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(Onze heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Bélanger): La commission reprend
ses travaux afin de procéder à l'étude du projet de loi
14, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des
remplacements?
Le Secrétaire: Oui, il y a un remplacement. M. Leclerc
O"aschereau) est remplacé par M. Poulin (Chauveau).
Le Président (M. Bélanger): Bien. Il n'y a pas
d'autres remplacements?
Le Secrétaire: Non.
Le Président (M. Bélanger): Notre mandat est clair.
Est-ce qu'il y a des déclarations préliminaires sur ce projet de
loi? M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Yves
Séguin
M. Séguin: Oui, si vous me permettez, M. le
Président, tout d'abord de réitérer mes bons voeux
à ceux qui sont ici pour la première fois ou à ceux ou
celles qui reviennent dans cette fonction parlementaire, donc faire mes
meilleurs voeux d'un excellent mandat et leur assurer ma collaboration, bien
sûr, et faire en sorte que nos travaux soient les plus enrichissants dans
la démarche que nous faisons dans l'intérêt public. Je
pense que ce n'est pas nos intérêts de formation politique ou des
intérêts qui, à l'occasion, peuvent être plus
à une dimension personnelle, mais, d'abord et avant tout, s'assurer que
le travail que nous faisons saura mieux desservir la population que nous
représentons.
Je sais que c'est un exercice qui n'est pas toujours facile. Les
périodes de temps qui nous sont dévolues ne permettent pas
toujours de faire exactement tout ce qu'on souhaiterait. Mais, de mon
côté, je vais tâcher d'apporter plus de contributions utiles
au questionnement qui se soulèvera et tâcher de répondre,
d'une part, aux questions et de voir s'il y a des éléments sur
lesquels on peut travailler à améliorer ce projet de loi 14 que
nous avons maintenant devant nous et qui a fait l'objet, je pense, d'un travail
sérieux dans sa préparation pour ces 19 articles qui ne sont pas
très longs, qui ne comportent pas, je pense, dans leur principe, de
déchirement spirituel particulier, qui sont plutôt d'un ordre
technique, il faut le dire.
Je suis très conscient que le volet qu'on aurait voulu
peut-être davantage aborder - j'en ai parlé moi-même dans la
présentation du principe - aurait été de regarder
l'ensemble des mesures que l'on pourrait envisager pour corriger des irritants
ou des lacunes au niveau de l'ap-pllcatlon de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail administrée par la CSST. C'est un
volet que j'ai indiqué, en partant, qui n'est pas greffé à
la loi 14. Et il ne faut pas non plus y faire de liens directs. C'est une loi.
C'est la troisième ou quatrième que je présente depuis un
an qui touche à la Loi sur la santé et la sécurité
du travail ou la loi sur les accidents du travail et lésions
professionnelles. Je suis bien conscient qu'à chaque fois c'est une
occasion de réfléchir sur la CSST, mais ce n'est pas
nécessairement à l'occasion d'un projet de loi qui a un but
relativement limité qu'il faille reprendre à chaque fois
l'ensemble de la réflexion qui est mienne.
J'aurai l'occasion, dans ce sens - et je le dis tout de suite - de
présenter, dès après les fêtes, un projet. Pour
certains, on pourrait appeler ça une réforme, pour d'autres,
c'est un plan d'action. Je trouve que souvent le mot "réforme" comporte
une ampleur qui n'est peut-être pas réelle. Je dois dire que cette
loi qui est relativement récente - elle a été
adoptée en août 1985 ou au printemps 1985 - me semble avoir
résisté dans le temps, dans cette cinquième année,
à l'ensemble des critiques. Je pense que ce n'est pas tellement sur la
loi elle-même que l'on reproche aujourd'hui ce que l'on constate au
niveau de l'application de la loi par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, la CSST, mais plus des modalités,
plus, peut-être, certaines mesures, mais certainement pas, dans ma
compréhension des choses, une remise en question de la loi
elle-même. Et je n'ai pas reçu, en tout cas à mon niveau,
de représentations dans ce sens-là, M. le Président.
J'indique ça tout de suite parce que je sais que c'est une
préoccupation de l'ensemble des collègues de l'Assemblée
nationale de voir à ce qu'on apporte des correctifs. Lors de l'adoption
du principe, beaucoup de membres de l'Assemblée nationale, et
particulièrement ceux qui sont intervenus de nos collègues de
l'Opposition, ont soulevé ce volet-là. J'ai souvenance, entre
autres, que le député de Pointe-aux-Trembles, le
député de Joliette, la députée de
Hochelaga-Maisonneuve et d'autres aussi ont soulevé un questionnement
non pas tellement sur le projet de loi 14 comme tel... D'une part, Ils ont
constaté que c'est une loi de 19 articles qui est plutôt une
mécanique interne de tarification. Il pourrait y avoir quelques
questions, mais, dans l'essentiel, il n'y a rien dans ce projet de loi qui,
dans son principe et dans ses modalités, soulève une
interrogation fondamentale. Par ailleurs, ce qu'on a indiqué,
c'est qu'on aurait souhaité que ce soit une occasion d'apporter,
tant dans la loi ou autrement... Et remarquez que je n'ai personnellement pas
réagi à ces propos de la façon traditionnelle, mais, au
contraire, j'ai tout de suite indiqué que c'est certainement rejoindre
mon opinion que je fais entière là-dessus de la même
façon... Et je l'ai redit hier, lors de l'adoption du principe, vers 11
h 50, que je n'avais aucune hésitation, d'une part, à faire
miennes ces remarques qui ont été faites et, d'autre part,
à déposer des après les fêtes un projet
d'intervention qui va chercher à corriger une dizaine de volets au
niveau de la CSST.
Je remarque aussi que l'ensemble des souhaits qu'on a exprimés
allait dans le sens qu'on regrettait que je n'apporte pas, à la
lumière... A l'occasion du projet de loi 14, on a regretté que je
n'apporte pas aussi des amendements à cette loi-là. Je l'ai dit
tantôt. Je ne crois pas qu'on va corriger ce que l'on regrette comme
certaines modalités administratives de la CSST, qu'il faille
nécessairement entreprendre une refonte en profondeur de la loi
actuelle, la loi 42, qui a été adoptée en 1985. Je ne le
crois pas et je le leur ai dit. Par contre, je crois qu'il faut revoir
certaines modalités précises. Je les ai moi-même
indiquées publiquement, j'en ai fait une longue présentation au
conseil d'administration de la CSST, au mois de mai. J'ai rendu publics au mois
de juin, en commission parlementaire, lors d'une interpellation, les domaines
dans lesquels je croyais essentiel qu'on refasse certains travaux ou certaines
réflexions pour des corrections. Entre autres, les bureaux paritaires
soulèvent, d'après moi, un questionnement fondamental, à
savoir s'il faut les maintenir intégralement, les modifier, les changer,
parce que, comme structure, à peu près tout le monde
reconnaît que ce mécanisme de révision de décisions
de la CSST, évidemment, passe par une étude très
sérieuse du fonctionnement des bureaux paritiaires, et voir si on ne
pourrait pas améliorer tout le cheminement du dossier.
Il y a la question de savoir si on devrait revoir la loi pour permettre
des interventions, soit du ministre, soit d'autres autorités, pour faire
en sorte qu'on puisse avoir droit de révision sur une décision
rendue par la CSST, sans que nécessairement on doive
référer le tout dans un processus quasi judiciaire, pour une plus
grande souplesse administrative de reconsidération en
révision.
Il y a le groupe des travailleurs et travailleuses de 1982 qu'on
appelle, dans notre jargon à la CSST, le groupe de la Stab 82,
c'est-à-dire 6000, 7000, environ 7000 personnes qui n'ont pas encore
bénéficié d'une forme d'indexation qui est prévue
avec la nouvelle loi. Ils sont restés, si vous voulez, sous le couvert
de l'ancienne. Ils ont eu des bonifications de la nouvelle, mais pas une pleine
indexation sur les programmes de stabilisation et de remplacement de revenu.
Depuis un an, j'ai fait l'objet de beaucoup de rencontres avec des groupes,
avec des collègues de l'Assemblée nationale qui m'en ont
parié et j'ai acquis l'intime conviction personnelle, mais bien
honnêtement, qu'il faut intervenir. (11 h 45)
J'ai demandé à la direction de la CSST, il y a plusieurs
mois, de faire une analyse et je crois pouvoir très prochainement - et
ça fera partie du plan d'action après les fêtes -
introduire probablement dans la loi un correctif pour régler ce
problème-là qui est une anomalie, me semble-t-il, qui s'est
développée et qui, par équité, devrait être
corrigée pour ce groupe d'accidentés du travail qui sont
restés partiellement ou peu, ou pas du tout, dans plusieurs cas,
indexés depuis 1982. Je pense que ça rejoint des
représentations qu'on m'a faites et qui ont été faites
publiquement par certains députés membres de l'Opposition lors de
leurs interventions récemment.
D'autres éléments aussi qui seraient un peu longs à
énumérer là, mais c'est pour indiquer, M. le
Président, et je pensais utile de le faire dans mon préambule,
que je veux bien qu'on comprenne que le projet de loi 14 ne vise qu'à
corriger une méthode de calcul de la cotisation aux employeurs et ne
prétend absolument pas être la seule occasion que nous ayons
d'ouvrir le grand livre de la CSST pour réfléchir et apporter des
correctifs. Au contraire, je le dis et je le répète, j'aurais
peut-être souhaité techniquement pouvoir me présenter ici
avec un projet beaucoup plus vaste qui aurait englobé autant la
tarification que tout ce plan d'action ou cette réforme
déjà que je vous dévoile un petit peu. Par contre, toutes
sortes de raisons techniques ne l'ont pas permis et, une bonne raison aussi,
c'est que la consultation n'est pas terminée. Dès le mois de juin
j'avais demandé à la CSN, à la FTQ, au Conseil du
patronat, lorsque j'ai formé un comité de réflexion sur
cette réforme... J'avais d'ailleurs invité un représentant
de l'Opposition à y participer et, pour des raisons que j'ai
trouvé tout à fait légitimes, il a
préféré ne pas y participer, mais j'avais invité un
membre de l'Opposition à participer à ce comité. De toute
façon, j'ai tenu quand même à informer un peu mon
collègue, à l'époque, de la création de ce
comité, un peu l'angle sous lequel on se présentait dans ce
comité, et j'ai reçu d'à peu près tous les
participants au comité... Il y avait là aussi un
représentant de la CSST évidemment, un représentant du
monde médical et un représentant du monde juridique pour traiter
du plan d'action et tous m'ont fait parvenir un mémoire très
intéressant et qui rejoint, me semble-t-il, à peu près
à l'unanimité le même questionnement et des pistes de
solutions que l'on entrevoit. Je dois le dire, la collaboration de la CSN a
été particulièrement étoffée et
articulée dans son
mémoire. Les opinions qui ont été exprimées
dans le mémoire présenté par la CSN à ce
comité rejoignent totalement un peu le même genre de questions que
je me posais et le même genre de solutions que j'ai entrevues.
Tout ceci pour dire que j'ai l'intention de préparer un projet
qui va être remis pour consultation publique, dès après les
fêtes, dans le courant de janvier ou de février, à
l'intérieur d'une commission parlementaire où les deux partis
s'entendraient pour inviter un certain nombre de représentants de
groupes à venir nous exprimer leurs réflexions sur le projet que
j'aurai rendu public, qui, déjà, va tracer la
problématique sur un ensemble de points et tracer quelques voies de
solutions. On demandera, on réfléchira ensemble sur la meilleure
façon de corriger ce que nous avons tous constaté dans le but, si
le temps et les aléas de nos travaux le permettent, de présenter
un projet de loi que nous pourrions déposer à la prochaine
session du printemps et, dans le meilleur des cas, viser une adoption en fin de
session, en juin, afin de permettre que cette démarche qui est
souhaitée comme intervention au niveau de la CSST fasse partie d'un plan
d'action bien défini et avec un calendrier serré. Parce que mon
souhait le plus cher, M. le Président, serait qu'effectivement, au plus
tard, si possible, au printemps prochain, nous ayons terminé ce travail
et que, par la suite, nous puissions espérer que ces corrections, ces
aménagements au niveau de l'administration, de l'application de la loi -
parce que des correctifs, je le souligne tout de suite, vont nécessiter,
soit des amendements à la loi, soit des règlements, et d'autres,
non, étant purement administratifs - mais que tout ce travail que je
veux faire, en pleine collaboration avec l'ensemble des collègues de la
commission, bien sûr, de l'Opposition également et des groupes qui
sont très sensibles et articulés sur toute la question
santé et sécurité du travail, puisse nous éclairer
aussi sur le vécu. Je n'ai pas l'intention de faire une réforme
tout simplement pour avoir le plaisir de dire qu'on a fait une réforme,
mais pour que ce milieu de la santé et sécurité du travail
puisse dorénavant vivre un peu mieux le cheminement de ses dossiers,
surtout pour les accidentés du travail.
Je termine en disant sur ce long volet, M. le Président, mais qui
me semble absolument majeur, que j'ai toujours été animé
par une certaine vision de cette loi qu'on appelait 42 et qui est devenue la
loi connue un peu pour tous comme la loi des accidents de travail, pour ne pas
l'appeler par son titre officiel. J'ai toujours eu une certaine vision,
à la lecture de la loi, que l'accidenté du travail a une forme de
présomption à son avantage, une présomption qui s'est
peut-être un petit peu diluée au travers des années pour
toutes sortes de raisons. Il me semble que le but de tous les correctifs que
nous pourrions envisager devrait converger à redonner à
l'accidenté du travail, qui l'a déjà en partie, bien
sûr, mais à redonner la pleine présomption à
l'accidenté du travail dans sa démarche. Et ça, ça
me semble fondamental pour que toutes les discussions que nous pourrons avoir,
que ce soit au niveau législatif, administratif, tout ça... Moi,
il y a deux choses, vous savez, que je vais tenir fondamentales dans mon
esprit. Premièrement, indépendamment des problèmes que ce
que nous allons souhaiter et décider pourra occasionner pour l'appareil
administratif, j'y suis insensible, je le dis tout de suite. Je suis ministre
responsable de l'application de la loi et non pas un ministre responsable d'une
administration qui, elle, relève de la CSST. Mon problème
à moi, c'est de m'assurer que la loi qui a été
votée et qui, j'en suis convaincu, demeure fondamentalement une bonne
loi, on la regarde de nouveau - à moins qu'on soit tous convaincus qu'il
faille y apporter un changement fondamental, ce dont, moi, actuellement, je ne
suis pas convaincu, mais je ne demande pas mieux, si j'ai tort, de m'en
convaincre - mais tout simplement qu'on prenne la loi et qu'on y apporte des
correctifs avec cet angle de vue que l'accidenté du travail, dans la
loi, à mon sens à moi, à moins que je ne fasse erreur,
bénéficie d'une présomption à son avantage.
Les correctifs que je veux apporter, les modalités que je
suggère que nous changions ont pour but, je le dis, uniquement de faire
redonner cette présomption pleine et entière à l'avantage
de l'accidenté du travail, qui l'a déjà, il ne faut pas
exagérer, mais qui a peut-être été quelque peu
diluée. C'est le seul but que je recherche avec, comme je le disais,
l'autre principe, ma préoccupation comme ministre responsable de
l'application de la loi de m'assurer que la loi soit bien appliquée dans
ce qu'elle est. Les problèmes que ces correctifs pourront engendrer, j'y
suis sensible pour être prêt à collaborer avec,
évidemment, la direction et le conseil d'administration de la CSST pour
voir de quelle façon on peut les aider à pailler les
difficultés, mais je pense que ce n'est pas ça qui va
m'arrêter.
En terminant, M. le Président, je dois dire que le personnel de
la CSST a quand même - de mémoire - en termes de chiffres tout
près de 3500...
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, je vous
inviterais à conclure. Il vous reste 35 secondes.
M. Séguin: Oui, je conclus, M. le Président, en 30
secondes.
Je vais terminer en disant - et je l'ai entendu hier et dans la nuit de
mardi par certains collègues, et je pense qu'ils ont tout à fait
raison - que les 3500 employés de la CSST font quand même un
excellent travail et, si nous
avons des récriminations, si nous avons des souhaits à
formuler, je pense qu'il faut dépasser le niveau de les adresser
à l'ensemble du personnel de la direction de la CSST. Il faut comprendre
qu'ils vivent un système aussi qui n'est pas parfait et que nous avons
comme devoir, peut-être, de corriger.
En terminant, mon dernier mot. J'ai une bonne pensée et un
certain hommage à faire. Je le fais au personnel de la CSST et
j'espère que ce que nous allons entreprendre comme correctifs, tant
aujourd'hui que dès après les fêtes, amènera une
amélioration pour tous, et surtout pour les accidentés de
travail. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
Est-ce qu'il y a des répliques? M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord
féliciter le ministre de son élection dans son comté de
Montmorency, le féliciter aussi d'avoir été de nouveau
nommé, par le premier ministre, ministre du Revenu et du Travail.
Le Président (M. Bélanger): Est-ce qu'il est
possible de parler un petit peu plus fort? On entend mal de l'autre
côté.
M. Bourdon: Oui. Quand M. Parizeau m'a confié le soin
d'être porte-parole en matière de travail, je n'apprendrai rien au
ministre en lui disant que la première chose qu'on fait c'est qu'on
demande à ceux qui ont de l'ancienneté, parce que moi, je n'en ai
pas encore dans cette Chambre, de quelle sorte de ministre il s'agit. La
réponse qu'on m'a donnée, c'est que le ministre est un
interlocuteur valable. Le peu de contacts que j'ai eus avec lui jusqu'ici me
confirme qu'effectivement il s'agit d'un interlocuteur très valable,
Intéressé par les mêmes questions que nous,
indépendamment des divergences que nos formations politiques peuvent
entretenir à bien des égards et qui sont le jeu normal
d'expression d'une société pluraliste.
Hier, nous avons voté pour le projet de loi qui est devant nous
en deuxième lecture. C'est donc une indication que, quant à nous,
il n'y a pas de problèmes fondamentaux dans l'adoption du projet de loi
comme tel. Remarquez qu'à l'étude article par article on fera
part de certains doutes et le ministre s'y attend, mais ce projet de loi comme
tel n'est pas malvenu.
Le ministre a eu raison de souligner, notamment dans une séance
de nuit de l'Assemblée nationale, séances qui sont toujours plus
animées que les séances de jour et où, la fatigue aidant,
on se laisse aller à parler plus fort, pas dans le cas du ministre, mais
dans le cas des députés des deux côtés, que le
conseil d'administration de la CSST a fait consensus sur le projet de loi qui
est devant nous. Et ça, je pense que c'est un facteur dont on doit
évidemment tenir compte.
Je voudrais d'entrée de jeu souligner que, pour ce qui est des
centrales syndicales, la CEQ n'est pas représentée au conseil
d'administration de la CSST. Elle aimerait y être et je crois qu'elle a
l'intention d'en entretenir prochainement le ministre. De notre
côté, on l'a rencontrée pour connaître ses opinions
sur une mesure qui touche l'ensemble des 125 000 membres que la CEQ compte et
je pense que c'est un point de vue important dont nous devons tenir compte.
Même si le projet de loi a un objet relativement restreint, la
tarification, nous pensons qu'il ouvre la porte à une discussion de fond
sur l'ensemble des mandats et des missions de la CSST. À cet
égard, je me réjouis que le ministre soit ouvert à ces
autres considérations et je pense que le projet de loi lui-même y
donne ouverture dans la mesure où il vient préparer une
réforme qui touche non seulement le mode de tarification, mais il y a eu
une décision qui appartient au conseil d'administration de la CSST, dans
un contexte où on prévoit une diminution des ressources relatives
de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Ce que j'entends par là, c'est qu'il a été
décidé - et, à cet égard, au conseil
d'administration de la CSST il y a eu une dissidence, la dissidence de la CSN
pour ne pas la nommer - de diminuer le taux moyen de la cotisation de 2,75 $
les 100 $ à 2,50 $ les 100 $. Je partage avec le groupe parlementaire
auquel j'appartiens les préoccupations de ceux qui ont été
réticents et même dissidents à l'endroit de cette
diminution du taux moyen, diminution qui est appréciable puisque c'est
près de 10 % du taux moyen qui se trouve à être
touché. (12 heures)
Les réticences sont les suivantes. C'est que n'importe quel
organisme, la CSST y compris, est bien obligé de vivre avec les
ressources dont il dispose. Et la CSST est une organisation très
considérable par la grosseur des budgets et par le nombre
d'employés qu'elle coiffe. On parle, M. le Président, d'un budget
annuel de 1 500 000 000 $. Et Mme Jérôme Forget, la
présidente sortante de la Commission, rappelait que la contribution des
employeurs à la CSST égale presque l'ensemble des impôts
que les entreprises paient au gouvernement du Québec. C'est une mesure
de l'importance de cette organisation-là et il s'agit de s'assurer
qu'elle a les ressources nécessaires pour administrer toutes les
facettes de tous les programmes qu'elle administre.
C'est sûr qu'à la CSST la réparation est le
côté principal de l'activité de la Commission.
Mais il y a d'autres éléments qui sont importants et que
la Commission administre. Je pense aux programmes de prévention qui vont
chercher 80 000 000 $ et qui sont essentiels puisque, dans le fond, dans une
société parfaite... Et je suis d'accord avec le ministre, je le
dis avant qu'il ne me le dise: Nous ne sommes pas prêts d'être dans
une société parfaite. Mais, dans une société
parfaite, les ressources à la réparation devraient être
très minimes et la loi 42, à cet égard, se fixait comme
objectif général l'élimination à la source des
dangers.
Bien sûr, il y aura toujours des accidents dus à des
facteurs de hasard. On ne peut pas dire que quelques millions de travailleurs
sur les lieux de travail peuvent éviter d'avoir tout accident tout le
temps. Mais l'idée d'éliminer à la source les maladies
professionnelles et les accidents du travail est une idée qui
mérite d'être retenue. Nous pensons que la CSST ne consacrera
jamais trop d'efforts à convaincre employeurs et employés que
l'accident évité, la maladie évitée, c'est encore
le meilleur moyen non seulement d'épargner des sommes, mais aussi
d'avoir une société plus civilisée.
Donc, la réduction du taux moyen nous préoccupe grandement
à deux égards. D'abord, la CSST sera requise après une
mécanique de consultation que le ministre veut élaborer à
partir d'un plan, à partir d'un projet, et on souscrit à cette
idée-là, d'améliorer la performance dans la
réception et le traitement des demandes en réparation. Donc,
c'est quelque chose qui pourrait avoir des implications financières. Je
ne sais pas si c'est à cause du milieu d'où je viens, mais je me
méfie toujours de la possibilité qu'on nous dise
éventuellement, quand on sera rendu au coeur du sujet. On voudrait bien,
mais on n'a pas d'argent. C'est parfait, M. le ministre, tout est beau, mais on
n'a pas de ressources. Parce que, aller plus vite dans la mécanique
d'appel, ça implique sûrement de revoir un peu l'approche des
réclamations, leur traitement en première ligne et les
mécanismes d'appol quand lia doivent Intervenir. Mais,
d'expérience, je sais que d'habitude ça finit par coûter
quelque chose quand on veut faire ce qui est nécessaire.
Je ne mentionnerai à cet égard que le fait que les
préposés de la CSST de première ligne ont un classement
salarial bien bas et que, dans ces matières, quand on veut
améliorer les choses, on commence d'habitude par augmenter les exigences
des fonctions et augmenter les salaires qui vont avec. Quand une organisation
traite des réclamations, c'est sûr que le personnel de
première ligne est essentiel, parce que le dossier qui part croche,
continue croche et a des chances de finir croche.
Il y a, d'autre part, l'intention annoncée par le ministre de
faire quelque chose quant au plan de stabilisation - les groupes qu'on ren-
contre nous parlent de la Stab 82, alors restons dans la Stab 82 - de penser
à des mesures d'indexation de ces rentes. Quant à nous, on pense
que c'est essentiel. L'Assemblée des travailleurs accidentés du
Québec a adressé à tous les députés un
plaidoyer éloquent à cet égard et qui ne portait pas que
sur le plan de stabilisation dont on parle, mais sur l'ensemble des rentes que
la CSST est appelée à verser. Donc, la réduction du taux
moyen nous inquiète et nous préoccupe.
On aurait éventuellement aussi à parler, dans
l'étude détaillée de la loi, du financement du programme
de retrait préventif pour les femmes enceintes ou qui allaitent. Nous
voulons nous assurer que ce programme n'est relié d'aucune
manière à la remise rétroactive de cotisation aux
employeurs méritants qui est prévue dans la loi, avec laquelle on
est d'accord en principe, mais où on met deux réserves. La
première, c'est qu'il ne faudrait pas que la performance en
matière de retrait préventif des femmes enceintes ou qui
allaitent intervienne pour la raison évidente que les entreprises
seraient incitées à ne pas embaucher de femmes susceptibles
d'être enceintes, ce qui est déjà le cas à certaines
occasions.
Il y a également à être vigilant à
l'égard des remboursements de cotisation parce que, même si
l'intention est louable, la performance de chacun commande un peu son niveau de
cotisation. Celui qui parle est un automobiliste qui a perdu six points, dans
les derniers mois, pour excès de vitesse. Alors je comprends que, ce
qu'on pale et ce qu'on reçoit... Il est toujours utile que l'État
nous mentionne que la hâte d'arriver à une réunion
électorale n'est pas une raison de faire de la vitesse, en tout cas
quand on n'est pas ministre et qu'on n'a pas un chauffeur fourni par la
Sûreté du Québec. Mais ce que je veux dire
là-dessus, c'est que l'intention du projet sur la tarification, à
savoir que la cotisation des entreprises soit, de quelque manière,
fonction de leur performance, ne nous apparaît pas mauvaise Au contraire,
les entre prises seraient Incitées... Mais la réserve que j'y
mets, et ça ne touche pas la lof comme telle, mais l'application que la
CSST en fera, c'est qu'il n'y ait pas, parmi les 171 000 entreprises
assujetties, des entreprises qui considèrent que l'omission de
déclarer un accident pourrait être un facteur d'économie
d'argent. Autrement dit, il ne faudrait pas que, par l'absence de mesures de
contrôle, on laisse des joueurs tricher. Il s'agit bien de retourner,
même rétroactivement, des cotisations, si une entreprise a
éliminé à la source les dangers, ce qui est l'intention
générale de la loi, et donc qu'elle a un bon comportement.
Ça fait un peu le tour, M. le Président, de ce que le
projet nous inspire. Évidemment, je me dois de répéter
qu'on a été un peu froissés de
la manière dont la CSST a mobilisé et informé les
employeurs avant que les parlementaires ne soient saisis du projet. Ce
n'était pas de notre part une petite plainte au président
nouvellement élu pour vérifier comment il répond à
des plaintes comme celles-là. On a vu, d'après les documents de
la CSST, 85 groupes de tous ordres, non pas seulement pour les consulter sur ce
qu'on devrait faire. Je conviendrai d'avance que la CSST ne consultera jamais
trop les intéressés quand elle envisage de réformer un peu
son fonctionnement. Mais on a aussi publié des projets tout faits
où II suffisait, croyons-nous, que les députés mettent un
peu de leur salive sur un timbre pour l'apposer sur le document. Ça,
nous pensons que ce n'est pas quelque chose de souhaitable.
On pense que le projet nous arrive un peu tard. Il y a en partie la CSST
qu'il l'a remis assez récemment. Il y a un autre problème dont le
ministre du Travail n'est pas responsable, c'est que visiblement le premier
ministre aime être en Chambre, mais pas trop longtemps, parce qu'il a
d'autres occupations, de telle sorte qu'on nous a convoqués tard pour
une session courte. Ça, la CSST et le ministre n'en sont nullement
responsables. Disons que nous tiendrions à dire à la CSST qu'il
serait préférable d'avoir des projets de loi adoptés avant
d'informer sur l'application pratique. La consultation, c'est bien
évidemment tout autre chose. Je pense que je me devais de dire à
ce moment-ci qu'on n'a pas tellement aimé la manière.
Était-ce parce que la présidente sortante s'attendait à
sortir et voulait laisser en testament et en héritage une mesure qui
vise surtout ceux qu'à l'occasion, me disent les centrales, elle
appelait ses clients, c'est-à-dire les employeurs? Ne lui prêtons
pas d'Intentions. Les sortants n'ont pas toujours tort, contrairement aux
absents.
Cela dit, même si on pense donc que la loi a des mérites,
nous pensons qu'il est essentiel de poursuivre la démarche sur les
autres problèmes impliqués. Je termine en disant: Pour notre
parti, la CSST ne sera jamais un assureur comme les autres. Pour nous, c'est un
organisme de l'État qui joue un rôle social où la
prévention et la réparation doivent se faire dans le respect de
la personne humaine. C'est, en gros, M. le Président, les remarques
préliminaires que je voulais faire.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je n'ai pas eu
l'occasion d'intervenir au moment de l'adoption de principe du projet de loi
qui est sur la table. Je voudrais peut-être juste faire quelques
commentaires dans le prolongement des remarques de mon collègue de
Pointe-aux-Trembles sur le sentiment que j'ai éprouvé lorsque
j'ai su qu'on procédait à des séances d'information
auprès des entreprises, alors que les parlementaires - et là je
parle de tous les parlementaires - des deux côtés de la Chambre
n'étaient même pas informés de la teneur du projet de loi.
C'est ce qui fait que, dans certains cas, on se sent méprisés, on
sent que la Chambre est méprisée, que le rôle que la
société confie aux législateurs et aux
députés n'est pas respecté. Quand un organisme de cette
nature, pour des raisons qui peuvent être valables - on ne les questionne
pas - se permet une telle attitude, c'est plus que cavalier et c'est
complètement méprisant. Je me demandais, et peut-être
avez-vous déjà eu l'occasion de répondre: Est-ce que le
ministre a rappelé la CSST à un peu plus de décence
à ce sujet? Est-ce qu'il y a eu des remarques officielles, des lettres,
une invitation à se faire un peu plus discrets sur cette question?
Est-ce que ça a été fait? Parce que j'ai connaissance que
les séances d'information sont faites. Nous ne sommes pas
informés. Peut-être que quelqu'un ici a vu les documents. Moi je
ne les ai pas vus. La commission n'est pas venue nous informer, sauf que la
commission fonctionne comme si les décisions étaient prises. Ici,
le sentiment que j'éprouve c'est que ce sont des "rubber stamps", les
décisions sont prises, les entreprises sont Informées, il ne vous
reste qu'à l'adopter. Je comprends qu'on n'est pas en position pour
empêcher l'adoption d'un projet de loi quel qu'il soit, y compris celui
sur la CSST. Mais, vous savez, il ne faut jamais laisser passer ce type de
décision, ce type d'attitude. Aujourd'hui, c'est nous qui sommes
à l'Opposition, demain ce sera le Parti libéral, parce que je
pense qu'il y a une règle d'alternance là aussi. (12 h 15)
Mais il y a plus que ça. Il y a la responsabilité, le
respect des personnes que les populations élisent pour les
représenter. Et quand on commence à mépriser votre droit
de parole, membres de la partie ministérielle, votre droit de vous
prononcer et de prendre des décisions sur ces questions, à
d'autres occasions on pourra trouver toutes sortes de bonnes raisons pour le
faire aussi. C'est pourquoi je pense qu'il ne faut jamais accepter ce genre de
situation.
Le projet de loi, et je me réjouis de la position - je dois le
dire aussi, il y a des choses qui doivent être dites - du ministre, de
son intention de revoir un certain nombre de choses en ce qui a trait à
la CSST, et je dois dire également que je ne m'en étonne pas. Je
pense que, dans plusieurs autres dossiers où je l'ai vu fonctionner, il
a fait preuve de beaucoup d'ouverture et d'une bonne sensibilité.
Cependant, ce projet de loi sur le nouveau mode de tarification a
commencé à être élaboré il y a deux ans.
Je
dois m'étonner qu'on ne l'ait pas eu avant, ce qui aurait permis
de respecter les règles et ce qui nous aurait assuré aussi que la
CSST aurait pu respecter également les élus.
J'aurais souhaité qu'on puisse aller rapidement plus loin.
J'imagine que le ministre est conscient du nombre de personnes... Dans son
comté comme dans tous les comtés des députés, ceux
qui ont de l'expérience, qui tiennent un comté depuis quelques
années le savent. Il n'y a pas de semaine où on n'est pas l'objet
de représentations d'un accidenté du travail. Et là, ce ne
sont pas des cas simples, et ce n'est pas quelque chose qui implique juste une
personne. Il y avait une espèce d'opinion qui voulait que tous les
accidentés du travail ou presque étaient quasiment des abuseurs
de système, mais ce n'est pas que ça. Il peut y en avoir, je ne
le nie pas. J'imagine qu'il y en a. Mais ce n'est certainement pas la
majorité. Et les accidents qui ont été reconnus ne sont
pas factices, ils sont réels. Donc, au départ, il y a quelqu'un
qui s'appelle un accidenté du travail, qui a subi un accident. Et j'ai
vu, comme vous avez vu certainement dans vos comtés, des cas qui
deviennent complètement pathétiques, parce que c'est un jeune
père de famille qui a eu un accident, et là la CSST, le
médecin de la CSST conteste son médecin, il revient et là
il est obligé d'aller en appel de la décision. Le
résultat, c'est que le père de famille se retrouve assisté
social et c'est toute la famille qui est affectée. C'est la
qualité de vie de la famille, c'est celle des enfants, c'est celle de
son entourage et c'est sa vie de couple. Et c'est tout ça qui est
affecté.
Et ce que je remarquais, le Vérificateur général
nous faisait remarquer la croissance de 16 % du coût de l'administration
et, chose surprenante, je remarquais la même chose du côté
du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du
revenu, où, dans les deux cas, on a augmenté les contrôles,
les contestations, les appels, les recours et, en même temps, on a
augmenté de 16 % le coût de l'administration à la CSST, et
la même situation dans le cas de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Et tout ça, sous prétexte qu'on
fait des économies. Les économies sont certainement pour ceux
qu'on réussit à embaucher. On augmente le nombre d'emplois. C'est
peut-être heureux par les temps qui courent, mais je ne suis pas certaine
qu'au total ça coûte effectivement beaucoup moins cher, parce que
ceux qui vont en appel des décisions de la CSST le font souvent à
l'aide de l'aide juridique, qui est payée à même les
revenus du Québec, également. Et si on prenait en compte les
coûts d'appel, les retards causés aux personnes, la
détérioration de la qualité de vie de ces
familles-là, je suis loin d'être certaine qu'on serait, comme
payeurs de taxes, gagnants.
J'ai vu un cas tout à fait récent, et là ça
échappe à toute logique. J'ai le dossier sur ma table, il me
revient, un M. Gaudreault. Je ne me permettrais pas de donner ses
coordonnées ici. Il est débosseleur, il est intoxiqué au
monoxyde de carbone dans un garage et le médecin de la CSST, et
n'importe qui va vous dire que ça n'a pas de sens, plutôt que de
s'interroger sur les séquelles causées au cerveau, parce qu'on
reconnaît les séquelles du monoxyde de carbone sur le cerveau, a
examiné les poumons. Il n'a pas de problème aux poumons, il n'a
pas de séquelles aux poumons, donc, il n'est pas malade, donc, il n'a
pas eu de problème. Et là, il est en appel. Écoutez,
ça fait trois ans qu'il est devant la commission et II n'est vraiment
pas capable de se défendre lui-même parce que, effectivement, il a
des blancs de mémoire. Il a des séquelles au cerveau. La
décision du médecin de la CSST n'a pas été de se
demander s'il avait d'autres séquelles, c'était de se demander
s'il respirait bien. Il y a des choses qui sont complètement
inacceptables.
Par ailleurs, avec la pression des employeurs, je dois dire qu'on est
passé d'une perception - vous l'avez bien soulevé - de la CSST et
de son rôle, de celui d'un rôle d'outil de développement et
de promotion sociale, en même temps que prévention, qualité
de vie, droit à l'intégrité de la personne, à une
perception d'assureur. Il faut que ça en donne le plus possible à
l'assureur pour le moins possible de primes et on a complètement
renversé la perception, la fonction ou les objectifs qu'on
s'était donnés comme Québécois au moment où
on adoptait un projet de loi avant-gardiste. Dans les pays qui ont
adopté de telles lois, c'est prouvé, la fréquence des
accidents de travail et les coûts reliés aux accidents de travail
sont considérablement diminués et on estime, dans certains
milieux, que le Québec pourra être compétitif dans une
économie de libre-échange en raison des coûts
réduits reliés à la santé et à la
sécurité. Je pense que vous le savez également. Et on a
quasiment une institution, elle n'a pas tout à fait l'âge d'une
institution, mais cet outil qu'on s'est donné au Québec, qui
s'appelle la CSST et qui était contestée par les entreprises, il
eh va de soi. Elles sont intéressées à en faire plus et
quand les accidentés de travail tombaient sur le BS, ça ne
tombait pas sur la paie... Je veux dire que les entreprises, ça ne leur
coûtait rien ou peu finalement. Bien sûr que ça paraissait,
au premier abord, beaucoup moins avantageux pour elles mais on a réussi
à ternir l'image de la CSST à un point tel que ce ne sont pas les
employeurs qui sont estimés être imprudents, à être,
à certaines occasions, fauteurs de "troubles là-dedans parce que
ne prenant pas les mesures nécessaires. Non, ce sont devenus les
accidentés eux-mêmes. Les accidentés sont
présumés... Le fardeau de la preuve, contrairement à tout
notre système, repose sur l'accidenté et les accidentés
sont perçus comme étant des fraudeurs poten-
tiels. Et c'est la deuxième fois qu'on voit introduire ça
dans notre système au Québec, sur la main-d'oeuvre et la
sécurité du revenu, pour tous ceux qui sont
bénéficiaires de l'aide sociale et c'est la situation actuelle
dans le cas de la CSST.
J'aurais aimé, évidemment, et j'espère que
ça va se faire le plus rapidement possible, qu'on prenne des mesures
réelles et concrètes pour atténuer la pression, la
tension, l'angoisse de ces dizaines de milliers de familles. On est toujours
démunis. Le dernier recours qu'on a dans nos bureaux, et ça me
désole, mais, en même temps, je me dis s'il faut passer par
là, faisons-le quand ça fait 18 mois, deux ans que les personnes
sont en attente pour paraître devant la Commission des affaires sociales,
c'est le dernier recours, si je ne m'abuse...
Une voix: C'est l'autre.
Mme Blackburn: C'est l'autre? De toute façon, le dernier
recours... Alors, ce qu'on nous dit de plus en plus, c'est: Envoyez une lettre.
Le député fait une recommandation, il fait un peu le portrait de
la situation et il dit: Écoutez, c'est intolérable. La famille,
à un moment donné, vous allez être obligés de
l'enfermer, ça va finir par nous coûter plus cher. Et là,
ça passe. Effectivement, j'en ai vu un qui est passé. On disait
que ça n'avait pas de sens et là on a dit: On ne peut pas le
placer tout de suite, on établit nos agendas trois mois à
l'avance à peu près, mais on vous garantit qu'en décembre
il va y être. J'ai hâte de voir. J'imagine que lorsqu'il va passer
il va me redonner un coup de fil. Le problème, c'est que c'est bon pour
les personnes qui le savent, c'est bon pour la personne qui a découvert
qu'elle pouvait venir frapper à votre bureau, puis au mien, mais ce
n'est pas ça l'accès à l'équité...
L'accès à l'égalité, ce n'est pas ça. Si
c'était ça, il faudrait que tout le monde ait le même droit
et le même réflexe: allez-vous-en tous dans les bureaux de
députés et là on reviendrait à la case
départ, parce qu'on ne pourrait pas faire changer l'agenda pour tout le
monde. Le système est malade là-dedans. C'est
intolérable.
Je ne voudrais pas être plus longue sur ces remarques,
quelques-unes cependant... Une qui me préoccupe et qui d'ailleurs avait
amené le précédent gouvernement et les syndicats - et
là on me dit que ça fait l'unanimité - à être
un peu réticents là-dessus, en même temps qu'on
reconnaît le bien-fondé que moins vous avez d'accidents, moins
vous devriez payer de primes, ça m'apparaissait une incitation à
la prévention intéressante et, en même temps, ça
pouvait et ça pourrait avoir comme effet contraire d'inciter à
camoufler des accidents. C'était ça, à un moment
donné, la crainte qu'on avait. Comment est-on capables d'amener
là-dessus une façon d'aborder cette question-là qui nous
permette à la fois de créer des incitations à la
prévention, telle la diminution des primes lorsque vous n'en avez pas ou
vous en avez moins, et en même temps éviter cette tendance qui va
être grande et qui existe déjà, il ne faut pas se le
cacher, dans certaines entreprises de camoufler des accidents?
Évidemment, ceux qui sont pénalisés dans ces
cas-là, ce sont toujours les accidentés.
Deuxième remarque. Je sais que ça a été en
partie corrigé, m'a-t-on dit, parce qu'il y a eu des directives qui
étaient parties du cabinet du ministre, ou du ministre lui-même,
sur le retrait préventif des femmes enceintes dans les garderies. On
avait décidé que, si la femme était enceinte, lever un
bébé ce n'était pas grave. Je reconnais que lever un
bébé enceinte ce n'est pas grave non plus, un enfant de deux ou
trois ans, tu t'arranges, mais généralement, quand tu es plus
avancée, tu ne le lèves pas. Je le sais pour avoir porté
des enfants. Mais, quand vous êtes dans une garderie, ce n'est pas un
enfant que vous avez, vous en avez huit. Ça commence à faire une
différence. Le retrait préventif était refusé
systématiquement. Je pense que ça s'est un peu corrigé, je
l'espère. Alors, pour toutes les travailleuses de garderies, on avait
vraiment ce problème.
C'est un système qui, il faudrait se le rappeler, puis le
rappeler aux employeurs, devrait nous permettre comme société de
réduire les coûts reliés aux accidents du travail, et
ça coûterait moins cher à l'ensemble de la
société, autant à l'employeur qu'à
l'employé. Mais c'est également un système - et je suis
heureuse d'entendre là-dessus le ministre - qui doit jouer en faveur
d'un préjugé favorable a l'endroit de l'accidenté et non
pas ce qui se passe actuellement. Et ce qui se passe, je le rappelle, chez vous
à la CSST, comme ce qui se passe à la Main-d'oeuvre et à
la Sécurité du revenu, le fardeau de la preuve appartient
actuellement à celui qui veut réclamer des prestations de
bien-être et à celui qui veut réclamer des prestations en
raison d'un accident de travail. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): M le
député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Juste quelques minutes
de votre précieux temps pour faire quelques remarques
préliminaires afin que l'on soit certain de bien s'entendre sur la
portée de la loi et ce qu'on aurait peut-être dû faire ou ce
que l'on devrait faire en priorité pour améliorer la situation ou
le sort des accidentés du travail et des bénéficiaires de
la CSST. (12 h 30)
M. le Président, comme j'ai eu l'occasion de
le dire lors du discours en deuxième lecture, je continue de
croire qu'on met la charrue devant les boeufs avec cette loi-là, dans la
mesure où il me semble passablement difficile de commencer à
parler des revenus de la CSST sans savoir ce qu'on va faire avec les
dépenses. Généralement, comme je le disais, une
municipalité fixe son taux de taxation ou ses modalités de
taxation après avoir connu ce que ça va lui coûter dans
l'année comme dépenses, après avoir évalué
l'ensemble des champs où elle aura à intervenir en cours
d'exercice. Or, dans le contexte présent, M. le Président, on
commence par modifier... On sait que ça va mal à la CSST,
ça c'est bien clair, bien évident, il n'y a personne qui va en
douter. Je n'ai qu'à regarder ce qui se passe à mon bureau de
comté. J'en parle avec mes collègues, c'est le même
problème. Je suis certain que nos collègues du côté
ministériel ont aussi plusieurs et pas mal de demandes qui arrivent
à leur bureau de comté. C'est comme si on était rendus que
le bureau de député était un petit peu un appendice, un
complément du bureau de la CSST. Ce que je trouve tout à fait
anormal d'ailleurs, ce n'est pas normal. Qu'il nous arrive un cas de temps en
temps, bon, en tant que représentant plus ou moins dans le milieu du
Protecteur du citoyen, quelqu'un qui n'est pas satisfait de la façon
dont la CSST opère avec lui, dont il a été traité,
et qu'il vienne nous voir, ça c'est juste normal que ça arrive.
Mais quand c'est jour après jour, semaine après semaine, des cas,
des cas, ça n'arrête pas de rentrer, des cas l'un après
l'autre, là il y a quelque chose qui se passe.
Mais moi, il y a une chose que je remarque aussi, par exemple, ce n'est
pas l'entreprise qui vient nous voir parce qu'elle a des problèmes avec
la CSST. Évidemment, on n'est peut-être pas assez importants pour
que l'entreprise vienne nous voir, elle aime mieux aller à un niveau
supérieur. C'est peut-être le cas, sauf que, chez nous en tout
cas, c'est l'accidenté, c'est celui qui devrait bénéficier
et qui ne bénéficie pas des avantages de la CSST, c'est lui qui
vient nous voir, c'est lui qui a des problèmes à court terme
à régler. Vous savez la modification des tarifs de la CSST,
à la limite, ça ne coûtera pas moins cher pour l'ensemble
de l'entreprise. Ça ne fera pas la différence entre la
rentabilité et la non-rentabilité de l'entreprise, quoi qu'on
puisse en dire. Et même s'il y a des groupes organisés comme
l'Association minière du Québec, par exemple, qui font de
véritables levées de boucliers, de véritables charges de
cavalerie contre la CSST, il reste que ce n'est pas ça qui met en
péril l'industrie minière au Québec. Il y a bien d'autres
problèmes dans l'industrie minière que celui des cotisations de
la CSST.
Mais pour le travailleur, par exemple, qui, lui, se retrouve du jour au
lendemain en chaise roulante... J'en ai un cas, je pourrai vous donner le nom,
M. le ministre. On vous en a conté des cas, on va s'en reparler, j'en ai
un très beau. On vient justement de trouver une solution pour lui
là, après deux ans à peu près d'attente. Un
travailleur dans la trentaine, entre 35 et 40 ans, un mineur avec enfant,
famille, qui du jour au lendemain, suite à un accident de travail, se
retrouve en chaise roulante. Vous savez dans un petit milieu comme Chibougamau,
on en a au-dessus d'une trentaine d'accidentés de travail en chaise
roulante. C'est quand même pas pire pour un milieu d'à peu
près 2000, 2500 travailleurs. Là, on lui refile une chaise
roulante qui n'existe même plus sur le marché, on n'est pas
capables d'avoir de pièces. Et là il a beau se présenter,
il a beau aller devant son agent de compensation et essayer d'avoir de
l'amélioration et tout ça, pas capable. Il a fallu qu'il perde
une roue de sa chaise roulante, qu'il se ramasse à plat ventre sur le
plancher, pas de jambe - je ne sais pas si ça vous dit quelque chose,
pour ceux qui en ont des jambes, ce n'est pas facile de se relever - se
"pète la fraise" comme il faut sur le ciment avant que ça
commence à bouger. Finalement, on va lui acheter une chaise roulante qui
a de l'allure.
Son siège de véhicule adapté, il est
condamné par le garage, il est condamné par la
sûreté municipale, il est condamné par la
Sûreté du Québec, il est condamné par tout le monde,
mais la CSST dit qu'il est conforme aux normes. Tout le monde est contre, mais
la CSST dit qu'il est conforme aux normes. Bon, il est obligé de le
garder, jusqu'à temps que le bureau du député soit
obligé de faire des pressions pour changer son siège. Aujourd'hui
même, à l'heure où on se parle, ce matin, il est au garage,
à son rendez-vous pour aller améliorer son siège
condamné par tout le monde, sauf l'agent de compensation de la CSST qui
dit: Non, non, il n'y a pas de problème. La police ne connaît pas
ça, les garages ne connaissent pas ça, nous autres on
connaît ça, ton siège est correct. Je peux vous dire que ce
matin. II est à son rendez-vous au garage pour l'améliorer son
siège, en présence de mon attaché politique de
comté qui est avec lui au garage, à la demande de son agent de la
CSST. Imaginez-vous si c'est plaisant. Hein! Comme si on travaillait pour la
CSST dans nos bureaux de comté. C'en est rendu là.
C'est vrai que chez nous, comme je l'ai déjà dit au
ministre, le bureau le plus proche de la CSST est à exactement 235
kilomètres de Chibougamau et 251 kilomètres de Chapais. C'est le
bureau le plus proche où tu peux avoir des services, dans un milieu
où tu as des mines, des scieries, du camionnage, l'industrie lourde de
toutes sortes, l'industrie de la construction, la grosse industrie de la
construction, on ne parle pas de couler des trottoirs de ciment, puis on n'a
pas d'agent de la CSST, le plus proche est à 235 kilomètres de
Chibougamau et à 251 kilomè-
très de Chapais. Et imaginez-vous quand vous êtes
blessé, et qu'il faut que vous vous promeniez. Je peux vous en dire
quelque chose, j'ai justement perdu un oeil dans un accident de travail et
ça m'a pris deux ans de chicane avec la CSST avant de réussir
à avoir un règlement quelconque. Ce n'est pas drôle de te
promener dans un parc comme sur la route de Chibougamau où on n'a plus
de budget d'entretien ou à peu près pas depuis trois ou quatre
ans pour aller faire voir ton oeil à Roberval ou ta jambe ou ton bras ou
ton coude ou... Bien là, c'est toi qui paies le voyage. Ah oui, on le
compense! La CSST, je le comprends bien, elle nous compense, mais tous les
désavantages de faire la route puis ce que tu endures, par exemple,
n'est pas compensé. On demande à peine d'avoir un agent sur place
pour s'en occuper. Scandale, ça coûte trop cher! Je suis certain,
moi, que vous avez payé pas mal plus en dépenses de voyage que ce
que vous aurait coûté un agent sur place depuis que la CSST
existe. Ah non, mais ça coûte trop cher! Scandale! Pourtant,
avant, on avait un agent du ministère de l'Énergie et des
Ressources, dans le temps où les accidents du travail dans les mines et
tout ça relevaient du ministère de l'Énergie et des
Ressources. On en avait un agent du ministère de l'Énergie et des
Ressources en permanence, mais il n'est plus là, il n'y en a plus, puis
on en demande, puis il n'y en a pas encore, puis il faut qu'on se
promène, puis il faut qu'on courre, puis on n'en a toujours pas. Puis
nos accidentés continuent de payer la note pour tout le monde. C'est un
gros problème.
C'est à ce genre de problèmes que le ministre aurait
dû commencer à s'attaquer avant de faire plaisir à ses
"chums" des compagnies. C'est ça qui est le problème. Qu'on
commence donc par voir le bénéficiaire, celui pour qui on a
créé la CSST, celui qui devrait normalement en tirer les
avantages, parce que c'est un pauvre diable qui a un accident du travail. Cela
vaut pour une femme aussi, évidemment. Bon! Mais là c'est pas
ça qu'on fait. Le ministre dit: II y en a des problèmes. Je
l'écoutais encore hier dans ses remarques finales en deuxième
lecture: Ah! on est au courant de tout ça. Je prends le président
à témoin, ça va être réglé avant la
fin de l'année. Ah oui! J'ai hâte de voir ça, moi, j'ai
remarqué l'heure: il était minuit moins dix, hier soir, on
était en date du 13 décembre. On va savoir que le
président a été pris à témoin, là.
C'est le ministre qui l'a pris à témoin: minuit moins dix, le 13
décembre. Ah! on va se le rappeler, les 22, 23 décembre, à
la fin de la session de 1989. Ah non! je l'ai noté moi-même, de
peur que peut-être on ait fait une erreur, sauf que, c'est rare, vous me
direz, mais je l'ai noté quand même. C'est à ce genre de
problèmes donc, que le ministre aurait dû s'attaquer en premier.
C'est bien plus important de régler le problème des travailleurs
que de régler le problème des cotisations des compagnies. De
toute façon, les compagnies vont payer pareil, à moins que le
ministre vienne nous dire que les compagnies vont payer moins, mais, si les
compagnies paient moins et qu'on veut régler le déficit et qu'on
veut surtout, au cours des années qui viennent, payer les 10 000 cas qui
devraient être réglés prochainement, je l'espère,
bien, il va falloir que ça coûte quelque chose, puis ça
risque normalement de coûter plus cher que ce que ça coûtait
avant, à moins qu'il y ait plus de compagnies, puis au rythme où
ça va, il y en a moins. En tout cas, chez nous, il y en a moins qu'il y
en avait. Hein! Donc, il va falloir que quelqu'un paie. On ne viendra pas nous
dire que ça va coûter moins cher aux compagnies dans l'ensemble,
ça, ce programme-là, ce n'est pas vrai. Les compagnies, il va
falloir qu'elles paient plus cher, à moins qu'on nous dise qu'on va
couper les prestataires par après. Une fois qu'on va avoir établi
les normes pour les compagnies, on va dire: Astheure, vous autres, les
prestataires, vous allez rentrer dans le moule, point final, puis les morceaux
qui dépassent, ça, c'est comme de la vieille pâte, hein, on
va vous renvoyer en dessous du rouleau. À moins que ça ne soit
ça, la vision du ministre, de définir le cadre de combien
ça va coûter, puis après ça de s'organiser pour
pousser tout le monde sous pression, pour que ça rentre dans le trou,
puis quand ça ne rentrera plus, bien, ceux qui débordent: Tant
pis pour vous autres, vous crèverez! Si ce n'est pas ça, bien,
qu'on commence donc par évaluer la pâte qu'on a, puis on fera les
moules après. Parce que ce n'est pas vrai que ça va coûter
moins cher aux compagnies en bout de piste.
Écoutez, ce n'est pas compliqué! Il faut que la CSST
administre, que ça fonctionne. Les surplus qu'on a faits cette
année, c'est parce qu'on a laissé traîner des cas: combien
il y a de mHllers de cas qui traînent? Moi, j'en connais quelques-uns
chez nous, en tout cas, qui sont assez graves et qui vont coûter assez
cher le jour où ils vont être réglés. Il y en a
encore un qu'on a référé à la commission d'appel la
semaine dernière, là, qui traîne depuis à peu
près deux ans puis qui va traîner encore pour une autre couple
d'années, puis durant ce temps-là, le gars, bien, il est à
la galette de sarrasin, comme on le disait dans le temps. Hein, bien ça,
ce n'est pas grave, ça, lui, c'est rien qu'un travailleur! Même si
ça prend encore un an pour modifier ça, ce n'est pas grave, pour
autant que les compagnies sont contentes, elles.
Puis, qu'est-ce qui arrive avec tout ça? En bout de piste, il va
falloir que ça se paie, voyons donc! Le ministre ne viendra toujours pas
nous dire que tous les cas qui sont en commission d'appel actuellement puis qui
ont permis de faire un excédent cette année parce qu'ils n'ont
pas été payés en temps sont des cas perdus
d'avance pour les travailleurs. Je suppose qu'il y en a au moins un
infime pourcentage là-dedans qui vont gagner devant la commission
d'appel. Il va falloir que ça se pale un jour, puis, pour que ça
se paie, bien, il va falloir qu'il rentre de l'argent, puis, pour qu'il rentre
de l'argent, bien, il faut qu'il y ait des compagnies. C'est ça!
Une autre affaire qui est absolument aberrante, bien, M. le
Président, ça en est aberrant: la loi n'est môme pas
déposée en Chambre, là, en première lecture, puis
elle n'est même pas passée en discussion en deuxième
lecture que déjà la CSST se permet d'annoncer aux employeurs ce
que ça va leur coûter, ça va être quoi la nouvelle
tarification, les nouvelles normes, puis si la cotisation... Ils ont jusque des
exemples de cours de personnalisation et de cours d'assurance. Tous les
exemples sont faits et la loi n'est même pas encore supposée
d'être écrite. On n'est même pas supposés de la
connaître. Les parlementaires n'ont même pas encore
été saisis de la loi et la CSST est déjà en train
de publiciser ce que ça va donner. Comment on appelle ça, M. le
Président, en langage parlementaire? Est-ce qu'il y a un mot pour
qualifier ce genre d'événement? Est-ce qu'on peut dire, par
exemple, "bafouement" du Parlement? Est-ce que c'est acceptable sur le plan
parlementaire?
M. Bourdon: M. le Président, je dirais n'importe quel
terme excepté "favoritisme".
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Claveau: C'est absolument incroyable. Est-ce qu'on va
commencer maintenant dans toutes les sociétés d'État
publiques, parapu-bliques, tout ce que vous voulez, à publiciser le
contenu d'une loi avant même que les parlementaires en soient saisis?
Allez donc! Il y a toujours bien une limite à se moquer de la Chambre;
Je veux bien croire que comme parlementaires on n'a pas un gros niveau de
perception dans l'opinion publique et qu'on est ridiculisés plus souvent
qu'à notre tour, mais ce sont des agissements comme ça, M. le
Président, qui font en sorte que le Parlement perd de sa valeur, de sa
crédibilité et que, finalement, on passe tous pour une gang de
perroquets qui répètent par en arrière des choses sur
lesquelles les sociétés d'État ou les intervenants
directement impliqués sont déjà d'accord de toute
façon et les décisions sont comme prises pour eux autres.
Ça fait que vous autres, la gang de perroquets, vous avez beau parler
dans la grande cabane du Parlement, on s'en sacre, ça ne
dérangera rien. La preuve, on a déjà publié la
réglementation et ce que ça va coûter avant même que
les parlementaires soient saisis de la loi. Imaginez-vous si c'est une belle
procédure, ça! Ça, c'est un exemple à donner pour
l'avenir du parlementarisme. Si on était encore dans quelque dictature
du genre "bananière", peut-être que ça serait acceptable.
Ça serait déjà au moins quelque chose qu'on publie les
règlements parce que, ceux-là, on ne les publie môme pas.
On serait contents au moins d'avoir des règlements publiés. Mais,
à ce que je sache, on n'est pas encore dans un pays sous l'emprise de la
United Fruits Company, par exemple, comme certains pays d'Amérique
latine dits républiques de bananes. À moins que ce soit d'autres
compagnies que la United Fruits qui aient le contrôle ici et qu'on ne le
sache pas. Le chat va sortir du sac à un moment donné. Ce sont
des agissements comme ça, c'est absolument incroyable.
J'espère que le ministre, j'espère qu'au moins la CSST
aura la décence, puisqu'on s'embarque dans ce genre de démarche,
de publier la nouvelle réglementation qui va favoriser les travailleurs
dès le printemps même si la loi est acceptée l'automne
prochain. En tout cas, si les travailleurs, dès le printemps, savent ce
qui les attend et comment ça va marcher dorénavant dans toute la
démarche concernant la commission d'appel et les rappels ou les refus
des rapports des médecins, et tout ça, bien, au moins, s'ils le
savent six mois avant que la loi soit passée, ça va être un
moindre mal. En tout cas, ils vont toujours bien dire: Bon, ça ne sera
pas si pire. Est-ce que le ministre s'attend à ce que la CSST publie
aussi la réglementation sur la nouvelle commission d'appel, le nouveau
fonctionnement de la commission d'appel dès les mois de janvier,
février, quitte à ce que ce soit adopté juste à
l'automne? Bien, si ça vaut d'un bord, ça doit valoir de l'autre
aussi, M. le Président, n'est-ce pas? Les compagnies sont
déjà au courant de combien ça va leur coûter,
ça va être quoi la tarification, ça va être quoi les
normes, la nouvelle catégorisation, comme le disait le ministre, des
beaux grands mots. Ils savent déjà tout ça et nous autres,
on ne sait même pas qu'il y a une loi. On n'a même pas
été saisis du numéro de la loi. C'est assez
spécial, vous en conviendrez, M. le Président. On a de quoi se
poser des questions. On a de quoi se demander aussi si vraiment le gouvernement
est en train de ridiculiser à l'extrême le Parlement.
Il y a une différence entre être au gouvernement et
être membre du Parlement. Ça, c'est deux choses. Même si un
gouvernement n'est pas plus parlementaire qu'il soit, il faut qu'il respecte
quand même les normes du Parlement qui lui a permis de se faire
élire et de devenir gouvernement. C'est le minimum des choses qu'on
devrait s'attendre dans une société démocratique comme la
nôtre, à moins que "démocratie" soit un simple terme, un
simple mot que l'on retrouve dans le dictionnaire pour ce
gouvernement-là et puis, finalement, pour le reste, tant pis dans
l'application. Comme parler des kangourous en Australie, ça ne nous
dérange pas tellement. On sait que ça existe parce qu'il y a des
dictionnaires et des
images qui nous les ont montrés mais on n'en a pas vu souvent
chez nous. Si c'est ça pour le gouvernement, Parlement, quelque chose
qui existe en théorie, qui a existé jusqu'en décembre 1985
au Québec mais qui est maintenant chose du passé... Est-ce que
c'est ça la nouvelle définition du Parlement pour le gouvernement
actuel? On se pose des questions. (12 h 45)
M. le Président, il y a assurément un certain nombre de
problèmes graves qui actuellement sont au coeur de toute la dynamique de
la CSST. Il n'y a personne ou à peu près personne des
bénéficiaires qui sont satisfaits. Il y a tout le temps quelque
chose qui se passe. Il y a une vision excessivement fonctionnarlste de la part
des agents de la CSST. Quand je dis ça, je ne blâme pas les agents
eux-mêmes. Ce n'est pas contre eux que j'en ai. Bien au contraire, ils
font leur job, ils font leur travail du mieux qu'ils le peuvent dans les cadres
qu'on leur a désignés mais, quand ça ne marche pas
à la tête, comment voulez-vous que ça marche en bas? C'est
ça qui est le problème! Il y a des régions au
Québec qui n'ont pas de directeur régional depuis des mois, des
mois et des mois à la CSST, puis il y a personne qui veut "appliquer",
parce que le premier qui sait qu'il va "appliquer" comme directeur
régional sait que le lendemain matin il n'aura plus de tête sur
les épaules, il y a quelqu'un qui va lui avoir fait sauter la noix. Ils
le savent, il n'y a personne qui "applique" et je suis certain que le ministre
est au courant de ça. Il y a des régions au Québec,
actuellement, où le poste de directeur régional est ouvert et
où il n'y a personne qui veut "appliquer".
Une voix: C'est-u vrai?
M. Claveau: Ah oui! Ah oui! vous vérifierez.
Une voix: II y a un problème.
Le Président (M. Bélanger): Deux minutes.
M. Claveau: Juste deux minutes, je vais avoir l'occasion de me
reprendre.
Non, mais c'est parce que... donc, il y a des problèmes
fondamentaux. Comment voulez-vous, quand on ne s'entend pas à la
tête, au niveau régional, au niveau national, que les agents, eux,
de la base, qui sont pris aussi entre deux feux, qui sont pris entre le
travailleur qui, lui, veut avoir ce qu'il peut, le maximum, puis il essaie de
retirer ce qu'il pense qu'il lui revient de par la loi, il n'y a pas d'autre
interlocuteur que l'agent qui est là, qui est assis devant son petit
bureau puis son ordinateur, puis regarde sur le cadran, l'image de la
télévision pour voir ce qui peut lui revenir et puis... Je sais
ce que c'est, je l'ai fait.
Bon, là, tu t'en vas, puis t'as ton rendez-vous, puis là
tu arrives. Bon! Là, tu t'installes, puis là il te pose une
question puis il pitonne, pose une question puis pitonne, pose une question
puis pitonne, pose une question puis pitonne, puis il finit par te dire: Ah!
monsieur, c'est bien de valeur, c'est ce à quoi vous avez droit.
Une voix:... piton.
M. Claveau: C'est ça, le rapport, c'est ça, les
rencontres qu'on a avec nos agents. Mais je le comprends, l'agent n'a pas de
marge de manoeuvre non plus, ce sont les "boss" qui ne s'entendent même
pas entre eux autres! Comment voulez-vous que lui ne soit pas pris? Aie! puis
lui, if y a des ordres aussi qui lui arrivent sur le dos par l'autre bord,
là. Là, y a un travailleur qui pousse par en avant, puis
là y a des ordres qui le poussent par en arrière aussi. Il est
pris en sandwich à travers tout ça et tout ce qu'il lui reste
pour se protéger, bien, c'est son écran cathodique, hein, je veux
dire...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Vous me dites que j'ai fini, M. le
Président?
Le Président (M. Bélanger): Oui
M. Claveau: Ah! c'est dommage, mais je me reprendrai. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Bélanger): Au plaisir. Alors, M.
le ministre, vous avez un droit de réplique de cinq minutes.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Pas vraiment une réplique, M. le
Président, mais simplement collaborer à la réflexion de
mon collègue d'Ungava dans ses propos qui sont très
intéressants. L'amitié et le respect que j'ai pour lui
m'empêchent d'être froissé de ses propos et peut-être
aussi de son retard à notre séance, parce qu'il est arrivé
à 11 h 30. Il aurait compris, s'il avait été ici pour la
longue présentation que j'ai faite dans mon préambule. Je
l'inviterais à prendre connaissance du "transcript" cet
après-midi, s'il en a une chance, ou je le lui ferai parvenir, mais il
verra que ce qu'il reproche peut-être à la présentation
actuelle du projet de loi, parce qu'il n'y a pas ce volet-là des
correctifs, etc.. Il semble voir que je suis peut-être plus sensible
à la question des employeurs qu'à la question des
accidentés du travail. Je dois tout de suite le rassurer, ce n'est pas
le cas, et, dans la longue présentation que tous les membres ont suivie
ici - et d'ailleurs plusieurs de ses collègues m'ont à toutes
fins
pratiques pratiquement félicité de cet
énoncé ce matin... Je suis un petit peu toujours très
sympathique aux propos de mon collègue d'Un-gava, mais je dois lui dire
que ce sont des propos fort réels, je les fais miens, sauf qu'il y a
déjà un dispositif sur la table sur lequel on s'est tous
entendus, tous ici, ce matin, soit que je lancerai un projet de correctifs qui
est déjà pratiquement prêt, qui touche un ensemble
d'éléments fort importants à corriger au niveau de la
CSST, tant par la loi que par les règlements, que par l'administration
interne de la CSST. Il y a au moins dix Items que j'ai donnés ce matin,
et j'en al expliqué plusieurs: la stabilisation 1982, les bureaux
paritaires, leur fonctionnement, les processus d'appel, la CALP, la
discrétion administrative de revoir des dossiers, et tout ça,
bon, j'ai énuméré ces plans-là. Je prépare
actuellement un plan d'action qui va faire partie d'un projet que je vais
rendre public en janvier et on va lancer une commission parlementaire
consultative où les deux partis vont s'entendre sur le nombre de
personnes invitées à venir réfléchir avec nous sur
le plan d'action dans le but de déposer dès ce printemps un
projet de loi, si on est tous satisfaits de la piste de solutions suivie. Ce
sera dans le but, je l'ai dit, de faire en sorte qu'à la prochaine
session on procède à l'adoption de ces correctifs-là, tant
sur le plan administratif que législatif.
Je termine ià-dessus ma petite allocution où j'ai dit deux
choses - je veux que mon collègue d'Ungava ait confiance dans cette
démarche qui m'anime - deux choses fondamentales, et je me
répète là-dessus. Je suis ministre responsable de
l'application de la loi et non pas de l'administration de la CSST. Dans ce
sens-là, la loi 42, je le réitère, je pense que c'est une
bonne loi dans l'ensemble, même si elle a été
adoptée par l'ancien gouvernement. Je n'ai aucune étiquette
politique qui m'empêcherait d'admettre que c'est encore aujourd'hui une
excellente loi, mais je suis prêt à la regarder pour corriger les
modalités qui, dans le temps, apparaissent défectueuses: Par
exemple, les bureaux paritaires, mécanismes de révision de
dossiers, d'appel pour la sacrée question des délais. Donc, je
suis sensible à l'application de la loi et, comme ministre responsable,
ce que nous allons entrevoir comme solution, même si ça
crée des problèmes administratifs, des problèmes
financiers, que ce soit pour les employeurs, que ce soit pour la CSST,
ça, je n'ai aucune émotion particulière vis-à-vis
ce genre de problème, ce que je veux, c'est faire en sorte que la loi
s'applique telle qu'elle est ou telle qu'on la modifiera. Deuxièmement,
je veux assurer mon collègue d'Ungava que j'ai la plus grande...
Le Président (M. Bélanger): Je vais vous inviter
à conclure.
M. Séguln: Trente secondes. Si on me le permet, 30
secondes.
Une voix: Ah, oui.
M. Séguin: J'ai la plus grande détermination
à faire en sorte que la présomption qui est dans la loi, qui est
à l'avantage dé l'accidenté du travail, soit par tous les
moyens pleine et entière. Ça, c'est important pour animer nos
réflexions, nos voies de solution que nous allons entrevoir. C'est
ça que je veux assurer qu'on retrouve pleinement et entièrement
dans la loi, dans l'application et dans la réalité des choses.
Alors, voilà, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
ministre. Est-ce qu'il y a d'autres Interventions au niveau des remarques
préliminaires?
M. Jolivet: M. le Président, si vous me permettez. Si
c'est possible, étant donné que ma collègue voudrait
intervenir, voudrait prendre le temps, et vu l'heure, est-ce qu'on pourrait
demander le consentement pour suspendre nos travaux jusqu'à 15 h 30,
l'heure de retour cet après-midi, pour ne pas lui couper son
intervention? Je pense que c'est la première occasion qu'elle a de
participer à une commission parlementaire. Consentement?
Le Président (M. Bélanger): Consentement? Oui.
Alors, les travaux de la commission sont donc suspendus jusqu'à 15 h
30.
(Suspension de la séance à 12 h 53)
(Reprise à 15 h 43)
Le Président (M. Bélanger): Je demande à
chacun de bien vouloir reprendre sa place afin que la commission puisse
procéder à l'étude du projet de loi 14, Loi modifiant la
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous en
étions donc à Mme la députée de Verchères,
dans les remarques préliminaires. Mme la députée, on vous
écoute.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: M. le Président, je tiens d'abord à
féliciter M. le ministre, qui n'est pas là.
Une voix: II arrive.
Mme Dupuis: Je veux féliciter M. le ministre sur ses
Intentions d'apporter des correctifs en établissant un plan d'action
futur, comme il nous en a fait part ce matin. Je le félicite
d'autant plus qu'il s'est même compromis devant la presse à
ce sujet. Cependant, je veux aussi lui faire part de mes impressions et de mes
interrogations, de ma déception et de mes inquiétudes au sujet de
l'amendement, du projet de loi 14. C'est certain que moi, je n'ai pas eu
à subir - et j'en suis très heureuse - d'accident du travail. La
sensibilité que j'ai eue au sujet des accidentés du travail vient
de mes cas de comté. Et M. le ministre, qui est aussi
député de son comté, a sûrement été
sensibilisé à des cas d'accidentés qui sont tous plus
pathétiques les uns que les autres. Bien sûr, je pourrais vous
raconter un, deux ou trois cas de comté, où les citoyens sont en
train de perdre leur maison, des citoyens respectés et tout ça
qui sont en train de perdre leur maison. Mais je pense que, même si on
vous en conte, vous êtes sensibilisé au phénomène et
ce n'est pas en vous contant un cas de plus qu'on va apporter plus de
sensibilisation au problème.
Cependant, à partir, justement, de ces cas de comté,
l'impression que j'ai eue, moi, c'a été à ce
moment-là - et ça s'est révélé un petit peu
véridique après - qu'on avait mis en veilleuse, qu'on avait
oublié les objectifs premiers de la Loi sur les accidents du travail et
les maladies professionnelles, qu'on s'était même passablement
éloigné des objectifs de cette loi qui étaient, je vous le
lis: La loi a pour objet l'élimination à la source des dangers
pour la santé, la sécurité et l'intégrité
physique des travailleurs. Les constats qu'on pouvait voir, justement, dans nos
comtés, c'était que les préoccupations étaient
devenues des préoccupations plutôt monétaires que des
préoccupations humaines des accidentés.
Dans ce sens-là, je suis un peu déçue de constater
que la première action du ministre n'ait pas eu pour objectif de
corriger les lacunes qui affectaient directement nos victimes, mais
plutôt de mettre en place un projet de loi qui avait pour objectif
d'instaurer une nouvelle grille de classification des employeurs et un nouveau
mode de tarification de ceux-ci. Donc, il a prêté une oreille
attentive au patronat et au côté monétaire plutôt
qu'au côté humain de la chose.
Au niveau du discours, M. le ministre nous a fait part de ses intentions
et il est sensibilisé, comme je l'ai dit tantôt. Mais, au niveau
de l'action concrète, il ne nous reste pratiquement plus qu'à
espérer. Cette réforme de la tarification prétend
répondre, dans un premier temps, au problème de disparité
dans l'absorption des conséquences financières d'un accident
grave pour les employeurs. On voit aussi... un mot de la présidente. SI
je prends un texte de la présidente qui n'est plus en fonction, je vois.
"J'ai le plaisir d'annoncer qu'en janvier 1990, sous réserve de son
adoption par l'Assemblée nationale, entrera en vigueur le nouveau mode
de tarification de la CSST. Je peux vous assurer que, lors de sa conception, la
recherche d'un juste équilibre entre les intérêts des
employeurs et les besoins de financement du régime a été
la préoccupation première." Ce qui confirme mes
appréhensions et ma déception, là aussi. "Le nouveau mode
de tarification a été conçu non seulement pour
répondre aux besoins de tous les employeurs, mais aussi pour les
convaincre que la prévention est un atout majeur pour la
prospérité de leurs entreprises. J'ose espérer que chacun
d'entre vous, que vous soyez à la tête d'une petite, moyenne ou
grande entreprise, saura bénéficier des avantages que procure le
nouveau mode de tarification."
On ne peut pas ne pas être déçu quand on voit une
affirmation comme celle-là et des préoccupations comme
celles-là. Ça m'amène à dire: Est-ce qu'on a
vraiment pensé aux travailleurs accidentés? M. le ministre, dans
son action, a reporté à plus tard les solutions qui peuvent
améliorer le sort de l'humain. C'est là que je suis passablement
déçue. Sa sensibilité, comme je vous le dis, a
été démontrée, mais les solutions, ça reste
des voeux pieux. Il ne nous reste plus qu'à espérer que ce ne
soit pas uniquement des voeux pieux. On espère, parce qu'il y a une
inquiétude, comme je vous le disais tantôt.
Comment ça peut être perçu dans la population
lorsqu'on voit ou qu'on lit dans les journaux que, lorsque Mme Forget est
entrée en fonction, le trou budgétaire était de 547 000
000 $, qu'il a été ramené à 350 000 000 $ en 1986
et à 90 000 000 $ en 1987? L'année dernière se termina par
un excédent de 100 000 000 $ et, cette année, on s'achemine vers
un surplus de 300 000 000 $. Alors, mes appréhensions étaient,
quand je voyais les cas de comté, de dire: Ils sont plus
préoccupés à remplir les caisses et à boucher le
trou financier qu'à s'occuper réellement des problèmes des
accidentés et des problèmes humains que ça peut engendrer.
Ça se confirme dans les faits.
Vous allez me dire que la présidente-directrice
générale a été changée. Je ne veux pas
savoir les causes et tout ça, s'il y a une relation directe.
Effectivement, elle a fait la démonstration qu'elle était une
excellente gestionnaire. Mais est-ce que le but était, justement, de
faire une bonne gestion de ces fonds au point de pénaliser tous les
accidentés du travail? C'est là que, pour moi, en tout cas,
ça peut devenir un petit peu inquiétant de voir cette
façon de faire de notre ministre, si vous voulez, et ses
priorités.
Lorsque le problème est si évident et tous les
députés, je pense, sont d'accord pour dire que les cas qui
ressortaient étaient des cas de problèmes humains
d'accidentés et que la solution première apportée est une
solution financière et qu'il y a 300 000 000 $ de surplus dans les
coffres, il y a lieu, je pense, de s'interroger sur notre système de
valeurs. Sans vouloir faire de procès d'intention et tout ça, et
dire que ce ne
sera que des voeux pieux, ça nous amène à nous
poser plusieurs interrogations au sujet des priorités.
Aussi, lorsqu'on voit le projet de loi un petit peu plus en
détail, il y a énormément de questions autres que le fait
du problème humain. Cette loi sera rétrospective à la mise
en vigueur de la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, soit en août 1985.
Où est-ce qu'elle est, ma question? Attendez, ce n'est pas
ça. La réforme proposée a soulevé peu de critiques.
La CSST se targue de l'appui unanime reçu par son conseil
d'administration composé de représentants patronaux et syndicaux.
Cette réforme s'adresse plus spécifiquement aux employeurs. C'est
chez ces derniers que l'on a eu le plus de commentaires.
Là, ça m'amène à me demander: Est-ce que les
victimes ont été consultées? L'ont-elles
été? C'est une interrogation que je me pose et je vous transmets
la question parce que je n'ai pas la réponse à savoir si elles
ont été consultées ou non.
Même si le but ultime de la réforme semble être
l'incitation à la prévention, on peut s'interroger aussi sur la
rapidité avec laquelle la CSST a répondu aux doléances des
employeurs quand on connaît les problèmes Importants auxquels elle
doit faire face. Elle démontre un empressement à répondre
aux interrogations des employeurs, mais on ne peut pas dire qu'on répond
aux interrogations des victimes avec la même vitesse.
Sur le fond, certaines questions demeurent aussi en suspens. Comme mes
collègues le disaient cet avant-midi, qu'adviendra-t-il des associations
sectorielles paritaires, du retrait préventif de la travailleuse
enceinte et qui allaite afin d'éviter des frais additionnels? Est-ce que
ça n'amènera pas à pratiquer de la discrimination dans
l'embauche ou peut-être une forme de congédiement hâtif, des
actions ou des politiques qui pourraient, finalement, pénaliser les
femmes?
Enfin, l'instauration d'un taux personnalisé incitera
peut-être davantage au camouflage qu'à la prévention dans
la mesure où la diminution des accidents réduira le taux de
cotisation des employeurs. Encore là, c'est une interrogation qu'on ne
peut pas ne pas se poser à la suite de ces mesures.
Si je ne veux pas-1 répéter - parce que je
pense que M. le ministre n'est pas un malentendant - tout ce qui a
été dit... Ha, ha, ha! ou un "malécoutant"...
Une voix: Une maladie professionnelle.
Mme Dupuis: ...je me limiterai à ces quelques
réflexions dont je vous ai fait part et qui étaient sous forme
d'inquiétudes ou de questions, en espérant que la politique que
vous voulez mettre en place et les correctifs ne seront pas, comme je le disais
tantôt, que des voeux pieux, que ça se fera dans les plus brefs
délais et après consultation des personnes les plus directement
impliquées au niveau humain, au volet humain qu'amène ce projet
de loi.
La Président (M. Bélanger): M. le ministre. M.
Yves Séguin
M. Séguin: M. le Président, brièvement,
simplement pour rassurer la collègue, députée de
Verchères, si je ne fais pas erreur, je ne veux pas reprendre, pour ma
part, les propos que j'ai eus dans le processus de l'adoption du projet de loi
14 et, particulièrement ce matin, où, en préambule, sans,
d'ailleurs, que je sois interrogé ou amené à le faire,
mais de moi-même, j'ai voulu, à titre d'Introduction, me situer
personnellement comme ministre responsable de l'application de la loi par
rapport au projet de loi 14 et j'ai pris des engagements qui sont beaucoup plus
que des v?ux pieux. Là-dessus, s'il fallait qu'on me fasse un
procès d'intention, je serais prêt à le subir tellement je
suis confiant que je ne serai pas condamné dans ce procès
d'intention puisque ce n'est pas juste une intention, mais ce sont des
engagements que j'ai rendus publics. Je trouverai une façon,
peut-être dans les prochains jours, soit sous la forme d'une
déclaration ministérielle ou autre, de concrétiser ce que
j'ai eu comme propos ici de façon plus formelle, dans ce sens que ce
plan d'action fasse partie d'un document public remis pour consultation
publique par l'entremise d'une commission parlementaire où nos deux
formations politiques s'entendront à l'avance sur des organismes ou des
personnes que nous voulons inviter pour réfléchir avec nous sur
les correctifs que l'on souhaite.
Je peux vous assurer que, comme je l'ai dit ce matin, si j'avais pu
techniquement le faire un peu plus vite, je serais déjà en mesure
de vous présenter ce projet, mais il a fait l'objet d'une consultation
assez élaborée particulièrement avec le conseil
d'administration de la CSST, les centrales syndicales, les associations
patronales. Il n'y a pas vraiment de lien direct entre le projet de loi 14 et
cette autre réflexion. D'ailleurs, dès le mois de juin, je me
suis engagé publiquement à apporter des correctifs au programme
de retrait préventif de la femme enceinte et, en commission
parlementaire et, ensuite, lors d'une interpellation un vendredi matin, j'ai
confirmé effectivement un changement de directive administrative sur le
programme de retrait préventif de la femme enceinte pour faire en sorte
que, sur présentation des deux rapports médicaux prévus
à la loi, c'est-à-dire le rapport médical du
médecin traitant et le rapport médical du médecin de DSC,
à ce moment-là, si ces pièces-là étaient
conformes, la demande devait
être agréée sans autre revérification, etc.
C'est actuellement en vigueur depuis le mois de juin et, déjà, on
voit quand môme que cet assouplissement-là s'est effectivement
traduit dans la pratique des choses.
J'avais annoncé aussi au mois de juin un correctif administratif
assez important à une pratique qui s'était
développée et qui faisait que la CSST se représentait
elle-même assez souvent en appel, soit devant la CALP ou devant d'autres
instances. Maintenant, la CSST restera neutre, c'est-à-dire que c'est
à l'accidenté ou à l'employeur, s'il estime qu'il a des
droits à faire valoir en appel, de le faire et non pas à la CSST
comme entité. Ça, ce sont deux mesures que j'avais
déjà annoncées publiquement au mois de juin, qui sont
déjà en vigueur et qui font partie de ce plan d'action qui va
continuer.
Comme je le disais tantôt, dès janvier ou enfin, à
la fin de janvier ou en février, après les fêtes, le reste
de cette réforme, de ce plan d'action sera rendu public. Il va
s'attaquer non pas à un élément ou à deux, mais
à un vaste champ d'éléments dont aucun n'est probablement
ni majeur ni spectaculaire. Mais c'est toute une série de mesures qui
vont collaborer à amener un changement assez important dans le
cheminement des dossiers, le traitement de la personne qu'est
l'accidenté du travail dans sa réclamation, dans ses droits
à exercer, etc. (16 heures)
Je suis très confiant que ce processus, qui est
déjà enclenché, qui a déjà fait l'objet de
deux discussions au conseil d'administration de la CSST et qui a reçu,
dans l'ensemble, un appui va continuer. Et, avec le président actuel, je
suis convaincu également que ce sera un appui dans ce sens-là. Je
suis convaincu que le conseil d'administration et que la direction de la ' CSST
sont convaincus d'apporter ces ouvertures, ces changements. Nous sommes tous
convaincus.
Si vous me demandiez, en terminant - je pense que je vais terminer
là-dessus; ça serait une bonne question et vous l'avez un peu
fait indirectement - Bon, pourquoi le projet de loi 14 tout de suite et
pourquoi pas l'autre? Il y a une raison. En dehors de celle que je viens de
vous donner, il y en a une autre. C'est que le projet de loi 14, plusieurs
collègues l'ont dit dans leur présentation, c'est une
mécanique, c'est une technique. Il y a 19 articles. Il y en a à
peu près dix qui sont de la concordance. Il en reste huit qui
soulèvent à peine un problème. Et il y en a
peut-être juste trois ou quatre où on peut se questionner vraiment
sur Tà-propos. Donc, c'est relativement simple. Même si ça
touche 173 000 employeurs dans une grille de calcul, ça n'augmente pas
et ça ne diminue pas les recettes de la CSST. Ça va être la
même chose sauf qu'au lieu d'avoir 900 et quelques catégories, on
en aura 300 et quelques. Bon, c'est Un aspect un peu mathématique. C'est
ça qui est le but du projet.
C'est relativement, un petit peu plus facile de présenter ce
genre de projet que d'arriver avec les solutions à un problème
que l'on dénonce. C'est sûr que je suis, comme vous, à
dénoncer les lenteurs, par exemple, en appel. La CALP relève du
ministère de la Justice et non pas de moi. Alors, vous comprendrez
qu'après avoir constaté ce que nous dénonçons, que
faisons-nous très précisément? C'est là qu'il faut
faire attention à ce que les remèdes que nous voulons administrer
soient de véritables remèdes et non pas découvrir que,
dans un an, deux ans, ce qu'on aurait pu faire trop vite a provoqué un
monstre administratif encore pire ou provoqué des situations qu'on
n'avait pas prévues.
Donc, dans ce sens-là, il y a eu une consultation certainement,
pour moi, beaucoup plus profonde dans les fondements avec lesquels il faut
travailler dans la réforme sur les structures administratives que dans
la mécanique actuarielle que nous avons devant nous. Et là, ce
sont davantage des aspects d'un fonctionnement de fonds d'assurance avec des
équilibres actuariels, etc., comme je l'ai dit tantôt. Quand on
regarde le projet de loi, il y a peu d'éléments vraiment
questionnâmes sur le principe.
Ma foi, on pourrait, dans notre sagesse, comme parlementaires, si nous
étions convaincus que ce projet... Et moi, si vous pouviez me faire une
démonstration que les articles de ce projet de loi ne sont pas
acceptables pour des raisons qui seraient exposées ici, je serais le
premier à dire: Nous ne passerons pas un projet de loi. Ça fait
des années que la tarification actuelle existe. Ce n'est pas, comme tel,
un absolu que ce soit adopté. Et là, je reviens un peu sur ce
qu'on a reproché... Je sais que mon temps est écoulé,
mais, si j'avais une minute, je pourrais finir. D'accord?
Ce que je veux dire, c'est que - et je vais être bien franc -
c'est important, dans le contexte des deux dernières années, que
la CSST apporte des correctifs au niveau de la cotisation pour les employeurs.
Et, comme député, c'est vrai que j'ai eu, moi aussi,
énormément plus de représentations des accidentés
du travail. Et ils ne sont pas laissés pour cause, dans le sens qu'il y
a un projet de réforme. Mais, d'un autre côté, il y a des
iniquités aussi dans les cotisations. Et, comme députés,
on a eu probablement tous quelquefois des représentations de certaines
entreprises, de certaines personnes qui font face à des
iniquités, leur semble-t-il, dans leurs cotisations. Le projet n'a pour
but que de rendre plus équitable, entre eux, entre les employeurs, ce
qu'eux tous doivent cotiser à la CSST. Je signale là-dessus que
la cotisation a doublé depuis dix ans. Aujourd'hui, à 1 500 000
000 $, un petit peu plus, de cotisations, avec 170 000, 173 000 cotiseurs, on
peut imaginer que le système peut avoir besoin simplement d'un
rafraîchissement dans ses modalités.
Mais ce n'est pas plus fondamental que ça Ça, je veux bien
qu'on comprenne que, s'il arrivait que, dans notre sagesse, nous étions
convaincus que ce projet soulève par ses articles des choses
inacceptables, moi, je dirais: II faudrait peut-être
réfléchir. Ça apporterait simplement la chose suivante: au
lieu de voir son application en 1990, parce que la CSST, d'habitude, ne cotise
qu'une fois par année, au printemps... Donc, si nous devions simplement
retarder, pour toutes les raisons que nous serions convaincus être
légitimes, nous, comme parlementaires, au mois de juin, au mois de
septembre, quand on voudra, ça ne fait que retarder un changement de
méthode qui est, par ailleurs, jugé par l'ensemble des
employeurs, par l'ensemble des observateurs... Je voyais des articles de
journaux récemment. Les commentateurs disaient que c'est certainement un
projet de loi tout à fait correct, parce qu'il apporte, au niveau des
employeurs, dans la cotisation, un meilleur processus de cotisation et va
mettre en lumière - là-dessus, je pense que c'est important - les
efforts de prévention qui vont être mieux
récompensés au niveau des employeurs. Quand on se questionne sur
la prévention qu'il faut faire, bon, je pense que c'est un
élément qui est positif, qui apparaît ici encore plus fort
dans ce projet de loi.
Alors, moi, j'indique tout simplement que nous aurions pu très
bien avoir les deux facettes de notre préoccupation en même temps,
concurremment. Ce n'est pas parce qu'il y avait une raison particulière
que l'actuel projet de loi 14 passe avant pour que l'autre puisse être
passé ou inversement ou les deux ensemble. Ça arrive comme
ça dans le temps. SI la consultation sur l'autre projet avait abouti
plus vite, peut-être que j'aurais été en mesure de me
présenter devant vous avec un ensemble plus grand de réformes.
Mais on admettra qu'il n'y a pas eu de consultation publique sur le
problème depuis au moins 1985, lors de l'adoption de la loi, et,
après avoir réfléchi suffisamment aux modalités et
avoir moi-même scruté les dédales administratifs pour me
rendre compte où on pouvait peut-être apporter des correctifs, il
m'a semblé intéressant maintenant de faire une consultation
publique et c'est ce que je propose que nous fassions dès après
les fêtes, M. le Président. Merci.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Merci, M. le
ministre.
Mme Marois: M. le Président... Le Président (M.
Bélanger): Oui.
Mme Marois: ...ma collègue voudrait intervenir.
Le Président (M. Bélanger): Oui. Vous connaissez
notre règlement, madame, vous qui présidez une commission.
Mme Marois: Très certainement, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Vous savez qu'on a
droit à une intervention qui est d'une durée maximale de 20
minutes. Mais, advenant le cas où le temps n'est pas
écoulé, vous avez droit à une Intervention seulement.
D'accord?
Mme Marois: Voilà. C'est ce que je voulais vous souligner,
M. le Président.
M. Séguin: En ce qui me concerne, je le permettrais.
Le Président (M. Bélanger): S'il y a consentement
unanime.
Mme Marois: Voilà, en plus.
Le Président (M. Bélanger): Consentement?
Consentement. Donc...
Mme Dupuis: Vous avez dit tantôt que le projet de loi,
c'était une incitation à la prévention. Est-ce que c'est
une hypothèse ou si vous avez fait une étude dans ce
sens-là? Êtes-vous positif et affirmatif que la loi 14 va vraiment
inciter les employeurs à mettre des programmes en place et à
prévenir les accidents?
M. Séguin: Bien, écoutez, on pense que renforcer la
compensation qui peut être versée à un employeur, parce que
dans son année ou dans une période donnée il rencontrerait
moins d'accidents, donc, ses primes pourraient à ce moment-là
diminuer par ce qu'on appelle l'introduction du taux personnalisé, pour
fa moyenne et la grande entreprise, c'est sûr que ça peut amener
un incitatif. Mais tous les incitatifs, on n'est pas garants qu'ils auront les
résultats recherchés mais c'est un incitatif de plus qui est plus
direct que l'ancienne disposition où on avait le
mérite-démérite, mais qui était à
l'intérieur d'une plus grande assiette d'employeurs. Chacun des
employeurs ressentait moins ses efforts à lui de diminuer les accidents
parce que sa diminution d'accidents se répercutait non pas rien
qu'à lui, mais sur l'ensemble de l'assiette ou du regroupement
économique auquel il était rattaché, alors que maintenant
il aura, lui, un taux personnalisé. C'est-à-dire que lui, ce
cotiseur, si dans l'année il y a effectivement une réduction des
accidents ou si sur une période donnée il n'y a pas
d'augmentation d'accidents ou quoi que ce soit, il pourra avoir droit à
une diminution de ses primes et même, dans certains cas, à des
remboursements selon les paramètres qui sont fixés
ici. Ça, c'est dans la loi. On le verra tantôt lors de
l'étude article par article.
Le Président (M. Bélanger): Merci. Alors, je
présume que M. le député de Laviolette veut intervenir.
Mme la députée de Taillon, je vous en prie.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Juste pour expliquer la
décision de tout à l'heure qu'on va quand même appliquer
assez rigidement. Lorsque nous sommes au niveau des notes explicatives,
c'est-à-dire des interventions préliminaires, cette intervention
doit se faire dans un bloc de 20 minutes continues; elle ne peut pas se faire
en deux ou trois périodes et ne doit pas être un échange.
Par contre, lorsqu'on fait l'étude article par article, on a droit
à 20 minutes d'intervention, mais elles peuvent être cumulatives,
c'est-à-dire en plusieurs interventions. C'est juste au niveau des
remarques préliminaires qu'on ne peut pas le faire. D'accord? Je vous
remercie.
Mme Marois: D'accord, M. le Président, sauf que les
membres de la commission, étant libres de leurs travaux, s'il y a
consentement de part et d'autre...
Le Président (M. Bélanger): La commission est
toujours souveraine dans ses travaux.
Mme Marois: Voilà. Comme le ministre semblait accueillir
favorablement la demande de ma collègue, il allait de soi que...
Le Président (M. Bélanger): C'est pourquoi j'ai
accepté sa deuxième intervention.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Voilà. Merci, M. le Président. Je vais
d'abord, à mon tour, bien sûr, féliciter le ministre et
aussi les membres de la commission de participer à cet exercice
éminemment démocratique qui est l'exercice auquel nous
procédons maintenant, mais auquel nous serons amenés à
procéder de nombreuses fois. Nous aurons à travailler très
souvent ensemble, d'abord, moi, comme membre de la commission de
l'économie et du travail, et aussi, j'imagine, les autres
députés, par l'intérêt qu'ils portent à ce
type de dossier.
Cependant, vous me permettrez, M. le Président, de noter qu'il
est un peu dommage que l'on ait, pour une première fois comme membres de
cette Assemblée, pour un certain nombre d'entre nous, à se
côtoyer dans un contexte de fin de session où le travail est un
peu plus comprimé, on le constate, et où ça ne facilite
pas nécessairement les débats. Ils ont Heu, d'ailleurs, parfois,
à des heures indues, le ministre en sait quelque chose. Dans ce
sens-là, je trouve un peu dommage qu'on soit, en fin de session,
conviés à discuter d'un projet de loi qui est, par ailleurs, tout
à fait intéressant, et on aura l'occasion sûrement d'y
revenir, mes collègues et moi-même. Mais on conviendra que
ça nous contraint jusqu'à un certain point et qu'à cet
égard le gouvernement avait le loisir de faire en sorte que nos travaux
démarrent plus tôt dans la session, de telle sorte que nous
pourrions respecter les règles et surtout respecter les droits qu'ont
les parlementaires de pouvoir aller plus en profondeur dans l'étude de
certains projets ou de certaines lois. Je tenais à le faire remarquer
parce que je trouve ça toujours dommage quand on est un peu à la
dernière minute pour faire des choses qui sont aussi importantes et qui
concernent la vie de milliers de nos concitoyens et de nos concitoyennes, et
qui concernent nos institutions.
Cela étant dit, je vais me permettre une petite remarque qui,
sans être hors contexte, même au contraire, je dirais, nous
faciliterait probablement, si ça s'appliquait, la tâche. Le
ministre avait laissé entendre, au début de son deuxième
mandat, il y a à peine quelques semaines, qu'on pourrait peut-être
compter sur un ministère de l'emploi. Je réitère aux
membres de la commission que c'était une initiative que nous avions
prise à la fin de notre mandat et, si le premier ministre peut à
l'occasion nous entendre, et j'espère qu'il le fera, je pense que la
suggestion de son ministre du Travail est très intéressante parce
que ça permettrait d'intégrer et de combiner un travail à
l'égard des problèmes reliés aux relations de travail,
mais reliés aussi à la main-d'oeuvre, à la formation
professionnelle, etc., ce qui, sûrement, permettrait d'avoir une vision
d'ensemble plus intéressante et d'avoir les outils pour solutionner
réellement les problèmes.
Vous savez, quand plusieurs ministres sont amenés à
consulter les partenaires, ils en ont parfois ras le bol de se faire consulter,
pas parce qu'ils ne sont pas intéressés à donner leur
avis, mais parce que, de façon morcelée, de façon
divisée, chacun, à juste titre, va les voir, va poser la
question, alors qu'une meilleure intégration des fonctions, je crois,
permettrait de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de nos
concitoyennes. Comme nous sommes à l'étude d'un projet de loi qui
concerne les accidents de travail, les maladies professionnelles et qui
concerne donc le monde du travail, ça réapparaissait pertinent de
souligner l'à-propos de ce que le ministre avait mentionné au
début de son mandat. (16 h 15)
En fait, l'exercice qu'il nous est permis de faire actuellement, bien
sûr, nous permet peut-être de déborder un peu plus largement
et c'est
correct, me semble-t-il, comme parlementaires, quo l'on puisse le faim
parce qu'un profot de loi qui vient solutionner une série de
problèmes peut aussi masquer le fait que l'on ne solutionne pas d'autres
problèmes qui existent. Dans le fond, je pense que, depuis le
début de nos travaux, on arrive à identifier un problème
fondamental, majeur qui concerne des milliers de nos concitoyens et
concitoyennes et je n'exagère pas. Le projet de loi qui est là
nous permet de mettre le doigt dessus et sûrement de rappeler au ministre
l'importance qu'il y a pour lui d'accorder du temps, de l'énergie, des
efforts à solutionner le problème.
Je sens qu'il y a une bonne volonté manifeste de la part du
ministre, qu'il nous entend, mais je veux en remettre un peu. Je veux en
remettre un peu parce que j'ai déjà été à sa
place pour d'autres fonctions et que, lorsqu'on soulève des questions,
quand on les reprend assez systématiquement, ça amène les
gens qui nous entourent et ça nous amène nous-même à
pousser plus loin notre propre réflexion, à poser les bonnes
questions aux bonnes personnes et, peut-être, à
accélérer le processus de solution des problèmes que l'on
rencontre.
Commençons par un petit rappel historique. La mémoire,
c'est toujours utile et important parce que ça nous permet de nous
resituer un peu dans la perspective d'ensemble. C'est en 1979 qu'on a
adopté la Loi sur la santé et la sécurité du
travail. D'ailleurs, c'est notre collègue, Pierre Marois, à ce
moment-là qui va véhiculer la loi. Il n'aura pas la vie facile
tout au long de la préparation du projet de loi parce que, bien
sûr, il y a des intérêts divergents, parce que, bien
sûr, il y a des objectifs qui sont contradictoires poursuivis par l'un ou
l'autre des partenaires. Donc, ce ne sera pas tellement facile à
l'endroit de certains de ses collègues et ça fait aussi partie
des règles du jeu, et ce ne sera pas facile, non plus, à
l'endroit des partenaires sociaux, chacun en voulant davantage, chacun voulant
que ce soit l'autre qui paie. On se souvient du fameux débat: Qui va
assumer le coût de la. santé et de la sécurité au
travail? Et ie choix a été fait carrément et a
été maintenu, d'ailleurs, depuis ce temps.
Donc, il a eu à affronter, je dirais, beaucoup d'objections,
beaucoup de difficultés et ça lui a pris une volonté
politique à toute épreuve pour réussir à maintenir
le cap, à faire adopter cette loi-là et à mettre en place
les organismes qui allaient permettre de Topérationaliser". Et, tout au
long de son "opérationalisation", de sa mise en place et, par la suite,
de l'adoption de la loi, c'était 42, je pense, sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles, les personnes qui ont eu à
gérer la loi ont été l'objet d'attaques majeures
importantes. Et toujours le ministre a dû garder le cap, a dû
resignifier la volonté politique du gouvernement de dire: Nous avons
raison sur le fond. L'outil a peut être des failles. Corrigeons l'outil,
mais gardons le cap sur le fond.
J'étais heureuse d'entendre le ministre tout à l'heure
nous dire: Je ne veux pas blâmer les gens de la CSST qui font
sûrement le maximum de ce qu'ils peuvent faire en toute bonne foi. Que,
à la marge, il y ait des bavures, que, à la marge, il y art des
attitudes condamnables, c'était vrai aussi lorsque nous étions
responsables. C'est vrai maintenant qu'il l'est, la nature humaine est ainsi
faite. Mais, cela étant dit, on peut tenir pour acquis qu'il y a bonne
foi; donc, ce qui veut dire que ce sont les outils qui sont un peu
défaillants.
Mais, je vais rappeler au ministre que les membres de son gouvernement,
lorsqu'ils étaient dans l'Opposition et, en particulier, le
député de Brome-Missisquoi, avaient été en dessous
de tout, M. le Président, pour dire comment nous étions
incapables d'assumer nos responsabilités à l'égard de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail et
comment, à cet égard-là, ils étaient des pas bons,
ils ne réussissaient pas à résoudre les problèmes
rencontrés par les travailleurs et les travailleuses, ils étaient
mal foutus, mai administrés, mal organisés. Tous les jours de la
session parlementaire ou tous les deux jours - je n'exagère pas - on a
eu des questions à ce sujet-là. Le ministre tenait le fort. Il y
a eu différents ministres qui ont eu à assumer les
responsabilités à la suite de Pierre Marois qui avait fait passer
le premier projet de loi. Mais on a, à ce moment-là,
attaqué de façon, à mon point de vue, inacceptable la
personne qui présidait les destinées de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. On l'a attaquée
dans son intégrité, on l'a attaquée dans sa bonne foi,
à tous égards.
Je vais vous dire, M. le Président, que, pour assumer une
fonction comme celle-là, ça prenait probablement quelqu'un, je
dirais, qui était têtu comme l'a été le premier
président de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. On a vu, d'ailleurs, que celle qui a suivi,
malgré qu'elle ait travaillé, je pense, avec bonne foi, ait
travaillé fort à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, au bout de quelque temps, a dû laisser
ses fonctions pour toutes espèces de raisons, je ne pose même pas
de questions là-dessus.
Mais on a vu et on voit la difficulté qu'il y a à assumer
cette tâche. Je suis bien heureuse de voir l'attitude positive qu'a le
ministre, et je lui en sais gré, pour les gens qui oeuvrent à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, mais
j'ai de la mémoire. J'espère que des gens, dans son gouvernement,
en ont aussi à cet égard. On a, à ce moment-là,
à mon point de vue, dévalorisé l'instrument,
dévalorisé les personnes qui travaillaient à solutionner
les problèmes d'autres personnes en matière d'acci-
dents du travail.
Alors, c'est pour vous dire quelle volonté politique ça a
pris de tenir le phare, de garder le cap et, par la suite, d'arriver à
proposer cette fameuse loi 42 sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles. Dans le fond, ce que je dis au ministre, c'est que ça
lui prendra la même détermination, le même courage et la
même force pour résoudre le problème auquel il fait face
maintenant et pour lequel il a besoin du ministre de la Justice et aussi de
l'appui de ses collègues, le président du Conseil du
trésor, le ministre des Finances, parce que ça prendra
probablement non seulement des modifications de règles, mais ça
prendra quelque part aussi des ressources, pas dans le sens d'argent, parce que
la Commission va chercher ses propres ressources, mais des ressources humaines
qui auront à imaginer comment on va solutionner ce problème.
Je lui souhaite cette volonté que l'on a eue. Je la lui souhaite
parce que cette volonté va permettre - et c'est là le fond de mon
propos - non pas de résoudre 10 000 dossiers, parce que 10 000 dossiers,
c'est facile, c'est bleu, c'est rose, c'est jaune, ça s'empile,
ça se met sur un bureau et ça se tasse, mais ce sont 10 000
personnes, ce sont 10 000 familles, ce sont des femmes, ce sont des
enfants.
Là, je ne veux pas tomber dans une attitude qui serait incorrecte
à cet égard en ayant l'air pleurnicharde et tout le reste, mais
le ministre sait, parce qu'il l'a dit lui-même, entre autres lors de sa
conclusion cette nuit, ce matin, qu'il a été en contact avec des
milliers de travailleurs et de travailleuses. Moi aussi, j'ai été
en contact avec ces personnes. Alors, ce ne sont pas 10 000 dossiers, mais ce
sont 10 000 personnes et ça, c'est plus grave. Ça, ça ne
se met pas, comme des "cannes" chez Steinberg, sur une
étagère.
J'incite le ministre, je le prie d'agir avec
célérité pour que, rapidement, il vienne avec un projet
qui va corriger ce tir, parce que non seulement ce sont 10 000 personnes avec
tout ce que ça comporte... On le sait, les situations de
désespoir humain. Moi, je connais le cas d'un homme de 40 ans, avec
toute la force qu'il pouvait avoir, qui est allé jusqu'à
quasiment se faire passer pour quelqu'un de déséquilibré
mentalement pour se faire entendre. Il faut le faire quelque part.
Ce que je dis au ministre, c'est que ce sont donc des personnes, mais
c'est aussi la dévalorisation d'outils et d'institutions que des
élus se donnent pour solutionner les problèmes. Quand on attaque
la Commission, quand des travailleurs et des travailleuses viennent dire leur
désespoir, leur façon de le dire, c'est de dire: Ce sont des pas
bons, c'est de dire: C'est bureaucratisé à outrance, c'est de
dévaloriser l'Institution. Alors, quand on ne s'attaque pas rapidement
aux problèmes pour aider les personnes qui sont prises avec les
difficultés que l'on sait, que l'on connaît, on dévalorise
aussi les institutions qui aident à solutionner les problèmes de
ces personnes et on dévalorise le fondement même de l'institution
qui, lui, est bon.
C'est une institution paritaire. Je me dis: C'est rare que des
institutions paritaires d'une telle ampleur finissent par bien fonctionner. Je
pense que, dans les faits, elles finissent par bien fonctionner. La preuve,
c'est qu'on a devant nous un projet qui semble faire l'unanimité. Le
projet de loi fait l'unanimité des partenaires. Il faut avoir
travaillé avec les partenaires pour savoir que ce n'est pas toujours
évident, n'est-ce pas? Bon. Donc, je trouve ça dommage parce que
ça prend beaucoup de temps ensuite à reconstituer la
réputation de l'organisation. Là encore, j'en parle à
l'aise parce que j'ai eu le même problème, avec moins d'ampleur,
à la Commission des affaires sociales qui, d'ailleurs, traitait en appel
auparavant les cas de la CSST.
Je ne veux pas que mes propos aient l'air de dire: Elle veut faire de
l'obstruction. Je veux vraiment signifier le fait que c'est important, cela,
parce que, ensuite, il y a des initiatives que l'on voudrait pouvoir prendre
dans le même sens et où on nous dit: Ah, ça n'a pas
marché là-bas. Ce n'était pas bon. C'était trop
bureaucratique. Alors, ne le faisons pas! Et ça laisse une trace pour la
capacité que l'on pourrait avoir d'agir ensuite. Et c'est dans ce
sens-là que je pense aussi qu'il est urgent de corriger le tir.
Alors, le ministre a manifesté une volonté très
claire dans ce sens-là. Il manifeste aussi un respect significatif
à l'égard de l'outil, de l'institution. Je suis contente de
l'entendre, mais, comme membre de la commission de l'économie et du
travail où je siégerai pendant sûrement encore quelques
mois, je vais être vigilante. Je dis au ministre que je vais la soulever,
la question et que mes collègues, avec moi, la soulèveront aussi
tant qu'il n'aura pas, dans les faits, proposé les mesures de
correction. Parce que - et je termine là-dessus, M. le Président,
je crois qu'il me reste à peine une minute ou deux - je le
répète, ce ne sont pas des dossiers, ce ne sont pas des chemises,
ce ne sont pas des cas, mais ce sont des personnes qui sont concernées.
Merci, M. le Président.
Le Présidant (M. Bélanger): Merci, Mme la
députée de Taillon. D'autres? M. le ministre.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Si vous me permettez de réagir,
brièvement aussi, aux propos de la députée de Taillon. Je
trouve ça intéressant, ce qu'elle a dit. Je dirais même que
c'est rafraîchissant de l'entendre, surtout d'une ex-collègue,
à une époque où je n'étais pas ici et où
elle assumait des fonctions ministérielles à la Main-d'?uvre
et
à la Sécurité du revenu, en tout cas, dans la
dernière année, je pense.
Son propos, tout à l'heure, concernant l'idée que j'ai
évoquée d'un ministère de l'emploi, c'est une idée
effectivement sur laquelle je suis très intéressé à
travailler. Je le fais maintenant depuis un an et je songe, dans un avenir
rapproché, à soumettre à mon gouvernement un projet. Parce
que ce n'est pas une idée simplement évoquée rapidement et
laissée rapidement. Je pense qu'effectivement, entre les deux
ministères, le ministère du Travail et celui de la Main-d'oeuvre,
il y a eu à une époque un partage. Mais on est là aussi
pour s'ajuster au cours des années aux défis qui sont toujours un
peu différents d'une année à l'autre. Je pense
qu'aujourd'hui un peu tout le monde qui est mêlé de près ou
de loin au ministère du Travail ou au ministère de la
Main-d'oeuvre constate qu'il y aurait lieu de repositionner des
énergies.
Juste pour vous donner très brièvement une d'illustration
de ces deux mondes un peu contradictoires, à la Main-d'oeuvre, à
peu près les deux tiers des effectifs - la députée de
Taillon pourra me corriger - à peu près du ministère sont
consacrés à la loi de l'assistance sociale et à peu
près un tiers à la main-d'?uvre comme telle. Et moi, au
Travail, c'est un peu le même phénomène: les deux tiers de
mes effectifs, budgets, etc., vont au bâtiment, c'est-à-dire les
normes du bâtiment, électricité, plomberie, etc., la Loi
sur la sécurité dans les édifices publics, et seulement un
tiers aux relations de travail. (16 h 30)
Or, comme ministre du Travail, je suis convaincu que personne ici ne
sait que je suis responsable de la sécurité dans les piscines.
J'avoue que ça a été une surprise pour moi d'arriver au
ministère du Travail où je voyais tout de suite, un peu comme un
néophyte, relations de travail, conflits, Code du travail, etc. sur 1300
fonctionnaires, j'en ai à peine 100 et quelques en relations de travail
et tout le reste au bâtiment. J'ai dit: Je me suis peut-être
trompé d'adresse. C'est quoi, la relation entre le bâtiment et le
Travail?
Et, à la Main-d'oeuvre, c'est un peu la même chose. Non pas
que telle fonction est, comment dire, mal maîtrisée parce qu'elle
est branchée à tel ministère ou à d'autres. C'est
une question de mettre ensemble les gens qui partagent les mêmes
préoccupations. Par exemple, moi, je suis responsable d'un conflit de
travail du début jusqu'à ia constatation du règlement ou
de l'éclatement de l'entreprise par fermeture et après, s'il y a
un licenciement collectif, ça passe à la Main-d'oeuvre. Et
même on va donner le préavis de licenciement collectif au ministre
de la Main-d'oeuvre, pendant que j'ai des conciliateurs qui, jusqu'à la
dernière minute, vont essayer de la sauver.
J'ai vécu un cas avec mon collègue, le
député de Joliette, la compagnie Amsco, une très grosse
fonderie à Joliette, une des plus grosses au Québec, qui avait un
licenciement collectif de fermeture pour le 9 septembre 1988, l'année
passée, et où lui et moi avons accepté de faire une
tentative de sauvegarde, une tentative de sauver l'entreprise. À la
dernière minute, on a convoqué toutes les parties dans une
chambre de l'hôtel Hilton, à l'aéroport. On a fait venir le
propriétaire des États-Unis et, pendant seize heures à peu
près en ligne, on a essayé de négocier et bon.
Mais, j'ai vu là quelque chose d'étrange où, parce
que l'avis de licenciement collectif était donné,
déjà le ministère de la Main-d'oeuvre se mettait en marche
dans la reclassification après fermeture. Ça enlève un peu
d'ardeur à nos négociations si le patron voit déjà
qu'un autre ministère est en train de les replacer. Alors, on comprend
que... C'est un détail que je donne, mais je pense que cette
idée, sur un strict plan intellectuel, va faire son chemin. J'en suis
convaincu. Dans les aléas politiques, ça c'est autre chose. Mais
je suis convaincu qu'elle va suivre et c'est une idée que je trouve
particulièrement très bonne.
Ceci étant dit, il y avait un autre aspect des propos de Mme la
députée de Taillon que je trouve intéressant de
mentionner: cette question de l'institution ou de cet organisme qu'est la CSST,
et je crois qu'elle a raison. Sans minimiser la légitimité que
peuvent avoir tous les députés, tous les groupes, toute personne
bien sûr, à faire des représentations pour corriger des
irritants que l'on remarque au niveau de la CSST et que je suis le premier
à admettre, je le dis publiquement depuis plusieurs mois, je suis
également ministre du Revenu et Dieu sait que ce n'est pas le
portefeuille où c'est le bien-être et l'harmonie la plus totale
avec l'ensemble de la population, de façon traditionnelle, et c'est
normal.
Le ministre du Revenu assume une responsabilité de perception, de
collecte. Je ne distribue pas d'argent, ni de subventions; je collecte. Alors,
la relation avec des contribuables, on peut l'imaginer. Ce n'est certainement
pas le bonheur total. Malgré tout, on a réussi, quand même,
au cours des années, à faire que c'est une administration fiscale
qui est devenue sans doute très respectueuse des contribuables et vice
versa, de sorte que, comme ministre du Revenu actuellement, je peux vous dire
que, bon, malgré qu'il y ait des plaintes à l'occasion, c'est
sûr, j'ai beaucoup moins de préoccupations par rapport aux
réactions des contribuables, de l'ensemble de la population
vis-à-vis d'un service comme peut l'être l'administration fiscale
que vis-à-vis présentement de la CSST.
C'est un fait reconnu. Je pense que j'irais même jusqu'à
dire, un peu à la blague, que dans des caucus de députés,
après le lac Meech et la langue, c'est souvent la CSST qui vient
comme
sujet. C'est une ampleur qu'il faut reconnaître. Je l'admets, je
le dis, j'en suis convaincu. Je m'en suis entretenu souvent avec le conseil
d'administration de la CSST, particulièrement au mois de mai où
j'ai fait une longue intervention pour décrire une situation et,
ensuite, une longue intervention pour suggérer un plan d'action. Et le
plan d'action a été déposé au conseil
d'administration.
N'eussent été quelques chambardements de temps - une
campagne électorale n'est pas le meilleur moment pour faire avancer un
dossier comme celui-là - je serais probablement aujourd'hui en situation
de vous présenter ce projet de façon beaucoup plus
avancée.
Mais je dois vous assurer que l'aspect de ne pas détruire un
instrument et une responsabilité publique comme l'est devenue la CSST
est important. Il y aurait danger que les correctifs que nous apporterions
soulagent les problèmes, mais que le mythe reste et que, année
après année - qu'Importent les gouvernements au pouvoir,
qu'importent les étiquettes politiques -nous-mêmes entretenions,
avec le temps, cette réaction instinctive que, dès qu'on entendra
parler de la CSST, qu'importe ce qui se sera fait dans l'année, on va
automatiquement réagir négativement, parce que, à une
certaine époque, ça a pu être le cas. Je suis très
conscient de ça et c'est pour ça que j'ai voulu intervenir au
niveau des correctifs qu'il me semblait approprié d'apporter de
façon la plus efficace possible, avec des résultats les plus
pratiques. Et, ma foi, jusqu'à maintenant, dans les derniers mois - je
donnais deux exemples, soit le retrait préventif et la contestation
faite par la CSST - il me semblait que des correctifs ont été
apportés sans que ça ait soulevé tant de questionnements
publics que ça.
Sur le reste dé l'intervention qu'il reste à faire, c'est
sûr que faire une consultation publique basée sur un document qui
sera déjà un plan d'action, je trouve ça plus
intéressant que simplement ouvrir une commission parlementaire un peu au
hasard en février ou mars et, là, dire que tous ceux qui veulent
s'exprimer sur quoi que ce soit de la CSST viennent. Ça, vous savez, je
pense qu'on n'en sort pas. Et c'est là que je me suis dit: Je vais
assumer ma responsabilité, je vais prendre un certain leadership, si
vous me permettez l'expression, entre guillemets, et déjà
proposer aux conseils d'administration, qui sont, quand même, les
partenaires à la table... Ça a été fait au mois de
mai. Je suis revenu au mois de juin et ils savent que bientôt j'y
retournerai pour finaliser mon plan d'action et dire: Voici les pistes
où nous allons.
Je vous donne une anecdote. Sur la question de Tassumation" des
coûts entre employeurs et employés, le Conseil du patronat se fait
un devoir à chaque année de demander au ministre du Travail, bien
sûr, dans son épilogue habituel, que la loi soit changée
pour que dorénavant on demande aux travailleurs, aux travailleuses, aux
accidentés du travail en quelque sorte, de supporter un coût
à la CSST. Il suggèrent 25 %. En ce qui me concerne, j'ai dit
non, en partant; il n'en est pas question. Et tant que je serai au
gouvernement, d'ailleurs, je défendrai toujours l'aspect social de la
loi. C'est non pas un plan privé de coassurance entre employeurs et
travailleurs; c'est une loi votée par le Parlement et, quant à
moi - je vais même aller plus loin et je vais terminer là-dessus,
M. le Président - la modalité de la cotisation n'est qu'une
modalité. On pourrait très bien, dans la loi, avoir prévu
que la cotisation se fasse par un ministère. Je sais qu'à une
certaine époque on avait pensé que ce serait le ministère
du Revenu qui fait, d'ailleurs, d'autres prélèvements - à
la Régie des rentes, à titre d'exemple, qui collecte tout
simplement ce que la loi déclarera. À ce moment-là, cette
fameuse disparité mentale, si je peux dire, que l'on fart entre un
organisme comme la CSST qui collecte auprès d'employeurs, de cotiseurs,
puis ça constitue en quelque sorte une corporation privée, moi,
je regrette, je ne fais pas mienne cette théorie-là. C'est,
d'abord et avant tout, un Parlement qui a décrété une loi,
qui a formé un organisme, qui a accordé une certaine marge de
manoeuvre à un organisme.
Et ça, je pense que c'était une expérience à
l'époque, en 1985. C'était risqué de le faire, ça
pouvait bien fonctionner ou non. Former un conseil de quinze,
présidé par une personne, un P.-D.G., et laisser sept
représentants du monde patronal et sept représentants du monde
syndical décider ensemble, ça pouvait amener un risque Important.
Finalement, je l'ai dit, la loi me semble bien faite, bien conçue et
avoir résisté à l'épreuve du temps. Après
cinq ans, je pense qu'on peut être relativement en situation de dire si
ça a bien marché ou non. Je pense que personne ne songe
sérieusement à la remettre en question, fondamentalement, mais il
y a des modalités qu'on peut revoir: le concept d'un bureau paritaire
comme révision de dossiers à la suite d'une première
décision ou, par exemple, cette façon de voir que l'agent
d'indemnisation était la seule personne en autorité à
l'intérieur de la CSST qui pouvait être saisie du dossier et
rendre la décision.
J'ai questionné le conseil d'administration et la direction de la
CSST sur cette dimension, dans le sens qu'avant que la décision soit
rendue pourquoi n'y a-t-il pas des révisions internes comme ça se
fait dans la plupart des ministères? Si je regarde au ministère
du Revenu, habituellement, nous avons des grilles de revérification
faites par un chef de secteur, un directeur, etc., pour s'assurer que, quand la
décision est rendue, elle soit la plus conforme à la loi, la plus
intelligente, la plus acceptable possible. Jusqu'à mai ou juin dernier,
l'agent d'indemnisation à
l'intérieur de la CSST était considéré comme
le maître absolu lorsqu'il était saisi d'un dossier, comme si la
loi avait dit que l'agent d'indemnisation était une espèce de
commissaire avec les pouvoirs d'un juge enquêteur et qu'une fois qu'il
était saisi toute intervention de supervision à son niveau
était comme inacceptable.
Et ça, ça n'existe pas dans la loi. La loi dit que la CSST
décide et qu'une fois que la décision est rendue
l'accidenté ou l'employeur peut contester par le bureau paritaire et
ensuite à la CALP. Mais tout le processus pour rendre la décision
à la CSST, c'est un appareil purement administratif. Il me semble que,
là, il y a une bonne façon de revoir peut-être tout ce
mécanisme pour faire en sorte que, quand l'accidenté a un
accident, il reçoive ce que la loi prévoit, rien de plus, rien de
moins. Et ceux qui n'y ont pas droit, qu'ils soient, comme on dit,
châtiés s'il le faut, mais qu'ils n'en reçoivent pas. Mais
celui qui doit en recevoir, qu'il en reçoive bien, rapidement, dans le
respect de ses droits et, ma foi, pourquoi pas? avec bonheur. Me semble-t-il
que la CSST, qui distribue des indemnités, devrait être un lieu de
réjouissance et de réconfort comparées, par exemple, au
ministère du Revenu. Je voudrais vous convaincre de venir au
ministère du Revenu pour venir vous réconforter et vous
réjouir que vous ne me croiriez pas et avec raison.
Donc, je me dis: II y a certainement des choses qu'on peut faire. Je
vous assure encore une fois que ce n'est même plus une intention.
D'ailleurs, j'ai déjà confirmé cet engagement de tenir une
commission parlementaire et je pense qu'entre nous on sait bien que ce n'est
pas juste une intention. Elle sera convoquée avec un projet. Je termine,
M. le Président, là-dessus. Le projet sera détaillé
dans un plan d'action et je vais demander aux gens de venir
réfléchir avec moi sur les mécanismes que je propose pour
introduire non pas de vastes et orgueilleuses solutions, mais pratico-pratiques
pour que, dès le mois de mars, on puisse introduire les amendements
à la loi, procéder ensuite à l'adoption et espérer
qu'au mois de juin nous ayons adopté un projet de loi qui apporte un
ensemble de correctifs, tout en sachant qu'il n'y aura pas uniquement des
correctifs apportés par la loi. Il y a beaucoup de correctifs qu'on peut
apporter à la CSST sans amendement à la loi. Il y a des mesures
administratives, il y a des règlements, il y a toutes sortes de choses,
mais nous aurions possiblement terminé nos travaux en ce qui nous
concerne nous, parlementaires, et plus particulièrement le ministre
responsable, quoique moi, j'aurai, bien sûr, à suivre ça
assez quotidiennement après. Mais c'est le voeu que je formule qu'avec
la collaboration des membres de la commission et des gens de l'Opposition nous
puissions ensemble, dans un travail très ouvert - je n'ai pas
d'idée préconçue, nulle- ment - échanger et
apporter nos expériences, nos réflexions et faire en sorte que
ceux qu'on veut servir... Il n'y a pas juste les accidentés; il y a tous
les autres qui sont susceptibles de le devenir. Donc, il y a près de 2
500 000 personnes au Québec qui sont assujetties, entre guillemets, ou
bénéficiaires éventuels de la loi. Je pense que ce que je
souhaiterais, c'est qu'à l'avenir la CSST ne soit plus perçue,
vue et vécue commme un lieu redouté, un lieu où on semble
connaître des agressions, des irritations, des problèmes, des
délais, etc., ou des difficultés. Ça, je pense qu'on va y
parvenir, M. le Président. Je peux vous en donner l'assurance.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
Alors, d'autres intervenants au niveau des remarques préliminaires? M.
le député de Laviolette. (16 h 45)
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, c'est la
première occasion que j'ai d'intervenir comme vice-président de
la commission et en même temps cette fois-ci à cette commission
sans être le critique du ministre, compte tenu du fait que mes
occupations ont été diminuées par rapport aux deux
dernières années. Lorsque nous nous sommes quittés pour
les élections, j'avais quatre dossiers dont celui de la CSST, le
travail, les négociations dans les secteurs public et parapublic et ia
forêt. Maintenant, on m'a donné un seul mandat, celui de la
forêt, mais ça ne m'empêche pas de m'occuper de ce dossier
qui m'intéresse beaucoup.
Mme la députée de Taillon faisait mention de l'historique
du dossier. Je dois vous dire que j'ai eu l'occasion, avec M. Marois, à
l'époque, comme simple député, d'être avec d'autres
membres, M. Chevrette, M. Bisaillon, M. Marois, dans un comité de
travail sur la préparation du livre blanc. Et j'avais même eu
l'occasion... Pour le bénéfice des députés actuels
qui sont des nouveaux, je veux leur dire que, même à
l'époque, un député comme moi qui n'étais pas son
adjoint parlementaire faisait, au nom du ministre, des discours à
travers le Québec. Je l'avais fait à l'occasion sur le livre
blanc, je l'avais fait sur la loi sur le déclubage. C'était
à nos propres frais, on n'avait pas de moyen d'être
remboursés. Je l'ai fait parce que j'y croyais.
Je dois dire que, dans ces années-là, il y avait une
effervescence très grande au niveau de tout ce qui traitait - on s'en
souviendra - de l'amiantose et des maladies dites professionnelles. Je
rappellerai simplement un des cas que j'avais eus quand j'étais
président de syndicat et qui m'avait amené à dire qu'il ne
fallait jamais perdre patience. Vous savez que, quand on parle du Régime
de rentes, pour invalidité, il faut quasiment être sur un lit
d'hôpital et presque à
l'article de la mort pour y avoir droit si on est âgé de 35
ans. Je dois vous dire que le premier cas au Québec qui avait
été gagné pour invalidité dite mentale, c'est celui
d'une enseignante de mon coin que nous avions poussé jusqu'au bout. Elle
avait obtenu une invalidité salariale au niveau des Services de
santé du Québec, la SSQ qui s'occupait du syndicat chez nous. Il
y avait en même temps son régime de retraite comme enseignante et
par le fait même le Régime de rentes. Tout cela pour vous dire que
c'était un travail immense que de faire accepter de nouvelles formes
d'invalidité qui étaient autres que physiques.
Dans ce sens, quand le ministre m'avait demandé l'an passé
de participer comme critique à un comité qui avait à
regarder toute la loi de la CSST, de la Commission, j'avais refusé. Le
ministre en a fait mention ce matin. Je l'indique, pour des raisons qui sont
bien simples, c'est que notre travail comme députés, j'ai
toujours pensé que c'était au vu et au su de tout le monde qu'on
devait le faire, que, si le ministre voulait mettre en place des comités
de travail ministériel, il avait amplement le droit de le faire. Si
nous, comme membres de l'Opposition, on veut faire les nôtres, on a
amplement le droit de le faire, mais, lorsque l'on discute de ces
dossiers-là, c'est en commission parlementaire. Or, j'apprends de la
part du ministre que cette proposition que nous avions faite à la
réunion de notre commission l'an passé, qui était un
mandat d'initiative qu'on voulait se donner, qui avait été
refusé à l'époque, semble maintenant être même
la proposition que le ministre veut nous faire. J'en suis donc fort aise.
Je dois vous dire que c'est le lieu où nous avons, comme
députés, à faire valoir nos points de vue, qui peuvent
être semblables à ceux de l'équipe ministérielle,
mais qui, dans certaines circonstances, peuvent être aussi
différents. Nous avons un travail à faire comme parlementaires.
Moi, j'ai toujours de la difficulté à dire que nous sommes dans
un jeu politique. Je ne pense pas que je sois dans un jeu politique. On dit:
Une joute électorale, des choses semblables. Moi, je dis: Je fais mon
travail. Il y en a qui travaillent à la Consol chez moi, d'autres
travaillent dans des usines de lainage. Mon travail à moi, je m'en amuse
toujours auprès de mes électeurs en leur disant que c'est avec
plaisir que je le fais et je m'amuse toujours en disant aussi que c'est un
travail que j'aime et en plus que je suis payé pour le faire. Mais mon
travail a moi consiste à défendre des gens devant un appareil
administratif quel qu'il soit, devant un gouvernement quel qu'il soit pour leur
donner le meilleur service possible.
Vous savez, on regarde la loi qui est devant nous. Je n'ai pas eu
l'occasion de faire un discours à l'Assemblée nationale, au salon
bleu, parce qu'il y a eu des décisions qui ont été prises
pour accepter un terme à l'étude du principe et pour arriver en
commission parlementaire le plus rapidement possible. Mais j'avais beaucoup de
choses à dire et je vais donc profiter de ces moments qui me sont
donnés pour les dire. C'est une chose que de parler de la tarification,
de nous dire que les partenaires... Et, comme la députée de
Taillon le disait tout à l'heure, je suis fort heureux qu'on puisse
s'entendre sur un sujet aussi difficile que cela. Parce que, d'un
côté, il y a des gens qui disent: Ce n'est pas à moi de
payer tout ça et ils voulaient même, à l'époque,
demander que les travailleurs en paient une partie. D'un autre
côté, vous avez les travailleurs qui disent: Un instant, nous
autres, on n'a pas à payer pour des employeurs qui sont sans vergogne
dans certains cas, qui font en sorte qu'il n'y a aucune prévention
à notre travail et qu'en bout de course on est handicapé à
quelque niveau que ce soit dans notre vie. Alors, c'est un sujet brûlant,
qui doit demander du doigté pour arriver à un consensus tel qu'on
l'a fait.
Lorsque je suis syndiqué, j'ai l'appareil syndical qui peut me
protéger, j'ai les expériences passées qui peuvent
m'akjer. Mais, quand je suis non syndique, vous savez, M. le ministre, que ce
n'est pas facile. L'employeur qui dit à l'employé: Si tu te
défends trop, mon "chum", c'est dehors. Tu sais, tu n'as pas de
conditions de travail, parce que ça touche cet ensemble-là que
l'employé non syndiqué vit continuellement. On a beau avoir la
commission des normes minimales et des conditions de travail qui essaient de
nous protéger, vous savez qu'une personne comme j'ai connue dans
l'alimentation, qui s'est blessée en levant des caisses trop pesantes
pour elle, toute femme menue qu'elle était, comme tout le monde, peut
aller se promener sur nos routes qui ne sont pas toujours belles au printemps.
Elle décide, dans la fin de semaine, alors que c'est arrivé le
vendredi, d'aller faire du quatre-roues, ce que personne n'est
empêché de faire. Ellle se voit acceptée par la Commission
de la santé et de la sécurité du travail comme
étant une accidentée du travail. L'employeur ne le contestait
pas, sauf qu'elle a eu un malheur, pauvre femme. Elle était avec son ami
qui l'a invitée à venir faire un rallye en 4X4 sur un chemin.
Elle s'est retrouvée le lendemain matin dans le journal où
l'employeur a vu qu'elle avait gagné le rallye. Si elle n'avait pas
gagné, peut-être qu'elle n'aurait jamais eu ce
problème-là. Elle gagne le rallye. On lui dit: Ma chère
madame, ce n'est pas vrai, tu ne t'es pas blessée le vendredi; ce n'est
pas vrai, c'est le dimanche que tu t'es blessée. Et là elle se
voit réclamer par la CSST les montants qu'elle a reçus. Elle n'a
plus rien actuellement entre les mains; elle se retrouve, aujourd'hui, au
moment où on se parle, tellement démunie qu'elle a donné
sa démission, parce qu'elle a dit: Moi, je
ne peux plus subir ça. Elle se cherche un emploi actuellement et
elle est encore malade, elle doit suivre des traitements. Tout ça pour
vous dire que, comme elle est non syndiquée, c'est, à un moment
donné, plus difficile pour elle d'obtenir justice.
Et, si je me le rappelle bien, c'était quoi, ça, la
Commission des accidents du travail, à l'époque, c'est quoi, la
Commission de la santé et sécurité de travail,
aujourd'hui, sinon une forme d'assurance que les employeurs se donnent en
contrepartie d'une décision que les employés ont prise, par
l'intermédiaire des syndicats qui les représentaient davantage?
Le syndiqué, ça va être par cette formule-là qu'il
va s'y rendre. Mais l'autre qui n'est pas syndiqué, lui, il est
obligé de suivre un peu le courant. On dit toujours que les syndicats
sont un peu la locomotive qui traîne toutes les demandes pour les
employés.
Qu'est-ce qui arrive? C'est qu'ils ont décidé, eux autres,
de n'intenter aucun recours en justice au niveau civil. Donc, l'employé
a l'assurance, s'il a le malheur d'être blessé, accidenté
ou pour une maladie professionnelle, d'avoir quelque chose en contrepartie pour
maintenir sa famille dans un contexte plus facile que d'être sur le
bien-être social, mais quand même plus difficile que d'être
au travail. Parce que là, au moins, il gagne son salaire, il est content
de le gagner et il le gagne avec beaucoup plus de montants d'argent que ce que
lui donnerait l'assurance. Il se voit donc confiné à une
décision, parce que la société a dit: L'employeur dort
prendre les moyens, par le moyen de l'assurance collective qu'il se donne,
d'assurer un bien-être à une personne qui a eu le malheur
d'être accidentée ou d'être en maladie professionnelle, ou
même de mourir dans certains cas.
Donc il faut bien se resituer dans la loi de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail; en contrepartie de
cette assurance qu'on lui a donnée, l'employé, par les
décisions qu'il a prises à l'époque, n'intente aucun
recours au civil contre l'employeur. Ce n'est pas peu dire, mais le
problème que l'on a, quand on le regarde bien honnêtement, c'est
que, si on avait gardé notre droit d'aller ester en justice au niveau
civil, ça aurait pris autant de temps que d'avoir un organisme qui
devrait nous donner une réponse rapide à notre problème et
une solution qui nous permette de vivre convenablement. C'est ça qui est
peut-être le problème. C'est qu'on pourrait dire aujourd'hui: On
laisse tomber tout ça et on va aller ester en justice au niveau civil.
Si on y va, ça va prendre autant de temps que ce qu'on est en train
d'avoir, surtout qu'en plus de ça au moins mon avocat s'occupait de mon
affaire. C'est lui, au moins, que j'avais comme seul interlocuteur. Là,
c'est rendu que j'ai 36 interlocuteurs et il n'y en a pas un qui dit la
même chose. Là, je me retrouve dans un dédale
épouvantable, de telle sorte que.. .
On s'en souvient, M. le ministre m'avait donné la garantie que la
CSST ne prendrait pas ces décisions-là. Qu'est-ce qui est
arrivé? C'est que, même si l'employeur disait que c'était
un accident de travail et ne contestait pas l'accident de travail, la CSST,
pour des raisons de diminuer son déficit, décidait, elle, de
l'intenter, la poursuite. Ça n'a plus de bon sens. Le moyen que les
travailleurs se sont donné pour ne pas aller en justice, c'est les
autres qui le faisaient à la place de l'employeur; ça n'avait
plus de bon sens. Donc, le ministre a corrigé cette situation-là
et c'est tant mieux C'est une des choses qu'il fallait faire. C'était
administratif. Ce n'était pas une décision qui passait par une
loi, mais il fallait agir.
On a l'exemple du recours que les femmes ont le droit d'avoir afin de
pouvoir s'absenter de leur travail à cause de la maternité, des
dangers que peut apporter le travail qu'elles font. Mais je dois vous dire
qu'entre-temps l'employeur qui dit, comme on l'a connu dans notre coin, ce qui
a fait l'objet d'une enquête approfondie à la CIP La Tuque, les
Produits forestiers Canadien Pacifique maintenant... Là, on s'est
aperçu que, dans les forestiers, on cachait des accidents parce que
ça coûtait moins cher à la compagnie de payer à
l'individu une assurance-salaire que de le payer à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Donc, on
pénalisait pour des années à venir quelqu'un qui, dans dix
ans, parce qu'il n'a pas fait une réclamation au moment où
l'accident s'est produit, se verra handicapé. On dira: Écoute,
c'est la déformation de ton corps, de ton système physique qui
fait que ta colonne n'est plus bonne, alors qu'on sait qu'un arbre lui est
tombé, voilà dix ans, sur le dos.
J'en ai encore de ça aujourd'hui, des gens qui disent - je vais
prendre leur expression - De la merde, je n'irai pas à la CSST. D'abord,
je vais avoir plus à la CSST si j'y vais, mais j'ai plus de
sûreté de l'avoir de ma compagnie, actuellement, par son
assurance-salaire, 100 $ de moins par semaine dans certains cas, mais au moins
je vais l'avoir tout de suite. La compagnie, ça fait son affaire.
Ça existe encore, ça. Ça, il va falloir qu'on amène
les compagnies à dire: Si je paie une assurance, je vais en payer aussi
les conséquences, de mon assurance. Je ne la paie pas pour ne pas
l'augmenter parce que j'ai des accidents à la CSST.
Là, les formules qu'on nous amène vont être plus
justes. Et le ministre a raison quand il dit: C'est personnalisé
à l'établissement, ce qui va faire que là il ne paiera pas
pour les autres. Beaucoup d'employeurs disaient: Moi, je suis tanné, je
suis dans une catégorie; je fais des trous d'homme, les couverts de
trous d'homme, les "manhole" comme on dit. Qu'est-ce que la personne disait?
Elle disait: Moi, parce que je
suis dans ce secteur-là, je suis considérée comme
étant une personne qui est dans un secteur minier. Ça n'a pas de
bon sens. Ce n'est pas la même chose du tout de travailler sous terre ou
de travailler dans un établissement. C'est toutes sortes de choses qui
se passaient qui étaient anormales et qui continuent à se
passer.
Je dois vous dire que je suis content de voir qu'on s'en vient vers
quelque chose qui va nous permettre comme parlementaires de faire valoir notre
idée. Là je regrette quasiment que le député de
Saguenay ne soit plus membre de notre commission. Il avait toujours un bon cas,
lui, à nous amener. On était toujours d'accord avec lui et lui
était d'accord avec nous autres. C'était peut-être la seule
place où on avait des accords avec lui. Le député d'Ungava
s'en souvient, comme membre de la commission. M. le député
d'Ungava, vous vous en souvenez, le député de Saguenay, on
était au moins d'accord sur le fait qu'il avait des problèmes
comme nous autres, vous vous en souvenez. Mais je dois vous dire que je suis
sûr que tous les gens qui sont ici - les nouveaux vont l'apprendre -
depuis quatre ans savent très bien ce que je dis là Et vous comme
ministre, vous en recevez autant que nous autres dans vos bureaux. Sans compter
ceux qu'on vous envoie, en plus.
Je suis donc très fier de tout ça parce que ça va
nous permettre, comme parlementaires, de faire valoir nos idées et, sans
tomber dans le cas par cas, d'amener au moins des idées
générales de cas qui doivent être corrigés
rapidement. Vous savez, quand une personne se retrouve à perdre sa
maison... Elle était au travail, elle gagnait un bon salaire, ses
assurances de carrière étalent bonnes, mais, malheureusement,
elle a un accident; elle n'est plus capable de payer ses dus elle perd sa
maison et, dans bien des cas, elle va jusqu'à ajouter un verre de
bière de temps en temps pour finalement perdre sa famille. Ça, ce
ne sont pas des cas qu'on vous amène pour vous faire pleurer, c'est la
réalité de tous les jours. Et des cas comme ceux-là, il en
existe continuellement et c'est ça qu'y faut corriger. (17 heures)
Un autre point que j'aimerais toucher a trait à une
décision qui, comme parlementaire depuis treize ans, ne m'a jamais
été aussi évidente. C'est le fait que la Commission, avant
même que l'on ait comme députés l'occasion de se prononcer
sur un projet de loi lui demandant à ce moment-là de changer de
tarification, ait décidé de faire les documents, ait
décidé d'entendre les gens, non pas en consultation, mais de les
entendre pour leur dire comment va s'appliquer la nouvelle tarification.
Ça, je vais vous dire que c'est la première fois de ma
carrière que je vois ça. Vous savez qu'au fédéral
il y a eu une décision du président de la Chambre qui a
été prise condamnant des gestes comme ceux-là.
Simplement pour les besoins de la cause et pour permettre, à ce
moment-là, à d'autres organismes comme la CSST de ne point
recommencer une telle chose, je vous lis des extraits de la Loi sur
l'Assemblée nationale. Dans le préambule, on dit:
"Considérant le profond attachement du peuple du Québec aux
principes démocratiques du gouvernement; considérant que
l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire des
représentants élus qui la composent, est l'organe suprême
et légitime d'expression et de mise en oeuvre de ces principes;
considérant qu'il incombe à cette Assemblée, en tant que
dépositaire des droits et des pouvoirs historiques et
inaliénables du peuple du Québec, de le défendre contre
toute tentative de l'en spolier et d'y porter atteinte; considérant
qu'il - et là, j'arrive au point important - convient, en
conséquence, d'affirmer la pérennité, la
souveraineté et l'indépendance de l'Assemblée nationale et
de protéger ses travaux contre toute ingérence - quelle qu'elle
soit, ce qu'on appelle dans notre langage contre tout tordage de bras - Sa
majesté, de l'avis et du consentement de l'Assemblée nationale,
décrète ce qui suit..." Et, dans les pouvoirs, on dit: "Le
Parlement exerce le pouvoir législatif, à l'article 3 qui nous
indique exactement ce que l'on est.
Moi, je n'accepte pas - et je suis sûr que tous les membres de
l'Assemblée, s'ils voulaient se prononcer, vous diraient la même
chose - que qui que ce soit, par des moyens détournés ou autres,
allant dans certains cas jusqu'à payer ce qu'on appelait des
pots-de-vin, veuille m'obliger à poser des gestes et des actes que je
n'ai pas le droit et le devoir d'exercer comme législateur, comme
élu du peuple. Moi, je vais vous dire que ça m'a
profondément bouleversé, une telle attitude et je voulais le
dire. Je l'aurais dit, comme je l'ai dit tout à l'heure, à
l'Assemblée nationale si nous n'avions pas convenu de venir ici
travailler sur ce projet de loi. Mais je dois vous dire que, dans ce
contexte-là, je le dis ici et même j'aurais la tentation - je ne
sais pas si elle va être remplie, la mienne, au moins, va l'être -
de demander au ministre ce qu'il en pense, lui, comme ministre, comme
législateur, comme député. Qu'est-ce qu'il pense de cette
attitude qui a été prise? Moi, je pense qu'il serait
intéressant de l'entendre parce qu'il faut que, d'un commun accord, de
part et d'autre, on condamne de tels gestes et on demande de ne plus jamais les
reproduire.
Alors, nous aurons l'occasion d'entendre la réponse du ministre
et, après la réponse du ministre, M. le Président, nous
aurons l'occasion de passer à une autre étape de nos travaux.
À ce moment-là, je suis assuré que vous reconnaîtrez
mon collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, critique
de l'Opposition pour cette partie qui suivra.
Le Président (M. Bélanger): On verra à
ce
moment-là. On va laisser les travaux se dérouler
selon...
M. Jolivet: Oui.
Le Président (M. Bélanger): ...leur pertinence. M.
le ministre.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Peut-être quelques minutes, M. le
Président. D'ailleurs, je dois, avant d'aborder certains
éléments soulevés par mon collègue, le
député de Lavlolette, lui dire que j'ai certainement beaucoup
apprécié jusqu'à la fin de la session du printemps dernier
sa collaboration comme vis-à-vis, critique en matière de travail,
etc. Nous avons eu l'occasion de faire certains travaux. Je pense que ça
s'est fait avec beaucoup de bonhomie et de cordialité. Franchement, je
n'ai qu'un bon souvenir de cette période. Peut-être aurons-nous
encore l'occasion de partager des travaux, bien sûr.
Mon collègue a mentionné l'amiantose et je voulais ouvrir
une parenthèse ici parce que j'ai rencontré un groupe qui a voulu
me sensibiliser à une certaine rigueur dans l'application du
règlement qui dit qu'une personne atteinte d'amiantose peut être
placée par l'employeur sur les lieux du travail, mais à la
condition qu'elle ne soit pas exposée aux contaminants de l'amiante avec
un degré de danger. Je me suis interrogé sur l'à-propos de
cette mesure. Une personne atteinte d'amiantose, à mon humble avis, elle
est atteinte et ce n'est pas le fait qu'elle ne soit plus exposée ou
qu'elle soit encore exposée qui va solutionner... Évidemment, si
elle n'est plus exposée du tout, ça va déjà aider.
J'ai trouvé ça un petit peu curieux, compte tenu du fait que
c'est dans les carrières ou plutôt les mines, devrait-on dire; y
a-t-il vraiment sur place un lieu qui est plus sécuritaire qu'un
autre?
À leur invitation, j'ai accepté l'idée d'aller - on
va faire ça après les fêtes - dans la région de
Thetford Mines; je suis l'invité des employés qui sont du groupe
de santé et de sécurité à visiter la mine et
à m'entretenir avec eux pendant une couple d'heures de leurs
problèmes, etc. J'espère, a ce moment, leur apporter une solution
ou un éclairage nouveau sur ce règlement d'application concernant
l'amiantose parce que je ne suis pas convaincu qu'on devrait maintenir cette
prérogative à l'employeur de replacer, à son choix,
l'employé sur des lieux de travail à la seule condition que le
degré d'amiante que le lieu peut contenir soit en deçà
d'un certain seuil.
C'est une anecdote simplement pour vous dire jusqu'à quel point
je suis très sensible aux représentations qui nous sont faites et
que je ne recule devant rien pour moi-même, à l'occasion, me
rendre sur place. J'en parlais avec notre collègue, le
député d'Ungava, et je lui ai dit que, si on s'entendait, je suis
prêt à aller dans la région d'Ungava rencontrer les gens
là-bas. Je peux lui dire tout de suite que le problème qu'il m'a
manifesté, ce matin, concernant le fait qu'il n'y avait pas de personnel
permanent de la CSST dans son comté et que c'est une région qui
est déjà mal desservie, c'est une région un peu lointaine,
c'est une région où, Dieu sait, on connaît les distances...
Je suis moi-même natif d'Abitibi; donc, j'apprécie cette notion
qu'on peut ressentir et je lui ai tout de suite manifesté de
l'intérêt devant la question. J'en ai parié avec les gens
chez nous, ce midi, et je peux vous dire tout de suite que c'est
réglé. On va procéder à l'embauche de permanents
à Chibougamau, et non pas de gens à temps^ partiel, et on va
faire la même chose aux Îles-de-la-Madeleine où la situation
m'avait été également représentée. Je pense
que ça va aider. Je ne dis pas que ça va régler le
problème, mais ça va aider à ce que sur place, de
façon permanente, une personne s'occupe de la prévention, de
l'inspection, qu'elle soit capable de recevoir les accidentés et de s'en
occuper.
Je voulais le mentionner parce que je trouvais intéressant le
point soulevé et je ne voulais pas que le point reste dans nos discours.
Je voulais indiquer que, quand on est convaincu de certaines choses, on met
l'action et je pense que les résultats sont (à.
Le Préskient (M. Bélanger): En conclusion, M. le
ministre.
M. Séguin: Oui. Il y a un point que je voulais soulever
parce qu'on m'a posé une question et je pense qu'on me permettra
quelques minutes pour y répondre. Alors, M. le Président, si vous
me le permettez...
Le Président (M. Bélanger): C'est la commission qui
est maîtresse des travaux, M. le ministre.
M. Jolivet: On vous l'accorde.
Le Président (M. Bélanger): Mais je vous ferais
juste remarquer qu'il y a des fois où ça fait l'affaire d'un bord
et ça ne fait pas l'affaire de l'autre. Des fois, c'est l'inverse aussi.
Il faut vivre avec les décisions qu'on prend. Je fais juste remarquer
ça.
M. Bourdon: M. le Président, les parlementaires
américains ont un bel adage là-dessus: "Other days, other
ways".
Le Président (M. Bélanger): "Other problems, but...
Ha, ha, ha!
M. Séguin: Alors, sur la question de la
façon avec laquelle une certaine publicité ou un document,
devrais-je plutôt dire, a été fait, une consultation
auprès des employeurs en préparation de ce projet de loi, parce
que c'est une situation que les collègues de l'Opposition ont
dénoncée et même lors du discours du trône, dans la
réaction de l'Opposition, ça a été constaté;
le leader de l'Opposition, au moins à deux reprises, de mémoire,
est revenu sur le cas pour dénoncer cette façon de
procéder. Quoique je ne sois pas de la pensée qu'il y a là
vraiment usurpation de pouvoir des parlementaires, je pense que nous demeurons,
je l'ai dit tantôt absolument détachés de toutes ces
préoccupations matérielles qui sont celles, peut-être, de
ta CSST. Nous, nous avons à légiférer. Et, je l'ai dit
tantôt, si nous étions convaincus que ce projet de loi dans son
principe, dans ses éléments, n'était pas acceptable et que
tel article ou tel autre faisait que ce projet de loi était
inacceptable, je pense qu'on aurait le devoir de ne pas l'accepter.
Par ailleurs, je n'ai pas la conviction, actuellement, que ce projet de
loi est mauvais et personne ne m'a fait une démonstration, à ce
jour, que les articles 3, 4, 7 ou 8, etc., n'étaient pas bons.
Cependant, sur la démarche qui a été faite, je dois vous
dire, sans porter de jugement, que ma première réaction quand
j'ai été reconduit dans mes fonctions a été de m'en
entretenir avec les autorités de la CSST, d'une part, pour trouver que
même si je me sentais, comme parlementaire, bien au-dessus des voeux
exprimés par un organisme ou par un groupe... Vous savez, il y a des
groupes sociaux aussi qui sont en attente de certaines choses et, quand ils
rencontrent un ministre, ils nous font beaucoup de pressions, même des
fois des menaces que l'on comprend dans le milieu, en disant: écoutez,
M. le ministre, si vous n'adoptez pas telle chose à telle session, vous
allez voir que ça va chauffer, etc. Souvent, ils l'expriment violemment
ou vertement à l'extérieur de notre parlement où, de temps
à autre, nous voyons ces expressions très légitimes. Mais,
je pense que, comme parlementaires, dans notre sagesse... Le gouvernement au
pouvoir, peu importe son étiquette politique, décide, de temps
à autre, s'il procède ou non. Je pense, là-dessus...
M. Jolivet: Le ministre conviendra qu'un organisme qui n'est pas
directement relié au gouvernement, c'est bien différent d'un
organisme qui relève d'un gouvernement ou d'un ministre. Et, dans ce
contexte-là, si on jugeait que la loi n'est pas bonne, ça serait
quoi, des milliers de dollars qu'on aurait dépensés pour rien,
pour imprimer des documents qui ne serviraient pas?
M. Séguin: Remarquez que l'impression des documents,
était, de toute façon, utile à la compréhension du
système et II est, quand même, dit dans les documents que c'est
sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale. Mais j'en
conviens, il y a là une façon de faire qui n'est pas souhaitable
et je pense que, comme parlementaires, nous devons faire en sorte de ne pas
faire l'objet de ce genre de présomption trop forte pour ne pas
Indisposer notre jugement. Notre marge de manoeuvre doit toujours être
là, dans ce sens qu'on ne doit pas sentir que, si le projet
n'était pas adopté, on mettrait en péril tout ce qui a
été annoncé. Dans ce sens-là, je pense que c'est
une façon de faire qui n'est certainement pas à encourager. Je me
suis entretenu avec la direction de la CSST là-dessus, il y a à
peu près un mois, et j'ai dit que, personnellement, je ferais
l'étude du projet de loi, indépendamment des délais qui
sont bien légitimement les leurs. Mais j'ai mes délais à
moi et mon devoir, c'était d'étudier le projet de loi, dans un
premier temps et dans un deuxième temps, de voir s'il m'était
possible de le présenter compte tenu du fait que les délais de
l'Assemblée nationale n'étaient pas rencontrés pour une
présentation régulière, même elle était
doublement irrégulière, mais qu'à tout le moins, si
j'avais la conviction que le projet, dans son essence, était valable, je
le présenterais, et qu'il serait soumis au jugement des parlementaires
et à l'appréciation de la commission parlementaire. Plusieurs
fois, même par écrit, j'ai avisé les autorités de la
CSST, vers le 14 ou le 15 novembre, j'avais, à ce moment-là, une
analyse qui me permettait de penser que, sur le fondement du projet de loi, il
était valable et que je le présenterais, mais aux risques et
périls d'une présentation tardive et toujours sujette à
l'appréciation des parlementaires. À ce moment-là, je les
ai avisés de ne rien prendre pour acquis et de vivre avec les
résultats et que, si on ne pouvait pas procéder au mois de
décembre, on procéderait à la session suivante.
Maintenant, j'espère tout simplement qu'on pourra faire une
adoption, la plus intelligente possible, et la plus sereine et rapide. Je
reviens aux propos de ma collègue, la députée de Taillon,
oublions peut-être un peu tout le jeu qui peut entourer tout ça.
Si on pense un peu à l'ensemble des employeurs, il y a une tarification
qui est souhaitée et souhaitable, semble-t-il, à peu près
de consensus II ne faudrait pas, non plus, que nous, on décide de
retarder l'implantation de ce système qui, bon, pourrait être
valable, d'un an simplement parce qu'on serait froissé d'une
manière de faire qui, à mon humble avis, n'emporte pas, ne
contamine pas l'intelligence qu'on peut en avoir. (17 h 15)
Au contraire, je pense qu'on est capables de faire l'étude et, si
le projet est valable, d'y procéder, tout en faisant valoir que la
présentation... Je pense que l'Opposition l'a fait valoir et
j'ai transmis, d'ailleurs, la semaine passée, aux
autorités de la CSST les extraits, des passages des transcriptions pour
resouligner à la CSST qu'il y avait une réserve très
sérieuse, même une condamnation de la façon de faire et que
je souhaitais qu'à l'avenir ça ne se fasse pas.
Et j'ai pris la liberté aussi - ça va se faire dans les
prochains jours - d'aviser les autres organismes dont je suis responsable, moi
personnellement, comme ministre, qu'à l'avenir, si jamais il y a des
dépôts de règlements, de souhaits, de projets de loi, etc.,
- qu'il y ait une consultation, c'est normal; qu'il y ait des documents qui
soient imprimés pour informer leurs interlocuteurs, intervenants, du
projet, ça va - de ne jamais indiquer une date anticipée de mise
en vigueur, comme si c'était presque assuré. Parce que le jeu
parlementaire - c'est notre démocratie - n'est pas automatique.
Le Président (M. Bélanger): Au niveau des remarques
préliminaires, est-ce qu'il y a d'autres intervenants?
Motion proposant la tenue de consultations
particulières avec la CSST
M. Bourdon: M. le Président, j'ai une motion
préliminaire à déposer. Je vous en fais lecture. Elle dit:
"II est proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure la commission permanente de l'économie et du travail
tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet
de loi 14, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, des consultations particulières quant à tous
les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende la
Commission de la santé et de la sécurité du travail."
Le Président (M. Bélanger): Est-ce que je peux
avoir la copie de la motion, s'il vous plaît? Sur la
recevabilité de la motion, est-ce que vous avez des commentaires, M. le
député de Pointe-aux-Trembles? Sur la recevabilité, pas
sur le fond.
M. Jolivet: À première vue, M. le Président,
je ne sais pas. Si vous la jugez recevable... Si vous nous dites que vous avez
des doutes, on va parler. Si vous voulez nous faire parler, on va parler. Mais
je ne pense pas que vous ayez besoin de... Si vous dites qu'il y a des doutes,
on va prendre un moment pour vous convaincre.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre, sur la
recevabilité, est-ce que vous avez des commentaires? Non? Bien, alors,
la motion est recevable. Alors, sur le fond.
M. Jolivet: Est-ce que vous pourriez, pour les besoins - je
m'excuse - des nouveaux membres, dire de combien de temps dispose chacun?
Le Président (M. Bélanger): Trente minutes pour le
proposeur et le ministre et dix minutes pour les autres intervenants.
M. Jolivet: Ou quelqu'un qui représente le ministre.
M. Bourdon: M. le Président, nous avons
présenté la motion parce qu'il nous apparaît que...
Le Président (M. Bélanger): Un instant, M. le
député. M. le député de Beauce.
M. Audet: N'allez pas croire que vous êtes obligé de
parler 30 minutes. Vous pouvez en prendre rien que cinq, ça va faire
pareil.
Le Président (M. Bélanger): C'est à sa
discrétion. C'était non recevable. M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, je vais parler le temps
nécessaire pour vous convaincre et convaincre l'autre côté
de la table. Je voudrais, d'abord, vous citer, dans les documents que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail a
distribués, un des fascicules qui était signé par la
présidente-directrice générale, Mme Monique
Jérôme-Forget, où elle disait: "J'ai tenu à ce que
les employeurs du Québec soient bien au fait des enjeux réels du
projet." Et, là, je suis toujours dans la citation de Mme la
présidente-directrice générale: "À cette fin, nous
avons formé une équipe de porte-parole qui a rencontré
près de 85 associations d'employeurs et de travailleurs, une centaine
d'entreprises, ainsi que divers organismes."
Alors, M. le Président, d'après ce que dit la CSST dans ce
document, la Commission a rencontré un minimun de 185 associations,
entreprises et organismes. Je suggère humblement qu'il pourrait y avoir
une 186e rencontre avec la commission parlementaire de l'économie et du
travail pour expliquer le sens des projets de la Commission à
l'égard de la nouvelle tarification. Au surplus, M. le Président,
il y a des gens de la CSST qui sont disponibles sur place et ils pourraient
utilement, pensons-nous, répondre à nos questions et nous tenir
au courant de l'ensemble du projet.
J'ajoute que, de notre part, ce n'est d'aucune manière une motion
que nous déposons pour laisser entendre que le ministre ne nous a pas
donné toutes les explications qu'on a demandées. Il n'y a aucun
problème à cet égard, sauf que l'intéressée,
la Commission, qui a fait
consensus à son conseil d'administration pour demander au
Parlement d'adopter la loi sur la nouvelle tarification, pourrait, je pense,
nous expliquer ce qu'elle comporte et les étapes par lesquelles elle est
passée avant d'en arriver à cela.
Par ailleurs, le fait que la CSST s'explique sur ses projets nous
permettrait de la questionner sur les enjeux mêmes qui sont
greffés à ce projet et qui touchent les
bénéficiaires. Bien sûr, le ministre nous a fait savoir
qu'il a l'intention de déposer un document de travail et, si ce
n'était d'une Idée que le premier ministre a eue en pleine
canicule de convoquer une élection, on aurait peut-être
déjà le document de travail entre les mains.
Au passage, je tiens à dire que, quant à nous, c'est
correct que le ministre envisage de nous donner ses propositions en vue de la
tenue d'une commission parlementaire où il y aura un cadre formel et un
mandat pour discuter des problèmes que nous avons soulevés et qui
sont soulevés dans la population. Je lui donne entièrement raison
là-dessus. On n'est plus dans les années soixante-dix où
on se réunit pour échanger sur des problèmes sans avoir en
main une base où l'autorité politique nous dit ce qu'elle voit
comme pistes, quitte à entendre ceux qui pourraient avoir des
façons différentes de régler les problèmes qui sont
concernés.
La CSST, on ne le dira jamais assez, est plus qu'une forme d'assurance
quelconque. Et, là-dessus, j'aimerais revenir sur le même document
où Mme Jérôme-Forget disait, et là je la cite:
"J'aimerais ajouter que je suis très sensible au fait que la CSST se
trouve en situation de monopole. Obligation vous est faite d'adhérer
à un régime auquel l'ensemble des employeurs verse chaque
année l'équivalent de ce qu'il paie en impôts au
Québec." Ça a un petit air, M. le Président, de dire: Je
regrette d'être ce que je suis, c'est-à-dire une organisation
à vocation sociale mise sur pied par décision gouvernementale
pour remplir une fonction sociale. Je pense que c'est très
évident que c'est comme si on s'excusait d'être, dans ce
bout-là de ce que disait la présidente-directrice
générale.
Il est d'autant plus important d'entendre la CSST que, au niveau
pratique, et on n'Insistera jamais assez là-dessus, les problèmes
qui font que les gens attendent très longtemps pour avoir des
décisions causent des drames humains très sensibles.
Là-dessus, je pense qu'on pourrait déjà, à cette
commission-ci, avoir de la CSST elle-même une idée de comment elle
voit ces questions-là et comment elle voit des moyens de les
résoudre.
À cet égard, je pense que, dans les années
passées, il y a eu tendance à l'Intérieur de la CSST
à accepter qu'insensiblement les rapports entre les
bénéficiaires et la CSST se judlclari-sent. Dans ce sens, la
situation n'est pas sans rappeler celle qui prévalait avant qu'on change
les règles du jeu quant aux accidents d'automobile et aux
responsabilités vis-à-vis des personnes.
Ce que j'entends par là, c'est qu'à la belle époque
d'avant Mme Payette les gens pouvaient attendre des années pour
être indemnisés suite à un accident d'automobile. J'ai un
souvenir personnel d'un salarié de la CSN qui n'était, de toute
évidence, pas responsable de l'accident qui lui était
arrivé - c'était un lieu commun de le constater - et qui a
attendu onze ans que les tribunaux statuent sur le tort causé. C'est
très paradoxal d'avoir, à l'égard de la CSST, des
délais qui commencent à y ressembler et des rapports qui
commencent à ressembler aux rapports juridiques. En blague, j'ai
déjà dit que le nombre d'avocats et de causes devant les
tribunaux est, à certains égards, révélateur de
l'état de santé d'une société. Il y a au
Québec, au-delà de 15 000 avocats et il y en a en Suède
autour de 3000. On sait que les avocats ne gagnent pas leur argent avec les
mariages heureux, mais s'occupent plutôt des divorces litigieux. À
cet égard-là, on peut déplorer qu'entre la CSST et les
bénéficiaires des rapports quasi judiciaires ce soient
créés.
Dans ce sens, j'aimerais poser des questions à la CSST. Comment
la Commission elle-même verrait-elle des moyens de simplifier,
d'accélérer son travail? À cet égard, je pense que
c'est bienvenu, ce que le ministre nous disait, de faire en sorte que les
agents d'indemnisation ne se prennent pas, d'une certaine façon, pour
des arbitres, des commissaires du travail ou des juges, mais qu'il y ait des
moyens à trouver, à l'intérieur de la CSST, pour que leurs
décisions soient comme révisées au plan interne.
Je pense, M. le Président, qu'il est nécessaire aussi de
voir les gens de la CSST, qui sont, de toute façon, déjà
sur place, afin de vérifier comment la Commission entend remplir ses
mandats à l'égard, par exemple, du retrait préventif des
femmes enceintes. Dans les documents que la CSST a distribués, c'est
mentionné de façon assez rapide. Je pense qu'il y aurait moyen de
revoir ça.
Je pense qu'il y a des questions à poser également
à la CSST à l'égard des types de réclamations
qu'elle reçoit. Dans le document de la Commission, on dit qu'elle
reçoit chaque année plus de 200 000 réclamations, que ces
réclamations se répartissent toutefois bien inégalement.
On ajoute: "Par exemple, les accidents dits légers constituent 92% des
demandes d'indemnisation. Bien que nombreux, ils ne représentent,
cependant, que 24% du coût du programme de réparation. Par contre,
les accidents dits graves, qui ne représentent pourtant que 8% des
réclamations, accaparent à eux seuls 76% du budget de la
réparation. Il va sans dire - c'est toujours la Commission qui parle -
que ce sont ces acci-
dents, les accidents graves, qui ont le plus d'impact sur le financement
de la CSST et, par conséquent, sur ia cotisation des employeurs."
Je pense, M. le Président, qu'il serait également opportun
de discuter un peu avec la CSST d'autres affirmations contenues dans le
dépliant. Par exemple, on y lit, et je cite: "Le nouveau mode de
tarification a été conçu pour donner aux employeurs une
protection accrue en matière d'assurance." Je relie ça à
la phrase que j'ai citée précédemment de la
présidente-directrice générale sur les excuses qu'elle
présente presque d'avoir un monopole, entre guillemets, d'assurance. (17
h 30)
On dit, ailleurs dans le même dépliant: Donner aux
employeurs une protection accrue en matière d'assurance. Je pense, M. le
Président, qu'on sort de l'objet de l'existence de la Commission,
puisque la Commission est un organisme à vocation sociale, tout aussi
sociale que ia régie qui s'occupe de réparation en matière
d'assurance automobile. Alors, je pense que c'est important de revenir
là-dessus et d'en discuter avec les représentants de la CSST qui
sont, d'ailleurs, présents dans cette salle.
Il y a également des questions qui sont soulevées quant
à la capacité financière de la CSST d'assumer les
coûts Inévitables d'une simplification des rapports avec les
bénéficiaires et d'une accélération des
mécanismes d'appel suite à la décision que le conseil
d'administration de la CSST a prise de diminuer la cotisation moyenne des
employeurs, ce qui va priver la Commission de revenus d'environ 125 000 000 $
par année. Bien sûr, pour l'année terminée, la
Commission a réalisé des surplus appréciables mais des
surplus appréciables quand on gère 1 500 000 000 $ par
année et qu'on doit faire des calculs actuariels des risques à
venir, ça peut être impressionnant sur le moment, mais ce n'est
pas si considérable que ça. Et, à cet égard, il y a
au moins une centrale, la CSN, qui a fait état de son désaccord
au conseil d'administration de la CSST quant à la décision que le
conseil a prise de réduire le taux moyen de cotisation.
Alors, je pense que la CSST s'est donné la peine de rencontrer un
minimum de 185 organismes, organisations diverses et employeurs. Elle a
annoncé, à grand renfort de publicité, le contenu de la
loi qu'on devait étudier avant qu'on l'étudié. Elle est
présente. Peut-être qu'on mériterait, comme commission,
autant que les 185 autres organisations que la Commission a rencontrées,
d'avoir, de la bouche même des représentants de la CSST, la raison
d'être de ce projet de loi qui fait suite, c'est sûr, à une
grande mécanique de consultation à l'intérieur de la
Commission auprès des employeurs et auprès des organismes qui
siègent à la CSST.
Donc, je pense, M. le Président, que pour faire un travail
efficace, II serait grandement opportun de rencontrer les gens de la CSST qui,
au lieu de se dissiper dans le coin de la salle, pourraient participer de
plain-pied à cette commission et nous donner l'éclairage
nécessaire avant de faire l'étude article par article du projet
de loi 14.
Le Président (M. Bélanger): Alors, M. le ministre,
en vertu de fa règle de l'alternance.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Oui, merci, M. le Président. Alors,
cette motion de consultation, je dois dire que je l'associe un petit peu
à la motion de report qui a été présentée
récemment. Cela veut dire que c'est la deuxième fois que les
collègues de l'Opposition, à toutes fins pratiques, veulent
retarder l'étude article par article ou l'adoption. En effet, si la
motion de report, qui a été présentée par la
députée de Hochelaga-Maison-neuve, avait été
acceptée, nous aurions retardé ia présente adoption de six
mois, et si la motion de mon collègue, le député de
Pointe-aux-Trembles, était adoptée, nous aurions également
à retarder de plusieurs mois, puisque nous devrions suspendre nos
travaux et nous entendre sur un processus de consultation pour entendre des
personnes - et c'est là que je suis un peu surpris - non pas
carrément sur le projet de loi, mais sur un ensemble d'autres
choses.
Bon, écoutez, moi, des processus de consultation, j'en veux bien.
Nous faisons présentement une commission qui est en même temps un
exercice de consultation, puisque les membres de la commission peuvent me poser
des questions. Je suis accompagné effectivement des principaux
collaborateurs de la CSST qui sont en mesure de m'aider à apporter des
éclaircissements d'ordre technique ou complémentaires. Nous
avons, quand même, déjà consacré peut-être
huit heures, M. le Président, en tout, là, à toutes sortes
de propos introduces ou de préambules de toutes sortes. Je comprends
bien qu'on est très inquiet de différentes choses, mais j'ai peu
entendu d'éléments réprobateurs reliés directement
à notre projet de loi comme tel qui a à peine 19 articles.
Si l'idée derrière tout ça, c'est de dire: On ne
veut pas adopter le projet de loi en décembre 1989, on ne veut pas,
parfait, dites-le! À ce moment-là, on va aviser les 173 000
employeurs, dans les prochains jours - parfait, aucun problème - que la
tarification, maintenant, s'en va en 1991. Parce qu'il faut réaliser
qu'on ne se reprendra pas, dans deux mois, dans trois mois, à refaire
une autre tarification où fa cotisation comme telle, physiquement, elle,
ne se fera qu'en mars 1991. Alors, on va retarder le projet de 15 mois. Moi, je
veux bien, je n'ai pas d'objection, mais y a-t-il quelqu'un, actuellement,
depuis huit heures de présentation, qui peut me donner un seul argument,
dans les 19 articles que nous
avons, pour ébranler l'à-propos de procéder
à l'étude article par article et peut-être de l'adopter?
Non, moi, je n'ai rien entendu qui m'ébranle en ce moment. J'ai
même entendu plusieurs collègues de l'Opposition, dans leur
présentation, dire qu'à toutes fins pratiques le projet de loi
comme tel, en ce qui les concernait pour les 19 articles, ne cause pas de
problèmes, que c'est de la mécanique, qu'il n'y a rien
là-dedans qui déchire personne, que ça concerne les primes
aux employeurs. On a tous regretté que ça n'ait pas le volet
"accidenté du travail", bien sûr, mais ce n'est pas une raison
pour couler un projet.
Je pense avoir donné suffisamment d'éléments
d'ouverture et de travaux; nous aurons, en janvier, une autre commission
où nous aurons un exercice beaucoup plus ouvert que juste la loi 14 pour
brasser beaucoup d'idées et entrevoir des pistes de solution concernant
des améliorations qu'on veut apporter à la CSST. À mon
humble avis et sans minimiser, comment dire? l'intérêt que peut
porter le député de Pointe-aux-Trembles à vouloir enrichir
le débat, moi, je ne suis pas convaincu, honnêtement, qu'il y a un
élément par lequel je devrais être convaincu que tout ce
qui a été fait jusqu'à aujourd'hui n'est pas suffisant
pour me convaincre que le projet est relativement valable dans son principe. Je
ne parle pas par rapport à ce qu'on pourrait souhaiter qu'il se fasse,
mais dès maintenant. On en parle depuis maintenant six heures et je
pense qu'on comprend qu'il y a une action sur le terrain.
D'ailleurs, j'invite la commission à participer à des
travaux en février. Si l'idée, c'est de dire: Bien, mettons de
côté le projet de loi, faisons une autre commission en
février, moi, je le ferais à deux conditions. Comme ministre,
autant je me suis convaincu de recevoir ce projet de loi et d'en être le
porteur - et je vous ai conté tantôt que j'ai eu des
réticences et que j'ai eu des prudences, personnellement - autant
maintenant je renoncerais à son adoption pour le mois de
décembre, mais avec un minimum d'honnêteté intellectuelle
de me satisfaire qu'il y a quelque chose là-dedans qui ne marche pas,
que je ne peux pas, en mon âme et conscience, accepter ça et que
ça vaut vraiment la peine d'aller en commission ou en consultation
limitée, enfin tout ce que vous voulez. Parce que c'est une
décision qui a des conséquences relativement importantes, quand
même: ce serait de retarder... Quoique j'aie moi-même dit
tantôt que ce n'est rien de fondamental, que la vie n'est pas en danger
nulle part, je pense que c'est un projet qui est quand même attendu dans
beaucoup de milieux depuis deux ans. Je me dis, moi, personnellement - j'ai
quand même passé beaucoup d'heures et je me suis fait l'avocat du
diable de mon propre projet, - qu'il y a des choses très valables dans
ça. Par exemple, de renforcer l'incitatif de prévention en
remodelant toute la question du rétrospectif et du taux
personnalisé, etc. Comme plusieurs l'ont dit dans la fameuse nuit de nos
interventions et même sur la motion de report, à toutes fins
pratiques, ils considéraient le projet de loi acceptable. L'intervention
n'était pas sur le projet de loi, mais sur ce qu'on désirait
qu'on fasse de plus. Là-dessus, je réponds en disant que oui, il
y a un plus à faire et c'est la commission que je propose de faire avec
un plan d'action, etc., en vue de l'adoption des correctifs qu'on peut
entrevoir pour ie printemps. Je n'ai pas eu, à mon niveau à moi,
de représentation d'employeurs au Québec, d'associations ou
d'organismes quelconques qui m'a sensibilisé à une
iniquité fondamentale de ce projet et au fait qu'il y avait quelque
chose là-dedans d'absolument inacceptable.
On a parlé d'unanimité au conseil d'administration. Je
dois dire qu'il est rare, très rare que des décisions aient fait
l'objet de l'unanimité au CA, au conseil d'administration de la CSST. Je
pense que, depuis plusieurs années, on peut compter sur le bout des
doigts les décisions qui ont fait l'objet de l'unanimité Ce
projet de loi, ou le projet de la nouvelle tarification, à
l'Intérieur de la CSST, au conseil d'administration où
siègent la FTQ, la CSN, la CSD, le Conseil du patronat et d'autres, a
été unanime. Non pas parce qu'il a été le
résultat d'un jeu de stratégies entre différents
intervenants dans le milieu de la santé et de la sécurité
au travail, mais tout simplement parce qu'à une grille de calcul, si on
se rend compte qu'un autre grille de calcul peut être plus
équitable et, surtout, si ça peut aider dans certains volets
comme la prévention... Moi, personnellement, je ne me sens pas
rebuté par ce genre de projet, si ce n'est - et je suis d'accord
là-dessus - que le projet de loi 14 en soi n'est pas la réforme
de la CSST, pas du tout.
Moi, deux fois par année, je présente ici un projet de loi
d'harmonisation fiscale qui change les tables d'impôt, qui a plus d'effet
que ça. Ma table d'impôt, moi, elle change à peu
près 3 000 000 de catégorisations de contribuables par
année. Je n'ai jamais entendu plus de trois secondes de commentaires sur
les grilles d'impôt que je présente, parce que tout le monde sait
bien que, dans le fond, ça ce n'est qu'une équation
mathématique qui est la résultante d'une décision de
principe qui a été prise ailleurs et qui a été
débattue ailleurs. À mon humble avis, je comprends la
démaiche qui est faite. Bon, elle est très légitime. Je
n'ai fait aucun débat sur sa recevabilité. Je pense que, dans une
ouverture d'esprit, il ne faut pas craindre de parler très ouvertement,
au contraire. Je pense que la démarche est faite. On est dans des prises
d'opinions. Je pense qu'on doit respecter nos opinions.
Alors, mon collègue essaie peut-être de nous convaincre de
l'à-propos de sa démarche. Moi, je dis simplement que je n'en
suis pas
convaincu. Dans mon âme et conscience, je m'y prêterais si
j'étais convaincu, mais, malheureusement, je n'en suis pas convaincu.
Pour ma part, je pense que nous avons suffisamment, me semble-t-il,
d'éléments, de temps et de personnes-ressources actuellement pour
simplement faire l'étude et prendre le temps qu'il faut pour examiner
chacun des articles et voir à nous donner un minimum de satisfaction
que, si nous procédons à l'adoption, la loi a été
valable et relativement bien faite pour ce qu'elle est.
Pour que ce qu'elle aurait pu présenter de plus - je termine
là-dessus - bien, ça, c'est une autre question et, à mon
humble avis, pour la plupart des projets de loi qui sont
présentés au Parlement, ce n'est certainement pas dans les us et
coutumes qu'ils fassent l'objet d'une consultation préalable. Je pense
que la commission est déjà un exercice d'examen, de consultation,
de discussions et d'échanges. On a le droit de faire intervenir des
personnes-ressources, en tout cas, de mon côté, pour enrichir et
donner le maximum. (17 h 45)
Je dois dire en terminant - et là, je termine, M. le
Président - que, dans les lois fiscales que j'ai eu l'occasion de
présenter comme ministre du Revenu, je n'ai jamais lésiné
sur les explications que j'ai pu être amené à donner. Et,
d'ailleurs, je pense que c'est en moyenne, les commissions parlementaires du
budget et de l'administration, les plus longues lorsque nous avons un projet de
loi fiscal. En moyenne, c'était deux ou trois semaines et la
transcription, en moyenne, faisait 5000 à 7000 pages par
présentation de loi. À chaque question, je me suis fait un devoir
d'essayer de répondre le plus longuement possible, avec le maximum de
détails, sans aucun détour. Je suis certain que, lorsqu'on va
entreprendre l'étude article par article, on sera capables de donner
toutes les explications à la satisfaction d'une bonne
compréhension des membres de la commission pour faire en sorte que notre
travail soit bien fait et valable pour ce que c'est, pour ce que nous avons
devant nous, qui est la loi 14 qui a 19 articles et qui vise uniquement
à changer, à modifier la grille de taxation ou de cotisations qui
s'adresse aux employeurs. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
D'autres intervenants sur cette motion? Mme la députée.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: M. le Président, en fait, je comprends le
ministre d'être un peu mal à l'aise et, à la limite,
désemparé et notre objectif n'est pas de faire en sorte qu'il se
sente dans cette situation-là. Mais le ministre va convenir avec nous,
et le président de même...
Le Président (M. Bélanger): Je ne conviens de
rien.
Mme Marois: ...et c'est dommage pour le ministre, que
l'Assemblée nationale a été convoquée il y a
à peine quelques semaines. Alors, on se retrouve donc devant cette
réalité-là qui fait que nous n'avons eu que peu de temps
pour nous pencher sur la loi que nous regardons maintenant. Vous savez, pour
être au Parlement depuis un bon moment, à l'Assemblée
nationale depuis un bon moment, que la plupart d'entre nous assumons un
ensemble de fonctions dans différentes commissions lorsque nous sommes
dans l'Opposition et c'est vrai aussi lorsqu'on est au pouvoir. Donc, à
cet égard, il est nécessaire de prendre le temps
nécessaire et de soulever les questions là où elles
doivent être soulevées. Or, ce temps nous a été
restreint. C'est vrai que je me répète par rapport à ce
que je disais tout à l'heure, mais je viens essayer d'expliquer au
ministre que je comprends son sentiment de frustration à cet
égard-là, mais il faut qu'il comprenne le nôtre aussi et la
situation dans laquelle son gouvernement nous a mis. Peut-être
n'était-il pas d'accord. Je ne lui poserai pas la question parce que je
connais aussi les règles de la solidarité ministérielle.
Mais il reste que, de notre côté, il y a un certain nombre de
questions qu'on aimerait soulever et c'est dans ce sens-là que la motion
de mon collègue est présentée, à savoir que nous
puissions questionner les personnes responsables à l'intérieur de
la CSST.
Le ministre nous dit: Je n'ai pas entendu, que je sache,
d'éléments réprobateurs de la part de mes
collègues. Et il a raison. D'ailleurs, nous avons voté pour le
principe, etc., et il a raison. Mais, on ne peut pas présumer que, dans
l'étude article par article, il n'y aura pas un certain nombre de
questionnements qu'on aura à faire, bien sûr, mais aussi
peut-être d'amendements qui pourraient être amenés dans le
but ou dans la perspective de bonifier le projet. Donc, il ne peut pas
présumer que nous sommes en accord avec tous les éléments
qui sont là. Il pourrait y avoir des éléments pour
lesquels nous pourrions avoir des propositions à faire ou sur lesquels,
après un questionnement, il pourrait s'avérer que
l'interprétation que l'on donne à certains articles ne nous
satisfasse pas et, donc, qu'on puisse en débattre un peu plus
longuement. Donc, le ministre, à cet égard, ne peut pas
présumer de ce fait-là.
Il devrait aussi, compte tenu de la motion qui est là, regarder
l'exemple donné par son collègue, le ministre de
l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, qui, je crois,
même au moment où on se parle ou, du moins, cet après-midi,
a consulté - je pense que c'est la CEQ, la centrale des enseignants et
enseignantes du
Québec - pour un projet de loi qu'il veut pouvoir amender sur
l'initiative de propositions qui lui avaient été faites par notre
formation politique. Dans ce sens-là, il a bien voulu consulter d'une
façon particulière les personnes ou les organismes que nous lui
avons proposé de consulter et ça apporte aux membres de la
commission parlementaire un éclairage nouveau, un angle
différent.
Le ministre nous dit: Oui, mais vous n'avez pas besoin de cela
puisqu'elles sont déjà là, les personnes de la CSST. Donc,
à travers moi, vous pouvez les questionner. Mais le ministre va convenir
que ce ne sont pas du tout les mêmes règles du jeu lorsqu'un
ministre se tourne vers ses collaborateurs pour leur poser la question et, par
la suite, traduit correctement et selon son point de vue, et c'est
légitime, la réponse qu'il veut bien nous donner. Ça,
c'est une façon de faire et c'est celle que le ministre a la
préroga tive et le privilège d'utiliser. Mais, ce que nous lui
demandons, ce n'est pas de continuer dans cette perspective de dire: Les gens
de la CSST sont déjà là, donc, on n'oblige pas les gens
à se déplacer, etc. Est-ce qu'une ou deux personnes,
peut-être, devraient se déplacer pour venir nous rencontrer? Mon
propos n'est pas celui-là, mais qu'on s'adresse directement aux
personnes responsables et non pas à travers le ministre.
Je pense que le ministre, qui a siégé, déjà,
à quelques reprises à des commissions parlementaires, est bien
conscient que ce n'est pas le même processus, que ce ne sont pas les
mômes règles du jeu qui s'appliquent à ce moment-là
puisque l'on questionne directement les personnes responsables et que le
ministre lui-même peut questionner, que le ministre lui-même peut
faire des commentaires par la suite. Ce n'est pas, à ce moment-là
nécessairement, à travers lui que les commentaires sont
faits.
Troisièmement, le ministre nous dit qu'il ne lésine pas
sur les réponses et je lui en sais gré pour l'avoir entendu tant
à l'Assemblée nationale qu'ici à notre commission du
travail. C'est vrai, le ministre y va d'une façon claire, d'une
façon précise. Il nous dit: Voici mon intention, voici ce que
j'ai fait, voici ce que je veux faire, voici pourquoi je l'ai fait. Dans ce
sens, j'aime ça travailler dans une atmosphère comme
celle-là parce que je pense que c'est préférable que l'on
puisse immédiatement et au fur et à mesure voir les orientations
que le ministre peut avoir et, donc, que son gouvernement aussi peut avoir.
Donc, je ne mets absolument pas en doute la bonne foi du ministre
à cet égard, ni son attitude, ni son comportement, ni son contenu
même. Ce que nous demandons au ministre, c'est qu'il nous permette de
procéder plus en profondeur et que les parlementaires puissent
questionner, puissent interroger les responsables de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail.
Si on a effectivement pris le temps qu'il fallait - et je souligne
positivement ce geste - pour consulter l'ensemble des partenaires sociaux,
est-ce que les parlementaires n'auraient pas droit, même si elle n'est
pas très longue, à une séance, cependant, significative de
travail nous permettant de questionner directement les personnes qui sont
quotidiennement aux prises avec l'application de la loi, avec ces nouvelles
tarifications que l'on propose et sur lesquelles on s'est entendus, mais pour
lesquelles il peut y avoir matière à question?
C'est ça, essentiellement, la proposition que fait mon
collègue, responsable et critique de ce dossier pour notre formation
politique. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen, M. le Président, que l'on
puisse imaginer une plage de travail? Ce n'est pas nécessairement trois
jours, mais est-ce qu'on ne peut pas imaginer une plage de travail? On me
propose, ici, peut-être une heure de travail qui nous permettrait de
questionner les représentants de l'organisme.
Il me semble, à ce moment-là, que les droits des
parlementaires seraient respectés et le travail ne serait pas pour
autant retardé d'une façon indue puisqu'une heure, dans notre vie
parlementaire, on sait que c'est possible de la prendre pour bien voir chacun
des éléments concernés sur lesquels on aura à
statuer et donc, à prendre des décisions.
Comme le ministre peut le constater, on lui offre notre entière
collaboration et on ne veut pas l'amener dans un champ piégé - ce
qu'il pourrait craindre - où, pendant des heures et des heures, on
questionnerait la Commission sur toute espèce de sujets qui ne seraient
pas à propos. Notre intention est vraiment de pouvoir la questionner sur
un certain nombre d'éléments qui concernent le projet de loi qui
est devant nous, sur le processus qui a été suivi pour y arriver
et demandons qu'il nous accorde, à cet égard, un temps
décent, correct et qui ne retardera pas les travaux de notre commission.
Alors, j'aimerais, M. le Président, que le ministre responsable prenne
en considération sinon cette nouvelle proposition, du moins cet
aménagement que je propose aux membres de la commission.
Le Président (M. Bélanger): Bien. Est-ce qu'il y a
d'autres intervenants sur la motion du député de
Pointe-aux-Trembles? M. le député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Très
rapidement, j'ai eu l'impression, tout à l'heure, dans les propos du
ministre en réponse à ceux de mon collègue de
Pointe-aux-Trembles, qu'il y avait quelque chose qu'il n'avait pas compris. Il
ne s'agit pas de refaire une vaste consultation publique, d'arriver avec des
mémoires et, finale-
ment, de prendre six mois parce qu'il a bien dit que ça va
prendre encore cinq ou six mois avant d'arriver à faire quelque chose.
Il ne s'agit pas de ça du tout. Comme vient de le dire ma
collègue de Taillon, c'est quelque chose de rapide. Les membres sont
là, on a des questions sur un certain nombre de choses. On voudrait
savoir à quoi s'en tenir. J'ai l'impression, d'ailleurs, qu'ils doivent
avoir aussi quelque chose à dire sur le projet de loi. Ils ont dû
être consultés avant, ils doivent le connaître, ils l'ont
déjà mis sous forme de feuillet pour le distribuer aux
employeurs. Donc, ils ont sûrement un minimum d'idées de ce qu'il
y a là-dedans. Ils sont même mieux informés qu'on ne peut
l'être, de toute évidence. Comme le disait aussi ma
collègue de Taillon, il reste, M. le Président, qu'on est, pour
le moins, un peu avertis à la dernière minute du contenu de
ça. La session a commencé tard. Le ministre, de toute
évidence, veut l'avoir avant l'ajournement de Noël, sauf qu'en ce
qui nous concerne on a vraiment le strict minimum en termes d'information.
Le fait qu'au retour, à 20 heures, ce soir, au lieu de continuer
à débattre sur la pertinence ou non de recevoir ou d'entendre la
CSST - ils sont déjà présents - on prenne une heure ou
deux pour les questionner pour avoir plus d'informations qui vont nous
permettre, après, de travailler d'une façon plus à l'aise
et plus complète sur les articles de loi, les 18 et 19 articles auxquels
le ministre se référait tout à l'heure, peut-être
que ça va nous permettre, justement, d'accélérer les
travaux. Il serait peut-être intéressant aussi... Je vois le
député de Beauce-Nord, le député de Rimouski, Mme
la députée du Témiscouata... Rimouski, je me suis
trompé.
M. Jolivet: De Saint-Maurice.
M. Claveau: De Saint-Maurice. Pardon. C'est une grave erreur.
M. Lemire: Voisin du député de Laviolet-te.
M. Claveau: C'est vrai. Tout à l'heure, je le voyais,
d'ailleurs, qui lisait son Nouvelliste. J'aurais dû comprendre
tout de suite. Quant aux autres, je pense qu'ils auraient peut-être
intérêt à voir ce qu'il y a là-dedans et à
poser une ou deux questions aux représentants de la CSST, ne serait-ce
que pour renforcer l'appui qu'ils vont donner au ministre au moment de voter
tout à l'heure sur les articles de loi, mais en toute connaissance de
cause et non pas uniquement sur la foi qu'un texte a été
déposé en deuxième lecture et que, parce qu'on est du bon
bord, il faut voter dessus sans questionner. Or, je pense que
l'opportunité leur serait donnée aussi de questionner.
M. Jolivet: M. le Président, je m'excuse. M. le
député d'Ungava, vu qu'il est 18 heures, nous allons
suspendre.
Le Président (M. Bélanger): II est 17 h 58.
M. Jolivet: Ha! Non, mais...
Des voix: Ha, ha, ha,!
Le Président (M. Bélanger): Et je vous demanderais,
s'il vous plaît... À l'ordre, s'il vous plaît! Je
demanderais qu'on laisse le président faire son travail et au
député d'Ungava de continuer son intervention. S'il vous
plaît!
M. Bourdon: M. le Président, c'est quoi le rôle du
vice-président, sinon d'aider le président?
Le Président (M. Bélanger): On lui demandera son
aide en temps opportun. En attendant, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: En espérant que le député de
Laviolette me permette de terminer.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Pas de tic tac.
Le Président (M. Bélanger): S'il vous
plaît)
M. Claveau: D'ailleurs, ce que je comprends, M. le
Président, nos collègues de la formation ministérielle
sont très intéressés par mes propos, ce qui veut dire que
ça me renforce encore dans mon opinion, à savoir qu'ils auraient
peut-être avantage, eux aussi, à questionner les
représentants de la CSST pour pouvoir voter de bonne foi et en pleine
connaissance de cause sur les articles de loi que le ministre a amenés
en deuxième lecture. Parce que, M. le Président, si on avait
l'opportunité de questionner les collègues du ministre sur le
contenu des articles sur lesquels ils vont voter tout à l'heure et s'ils
devaient répondre à ia place du ministre sur tout le contenu -
parce que dans le fond, ils vont voter eux aussi, il faut qu'ils sachent sur
quoi ils votent - je ne serais pas surpris s'il y en avait deux ou trois qui
diraient: Écoutez, je pense qu'on aurait intérêt à
mieux s'informer avant de vraiment voter pour être bien certains de ce
qu'on va voter. En tout cas, M. le Président, je suis d'avis que
ça serait à l'avantage de tout le monde, des membres de la
commission, autant de l'Opposition que du côté ministériel,
de pouvoir profiter du fait que l'on bénéficie, au moment
où on se parle, de la présence des hauts responsables de la CSST
en cette salie pour les questionner un tant soit peu sur la façon dont
ils volent l'application du projet de loi que le ministre nous a amené
en deuxième lecture.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava, si vous le désirez, II vous restera cinq
minutes d'intervention au retour, à 20 heures. Compte tenu de l'heure,
la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
M. Claveau: Je prendrais une réponse du ministre tout de
suite, s'il le veut.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 4)
Le Président (M. Bélanger): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux pour poursuivre
l'étude du projet de loi 14, Loi modifiant la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles. M. le député d'Ungava,
il vous restait cinq minutes à votre intervention, si vous
désirez vous en prévaloir.
M. Claveau: Ah! M. le Président, je peux toujours tenter
un effort ultime pour essayer de convaincre le ministre de l'importance que
pourrait avoir une brève...
Le Président (M. Bélanger): Tentez, tentez. Ha, ha,
ha!
M. Claveau: ...comparution des représentants de la CSST
devant cette commission pour enfin nous donner des informations
complémentaires qui pourraient nous permettre de voter en toute
connaissance de cause sur les différents articles du projet de loi. Vous
savez, M. le Président, c'est là un des problèmes.
Souvent, comme parlementaires, on nous dit qu'on travaille sur n'importe quoi,
qu'on vote sur n'importe quoi, qu'on ne sait pas toujours le fond de l'histoire
ou ce sur quoi on est appelé à se prononcer, alors que, enfin, en
ce qui me concerne, ce qui m'intéresse justement, c'est d'essayer
d'avoir le maximum d'Information pour pouvoir voter et travailler, disons, en
toute connaissance de cause. Et, dans le contexte, étant donné
qu'en plus les représentants de la CSST sont déjà
présents sur place... Je ne dis pas, s'il fallait ajourner et les faire
venir d'ailleurs, mais, comme on a déjà sur place des gens qui
sont déjà prêts et qui sont sûrement venus dans
l'Idée aussi qu'ils allaient avoir une participation active à
faire au moment de cette commission, eh bien, je pense que ce serait rendre
hommage aussi à leur intérêt pour l'amélioration du
fonctionnement de la CSST que de prendre quelques minutes pour les entendre,
pour nous éclairer, pour répondre à quelques-unes de nos
questions. On pourrait avoir aussi des éclairages tout à fait
différents ou du moins complémentaires à ce que le
ministre pourra nous dire. Le ministre disait tout à l'heure: Je suis un
genre de vitrine à travers laquelle vous pouvez questionner les gens de
la CSST. Eh bien, nous, on aimerait bien pouvoir questionner directement.
Enfin, si le ministre doit avoir recours à eux pour compléter ces
questions, on serait aussi bien d'avoir la réponse directement de la
source même.
Un autre facteur aussi qui me fait insister dans ce sens, c'est qu'au
moment de présenter son projet de loi en deuxième lecture une des
premières choses que le ministre a dites en Chambre, c'est qu'il
appuyait l'importance de ce projet de loi sur le fait que l'ensemble des
membres du conseil d'administration de la CSST étaient unanimes
là-dessus. Il a dit: Tout le monde est d'accord. Donc, on n'a pas
à chercher plus loin, ça va être facile, c'est quelque
chose qui est voulu par la CSST, par les différentes parties, tout le
monde est d'accord, c'est unanime au conseil d'administration. Eh bien, moi, en
ce qui me concerne, en tout cas, j'aimerais bien entendre les membres du
conseil d'administration, ou, enfin, les dirigeants de la CSST qui peuvent nous
éclairer là-dessus pour connaître aussi un peu la teneur de
la discussion, ce qui a amené finalement les différentes parties
qui sont représentées au conseil d'administration à
être toutes d'accord sur la proposition qu'on a sur la table.
Le ministre a lui-même pris à partie le conseil
d'administration de la CSST pour justifier le fait qu'il devait amener le
projet de loi rapidement avant les fêtes, alors que, du côté
de l'Opposition, on avait très peu d'information sur les intentions du
ministre à ce moment-là. Eh bien, ce serait l'occasion de
vérifier jusqu'à quel point effectivement la chose est vraie non
pas qu'on mette en doute la parole du ministre, mais enfin c'est toujours plus
intéressant quand on a une décision à prendre de pouvoir
aller aux sources et de questionner ceux qui finalement sont à l'origine
du projet de loi. Parce que si j'Interprète bien les propos du ministre,
suite à son discours en deuxième lecture, c'est que l'origine
fondamentale du projet de loi sort des réflexions de certaines positions
globales qui ont été prises au conseil d'administration de la
CSST et probablement aussi après suggestions venant des cadres
supérieurs, des dirigeants supérieurs de la Commission. Or, dans
ce sens-là, M. le Président, vous comprendrez, encore là,
que ce sont tous des arguments qui militent en faveur du fait que le ministre
devrait être ouvert à une discussion plus large pendant quelques
heures avec les représentants de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail qui sont avec nous.
Il me reste une minute, M. le Président, le temps est très
court; c'est très bref, mais enfin, j'espère, connaissant la
grande ouverture qu'a le ministre pour expliquer les différents points
de vue - on a vu tout à l'heure qu'il prenait tout le temps
nécessaire pour expliquer les questions
l'une après l'autre, essayer d'argumenter sur des
réponses, sur toutes les questions qui lui ont été
soulevées - alors, connaissant sa grande ouverture et son
intérêt fondamental pour arriver à vraiment faire en sorte
que la CSST remplisse le rôle qu'elle doit remplir dans la
société, ce pourquoi elle a été
créée, eh bien je suis confiant qu'il se penchera sur cette
demande. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie. Sur
la motion du député de... Pointe-aux-Trembles. Excusez, je ne
connais pas encore tous les comtés. Or, sur la motion du
député de Pointe-aux-Trembles, est-ce qu'il y a d'autres
intervenants?
Mme Dupuis: M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Alors, Mme la
députée de Verchères.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: M. le Président, je m'interroge sur la
question qu'a posée M. le ministre tantôt qui a dit: Si vous ne
voulez pas l'adopter, dites-le. Là, je dois faire part à M. le
ministre de la non-pertinence de cette question. Vous parlez de cette... Je ne
veux pas lui faire de procès d'intention et je ne voudrais pas non plus
lui en faire et qu'il nous en fasse, dans le sens qu'il est évident que
la connaissance du dossier, la démonstration de la connaissance de son
dossier faite par M. le ministre est évidente. Mais, cependant, il
comprendra qu'il est incontestable que des informations pertinentes peuvent
nous être apportées par des représentants de la CSST. Je
pense que des témoins qui vivent quotidiennement les problèmes
seraient en mesure de clarifier par des exemples concrets des points qui pour
nous sont plus abstraits ou du moins pour moi. D'une façon
précise, je pense à l'article 300, par exemple: "Lorsque
l'employeur n'a pas transmis les informations requises quant à la nature
de ses activités ou de celles de ses établissements, la
Commission identifie la division, le grand groupe ou le groupe industriel
visé par cet employeur et pour chacun de ses établissements et
classe chacun d'eux dans l'unité qui s'y rattache et pour laquelle le
taux de cotisation est le plus élevé." Dans mon cas
précis, j'aurais besoin d'exemples concrets qui illustrent de
façon précise ce point de loi. Et si je continue: "Par la suite
l'employeur transmet les informations permettant de le classer..." et j'en
passe. De quelles informations s'agit-il? Je ne mets pas en doute la
compétence de M. le ministre, loin de là, ii nous l'a
prouvée tantôt, mais je pense que des exemples concrets comme je
le disais précédemment, apportés par des gens qui vivent
quotidiennement le problème, seraient peut-être en mesure d'amener
des précisions qui pourraient éclairer toute l'assemblée.
Alors, tout ça pour dire que... Je veux être brève,
l'idée n'est pas d'étirer ou quoi que ce soit, l'idée
c'est simplement d'apporter la lumière nécessaire et qu'on fasse,
pour ce projet de loi, que les décisions qu'on prenne soient vraiment
éclairées et soient prises en toute connaissance de cause. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, madame. Alors,
est-ce qu'il y a d'autres interventions, M. le député de
Laviolette?
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Oui, M. le Président. C'est avec plaisir que
j'interviens sur une motion présentée par mon collègue, le
critique de l'Opposition, à l'effet d'inviter la Commission de la
santé et de la sécurité du travail à venir donner
des explications pour que tous et chacun d'entre nous... Puis je regarde des
députés de l'autre côté qui sont des nouveaux, comme
il y en a de notre côté, des personnes qui ne connaissent
peut-être pas toutes les facettes de la loi sur la santé et
sécurité au travail, qui ne connaissent pas non plus tous les
rouages qui doivent être suivis. Alors, dans ce contexte, il est
évident que la venue dans... On peut parler d'une heure, de deux heures,
on pourrait s'entendre sur le délai qu'on pourrait fixer. Je pense que
le but est de nous permettre à chacun d'entre nous d'être
informé. Alors, si on pense, comme on le fait ordinairement, qu'une
heure pourrait être suffisante, 20 minutes de présentation de la
part de la CSST, 20 minutes de la part du côté ministériel
et 20 minutes du côté du groupe de l'Opposition... Il est
évident que ça nous aide énormément à
prendre connaissance du dossier. Je regarde le député de
Saint-Maurice, M. le Président, il est évident qu'il a un peu
plus de connaissance du dossier étant donné qu'il était
lui-même, avant d'être député, à
l'époque entrepreneur en construction. Donc, je suis sûr qu'il
serait intéressé de savoir, si demain il retournait dans le
métier qu'il exerçait autrefois, si ça lui coûterait
plus cher ou moins cher, de savoir dans quelle classe II pourrait être
placé, de savoir si, compte tenu du mérite ou du
démérite comme on dit, ça pourrait lui coûter plus
ou moins cher. Il est évident que tout ça fait l'objet dans le
projet de loi d'une nouvelle tarification. Alors, la Commission pourrait venir
nous entretenir de l'ensemble de ces problématiques et nous donner la
chance de pouvoir voter sur le projet de loi dans les meilleures
conditions.
Je regarde le projet de loi, puis je me dis que, comme il a pour but
d'instaurer une nouvelle grille de classification des employeurs et un nouveau
mode de tarification pour ceux-ci, II est évident que la CSST pourrait
nous dire de quelle
façon elle veut procéder, de quelle façon elle peut
amener ce qu'on appelle un avis d'imputation, comment un organisme, un
employeur peut se soustraire à un tel avis d'Imputation, pourquoi la
clause qui nous est présentée est rétroactive à la
mise en vigueur de la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, soit le 19 août 1985. Je pense qu'il est
intéressant... Je regardais le ministre de l'Éducation dans
plusieurs des fois que j'ai eu à le critiquer comme critique de
l'Opposition à l'époque, ou comme membre de la commission de
l'éducation, parce que j'ai été son critique au
début du mandat en 1985, je le regardais aller puis je dois dire que la
façon dont on a travaillé pour l'inviter à venir clarifier
des choses était intéressante. (20 h 15)
Je vous en donne un exemple, juste pour dire pourquoi il serait
important d'entendre la Commission. En 1985, le ministre de l'Éducation
présentait un projet de loi, à la session, exactement comme on
est là, et vous vous en souvenez, elle a débuté le 12
décembre 1985 pour la session 1985. Qu'est-ce qui est arrivé?
C'est qu'on nous présente un projet de loi, le projet de loi doit
être adopté durant la session intensive. Il y a quatre articles.
Sur le coup tu te dis: Quatre articles... Parce que là on se dit: On a
19 articles, ce n'est pas long, ce n'est pas grave. Quatre articles. Le
ministre, devant l'insistance que j'ai eue, parce que je lui ai dit: M. le
ministre, vous savez, j'ai contacté la commission scolaire - et
ça adonne bien, le député qui est de cette circonscription
est ici, le député d'Ungava. Le député d'Ungava a
fait des représentations avec moi auprès du ministre de
l'Éducation lui disant: Votre projet de loi a pour but de spolier la
commission scolaire d'un montant d'argent que le ministère veut
récupérer. J'utilise le bon terme, le mot "spolier". Ce n'est pas
antiparlementaire parce que, évidemment, ce que le projet de loi
faisait, c'était ça. Le ministre était nouveau, les
fonctionnaires lui ont présenté quelque chose et, finalement, ce
qui est arrivé, c'est qu'au bout de la course on s'est aperçu, en
cours de route, que les gens avaient décidé de donner tout le
territoire de la commission scolaire, toutes les écoles, tous les
équipements, sauf qu'on leur disait: Vous n'avez pas d'argent pour
fonctionner; ces argents-là on les garde parce que c'est le
ministère qui paie à la Commission scolaire du
Nouveau-Québec. Croyez-le ou ne le croyez pas, le ministre a
accepté notre invitation. Nous avons arrêté les travaux de
la commission, nous avons rencontré en audience particulière la
commission scolaire qui nous a expliqué ce qu'il en était.
Savez-vous ce qui s'est passé? Pourtant, normalement, on
considère toujours M. le ministre de l'Éducation comme un homme
de rigueur, un homme qui connaît ses dossiers. Eh bien là, il a
montré qu'il n'avait pas de rigueur et il manquait de connais- sance du
dossier. C'est tellement vrai que le ministre a été obligé
de retirer son projet de loi. Comme nous étions en session intensive, il
a fallu que le ministre nous demande notre permission pour le réimprimer
et quand le document est arrivé réimprimé, il n'y avait
plus quatre articles, il y en avait huit. Et les quatre qui
précédaient, dans le document initial, n'étaient plus
là, ils étaient disparus. Donc, huit nouveaux articles
grâce à l'intervention que nous avons faite.
Alors, moi, je dis que si la Commission vient nous renseigner
peut-être qu'on n'aurait pas besoin de faire ça, mais
peut-être qu'on aurait aussi l'obligation de le faire. C'est dans ce
sens-là que je dis que le ministre aurait besoin de notre assentiment,
de notre consentement, comme on dit dans notre langage, pour
réécrire le projet de loi selon des vues plus normales. Or, comme
nous voulons faire un travail consciencieux, comme nous avons de nouveaux
membres qui ne connaissent pas ce qu'est la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, comme ils ne connaissent pas comment on doit
tarifer, comme ils ne connaissent pas comment on doit classifier, il est
évident que la Commission pourrait venir nous l'Indiquer. Les questions
pertinentes que nous pourrions lui poser seraient, je vous le dis, M. le
Président, de bon aloi parce que, je reviens à ce que je disais
tout à l'heure, une clause rétroactive, pourquoi une clause
rétroactive? Peut-être que, si je le demandais à des
députés qui sont de l'autre côté, ils ne sauraient
même pas pourquoi, mais la CSST pourrait venir nous le dire et là
on pourrait voter en toute connaissance de cause. Ce que je peux vous dire,
cependant, c'est que cette clause rétroactive, si c'était le
ministre de l'Éducation, il me dirait: M. Jolivet, ça on n'en
fait pas. Comme gouvernement on ne doit jamais faire ça. Prenez le
langage qu'il utilisait dans les commissions parlementaires, il va vous le
dire. Pourquoi, dans ce cas-ci, il est urgent de le faire? Pourquoi il serait
important de le faire? La Commission pourrait nous le dire. Pourquoi, à
ce moment-là, ne pas profiter de leur expérience et de leur
connaissance du dossier? Je dois vous dire que ça m'invite toujours
à me poser des questions quand je vois des choses semblables.
Une autre partie du projet de loi prévoit de nouveaux pouvoirs
réglementaires. Connaissant le langage que le Parti libéral a
utilisé en 1983, 1984, 1985, au début 1985-1986, quand ils ont
pris le pouvoir à la fin de 1985, on nous disait: On va
réglementer moins, on va faire disparaître des règlements,
on va nettoyer tout le secteur réglementaire. Ils ont même fait
une loi-cadre de règlements. On étudiait les SPEQ, hier, et le
ministre nous Indiquait que le pouvoir réglementaire qu'on lui donnait,
il le faisait sauter. C'est parce qu'il y a une nouvelle loi qui existe.
Pourquoi la CSST a-t-elle besoin de nouveaux
pouvoirs réglementaires? Ça serait intéressant de
le savoir. Comment se fait-il que la Commission, par ses nouveaux pouvoirs
réglementaires en matière de financement, en arriverait à
aller contre le langage fait par le gouvernement? Comment se fait-il que nous
avons deux langages d'un ministre au niveau de la rétroactivité
et dans son projet de loi ici qui est différent? La CSST pourrait nous
expliquer. Peut-être qu'on pourrait dire: Oui, d'accord, dans ce
contexte-là, on va le prendre. Pourquoi de nouveaux pouvoirs
réglementaires alors qu'il y avait même un ministre de la
réglementation? Vous connaissez M. Fortier, à l'époque,
qui a passé sa loi-cadre.
Je vous dis: Pourquoi tout ça? On pourrait avoir des
détails de la part de la Commission de la santé et là,
peut-être, dire: Dans ce contexte-là, d'accord, comme membres de
l'Opposition, nous acceptons. Nous disons que, finalement, il est
peut-être malheureux qu'on soit obligés de le prendre mais
peut-être qu'il est essentiel de pouvoir le prendre. Alors, moi, je vous
dis, dans ce contexte-là, M. le Président: Nous nous devons
d'inviter la Commission.
Compte tenu du temps que vous me dites qu'il me reste, M. le
Président, j'aurais une proposition, qui est un amendement, parce que je
crois qu'en plus de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail il y a un autre organisme qu'on devrait
entendre. Alors, je fais la proposition suivante, M. le Président.
Motion proposant d'entendre aussi la CEQ "II est proposé
qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la
commission permanente de l'économie et du travail tienne, avant
d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi
modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
des consultations particulières - ça, jusqu'à maintenant,
c'est le texte que nous avons - quant à tous les articles dudit projet
de loi et qu'à cette fin elle entende - on disait - la Commission de la
santé et de la sécurité du travail." J'ajoute "et la
Centrale de l'enseignement du Québec."
Si vous jugez d'abord de la recevabilité, M. le Président,
comme amendement, j'ajoute donc la Centrale de l'enseignement du
Québec.
Le Président (M. Bélanger): Bon, alors sur la
recevabilité, est-ce qu'il y a des Interventions? Sur la
recevabilité?
Mme Marois: Non, c'est sur une autre question mais qui concerne
la motion cependant.
Le Président (M. Bélanger): Allez-y, on vous
écoute.
Mme Marois: La question que je me pose et... Évidemment,
je suis une présidente néophy- te. Je n'exerce pas ce rôle,
de toute façon, ce soir, c'est vous qui l'exercez. Est-ce que le
ministre ne devrait pas, dans un premier temps, pouvoir intervenir sur la
demande qui est faite par la motion concernant la présence de la CSST
ici à la commission?
Le Président (M. Bélanger): Si M. le ministre juge
à propos d'intervenir, II a eu la possibilité de le faire
après chacune des Interventions. Il ne l'a pas fait, cela veut donc
dire, je présume, qu'il n'en avait pas l'Intention.
M. Séguln: Je l'ai fait une fols, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): II est intervenu une
fois, dans le fond.
Mme Marois: D'accord et il n'a pas l'intention, si je comprends
bien, de "réintervenir" à nouveau.
Une voix: Non, il n'a pas changé d'idée.
Le Président (M. Bélanger): Alors, on revient donc
à la motion qu'a déposée le député de
Lavlolette. Bon, il n'y a pas d'intervention sur la recevabilité. Donc,
a priori, elle m'ap-paraît recevable. Or donc, vous avez 30 minutes sur
le fond de la motion, 30 minutes à M. le ministre, s'il le
désire, et 10 minutes à chacun des participants. Nous vous
écoutons.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous savez, il faut se
rappeler un peu l'ensemble de cette Commission de la santé et de la
sécurité du travail pour savoir qu'à un certain moment il
y a eu des décisions qui ont été prises et qui font que la
Centrale de l'enseignement du Québec n'est pas représentée
à la table ou à un siège de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail.
Vous savez aussi, M. le Président, j'en suis fort sûr -
j'en suis vraiment certain de votre part - que la Centrale de l'enseignement du
Québec a fait des représentations pour être entendue par le
ministre aux fins de lui expliquer les raisons pour lesquelles la Centrale
devrait obtenir un siège à la Commission. Vous n'êtes pas
sans savoir, M. le Président, que la Centrale de renseignement du
Québec représente 130 000 salariés dans le secteur de
l'éducation, de la santé et des services sociaux, des loisirs,
des communications, des garderies et qu'à ce titre elle prétend,
comme toutes les autres centrales syndicales, vouloir siéger à
cet organisme comme les autres centrales le font. Elle prétend qu'elle
doit être présente pour défendre les intérêts
de ses membres, de façon à pouvoir participer aux
décisions de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail et de la même façon pour
être directement informée des dossiers qui concernent la
santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs
du Québec.
Cette demande, M. le Président, a été faite par la
vice-présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec, Mme
Solange Pronovost, alors qu'elle rencontrait la presse à Montréal
et au cours de laquelle rencontre elle nous a même annoncé - en
tout cas, c'est ce qu'on a eu comme renseignements - qu'elle aurait une
prochaine rencontre sur la question de son Intégration à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, avec
le ministre actuel du Travail.
C'est, on s'en souviendra, depuis 1962 que la CEQ ne siège plus
au conseil de la Commission de la santé et de la sécurité
du travail alors qu'il y avait eu un refus de renouveler son mandat. On se
souviendra dans quelles circonstances, il y avait des choix à faire avec
des centrales, et on a finalement reconnu la Centrale des syndicats
démocratiques, la CSD. Elle croit aujourd'hui, en 1989, être
à même de pouvoir revenir à ce siège. Il y a eu, en
1987, des ouvertures qui ont été faites dans ce sens et de
nombreuses discussions on eu lieu au sujet de sa réintégration.
Mais, pour le moment, ce que la centrale nous dit: Ça n'a pas
apporté des résultats qui sont tangibles, qui sont concrets.
Les autres centrales syndicales que l'on connaît, soit la
Confédération des syndicats nationaux, la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et
la Centrale des syndicats démocratiques, y sont
représentées. La question que pose Mme Pronovost, elle dit:
Pourquoi refuse-t-on un siège à la Centrale de l'enseignement du
Québec, centrale qui pourtant représente le plus de travailleuses
et de travailleurs dans le secteur public? Aussi drôle que ça
puisse paraître, c'est ça quand même.
Selon Mme Pronovost, l'absence de la Centrale de l'enseignement du
Québec au conseil d'administration de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail coupe en fait la centrale d'une
source d'information qui lui soit directe et très importante quant
à l'évolution du dossier de santé et
sécurité au travail. Les priorités, les besoins, les
objectifs que peut véhiculer la Centrale de l'enseignement du
Québec, malheureusement, compte tenu du fait qu'elle n'y est pas, ne le
sont pas non plus par d'autres. En conséquence, la Centrale de
l'enseignement du Québec insiste sur le fait suivant: Qui serait mieux
placé que la centrale, sinon la centrale elle-même, pour faire
valoir ses priorités?
Mme Pronovost ajoute qu'elle déplore, par le fait même,
l'absence de la Centrale de l'enseignement du Québec de la consultation
sur l'allocation des sommes prévues pour la formation et l'information
syndicales sur les questions de santé et sécurité. Elle se
plaint aussi du fait que les demandes de la Centrale de l'enseignement du
Québec qui ont été maintes fois formulées pour
siéger au bureau de révision de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail ont été,
jusqu'à maintenant du moins, dit-elle à la conférence de
presse, ignorées. Également, la Centrale de l'enseignement du
Québec n'est associée à aucun comité ad hoc ou
permanent issu des décisions du conseil d'administration, ni par le fait
même à l'Institut de recherche en santé et
sécurité du travail. (20 h 30)
Ce que la Centrale de l'enseignement du Québec dit, c'est qu'elle
pourrait, en retrouvant son siège au conseil d'administration de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail,
vouloir faire reconnaître également les problèmes de
santé et de sécurité du travail dans les secteurs non
réglementés. "Les problèmes de santé dans nos
milieux, dit la Centrale de l'enseignement du Québec, sont
légion. Ils sont peut-être un peu moins spectaculaires, mais
peut-être un peu plus insidieux, et ils sont plus difficiles à
faire reconnaître par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail", d'après Mme Pronovost. Cependant,
elle se dit confiante du résultat de la rencontre prévue avec le
ministre du Travail et elle le dit en tout cas tout haut. Elle dit: "Depuis
déjà un certain temps, le gouvernement dit vouloir élargir
la représentation syndicale au sein du conseil d'administration de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail." Donc
elle dit: "Après avoir manifesté ouvertement son
intérêt comme Centrale de l'enseignement, il est maintenant temps
que le gouvernement passe aux actes et qu'il donne aux membres de la Centrale
le droit d'être reconnus au sein de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail.
Là, je donne l'exemple des raisons pour lesquelles elle devrait
réintégrer le siège, c'est que la Centrale, par l'ensemble
des syndicats locaux qui la composent - et j'en étais un de
ceux-là dans les années soixante, soixante-dix - a réussi
à faire avancer beaucoup de choses au Québec. Et je vous
rappelais, lors d'une autre intervention précédente, un
problème qui avait existé quant a la reconnaissance, au niveau du
Régime de rentes du Québec, au niveau du Régime de
retraite des enseignants, pour une personne qui était malade, je vous
l'ai dit tout à l'heure, d'une forme d'invalidité qu'on ne
connaissait pas, qu'on n'utilisait pas à l'époque,
c'est-à-dire l'invalidité mentale.
Or, au niveau du travail que font les gens dans la Centrale, je prends
l'exemple des enseignants parce que c'est celui que je connnais davantage, il y
a de nouveaux problèmes, au niveau de la santé, qui sont apparus.
Il y a des choses qu'on ne connaissait pas à l'époque qu'on
connaît aujourd'hui. Je me souviens de la bataille
qu'on a menée dans une des municipalités chez moi, secteur
scolaire, alors que la personne était allergique à la craie. Il a
fallu trouver le moyen de forcer la commission scolaire à lui donner des
tableaux avec un crayon spécial, pas des tableaux qu'on connaît
avec la craie, mais des tableaux spéciaux sur lesquels elle pouvait
écrire et donner le même travail auprès de ses
élèves. Donc, je pense que ce sont, certainement, de la part de
la Centrale de l'enseignement du Québec, des choses qu'elle pourrait
nous Indiquer.
D'un autre côté, la Centrale ne pouvant faire autre chose
que de présenter un mémoire, l'a fait au mois de juin 1989,
à la demande, justement, de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, et c'est intitulé "Avis à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
concernant la proposition d'une nouvelle tarification". Et là Je viens
à la partie, maintenant, où elle aura l'avantage, dans un
contexte qui nous habite ce soir, de venir nous dire exactement son intention
et ce qu'elle aurait l'intention de nous dire. Or, comme je vais essayer de
vous convaincre, je vais partir de son mémoire et vous expliquer,
justement, ce qu'elle a comme vue sur la nouvelle tarification, qui, on s'en
souvient, était intitulée "Pour un juste équilibre."
Ce que la Centrale nous dit, elle pourait venir nous le dire de vive
voix. Cette présentation fut fort bien faite et la documentation
à l'appui tout à fait professionnelle. Donc, elle ne met pas en
doute le travail fait par la commission. Au contraire, elle la félicite.
"D'ailleurs, avant d'aborder les points plus négatifs - parce qu'elle
dit: Nous avons des points négatifs - nous considérons
plutôt que pour l'ensemble du dossier cette réforme
présentée contient des propositions rationnelles sur plus d'un
aspect. La diminution du nombre d'unités, le regroupement par secteurs
en particulier." Et donc elle dit: "Nous ne voulons pas, cependant, entrer dans
le détail de différence de tarification pour les uns et les
autres, mais plutôt mentionner certains impacts que cette proposition a
et qui nous ont semblé négligés." Donc, elle pourrait
venir nous dire, nous expliquer les raisons qui l'amènent à
porter un tel jugement sur cette nouvelle politique de tarification.
D'abord, elle parle de la consultation, parce que je pense que c'est
important de le savoir, comment a été faite la consultation, dans
quel délai elle a été faite. Donc elle nous dirait:
"D'abord, cette consultation faite sur le mode de tarification qui contient
tout de même des éléments relativement complexes est pour
le moins rapide. En effet, les avis des groupes devaient entrer à la
commission pour le début du mois de mai, alors que la
présentation du dossier se faisait à la fin avril. Alors,
pourquoi cette précipitation à adopter une réforme qui
risque d'avoir des répercussions importantes sur tout le dossier de
santé et de sécurité? À notre avis, dit la Centrale
de l'enseignement du Québec, il ne s'agit pas seulement d'une nouvelle
façon de répartir les cotisations entre employeurs. Tous les
impacts possibles n'ont pas été analysés par la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. On s'est
contenté d'évaluer ce qui se faisait ailleurs." C'est du moins ce
que les gens qui représentaient la Commission leur ont dit lors de la
présentation de cette nouvelle tarification intitulée. Tour un
juste équilibre". Donc, la Centrale de l'enseignement nous dit: "II nous
semble qu'une réflexion plus sérieuse s'impose..."
Je pense que c'est important. Nous, on est les législateurs et
ils nous disent: "II nous semble qu'une réflexion plus sérieuse
s'impose et qu'elle devrait s'effectuer avec l'ensemble des groupes
concernés. En effet, cette consultation s'est faite surtout
auprès des employeurs." En tout cas, c'est ce qu'ils disent au niveau de
la Centrale et ils ajoutent même: "C'est ainsi qu'elle nous a
été présentée, alors que la réforme touche
tous les travailleurs et toutes les travailleuses. Et les résultats de
cette démarche seront-ils interprétés comme étant
ceux d'une consultation de l'ensemble des organismes patronaux et syndicaux?"
D'après la CEQ - elle pourrait venir nous le dire - ce serait de fausser
la réalité.
Ils parlent ensuite de la réduction du nombre d'unités et
de nouveaux secteurs. "La réduction du nombre d'unités des
employeurs de 849 à 340 apparaît être positive. Elle
évite en effet certaines injustices dans la classification des
employeurs et évite ainsi le va-et-vient d'une unité à
l'autre en fonction du tarif le moins élevé." Et là, nous
autres, on aurait peut-être posé des questions parce que je sais
qu'on en a longuement discuté, à un moment donné, avec des
gens qui nous disaient: Je ne comprends pas pourquoi, une année, je suis
à telle place et, l'année d'après, à telle place.
Ils pourraient nous expliquer comment ils l'ont vu eux aussi. "La
définition de nouveaux secteurs, par contre, semble avoir une logique
douteuse." Donc, ils donnent, première chose, une réalité
qui est celle de réduire, mais, d'un autre côté, une
définition des nouveaux secteurs. Je donne l'exemple. Le secteur
primaire, les secteurs manufacturier, construction, transport et entreposage et
services. Retenez bien ce mot, ceux qui m'écoutent de l'autre
côté et qui sont intéressés à prendre de
bonnes décisions, mais regardez ce que la CEQ en dit et elle pourrait
nous le dire. "Il nous est apparu, à y regarder de plus près, que
tout ce qui n'entre pas dans les quatre premiers secteurs est ramené au
cinquième, les services." Est-ce que c'est réel? La CSST aurait
pu nous en parier, la CEQ aurait pu nous donner son opinion et, après
ça, on aurait pu juger. "Alors, comment, dit la CEQ, considérer
le travail et les risques de lésions professionnelles relatives à
la production et à la distribution
d'électricité, aux commerces de gros et de distribution
des produits pétroliers, avec ou sans l'entretien ou l'Installation
d'équipements connexes, de la môme façon que ceux
reliés aux secteurs de l'enseignement, de la santé, des services
sociaux ou de l'administration publique? Nous arrivons difficilement, dit la
Centrale, à saisir l'homogénéité et la
crédibilité dont on nous a parié lors de la
présentation."
Donc, eux autres, ils ont eu la chance, ce qu'on n'a pas eu parce que la
CSST, d'après ce que je peux voir, ne sera pas invitée par la
commission, de venir nous dire comment il se fait qu'eux autres ont eu la
chance d'entendre ce que la CSST avait à dire dessus et pose un tel
jugement. On aurait pu confronter les deux et j'espère qu'on va avoir la
chance de les confronter. Peut-être qu'en cours de route on va avoir la
chance de convaincre le ministre et, par le fait même, ses
collègues de faire venir les deux, et à la fois la Centrale et
à la fols la Commission. "De plus, ce qui caractérise ce secteur,
dit la CEQ, c'est qu'il est le seul dont le taux moyen proposé pour le
nouveau régime de tarification augmente. L'écart entre le taux
moyen actuel et celui proposé est de plus 6,2 % alors que les taux
moyens des autres secteurs diminuent tous." L'exemple qu'elle donne: primaire,
moins 2,5 %, manufacturier, moins 2,2 %, construction, moins 6,7 %, transport
et entreposage, moins 6 %. Est-ce que c'est parce qu'il y a beaucoup plus de
monde dans le secteur des services, le cinquième, qu'il augmente par
rapport aux autres? Quels sont les pouvoirs qu'un hôpital, qu'une
école, qu'une commission scolaire a pour faire diminuer le taux par
rapport à l'Alcan, par rapport à CIP, par rapport à la
Consol? Ce sont des questions qu'on aurait pu poser, qu'on devrait poser
à la Commission ainsi qu'à la CEQ. "Il nous semble, dit la
Centrale, donc nécessaire de procéder à un examen qui va
être plus attentif des choix qui ont prévalu à
l'établissement de la nouvelle tarification et au transfert vers les
services d'une partie accrue des coûts de la santé et de la
sécurité du travail." La CEQ continue en disant: "Compte tenu que
les plus gros employeurs des secteurs public et parapublic se retrouvent tous
dans ce regroupement, le gouvernement, les municipalités, les services
de santé, les commissions scolaires, et que ces organismes vivent des
revenus d'une partie de l'imposition, il nous semble que c'est là une
façon de refiler la facture aux contribuables, à moins qu'il ne
s'agisse encore d'effectuer des coupures de services à la
population."
C'est une question importante. Ce n'est pas sur ce que j'achète
en aluminium, puis ce que j'achète en bols, puis ce que j'achète
en papier qu'on refile la facture, parce qu'on diminue dans ce
secteur-là. C'est donc dans les services publics et parapubllcs. Donc,
la question est pertinente. Une augmentation de tarification dans le secteur
public a-t-elle la même signification directe que dans le secteur
privé? Y aurait-il des perdants dans cette nouvelle proposition
où tout reste globalement pareil, c'est-à-dire qu'il n'y a pas
d'argent neuf, mais où on modifie les aménagements internes?
Donc, il me semble qu'une étude en profondeur de tous ces
éléments semble plus que pertinente. J'invite les membres des
deux côtés de la table à bien saisir ce problème que
la CEQ, la Centrale, aurait pu nous expliquer. Là, on vient nous dire:
Non, peut-être, on ne sait pas, on verra.
Il y a des incidences de la réforme sur certains dossiers:
groupes prioritaires, associations sectorielles paritaires, puis le retrait
préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. "Concernant les
groupes prioritaires, dit la CEQ, avec la nouvelle division des secteurs, que
deviendront les groupes prioritaires? Plusieurs questions viennent à
l'esprit." Pour prendre un exemple dans le secteur primaire: Est-ce que
l'agriculture, actuellement, qui est dans le groupe six deviendra prioritaire
au même titre que les forêts actuellement dans le groupe un, ou si
ce sera l'inverse? Comment peut-on penser qu'un établissement
actuellement prioritaire ne le soit plus?
Une seule solution s'impose à tous ces problèmes
d'injustice que l'on vit actuellement, c'est d'enlever cette notion de secteur
prioritaire et de rendre les mécanismes de prévention
obligatoires dans tous les secteurs pour assurer une véritable
prévention et l'élimination des dangers à la source, ce
qui est, pour la Commission de la santé et de la sécurité
du travail, son devoir important et, je devrais dire, son premier devoir. Ce
n'est pas, au départ, de guérir et de payer pour la fracture ou
la bêtise une fois commise, ou l'erreur une fois commise; c'est de
guérir avant par la prévention, par l'élimination des
dangers à la source.
Je pense que ça c'est important. La CEQ a son mot à dire
et elle devrait être invitée. "Quant aux associations sectorielles
paritaires, il y a beaucoup de questions, dit la Centrale, qui se posent sur le
dossier des associations sectorielles paritaires avec la nouvelle
réforme. Est-ce que les treize associations créées
subsisteront dans cinq secteurs différents? Est-ce que les employeurs
paieront pour les associations sectorielles paritaires créées
dans leur secteur, même si eux n'en ont pas? Est-ce que cette
réforme forcera un regroupement des treize associations en cinq pour se
conformer au secteur? "Il est évident, dit la CEQ, que le financement
proposé pour les associations sectorielles paritaires par secteur aura
évidemment une incidence majeure sur celles-ci, mais on ne sait pas
encore dans quel sens. Cette modification
demanderait à tout le moins une franche discussion avec tous les
intervenants et toutes les intervenantes concernés, y incluant les
organisations syndicales. "Quant au retrait préventif de la travailleuse
enceinte ou qui allaite, dans la proposition présentée, selon la
Centrale, ce dossier serait financé par le fonds général
de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail." Donc, si c'est l'hypothèse qui est retenue, comme on le sait,
à moins qu'il n'y ait des changements qui arrivent, cette
hypothèse de départ maintient le statu quo.
Cependant, la Centrale dit: "Nous avons senti que les
représentants de la Commission étaient très ouverts
à une remise en question de ce statu quo. Or, on sait que depuis fort
longtemps le Conseil du patronat revendique que ce dossier soit
considéré comme une mesure sociale et qu'il relève de la
responsabilité gouvernementale." On a eu beaucoup de discussions, le
ministre et moi, sur cette question-là.
Donc, la Centrale s'oppose farouchement à cette façon
d'analyser la question, puisqu'elle constitue la négation du droit des
femmes au travail avec la caractéristique qui leur est propre,
c'est-à-dire celle d'avoir des enfants. Il revient donc aux employeurs
d'assurer des conditions de travail saines et sécuritaires selon
l'esprit même de la loi, et le retrait préventif de la
travailleuse enceinte ou qui allaite est une mesure de dernier recours pour
soustraire la travailleuse ou son enfant à naître aux dangers
reliés aux conditions de l'exercice du travail. Le retirer du dossier
santé et sécurité équivaut, par le fait même,
à soustraire les employeurs à leur responsabilité
première et à faire porter le fardeau par l'ensemble de la
population. Donc, la CEQ indique par ça qu'elle est d'accord - et on
aurait aimé l'entendre le dire - sur le fait que c'est une mesure qui ne
doit pas être portée par l'ensemble de la population dans une
mesure sociale. (20 h 45)
Et la CEQ continue en disant: "On nous a également
indiqué, lors de la présentation, qu'une tarification par secteur
pouvait être envisagée sur le dossier du retrait
préventif." Elle conclut en disant que cela lui apparaît aussi
dangereux si la configuration des secteurs proposés devait se
concrétiser. C'est dans le secteur des services, d'ailleurs, que l'on
retrouve la plus grande concentration de femmes. C'est donc ce secteur qui
paierait la note la plus élevée. Peut-être que c'est
là qu'il faudrait revoir la question du "plus 5 %" par rapport à
la diminution des autres.
Afin de s'éviter des frais additionnels, est-ce que les
employeurs ne seraient pas tentés de faire de la discrimination, donc,
à l'embauche? Est-ce que ça n'aurait pas des effets sur
ça? Au moment où le Québec s'Inquiète de son taux
de natalité et où on commence à peine à parler de
programme d'accès à l'égalité, pour la CEQ, une
telle situation deviendrait totalement inacceptable. Elle aurait donc pu venir
nous dire ça et j'espère qu'elle va avoir la chance de venir nous
ie dire pour qu'on puisse avoir aussi la chance de la questionner
davantage.
Prévention. Le document présenté mentionne souvent
que cette réforme est une incitation à la prévention -
d'ailleurs, le ministre l'a ajouté aujourd'hui - mais II nous semble
toutefois que la tarification personnalisée pour les gros employeurs
peut, au contraire, pousser ces derniers à cacher les lésions
professionnelles. Ça, c'est la question que l'on posait au ministre cet
après-midi, les dangers qu'il y avait, dans ma première
intervention. Et si vraiment ça avait pour but de cacher des choses,
est-ce que c'est vraiment une incitation à la prévention? Se pose
comme question la CEQ. On aurait peut-être pu lui demander qu'est-ce que
ça aurait donné comme résultat.
Une des constatations de la CEQ est la création des conditions
d'une future privatisation. Là, ça commence à
m'inquiéter davantage et ça m'aurait permis - ça va me
permettre, je l'espère - de demander à la CEQ comment elle voit
ça. Dans son dossier, voici comment elle l'explique. "Bien qu'on nous
ait mentionné, au cours de la discussion, que la privatisation du
dossier ait été écartée par le Commission de la
santé et de la sécurité du travail, notre
inquiétude demeure à cet égard. En effet, le mode de
tarification proposé intègre davantage les principes d'assurance
et de réassurance et les plus gros employeurs avec des taux
personnalisés assument ie coût de leur facture. Ce sont là
des mesures qui préparent les conditions d'une privatisation à
plus ou moins longue échéance. Les employeurs, d'abord les plus
gros, disposeraient des assises nécessaires pour justifier un
éventuel retrait de la Commission et pour reprendre, sur leur propre
base, sans doute avec l'aide et l'assentiment de l'assureur privé, la
gestion des coûts de la santé et de la sécurité de
leur entreprise. Cela pourrait avoir des conséquences
désastreuses sur la santé et la sécurité des
travailleuses et des travailleurs. Un tel transfert pervers mériterait
d'être analysé afin d'en éliminer
l'éventualité."
C'est ce que la CEQ dit, mais j'irais plus loin que ça. Je
reprendrais l'argumentation que j'ai donnée cet après-midi en
disant: Ça, ça va pour des gens qui sont syndiqués, mais
pour les gens qui sont non syndiqués, j'aimerais bien savoir qu'est-ce
qu'en pense la CEQ. Pour des gens qui sont sous le salaire minimum, qui sont
sous les conditions minimales de travail, qui sont sous les normes minimales de
travail, qu'est-ce qui arriverait pour ces personnes-là au niveau de
leur défense? Comment arriveraient-elles, si jamais les assurances
étaient privées? Je pense que c'est une question qu'il faut se
poser, et j'invite mes collègues libéraux à regarder
ça et à
tenter de convaincre le ministre du bien-fondé de cette demande
de rencontre.
En terminant, la CEQ indique que c'est une incitation à la
satellisation des entreprises. La tarification proposée, d'après
la CEQ - et là, est-ce qu'on est d'accord ou pas d'accord? c'est une
autre question, mais elle le dit comme tel; on pourrait lui poser des questions
si elle venait - pourrait constituer, dit-elle, cette tarification, une
incitation directe à l'amplification d'un courant actuel de
restructuration des entreprises par laquelle les grandes entreprises
refileraient à des entreprises satellites une partie importante des
risques qu'elles encouraient auparavant. "C'est, dans bien des cas, la
recherche de la plus grande flexibilité pour l'entreprise
maîtresse qui reporterait toutes les contraintes sur les entreprises
satellites. N'y a-t-il pas lieu - d'après la Centrale - de craindre que
la tarification proposée accentue ce mouvement?" Et elle dit: "Est-ce
que les travailleurs, les travailleuses, les entreprises satellites, ne
seraient pas, à ce moment-là, les grands perdants?"
Et là, je reprends une discussion qui a eu lieu dans les
années soixante et soixante-dix au niveau des entreprises. Vous vous en
souvenez, des grosses entreprises qui montaient à 3000, 3500 et 4000
employés. L'exemple typique de ça, c'est Pratt & Whitney. La
tendance de Pratt & Whitney dans les années soixante-dix-huit en
montant jusqu'à maintenant n'a pas été de recommencer ces
batailles des années de Pratt & Whitney de 1972, 1974 et 1976, dans
ce cas-là, parce qu'il y en avait d'autres, en 1974, qui étaient
d'autres compagnies de bois, on s'en souvient, dans le bout de
Saint-Jérôme. Ce qui se produisait c'est qu'on avait grossi et
grossi les entreprises et, là, on s'est aperçu qu'on avait des
syndicats puissants et forts qui défendaient leurs employés avec
des grèves qui, des fois, étaient difficiles à soutenir.
On a commencé à satelliser cette entreprise-là et
même, à l'époque, on parlait dans mon milieu, compte tenu
qu'une de mes écoles fournissait du personnel étudiant qui
sortait des écoles en contrôle numérique... Donc, on sait
qu'à Pratt & Whitney c'est très important pour elle, ce
contrôle numérique. On avait parlé de venir faire une
petite industrie de 300 ou 200 à Grand-Mère. Malheureusement, la
crise économique de 1982 l'a empêchée, mais on aurait
actuellement un satellite de Pr?tt & Whitney sous un autre nom. Mais
là, elle avait tendance à se désagréger comme grand
organisme pour diminuer ses syndicats. C'est la bataille de l'article 45 du
Code du travail.
Est-ce qu'on est en train de dire qu'au niveau de la santé et de
la sécurité du travail on pourrait arriver à des
résultats comme ceux-là? C'est une question qu'il vaut la peine,
je pense, de se poser et de poser à la Centrale de l'enseignement du
Québec, à savoir comment elle voit ça. On peut être
d'accord, on peut être en désaccord, mais on peut au moins
l'entendre et savoir comment elle voit ça. Voilà donc les
remarques, les interrogations et les positions qu'a la CEQ. Elle dit: "Ces
quelques remarques sur les dossiers présentés sont pour nous plus
souvent des interrogations que des positions. " Donc, elle-même
s'interroge et si on avait pu l'interroger et si on a encore la chance de
l'interroger, peut-être qu'on comprendra davantage le projet de loi.
"Mais, dit la CEQ, il semble, quoi qu'il en soit, qu'avant de prendre position
sur cette réforme qui touche à plusieurs aspects de tout le
dossier santé et sécurité au travail une véritable
consultation s'impose auprès de tous les groupes concernés et un
débat de fond est indispensable. Trop de questions restent en suspens et
trop peu d'analyses et d'évaluations ont été faites. La
Centrale de l'enseignement du Québec, au nom des 130 000 membres qu'elle
représente, exige que les travaux se poursuivent et demande à
être partie prenante aux discussions. "
C'est donc la façon dont la CEQ insiste auprès de
l'Opposition et auprès du gouvernement, auprès du ministre
d'abord, pour se faire entendre et elle pense que la meilleure place pour se
faire entendre, c'est d'avoir un siège à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Nous, on dit que, dans
un contexte où on est prêts avec le ministre à aller dans
un débat qui va nous permettre d'accéder à l'adoption de
cette loi, peut-être qu'une heure avec la Centrale de l'enseignement du
Québec ne serait pas trop demander.
Le Président (M. Saint-Roch): Je vous remercie, M. le
député de Laviolette. Je vais maintenant reconnaître...
Est-ce qu'il y a un droit de réplique? Non?
M. Séguin: Je peux le faire maintenant ou
après.
Mme Marois: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Saint-Roch): Mme la députée
de Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je n'ai pas
l'intention de reprendre ici les propos, je pense, fort élaborés,
bien campés et clairs de mon collègue de Laviolette. Je pense que
sa motion, il l'appuie très clairement par tous les exemples, toutes les
références auxquels il s'est arrêté pendant son
intervention, essayant de convaincre le ministre et vous-même, bien
sûr, M. le Président, de même que les membres qui
siègent à cette commission, de l'importance d'entendre la
Centrale de l'enseignement du Québec en ce qui concerne ce projet de loi
qui est devant nous. En fait, il y a un certain
nombre de questions qu'on pourrait soulever - je pense que mon
collègue l'a assez bien signifié - la première
étant bien sûr, et je ne reviendrai pas sur l'ensemble des
questions qu'il a soulevées, mais la première m'apparaît
quand môme importante et je vais référer, encore là,
à des expériences que j'ai vécues et qui, j'espère,
pourront... Nous avons un président vigoureux.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: On est rendus nerveux.
Une voix: On a un président qui, en claquant les portes,
lui, il entre dans...
Une voix: On pensait que c'était M. Droiet qui
entrait.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse d'avoir
créé tout cet émoi.
Mme Marois: Si vous le permettez, M. le Président...
Le Président (M. Bélanger): Madame, je vous en
prie.
Mme Marois:... je reprends mes propos. Là encore, je vais
me servir d'une expérience que j'ai vécue pour essayer
d'expliquer au ministre l'importance qu'il y a parfois à
considérer certains points de vue qui, au départ, peuvent nous
apparaître un peu loin du travail que l'on a à accomplir ou du
mandat que l'on veut assumer. La première question soulevée,
c'est: Pouvons-nous être présents ou non, ayant donc un
siège au conseil d'administration de la CSST? Dans ce sens-là,
ça aurait été intéressant, je pense, d'entendre les
gens de la Centrale nous expliquer leur point de vue à cet égard,
qu'on puisse creuser ensemble et, donc, éclairer le ministre et les
membres de la commission.
D'ailleurs, c'est une décision qui avait été prise
lorsque nous étions au gouvernement et ça nous permettrait
sûrement à cet égard-là de faire de notre
côté aussi un examen de conscience. Ce n'est jamais inutile, je
vous dis, après avoir vécu une expérience, de se poser un
certain nombre de questions sur les gestes que l'on a pu poser dans le
passé. Alors, cela étant dit, on verra ce que nous répond
le ministre à cet égard et s'il partage avec nous le point de vue
qu'une heure consacrée à la Centrale de l'enseignement du
Québec n'est pas une heure perdue dans le cadre des travaux de notre
commission.
Il semblait à un moment qu'effectivement il n'était
peut-être pas pertinent, compte tenu du nombre de sièges que l'on
avait, que l'on en réserve un ou que l'on en offre un à des
représentants de la Centrale. J'ai vécu une expérience
à cet égard-là autour de la table de l'emploi. C'est
intéressant parce que le ministre nous a dit, au début des
travaux de notre commission, qu'il était dans un processus de
réflexion - d'ailleurs, j'ai beaucoup apprécié ses propos
à cet égard-là - dans un processus de réflexion,
donc, autour d'une intégration des fonctions reliées à
l'emploi.
Quand, au gouvernement, je dirais au début de l'année
1985, à la fin de 1984, on a nommé, dans un premier temps, un
ministre délégué à l'emploi dans une perspective
où il allait se constituer des outils, il allait se bâtir des
instruments - d'ailleurs, ça sera intéressant peut-être
pour le ministre de retourner voir comment ça s'était
passé à ce moment-là - on a donc confié un mandat
à un ministre délégué et on lui a demandé
évidemment, dans un premier temps, de proposer un plan de travail,
d'identifier quels allaient être les partenaires qui allaient être
associés à la construction d'une politique de l'emploi. On sait
fort bien et tous les pays dans le monde qui ont réfléchi un
petit peu à cette question-là et qui agissent dans ce
sens-là savent qu'il est inutile d'imaginer une politique d'emploi avec
une stratégie industrielle conséquente sans qu'on s'appuie sur la
participation des partenaires. Alors, à ce moment-là,
évidemment, on s'est tourné vers des représentants du
monde des employeurs et des représentants du monde des travailleurs et
des travailleuses. Et il y a eu tout un débat. Probablement que le
ministre le connaît assez bien pour un certain nombre de ces aspects
dont, entre autres: Je représente 300 000 membres, j'en
représente 150 000. Je veux avoir un siège et demi ou je veux en
avoir trois. Ça, c'est toujours le débat que l'on a lorsqu'on
enclenche ce genre de processus. C'est sérieux et je pense qu'il faut le
prendre au sérieux aussi.
Mais une des centrales qui était la Centrale de l'enseignement du
Québec souhaitait avoir un siège à la table de l'emploi. A
ce moment-là, de mes collègues et moi-même, je dois dire,
avions un certain nombre de réticences en nous disant: Elle
représente quand même des travailleurs et des travailleuses
essentiellement reliés au secteur public ou parapublic. On voulait aller
chercher des gens, parce que c'est ceux-là qu'on voulait interpeller
à ce moment-là particulièrement, qui étaient
plutôt dans le secteur privé, qui étaient plutôt dans
le monde industriel, un peu plus loin de l'appareil gouvernemental. Et la
Centrale avait fait valoir le point de vue qu'il était important qu'elle
soit là. Puis, elle avait un certain nombre de raisons assez bien
documentées, assez sérieuses, et tout le reste. Bon,
évidemment, on l'avait reconnue. Elle était venue travailler
à la table et elle apportait d'ailleurs toujours une contribution
très riche et très intéressante. Je pense que le ministre
va convenir que ces gens sont pleins de ressources et
ont le goût de construire des choses un peu neuves.
(21 heures)
Mais ce qu'on constate à distance, en ayant un peu moins le nez
collé sur la vitre, c'est qu'un des éléments majeurs d'une
politique d'emploi, c'est la formation. C'est la formation
générale, c'est la formation professionnelle, c'est la formation
spécialisée. Or, évidemment, les représentants de
la Centrale de l'enseignement du Québec sont des gens qui, tous les
jours, se préoccupent de problèmes de pédagogie, se
préoccupent des règles du jeu dans le monde de
l'éducation. Alors, à distance, alors que cette dimension de la
formation prend une ampleur telle dans notre société, toujours
dans cette même perspective de recherche de plein emploi ou d'une
stratégie de l'emploi, on se rend compte de l'importance qu'il y avait
à considérer la candidature de la Centrale de l'enseignement du
Québec pour la constitution d'une table de l'emploi.
Sur le moment, pris, je dirais, dans la dynamique des débats,
ça ne nous apparaissait peut-être pas aussi clairement. On l'a
fait donc en se disant: Oui, sans doute, elle a raison. Mais, à
distance, on se rend compte que c'était essentiel, sa présence.
Ce n'était donc pas seulement souhaitable. Et, en parallèle, je
dis au ministre: Le fait qu'elle se soit vu refuser un siège à la
Commission, est-ce que ce n'est pas, à distance là encore, une
décision qui peut être mise en doute? Bon, évidemment, elle
entraîne par contre, en conséquence, le fait que l'on mette en
doute la composition des représentants des travailleurs et des
travailleuses et ça soulève un certain nombre de
problèmes, j'en conviens avec le ministre, pour y avoir moi-même
été confrontée. Mais, ce que je demande, dans le fond,
avec mon collègue de Laviolette, c'est: Est-ce qu'on ne peut pas
l'entendre à ce sujet-là? Est-ce qu'on ne peut pas la
questionner? Est-ce que ça n'éclairerait pas les membres de la
commission qui, ainsi, pourraient peut-être aider le ministre à
cheminer dans ce sens-là?
Alors, première remarque et première comparaison. Je vais
en faire une autre, M. le Président. Je vais en faire une autre parce
que j'ai été un petit peu agacée dernièrement.
Même dernièrement, c'est un bien grand mot, il y a un jour ou
deux. J'ai été agacée par l'attitude d'un membre du...
Le Président (M. Bélanger): En conclusion, Mme la
députée de Taillon. Il vous reste une minute.
Mme Marois: Déjà?
Le Président (M. Bélanger): Hélas!
Mme Marois: Que le temps passe vite! J'ai été un
peu agacée, M. le Président, par l'attitude d'un de vos
collègues qui a souhaité consulter des gens, à l'occasion
d'une discussion autour des heures d'affaires, et je me suis dit: Vraiment,
après quatre ans de gouvernement, après avoir consulté
déjà, pourquoi veut-Il reprendre l'exercice? Ça m'a
profondément agacée. Je l'ai dit à la Chambre, je le
répète ici, ça me choque parce que je crois qu'on perd
notre temps, à ce moment-là, quand on s'engage dans un processus
qui est déjà réalisé, où on connaît
déjà les points de vue des personnes.
Or, il m'apparaît qu'ici la Centrale a présenté un
document, a voulu se faire entendre et n'a pas eu la possibilité de le
faire auprès des membres de la commission. Je ne dis pas que vous ne
l'ayez pas entendue. Je ne dis pas que des gens de la commission ne les aient
pas entendus, mais nous, comme membres, ne les avons pas entendus et nous ne
demandons pas de reporter indûment l'adoption nécessairement de la
loi. Ce que l'on demande, c'est que, pendant à la limite une demi-heure,
une heure, on puisse questionner des représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec quant à leur point de vue sur la loi qui
est devant nous. Là, justement, je crois que c'est justifié alors
que, dans d'autres cas, il m'apparaît que c'est essentiellement une
mesure pour étirer le temps.
Alors, je vous remercie, M. le Président. Malheureusement, vous
m'indiquez que mon temps est terminé.
Le Président (M. Bélanger): Alors, sur l'amendement
à la motion qu'a proposée M. le député de
Laviolette, est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le ministre.
M. Séguin: À moins que des collègues ne
veuillent intervenir...
Le Président (M. Bélanger): Allez-y. M.
Séguin: Alors, M. le Président, oui. Une voix:...
Le Président (M. Bélanger): Ça, je ne suis
pas inquiet.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Vous me permettrez quelques commentaires sur
certains propos. À la suggestion qui est faite, premièrement,
d'ouvrir un siège à la CEQ, la Centrale de l'enseignement du
Québec, c'est un sujet qui n'est pas nouveau. Je pense que la CEQ le
demande depuis plusieurs années, souhaiterait siéger au conseil
d'administration. Remarquez, je le dis un peu à la blague, que, comme
ministre responsable de la CSST et pour, jusqu'à un certain point,
assumer
l'ensemble des critiques qui convergent vers la CSST, je suis toujours
un peu étonné, par ailleurs, de voir comment un siège
à la CSST attire un nombre considérable de représentants
éventuels qui veulent y siéger. Des fois je me demande qu'est-ce
qui peut être si attrayant...
Une voix: Est-ce un siège payant?
M. Séguin: Cependant, j'ai déjà
rencontré, par deux fois, les autorités de la CEQ qui m'ont
à chaque fois, bien sûr, d'une part, renouvelé leur demande
de pouvoir siéger au conseil d'administration de la CSST et, d'autre
part, entretenu sur différents aspects de la santé et
sécurité de leur mouvement syndical, tant pour le monde de
l'enseignement, pour lequel on connaît davantage la CEQ, que pour les
autres affiliations syndicales qu'ils ont développées avec le
temps. Ils ont fait des remarques que j'ai trouvé très opportunes
puisqu'on plus d'une première rencontre on a renouvelé une
deuxième et demain, à 14 heures, on poursuivra, pour la
troisième fois, une autre rencontre et je leur donne l'heure que vous
demandez. Elle leur est donnée demain.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Séguin: Pour eux. Alors, je les vois demain à 14
heures et j'ai déjà, bien sûr, l'idée des sujets que
nous allons discuter, entre autres, la question d'un siège.
Évidemment, je suis sympathique, je leur ai dit déjà,
comme à d'autres aussi, à deux ou trois autres organismes qui
souhaiteraient pouvoir siéger, la CEQ, les chambres de commerce du
Québec, par exemple, souhaiteraient y être, le Conseil provincial
des métiers de la construction, qui représente quand même
34 % des métiers de la construction, voudrait avoir un
représentant. Je me proposais de voir avec les membres des
représentants syndicaux, ils sont sept... Il faut comprendre que le
conseil d'administration de la CSST, de par la loi, qui n'est pas celle-ci, qui
n'est pas la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
mais l'autre loi, la Loi sur la santé et la sécurité du
travail...
Donc, même si on voulait, dans un geste magnanime, ce soir, songer
à un amendement, nous serions mal placés par rapport à
cette loi. Ça je pense qu'on en convient. Par ailleurs, je pense que
l'idée qu'ils évoquent mérite une réflexion. Je
m'en suis déjà entretenu informel-lement avec des
représentants syndicaux qui siègent au conseil d'administration
où, on le sait, il y a présentement quatre représentants
de la FTQ, deux représentants de la CSN et un autre représentant
de la CSD, ce qui fait sept. Du côté patronal, le Conseil du
patronat et quelques autres, et c'est habituellement le Conseil du patronat qui
fait ses recommandations sur les sept sièges et le
président-directeur général ou la présidente occupe
le quinzième fauteuil au conseil d'administration et a droit à un
vote prépondérant s'il y avait égalité des
voix.
Donc, en additionnant un siège pour maintenir la parité,
il faut additionner un siège du côté patronal ou demander
à l'un des groupes d'accorder un siège dans la fraternité
syndicale, entre eux. J'avoue que j'en al déjà discuté
avec des représentants de la FTQ et de la CSN et disons qu'ils n'ont pas
rejeté l'idée, mais ne l'ont pas acceptée non plus. Je
comprends qu'il s'agirait pour eux d'abandonner un siège et on comprend
qu'il y a une représentativité qui tient quand même compte
d'une certaine proportionnelle dans la représentation, dans la force,
etc., - excusez le mauvais français - du membership de chacun. En fait,
il y a une certaine tradition qui s'est installée, même si ce
n'est pas tout à fait dans la loi, cette proportionnelle. Je dois avouer
que je n'ai pas eu une réponse enthousiaste.
Je me propose de revenir de nouveau, et c'est l'un des
éléments de mon plan, de requestionner également le
conseil d'administration. Il y a deux volets qu'il m'intéressait de
soumettre, et je n'ai aucune objection à faire la parenthèse
maintenant pour qu'on se comprenne un peu mieux. Il y a un premier volet
à savoir s'il serait utile que nous ayons un président du conseil
d'administration tout en ayant un président-directeur
général au niveau de la CSST. Ça a des
inconvénients, mais beaucoup d'avantages. C'est une notion qui circule
maintenant, qui permettrait au P.-D.G. d'avoir un rôle plus administratif
et, au président du conseil d'administration, un rôle plus
centré sur la représentation des orientations de la CSST, pour ne
pas que ie P.-D.G. qui a un caractère administratif, avec son droit de
veto, soit obligé de prendre position, à l'occasion, à
l'égard de l'un des deux groupes paritaires. C'est une question
intéressante et j'avoue que j'ai lancé le débat au mois de
juin, en plus de la représentativité, à savoir si on
gardait quinze sièges, c'est-à-dire sept-sept ou si on devait
additionner des sièges. J'attends la prochaine rencontre avec le conseil
d'administration pour explorer encore une fois ces deux volets. Je serais
ouvert à en discuter. Je vais certainement m'en entretenir demain avec
la CEQ, parce que je suis conscient que c'est une prérogative pour eux.
Je vais voir de quelle façon on peut cheminer et, à tout le
moins, c'est certain que j'en fais un point de discussion officielle lors d'une
prochaine rencontre avec les membres du conseil d'administration de la
CSST.
Il y a également l'aspect des services que mon collègue,
le député de Laviolette, a soulevé tantôt, à
savoir que la CEQ, dans son mémoire - et si je ne m'abuse je n'ai pas
eu, moi, représentation de ces remarques de la CEQ - mais en fait, celle
qu'a rapportée mon
collègue, si je comprends bien c'est qu'ils s'inquiètent
que le secteur des services qui est visé par la tarification... Il y a
cinq secteurs: le secteur primaire, le secteur manufacturier, la construction,
transport-entreposage et services. C'est vrai que le secteur services, le
cinquième secteur, par la tarification, a une augmentation en terme de
pourcentage, c'est tout à fait vrai, et que la plupart des autres, en
particulier (a construction, une légère diminution. Ça,
c'est comme en impôt où on dit souvent qu'il y a une augmentation
ou une diminution des déductions ou exemptions, mais c'est très
relatif au pourcentage réel qui va s'appliquer sur le montant. Est-ce
que la déduction se calcule sur le revenu net, le revenu brut, le revenu
imposable? Est-ce que l'aspect fiscal se calcule au niveau de l'impôt
à payer, ou du revenu? C'est là toute la différence. On
sait très bien qu'on peut diminuer un revenu imposable tout en
augmentant le taux d'impôt et faire en sorte qu'on paie plus
inversement.
Dans l'équation ici, c'est un peu le phénomène.
Dans le secteur des services, le taux de cotisation moyen n'est que 1, 30 $,
alors que dans le domaine de la construction il est de 7, 40 $ par 100 $ de
masse salariale assujettie. C'est très relatif. Effectivement, le
secteur de la santé augmente légèrement pour devenir, avec
le tarif, à un 1, 30 $ en moyenne, moyenne pondérée dans
le secteur des services, alors que tous les autres, le primaire est à 5,
70 $, manufacturier à 2, 90 $, la construction à 7, 40 $,
transport-entreposage, 4, 70 $. Leur fardeau, dans l'ensemble, demeure quand
même le plus faible de tous les cinq secteurs et de loin le plus faible.
Il y a des raisons à cela, c'est que l'expérience actuarielle des
dernières années démontre qu'il y a une augmentation des
réclamations et une expérience moins favorable sur le nombre
d'accidents, donc sur les efforts de prévention remarqués dans le
secteur services. Il est vrai que, dans les secteurs primaire, manufacturier et
construction, les exercices de prévention, accidents de travail
étaient quand même plus installés parce qu'il y a des
comités de santé, etc. Il y a une tradition quand même plus
forte dans ces sections-là qui a peut-être porté fruit avec
les années. (21 h 15)
II y a un autre élément aussi. On parle des groupes
prioritaires. Là aussi, c'est plus relatif à l'autre loi, la loi
sur la santé et sécurité au travail et non pas la Loi sur
des accidents du travail et des maladies professionnelles. J'ai eu, depuis
certainement un an, plusieurs représentations de la CSN, en particulier.
Au début de l'année dernière j'avais beaucoup de
représentations par Mme Lamontagne qui était
vice-présidente de la CSN au service de santé, que j'ai
d'ailleurs accepté de nommer comme représentante de la CSN au
conseil d'administration de la CSST et qui est celle, parmi les personnes qui
m'ont fait le plus de représentations, qui a été la plus
articulée sur les groupes prioritaires, parce qu'on sait que la loi ne
touche pas, actuellement, tous les groupes prioritaires dans la pleine
application de la loi. Et je suis tout à fait intéressé a
rouvrir certains de ces groupes-là, partiellement ou totalement, et
ça fait partie, également, du plan d'action qui va être
déposé, avec un élément de solution, ou une
proposition d'ouverture sur les groupes.
Il y a également, comme élément, le retrait
préventif de la femme enceinte. Ce que je peux dire pour le moment,
c'est qu'au niveau du projet de loi comme tel, la loi 14, il n'y a aucun
changement en ce qui concerne la façon de facturer ou de cotiser les
employeurs, c'est-à-dire que c'est pris à même le fonds
général. La CSST a mis sur pied un fonds général,
c'est-à-dire qu'il y a un taux uniforme qui s'applique à tous les
employeurs, indépendamment de leur historique d'accidents, de leur
classification, etc. C'est un pourcentage minimum qui finance le retrait et qui
est chargé à chacun des employeurs comme des frais fixes. Et
ça, ce n'est absolument pas changé. Donc, ça assure,
justement, qu'on ne retrouvera pas un financement par secteurs, ou avec des
comparables qui, de temps en temps, sont plus favorables et, de temps à
autre, moins favorables entre employeurs. Ça, je pense que c'est un
excellent principe, et il est là.
Deuxièmement, il n'est pas question, d'aucune façon, que
le programme du retrait préventif de la femme enceinte connaisse une
diminution, une remise en cause ou quoi que ce soit. Au contraire, je l'ai dit,
et je ne veux pas me répéter en longueur dans cela, mais au mois
de juin j'avais reconfirmé et même assoupli les règles
administratives sur ce programme-là, le retrait préventif, et je
me souviens qu'à l'Assemblée nationale, à ce
moment-là, nous étions dans les derniers jours de
l'Assemblée nationale au printemps, et c'est la députée de
Hochelaga-Maisonneuve qui s'était levée pour venir me trouver
après et me dire: Merci, dans le fond, parce qu'il fallait le faire et
c'est excellent. Et je l'avais assurée, à ce moment-là,
qu'il n'était pas question de remettre en cause l'avenir de ce
programme-là, même, au contraire, de l'enchâsser, de le
maintenir, de le valoriser, de l'assouplir pour qu'il s'applique tel qu'on l'a
voulu.
Et je pense que, dans ce sens-là, j'ai eu des
représentations de certains employeurs, de certains groupes d'employeurs
me disant: Vous savez, le financement du retrait préventif ça
coûte cher et est-ce que c'est vraiment le rôle des employeurs?
Est-ce que ça ne serait pas le ministère de la Santé qui
devrait le mettre sur pied? J'ai refusé. J'ai dit: Non, c'est un
programme administré par la CSST et, accepter cette
théorie-là, ce serait revenir sur la théorie même de
notre loi des accidents du travail et des
maladies professionnelles. Ce n'est pas une corporation privée
qui a simplement un mandat public. C'est une loi qui est publique, qui est
administrée par la CSST, qui a une imputabilité publique, qui est
sous la responsabilité d'un ministre qui répond à
l'Assemblée nationale de ses crédits, de ses faits et gestes.
Donc, dans ce sens-la, le programme est tout à fait dans le cadre de la
loi et il faudrait changer la loi pour changer l'allure de ce programme.
Donc, on applique la loi rigoureusement à l'égard du
programme et, s'il y a d'autres aménagements sur le plan administratif
pour parvenir à l'application pleine et entière, je
n'hésiterai pas a les mettre en marche. Encore récemment, j'ai eu
une conversation avec la coalition, qui avait assisté en juin à
la commission parlementaire et qui s'était réjouie de l'ouverture
que j'avais annoncée. Je leur ai dit: Si vous avez d'autres suggestions
à faire qui pourraient encore, sans tout de même dépasser
le cadre de ia loi, mais simplement mieux cadrer encore dans le cadre de la
loi, je suis prêt à les entendre et à les mettre en
marche.
Je vous signale que le retrait préventif de la femme enceinte a
quand même connu une évolution budgétaire et une
évolution dans son application assez intéressante. On est
passés de 1981 à 1988... En 1981, II y avait 3000
réclamations, en 1988 on a atteint 12 000 ou 14 000 et, en 1989, on est
probablement à la marge de 16 000 ou 17 000 réclamantes dans le
programme. En termes budgétaires, on est passés quelque 100 000 $
à maintenant 55 000 000 $ à peu près. On approche
probablement en cours d'année... Même dans le rapport annuel de la
CSST que j'ai déposé récemment, on donne à entendre
que pour 1989 c'est quelque 60 000 000 $. Donc, ce n'est pas une diminution,
c'est un maintien. Et, à ma connaissance, je n'ai jamais reçu
aucune représentation et je ne les accepte pas, de toute façon,
pour remettre en question le programme du retrait préventif de la femme
enceinte ou qui allaite.
À tout le moins, on pourrait valoriser les efforts que des
employeurs doivent faire au sens de la loi avant de donner le retrait
préventif, de voir si un autre emploi peut être donné
à la personne conformément à son état. Et c'est le
sens de la loi. Le retrait, on l'a bien dit tantôt et je pense que la
députée de Taillon ou peut-être le collègue, le
député de Laviolette l'a dit: C'est un dernier recours. La loi
dit bien que l'employeur doit faire un effort raisonnable d'offrir à la
personne un autre genre d'emploi ou un autre lieu de travail qui est plus
facile, plus conforme à son état. Donc, là-dessus, je peux
assurer les membres de la commission qu'en ce qui me concerne, comme ministre
responsable, le retrait préventif de la femme enceinte est un excellent
programme et je suis prêt à le regarder de nouveau pour voir s'il
y a encore d'autres modifications ou ajustements administratifs qui seraient
possibles pour qu'il soit tout à fait équitable et conforme au
sens de la loi actuelle.
Il y a aussi le danger évoqué en ce qui concerne
l'incitatif que l'on retrouve dans le projet de loi en ce qui concerne la
prévention. On dit d'un côté: C'est fort valeureux dans
notre projet d'avoir maintenant renforcé cette notion du
mérite-démérite qui existait dans la loi, mais qui
était dans une application sectorielle pour en faire un incitatif plus
personnalisé, de sorte que chaque employeur, à l'appel de faire
des mesures de prévention et d'y répondre par son rôle
social, par son devoir, par une obligation morale, aura aussi un incitatif
financier important puisque, s'il met en marche des règles, des mesures
de prévention et qu'il réduise effectivement fes accidents de
travail dans son entreprise, il est susceptible à ce moment-là
d'avoir des diminutions de primes importantes. Donc, il y a un incitatif que
tout le monde reconnaît, je pense, et qui est un principe fort
louable.
Le danger cependant, c'est d'imaginer qu'une entreprise pourrait cacher
des accidents du travail pour bénéficier d'une performance
extraordinaire et, à ce moment-là, par certaines techniques, soit
payer comptant des employés pour ne pas qu'ils fassent de
réclamations ou indemniser sous la table des accidents pour qu'ils ne
soient pas rapportés, déclarés, etc., et que cela vienne
entacher un bon dossier d'un employeur. Remarquez que c'est présent
déjà comme phénomène. C'est possible d'imaginer que
ça peut se faire, mais on ne peut quand même pas aller
au-delà du fait que l'accidenté doit à tout le moins faire
une demande s'il a un accident. Qu'il soit l'objet de tractations pour ne faire
sa demande, ça, c'est présent partout, pas juste dans
l'application de la loi de la CSST. On peut imaginer toutes sortes d'autres
situations où des gens peuvent faire l'objet d'espèces d'offres
pour renoncer à des choses ou ne pas le faire. C'est pour ça que
la loi a des pénalités, etc. Et, de ce
côté-là, on pourrait sans doute imaginer un renforcement
d'une certaine publicité auprès des travailleurs sur leurs
droits, renforcer l'existence de comités de santé à
l'intérieur de l'ensemble des entreprises. Il y a les syndicats,
évidemment, qui peuvent jouer un rôle dans ce sens-là. Pour
les entreprises où il n'y a pas de syndicat, ia CSST peut jouer un
rôle de faire connaître les droits des travailleurs et s'assurer
que ça ne se fasse pas. Mais, y a-t-il des garanties que ça
n'existe pas? Non. Je pense qu'en termes vertueux on espère, mais en
termes réels, la nature humaine étant ce qu'elle est, c'est
impossible à contrôler. Mais je pense qu'on va tâcher
d'être vigilant pour ne pas que ça se produise et les
pénalités trouveraient application s'il fallait qu'on
découvre que ça se fait. Je pense qu'on essaiera d'être
beaucoup plus vigilant et renforcer la présence de la CSST à
l'intérieur
des entreprises, non pas pour rappeler la lutte aux accidents du travail
ou la meilleure prévention, mais les droits aussi qu'on peut exercer en
vertu de la loi. C'est un rôle que la CSST a fart un peu, mais pas avec
beaucoup d'éclat jusqu'à maintenant. Je dois dire,
là-dessus, que j'ai trouvé intéressante la critique de
certains Intervenants, particulièrement de certains chroniqueurs du
journal La Presse et du Devoir qui, il y a deux ou trois
semaines, se questionnaient sur le genre de publicité de la CSST. Oui,
il faut en faire de la publicité, bien sûr, c'est un moyen moderne
de passer un message, de faire des rappels, etc., donc, bien sûr, c'est
intéressant, mais peut-être aussi mettre l'accent sur l'exercice
des recours.
En terminant, je ferais un parallèle. Au ministère du
Revenu, on a fait des efforts considérables dans nos informations, dans
nos publicités depuis plusieurs années, je dois le dire,
même avant 1985, bien sûr, mais on a mis de l'emphase encore plus
l'année passée et encore cette année par le bureau des
plaintes qu'on a constitué au ministère du Revenu. C'est un
service aussi d'Informer les contribuables. Je le dis très modestement,
avec une fausse modestie, que je suis peut-être le seul ministre du
Revenu qui a osé dire qu'une des missions du ministère du Revenu
était d'être un conseiller fiscal pour les contribuables. Quand
j'en parle à d'autres ministres, que ce sort de l'État de New
York, du Vermont ou du Maine que j'ai rencontrés, ils me disent: Chez
nous, un ministre du Revenu qui dirait ça, ça serait une
révolution totale.
Chez nous, je dois dire que dans notre documentation, dans le guide qui
accompagne le formulaire d'impôt qui est maintenant envoyé dans
tous les foyers et qui, dans les prochaines semaines, sera probablement
reçu partout - c'est notre carte de Noël, que voulez-vous - on
indique dans le guide, effectivement, que le ministère du Revenu est un
conseiller fiscal et de ne pas hésiter à faire appel à
nous avant une transaction ou pour une Interrogation. Je pense que ce
rôle peut être fait par la CSST aussi à l'intérieur
des entreprises, un peu partout, d'être un prévenant au sens de la
loi encore beaucoup plus fort qu'on a pu l'être jusqu'à
maintenant.
Sur la question de la privatisation, je termine là-dessus, M. le
Président, à mon humble avis, c'est non. J'ai eu beaucoup de
représentations, surtout d'associations patronales, de certaines
compagnies d'assurances, pour ne pas les nommer. Deux compagnies d'assurances
sont venues me trouver. Elles ont dit: M. le ministre, on a une formule en or.
Donnez-nous deux mois. On fait une consultation et on vous arrive avec un
projet. On pourrait vous suggérer de privatiser la CSST en dedans de
huit mois, clé en main. Vous connaissez ces formules clé en main.
Je pense que le député de Pointe-aux-Trembles, sans mauvaise
comparaison... Ces compagnies, fort respectables par ailleurs, m'entretenaient,
dans une envolée très excitante, des coûts minimes,
d'économies fantastiques, de rapidité, pas de délais,
enfin le paradis total. Il a suffit, de ma part, probablement, d'à peine
20 minutes et quelques questions pour me rendre compte qu'elles n'avaient pas
compris non plus que ce n'était pas juste une indemnisation au coin de
la table.
Il n'était pas question de retirer la loi que nous avons pour
donner une assurance privée, avec des petites primes déduites
à la source à 2,50 $ sur le chèque de paie, et se
retrouver avec une indemnité du style de ces compagnies d'assurance-vie
qui, heureusement, ont tendance à disparaître actuellement,
où les gens s'abonnaient pour 1,60 $ par mois, pensant avoir une belle
prestation d'assurance au décès. Au décès, Ils
avaient 1500 $ de prestation pour le défunt. Quand on regarde ce que les
gens ont payé, même à 1,50 $ par mois pendant cinq, dix,
vingt, trente ans, on se rend compte que c'était presque de
l'usurpation, pour employer un mot qui va même plus loin que ce que le
député de Laviolette disait; il parlait de spoliation.
En fait, tout ça pour dire non. Pour tous ceux qui seraient
intéressés, d'ailleurs, à continuer à m'en
entretenir, je leur dirais tout de suite, savoir que tous ces gens
étaient à l'écoute, que c'est peine perdue. C'est peine
perdue, c'est non, je n'ai aucun intérêt à ce genre de
conversation. On a une loi - je l'ai dit au début et je me
répète - la loi 42, Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, je pense, qui est une bonne loi, qui est bien faite,
qui demande peut-être un ajustement de temps à autre, c'est
sûr, comme toute loi. Si on se permet, dans un temps rapproché, de
regarder cette loi à nouveau, c'est pour faire des ajustements et
certainement pas pour remettre en cause notre système. (21 h 30)
D'ailleurs, je suis convaincu que de rebrasser trop fondamentalement ce
genre de choses, connaissant les difficultés - et la
députée de Taillon l'a soulevé elle aussi -
d'établissement de cette loi qui a, quelques années avant, plus
on s'approchait de l'échéance de la loi, soulevé
énormément de... C'est comme la loi sur l'indemnisation en cas
d'accidents d'automobile qui, à l'époque, avait soulevé un
tollé, surtout du monde juridique, ei, à l'époque,
étant moi-même jeune avocat dans un cabinet d'avocats, ce qu'on
appelait les causes de "bumper" disparaissaient, et c'était
l'appréhension générale du monde juridique, quoique ceux
qui avaient une certaine vision sociale n'y voyaient, dans le fond, qu'un juste
équilibre. Et, aujourd'hui, tout le monde s'en félicite,
même les avocats; même ceux qui, à l'époque, ont
été les plus virulents dans leurs attaques admettent aujourd'hui
que revenir à l'ancien système serait un recul inacceptable.
Donc, là-dessus, non. Je pense que cette loi est bien
enchâssée, elle a maintenant sa tradition, et ce qu'on peut faire,
c'est peut-être de regarder des modifications, tant sur le plan
administratif, réglementaire, que de la loi.
En terminant, M. le Président, en ce qui concerne la CEQ, je
mentionne que j'ai donné beaucoup d'importance depuis maintenant un an
et demi au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui est une
table ronde où se regroupent des représentants du monde patronal
et syndical et où siège la CEQ. Je pense qu'ils apprécient
leur participation au Conseil consultatif, particulièrement depuis un
an, où on a redécouvert un sens du dialogue absolument
exceptionnel. J'ai conféré au Conseil consultatif le soin
d'établir les listes d'arbitrage, j'ai demandé au Conseil
consultatif de m'alder à réfléchir sur des
problèmes qui touchent les relations du travail, sur les articles 45 et
46 du Code du travail, à la suite du jugement de la Cour suprême,
sur la Commission des relations du travail, la loi 30. Bientôt, Ils ne le
savent pas, mais j'ai l'intention d'amener une autre réflexion, qui est
la Commission du bâtiment, qui est restée un peu au feuilleton, si
je peux dire, mais qui mérite d'être considérée et
qui était un projet intéressant lorsqu'il avait
été...
M. Jolivet: S'ils lisent nos galées, ils vont le
savoir.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Séguin: C'est ça. Et finalement, ce qui nous
rejoint dans l'application de notre loi, l'arbitrage médical. On sait
que l'arbitrage médical, au niveau de la CSST, au niveau des accidents
du travail, au niveau de l'application de la loi, est l'un des problèmes
majeurs, actuellement, sur lequel on devra se pencher, parce que c'est l'un des
problèmes les plus aigus des délais de l'iniquité qu'on
dénonce. Et, le Conseil consultatif qui, depuis maintenant presque un
an, travaille dessus, a redynamisé le sujet il y a un mois et je
m'attends à voir avec eux certaines conclusions sur l'arbitrage
médical où carrément, carrément, on le met en cause
totalement, à savoir si ça ne devrait même pas,
peut-être, être aboli ou complètement modifié.
Donc, tous ces aspects-là, M. le Président, me rassurent.
Au-delà de la question du siège pour la CEQ, que je trouve tout
à fait pertinente dans sa demande... On ne trouvera pas de toute
façon une solution dans l'heure qu'on pourrait leur accorder, parce que
ça nous obligerait, on le comprendra, à retourner au
président de l'Assemblée nationale, pour une nouvelle motion. Je
pense que, dans les délais que nous avons maintenant, ça pourrait
peut être comprimer le temps que nous aimerions avoir pour l'étude
article par article, et je suis convaincu que les questions qui ont
été soulevées par la CEQ peuvent raisonnablement trouver
une réponse intéressante dans l'étude que l'on fera. Je
les verrai - et je termine là-dessus - demain, et ils peuvent être
convaincus que je leur accorderai beaucoup d'écoute et d'attention et
que je vais travailler au conseil d'administration à vérifier la
possibilité d'ouvrir un siège ou deux pour préserver la
parité ou, à tout le moins, je vais en discuter au conseil
d'administration.
Alors, voilà les quelques propos, M. le Président, sur
cette motion qui, tout en étant très valeureuse, très
généreuse à l'égard de certains intervenants que
nous aimerions - et tous les membres ici seraient très heureux d'avoir
cette opportunité, j'en suis sûr, et moi-même, d'ailleurs,
si vous m'en donniez le temps, M. le Président, je pourrais vous
entretenir toute la nuit...
Le Président (M. Bélanger): Je n'en doute pas, M.
le ministre.
M. Séguin: Oui, enfin, j'ai des choses absolument
formidables à vous dire, M. le Président, et j'ai même des
annonces que je pourrais me permettre de faire, mais je veux préserver
la sérénité de nos travaux et ne pas empiéter sur
ce qui...
Une voix: La pertinence.
M. Séguin: C'est ça, sur ce qui ne concerne pas
notre projet de loi 14. Et tout ça pour dire que je pense qu'il y a
d'autres moments, d'autres forums tout à fait appropriés,
même meilleurs que celui-ci, et je serais gêné de ne leur
donner qu'une heure et ce n'est malheureusement que le temps que nous avons.
Donc, je préférerais leur donner plus de temps, à un autre
moment.
Une voix: Consentement! Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le ministre a déjà fini, alors on n'aura
plus besoin de consentement.
M. Séguin: Donc, pour ces raisons, on comprendra qu'il
m'est très difficile, et c'est un déchirement spirituel fort
intense pour moi, de devoir conclure...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Séguin: ...qu'il m'est impossible d'agréer cette
demande que je comprends de façon très sincère. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M. le ministre.
Alors, sur l'amendement de...
M. Claveau: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Question de
règlement M. le député d'Ungava.
M. Claveau: M. le Président, très rapidement. En
vertu d'un article que vous saurez sûrement identifier mieux que moi, le
ministre a fait référence tout à l'heure au taux de
cotisation pour deux des cinq secteurs: celui de la construction, celui des
services. Est-ce que, ayant fait référence à ces taux, le
ministre pourrait nous déposer les taux pour les trois autres services,
les trois autres secteurs?
Le Président (M. Bélanger): Alors, si je comprends
bien, ce n'est pas une question de règlement, vous voulez une
information. A l'ajournement, vous pourrez le demander.
M. Claveau: Non, question de règlement. Il a fait
référence à un document quelconque, alors j'aimerais
qu'on...
Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas une
question de règlement, donc non recevable, vous m'excuserez. Alors,
est-ce qu'il y a d'autres intervenants...
Mme Marois: Mais, M. le Président, il semble que le
ministre serait prêt à...
Le Président (M. Bélanger): Je sais, mais ce n'est
pas une question de règlement. Alors, M. le ministre n'a pas à
répondre à ça.
Mme Marois: Mais si les membres de la commission sont prêts
à entendre et nous avons quorum...
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Bélanger): Bon! La commission
étant souveraine et maître de ses travaux...
Mme Marois: Voilà!
Le Président (M. Bélanger): ...M. le ministre.
M. Séguin: M. le Président, ça me fait
plaisir de remettre à tous les membres de la commission des documents
explicatifs sur le projet qui donnent en détail la nomenclature du
projet, des statistiques et je pense que ça peut être
intéressant. Si vous m'en donnez la permission, on pourrait demander
qu'on les distribue tout simplement.
Une voix: Ce n'est pas un dépôt?
M. Séguin: Non, non, ce n'est pas un
dépôt.
Le Président (M. Bélanger): Ce n'est pas un
dépôt de documents parce que ce n'est pas pertinent. Ça ne
fait pas l'objet de nos débats. Si M. le ministre veut faire distribuer
des documents aux gens présents, c'est sa prérogative, on n'a pas
à s'objecter, ni à l'autoriser. Nous revenons donc à notre
amendement qui était proposé par M. le député de
Laviolette. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur cet amendement? Mme la
députée de Verchères.
Mme Luce Dupuls
Mme Dupuls: M. le Président, je ne veux pas mettre en
doute le déchirement spirituel de M. le ministre...
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Dupuis: ...mais vous comprendrez qu'il nous dit d'une
façon très éloquente qu'il a l'intention de rencontrer les
groupes demain. Je ne comprends pas - et là j'ai quelques questions
à formuler à M. le ministre - pourquoi, s'il les rencontre
demain, qu'il ne permette pas à ces gens-là, à ce
moment-là, de nous rencontrer aussi. Il semble très ouvert aux
rencontres mais il semble un petit peu moins ouvert à nous les faire
rencontrer. Il ne voit aucun problème à rencontrer les gens,
à converser et écouter les doléances des membres
mômes de la CEQ, mais il semble plus réticent, et c'est là
que je suis étonnée, de faire rencontrer ces gens-là, les
membres de la CEQ, en l'occurrence c'est la CEQ, aux membres de la commission
aussi. Et c'est là que j'aurais quelques questions.
D'abord, vous pariez de peut-être leur donner un siège.
Avez-vous l'intention de leur en donner un? Si on les avait ici parmi nous, on
pourrait peut-être savoir pourquoi ils en veulent un et, là,
participer aux discussions et voir les arguments de part et d'autre à
savoir si on en accorde un ou pas. Vous semblez ouvert, vous semblez
hésiter, donc il n'y a pas de non. On n'a pas entendu de non sur la
question. Est-ce que vous allez leur en accorder un et en vertu de quoi? On ne
le saura pas puisque vous ne semblez pas disposé à nous les faire
rencontrer.
Les représentants de la CEQ seraient-ils en mesure de donner des
Informations pertinentes au sujet des femmes enceintes? Vous nous avez
donné des réponses à ce sujet, un plaidoyer que je
qualifierais d'éloquent, qui est venu compléter, si vous voulez,
l'éloquent plaidoyer aussi, la lecture de la... je pense que c'est la
présidente de la CEQ, et l'historique de ma collègue de Taillon.
Mais ce serait peut-être intéressant de voir leur point de vue et
leurs arguments, à savoir s'ils sont capables de nous donner des
informations pertinentes au sujet des femmes enceintes.
Alors, je ne veux pas être très longue, mais je reviens
à la question et j'espère que vous allez me répondre.
Pourquoi, puisque vous les rencontrez demain, vous n'accordez pas le môme
privilège à la commission pour qu'on les rencontre en même
temps que vous? Voilà, M. le Président, c'est une question que je
formule à M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): Un instant! C'est que
votre intervention doit être faite d'un seul trait Ininterrompu.
Mme Dupuis: J'ai terminé.
Le Président (M. Bélanger): Ah bon!
Mme Dupuis: J'ai terminé. J'attends une réponse de
M. le ministre.
Le Président (M. Bélanger): Votre intervention est
terminée, si je comprends bien?
Mme Dupuis: C'est ça.
Le Président (M. Bélanger): O.K. M. le
ministre.
M. Yves Séguin
M. Séguin: Très brièvement. Je viens
d'expliquer assez longuement ce que j'en pensais. J'ai indiqué qu'il
faudrait amender la loi pour conférer un siège et ce n'est pas
cette loi-là, c'est l'autre. Alors, si évidemment on
décide de conférer des sièges additionnels, on reviendra
devant la commission avec les amendements nécessaires et la commission
sera resaisie de toute la conversation, de toute la discussion. À ce
moment-là, si on le jugeait approprié, on pourrait aller en
consultation. Et j'ai dit tantôt que ça ferait même partie
du plan d'action que je vais déposer en janvier, possiblement cette
question-là de la représentativité au niveau du CA.
Ça fera partie des consultations. Alors, les gens pourront venir
s'exprimer encore plus à cette occasion-là. Je veux dire...
Mme Dupuis: Je pense que M. le ministre n'a pas répondu
à ma question à savoir pourquoi il n'accepte pas que nous les
rencontrions nous aussi demain.
Le Président (M. Bélanger): M. le ministre donne la
réponse qu'il veut bien donner. Si elle ne vous satisfait pas, c'est
autre chose.
M. Séguin: Ce n'est pas que je ne veuille pas. Nous sommes
à l'étude du projet de loi 14 qui ne traite absolument pas de la
Loi sur la santé et la sécurité du travail qui concerne
cette question-là de la composition du conseil d'administration. Alors,
je ne vois pas pourquoi on ajournerait nos travaux ici, sur cette
loi-là, pour aller faire une consultation qui vise une autre loi qui,
même si on voulait agréer, nous demanderait de faire un amendement
à cette loi-là à la session du printemps. Alors, imaginez
que pendant ce temps-là cette loi, ça veut dire que dans les
prochains jours elle devient caduque. Et surtout pour une démarche qui
ne concerne strictement rien dans la loi 14. Je le rappelle, M. le
Président, on a une règle au moins minimum de pertinence dans nos
travaux. On a un mandat de l'Assemblée nationale de faire l'étude
article par article de la loi 14. Alors, il faudrait quand même... On
n'aurait même pas le droit de suspendre seuls aujourd'hui et de faire
cette consultation sans un ordre de la Chambre. Alors, je pense qu'il faut
à ce moment-là revenir plus tard avec la question et je vous ai
dit que ça ferait partie du document de consultation publique qui sera
déposé et la CEQ sera invitée à venir nous voir
à ce moment-là et elle nous entretiendra de la question.
Le Président (M. Bélanger): J'ai à ce
moment-ci une demande de suspension de cinq minutes pour une pause
sanitaire.
(Suspension de la séance à 21 h 44)
(Reprise à 22 heures)
Le Président (M. Bélanger): Alors, nous en
étions à la motion d'amendement de M. le député de
Laviolette. Est-ce qu'il y avait d'autres intervenants sur cette motion? M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, pourquoi entendre la Centrale
de l'enseignement du Québec? C'est, dans le fond, ce que l'amendement
pose directement. D'abord, parce que cette organisation syndicale
représente 130 000 salariés du Québec. Ensuite, parce que
la CEQ a manifesté son intérêt en présentant
à la Commission, au mois de juin, je crois, des notes sur le projet
d'une nouvelle tarification. La CSST n'a pas transmis, d'après ce que je
peux voir, cette note-là au ministre, mais le ministre a quand
même eu, je pense, l'amabilité et le sens de l'accueil
nécessaire pour répondre aux préoccupations que la CEQ
manifestait dans ce document-là.
J'aimerais ajouter, M. le Président, qu'il m'apparaît assez
inconcevable que la CEQ ne siège pas au conseil d'administration de la
CSST. Si on parle du nombre d'effectifs - et, pour en
venir, je sais comment, dans le milieu syndical, des fois on se compte
au lieu de se concerter - je voudrais, quand même, souligner que la CSD a
à peine le tiers de l'effectif de la CEQ, ce qui n'est pas un mal, ni un
défaut, mais qu'il faut rechercher, dans le fond, la plus grande
représentation possible de tous les intéressés dans ces
questions-là.
Bien sûr, il y a des gens qui disent: On sait bien, les
enseignants, comme les cols blancs, ne connaissent pas la même situation
dangereuse que le secteur des mines, du camionnage ou d'ailleurs. À cet
égard, je voudrais dire, d'une part, qu'on parle d'accidents de travail,
mais de maladies du travail aussi. La condition d'enseignant comporte des
problèmes de santé-sécurité et, à cet
égard, ces dernières années, probablement à cause
de la montée de la préoccupation de la population pour
l'environnement, on commence à voir plus large que juste les questions
d'accidents fortuits et on regarde les maladies professionnelles et le milieu
de travail dans son ensemble. Puisqu'on passe une partie importante de notre
vie au travail, l'environnement, ça inclut aussi les entreprises et les
établissements d'enseignement. Sans compter que la CEQ représente
maintenant un nombre appréciable de travailleurs du secteur hospitalier,
entre autres. Donc, les cols blancs sont confrontés à des
problèmes de santé-sécurité. Je mentionne juste
celui de la ventilation qui a pris, ces derniers temps, une importance
considérable. Écoutez, même les parlementaires que nous
sommes, qui sommes des cols blancs, nous avons quelques problèmes
d'environnement. Il n'y a qu'à entendre la cloche qui nous rappelle
à la Chambre ici pour se dire que trop de décibels, c'est trop de
décibels.
Donc, je souhaiterais que le ministre, qui est ouvert, je pense,
à cet égard-là, trouve des moyens d'intégrer la CEQ
plus directement aux questions qui sont débattues par la Commission de
la santé et de la sécurité au niveau de son conseil
d'administration.
Et, par ailleurs, je voudrais souligner que, comme les autres centrales,
la CEQ n'a pas qu'un mandat direct de représenter ses membres, mais de
voir à l'ensemble des questions sous l'angle de l'intérêt
de l'ensemble des travailleuses et des travailleurs. Dans ce sens-là,
par le nombre, la connaissance, l'expertise, la Centrale de l'enseignement du
Québec est indispensable. Et je pense que, pour les mêmes raisons,
nous aurions avantage, comme commission, à entendre la CEQ.
Maintenant, j'ajoute une autre chose évidente. Aurions-nous plus
de temps que, du côté du ministre, il y aurait peut-être
plus d'ouverture quant à notre proposition amendée successivement
pour entendre des groupes. Et, à cet égard-là, c'est
sûr que, si le Parlement a été convoqué tard, on ne
peut pas en tenir le ministre responsable, mais je pense, quand même,
qu'on a des échanges qui comportent de la substance et qui permettront,
à un moment donné, de reprendre ces questions avec les groupes
intéressés. M. le Président, ça clôt mon
intervention.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? M. le député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Oui, M. le Président, très rapidement
sur la question de la demande d'entendre la CEQ. En tout cas, moi, en ce qui me
concerne, je partage vraiment les propos de l'ensemble de mes collègues
quant à l'importance que revêt une représentation de la
Centrale de l'enseignement du Québec, d'abord à cause des
problèmes qui sont créés ou qui risquent d'être
créés dans la position qu'auront à jouer les entreprises
de services à l'intérieur de toute la dynamique de la CSST par le
biais des secteurs et, d'autre part aussi, par la
non-représentativité qu'elles ont actuellement au niveau du
conseil d'administration de la CSST.
Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il y avait des
ouvertures qui étaient possibles, mais ses propos semblaient
plutôt alarmistes quant au fait que ces ouvertures s'ouvrent vraiment. Il
nous disait de les rencontrer, hier. J'approuve les propos de ma
collègue de Verchères quand elle disait: Si vous êtes
prêt à les rencontrer tout seul, si vous prenez du temps pour les
rencontrer tout seul, vous pourriez prendre le même temps pour qu'on les
rencontre ensemble. Ça pourrait être intéressant
plutôt que chacun rencontre la CEQ chacun de son bord et, finalement,
arrive avec chacun ses points de vue et qu'on commence à les confronter
devant la commission. Si on avait eu la chance de les rencontrer ensemble,
ça n'aurait pas pris plus de temps, finalement que de les rencontrer
chacun de notre côté individuellement et, en bout de piste,
peut-être qu'on serait arrivés avec une version commune ou une
façon de s'entendre beaucoup plus rapide quant au rôle que devrait
jouer la CEQ et que devrait jouer l'ensemble des entreprises de services dans
toute la dynamique de la CSST.
D'autant plus que, quand on parle d'entreprises de services, il faut
quand même aller encore plus loin que ça. Je me permettrais
peut-être une petite réflexion un peu plus globale sur ce qu'est
une entreprise de services, finalement, étant donné que le taux
de cotisation des entreprises de services est beaucoup plus bas, comme le
disait le ministre, qu'il ne peut l'être, par exemple, dans l'industrie
de la construction. Sauf que, si je regarde les problèmes auxquels j'ai
été confronté dans mon comté par rapport
à
ça, ce n'est pas toujours facile de déterminer une ligne
entre ce qu'est une entreprise de construction et une entreprise de
services.
À titre d'exemple, un "contracteur" qui fait de l'entretien de
routes d'hiver, il est classé comme entreprise de construction et paie
un taux de cotisation qui va actuellement Jusqu'à 13 % ou 14 %,
même sur de la machinerie louée pour faire de l'entretien de
routes. Par exemple, pour une charrue, un "grader", un "loader" loué, il
peut aller jusqu'à 13,5 %, ou quelque chose de semblable, de sa masse
salariale payés en cotisation à la CSST. Dans le fond, cette
machine-là, elle ne fait que donner un service, elle travaille sur des
chemins publics, elle ne travaille pas sur des chantiers de construction, mais,
par contre, il est classé, quand même, au tarif de fa
construction.
Comment ça se fait que, quand une entreprise du genre, si on
regarde par exemple, un "contracteur" en électricité... Je vois
ici le député de Trois-Rivières qui doit être bien
placé pour en parler.
M. Lemire: De Saint-Maurice.
M. Claveau: De Saint-Maurice? C'est dans la même
région, M. le député, vous ne m'en tiendrez pas rigueur.
Une entreprise, dans le fond, qui ne fait que du service d'entretien, de
réparation à domicile dans le domaine de
l'électricité, de la plomberie, par exemple, avec un ou deux
petits véhicules et trois ou quatre employés, c'est classé
comme une entreprise de construction, mais ce n'est pas une entreprise avec un
chiffre d'affaires de 150 000 $ ou de 200 000 $ quj va aller "contracter" sur
des grands chantiers. Pourtant, elles sont au même niveau de cotisation
que les entreprises de construction comme telles alors qu'essentiellement elles
ne font que donner un service de base à une population
résidentielle dans un secteur bien déterminé, assez
souvent à l'intérieur de la limite d'une municipalité ou
de deux ou trois quartiers d'une grande municipalité, du d'une
agglomération urbaine plus grande.
Là-dessus, il y a quelque chose à voir. En ce qui me
concerne, j'ai hâte de voir de quelle façon le ministre va se
débrouiller avec tout ça au moment où on le questionnera
là-dessus à l'étude article par article. Parce que j'ai
l'impression que, en tout cas, d'après tout ce que je peux voir dans les
notes qui nous ont été remises, ce genre d'iniquité
à l'égard de certaines entreprises, qui sont essentiellement des
entreprises de services, mais qui sont classées comme des entreprises de
construction, ne semble pas être résolue par la nouvelle
catégorisation d'entreprises qu'on nous présente.
Enfin, M. le Président, je ne m'éterniserai pas sur le
sujet, dans la mesure où on a déjà votre opinion quant
à la possibilité d'entendre la
CEQ, opinion que je trouve malheureuse, d'ailleurs. J'aurais bien
aimé que vous preniez une position différente de celle-là,
mais qu'est-ce que vous voulez? J'espère qu'en passant au vote les
membres de la formation politique du ministre auront une vision un petit peu
plus complète du problème et pourront voter du côté
de l'Opposition quant à l'intérêt d'entendre la CEQ dans
l'amendement premier qui avait été fait pour entendre la
CSST.
M. le Président, si vous me le permettez, je terminerai cette
intervention en présentant une nouvelle motion qui a comme raison
d'amender la proposition que l'on a sur la table.
Le Président (M. Bélanger): C'est un
sous-amendement? D'accord.
Motion proposant d'entendre aussi l'ATAQ
M. Claveau: C'est un sous-amendement, si vous voulez, à
l'amendement que l'on discute actuellement et qui se lirait comme suit: II est
proposé qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de
procédure la commission permanente de l'économie et du travail
tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet
de loi 14, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, des consultations particulières quant à tous
les articles dudit projet de loi et qu'à cette fin elle entende
l'Assemblée des travailleurs accidentés du Québec,
l'ATAQ.
Le Président (M. Bélanger): Donc, ça se
lirait comme ceci: qu'elle entende la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, la Centrale de l'enseignement du
Québec et l'organisme que vous venez d'ajouter.
Une voix: C'est quoi, déjà?
M. Claveau: Et l'Assemblée des travailleurs
accidentés du Québec, l'ATAQ.
Le Président (M. Bélanger): L'Assemblée des
travailleurs accidentés du Québec. C'est rece-vable. Est-ce qu'il
y a des objectioins des discussions sur le fond? M. le député de
Pointe-aux-Trembles, vous voulez intervenir?
M. Claveau: Oui, on est prêt?
Le Président (M. Bélanger): Juste une minute. Il y
avait M. le député de Pointe-aux-Trembles qui a levé la
main. C'est une question de règlement ou de procédure?
M. Bourdon: Si mon collègue d'Ungava a terminé.
S'il n'a pas termine-Le Président (M. Bélanger): Non,
parce que
techniquement il faut que le député d'Ungava
présente son amendement avant que je reconnaisse quelqu'un d'autre. M.
le député d'Ungava.
M. Bourdon: C'est vrai. C'est beau.
M. Claveau: Si vous permettez, M. le Président, que je
présente mon amendement...
Le Président (M. Bélanger): Vous m'envoyez le texte
écrit?
M. Claveau: Le texte écrit, oui.
Le Président (M. Bélanger): D'accord. On va
s'arranger.
M. Christian Claveau
M. Claveau: M. le Président, c'est très simple.
L'Assemblée des travailleurs accidentés du Québec
représente un certain nombre de travailleurs qui, contrairement à
d'autres, n'ont pas beaucoup de moyens de se défendre. Vous savez, un
des autres problèmes qui sont vécus assez
régulièrement par les travailleurs accidentés en
général... Dans le fond, il y a ceux qui sont syndiqués et
qui peuvent bénéficier, par le biais de leur centrale syndicale,
de certaines couvertures ou de certains services pour leur permettre d'avoir
accès ou de défendre leurs droits devant, j'oserais dire, les
bonzes des entreprises et de la CSST qui contestent à peu près
tout. Il y a aussi une autre catégorie de travailleurs qui sont un petit
peu moins favorisés quant à ça. Ce sont des travailleurs
généralement non syndiqués ou des travailleurs autonomes
qui n'ont pas les moyens de se payer toute une myriade d'experts qui vont les
aider à faire face à certains problèmes et qui finalement
se retrouvent souvent dans des situations très difficiles. Il y a
quelques associations qui aident ces travailleurs en particulier pour les
défendre. L'Assemblée des travailleurs accidentés du
Québec est un de ces groupements-là qui défend, en
règle générale, les travailleurs non syndiqués.
Le problème, M. le Président, il se pose d'une
façon très claire: Pourquoi l'intérêt, donc,
d'entendre l'ATAQ devant cette commission parlementaire au moment où on
discute de la tarification? C'est parce que, justement, à l'étude
des documents qu'on a sous les yeux, il y a un certain nombre de
réflexions qui nous amènent à croire que les travailleurs
qui seront dans des milieux non syndiqués vont vivre des
problèmes encore plus grands que ceux qui sont dans des milieux
syndiqués. (22 h 15)
Je m'explique très rapidement là-dessus. Je vais vous
faire une brève démonstration qui sera sûrement
Incomplète étant donné le peu de temps que j'ai pour la
faire, mais une démonstra- tion sur laquelle on pourra sûrement
revenir au cours de l'étude article par article du projet de loi.
Dans un premier temps, M. le Président, on constate qu'au niveau
du partage des réclamations de l'entreprise, enfin sur les accidents de
travail, selon les documents qui nous sont déposés, l'entreprise
comme telle, indépendamment du secteur dans lequel elle se trouve
classée, devra absorber les 8000 $ premiers dollars de tout accident de
travail. Bon, pour un accident qui générerait des compensations
supérieures à 8000 $, entre 8000 $ et 80 000 $, c'est
l'unité dans laquelle se trouve cette entreprise-là qui aura
à absorber globalement, donc, la différence entre 8000 $ et 80
000 $. Et, pour tout coût supérieur à 80 000 $ qui pourrait
être imputé à un accident de travail, c'est le secteur en
entier qui aura à payer. Bon, dans l'exemple qu'on donne, on dit: Eh
bien, si l'accident est évalué à 104 000 $ de coût
à la CSST, les 8000 $ premiers dollars seront imputés à
l'entreprise, les 72 000 $ qui suivent seront Imputés à
l'unité et la différence, donc, de 24 000 $ sera imputée
au secteur d'activité dans lequel l'entreprise a été
cataloguée. C'est exactement le chiffre qu'on donne comme exemple, 104
000 $, dans la documentation.
Jusque-là, ça va. Mais il y a un autre problème qui
se pose. C'est qu'un petit peu plus loin on nous parle des courbes de
personnalisation et, dans le cas des courbes de personnalisation, plus le
niveau de cotisation ou plus le montant de la cotisation à la CSST est
élevé, plus la compagnie peut bénéficier de la
personnalisation. Bon, en bas de 14 000 $ de cotisation, à toutes fins
pratiques, il n'y en a pas. À partir de 14 000 $, II peut Y avoir
jusqu'à 5 % de cette personnalisation-là qui soient applicables
sur l'ensemble de la cotisation, et puis on monte, on monte, on monte et,
finalement, une entreprise qui dépasse les quelque 300 000 $ de
cotisation, eh bien, à ce moment-là, peut avoir une partie de sa
cotisation assez impressionnante qui soit tarifiée en fonction de son
rendement, etc. Ce qui veut dire, à la limite, M. le Président,
que la grande entreprise, dans la mesure où elle se conforme, où
elle s'améliore, où elle diminue les risques d'accidents, peut
cotiser, en bout de piste, beaucoup moins que la petite entreprise à la
CSST, parce qu'elle va baisser son coût global dans la catégorie
où elle est. Ce qui veut dire aussi, en bout de piste, que sur
l'ensemble des coûts qui vont dépasser 8000 $, finalement, c'est
la petite entreprise qui, elle, va avoir à en absorber de plus en plus,
parce que le taux de cotisation de la grande entreprise va avoir tendance
à diminuer dans la mesure où elle va pouvoir
bénéficier de la personnalisation de ses primes.
On sait aussi, M. le Président, que plus une entreprise est
grosse, enfin plus, normalement,
elle génère d'argent, plus elle a de possibilités
financières et différentes activités à
l'intérieur de son entreprise, eh bien, plus il y a de
possibilités pour elle aussi de s'améliorer, d'investir dans
l'amélioration des conditions de travail, sans pour cela nuire à
sa rentabilité. Dans ce sens-là, elle a plus de chances
d'accéder rapidement à des taux de personnalisation qui vont
faire que sa prime va être diminuée par rapport au coût
global de la prime du secteur.
En bout de piste, donc, qu'est-ce qu'on comprend? C'est que c'est la
petite entreprise qui va payer moins de 14 000 $ par année à la
CSST qui, elle, ne pourra pas bénéficier des primes de
personnalisation. C'est aussi parce que... Je reprends les termes exacts du
document, si vous me donnez quelques secondes. On nous dit très
clairement, ici, dans la documentation, que cette grande entreprise-là,
qui pourra bénéficier des taux de personnalisation, elle comprend
73 % de la maln-d'oeuvre pour 7 % des employeurs. C'est beaucoup, mais on dit
qu'actuellement ils paient 80 % des cotisations. Bon, 73 % de la main-d'oeuvre,
cela va, 7 % des employeurs, c'est-à-dire que ce n'est quand même
pas un nombre impressionnant d'employeurs qui peut en bénéficier.
C'est 7 % des employeurs, même si ça représente 73 % de la
main-d'oeuvre. Et pour les 80 % de cotisations, dans la mesure où elles
peuvent bénéficier de primes qui vont être moins
coûteuses pour elles, eh bien, on peut imaginer que cette part-là
va aller en diminuant, parce que la petite entreprise aura à prendre une
part de plus en plus grande. Celle qui ne peut pas bénéficier de
cette personnalisation-là va avoir à prendre une part de plus en
plus grande. Même si le pourcentage n'est pas très
élevé, on peut s'imaginer, en bout de piste, que ça peut
varier de quelques pour-cent, quand même, en faveur de la grande
entreprise, en bout de piste.
Parce qu'à l'intérieur de tout ça ce que le
ministre ne nous dit pas, mais qui est écrit, c'est que, finalement, les
diminutions, en bout d'année, du coût global de la CSST
prévu en 1989-1990, malgré tout ça, ne sont pas
énormes, vous savez. Ce n'est pas énorme, hein? Les coûts
de la CSST ont été de 1 048 000 000 $ en 1989 et on nous dit:
Ça va coûter moins cher en 1990. Sauf que les chiffres qu'on
retrouve dans les documents, c'est qu'en 1990 ça va coûter 1 047
900 000 $. On a baissé de 1 000 000 $. Ce n'est pas
particulièrement un montant astronomique quand on est dans les 1 500 000
000 $. Donc, il va falloir qu'il y ait quelqu'un qui paie. On n'a pas
diminué, finalement, le coût total de la CSST pour 1990. On a
diminué de 0,01 %, d'après les prévisions. Mais on dit:
Ça va coûter moins cher à la grande entreprise parce
qu'elle va avoir des primes de personnalisation. Donc, il va falloir que
quelqu'un paie. Ceux qui vont payer, ce sont les 93 % des autres entreprises
qui, elles, ne pourront pas bénéficier des primes de
personnalisation.
Là où mon propos devient intéressant quant à
la pertinence de recevoir l'Assemblée des travailleurs accidentés
du Québec, c'est que, quand on regarde globalement dans l'industrie, ce
n'est pas dans la grande entreprise qu'il y a des problèmes de
syndicalisation, c'est dans les petites "business", dans les "bineries", comme
on dit, les petites entreprises de quelques travailleurs ou dans les milieux de
travailleurs autonomes, où on a cinq, six, huit ou dix travailleurs qui,
eux, ne sont pas syndiqués, qui n'ont pas de structure de travailleurs
pour les défendre devant la machine de la CSST. Mais ce sont, en
même temps, ces entreprises-là qui vont avoir à supporter
le plus de frais de la CSST, d'après ce qu'on peut voir.
Ça veut dire quoi, ça, M. le Président? Ça
veut dire que ces entreprises-là vont essayer - et ça, ce n'est
pas un procès d'intention que je fais; ça se fait
déjà et ça va se faire encore d'une façon plus
accentuée - vont faire des pressions sur les travailleurs pour essayer
de ne pas déclarer d'accidents pour ne pas que ça leur
coûte trop cher. C'est clair comme de l'eau de roche. Déjà,
ça se fait. Bon, dans l'entreprise, on dit: Je vais te mettre aux
travaux légers. Je ne te déclarerai pas, je te mets aux travaux
légers. Et il y a même certaines conventions de travail, dans
l'entreprise, surtout au niveau de l'industrie primaire, où on
prévoit que, bon, pour un petit accident, une coupure de pouce, un petit
mal de dos, une entorse, bon, on se vire un genou un peu de travers, on dit: Je
ne te déclare pas à la CSST, ça va augmenter mes primes,
mais je vais te mettre aux travaux légers, tiens. Tu te
promèneras dans la cour et tu ramasseras du papier et des bouts de bois
et on va te payer ton salaire. Comme ça, tu ne seras pas un
accidenté déclaré. Donc, ça ne nous coûtera
pas plus cher de CSST.
Ça, quand l'entreprise est syndiquée, il n'y a pas trop de
problèmes, parce que, dans le fond, le gars, II est couvert, il a son
ancienneté et il a tous ses bénéfices marginaux et,
finalement, il peut le faire. Le seul problème qui se pose, par exemple,
c'est que, s'il a une rechute plus tard, là, il n'a pas d'accident
déclaré et il se retrouve avec le problème sur le dos. On
dit: Bon, c'est bien de valeur... Ou si, par malheur, par exemple, il se fait
une entorse au dos à l'ouvrage et qu'on le met sur les travaux
légers pour ne pas le déclarer, mais qu'il s'en va glisser sur un
trottoir, au mois de janvier, en faisant son épicerie, qu'il tombe sur
le derrière et là, qu'il se brise le dos comme il faut, bien,
là, on dit: Je ne peux pas te couvrir. Tu n'es pas un accidenté
du travail; c'est arrivé en sortant ton épicerie du magasin, sur
un trottoir glissant. Réclame à la municipalité. Sauf que
le gars était déjà sur les travaux légers, mais on
lui avait dit: Je ne te déclarerai pas parce que ça
pourrait...
Accepte donc de travailler comme ça, tu vas garder tous tes
bénéfices pour une quinzaine de jours et on ne te
déclarera pas à la CSST, et mes primes n'augmenteront pas.
Mais c'est un peu ce genre de mécanisme-là qu'on va
encourager chez la petite entreprise. C'est ça qui va se
développer. D'autant plus qu'on sait très bien - et j'en ai eu
des cas à traiter, à mon bureau de comté - que,
déjà, dans des entreprises non syndiquées, petites ou
grandes, on ne se gêne pas, nécessairement, pour dire au gars:
Aie, ce n'est pas grave, ton affaire; si tu tiens à ta job,
déclares-en pas trop. On sait que ça existe. Ça ne se dit
pas aussi clairement que ça. C'est un peu "underground", comme on
pourrait dire en bon français, mais ça existe, ça se fait.
Des travailleurs, aussi, ont peur dans la mesure où ils travaillent pour
une petite "business", une petite entreprise, qui n'a pas un gros taux de
cotisation à la CSST, où il y a un marché plus ou moins
flottant. Ça va bien, ça va mal, ils travaillent pour... À
ce moment-là, si le gars tient à sa job, il n'a pas
intérêt à déclarer un accident trop vite.
J'ai vu, encore dernièrement, dans une vitrerie, une entreprise
qui fait des vitres, le gars a cassé une vitre, il l'a
échappée et s'est viré le bras de travers comme ça.
Il s'est quasiment coupé à l'os. Savez-vous ce qu'ils ont fait?
Ils l'ont "tapé" avec ce qu'on appelle du "masking tape" en bon
Québécois. Il s'est "tapé" ça avec du "masking
tape". Je lui ai dit: "Cou-don", tu ne vas pas plus loin que ça? Ah,
non, on ne déclare pas ces affaires-là. On n'est pas
syndiqués ici. Bien oui. On en rit, mais c'est exactement ce qui se
passe. Je l'ai vu de mes yeux et, d'après la mécanique qu'on
instaure, eh bien, on risque d'accentuer cette affaire.
C'est là qu'une association comme l'Assemblée des
travailleurs accidentés du Québec va avoir de plus en plus de
trouble et de plus en plus de cas de petites entreprises où il va y
avoir des accidents de travail, où les gens n'auront pas de quoi se
défendre et vont aller se ramasser là où ils peuvent, soit
avec eux, soit avec la FATA, soit avec d'autres bureaux d'avocats
peut-être un peu plus spécialisés dans le domaine pour
essayer de trouver des moyens de se défendre.
Il serait intéressant, en ce qui me concerne, en tout cas, que
l'on puisse devant cette commission parlementaire voir justement, ces
associations-là, entre autres, l'Assemblée des travailleurs
accidentés du Québec, comment elles interprètent
ça, comment elles voient l'effet que ça va avoir sur leur
clientèle de travailleurs non syndiqués. Parce que, qu'on le
veuille ou non, qu'on fasse les chiffres de la façon qu'on voudra, quand
on regarde tout ça, ça va coûter aussi cher l'année
prochaine que ça a coûté cette année pour la CSST et
il va y avoir des primes de personnalisation pour la grande entreprise qui vont
toucher 7% des employeurs qui, eux, vont voir diminuer leurs coûts. Il y
a quelqu'un qui va payer et ceux qui vont payer, c'est, dans l'ensemble, les
quelque 80 % d'entreprises qui ont moins de 14 000 $ par année de
cotisations à la CSST. Et ce sont, pour la plupart, des entreprises non
syndiquées, soit parce que ce n'est pas assez gros pour avoir une
convention, soit parce qu'elles ne peuvent pas bénéficier d'un
régime muitipatronal de convention, soit parce qu'on a
éliminé des comités paritaires qui existaient aussi dans
certains secteurs et qui n'existent plus.
C'est pour toutes sortes de raisons semblables que ces travailleurs,
finalement, qui représentent... Vous allez me dire que ce n'est
peut-être pas trop important, ça représente, d'après
vos chiffres, quelque chose comme 27 % des travailleurs du Québec, mais
savez-vous, M. le Président, que ce sont les 27 % des travailleurs les
moins bien rémunérés au Québec aussi? Parce que,
généralement, dans la grande entreprise dans les milieux
syndiqués, les salaires sont relativement bons. Ce sont eux qui vont
pouvoir bénéficier du maximum assurable de 40 000 $ à
partir de 1990. Eux vont pouvoir en bénéficier, mais des 40 000 $
par année dans des "bineries" à trois ou quatre employés,
je n'en connais pas bien, bien. Ces gens-là ne sont pas syndiques et, en
plus, Ils sont les moins payés et ce sont eux qui vont avoir le plus de
trouble pour réclamer de la CSST et leurs employeurs, finalement, vont
être ceux qui vont se voir le plus taxer en bout de piste pour payer
l'ensemble de la note parce qu'eux ne pourront pas avoir droit à tous
les bénéfices de la personnalisation du programme qui est
introduite.
Ça me semble être une réflexion qu'il faut se faire
à fond. Dans le fond, on est encore en train de claquer sur les
travailleurs au salaire minimum et sur les petites entreprises qui arrivent,
haie "quienbin", à survivre dans les milieux. Elles vont avoir à
payer une note probablement plus lourde parce qu'ils vont devoir se
répartir l'ensemble du coût qui va dépasser les accidents
de 8000 $, mais elles ne pourront pas avoir de prime de personnalisation
même si elles ont un taux d'accident nul, même si elles font les
plus grands efforts pour éliminer tous les accidents dans leur milieu de
travail. Parce qu'elles paient moins de 14 000 $ par année de
cotisations à la CSST, elles ne pourront pas bénéficier
des primes de personnalisation. Elles vont devoir payer pour les accidents de
la grande entreprise qui vont générer des coûts
supérieurs à 8000 $, par exemple, à l'intérieur des
unités où elles vont être mises dans chacune des sections.
(22 h 30)
II semble, M. le Président, qu'il y a une réflexion
profonde à se faire, à moins qu'il n'y ait des données que
le ministre ne nous ait pas transmises et qui viendraient contredire le
cheminement que j'ai élaboré. À ce
moment-là, j'espère que le ministre nous expliquera tout
ça plus en profondeur. Mais, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas
l'information parce que le ministre ne nous l'a pas donnée... Si jamais
il y a information complémentaire, il serait intéressant pour
nous autres d'entendre les représentants de ces travailleurs, ceux qui
vont avoir à accueillir tous ces travailleurs dans leur bureau au cours
des prochains mois et des prochaines années. Parce que c'est un secteur
où il y a des travailleurs qui sont mal payés, qui travaillent
dans des conditions très difficiles, avec des conditions de santé
et de sécurité au travail plutôt douteuses et, en plus, ce
sont ceux qui n'ont pas les moyens de se couvrir pour se défendre devant
la CSST, pour réclamer, pour aller en appel ou pour contester des
rapports médicaux.
Une centrale syndicale peut travailler avec un de ses travailleurs
accidentés pour amener la contestation d'un rapport d'un médecin,
mais un individu tout seul qui se fait faire un rapport médical, le
voyez-vous s'embarquer dans toute une mécanique de contestation? En
plus, il ne faut pas oublier aussi que c'est probablement - et,
là-dessus, je pense que je ne me trompe pas beaucoup - la classe de
population qui est la moins scolarisée et qui est, donc, en soi, la
moins apte à se défendre elle-même, qui n'a pas les fonds
et qui n'a pas les moyens et les recours pour se défendre.
Le Président (M. Bélanger): M. le
député d'Ungava, c'est que j'ai de la difficulté à
voir le lien entre votre intervention et la loi qui nous occupe, qui touche la
tarification. C'est juste ça.
M. Claveau: Bien c'est de ça que je parle, de
tarification, M. le Président, depuis le début.
Le Président (M. Bélanger): Oui? C'est correct, on
vous écoute.
M. Claveau: Bien oui. J'ai bien dit, M. le Président, que,
d'après ce que je peux voir, la tarification va être plus lourde
sur les petites entreprises, les 93 % d'entreprises qui ne pourront pas
bénéficier du programme, d'après ce qu'on voit,
d'après les chiffres qui nous sont donnés, du moins dans le
document qu'on a sous les yeux.
C'est tout ça qui fait que je continue à croire que le
ministre aurait avantage à faire en sorte que la commission puisse
rencontrer les représentants de ces travailleurs, les travailleurs les
plus démunis, les moins protégés, ceux qui ont les
conditions de vie, peut-être, les plus difficiles parmi tous les
travailleurs de notre société.
Là-dessus, vous me permettrez de conclure, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Je vous remercie, M. le
député d'Ungava. M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: Brièvement, M. le Président, pour dire
que l'Assemblée des travailleurs accidentés du Québec
représente principalement des non-syndiqués. Cette organisation,
l'ATAQ, nous a fait parvenir à tous les députés,
récemment, un document où elle résume ses positions,
notamment sur la non-indexation de certaines rentes dont le ministre a
déjà parlé.
Les syndiqués, c'est évident, ont plus de moyens de se
défendre et introduisent, généralement, dans leur
convention collective des articles reliés non seulement à la
santé et à la sécurité, mais même aux
compensations à recevoir de la CSST. Il y a des formules qui se
développent.
Il y a des gens qui ont déjà mentionné que, les
non-syndiqués étant dans une situation précaire, on
pourrait peut-être Introduire éventuellement au Québec un
régime de syndicalisa-tion à titre individuel, non pas pour
négocier une convention collective, mais se syndiquer deviendrait
possible pour défendre ses droits sociaux à l'égard de la
CSST ou des normes minimales du travail.
On pense que cette organisation s'occupe d'une façon efficace des
intérêts des gens qu'elle défend et qu'on aurait
intérêt à l'entendre. Cela dit, M. le Président, on
serait prêts, quant à nous - on en a parié avec le ministre
- à passer au vote sur les diverses propositions qu'on a mises sur la
table.
Une voix: Le ministre a peut-être un mot à dire.
M. Bourdon: Peut-être que le ministre... Le
Président (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Séguin: Si vous me permettez, juste pour...
Le Président (M. Bélanger): Je vous en prie. M.
Yves Séguin
M. Séguin: Relativement à ce sous-amendement qui
suggère d'inviter l'Association des travailleurs accidentés du
Québec, c'est simplement pour dire que je les ai déjà
rencontrés au mois de juin, assez longuement, d'ailleurs. Ils m'avaient
particulièrement saisi de la question des programmes de stabilisation et
de remplacement du revenu de la CSST qui, sous l'ancienne loi, les avaient
désavantagés par rapport à la loi actuelle sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, la loi 42,
adoptée en
1985. Je leur avais dit qu'effectivement j'avais regardé
ça et qu'il me semblait qu'il y avait iniquité, au-delà de
toute autre considération politico-sociale, etc. Factuellement parlant,
il y a, à mon sens à moi, une forme d'iniquité. Je leur
avais dit: Écoutez, donnez-moi un certain temps pour qu'au travers de la
complexité et des dédales complexes de la loi et de
l'administration, etc., on puisse trouver une formule.
Je pense que, présentement, nous avons trouvé une formule.
Je vous l'ai indiqué, mon collègue de Pointe-aux-Trembles - je
l'ai fait hier, avant-hier dans la nuit et encore tantôt - cela fait
partie un peu, maintenant, du plan d'action que je me propose de
suggérer: un des éléments importants est d'introduire un
amendement à la loi pour corriger, peut-être pas
entièrement... Je ne prétends pas que, sur le plan
budgétaire, on va rencontrer peut-être 100 % de la demande, mais
je pense que ce qui va ressortir de ça va être certainement
très acceptable et très raisonnable pour l'ensemble de ces
travailleurs. Ça va se faire très bientôt.
Mon bureau a eu des contacts récemment, il y a quelques jours,
comme on en a aussi assez régulièrement, avec eux. Ils m'ont
indiqué qu'ils souhaitaient me rencontrer, mais pas avant janvier, parce
qu'ils font eux-mêmes, actuellement, une consultation sur le
deuxième volet. Ils savent un petit peu que j'ai fait une consultation,
particulièrement avec la CSN, la FTQ et le Conseil du patronat, avec un
comité sur le plan d'action. Ils en ont eu les éléments,
ils ont trouvé ça intéressant, surtout sur les bureaux
paritaires, sur la reconsidération administrative que je suggère,
que ce soit par le ministre ou autrement. Mais, enfin, c'est ce genre
d'intervention sur des raisons humanitaires pour que des accidentés
soient reconsidérés, etc. Donc, Ils m'ont indiqué qu'ils
faisaient actuellement un ensemble de consultations au travers de leur
réseau, de leurs affiliés. L'ATM, récemment, a fait une
conférence à Montréal, rappelant certaines
préoccupations sur la santé et la sécurité au
travail. J'étais au colloque de la santé et de la
sécurité au travail, ici, au Château Frontenac,
récemment, il y a trois semaines. J'étais invité à
faire une causerie. J'ai donné plusieurs éléments
publiquement, lors de cette réunion, et j'ai reconfirmé,
d'ailleurs... Je ne l'ai pas mentionné, mais c'est un autre volet du
plan d'action. Vous allez voir que, finalement, si vous me donnez encore une
heure, je pourrais anticiper...
Mais juste pour finir la parenthèse sur l'importance, je dis
bien, de préserver la liaison entre les CLSC et la Commission, sur la
prévention et les services qui sont déjà donnés
dans les CLSC. On sait qu'il y avait eu une réflexion au niveau de la
CSST, à savoir si on devait maintenir l'ensemble des services des CLSC
en santé et prévention des accidents du travail. Et, en ce qui me
concerne, je pense que oui. J'ai dit que j'étais prêt à
travailler avec l'actuelle présidente de la Fédération des
CLSC, Mme Jeanne-d'Arc Vaillant, que je connais très bien, d'ailleurs;
ça aide un peu. Et on était d'accord pour dire qu'effectivement,
entre la CSST et les CLSC, il y a déjà des services de
prévention des accidents du travail. Le questionnement ne doit pas
servir à se demander s'il faut les maintenir, mais comment encore les
rendre meilleurs. Je pense qu'à ce colloque-là les gens ont
été ravis de voir ma position qui était très claire
à cet effet.
Donc, ceci pour dire que les membres de l'association, je vais les voir
en janvier. C'est eux maintenant qui vont m'indiquer quand ils seront
prêts, parce qu'ils veulent me déposer des réflexions
articulées, un mémoire, etc. Et j'ai dit certainement. Ça
coïncidera avec ce qu'on enclenchera après les fêtes et ils
seront certainement Invités à venir nous dire ce qu'ils en
pensent, surtout parce qu'ils ne sont pas effectivement syndiqués et
qu'ils représentent au Québec, il faut le dire, la
majorité des travailleurs qui ne sont pas syndiqués. Je pense que
ça va être très intéressant de les entendre.
Ça, c'est une assurance que je peux donner. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Bélanger): Merci, M le ministre.
J'appelle donc, le vote sur l'amendement suivant. Nous avions une
première proposition comme motion qui dit: "II est proposé qu'en
vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission
permanente de l'économie du travail tienne, avant d'entreprendre
l'étude détaillée du projet de loi 14, Loi modifiant la
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, des
consultations particulières quant à tous les articles dudft
projet de loi et qu'à cette fin elle entende la Commission de la
santé et de la sécurité du travail."
Il y avait un deuxième amendement qui disait: "et la Centrale de
l'enseignement du Québec", et celui dont nous allons disposer par le
prochain vote, qui disait: l'Assemblée des travailleurs
accidentés du Québec."
Alors, nous votons donc sur ce troisième sous-amendement qui dit
qu'elle entende l'Assemblée des travailleurs accidentés du
Québec. Alors, sur ce sous-amendement, ceux qui sont pour. M. Bourdon...
Un instant, je vais faire l'appel. M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles)? M.
Claveau, (Ungava), Mme Dupuis, (Verchères), M. Jolivet,
(Laviolette).
M. Bourdon: Pour.
M. Claveau: Pour.
M. Jolivet: Pour.
Le Président (M. Bélanger): Bien.
Une voix: Et moi-même, M. le Président.
M. Jolivet: On a droit à quatre votes.
Le Président (M. Bélanger): Je m'excuse...
Une voix: On n'a pas droit à plus de quatre votes?
Le Président (M. Bélanger): II y a quatre votes,
mais on peut exprimer les cinq quand même par déférence, je
m'excuse.
Une voix: D'accord. Merci.
Le Président (M. Bélanger): M. Bélanger
(Laval-des-Rapides), contre. M. Benoît (Orford)?
M. Benoît: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Bordeleau
(Acadie)?
M. Bordeleau: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscamingue)?
Des voix: Témiscouata.
Le Président (M. Bélanger): Témiscouata,
excusez-moi, madame.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): J'étais dans les
deux bouts de la province. Excusez-moi.
Mme Dionne: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Lafrenière
(Gatineau)?
M. Lafrenière: Contre.
Le Président (M. Bélanger): M. Lemire
(Saint-Maurice)?
M. Lemire: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Et M. Saint-Roch
(Drummond)?
M. Saint-Roch: Contre.
Le Président (M. Bélanger): Donc, ce
sous-amendement est rejeté. J'appelle donc le vote...
Des voix: On devrait enregistrer le même vote.
Le Président (M. Bélanger): Le même vote pour
les autres?
M. Bourdon: Je pense qu'on va avoir le même sort.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Bélanger): Alors, l'amendement est
rejeté et la motion première est rejetée. Bien.
M. Jolivet: Compte tenu de l'heure, M. le Président, je
pense que, d'un commun accord, on remettrait à demain, après
l'avis qui sera donné en Chambre, le travail sur l'article 1.
Le Président (M. Bélanger): Donc, compte tenu de
l'heure et à la suite de la proposition qui est faite, la commission
ajourne ses travaux sine die puisqu'il faudra attendre de nouveaux ordres de la
Chambre. Mercil
(Fin de la séance à 22 h 43)