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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Bélanger): J'inviterais les
membres à prendre place. À l'ordre, s'il vous plaît! S'il
vous plaît, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!
C'est bien. Merci.
La commission de l'économie et du travail se réunit afin
de procéder à une consultation générale et une
audition publique sur les modifications à apporter à la Loi sur
les heures d'affaires des établissements commerciaux.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements
prévus?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun
remplacement pour aujourd'hui.
Le Président (M. Bélanger): Aucun remplacement?
Bien. Alors, nous avons quorum.
Avant d'ouvrir la séance... M. le député de
Laviolette... Juste pour se rappeler qu'on va faire une gestion très
serrée du temps, c'est-à-dire qu'on va essayer de fonctionner
à l'intérieur des heures le plus possible, d'avoir le moins de
débordements possible afin d'avoir un peu de contrôle sur notre
horaire puisqu'on en a pour au moins un minimum de trois semaines ensemble, de
longues journées.
Sans plus tarder, j'appellerais donc M. le ministre à nous faire
ses présentations d'ouverture et, ensuite, Mme la députée
de Taillon qui donnera la réplique pendant les 30 minutes suivantes. M.
le ministre, c'est à vous.
Remarques préliminaires M. Gérald
Tremblay
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, Mmes et MM.,
membres de la commission de l'économie et du travail, mesdames et
messieurs. Enfin, on commence aujourd'hui une longue série de
consultations sur un sujet d'actualité, un sujet que je considère
important: La Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux.
J'aimerais, au début, qu'on s'arrête sur l'importance
économique du secteur des ventes de détail au Québec. Les
ventes pour le secteur de détail au Québec, ça
représente 38 000 000 000 $. On compte 67 000 établissements qui
donnent et qui génèrent de l'emploi pour 320 000 travailleurs.
Ça représente globalement 10 % de la main-d'oeuvre active au
Québec.
Si on va plus particulièrement dans le secteur de l'alimentation,
on s'aperçoit que les ventes, c'est 10 300 000 000 $ pour l'année
1987. Ça représente presque 25 % des ventes du commerce de
détail en général. Ça crée des emplois pour
78 000 personnes, dont près de 50 % des employés qui sont
syndiqués et, également, on s'aperçoit qu'il y a 14 210
points de vente au Québec de vente de détail.
On peut donc facilement s'imaginer que cette loi, la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux, influence
énormément le comportement des commerçants, le
comportement des salariés et, évidemment, c'est ça qui est
important, le comportement des consommateurs.
On peut être en droit de se demander, ce matin: Pourquoi une
commission parlementaire sur les heures d'ouverture? Je dois vous dire que
quand je suis arrivé au ministère le 11 octobre dernier, mon
téléphone n'a pas arrêté de sonner. Tout le monde
voulait me parler des heures d'affaires. Alors, j'ai décidé, de
façon privée, de commencer à rencontrer certains
intervenants, même dans mon bureau de comté. Alors, j'ai
rencontré des intervenants, des groupes, dont quelques-uns sont
présents ce matin. Je vois des beaux sourires. Mais je me suis vite
aperçu que ce n'est pas en privé qu'on va régler ça
parce que je ne pouvais pas déposer un projet de loi avant l'ajournement
de la session et, également, je me suis aperçu que le dossier
était très complexe. Ce n'est pas un dossier facile. C'est un
dossier très complexe.
Pourquoi est-ce complexe? On pourrait se dire: C'est un dossier a priori
secondaire; ce n'est pas si important que ça les heures d'affaires. Mais
c'est complexe parce que ça s'est rapidement transformé dans un
débat de fond sur l'avenir de la société
québécoise. C'est également complexe à cause de
nombreuses lacunes dans la loi existante. Ces lacunes font que la loi est de
plus en plus inéquitable et plusieurs le mentionnent et le soulignent
constamment. Je dois dire que la loi de 1984, c'est un chef-d'oeuvre
d'incohérences qui fait qu'aujourd'hui tout le monde regarde le ministre
de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et lui dit: II faut trancher
le débat. On va le trancher le débat, mais après avoir
entendu publiquement toutes les parties. C'est également complexe
à cause de toutes les pressions qu'on a des différents groupes
qui sont impliqués dans le débat et, enfin, c'est très
complexe à cause de la décision qu'on va avoir à prendre
à la fin de cette commission parlementaire.
Alors, pour toutes ces raisons, j'ai annoncé la tenue d'une
commission parlementaire. Bien que certains aient dit: On n'en a pas besoin de
commission parlementaire; il y a déjà eu un débat; tout le
monde a exprimé son point de vue
sur la commission parlementaire, je dois vous dire qu'à la
lecture des mémoires, on se rend compte que les positions ont
évolué. On se rend même compte que les gens sont de plus en
plus nuancés et, surtout, on se rend compte que la position de certains
groupes et de certaines associations a totalement changé depuis un
certain temps.
Le but de la commission parlementaire, c'est exactement ça. Dans
un premier temps, c'est de faire le point, mais de faire le point pour
connaître publiquement et pour connaître avec exactitude la
position des parties. Je l'ai déjà mentionné et je le
répète encore aujourd'hui, il n'y a aucune solution de retenue
et, bien plus, je n'ai pas de position arrêtée ou d'idée
préconçue. Toutes les solutions sont possibles, et ce n'est qu'au
terme de cette consultation qu'on va pouvoir prendre une décision. Mais
ce que j'aimerais, c'est que cette consultation publique soit un forum
privilégié pour qu'on puisse faire une réflexion en
profondeur, pour qu'on puisse regarder les dossiers, pour qu'on puisse
écouter attentivement les différents intervenants. Et
j'espère que les représentations vont aller au-delà de
l'intérêt personnel et de l'intérêt de chacun.
On va devoir, en tant que membres de la commission, au cours des
prochaines semaines, avoir beaucoup d'imagination. On va devoir sortir des
sentiers battus et on va devoir évaluer d'autres hypothèses, si
elles existent, d'autres hypothèses que celles qu'on entend
habituellement. Je pense qu'on va devoir également prendre en
considération ce qui se passe hors Québec, dans un contexte de
mondialisation des marchés. Dans un contexte où on parle de plus
en plus de libéralisation des échanges, on se rend compte que la
notion de frontière est de plus en plus ténue.
Donc, II est essentiel de maintenir une ouverture d'esprit constante
dans la recherche d'une solution. Cette solution, avant de la trouver, on doit
toujours avoir à l'esprit trois principes que j'ai déjà
mentionnés et que je tiens à mentionner encore, ce matin. Le
premier principe, c'est l'équité. Est-ce que c'est possible de
rétablir l'équité dans le traitement entre les divers
types de commerce? Est-ce qu'on a le choix de ne pas le faire? Le
deuxième principe: les besoins réels des consommateurs. Quels
sont les besoins réels des consommateurs? Et, enfin, le troisième
principe, c'est la qualité de vie de la population en
général et, plus particulièrement, la qualité de
vie des travailleurs et des travailleuses du Québec. On va vite
s'apercevoir que c'est très difficile. Ça va être
très difficile de définir avec exactitude ou de s'entendre avec
exactitude sur des notions de besoins réels et de qualité de vie.
Ce qui peut apparaître comme une condition sine qua non de la
qualité de vie pour un certain groupe peut apparaître, pour un
autre groupe, comme une diminution de la qualité de vie. Alors, le but
de cette commission, c'est justement d'essayer de concilier cette
dualité.
Nous sommes tous très conscients qu'un élément
essentiel du commerce, ça demeure le consommateur. On est
également très conscients que les biens de consommation
apparaissent et disparaissent au fil des années. Vous avez vécu,
on a vécu les magasins généraux. On a vécu les
grandes surfaces, les magasins spécialisés. On vit
présentement la vente par correspondance et on va vivre, dans un avenir
rapproché, les commandes par télévision au moyen de la
télématique.
Donc, ce qu'on réalise, c'est que le commerce de détail
évolue et il évolue rapidement, mais il évolue toujours en
fonction des besoins des consommateurs et du service à la
clientèle. Quand on a des changements importants au niveau du commerce
du détail, c'est pour répondre aux besoins de la
clientèle, mais le commerçant doit toujours garder à
l'esprit des critères de rentabilité et aussi des critères
d'efficacité. On va le voir également au cours des prochains
jours, plusieurs vont nous dire que la politique actuelle des heures
d'ouverture, ça ne répond plus aux conditions de la vie moderne
et encore moins aux besoins de la majorité de la population.
L'Opposition elle-même constatait, en 1988, et je cite: "Qu'il est en
train de se dégrader une situation, actuellement sur le marché,
où il n'y a plus personne qui respecte la loi sur les heures
d'affaires." D'autres prétendent qu'il ne doit pas y avoir de loi et
qu'il faut laisser le marché établir les règles du jeu.
Certaines personnes semblent nous dire qu'il ne faut pas toucher à la
loi actuelle et réclament le statu quo. Est-il possible d'envisager le
statu quo qui semble ne pas répondre aux besoins réels des
consommateurs et qui ne règle pas les iniquités dans la loi?
Par contre, il y a un constat qui semble se dégager. Il y a trop
d'iniquités. C'est trop facile de contourner la loi. Alors, la question
qu'on va devoir se poser: Est-ce que c'est possible de réduire ces
iniquités tout en maintenant un système d'exceptions basé
sur des catégories exclusives de produits? Est-ce que le système
d'exceptions que nous avons présentement correspond à la
réalité commerciale de 1990? Est-ce qu'on doit maintenir
certaines exceptions qui, à première vue, ne posent aucun
problème, mais qui sont difficilement justifiables? Enfin, je pense
qu'on va devoir évaluer l'impact réel sur les habitudes de vie de
la population dans les solutions qu'on va être appelés à
trouver. Et je pense, de plus en plus, pour avoir rencontré les
intervenants, que la décision va être, en définitive, un
choix de société que nous devrons assumer collectivement.
Autant de questions difficiles, autant de questions complexes, mais on
va devoir y répondre. C'est pourquoi je souhaite qu'on ait un
débat franc, qu'on ait un débat honnête, qu'on ait, dans la
mesure du possible - et je réalise
que ce n'est pas quelque chose de très facile - un débat
dépouillé de tout parti pris. Il va falloir garder à
l'esprit que la solution retenue doit être une solution qu'on va pouvoir
appliquer. Ça va devoir être une solution qu'on va devoir
gérer. Ça va devoir également être une solution
durable. Je ne voudrais personnellement pas être obligé de rouvrir
le dossier dans deux ans. La décision, dans ce sens, devra être
viable aujourd'hui et devra également être viable demain.
Je vais terminer mes commentaires en vous rappelant qu'on a tort ou
qu'on aurait tort de considérer que ce débat, le débat sur
les heures d'ouverture, est un débat uniquement commercial. Je pense
qu'il s'agit beaucoup plus d'un débat de société. Le
Québec d'aujourd'hui n'est plus celui d'hier et le Québec de
demain risque lui-même d'être différent de celui
d'aujourd'hui. Je l'ai déjà dit, et je le répète,
qu'il y ait consensus ou pas, je vais déposer un projet de loi au
printemps.
La solution retenue devra permettre aux commerçants, aux
consommateurs ainsi qu'aux travailleurs d'être gagnants. C'est uniquement
de cette façon que nous pourrons favoriser l'épanouissement
économique et social du Québec.
J'aimerais, avec votre permission, M. le Président, vous
présenter les collaborateurs de mon ministère qui vont travailler
avec moi au courant de ces prochaines semaines. M. Audet? Non, il n'est pas
ici. Mon sous-ministre qui devait être ici ce matin, c'est Michel Audet,
vous allez le voir au cours de la commission; il y a également M. Marc
Ferland, derrière moi, et M. Jules Roy qui sont respectivement directeur
et économiste à la Direction des études et analyses du
ministère.
Je voudrais également remercier immédiatement tous les
membres de la commission de l'économie et du travail qui vont être
appelés à essayer de trouver des solutions concrètes en
vous écoutant et, également, les 80 groupes et associations qui
ont bien voulu accepter notre invitation. Par ailleurs, je tiens à
mentionner qu'il y a certains groupes qui m'apparaissaient être des
intervenants importants, qui n'ont pas cru bon de présenter un
mémoire, principalement parce qu'ils ont eu de la difficulté
à avoir un consensus au niveau de leurs membres. Pourtant, le
débat est important et nous n'avons pas l'intention d'accepter d'autres
mémoires que ceux qui ont déjà été
déposés.
Enfin, je voudrais souligner la participation à cette commission
de MM. Maurice Richard, Michel Després et Paul-André Forget. Vous
vous rappelez sûrement plus de Maurice Richard, celui qui a
présidé la commission Richard, il y a près de deux ans.
L'importante consultation privée qui a été tenue à
ce moment-là a largement contribué au document d'information qui
a été remis à 1500 intervenants. Et je suis convaincu que
leur participation fera sûrement avancer notre réflexion.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
ministre. J'invite Mme la députée de Taillon pour la
réplique.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, M. le ministre,
Mmes et MM. les membres de la commission, mesdames et messieurs, en fait je
vous dirais que, d'entrée de jeu, j'ai la tentation de poser une
question au ministre: Est-ce que c'est vraiment le dernier épisode de la
saga des heures d'affaires? Parce que si la loi de 1984 est un chef-d'oeuvre
d'incohérences, il s'est écoulé six ans depuis son
adoption, je le rappellerai au ministre. Et ses collègues, MM. Johnson
et MacDonald ont tour à tour renoncé à régler le
problème. Son collègue, le député de Nicolet, il le
rappelait, M. Richard, qui n'est malheureusement pas avec nous ce matin, a
longuement consulté. Pendant dix mois, il a rencontré 47
associations et regroupements. Il a visité des dizaines
d'établissements, le ministre le rappelait, pour en arriver en fait au
résultat que l'on sait, que l'on connaît maintenant. Le rapport
est sur les tablettes, la meilleure preuve en étant sûrement
l'exercice que l'on recommence aujourd'hui. La situation, par contre, elle,
s'est envenimée un peu plus: exceptions, iniquités, colère
des concernés, injonctions, absence de contrôles, cafouiilis. Ce
ne sera pas la première fois que le gouvernement se cache
derrière les consultations, les études, les stratégies mal
définies laissant ainsi pourrir des situations en s'abstenant de prendre
les décisions qui s'imposent. L'art de gouverner - je le rappelais
déjà au ministre, l'automne dernier, à la fin de la
session - c'est aussi l'art de décider en assumant ses
responsabilités et en sachant que l'on ne peut plaire à Dieu et
à son père. Il apparaît évident à leur face
même que certaines positions sont irréconciliables, consultations
ou pas. Chacun des tenants d'une position ou de l'autre va chercher à
convaincre, bien sûr, à étoffer son point de vue, à
étendre son rayon d'influence. J'imagine que le ministre doit trouver
quelque vertu à l'exercice puisqu'il nous y entraîne malgré
tout.
L'Opposition officielle, quant à elle, ne souffre pas de la
même indécision. Nous serons donc clairs, et dès le
départ, de telle sorte que nous ne leurrerons pas les intervenants qui
viendront devant nous, et ils seront nombreux. Je les entendrai, au nom de
l'Opposition officielle, avec beaucoup de respect. J'ai de nombreuses questions
à soulever. Et sûrement que les échanges et les discussions
vont me permettre d'éclairer et de préciser la position de notre
parti. Mais je ne duperai personne puisque l'on saura dès le
départ où nous logeons.
Et avant de vous faire part de cette position, M. le Président,
j'aimerais partager avec vous et avec les membres de la commission de
l'économie et du travail quelques réflexions
sur le fond - et je pense que le ministre l'a abordé aussi assez
clairement dans sa présentation - du débat auquel nous sommes
confrontés aujourd'hui.
En fait, j'ai toujours été étonnée, et
j'avoue que je le suis encore, par toute l'émoti-vité qui se
soulève à chaque fois que la question de l'ouverture des
commerces le dimanche refait surface. On ne parle pas de vie ou de mort, on ne
parle pas de souveraineté nationale, que je sache. Et pourtant, pourquoi
cette réaction? Pourquoi ce tollé? Pourquoi cette levée de
boucliers? En fait, je crois que ce qui est soulevé ici va au coeur d'un
phénomène propre à notre fin de siècle et qui
soulève parfois des débats sereins, mais parfois aussi, des
débats houleux, mais qui ne laisse, de toute façon, jamais
indifférent. En fait, il s'agit essentiellement d'un débat sur
les valeurs. Et j'ai même, personnellement, je dirais, cheminé
vers l'orientation que notre parti a retenue, en passant probablement par
toutes les phases du débat. Il ne s'agit pas d'une simple querelle de
marchands. Et je ne voudrais pas avoir l'air d'exagérer, mais j'en suis
venue aussi à la conclusion qu'il s'agit bel et bien d'un débat
de société.
En effet, si cette fameuse phrase passepartout en voie de devenir un
cliché a encore un sens, soit "la qualité de la vie", c'est sans
doute autour d'un sujet comme celui que nous débattons actuellement
qu'elle devient significative. En fait, en lisant attentivement les
mémoires - je ne les ai pas tous lus, mais j'en ai lu plusieurs, j'aurai
l'occasion de le faire d'ici la fin de la commission - j'ai été
fascinée par le choix des mots. On se croirait revenus à la
querelle des anciens et des modernes, des réactos et des
avant-gardistes, des conservateurs et des progressistes. Certains mêlent
les deux, mais je pense que ça ne se mêle pas. On aura compris que
les modernes étant bien sûr pour l'ouverture en tout temps et les
anciens, plutôt contre. Et si c'était l'inverse? Si, parmi ceux et
celles qui parient de qualité de vie et de hiérarchie des
valeurs, au-delà des querelles de part de marché, on retrouvait
des progressistes qui mettent la personne au coeur de leurs
préoccupations, l'être social qui a besoin de communiquer,
d'échanger, d'avoir des moments privilégiés où
ralentir ses activités reliées à l'avoir pour se centrer
sur des activités reliées à l'être...
Je fais un parallèle entre ce dossier et celui de
l'écologie, de l'environnement. Rappelons-nous comment on a
ridiculisé... En fait, on a tourné... On a traité
d'utopiques, de farfelues les campagnes de quelques hurluberlus qui nous
disaient que la planète allait à sa perte si on ne prenait pas un
virage sérieux en matière environnementale. Le
développement à n'importe quel prix, à tout prix, est
devenu le développement durable. Et c'est à cela maintenant que
l'on identifie les progressistes. Peut-être en est-il de même pour
ceux et celles qui ont choisi de participer à une société
centrée davantage sur la qualité de la vie. Peut-être
est-ce de ce côté que logent les progressistes. Qui sait?
Voilà pour une première réflexion.
Je veux encore aborder un second point de vue du même ordre. Et
là, c'est le gouvernement par sondages. Commençons par quelques
exemples qui parlent d'eux-mêmes. Le citoyen voudrait toujours plus de
services, mais ne voudrait du même souffle et sûrement dans la
même réponse, payer aucune taxe. Cet exemple exagère le
ridicule des décisions qui seraient prises sur la base de sondages
uniquement, mais comporte aussi sa part de vérité. Comme
personnes politiques, nous nous devons d'être à l'écoute de
nos concitoyens et de nos concitoyennes, même par sondage, à
l'occasion, tenter de trouver avec eux, et pour eux parfois, les solutions, les
réponses les plus pertinentes. J'en suis, mais comme
représentante d'un parti politique, comme membre d'un gouvernement, on
se fait élire sur la base d'orientations clairement
énoncées, de philosophies de gestion et de programmes
définis. Ces programmes, traduits en projets, ont une base
idéologique et s'appuient sur une vision de société. (10 h
30)
Je suis toujours un peu inquiète lorsqu'on me sort les
résultats de sondages pour appuyer une décision. Ça
m'inquiète parce que je me demande si, en dehors des sondages, le
gouvernement libéral a ou non une opinion qui lui est propre. Je
comprends que dans le cas des heures d'affaires, il n'en a pas.
Enfin, troisième et dernière réflexion. Si l'art de
gouverner, c'est l'art de décider, c'est aussi l'art du maintien du
difficile équilibre entre les besoins des uns et les droits des autres.
C'est l'arbitrage entre les intérêts individuels et les
intérêts collectifs. Pourquoi un gouvernement se mêlerait-il
de légiférer sur les heures d'affaires et s'introduirait-il dans
les activités mercantiles d'une société où la libre
entreprise, même si un peu encadrée, demeure la base du
système économique? À cela, je réponds que le
gouvernement est aussi le gardien de l'intérêt
général et, à ce titre, comme représentante d'un
parti politique préoccupé par des valeurs reliées à
la qualité de la vie, à l'équité, au respect des
personnes, je choisis le parti des familles, je choisis le parti des
travailleurs et des travailleuses qui aimeraient bien participer à la
vie de leur communauté immédiate ou élargie au même
rythme que la majorité de leurs concitoyens et de leurs concitoyennes.
Je choisis aussi le parti des consommateurs et des consommatrices dans le
respect de l'intérêt du plus grand nombre.
La question des heures d'affaires demeure, ou plutôt, je dirais
est devenue une question complexe impliquant plusieurs intervenants. Notre
position saura, je l'espère, rallier un nombre significatif
d'intervenants au dossier. Cette
position fait appel d'ailleurs aux mêmes principes que ceux
qu'entend invoquer le ministre, M. Tremblay, et qu'invoquait d'ailleurs avant
lui le comité Richard afin de proposer une nouvelle législation,
soit l'équité entre les commerçants, j'en conviens, les
besoins réels des consommateurs et des consommatrices et la
qualité de vie de la population, notamment, bien sûr, celle des
travailleurs et des travailleuses. Notre position va tenir également
compte de toutes les données qui sont contenues dans le document
d'information du ministère qui, soit dit en passant, est très
intéressant et bien fait.
On peut se rappeler que la réforme de la Loi sur les heures
d'affaires s'est avérée nécessaire, en fait, pour deux
raisons principales: premièrement, l'évolution de la composition
de la famille, des rôles dans celle-ci, a mené à une
insatisfaction des consommateurs et des consommatrices à l'égard
des heures d'ouverture de commerces d'alimentation. L'arrivée massive
des femmes sur le marché du travail, qui implique une plus grande part
des ménages où deux parents travaillent à
l'extérieur - parce qu'on travaille aussi à l'intérieur -
et la croissance du nombre de familles monoparentales obligent à
repenser l'aménagement des heures d'ouverture des commerces pour, entre
autres, des biens dont l'achat ne peut être reporté, et on pense
ici, bien sûr, à l'alimentation. Ce besoin est réel, il
s'exprime par le fort achalandage, entre autres, que l'on retrouve dans les
commerces de détail les jeudi et vendredi soir, de même que le
samedi.
Mais je voudrais cependant mettre en garde ici contre toutes les
conclusions trop rapides et des arguments parfois fallacieux. Oui, c'est vrai,
les familles monoparentales ne peuvent souvent partager avec un conjoint
certaines tâches. On conviendra que c'est un fait aussi cependant pour
une très large part des femmes qui ont un conjoint. D'autre part,
à cette double tâche s'ajoute pour les familles monoparentales le
problème des ressources financières souvent limitées et,
particulièrement, lorsque le chef en est une femme. Peut-être que
pour ces personnes la solution est d'un autre ordre que l'ouverture des
commerces le dimanche. On peut au moins se poser la question.
Deuxièmement, les nombreuses exceptions, les faibles sanctions
prévues, combinées à l'absence de volonté politique
de les appliquer rigoureusement ont mené à une situation
inacceptable de concurrence déloyale entre les commerçants du
secteur de l'alimentation Les contrevenants, tant à la lettre de la loi
qu'à l'esprit, ont cherché à tirer profit de
l'évolution des besoins. Cette situation a entraîné la
multiplication des plaintes, des injonctions, ce qui a accentué la
nécessité de procéder à la révision de la
loi.
Notre position tient compte, par conséquent, de ces deux
problèmes tout en se préoccupant des travailleurs et des
travailleuses qui oeuvrent dans ce secteur. La solution retenue pour nous
rejoint le consensus établi à l'époque de la
première consultation des intervenants entreprise par ce gouvernement,
le comité Richard. Entre septembre 1988 et maintenant, un an et demi
à peine s'est écoulé; j'imagine que les changements de
comportement n'ont quand même pas été trop grands. C'est
dans ce contexte, d'ailleurs, que les arguments du ministre pour consulter
à ce moment-ci ne me convainquent pas.
Pour notre part, nous croyons qu'une extension des heures d'ouverture
des commerces d'alimentation en début de semaine, un resserrement des
critères d'exception basant ceux-ci sur la notion de services
essentiels, une augmentation des sanctions prévues contre les
transgres-seurs pour rétablir l'équité, parce qu'il y a
une équité, devraient être les lignes directrices d'une
réforme de la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux. Nous rejoignons, d'ailleurs, en cela, la coalition contre
l'ouverture des commerces le dimanche, la ville de Montréal et plusieurs
autres intervenants.
Nous croyons, de plus, que cette position est un compromis acceptable
pour la très grande majorité des personnes et entreprises
impliquées. Tout d'abord, cette solution respecte les besoins
réels des consommateurs et des consommatrices dans la mesure où
ils ont révélé une préférence à
l'égard du début de la semaine plutôt que le dimanche
lorsque le choix leur est présenté, ce qui est rarement le cas
dans les sondages qu'on nous présente. Et cela, on peut le constater
à l'examen des résultats des sondages qui sont rapportés
par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie dans
son document d'informations, entre autres, à la page 85, je crois.
Du côté des commerçants, tout porte à croire
que l'ouverture des magasins le dimanche n'aurait pour effet que
d'étaler les recettes sur un nombre supérieur d'heures
d'affaires. Le resserrement des critères d'exception ainsi que
l'augmentation des amendes aux contrevenants devraient, selon nous,
régler en bonne partie le problème de l'équité
entre les commerçants. Il faut aussi se pencher sur la situation des
travailleurs et des travailleuses du secteur de l'alimentation. L'ouverture des
commerces d'alimentation le dimanche provoquerait un étalement des
heures de travail dans la semaine et une accentuation des horaires
brisés, avec ce que cela comporte comme impacts sur la vie des
familles.
Mais est-ce que ça créerait vraiment de nouveaux emplois?
Est-ce qu'on ne parle pas plutôt de vases communicants dans ce cas-ci?
Quand on sait que la somme totale de l'argent dépensé en
alimentation s'est réduite, dans l'ensemble des choix des familles, en
termes budgétaires. Il me semble que si nous ne pouvons créer de
nouveaux emplois, nous n'avons aucun
intérêt à précariser davantage le monde du
travail. C'est pourquoi nous nous opposons à l'ouverture des commerces
d'alimentation le dimanche au nom d'une certaine qualité de vie des
travailleurs et des travailleuses, mais plus globalement au nom d'une certaine
qualité de vie de la population en général.
Nous tenons ainsi à souligner l'importance du maintien d'une
journée hebdomadaire de repos partagée par la plus large
majorité possible de la population. Ce n'est pas parce qu'il y a
déjà plusieurs travailleurs et travailleuses qui sont au poste le
dimanche pour assurer certains services essentiels qu'il faut en faire
travailler davantage, parce que ce ne sont pas que les travailleurs et les
travailleuses du dimanche en alimentation qui seraient concernés. Vous
savez que cela a un effet d'entraînement sur d'autres services. Il nous
apparaît qu'au contraire, il faut peut-être trouver des moyens de
réduire leur nombre. Partons-en de cette infrastructure à
laquelle je faisais mention. Est-ce que ça prendra des travailleurs et
des travailleuses en garderie? La chef de famille monoparentale sera toujours
monoparentale le samedi ou le dimanche.
Est-ce que ça prendra plus de chauffeurs de camions, de personnes
pour conduire des camions, de travailleurs, de travailleuses dans les
entrepôts, d'agents de sécurité sur les routes? En fait, si
on voulait être parfaitement logique, on pourrait faire un sondage
auprès des travailleurs et des travailleuses. Demandez aux
infirmières, demandez-leur donc! Demandez aux gens d'usines qui
travaillent en continu, aux personnes qui occupent des emplois dans le milieu
touristique, où va leur préférence, quel horaire, à
salaire égal, Us choisiraient?
Quant à la possibilité de transférer le pouvoir de
réglementation aux municipalités afin de tenir compte des
disparités régionales dans la réceptivité des
consommateurs et des consommatrices, il s'agit, à notre avis, de la
solution de la facilité et de la fuite en avant devant les
responsabilités. Le pelletage de la neige dans la cour du voisin semble
n'être une pratique inacceptable au gouvernement actuel que lorsqu'il est
le voisin qui la reçoit, la neige. Pensons à la réduction
du déficit fédéral ou au dernier budget Wilson. Cette
solution est inacceptable parce que la concurrence entre les commerces des
différentes municipalités ne peut que mener à une
ouverture généralisée et ainsi le ministre se trouverait
à faire faire aux municipalités ce que peut-être il n'a pas
le courage de faire lui-même.
En résumé, notre position devrait permettre de combler les
besoins des consommateurs et des consommatrices sans pour autant compromettre
la qualité de la vie des travailleurs et des travailleuses et de la
population en général, tout en rétablissant une saine
concurrence entre les commerçants. Nous avons l'intention de
prêter une oreille attentive aux différents groupes qui se
présenteront devant la commission parlemen- taire, entre autres, pour
déterminer les modalités précises de la nouvelle loi. Mais
cette écoute se fera avec le souci de privilégier
l'intérêt public plutôt que les intérêts
particuliers. Nous espérons que le ministre saura tenir parole et qu'il
gardera l'esprit ouvert, lui qui envoie, depuis quelque temps, des signaux plus
ou moins clairs qui laissent croire que sa décision est peut-être
prise et que cette commission ne serait, en fait, que du maquillage. Je ne le
souhaite pas, je ne l'espère pas, par respect pour les membres de cette
commission et par respect pour les personnes qui vont défendre devant
nous leur position. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, Mme
la députée de Taillon. Je remercie aussi M. le ministre. Alors,
est-ce qu'il y a d'autres intervenants dans les remarques préliminaires?
Bien. Alors, je comprends qu'il n'y en a pas d'autres.
Auditions
J'invite donc nos prochains invités à s'approcher de la
table des témoins, soit M. Jacques Nantel et M. Robert Désormeaux
des Hautes Études commerciales. M. Nantel et M. Désormeaux,
bienvenue. Je vous prierais, en commençant, de bien vouloir vous
identifier et, chaque fois que vous prenez la parole, s'il vous plaît,
bien vouloir donner votre nom, ceci pour les fins de transcription au
Journal des débats. Nos transcriptrices ne sont pas
familières avec vos voix, alors, elles devront le faire... Alors, je
vous rappelle la procédure. Vous avez 20, 25 minutes pour la
présentation de votre mémoire et il y a une période de
questions, de la part des deux parties, de 40 minutes. Alors, si vous voulez
bien procéder...
MM. Jacques Nantel et Robert Désormeaux
M. Nantel (Jacques): Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les
députés, je suis Jacques Nantel, professeur agrégé
à l'Ecole des hautes études commerciales. C'est moi qui vais
présenter le mémoire. Pour ce qui est des questions, à
tour de rôle, mon collègue, Robert Désormeaux, ou moi
pourrons répondre à vos questions.
C'est après avoir travaillé pendant plus de deux ans
maintenant, en termes de recherche sur la question des heures d'ouverture
particulièrement dans le secteur de l'alimentation et même
uniquement dans le secteur de l'alimentation au Québec, que nous avons
décidé de présenter un mémoire à cette
commission.
Le mémoire est basé principalement sur deux outils de
travail: une analyse approfondie de la donnée publique, notamment celle
de Statistique Canada, de même que le recours à trois sondages qui
ont été faits, respectivement,
un en 1988 et deux en 1989. Le mémoire que nous allons vous
présenter est divisé en deux volets. Le premier volet a trait
à l'impact de la loi actuelle sur le secteur de l'alimentation au
détail, au Québec; et je tiens à souligner que nos
études ne portent que sur le secteur de l'alimentation. Le
deuxième volet de notre mémoire touchera, quant à lui,
l'opinion des consommateurs. (10 h 45)
L'impact de la loi actuelle. Pour bien comprendre l'impact de la loi
actuelle sur le secteur de l'alimentation au détail au Québec, il
y a certaines prémisses qui doivent être présentées.
La première, c'est qu'il est important de préciser que le secteur
de l'alimentation au Québec, dans le commerce de détail, est un
secteur qui est saturé. De 1981 à 1988, les ventes de produits
alimentaires ont connu une croissance annuelle moyenne, en dollars courants, de
moins de 7 %. Si on contrôle pour l'inflation, en dollars constants,
cette évolution équivaut à une croissance de moins de 1,5
% par année. Toujours en dollars constants, sur une base des
dépenses moyennes par ménage, cette évolution
équivaut à moins de 0,05 %.
La deuxième prémisse, c'est le fait que, le dimanche, le
secteur de l'alimentation est un secteur déjà important et en
croissance. Il est important de préciser qu'à l'heure où
on se parle ou, enfin, tout au moins à la fin de 1988, chaque dimanche
il se dépense, au Québec, plus de 7 000 000 $ en produits
alimentaires. Ceci signifie des ventes de plus de 320 000 000 $ par
année au Québec. Soulignons qu'alors que la croissance annuelle
moyenne des ventes en dollars constants est pratiquement nulle, comme on l'a
vu, pour l'ensemble des produits alimentaires, celle des produits alimentaires
vendus le dimanche, elle, est en croissance de près de 7 % par
année. Précisons que les chiffres que je mentionne sont
tirés de Statistique Canada.
En plus, déjà en janvier 1988, c'est 15 % des
consommateurs qui déclaraient faire l'achat de produits alimentaires les
lundi, mardi ou mercredi soir, de façon fréquente ou
occasionnelle, alors que cette proportion était de 29 % pour le
dimanche. Mentionnons qu'à l'heure actuelle, c'est près de 87 %
des marchés publics qui sont ouverts le dimanche alors que cette
proportion est de 20 % les lundi, mardi et mercredi soir, 100 % des fruiteries
sont ouvertes le dimanche alors que 40 % le sont les lundi, mardi et mercredi
soir.
Précisons, en terminant, qu'en Alberta où une telle
libéralisation a eu lieu en 1984, la part de marché du dimanche,
qui était de 3,3 % en 1982, a grimpé à 7,3 % en 1986. Les
chiffres de Statistique Canada sur cette donnée-là ne sont pas
encore disponibles pour 1988, mais on peut prévoir que c'est plus de 7,3
% en 1988.
Le troisième point, lorsque l'on parle de l'aspect
économique de la libéralisation des heures d'ouverture dans le
secteur de l'alimentation, c'est que les supermarchés obtiennent une
part décroissante du marché de l'alimentation. De près de
70 % de part de marché que les supermarchés avaient en 1981, leur
part de marché est rendue, maintenant, à un peu plus de 62 %. Il
est important de préciser que, dans la structure
québécoise, dans le secteur de l'alimentation, les
supermarchés, ce ne sont pas les géants auxquels on pense
généralement, mais, en fait, ce sont, en grande totalité,
de petits propriétaires affiliés à des chaînes. Pour
ces gens-là, la situation est particulièrement pénible.
Elle est particulièrement pénible parce que la chute de leur part
de marché s'est vraiment accrue à partir de 1985, soit
après que l'on ait commencé à offrir des exceptions
à la loi sur les heures d'ouverture. Évidemment, la part de
marché, c'est le corollaire, des autres établissements dans le
secteur de l'alimentation, c'est-à-dire ce qu'on a défini comme
étant la structure parallèle, les dépanneurs, les
marchés publics, les magasins spécialisés, elle, s'est
accrue dans les proportions inverses. Il est à mentionner que le
phénomène de la décroissance des parts de marché
des supermarchés est moindre, est moins accentué dans le reste du
Canada. Et lorsque l'on prend le cas de l'Alberta, de façon
particulière, cette décroissance-là s'est rétablie
après 1984, soit après que la loi ait été
changée.
Bien sûr, on pourra toujours, je pense, à juste titre,
mentionner que la loi sur les heures d'ouverture n'est peut-être pas la
seule raison qui explique la perte de part de marché des
supermarchés. Les habitudes alimentaires des consommateurs ont
changé depuis plusieurs années. Mentionnons, alors qu'il y a
à peine trois ou quatre ans c'était 70 % des produits
alimentaires achetés à l'épicerie ou au supermarché
qui étaient de type préemballé ou en conserve, que cette
proportion est rendue à 50 %, ce qui veut dire qu'il y a près de
50 % qui sont des produits frais, ce qui pourrait expliquer pourquoi d'autres
types de commerce voient leur part de marché s'accroître. Mais
mentionnons également que, pour les supermarchés, le fait
d'être fermés le dimanche veut dire que la gestion de leurs
produits frais est beaucoup plus difficile à faire. Parce que ça
veut dire... Et pour ceux qui ont déjà fait leur épicerie,
soit le samedi, soit le lundi, vous en conviendrez, le samedi, il n'y a
à peu près plus rien dans les tablettes parce qu'on ne veut pas
que ça périsse au cours du dimanche et, le lundi, les arrivages
ne sont pas arrivés. Alors, cette rupture dans la gestion des stocks
pose un problème.
Donc, sur ce plan, en résumé, on parle d'un marché
stagnant, on parle d'une croissance du dimanche et on parle de part de
marché dans le secteur des supermarchés qui est vraiment en
décroissance, pratiquement en décroissance assez
accentuée.
Donc, le fait de ne pouvoir ouvrir le
dimanche équivaut, pour une partie importante du secteur de
l'alimentation, à rien d'autre qu'un vol de part de marché. C'est
une tendance qui, si le statu quo perdure, risque de s'accentuer. En 1986,
Statistique Canada signalait qu'il y avait 24 % des ménages
québécois qui étaient composés de consommateurs
ayant de très fortes contraintes de temps. Par très fortes
contraintes de temps, j'entends là où les deux adultes, quand il
y a deux adultes, travaillent à temps plein ou, lorsque, bien sûr
c'est une famille monoparentale, la personne, généralement la
femme qui est en charge du foyer travaille également à temps
plein. Si la tendance se continue, on prévoit que pour l'an 2000, donc
dans dix ans, c'est 36,2 % de la population, des ménages qui vont avoir
ce genre de contrainte-là. Alors si le statu quo perdure, on peut voir
l'effet immédiat sur un secteur de l'alimentation, notamment, ceux qui
ne peuvent, pour l'instant, ouvrir.
Donc, pour terminer ce volet-là, j'aimerais mentionner que le
statu quo en matière d'heures d'ouverture dans le secteur de
l'alimentation aura des conséquences fâcheuses, tant pour les
consommateurs que pour l'économie en général. Compte tenu
de l'industrie des produits alimentaires qui ne croît plus,
l'impossibilité pour les supermarchés de vendre le dimanche
risque de rendre ces derniers - qui, je le rappelle, sont
généralement la propriété de petits entrepreneurs -
nettement moins efficaces qu'ils ne le sont actuellement.
Au glissement de la part de marché succédera une baisse de
volume des supermarchés. Par la suite, ce sont les emplois
généralement syndiqués et mieux
rémunérés qui risquent de prendre la direction des parts
de marché et se déplacer vers les commerces où les emplois
sont généralement moins bien rémunérés que
dans la structure conventionnelle.
Le deuxième volet que j'aimerais aborder maintenant touche
davantage l'opinion des consommateurs. Cette partie-là est basée,
comme je l'ai déjà mentionné, sur plusieurs sondages qui
ont été effectués depuis deux ans. Mentionnons que dans
ces sondages-là, nous ne posions pas uniquement des questions qui
portaient sur les attitudes et les opinions des consommateurs. On demandait
également de nous décrire leur profil de consommation, quand et
où ils achetaient leurs produits alimentaires. Et mentionnons que les
chiffres que l'on a fait ressortir de ces sondages-là sont très
cohérents avec ceux publiés par Statistique Canada qui, bien
sûr, publie des chiffres sur le profil de consommation.
La position des consommateurs. Une analyse de l'ensemble des sondages
qui sont parus depuis plusieurs années, réalisés par les
experts du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie,
mentionnait qu'on décelait une tendance plutôt favorable à
une ouverture, à une libéralisation des heures d'ouverture dans
le secteur de l'alimentation.
On mentionnait également qu'il existait, et c'est vrai, entre les
sondages, des différences, une variation dans les réponses qui
sont données. Mentionnons, comme l'ont fait les experts du
ministère, qu'il y a deux grandes raisons qui expliquent les variations.
Elles sont importantes et c'est important de mentionner ces
variations-là. La première, c'est la composition des
échantillons comme tels. Lorsqu'un sondage s'adresse à la
population en général, on décèle des taux un peu
moins favorables à une libéralisation. Par contre, lorsque les
sondages s'adressent aux responsables des achats alimentaires, donc
plutôt que d'avoir des proportions de 48 % hommes, 52 % femmes, on parle
de 72 % à 75 % de femmes, 25 % d'hommes - parce que ce sont surtout les
femmes qui sont responsables des achats alimentaires au Québec - on
dénote que les proportions ou le taux de réponses favorables
à une libéralisation s'accroît. Autrement dit, lorsqu'on
demande à la population en général, on a un son de cloche,
mais lorsqu'on demande aux consommateurs, à ceux qui sont responsables
des achats alimentaires, la proportion des gens qui sont favorables
augmente.
La deuxième raison qui peut expliquer une certaine variation
obtenue dans les sondages a lieu à la précision des questions qui
sont posées. Lorsque l'on demande aux citoyens, aux consommateurs:
Est-ce que vous êtes pour une libéralisation des heures d'affaires
tous azimuts, les gens sont beaucoup moins favorables que lorsqu'on leur
précise "dans le secteur de l'alimentation." Et lorsqu'on leur demande
encore plus spécifiquement, "pour leur supermarché", ils sont
encore plus favorables. Alors, oui, bien sûr, entre les sondages, il
existe des variances, mais ces variances-là sont explicables.
Qui, parmi les consommateurs sont les plus favorables à une
libéralisation des heures d'affaires? Le grand déterminant qui
explique ces variations-là dans nos sondages, c'est de loin, les
contraintes de temps des consommateurs. On a ici une relation - je m'excuse du
terme technique - linéaire, statistiquement très forte. Plus les
consommateurs ont des contraintes de temps, notamment les ménages
où les deux travaillent, les familles monoparentales où le
responsable travaille, ces gens-là sont nettement plus favorables
à une libéralisation. Qui plus est, lorsque l'on regarde qui
fréquente actuellement les commerces d'alimentation, les lundi, mardi,
mercredi soir et le dimanche, c'est forcément et c'est effectivement,
dans une proportion très significative, les gens qui ont de fortes
contraintes de temps. Autrement dit, ceux qui ont des contraintes de temps
veulent une libéralisation parce qu'ils en ont besoin et ceux qui n'en
ont pas besoin n'en veulent pas.
L'autre déterminant qui est important, toujours sur le plan
sociodémographique, c'est l'âge. On se rend compte que moins les
gens sont âgés, plus ils sont favorables. Le revenu
n'influence pas. Fortunés ou moins fortunés, les
consommateurs qui ont besoin de services alimentaires les réclament.
Ceux qui n'en ont pas besoin ne les réclament pas. Autrement dit, ce
n'est pas: Les gens qui peuvent se le payer voudraient bien que ça
ouvre, les gens qui ne le peuvent pas ne veulent pas que ça ouvre; il
n'y a pas de lien.
Dans tout ce débat-là, l'une des questions importantes et
autant M. le ministre que Mme la députée, vous l'avez
mentionné... La question cruciale, c'est de savoir si on doit
libéraliser les soirs de semaine ou le dimanche. À ce sujet,
mentionnons que dans tous les sondages qui ont été
réalisés, incluant les nôtres, pour l'ensemble de la
population - je dis bien pour l'ensemble de la population, on va nuancer tout
à l'heure - ce sont les soirs de semaine qui ressortent comme les
périodes les plus souhaitables à libéraliser dans le
secteur de l'alimentation. Par contre, chez ceux qui ont besoin de plus de
temps pour faire leurs achats de produits alimentaires et qui auraient - et
ça, c'est important - l'intention de changer de plage horaire, advenant
une libéralisation, c'est le dimanche qui ressort comme le premier
choix. Autrement dit, lorsque vous demandez à M. ou à Mme
Tout-le-Monde: Quand est-ce que vous voudriez que ce soit
libéralisé, si vous voulez que ce soit libéralisé?
On nous dit: Bien, peut-être lundi, mardi, mercredi. Par contre,
lorsqu'on pose la question, ou enfin lorsqu'on retient l'information, pour ceux
qui trouvent leur plage actuelle inadéquate, c'est le dimanche qui
ressort comme étant le premier choix Également, si les intentions
et les opinions parlent, les faits actuels parlent également de
façon peut-être plus éloquente. Déjà, 15 %
des consommateurs et des consommatrices du Québec font l'achat de
produits alimentaires les lundi, mardi et mercredi soir alors que cette
proportion est de 29 % le dimanche.
Le dernier point que l'on voudrait aborder, c'est bien sûr la
question de la libéralisation et le principe de l'équité.
Selon la loi actuelle sur les heures d'affaires en alimentation, seuls les
établissements qui comptent en tout temps trois employés ou moins
ont le droit d'ouvrir le dimanche. Dans son rapport, le comité Richard
mentionnait que la loi actuelle n'était, d'une part, pas facile à
faire appliquer et que, d'autre part, elle pouvait engendrer de graves
iniquités.
Lors d'un sondage que nous avons réalisé, en septembre
1989, 62 % des consommateurs et des consommatrices du Québec trouvaient
que la loi actuelle était, soit difficile, soit impossible à
faire appliquer - remarquez que ce n'est pas en soi une grande
révélation - 63,5 % des consommateurs et des consommatrices du
Québec trouvaient que cette loi n'était pas équitable pour
les marchands en alimentation qui ont plus de trois employés et qui ne
peuvent ouvrir le dimanche; près de 47 % des consommateurs
considéraient que l'application stricte de cette loi rendrait plus
difficile l'achat de leurs produits alimentaires. (11 heures)
Afin de régler le problème de l'inéquité
causé, le dimanche, par la loi actuelle, dans ce sondage-là, on a
suggéré deux solutions. On a dit: Bon, pour régler
l'iniquité, une première solution serait d'interdire la vente de
tout produit alimentaire le dimanche; la deuxième possibilité
serait de permettre à tous les commerçants qui le désirent
d'ouvrir le dimanche. Parmi ceux qui trouvent la loi actuelle
inéquitable, soit 63,5 % de la population, il y en a 14,3 % qui
préconisent tout fermer alors que 78,6 % préconisent
libéraliser. Parmi ceux qui trouvent la loi actuelle équitable,
soit 25,5 % de la population, 62,9 % s'opposent à toute forme de
libéralisation le dimanche. Autrement dit, c'est environ 16 % de la
population, soit 25,5 % fois 62,9 %, qui trouvent le statu quo en
matière d'alimentation le dimanche au Québec à la fois
équitable et désirable. Autrement dit...
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, il vous reste deux minutes.
M. Nantel: D'accord. Autrement dit, il y a une partie
significative qui trouve la loi, soit inéquitable, soit non
désirable ou les deux en même temps.
En conclusion, une partie significative de la population désire
la libéralisation des heures d'ouverture. Le point qui est important
ici, c'est qu'une libéralisation ne forcerait pas les autres
consommateurs, ceux qui ne le désirent pas, à magasiner le
dimanche. À l'inverse, une non-libéralisation force les
consommateurs qui en ont besoin en ce moment à ne pas pouvoir utiliser
des services dont ils ont besoin et, par conséquent, à devoir
souvent payer de 12% à 15% plus cher en utilisant une structure
parallèle telle que les dépanneurs. Là-dessus, je vous
remercie.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie,
monsieur. Alors, M. le ministre, vous avez une première question?
M. Tremblay (Outremont): J'en ai deux, en fait. Est-ce que c'est
important des sondages? Parce que tout à l'heure j'ai semblé
comprendre qu'on reprochait au gouvernement, des fois, de gérer par
sondage, donc d'être à l'écoute de la population. Alors,
j'aimerais que vous me répondiez à ça: Est-ce que c'est
important des sondages? Deuxièmement, avez-vous fait des sondages dans
les zones touristiques? Parce que la députée de Taillon, tout
à l'heure, disait: Si on faisait des sondages dans les zones
touristiques, on s'apercevrait peut-être qu'on ne devrait pas ouvrir les
zones touristiques. Ce dont je m'aperçois, c'est que l'exception des
zones touristiques a été établie en 1984 par le
gouvernement
péquiste du temps. Alors, je me pose des questions, à
savoir: Est-ce important des sondages, ou pas, ou est-ce qu'on cite un sondage
quand ça fait notre affaire et on ne le cite pas quand ça ne fait
pas notre affaire?
M. Nantel: Écoutez, le sondage est important. Vous qui
êtes politicien, vous êtes bien placé pour le savoir. Le
sondage est important, mais le seul sondage véritable, c'est le vote.
C'est un peu la même chose dans notre domaine. Le sondage est important
pour voir les tendances, les attitudes, les opinions, mais le vrai
critère reste le comportement, de sorte que dans les sondages que l'on a
faits, c'est ce que je précisais tout à l'heure, on a bien fait
attention de mesurer également le comportement actuel des consommateurs
pour valider, finalement, l'information qu'on allait chercher. Cela dit, dans
toutes les données que l'on a actuellement, celle que je trouve la plus
importante demeure le comportement des consommateurs actuellement et la
tendance de ces comportements. Cela dit, les sondages sur les aspects
attitudinal et d'opinion corroborent ce que l'on voit en termes de
comportement. C'est une réponse de professeur d'université, mats
c'est pour vous dire que, oui, c'est important si c'est validé.
Quant au deuxième point, nous avons de l'information sur les
profils en zones touristiques parce que, bien sûr, des régions
comme les Laurentides, Québec et Charlevoix ont été
échantillonnées, mais nous n'avons pas sorti l'information
là-dessus parce que, évidemment, pour ces
régions-là, la base échantillonnais est trop mince. On a
trop peu d'individus dans ces régions-là pour pouvoir tirer des
conclusions.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vos sondages sont
validés?
M. Nantel: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Donc, on devrait les prendre en
considération dans une décision éventuelle.
M. Nantet: Moi, je pense que oui. Maintenant, voyez-vous, la
validation est toujours une chose de démonstration. On peut toujours
dire: II est valide, il reste à le démontrer. Sur ce
point-là, je suis prêt à faire la démonstration de
la validité des sondages. Je suis également prêt -
d'ailleurs, ça a été fait dès le début -
à les rendre publics, tant la méthodologie que les aspects plus
techniques. Et également les bases de données, même. S'il y
en a qui veulent même la banque de données, on pourra la rendre
publique.
Le Président (M. Bélanger): En vertu de la
règte d'alternance, Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Ce n'est pas 20 minutes-20 minutes?
Le Président (M. Bélanger): Ça peut
être ça, mais ça peut être aussi l'alternance.
Mme Marois: Ah bon, parce que je n'avais pas du tout prévu
que c'était comme ça qu'on fonctionnait, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Ah bon!
Mme Marois: Je croyais que le ministre prenait une vingtaine de
minutes pour poser des questions, échanger des propos et
qu'ensuite...
Le Président (M. Bélanger): Ça va de
convenance. La commission est maîtresse de ses travaux. Si
l'unanimité fait qu'on y va de même...
M. le ministre avait deux questions. Ça semblait s'arrêter
là pour le moment.
Mme Marois: Vous en avez d'autres, j'imagine?
Une voix: II va revenir.
Une voix: II y a d'autres membres à la commission.
Mme Marois: Bien alors, s'il y a d'autres membres du parti
gouvernemental, j'imagine qu'ils ont des questions.
Le Président (M. Bélanger): Je présume que
vous en avez pour 20 minutes.
Mme Marois: Vous n'êtes pas intéressé
à être reconnu? C'est ce que je comprends, M. le
député?
M. Audet: J'ai dit, Mme la députée que le
président donne le droit de parole. Il vous a reconnue, alors,
allez-y.
Le Président (M. Bélanger): Alors, on va appliquer
la règle de l'alternance.
Mme Marois: On va appliquer la règle de l'alternance cette
fois-ci et on discutera pour la suite des événements. D'accord?
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): On s'entendra, si vous
le voulez. Alors, c'est à vous.
Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît!
Mme Marois: Je trouve ça intéressant,
évidemment, votre présentation. J'aimais bien les nuances que
vous faisiez à la fin de votre
intervention, en disant: Les sondages sont valides selon certaines
règles, etc. Et puis, il y a toujours le comportement, en bout de piste.
Juste une correction, je n'ai jamais dit que les zones touristiques... Je
questionnais les zones touristiques. J'ai dit qu'aux personnes qui
travaillaient dans le milieu touristique, est-ce qu'on leur avait posé
la question sur le fait que si on leur offrait le choix, ils
préféreraient ou non avoir une journée libre en même
temps que la majorité de la population? C'était le sens de mon
intervention. Je ne voudrais pas être interprétée
différemment. J'ai bien dit aussi que parfois des sondages pouvaient
nous aider, mais que ça ne devait pas être la philosophie, ou
l'outil, pardon, qui devait être la base des décisions d'un
gouvernement.
Cela dit, en fait, je suis obligée de vous le dire, votre
défense est vraiment celle des supermarchés. Vous dites: Toute
chose étant égale par ailleurs, la part du budget
consacrée à l'alimentation et la part globale
dépensée dans ce secteur s'est réduite et il y en a qui
ont payé plus que d'autres. Ce sont les supermarchés - c'est
ça que vous nous dites - pour une valeur de 320 000 000 $. J'y
reviendrai d'ailleurs parce que j'ai quelques questions là-dessus. Je ne
partage pas tout à fait votre point de vue quant à un certain
nombre de conclusions et on pourra en discuter.
Je ne veux pas vous mettre dans l'embarras, mais je trouve que c'est
honnête de ma part de poser la question. Je regardais un certain nombre
de vos documents sur les heures d'affaires, dont une recherche, entre autres,
faite en mai 1987. Je me rends compte qu'il y a eu une contribution de Provigo
Distribution à l'étude qui a été faite. J'aimerais
savoir de quel ordre elle est, cette contribution-là? Est-ce qu'elle
vous liait, d'une façon quelconque, quant à des attentes bien
exprimées de la part de Provigo?
M. Nantel: Jacques Nantel. La question est absolument
légitime. Oui, Provigo a payé la réalisation des sondages.
Un sondage, si vous voulez faire un sondage en bonne et due forme, ça
coûte au bas mot, avec un échantillon d'à peu près
1000,1100 répondants...
Mme Marois: On connaît. Ha, ha, ha!
M. Nantel: Vous connaissez, hein? Bon, ça coûte
entre 15 000 $ et 20 000 $, selon la stratification. C'est évident que,
comme universitaires, on ne bénéficie pas de ces
budgets-là. On pourrait toujours parler du financement de la recherche
universitaire, mais j'imagine que c'est une autre commission.
Une voix: En haut.
Mme Marois: II y a une autre commission qui siège.
M. Nantel: II y a une autre commission? Une voix: M. Ryan,
en haut.
M. Nantel: Nous avons été contactés par
Provigo, non pas de façon fortuite, parce que nous travaillions
déjà sur ce sujet-là, parce que c'est un sujet qui nous
intéressait comme chercheurs universitaires. Et on nous a proposé
de nous aider financièrement dans la recherche. La condition - et la
condition a été très explicite - c'est que nous nous
engagions à tout publier, que Provigo aime ou n'aime pas les
résultats, que c'était d'abord une recherche universitaire et
qu'on ne voulait aucune contrainte, d'aucun ordre. C'est un risque que Provigo
a couru. D'ailleurs, je ne sais pas si Provigo est heureuse de tout ce qui est
dans ces rapports-là. Mais c'est l'entente que l'on avait avec cette
entreprise.
Mme Marois: D'accord. Donc, il n'y avait pas d'hypothèse
qui vous avait été soumise par Provigo?
M. Nantel: Aucune.
Mme Marois: C'est-à-dire que Provigo acceptait à ce
moment-là que ce soient vos hypothèses de recherche...
M. Nantel: Oui.
Mme Marois: ...vos facteurs, vos variables... M. Nantel:
Notre méthodologie également. Mme Marois: ...et votre
méthodologie. M. Nantel: Oui. Entièrement.
Mme Marois: D'accord. Je trouvais ça important de le faire
parce que ça m'a préoccupée quand j'ai vu les documents et
surtout que, évidemment, une grande partie de votre recherche porte
essentiellement sur la part...
M. Nantel: C'est juste.
Mme Marois: ...prise par les commerçants du dimanche
à l'égard des supermarchés.
M. Nantel: C'est juste.
Mme Marois: D'accord? Alors, j'arrête là mes
questions. Si l'autre côté a encore des questions, j'en ai encore,
moi.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. J'ai bien
apprécié également la présentation des deux
professeurs. Si je comprends bien votre démonstration, vous faites
état des comportements et des sondages et vous les comparez. Vous dites:
Lorsqu'on a permis, par exemple, en Alberta, l'ouverture des
supermarchés le dimanche, la part de marché a augmenté. On
se rend compte que les consommateurs qui ont des besoins vont effectivement
faire leurs emplettes le dimanche. Également, les sondages
démontrent que quand on interroge des gens dans des situations où
les deux conjoints travaillent, dans des situations de famille monoparentale,
les gens demandent de pouvoir magasiner le dimanche.
Lorsque je mets ça en comparaison avec la position du Parti
québécois, je considère qu'il a une position de style
thermostat, en ce sens qu'il dit: Peu importe ce que font les gens ou ce que
les gens ont l'intention de faire selon les sondages, nous croyons que pour
leur bien - tu sais, la fameuse expression: On veut leur bien et on va l'avoir
- ils ne devraient pas magasiner le dimanche, et vous avez même dit:
Malgré le fait qu'ils doivent aller dans les dépanneurs et que
ça leur coûte entre 10 % et 15 % de plus lorsque, pour satisfaire
leurs besoins en alimentation le dimanche, ils vont dans des
dépanneurs.
Si nous voulions être un gouvernement thermomètre, nous
voulions refléter exactement la situation actuelle des valeurs des
consommateurs, des besoins des consommateurs, qu'est-ce qu'il faudrait faire,
selon vous?
M. Désormeaux (Robert): Robert Désor-meaux. Comme
Jacques le mentionnait, les consommateurs, je pense, s'expriment, chez ceux qui
se prononcent, en majorité en faveur d'une libéralisation dans le
secteur de l'alimentation. Pour moi, c'est bien clair.
C'est clair aussi que si on regarde l'évolution depuis deux ou
trois ans, il y a une évolution en ce sens-là, la proportion de
gens favorables ayant une tendance à s'accroître. Ça
s'explique par le phénomène que plusieurs des personnes qui
étaient indécises voici deux ans ou trois ans changent
d'idée et deviennent favorables. Le groupe de gens défavorables,
voici trois ans ou deux ans, demeure, en très grande partie,
défavorables, ils ne changent pas d'idée. Ce sont les
indécis ou les gens qui ne s'étaient pas encore prononcés
ou qui n'y avaient pas encore suffisamment réfléchi qui passent
de plus en plus du côté favorable à la
libéralisation et j'imagine que c'est probablement un des effets du
débat qu'il y a actuellement et depuis quelques années
là-dessus.
Donc, pour moi, il n'y a pas de doute au niveau des opinions des gens,
c'est en faveur d'une libéralisation, et je parie bien dans le domaine
de l'alimentation. Cette opinion est plus favorable dans le cas des lundi,
mardi et mercredi soir qu'elle ne l'est dans le cas du dimanche. Maintenant,
quand on regarde le dimanche et qu'on restreint l'analyse aux gens qui ont les
plus fortes contraintes de temps, le dimanche, il y a une nette proportion de
gens qui sont favorables au dimanche. C'est bien ça, Jacques?
M. Narrtel: Oui. Ou qu'ils préfèrent. C'est leur
premier choix.
M. Leclerc: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le
député d'Ungava.
Mme Marois: On va continuer sur cette question, M. le
Président. Pas sous l'angle des thermomètres, mais... Pourquoi
n'avez-vous pas conservé la question? Dans l'un de vos derniers
sondages, je ne l'ai pas devant moi, mais vous ne conservez pas
l'hypothèse offerte... Vous savez où je veux aller.
Une voix: Oui.
Mme Marois: ...vous ne conservez pas l'hypothèse offerte
entre le choix du dimanche ou un allongement des plages le lundi, le mardi et
le mercredi. Vous le faites dans un des sondages puis, après ça,
vous l'éliminez. (11 h 15)
M. Narrtel: Oui. Écoutez, je m'excuse du terme, mais c'est
vraiment une "bibite" de chercheur, c'est-à-dire que le premier sondage,
c'était le canevas de départ. On quadrillait l'ensemble de la
question, on regardait les profils par type de magasins, par heures, plages
horaires. On regardait les préférences en fonction des soirs de
semaine, du dimanche, etc. Il y a un deuxième sondage qui, d'ailleurs, a
été déposé au ministère, qui, lui, portait
exactement sur cette question-là. Il y a tout un chapitre du
deuxième sondage dont le titre est "Les mécanismes de
compensation et le choix." C'est-à-dire: Est-ce que vous
préférez le lundi, le mardi, le mercredi ou le dimanche? Si le
dimanche c'est fermé, est-ce que vous voudriez le lundi, le mardi et le
mercredi? Si les lundi, mardi, mercredi... est-ce que vous voudriez que
ça soit le dimanche? Toutes les combinaisons et permutations.
Mme Marois: Par itération.
M. Nantel: Et c'est là qu'on est arrivé à
dire: Toutes choses étant égales par ailleurs, les gens qui ont
les plus grands besoins, leur premier choix, c'est le dimanche. Et ce n'est pas
de façon malicieuse que le troisième sondage a voulu traiter du
dimanche, c'est que c'est là qu'on était rendu. On voulait
creuser davantage. C'est ce que j'appelle la "bibitte" de chercheur. Ce n'est
pas un choix malicieux, qu'on a dit, non, c'est juste cette
alternative-là versus le reste. C'est qu'on a voulu creuser davantage
cette question-là parce que la comparaison entre
les deux, on l'avait faite dans le deuxième sondage.
Mme Marois: Mais, donc, si on avait pris l'autre
hypothèse... L'autre hypothèse aurait pu être prise aussi.
Même s'il y avait une légère
préférence...
M. Nantel: Oui, l'autre hypothèse aurait pu être
prise.
Mme Marois: ...l'autre hypothèse aurait pu être
prise parce que, dans un premier temps, quand on consulte l'ensemble des
consommateurs et des consommatrices, on constate qu'il y a une
légère préférence pour les plages du lundi, mardi,
mercredi. Là, vous dites: Si on s'adresse - je veux bien comprendre -
à ceux qui font les courses - on s'entend bien - là il y a une
légère préférence qui se marque pour le dimanche.
Donc, vous, vous dites: Maintenant, creusons donc celle-là.
M. Nantel: C'est ça.
Mme Marois: Mais, à l'inverse on aurait pu dire: Creusons
donc les deux en même temps, ou creusons donc l'autre avec les
mêmes paramètres.
M. Nantel: On aurait pu.
Mme Marois: Voilà! C'est un choix de chercheur, comme vous
dites...
M. Nantel: Oui. Absolument.
Mme Marois: ...dans ce sens-là, il y a des choix comme
ceux-là. Bon. Ça va pour l'instant, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie.
Mme Marois: S'il y a d'autres questions, moi j'ai encore...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de l'Acadie, en vertu de la règle de l'alternance,
on reviendra à Ungava par la suite.
M. Bordeleau: Oui, messieurs, j'aimerais peut-être juste
avoir une clarification pour être bien certain des conclusions que vous
nous avez présentées. Vous nous avez parlé du transfert
qui s'était fait de la structure des supermarchés, disons, vers
les plus petits commerces. Vous nous dites qu'en 1981, 69 % étaient des
commerces d'alimentation. Cela a passé à 60,8 % en 1988, et
l'inverse, à peu près, pour les magasins
spécialisés et les dépanneurs, les petites
épiceries. Est-ce que ce transfert-là est uniquement dû
à la question des heures d'ouverture? La question que je me pose, c'est:
Est-ce qu'il y a eu un changement dans la structure même? L'importance
relative des supermarchés, je parle en termes de nombre et de
facilité d'accès par rapport à des changements qui
auraient pu survenir physiquement dans l'organisation des magasins
spécialisés et des dépanneurs, de sorte que le passage
qu'on voit entre les deux n'est pas nécessairement dû seulement
à la question des heures d'ouverture, mais aussi en partie dû au
fait que le nombre de supermarchés ou le nombre de dépanneurs, ou
le nombre de personnes qui travaillent dans des dépanneurs versus le
nombre qui travaillaient en 1981 expliquerait aussi une partie de ce transfert.
Je ne sais pas si la question est claire.
M. Nantel: Oui.
M. Bordeleau: Parce que je veux être bien certain que ce
que vous nous présentez ici, comme données, ça doit
être associé exclusivement aux heures d'ouverture; je veux bien
être certain de ça. Et si ça ne doit pas être
associé exclusivement aux heures d'ouverture, je voudrais bien
comprendre aussi quelle est la part du nombre de commerces dans chacune de ces
deux catégories-là, et également la part du nombre de
personnes qui travaillent dans ces différents commerces-là aussi,
de 1981 à 1988.
M. Nantel: D'accord. Écoutez, il serait
téméraire de dire: Ce n'est imputable qu'à la loi sur les
heures d'ouverture. De toute façon, en recherche, on ne peut jamais
imputer une cause à un seul phénomène, ou très
très rarement. Cependant, il y a des indicateurs qui nous portent
à croire que les heures d'affaires jouent beaucoup dans ce transfert de
parts de marché, et jouent de façon tant directe qu'indirecte. Je
vais essayer de m'expliquer. Ça joue de façon directe parce qu'on
constate - vous avez, je pense, un graphique dans le mémoire -
qu'à partir de 1985, lorsqu'il y a eu une libéralisation des
heures d'ouverture, mais sous la base des exceptions, que la part des
supermarchés a commencé vraiment à chuter.
À l'inverse, lorsqu'on regarde le cas de l'Alberta, les parts de
marché des supermarchés chutaient jusqu'à ce qu'il y ait
une libéralisation et, là, elles ont repris leur position
antérieure. Ce sont des indicateurs. Ce ne sont pas des preuves
économétriques absolues. Ce sont des indicateurs. Il y a
également un effet indirect qui peut jouer. L'effet indirect, c'est le
suivant: On constate que dans la population, de plus en plus, les consommateurs
recherchent des produits frais. De 30 % de leurs achats alimentaires que
composaient les produits frais, il y a trois ou quatre ans, c'est rendu
à 50 %. Il est évident qu'à cet égard, les
supermarchés sont davantage défavorisés que certaines
boutiques spécialisées, non pas parce qu'ils ne sont pas capables
d'offrir des produits frais, mais parce que le fait de
fermer une journée les contraint terriblement. Dans le fond, le
fait de fermer une journée, ça a un impact sur le samedi, d'une
part, et sur le lundi, d'autre part. C'est un deuxième indicateur de
l'effet indirect.
Quant à la croissance du nombre des magasins, nous n'avons pas,
comme tel, étudié cette variable-là. Par contre, les
changements, en termes de nombre de magasins, d'une année à
l'autre, ne sont pas très grands, enfin, beaucoup moins grands que les
variations dans les parts de marché. Donc, on pourrait présumer
que ce n'est pas un impact majeur, mais on n'a pas, comme tel, creusé
cette question-là.
Le Président (M. Bélanger): Si vous voulez
compléter... Oui.
M. Désormeaux: Robert Désormeaux. Sur le nombre de
magasins, de fait, je pense que le nombre de dépanneurs s'est accru de
façon sensible, alors que le nombre de supermarchés a connu une
baisse. Donc, en ce sens-là, oui, le nombre de magasins a connu des
tendances différentes, si on parle de supermarchés ou de
dépanneurs. Maintenant, et là c'est tout le problème de
l'oeuf et de la poule, est-ce que la baisse du nombre de supermarchés
est la cause ou l'effet de la baisse de la part de marché des
supermarchés? Est-ce que la hausse du nombre de dépanneurs est la
cause ou l'effet de la hausse de la part de marché des
dépanneurs? Je pense que poser la question, c'est se dire que,
probablement, les deux facteurs s'interinfluencent, mais que si la part de
marché des supermarchés décroît, dans un
marché stagnant, compte tenu du volume minimum que ça prend pour
être rentable, il est inéluctable que le nombre de
supermarchés baisse à un moment donné, si on regarde de
nombreuses années. Et c'est ce qui s'est produit, effectivement.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Très rapidement. Vous revenez souvent, par
rapport à l'acheteur, à l'utilisateur des services, sur la
question du temps, le facteur temps. Est-ce que vous avez approfondi, est-ce
que vous avez creusé un peu là-dedans, aussi, à savoir
pourquoi l'utilisateur manque de temps? Est-ce que c'est par rapport à
lui-même, parce qu'il ne peut pas y aller aux heures d'ouverture
actuelles ou si c'est par rapport au service qui lui est offert, qui est trop
long dans le cadre de temps d'ouverture des magasins qu'on a actuellement?
M. Nantel: Vous voulez dire, par service qui est trop long...
M. Claveau: Je veux dire...
M. Nantel: ...que c'est trop long d'attendre à la caisse,
etc.?
M. Claveau: C'est ça.
M. Nantel: Non, on n'a pas creusé ce volet-là.
M. Claveau: II aurait peut-être été
intéressant de regarder ça. Je me suis amusé
moi-même, un petit peu, avant les fêtes, à faire le tour de
tout un tas de supermarchés, de grandes surfaces en alimentation. J'en
suis arrivé à un chiffre qui m'a quand même fait peur. Il y
a 50 % des caisses qui sont ouvertes le samedi après-midi, en plein
"rush", avant Noël, etc. Sur une moyenne générale, on arrive
avec 50 % des caisses qui sont ouvertes. Moi, le premier, je suis un
utilisateur de toutes petites surfaces, jamais plus de deux caisses parce que,
quand il y a dix paniers et deux caisses, tu es sûr que tu n'attendras
pas longtemps. Quand il y a 200 paniers et dix caisses et qu'il y en a cinq
d'ouvertes, tu es sûr que tu vas attendre une heure et demie avant de
passer au "cash". Ça peut faire partie du problème aussi. Moi, je
me demande si on n'aurait pas avantage à questionner le consommateur en
termes de temps, si, par exemple, toutes les caisses étaient ouvertes ou
s'il y avait un nombre de caisses en fonction du nombre de paniers disponibles
ou de grandeur de surface, on ne réglerait pas une grande partie du
problème du temps disponible pour le consommateur.
M. Désormeaux: Robert Désormeaux. Ça a
énormément de sens, ce que vous dites. Effectivement, si on
attend en file pendant une heure de temps, on ne sera pas
intéressé à aller magasiner là. Sauf que, quand on
parle de la partie du marché qui s'accroît le plus rapidement
depuis plusieurs années, on parle du dimanche. Le dimanche, le
consommateur n'a pas le choix entre attendre deux heures au supermarché
ou aller au dépanneur, le supermarché n'est pas ouvert.
M. Claveau: Oui, mais c'est que les grandes surfaces, le
dimanche, ne sont pas ouvertes. Bon, ça se passe assez rapidement: tu
prends le temps d'y aller, après ça tu fais ton achat et tu
passes à la caisse. Tu attends deux minutes, trois minutes et tu passes.
Généralement, c'est ce genre de commerce-là qui est ouvert
le dimanche.
M. Désormeaux: Effectivement. Donc, on ne peut pas dire
que si les supermarchés étaient plus rapides le dimanche, les
gens y iraient plus. Ils ne sont pas ouverts.
M. Claveau: Oui, mais je me dis que si les supermarchés
étaient plus rapides sur semaine, dans les heures d'ouverture actuelles
qui leur
sont imparties, peut-être que leur part de marché aurait
moins diminué aussi, eu égard aux petites surfaces où tu
paies peut-être un petit peu plus cher, mais tu n'attends pas une heure
à la caisse avant de passer.
M. Nantel: Mais..
Mme Marois: Oui, allez-y, M. Nantel.
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie, je
vous en prie. Vous êtes nos témoins, on vous écoute.
M. Nantel: Merci. C'est parce que je ne voudrais pas non plus que
l'on tombe dans le débat - en fait, c'est peut-être souhaitable de
l'ouvrir - des grandes et des petites surfaces. Il faut bien comprendre que le
concept de supermarché, tel qu'on l'utilise ici, tel que les variances
de parts de marché jouent, ce concept-là, c'est celui tel que
défini par Statistique Canada. Ce ne sont pas nécessairement des
grandes ou des petites surfaces, de même que les magasins
spécialisés et autres, ce ne sont pas nécessairement de
petites surfaces. Il y a des marchés publics qui rentrent dans "autres",
qui sont de très grandes surfaces, et il y a des petites surfaces qui
sont comptabilisées par Statistique Canada dans les supermarchés.
L'épicerie où vous allez avec deux caisses, si cette
épicerie-là fait 20 % ou plus de ses ventes dans le secteur de la
viande, c'est comptabilisé dans "supermarché".
M. Claveau: Oui. Mais vous ne pouvez pas nier que, en
règle générale, dans les petits marchés, c'est
beaucoup plus rapide comme débit de clientèle, si vous voulez.
Enfin, moi, c'est ma constatation.
M. Nantel: Oui.
M. Claveau: Je vous demande si vous avez fait une étude
là-dessus parce que, de visu, ça semble être le cas et je
peux vous dire que j'en ai fait, au cours des derniers mois, des
supermarchés, des grandes surfaces, des petites surfaces, tout ce que
vous voudrez, à la grandeur du Québec. Je m'adonne à
voyager beaucoup. Et puis, à l'occasion, je vais arrêter. Je passe
devant un Steinberg sur la route, j'arrête, je vais juste regarder
comment ça marche aux caisses par rapport à l'heure qu'il est. Je
fais ça régulièrement; ça me dégourdit les
jambes aussi, en voyageant. J'en arrive à une conclusion de visu, que le
débit de clientèle, dans les petites surfaces, est beaucoup plus
rapide que dans les grandes surfaces. Il y a rarement, dans les petites
surfaces, des heures d'attente énorme, des files de huit ou dix gros
paniers, tu sais que ça va prendre trois quarts d'heure à la
caisse pour chaque panier... J'exagère peut-être un peu. C'est
beaucoup plus rare et c'est peut-être plus attirant pour une certaine
clientèle aussi qui est prête à payer un petit peu plus,
mais à ne pas passer des heures en file d'attente.
M. Nantei: Je ne peux pas nier, je pense, l'intérêt
de ce que vous dites. Je pense que tous les consommateurs ont possiblement eu
la même expérience. On n'a pas, pour répondre à
votre question, fait d'étude spécifiquement sur ce
point-là. Mais j'aimerais quand même rappeler que dans la
nomenclature qui n'est pas la nôtre, qui est celle de Statistique Canada,
de supermarchés versus autres, il n'y a pas un parallèle, surtout
pas au Québec, justement, entre gros et petits magasins. Il y a de
petits magains qui sont dans "supermarchés" et il y a des gros magasins
qui sont dans "autres", et vice versa.
M. Désormeaux: Et comme tout le monde le sait, la
très grande majorité des supermarchés au Québec
sont la propriété d'entrepreneurs indépendants, des gens
d'affaires ici, du milieu, qui opèrent... Ce sont des PME locales et
régionales, pour la très grande majorité. Donc, ce n'est
pas vraiment un débat, de dire: Les petites surfaces sont "autres" et
les grandes surfaces sont "supermarchés". Parce que dans la
catégorie "supermarchés", il y a, évidemment, de grandes
surfaces, mais il y a aussi des petites et des moyennes surfaces. Mais dans la
catégorie "autres", il y a quelques grandes surfaces aussi. Quand on
parle des marchés publics, quand on parle des superpharmacies, quand on
parle des clubs-entrepôts, ce sont de grandes surfaces. Donc, ce ne sont
pas tous les petits d'un bord et tous les gros de l'autre.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoît: Je voudrais, d'abord, féliciter MM.
Nantel et Désormeaux pour la qualité de leur travail, M. le
Président. Quant à vos plages horaires, avez-vous pu voir, si
effectivement les conclusions auxquelles vous arrivez auraient
été les mêmes dans les régions touristiques? On sait
que le tourisme, normalement, a des activités aquatiques très
tard en fin de journée et, l'hiver, des activités de ski aussi,
très tard en fin de journée. Alors, est-ce que le comportement du
consommateur touriste aurait la même signification que dans votre
mathématique ici?
M. Nantel: Malheureusement, on n'a pas l'information pour
répondre à cette question, c'est-à-dire qu'on l'a, mais il
serait plus prudent de ne pas l'exploiter. C'est-à-dire qu'on a de
l'information de consommateurs en zones touristiques, mais là, on ne
sait pas si ce sont des touristes ou pas, d'une part, et, d'autre part, la base
échantillonnai est tellement petite que la marge d'erreur serait trop
grande. Alors, on préfère ne pas... Autrement dit, dans
Lauren-
tides-Lanaudière ou dans l'Estrie ou dans la région de
Charlevoix, on a des consommateurs. Mais si on fait la sommation de tout
ça, de tous ces consommateurs-là, il y en a trop peu dans notre
base échantillonnale pour pouvoir tirer des conclusions. Ça
prendrait pratiquement une étude spécifique sur ce
problème-là, ce qu'on n'a pas fait.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: S'il vous plaît. Vous n'avez jamais posé
la question sur le fait que les travailleurs et les travailleuses soient
amenés à augmenter le nombre d'heures de participation, pas
nécessairement pour une personne, mais collectivement, les week-ends, le
dimanche, par exemple. Vous ne l'avez jamais posée, cette question. (11
h 30)
M. Narrtel: Non, et pour une raison bien simple, c'est que nous
sommes des professeurs en recherche commerciale, en marketing, en commerce de
détail. Nous ne sommes pas des spécialistes en relations
industrielles. L'interprétation de la donnée qu'on aurait
été cherchée de cette façon-là ou même
la façon de poser la question, on aimait mieux ne pas toucher à
ce domaine-là. Ce n'est pas notre domaine.
Mme Marois: D'accord. Il y a une remarque que j'aimerais faire.
J'ai toujours un peu de crainte quand on fait des comparaisons avec les autres
provinces parce que nos infrastructures industrielles et commerciales, vous le
savez, sont fort différentes et, dans le document même du
ministère, évidemment, on parle particulièrement de
l'Ontario, mais on fait aussi état de tout ce qui se passe dans les
autres provinces - probablement que ça fait partie de la
société distincte, soit dit en passant. On dit qu'une des
principales caractéristiques du marché québécois
est la très forte présence des magasins d'alimentation
indépendants, qu'ils soient affiliés ou non, et que la structure
du marché ontarien de l'alimentation, par exemple, est très
différente, elle est dominée par les magasins corporatifs. Alors,
je suis toujours un petit peu, pas sceptique, mais enfin, je suis prudente sur
les comparaisons qu'on fait avec les autres provinces, parce que ce ne sont pas
les mêmes règles d'infrastructure, entre autres,
particulièrement avec l'Ontario, évidemment. Je sais que vous
avez parlé de l'Alberta. Par contre, il y a deux villes où on
ouvre en Alberta. Il semble que, dans le reste de l'Alberta, on n'ouvre pas le
dimanche.
M. Nantel: Mais il n'y a pas beaucoup de monde dans le reste de
l'Alberta, cela dit.
Mme Marois: Mais j'aimerais revenir plus sur une affirmation que
vous faites et, là, je vais faire une démonstration
peut-être un peu compliquée et longue, mais je suis sûre
qu'on va tous se suivre ensemble. Je vais prendre les chiffres les uns
après les autres. Vous affirmez que la grande partie du déclin de
la part de marché - la grande partie, vous ne dites pas toute, mais la
grande partie du déclin de la part de marché - des
supermarchés qui est passée de 69,6 % à 60,8 % entre 1981
et 1989 - je vous cite dans votre document - s'explique par la loi actuelle sur
les heures d'affaires. On va regarder un peu ce que ça peut
signifier.
Le marché de l'alimentation au Québec en 1988, on parie de
10 800 000 000 $. Vous me corrigerez si je me trompe dans les chiffres. La part
de marché des supermarchés en 1988, 60,8 %. Je prends les
chiffres que vous aviez donnés tout à l'heure. Vous avez fait
certains petits amendements, mais, toutes proportions gardées, je pense
que c'est correct. La vente des supermarchés en 1988, 60,8 % des 10 800
000 000 $, on s'entend bien, ce qui nous donne 6 500 000 000 $. La part de
marché des supermarchés en 1981 était de 69,6 %. Les
ventes correspondantes en 1988, prenons 69,6 %, 10 800 000 000 $, nous
amènent à 7 500 000 000 $. Vous me voyez venir un peu. La
diminution des ventes serait, pour les supermarchés, de l'ordre de 1 000
000 000 $. Or, les ventes d'alimentation le dimanche, que vous nous dites,
c'est 3 % du marché, 320 000 000 $. Les ventes d'alimentation le
dimanche, en 1981, en dollars de 1988, étaient de 190 000 000 $. Alors,
si on prend la croissance des ventes le dimanche, entre 1981 et 1988, 320 000
000 $ moins 190 000 000 $, ça nous donne 130 000 000 $. Est-ce qu'on ne
peut pas conclure qu'au plus, 130 000 000 $ ou 13 % de la baisse des ventes des
supermarchés sont attribuâmes à l'ouverture des commerces
d'alimentation le dimanche?
Une voix: J'aurais une question sur votre question.
Mme Marois: Oui, je vais continuer. C'est parce qu'il est
évident - ça ressort partout et ça ressort aussi dans
votre document - qu'il y a des changements d'habitudes de consommation. Et vous
l'avez affirmé même dans vos propos et c'est très correct,
il y a des changements d'attitudes. Dans le fond, mon collègue, c'est un
petit peu ça qu'il disait aussi en même temps, au-delà de
la file d'attente: On a peut-être moins le goût d'aller dans une
très grande surface; on choisit peut-être d'aller dans le petit
commerce spécialisé qui personnalise beaucoup l'approche et qui
offre un produit qu'on a l'impression qui est plus frais - il ne l'est pas
nécessairement plus que le supermarché, on va convenir de
ça ensemble - mais l'impression qui est laissée. Alors, il y a
tellement eu de changements d'un autre ordre que je trouve que d'attribuer,
comprenez-vous, cette baisse...
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, Mme la députée. Le temps est
écoulé.
Mme Marois: Oui, ça va, mais je suis persuadée que
le ministre va me permettre une minute ou deux de plus. Je trouve que c'est
incorrect de l'attribuer de cette façon-là. Vous voyez un petit
peu le déroulement et les calculs qu'on a faits en essayant de comparer
les dollars des bonnes années aux bonnes années et ne pas jouer
avec dollars constants et tout le reste. On a gardé les mêmes
chiffres et on a appliqué des bonnes règles, comme toute bonne
HEC devrait le faire d'ailleurs, j'imagine, hein? Bon. Allez. Il faut s'amuser
un peu aussi.
M. Nantel: Non, bien c'est toujours plaisant de voir une MBAHEC
bien manipuler les chiffres comme ça. Vous avez bien fait ça.
Nous n'avons jamais dit, et nous n'avons pas l'intention de dire que la
totalité du changement de parts des marchés est attribuable
à la loi sur les heures. On a fait le même calcul auquel vous avez
procédé, et je dois dire qu'il est exact. Cependant, ce que nous
avons dit, c'est que l'une des raisons majeures identifiables était
possiblement la loi sur les heures. Et les deux indicateurs qu'on a
utilisés pour ça, c'est la tendance qui a été
amorcée - et ça, je vous le concède - avant 1985, mais qui
s'est considérablement accentuée après 1985. D'accord?
Quant au reste de l'explication, l'autre X %, au-delà des 130 000 000
$...
Mme Marois: En fait, c'est 13 % dont on parle quand on arrive
à ces chiffres-là.
M. Nantel: Écoutez, même si je vous concédais
que c'était uniquement 13 %...
Mme Marois: Oui, parce qu'on pourrait discuter les chiffres, mais
enfin...
M. Nantel: Bon, concédons 13 %.
Mme Marois: Oui, concédez le-moi; donc, partons de
là.
M. Nantel: Disons 15 %. Mme Marois: O.K.
M. Nantel: Je n'ai pas d'objection. Et convenons que dans un
marché en saturation, 15 %, c'est énorme. Et là, qu'on se
comprenne bien. Ce ne sont pas les intérêts de très grosses
compagnies multinationales. Ce sont de petits entrepreneurs qui perdent 13 %
à 15 %, non pas de parts de marché, mais leur perte de parts de
marché peut être attribuable à ce phénomène
dans cette proportion-là, que je pense très conservatrice, parce
que je pense que ça va au-delà parce qu'il y a les effets directs
et il y a les effets indirects. Par effets indirects, j'entends la personne qui
commence à s'habituer à aller ailleurs le dimanche et qui trouve,
finalement, que la structure parallèle n'est pas bête et elle va
peut-être continuer à aller là. Mais si le
supermarché avait pu ouvrir le dimanche, cet effet indirect n'aurait pas
eu lieu. Donc, même si on prend le chiffre conservateur, pour un
particulier, sur le plan économique, c'est important, très
important même.
Mme Marois: Merci, M. le Président, puisque mon temps est
écoulé, ce n'est pas faute de questions.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Mme
la députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je ne me suis pas
trompé.
Mme Dionne: J'aurais une question à M. Nantel. Tout
à l'heure, vous avez parlé des zones touristiques, en mentionnant
que vous ne pouviez pas vous appuyer sur les informations que vous avez,
n'étant peut-être pas suffisamment précises. Mais
j'aimerais vous entendre un peu sur la problématique par rapport
à - que ce soit des grands marchés ou des dépanneurs - des
grands centres urbains et à des régions.
M. Nantel: Écoutez, je vais vous donner mon avis, mais,
c'est un avis personnel. Ce n'est pas l'avis du chercheur à ce
moment-là, je n'ai pas étudié la question.
J'ai toujours été un peu intrigué par le fait que
l'on permette aux zones touristiques d'ouvrir parce que... Les raisons sont
compréhensibles, mais ça semble, quant à moi, favoriser
une partie de la population qui a les moyens de se payer le loisir et le
tourisme. Et, en ce sens-là, voyez-vous, il y a comme une
incongruité. La personne qui ne peut pas aller à son chalet le
dimanche matin, qui doit rester au centre-ville de Québec, au
centre-ville de Montréal ou ailleurs, qui, pour faute de temps, doit
aller faire une partie importante de son épicerie au dépanneur ou
même souvent en pharmacie, qui va payer de 12 % à 15 % plus cher,
cette personne-là est condamnée. Alors que la personne qui,
finalement, prend sa voiture le vendredi, va à son chalet le dimanche,
bien, elle peut aller magasiner le dimanche à un prix
généralement plus bas. Mais ça, encore là, c'est un
avis personnel.
Mme Dionne: Là, vous parlez, M. Nantel, d'un touriste de
fin de semaine ou autre qui a le choix de rester en ville...
M. Nantel: Oui.
Mme Dionne: ...ou d'aller à son chalet sur le bord du lac
la fin de semaine.
M. Nantel: Oui.
Mme Dionne: Mais, parlons peut-être de gens qui habitent en
région, pas dans des grands centres, où on sait, par exemple, que
la population féminine travaille beaucoup moins à
l'extérieur de la maison que ce qu'on retrouve en milieu totalement
urbain. Est-ce que vous avez certaines informations à ce
niveau-là? Je vais donner un exemple. Prenons le Bas-Saint-Laurent -
Gaspésie. On a trois grands centres: Rivière-du-Loup, Rimouski et
Matane, mais il y a des sous-centres, il y a Kamouraska, il a le
Témiscouata qui ne sont pas des grands centres urbains. Alors, quand
vous regardez le marché, quand vous regardez les tendances, qu'est-ce
que vous pouvez offrir ou penser pour ces régions-là?
M. Nantel: Sur la base des études qu'on a faites, on n'a
malheureusement pas pu se permettre de faire des études
régionales. On n'avait carrément pas le budget pour le faire.
Mme Dionne: Et pourtant Provigo est en région aussi.
M. Nantel: Pardon?
Mme Dionne: Et pourtant Provigo est en région aussi.
M. Nantel: La question est très bonne. Mme Dionne:
Une économie... Merci.
M. Désormeaux: Toutes les régions, y inclus les
régions touristiques et éloignées étaient
représentées équitablement dans les sondages. Il n'y a pas
de problème là-dessus.
Mme Dionne: D'accord.
M. Désormeaux: Mais comme ces régions-là au
total représentent une faible proportion du marché total, quand
on se concentre uniquement sur ces régions-là, on a un petit
nombre de répondants.
Mme Dionne: D'accord.
M. Nantel: Lorsque dans un sondage j'ai 1000 répondants,
j'ai bien sûr des gens de la région de
Kamouraska-Témiscouata, mais proportionnellement à leur
répartition dans la population. Je peux aller voir ces
répondants-là, mais je risque d'en avoir 30. Alors, à 30,
peu importe ce qu'ils vont me dire, ça me donne une marge d'erreur de
plus ou moins 20 %. Bien, plus ou moins 20 %, ils peuvent me dire oui à
80 %, mais ça peut vouloir dire 60 %, 100 %...
Mme Dionne: Je le disais, M. Nantel en...
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vais vous
inviter à conclure parce que l'enveloppe de temps est
écoulée.
Mme Dionne: Effectivement, je le disais en fonction du fait que
la loi, quelle qu'elle soit dans l'avenir ou quelle qu'elle ait
été dans le passé, affecte autant les régions que
les grands centres.
M. Nantel: Absolument.
Le Président (M. Bélanger): Alors, il reste
à la formation ministérielle deux minutes, s'il y a une
dernière question rapide, en deux minutes. M. le député de
Taschereau? Il y aura par la suite quelques secondes pour conclure de part et
d'autre.
M. Leclerc: Alors, très rapidement. Donc, if y a un
certain consensus, selon ce que vous dites, dans la société sur
le fait qu'il faut libéraliser les heures d'affaires, mais il n'y a pas
consensus à ce moment-ci en tout cas, sur si ça doit être
sur semaine ou le dimanche. La formation du Parti québécois a
fait son lit. Vous avez fait part que, selon vous, ça devrait être
le dimanche. Mais, il y a également, selon vos sondages et selon vos
observations des personnes dans la société qui se sont
déjà prononcées là-dessus, et notamment vous parlez
des décideurs sur le plan alimentaire, 75 % des femmes, notamment les
femmes dans les ménages où les deux conjoints travaillent, les
femmes de famille monoparentale. Vous nous avez dit que ceux qui doivent quand
même faire leurs achats le dimanche dans la structure actuelle ont
à payer entre 10 % et 15 % de plus cher et ça, je pense que,
personne ne conteste ça. Alors, ma question est très simple:
Est-ce que, si le gouvernement acceptait la solution du Parti
québécois et n'ouvrait pas les commerces le dimanche, nous
pouvons dire que les grandes perdantes seraient donc les femmes, puisqu'elles
sont, dans 75 % des cas, les décideurs, puisqu'elles auront à
payer, comme elles paient actuellement, entre 10 % et 15 % de plus, les grandes
perdantes, notamment parce que les femmes ou les hommes qui ne sont pas
d'accord avec cette solution-là, puisqu'il y a une relation
linéaire, comme vous avez dit, entre le besoin et l'opinion, si
c'était ouvert, ces gens-là qui ne sont pas d'accord ne
perdraient rien, puisque de toute façon ils n'ont pas besoin d'y aller,
ils n'ont pas l'intention d'y aller? Est-ce que, donc, j'aurais raison de dire
que, si nous acceptions la proposition du Parti québécois, les
grandes perdantes seraient les femmes?
Une voix: Le comité du...
M. Leclerc: Est-ce que je peux poser ma question? Je
préférerais leur réponse à la vôtre.
M. Jolivet: Prends ta décision à la place.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît,
non, non. S'il vous plaît, M. le député!
M. Leclerc: On est là pour interroger les gens qui sont
ici.
Une voix: Franchement!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Vous avez posé la question à nos invités. M. le
député de Laviolette, s'il vous plaît! Jean, ça
suffit!
Une voix: On s'en retourne chez nous.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
Les procès d'intention se feront dans le corridor. Vous avez posé
une question à nos invités, je les inviterais à
répondre, s'il vous plaît.
M. Nantel: Compte tenu de la répartition de qui fait
l'épicerie, oui.
M. Désormeaux: II y aurait également d'autres
perdants si on revient à la question: Qui seraient les grands perdants
dans le fait de ne pas libéraliser le dimanche? Les autres perdants, ce
sont les gens qui ne sont pas en mesure actuellement de livrer une concurrence
à ceux qui, eux, peuvent ouvrir le dimanche. Ça, ce sont des
perdants, et là, je parle à tous ceux qui ont des magasins
d'alimentation, qui n'ont pas en tout temps moins de trois employés, qui
respectent la loi et qui ne font pas partie des exceptions qui ont
été consenties au préalable, comme dans le cas de
plusieurs marchés publics, par exemple.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie. J'inviterais donc Mme la députée de Taillon comme
porte-parole de son parti à conclure rapidement, brièvement.
Mme Marois: Bien sûr, je vais d'abord remercier MM. Nantel
et Désormeaux de leur contribution à nos travaux.
Évidemment, il va de soi que l'on questionne et que l'on puisse parfois
ne pas partager non plus les points de vue émis ou les résultats
auxquels on arrive. Ça m'inquiète de penser que les femmes
puissent être les grandes perdantes, parce que ce qui m'inquiète
surtout là-dedans, c'est que les tâches ne sont toujours pas
partagées et que c'est toujours elles qui ont le poids des
responsabilités familiales uniquement.
M. Jolivet: C'est ça, c'est ça.
Mme Marois: Cela dit, nous parlons à ce moment-là
de changements de mentalités auxquels, je l'espère, nous
arriverons un jour. Je continuerai de me battre de toute façon pour
qu'on y arrive, mais je veux bien comprendre aussi que ce que vous nous dites,
c'est que, s'il y avait de l'équité et si les
supermarchés, comme d'autres, étaient traités de la
même façon sans que certains aient davantage de privilèges
qu'eux, ça réglerait une partie du problème. L'autre
partie qui est de répondre mieux aux besoins des consommateurs et des
consommatrices peut se régler, bien sûr, par une ouverture le
dimanche, mais peut aussi se régler d'une autre façon, même
si elle ne se réglerait pas dans une proportion où, à
quelque différence de pourcentage près, les gens partageraient ce
point de vue-là nécessairement, on répondrait tout de
même en grande partie aux besoins exprimés par les personnes qui
consomment. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Taillon. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je pense que la dernière
affirmation de la députée de Taillon ne fait sûrement pas
l'unanimité de nos collègues parce que M. Nantel était
là et se brassait la tête, alors je ne voudrais pas tenir pour
acquis que la conclusion de la députée de Taillon, c'est la
conclusion de M. Nantel, mais plutôt une affirmation de la
députée.
Au début, et je tiens à faire le point, de la
présentation de la députée de Taillon, on a semblé
mettre en doute mon ouverture d'esprit. On a laissé planer un doute
à l'effet qu'il y aurait peut-être une décision
déjà prise. On a également dit: Pourquoi une commission
parlementaire? Une commission parlementaire nous a été
demandée par l'Opposition dans le temps du député de
Bertrand, a plusieurs reprises. Troisièmement, on fait même
l'affront de dire que c'est une commission bidon. Je pense que c'est manquer
totalement de respect pour nos intervenants. Il y en a 80 qui, de bonne foi,
vont venir faire des présentations ici et qui pensent, à juste
titre, qu'on a une ouverture d'esprit.
Ce qui est le plus troublant dans la démarche, c'est qu'on a
beaucoup parlé des zones touristiques et la députée de
Taillon dit: Est-ce qu'on a posé la question aux zones touristiques
à savoir si les gens en avaient besoin ou non? Mais, en 1984, quand
l'Opposition a créé l'exception, on aurait dû poser la
question. Ce qu'on semble nous reprocher en tant que gouvernement aujourd'hui,
c'est d'avoir une ouverture d'esprit, une commission parlementaire justement
pour ne pas faire les mêmes erreurs du passé.
J'aimerais conclure en vous remerciant sincèrement pour le
travail que vous avez fait. Je pense que c'est un travail sérieux. On va
analyser vos sondages et tout autre sondage contradictoire qui pourrait nous
être soumis, et on les prendra en considération dans la
décision qu'on aura à prendre. Merci beaucoup.
Mme Marois: M. le Président, une question de...
Le Président (M. Bélanger): Je...
Mme Marois: Non, non. C'est une question de privilège.
Le Président (M. Bélanger): De privilège. Je
vous en prie.
Mme Marois: D'accord? Je...
Le Président (M. Bélanger): Mais il faut
s'entendre, ce n'est pas en réplique à ce que M. le ministre
vient de dire, sinon elle n'est pas recevable.
Mme Marois: Non, c'est une question de privilège. J'ai
dit, et je veux que mes propos soient clairement entendus et compris: A-t-on
posé la question aux personnes travaillant dans les milieux
touristiques...
M. Jolivet: Ce n'est pas pareil.
Mme Marois: ...s'ils avaient le choix entre travailler les fins
de semaines, donc le dimanche, et travailler la semaine, lequel elles feraient?
Je n'ai pas parlé du choix des zones touristiques. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Bon, alors on laisse
à M. le ministre une dernière réplique, puisqu'il doit
avoir le dernier mot, et nous concluons.
M. Tremblay (Outremont): C'est incroyable quand on veut
protéger ceux qui veulent travailler, on ne leur pose pas la question et
on crée une exception au niveau des zones touristiques. C'est totalement
incohérent et quand, en plus, on met en cause la
crédibilité de la commission en disant que c'est une commission
bidon, je pense que c'est nettement exagéré.
Le Président (M. Bélanger): Nous aurons 80 autres
heures pour faire ce débat. Je remercie donc nos invités M.
Nantel et M. Désormeaux.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. N'oubliez
pas... S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
N'oubliez pas que, demain matin, la commission reprend ses travaux à 9
heures au lieu de 10 heures.
Mme Marois: Et cet après-midi?
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui, on
siège cet après-midi, mais c'est pour rappeler que, demain, la
commission va entreprendre ses travaux à 9 heures plutôt
qu'à 10 heures. D'accord? Je vous remercie.
M. Tremblay (Outremont): Merci, M. le Président.
(Suspension de la séance à 11 h 50)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je demanderais à chacun de bien vouloir réintégrer
sa place, afin que la commission de l'économie et du travail puisse
procéder aux consultation générale et auditions publiques
sur les modifications à apporter à la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux.
Cet après-midi, nous recevons M. Gunnar Sletmo, de l'École
des Hautes Études Commerciales, et nous allons recevoir par la suite
l'Ordre des pharmaciens du Québec et la Fédération des
coopératives québécoises en milieu scolaire. Avant
d'écouter M. Sletmo - excusez-moi, c'est parce que j'avais le goût
de faire la farce que vous m'avez dite tout à l'heure. M. Sletmo m'a
donné sa carte, mais c'est marqué "Orner DeSerres" en haut. Je me
suis dit: On va l'appeler Orner. Ça me semblait plus facile.
Alors, juste auparavant, j'ai une proposition à faire sur
l'aménagement du temps à la suite des discussions avec Mme Marois
et M. Tremblay. Bon, il y avait une proposition de faire ça par blocs de
dix minutes: deux fois dix minutes de chaque côté, ou de le faire
en bloc, c'est-à-dire vingt minutes, ou plutôt dix-sept minutes
parce qu'il y a trois minutes qu'on garde pour la fin, mais vingt minutes,
vingt minutes. Alors, Mme Marois préférerait - excusez, Mme la
députée de Taillon, je manque à l'éthique la plus
élémentaire - souhaiterait qu'on procède par blocs de
dix-sept minutes.
Est-ce qu'on a le consentement de la commission pour procéder de
cette façon?
Mme Marois: M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie.
Mme Marois: ...pouvant répartir ces dix-sept minutes, on
s'entend, entre les gens par exemple, moi de ma formation politique...
Le Président (M. Bélanger): ...de votre
formation.
Mme Marois: ...et le ministre...
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui.
Mme Marois: ...entre les gens du gouvernement. Si les
députés veulent poser des questions, aucune objection. Au
contraire, je trouve que c'est dynamique et intéressant. Et de la
même façon, dans le bloc de vingt minutes, ça peut
être des collègues qui posent des questions...
Le Président (M. Bélanger): ...oui.
Mme Marois: ...qui échangent avec nos invités.
Le Président (M. Bélanger): Évidemment,
ça n'enlève pas le droit de parole à aucun
député.
Mme Marois: Voilà!
Le Président (M. Bélanger): Je pense que la
commission ne pourrait se permettre une pareille transgression. Alors, cela
étant dit, est-ce que... M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Oui. Sur une question de
règlement. J'aimerais apporter une correction à une affirmation
que j'ai faite ce matin concernant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux. J'ai mentionné que c'était le
gouvernement de l'Opposition qui, en 1984, avait décidé de mettre
une exception additionnelle sur les zones touristiques. Alors, je voudrais
corriger ce que j'ai mentionné, ce matin. C'est que cette
exception-là, elle était incluse dans la loi de 1970. Elle a
été maintenue par le Parti québécois en 1984.
Alors, ce n'est pas une initiative du Parti québécois en 1984. Je
voulais apporter cette correction-là.
Mme Marois: Merci
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
Donc, on s'entend sur les enveloppes de temps pour fonctionner comme on l'avait
prévu. Or, M. Sletmo, vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire et ensuite, il y aura de part et d'autre des échanges
avec les parlementaires: 17 minutes, 17 minutes. Nous vous écoutons.
M. Gunnar K. Sletmo
M. Sletmo (Gunnar): Merci, M. le Président. M. le
ministre, membres de l'Assemblée nationale. Je suis Gunnar Sletmo,
titulaire de la chaire Omer-DeSerres à l'École des Hautes
Études commerciales. La chaire de commerce a été
établie aux HEC l'année dernière, à la suite d'un
don en provenance, d'abord de M. Orner DeSerres et d'autres groupes. La
création de la chaire manifeste, je pense, de façon très
tangible, l'intérêt qu'on commence à porter aussi dans le
milieu universitaire au domaine du commerce de détail.
J'aimerais aussi souligner que je suis ici aujourd'hui à titre de
professeur; je ne représente aucun groupe en particulier. J'ai, bien
sûr, un intérêt professionnel dans la question qui est
devant vous. J'ai préparé un petit document qui ne prétend
pas avoir des réponses toutes faites, mais j'espère quand
même qu'il pourra vous être utile comme élément de
discussion.
Avant d'essayer de résumer brièvement le document,
j'aimerais vous présenter ma vue, ma conclusion sur la question des
heures d'ouverture. Premièrement, je crois fermement que les heures
d'ouverture doivent être aussi flexibles que possible, et cela inclut
l'ouverture le dimanche. Ce qui m'a amené à cette conclusion, ce
sont deux facteurs clés. Un facteur que, je pense, parfois on oublie,
c'est la restructuration qui a lieu et qui aura encore lieu dans le domaine du
commerce de détail et des pressions concurrentielles qui deviennent de
plus en plus fortes; je suis sûr que les magasins auront besoin d'une
plus grande flexibilité dans le futur pour pouvoir rentabiliser leur
investissement. Un deuxième facteur qui a été
souligné clairement, je pense, ce matin, c'est la segmentation des
marchés, les changements de style de vie. Je pense que ce changement est
d'une telle diversité qu'on a besoin aussi de rendre l'offre aussi
flexible que possible.
Le commerce de détail est influencé par un ensemble de
facteurs sur lesquels les détaillants n'ont que peu de contrôle.
Je pense qu'il est intéressant aussi de noter que, parmi ces facteurs,
on en trouve beaucoup qui échappent aussi au contrôle et au
pouvoir des gouvernements. Les principaux changements qui modifieront la nature
du commerce de détail au cours des années prochaines incluent des
changements démographiques, technologiques, économiques et
légaux. Il faut aussi ajouter une dimension internationale qui commence
à devenir de plus en plus importante. Si vous me permettez une petite
parenthèse, je pense qu'on s'est souvent pensé à l'abri de
la globalisation du commerce dans le secteur du commerce de détail. Je
pense que, de plus en plus, nous verrons la présence d'entreprises
étrangères. On l'a déjà vu dans quelques domaines;
je vous mentionne l'exemple de IKEA dans le meuble, de Benetton pour les
vêtements, etc.
On sait que la pyramide démographique s'est changée vers
un vieillissement de la population, ce qui soulève par exemple, la
question de l'accès aux magasins pour les personnes âgées.
On sait aussi que le ménage s'est beaucoup redéfini. La cellule
familiale d'un couple marié traditionnel avec enfant laisse de plus en
plus la place à des ménages d'une seule personne ou à des
ménages où tous les membres, les participants du ménage,
sont au travail.
Ces changements démographiques semblent avoir pour effet que le
temps devient de plus en plus important. Pas seulement pour la personne
à revenu élevé, mais aussi pour la personne à
revenu faible. La personne à revenu élevé est prête
à payer pour un meilleur service, pour avoir plus de liberté pour
poursuivre d'autres activités. La personne à faible revenu se
trouve de plus en plus forcée de chercher un deuxième emploi, de
travailler des heures supplémentaires; elle perd graduellement aussi la
liberté, le contrôle sur son temps. Donc, je pense que le
phénomène de la rareté du temps ne touche pas seulement
une petite partie de la population. Je pense que ça touche l'ensemble de
la population, et parfois d'une façon plus aiguë les personnes
à faible revenu.
On sait aussi que, dans le secteur de la technologie, on aura une
modernisation importante. Je reviendrai plus tard à cette question,
brièvement. La concurrence se diversifie. Pas seulement la concurrence
à l'intérieur du secteur, dans le sens que des dépanneurs
font la concurrence avec le supermarché, la pharmacie avec les
dépanneurs, etc., mais on trouve aussi, de plus en plus, une
intensification de la concurrence dans les réseaux de distribution. Je
parle, entre autres, du contrôle sur un réseau
d'approvisionnement. Je pense que de plus en plus ça devient difficile
pour la petite entreprise de survivre dans un environnement où les
chaînes de distribution deviennent de plus en plus
sophistiquées.
Au niveau de la déréglementation, je pense qu'il serait
intéressant de faire un parallèle avec ce qu'on voit maintenant,
depuis une dizaine d'années ou plus, en Amérique du Nord. On
trouve le secteur aérien, le secteur financier, un ensemble de secteurs.
Je pense que c'est correct de dire que la déréglementation n'a
pas toujours amené les avantages espérés mais, en
général, je pense qu'on peut dire qu'il existe un consensus pas
seulement chez les économistes, mais aussi parmi les consommateurs,
à l'effet que la déréglementation a amélioré
la qualité des services, a amené un plus grand choix aux
consommateurs et que, en général, la
déréglementation a eu tendance à faire baisser les
prix.
Un autre facteur qui touche le commerce de détail, c'est la
stagnation de la demande pas seulement quand on parle de produits alimentaires,
mais quand on parie de biens physiques en général. Je pense que
nous sommes arrivés à un stade dans l'évolution
économique où, de plus en plus, nous avons les biens durables
dont nous avons besoin, pour lesquels nous avons l'espace chez nous. Il est
peut-être question de remplacer un téléviseur mais, en
moyenne, je pense que c'est vrai de dire que l'évolution de la demande,
dans la mesure où l'augmentation du revenu est réelle, sera
plutôt vers l'achat des services, c'est-à-dire la restauration,
les voyages, l'éducation, les loisirs, la santé, etc., ce qui
veut dire que le commerce de détail se bat pour un marché quand
même stable ou, dans quelques secteurs, stagnant. (14 h 15)
Un de mes anciens collègues de Columbia University, qui est rendu
maintenant en Californie, au soleil, M. Sheth, avait fait une évaluation
des perspectives futures pour le commerce de détail. Il a
suggéré quelques éléments que je pense
intéressants. Premièrement, une importance accrue des produits de
haut de gamme, une bifurcation du commerce de détail, un segment de
luxe, où la qualité et le service vont être dominants, la
disponibilité, et un segment plutôt standard, bas de gamme,
où la quantité devient très importante, la quantité
ou l'importance des opérations, des économies d'échelle.
Dans ce sens, je pense qu'on va constater l'évolution des grandes
surfaces en même temps que le développement continu des
boutiques.
La demande est en train de s'individualiser de plus en plus. Les
compagnies aériennes nous ont démontré une façon
intéressante de faire du marketing avec les plans pour le voyageur
régulier. Aussi, dans le domaine du commerce de détail, on voit
des tentatives semblables qui pourraient permettre une identification beaucoup
plus détaillée des clients avec les codes-barres où on
pourrait s'imaginer, par exemple, que le client est capable de savoir que vous
aimez surtout le forêt noire ou des gâteaux d'une certaine sorte et
vous envoyer spécifiquement des offres pour les produits qui vous
intéressent le plus. Quand on commence à faire un marketing aussi
direct que cela, on commence à parler d'une technologie très
très très sophistiquée. C'est très clair que cela
va influencer la structure du commerce de détail, qui devient de plus en
plus compétitif.
On a beaucoup parlé de l'ordinateur personnel. Ça a pris
plus de temps pour devenir une réalité et, même
aujourd'hui, l'ordinateur personnel joue un rôle limité dans la
vie de la plupart des personnes. Mais la possibilité que, dans le futur,
on travaille plus à la maison va être importante et, ayant un
équipement à la maison, la possibilité de magasiner de son
salon deviendra très importante.
On a parié des systèmes tels que Alex au Québec. En
France, on a le système Minitel qui est devenu tellement important que
même, tout récemment, la revue Scientific American parie du
comportement des Français, où maintenant 20 % des familles, en
France, ont un appareil Minitel chez elles. Elles ne paient pas pour
l'acquisition de l'appareil, mais, par contre, elles ne reçoivent pas le
bottin téléphonique, non plus. Ça, c'est le compromis
qu'on a fait. Mais ça veut dire que 20 % des familles en France sont
capables de faire des achats par ordinateur, à peu près 15 000
points de vente. C'est assez impressionnant. Je pense que le rôle de la
vente directe par ordinateur ou autrement va devenir plus
important aussi chez nous.
On voit l'émergence des marchés spécialisés,
j'en ai déjà parié. On a beaucoup parlé du
patronage, d'un seul lieu d'achat, de la loyauté du client. Je pense que
ça va être un élément; ce ne sera certainement pas
le seul élément dans révolution, mais il est très
clair que la bataille pour la loyauté du client va s'intensifier.
Les tendances que j'essaie de résumer très rapidement,
très brièvement, parfois se renforcent, parfois se contredisent.
Ce n'est pas simple de faire un résumé succinct de ce qui se
passe dans le domaine. Je suis porté à croire que la meilleure
façon de résumer ce qui se passe actuellement, c'est qu'on vit
dans un milieu d'affaires où la diversité devient de plus en plus
importante. Les changements mentionnés vont bouleverser la structure du
commerce de détail. Ceci n'est pas seulement un phénomène
que l'on observe chez nous, au Québec ou au Canada. On voit de plus en
plus que même les journaux commencent à s'intéresser, les
grands journaux, au commerce de détail. J'ai trouvé ça
intéressant quand le New York Times avait annoncé - je
m'excuse, il y a une erreur de frappe dans la note au bas de la page - à
l'automne 1989, le New York Times avait un titre à la page 1,
à savoir que "seulement les commerçants avec des bas prix, un bon
service ou avec une spécialité survivront".
Pour moi, la question des heures d'ouverture n'est qu'un
élément parmi un nombre de facteurs essentiels pour le
succès et la rentabilité du commerce de détail. Cependant,
cette question est un des rares éléments de l'ensemble que le
gouvernement peut contrôler. Empêcher le commerçant qui
désire ouvrir le dimanche et le soir, c'est lui enlever un degré
de liberté important. La réglementation des heures d'ouverture
enlève la flexibilité aux commerçants et interdit à
un grand nombre de consommateurs une utilisation efficace de leur temps. Ceux
qui en souffrent le plus actuellement sont les femmes au travail et les
"monoparents". À la longue, les magasins risquent de voir leur chiffre
d'affaires baisser avec l'évolution du marketing direct.
Finalement, j'aimerais mentionner que maintenant les universités
sont ouvertes le soir et le dimanche pour permettre une meilleure utilisation
de leurs ressources. En réalité, l'utilisation qui est faite de
nos salles de cours, de nos bibliothèques, les soirs et les dimanches,
témoigne clairement d'un besoin important, de la part de la population,
des heures d'ouverture flexibles. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M.
Sletmo. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: On ne s'est pas compris, M. le Président.
Une voix: M. le ministre.
Mme Marois: M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Jolivet: Elle ne voulait pas lui enlever son droit...
M. Tremblay (Outremont): J'ai mentionné pour votre
information, ce matin, que quelle que soit la solution retenue, elle doit
être applicable, gérable et durable. C'est assez complexe
d'essayer de trancher dans ce débat-là, qu'on ne voudrait pas le
rouvrir dans deux ans. Alors, j'ai ajouté que la décision qu'on
devra prendre devra être viable demain et également
après-demain.
Je voudrais vous parler de l'après-demain. C'est ça qui
est important. Vous mentionnez les perspectives du futur. Vous dites qu'il va y
avoir des bouleversements importants. Vous parlez, entre autres, des
ordinateurs personnels. Vous faites référence au magazine
Scientific American. Au Québec, récemment, on a vu de
nouvelles tendances et, plus spécifiquement, la venue de deux maisons de
vente par correspondance: Les Trois Suisses, La Redoute. En pratique, on peut
acheter des vêtements, différents objets par correspondance.
Deuxièmement, de plus en plus, Alex va faire appel à ce que vous
appelez la mise en marché directe. On voit également la venue
d'un organisme qui s'appelle Club Price. Vous en pariez d'ailleurs dans un des
articles qu'on a lu dans le journal Les Affaires. Ce que je voudrais
savoir: après demain, c'est quand pour vous? Quand est-ce que ces
bouleversements-là vont venir affecter la mise en marché des
commerces existants? Je pense que votre réponse est très
importante pour nous, parce que si on ne veut pas rouvrir le dossier dans deux
ans, il va falloir essayer de trouver une application ou une décision
qui va être gérable et viable.
M. Sletmo: Un philosophe danois a déjà
mentionné qu'il était très difficile de faire des
prévisions, surtout pour le futur. Je pense que d'essayer de
prévoir, c'est une chose; de prévoir quand, ça devient
presque impossible.
Si vous le permettez, M. le ministre, je vais vous faire un peu
l'analogie avec ce qui s'est passé en Europe de l'Est tout
récemment. Là, beaucoup de gens ont dit: Maintenant, il y a un
grand marché qui s'est ouvert. Mais ça, ce n'est pas nouveau.
Quand les journaux commencent à en parler, c'est trop tard, parce que
des entreprises, heureusement aussi canadiennes, qui sont en Europe de l'Est
depuis cinq ans, dix ans, y vont régulièrement. Je pense que le
simple fait que, maintenant, on parle beaucoup dans les médias de ce
nouveau modèle d'achat, est en soi une preuve que les bouleversements
dont on
parie ont déjà commencé. L'achat par la vente est
devenu une industrie en croissance très rapide et va continuer. On le
voit dans beaucoup de secteurs.
M. Tremblay (Outremont): Quand on parle - vous le mentionnez et
j'en ai discuté encore ce matin dans mes notes d'introduction - de
l'ouverture des frontières, j'ai mentionné exactement ces
mots-là, ça veut dire que dans un contexte de mondialisation des
marchés, de libéralisation des échanges, les
commerçants vont devoir faire face à une nouvelle forme de mise
en marché. Alors, je vais vous poser la question d'une autre
façon: Est-ce que vous pensez que nous, en tant que gouvernement, on
doit, aujourd'hui, prendre en considération ces nouvelles tendances ou
si on doit attendre l'an 2000? Est-ce qu'on est visionnaires, dans un projet de
loi, ou si on attend l'an 2000, ou si ça va arriver avant? Qu'est-ce que
vous nous suggéreriez?
M. Sletmo: Si vous le permettez, j'aimerais faire une analogie,
ici, avec la déréglementation dans le secteur aérien.
Ça a été quelque chose où moi-môme je
trouvais qu'on allait très vite, mais je pense, après coup,
qu'une chose qu'on a découverte, c'est que quand on veut
déréglementer, l'expérience semble suggérer
fortement que la meilleure façon est de le faire d'un seul coup,
d'enlever la barrière d'un seul coup. Autrement, on fait des
règlements par intérim, des solutions intermédiaires, et
le commerce commence à se réajuster aux nouveaux
règlements, et puis, il faudra peut-être, encore une fois, les
réviser. Donc, je pense que l'expérience qui nous est disponible,
au niveau de la déréglementation, suggère que la meilleure
façon, c'est de faire vite et de faire beaucoup d'un seul trait. Il y a
aussi certainement des entreprises au Québec qui sont déjà
très averties de ce qui se passe dans ce domaine; II ne faudrait pas les
empêcher de s'ajuster aux réalités du marché.
M. Tremblay (Outremont): Donc, demain, pour vous, c'est
aujourd'hui?
M. Sletmo: Dans ce sens-là, oui.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Alors, vous, comme vos
prédécesseurs, vous semblez dire que celles qui souffrent le plus
de la situation actuelle, ce sont les femmes au travail et les monoparents qui
sont aussi des femmes dans une très grande majorité, sauf que
vous ne faites absolument aucune distinction entre les diverses
hypothèses de flexibilité des heures d'affaires, soit en
début de semaine soit le dimanche. Est-ce que, pour vous, c'est
équivalent si le gouvernement, par exemple, était plus flexible
la semaine et le dimanche, ou seulement la semaine? Est-ce que vous faites une
distinction entre les deux?
M. Sletmo: Non, et si je ne fais pas cette distinction, c'est
parce que je pense qu'on parle maintenant d'un problème où le
marché devrait déterminer. Si on a une grande flexibilité,
le marché va influencer fortement la décision des entreprises et
des consommateurs dans des régions où, je pense, ce n'est
même pas intéressant ni pour le consommateur ni pour le magasin
d'être ouvert. Qu'on laisse le choix aux marchés qui existent.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de l'Acadie.
M. Bordeleau: M. Sletmo, vous prenez une position qui est
très claire, et il me semble qu'il y a toujours deux côtés
à la médaille. J'aimerais savoir quels seraient, peut-être,
les désavantages, si vous voyez des désavantages ou des risques
à adopter la proposition que vous nous faites? Tout n'est sûrement
pas parfait? Il y a des avantages que vous nous avez expliqués
clairement. Est-ce qu'il y aurait des risques ou des désavantages que
vous y voyez, vous, qui seraient un peu l'envers du décor, par rapport
à votre proposition?
M. Sletmo: Je pense que pour le commerce de détail,
aujourd'hui, il n'y a pas de doute qu'un nombre d'entreprises font face
à un avenir très difficile et qu'un certain nombre d'entreprises
vont disparaître. Inévitablement, comme dans tout marché,
il y a des cycles, comme un peu, aussi, dans une industrie. Je pense qu'ici, ce
cycle vit un peu ce qu'on appelle un "shake-out" où il y a un nombre
important d'entreprises qui vont être éliminées, d'autres
qui vont être gagnantes. Changer la loi pour rendre les heures
d'ouverture plus flexibles accélérera peut-être ce
processus. Mais ça, c'est à long terme. Je pense que ça ne
change rien. Et c'est pour ça que je pense qu'il est important d'avoir
la volonté d'agir maintenant, parce que ce ne sont pas les heures
rigides qui vont sauver les entreprises qui ne sont pas concurrentielles. (14 h
30)
M. Bordeleau: Est-ce que vous faites un parallèle, disons,
encore à ce niveau-là, avec ce qui s'est passé au niveau
de la déréglementation dans le domaine aérien?
M. Sletmo: Absolument, absolument! Je pense que moi,
j'étais parmi ceux qui ont dit: Écoutez, il faut
déréglementer et il faut aussi regarder la solidité
financière des entreprises - ce qu'on n'a pas beaucoup fait - un certain
nombre d'entreprises sont disparues. Mais je dois admettre qu'aujourd'hui,
maintenant, c'est peut-être la seule solution. Il y a une
différence
importante entre le transport aérien et le commerce. Il n'y a pas
beaucoup de place en Amérique du Nord pour de petites compagnies
aériennes. Il n'y a pas vraiment beaucoup de niches. Dans le commerce de
détail, il y a beaucoup de niches au plan local, et même dans les
grandes villes. Donc, je ne vois pas un changement aussi fondamental de la
structure.
M. Bordeleau: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoît: Dans votre mémoire, il y a une phrase
où vous dites: "...aussi parmi les consommateurs à l'effet que la
déréglementation a amélioré la qualité des
services, offre un plus grand choix aux consommateurs et cela,
généralement, à meilleur prix." Dans un certain nombre de
mémoires qu'on va avoir dans les prochaines semaines, certains
démontrent que le fait qu'il y aura un plus grand nombre d'heures
où le personnel devra travailler, effectivement il n'y aura pas
d'économies pour le consommateur.
M. Sletmo: S'il n'y a pas d'économies pour le
consommateur, je pense qu'on fait l'hypothèse que j'estime
irréaliste qu'il n'y aura pas de changements dans la structure de cette
industrie dans les années à venir. C'est très simple, si
on prend x entreprises ouvertes durant y heures, et si maintenant vous achetez
le dimanche, ils vont travailler des heures plus longues pour vendre la
même quantité. Donc, ça c'est une façon statique de
regarder la question. Si on accepte l'hypothèse que c'est une industrie
qui fait déjà preuve de grands changements, cette
hypothèse n'est plus correcte. Je pense que c'est très clair. Par
exemple, prenons le dimanche. Est-ce que ce sont les mêmes ouvriers qui
vont travailler le dimanche et le restant de la semaine? Il y a beaucoup de
personnes qui aimeraient pouvoir travailler les fins de semaine aussi. Je pense
que si on prend tout simplement l'hypothèse qu'il n'y a pas de
changements dans la structure de n'importe quelle industrie, c'est très
clair que d'augmenter le nombre d'heures on pourrait arriver à la
conclusion que ça augmente les coûts, sauf que cet argument n'a
pas de sens. Il n'y a pas une industrie qui ne vit pas un changement continuel
de structure et, ici, on parie quand même d'un changement qui, je pense,
est dramatique.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres intervenants du côté ministériel? M. le
député de l'Acadie.
M. Bordeleau: Un dernier point. Vous parlez du commerce de
détail. Si je comprends bien, par le raisonnement que vous avez fait,
vous ne voyez pas de différences qui pourraient exister au niveau des
heures d'ouverture entre le commerce de détail en général
et le commerce de l'alimentation.
M. Sletmo: Dans le passé, on a essayé de maintenir
de telles distinctions, mais je pense que la réalité
démontre que, dans le marché, on ne peut pas clôturer un
secteur d'un autre. Mon pays natal, c'est la Norvège, où tout est
interdit le dimanche. Tout ce qu'on peut faire le dimanche, c'est aller
à l'église et se promener à pied seulement. Depuis ce
temps-là, ça a beaucoup changé, mais le facteur qui m'a
frappé assez récemment en Norvège, c'est que, tout d'un
coup, il y a des magasins vidéos partout. Comment se peut-il qu'il y ait
des magasins vidéos partout en Norvège? C'est une réponse
à votre question. Les magasins vidéos n'existaient pas quand on a
introduit la loi. Donc, les magasins vidéos ont réussi à
avoir un permis d'opérer sous une clause qui est différente.
Maintenant, les magasins vidéos, ça vend de tout. Les stations
d'essence en Norvège, il y en avait très peu à
l'époque. Il y en avait une seule dans ma petite ville. Et elle avait
donc le droit d'être ouverte à toute heure parce qu'il le fallait.
Ils vendent de tout. Donc, si on essaie de segmenter, il y a certainement
quelqu'un qui va réussir à trouver une autre façon de
faire la chose. C'est dans ce sens-là que je pense que la solution la
plus nette et la plus claire, c'est de se poser la question: Est-ce que c'est
le gouvernement qui doit dire à quelqu'un, à vous ou à
moi, quand i! doit aller magasiner? La réponse à ça est
simple.
Une voix: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Un des principes fondamentaux de la loi,
c'est que la loi doit être équitable. Prenons un exemple. Un
article dans le journal Les Affaires, "Club Price", qui, sous la forme
d'un grossiste, est ouvert le dimanche et vend de tout. Ce que vous dites,
c'est que même si, en tant que gouvernement, on fait des efforts
considérables pour essayer d'avoir . une loi qui se veut
équitable, qui réponde aux besoins réels des consommateurs
aujourd'hui et qui, évidemment, réponde à la
qualité de vie, ce qui va arriver, dans un nouveau contexte d'ouverture
de frontières, c'est qu'il y a quelqu'un qui va avoir de l'imagination,
qui va trouver une formule pour contourner la loi et la rendre
inéquitable, peut-être pas demain matin mais dans les mois
à venir et, d'ici six mois, on va être obligés de rouvrir
la loi pour essayer de trouver des solutions à cette
inéquité-là. Est-ce ce que vous dites?
M. Sletmo: Oui, seulement j'aimerais préciser que je ne
parle pas du futur dans ce cas-là.
M. Tremblay (Outremont): Non, non.
M. Sletmo: Déjà, on peut appeler aux
États-Unis et commander du matériel informatique pour livraison
après-demain. Je peux appeler n'importe quand. Donc, la vente directe
par la poste est déjà en place, et c'est une vente qui est aussi
transfrontalière.
M. Tremblay (Outremont): Si on fait abstraction de
l'alimentation, en pratique, ce que ça veut dire, si on avait une loi,
par exemple, qui disait: On ferme les commerces de détail autres que
l'alimentation, à titre d'exemple, le dimanche, rien n'empêcherait
Pascal de continuer à faire de la publicité dans le journal pour
dire: Si vous voulez acheter tel meuble, écrivez-nous. On pourrait
prendre les commandes le dimanche et les livrer le lundi.
Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps
ministériel étant écoulé, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Oui, merci, M. Sletmo, de votre contribution à
nos travaux. On s'entend bien que vous suggérez essentiellement que tout
soit déréglementé en ce qui a trait aux commerces de
détail sans faire aucune espèce d'exception ni à
l'alimentation ni aux produits qui seraient considérés comme
essentiels ou quoi que ce soit. Votre point de vue, c'est que le consommateur,
le marché, le vendeur, tout le monde sera gagnant au fait que l'on
déréglemente complètement le secteur.
M. Sletmo: Comme principe, oui, j'admets volontiers qu'on puisse
imaginer des situations où, peut-être, celui ou celle qui
rédige un article donné pourrait avoir des problèmes
particuliers. Comme principe, oui.
Mme Marois: D'accord. Mais, évidemment, vous
défendez ce point de vue-là - et je veux bien comprendre - sous
l'angle peut-être davantage du producteur ou du vendeur quant, entre
autres, aux transformations structurelles que vous mentionniez tout à
l'heure en faisant abstraction, à ce moment-ci, des besoins des
consommateurs à d'autres niveaux. Là, je vous ramène
à mon intervention de ce matin. Est-ce que, dans la balance des
avantages et des inconvénients - il y a un collègue d'en face qui
posait la question - le fait qu'on s'entende sur certaines valeurs
reliées à la qualité de la vie pour se dire, par exemple,
qu'il y a une journée, sur laquelle on s'entend comme
société, où on va réduire les activités de
type commercial, n'empêchant pas de jouer tous les autres facteurs dont
vous parlez en dehors de ce moment-là?
M. Sletmo: Je regrette, je n'ai pas eu le privilège de
vous écouter ce matin, mais je suis sensible quand même à
cette question de la qualité de la vie, sauf que j'ai beaucoup de
difficultés avec cette question de la qualité de vie. Je viens
moi-même d'un milieu qui était anticommerce. On était des
cultivateurs et des pêcheurs; c'était un travail honnête.
Tout le reste, c'étaient des intermédiaires et des grossistes qui
étaient riches. Je viens d'un milieu où l'idée de pouvoir
prendre une bière le dimanche, c'était même impensable. Ce
serait la fin du monde. Je pense que maintenant...
Mme Marois: II fut un temps où c'était notre cas
aussi.
M. Sletmo: Je suis venu au Québec de passage, de New York
vers la Norvège, et je me sens parfaitement chez moi. Je pense qu'il y a
des parallèles des pays nordiques. Quand on parle de la qualité
de la vie, je pense qu'on oublie souvent que le commerce de détail fait
partie de la qualité de la vie. Une ville sans commerce est une ville
morte, une ville parfaitement morte. On sait que les gens d'Ottawa avaient la
tradition de tous quitter la ville le vendredi, semble-t-il, ceux qui
étaient mobiles, pour venir à Montréal, parce que
Montréal, c'est une ville vibrante. Pour moi, une ville où des
magasins sont ouverts le dimanche, c'est intéressant.
On n'est pas dans l'obligation de le faire. On a toujours les
Laurentides, on peut y chercher la solitude. Je ne vois pas pourquoi on
m'imposerait une solitude cette journée-là. C'est dans ce
sens-là que j'ai beaucoup de difficultés à voir la
question de la qualité de la vie. Si vous permettez, quelqu'un a
attiré mon attention sur un livre que je trouve fascinant, Blue Laws que
vous connaissez probablement, par un M. Laband qui a essayé de tout
étudier, incluant la présence à l'église dans les
États où les magasins sont ouverts le dimanche, et les
corrélations sont loins d'être claires. Il arrive même
à des conclusions parfaitement surprenantes que peut-être on va un
peu plus à l'église dans les Etats où on peut en
même temps magasiner. C'est très américain d'aller
magasiner et ensuite d'aller à l'église. Pour moi, il n'y a pas
de conflit entre les deux.
Le Président (M. Bélanger): L'ouverture des
églises ne fait pas partie de notre mandat.
M. Sletmo: Je m'excuse! Mme Marois: Non. Des voix:
Ha, ha, ha!
Mme Marois: On laissera ça à d'autres. Mais
là, vous admettrez avec moi qu'il y a d'autres types d'activités
aussi qui sont tout aussi intéressantes que le commerce...
M. Sletmo: Oui.
Mme Marois: ...qui n'est pas une activité malsaine, loin
de là - et j'espère que jamais mon propos n'a pu être
entendu de cette façon-là - mais il y a d'autres activités
de type loisir, de type culturel...
M. Sletmo: Oui.
Mme Marois: ...qui peuvent faire vibrer tout autant une ville et
sa vie.
M. Sletmo: Oui.
Mme Marois: On va convenir de ça aussi. Bon. Et qui fait -
vous comprendrez mon point de vue aussi - que, bien sûr, ça va
accaparer un certain nombre de travailleurs et de travailleuses qui seront
à ce moment-là actifs pour rendre ces services culturels, mais
qu'on va libérer ceux et celles qui sont dans les commerces de
détail, sauf pour l'essentiel, de telle sorte qu'ils puissent
collectivement et individuellement profiter d'un moment d'échanges, d'un
moment de repos et aussi d'un moment de participation à la vie
culturelle. Or, c'était plus sous cet angle-là qu'autrement que
je présentais mon point de vue ce matin, sans nécessairement ce
rappel à nos origines religieuses qui restent encore pour un certain
nombre, effectivement, un choix.
Moi, il y a une chose avec laquelle j'ai un petit peu de
difficulté dans votre intervention. Et là, si vous avez des
données, j'aimerais ça que vous nous éclairiez à
cet égard-là. Vous parlez de la réglementation et de la
déréglementation - bien sûr, ça va de soi et au
point de vue que vous défendez - et vous parlez, entre autres, des
services aériens. Dans votre document, je ne dis pas que vous faites le
lien immédiatement, mais vous dites: Ça améliore la
qualité des services. Ça offre souvent un plus grand choix aux
consommateurs et cela, généralement, à meilleur prix.
Si on prend actuellement les services aériens - à moins
que j'erre - je ne crois pas, tant aux États-Unis d'ailleurs qu'ici au
Québec et dans le reste du Canada, que cela ait nécessairement eu
un impact à la baisse sur les prix. Cela en a eu un temps pour aller
s'accaparer des parts de marché, mais ce n'est plus le cas
maintenant.
M. Sletmo: Là, on pourrait s'en reparler longuement.
Mme Marois: Pardon?
M. Sletmo: Je suis d'accord avec vous que c'est très
difficile de faire une conclusion, mais quand on regarde quand même la
quantité d'études qui existent là-dessus, entre autres
celles qu'a publiées le Congrès américain, je pense que,
de façon générale, l'énoncé s'avère
correct quand on ajuste pour l'inflation.
Mme Marois: Vous voulez dire que ça s'avère correct
dans le sens où il y a une baisse...
M. Sletmo: Oui.
Mme Marois: ...réelle...
M. Sletmo: Une tendance.
Mme Marois:.Une tendance, d'accord.
M. Sletmo: Une tendance globale vers la baisse. Il y a des
exceptions, mais la tendance générale est claire.
Mme Marois: D'accord. Remarquez que ce serait intéressant
de les avoir, ces chiffres-là, et c'est pour ça que j'ai mis un
point d'interrogation à cet égard-là. Les études
dont j'ai entendu parler dernièrement, je ne les ai pas là, mais
c'est suite à des entrevues ou des trucs que j'entendais lors
d'échanges dans les médias; on semblait dire que cette baisse
était plutôt dépassée maintenant et qu'on vivait un
autre phénomène. Alors, on ne fera pas la bataille des chiffres
puisqu'on ne les a pas devant nous à ce moment-ci.
Quand vous dites, et ça semble un peu contradictoire... Dans
votre document, à la page 3, vous dites: il y a une "importance accrue
des produits haut de gamme", donc "une bifurcation", à cet égard,
"du commerce de détail" et, dans votre résumé, vous dites,
en vous référant au titre du New York Times: Seulement les
commerçants avec des bas prix, bon service ou avec une
spécialité survivront. J'essaie de voir s'il n'y a pas
contradiction, à ce moment-là, dans votre point de vue ou dans
les conclusions que vous en tirez. Expliquez-moi un petit peu pourquoi vous
arrivez là. (14 h 45)
M. Sletmo: S'il y a contradiction, c'est que ma traduction de
l'anglais n'est pas bonne. Seulement les commerçants avec des bas prix,
ou bon service ou avec une spécialité survivront. Le "ou" devient
très important. Je m'excuse, en anglais, on est un peu moins prudent
avec ces nuances.
Mme Marois: Donc, ce sont des alternatives, autrement dit.
M. Sletmo: Ce sont des alternatives et c'est là la
bifurcation, comme je l'ai dit verbalement aussi. Les tendances que j'ai
annoncées sont parfois contradictoires. Ce n'est pas facile de faire le
résumé. Mais je dis quand même, s'il faut faire un
résumé, que c'est la diversité, je pense, qui prime dans
tout cela. Oui, il y a des choses qui sont, en effet, contradictoires. Mais
je pense que cette petite phrase... Mme Marois: D'accord.
M. Sletmo: ...en effet, suggère des alternatives.
Mme Marois: D'accord. Vous dites, à la page 4 de votre
mémoire: "L'ordinateur personnel: travail à la maison et achats
électroniques." Et vous mentionnez que, "en raison des changements
démographiques et technologiques, il devient moins nécessaire de
séparer le temps passé à la maison, au travail et à
faire les emplettes. Le travail à la maison est une
réalité qui, en toute probabilité, prendra de l'ampleur au
cours des prochaines années." Sans doute, ça semble être
une tendance, effectivement, qui se développe, avec, bien sûr,
aussi des limites. La personne - je n'ose pas dire, je ne dis pas l'homme - est
un être social qui a besoin d'échanger, de communiquer, de
participer à un environnement et, dans ce sens-là, je pense que
c'est limité aussi par cette réalité. Il y aura donc un
équilibre. Mais on conviendra ensemble que si la personne est à
la maison pour accomplir son travail, elle devrait nécessairement
disposer de plus de temps pour accomplir d'autres tâches et, entre
autres, l'accès à des biens de consommation, puisqu'elle
évite ainsi les temps de transport, les temps où elle quitte son
bureau pour aller se restaurer, etc. Donc, là encore, si ceci
s'avère juste dans l'avenir, le temps que l'on dégagera permettra
d'avoir accès à des biens de consommation dans un temps plus long
et donc, la nécessité d'ouvrir pendant plus longtemps, pour les
commerces, n'est peut-être pas utile nécessairement dans la
perspective de répondre aux besoins des consommateurs et des
consommatrices.
M. Sletmo: C'est une hypothèse fort intéressante,
je pense même aussi réaliste pour beaucoup de personnes. De la
même façon, je pense que parmi les gens qui travaillent à
la maison, pas beaucoup, je crois, quelques-uns, ça inclut des gens qui,
en effet, semblent être un peu solitaires de nature. L'important, ce
n'est pas qu'ils aient besoin d'aller au magasin le dimanche, mais qu'ils
aient, avec le temps, un accès privilégié à un
système électronique qui leur permette de faire leurs emplettes
à partir de leur maison. Donc, c'est pertinent, pas en termes de
qualité de vie, mais, je pense, quant à la concurrence qui se
fait entre le magasin et la vente directe.
Mme Marois: D'accord. Vous abordez la question de
l'internationalisation du commerce de détail et j'en conviens. Vous
faites référence à IKEA, à Benetton. Il y a
beaucoup de grandes chaînes - ce n'est pas le cas d'IKEA - il y a
beaucoup de grands noms comme ceux-là qui ont leur origine que ce soit
en Italie, en Europe, aux États-Unis ou ailleurs et qui fonctionnent
aussi sur la base des franchises. Donc, ce ne sont pas des magasins
corporatifs. Donc, la petite unité où on retrouve un
propriétaire de franchise unique est aussi une grande
réalité. Donc, l'internationalisation, sous l'angle de la marque
qui prend de l'expansion, c'est une chose, mais le mode de
propriété et les modes de gérance, c'est une autre chose.
Ça peut comporter aussi des contraintes dans la perspective d'une
ouverture plus longue des heures d'affaires pour les gens qui sont les
gérants ou les propriétaires de ces franchises-là. Ce
n'est pas parce que le nom est internationalisé que le commerce
lui-même l'est, quant à la propriété. D'accord? Et
là, je ne voudrais pas qu'on reste avec cette impression-là, de
ce que vous nous apportez à cet égard-là, de ce que vous
tenez comme propos à un moment. D'accord?
D'autre part, comme notre commission regarde particulièrement les
heures d'ouverture en ce qui trait à l'alimentation, j'ai un petit peu
de difficulté à vous suivre dans le raisonnement.
Évidemment, votre logique n'est pas... On ne part pas des mêmes
logiques, alors c'est un peu difficile. Vous, vous dites: Oui, ouvrons tout,
alimentation, commerce de détail, allons-y; on sera mieux servis, on
aura de meilleurs prix, on offrira un meilleur service, etc. Nous, on dit:
Là, il y a des règles qui concernent les commerces de
détail, on s'attarde aux commerces d'alimentation qui créent un
certain nombre de problèmes et on dit: Est-ce qu'on change les
règles qui concernent, si on veut, l'alimentation?
Donc, moi, je m'arrête à l'alimentation. Quand on fait le
lien avec l'alimentation et que, là, on va sur le champ de
l'internationalisation des marchés, oui, bien sûr, pour un certain
nombre de produits, un certain nombre de réalités, mais vous
admettrez qu'on est quand même dans un marché captif, pas dans des
réseaux de distribution captifs, ça, c'est autre chose, mais,
pour le consommateur ou la consommatrice, qu'est-ce que vous voulez? C'est un
marché captif. Moi, je ne vais pas acheter mes "beans" à Paris;
là, je charrie, je le sais, mais cela étant dit, vous comprenez
mon point de vue.
Une voix: Non.
Mme Marois: Vous ne l'acceptez pas, c'est différent.
M. Sietmo: M. le Président, est-ce que je peux?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie,
monsieur.
M. Sletmo: Plusieurs points Je pense que l'internationalisation,
je suis d'accord avec vous, ça peut prendre beaucoup de formes. Je
recon-
nais, bien sûr, la préoccupation que vous avez avec la
question de l'alimentation, mais je pense que ce serait une erreur très
grave de voir la question de façon trop limitée. Parce que quand
on parle d'un secteur aussi important que l'alimentation, on ne peut pas le
voir complètement isolé du reste. Je pense aussi que ce n'est pas
une question, pour le consommateur canadien, d'aller magasiner à Paris,
mais je pense que la possibilité que des entreprises de
l'extérieur, même dans l'alimentation, viennent s'installer ici,
c'est fort réel. Donc, la préoccupation que j'ai... J'admets que
là je simplifie beaucoup, nous n'avons même pas...
Mme Marois: On le fait mutuellement.
M. Sletmo: ...une bonne leçon...
Mme Marois: On n'a pas le choix, parfois.
M. Sletmo: On doit simplifier. Mais pour moi, tout ce qui touche
à la restructuration du secteur du commerce de détail devient
important. Maintenant, l'alimentation... On parle en même temps des
grands magasins, etc. Donc, dans ce sens-là, je suis tout à fait
d'accord avec... Disons que je reconnais les réserves que vous pouvez
avoir, mais |e pense qu'en même temps les facteurs que je mentionnais
demeurent très importants dans la considération de ce que devrait
être la réglementation dans ce secteur du commerce des produits
alimentaires.
Mme Marois: D'accord. Je pense que mon collègue a une
question.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui. J'ai une simple question, pour bien comprendre
ce que vous présentez dans le mémoire. Mais avant, j'aurais une
réflexion. Quand le ministre a parlé de vente par catalogue,
comme étant des choses d'avenir, j'ai été un peu surpris
parce qu'il me semblait que ma mère achetait chez Eaton et qu'il y a de
mes amis qui achètent chez Sears.
M. Sletmo: Oui.
M. Jolivet: Alors, ce n'est pas ça, je pense...
M. Sletmo: Rien de nouveau.
M. Jolivet: Oui, c'est ça. La deuxième partie,
cependant, de ma question est plus directe, celle-là. Quand vous parlez
d'ouvrir continuellement, c'est-à-dire de façon à
libéraliser le secteur et de l'alimentation et des autres genres de
commerce, est-ce que vous allez jusqu'à dire que ça permettrait
à qui que ce soit d'ouvrir 24 heures sur 24, comme on le connaît
ailleurs dans des secteurs américains, en particulier, dans les secteurs
touristiques? Est-ce que ça irait jusque là dans votre
tête, la proposition que vous faites?
M. Sletmo: Ça irait jusque là.
M. Jolivet: C'est rien que ça que je voulais savoir.
Mme Marois: Alors, merci, ça va, pour moi, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, si vous
voulez remercier nos invités, Mme la députée de
Taillon.
Mme Marois: Certainement. Je vous remercie, M. Sletmo, de votre
contribution et de votre point de vue, que - vous aurez constaté - je ne
partage pas. Mais je pense que du choc des idées, parfois, peut jaillir
de nouvelles façons de faire qui seront sûrement plus riches pour
la société québécoise. Merci beaucoup de votre
intervention.
Le Président (M. Bélanger): Alors merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, M. Sletmo, j'aimerais vous
remercier pour la clarté de votre exposé. Personnellement, je
n'ai pas de misère à vous suivre parce que j'ai une ouverture
d'esprit.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
s'il vous plaît!
M. Tremblay (Outremont): Les questions que je retiens, dans la
décision que nous aurons à prendre, sont les suivantes: 1°
Sommes-nous prêts, au Québec, à une libéralisation
totale des heures d'ouverture de tous les commerces de détail? Je pose
cette question. 2° Avons-nous le choix, considérant l'ouverture de
nos frontières et la libéralisation des échanges?
Troisième question que je me pose: Peut-on tout prévoir dans un
projet de loi, considérant l'imagination des gens d'affaires? Alors sur
ça, encore une fois, je vous remercie beaucoup, et on va sûrement
prendre en considération votre exposé dans la décision que
nous allons avoir à prendre. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. Sletmo, la
commission de l'économie et du travail vous remercie de votre
participation. J'inviterais nos prochains témoins à la table des
témoins, soit l'Ordre des pharmaciens du Québec,
représenté par le Dr Claude Lafontaine, pharmacien, qui est le
président de l'organisme, Mme Janine Matte, pharmacienne, qui est la
première vice-prési-
dente, M. François Schubert, pharmacien, second
vice-président, et M. Alain Boisvert, pharmacien, directeur
général et secrétaire. On suspend une minute pour
permettre aux invités de faire l'échange. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 55)
(Reprisée 14 h 59)
Le Président (M. Bélanger): A l'ordre! Je
demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa place pour que nous
recevions l'Ordre des pharmaciens du Québec. S'il vous plaît. M.
le député de Saint-Maurice, s'il vous plaît. Nous recevons
donc les représentants de l'Ordre des pharmaciens du Québec. Si
vous voulez bien vous identifier. Vous avez ensuite 20 minutes pour
procéder à la présentation de votre mémoire et il y
a une période d'échanges de propos avec les parlementaires. Alors
si vous voulez d'abord vous identifier avant de commencer. Je vous en prie.
Ordre des pharmaciens du Québec
M. Lafontaine (Claude): Mon nom est Claude Lafontaine. Je suis
président de l'Ordre des pharmaciens du Québec. À ma
gauche, M. Alain Boisvert, qui est secrétaire et directeur
général de l'Ordre. Mme Matte et M. Schubert, malheureusement,
n'ont pas pu être ici aujourd'hui.
M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de cette
commission, il me fait plaisir, à titre de président de l'Ordre
des pharmaciens du Québec, de communiquer à la commission de
l'économie et du travail la position de notre corporation sur
d'éventuels amendements à la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
L'Ordre des pharmaciens du Québec est une corporation
professionnelle constituée en vertu de l'article 24 du Code des
professions, et sa principale fonction consiste à assurer la protection
du public, notamment en contrôlant l'exercice de la profession de
pharmacien par ses membres. L'Ordre n'a donc aucune mission commerciale. Son
intervention dans des débats commerciaux ne trouve de justification que
dans leur impact sur l'intégrité des services professionnels
rendus par les pharmaciens. (15 heures)
Les positions que nous exprimerons ici se limiteront, par
conséquent, au mandat confié par le législateur à
notre Ordre et ne toucheront pas aux retombées commerciales de la loi
sur les heures d'affaires. L'Ordre des pharmaciens du Québec compte 4530
membres, dont 3062 oeuvrent en pharmacie communautaire; de ce nombre, 1231 sont
propriétaires de pharmacie.
La notion de service pharmaceutique mérite d'être
éclaircie. Bien que souvent perçu comme une activité
commerciale, l'exercice de la phar- macie en milieu communautaire constitue
avant tout un acte professionnel défini comme suit à l'article 17
de la Loi sur la pharmacie: "Constitue l'exercice de la pharmacie tout acte qui
a pour objet de préparer ou de vendre, en exécution ou non d'une
ordonnance, un médicament ou un poison. "L'exercice de la pharmacie
comprend, premièrement, la communication de renseignements sur l'usage
prescrit ou, à défaut d'ordonnance, sur l'usage reconnu des
médicaments ou des poisons, de même, deuxièmement, que la
constitution d'un dossier pour chaque personne à qui un pharmacien livre
des médicaments ou des poisons sur ordonnance et, finalement,
l'étude pharmacologique de ce dossier."
Cette définition légale fait de la pharmacie, l'une de ces
professions dont l'exercice comprend à la fois la dispensation d'un bien
et la fourniture de services directement liés à la
préparation, au contrôle et au bon usage de ce bien. Ces deux
aspects sont indissociables et ils revêtent, en outre, un
caractère essentiel pour le public.
En effet, la pharmacothérapie s'avère le traitement
fondamental d'un grand nombre de maladies, et l'efficacité de notre
système de santé repose, pour une large part, sur un
approvisionnement continu en médicaments et en services pharmaceutiques.
Plusieurs traitements médicaux nécessitent l'administration
immédiate de médicaments; d'autres nécessitent leur prise
continue. Dans ces cas, le renouvellement d'une ordonnance, quoique routinier,
doit également être considéré comme critique
à la bonne santé du malade.
Il est donc juste d'affirmer que les services professionnels du
pharmacien sont essentiels à la société et qu'ils doivent
être librement accessibles en tout temps.
Ce principe de base est reconnu par l'actuelle législation sur
les heures d'affaires et n'a jamais fait l'objet de remises en question, dans
la mesure où il touche à la fourniture de médicaments ou
d'autres produits jugés nécessaires à la santé.
Il est à noter, comme le stipule la Loi sur la pharmacie, que le
service pharmaceutique englobe aussi bien la fourniture de médicaments
en vente libre que sur ordonnance. Bien que les premiers soient, en
général, utilisés au traitement d'affections
bénignes et autolimitatives, ils sont souvent très utiles au
confort, au bien-être et au bon fonctionnement de la personne qui les
consomme. C'est le cas, par exemple, des analgésiques, des
décongestionnants ou des antitus-sifs. Parfois, ils peuvent même
s'avérer vitaux: l'insuline pour les diabétiques en est un
exemple. Le caractère essentiel des services pharmaceutiques touche
aussi bien la vente sans ordonnance d'un médicament que
l'exécution d'une ordonnance. Dans les deux cas, le pharmacien est
appelé à conseiller son client, car il lui fournit
un bien dont l'impact sur sa santé et son bien-être peut
s'avérer considérable.
Les services essentiels du pharmacien se diversifient de plus en plus et
incluent maintenant des mesures de l'efficacité des traitements
médicamenteux. La fourniture de dispositifs spécialisés
facilitant leur administration ou de dispositifs médicaux divers - les
orthèses, les produits pour les stomisés, les inhalateurs, les
pansements - constituent des services d'appoint de plus en plus importants.
Conséquemment, le réseau des pharmacies
québécoises doit être perçu comme un prolongement du
réseau des établissements de santé. Il entretient
d'ailleurs avec ces derniers une interaction de plus en plus soutenue dans le
meilleur intérêt du public.
Et maintenant, M. le Président, nous rappellerons aux membres de
cette commission les principaux points du règlement concernant la tenue
des pharmacies. La plupart des pharmacies québécoises sont
situées dans des locaux où ont cours d'autres activités
commerciales. Depuis les années soixante-dix, la surface
consacrée à ces activités commerciales alimentation,
photographie, kiosques de journaux, produits d'utilités diverses - a eu
tendance à augmenter, atteignant souvent entre 5000 et 10 000 pieds
carrés. La juxtaposition de telles entités commerciales et de
locaux où s'exercent des activités professionnelles essentielles
à la santé a forcé le législateur à
définir un cadre de référence pour ces derniers. Tel est
l'objet du Règlement sur la tenue des pharmacies. Les grandes lignes de
ce règlement sont les suivantes:
Premièrement, la pharmacie est définie comme l'endroit
où, conformément à l'article 17 de la Loi sur la
pharmacie, un pharmacien exerce sa profession, c'est-à-dire vend, en
exécution ou non d'une ordonnance, des médicaments et fournit des
services pharmaceutiques. Deuxièmement, un pharmacien ne peut tenir dans
une pharmacie autre chose que des médicaments, des poisons et des
produits pharmaceutiques. Troisièmement, une pharmacie doit être
tenue dans un lieu distinct et indépendant de tout autre local. Un lieu
distinct et indépendant se définit comme "constitué de
murs fixes, d'une hauteur minimale de 2,13 mètres - ce qui veut dire
à peu près 7 pieds - et se touchant les uns les autres de
manière à former un local donnant accès par une ou
plusieurs portes sur une voie publique, un corridor ou un autre local." Dans
bien des cas, cet autre local constitue de fait la section commerciale.
Quatrièmement, un pharmacien propriétaire doit afficher ses
heures d'ouverture à l'intérieur de l'immeuble où est
située sa pharmacie. Je vous rappelle que, tout au long de notre
mémoire, le mot "pharmacie" se réfère exclusivement
à cette définition, c'est-à-dire à la section
où le pharmacien exerce son activité professionnelle.
Il découle de ce règlement que le légis- lateur a
clairement indiqué qu'une pharmacie est un endroit défini avant
tout par les services professionnels qui s'y rendent, et que ces services,
ainsi que les produits qui s'y rattachent, doivent être offerts dans un
local à vocation distincte. Une application stricte de ce principe que
proposait l'Ordre des pharmaciens, en 1975, aurait mené à la
séparation complète des activités professionnelles
exercées dans la pharmacie et des activités commerciales. Cette
application stricte aurait par contre impliqué des
réaménagements majeurs dans bon nombre d'établissements.
Par compromis, le législateur de l'époque opta pour une
séparation plus discrète des deux locaux, qui résulta en
la situation que nous connaissons actuellement. Les murs utilisés
consistent principalement en des panneaux de plexiglas transparents qui
définissent un périmètre autour de la pharmacie. Dans la
majorité des cas, ce périmètre est inclus dans un local
commercial. S'il n'est pas toujours évident, le mur délimitant la
pharmacie en détermine néanmoins l'encadrement légal,
puisque seul le local professionnel qu'il circonscrit tombe sous le coup de
l'application de la Loi sur la pharmacie et de ses règlements et sous la
juridiction de l'Ordre des pharmaciens. Il s'avère également
utile en assurant le regroupement des médicaments dans l'entourage
immédiat du pharmacien.
Une faiblesse majeure du Règlement sur la tenue des pharmacies
est justement l'absence de définition des termes "produits
pharmaceutiques" mentionnés à l'article 2,01 de ce
règlement. Cet article précise qu"'un pharmacien ne peut tenir
dans une pharmacie autre chose que des médicaments, des poisons et des
produits pharmaceutiques". Cette lacune crée une importante zone grise.
Qu'advient-il, en effet, des suppléments alimentaires, des dispositifs
médicaux, des orthèses, de certains produits d'hygiène, et
le reste? Sont-ils des produits pharmaceutiques? En l'absence d'une telle
définition, l'encadrement de la tenue des pharmacies s'avère
difficile et subjectif. Afin de pallier cette lacune, l'Ordre des pharmaciens
proposait, en 1986, des amendements au Règlement sur la tenue des
pharmacies, qui définissent comme suit les produits pharmaceutiques:
1° les instruments médicaux au sens de l'article 2 de la Loi sur les
aliments et drogues; 2° les suppléments diététiques;
3° les articles hygiéniques et sanitaires et, finalement, les
cosmétiques au sens de l'article 2 de la Loi sur les aliments et
drogues.
Ce projet de règlement fut publié dans la Gazette
officielle du Québec le 17 décembre 1986, mais il demeure
toujours à l'étude par le ministre responsable de l'application
des lois professionnelles. Nous croyons que sa ratification serait très
utile à la résolution de certains problèmes actuellement
étudiés par cette commission.
En conclusion, la position de l'Ordre des pharmaciens est simple et
claire. Compte tenu du
caractère essentiel pour la population québécoise
des services pharmaceutiques, l'Ordre des pharmaciens du Québec
considère que les heures d'affaires de la section professionnelle des
pharmacies, telles que définies dans le Règlement sur la tenue
des pharmacies, ne doivent être assujetties à aucune limitation.
Les exemptions touchant la pharmacie dans la Loi sur les heures d'affaires
doivent donc être maintenues. Ce principe doit être reconnu dans
l'ensemble du Québec. Toute dérogation à cette
recommandation résulterait en des conséquences graves pour la
population et pour l'État. En effet, l'incapacité pour les
malades de recourir aux services offerts par le réseau privé des
pharmacies québécoises, hors des heures actuelles d'ouverture,
les forcerait à recourir aux services offerts par les cliniques
d'urgence des établissements de santé. L'engorgement de celles-ci
constitue déjà un problème suffisamment grave pour que
l'on évite de l'exacerber.
L'Ordre des pharmaciens du Québec recommande de plus que les
termes "produits pharmaceutiques" soient définis dans le
Règlement sur la tenue des pharmacies. Nous considérons que la
définition proposée dans la Gazette officielle du
Québec est toujours valable et nous nous tenons à la
disposition du gouvernement si un complément de discussion et
d'information devait s'avérer nécessaire.
En terminant, je remercie la commission de l'attention qu'elle a eu
l'obligeance d'accorder à notre mémoire et l'assure de la
collaboration entière de l'Ordre des pharmaciens du Québec dans
la poursuite de son mandat, lequel consiste essentiellement à assurer la
protection du public en matière de services pharmaceutiques Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): On vous remercie, M.
Lafontaine. Nous passons maintenant à M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Merci, M. Lafontaine. J'ai plusieurs
petites questions. Je vais vous les donner pour que vous puissiez voir
l'ensemble. La première, c'est plus un commentaire pour vous dire que le
législateur a toujours reconnu le caractère essentiel de vos
services. Ce qui est intéressant, c'est que, même si les
pharmacies ont le droit d'ouvrir vingt-quatre heures par jour, sept jours par
semaine, au meilleur de ma connaissance, à part la pharmacie
Montréal qui continue d'ouvrir vingt-quatre heures par jour, sept jours
par semaine, il n'y en a pas d'autres. Et ce qui est plus intéressant,
c'est que, même si vous avez le droit d'ouvrir le dimanche, dans
plusieurs quartiers, les pharmacies s'entendent entre elles pour qu'il n'y ait
qu'une seule pharmacie d'ouverte. Donc, même si vous avez la
libéralisation totale dans vos activités, je pense qu'il n'y a
pas eu d'abus et que les pharmaciens, entre eux, se sont autodis-
ciplinés.
Mes questions sont les suivantes La première, combien de
pharmacies répondent à vos critères, uniquement à
vos critères? Si on se limitait aux activités clairement
exposées dans votre mémoire, combien y a-t-il de ces
pharmacies-là? Deuxièmement, est-ce que c'est viable à
moyen terme, d'après vous? Troisièmement, comment expliquer que
d'aulres pharmaciens vont venir nous exposer - et je fais
référence spéci fiquement aux pharmacies d'escompte - que
les activités pures de pharmacies ne sont pas rentables et qu'il faut
qu'il y ait d'autres activités pour subventionner les opérations
dites de pharmacie? Ma dernière question: Quand vous parlez d'une
définition de produits, est-ce que ce que vous me dites que, par
exemple, des aspirines - définitivement, d'après moi, c'est
compris dans votre définition de produits - ça devrait être
vendu uniquement dans des pharmacies et non plus vendu dans des
supermarchés? Et si ça peut encore être vendu dans des
supermarchés, est-ce que vous pouvez reprocher à des pharmaciens,
par légitime défense, de commencer à vendre dans leurs
pharmacies des produits qui sont vendus dans les supermarchés pour
attirer une clientèle dans leurs pharmacies? (15 h 15)
M. Lafontaine: Ça fait beaucoup de questions.
M. Tremblay (Outremont): Oui, oui, ce sont des questions
importantes.
M. Lafontaine: Combien de pharmacies pratiquent uniquement la
pharmacie? Je crois que c'est à peu près 15 % des pharmacies.
C'est ce qu'on appelle, nous, des pharmacies cliniques qui sont situées
à côté ou à l'intérieur de cliniques
médicales, qui se contentent de vendre uniquement des
médicaments, certains petits produits d'hygiène... 15 %,
ça doit faire à peu près 200.
Une voix: 200 à 300.
M. Tremblay (Outremont): S'il y en a 15 %, est-ce qu'on pourrait
déduire que c'est parce qu'elles sont à côté dune
clinique qui crée un marché captif pour ces pharmacies-là
qu'elles peuvent survivre, par opposition à une pharmacie de quartier
où il n'y a pas justement de marché captif
généré par une clinique?
M. Lafontaine: Ce n'est pas un marché captif. Il y a des
enquêtes qui ont été faites, depuis huit ans, par la
compagnie Upjohn, et les résultats sont toujours donnés au
congrès de l'Association pharmaceutique canadienne: 85 % des gens sont
fidèles à leur pharmacien. Alors, les pharmacies de cliniques ne
constituent pas des marchés captifs. Les gens vont chez leur pharmacien.
Maintenant, vous me dites: Est-ce
que c'est viable? Il y a 1412 pharmacies actuellement au Québec.
S'il ne se vendait que des médicaments, c'est sûr qu'il n'y aurait
pas de place pour 1400 pharmacies, s'il y avait seulement des
médicaments. Les médicaments et les produits pharmaceutiques, les
produits d'hygiène, si on entre tout ça dans la pharmacie,
là, ça peut être différent. Pourquoi d'autres vont
venir vous dire...
M. Tremblay (Outremont): Vous me dites, enfin, que ce serait...
Enfin, il n'y aurait pas un marché pour 1400 pharmacies. Donc, par
légitime défense, comme tout bon commerçant... Parce que,
même si le pharmacien a un caractère professionnel et je le
reconnais, c'est également un commerçant. Alors, pour diversifier
ses opérations et profiter au maximum de sa superficie, il a
commencé à vendre d'autres produits pour rentabiliser ses
opérations. Alors, est-ce qu'on peut reprocher à ces
personnes-là d'avoir fait ça? Je pose la question. Je ne porte
pas de jugement.
M. Lafontaine: C'est clair et net que ce n'est pas
nécessaire en tout cas d'avoir 10 000 pieds carrés pour faire de
la pharmacie. Je pense que ça, on peut l'établir. On pourrait
donner tous les services essentiels et tous les services d'appoint. J'ai fait
la différence tout à l'heure, les orthèses, les appareils
pour les stomisés, tout ça, bon; vendre des glucomètres,
expliquer un glucomètre à quelqu'un, un tensiomètre, ce
sont tous des services d'appoint. Je crois qu'on pourrait offrir tout ça
dans à peu près 1500 pieds carrés.
M. Tremblay (Outremont): Et ça serait rentable.
M. Lafontaine: Oui. Si M. Boisvert veut ajouter quelque
chose.
M. Boisvert (Alain): Oui, peut-être que j'aimerais ajouter
que l'équation entre rentabilité et contribution de la partie
commerciale varie à l'intérieur même des catégories
de pharmacies. Contrairement à ce qui peut sembler apparent, ce ne sont
pas toutes les pharmacies de grande surface qui sont rentables. Certaines
encaissent même des pertes assez considérables à chaque
année et doivent fermer, alors que de petites pharmacies vont être
extrêmement rentables. Il est évident que si la partie commerciale
devait disparaître ou si on devait en fermer l'accès à
certains moments de la semaine, ce ne sont pas toutes les parties
professionnelles qui pourraient justifier des heures d'ouverture très
larges. Vous l'avez fait remarquer vous-même, dans les endroits où
l'accès à cette partie professionnelle n'est pas
réglementée, il y a quand même consensus, dans certains
cas, pour que des services de garde s'offrent et que, les dimanches en
particulier, seuls les services essentiels soient offerts dans un certain
nombre de pharmacies plutôt que dans l'ensemble.
Mais il nous apparaît toujours un peu hasardeux d'affirmer en bloc
que la partie commerciale d'une grande surface est absolument essentielle
à la rentabilité de la pharmacie. Ce n'est pas vrai dans
l'ensemble des pharmacies. Il y a d'autres éléments qui entrent
en ligne de compte dans la rentabilité de la pharmacie: la localisation
de la pharmacie, sa proximité des marchés. Sa proximité
d'autres services de santé comme les bureaux de médecins, par
exemple, sont des déterminants importants de la rentabilité d'une
pharmacie. Donc, l'affirmation nous apparaît un petit peu radicale.
M. Tremblay (Outremont): Vous avez mentionné qu'il y a
évidemment des grandes pharmacies, des grandes surfaces qui ferment,
mais il y a également beaucoup de petites pharmacies qui ferment.
Habituellement, le pharmacien va travailler comme pharmacien salarié
dans une grande surface. Ces petites pharmacies qui survivent, est-ce qu'elles
vendent uniquement des produits pharmaceutiques?
M. Boisvert: Souvent, celles qui survivent sont des pharmacies
clairement axées sur le service professionnel, donc, habituellement, des
pharmacies qui sont supportées par un achalandage
généré par la proximité des bureaux de
médecins, d'une clinique médicale ou une localisation
particulière.
M. Tremblay (Outremont): Mais si on se fie à ce que M.
Lafontaine a dit, si c'était uniquement ça, il n'y aurait pas un
marché pour 1400 pharmaciens.
M. Boisvert: Non. Nous avons probablement un léger surplus
de pharmacies, à l'heure actuelle, au Québec. Depuis juillet
dernier, nous "moni-torons" les ouvertures et les fermetures de pharmacies au
Québec. Et depuis juillet dernier, la tendance est à la
fermeture. Donc, le cheptel de pharmacies québécois va en
réduisant, si on peut utiliser cette expression. Mais les pharmacies qui
vont fermer ne sont pas nécessairement des pharmacies de petite surface.
Ce sont surtout des pharmacies... Il y a une polarisation qui se fait
présentement entre la grande surface, d'une part, et la pharmacie
intégrée dans d'autres services professionnels; cette
polarisation-là s'en vient de plus en plus nette. Alors, ce sont ceux
qui sont situés au milieu qui sont les victimes.
M. Tremblay (Outremont): Alors, juste la dernière question
que j'avais posée, pour être certain qu'on ne l'oublie pas. Dans
cette optique-là, le pharmacien qui, par légitime défense,
décide de vendre des produits autres que des produits pharmaceutiques,
parce qu'il y a des
produits pharmaceutiques, l'aspirine, par exemple, et d'autres qui sont
vendus dans des supermarchés, qu'est-ce qu'on fait avec? Comment on va
faire pour gérer la loi autrement que par des séparations de
plexiglas?
M. Lafontaine: Si, demain matin, des gens décidaient
d'ouvrir des pharmacies de 20 000 pieds carrés, qu'est-ce qu'ils vont
faire, croyez-vous? Ils vont peut-être vendre des automobiles. Est-ce
qu'on va défendre les automobiles, nous, dans deux ans d'ici parce qu'il
y a des pharmacies de 20 000 pieds carrés, en contrepartie? Je pense que
le problème de l'aspirine que vous posez, c'est un problème
actuel. Nous, comme pharmaciens, on doit défendre la position de
l'aspect professionnel, des dangers de l'aspirine. Et on préfère
que les gens s'approvisionnent en aspirine dans des pharmacies où ils
peuvent recevoir les conseils du pharmacien. C'est pour ça d'ailleurs
que nous avons un autre mémoire qui a été envoyé
à l'Office des professions pour la constitution d'annexés de
médicaments: des médicaments vendus uniquement sur ordonnance,
des médicaments vendus exclusivement en pharmacie, mais derrière
le comptoir seulement, et des médicaments qui peuvent être vendus
en pharmacie. Cette question de l'aspirine, moi, je peux vous dire, M. le
ministre, que si les pharmaciens jouent bien leur rôle professionnel, les
gens vont s'enquérir auprès de leur pharmacien et...
M. Tremblay (Outremont): Mettons que je fais abstraction de
l'aspirine parce que c'est petit, ça.
M. Lafontaine: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Prenons les couches de
bébé.
M. Lafontaine: Ça, ça fait partie des produits
d'hygiène.
M. Tremblay (Outremont): Oui, vendus dans des pharmacies. Et vous
réalisez très bien que, pour vendre des couches de
bébé, c'est rendu qu'il y a sept, huit marques, il y a
différents contenants. Et si vous entrez dans toutes les pharmacies, on
voit que ça prend de plus en plus de place. Là, je parte d'un
item. Qu'est-ce qu'on fait, là? Est-ce qu'on va dire au pharmacien:
Ça prend trop de place; parce que ça n'entre pas dans les 1500
pieds carrés, ne vendez plus de couches de bébé? C'est un
exemple, mais il y a d'autres...
M. Lafontaine: Ce n'est pas un service essentiel. Ce n'est
même pas considéré comme un service d'appoint
nécessaire. C'est un service que quelqu'un peut se procurer partout.
C'est une question de prévision. Les gens n'achètent pas de
couches de bébé à la dernière minute. Il me semble
qu'on sait combien ça en prend par semaine. On prévoit et on
achète ça d'avance.
M. Tremblay (Outremont): Je comprends, mais l'avantage de
vendre... Vendre des couches de bébé, ça peut attirer des
gens, et je pense que c'est ça, le but. C'est qu'ils vendent des couches
parce que ça attire des gens.
M. Lafontaine: Ah bien, je comprends. Ce matin, j'entendais des
arguments. Moi, je peux vous dire que si les gens qui sont ouverts le dimanche
font tous leurs spéciaux le dimanche, au bout d'un an, on va dire: On a
vraiment répondu aux besoins des gens, vous voyez, ils magasinent tous
le dimanche. Mais ce n'est pas ça, on n'a pas répondu aux
besoins, on l'a créé le besoin, on a mis tous les spéciaux
le dimanche; on n'en met plus, la semaine, des spéciaux, on les met tous
le dimanche. Quand est-ce que les gens vont aller magasiner? Le dimanche, ils
n'iront plus la semaine.
M. Boisvert: Peut-être deux commentaires, en réponse
toujours à la question de l'aspirine et une clarification aussi, au
préalable. La position que l'Ordre propose ici n'est pas
nécessairement antagoniste au mouvement des grandes surfaces. Ce que
nous proposons à la commission, c'est une clarification de l'existence
dans ce qu'on perçoit comme une entité unique, qu'on appelle la
pharmacie, habituellement, de deux entités: une entité
commerciale qui devrait, selon nous, être soumise aux mêmes
règles que l'ensemble des autres activités commerciales, afin de
respecter le principe d'équité sur lequel on a insisté
beaucoup ce matin, et une entité professionnelle qui, elle, se distingue
par le caractère professionnel et essentiel des services qui y sont
rendus.
Quant à l'allusion, M. le ministre, que vous faisiez à la
vente de médicaments hors pharmacie, je tiens à
réitérer les propos de M. Lafontaine, à savoir que l'Ordre
a déjà proposé au ministre responsable de l'application
des lois professionnelles des modifications importantes à la
législation qui encadre la pratique de la pharmacie et qui auront
également des retombées sur le commerce de détail en
épicerie, que nous appelons habituellement les annexes de
médicaments, ces annexes étant des listes de médicaments
auxquels sont assorties des conditions particulières de distribution.
Selon le caractère de ces médicaments, selon leur
toxicité, selon leur efficacité, selon le besoin qu'on a de les
encadrer par des services professionnels, on pourra limiter certains de ces
médicaments à la pharmacie seulement, alors que les
médicaments bénins, qui sont utilisables pour des conditions
autolimitatives et qui ne présentent aucun risque pour la population,
pourraient être vendus sans
limite ou sans réglementation quant au point de distribution.
L'aspirine est un bon exemple. Nous considérons que l'aspirine est un de
ces médicaments qui a besoin d'une plus grande supervision
professionnelle que ce qu'on lui donne présentement.
Dans le mémoire que nous avons proposé, nous proposons un
mécanisme qui permettrait au législateur de mettre un peu d'ordre
dans ce domaine qui en manque. Je pense qu'en contrepartie, si on
réglait ce problème-là, ça aurait probablement un
effet indirect sur l'autre problème que rencontre la commission, celui
de la vente de produits d'alimentation dans les pharmacies. Autrement dit, si
on retournait à l'alimentation ce qui est l'apanage de l'alimentation et
à la pharmacie ce qui est l'apanage de la pharmacie, on lèverait
peut-être un peu de l'imbroglio qui règne présentement sur
ces deux milieux-là.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il y a
d'autres intervenants? M. le député de Nicolet. Un instant!
Est-ce qu'on a consentement pour que M. le député de
Nicolet...
M. Richard: Oui, je m'excuse.
M. Jolivet: Nicolet-Yamaska.
Mme Marois: Certainement, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): ...Nicolet-Yamaska.
Bien!
M. Richard: Merci, M. le Président. Est-ce que vous
sous-tendez ou vous dites: Nous serions prêts à recommander au
gouvernement de baliser comme il faut tout ce qui est médical,
peut-être sanitaire et hygiénique en fonction du milieu
pharmaceutique, dans le sens large du mot, et, en contrepartie, on serait
prêts à dire: tout ce qui a une tendance alimentaire ou tout ce
qui a une tendance autre, de l'huile 10-W-30 avec le reste, enlevez ça
du milieu qui a un caractère, actuellement, qu'on appelle grande surface
pharmaceutique? Est-ce que c'est ça que vous sous-tendez, que vous
seriez prêts à faire... De la part de l'Ordre.
M. Boisvert: La position... Allez-y.
M. Lafontaine: Écoutez, on n'a aucune juridiction sur la
partie commerciale, on l'a bien dit dans notre mémoire. La partie
commerciale, ce qu'on vient de vous dire, on a dit: Arrangez-vous avec et
essayez donc de nous aider à clarifier notre situation...
M. Jolivet: C'est ça.
M. Lafontaine: ...en mettant les murs plus clairs et en
définissant le terme "produit phar- maceutique". À ce
moment-là, ce qui va être à l'intérieur des murs,
ça, c'est la pharmacie. À l'extérieur, on ne vous demande
pas de juridiction. S'il vous plaît! on a assez d'avoir juridiction
à l'intérieur... À l'extérieur, faites ce que vous
voulez.
M. Richard: Mais, fondamentalement, ce que vous mentionnez, c'est
que, selon l'Ordre, vous seriez d'accord à être beaucoup plus vers
une pharmacie de style classique, en fait, où on se préoccupe,
d'abord et avant tout, du côté pharmaceutique. Vous dites,
vous-même, que le côté commercial n'est pas de votre ressort
et n'est pas votre préoccupation.
M. Lafontaine: On n'a aucune juridiction.
Notre juridiction est bien établie; on l'a défini, ce
qu'est la pharmacie, et c'est de ça qu'on parle.
M. Richard: Maintenant, juste une question technique. Vous
faisiez allusion tout à l'heure à l'aspirine. L'aspirine en
pharmacie, actuellement, n'est pas de l'autre bord de la vitre transparente;
elle est du côté commercial au moment où on se parle. Et
vous dites que le pharmacien peut la traiter comme un médicament avec
des... C'est parce que, personnellement, je constate - pour y être
allé plusieurs fois - que l'aspirine est à la même place
qu'un épicier peut la mettre, quelque part dans le magasin, comme on
dit. (15 h 30)
M. Boisvert: Parce que l'aspirine n'est pas
considérée... Il y a un article dérogatoire, une clause
nonobstant, si on veut l'appeler ainsi, à l'intérieur de la Loi
sur la pharmacie qui dit: "Rien dans la présente loi ne s'applique
à certains médicaments, dont l'aspirine." Or, l'aspirine,
présentement, est totalement déréglementée, ce qui
nous apparaît incompatible avec l'intérêt du public. C'est
pour ça que l'aspirine est un exemple que nous citons
fréquemment.
Le Président (M. Bélanger): Le temps pour le parti
ministériel étant écoulé, Mme la
députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je veux bien
comprendre qu'à la page 5 de votre document, quand vous dites que
l'Ordre a proposé, en 1986, des amendements, c'est à
ceux-là que vous faites référence quand vous dites "la
définition de ce que seraient les produits pharmaceutiques qui devraient
être vendus exclusivement dans les pharmacies" et quand vous nous dites
"une annexe de médicaments"? Est-ce que c'est à ce projet de
réglementation auquel vous faites référence? Non.
M. Lafontaine: Non, non, ça, c'est en plus des
médicaments.
Mme Marois: D'accord.
M. Laforttaine: Ce sont les produits pharmaceutiques, ce que sont
les produits pharmaceutiques. Parce que c'est sûr que dans notre loi, on
est responsable des médicaments, des poisons et des produits
pharmaceutiques. Or, ce n'est pas défini, ce que constitue l'ensemble
des produits pharmaceutiques. L'ensemble des médicaments, ça va
bien parce qu'il y a des lois fédérales qui nous guident
là-dessus. Alors là, on a les instruments médicaux, les
suppléments diététiques, les articles hygiéniques
et sanitaires, les cosmétiques au sens de l'article 2 de la Loi sur les
aliments et drogues, et ce que nous avons suggéré au
législateur.
Mme Marois: D'accord. Et ce sont ceux que l'on a retrouvés
en projet de règlement qui a été publié dans la
Gazette officielle, en 1986?
Une voix: Oui.
Une voix: En 1986, oui.
Mme Marois: Parlez-moi donc des cosmétiques au sens de
l'article 2 de la Loi sur les aliment et drogues. Je ne suis pas une
spécialiste. Vous en êtes. Vous pouvez sûrement nous
aider.
M. Lafontaine: C'est défini de la façon suivante.
"Comprend toute substance ou mélange de substances manufacturé,
vendu ou représenté comme pouvant être employé pour
embellir, purifier ou modifier le teint, la peau, les cheveux ou les
dents...
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Marois: Autant des hommes que des femmes.
M. Lafontaine: ...et comprend les désodorisants et les
parfums."
Mme Marois: D'accord.
M. Boisvert: À propos des cosmétiques, le rationnel
qui sous-tendait leur inclusion à l'intérieur de cette
définition de produits pharmaceutiques tient au fait que certains de ces
cosmétiques sont dans une zone limitrophe du statut de
médicament. Je pense aux cosmétiques hypo-allergènes. Ils
peuvent donc être considérés, par là porte d'en
arrière - si vous me permettez l'expression - comme des produits de
santé. L'Ordre conçoit cependant que l'inclusion des
cosmétiques à ce chapitre-là pourrait être
discutée. En acceptant certains de ces cosmétiques qui ont des
indications plus particulières, il n'y a pas d'indication de
santé majeure à leur inclusion dans la définition de
produits phar- maceutiques.
J'aimerais seulement ajouter un autre commentaire ici. Il est important
de distinguer ce projet de modification au règlement sur la tenue des
pharmacies qui date de 1986 et qui vise à préciser ce qui peut
être tenu à l'intérieur de la section professionnelle de la
pharmacie pour distinguer justement le commercial du professionnel ou du
paraprofessionnel et le projet d'annexé de médicaments, qui est
un projet beaucoup plus élaboré que nous avons soumis, lui, en
1989. Le projet d'annexé de médicaments est un projet de
définition de catégories de médicaments auxquelles sont
assorties des conditions de distribution. Alors, c'est un projet...
Mme Marois: Quand vous dites "assorties des conditions de
distribution", si vous me le permettez, je m'excuse, un peu dans le sens de ce
que le député de Nicolet-Yamaska disait tout à l'heure,
vous indiquez bien que tel type de médicament, telle catégorie,
devrait se vendre exclusivement en pharmacie et aucunement en autre type de
réseau de distribution, que ce soit le magasin d'alimentation ou le
dépanneur ou quoi que ce soit.
M. Boisvert: C'est exact et, selon la toxicité ou la
nature du médicament, on pourrait même, à
l'intérieur de la pharmacie, assortir des conditions. Dans certains cas,
le médicament sera un médicament d'ordonnance; dans certains
autres cas, le médicament pourra être vendu sans ordonnance par le
pharmacien, mais sans libre-service; et, dans certains cas, on pourrait
même concevoir une catégorie de médicaments que nous
proposons, d'ailleurs, qui seraient vendus en pharmacie seulement, mais dans la
zone de libre-service. La raison justifiant cette troisième
catégorie est que certains produits peuvent être utilisés
en libre-service par le consommateur, mais la proximité ou
l'accès à une ressource professionnelle de conseil, le
pharmacien, ici, est justifiable pour ces produits-là.
Mme Marois: D'accord.
M. Boisvert: D'ailleurs, l'Ordre s'apprête à lancer
un programme d'information et d'étiquetage supplémentaire
d'information sur les précautions à prendre pour certains
médicaments en vente libre qui sera applicable à cette
dernière catégorie de médicaments vendus en libre-service,
en pharmacie seulement.
Mme Marois: D'accord. Le fameux projet de règlement qui a
été publié dans la Gazette officielle et qui
demeure, semble-t-il. toujours à l'étude, est-ce parce qu'il
avait soulevé chez vous des objections?
M. Boisvert: II a été adopté par l'Ordre des
pharmaciens. Il a été retransmis à l'Office des
professions. L'Office l'avait proposé pour adoption... l'a
prépublié dans la Gazette du Québec et c'est
à ce moment-là que le projet...
Mme Marois: ...que le processus s'est arrêté.
M. Boisvert: ...que le processus s'est arrêté.
Mme Marois: II serait peut-être intéressant que le
ministre, peut-être pas maintenant, mais à une séance
ultérieure, nous dise ce qui a justifié le fait que le processus
ne se soit pas poursuivi, parce qu'il y a toujours une raison. Lorsqu'on
prépublie ou qu'on publie un règlement, c'est parce que le
gouvernement a l'intention de connaître des points de vue, ce qui lui
permet à ce moment-là de le modifier, soit parce qu'il se dit que
c'est valable, ça a de l'allure et donc qu'il va procéder par la
suite. Donc, il y a toujours une raison au fait qu'on ne l'applique pas ou que,
au contraire, on l'applique. Or, il semble qu'il soit resté lettre
morte. Alors, ce serait intéressant de savoir ce qui a justifié
cela.
Le ministre vous posait la question tout à l'heure, et
c'était intéressant aussi. Dans certains milieux, effectivement,
il y a une alternance des heures d'ouverture entre les pharmaciens; on est de
garde, etc. Est-ce que vous croyez qu'une telle pratique, advenant le cas que
l'on ramène les heures d'ouverture, par exemple le dimanche, aux
produits essentiels, donc les produits pharmaceutiques évidemment en
feraient partie, est-ce que vous croyez que ce serait une pratique qui serait
retenue chez les pharmaciens, membres de l'Ordre, que l'alternance, dans
certains milieux, quant aux heures d'ouverture?
M. Lafontaine: Pour répondre à votre question.
D'abord, les enquêtes faites chez des pharmaciens ont toujours
démontré que les pharmaciens aiment beaucoup la pharmacie, mais
travailler le dimanche, là...
Mme Marois: Ils n'aiment pas ça?
M. Lafontaine: Non. Il y en a qui l'ont fait toute leur vie, mais
ça a toujours été à regret, mais ils l'ont fait
pareil, par devoir. Par contre, si le système établit que les
pharmacies ne peuvent pas rester ouvertes le dimanche parce que ce n'est pas
rentable, c'est sûr qu'il va s'établir un mécanisme de
compensation parce que nous avons, dans notre loi et nos règlements, un
mécanisme qui nous permet d'organiser des services de garde.
Mme Marois: Oui.
M. Lafontaine: Les pharmaciens seraient obligés d'assurer
la garde...
Mme Marois: Oui.
M. Lafontaine: ...des services pharmaceutiques. C'est clair et
net. Ça ne nous posera pas de problème.
Mme Marois: Et vous croyez donc que ce serait une alternative qui
serait sûrement envisagée dans les différents milieux, en
s'assurant que dans des rayons d'accès corrects...
M. Lafontaine: Absolument, absolument. Mme Marois:
...ça se passerait... M. Lafontaine: Oui. Mme Marois:
...comme ça.
M. Lafontaine: D'ailleurs, dans les petites localités, H
est bien connu que la population connaît très bien le
numéro de téléphone personnel du pharmacien.
Mme Marois: J'imagine que, dans un contexte comme
celui-là, on suggérerait aux pharmaciens d'éliminer la
vente de produits comme le tabac. Je vous ai rencontré, et l'Ordre,
à la commission des affaires sociales... On a eu une discussion
là-dessus. Parlez-m'en donc une minute.
M. Lafontaine: Mme la Présidente, nous vous avons dit, le
vendredi 16 février... Le 16? C'était le 16? Oui, oui,
c'était...
Mme Marois: Oui, je crois que oui.
M. Lafontaine: ...le 16 février, oui?
Mme Marois: Oui, oui.
(15 h 45)
M. Lafontaine: Nous vous avons dit que nous avions bon espoir,
d'ici six mois, de voir se retrouver sur le bureau du ministre une
résolution de l'Ordre des pharmaciens qui changerait son
règlement au code de déontologie. Et il semble, par le sourire de
certains des membres de votre commission, que ça a paru un peu utopique.
Je ne sais pas... En tous les cas. Mais je dois vous dire que le processus est
enclenché et que le Bureau de l'Ordre des pharmaciens du Québec a
adopté, à une très forte majorité, à sa
dernière réunion, qui a été tenue le 20
février dernier, soit mardi, une résolution qui vise à
modifier le code de déontologie des pharmaciens relativement à la
vente de tabac dans les boutiques adjacentes aux pharmacies, donc dans la
partie commerciale. Cette résolution se lit comme ceci: "Le commerce du
tabac étant incompatible avec la dignité de l'exercice de la
profession de pharmacien, ce dernier ne doit pas vendre ou distribuer,
directement ou indirectement, notamment par personnes interposées ou
par l'entremise d'une personne morale, de tabac dans une pharmacie ou
dans un local adjacent à une pharmacie." Voilà où nous
sommes rendus. Je crois que d'ici 45 jours à peu près, ça
devrait cheminer, ça devrait être rendu à l'Office des
professions.
Mme Marois: D'accord. Merci. Je crois que mon collègue a
une question à poser.
Le Président (M. Lelièvre): Oui, M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Sur la question de l'alternance des pharmaciens, chez
moi comme partout ailleurs, ça existait, ça, avant
l'arrivée de grandes pharmacies appelées pharm-escomptes. Les
pharmaciens faisaient un horaire qui permettait, le dimanche, d'être
ouvert à une place ou à une autre, et on savait à quelle
place c'était ouvert, de telle façon que si on avait des besoins,
on allait chercher, là où c'était ouvert, les
médicaments nécessaires. Ma question est la suivante... Parce
qu'on va avoir d'autres mémoires, on a eu des rencontres avec des gens
qui sont venus nous dire que, comme ce n'était pas rentable, il fallait
en arriver à vendre d'autres choses et on en était rendu
quasiment à vendre, dans certaines pharmacies, jusqu'à de la
viande, du manger, etc., de telle sorte que ce n'est plus la vocation
réelle des pharmaciens qui est en ligne de compte dans ces lieux
actuellement ouverts. Ma question est la suivante: Est-ce que le fait de
vouloir ramener à votre optique de l'Ordre des pharmaciens le travail et
la vente qui devaient être faits dans ces pharmacies, ça aurait
pour effet d'augmenter, comme nous disent les gens, les prix des
médicaments? Est-ce que ça aurait des effets tels que,
finalement, on est mieux de rester avec l'ouverture des pharmacies comme on les
connaît, pharm-escomptes, etc.? Est-ce que, pour vous autres, ça
aurait des effets tels que ça serait un désastre que de laisser
juste la pharmacie ouverte, puis d'augmenter les médicaments en
conséquence?
M. Lafontaine: Je ne crois pas qu'on puisse dire que... On parle
d'ouverture, on parle de limitation d'heures, on ne parle pas d'enlever tout le
côté commerce qui est à côté de la pharmacie,
là?
M. Jolivet: Non, j'ai compris que vous ne voulez pas, vous. Ce
que je vous pose comme question, au bout de la course, c'est qu'il y a des gens
qui disent: On ne devrait ouvrir des pharmacies que pour les besoins de vente
de médicaments; le reste devrait être fermé. Quand je parie
de l'hypothèse, il y a des gens qui disent: On ne peut pas se permettre
ça, parce qu'on vit avec l'autre à côté, pour
permettre la rentabilité de ma pharmacie. Mais si on disait, comme
hypothèse de départ: On ferme tout, là..
M. Lafontaine: Le dimanche.
Mme Marois: Les activités, par exemple, le dimanche.
M. Jolivet: Le dimanche.
M. Lafontaine: On parie du dimanche.
Mme Marois: On parie de tout, l'autre partie.
M. Lafontaine: Non, je ne crois pas que ça ait un effet
sur l'augmentation des prix des médicaments. Ça va avoir un effet
sur la réorganisation des services; il va y avoir une
réallocation des services. Les gens vont s'organiser des services de
garde, puis c'est ce que ça va amener.
M. Jolivet: Donc, il est faux de prétendre que la
fermeture, le dimanche, de toute autre chose qui ne doit pas se vendre en
pharmacie, à ce moment-là, ça aurait des effets
négatifs sur le coût des médicaments.
M. Lafontaine: Si on a la définition des produits
pharmaceutiques à l'intérieur de la pharmacie, je pense que
ça n'aura pas d'incidence.
M. Jolivet: Merci.
Mme Marois: Oui, M. Boisvert.
M. Boisvert: Si je peux ajouter un autre commentaire sur la
même question.
Le Président (M. Leclerc): M. Boisvert.
M. Boisvert: Les deux principaux déterminants du
coût des médicaments sont les honoraires professionnels, qui ne
sont pas affectés par la partie commerciale mais par les services
professionnels que rend le pharmacien, qui sont des honoraires
négociés, en tout cas en partie, avec la Régie de
l'assurance-maladie. Donc, cette négociation d'honoraires, qui couvre 40
% des honoraires versés au Québec, a un effet sur les honoraires
pour les patients non couverts par la Régie de l'assurance-maladie. Le
deuxième déterminant, c'est le prix du médicament, qui est
influencé principalement par le manufacturier et par les canaux de
distribution beaucoup plus que par le point de détail. Donc, si on
considère ces deux principaux déterminants dans l'économie
du médicament, si vous voulez, la thèse de la subvention du
laboratoire, qui est la partie la plus rentable de l'établissement par
le devant, qui est une partie, finalement, assez peu rentable où, en
tout cas, les marges de profit sont beaucoup moindres que sur les
médicaments, c'est une thèse qui a un peu de plomb dans l'aile
En
tout cas, c'est, selon nous, difficile d'établir d'une
façon précise cette corrélation que d'autres groupes ont
peut-être déjà proposée. Alors, il est peu probable,
à notre avis, que le fait de limiter les heures d'ouverture, voire de
sortir de la pharmacie certains de ces produits d'alimentation ou de
commodité générale, ait une influence majeure sur
l'économie du médicament. La grande surface, en pharmacie, c'est
beaucoup plus un outil concurrentiel qu'une façon de rentabiliser des
services professionnels.
Mme Marois: Les services pharmaceutiques.
Le Président (M. Leclerc): Bien M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Est-ce que vous pourriez
nous dire si vous avez des chiffres pour nous préciser l'apport,
justement, de la vente, le dimanche, de ce qui n'est pas pharmaceutique versus
ce qui est pharmaceutique? Est-ce qu'il s'en vend vraiment des produits qui ne
sont pas pharmaceutiques le dimanche? Est-ce qu'il s'en vend plus qu'il se vend
de produits pharmaceutiques?
M. Lafontaine: La seule façon que je puisse vous
répondre là-dessus, c'est de vous référer aux
autres qui vont venir ici parce qu'eux autres vont venir défendre un
commerce adjacent à la section professionnelle alors que nous, on n'a
absolument aucune juridiction. N'ayant aucune juridiction, vous comprendrez
avec moi qu'on n'est pas tellement portés à faire des
enquêtes économiques sur la partie commerciale.
M. Claveau: Je comprends bien, en tout cas...
Une voix: On est intéressés pour ça,
mais...
M. Lafontaine: On est intéressés, oui, mais on
attend beaucoup l'argumentation des gens qui sont là pour
défendre l'intérêt pécuniaire des pharmaciens.
Alors, vous avez l'Association québécoise des pharmaciens
propriétaires; c'est le syndicat. Vous avez des groupes aussi,
regroupés sous des bannières. Je pense que ces gens-là
auront probablement des chiffres à vous soumettre.
M. Claveau: Pour être propriétaire d'une pharmacie,
il faut être pharmacien? C'est ça?
M. Lafontaine: Oui.
M. Claveau: Est-ce que c'est vrai aussi pour toute la partie non
pharmaceutique à l'intérieur de la pharmacie?
M. Lafontaine: Pour la partie non phar- maceutique?
M. Claveau: Oui.
M. Lafontaine: N'importe qui peut en avoir.
M. Claveau: O.K. Ça veut dire que n'importe qui peut avoir
un commerce, une grande surface et réserver un espace à
l'intérieur qui, lui, soit la propriété d'un
pharmacien?
M. Lafontaine: Exact.
M. Boisvert: En fait, ce n'est pas l'espace...
M. Claveau: On pourrait retrouver des pharmacies à
l'intérieur d'un Provigo, par exemple?
M. Lafontaine: Oui. Provigo pourrait dire: J'ai un local ici, un
espace de 1500 pieds carrés et j'offre ça à un pharmacien.
Moi, je dis à ce pharmacien: II rentre 6000 personnes par jour ici, mais
tu vends uniquement des produits pharmaceutiques.
M. Claveau: Mais, dans un cas semblable, est-ce que ça
veut dire que, selon le fonctionnement qu'on connaît actuellement,
ça pourrait permettre à Provigo de vendre n'importe quoi?
M. Lafontaine: À l'extérieur...
Mme Marois: Ce ne serait pas Provigo. On s'entend bien que ce ne
serait pas Provigo à ce moment-là, ce serait le pharmacien. Le
pharmacien vendrait les produits pharmaceutiques et Provigo vendrait ses...
M. Lafontaine: À l'intérieur de ses murs, bien
délimités, parce qu'il va être obligé de suivre tous
nos règlements.
M. Claveau: À l'inverse, ça signifie donc, si
Provigo avait une pharmacie à l'intérieur, qu'il ne pourrait pas
vendre ses produits pharmaceutiques, même s'il utilise les mêmes
caisses et les mêmes portes d'entrée?
M. Lafontaine: Non, non, il faudrait qu'il utilise une
comptabilité différente et puis...
M. Boisvert: Légalement, ce sont deux entités
distinctes, et l'Ordre fait enquête dans certains cas sur la
propriété des pharmacies.
M. Claveau: Aujourd'hui, quand vous allez dans une pharmacie et
que vous achetez, je ne sais pas, des couches, comme on disait tout à
l'heure, ou un paquet de cigarettes, vous passez
à la même caisse que si vous allez vous acheter des pilules
pour dormir.
M. Boisvert: La loi prévoit, le même
règlement prévoit que si la transaction a lieu dans la partie
professionnelle, le paiement de cette transaction peut avoir lieu dans un autre
lieu. C'était un ajustement que le législateur a voulu dans les
années soixante-dix pour, justement, s'ajuster au type de pharmacies
à grande surface qui commençaient à exister à ce
moment-là.
Le Président (M. Leclerc): Je m'excuse, M. le
député d'Ungava, on en est, à ce moment-ci, à la
conclusion de Mme la députée.
Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. Lafontaine et M.
Boisvert, de votre contribution à nos travaux. C'est un autre point de
vue, un autre angle vu par des professionnels plus de l'ordre de l'intervention
directement auprès du public, en termes de conseillers, d'aide et
d'aidants aussi, parce que le pharmacien est un aidant. Et je comprends que
vous, vous dites: Ce service-là est essentiel; nous sommes prêts
à l'assumer 24 heures par jour s'il le faut et nous n'avons pas besoin,
pour le faire, de vendre à côté d'autres types de produits
qui sortent de nos juridictions. Je vous remercie.
Le Président (M. Leclerc): Bien. M. le ministre, en
conclusion.
M. Tremblay (Outremont): Alors, M. Lafontaine et M. Boisvert, je
vous remercie beaucoup. Je réalise honnêtement que votre travail
n'est pas facile, surtout qu'en 1984 le législateur a cru bon d'amender
la Loi sur les heures d'affaires pour permettre à un certain nombre de
pharmacies d'ouvrir dans un contexte qui ne semble pas répondre à
vos demandes d'aujourd'hui. Ce que je vais essayer de faire, c'est de prendre
en considération toutes vos remarques dans la solution que nous allons
trouver et, également, je vais remettre au ministre responsable de
l'application des lois professionnelles une copie de votre mémoire,
parce que, si je comprends bien, on n'a pas encore répondu à
votre demande concernant des modifications que vous voulez avoir. Est-ce que
j'ai bien compris? On ne vous a pas répondu. En d'autres mots,
même si ça a été publié dans la Gazette
officielle du Québec, vous n'avez jamais reçu un écrit
du ministre explicitant la raison pour laquelle il ne mettait pas en
application ce règlement-là. C'est ça que vous me
dites?
Une voix: C'est exact.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je vais remettre ce
mémoire au ministre et lui demander de vous répondre.
Le Président (M. Leclerc): Merci. M. le ministre.
Mme Marois: Un peu à la demande, comme je le faisais tout
à l'heure, vous informerez les membres de la commission. Merci.
Le Président (M. Leclerc): Bien. M. Lafontaine et M.
Boisvert, au nom de la commission, je vous remercie et je vous souhaite un bon
retour à la maison.
Nous suspendons une minute, question de permettre à la
Fédération des coopératives québécoises en
milieu scolaire de se joindre à nous.
(Suspension de la séance à 15 h 51 )
(Reprise à 15 h 53)
Le Président (M. Leclerc): La commisson de
l'économie et du travail reprend ses travaux pour entendre la
Fédération des coopératives québécoises en
milieu scolaire. Je demanderais donc au président de la
Fédération de nous présenter les gens qui l'accompagnent.
Vous avez une vingtaine de minutes pour nous faire part de votre mémoire
et, ensuite, il y aura une période de questions des deux
côtés.
Fédération des coopératives
québécoises en milieu scolaire
M. Ross (Pierre): Bonjour. Mon nom est Pierre Ross. Je suis
président de la Fédération des coopératives
québécoises en milieu scolaire. Je vous présente, à
ma gauche, Mme Pierrette Couillard, qui est directrice générale
de la coop à Rivière-du-Loup; à ma droite, M. Marcel
Pichette, directeur général de la Fédération des
coopératives québécoises en milieu scolaire; et,
complètement a ma droite, M. Claude Simard, qui est directeur
général de la coopérative HEC. Pour commencer, je vais
vous lire...
Le Président (M. Leclerc): Si vous me permettez. Compte
tenu du fait que vous êtes quatre, s'il vous était possible de
vous nommer en prenant la parole ou en répondant aux questions,
ça aiderait les personnes qui ont la lourde tâche de transcrire
les débats.
M. Ross: D'accord, merci. Pour commencer, je vais lire notre
mémoire. Introduction. Les coopératives sont des
réalités économiques et sociales de première
importance en milieu scolaire. Elles répondent à des besoins
d'approvisionnement en biens et services des étudiants.
Constituées en vertu de la Loi sur les coopératives, elles sont
à but non lucratif et sont dirigées et contrôlées
par des étudiants. Ces entreprises efficaces oeuvrent en milieu
scolaire
depuis 45 ans. Elles font partie intégrante de la vie
scolaire.
Depuis 1983, les coopératives se sont dotées d'une
Fédération apte à les représenter et coordonner un
développement harmonieux et efficace de la coopération en milieu
scolaire. De par sa représentativité, la Fédération
devient un interlocuteur privilégié pour défendre les
intérêts des coopératives oeuvrant en milieu scolaire.
Voici quelques données consolidées du réseau: 380 000
membres, 30 000 000 $ de chiffre d'affaires, 4 000 000 $ d'escomptes à
l'achat, 368 employés dont 156 employés à temps partiel,
500 étudiants siégeant aux conseils d'administration.
La Fédération présente à la commission
chargée de revoir en profondeur la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux le présent mémoire qui fait
ressortir les deux grands points suivants: premièrement, la position des
coopératives en milieu scolaire et, deuxièmement, les
orientations souhaitées par les coopératives oeuvrant en milieu
scolaire.
Premièrement, la position des coopératives en milieu
scolaire. Une coopérative en milieu scolaire, un service essentiel et
non concurrentiel. Les coopératives en milieu scolaire sont
généralement constituées pour les fins suivantes:
permettre à un groupe de personnes de s'initier et de s'impliquer
directement dans l'exploitation d'une entreprise commerciale; satisfaire les
besoins des étudiants en leur offrant toute la gamme des produits et des
services dont ils ont besoin tout au cours de leur formation, et ce, à
un prix de 20 % à 25 % inférieur au prix du marché
extérieur; soutenir la diffusion de ce type d'entreprise
coopérative qui favorise l'éveil de T'entrepreneurship"
auprès de ces étudiants qui feront nos dirigeants de demain;
promouvoir la participation du coopératisme qui permet de
développer des entreprises à contrôle exclusivement
québécois, non aliénable, et qui occupe une place
prédominante dans le soutien et la création d'emplois.
Les coops sont, en 1990, des entreprises efficaces qui appartiennent aux
étudiants. Elles opèrent dans un environnement très
réglementé et s'adressent à une population définie.
Elles ne concurrencent donc aucunement les commerces du même genre qui
opèrent sur un marché libre. Les coopératives doivent, de
plus, exécuter des mandats très spécifiques afin de
satisfaire les étudiants. Le gouvernement du Québec leur a
d'ailleurs confié récemment le mandat de gérer le
programme de prêt étudiant pour l'achat d'un micro-ordinateur.
Deuxièmement, un besoin réel pour les étudiants.
Les institutions d'enseignement sont un service à la collectivité
où se déroule un ensemble d'activités. Les
coopératives en milieu scolaire sont le prolongement de ces services
à la collectivité car elles fournissent le matériel
nécessaire à la réalisation de ces mêmes
activités.
Dans la presque totalité des institutions, ce sont les
coopératives qui vendent les notes de cours ou autres articles
spécialisés utilisés à l'apprentissage. Restreindre
l'ouverture des coopératives à des heures spécifiques,
c'est empêcher la clientèle étudiante incluant les adultes
de se procurer sur les lieux mêmes de l'activité
pédagogique le matériel indispensable à la
réalisation de leurs études.
L'étudiant d'aujourd'hui est à l'étude tous les
jours de la semaine. Ses cours sont dispensés suivant un horaire de plus
en plus étendu. L'étudiant qui suit des cours le soir, pour sa
part, ne pourrait se procurer ce qu'il a besoin durant ses heures de travail si
la coopérative ne lui rendait pas ce service accessible. Un aussi grand
nombre de personnes ne peuvent être privées de ces services
essentiels.
Le législateur avait d'ailleurs déjà reconnu ces
faits, parce qu'il avait convenu d'exclure les coopératives en milieu
scolaire de l'application de la présente Loi sur les heures d'affaires
des établissements commerciaux.
Troisièmement, le maintien de la qualité de vie des
employés. Les travailleurs du secteur des coopératives oeuvrant
en milieu scolaire représentent un groupe concerné par le fait
que les coopératives n'aient pas à respecter les directives
décrites dans la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux.
Toutefois, l'élargissement des heures d'ouverture n'affecte pas
les employés réguliers du réseau, car la très
grande partie du travail exigé en dehors des heures normales
d'exploitation est exécutée par des employés à
temps partiel, majoritairement des étudiants. Leur présence est
parfois nécessaire pour assurer un bon fonctionnement des
opérations, mais leur implication se fait généralement sur
une base libre et volontaire. Les attributions de travail se font donc assez
harmonieusement au niveau des employés. Les employés
réguliers n'y perdent aucun privilège et les travailleurs
occasionnels y trouvent, pour leur part, des avantages financiers
recherchés.
Les données consolidées du réseau de la
Fédération des coopératives québécoises en
milieu scolaire, en 1989, démontrent bien la place importante
qu'occupent les employés à temps partiel dans l'opération
des coopératives. Plus de 42 % des employés du réseau
travaillent à temps partiel. La grande majorité de ceux-ci sont
des étudiants qui bénéficient de revenus d'emploi par le
fait que les coopératives opèrent à des heures qui
conviennent à leur disponibilité.
Les orientations souhaitées par les coopératives oeuvrant
en milieu scolaire. Les recommandations. Dans ce présent mémoire,
la Fédération requiert pour ses affiliés les droits qui
leur ont toujours été consentis. D'ailleurs, à notre
connaissance, l'exemption accordée aux coopératives en milieu
scolaire par la présente loi n'a jamais fait l'objet d'une plainte
quelconque.
Finalement, les heures d'opération suivies par les
coopératives en milieu scolaire font consensus parmi les principaux
intéressés: les étudiants, les employés, les
professeurs et les institutions.
C'est pourquoi la Fédération souhaite que la
présente commission prenne en considération les points suivants
lors de l'élaboration des recommandations touchant la nouvelle
législation sur la loi sur les heures d'affaires.
Premièrement, avoir des heures d'opération qui
répondent aux besoins des étudiants et des institutions, tous les
soirs de la semaine. La coop doit suivre les heures d'enseignement
énoncées par le collège ou l'université. Elles sont
toutes distributrices exclusives de notes de cours prescrites par les
professeurs et mettent à la disposition des étudiants toutes les
fournitures spécialisées nécessaires en cours de
formation. Ce service doit être assuré autant pour les
étudiants dits réguliers que ceux suivant des cours à
l'extension de l'enseignement.
Deuxièmement, faire commerce le dimanche, car les
étudiants fréquentent de plus en plus les institutions
d'enseignement cette journée-là. La forte demande lors des
rentrées scolaires, l'organisation du temps - cours, étude et
travail - des étudiants d'aujourd'hui et l'obligation d'assurer des
services de dépannage minimums - fournitures alimentaires - pour une
catégorie d'usagers qui ne peuvent bénéficier autrement de
ces services essentiels obligent un nombre croissant de coopératives
à ouvrir le dimanche.
Troisièmement, opérer avec le nombre d'employés
requis, et ce, même en dehors des heures normales d'affaires. Les
coopératives ne peuvent opérer avec un nombre restreint
d'employés durant ou en dehors des heures d'affaires actuellement
fixées. Les services qui leur sont demandés par les institutions
d'enseignement - informatique, librairie, fournitures scolaires, arts
plastiques ou alimentation - ainsi que l'amplitude de l'achalandage lors des
rentrées scolaires obligent les coopératives à
opérer avec un nombre d'employés qui doivent être en mesure
d'assurer un service adéquat.
Je prendrais aussi un instant pour remercier la commission de nous avoir
invités à cette commission pour spécifier nos points.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions.
M. le ministre.
M. Tremblay (Outremorrt): Merci beaucoup pour votre
présentation, M. Ross. Juste des petites questions et, après
ça, une question fondamentale sur un des principes qu'on essaie de
traiter. D'abord, quelles sont vos heures d'ouverture?
M. Ross: De façon générale, dans le
réseau? M. Tremblay (Outremont): Oui.
M. Ross: Je pourrais dire peut-être de 8 heures à 21
heures, du lundi au Jeudi, de 8 heures à 18 heures,
peut-être...
Mme Marois: Je m'excuse, je n'ai pas compris. Vous avez dit de 8
heures à 21 heures?
M. Ross: Oui, de 8 heures à 21 heures, mais ça,
c'est surtout le milieu universitaire, que je vous dis. De façon
générale, c'est peut-être de 8 heures à 17
heures.
M. Tremblay (Outremont): Oui Une voix: Quelles
journées?
M. Ross: Du lundi au vendredi. Le milieu universitaire, ce peut
être ouvert de 8 heures à 21 heures, surtout le soir, à
cause du temps partiel et des cours donnés, justement, aux adultes.
Maintenant, plusieurs coopératives en milieu universitaire ouvrent
aussi, des fois, les fins de semaine. Comme nous, à
Trois-Rivières, on ouvre justement le samedi, de 9 heures à 14
heures.
M. Tremblay (Outremont): Et le dimanche?
M. Ross: Le dimanche, certaines coopératives sont ouvertes
aussi pour offrir le service.
M. Tremblay (Outremont): Combien de coopératives sur le
total?
M. Pichette (Marcel): II y a à peu près quatre
coopératives qui sont ouvertes le dimanche parce qu'elles
répondent à des besoins très très
spécifiques au point de vue alimentaire ou soutien en notes de cours
pour les institutions très spécialisées.
M. Tremblay (Outremont): Quatre sur combien?
M. Pichette: Sur 40.
M. Tremblay (Outremont): Est-ce que vous considérez que
c'est essentiel? En d'autres mots, si vous n'étiez pas, par exemple,
ouverts le dimanche, est-ce que les étudiants pourraient se procurer les
mêmes biens dans les heures normales d'ouverture?
M. Pichette: Je ne penserais pas qu'en rentrée scolaire,
les étudiants puissent se prévaloir... Parce qu'il faut
comprendre que tout le monde veut avoir ses informations, ses livres scolaires,
le plus rapidement possible.
M. Tremblay (Outremont): S'il y avait une exception pour les
rentrées scolaires - je pense que c'est un bon point - est-ce que vous
seriez
satisfaits?
M. Pichette: En dehors de ça, il faut comprendre aussi
qu'il y a des services qui ne se font pas juste exclusivement au niveau
scolaire, au niveau des fournitures scolaires. Il y a des services aussi du
secteur alimentaire, cafétéria, où il existe des
résidents. Et ces résidents-là n'ont pas le choix. Si on
prend un froid d'ours polaire comme hier, les gens aiment bien aller assez
près pour pouvoir s'approvisionner de services.
M. Tremblay (Outremont): Je vous pose ces questions-là
parce que le premier principe qu'on va essayer d'établir, sur lequel
s'entendre, c'est l'équité. On commence à avoir
différents intervenants ou commerçants qui se plaignent de la
vente, par exemple, d'articles de sport, de la vente d'articles qui sont
vendus, par exemple, chez Pilon, hors les heures normales d'ouverture. Alors,
c'est une concurrence qui fait qu'on a de la demande, par exemple, de Pilon ou
encore des magasins de sports... lis disent: Nous autres, vous nous
empêchez d'ouvrir et, par contre, au niveau des coopératives,
elles ont le droit. L'inéquité. Qu'est-ce qu'on pourrait faire?
Vous me dites: Le dimanche, il y en a quatre sur 40 d'ouverts. Le samedi, vous
êtes ouverts de 9 heures à 14 heures. Si vous aviez votre
exception pour répondre aux besoins essentiels de votre
clientèle, sans concurrencer, par exemple, dans les articles de sport ou
d'autres articles qui ne peuvent être vendus hors des heures normales
d'ouverture, est-ce que ça vous causerait un problème?
M. Pichette: Actuellement, disons que, si j'avais à vous
répondre aujourd'hui pour demain, j'aurais tendance à vous dire
oui sur le premier point, c'est-à-dire peut-être que, si on
limitait les ouvertures pour certaines périodes, c'est-à-dire
qu'on ouvrirait pour certaines périodes et après ça on
limiterait... Sauf qu'il faut penser, peut-être à moyen terme. On
connaît l'existence de la présente loi qui a déjà
une dizaine d'années au moins. Le monde de l'éducation
évolue, change. Les besoins sont différents. Le retour scolaire
se fait de façon différente. Aujourd'hui ce sont des travailleurs
qui retournent à l'école, à des heures bien en dehors de
celles qu'on est habitués de connaître. Ça nous chambarde
un petit peu. La pression vient de ces mêmes étudiants-là.
Et la pression vient aussi des institutions qui nous demandent de les
supporter. Et tantôt, il arrive un travail spécial. Bien, je veux
dire, c'est bien sûr qu'il arrive un travail spécial et qu'ils ont
besoin de matériel, mais ils veulent l'avoir tout de suite. Ou
tantôt, même, il faut ouvrir le dimanche. J'ai dit tantôt
qu'il y en a quatre qui ouvrent. Il y en a plus que ça parce que, s'il
arrive quoi que ce soit, une fête, une activité spéciale,
ou un Salon du livre ou n'im- porte quoi, à ce moment-là, ils
nous demandent que les coopératives soient ouvertes. Parce qu'on est un
petit peu pris dans un secteur fermé. On ne va pas sur la libre
concurrence non plus.
M. Tremblay (Outremont): Donc, si je résume ce que vous me
dites, M. Pichette, c'est que vous êtes très sensible aux besoins
réels des consommateurs. Donc, est-ce que je peux en conclure que vous
n'auriez pas d'objection à ce que d'autres, qui vendent les mêmes
produits que vous le dimanche, soient ouverts?
M. Pichette: Absolument pas. Je pense que, sincèrement, si
ça répond à un besoin... Nous, on répond
réellement, spécifiquement, à un besoin parce qu'on est
privilégiés. On a des choses qu'on est les seuls à vendre
et que les institutions nous recommandent de vendre dans un délai
prescrit ou encore de mettre en disponibilité durant une période.
Mais en dehors de ça...
M. Tremblay (Outremont): Je comprends, M. Pichette, mais je ne
faisais pas allusion à ça et je pense que j'y suis très
sympathique. Dans le fond, c'est votre mission fondamentale. Mais comme tout
bon commerçant...
M. Pichette: Oui.
M. Tremblay (Outremont): ...les coopératives sont de plus
en plus commerçantes...
M. Pichette: Elles sont commerçantes.
M. Tremblay (Outremont): ...vous avez élargi - c'est
là qu'est le problème de l'équité - votre
éventail de produits pour maintenant vendre des produits qui ne peuvent
être vendus par d'autres commerçants hors les heures d'ouverture.
C'est ça, le point que j'essaie de faire.
M. Pichette: En tout cas...
M. Tremblay (Outremont): C'est pour ça que je vous
demandais si vous seriez prêts, pour maintenir votre statut, à
dire: On va vendre ce qui est réellement essentiel, ce que vous avez
énuméré et ne pas vendre, hors les heures d'ouverture, ce
que d'autres n'ont pas le droit de vendre?
M. Pichette: Oui, je dois dire. Je regarde au niveau de nos
statistiques, notre activité principalement au niveau de la librairie,
de l'informatique, de la cafétéria et du dépanneur. En
dehors de ça, je pense qu'il y a des secteurs qu'on ne touche
pratiquement pas. La preuve, c'est qu'ils ne sont même pas à
l'intérieur de nos regroupements statistiques. Je pense que c'est tout
de même une activité secondaire. Notre principale activité
est au niveau de la librairie.
M. Tremblay (Outremont): J'aurais peut-être juste une
dernière question. Les étudiants, et je pense que c'est
très louable des étudiants à temps partiel... Est-ce que
vous avez de la misère à recruter des étudiants à
temps partiel pour travailler le dimanche?
M. Pichette: Je peux laisser ça à notre
gestionnaire, M. Simard, du HEC.
M. Simard (Claude): Si on parle de la coopérative HEC, on
a 30 employés à temps plein et à peu près cinq ou
six étudiants à temps partiel. Il est clair qu'on va utiliser ces
étudiants-là le dimanche et le samedi pour assurer un service
qu'on pourrait appeler essentiel. Alors, c'est assez facile, parmi à peu
près 2000 temps plein et 10 000 étudiants au HEC, au total, de
recruter six personnes de façon régulière. Ce n'est pas un
problème.
M. Tremblay (Outremont): Donc, vos étudiants à
temps plein travaillent le dimanche?
M. Simard: Nos étudiants à temps plein?
M. Tremblay (Outremont): Vos employés, excusez. Les
employés à temps plein travaillent le dimanche?
M. Simard: Certains pour assurer la permanence. Il ne faut quand
même pas oublier que c'est un commerce, comme tout le monde, sauf qu'il y
a des étudiants à temps partiel qui sont en majorité le
dimanche...
M. Tremblay (Outremont): O.K.
M. Simard: ...juste pour le service essentiel.
M. Tremblay (Outremont): Ma dernière question. Est-ce
qu'ils sont malheureux de travailler le dimanche et est-ce que vous leur payez
une prime pour travailler le dimanche?
M. Simard: Ils sont très heureux, mais on ne paie pas de
prime.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoît: Quand vous mentionnez qu'il y a 380 000 membres
dans votre association, pour-riez-vous me décrire... Est-ce que ma fille
qui va dans un collège où il y a un de ces magasins-là,
est automatiquement membre?
M. Pichette: Non, elle n'est pas automatiquement membre. C'est
une coopérative, c'est une adhésion libre et volontaire. Pour
devenir membre, il faut qu'elle souscrive une part sociale à
l'intérieur de sa coopérative dans son collège.
M. Benoit: Deuxième question. Nous avons eu un professeur
des HEC ce matin qui finissait son mémoire en nous disant que les
universités étaient ouvertes à la semaine longue et que
c'était bien qu'il en soit ainsi. Quel est le pourcentage, dans ces
magasins qui sont ouverts sur les campus en fin de semaine, de leur chiffre
d'affaires le dimanche et les soirs? Est-que vous êtes capables de nous
dire ça?
Une voix: Bien...
M. Benoit: Ici, est-ce qu'on parle des magasins... Je pense
à l'Université de Sherbrooke, où il y a un magasin de
sport, à l'Université de Montréal où il y a un
magasin d'informatique, est-ce que ces magasins-là font partie de votre
Fédération?
M. Pichette: Oui. Bien je veux dire, le magasin d'informatique
comme Sherbrooke, oui, fait partie de notre Fédération. Le
magasin de sport, si vous parlez du secteur sport, qui se retrouve à
l'intérieur du dépanneur, à Sherbrooke, oui, à ce
moment-là, c'est une coopérative regroupée chez nous. Le
niveau d'activités, écoutez, c'est sûr que c'est le soir
qui est principalement... Au niveau universitaire, on peut dire que la grande
majorité de l'année, même 50 % de l'activité est
aussi forte le soir que durant la journée au niveau commercial. La fin
de semaine, le dimanche, c'est sûr que c'est une activité
très très limitée, mais qui existe pareil.
M. Simard: Je voudrais juste rajouter quelque chose. Le dimanche,
en tout cas, pour le HEC, ça devient quasiment essentiel depuis peu
parce que vous avez quand même des activités de plus en plus
importantes le dimanche. Que ce soit au niveau social, que ce soit au niveau
des activités de recherche, la bibliothèque est ouverte. Le
service informatique, il y a des gens qui sont là. Il y a un peu
d'employés de l'école qui sont là, plus les
étudiants qui sont de plus en plus à la bibliothèque, et
ainsi de suite. Donc, ça devient quasiment des services essentiels. De
plus en plus, vous avez des examens le dimanche, dans notre cas. Donc, on ouvre
le dimanche et on ouvre le comptoir alimentaire parce que vous vous retrouvez
avec du monde, peut-être 5000 personnes. Alors, ça devient un
marché très restreint à l'intérieur même
d'une boîte. C'est un petit monde, si on veut.
M. Benoît: Est-ce que je peux poser une autre question, M.
le Président?
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. M. le
député.
M. Benoit: Je reviens au "membership". C'est énorme un
"membership" de 380 000 personnes. Le PQ n'a pas ça, nous non plus, et
Dieu sait qu'on travaille bien fort pour en arriver à ça. Est-ce
que c'est un "membership" à vie ou si on doit renouveler tous les
ans?
M. Pichette: C'est un "membership" à vie. Je veux dire: Le
principe de la coopérative, c'est une part sociale. Tant que vous n'en
demandez pas le rachat, vous êtes membre de la coopérative.
M. Benoît: Très bien. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Drummond.
M. Saint-Roch: Dans votre mémoire, à la page 8,
vous dites: "Faire commerce le dimanche, quand les étudiants
fréquentent de plus en plus les institutions d'enseignement cette
journée-là." Vous en avez brossé un tableau très
léger. Seriez-vous capable de brosser un tableau, si je regardais cinq
ans en arrière, de vos pronostics des cinq prochaines années?
Quelle serait, d'après vous, l'évolution de la
fréquentation des étudiants le dimanche, soit au niveau
cégep ou au niveau universitaire? (16 h 15)
M. Simard: Dans notre cas, c'est une question d'espace. Toutes
les universités ont des problèmes d'espace. Alors, de plus en
plus, la direction universitaire va déborder le samedi, puis elle va
déborder le dimanche. Le dimanche, là, ce sont les examens; dans
cinq ans, il n'est pas dit que ça ne sera pas des cours. Je ne le sais
pas, je ne voudrais pas m'avancer là-dessus. Peut-être que le
ministre de l'Éducation serait plus en mesure de le dire que moi. Mais
il reste qu'un des problèmes fondamentaux, je pense, c'est l'espace des
universités dans notre cas. On essaie de les régler d'une autre
façon - ça, ce sont les directions - mais, à cause de
ça, principalement, vous avez un débordement. Les fins de
semaine, c'est énorme comme débordement, aujourd'hui. Dans cinq
ans, ça peut être encore plus.
M. Saint-Roch: Vous n'avez pas de provisions de faites au niveau
de l'accroissement du chiffre des affaires ou de la fréquentation?
M. Simard: Malheureusement, non. Ah! du chiffre d'affaires,
ça, j'en ai beaucoup, mais de l'accroissement de l'activité ou de
l'achalandage le dimanche, non, on n'a jamais... On prévoit, oui.
M. Saint-Roch: Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford, vous avez une autre question?
M. Benoît: Je reviens sur le "membership". Quel est le
pourcentage de ce "membership" qui est actif? Là, je viens de comprendre
ce qu'était un membre, c'est une part sociale. Quel est le pourcentage
qui est actif? Évidemment qu'il n'y en a pas 380 000. Si on peut garder
cette part-là à vie... Une fois qu'on n'est plus étudiant,
on peut demeurer membre de votre association?
Une voix: Oui, c'est ça.
M. Benoît: Alors, quel est le pourcentage qui est
actif.
M. Pichette: II faut faire attention, là. Ça ne
veut pas dire que, parce qu'un membre n'est plus étudiant, il n'est plus
membre chez nous, là. O.K.?
M. Benoit: II demeure membre, mais peu actif, possiblement.
M. Pichette: II peut devenir membre et peu actif, mais il peut
être aussi encore membre et actif, même s'il n'est plus
étudiant.
NI. Benoît: Exact.
M. Pichette: C'est sûr que je sais bien que quand on va en
face de Côte-des-Neiges, il y en a plusieurs qui sont rendus de l'autre
bord de la rue dans le grand cimetière, peut-être, là, mais
ce n'est pas si astronomique que ça.
M. Benoît: Ils sont moins actifs.
M. Pichette: Ce n'est pas si astronomique que ça. Je pense
qu'on peut dire qu'on regroupe facilement 95 % de la population
étudiante au niveau collégial et universitaire, au niveau
coopérative dans nos institutions.
M. Benoît: Mais pour acheter chez vous, il faut être
membre?
M. Pichette: Non, pas nécessairement.
M. Benoit: O.K. Alors, la propriété appartient aux
membres, mais n'importe qui peut acheter dans vos magasins?
M. Pichette: Oui, sauf qu'il y a des avantages, comme on pariait,
de retour, d'escompte à l'achat, normalement, qui sont attribués
aux membres directement. C'est notre manière de redistribuer les
excédents.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Acadie. Il reste trois minutes.
M. Bordeleau: Vous avez mentionné un peu tout à
l'heure, l'évolution, au niveau univer-
sitaire, au niveau de l'utilisation des locaux le samedi et les fins de
semaine à des fins d'examens. Ça, actuellement, je pense que
c'est rendu une pratique assez courante dans les universités, à
Montréal à tout le moins. Maintenant, on a passé
rapidement sur la question des cégeps, et je me demande - en fait, c'est
peut-être un peu connexe, parallèle à votre activité
- si, au niveau des cégeps, il y a un développement semblable,
c'est-à-dire une utilisation des locaux ou des cours les fins de semaine
ou des examens les fins de semaine? C'est une première partie de la
question.
L'autre partie qui m'intéresserait et sur laquelle j'aimerais
avoir des commentaires, c'est relié à l'éducation des
adultes. Je pense, par exemple, à la faculté de
l'éducation permanente à l'Université de Montréal,
puis sûrement à des facultés semblables ailleurs. Dans la
mesure où les adultes vont retourner de plus en plus à
l'université pour avoir des nouvelles formations ou des formations
complémentaires, quel va être l'impact de ça ou quel en est
l'impact actuellement? Est-ce qu'il y a une tendance à ce que ça
soit en croissance? Quelles conséquences ça pourrait avoir, par
exemple, sur le genre d'activités que vous avez? Alors, première
question, au niveau des cégeps, qu'est-ce que vous observez à ce
niveau-là, et comment vous fonctionnez, par rapport à ce qui se
passe présentement? Et vos commentaires par rapport à votre
rôle, relativement à l'éducation permanente, avec le
croissance du nombre d'adultes?
M. Pichette: Au niveau des cégeps, on a une
représentante des cégeps.
Mme Couillard (Pierrette): Au niveau du cégep, pour nous
autres, il y a six ou sept ans, l'ouverture a été demandée
par un besoin des membres qui étaient en résidence. Maintenant,
c'est un besoin des gens qui sont à l'éducation aux adultes, puis
c'est un besoin qui est grandissant. En tout cas, l'année passée
et cette année, ce n'est pas comparable, la hausse. Il y a beaucoup plus
de livres qui se vendent le soir, il y a plus de cours. Nous autres,
l'éducation aux adultes, au cégep de Rivière-du-Loup,
ça augmente toujours. Ce sont des gens aussi en région, qui
viennent suivre des cours au cégep. Si ça va déborder le
samedi et le dimanche, ça commence à se faire, mais je ne suis
pas à l'éducation aux adultes pour dire exactement,
comparativement, pour ce qui est des locaux, mais ça s'en vient vers
ça tranquillement. En tout cas, c'est une demande des membres puis du
cégep, qu'on soit ouvert.
Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps des
ministériels étant écoulé, je cède la parole
à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la
bienvenue. Vous disiez: quatre coopératives ouvertes sur 40 le dimanche.
Pour les autres, essentiellement, c'est la semaine et le soir, si j'ai bien
compris votre intervention tout à l'heure. Où sont-elles
situées? Dans les universités, dans les cégeps? À
quel endroit?
M. Pichette: Nos membres sont exclusivement...
Mme Marois: Je parle des quatre qui ouvrent le dimanche.
M. Pichette: Les quatre, vous en avez une au niveau
collégial et trois au niveau universitaire.
Mme Marois: D'accord. Dans la région de Montréal?
Dans la région de Québec? À quel endroit?
M. Pichette: II y en a une à Rivière-du-Loup, il y
en a une à l'Université Laval, il y en a une à
l'Université de Sherbrooke et il y en a une aux HEC.
Mme Marois: D'accord. Elles ouvrent à ce moment-là
à des heures bien précises le dimanche ou...
M. Pichette: II y en a qui sont ouvertes toute la journée
et il y en a d'autres qui sont ouvertes à des heures limitées.
À Rivière-du-Loup, c'est une couple d'heures le dimanche. Aux
HEC, c'est de 9 heures à 14 heures.
M. Simard: De midi à 17 heures.
Mme Marois: D'accord. Vous disiez que vous aviez beaucoup de
données sur vos chiffres d'affaires. Non?
Une voix: Allez-y, allez-y!
Mme Marois: Sur les produits que vous vendez. On va commencer par
poser la question avant de présumer de la réponse.
M. Simard: Je m'excuse, je n'ai pas compris la question.
Mme Marois: Sur les produits que vous vendez dans les
coopératives. Vous vendez des notes de cours, vous vendez des livres,
vous vendez des produits de sport, de l'équipement informatique, vous
vendez des produits alimentaires dans certains cas. Excluons l'aspect
cafétéria, parce que c'est de la restauration, c'est d'un autre
ordre. Quel est, pour le reste, la proportion de chacun de ces
éléments-là dans vos chiffres d'affaires?
M. Simard: Très bonne question, M. le
ministre...
Mme Marois: Éventuellement.
M. Simard: Je vais faire appel à ma mémoire. Mme la
ministre, je me suis trompé.
Mme Marois: Mme la députée. M. Simard: La
députée.
Mme Marois: Ministre, éventuellement, si ça se
passe.
M. Pichette: Pendant que mon confrère compile...
Mme Marois: Pas seulement l'espoir, j'ai d'autres raisons.
M. Pichette: Je peux vous donner globalement pour le
réseau. Au niveau de la librairie, c'est 74,7 %.
Mme Marois: D'accord. 74,7 %.
M. Pichette: Oui. L'informatique, c'est 13,0 % et le
dépanneur, 5,6 %.
Mme Marois: 5,6 % de dépannage. Quand vous dites
dépannage, est-ce que vous incluez des trucs comme des crayons, des
articles de papeterie?
M. Pichette: La papeterie irait plus au secteur de la librairie.
La librairie, c'est la fourniture scolaire et le livre scolaire...
Mme Marois: Les notes de cours....
M. Pichette: Les notes de cours, c'est ça.
Mme Marois: Et tout le reste. Donc, 5,6 % constituent des
produits alimentaires?
M. Pichette: Alimentaires.
Mme Marois: D'accord. J'imagine que si on ne se les procurait pas
chez vous, on pourrait se les procurer chez un dépanneur?
M. Pichette: Je présume. Si quelqu'un a faim, il va
sûrement trouver le moyen de manger.
Mme Marois: Parce que ça reste pour vous un très
petit volume, tout compte fait? J'imagine que ce ne sont pas toutes les coops
qui ont ce rayon-là?
M. Pichette: Non, ce ne sont pas toutes les coopératives
qui ont le rayon alimentaire, effectivement. Disons que la grande
majorité de notre activité est le libraire: fourniture scolaire
et librairie.
Mme Marois: Qui est déjà prévu comme
exception, de toute façon, à la loi quant aux heures
d'ouverture?
M. Pichette: Qui l'est et qu'on ne veut pas perdre comme acquis,
exactement.
Mme Marois: Oui. C'est vrai qu'il y a des pressions quant
à l'ouverture d'un plus grand nombre d'heures et aussi pour les
institutions scolaires compte tenu évidemment de la rareté des
locaux dans certains cas et des actifs qui sont très coûteux quand
on veut réinvestir, mais je n'avais pas l'impression que ça
débordait beaucoup le dimanche. J'aimerais qu'on clarifie un petit peu
ça. Dans combien d'institutions actuellement y a-t-il des
activités de type cours, distribution de cours?
M. Pichette: Le dimanche?
Mme Marois: Distribution de cours? Des gens qui viennent
travailler à la bibliothèque, c'est une chose, des gens qui
viennent faire de la recherche parce qu'ils choisissent de le faire ce
jour-là plutôt qu'un autre jour, c'est une autre chose. Mais des
cours un peu organisés, systématiques? Dans combien
d'institutions? Évidemment, je ne vous parle pas de tout le
réseau. Vous avez une quarantaine de coopératives qui sont
distribuées - donc, j'imagine que dans une quarantaine d'institutions ou
mettons une trentaine puisque certaines institutions peut-être ont plus
d'une coopérative... Où ça se passe et est-ce que
ça se passe dans 5 % des institutions?
M. Pichette: Je serais bien embêté de
répondre à ça. C'est une information peut-être qui
relève des institutions d'enseignement. Tout ce qu'on sait, c'est que la
demande nous provient de ces institutions pour pouvoir répondre à
une demande d'étudiants ou de professeurs qu'on assure une certaine
disponibilité pour offrir certains produits ou du matériel. C'est
sûr que du côté universitaire, de plus en plus, on sent
qu'il y a un débordement vers le dimanche. Je peux vous dire ça,
mais je ne peux vous en dire beaucoup plus que ça à l'heure
actuelle. On voit la tendance. Tantôt, la question a été
posée: Le soir? Bien oui, c'est vrai, le soir. Statistiquement, je
serais bien embêté de vous mettre des chiffres, sauf qu'on sait
bien que, de plus en plus, il y a plus de gens qui vont à
l'éducation aux adultes. Donc, ces gens, à ce moment-là,
trouvent d'autres heures pour étudier, d'autres heures pour s'installer
à la bibliothèque et pour venir chercher leurs informations,
leurs livres et tout ça. C'est là qu'il faut nous
présenter pour être disponibles.
Mme Marois: Oui, parce que, quand on veut tirer la conclusion ou
établir un syllogisme en disant: On offre des services essentiels, ce
sont les notes de cours, c'est important d'être ouverts pendant de
longues heures, et qu'on constate que quatre coopératives sur 40 sont
ouvertes actuellement le dimanche, ça veut dire que c'est essentiel,
mais avec certaines limites puisque, dans le cas des 36 autres, on se contente
du reste de la semaine et que ça a l'air de répondre en partie
aux besoins.
M. Pichette: Par contre, il faut comprendre que, pour celles qui
sont ouvertes... Et j'imagine un complexe comme l'Université Laval
où il y a des résidences d'étudiants: quelqu'un arrive le
dimanche, vient pour s'installer dans son appartement et il n'y a rien à
manger; il fait -35° dehors, il n'a pas trop trop le goût de partir
et d'aller marcher jusqu'à la rue Myrand pour aller chercher ses
affaires. Il faut comprendre.
Je ne veux pas faire des cas d'exception, mais, ça demeure
pareil...
Mme Marois: D'accord, mais, à ce moment-là, vous
parlez d'un dépannage...
M. Pichette: Oui.
Mme Marois: ...qui pourrait répondre à des
règles de produits essentiels disponibles dans certains milieux.
M. Pichette: Effectivement, oui.
Mme Marois: D'accord. Donc, qui est d'un autre ordre que la
question des notes de cours ou des livres, de la fonction libraire.
M. Pichette: Oui. Elle est en fonction de la demande et la
demande, on sait qu'elle est concentrée à des périodes
spécifiques ou encore à des demandes qui nous sont
suggérées par des institutions.
Mme Marois: Quelle est la proportion de vos produits - ça
a été posé tout à l'heure comme question, mais sous
un autre angle - sportifs qui sont vendus dans vos coopératives? Vous ne
le savez pas.
M. Pichette: C'est très minime.
Mme Marois: C'est très minime. Donc, l'argument...
M. Pichette: Écoutez...
Mme Marois: ...que nous servent certains des vendeurs de produits
sportifs, selon lequel vous leur faites une concurrence, ne vaut pas, à
votre point de vue.
M. Pichette: Absolument pas. Absolument pas. Même que, des
fois, je pense que ça permet de les aider à écouler leurs
produits. Tantôt, certaines institutions recommandent tel ou tel produit,
recommandent telle marque, qu'ils peuvent retrouver ce produit-là chez
tel commerçant. Le commerçant vient nous voir et dit: Au lieu de
faire déplacer ton monde, accepterais-tu de le céder aux
étudiants moyennant un pourcentage? C'est très très
limité. Je suis un peu surpris que vous nous disiez ça parce que
je pense que c'est réellement...
Mme Marois: Non, mais ce sont des commentaires. Le ministre l'a
posé lui-même. Ce sont des commentaires qui nous sont faits.
M. Pichette: Oui, j'ai vu tantôt.
Mme Marois: Et, justement, c'est intéressant que vous nous
le disiez parce que, après ça, ça nous donne des...
M. Pichette: Ah!
Mme Marois: ...éléments d'information pour nous
permettre d'être capables d'en parler un peu plus correctement.
M. Pichette: Je peux vous dire qu'à long terme, on ne
pourra pas modifier nos informations statistiques pour inclure cette
section-là.
Mme Marois: D'accord. Ha, ha, ha!
M. Ross: En plus des produits sportifs, il faut spécifier
que les produits sportifs qu'on vend, c'est genre sac à dos ou encore
balle de ping-pong ou coton ouaté, chandail ouaté. Ce ne sont pas
des produits sportifs très spécialisés. Bref, ce que les
étudiants se mettent sur le dos pour aller à leur cours, de
façon générale.
Mme Marois: D'accord. Je vais poser une autre question qui est
sûrement... Peut-être que ça ne vous est pas arrivé
de la poser à vos travailleurs et à vos travailleuses, mais je
prends une chance de la poser. Vous avez une partie de vos employés qui
sont des gens à temps plein, qui travaillent donc selon des plages
horaires qui peuvent être dans la journée ou le soir, mais qui
sont des temps pleins. Vous dites: On offre de façon
préférentielle le travail à temps partiel aux
étudiants, si j'ai bien compris ce que vous avez dit. Vos travailleurs
et vos travailleuses à temps plein, est-ce que vous leur avez
déjà posé la question ou demandé de répartir
leur temps de travail autrement et de travailler, par exemple, le dimanche ou
les fins de semaine?
M. Pichette: Je vais laisser ça au...
M. Simard: Actuellement, chez nous, il y a
des horaires de travail pour des employés permanents à
temps plein qui vont travailler avec des temps partiels étudiants dont
l'horaire sera du mercredi au dimanche. Actuellement, ça existe.
Mme Marois: Oui, est-ce...
M. Simard: II y a autre chose qui est compensatoire face à
ça, mais ça, c'est...
Mme Marois: Pardon?
M. Simard: II y a peut-être autre chose qui est
compensatoire, je ne sais pas, à un moment donné...
Mme Marois: C'est quoi, les compensations?
M. Simard: C'est peut-être un horaire de travail qui est
variable, du mercredi au dimanche. Après ça, dans six mois,
ça peut être différent pour l'individu, mais il reste qu'il
y a toujours un poste de travail qui est ouvert du mercredi au dimanche pour
les besoins, pour répondre à la demande strictement...
Mme Marois: Oui, d'accord.
M. Simard: ...qui est un poste à temps plein.
Mme Marois: Quelle est la moyenne d'âge de vos travailleurs
et de vos travailleuses? (16 h 30)
M. Simard: Je dirai, sous toutes réserves, 30.
Mme Marois: Et leur statut familial. M. Simard: Bien.
Mme Marois: Je n'en doute pas une seconde, mais vous n'avez pas
répondu à ma question.
M. Simard: Pardon?
Mme Marois: Je n'en doute pas une seconde, mais vous n'avez pas
répondu à ma question.
M. Simard: Leur statut familial.
Mme Marois: Leur statut civil. Est-ce qu'ils ont des enfants?
Est-ce qu'ils ont des familles?
M. Simard: La plupart sont célibataires.
Mme Marois: La plupart sont...
M. Simard: La plupart sont célibataires.
Mme Marois: D'accord. Ce qui peut être bien aussi.
M. Simard: Oui, c'est très bien. Mme Marois:
D'accord.
M. Pichette: Non, malheureusement, on n'a pas de statistiques
à cet effet.
Mme Marois: Non, d'accord, mais vous pensez à une
impression qui vous reste de la gestion générale de votre
personnel, c'est...
M. Simard: Célibataire.
Mme Marois: ...célibataire davantage.
Une voix: Hommes ou femmes.
Mme Marois: J'ai terminé, M. le Président. Je crois
qu'il y a...
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Oui, très rapidement. Vous avez dit tout
à l'heure...
Une voix: Excusez, excusez.
M. Claveau: ...et je cite: On ne va pas sur la libre concurrence
en disant; nous, on a un marché restreint. Bon, on s'adresse à
une clientèle très spécifique. Par contre, à des
questions qui vous ont été posées par la suite sur les 380
000 membres que vous avez, vous avez dit: II ne faut pas nécessairement
être étudiant. Il ne faut pas nécessairement
fréquenter une institution ou si on est membre, on peut être
membre à vie, etc., si j'ai bien compris. Moi, je vais vous dire que je
suis un peu surpris de la tournure de ça, dans la mesure où je
pensais que les coopératives, en milieu scolaire, ça s'adressait
spécifiquement à une clientèle étudiante, par
rapport et spécifiquement à des produits qui sont liés au
monde de l'éducation.
Quoi que vous en dites, j'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus quand vous dites que vous n'êtes pas sur la libre
concurrence. Toutes les fois que vous vendez un crayon, c'est un crayon de
moins pour une librairie ou une pharmacie, ou enfin un dépanneur dans le
coin. Toutes les fois que vous vendez des cahiers, que vous vendez, je ne sais
pas moi, différents produits, c'est toujours la même chose. Dans
le domaine sportif, c'est pareil. Donc, vous êtes en concurrence avec
d'autres sur le marché. Que vous ayez monté une structure qui
vous permette d'avoir un rapport qualité-prix favorable pour vos
membres, ça j'en conviens. Mais de là à dire que vous
n'êtes pas en concurrence, je trouve que l'affirmation est un peu grosse
dans la structure commerciale qu'on connaît actuellement au
Québec.
M. Pichette: Je pense qu'il faut voir que, dans l'aspect
concurrence, notre secteur est un secteur très limité, un secteur
dans lequel on est limité au niveau des activités. Il y a des
membres qui ont été membres actifs chez nous en tant
qu'étudaints. Aujourd'hui, ils sont rendus membres non actifs. Ils
viennent acheter chez nous. Ce n'est pas le gros de notre activité
commerciale, il faut être bien conscient de ça. Le gros de
l'activité commerciale, c'est l'étudiant à temps plein ou
de soir, qui vient chez nous. Il vient chez nous, principalement, acheter ce
dont il a besoin pour étudier. C'est vrai qu'on lui vend un crayon et
c'est vrai qu'on lui vend une efface. On est en affaires aussi.
Je pense qu'on est là pour offrir la
complémentarité et répondre à tous les besoins au
niveau de la demande des étudiants. Mais quand on dit qu'on n'est pas
sur un marché de libre concurrence, c'est que demain matin on n'ira pas
annoncer des pages dans Le Soleil ou des pages dans La Presse, on
ne fera pas des annonces même s'il y en a qui en ont faites - c'est
exceptionnel - à la télévision pour annoncer des produits
de façon systématique. On se limite à dire: II y a un
bassin d'étudiants ici. Il y a un bassin d'enseignants ou
d'employés internes des universités ou du collège, et
normalement notre activité se fait avec ces gens. C'est pour ça
que je dis qu'on n'est pas sur le marché de la libre concurrence.
M. Claveau: Je vais vous poser une autre question, si j'ai le
temps, en prenant un exemple un peu extrême, O.K? On sait que les
étudiants, ce n'est plus ce que c'était vous l'avez dit
vous-même, les situations changent. En supposant, par exemple, qu'une
coopérative, je ne sais pas moi, aux HEC, puisqu'on en parie,
décide d'avoir une concession automobile pour vendre des automobiles aux
étudiants et leur offrir des bons prix dans l'automobile.
M. Pichette: II n'y a rien d'impossible pour eux autres.
M. Claveau: Est-ce que ça serait possible? Est-ce que
ça serait possible dans la structure actuelle des coopératives
que vous avez?
M. Pichette: Actuellement, je peux vous dire que normalement le
gros des activités se font à l'interne.
M. Claveau: Je vous dis: Est-ce que ça serait possible,
par exemple, que l'on vende, que l'on offre des produits automobiles aux
étudiants par le biais des coopératives étudiantes comme
dans le milieu scolaire?
M. Pichette: Oui, ce serait possible.
M. Claveau: À ce moment-là, ça veut dire
qu'on pourrait, si on accepte votre point de vue, aller jusqu'à la vente
d'automobiles le dimanche ou le lundi ou le mardi soir.
M. Pichette: Bon, là je veux dire, je pense qu'on
peut...
M. Claveau: Non, mais j'essaie d'extrapoler par rapport à
la logique que vous nous avez présentée depuis le
début.
M. Pichette: Si on veut extrapoler là, c'est sûr, je
pense qu'à l'intérieur de ça, on a aussi des demandes
internes de nos membres qui nous obligent à une certaine orientation. Et
l'orientation à laquelle ils nous obligent, elle est bien
évidente... 75 % de notre activité est dans le secteur librairie.
C'est là que nos membres nous demandent de travailler et c'est là
qu'on opère.
M. Claveau: Mais tout ce que je veux essayer de comprendre, c'est
que si le législateur acceptait une exclusion mur à mur en ce qui
concerne les coopératives scolaires dans tous les produits où
vous pouvez vous orienter, il n'y a rien qui vous empêcherait, par
exemple, dans un an ou dans deux ans, d'offrir des produits automobiles,
d'offrir, je ne sais pas, du vêtement-Une voix: De l'huile
à chauffage.
M. Claveau: ...de l'huile à chauffage aux
étudiants, etc.
Une voix: Madame, je pense que vous voulez répondre...
Mme Couillard: Oui sur deux questions...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Tremblay (Outremont): Une question de règlement, M. le
Président. Juste pour l'information du député d'Ungava,
les véhicules routiers sont déjà exclus de l'application
de la Loi sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Ce
que ça veut dire, en pratique, c'est que, même si on voit des
concessionnaires d'automobiles, aujourd'hui, qui sont fermés le samedi
et le dimanche, ils se sont autodisciplinés. Ils ouvrent, par contre,
tous les soirs jusqu'à 22 heures, mais ils pourraient ouvrir le
dimanche. Donc, sans modifier la loi, si les coopératives
décidaient de commencer à vendre des véhicules
automobiles, elles pourraient le faire et, dans cette optique-là,
créer une concurrence aux concessionnaires existants. Elles le
pourraient sans modifier la loi. Elles ont le droit, demain matin, de faire
ça.
M. Claveau: Mais indépendamment du produit, moi, ce que je
veux savoir c'est que, si on ouvre sur la demande qui est faite là, si
le législateur accepte ce genre d'interprétation là,
ça nous amène à peu près à pouvoir ouvrir
sur n'importe quel produit...
Une voix: C'est pour ça qu'il faut changer la loi.
M. Claveau: ...d'une façon incontrôlée.
Une voix: II a tout compris.
M. Claveau: Oui, vous aviez une...
Mme Couillard: Je voulais dire, à propos de la
concurrence... Je ne sais pas, vous dites qu'on est concurrents parce qu'on
vend un crayon, comme la pharmacie ou le libraire de la ville, mais je ne sais
pas si vous avez essayé de venir dans une université ou un
cégep. Les stationnements sont pleins. Il faut payer un stationnement.
Il faut qu'ils entrent. Il faut qu'ils trou vent la coopérative. Moi, je
ne trouve pas qu'on est concurrents à ce niveau-là. On n'est pas
situés dans une artère commerciale où tu peux choisir ce
magasin-là ou l'autre. On est vraiment situés dans des endroits
spécifiques, et c'est à la demande des étudiants qu'on est
là. Le niveau de la concurrence, c'est...
M. Claveau: Oui, sauf que vous êtes concurrents dans la
mesure où ce que l'étudiant ou ce que n'importe quel client
achète chez vous, il ne l'achètera pas ailleurs, dans une autre
entreprise...
Mme Couillard: Oui, mais il faut qu'il se rende à la
coopérative.
M. Claveau: ...qui, elle, est régie par un autre
règlement.
Mme Couillard: II faut qu'il se rende aussi. Et, je voulais dire
qu'on est liés avec les cégeps ou les universités dans des
protocoles d'entente qui nous dirigent vers des avenues...
Le Président (M. Bélanger): Alors, les
périodes de temps sont écoulées. Mme la
députée de Taillon.
M. Jolivet: Tous les cégeps n'ont pas des stationnements
payants.
Le Président (M. Bélanger): Oui, oui. M.
Jolivet: Non, non.
Mme Marois: II ne semble pas, chez eux. Je vous remercie beaucoup
de votre...
Une voix: Ça s'en vient. Ça s'en vient...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
On respecte le temps de parole de Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous remercie de
votre présentation. C'est tout à fait intéressant.
Ça me rappelait de belles années où j'étais membre
de la coopérative des HEC. Je haïssais bien ça, par exemple,
aller travailler le dimanche. Cela étant dit, je pense que c'est
intéressant. La perspective que vous présentez sous l'angle de la
fonction libraire. Moi, je dirais que, sous cet angle-là, je crois,
ça nous permettrait de recevoir sûrement positivement votre
demande, avec les réserves aussi que cela comporte si on dit "sous
l'angle de la fonction libraire." Merci.
Le Président (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Mol, je suis très content que
vous soyez venus nous voir et je vais vous dire pourquoi. Votre exception,
ça dit: Des fournitures scolaires, si elles sont vendues par des
coopératives en milieu scolaire... Prenons les principes que j'ai
mentionnés. Je veux avoir une loi applicable, une loi gérable et
une loi viable. Vous avez de la vision. Trois principes.
L'équité, ça a été soulevé, c'est
très clair. Aujourd'hui, vous dites: Ce n'est pas un marché de
libre concurrence. Par contre, vous commencez à vendre des ordinateurs.
Faisons abstraction des vêtements de sport. Vous vendez des fournitures
et de la papeterie. Vous vendez également des calculatrices. Je pourrais
faire une liste importante de choses que vous vendez qui concurrencent des
commerces qui sont fermés le dimanche. Deuxièmement, le
consommateur, point très intéressant, n'est pas fou. Si vous
chargez jusqu'à 30 % moins cher et si, en plus de ça, vous avez
accès à un marché élargi... Oublions les 380 000
aujourd'hui. On parle d'une fréquentation accrue du milieu scolaire. On
parle des adultes maintenant parce qu'on fait de plus en plus d'efforts, et je
pense que l'Opposition est d'accord avec ça, pour la formation
professionnelle. On parle de plus en plus de centres spécialisés
et, également, de résidences d'étudiants.
Finalement, quand je regarde la qualité de vie... La
qualité de vie, vous allez convenir avec moi que l'éducation,
c'est une forme de qualité de vie. Donc, quand on essaie d'appliquer
ça, c'est là qu'on voit la problématique des
décisions qu'on a a prendre. Parce que, si on veut avoir le moindrement
une vision de ce que vous allez être dans deux ans, parce que vous
êtes performants, parce que vous avez une vision, ça veut dire
qu'inévitablement, vous allez concurrencer des commerces qui sont
fermés le dimanche.
Alors, moi, dans ce sens-là, je suis très content et je
veux vous remercier, Mme Couil-lard, MM. Ross, Simard et Pichette. Soyez
assurés que, dans notre réflexion, on va sûrement prendre
ça en considération. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, la commission de
l'économie et du travail remercie la Fédération des
coopératives québécoises en milieu scolaire et suspend ses
travaux jusqu'à 20 heures, alors que nous recevrons l'Association des
marchands de Rimouski.
(Suspension de la séance à 16 h 41)
(Reprise à 20 h 1)
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je demanderais à chacun de bien vouloir reprendre sa
place.
Ce soir, la commission des...
Une voix: De l'économie et du travail.
Le Président (M. Bélanger): ...de l'économie
et du travail - excusez-moi, j'avais le réflexe de l'ancienne commission
- se réunit ce soir pour procéder à des consultations
générales et des auditions publiques sur les modifications
à apporter à la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
Ce soir, nous recevons, en premier lieu, l'Association des marchands de
Rimouski; ensuite, les Maîtres Fourreurs associés du Québec
inc., et l'Association des marchands détaillants du Canada,
Fédération du détail et des services du Québec.
Donc, nous recevons notre premier groupe. Je présume que vous
êtes le représentant de l'Association des marchands de Rimouski.
La consigne, s'il vous plaît... Je vous demanderais de vous
présenter, d'identifier votre porte-parole et de procéder
à la présentation de votre mémoire. On sait qu'on a 30
minutes. Donc, ça veut dire que vous avez dix minutes... Oui, on m'a dit
qu'il pouvait y avoir peut-être douze minutes. Bon, alors, dix ou douze
minutes pour la présentation de votre mémoire et l'échange
avec les parlementaires; par la suite, dix minutes pour chaque faction
politique.
Je vous prierais donc de vous identifier et de bien vouloir commencer.
Merci.
Association des marchands de Rimouski
Mme Langlais (Colette): Colette Langlais, de l'Association des
marchands de Rimouski, commerçante.
Le Président (M. Bélanger): Bien.
M. Beaulieu (Jean): Jean Beaulieu, président de
l'Association des marchands de Rimouski, dans le prêt-à-porter
pour homme.
Mme Racine (Sylvie): Sylvie Racine, entre-preneure à
Rimouski.
Le Président (M. Bélanger): Bien.
M. Gagnon (Jean-Léon): Jean-Léon Gagnon, directeur
de l'Association des marchands.
Le Président
(M.
Bélanger): Bien. Alors,
votre porte-parole, c'est monsieur ou madame?
M. Beaulieu? Bien. Alors, si vous voulez procéder, M.
Beaulieu.
M. Beaulieu: Parfait. M. le Président, M. le ministre,
membres de la commission, permettez-moi, avant tout, de vous remercier d'avoir
permis aux régions de participer à vos travaux et de vous
présenter les intervenants de l'Association des marchands de Rimouski.
Excusez, on s'est présentés avant. Alors, on va passer au...
L'Association des marchands de Rimouski, au nom de ses membres, soit
près de 400 marchands au détail, est heureuse de faire
connaître sa position relativement à la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux. L'Association des marchands
de Rimouski ne croit pas que les modifications à l'étude par la
commission de l'économie et du travail constituent une réponse
globale aux différents changements des habitudes de consommation
constatés au Québec, au cours de la dernière
décennie. Nous croyons, au contraire, que la loi actuelle permet
l'atteinte d'un nécessaire équilibre entre l'accès
à des biens et services et le maintien, sinon l'accroissement, d'une
qualité de vie pour chacun des intervenants impliqués.
Nous intervenons donc sur chacun des aspects soumis à
l'étude par la commission. Soulignons, dès lors, notre
intérêt. Libéraliser les heures d'affaires et accepter
l'ouverture des magasins le dimanche sacrifieraient des usages sociaux
établis. Pourquoi, questionnons-nous, une certaine catégorie de
la population (employés et propriétaires d'établissements
commerciaux) troquerait-elle le congé dominical autrement occupé
par des activités familiales et de loisirs alors que d'autres secteurs
d'activité aspirent à une diminution des heures de travail?
Pourquoi, ajoutons-nous, le commerçant soumettrait-il sa
rentabilité à un étalement des heures d'accès,
alors que nous sommes en droit de croire que l'ouverture des magasins le
dimanche ne modifierait en rien ou si peu le pourcentage des dépenses de
consommation que le consommateur serait en mesure d'engager? C'est d'ailleurs
ce qui se dégage des données recensées par Statistique
Canada et qui démontrent que "les biens dits essentiels comme
l'alimentation, les vêtements et l'ameublement occupent une part
décroissante du budget de consommation des
Québécois" au détriment, si l'on doit en croire les
chiffres, d'une part de plus en plus grande du budget consenti "aux
activités de loisir, de divertissement et de culture et aux biens et
services personnels".
Pourquoi, enfin, accepterions-nous de bonne foi de mettre en
péril la survie du commerçant indépendant face à la
concurrence de la grande entreprise? Comme société, nous avons
mieux à faire. Voici donc la position de l'Association des marchands de
Rimouski.
Révision des exceptions prévues par la loi actuelle Nous
optons pour le renforcement des exceptions prévues par la loi de sorte
qu'elles ne concernent que les biens dits essentiels, comme le sont certains
produits alimentaires de dépannage ou les produits pharmaceutiques, tout
comme l'essence peut l'être. En ce sens, nous endossons la position
défendue par la Coalition contre l'ouverture le dimanche lorsqu'elle
revendique l'abolition des exemptions, sauf celles prévues au rapport
Richard. Cette limitation permettrait d'éviter que se
répète le précédent créé par
certaines chaînes pharmaceutiques.
Nous optons également pour un renforcement des standards
permettant à ces "commerces d'exception" d'opérer le dimanche.
Cette restriction se résume en deux points: réévaluation
à la baisse de la surface d'exploitation et de son cloisonnement par
quatre murs extérieurs ainsi que la limitation à trois du nombre
d'employés requis en tout temps pour assurer le fonctionnement de ces
établissements commerciaux.
Notre position vient donc contrer l'ouverture dominicale des
marchés publics, véritable source de concurrence déloyale
pour le commerçant indépendant, tout comme celle des commerces
à grande superficie qui pourraient, par l'installation de cloisons
transparentes et l'opération avec un personnel limité, contourner
la loi.
Certaines exemptions devraient cependant demeurer. Nous pouvons nommer
les pharmacies dont l'activité exclusive est la vente de produits
pharmaceutiques, les librairies et tabagies, les restaurants, les commerces
dont l'activité exclusive est la vente d'articles d'artisanat et
d'oeuvres d'art, les établissements vendant exclusivement de l'essence,
de l'huile à moteur ou à chauffage, les commerces donc
l'activité exclusive est la vente de fleurs ou de produits
d'horticulture, ceux vendant exclusivement des marchandises usagées et
des antiquités ainsi que des établissements vendant des
véhicules routiers, embarcations, remorques et machinerie agricole. Du
reste, nous ne considérons pas que la vente de piscines ou d'accessoires
nécessaires à leur fonctionnement soit une activité qui
doit être intégrée aux exemptions.
Réaménagement des heures d'ouverture, en semaine, pour
tous les établissements commerciaux. L'Association des marchands de
Rimouski opte pour le maintien du statu quo à ce sujet.
Les plages horaires en vigueur actuellement dans les commerces en
général offrent 56 heures d'ouverture, ce qui, croyons-nous,
laisse amplement le temps au consommateur de faire ses emplettes.
L'élargissement des heures d'ouverture ne ferait que diluer la
concentration de l'activité commerciale, augmenter les frais
d'opération qui y sont reliés, sans compter une
détérioration du potentiel d'une vie familiale et sociale saine.
Troquer l'heure du magasinage avec celle où d'autres activités
pourraient être entreprises fait partie du quotidien de tous et n'a rien
de tout à fait nouveau. L'ouverture des magasins le dimanche ne ferait
qu'amplifier la situation.
Ainsi, à l'instar de la Corporation des marchands de meubles du
Québec, nous disons non à la proposition de prolonger les heures
d'ouverture sur semaine.
Augmentation du nombre maximum d'employés présents en tout
temps dans le secteur de l'alimentation afin d'ouvrir hors des heures
régulières. Il est bien évident, compte tenu de la
position défendue dès l'amorce de notre argumentation, que
l'Association des marchands de Rimouski ne peut que demander le statu quo
à ce chapitre.
L'ouverture, le dimanche, des établissements commerciaux du
secteur de l'alimentation. Pour des raisons économiques et sociales,
nous optons pour le maintien de la réglementation actuelle. Au chapitre
économique, la majorité des opinions émises abondent dans
le même sens. L'ouverture dominicale ne ferait que réduire la
concentration de consommation en l'étalant sur un plus grand nombre
d'heures, sans que ne soit nécessairement ressenti un accroissement
sensible du niveau de vente. Qui plus est, le commerçant serait
contraint, compte tenu de l'absence d'une hausse significative de son chiffre
d'affaires et d'un accroissement de ses dépenses d'opération, de
majorer ses prix de détail pour supporter l'écart. Voilà
le premier effet à encaisser,.
Mais plus encore, l'ouverture des magasins d'alimentation le dimanche
laisse présager une dégradation de la qualité de vie,
autant pour le travailleur que pour le consommateur: moins de temps à
consacrer au repos, à la famille, au loisir, au divertissement. Un des
rares privilèges qu'il nous reste encore, le congé dominical,
aura été sacrifié au nom de la consommation de biens,
comme si seule cette valeur avait de l'importance.
Possibilité de transférer, au niveau local, le pouvoir
décisionnel de l'ouverture le dimanche du secteur de l'alimentation.
L'Association des marchands de Rimouski s'oppose à un transfert du
pouvoir décisionnel vers les municipalités. La Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux est de juridiction provinciale
et on ne doit pas ouvrir la porte à l'anarchie en cette matière.
La vitalité du secteur commercial est tributaire d'un nécessaire
équilibre qu'on ne peut obtenir que par son uniformité.
Dans une région comme la nôtre, des municipalités
différentes tant par leur importance démographique que par leur
force économique sont séparées par quelques
kilomètres seulement. Il y a fort à parier qu'un tel transfert de
pouvoir décisionnel, compte tenu de l'absence d'un cadre uniforme
d'ouverture, amènerait soit un déplacement de clientèle
vers les municipalités où les commerces d'alimentation
opèrent le dimanche, soit un affaiblissement de la rentabilité du
commerçant indépendant au profit de la grande chaîne. Du
reste, c'est le marchand indépendant qui a le plus à perdre dans
le cas.
Les mécanismes et les modalités d'application de la loi,
entre autres l'augmentation des amendes pour les contrevenants. L'Association
des marchands de Rimouski souhaite que la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux soit rigoureusement respectée.
Cependant, pour en faciliter son contrôle, elle convient de la
nécessité de conférer aux municipalités le pouvoir
de vérification. Ainsi, croit-on plausible d'élargir le mandat
des services de police municipale et provinciale et de les autoriser à
enquêter quant au respect du régime prévu par la loi. Bien
que nous ne croyons pas que cette alternative soit idéale, nous nous
devons de constater que le manque de ressources déléguées
par le ministre de la Justice ouvre la porte, dans les régions
éloignées des grands centres, aux contrevenants.
Conclusion. Il est nécessaire que les heures d'affaires des
établissements commerciaux soient régies selon un cadre uniforme.
Une telle réglementation est la seule qui puisse permettre un
équilibre économique et un respect des valeurs sociales. C'est
pourquoi nous reconnaissons la nécessité de maintenir la loi
actuelle et, dans certains cas, d'en accroître les prescriptions.
Libéraliser les heures d'affaires et ouvrir les magasins le
dimanche, c'est troquer une certaine qualité de vie, qui se
résume, en fait, à une journée sur sept, au profit d'une
course aux biens de consommation; c'est accepter de laisser se
détériorer des conditions de travail de la majorité des
391 000 travailleurs du commerce de détail au Québec; c'est
finalement accepter un appauvrissement de notre qualité de vie en
société.
Du côté économique, cela signifie, pour le
commerçant, d'étaler son chiffre d'affaires sur plusieurs heures
supplémentaires sans pour autant qu'il soit assuré d'un rendement
significatif. Cela signifie également, en sous-entendu, une augmentation
de ses coûts d'exploitation et un effet d'entraînement sur les prix
de vente au détail.
Enfin, en tant que société, nous devons faire face
à une demande accrue de services complémentaires. Les
fournisseurs devront s'adapter en conséquence. Les garderies devront,
elles aussi, étaler leurs horaires de fonctionnement, sans compter la
surchage pour les travailleurs et les travailleuses d'autres secteurs
d'activité ainsi qu'à une mise en marché encore plus forte
des activités dites de loisirs puisque ce secteur d'activité
devra lui aussi faire face à de nouvelles concurrences.
En définitive, l'Association des marchands de Rimouski s'oppose
à la libéralisation des heures d'affaires des
établissements commerciaux et recommande que la loi limite au maximum
les exemptions en ce qui a trait à l'ouverture des commerces en dehors
des heures réglementées. Et, suivant les recommandations du
rapport Richard, nous croyons que les seules exemptions permises devront se
limiter à l'approvisionnement des biens essentiels, les produits
pharmaceutiques, l'alimentaire de dépannage, l'essence, l'huile à
chauffage, les biens découlant d'une production artisanale ou d'oeuvres
d'art, l'exploitation touristique et qu'elles devraient tenir compte de la
limitation du nombre d'employés requis pour le fonctionnement normal de
l'établissement. Plus particulièrement, en ce qui concerne
l'ouverture des commerces en alimentation, l'Association des marchands de
Rimouski appuie la position défendue par le Regroupement des
détaillants indépendants et des travailleurs et travailleuses
contre l'ouverture le dimanche lorsqu'elle affirme que notre force
réside toujours dans la relation qu'on crée avec notre
clientèle. Nous sommes en mesure de répondre à ces besions
réels et ceux-ci n'exigent pas la libéralisation du commerce
alimentaire le dimanche, non plus que celle du commerce au détail en
général. (20 h 15)
Le Président (M. Bélanger): Si vous me le
permettez, on a 12 minutes. Je pense que la demi-page qui reste, les gens
pourront peut-être la lire.
M. Beaulieu: Juste une petite minute. Je voudrais encore une fois
remercier les membres de la commission d'avoir bien accepté d'entendre
notre position sur la question des heures d'ouverture et vous assurer de notre
entière collaboration.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
porte-parole. Je céderais, d'entrée de jeu, la parole au
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Alors, M. le Président, vous me
permettrez très brièvement de remercier l'Association des
marchands de Rimouski de s'être présentée devant cette
commission pour faire connaître son point de vue. Je vous dirai
très brièvement que les propos, ou encore les arguments que
l'Association des marchands défend dans son rapport, reçoivent
l'appui, peut-être pas total, mais l'appui pratiquement - en tout cas -
à 99 % de leurs propositions, à savoir que nous avons à
Rimouski une qualité de vie que nous ne voulons pas mettre en
péril. D'autre part, je pense que l'Association des marchands
donne un bon service au niveau des heures d'ouverture et au niveau du service
à la clientèle. Je dois vous dire que je suis tout à fait
heureux de constater qu'elle a fait connaître sa position et que c'est le
reflet en même temps d'une bonne partie de la population dans notre
milieu rimouskois. Alors, félicitations à l'Association des
marchands et à leurs représentants. Je vous souhaite bon
succès et j'espère que la commission entendra avec beaucoup
d'intérêt les commentaires que vous voulez ajouter.
Malheureusement, je dois quitter parce que je suis membre d'une autre
commission.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. Beaulieu, c'est intéressant,
mais vous savez que si vous vous mettez à notre position il faut voir la
problématique globale. Ce que vous nous dites, c'est que toutes les
municipalités sont semblables; les besoins de tout le monde, c'est la
même chose et on ne peut pas envisager, par exemple, l'hypothèse
de travail... Je répète que c'est bien une hypothèse de
travail - vous y avez répondu tout à l'heure - la
possibilité de dire à une municipalité, oui ou non,
à l'ouverture. Alors, je veux juste... J'aimerais vous entendre sur...
Comment arrivez-vous à la conclusion que, parce qu'à Rimouski
c'est important la qualité de vie - et je suis d'accord avec vous, c'est
important partout - les besoins de Rimouski, les biens essentiels
définis par vous, c'est la même chose partout au Québec?
Ça, c'est ma première question. La deuxième,
dépendamment de la réponse que vous allez me donner, les
commerces sont ouverts 62 heures selon la loi: Est-ce que vous seriez au moins
d'accord pour dire qu'au lieu d'ouvrir à 8 h 30 ils pourraient ouvrir
à 9 h 30, et qu'au lieu de fermer à 18 heures ils pourraient
fermer à 19 heures ou 19 h 30 justement pour permettre à
certaines personnes, et je pense que ça fait... La très grande
majorité des intervenants sont d'accord pour dire que la loi actuelle
n'est pas équitable et ne répond pas aux besoins réels des
consommateurs, en général, la très grande majorité.
Donc, ce sont mes deux questions.
M. Beaulieu: La première question, c'est la qualité
de vie et les biens essentiels. La qualité de vie, les employés
qui travaillent dans les magasins sont comme tous les travailleurs dans la
société; ils aiment mieux avoir des heures normales de travail.
Je sais bien qu'ouvrir le magasin à 9 h 30 et fermer à 19 h 30 le
soir, ça devient un problème pour plusieurs dans un certain sens.
Eux aussi ont des familles, des enfants, etc. C'est vrai qu'on n'est pas comme
à Montréal, à Québec ou ailleurs. C'est
peut-être plus facile. Les gens se libèrent plus tôt. Nous,
on ne voit pas l'utilité de fermer à 19 heures ou à 19 h
30 le soir pour satisfaire... Je pense qu'à l'heure actuelle ils ont la
possibilité vraiment de pouvoir répondre aux gens qui ont des
besoins de consommation, à l'heure actuelle.
M. Tremblay (Outremont): Sur ce point, vous voyez - vous
l'admettez vous-même - qu'il y a une différence entre Rimouski et
Québec ou Montréal. Il peut y avoir des problèmes de
circulation, il peut y avoir des horaires différents. Et pour permettre
à des personnes d'avoir accès justement aux mêmes services
que vous avez... Donc, quand vous demandez que la loi soit uniforme, si vous
voulez qu'elle soit uniforme, il va falloir que quelqu'un mette un peu d'eau
dans son vin pour comprendre que, si c'est ça qu'il faut faire, il va
falloir regarder moins la situation en fonction de ses intérêts
personnels - je l'ai mentionné au début - et essayer d'être
conciliants un peu pour comprendre surtout si vous n'êtes pas d'accord
qu'on régionalise la décision, mais qu'on ait un pouvoir
uniforme, une loi uniforme, au moins qu'elle s'applique à la très
grande majorité des intervenants. Non, non, je ne parle pas de....
M. Beaulieu: À l'heure actuelle, on est régis par
une loi en région extérieure. À Montréal, ils
s'acclimatent quand même assez bien à l'heure actuelle. À
Québec, ils s'acclimatent quand même assez bien, à l'heure
actuelle. C'est vrai que j'ai fait une exception tantôt. Je ne crois pas
qu'il y ait une si grande différence que ça entre Montréal
et Québec et Rimouski pour changer les règles du jeu. Moi, je dis
qu'on a une loi en or, qui est très très bien, qui est acceptable
et c'est pour ça qu'on la défend, de toute manière. Si on
donne le droit d'ouverture dans les villes comme Montréal ou
Québec et qu'on ne le donne pas en région, ça fait quand
même un déséquilibre. Je dis une chose: Quand les magasins
vont être ouverts à Montréal, quand ils vont être
ouverts à Québec, ils vont être ouverts à Rimouski.
Ça, c'est officiel. On ne peut pas changer... On est à deux
heures et demie ou trois heures de Québec. Si les magasins
étaient ouverts le dimanche à Québec, c'est bien de
valeur, mais vous ne pourriez pas les faire fermer à Rimouski; ils vont
vouloir suivre. On ne peut pas avoir, selon moi, une loi pour Montréal,
pour Québec et pour les régions.
M. Tremblay (Outremont): Je peux comprendre votre
argumentation...
M. Beaulieu: Oui.
M. Tremblay (Outremont): ...pour, par exemple, le dimanche. Je
vous comprends.
M. Beauiieu: Oui, d'accord.
M. Tremblay (Outremont): Mais vous savez qu'en ce moment, dans la
loi, il existe des zones touristiques...
M. Beaulieu: Oui.
M. Tremblay (Outremont): ...qui permettent l'ouverture des
commerces le dimanche. Ce que j'ai de la misère à comprendre -
c'est uniquement un questionnement que je me fais, - c'est que, parce
qu'à Rimouski, vos besoins sont tels que vous êtes satisfaits de
la loi actuelle, j'ai de la misère à concilier ça avec la
problématique globale de la très grande majorité des
intervenants qui nous disent: À cause des nouveaux modes de vie,
à cause des familles monoparentales, on a besoin d'heures additionnelles
sur semaine - c'est aussi la position de l'Opposition - pour nous permettre
d'améliorer notre qualité de vie, d'être moins
stressés quand on finit de travailler à 17 heures; il y a le
métro à Montréal, il y a le congestionnement, il y a des
problèmes de circulation. Ouvrir un commerce, par exemple, une
hypothèse de travail, jusqu'à 19 heures permettrait aux couples
et aux familles monoparentales d'avoir accès à des services comme
vous avez à Rimouski. C'est juste ça.
M. Beaulieu: Oui.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je me dis: Seriez-vous
déçus au point que si jamais on en arrivait à la
conclusion qu'il faut élargir les heures sans nécessairement les
augmenter, vous ne pourriez pas, à Rimouski, vous adapter à une
situation comme celle-là?
M. Beaulieu: C'est sûr qu'il va falloir vivre avec s'il y a
des changements. Mais est-ce que les familles monoparentales dont vous parliez
ou les couples travaillent sept jours sur sept dans une semaine? Ils ne
travaillent pas sept jours sur sept; ils ont souvent leur journée ou
leurs deux jours de congé dans une semaine. Ils ne travaillent pas 62
heures par semaine non plus.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Le temps du parti
ministériel étant écoulé, je cède la parole
à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie de votre présentation. Je
vous souhaite la bienvenue à la commission. Évidemment, ça
rejoint une thèse que je défends au nom de mon parti ici et, bien
sûr, je suis particulièrement accueillante à votre point de
vue. Je le dis et je suis persuadée que mes collègues partagent
aussi ce point de vue. Ça semble d'ailleurs être le cas du
député de Rimouski, et c'est heureux qu'il soit d'accord aussi
avec ce que vous défendez et ce que vous apportez.
Je vais soulever une question plus d'ordre technique et, après
ça, on reviendra sur le fond du mémoire. Vous suggérez que
l'application de la loi... D'abord, vous dites: Ça va, celle qui est
là est correcte; il s'agit de la resserrer et d'en enlever certaines
exceptions. Ça ne manque pas de courage, d'ailleurs, pour une
association de marchands parce qu'il y a probablement certains de vos
collègues qui ne partagent pas nécessairement votre point de vue.
Hein? Bon.
Vous suggérez donc de remettre l'application de la loi aux
municipalités. Une des questions qui se soulèvent, c'est, entre
autres, par rapport à une loi, même resserrée, de dire:
C'est trop compliqué à appliquer. On est mieux, à la
limite, qu'il n'y ait pas de loi, qu'on fasse tomber les exceptions et qu'on
ouvre 24 heures par jour si on veut, évidemment, parce que c'est trop
compliqué à appliquer, une loi comme ça. Or, ça ne
semble pas être votre point de vue, puisque vous dites: Nous, non
seulement on veut qu'il y ait une loi, qu'elle soit resserrée un peu,
mais, en plus, on voudrait que nos municipalités l'appliquent; non pas
que ce soit décidé dans les municipalités, que ce soit
décidé au plan national, mais que les municipalités
l'appliquent. Est-ce que vous considérez que c'est une loi qui serait
difficile et complexe à appliquer ou si ça vous apparaît
relativement simple?
M. Beaulieu: Dans le contexte actuel, c'est sûr que c'est
plus difficile à appliquer si on compte qu'il y a deux inspecteurs pour
la région de Montréal et qu'il y a deux inspecteurs pour le reste
du Québec. Alors, c'est impossible, quand on a un problème
d'ouverture ... on appelle le ministère, l'inspecteur. Il dit: Bien,
avez-vous une preuve de ci, avez-vous une preuve de ça? Et on peut le
rejoindre au bout de quinze jours, il vient dans notre région pour faire
enquête ou quoi que ce soit. Alors, là, c'est assez difficile de
faire appliquer une loi quand tu as deux inspecteurs pour tout le
Québec. C'est pour ça, peut-être, qu'ils n'ont pas les
budgets nécessaires ou quoi que ce soit, mais peut-être que ce
serait plus facile que les enquêtes soient faites, soit par les corps
municipaux ou les corps provinciaux là-dessus. Là, ce serait
peut-être plus facile de voir à l'application de la loi parce
qu'il y en a à qui on en donne grand de même et qui essaient de la
détourner par tous les moyens. Nous autres, l'application de la loi, on
voudrait qu'elle soit égale pour tout le monde On propose une solution
à ce problème.
Mme Marois: D'accord. Et vous n'avez pas l'impression que le
contrôle serait difficile à mettre en place à cet
égard?
M. Beaulieu: Non. De toute manière, l'application de la
loi, c'est surtout au niveau des enquêtes qui seraient faites par les
corps municipaux ou les choses du genre. C'est l'application faite par le
ministère de la Justice après. Tout serait remis au
ministère de la Justice pour voir
à faire appliquer les amendes et tout, l'application de la
loi.
Mme Marois: D'accord. Je vois que l'un de vos membres est un
membre d'ailleurs du comité du mémoire, une personne, j'imagine,
qui a une bannière ou qui est un franchisé de Steinberg's, c'est
bien ça? Non?
M. Gagnon: Non, Mme Marois. Je suis gérant de magasin chez
Steinberg's à Rimouski. Je suis conscient que ma compagnie va
défendre ses droits en commission parlementaire le 14 mars. Par respect
pour ma compagnie, je pense que je vais les laisser interpréter vraiment
ce qu'ils veulent dire.
Mme Marois: D'accord.
M. Gagnon: Je pense que le mémoire est déjà
présenté.
Mme Marois: Oui, effectivement.
M. Gagnon: C'est pour ça d'ailleurs que je n'ai pas voulu
parler ce soir.
Mme Marois: D'accord. C'est intéressant que vous apportiez
cet éclairage. Je vais vous dire cependant qu'un des sentiments que j'ai
en lisant les mémoires... Bon, je m'adresse à vous, puisque vous
l'abordez... Le sentiment que j'ai en lisant les mémoires, c'est que les
marchands indépendants qui se manifestent pour l'ouverture - parce qu'il
y en a - ou les regroupements qui se manifestent pour l'ouverture, se disent
que le gouvernement n'aura pas le courage d'aller au bout d'une restriction
nécessaire des heures d'ouverture des commerces qui devraient ouvrir
pour rétablir l'équité. Donc, craignant que
l'inéquité demeure, ils se disent: Bien, allons donc vers une
ouverture un peu plus grande, puisqu'on ne pourra jamais obtenir ce qu'on
souhaiterait réellement. Est-ce que je me trompe? Est-ce que mon analyse
est fausse? Madame, si vous voulez répondre... C'est parce que je vois
M. Beaulieu...
Mme Langlais: Non, je ne crois pas. Je ne voudrais pas avoir
à régler votre problème parce que je sais que c'est...
Mme Marois: Remarquez que c'est surtout celui du ministre, hein?
Parce que moi, en plus, j'ai une position claire. Donc, c'est pas mal.
Mme Langlais: C'est ça, c'est une grosse patate chaude que
vous avez. C'est sûr. Même nous, on a de la difficulté
à s'entendre autour d'une table. Je le comprends. Tu as le secteur de
l'alimentation, le secteur de la pharmacie, le secteur du détaillant de
marchandises sèches et tout. C'est sûr que ce n'est pas facile,
mais la seule chose à laquelle on tient, ce serait le statu quo au moins
pour le dimanche. Ça, c'est une chose qui nous tient à coeur.
Pour l'extension, en tant que commerçante, je suis toujours un peu pour
l'extension sur semaine, même si je ne suis pas d'accord. Il reste
que...
Mme Marois: Vous vivriez avec sans que ça vous pose...
Mme Langlais: ...je vais m'y soumettre. (20 h 30)
Mme Marois: Oui.
Mme Langlais: Par contre, je me dis: Pour le dimanche, c'est le
statu quo ou c'est la fermeture de beaucoup de magasins parce que je me mets,
moi, dans ma situation individuelle, je suis dans un centre commercial,
automatiquement les frais communs vont augmenter. C'est un "free for all" qui
va commencer parce qu'on ne pourra pas dire... Quand la compagnie Westcliff va
arriver et va dire: Tu ouvres le dimanche, sur ton bail ça va être
marqué: Ouvre le dimanche. Ça fait que je me dis, à ce
moment-là, ce sont les frais communs qui augmentent, c'est notre
personnel qui augmente ou c'est nous qui devrons faire les heures. Ça
fait qu'automatiquement on est dans un méchant dilemme, c'est sûr.
Le dimanche, c'est tout ce qu'on vous demande. Au moins, sur semaine, le
mercredi soir, on peut toujours être assez flexible.
Mme Marois: Nous entendons votre cri "au secours."
J'espère que le ministre l'entendra aussi.
Mme Langlais: Je l'espère. Je i'espère.
Mme Marois: Vous vouliez ajouter quelque chose, oui, M.
Beaulieu.
M. Beaulieu: J'ai une chose. C'est que, quand même, cette
orientation reflète au moins 95 % des marchands de Rimouski. Dans le
secteur de l'alimentation, il y a cinq grosses chaînes à Rimouski,
qui ont été contactées personnellement, et les cinq sont
contre l'ouverture le dimanche dans l'alimentation. Je parle de Provigo, de
Métro et tout. Alors, ça représente même le point de
vue des consommateurs de Rimouski. Donc, c'est une enquête
peut-être maison, mais qui reflète à 95 % notre
région, Rimouski, les commerçants comme les consommateurs.
Mme Marois: D'accord.
M. Beaulieu: C'est très important.
Mme Marois: On me dit que mon temps est
terminé. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Malheureusement. Alors,
si vous voulez remercier nos invités.
Mme Marois: Ah! bien, certainement. J'ai ce grand plaisir de vous
remercier. Je disais à quelqu'un de votre groupe que j'ai
rencontré par hasard tout à l'heure que j'avais trouvé
votre mémoire succinct, mais bien ramassé et bien clair, sans
bavure. Ce qu'on sent, c'est qu'on sait ce que l'on veut. On sait ce que l'on
propose aussi. Et ça fait plaisir d'entendre aussi des gens qui ont le
goût de parler peut-être à leur tour de qualité de
vie. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, Mme Langials, Mme Racine, M.
Beauiieu et M. Gagnon, tout le monde est d'accord sur une chose, avec
l'Opposition, c'est que votre document est de très bonne qualité.
Je pense que vous avez une bonne argumentation. Je pense que j'aurais dû
poser mes questions à Mme Langlais parce que je me suis aperçu,
à la suite de sa remarque, qu'elle était conciliante. Le seul
questionnement, et encore une fois, c'est juste un questionnement, c'est que
c'est difficile, à la suite de tous les mémoires qu'on a lus, de
dire que Rimouski est représentatif de tout le Québec. Je pense
que vous allez réaliser que dans une vision globale, si on veut
régler une loi, vous la voulez uniforme pour s'appliquer partout au
Québec. Si jamais une des conclusions, c'est d'arriver et de dire: On va
entendre tous les intervenants, ce n'est pas le dimanche, est-ce qu'on va
devoir - je ne le sais pas, on va écouter - élargir les heures en
semaine, sans nécessairement vouloir dire qu'on va augmenter le nombre
d'heures pour permettre à un certain groupe de personnes d'avoir la
même qualité de vie que vous avez? Alors, dans ce sens-là,
je vous remercie encore une fois et je vous remercie, Mme Langlais, de votre
ouverture d'esprit.
M. Beauiieu: Merci.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie l'Association des marchands de
Rimouski pour sa participation. Je me fais aussi le porte-parole du
député de Rimouski, qui est pris dans une autre commission, pour
vous remercier de vous être déplacés. On vous souhaite un
bon retour et, si vous me le permettez, j'appelle maintenant les Maîtres
Fourreurs associés du Québec inc. à la table des
témoins. Nous allons suspendre les travaux pendant une minute pour faire
la transition.
(Suspension de la séance à 20 h 34)
(Reprise à 20 h 35)
Maîtres Fourreurs associés du
Québec inc.
Le Président (M. Bélanger): J'inviterais chacun des
membres à reprendre sa place, s'il vous plaît, pour que nous
puissions entendre notre prochain groupe invité, les Maîtres
Fourreurs associés du Québec inc., représenté par
M. Georges Pouliot, de Georges Pouliot Fourrures.
M. Pouliot, je réalise qu'il y a quelqu'un d'autre avec vous.
Alors, si vous voulez faire les présentations et bien vouloir
procéder à la présentation de votre mémoire. Vous
avez dix minutes et le reste, ce sont les échanges. Si vous voulez
procéder.
M. Pouliot (Georges): Mon nom est Georges Pouliot. Louise Barre,
mon épouse et ma collaboratrice.
Le Président (M. Bélanger): Madame.
M. Pouliot: L'intervenant, ce sont les Maîtres Fourreurs
associés du Québec inc., qui existent depuis 1955 en vertu de la
Loi sur les syndicats professionnels. La MFA est une association regroupant
toute l'expertise du commerce de la fourrure au détail. C'est d'ailleurs
depuis 1968 que cette dernière a été reconnue par le
ministre comme la seule association représentative du commerce de la
fourrure du détail au Québec.
Depuis sa fondation, la MFA se préoccupe de la qualité de
ses services à la clientèle et a accru ses programmes
d'information aux consommateurs du Québec. Le service
personnalisé et le suivi après vente du client sont des
préceptes essentiels à ce type de commerce. C'est d'ailleurs par
ce souci de protection du consommateur qu'en septembre 1983 la MFA confirmait,
dans un code de déontologie, ses normes de conduite professionnelle.
Le désir d'offrir à la population un service de
qualité et d'avoir au Québec des pratiques bien
légiférées incite donc la MFA à présenter sa
position quant au projet de loi concernant la modification de la Loi sur les
heures d'affaires des établissements commerciaux.
M. le Président, membres de la commission, mesdames et messieurs,
les Maîtres Fourreurs associés du Québec ont
été heureux d'apprendre qu'une commission parlementaire aurait
lieu au début de 1990. Il est en effet important pour la MFA
d'intervenir dans ce débat, car, à moyen et long termes, il en va
du maintien de la qualité du produit et de celle des services
après vente, donc de la possibilité de demeurer dans le monde des
affaires en tant que spécialistes de la fourrure. L'enjeu est donc
considérable. Une argumentation d'ordre administratif, économique
et social forme la base de notre exposé en faveur d'un statu quo
concernant ladite loi.
À l'heure actuelle, une partie de la population exerce des
pressions pour l'ouverture des commerces le dimanche. Des réponses
relatives à l'accessibilité des services doivent être
trouvées par les nouveaux besoins des consommateurs. En tenant compte du
document d'information préparé par le sous-ministre, M. Maurice
Turgeon, il semble que le débat amorcé depuis plusieurs mois
concerne, dans une large proportion, les commerçants en alimentation.
L'enjeu essentiel met aux prises les grands et les petits commerçants et
ceux qui ne s'étiquettent pas comme tels, mais dont une bonne partie du
chiffre d'affaires est réalisé grâce aux produits
alimentaires ou connexes.
Le dossier présenté par les Maîtres Fourreurs
associés du Québec ne retiendra en fin d'analyse que les
thèmes suivants: la révision des exceptions prévues par la
loi, le réaménagement des heures d'ouverture en semaine pour les
types d'établissements commerciaux, les mécanismes et les
modalités d'application de la loi et entre autres, l'augmentation des
amendes pour les contrevenants.
Les arguments administratifs. Certes, les habitudes de consommation de
la population québécoise changent et changeront encore.
Voilà une des raisons qui incitent le gouvernement à revoir sa
loi et à évaluer l'opportunité de libéraliser les
heures d'ouverture. Dès lors, qu'en est-il de l'impact d'une
libéralisation des heures d'ouverture pour les Maîtres Fourreurs
associés? Sans faire la nomenclature de tous les scénarios,
à la suite d'une loi favorable à cette libéralisation le
dimanche, signalons que, sur le plan administratif, elle entraîne une
augmentation des frais fixes.
Nous pouvons en outre nous poser la question: Est-ce que l'ouverture des
commerces de fourrure le dimanche augmenterait sensiblement les ventes? Pour
l'achat d'un manteau de fourrure, le client alloue en moyenne cinq heures:
information, sélection des peaux, choix de la coupe, etc. Dans cette
perspective, ne peut-on pas émettre l'hypothèse selon laquelle
les clients auraient tendance à étaler le temps
généralement alloué à l'achat d'une fourrure? De
par notre expérience, nous sommes convaincus que l'ouverture de nos
commerces le dimanche ne ferait qu'encourager à la fois
l'étalement des heures avant la décision finale de l'achat et le
report de l'achat au dimanche. Nos doutes sont ainsi très
présents quant au bien-fondé d'ouvrir nos commerces le
dimanche.
Abordant le volet administratif d'une manière plus globale,
est-il juste de concevoir l'obligation des institutions gouvernementales, des
établissements financiers et autres d'assurer également une
permanence le dimanche? Peut-être est-ce là le sens
véritable d'un encadrement équitable. Ce point nous
apparaît primordial dans ce débat. En effet, pour être
conséquents, les commerçants qui se verront obligés
d'ouvrir le dimanche seront en droit de s'attendre au maintien de
l'infrastructure administrative gouvernementale commandée durant la
semaine normale de travail.
Nous nous arrêtons, car il serait très facile et même
tentant d'élaborer toutes les implications administratives que
nécessite l'ouverture le dimanche: gestion du transport en commun,
par-comètres, policiers, etc. Dans l'éventualité d'une
libéralisation le dimanche, seriez-vous prêt, en tant que
gouvernement, à soutenir l'infrastructure et l'encadrement normal de la
semaine? Le vote d'une telle loi entraîne ce dilemme. Cette
démonstration vise simplement à attirer votre attention sur les
problèmes qu'encourront les maîtres fourreurs et ceux qui se
poseront à grande échelle pour l'articulation de cette loi.
Les arguments économiques. Du côté de
l'argumentation économique, il serait tentant de débattre sur des
points névralgiques de l'économie, tels les ventes, les prix et
les emplois. Mais respectant le contenu du document d'information dans lequel
on mentionne que: "Les quelques études réalisées au
Québec ou ailleurs sont peu concluantes quant aux impacts d'une
libéralisation des heures d'ouverture sur le niveau
général des ventes, des prix ou de l'emploi dans le commerce de
détail" nous nous pencherons plutôt sur l'argument du
déplacement de la clientèle selon les heures d'ouverture. Dans
une dynamique centre-périphérie, c'est-à-dire le cas
où un fort pourcentage de la population habitant la banlieue vient
travailler dans les grands centres urbains, beaucoup de commerçants,
grands et petits, ont tout intérêt à favoriser le statu quo
quant à la Loi sur les heures d'ouverture.
En effet, la réalisation d'un bon pourcentage de leurs ventes
s'effectue durant la semaine par une clientèle bien définie, les
travailleurs. Dès lors, libéraliser les heures d'ouverture le
dimanche impliquerait nécessairement une chute relative de la vente au
détail des commerçants en général et des
maîtres fourreurs en particulier du centre-ville. Dans ce contexte, il
nous est difficile de penser que le gouvernement avantagerait volontairement
les centres d'achat des banlieues au détriment de ceux du centre-ville.
Si oui, est-il plausible de raisonner en termes d'accroissement de
l'intervention étatique dans un contexte de libre-entreprise? Qu'en
est-il alors de la régulation des marchés par le jeu de la
concurrence? Ce sont là des questions fort intéressantes.
Par ailleurs, dans l'éventualité d'une ouverture sept
jours sur sept pour les commerçants en fourrure, II faut évaluer
l'Impact des coûts supplémentaires entraînés. Est-il
rentable pour un commerçant d'ouvrir le dimanche et de payer, en plus,
les frais fixes ou des salaires supplémentaires pour des
possibilités de ventes incertaines? Dans un contexte des plus
compétitifs qui caractérise le domaine de la fourrure, les
commerçants ne peuvent se permettre de
faire la sourde oreille à ceux qui ouvrent illégalement
présentement et ouvriront leurs portes, le dimanche, une fois la loi
votée. Les répercussions négatives risquent d'être
bien réelles, car les commerçants n'auront pas le choix de
demeurer ouverts.
Un autre argument d'ordre économique qui plaide en faveur du
statu quo est l'organisation économique des secteurs. Prenons juste
l'exemple de la pratique du ski alpin, pour illustrer les contrecoups de la
libéralisation des heures d'ouverture. L'activité entourant un
aire de ski paraît anodine au premier coup d'oeil, mais demande beaucoup
de préparation et d'organisation; par exemple, le nombre de personnes
engagées pour assurer la formation, la sécurité, le
patrouillage, la récréation, etc. Dans l'hypothèse que la
nouvelle loi entraînerait une diminution de la clientèle sportive,
le centre de ski se verrait dans l'obligation d'effectuer des mises à
pied. Évidemment, il n'y a pas beaucoup de centres de ski au
Québec, mais nous vous laissons tirer les conclusions si nous
étendons cette conséquence à plusieurs sphères
d'activités économiques et sociales.
Les arguments sociaux. Du côté social, la
problématique liée aux heures d'ouverture est tout aussi
délicate. Évidemment, en tant que législateur, plusieurs
facteurs viennent influencer et complexifier la prise de décision.
Parlons, d'abord, de la réflexion qu'inspirent les 19 exemptions
à la présente loi sur les heures d'ouverture. En ce qui nous
concerne, et pour être conformes à la philosophie des membres de
notre association, nous souhaiterions que les exemptions se limitent
strictement aux commerces lies au bien-être de la population, telles les
pharmacies qui vendent uniquement des produits pharmaceutiques et
hygiéniques. Nous pensons qu'une loi truffée d'exceptions donne
trop d'occasions à ceux qui ne veulent pas se conformer.
Parlons maintenant de l'aspect plus social qu'implique le prochain
projet de loi. Pour nous comme pour plusieurs, l'enjeu social se traduit dans
ce débat par un changement en profondeur du mode de vie du peuple
québécois. Historiquement, le dimanche a toujours
été lié à une journée marquant un temps
d'arrêt. En quelque sorte, dimanche est une journée de
retrouvailles familiales et collectives. Sans vouloir paraître
idylliques, nous sommes convaincus que les Québécois,
démographiquement faibles, ont un besoin de se retrouver, que ce soit
lors d'activités familiales, culturelles, sportives ou autres.
Édicter une loi brisant ce phénomène de
société, c'est briser l'organisation sociale, voire dissoudre,
à plus ou moins long terme, la cohésion et le tissu social
québécois. Inutile d'énumérer toutes les
conséquences.
Sans extrapoler outre mesure au sujet des répercussions d'une
telle loi, nous nous permettons d'attirer votre attention sur ses effets quant
à la dynamique de couple. L'exemple des personnes devant travailler le
dimanche est éloquent à cet égard. Quand le couple
aura-t-il la possibilité de se retrouver si le conjoint travaille durant
la semaine normale? De plus, le problème qui se pose pour les familles
monoparentales dont l'enfant ou les enfants sont en bas âge est des plus
sérieux. Comment trouver une garderie ouverte le dimanche? La personne
qui doit assumer les coûts supplémentaires en termes de frais de
garde a-t-elle les moyens financiers de le faire? (20 h 45)
Enfin, les maîtres fourreurs sont très inquiets en ce qui a
trait à la qualité de vie de leurs employés
spécialisés. En effet, force est de constater que cette
main-d'oeuvre spécialisée est rarissime et vieillissante.
Étant peu nombreux, il est pratiquement impossible d'élaborer des
horaires partagés.
Dans cette perspective, il faut comprendre qu'une telle loi nous causera
un préjudice sans précédent, surtout si nous voulons
maintenir le prestige et la qualité de cette industrie. À cette
enseigne, nous osons proposer, n'en déplaise à certains, le statu
quo.
Soyez assuré, M. le Président, que nous comprenons que les
trois principes sur lesquels porte la réflexion des intervenants sont
inextricablement liés. Là est toute la complexité du
problème et, en tant que législateurs, nous comprenons
également qu'il est très délicat de trancher un tel
débat lorsque vous vous devez de ménager à la fois la
chèvre et le chou, le tout sans vision globale de notre
société.
Toutefois, une décision reste à prendre et cette fonction
vous appartient. En ce qui concerne plus précisément nos
intérêts, l'issue de ce débat est cruciale pour notre
survie. En fait, et au risque de nous répéter, il en va de
l'existence d'une profession reconnue et renommée à travers le
monde. La prise de décision qui vous incombe aura, d'un
côté comme de l'autre, des répercussions
inévitables. Vous devrez opter pour une décision qui non
seulement orientera le mode de vie de vos concitoyens, mais altérera le
tissu économique québécois.
Une alternative demeure cependant. Si nous voulons, en tant que
citoyens, respecter et conserver nos valeurs historiques en excluant le choix
d'une ouverture des commerces le dimanche, prolongeons en début de
semaine les heures déjà allouées dans la mesure seulement
où le statu quo n'est pas possible. Le tout en ouvrant plus tard les
autres matins.
Quant à notre position sur les mécanismes et les
modalités d'application de la loi, nous sommes d'avis qu'aussitôt
que la preuve d'illégalité est faite, les personnes en
autorité doivent imposer une forte amende dès la première
offense. L'ampleur de l'amende est parfois nécessaire pour assurer le
plein respect de la loi. En ce qui concerne les médias écrits et
électroniques qui diffusent la publicité des contreve-
nants, nous sommes d'avis qu'une amende devrait leur être
imputée.
L'an 2000 approche à grands pas. Osons espérer qu'une
vision porteuse d'avenir, mettant l'accent sur la qualité de vie des
Québécois, émerge des réflexions qui seront
émises lors des échanges de la commission parlementaire.
Merci.
Le Président (M. Bélanger): Nous vous remercions.
M. le ministre. Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. Pouliot, j'aurais
peut-être deux questions à vous poser. Tout en vous remerciant
d'être ici avec nous. La première: Vous représentez combien
de maîtres fourreurs au niveau de l'association? Vous êtes combien
de membres dans l'association?
M. Pouliot: Notre association regroupe des membres de
Montréal. Aussi, on a une autre section à Québec. On a
aussi des membres qui sont en train de s'affilier. Ça doit
représenter à peu près une soixantaine de membres qui
travaillent depuis plus de 35 ans à élaborer des
stratégies, soit d'emploi ou de protection du consommateur. Et c'est
notre code d'éthique qui fait en sorte présentement que le
"membership" n'est pas plus élevé, mais la qualité y est,
soyez-en certaine.
Mme Dionne: Oui, c'est ça. Ma deuxième question, M.
Pouliot, est au sujet des heures d'ouverture sur semaine. Pour le dimanche, je
pense que vous avez été clair mais sur semaine... Il est certain
que la loi, telle que présentée maintenant dit "qu'aucun client
ne peut être admis en dehors de certaines heures". Donc, ce qui veut dire
que si c'est entre 9 heures et 17 heures, vous pourriez ouvrir entre 10 heures
et 14 heures, dans un sens...
M. Pouliot: Oui, oui.
Mme Dionne: ...mais la loi dit, en tout cas, "en dehors de
certaines heures". Et l'Association des concessionnaires d'autos a fait, je
pense, certains arrangements puisque maintenant les concessionnaires ne sont
plus ouverts le samedi. D'accord? Alors ils se sont entendus entre eux pour
dire: On choisit les journées qui nous conviennent le mieux. On ouvre le
soir, tout ça. Mais est-ce qu'au niveau des maîtres fourreurs et
des magasins, parce que je sais que c'est quand même assez
spécialisé, est-ce que vous pourriez faire la même chose,
par exemple, pour être assurés d'être ouverts les
journées les plus rentables pour vos clients, par exemple?
M. Pouliot: Ce que vous voulez me dire, c'est que si on
libéralisait la loi et qu'on...
Mme Dionne: Sur semaine.
M. Pouliot: Sur semaine? Vous pouvez être certaine, madame,
que dès que l'on libéraliserait la loi sur semaine ou la fin de
semaine, ou n'importe quand, il y en a qui vont ouvrir quand ce n'est pas le
temps pour avoir un monopole. C'est ça le problème. Dès
qu'on a une loi, un encadrement...
Mme Dionne: O.K.
M. Pouliot: ...il y a quelqu'un qui veut aller à
côté pour avoir le monopole. Alors, il y en a qui vont ouvrir
à minuit, ils vont faire des soldes de 22 heures à 23
heures...
Mme Dionne: Donc, d'après vous, M. Pouliot, ce qui se
voit, par exemple, au niveau de l'Association, des concessionnaires
d'automobiles ne pourrait probablement pas se voir dans votre domaine, parce
que les gens iraient...
M. Pouliot: Oui, mais les concessionnaires d'automobiles font des
concessions à l'intérieur d'une loi. Ils ne font pas...
Mme Dionne: Oui, c'est ça.
M. Pouliot: ...des concessions à l'extérieur d'une
loi.
Mme Dionne: Je partais à l'intérieur de la loi.
M. Pouliot: Mais, à l'intérieur de la loi, moi,
personnellement, je suis femé le lundi parce que je trouve que...
Mme Dionne: D'accord.
M. Pouliot: ...socialement parlant, ça prend deux jours,
comme n'importe quel autre citoyen.
Mme Dionne: D'accord.
M. Pouliot: La loi, présentement, premièrement,
elle est mal appliquée. Alors, même si on change la loi, si on ne
l'applique pas mieux, on n'a rien réglé. Personnellement, et
plusieurs de nos membres seraient pour avoir... D'abord, appliquons une loi qui
est bonne, appliquons-la la loi; après ça, on verra à la
changer. C'est ça la crainte de tout le monde. La loi n'est pas
respectée. C'est comme la limite de vitesse. Où est la loi? Sur
la pancarte ou dans la tête du législateur, qui est 120, 119, 122,
selon la ville? Dans le livre, c'est 100 kilomètres, la loi. Alors,
c'est ça le problème. Il est certain que les marchands,
présentement, il y en a qui ouvrent à 10 heures le matin,
d'autres à 9 h 30, d'autres à 9 heures; d'autres vont ouvrir
à 8 heures parce qu'ils ont des employés et qu'ils fabriquent,
mais toujours à l'intérieur de la loi.
Mme Dionne: D'accord. Mais ce que je voulais vous entendre dire
effectivement, c'est que vous avez choisi d'être fermé le lundi
parce que c'est un choix que vous avez fait à l'intérieur de la
loi.
M. Pouliot: C'est ça, à l'intérieur de la
loi. Mme Dionne: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Orford.
M. Benoît: M. Pouliot, vous dites à un moment
donné: Un argument d'ordre économique qui plaide en faveur du
statu quo et l'organisation économique des secteurs. Vous donnez
à titre d'exemple les centres de ski. Ne croyez-vous pas que c'est
exactement le contraire qui se produirait avec l'exemple que vous donnez
effectivement? Si toute l'industrie était ouverte le dimanche, il y
aurait moins de monde dans les centres de ski le dimanche, j'en conviens, mais
cette même population-là se répartirait d'une façon
intelligente pendant toute la semaine et le centre de ski serait gagnant, non?
Effectivement, il y aurait une répartition économique qui serait
autre que celle qu'on connaît en ce moment, qui n'est pas
agréable, qu'il y a une masse de monde au même endroit et que tout
ça se répartirait. Je pense que cet argument-là,
effectivement, c'est le contraire.
M. Pouliot: Non, monsieur. Moi, j'ai des enfants. Si je suis
obligé de travailler le dimanche; mes enfants vont y aller à
pied, en ski. Même s'ils ont 18 ans, je n'ai pas les moyens de leur payer
une automobile pour aller faire du ski la fin de semaine; j'ai de la
misère à payer le ski. Mors, si les parents ne sont pas
disponibles pour les enfants, on ne partage plus rien, ni sportivement, ni
culturellement, ni d'une façon familiale; on ne fait plus rien.
Ça devrait être même deux jours qu'on devrait être
fermé, soit samedi et dimanche ou dimanche et lundi, pour avoir une
vraie société moderne de l'an 2000. C'est ça qu'on devrait
avoir. A ce moment-là, on réglerait le problème de tout le
monde. Ceux qui pratiquent la religion le samedi fermeraient le samedi et le
dimanche; les autres, le dimanche et le lundi. C'est ça qu'il faut
faire. Il faut avoir une vision globale de la politique. Il faut que la
décision que l'on prend... On ne peut pas avoir une politique familiale
et, en même temps, avoir une politique de travail qui va à
l'encontre.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre
M. Tremblay (Outremont): M. Pouliot, je conviens avec vous que la
loi n'est pas applicable et c'est justement dans cette optique-là...
Une voix: Ce n'est pas ça qu'il a dit. Il a dit:
Appliquée.
M. Tremblay (Outremont): Applicable. Non, non. C'est dans cette
optique-là qu'on a une commission parlementaire parce qu'on est
très conscients de ça. Les zones touristiques, parce que
ça a été mentionné tout à l'heure, pour
votre information, ça existe depuis de nombreuses années,
ça fonctionne très bien et, au meilleur de ma connaissance, on
n'a jamais eu de plainte au niveau des zones touristiques. J'ai deux questions
à vous poser. Les commerçants d'automobiles ont le droit, de par
la loi, d'ouvrir le samedi et le dimanche; Bs ont décidé de
s'au-todiscipliner et de ne pas ouvrir. S'il y avait une libéralisation
des heures, vous dites que vous représentez 60 maîtres fourreurs,
est-ce que vous pourriez décider, comme vous le faites, de ne pas ouvrir
le dimanche ou même le lundi? Parce qu'après ça, vous
dites: Oui, mais quelqu'un va le faire et il va se créer un monopole.
J'aimerais que vous m'expliquiez ça un peu. Deuxièmement, est-ce
que, justement, dans une vision globale, vous faites une différence
entre votre commerce et l'alimentation? Est-ce que vous ne seriez pas
favorable, par exemple, a l'ouverture, au niveau de l'alimentation, le
dimanche?
M. Pouliot: Pour répondre à votre première
question, M. le ministre, l'industrie de la fourrure est une industrie
où se vendent des produits non comparables et dont l'attrait du prix
prend de plus en plus de place. L'industrie de la fourrure est faite de 95 % de
petits commerçants à travers le Québec, et il y a
d'énormes géants qui sont en train de vouloir prendre le
contrôle de l'industrie. Ce sont ces géants-là qui, coup
après coup, défient les lois sur l'étiquetage et les lois
sur les heures d'ouverture. Ils sont constamment à la limite de
l'illégalité. Il n'est pas normal que, présentement,
depuis deux ans, on soit obligés en tant qu'association de prendre des
injonctions à coup de 10 000 $, 15 000 $ de frais d'avocats, parce qu'on
n'est pas capables de faire appliquer la loi; ça prend des ci et des
ça. les gars sont disparus et le consommateur est lésé
Notre industrie, c'est une industrie de service. Une automobile, c'est
facilement... Tu peux aller même magasiner le dimanche. Tu sautes la
clôture et tu vas voir l'auto; tu l'aimes, tu viens l'acheter le mardi.
Une fourrure, c'est différent. Il faut arrêter de prostituer notre
industrie. Ça demande de l'attention, un manteau de fourrure. C'est pour
ça que le consommateur se fait jouer.
Là, j'ai perdu votre deuxième question.
M. Tremblay (Outremont): La deuxième question, c'est la
différence. Si on acceptait votre argumentation au niveau de la
spécificité de votre commerce, est-ce que vous considérez
qu'il y a une différence entre votre genre de commerce et l'alimentation
et qu'il pourrait y
avoir une certaine forme de libéralisation pour le dimanche au
niveau de l'alimentation seulement?
M. Pouliot: Pour vous répondre à ça,
monsieur, si vous pouvez m'assurer... Présentement, Price Club ouvre
sept jours par semaine. Ils vendent de la fourrure. Comment se fait-il qu'ils
ne sont pas fermés? Quand Jean Coutu va-t-il vendre de la fourrure?
C'est ça le problème. Là, les épiceries vont avoir
des comptoirs bancaires, d'assurances, etc. demain matin. Ils vont en vendre
quand de la fourrure?
M. Tremblay (Outremont): Si vous aviez l'assurance dans une loi,
avec des amendes importantes, qu'il ne se vendra pas des manteaux de fourrure
dans des commerces d'alimentation, est-ce que vous seriez au moins favorable
à l'ouverture pour l'alimentation, à certaines heures, le
dimanche?
M. Pouliot: Présentement, il y en a qui vendent de
l'alimentation et qui vendent de la fourrure. Je suis supposé
répondre quoi, là? Présentement, Price Club le fait. Je
fais quoi comme réponse? Je suis contre. Je comprends votre question. En
ce qui concerne l'alimentation, c'est un sujet qui est très
délicat. Si on est capables de compartimenter les institutions pour
faire en sorte qu'il se vende seulement et strictement des aliments de
dépannage, mais, même là, on n'en finit jamais de
l'exagération. C'est ça le problème. Si on peut nous
assurer, en tant qu'industrie de la fourrure, qu'il ne se vendra pas de
fourrure nulle part au Québec le dimanche, permettons, laissons la place
au législateur de prendre les décisions qui s'imposent pour
l'alimentation et on va l'appuyer, pour autant qu'on nous assure que, nulle
part, il va se vendre de la fourrure, ni chez Jean Coutu, ni chez Price Club,
nulle part.
Le Président (M. Bélanger): Alors, le temps du
parti ministériel étant écoulé, je cède la
parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Je vous remercie et je vous souhaite la bienvenue
aussi à la commission. J'aime bien votre perspective quand vous dites:
Peut-être que deux jours de congé dans une semaine, c'est plus la
vision de l'an 2000 qu'autre chose. Évidemment, c'est peut-être
facile à dire pour moi parce que c'est un point de vue que je
défends aussi de ce côté-ci de la table. C'est aussi dans
mon intervention de ce matin. Ce que je faisais valoir aux
députés ministériels et au ministre, à savoir qu'il
y avait peut-être d'autres choix à faire dans la vie, entre
autres, en ce qui concerne la qualité de notre vie collective et le
respect de la qualité de vie des familles. Donc, dans ce sens-là,
j'aime bien le point de vue que vous défendez.
Cela étant dit, le ministre vous a fait dire tout à
l'heure que la loi était inapplicable. Alors, j'ai compris que vous
aviez dit que la loi était inappliquée. Est-ce que j'ai bien
compris?
M. Pouliot: Disons que ce que le ministre a voulu dire, c'est
qu'elle n'était pas appliquée parce qu'elle était
difficilement applicable, mais disons qu'elle...
Mme Marois: Votre point de vue à vous? M. Pouliot:
C'est qu'elle n'est pas appliquée.
Mme Marois: D'accord. Parce que vous aviez dit qu'elle
était applicable à votre point de vue.
M. Pouliot: Elle est applicable, mais elle n'est pas
appliquée.
Mme Marois: D'accord. Je veux bien qu'on comprenne...
M. Pouliot: Oui, c'est ça, c'est exactement...
Mme Marois: ...et c'est ce que j'avais compris de votre part. Une
autre chose que je crois comprendre de votre point de vue - et je veux que vous
me le confirmiez, et, si ce n'est pas le cas, vous me le dites... De toute
façon, c'est assez clair ce que vous voulez nous dire; donc, ça
ne m'inquiète pas à cet égard-là. Ce que vous
semblez vouloir dire, c'est que si on ouvre une porte, si on met le pied dans
la porte, c'est celui de l'alimentation qu'on ouvrira quelques heures le
dimanche, on risque que la porte s'ouvre au complet et que,
éventuellement, ce soient les commerçants de la vente au
détail qui fassent des pressions dans d'autres secteurs. Ce seront les
marchands d'alimentation eux-mêmes qui ouvriront des comptoirs à
l'intérieur de leurs magasins pour vendre d'autres types de produits, de
telle sorte qu'on amènera... En fait, on progressera vers une ouverture
plus généralisée de l'ensemble des commerces. Est-ce que
je vous comprends bien? (21 heures)
M. Pouliot: Oui, vous me comprenez bien parce que ce qui est
important présentement, c'est que tout le monde, que ce soient des
politiciens ou des commerçants, utilise le mot "environnement". Je suis
un environnementaliste. Bravo! Je vais gagner mes élections et, à
un autre, je vais vendre plus de carottes parce que je pense ça. Mais
l'environnement, ce n'est pas bon seulement pour les animaux et les plantes;
c'est bon pour ma tête, c'est bon pour ma famille aussi. On oublie
ça. Pourquoi ne pas se donner un environnement qui permette au noyau de
notre province, qui est la famille, de bien se bâtir et de prendre un
essor tout à fait normal? C'est ce que j'ai de la misère à
comprendre. On n'est pas obligés de toujours faire ce qui se fait
ailleurs. On peut mettre un peu de qualité. C'est
beau être efficaces. Devenons un petit peu plus efficients.
Donnons un petit peu de dose qualitative dans ce que l'on fait. C'est ce qu'il
manque.
Pourquoi n'aurait-on pas une journée où on n'aurait pas
d'annonce. Pas d'annonce; la paix le dimanche. Une journée, la paix,
qu'on parle d'autre chose. Je sais ce qui va arriver et vous avez absolument
raison: les épiceries vont commencer. Pourquoi les épiceries
ont-elles le droit et que, nous autres, on n'a pas le droit? Nous, on est aussi
essentiels que vous autres. Ça ne finira plus. Il faut avoir le courage
politique, et des deux côtés. Je ne veux pas savoir si c'est
l'Opposition ou le gouvernement; il faut avoir le courage politique de revenir
en arrière et de dire à Jean Coutu: Écoute, un instant! Si
tu veux rester ouvert, ça là, ferme-le. C'est seulement ça
qu'ils ont le droit de vendre. Dans les marchés aux puces, si vous
saviez, il se vend plus de neuf que d'usagé. Alors, il faut l'avoir, le
courage. Dans les centres d'alimentation, vous pouvez aller acheter des
appareils d'air climatisé, vous pouvez acheter des vêtements, des
outils; qu'est-ce que vous faites des quincailliers? Comment allez-vous
contrôler le contenu des tablettes? Parce qu'il y a une petite
étampe chez Jean Coutu: Ce produit n'est pas vendable le dimanche. Un
instant là! C'est ce qui se produit présentement. Regardez ce que
fait Price Club. La loi dit une affaire: Bien, on a commencé à
vendre un peu de choses et ce ne sera pas long. Ils vont peut-être vendre
des votes, ce ne sera pas long. Je ne le sais pas moi.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Pouiiot: C'est ça le danger.
Mme Marois: Je comprends très très bien votre point
de vue. Juste une autre question. Vous dites que les maîtres fourreurs,
entre autres, les magasins de fourrure se retrouvent particulièrement
dans les centres-villes. On dessert une clientèle de travailleurs et de
travailleuses qui travaillent la semaine, au centre-ville, et donc qui viennent
s'approvisionner, etc. Est-ce que, effectivement, la majorité de vos
ventes ou de vos échanges commerciaux se font en semaine plutôt,
par exemple, que le samedi, ou s'ils se font le jeudi soir ou le vendredi soir
plutôt quo le samedi?
M. Pouiiot: Non, pas nécessairement. Ce qu'on a voulu
démontrer par cette approche, c'est d'éviter de transférer
la législation au niveau des villes. Dans les grandes régions,
à moins d'avoir douze commerces, le moindrement qu'une ville va dire
oui, l'autre va dire non; on est absolument faits. Mais, effectivement, il y a
des commerces, selon le genre de services, où la femme va être au
bureau et va me dire: Monsieur, je vais venir essayer mon manteau vers 16
heures; ils vont venir l'après-midi. Cela ne veut pas dire que, le
samedi, on ne fait pas d'affaires. Mais on fait des affaires à la
semaine. On voit qu'une partie de la clientèle, tous les employés
de bureau, les secrétaires administratives, les professionnels de
bureau, vont préférer, en finissant le travail, le jeudi soir,
par exemple, ou le vendredi soir, venir au commerce. Un coup rendu à la
maison, si tu demeures en banlieue, je ne le sais pas, mais traverser le pont,
etc. C'est un autre genre de clientèle qu'on a, les fins de semaine.
Mme Marois: D'accord. Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, Mme la
députée, si vous voulez remercier nos invités.
Mme Marois: Je pense que je l'ai fait déjà
abondamment au cours de mon intervention, à savoir que j'apprécie
particulièrement votre point de vue. J'essaierai, à ma
façon, de le défendre en espérant qu'il puisse aussi
être entendu de l'autre côté de la table.
M. Jolivet: Y compris.
Mme Marois: Je vous remercie.
Le Président (M. Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): M. Pouiiot, je devais vous rassurer que,
lorsqu'il y a une plainte, la loi est appliquée. Par contre, ce qui se
passe, à cause des amendes de 250 $, la loi n'est pas dissuasive. A
cause des exceptions de la loi qui spécifient des catégories de
produits, et vous en avez parié beaucoup, c'est en ce sens-là
qu'elle n'est pas applicable. Le questionnement qu'il me reste, après
votre présentation, c'est de me dire: Si on pouvait trouver une
façon de la rendre applicable et de l'appliquer, vous seriez
peut-être prêts à dire: Bon, mon produit n'est
peut-être pas nécessairement un produit essentiel que le
consommateur doit se procurer, sept jours par semaine, à cause du
service et de l'attention que vous devez y donner. Si vous aviez l'assurance,
dans un projet de loi qui pourrait répondre à vos attentes, vous
seriez peut-être favorables à regarder la question de
l'alimentation le dimanche pour permettre à des personnes d'avoir
accès à cette catégorie de produits.
C'est ce que je retiens, et je veux vous remercier beaucoup d'être
venus. Je remercie également votre collaboratrice pour votre franchise,
votre honnêteté pour nous permettre d'avancer dans ce dossier.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie les Maîtres
Fourreurs associés du Québec inc. et invite à la
table des témoins l'Association des marchands
détaillants du Canada Québec inc.,
Fédération du détail et services du Québec.
On va suspendre une minute pour faire la transition.
(Suspension de la séance à 21 h 6) (Reprise à 21 h
7)
Le Président (M. Bélanger): J'inviterais maintenant
l'Association des marchands détaillants du Canada et la
Fédération du détail et des services du Québec
à se présenter à la table des témoins. Bonsoir.
Pour vous expliquer un peu notre procédure, je vous demanderais, dans un
premier temps, de bien vouloir vous identifier, vous présenter à
la commission, identifier votre porte-parole, et que celui-ci ou celle-ci
procède à la présentation de votre mémoire. Vous
avez dix minutes pour la présentation du mémoire, et par la
suite, il y a une période d'échanges de 20 minutes avec les
parlementaires. Je vous prierais donc de vous identifier et de procéder,
s'il vous plaît.
Association des marchands détaillants
du Canada, Québec inc., et
Fédération
du détail et des services du
Québec
M. Rivet (Gilles): Mon nom est Gilles Rivet et je suis le
directeur administrateur de l'Association des marchands détaillants et
de la Fédération du détail et des services du
Québec, et d'autres associations qui sont affiliées à
celles que j'ai déjà nommées. J'ai le plaisir de vous
présenter Mme Lorraine Tamilia...
Mme Tamilia (Lorraine): Bonsoir.
M. Rivet: ...qui est la femme de M. Richard Tamilia, notre
président provincial, et la coges-tionnaire des magasins avec lui.
À l'extrême droite, là-bas, nous avons M. Réal
Savard, exprésident de la Fédération du détail et
des services du Québec, qui est expert en administration d'associations
professionnelles. Mon ami Réal, que j'ai le plaisir de fréquenter
en affaires dans les associations professionnelles, depuis au-delà de 35
ans, est un des cofondateurs de la Fédération du détail et
des services du Québec. Il est un ex-président du Conseil de la
bijouterie. Il est également un ex-directeur de la Corporation des
bijoutiers du Québec.
Je vous donne toute cette nomenclature pour vous démontrer que
notre délégation est excessivement sérieuse. On a
déjà eu ici, dans ce comité des "bills" privés, des
délégations de 250 et 300 personnes. Ça n'avait pas de bon
sens. Ce n'était pas arrangé de même dans le temps.
C'était une grande table qui était ici et c'était
cordé partout dans les fenêtres. Et ils nous disaient:
Amène-nous du monde qu'on comprenne quelque chose. On ne pense pas
ça. On ne pense pas que ce soit nécessaire de venir avec un train
privé à Québec pour venir vous parler. On pense que c'est
nécessaire, tout simplement, de se comprendre.
Le Président (M. Bélanger): M. Rivet, je vous
inviterais à présenter votre mémoire parce que notre temps
est très limité.
M. Rivet: Le mien aussi. C'est une drôle de
coïncidence. On est tous occupés.
Des voix: Ha, ha, hal
Le Président (M. Bélanger): J'apprécie donc
votre compréhension et je vous demanderais de procéder, s'il vous
plaît.
Mme Marois: Un grand sens de l'humour.
M. Rivet: II y a un bon vieux style qui dit...
Le Président (M. Bélanger): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Rivet: ...gratte-moi le dos, je te gratterai le dos, et ce ne
sera pas long que ça va être fait.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Bien. Alors, on vous
écoute, s'il vous plaît.
M. Rivet: D'abord, il faut qu'on vous rappelle que nos
associations sont les pionnières des relations professionnelles au
Canada. L'Association des marchands détaillants a été
fondée en 1893 et son premier cheval de bataille - à ce
moment-là, elle était incorporée à Ottawa
-c'était d'avoir des heures de commerce et une relève
professionnelle de la main-d'oeuvre. C'était le premier point,
ça.
Depuis ce temps-là, on a toujours perfectionné ça.
Ce qui fait que nous demandons fortement, énergiquement, au gouvernement
du Québec que le statu quo soit accordé sur le règlement
des heures d'affaires pour les établissements de détail. Il en va
de la survivance des indépendants. Ce serait tragique de vous signaler
l'épargne des Québécois, des Montréalais, de tous
nos concitoyens, l'épargne considérable qui a été
complètement coulée, qui est disparue à tout jamais
à cause des heures de commerce. Nos commerces étaient des
commerces de famille. Les familles n'ont pas pu résister à la
libéralisation des heures de commerce. Les familles se sont
déchirées, les commerces se sont donnés, pour ne pas dire
vendus. Les commerces indépendants sont devenus des franchises, des
détaillants qui surveillaient des inventaires, d'abord avec des 30 jours
de délai pour payer la facture, 15 jours,
une semaine, 24 heures: Fais ça vite, un autre à ta place.
C'est le problème du commerce de détail dans la province de
Québec. Nous sommes des surveillants d'inventaires, des inventaires qui
sont achetés à Toronto et aux États-Unis. Et nous sommes
de pauvres surveillants. C'est regrettable à dire, nous qui avions
l'orgueil de dire: L'indépendant du Québec contrôle le
commerce de détail. C'est vrai en apparence, mais il y a tellement
d'entremetteurs et il y a tellement de contrôles qui se situent à
d'autres paliers qu'il ne faut plus affirmer une telle chose en étant
sérieux.
Les fameuses franchises deviennent une espèce d'imposture dans le
commerce de détail. Nous avons souvent demandé, nos associations
ont souvent demandé au ministre de l'Industrie et du Commerce et
à d'autres, au gouvernement comme tel, qu'une étude soit faite.
Je pourrais vous donner des chiffres de certaines compagnies qui ont l'air tout
simplement sensationnels, qui avaient 4000 franchisés, il y a quatre
ans. Il en reste 1000. Où est rendu l'argent de ça? Pourtant,
ça reluit, ils sont cités comme des hommes d'affaires
merveilleux.
La question des heures de commerce a toujours été notre
ennemi numéro un. Alors que vous avez des multinationales qui ne
reculent devant rien pour imposer des libéralisations et des extensions
d'heures de commerce, nous, on est gênés de demander au
gouvernement de nous protéger parce qu'on a l'air de se servir des
heures de commerce pour nous protéger contre une concurrence excessive,
et ce n'est pas vrai. C'est pour sauver la situation du détaillant
indépendant. Nous avons 28 secteurs chez nous. On n'achète pas de
produits. Nous ne sommes que des associations professionnelles. Il n'y en a pas
d'autres comme ça. Nous avons fondé des comités
industries-écoles, à nos propres frais, avec des
bénévoles qui sont des animateurs hors pair. Nous avons
fondé des comités industries-écoles à peu
près dans tous les secteurs. On l'a fait malgré le
ministère de l'Éducation qui ne voulait pas. Il disait: Vous
n'êtes pas des pédagogues, vous ne connaissez rien
là-dedans. Et nous autres, on disait: Les élèves nous
arrivent dans nos commerces et il faut qu'on recommence à zéro.
Ils ont compris ça maintenant. Ils collaborent maintenant, petit
à petit. Alors, notre problème numéro un, ce sont les
heures de commerce, pour les vrais indépendants, là. Les
franchisés, vous savez, eux autres, ils ont un pied dans la place et un
pied dans la rue, ce n'est pas bien grave, ça. Disons qu'il surveille
son inventaire aux 30 jours, il n'est pas attaché très
très à son commerce de détail. (21 h 15)
La perte des épargnes, c'est certainement très important.
Quand vous voyez des multinationales, actuellement, qui accusent des
déficits de 67 000 000 $ - je n'invente rien en vous disant ça,
c'est connu, c'est dans les journaux, c'est public - c'est toute une
réussite, ça. Une grosse entreprise de distribution massive qui,
après cinq ou six ans d'opération, avec de supposés
indépendants comme entremetteurs, aujourd'hui, déclare avoir
perdu 67 000 000 $. Où est-ce qu'on s'en va là-dedans? Et eux
autres, ils opèrent des dépanneurs à 140 heures par
semaine. Ils vendent de la bière, du cidre, du vin, du matin au soir,
alors que nous nous étions opposés à ça, nous,
à ce que les garages, les stations-service, les débits de
bière, de vin et de cidre vendent en dehors des heures
régulières d'affaires. Aïe! On a la Société
des alcools qui ouvre le dimanche dans 28 centres commerciaux, alors que les
centres commerciaux sont fermés et que les détaillants n'ont pas
le droit d'ouvrir. Notre Société des alcools se vante de vendre
ça au public, de la boisson, le dimanche et les jours
fériés. Ça nous scandalise. On est obligés
d'être scandalisés, pas parce qu'on est contre la boisson.
Quelqu'un qui sait boire et qui a besoin de boire, il est capable de s'acheter
de la boisson, il n'a pas besoin d'aller dans les centres commerciaux le
dimanche. Ça nous paraît absolument anormal
On avait préconisé, il y a plusieurs années - c'est
toujours dans notre programme - d'avoir une charte du métier. Cette
charte du métier, c'est pour ne pas en faire une corporation
fermée, décrirait quelles sont la compétence, la
solvabilité, la faisabilité d'un commerce d'un des secteurs.
C'est drôle que nous avions des ministres du gouvernement libéral,
qui sont assis avec nous, là... Aïe, je vous parie d'il y a 30 ans,
35 ans; on s'est revus, on s'est revus, et c'est venu bien proche, tout
ça. Tout à coup, ça s'est tout défait. Ces
rêves-là se sont effondrés. La réponse de la
permanence du commerce de détail se trouve dans la compétence,
dans la relève et dans la formation professionnelle. C'est là
qu'elle est.
Nous avions également demandé...
Le Président (M. Bélanger): Je vous inviterais
à conclure, puisque le temps est pratiquement écoulé.
M. Rivet: En concluant, nous pensons que le comité ad hoc
devrait être formé le plus tôt possible, où
siégeraient des détaillants indépendants de nos 28
secteurs, afin que toutes ces transformations-là ne nous soient pas
parachutées par la Gazette officielle, ou par les journaux, ou
par des technocrates qui, tout à coup, nous diraient: Ça va
être ça, à peu près ça, votre affaire, parce
qu'on est habitués à ça, depuis 1969 que c'est comme
ça que ça marche. Remarquez qu'on est bien contents de la loi que
nous avons actuellement, on demande de la laisser telle quelle, et que le
ministère de la Justice joue son rôle là-dedans, que le
ministère de la Justice donne suite aux plaintes que nous
déposons, alors que, quand on les remet au ministère
de l'Industrie et du Commerce, je ne dis pas qu'ils ne s'en occupent
pas, les fonctionnaires, mais, d'une façon générale, on
n'en entend plus parler.
Je vous avais dit qu'on tiendrait notre temps. Je vous remercie beaucoup
de nous avoir accueillis, M. le ministre et tout le monde qui participez
à cette commission. Nous aimerions que vous sachiez que nous sommes
à votre disposition, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans la
formation d'un comité ad hoc, d'un conseil supérieur. Il y en a
à peu près dans tout. Pourquoi les détaillants, qui sont
des percepteurs bénévoles de taxes, ne pourraient-ils pas avoir
leur propre conseil supérieur? Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): Alors, je vous
remercie, monsieur. M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie beaucoup, M. Rivet, et
je vais céder la parole aux députés ministériels
qui ont des questions.
Le Président (M. Bélanger): M le
député d'Acadie.
M. Bordeleau: M. Rivet, disons, tout d'abord, une première
remarque. Quand vous mentionnez que vous ne souhaitez pas qu'il y ait une loi
qui vous soit parachutée, je pense que la commission parlementaire,
actuellement, qui va entendre 80 groupes qui représentent à peu
près tous les groupes qui ont des positions sur la question de
l'ouverture des heures de commerce, c'est ça l'objectif exactement.
C'est de pouvoir consulter les gens avant qu'il y ait une position qui soit
prise au niveau gouvernemental, et c'est la raison pour laquelle on va
travailler, peut-être durant un mois, à recevoir à peu
près 80 groupes qui vont venir nous présenter des points de vue
différents.
Je pense que vous nous avez expliqué de façon assez claire
le problème, au fond, des petits détaillants versus les commerces
à grande échelle, mais il y a un élément sur lequel
vous n'avez fait aucune remarque, et j'aimerais vous entendre à ce
niveau-là. On a eu ce matin des représentants des
universités qui sont venus nous présenter des résultats
d'études et qui nous ont mentionné que, dans les faits, depuis
1981, il y a eu un accroissement assez significatif des gens qui souhaitent une
prolongation et qui, disons, veulent avoir l'opportunité de pouvoir
faire du magasinage le dimanche. C'est relié aussi à un
changement de la structure sociale, c'est-à-dire qu'il y a des couples
où les deux travaillent durant la semaine, il y a des familles
monoparentales, il y a les heures d'ouverture, il y a la circulation dans les
grands centres qui fait qu'il y a toutes sortes de difficultés. Et cette
dimension-là se reflète aussi dans les comportements
réels, comme je le mentionnais tout à l'heure,
c'est-à-dire qu'on voit l'ouverture de commerces le dimanche. On voit
aussi dans les sondages qui ont eu lieu depuis cinq, six ans un souhait qui est
constant de la part de la population de pouvoir avoir accès, disons,
à des commerces en dehors des heures établies actuellement dans
la loi. Vous n'avez pas fait du tout référence à cette
dimension-là. Vous nous avez parlé, au fond, de vos
préoccupations, qui sont tout à fait légitimes, du petit
commerçant versus la grande chaîne. J'aimerais avoir votre
réaction à ce niveau-là.
M. Rivet: II m'a été donné de siéger
à plusieurs commissions fédérales et provinciales,
notamment celle du système métrique et d'autres. Jamais, jamais,
une seule association de consommateurs sérieuse, ni au Canada, ni dans
la province de Québec - je parle d'une association - a affirmé
qu'elle avait des demandes des consommateurs d'aller magasiner le dimanche. Pas
une seule. On a une personne à Montréal, qui fait un lobby
continu pour l'ouverture du dimanche, dans une association à
Montréal. Mais je n'en ai jamais eu. Et, à toutes les
réunions, nous avons - des fois ce n'était pas moi - toujours
posé la question: Est-ce que vous avez des demandes pour que les
commerces ouvrent le dimanche? Ni à Toronto, ni dans la province de
Québec, nulle part il y a des demandes. Il y a des lobbies qui poussent.
C'est bien sûr que les médias sont impressionnés, pour des
raisons que j'ignore, par certains perroquets qui répètent
constamment, des propagandistes ou des développeurs. Des
développeurs. Ça, les développeurs, c'est très bien
pour le commerce de détail. Or, eux autres, c'est bien clair qu'ils
veulent développer des champs et revirer des champs en vache, en
marché aux puces. Mais vous savez que ce n'est pas sérieux. Il
n'y en pas un ici qui n'a pas un réfrigérateur chez lui. Il n'y
en pas un qui n'a pas un congélateur chez lui. Le lait, c'est rendu que
c'est écrit une date de deux, trois mois avant de le boire; si tu veux,
tu attends pour le boire. Y a-t-il quelqu'un qui a besoin de courir au
coin?
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: Ce n'est pas vrai.
M. Bordeleau: Vous faites référence à des
lobbies. Je ne fais pas référence à des lobbies. Je fais
référence à des sondages représentatifs à
travers la province, qui ont eu lieu périodiquement et qui nous disent
que la population souhaite l'ouverture.
M. Rivet: Jean Coutu en a défrayé un l'année
passée qui a tourné contre lui, qui a prouvé que la
population ne demandait pas d'ouverture. C'est la pharmacie Jean Coutu qui est
un porte-parole pour un groupe de pharmacies, c'est bien sûr. Et je ne
les blâme pas.
C'est leur affaire. Moi, je n'irai pas, parce que j'ai d'autres choses
à faire le dimanche que d'aller chez Jean Coutu, si je ne suis pas bien
malade. Si je suis bien malade, je vais aller voir un vrai pharmacien. Je
n'irai pas voir un magasin de quinze-cennes.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: Écoutez un peu, là. C'est ça
l'histoire vraie, vous savez. Il ne faut pas se leurrer. Ce n'est pas vrai,
ça. Les gens achètent de la camelote et "pitchent" ça sur
le trottoir en sortant. Ce n'est même pas propre pour la ville. Et
ça s'est vu. C'est de visu. J'ai observé ça. Or, ce n'est
pas nécessaire. C'est entendu que si un pharmacien ouvre son cabinet de
produits... N'aie pas peur: il ne veut pas; ça ne le paie pas. Et je ne
suis pas sûr que ça les paye, les Coutu et les autres, de vendre
la camelote qu'ils vendent. Je ne suis pas sûr que ça les
paye.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: S'ils étaient obligés d'ouvrir, je pense
qu'ils n'ouvriraient pas.
Des voix: Ha, ha, ha! M. Rivet: C'est bien facile.
Le Président (M. Bélanger): Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. Rivet, j'aurais une
question à vous poser vraiment. Ce que j'ai compris de votre position et
de celle de votre association, c'est que vous êtes contre l'ouverture des
commerces le dimanche, incluant l'alimentation...
M. Rivet: Ah oui!
Mme Dionne: Vous êtes contre le réaménagement
en semaine également.
M. Rivet: Ah oui!
Mme Dionne: Et vous êtes contre les exceptions.
M. Rivet: Certainement.
Mme Dionne: Où ça m'accroche un petit peu, M.
Rivet, c'est au niveau des exceptions, parce que, dans les exceptions, on a les
stations d'essence et on a, par exemple, les garages de machinerie agricole.
Comme on sait, je viens d'un comté rural où, durant
l'été, les agriculteurs apprécient beaucoup l'ouverture
possible des garages de machinerie agricole, parce que vous savez que le beau
temps, ce n'est pas tous les dimanches et ce n'est pas tous les jours de la
semaine. J'aimerais que vous me pariiez de. Si j'ai bien compris, c'est que les
exceptions en tant que telles, vous n'en voulez pas du tout. Alors, vous
êtes pour la fermeture des stations d'essence le dimanche, des
restaurants et de la machinerie agricole.
M. Rivet: Si vous permettez, madame, on va juste faire une
caricature de ça. L'agriculture, on ne peut pas dire que c'est du
détail bien bien, de l'engrais et des...
Mme Dionne: Non, non, mais... Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Dionne: ...c'est une exception dans la loi dans le
moment.
M. Rivet: Oui, oui.
Mme Dionne: Je vous parie de ça.
M. Rivet: Moi, je parie des établissements au
détail, tu sais. Les porcheries et les éleveurs de moutons, je ne
pense pas que ce soit bien considéré là-dedans, hein? Ils
ouvrent parce que c'est vrai que le roi de la terre, le cultivateur, n'a que le
dimanche pour aller se chercher de l'engrais. Bon ça, c'est un. Les
stations-services.
Mme Dionne: Oui.
M. Rivet: A Montréal, il y a la moitié moins de
véhicules automobiles qu'à Toronto. Allez-vous m'expliquer
comment il se fait qu'à Toronto, le samedi soir, à 18 heures, le
détaillant d'essence se met une belle chemise blanche et une cravate et
ferme son store dans la vitre? À Toronto, il faut fermer les stores, tu
sais. Et c'est écrit dedans "Rotation". Ça veut dire qu'il y a un
système de rotation...
Mme Dionne: O.K.
M. Rivet: ...et le gars qui vient chercher de la gazoline,
ça lui dit: À deux coins de rue d'ici, il y a une station
d'ouverte. J'ai apporté ça au ministère de l'Industrie et
du Commerce d'une façon répétitive depuis quelques
années. C'est drôle que ça ne se fasse pas dans la province
de Québec, ça. Alors qu'à Toronto où il y a plus de
véhicules qu'à Montréal, tous les soirs à 18
heures, le détaillant d'essence met sa belle chemise blanche dont je
vous ai parié, parce qu'elle reste toujours blanche, il ne se salit pas,
et une belle cravate...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: ...et il va voir sa blonde. Et les gens ne se plaignent
pas. Quand un gars ou un automobiliste manque de gazoline, le policier est
organisée pour lui donner un supplément de gazoline pour
qu'il se déprenne et, en même temps, il lui donne un billet pour
qu'il s'en rappelle.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: Et il s'en rappelle parce que ça m'est
arrivé, hein? Alors, je pense que ça répond à vos
questions. Le commerce le dimanche, on pense que, sauf peut-être dans des
endroits à caractère très touristique qui n'abondent pas,
c'est très rare... Dans le temps de l'Expo, ils nous ont
imposé... Voyez-vous les parachutages, on en connaît des
parachutages. Tout à coup, à Montréal, ils avaient le
droit d'ouvrir pendant l'Expo. J'ai été voir dormir les commis
chez Simpson, chez Eaton et chez Morgan, ils étaient accotés sur
les comptoirs, il n'y avait personne qui allait là le soir. J'ai dit aux
gars: Vendez-vous votre... On ne vend rien. Mais, eux autres, il fallait qu'ils
restent toujours pour casser le principe, hein?
Mme Dionne: On était en 1967, à l'Expo?
M. Rivet: Oui.
Mme Dionne: On est en...
Le Président (M. Bélanger): Si vous permettez, le
temps du parti ministériel étant écoulé, je
cède la parole à Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Vous
représentez combien de détaillants indépendants?
M. Rivet: Quand on s'assoit autour, on est 8000.
Mme Marois: Au Québec?
M. Rivet: Oui
Mme Marois: Au Québec, vous êtes 8000?
M. Rivet: Ah oui, oui! On ne représente rien à
Toronto...
Mme Marois: ...essentiellement. M. Rivet: On est
affiliés aux autres.
Mme Marois: Est-ce que les gens... C'est juste pour
connaître un peu...
M. Rivet: Avec plaisir.
Mme Marois: ...avoir une espèce de background,
d'accord...
M. Rivet: Très bien.
Mme Marois: ...des gens que vous représentez, du nombre de
personnes qui sont membres chez vous. Est-ce qu'on devient membre par une
carte, par un "membership", par une cotisation?
M. Rivet: II y a un "membership" qui est un minimum de 100 $ par
année.
Mme Marois: D'accord.
M. Rivet: ...qui est un minimum. Maintenant, il y en a qui sont
plus généreux. Tous nos dirigeants sont
bénévoles.
Mme Marois: Oui, oui.
M. Rivet: II n'y a pas de jetons de présence, il n'y a
rien.
Mme Marois: D'accord.
M. Rivet: C'est vraiment des détaillants
indépendants qui le font avec conviction, et tous ceux qui participent
à nos comités industries-écoles et tous les comités
que nous avons le font d'une façon bénévole, sauf les
comités paritaires où on délègue quelqu'un. Celui
qui me remplace ce soir, à mon comité paritaire, il met mes 157 $
dans sa poche, ce soir. (21 h 30)
Mme Marois: D'accord, mais pas les autres soirs. Alors, ce que
vous me dites, c'est que vous représentez environ 8000...
M. Rivet: C'est ça.
Mme Marois: ...marchands indépendants, donc, non
franchisés.
M. Rivet: Oui, oui, il y a de tout le monde,
là-dedans...
Mme Marois: Oui, il y a de tout le monde. M. Rivet:
...mais il n'y a pas de chaîne.
Mme Marois: II n'y a pas de chaîne. D'accord.
M. Rivet: Non. On les refuse. Mme Marois: Oui, vous
vouliez dire.
M. Rivet: On les refuse. Comme Reitmans, par exemple, a voulu
rentrer chez nous avec 1200 coins de rue, à peu près. On n'a pas
répondu à leur demande. On n'a pas dit: On les refuse. Mais on a
dit: II y en a, des associations pour ça. Comme le Retail Council of
Canada, le Conseil québécois du commerce de détail, bien,
ils branchent Woolco, Morgan, Eaton. Eux autres là, ne cherche pas le
"boss" là-dedans, il est dur à trouver. C'est la Tour de la
Bourse qui mène.
Mme Marois: D'accord. Vous parliez de 28 secteurs
d'activité.
M. Rivet: Ce sont 28 du commerce de détail. Il y en avait
35 et ça a refoulé, ça, avec les années, 1967...
Aujourd'hui, il y en a qui sont... Voyez-vous, nous, on est opposés
à ce que le gros et le détail soient ensemble. On pense que c'est
un non-sens que les commerces de gros et de détail opèrent
à la même enseigne. On voit que ça n'a pas de bon sens.
Ça fait longtemps, ça.
Mme Marois: Donc, ce qui veut dire 28 secteurs. Vous parliez des
garagistes...
M. Rivet: Oui.
Mme Marois: ...vous parliez des stations d'essence et... C'est
quoi, les autres secteurs que vous couvrez?
M. Rivet: M. Tamilia.
M. Tamilia (Richard): On a tous les magasins de détail.
Comme moi, je suis dans le vêtement pour hommes.
Mme Marois: D'accord.
M. Tamilia: M. Savard était dans la bijouterie.
Mme Marois: Donc, en fait, tous les secteurs d'activité de
la vente de détail...
M. Tamilia: Le "boss" qui travaille 62 heures par semaine...
Mme Marois: D'accord.
M. Tamilia: ...qui cherche à avoir son dimanche "off".
Mme Marois: Pardon?
M. Tamilia: Qui cherche à avoir son dimanche "off".
Mme Marois: D'accord. Est-ce que ce sont beaucoup des entreprises
de type familial ou si ce sont surtout des...
M. Tamilia: Oui, il y en a beaucoup.
Mme Marois: Dans beaucoup de cas. Est-ce que vous employez des
personnes beaucoup, dans vos entreprises?
M. Tamilia: Bien oui, bien oui. Comme moi, j'ai quatre magasins
et j'ai trente employés...
Mme Marois: D'accord. Donc, ce sont des entreprises familiales de
petite taille, mais qui sont quand même...
M. Tamilia: ...petites et moyennes entreprises qu'on peut
appeler.
Mme Marois: Petites et moyennes entreprises, et non pas seulement
un propriétaire unique avec sa conjointe ou son conjoint.
M. Tamilia: Non, non. Et je parle au nom de mes employés
aussi; eux autres non plus ne veulent pas travailler le dimanche.
Mme Marois: D'accord. Ils ne sont pas d'accord avec le fait que
l'on ouvre le dimanche. C'est quoi, les raisons qu'ils invoquent, à ce
moment-là?
M. Tamilia: La grosse affaire, c'est surtout le manque de
famille. C'est le "fun" d'avoir une journée à toi, sans te casser
la tête, parce qu'il y en a un autre qui opère et qui
n'obéit pas à la loi. Mais eux autres ne veulent pas se donner
cette journée-là à travailler pour de l'argent. C'est
sacré pour eux autres, que ce soit la famille, que ce soit la religion,
que ce soit juste le fait que c'est dimanche. J'aime, après mon samedi
soir... Est-ce que je peux m'en aller chez nous...
Mme Marois: C'est fini.
M. Tamilia: ...être tranquille, c'est fini, mets la
clé, et bonjour.
Mme Marois: D'accord, avoir la paix pour une journée. Vos
gens, ils viennent de toutes les régions du Québec?
M. Tamilia: Bien, je suis installé à Saint-Jean,
à Saint-Jérôme, Montréal.
Mme Marois: D'accord.
M. Tamilia: Donc, ça reflète une bonne...
Mme Marois: Ça représente à peu près
tout le territoire québécois?
M. Tamilia: Un bon bout.
Mme Marois: Un bon bout. Est-ce que vous sentez une
différence? Bon, vous avez une position devant nous, mais est-ce que
vous sentez une différence chez vos membres, selon qu'ils viennent, par
exemple, de Montréal ou de Québec ou d'une région? Parce
qu'on a rencontré des gens d'une région, ce soir, qui nous...
M. Tamilia: Non, c'est tout pareil. Je veux dire qu'ils ont
tous... Ce sont des mentalités,
mais purement...
Mme Marois: Donc, le point de vue que vous défendez devant
nous les représente bien aussi.
M. Tamilia: Exactement, exactement.
Mme Marois: Je pense que mon collègue a aussi quelques
questions à vous poser.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui, j'en ai une question en rapport avec les gens
qui veulent l'ouverture le dimanche. Ça occasionnerait quoi, pour vous
autres, au niveau de l'ouverture des grandes chaînes d'alimentation, des
grands magasins, la possibilité de fermeture, de perte d'emplois chez
vous?
M. Rivet: On a établi, avec une étude qui est
prolongée de plusieurs années, que d'ouvrir les 35 000
établissements de la province de Québec coûte 1 000 000 $
l'heure. Il y a quelqu'un qui va payer ça. C'est aussi facile que
ça.
M. Jolivet: Comment avez-vous établi que ça
coûtait 1 000 000 $?
M. Rivet: C'est très facile. On a demandé à
des experts-comptables de faire un relevé des chiffres d'affaires et des
coûts d'opération, puis ils sont sont arrivés à 1
000 000 $ l'heure. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ces
chiffres-là; toutes nos associations étaient réunies et
elles ont fait la même étude avec nous. Ça coûte 1
000 000 $ l'heure. Pensez-y, il y a des détaillants qui ne paient
même pas leur électricité, quand ils sont ouverts le soir.
C'est aussi...
M. Jolivet: Ce que vous êtes en train de dire, c'est que,
si ce n'est pas le consommateur qui paie, ce sont vos membres qui vont payer en
fermant.
M. Rivet: C'est le gouvernement qui paie, premièrement.
Ça prend plus de police sur la route. Ça prend plus de
surveillance. Il y a des taxes qui ne se rendent peut-être pas là
où elles devraient se rendre. C'est le détaillant qui paie et,
finalement, il faut qu'il le refile au consommateur. Il appelle ça "le
cochon", le consommateur.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: Je regrette, mais c'est ça, hein. Regardez, on a
eu une baisse de chiffre d'affaires - et vous me démentirez - de 5 %
avant Noël. Il n'y a personne... Le détaillant, ils n'ont pas
réduit son compte de taxe. Ils n'ont pas réduit son compte
d'électricité. Il n'y a pas un employé qui a pris une
"eut" là. Il y a eu du vol à l'étalage, dans les
entrepôts, et tout ça. Les assurances ont augmenté. La taxe
de... Comment on appelle ça, la...
M. Jolivet: La TPS.
M. Rivet: Elle s'en vient pareil.
Mme Marois: La taxe sur les produits et services.
M. Rivet: Alors, on a établi que le détaillant
indépendant, actuellement... Je ne vous parle pas du magasin Reitmans
qui a 1200 magasins. Ça, c'est comme un habitant qui a 100 vaches;
même s'il y en a trois qui en donnent moins, il y en a encore 97 qui
donnent du lait.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: Alors que l'indépendant est tout seul. Quand
l'orage lui tombe sur les épaules, il est fini, le gars. S'il y a une
grève des postes, une grève du transport, qui mange? C'est le
détaillant. Qui est-ce qui ne va plus au magasin parce qu'il n'y a pas
de circulation? Il y a une tempête, les gars se mettent en grève
et ils n'ôtent pas la neige sur les trottoirs. Qui paie pour? C'est le
détaillant. Imaginez-vous si vous les ouvrez une heure de plus.
Ça coûte rien que plus cher, hein? Non, non, c'est assez simple,
c'est assez facile que tu te demandes pourquoi on en parle depuis tout ce
temps-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Rivet: C'est facile, c'est ça. Regardez, en Ontario, il
y a cinq ou six ans, les médias et nos propagandistes et les
développeurs. Ce sont les développeurs qui sont les meilleurs de
tous. Eux autres, ils ne travaillent pas le dimanche, les développeurs,
ils développent.
Des voix: ha, ha!
M. Rivet: Alors, en Ontario, savez-vous ce qui est arrivé?
Ils ont vendu l'idée aux détaillants indépendants de
demander à la municipalité Toronto Metropolitan, d'ouvrir plus le
soir. Nous avons lu les dossiers ensemble. Les détaillants
indépendants de Toronto, et ce n'est pas tous du monde riche, ils ont
fait un "pot" de 5 000 000 $ pour combattre cette loi-là et revenir aux
heures qu'on a actuellement, nous autres. Et nous autres, il y en a qui veulent
qu'on les change. Aïe! Et c'est ça. On peut vous montrer ces
études-là.
M. Jolivet: Je vous remercie, quant à moi.
Le Président (M. Bélanger): Alors, si vous
voulez...
Mme Marois: Je vous remercie de votre contribution et de
l'échange franc et plein d'humour, d'ailleurs, que nous avons eu
ensemble.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. Rivet, de la
discussion franche et surtout détendue que nous avons eue. Mais, en
terminant, je voudrais vous rassurer sur deux choses, pour vous laisser sur une
note optimiste. La première, et je pense que le député de
l'Acadie vous l'a bien expliqué, c'est qu'il n'y a pas une
volonté ou une intention avouée du gouvernement de
libéraliser les heures d'affaires. Je pense qu'on va écouter. Il
semblerait - il y a 80 mémoires - il y en a qui semblent dire qu'il y a
un problème avec cette loi-là. Alors on va écouter.
Deuxièmement, et c'est surtout ça que je veux vous dire, je ne
pense pas que le gouvernement veuille soutenir ou trouver des politiques pour
favoriser la domination des gros sur les petits. Je veux au moins vous rassurer
là-dessus. Je vous remercie d'être venu, de nous avoir
expliqué votre point de vue. Ça va sûrement nous aider dans
notre réflexion.
M. Rivet: Merci beaucoup.
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail remercie d'abord ses invités et je vous
informe que nous reprenons nos travaux demain matin, à 9 heures. Alors,
à 9 heures dans la salle, s'il vous plaît. Merci.
(Fin de la séance à 21 h 40)