrement le lobby, dit-on, syndical. Alors, je vais
peut-être m'adresser davantage à M. Tremblay. Ce qu'on dit, c'est:
II y a un lobby syndical qui irait à rencontre, finalement, de
l'intérêt des travailleurs et des travailleuses parce qu'on serait
contre l'emploi. Ce que l'on dit, ce que la Coalition dit, sans qu'il y ait une
augmentation quand même très grande du nombre d'emplois - je ne
veux pas leur prêter des propos qu'ils n'ont pas tenus, je veux
être bien honnête avec eux - c'est: Bon, ça augmenterait
quand même un peu l'emploi. À cet égard-là, est-ce
que les représentants des travailleurs et des travailleuses ne vont pas
à rencontre de leur intérêt collectif? Alors, j'aimerais
vous entendre là-dessus, M. Tremblay.
M. Tremblay (Marcel): Naturellement, je pourrais donner une
réponse là-dessus. Je dirais qu'on va plutôt à
rencontre de nos intérêts personnels parce que plus on a de
membres, plus il entre d'argent, donc, je dirais qu'on va plutôt à
l'encontre de nos intérêts personnels. Mais ce n'est pas le cas,
non plus, je veux dire, au niveau des travailleurs et au niveau des emplois,
c'est qu'on explique, depuis des années, que c'est tout simplement des
transferts d'emplois. C'est une précarisation d'emplois qui va venir au
monde et qui va faire en sorte que des emplois qui sont aujourd'hui
sérieux, qui sont des emplois qu'on appelle réguliers dans le
jargon, des temps
partiels dans l'autre, c'est que ça va tout simplement
déplacer des emplois réguliers à des emplois à
temps partiel qui vont devenir, finalement, des emplois qui vont être
encore des emplois de plus en plus précaires et qui appauvrissent,
finalement, le travailleur. Donc, par conséquent, je ne pense pas que
ça va créer de l'emploi comme tel.
Mme Marois: D'accord.
M. Tremblay (Marcel): Je pense qu'il y a eu des études de
faites et, d'ailleurs, cette semaine, je pense qu'il y a eu même des gens
de l'université, des Hautes Études commerciales qui sont venus
faire des exposés là-dessus et qui ont, eux autres mêmes,
reconnu, à l'intérieur de l'étude qui avait
été faite au point de vue économique, qu'effectivement,
ça aurait comme conséquence une espèce de bassin d'emplois
de plus en plus précaires.
Mme Marois: D'accord.
M. Tremblay (Marcel): Donc, c'est évident que les
syndicats s'opposent à ça et les membres qu'on représente
également.
Mme Marois: On dit: Oui, mais les gens auront la liberté,
dans le fond, les travailleurs et les travailleuses. C'était la
conclusion, un peu, de la Coalition, ce matin, en disant: Permettre
l'ouverture, ce n'est pas l'obligation.
M. Tremblay (Marcel): Bon. Mme Marois: C'est
différent de l'obligation. M. Tremblay (Marcel):
Là-dessus, madame... Mme Marois: Oui
M. Tremblay (Marcel): je me permets de répondre et,
d'ailleurs, vous pourrez faire même la vérification. C'est
qu'actuellement - on va prendre le samedi, qui est une journée où
les travailleurs à temps partiel, les travailleurs réguliers
travaillent, qui est une sixième journée dans la semaine
où les commerces sont ouverts - on est obligés de mettre à
l'intérieur des conventions collectives qu'un employeur peut exiger de
la part des salariés qu'ils soient présents au travail.
Ça, ce sont des discussions, des négociations qu'on a avec
l'ensemble des commerçants, leur permettre de pouvoir obliger les gens
à rentrer le samedi parce que les gens ne veulent pas travailler le
samedi. Imaginez-vous si, en plus de ça, on élargit les heures
d'ouverture et on demande aux gens de rentrer le dimanche. On refuse de
travailler le samedi et on nous dit que, par une espèce de libre choix,
les salariés vont vouloir rentrer le dimanche. Jamais, madame, les
salariés vont vouloir rentrer le dimanche.
Les études qui ont été faites en Alberta
corroborent ce qu'on vous dit là. Les études qui ont
été faites en Colombie Britannique et en Ontario corroborent
exactement ce qu'on vous dit là. Les gens ne veulent pas travailler le
dimanche. C'est sûr qu'on ne pourra pas, même à
l'intérieur d'un cadre juridique, laisser un libre choix aux
salariés, parce que, à un moment donné, il y a toujours
une espèce de lien, quand même, de subordonné à
"subordinateur". Le type qui est subordonné, à qui on demande:
Voudrais-tu faire ça?, à partir du moment où il dit non,
il va peut-être dire non une fois, deux fois, trois fois, mais, à
un moment donné, l'employeur va le regarder de travers et là il
va commencer à être gêné de dire non. Je veux dire,
cette liberté-là, elle ne peut exister. Ça, on le vit dans
95 % de nos conventions collectives, qu'il y a toujours un texte qui dit que
l'employeur peut forcer les salariés, par ordre inverse
d'ancienneté, à rentrer le samedi.
Mme Marois: Oui, M. Nantel.
M. Nantel: Je pense qu'au niveau des consommateurs, c'est la
même situation. Quand on considère ceux qui ont les
capacités, l'argent pour faire la publicité, pour utiliser les
techniques de marketing en conséquence pour attirer les consommateurs,
soit dans les centres d'achat, soit dans les magasins d'alimentation, je pense
que croire au libre choix des consommateurs, c'est croire qu'on vit dans une
société des anges où tout le monde est égal, tout
le monde va pouvoir faire ce qu'il veut. Ce n'est pas vrai. Quand les
consommateurs qui n'ont pas beaucoup de pouvoir d'achat vont avoir une
réduction de 30 % sur un article ou sur un vêtement, ils vont
être attirés le dimanche, et c'est tout normal qu'ils aillent
magasiner le dimanche, mais ça va se faire au détriment des
activités sociales ou d'épanouissement personnel que j'ai
mentionnées tantôt. Alors, ce libre choix ne peut pas s'exercer
à moins que les associations de consommateurs n'aient les mêmes
budgets ou des budgets semblables pour faire le même type de
publicité, mais à l'inverse, pour dire aux consommateurs:
Écoutez, vous pouvez faire un choix, mais faites un choix
éclairé entre aller magasiner et visiter vos parents ou aller
faire des randonnées dans la forêt avec les enfants, etc. Si on
avait, nous, comme associations de consommateurs, les budgets pour ie faire,
oui, on aurait un libre choix parce que, là, il y aurait une
espèce d'égalité. Actuellement, il n'y a pas
d'égalité. C'est le pouvoir de la publicité, du marketing
qui va entraîner les gens dans les centres d'achat et qui va amener les
gens, naturellement. Il ne faut pas les blâmer, absolument pas. Et,
à ce moment-là, c'est la dégradation et l'appauvrissement
du tissu social.
Mme Marois: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): La parole appartient
maintenant à la partie ministérielle. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): On va avoir l'opportunité, cet
après-midi, d'approfondir certains sujets. Je voudrais juste essayer de
circonscrire le premier: l'équité. Admettons qu'on oublie les
zones touristiques, mais ce que je retiens - je ne veux surtout pas vous
prêter des paroles -c'est que vous êtes d'accord avec des zones
touristiques pour autant qu'on définisse bien, dans un premier temps, ce
qu'est une zone touristique et, dans un deuxième temps, qu'il y ait des
planches clairement définies et qu'on essaie d'appliquer ça de
façon uniforme.
M. Vaillancourt: M. le ministre, vos zones touristiques,
évidemment, ça devient un peu difficile-Une voix:...
M. Tremblay (Outremont): Oui, je sais que c'est...
Le Président (M. Bélanger): Non, c'est pour les
fins de la transcription.
M. Tremblay (Outremont): Essayez de répondre, M.
Vaillancourt, à ma question, parce que je vais perdre tout mon temps. Le
seul point que je veux essayer... J'essaie d'aller chercher de l'information et
je ne veux pas...
M. Vaillancourt: J'en ai une réponse, si vous voulez
l'entendre.
M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Vaillancourt: Évidemment, ça devient difficile
de parler de zones touristiques dans un encadrement assez général
parce qu'il y a l'attrait touristique d'une région qu'il faut prendre en
considération et le rapport économique qu'il peut y avoir en
considération avec l'attrait touristique. Autrement dit..
M. Tremblay (Outremont): Le Vieux-Québec, est-ce que c'est
une zone touristique?
M. Vaillancourt: Oui. Je dirais que c'en est une.
M. Tremblay (Outremont): Très bien.
M. Vaillancourt: Maintenant, il ne faut pas, non plus, dans une
zone touristique, ouvrir "at large", libéraliser dans tous les
commerces.
M. Tremblay (Outremont): Mais c'est ça qui existe en ce
moment.
M. Vaillancourt: II s'agit de les définir. C'est entendu
que si vous allez, je ne sais pas, en haut de Mont-Laurier, à
Ferme-Neuve, ce sont des secteurs de tourisme de pêche; c'est en fonction
du loisir qui est exploité et c'est dans ce genre de commerce-là
qu'il faudrait peut-être ... Alors, c'est pour ça qu'une loi-cadre
devient difficile. C'est peut-être pour ça que nous, de la
Coalition, on dit: Ça relève du ministre de prendre la
décision comme telle. Elle peut être faite et bien
appliquée en rapport avec la zone et l'attrait touristique.
M. Tremblay (Outremont): Vous êtes conscient qu'en fonction
de mon premier principe qui est l'équité - je pense qu'on est
tous d'accord avec ça, il faut avoir une loi équitable - si,
depuis 1984, parce qu'il y a une exception dans la loi permettant à des
commerces en général. Parce que c'est ça la zone
touristique, ça permet à tout le monde d'ouvrir, à un
certain nombre. Est-ce que c'est équitable d'aller dire à des
commerçants qui ont ouvert des commerces depuis un certain nombre
d'années, sept ans: Non, vous n'avez plus le droit; fermez maintenant?
C'est ça la question. Est-ce que c'est ça l'équité?
Je pense que ce n'est pas ça que vous me dites. Est ce que c'est
ça que vous me dites? Je ne le sais pas. Je pose une question.
M. Tremblay (Marcel): Là-dessus, M. le ministre, je pense
que ce ne serait pas, effectivement, l'équité
Une voix: Marcel Tremblay.
M. Tremblay (Marcel): Marcel Tremblay, pour les "records".
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Les pharmacies,
maintenant. C'est le dernier point que je fais sur l'équité avant
de céder la parole à mes collègues L'équité,
les pharmacies. L'article 52 de la loi: Une pharmacie a le droit d'ouvrir le
dimanche, vendre... Quelle est votre suggestion?
M. Lord: Veux-tu que je réponde à ça? M.
Tremblay (Marcel): Ah oui, vas-y.
M. Lord: Gérald Lord. Vous l'avez à notre point 4:
"Quant aux commerces qui, en plus de leurs marchandises habituelles, vendent
des denrées alimentaires, soit les pharmacies, tabagies,
stations-service et autres, ils ne pourront vendre ces denrées
alimentaires en dehors des heures prescrites que dans la mesure où
l'établissement entier se conforme à la règle de trois
personnes ou moins en lout temps."
M. Tremblay (Outremont): Est ce que c'est équitable
d'aller dire à des commerçants - parce qu'on parle juste
d'équité, là - qui ont, de par la loi, non pas par un
décret, depuis 1984, la permission d'ouvrir - on parle de gens qui ont
investi de l'argent dans les commerces - :Fermez maintenant; il faut revenir
sept ans en arrière? C'est ça la question que je vous pose.
Toujours l'équité. (12 h 30)
M. Tremblay (Marcel): Marcel Tremblay. M. le ministre, je pense
qu'effectivement, à ce moment-là, oui, l'équité est
là. Il faut bien, à un moment donné, mettre les points
tels qu'ils sont, les points sur les "i", comme on dit. Lorsque les pharmacies
ont demandé à être considérées comme des
exceptions, ce n'était pas dans le but de faire du commerce au
détail, d'alimentation, de tondeuses. Maintenant, vous pouvez quasiment
retrouver n'importe quoi dans certaines pharmacies. L'esprit de la loi, ce
n'était pas ça. De les mettre dans les exceptions, M. le
ministre, ce n'était pas ça du tout; la philosophie de la loi.
C'était de dire: Les gens ont besoin de médicaments le dimanche;
il peut y avoir certaines obligations; donc, les pharmacies devraient
être dans un cadre d'exceptions. Et c'est dans ce cadre-là
qu'à un moment donné, on a permis l'ouverture des pharmacies le
dimanche. Ce n'est pas dans un cadre de commerçant
général.
M. Tremblay (Outremont): Non. Une question d'information, il faut
faire attention à ce que vous dites là. La loi permettait, en
1984, à un pharmacien d'être ouvert et de vendre également
de l'alimentation alors qu'en tout temps, trois employés dans son
commerce... La loi permettait ça. Le gouvernement, en 1984, a
créé une exception, 5.2, pour dire: Non, trois employés,
je l'abolis et je donne la permission à 219 pharmacies d'ouvrir,
indépendamment du nombre d'employés. Alors moi, la question que
je vous pose - on l'a dit là - la seule question que je vous pose,
toujours pour l'équité et, encore là, c'est une question
que je vous pose. Est-ce que c'est équitable d'aller dire à ces
219 commerçants-là et d'autres, parce que, vous savez, ce n'est
pas équitable parce qu'il y en en d'autres qui ont ouvert par la suite:
Maintenant, vous n'avez plus le droit parce qu'on retourne sept ans en
arrière? En fonction de l'équité.
M. Tremblay (Marcel): Encore une fois, M. le ministre, je vous
donne la même réponse, c'est qu'effectivement, c'est
équitable. Mais je veux dire, il y a une philosophie pour laquelle on
met des exceptions. Je vais vous donner un exemple, le principe des
dépanneurs. On a mis ça à un moment donné au point
de vue de la philosophie de dépanner le monde, de faire en sorte que les
gens ne soient pas mal pris le dimanche. Mais, à un moment donné,
quand on regarde l'évolution des choses, on brise, finalement, tous les
principes de base pour lesquels on fait des exceptions. Les pharmacies, c'est
sûr qu'elles n'ont pas été dire, lorsqu'elles ont
demandé d'être mises dans des exceptions: Nous autres, on veut que
vous mettiez des exceptions, que vous ne nous encadriez pas et on va vendre de
l'alimentation. Peut-être que si les pharmacies...
M. Tremblay (Outremont): C'est ça qu'elles ont dit.
M. Tremblay (Marcel): Non, non, elles ont demandé...
M. Tremblay (Outremont): Non, non, c'est ce qu'elles ont dit en
1984. Elles ont dit: Trois employés et moins, on n'est pas capables de
vivre avec ça; éliminer la contrainte des employés. En
d'autres mots, ce que vous me dites... C'est parce que moi, ce n'est pas moi
qui ai fait cet article, je suis obligé de vivre avec lui. Je le vois
que ça cause des problèmes. La seule chose qui me surprend dans
vos remarques, vous me demandez de retourner sept ans en arrière,
d'aller voir des commerçants et leur dire: Fermez votre boutique. C'est
ça que vous me demandez.
M. Gadbois: M. le ministre, si vous permettez...
M. Tremblay (Outremont): Ça, je ne sais pas si c'est
équitable ou pas, je me pose la question.
M. Tremblay (Marcel): C'est-à-dire, je ne vous demande pas
de fermer leur boutique, M. le ministre. Il faut bien s'entendre.
M. Gadbois: On leur dit de faire un choix. Ces groupes veulent
être des pharmacies, qu'ils fonctionnent comme des pharmacies avec les
privilèges des pharmacies. Ils veulent être des commerces
alimentaires, qu'ils se comportent comme des commerces alimentaires avec la
même situation. C'est ça qu'on dit. S'ils en ont profité
pendant des années...
M. Tremblay (Outremont): Oui, mais ils sont venus; en 1984, il y
a eu une commission parlementaire.
M. Gadbois: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Ils ont fait leurs
représentations et le ministre a dit: Vous avez raison, ouvrez, je vous
donne la permission. Ce que vous venez me dire aujourd'hui, c'est qu'en 1984,
quand le gouvernement du temps a mis en application cette loi-là, il ne
l'a pas fait, il s'est trompé. C'est ça que vous me dites. Il
s'est trompé? Parfait.
Une voix: Oui, absolument.
M. Tremblay (Outremont): Parfait, excellent.
M. Gadbois: Qu'est-ce que vous pensez des autres pharmacies, M.
le ministre, celles qui n'ont pas eu cène permission-là?
M. Vaillancourt: M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): M. Vaillancourt
M. Vaillancourt: Si je peux me permettre. Paul Vaillancourt.
M. Tremblay (Outremont): Elles sont ouvertes en passant.
M. Vaillancourt: M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Ça prouve que c'est
inéquitable.
M. Vaillancourt: Certainement qu'il y a de l'équité
dans ces lois-là actuellement. Il y a des problèmes. Ce n'est pas
pour rien qu'on est autour de cette table-là. Je reviens à un
exemple. Vous parlez de pharmacies; c'est exactement le même exemple que
j'ai donné avec les marchés publics. La définition, en
1985, c'était de l'alimentation, et allez-y en 1989 et en 1990
là-dedans, faites l'inventaire de ce que vous aller trouver
vous-même et vous m'en redonnerez des nouvelles. Je vais vous donner un
autre exemple. Dans les pharmacies, quand vous parlez de 1984, il n'y avait pas
de librairie, il n'y avait pas de département d'automobiles, il n'y
avait pas de département de ferronnerie et il n'y avait pas de
département d'accessoires électriques dans les pharmacies en
1984; allez-y aujourd'hui, il y en a. C'est ça le problème, le
statut, la définition.
Un autre exemple que je vais vous donner, M. le ministre, parce que je
l'ai vécu, si je peux me permettre.
Le Président (M. Bélanger): Oui, je vous en
prie.
Des voix: Oui.
M. Vaillancourt: Un autre exemple que j'ai vécu
moi-même dans ma propre entreprise. On a été les premiers
à importer des meubles de patio en résine de synthèse et
on a perdu ce marché-là aux "pisciniers". Pour quelle raison?
Parce que les "pisciniers" pouvaient ouvrir sept jours par semaine, sept soirs
par semaine. Il n'y a plus un marchand de meubles, ou à peu près
plus, qui peut vendre de meubles de patio. C'est un marché qui est
complètement déplacé. Alors, c'est ça, les
problèmes de chef-d'oeuvre d'incohérence dont je partais
tantôt. Je vous accorde que vous avez raison sur cette partie-là.
Il y a certainement des décisions qu'il va falloir prendre dans cette
nouvelle loi qu'on propose, tout le monde ensemble. Elle ne peut pas plaire
à tout le monde; ça, c'est sûr qu'elle ne peut pas plaire
à tout le monde. Puis H y en a qui vont avoir des grincements de dents,
c'est vrai.
M. Tremblay (Outremont): Parfait. Puis je n'ai pas parlé
des tables. Je savais que vous étiez un marchand de meubles mais sur
ça aussi, je comprends que c'est une inéquité. La seule
chose que je veux vous dire, c'est que c'est... Encore une fois je pose la
question Vous, vous prônez l'équité. Est-ce que
c'est...
Le Président (M. Bélanger): II reste une
minute.
Mme Marois: Je vais vous laisser terminer.
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que c'est équitable
d'avoir créé des attentes chez certains commerçants - je
parle uniquement au niveau de l'alimentation, oubliez tout ce qu'on vend
d'autre dans les pharmacies, là - et de dire à cos
gens-là, après: Écoutez, on s'est trompés, vous
avez investi des sous, maintenant, fermez boutique? On ne dit pas de fermer
boutique, je suis d'accord avec vous, mais: Au lieu d'avoir loué 4000
pieds carrés, maintenant, retourne à 1500 pieds carrés. Je
fais juste poser la question en fonction du principe, que vous évoquez,
d'équité.
M. Vaillancourt: M. le ministre. Mon nom est Paul Vaillancourt.
Je voudrais juste ajouter quelques mots là-dessus. Si on a besoin d'une
loi, c'est parce qu'il y en a, de l'inéquité, et il faut que
quelqu'un tranche les décisions quelque part. Si on regarde toutes les
lois d'heures d'ouverture où ces lois-là existent, dans d'autres
pays, dans d'autres provinces, il s'agit d'enchâsser dans la loi-cadre un
certain minimum. Le reste, ça deviendra des exceptions. Alors, c'est
ça qui est le cadre de la loi qu'il faut faire.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Si M. Lord veut ajouter des choses...
M. Lord: Ce que je voulais répondre à M. le
ministre, c'est que les gens... Vous avez parlé du secteur alimentaire;
je vais dire quoi à ces gens-là? Je peux vous dire que ces
gens-là savaient très bien qu'ils contrevenaient à la loi,
et c'est ça, l'inéquité dans les marchés
d'alimen-
tation. C'est que c'est un marché qui a été
déplacé là. C'est facile de faire de la business le
dimanche: je serais le gars le plus heureux, le dimanche, à
Saint-Jérôme, si Métro, Provigo, tout le monde était
fermé et juste Gérald Lord ouvert; j'ouvrirais. C'est facile de
faire de la business comme ça. Il ne faut pas oublier que ces
gens-là le savaient et vous avez des preuves actuellement que, quand des
injonctions sont prises, pour ne pas les nommer - vous le savez - ils sont
fermés, ces magasins-là. Donc, ces gens-là le savaient et
ils ont fait des profits sur le dos des commerçants qui observaient la
loi.
Une voix: Et j'ajouterais, M. le ministre, si vous me le
permettez...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
M. Tremblay (Outremont): Sur le temps de qui on est?
Mme Marois: Sur le vôtre. Ha, ha, ha! Le
Président (M. Bélanger): Sur le vôtre. M. Tremblay
(Outremont): Non, non.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la parole
appartient à Mme la députée de Taillon.
M. Tremblay (Outremont): Parce que, M. Lord, j'avais...
Mme Marois: Ce n'est pas moi qui établis ces règles
de dix minutes par ci, c'est vous. Alors, on joue avec cela.
Le Président (M. Bélanger): Non, non. S'il vous
plaît, s'il vous plaît! On ne coupera pas les secondes en deux.
M. Tremblay (Outremont): Ce n'est pas vous, ce n'est certainement
pas vous qui allez donner...
Le Président (M. Bélanger): Non, non.
M. Tremblay (Outremont): Ce n'est pas la députée de
Taillon qui va donner la permission, sur mon temps, à ces gens-là
de répondre. Il ne faut pas...
Le Président (M. Bélanger): Non, non.
Mme Marois: Alors, vous ne voulez pas qu'il réponde
à vos questions?
M. Tremblay (Outremont): Non, non. Le problème
soulevé, c'est un problème au niveau des tribunaux par M. Lord.
J'ai volontairement fait abstraction... Je l'ai mentionné, j'ai dit: Je
fais abstraction, je ne veux pas parler des décrets, parce que je suis
conscient de ce problème-là.
Le Président (M. Bélanger): Bien.
M. Tremblay (Outremont): Alors, tu sais, il ne faut pas prendre
du temps sur tout mon temps pour discuter de ça alors qu'on a eu
l'opportunité d'en discuter pendant des heures.
Le Président (M. Bélanger): Bon, ceci étant
dit, Mme la députée de Taillon, la parole vous appartient.
Mme Marois: Merci.
Le Président (M. Bélanger): Sur votre temps.
Mme Marois: Mon intention n'est pas de vous priver de votre
temps, M. le ministre, vous le savez très bien. Mais je voudrais revenir
là-dessus: on est d'accord avec le ministre, là, qu'il y a eu du
cafouillage, que dans la loi de 1984 il y a des améliorations à
apporter, que les exemptions qui ont été permises - et j'aimais
ça, vous entendre, parce que ça clarifiait des choses - l'ont
été dans un contexte et, donnez un pouce, on prend un pied - on
dirait maintenant: donnez un décimètre, on prend un mètre
- alors, ce qui est arrivé, c'est qu'on s'est faufilé à
travers un certain nombre de trous et on a amplifié ce
phénomène d'inéquité. Alors, c'est vrai - et j'en
conviens avec le ministre - que c'est compliqué. On se dit: Ces
gens-là sont allés chercher une part de marché, ont
foncé, il n'y a personne qui les a arrêtés, on n'a pas
émis d'injonction, on n'a pas... Et aujourd'hui, on se sent un petit peu
mal à l'aise avec ça. Mais, vous savez, n'importe quelle loi
qu'on adopte, et je prends la Loi sur l'assurance automobile...
M. Tremblay (Outremont): J'ai une question.
Mme Marois: Je le prends sur mon temps, hein, par exemple, ha,
ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Non, non, ce n'est pas, c'est une
question de...
Le Président (M. Bélanger): Procédure? M.
Tremblay (Outremont): Oui. Le Président (M. Bélanger):
Oui?
M. Tremblay (Outremont): Je veux bien clarifier, parce que, ce
que je dis, là, c'est que je ne fais pas allusion à des gens qui
en ont profité. Je fais abstraction de tout ça.
Mme Marois: Non, non, j'ai compris ça, M le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Moi, je prends des gens qui,
légalement.
Mme Marois: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Je fais spécifiquement allusion
à deux catégories, entre autres les pharmacies, où c'est
dans la loi. Ce n'est pas quelque chose, là...
Mme Marois: Oui
M. Tremblay (Outremont): ...dont ils ont abusé. On leur a
donné le droit...
Mme Marois: D accord.
M. Tremblay (Outremont): ...dans la loi de 1984, c'est ça,
c'est parce...
Mme Marois: D'accord
M. Tremblay (Outremont): ...qu'il faut clarifier ça, ce
sont ceux-là.
Mme Marois: Non, je suis d'accord avec vous, c'est important que
sur les concepts, on soit clair. Je vais prendre un exemple justement qui va
dans le sens de ce que vous soulevez. Un jour, on a adopté la loi sur
l'assurance auto. À minuit, un soir, elle s'est appliquée. Mais,
la veille, il y a des gens qui avaient subi un accident et qui étaient
couverts par d'autres règles du jeu, qui, s'ils avaient eu cet accident
le lendemain, auraient eu une meilleure compensation, un meilleur remplacement
du revenu parce qu'on s'imagine que, si on fait une loi, c'est pour le mieux et
non pour le pire. Donc, quelque part entre les deux réalités, les
gens vont avoir été traités différemment, non pas
parce qu'on voulait les traiter différemment, mais parce que, à
un moment donné, si on prend une décision dans le temps, elle a
des impacts sur les personnes que cela concerne. Et, dans ce sens-là, je
comprends le dilemme dans lequel vous êtes, mais, que la décision
aille dans un sens ou dans l'autre, elle rendra des personnes insatisfaites et
elle créera sûrement, elle apportera des réactions qui vont
dire: Bien non, on n'est pas heureux que vous preniez cette
décision-là. Mais je comprends le problème devant lequel
vous êtes et c'est à celui-là aussi que je veux pouvoir
faire référence.
Je vais revenir maintenant sur d'autres éléments que vous
avez abordés ou que l'autre coalition a abordés avant vous et qui
sont plus de l'ordre du commerce et des questions plus techniques. C'est vous
qui l'avez abordé cependant tout à l'heure. Vous avez
parlé, je ne me souviens pas lequel d'entre vous, et vous avez dit: II y
a une structure de prix à trois niveaux dans les clubs Price. Je veux
juste comprendre ce qu'est cette structure. Là, c'est vraiment une
question d'information purement et simplement. C'est vous, M Lord, qui l'avez
abordée, oui?
M. Lord: Oui. Dans la structure de club Price, ce qui se produit,
c'est que c'est un club d'achats avec une carte Maintenant, il y a des gens qui
peuvent acheter sans carte, qui paient 5 % de plus que ce qui est marqué
sur les tablettes et ça, aux heures d'ouverture des commerces. Il y a
une autre structure qui est une carte dite "professionnelle". Ce sont des
avocats, des notaires, des collets blancs, Bell Canada, des compagnies, des
fonctionnaires. Ces gens-là reçoivent une carte et ils peuvent
payer, disons, un coût inférieur de 5 % de la masse des gens, mais
ils doivent magasiner aux heures d'affaires des commerces. Il y a une
troisième carte qui se veut une carte d'affaires pour les
commerçants: eux autres peuvent acheter en tout temps, du lundi au
vendredi, tous les soirs, ainsi que le dimanche.
Mme Marois: D'accord. Au même prix, à ce
moment-là, que les autres...
M. Lord: Oui, mais c'est parce qu'ils ont un privilège
d'acheter en dehors des heures d'ouverture.
Mme Marois: D'accord. Je voulais juste bien comprendre, comme
phénomène, ce qui se passait. On a affirmé à
différentes reprises ici qu'il y avait vraiment un problème pour
les gens dans les grandes surfaces lorsqu'ils fermaient le samedi soir et
qu'ils devaient rouvrir le lundi. Il y avait deux ou trois problèmes que
ça soulevait, la question de la fraîcheur des produits, on nous a
dit ça ce matin; l'autre chose, c'est le fait qu'il y avait une
manutention que ça exigeait - évidemment, on devait vider les
comptoirs, les réinstaller pour le lundi matin - et que, donc, il y
avait des coûts qui s'ajoutaient à ce moment-là. Ce qu'on
semblait dire, c'est que le fait d'ouvrir le dimanche, malgré le fait
qu'il semble que le marché soit quand même un peu saturé
actuellement, ferait en sorte qu'on irait chercher suffisamment de revenus et
qu'on n'aurait pas, en plus, ces coûts-là. La question de la
fraîcheur et la question des coûts de manutention dû au fait
que l'on ferme une journée pendant la semaine, dans les grandes
surfaces, en tout cas, c'est le cas.
M. Lord: Gérald Lord, encore une fois. Étant
épicier depuis 30 ans, je peux vous dire que tout ce qu'on sait
actuellement, avec tous les gens qui sont ici, tout ce qu'on a examiné,
c'est un déplacement des ventes. C'est ce qu'on préconise
d'ailleurs. Maintenant, donc, il n'y a pas plus de ventes le dimanche. Vous
avez,
madame, par exemple, 125 $ à dépenser. Vous n'en
dépenserez pas 225 $ parce que vous êtes ouverts le dimanche. Cela
dit, question de fraîcheur, très important pour moi parce que, ce
que j'ai cru comprendre ce matin de la Coalition et la question que vous me
posez, c'est que les gens achètent le dimanche des fruits qui ne sont
pas frais parce qu'on nous dit qu'on va jeter des fruits dans l'alimentation,
étant donné qu'on est fermés le dimanche. Ma
première remarque, c'est qu'il faut être très conscients au
niveau de la livraison des fruits au Québec, dans la province de
Québec, que ça arrête le vendredi. Il n'y a pas de
livraison de fruits le samedi et le dimanche. Il y a des grossistes...
Mme Marois: Vous me dites qu'il n'y a pas de grossistes qui
livrent le samedi et le dimanche.
M. Lord: Exact. Ces gens ont deux jours en ligne. Les conventions
peuvent vous le dire, ils sont là. (12 h 45)
Mme Marois: Ces syndiqués, quoi! Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lord: Ce qui se produit, c'est que les dernières
livraisons de fruits se font le vendredi, comme je le disais tantôt. Par
contre, le samedi matin, certains grossistes, pour dépanner, ouvrent
jusqu'à midi et on peut aller chercher des fruits avec des camions. Mais
ce n'est pas tout le monde qui est équipé pour aller chercher des
fruits. Donc, il faut comprendre aussi que, peut-être qu'on ne l'a pas
mentionné, mais a l'Université Laval il y a un département
qui s'occupe de la conservation des fruits pour donner une meilleure
qualité aux Québécois. Donc, on travaille actuellement au
niveau universitaire dans des serres. M. Forget, qui est un agriculteur, qui
était à la commission Richard, connaît ça
très bien. Il en a parlé quand même. C'est une
réalité pour essayer de donner une meilleure qualité. Par
contre, il faut comprendre aussi que les fraises, par exemple... On est
chanceux dans un pays comme le nôtre, avec la neige actuellement et tout
ça, on a des fraises à l'année.
Mme Marois: Oui.
M. Lord: Je ne suis pas encore assez vieux pour savoir qu'il y
avait juste des oranges à Noël dans les bas, mais il y en a
peut-être qui ont vu ça dans l'histoire. Je peux vous dire que,
des fraises à l'année, il ne faut pas penser que ça a
été cueilli hier matin. C'est venu par camion. Ça vient de
la Floride, de la Californie. C'est aussi loin que d'aller à Paris,
aller en Californie, hein?
Mme Marois: Oui.
M. Lord: Ça vient par camion. Donc, la fraîcheur,
j'ai beaucoup de difficulté à comprendre ça. En fait, ce
qu'ils disaient ce matin, la fraîcheur... N'oubliez pas, quand Mme la
consommatrice achète son fruit ou son légume et qu'elle s'en va
chez elle...
Mme Marois: Ou M. le consommateur, évidemment.
M. Lord: Ou M. le consommateur, excusez. Vraiment... C'est parce
que je tombe dans un élément de fruits, j'aime ça à
mort et c'est beau, les fruits. Ce que je veux vous dire, c'est qu'elle ne
prend pas ça et s'en va chez elle et mange ça tout de suite... ni
lui. Ça va au frigidaire, ça a une longueur de vie. Là,
ils nous ont dit ce matin: On va les jeter dimanche. Est-ce que ça veut
dire qu'on vend de la "scrap" aux clients et que, le lundi, la femme va les
jeter parce qu'ils ne seront plus bons? Ça, c'est ma question.
Quant à vider les comptoirs, chère madame, M. Pagé
n'est pas ici, mais Dieu sait que pour protéger nos consommateurs, le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a
des inspecteurs partout. Les bibites dont on parlait ce matin, il en a, lui
aussi, des bibites qu'il cherche. Je peux vous dire que... La "sanitation" va
se faire quand, si on est ouverts sept jours? Il faut les vider, ces fameux
comptoirs de viande. Il y a du sang qui coule. Dans les légumes, il y a
toutes sortes de petites patentes. Je vous fais grâce de tout le
processus, mais je vous dis qu'il y a de l'ouvrage à faire
là-dedans. Il faut que la "sanitation" se fasse quelque part. Sept jours
par semaine, il n'y aura plus d'hygiène. M. Pagé va avoir de
l'ouvrage, vous allez avoir d'autres chats à fouetter. On sera
peut-être en commission parlementaire sur la qualité.
Mme Marois: Je veux bien comprendre. À ce
moment-là, est-ce que la majorité des fruiteries ont des camions
qui leur permettent de s'approvisionner ou c'est inégal? Peut-être
que vous ne pouvez pas me répondre ou peut-être que je ne pose pas
la question à la bonne personne, mais je la pose.
M. Lord: Gérald Lord. Non, mais je ne suis pas expert.
Cependant, parmi ceux que je connais, étant dans le domaine depuis 30
ans, ce n'est pas tout le monde qui a un camion de fruits et légumes. Je
peux vous dire ça.
Mme Marois: D'accord.
M. Lord: Mais, il y en a qui vont en chercher des fruits.
N'oubliez pas une chose, c'est que ce sont les mêmes fruits qui s'en vont
dans les magasins d'alimentation. Pour le besoin de la cause, aux Halles
d'Anjou, on est actuelle-
ment dans une petite injonction. On a fait une étude de
marché. On a des photographies de camions qui vont livrer aux Halles
d'Anjou, qui sont des boutiques spécialisées, et qui vont livrer
au Steinberg qui est à côté, parce que Steinberg est avec
nous autres dans cette injonction-là aussi, et même Provigo, je
peux vous le dire, et les marchands Métro. C'est le même camion.
On nous a dit que c'était spécialisé, mais ce sont les
mêmes fournisseurs. Ce n'est pas compliqué ça. Les fraises
qui viennent de la Californie, le gars ne se parque pas aux coins des rues et
ne vend pas ça comme un "peddler". Ça s'en va chez des
grossistes. Ça peut être Botner, ça peut être IGA,
ça peut être Provigo, ça peut être Métro. Mais
ces grossistes-là en fruits, c'est eux autres qui vendent aux
fruiteries. Les gars ne vont pas chercher ça aux États-Unis.
Le Président (M. Bélanger): Alors, en vertu de
l'alternance, M. le député de Saint-Maurice.
M. Lemire: Ce matin, M. le Président, Mme la
députée de Taillon a demandé à fa Coalition pour,
quelle était sa source de financement? Je remarque qu'elle ne vous a pas
posé cotte question-là. Moi, ce que j'aimerais savoir, c'est
quelle est votre source de financement?
M. Gadbois: Michel Gadbois. Je m'excuse, mais je l'ai
déjà dit tout à l'heure. Vous n'étiez
peut-être pas là.
M. Lemire: Voulez-vous le répéter pour le
bénéfice de la commission.
M. Gadbois: On a le membership.
M. Lemire: Je remarque qu'elle ne vous a pas posé la
question. Ça me donne l'impression qu'elle vous supporte dans votre
demande.
Le Président (M. Bélanger): Vous avez posé
la question, on pourrait écouter la réponse.
M. Gadbois: Je ne sais pas si elle nous supporte ou pas. La
question était d'expliquer notre membership. Je vais profiter pour dire,
non seulement que notre membership est évident, mais que je peux
même vous expliquer notre structure financière. Dans cette
structure, ce qu'on a fait, c'est qu'on a des réunions. Il ne faut pas
penser que la Coalition, vous la voyez pour la première fois
aujourd'hui. Ça fait un an et demi qu'on existe. Pour exister, on en a
fait des activités. Quand on faisait des réunions, il fallait
payer les salles, il fallait envoyer de la correspondance, etc. On a
formé un fonds commun. On a demandé aux gens de participer. On a
fait une espèce de prorata. On s'est fait un fonds. En ce moment, on
fonctionne avec ce fonds-là payé par les membres de la Coalition.
Il y en a qui ont moins d'argent à mettre, parce qu'ils
représentent des groupes qui n'ont pas de fonds; d'autres en ont plus On
a fait une structure et c'est avec ça qu'on fonctionne.
M. Lemire: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Taschereau
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je dois vous dire au
départ que j'ai trouvé votre entretien très
intéressant et, un peu comme mon collègue et patron, que mon
idée n'est pas faite non plus. Je peux vous dire que c'est le genre de
mémoire et d'exposé qui nous aide à se faire une
idée. D'abord, je voudrais demander à M. Lord... parce qu'on a vu
tout à l'heure, dans la Coalition pour, des marchands qui sont venus
nous dire qu'ils étaient pour et vous M. Lord, et sans doute un bon
nombre d'autres marchands, vous êtes dans la Coalition contre.
Est-ce que vous avez, soit le pourcentage, soit le chiffre exact de
membres Métro, Provigo, IGA pour et contre et, comme il y a eu beaucoup
de chiffres qui ont été lancés au cours des derniers mois,
de la dernière année, le chiffre le plus récent possible
des appuis de part et d'autre?
M. Gadbois: Juste une seconde. Avant que M. Lord réponde,
juste un point là-dessus. Chaque groupe qui est ici va revenir parler de
son secteur particulier, entre autres, les marchands d'alimentation. On n'a
rien à cacher On va vous le sortir tout de suite Mais ce que je veux
dire, c'est que, quand on entre dans les détails, en tant que tel, de
qui...
M. Leclerc: Je vous dis en pourcentage, en gros, je ne vous
demande pas ça au marchand près. C'est seulement pour avoir une
idée.
M. Gadbois: On va vous le dire. On a...
M. Lord: Disons que, dans le mémoire - nous, on passe le 6
mars, je pense, mercredi - du Regroupement des détaillants contre
l'ouverture le dimanche, travailleurs et travailleuses, vous avez, à
l'annexe 2, exactement la position des marchands, par bannière.
Une voix: Donne-leur donc.
M. Lord: Sur un total de 4747 marchands contactés, il y en
a 4490 qui ont dit non au dimanche, ce qui représente 94, 59 % et il y
en a 221, et ça de toutes les bannières - vous les avez
détaillées - qui ont dit oui, ce qui représente 4, 66 %
des marchands qui veulent ouvrir le dimanche. On le sait, qu'il y en a un petit
groupe, je vous l'ai dit tantôt.
M. Leclerc: Non Bien Ça répond à ma
question. Ça me donne une idée des proportions. Même
s'il y a toujours une marge d'erreur là-dedans, ça donne une
bonne idée des proportions.
Une dernière question sur la qualité de la vie. C'est une
question que j'ai posée tout à l'heure à la Coalition
pour. Je lui avais dit, d'ailleurs, que je vous poserais la même. Mais,
compte tenu du fait que vous en avez tellement parlé dans votre
exposé, et très éloquemment d'ailleurs, je voudrais vous
demander si vous ne croyez pas que le concept de qualité de vie, ce
n'est pas quelque chose d'un peu relatif. Et je m'explique. Moi,
personnellement, je ne magasine pas le dimanche. Je ne fréquente pas les
halles, etc. Sauf qu'il y a deux semaines, je suis allé pour voir,
justement, pour mieux me renseigner pour cette commission parlementaire. J'ai
eu de la misère à me trouver un stationnement, je dois le dire,
tellement il y avait du monde. J'ai rencontré là beaucoup de gens
de mon comté. Et, bien que ce ne soit pas, pour moi, une valeur de
qualité de vie de magasiner le dimanche, je dois le confesser -
remarquez que je n'ai pas une grosse famille - ça peut
évoluer...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Leclerc: Non pas la famille, mais le concept.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Leclerc: La famille aussi.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Les deux, les deux.
M. Leclerc: Non, je ne crois pas. Est-ce qu'on peut accepter,
surtout nous, comme politiciens, mais aussi la population en
général, que le concept de qualité de vie soit quelque
chose de relatif, que, pour vous, la qualité de vie, ce soit d'aller
à l'insectarium, d'aller voir des musées, des expositions
culturelles, mais que, pour un certain nombre des gens qu'on représente,
la qualité de vie, c'est d'aller faire son épicerie le dimanche?
Ça devient, en quelque sorte, une sortie sociale. Moi, j'ai vu là
des gens de mon comté qui prenaient un petit café, qui
rencontraient des connaissances, qui faisaient leurs commissions. Je vous le
dis, là, ce n'est pas l'idée que j'ai de la qualité de
vie, mais est-ce que ce n'est pas très relatif, la qualité de
vie? J'ai toujours eu peur, moi, de la fameuse attitude qu'on peut avoir comme
législateur, de dire: On veut votre bien et on va l'avoir, en ce sens
que ce qui n'est pas la qualité de vie pour un individu, l'est
peut-être pour un autre. C'est ça. Je sais que vous avez fait un
très bel énoncé sur la qualité de vie et je
voudrais, dans la perspective que ça puisse être relatif, que vous
nous donniez votre opinion.
M. Nantel: Je vais vous donner mon opinion, mais je vais
anticiper sur ce qu'on va donner comme exposé, cet après-midi,
dans le mémoire de la Fédération des ACEF, parce que tout
est relié et on est membres de la Coalition. Mon nom, c'est Yves
Nantel.
Il y a un professeur de marketing qui s'appelle John Petrof, à
l'Université Laval, qui a développé cette question ainsi
que le concept du centre commercial comme étant l'aspect du loisir,
comme étant amalgamé au loisir. Effectivement, il y a des gens
qui y vont pour se divertir ou pour faire une sortie parce qu'ils veulent faire
quelque chose le dimanche. Excepté que d'interpréter le fait que
les gens vont au marché public ou dans un marché aux puces -
c'est encore plus caractéristique - pour magasiner, je pense que c'est
mal interpréter cette sortie que les gens font. Les gens, ce qu'ils
veulent, à mon avis - et c'est corroboré par l'ensemble des
sorties quand ils vont à l'insectarium, à un spectacle de
l'Orchestre symphonique de Montréal - ce sont des activités de
loisir, des activités culturelles, des activités où ils
vont pouvoir s'épanouir, où ils vont pouvoir faire des choses.
Mais ce qui est premier, ce n'est pas l'activité de magasinage.
Actuellement, ce qu'on tente de faire, c'est d'amalgamer ces deux
concepts-là. John Petrof a dit dans le journal Les Affaires ou le
journal Finance, parce qu'il s'adressait aux marchands d'alimentation:
N'oubliez pas qu'il y a des études aux États-Unis qui disent que
quand les gens vont magasiner le dimanche, ils y vont dans un climat de
détente, etc., comme loisir et, dans 60 % des cas, ils succombent et ils
achètent.
Je pense que l'objectif, c'est d'amener les gens à acheter les
produits, mais, en réalité, ce à quoi les gens aspirent,
c'est à une politique du socioculturel. On a des preuves que les gens,
c'est ce qu'ils veulent, quand ils s'en vont au marché aux puces
particulièrement et dans les marchés publics. Quand on nous dit
que les gens vont prendre un petit café, en famille, au marché
public, ce à quoi les gens aspirent, ce n'est pas à magasiner. On
va vous le prouver encore plus, cet après-midi, avec d'autres
données statistiques.
M. Leclerc: C'est ça, on va devoir continuer cet
après-midi parce qu'on me dit qu'il n'y a plus de temps.
Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps du
parti ministériel était écoulé, la parole
appartient à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Il y a eu beaucoup de
débats, de discussions autour de la question de l'applicabilité
d'une loi dont on resserrerait les critères. Comment fait-on pour
contrôler ça, trois employés en tout temps? Est-
ce que les gens ne vont pas facilement encore passer à
côté? Le ministre s'inquiète du fait qu'il y a
déjà des entreprises existantes et là, si on adopte une
loi qui vient resserrer un peu, là encore, les critères et que
ça amène ces entreprises à devoir fermer des parties de
magasins, on voit ça comme un drame et quasi comme une
impossibilité. C'est un peu ce qu'on nous dit. Et je vais aller plus
loin dans ça. I! y a des commerçants qui sont venus, entre
autres, ce matin, hier après-midi et il y en a d'autres qui vont venir
et j'ai le sentiment qu'ils sont tellement... Ils ne voudraient pas eux autres
non plus être d'accord avec l'ouverture du dimanche, mais ils le sont
parce qu'ils se disent: Le gouvernement n'ira pas jusque-là parce que
ça a l'air trop compliqué à appliquer. Donc, même si
on ne veut pas, on va se mettre plutôt de l'autre bord, comme ça,
au moins, on va être traité équitable-ment. Si jamais
ça ouvre, ça va être pour nous autres aussi.
Je ne sais pas si vous suivez un peu mon raisonnement. J'avoue que c'est
un petit peu compliqué, mais il reste que c'est ce sentiment-là
que j'ai quand j'écoute les personnes témoigner devant moi. Et
ils se basent sur un fait: Est-ce qu'une loi comme celle-là va
être applicable? Cette règle de trois employés, cette
règle qui fait des exceptions, est-ce qu'on n'essaiera pas de passer
à côté encore une fois et qu'on ne se retrouvera pas dans
la situation que l'on connaît maintenant dans cinq ans ou dans dix ans?
J'aimerais que vous m'en parliez un peu.
M. Lord: Je peux vous en parler très rapidement.
Gérald Lord, encore une fois. Je pensais même que M. Richard s'en
venait prendre ma place pour l'expliquer. Il l'a très bien
expliqué dans son énoncé au rapport Richard. Il a
très bien compris.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lord: II n'y avait aucun problème M. Leclerc, M.
Richard, c'est un AXEP chez Provigo.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lord: Même si on n'est pas Métro, on
connaît notre monde.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: On finit toujours nos commissions, de ce temps-ci,
avec un peu d'humour et ça aide. Oui, continuez.
M. Lord: Non, mais vous êtes sûr, M. Richard, que
vous ne voulez pas prendre ma place, parce que...
Mme Marois: J'aimerais bien vous entendre, moi. Ha, ha, ha!
M. Lord: Non, c'est que...
Mme Marois: M. Richard aussi, d'ailleurs
M. Lord: Mais, il n'y a aucun problème. La règle de
trois employés.. Je suis déjà passé et
j'étais assis où vous étiez, vous, madame, à la
commission Richard, vous souvenez-vous? On était juste en face. À
côté de lui, il y avait un dénommé Plante, je pense
qu'il travaille encore au ministère, pour M. Tremblay. Lui, il m'a dit
qu'il n'y avait pas de problème avec la règle de trois. Le
problème qu'il y avait dans le temps - M. Tremblay, vous n'étiez
pas là - c'est que c'était déposé sur les
tablettes. Mais ça se règle très facilement. La loi avec
des dents, "hi, mosus" ça fait mal. C'est drôle, sur l'autoroute,
quand tu roules puis que tu as un "ticket", je te dis que tu modères
après, c'est la même affaire ça. Mettez une loi avec des
dents! Ce matin, j'ai entendu une petite remarque, if y a quelqu'un, un
député, qui a posé une question à M. Farladeau, je
pense que c'était vous, monsieur...
Mme Marois: Leclerc.
M. Lord: ...vous avez parlé du dimanche, M. Leclerc. Vous
avez dit: "Les amendes, puis?" Ah, il a dit: "ce n'est pas si pire". Je
comprends. Comprenez-vous? L'affaire est toute là. Lui, il nous l'a dit,
mettez-y des dents. Je vais vous dire une affaire, un gars qui va payer 10 000
$, 15 000 $, je ne sais pas là, les chiffres sont là, "ayoye". Il
ne recommencera pas puis les autres vont dire: "ayoye", je suis mieux de ne pas
prendre de chance". C'est clair pour moi. Je ne sais pas si ça l'est
pour vous.
Mme Marois: Oui, M. Tremblay.
M. Tremblay (Marcel): J'aimerais ajouter un peu quelques mots
là-dessus. Vous savez, qu'on prenne toutes les lois qui existent
présentement et vous aurez toujours des gens pour tenter de les
contourner Ça. c'est n'importe quoi. Par exemple, si on regarde le Code
criminel, prenez les lois, par exemple, qui régissent tout l'ensemble de
ce qu'on appelle les voleurs. Moi, H me semble que les voleurs, ça date
depuis Ali Baba, ça date depuis des siècles...
Mme Marois: Et les 40 voleurs, justement.
M. Tremblay (Marcel): il y a toujours eu des voleurs et il y a
toujours eu des gens qui ont tenté de frauder, de contourner les lois
qui existent. Est-ce que, parce que, à un moment donné, on arrive
à la conclusion que tout le monde, finalement, qu'un ensemble de gens
finit par les contourner, on va dire: On va abolir toutes lus formes de loi
Cost quasiment ça qu'on ressent. Hier, par exemple, quand on
parlait de libéralisation totale de tout, on a dit: Finalement,
de toute façon, on ne sera jamais capables de faire respecter. Que
fait-on? On se dit: Bon, au nom de la liberté, on crée un
système anarchique. Comme cela, on est certains que tout le monde va
faire ce qu'il veut, quand il veut, qu'il n'y aura pas de loi, qu'on n'aura pas
besoin de les poigner, ça fait que, ainsi, les gens n'auront pas besoin
de contourner les lois. Je pense, moi, que les lois, il faut que ça
existe, il faut que ça ait des dents. C'est évident que
même si ça a des dents et qu'il existe des lois, il y aura
toujours des gens pour tenter de les contourner. Mais c'est avec la
célérité et la sévérité avec
lesquelles on va les appliquer qui va faire qu'elles vont être
respectées.
Mme Marois: D'accord. Une autre question. Ça a
été soulevé déjà à quelques reprises,
il y a des gens qui font des recherches dans les universités, un
professeur, entre autres, hier nous en a parlé. Ce sont les fameux
achats à domicile. Ce matin encore aussi, la Coalition en pariait en
disant: Bon, il y a des catalogues. La présidente de la Coalition est
arrivée avec quelques-uns. Elle dit: Bon, bien, voilà. Ça,
ça existe. Est-ce que, à votre point de vue... Évidemment,
ce n'est pas l'alimentaire. En tout cas, je n'en ai pas encore vu beaucoup dans
l'alimentaire. C'est dans le congelé déjà.
Peut-être, oui, M. Vaillancourt pourrait répondre à cette
question-là. Est-ce que, pour vous, c'est une concurrence
déloyale? Est-ce que, pour vous, c'est aussi un secteur pour lequel il
faudrait pouvoir intervenir ou ça vous apparaît d'un ordre un peu
différent?
M. Vaillancourt: Écoutez, il y a une évolution qui
se fait au niveau du commerce de détail et, en ce sens là, on a
vu, il y a 20 ans passés, que toutes les grandes chaînes de
magasin avaient leur catalogue. Le catalogue ne devenait plus rentable,
c'est-à-dire que l'administration du département de commandes du
catalogue devenait tellement coûteuse qu'il n'y avait plus aucune
rentabilité de ce côté-là. Les achats faits à
la télévision, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Ne
pensez pas que ça arrive ici à Montréal et que ça
n'existe pas ailleurs. Ça existe aux États-Unis depuis de
nombreuses années et les clubs d'achat américains
télévisés ne sont pas encore, malgré la masse de
population et de consommateurs qui existe dans certains États où
ça se pratique, ce qu'il y a de plus rentables. Évidemment, on
implante actuellement des systèmes de service via la
télévision, la câblodistribution additionnelle, mais les
preuves sont loin d'être faites de ce côté-là. Ce
n'est pas ça qui nous inquiète. On n'est pas rendus là,
d'après moi, au niveau de l'évolution des tendances de
consommation.
Mme Marois: Ce qui vous inquiète.
M. Vaillancourt: Ce qui nous inquiète,
évidemment... Moi, pour ma part, les tendances de consommation, les
gouvernements en sont responsables pour une grande partie, et je pourrais
peut-être citer une couple d'exemples. On a des services
d'assurance-maladie ou des services d'assurance sociale dont la facture ne fait
que s'élever d'année en année et dont les gouvernements
qui administrent, au fil de ces années-là, sont pris avec des
factures additionnelles énormes et des budgets à boucler. C'est
bien beau faire des déficits mais, dans l'entreprise privée, on
ne peut pas se permettre ça. Alors, quand je dis que les gouvernements
sont responsables des tendances, jusqu'à un certain point, oui. Il
s'agit de trouver la qualité de vie qu'on peut se payer avec les moyens
qu'on a. Il faudra faire attention à ça, à l'avenir. Il y
a des coûts additionnels qui se rapportent à des ouvertures
additionnelles dans le commerce de détail. Je me rappelle les
premières fois que je suis passé devant... mes premières
commissions parlementaires, au temps du ministre Biron, je pense, la loi 57 ou
58 du temps...
Mme Marois: La loi 59 de M. Biron, oui.
M. Jolivet: La loi 59.
M. Vaillancourt: la loi 59, on avait évalué le
coût horaire à peu près à 900 000 $ l'heure. Quatre
ans après, on était rendus à 1 500 000 $. Si on le regarde
en 1990, je pense que c'est en 1984 ou 1985...
Mme Marois: C'est en 1984.
M. Vaillancourt: SI on regarde en 1990, on dépasse
certainement les 2 000 000 $ l'heure de plus pour ouvrir les entreprises en
heures additionnelles. Alors ne pensez pas que, quelque entreprise que ce soit,
que ce soit un club Price, que ce soit un Steinberg, que ce soit un Provigo,
que ce soit un commerce de meubles ou autre, ces coûts-là ne sont
pas répartis aux consommateurs. Ils le sont, définitivement.
Mme Marois: D'accord, merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous voulez
remercier notre groupe.
Mme Marois: Oui, certainement. Je vous remercie de la
présentation que vous nous avez faite et de l'échange très
enrichissant que nous avons eu. Je pense que je n'ai pas à vous rappeler
la position que nous avons prise. Elle rejoint en cela la vôtre, et
j'espère... Je participe cependant, avec beaucoup de plaisir, à
la commission, en ce sens que je pense que des points de vue différents
viennent éclairer, viennent peut-être nuancer, etc. Je reste avec
l'espoir, et j'imagine qu'on le partage ensemble,
que la décision qui sera prise ira dans le sens de ce que vous
défendez, qui est la qualité de la vie. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Lors de mon exposé, j'avais
mentionné que le but était de ne pas revenir, d'ici deux ans,
donc dans cette optique-là, les principes, une loi applicable
gérable et viable. Et j'ai surtout dit qu'il faudrait profiter de cette
consultation publique pour une réflexion globale du dossier, qui aille
au-delà de l'intérêt personnel et immédiat de
chacun. Je sais qu'on va passer encore l'après-midi avec des organismes
que vous représentez. J'ai parlé d'équité, alors je
fais abstraction de la qualité de vie, parce que je pense que vous
êtes très clair là-dessus; besoins réels, on va en
discuter avec M. Nantel, entre autres, cet après-midi Mais je veux juste
conclure, moi, sur la question d'équité pour que vous puissiez
penser à ça et peut-être me revenir par le biais d'autres
représentants. Un droit statutaire, par exemple, la Loi de
l'impôt, ce que ça dit, c'est que vous avez le droit de faire tout
ce qui n'est pas défendu. Une loi, quand on fait une loi et qu'on dit
à quelqu'un: Tu as le droit de faire ça, je parle de
l'équité, là, est-ce qu'on peut rétroactivement,
c'est une question que je pose, parce que je pense que c'est fondamental,
est-ce qu'on peut, rétroactivement, dire à quelqu'un qui, de
bonne foi, a fait dos choses: Je regrette, on n'aurait pas dû faire
ça? Et je pense que ça vous tracasse aussi. La preuve, c'est que
dans les exceptions que vous enlevez, vous ne parlez pas, vous dites les zones
touristiques, oui, il faut mieux les baliser, et là-dessus on va
sûrement travailler là-dessus. Deuxièmement, la question
des pharmacies qui avaient un droit. Alors moi, je vous laisse
là-dessus, sur la question de l'équité, parce que je pense
que c'est important, c'est fondamental pour tout le monde, c'est fondamental
pour le Québec et c'est fondamental surtout pour un gouvernement. Il
faut être équitable. Alors essayez de m'aider, cet
après-midi, comment on peut faire ça. Alors, MM. Tremblay, Lord,
Nantel, Gadbois, et Vaillancourt, je vous remercie beaucoup. Je pense que
ça a été une bonne discussion j'espère qu'on va
pouvoir la poursuivre au courant de la journée. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission
remercie la Coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche et suspend
ses travaux jusqu'à 14 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 9)
(Reprise à 14 h 36)
Le Président (M. Bélanger): Je demanderais à
chacun de reprendre sa place afin que la commission de l'économie et du
travail puisse se réunir pour procéder à des consultations
générales et à des auditions publiques sur les
modifications à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
Cet après-midi, dans un premier temps, nous recevons
l'Association des consommateurs du Québec qui sera
représentée par Mme Paule Gilbert, Mme Solange Guillot-Lemelin
à qui, j'en profite, au nom de la commission, je veux souhaiter bon
anniversaire. Je l'ai appris. On a créé le
précédent ce matin. Alors, on va continuer. Et M Marcel
Pedneault, directeur de la recherche. Tout le monde a 20 ans aujourd'hui. C'est
merveilleux.
Mme Marois: On a l'âge de son coeur, M. le
Président
Le Président (M. Bélanger): Ça, c'est vrai.
Alors il y en a qui sont encore plus jeune que ça Ha, ha, ha! Je vais
vous expliquer un peu notre procédure, je pense que vous êtes
familière Quand vous avez à prendre la parole, surtout au moment
des échanges, bien vouloir vous nommer, pas pour notre plaisir à
nous, c'est pour les "transcripts" qui travaillent dans une autre pièce
dans l'édifice; ne reconnaissant pas les voix, ça leur
crée un travail épouvantable. Il faut le faire au moins pour
elles. Pour eux ou elles, je ne sais pas qui sont les "transcripts".
Une voix: C'est pas mal des "elles".
Le Président (M. Bélanger): On me dit que c'est pas
mal des "elles", mais ça ne fait rien, il y a peut-être un des
"eux" là-dedans. Alors donc, si vous voulez procéder à la
présentation de votre mémoire, ça nous fait plaisir.
Association des consommateurs du Québec
Mme Guillot-Lemelin: M le Président, M. le ministre. Comme
premier point, si vous me permettez, j'aimerais un peu revenir sur les
questions qu'on nous a posées ce matin pour faire une précision
en termes de présentation d'organisation qu'on représente. Alors,
l'Association des consommateurs du Québec est une association
provinciale qui existe au Québec, qui existe depuis 40 ans Donc,
ça nous remet en mémoire l'existence un peu du mouvement des
consommateurs au Québec; donc, un mouvement qui est certainement utile,
puisque nous sommes encore là depuis 40 ans, et un mouvement qui est
aussi très durable.
Nous sommes une organisation qui a travaillé durant toutes ces
années sur plusieurs dossiers de consommation qui évidemment,
aujourd'hui, profitent aux consommateurs. Entre autres, pensons à toutes
les actions sur la protection de l'environnement où l'ACQ est
intervenue avant même les groupes environ-nementalistes en ce qui
concerne l'environnement, question de pesticides, aérosols, les
revendications qu'on avait dans les années 1972 qui sont aujourd'hui
tout à fait actuelles, et, aussi, entre autres, j'aime revenir sur celui
de la publicité destinée aux enfants, puisque c'est une loi que
nous avons au Québec et qu'à ma connaissance, elle n'existe nulle
part ailleurs dans le monde. Donc, C'est vraiment une particularité
qu'on doit être fiers d'avoir. Il y a aussi le dossier d'assurances dont
on entend parler depuis quelques années, un dossier important à
l'association et, évidemment aussi, le dossier sur les heures d'affaires
qu'on a suivi depuis le début des années quatre-vingt.
Je répète qu'en termes de membres pour ceux qui
voudraient... On a 5000 membres ici au Québec. Et nous sommes une
organisation - j'aimerais aussi faire cette précision - qui a une base
et qui consulte aussi les consommateurs de manière
générale, contrairement à d'autres organisations qui ont
un procédé très différent d'agir que nous
respectons, qui eux, se regroupent et prennent position sur différents
sujets.
Évidemment, à l'intérieur du mouvement des
consommateurs comme à l'intérieur de tout mouvement social, il y
a des divergences de points de vue. Nous considérons... Je me souviens
déjà avoir entendu d'autres ex présidents de l'Association
des consommateurs dire en commission parlementaire l'importance qu'il y a
à avoir une concurrence d'idée à travers même le
mouvement des consommateurs. C'est important la concurrence d'idées, et
on n'a pas à le démontrer. On n'a seulement qu'à regarder
dans les pays où ça n'existe pas comme dans les pays de l'Est,
l'Europe de l'Est, où, actuellement, c'est ce qu'on revendique.
Alors, ma présentation sera la suivante. Évidemment, je
vais tenir compte des trois principales questions qui ont été
développées depuis le début: les besoins réels des
consommateurs, la qualité de vie et aussi des informations en ce qui
concerne les travailleurs.
Mais tout d'abord, il est important de comprendre que l'Association de
consommateurs du Québec a pris position en faveur de l'ouverture des
marchés d'alimentation le dimanche. Alors, les marchés
d'alimentation, évidemment, c'est tout ce qui concerne le secteur
alimentaire, et l'Association des consommateurs du Québec ne s'est pas
prononcée en faveur de l'ensemble des établissements commerciaux.
C'est tellement important, le fait qu'on soit d'accord avec une ouverture face
aux marchés d'alimentation évidemment. Et d'autres, c'est par
rapport à l'ensemble des établissements commerciaux. Il y a toute
une confusion en ce qui concerne la qualité de vie, en ce qui concerne
les travailleurs et les consommateurs. C'est une précision importante
à faire.
Alors, le point de vue des consommateurs.
J'étais heureuse de constater ce matin, lorsque j'étais
présente avec la Coalition pour l'équité et le libre
accès aux marchés d'alimentation le dimanche, de voir que
c'était vraiment le point de vue des consommateurs qui était
relevé. Évidemment, nous avons des marchands avec nous,
puisqu'ils partagent la même position, mais c'est important de voir que
c'est vraiment, à l'intérieur d'une coalition, le point de vue du
consommateur qui est aussi très très important. Alors, on parle
beaucoup d'organisation contemporaine de la vie familiale. Bon, les femmes au
travail à 59 %, l'augmentation des revenus, l'augmentation de
l'éducation, le changement dans les habitudes alimentaires. Ce sont des
choses très importantes pour le consommateur. Donc, des modifications
dans les habitudes d'achat, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut
dire qu'actuellement les consommateurs ont de nouveaux besoins, de nouvelles
formes de vouloir acheter, et c'est normal, puisque, quand on parle de besoins
du consommateur - c'est ce dont on va parler durant toute notre
présentation - on ne peut pas parler de besoins du consommateur comme
quelque chose de statique. Il y a 40 ans, si on avait pris position, on
n'aurait probablement pas pris la même qu'aujourd'hui, et c'est normal
qu'on évolue et qu'on amène des positions différentes,
rendus dans les années quatre-vingt-dix. Je pense que penser aux besoins
du consommateur durant les années quatre-vingt-dix comme on y pensait
durant les années soixante, ça démontrerait un retard
marqué de la part d'une organisation de consommateurs.
Ces nouveaux besoins viennent évidemment des nouveaux modes de
vie dans notre société, dont on ne peut pas faire abstraction,
c'est évident. Entre autres, pensons aux familles monoparentales, 12 %
au Canada, et aux 34 % au Québec de familles à une seule personne
par ménage. Inutile de préciser que cette nouvelle famille qui
n'est plus la famille traditionnelle d'avant, on doit en tenir compte. On ne
peut pas dire: Bien coudon, ils sont là, mais ils vont s'organiser avec
leurs choses. Les familles monoparentales ont des besoins bien particuliers, et
il faut s'en occuper. Donc, il y a nécessité d'offrir à
ces gens des services adaptés à leurs besoins. Si on veut leur
offrir des services adaptés à leurs besoins, il faut
inévitablement faire des changements et leur offrir de nouvelles
possibilités.
Un point important aussi pour le consommateur, lorsqu'on parle de
comportements de consommateurs, de comportements d'achat. Le comportement des
consommateurs dans les années quatre-vingt-dix n'est plus
homogène. C'est mentionné dans le document présenté
par le ministère de l'Industrie et du Commerce. Donc, ça ne forme
plus un bloc de personnes avec les mêmes comportements, un ensemble de
segments aux attentes différentes. Mais ça veut dire que les
gens, aujourd'hui, en tant que consommateurs,
ne se suivent plus comme des moutons, et heureusement d'ailleurs Ce qui
devrait être sous-entendu et important dans le dossier qu'on traite
aujourd'hui, c'est la solidarité des consommateurs dans ce
dossier-là. Je ne sais pas si vous le savez comme moi, mais la
solidarité des consommateurs au Québec, ce n'est pas quelque
chose de très très fort. On n'a qu'à penser au nombre de
personnes qui se plaignent; il y a seulement 4 % des gens qui se plaignent
Lorsqu'en tant que consommateur, on ne se plaint pas, c'est qu'on laisse les
commerçants profiter d'une situation. Alors, si on ne se plaint pas,
c'est qu'ensemble, on n'est pas solidaires. Être solidaire dans le
dossier des heures d'affaires, ça veut dire quoi? Ça veut dire
comprendre que, si, moi, je n'ai pas besoin d'aller au magasin d'alimentation
faire ma commande principale, par exemple, le dimanche quelque part, les 12 %
des familles monoparentales et les 34 % des familles seules en ont besoin.
Alors est-ce que je vais fermer les yeux? Est-ce qu'une association de
consommateurs doit refouler les besoins des consommateurs, ou les regarder et
être main dans la main avec eux et aller de l'avant? (14 h 45)
L'autre point de vue aussi qui est très important,
évidemment, en tant que consommateurs, c'est les prix. Je pense qu'on
l'a assez bien démontré ce matin avec la coalition, mais
permettez-moi de reprendre certains points. Entre autres, les prix actuellement
dans le marché chez les dépanneurs, c'est clair que ça
coûte plus cher que dans un supermarché. On dit autour de 10 % ou
15 %. Entendons-nous à 13 %. Donc, c'est évident que les gens qui
ont besoin de faire leur marché d'alimentation le dimanche, devront
aller quelque part. Actuellement, il y a des marchés publics, il y a des
halles et il y a des dépanneurs. Eh bien, ceux qui en ont besoin
apprécieraient énormément aller dans des
supermarchés. Alors, pourquoi laisser un petit secteur à part du
marché d'alimentation et ne pas leur offrir la possibilité daller
dans des endroits où ils risquent fort bien d'avoir un service, d'avoir
une variété de produits et, entre autres, des prix
intéressants? Comment une association de consommateurs ne peut-elle pas
comprendre qu'actuellement, ça coûte plus cher? Alors, pourquoi
dire que si on amène des modifications à la loi sur les heures
d'affaires, ça va nous coûter plus cher? Regardons les faits.
C'est actuellement que ça nous coûte plus cher II me semble que
tout le monde est capable de comprendre ça.
Entre deux endroits, j'ai entendu des consommateurs, parce qu'on les a
consultés à différentes reprises, j'ai entendu des
commentaires du genre: C'est sûr qu'actuellement je vais chez
Consommât, mais si Cooprix était ouvert, c'est sûr que
j'irais là, ça coûte moins cher et c'est moins loin.
Regardons-le du point de vue du consommateur. Nous sommes heureux, en tant
qu'association de consommateurs, de constater qu'au moins quelque part, il y a
une association de consommateurs qui parle au nom des consommateurs
Évidemment, à la fin de la présentation, on va mentionner
le point de vue des travailleurs, parce qu'on est assez intelligents pour se
rendre compte qu'on est aussi des travailleurs, mais une association de
consommateurs doit d'abord défendre les intérêts des
consommateurs.
Donc, on a l'appui de la population. On dit que 54 % des gens sont en
faveur. Je ne parlerai pas beaucoup de pourcentages. Je sais que pour beaucoup
de gens, ça les énerve, les chiffres, les sondages, etc. Je les
comprends, moi aussi. Mais, quand même, le chiffre, cet appui qu'on a de
la population, je ne comprends pas que certaines personnes ne le voient pas. Ce
ne sont pas des extra-terrestres, ces gens-là qui ont besoin daller dans
les supermarchés, ce sont des consommateurs.
Et des données.. Évidemment, l'achalandage Oublions-les,
les sondages, mais regardons l'achalandage Les gens y vont Alors, ils y vont
pourquoi? Parce que ce sont des gros méchants, parce qu'ils ont de
nouveaux besoins? Bien, voyons donc1 Ils y vont parce qu'ils sont
dans une situation où ils doivent y aller. Donc, l'achalandage, pour
nous, est un principe sur lequel on se base pour déterminer... Vous
dites: Pourquoi les consommateurs en ont-ils besoin? Bien, on n'a qu'à
regarder l'actualité. Ils s'y rendent, dans les supermarchés
S'ils s'y rendent, ce n'est certainement pas parce qu'ils ont inventé
quelque part, dans leur esprit, des besoins. Selon le Conseil économique
du Canada, 44 % des familles se retrouvent dans une situation où il est
difficile de faire ses emplettes en dehors des heures habituelles de travail.
Bon. Une donnée aussi importante pour montrer, encore une fois, le
pourquoi... Nous, on propose une ouverture dans ce secteur là du
commerce de détail.
Évidemment, lorsque l'Association des consommateurs du
Québec avait posé des questions à ses membres en ce qui
concerne l'ensemble des établissements commerciaux, on n'avait pas eu un
gros appui des consommateurs, parce que, évidemment, aujourd'hui, je
pense qu'au Québec, de penser à l'ensemble des
établissements commerciaux ne correspond pas à la
réalité québécoise. Et si ça correspond
à la réalité québécoise dans 25 ans, on le
regardera, parce que, même dans 25 ans, on ne se dira pas: On a
réglé ça en commission parlementaire, il y a 25 ans, et on
n'en parle plus. Parce que les besoins des consommateurs, c'est quelque chose
dont on parle toujours et qui change.
Donc, on s'est dit: En tant qu'association, on veut faire un changement
à l'intérieur de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux Alors, si on veut enlever les exceptions,
ça n'a pas de bon sens. Le secteur, un des plus importants où il
ne faudrait pas
enlever les exceptions, c'est bien l'alimentation. Les vêtements,
à moins d'une urgence, je ne sais pas moi, d'un bal extraordinaire qui
nous arrive et qu'il faille avoir un vêtement spécial pour s'y
rendre, on va aller se l'acheter, mais c'est très spécial. Le
vêtement, les meubles aussi. Donc, l'alimentation est un secteur
où on n'a pas à se poser la question si on a besoin ou non. Il
faut avoir de bons aliments et tout le temps.
Donc aussi, le dépannage. Le dépannage dans les
années quatre-vingt-dix, pour le consommateur, évidemment, ce
n'est pas le dépannage des années soixante. Essayons d'imaginer
un portrait type du consommateur qui entre dans un dépanneur, qui
s'achète un paquet de Player's, de la gomme à mâcher, un
peu de chocolat, ça pouvait bien dépanner des gens. Mais,
aujourd'hui, ce n'est plus ça. Aujourd'hui, on est plus exigeant. On est
beaucoup plus soucieux de la qualité. Et que le dimanche on veuille se
procurer un très bon pain, il n'y a pas de scrupule à y avoir
pour le consommateur. C'est normal, dans les années où on en est
rendus. Cette ouverture que l'on suggère tient compte, d'après
nous, d'une réalité.
Alors, comment une association de consommateurs peut s'opposer à
offrir aux consommateurs toutes les possibilités pour mieux s'alimenter,
en tenant compte des besoins, évidemment. Donc, offrir aux
consommateurs, c'est le prix, le service, le choix, la variété,
la qualité, des produits frais. M. le ministre, on peut vous dire qu'on
n'est pas contre les dépanneurs, mais c'est quand même des choses
dont on se rend compte. Pourquoi, dans la période, à l'automne,
où les pommes sont en grande quantité ici, au Québec,
à quelques pas de l'île d'Orléans, ne peut-on pas trouver
des pommes fraîches dans certains dépanneurs9 La
fraîcheur, c'est important parce qu'on dit que, maintenant, le
consommateur, 50 % des produits qu'il achète, ce sont des produits
frais. Donc, il faut qu'il se les procure quelque part, ces
produits-là
Donc, l'autre point de vue, la qualité de vie, un point que l'on
discute évidemment en rapport avec ce dossier-là, et c'est
important d'en parler, sauf qu'il ne faudrait pas non plus déplacer le
débat. Je ne veux pas diminuer du tout toutes les questions qui ont
rapport avec la qualité de vie, mais c'est une commission parlementaire
sur les heures d'affaires et non pas une commission parlementaire sur la
qualité de vie. Ce que je veux dire par là, c'est que, tout
d'abord, la qualité de vie, ce n'est pas quelque chose qui se mesure le
dimanche après-midi, entre midi et 17 heures. La qualité de vie,
c'est tous les jours de la semaine et c'est tout le temps. Alors, pourquoi,
tout d'un coup, on se met à penser, parce qu'on offrirait des produits
d'alimentation pour le consommateur, chose tout à fait normale, que tous
les renversements de société... Parce que c'est incroyable tout
ce qu'on entend par rapport à la qualité de vie. Je pense qu'on
est en train d'un peu "paranoïer" par rapport à ça, par
rapport à la réalité. Donc, c'est important de parler de
qualité de vie et d'en parler tout le temps pour le consommateur, et pas
seulement le dimanche après-midi.
Ce que je veux dire par là, c'est que les familles
monoparentales, entre autres, dont les services doivent être
adaptés, ont besoin qu'on s'occupe d'elles, évidemment, parce
qu'elles aussi ont une qualité de vie et doivent avoir la
possibilité d'aller dans les supermarchés à des moments
différents d'autres genres de familles. Donc, la qualité de vie
passe aussi par le droit du travail. Le travail à temps partiel, entre
autres, peut aider bien des consommateurs, les travailleurs, puisqu'il vaut
mieux travailler à temps partiel que pas du tout, quand même, dans
une société. Donc, la qualité de vie est en relation avec
le droit au travail.
M. le ministre, là-dessus, j'aimerais faire une précision.
Je pense que c'est quand même terrifiant d'entendre certains exploiter
l'émotivité du consommateur par rapport à la
qualité de vie. Vraiment, on exploite l'émotivité du
consommateur de la même manière que l'entreprise. Et on a toujours
critiqué qu'elle le fasse pour provoquer l'achat. C'est-à-dire
que, par émotivi-té, on est en train de parler des personnes
malades, on est en train de parler des personnes âgées qui ne
seront plus visitées le dimanche. Vraiment, on prend les gens pour qui?
Est-ce que le fait d'aller s'acheter un bon brocoli, un pain frais, etc., le
dimanche après-midi, va nous rendre complètement stupide? Les
droits aux personnes âgées, l'amour qu'on doit avoir pour les
personnes âgées, on le comprend très bien, à
l'Association des consommateurs du Québec. Et qu'on ne vienne pas nous
dire des choses aussi horrifiantes.
En parlant des personnes âgées, dans la région de
Trois-Rivières, entre autres, on a fait un très bon travail
auprès des personnes âgées, en termes de condition de vie
dans les centres d'accueil, en passant. Donc, il ne faut pas refouler les
besoins des consommateurs et, au contraire, il faut les écouter.
Donc, élargir les services aux consommateurs n'égale pas
du tout une absence de qualité de vie, c'est tout à fait le
contraire, on leur permet un meilleur service.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous me
permettez, madame, je vous inviterais à conclure, il vous reste...
Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Alors, pour les travailleurs, je
vais conclure rapidement puisque notre position est facile à
synthétiser, on l'a dit: C'est le droit au travailleur de refuser et
d'exiger de l'employeur qu'il ne demande aucun motif. S'il y a une loi, parce
que je pense que lorsque la loi existe... C'est sûr que s'il y a une loi
qui existe et qu'on laisse les
employeurs faire sans les contrôler, s'ils n'ont pas le droit
d'exiger des employés de travailler, bien, il y a en quelque part qu'il
faut le contrôler.
Alors, en conclusion, le temps me presse, me bouscule un peu, mais je
pense qu'on a l'appui de la population, 54 % des gens. Il fallait quand
même qu'il y ait une association de consommateurs qui ait le courage et
le cran de proposer un changement face à toute la problématique
qu'on vit avec les heures d'affaires.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie, madame. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci beaucoup, Mme Guillot-Lemelin.
5000 membres, pouvez-vous nous ventiler ou nous donner... Donnez-moi un exemple
de ces membres-là Vous dites que vous avez 5000 membres. Je vais vous
dire pourquoi je vous pose la question. Par exemple, les ACEF qui vont venir
tout à l'heure vont nous dire qu'elles sont très
représentatives. On va avoir également, tout à l'heure, la
Fédération nationale des associations de consommateurs du Canada
qui représente 5000 membres individuels et près de 120 000
membres corporatifs. Après vous, l'Association des consommateurs du
Canada qui va venir, elle compte 18 000 membres.
Alors, qui représentez-vous au juste. Est-ce significatif, 5000
membres, par opposition à tous les autres? Quand on regarde la coalition
contre, elle va nous donner tous les syndicats et elle va nous dire que
ça représente 300 000, 400 000 membres, 500 000. Si on additionne
tout ça à la fin, on est rendu à 10 000 000 au
Québec. Mais indépendamment de ça, j'essaie de voir. Ma
première question. Dites-moi qui vous représentez?
Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Donc, évidemment, il y a
des membres individuels, des individus; il y a des familles. Il y a
également des membres corporatifs, entre autres l'Association des
conseillers en consommation du Québec, des personnes âgées,
des garderies; il y a une coopérative d'habitation. Donc, ce sont des
membres corporatifs, des membres individuels et des membres familiaux.
J'aimerais dire, M. le ministre, que, moi, j'étais ici dans la
salle ce matin lorsque la Fédération des associations
coopératives d'économie familiales, M. Nantel, à qui vous
avez posé la question, ne vous a pas parlé de chiffres. Alors,
effectivement, comme vous le dites, on peut en imaginer et en ajouter. On n'a
pas de chiffres et on en a très rarement.
Donc, ce sont ces membres-là qu'on représente et, comme on
l'a aussi dit ce matin, n'oublions pas toutes nos publications. Parce que les
publications sont un outil super important pour rejoindre des consommateurs et
pour pouvoir exprimer nos points de vue. Et toutes les personnes qui ne sont
pas membres et qui nous appellent dans nos régions, qui nous appellent
tous les jours... Il y a une quantité phénoménale de
consommateurs qui nous consultent, auprès de qui nous faisons de
l'information. On n'a pas de chiffres, c'est l'ensemble de la population,
puisqu'ils nous appellent continuellement.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vos 5000 membres, ce sont
5000 oui?
Mme Guillot-Lemelin: Par rapport au marché de
l'alimentation, d'accord?
M. Tremblay (Outremont): Oui.
Mme Guillot-Lemelin: On a fait une nouvelle consultation, que je
précise encore "maison", comme je vous le disais ce matin, et,
étant donné qu'on était pris, parce qu'on savait que la
loi devait changer et qu'on avait peur d'éliminer l'exemption, entre
autres, du secteur Je l'alimentation, un secteur tellement important pour le
consommateur, on sest dit: On va reconsulter nos membres et on va leur
demander, exclusivement pour le marché de l'alimentation, s'ils seraient
d'accord pour ouvrir le dimanche. Et, à cette question-là, 52 %
ont dit oui. Parce que, effectivement, même à l'intérieur
de nos membres, il y en a qui n'ont pas ce besoin.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Excellent Le point que
j'essaie de faire, c'est de dire que, même dans votre association, la
majorité est pour et c'est possible que dans les autres associations -
je vais le savoir tout à l'heure - qui représentent 300 000
à 400 000 membres, ça peut être majoritairement oui, mais
il pourrait peut-être y en avoir, disons sur 600 000, 290 contre
et...
Mme Guillot-Lemelin: Exactement. M. Tremblay (Outremont):
Bon, parfait.
Mme Guillot-Lemelin: Excusez-moi, mais surtout de savoir si on
leur a posé la question...
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Excellent Je connais
bien la représentativité.
Deuxièmement, on a parlé de besoins réels et de
qualité de vie. Si je me fie à ce que vous me dites - et je vais
poser la question aux autres cet après-midi - vous me dites: Besoins
réels, services adaptés aux besoins. Et vous avez donné
l'exemple des familles monoparentales. Après ça, vous nous avez
dit: Les prix. C'est plus cher ailleurs. Et, troisièmement, vous avez
parlé de l'achalandage. Vous avez dit: II y a de l'achalandage, donc il
y a un besoin. Si on faisait abstraction de la qualité de vie et qu'on
s'attaquait uniquement à la question des besoins réels - si je me
fie à ce que vous me dites - le
consommateur devrait toujours dire oui à l'ouverture des
commerces, à la libéralisation totale de tous les commerces.
Mme Guillot-Lemelin: Non, pas dans ce sens-là, puisque,
actuellement nous ne croyons pas que ce soit autant un besoin, comme je l'ai
mentionné dans ma présentation, de s'acheter des vêtements.
Actuellement, je le précise, parce que peut-être plus tard
ça changera Pour les consommateurs, ce n'est pas vraiment un besoin
selon la réalité d'aujourd'hui. Mais, en ce qui a trait à
l'alimentation, c'est sûrement un besoin, puisque les gens se
présentent dans les endroits où c'est ouvert.
M. Tremblay (Outremont): Oui. C'est parce que j'allais un peu
plus loin et je... On a parlé beaucoup des Club Price ce matin...
Mme Guillot-Lemelin: Oui.
M. Tremblay (Outremont): et je suis certain qu'il ne se vend pas
juste de l'alimentation chez Club Price, donc... Et on a parlé des zones
touristiques... (15 heures)
Mme Guillot-Lemelin: J'ai pensé à ça. M. le
ministre, si vous me permettez, parce que je trouvais quand même la
question de M. Richard pertinente, parce que, effectivement, vous aurez
à gérer une loi et il y a les commerçants et des gens qui
peuvent se faufiler. C'est la règle. On s'en rend compte aujourd'hui.
Mais la question des Club Price, d'abord, c'est sûr que ça
répond sûrement à un besoin parce que, dans la
région de Montréal, c'est fréquenté. Mais pour
éliminer le problème, parce que, nous, on s'attarde à
l'alimentation et qu'on veut éliminer l'ensemble des commerces, bien il
faudra, pour ceux qui veulent ouvrir le dimanche et vendre de l'alimentation,
avoir un pourcentage assez élevé de leur volume, par exemple, qui
pourrait être, je ne sais pas; un chiffre entre 70 % et. 80 %
d'alimentation, au minimum, parce que, sinon, ça pourrait être une
concurrence déloyale.
M. Tremblay (Outremont): Si on limite les besoins réels
à l'alimentation...
Une voix: Oui.
M. Tremblay (Outremont): ..on dit, au niveau des services pour la
clientèle, on parle de l'achalandage et le prix, normalement, le
consommateur, pour l'alimentation, devrait dire selon des besoins réels
en fonction des caractéristiques: ouverture le dimanche pour
l'alimentation.
Une voix: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Bon. Là, on entre la variable
qualité de vie. Est-ce que je com- prends bien que vous dites que
ça ne devrait peut-être pas faire partie du débat?
Mme Guillot-Lemelin: Non, je dis que ça fait partie du
débat, mais qu'il ne faut pas charrier avec ça. C'est ça
que je veux dire. Quand on dit que, par exemple, on ne s'occupera plus de nos
personnes âgées, de nos personnes malades, qu'on ne visitera plus
nos amis et qu'on ne fera plus faire nos devoirs à nos enfants, il ne
faut pas nous prendre pour des imbéciles. Entre autres, sur les devoirs
pour enfants, entre parenthèses, le dimanche, ils sont en congé,
ils n'ont pas ces problèmes-là. J'entendais M. Nantel proposer
ça ce matin. Pourtant, eux, ils favorisent l'ouverture le mercredi soir.
S'il y a un moment où on a besoin de faire nos devoirs, c'est bien les
jours de semaine. Enfin, c'est un détail.
C'est ça. Actuellement, la situation fait que les consommateurs
ne changeraient... Ce ne serait pas un bouleversement de société,
ce n'est pas la révolution, le fait qu'en tant que consommateurs, on
puisse s'acheter des aliments le dimanche, où on veut.
M. Pedneault (Marcel): J'ajouterais peut-être qu'il y a une
confusion dans toute la discussion aussi lorsqu'on parle de qualité de
vie. C'est à la fois. Quelquefois, on mélange tous les secteurs:
alimentation et tout, on mélange la qualité de vie des
travailleurs et la qualité de vie en général de la
société. Il y a toujours trois niveaux de discours dans les
mémoires. En tout cas, tout ce que j'ai vu jusqu'à maintenant,
c'est confondu, ce qui fait qu'il faut... Nous avons regardé ça
aussi la qualité de vie des travailleurs. Même si les
supermarchés ouvraient le dimanche, s'il y a un milieu où ils
sont bien protégés et où ils ont de bonnes conventions
collectives dans le milieu de l'alimentation, c'est bien là qu'ils ont
la meilleure protection. Donc, on ne voit pas où est le problème
là. La qualité de vie de la société en
général, c'est là qu'on a charrié beaucoup au
niveau des valeurs traditionnelles, de la famille et tout ça. On se rend
compte statistiquement aujourd'hui que la famille n'est plus comme elle
était jadis, donc il faut s'adapter à de nouveaux besoins, de
nouvelles habitudes de vie également.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais reprendre ce
que vous venez de dire, M. Pedneault. Vous dites être à
l'écoute des besoins des consommateurs et des consommatrices. Et vous
dites: Leurs besoins, c'est que les heures d'ouverture soient plus importantes
en matière d'alimentation. Ne mêlons pas les choux et les
carottes, votre point de vue, c'est l'alimentation, et j'ai bien compris que le
commerce de détail
dans d'autres types de produits, ça ne souffre pas les
mêmes exigences. On s'entend bien?
Une voix: Exactement.
Mme Marois: Mais, M. Pedneault, vous me dites: On est à
l'écoute de nos consommateurs et de nos consommatrices, et voilà
ce qu'on vous recommande. Nous, en même temps, on a les travailleuses et
travailleurs de l'alimentation...
M. Pedneault: Oui.
Mme Marois:... qui, eux, nous disent: On croit que ce n'est pas
pertinent de faire en sorte que l'on libéralise davantage les heures
d'ouverture parce que ça va nous amener à vivre des horaires
brisés, ça va nous amener à modifier les conditions de vie
générales et, nous, on vous dit qu'on n'est pas d'accord avec
cette perspective-là. Alors, il faut aussi être à
l'écoute, comprenez-vous? Vous comprenez un peu le parallèle que
je fais...
M. Pedneault: Oui.
Mme Marois:... il faut aussi être à l'écoute
des besoins exprimés par ces personnes-là.
M. Pedneault: O. K.
Mme Marois: Et, évidemment, la responsabilité d'un
législateur, c'est d'essayer de trouver l'équilibre entre
l'ensemble des besoins collectifs des uns et des autres, et de trancher et de
faire des choix à cet égard- là. Peut-être M.
Pedneault, et, après ça, vous vouliez répondre,
madame?
M. Pedneault: L'argumentation est aussi construite autour de deux
choses. Le document du MICT souligne que le milieu le mieux
protégé dans les conventions collectives, c'est le milieu des
supermarchés, justement, où il y a le plus haut taux de
syndicalisation et où les conditions de travail sont le plus
réglementées. Donc, on se dit: II y a une protection à ce
niveau-là. Puis, comme Mme Guillot-Lemelin le soulignait aussi, il peut
même y avoir création d'emplois. Les gens, apparemment, selon les
conventions collectives, ont droit de refus s'ils ne veulent pas travailler le
dimanche. Bon, il va y avoir embauche ou déplacement du temps partiel
qu'il y a présentement dans les supermarchés.
Il y avait ce point-là. L'autre, je l'ai oublié.
Mme Marois: L'autre, c'était plus une question de
commentaire de ma part dans le sens où il y a un équilibre.
M. Pedneault: Oui c'est ça.
Mme Marois: Et moi, je vous dis, il y a aussi ce
message-là qui nous est envoyé parce que. malgré leur
niveau de protection...
M. Pedneault: Oui.
Mme Marois: En plus, ce matin, si je pense à la TUAC, il
reste que ce sont les gens qui sont probablement les mieux
protégés dans le sens où ils ont des conventions
collectives, ils ont des conditions de travail à tout le moins
négociées. Ils ne sont peut-être pas toujours contents
parfaitement à 100 %, mais au moins ils négocient. Bon.
M. Pedneault: Oui.
Mme Marois: Mais si même eux nous disent...
Comprenez-vous?
M. Pedneault: Mon autre point vient de revenir. C'est justement
le pourcentage de gens qui sont touchés par cet aspect-là.
Même le MICT le souligne, ça va autour de 1 %, ce qui fait que
nous, on représente l'ensemble, entre guillemets, même si on a
5000 membres. Je veux dire que, dans tous les dossiers, on ne consulte pas
nécessairement toujours tous nos membres et toute la population toutes
les fois, parce qu'on a une expertise aussi dans le domaine de la consommation,
ce qui fait qu'on représente globalement aussi.
Mme Marois: Oui, madame, vous vouliez ajouter quelque chose.
Mme Guillot-Lemelin: J'aimerais ajouter ce point-là parce
que ce matin, moi aussi, j'ai entendu les travailleurs de la TUAC, les
représentants dire: Bien, écoutez, on le demande à nos
travailleurs et ils refusent de travailler le dimanche. Évidemment, ceux
qui ont déjà un horaire bien établi du lundi au vendredi,
je pense que, spontanément, c'est normal que certains réagissent
de ne pas vouloir travailler la fin de semaine avec la tradition qu'on a dans
notre société; c'est évident. Mais est-ce qu'ils l'ont
demandé à des gens qui sont sur le chômage? Il y en a 10 %,
Mme Marois, qui sont sur le chômage actuellement au Québec. Quand
on parle de politique pour améliorer ça, nous, on en
suggère une. Puis, merde, on se fait dire: Ça. n'a pas de bon
sens, puis arrêtez. C'est comme si on sortait des nues. Ça n'a pas
d'allure. Qu'on en prenne quelque part, qu'on aille les chercher quelque part.
Nous, en tant qu'association, on est honnête - je n'ai pas eu le temps
beaucoup, dans ma présentation, de parler des travailleurs - on est
honnête quand on dit qu'on a quand même une préoccupation et
qu'ils doivent, premièrement, avoir le droit de refuser de travailler le
dimanche et que, deuxièmement, leur employeur ne doit pas exiger de
motifs. Mais aussi, si
jamais avec toute notre bonne volonté, à travers
même les gens qui sont sur le chômage, à travers les femmes
qui veulent retourner sur le marché du travail, à travers les
étudiants, il n'y avait pas assez de gens pour combler le besoin que,
nous, on demande actuellement, bien, on dira: Bien coudon, on a fait notre
effort pour répondre vraiment, en tant que représentants des
consommateurs. Mais je suis convaincue qu'il y a suffisamment de travailleurs
aujourd'hui qui voudraient l'avoir.
Je ne sais pas si vous me permettez, Mme Marois, de vous poser cette
question-là. Je ne sais pas si vous en avez rencontré, des gens
qui travaillent la fin de semaine et qui sont heureux, qui ont des valeurs
familiales, qui aiment leurs enfants. Il y en a de ces gens-là Et, selon
le cycle familial, certaines personnes, à un moment donné, dans
un bout de leur vie, vont même être heureuses de pouvoir travailler
parce que ça va leur permettre d'améliorer leur qualité de
vie dont on parle, M. le ministre. Pourquoi cela va-t-il améliorer leur
qualité de vie? Parce que le petit revenu qu'ils vont aller se chercher
la fin de semaine, ça va leur permettre de s'acheter, je ne sais pas,
moi, une maison avec un bout de terrain, pour que leurs enfants jouent
plutôt que d'être dans un troisième étage avec un
balcon qui risque de manquer de tomber et qu'on ne les laisse même pas
aller seuls dehors, parce qu'on a peur qu'ils se fassent frapper. C'est
ça, la qualité de vie. Il y a des gens quelque part qui sont
intéressés selon une période x de leur vie à
travailler. Il va toujours y en avoir parce qu'il va toujours y avoir des gens,
j'espère, qui vont avoir des enfants. Donc, ce n'est pas vrai que les
gens qui travaillent le dimanche, ce sont tous des gens qui sont en train...
Prenons l'exemple des travailleurs de nuit. Pour certains, ça les
étonne. Il y a certains travailleurs qui aiment travailler la nuit et
qui sont très heureux parce qu'ils ont une vie qui les comble.
Mme Marois: Vous me posez la question. Je vais y
répondre.
Mme Guillot-Lemelin: D'accord.
Mme Marois: Je viens d'une famille dont le père
était mécanicien et travaillait la nuit. Il travaillait un mois
de nuit, un mois de jour. Il travaillait sur les quarts de travail. Il n'aimait
pas beaucoup ça. Il n'avait pas le choix. Il le faisait. Il n'aimait pas
beaucoup ça. J'ai un frère qui travaille dans les services
d'urgence sociale, il travaille la nuit. II ne le fait pas par choix, c'est
parce qu'il n'a pas d'autres emplois qui s'offrent dans ce secteur-là.
Vous me posez la question, j'y réponds.
Mme Guillot-Lemelin: D'accord.
Mme Marois: Et depuis, je vais vous dire, parce que j'ai beaucoup
cheminé. J'ai rencontré votre association, vous le savez, M.
Pedneault entre autres, je l'ai rencontré et j'ai eu moi-même
pendant un bon moment vraiment le même point de vue que vous. Je me suis
dit: Pourquoi ça ne serait pas ouvert le dimanche? Ça m'emmerde,
moi, quand j'arrive le samedi soir, à 17 heures, et que je n'ai pas eu
le temps d'aller m'acheter telle ou telle chose. Si je pouvais, demain matin,
décider que je vais acheter ma grosse commande, j'aimerais mieux
ça. Bien sûr. C'est vrai que j'aimerais mieux ça, mais j'ai
regardé effectivement les personnes qui travaillent. Et là, c'est
un autre point de vue, j'en conviens, mais je les ai regardées et j'ai
posé la question, et je la pose depuis que je me suis engagée
dans cette réflexion-là. Est-ce que, pour vous, c'est un choix?
Ce n'est jamais un choix, sauf quelques exceptions. Enlevons le mot "jamais".
Ce n'est presque jamais un choix.
Mme Guillot-Lemelin: De travailler le dimanche?
Mme Marois: De travailler le dimanche. Les gens souhaiteraient..
Comme on sait que, naturellement et normalement, à cause de notre
structure économique et de son mode organisa-tionnel, la majorité
des gens travaillent plutôt du lundi au vendredi... Il y en a un certain
nombre d'autres, à cause de la restauration, des industries
manufacturières - je sais tout ça - d'un certain nombre de
services qui doivent être ouverts, les hôpitaux, la fin de semaine,
mais il faut voir. Regardez la bataille qu'ont menée les infirmiers et
les infirmières du Québec sur le fait qu'on ait des primes, qu'on
soit moins nombreux à travailler, etc.
La majorité des gens disent: Pourquoi on ne se donnerait pas...
Cela va m'amener, et vous voyez où je m'en vais aussi, vers cette
espèce de vision un peu de qualité de vie où on essaie de
se retrouver, à un moment dans le temps, le plus nombreux possible
à ne pas avoir à être au travail. Par obligation, il y en
aura toujours dans notre société: les urgences de santé,
les urgences sociales, les services de dépannage, les services de
pharmacie, les services essentiels, bien sûr. Mais n'est-il pas
imaginable que l'on puisse combler les besoins d'un certain nombre d'autres
personnes que vous représentez? Je comprends ces besoins-là, je
les ai aussi. S'il y en a une qui est prise aussi avec des horaires
épouvantables, et je suis sûre que, de l'autre côté,
c'est la même chose. Mais est-ce qu'on ne peut pas établir un
consensus et se dire que, quelque part, on va ralentir le plus possible les
activités de production, les activités de commerce et qu'il y ait
une journée - et, en plus, on a une tradition à cause de notre
histoire judéochrétienne, mais oublions ça - où on
a pu tout arrêter dans le temps. Est-ce qu'on ne peut pas arriver
à ça? Et quand vous me dites: II y a des besoins de
consommateurs et de consommatrices, 34 % des familles ont un membre, une
personne... C'est vous qui l'avez dit, je ne me trompe pas là?
Mme Guillot-Lemelin: Non, non.
Mme Marois: Je l'utilise bien votre chiffre. Mais une personne,
elle ne doit pas travailler lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi et
samedi.
Mme Guillot-Lemelin: Non, mais, justement, les gens de ces
familles-là peuvent travailler le dimanche sans que ça
amène tous les problèmes sociaux que les autres
amènent.
Mme Marois: Oui, mais prenons-le sous l'autre angle, dans le sens
où ces personnes-là... C'est parce que vous vous en servez comme
argument dans l'autre sens. Ces personnes-là ont quand même... Si
elle est seule, cette personne-là, elle a un peu de temps, j'imagine,
à se trouver quelque part pour aller s'acheter ses biens de consommation
et même ses biens en matière d'alimentation. Si, en plus, que ce
soit pour les chefs de famille monoparentales ou pour des familles où
les deux parents travaillent, on allonge les plages du lundi, du mardi et du
mercredi, qu'on me dise que le monde n'y va pas même si c'est ouvert
maintenant, bien sûr, parce qu'ils savent qu'ils vont se
débrouiller autrement le dimanche. Mais si on sait que le dimanche,
ça va être plus compliqué, on va s'organiser pour aller
s'approvisionner autrement. D'accord? Donc, dans ce sens-là... Je ne
veux pas qu'on charrie non plus. Je vous comprends d'être un peu
heurtés par, des fois, des propos sur la qualité de la vie,
où on met...
Mme Guillot-Lemelin: On charrie, c'est ça
Mme Marois: ...là-dedans à peu près
n'importe quoi. Mais il reste - et là, c'est ça mon point
principal - qu'il me semble qu'il se dégage chez un grand nombre de
personnes. Les personnes âgées, entre autres, disent. Si on
pouvait se retrouver un jour un moment où il y a un peu moins
d'activités de production et de commerce, de telle sorte qu'on puisse
être plus nombreux à pouvoir se rencontrer, faire des loisirs,
etc., et ce, sans charrier et sans y mettre trop
d'émotivité...
Mme Guillot-Lemelin: D'accord.
Mme Marois: ...est-ce qu'on ne réussirait pas par d'autres
moyens à donner accès aux consommateurs et aux consommatrices
à d'autres heures pour qu'on puissent répondre à leurs
besoins qui sont réels, j'en conviens avec vous?
Mme Guillot-Lemelin: C'est sûr que, quand on étudie
un dossier de consommation, on regarde les désavantages et les
avantages, un peu comme tous les dossiers que vous étudiez en politique.
Mais on s'est dit qu'étant donné qu'on sait qu'il y en a qui ont
des besoins, on le voit par l'achalandage, et qu'il faudrait les combler
quelque part, en tant que consommateur - les consommateurs qui ne veulent pas y
aller, c'est évident qu'ils ne seront pas forcés d'y aller - il
n'est pas désavantagé. On a parlé des prix, etc. C'est
clair. (15 h 15)
Donc, la personne qui veut y aller, elle, les personnes surtout, la
forte proportion de personnes qui veulent s'y rendre, comment on peut diminuer
les désavantages. Évidemment, on traite des travailleurs à
ce niveau-là, on ne traite plus des autres consommateurs. Les autres
consommateurs feront ce qu'ils voudront le dimanche après-midi. Il y en
a qui n'iront jamais, mais aussi, n'oublions pas que parmi ceux qui s'opposent
actuellement, si on fait un changement à la loi, ils seront probablement
les premiers à y aller parce que le service n'est pas offert
actuellement Alors, ils ne peuvent pas y aller dans le supermarché, il
n'est pas ouvert.
Souvent, les gens qui s'opposent, c'est par souci des travailleurs.
C'est normal parce qu'ils ne veulent pas remettre le problème sur le dos
des travailleurs. Mais il y a les travailleurs qui sont disponibles
actuellement et qui le veulent, je le répète, les
étudiants, les femmes qui veulent retourner sur le marché du
travail. Pour certains, ça peut sembler un travail pas si
intéressant que ça, caissière dans un marché
d'alimentation, mais je peux vous assurer que pour bien des gens, bien des
femmes, bien des hommes - c'est sûr que pour la majorité, ce sont
des femmes - c'est une réinsertion dans la vie en société.
Travailler, vous savez comme moi que c'est important Donc, ces personnes. Il y
a quelque part des gens, d'après nous, qui seraient capables de combler
le moins 1 % qu'on vous a montré sur tableau ce matin sans toucher
à ceux qui sont déjà sur le marché du travail.
Là, évidemment, il y a toutes les interrogations en
disant. Là, vous allez faire cette ouverture aujourd'hui, et demain,
ça va en être une autre, ça va en être une autre.
Là, je m'excuse, mais l'alimentation est un secteur particulier. Il faut
le regarder comme un secteur particulier.
Pensons aux institutions financières. Vous, comme moi, vous
êtes sûrement contents de pouvoir éviter de vous
présenter à tout prix un vendredi après-midi parce que
vous n'avez pas eu le temps et de dire: Ce n'est pas grave, je vais aller au
guichet automatique. Les institutions financières ont pensé
à ce système. Ils l'ont fait pour qui? Ils l'ont fait pour nous,
consommateurs, et on s'en sert. C'est ce dont on parte, de nouveaux services.
C'est ça que ça veut dire dans les faits.
Donc, le reste du commerce au détail, je ne pense pas que... Il y
a le téléachat qui est une
forme aussi où il n'y a pas tant de travailleurs qui sont
impliqués; la commande que vous faites sur écran, il y a un
travailleur qui va la prendre le lundi matin, il n'a pas besoin d'être
là. Donc, je pense que le reste du commerce au détail, il ne faut
pas trop supposer que ça va venir si vite. Ce n'est pas si
évident que ça Évidemment, si ça a à venir
dans 20 ans, il faudra s'ajuster.
Donc, je ne voudrais pas qu'on dise: Bien là, vous ouvrez
l'alimentation, vous allez tout ouvrir. Il est possible qu'on fasse des
exceptions et qu'on le fasse pour l'alimentation. D'après moi, je pense,
Mme Marois, qu'il y a suffisamment de travailleurs, à moins que je ne me
trompe, que je sois carrément en dehors de la carte, mais je pense qu'il
y en a qui seraient d'accord pour le faire. Et si, à la rigueur, on se
rend compte qu'il n'y aura pas de travailleurs, on ne pourra pas
l'appliquer.
Mme Marois: Je reviendrai sur ça. Mon temps est
écoulé.
Le Président (M. Bélanger): Je cède la
parole au député de Nicoiet-Yamaska.
M. Richard: En quoi votre position est-elle différente
d'il y a un an et demi environ, lorsque votre organisme s'était
positionné en fonction des heures d'affaires? Quelle est la
différence aujourd'hui? Est-ce que le dossier, selon vous, a
évolué? Est-ce que c'est suite à un sondage? J'aurai une
question sur votre sondage auprès de vos membres par la suite.
Mme Guillot-Lemelin: D'accord La situation a évolué
certainement. Comme je l'ai dit tout à l'heure. Peut-être que je
n'ai pas été assez claire. C'est que nous, la position de ceux
qui sont les opposants qui disent qu'ils sont favorables au mercredi soir...
D'ailleurs, ça a toujours été une
spécificité à l'Association des consommateurs du
Québec, le fait qu'elle ait toujours été à
l'avant-garde. Elle a toujours pris des positions avant-gardistes,
l'Association des consommateurs, pas avant-gardiste 150 000 pieds en avant du
consommateur, au moins avant pour être capable de proposer des choses. Ce
n'est pas mieux d'être trop en avant, ce n'est pas mieux d'être
trop en arrière non plus. Donc, on a toujours été assez
à l'avant-garde pour être préventifs et amener de nouvelles
solutions.
Donc la position du mercredi soir, ça fait presque dix ans que
nous l'avons comprise. Évidemment, étant donné que, depuis
qu'on se rencontre en commission parlementaire où je vous ai vu, M.
Richard, il y a presque deux ans, bien, étant donné que les
choses n'ont pas changé, c'est évident que la situation change,
que l'actualité change.
En tant qu'association, on a réfléchi. Et on s'est dit:
S'ils sont en train de vouloir nous enlever des exceptions - et je le
répète, l'ali- mentation, on ne peut pas s'imaginer
d'empêcher les gens d'aller s'acheter des aliments le dimanche - si on
réduit ça à du petit dépannage, comme certains
disent, ça n'a pas de sens. On ne peut pas reculer et enlever un service
à la clientèle aussi important pour le consommateur.
On a donc eu peur de retirer ces exceptions. Donc, on s'est dit: On va
faire un compromis. On a eu une ouverture, c'est le cas de le dire, dans tout
le dossier des heures d'affaires. L'AC a pensé: Bien, peut-être
que le secteur de l'alimentation pourrait être une exception. Alors,
c'est ça qui fait la différence entre lorsqu'on s'est
rencontrés la dernière fois. On ose aller de l'avant par rapport
à toucher le dimanche, c'est le cas de le dire, mais pour
l'alimentation.
M. Richard: Maintenant, au niveau de votre sondage, si vous me
permettez, M. le Président, vous avez mentionné que vous aviez
environ 40 % des gens que vous avez sondés qui ont de la
difficulté à faire leurs achats dans l'enveloppe que nous
connaissons actuellement qui est une enveloppe de 62 heures.
Lors de votre sondage, votre sondage était-il en fonction de dire
que vous préfériez des aménagements sur semaine ou un
ajout additionnel d'heures le dimanche, ou si vous avez seulement
questionné dans le sens: Est-ce que vous seriez en faveur d'un
élargissement des heures d'affaires le dimanche? Je le
répète: Est-ce que vous avez posé aussi la question pour
des heures en ajout sur semaine, en alternative? Ou si les gens disaient: Nous,
on veut les deux; on veut un ajout sur semaine et le dimanche en plus, ou si
c'était tel quel sur semaine, avec l'ajout du dimanche?
Mme Guillot-Lemelin: La référence que vous faites,
je pense, c'est au sondage que l'Association avait faite vers 1987, qu'on avait
présenté à la dernière commission. Je ne sais pas
si c'est de celui-là dont vous parlez là. Oui, on avait
posé des questions, soit un prolongement en heures de semaine, par
rapport au dimanche, mais, étant donné que ça concernait
l'ensemble des commerces, on ne peut pas se baser sur les mêmes choses
parce qu'aujourd'hui, on parle de l'alimentation.
M. Richard: Je m'excuse, non, c'était en
référence à vous-même tout à l'heure. Vous
avez dit que 43 % ou 44 %, de mémoire, des gens ont de la
difficulté à faire leurs achats.
Mme Guillot-Lemelin: Ce n'est pas l'Association des consommateurs
du Québec, c'est le Conseil économique du Canada. C'est une
donnée.
M. Richard: Mais vous, vous n'avez pas fait cette
vérification auprès de vos membres cette fois-ci?
Mme Guillot-Lemelin: Cette fois-ci. Récemment
là?
M. Richard: Oui, oui.
Mme Guillot-Lemelin: II y a un an, on l'a fait pour
l'alimentation exclusivement, quand j'ai parié de 52 %.
M. Richard: Ah bon! merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: D'abord, je voudrais reprendre une affirmation que
vous avez faite qui, à mon sens, est très juste. Vous dites: La
clientèle, le consommateur n'est plus homogène comme il l'a
déjà été. Ça, je pense que vous touchez
là quelque chose de fondamental, qui fait que des changements se sont
opérés au cours des années chez le consommateur. Alors, un
petit peu comme la question que je posais avant le dîner à des
gens de la coalition contre, est-ce que la qualité de la vie, ce n'est
pas quelque chose d'un petit peu relatif? Oui, justement parce que nous ne
sommes plus une société homogène. Elle est
constituée d'individus de plus en plus différents, de structures
familiales très différentes. C'est ce qui fait que, de toute
façon, toutes les études de marketing font en sorte que les
entreprises offrent des produits dans des niches toujours plus
spécialisées aux consommateurs, toujours des produits de plus en
plus pointus pour aller chercher justement tel ou tel type de
consommateurs.
Cela dit, je crois que vous avez raison de dire que le consommateur
n'est plus homogène du tout. Ma question est sur la qualité de
vie. Je ne vous cacherai pas que je trouve que les commentaires que nous avons
sur la qualité de vie sont vraiment à l'opposé, que l'on
entende des gens qui sont pour ou des gens qui sont contre. Avec une
réalité X, pour vous, ça améliore la qualité
de la vie, ça la rend meilleure et, pour les opposants, ça
rempire de façon épouvantable la qualité de la vie. En
tout cas, je pense qu'un jour ça va prendre Salomon pour trancher
là-dedans, mais...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Leclerc: Non, mais tout ça pour vous dire que vous
dites que le fait d'ouvrir le dimanche, ça va augmenter la
qualité de vie des consommateurs, alors que, ce matin, les gens nous
disaient: Non, au contraire, ils vont avoir moins de temps pour la culture,
pour ceci, pour cela. Les gens, ce matin, nous disaient que, d'ouvrir le
dimanche, ça va gâter la qualité de vie des travailleurs et
vous, vous dites: Non, bien au contraire, il y a même des chômeurs
qui vont pouvoir améliorer leur qualité de vie parce qu'ils vont
avoir un revenu supplémentaire.
Cela dit, on a vraiment une grande plage entre les opinions pour un fait
bien précis, qui est, par exemple, dans le cas qui nous occupe, le fait
que des gens vont avoir à travailler le dimanche. Ma question est
justement là-dessus. Vous dites: Des gens vont avoir à travailler
le dimanche. C'est mieux de travailler à temps partiel que de ne pas
travailler du tout. Tout le monde est d'accord avec ça. Monsieur a dit:
On s'adresse à une classe de travailleurs relativement bien
protégés, compte tenu qu'il y a un certain nombre d'entreprises
syndiquées là-dedans.
Cependant, je suis moins d'accord, et c'est là-dessus que porte
directement ma question, sur le fait que ça va créer de nouveaux
emplois. Connaissant un petit peu le domaine, mais pas autant que mon
collègue de Nicolet, on sait que ces entreprises-là fonctionnent
par pourcentage de main-d'oeuvre par département. Moi, je
soupçonne que, si, dans un département de fruits et
légumes, parce qu'on est ouvert le dimanche, le pourcentage de
main-d'oeuvre augmente, il y a quelqu'un qui va écoper le lundi ou le
mardi. Alors, je suis loin d'être convaincu qu'on va avoir une
augmentation du nombre d'emplois.
Également, si, dans un district donné, dans une ville
donnée, un supermarché va chercher une partie des affaires d'un
dépanneur, on risque bien plus d'avoir un transfert de types d'emploi.
Ce n'est pas nécessairement le même employé qui va passer
du dépanneur au supermarché, mais il y a des emplois qui seront
peut-être perdus dans un dépanneur et qui seront
créés dans un supermarché. Donc, lorsque vous me dites que
c'est mieux de travailler à temps partiel que de ne pas travailler, j'en
conviens, mais ça, ça sous-tend que l'on tienne pour acquis qu'il
y aura une augmentation du nombre d'emplois total dans l'alimentation, et, moi,
je n'en suis pas convaincu Peut-être que oui, mais je vous demanderais
d'essayer d'étayer le fait que vous pensez, vous, que ça va
créer de nouveaux emplois.
Mme Guillot-Lemelin: Je n'ai pas vraiment insisté, en
termes de création de nouveaux emplois. Ce que j'essayais de
présenter, et peut-être que je l'ai mal fait, c'est qu'il y a
sûrement quelque part des travailleurs qui sont prêts à
travailler dans les marchés d'alimentation le dimanche
après-midi. Si ce n'est pas de nouveaux emplois de créés,
si on dit qu'il y a environ 70 % des emplois dans les supermarchés, qui
sont à temps partiel, les gens qui sont à temps partiel vont
peut-être aimer avoir quelques heures de plus, justement pour avoir une
semaine un peu plus longue d'heures de travail. Peut-être
que ce sera ces gens-là qu'on ira chercher. La personne qui travaille le
jeudi soir et le vendredi soir sera peut-être intéressée
à avoir quelques heures de plus qui s'ajoutent à son horaire.
Aussi, pour
revenir à tout ce que vous disiez au début de votre
présentation, il y a une perception très différente de la
part des opposants et de la part des pour, c'est évident. Mais je pense
que c'est aussi basé sur la compréhension du consommateur dans
les années quatre-vingt-dix. C'est important de comprendre le
consommateur tel qu'il est, de ne pas l'imaginer, et, nous, en tant
qu'association de consommateurs, de ne pas lui dicter des façons d'agir.
On n'est pas là pour dicter aux gens comment agir. On est là pour
les conseiller. Et ce sont les gens qui décident de leurs habitudes
d'achat. C'est un peu comme dans la langue, c'est l'usage qui détermine
une langue. Donc, en consommation, ce sont les habitudes des gens qui
déterminent ce dont ils ont besoin ou non.
Pour revenir à votre question, en termes de création
d'emplois, je pense qu'à travers les travailleurs à temps
partiel... Moi, j'insiste tellement. Il y a une commission parlementaire en
même temps que nous, aujourd'hui, sur les frais de scolarité.
J'enseigne à l'université et, en consultant les étudiants,
je me disais: Laissez-moi vous dire qu'il y en a qui songent
sérieusement, ceux qui n'ont pas d'emploi, à s'en trouver et
ça va presser. Il me semble qu'il y en a des gens pour ça.
Le Président (M. Bélanger): M. Pedneault.
M. Pedneault: Oui. J'ajouterais aussi, au début de votre
présentation, qu'on ne dit pas, pour contrebalancer: Ça va
être extraordinaire, l'ouverture des commerces d'alimentation le
dimanche. Ça va améliorer extraordinairement la qualité de
vie. Par contre, le scénario pessimiste ou apocalyptique même...
Ce qui est étonnant, c'est de voir qu'on donne tant d'importance
à quelque chose qui est, en tout cas, relativement... Si l'ouverture des
commerces en alimentation le dimanche a cet impact-là sur la
société québécoise...
M. Leclerc: Je suis un petit peu d'accord avec vous. Vous avez
fait mention...
M. Pedneault: C'est ça, il y a une démesure.
M. Leclerc: ...des visites des parents âgés, c'est
un petit peu tiré par les cheveux.
M. Pedneault: On ne dit pas que la qualité va être
extraordinaire pour 100 ans à venir, mais ça va au moins aider un
peu pour les... Entre autres, je suis monoparental, et la difficulté que
j'ai à agencer mon horaire, ma gestion du temps, par rapport à
tout ça, je le vis, moi, concrètement. J'ajouterais... Je ne sais
pas si je peux faire ça, ajouter des choses pour Mme Marois.
M. Leclerc: Enfin, c'est sur notre temps, mais...
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, on
va...
M. Leclerc: À moins que vous m'attendiez, tout à
l'heure.
Le Président (M. Bélanger): ...s'en tenir aux
questions. Alors, M. le député de Drummond.
M. Saint-Roch: Merci, M. le Président. Dans le
mémoire, vous élaborez sur la qualité des produits,
prétendant qu'on aura une meilleure rotation des produits
périssables et, conséquem-ment, une fraîcheur accrue, un
choix varié et abondant de produits, un meilleur étalement des
aubaines. Ce matin, on a eu des gens qui étaient contre l'ouverture des
commerces d'alimentation le dimanche venir nous dire: Attention, messieurs et
mesdames de la commission parlementaire, vous savez, il y a de la
réglementation, il y a une loi qui régit toutes les
matières périssables. Au niveau de la salubrité et de
l'hygiène, nous sommes obligés, au moins une fois la semaine,
soit le samedi soir à ce moment-ci, de vider nos comptoirs, ce qui nous
permet d'avoir un bon nettoyage, que ce soit des fruits, des légumes ou
de la boucherie. Dans l'éventualité d'une ouverture de sept
jours, il y aurait donc peut-être un danger potentiel au niveau de la
salubrité, de l'hygiène et de la santé publique.
J'aimerais entendre vos commentaires sur une position de cette
nature-là.
Mme Guillot-Lemelin: Là-dessus, monsieur, je pense que ce
n'est pas une gestion hors pair d'être capable de savoir quand il faut
nettoyer les comptoirs. Je pense que c'est clair. Supposons que les
marchés sont ouverts sept jours, en tout cas, une partie... Aussi, le
dimanche, ne l'oublions pas, c'est de midi à 17 heures. Donc, il y a le
dimanche matin auquel on ne touche pas, je le précise. Moi, j'ai
été membre, l'année dernière, par rapport aux
Annuelles de l'alimentation. J'ai visité des supermarchés, j'ai
visité des petites et moyennes surfaces et il y a des gens, dans
l'alimentation, qui ont vraiment le souci que ce soit très très
très propre, d'autres qui l'ont moins. Je pense que ce n'est pas
ça qui va régler le problème de la salubrité dans
les comptoirs. La salubrité dans les comptoirs, ça prend une
détermination, une vérification importante du commerçant,
et le faire continuellement pour que ce soit propre. Alors, c'est
évident et même je ne pense pas qu'il y ait aucun problème
à nettoyer ça d'une façon régulière, de
passer un chiffon quand c'est sale.
M. Pedneault: Je répondrais: Si ça se fait dans les
dépanneurs, sept jours sur sept, je ne vois pas pourquoi un
supermarché n'arriverait pas à faire ça, logiquement. (15
h 30)
M. Saint-Roch: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. Mme la députée de Taillon, il vous reste cinq
minutes.
Mme Marois: M. le Président, je ne reprendrai pas la
question du député de Taschereau, mais, effectivement, j'ai un
petit peu les mêmes interrogations qu'il a soulevées sur la
création d'emplois, parce que les 10 %... Vous m'avez dit, là, je
ne l'ai pas inventé, je pense que, madame, vous avez dit:
Écoutez, vous ne pouvez pas, vous, Mme Marois, avec le taux de
chômage que l'on a, si on crée de l'emploi. Or, il apparaît
évident dans tout ce que l'on a vu comme documents, tant par le
ministère que par d'autres intervenants qui sont venus devant nous,
qu'il y a une certaine forme de saturation actuellement et qu'on
s'échange les parts de marché.-..Donc, il va y avoir des
transferts. Même les gens de la coalition pour, ce matin, dont les
détaillants nous ont dit: II y a une cohue - c'est même dans la
coalition - certains soirs; en étalant le dimanche, on va étaler
aussi la cohue. Enlevons le mot "cohue". Il y a beaucoup de monde, on va
l'étaler...
M. Jolivet: L'achalandage.
Mme Marois: l'achalandage. On disait même: On est
obligés d'investir beaucoup de personnel les jeudis, vendredis et
samedis; ça nous cause des heures de pointe compliquées; donc, on
va l'étaler, ce qui veut dire que ce sont des travailleurs qui vont se
déplacer, peut-être pas eux spécifiquement, peut-être
pas celui qui travaille le vendredi soir, mais on s'entend, d'accord? Donc, je
trouve qu'il faut être un petit peu prudent aussi là-dessus, sur
l'effet quant à l'emploi.
Deux éléments. Vous suggérez de midi à 17
heures, autour de 17 heures. Il y a une autre hypothèse qui est
envisagée, qui donne exactement le même nombre d'heures. Il y a
une hypothèse qui dit: Ouvrons la plage un peu plus longuement le lundi
d'une heure, le mardi d'une heure et le mercredi de trois heures. Il y a une
des hypothèses qui était celle-là. Quand on regarde, c'est
le même nombre d'heures. Alors, dans ce sens-là, ça permet
à des gens d'avoir plus de temps à des personnes qui n'en ont
pas. Et je vais revenir sur cet aspect sur lequel on revient tout le temps,
parce que si on pense qu'on charrie dans un sens, on charrie aussi dans l'autre
sens parfois. Quand on me dit: Les chefs de familles monoparentales ont un
problème de gestion du temps, j'en conviens et j'en suis. Mais moi, je
pense que, souvent, le problème des chefs de familles monoparentales,
c'est d'avoir l'accès à d'autres types de ressources, que ce soit
de la garde ou de l'aide financière, dans certains cas, il y a aussi le
temps, mais il y a souvent, d'abord, cette première question. Donc, je
dis qu'il faut faire attention un petit peu.
Donc, cinq heures pour cinq heures, ça allonge, en tout cas, le
temps disponible pour les consommateurs et les consommatrices.
Dernier élément. Après ça, je vous laisserai
tout le temps pour donner la réplique, pour me donner les informations
que vous vouliez me donner. C'est M. Pedneault qui a dit: Mais qu'est-ce que
c'est que cette espèce de débat qui fait qu'on a l'impression de
revirer le monde à l'envers quand on parle de la question des heures
d'ouverture? Je pense qu'il y en a un débat de société
dans ça, où on a l'impression que nous échappe un concept
qui avait fait, jusqu'à un certain point, l'unanimité entre nous,
à savoir qu'il y avait, dans la semaine, un moment où - je ne me
répéterai pas, là - on réduisait un peu les
activités. Et c'est ça, dans le fond, qui soulève tant
d'émotivité, à mon point de vue. C'est toute cette
réalité-là qu'on a l'impression qui nous échappe,
qui s'en va, que l'on perd. On a l'impression de perdre quelque chose, et c'est
pour ça que ça soulève tant d'émotivité. Si
ce n'était qu'une question de dire: Trois heures de plus, trois heures
de moins, je tasse un peu de temps-là. Je pense que c'est beaucoup plus
profond que ce que l'on pense. Et c'est le résultat justement de cette
profondeur comme problème, comme réalité, auquel on
s'attaque qui fait que ça soulève autant d'interventions et
d'émotivité.
M. Pedneault: Je suis content que vous reveniez sur ce
troisième point-là, c'est là-dessus que je voulais
revenir. Je pourrais pousser à l'absurde un peu votre raisonnement,
votre argumentation. Il y a tout le secteur du travail où les gens sont
obligés de travailler, les hôpitaux que vous avez
mentionnés tout à l'heure. Il y a plein d'autres secteurs
d'activité où les gens choisissent de travailler
également. Je me dis, pour être cohérent aussi, il faudrait
dire que les librairies qui sont ouvertes, les cinémas, les
théâtres, les activités de loisirs, les dépanneurs,
tout ce qui est imaginable et que tout le monde connaît, pour être
cohérent, pour se donner comme société une journée
par semaine, pourquoi ne pas fermer tout ça, pour conserver une
société harmonieuse et tout ça? Ce que je ne comprends pas
dans le raisonnement, c'est comment ce secteur d'activité là va
venir bouleverser, alors que toutes ces autres activités-là qui
sont importantes aussi, les restaurants et tout ça, ça en fait du
monde qui travaille là-dedans...
Mme Marois: Est-ce que vous me permettez de dire que j'ai
justement abordé ça dans mon intervention de départ en
disant que, peut-être que l'une des hypothèses - et
là, ne me faites pas dire ce que je ne dirai pas - serait d'envisager...
Dans les secteurs manufacturiers où ce n'est pas tout à fait
nécessaire et tout à fait utile, peut-être qu'on devrait
envisager de
réduire encore un peu le nombre de secteurs où on a
à travailler le dimanche? C'est une des questions que j'ai
soulevées. D'accord? Pour être cohérente aussi.
M. Pedneault: Oui. Non, non. C'est que je pourrais pousser
à l'absurde aussi toute cette question-là.
Mme Marois: Oui, je comprends bien.
M. Pedneault: L'autre, le temps disponible sur la semaine... Je
vais plus parler de mon expérience personnelle de gestion de temps.
Quand je finis de travailler au bureau à 17 heures - et j'essaie d'avoir
des horaires aussi et mon emploi me le permet - il faut que j'aille chercher
mon gars à l'école, à la halte-garderie, le temps de le
prendre, je le ramène, on est rendu à 18 heures, le souper n'est
pas fait, les devoirs ne sont pas faits. Que ça soit le lundi soir ou...
Le seul soir que j'ai de libre où on peut relaxer un peu, c'est le
vendredi soir. On court moins. Mais les autres soirs de la semaine, que vous
m'ouvriez l'épicerie le lundi soir ou le mercredi soir, je n'ai pas plus
de temps de disponible là-dessus parce que j'ai à "rusher" avec
lui. Je ne veux pas le traîner à l'épicerie, courir - j'ai
couru toute la journée - à l'épicerie et faire ça.
Mme Guillot-Lemelin avait souligné ça. C'est sept jours sur sept,
la qualité de vie. Ce n'est pas juste une journée par semaine.
C'est essayer de voir, se donner des conditions sept jours sur sept et penser
en fonction de ça. Et moi, en tout cas...
Le Président (M. Bélanger): Merci M. Pedneault:
O.K.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la députée de Taillon, si vous voulez remercier notre groupe,
nous en sommes rendus aux conclusions.
Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution à nos
travaux, de votre éclairage et de l'honnêteté de nos
échanges. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Juste une remarque qui a
été faite. Ça peut devenir émotif parce que les
gens peuvent avoir l'impression de perdre quelque chose si jamais il y avait
ouverture le dimanche. Alors, je ne fais que poser la question. Combien
émotif est-ce que ça va devenir pour ceux et celles qui vont
perdre quelque chose si on doit faire marche arrière?
J'ai mentionné au début, hier, lorsqu'on a
commencé, que ça serait très difficile. J'ai dit qu'on
s'apercevrait que c'est très difficile de cerner avec exactitude les
notions de besoins réels et de qualité de vie. J'ai
mentionné que ce qui va apparaître comme une condition sine qua
non de qualité de vie pour certains, ça représente au
contraire une diminution de la qualité de vie pour d'autres. Alors, j'ai
ajouté qu'une des tâches de cette commission, c'est justement
d'essayer de réconcilier cette dualité. Alors, dans ce
sens-là, Mme Guillot-Lemelin, Mme Gilbert et M. Pedneault, je vous
remercie beaucoup de l'information que vous nous avez donnée et nous
allons la prendre en considération dans la solution finale. Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des consommateurs du
Québec de sa participation à nos travaux et des éclairages
qu'ils nous ont apportés et invite à se présenter à
la table des témoins, la Fédération des associations
coopératives d'économie familiale, c'est-à-dire les
ACEF.
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux
pour entendre la Fédération des associations coopératives
d'économie familiale. M. Nantel, que nous avons d'ailleurs vu plus
tôt ce matin, vous pouvez nous présenter les gens qui vous
accompagnent. Vous aurez 20 minutes pour nous faire part de votre
mémoire et, ensuite, il y aura période de questions de chaque
côté. On vous demanderait, pour le bénéfice de ceux
et celles qui ont à transcrire nos débats, de bien vouloir vous
nommer avant de parler.
Fédération des associations
coopératives d'économie familiale
M. Nantel: Merci. Yves Nantel. M. le Président, M. le
ministre, Mmes et MM. de la commission parlementaire, je vous remercie de nous
donner l'opportunité de venir donner notre opinion sur ce débat
qui a lieu actuellement.
Je vais tout de suite vous présenter les deux personnes qui vont
contribuer à vous donner notre opinion. J'ai, à ma droite, Mme
Carole Gadoua; à ma gauche, Mme Lise Goulet, qui sont toutes deux
membres de la Commission de pratiques commerciales de la
Fédération des ACEF.
Premièrement, juste une petite mise au point: On va avoir besoin
pour travailler de deux documents, le mémoire évidemment, mais
aussi deux documents que j'ai déposés seulement hier au
Secrétariat des commissions, qui est un nouveau graphique; il y en a un
à la fin du mémoire, mais il y a un nouveau graphique qui
complète le graphique que nous avons dans notre mémoire, et le
document qui s'appelle "Commentaires sur le sondage de la Coalition pour
l'équité et le libre accès aux marchés
d'alimentation" qui est présenté par M. Jean-Paul Voyer,
professeur titulaire au département de mesures et évaluation de
l'Université Laval.
Le Président (M. Leclerc): Bien. M. le secrétaire
nous dit qu'il va devoir vérifier pour voir si on a bel et bien eu
ça. Si on l'a eu, il n'y a pas de problème pour que ça
puisse être distribué aux membres de la commission.
M. Nantel: Ça a été déposé
hier après-midi, dans le courant de l'après-midi.
Le Président (M. Leclerc): Ça va?
Le Secrétaire: Oui, oui, ça va. On va le distribuer
aux membres.
M. Nantel: Et ça revient vers la fin, de toute
façon, de notre exposé...
Le Président (M. Leclerc): Si je comprends bien, vous
apprécieriez que ce soit distribué aux membres de la
commission.
M. Nantel: S'il vous plaît, parce qu'on aura à
suivre, du moins sur le graphique quand... C'est assez important.
Le Président (M. Leclerc): On procède. Ça
va. Vous pouvez y aller.
M. Nantel: Je vais tout de suite amener la question qui va venir
parce qu'elle vient à tous les groupes: C'est quoi, la
représentativité de notre groupe? Alors, on a deux façons
d'acquérir un "membership". La première façon, c'est un
"membership" individuel et la deuxième façon, c'est un
"membership" corporatif; traditionnellement dans les ACEF, ça s'est
toujours fait comme ça. On a quelque 3000 membres individuels et quelque
175 organismes corporatifs, dont une dizaine de caisses populaires, une
centaine de groupes communautaires, des CLSC, des syndicats locaux et
régionaux, des coopératives d'habitation, etc. Je pense qu'il ne
serait pas opportun de faire le décompte des membres des caisses
populaires parce que, évidemment, les membres corporatifs
n'adhèrent pas nécessairement sur la base d'un dossier, ils
adhèrent sur la base de l'ensemble de notre travail qu'on fait. Et on ne
peut pas dire que les membres de ces caisses populaires ont été
consultés; ce ne serait pas correct de dire ça.
Par contre, la structure de la Fédération des ACEF
comprend quand même onze associations régionales comprenant
chacune son propre conseil d'administration, son propre comité de
travail et ses propres dossiers d'intervention parce que la
Fédération n'est qu'une fédération d'associations
et ces onze associations sont présentes sur une bonne partie du
territoire du Québec. Je ne veux pas embarquer nécessairement
là-dedans.
Comme introduction, je vous ferai remarquer qu'évidemment notre
position se démarque assez largement de certaines autres associations de
consommateurs en ce sens que nous avons privilégié une approche
globale de la situation et nous avons utilisé une grille d'analyse qui
est la grille écologique en écologie humaine et sociale qui nous
obligeait à considérer l'ensemble des facettes du
problème, non seulement la facette économique comme
consommateurs, mais aussi la facette sociale, autant sur les perturbations
à court terme pour les consommateurs que sur les perturbations à
long terme sur l'ensemble de la vie en société. Alors, nous
allons vous présenter notre analyse et elle va être divisée
en cinq points. (15 h 45)
Le premier point: Comment voyons-nous les besoins des consommateurs en
matière d'accès aux biens de consommation? Deuxièmement,
comment voyons-nous aussi le consommateur comme étant une personne
vivant en société avec d'autres besoins que des besoins de
consommer ou de s'approvisionner en consommation? Troisièmement, les
conséquences à court, moyen et long termes sur les consommateurs
et la vie en société. Quatrièmement, nous aborderons
l'analyse des sondages qui sont faits depuis 1987, parce qu'on en a fait
état énormément et abondamment de ces sondages. Et,
cinquièmement, les recommandations de la Fédération des
ACEF pour, croyons-nous, solutionner le mieux possible, parce qu'on ne croit
pas qu'il y ait de solutions miracles, le problème des heures
d'ouverture actuellement au Québec. Alors, je passe la parole à
Mme Goulet qui va vous introduire les deux premiers points.
Le Président (M. Leclerc): Mme Goulet.
Mme Goulet (Lise): Bonjour, monsieur, mesdames. Je commencerai la
présentation de notre mémoire en tentant de cerner le besoin
d'accès aux biens de consommation de la part des consommateurs.
D'après notre expertise en tant qu'association de consommateurs et
d'après notre analyse de la conjoncture actuelle, il est évident
qu'il existe un certain problème d'accès aux biens de
consommation pour les consommateurs étant donné la nouvelle
réalité socio-démographique Par exemple, la progression de
l'entrée des femmes sur le marché du travail est l'un des
principaux facteurs expliquant la diminution du temps disponible pour le
magasinage. Par contre, il serait bon de pondérer ce besoin
d'accès en sachant qu'en 1987, 23 % de l'ensemble de la main-d'oeuvre
féminine travaillait à temps partiel et qu'en
général le taux de chômage féminin est
supérieur au taux de chômage masculin.
De plus, il est abusif d'invoquer aussi souvent le
phénomène de l'augmentation de la monoparental ité pour
justifier les besoins d'accès justement aux biens de consommation,
puisque 62,4 % des chefs de famille monoparentale sont inactifs, c'est
à-dire sans emploi, et 33,4 % des chefs de famille monoparentale vivent
de l'aide
sociale. Donc, dans leur cas, ce n'est pas le temps pour magasiner qui
leur manque mais plutôt le pouvoir d'achat, dans la plupart des cas.
Donc, on tenait à pondérer ce phénomène.
Enfin, la tendance vers une diminution des heures hebdomadaires de
travail et la récente introduction du magasinage électronique,
quoiqu'on n'ait pas d'étude qui démontre, qui nous amène
des chiffres à ce sujet, sont d'autres facteurs nous amenant à
relativiser le problème d'accès pour les consommateurs. Ce sont
des tendances qu'on devra observer dans l'avenir.
Donc, effectivement, nous reconnaissons qu'il existe un besoin
réel de réaménager les heures d'ouverture et ce, afin de
répondre aux problèmes d'accès aux biens de consommation.
Par contre, l'utilisation quelque peu démagogique de certains
phénomènes nous oblige à pondérer ce
problème d'accès. Donc, il y en a un, mais il ne faut quand
même pas - c'est ça - prendre pour acquis tous ces
arguments-là de la façon que ça a été
présenté jusqu'à maintenant.
Maintenant, la deuxième partie. Je vais vous parler du
consommateur en tant qu'être global parce que, comme le mentionnait M.
Nantel, notre réflexion sur la problématique ne s'est pas
limitée à une simple approche, un consumérisme
étroit, c'est-à-dire que nous avons analysé les besoins du
consommateur en tant qu'être global plutôt que simple être de
magasinage.
Ce que ça signifie, selon nous, c'est qu'au fond le consommateur,
en dehors de son travail, en dehors de son sommeil, tout ça, il a besoin
d'occasions, premièrement, pour entretenir des relations avec les autres
individus: que ce soit sa famille, que ce soient ses amis, etc. En tout cas,
même si certains pensent. C'est un exemple. Que ce soit pour visiter des
personnes dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, que ce soit pour
pique-niquer, pour faire des randonnées, on a besoin de temps commun
pour justement profiter de ces occasions-là On a besoin d'occasions
aussi pour décompresser psychologiquement, soit en assistant à
des activités de plein air, à des spectacles, à des
expositions, à des activités culturelles, de loisir, ou tout
simplement en allant dans la nature.
Et, à ce sujet-là, justement, on a juste à regarder
l'augmentation de la participation aux différentes activités
telles: Cités cinés, Imax, les expositions en plein air de l'OMS.
Depuis quelques années, il y a vraiment une augmentation de la
participation à ces activités-là. Donc, il y a toute une
infrastructure culturelle et de loisir qui s'installe au Québec et,
d'après nous, ça démontre un autre besoin du consommateur.
Donc, ce n'est pas seulement le fait de magasiner mais il y a un besoin aussi
de décompresser psychologiquement. Et, au Québec, ces occasions
privilégiées justement d'entretenir des liens, de
décompresser etc., c'est principalement le samedi soir et le dimanche
qu'elles sont exercées.
À cet effet, on a lu un sondage de Léger-Léger de
novembre 1988 concernant la vie montréalaise - on n'a pas les
données pour Québec, c'est vraiment un sondage qui a
été fait pour Montréal - qui dit qu'il y a seulement 15 %
des Montréalais qui ne se retrouvent pas avec les membres de leur
famille immédiate durant la fin de semaine. Au fond, il y a 45,8 % des
Montréalais qui profitent du dimanche pour visiter leurs parents, leur
famille immédiate et il y en a 20,7 % qui profitent de toute la fin de
semaine pour la visiter. Donc, il y a seulement 15 % des Montréalais qui
n'utilisent pas ce temps-là pour visiter la famille.
Une autre donnée de ce sondage qu'on trouvait fort importante,
c'est lorsqu'ils ont demandé aux Montréalais de manifester leur
préférence pour certaines journées, pour certaines
activités; le magasinage le dimanche n'a obtenu que 2 %
d'adhérents. Il y a seulement 2 % des personnes qui
préféreraient magasiner le dimanche. Donc, selon nous, c'est
très très révélateur, c'a été fait en
novembre 1988 et ça parle beaucoup. On pourra dire: Oui, mais c'est
Montréal. En région, souvent, la structure familiale est beaucoup
plus développée, donc, selon nous, on pourrait s'attendre
à des pourcentages encore plus élevés en région -
je parle du niveau familial.
Ces moments communs dont la plupart des gens profitent pour nouer les
liens, pour partager, pour échanger ou pour s'adonner aux diverses
activités culturelles et sociales, c'est ce qu'on appelle, nous, le
minimum de conformité sociale. Selon nous, il est essentiel de
préserver ce minimum de conformité sociale pour qu'une vie
sociale équilibrée soit maintenue au Québec. Donc, il est
important qu'une journée par semaine soit exempte d'activités de
travail et de commerce pour le plus grand nombre possible de
Québécois et ce, afin de préserver ces occasions
privilégiées. C'est le dimanche que notre culture et notre
tradition ont choisi pour exercer ces activités. C'est terminé
pour moi.
Le Président (M. Leclerc): Bien. M. Nantel, je voudrais
vous confirmer qu'on est à distribuer les deux documents dont vous nous
avez parlé.
M. Nantel: Parfait
Le Président (M. Leclerc): Bien. Vous pouvez
continuer.
M. Nantel: Le troisième point de notre exposé
concerne les conséquences à court, à moyen et à
long terme pour les consommateurs et la vie en société. Une
première conséquence, pour nous, de l'ouverture des magasins le
dimanche... Parce qu'il faut faire une mise au point aussi au départ.
Pour nous, l'ouverture des magasins d'alimentation le dimanche n'est qu'une
étape à très très court terme vers l'ouverture
généralisée de l'ensemble des commerces le
dimanche, et je pense que plusieurs personnes avant nous l'ont
spécifié. On ne croit pas à une loi qui ne
réglementerait que les marchés d'alimentation le dimanche. Donc,
dans cette perspective, on ne peut pas analyser les conséquences
uniquement à partir de l'ouverture des marchés d'alimentation le
dimanche.
Premièrement, on pense que, de façon
générale, on en arriverait à une augmentation des prix des
produits qui est due, je pense qu'on l'a mentionné déjà
depuis le début de la commission parlementaire, au fait qu'il n'est pas
possible ou très difficile d'élargir l'ensemble du chiffre
d'affaires, et nous avons quelques chiffres à ce niveau-là. Le
pouvoir d'achat des consommateurs a diminué, depuis dix ans, de 6 %. Le
pouvoir d'achat familial - on pourrait dire que, lorsque les deux conjoints
travaillent, le pouvoir d'achat augmente - c'est la même chose; le
pouvoir d'achat familial a stagné depuis ces dernières
années. Le pouvoir d'emprunt des consommateurs est rendu à un
taux de 28 % du revenu personnel pour rembourser leurs dettes, la cote d'alerte
dans les banques et les caisses étant autour de 30 %, et, si on pense
que les consommateurs iraient chercher de l'argent en banque pour consommer
davantage, de 1982 à 1988, on est passé à un taux
d'épargne de 18 % à 6 % au Québec. On est sur le bord de
la récession et c'est grave. Les consommateurs ne sortiront pas plus
d'argent pour aller magasiner le dimanche. À ce moment-la, où
prendrons-nous l'argent pour augmenter le chiffre d'affaires, pour augmenter
les profits on l'argent pour payer les frais supplémentaires
occasionnés par l'engagement de travailleurs supplémentaires, par
les assurances supplémentaires, par les frais de publicité, etc.?
C'est évident que cette logique-là ne s'applique pas de
façon linéaire. Il y a tout le jeu de la concurrence qu'on peut
faire jouer là-dedans, mais au moment où ça ne s'applique
pas, ce qui est clair, c'est qu'on assiste a une concurrence acharnée
entre les différents commerçants pour s'approprier des parts du
marché et on n'est pas tellement plus avancé. De toute
façon, il y a un risque très grave d'augmentation des prix des
produits qui seront soumis à l'ouverture des magasins le dimanche.
Une deuxième perturbation à court terme - j'en ai
parlé ce matin dans l'exposé de la Coalition contre l'ouverture
des commerces le dimanche, et je ne veux pas m'étendre longtemps -
concerne les conditions de vie et de travail des travailleurs et travailleuses
du commerce et des propriétaires de magasins aussi.
L'autre élément aussi, c'est l'entraînement probable
de coûts sociaux: force constabulaire, transport en commun, garderie,
transport routier, etc. C'est à très court terme
Par contre, un autre point important - encore ce matin, j'ai
été obligé d'utiliser les arguments qu'on doit
présenter aujourd'hui, cet après-midi - c'est tout le
phénomène qu'on appelle d'une plus grande commercialisation de la
vie. Une plus grande commercialisation de la vie, on la définit comme
étant le phénomène par lequel la vie se calque de plus en
plus sur les activités commerciales. À notre point de vue, le
fait d'aller magasiner le dimanche et de l'associer à des
activités de loisir, à des activités de culture ou
à des activités de détente, et que l'objectif premier, ce
soit de faire acheter des produits en utilisant toutes les techniques de
marketing et de publicité conséquentes, qui sont normales dans
notre société actuelle pour faire vendre des produits, à
cause de la concurrence entre les différents commerçants, il ne
faut pas nier que les gens vont ainsi se reconnaître dans les
activités commerciales, donc de magasinage, au détriment des
activités d'épanouissement personnel ou de relations entre les
individus.
Cela ne sera pas l'apocalypse, comme certains tentent de nous le faire
dire, mais ça va constituer un appauvrissement du tissu social.
Appauvrir, ça se fait graduellement, à moyen terme, à long
terme. Ça ne se fait pas tout d'un coup et on ne s'apercevra pas du
résultat le lendemain matin que la loi va être passée. Ce
sont des conséquences à long terme qu'on anticipe et qu'on croit
qui vont arriver chaque fois que les consommateurs vont préférer,
comme je le disais ce matin, une aubaine de 30 % sur un objet ou sur un produit
ou amener les enfants dans un centre commercial qui a organisé un
spectacle pour les enfants ou un chanteur populaire, etc. Les publicitaires en
ont, des idées, et les responsables en marketing en ont plein
d'idées. Ils paient des spécialistes pour en trouver. Ils vont
les attirer, les gens, dans les centres commerciaux. Et c'est normal que les
gens aillent dans les centres commerciaux. Mais ce qu'il faut prévoir,
ce sont, effectivement, les conséquences, à ce moment là,
qui vont en résulter.
Il nous reste trois minutes seulement?
Le Président (M. Leclerc): Exactement.
M. Nantel: Bon. Alors, il y a la question des sondages qu'on a
analysée Je vous demanderais de prendre le graphique qu'on vous a
distribué. Je vais vous le présenter rapidement en
espérant avoir une question là-dessus tout à l'heure.
Le graphique représente, selon les différents sondages qui
ont été produits entre 1987 et 1989, la tendance des
consommateurs qui ont été sondés et qui se manifestent,
pour ceux qui ont un petit losange vide, blanc, contre l'ouverture des magasins
le dimanche, ceux qui ont le petit losange noir sont pour et ceux
qui ont un point noir optent de préférence, soit pour le lundi,
le mardi, le mercredi, soit pour le mercredi soir seulement Ce sont les deux
alternatives qui ont été données, selon le sondage. Il
faut dire que
ces sondages ont été faits uniquement au niveau des
marchés d'alimentation, c'est-à-dire que les questions qu'on a
utilisées, c'est uniquement sur l'ouverture des marchés
d'alimentation.
On voit très bien que la courbe de la préférence
des consommateurs se manifeste au-dessus de toutes les opinions de ceux qui
sont pour l'ouverture des magasins le dimanche, au-dessus complètement
de toutes les opinions de ceux qui étaient pour l'ouverture le dimanche,
tandis que ceux qui étaient contre, on voit qu'il y a quand même
deux sondages, SEGMA Lavalin et Léger & Léger - Journal de
Montréal, qui démontrent qu'il y a même une
majorité de consommateurs qui sont contre l'ouverture le dimanche et
encore plus défavorables à l'ouverture, selon Léger &
Léger, les lundi, mardi et mercredi soir. (16 heures)
Quant au dernier sondage, celui de la Coalition pour
l'équité, fait par M. Nantel, mon homonyme, qui est venu vous
présenter ça hier, nous contestons le fond même de ce
sondage à partir de deux considérations importantes Une
première, c'est qu'on a tiré des conclusions qui, à notre
avis, étaient fallacieuses, qui amenaient à tromper, que ce soit
intentionnellement ou non, quand on a comparé le sondage d'avril 1988,
pour dire qu'on passait de 44 % de consommateurs qui étaient pour
l'ouverture et qu'aujourd'hui on passait a 54 %. On ne peut pas comparer un
sondage qui offre le choix de trois options à un sondage qui offre le
choix de seulement deux options.
En plus de ça, on a demandé l'avis d'un expert, M.
Jean-Paul Voyer, de l'Université Laval, qui est professeur titulaire au
département de mesures et évaluation de l'Université
Laval, qui nous confirme nos appréhensions à l'analyse des
sondages au sujet de la technique qui a été utilisée;
nous, on l'appelle la technique de l'entonnoir qui amène les gens
à répondre ce qu'on veut bien répondre; lui l'appelle la
technique du conditionnement des options, et on a cet avis dont on pourra vous
parler plus longtemps par après.
Le Président (M. Leclerc): Bien. Alors, c'est ça.
Vous pourrez continuer à étayer votre position à la suite
des questions.
M. Nantel: II y avait nos recommandations qu'on voulait vous
lire, mais vous les avez. C'est ça?
Le Président (M. Leclerc): Oui, on les a
déjà.
M. Nantel: O.K.
Le Président (M. Leclerc): Juste avant de laisser la
parole à M. le ministre, la commission me permettra sans doute de faire
une mise au point. C'est au sujet de la transmission de documents aux membres
de la commission. M. le secrétaire a été consulté
par des gens qui, ce matin, avaient peut-être des documents à
faire distribuer et qui ne l'ont pas fait. La politique est très simple.
Le Secrétariat des commissions retransmet, dans les meilleurs
délais, à tous les membres de la commission les documents qui lui
sont expédiés en rapport avec la commission parlementaire et en
rapport avec les mémoires. Si les documents dont vous nous avez fait
mention n'étaient pas déjà distribués, c'est qu'il
y a eu une petite erreur dans le nom. Il y a deux M. Nantel qu'on a
reçus en deux jours, et il y avait confusion. C'est pourquoi on ne les
avait pas déjà et vous avez vu que nous les avons fait
distribuer. Si d'autres personnes, qui sont déjà passées,
avaient des documents pour le meilleur intérêt des membres de la
commission, puisqu'on est ici pour vous entendre, pour vous écouter et
même pour vous lire, il ne faut pas vous gêner. Vous transmettez
ça au Secrétariat des commissions et, dans les meilleurs
délais, ça nous est distribué. Cette mise au point
étant faite, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Merci, M. Nantel, Mme
Goulet et Mme Gadoua. Vous allez peut-être avoir la chance de nous les
faire, mais on les a lues, les recommandations. Une question avant d'aborder
deux sujets que j'aimerais discuter avec vous. Quand vous dites que vous
représentez 3000 individus, 175 organismes, ce n'est pas unanime...
Est-ce que c'est unanime pour la fermeture le dimanche? Je comprends que c'est
majoritaire parce que vous venez les représenter, mais est-ce que c'est
unanime?
M. Nantel: II faut dire que ce débat-là, c'est la
même chose qui s'est passée qui, à notre avis, se passe
dans la société en général quand on en discute.
Quand on commence à en discuter et qu'on fait valoir les arguments, les
gens adhèrent habituellement à notre position. Cela a
été la même chose dans le mouvement des ACEF, parce que les
membres ce ne sont pas tous ce qu'on appelle des militants, des gens qui sont
assez proches dans les comités de travail de chacune des ACEF en
région. C'est évident que ç... n'a pas été
unanime, mais dans les ACEF régionales, ça a passé en
assemblée générale, ça a passé en conseil
d'administration et des votes se sont pris majoritairement pour l'ouverture des
magasins le dimanche.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Je comprends que c'est
majoritaire. Je veux juste dire qu'au même titre que d'autres groupes qui
sont pour, évidemment, ce n'est pas l'unanimité. Le seul point
que je veux faire, c'est que dans votre groupe, ça ne doit
sûrement pas être l'unanimité, mais c'est majoritaire.
M. Nantel: Effectivement. Effectivement.
M. Tremblay (Outremont): Parlait Les deux points que je veux
discuter avec vous sont les prix et le dépannage. Un des arguments qu'on
entend beaucoup, on parle du pouvoir d'achat, vous en avez parlé et vous
prônez, par exemple, le dépannage le dimanche où on dit que
c'est plus cher. Comment faites-vous pour concilier le fait - vous êtes
une association qui représente des consommateurs - qu'on pénalise
d'une certaine façon le consommateur en ne libéralisant pas les
commerces le dimanche parce qu'ils paient plus cher? Je pense que, même
au niveau de l'Opposition, le député d'Ungava l'a dit encore
hier, l'expérience démontre que, dans les dépanneurs,
c'est plus cher.
M. Nantel: Je pense que c'est évident. Les mêmes
coups de sonde qu'on peut porter nous-mêmes, c'est évident que
dans les dépanneurs, l'approvisionnement est plus cher. Mais, est-ce
qu'il y a beaucoup de personnes qui vont faire leur commande d'épicerie
dans les dépanneurs? D'après ce qu'on voit, nous, comme
réalité, il n'y a pas beaucoup de personnes qui vont faire leur
commande d'épicerie dans les dépanneurs. Ça, c'est une
première réalité.
Une deuxième réalité, c'est qu'on offre une
alternative, en termes de solution C'est vraiment de faire en sorte que le
dépannage demeure le dépannage primaire le dimanche et qu'on
concentre le mercredi soir, jusqu'à 21 heures, l'ouverture de tous les
magasins, pas uniquement les magasins d'alimentation. Donc, on offre une
alternative.
Une deuxième considération à ce niveau-là,
c'est que c'est évident, si on regardait uniquement les besoins des
consommateurs à court terme, de façon assez étroite, qu'on
se dirait: Bien, il y a une contradiction. Mais si on regarde le
bien-être de l'ensemble de la société et les
conséquences à moyen et à long terme, on se dit:
Là, il faut avoir un compromis. Il n'y aura pas de solution
idéale et notre compromis, comme je vous le dis, c'est le mercredi
soir.
M. Tremblay (Outremont): Étant donné que c'est plus
cher et qu'il y aurait la possibilité d'élargir les heures en
semaine, est-ce que vous seriez prêt à accepter qu'on ferme les
dépanneurs le dimanche et qu'on élargisse les heures en semaine,
ce qui améliorerait, selon vos commentaires, la qualité de
vie?
M. Nantel: Absolument pas. Je pense qu'actuellement il y a
nécessité, pour l'ensemble de la population, c'est un besoin,
qu'il y ait le dépannage alimentaire le dimanche, qu'il y ait la
possibilité d'aller s'approvisionner en médicaments, en essence,
en huile à chauffage et quelques autres exceptions qu'on a
mentionnées dans...
M. Tremblay (Outremont): Je veux juste clarifier pour être
certain. Oublions tous ceux-là; ça, ça va. Mais moi, je
parle uniquement du dépannage au niveau de l'alimentation. On fermerait
les vrais dépanneurs d'alimentation parce qu'on doit garder une
journée de qualité de vie le dimanche et, en élargissant
en semaine, le consommateur pourrait être bien servi la semaine sans
être obligé de payer plus cher pour se dépanner, de 15 %;
il devrait prévenir la semaine.
M. Nantel: Non, on ne serait pas d'accord avec ce type de
solution-là.
Mme Goulet: Moi, j'aimerais ajouter quelque chose.
Une voix:...
Mme Goulet: Oui, Lise Goulet, c'est ça. Au fond,
présentement, c'est vrai que les gens paient peut-être
jusqu'à 15 % plus cher dans les dépanneurs, justement, dans des
cas où ils ont besoin de biens qu'ils n'auraient pu prévoir
à l'avance. Mais il faut voir que, si on ouvre le dimanche,
l'augmentation des prix, ça va être sur la semaine, à
longueur de semaine. Donc, pour l'instant, les gens qui utilisent les
dépanneurs, ça va être minoritaire. Tandis que si on ouvre
le dimanche, l'augmentation des prix, ça va être pour toute la
semaine. Donc, ce ne sera plus seulement pour les gens qui utilisent les
services de dépannage; ça va être pour l'ensemble des gens,
la hausse des prix.
M. Tremblay (Outremont): C'est parce qu'il y a d'autres
intervenants qui nous disent - je voudrais passer au deuxième point -
que, si on ouvrait le dimanche, au contraire, il n'y aurait sûrement pas
une augmentation des prix et, possiblement, une amélioration.
Mais le deuxième point, pour rester sur le dépannage.. Je
vous cite. En fait, j'espère qu'on vous a bien cités dans les
médias. Vous avez dit que le regroupement permettrait l'ouverture des
commerces de moins de trois employés pour assurer un vrai
dépannage. Qu'est-ce que c'est, pour vous, un vrai dépannage?
Vous avez dit: Des petites pharmacies, des petites boulangeries, des petites
pâtisseries.
M. Nantel: C'est-à-dire que...
M. Tremblay (Outremont): C'est quoi un vrai dépannage,
pour vous?
M. Nantel: Yves Nantel. C'est sûr qu'on n'a pas
analysé des mesures très très très strictes. On n'a
pas circonscrit exactement ce que c'est. Mais le vrai dépannage
alimentaire, c'est le dépanneur du coin qui peut dépanner les
personnes qui ont besoin de certaines denrées aiimen-
taires de base, qui ont oublié du lait, du pain, certaines
conserves. En fait, j'ai l'image du dépanneur du coin, chez nous, qui
peut opérer à peu près avec trois personnes et, quand j'ai
besoin, je peux y aller le dimanche.
M. Tremblay (Outremont): Prenons juste l'exemple de la
boulangerie. Une boulangerie, où il y a trois employés le
dimanche, va vendre un meilleur pain qu'une boulangerie où il y a huit
employés le dimanche, si on vendait juste du pain. Il y a des
boulangeries qui sont ouvertes. Parce que vous dites, vous: Une petite
boulangerie, trois employés et moins. La boulangerie qui est un peu plus
grosse, qui a huit employés et qui vend du pain, comment conciliez-vous
ça? Ce n'est pas un vrai dépannage, ça?
M. Nantel: C'est-à-dire que le pain ne sera pas meilleur
chez celle qui a trois employés ou huit employés, c'est bien
clair. Excepté que ça fait une démarcation pour favoriser
l'équité entre les différents commerçants.
M. Tremblay (Outremont): Ils vendent tous les deux du pain.
Poussons l'exemple à l'extrême. Ils vendent tous les deux du pain.
Vous dites. Un vrai dépannage, c'est trois employés et moins, des
petites boulangeries. La boulangerie qui aurait trois employés et
l'autre qui en aurait huit, le vrai dépannage, ce n'est pas celle qui en
a huit, qui vend le même pain de la même qualité que celle
qui en a trois et qui en vend.
M. Nantel: Écoutez, c'est pour essayer de circonscrire un
certain nombre de petits marchés, comme la charcuterie; habituellement,
la boulangerie ne vend pas uniquement du pain, il y a toutes les
pâtisseries, les charcuteries, des fromages, une petite boutique qui
permet de vendre ces différents produits-là le dimanche. Alors
ça, on accepterait...
M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question, sur le
même point. Je ne veux pas vous couper la parole, parce que je pense que
c'est intéressant; ça démontre les problèmes qu'on
a dans la loi quand on veut l'appliquer et on veut bien... Est-ce que vous
seriez prêts à accepter d'augmenter le nombre d'employés
minimum, tout en restant petits? Au lieu d'avoir trois employés, est-ce
qu'on pourrait dire cinq employés? J'aimerais vous entendre sur ce
dernier point.
M. Nantel: Je pense que le problème - ce serait votre
problème après - c'est que plus on augmente le nombre
d'employés, plus ça devient inéquitable, à notre
avis, pour les autres commerçants. Plus on va conserver ça au
niveau du dépannage alimentaire, du dépannage primaire et des
besoins essentiels des gens, plus on va garder ça petit, plus
l'équité va être grande avec les commerçants, bien
qu'elle ne soit jamais complète. Évidemment, il y en a qui vont
être déçus dans l'application d'une loi qui serait à
partir de notre point de vue. Mais plus on va permettre un plus grand nombre
d'employés, plus l'inéquité va être grande et plus
ça va être difficile, parce que le chiffre d'affaires de ces
entreprises-là va beaucoup plus concurrencer des commerces moyens et
plus gros que les petits dépanneurs qui vont concurrencer beaucoup moins
les entreprises qui sont moyennes et plus grosses.
M. Tremblay (Outremont): Je vous posais la question parce qu'un
des arguments qu'on entend souvent, et je pense que c'est important, c'est que
les gens, pour se dépanner - là, on rentre directement dans la
qualité de vie - si c'est pour acheter, par exemple, de la gomme, des
cigarettes, du chocolat et certains fruits, ils peuvent aller chez le
dépanneur, mais les fruits seront sûrement moins frais, je pense,
que si on allait dans une fruiterie. Par contre, dans une fruiterie, ce qu'on
nous dit, c'est: Trois employés, ce n'est pas assez, il faudrait qu'il y
ait un peu plus d'employés à cause de la fraîcheur,
à cause de la qualité, à cause des besoins requis. C'est
pour ça que je vous pose la question, pour le savoir, dans le meilleur
intérêt du consommateur, tout en protégeant la
qualité de vie. Est-ce que vous pourriez avoir une ouverture d'esprit et
dire: Peut-être que trois, ça répondait aux besoins
réels il y a dix ans et peut-être qu'aujourd'hui, sans sauter
à un autre extrême et dire que c'est huit, dix, quinze
employés, pour parler du supermarché, ça pourrait
peut-être être quatre ou cinq? C'est ça, la question.
M. Nantel: Je pense qu'on maintient notre position à
l'effet que le dépannage primaire peut être assuré avec un
maximum de trois personnes à l'intérieur du commerce, mais
l'alternative, c'est vraiment le mercredi soir où on ouvre les magasins,
tous les magasins.
Le Président (M. Leclerc): Bien. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Vous nous avez
lancé un petit appel au secours, tout à l'heure, en nous disant:
Je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai une analyse des sondages qui a
été faite par un professeur de l'Université Laval, M.
Voyer, document que vous nous avez remis. Est-ce que vous pouvez nous en parler
un peu, de l'analyse qu'il fait des techniques de sondage qui ont
été utilisées pour arriver au résultat que l'on
connaît, quant à la priorisation du choix des consommateurs et des
consommatrices?
M. Nantel: Oui, effectivement, parce que, actuellement, partout
dans les médias on utilise et on a utilisé très fortement
le chiffre de
54, 7 % de consommateurs qui appuient la Coalition pour
l'équité et les autres qui sont pour l'ouverture des magasins le
dimanche, tandis que, quand on analyse très bien ce sondage, on
s'aperçoit, en définitive, que la façon dont les questions
ont été posées.. Je le redis, ça peut être
tout simplement de façon fortuite que ç'a été fait
par M. Nantel, dont j'ai entendu l'exposé hier, mais il n'en reste pas
moins que l'avis de M. Voyer, à qui nous avons demandé
l'expertise... Je vais vous lire quelques phrases de son avis qui sont assez
révélatrices de la façon dont il traite ce sondage.
Le premier paragraphe mentionne qu'une analyse rapide de la structure du
questionnaire et de la formulation des questions nous informe assez directement
de la position exacte du ou des concepteurs du questionnaire face au
problème étudié. Un tel constat est pour le moins
troublant, en ce sens qu'il soulève des doutes quant à la
possibilité réelle qu'avait le répondant d'y
répondre librement.
À la fin de cette page-là, il parle de règles
élémentaires à utiliser et une des règles, c'est de
s'assurer - à la troisième ligne du bas - au départ que le
sujet est en mesure de répondre aux questions qu'on lui pose. (16 h
15)
Et, un peu plus loin, dans la deuxième page, deuxième
paragraphe, il mentionne: "Un autre des rares principes de base à
respecter lorsqu'on élabore un questionnaire est d'éviter de
suggérer une réponse. À cet égard, on peut affirmer
sans peine que la séquence des questions 7 à 11 a pour effet
évident de conditionner les réponses à la question 12. Il
y a là un vice de forme mais surtout une récupération
évidente de fond. "
Plus bas, dernier paragraphe "En dépit de tout ce qui
précède - et la canalisation des réponses n'est pas mince
- ce qu'il y a de plus regrettable dans cet instrument de mesure, c'est
l'absence totale de toute référence socio-économique dans
cette analyse d'impact, d'une mesure comme celle d'ouvrir les magasins le
dimanche. On n'offre jamais le choix au répondant de solutionner
autrement son problème que le dimanche, pas plus que l'on ne se
préoccupe de savoir si les gens sont prêts à assumer le
coût de cette plus grande disponibilité. "
Alors, je pense que c'est assez éloquent pour dire que ce
sondage-là, quand on l'utilise, qu'on dit que les consommateurs sont
favorables à 54, 7 %, je pense qu'il est préférable de
retourner aux graphiques et de voir les sondages impartiaux. Parce que, dans
ces sondages-là, il y a trois sondages qui n'ont pas été
financés par des groupes qui avaient déjà pris position.
Le sondage de SEGMA-Lavalin donne 46 % de consommateurs qui sont contre et 40 %
qui sont pour. Le sondage CROP La Presse de novembre 1988 donne 45 % de
consommateurs qui sont pour et 49 % qui sont contre et le sondage Léger
& Léger - Journal de Montréal donne 37 % de con-
sommateurs qui sont pour et 59 % de consommateurs qui sont contre. Alors, ce
sont les sondages qu'on peut considérer comme impartiaux D'ailleurs, les
seuls sondages... Ça, ce sont les sondages qui ont posé la
question de la préférence pour le dimanche, contre le dimanche ou
la préférence en début de semaine. Le sondage IQOP-La
Presse n'a pas donné ce choix de préférence et le
sondage de la Coalition pour l'équité, le dernier, celui de
septembre 1989, n'a pas non plus donné cette option-là.
D'ailleurs, M. Nantel a eu à s'expliquer sur cette
éventualité-là.
À notre avis, il y a deux vices. À ce moment là, on
ne peut pas comparer deux sondages et dire que, pendant un an, il y a eu une
évolution et que les consommateurs sont passés de 44 % à
54 %. C'est complètement tromper l'opinion publique que de dire
ça. On compare des choses qui ne sont pas comparables. Et, plus que
ça, le sondage utilisait ce que, nous, on appelle la technique de
l'entonnoir pour amener le répondant à donner une réponse
plus particulière.
Mme Marois: D'accord. Dans votre document... On va parler d'un
autre sondage auquel vous faites référence et j'aimerais que vous
m'en parliez un peu plus. À la page 2 de votre résumé,
vous dites: "Les liens familiaux, pris dans un sens large, se nouent en fin de
semaine (85 % pour les Montréalais). " J'en ai manqué un moment
quand vous avez présenté, parce que je me préoccupais
d'aller fouiller dans un certain nombre d'autres éléments.
J'aimerais ça que vous reveniez un petit peu... Comment s'est-il fait,
ce sondage? Où s'est-il fait? Chez qui?
Mme Goulet: C'est moi qui vais répondre. Mme Marois:
D'accord.
Mme Goulet: Lise Goulet. Ce sont des résultats qui ont
été puisés à même l'étude de
Léger & Léger, qui s'intitulait "La vie montréalaise",
qui a été produit, c'est-à-dire déposé, le 2
novembre 1988, et le sondage a été fait auprès... Je vais
vous donner le nombre exact de personnes qui ont été rejointes:
1016 Montréalais ont été interrogés lors de cette
étude-là. Et, justement, il y a une partie du sondage qui posait
la question - j'essaie de trouver le document - qui demandait justement aux
gens de manifester leur préférence quant à la
journée où ils souhaitaient justement vivre certaines
activités. Et quand on leur demandait, pour ce qui est de magasiner le
dimanche, dans quelle proportion ils préféraient faire cette
activité-là, les réponses 6ont seulement de 2 %. Il y a
seulement 2 % des Montréalais qui ont répondu...
Mme Marois: Le fait est, autrement dit - je veux bien comprendre
parce que ça chuchote -
quand on mettait des alternatives devant les gens...
Mme Goulet: Hum, hum.
Mme Marois: Est-ce que c'est bien ça? On se comprend.
À savoir qu'on peut, je ne sais pas, aller au cinéma, faire une
promenade, imaginons n'importe quoi...
Mme Goulet: Hum, hum. Mme Marois: C'est bien ça? Et
là... Mme Goulet: Oui, c'est ça. Mme Marois:...
ça se répartissait...
Mme Goulet: J'essaie de vous trouver d'autres pourcentages
d'autres activités qui étaient avancés justement par ces
gens-là. C'est juste que je veux donner les chiffres exacts. Attendez un
petit peu.
Mme Marois: Peut-être que vous pouvez fouiller et j'ai
d'autres questions de toute façon. Ça va? Ah! vous les avez!
Mme Goulet: C'est ça. Par exemple, le dimanche, ils
préfèrent aller au cinéma dans 5, 9 % des cas; ils
préfèrent prendre un bon repas au restaurant dans 11. 7 % des cas
et ils préfèrent rencontrer la famille dans 47, 3 % des cas, le
dimanche. Pour ce qui est de magasiner le dimanche, seulement 2 % des gens
préféreraient magasiner le dimanche, surtout dans une ville comme
Montréal. Et il y a d'autres données concernant la famille,
évidemment On trouvait que si on allait chercher les mêmes
chiffres - évidemment, c'est de l'extrapolation - quant à nous,
ces pourcentages-là augmenteraient en région, pas pour le
magasinage, mais pour ce qui est des activités familiales. O. K?
Mme Marois: Ah oui! D'accord. Je vous remercie. Je reviendrai. Il
me reste juste une minute et je vous reviendrai plus tard. Le
Président (M. Bélanger): Bien. M. le ministre. Excusez,
j'avais M. le député l'Acadie.
M. Bordeleau: J'aimerais peut-être... Ça fait deux
journées qu'on a commencé les auditions et on est revenus
souvent, comme on l'a déjà mentionné, sur la question de
la qualité de vie. -¦ J'ai l'impression qu'on se trouve un peu
face à deux positions par rapport à la qualité de vie,
c'est-à-dire un groupe qui détermine peut-être d'avance ce
que doit être la qualité de vie et l'autre groupe qui dit que la
qualité de vie doit être définie par les personnes qui sont
impliquées, les consommateurs. La première remarque, disons,
c'est que dans le commerce, en général, l'objectif premier, c'est
de satisfaire une clientèle - de tout commerce, y compris les commerces
d'alimentation. S'il n'y avait pas de clients, il n'y aurait pas de commerces.
Donc, l'objectif premier d'un commerce, c'est de satisfaire une
clientèle.
Quand on est dans une population assez hétérogène,
on l'a déjà mentionné également, au Québec,
hétérogène au plan culturel, au plan religieux, à
un moment donné, les valeurs comme telles, fondamentales, sont aussi
hétérogènes. On n'est plus dans une population comme il en
existait peut-être il y a 30 ou 40 ans, où les valeurs de la
population québécoise, canadienne-française étaient
peut-être plus homogènes. Dans ce contexte-là, ce que je
trouve un peu difficile, et je me réfère à ce
moment-là aux deux positions que j'ai décrites tout à
l'heure, c'est qu'on soit capable, comme gouvernement, et aussi je pense avec
la responsabilité que vous avez au niveau des consommateurs, qu'on soit
capable, de part et d'autre, de définir ce qu'est la qualité de
vie pour les gens.
Vous disiez tout à l'heure, Mme Goulet, que vous aviez
abordé toute la problématique à partir d'une conception du
consommateur en tant qu'être global. Il me semble qu'un être
global, sa première caractéristique, c'est d'avoir le libre
arbitre et le libre choix de déterminer ce que lui valorise. Il y en a
pour qui ça va être la famille et d'autres, ça va
être la religion et d'autres, ça va être tel type de loisir;
d'autres, ça va être les restaurants et ça peut même
aller, comme loisir, disons dans les centres commerciaux, à la
limite.
Alors, les doux positions qu'on a eues au niveau dos consommateurs - et
je trouve ça intéressant de le signaler c'est que dans un cas, on
nous dit: On représente des consommateurs et les gens
détermineront ce qui a de la valeur pour eux et ils feront des choix en
conséquence. On a une autre attitude qui est de déterminer
d'avance que les commerces ne devraient pas être ouverts le dimanche
à cause de la qualité de vie. Et la qualité de vie, c'est
fondamentalement une question de valeurs. Je ne sais pas... J'aimerais avoir
votre réaction là-dessus parce que ça me semble être
difficile dans le contexte actuel et dans le contexte prévisible
d'être capable de déterminer d'une façon très
précise quelles sont les valeurs qui caractérisent notre
société et qui font en sorte qu'on est capable de poser des
gardes au fond, ou de mettre des limites sur la question des heures d'ouverture
en fonction de ce critère-là, de la qualité de vie.
Mme Goulet: J'aimerais répondre. C'est ça.
Évidemment, si on s'en tenait aux consommateurs, juste en termes de
biens de consommation, de services de consommation, c'est certain, quant
à nous, que ça serait de privilégier la plus grande
accessibilité possible, si on ne s'en tenait
qu'à ça. Mais nous avons préféré
justement aborder une approche globale dans le sens de dire: Le travailleur,
c'est un consommateur, le propriétaire de magasin, c'est un
consommateur. En fin de compte, c'est ça, de façon globale, on a
pris la personne dans toutes ses dimensions; c'est un être
d'amitié, un être familial, tout ça.
Évidemment, on n'est pas partis de rien. Nous faisons beaucoup de
rencontres d'information dans nos groupes. On a beaucoup de cours sur le
budget, on a beaucoup de services sur le terrain et on a l'occasion d'en
discuter avec les gens. En moyenne, je rejoins à peu près 3000
personnes par année, par différentes activités et nos
activités, ce n'est pas seulement de donner de l'information, il y a un
échange qui se fait et on s'est rendu compte que, souvent, quand on
abordait des groupes, c'est que, bon, il y avait des positions
partagées, il y en avait qui ne savaient pas trop quoi en penser. Mais
quand on abordait une analyse critique, un peu avec des conséquences
à long terme, en fin de compte en leur donnant des outils pour effectuer
un choix éclairé, ce n'était pas rare qu'ils en venaient
à appuyer notre position.
Évidemment, on n'a pas fait d'enquête. On est partis de
ça, de notre expérience sur le terrain et on se rend compte que
ce n'est pas seulement dans nos activités de travail. Moi, j'en parle
dans ma famille, j'en parle un peu partout. Et quand on leur fait entrevoir un
petit peu ce qui s'en vient avec tout ça... Comme on le disait, ce n'est
pas quand la loi va être adoptée, demain matin, que tout va
être chambardé. Mais c'est comme si on dit oui, par exemple,
à l'ouverture des commerces d'alimentation le dimanche, moi, à ce
moment-là - j'extrapole encore - quant à moi, c'est aussi
nécessaire, les services gouvernementaux. Ça ne me tente pas de
manquer une demi-journée de travail pour aller, soit pour mes
immatriculations... Ça me tanne de manquer du travail pour aller chez le
dentiste. C'est tout ce processus qui risque d'être enclenché.
Quant à nous, c'est ouvrir une porte à d'autres valeurs, à
une autre façon de fonctionner au Québec à long terme.
C'est un choix. Si des consommateurs décident que c'est ça et que
ça, ça fait leur affaire, bien nous, on ne pourra pas s'imposer
contre le mouvement des consommateurs. Mais on se rend compte que, quand on
leur fait penser à toutes ces conséquences, c'est comme: Oups,
c'est moins évident pour eux, l'ouverture des magasins le dimanche.
M. Bordeleau: Par exemple, le fait d'avoir l'ouverture des
commerces le dimanche, ça n'oblige pas les gens à y aller. Si,
moi, je préfère avoir une activité familiale le dimanche,
ou si un individu préfère avoir une activité familiale le
dimanche, il peut l'avoir. Actuellement, on a la possibilité... Les
commerçants, par exemple, dans le domaine de l'automobile, ont la
possibilité d'ouvrir le dimanche. Dans les régions en
général, ils n'ouvrent pas.
M. Nantel: Parce qu'ils ont pris une entente entre eux de ne pas
ouvrir et s'il y en avait un qui ouvrait, tout le monde ouvrirait.
M. Bordeleau: C'est ça. C'est un choix.
M. Nantel: C'est ça le problème. Je pense que ce
qu'il faut comprendre c'est qu'en théorie, ce que vous dites est vrai,
mais en pratique, ça ne se passe pas de même. En pratique,
l'égalité n'est pas là. Le libre choix n'est pas là
parce que - j'essayais de l'expliquer ce matin - ceux qui veulent
entraîner les consommateurs dans les magasins, ils vont réussir
à le faire avec toutes les techniques de publicité et de
marketing et les consommateurs vont y aller. Et c'est juste. Les consommateurs,
c'est normal, ils vont y aller.
M. Bordeleau: Je trouve ça embêtant un peu.
M. Nantel: À ce moment-là, ceux qui font cette
publicité-là pour les entraîner, eux, la qualité de
vie au Québec, à cause des intérêts qu'ils ont
encore de concurrencer, de faire des profits, à cause des
intérêts qu'ils ont, ils vont aller les chercher, les
consommateurs, et ils vont les amener dans les commerces. Et là, ce qui
va en souffrir, c'est ce qu'on disait tantôt, on l'a expliqué,
toutes les activités d'épanouissement personnel et de relations
sociales vont en souffrir à long terme et on va se retrouver dans une
société que vous aurez à gérer comme élus du
peuple à moyen terme et à long terme.
M. Bordeleau: Mais ça me semble être,
peut-être discutable à tout le moins qu'on protège... Vous
dites que le libre choix n'existera pas. Par exemple, si...
M. Nantel: Ce n'est pas 100 %.
M. Bordeleau: C'est ça que je trouve discutable,
c'est-à-dire qu'on ne protégerait pas le libre choix parce qu'on
laisserait la liberté aux gens de choisir. C'est de faire une
espèce de postulat au départ que les gens ne seront pas capables
de choisir. Si on leur met l'alternative devant eux, ils ne seront plus
capables d'exercer leur libre choix. Donc, pour qu'ils soient réellement
libres, il faut les empêcher de choisir!
Mme Gadoua (Carole): Je pense que ce sont les moyens de pression
utilisés qui... Ce n'est pas qu'ils ne sont pas capables de choisir,
mais que les moyens de pression utilisés, on n'a pas de
rapport de forces avec ça.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Le temps de
parole de la formation ministérielle étant écoulé,
je cède la parole à Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: C'est ma collègue qui va poser des questions
et en même temps s'inscrire comme remplaçante.
Le Président (M. Bélanger): II est trop tard. Il
faut le faire au début des travaux. Maintenant, si on a le
consentement... Il y a consentement? Consentement. Bien. Alors, madame.
Mme Marois: Avant, peut-être que ma collègue ne pose
une question, on aimerait ça vous entendre.
Une voix: Voulez-vous compléter?
Mme Goulet: C'était juste concernant justement la
réflexion qu'on amène les gens à réfléchir
plus profondément. C'est certain que, quant à nous, ouvrir les
commerces le dimanche, c'est faire pression indirectement sur plein d'autres
choses. S'il y a plus de gens qui travaillent le dimanche, ça va
être justifié de demander plus de frais de services de garderie,
ça va être comme nécessaire d'avoir plus de transports en
commun. On va vouloir se rendre à ces points d'achat. Ça va
peut-être nécessiter plus de gens sur la route pour la
sécurité, les pompiers. Ces études n'ont pas
été faites mais, indirectement, si tous ces services-là
augmentent, je ne sais pas qui va assumer ça. Peut-être que ce
sera en taxes, peut-être que ce sera... Et ça amène
d'autres gens à travailler le dimanche Ce ne sont pas juste les
travailleurs du commerce de l'alimentation, ça implique plein de monde,
peut-être même nous les premiers, en disant: Oui, au premier coup
d'oeil, moi, ça fait mon affaire d'aller le dimanche faire ma commande.
Mais si je travaillais dans une garderie et que je me mettais à
réfléchir et je disais: Oups, s'il y a plus de travailleurs, ils
ont besoin de plus de services de garderie... Donc, là, je suis
rejointe. Et l'autre à côté, bon, lui, je ne sais pas, son
frère conduit des autobus; il va dire. Bien, mon Dieu, il risque de
travailler le dimanche. (16 h 30)
C'est tout cet enchaînement-là qui va briser les relations
sociales. C'est à long terme. Tu as beau impliquer 20 % de la population
à long terme dans ça, c'est tout ce démantibulement des
relations que nous craignons. En soi, à court terme, on ne se sent pas
concerné, mais jusqu'où est-ce que ça va aller? C'est
comme ouvrir la porte à plein de choses et on ne veut pas ouvrir cette
porte-là. C'est tout, merci.
Mme Caron: Dans un premier temps, je voudrais vous remercier pour
le dépôt de l'analyse des sondages d'opinion. Effectivement, avec
la quantité de sondages que nous avons eus sous les yeux et les chiffres
qui sont quelque peu variables, je pense que c'était important d'ap-
porter certaines précisions. À la suite de l'intervenant
précédent, j'aimerais que vous me précisiez l'année
de l'étude qui confirme que 85 % des Montréalais
préfèrent des activités de type familial.
Mme Goulet: J'ai mentionné tout à l'heure la date
exacte du dépôt de l'étude. C'était le 2 novembre
1988.
Mme Caron: Donc, le 2 novembre 1988. Ce n'est pas une
étude qui nous démontre les besoins de 1940 ou de 1950.
Mme Goulet: Non, c'est ça. C'est quand même
très récent.
Mme Caron: Parfait. Merci. «J'aimerais que vous
élaboriez davantage sur les conséquences à moyen et
à long terme sur les individus. Là, j'entends surtout sur une
plus grande commercialisation de la vie. Ce que j'en ai compris, c'est que le
regroupement des ACEF considère qu'en plus d'un rôle de
consommateur il a également un rôle de protection de la
qualité de cette consommation-là.
M. Nantel: Oui, effectivement, je pense qu'on traite de cette
question dans notre mémoire. Nous, on considère qu'on est
obligés de faire face à une recrudescence de publicité
pour entraîner les gens à magasiner le dimanche, une
journée exempte de travail et de commerce habituellement et, à ce
moment-là, on vient saper toute une partie du travail d'éducation
qu'on tente de faire en vue d'une consommation rationnelle.
Là, vous l'avez dans notre mémoire, on fait
référence aux techniques de marketing que le professeur Petrof de
l'Université Laval indique aux gens d'affaires et aux
propriétaires en disant: Ouvrez vos commerces le dimanche parce que vous
utilisez, à ce moment-là, des aspirations légitimes des
gens de se recréer, d'aller dans des activités culturelles, etc.
Vous utilisez ces aspirations-là qui sont naturelles et normales en vue
de les entraîner dans vos commerces et de les faire succomber à
acheter. Évidemment, sa conclusion est que les ventes augmenteraient et,
les ventes augmentant, le prix des produits n'augmenterait pas, ce qui n'est
pas le cas; je pense qu'on l'a démontré de façon
suffisante.
Quand on demande aux gens de développer et qu'on tente par les
cours sur le budget familial, par nos rencontres d'information, nos
conférences et tout ce qu'on fait... Dieu sait comme on en fait à
travers le mouvement des ACEF, de ce travail d'éducation, on essaie de
développer une consommation rationnelle. Quand on regarde de l'autre
côté les techniques qui amèneraient les gens, parce qu'on
magasine dans un climat de détente le dimanche, à succomber sans
faire cette opération de rationalisation des
achats ou des choix de consommation, pour nous, ça vient saper le
travail d'éducation qu'on fait comme association de consommateurs. Vous
savez qu'on n'a pas les moyens ni les ressources pour faire le travail
d'éducation qu'on fait. On le fait habituellement à bout de bras
et on n'a pas besoin d'avoir d'autres formes qui vont venir rendre encore plus
difficile notre travail d'éducation des consommateurs. C'est une des
conséquences aussi sur le:» associations de consommateurs et sur
le travail qu'on fait.
Mme Caron: Je vous remercie. C'est un rôle important de vos
associations. Mme Gadoua, peut-être, parce que vous n'avez pas eu la
chance beaucoup de vous exprimer, pourriez-vous nous résumer les
principales recommandations?
Mme Gadoua: Oui, bien sûr. En fait, toutes les
recommandations qui ont été élaborées par la
Fédération des ACEF ont tenu compte, bien sûr, de
l'agrandissement de l'accès aux biens de consommation, mais ont voulu
aussi tenir compte, d'une part, de la nécessité de
conformité sociale dont on vient de parler, d'autre part, de la
nécessité de considérer les conséquences d'une plus
grande commercialisation de la vie et, enfin, de la nécessité de
tenir compte des conséquences à moyen et à long terme sur
le tissu social au Québec.
La première recommandation que l'on fait, c'est de maintenir le
principe de la fermeture la plus étanche possible des magasins le
dimanche tout en reconnaissant la nécessité de certaines
Kxcoptions. La deuxiftmo recommandation, cost l'accoptation des exceptions, tel
que déj.1 mentionné dans le rapport Richard. La troisième
recommandation, c'est l'ouverture des magasins le mercredi soir jusqu'à
21 heures, sans pour autant augmenter le nombre total d'heures de magasinage.
La quatrième recommandation, c'est que le dépannage alimentaire
soit assuré par les commerces opérant, comme on l'a dit
tantôt, avec trois personnes et moins en tout temps. Enfin, la
cinquième recommandation est que la juridiction de la loi demeure du
ressort de la province et ne soit pas remise aux municipalités. La
sixième recommandation est le maintien du concept des zones touristiques
à condition de bien les circonscrire et, enfin, que la loi soit
appliquée par des amendes majorées, tel que proposé aussi
par le comité Richard.
Mme Marois: Un des problèmes qui est soulevé par
les intervenants qui sont venus à différents moments, sur le fait
que l'on accepte l'ouverture de dépanneurs où il n'y aurait que
trois employés et pas plus c'est le contrôle d'une telle
réglementation. J'ai posé déjà à d'autres
avant vous cette question, mais j'aimerais aussi que vous m'apportiez votre
point de vue. Est-ce que ça vous apparaît si compliqué ou
si complexe à assurer pour que l'équité soit maintenue,
sachant que l'équité parfaite n'existe pas? J'aimerais vous
entrendre un peu sur ça.
M. Nantel: Ça ne nous semble pas tellement sorcier
d'appliquer cette politique. Je pense qu'au point de départ - je ne suis
pas un inspecteur du gouvernement - il me semble que du seul fait de voir un
commerce avec sa surface, H y a déjà un premier indice. Une
grande surface et une petite surface, il y a déjà un premier
indice qu'on peut voir de prime abord, de la part des enquêteurs du
gouvernement; ensuite, c'est de vérifier s'il fonctionne avec trois
employés et moins. J'imagine que c'est tout simplement d'aller
vérifier, d'entrer dans le commerce de façon inopportune, d'aller
vérifier combien il y a d'employés, de faire des
vérifications ou de se fier aux plaintes des autres commerçants
qui se croient lésés parce qu'ils voient que leur concurrent
ouvre avec plus d'employés.
Il me semblé, et je reprendrai la même argumentation que ce
matin, qu'au moment où il y en aura quelques-uns qui se seront fait
taper sur les doigts et qu'on aura appliqué de façon stricte une
loi qui va enlever les profits réalisés pendant les heures
ouvertes illégalement, plus une amende importante, à ce moment,
je pense qu'on devrait se retrouver avec une applicabilité de la loi sur
cet aspect qui est tout à fait plausible et possible.
Mme Marois: D'accord II me reste un peu de temps, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Deux minutes.
Mme Marois: Deux minutes. Je reviens aux pages 22 et 23 de votre
mémoire qui, soit dit en passant, est tout à fait exceptionnel
quand on le creuse dans chacun de ses éléments.
Aux pages 22 et 23, vous faites référence au
problème de l'échappatoire devant certains problèmes de
société: la solitude et l'isolement. À la page 23, vous
faites référence à l'expérience de l'Alberta. Cette
expérience, on en a parlé depuis quelques jours aussi, depuis
deux jours qu'on siège, et ce matin, entre autres, la Coalition pour
l'ouverture le dimanche la citait comme une expérience qui
n'empêchait pas tes gens d'avoir des activités familiales, etc.
Or, vous semblez un peu plus critiques quant à l'expérience de
l'Alberta et vous nous apportez des commentaires un peu différents.
J'aimerais que vous m'en parliez un peu.
M. Nantel: Oui, effectivement, on n'a pas eu le temps de parler
de tout le mémoire, toute cette question des personnes qui sont en mal
de solitude et qui iraient, évidemment, flâner dans les centres
commerciaux ou dans les magasins pour sortir de leur problème de
solitude. Nous disons: Si c'est la solution à la solitude et à
l'isolement, on a de bien tristes solutions dans
notre société et il faut faire attention à cet
aspect, d'autant plus qu'en Alberta, et c'est la vice-présidente de
l'ACC, section Alberta...
Mme Marois: L'Association des consommateurs canadiens, section
Alberta.
M. Nantel: ...qui est venue témoigner au colloque de
l'ADA, l'Association de la distribution alimentaire, je pense, que ça
s'appelait à ce moment, ça a changé de nom depuis...
Des voix: Des détaillants. Mme Marois: En
alimentation.
M. Nantel: ...détaillants en alimentation, au colloque,
qui est venue témoigner pour dire des témoignages recueillis en
Alberta de gens qui travaillaient dans les foyers de personnes
âgées, qui disaient qu'ils ont remarqué, à la suite
de la libéralisation des heures d'ouverture, qu'il y avait une
diminution de la visite de ces personnages. Ce n'est pas une enquête,
mais ce sont des témoignages recueillis. Elle est venue
témoigner, de l'Alberta, ici au Québec, pour nous dire:
Attention! moi, je travaille pour une association de consommateurs et je viens
vous dire... Cette même association de consommateurs, section
Québec, va venir vous dire, après nous, qu'il faut
libéraliser le dimanche.
Mme Marois: D'accord.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Le
temps étant écoulé, si vous voulez remercier nos
invités.
Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution à nos
travaux sous un angle qui n'avait pas été abordé jusqu'ici
et avec le contenu que vous nous avez apporté. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, M. Nantel, j'aimerais vous
laisser et votre groupe sur la réflexion suivante. Au début de la
commission, j'ai mentionné que c'est un forum privilégié
pour faire une réflexion globale et, dans ce sens, je pense que je suis
d'accord avec la députée de Taillon que votre mémoire,
c'est un très bon mémoire. Il y a une approche globale. Mais j'ai
ajouté: II va falloir que les intervenants aillent au-delà de
l'intérêt personnel et immédiat de chacun dans le meilleur
intérêt de l'équité de la loi. Alors, dans ce
sens-là, vous le dites également: II va falloir faire respecter
la loi. Ça, vous le dites. La loi, c'est pour les trois, juste le vrai
dépannage. Je veux vous dire, pour votre réflexion, que je serais
même prêt à recevoir, si vous voulez nous donner, par
exemple, à la suite d'une ouverture d'esprit, une recommandation
différente sur le nombre d'employés; je pense que ça
pourrait nous aider dans notre réflexion.
La loi dit: La pâtisserie, pas plus de trois employés en
même temps pour assurer le fonctionnement. Vous savez très bien
qu'aujourd'hui beaucoup de ces pâtisseries-là vont ouvrir le
dimanche, disons, de 11 heures, avant la messe, jusqu'à 2 heures.
Ça veut dire qu'ils préparent leur pain pour qu'il soit frais,
tout ça pour la qualité de vie; les pâtisseries, il faut
toujours que ce soit frais. Trois personnes, ça peut causer un
problème parce que ça veut dire que les personnes qui sont en
arrière n'ont pas le droit de traverser dans le magasin parce que
ça va faire plus de trois personnes, et vous me dites: II faut que je
fasse respecter la loi.
Alors, je vous dis que peut-être qu'une des solutions qu'il
faudrait envisager, c'est de dire que trois personnes, dans un contexte
où on parle de qualité de vie, où les gens veulent avoir
des fruits frais, veulent avoir des pâtisseries et des pains frais, sans
sauter à l'extrême et dire, gros et petit, peut-être que
cinq c'est encore petit par opposition à huit, dix, qui est plus gros.
Alors, j'aimerais que vous y pensiez.
Je veux vous remercier. Je pense qu'on a eu une discussion franche, une
discussion honnête. Votre point de vue est très clair et ça
va sûrement nous aider dans notre réflexion. Encore une fois, je
vous réitère, si jamais vous voulez nous faire des suggestions
sur le nombre d'employés, qu'on serait peut-être prêt
à recevoir ces arguments-là. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie le groupe, la Fédération
des associations coopératives d'économie familiale, et invite
à la table des témoins l'Association des consommateurs du Canada,
section Québec. Alors, on suspend les travaux pour une minute pour faire
la transition.
(Suspension de la séance à 16 h 44) (Reprise à 16 h
50)
Le Président (M. Bélanger): Je vous invite à
bien vouloir reprendre place pour que nous procédions à
l'audition du mémoire de l'Association des consommateurs du Canada.
Alors, vous voulez bien vous présenter, vous identifier et passer
à la présentation de votre mémoire. Vous connaissez un peu
notre façon de procéder. Je vous demanderais, chaque fois que
vous devez prendre la parole, de bien vouloir vous identifier, ceci pour les
fins de transcription au Journal des débats. Alors, si vous
voulez bien commencer, s'il vous plaît... Je vous remercie.
Association des consommateurs du Canada, section
Québec
M. Carouzet (Jean): M. le Président, Mmes
et MM. les députés, je me présente, Jean Carou-zet,
président de l'Association des consommateurs du Canada (Québec).
Je vous présente également Mme Lucile Brisebois qui est
secrétaire-trésorière de l'ACCQ.
Tout d'abord, question de représentation, l'Association des
consommateurs du Canada (Québec) est un groupe indépendant,
bénévole, qui représente les consommateurs du
Québec et a pour. objet d'améliorer la qualité de vie des
Québécois. Nous avons 18 000 membres au Québec. À
ce sujet, je voudrais vous expliquer de quelle manière nous calculons ce
nombre. Nous incluons parmi nos membres tous les Québécois qui
souscrivent, qui ont une carte de membre de l'Association des consommateurs du
Canada en bonne et due forme, à qui nous avons soumis nos brochures,
nous avons soumis notre programme et qui ont jugé donc que ça
valait la peine d'adhérer a notre association. Je voudrais aussi, entre
parenthèses, souligner que les membres que nous représentons sont
uniquement des membres individuels, à la différence d'autres
associations qui représentent des corporations. Quand nous parions de 18
000 membres, ce sont uniquement des individus qui se recrutent dans toutes les
catégories de la population. Ça peut être des
retraités, ça peut être des étudiants, ça
peut être des jeunes couples, enfin, toutes les classes de la
société.
Alors, l'ACCQ s'occupe activement de promouvoir notre droit d'être
entendus, notre droit à la sécurité, notre droit
d'être informés. La toi modifiant les heures d'ouverture des
établissements commerciaux votée en 1984 est encore une fois
sujet de débat. En 1984, les grandes chaînes en alimentation
combattaient les marchés publics. Aujourd'hui, ces mêmes grandes
chaînes veulent ouvrir les magasins le dimanche, de 10 heures à 17
heures.
MM. les députés, lors de la présentation du projet
de la refonte de cette loi, en 1988, l'ACCQ s'était prononcée
pour la libéralisation des heures d'ouverture des magasins. Nous avions
déclaré au sous-ministre du ministère de l'Industrie et du
Commerce notre indignation face aux amendes prévues dans la loi, les
contrevenants de la loi qui sont des marchands disposés à donner
des services à la population, services dont elle a besoin dans notre
société qui a forcément évolué dans les
dernières années.
Alors, en fait, ce que nous recherchons, ce que nous soutenons ici,
d'abord, ce que soutient notre association, c'est qu'il y a un grand principe
qui s'applique dans notre société, c'est une
société démocratique. Je soumets qu'un des grands
principes qui sous-tendent notre société, c'est le principe de la
liberté, que chacun est capable, est libre de faire tout ce qu'il veut
ou tout ce qu'il désire pourvu, évidemment, que ça ne
vienne pas en contradiction avec certains impératifs de droit public ou
d'ordre public.
Je soumets donc que soutenir le contraire, c'est évidemment aller
contre ce grand principe, surtout dans la matière qui nous occupe, parce
qu'au nom du principe sacro-saint du congé dominical, on voudrait
soutenir qu'il faut laisser ce principe de côté et il faudrait
donc interdire à certaines personnes ou à certaines corporations
de faire le commerce le dimanche. Alors, je soumets que ça, c'est
absolument contraire à notre principe démocratique et que, si on
suit l'évolution de notre droit en la matière, on voit qu'il y a
une évolution qui se fait toujours dans le sens d'une plus grande
liberté. Il suffit de se rappeler qu'il n'y a pas tellement de temps, si
vous vouliez boire une bière le dimanche dans un débit de
boisson, c'était absolument impossible et ça, il n'y a pas
tellement longtemps. Un peu plus tard, il s'est agi de la vente des boissons
alcooliques dans les supermarchés, alors que les dépanneurs
avaient seuls le droit de la vendre. On a soulevé un tollé de
protestations parce qu'il fallait empêcher les supermarchés de
vendre de la bière. Et, finalement, il est arrivé qu'on leur a
permis de vendre de la bière, il n'est pas arrivé de catastrophe.
Il n'y a pas eu... Les faillites qu'on craignait ne se sont pas produites. Je
soumets que dans le présent cas, ça va être la même
chose. Si on permet aux gens de vendre de l'alimentation, je veux dire à
tous les gens, à tous les individus, à toutes les corporations de
vente d'alimentation le dimanche, bien, il n'arrivera rien, ça va
être simplement que les gens vont avoir de plus grands services et
pourront se ravitailler plus facilement.
En fait, devant la situation présente, l'État a le choix
entre un retour au respect strict de la loi ou la
déréglementation. Tout le monde serait sur le même pied.
Telle qu'elle est, cette loi est discriminatoire, injuste pour le consommateur,
injuste pour les marchands forcés de fermer leur
établissement.
Alors, surtout pour les établissements, je soumets que ces
gens-là paient des taxes qui sont très élevées.
Tout le monde sait aussi que les magasins d'alimentation ont une marge
bénéficiaire qui est extrêmement réduite. Alors, je
pense que c'est un domaine où on doit plus spécialement respecter
la liberté des gens.
Protectionnisme. Il faut abandonner le protectionnisme qui a
primé lors de fa refonte de la loi. Les commerces s'adaptent bien au
changement. Prenons pour exemple la bière demandée par Steinberg
à un moment donné. Ça, c'est l'exemple que j'ai
cité tout à l'heure, l'exemple de la bière On avait
interdit à Steinberg et à d'autres de vendre de la bière
et, finalement, on leur a permis de le faire. Et tout ce qui est arrivé,
c'est que maintenant les gens peuvent se procurer de la bière plus
facilement. Donc, ils ont eu plus de services et, finalement, les
inconvénients qu'on craignait ne se sont pas produits.
Il y a un fait, il y a une évolution qui se fait et cette
évolution, je soumets qu'elle est
démontrée par les sondages, les diverses enquêtes
qui ont été faites pour déterminer de quelle
manière les consommateurs ont évolué et quels
étaient leurs besoins actuels et les désirs qu'ils
désiraient voir satisfaire. Ces sondages ont
révélé, sans l'ombre d'un doute, que les consommateurs ont
de plus en plus le goût de faire ce qui leur plaît et, notamment,
de magasiner le dimanche. Ils ne comprennent absolument pas pourquoi le
dimanche on les empêche de faire telle ou telle chose. On comprend mal la
position des ACEF et puis d'autres groupes qui sont venus et qui ont dit qu'ils
étaient contre la liberté pour les commerces d'alimentation de
vendre leurs produits le dimanche, étant donné que, finalement,
les gens qui veulent aller le dimanche visiter leurs proches dans les
hôpitaux ou bien se livrer à d'autres activités, rencontrer
des amis... Je ne vois absolument pas, si les commerces sont ouverts le
dimanche, que ça peut les empêcher de faire ce qu'ils ont envie de
faire. Je ne vois pas la contradiction entre les deux. Si les gens ont envie
d'aller voir leurs proches qui sont dans les hôpitaux, je ne vois pas du
tout en quoi le fait que les commerces d'alimentation soient ouverts le
dimanche, ça peut les empêcher de le faire. Et même,
ça peut leur faciliter la tâche; admettons qu'ils veuillent
acheter des fleurs, bien, ça va être pratique pour eux d'aller
dans un magasin quelconque et d'acheter des fleurs.
Je trouve que ce sont des services qu'on met à la disposition des
gens. Qu'ils s'en servent ou qu'ils ne s'en servent pas, ça, c'est leur
affaire. Mais je soumets que c'est absolument incompréhensible qu'on
interdise à des commerces de vendre leurs produits le dimanche, surtout
des produits d'alimentation qui sont absolument indispensables et essentiels
à la population, sous prétexte que les gens peuvent faire autre
chose et que, si on ouvrait le commerce, ça leur donnerait le goût
de faire autre chose.
En plus de ça, ça a quelque chose d'un peu insultant
d'aller dire à des gens. Écoutez, si on met des services à
votre disposition, si on ouvre le supermarché de votre quartier le
dimanche, bien, peut-être que vous n'irez pas voir les gens qui sont
à l'hôpital et qui attendent votre visite. Je trouve que c'est un
peu aller loin. Je trouve que c'est un raisonnement qui est vraiment
déficient et même insultant à l'égard du commun des
citoyens. Il me semble que ce n'est certainement pas ça qui va les
empêcher d'aller voir leurs proches dans un hôpital s'ils sentent
qu'ils ont le devoir de le faire.
La libéralisation des heures d'ouverture des magasins ne veut pas
dire qu'on doive obliger tous les commerçants à ouvrir leur
magasin. Ça, c'est une autre chose. On dit: Permettre aux magasins
d'alimentation d'ouvrir, ça va obliger des gens à travailler le
dimanche, etc. Alors, ici encore, je ne suis absolument pas d'accord avec cette
position parce que les gens qui vont travailler le dimanche ne sont pas
forcément et ne seront sûrement pas les mêmes que ceux qui
travaillent d'une manière régulière dans lés
magasins.
Il faut remarquer - et il y a une statistique qui est assez importante,
à mon sens - que dans les supermarchés d'alimentation surtout,
ceux qui ouvriraient réellement si on leur donnait la permission, il y a
58 % de la main-d'oeuvre qui est une main-d'oeuvre à temps partiel.
Alors, ça veut dire que c'est déjà une main-d'oeuvre, en
somme, qui ne travaille pas d'une manière régulière. On
peut penser que si on ouvrait les magasins le dimanche, les supermarchés
le dimanche, ce pourcentage pourrait encore augmenter et ça pourrait
inclure... C'est ça qui est intéressant. On se plaint et on dit:
Oui, mais les gens seront obligés de travailler le dimanche, ça
va les empêcher de.. Surtout question de main-d'oeuvre. Mais je soumets
que là, si on commence à s'occuper de main-d'oeuvre, à ce
moment-là, on ne s'occupe plus des consommateurs. Ce n'est
déjà plus la même chose, si on s'occupe de la
main-d'oeuvre. Mais si on regarde le problème de la main-d'oeuvre, je
soumets qu'à ce moment-là il va y avoir toute une
catégorie de gens qui cherchent des revenus comme des étudiants.
Ça peut être des étudiants ou des familles monoparentales
ou des gens comme ça qui cherchent à avoir des petits revenus et
qui, à ce moment-là, étant donné l'offre d'emploi
que ça va faire, vont pouvoir justement commencer à travailler et
avoir des petits revenus. Ça, je trouve que c'est extrêmement
intéressant. Ce sont des gens qui peut-être n'ont pas la
possibilité justement d'avoir un emploi et qui, à ce
moment-là, vont pouvoir se procurer de petits revenus. Je pense
notamment aux étudiants qui sont aux études, qui ont un urgent
besoin d'un peu d'argent et qui, à ce moment-là, vont pouvoir se
le procurer. Alors, ce sont des retombées auxquelles on ne pense pas
toujours mais je soumets que c'est très intéressant, ça
peut ouvrir beaucoup de débouchés et de retombées qu'on ne
prévoit pas ou que les gens qui sont contre l'ouverture des
supermarchés le dimanche ne prévoient pas et n'ont
peut-être pas considérés. Le problème est assez
complexe. Et quand on considère les conséquences de ça, il
faut voir toutes les facettes du problème et c'est ce que ne font pas
les gens qui sont contre le projet.
Alors, on a parlé aussi de qualité de la vie. Là,
évidemment, la qualité de la vie, comme j'ai déjà
un peu abordé le problème, la question de la qualité de la
vie, on sous-entend et on fait allusion à la notion du congé
dominical. Évidemment, c'est le dimanche et ça, on remonte .
à toute une tradition. Le dimanche, c'était le jour saint, le
jour... D'abord, c'était le jour où on allait à la messe,
c'était la chose principale et puis, c'était le jour qui
était consacré au repos, on ne devait pas travailler...
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure. Il reste deux minutes, rapidement.
M. Carouzet: C'est vrai, le temps passe Alors, c'est ça.
Actuellement, la qualité de la vie, ça a changé beaucoup
et je soumets que la qualité de la vie, ce n'est plus la même
notion que celle quo nous avions l'habitude de considérer. La question
de visites de gens dans les hôpitaux, de rencontres chez les amis, etc,
tout ça a changé.
Maintenant, pour ce qui est des loisirs, ça c'est une autre
chose. Mais je veux dire: Est-ce que c'est vraiment nécessaire que tous
les gens prennent leurs loisirs en même temps le dimanche, par exemple?
Je pose la question. S'il y a des gens qui sont obligés de travailler le
dimanche, évidemment, ils vont prendre leurs loisirs un autre jour de la
semaine. Je pose la question, c'est une autre retombée ça: Est-ce
que, s'il y a un étalement des loisirs sur plusieurs jours de la
semaine, sur un autre jour, est-ce que c'est une mauvaise chose? Est-ce que
c'est nécessaire, par exemple, que tous les skieurs se retrouvent le
même jour, le dimanche, sur la même montagne, en même temps
ou bien si ce n'est pas préférable qu'il y ait des gens qui
travaillent le dimanche et qui prennent leur jour de congé un autre jour
de semaine et qu'ils fassent du ski un autre jour de la semaine où il y
a moins de monde sur la montagne?
Ils vont bénéficier de prix réduits. C'est encore
une autre chose. Il y a beaucoup de choses à considérer. Alors,
la neige ne tombe pas non plus nécessairement le vendredi après
midi. Elle peut tomber le lundi ou le mardi. Je dis: Ce sont toutes des choses
qu'on peut considérer La question de la qualité de vie, n'est-ce
pas, on est sur la qualité de la vie. Alors, ce sont des questions que
je pose. Je ne veux pas raisonner.
Le Président (M. Bélanger): Brièvement pour
qu'on puisse...
M. Carouzet: Donc, je vais terminer ici pour conclure que nous
sommes foncièrement et entièrement... Je vais passer la parole
à Mme Lucile Brisebois. D'ailleurs, elle va vous communiquer un sondage
sur le sujet.
Le Président (M. Bélanger): Très
brièvement puisque...
M. Carouzet:... un sondage qu'on a.
Mme Brisebois (Lucile): Ce que j'aimerais juste en conclusion...
Vous avez le mémoire devant vous là. Mais on croit que le
gouvernement provincial surtout doit prendre position. Si on laisse aux
municipalités de légiférer, il y aura un chaos comme
ça se produit en Ontario présentement. Montréal est contre
l'ouverture - ils se sont prononcés contre - et la ville de Laval s'est
prononcée pour. Vous voyez le chaos qu'on aurait où, nous autres,
à Montréal, on ne pourrait pas aller - c'est vrai - magasiner, il
faudrait aller à Laval. Bon. Oui, oui, c'est vrai, je suis bien
certaine.
Surtout, on veut que tous les marchands soient sur un pied
d'égalité. Que les travailleurs et travailleuses a plein temps ne
soient pas forcés de travailler le dimanche, c'est très important
pour nous autres parce qu'on ne veut pas ajouter à leurs heures, on veut
leur laisser le temps qu'ils veulent, qu'ils soient libres de le faire ou non
parce que nous autres, on a toujours été pour la promotion de la
libre entreprise, de la saine concurrence. Et ce serait très important,
comme je vous le disais, que vous preniez position et que vous ne laissiez pas
ça aux villes. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Je
cède la parole à M. le ministre. Durant la période de
questions vous pourrez répondre. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Prendre position. Mme Brisebois, je
pense que ça je l'ai répété assez de fois, on va
déposer un projet de loi. Je pense qu'au niveau des villes, c'est une
hypothèse de travail. Alors, on verra. Moi, je veux vous remercier
beaucoup pour la présentation J'ai posé beaucoup de questions. Je
préfère laisser à mes collègues la
possibilité de vous poser des questions.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Acadie et M. le député de Drummond par la
suite.
M. Bordeleau: En fait, c'est un point sur lequel je voudrais
revenir. Vous avez parlé de la question de la croissance possible des
emplois. Vous faisiez référence, disons, à des emplois qui
seraient plutôt de type temps partiel pour des étudiants, etc. Il
y a une autre dimension que j'aimerais peut-être vous suggérer et
avoir votre réaction là-dessus. On parle d'un marché qui
est assez stable, le marché de l'alimentation, qu'il y aurait
probablement un étalement des achats durant la semaine dans
l'éventualité où il y aurait une ouverture le dimanche.
Maintenant, est-ce qu'on est certain que ça amènerait une
création d'emplois et est-ce qu'il n'y aurait pas aussi une autre...
Parce que combler les besoins en personnel le dimanche, il y a une autre
façon de le concevoir. C'est que, s'il y a un étalement,
probablement qu'il y aura peut-être des journées qui seront moins
occupées; je pense, par exemple, au lundi ou à des
journées comme ça qui seront moins occupées et il pourrait
y avoir tout simplement des déplacements du personnel régulier,
régulier temps plein et temps partiel,
vers le dimanche et que le lundi ou le mardi il y ait moins de personnel
requis et que ça se stabilise comme ça et que ça ne
crée pas nécessairement de l'emploi.
M. Carouzet: C'est possible. C'est difficile, à ce
stade-ci, de voir quelles seraient les retombées, comme j'ai dit. Tout
le monde fait des hypothèses, tire des... C'est difficile. Même
là, il y aurait certainement un étalement. Il se produirait
certainement un étalement, c'est à peu près sûr,
c'est obligatoire qu'il y a des gens qui vont travailler le dimanche, donc, ces
gens-là ne pourront pas travailler toute la semaine. Peut-être que
ça va être pris sur un autre jour où ça sera plus
calme. C'est possible. Mais, étant donné que le volume des ventes
va probablement augmenter - et il y a des projections quand même à
cet effet-là - il devrait y avoir une augmentation du personnel. C'est
presque nécessaire, je veux dire.
M. Bordeleau: On a eu aussi d'autres données qui nous
laissent croire qu'il n'y aurait pas une augmentation du volume des ventes,
mais qu'il y aurait un déplacement du volume des ventes en partie vers
le dimanche. Dans ce contexte-là, à partir de la question que je
vous posais tout à l'heure et à laquelle vous avez
répondu, il n'y aurait pas nécessairement une création
d'emplois. Vous avez fait allusion à ça comme étant
quelque chose de certain et ça me semble une hypothèse, mais ce
n'est pas nécessairement une hypothèse plus certaine que la
possibilité d'un réaménagement des ressources
actuelles.
Mme Brisebois: Si vous faites comme on pense, comme on
espère que vous ferez, et que vous n'obligez justement pas à
travailler les travailleurs qui sont réguliers, ça veut dire
qu'obligatoirement il va falloir que ce soient d'autres personnes et, à
ce moment-là, c'est là que ça va créer des
emplois.
À part ça, on a un débat là-dessus et, en
vérité, les magasins sont ouverts le dimanche. Il ne faut pas se
leurrer, surtout si vous allez autour de. Montréal et sur la rive sud,
vous avez des marchés où, le dimanche, vous ne pouvez pas trouver
une place pour stationner. La ville de Montréal se prononce contre
l'ouverture, ce qui nous a beaucoup étonnés. Pourquoi? Parce que
le marché Atwater est ouvert le dimanche. Tout ce qu'il fait, c'est
protéger son propre marché pour être sûr que les gens
qui louent chez lui n'auront pas la compétition plus grande d'autres
magasins. C'est assez étrange. J'y suis allée dimanche, j'aurais
pu acheter ce que je voulais: de la viande, des produits d'épicerie, le
vrac, la boulangerie etc. Il y avait des kiosques fermés, alors personne
n'est obligé d'ouvrir.
Nous, on dit qu'on devrait laisser le libre choix. Pour ça, j'ai
attendu. On avait envoyé au ministre, en 1988, des lettres. La
façon dont on rejoint les gens beaucoup, c'est quand on va à une
station de radio. Par exemple, on a été invités par un
animateur quelconque et on â dit aux gens: Écoutez, si vous
êtes d'accord avec notre position, écrivez-nous. Là, on a
reçu des lettres de partout au Québec, pas seulement de
Montréal, mais d'Arthabaska, de partout. "Libération absolue des
heures d'ouverture car il est temps que les consommateurs, aussi bien que les
commerçants, aient justice." C'est comme ça que les
Québécois voient ça, ou: "Je suis pour l'ouverture des
commerces le dimanche, soit la libre entreprise. Le gouvernement sauverait
beaucoup d'argent en inspecteurs et en procès." Vraiment, on trouve
qu'avec la loi du marché, ça devrait se placer. Quant à
nous, il n'y aurait pas de loi du tout et je pense que ça ferait
l'affaire de tout le monde et pas seulement...
M. Carouzet: On a reçu 136 lettres à cette demande
qu'on avait faite à CKAC. Sur les 136 lettres, 134 lettres
étaient pour l'ouverture et seulement 2 étaient contre. C'est
assez écrasant comme résultat.
Mme Brisebois: Et une lettre qu'on reçoit d'un
consommateur, ça représente 200 autres au moins qui n'ont pas
été capables de nous écrire. Alors, on compte que
c'était au moins 26 000 personnes, juste pour un appel, à peu
près cinq minutes sur le programme de M. Pascau.
M. Bordeleau: Juste une dernière question de clarification
très courte. Votre position, c'est pour le commerce en
général et non seulement pour le commerce dans le domaine de
l'alimentation.
M. Carouzet: Non, non, pour l'alimentation. M. Bordeleau:
Pour l'alimentation seulement.
M. Carouzet: Oui. Il y a une chose pour l'alimentation, il y a un
autre motif qui a déjà été invoqué, c'est le
fait que, pour l'alimentation, cette coupure d'un jour, le dimanche, c'est
très mauvais parce que, s'il y a des denrées périssables,
ça fait un jour mort, un jour pour lequel... Si ces marchandises
viennent d'être livrées le samedi, elles vont rester le dimanche
dans les entrepôts et les gens vont en être privés. Pour
acheter des fruits frais ou des denrées fraîches, ça fait
un jour de perdu. Pour l'alimentation, c'est très mauvais; c'est plus
mauvais que pour les autres commerces.
Mme Brisebois: À part ça, vous avez aussi le fait
qu'on peut aller aux États-Unis. Il y a beaucoup de nos beaux dollars
qui s'en vont de ce côté-là. Ils sont très
prospères à Plattsburg. Si vous y êtes allés
dernièrement, le centre commercial qu'il y a là, à la
sortie 37, aujour-
d'hui, est quatre fois plus gros parce qu'ils l'ont construit de l'autre
côté de la rue. Là, ici, il y a un projet d'une compagnie
québécoise qui s'en va investir avec une autre compagnie pour
rénover le centre-ville de Plattsburg parce que c'est là que les
Québécois vont. Ils les ont, ils comptent sur la clientèle
des Québécois. Je ne sais pas trop comment ils peuvent
s'arranger. L'alimentation, ça passe tout seul là-bas. Vous
n'avez pas de problème, vous pouvez même acheter, maintenant, sans
payer de douane, des équipements électroniques. C'est un endroit
où il y a l'écoulement de nos dollars. (17 h 15)
M. Tremblay (Outremont): Juste une question d'information. Juste
pour clarifier ce que vous avez dit concernant vos 134 lettres sur 136, pour
être bien certain que j'ai compris.
M. Carouzet: Je peux vous lire ou vous pouvez lire...
M. Tremblay (Outremont): Non, non. Mais...
Mme Brisebois: Nous en avons une copie dans notre
mémoire.
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui. C'est justement ça.
C'est justement pour ça. C'est là qu'est ma question. Si vous le
demandez sur les ondes de CKAC: Si vous tenez à avoir la
possibilité de faire votre marché le dimanche, il faut absolument
que vous, du public, vous vous manifestiez; écrivez-nous, faites-nous
parvenir une carte postale; il faut que les consommateurs fassent valoir notre
position au gouvernement... En d'autres mots, ce n'est pas un sondage. Les
personnes qui vous ont écrit, c'est évident qu'elles vous ont
écrit parce qu'elles étaient favorables. Si vous aviez dit...
Mme Brisebois: II y en avait deux qui étaient contre.
M. Tremblay (Outremont): Pardon?
Mme Brisebois: II y en avait deux qui étaient contre.
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui C'est ça. Mais je veux
juste au moins clarifier votre remarque pour dire que...
Mme Brisebois: Multipliez-les par 200. Ça prouve que les
gens sont... Puis les lettres sont...
M. Tremblay (Outremont): On est d'accord, madame. Il y en a qui
sont pour l'ouverture, c'est certain. Dans ce cas-là, il y en avait 134.
Mais si vous aviez fait un vrai sondage, c'aurait pu être
différent.
Mme Brisebois: Bien, des vrais sondages, nous n'avons pas les
moyens de les faire parce qu'on n'a pas d'argent. Nous ne recevons rien, nous,
de l'Office de la protection du consommateur du Québec.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Mme Brisebois: C'est de cette façon qu'on vient à
bout de demander aux gens ce qu'ils veulent, leur opinion.
À part ça, comme association, on est toujours en contact
avec le public. Quand vous êtes dans une association de consommateurs, on
ne pense qu'à ça, nos projets. Quand tu as quelque chose, tu
questionnes tout le monde autour et tu sais l'opinion du public. Les gens ne
peuvent pas comprendre que, par exemple, je vous ai donné une
idée, dans un article ici: La situation aberrante qu'on a quand on est
un consommateur et que, par exemple, on a le droit de La loi des exceptions,
cette histoire-là, pour tellement de commerces différents, c'est
à n'y rien comprendre pour le consommateur, excepté qu'on lui
refuse le privilège d'acheter ce qu'il veut à son marché
local le dimanche et qu'il peut magasiner dans un marché public à
des milles de chez lui. Tu es obligé de sortir. Tu peux visiter un
vendeur de piscines, tu peux acheter un monument funéraire, tu peux
aller à la librairie, une galerie d'art, une pâtisserie, un
antiquaire, mais tu ne peux pas te procurer de fruits près de chez
vous.
Pensez aux marchés aux puces qui attirent des foules
considérables. Les gens, c'est un plaisir...
Le Président (M. Bélanger): Vous permettez, madame.
Comme on est minutés, le temps du parti au pouvoir est fini.
Mme Brisebois: On aime ça, aller magasiner. Ce n'est pas
nécessairement une corvée
Le Président (M. Bélanger): Je dois donc vous
interrompre. Vous m'excusez. Je dois vous interrompre et céder la parole
à la députée de Taillon.
Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. En fait, je vais
faire seulement une remarque. C'est mon collègue qui va poser une
question. Vous parliez du libre choix et de la liberté, mais il faut
faire attention aussi, parce que la liberté absolue, c'est aussi la loi
de la jungle et puis, bon...
Mme Brisebois: On obéit aux lois.
Mme Marois: Oui, je sais, mais la liberté des uns
s'arrête là où commence la liberté des autres.
Mme Brisebois: II y en a beaucoup de lois.
Mme Marois: Et la liberté absolue, C'a donné aussi
le capitalisme sauvage auquel nous n'assistons plus maintenant, je le souhaite
et je l'espère.
Il faut faire attention aussi quand on aborde des concepts comme
ceux-là parce qu'ils ont des conséquences. Ils ont des
conséquences quant à nos lois, quant à nos attitudes,
quant à nos comportements, quant à nos modes de vie.
C'était un commentaire. Je vais laisser mon collègue vous
poser une question J'imagine que, dans la réponse à la question
de mon collègue, vous pourrez commenter mon commentaire.
M. Jolivet: En fait, d'abord, moi aussi, j'ai un commentaire de
départ parce qu'à la question qui a été
posée par le député d'Acadie vous avez dit: Nous voulons
simplement l'ouverture des services d'alimentation. Mais, quand on prend votre
principe de démocratie d'acheter où je le veux, quand je le veux,
bien là, il faudrait que je l'ouvre ailleurs qu'à l'alimentation.
Je pourrais être aussi non démocrate si je fermais les magasins de
meubles, si je fermais les magasins de fourrures, si je fermais les magasins de
ci et les magasins de ça. Je pense que, portée à
l'extrême, votre démocratie impliquerait qu'on devrait tout
ouvrir, à mon avis, et non pas juste le secteur de l'alimentation, parce
que, dans le fond, ça servirait à quoi de parler de
démocratie simplement pour un secteur, qui est l'alimentation.
Ça, c'est la première chose.
La deuxième chose, c'est la question de la ville de
Montréal. J'essaie de m'imaginer la ville de Montréal et je suis
incapable de m'imaginer, à moins qu'on ne défasse des quartiers
entiers, qu'on ne reconstruise un grand centre commercial dans la ville de
Montréal.. Donc, ça va être à l'extérieur de
la ville de Montréal. Si vous me dites que Montréal est contre
l'ouverture des magasins le dimanche et que Laval est pour, je pourrais le
comprendre en disant que ce qui va arriver, c'est que si l'un est pour, il
profite du fait que l'autre est contre pour ouvrir ses magasins et forcer la
note. Je pense que là, ce n'est pas charrier que de dire ça.
C'est de simplement en arriver, finalement, a s'apercevoir que Montréal,
sa structure commerciale est basée sur de petits commerces.
Montréal, quand je regarde à l'extérieur de
Montréal, c'est plutôt à côté, à
Mont-Royal, c'est en haut dans le nord, Saint-Laurent. En fait, c'est Anjou et
tout ça. C'est à l'extérieur du commerce de
Montréal. La ville de Montréal étant basée sur des
petits commerçants, elle dit: Moi, je ne peux pas me permettre, comme
responsabilité municipale, d'être pour l'ouverture parce que la
crainte que j'ai, c'est que ce qui va arriver, c'est que ça va aller
à l'extérieur de la ville de Montréal et, là, on va
tuer le commerce de la ville de Montréal. Il faut le comprendre comme
tel.
Qui va être perdant au bout de la course? C'est le consommateur
qui se trouve dans le centre-ville de Montréal, la personne
âgée, la personne qui a moins de capacité de voyager, qui
ne pourra pas prendre le métro avec ses sacs d'IGA, ses sacs de
Métro ou ses sacs de Provigo et partir d'Anjou pour descendre dans le
centre de Montréal avec ça. Donc, elle va devoir payer davantage
pour des petits commerces qui vont peut-être faire faillite en cours de
route.
Je reviens à la dernière question, c'est celle de
l'équité. Dans ce contexte-là, le ministre nous dit:
Est-ce que ça serait équitable - il l'a posée à des
gens cet après-midi - de revenir en arrière pour des pharmacies
qui ont été acceptées en vertu de la loi votée en
1984?
Moi, je poserais la question inverse. Dans un contexte d'ouverture comme
celui-là, est-ce que ce serait équitable, pour les petits
commerces de la ville de Montréal - et il y en a d'autres ailleurs aussi
comme ça - de se voir, par une loi qui ouvrirait le commerce, mourir par
le fait même, perdre les investissements qu'ils ont faits, faire
faillite?
Est-ce que ça serait équitable? Moi, je pense que non.
Dans ce sens-là, il me semble que notre position se tient quand on dit
qu'il faut avoir au moins une journée où il ne faut pas ouvrir
"at large", ni pour l'alimentation ni pour les autres, les commerces le
dimanche.
Ce sont mes opinions que je voulais bien vous donner parce que la
démocratie ne s'applique pas juste...
Mme Brisebois: Est-ce que je comprends que vous voulez favoriser
les dépanneurs? Les dépanneurs, ce n'est pas le consommateur
qu'il aide. Les dépanneurs, c'est cher. Toujours leurs produits sont
chers. Ils vous vendent des petits contenants. Tu ne peux pas faire un
marché qui a de l'allure. C'est juste bon pour être un
dépanneur. Ils vendent le vin...
M. Jolivet: Madame, quand je vais chez le dépanneur, parce
que ça arrive aussi avec six enfants à la maison, avec mon
épouse, de temps en temps - elle travaille comme je travaille à
l'extérieur - quand on se permet d'aller faire le magasinage, c'est
parce qu'on n'a pas été capables, d'une certaine façon
peut-être, d'aller faire le magasinage durant la semaine, mais c'est
aussi parce que durant la fin de semaine, compte tenu de la famille que j'ai,
ça peut arriver qu'il y ait du monde qui vienne à la maison le
dimanche et que je n'aie pas tout ce qu'il faut et, en conséquence, je
vais aller le chercher.
J'ai à le payer. C'est un coût que je me permets de penser
que je dois payer. Mais, d'une façon ou d'une autre, je dois m'organiser
durant la semaine et le temps, en ouvrant la plage horaire durant la semaine,
me permettrait peut-être de régler le petit problème que
j'ai d'aller chez le dépanneur.
Mme Brisebois: Vous êtes différent de bien d'autres
consommateurs parce qu'à Anjou, sur la rive sud, à
Dollard-des-Ormeaux, sur la 440, c'est plein le dimanche. Les stationnements
sont pleins. Les gens vont même acheter leur boisson parce que la
Société des alcools est ouverte partout. Le faubourg de
Montréal, la même chose.
M. Carouzet: Je vais répondre à Mme Marois. Ce qui
arrive, c'est qu'au nom du principe de la liberté je trouve que les
consommateurs recherchent de plus en plus... C'est une évolution vers la
recherche de la liberté de plus en plus complète, un goût
de pouvoir acheter quand ça vous plaît. Et si on regarde
même l'opinion des ACEF, vous avez eu les ACEF qui sont venues et qui
vous ont expliqué qu'elles sont contre l'ouverture, et elles-mêmes
reconnaissent que les gens ont le goût d'aller acheter le dimanche. Je
vais vous lire un passage de M. Nantel. Il dit: "Bien sûr, les gens ne
seraient pas obligés de magasiner le dimanche, mais il faut bien
être naïf pour croire qu'ils s'en abstiendront longtemps s'ils en
ont la possibilité." Donc, il reconnaît que, finalement, les gens
vont se laisser tenter et vont aimer ça, aller magasiner le dimanche.
Lui-même reconnaît ça.
M. Jolivet: Moi, je vais à l'absurde de votre raisonnement
aussi en disant que la démocratie implique l'ouverture; si ça
implique, l'ouverture, de pouvoir magasiner où je veux, quand je veux,
24 heures par jour, 7 jours par semaine, 365 jours par année, dans tous
les commerces, ce serait la logique, là.
Mme Brisebois: N'exagérez pas. C'est comme ça en
Floride, c'est comme ça au Nouveau-Brunswick, c'est comme ça en
Ontario. Je veux dire: Pourquoi est-ce que nous autres, on est
différents à ce point-là?
M. Carouzet: Vous avez les dépanneurs, ils sont ouverts 24
heures par jour. Ça, c'est la première chose. Il me semble qu'il
y a un goût du public de pouvoir magasiner le dimanche. Il y a quelque
chose, un désir de plus en plus fort de pouvoir faire ce qui vous
plaît et de magasiner le dimanche. Une deuxième chose là;
vous avez dit: Oui, en ce qui concerne la ville de Montréal, on a dit:
Bon, bien, la ville de Montréal, c'est parce qu'il y a des petits
commerces et ça pourrait encourager les supermarchés, etc.
Justement, si, dans la ville de Montréal, il y a surtout des petits
commerces, on peut penser que Ça ne va pas changer grand-chose,
finalement. Si des gens sont obligés d'aller en dehors de la ville pour
aller s'approvisionner, est-ce qu'ils ne vont pas plutôt aller chercher
ce dont ils ont besoin sur place et aller dans les petits commerces? Alors,
qu'est-ce que ça va changer, à ce moment-là?
Là-dessus, je ne trouve pas qu'il y aurait un gros changement.
Finalement, il me semble que les arguments contre ne sont pas absolument
convaincants.
Mme Marois: En fait, ce qu'ils disent, pour ne pas qu'il y ait
"malinterprétation", ce que la ville dit à ce moment-là,
c'est: Les gens risqueraient d'aller faire leurs courses et leurs emplettes
ailleurs et de tuer nos petits commerçants, parce que eux ne seront pas
capables d'assumer l'ouverture le dimanche compte tenu du fait que ce sont des
indépendants et que, souvent, le propriétaire est un
propriétaire unique avec à peine quelques employés. C'est
l'essentiel de leur raisonnement, si je ne me trompe pas. Ils vont venir, de
toute façon, nous le présenter.
Mme Brisebois: La situation est la même dans le moment, il
y en a des magasins ouverts. Tous les magasins sont ouverts, vous pouvez
acheter ce que vous voulez dans Montréal, à peu près Je
connais des magasins que je peux vous nommer; c'est ouvert le dimanche. Alors,
tout le Vieux-Montréal, par exemple, c'est ouvert le dimanche, les gens
vont magasiner.
M. Carouzet: Oui, et il suffit de
M. Jolivet: Oui, mais ce n'est pas pareil, le
Vieux-Montréal.
Mme Brisebois: Les villages aussi. Vous savez que ça a
toujours été ouvert dans tous les villages. Pourquoi? Parce que
les fermiers, eux autres, c'est le dimanche qu'ils vont au village pour
s'approvisionner. Si vous avez Loto-Québec aujourd'hui, de toute
façon, vous êtes obligés d'ouvrir. Vous avez la
possibilité... Moi, je n'ai pas de problème avec ça parce
que je peux magasiner où je veux, le dimanche, à mon magasin au
village, l'été, quand je vais à la campagne, et en ville.
Alors, on en a besoin.
Le Président (M. Bélanger): Alors, les dix minutes
sont terminées. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Mme Brisebois: II y a un besoin impossible à
réprimer.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? M. le député de Drummond.
M. Saint-Roch: Oui, j'aurais une question. Dans votre
mémoire, vous mentionnez: "Nous croyons que le gouvernement provincial
doit prendre position", parce que vous craignez que, si ce sont les
villes ou les MRC qui légifèrent, on ait toutes sortes de
législations et de réglementations.
Mme Brisebois: Bien, surtout...
M. Saint-Roch: Je pars du principe que c'est le gouvernement qui
va légiférer, qui va réglementer. Ma question est
celle-ci: Quelle serait votre position, dans l'application de la loi - parce
qu'il y a toujours aussi l'application et le contrôle de cette
loi-là - au niveau du contrôle de la loi? Est-ce que vous
manifesteriez une ouverture d'esprit d'aller vers les municipalités,
à ce moment-là...
Mme Brisebois: Non
M. Saint-Roch:... pour faire appliquer la loi?
Mme Brisebois: Pas du tout. On serait complètement contre.
Notre conseil d'administration s'est prononcé contre ça parce
qu'il va y avoir des endroits où... Seulement le problème qu'on
aurait avec Montréal qui est contre et Laval qui est pour, qu'est-ce que
vous pensez qui va arriver? Les gens vont aller à Laval et les petits
commerçants vont mourir pareil à Montréal.
M. Saint-Roch: Non, ce n'est pas ma question. Si la loi dit,
c'est un exemple. Tous les commerces ou une partie des commerces sont
fermés...
Mme Brisebois: Ce qu'on a trouvé...
M. Saint-Roch:... ou sont ouverts..
Mme Brisebois:... nous autres, en tout cas...
M. Saint-Roch:... pour faire observer cette loi-là...
Mme Brisebois:... c'est assez indignant de penser...
Le Président (M. Bélanger): Laissez M. le
député...
Mme Brisebois:... qu'il y a des lois...
Le Président (M. Bélanger):... poser sa
question...
Mme Brisebois:... il y a des amendes jusqu'à...
Le Président (M. Bélanger): Madame... Mme
Brisebois: Pardon, monsieur.
Le Président (M. Bélanger): on va laisser M. le
député poser...
M. Saint-Roch: Ma question...
Le Président (M. Bélanger):... sa question
et...
M. Saint-Roch:... est celle-ci.
Le Président (M. Bélanger):... vous
répondrez après.
M. Saint-Roch: II y a une loi... Mme Brisebois: II semble
la poser... M. Saint-Roch:... qui existe. Mme Brisebois:...
à moi, if me regarde.
M. Saint-Roch: Bon. Quelle que soit la loi, la loi existe.
Une voix: Oui.
M. Saint-Roch: On pourrait décider que ça va
être des inspecteurs à partir du ministère de l'Industrie
et du Commerce qui feraient observer la loi, qui donneraient les contraventions
ou on pourrait dire, à ce moment-là: On va déléguer
aux municipalités ce rôle de surveiller l'application de la loi.
C'est là qu'est ma question: Est-ce que vous seriez, à ce
moment-là, pour que ce soient les municipalités qui aient ce
rôle de faire appliquer la loi et de donner les amendes s'il y a des
infractions?
Mme Brisebois: Je vais laisser notre avocat vous dire ce qu'il
pense.
M. Carouzet: Nous, on serait plutôt contre les amendes,
puisqu'on est pour la liberté. Ha, ha, ha!
M. Saint-Roch: Non, mais il va y avoir quand même des
commerces, quelque part, qui seront fermés.
M. Carouzet: Qui seront fermés...
Mme Brisebois: Surtout, ne nous enlevez pas les marchés
publics parce qu'on aime ça, nous autres, les marchés publics,
c'est très important. Si vous êtes pour garder le statu quo, vous
allez être encore pris avec des amendes.
M. Carouzet: C'est ça
Mme Brisebois: Et des amendes de 10 000 $ pour un
commerçant qui veut ouvrir un magasin, on trouvait ça assez
difficile, on vous l'a mentionné dans...
M. Saint-Roch: Non, mais ma question est celle-ci. Vous avez dit
tout à l'heure.:.
Mme Brisebois: Laisser aux municipalités...
M. Saint-Roch: Je m'excuse, madame.
Mme Brisebois: ...je n'aimerais pas. On n'aimerait pas
ça.
M. Saint-Roch: Vous avez dit tout à l'heure, en
réponse à une question de M le député d'Acadie et
de M. le député de Joliette, que vous êtes concernés
par les commerces d'alimentation seulement.
M. Carouzet: Oui, pour l'instant, c'est le débat...
Mme Brisebois: C'était général. M.
Carouzet: ...qui est devant nous.
Mme Brisebois: Notre mémoire était
général.
M. Jolivet: Laviolette.
M. Saint-Roch: Laviolette
Une voix: M. Jolivet, de Laviolette.
Une voix: Le comté de M. Jolivet, c'est Laviolette.
M. Saint-Roch: Le secteur qui serait
légiféré, à ce moment-là, et
réglementé, au niveau de l'application, est-ce que vous auriez
une objection a ce que ce soit la municipalité...
Mme Brisebois: Non, non.
M. Saint-Roch: ...à ce moment-là, qui donne les
contraventions?
Mme Brisebois: Je n'aimerais pas.
M. Carouzet: Que ce soit le commerce des meubles, par exemple,
auquel on ne permettrait pas d'opérer le dimanche, quelque chose comme
ça.
M. Saint-Roch: Oui.
Mme Brisebois: Si vous faites des exceptions, il faudrait que
vous ayez une police, mais...
M. Carouzet: C'est ça, il faudrait avoir...
Mme Brisebois: nous autres, on ne voit pas pourquoi il y a des
exceptions, alors c'est difficile... Et si vous voulez une opinion
sincère, parce que vous nous posez cette question-là, moi,
personnellement, parce qu'on n'a pas consulté nos membres
là-dessus, je pense que ça devrait rester au gouvernement, que ce
ne soit pas aux municipalités, de grâce, parce que les
municipalités sont trop près aujourd'hui. Je veux dire, c'est la
police ici et la police là. Tu es rendu en ville et tu ne peux
même pas traverser une rue sur la lumière rouge parce que tu te
fais arrêter par la police. Des polices, on en a plein..
Le Président (M. Bélanger): J'espère! Parce
que vous êtes en contravention.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Brisebois: Moi, ça m'est arrivé. J'ai eu une
contravention parce que j'ai traversé sur la lumière rouge en
ville. Alors, écoutez!
M. Saint-Roch: J'aimerais vous rappeler, à ce
moment-là, que le corps policier fait appliquer le Code de la
sécurité routière, qui est provincial.
Mme Brisebois: Je ne le sais pas, mais ne nous apportez pas une
autre police dans cette histoire là
Le Président (M. Bélanger): Bon. Est-ce qu'il y a
d'autres interventions? Bien. Alors, si Mme la députée de Taillon
veut remercier le groupe.
Mme Marois: Merci de votre contribution à nos travaux et
de cet échange que l'on a eu.
Mme Brisebois: On vous remercie de nous avoir
consultés.
Le Président (M. Bélanger): M le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, merci beaucoup. Je pense que
ça a été très intéressant. Alors, on va
prendre en considération vos remarques.
Mme Brisebois: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des consommateurs du
Canada et invite, à la table des témoins, la
Fédération nationale des associations de consommateurs. Alors, on
suspend une minute pour faire la transition, s'il vous plaît!
(Suspension de la séance à 17 h 32)
(Reprise à 17 h 33)
Le Président (M. Bélanger): Je vais vous expliquer
rapidement nos règles de fonctionnement. D'abord, si vous voulez bien
vous présenter en débutant tout à l'heure. Et lorsque vous
aurez à prendre la parole, au moment des échanges avec les
députés, H serait important
que vous donniez votre nom chaque fois, cela pour la transcription du
Journal des débats, parce qu'ils ne reconnaissent pas les voix.
Ils sont moins familiers avec vous qu'avec nous. Si possible, on va essayer de
ne pas l'oublier. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre
mémoire, et il y aura une période d'échanges avec les
parlementaires par la suite. Si vous voulez bien procéder. Merci.
Fédération nationale des associations de
consommateurs du Québec
Mme Beaulieu (Ghislaine): Je suis vice-présidente de la
Fédération nationale des associations de consommateurs du
Québec, la FNACQ. Je vous présente aussi Mme Josée
Bédard qui est à l'ACEF de Québec, Mme Lise Pilon qui est
présidente de la FNACQ et M. Richard Dagenais qui est aussi de l'ACEF de
Québec.
Nous vous remercions beaucoup de nous permettre de nous faire entendre
à la commission parlementaire. Nous vous présentons notre
mémoire. Nous commençons par Mme Pilon.
Mme Pilon (Lise): La FNACQ tire sa raison d'être des
différents groupes de consommateurs qui sont membres de la
Fédération et qui se sont donné pour objectif de
construire ensemble une force de représentation pour la promotion et la
défense des intérêts des consommateurs. La FNACQ
défend une approche globale de l'intérêt des consommateurs.
Elle tient à ce que la notion de bien-être soit au coeur de la
définition de l'intérêt des consommateurs. Et vous avez,
à la page 1 de notre mémoire, justement, une longue
définition de ce que nous entendons par "bien-être". Alors, cette
définition-là évite de restreindre le consommateur
à un simple acheteur. L'achat est loin d'y être défini
comme un besoin, mais plutôt comme l'un des moyens à
évaluer pour répondre à un besoin.
La représentativité des consommateurs
québécois au sein de la FNACQ tu fait aucun doute. À
l'assemblée générale de novembre 1989, nous recensions
neuf organismes membres, dont vous avez la liste à l'annexe 1, environ
5000 membres individuels et près de 120 000 membres corporatifs. Les
délégués ayant droit de vote à cette
assemblée ont réaffirmé leur position sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux. La consultation et le vote
nous amènent à conclure à un constat d'unanimité
contre l'ouverture des commerces le dimanche et pour un
réaménagement des heures actuelles d'ouverture.
Il s'est dit beaucoup de choses contre l'ouverture des commerces le
dimanche. Nous considérons que cette question est une décision
politique qui s'intègre dans un choix de société. C'est
une décision qui ne peut s'effectuer simplement sur la question de la
commodité à donner aux consommateurs. Il nous semble beaucoup
trop simpliste de croire que cette seule variable puisse avoir de l'importance
aux yeux des consommateurs.
Le débat actuel nous amène à une question
fondamentale. Est-ce qu'on veut instituer une course à la consommation
continue dans le temps ou l'interrompre une journée par semaine pour
accorder aux consommateurs et aux consommatrices un moment commun de loisirs,
d'activités culturelles, sportives et familiales ou de rencontres
familiales ou amicales? On pourrait poser la question: Est-ce qu'on vit pour
consommer ou est-ce qu'on consomme pour vivre?
Cela nous amène à la question de la
nécessité de maintenir une certaine qualité de vie. On a
beaucoup parlé de qualité de vie. Pour nous, ce n'est pas un
concept vide, mais c'est un élément essentiel de la santé
mentale et psychologique des individus et des familles. À ce
titre-là, la FNAQ tient à ce que la qualité de vie des
consommateurs soit protégée. Parce que le dimanche, c'est une
journée associée aux loisirs et à la détente, et
parce qu'on consacre de plus en plus de temps, justement, à ces
activités, on considère que le prolongement des heures d'affaires
le dimanche risque de faire perdre aux consommateurs le sens de la
détente. Et cela, en fait, ça pourrait se manifester par le fait
qu'il faut absolument se donner des moments libérateurs, et l'ouverture
des magasins le dimanche permettrait d'étaler son stress sur sept jours
au lieu de six, de sorte qu'on considère qu'il faut accorder la
priorité aux valeurs sociales plutôt qu'aux valeurs
économiques. Et on considère aussi qu'il est dangereux de
prolonger les heures d'affaires le dimanche parce que ça aurait
justement un effet d'entraînement sur les autres commerces et que cet
effet d'entraînement ferait que par le jeu de la concurrence et par le
jeu, si vous voulez... On aurait le fait que non seulement les magasins
d'alimentation ouvriraient le dimanche, mais aussi d'autres types de magasins.
Je vais maintenant passer la parole à M. Richard Dagenais.
M. Dagenais (Richard): Contre la hausse des prix à la
consommation. On s'entend pour dire que la demande alimentaire est une demande
qui est inélastique, qui est à peu près stabilisée
au Québec, de sorte que l'augmentation des heures d'ouverture va
créer nécessairement un accroissement des coûts et donc une
augmentation des prix de l'alimentation. Finalement ici, notre principe, c'est
de dire qu'il faut garder la possibilité pour les consommateurs de
s'approvisionner pour un bien, mais aussi en considérant les aspects
prix et capacité de payer des consommateurs. Pour nous, entre autres, un
élément important, c'est les consommateurs de bas et moyen revenu
qui ont une capacité limitée finalement de payer pour leur
alimentation. Il faut s'attendre effectivement, s'il y a des coûts
supplémentaires, que ce soit refilé aux consommateurs. On ne
s'attend pas à ce qu'il y ait de
cadeau de la part des chaînes alimentaires là-dessus.
On s'oppose finalement à des alternatives qui vont faire
croître les coûts et les prix pour les consommateurs parce que l'un
des chevaux de bataille, finalement, c'est d'assurer l'accessibilité
pour tous les êtres humains à une alimentation saine, en
quantité suffisante et en qualité constante. On revendique
l'accessibilité à des produits de qualité, à un
juste prix pour les ménages à faibles revenus.
Il faut considérer aussi l'aspect de l'endettement des
ménages. On dit, entre autres, ici, que près de 40 % des
consommateurs et des consommatrices qui visitent des centres commerciaux le
dimanche y effectuent des achats spontanés, c'est-à-dire que
c'est une incitation de plus, finalement, à ia consommation
spontanée pour le consommateur; ça devient un loisir que de
consommer et de dépenser pour l'achat de nourriture
L'autre aspect qui pour nous est important, c'est un voeu finalement des
grandes entreprises que de pouvoir ouvrir le dimanche pour pouvoir regagner une
partie du marché qui leur a échappée au
bénéfice des indépendants et puis aussi des
spécialistes: boucheries, fruiteries, etc.
Alors, à moyen terme, ce qu'on peut anticiper finalement, c'est
que les chaînes alimentaires gagneront une part du marché aux
dépens des indépendants et des spécialistes Et, à
ce moment-là, ça amènera une concentration accrue dans la
distribution alimentaire au Québec. Les chaînes alimentaires
contrôlent environ 98 % de l'approvisionnement en gros au Québec
et environ 82 % de l'approvisionnement au détail. Et, pour nous, on doit
maintenir un secteir indépendant qui est le gage, quant à nous,
d'une concurrence qui va maintenir des prix abordables pour la distribution
alimentaire.
L'ouverture des commerces le dimanche peut nous apparaître
finalement aussi une illusion parce que les gens sont attirés par
l'aspect marketing, par l'aspect publicité. Finalement, ce qu'on veut
nous vendre, c'est une journée de plus. Donc, c'est une journée
de plus pour satisfaire les besoins des entreprises aussi.
Il y a des sondages qui semblent dire que l'opinion publique
évolue finalement vers une plus grande libéralisation en ce sens.
Pour nous, ce qu'on pense aussi, c'est qu'il y a quand même des biais
à ces sondages-là C'est présenté comme si
c'était un bien public, les heures d'ouverture, c'est-à-dire: On
peut ouvrir "at large" et il n'y aurait pas de coûts pour les
consommateurs. Mais on pense que poser la question: Êtes-vous favorables
à l'accroissement des heures d'ouverture, c'est un peu comme dire
êtes-vous favorables à ce que le gouvernement double le budget
dans les hôpitaux, si on ne pose pas la question oui, mais qui va payer?
Alors, pour nous, c'est finalement de ne pas juste faire miroiter les
avantages, niais aussi de montrer les conséquences et de faire peser par
les gens les conséquences de ces décisions-là.
Mme Bédard (Josée): Je vais continuer. Pour
reprendre notre point 2 3, Contre une orchestration des grandes entreprises,
j'aimerais revenir sur le fait qu'on a dit aujourd'hui que les consommateurs
devraient se laisser tenter, que c'était une atteinte à la
liberté de choix que de ne pas ouvrir les commerces le dimanche. Moi,
vous savez, cette affirmation me fait penser au chien de Pavlov. C'est
très facile pour les grandes entreprises de faire saliver le
consommateur devant des spéciaux adaptés au dimanche et de les
amener à consommer le dimanche. De cette façon là,
l'entreprise peut conditionner le consommateur à consommer, et ça
nous amène, encore une fois, à la question fondamentale. Vit-on
pour consommer ou consomme-t-on pour vivre7
L'illusion du gain de temps maintenant Le temps, vous le savez tous,
c'est une ressource limitée, non accumulable, non arrêtable,
irrécupérable et très mal exploitée. Tout le monde
dispose de la même quantité de temps - c'est à peu
près la seule justice qu'on a sur terre -dans une semaine, dans une
journée, dans une année. La façon dont on s'en sert
cependant affecte notre qualité de vie à des degrés
différents C'est vrai que les consommateurs ne forment pas un bloc
monolithique. On l'a répété aujourd'hui Leurs valeurs et
leurs priorités sont diversifiées Et les variables qui semblent
influencer la position des consommateurs et des consommatrices dans le
débat des heures d'ouverture sont principalement, et je ne les cite pas
par ordre d'importance, l'âge, la région de résidence,
l'occupation, la structure familiale, le revenu et le niveau de
scolarité. Rappelez-vous que les gens les plus jeunes, les mieux
scolarisés et les plus favorisés socio-économiquement sont
généralement ceux qui demandent l'ouverture le dimanche. Ces
variables ont été mesurées dans une approche cependant
limitée, celle de l'ouverture le dimanche. Mais si on avait pris une
approche globale - par approche globale, j'entends la gestion des ressources
personnelles en général - on aurait peut-être eu des
résultats complètement différents. (17 h 45)
On ne peut affirmer que l'ouverture des commerces le dimanche soit la
solution à la gestion du temps des consommateurs
québécois. Pour affirmer une telle chose, il aurait fallu
évaluer d'autres facteurs. Vous avez actuellement une commission
parlementaire sur le travail, mais pourquoi ces gens-là ne se posent-ils
pas la question sur la disponibilité du temps de travail ou, si vous
préférez, la mesure de jeu dans notre temps de
travail9 Parce que, finalement, c'est peut-être ça la
solution à la gestion du temps davantage que d'ouvrir les magasins le
dimanche C'est pout ôtro aussi l'accès à des ressources
familiales qui pourraient faire notre marché à notre place
quand on en a les moyens, bien entendu. L'accès à des ressources
économiques aussi. Et ça pourrait être, bien entendu, le
partage des tâches ménagères à l'intérieur
des ménages. On me faisait rire hier; on me disait que les gagnantes du
dimanche, ce seraient les femmes. Ce ne sont pas les femmes, ce sont les
hommes. Ce sont les hommes. C'est très méprisant pour les femmes
de penser une telle chose, parce que ça voudrait dire que les femmes
sont responsables de faire le marché dans leur foyer. Et, moi, en tant
que femme, je trouve ça insultant pour les femmes.
Le Conseil économique du Canada nous dit que 44 % des familles
éprouvent des contraintes de temps telles qu'il leur est difficile
d'assumer leurs tâches ménagères dont justement
l'approvisionnement alimentaire. Selon SORECOM, les moments que les gens
privilégient pour faire leur épicerie sont presque à
égalité l'après-midi et le soir. Si on prend le sondage
des HEC, 14,9 % des consommateurs qui fréquentent les
supermarchés préféreraient magasiner les lundis, mardis et
mercredis soirs. Ça vous semble peut-être peu élevé,
14,9 %, mais, dans le même sondage, on dit que 8,7 % des consommateurs
préféreraient magasiner le dimanche.
Je ne veux pas faire, cet après-midi, la guerre des sondages. Je
trouve que la Fédération des ACEF nous a livré une
très bonne information sur les sondages, et, nous, on n'est pas
là pour refaire cette bataille-là, on est là pour discuter
des valeurs et des principes qui sous-tendent ça et qui nous
amènent à déterminer les moyens, et non pas l'inverse.
On veut aussi un réaménagement des heures d'ouverture.
Malgré notre opposition ferme à la fermeture des magasins le
dimanche - et tout à l'heure, Ghislaine va vous expliquer quelle est
exactement notre politique - on considère important de tenir compte des
besoins de commodités exprimés par les consommateurs. On propose,
nous, un réaménagement des heures d'ouverture des commerces.
À notre avis, les établissements commerciaux pourraient ouvrir
leurs portes une soirée supplémentaire, par exemple le mercredi
soir, et réaménager les heures d'ouverture de façon
à ce que la totalité des heures reste la même. Ainsi la
qualité de vie des consommateurs, qu'ils soient simplement consommateurs
ou encore consommateurs travailleurs dans le domaine de l'alimentation, serait
préservée et on n'aurait pas de hausses de prix
prévisibles.
On revendique aussi une consultation démocratique des
associations de consommateurs. La FNACQ a voulu dépasser le cadre de sa
propre fédération pour consulter dans ce débat-là.
Lorsqu'on a rédigé notre mémoire, 36 associations de
consommateurs au Québec étaient contre l'ouverture des commerces
le dimanche - vous avez cette liste-là à l'annexe 3 - et sept as-
sociations étaient pour. Si vous avez lu les journaux de mardi matin ou
si vous avez suivi la presse de lundi, vous avez pu voir que 40 associations de
consommateurs se prononcent maintenant contre l'ouverture le dimanche. Toutes
ces démarches ne font que renforcer la position de la FNACQ.
Mme Beaulieu: Position de la FNACQ. Fermeture le dimanche des
commerces vendant des denrées alimentaires, sauf ceux opérant
avec trois personnes ou moins en tout temps, excluant la possibilité
pour les commerces à grande superficie de défier la loi par
l'installation de cloisons transparentes ou non, afin de constituer plusieurs
surfaces avec personnel limité. Fermeture également le dimanche
des établissements commerciaux des autres secteurs qui ne sont pas
spécifiquement exemptés par la loi.
Réaménagement des heures d'ouverture en début de
semaine plutôt que le dimanche. On a parlé pour ça du
mercredi soir.
Abolition des exemptions, sauf celles qui avaient été
prévues dans le rapport du comité du député Richard
en 1988. On ne nommera pas ici toutes les exemptions qui avaient
été prévues à ce moment-là. Vous les avez
dans la liste dans le mémoire.
Quant aux commerces qui, en plus de leurs marchandises habituelles,
vendent des denrées alimentaires, soit les pharmacies, les tabagies ou
d'autres, ce qu'on préconise, c'est qu'ils se conforment à la
règle de trois employés ou moins en tout temps. Ça veut
dire que si une pharmacie, par exemple, veut aussi vendre de l'alimentation,
à ce moment-là, ce n'est plus une pharmacie. Ça devient
presque un supermarché. À ce moment-là, elle devrait se
conformer à une règle de trois employés ou moins.
Nous pensons que, présentement, au niveau de la loi actuelle, il
y a eu des débordements de part et d'autre, ce qui fait que, maintenant,
c'est une loi qui est très difficile à gérer. Nous pensons
qu'il faut une loi qui se gère et, je pense, qui soit très
stricte face à ça.
Application vigoureuse aussi de la loi selon les recommandations du
rapport Richard de 1988, également: que les amendes reliées
à la loi soient augmentées de 3000 $ à 15 000 $ pour une
première infraction, de 10 000 $ à 50 000 $ et que s'additionnent
aussi les bénéfices des ventes que ces marchands ont faites en
contrevenant à la loi.
Que la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux reste de juridiction provinciale et qu'aucun pouvoir ne soit
conféré aux municipalités. Cette position a
été unanimement adoptée par notre assemblée
générale du mois de novembre 1989.
Voilà, c'était la fin de notre mémoire. Si vous
avez des questions...
Le Président (M. Bélanger): Bien. Je vous
remercie. Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata.
Mme Oionne: Merci, M le Président. Tout d'abord,
j'aimerais vous remercier pour la préparation de votre mémoire.
J'étais en train de lire la conclusion en même temps que vous la
lisiez. Vous parliez de qualité de vie associée à la
journée du dimanche autant que de l'accessibilité des services.
Vous parlez d'un certain équilibre. J'aimerais tout d'abord
peut-être faire un petit commentaire sur la qualité de vie parce
que, toute la journée on a entendu des gens qui étaient pour, qui
étaient contre l'ouverture des commerces le dimanche en alimentation ou
de façon plus large. Il reste aussi une chose, c'est qu'on parle de
services à la population, d'alimentation ou autrement. Ma perception,
c'est que, quand on travaille dans le domaine des services, par exemple, notre
qualité de vie est aussi la qualité au travail autant que dans
notre vie personnelle ou notre vie familiale. Les gens qui travaillent, par
exemple, dans la restauration, c'est un service du dimanche comme de la
semaine. C'est peut-être plus intéressant, par exemple, pour
quelqu'un qui travaille dans un restaurant d'avoir le restaurant plein de
monde, où il y a vraiment de la clientèle, où ça
bouge que le lundi où il y a moins de clientèle parce que c'est
valorisant, dans le domaine des services, d'avoir des gens autour de soi. C'est
pour ça qu'on a choisi de travailler dans le domaine des services. Par
exemple, je pourrais dire comme députée: C'est aussi
intéressant de travailler les fins de semaine, parce qu'on le fait, et
aussi bien le dimanche, et des fois peut-être parce qu'on rencontre des
gens de l'âge d'or. On rencontre un tas de gens le dimanche, ça
fait partie, entre guillemets, de notre travail et c'est aussi valorisant
Ça fait partie de la qualité de vie pour un député
autant le dimanche que la semaine. C'est un petit commentaire que je voulais
faire avant d'aborder les différentes questions que je veux vous
poser
Vous dites qu'on pourrait réaménager les heures sur
semaine d'ailleurs pour améliorer l'accessibilité, mais sur
semaine. Vous parlez du mercredi. Est-ce qu'on ne pourrait pas dire, à
un moment donné: Au lieu que les magasins soient ouverts l'avant-midi et
l'après-midi, pourquoi ne pourraient-ils pas être ouverts
l'après-midi et le soir du lundi au samedi soir? Prenons, par exemple,
de midi à neuf heures, du lundi au samedi soir inclusivement. Est-ce que
ça ne serait pas une possibilité aussi qui pourrait être
intéressante pour les consommateurs?
Mme Bédard: La possibilité pourrait être
intéressante mais, nous, on vous livre aujourd'hui les recommandations
de notre assemblée générale qui s'est tenue en novembre
dernier et, avant d'aborder une question comme ça, il faudrait revenir
démocratiquement en assemblée générale.
Mais je vous avoue que les associations de consommateurs
présentes - j'étais secrétaire à la dernière
assemblée générale - étaient unanimement pour
l'ouverture le mercredi soir et nous disaient, à ma grande surprise,
que, de plus en plus, les adhérents à leur association de
consommateurs étaient contre l'ouverture le dimanche et même
parlaient de non-besoin de rouvrir la question J'en étais surprise.
Mais vous avez aussi le SAC de Shawinigan qui a fait un sondage maison
auprès de tous ses membres qui nous dit la même chose.
Mme Dionne: O.K. Comme ça, la question n'a pas
été posée pour un changement global?
Mme Bédard: Oui, la question a été
posée sur le changement global Les gens se sont entendus pour dire oui
au mercredi soir, unanimement, après débat.
Mme Dionne: Au lieu du dimanche.
Mme Bédard: Au lieu du dimanche et au lieu de la
prolongation de tous les soirs
Mme Dionne: O.K. En tant que tel, si justement les besoins des
consommateurs changent ou les consommateurs changent leurs habitudes, de
pouvoir changer comme ça de midi à 21 heures, par exemple, du
lundi au samedi soir et de tout fermer le dimanche, par exemple, est-ce que
ça ne serait pas, d'après vous - je vous pose la question, sans
nécessairement que vous retourniez à votre assemblée
générale - peut-être un choix qui serait à penser
parce que...
Mme Bédard: Tout ce que je pourrais vous donner, madame,
c'est mon opinion personnelle.
Mme Dionne: Oui, oui
Mme Beaulieu: On peut aussi se demander si quand on parle des
besoins des consommateurs, on parle, en tout cas, dans notre document,
d'orchestration des grandes chaînes d'alimentation Présentement,
ce qu'on voit, et on l'a vu même dans le journal Les Affaires de
la fin de semaine, les grandes chaînes d'alimentation, les quatre grands
secteurs d'alimentation au Québec disent qu'ils ont perdu 1 000 000 000
$ depuis 1980, et ce, à cause des heures d'ouverture actuelles. On le
voyait aussi dans le document du ministère, où on nous disait que
les supermarchés et les grandes chaînes avaient perdu 7,5 % du
marché. Alors, c'est à se demander. On parle beaucoup au niveau
du débat actuel. On trouve curieux nous aussi qu'il y ait tant
de... Bon, ça se promène beaucoup. On pensait qu'il pourrait y
avoir plus consensus que ça. Mais est-ce qu'à un moment
donné il n'y a pas de gros pouvoirs d'achat, de pouvoirs qui veulent
protéger... Je
pense que quand on parle de commerce, on pense qu'il y a des commerces,
en tout cas, qui veulent protéger leur part du marché et que le
débat se fait beaucoup autour de ça.
Mme Dionne: Je serais peut-être du même avis que vous
en disant: O.K., s'il y a des grands marchés qui veulent protéger
leur chiffre d'affaires, il y a aussi les dépanneurs. Par exemple, dans
mon comté, on dit: On est contre l'ouverture des commerces le dimanche.
Ils veulent également protéger leur chiffre d'affaires du
dimanche. C'est peut-être un commerce familial de moins de trois
employés. Alors, on essaie de se protéger. Je pense que c'est de
bonne guerre de commencer par vouloir le faire.
Mme Beaulieu: . Pour les commerçants, je pense que
ça existe déjà. Dans ce cas-là, les
dépanneurs, je pense que c'est justifié pour eux aussi de vouloir
protéger leur marché.
Mme Dionne: Oui, c'est ça, des deux côtés.
Mon autre question, ce serait au niveau des zones touristiques. Vous n'en avez
pas parlé beaucoup, mais, tout à l'heure, on a entendu d'autres
groupes qui disaient que les zones touristiques, ça devait être
contrôle de façon bien précise. Alors, on peut dire
maintenant qu'il y en a de bien définies, mais si on prend, par exemple,
la région de Charlevoix qui est une région fortement touristique,
une municipalité de Charlevoix comme Baie-Saint-Paul pourrait demander
que les commerces soient ouverts le dimanche. Mais, à un moment
donné, on pourrait retrouver toutes les municipalités de
Charlevoix qui pourraient demander la même exemption parce qu'il y a du
tourisme autant l'été que l'automne et l'hiver, il y a des
centres de ski autant que de bonnes auberges d'été. Comment,
d'après vous, pourrait-on définir des zones touristiques, bien
les définir? Parce que le Québec s'en vient une grande zone
touristique, peut-être pour les dix prochaines années. Est-ce que
vous avez une opinion à ce sujet-là?
M. Dagenais: Peut-être rapidement. Je pense que, d'une
part, dans une zone touristique, il y a le facteur restauration qui est
important où les gens vont s'alimenter. Si les gens restent un certain
temps, je pense qu'ils ont la possibilité de planifier leur temps
d'achat pour s'approvisionner, pour stocker.
L'autre aspect, c'est de voir, si les gens vont consommer, quel impact
ça va avoir sur l'industrie culturelle? Les gens ont quand même
une limite de temps. Alors, si on leur donne la possibilité d'aller
faire de la consommation de loisirs, qu'est-ce qu'il va y avoir au niveau de
l'industrie touristique et des cultures?
Mme Dionne: Mais, déjà, on a des zones
touristiques. Prenons dans les Laurentides, il y a certaines villes qui sont
désignées, qui ont demandé au ministre une exemption pour
devenir zone touristique et pour que les commerces puissent être ouverts
le dimanche. Alors, on a déjà certaines villes qui ont cette
possibilité-là.
Mais là, dans l'avenir, est-ce qu'on devrait circonscrire
ça de façon bien précise? Parce que des zones
touristiques, je pense, que de plus en plus, dans l'avenir, on en aura.
M. Dagenais: Je pense qu'à ce moment là, il faudra
considérer Québec, zone touristique, Montréal, zone
touristique, et là, je pense que ça va... Il n'y aura plus de
limite, à prime abord.
Mme Beaulieu: Je pense qu'il faudrait que ce soit vraiment
circonscrit. Moi, je suis de la région de l'Estrie...
Mme Dionne: Oui.
Mme Beaulieu: ...et Magog avait demandé une exemption,
l'année dernière, pour six mois d'ouverture l'été.
Les marchands sont revenus, la Chambre de commerce, entre autres, est revenue
demander l'ouverture à l'année. Je pense que c'est la même
chose qui se passe au niveau des zones touristiques que ce qui se passe
présentement au niveau d'ouverture des commerces le dimanche. Je pense
qu'on avait ouvert la porte à certaines exemptions. Il y a des
commerçants, je pense, qui en ont profité. Les pharmacies qui
devaient vendre des produits pharmaceutiques deviennent, maintenant, presque
des supermarchés. La même chose au niveau des fruiteries. Si elles
étaient, les fruiteries, vraiment considérées comme petits
commerces, je pense que nous, on serait vraiment d'accord pour qu'elles soient
ouvertes le dimanche, mais quand ça ressemble à un
supermarché, ce n'est plus une fruiterie. La même chose au niveau
des zones touristiques, il faudrait, je pense, une responsabilité du
gouvernement pour que ce soit vraiment circonscrit. Si c'est six mois par
année, ça pourrait être six mois par année, et qu'on
ne revienne pas, au bout de six mois ensuite, demander l'ouverture à
l'année. Nous, on s'était dit, au niveau de Magog: Est-ce que
c'était vraiment nécessaire d'ouvrir toute la ville, le centre
d'achats compris? Est-ce que ce n'était pas seulement peut-être le
centre-ville, ce qui était vraiment petit commerce avec
côté plus artisanat? Parce que c'est pour ça qu'on dit
qu'on veut ouvrir les zones touristiques, c'est l'aspect artisanat ou, on peut
dire, ce qui est intéressant pour ce lieu-là qu'on ne trouve pas
ailleurs. Si je vais magasiner au centre d'achats et que je trouve un Zellers,
un Eaton ou un Sears, comme j'ai chez mot, à Sherbrooke ou à
Montréal, pourquoi ouvrir, à ce moment, le centre d'achats? (18
heures)
Alors, je pense que ça devrait être cir-
conscrit dans l'année et aussi circonscrit en termes d'espace. On
ne peut pas dire que c'est une position de la FNACQ, mais c'est une position
qui a été discutée plusieurs fois, je pense, au niveau des
organismes qui sont contre l'ouverture des commerces le dimanche.
Mme Dionne: Mais est-ce qu'on ne pourrait pas faire...
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée, le temps est écoulé. Je cède la
parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Voulez-vous finir votre question? Ça prendra
peut-être une ou deux minutes, puis ce sera...
Mme Dionne: C'est juste pour compléter.
Le Président (M. Bélanger): Pas de problème,
s'il y a consentement.
Mme Dionne: Ma dernière question, c'est de dire: Vous avez
une position bien claire, mais est-ce qu'on ne pourrait pas faire, par une zone
touristique, ce qu'on ne peut pas faire directement? Comprenez-vous?
C'était là où je voulais en venir: faire indirectement ce
qu'on ne peut pas faire directement, par une zone touristique.
Mme Beaulieu: C'est un peu le danger, je pense. En tout cas,
présentement, à Magog...
Mme Dionne: Parce que le Québec...
Mme Beaulieu: Cette région-là, si on se rend
compte... Puis là, peut-être que les gens, les commerçants
vont être un peu pris par surprise, parce qu'ils se rendent compte que
c'est seulement l'été qu'on leur a donné comme ouverture.
Mais il y a déjà des commerçants qui se sont
déplacés d'une région, de villes voisines, par exemple
Rock Forest, et qui sont allés ouvrir leur commerce à Magog,
parce que c'est permis d'ouvrir le dimanche.
Mme Dionne: O.K.
Mme Beaulieu: C'est pour ça qu'on se dit. Il faudrait que
ce soit circonscrit dans le temps et que ça ne soit pas non plus six
mois après qu'on ouvre encore plus large. Voyez-vous, ça devient,
là, l'ouverture généralisée.
M. Dagenais: Peut-être pour compléter, il faudrait
se poser la question: Est-ce que le réseau de dépannage est
insuffisant dans ces zones-là pour expliquer une permission
spéciale d'ouvrir des supermarchés? D'autre part, est-ce que
ça va servir uniquement aux touristes ou si ça va servir à
la population entière et qu'à un moment donné, c'est les
trois quarts des gens qui vont y aller et un quart de touriste? Alors, l'aspect
touriste, à ce moment-là, est à remettre en question,
quant à moi. Pour moi, c'est une porte ouverte, finalement, à des
permissions spéciales.
Mme Dionne: O.K. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous remercie de
votre présentation. J'aimerais faire quelques commentaires sur ce qu'a
apporté la députée de Kamouraska-Témiscouata. D'une
part, si on peut se permettre, nous comme députés, d'aller voir
des personnes, des clubs d'âge d'or et d'autres groupes - je pense
à toutes les nombreuses interventions que l'on fait pendant les fins de
semaine, le dimanche particulièrement - c'est parce que, justement, ces
personnes-là peuvent se rencontrer, compte tenu qu'il n'y a pas d'autres
activités de type commercial et industriel qui se passent, entre
autres.
Le Président (M. Bélanger): Ah bien là! je
suis pour l'ouverture le dimanche. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: On se l'est posée la question. Remarquez qu'on
se la pose, nous, la question, effectivement, comme députés
à l'occasion. Et moi, je peux vous dire que c'est vrai que c'est une
forme de travail pour nous, même si on y trouve... Oui, c'est
agréable, mais c'est une forme de travail.
Une voix: C'est plus agréable que magasiner
Mme Marois: Plus agréable que magasiner? Ah oui,
sûrement. Mais, cela étant dit, ça a le même impact
sur nous que ça a sur plein d'autres de nos concitoyens, à savoir
que ce temps-là, les heures que l'on consacre à nos concitoyens
et concitoyennes dans des activités comme celles-là, on ne les
consacre pas à nos familles, à nos besoins à nous de
réflexion, de repos, et tout le reste. Je pense que c'est quand
même... On se la fait aussi la réflexion. Je suis persuadée
que plusieurs d'entre nous la font à travers tout le débat que
l'on a.
D'autre part, sur les zones touristiques, j'ai un petit peu de
difficulté à comprendre que, parce qu'on désigne une zone
touristique, à partir du moment où on permet certaines
exemptions, exceptions, par exemple sur l'artisanat, qu'il y ait le
dépannage, avec trois personnes et moins, on ne réussisse pas,
à travers un réseau comme celui-là, à
répondre aux besoins des personnes qui viennent nous visiter, qu'elles
soient de l'intérieur du Québec ou de l'extérieur
du Québec. Parce que j'imagine que si elles viennent, elles
viennent aussi pour voir les attraits que l'on a sur le plan de nos paysages,
de la rencontre aussi des gens qui vivent chez nous, et sur le plan culturel.
Qu'on aille vers des activités d'accès à des produits de
consommation une journée de plus, j'ai un petit peu de difficulté
à accepter cette approche là, en me disant: C'est bien important
qu'il y ait une zone touristique. Mon point de vue, c'est qu'on pourrait fort
bien appliquer les mêmes règles qui s'appliqueraient sur
l'ensemble du territoire québécois sans pour autant brimer les
besoins des touristes qui viennent nous visiter ou qui restent dans certaines
de nos villes ou de nos villages pendant quelque temps. J'imagine qu'on a autre
chose que des produits de commerce à leur présenter,
sûrement.
Cela étant dit, il y a des choses intéressantes que vous
nous avez dites. Vous dites que - et ce n'est pas dans votre mémoire,
j'ai essayé de le relire encore, à moins que ça m'ait
échappé - quand on consulte aussi et qu'on regarde un petit peu
plus en profondeur qui est davantage d'accord pour ouvrir soit les magasins
d'alimentation ou d'autres types de commerce de détail le dimanche, on
se rend compte qu'il se dégage un profil. J'aimerais ça que vous
reveniez sur ce profil-là. J'ai pris en note: jeunes,
fortunés.
Mme Bédard: Je n'aurais pas la référence
comme telle, mais c'était les gens les plus jeunes, les plus
scolarisés et qui sont les mieux nantis en termes
socio-économiques.
Mme Marois: D'accord. Et quelle conclusion vous tirez de
cela?
Mme Bédard: On peut en tirer plusieurs. Disons que les
jeunes ont probablement l'illusion du travail parce que, quand on aborde la
question du travail dans les supermarchés, on se rend compte que la
marge de jeu des grandes entreprises leur permettrait probablement de
réaffecter les heures de travail et de les étendre sur sept jours
plutôt que six jours. Et ça demeurerait quand même des
emplois très précaires, s'il y avait création d'emplois.
Parce qu'on sait que les entreprises, dans le domaine de l'alimentation, ont
une marge de jeu très très mince, et, comme le disait M. Leclerc
ce matin, généralement ces entreprises-là travaillent sur
les normes de rendement homme-heure. Donc, un département, si ses ventes
n'augmentent pas, doit offrir un même rendement. Donc, l'illusion d'avoir
des emplois pour les jeunes, il faudrait vérifier si c'est réel
ou pas. Nous, on pense que ça ne l'est pas.
Scolarisés, je ne voudrais pas être méchante, mais
ce n'est sûrement pas les gens très scolarisés qui vont
avoir à travailler dans ce genre de commerce-là le dimanche.
Donc, c'est une attitude très individualiste qui fait
référence à une valeur qu'on voit beaucoup
actuellement.
Et bien nantis en termes socio-économiques, je ne pense pas qu'on
puisse généraliser, mais est-ce qu'on peut penser que ces
gens-là ont la prétention de croire que les autres doivent
être à leur service parce qu'ils appartiennent à une
catégorie, entre guillemets, supérieure? C'est à voir.
J'assistais la semaine dernière à un colloque sur l'environnement
où on parlait beaucoup des valeurs des gens. On parle beaucoup de notre
individualisme et on dit beaucoup aussi qu'on est très attaché
aux valeurs monétaires, qu'on est très mercantilistes.
Mme Marois: Plus à l'avoir qu'à l'être.
Mme Bédard: Oui, plus à l'avoir qu'à
l'être, plus au contenu qu'au contenant comme tel.
Mme Marois: Plus au contenant qu'au contenu.
Mme Bédard: On nous disait que si les gens
s'étaient battus il y a quelques années pour atteindre un niveau
de vie, ils allaient se battre dans l'avenir pour la qualité de vie. Et
là, on faisait référence à tout le débat sur
l'environnement. Donc, je déborde, mais j'espère que j'ai
répondu à votre question.
Mme Marois: Non, très très bien. Parce que
l'impression aussi que j'ai, c'est que, souvent, la demande de vouloir
consommer le dimanche nous vient de gens qui risquent de se trouver rarement
dans la situation à avoir à les offrir ces services-là,
eux mêmes, le dimanche. Il y a une partie d'individualisme, j'en suis
persuadée, et il y a une partie d'inconscience aussi, je pense, dans
cette attitude-là. D'inconscience, dans le sens où on ne l'a pas
faite, cette équation-là, on n'est pas allé au bout de la
réflexion. On dit: Moi, j'ai le besoin, je l'exprime, j'aimerais bien
que quelqu'un y réponde, en conséquence, je suis prête
à débourser ce qu'il faut pour qu'on y réponde. Mais quand
on pose la question et qu'on met la personne en situation: Vous, le
feriez-vous? Lui dire: Vous allez travailler le samedi, vous allez travailler
le dimanche, vous allez travailler des heures brisées? Comme ça
ne s'est jamais posé, ils n'y ont pas pensé, mais quand on la
pose, ils ont un peu plus de réticence. Vous vouliez ajouter quelque
chose?
Mme Bédard: Oui, je voulais ajouter quelque chose. J'ai eu
un conjoint qui travaillait dans le milieu hospitalier et qui travaillait une
fin de semaine sur deux. Et je vous avoue que j'ai subi les affres de la fin de
semaine sur deux; c'était vraiment l'enfer. Mais si j'amène
ça comme point d'information, c'est que... On disait ce matin que 1 %
seulement des travailleurs seraient affectés au dimanche. Moi, je ne
suis pas du tout d'ac-
cord. Je donnais le cours "budget alimentaire" à
l'Université Laval et je voyais avec les étudiants tous les
intervenants de la chaîne agroalimentaire, du producteur au consommateur.
Si on veut changer les choses, on sait que les consommateurs ont de la
difficulté à obtenir du pain et des produits laitiers frais
à partir du mardi matin dans les épiceries - ça veut dire
que tout le circuit de distribution et de production va se trouver
perturbé. Et là, je vous avoue - deman dez à M.
Pagé les chiffres exacts - que ça va toucher
énormément de monde au Québec C'est vrai que les biscuits,
M. Leclerc, c'est un élément qui a une durée de vie de
tablette beaucoup plus longue, mais tous les aliments périssables...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Bédard: ...ça va vraiment les toucher.
Le Président (M. Bélanger): T'as été
reconnu.
M. Leclerc: ...qu'ils soient mangés avant de ne plus
être bons. C'est bien ça
Mme Marois: Je suis très contente que vous apportiez cet
exemple-là et...
Mme Bédard: C'est un élément à
calculer. Je ne pense pas à moi. Je pense à tout le monde qui va
avoir quelqu'un qui va disparaître en termes de disponibilité pour
la vie sociale.
Mme Marois: C'était l'objet de mon propos, ce matin, quand
je disais: 1 % des travailleurs et travailleuses concernés... C'est
qu'on prend les travailleurs et les travailleuses directement concernés
qui vont aller travailler soit chez Steinberg, Provigo ou Métro, peu
importe, mais on oublie tout l'effet d'entraînement et.. On aborde
souvent la question de la garderie, du policier, de la personne qui va conduire
l'autobus. Mais derrière ces travailleurs et ces travailleuses en
alimentation, il y a les fournisseurs, les gens qui sont, comme vous dites,
dans toute la chaîne alimentaire. Et je pense que cela amène un
éclairage qui n'avait pas été encore apporté. J'ai
terminé, j'imagine pour l'instant? Il me reste une minute?
Le Président (M. Bélanger): II vous reste une
minute.
Mme Marois: Je la reprendrai tantôt.
Le Président (M. Bélanger): Bien Alors, M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: Oui, merci, M. le Président. Quant à ce
dont vous faites mention sur la pression qui sera exercée sur toute la
chaîne alimentaire, y compris les fournisseurs, moi, je vous dirai, pour
avoir vécu ça quand même pendant neuf ans avant
d'être député, que je ne suis pas convaincu que, parce
qu'on ouvrirait, par exemple, le dimanche, les fournisseurs devraient
nécessairement livrer le dimanche. La preuve, c'est qu'actuellement,
c'est ouvert le samedi et que les fournisseurs ne livrent pas. La preuve, c'est
qu'il y a un bon nombre de services dans notre société, des
restaurants et tout ça, qui sont ouverts le dimanche, et il n'y a pas de
service de livraison pour les restaurants le dimanche, que je sache. Je
concède cependant qu'à la limite il y aurait une pression,
éventuellement, avec le temps, où un certain nombre de
fournisseurs devraient peut-être, au lieu de livrer seulement cinq jours
par semaine, monter à six. Je suis d'accord avec vous. Mais ça ne
serait sûrement pas un effet direct et immédiat, bien loin de
là.
Vous vous doutez sans doute que je vais vous poser une question suite
à votre affirmation selon laquelle vous avez trouvé un petit peu
insultant le fait que je fasse, par une de mes questions et que le professeur
suivant l'ait textuellement mis dans son texte, enfin, que, nous deux, on ait
fait un rapprochement entre le fait que, s'il n'y a pas ouverture le dimanche -
ça ne veut pas dire que je suis pour l'ouverture le dimanche, je l'ai
dit tout à l'heure que mon idée n'est pas faite comme, je
l'imagine, l'idée de la plupart de mes collègues - que ce serait
les femmes qui seraient les grandes perdantes. J'ai compris que vous avez
trouvé quelque chose d'insultant là-dedans. Est-ce que c'est le
fait que, dans 75 % des cas, ce sont les femmes qui prennent les
décisions d'achat en alimentation ou est-ce que c'est le fait qu'on
veuille étudier ce chiffre-là, en tenir compte, à tout le
moins? Et c'est ce pourquoi j'avais posé la question au professeur en
question. Qu'est-ce que vous trouvez d'insultant à ce point
là-dedans? Je suis un peu surpris que vous trouviez ça
insultant.
Mme Bédard: Je ne savais pas que c'était vous, M.
Leclerc. Ha, ha, ha!
M. Leclerc: Ah, bon!
Mme Bédard: Je ne savais pas exactement qui avait
posé la question. Ce que je trouve insultant, c'est que c'est vrai
qu'encore aujourd'hui, ce sont des femmes qui font le marché. C'est
vrai, ça. Mais si on dit que les femmes sont les gagnantes, ça
veut dire que la tâche leur est comme automatiquement vouée. Ce
n'est peut-être pas le fond de votre pensée, mais on le prend pour
acquis et on prend pour acquis que ça ne peut pas changer. Moi, je vous
avoue que j'ai travaillé pour les Cooprix, la Fédération
des magasins Coop, et on voit de plus en plus des hommes faire le
marché, on voit de plus en plus
de gens se partager les tâches ménagères. Et je ne
voulais pas qu'on tombe dans le stéréotype et daris l'affectation
unique de tâches. Si vous voulez croire en cette affirmation, dites que
les conjoints, la famille, le ménage, seront gagnants mais n'affectez
pas ça, s'il vous plaît, uniquement à la femme.
M. Leclerc: Oui. Cependant, si vous le permettez, comment vous
dirais-je ça? L'égalité entre conjoints ne sera jamais une
égalité mathématique. Et, selon moi, ce n'est pas parce
qu'on dit que, dans 75 % des cas, ce sont les femmes qui prennent des
décisions d'achat... Quant à moi ça ne remet pas
l'égalité entre conjoints en question. Moi, mon adjointe ici,
ça fait cinq ans que la connais. Je connais son mari. Ça fait
cinq ans que c'est son mari qui fait le marché. Ça ne fait pas un
couple nécessairement plus évolué ou moins
évolué qu'un autre. Un jour, ils ont pris ensemble une
décision et ils ont décidé que c'était le mari qui
le faisait. Elle fait sans doute d'autres choses. Donc, moi, personnellement,
ce que je vois dans mon comté, lorsque je fais mon marché, c'est
moins de 75 %. D'après moi, les femmes sont encore majoritaires, mais en
tout cas, dans mon comté où je fais mon marché, c'est
moins que cela. (18 h 15)
Mais, quoi qu'il en soit, les professeurs qu'on a interrogés
à ce sujet-là nous ont dit: Dans 75 % des cas, ce sont les femmes
qui prennent les décisions. Il y avait aussi le facteur famille
monoparentale où on sait que ce sont des femmes, plus souvent
qu'autrement, qui sont des chefs de famille. Tout ça mis ensemble
faisait en sorte que ces professeurs-là en sont venus à la
conclusion que ce seraient les femmes qui, éventuellement, si le
gouvernement le décidait, seraient les grandes gagnantes. Et, de la
même façon, si le gouvernement décidait seulement de
prolonger, de prendre la formule de l'Opposition, par exemple - pourquoi ne pas
en parler - ce seraient aussi les femmes qui seraient les grandes
gagnantes.
Moi, personnellement, je ne vois rien d'insultant là-dedans. De
toute façon, on parle bien de prendre la décision d'achat. Si
c'était le contraire, vous me diriez peut-être: Ça n'a pas
de bons sens. Seulement dans 25 % des cas, ce sont les femmes qui prennent les
décisions d'achat et on ne peut pas s'insulter du contraire parce que
là, c'est 75 % des femmes. Bien que je croie que ce soit un peu moins
que ça, selon ce que moi, je vois.
Mme Bédard: Je ne veux pas vous obstiner sur les chiffres,
M. Leclerc, c'est sur l'affirmation. Je vais laisser Lise, ma compagne,
continuer là-dessus.
M. Dagenais: Peut-être juste une demande de
précision. Quand on dit que 75 % des femmes prennent des
décisions, est ce que ça veut dire qu'elles font les achats
elles-mêmes et seules? Est-ce que ça veut dire ça?
M. Leclerc: Pas nécessairement. M. Dagenais: Je
pense.
M. Leclerc: Pas nécessairement. Elle peut faire la liste
d'épicerie, comme le dit mon collègue, elle peut...
Une voix: Le partage des tâches...
M. Leclerc: Elle peut la faire avec son conjoint et, à ce
moment-là, être plus importante dans la décision. Ce que je
veux vous dire, c'est que, quant à moi, il n'y a rien d'insultant
à ce qu'on ait ces chiffres-là devant nous, d'une part et,
d'autre part, je veux comme politicien prendre la décision la plus
éclairée possible lorsqu'on aura, comme gouvernement, à
prendre une décision. C'est un élément parmi d'autres. Ce
n'est pas à cause de ça que je vais être pour ou contre
l'ouverture le dimanche. C'est un élément parmi d'autres. Mais
dans une société où on se dit évolués et
conscients de la place de la femme dans la société, on ne peut
pas regarder ces chiffres-là seulement lorsqu'ils supportent la
thèse qu'on a et se dire insultés ou pas trop contents qu'on se
serve de ces chiffres-la quand, pour toutes sortes de raisons, ça ne
supporte pas notre thèse. C'est rien que ça que je veux vous
dire.
Mme Pilon: Je voudrais peut-être compléter en disant
que, jusqu'à...
Le Président (M. Bélanger): Mme Pilon?
Mme Pilon: Oui, je voudrais compléter en disant que,
jusqu'à présent, on semble justement... Et le danger que, nous,
on voit, c'est qu'on mélange consommation et loisirs. Et faire le
marché, pour ceux qui le font, homme ou femme, c'est quand même
une corvée qui représente à peu près deux ou trois
heures de travail, et les gens ne seraient pas prêts à sacrifier
leur dimanche, disons, pour faire cette corvée-là. Je pense que,
ça aussi, c'est quelque chose à considérer qui n'est pas
du tout en faveur de l'ouverture le dimanche. Disons, aller faire le
marché, ce n'est pas nécessairement un plaisir, ça peut
être... Surtout si ça revient 52 fois dans une année,
toutes les semaines, c'est loin d'être un plaisir; ça devient
à ce moment-là une corvée que la personne doit effectuer,
quel que soit le sexe de la personne. C'est sûr que, culturellement et
traditionnellement, ça a été les femmes qui, dans notre
société, ont assumé cette tâche-là.
Espérons que, dans l'avenir, ça va être 50-50 ou que
ça va être un partage un peu plus égalitaire. Mais il
semblerait que l'on doive
considérer que, quel que soit le sexe de la personne qui fait
ça, c'est une corvée qu'elle doit répéter 52 fois
par année. À ce moment-là, cette corvée-là,
elle n'a pas intérêt à la faire le dimanche parce que
ça lui coupe du temps de loisirs, ça lui coupe du temps de repos
et de récupération. Elle a intérêt à la faire
les jours de semaine.
Le Président (M. Bélanger): Le temps de la
formation ministérielle étant écoulé, je
cède la parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci. Je pense que ma collègue a une question
ou un commentaire.
Le Président (M. Bélanger): C'est Mme la
députée de Terrebonne. Je vous avais changée de
comté tout à l'heure, je m'en excuse.
Mme Caron: Je suis vraiment heureuse que vous ayez apporté
cette précision-là parce que mon commentaire est dans le sens de
votre ligne de pensée: Si 75 % des femmes sont encore responsables de la
commande, à mon avis, elles sont loin d'être gagnantes si on leur
permet de la faire le dimanche. Au contraire, elles s'ajoutent une
journée de tâches de plus, alors qu'elles en ont
déjà plusieurs, surtout qu'on a relevé beaucoup de
chiffres du côté des chefs de familles monoparentales. Alors, je
suis très heureuse que vous ayez amené ces précisions.
Mme Marois: D'ailleurs, je vais reprendre ce que disait ma
collègue justement sur les chefs de familles monoparentales. Je ne sais
pas si le député de Taschereau était là cet
après-midi, quand la Fédération des ACEF... Non, je le
sais, c'est pour ça que je vous le dis, parce que vous avez presque
toujours été là. Mais ils mentionnaient, c'étaient
les premiers qui le faisaient d'une façon systématique, parce que
ça revient sans arrêt dans les mémoires... On va
améliorer la situation d'un certain nombre de personnes dont, entre
autres, les couples avec deux revenus, qui sont pris avec moins de temps; les
chefs de familles monoparentales - on sait que ce sont très largement
des femmes, en fait, 85 %, les proportions ne changent pas depuis 20 ans,
malheureusement. Sauf ce qu'ils nous ont apporté, cet après-midi,
c'est que 62,4 % des chefs de ces familles sont inactives, bien sûr au
sens statistique du terme. Donc, elles ont au contraire beaucoup de temps pour
avoir accès à des services d'alimentation pour aller s'acheter
des produits nécessaires pour leurs besoins. Ce qui nous ramène
à une proportion de 38 % à peu près de chefs de familles
monoparentales qui ont un emploi, soit à temps partiel ou à temps
plein. Alors, il faut toujours faire attention justement quand on amplifie des
phénomènes ou quand on les regarde sous un angle statistique en
affirmant un certain nombre de choses, et ça permet, je pense, le
débat qu'on a actuellement, de replacer ces
éléments-là.
Une chose que je trouve intéressante dans votre proposition, vous
allez jusqu'au bout, je dirais, de cette notion: Qualité de vie, moins
de temps pour l'activité commerciale, plus à l'activité,
soit de loisirs, de culture, d'échanges ou de repos parce que vous, vous
dites bien: On devrait même réduire du temps, donnons un exemple,
le lundi matin, le mardi matin, pour s'en redonner, si on veut s'en redonner,
le lundi soir, le mardi soir et le mercredi soir. J'ai bien compris votre
position?
Mme Beaulieu: On parie de réaménagement surtout en
se disant... Par exemple, au niveau des marchés ou des
commerçants présentement, je pense que c'est à 8 h 30 que
c'est permis d'ouvrir le matin. Alors, on se disait: Souvent des commerces
ouvrent à 9 h 30 de toute façon. Alors, pourquoi pas? Au niveau
de la loi, on récupère déjà une heure par jour si
on met l'ouverture des commerces à 9 h 30 et on peut ouvrir, à ce
moment-là, le mercredi soir. Nous, au niveau de notre organisme, le
mercredi soir, c'était une proposition. Les autres soirs de semaine,
c'est certain que si on ouvre tous les soirs de la semaine, ça veut dire
que, pour les personnes qui auront à travailler, ça coupe
aussi... Par exemple, si on parie de cours, si des personnes veulent aller
suivre des cours pour se perfectionner, pour, à un moment donné,
obtenir un meilleur emploi etc., alors, si on ouvre le lundi, le mardi, le
mercredi soir en plus du jeudi et du vendredi, est-ce qu'ils auront du temps
à ce moment-là pour suivre des cours? Alors, quand on parlait
tantôt de fermer le lundi matin et de fermer le mardi matin pour ouvrir
le lundi soir, le mardi soir, nous, en tout cas, on n'en était pas
rendus là du tout. C'est plus le mercredi soir, mais comme concession,
si on peut dire.
Mme Marois: D'accord. Est-ce que le fait que des associations de
consommateurs comme celles que l'on a entendues aujourd'hui et qui sont membres
d'une coalition pour l'ouverture des commerces d'alimentation - il y a
même un groupe qui est passé avant vous pour défendre ce
point de vue-là - ne vous met pas un petit peu en porte-à-faux ou
un petit peu en situation de confrontation? Qui sont les vrais ou les pas vrais
représentants des consommateurs et des consommatrices? Je ne veux pas
vous mettre dans une mauvaise situation, mais je voudrais comprendre la
différence de philosophie qui vous anime puisqu'il y en a sûrement
une. compte tenu que, dans un cas, on prône l'ouverture et que, dans
l'autre cas, on prône autre chose et qu'on est tous les deux à la
défense des besoins des réalités des consommateurs et des
consommatrices.
Mme Bédard: Je pense que c'est une ques-
tion de valeurs. On a dit que la société n'est pas
homogène, qu'elle était hétérogène. Je pense
que c'est la même chose du côté des associations de
consommateurs. L'Association des consommateurs du Québec, je ne suis pas
là pour expliquer quelles sont leurs valeurs, mais si vous vous
référez aux autres mémoires présentés
généralement, c'est une association qui défend le
libéralisme économique. Nous, on défend vraiment - Lise
l'a bien expliqué au début du mémoire -la notion de
bien-être, elle est vraiment au centre de notre inteprétation.
J'aimerais ça ouvrir une parenthèse parce que j'ai eu la chance
de discuter avec M. Daneau, professeur d'économique à
l'Université Laval et il me disait... Et ça, ne me demandez pas
de statistiques, il me disait ça à brûle-pourpoint...
Mme Marois: II est professeur de statistiques d'ailleurs, M.
Daneau.
Mme Bédard: II est professeur d'économique,
oui.
Mme Marois: D'économique
Mme Bédard: Et M. Oaneau me disait: C'est drôle
quand on regarde le spectre concurrentiel des entreprises
Généralement, les gouvernements souhaitent amener le spectre
concurrentiel dans un cadre de concurrence parfaite, et le libéralisme
aurait dû amener le marché dans ce cadre-là. Et il dit:
Cependant, ce qu'on regarde maintenant, c'est que ça nous amène
vers la partie du spectre qui est la partie monopolistique ou encore même
du monopole. Lui disait: C'est drôle, le libéralisme ne permet pas
nécessairement d'atteindre la fin. Si vous voulez plus de
références, vous consulterez vous-même M. Daneau. Il est
toujours à l'Université Laval; il est là depuis vingt et
quelques années. Mais je trouvais ça intéressant parce
que, justement, on parle de concurrence. Et c'est vrai que la concurrence a une
influence sur les prix et les services, mais il faudrait voir si justement le
moyen qu'on prend nous permet d'atteindre la fin.
Mme Beaulieu: Peut-être...
Le Président (M. Bélanger): Oui, madame.
Mme Marois: Oui, vous vouliez ajouter?
Le Président (M. Bélanger): C'est Mme Beaulieu.
Mme Beaulieu: Au niveau de la FNACQ, notre
fédération, nous sommes neuf organismes membres. La plupart sont
des organismes des ACEF comme la Fédération des ACEF aussi. Nous
travaillons, au niveau des consommateurs, plus au niveau information,
éducation, consultation bud- gétaire. On reçoit à
nos bureaux les gens régulièrement, on peut dire au jour le jour.
On donne de l'information aussi. On fait surtout de l'éducation. On fait
surtout du travail terrain avec les gens. C'est un peu ce qui fait
peut-être aussi la différence de philosophie dont on a
parlé tantôt.
Mme Marois: D'accord. Il y a un monsieur qui voulait ajouter
quelque chose.
M. Dagenais: Peut-être pour compléter aussi. Je
pense qu'on oppose le choix individuel, fa liberté individuelle, au
choix collectif aussi. Pour moi, la question des heures d'ouverture, c'est
aussi un choix collectif. Je pense que, dans notre société, on
donne beaucoup trop d'importance aux valeurs économiques. Je suis
moi-même économiste et je pense qu'on charrie une foule
d'informations économiques, comme si les valeurs sociales, les valeurs
personnelles et les valeurs fondamentales, quant à moi, dans la
société, doivent être sous-jacentes aux valeurs
économiques. Je pense qu'il faut, pour un gouvernement qui se tient
debout, maintenir un certain équilibre au niveau des valeurs et
rétablir le vrai choix de valeurs dans une société.
Le Président (M. Bélanger): C'était M.
Dagenais, c'est bien ça?
M. Dagenais: C'est bien ça.
Mme Marois: Merci. J'aime bien vous entendre, évidemment.
On cherche toujours des points de vue qui ressemblent aux nôtres, mais
ça fait partie aussi des règles du jeu. Ça faisait partie
de mon intervention de départ à cette commission, à savoir
que si c'était une responsabilité d'un gouvernement de maintenir
l'équilibre, justement, et de s'assurer que les intérêts
collectifs étaient aussi bien préservés.
Une dernière question. À la page 4 de votre
mémoire, vous dites, et c'est mis entre guillemets, "que près de
40 % des consommateurs et consommatrices qui visitent des centres commerciaux
le dimanche y effectuent des achats spontanés". J'aimerais que vous me
commentiez un tant soit peu cet élément-là, s'il vous
plaît.
Mme Beaulieu: C'était dans le document du
ministère. Je pense qu'on doit citer aussi la page en annexe, la
bibliographie. Je pense qu'au niveau de la FNACQ, on en a parlé
tantôt, on ne parle pas seulement de commerces d'alimentation le
dimanche. Quand on parle d'ouverture, nous, notre position, c'est de dire que,
si les commerces d'alimentation ouvrent le dimanche, avec les pressions qui
existent présentement, probablement qu'il y aura élargissement
à d'autres commerces parce que, quand on regarde ce qui se passe
maintenant dans les pharmacies qui ne vendent pas seulement des produits
pharmaceutiques, mais
qui vendent plein d'autres produits, la même chose si les
commerces d'alimentation ont le pouvoir d'ouvrir le dimanche, qu'est-ce qui les
empêchera, par exemple, de vendre de la quincaillerie et, à un
moment donné, ce seront les marchands de quincaillerie qui voudront
aussi ouvrir le dimanche? Ça peut, à ce moment-là, amener
tout un élargissement au niveau du secteur commercial.
Dans le document du ministère, il était question que,
souvent, le dimanche, c'étaient plutôt des achats spontanés
qui se faisaient - c'est une étude qui avait été faite aux
États-Unis - et les achats spontanés, c'était surtout, par
exemple, des vêtements, des cadeaux, mais ce n'étaient pas
nécessairement des besoins pour les gens. Ce qu'on peut dire, c'est que
nous, qui sommes des organismes de protection du consommateur, qui travaillons
beaucoup au niveau de l'endettement, du crédit, on pense qu'il va y
avoir encore une pression de plus sur le consommateur et aussi, avec la
publicité et le marketing, on peut dire, qui entrent en jeu et qui vont
amener une pression sur le consommateur, on aura encore un problème de
crédit et d'endettement plus élevé.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
remercier nos invités, madame.
Mme Marois: Certainement. Je vous remercie de cette
précision qui nous est apportée. D'ailleurs, j'ai trouvé
effectivement la référence dans le document. Je me souviens
maintenant l'avoir lue. Je vous remercie de votre présentation et je
veux vous dire que j'ai déjà fait de la consultation
budgétaire dans les ACEF et qu'effectivement, on y voyait parfois des
situations assez difficiles. Donc, je connais un peu le type de travail que
vous pouvez accomplir et j'en connais aussi l'importance dans une perspective
d'éducation populaire au sens très généreux de ce
terme.
Alors, merci de votre contribution à nos travaux. (18 h 30)
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je ne sais pas si l'Opposition va me
permettre... Je pourrais leur dire merci, mais j'ai un éclaircissement.
C'est un éclaircissement. Je pense que c'est important.
Mme Marois: Certainement.
M. Tremblay (Outremont): Le réaménagement des
heures d'ouverture, vous dites, de façon à ce que la
totalité des heures reste la même. Une des hypothèses, vous
l'avez soulevée, c'est, par exemple, d'ouvrir à 8 h 30 au lieu
d'ouvrir à 9 h 30; on récupère une heure. On le fait le
vendredi soir de 18 heures à 21 heures.
Est-ce que l'autre possibilité, et j'aimerais ça vous
entendre là-dessus, c'est de dire: Oui, on ouvre à 9 h 30, mais,
au lieu de fermer à 18 heures, on ferme à 19 heures, les lundis,
mardis et mercredis? Pourquoi? Ça pourrait permettre à de
nombreux couples qui travaillent, par exemple, jusqu'à 17 heures, 17 h
30, qui ont des problèmes de transport, des problèmes de
métro, de retourner dans leur environnement et d'avoir accès,
sans être trop stressés - la qualité de vie, on en parle -
à un supermarché qui serait ouvert jusqu'à 19 heures.
J'aimerais juste vous entendre dire comment ça pourrait perturber
la famille, oui ou non, ou est-ce que ce serait une autre avenue qui pourrait
être réaliste?
Mme Beaulieu: Je pense que, si on prend le point de vue du
consommateur, ça pourrait peut-être être intéressant.
Nous, à la FNACQ, parce qu'on prend le consommateur aussi dans sa
globalité, on a dit, à un moment donné: C'est un
travailleur. Je regarde aussi du côté des femmes, parce qu'on voit
qu'il y a beaucoup de femmes au niveau des commerces, qui devront finir de
travailler à 19 heures. À ce moment-là, entre 17 heures et
19 heures, c'est souvent l'heure des repas, c'est souvent le temps où la
personne a besoin d'être avec sa famille. Aussi, pour ce qui est de
couper, par exemple, comme on parlait tantôt, dans les cours ou le
perfectionnement ou même le travail bénévole, le
comité de bénévoles, les réunions commencent
à 19 heures. À ce moment-là, ces personnes, quand elles
arriveront de travailler à 19 heures, ce n'est pas certain qu'elles vont
pouvoir se rendre disponibles pour participer à d'autres
activités. C'est pourquoi nous avions privilégié le
mercredi soir en se disant qu'on pensait que le consommateur pouvait, à
travers la grille actuelle, en mettant le mercredi soir en plus, trouver le
moyen d'aller magasiner.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie la Fédération nationale
des associations de consommateurs et invite à la table des
témoins le Regroupement des coopératives de consommateurs de la
province de Québec.
(Suspension de ta séance à 18 h 34) (Reprise à 18 h
35)
Le Président (M. Saint-Roch): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'aimerais, dans un premier temps, souhaiter la bienvenue au
Regroupement des coopératives de consommateurs de la province de
Québec. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir s'identifier
ainsi que les membres qui l'accompagnent, pour le bénéfice du
Journal des débats.
Regroupement des coopératives de consommateurs
de la province de Québec
M. Noël (Fernando): Merci, M. le Président. J'ai
reçu le mandat du Regroupement des coopératives de consommateurs
de la province de Québec de présenter le mémoire. Je suis
accompagné, à la table, ici, en débutant à
l'extrême gauche, par M. Camille Gagné qui, entre autres titres,
est directeur général de la Coopérative des consommateurs
de Charlesbourg; à ma gauche immédiate, M. Gabriel Bouchard,
jusqu'à récemment président et toujours administrateur de
la Coopérative des consommateurs de Lorette, qui a trois magasins dans
la région de Loretteville; à ma droite immédiate, mon
collègue Me Jean-Claude Simard, avocat, président de la
Coopérative des consommateurs de Tilly et qui exploite deux
supermarchés, l'un à Sainte-Foy, l'autre à Saint-Nicolas,
et, à mon extrême droite, M. Marcel Gendreau, président de
la Coopérative des consommateurs de Saint-Joseph-de-Beauce. J'aimerais
également signaler la présence en arrière de nous de Mme
Juliette Bonneville, directrice générale du Conseil de la
coopération du Québec, organisme qui regroupe les
coopératives de la province de Québec, incluant les caisses
populaires, de M. Paul Picard, président de la Coopérative des
consommateurs de Charlesbourg et de M. Gérard Perron, directeur
général de la Coopérative de développement
régional de la région de Québec.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Noël. Je vais maintenant reconnaître M. Simard. Est-ce que c'est M.
Simard qui est le porte-parole.
Des voix: Non, ça va être...
Le Président (M. Saint-Roch): Ça va être M.
Noël. Alors, M. Noël, je vous cède la parole.
M. Noël: Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, l'honorable Gérald Tremblay, Mmes,
Mlles, MM. les députés, nous avons préparé le
mémoire que vous avez déjà en main. Dans un premier temps,
je vous proposerais d'en faire une lecture commentée, avant de
procéder aux différentes périodes de discussions et
d'échanges. En vous référant à la page 1 où
le titre est "Résumé", avec votre permission, nous passerions, en
premier lieu, au chapitre III qui est intitulé "Qui nous sommes". Vous
avez cette section-là à la page 7 du mémoire.
Nous sommes, en premier lieu, des coopératives. Je cite ici
Georges Laserre, dans son ouvrage La Coopération: "Une
coopérative de consommation est une association de consommateurs qui,
pensant qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même, ont
créé une entreprise chargée de leur procurer les produits
dont ils ont besoin."
Notre regroupement compte 143 coopératives membres. Ce sont des
entreprises de service dont la propriété, la gestion et le
contrôle, ainsi que la répartition des surplus, appartiennent
à ces 110 000 membres usagers. L'objectif de nos organisations n'est pas
le plus grand profit capitaliste possible, mais bien le service à ses
membres.
En conformité avec la Loi sur les coopératives et les
principes coopératifs internationalement reconnus, les organisations
membres de notre groupement appliquent en leur sein les principes suivants, qui
sont les six principes coopératifs tel que stipulés par
l'Alliance coopérative internationale:
La porte ouverte, qui signifie que peuvent devenir membres
sociétaires toutes les personnes pouvant utiliser les services de la
coopérative.
L'autorité démocratique. Chaque membre a droit à un
seul vote, quel que soit le montant de capital qu'il détient dans la
coopérative.
L'intérêt limité sur le capital social. Par
application de la loi, aucun intérêt n'est payable sur nos parts
sociales et l'intérêt sur les parts privilégiées est
limité par règlement.
La ristourne. Les surplus d'opération de fin d'année sont
soit virés à une réserve générale
impartageable entre les membres, soit, comme chacun sait, répartis entre
les membres au prorata de leur transaction avec la coopérative; et
même, en cas de liquidation ou de fin d'existence de la
coopérative, le solde de cette réserve générale est
remis à une oeuvre sociale désignée par le ministre.
Le principe de l'éducation. Nous enseignons les principes et les
méthodes de la coopération à nos dirigeants,
employés, membres et au public en général.
L'intercoopération. Nous collaborons activement avec les autres
coopératives, de façon à développer le
coopératisme.
Des entreprises de distribution alimentaire. Nos coopératives
membres ont réalisé, en 1988, un chiffre d'affaires de 365 000
000 $ et possèdent un avoir collectif sous forme de capital social et
réserve générale dépassant les 39 000 000 $. Aux
fins de leur approvisionnement et de la mise en marché de leurs
produits, nos coopératives membres ont signé des ententes
commerciales avec les quatre grandes chaînes d'alimentation au
Québec. Et ces quatre grandes chaînes sont. Provigo,
Métro-Richelieu, Steinberg et IGA; IGA, en fait, est
l'abréviation de Independent Grocer Alliance ou, en français,
l'association internationale des épiciers, qui nous vient des
États-Unis et qui est représentée, plus
particulièrement dans la région, par sa filiale de Hudon et
Daudelin.
Nos coopératives sont présentes dans toutes les
régions du Québec et constituent une présence importante
dans plusieurs dizaines de communautés à l'extérieur des
grands centres
urbains. Nous avons des membres aux Îles-de-la-Madeleine, par
exemple, et dans la ville de Fermont, dans toutes les régions du
Québec. Sur l'île de Montréal, actuellement, nous n'avons
pas de membre, le membre le plus proche que nous ayons de la métropole
est dans la région de Joliette où nous avons des membres. Plus de
1300 personnes, élues par des assemblées démocratiques,
agissent bénévolement comme administrateurs de nos
coopératives.
Nous sommes également des employeurs. En 1988, nos
coopératives membres ont payé une masse salariale de 36 200 000 $
à leurs employés, lesquels sont majoritairement des
employés syndiqués. Nos employés et leurs familles sont
opposés à l'ouverture des commerces le dimanche et ils ont fait
valoir leur opposition par le canal de leurs centrales syndicales. (18 h
45)
À l'intérieur de nos 143 membres, les employés sont
représentés par les quatre grandes centrales syndicales,
c'est-à-dire qu'une bonne part sont représentés par
l'Union des employés de commerce qui, elle, est rattachée
à la FTQ. Une certaine part est représentée soit par la
CSN, la Confédération des syndicats nationaux, soit par la CSD et
quelques syndicats indépendants également.
Nous sommes enfin des familles de consommateurs. Nos 110 000 membres
sont des familles qui s'approvisionnent en produits alimentaires auprès
de leurs coopératives. Alors, si on multiplie par un multiplicateur de
2,4 ou 2,3 pour avoir le nombre de personnes dans une famille au Québec,
nos membres représentent, de ce fait, plus de 250 000 consommateurs.
Propriétaires usagers de leurs coopératives, nos membres
s'opposent à l'ouverture le dimanche à la fois de leurs
coopératives et de leurs concurrents. Ils tiennent au respect du jour de
congé uniforme, tant dans leur propre intérêt que dans
celui de leurs employés.
La consultation, si vous me permettez un aparté, M. le
Président, s'est faite, dune part, par la tenue d'un colloque provincial
auquel ont été invités tous nos membres, colloque qui
s'est tenu à l'Université Laval, il y a de ça environ une
année. Et, à cette occasion-là, après avoir
débroussaillé le terrain, chacun est reparti dans sa
région rencontrer son conseil d'administration où, là, on
a adopté la résolution qui vous sera présentée tout
à l'heure et qui indique que les coops sont contre l'ouverture des
commerces le dimanche.
Vous pensez bien qu'en tant qu'organisme démocratique qui doit
absolument tenir une assemblée générale annuelle, nos
membres, à cette occasion, étant donné l'importance du
débat au niveau des citoyens, nous ont apostrophés, nous ont
questionnés sur ce point-là, insistant dans beaucoup de cas pour
que nous adoptions une position claire, nette et précise. Alors, nos
conseils, suite à ça, ont décidé d'entreprendre la
démarche, justement, de produire un mémoire devant la
présente commission.
Si vous voulez, M. le Président, et mesdames les membres du
comité, nous allons maintenant nous reporter au point I de notre
mémoire qui s'intitule "Le débat sur les heures d'ouverture, de
l'iniquité à l'absurdité".
Dans un premier temps, il nous est apparu de la première
importance d'essayer de déterminer quel était l'objet de la loi
et de voir un petit peu comment elle était appliquée. La Loi sur
les heures d'affaires des établissements commerciaux, Lois refondues du
Québec, chap. H-2, a fait l'objet d'une abondante jurisprudence et les
tribunaux se sont attachés, dans certains cas, à
déterminer quel était l'objectif de la loi. J'ai trouvé un
jugement de la Cour supérieure qui, justement, dans les propos du juge
Yves May-rand, nous informe quel est d'après lui l'objet de cette
loi-là.
L'objectif de la loi, dit-il, était d'assurer un jour de repos
aux employés. Mais il fallait tenir compte de la situation réelle
et du maintien d'un service approprié aux consommateurs, d'où la
vente de certains produits et l'ouverture des pharmacies et autres commerces
dont l'activité est jugée nécessaire. Le maintien d'un
service minimum aux consommateurs le dimanche est un objectif raisonnable,
reconnu dans les sociétés démocratiques comme est reconnu
le droit à un jour de congé uniforme pour l'ensemble des
travailleurs.
Le législateur a voulu assurer la rentabilité des petits
commerces d'où la règle de trois et leur protection contre les
grandes chaînes d'alimentation qui ont plusieurs employés pour
opérer.
L'objectif premier de la loi est donc le jour de repos uniforme pour
tous les employés du commerce de détail. De façon
accessoire, on assurera au consommateur un service minimum le dimanche pour
l'approvisionnement en biens de première nécessité comme
les médicaments.
Si, dans un premier temps, les députés ont adopté
une loi juste et équitable, la situation évolua dans une
direction différente par suite d'un recours abusif à la
législation par délégation. Ladite
délégation s'exerce par la mise en vigueur de règlements
d'application décrétés par le Conseil des ministres sans
consultation de l'Assemblée nationale.
M. le ministre, je veux tout de suite vous dire que c'est bien clair que
le Conseil des ministres qui se réunit une fois par semaine et qui doit
régler l'ensemble des problèmes qui confrontent l'Etat du
Québec ou le gouvernement de la province ne peut pas apporter tout le
temps qu'il voudrait, souvent, pour penser aux législations et aux
règlements qui s'appliquent Je comprends que ça se passe vite.
Mais je pense aussi que c'est une bonne chose que le môme gouvernement
ait décidé de faire une commission parlementaire pour que,
là, on prenne le temps
vraiment d'envisager des choses de façon un peu plus longue.
C'est ainsi, donc, par cette délégation qui se fait par
règlement, qu'on a obtenu ce qu'on a aujourd'hui, le règlement
sur des exemptions d'application de la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux. C'est le décret du 4 décembre
1987. Ce décret-là en vint à reconnaître pas moins
de 19 exceptions à la règle générale, et la porte
est grande ouverte pour en admettre d'autres puisque le règlement dit
que sera exempté tout autre produit déterminé par
règlement du gouvernement.
La situation évolua de l'exception commandée par un
service minimum en approvisionnement en biens de première
nécessité à la couverture légale de certains
privilèges particuliers, de sorte que, pour le justiciable, l'exception
est devenue la règle. Son représentant démocratiquement
élu, le député, a perdu le contrôle sur
l'évolution de la législation, et il s'ensuit, bien sûr,
une perte de crédibilité importante à l'endroit de la loi
elle-même et des officiers chargés d'en assurer l'application.
Point B, la proposition de changement. Dans ce débat complexe
intervient alors la proposition dont l'origine d'ailleurs la rapproche des
intérêts des actuels détenteurs de privilèges
particuliers, proposition, dis-je, à l'effet de revenir à une
situation équitable en disant: On va permettre à tout le monde
d'ouvrir le dimanche. Cette belle équité nous fait sourire,
même si je ne souris pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Noël: Bien sûr, une telle proposition contredit de
front le fondement principal, l'objectif numéro un de la loi qui est le
jour de repos uniforme pour les employés du commerce de détail.
11 faut se rappeler que c'est l'objectif premier de la loi.
Le service minimum en approvisionnement en biens de première
nécessité n'est absolument pas en cause. Il suffit de voir au
journal télévisé les longues lignées de
consommateurs soviétiques ou africains pour constater qu'au
Québec, ici, on a tout ce qu'on veut, tout ce qu'on peut désirer
avoir; on peut se le procurer assez facilement.
Par suite de la stabilité démographique, le panier de
consommation québécois est saturé et tout changement dans
les règles du jeu des heures d'ouverture ne peut être
motivé que par une stratégie commercialiste de concentration de
la part de gros intérêts capitalistes particuliers.
La situation actuelle. M. le Président, est-ce qu'on me signale
que le temps...
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous demanderais,
malheureusement, M. Noël, de conclure brièvement, s'il vous
plaît.
M. Noël: Notre position telle que nous l'ont fait savoir nos
membres par une résolution claire, nette et précise est: Nous
sommes contre l'ouverture des établissements commerciaux le dimanche.
Les principaux motifs sont ceux de stabilité économique,
d'équité, de concurrence loyale entre commerçants. Alors,
au cours des discussions qui vont suivre, M. le Président, je ne doute
pas que nous aurons la chance d'entendre en particulier M. Gagné, qui,
du haut de son expérience de 30 ans dans le commerce de détail
d'épicerie, va être en mesure de nous mettre de la chair autour
des notions un petit peu théoriques qui sont là.
Le principal de ça, c'est que nous, on est des
supermarchés et qu'on dit: Bien, c'est vrai que depuis dix ans on a
perdu 10 % du marché. On le sait pourquoi. C'est parce que, le dimanche,
on n'a pas le droit d'ouvrir et, de plus en plus, quelque chose comme 28 % ou
29 % des gens achètent de l'alimentation le dimanche. C'est pour
ça que nos ventes baissent. On calcule qu'il y a trop d'exceptions, trop
d'exceptions folkloriques et trop de manque de respect de la loi actuellement.
Il faut absolument que l'Assemblée nationale se remette à la
tâche pour reprendre la loi à son début et en faire une
nouvelle qui enlève les privilèges de monopole ratifiés
par décrets gouvernementaux, qu'ils arrêtent de dire que ce sont
les employés, à la caisse, qui vont appliquer la loi et dire aux
clients: Après cette heure-là, tu n'as pas le droit d'acheter
ça, ou des choses du genre, pour que des inspecteurs du gouvernement
puissent facilement appliquer la loi et traduire devant les tribunaux les gens
qui enfreignent les lois.
En ce qui concerne l'option d'ouvrir le dimanche, encore là, M.
Gagné va vous donner des exemples, mais on est, nous autres, d'opinion
assez sérieuse tout de même que ça va être la fin
d'un très grand nombre de petits commerces, dépanneurs, petites
épiceries spécialisées, etc. Alors, vous pouvez tout de
suite penser à une augmentation de votre budget de bien-être
social de la province de Québec. Il va augmenter très rapidement.
La marge bénéficiaire des supermarchés va diminuer parce
que nos employés sont syndiqués. Et ce qui va arriver
probablement, c'est que les très grandes surfaces de type Carnaval ou
Club Prix ou Club Price vont en profiter pour augmenter ventes et profits. On
calcule qu'au niveau de la main-d'oeuvre également, en ouvrant le
dimanche, vous allez simplement faire un transfert de la main-d'oeuvre en
moins, c'est-à-dire que ce qu'il va y avoir, ce sont des pertes de
postes d'employés salariés réguliers qui
bénéficient des avantages sociaux et qui sont soutiens de famille
pour créer des postes qui ne bénéficient pas de ces
avantages sociaux. Et, finalement, une réaction sur l'ensemble du
commerce de détail dans le sens où on va ouvrir la porte à
une généralisation de l'ouverture des commerces le dimanche.
C'était l'essentiel de notre mémoire, M. le
Président, qui a été soumis. Nous sommes
prêts autour de la table, chacun peut-être dans notre domaine,
à donner des exemples ou à renforcer les opinions
déjà contre.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M.
Noël. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, sur une note d'encouragement, Me
Noël, j'aimerais vous dire que j'attache beaucoup d'importance à
cette consultation dans le sens qu'au début de la commission j'ai
mentionné qu'il est essentiel de garder une ouverture d'esprit constante
dans la recherche d'une solution. Je voudrais également vous remercier
de reconnaître la pertinence de cette commission pour autant,
évidemment, qu'on tranche le débat une fois pour toutes. (19
heures)
On veut consulter sur six points. J'aimerais en discuter deux, mais deux
surtout avec MM. Gagné et Bouchard parce que ce sont plus des gens qui
sont pris dans le quotidien comme directeurs. Le premier, c'est
l'aménagement des heures sur semaine. Tenons pour acquis que votre
position est claire sur le dimanche. Une des hypothèses, c'est de dire:
Au lieu d'ouvrir à 8 h 30 - vous opérez des commerces, les deux
directeurs généraux - on ouvrirait à 9 h 30 Donc, on
sauverait une heure, lundi, mardi et mercredi; il y a deux hypothèses
d'offertes avec ces trois heures-là. C'est de dire qu'on les applique le
mercredi de 18 heures à 21 heures ou on les applique les lundis, mardis
et mercredis, une heure de plus, donc au lieu de fermer à 18 heures, on
fermerait à 19 heures. Vous représentez 110 000 membres. Comment
percevez-vous ça? Quelle est votre réaction à
ça?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Gagné.
M. Gagné (Camille): Notre réaction par rapport
à ça est la suivante. Nous, par rapport aux heures d'ouverture,
nous serions favorables à un ajout, c'est-à-dire, par exemple, le
mercredi soir d'ouvrir jusqu'à 21 heures pour ajouter un soir
additionnel pour pouvoir donner le service. Il ne faut pas oublier qu'on fait
juste un déplacement d'heures, un déplacement de volume. On
n'augmente pas le volume.
M. Tremblay (Outremont): Oui, ça, c'est clair. Mais
si...
M. Gagné: O.K.
M. Tremblay (Outremont): C'est clair, mais si, pour permettre
à des couples dont les deux personnes travaillent, d'avoir accès,
par exemple, à un service - ils travaillent jusqu'à 17 heures, .
le temps de se rendre - jusqu'à 19 heures, au lieu de dire que le
mercredi, ce serait lundi, mardi, mercredi jusqu'à 19 heures, est-ce que
vous le vivez? Vous avez 110 000 membres. Est-ce que ça cause
réellement un problème?
M. Gagné: Écoutez, si vous me demandez de commencer
à 9 h 30 plutôt que... Mais on commence à 9 heures;
ça voudrait dire qu'il faudrait commencer à 10 heures. Ça
apporterait définitivement des problèmes.
M. Tremblay (Outremont): Comment? Pourquoi?
M. Gagné: Parce que, d'abord, il y a la question de la
réception de la marchandise, aussi. Les fournisseurs, vous avez le
grossiste, par exemple, où on reçoit la "van" le matin assez de
bonne heure. Vous avez les boulangeries qui passent assez de bonne heure le
matin. Déjà là, on doit faire face à ça, au
départ. Si vous mettez les heures encore plus haut, à ce
moment-là, ça va faire un déplacement - comment est-ce que
je dirais bien ça? - il y en a qui vont être desservis plus tard
par les fournisseurs, et ça va créer des problèmes.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Bouchard, comme
complément de réponse.
M. Bouchard (Gabriel): J'aimerais, M. le ministre, vous apporter
la dimension suivante, une mention en tant que père de famille et aussi
grand-père. Quand on rallonge les heures le soir, si je regarde ma fille
qui sort de travailler à 17 h 30, 18 heures et qui se
dépêche de faire faire les devoirs à mes petits-fils, ce
n'est pas tellement approprié. J'apprécierais, si on n'a pas le
choix, que ce soit définitivement le mercredi soir similaire au jeudi ou
au vendredi. Ça, c'a plus de bon sens et c'est plus acceptable pour une
meilleure qualité de vie. Un peu comme il a été
mentionné dans le rapport du comité précédent, on
est beaucoup de bénévoles au Québec et, si on ampute une
heure déjà pour des ouvertures de marchés, ça nous
empêche de siéger sur d'autres comités en lesquels on croit
réellement.
M. Tremblay (Outremont): Très bien. Donc, c'est clair.
Le deuxième point. Vous faites allusion, dans le mémoire,
à l'effet de dire qu'il y a des exceptions et que ça crée
des iniquités et vous mentionnez même le mot "absurdité".
Je voudrais juste avoir votre point de vue Je la pose parce que vous êtes
des coopératives; ce n'est pas un piège du tout. La commission
Richard suggérait d'abolir l'exception, la vente de fournitures
scolaires par des coopératives en milieu scolaire. On en a
discuté un peu avec d'autres intervenants, et ce dont on
s'aperçoit, à cause de l'éducation des adultes, à
cause des cours du soir de plus en plus, à cause de l'importance de
la
formation professionnelle que le gouvernement attend et également
des centres spécialisés, c'est que ces coopératives sont
ouvertes, de par la loi, le soir et qu'elles sont également ouvertes le
dimanche. Il faut dire que ç'a été fait en 1970. À
ce moment-là, elles vendaient des fournitures scolaires. Aujourd'hui
elles vendent, par exemple, des ordinateurs, des calculatrices et
également d'autres fournitures moins reliées, par exemple,
à l'éducation immédiate. Donc, elles se trouvent à
concurrencer d'autres commerces qui ne peuvent ouvrir le dimanche ou le soir.
Dans cette optique, pour avoir une loi équitable, est-ce que vous seriez
d'accord avec le rapport Richard d'annuler cette exception-là pour les
coopératives en milieu scolaire?
M. Gagné: Radicalement, M. le ministre. Moi, je suis en
coopérative d'alimentation. D'accord? Puis, en début de juin
1989, j'ai fait une demande au gouvernement pour faire respecter la loi en ce
qui concerne une pharmacie bien connue, pour ne pas la nommer, Jean Coutu. Il
faut vous dire, M. le ministre, que la coopérative de Charlesbourg est
en vie depuis 52 ans. Depuis 52 ans, on est à Charlesbourg.
Jean Coutu est arrivé, ça fait environ six ans, lui, avec
tous les droits et la bénédiction pour ouvrir le dimanche, pour
ouvrir le soir. Il peut vendre de l'alimentation tant qu'il veut, comme il
veut, sans aucun respect pour l'entourage. Ça n'a pas d'importance.
Alors, quand vous me demandez si on devrait couper la coopérative que
vous mentionniez tantôt, je vous dis oui, puis je vous dis: Les 216
autres aussi.
M. Tremblay (Outremont): Mais vous êtes conscient - je vais
juste vous donner un peu plus d'information - qu'on parle de 380 000 membres
aujourd'hui, sans compter l'évolution, parce que, si on va à
l'éducation aux adultes et aux centres de formation professionnelle, les
centres spécialisés, ça s'en va en grossissant. Donc,
vous, vous dites: On doit pousser l'équité au point de dire
à ces coopératives qui avaient une exception: Non, vous n'avez
plus le droit de vendre le dimanche autre chose que... Bien, là, c'est
tout.
M. Gagné: Vous avez bien raison.
M. Tremblay (Outremont): Oui? Bien, moi, je n'ai pas raison, je
n'ai rien décidé.
M. Gagné: Sur ce que vous dites.
M. Tremblay (Outremont): Je pose juste une question. C'est juste
une question. Je pose une question.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: On y arrivera peut-être.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
M. Noël: M. le Président, pour compléter
peut-être. Peut-être que M. le ministre voulait
vérifier...
Le Président (M. Saint-Roch): M. Noël.
M. Noël: Peut-être que M. le ministre voulait
vérifier si on pratiquait l'intercoopération en nous parlant des
coops scolaires.
M. Tremblay (Outremont): Non, mais c'est parce que, si jamais on
en arrivait à cette conclusion, si on avait des coopératives qui
nous disaient qu'il n'y a pas de solidarité entre les
coopératives, vous pourriez leur parler.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Noël.
M. Noël: M. le Président, pour compléter ce
qu'a dit mon confrère, je conçois qu'on puisse trouver des
exceptions. il y en a 19 présentement. Il y en a qui n'ont pas d'affaire
à être là, mais il y en a qui ont raison d'être
là. Est-ce que ça sera au législateur d'en décider?
Je pense que, quand on parle des coops scolaires qui sont ouvertes le
dimanche...
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que je peux... Je vais vous
demander votre opinion parce que vous dites "iniquité" et
"absurdité". D'ailleurs, vous avez bien imagé dans le
mémoire... Lesquelles?
M. Noël: Vous avez des exemples patents, et ce n'est pas moi
qui le dis, ce sont des juges de la Cour supérieure.
M. Tremblay (Outremont): Mais, très rapidement, je ne veux
pas prendre... Mais, dites-moi, aidez-nous, lesquels vous enlèveriez,
juste pour l'information.
Mme Marois: Ah! Les exceptions. On parle d'autre chose.
M. Noël: Dans les exceptions. Nous soulignons dans notre
mémoire plus particulièrement, aux pages 3 et suivantes, le cas
du Club Prix ou du Club Price.
M. Tremblay (Outremont): Mais ce n'est pas une exception. Il
n'est pas là. Prenez...
M. Noël: Ça, c'est assez clair.
M. Tremblay (Outremont): Ah oui! Ça, ce
sont les pharmacies.
Mme Marois: Les pharmacies à grande surface.
M. Tremblay (Outremont): Vous, vous aboliriez l'article 5.2.
M. Gagné: La règle de trois. On vivait bien comme
ça.
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui Je comprends. Vous abolissez
l'article 5.2. O.K.
M. Gagné: C'est ça.
M. Tremblay (Outremont): Bien, l'article 5. À moins que
vous ne l'ayez pas Je ne veux pas vous forcer à un exercice Je pensais
que... C'est parce que, quand on dit que la loi est absurde et quand on dit que
la loi est inéquitable, il me semble qu'on a peut-être
passé à travers les exceptions. Mais, si vous ne lavez pas fait,
ce n'est pas grave. Je voulais profiter de votre expertise pour me faire dire
lesquelles vous étiez pour éliminer dans les 19.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
ministre.
M. Noël: M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Noël, je m'excuse,
mais je pense qu'on pourra peut-être... Oui?
Mme Marois: Non. Je suis prête à l'entendre. C'est
intéressant.
Le Président (M. Saint-Roch): Très bien, Mme la
députée de Taillon.
M. Noël: J'aimerais échanger avec le ministre.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Noël.
M. Noël: Quand on dit "de l'iniquité à
l'absurdité", on parle du débat, M. le Président. Ce que
nous trouvons absurde aujourd'hui, c'est l'état dans lequel on en est,
c'est-à-dire qu'il faut, par injonction, à grands frais, fermer
des concurrents. Nous, c'est la situation actuelle qui fait qu'on trouve
ça absurde. On a expliqué pour quelles raisons c'est comme
ça.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Noël. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Il y a de vos
collègues, dans des chaînes privées, qui sont venus ce
matin, qui nous ont dit que, pour eux, ça ne posait pas de
problème, la question des travailleurs et des travailleuses, qu'ils
avaient facilement accès à un bassin de personnes pour travailler
le dimanche et que ça ne leur apparaissait pas poser des contraintes
particulières, parce que leurs gens avaient l'air d'être d'accord
pour travailler le dimanche. J'aimerais ça entendre votre point de vue,
parce qu'il semble être très différent.
Le Président (M. Saint-Roch): M Bouchard.
M. Bouchard: J'aurais envie d'être mordant et de dire:
Ça, c'est un commentaire de patron. Parce que, le travailleur comme tel,
si je regarde à l'intérieur de nos conventions collectives, c'est
une bataille même pour le faire travailler le samedi. Le samedi, la
clientèle se plaint de la qualité du service parce qu'il y a des
contraintes de convention qui nous forcent à le faire travailler sur
semaine pour être libre le samedi et enfin le dimanche. Imaginez-vous
donc qu'ils ne sont pas heureux. Ce sont de jeunes étudiants sans
expérience. Et, je vous le dis, on doit, des fois, faire du tordage de
bras pour avoir des gens d'expérience pour travailler en fin de semaine
Alors, ceux qui affirment le contraire, c'est parce qu'ils sont très
très en haut, dans les étages et qu'ils ne sont pas en bas.
Une voix: Ça fait longtemps qu'ils ne sont pas
descendus.
M. Bouchard: Oui.
Mme Marois: Et ça, c'est vraiment l'expérience que
vous vivez d'une façon...
M. Bouchard: Oui, continuellement. Mme Marois:
...systématique dans vos...
M. Bouchard: On vient de renouveler la convention, et ça a
été beaucoup de tordage de bras de notre part pour tenter de leur
faire comprendre qu'il faut qu'il y ait de la qualité de service en fin
de semaine, c'est indispensable.
Mme Marois: Si le ministre et son gouvernement prenaient la
décision d'ouvrir le dimanche, c'est une des hypothèses qui sont
envisagées, de 10 heures à 15 heures ou 16 heures, vous
sentiriez-vous obligé d'ouvrir ou pensez-vous que vous auriez le choix
de rester fermé le dimanche?
M. Noël: Je laisserai répondre M. Gagné. Le
Président (M. Saint-Roch): M. Gagné.
M. Gagné: On n'aurait pas d'autre alternative que
d'être obligés d'ouvrir...
Une voix: C'est officiel.
M Gagné: ...parce que c'est jouer le jeu des grossistes et
non des détaillants, et c'est ce que les grossistes recherchent,
ouvrir.
Mme Marois: Parlez-m'en un peu. Parce que, justement, il y a des
chaînes qui sont contrôlées par des grossistes qui vont
venir et qui nous disent qu'ils veulent ouvrir, eux.
M. Gagné: O.K. Vous allez prendre, par exemple, des
magasins comme Maxi, Super Carnaval, Club Price, ils rayonnent sur une plus
grande surface que la coopérative de Charlesbourg, par exemple, avec ses
17 000 pieds de plancher. Or, nous, on a un bassin primaire, sur un mille,
secondaire et tertiaire, sur deux milles et trois milles, mais eux, ils
rayonnent sur 30 milles, 50 milles, 60 milles à la ronde. Quand vous
allez ouvrir les magasins le dimanche, ces supersurfaces-là deviendront
des entonnoirs qui vont vider même les campagnes, les villages. Ça
va tout se drainer dans ça. Prenez des Super Carnaval, prenez des Club
Price, vous ne pouvez en mettre plus de 25 dans la province de Québec et
vous réglez le problème de l'alimentation. Tout le reste, 10 000
pieds de plancher en descendant, c'est terminé; 10 000 pieds en montant,
ça commence à être des dépanneurs de quartier.
Après ça, vous allez arriver aux supersurfaces. Pourquoi? Parce
que le grossiste a atteint une saturation actuellement et qu'il cherche de
l'argent. Et pour faire de l'argent, il faut qu'il en rentre dans ses
entonnoirs. Alors, quand on regarde Provigo qui a acheté le
Marché du jour, il n'a pas fait ça pour le plaisir de le faire.
Il l'a acheté en pensant que ça va drainer, que c'est une
supersurface à l'attaque de Super Carnaval qui est à l'attaque de
Club Price. Steinberg, quand il a parti Club Price - les anciens - il ne faut
pas oublier que, dans un magasin, il vit et il récupère à
peu près ce que 12, 15 magasins récupéraient avant, avec
un compte de téléphone, un compte d'électricité, un
compte de chauffage, un compte d'assurances, une bâtisse, pas 15
bâtisses. Alors, nous, c'est chaque bâtisse, c'est chaque compte de
taxes, etc. Si on laisse aller ces grossistes-là de cette
façon-là.. D'ailleurs, c'est même au détriment de
leurs propres membres, et ils s'en foutent éperdument parce que la
majorité de leurs membres sont tenus par la cravate. Regardez les
chaînes d'alimentation, vous allez retrouver à peu près,
six, sept gros propriétaires. Après ça, c'est quoi? Ce
n'est plus rien. Alors, il s'agit de bien dorloter les bons, et le reste,
ça suit.
Mme Marois: C'est intéressant d'ailleurs de rappeler
justement le lien - on le sait et à un moment donné on l'oublie -
entre Steinberg et Club Price.
M. Gagné: Le gros au détriment du petit. Et vous
allez trouver quoi dans ça? Vous allez ramasser des salaires
d'étudiants comparativement à des salaires de pères de
famille, de mères de famille qui paient des impôts. Les
étudiants paient beaucoup moins d'impôt, je pense. (19 h 15)
Mme Marois: En fait, c'est un des arguments, d'ailleurs, que l'on
soulève, la "précarisa-tion" de l'emploi, avec lequel...
M. Gagné: C'est ça.
Mme Marois: ...aussi on a un certain nombre de problèmes.
Je pense que vous vouliez ajouter quelque chose, oui?
M. Gendreau (Marcel): Oui. Je voulais souligner, M. le
Président, que je suis dans un milieu semi-rural, dans la Beauce. Je
vous assure que si le gouvernement libéralisait les heures d'ouverture
le dimanche, les commerces se videraient au profit de la ville. Ça,
c'est évident. Et puis ça, ça ferait d'autres
chômeurs et toute la chaîne qui s'ensuit.
Je ne pense pas qu'on puisse parler d'accès, à ce
moment-là, de laisser les gens libres. Libres de quoi? Est-ce que les
gens deviennent plus libres, à ce moment-là, en consommant de
n'importe quelle façon, à temps et à contretemps? Les
magasins seraient ouverts huit jours par semaine qu'il n'y en aurait pas assez.
Il y en a qui ont des habitudes comme ça. Il faut le respecter, je suis
prêt à l'accepter, mais de là à imposer à
l'ensemble de la population des habitudes comme celle-là, est-ce que
c'est ça? C'est quoi, un Québécois? Qu'est-ce qui nous
distingue des Américains? Chez nos voisins du Sud, pas le vrai Sud, le
beau soleil, mais, disons, dans l'État du Maine, on ne voit pas de
magasins d'alimentation ouverts le dimanche. Il y a seulement les
dépanneurs. Il n'y a aucune chaîne d'alimentation dans
l'État du Maine, qui, pourtant, est un État où on peut
dire qu'il y a beaucoup de vacanciers, beaucoup plus qu'au Québec, en
tout cas. Pourtant, ces gens-là ont décidé que les
magasins resteraient fermés le dimanche. C'est sûr que si on va
dans le Sud, là, c'est évident; il y a même des policiers
à la porte du magasin. On n'en est pas rendus là. J'espère
que les Québécois, en tout cas, vont devenir capables de se
définir: C'est quoi qui nous distingue d'un Américain? Est-ce
qu'on est simplement des commerçants?
Nous autres, nous sommes des membres de conseils d'administration, qui
gérons des coopératives. Nous essayons, tous ensemble, de nous
donner des services dans nos différents milieux. C'est évident
qu'on n'a pas les moyens d'ouvrir nos magasins le dimanche et de concurrencer
les grandes chaînes qui, pour arriver, ont peut-être besoin
d'ouvrir sept jours par semaine. Ça, c'est peut-être un autre
problème. Est-ce que c'est le problème du
Québécois, du Québécois moyen?
Moi, en tout cas. je me permets d'en douter.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci. Madame.
Mme Marois: II me reste deux minutes, je reviendrai pour les
utiliser à la fin de mon intervention. J'aurai encore quelques... Si
j'ai deux minutes, je vais faire un commentaire.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme la députée
de Taillon.
Mme Marois: C'est parce que, depuis ce matin, une des
thèses défendues par les gens qui recommandent, proposent et
demandent l'ouverture des commerces le dimanche, c'est la suivante. Proposer et
demander l'ouverture et la permettre, cela ne voudra pas dire l'obligation.
Ça, c'est une des thèses qui nous a été
présentée toute la journée. Ça m'inquiète
parce que ça intoxique, ça. On dit: Bien oui, ça a du bon
sens, on n'est pas obligés. Alors, c'est pour ça que je voulais
vous entendre sur cette question-là, parce que, à mon point de
vue, si on permet d'ouvrir et qu'un certain nombre de chaînes
décident d'ouvrir, ça va amener automatiquement l'obligation pour
les autres d'ouvrir, sinon c'est fini de leur part du marché. C'est
déjà le problème que vous causent les pharmacies à
grande surface qui vendent de l'alimentaire.
M. Noël: Exactement.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Noël.
M. Noël: Oui, M. le Président. On a répondu
à votre question au point de vue de la nécessité
économique, de façon unanime, c'est sûr comme du
béton, ça. Mais on peut y répondre au point de vue de la
philosophie sociale aussi quand quelqu'un nous dit Je veux ouvrir le dimanche,
parce que je veux augmenter ma liberté individuelle de citoyen, alors,
dans un premier temps, on peut penser qu'en ouvrant le dimanche, on augmente la
liberté individuelle d'un citoyen. Mais si, collectivement, comme
État, on fait des lois qui permettent que des magasins soient ouverts le
dimanche et qu'en fait ils sont ouverts et que tout le monde est ouvert,
ça fait en sorte que, collectivement, les gens travaillent le dimanche.
Là, si on revient à notre M. Jos. Bleau dont on a augmenté
la liberté individuelle, lui, il se rend compte que, le dimanche, il ne
peut plus tenir de réunion de famille, il ne peut plus voir sa femme, il
ne peut plus voir sa petite fille parce qu'elle garde chez la madame qui
travaille à l'épicerie, etc. Ce qui veut dire que, voulant
augmenter un petit peu la liberté individuelle de Jos. Bleau,
finalement, par le processus du levier de la collectivité, on se
retrouve à diminuer la liberté de M. Jos. Bleau. !
Mme Marois: C'est ça.
M. Noël: Ça nous apparaît très
clair.
Le Président (M. Saint-Roch): M. Bouchard.
M. Bouchard: Alors, peut-être pour M. le ministre, dans le
cadre de la consultation, justement, sur les heures d'ouverture et de fermeture
le dimanche et dans le cadre de notre assemblée générale
annuelle qui regroupe normalement 400, 500 et 600 membres - c'est gros pour une
coopérative, parce que. normalement, c'est 50, 60 membres - cette
année, c'est-à-dire au mois de novembre, le troisième
dimanche de novembre, c'est une tradition, dans la troisième semaine,
nous faisons notre assemblée générale, on a dit: Tiens, on
va faire ça le dimanche. C'est tellement d'actualité. On n'a
même pas eu 200 personnes qui y ont assisté, le dimanche. Alors,
je suis allé voir ce que j'appelle le comité des anciennes jeunes
filles - j'appelle ainsi les dames des résidences pour personnes
âgées, avec qui j'ai de très bonnes relations, pas
nécessairement par rapport à mon âge, mais à cause
de certaines affinités...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard:... même si je suis grand-père,
remarquez bien - et on m'a dit: M. Bouchard, à quoi avez-vous
pensé de faire ça le dimanche? C'est la seule journée de
la semaine où on peut voir nos enfants et nos petits-enfants. Ça,
ça vaut un paquet de sondages. Je pense qui faut en tenir compte.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, M. Bouchard. M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: Je suis bien content que vous soyez venus parce que
vous êtes, pour la plupart, de la région de Québec. Vous
êtes installés dans la région depuis très longtemps,
52 ans à Charlesbourg. Je ne me doutais pas que c'était si ancien
que ça. Il y a une particularité dans votre affaire, c'est que
vous venez ici en nous donnant l'opinion de vos membres qui sont à la
fois vos clients et vos patrons. Je ne me trompe pas trop en disant
ça?
M. Bouchard: C'est absolument ça.
M. Leclerc: Vous n'êtes pas d'accord, vous?
M. Bouchard: C'est absolument ça.
M. Leclerc: Bien, votre collègue n'est pas d'accord.
M. Gagné: Non, étant membre du conseil
d'administration, lui pourrait être employé, c'est
différent. Si je veux faire une petite distinction.
M. Leclerc: O.K. Au sens large du terme. Disons que je m'adresse
à M. Gagné.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Leclerc: Je trouve ça particulièrement
intéressant parce que, finalement, vous avez deux sortes de clients.
Vous avez un client sociétaire et vous avez M. ou Mme Tout-le-Monde qui
peut passer chez vous et acheter. Ça ne prend pas nécessairement
une carte, etc. Des fois, par exemple, des clients qui ne sont pas
sociétaires peuvent être plus fidèles que des membres
sociétaires. Bref, il y a une dynamique qui se crée, et chacun
est libre d'être sociétaire ou pas, libre d'y aller ou de ne pas y
aller.
Est-ce que, dans vos consultations, vous avez remarqué une
différence significative entre l'opinion des membres clients et
l'opinion des clients tout court? Je vais vous dire pourquoi je vous pose cette
question-là. Si vos membres sont contre - et ça, je n'ai pas de
mal à le croire - est-ce qu'une des raisons, c'est qu'ils ont
effectivement deux chapeaux et qu'ils se disent que ça va donner des
frais supplémentaires à notre coop? On est au courant des
états financiers chaque année, etc. Donc, est-ce que ces
gens-là, étant plus sensibilisés aux problèmes, par
exemple avec les employés, que ça peut causer le dimanche...
Parce que je suis un de ceux qui pensent qu'il n'y a pas grand monde qui aime
ça travailler le dimanche. Est-ce que ces gens-là, étant
plus sensibles à un certain nombre de facteurs, du fait qu'ils sont
sociétaires, du fait que même un certain nombre sont sur le
conseil d'administration, etc., est-ce que ces gens-là mieux
renseignés ne sont pas davantage contre? Je ne veux pas vous mettro la
réponse dans la bouche, mais j'aimerais ça savoir s'il y a une
différence et, si oui, quelle est-elle?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Bouchard.
M. Bouchard: Le sondage qui se fait n'est pas un sondage d'ordre
économique On ne dit pas à nos membres: Ça va coûter
plus cher. On dit: Que pensez-vous de l'ouverture le dimanche? Et je vous le
dis, de façon presque unanime, du moins une très très
forte proportion dit: Non, on n'est pas intéressés, pour une des
raisons que j'ai mentionnées tout a l'heure. C'est une qualité de
vie. On n'en a pas besoin. Il n'y a même pas de qualité ou de
fraîcheur de nourriture qui est mentionnée là-dedans parce
que c'est un euphémisme, ce n'est pas vrai, ça. Alors, on vous
dit: Non, dans notre questionnaire, ce n'est pas ça. On jase surtout de
qualité de vie. Parce que le simple membre que vous mentionnez, le
budget ou le bilan financier, il ne le consulte pas ou pas beaucoup. Il vient
à l'assemblée générale et il prend le rapport
annuel. Il s'en va avec ça et il est tout content s'il a une ristourne.
Après ça, je veux dire, c'est du côté humain
seulement qu'il est touché.
M. Leclerc: Mais là, y a-t-il une différence entre
l'opinion, selon vous, du client membre et du client tout court?
Le Président (M. Saint-Roch): M. Simard.
M. Simard (Jean-Claude): Effectivement, on n'a pas eu le moyen de
faire une étude statistique ou exhaustive pour répondre à
une question qui est de ce niveau-là, mais on a fait quelques tentatives
chez nous, à la Coopérative des consommateurs de
Tilly-Sainte-Foy, et je dois vous dire que pour le client et pour le membre, en
tout cas, il m'est apparu dans le sondage, je dirais, maison que la nuance pour
eux autres, pour le dimanche, était une valeur et qu'ils souhaitaient la
fermeture, dans ce secteur-là en tout cas. Mais je ne suis pas capable
de vous le dire scientifiquement malheureusement, on ne l'a pas fait. Mais
cette nuance-là, les membres du conseil avaient demandé de la
faire. On a fait quelques études le samedi. Cette distinction-là
qu'on aurait pu déceler, en tout cas chez nous, ne s'est pas
décelée. Les deux souhaitaient, au nom de la valeur, que
ça reste fermé.
M. Leclerc: S'il y en a une, elle est tellement petite que
ça ne vaut pas la peine d'en parler.
M. Simard: C'est ça. M. Leclerc: Ça va.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Taschereau. Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: Moi, j'ai pas mal passé à travers les
questions que je voulais soulever. Comme sans doute vous le savez, on a fait
valoir notre point de vue dès le départ de la commission en
disant: On ne va pas créer de fausses attentes ou leurrer les personnes;
voilà notre point de vue, essayez de nous convaincre du contraire si
vous ne partagez pas ce point de vue là. Et comme je partage
plutôt celui que vous défendez, ça m'a permis de
vérifier un certain nombre d'éléments qu'affirment
d'autres groupes qui, eux, pensent autrement. Alors, je vous remercie de la
contribution et de l'éclairage que vous nous avez apportés. Et je
suis persuadée qu'à cet égard-là, ça a
sûrement aidé beaucoup d'autres membres de la commission aussi,
particulièrement sur la question des travailleurs et des travailleuses.
Merci.
Le Président (M. Saint-Roch): Merci, Mme la
députée de Taillon. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Me Noël, MM. Gagné,
Bouchard, Picard et Simard, je vous remercie beaucoup pour la discussion
franche que nous avons eue. On va prendre en considération vos
représentations dans la décision qu'on sera appelés
à prendre. Merci beaucoup.
Le Président (M. Saint-Roch): Messieurs les porte-parole
du Regroupement des coopératives de consommateurs de la province de
Québec, je tiens à étendre nos remerciements au nom de
tous les parlementaires, pour les apports aux travaux de cette commission. Sur
ceci, la commission de l'économie et du travail ajourne ses travaux
à dix heures demain matin.
(Fin de la séance à 19 h 27)