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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 16 décembre 1987 - Vol. 29 N° 91

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude de l'accord du libre-échange


Journal des débats

 

(Seize heures quatorze minutes)

Le Président (M. Charbonneau): La commission de l'économie et du travail entreprend cet après-midi une séance qui doit porter sur le libre-échange et qui fait suite aux consultations que nous avons eues il y a quelques semaines Nous allons siéger, pour cette discussion sur le libre-échange, ce soir jusqu'à 22 heures, après une suspension pour l'heure du souper Pour cette séance, le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique, ainsi que le ministre des Relations internationales et délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes sont membres de la commission

M le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M le Président M Claveau (Ungava) est remplacé par M Joliette (Chevrette), M Gauthier (Roberval)

Une voix: M Joliette (Chevrette)?

M. Chevrette: Cela me fait plaisir C'est un peu ce qui circule dans mon comté

Le Secrétaire: Je m'excuse par M Chevrette (Joliette), M Gauthier (Roberval) est remplacé par M Jolivet (Laviolette), M Gendron (Abitibi-Ouest) par M Filion (Taillon) et M Paré (Shefford) par M Godin (Mercier)

Remarques préliminaires

Le Président (M. Charbonneau): Selon une entente intervenue de part et d'autre avec le leader, le temps sera réparti en parts égales des deux côtés de la commission Sans plus tarder, je vais céder la parole au responsable du dossier du côté gouvernemental le ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique et par la suite je donnerai la parole au responsable du côté de l'Opposition

M le ministre

M. Pierre MacDonald

M. MacDonald: Merci, M le Président Cela fait environ un peu moins de trois ans, c'est-à-dire le 15 mars 1985, que le premier ministre Mulroney et M Reagan présentaient aux Canadiens la perspective d'une négociation d'un traité de libéralisation des échanges entre les deux pays C'était pour plusieurs une nouvelle perspective, même si dans l'histoire du Canada ce sujet avait été abordé d'une façon assez sérieuse, mais on n'en était pas venu à un traité formel bilatéral Cependant, au cours des années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale et dans te contexte du GATT depuis 1947, les différentes rondes de négociations avaient produit des diminutions très significatives de ce qu'étaient les barrières tarifaires dans le commerce international entre les deux pays, à un point tel que certains experts disaient à toutes fins utiles, la guerre des tarifs douaniers entre le Canada a quasiment disparu cependant, d'un même souffle, on disait La guerre des mesures non tarifaires s'intensifie et pourrait s'intensifier encore beaucoup plus

Lorsque nous avons assumé la responsabilité du dossier à partir de décembre 1985, comme le député de Bertrand alors ministre du Commerce extérieur peut sen souvenir, il y avait eu très peu de travail de fait La ronde était encore dans une négociation entre les provinces et ce n'était que quelques jours auparavant que M Mulroney avait transmis aux premiers ministres du Canada réunis à Halifax ta promesse d'une pleine participation au processus de préparation du mandat, au processus de négociations

Nous avons passé à travers un processus de consultations internes et externes dans tous les organismes du gouvernement provincial qui y avaient un intérêt direct ou indirect Nous avons également institué le comité Warren qui a reçu les représentations de 57 organismes ou personnes. En cours de route, nous avons également publié la position du Québec ou si on aime mieux, l'inventaire, la perspective des secteurs qui pourraient être touchés par une entente finale Nous avons clairement établi les enjeux Nous l'avons fait avec transparence comme aucune province aucun gouvernement qu'il soit fédéral au Canada ou aux États Unis ou aucun État américain Aucun gouvernement n'a autant publié n'a autant déposé sa position devant tous les intéressés son analyse à l'intérieur nécessairement de la confidentialité qui entoure une négociation

L'objectif premier - et il est bon de s'en souvenir - était de se protéger d'un protectionnisme montant aux États-Unis Nous avions effectivement un pays qui connaissait des problèmes comme jamais auparavant face à un déficit de la balance commerciale à des chiffres astronomiques, un déficit budgétaire, un besoin de recourir au financement sur les marchés étrangers, une dépendance grandissante de l'extérieur des États-Unis pour s'approvisionner de biens stratégiques comme de biens de consommation et une dépendance, encore une fois, des pays à l'extérieur des États-Unis pour financer l'achat de ses biens divers

Nous avions une situation ou, à l'analyse, il y avait unanimité chez les gens concernés pour dire que la situation américaine, quant au protectionnisme qui résulte de cette situation que j'ai expliquée, allait augmenter et que le Canada, dépendant des États Unis pour 78 % de ses exportations de biens et de services sur le

marché américain cette année - les chiffres étaient à peu près les mêmes sur un plan national - et la province de Québec, à peu près dans les mêmes proportions pour ce qui. était de ses exportations internationales, ne pouvaient pas - et je le répète - à l'analyse sérieuse des gens concernés par le problème, rester immobiles, ne pouvaient pas se désintéresser, *ne pouvaient pas prendre une position d'autruche, car c'étaient des milliers, des dizaines de milliers de jobs qui étaient en péril vis-à-vis du protectionnisme américain.

On a vu très bien ce que voulait dire protectionnisme, on a appris presque les mots dans plusieurs cas, lorsque est arrivée l'affaire qu'on peut appeler du bois de sciage. Cela a été suivi dans l'Ouest par l'affaire de la potasse et iI y a eu l'affaire des tubes de télévision. Vous avez eu, vis-à-vis d'autres pays, des mesures et une façon de faire qui étaient encore plus cruelles et plus arrogantes même. Vous avez eu l'introduction au sein du Congrès américain de centaines de demandes de mesures de législation. Il faut nécessairement pondérer ceci par ce qu'on connaît du système américain, mais tout de même cela dénotait très bien cet argument qu'on avait utilisé, à savoir que la situation empirait et qu'on ne pouvait pas voir d'amélioration certainement pas à court terme, même pas à moyen terme et peut-être même pas à long terme, si on veut dire par long terme dix ans.

Donc, comme province, comme gouvernement provincial, le statu quo nous était inacceptable. Comme il était suggéré par certains, on aurait pu se satisfaire des mécanismes du GATT. Là encore, on l'a démontré et cela a été clairement démontré également ici en commission parlementaire et autrement, c'était un mécanisme beaucoup trop lent, beaucoup trop lourd pour faire face à des demandes de mesures en droits compensateurs qui pouvaient toucher une industrie extrêmement importante au Canada et au Québec et se traduire rapidement par des pertes de milliers de jobs.

On a donc décidé de s'associer à un projet qui parlait de négociations. Je pense qu'on peut dire qu'à l'intérieur de tout ceci, et j'en félicite d'ailleurs encore une fois le député de Bertrand, on a pu conduire comme gouvernement, à l'intérieur de nos questions-réponses fréquentes et de la commission parlementaire et de l'interpellation, on a conduit ce dossier-là de façon non partisane. Encore aujourd'hui, je vais prendre exactement la même attitude. Pour appuyer ce qui a été la décision du gouvernement de négocier, j'aimerais peut-être citer ceux qui ne sont certainement pas du gouvernement, qui ne l'étaient pas hier et qui ne 'le sont pas. à ma connaissance, encore aujourd'hui, pour souligner justement cette décision qui était la nôtre.

J'ai ici, M. le Président, une prise de position qu'on retrouvait dans le Québec et la vie internationale, un document de réflexion de la commission nationale du programme du Parti québécois d'octobre 1986, qui disait: La signature d'un accord de libre-échange viendrait consacrer la situation unique des deux économies et nous mettrait théoriquement du moins à l'abri des mesures protectionnistes que les Américains pourraient adopter contre l'Europe et le Japon.

Si je vais à un texte de M. Parizeau M. Parizeau disait ici, le 16 septembre 1987: "Quels sont les intérêts canadiens et américains dans cette négociation? Je laisse ici, pour le moment, pendant quelques minutes, les intérêts du Québec. On y reviendra tout à l'heure. Je vous rappelle ici que, pour ce qui est de déterminer les intérêts canadiens, ils sont finalement très simples, ils sont permanents, ils n'ont pas changé depuis 1984. "En 1984, on assiste pour la première fois à une opposition très nette entre le Congrès des États-Unis d'une part et l'administration américaine, le président des États-Unis d'autre part. C'est à partir de 1984 que le Congrès américain part dans une voie protectionniste - le mot, je pense, n'est pas trop fort - qui, à un moment donné, frise le délire. Il y aura, en 1984, 200 projets de loi protectionnistes déposés au Congrès américain. On n'imagine pas un instant que le président des États-Unis puisse tous les jours ou tous les deux jours mettre un veto sur tous ces projets de loi Politiquement, c'est impensable. Remarquez qu'on est rendu bien au-delà de 200 projets de loi maintenant. On est quelque part entre 600 et 700 projets de loi protectionnistes. S'il fallait qu'une partie seulement de ces projets de loi soient adoptés par le Congrès américain et que le président des États-Unis soit forcé de les laisser adopter ou d'en laisser adopter un bon nombre, des secteurs entiers de l'activité économique canadienne seraient saccagés."

Un autre membre de votre gouvernement, de l'ancien gouvernement...

M. Chevrette: Une chance que vous n'êtes pas partisan.

M. MacDonald: Je ne suis pas partisan. Ce ne sont pas les libéraux qui ont dit cela, que je sache.

Une voix: Ah bon!

M. MacDonald: Je lis ici, la même journée, le 17 septembre 1987, M. Landry qui disait: "II est Intéressant de noter que les Québécois et les Québécoises, je crois, ont bien compris cela d'instinct, à toutes fins utiles, puisque d'abord - ce qui est une chose qui ne se rencontre pas si souvent - les deux grandes formations politiques, celle qui aujourd'hui est le gouvernement et celle qui est l'Opposition, sont essentiellement d'accord sur le fait qu'il est dans l'intérêt du Québec de libéraliser les échanges avec les États-Unis d'Amérique. Et aussi parce que les sondages, que l'on prend pour ce qu'ils

sont, même s'ils sont répétitifs, vont dans le même sens et peuvent avoir une certaine fiabilité. Les sondages, dis-je, démontrent et en particulier le dernier Decima Research qui était rendu public en fin de semaine dernière, le dernier mais les deux derniers, que c'est au Québec et de loin que les populations appuient l'idée du libre-échange. Par exemple, à la fin d'août 1987, jusqu'à 70 % des Québécois et des Québécoises pensent que c'est une bonne idée d'avoir un traité de libre-échange avec les États-Unis. Cela fait beaucoup de monde."

Je vais couper. Il y a d'autres statistiques intéressantes. Mais je ne voudrais pas laisser de côté celui qui me fait face, c'est-à-dire mon collègue, le député de Bertrand, qui, devant la Chambre de commerce de Varennes, le 3 mai 1987, disait: 'Pour le Canada et le Québec, l'enjeu commercial est de taille. Les exportations canadiennes vers les États-Unis représentent près de 23 % du PIB canadien. Une baisse de 10 % de nos exportations vers les États-Unis - et je me permets de te répéter - une baisse de 10 % vers les États-Unis signifierait en gros la perte de 250 000 emplois." Et vous continuiez en disant: "Face à la montée du protectionnisme américain dans le cadre d'une stratégie défensive, afin d'éviter que le commerce entre les deux pays ne se fasse dans un climat d'incertitude, le Canada a donc intérêt à négocier un accord commercial qui viendrait, à tout le moins, civiliser les rapports commerciaux entre les deux pays. Il va de soi aussi que des échanges sur un marché de 165 000 000 000 $ doivent être plus encadrées "

Avant cela, si on peut me permettre, vous disiez à La Presse, le 16 avril 1986: "Le Québec n'a pas le choix. Il faut privilégier la négociation d'une entente de libre-échange avec les États-Unis si nous voulons que notre base industrielle formée majoritairement de PME se développe - et vous connaissez cela - il faut aller de l'avant et conclure une entente commerciale avec nos voisins du Sud."

Finalement, les jeunes du Parti québécois disaient par la bouche de Mme Courville, la présidente: "Aujourd'hui, le comité national des jeunes du Parti québécois souscrit au principe d'une libéralisation des échanges entre le Québec et les États-Unis. Essentiellement, trois critères..." etc. Je vais vous épargner le reste. (16 h 30)

Malgré cela, malgré toutes les paroles qui ont été dites ou qui ont été écrites sur le sujet, malgré ce qui semble être pour la majorité des Québécois, d'après ce qu'on peut apprécier encore maintenant, une entente qui n'est certes pas parfaite - on peut toujours espérer plus - mais qui respecte les conditions posées par le gouvernement fédéral auxquelles le Québec a adhéré en y ajoutant sept autres conditions, cette entente, dis-je bien, nous apparaît comme favorable aux objectifs et elle va de pair avec ce que nous voulons être l'avenir du Québec et du Canada.

Nous avons précisé cet après-midi, M. le premier ministre particulièrement, la position du Québec, le fait qu'il désirait, lors de la rencontre des premiers ministres à Ottawa demain, explorer certains éléments. Sûrement, vous allez y faire référence. Mon collègue, le ministre des Relations internationales et délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes et moi, nous chercherons à y répondre le mieux possible.

Mais vous allez nous permettre, M. le Président, dans cette rencontre, face à ce qui est une position claire, qui a toujours été claire, qui a toujours été habillée de conditions qu'on a cherché à faire respecter et qu'on a fait respecter, face à cette position claire, vous nous permettrez peut-être, M. le Président, d'essayer également d'obtenir de nos collègues d'en face une position claire et de savoir où ils se situent. Au-delà de cette préoccupation parfaitement légitime qui est la leur, de poser des questions sur l'entente et de demander des éclaircissements, je pense que, comme représentants officiels de l'Opposition et d'un segment de la population du Québec, ils pourraient également avoir la franchise et l'honnêteté de nous donner clairement leur position.

J'aimerais, en terminant, dire que nous sommes ouverts à toutes vos questions. Nous allons y donner toute l'attention possible. S'il y a des domaines dans lesquels on ne se sent pas assez compétents, vous me permettrez de faire appel à mes collègues, les techniciens qui sont avec moi. si vous le voulez bien, M. le Président. Je vous garantis immédiatement que, si on n'a pas de réponse maintenant, peut-être de la façon que vous aimeriez l'avoir, si on ne l'a pas, on ira la chercher et on vous la donnera dès qu'on pourra le faire. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais le dire à M. le ministre du Commerce extérieur, s'il ne le savait pas: Ce sont eux qui forment le gouvernement depuis deux ans, ce sont eux qui doivent administrer la province. Ils n'ont pas l'air de s'en rendre compte, puisqu'ils demandent à l'Opposition, à toutes fins utiles, de se substituer à eux, chose qu'on ne fera sûrement pas. On est là pour représenter les citoyens, au moins 40 % des citoyens du Québec qui n'ont pas fait confiance le 2 décembre 1985 à la formation libérale, et on a le droit de questionner surtout un ou deux ministres qui, selon leurs propres déclarations, imaginez-vous, étaient au courant à chaque minute, à chaque seconde, à chaque heure du pur, à chaque semaine, à chaque mois, de tout te déroulement complet des négociations. Surtout depuis une semaine, on se rend compte que cela s'est mis à reculer. La connaissance du dossier

est moins grande depuis une semaine qu'elle ne l'était, vous vous le rappellerez, dans les périodes de questions antérieures ou le ministre du Commerce extérieur, très humble, se levait avec pompe pour dire qu'il suivait le dossier à chaque minute, à chaque seconde même du sprint des négociations finales

Donc, ce sera facile pour lui, sans doute, de répondre à l'ensemble des questions de l'Opposition qui est là pour questionner l'administration, qui est là pour questionner le gouvernement dans ses orientations, qui est là pour voir si le gouvernement, dans un premier temps d'abord, a obtenu le respect de ses conditions de base, de ses conditions d'appui qu'il posait à un accord du libre-échange C'est le gouvernement qui a fait son lit sur les conditions On lui rappellera à ce gouvernement, M le Président, que nous avions des réserves beaucoup plus grandes que celles-là Nous voulions, par exemple, que l'agriculture et la culture soient complètement exclues d'une entente de libre-échange alors que, de votre côté, vous y alliez pour d'autres conditions Je lui rappellerai les conditions qu'il posait. II disait que le respect intégral des compétences législatives du Québec était indispensable à tout accord sur le libre-échange. II disait également que le respect intégral de ses lois, de ses programmes et de ses politiques dans les domaines de la politique sociale, des communications, de la langue et de la culture était une condition d'appui au libre-échange

Le maintien de sa marge de manoeuvre nécessaire pour atteindre les objectifs de modernisation et de développement de son économie dans toutes les régions, l'obtention de périodes de transition et la mise sur pied de programmes d assistance pour les entreprises et les travail leurs dans les secteurs moins compétitifs - des programmes concrets pour les travailleurs, pour l'entreprise - la mise en place d'un mécanisme de règlement des différends auquel seront associées les provinces - c'était une autre condition - le maintien d'un statut spécial pour l'agriculture et les pêcheries et enfin le maintien de son droit d'approuver ou non l'entente en fonction de l'évaluation ultime qu'il fera à la lumière des intérêts fondamentaux Donc, ce sont les sept conditions que le gouvernement du Québec a posées

Malgré notre Insistance à inclure d'autres éléments, le gouvernement a décidé d'avoir sept conditions Nous allons sûrement interroger, au cours des heures qui suivront, sur ces conditions Je pense que c'est notre droit le plus fondamental d'interroger le gouvernement D'autant plus que le gouvernement actuel s'est prononcé en faveur du libre-échange sans réserve, euphonquement pour Rappelez-vous le premier ministre qui disait à toutes fins utiles au premier ministre canadien au tout début des négociations Si vous avez de la misère à le vendre, j'irai vous aider, il n'y a pas de problème Aucune réserve au début. Depuis une semaine, les réserves commencent à pointer Le premier ministre commence à dire. II faut que j'interroge. II faut que les gens quf étaient au courant à la minute près Interrogent à la fois sur le processus de ratification, sur les mécanismes de règlement des différends, sur le respect intégral des compétences Aujourd'hui, le premier ministre disait qu'il fallait qu'il interroge aussi sur l'énergie

Les gens qui ont suivi cela à la minute et à la seconde n'ont plus de réponse tout à coup il faut qu'ils aillent chercher les réponses Cela nous apparaît assez drôle Je pense que cela justifiait l'Opposition d'exiger une commission parlementaire, tout au moins une commission parlementaire très préliminaire, sachant très bien que c'est technique et que des experts pourront se prononcer un peu plus tard, probablement en janvier Mais, au moins, qu'on donne, dans les meilleurs délais, la chance aux citoyens et aux experts de se prononcer sur cette entente de libre-échange

D'autant plus, je le rappellerai, M le Président, que ce même gouvernement, depuis un certain temps, à la suite de son adhésion à l'Acte constitutionnel de 1982 ou aux amendements constitutionnels de 1982, a fait des concessions majeures dans certains programmes On sait que présentement, on l'a vu par le ministre de l'Industrie et du Commerce, il se fait des "deals" dans les coulisses pour obtenir l'adhésion des provinces à l'entente du lac Meech Donc, on est en droit de regarder si, dans cette entente qu'on a présentement devant les yeux, ce n'est pas le même trafic ou les mêmes sortes de "deals" qui se font dans les coulisses

Donc, on va poser des questions sur cet ensemble On va demander des clarifications sur certains points On va également demander aux deux ministres C'est dommage qu'on n'ait pas l'ensemble, la brochette Ce serait intéressant d'avoir la brochette, par exemple, en agriculture, pour regarder les différences qu'il y a entre le ministre du Commerce extérieur et le ministre de l'Agriculture dans leurs réponses D'ailleurs, je pense que le premier ministre a compris qu'il ne fallait pas les lancer tous dans la même barque. II nous en a envoyé deux. On va les Interroger du mieux qu'on le peut Le premier ministre lui-même s'est soustrait à cette commission, M le Président

À moins que mon collègue ait quelques mots à ajouter, je pourrais commencer à interroger les deux ministres

Le Président (M. Charbonneau): Puisque je ne voudrais utiliser les 20 minutes en entier comme réplique, |e pense que je peux donner l'occasion au député de Bertrand de compléter

M. Parent (Bertrand): Je n'en abuserai pas, M le Président

Le Président (M. Charbonneau): Je n'en doute point, mon cher collègue

M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): Merci, M le Président Dans les remarques préliminaires, je tiens à faire certaines mises au point afin de bien situer te débat Je rappellerai au ministre du Commerce extérieur et aux membres de cette commission la position que j'ai défendue, et je pense que j'ai toujours été le porteur de dossier au Parti québécois depuis que je suis là quant au libre-échange. Je n'ai tenu qu'un style de langage et je tiens toujours le même. Je vais le répéter pour le bénéfice de cette commission et du ministre. Nous avons toujours été favorables à la libéralisation des échanges. Si le ministre ne s'en souvient pas, que ce soit dans n'importe quelle conférence ou articles de journaux qui ont pu être publiés, le ministre en a cité quelques-uns tantôt, j'ai toujours maintenu le même cap au même endroit

En commission parlementaire, entre le 15 septembre et le 30 septembre 1987, M le ministre vous avez répété à je ne sais combien de reprises au moins à 20 ou 30 reprises, que vous étiez d'accord avec le député de Bertrand parce que nous vous disions. Voici les préoccupations que nous avons nous demeurons totalement d'accord pour une libéralisation des échanges, mais attention parce qu'on pense qu'il va y avoir des endroits où le Québec perdra de la compétence et des secteurs qui vont y passer

Vous avez passé trois semaines en commission parlementaire, au salon rouge, à nous expliquer qu'il fallait vous faire confiance. Vous nous avez dit pendant trois semaines M le député de Bertrand écoutez, nos conditions sont là on va les respecter, prenez-en ma parole Cela a été appuyé par le premier ministre à l'ouverture et à la fermeture. Or, mes dernières paroles en commission parlementaire, le 29 septembre dernier, ont été. Je veux bien prendre votre parole, M le ministre, mais je vous dis que, lorsque nous aurons l'entente de principe, le 3 octobre, on va se reparler et on va dialoguer

Les événements ont fait qu'entre le 3 octobre et maintenant. II s'est passé beaucoup de temps avant que nous ayons l'entente finale. Dès que nous avons eu l'accord de principe, je vous rappellerai qu'on a commencé à être très inquiets. Après avoir parlé avec des gens de votre formation politique et après avoir parlé avec vous, M le ministre, nous pensons que vous êtes aussi très préoccupés par des questions qui sont là-dedans, sauf qu'on a peut-être des approches différentes, à savoir que vous partez du principe que vous dites oui au libre-échange Le premier ministre, en tête, a tenu ses propos. Je l'ai dit publiquement et je le répète, je n'ai jamais été d'accord avec cette façon de négocier du premier ministre du Québec qui dit à tous les vents qu'il est absolument d'accord, pratiquement à n'importe quelle condition, puisqu'il a dit qu'il était d'accord avec l'entente au lendemain de sa publication alors qu'il n'en avait pas encore pris connaissance. Depuis une semaine, vous en conviendrez, vous même, M le ministre et le premier ministre, vous commencez à dire Oui, sous réserve que

On a beaucoup de réserves, on a beaucoup de questions On ne prétend pas, de ce côté-ci, avoir le monopole de la vérité. On a passé deux heures en "briefing" avec vos gens, tantôt, cela m'a fait plaisir, je remercie le gouvernement de m'avoir permis d'y assister avec certains collaborateurs, mais je suis sorti de là et je dois dire que je ne suis pas plus éclairé. Certaines lumières ont été apportées mais je ne suis pas plus éclairé et j'estime que |e m'occupe de ce dossier depuis passablement longtemps imaginez-vous comment la population le comprend? On revient à des choses fondamentales. On ne revient même pas aux conditions que le Parti québécois, l'Opposition avait posées, on revient aux conditions fondamentales, c'est-à-dire aux sept conditions. On revient juste à cela

Si vous êtes capables, à cette commission parlementaire, aujourd'hui de nous faire la démonstration claire nette et précise de ces points, on va peut-être tenir un langage différent mais il faudra nous en faire la démonstration parce que plusieurs points nous inquiètent Ce n'esst pas tenir des langages nuancés, ce n'est pas être tout croche que de penser ainsi Moi je parle avec conviction et j'ai la ferme conviction que, si la balle est dans votre camp, si le gouvernement du Québec le ministre du Commerce extérieur et le ministre des Relations internationales sont capables de nous donner les réponses aux questions que nous posons, nous changerons peut être d'idée. Mais il y a toute une marge parce que c'est loin d être prouvé

On ne charrie pas, on ne fait pas de la politique pour faire de la politique, pour dire que cela paraît bien et qu'on mène le diable Je pense que le ministre du Commerce extérieur devra reconnaître qu'on a tenu un langage correct en commission parlementaire le 15 septembre dernier. La même chose s'est passée depuis ce temps et je n'ai pas I'intention, quant à moi de changer d'idée. Vous comprendrez que c'est tout à fait légitime que nous ayons des questions à poser et je défie qui que ce soit, parmi les 122 députés de l'Assemblée nationale, parmi les 99 qui forment le parti au pouvoir, de me dire. J'ai l'assurance qu'on est totalement couverts par le couvercle de bord en bord

Je vous rappellerai en terminant que c'est vrai que, lorsqu'on recule deux ans en arrière, le but était de se protéger contre la montée du protectionnisme américain. C'est vrai Mais souvenez-vous qu'il y avait une autre condition fondamentale, M le ministre, c'était d'avoir l'accès garanti au marché américain. Depuis longtemps et jusqu'en juin dernier, on parlait toujours de l'accès garanti au marché américain,

et vous savez fort bien qu'on ne l'a même pas actuellement. C'est Important. (16 h 45)

Je vous rappellerai aussi que, s'il y a quelqu'un qui a changé d'idée, c'est peut-être M. Bourassa, parce qu'en mai, juin et septembre 1985 - on a des articles de journaux pour le prouver - il se disait contre le libre-échange. Alors qu'on ne vienne pas aujourd'hui me faire la leçon et dire: J'ai changé d'Idée. L'idée est toujours la même. On a une "job" à faire. Vous avez une "Job" à faire. Le gouvernement doit s'assurer que cette entente... parce que dans cinq, dix ou vingt ans, peut-être qu'on ne sera plus là, mais que l'on soit dans une entreprise, au Parlement ou n'importe où, et vous aussi, M. le ministre, on voudrait être sûrs qu'on est capables de vivre avec une entente.

On a la profonde conviction au moment où l'on se parte, peut-être que nos recherchistes sont en mauvaise ligne, peut-être qu'on a mal compris, mais on a la profonde conviction qu'il y a des pouvoirs importants que l'on perdra. Si on perd ces pouvoirs, je vous garantis qu'on se ramasse dans une pente glissante et vous en porterez... parce que l'Opposition n'a pas la prétention qu'on va faire arrêter le traité Quant à la procédure, vous conviendrez que c'est un peu dommage qu'on se ramasse à 17 heures le 16 décembre, mais on a au moins une place pour se parler franchement. Mais vous conviendrez que te 2 janvier prochain - c'est dans deux semaines - le premier ministre du Canada va signer, et on y reviendra tantôt. Dans probablement 24 heures, il aura l'approbation avec une tape sur l'épaule du premier ministre du Québec et c'est lourd de conséquences. Je ne pense pas qu'on doit juste dire: Oui, bravo, on a gagné une victoire. Ce n'est pas une question de victoire, c'est une question de dire: Cette entente-là, est-ce que le gouvernement du Quéfbec est vraiment capable de l'endosser? J'y reviendrai plus tard.

Le Président (M. Charbonneau): Avant qu'on aille plus loin, je voudrais qu'on s'entende un peu sur la façon dont on va procéder. Là on a eu des remarques préliminaires de part et d'autre. À moins que vous désiriez avoir un bref temps de réplique, on pourrait engager la discussion sur les points particuliers.

M. Chevrette: J'aimerais que ce soit le plus informel possible pour qu'on puisse poser le plus de questions possible. Compte tenu qu'on a à peine trois heures et dix de questions ou à peu près au maximum, il me semble qu'on va essayer d'avoir les questions les plus brèves et peut-être escompter que les réponses seront les plus brèves aussi, de sorte qu'on pourra faire...

Le Président (M. Charbonneau): Je vous dis tout de suite que je n'ai pas de problème à fonctionner et je pense qu'éventuellement le vice-président qui va prendre la relève tantôt n'en aura pas non plus. La seule chose c'est que, de part et d'autre, si on commence à faire des débats de procédure ou à faire des débats sur des interprétations, on n'en finira plus. Si les questions et les réponses non seulement sont brèves, mais permettent surtout un échange de propos, je pense qu'il n'y a pas de problème, on peut fonctionner en permettant l'échange et si on aborde une question, iI faudrait |uste être conscients qu'on a un temps limité. Alors, il ne faudrait pas passer trois quarts d'heure ou une heure sur un sujet et se rendre compte une demi-heure avant la fin qu'on n'a pas abordé la moitié des questions qu'on voulait aborder. M. le ministre.

M. MacDonald: Auriez-vous objection à ce que mon collègue puisse faire une présentation d'introduction? D'accord?

Le Président (M. Charbonneau): II n'y a pas de problème. Donc, il y aura une brève réplique éventuelle du côté de l'Opposition pour que l'on puisse par la suite engager la discussion.

M. MacDonald: Comme le dit M. le chef de l'Opposition, nous verrons.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors, M. le ministre.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Oui, brièvement, M. le Président, simplement pour dire que cet accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, c'est le résultat d'une négociation serrée et bien menée entre le Canada et les États-Unis, mais c'est aussi une expérience de relations fédérales-provinciales tout à fait uniques dans notre histoire, dans le sens que nous avons été associés comme gouvernement provincial à ces discussions. Nous n'étions pas à la table de négociation directement, mais nous étions associés par différentes consultations à ces discussions, à ces négociations avec le gouvernement américain. Le résuttat que nous avons est donc à ce niveau-là intéressant et c'est une première en matière de relations fédérales-provinciales.

Pourquoi avons-nous été associés de si près, M. le Président? C'est parce que, selon le droit constitutionnel canadien, le gouvernement fédéral peut faire les traités qu'il veut, dans les domaines qu'il veut, mais lorsqu'il s'agit de domaines de compétence provinciale, il doit se référer aux provinces pour appliquer le contenu de ces traités qui se réfèrent à des compétences provinciales. Or, il est évident que, dans ce cas-ci, dans le cas de cet accord de libre-échange Canada-États-Unis, qu'il y a beaucoup de sujets qui peuvent se référer d'une façon directe ou indirecte à des domaines de compétence provin-

ciale, que ce soit la question du traitement national, que ce soit la question de l'énergie, de l'agriculture, des services et j'en passe, ce sont des sujets de compétence provinciale. Donc, au départ, iI faut comprendre que cet accord ne peut être appliqué dans son intégralité que dans la mesure où les provinces pourront participer à la mise en oeuvre du traité. Quand je dis "participer", M. le Président, et j'insiste sur ce terme, il ne s'agit pas de conclure que, parce que ce traité implique des compétences provinciales, par le fait même nous cédons des compétences provinciales.

Absolument pas! On ne cède pas de compétence provinciale. Ce que nous faisons, c'est utiliser nos compétences pour appliquer le traité dans la mesure où ce traité fait notre affaire. S'il ne faisait pas notre affaire, on dirait tout simplement: On ne l'applique pas parce que ce n'est pas selon les intérêts du Québec. Mais dans la mesure où nous complétons notre analyse et que nous en arrivons à la conclusion que ce traité est une bonne affaire pour le Québec, nous utilisons nos compétences qui sont Impliquées dans le traité et nous les utilisons pour appliquer le traité. Ce n'est pas une concession que nous faisons Nous ne touchons pas à nos compétences législatives. Nous conservons toujours la plénitude de nos compétences législatives. Ce que nous faisons, c'est un geste de souveraineté - c'est un mot qui va plaire à l'Opposition - et nous prenons nos compétences pour mettre en application le traité en ce qui regarde le territoire québécois. C'est sur ce territoire québécois que s'appliquent nos compétences législatives. Et si, à un moment donné, ça n'allait pas, s'il y avait des problèmes, si les circonstances changeaient et si on voyait que ça n'allait pas, il sera toujours possible, toujours par le principe de la souveraineté de l'Assemblée nationale du Québec, toujours en fonction du principe de l'intégralité des compétences législatives québécoises, de revenir et d'agir en conséquence.

J'insiste sur ce point, M. le Président: il est possible d'appliquer ce traité, cet accord de libre-échange Canada-États-Unis sans modifier la constitution canadienne. C'est cela, le principe. On peut appliquer ce traité sans modifier la constitution canadienne. On le fait en tout respect du partage des compétences législatives provinciales, fédérales, et on le fait en participant avec le gouvernement fédéral pour qu'ensemble on applique un traité qui, croyons-nous, va dans le sens des intérêts du Québec.

Il y a différents sujets qui méritent une étude approfondie, comme par exemple le processus de mécanisme de règlement des litiges Avoir un traité, c'est une chose. Avoir une entente, c'est une chose. Avoir le mécanisme pour faire respecter cette entente, c'est quelque chose d'aussi important. Dans ce cadre, on peut être satisfaits des mécanismes de règlement que nous avons dans l'entente, des mécanismes de règle- ment qui permettent l'interprétation de l'accord et qui permettent de résoudre des points litigieux qui pourraient survenir dans l'application de l'accord.

Là encore, il s'agit de voir au respect des compétences provinciales et il s'agit de voir aussi là encore à ce que les intérêts du Québec soient respectés. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que le Québec soit présent, que le Québec puisse avoir sa place, que le Québec puisse, dans la mesure où ses lois, ses règlements, ses mesures administratives ou ses directives, en fait, sa situation économique puissent être touchés par une interprétation de cet accord de libre-échange, que le Québec puisse être impliqué pour faire en sorte que ses intérêts soient respectés.

M. le Président, en terminant, parce que je veux, moi aussi, qu'on puisse procéder très informellement et répondre aux questions de l'Opposition, je voudrais insister sur un point, c'est-à-dire qu'on peut appliquer ce traité sans modification à la constitution canadienne. Il n'est pas question pour le Québec de céder des compétences législatives. Il est question strictement de participer, avec le gouvernement fédéral, à la mise en oeuvre d'un traité que nous considérons comme un traité intéressant pour le Québec. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le chef de l'Opposition.

Discussion générale

M. Chevrette: M. le Président, à la suite des propos du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, j'aurais une première question. Tout d'abord, puisqu'il a parlé d'intégralité des compétences ou de la souveraineté du Québec, pour lui, il semble bien qu'il n'y a pas de problème Je vais lui demander comment il concilie, dans un premier temps, ce qu'il avance avec l'article 103, l'étendue des obligations, qui dit: "Les parties au présent accord veilleront à ce que toutes les mesures nécessaires soient prises pour donner effet aux dispositions de l'accord, y compris à leur observance, sauf stipulation contraire dans les présentes, par les gouvernements des États et des provinces et les administrations locales". Est-ce qu'il considère que ce n'est pas un frein, une limite ou une entrave à l'exercice des compétences du Québec?

M. Rémillard: L'article 103 se réfère à la situation du droit constitutionnel tel que nous le vivons et tel que je l'ai expliqué tout à l'heure, c'est-à-dire que le fédéral ne peut pas prendre plus de responsabilités qu'il en a selon la constitution canadienne. Or, la constitution canadienne lui dit qu'il peut faire les traités qu'il veut, mais pour l'application du traité dans les domaines de compétences provinciales, il doit avoir l'assentiment des provinces Alors, ce que

l'article 103 dit, c'est que le fédérai doit certainement essayer d'établir un consensus, de pouvoir faire en sorte que l'ensemble de la fédération canadienne appuie cette entente de libre-échange.

M. Chevrette: M. le ministre...

M. Rémillard: Laissez-moi terminer, si vous le permettez. Mais il demeure une chose. D'abord, on va régler le cas du niveau municipal. Les municipalités sont des créatures législatives des provinces. Une Législature provinciale, le Parlement du Québec peut décider qu'aujourd'hui la municipalité existe et, demain, iI peut dire qu'elle n'existe plus. Une province existe aujourd'hui, mais le gouvernement fédéral ne peut pas dire: la province existe aujourd'hui, mais demain elle n'existe plus. Ce n'est pas la même chose.

En ce qui regarde strictement la question des provinces, c'est que l'article 103 va permettre au gouvernement fédéral de pouvoir créer un consensus dans la mesure où les provinces vont vouloir y participer.

M. Chevrette: Comme vous le dites, vous êtes d'accord avec le traité, mais lorsque le fédéral va vous demander de limiter vos compétences constitutionnelles, même celles qui vous sont dévolues par la constitution, comme vous allez adhérer au traité - si j'ai bien compris vos propos, vous voulez le ratifier - vous allez vous prononcer de quelle façon, tout d'abord? Il serait peut-être intéressant de voir quel sera votre processus de ratification.

M. Rémillard: II y a deux questions dans...

M. Chevrette: Oui. Mais on pourra revenir à la première...

M. Rémillard: À la deuxième.

M. Chevrette: ...si vous me dites le processus de ratification.

Processus de ratification

M. Rémillard: Le processus de ratification. Il faudrait voir, tout d'abord - c'est l'étude que nous faisons présentement - s'il serait nécessaire de modifier des lois ou des règlements ou toutes autres directives provinciales pour être en concordance avec le texte de l'accord du libre-échange. Il faudrait voir cela. Si on en arrivait à la conclusion - mais, à première vue, il ne semble pas qu'il y ait beaucoup de cas dans ces circonstances - qu'il fallait changer des lois, on changerait les lois. Mais attention, ce que je veux vous dire, c'est ceci: C'est que si on change la loi parce qu'on veut être conformes à l'accord de libre-échange, c'est un geste de notre souveraineté, c'est-à-dire qu'on ne concède pas la souveraineté, on l'exerce en modifiant la loi. Une loi se modifie toujours par une autre loi. Si jamais cela ne fait pas notre affaire, on revient avec une autre loi et on change la loi encore une fois.

Quelles seraient les conséquences, à ce moment-là, si on revenait sur notre parole? Les conséquences seraient politiques et économiques. On aurait à subir les conséquences de l'autre côté.

M. Chevrette: M. le ministre, allez-vous adhérer au traité du libre-échange par loi ou par décret, conformément à l'article 15 de la loi constitutive de votre ministère? (17 heures)

M. Rémillard: Pour le moment, on est en train d'étudier les différentes implications. Ce que je viens de vous dire, c'est que s'il fallait procéder par loi pour adapter chaque loi, nous pourrions le faire dans la mesure où iI faudrait modifier des lois, ce qui n'est pas absolument pas sûr pour le moment. Si nous devions procéder par règlement, nous pourrions le faire aussi. Tout ce que nous voyons actuellement c'est par acte exécutif, mais cela reste encore à voir, nous sommes à étudier cette situation.

M. Chevrette: M. le ministre du Commerce extérieur a clairement identifié au mois de septembre dernier, si ma mémoire est fidèle, qu'il était favorable à une ratification officielle par le Québec. À quel type de ratification pensiez-vous à l'époque?

M. MacDonald: À ce moment-là, j'ai dit - et je vais me rappeler l'esprit de ce que j'ai dit plutôt que les mots - qu'une entente qui revêtait une aussi grande importance pour la population du Québec devrait faire le sujet d'une ratification ou d'une approbation des élus du peuple. Je pense que c'est ce que j'ai dit.

M. Chevrette: ...par la voie législative?

M. MacDonald: II peut y avoir différents véhicules. Ce peut être une motion présentée en Chambre ou autrement. Je ne suis pas un expert en matière de législation. J'ai dit: Soumis aux représentants du peuple.

M. Chevrette: Bon! Je suppose que l'Assemblée nationale du Québec, vous me permettez, ratifie ou par loi ou par motion le traité de libre-échange et que ce traité de libre-échange automatiquement vient heurter certaines compétences ou limiter l'exercice de certaines compétences du Québec. Est-ce que cela vous oblige à changer la loi du Québec?

M. MacDonald: Cela ne heurterait pas les compétences du Québec. Si nous étions en désaccord avec une ou des clauses qui feraient que le Québec ne voudrait pas adhérer au traité tel qu'il est, nous exercerions, à ce moment-là,

ce qui est notre prérogative, c'est-à-dire notre compétence législative. Nous sommes d'accord à l'heure actuelle, sous réserve d'une vérification finale et de réponse à nos questions. À ce moment, nous ne faisons, comme il a été dit, qu'exercer cette compétence d'une façon positive en n'abdiquant absolument rien.

M. Chevrette: Donc, vous votez pour une motion ou pour une loi qui vise non pas à vous enlever des compétences, mais à limiter certaines compétences. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation?

M. Rémillard: Ce n'est pas limiter, au contraire.

M. Chevrette: Limiter l'exercice du droit.

M. Rémillard: C'est permettre l'exercice complet du droit en fonction des intérêts du Québec. Pour nous, les intérêts du Québec c'est d'adhérer donc à cet accord. Ce qui signifie par conséquent que, dans certaines circonstances, dans certaines fins, en fonction de l'accord, il pourrait y avoir des modifications pour être en conformité avec l'accord.

M. Chevrette: Prenons un exemple concret.

M. Rémillard: Prenons un exemple concret, oui.

M. Chevrette: Prenons l'électricité. M. Rémillard: Oui.

M. Chevrette: En vertu de la constitution signée en 1982, à laquelle vous avez adhéré en 1987 - cela ne fait pas tellement longtemps - vous avez un pouvoir de champ de taxation pour l'exportation de l'hydroélectricité, formellement dans l'accord constitutionnel de 1982. Je pourrais vous lire le passage.

M. Rémillard: Oui, oui, à 92A.

M. Chevrette: "La Législature de chaque province a compétence pour prélever des sommes d'argent par tout mode ou système de taxation des ressources naturelles", etc.

M. Rémillard: C'est cela. M. Chevrette: 92A. M. Rémillard: Oui.

Étendue des obligations et respect des compétences du Québec

M. Chevrette: Par rapport à l'article 904,1b du traité du libre-échange qui se lit comme suif "La partie n'impose pas, au moyen de mesures telles que des licences, des droits, des taxes et des prescriptions de prix minimaux...' etc., est-ce que vous ne limitez pas la compétence qui vous est dévolue en vertu de la constitution de 1982 ou vous ne suspendez pas l'effet positif d'une compétence en signant ou en adhérant au traité de libre-échange?

M. Rémillard: Absolument pas. La compétence est là. 92A nous donne cette compétence de taxer. Ce que nous disons c'est que nous allons tout simplement nous conformer à cet accord et nous ne ferons pas de taxe pour faire en sorte que la situation soit à rencontre de l'accord. La compétence demeure toujours là. 92A ne sera pas modifié, il sera toujours là. Si jamais cela ne fait pas notre affaire, nous y reviendrons. Mais nous ne changeons pas la compétence législative. On ne touche pas à 92A.

M. Chevrette: M. le ministre, je ne suis pas juriste, mais si vous adhérez au traité du libre-échange, sans être avocat, vous pouvez au moins reconnaître que le droit ou la capacité que vous aviez, vous vous privez de l'exercer. Appelions cela comme on le voudra, vous le gardez sur papier, mais vous vous privez, en y adhérant officiellement, d'un pouvoir concret que vous aviez entre les mains. Oui ou non?

M. Rémillard: Écoutez, nous avons la capacité. Elle est là parce que la compétence c'est la capacité. En fonction d'un engagement politique sur le plan international et sur le plan fédéral-provincial, nous nous engageons à ne pas l'exercer pour un certain temps en fonction de nos intérêts, mais la compétence demeure toujours là. On ne touche pas à la compétence.

M. Chevrette: D'accord. Reprenons l'article 103 dans ce cas-là.

M. Rémillard: Oui.

M. Chevrette: Les parties, donc les États-Unis et le Canada, doivent prendre toutes les mesures pour donner effet aux dispositions de l'accord. Étant donné que l'accord suspend l'exercice des compétences et des droits, est-ce que vous ne reconnaissez pas que, en vertu de l'article 103, dès que vous adhérez officiellement à l'entente, vous gardez théoriquement des compétences, mais vous acceptez que l'exercice de ces compétences soit suspendu le temps que vous appliquez le traité de libre-échange.

M. Rémillard: Écoutez bien. Ce n'est pas exceptionnel comme mesure. On a fait cela à plusieurs reprises, tant sous le précédent gouvernement que présentement, dans le sens que, chaque fois qu'on applique un traité international qui a été conclu par Ottawa dans un domaine de compétence provinciale... Il y en a eu plusieurs; il y en a eu, par exemple, en ce qui regarde les

droits et libertés de la personne, il y en a eu en ce qui regarde les conditions de travail avec l'OIT, les conventions de travail. Comment cela se passe-t-il? Cela se passe exactement de la même façon. On dit: On a compétence sur le droit civil, on a compétence sur le droit des personnes, mais un traité a été négocié; on considère que c'est un bon traité et on va l'appliquer chez nous. Qu'est-ce qu'on fait? À ce moment-là, on utilise nos compétences législatives et, en fonction du traité, on va exercer ces compétences, mais en conformité avec le traité. C'est ce qu'on fait. La situation est pareille. Ce n'est pas une situation exceptionnelle qu'on vit avec cette entente. Il ne faut pas penser que c'est la première fois que cela nous arrive. Ce sont des circonstances que l'on vit continuellement, chaque fois qu'il y a un traité international qu'on doit appliquer ici. Il n'y a rien d'exceptionnel.

M. Chevrette: M. le ministre. Supposons qu'il y a une situation financière difficile et que vous êtes en train de négocier une vente d'hydroélectricité et que c'est là un revenu pour l'État - je ne sais pas, une taxe, par exemple, de 8 % sur 25 000 000 000 $ de contrat, cela commence à faire quelques piastres, c'est un revenu pour le Québec pour X années. Dès que vous adhérez au traité sur le libre-échange, vous vous êtes nommément inscrits en faux dans l'exercice de ce droit que vous avez puisque vous seriez soumis aux mesures de représailles des Américains en vertu du traité auquel vous avez adhéré.

M. MacDonald: Je pense qu'il faut le regarder... Je vais chercher un exemple, je fais référence à l'article 904.1b et je vous demande de le lire avec moi. C'est écrit: "La partie n'impose pas, au moyen de mesures telles que des licences, des droits, des taxes et des prescriptions de prix minimaux, un prix à l'exportation plus élevé." L'explication s'applique ici. Les Américains ont demandé la chose et c'était orienté principalement vers les entreprises privées, surtout dans le secteur des énergies non renouvelables, entreprises privées qui pouvaient passer un contrat avec une autre entreprise privée ou une société d'État au sud de la frontière pour la livraison de X millions de pieds cubes de gaz, par exemple. Les États-Unis voulaient se prémunir contre la possibilité que, au-delà de l'entente commerciale intervenue entre les deux parties, une province puisse, à son gré, à un moment donné, imposer une taxe additionnelle qui changerait le contenu de l'entente commerciale et le prix final,

Vous me permettez, en vous donnant cette explication, d'aborder deux aspects, c'est-à-dire l'aspect que le facteur déterminant, à l'intérieur des deux tests conservés dans la détermination de prix, pour le Québec et particulièrement pour Hydro-Québec, pour vendre son électricité sous une forme ou sous une autre à des clients américains, c'est le prix que le marché peut prendre au moment où la vente se fait, selon les conditions que la vente est faite. La présente clause dit à toutes fins utiles... Disons que le prix est de six mills - c'est un prix exclu de taxes, spécifiquement imposé. Ce que les Américains ne voudraient pas voir - et on s'entend pour respecter ceci - c'est que, après avoir établi six mills, en sus du contrat signé par Hydro-Québec, le gouvernement du Québec dise, comme vous venez de le dire: Cela ferait notre affaire d'imposer une taxe de 8 % de plus là-dessus. C'est cela, le contexte et l'explication de ce...

M. Chevrette: Je comprends et je vous suis, mais en adhérant au traité de libre-échange, vous acceptez de limiter, dans le temps en tout cas, le temps que vous vous conformiez au traité, vous acceptez de vous soustraire à un pouvoir, à une compétence que vous auriez de toute façon au niveau même de la constitution.

M. MacDonald: Oui, nous acceptons des termes, une façon de faire le commerce de cette énergie qui est la nôtre pour la vendre. On dit qu'on n'ira pas, en soubresaut par l'intervention d'une tierce partie, fausser un contrat qui pourrait intervenir et ce, pour la durée...

M. Chevrette: Donc, on accepte temporairement - c'est ce que je croyais comprendre...

M. MacDonald: De ne pas se servir...

M. Chevrette: ...de fonctionner selon un système, donc de se soustraire à une capacité qu'on aurait d'agir autrement en vertu des compétences.

M. Rémiliard: Non, non, on ne se soustrait pas à une compétence, parce qu'on la garde continuellement et on l'exerce pour agir comme on agit. Ce que je veux dire, c'est que la situation serait la même. Prenez l'exemple, dans le secteur privé, d'une compagnie qui ferait un "joint venture" avec une autre compagnie. Il y a des avantages à se joindre à une autre compagnie: un marché plus grand, des capitaux plus importants, une nouvelle technique, toutes sortes d'avantages, mais iI y a aussi certaines contraintes qui viennent du fait d'être associé, ce qui veut dire souveraineté-association, trait d'union, pas de trait d'union. En fait, c'est tout cela. C'est la possibilité d'être associé et d'avoir les avantages de l'association tout en ayant aussi les limites, bien sûr, mais vous conservez toujours... À un moment donné, vous dites: Cela ne va pas mon affaire, c'est terminé, on s'en va.

M. Chevrette: Si on suivait votre raisonnement, M. le ministre, ce serait écrit: Les parties au présent accord veilleront à ce que toutes les

mesures nécessaires à l'intérieur de leurs compétences réciproques soient prises pour donner effet... Ce serait logique, ce ne serait pas le fédéral qui viendrait conditionner les compétences du Québec. Ce n'est pas cela qui est écrit. Ce n'est pas à l'intérieur de leurs compétences respectives.

M. Rémillard: Pour moi, il me semble que c'est évident, non seulement il me semble: mais c'est évident, le fédéral ne peut pas faire des choses, il n'a pas la capacité, selon la constitution, de faire... Cette entente, ce traité ne modifie pas la constitution du Canada.

M. Chevrette: Est-ce que le fédéral aurait le droit d'exercer des représailles contre le Québec qui ne se conformerait pas, par exemple, aux mesures...

M. Rémillard: Quelles sortes de représailles? M. Chevrette: ...après que vous avez...

M. Rémillard: Qu'est-ce que vous voulez dire?

M. Chevrette: ...s'il mettait une taxe, par exemple, parce que vous ne vous conformez pas, si le fédéral vous flanquait une taxe à titre de représailles, une taxe à l'exportation, je ne sais pas?

M. Rémillard: Non, il faut qu'à ce moment-là, s'il y a un pouvoir de taxation du fédéral qui est constitutionnel et s'il veut l'utiliser, il le peut, c'est certain, mais toujours dans le cadre de la constitution. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que l'accord ne change pas ia constitution. Pour modifier la constitution, il faut prendre la formule d'amendement qui existe dans la constitution actuelle. Or, aussi longtemps qu'on n'a pas utilisé cette formule d'amendement, on ne la modifie pas. De toute façon, pour appliquer l'accord, on n'a pas besoin de modifier la constitution. Donc, le Québec conserve toutes ses compétences; elles ne sont pas touchées comme telles.

M. Chevrette: Mais, M. le ministre, vous avez la compétence d'imposer une taxe, vous avez la compétence d'aider les entreprises à l'aide de votre tarification hydroélectrique, de voir que des Québécois puissent s'implanter dans une région. Par exemple, c'est nous qui décidons par le Code des professions ce que cela prend pour être un architecte, etc. On les a tous, ces pouvoirs, je n'en disconviens pas. Ce que je veux dire, ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est qu'à cause du traité du libre-échange, même si on conserve tous ces pouvoirs théoriques, on ne peut pas utiliser dans les faits ces pouvoirs si ce n'est qu'en conformité avec le traité du libre-échange. Vrai ou faux?

M. Rémillard: Faux.

M. Chevrette: Bien voyons!

M. Rémillard: On les conserve toujours. Vous essayez de me faire comprendre des choses; mol aussi, j'essaie de vous faire comprendre des choses.

M. Chevrette: Oui, mais vous ne pourriez pas les utiliser.

M. Rémillard: Ce que j'essaie de vous dire, c'est que la compétence sera toujours là et que, si cela ne fait pas notre affaire, on pourra toujours... Si c'est une loi qu'on a faite avant, on fera une autre loi qui ira à l'encontre, si c'est une mesure administrative ou exécutive, on en fera une autre. Ce que je veux vous dire c'est que la compétence comme telle n'est pas touchée. (17 h 15)

M. Chevrette: Donc, on pourrait ratifier, avec une loi, le traité du libre-échange, demain matin et dans six mois adopter une autre loi pour dire le contraire

M. Rémillard: Bien sûr, vous pouvez faire cela légalement. Politiquement, vous allez en subir les conséquences.

M, Chevrette: Vos paroles vont se rendre au fédéral. Ils vont voir le sérieux de vos propos.

M. Rémillard: On n'a pas l'intention...

M. MacDonald: Le gouvernement fédéral peut révoquer lui-même l'entente au complet avec un avis de six mois.

M. Rémillard: Légalement, il faut comprendre...

M. Chevrette: Mais vous avez signé le traité de libre-échange.

M. Rémillard: Légalement, cela se peut. Politiquement, cela serait difficile.

M. Chevrette: Demain matin, vous avez ratifié, par une loi, le traité de libre-échange.

M. Rémillard: Oui. Si cela se faisait par une loi... Ce n'est pas sûr qu'on va faire cela.

M. Chevrette: Je part de ce qu'il a dit tantôt une motion ou une loi, mais en tout cas soumis aux élus du peuple.

M. Rémillard: On va voir cela.

M. Chevrette: Les élus du peuple, ce n'est donc pas le ministre délégué aux Affaires

intergouvernementales qui du haut de sa chaire va décréter cela. J'ai compris que les élus du peuple, c'était un peu plus que le ministre des Affaires intergouvemementales.

M. Rémillard: On a va étudier cela.

M. Chevrette: II a beau être ministre pancanadien, il y a des limites.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Si vous décidiez demain matin - n'importe lequel des deux - d'imposer une taxe pour l'exportation de l'hydro-électricité, ou si vous décidiez demain matin de ne pas donner le même traitement à une compagnie américaine qui veut s'établir ici ou si vous décidiez de dire: On va foutre en l'air les normes pour devenir un architecte au Québec, parce que c'est notre Code de profession, vous mettriez fin unilatéralement et vous seriez passibles de représailles. Vous ne pouvez pas adhérer et avoir l'intention dans six mois de vous fouter du monde.

M. Rémillard: C'est cela. À un moment donné, on va avoir les conséquences de cela. C'est là qu'il faudra analyser les conséquences face aux bénéfices et dire: Qu'est-ce qu'on fait?

M. Chevrette: Vous êtes donc conscient - et je vous remercie d'avoir répondu dans ce sens - c'est bien sûr que vous ne feriez pas cela le lendemain matin. Vous n'imposeriez pas une taxe pour l'exportation d'hydroélectricité. Comme vous allez accorder - si vous adhérez, comme vous le dites - le même traitement à une compagnie américaine qu'à une compagnie québécoise, vous suspendez, en adhérant, l'effet des pouvoirs que vous avez, de faire différemment, oui ou non?

M. Rémillard: Chaque fois qu'on fait une association, que ce soit dans le domaine privé ou dans le domaine public, chaque fois que vous vous associez, par le fait même, vous acceptez certaines limites à vos possibilités d'action.

M. Chevrette: Enfin, vous avez dit le mot "limites".

M. Rémillard: Cependant, vous ne concédez pas votre possibilité d'action.

M. Chevrette: Je n'ai pas dit que vous le concédiez, j'ai dit que vous le limitiez...

M. Rémillard: ...en ce sens que vous acceptez que, dans certaines circonstances, à certaines fins et volontairement, vous puissiez agir en fonction d'un but que vous vous êtes fixé en vous associant. Mais vous demeurez - et c'est ce qui est important dans ce cas-ci - vous ne mettez pas de côté, à tout jamais, vos pos- sibilités d'action et vous pouvez y revenir à un moment donné. Mais, dans ce cas-ci, vous avez à subir des conséquences. S'il y avait des conséquences à subir, H faudrait les analyser et voir ce qui se passe. Normalement lorsqu'on adhère à un traité, c'est parce qu'on a des raisons suffisantes de croire que cela va dans le sens de nos intérêts et on essaie de jouer franc jeu pour que ce traité ait le maximum de chances de s'appliquer avec tous ses bénéfices.

M. Chevrette: J'aurais...

Le Président (M. Charbonneau): Juste...

M. Chevrette: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): J'ai une demande d'intervention du vice-président.

M. Théorêt: Si j'ai bien compris. M. le Président, les deux côtés avaient droit...

Le Président (M. Charbonneau): La seule chose que je voudrais rappeler, c'est la règle de départ sur laquelle les leaders se sont entendus, c'est le temps partagé La réalité du fonctionnement, c'est qu'on a beau avoir le temps partagé, quand on pose une question, cela va plus vite que quand on a du temps pour répondre, Dans les faits, le côté ministériel va plus rapidement qu'autrement épuiser la moitié du temps qui va être consacré à la commission. Dans la mesure où on tient compte de cela, je n'ai pas d'objection à ce que des députés ministériels utilisent aussi du temps de réponse pour poser des questions iI faut que tout le monde soit conscient que... On peut aussi se permettre juste des commentaires. Dans la mesure où on veut être efficaces, il est évident qu'il va peut-être falloir être relativement souples. Au bout du compte, on aura plus de temps de réponse que de temps de question.

Sur ce, je vais d'abord permettre au vice-président, en alternance, de poser ses questions. Après cela, je donne la parole au député de Bertrand.

M. Théorêt: Merci, M. le Président. Juste une question. Moi, j'aimerais savoir s'il y a une différence dans les pouvoirs du Québec, dans ses compétences législatives, avec un accord qui serait signé éventuellement entre le Canada et les États-Unis ou les autres accords qui ont été signés par le Canada, que ce soit le GATT ou d'autres accords internationaux. Est-ce que cette entente Canada-États-Unis a plus d'impact sur les compétences québécoises, les pouvoirs québécois que les autres qui ont été signés ou si c'est la même chose?

M. MacDonald: Le principe est toujours le même. Le principe est toujours sur la même base constitutionnelle. C'est-à-dire qu'il y a un traité qui est fait par le gouvernement fédéral. Le

gouvernement fédéral nous dit Voici, il y a un traité. Très souvent, lorsque cela implique des compétences provinciales, ils nous associent aux traités, aux négociations, aux discussions dans les documents préparatoires et, quand le traité est conclu, on dit. Maintenant, vous pouvez l'appliquer. Pour l'appliquer, il faut voir comment on l'applique. Soit par loi, soit par règlement ou tout simplement en agissant administrativement ou exécutivement en fonction de ce traité Mais le principe est toujours le même C'est la même chose. C'est un traité et puis, d'un côté, il y a les compétences des provinces. Alors, il faut que la province puisse appliquer ses compétences pour appliquer le traité dans les domaines qui se réfèrent à ces compétences

Le Président (M. Charbonneau): M le député de Bertrand

M. Parent (Bertrand): J'ai deux ou trois questions en fonction de ce qui a été discuté précédemment et des réponses qui ont été données. D'abord, au ministre du Commerce extérieur. Comment le ministre explique t il alors qu'il y a trois semaines M Simon Reisman, qui a été quand même le négociateur canadien, disait et déclarait à la presse que, effectivement, en ce qui concerne l'électricité au Québec, il y avait des dangers, que nous étions vulnérables et qu'on s'exposait à la possibilité d'avoir des représailles du côté américain? Comment le ministre peut-il expliquer que M Reisman lui même a déclaré cela, à moins qu'il ait été mal rapporté? Mais on citait ses paroles

M. MacDonald: Bon! en premier lieu, je n'ai pas lu les paroles ni le contexte dans lequel elles ont été dites, mais si je voulais faire une extrapolation, je dirais la chose suivante. Dans l'entente qui pourrait intervenir entre Hydro-Québec et une société qui voudrait s'établir au Québec pour fabriquer des produits, dans le cas théorique de produits qui seraient dirigés totalement vers les États-Unis et qui deviendraient un élément majeur de compétition majeur dans le marché américain, à ce moment-là, Hydro-Québec pourrait, a le droit, est absolument, totalement et complètement libre de négocier la tarification qu'elle voudrait bien négocier avec ladite entreprise

Cependant, le Canada dans le contexte où nous avons voulu nous réserver totalement et entièrement - et je fais appel, par exemple, à cette condition qui, pour nous, était la condition numéro 3 et, qui, pour le gouvernement fédéral, était également la condition numéro 3 - dans le contexte où nous voulions nous garder cette possibilité d'intervenir dans le développement régional ou dans un développement d'un secteur ou d'un créneau industriel particulier et que nous voulions nous garder le droit totalement de subventionner, les Américains ne voulaient pas et ne nous ont pas donné un chèque en blanc pour accorder ou intervenir, d'une façon à créer ce qui serait des pratiques déloyales de commerce

Avec ou sans entente, personne - et à l'intérieur même du marché commun - n'a de ces chèques en blanc dans quelque entente commerciale que ce soit. II y a une liberté d'intervenir, mais si la liberté crée. Et ce n'est pas le cas partout, ce n'est pas le cas dans chaque implantation qu'on pourrait faire, ce n'est pas le cas dans chaque programme qu'on pourrait instituer en aide aux PME ou à d'autres, mais dans le cas particulier où la tarification préférentielle qui pourrait être donnée créerait un privilège déloyal dans ce commerce international, là, on pourrait s'exposer à une mesure en droit compensateur

M. Parent (Bertrand): Deuxième question. Vous avez toujours mentionné, M le ministre, que vous étiez en accord avec une ratification auprès des élus, ici, à l'Assemblée nationale. Selon vos paroles vous ne verriez pas que cela se passe autrement Des propos que j'ai compris de votre collègue, tantôt, iI est loin d être déterminé si I'entente va être ratifiée ou non Est-ce que dans votre esprit à vous, M le ministre, si l'entente est ratifiée ou non par le Québec, est-ce qu elle aura la même portée?

M. MacDonald: Est-ce qu'elle?

M. Parent (Bertrand): Est-ce qu'elle aura la même portée?

M. MacDonald: Là, vous tombez sur un plan juridique et je ne suis pas en possession tranquille de la vérité, en cela comme en bien d'autres choses

M. Parent (Bertrand): Je ne suis pas juriste non plus, M le ministre. Mais, écoutez, est-ce que les élus du peuple québécois qu'on représente ici. Si on ratifie cette entente ou si on ne la ratifie pas, à mon avis, cela fait une différence

M. MacDonald: Oui, une énorme différence

M. Parent (Bertrand): Un énorme différence Bon!

M. MacDonald: Une énorme différence

M. Parent (Bertrand): Mais, pour vous, quel sera l'effet si on décide de ne pas la ratifier, puisque vous êtes d accord pour la ratifier?

M. MacDonald: J'ai dit que je croyais que c'était une entente d'une importance telle qu'elle devait être présentée aux élus du peuple et je maintiens encore cet avis. Et si, pour une raison ou pour une autre, il y avait une façon différente de le faire, je ne changerais pas d'idée. Je considère le sujet trop important pour qu'il passe ailleurs ou différemment que devant les élus du peuple Je pense que c'est clair.

M. Parent (Bertrand): J'ai une dernière question, toujours concernant le respect intégral des compétences législatives. Elle peut s'adresser à l'un ou l'autre des ministres. Si, demain matin ou le 5 janvier, le Québec décidait d'appliquer un des articles de la loi 109 sur le cinéma qui prévoit, entre autres, qu'un "major* américain doit réinvestir 10 % de ses revenus de distribution de films réalisés au Québec dans des productions de films québécois, ne pensez-vous pas que, d'abord, il s'expose à des mesures de représailles de la part des Américains? SI oui, comment va-t-on réagir? Ce sont des faits très précis. Et particulièrement, en matière de cinéma, Mme Flora MacDonald a renoncé tout récemment à aller de l'avant avec son projet de loi qui était similaire au projet de loi 109 en matière de cinéma. Et, cela, c'est important On sait ce qui se passe dans ce domaine. Qu'est-ce qui va se passer demain matin ou au début de janvier si on décide d'aller de l'avant avec les articles du projet de loi 109?

M. MacDonald: En ce qui me concerne, je prends avis de votre question. Je ne vous raconterai pas d'histoire. J'aime mieux vérifier avec mes collègues et revenir sur le sujet. Je n'ai pas de réponse précise ce soir sur cela.

Le Président (M. Charbonneau): Si vous me le permettez, je vais poser une question complémentaire sur le même sujet, mais pas sur la question du cinéma. Si je comprends bien le ministre des Relations Internationales, le gouvernement fédéral ne peut pas signer l'accord au nom des gouvernements provinciaux.

Une voix: Chut! S'il vous plaît!

Le Président (M. Charbonneau): Donc, la signature du gouvernement fédéral ne peut pas engager les provinces dans leur compétence constitutionnelle. Si j'interprète bien vos propos, si les gouvernements provinciaux, donc si le gouvernement du Québec ne ratifie pas formellement l'entente, d'une façon ou d'une autre, cela veut dire, par exemple, que les Américains et le gouvernement fédéral vont devoir vivre dans un environnement insécurisant. Si le gouvernement du Quéfbec ou n'importe quel gouvernement provincial ne la ratifiait pas formellement, il n'aurait jamais l'assurance qu'il ne pourrait pas se comporter, dans ses juridictions, à rencontre du traité. Donc, si j'ai bien compris, il n'y a qu'un signataire, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, mais, dans les faits, il devrait y en avoir onze. Autrement, le traité ne s'appliquera que dans les secteurs de juridiction fédérale. Et, pour les secteurs de juridiction provinciale, s'il n'y a pas une ratification formelle des gouvernements provinciaux et des Parlements provinciaux, il ne pourra pas y avoir une sécurité. Un gouvernement provincial qui ne ratifierait pas pourrait très bien, pendant un certain temps, respecter l'entente dans les faits, mais n'offrirait pas la garantie à ses partenaires économiques qu'il ne changerait pas d'idée plus rapidement qu'il ne pourrait le faire. Il est évident qu'on peut toujours dénoncer un traité, dans la mesure où on exerce une forme de souveraineté quelconque, qu'elle soit provinciale, fédérée ou fédérale. On comprend aujourd'hui qu'il est évident que le gouvernement fédéral n'est pas en mesure de s'engager auprès du gouvernement américain au nom de l'ensemble du Canada. Il ne peut qu'engager sa souveraineté constitutionnelle de l'État fédéral. Point. Et, s'il veut donner la garantie complète que c'est l'ensemble canadien, comme partenaire économique, qui s'engage auprès du partenaire américain, il faudra que les États provinciaux canadiens s'engagent formellement, eux aussi. On se comprend bien? (17 h 30)

M. Rémillard: Le gouvernement canadien peut signer l'accord, c'est évident, mais dans des domaines de compétence provinciale il faut qu'il puisse compter sur les provinces.

En ce qui regarde la question de la ratification, on n'est pas obligés de ratifier. Ce que nous, en droit, - je dis en droit - nous sommes obligés de faire, c'est exprimer notre consentement. Alors, M. Bourassa, comme premier ministre du Québec, peut dire simplement sur la place publique. Oui, nous sommes d'accord. C'est un geste qui, à ce moment-là, est suffisant, mais on peut aussi ratifier formellement, on pourrait le faire, on regarde les possibilités actuellement. Ce sont des possibilités. On pourrait le faire. Mais une chose est certaine, c'est que les compétences provinciales doivent être respectées et ce n'est pas par un traité international qu'on modifie les compétences législatives.

Le Président (M. Charbonneau): Mais le premier ministre du Québec ou n'importe quel premier ministre provincial pourrait, à la limite, ne pas dire très clairement qu'il adhère et se comporter dans les faits comme s'il respectait le traité, mais tant qu'il n'y a pas - c'est la prétention qu'on a, que, moi en tout cas, j'ai de la compréhension du fonctionnement constitutionnel - s'il n'y a pas ratification formelle des États provinciaux, les États provinciaux ne sont pas formellement parties prenantes du traité et dans leur juridiction ils peuvent, dans les faits, se comporter comme s'ils respectaient le traité, mais tant qu'il n'y a pas un engagement formel des États provinciaux, ces États provinciaux-là ne donnent pas le message clair au partenaire économique américain qu'eux, ils sont prêts à s'engager... ce qui veut dire qu'il reste un climat d'incertitude qui. dans les faits, peut ne pas exister à cause du comportement positif de tel ou tel gouvernement provincial, mais tant qu'il n'y a pas une attitude d'engagement formel, il y a un climat différent. Autrement dit, contrairement à l'impression, qu'on a, cela prend onze

signatures et pas une seule pour que les Américains aient la conviction que le traité de libre-échange fonctionne pendant la période de...

M. MacDonald: Je ne suis pas totalement en accord avec vous si vous voulez vous en tenir à la sémantique précise, cela prend onze signatures, etc. Cela prend, de la part des Américains, une satisfaction quant à l'Interprétation qu'ils vont vouloir donner à l'article 103 et le terme "dans toutes les mesures nécessaires". C'est cette interprétation des mesures nécessaires, à savoir: sont-elles prises, ne sont-elles pas prises, est-ce qu'elles nous sont satisfaisantes, qui détermineraient si oui ou non ils voudraient adhérer et seraient satisfaits du respect de l'entente par les Canadiens?

M. Chevrette: Juste une minute.

Je retiens que, quand on adhère, qu'on ratifie un traité, qu'on a des pouvoirs, c'est clair, c'est évident qu'on accepte volontairement, délibérément, de se limiter quant à l'utilisation des compétences qu'on a ou à venir. Sur le plan législatif, on a des lois qui nous permettent de faire des choses. Donc, si j'adhère à un traité de libre-échange qui me demande de ne pas utiliser les pouvoirs que j'ai en vertu de la constitution ou des législations, je limite mon droit de les utiliser en adhérant à un traité et je limite également mon pouvoir de législation qui est entier, mais à cause de mon adhésion, je me soustrais moi-même à la possibilité de légiférer dans un sens ou dans l'autre.

Il me semble que c'est assez clair et je voudrais vous montrer comment cela se prouve même à partir de votre texte. Vous me dites: "Oui, mais on reste souverains, on reste souverains, il n'y a pas de problème".

À la clause 1602, page 240, numéro 5: "Le Canada peut adopter, à l'égard d'une entreprise commerciale qui, à la date d'entrée en vigueur du présent accord, est exploitée par le Canada ou en son nom, ou par une province ou une société d'État, toute nouvelle mesure qui est Incompatible aux dispositions des paragraphes..." etc. Ils ne disent pas que c'est une province. C'est le Canada qui peut adopter des mesures de contrôle pour une société d'État. Donc, toute société d'État, par exemple, qui appartient au Québec, ne serait donc pas sous le contrôle souverain du Québec, mais serait sous le contrôle souverain du Canada qui peut adopter des mesures.

M. MacDonald: C'est une question que nos experts ont vérifiée dans les derniers jours et l'interprétation du bureau des négociations pour ce qu'on recherchait, c'est que le Canada peut signifier une de ses composantes, c'est-à-dire une province dans cette explication-là.

M. Chevrette: Pourquoi ils auraient mis une province d'abord dans le texte?

M. Macdonald: Je n'ai pas la réponse à vous donner, mais je vous donne...

M. Chevrette: Je comprends, mais si c'est le Canada qui peut, ce n'est pas le Canada et une province qui peuvent...

M. MacDonald: Non, non, en prenant le terme...

M. Chevrette: C'est: Le Canada peut, pour ses sociétés d'État ou les sociétés d'État d'une province.

M. MacDonald: Le Canada dans son ensemble, une province, une de ses constituantes. Mais si vous voulez plus de... En passant, vous me permettrez...

M. Chevrette: J'aimerais qu'un expert m'explique ça. En français, quand vous dites que c'est quelqu'un qui a le pouvoir, vous ne dites pas deux lignes plus loin que c'est une constituante que vous subordonnez à votre pouvoir. Voyons!

M. MacDonald: Bien, dans les définitions que vous avez au début, il faut s'entendre, le Canada peut vouloir dire province également.

M. Chevrette: Non, mais regardons le texte comme il faut au paragraphe 5, M. le ministre. Sans être avocat, qui peut? C'est "le Canada peut adopter à l'égard d'une entreprise". D'accord? À l'égard d'une entreprise qui est sienne, mais aussi d'une entreprise qui pourrait être la propriété d'une de ses constituantes. Donc, c'est le gouvernement canadien qui a le pouvoir d'adopter à l'égard d'une entreprise qui est sienne ou d'une entreprise qui fait partie d'une de ses constituantes, toute nouvelle mesure. Où est-ce qu'elle est la souveraineté du Québec là-dedans?

M. MacDonald: Est-ce que vous accepteriez, M. le chef de l'Opposition, que je demande à mon collègue,...

M. Chevrette: Oui, oui.

M. MacDonald: ...M. Grenier de " vous répondre sur ça.

M. Chevrette: Je n'ai pas d'objection, parce que ça m'apparaît trop clair.

Le Président (M. Théorêt): Si vous voulez bien vous Identifier et donner votre titre pour les fins de l'enregistrement, M. Grenier.

M. Grenier (Carl): Carl Grenier, directeur de la politique commerciale au ministère du

Commerce extérieur et du Développement technologique

On a vérifié récemment, effectivement, comme le soulignait, M le ministre, la signification de cet article-là qui correspond au droit qu'ont les gouvernements au Canada de privatiser une société d'État ou une société qui appartient à une société d'État et d'exiger que cette société-là soit achetée par des Canadiens. Et même dans le cas de sociétés d'État qui sont existantes maintenant, ce droit-là pourrait s'exercer plus d'une fois. C'est-à dire qu'on pourrait limiter l'accès à la propriété privée de cette société d'État

M. Chevrette: Mais qui peut?

M. Grenier: Les gouvernements de qui elle dépend

M. Chevrette: Êtes vous capable de me dire, comme expert, si, au paragraphe 5, c'est le Canada qui peut ou si c'est le Québec?

M. Grenier: Mais, pour interpréter ça, M Chevrette, je me suis adressé à des experts, ceux qui ont négocié ça. Et on ma clairement signifié que I intention, à ce moment-là, c'étaient justement les gouvernements dont dépendent ces sociétés d'État. Alors si c'est une société d'État québécoise, ce sera à ce moment-là le gouvernement du Québec qui déciderait de la privatiser et c'est donc à lui que reviendrait le droit de limiter la propriété de cette nouvelle société à des intérêts québécois ou canadiens

M. Rémillard: Vraisemblablement vous avez là une rédaction qui se réfère. Tout d'abord quand on prend le Canada, c'est l'entité globale On se réfère au Canada globalement. Mais ça ne touche pas le partage des compétences législatives C'est quand même bien exprimé ensuite clairement "exploitée par le Canada ou en son nom ou par une province". Alors, dans l'ensemble, on dit Le Canada Vous avez deux parties dans l'acte. Quand vous interprétez l'acte, vous devez voir à chaque article que ce sont deux parties. II y a le Canada et les États-Unis. Alors, là on se réfère à l'une des parties, le Canada qui est une des parties Mais une des parties ensuite qu'on qualifie comme le Canada fédéral et le Canada, province à l'intérieur

M. Chevrette: Me Rémillard, si le Canada dans le paragraphe 5, le premier "Le Canada" signifie le gouvernement fédéral

M. Rémillard: Non, non

M. Chevrette: signifie l'entité négociante

M. Rémillard: C'est ça

M. Chevrette: "Le Canada" a combien de définitions dans cette entente-là? Vous êtes en train de me dire que le Canada comme partie, c'est le Canada avec dix constituantes

M. Rémillard: Oui, mais regardez bien

M. Chevrette: Et dans le deuxième, le même mot "Canada" utilisé dans le même chapitre, ce n'est plus le gouvernement fédéral, ça

M. Rémillard: Je ne voudrais pas faire des avocasseries, mais simplement

M. Chevrette: Bien non, mais je veux dire Écoutez, "Canada", cela ne doit pas avoir 40 sens

M. Rémillard: Un article s'interprète toujours en fonction des autres articles Si vous regardez I'article 5, c'est une chose Mais si vous regardez les articles 2, 3, 4 qui précèdent, on se réfère directement aux parties On dit "Ni l'une ni l'autre partie" "Dans le cas ou une des parties iI faut donc interpréter le paragraphe 5 en fonction des autres articles qui précèdent. Quand vous voyez le sens de ces autres articles je crois qu'il est évident que le paragraphe 5 se réfère au Canada comme partie

M. Chevrette: Mais, M le ministre, si je suivais votre logique, le Canada, qui signifie un territoire, n'administrerait pas une entreprise commerciale Regardez ce qui est écrit. "Le Canada peut adopter, à l'égard d'une entreprise commerciale qui, à la date de l'entrée en vigueur du présent accord, est exploitée par le Canada ou en son nom, ou par une province ou une société d'État " C est le fédéral

M. Rémillard: C'est le Canada dans la partie contractante qui se réfère au Canada fédéral et au Canada composé de provinces. Alors, d'une part, vous avez la référence directe à la province, vous avez la référence au Canada fédéral et vous avez évidemment le Canada comme partie contractante. D'ailleurs, partout dans l'accord, vous avez la référence à la partie contractante. Mais j'avoue avec vous que, quelquefois, il faut faire attention. II faut l'interpréter en fonction des autres articles parce que cela peut porter à ambiguïté

M. Jolivet: J'ai hâte de voir un juge

M. Chevrette: Mais pourquoi n'auraient-ils pas dit La partie canadienne, la partie négociante du Canada ne sentirait pas le besoin de dire qu'elle a une entreprise à elle?

M. Rémillard: Je pense que, lorsque vous interprétez en fonction des autres articles, c'est assez clair qu'on se réfère à la partie contractante

M. Filion: Mais, si le ministre me te permet, j'écoute son explication, et le problème avec ce qu'il nous dit, c'est que le Canada signifie une chose différente selon qu'il se trouve à la première ou à la deuxième ligne du même paragraphe

M. Rémillard: Non, pas nécessairement

M. Filion: Oui, mais si j'écoute votre explication

M. Rémillard: Mais cela peut vouloir dire cela dans la mesure où le texte se situe dans un contexte qui est différent. C'est que vous devez toujours interpréter le sens d'un mot en fonction

M. Filion: Oui, mais

M. Rémillard: Regardez bien Si vous prenez le mot "Canada", cela peut se référer à deux aspects Cela peut être le Canada, partie contractante, ou cela peut être le Canada fédéral qui a ses compétences selon la constitution canadienne Or, le traité, l'accord ne modifie pas la constitution canadienne. II se réfère au partage des compétences tel qu'il existe. C'est donc dire qu'il y a un Canada fédéral qui a ses domaines de compétences et qui exploite à l'intérieur de cela des entreprises, et vous avez des provinces qui, à l'intérieur de leurs compétences, exercent aussi leurs entreprises

M. Chevrette: Êtes-vous en train de me dire que le premier "Canada", cela supposerait onze gouvernements qui pourraient adopter à l'égard d'une société d'État, si je suis votre logique Vous me dites que le premier "Canada" signifie l'entité territoriale Si l'entité territoria le peut adopter à l'égard d'une entreprise commerciale

M. Rémillard: Je n'ai pas dit cela

M. Chevrette: Qu'est-ce que c'est, d'abord?

M. Rémillard: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que "le Canada" signifie la partie contractante Or, la partie contractante ne comprend pas les provinces

M. Chevrette: La partie contractante, c'est donc

M. Rémillard: dans la mesure où les compétences des provinces sont touchées par le traité C'est ce qu'on a expliqué

M. Chevrette: Donc, le premier "Canada" est le gouvernement fédéral

M. Rémillard: Le premier "Canada"?

M. Chevrette: On se suit?

M. Rémillard: Non, non, non C'est la partie contractante

M. Chevrette: Donc, le Canada, partie contractante. Je vais suivre vos propos

M. Rémillard: Oui

M. Chevrette: Le Canada, partie contractante, peut adopter toute nouvelle mesure à l'égard des gouvernements qui sont propriétaires de sociétés d'État

M. Rémillard: Non C'est que, d'une part, on se réfère à la partie contractante et, d'autre part, on se réfère au gouvernement soit fédéral, soit provincial, chacun dans son domaine de compétence

M. Chevrette: D'accord. Mais quel Canada a le pouvoir de prendre de nouvelles mesures? Est-ce que c'est la partie contractante ou si c'est le gouvernement fédéral?

M. Rémillard: Chacun dans son domaine de compétence

M. Chevrette: Écoutez, M le ministre. Il faudrait peut-être lire "Le Canada peut adopter, "

M. Rémillard: Écoutez bien Ce n'est pas un modèle de limpidité

Une voix: Non

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parent (Bertrand): Merci, M le ministre

M. Chevrette: C'est le premier "Canada" qui peut adopter les mesures Vrai ou faux?

M. MacDonald: C'est tout de même un point qui a été relevé et qui a été vérifié au bureau des négociations, particulièrement par M Grenier, et il vous donne sa réponse

M. Chevrette: Oui, mais le premier "Canada", c'est lequel?

M. MacDonald: Le premier "Canada"?

M. Chevrette: Est-ce qu'on peut savoir d'un expert? C'est lequel?

M. Rémillard: II n'y a pas deux Canada

M. MacDonald: II y a ici. Vous avez un exemple. N'étant pas avocat, je vais peut-être m'aventurer avec vous là-dessus.

M. Chevrette: On va peut-être se comprendre mieux.

M. MacDonald: On va peut-être se comprendre mieux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. MacDonald: Quand on se réfère à "le Canada et les États-Unis", on parie des parties, les parties.

M. Chevrette: C'est exact.

M. MacDonald: Lorsqu'on se réfère à une ou l'autre des entités, on va dire: les États-Unis ou le Canada.

M. Chevrette: D'accord. (17 h 45)

M. MacDonald: Dans des mesures qui pourraient affecter les États-Unis, iI y a des États aux États-Unis, iI peut y avoir des gestes à poser ou à être posés ou à être respectés par les États. Dans la rédaction qui aurait été faite ici, si cela s'appliquait, on aurait dit: Les États-Unis, et on aurait continué en disant: Peut adopter, à l'égard d'une entreprise commerciale qui, à la date d'entrée en vigueur du présent accord, est exploitée par les États-Unis ou en son nom, ou par un Etat ou une société d'État. Ce qui veut dire qu'à la lecture de cela, la province, pour ce qui a trait à ses sociétés d'État, qu'elle pourrait décider de vendre à l'entreprise privée, pourrait y inclure, sans demander au Canada, selon sa propre décision, une clause en vertu de laquelle ladite entreprise d'État ne pourrait être revendue à d'autres qu'à un Québécois, pour protéger enfin la vente de ladite entreprise à une entreprise internationale. Vous me suivez?

M. Chevrette: Oui. Donc, le Canada, par exemple, c'est lui qui a le pouvoir d'adopter toute nouvelle mesure qui...

M. MacDonald: Non, ce n'est pas réussi, et je m'excuse.

M. Chevrette: Le Québec peut donc adopter des mesures particulières. Si je suis votre logique, l'Alberta peut adopter...

M. MacDonald: Exactement.

M. Chevrette: ...des mesures particulières. Est-ce que cela vaut pour les nouvelles sociétés d'État?

M. MacDonald: Oui Pour les nouvelles sociétés d'État, la restriction est qu'on ne peut faire respecter en quelque sorte cette vente strictement à des nationaux que pour une première vente et ça tombe au paragraphe 7.

Pour des nouvelles sociétés d'État qui seraient créées après la mise en application du traité, nous pourrions privatiser lesdites sociétés d'État et inclure pour la première vente une obligation.

M. Chevrette: De revendre à des Québécois. M. MacDonald: C'est cela. M. Chevrette: Pour la première vente M. MacDonald: Oui, seulement.

Le Président (M. Charbonneau): Si vous avez terminé, M. le chef de l'Opposition, le député de...

M. MacDonald: Est-ce que j'aurais par hasard réussi, M. le chef de l'Opposition?

M. Chevrette: Je suis d'accord avec lu! que ce n'est pas un modèle de clarté.

Le Président (M. Charbonneau): M le député de Bertrand a la parole.

M. Parent (Bertrand): C'est dans le même sens. J'ai suivi les explications du ministre et je l'ai perdu. Si on regarde le paragraphe 7, toujours dans le même article, c'est très clair que, lorsqu'on dit: "Acquise par le Canada ou par une province", le Canada, c'est le gouvernement canadien et je ne peux pas comprendre qu'il y ait à l'intérieur...

M. MacDonald: Ou une province.

M. Parent (Bertrand): Oui. Alors, si on parle du Canada et toutes les fois qu'on parle du Canada dans cet article, et c'est très clair à l'article 7. le Canada, c'est le gouvernement canadien.

M. MacDonald: L'article 7 est mieux rédigé.

M. Parent (Bertrand): On ne passera pas trois heures là-dessus, mais je vous dis qu'il serait bon qu'on ait quelque chose de très clair et de formel là-dessus dans les prochaines heures. On peut s'imaginer tout l'impact - là on est en matière d'investissement au chapitre 16 - que cela a si le mot "Canada" a le sens que nous, on prétend qu'il a. Cela change totalement D'ailleurs, on devrait avoir des avis écrits sur cette formule ou le premier ministre du Québec devrait s'enquérir de façon très formelle parce que cet article 1602, paragraphe 5. a des impacts Incroyables. À toutes fins utiles, il dit au paragraphe 5 qu'on serait soumis au gouvernement fédéral pour vendre nos sociétés d'État.

M. Rémillard: Je reviens simplement en

conclusion là-dessus. Il y a deux interprétations possibles. La première, celle que je vous ai donnée, c'est une partie contractante. À ce moment-là, cela se comprend très bien, cela va exactement dans le sens de la constitution. L'autre façon de voir les choses serait de dire que te Canada se réfère à l'État fédéral. Cela n'aurait pas de bon sens parce que le gouvernement fédéral pourrait prendre des mesures à rencontre d'une société d'État provinciale. Cela irait à l'encontre de la constitution. Donc, cet article 5 serait inconstitutionnel. Il ne pourrait pas s'appliquer. C'est très clair.

Tout ce qu'il y a dans cela et qui va à ('encontre de la constitution canadienne, cela devient inconstitutionnel et cela ne peut pas s'appliquer. C'est un principe qu'il est important de bien comprendre. Le texte qu'on a devant nous ne modifie pas la constitution canadienne. Ils n'ont pas l'autorité pour modifier la constitution canadienne. Si l'interprétation est que le Canada, c'est la partie fédérale, cela voudrait dire que cela tombe. Cela ne peut pas s'appliquer parce que cela va à ('encontre de la constitution canadienne.

Le Président (M. Cannon): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Juste un petit commentaire qui est le suivant: Vous savez très bien que, lorsqu'on discute des projets de loi à l'Assemblée nationale... ce qui est important quand un juge aura à déterminer, ce n'est pas ce qu'on a dit, c'est ce qui est écrit.

On a beau avoir dit: Notre intention était de... Ce que j'ai pu comprendre c'est qu'on me dit: L'intention c'est cela. Mais ce n'est pas ce qui est écrit.

M. Rémillard: Je veux tout simplement vous dire qu'il n'y a pas de risque. Ou bien l'interprétation est correcte et un dit: C'est ambigu, et notre interprétation disant que c'est fa partie contractante, c'est correct, ou bien ce n'est pas cela et ça signifie la partie fédérale et, à ce moment-là, tout simplement, cela ne s'applique pas, II n'y a pas de risque pour le Québec dans cela. Mais une ambiguïté est là. vous avez parfaitement raison.

Le Président (M. Cannon): M. le député de Taillon.

M. Filion: Oui, avec votre permission. Le ministre reconnaît que l'accord affecte les compétences, c'est-à-dire touche des secteurs qui relèvent des compétences provinciales et fédérales bien sûr, et nous dit ensuite que la constitution se situe au-dessus de la mêlée, que la constitution, bien sûr, n'est pas modifiée par un traité et que rien, d'ailleurs, dans un traité ne peut modifier la constitution qui, elle, garantit les compétences provinciales et la compétence fédérale. À ce moment-là, je vais demander au ministre pourquoi le gouvernement du Québec a inscrit, comme première condition de son appui au traité du libre-échange, le respect Intégral de ses compétences législatives puisque celles-ci ne peuvent jamais être affectées par un traité semblable à celui qui a été signé. Je pense qu'il faudrait être cohérent.

Je voudrais souligner au ministre ceci: À partir du moment où le gouvernement du Québec, comme il s'apprête à le faire, donne son accord au traité qui est intervenu, d'une façon ou d'une autre - on y reviendra un peu plus tard; M. le ministre du Commerce extérieur parle de ratification; vous, vous parlez plus de consentement du premier ministre, peu importe - mais à partir du moment où le Québec donne son accord à un texte qui affecte des secteurs relevant de ses compétences législatives, il s'engage, il engage avec lut toute la partie contractante, il engage tout le train de mesures de représailles qui sont contenues dans le traité. Je pense qu'il faudrait être cohérent. Si le gouvernement du Québec a inscrit comme première condition le respect intégral de ses compétences législatives, ce n'est pas uniquement parce qu'il voulait inscrire une condition dont il était sûr qu'elle pourrait être respectée de toute façon.

M. Rémillard: Voici. Tout d'abord, je ne dirais pas que l'accord affecte les compétences législatives...

M. Filion: Oui, mais...

M. Rémillard:.. je dirais qu'elle implique...

M. Filion: Oui, c'est cela.

M. Rémillard: ...l'exercice des compétences législatives provinciales, c'est une question, mais il peut y avoir des conséquences importantes. D'autre part, en ce qui regarde les demandes du Québec, lorsqu'on demandait que ces compétences soient respectées sur le plan politique, ce que nous disions et ce que nous disons toujours, c'est que nous voulons conserver la maîtrise d'oeuvre de notre développement et, par conséquent, nous voulons avoir un respect de notre possibilité de marge de manoeuvre, c'est ce que nous avons.

M. Filion: Oui, mais c'est dans la constitution, cela!

M. Rémillard: Mais la constitution comme telle, il a toujours été compris... parce qu'on est à deux niveaux, si vous le voulez. Il y a le niveau politique de discussions fédérales-provinciales et ensuite fédérales avec les États-Unis - cela est tout l'impact politique qui est propre au droit international - et vous avez l'aspect constitutionnel juridique qui lie te Fédéral et les provinces en fonction du partage

des compétences législatives entre les deux niveaux de gouvernement. Il est clair - cela, vous le savez aussi bien que moi - qu'un traité international ne peut pas modifier les compétences, la constitution canadienne. Sans cela, ça n'aurait pas de bon sens. Qu'est-ce qu'une constitution fédérale voudrait dire si, à un moment donné, le fédéral se mettait à faire des traités internationaux en fonction des compétences des provinces? Et si, chaque fois qu'il fait un traité, cela venait modifier le partage des compétences, cela n'aurait pas d'allure.

M. Chevrette: Vous pourriez accepter de limiter l'exercice de vos compétences.

Une voix: C'est cela.

M. Rémillard: Non, on accepte de participer, par l'exercice de nos compétences, à l'application du traité.

M. Chevrette: Là, vous jouez au grand seigneur qui aime jouer avec du vocabulaire. Vous savez très bien que, quand vous avez des droits, M. le ministre, dans une constitution, vous pouvez vous-même vous empêcher de les utiliser, parce que vous jugez qu'une entente extérieure vous favorise, et c'est votre choix politique. Ne venez pas me dire, par exemple, que vous ne vous limitez pas dans l'utilisation de vos droits.

M. Rémillard: À chaque droit...

M. Chevrette: Vous venez carrément de dire: Même si la loi me permet de faire cela, j'accepte de me subordonner à cette entente ou de fonctionner dans le cadre de cette entente, quitte éventuellement à revenir à l'exercice de ce droit qui m'est donné par la constitution, et vous acceptez de suspendre l'effet pour vous conformer à.

M. Rémillard: À chaque droit correspond une obligation, n'importe où.

M. Chevrette: Ah oui! mais cela...

M. Rémillard: Vous avez un droit, vous avez une obligation. C'est tout à fait normal.

M. Chevrette: Cela, c'est ce qu'on dit aux jeunes. Vous avez des droits. Vous avez des devoirs. Ce n'est pas la question qui vous est posée.

Une voix: On devrait le rappeler aux adultes.

M. Rémillard: Des devoirs, alors...

M. Chevrette: Vous dites que vous avez un droit, mais vous ne l'utiliserez pas. Donc...

M. Rémillard: Cela se peut.

M. Chevrette: Bon! C'est ce que vous dites.

M. Rémillard: Cela, c'est la grande distinction entre te pouvoir et la compétence.

M. Chevrette: Vous avez le droit, demain matin, d'imposer des taxes. Vous avez le pouvoir de ne pas l'utiliser.

M. Rémillard: Oui. M. Chevrette: Bon!

M. Rémillard: Mais, cela, c'est la distinction entre une compétence et un pouvoir. Une compétence, c'est avoir la capacité. Le pouvoir, c'est avoir la possibilité. Il y a des gens qui ont la compétence et qui n'ont pas la possibilité d'exercer leur compétence. Il y a des gens qui ont le pouvoir et qui n'ont pas la compétence. Cela, c'est plus difficile, un petit peu. Il y a quand même...

M. Chevrette: Vous avez l'air de savoir ce dont vous parlez, vous

M. Rémillard: Je laisse aux soins de l'Opposition d'en juger.

M. Chevrette: Cela fait longtemps que c'est fait. Cela fait deux ans que c'est fait.

M. Rémillard: Je n'en doute pas. J'en suis fort aise. Mais...

M. Chevrette: Cela aussi, c'est une affaire qu'on savait.

M. Rémillard: Vous saviez cela, aussi. Vous en savez des choses. Je me demande pourquoi je réponds aux questions.

Réglementation des professions

M. Parent (Bertrand): II est chef de l'Opposition. Toujours dans ce domaine-là, est-ce que le ministre ou l'un des deux ministres peut m'expliquer, comment, en fonction de l'article 1402, au niveau des services...

Une voix: Quelle page?

M. Parent (Bertrand): Paragraphe 8, page 204. Comment, si l'on veut, après l'entente, être capables d'apporter quelques modifications que ce soit au Code des professions qui relève actuellement du gouvernement du Québec, est-on capables de dire que le Québec va conserver toute sa marge de manoeuvre? Il va falloir s'arrimer avec le traitement national en matière de codes des professions, en ce qui regarde 8 ou 10 profes-

sions . On pense particulièrement aux ingénieurs, aux architectes, aux arpenteurs-géomètres

Toute nouvelle réglementation après l'accord - et si je suis dans l'erreur, qu'on me rectifie - dans le Code des professions, y compris pour les comptables, tes ingénieurs, les architectes, les arpenteurs-géomètres, devra être faite en fonction du traitement national et va échapper à la compétence totale du Québec. J'aimerais qu'on m'explique cela Qu'on me donne les informations

Le Président (M. Cannon): M Grenier

M. Grenier: Je pense que votre compréhension est correcte. Mais je ne pense pas que l'on puisse dire, effectivement, que le Code des professions va nous échapper. L'idée que cela stipule, effectivement, dans le cas des services, c'est que, sauf pour les trois secteurs qu'on a mentionnés, c'est-à-dire l'architecture, les télécommunications améliorées et le tourisme, pour ces secteurs, effectivement, il est envisagé qu'au cours des années qui vont suivre, c'est-à-dire, jusqu'en 1990, on développe des accords qui vont rendre l'accès à ces professions ou à l'exercice de ces professions compatible avec le traitement national. Donc, on va effectivement faire ce qu'on appelle un "rollback" Pour les autres, il n'est pas envisagé de faire cela maintenant. Mais dans l'avenir, lorsqu'on réglementera ces professions, si on fait des modifications à la réglementation actuelle, il faudra que ces modifications ne soient pas plus contraignantes, en termes de traitement national ou de discrimination, qu'elles ne le sont maintenant

Pour les nouvelles professions qui pourraient apparaître, par exemple, la réglementation de ces professions devrait être compatible avec le traitement national

M. Parent (Bertrand): Est-il exact

M. Grenier: Mais cela appartiendra encore au Québec de réglementer ces professions

M. Parent (Bertrand): Est-il exact que, en matière d'architecture, par exemple, l'obligation de la citoyenneté canadienne ne sera plus requise?

M. Grenier: Cela va être à l'Ordre des architectes et à l'Institut royal d'architecture du Canada, avec leurs contreparties américaines, de déterminer ce qu'ils vont vouloir mettre dans cet accord et c'est uniquement après cela - vous avez les modalités détaillées de cela - que les deux gouvernements nationaux encourageront les États et les provinces à adopter des réglementations qui iront dans le sens qui va être dégagé par les associations professionnelles

M. Parent (Bertrand): Oui, mais dans l'application, vous comprendrez, M Grenier, qu'on ne pourra pas forcer les professions et les associations à s'arrimer, et cela va causer de sérieux problèmes. On les a en théorie, aujourd'hui, mais dans les faits parce que c'est le premier traité, que je sache, avec lequel on a embarqué dans le secteur des services, et lorsqu'on embarque dans les services, on embarque dans les professions. Lorsqu'on embarque dans les professions, on embarque dans le pouvoir qui appartient aux provinces. Dans ce cas précis, particulièrement en matière d'architecture, j'aimerais voir comment cela va s'appliquer et comment on est assuré que les professions seront consultées et seront capables de

M. Rémillard: Si vous voulez vous référer à l'annexe 1404, aux pages 212 et 213, je pense que les modalités sont définies assez clairement Notamment, à l'article 3, "Mise en oeuvre", on dit. "Sur réception des recommandations des associations professionnelles, les parties termineront leur examen des recommandations dans les 180 jours suivant leur réception et, si ces recommandations sont compatibles avec le présent chapitre et acceptables aux parties encourageront les gouvernements de leurs États et de leurs provinces à adopter ou à modifier, dans les six mois suivant la fin de l'examen, les mesures qui pourront être nécessaires pour que ", etc. Alors, c'est cela. C'est le processus qui sera suivi

M. Parent (Bertrand): Ce sont les associa tions professionnelles canadiennes parce qu'on s'attend toujours

Le Président (M. Cannon): M le député de Bertrand, peut-être pourriez-vous conserver votre question pour plus tard

M. Parent (Bertrand): La question est là

Le Président (M. Cannon): La question est là Je suspends donc les travaux jusqu'à 20 heu res (Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît!

MM les ministres, MM les députés, mes dames et messieurs, j'espère que vous acceptez n'importe qui comme président. Alors, que la commission de l'économie et du travail soit saisie de l'accord du libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Le travail se poursuit. Est-ce qu'on était rendus à M te député de Bertrand? C'était une question du député de Bertrand au ministre du Commerce extérieur et du Développement technologique?

M. Parent (Bertrand): C'est bien cela, j'attendais une réponse particulièrement concernant l'impact au niveau du Code des professions, question que j'avais posée à 18 h 1.

M. MacDonald: Je croyais qu'on vous avait donné une réponse.

M. Parent (Bertrand): Non, pas une réponse satisfaisante.

M. MacDonald: Ah! c'est un autre problème. Bon! je ne voudrais pas abuser de votre patience, mais je vous demanderais de reformuler votre question.

Le Président (M. Baril): M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Enfin, je voulais savoir si, à l'Intérieur de l'article 1402 qu'on retrouve à ta page 204, M. le Président, au paragraphe 8, d'après l'interprétation ou du moins la vision qu'on en a de ce côté-ci, les compétences provinciales, les compétences du Québec vont être touchées en ce qui concerne le Code des professions, dans le sens que les différentes professions en ce qui regarde les groupes tels que les architectes, ingénieurs, agronomes, arpenteurs-géomètres et quelques autres se retrouveront dans une situation où, lorsqu'on voudra dès 1990 apporter de nouvelles règles du jeu, de nouvelles lois, de nouveaux règlements à l'intérieur de ces ordres-là, particulièrement à l'intérieur de l'ordre des architectes, le Québec va se retrouver à ne pas avoir pleine compétence. C'est-à-dire qu'il devra, comme c'est mentionné à l'article 1402, paragraphe 8, être capable de s'harmoniser sur le plan du traitement national. Alors, on a eu quelques explications, sauf qu'il y a des questions qui sont restées en suspens de ce côté-là, soit de la part de M. Grenier ou de vous-même.

M. MacDonald: M. Grenier, je crois, avait commencé à vous donner une réponse. Je pense que je vais le laisser continuer.

M. Grenier: Je ne pense pas, en fait, qu'on vise comme telle l'harmonisation des réglementations en matière de professions. SI vous prenez l'exemple de l'architecture, et je dois souligner que si on aretenu l'architecture comme premier exemple, premier secteur, première profession, qui verrait non seulement sa réglementation dans l'avenir être compatible avec le traitement national, mais sa réglementation actuelle, en fait, être rendue compatible avec le traitement national, si l'on a pris l'architecture, donc, c'est à la suite d'une consultation préalable et qui a Impliqué aussi l'Ordre des architectes du Québec, et ces gens-là se sont dits prêts à tenter l'expérience.

Alors, si vous lisez bien l'article 2 de l'annexe 1404, à la page 212, on dit bien, effectivement, que les deux organismes nationaux vont tenter d'élaborer des normes et exigences mutuellement acceptables. Alors, cela ne veut pas dire qu'elles seraient nécessairement les mêmes, de chaque côté de la frontière, mais des normes mutuellement acceptables, en fait, qui touchent les questions mentionnées plus loin, donc, l'éducation, les examens, l'expérience, le code de déontologie et le perfectionnement professionnel. C'est seulement après que les deux organismes nationaux se seraient mis d'accord que le mécanisme qui traduirait ces recommandations en législation ou en réglementation, compatibles avec l'accord, serait introduit, mais encore là par les provinces et non pas par le fédéral.

M. Parent (Bertrand): Est-ce que le gouvernement du Québec a la garantie que la mise en vigueur des clauses visant l'harmonisation des normes et des exigences professionnelles et l'ouverture de nos frontières aux architectes américains ne sauraient intervenir sans l'accord du Québec et de sa profession des architectes? Est-ce qu'on a...

M. Grenier: Je pense qu'avec les mots que vous retrouvez justement à l'article 3, de l'annexe 1404b, page 213, en haut, on voit bien que, effectivement, il s'agit d'un premier effort. C'est la première fois qu'un accord commercial international s'adresse à la question des services, de cette façon-là. Je pense que c'est clair qu'on est très prudents. On dit, par exemple: "Si ces recommandations sont compatibles avec le présent chapitre et acceptables aux parties, encourageront les gouvernements de leurs États et de leurs provinces - je pense qu'on a une situation un peu semblable aux États-Unis ce sont les États qui réglementent ces professions - à adopter ou à modifier, dans les six mois suivant la fin de l'examen, les mesures qui pourront être nécessaires..." Je pense que c'est clair qu'à chaque étape... D'abord, les organismes professionnels eux-mêmes seront les premiers concernés; ensuite, ils feront les recommandations qui pourront se traduire éventuellement, selon la volonté des gouvernements des provinces au Canada et du Québec, en réglementation nouvelle. Alors, je pense que c'est assez clair: Le Québec va pouvoir exercer toute sa compétence dans ce domaine-là.

M. MacDonald: Je puis ajouter que le ministre responsable des professions, le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, avait fait des représentations, justement, pour s'assurer que la province ou les provinces nécessairement, mais on parlait surtout pour le Québec, puissent garder cette pleine autorité à l'intérieur des différents ordres de professions. Il avait, entre autres, si je me rappelle bien, signalé la façon

de faire des avocats américains qui annoncent publiquement et sous différentes formes leur profession, la disponibilité de leurs services. Il avait démontré très bien qu'il semblait que la profession québécoise et lui-même ne voulaient pas voir ou qu'on s'expose à ce que de telles choses soient automatiquement imposées, ce dont il n'en est absolument pas question.

M. Parent (Bertrand): J'aimerais passer à d'autres volets, étant donné l'heure et comme on a peu de chemin de fait, particulièrement en ce qui regarde le volet de la culture, la question de la langue et tout cela. Il y aura certes, un collègue député qui va vouloir intervenir tantôt.

M. MacDonald: Mais avant d'aller plus loin... M. Parent (Bertrand): Oui.

M. MacDonald: ...selon notre formule de réciprocité Le chef de l'Opposition avait signifié qu'il avait certaines inquiétudes. Vous vouliez particulièrement faire appel à la liste des garanties qui étaient celles du fédéral et du provincial, faire éclaircir et recevoir des explications sur les nuances ou les points, en fait, pour lesquels vous aviez des inquiétudes Est-ce que je pourrais savoir, si je prends, par exemple, la liste, vous aviez commencé avec l'aspect de la souveraineté politique, est-ce que je pourrais savoir si vous avez encore des inquiétudes? Est-ce qu'il y a des questions qui n'ont pas reçu une bonne réponse?

M. Parent (Bertrand): Je vous dirais, M. le ministre, que nous avons reçu des réponses. De là à dire qu'elles nous satisfont entièrement, ce serait quelque peu prétentieux de ma part, parce que je pense que le ministre, vous-même et votre collègue, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales avouaient cet après-midi que c'était quelque peu complexe. Moi, je vous dis qu'on va essayer de faire l'exercice jusqu'à 22 heures, le temps qui nous est accordé, honnêtement de façon à essayer d'avoir le maximum d'éclairage possible. En fonction de cela, nous aurons à juger ou à peser tout cela à partir des informations. On a quand même eu, en ce qui me concerne, deux heures de "briefing" avec vos gens cet après-midi. Il y a cet exercice de quatre heures que nous faisons. C'est bien peu pour une si grosse entente, mais je pense que c'est valable et beaucoup plus que seulement une question ou deux qu'on peut poser en Chambre. Je ne peux pas vous dire, à partir du moment où on a réglé l'article 1 ou les conditions 1 et 2, que vous avez notre bénédiction. Je pense que vous comprendrez très bien.

M. MacDonald: Non, je ne demande pas votre bénédiction, je veux savoir si ce qui était notre condition qui était le respect intégral de nos compétences législatives...

M. Parent (Bertrand): La plupart des questions...

M. MacDonald: ...nous, on prétend, si vous me permettez, nous, on prétend que l'entente respecte intégralement nos compétences législatives. Est-ce que vous pensez le contraire?

M. Parent (Bertrand): À partir des Informations que nous avons et que nous avons eues, je ne peux pas vous dire qu'on est tellement d'accord avec vous, parce qu'il y a plusieurs points où vous ne nous avez pas convaincus. Moi, vous ne m'avez pas convaincu. Le chef de l'Opposition sera ici dans quelques minutes et on en a discuté entre 18 heures et 20 heures. On ne peut pas dire qu'on est convaincus de tous tes points. Ce serait vous mentir que de vous laisser accroire que nous sommes convaincus et que, maintenant, on va passer à l'autre point. Étant donné, M. le ministre, le peu de temps que nous avons à notre disposition et la formule qui fait en sorte qu'on a au moins du temps mis à notre disposition, ce que je voudrais être capable de faire, c'est d'aller chercher le maximum d'informations pour être mieux éclairé.

M. MacDonald: Oui. Moi, ce que...

M. Parent (Bertrand): Je l'ai toujours dit. Je ne prétends pas... Les questions que nous posons, ce ne sont pas des questions pour jouer à la politique et des questions pour vous embêter. Ce sont des questions avec lesquelles, je pense, on essaie de faire notre job, qu'on a retracées et pour lesquelles on a beaucoup beaucoup d'appréhension, car on pense que le Québec n'est pas suffisamment protégé. Il y a eu des réponses qui nous ont satisfaits et d'autres qui ne nous ont pas satisfaits. Je vous dis qu'il faut finir l'exercice. Je me suis engagé, avec le chef de l'Opposition et avec mes collègues, à ce qu'on soit capables de se pencher sur l'ensemble et sur le tout pour pouvoir dire à la fin: Est-ce qu'on réévalue notre position? Est-ce qu'on ajuste notre tir ou quoi que ce soit? On est au stade où on fait l'exercice en profondeur.

M. MacDonald: Ce dont je veux m'assurer ainsi que mon collègue, c'est que si vous avez des doutes, des hésitations, des points que nous n'avons pas réussi à éclairer, vous ne ménagiez absolument rien pour nous revenir verbalement ou par écrit pour qu'on puisse y répondre et que les doutes qui pourront subsister dans votre esprit ne soient pas dûs au fait qu'on n'a pas répondu à vos questions, qu'on n'a pas cherché à vous répondre le mieux possible.

M. Parent (Bertrand): J'apprécie la collaboration que vous offrez, sauf que vous conviendrez avec moi que, sur la base du fonctionnement de la commission parlementaire, on

est limités par le temps.

M. MacDonald: Oui, d'accord.

M, Parent (Bertrand): On va essayer de faire le maximum dans ce temps. Si cela doit aller au-delà, je suis prêt à continuer ce que je peux appeler les discussions et le questionnement. On ne sera jamais trop éclairés. Ceta dit, je ne l'ai pas précisé jusqu'à maintenant, mais je tiens à le préciser en tant que porte-parole du dossier, c'est qu'on n'a pas non plus cherché à trouver juste les bebites, on pourrait en avoir pour des semaines et des semaines. Il y a toutes sortes d'interprétation. Ce qui sautait aux yeux pour nous, en termes de préoccupation, c'est: Est-ce que le Québec est suffisamment bien protégé? Est-ce que cet accord va faire en sorte qu'on va pouvoir vivre avec. Voilà des questions qu'on doit se poser comme parlementaires. Au-dessus des lignes partisanes, je pense qu'il faut avoir ce minimum d'assurance. À partir du moment où nous aurons ce minimum d'assurance, on va se sentir à l'aise. Mais nous ne l'avons pas. C'est l'exercice que nous faisons. Je veux bien qu'on se comprenne.

M. MacDonald: Pour le moment, vous n'avez pas de questions additionnelles sur la question des compétences législatives.

M. Parent (Bertrand): Pour le moment, non. M. MacDonald: Parfait.

Communications

M. Parent (Bertrand): J'aimerais passer au respect intégral des lois concernant les questions de communications, de langue et de culture. J'aborde immédiatement l'article 2006 de l'accord à la page 303. Les câblodistributeurs, M. le ministre, devront, au plus tard, le 1er janvier 1990, à la suite d'une modification de la loi canadienne sur les droits d'auteur, payer des royautés aux Américains pour la retransmission de leurs émissions. On fait directement référence à l'article 2006. En clair, cela signifie qu'il y a des amendements à la loi des droits d'auteur pour faire en sorte que nos entreprises de redistribution, nos câblodistributeurs vont avoir à refiler une facture qui se situe, selon notre évaluation, quelque part entre 25 000 000 $ et 100 000 000 $.

M. MacDonald: À l'échelle canadienne ou québécoise?

M. Parent (Bertrand): Canadienne. Ce sont des pertes à gagner de ce côté-là. D'abord, j'ai deux ou trois questions concernant cet article en particulier. Est-ce que le Québec est d'accord avec cet article? J'imagine que vous êtes d'accord avec l'ensemble, donc que vous êtes d'ac- cord là-dessus. J'attire votre attention sur l'article 2006. Vous êtes d'accord avec cela. Quels seront les critères pour évaluer la valeur de ces droits? Est-ce que le Québec a mesuré l'impact de cet article sur les finances des câblodistributeurs et aussi l'impact sur les tarifs des abonnés? Il va donc toucher à l'ensemble des consommateurs. Les chiffres nous indiquent que 60 % ou 70 % des gens sont câblés. Il va y avoir une répercussion importante. Je vous pose des questions et j'attends les réponses.

M. MacDonald: La réponse à la première partie - je demanderai à M. Grenier de poursuivre avec les deux autres - c'est que c'est la fin de ce que les Américains ont appelé le piratage de leurs émissions, c'est-à-dire la possibilité de recevoir, soit par voie de satellite ou autrement, des émissions américaines, sans aucun droit de les retransmettre. Il y avait même des situations dans l'Ouest canadien où des localités canadiennes situées très près de la frontière recevaient par satellite du côté canadien les émissions américaines et les redistribuaient sur câble à des usagers américains qui, eux, ne recevaient pas le service des États-Unis et faisaient payer les Américains pour recevoir le service du câble. Donc, c'est la régularisation d'une situation qui, en commerce normal, fait que, pour obtenir et utiliser une propriété intellectuelle quelconque, que ce soit un signal de télévision ou autre chose, il y a des droits à payer.

Pour ce qui a trait à votre question sur l'impact financier, la redistribution de ceci... M. Grenier, s'il vous plaît.

M. Grenier: Oui, effectivement, M. Parent, l'évaluation des coûts additionnels que cette mesure va entraîner est en train de se faire au ministère des Affaires culturelles On ne peut pas vous dire maintenant les résultats de cet examen qui n'est pas terminé, mais il est en cours.

Industries culturelles

M. Parent (Bertrand): Je veux seulement qu'on soit conscient qu'il y aura des impacts et qu'il y aura des coûts qui, à cause de cela, vont se retransmettre chez les abonnés, chez les consommateurs, les Québécois et les Québécoises.

Je passerais à l'article 2007. Par la suite, concernant tes affaires culturelles, mon collègue, le député de Mercier, a quelques questions à poser. On va essayer de faire cela rapidement. À l'article 2007, il s'agit de prescriptions concernant les impressions au Canada. En fonction de l'article 2007 de l'accord, il ne sera plus nécessaire qu'un journal ou un périodique soit imprimé au Canada pour que ceux qui achètent de la publicité puissent déduire, aux fins de l'impôt, les dépenses ainsi engagées. J'aimerais savoir quels sont les impacts de l'article 2007 sur le volume d'impression et de composition des

entreprises québécoises et aussi la déductibilité, pour fins d'impôt, de la publicité faite par les entreprises canadiennes dans des magazines canadiens qui a permis à ces derniers de voir leurs revenus publicitaires augmenter sensiblement, ce qui a favorisé leur maintien et leur croissance. Plusieurs périodiques et plusieurs de ces sociétés vont se voir pénalisés par le fait même. J'aimerais savoir si on en est pleinement conscient, d'une part, et, d'autre part, si on a aussi évalué ces impacts. Il y aura des impacts chez ceux qui achètent de la publicité dans ces revues.

M. Rémillard: Comme vous le savez, en fait, il s'agissait là d'un avantage que le gouvernement fédéral avait concédé aux imprimeurs et à ceux qui sont dans cette industrie. Il est clair que, comme l'article qui faisait l'objet de votre question précédente, il s'agissait aussi et il s'est agi, dès le départ, d'un irritant important entre les deux pays. Dans le cadre de la négociation, le Canada a consenti à abroger cette réglementation. Encore une fois, l'impact de cela est à évaluer et on est en train de l'évaluer. Cependant, je pense qu'il faut le souligner, les imprimeurs québécois font de très bonnes affaires maintenant aux États-Unis depuis plusieurs années. Je pense que cela ajoutait encore plus à l'irritation de nos vis-à-vis américains du fait qu'il y avait là une prescription qui était carrément protectionniste, sans contrepartie aux États-Unis. Ils ont donc essayé d'obtenir l'abrogation de cette prescription et ils l'ont obtenue. Pour l'impact monétaire, en termes de revenus, c'est en train d'être réévalué.

M. Parent (Bertrand): Est-ce que les entreprises américaines qui vont venir imprimer au Canada vont avoir la notion du traitement national?

M. Rémillard: Je pense que, sauf cette prescription, ces entreprises jouissent déjà du traitement national. Mais l'idée, c'est qu'on est plus compétitifs qu'eux dans ce genre de business, Actuellement, c'est nous qui exportons beaucoup plus aux États-Unis qu'eux n'exportent ici.

M. Parent (Bertrand): D'accord. M. le député de Mercier, si vous avez quelques points, on va vous laisser aller. Vous posez les questions, le ministre vous répond rapidement. C'est vite réglé, vous allez voir cela.

M. Godin: D'accord. Merci,

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Mercier, comme le député de Bertrand vous l'a dit, on vous donne la parole.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parent (Bertrand): Excusez-moi, M. le Président.

M. Godin: Messieurs les présidents, merci. M. Parent (Bertrand): C'était informel.

M. Godin: M. le Président, je dois d'abord reconnaître que, par rapport à l'entente du 3 octobre, il y a un programme majeur en ce qui touche 14 % du tarif sur les bandes sonores importées qui a été abandonné, qui permet aux industries de pressage de disques et de vidéoclips québécois de prendre de l'ampleur. Donc, Astral Bellevue Pathé a été sauvé, si je comprends bien? Une entreprise qui faisait du disque et du vidéo au Québec a été préservée par l'entente nouvelle version. Est-ce qu'on peut savoir combien d'emplois étaient concernés par cette modification à l'accord?

M. MacDonald: Je n'ai pas cela avec moi, exactement. (20 h 30)

M. Godin: Deuxième point, d'abord. L'article 2005 dans l'entente n'exclut-il pas à l'avenir toute nouvelle formule de perception de nouveaux droits du Canada ou du Québec sur les profits faits au Québec, sur les films américains passant dans les salles québécoises?

M. Grenier: Non, je ne pense pas. En fait, d'abord, le premier paragraphe, c'est justement l'exemption des industries culturelles des dispositions de l'accord, sauf l'élimination des tarifs, comme je l'ai noté et la cession forcée d'une acquisition indirecte. Le paragraphe 2, j'imagine que c'est celui-là auquel vous faites allusion. En fait, c'est que, comme vous le savez, l'exemption des industries culturelles était une condition canadienne et une condition québécoise à l'accord. Donc, il y a une négociation là-dessus et je pense que cela a été assez âpre. La partie américaine a finalement reconnu que c'était là un objectif à peu près non négociable, sine qua non de l'accord, et a quand même tenu à noter - et c'est ce que vous voyez ici - ceci: Très bien, vous exemptez vos industries culturelles; cependant, si vous prenez des mesures qui nuisent à nos intérêts commerciaux, comme il est fort probable que cela se fasse dans l'avenir, à ce moment-là, nous nous réservons le droit - que nous avons de toute façon, déjà, en termes d'accords internationaux existants, comme le GATT, par exemple - de prendre les mesures commerciales équivalentes. C'est-à-dire préserver leurs intérêts.

Cela, évidemment, ne nous empêche pas, nous, de prendre les mesures qu'on voudra prendre, mais il faut être conscients que ces mesures vont avoir un coût...

M. Godin: Tôt ou tard.

M. Grenier: en termes de représailles commerciales américaines

M. Godin: Est-ce qu'on peut dire, donc, que la loi de Mme MacDonatd a été retirée à la suite du paragraphe 2 de 2005? Il n'y a aucun lien, dans votre esprit, entre les deux?

M. Grenier: Non

M. Godin: Car Washington est devenu Hollywood-sur-Potomac. Ce serait faux de dire cela Parce que les rumeurs à Ottawa circulent que Mme MacDonald a retiré son projet de loi, précisément, à la suite de l'inclusion du paragraphe 2 de 2005

M. Grenier: Non Je pense qu'il n'y a rien dans le paragraphe 2 de 2005, qui empêche quelque mesure que ce soit au Canada. Tout ce que cela dit, c'est que. Si de telles mesures étaient prises et qu'elles nuisaient aux intérêts commerciaux de l'autre partie, cest-à-dire des États-Unis, à ce moment-là, évidemment, les États-Unis s'autoriseraient de prendre acte de ces mesures et de réagir

M. Godin: Leur mesure à eux. Est-ce que le retrait de la loi de Mme MacDonald n'était pas un signe pour parvenir à une entente, un signe de bonne volonté de la part du fédéral?

M. MacDonald: Il faudrait que vous le demandiez à Mme MacDonald. Moi, je ne lui ai pas demandé

M. Godin: Ce n'est pas votre cousine

M. MacDonald: Ah non! ce n'est pas ma cousine Je pense que je ne sais même pas épeler son nom. Je pense que c'est Mc mais en tout cas

M. Godin: Bon! d'accord Alors, cela répond à mes questions, M le Président et mon cher collègue

Le Président (M. Théorêt): Merci. M le député de Bertrand

M. Parent (Bertrand): Alors, toujours concernant cette dimension de la condition numéro 2, la question des tarifs postaux préférentiels. Dans l'entente de principe du 3 octobre dernier, le Canada avait explicitement convenu et ce, à la page 34, d'éliminer progressivement les tarifs postaux discriminatoires, appliqués aux revues à grand tirage, engagement qui avait mécontenté l'Association canadienne des éditeurs des périodiques qui refusaient l'abrogation d'un principe vieux de 79 ans et garantissait les tarifs postaux spéciaux

On ne retrouve pas cet engagement dans l'entente finale. Alors, voici ma question. Est ce à dire que des tarifs postaux préférentiels continueront d'être appliqués à l'avantage des magazines canadiens?

M. MacDonald: C'est bien cela et nous ne retrouvons pas non plus dans l'entente, parce que le secteur des transports a été complètement exclu, de mention que toute nouvelle loi ou réglement dans le domaine des transports, au lendemain de la mise en vigueur du traité, recevrait un traitement national des deux côtés de la frontière, la raison étant qu'on a soustrait totalement le transport du traité. En considération de ceci, c'était la perte d'un acquis canadien dans l'entente préliminaire et vous avez des nouveaux acquis canadiens, si vous le voulez. À savoir qu'on est revenus sur la question des tarifs postaux, comme on est revenus également, dans le domaine des pêcheries, faire respecter spécifiquement la loi adoptée en 1987 dans la province de Québec, qui forçait, en quelque sorte, les pêcheurs à faire traiter et transformer le poisson pêché dans nos eaux territoriales dans les usines québécoises avant de le réexporter vers les États-Unis

M. Parent (Bertrand): Est ce que le traite ment national n'empêche pas l'application d'une telle politique? Auquel cas, les tarifs postaux des magazines canadiens seront-ils revus à la baisse ou à la hausse?

M. MacDonald: L'important, ce seront les mesures additionnelles qui devraient recevoir un traitement national, si on veut parler en général, mais pour ce qui a trait aux tarifs postaux, justement cet avantage concédé aux publications canadiennes est maintenant dans le traité, dans sa forme finale et il reste là

M. Parent (Bertrand): Pour passer au maintien de la marge de manoeuvre, on devait nous fournir une explication additionnelle concernant l'article 1602 5

M. MacDonald: Vous permettez

M. Parent (Bertrand): Oui, certainement

M. MacDonald: Alors, est-ce que je tiens pour acquis que, à cette deuxième condition d'appui, vous avez réponse à toutes vos questions?

M. Parent (Bertrand): Vous ne tenez rien pour acquis. M le ministre. Je suis en train de vous voir dans votre stratégie, alors que vous dites M le député de Bertrand, on a tout vidé vos questions. Vous savez, la nuit porte conseil, demain, on aura d'autres questions à poser

M. MacDonald: Vous me connaissez, moi, j'aime les affaires claires

M. Parent (Bertrand): Je le sais, jaime tes affaires claires, si vous pouvez me répondre clairement. Alors, pour l'instant, ce sont les questions que nous avions.

M. MacDonald: Pour l'instant. M. Parent (Bertrand): C'est cela. M. MacDonald: Parfait!

Développement régional

M. Parent (Bertrand): En ce qui concerne le maintien de la marge de manoeuvre pour atteindre les objectifs de modernisation et de développement de l'économie des régions, la question de la dimension du traitement des régions, selon l'impression et l'analyse que nous en faisons, le développement régional tel qu'il est conçu dans l'entente est une conception nationale, c'est-à-dire que, lorsqu'on parle de développement régional, on parie de développement régional sur le plan pancanadien et non pas d'après la définition que nous, nous en avons

J'aimerais être éclairé davantage sur toute cette dimension du développement régional et cette marge de manoeuvre que les provinces, selon vous, que le Québec continuera d'avoir, tandis que, d'après l'analyse que nous faisons, le développement régional est traité ici sur le plan du développement régional d'après la notion du gouvernement canadien. Ce n'est pas du tout la même chose.

M. MacDonald: Moi, je ne vois même pas le traitement fait sous la notion du gouvernement canadien. Je ne vois pas le développement régional comme faisant partie d'un aspect négociable ou négocié dans le texte proprement dit. C'était la condition numéro 3 du gouvernement fédéral et c'était la condition numéro 3 du gouvernement provincial, à savoir qu'il fallait se garder cette latitude de pouvoir Intervenir dans le développement régional, soit sur un plan canadien, le gouvernement canadien jugeant un besoin d'intervention dans un domaine et dans un endroit géographique proprement dit et pour une province, la même chose dans un secteur industriel, dans un créneau, etc.

Nous avons, effectivement, assisté, à fa table de négociation, à toute cette argumentation qui a été - je pense que je peux le dire - discutée avec ardeur par l'ambassadeur canadien, les Américains voulant, comme vous le savez très bien, la publicité a été là, éliminer ou considérant qu'au Canada tout est à subventionner, voulant trouver des paramètres, une façon d'écrire, d'inscrire des restrictions quf empêcheraient justement le gouvernement, non seulement d'agir plus tard dans un domaine de développement régional, mais même pensant vouloir nous Imposer des restrictions sur ce qui étaient des véhicules utilisés au Canada et dans la province de Québec. Or, il n'en était pas question. C'était une condition du gouvernement canadien, c'était une de nos conditions et, lorsque les Américains ont voulu de nouveau discuter de ce sujet-là, la province de Québec, à la mention même de ceci, a dit qu'elle n'avait aucune concession à faire, et aucune concession n'a été faite. Vous ne retrouvez pas dans le texte quoi que ce soit qui puisse restreindre cette liberté-là.

Cependant, comme je l'ai mentionné, je crois, cet après-midi et comme on en a déjà parlé ensemble publiquement comme privément, nous n'avons pas de chèque en blanc pour pouvoir introduire des mesures sous le couvert de ce qu'on pourrait appeler développement régional pour créer ce qui serait des pratiques déloyales au point de vue commercial dans l'investissement d'une compagnie ou dans un secteur quelconque Mais nous avons, ici, pleine latitude, tant pour le gouvernement canadien que pour le gouvernement du Québec, ne créant pas ces distorsions-là, d'intervenir régionalement et de faire, par exemple - on l'avait mentionné ici... Pour le gouvernement du Québec, si vous voulez, je vais aller à la quatrième condition, ce n'est pas seulement une question de maintenir notre marge de manoeuvre nécessaire pour atteindre les objectifs de modernisation et de développement de notre économie dans toutes les régions, mais également de se réserver, dans cette quatrième condition-là, l'intervention possible dans ce qui est l'épine dorsale des affaires au Québec, c'est-à-dire les PME.

M. Parent (Bertrand): Le gouvernement fédéral a déjà fait connaître ses intentions en matière de développement régional et ce, je pense, au détriment du Québec. II y a trois agences comme telles de développement régional qui ont été créées. On sait qu'il y a l'agence pour les perspectives de l'Atlantique, il y a l'agence de diversification de l'économie de l'Ouest et il y a l'agence pour le nord de l'Ontario. Alors, dans cet esprit, est-ce qu'on n'a pas un petit peu l'impression que le Québec, sur le plan du développement régional selon la notion nationale, est quelque peu en dehors des règles du jeu et des priorités de développement régional, tel que l'entend te gouvernement fédéral.

M. MacDonald: Là, vous débordez complètement le sujet en discussion ce soir. Reprenant vos propres paroles et regardant l'horloge, je dirais que vous tombez dans un procédé "ongoing" continuel de négociations entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral. Cela ne fait pas partie du texte et, à ma connaissance, je ne pense pas qu'il y ait des nuances, ici, qui demandent un éclairage particulier de façon à ce que vous compreniez mieux ce qui est dans l'entente. Alors, si vous voulez m'amener sur un terrain... Je peux continuer?

M. Parent (Bertrand): Oui, je suis tout ouïe.

M. MacDonald: Si vous voulez m'amener sur un terrain politique de relations fédérales-provinciales hors du contexte de l'entente proprement dite, on pourra en discuter une autre fois.

M. Parent (Bertrand): M. le ministre, je ne veux pas vous amener sur un terrain politique hors contexte, je vous pose des questions et je vous dis...

M. MacDonald: Oui, mais je vous ai répondu qu'il n'y a rien dans cela et que le gouvernement fédéral ait créé une agence de diversification de l'économie de l'Ouest canadien n'a rien à faire avec cela, ici. Je vous suggère fortement que cela pourrait faire une question fort intéressante si vous la posiez en Chambre au ministre de l'Industrie et du Commerce qui a une responsabilité vis-à-vis de tout cela.

M. Parent (Bertrand): Est-ce que dans l'entente du GATT actuel, il y a quelque chose de spécial à propos du développement régional?

M. Grenier: Le texte du GATT lui-même et le code sur les subventions des droits compensateurs qu'on a conclus en 1979 au Tokyo Round reconnaissent le droit des gouvernements de prendre des mesures pour le développement socio-économique de leur population et, évidemment, reconnaît aussi, presque dans le même souffle, que certaines de ces mesures-là peuvent avoir des effets de distorsion sur le commerce. Alors, c'est un des objets du code sur les subventions et les droits compensateurs de 1979. Il n'y a rien dans le GATT qui interdit aux parties contractantes de prendre de telles mesures. On définit plutôt, en fait, les conséquences et la façon dont il faut traiter, à ce moment-là, les distorsions au commerce qui peuvent résulter de tels programmes.

M. Parent (Bertrand): Alors, en matière de développement régional, ce que vous me garantissez, c'est que le Québec garde son entière marge de manoeuvre.

M. MacDonald: Oui, son entière marge de manoeuvre, mais je le répète et je suis sûr que vous êtes capable d'en faire la distinction, pas de chèque en blanc pour créer des situations de commerce déloyal.

M. Parent (Bertrand): Pour l'instant, cela répond à ma question sur ce point-là et j'aimerais que...

M. MacDonald: Cela couvre le point 3?

M. Parent (Bertrand): C'est cela. Les fameux points 4, c'est très Important... (20 h 45)

M. MacDonald: Oui. Programmes de transition et d'assistance

M. Parent (Bertrand): L'obtention des périodes de transition et particulièrement la mise sur pied des programmes d'assistance. Les périodes de transition, on les a obtenues. Il y en a qui ne sont pas satisfaisantes, par rapport à ce que le Québec demandait. J'aimerais que le ministre nous le reconfirme tantôt. Pour l'industrie du meuble, entre autres, on réclamait dix ans comme périodes de transition et on a obtenu cinq ans. Est-ce qu'il y a d'autres secteurs pour lesquels on n'a pas obtenu ce qu'on a demandé ou si, dans l'ensemble, on a obtenu tout ce qu'on a demandé comme périodes de transition? Il faudrait peut-être vider cette première question avant d'aborder la mise sur pied des programmes.

M. MacDonald: Je vais être obligé de prendre cette condition sous réserve de la vérification...

M. Parent (Bertrand): Je trouve que vous devenez prudent, M. le ministre.

M. MacDonald: Vous allez comprendre pourquoi quand je vais vous donner le reste de ma réponse... sous réserve de la vérification des 9000 catégories qui font partie du nouveau système harmonisé international des catégories d'activité, sous cette réserve, à ma connaissance, c'est le seul secteur où il semble y avoir une différence négative, en ce qui a trait à la demande qui avait été formulée par l'association des manufacturiers de meubles du Québec. Il faut se rappeler, cependant, qu'il y avait un comité consultatif, un SAGIT au niveau fédéral où étaient représentés également des industriels du meuble québécois. Comme il y en a d'autres qui se sont également présentés devant le comité Warren. Alors que officiellement - alors qu'il n'y a pas de cachette - l'association représentant généralement les manufacturiers de meubles avaient demandé dix ans, certains manufacturiers s'étalent dits capables de faire face à la compétition dès l'entrée en vigueur et d'autres, nécessairement, avaient parié de périodes plus courtes que 10 ans. Les informations que nous avons obtenues, demandant justement à quoi on en était arrivé, c'est qu'il semblerait qu'on avait "moyenné" les représentations faites par divers groupes de l'industrie du meuble, non seulement au Québec, mais également au Canada et qu'on en est venu à cinq ans.

Ce que cela voudrait dire pour nous, sans hésitation aucune, c'est porter une attention toute particulière à la concertation que nous devrons avoir avec les représentants des manufacturiers de meubles, de façon à mettre en place les mesures nécessaires, accélérées, c'est-à-dire s'assurer que les entreprises qui

veulent faire l'effort avec nous et avec les gouvernements vont rester compétitives, et seront des actifs sur la place du marché après cinq ans.

Mise sur pied des programmes d'assistance

M. Parent (Bertrand): Sur l'autre volet, qui fait partie des grandes préoccupations - et je dots dire que cela faisait partie de nos préoccupations avant le 3 octobre, avant la commission parlementaire - c'est la fameuse mise sur pied des programmes d'assistance aux entreprises, aux travailleurs. M. le ministre, vous vous souviendrez qu'en commission parlementaire, j'ai été très explicite, très clair là-dessus. J'ai dit que le gouvernement du Québec doit offrir, dans les plus brefs délais, un coffre d'outils. Vous nous avez dit: II faut attendre l'entente préliminaire, il faut attendre de voir ce qui va être touché et comment.

Ma préoccupation - et je vais essayer d'être très clair à ce stade - c'est: On est à quelques semaines de 1988; donc, dans douze mois, un an, cette entente sera mise en vigueur, le 1er janvier 1989. Le Québec est, dans tout le Canada, la province la plus pénalisée pour deux raisons. Premièrement, à cause de sa structure industrielle, ce sont des petites et moyennes entreprises, dites, par définition, beaucoup plus vulnérables. Vous le savez, vous êtes issu de ce milieu, Deuxièmement, plusieurs des secteurs touchés par un accord de libre-échange sont des secteurs dits vulnérables, dont l'industrie du meuble, l'industrie du textile et les secteurs qu'on appelait autrefois les secteurs mous.

Dans l'ensemble du Canada, le Québec est le plus pénalisé et je pense que les analystes, dans l'ensemble s'entendent là-dessus. Rien, à ma connaissance - et si je fais erreur, je veux que le ministre me corrige - n'a vraiment été mis en branle à ce jour - on est rendus au 16 décembre 1987 - pour obtenir l'assurance du gouvernement fédéral de sa participation à ces programmes Au contraire, les Informations que j'ai pu obtenir sont que c'est une préoccupation... À part les programmes qui sont en marche actuellement... Mais, là, on s'entend. Il ne faudrait pas venir nous dire ensuite: Écoutez, on a tel et tel programmes. Je pense que cela concerne tout le monde. Vous aussi, M. le ministre, allez avoir, tantôt, à faire face à ces entreprises ainsi que le ministre de l'Industrie et du Commerce. Tous les parlementaires, tous les élus et particulièrement ceux qui s'occupent des secteurs économiques auront à répondre à ces gens.

Quelles ont été nos représentations, jusqu'à maintenant, pour s'assurer d'obtenir... Bien sûr que le Québec peut agir unilatéralement et on en a eu l'assurance. Mais, que je sache, à ce jour, on n'a pas encore, au Québec, de stratégie de développement économique coordonnée en fonction du libre-échange, en fonction de ces nouvelles règles du jeu qui se présentent à nous.

Deuxièmement, que je sache, te Québec n'est pas prêt présentement, et il ne le sera pas avant une bonne période de temps, à moins qu'il n'y ait des choses que je ne sais pas, à aider, par des programmes précis, les entreprises et, plus important encore, les travailleurs et les travailleuses du Québec qui sont aux prises avec ce que j'appelle tout le recyclage de cette main-d'oeuvre.

M. le ministre, on ne fera pas cela tout seul; ce n'est pas vrai. Le gouvernement fédéral doit nous tranférer des sommes d'argent Importantes pour la modernisation de nos entreprises, pour le recyclage et la formation de la main-d'oeuvre. Je ne comprends pas pourquoi, à la dernière conférence fédérale-provinciale des différents ministres de la Main-d'Oeuvre, le mois dernier, ce point avait été inscrit à l'ordre du jour et n'a même pas été discuté. Il a été reporté à une séance ultérieure. Et au moment où on se parle et au moment où le Québec, le premier ministre du Québec, très probablement demain, donnera son accord au premier ministre canadien, on n'aura plus de "bargaining power" parce qu'on aura dit: Oui, on est d'accord, comptez sur nous, Cette partie va rester à négocier. Elle va rester à négocier, M. le ministre, mais je vous dis qu'on n'aura pas beaucoup de poignées tantôt.

Dans l'esprit du gouvernement fédéral - je me le suis fait expliquer, j'ai parlé avec quelques personnes de ce milieu au cours des dernières semaines - ce n'est pas compliqué et vous devez le savoir. Dans l'ensemble, au Canada, il n'y a pas vraiment de grands perdants ni de grands gagnants dans le libre-échange. Peut-être qu'à moyen et à long terme il y aura des gagnants Encore là, l'étude du Conseil économique du Canada est maintenant très prudente. Après nous avoir dit qu'il y aurait quelque chose entre 175 000 et 300 000 emplois, ils sont maintenant très prudents Pour le gouvernement canadien, pour le gouvernement fédéral, il est clair, net et précis que, si, dans l'ensemble du Canada, il n'y a pas de gagnant ni de perdant il y aura peut-être des provinces qui perdront un peu comme le Québec et d'autres qui gagneront. Celles qui gagneront, on ne leur demandera pas de mettre de l'argent dans le pot. Et celles qui perdront devront s'arranger. Dans l'esprit du gouvernement fédéral, au moment où on se parle, dans l'esprit des gens qui auront à donner leur accord là-dessus, le Québec devra s'organiser avec ses problèmes en matière de main-d'oeuvre À part les programmes existants, je pense qu'il devra y avoir une formule de programmes très particuliers, très dynamiques et qui vont permettre...

Voici ma question. Après avoir brossé le tableau d'ensemble de mes préoccupations et à partir des informations que j'ai, j'aimerais savoir quelles garanties nous avons à ce jour et ce qui a été fait concrètement à ce jour à ta veille, c'est le cas de le dire, et juste avant que le

premier ministre du Québec et le gouvernement du Québec donnent leur accord. Je le dis, une fois que le gouvernement canadien aura eu le feu vert et l'accord, ce sera dans la machine, on ne pourra pas revenir. Plus que cela, il pourrait y avoir des élections et on pourrait avoir un autre gouvernement en piace qui dise: Écoutez, il n'y a rien de signé. Et vous savez comment cela fonctionne. Je trouve qu'on est vulnérables. Le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu que j'ai interrogé en Chambre a avoué que cela n'a pas encore été vraiment discuté et que c'est à l'ordre du jour d'une autre rencontre. À ma connaissance, selon les informations que j'ai, cela a été repoussé deux fois et à la dernière rencontre qui a eu lieu, il y a un mois, c'était le temps d'en parler. Les fonctionnaires et les gens du gouvernement fédérai ont tout fait pour repousser ce point de l'ordre du jour, on l'a effectivement écarté et on a dit: À une prochaine rencontre qui aura lieu en 1988. Vous savez, M. le ministre, je trouve cela inquiétant. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. MacDonald: M. le député de Bertrand, vous auriez dû, à mon avis, poser votre question et la limiter, à savoir quelle garantie vous avez. Cela vous aurait évité, dans votre préambule, de faire part du fait que, ou bien vous n'avez pas écouté ce que je vous ai dit en commission parlementaire, ou bien je me suis mal expliqué, ou bien c'est un mélange des deux ou d'autres raisons.

Dans le dossier des périodes de transition et des mesures de transition, dès le départ et vous le savez, c'est inscrit ici au numéro 4, conditions d'appui, c'était une condition pour la province de Québec.

Dès la première réunion qui a traité quasi exclusivement de cette entente-là concernant les ministres du Commerce extérieur, j'ai fait des représentations - je ne me rappelle pas quelle date, mais c'était en 1986 - et sans équivoque sur le fait que, faisant partie et répétant ce qu'étaient nos conditions, il fallait que le gouvernement fédéral qui avait embarqué les provinces avec elle, à juste titre dans les conditions - et je l'ai dit à maintes reprises - mais qui nous avait embarqués dans cette négociation-là, devait prévoir les programmes nécessaires et non seulement pour ce qui était l'habitude et le langage qu'on avait entendu dans la bouche de certaines personnes politiques à Ottawa, non seulement sur le plan des mesures nécessaires pour les employés des entreprises affectées, mais également pour les entreprises elles-mêmes.

Nous avons insisté pour qu'aux réunions subséquentes ou plus rapidement, si c'était possible, on nous confirme la volonté de vouloir intervenir et de répondre à nos demandes. J'ai assisté, comme vous, à des déclarations qui ont été faites par le ministre des Finances ou différentes personnes où on a fait état qu'il y avait des programmes existants, qu'on pourrait considérer ceci ou cela. Il y a même eu certaines contradictions.

Revenons, si vous le voulez, à des garanties plus récentes. Au début de l'été de 1987, vis-à-vis d'une entente verbale, mais seulement verbale qui ne me satisfaisait pas, j'ai écrit à Mme la ministre du Commerce extérieur en épelant en détails exactement ce qu'étaient nos demandes et j'ai reçu comme réponse que le gouvernement fédéral reconnaissait le besoin de mesures, suggérait, et c'était de bonne guerre, que cela pourrait se faire conjointement avec les provinces et que ce sujet-là devrait être étudié dans des délais convenables.

Nous n'étions pas satisfaits de cette lettre-là et nous avons continué à insister auprès du comité Reisman en rappelant que cela n'avait pas affaire dans l'entente proprement dite Canada-États-Unis, que c'était plutôt une relation fédérale-provinciale, mais tout de même pour nous, c'était prioritaire, c'était une condition.

Plus récemment, le premier ministre a écrit au premier ministre Mulroney qui, soit dit en passant, a lui-même annoncé, sans équivoque, qu'il y aurait de ces programmes-là adressés aux deux secteurs que j'ai mentionnés. Il t'a fait, si vous vous rappelez très bien, il y a environ trois semaines, à la réunion des premiers ministres, à Toronto.

J'ai ici les recommandations du comité permanent des affaires étrangères et du commerce extérieur de la Chambre des communes qui a fait le tour du Canada pour entendre des représentations sur l'entente et qui, à son article ou au paragraphe 3 de ses recommandations - c'est unanime, c'est bipartisan ou multipartisan - dit au gouvernement: Si l'accord entre le Canada et les États-Unis devait être conclu, le comité recommande, et je répète, à l'unanimité, qu'un programme complet d'aide à l'adaptation soit mis en place pour soutenir les travailleurs et les entreprises qui auront à en subir les conséquences. (21 heures)

Ce programme d'aide à l'ajustement doit être assez souple pour permettre la prise de mesures particulières pour régler des problèmes particuliers. Ce sont tous les partis qui faisaient partie de ce comité parlementaire, qui, unanimement, ont dit au gouvernement d'agir Je vais poursuivre en vous disant ce que je mentionnais cet après-midi, en conférence de presse.

Si nous avions - et vous me le demandez, je n'ai pas vu de programmes, ils n'ont pas été quantifiés - s'il y en avait aujourd'hui, cela m'inquiéterait pas mal, parce que ce serait probablement à tout refaire, parce que cela aurait été fait en vase clos, strictement et purement par des fonctionnaires ou par des hommes politiques qui ne sont pas dans les secteurs industriels qui vont être affectés.

Ce que nous allons mettre en place, ce que nous avons définitivement jeté comme bases et le

système par lequel on veut faire ceci... Nous allons faire des consultations avec les secteurs industriels concernés, nommément pour en prendre un, l'Industrie du meuble. Et en se rappelant qu'il va falloir également parler à l'Industrie du meuble de bureaux, qui a des problèmes différents de ceux du meuble meublant. Nous allons, avec eux, regarder ce qui doit être fait pour les employés et pour l'entreprise elle-même dans ses procédés de fabrication, et regarder également l'évolution de ses produits pour s'assurer qu'ils demeurent compétitifs. Là, on a peut-être une chance - s'il y en a un qui le sait, c'est vous - de sortir avec un plan qui va avoir du bon sens, qui va se tenir, qui va répondre aux besoins des entreprises. Là, on pourra mettre également de l'argent. On pourra précisément voir ce que cela prend sur 5 ans, sur 7 ans ou sur 10 ans, pour garder la compétitivité des entreprises.

La condition que nous avons mise - on a toujours insisté - elle est là, on l'a obtenue et on va la mettre en application d'une façon intelligente et pratique.

Le Président (M. Baril): M. le chef de l'Opposition.

M. Chevrette: Je voudrais demander au ministre, tout d'abord, si, actuellement, il y a des scénarios de préparés. Est-ce que vous vous apprêtez à donner votre accord, très prochainement, alors que votre condition numéro 4, c'est de savoir avant s'il y a des programmes d'assistance? Je vous donne un exemple qui peut être très pratique. Vous avez sans doute des inventaires. Est-ce que vous avez des inventaires? Je vais vous poser la question, plutôt. Cela va aller plus vite. Est-ce que vous avez des inventaires des âges des personnes éventuellement touchées, par secteur?

M. MacDonald: Non, Je ne le crois pas.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez une idée du nombre de personnes qui travaillent dans le textile au Québec, par exemple, qui ont 55 ans et plus?

M. MacDonald: Pour cela, permettez-moi de me référer... Je sais qu'il y a des recoupages qui ont été faits...

M. Audet (Michel): Si vous me permettez? Le ministère de la...

M. MacDonald: M. Michel Audet.

M. Audet (Michel): ...Main-d'Oeuvre, effectivement, a commencé à étudier... Cela fait déjà un bon moment que le comité ministériel étudie cette question. Ils ont recensé, effectivement, dans certains secteurs, la main-d'oeuvre qui pourrait être ta plus affectée et il y a eu des négociations sur certains programmes qui existent déjà pour le recyclage des personnes âgées, justement. C'est à cela qu'il pourrait s'appliquer.

M. Chevrette: Mais est-ce que le gouvernement sait, au moment où l'on se parie, à partir de scénarios qu'il a pu faire - je suppose que le ministère de l'Industrie et du Commerce a participé à la négociation - est-ce que le ministère de l'Industrie et du Commerce a fait des scénarios, par exemple, pour savoir quels types de programmes pourraient... SI l'on regarde l'entente préliminaire du mois d'octobre par rapport à l'entente définitive, on est quand même dans les mêmes champs. Il n'y a pas de champs nouveaux, Est-ce qu'il y a eu des scénarios de faits pour établir des programmes?

M. MacDonald: Non, il n'y a pas eu de scénarios multiples, variés. Il y a eu des discussions entre nos fonctionnaires, ceux de l'Industrie et du Commerce, dans les rencontres que nous avons eues avec les différents secteurs industriels, soit au Comité Warren soit sur d'autres facettes. Il a été discuté de quelle façon, cela pourrait... Je vais vous donner un exemple, si vous voulez. Je l'ai mentionné cet après-midi, mais je me permets de le répéter. Dans l'industrie du meuble, une des choses qui s'en vient de plus en plus courante, c'est la conception assistée par ordinateur et la fabrication assistée par ordinateur. Voilà, une mesure, une façon de faire qui va exiger à la fois l'entraînement des personnes pour utiliser ces systèmes, comme l'entraînement des gens à l'intérieur de l'entreprise s'adaptant à la nouvelle machinerie, l'automatisation.

Là encore, et comme vous pouvez le réaliser vous-mêmes, il y a au Québec des entreprises qui ont plusieurs centaines d'employés. Il y en a d'autres qui ont, ce qu'on appellerait, disons, du meuble un peu plus spécialisé, qui en ont très peu. Les mesures pour les uns ne s'adaptent pas aux autres. Et c'est pourquoi je vous dis: On a une idée, non seulement une idée, mais des concepts qu'on sait existants. Il y en a d'autres, qui peut-être vont nous être suggérés, qui nous permettront d'intervenir, mais avec les industries de façon à ne pas aller dans le vide.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez une idée des emplois ou des personnes qui peuvent être touchées par l'entente sur le libre-échange?

M. MacDonald: Oui, et nous avons publié cela d'ailleurs. Nous avons donné les ordres généraux. On a appelé cela les impacts dans le document que nous avons publié au printemps de 1987. Vous vous rappellerez, nous avons couvert tous les secteurs qui pourraient selon nous être touchés et nous avons parlé également de l'impact que cela pouvait avoir.

M. Chevrette: Est-ce que vous avez quantifié les sommes d'argent nécessaires pour rétablir les programmes de soutien aux individus?

M. MacDonald: Nous ne l'avons pas fait

M. Chevrette: Est-ce que vous avez quantifié l'apport du fédéral, ou vous avez exigé du fédéral dans l'établissement éventuel de programmes puisque vous en faisiez une condition d'appui Est-ce que vous avez quantifié ou fixé, dans vos lettres, dans votre correspondance, les pourcentages que le fédéral devrait fournir pour le programme éventuel de soutien?

M. MacDonald: Non, nous n'avons pas arrêté de pourcentage, mais nous avons toujours tenu le discours, soit parlé, soit écrit qu'il devrait en assumer la plus grande partie des coûts

M. Chevrette: Si vous donnez votre assentiment demain ou après-demain à I'Assemblée nationale sur des programmes éventuels à venir, et que le fédéral vous dit qu'il paie 35 %, qu'arrive t-il de votre assentiment que vous avez donné à priori?

M. MacDonald: Vous avez là une question hypothétique C'est une question hypothétique qui ne peut pas se prendre d'une façon isolée Cette négociation ne se fait pas seulement d'abord du Québec vis-à-vis du gouvernement fédéral. II y a d'autres provinces qui sont impliquées et

M. Chevrette: Et comment pouvez-vous, sérieusement, M le ministre, soutenir que vous en aviez fait une condition essentielle à votre appui sans préalablement avoir quantifié la somme d'argent nécessaire pour avoir ces programmes et sans avoir exigé, au préalable, les montants, une quote-part en pourcentage des sommes à être versées autant par le fédéral que par le provincial?

M. MacDonald: Nous ne pouvions pas savoir quels seraient, entre autres choses, les secteurs sur lesquels serait la décision finale, quant aux périodes d'adaptation qui pourraient être de cinq ans, de dix ans ou de l'implantation immédiate. II y a eu des représentations différentes dans tes mêmes secteurs Alors, nous n'avions pas les éléments nécessaires pour quantifier et des chiffres en l'air, Je n'en garroche pas

M. Chevrette: Mais vous avez dit tantôt et je reprends vos propres paroles, le ministère du

Revenu a commencé - ce n'est pas vous, mais un de vos adjoints - le ministère

M. MacDonald: Le ministère de la Main-d'Oeuvre

M. Chevrette: de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu a des chiffres, vous avez quantifié vous-même et vous avez dit qu'au printemps 1987 vous aviez évalué la main-d'oeuvre dans chacun des secteurs qui pourrait éventuellement être touchée Vous avez donc une bonne idée des personnes touchées par le libre-échange

Est-ce que vous avez fait des scénarios pour dire de ces employés-là qu'il y en a un pourcentage X en vertu des âges qui ne sont pas recyclables, qu'il faut penser plutôt à des mécanismes d'assurance-chômage ou de préretraite ou quelque chose du genre, est-ce que vous avez pensé à ce genre de formule?

M. MacDonald: On a pensé à plusieurs genres de formules, M le chef de l'Opposition mais j'aimerais revenir, si vous me le permettez et je n'évite pas vos questions Je vous ai dit que nous n'avions pas quantifié finalement, je vous al dit que nous n'avions pas reçu ni demandé d'ailleurs de pourcentage fixe, mais j'aimerais revenir à la question de la période de transition, à cette question des "jobs" perdues

J'aimerais vous rappeler que cette mise en oeuvre du traité ne se fera pas du jour au lendemain et j'aimerais prendre, par exemple, l'industrie du meuble ou les différences de tarification se situent à peu près à 10 % au désavantage des Québécois et des Canadiens, à peu près 10 % Ce qui veut dire que - et c'est une des adaptations les plus difficiles - vous auriez un besoin d'accroissement de productivité par de nouvelles mesures de l'équivalence de 2 % par année sur une période de cinq ans pour pouvoir rester compétitifs, toute chose étant normale

Or, vous savez comme moi que dans la dernière année, dans les derniers douze à quatorze mois, strictement et purement les variations sur le taux de change canadien vis-à-vis du dollar américain ont été égales à environ 10 % Vous vous rappellerez qu'il avait frappé un plancher d'à peu près 0,70 $, aujourd'hui, on se retrouve à 0,765 $, ce qui veut dire une variation d environ 10 %

Jamais l'industrie du meuble n'a tant exporté Jamais l'industrie du meuble n'a été aussi compétitive Aujourd'hui, Alain Dubuc disait "SI on l'avait dit à l'industrie du meuble en 1977, il y a dix ans - prenons 1982 dans le creux de la dépression pour faire cinq ans -qu'ils feraient te genre d'affaire qu'ils font actuellement, les gars nous auraient envoyer promener Ce que je vous dis c'est qu'il y a premièrement "implementation" de ce traité et mise en oeuvre de l'abolition des tarifs au 1er janvier 1989. Nous avons plus d'une année, de concert avec les industries, pour mettre en place les programmes, pour les mettre en oeuvre à partir du 1er janvier 1989, cinq ans d'évolution et nous nous sentons près et je ne suis pas un expert, mais il faut se fier aux gens que nous

avons consultés particulièrement dans les secteurs industriels. Ceux-ci croient pour la plupart - il y en a qui ont des craintes et des réserves - qu'ils sont très bien capables de s'adapter, ils l'ont déjà fait et ils peuvent le faire encore.

M. Chevrette: M. le ministre, vous faites allusion aux tarifs qui vont disparaître sur une période de cinq ans.

M. MacDonald: La pire situation, oui.

M. Chevrette: Vous savez que la tarification québécoise est du double de celle des États-Unis ou à peu près.

M. MacDonald: Oui, c'est pour cela qu'il y a une différence.

M. Chevrette: L'effort demandé au Canada dans son entité est doublement plus fort que celui des États-Unis déjà au départ, en termes de revenu, puis vous escomptez sur une très large part du gouvernement canadien pour subventionner les programmes de transition.

Ce que j'observe de vos propos c'est que vous n'avez pas une étude d'impact précise sur la main-d'oeuvre ou les catégories de main-d'oeuvre touchées éventuellement, que vous n'avez aucun scénario de fait en fonction des périodes de transition prévues. Je ne parle pas des légumes à 20 ans, mais le meuble à cinq ans, c'est vous qui nous l'avez appris il y a un mois et demi. Donc, le ministère de l'industrie et du Commerce savait au moins depuis un bon bout de temps qu'il y avait un scénario de cinq ans à faire dans le domaine du meuble. Dans le domaine du textile, c'est dix ans. Il aurait pu y avoir des scénarios de faits à partir des couches d'âge ou dans le secteur du textile pour qu'avant de donner votre accord final à une entente, ou arriver à dire; Je quantifie ma demande. Je sais d'ores et déjà que cela va me coûter 150 000 000 $ ou 200 000 000 $ ou 300 000 000 $ par année dans mes programmes de transition et au gouvernement fédéral on en demande 70 % ou 75 %; avant d'adhérer à cela, on veut être sûrs. Vous en faisiez une condition sine qua non de votre adhésion. Comment allez-vous expliquer que c'est une condition sine qua non de votre adhésion si vous n'avez même pas les chiffres pour formuler une demande réelle?

M. MacDonald: Je ne sais pas si on pose les mêmes questions ou si on recherche les mêmes réponses...

M. Chevrette: Mais ce sont des questions qu'on se pose ordinairement.

M. MacDonald: ...mais je crois vous avoir répondu que oui, nous avons une idée générale après consultation, de ce qui pourrait être des scénarios. Je vous en ai donné des exemples de ce qui pourrait être des scénarios de mesures et de méthodes de transition dans des périodes de transition.

Ce que je vous dis, c'est que j'aurais refusé. Nous n'aurions jamais préparé et quantifié ces scénarios sans participation des Industries concernées. C'est un travail qui se fera au cours des prochains mois. Nous avons pleinement le temps pour le faire et...

M. Chevrette: Mais votre accord sera donné, M. le ministre.

M. MacDonald: Pardon?

M. Chevrette: Votre accord? Votre adhésion va être faite. Comment pouvez-vous soutenir que vous aviez dans vos conditions de l'appui du Québec à un accord sur l'échange... Est-ce juste le fait qu'ils vous disent qu'ils sont d'accord avec des programmes puis qu'ils vont participer? Est-ce qu'ils vous ont écrit noir sur blanc qu'ils participeraient plus que le Québec aux programmes de transition?

M. MacDonald: Non.

M. Chevrette: Vous ont-ils fixé un quantum? Non. Y a-t-il un pourcentage de leur participation connue? Non.

M. MacDonald: Non, mais vous allez le voir dans les semaines à venir.

M. Chevrette: S'il n'y a pas de pourcentage connu, s'il n'y a pas d'étude d'impact connue, comment pouvez-vous présumer a priori quelle sera la participation du fédéral aux programmes de transition, alors que vous en faites une condition préalable vous-même? Que va-t-il arriver si jamais vous ne vous entendez pas sur ce quantum de participation aux programmes de transition, alors que l'entente sera signée? Vous allez vous chicaner quatre ans et entre-temps qui va venir en aide aux victimes du libre-échange dans les secteurs non compétitifs. M. le ministre? Qui va penser à eux? Qui va leur bâtir des programmes parce que vous allez vous retrancher derrière sur le fait que le gouvernement fédéral ne paie pas? (21 h 15)

Est-ce que, avant de donner votre accord au libre-échange, vous aurez réglé au moins préalablement la question du quantum de participation aux programmes de transition? Oui ou non? C'est une question très sérieuse et je ne charrie pas quand je dis cela. C'est facile de mettre le résultat sur le compte d'une chicane fédérale-provinciale et dire: On ne s'entend pas. Entre-temps, les "gorlots" qui n'ont plus de job - cela commence à partir du moment où vous allez donner votre accord - qu'est-ce qui leur arrive? Dans la région de l'Estrie, où il y a une

concentration de gens dans les secteurs du textile et de la chaussure qui risquent, parce que ce ne sont pas des secteurs tellement compétitifs, d'être durement touchés à court terme, qu'est-ce que vous allez faire concrètement pour eux? Est-ce que vous allez dire qu'il y a une chicane entre le fédéral et le provincial ou si vous allez leur venir en aide, quelle que sort votre mésentente avec le fédéral sur le quantum des programmes de transition? Est ce que vous prenez l'engagement, ce soir, comme ministre du Commerce extérieur représentant le gouvernement à cette table, d'établir coûte que coûte, indépendamment des ententes sur les partages des frais, que, dès que vous donnerez votre adhésion au libre-échange, vous aurez sur pied des programmes pour venir en aide aux victimes du libre-échange?

M. MacDonald: Je prends l'engagement, comme nous l'avons pris, que, conditionnellement à l'adhésion du Québec à ce traité de libre-échange doivent exister des mesures et des périodes de transition accompagnées des mesures nécessaires pour permettre aux entreprises qui seront le plus touchées de passer au travers et de demeurer compétitives

M. Chevrette: Je vous comprends pour une fois. Vous êtes de bonne foi quand vous me répondez cela.

M. MacDonald: Oui

M. Chevrette: Mais, M le ministre, le pragmatique politique, vous en avez fait une condition préalable D'accord?

M. MacDonald: Oui

M. Chevrette: Vous dites que le premier ministre s'apprête demain à dire oui à l'entente, ou en tout cas à une ratification par les élus, pour respecter plus la nature de vos propos. On ratifie comme élus. II n'y a pas encore de programmes de transition sur pied et le libre-échange commence. II y a des victimes. Qui vient en aide à ces victimes à court terme?

M. MacDonald: Le traité de libre-échange, d'une part, M le chef de l'Opposition, commence, vous le savez bien, le 1er janvier 1989. Les programmes de transition commenceront, seront donc en application dans treize mois environ ou dans douze mois et demi

M. Chevrette: Allez-y

M. MacDonald: Question de ratification, si vous voulez employer le terme, ou question d'approbation ou d'adhésion par les représentants du peuple de la province de Québec à ce traité. Vous savez comme moi que nous avons également la condition no 7 qui est au bas. La condition no 7 dit. Elle maintient son droit d'approuver ou non l'entente en fonction de l'évaluation ultime qu'elle fera à la lumière de ses intérêts fondamentaux. Durant cette période d'attente, qui est celle dictée par les lois américaines, de 90 jours de session des Chambres américaines durant lesquels ils ont l'occasion d'étudier les textes, nous avons également l'occasion non seulement d'étudier, mais de poursuivre le travail d"implementation", qui est celui de la création, entre autres, des programmes de transition et de la mise en place des mécanismes d'administration de cette entente. Sous le premier aspect, le deuxième ou un autre, et durant toute cette période, le Québec, si les conditions ne sont pas respectées, a encore la latitude - ce n'est pas un privilège unique aux Américains - le Québec a encore la latitude

M. Chevrette: Oui

M. MacDonald: avant de ratifier - j'emploie votre terme

M. Chevrette: Ce ne sont plus les Américains, M le ministre

M. MacDonald: Non, je parle de nous, le Québec Avant de donner notre approbation comme gouvernement à l'adhésion inconditionnelle à l'entente telle que présentée, vous pouvez être certains qu'on va s'assurer que nos conditions sont respectées. Que M le premier ministre, s'il le juge à propos, demain ou ultérieurement, donne avis que, dans la présentation actuelle, il n'en serait pas autrement que selon les conditions d'appui que nous avons fixées, nous sommes prêts à adhérer. L'adhésion finale, l'approbation par les élus du peuple sous une forme ou une autre, n'a pas à se tenir le 3 janvier, pas plus que le 1er janvier. Ce peut être dans le milieu de l'année. Ce peut être à la fin de l'année 1988

M. Chevrette: Cela, je le comprends, mais je veux vous demander, M le ministre, si avant d'entériner l'entente du libre-échange, vous avez l'intention ferme, la volonté politique manifeste d'avoir conclu les ententes pour les programmes de transition Oui ou non?

M. MacDonald: Je vous réponds personnellement, en vous disant comme préambule - M Bourassa l'a encore dit cet après-midi - que le sujet des programmes de transition serait soulevé par lui encore demain et je crois, comme ministre, que je conseillerais à notre gouvernement et à notre Conseil des ministres, de ne pas donner cette approbation finale dont on parle dans la condition 7, sans avoir la garantie que les conditions préalables qui sont là ont été respectées

M. Chevrette: M le ministre, une dernière

question là-dessus

Est-ce que vous jugez personnellement - vous, vous êtes un homme d'affaires, à ce qu'on m'a dit -

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: est-ce que vous concevez que vous aurez un pouvoir de négociation avec le fédéral dans l'établissement de votre quantum, de part et d'autre, si vous allez donner votre aval à I entente du libre échange sans avoir défini la participation concrète du fédéral?

M. MacDonald: Je peux vous dire, M le chef de l'Opposition, que nous avions donné une attitude très positive à la négociation d'un traité de libéralisation des échanges dès l'étude préliminaire à la consultation, à l'intérieur du gouvernement. Cela ne nous a pas empêchés, en cours de négociation pendant presque un an et demi, d'exiger des conditions, de négocier, de ne pas donner d'acquiescement immédiatement, de négocier et de forcer l'inclusion dans le traité, de clauses ou de conditions qui étaient à l'avantage du Québec Je considère qu'il n'y a rien qui m'indique que l'attitude du gouvernement fédéral vis-à-vis des provinces et particulièrement vis-à-vis des représentations qu'on a pu avoir - et on en a eu plusieurs - je changerais, du jour au lendemain, durant cette période cruciale de la préparation de la mise en oeuvre au cours de l'année 1988

M. Chevrette: Mais vous, comme ministre du Commerce extérieur et responsable de la négociation, considérez-vous que vos conditions seront mieux respectées dans leur esprit si vous avez exactement les formes de participation du fédéral avant de donner votre consentement ou après?

M. MacDonald: Je pense que je vous ai répondu dans l'affirmative. Je vous ai expliqué justement que je ne recommanderais pas au gouvernement d'entériner, c'est-à-dire de se prévaloir de cette condition, de finaliser la condition de l'appui no 7, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas atteint nos objectifs qui étaient établis dans les autres conditions au départ

M. Chevrette: Donc, mon Interprétation est que vous recommanderez l'appui officiel lorsque vous connaîtrez le pourcentage de participation du gouvernement fédéral dans les programmes de transition?

M. MacDonald: Lorsque nous connaîtrons les normes et les conditions à notre satisfaction

Le Président (M. Baril): M le député de Bertrand

M. Parent (Bertrand): Quel est le pour- centage de participation du gouvernement fédéral qui vous semble satisfaisant, M le ministre?

M. MacDonald: Je ne vous répondrai pas là-dessus, M le député, c'est une négociation qui se fait et qui se continuera. Cela me fera plaisir de vous faire part des succès qu'on aura eu lorsqu'on aura terminé

M. Parent (Bertrand): On ne connaîtra pas vos succès si on ne connaît pas vos demandes Vous me permettrez

M. MacDonald: II est évident que vous serez satisfaits

M. Parent (Bertrand): Vous comprendrez, M le ministre, pour vous avoir suivi dans ce dossier-là depuis plus d'un an, que je vais vous dire. Ou bien vous êtes naïf ou bien vous êtes imprudent. Je ne crois pas que vous êtes naïf, je crois que vous avez été très imprudent en tant que gouvernement et je me permets de le dire aujourd'hui, parce que moi, je ne marche plus Le 15 septembre, en commission parlementaire, vous nous avez dit M le député de Bertrand - je pourrais reprendre vos paroles au texte - ne vous inquiétez pas, on va attendre de voir ce qui arrivera le 3 octobre. L'échéancier du 3 octobre 1987, vous le connaissez depuis longtemps, cela fait deux ans qu'on le connaît, il est inscrit dans le "fast tract procédure" Le 2 janvier 1988, c'est une date que tout le monde connaît depuis deux ans

Vous ne me ferez pas accroire qu'on avait besoin d'avoir cette entente là pour commencer à mesurer les programmes d'aide. Je pense que vous auriez dû - et je pense que vous devriez au moins le reconnaître aujourd'hui - depuis au moins un an, être prêt et d'avoir mesuré toutes les questions que le chef de l'Opposition vous a posées, avoir mesuré, avoir quantifié, avoir négocié. Et je lai rappelé en commission parlementaire Là-dessus je suis tout à fait Intransigeant parce qu'on vous l'a rappelé en commission parlementaire, et vous nous avez dit. Ne soyez pas inquiets. Vous m'avez même dit Entre le 3 octobre et le 2 janvier, M le député de Bertrand, il y a 90 jours, on va avoir le temps de regarder et de mesurer, etc

Ce ne sont pas de nouvelles règles du jeu. Cela fait longtemps qu'on sait que l'industrie du meuble, l'industrie du textile et tous les secteurs mous vont être affectés. Cela fait longtemps qu'on sait. On ne savait pas si c'était cinq ans ou dix ans mais vous aviez une très bonne idée. La preuve c'est que 99,9 % supposément de vos demandes, à part l'industrie du meuble, ont été acceptées

Je trouve inacceptable que le premier ministre s'en aille à Ottawa demain donner son accord et que vous nous dites aujourd'hui. Écoutez, on maintient toujours notre clause no 7, on pourra se retirer On n'a plus de marge de

manoeuvre. On ne sera plus capables de négocier avec le gouvernement fédéral parce que le gouvernement fédéral, lui, aura eu notre accord II se sert de l'accord du Québec pour être capable de le faire passer dans tout le Canada. Et nous parlons comme des gens qui sont pour une libéralisation des échanges, nous ne sommes pas des gens qui sont contre à tout prix, mais des gens qui sont pour. Mais on vous dit que vous du gouvernement du Québec, vous n'avez pas fait votre job

Et si l'Industrie du meuble a été capable de se défendre ces dernières années, vous savez, M le ministre du Commerce extérieur, pour quelles raisons. C'est parce que lorsqu'il y a eu des abolitions de tarifs au GATT et lorsqu'il y a eu des programmes à la SDI pour aider l'industrie sectorielle, l'industrie du meuble, l'industrie de ceci, l'industrie de cela, on a aidé ces entreprises-là. Quand on a passé à travers la crise de 1981-1982, M Audet s'en souviendra, on siégeait ensemble à la SDI, on en a étudié des cas d'entreprises, mais il y avait des programmes spéciaux pour aider les entreprises. II n'y a plus de programmes spéciaux aujourd'hui. Cela va être le Québec qui va payer le prix demain matin, qui va être obligé de payer le prix si le gouvernement fédéral ne suit pas. Le gouvernement fédéral n'a pas la même préoccupation que vous avez Je m'excuse de vous dire ça, j'en ai la profonde conviction. Le gouvernement fédérai et les neuf autres provinces n'ont pas le même problème que le Québec a, parce qu'ils n'ont pas l'ampleur de l'impact que nous avons, à la suite du libre-échange, à cause du style d'entreprises que nous avons, à cause des secteurs. Nous sommes vulnérables. Ce n'est pas nouveau Vous le savez, M le ministre

Comment se fait il que depuis un an nous ne nous sommes pas préparés? Comment se fait-il qu'aujourd'hui on ne les a pas quantifiés? Je vous dis. La mise sur pied Je comprendrais toutes vos explications si l'article, la clause no 4, était l'obtention des périodes de transition - vous l'avez obtenue - et la participation du gouvernement fédéral à des programmes d'aide Cela, je le comprendrais. Mais je prends à la lettre votre texte parce qu'il a été très bien pensé, la condition de l'appui du Québec à un accord de libre-échange, c'était la mise sur pied de programmes d'assistance aux entreprises. Je le regrette, vous allez donner votre appui et vous n'avez pas rempli cette mission-là Voilà ce que j'avais à dire.

M. MacDonald: II ne faudrait pas que vous versiez dans la démagogie et II faurait peut-être que vous reteniez, dans vos élans, qu'il y a, à l'article 4, deux éléments. II y a, en premier lieu, l'obtention de périodes de transition, et vous admettrez avec moi, je pense de toute évidence, que vous avez des périodes de transition qui varient d'un an à cinq ans ou dix ans. Et vous parlez de mise sur pied de programmes d'assistance pour les entreprises, une condition de notre appui. Cette condition de notre appui je viens de vous lire ce qu'était la recommandation unanime du comité permanent d'Ottawa réunissant des membres des trois parties pour l'établissement de ces programmes. Vous savez également, et je me permets de le répéter, l'engagement du premier ministre Mulroney

Et finalement je fais appel à vous, M le député de Bertrand qui êtes un industriel aguerri. Vous devriez être d'accord avec moi, ayant déjà été dans ce monde-là, que le pire des plans qui aurait pu être formulé serait celui qui aurait été sans le concours de l'industrie, sachant exacte ment où il se situe en 1988 pour commencer à mettre ça en pratique en 1989. Nous avons amplement de temps pour développer les programmes avec les industries et amplement de temps pour exiger d'Ottawa de respecter les engagements oraux ou écrits de sa ministre du Commerce extérieur ou les engagements du premier ministre du Canada lui-même ou les recommandations qui sont presque des engagements du comité permanent que je vous ai lus tantôt. Alors que vous vous inquiétiez, nous nous sommes également inquiétés. C'était nécessaire, c'est encore nécessaire et ce sera mis en place (21 h 30)

M. Parent (Bertrand): Étant donné qu'il reste trente minutes, j'aimerais permettre à mon collègue, M le député de Taillon, cinq minutes sur la question de la langue parce qu'il était pris en Chambre tantôt. J'aimerais que mon collègue député de Laviolette, ait la chance de s'entretenir quinze ou vingt minutes sur la question de l'agriculture. II nous restera que très peu de temps pour au moins finir de couvrir le point 5 ou la clause 5 Alors, on va être obligés d'accélérer

M le Président, J'aimerais qu'on intervienne dans cet ordre là, si c'est possible, pour essayer d'aller chercher le maximum

Le Président (M. Baril): M le député de Taillon

Spécificité linguistique du Québec

M. Filion: Merci, M le Président

Au su|et de la question linguistique, le ministre du Commerce extérieur et moi avions eu l'occasion d'amorcer le débat en Chambre. Le ministre avait reconnu, le 25 novembre, que rien dans l'accord préliminaire ne protégeait la spécificité linguistique du Québec, rien dans l'accord préliminaire du 3 octobre n'offrait de garantie de respect des droits linguistiques et de la loi 101. Je dois lui dire que, comme son collègue de l'Industrie et du Commerce, j'ai pris connaissance de l'accord hier seulement, mais après l'avoir parcouru et également discuté avec les recherchistes de l'Opposition - et vous me corrigerez - rien, dans I'accord final, ne protè-

ge de façon spécifique, les droits linguistiques des Québécois

À partir de ce moment-là, je demanderais, au ministre du Commerce extérieur, d'abord, pourquoi rien, pourquoi pas une clause dans l'accord final Cela aurait été si simple de l'écrire - je vous le dis tout de suite, parce que je sens venir votre réponse - parce que. Je l'ai entendu circuler dans les couloirs Cela aurait été si simple. Ce n'est pas nécessaire d'être avocat ni juriste. Quand on veut quelque chose on l'écrit. Cela aurait pris un paragraphe pour dire que rien, dans le présent accord, ne devra limiter la portée des droits linguistiques du Québec, parce qu'évidemment je n'ai pas besoin de vous rappeler tout le contexte, vous le savez, on est 2 % etc. II ne faut pas s'imaginer que, lorsque les Américains signent un accord, ils sont très préoccupés par le facteur linguistique du Québec Alors, bref, M le ministre, comment se fait-il qu'il n'y ait rien dans l'accord qui protège, de façon spécifique et expresse, les droits linguistiques du Québec?

M. MacDonald: Eh bien! je suis sûr que vous reconnaissez que je ne peux pas discuter avec vous comme juriste des raffinements de tout ceci mais vous allez également comprendre qu il n'était absolument pas question d'assujettir la capacité de légiférer ou encore mieux si vous voulez restons-en à maintenant, nous ne voulions en aucune façon mettre la loi 101, pour prendre un exemple, ou la spécificité linguistique du Québec sur le tapis pouvant recevoir la revue du tribunal supranational ou d'une instance quelconque et d en discuter.

Conséquemment ce n'était pas négociable. Cela avait été précisé dès le départ. Ce n'était pas un sujet sur lequel, sous quelque forme que ce soit, nous voulions que qui que ce soit ait un droit de regard et encore moins un autre pays

Cela dit n'étant pas inclus sous quelque forme que ce soit ici, il n'est absolument pas question que ce soit discutable. Deuxièmement je vous réfère à la notion du traitement national et je vous réfère également à la notion de ce que je pourrais peut-être appeler les pratiques courantes

Les États-Unis, pour ne prendre que ce pays-là qui est le sujet de cette entente bilatérale, transigent commercialement avec le Canada et avec le Québec depuis des décennies. Et je vous ramène à ma deuxième notion En tout premier lieu, le simple bon sens de la mise en marché les a amenés ou a amené ceux qui étaient plus intelligents et qui voulaient mieux pénétrer nos marchés à utiliser l'étiquetage bilingue, la production de brochures, de dépliants explicatifs bilingues, etc

Les États-Unis, également, font affaire avec bien d'autres pays, particulièrement vers le Sud et font exactement la même chose dans le respect de la langue espagnole ou de la langue portugaise, en allant au Brésil sans que pour cela il y ait des lois qui l'exigent. La pratique intelligente commerciale a amené les Américains à utiliser ce genre de choses et respecter la langue du pays

La notion, maintenant, de traitement national Nous n'exigerons pas

M. Filion: deuxième facteur?

M. MacDonald: Nous n'exigerons pas et nous ne demanderons pas plus, mais certainement pas moins, aux Américains que nous ne demandons aux autres provinces en matière linguistique. Et aucun Américain ne pourra plaider "commerce déloyal" ou "pratique d'obstruction" ou "méthode non tarifaire" en plaidant la question linguistique. Nous n'exigerons ni plus mais ni moins des Américains avec lesquels on traite et on traitera que nous n'exigeons des autres commerçants ou entreprises du reste du Canada

M. Filion: M le Président, c'est une attitude extrêmement inquiétante et préoccupante que celle du ministre du Commerce extérieur sur la question linguistique et je vais répondre rapidement à ses trois arguments

Premièrement il dit On ne voulait pas que la loi 101 soit un sujet de négociation. Mais le libre commerce M le ministre - et vous le savez fort bien - implique beaucoup plus que I'étiquetage des produits, qui en est un facteur, mais implique beaucoup plus que cela II implique le libre échange des services

M. MacDonald: À l'heure actuelle c'est limité à un code

M Filion: Non mais

M. MacDonald: II n'y a pas de non, c'est ça .Je veux dire C'est embryonnaire quant au traitement des services. Mais je vous laisse continuer

M. Filion: Mais je prends l'accord tel qu'il est. II implique le libre-échange des services selon des contraintes, des modalités, et j en suis Bref, le ministre, comme le gouvernement libéral, a dit dans les couloirs mais pas en Chambre. On ne protège pas la lof 101, c'est à-dire on ne discute pas de la loi 101 ou de la question linguistique parce qu'on ne veut pas que cela soit négociable. À cela il y a une réponse bien simple. Je vous l'ai dit tantôt et je le répète. C'est écrire dans l'accord que rien dans le présent accord n'affectera les lois linguistiques en vigueur ou à venir.

Là-dessus, je dois vous dire qu il y a un sérieux problème notamment à l'égard de l'article 1402-8. J'attire immédiatement votre attention là-dessus. On n'aura pas I'occasion de finir, mais j'attire l'attention de vos conseillers là-dessus

Deuxièmement, vous me dites Écoutez, les

pratiques commerciales quand on vend du riz aux Chinois, on essaie de mettre la boîte en chinois. Quand les Chinois vont vendre du riz aux Québécois, on va essayer de mettre la boîte en français Mais cela, M le ministre cela donne actuellement, malgré la loi 101, le fait qu'encore aujourd'hui à Montréal on a révélé que plusieurs des articles qu'on achète, les manuels d'instructions, les garanties, ne sont étiquetés qu'en anglais, parce que c'est là le marché. Quand on vit en Amérique du Nord avec 98 % d'anglais, on ne peut pas s'imaginer que les Américains vont arriver à modifier leur ligne de production pour faire en sorte d'inclure du français dans leurs manuels d'instructions juste pour dire. Écoutez, on doit pénétrer le marché francophone du Québec, vous savez, on va mettre cela en français. Non. C'est illusoire de croire que les producteurs de biens notamment vont se plier à la loi 101 à cause du simple principe qu'on essaie de faire du commerce intelligemment

Déjà au Québec, et vous le savez, il existe énormément de problèmes, de situations irrégulières, de plaintes, etc. Vous le savez, vous vivez dans le milieu commercial et industriel. Vous visitez des entreprises J'en visite dans mon comté. Vous le savez, la force des choses au Québec, c'est si on fait juste se contenter de rester assis, les vagues colossales qui viennent de la culture américaine, les forces de production américaines vont nous envahir Lentement j'en suis. Ce n'est pas vrai qu'à l'île d Orléans, trois mois après la signature du traité du libre-échan ge, on va parler anglais .Je vous le concède

Lentement, mats sûrement, à partir du moment ou il n'y a pas une digue un barrage intelligent qui protège les droits linguistiques du Québec, on se livre pieds et poings liés aux forces vives du marché qui ne vont pas dans ce sens-là. Cela, c'est votre deuxième argument Votre troisième argument, le traitement national, me préoccupe Je vais développer cette préoc cupation, soyez-en assurés. J'apprécierais que de votre côté, on puisse le développer aussi Parce que traitement national veut dire - si je l'ai bien compris - que nous allons offrir, dans le libre-échange des biens et des services que nous allons offrir aux Américains, le traitement des Canadiens au Québec

Mais le traitement des Canadiens au Québec implique la charte canadienne des droits, qui, elle, a démoli à peu près le tiers de la loi 101. Est-ce que le traitement national - je vais vous poser une question - tel qu il est défini dans l'accord sur le libre-échange, implique que les Américains voulant venir faire affaire ici, notamment au sujet du libre-échange, encore une fois des services, pourront se prévaloir de ce que les Canadiens se prévalent, à savoir la charte canadienne des droits, pour décider de leur statut linguistique au Québec?

M. MacDonald: Je crois que le sérieux de votre question fait appel aux plus grandes compétences, sur lequel I'ancien gouvernement s'est penché régulièrement pour avoir ses meilleurs avis Je demanderais à M Samson, s'il aurait l'obligeance de répondre et de vous réconforter quant à vos préoccupations

M Filion: Pas me réconforter me répondre Mes états d'âme, je m'en occupe moi-même

Le Président (M. Baril): Monsieur, j'aimerais que vous vous identifiez

M. Samson (Jean K): Jean K Samson, sous-ministre associé au ministère de la Justice

Le Président (M. Baril): Vous avez la parole

M. Samson: Si je comprends bien votre question, M Filion, est-ce qu'un citoyen américain, de par l'entente va pouvoir se prévaloir des droits de la charte? C'est cela?

M. Filion: C'est-à-dire utiliser les arguments contenus dans la charte canadienne des droits pour faire valoir ses droits, notamment devant le tribunal qui est issu du traité du libre-échange

M. Samson: II me semble que, pour répondre à votre question, il faudrait analyser l'accord sur un plan horizontal et regarder dans chaque cas là ou des droits sont consentis à des entreprises dans des cas de services. II faut prendre chacun des secteurs de l'accord et vérifier en quoi cet accord peut donner un droit, qu'il n'aurait pas aujourdhui Je vous avoue ne pas avoir fait I'exercice et me sentir un peu dans l'incapacité de faire cet exercice-là, ce soir,immédiatement Je ne vois pas a priori

M. Filion: Bien, disons le libre établisse ment

M Samson: en quoi votre question pourrait recevoir une réponse positive, mais c'est un apriorisme Je n'ai pas fait la vérification

M. Filion: Disons I article 6 de la charte sur ie libre établissement qui donne le droit - mais qui n'a pas encore été véritablement testé par les tribunaux - à un citoyen de Vancouver

M. Samson: L'article 6 est réservé M. Filion: Pardon?

M Samson: Je m'excuse, l'article 6 est réservé aux citoyens résidents permanents

M. Filion: Bon, Justement C'est là ma question L'article s'applique uniquement aux citoyens canadiens Mais le libre-échange donne le traitement national Je ne parle pas d'une

cause devant la Cour supérieure, mais je me place devant le tribunal qui est issu de l'accord, je ne sais pas comment vous l'appelez exactement. À ce moment-là, on peut invoquer le traitement national, comme les Canadiens, eux, bénéficient de la protection de la charte canadienne des droits, notamment de l'article 6, qui est le libre établissement. Est-ce qu'un Américain ne pourrait pas utiliser Justement la même argumentation - il faut se comprendre - pour faire valoir un traitement national comparable? {21 h 45)

M. Samson: Je comprends mieux là un des impacts que vous pouvez voir. J'expliquerai cela de la manière suivante. L'article 6 fait partie de la constitution canadienne. Par le fait même, il annulerait automatiquement une disposition législative qui irait à rencontre du droit d'établissement de l'article 6. Donc, a priori, avant même l'entrée en vigueur de l'accord, ici, ces lois n'existent pas. Il n'y a donc pas de lois au Canada qui vont à l'encontre de l'article 6. Ce faisant, lorsqu'un citoyen américain va vouloir invoquer le traitement national - prenons les services que vous souleviez tout à l'heure - il va invoquer le traitement national accordé par une loi en vigueur au moment où il va l'invoquer. Or, cette loi en vigueur, de toute façon, va être conforme à l'article 6. D'une certaine façon, en théorie - on est à un niveau d'abstraction élevé - d'une certaine façon, le citoyen américain va bénéficier indirectement de l'article 6 dans la mesure où toutes les lois vont avoir dû, avant qu'il puisse en bénéficier, se conformer à l'article 6, mais d'une autre manière. La réponse est un peu.. C'est très théorique parce qu'il n'aura pas à invoquer l'article 6. Il n'a pas besoin de le faire. Les lois sont déjà conformes à l'article 6. Donc, le traitement national dont il va s'agir va être le traitement national accordé par une toi provinciale aux citoyens canadiens résidents et on va devoir étendre aux citoyens américains le même traitement qu'aux citoyens canadiens qui est déjà prévu dans une loi québécoise.

C'est un peu la façon dont je le vois.

M. Filion: En quelques minutes, parce que je ne veux pas prendre plus de deux minutes. En ce qui concerne la situation existante, il y a 1402.5, mais il y a 1402.8 également qui concerne la situation future.

M. Samson: Oui, 1402.8 est une application en fait de 1402.5...

M. Filion: Exemple...

M. Samson: ...et de 1402.2.

M. Filion: ...si une loi future du Parlement du Québec devait être considérée comme une discrimination arbitraire ou injustifiée, elle ne bénéficie pas de la protection de 1405a.

M.Samson: C'est exact.

M. Filion: On se rend compte de l'impact...

M. Samson: Pourvu que la loi constitue une discrimination arbitraire ou injustifiée.

M. Filion: Oui, oui, comme je l'ai lu. M. Samson: C'est cela.

M. Filion: Mais ça, ça va être le tribunal qui va l'apprécier.

M. Samson: Exact.

M. Filion: Quand je dis le tribunal, je veux dire le tribunal issu de l'accord.

M. Samson: Non, pas nécessairement.

M. Filion: Pas nécessairement, mais entre autres. Je veux dire qu'il y aura juste les tribunaux ordinaires et le tribunal issu de l'accord.

M. Samson: II faudrait que ce soit issu... Vous vous rendez compte que le tribunal dont il s'agit Ici, le tribunal obligatoire en vertu de cet accord, ne peut traiter que des domaines des droits compensateurs et de droits antidumping Dans le domaine des services, je vois mal comment ça peut s'appliquer.

M. Filion: C'est le comité ministériel, je m'excuse.

M. Samson: Ce serait le comité ministériel... M. Filion: Ce serait le comité ministériel. M. Samson: ...au niveau politique. M. Filion: ...au niveau politique.

M. Samson: C'est un niveau politique de décision.

M. Jolivet: II y a deux Américains, deux Canadiens...

M. Filion: II n'y a pas de Québécois qui siège là.

M. Samson: C'est parce qu'il y a deux systèmes.

M. Filion: Bon! Une dernière question en une minute. Dites-moi en quoi... Tenez-moi le raisonnement que pourrait tenir... Disons qu'il y a des produits qui arrivent du Texas sur le marché québécois, qui sont étiquetés en anglais seulement. J'aimerais entendre - et comme j'ai déjà réfléchi au problème, je vais le comprendre

rapidement - le raisonnement du représentant du ministre sur la protection que lui accorde l'accord.

M. Samson: II n'y a rien dans cet accord qui interdit d'imposer l'obligation de l'étiquetage bilingue.

M. Filion: D'accord. Donc, si effectivement des produits arrivent sur le marché québécois étiquetés de façon non conforme à la loi 101, le comité ministériel et le tribunal de commerce...

M. Samson: La commission dans ce cas-là, la commission ministérielle.

M. Filion: ...la commission qui aura à juger un cas pourra rendre le même type de décisions qui ont été rendues notamment par le tribunal de la Communauté économique européenne et qui a permis, pour les fins du tribunal de la Communauté économique européenne, le type de décisions qui ont été rendues dans l'affaire que j'ai citée à un journaliste et que vous connaissez sûrement, l'affaire Isnuinite et l'affaire France Quick où, en Europe, des pays ont envoyé - en l'occurrence en France et en Italie - des produits qui n'étaient pas conformes aux lois linguistiques de ces pays-là. Donc, la même chose peut se produire chez nous.

M. MacDonald: II y a une différence marquée entre la réalité d'un pays bilingue, d'un pays avec des législations qui couvrent justement ce caractère bilingue et l'existence d'une seule langue officielle en France ou en Italie. Vous vous référez à une cause qui a opposé une partie italienne à une partie française et qui a été jugée, si je ne me trompe pas, à la Cour de Luxembourg. On a dit là que l'utilisation de la langue comme argument prétextant une barrière non tarifaire n'était pas acceptable. Mais ici ce n'est pas la même chose Ce n'est pas du tout la même situation au Canada.

M. Filion: Non, mais ce qui a été jugé - il faut se comprendre - c'était une entrave au libre commerce. C'est cela qui a été décidé par le tribunal de la Communauté économique européenne.

M. MacDonald: Oui, mais dans un contexte totalement différent. Partez avec les prémisses de base, si vous revenez à cette cause. Au Canada, c'est un pays qui a de la législation et de la réglementation tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial soulignant le caractère bilingue et posant certaines exigences. Ce n'était pas le cas en France. Il n'y avait personne en France qui, par la loi, se voyait protéger pour utiliser l'italien comme langue sous une forme ou sous une autre. Ici, au Canada et particulièrement au

Québec, c'est cela.

M. Filion: À ce moment-là, c'est la foi qui peut être considérée comme une entrave au fibre commerce.

M. MacDonald: Mais non. C'est le traitement national à l'intérieur du pays des Canadiens dont la langue première ou dont la langue de travail est l'anglais. Lorsqu'ils viennent faire affaires au Québec, ils sont assujettis, comme vous le savez probablement mieux que n'importe qui du côté de l'Opposition, à la loi 101.

M. Filion: Nous n'avons pas la même loi linguistique dans tout le pays, M. le ministre. Je ne vous l'apprends pas tout de même.

M. MacDonald: Non, non. Écoutez, M. Samson peut le reprendre... Nous sommes un pays fédéral où l'application du bilinguisme, si vous voulez, ne se fait pas seulement dans la province de Québec. Le bilinguisme existe également au Nouveau-Brunswick par exemple officiellement, mais au Québec nous avons des lois particulières. Cela n'existait pas en France par référence à la cause dont vous parlez.

M. Filion: Je suis obligé d'arrêter là. Je dois tout simplement conclure que, quant à moi, je garde ma préoccupation. J'ai un bon état d'âme, mais Je garde ma préoccupation relativement à la protection des droits linguistiques du Québec. D'autant plus que je n'ai entendu aucun bon argument qui aurait empêché véritablement, si cela avait été la volonté du gouvernement, d'inscrire une clause de sauvegarde expresse comme l'a recommandé le Conseil de ta langue française.

M. MacDonald: Je prends note de vos préoccupations. Je ne peux que vous répondre en vous disant que nous avons pris avis de nos conseillers. Comme vous pouvez le réaliser, ils ont été pendant longtemps vos conseillers respectés. Il y en a d'autres que Me Samson C'est dans ce contexte que nous avons établi la position du Québec pour ce qui avait trait à l'Inclusion ou à la non-inclusion ou à la protection que te Québec voulait avoir relativement à sa capacité de légiférer et de faire respecter ses lois existantes.

M. Filion: Je m'excuse auprès de mes collègues d'avoir pris 20 minutes.

Le Président (M. Baril): M. le député de Bertrand.

Agriculture

M. Parent (Bertrand): Je voudrais seulement m'assurer, à ce stade, qu'on aura l'accord du

ministre et des collègues pour prolonger quelque peu la séance, sans en abuser, mais étant donné l'importance du dossier, de 15 ou 20 minutes. Il y a un point qui n'a pas été touché, celui de l'agriculture.

M. MacDonald: Vous m'avez demandé dix à quinze minutes, M. le député et j'ai acquiescé à vos dix ou quinze minutes.

M. Parent (Bertrand): Je vais juste le faire de façon formelle. Alors...

Le Président (M. Baril): J'ai le consensus qu'à 10 h 15 nous allons terminer. Je vous remercie. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Si on demeure dans le même genre de consensus depuis le début, cela peut aller à 10 h 20. M. le ministre, nous connaissons votre position quant à l'inclusion dans le traité de l'article 11 du GATT. Nous connaissons aussi la position du ministre de l'Agriculture. Si nous nous sommes centrés davantage ces derniers jours sur la question de l'article 11 du GATT, je dois maintenir cependant que le ministre de l'Agriculture, lorsqu'il a rencontré les agriculteurs avait fait mention aussi d'autres conditions telles que le contrôle de l'augmentation des quotas d'importation de la volaille transformée, de la crème glacée et du yaourt. Et on peut regarder que pour la crème glacée et le yaourt il y a une partie de l'entente. Je reviendrai sur la question tout à l'heure de la volaille transformée. En troisième lieu de permettre à chaque province de pouvoir réglementer l'importation des succédanés de produits laitiers. En quatrième lieu, de prévoir la définition du concept de subvention directe à l'exportation.

Une des choses que le ministre disait dans l'un des documents qui lui a servi de discussion avec des sous-ministres et des ministres le 2 décembre dernier, était ceci: "Je crois que la position canadienne concernant l'agriculture est à la fois imprudente et utopique". Il ajoutait:" Elle est imprudente entre autres lorsqu'elle énonce formellement qu'il faut éliminer toutes les subventions qui faussent les échanges et tous les obstacles à l'accès au marché." Quand je regarde l'entente du libre-échange et que je m'y réfère, il y a une place où l'on dit, a l'article 701: "Les parties sont convenues que leur principal objectif en matière de subventions à l'agriculture est d'arriver, d'une façon générale, à éliminer toutes les subventions qui créent des distorsions dans le commerce agricole."

Comme le ministre de l'Agriculture en a fait mention lors du congrès de l'UPA, on se souvient que les gens de l'UPA ont dit qu'ils étaient heureux d'abord de voir que le ministre avait changé d'idée et qu'il voulait l'inclusion de l'article 11 du GATT, mais l'UPA trouvait que ce n'était pas satisfaisant ni suffisant. Dans les textes qu'ils nous ont fait parvenir, ils repre- naient presque textuellement, en succinct, l'ensemble de ce que je viens de dire et qui concerne le détail même prononcé par le ministre dans ce discours qu'il a fait devant l'UPA et dans lequel il mettait d'autres conditions. Vous vous êtes arrêtés sur l'article 11 parce que c'est la question qu'on a posée, mais il y avait d'autres conditions qui s'y ajoutaient et pour lesquelles l'UPA a dit: II faut absolument y tenir.

Je vous demande si vous ne trouvez pas un peu drôle ce langage que vous avez d'une part et celui que le ministre a tenu devant les agriculteurs, ce qui donne un peu, d'une certaine façon, au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation un langage double dans les circonstances actuelles. Vous ne trouvez pas que vous, vous avez une position et que lui en a une aussi; il les agrémente d'autres conditions et là vous vous dites: D'accord, on a obtenu l'inclusion de l'article 11, mais on a oublié tout le reste. Alors, je vous pose la question suivante à ce sujet: Pensez-vous que l'accord sur le libre-échange, tel que présenté actuellement, par la disparition de l'ensemble des tarifs sur les produits agricoles, vous satisfait? Est-ce que c'est cela que vous appelez le statut spécial pour l'agriculture au Québec?

M. MacDonald: Pour être certain que nous nous ne retrouvions pas, comme vous le prétendez, dans une situation de conflit, et il n'y avait pas une situation de conflit, il y avait la situation suivante, permettez-moi de le dire. Justement du fait que l'entente pour ce qui est de sa gestion générale est assujettie aux conditions du GATT et que, dans les conditions du GATT, on retrouvait l'article 11, on nous avait donné le conseil que pour ce qui est de la capacité pour le Canada d'imposer des quotas vis-à-vis du dumping ou vis-à-vis d'une situation critique pour les producteurs, le Canada aurait toujours le droit de recourir aux avantages conférés par l'article 11.

M. Pagé: à la suite des représentations qui lui ont été faites, a demandé et a insisté pour que l'article 11 soit inclus. M. Page, moi-même et le premier ministre avons fait les démarches nécessaires avec les résultats que vous connaissez et qui semblent justement avoir grandement satisfait une des demandes de l'UPA.

M. Jolivet: Effectivement, c'est une de leurs demandes, mais ce n'est pas la seule. Vous êtes bien conscient de cela?

M. MacDonald: Ce n'est pas fa seule demande. Alors, si vous voulez, je peux reprendre. Cet après-midi, en conférence de presse, le ministre de l'Agriculture s'est dit non seulement satisfait de la teneur du texte final en ce qui a trait à l'agriculture. Il y voyait là effectivement des améliorations qui avaient été apportées par rapport au texte préliminaire et il y avait certaines questions, et vous en conviendrez avec

moi, en regardant particulièrement les formules d'algèbre que nous retrouvons dans les appendices de ce chapitre VII, il y avait encore certains points qu'il voulait éclaircir et sur lesquels il posait des questions. Mais de façon générale II se disait lui-même satisfait. Je n'ai pas les textes, mais je crois ne pas fausser sa présentation. Si vous voulez reprendre, M. le député de Laviolette, des conditions qu'il aurait posées. Je pense que vous avez fait allusion, par exemple, au poulet de transformation...

M. Jolivet:: Oui, je vais...

M. MacDonald: ...et des choses comme cela. Si vous nous les donnez une à une...

M. Jolivet:: Oui.

M. MacDonald: ...on cherchera à répondre à vos questions.

M. Jolivet: Au départ, vous êtes bien conscient que l'UPA disait, après le discours du ministre, qu'elle était satisfaite de voir qu'il avait changé d'idée, mais vous avez aussi les textes qui ont été donnés... Elle disait cependant qu'elle le surveillerait parce que, effectivement, ce n'était pas seulement l'article 11 du GATT qui était demandé, elle demandait au départ l'exclusion, et cela aurait été la meilleure des choses à faire pour eux à ce sujet.

M. MacDonald: Pour eux, pour certains membres de i'UPA, c'était l'objectif politique.

M. Jolivet: Ils représentent quand même l'ensemble des agriculteurs au Québec. La question de...

M. MacDonald: Ce n'était pas l'attitude de la Coopérative fédérée qui en représente également 35 000 et qui, en commission parlementaire, a présenté une position très différente, mais je conviens que certaines personnes de I'UPA ont cette attitude.

M. Jolivet: Prenons la question du poulet transformé. Vous êtes actuellement conscient que les ententes qui existent font que 6,3 % du poulet, que ce soit du poulet vivant ou du poulet désossé, sur le marché québécois vient des États-Unis. Tous les ans, il y a des demandes de permis spéciaux pour 1,2 % de poulet supplémentaire, ce qui fait en moyenne 7,5 %. Mais le 1,2 % et considéré comme la marge permettant Justement le poulet transformé actuellement. De façon majoritaire, c'est surtout pour cette demande qu'ils le font. On sait qu'actuellement le marché québécois du poulet transformé est d'environ 35 % à 40 % et on prévoit atteindre 55 % dans les prochaines années. La question qu'il faut poser, c'est: Les 7,5 %" présentés actuellement, c'est "at large"...

M. MacDonald: C'est... (22 heures)

M. Jolivet: C'est "at large". Cela veut dire qu'il n'est plus question, comme c'est le cas actuellement... Ce peut être du poulet désossé, ce peut être du poulet transformé, surgelé ou autre, de telle sorte qu'actuellement on n'a aucune garantie quant aux quotas d'importation du poulet transformé. Où sont-ils?

M. MacDonald: Non. Je crois qu'il y a certaines affirmations que vous avez faites, par exemple à propos des pourcentages... Je vous rappellerai que 6,3 %, c'était le chiffre total de l'année 1986, je crois, et que le pourcentage de 7,5 % représente l'ensemble des importations, y compris les permis spéciaux sur les cinq ans qui avaient précédé...

M. Jolivet:: La moyenne, c'est cela.

M. MacDonald: ...et on s'arrête sur ce quota, cette moyenne de 7,5 %. Pour ce qui a trait au traitement futur de ce qu'on pourrait appeler le poulet préparé ou la surtransformation, M. Grenier pourrait peut-être vous apporter des précisions additionnelles.

M. Grenier: Je pense que le souci, si on a bien compris, de I'UPA à ce chapitre, c'est surtout le poulet qui entrerait au Canada sous forme de plats préparés, les "TV dinners", ce genre de produits.

M. Jolivet: Des McCroquettes.

M. Grenier: C'est cela, des aliments prêts à être consommés. Actuellement, ces produits, selon nos informations, ne sont pas couverts par le quota dont il a été convenu dans les années soixante-dix, au moment où on a mis en place l'Office de commercialisation du poulet. À ce moment-là, on a gelé les niveaux d'importation et plusieurs de ces produits n'existaient même pas. Cependant, ce dont il a été convenu au moment de la négociation et que l'on retrouve maintenant dans l'accord, c'est que les niveaux de ces quotas, notamment du poulet, du dindon et des oeufs, ont été légèrement augmentés. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a transformé les taux réels en taux nominaux, parce qu'il y a toujours possibilité, pour le transformateur qui en fait la demande, s'il peut prouver que le produit dont il a besoin n'est pas disponible sur le marché canadien, de faire une demande au ministère des Affaires extérieures pour obtenir un permis spécial d'importation.

Donc, comme le ministre l'a mentionné tantôt, la moyenne des dernières années faisait qu'on dépassait le taux nominal du quota. Cependant, effectivement, ces nouveaux taux comme les anciens ne comprennent pas le poulet qui entre sous forme de plats préparés, les plats qui sont prêts pour la consommation. Les statis-

tiques là-dessus ne sont pas faciles à trouver, de l'avis de tout le monde, mais on sait que c'est une petite fraction. La question, c'est: Est-ce qu'on peut vraiment se protéger contre des importations beaucoup plus grandes dans l'avenir? Actuellement, ces produits ne sont pas couverts par le quota. La capacité du Canada d'agir pour protéger cette production, c'est-à-dire l'inclure dans le quota, est maintenue en vertu de l'article 11 du GATT puisqu'on contrôle notre production. Donc, on peut effectivement les inclure si on veut les inclure. Si on veut faire cela, il faudra augmenter le quota.

M. Jolivet: Oui.

M. Grenier: C'est cela.

M. Jolivet: Est-ce qu'on peut prévoir justement que la hausse des quotas de la volaille va surtout être absorbée par le poulet transformé? Le gouvernement, à ce moment-là, est-il prêt à reconnaître que, si tel est le cas, l'accroissement, sur le marché canadien, des poulets transformés venant des États-Unis aurait un impact tout à fait négatif sur l'ensemble de toutes les entreprises québécoises, en particulier pour les producteurs de volaille?

M. Grenier: Ce n'est pas du tout ce qu'on anticipe. En fait, les importations sont contingentées depuis longtemps et elles vont le demeurer. La hausse de ce quota, s'il y a hausse effectivement, parce que le nouveau taux nominal correspond au taux réel des cinq dernières années, est attribuée aux surtransformateurs canadiens qui en font la demande, qui en ont besoin, donc pour leur permettre de rester compétitifs, vu la baisse des tarifs sur les produits transformés. Mais si on constatait qu'il y a une forte hausse des produits transformés qui contiennent du poulet, par exemple, le gouvernement fédéral pourrait agir pour contingenter l'importation de ces produits et les limiter dans l'avenir. S'il voulait le faire, il faudrait qu'il l'augmente le quota, c'est-à-dire que ce dernier ne pourrait pas rester à 7,5 %. Il faudrait qu'il augmente à 7,6 % ou 7,7 %. À ce moment-là, il resterait à ce taux et, pour l'avenir, II n'y aurait pas de hausse catastrophique de l'importation de ces produits transformés.

M. Jolivet: On verra cela à la longue, parce que, lorsqu'on regarde les 7,5 % et qu'on parle de moyenne plus élevée, d'année en année dans certains cas, on va se poser la question à l'avenir. Vous dites: En vertu de l'article qui est là, l'ensemble - et c'est ce que l'on prétend - de l'augmentation du 1,2 % aura pour effet d'aller dans le poulet transformé.

M. Grenier: Je m'excuse. Il n'y aura pas d'augmentation de 6,3 % à 7,5 %. Cette augmen- tation a eu lieu dans le passé. Tout ce que l'on fait maintenant, c'est reconnaître dans les faits que le vrai quota, la vraie dimension, en fait, des quantités de poulet importé des États-Unis sous le quota de 6,3 % et sous les permis spéciaux, c'est 7,5 % depuis cinq ans. C'est un fait, ce sont les taux réels. Alors, il n'y aura pas d'augmentation. Il n'y a pas d'augmentation réelle des importations à cause du fait que l'on passe d'un quota de 6,3 % à 7,5 %. On reconnaît simplement que dans tes faits ce fut la situation.

M. Jolivet: Mais êtes-vous conscient que ce sera le poulet transformé qui absorbera la majeure partie de ce 1,2 %?

M. Grenier: Non, on ne peut pas convenir de cela, M. le député, parce qu'il n'y en aura pas de hausse attribuable à ce changement de chiffre de 6,3 % à 7,5 %, puisque c'est une hausse qui est intervenue dans le passé.

M. Jolivet: Je le sais, mais je veux dire qu'actuellement il y a différents poulets: poulets vivants, poulets désossés, poulets transformés. Ce qu'on vient d'accorder pour se rendre à 7,5 % a pour effet de "transposer" le poulet vivant et le poulet désossé vers le poulet transformé. De quelle façon allez-vous le vérifier?

M. Grenier: Actuellement, le quota ne couvre pas ces produits-là. Les produits importés sous le quota ne sont pas des produits transformés. Ce ne sont pas des "TV dinners", lis sont à l'extérieur du quota.

M. Jolivet: Le 1,2 %, quand ils demandent les permis spéciaux d'année en année, c'est en dehors de cela?

M. Grenier: Normalement, c'est parce que ce sont des produits qui ne sont pas disponibles sur te marché en des quantités ou à des qualités désirées. Par exemple, si quelqu'un veut 10 000 poulettes grises dans deux semaines et qu'elles ne sont pas disponibles sur le marché canadien, effectivement il peut demander un permis et, après vérification au ministère de l'Agriculture canadien. II l'obtient.

M. Jolivet: Compte tenu du temps qu'il nous reste, j'ai une autre question à poser, mais cela ne terminera pas l'ensemble, mais au moins on aura fait un premier tour. Le premier ministre de l'Agriculture indique dans son document que l'absence, dans l'accord préliminaire, d'une définition précise de ce qu'est une subvention directe à l'exportation a créé des inquiétudes quant à l'avenir des programmes de soutien des revenus agricoles, et qu'il doit être clair que ces subventions ne comprennent que celles

versées dans le seul but d'inciter les producteurs à exporter ou celles versées sur les produits exportés seulement. C'est le texte du ministre de l'Agriculture présenté à Ottawa.

Ma première question: Est-ce que vous êtes satisfait de la définition, prévue dans l'entente de la subvention à l'exportation, par rapport à l'inquiétude qu'avait le ministre et qu'il a exprimée aux agriculteurs?

M. MacDonald: Je ne vois aucune définition de subvention. Pouvez-vous m'indiquer où?

M. Grenier: Page 92, effectivement. M. MacDonald: Page 92, d'accord. M. Jolivet: Êtes-vous satisfait? M. MacDonald: Cela va.

M. Grenier: En fait, on reprend la définition du GATT.

M. Jolivet: Pouvez-vous nous donner l'assurance que le concept très large de la subvention liée à l'exportation ne permettra pas aux Américains de considérer les paiements d'assurance-stabilisation ou d'assurance-récolte, les subventions de mise en valeur d'exploitation agricole comme étant des subventions à l'exportation? De quelle façon?

M. Grenier: Tout à fait, mais cela ne veut pas dire que cela nous met à l'abri. On n'a pas besoin d'avoir des subventions à l'exportation pour être vulnérables à une enquête en droits compensateurs aux États-Unis. On l'a vu, par exemple, dans le cas de l'enquête sur le porc où il y avait un programme de stabilisation dont effectivement une composante a été jugée compensable. Il ne faut pas qu'une subvention ait l'étiquette à l'exportation pour qu'elle soit vulnérable, mais les subventions à l'exportation comme telles sont carrément prohibées.

M. Jolivet: Cela, c'est clair.

M. Grenier: C'est cela. Mais quand on a une subvention qu'on appelle une subvention domestique qui a un effet de distorsion sur le commerce telle que définie soit dans le GATT, soit dans les lois nationales qui sont conformes à l'accord général du GATT, à ce moment-là, on est vulnérables aussi à l'imposition d'un droit compensateur si on cause un préjudice.

M. Jolivet: Est-ce que cela veut dire que, dans ce contexte-là, il n'y a rien qui nous met à l'abri que les Américains ne feront pas une demande de droits compensateurs?

M. Grenier: Si dans un cas comme celui-là, comme cela s'est passé par exemple pour le porc, effectivement cette menace ne disparaît pas, ce qu'on a cependant gagné avec l'obtention du mécanisme de règlement de différends qui s'appliquera justement au cas de droits compensateurs et de droits "antidumping", c'est l'examen impartial par un tribunal binational de l'application de ce droit national.

M. Jolivet: Donc, on n'a aucune garantie. Les garanties seront données plus tard, par une décision qui sera prise ailleurs.

M. Grenier: Non. Qui va être prise, entre autres, par un tribunal où les Canadiens vont siéger.

M. Jolivet: Oui, c'est cela. Ailleurs qu'au Québec.

M. Grenier: Cela, c'est une amélioration considérable sur la situation actuelle.

M. Jolivet: Dans quel sens?

M. Grenier: Dans le sens où, actuellement, l'examen du bien-fondé d'une décision américaine est effectué uniquement dans le système judiciaire américain. On a remplacé cet examen par la procédure de règlement des différends qui est exposée dans l'accord. Cela, c'était un des objectifs majeurs du Canada et cela correspondait aussi à l'une des conditions du Québec. Je pense qu'à l'examen, en tout cas, a priori, cela nous paraît effectivement très intéressant. Il va falloir voir à l'expérience ce que cela donne.

M. Jolivet: En fait, il s'agit de se poser la question: Est-ce que, par cet accord - avec ce que vous venez de nous dire - que les offices de commercialisation et les systèmes d'assurances ne seront pas touchés par cela? Il n'y a aucune garantie.

M. Grenier: Ces offices sont complètement maintenus et la capacité du Canada d'en établir de nouveaux est aussi maintenue.

M. Jolivet: Malgré ce que vous venez de me dire.

M. Grenier: Non, mais c'est sûr que l'on peut faire ce qu'on veut. En fait, le GATT nous en donne le pouvoir. Maintenant, si en faisant cela et en exportant une partie de la production, on cause un préjudice matériel aux producteurs américains ou à d'autres producteurs ailleurs, on peut s'exposer à des poursuites.

M. Parent (Bertrand): Alors, sur la question de l'agriculture, en terminant, j'aimerais juste soulever, sur ce point-là, les déclarations du ministre Pagé, qu'il a faites en commission parlementaire, le 16 septembre dernier. Le ministre de l'Agriculture avait déclaré que toute augmentation des quotas d'importation devrait passer par un consensus et particulièrerment une analyse très rigoureuse des impacts qu'elle aura sur notre économie, sur nos industries, sur nos entreprises et dans nos régions du Québec.

Alors, je dis juste, en terminant, que cette déclaration du ministre, en commission parlementaire, a fait en sorte qu'on avait l'assurance que les quotas ne seraient pas touchés, sans qu'il y ait définitivement consensus et aussi qu'il y ait une analyse très rigoureuse. Ce qui, à mon avis, n'a pas été respecté.

M. MacDonald: C'est votre interprétation, mais vous admettrez avec moi - si vous voulez regarder les faits - que les quotas n'ont pas été augmentés. Nous avons pris la moyenne des 5 ans, en nous rappelant, par exemple, ce à quoi le député de Laviolette se référait, les pourcentages s'appliquant au poulet et que le tarif - si vous voulez utiliser les chiffres réels - le quota a été établi à 7,5 % et c'est 9,5 % de pénétration que les Américains ont faite dans le marché, en 1984. Alors, cela n'a été que témoigner des 5 années passées prendre la moyenne et non pas augmenter les tarifs.

M. Parent (Bertrand): Je vous répondrais là-dessus, M le ministre. Les quotas comme tels ont été modifiés et vous-même, vous le dites dans votre document. Dans une perspective québécoise, les quotas à l'importation de la volaille ont été modifiés marginalement et vous dites que ces modifications ou ces quotas additionnels à l'importation seront octroyés, et ainsi de suite. On n'a pas le temps d'argumenter là-dessus, mais effectivement, on a une divergence là-dessus

Je terminerai mes propos, en vous disant qu'on n'a pas touché le point 5, qui est la mise en place d un mécanisme de règlement des différends, avec lequel les provinces seront associés. C'est un engagement. Moi, je vous dis que, jusqu'à preuve du contraire, y compris dans les derniers propos du premier ministre, le Québec n'est associé à aucun mécanisme, jusqu'à maintenant. Je voudrais, bien sûr, dans votre allocution de la fin - si l'on peut appeler cela ainsi - que vous puissiez nous donner l'assurance que cette condition no 5 sera remplie, c'est-à-dire que le Québec sera associé aux mécanismes de règlement des différends.

Quant à l'ensemble du dossier, les quatre heures qu'on a passées, M le ministre, nous ont apporté des éclaircissements additionnels, certes, mais que ce soit sur ta question de la langue, par notre collègue le député de Taillon, que ce soit sur la question de l'agriculture et j'ai quatre ou cinq autres collègues qui auraient voulu venir aujourd'hui et j'ai dû limiter cela vous conviendrez que nous avons beaucoup de préoccupations et de questions. Vous comprendrez aussi, M le ministre, que ce n'était pas non plus un exercice futile et que même le temps fait en sorte qu'on est obligés de se limiter, mais que, effectivemment, les questions que nous nous posons, sont des questions de fond. Ce ne sont pas des questions pour dire seulement de façon superficielle qu'on va jouer une "game" pour montrer qu'on n'est pas tout à fait d'accord. II y a des convictions profondes chez nous. Je dois vous dire qu'on y travaille jusqu'à des heures tardives dans la nuit pour essayer de comprendre, non pas pour faire de l'extrapolation pour de l'extrapolation, mais pour bien saisir. Si la part de l'Opposition peut être la plus positive possible pour faire en sorte d'éviter des erreurs ou d'essayer de bonifier sans avoir aucune prétention, je pense qu'on aura fait notre job.

Le point 4, la condition 4, concernant la mise sur pied des programmes, on en a parlé assez longuement. Je vous dis que je maintiens mes propos et même si vous dites oui, on aura le temps, je vous dis, M le ministre, il faudra s'assurer que le gouvernement, avant de donner son accord final, ait réellement obtenu du gouvernement fédéral ce qu'il entend obtenir, que ce sort en termes de participation financière ou autre chose, toute la mise sur pied des programmes. Au fond, ce qui nous préoccupe énormément ce sont les gens, les travailleurs de petites et moyennes entreprises, qui sont les perdants dans toute cette affaire du libre-échange. Je ne suis pas inquiet pour les grandes entreprises, je sais qu'elles seront capables de se débrouiller. On sait que 80 % des entreprises québécoises sont des petites et moyennes entreprises et on sait qu'il y a beaucoup de travailleurs qui vont être, dans la conjoncture des deux, trois, cinq, dix prochaines années, mis sur la voie d'évite ment au niveau du marché du travail pour toutes sortes de raisons. Dans certains cas cela se serait produit de toute façon à cause de ce qui se passe, mais bien sûr qu'il y a un virage qui se prend, et je trouve que c'est une excellente occasion.

Je termine en vous disant qu'il y a dans cette entente beaucoup de mesures et d'impacts qu'on ne verra que dans deux, trois, cinq ou dix ans À cause de tous ces impacts indirects, il faut prendre le maximum de précautions J'espère que les quatre heures qu'on a pu passer ensemble vous ont montré à quel point on était préoccupés, M le ministre Je vous remercie de même que mes collègues pour la lumière que vous avez pu nous apporter. Ce que je trouve dommage, c'est que cela ait été vraiment trop court Je vous remercie, M le Président.

M. Jolivet: Pour tant de...

Le Président (M. Baril): M. le ministre.

M. MacDonald: M le député de Bertrand, vous avez été fidèle à votre façon de faire dans ce dossier depuis le tout début. Effectivement, le sérieux de vos questions et des questions de vos collègues a effectivement, je crois, amené pour vous une certaine lumière et, chez nous, explicité certains domaines qu'on avait fouillés et qu'on va probablement fouiller encore.

J'ai vu dans vos explications préalables que c'était pour vous un exercice que vous recherchiez avec vos collègues, effectivement, d'éclair-cir vos préoccupations. J'ai vu l'insistance avec laquelle vous avez souligné la question des programmes de transition. Je suis totalement d'accord avec vous non seulement sur le besoin de programmes, mais que ces besoins et programmes soient également très adéquats, compte tenu des circonstances, dans chacun des créneaux d'activité.

J'espère que, à la réalisation de cette appréciation que nous avons de l'entente et des améliorations qu'on veut y apporter ou des confirmations qu'on veut avoir, vous pourrez partager avec l'ancien chef du Parti québécois, M. René Lévesque, cette déclaration qu'il faisait le 15 octobre, en réponse à une question de Mme Desjardins: "It is basically one hell of a good thing." Ou si vous voulez me permettre de citer une personne que vous avez consultée tout dernièrement, et je présume qu'elle n'avait pas changé d'idée, M. Parizeau, quand il dit: "Le Québec peut tirer grand profit de l'entente conclue avec les Américains." Il continue: "Sur le plan des avantages, je suis plus d'accord avec le gouvernement actuel qu'avec le parti auquel j'ai déjà appartenu." Il disait aussi que, selon lui, il n'y a pas de catastrophe nationale à ce qu'une entreprise québécoise passe aux mains des Américains. Mais même là, tout particulièrement - il ne le savait pas à ce moment-là - pour ce qui avait trait aux entreprises d'État qui pourraient être privatisées, nous avons ajouté des protections additionnelles. Finalement, M. le député de Laviolette, M. Parizeau disait, et je présume que vous devriez en prendre note: Au plan agricole, l'ex-ministre estime que le milieu agricole exagère les conséquences de l'accord qui abolit tes tarifs agricoles. Se disant de l'avis de M. Bourassa à cet égard, il souligne que tous les programmes d'appui à ce secteur demeurent. Je finirais en me permettant de partager avec vous cet en-tête de journal qui dit tout sur le libre-échange: "Les jeunes du PO donnent leur appui à Bourassa." Alors, on attend votre participation active, après la réflexion à laquelle vous avez droit et cela nous fait plaisir de partager votre réflexion.

M. Jolivet: Je suis très heureux de voir que vous avez de bonnes lectures.

M. Parent (Bertrand): M. le ministre, nous animons vos lectures nocturnes.

M. Jolivet: II n'y a aucun libéral qui parle comme cela.

Le Président (M. Baril): La commission ajourne ses travaux sine die, après avoir accompli son mandat. Je vous remercie beaucoup et bonne nuit.

(Fin de la séance à 22 h 21)

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