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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Charbonneau): Mesdames, messieurs,
bonjour.
La commission parlementaire de l'économie et du travail reprend
sa consultation générale ce matin en ce qui a trait à la
libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les
États-Unis.
Nous abordons aujourd'hui la dernière journée de notre
consultation et je vais vous donner l'ordre du jour. Nous recevrons d'abord le
Comité consultatif des associations de consommateurs du Québec et
la jeune Chambre économique et du commerce de l'Estrie. Cet
après-midi, nous recevrons le principal conseiller du gouvernement du
Québec dans le dossier du libre-échange, M. Jake Warren, et
finalement des remarques finales seront données à la fois par le
ministre, le critique et, selon certaines informations, peut-être aussi
par le premier ministre et le chef de l'Opposition.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux
remplacements. M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est
remplacé par M. Audet (Beauce-Nord) et M. Rivard (Rosemont) est
remplacé par M. Lemieux (Vanier).
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
secrétaire. J'invite maintenant M. Racicot et Mme Solange
Guillot-Lemelin.
Madame, monsieur, bonjour. Bienvenue à la commission de
l'économie et du travail. Je vous indique les règles du jeu que
vous connaissez peut-être déjà. On a une heure avec votre
organisme; une première tranche d'une vingtaine de minutes pour la
présentation du mémoire et le reste du temps est réparti
de part et d'autre entre les membres de la commission pour des échanges
et des discussions. Sans plus tarder, M. Racicot, si vous voulez engager votre
présentation.
M. Racicot (Pierre): Je vais d'abord laisser la parole à
Mme Lemelin, si vous le voulez bien.
Le Président (M. Charbonneau): D'accord. C'est elle qui
présente. Madame, vous avez la glace devant vous!
Comité consultatif des associations de
consommateurs du Québec
Mme Guillot-Lemelin (Solange): M. le Président, M. le
ministre, nous remercions le gouvernement du Québec de bien vouloir nous
entendre aujourd'hui sur la question du libre-échange. Le Comité
consultatif des organisations de consommateurs comprend les organisations de
consommateurs du Québec intéressées à la question,
soit l'Association des consommateurs du Québec, la
Fédération nationale des associations de consommateurs, la
Fédération des associations coopératives d'économie
familiale, le Service d'aide aux consommateurs de la région 03 et
l'ACEF, centre de Montréal.
Aujourd'hui, la FACEF, le SAC et le centre de Montréal ne sont
pas ici représentés.
À partir des pour et des contre, on a fait un procès
théorique de la situation concernant le libre-échange...
Le Président (M. Charbonneau): Pourriez-vous vous
rapprocher un peu plus du micro? Le problème, c'est qu'il y a des
travaux, comme c'est l'habitude ici au parlement, et on les entend beaucoup ce
matin.
Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Alors, on a étudié
d'une façon spécifique l'impact d'un accord de
libre-échange entre le Canada et les États-Unis en rapport, bien
sûr, avec l'intérêt des consommateurs parce que notre
rôle, c'est de protéger l'intérêt des consommateurs.
On a soulevé six points importants sur lesquels on aimerait appuyer nos
interrogations, surtout concernant les prix, la qualité et la
sécurité des produits, le pouvoir d'achat, les programmes
sociaux, le développement régional et la démocratie.
Même si de façon générale on se dit pour le
libre-échange, on ne voudrait pas qu'un accord se fasse sans
considérer les points suivants.
Concernant la qualité et la sécurité des produits,
les associations de consommateurs sont toujours concernées par la
qualité des produits. Ce n'est pas nouveau, c'est notre principale
préoccupation. Étant conscient que les normes
réglementées ici au Canada ne sont pas les mêmes que celles
des États-Unis, on parle d'harmonisation des normes
mais on souhaite que l'harmonisation se fasse selon les normes les plus
élevées. On n'a pas d'étude précise pour dire si,
aux États-Unis en général, les produits sont plus
sécuritaires que ceux du Canada. Par exemple, dans l'automobile, dans
les voitures usagées, il y a beaucoup plus de contrôle aux
États-Unis qu'ici. Les voitures doivent être obligatoirement
inspectées. Par contre, ici, sur d'autres produits - on a donné
l'exemple dans le mémoire des sièges d'auto pour enfant,
où les normes obligatoires des États-Unis ne sont pas aussi
rigoureuses que celles du Canada. Il serait très important pour nous
qu'on tienne compte de ce point-là dans les prochaines
négociations. D'ailleurs, on n'est pas tout à fait sûr que
cela a été considéré.
Ce n'est pas seulement sur les produits qui sont actuellement
fabriqués mais aussi sur les nouveaux produits. Quelles seront les
normes retenues?
Des programmes sociaux. On demande de protéger les programmes
sociaux actuels. On se dit que l'entreprise voudra réduire les
coûts de la main-d'oeuvre et de la production mais aussi les charges
fiscales, l'impôt. Nous ne voulons pas que cela remette en cause les
programmes sociaux. Si les charges des employeurs sont plus importantes au
Canada qu'aux États-Unis, précisément pour financer nos
programmes sociaux, les producteurs se plaindront pour pouvoir concurrencer les
Américains. On dit, entre autres, que 43 % des revenus de tous les biens
et services sont consacrés aux programmes sociaux au Canada contre 32 %
aux États-Unis. L'aide aux familles, les régimes de retraite, les
prestations de chômage et l'assurance-maladie, voilà autant de
programmes par lesquels les Canadiens bénéficient d'une meilleure
protection sociale. Le fait de devoir résister au lobbying des
entrepreneurs qui veulent obtenir une réduction des avantages sociaux
doit être tenu en considération. Au comité consultatif, on
a toujours dit que la sécurité sociale des Canadiens ne doit pas
faire les frais du libre-échange.
On a aussi dit - vous l'avez vu. à la lecture de ce
mémoire - que notre avenir va se jouer dans les quelques semaines qui
viennent. Alors, pour cette raison, on a demandé qu'il y ait un
référendum sur la question. On considère qu'une commission
parlementaire, c'est un bon pas, mais ce n'est pas suffisant pour une question
aussi importante. Si notre avenir est en jeu, on demande qu'il y ait un
référendum.
Je vais passer la parole à M. Racicot.
M. Racicot: En ce qui concerne la question des prix, je pense que
c'est un des points cruciaux, avec la qualité des produits, concernant
les négociations sur le libre-échange pour les consommateurs
québécois et canadiens.
Pour commencer, on va se préoccuper des consommateurs
québécois parce que l'ACC s'occupe des consommateurs canadiens de
façon plus spécifique. Pour nous, la question des prix est assez
importante parce que, finalement, les prix sont régressifs,
c'est-à-dire que, s'il y a une augmentation de prix, si les prix sont
trop élevés, cela touche d'abord les consommateurs à
très faible revenu et moins, toutes proportions gardées, les
consommateurs à très haut revenu. Donc, si le
libre-échange entraîne une baisse de prix significative sans
toucher au pouvoir d'achat, par ailleurs, évidemment, on ne peut pas
faire autrement que d'être favorable è un accord de
libre-échange. Par ailleurs, si la baisse des prix n'est pas si
évidente, compte tenu de l'impact que le libre-échange pourrait
avoir sur le pouvoir d'achat des consommateurs et sur les programmes sociaux,
comme le disait Mme Lemelin, à ce moment-là, on peut s'interroger
sérieusement sur la nécessité d'avoir un traité de
libre-échange avec les États-Unis.
Pour cette section, je pense qu'il est bon d'examiner la question des
prix en détail. Premièrement, quand on dit que les consommateurs
vont pouvoir bénéficier d'une réduction de prix de l'ordre
de 2 000 000 000 $ par année due à l'abolition des
barrières tarifaires, on a fait un petit calcul sur ce qui pourrait
être garanti qui viendrait dans nos poches comme consommateurs. On a
évalué, dans la mesure où l'abolition des barrières
tarifaires se ferait sur une période d'une dizaine d'années, que
cela se traduirait pour les personnes actives au Canada par une économie
de 6 $ par année. Évidemment, 2 000 000 000 $, on peut avoir
l'impression, quand ce chiffre est lancé, que tout le monde va
être milliardaire mais, lorsqu'on fait une comptabilité un peu
plus serrée, on s'aperçoit que les choses sont plus relatives sur
le plan individuel. La barrière tarifaire comme telle, ce n'est pas
tout. Ce n'est pas parce qu'il y a 2 000 000 000 $ qui vont revenir, en
principe, dans les poches des consommateurs que la partie est gagnée et
que c'est la seule réduction de prix qu'on va avoir parce qu'il va y
avoir une entrée de produits américains sur le marché.
Alors, on a examiné cette possibilité d'une plus grande
concurrence, sur le marché canadien, due aux produits américains.
Pour faire le calcul, cela donne 38 $ par année pour un ménage de
quatre personnes ayant des revenus de 35 000 $ par année et pour un
ménage vivant sous le seuil de la pauvreté, c'est-à-dire
20 000 $, cela va lui donner une économie de $32 $ par année sur
une période de dix ans, sur un certain nombre de dépenses.
Quelles sont les dépenses qu'on a considérées? On a tenu
compte des articles d'ameublement, de l'habillement, des loisirs, 29 septembre
1987
Commission permanente
du tabac et de l'alcool. Pourquoi a-t-on pris ces éléments
et non pas les autres? C'est parce que le libre-échange n'affectera pas
les autres. Si on prend par exemple la question de l'alimentation, un poste
impartant pour les consommateurs, elle ne sera pas touchée,
possiblement, par la question du libre-échange. Si on touche par exemple
à la question du pacte de l'auto, le prix des autos, cela aussi
normalement ce n'est pas touché par le libre-échange. Si on va du
côté des articles ménagers et de l'entretien
ménager,. le poste le plus important selon Statistique Canada pour
l'entretien ménager c'est le coût du téléphone. Or,
s'il y a libre-échange il va y avoir une augmentation du coût des
appels téléphoniques du service local. Alors, on ne peut pas
à ce moment considérer cela. Même dans les conditions qui
font que nous disons être d'accord avec le libre-échange avec les
États-Unis, on demande au gouvernement du Québec d'exclure les
communications, c'est-à-dire toute la question de la
téléphonie, du libre-échange puisque cela aura un impact
négatif pour les consommateurs parce que cela entraînera une
hausse de prix du service local.
Si on exclut ces éléments, ce qui reste
concrètement pour les consommateurs ce sont: les meubles, la literie,
les tapis, les appareils ménagers, les lampes, les articles de cuisine,
les outils, les vêtements, les bijoux, les jouets, les photographies, les
moteurs hors-bord, les bicyclettes, les motocyclettes, les bateaux, les radios,
les TV, les tourne-disques, les cassettes, les billets de voyage, les
cigarettes, les cigares, les vins, les bières et les spiritueux. Alors,
pour l'ensemble de ces produits, évidemment fabriqués aux
États-Unis - si ce sont des produits japonais, là c'est une autre
histoire - cela va se traduire par une diminution des prix de 38 $ pour une
famille à revenu moyen, si vous voulez, et de 32 $ pour une famille
vivant sous le seuil de la pauvreté. Il ne faut pas oublier une chose,
c'est à la condition que la réforme fiscale ne s'applique pas,
c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de taxe à la consommation. Tout ce
dont on vient de parler peut être annulé - et ce sont des montants
qui ne sont pas faramineux -facilement par une taxe à la consommation.
Aussi, indépendamment de la taxe à la consommation, s'il y a 2
000 000 000 $ de moins dans les coffres de l'État fédéral,
dû à l'abolition des barrières tarifaires, où le
gouvernement fédéral va-t-il prendre ces 2 000 000 000 $? S'il
vient les chercher par le biais de l'impôt, les consommateurs ne seront
pas plus gagnants.
Donc, sur la question des prix, je pense qu'on a tenté de mieux
cerner la baisse effective qui pourrait théoriquement se produire pour
les consommateurs, pour les ménages québécois. Certains
vont dire qu'on a dessoufflé une balloune.
L'autre problème qui peut se poser, et ce pour quoi on est sur
nos gardes de façon extrême je dirais, c'est: Est-ce que la baisse
des prix va se réaliser vraiment? On a l'exemple, nous, de la chaussure.
En 1985, le gouvernement fédéral a aboli les quotas pour un
certain nombre des produits de la chaussure. Quant à nous, comme
organisation de consommateurs, on s'était opposés en 1983
à l'abolition des quotas en disant: On n'a pas de garantie, sauf qu'on
sait qu'on va perdre des emplois. En 1984, quand c'est revenu, on a dit: O.K.
On va voir ce que cela va donner, mais ce n'est pas très drôle
parce que cela s'est traduit par une augmentation de prix de 8 % à 20 %
selon les types de chaussures. Là', on a affaire au marché
international, on n'a pas affaire seulement aux Américains et, comme
consommateurs, on a subi une perte de 1400 emplois, donc un certain groupe de
consommateurs ont perdu du pouvoir d'achat.
Donc, on aimerait avoir des garanties dans certains cas, parce que le
marché n'est pas, semble-t-il, très concurrentiel, qu'il y aura
effectivement une baisse de prix parce que les garanties ne sont pas
nécessairement là où il y a une certaine concentration
d'entreprises.
Finalement, le dernier point, pendant combien de temps cette
baisse-là va-t-elle se produire? On vient de dire qu'elle n'est pas
faramineuse, mais pour combien de temps? Le ministère des consommateurs
du gouvernement ontarien croit, quant à lui, que les grandes entreprises
américaines vont faire une lutte acharnée sur le marché
canadien pour, ensuite, éliminer du décor les petites entreprises
et, finalement, gérer les prix à leur guise. C'est pour cela que,
même le gouvernement ontarien - ici, je ne sais pas ce que le ministre
des consommateurs en a dit - était très sceptique quant aux
perspectives à long terme de la question des prix pour les
consommateurs.
Seulement un mot sur la question du pouvoir d'achat. Tout le monde
sait... Il y a des gens qui prévoient une diminution catastrophique du
pouvoir d'achat; d'autres croient qu'il va y avoir beaucoup d'emplois qui
seront créés et, en conséquence, une amélioration
du pouvoir d'achat. Nous avons regardé ce qui s'est produit ces
dernières années aux États-Unis. On s'est aperçu
que, finalement, en 1984, on est arrivé avec un taux de chômage -
excusez nos données un peu désuètes... Le niveau d'emploi
est revenu à ce qu'il était en 1981. Ces emplois n'ont
été créés ni dans l'industrie ni dans le secteur
tertiaire moderne, c'est-à-dire dans la recherche, l'industrie de
l'information et de la communication et la biotechnologie, mais principalement
dans les activités de service qui n'offrent que des emplois
précaires non qualifiés et sans possibilité
d'évolution professionnelle, ce qui fait que sur la question de
l'emploi qui se crée, si le passé américain est garant de
l'avenir canadien, nous n'aimons pas ce genre de chiffres, ce genre
d'évolution.
En ce qui concerne la répartition de la richesse à
l'intérieur des États-Unis et dans la mesure où nos
systèmes vont se rapprocher graduellement de ceux des Américains,
en ce qui concerne l'état de la distribution du pouvoir d'achat, il
appert qu'en l'espace de dix ans 5 % de la population qui contrôlait 25 %
de la richesse a vu sa part grimper à 35 %. Depuis l'arrivée au
pouvoir de M. Reagan en 1979, le nombre de pauvres est passé de 24 000
000 à 38 000 000 dans un pays où le niveau de vie est le plus
élevé du monde. Là-dessus, je pourrai en faire des
photocopies pour ceux qui sont intéressés. Une étude a
été faite de 1978 à 1986 sur la distribution de la classe
moyenne, ce qui s'appelle la classe des revenus moyens aux États-Unis,
pour savoir comment s'était comporté le revenu de ces
consommateurs. Ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a eu 2,8 % des
consommateurs à revenu moyen qui se sont enrichis, qui ont passé
dans ce qu'on appelle les hauts revenus, et 5,2 % qui sont tombés dans
ce qu'on appelle les bas revenus. Autrement dit, depuis 1978 à 1986 - ce
sont des chiffres plus récents - le pouvoir d'achat des consommateurs
américains s'est détérioré.
Concernant la question des régions, la commission Macdonald qui a
traité de la question de l'avenir économique du Canada a
prévu que des régions entières seraient touchées
par le libre-échange. Sur ce plan, le Québec nous semble
désavantagé par rapport à l'Ontario, parce que, par
exemple, dans les secteurs mous comme la chaussure, les dix plus grosses
entreprises au Canada sont situées en Ontario et, évidemment,
lors du libre-échange, les entreprises québécoises
risquent d'être touchées plus durement que les entreprises
ontariennes. Mais ce qui est encore plus grave, c'est qu'il existe 60
localités de 2000 habitants et plus qui sont mono-industrielles au
Québec. Cela représente 350 000 personnes. Alors, quand une
entreprise ferme ou va fermer, dû au libre-échange, quel programme
va-t-il y avoir pour aider cette population à passer à travers la
crise qu'elle va vivre? Là, ce n'est pas seulement le groupe
d'employés, c'est l'ensemble de la collectivité. Qu'est-ce qui va
advenir, à ce moment-là, du développement du Québec
sur le plan des régions? Parce que ce seront des régions
entières qui vont être touchées.
C'est pour cette raison qu'on pense que, si on veut que les
organisations de consommateurs soient d'accord pour accepter un accord de
libre-échange, il y a un certain nombre de conditions minimales,
à notre point de vue, qui devraient être respectées.
D'abord, la création d'un tribunal d'arbitrage, je pense qu'il y
a un consensus là-dessus, des différends que pourrait
créer te libre-échange entre le Canada et les États-Unis,
pour compenser l'asymétrie des pouvoirs des deux pays. Cet accord
prévoit aussi que le tribunal d'arbitrage n'ait pas pour objectif
d'assurer la libéralisation des échanges, mais d'améliorer
les normes de qualité et de sécurité des produits. Cela
fait suite à l'expérience européenne; on pourra y revenir
lors de la période des questions.
On voudrait aussi la création d'un conseil consultatif des
consommateurs et des consommatrices ayant un pouvoir d'audiences publiques et
pouvant faire appel au comité intergouvernemental qui a
été prévu par la commission Macdonald - c'est à ce
document qu'on réfère - qui aura pour mission la mise en
application des obligations du traité, c'est-à-dire le
comité intergouvememental. Le conseil consultatif des consommateurs
travaillera en coordination avec la commission conjointe Canada-Etats-Unis
responsable du contrôle des barrières non tarifaires. Le conseil
sera aussi chargé de surveiller les intérêts des
consommateurs et des consommatrices dans la gestion de l'accord,
c'est-à-dire que s'il y a des choses qui commencent à ne pas
tourner rond... Par exemple, il y aura' peut-être une baisse de prix de 1
%, mais, si le pouvoir d'achat des consommateurs diminue de 2 %, 3 %, 4 %, 5 %,
il sera temps de sonner l'alarme. (10 h 30)
II devra donc surveiller les prix et le pouvoir d'achat afin d'assurer
que la baisse des prix prévue se traduise par un pouvoir d'achat accru;
surveiller l'harmonisation des normes afin qu'elle ne se traduise pas par une
diminution de la qualité et de la sécurité des produits
mais, au contraire, par une amélioration; surveiller les
mécanismes de détermination des subventions déloyales;
surveiller que les mécanismes de détermination des subventions
déloyales ne considèrent pas seulement les mesures sociales et
l'aide gouvernementale, mais aussi les écarts entre les taux de salaire
minimaux établis dans les différents États, et que
l'accord prévoie que les procédures visant à
déréglementer soient conformes aux principes adaptés par
l'Organisation internationale des associations de consommateurs à New
York, en mai 1986. Je passe la lecture de cette politique.
Que soit exclues de l'accord l'agriculture, jusqu'à ce qu'on ait
pu en étudier les conséquences pour les consommateurs et les
consommatrices, ainsi que la culture et les communications, pour la raison que
j'ai soulevée tantôt. Que la période d'abolition des tarifs
canadiens soit plus longue que celle des tarifs américains afin que
cette période soit suffisamment longue et qu'elle ne serve pas de
prétexte
aux entreprises pour remettre en cause les politiques sociales du
gouvernement et que raccord soit soumis pour approbation des Canadiens et des
Canadiennes par voie référendaire.
Si l'accord de libre-échange ne prévoit pas les conditions
qu'on estime minimales et qui, pour nous, semblent aller de soi, on croit qu'on
ne pourra pas recommander aux consommateurs québécois de signer
le contrat.
Le Président (M. Charbonneau): Madame, monsieur, je vous
remercie de cette présentation. Je vais maintenant céder la
parole au ministre du Commerce extérieur.
M. MacDonald: Madame, monsieur, merci d'être venus nous
rencontrer. Au cours des auditions des semaines précédentes, il
nous est arrivé, à différents moments, de mentionner
qu'effectivement nous croyions que les consommateurs étaient les grands
oubliés de cette commission parlementaire. Nous avons reçu, si je
ne me trompe, M. le secrétaire, 51 ou 52 représentations diverses
et c'est très rare... En fait, je pense que c'est mon collègue,
le député de Bertrand, et moi-même qui avons soulevé
la question de l'effet sur les consommateurs plutôt que les intervenants.
Il est donc tout à fait approprié que vous soyez ici aujourd'hui
et j'en suis heureux.
Vous dites que vous ne voudriez pas qu'il y ait entente sur la
libéralisation des échanges avec les États-Unis sans
satisfaire aux conditions que vous stipulez. Effectivement, je peux dire que la
grande majorité des conditions que vous posez sont les nôtres
également. Nous pourrons traiter, si vous le voulez, de certaines
conditions additionnelles que vous soulevez. Par contre, j'aimerais noter que,
malheureusement - et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi tantôt -
ni votre groupement ni aucune de ses parties ne se sont présentés
devant le comité Warren. À ma connaissance, la seule relation que
nous avons eue avec les groupements de consommateurs, c'est par l'entremise du
secrétaire du comité Warren, Me Dorais, qui, lui-même, est
ailé rencontrer un groupe.
J'aimerais observer également que vous avez une méthode de
calcul par laquelle vous déterminez que la diminution des prix due
à la concurrence américaine ne serait que de 38 $ par
année pour un ménage. J'apprécierais beaucoup si vous nous
remettiez ces bases de calcul; on pourrait les regarder. Je n'ai pas avec moi
les données aujourd'hui, et je n'ai pas à faire de comparaisons
pour dire si c'est 37 $, 38 $ ou 39 $, mais j'aimerais que nous puissions
examiner le modèle qui vous a permis de faire vos calculs. Il y a des
calculs qui ont été faits à d'autres endroits et qui ont
démontré que, très dramatiquement, le protectionnisme
retombait inévitablement sur le dos des consommateurs. L'exemple qui m'a
le plus frappé au cours des douze derniers mois a été ces
fameux 15 % appliqués sur le bois de sciage canadien livré aux
Etats-Unis. Les quelques organismes de consommateurs américains ont
alors déterminé que ces 15 % signifiaient une augmentation
moyenne additionnelle de 1000 $ par logement - en anglais "dwelling" -
construit aux États-Unis, parce que, non seulement le bois canadien
allait se retrouver à 15 % de plus, mais parce que les Américains
allaient augmenter leur prix de l'équivalent, etc. Somme toute,
l'exemple a démontré à maintes reprises qu'une plus grande
libéralisation des échanges, qu'une plus grande concurrence qui
en découlait, généralement, cela signifiait de meilleurs
prix accessibles aux consommateurs. Vous avez, dans votre présentation,
et j'en viens à ma première question, présenté des
effets négatifs, des craintes sûrement très
légitimes, mais vous n'avez pas exposé, et il y a sûrement
une raison, si vous y voyiez des avantages et où se situeraient ce3
avantages et dans quelle proportion.
Mme Guillot-Lemelin: J'aimerais peut-être répondre
à la première question que vous avez posée, M. le
ministre, concernant la présence de notre groupement, devant le
comité consultatif dirigé par M. Warren. Dès qu'on a
commencé à se rencontrer à ce sujet-là, c'est la
première chose qu'on a faite, une demande écrite à M.
Warren pour être écouté au cours de ce
comité-là. On a refusé notre présence à ce
comité.
M. MacDonald: Je le regrette et j'aimerais avoir plus de
détails parce que c'est quelque chose dont je n'ai jamais entendu
parler.
Mme Guillot-Lemelin: Enfin, je vous dis la démarche qu'on
a poursuivie.
M. MacDonald: Oui, je vous crois, je n'ai aucune raison de mettre
en doute votre parole, madame.
Mme Guillot-Lemelin: Concernant les avantages du
libre-échange, je disais qu'on avait des conditions mais que dans
l'ensemble on était favorable à un traité si ces
conditions étaient respectées. On est bien conscients des effets
négatifs que vous mentionnez, du protectionnisme et, a cet effet, c'est
bien sûr qu'on se dit: Moins de protectionnisme il y aura, mieux ce sera
pour l'ensemble des consommateurs. C'est surtout pour cela qu'on serait
favorable à un traité de libre-échange.
M. Racicot: Je pense que, concernant les données, il n'y a
aucun problème. On pourra vous remettre les données de base,
soit après la commission ou les jours qui suivront. On serait
même prêt à rencontrer des professionnels, des
fonctionnaires qui ont travaillé sur ces données pour expliquer
la méthodologie avec laquelle on a travaillé. Cela ne cause pas
de problème et vous pouvez être assuré de notre
collaboration là-dessus.
Comme Mme Lemelin vient de le dire, le protectionnisme se fait sur le
dos des consommateurs. Pour nous, on n'en démordra pas. Lorsque vous me
pariez du bois d'oeuvre américain, là aussi on ne met pas en
question ces données. Le problème qui se pose est qu'on est
obligé d'y aller à la pièce et on n'est pas dans une
situation où on peut y aller à la pièce. Le traité
de libre-échange a été pensé comme cela, et
même la commission Macdonald proposait qu'on y aille en bloc. On est
obligé de porter un jugement global pour se faire une idée. Ce
n'est pas une négociation qui se fait secteur par secteur. Si cela avait
été une négociation secteur par secteur, cela aurait
été plus facile de découper. Même dans le cas de
l'agriculture, vous avez déjà cité des exemples à
d'autres, parce que j'ai suivi les... Même du côté de
l'agriculture, c'est vrai qu'il y a des secteurs où on serait
avantagés, nous, les consommateurs, mais c'est vrai aussi que dans
d'autres secteurs on ne serait pas... Alors, on n'est pas, je dirais, dans
cette problématique de pouvoir évaluer secteur par secteur. On
peut, comme vous me dites, citer des exemples qui vont à l'encontre de
l'intérêt du consommateur à cause du protectionnisme mais,
d'un autre côté, je vous ai donné un exemple de
libéralisation du marché qui n'a pas tourné à
l'avantage des consommateurs canadiens, en tout cas, à court terme. Ce
qui fait qu'on pourrait, je pense, chacun de son cûté essayer de
voir comment nos exemples, puis pas toujours des exemples qui prônent le
protectionnisme, puis des exemples qui prônent le libre-échange...
Je pense qu'on n'est pas...
Alors, quels sont les avantages, pour répondre à votre
dernière question, qu'on voit au libre-échange? Je dois vous dire
franchement que les cinq organisations de consommateurs, dont trois
fédérations, on s'est dit: On va attendre ce qu'on va avoir sur
la table le 5 octobre prochain. Pourquoi? Parce que la réalité va
être celle-là. Ce ne sera pas des scénarios fictifs du pour
ou du contre. Comme Mme Lemelin vous a dit tout à l'heure, pour fonder
notre point de vue, on a pris ce qu'on avait entre les mains de plus solide et
ce qu'on a entre les mains de plus solide c'est les études de la
commission Macdonaid qui ont coûté aux contribuables canadiens 21
000 000 $. La commission Macdonaid a évalué les coûts, les
avantages, les inconvénients pour les consommateurs et l'ensemble de la
population canadienne. Il est très clair en disant qu'il y aura une dure
période d'adaptation d'ici les quinze prochaines années mais
qu'on en récoltera les fruits à long terme. Par ailleurs, les
hommes politiques, le gouvernement fédéral en premier, ont fait
part d'un certain nombre d'inconvénients prévus dans le rapport
Macdonaid et ont dit: On vous garantit qu'on va essayer de passer à
côté de ces inconvénients, on va passer à
côté.
Nous, comme organisation de consommateurs, on dit; Très bien,
mais, avant de se prononcer à savoir si l'accord est bon ou mauvais, on
va attendre de voir ce qu'on aura devant nous autres le 5 octobre prochain. Sur
le plan des principes on est d'accord avec la libéralisation des
échanges, et non seulement par rapport aux pays industriels,
Canada-Québec versus États-Unis ou Europe mais aussi monde
industriel versus pays en voie de développement. On a établi
notre position à partir d'une problématique beaucoup plus
mondiale qu'on applique dans ce cas-ci avec les Américains parce qu'on a
une conjoncture particulière avec les Américains.
C'est-à-dire que vous ne pouvez pas compter sur des alliés de
petite et de moyenne puissance pour vous appuyer sur un certain nombre de
recommandations. Vous vous retrouvez tout seul face à
l'éléphant. C'est pour cela qu'on attend le 5 avant de dire si on
pense que ce sera avantageux pour les consommateurs québécois ou
non.
M. MacDonald: Merci. Vous me permettrez, en toute justice pour
les gens du comité Warren qui dirigeaient eux-mêmes leur barque,
on m'avise que vous aviez demandé d'être membre du
comité.
M. Racicot: C'est cela.
M. MacDonald: Ceci vous avait été refusé.
Vous avez également demandé un budget de recherche venant du
comité pour ensuite présenter ce qui serait le résultat de
vos recherches.
M. Racicot: Oui.
M. MacDonald: Vis-à-vis des quelque 50
représentations que le comité Warren a reçues, il ne
pouvait pas faire de privilège à l'un ou à l'autre sur la
question des subventions mais, d'après ce qu'on m'a indiqué, le
comité Warren ne vous a jamais refusé la possibilité de
déposer ce mémoire ou un autre que vous auriez pu avoir au cours
des auditions.
M. Racicot: C'est cela.
M. MacDonald: Vous êtes d'accord avec cela?
M. Racicot: Oui.
M. MacDonald: Je veux être juste pour tout le monde
là-dedans.
M. Racicot: Remarquez que le comité
Warren aurait très bien pu nous dire: Vous allez siéger au
comité mais sans budget de recherche.
M, MacDonald: À ma connaissance le comité Warren
avait déjà 16 ou 17 membres à ce moment-là. Il ne
refusait pas d'entendre vos représentations comme les 50 autres groupes
qui y sont allés. Je voulais dire cela pour être juste. Je ne fais
d'agression sur personne, ni d'un bord ni de l'autre, mais je pense qu'il est
honnête de statuer sur ceci.
Nous avons un processus d'alternance entre le député du
comté de Bertrand et moi-même. Je vais donc passer la parole au
député.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand, c'est votre tour.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Mme Lemelin
et M. Racicot, merci d'être là et de venir nous dire tout haut le
fruit de votre travail auprès des différentes associations que
vous représentez. Je suis un peu estomaqué de voir que dans tout
le processus, on se retrouve le 29 septembre, quatre ou cinq jours avant que le
tout soit réglé, et que les associations de consommateurs du
Québec que vous représentez, l'Association coopérative
d'économie familiale du centre de Montréal, la
Fédération des associations coopératives d'économie
familiale, la Fédération nationale des associations de
consommateurs, de même que le Service d'aide aux consommateurs, ce
comité consultatif qui n'a pas pu faire part publiquement avant
aujourd'hui de la position dont vous faites part...
J'avais pris connaissance, Mme Lemelin et M. Racicot, de votre position
dans le journal Le Devoir du 31 juillet dernier alors que vous aviez
publié quelques extraits de ce contenu que vous nous livrez ce matin.
C'étaient des extraits qui reflétaient exactement votre position
de ce matin. Le problème, finalement, c'est que je ne pense pas que
toutes les instances aient été saisies, même le 31 juillet
dernier, et les préoccupations que vous avez, qui sont tout à
fait légitimes, ce sont des préoccupations à savoir
où le consommateur se situe là-dedans. Ce qui me frappe dans
votre travail et je tiens à vous dire dès maintenant que je vous
félicite d'avoir fait vos devoirs, d'avoir fait ce travail en profondeur
parce que c'est important... Finalement, peu de gens dans les groupes qui sont
venus, à cause des préoccupations qu'ils avaient, ont fait valoir
ce point de vue, mais je peux vous dire que cela nous préoccupe au plus
haut point. (10 h 45)
Dans l'exposé auquel je faisais référence il y a
quelques minutes - à savoir votre mémoire dans le Journal Le
Devoir du 31 juillet dernier - j'ai cru comprendre que, finalement,
l'exercice ayant été fait en Ontario au cours de la
dernière année, cela avait allumé des lumières du
côté du gouvernement de l'Ontario quant à la
préoccupation sur la question de l'emploi et sur la question des prix
à la consommation. Dans cet article, on dit: Le gouvernement ontarien
s'est interrogé à ce propos et il craint que la baisse des prix
ne dure que le temps que les grandes entreprises américaines s'emparent
du marché canadien et ensuite gèrent les prix à leur
guise. Dans cette perspective, la baisse des prix est non seulement
éphémère mais, à moyen terme, dangereuse,
même dans l'intérêt des consommateurs. J'imagine que ce qui
vaut pour l'Ontario et la conclusion à laquelle ils en sont venus, ce
sera exactement la même chose pour ce qui est du Québec.
À prime abord, les consommateurs, les gens qu'on rencontre dans
la rue à tous les jours semblent être favorables, ce qui donne une
espèce d'opinion publique favorable au libre-échange parce que
les gens pensent: plus grande compétitivité égale
automatiquement consommateur qui a de meilleurs prix, donc qui en sort grandi
et avec un pouvoir d'achat, très souvent, qui devrait être
meilleur. Votre exercice, votre mémoire de ce matin nous
démontre, à toutes fins utiles, que ce n'est pas exactement ce
qui pourrait se produire. Je suis content que vous n'ayez pas versé
juste dans une approche très globale pour nous arriver avec cette
conclusion. Souvent les gens font cette réflexion, ce qui est normal
comme réflexion mais, lorsqu'on la pousse un peu plus loin, on se dit:
Attentionl L'expérience vécue de l'abolition des barrières
tarifaires dans le domaine de la chaussure, à la fin de 1985, est un bel
exemple que cela a eu exactement l'effet contraire, et vous le citez dans votre
mémoire.
La préoccupation que j'ai à ce stade, c'est: Est-ce que
vraiment les consommateurs québécois, qui endossent, à
toutes fins utiles, ce qui est en train de se passer, sont pleinement
conscients - vous êtes là pour les représenter - des
dangers que l'on court? Est-ce que le gouvernement du Québec - on parle
du gouvernement canadien et bien sûr que c'est lui qui est à la
table des négociations mais, s'il y a quelqu'un qui peut nous
représenter ou représenter les intérêts du
Québec, c'est bel et bien le gouvernement du Québec - est
pleinement conscient des répercussions en ce qui touche la
qualité de vie et les effets des prix à la consommation
auprès des consommateurs québécois? Je me permets de vous
dire, en
ce 29 septembre, que j'en doute personnellement. J'en doute parce que le
travail qui a été fait au cours de la dernière
année, à la suite de ce qu'on vient de voir en commission
parlementaire, est loin de nous démontrer que le gouvernement du
Québec a fait tous ses devoirs. Je trouve cela un petit peu inacceptable
qu'on se retrouve aujourd'hui à parler de ce qu'on a à parler,
sauf qu'on n'a pas sur la table tous les éléments. Vous avez
été tenus, comme tout le monde, un peu et même beaucoup
dans l'ignorance et on se ramasse dans cette situation.
Ma première question en ce qui vous concerne toucherait l'impact
sur les régions. Je trouve intéressant le point que vous
apportezc On l'a souligné en commission parlementaire, mais la dimension
que vous apportez est importante: 60 villes ou municipalités ou
localités au Québec sont mono-industrielles et cela
représente beaucoup d'emplois directs et indirects. Est-ce que, dans les
différentes représentations et discussions que vous avez pu avoir
de façon informelle - c'est bien sûr que vous n'avez pas
été devant le comité Warren -vous avez pu être
rassuré ou sensibilisé par qui que ce soit au gouvernement
concernant cette dimension de protection et de mesures qui pourraient
être prises pour appuyer les régions du Québec?
M. Racicot: D'abord, j'aimerais faire une remarque concernant
l'information des consommateursc Je pense que, dans l'ensemble, les
consommateurs québécois et possiblement canadiens ne sont pas
très informés de ce qui nous pend au bout du nez» Par
exemple, combien de consommateurs québécois savent que le rapport
Macdonald prévoyait des mesures d'ajustements d'un ordre de grandeur de
8 000 000 000 $? Où est-ce que le gouvernement fédéral va
aller chercher l'argent pour assurer les mesures d'adaptation? C'est
énorme. Le rapport Macdonald prévoit que des régions
entières vont être touchées. Je présume que, du
Québec et de l'Ontario, cela va être les régions du
Québec qui vont être plus durement touchées parce que les
entreprises du Québec dans les secteurs mous par exemple sont
généralement majoritairement moins solides pour faire face
à ta musique. Que l'on pense au domaine de la chaussure, comme je disais
tantôt; les dix plus grandes entreprises au Canada sont situées en
Ontario. Bien sûr, il va y avoir peut-être un ou deux industriels
québécois qui risquent de sortir vivants de cette
opération mais pour la majeure partie, nous pensons qu'il va y avoir des
régions, des villages ou des rangs complets qui vont être
touchés par le libre-échange. Sur cela nous n'avons pas
d'information sur les mesures d'adaptation qui seront nécessaires.
Parfois, on a l'impression que tout le monde a appris sa leçon du maire
Drapeau qui annonçait les Jeux olympiques même avec des revenus
supplémentaires alors que finalement cela s'est soldé par un
déficit. C'est comme si volontairement... Je comprends les exigences de
la négociation, tu ne peux pas sortir toutes tes cartes publiquement;
mais sur le plan des conséquences, tout de même, je pense que la
commission Macdonald a fait un bon boulot. Avec l'ensemble des enquêtes?
les gens de la commission ont produit deux rayons de bibliothèque. C'est
à la disposition du public. Nous, uniquement à la lecture de ces
documents, on s'aperçoit que finalement les bienfaits ou les avantages
qu'avait prévus la commission Macdonald vont se faire mais au prix de
sacrifices énormes pour les dix prochaines années pour l'ensemble
des consommateurs. J'ai répondu à votre question, je pense, de
façon indirecte.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. MacDonald: Sans vouloir en aucune façon
déprécier les rapports de la commission Macdonald sur lequel vous
vous êtes basé, je pense que vous serez d'accord avec moi que la
commission Macdonald s'est basée sur des statistiques qui
généralement étaient celles du début, les plus
récentes étaient celles des tout début des années
quatre-vingt alors que le Canada connaissait avec d'autres pays
industrialisés la pire récession depuis la Grande crise. Les
projections faites ont été souvent assises sur des statistiques
qui incorporaient ces baisses assez dramatiques de performance de part et
d'autre. La réalité économique d'aujourd'hui,
l'entrepreneurship, le dynamisme que l'on voit, la réalité
d'entreprises québécoises... Malgré un raffermissement du
dollar canadien sur le dollar américain d'à peu près 8 %,
loin de voir diminuer leur pénétration des marchés
américains dans les deux dernières années, cela s'accentue
a un rythme assez spectaculaire. Alors, le rapport Macdonald était une
étude très valable. Les principes demeurent, les exposés
et les bases sont excellents mais il faut tout de même dire que certaines
des projections étaient assises sur des chiffres qui ne sont plus la
réalité aujourd'hui.
Une deuxième chose que vous soulevez - je ne voudrais pas laisser
l'impression -c'est cette inquiétude que vous avez des villages, des 60
agglomérations de 2000 et moins qui sont mono-industrielles. Vous savez
comme moi qu'il y en a plusieurs parmi celles-ci dont ladite industrie est soit
le bois de sciage, soit les pâtes et papiers ou le traitement primaire
d'une ressource naturelle. Or, dans un traité de libéralisation
des échanges et particulièrement pour ce qui a trait à ce
type d'industries que j'ai
mentionné, la première raison pour laquelle on s'est
engagé avec le gouvernement canadien dans une négociation,
c'était pour continuer à permettre un accès libre à
ce type de produits aux États-Unis, un accès qui avait
été menacé par l'imposition de la surtaxe de 15 % et un
accès - et je suis sûr que vous en avez pris connaissance dans les
journaux récemment - qui est également menacé pour ce qui
a trait à d'autres produits dérivés de la forêt. Je
pense que votre exemple de cette vulnérabilité régionale
de ces villages ou de ces agglomérations mono-industriels n'a pas pris
cela en considération. Vous allez me dire également que certaines
ont des industries du type mou. Vous avez sûrement entendu les
représentants de ces industries venir nous voir et nous dire: Ne nous
appelez pas "mou"mais plutôt "traditionnel". Je reprends en
particulier ce que vous avez dit sur la question des chaussures - je pourrais y
associer également la question des textiles -ce ne sont pas les
Américains qui nous ont causé des problèmes et qui nous en
causent encore sur le plan des chaussures, c'est plutôt les pays en voie
de développement. Sur le plan des autres secteurs dits traditionnels,
l'ouverture sur les Américains, à quelques exceptions
près, n'est pas la menace; la menace est ailleurs; et ailleurs, on y
fait face, comme vous le savez, dans le contexte du GATT.
Je voudrais vous poser une question. Quand la question du bois d'oeuvre
est arrivée aux États-Unis et que le gouvernement canadien et les
provinces se sont en quelque sorte - cela n'aurait pas dû être
ainsi mais enfin - dits surpris du déroulement rapide des
événements, on n'a pas fait grand lobby aux États-Unis.
Mais certains organismes de consommateurs américains ont effectivement
produit les chiffres que je vous ai mentionnés tantôt, les 1000 $
par maison. À votre connaissance, vous des associations ou des
regroupements de consommateurs canadiens et québécois, qui ont
tout de même des intérêts communs et qui seraient
peut-être de plus en plus communs advenant une entente de
libéralisation, avez-vous des communications avec les regroupements
américains? Avez-vous des échanges de chiffres ou de
données ou de façons de faire?
Mme Guillot-Lemelin: Très peu. M. MacDonald:
Très peu.
Mme Guillot-Lemelin: Non. Effectivement, c'est une faille. Il y a
très peu de communications sur ces ressources disponibles. Il n'y en a
pas beaucoup.
M. MacDonald: Quelle est la relation du regroupement
québécois avec l'association canadienne? Vous avez
remarqué que l'association canadienne avait participé à
ces annonces très positives associant justement le président de
la commission Macdonald, M. Lougheed et d'autres industriels canadiens à
cette ouverture. Avez-vous une relation quelconque avec l'association
canadienne?
Mme Guillot-Lemelin: On n'a pas de relation sauf que, sur
certains points, si l'association canadienne décide de traiter d'un
dossier sur lequel on va partager son opinion, pour protéger le
consommateur, on va l'appuyer. Mais cela se limite à cela. On n'a pas de
collaboration. On ne travaille jamais ensemble sur des dossiers, par
exemple.
M. MacDonald: Enfin, ce n'est pas une question de pleurer sur le
lait renversé, mais peut-être qu'une plus grande collaboration
vous aurait apporté des ressources, des statistiques et des
données qui vous auraient permis de préciser un peu plus.
Mme Guillot-Lemelin: Peut-être, de la part des deux
côtés, oui.
M. MacDonald: Oui, ah! Des deux côtés sans aucun
doute.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Roberval.
M. Gauthier: Oui, merci, M. le Président. Une question
peut-être davantage qu'un commentaire. Dans votre mémoire, j'ai
cru bien comprendre que vous souhaitiez une hausse, un nivellement à la
hausse des normes entre le Canada et les États-Unis. Vous êtes
également très favorable remarquez bien que je suis d'accord avec
ces objectifs - au maintien des programmes, des acquis sociaux du Canada. C'est
ce que je comprends de la lecture du mémoire, mais en même temps
j'ai l'impression que vous souhaitez ou que vous escomptez une baisse de prix
au consommateur et que c'est là une condition de votre adhésion
au libre-échange. Je ne sais pas si vous pouvez éclairer ma
lanterne un peu ce matin. J'ai de la misère à faire
l'équation qu'on hausse les normes dans certains cas, qu'on garde les
acquis sociaux et, j'imagine, qu'on les développe encore et que, en
même temps, on souhaite une baisse des prix. Ne pensez-vous pas qu'il y a
là un souhait qui est irréalisable en quelque sorte?
Mme Guillot-Lemelin: Moi, je ne penserais pas. Au départ,
on demande que les acquis qu'on a déjà, on ne les perde pas.
Donc, sur la question des coûts, il n'y aurait pas
énormément de différence. Quand on demande aussi que, pour
les nouveaux produits, on ait des normes de sécurité... De
toute façon, les normes de sécurité doivent
toujours être améliorées en soi. C'est un choix social et
on ne devrait pas couper là-dedans, au contraire.
M. Gauthier: Je suis bien d'accord avec vous
jusque-là.
Mme Guillot-Lemelin: ...ce que vous voulez dire.
M. Gauthier: D'abord, est-ce que je fais erreur - je vais
peut-être poser ma question différemment au lieu de globalement -
quand je pense que l'une des conditions de votre adhésion au principe du
libre-échange, c'est que le consommateur bénéficie d'un
pouvoir d'achat accru?
Mme Guillot-Lemelin: Oui.
M. Gauthier: Oui, je fais erreur ou, oui, c'est cela que vous
voulez?
Mme Guillot-Lemelin: C'est ce qu'on veut.
M. Gauthier: C'est ce que vous voulez, bon. Partant de là,
c'est cette équation que j'ai de la misère à comprendre.
Je suis d'accord pour les normes, on s'entend? Je suis d'accord pour les
programmes sociaux et même pour qu'ils continuent à se
développer. Mais j'imagine que lorsqu'on hausse les normes de
qualité et qu'on hausse le niveau des programmes sociaux - ce sont
d'ailleurs des choix qu'on a faits historiquement dans ce pays - on ne peut pas
s'attendre à une baisse de prix ou à une augmentation du pouvoir
d'achat du consommateur, parce qu'il faut être réaliste, non? (11
heures)
Mme Guillot-Lemelin: II n'y a pas seulement ces deux
points-là à considérer. On peut couper sur d'autres
secteurs dans les choix économiques et garder ceux-là.
M. Gauthier: Qui pourraient être... Là-dessus,
j'aimerais vous entendre.
Mme Guillot-Lemelin: Qui pourraient être lesquels?
M. Gauthier: Oui.
Mme Guillot-Lemelin: Enfin, cela peut être seulement sur la
défense, le pourcentage du budget qui est énorme pour la question
de la défense. C'est dans ce sens-là que je veux dire qu'on peut
couper ailleurs. Même si on augmente la sécurité des
produits, cela ne veut pas nécessairement dire que le consommateur devra
en payer le prix.
M. Gauthier: D'accord. Si je comprends bien, vous faites
référence à un choix économique global que vous
avez fait et non pas relié directement au libre-échange.
Mme Guillot-Lemelin: Non.
M. Gauthier: J'avais de la misère à comprendre
votre raisonnement là-dessus. Cela va. J'ai eu l'éclaircissement,
merci.
Le Président (Me Charbonneau): M. le ministre.
M. MacDonald: J'aurais une observation et une dernière
question. L'observation, c'est que je vous ai donné un exemple de
coût du protectionnisme. Il y a un chiffre que vous pourriez nous
rapporter, quand vous nous donnerez vos chiffres. Aux États-Unis, par
exemple, dans le strict secteur des vêtements, dans les mesures
protectionnistes, tarifs, non-tarifs, imposées par les États-Unis
sur l'importation de vêtements, le protectionnisme américain pour
protéger des jobs américaines, aux États-Unis, c'est 2Q
000 000 000 $ par année. Cela représente un apport, si vous
voulez, ou un coût à la population et au consommateur qui est de
100 000 $ par job protégée. Protectionnisme, protéger des
jobs, imposer des droits, nuire au commerce international pour protéger
les jobs internes.
Si vous le prenez sur la question des automobiles, vous avez un chiffre
d'environ 1300 $, pour ce qui a trait à l'importation d'automobiles
japonaises, qui est passé directement au consommateur et qui se
reflète à environ 600 $ ou 700 $, dans le cas de l'automobile
fabriquée aux États-Unis, à cause du nivellement des prix.
Alors, il est important, je pense, quand on parle de mesures protectionnistes,
de faire également ce calcul en relation des jobs que vous cherchez
à protéger.
Ma dernière question, madame et monsieur, c'est: La position de
l'Association canadienne des consommateurs qui a été rendue
publique est-elle la vôtre, la vôtre avec nuances? De quelle
façon peut-on les comparer?
Mme Guillot-Lemelin: Pour répondre à votre
dernière question concernant l'association canadienne, eux étant
favorables au libre-échange, ils se sont surtout prononcés sur la
question du protectionnisme. Nous considérions que, même si on
voyait des avantages au libre-échange, il fallait se poser des questions
et étudier le dossier d'une façon plus approfondie. Les
interrogations qu'on a, c'est justement pour améliorer la
sécurité des consommateurs. La différence, c'est
peut-être qu'on considère qu'il ne fallait pas voir cela comme si
tout était rose, mais qu'il fallait y aller d'une façon plus
approfondie pour voir les conséquences que cela aurait pour le
consommateur.
M. MacDonald: J'avais compris, en prenant connaissance des textes
canadiens, qu'au contraire eux aussi posaient des conditions. Ce que je
recherchais, c'était le parallèle, s'il y avait lieu, entre vos
conditions et les leurs.
Mme Guillot-Lemelin: ...conditions, cela n'a pas
été très public, parce qu'en fait ils ont dit qu'ils
étaient pour le libre-échange, mais je n'ai jamais vu de document
qui démontrait toutes leurs conditions, s'il y en avait qui
étaient...
M. MacDonald: Ah bien, cela existe.
Mme Guillot-Lemelin: Oui, mais il faudrait voir...
M. MacDonald: Oui. Je vous remercie. J'ai terminé.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M.
le député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président. Dans vos
recommandations, Mme Lemelin et M. Racicot, vous demandez que soient exclues
l'agriculture et la culture et vous ajoutez Ies communications. Or, dans votre
exposé, ce matin, vous nous avez dit un peu pourquoi vous vouliez voir
exclure la question des communications, parce que cela touche l'ensemble des
consommateurs. L'agriculture et la culture ont des spécificités
québécoises qui non seulement méritent mais doivent...
Cela doit être un "must" de la part du gouvernement du Québec de
ne jamais déroger quant à l'exclusion de ces deux secteurs
d'activités si on veut être protégé.
Ma première question dans la dernière intervention que
j'ai à faire, c'est de vous demander si l'exclusion des communications,
qui ne sont pas une spécificité québécoise,
d'abord, est demandée par votre association sur le plan pancanadien. Si
oui, est-ce qu'il y a eu quelques retours d'appels par rapport à ce
genre de demande que vous avez faite? Vous savez que c'est la première
fois qu'on nous apporte cette dimension, qui peut être fort
intéressante, mais je me demande comment le gouvernement du
Québec pourra donner suite à votre représentation quant
à cet aspect si on n'a pas d'armes suffisamment fortes pour dire qu'au
Québec -et cela devrait être une condition dans tout le Canada -
on sera capable de le défendre.
J'aurai un autre volet, si M. le Président veut me laisser
aller.
M. Racicot: En ce qui concerne une remarque qu'a faite M. le
ministre MacDonald, je pense que, quant aux chiffres que vous avez cités
concernant le protectionnisme américain, on a la même base.
Toutefois, j'aimerais attirer votre attention sur une chose. Ce serait
peut-être intéressant que le ministère de l'Industrie et du
Commerce travaille sur ce problème. H y a des chandails Bugatti - je
regardais s'il y avait des gens qui portaient cette marque ici que vous pouvez
trouver au centre commercial Place Laurier à 125 $. Le même
chandail, dans un magasin de la basse ville -je ne le nommerai pas - qui n'a
pas le "red-tape" des magasins situés dans les centres commerciaux, vous
le retrouverez, au prix régulier - non pas en spécial - à
65 $. Les 20 % sur les vêtements à la frontière se situent,
sur les 65 $, à 12 $ à cause de la barrière tarifaire.
Nous, comme organisation de consommateurs, il faut voir les coûts
relatifs. On s'aperçoit, par exemple, que dans ce cas-ci la
barrière tarifaire sur le vêtement est peut-être moins
importante que le genre d'organisation, dont la distribution des
vêtements et de l'ensemble des biens de consommation qui se fait dans les
centres commerciaux, qu'on pourrait mettre en question autant, sinon plus, que
la barrière tarifaire. Cela ne vient pas contredire ce que vous avez
dit, parce qu'on est d'accord, mais il y a d'autres éléments qui
font que tout l'avenir des consommateurs sur le plan des prix ne réside
pas uniquement dans la question de l'abolition des barrières et des
quotas, il y a d'autres facteurs dans le système qui sont aussi
importants, sinon plus.
Le deuxième élément, ce pourquoi on veut exclure
l'agriculture du décor, ce n'est pas à cause de l'âme
québécoise ou de la spécificité
québécoise. Il y a peut-être des éléments de
cela parce que c'est une organisation particulière - on est bien
conscient de cela - c'est bien géré, jusqu'à nouvel ordre,
etc., mais il y a plus que cela. Si on regarde, par exemple, le prix de
détail moyen de quelques produits alimentaires qui a été
fait par le gouvernement américain -ils font une espèce de
sondage mondial sur différents produits dans différentes
capitales - on s'aperçoit, par exemple, que sur les dix produits sur
lesquels ils ont enquêté en mai 1987... Brièvement, les dix
produits sont le steak de boeuf, porc rôti, poulet entier, oeufs - vos
fameux oeufs, M. MacDonald -beurre, fromage, lait entier, pommes de terre,
pommes et farine. Si on fait le total de ce que cela coûte aux
consommateurs à Washington et à Ottawa, sans pondération
-il y a un petit défaut de méthodologie évident là,
mais pour des raisons pratiques -on s'aperçoit que cela coûte plus
cher à Washington, en dollars américains, c'est-à-dire
35,83 $, qu'à Ottawa, soit 33,12 $. C'est-à-dire que même
dans l'alimentation -on revient souvent avec un certain nombre d'exemples -
quand on prend l'ensemble, pour
Ies consommateurs, des produits laitiers, de la viande, etc., on
s'aperçoit que ce n'est pas si évident que le
libre-échange, dans le domaine de l'agriculture, par exemple, ce serait
à coup sûr garanti, signé que ce serait avantageux sur le
plan des prix pour les consommateurs québécois.
C'est pour cette raison, parce qu'on aimerait avoir davantage
d'informations sur ie plan des comparaisons de prix pour pouvoir évaluer
vraiment ce que cela va coûter aux consommateurs et ce, sur une assez
longue période. Aux États-Unis, ils font cela au mois de mai de
chaque année. Il pourrait y avoir collaboration entre le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
d'ici et le ministère de l'Agriculture américain pour pouvoir
établir une méthode, à longue échéance, de
comparaison de prix qui soit valable. Je parle de celle-là parce qu'elle
fait mon affaire, mais peut-être que la base méthodologique
pourrait être discutée et discutable dans ce cas-ci.
En ce qui concerne la question des communications, si on s'en va vers le
libre-échange avec le système qu'on a présentement,
à savoir le principe de" l'interfinancement, c'est-à-dire que
l'interurbain finance en partie les frais du service local, le
libre-échange va provoquer une accélération de la
"déréglementation" - entre guillemets - c'est-à-dire une
augmentation des appels locaux et une diminution des appels interurbains. On va
aligner notre politique sur celle du gouvernement américain, qui a
déréglementé le secteur en 1984, provoquant une
catastrophe du côté des consommateurs, une catastrophe sur le plan
de l'augmentation des prix - du côté de Bell, on prévoit
que, dans une période de cinq ans, il y aurait selon les régions
une augmentation du tarif local de l'ordre de 150 % à 400 % selon la
densité du territoire qui serait desservi - et sur le plan de la
complication de la compréhension du contrôle des factures que vous
recevez. On a rencontré des organisations de consommateurs
américaines qui nous ont dit que leur situation était vraiment
catastrophique, que des groupes comme les nôtres, par exemple, qui ont
peu de moyens financiers pour travailler étaient obligés, dans
certains cas, de travailler sans téléphone, parce que le
système américain va complètement à l'encontre de
l'universalité de ce service. Pour cette raison, on se dit qu'il faut
absolument que le gouvernement québécois - c'est pour cela que ce
n'est pas inutile de ie dire ici, en commission parlementaire - en
matière de téléphonie ait une politique qui soit favorable
aux intérêts des consommateurs, la fasse prévaloir
auprès du gouvernement fédéral sur le plan strictement des
politiques journalières, parce que le problème de la
déréglementation dans le domaine des services
téléphoniques a existé avant la question du
libre-échange. Que ce soit une politique du gouvernement
québécois et que cette politique trouve sa cohérence dans
une demande auprès du gouvernement fédéral de ne pas
inclure la question des services téléphoniques dans ie cadre du
libre-échange.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand, une dernière intervention.
M. Parent (Bertrand): Oui, une dernière intervention
très brièvement, parce que le temps est presque
écoulé. M. Racicot, Mme Lemelin, dans la deuxième
condition que vous posez et qui est fort importante} c'est-à-dire
"améliorer les normes de qualité et de sécurité des
produits", vous donnez une explication concernant les différentes lois
qui nous touchent. Les consommateurs sont protégés par des lois.
Je prends un de vos exemples qui est assez frappant, la question de la
publicité destinée aux enfants. Comment une compagnie
américaine, advenant le libre-échange, qui fabrique des jouets
dans un État américain et qui va vouloir pénétrer
le marché canadien et québécois va-t-elle se sentir face
à une publicité restrictive, ici, qui n'est certes pas la
même là-bas? Même avec un tribunal qui pourra prévoir
ces choses, je me demande quels outils on va avoir pour se défendre
contre cette multinationale américaine qui fabrique des jouets qui va
vouloir pénétrer sur le marché par de la publicité
et va se voir restreinte à des normes avec lesquelles elle n'est pas
familière. J'imagine qu'elle va contester en disant qu'elle est dans une
situation tout à fait déloyale. Comment va-ton être capable
de se défendre face à ces géants américains qui,
à tort ou à raison, voudront pénétrer sur le
marché et qui devront se soumettre à des normes qui sont
actuellement très restrictives, auxquelles les Québécois
et les Canadiens se sont astreints jusqu'à maintenant?
Mme Guillot-Lemelin: Vous avez tout à fait raison.
D'ailleurs, de là la demande d'harmonisation des normes pour qu'elles
soient égaies, qu'on ne perde pas les acquis qu'on a. Concernant les
jouets, vous avez tout à fait raison. Mais, qu'il y ait accord ou non,
actuellement, pour la publicité destinée aux enfants ici au
Québec, c'est déjà rendu à la Cour suprême,
il y aura un procès à ce sujet à la fin de novembre, parce
qu'on considère que la publicité destinée aux enfants a
des effets négatifs auprès des enfants, pour plusieurs raisons.
Vous posez la question, on se pose la même: Comment va-t-on
réussir à protéger ce secteur? On n'a pas de
réponse à cela non plus.
M. Parent (Bertrand): C'est tout le temps qu'on a. Tout ce que
j'espère, c'est qu'on ait la réponse un de ces jours de la part
du ministre. Merci, M. le Président. (11 h 15)
Le Président (M. Charbonneau): Alors, madame, monsieur, il
ne me reste qu'à vous remercier au nom des membres de la commission
d'avoir participé à cette consultation générale. Je
suis convaincu que nous aurons d'autres occasions de vous recevoir à la
commission parlementaire de l'économie et du travail.
Mme Guillot-Lemelin: Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie beaucoup
et à la prochaine.
J'invite maintenant la Jeune chambre économique et du commerce de
l'Estrie à prendre place à la table des invités.
Alors, madame et messieurs, bienvenue à la commission de
l'économie et du travail. Je vous indique immédiatement nos
règles de fonctionnement. On a une heure pour l'écoute de votre
organisme et la discussion; d'abord, une vingtaine de minutes pour la
présentation de votre mémoire, le reste du temps étant
utilisé avec les membres de la commission, de part et d'autre, pour les
échanges. Je ne sais pas qui dirige la délégation, si
c'est Mme Santa Rossa ou M. Bisson. En tout cas, je prierais celui ou celle qui
dirige la délégation de bien vouloir présenter les
collègues qui l'accompagnent et immédiatement commencer la
présentation de l'exposé.
Jeune chambre économique et du commerce de
l'Estrie
Mme Santa Rossa (Johanne): Je vous remercie. Je me
présente, Johanne Santa Rossa, directrice générale de la
Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie. Je suis
accompagnée de M. Michel Bisson, président de la Jeune chambre
économique et du commerce de l'Estrie, et de M. Bruno Collet, membre et
directeur de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie.
Nous avons tenu à être des vôtres aujourd'hui afin de
participer activement à un dossier qui, selon nous, requiert
l'implication et la participation de la jeunesse, les décideurs de
demain. Depuis sa création, à l'automne 1986, la Jeune chambre
économique et du commerce de l'Estrie se veut un organisme de
réflexion, de représentation et d'action pour les jeunes gens
d'affaires intéressés au développement économique
de l'Estrie. Notre membership se compte à quelque 250 membres
répartis dans l'ensemble des MRC de l'Estrie.
En ce qui a trait aux objectifs, notre organisme a pour but de
développer, de regrouper et de représenter les
intérêts économiques de ses membres, susciter, promouvoir
et soutenir l'entrepreneurship industriel et tertiaire moteur en Estrie chez
les 16 à 35 ans, intervenir auprès des divers intervenants
économiques et politiques afin de faire cheminer différents
dossiers et, enfin, favoriser le développement économique en
incitant les jeunes à entreprendre dans leur région.
Afin de vous démontrer nos préoccupations et l'esprit dans
lequel nos interventions se légitiment, nous avons déposé,
dès le début de novembre 1986, un mémoire au premier
ministre du Québec intitulé: L'avenir des groupes de soutien aux
initiatives-jeunesse en Estrie. Par la suite, un second mémoire fut
présenté en commission parlementaire faisant des recommandations
relativement à la formation du conseil permanent de la jeunesse et un
troisième présenté dans le cadre du projet de loi 119
modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction.
Nous sommes également intervenus auprès de la
Société d'investissements-jeunesse et siégeons au
comité du secteur jeunesse à l'assemblée de concertation
et de développement de l'Estrie. Depuis peu, nous sommes à
développer et à faire cheminer auprès de divers
intervenants économiques un projet de grande envergure pour l'Estrie,
soit IDEE, l'Institut de développement économique de l'Estrie,
comportant trois volets: un mécanisme de promotion, de dépistage
et de formation en entrepreneurship industriel, une société de
financement régionale, un industrium régional et local. Dans le
même cadre, nous effectuerons un séjour en Belgique et en France,
en novembre prochain, afin, premièrement, de susciter de
l'investissement étranger dans nos fonds de capitaux de risque que nous
sommes à préparer et de favoriser le jumelage avec certaines
jeunes chambres économiques européennes.
Nos plus récentes implications étaient de voir à
l'organisation d'un colloque provincial des groupes de soutien aux
initiatives-jeunesse qui eut lieu les 23, 24 et 25 septembre dernier à
Compton et qui s'est avéré un réel succès à
cause du pourcentage de participants d'organismes de développement
économique présents.
Enfin, la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie a
tenu à présenter un mémoire concernant la réforme
fiscale canadienne et celui qui nous concerne tous aujourd'hui, notre
mémoire intitulé Le libre-échange, un pas vers la
mondialisation.
Sur ce, M. Bruno Collet, membre et directeur de la Jeune chambre
économique et du commerce de l'Estrie et jeune industriel de la
région de l'Estrie nous entretiendra relativement à la
composition de ce mémoire. Merci.
M. Collet (Bruno): M. le Président, mesdames et messieurs
de la commission, la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie
se dit en faveur d'un traité de libre-échange avec les
États-Unis d'Amérique. Nonobstant le principe
générai, elle soutient que certains secteurs importants et
cruciaux ne pourraient être partie intégrante d'une telle entente.
Ainsi, l'agriculture en général ne peut être
comparée à celle du sud., Considérant que le climat n'est
pas le même, la productivité ne peut être comparable.
De plus, des délais d'interaction plus ou moins importants selon
les secteurs devront tenir compte de la spécificité et des
changements à apporter pour chacun d'eux. En termes de continuité
de l'application d'un tel traité, il sera à prévoir un
tribunal d'arbitrage multipartite qui s'occupera du respect de l'esprit de
l'entente.
Dans l'ensemble, la jeune chambre soutient que le libre-échange
constitue le défi et les chances d'avenir de la jeunesse
québécoise. La mondialisation du Québec est essentielle
à son épanouissement et passe inexorablement par la
continentalisation de notre économie. Par contre, le Canada ne doit pas
négliger les négociations multilatérales du GATT et il
devrait entamer sous peu des négociations bilatérales avec
d'autres partenaires commerciaux complémentaires à notre
économie.
Enfin, nos gouvernants devront repenser le rôle de l'État.
Bien que ce dernier ne doit pas être entrepreneur, il doit? par tous les
moyens, susciter chez les jeunes l'émergence d'un entrepreneurship
industriel afin de transformer chez nous nos matières premières.
Ainsi, l'État devra désormais avoir un rôle proactif, soit
celui de déclencheur, et avoir suffisamment de vision pour positionner
le Québec avantageusement dans une perspective internationale. Il est
aussi à souligner que le Québec devra s'inspirer de ses voisins
du sud afin de mettre sur pied des incubateurs industriels ayant pour but de
maximiser les chances de réussite des nôtres dans le monde de la
fabrication et de la transformation, ainsi qu'en termes de commerce
international.
Ainsi, nos universités auront un rôle majeur à jouer
en termes de formation, de transfert de technologies, ainsi qu'en recherche et
développement. Le Québec est à une croisée de
chemins et la chance lui est offerte de se donner des garanties de
réciprocité sur lesquelles appuyer son développement
économique à moyen et long terme. Il s'agit maintenant de se
concerter et de coordonner nos efforts dans le même sens.
En principe, la Jeune chambre économique et du commerce de
l'Estrie se dit en faveur d'un traité de libre-échange entre le
Canada et les États-Unis d'Amérique. Par contre, il semble
relative- ment complexe de débattre un sujet qui fait couler autant
d'encre, mais dont les réels enjeux sur la table sont si mal connus. Il
appert, en contrepartie, que le risque en vaut la peine, car il s'agit pour le
Québec d'un moment crucial dans son développement. Advenant une
entente positive, le tout suscitera un branle-bas structurel sans
précédent. Ainsi, tous les intervenants du Québec devront
mettre la main à la pâte et trouver les solutions qui donneront
forme au Québec de demain, un Québec qui, croyons-nous, se
métamorphosera économiquement, socialement et culturellement.
Nous aurons enfin la chance d'entreprendre un défi à la mesure de
notre potentialité. Sans être une fin en soi, le
libre-échange avec les États-Unis constitue une première
étape à la mondialisation du Québec. Notre ouverture sur
le monde est plus que souhaitable. Elle est la prémisse sine qua non
d'une croissance soutenue et du maintien de notre niveau de vie.
Cependant, des changements aussi fondamentaux sous-tendent des
sacrifices certains, sans compter le travail, la ténacité et la
perséverance. Rares sont les secteurs qui auront à vivre les
mêmes changements. Il n'en demeure pas moins que notre vision devra
dorénavant s'ouvrir à d'autres dimensions et demandera une
adaptation certaine. Ce n'est qu'à ce prix que le Québec comptant
un si petit marché pourra s'assurer de son développement à
tous les niveaux.
Le libre-échange constitue pour la jeunesse
québécoise non seulement un défi à la hauteur de
ses possibilités mais aussi une chance d'avenir. Nous avons au
Québec toutes les ressources nécessaires pour prendre part au
commerce international. Il n'en tient qu'à nous en tant que peuple de
nous doter de priorités de développement. Ces priorités
passent par la mise à contribution de toutes les parties de notre
société, qu'il s'agisse des divers paliers gouvernementaux, des
syndicats, des industriels, des gens d'affaires en général, des
universités et des centres de recherche, pour n'en nommer que
quelques-uns. Il devient impérieux qu'une complicité
renouvelée et ouverte s'établisse en permanence entre tous les
décideurs afin de s'adapter aux nouvelles réalités.
Le Québec a, bien entendu, relevé des défis de
taille ces dernières décennies, mais ceux amenés en
symbolisent une continuité logique. Nos gouvernants des divers paliers
devront être à l'affût des nouveaux problèmes qui se
dresseront devant nous, qu'il s'agisse de la restructuration de certains
secteurs industriels, du recyclage de notre main-d'oeuvre, ainsi que de
l'innovation en termes d'aide au développement économique des
diverses régions et sous-régions qui vivent des disparités
notoires. Le Québec doit apprendre à entreprendre
davantage afin de transformer ses matières premières. Nous
avons à développer nos propres technologies et cela passera
peut-être par des accords technologiques avec les grands de ce monde.
Qu'à cela ne tienne, des pays comme le Japon ont su tirer leur
épingle du jeu avec brio.
Notre monde universitaire aura un rôle clé à jouer
dans le Québec des décennies à venir. Il faudra,
néanmoins, qu'il cesse de regarder dans le rétroviseur et qu'il
oriente plutôt son regard vers les virages à venir. Les politiques
de tous les intervenants doivent intéresser notre jeunesse aux nouvelles
réalités qui se pointent pour notre pays. En ce sens, des actions
concrètes devront être entreprises afin d'initier les
générations à venir à la passionnante
carrière d'entrepreneur industriel. On devra aussi favoriser de
façon certaine la multiplication de nos chercheurs. Pour ce, il faudra
une fois de plus mettre à contribution nos universités afin
qu'elles raccourcissent le processus de formation.
Les sociétés de capitaux de risque devront se multiplier
dans le but de commercialiser sur une grande échelle les innovations
québécoises, soutenir l'entre-preneurship industriel et augmenter
de façon substantielle la réussite des nôtres dans le monde
des affaires et le commerce extérieur. Nos gouvernants devront
s'inspirer de nos voisins du sud afin de favoriser la mise sur pied
d'incubateurs industriels. Si le début des années quatre-vingt a
amené nos dirigeants à se questionner sur l'interventionnisme de
l'État, la fin des années quatre-vingt apportera avec elle un
traité de libre-échange, amènera ce même État
à se découvrir un rôle proactif et visionnaire afin que
notre peuple tire le maximum des nouvelles réalités qui nous
permettront de nous dépasser et d'entreprendre autrement.
La Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie
recommande, en générai, que le Québec soit partie prenante
à un traité de libre-échange avec les États-Unis
d'Amérique. Ainsi, il est recommandé d'exclure de l'accord le
secteur agricole qui ne peut être comparé sur le plan climatique,
donc de la productivité; qu'un tribunal d'arbitrage multipartite soit
mis sur pied afin de faire respecter l'esprit de ladite entente; que le
gouvernement du Québec mette à contribution tous les intervenants
afin de coordonner notre action face à l'impact d'un tel traité;
que le gouvernement du Québec favorise des programmes qui susciteront
l'entrepreneurship industriel. Aussi, une politique de développement
industriel ayant un préjugé favorable aux incubateurs
devrait-elle être prévue. La mise à contribution des
centres de recherche et des universités devront prévoir
l'accessibilité des PME manufacturières et il faudra trouver des
formules qui permettront la formation accélérée de
chercheurs.
Il faudra voir à la multiplication de fonds régionaux de
capitaux de croissance afin d'adapter nos produits au marché
extérieur et soutenir l'expansion des petites entreprises industrielles,
ce qui favorisera l'augmentation de fonds de roulement des entreprises
exportatrices tout en laissant des retombées économiques dans
chacune des régions du Québec.
Il faudra continuer de créer et d'offrir sous une forme ou une
autre des programmes de prospection étrangère d'aide à
l'exportation par des recherches d'entente de licence de fabrication ou de
consortium à l'exportation et l'affacturage d'assurances et de
financement des exportations.
Il est particulièrement délicat de conclure sur un sujet
aussi en devenir qu'un traité de libre-échange. Un fait reste
certain, c'est qu'une entente de réciprocité favorisant la
continentalisation de notre économie constitue l'un des plus vieux
débats qu'ait connus notre pays. Ainsi, notre génération
aura sûrement la chance de susciter une telle entente avec nos voisins du
sud. Il restera à tous les intervenants d'orienter les ressources du
Québec de façon optimale afin de garantir aux
générations à venir autre chose qu'une dette
cumulée et un déficit structurel qui n'en finit plus. (11 h
30)
Pour clore ce dernier chapitre qui donnera forme au
libre-échange, une bonne entente tenant compte de nos limites, de nos
forces et de nos faiblesses tout en nous donnant les délais
nécessaires à la mise sur pied de conditions qui favoriseront
notre positionnement sur le plan international. Il est d'ores et
déjà acquis que le Québec entrera dans une ère de
croissance qui ne connaîtra comme borne que notre engagement, notre
capacité d'innover, notre force de travail et de réussite. Merci
de votre attention. Je cède maintenant la parole à M. Michel
Bisson, président de la Jeune chambre économique et du commerce
de l'Estrie.
M. Bisson (Michel): Mesdames et messieurs de la commission, M. le
ministre, MM. les gens de l'Opposition et MM. les députés, nous
sommes très heureux comme organisme de jeunes du Québec de
pouvoir nous faire entendre à une telle commission sur un sujet aussi
important.
Mon intervention sera relativement brève, mais je tiens à
souligner que nous sommes désormais de plein pied dans l'ère de
l'éphémère. Il y a quinze ans, Elvin Toffler, dans Le
Choc du futur, nous avait bien prévenus de cet état de chose
qui s'en venait au niveau mondial. Nos institutions les plus solides semblent
perdre leur attitude d'éternité. Que ce soient l'État,
l'Église, l'organisation politique ou sociale, le
syndicalisme, la grande entreprise, la famille, le couple, tout semble
remis en question de façon constante afin de progresser. Les produits,
tout comme les relations humaines et sociales, les technologies, les
marchés, les goûts et les modes, tout est
éphémère. Nous ne sommes plus des espèces de tribus
unies par le sang, mais nous sommes désormais unis par l'esprit. Nous ne
sommes plus partie prenante d'une masse, mais davantage d'un petit groupe
ouvert sur le monde. Maintenant, nous en sommes è l'ouverture sur
l'extérieur. L'information est devenue un produit de base en termes de
commercialisation, de production, etc. Toute société
dorénavant qui ira à l'encontre de ce principe se refermera sur
elle-même et se verra asphyxiée et stagnera en termes
économiques.
Historiquement se dégagent différents carrefours de
l'histoire, que ce soit Athènes, Rome, Paris, Londres, New York, San
Francisco. Aujourd'hui, nous voyons naître la planète comme un
carrefour international, un peu un village terrestre, comme le disent les gens
de l'Association canadienne des manufacturiers. Nous voyons naître une
étape importante de la mondialisation du commerce et de
l'économie; c'est commencé déjà depuis 30 ans avec
les négociations du GATT et l'accord de Vienne qui, de plus en plus,
dans les prochaines années, influenceront le commerce en termes
juridiques, en termes d'exportation et en termes de puissance du dollar
américain. II ne faut pas se le cacher, en termes mondiaux, ce qui fait
la force d'un pays et d'une économie, c'est l'utilisation, entre autres,
des monnaies. On sait que même le fed américain n'ose plus mettre
publics les fonds américains qui sont un peu partout dans le monde, que
ce soient les eurodollars ou les pétrodollars. Ils financent en bonne
partie bon nombre de pays, et jusqu'à 40 % des réserves de
certains pays sont constituées de devises américaines. Donc, les
Américains, sans être à ce stade suffisamment forts pour
contrôler la masse monétaire internationale, sont quand même
suffisamment influents pour faire bouger différents pays.
Avec les cycles de changement toujours plus rapprochés, nous
devons faire un apprentissage de l'éphémère
organisé. Nous devrons pouvoir passer rapidement d'un produit à
un autre, d'un marché à un autre, d'une technique à une
autre. Nous devrons avoir un autre objet que celui d'entreprendre. Nous verrons
naître des marchés ponctuels, des créneaux pointus, un
marché de passage lié à une mode, différents
marchés nouveaux et provisoires. Nous verrons de plus en plus
naître le travail multi-emplois, la sous-traitance maximale qui aura
comme principe de base la matière grise. Les structures des entreprises
devront être de plus en plus légères; ia
multipropriété du matériel et des immeubles, et les
ressources financières à court terme qui donneront lieu à
la mise sur pied de fonds de capitaux de risque.
Devant l'ampleur des changements à venir autant dans la
société, dans les institutions que dans notre façon
d'entreprendre, il semble que nous soyons sur un point de non-retour. C'est
pourquoi nous pressons le gouvernement du Québec d'acquiescer à
un éventuel traité de libre-échange avec nos voisins du
sud et de voir dans les plus brefs délais à en analyser les
impacts afin de trouver les palliatifs nécessaires aux nouvelles
réalités qui gouverneront le Québec Ceci impliquera la
décentralisation au niveau universitaire de la recherche et du
développement dans les régions. Contrairement à un certain
rapport Lacroix-Martin, nous croyons que la recherche et le
développement devront être décentralisés en
région. Nous devrons voir davantage le décloisonnement de nos
universités, la spécialisation de celles-ci, et leur donner un
mandat de recherche fondamentale. Nous devrons instaurer un mécanisme de
concurrence entre les collèges et les universités en ce qui
concerne la recherche appliquée, élargir de façon reconnue
et explicite le rôle et le mandat de nos enseignants universitaires et
collégiaux, retirer la sécurité d'emploi de ceux-ci et
financer ces derniers établissements en fonction des critères
d'excellence, de productivité et de réalisation ainsi que
d'interaction avec l'industrie.
Dans l'ensemble - on pourrait en parler pendant très longtemps -
ce sont les principales recommandations. Ce sont aussi, peut-on dire, nos
inquiétudes. Nous voulons intervenir davantage au niveau des palliatifs,
des façons d'intervenir pour le gouvernement du Québec, pour que
nous puissions nous adapter dans les plus brefs délais à un
contexte de libre-échange. Nous n'avons pas fait de rapport de recherche
en termes de statistiques et de points d'analyse, nous n'avons pas les budgets
pour cela. Par contre, au niveau du principe, nous avons quand même un
certain bagage. Nous vivons dans un milieu et nous croyons que le
libre-échange devrait être un pas vers la mondialisation.
Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le
ministre.
M. MacDonald: Madame, messieurs, merci de votre
présentation. Je crois que le représentant de l'Opposition
s'était joint à moi lorsque nous avons eu à rencontrer
quelques organismes de jeunes - je me rappelle en particulier les deux
représentants des jeunes du Parti québécois - et on avait
souhaité alors qu'il y ait eu plus de jeunes qui se soient
présentés à cette commission
parlementaire. Nous avions fait remarquer que le travail que nous
effectuions, cette défense des intérêts des
Québécois et des Canadiens, et le modèle de relations
internationales qu'on cherchait à développer, c'était pour
vous autres. Il est intéressant de noter comment dans un mémoire
relativement court vous avez couvert la gamme complète, et vous y avez
ajouté des dimensions qui démontrent votre intérêt.
Vous avez parlé, par exemple, de cette union qui n'est pas seulement de
sang, mais qui est également de l'esprit. Vous avez parlé de
cette ouverture sur le monde, c'est tout à votre honneur.
Je ne retrouve pas chez vous de matière à contester votre
position. Je suis, à toutes fins utiles, parfaitement d'accord avec ce
que vous avez présenté. Peut-être pourriez-vous vous
joindre à moi, vous poser les questions que j'ai posées et
m'aider à trouver des réponses. Vous êtes favorables
à cette ouverture sur le monde, favorables à protéger nos
marchés, vous êtes favorables à la négociation d'une
entente de libéralisation des échanges avec les
États-Unis, mais pas à n'importe quelle condition, et vous posez
des conditions.
Des gens se sont présentés devant nous qui étaient
catégoriquement contre toute entente - commençons par le
début - toute négociation en vue d'une entente sur la
libéralisation des échanges. Avez-vous eu des rencontres avec des
gens comme cela? Avez-vous évalué la position de gens qui
étaient contre? De quelle façon l'appréciez-vous? De
quelle façon argumentez-vous vis-à-vis d'une telle position?
M. Bisson: Dans un premier temps, notre position et notre
façon de voir sont en ligne directe avec ce qu'on défendait du
temps où on était étudiants et qu'on militait dans des
associations étudiantes universitaires. On n'a pas changé
d'idée depuis très longtemps; cela fait très longtemps
qu'on espère de telles ouvertures.
Étant donné que nous sommes un organisme relativement
jeune, nous n'avons pas d'intérêt corporatiste à
protéger. Même si certaines entreprises ont de la
difficulté, on ne perdra pas un membership pour cela. Quant aux nouveaux
secteurs qui vont se développer, on sait qu'ils ne sont pas
nécessairement très favorables à la syndicaiisation. Donc,
ces organismes ont un grand intérêt à garder le statu quo,
mais nous disons - excusez l'expression - que le Québec n'est pas un
"bunker"; il doit être ouvert sur l'extérieur. Dans la vie d'une
société ou d'un individu, il y a une dynamique. Il faut tendre de
plus en plus à favoriser au maximum l'interaction des idées,
à mettre sur pied des outils qui vont nous permettre d'aller vers
l'extérieur et d'ouvrir nos marchés.
Vous avez vu tantôt un de nos projets qui nous tient beaucoup
à coeur, nous sommes à mettre sur pied un institut de
développement économique de l'Estrie. Cet institut de
développement économique va favoriser essentiellement le
développement de l'entrepreneurship industriel. Pourquoi? Parce que nous
croyons qu'au Québec nous devons transformer davantage nos produits chez
nous et, si nous voulons que nos entreprises prennent une ampleur certaine et
suffisamment intéressante pour assurer la recherche et le
développement, nous avons besoin d'un plus grand marché. Donc,
nous croyons que le Québec est capable d'être concurrentiel s'il
met de l'avant des politiques qui pourront mettre tout le monde au diapason en
termes de recherche et de développement. On parle souvent de recherche
et de développement à l'université, ce n'est pas pour
rien. Ce qui différencie un industriel ou un produit, c'est sa
spécificité, c'est l'avantage qu'il a par rapport au produit
étranger en termes de design, en termes de conception, en termes de
matière première. Nous avons tout, au Québec, pour
favoriser cela.
Je vais vous donner un exemple très concret. On a entendu dire,
lors d'Expo 87, que des étudiants de génie de l'Université
de Sherbrooke avaient développé une automobile qui s'appelle
Alizée. Croyez-le ou non, cette automobile, depuis qu'elle a
gagné le prix sur le plan du modèle et de la technologie à
Vancouver, est dans une boîte; on ne trouve pas le financement
nécessaire pour la développer. On a relevé des
défis technologiques vraiment considérables: un modèle
monocoque en polymère. Cela fait dix ans que GM travaille
là-dessus. On a développé de nouveaux systèmes
électroniques qui contrôlent la distance; il n'y a même plus
de volant, c'est un bras, comme dans un cockpit d'avion. C'est vraiment
avant-gardiste.
Nous avons au Québec les connaissances, nous avons au
Québec les matières premières et les ressources
financières, mais ce qui nous manque, c'est la petite étincelle
qui va catalyser toutes ces énergies pour susciter le
développement au Québec de l'industrie secondaire et qui va nous
ouvrir sur le monde extérieur pour pouvoir écouler nos produits
sur une grande échelle. Pour faire une histoire courte, c'est cela.
M. MacDonald: C'est une bonne histoire.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Oui, merci, Mme la Présidente. Mme
Santa Rossa, M. Bisson, M. Collet, bienvenue à cette commission
parlementaire. C'est le deuxième groupe. Il y a eu les jeunes du
Parti québécois qui sont venus. Vous êtes les
deuxièmes et vous serez les derniers intervenants à cette
commission, à part, bien sûr, la présence de M. Warren cet
après-midi. Vous apportez un souffle, un vent très optimiste et
très encourageant. Quand on pense que vous êtes la relève,
je trouve cela fort stimulant et encourageant. Dans un premier temps, je vous
remercie d'être là et de venir nous dire ce que vous pensez, ce
qu'est votre vision.
Je suis d'accord avec à peu près tout ce qui est
énoncé dans votre mémoire, qui est très bien fait
et qui, comme le disait le ministre il y a quelques minutes, couvre, je pense,
l'ensemble des aspects. Vous me permettrez de vous poser quelques questions
concernant la partie sur laquelle j'ai quelques préoccupations, pas en
ce qui vous concerne, mais en ce qui concerne le gouvernement dans
l'état actuel des choses.
Vos recommandations, aux pages 15 et 16, font état, de
façon très explicite, d'un appui à une
libéralisation des échanges, mais à certaines conditions.
Parmi ces conditions, vous mentionnez, dans un premier temps, que le
gouvernement devra favoriser des programmes de soutien à
l'entrepreneurship. S'il y a une région qui est connue pour son
dynamisme, c'est bien la vôtre. Je pense que le dynamisme que vous avez
connu, particulièrement ces dernières années, a
été dû à un coup de pouce et à un appui que
les jeunes entrepreneurs ont reçus pour se prendre en main.
Mme Santa Rossa mentionnait que la semaine dernière, lors du
congrès des groupes d'initiatives-jeunesse à Compton, les jeunes
ont fait le point face à la nouvelle année. Selon mes
informations, on est loin d'être sûr du budget que les groupes
d'initiatives-jeunesse auront au cours de la prochaine année. Je sais
qu'en 1986-1987 les budgets étaient de l'ordre de 6 300 000 $. Le
programme comme tel doit être transféré d'une
journée à l'autre et ce, depuis plusieurs mois. Donc, vous
êtes dans le vague le plus complet en ce qui concerne ces groupes qui
sont passés des mains du ministre Daniel Johnson aux mains du ministre
Pierre Paradis dans le domaine de la main-d'oeuvre. (11 h 45)
Je n'ai rien contre le fait que cela passe d'un secteur à un
autre, puisqu'il s'agit de création d'emplois, mais là où
j'ai beaucoup de préoccupations, et j'imagine que vous avez les
mêmes, c'est que, d'une part, le ministre de l'Industrie et du Commerce
présent à ce colloque n'a pu confirmer qu'il y aurait des
augmentations de budget par rapport à l'an passé, tel que convenu
au départ; il devait passer de 6 300 000 $ à 6 700 000 $. Il y
aurait tout au plus le statu quo et, encore là, c'est loin d'être
confirmé. Quand on connaît le dynamisme de ces groupes et le
rôle qu'ils ont joué dans la mise sur pied de centaines et de
centaines de petites entreprises au cours des dernières années,
je vois mal dans la politique actuelle du gouvernement un appui concret. Je
vous pose la question à vous qui aurez à avoir des garanties de
la part du gouvernement. Mais ce qui est important, comme vous le mentionnez,
c'est qu'il va falloir que l'entrepreneurship québécois soit
soutenu au maximum. Pour ne prendre qu'un secteur d'activité,
voilà les groupes d'initiatives-jeunesse qui ont fait leur marque, qui
ont fait leurs preuves, qui ont fait la démonstration de la
rentabilité de chaque dollar investi en termes de soutien, et
voilà un gouvernement qui dit - en tout cas, c'est ce que j'ai compris -
qu'il n'a pas la marge de manoeuvre pour accorder des budgets additionnels.
Vous savez, cela me préoccupe et je pense qu'on doit avoir des
éclaircissements là-dessus, parce que, même sans
libre-échange, ce genre d'initiative, ce genre de soutien est essentiel,
et je pense que ce sont des pas dans la bonne direction.
Vous avez mentionné l'intégration des jeunes
universitaires dans les PME. Il existait des programmes qui s'appelaient
Uni-PME et des programmes similaires qui n'existent plus, à toutes fins
utiles, parce qu'on a jugé qu'on n'avait plus les budgets ou que ces
programmes n'étaient plus nécessaires. À cette même
tribune, sur le même siège que vous occupez, M. le
Président, sont venus d'autres présidents d'entreprises plus
grandes, plus matures aujourd'hui, mais qui n'avaient pas les mêmes
préoccupations que les vôtres. Je les comprends, ils sont
passés par là et, aujourd'hui, ils se sentent capables de voler
de leurs propres ailes. Mais vous qui représentez la relève de
demain, les groupes d'affaires qui ont le goût de lancer des choses, vous
avez besoin de l'appui du gouvernement. Je vous dis que ce qu'il y a sur la
table depuis un an, depuis deux ans particulièrement, je suis loin
d'entendre vraiment de la part de groupes comme le vôtre que le soutien
est là. Non seulement il n'est pas là actuellement, mais il n'est
pas près de venir.
Une voix: Cela ne touche pas le libre-échange.
M. Parent (Bertrand): Cela touche exactement le
libre-échange, M. le député, puisque les nouvelles
règles du jeu en ce qui regarde le marché qu'auront nos jeunes,
la concurrence sera encore plus forte et, si on n'a pas ces outils, on se
retrouve avec des difficultés.
J'aimerais avoir vos commentaires face à ce soutien que vous
réclamez pour les incubateurs d'entreprises. Vous mentionniez qu'on
devrait avoir des mesures concrètes
pour les soutenir. Est-ce que des gestes concrets ont été
faits de ce côté-là?
M. Bisson: D'accord. Deux points: on pourrait dire que le premier
dossier que la jeune chambre économique a eu à traiter, à
l'automne 1986, était justement la survie des GSIJ en Estrie. Si,
à un moment ou à un autre, le ministre a été
amené à se questionner relativement au programme, c'est que, par
l'intermédiaire d'autres organismes à caractère de
développement de l'entrepreneurship, des gens d'un âge certain,
disons, il avait donné de très fausses informations sur ce qu'on
était. Vers le mois de décembre, nous avons relevé les
statistiques qui sont celles-ci: à l'intérieur d'une
année, nous avons suscité au Québec la création de
1533 entreprises, la création de 3000 emplois et plus de 40 000 000 $
d'investissements par des jeunes de moins de 30 ans. Dans cet esprit-là,
une fois que le ministre a pris connaissance et a vu nos réalisations,
il a vite rajusté sa vision par rapport au groupe.
La semaine dernière, sont venus à un colloque qui se
tenait à Compton, des groupes de soutien et des intervenants
économiques jeunesse. M. Johnson a fait un éloquent discours
à cet effet qui donnait un appui total aux groupes de soutien par
rapport à ce qu'on faisait, par rapport à nos
réalisations. Juste le fait de venir à cet
événement a été un appui incontesté à
la jeunesse qui entreprend au Québec.
Par contre, nous voulons être sûrs que les organismes
jeunesse connaîtront dans les prochaines années une
indépendance totale et qu'ils ne seront pas intégrés dans
d'autres structures qui n'ont pas la même mission ni le même
intérêt, qui ont une génération de différence
mais qui fait toute la différence. Pour nous, c'est fondamental, c'est
très important et on va se battre très fort dans ce
sens-là.
Vous parliez d'un budget. Effectivement, les gens du MMSR nous ont
confirmé qu'ils avaient transféré une enveloppe de 6 700
000 $ à M. Johnson, qu'on n'a pas rencontré officiellement sur la
question, mais semble-t-il que l'enveloppe - d'après ce que j'ai vu dans
les documents du gouvernement - était de 6 300 000 000 $.
Nous savons que les milieux urbains réclament davantage de
ressources mais, si le gouvernement veut donner davantage de ressources au
milieu urbain, il ne devra pas couper en milieu rural et en
périphérie parce que ces organismes sont utiles au milieu,
empêchent l'exode des jeunes vers l'extérieur et favorisent les
gens qui étudient, entre autres au niveau collégial et
universitaire, à entreprendre chez eux, leur donnent les outils dans ce
sens-là.
Lorsque M. Johnson est passé à Compton, il nous a
réconfortés énormément lorsqu'il a dit qu'il
laissait intégral l'ensemble des domaines d'activité dans le
cadre du programme Jeunes Promoteurs, qui est un outil très
intéressant et très important pour les jeunes dont les parents ne
sont pas venus au monde avant qu'ils se lancent en affaires. Pour nous, c'est
un point très important. M. Johnson nous a rassurés par rapport
à cela et nous lui en sommes très reconnaissants.
Par rapport aux incubateurs qu'on veut mettre sur pied, c'est un
industrium, c'est une nouvelle génération d'incubateurs
régionaux qui voit à la complémentarité de diverses
disciplines, tels le génie, le management, le marketing, la
comptabilité industrielle et le design, et qui va donner un soutien
intégral à l'implantation au Québec de licences de
fabrication de pays extérieurs; cela veut dire des ententes, des accords
technologiques. Ce concept a ceci de particulier qu'il a des extensions, des
antennes dans chacune des sept MRC de l'Estrie. Dans ce sens-là, c'est
vraiment décentralisé et orienté essentiellement en termes
de handicap. Quand on parle de handicap, c'est comme au golf. Quelqu'un qui
commence à jouer au golf n'a pas la même connaissance, pas la
même habileté. Donc, on applique la théorie du
handicap.
Ce dont les jeunes ont besoin, ce n'est pas d'un soutien éternel,
ce n'est pas d'avoir des subventions à tour de bras, mais d'avoir les
capitaux disponibles et la connaissance pour pouvoir développer dans nos
régions et sous-régions les outils dont nous avons besoin pour
prendre la relève. Ce qu'on veut, c'est prendre la relève. On n'a
pas besoin de béquille, c'est nous qui voulons être la
relève. Pour faire une courte histoire, c'est ce que j'ai à dire
sur les trois points mentionnés par le député.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.
M. MacDonald: Moi, je me vois obligé, la
délicatesse même, de remercier le député de Bertrand
pour son intelligente question et vous remercier de votre réponse encore
plus intéressante.
Mme Santa Rossa vous êtes, avec vos deux collègues
aujourd'hui, sûrement la représentante d'un certain nombre, sinon
d'un grand nombre de femmes au sein de votre groupe. On me disait
dernièrement, d'ailleurs, que dans les écoles de sciences de
l'administration le nombre de femmes semblait sur le point de dépasser
le nombre d'hommes. Il semblerait que ce soit la même chose dans d'autres
facultés.
Dans vos délibérations, dans la préparation de ces
mémoires, à vos colloques, etc., quelle est la participation des
jeunes femmes? Est-ce que, réellement, c'est ce que ma fille me dit,
moi?
Mme Santa Rossa: Ce que nous tentons de faire, entre autres, dans
les objectifs de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie,
c'est d'inciter les jeunes, hommes et femmes, à s'impliquer dans les
dossiers économiques qui les concernent» qui influencent leur
avenir. Parmi nos membres, nous avons énormément de jeunes gens
d'affaires, de jeunes entrepreneurs, et nous pouvons dire facilement que la
moitié de nos jeunes entrepreneurs est constituée de femmes. Les
femmes s'impliquent de plus en plus pour entreprendre et elles s'impliquent
également dans des dossiers économiques et politiques. Par
contre, nous sentons, à la Jeune chambre économique et du
commerce de l'Estrie, que nous avons beaucoup de cheminement à faire
afin de persuader les jeunes gens d'affaires, les jeunes gens tout court, de
l'importance qu'ils s'impliquent directement de près ou de loin dans des
dossiers qui les concernent.
M. MacDonald: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): J'aurais une petite
question. Étant députée de l'Estrie, un des sept
députés de l'Estrie, je tiens à vous souhaiter la
bienvenue à cette commission parlementaire et à vous
féliciter de votre mémoire.
Étant donné la situation géographique de l'Estrie,
il est évident qu'il serait avantageux qu'une entente de
libre-échange avec les États-Unis soit signée pour assurer
une croissance continue de l'économie québécoise. Mais,
advenant un échec des négociations sur le libre-échange,
quels seraient les effets sur l'Estrie en particulier?
M. Bisson: D'accord. On a entendu en fin de semaine - il ne se
cache jamais pour le dire - M. Serge Racine qui dit que pour lui - il a des
usines ici et qui exportent - s'il y avait des barrières tarifaires
imposées aux produits qu'il fabrique, il devrait déménager
certaines de ses usines du côté américain. On n'a pas le
choix si l'on veut élargir nos marchés. Donc, si nous ne sommes
pas capables d'exporter de chez nous, nous allons transférer nos usines
de l'autre côté. Pour le Québec - en Estrie, mais aussi
pour l'ensemble du Québec - c'est très important» Nous
voyons, entre autres, dans le cadre du REA, que les entrepreneurs du
Québec s'en viennent de plus en plus chevronnés et prennent une
place très active au niveau des entreprises de transformation. Et ces
gens, tôt ou tard, ceux qui ne le sont pas déjà, se
trouvent saturés. Ils ont besoin d'agrandir, ils ont besoin d'air, ils
ont besoin d'un marché. Donc, c'est essentiel pour nous, en Estrie,
comme dans bien des régions du Québec, moyennant certaines
modifications, certaines restructurations - il devra y avoir centralisation
dans certains secteurs, etc. - c'est essentiel que nous soyons partie à
un libre-échange.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le
ministre...
M. MacDonald: Je pense que la parole est à...
La Présidente (Mme Bélanger): M, le
député de Bertrand?
M. Parent (Bertrand): Oui, Mme la Présidente. Alors, moi
aussi, je remercie le ministre pour l'hommage qu'il me rend en disant que je
pose des questions intelligentes - ça, je n'en doutais pas - et je pense
que la démonstration qui a été faite avait deux volets. On
doit réaliser une chose: Si le discours que tient le gouvernement, si le
discours que tient le ministre correspond à des réalités,
moi, je n'ai pas de problème. Là où j'ai un
problème, c'est quand le discours ne correspond pas à la
réalité, c'est-à-dire qu'on dit: Oui, on soutient, mais,
en arrière, on ne donne pas les outils, ce qu'on a appelé nous,
le coffre à outils. Â toutes fins pratiques, on verra, on verra
certes au cours de la prochaine année si cet engagement de l'État
est suivi du coffre à outils nécessaire, n'en déplaise au
député de La Peltrie.
Pour vous autres, Mme la Présidente, le soutien à
l'entrepreneurship québécois en région, en plus de ce que
vous mentionnez dans les grandes lignes de votre mémoire, qu'est-ce que
cela veut dire exactement? En plus de mettre sur pied ou d'aider à
mettre sur pied des incubateurs, d'aider à la recherche et au
développement, vous ouvrez aussi le volet du soutien nécessaire
et vous demandez au gouvernement, si je comprends bien, dans vos
dernières lignes, à la page 16 de votre mémoire, de
créer ou de continuer à créer et d'offrir des formes
d'aide, d'assistance par rapport à toute cette prospection des
marchés étrangers. Il existe actuellement des outils pour
exporter ou aider nos entreprises à exporter. Plusieurs entrepreneurs,
plusieurs associations sont venus nous dire que les outils que nous avons
actuellement auraient besoin d'être changés, d'être
modifiés. Vous mentionnez deux points en particulier et j'aimerais que
vous puissiez expliciter un peu là-dessus. Vous mentionnez qu'il devrait
y avoir de façon particulière, pour aider à la
prospection, de l'aide au niveau des recherches d'entente de licences de
fabrication et de l'affacturage d'assurances et de financement des
exportations.
Est-ce que le volet d'aide à la prospection, par exemple, mais au
niveau du réseau des canaux de distribution dont une entreprise de
l'Estrie ou d'ailleurs dans d'autres régions du Québec, aurait
besoin ne
serait pas l'outil le plus en demande actuellement? Les entreprises,
après avoir fait un design ou une récherche du
développement de leur produit, ont des problèmes à
l'entrer sur le marché parce qu'elles n'ont pas le réseau de
distribution et c'est peut-être là une partie importante de
l'outil. À partir de l'expérience que vous avez, de ce que vous
avez entendu dans votre région, est-ce que vous pouvez nous confirmer
que cela irait en ce sens-là? Quels seraient les outils additionnels au
plan du marketing, de l'étude de marché, possibilité de
pénétration, réseaux de pénétration,
etc.?
M. Bisson: La stratégie que nous entendons prendre, entre
autres, pour le concept d'industrium en Estrie est la venue au Québec de
licences de fabrication, de consortiums ou de "joint ventures". Nous avons une
déformation professionnelle très marquée en ce qui
concerne, premièrement, la jeunesse - c'est une priorité - et,
deuxièmement, l'entrepreneurship. (12 heures)
La jeunesse, notre clientèle entre-preneurship, ce sont les
outils pour que les jeunes puissent s'exprimer, puissent se trouver un emploi
et réaliser leurs aspirations. Pourquoi avons-nous besoin d'un appui? Le
jeune qui veut prendre en main une licence de fabrication d'une entreprise
européenne qui a 500 employés, on lui demande: Qu'est-ce que tu
as comme antécédents? D'où sors-tu? Que fais-tu? Qu'as-tu
comme expérience? Une entreprise veut faire des affaires avec une
entreprise plus ou moins équivalente à sa grosseur, à son
chiffre d'affaires ou à son volume. Les outils que nous voulons mettre
sur pied, c'est pour donner un appui à la personne entreprenante, qui a
le potentiel, qu'on aura dépistée et à qui,
deuxièmement, on aura donné les outils et la formation. Il faut
voir à ce qu'il y ait tout le soutien en termes de génie, de
financement et d'installations d'usines pour que les industriels
européens puissent faire confiance aux jeunes de l'Estrie et implanter
ici des usines, et que l'Estrie et le Québec soient des plaques
tournantes vers le marché américain en provenance d'autres pays.
Nous sommes déjà en contact avec 200 entreprises qui ont des
licences de fabrication. Nous sommes en négociation intense avec 12
d'entre elles et certaines ententes devraient être conclues au courant de
l'automne ou du printemps. C'est vraiment du concret, du sérieux qu'on
veut. Contrairement à ce que les gens disent: Les jeunes, on ne peut pas
s'y fier tellement, cela change souvent, et tout... Les gens avec qui on est
habitués de travailler, ce sont les associations étudiantes. On
est à l'université pour trois ans où on passe de
boy-scouts à autre chose. Il y a des cycles et cela change sauvent.
Mais, dans ce projet, je peux vous assurer, messieurs dames? que nous sommes
vraiment sérieux et que nous voulons vraiment aller jusqu'au bout de
notre projet pour donner les outils et la chance aux jeunes d'avoir autant
accès aux connaissances étrangères qu'aux réseaux
de distribution. Si les réseaux de distribution ne sont pas assez
intéressants, on formera des consortiums entre les entreprises de jeunes
et nous créerons nos propres réseaux de distribution, s'il le
faut.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Frontenac.
M. Lefebvre: M. le Président, madame, j'ai le goût
de tirer une espèce de conclusion générale de vos propos
très optimistes. Est-ce que je me trompe si j'ai l'impression que tout
ce que vous nous demandez comme gouvernement c'est... J'aimerais que vous
définissiez un peu ce que vous entendez par un gouvernement qui appuie
l'entrepreneurship des jeunes. C'est un peu à ce niveau que j'aimerais
entendre vos commentaires. Qu'est-ce que vous entendez par un appui à
l'entrepreneurship des jeunes?
M. Bisson: Présentement, ce qu'on attend comme appui -
vous allez en entendre parler bientôt - on veut avoir, entre autres, une
modification au programme des SPEQ, faire une espèce de SPEQ-jeunesse
pour modifier un peu certains "enfargements" qui empêchent des parents ou
des personnes liées à la personne qui démarre en affaires
d'investir dans l'entreprise.. Supposons que j'ai un oncle ou un voisin ou
quelqu'un que ça fait longtemps qui me voit aller et qui me dit: Moi,
j'ai confiance en toi, je serais prêt à investir dans ton
entreprise. On voudrait que les SPEQ soient suffisamment souples et
malléables pour qu'on puisse aller chercher du financement dans notre
entourage, du "love money", comme on l'appelle. On vaudrait aussi que les
déductions fiscales liées à cela soient en fonction des
régions. S'il y a des régions où il y a de forts
problèmes de développement économique, nous voudrions
qu'il y ait des déductions fiscales de 175 % ou de 200 %, et que les
régions périphériques, plus près des grands
centres, aient des déductions fiscales de 125 %, etc. Nous voulons un
assouplissement de certains outils et de certains abris fiscaux pour aider les
jeunes à aller chercher du capital dans leur entourage et dans leur
milieu, ne pas aller le chercher à leur place nécessairement,
mais leur donner, je ne voudrais pas employer le terme anglais de "back-up",
mais ce qu'il faut à la base.
Nous avons besoin aussi... Il ne faut pas le cacher, notre
système universitaire souffre d'un très fort individualisme,
même interfacultaire. Il est très difficile de faire travailler
une faculté d'administration avec
une faculté de génie. C'est un non-sens. Le gouvernement
ne doit pas être unilatéral, mais il devra s'opposer à cela
et faire comme en Europe et un peu partout, faire travailler ces gens ensemble.
On a à travailler dans notre région relativement à nos
projets. Les gens de génie sont peut-être géniaux dans ce
qu'ils font, mais, en termes de concertation et pour travailler en
équipe, il leur manque quelque chose., C'est un impératif au
Québec que le génie,, l'administration et les autres secteurs
travaillent ensemble. Sans cela, c'est un handicap pour le Québec.
M. Lefebvre: Lorsque vous dites que vous souhaiteriez pouvoir
aller chercher du financement dans votre entourage, je comprends que vous
souhaitez que les investissements viennent de l'entreprise privée, du
milieu, et qu'à ce titre le gouvernement ne soit là que pour vous
appuyer dans certaines circonstances. Voua souhaitez également que
l'intervention du gouvernement se fasse par le biais d'un assouplissement de la
fiscalité plutôt que par de la subvention directe, comme on l'a
connue au cours des dernières années?
M. Bisson: II faut faire une nuance. Que ce soient les organismes
de jeunes...
M. Lefebvre: Oui.
M. Bisson: ...que ce soient ceux qui interviennent, ceux qui
partent en affaires, l'aspect financier est quand même relativement
important.
M. Lefebvre: Oui.
M. Bisson: Cet été, nous avons fait une
étude assez exhaustive sur la question des capitaux de risque au
Québec. Quand vous parlez de capitaux de risque de 14 %, 15 % ou 20 % de
rendement, il y en a en quantité industrielle; il n'y a pas de limites.
Par contre, lorsqu'on parle d'un rendement de 8 % à 12 % ou 13 %, dans
cette fourchette, le capital est rare; on ne le trouve pas partout et il faut
faire des mises de fonds.
Comment rendre cela compatible? On ne vient pas au monde avec la
fortune. On n'a pas nécessairement un père qui est un industriel
prospère. Il faut quand même un certain handicap, un certain
"push", si l'on veut, pour permettre aux entreprises, aux entrepreneurs les
plus intéressants, à ceux qui ont le plus de potentiel d'avoir le
soutien pour réussir.
Ce avec quoi je suis d'accord et en désaccord jusqu'à un
certain point, la façon dont on a fait le développement
économique au Québec jusqu'à aujourd'hui, entre autres, au
niveau industriel et au niveau des jeunes, ne correspond pas
nécessairement à notre réalité au Québec. Il
faut susciter la mise sur pied d'entreprises qui vont réussir à
s'autofinancer. Mais, dans la phase de cinq ans, cette structure a besoin d'un
soutien. Il y a moyen... On est en train de développer des idées
et des concepts par rapport à cela. On pourra en discuter après,
si vous le désirez, mais nous croyons qu'il est possible de mettre sur
pied des structures permanentes qui vont arriver à s'autofinancer et
à créer des organismes de développement économique
permanents qui vont s'autofinancer. Nous croyons à cela, il faut tendre
vers cela; il faut trouver les moyens et il y a possibilité. Voyez les
incubateurs, comme à Job Creation Canada, qui ont été mis
sur pied en Europe, en Angleterre. Voyez ici SOCCRENT, au Lac-Saint-Jean, et,
à Montréal, Imasco qui vient de mettre 7 000 000 $ dans un fonds.
Il y a des moyens - il y a des gens qui l'ont démontré - sauf
qu'il faut adapter les modèles au Québec, mais cela va nous
prendre du financement de base. Il n'y a pas des Imasco partout au
Québec encore, des gens suffisamment - je ne sais pas comment on dit
cela - philanthropes, si on peut dire, pour faire quelque chose. Nous avons de
vieilles usines... Je vais vous donner un exemple - je ne veux fustiger
personne - comme la Domtar qui a reçu des prêts sans
intérêt très importants, qui a des bâtiments dont
elle ne se sert plus et dont nous aurions sûrement besoin pour faire un
incubateur d'ici cinq à dix ans. Il est sûr qu'elle aura besoin de
ces terrains éventuellement, mais, en cinq ou dix ans, nous pourrions
démarrer des entreprises de fabrication là-dedans. Ce serait, il
me semble, un bienfait et une preuve de solidarité avec le peuple du
Québec et du Canada qui lui a fait un prêt sans
intérêt que de permettre aux jeunes et aux gens de la
région d'utiliser ces anciennes installations qui sont aujourd'hui
désuètes et qui, pour nous, pourraient être très
intéressantes. C'est pour vous montrer un peu...
M. Lefebvre: Ce que vous voulez en deux mots, c'est que le
gouvernement vous appuie, mais vous permette de prendre en main votre propre
avenir économique, qu'on vous permette d'investir, qu'on vous permette
de vous organiser et qu'on n'intervienne pas inutilement.
M. Bisson: ...inutilement, regarder avec nous la
faisabilité et amener des correctifs. C'est facile de dire: Ton projet
n'est pas bon, il a ceci et cela. Il faut trouver des solutions. S'il y a un
problème à un projet, on le travaille, on le développe. Il
faut trouver des formules qui vont permettre à des structures ou
à des organismes de s'autofinancer, et cela se fait, on en a des
exemples aux États-Unis. Regardez ce qu'on demande au niveau des
incubateurs industriels. Le gouvernement américain et les États
financent l'incubateur industriel et cela est démontré. Des
firmes comme Apple Canada qui viennent de Silicon Valley et de ces endroits ont
été dans des incubateurs d'État. Elles en sont sorties
aujourd'hui et font la guerre à IBM et à ces grands-là, iI
y a possibilité d'utiliser cela de façon intelligente et sans que
cela coûte perpétuellement des fortunes à tout le monde. On
est d'accord sur le principe, mais il y a une marge à
observer.
M. Lefebvre: Ce que je tire comme conclusion, c'est que le
gouvernement, selon l'ensemble de vos propos, semble être sur la bonne
voie.
M. Bisson: Oui, et le gouvernement devra être davantage
proactif, voir venir, aller à l'avant des coups et ne pas attendre qu'on
soit au milieu des situations.
M. Lefebvre: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ce conseil au
gouvernement, y a-t-il une autre intervention du député de
Bertrand?
M. Parent (Bertrand): Oui, certainement. Il me reste du temps, M.
le Président? J'ai trouvé l'échange fort
intéressant de la part du député de Frontenac. Bien
sûr que le gouvernement ne doit pas intervenir pour rien. Je pense que
toute cette notion d'intervention du gouvernement doit être
clarifiée. La commission parlementaire nous a présenté
toutes sortes de sons de cloche. Vous demandez que le gouvernement soit
proactif, c'est ce que je retiens de votre phrase, et je pense que c'est
très important, ne pas être dans les jambes des entreprises. Mais
une chose est sûre, quand un jeune entrepreneur, qu'il soit de l'Estrie
ou de la Gaspésie, qu'il soit de n'importe quelle région du
Québec, et même des grands centres, se présente à
une banque avec un projet fort précis, le ministre, qui est un
exbanquier, après avoir fait de l'assurance, sait fort bien ce qui se
passe. Ce ne sont pas les banquiers, ce n'est pas le système bancaire
que nous avons actuellement qui va prendre tous les risques. Ils vont prendre
des risques pour autant qu'ils auront des garanties. Mais, entre ce que vous
pouvez donner, après avoir donné votre maison - votre femme est
souvent partie à la garantie parce qu'elle doit signer - et les autres
garanties tangibles que la banque peut prendre: comptes à recevoir et
biens que vous avez, il y a une partie de risque à prendre.
Dans la question du capital de risque, vous avez totalement raison. Les
entreprises à capital de risque, il en a poussé ces
dernières années au Québec et il en pousse actuellement,
sauf qu'elles ont des capitaux et - vous êtes d'accord avec moi - elles
attendent d'avoir 18 % ou 20 % de rendement. Je ne suis pas sûr que cela
corresponde encore... C'est à bâtir, c'est en train - de se faire
et le gouvernement, dans une formule quelconque, à travers un organisme
de la SDI ou tout autre organisme, devra intervenir ou aider, de quelque
façon que soit, à prendre une partie du risque. Si le
gouvernement ne le fait pas, je suis profondément convaincu qu'on ne
réussira pas à décoller.
Vous avez mentionné que vous étiez à mettre sur
pied - j'aimerais revenir là-dessus, parce que je trouvais cela fort
intéressant - un institut de développement économique de
l'Estrie. Est-ce que, rapidement, vous pourriez nous dire en quoi cela va
consister et est-ce que ce genre d'initiative que vous avez prise se fait
ailleurs au Québec?
M. Bisson: II y a trois volets très importants en
priorité: la promotion, le dépistage et la formation en
entrepreneurship industriel. Nous voyons que différents industriels ont
peur du libre-échange. On dit bien le mot "peur", parce qu'ils ne savent
pas ce qui les attend, c'est comme un "black-out". Par contre, ceux qui voient,
des personnes comme Serge Racine qui sont très articulées savent
qu'un marché n'est pas large comme cela et qu'un marché qui a des
créneaux... Elles savent qu'il y a moyen d'être meilleurs dans des
secteurs, qu'il faut se spécialiser.
Ceux qui comprennent le système n'ont pas peur. ILs ont
hâte et ils veulent foncer. Mais les entrepreneurs, même s'ils ont
une expérience au Québec, qui doivent jouer dans des
règles de 6 000 000 d'habitants et jouer avec des règles de 200
000 000, les gens ne sont pas tout à fait prêts. Ils ont besoin
d'une période de transition. Ils ont besoin d'apprendre et de comprendre
comment fonctionne le système américain. Notre organisme est
très sensibilisé à cet aspect.
Deuxième point, les sociétés de financement
régionales. On veut aller chercher des fonds, ici, au Québec,
mais on veut aller chercher des fonds aussi à l'extérieur. Pour
nous, c'est très important. Voyez les sociétés comme
celles qu'on va aller voir cet automne, la Société de financement
régionale de Wallonie ou SOFIPARIL, à Paris. Ces organismes ont
mis sur pied, ils ont financé des entreprises très prometteuses
en Europe. Ils seraient prêts, jusqu'à un certain point, à
financer ces licences de fabrication ou "joint ventures" pour participer
à la croissance en terre nord-américaine.
Donc, on veut jouer cette carte, on veut prospecter dans ce sens afin
qu'au
Québec on puisse aussi travailler avec nos capitaux et les
capitaux extérieurs. Dans le cadre du sommet de la francophonie, nous
avons fait partie d'un SIRFA, un séminaire international sur la
formation en petite et moyenne entreprise. Il était ressorti, et nous
l'avons proposé: Pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas, à moyen
terme, possibilité de négociations d'un libre-échange
à travers la francophonie? La francophonie, c'est quand même 360
000 000 d'habitants à l'échelle de la planète. C'est quand
même intéressant.
On voit des projets de financement au niveau de l'ACDI et au niveau des
banques mondiales. Vous savez que le Québec et le Canada ne vont pas
chercher le centième de ce qu'ils investissent dans ces banques
régionales au niveau mondial. Pourquoi? Parce que les pays en voie de
développement ont été colonisés par les Anglais et
les Français, et que les gens sont allés étudier en bonne
partie dans ces pays-là. Donc, les réseaux de contact sont
rectilignes avec la France et l'Angleterre. Nous venons vendre l'expertise,
l'ingénierie, etc., mais ils vont prendre prioritairement ceux qui
connaissent le système. Ils savent comment cela fonctionne, cela fait
longtemps qu'ils en entendent parler.
Donc, un traité de libre-échange au niveau de la
francophonie nous permettrait sûrement d'aller chercher des
marchés ou des contrats très intéressants, même pour
les grandes firmes comme Lavalin et SNC, ou auprès des pays francophones
qui ont peut-être un préjugé favorable envers l'ancienne
mère patrie, si l'on veut.
M. Parent (Bertrand): Je veux vous dire merci d'être venus
nous exposer votre point de vue. Malheureusement, le temps est à peu
près terminé. Je vous dirai en terminant que le message que vous
nous avez laissé de marier le génie avec l'administration, c'est
vraiment toucher au coeur du problème qu'on a actuellement au
Québec et qu'on vit ces dernières années. Continuez
à garder votre jeunesse et votre dynamisme, c'est encourageant et
rafraîchissant. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. MacDonald: J'aimerais me joindre au député de
Bertrand pour souligner ce qu'il a dit. J'aimerais ajouter que vous
représentez effectivement un dynamisme qui, il y a quelques
générations, n'était pas là dans le monde des
affaires.
Vous avez une ouverture rafraîchissante et une façon de
voir les choses qui, même si le président de la commission me
disait: II ne faudrait pas trop s'embarquer mais, pour des gens plus
âgés comme nous, cela constitue un réconfort quant à
l'avenir. Je devrais profiter du fait que je suis un peu plus âgé
pour souligner quelques dimensions.
Je vous ai mentionné qu'il y a des gens qui se sont
présentés ici avec une ferme conviction. Vous avez dit: Ils ont
un corporatisme à défendre, ils ont des intérêts
plus étroits à défendre, mais le fait demeure qu'il y a
des gens qui se sont présentés ici avec sincérité
contre une entente de libéralisation des échanges. J'aimerais
penser que, comme jeunes entrepreneurs, et c'est ce que vous regroupez, vous
allez vous ouvrir un peu plus que l'ont fait vous aïeux les plus vieux
vis-à-vis de vos employés au début de vos entreprises, que
vous allez réellement vivre le fait qu'en 1987, si je regarde l'avenir,
les patrons ne peuvent pas faire la job complètement seuls, les
employés ne peuvent pas la faire seuls et le gouvernement non plus.
C'est une question de complicité de tous les intervenants.
J'aimerais souligner la dimension très réelle que vous
avez relevée qu'à l'intérieur même des maisons
d'enseignement, cela ne coopère pas assez. Allez-y, vous autres! Vous
venez juste d'en sortir, ils vous connaissent encore la face, allez brasser la
cage et allez également vers les cégeps. Dans les cégeps,
il y a un inventaire de matière grise extraordinaire qui est absolument
ignorée du monde des affaires et de l'entrepreneurship, à mon
avis. Et là, vous allez en Wallonie. J'ai eu le plaisir d'y aller
à quelques reprises et de rencontrer justement le
ministre-président de la Wallonie, M. Wathelet, un jeune, plus jeune que
moi, qui a également ce dynamisme. Je pense que vous allez faire un
très bon voyage.
Je vous remercie beaucoup et je conclus en vous disant que, lorsque des
thèses seront présentées par notre gouvernement ou par
l'Opposition et qu'elles seront débattues publiquement, que vous soyez
pour la position du gouvernement ou contre, revenez donc nous voir! La
façon avec laquelle vous présenterez vos arguments pour ou
contre, j'aimerais cela l'entendre. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Au nom des autres membres
de la commission, je vous remercie d'avoir participé à cet
exercice et j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir à
une autre consultation générale ou particulière de la
commission de l'économie et du travail. Merci.
Nous allons maintenant suspendre les travaux jusqu'à 14 heures
cet après-midi, alors que nous recevrons M. Jake Warren, qui est le
conseiller du gouvernement du Québec dans le dossier du
libre-échange, et nous aurons, par la suite, des remarques finales.
Alors, les travaux sont suspendus.
(Suspension de la séance à 12 h 18)
(Reprise à 14 h 10)
Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire de l'économie et du travail reprend
et termine cet après-midi - espérons-le - la consultation
générale en ce qui a trait à la libéralisation des
échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis.
Nous recevons cet après-midi M. Jake Warren qui est le conseiller
du gouvernement du Québec dans ce dossier. Mais, auparavant, je voudrais
signaler la présence parmi nous de parlementaires de la
communauté française de Belgique dont quelques-uns me sont
familiers parce que j'ai eu l'occasion de les rencontrer lors d'un
séjour en communauté française de Belgique il y a deux ou
trois ans.
Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue au président du
conseil, M. Jean-Pierre Graffé, ainsi qu'au député, chef
du groupe du Parti socialiste, M. Yvon Biefnot, qui, incidemment, nous avait
bien reçus au festival de Binche. Il ne faisait pas chaud, mais
c'était un festival mémorable. On avait bien bouffé
également. Aussi, le député, chef du groupe du Parti
réformateur libéral, M. Armand De Decker s'en vient, semble-t-il.
M. José Desmarets, sénateur, chef du groupe du Parti social
chrétien. Il y avait M. De Decker. Bienvenue parmi nous. M. Desmarets,
merci. Et, finalement, M. André La-gasse, sénateur, chef du
groupe du Front démocratique des francophones, groupe écologiste
que je salue de nouveau également et qui m'avait, lui aussi, bien
reçu chez lui. Finalement, je pense que les gens sont accompagnés
de M. Jean-François Vandewalle. Je ne sais pas s'il est parmi nous.
C'est le chef du service des relations interparlementaires. En mon nom
personnel, je vous prierais de bien vouloir le saluer aussi. Je me souviens de
lui avec beaucoup de sympathie.
Messieurs, bienvenue à la commission parlementaire de
l'économie et du travail. J'espère que nos travaux, cet
après-midi, pour le moment que vous passerez avec nous, sauront vous
intéresser. Pour l'issue, écoutez, vous êtes comme nous,
vous suivrez l'actualité nord-américaine.
Sans plus tarder maintenant, nous accueillons M. Jake Warren. M. Jake
Warren, je vous rappelle nos règles du jeu qui, dans votre cas, sont un
peu différentes. Au lieu d'avoir une heure, on a une heure et trente
avec vous. D'abord, une première période sera consacrée
à la présentation de votre exposé et le reste du temps
sera consacré à des échanges de vues avec les membres de
la commission, de part et d'autre. Je vous cède immédiatement la
parole.
M. Jake Warren M. Warren (Jake): Merci, M. le Pré- sident.
Mesdames et messieurs, il me fait plaisir à la suite de votre
invitation, de venir témoigner dans le cadre des travaux de cette
commission parlementaire.
Depuis ma nomination par le premier ministre Bourassa en février
1986, j'ai assumé essentiellement trois fonctions. Premièrement,
conseiller principal du gouvernement du Québec sur les
négociations commerciales internationales; deuxièmement,
président du comité consultatif sur les négociations
commerciales; troisièmement, représentant du Québec au
Comité fédéral-provincial permanent sur les
négociations commerciales, ce qu'on appelle le comité
Reisman.
Je vais vous dresser ici un bilan de mes activités dans le cadre
de ces fonctions. Je ne crois pas qu'il me revienne ici de discuter des raisons
qui ont amené le gouvernement fédéral à proposer
des négociations avec les États-Unis, ni de discourir quant aux
raisons qui ont amené le gouvernement du Québec à donner
son appui à de telles négociations. Cet exercice a, d'ailleurs,
déjà été fait par le premier ministre Bourassa et
le ministre MacDonald au tout début des audiences de cette
commission.
Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de vous
informer du travail que j'ai effectué en collaboration avec les gens des
secteurs privé et public que j'ai côtoyés dans le cadre de
mes responsabilités.
Je vais vous parler, premièrement, de mon rôle comme
conseiller principal du gouvernement du Québec. Lorsque j'ai
commencé mon travail à ce titre, je me suis, d'abord,
informé des grands objectifs de développement économique
du Québec de façon à mieux identifier les
intérêts du Québec au cours des négociations
commerciales entre le Canada et les États-Unis. Ensuite, j'ai
contribué à l'élaboration de la position du Québec
dans ces négociations. Une position préliminaire a
été adoptée par le Conseil exécutif dès le
mois de mars 1986, position que j'ai communiquée au négociateur
en chef du Canada, M. Simon Reisman, dans le cadre de son comité.
Il s'agissait essentiellement à ce moment-là de lui faire
connaître les demandes, les conditions et les exigences de base du
Québec au cours des négociations et, en contrepartie, de
connaître les intentions du gouvernement fédéral et de
l'influencer.
En collaboration avec les membres du
Comité technique interministériel et du
Groupe restreint de coordination, j'ai par la suite travaillé
à l'examen des enjeux des négociations afin que soient
présentées au
Conseil des ministres des stratégies et des , options possibles
qui puissent guider ses décisions.
Nous avons obtenu des ministères concernés des analyses
détaillées et des posi-
tions qui nous ont permis de bien cerner l'intérêt du
Québec quant à la libéralisation des échanges avec
les États-Unis. L'essentiel des analyses produites a été
rendu public le 5 mai dernier par le ministre Pierre MacDonald. Le document
d'information publié alors tenait également compte des
informations que nous avons obtenues d'autres sources, à savoir le
Comité consultatif sur la libéralisation des échanges) le
Bureau des négociations commerciales, les études
théoriques et autres.
Globalement, c'est à une trentaine d'organismes et à 150
spécialistes, hauts fonctionnaires et conseillers que nous avons eu
recours afin de mieux conseiller le gouvernement.
À titre de coprésident du Groupe restreint de
coordination, j'ai participé, avec les autres membres du groupe,
à l'analyse à la fois des documents de travail transmis à
titre confidentiel au Québec par le Bureau fédéral des
négociations et des travaux commandés auprès des
organismes gouvernementaux par le Comité technique
interministériel. J'ai suivi de très près le
déroulement des négociations en participant aux
délibérations du Comité fédéral-provincial
permanent sur les négociations commerciales et des groupes de travail
fédéraux-provinciaux et en maintenant des liaisons
étroites avec le Bureau des négociations commerciales. Je
reviendrai sur ce point un peu plus loin. J'ai participé à
l'élaboration de positions québécoises sur toutes les
questions faisant l'objet des négociations. J'ai tenu informés le
sous-comité ministériel et le Comité ministériel de
planification et de développement économique, le CMPDE, et le
Conseil des ministres sur l'évolution des négociations. J'ai
aussi contribué à la préparation des projets de
réponses aux demandes spécifiques du gouvernement
fédéral et fait connaître sur l'ensemble des sujets en
discussion les positions québécoises.
Je parlerai maintenant de mon rôle comme président du
Comité consultatif sur la libéralisation des échanges. En
février 1986, le gouvernement du Québec formait le Comité
consultatif sur la libéralisation des échanges pour recueillir
les représentations des groupes intéressés et pour le
conseiller dans le cadre des négociations commerciales
bilatérales et multilatérales qui étaient alors sur le
point de s'engager. Le comité a remis son rapport le 11 du mois courant
au ministre Pierre MacDonald, président du sous-comité
ministériel sur la libéralisation des échanges. Ce
rapport, comme vous le savez, a été rendu public le 14 septembre.
À titre de président du comité, je crois qu'il est
important de vous rappeler l'essentiel de son contenu.
Dans le cadre des négociations avec les États-Unis, le
comité a tenu 18 séances au cours desquelles il a reçu 54
groupes, sociétés ou organismes. Leurs représentations
peuvent être classées en trois grandes catégories: d'abord,
ceux qui sont d'emblée favorables à la libéralisation des
échanges avec les États-Unis; ensuite, ceux qui sont plutôt
favorables, mais à certaines conditions; enfin, l'on retrouvera certains
groupes qui sont défavorables à ce projet.
Dans le premier groupe, qui compte à la fois des producteurs de
biens, mais également certaines industries de services, l'on rencontre
des sociétés qui se sentent prêtes à affronter la
concurrence internationale et croient pouvoir bien réussir dans un cadre
commercial nord-américain où les obstacles au commerce seraient
éliminés. Ces sociétés se sont déjà
adaptées, ou sont en voie de l'être, aux impératifs des
marchés étrangers et elles estiment que la qualité et la
compétitivité de leurs produits et de leurs services doivent
être une priorité de leur gestion et que les défis de la
concurrence exigent des efforts continus en matière d'investissement, de
recherche et de développement.
Plus particulièrement en ce qui a, d'abord, trait au secteur des
services, ces sociétés croient pouvoir faire une
pénétration encore plus grande sur le marché
américain si certains obstacles sont éliminés, telles les
barrières non tarifaires en matière d'achats publics, y compris
les programmes de défense, et les barrières au mouvement des
personnes, particulièrement le personnel professionnel, pour desservir
leur clientèle américaine.
Les demandes de chaque groupe de services varient, cependant» En
matière de services financiers, on désire assurer et
accroître la présence permise sur le marché
américain. En matière d'assurances, on veut sauvegarder et
améliorer le traitement national dont, en général,
l'industrie bénéficie déjà des deux
côtés de la frontière.
En matière d'informatique, qui a connu une forte croissance, on
insiste sur le maintien de frontières ouvertes pour l'offre de services
et la transmission des données et sur le maintien adéquat de la
politique de faire-faire qui a contribué au développement de
cette industrie.
En matière de transport, on manifeste un certain
intérêt pour la libéralisation du marché
américain, mais aussi une inquiétude quant au maintien du
protectionnisme au niveau des États des États-Unis. On se
préoccupe aussi de la pénétration éventuelle du
marché local par les grandes sociétés américaines,
particulièrement pour les routes les plus lucratives.
En matière de génie-conseil, on manifeste un
intérêt pour le marché américain, tout en soulignant
la prépondance du marché des pays en voie de développement
et aussi un intérêt pour le maintien des relations
privilégiées dont les sociétés
bénéficient pour nos marchés publics. Enfin, quant
aux architectes, comme les ingénieurs, ils commencent à se
pencher sur un processus possible, de reconnaissance mutuelle de leurs
compétences professionnelles. Dans plusieurs cas, les demandes des
différents groupes sont fonction de la réglementation
déjà applicable et de l'évolution des contextes de
déréglementation.
En ce qui a trait aux produits à base de ressources naturelles,
la plupart des producteurs québécois rencontrent peu d'obstacles
à l'exportation aux États-Unis et, étant
particulièrement vulnérables au protectionnisme américain
non tarifaire, ils souhaitent, évidemment, conserver leur accès
à ce marché.
L'industrie du bois, quant à elle, pour des raisons bien
évidentes, nous a fait des représentations très claires
quant à la nécessité d'obtenir le rétablissement de
son accès au marché américain, récemment compromis
par l'imposition d'une taxe à l'exportation. De même, la
sidérurgie québécoise a des débouchés
importants aux Etats-Unis; il lui est essentiel de les conserver et de les
étendre. Il en est de même pour plusieurs autres secteurs
importants, tels le ciment, l'amiante, le cuivre, l'aluminium.
Il est intéressant de noter que, dans les domaines de haute
technologie, telles l'électronique, les
télécommunications, l'aérospatiale et les biotechnologies,
nous avons reçu des représentations nous faisant réaliser
l'importance des secteurs où les Québécois
possèdent des forces importantes qui leur permettent déjà
de bien profiter du marché américain. Pour ces entreprises, la
taille du marché américain, son dynamisme et les capacités
d'innovation et de développement technologique qui lui sont connexes
constitueront une base importante pour leur propre développement.
Soulignons aussi les représentations généralement
favorables au projet de libéralisation des échanges que nous
avons reçues de la Chambre de commerce du Québec, du Conseil du
patronat et de l'Association des manufacturiers canadiens, dont vous avez,
d'ailleurs, pu prendre connaissance au cours de ces deux dernières
semaines puisque ces organismes se sont également
présentés devant vous.
Les membres du comité ont pensé utile de souligner, quand
même, les réactions de ces organisations puisqu'elles regroupent
un très grand nombre d'intervenants du secteur manufacturier et
entrevoient des grandes possibilités d'expansion pour l'industrie
québécoise sur le marché américain, bien
qu'exprimant certaines réserves à l'égard de la
compétitivité de secteurs particuliers.
Ceci nous amène au deuxième groupe d'industries auquel
nous avons fait référence précédemment. Il s'agit
là d'entreprises qui sont susceptibles de pouvoir être
concurrentielles dans le marché américain et de s'y
développer, pourvu qu'elles puissent bénéficier de
périodes d'adaptation adéquates qui pourraient, par exemple,
être de cinq ou dix ans, au cours desquelles, au besoin, et selon la
situation particulière de chaque entreprise, elles pourraient se
restructurer, se fusionner, augmenter leur capitalisation et réorienter
la formation de leur personnel.
Nombre d'entreprises ont suggéré que des appuis
gouvernementaux seront nécessaires au cours de ces périodes de
transition, particulièrement en ce qui a trait aux programmes de
formation et de la main-d'oeuvre et de modernisation des équipements
pour être en mesure de relever le défi de la concurrence
américaine. Il est important de noter qu'on situe là plusieurs
des secteurs industriels qui constituent un segment important de
l'économie québécoise, tels les produits de la
forêt, l'équipement de transport, les produits en métal,
certaines composantes du secteur du meuble, la transformation des
métaux, la fabrication de machinerie, de produits électriques et
de produits chimiques.
Aussi, on peut retrouver dans ce groupe certaines entreprises faisant
partie de ce qu'on qualifie traditionnellement de secteurs mous, tels le
textile, le vêtement, la chaussure et le meuble. Cependant, il est
important de souligner qu'il y a au sein de chaque groupe de grandes variations
quant à la perception de leur avenir dans ce nouveau contexte
commercial. À titre d'exemple, certaines compagnies oeuvrant dans le
domaine du textile se sont considérablement modernisées au cours
des dernières années, ont effectué des percées
importantes aux États-Unis et envisagent l'avenir avec un certain
optimisme. A l'inverse, certaines entreprises craignent la compétition
américaine provenant, entre autres, d'équipements plus modernes,
de coûts de production inférieurs et d'économies
d'échelle relativement plus importantes. Pour certains autres secteurs,
par exemple, la chaussure, on craint beaucoup plus la concurrence de certains
pays européens et encore davantage celle des nouveaux pays
industrialisés que la concurrence américaine. Cependant,
là encore, il existe des différences de position puisque
certaines compagnies se sont taillé une place enviable aux
États-Unis grâce à une production spécialisée
dans certains créneaux.
Quant à eux, les producteurs de vêtements ont
souligné l'importance du maintien des quotas dont ils
bénéficient et de l'approvisionnement en franchise de composantes
importées, de même que, comme dans le cas de la chaussure,
l'importance de l'application de règles d'origine pour éviter les
détournements du
trafic.
Une conclusion importante concernant ce second groupe, c'est qu'il
faudra éviter les généralisations faciles et plutôt
apprécier l'état des secteurs spécifiques et même
des différentes entreprises au sein de ces secteurs et sous-secteurs. Oe
manière générale, toutefois, l'ensemble des entreprises
faisant partie de ce deuxième groupe ont un dénominateur commun,
à savoir le besoin d'une période de transition, d'une
période d'adaptation pour permettre de procéder aux modifications
structurelles et aux investissements requis afin d'être en mesure de
concurrencer d'une manière plus efficace les marchés
américain et domestique. Il leur faudra également prévoir
des efforts soutenus de recyclage de la main-d'oeuvre. Il apparaît
évident que, pour y parvenir, une aide gouvernementale sera
nécessaire et il faudra donc prévoir les périodes de
transition et les mesures d'assistance appropriées. Aussi, nombre
d'intervenants ont plaidé pour un assouplissement de l'encadrement
législatif, réglementaire et fiscal qui, selon eux, pèse
lourdement sur le secteur manufacturier québécois. Ces
contraintes, ajoutent plusieurs intervenants, nuisent à la
compétitivité des entreprises québécoises.
Le troisième groupe d'intervenants réunit les opposants
aux négociations de libéralisation des échanges entre le
Canada et les États-Unis. Les principales réserves
exprimées par les représentants de ce groupe ont trait aux
impacts pressentis du libre-échange en matière de politique
sociale, économique et culturelle, de même qu'au souci particulier
concernant la viabilité du secteur agricole.
Les questions socio-économiques ont été
évoquées par certaines centrales syndicales qui ont
exprimé diverses inquiétudes. Tout d'abord, elles craignent
qu'une rationalisation à l'échelle nord-américaine
n'entraîne des fermetures d'usines au Québec. Au surplus, elles
craignent également la perte d'emplois à la suite de la
disparition progressive d'entreprises qui ne pourraient pas faire face à
la compétition américaine. Je pense que vous avez
déjà reçu des témoignages directs de certaines de
ces centrales syndicales.
L'une des préoccupations importantes concerne, par ailleurs, les
avantages sociaux dont bénéficie la population du Québec.
On craint, en effet, que, pour tenter d'atteindre un niveau de
compétitivité comparable à celui des Américains,
les industriels québécois ne sollicitent des gouvernements
provincial et fédérai l'harmonisation à la base de
nombreuses mesures de protection sociale.
En ce qui a trait au secteur agricole, les inquiétudes à
ce sujet ont trait aux systèmes de gestion de l'offre, de stabilisation
des prix et d'aide particulière qui ont été mis en place
au cours des années tant au Québec qu'au Canada. On a
indiqué au comité que, si cela devait disparaître, il en
résulterait des déséquilibres importants qui pourraient
sérieusement perturber la viabilité de l'ensemble du secteur
agricole québécois. On a, toutefois, signalé l'importance
d'un accès plus libre au marché américain pour certains
secteurs de la production québécoise, tels la viande de porc et
certains produits horticoles. (14 h 30)
Le comité a, d'autre part, reçu des représentations
très fermes du secteur de la transformation agro-alimentaire qui doit
s'approvisionner et fonctionner avec des contraintes particulières au
Québec et au Canada découlant des coûts plus
élevés engendrés par notre système agricole, alors
que des contraintes semblables n'existent pas aux États-Unis. C'est
particulièrement le cas des brasseries qui estiment ne pouvoir rivaliser
avec leurs homologues américains qui bénéficient de
capacités de production beaucoup plus importantes et de coûts
d'approvisionnement passablement inférieurs. On a, de plus,
souligné que les barrières interprovinciales touchant
l'approvisionnement et les structures de production constituent un net handicap
pour cette industrie brassicole.
Enfin, au sujet des préoccupations relatives à la culture,
il a été maintes fois signalé qu'il faudra conserver tous
les outils nécessaires pour protéger et promouvoir la
spécificité canadienne et québécoise face à
la forte présence actuelle d'intérêts américains
dans le secteur, laquelle, selon les intervenants, pourrait s'accentuer. C'est
particulièrement le cas dans le domaine de l'édition et de
l'ensemble de ce que l'on convient d'appeler les industries culturelles qui
souhaitent le maintien de protection sur les marchés locaux et
l'amélioration des perspectives d'emploi pour les artistes et
concepteurs québécois. On a également souligné
qu'il fallait moderniser le régime de protection de la
propriété intellectuelle qui s'applique actuellement.
Comme vous le savez, ces représentations ont été
formulées de façon détaillée au cours des mois
selon les sujets abordés et ont aidé à définir les
intérêts du Québec dans ces négociations. On a
également tenu compte des représentations que nous avions
reçues jusqu'alors pour la préparation du document
québécois publié en mai dernier et qui traitait de
l'ensemble de la question de la libéralisation des échanges
commerciaux avec les États-Unis.
À la lumière des représentations reçues et
de ces délibérations, le comité consultatif était
d'avis qu'il n'est pas dans l'intérêt du Québec de refuser
de donner son appui à un accord de libre-échange qui respecte les
conditions essentielles qui ont été mises de l'avant par le
Québec au début des
négociations. Oe plus, le comité était d'avis qu'il
est erroné de croire que nous puissions maintenir le statu quo. En
effet, l'environnement réglementaire et économique est dynamique
et tout indique que, si rien ne se fait, le protectionnisme américain
s'accroîtra, c'est bien évident. En conséquence, l'un des
principaux marchés traditionnels dont le Québec a besoin pourrait
progressivement se refermer.
Globalement, d'après moi, les objectifs, les demandes et les
conditions du Québec à l'égard d'un éventuel accord
de libéralisation des échanges entre le Canada et les
États-Unis ont reçu l'appui du comité consultatif.
Finalement, le comité a tiré un certain nombre de
conclusions. En premier lieu, il est essentiel pour le Québec de
s'assurer un accès au marché des États-Unis.
Deuxièmement, le développement de l'économie
québécoise exige l'augmentation de sa part de ce marché.
En troisième lieu, la montée jusqu'ici inéluctable du
protectionnisme américain constitue une menace sérieuse pour
l'économie québécoise. Les négociations avec les
États-Unis doivent être poursuivies dans le but d'obtenir un
accord sur un mécanisme bilatéral et équilibré,
rapide et efficace de règlement des différends, sur
l'accès au marché public américain, sur la libre
circulation des biens et services et sur une plus grande mobilité de
personnes appelées à les fournir.
Il faudra, cependant, prévoir que la culture ne devrait pas
être touchée, que le secteur agricole devrait être
approché avec circonspection et maintenu dans son ensemble, que des
périodes de transition suffisamment longues pour permettre à
certaines industries de se recycler seront nécessaires et que des
mesures d'adaptation devront être rendues disponibles par les
gouvernements pour les entreprises comme pour la main-d'oeuvre.
Au surplus, il faudra prévoir que l'accord soit valable pour une
période suffisamment longue pour permettre aux agents économiques
de faire une planification adéquate.
Enfin, il faudra également se pencher sur la question des
barrières interprovinciaies au commerce qui constituent un obstacle
important au développement des industries québécoises. Ce
sont nos conclusions.
M. le Président, je parle maintenant de mon rôle comme
représentant du Québec au Comité
fédéral-provincial permanent des négociations
commerciales, le comité Reisman. Outre les réunions
fédérales-provinciales des premiers ministres, le comité
Reisman et ses groupes de travail sur des sujets particuliers ont
constitué le pivot de la consultation et de l'information entre le
fédéral et les provinces concernant le contenu et le
déroulement des négociations.
Ce comité s'est réuni presque à tous les mois
depuis janvier 1986. J'y étais le porte-parole du Québec. Aux
réunions de ce comité, le négociateur en chef du Canada,
M. Simon Reisman, a discuté avec les représentants provinciaux
des principaux axes de la stratégie de négociation et des
positions plus détaillées à défendre sur les
différents sujets.
Nous étions tenus également au courant de
l'évolution du mandat confié au négociateur en chef par le
gouvernement canadien et les premiers ministres. Bien sûr, nous avons
suivi de très près le déroulement des négociations
dans ses grandes lignes et dans les moindres détails.
En somme, les réunions du comité Reisman nous permettaient
de partager nos réflexions avec les autres provinces et d'influencer la
position fédérale dans le sens des objectifs
généraux et spécifiques du Québec. J'espère
avoir fait en sorte que le fédéral comprenne bien l'essentiel de
la position québécoise. J'ai aussi tenu informés, comme je
l'ai déjà dit, sur une base continue, le premier ministre
Bourassa, le ministre MacDonald et les membres du CMPDE du déroulement
des négociations.
Voilà, M. le Président, mesdames, messieurs, l'essentiel
de ce que je voulais vous dire concernant l'exercice du mandat qui m'a
été confié par le premier ministre Bourassa. Je suis
à votre disposition pour écouter vos commentaires et essayer de
répondre à vos questions. Cela n'a pas été trop
long?
Le Président (M. Charbonneau): Non. C'était parfait
en ce qui concerne le temps et cela va nous laisser plus de possibilités
pour engager la discussion. Je cède maintenant la parole au ministre du
Commerce extérieur.
M. MacDonald: Merci, M. le Président. Merci, M.
Warren.
Au tout début du traitement de ce dossier au Canada, on s'est
inquiété de la participation des provinces. Dans les premiers
mois, il était assez difficile de préciser quel serait exactement
le rôle desdites provinces.
Le chef de l'Opposition se rappellera qu'à cette réunion
d'Halifax, en décembre 1985, le premier ministre Mulroney avait
présenté cette expression "pleine participation" pour les
provinces.
Au cours de cette commission et bien avant, il s'est posé de
multiples questions, à savoir si réellement les provinces et
particulièrement le Québec avaient participé pleinement
à l'élaboration, d'abord, de cette position canadienne,
deuxièmement au suivi des négociations, dans une position
où il était capable d'être présent à la
conclusion des parties comme de l'ensemble et se réservant toujours le
droit d'approuver ou de désapprouver, c'est-à-dire de participer
ou de
ne pas participer.
Sans révéler nécessairement le contenu des
négociations - et on comprend très bien ici la position
délicate dans laquelle vous vous trouvez cet après-midi -
j'aimerais tout de même vous entendre dire si le Québec a
participé pleinement à cette négociation,,
M. Warrens M. le Président, je pense que, comme la beauté,
le contenu du mot "pleinement" varie selon les yeux de l'observateur, mais je
sais qu'il a de beaux yeux, M. MacDonald. Pour comprendre le rôle des
provinces cette fois, je pense qu'il faut retourner un peu en arrière
pour mieux comprendre d'où nous sommes venus. Si je me le rappelle bien,
à une certaine époque, Mackenzie King a demandé à
un monsieur, en secret, d'avoir des pourparlers et de revenir lui dire ce qui
serait possible et je ne suis pas convaincu que même les ministres du
cabinet fédéral étaient au courant de tout cela.
Au commencement des négociations multilatérales au GATT,
je pense que M. McKinnon une fois avait été envoyé pour
négocier dans les meilleurs intérêts du Canada et apporter
le "package" au gouvernement fédéral. À ce
moment-là, je pense que les provinces ne se préoccupaient pas
beaucoup de la politique commerciale. Il était question de l'abaissement
des tarifs très hauts des années 1930, c'était une
espèce de responsabilité fédérale, le commerce
international. Mais, de plus en plus, les provinces ont reconnu qu'elles
avaient des intérêts majeurs dans le "framework" - comment est-ce
que cela se dit? - dans le cadre de l'activité économique au
Canada.
Je passe maintenant au Tokyo Round où j'ai été un
peu actif. La, on a mis en place un comité de consultation avec les
provinces parce qu'on a reconnu l'intérêt qu'elles ont
démontré; les provinces comme le Québec, l'Ontario,
l'Alberta, la Colombie britannique étaient dotées à ce
moment-là - ce n'était pas le cas auparavant - d'une fonction
publique plus développée, avaient une idée plus
précise de leurs intérêts économiques. On a tenu
à informer les provinces des déroulements importants des
négociations. S'il y avait des points précis, par exemple la
question des niveaux de tarifs pour les produits chimiques, dans laquelle le
Québec, l'Ontario et l'Alberta avaient un intérêt et que
les intérêts étaient divergents, à ce
moment-là on mettait ces provinces au courant pas
précisément de l'état exact de l'affaire, mais de la
fourchette dans laquelle les faits étaient et où était
leur "bottom line". À ce moment-là, on avait à la table,
à Genève, la possibilité de faire une entente plus large
que celle qui s'est conclue sur les achats publics, mais cela aura
été la première fois que les juridictions des provinces
auront été mêlées dans les négociations
tarifaires commerciales multilatérales.
IL y avait aussi la question de la gestion de nos monopoles d'alcool
où les provinces ont négocié avec moi un "statement of
intent", une déclaration d'intention. Alors, il va de soi que, si ce
sont des engagements que le fédéral doit prendre vis-à-vis
des pays étrangers, il faut avoir une coopération de plus en plus
étroite avec les provinces.
Cette fois-ci, il y avait des possibilités, dans une
négociation bilatérale, que les négociations touchent les
subventions industrielles, les monopoles de boisson, les standards, les achats
publics des grandes sociétés d'État comme
Hydro-Québec et Hydro-Ontario et bien d'autres domaines qui touchent la
propriété intellectuelle des autres où il y a soit une
juridiction partagée ou une juridiction des provinces d'où le
fédéral est exclu.
Dans ces circonstances, je pense qu'avec l'expérience du Tokyo
Round ils se sont décidés à avoir une collaboration
beaucoup plus étroite et beaucoup plus riche avec les provinces, ce qui
nous a amenés, au Canada, à avoir le système que je viens
de décrire, dans lequel le fédéral a partagé avec
les premiers ministres, les ministres et les hauts fonctionnaires, en effet, le
centre des négociations, je pense, avec une communication très
adéquate pour tenir les provinces informées.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. M. Warren,
bonjour. Cela nous fait plaisir de vous voir à la barre des
témoins, aujourd'hui. Soyez assuré que, même si dans notre
travail d'Opposition que nous avons eu à faire nous avons eu à
critiquer le gouvernement, jamais nous n'avons tenu quelque propos au sujet de
vos compétences. Soit dit en passant, nous respectons les
compétences de M. Jake Warren et je tiens à ce que cela soit
clair.
Vous avez mentionné tantôt dans votre exposé, M.
Warren, si j'ai bien compris, que l'essentiel de votre consultation à
titre de président du comité consultatif, l'essentiel de ce
travail des quinze ou dix-huit derniers mois s'est retrouvé à
l'intérieur du document publié par le ministre, Une perspective
québécoise. Est-ce que j'ai bien saisi ce point? C'est parce
qu'à la suite de cela j'aurais des questions à vous poser. (14 h
45)
M. Warren: Je pense que vous avez très bien compris ce que
j'ai dit. Ce que nous avons expérimenté est contenu dans le
rapport du comité consultatif, que j'ai signé comme
président, mais les informations... Il
y a des grandes annexes des soumissions des industries et des
sociétés qui sont venues nous voir. Toutes ces informations ont
été envoyées aux gens concernés dans la fonction
publique, ici, à Québec. C'est dans ce sens que finalement la
position du Québec se dégage de toutes les informations
disponibles au CMPDE et au Conseil exécutif.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. Warren. Si le ministre le permet,
j'aurais quelques brèves questions à poser. En fonction de cela,
dans le document appelé Une perspective québécoise
qui, soit dit en passant, est le seul document officiel publié par
le gouvernement, il y a plusieurs informations qu'on n'a pas retrouvées
et qui ont été soumises à notre attention lors de la
commission parlementaire des deux dernières semaines. Si j'ai bien
compris et bien scruté votre document, plusieurs de ces organismes qui
ont eu à comparaître devant vous... Si je ne m'abuse, 20
organismes ont comparu devant vous entre le 5 mai 1987 et le 11 septembre
dernier, date à laquelle vous avez remis votre rapport. Ces 20
organismes, dont certains très importants, comme l'Union des producteurs
agricoles l'Ordre des archictectes et je pourrais en citer plusieurs autres,
ont comparu depuis la parution de ce rapport du gouvernement, leur position se
retrouve où? Dans votre document. Elle n'a donc pas été
reflétée dans le document Une perspective
québécoise. Est-ce exact? Est-ce que je comprends bien?
M. Warren: Je pense, M. Parent, que vous avez très bien
compris. Ce document a été complété vers la fin
d'avril et a été publié au commencement du mois de mai. Je
pense, par définition, que cela ne contient pas les commentaires des
gens qui sont venus après cette date. J'ai essayé d'exposer d'une
façon sommaire, dans mon rapport à M. MacDonald comme
président du comité consultatif, les informations reçues
depuis cette date. Cela a été fait d'une façon continue
durant toute cette période pour influencer toute la réflexion du
gouvernement sur le sujet.
M. Parent (Bertrand): Oui, je comprends, M. Warren, sauf qu'il
faut juste réaliser que, pour nous qui avons eu peu d'information
à ce jour - je pense que c'est endossé par l'ensemble des
intervenants - le documentUne perspective québécoise,
publié le 5 mai dernier ne reflète pas, à toutes fins
utiles, puisqu'il n'y a eu que deux endroits où les gens ont pu
s'exprimer: au comité Warren et ici en commission parlementaire, la
position des groupes qui se sont exprimés après le 5 mai et
maintenant. Même si c'était un processus continu, je le comprends
bien, leur position comme telle n'est pas reflétée dans le
document du gouvernement, mais elle est reflétée dans votre
document sommaire que vous avez remis il y a quelques jours, le 11 septembre,
et rendu public le 14 septembre. Est-ce exact?
M. Warren: En plus, M. Parent et M. le Président, je pense
que, si je n'ai pas tort, les membres de la commission parlementaire ont
reçu aussi un document-synthèse de la position
québécoise. C'était une mise à jour du document du
5 mai. J'espère que vous avez eu l'occasion de le lire, sinon de
l'étudier.
M. Parent (Bertrand): Oui.
M. Warren: Alors, il y a, en effet, trois documents et un
processus. S'il y a des industries qui se préoccupent de relever des
défis et de profiter des occasions, elles ont des façons
d'écrire des lettres aux ministres et de faire des
représentations lors des réunions dans les différents
ministères, comme vous le savez très bien; c'est tout le
processus des gouvernements, ici au Canada et au Québec.
M. Parent (Bertrand): M. Warren, plusieurs groupes ont comparu
devant vous et devant votre comité et n'ont pas comparu ici en
commission parlementaire pour toutes sortes de raisons auxquelles je n'ai pas
de réponse.
M. Warren: Moi, non plus!
M. Parent (Bertrand): On a eu une réponse ce matin; il y
avait un groupe important qui représentait les consommateurs, qui n'a pu
comparaître devant vous et qui est venu s'exprimer ce matin. Ma question
serait: Est-ce que vous vous opposeriez et est-ce que le ministre s'opposerait
à ce que ceux qui n'ont pas comparu devant cette commission et qui ont
apporté des points de vue... Je pense à plusieurs grandes banques
qui se sont manifestées et à d'autres dans différents
domaines dont on n'a pas eu le son de cloche ici en commission. Est-ce qu'il
serait possible de rendre de façon exhaustive le mémoire qu'ils
vous ont présenté et la position qu'ils ont
présentée? Est-ce que vous vous opposeriez à rendre cela
public?
M. Warren: Je n'ai pas tout à fait saisi la portée
de votre question.
M. Parent (Bertrand): Les groupes... M. Warren: Oui.
M. Parent (Bertrand): ...qui ont comparu devant vous...
M. Warren: Oui.
M. Parent (Bertrand): ...et qui n'ont pas comparu ici en
commission parlementaire, j'aurais pu en identifier une dizaine...
M. Warren: Oui.
M. Parent (Bertrand): ...serait-il possible d'avoir leur
position, donc le mémoire que ces gens-là ont
présenté? Vous ou M. le ministre, auriez-vous objection à
cela?
M. Warren: Je pense que, si je n'ai pas tort - peut-être
que M. le secrétaire pourra nous informer, sinon le président -
les études ont été mises en annexe à notre rapport
et sont disponibles. J'ai hésité à les apporter parce que
c'est un mur de papier. On a consulté les gens qui sont venus nous voir
-M. Doré, je ne sais pas s'il est ici - et on a eu la permission de
rendre publiques leurs études. Je pense que M. MacDonald l'a fait.
M. MacDonald: Si vous me le permettez, juste pour clarifier, dans
chacun des cas où l'organisme qui s'est présenté n'a pas
demandé la confidentialité, il n'y a aucun problème
à vous remettre les études qui, d'ailleurs à ma
connaissance, devaient être annexées à cela. Mais dans
plusieurs cas - et vous l'avez remarqué par. des témoins qui se
sont présentés devant nous - même après s'être
présentés devant nous, on leur demandait le contenu de leurs
études, leur modèle, etc., et ils ne voulaient pas rendre publics
leurs chiffres ou leurs appréciations qualitatives.
M. Parent (Bertrand): Je cède la parole au ministre.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. Parent (Bertrand): Je pourrai revenir par la suite avec une
série d'autres questionsc
M. MacDonald: Merci. Je voudrais me permettre d'ajouter ces
explications à cet échange de propos que vous avez eu. Il ne
faudrait pas oublier que le premier rapport que nous avons remis au mois de mai
était essentiellement le résultat des questions posées aux
quatorze ministères ou organismes du gouvernement provincial pour savoir
quelles étaient leurs positions, les intérêts qu'ils
avaient à défendre, les enjeux qu'ils voyaient en tant que
responsables d'un ministère ou d'un organisme spécifique, comme
l'Industrie et le Commerce, les Mines, les Forêts, l'Agriculture, etc. Et
c'est cela, plus ce qui avait été entendu par le comité
Warren qui a fait l'objet du premier rapport. Suivant ce deuxième
rapport et avant la publication du rapport du comité Warren, il y a eu
remise - et vous l'avez eu, d'ailleurs, au début de cette commission
parlementaire - d'une mise à jour dudit rapport sous forme de
synthèse et, ensuite, il y a eu le rapport Warren qui,
nécessairement, incorporait toutes les représentations qui
avaient été entendues.
Cela étant dit et voulant poursuivre dans cette transparence
qu'on veut donner à ces négociations et non pas strictement et
purement sur une base de pédagogie, M. Warren, vous avez très
humblement dit que vous aviez un certain intérêt au Tokyo Round et
que vous y aviez participé. Je crois qu'il serait juste de ma part de
dire que vous étiez le chef de la délégation canadienne et
que vous aviez une position très responsable; vous avez fait plus que
participer. Vous avez été ambassadeur canadien à
Washington. Vous avez une connaissance approfondie, pour y avoir
été présent pendant un bon bout de temps, du GATT. Je
pense qu'il est honnête de dire que, dans la province de Québec,
au sein du gouvernement du Québec ou du Parlement du Québec,
comme à Ottawa, il y a deux ans, sur le terme libéralisation des
échanges et tout ce qui entoure l'organisation, les structures, les
infrastructures qui existent dans cette relation d'échanges commerciaux
internationaux, on n'en connaissait pas beaucoup. Souvent, il m'a
semblé, au cours des représentations qui ont été
faites ici, qu'il y avait des doutes, des aspects qui étaient
nébuleux.
J'aimerais vous poser une question et, encore là, je sais que
cela peut être très long. Au Canada, on commence à savoir
un peu comment cela se passe. On commence à savoir un peu de quelle
façon se distribuait l'autorité du premier ministre, M. Mulroney,
donnée à quelques ministres qui avaient formé un
comité. M. Reisman avait tout de même une relation possible avec
le premier ministre et avec ce comité également, et il y avait la
participation des provinces. Mais on a eu l'impression - M. Reisman en a
donné plus que l'impression et certaines personnes publiques dont je
suis l'ont commenté - qu'aux États-Unis cela ne marchait pas
pareil. C'est quoi, l'organisation? Quelle est votre perception, sans
révéler des aspects confidentiels de la négociation?
Comment ça marchait aux États-Unis? Peut-être même
que je pourrais vous demander comment ça marche aujourd'hui. À
qui parle-t-on? Qui fait quoi?
M. Warren: La dernière partie de votre intervention:
où en sont les choses et qui fait quoi, ce sont des belles questions,
sans doute. Mais je vais essayer d'expliquer un peu le "background", les
différences. Il faut commencer au commencement. Au fond, la question,
c'est que, ici, au Canada comme, ici, au Québec, on a la joie d'avoir un
système démocratique, de "Parliamentary
government", un gouvernement du parti majoritaire. C'est-à-dire
que, si vous avez une majorité, vous êtes capable de faire, dans
l'encadrement constitutionnel, ce pourquoi vous avez été
élu, n'est-ce pas, avec les questions de l'Opposition, les pressions et
toujours les élections qui sont à venir.
Mais aux États-Unis, c'est un système tout à fait
différent avec la séparation des pouvoirs. Je ne parle pas du
pouvoir judiciaire qui est indépendant dans les deux cas. Mais vous avez
un système de gouvernement, de gestion partagée entre le
Congrès et l'administration. L'administration n'est pas
nécessairement aux mains d'un majorité, soit dans la maison des
représentants, soit dans le Sénat.
Dans leur constitution, le pouvoir de faire des accords de commerce avec
les autres pays ne relève pas de l'administration. Au fond, cela
relève du Congrès et surtout du Sénat. Même dans les
périodes du GATT, des grandes négociations du Kennedy Round et du
Tokyo Round et auparavant, c'est l'administration qui négocie, mais avec
un mandat de négociation qui est donné par le Congrès.
Les contrats qui ont mis le Congrès dans la possibilité de
négocier deviennent, dans l'histoire moderne, de plus en plus
détaillés. Alors, si le président, dans le temps, avait le
droit de réduire les tarifs américains de 50 % dans certaines
conditions, c'était la limite des pouvoirs des négociateurs
américains.
Au Canada, les négociateurs avaient le droit de dire au
gouvernement ce que c'était, le "deal" et si c'était
adéquat de leur point de vue.
Cela nous amène, en même temps, au GATT et aux
négociations bilatérales. Pour ce qui est du GATT et de l'avenir
du Uruguay Round auquel a assisté M. MacDonald, au commencement, en
Uruguay, il y a, pour l'instant, un "Trade Act" aux États-Unis qui a
été légiféré il y à quelques
années et qui va se terminer le 3 janvier.
À ce moment-là, en l'absence d'autres législations
et peut-être à l'exception de certains pouvoirs qui pourraient
être continués, les Américains n'ont pas le droit de
négocier. D'où l'importance des "Trade Bills" qui sont maintenant
en train d'être réconciliés entre le Sénat et la
Chambre de représentants avec des clauses assez protectionnistes.
Alors, selon le résultat de cette réconciliation et selon
la décision du président Reagan d'exercer un veto sur un "bill"
qui pourrait être trop restrictif ou d'y concourir, nous allons
être en face d'un nouveau "framework", d'une nouvelle ambiance de
commerce au Uruguay Round, au GATT, parce que les limites des Américains
seront déterminées entre les
États-Unis et le Canada, s'il n'y a pas une zone de
libre-échange entre les deux.
Alors, voilà. Vous avez un système partagé dans
lequel le Congrès a le dernier mot, sauf qu'il a
délégué un pouvoir à l'administration et, ici, vous
avez un système parlementaire dans lequel le gouvernement peut dire de
quoi il s'agit.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand. (15 heures)
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. En
février 1986, M. Warren, vous avez reçu un mandat du gouvernement
du Québec. Vous nous avez dit tantôt que, dès mars 1986,
donc, dans le mois ou dans les semaines qui ont suivi, vous avez reçu,
de la part du gouvernement du Québec, du Conseil des ministres, un
mandat pour aller déposer la position du Québec à Ottawa.
J'aimerais savoir si ce mandat que vous avez reçu à ce
moment-là était sensiblement le même qu'en mars 1986, qu'en
mars 1987 et que maintenant. Je veux savoir également si vous avez
participé à l'élaboration des sept conditions à
l'appui du libre-échange publiées par le gouvernement le 5 mai
dernier et, à toutes fins utiles, rendues publiques encore
dernièrement.
M. Warren: M. MacDonald va me corriger si j'ai Tort, mais vous
allez trouver ; l'essentiel de la position du gouvernement à la page 83,
à la fin du petit dossier du 5 mai. Je n'aimerais pas trop souligner ou
exagérer mon rôle là-dedans. Je venais d'arriver, comme je
l'ai dit cet après-midi, et il m'a fallu quelques jours et quelques
semaines pour bien saisir ce qu'étaient les aspects de la modernisation
de l'industrie du Québec, de notre productivité, qui
étaient, entre autres, les objectifs du gouvernement du Québec.
Ayant mieux compris certains des aspects d'un Québec moderne, j'ai
collaboré, avec les hauts fonctionnaires ici et avec l'appui des
ministres, à dégager les points mentionnés dans les pages.
Je ne dirai pas que j'étais le grand joueur, mais je pense que j'ai
aidé les gens ici, qui n'avaient pas l'habitude de faire des
négociations commerciales, à dégager, pour les besoins
d'une négociation, les points et à les mettre dans une
espèce d'ordre qui se traduise bien dans les termes d'une
négociation.
M. Parent (Bertrand): M. Warren, excusez-moi, mais je n'ai pas eu
de réponse à la question. Le mandat que vous avez reçu au
début, ce que vous avez mis sur la table à Ottawa en mars 1986,
au début de la négociation, est-ce le même mandat qu'en
cours de mandat, c'est-à-dire après un an et maintenant, ou si ce
mandat a été modifié? Si oui, quand a-t-il
été modifié par rapport à la position du
Québec, à ce que nous
réclamons auprès du gouvernement d'Ottawa?
M. Warren: L'essentiel de ce mandat reste valable. C'est notre
"touchstone", au jour le jour, pour savoir si les événements qui
changent dans la négociation nous dirigent vers les objectifs
établis ou pèsent trop sur les choses auxquelles on est sensible.
Il ne nous a pas été nécessaire de chercher des mandats
plus détaillés chaque semaine. On a bien gardé notre
position à la base. Je pense que, dans une très grande mesure, ce
n'est peut-être pas à cause de nous, mais beaucoup de cela s'est
reflété dans la position du gouvernement du Canada.
M. Parent (Bertrand): On se comprend bien, M. Warren. Entre le
début de mars 1986 et maintenant, il n'y a pas eu de nouveau mandat
donné quant à la position du Québec, à toutes fins
utiles. C'est le même cadre*
M. Warren: Le même cadre. Il faut bien comprendre que, sur
les questions détaillées, nous avons cherché à
informer les ministres et M. MacDonald est en mesure de vous répondre
sur les grandes lignes qu'on a cernées. Je dirai qu'en ce qui concerne
les grandes lignes on continue à travailler dans le cadre de ce premier
mandat, mais c'est beaucoup plus clarifié maintenant et on a
regardé certaines des possibilités, certains des
défis.
M. Parent (Bertrand): Lorsque le premier ministre, il y a
quelques semaines, nous disait qu'il était prêt à faire des
concessions, à quelles concessions pourrait-on s'attendre?
M. Warren: Je pense que M. Bourassa est bien capable de
répondre lui-même à cette question-là. S'il a
expliqué que dans une négociation il faut qu'il y ait des pas en
avant des deux côtés, je pense qu'il a décrit quelque chose
de normal.
M. Parent (Bertrand): Vous êtes le conseiller du
gouvernement du Québec et du premier ministre. Je suis d'accord avec
vous que le premier ministre est capable de répondre aux questions. Le
problème, c'est qu'il ne répond pas.
Une voix: Je ne suis pas sûr.
M. Parent (Bertrand): Mais vous qui êtes, jusqu'à
nouvel ordre, son conseiller en ces matières, en fait de concessions
pour le Québec, de quoi s'agit-il? À quoi peut-on s'attendre sans
donner tous les détails? Est-ce qu'on va laisser aller des morceaux? Par
exemple, c'est quoi, le maintien d'un statut spécial dans le domaine de
l'agriculture? Qu'est-ce que cela veut dire pour vous?
M. Warren: Pour moi, cela veut dire qu'il n'est pas question de
faire des changements significatifs dans les grands programmes de soutien
à nos agriculteurs. Mais il n'est pas exclu qu'il y ait un
progrès à découvrir dans les négociations pour un
tel produit, pour une libéralisation, comme cela a été le
cas dans le Tokyo Round. Ce n'est pas une exclusion totale, mais c'est un
statut particulier et cela a été accepté par le
gouvernement du Canada.
M. Parent (Bertrand): La compréhension que le gouvernement
canadien et que votre vis-à-vis, M. Reisman, ont de la culture
québécoise, est-ce que cela a été suffisamment
explicité pour qu'on s'entende bien sur ce que comprend la culture avec
tous ses à-côtés? On mentionne dans les conditions d'appui
qu'on devra avoir le respect intégral de la langue et de la culture. La
culture québécoise, c'est très large et cela comprend
beaucoup de choses. Est-ce que tout cela a été bien
explicité et est-ce qu'on se comprend bien au niveau du gouvernement
canadien et de M. Reisman qui est à la table avec M. Murphy? Est-ce
qu'on parle le même langage? On sait que, dans la tête des
Américains - et vous le savez fort bien aussi, M. Warren - l'aspect
culture, culture canadienne ou culture québécoise, n'est pas du
tout le même que celui que nous avons.
M. Warren: Je pense que c'est très bien compris à
Ottawa à tous les niveaux de la négociation. Sans doute que les
Américains vont continuer à faire des pressions pour qu'on fasse
des concessions là-dessus. J'espère que les négociateurs
canadiens resteront forts comme ils l'ont été jusqu'à
maintenant.
M. Parent (Bertrand): Je garde le temps qu'il me reste.
Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.
M. MacDonald: Je n'ai pas besoin de venir en aide, et ce n'est
pas le cas, à M. Warren. J'aimerais, tout de même, pour restipuler
en quelque sorte ce qui a été la position du Québec, dire,
reconfirmer et resouligner que, depuis le premier mandat qui a
été donné à M. Warren jusqu'à ce qui est la
position du Québec à l'heure actuelle, premièrement, le
Québec a accepté de négocier ou de faire partie de
l'équipe canadienne parce qu'existaient les cinq conditions
déjà posées par le gouvernement canadien sur la question
de la souveraineté, des programmes sociaux, de l'identité
culturelle, des disparités régionales et des caractères
linguistiques particuliers. À ceci, on a ajouté les sept
conditions qui sont trop
longues pour être énumérées, mais il n'y a
pas un iota, par une virgule, pas uh accent qui a changé sur ces
conditions. '
Cependant, et je voudrais faire la nuance, au départ, H y avait,
par exemple, le sujet des investissements sur lequel ce sont les
États-Unis qui sont devenus demandeurs. Â ce moment-là,
c'est un sujet qui a été discuté et qui a
été mentionné lors des rencontres des premiers ministres
et dans d'autres rencontres des comités techniques. Mais, je reviens sur
le fait: il n'y a pas une virgule, pas un point sur un "i" de changé
entre le premier mandat et ce qui est maintenant la position du Québec
en regard de ces négociations.
M. Warren, je pense qu'on pourrait essentiellement regrouper les
réponses qui m'ont été données par des gens qui
étaient contre la négociation et, nécessairement, contre
une entente de libéralisation des échanges sous deux grands
en-têtes. Certains ont dit: Nous devrions nous servir des
mécanismes du GATT comme façon de régler nos
différends à la frontière avec les États-Unis. Et
d'autres nous ont dit: Nous ne voulons aucun changement quelconque, le statu
quo, il n'est pas question de négociation, il n'est pas question
d'entente.
Je pense que ce n'est injuste envers personne. On pourra me corriger si
j'ai trop simplifié les deux grandes positions principales des gens qui
s'opposaient catégoriquement. Il y avait plusieurs personnes qui
étaient pour, mais conditionnellernent à une série de
questions qui s'apparentaient plus ou moins à la position du
gouvernement et parfois il y en avait d'autres que le gouvernement n'avait pas
posées, comme on en a vu ce matin du groupe des consommateurs.
Donc, la solution au protectionnisme américain. Il y avait encore
un article tout récemment, ces jours-ci, sur ce qui pouvait attendre les
industries des pâtes et papiers. On a parlé du porc et on
connaît d'autres situations. Je vous pose la question suivante en
acceptant le fait que le protectionnisme n'ira pas en diminuant, certainement
pas dans un avenir prévisible. Pour vous - c'est ma première
question - est-ce que le GATT est une façon de répondre dans
l'immédiat et rapidement à des actions unilatérales
américaines en action compensatoire ou autre? Ma deuxième
question sera: Qu'est-ce qui arrive dans un cas de statu quo,
hypothétiquement dans le cas où il n'y a pas d'entente avec les
États-Unis le 5 octobre ou à une date subséquente?
M. Warren: Concernant votre première question, M. le
ministre, pour ce qui est du GATT comme façon de régler les
différends, il y a deux aspects. Le GATT, comme tel, c'est l'accord
général de commerce mondial, ce sont les grandes disciplines dans
lesquelles le commerce international prend une place.
C'est comme les murs de l'Assemblée nationale, quoi. Cela
continue. De temps en temps, on change les règles, il y a une
évolution. Cela prend souvent des années pour renégocier
certaines parties des articles du GATT ou pour faire des négociations
tarifaires sur des questions agricoles, etc.
Pour ce qui est du règlement des différends, ce n'est pas
d'une grande valeur. Si on se plaint au GATT, il faut démontrer le
bien-fondé de votre plainte, il faut démontrer que vous avez
essayé de concilier vos différends. Si cela ne se règle
pas, on met une espèce d'arbitrage et ce processus peut prendre des mois
et des mois, sinon un an. Ensuite, si, par hasard, il y a des recommandations
de groupes spéciaux, il faut soumettre ce rapport au conseil du GATT et,
parfois, il y a des tactiques concernant les délais au cours desquels on
peut porter plainte qui peuvent presque annuler le processus. Il faut dire que,
dans beaucoup de cas, finalement, s'il est prouvé qu'on a eu tort, il y
a des changements pour améliorer la situation, mais c'est un processus
très long.
Pour le Canada vis-à-vis des États-Unis, s'il y a un
différend, il faut avoir un système pour régler cela d'une
façon plus efficace et plus rapide que cette procédure de passer
au panel du GATT, qui peut prendre des années.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Warren: Pour...
Le Président (M. Charbonneau): Vous aviez une autre
partie.
M. Warren: Sur le volet des négociations du GATT, comme le
Uruguay Round, le Tokyo Round, le Kennedy Round, je vous donne l'exemple du
Tokyo Round. Au Japon, à Tokyo, en 1973, les ministres se sont mis
d'accord pour avoir le "round" de Tokyo et c'est à l'été
de 1979 qu'on a complété le Tokyo Round, avec une application des
concessions pour sept ans, je pense, jusqu'en 1987. C'est un processus
très long, ce n'est pas la bonne façon de régler les
affaires au jour le jour.
Pour le statu quo, comme je l'ai dit, il y a des choses très
très dynamiques dans la technologie, la façon d'organiser les
marchés, les changements de goûts. La demande finale du monde,
cela change tout le temps et pas toujours dans la direction des
matériaux de base. Il y a toute cette dynamique qui est présente
dans le monde, à part des règles commerciales. Pour ce qui est du
statu quo, je ne suis pas vraiment d'accord que ça existe. Je pense que
c'est un "moving crap game" toujours et, malheureusement, à cause du
déficit budgétaire et du commerce des
États-Unis, ce "ball game" est devenu très
protectionniste, très "inward looking". Le partenaire le plus important
du commerce des États-Unis est le Canada qui est exposé à
ces changements de règles qui sont en train d'être
négociées au Congrès et qui seront mises en vigueur s'il
n'y a pas de veto présidentiel et si ce n'est pas "over ridden",, (15 h
15)
Au lieu de voir les marchés qui s'ouvrent pour donner l'espace au
Québec de percer, on aura peut-être un scénario où
les marchés étrangers deviendront de plus en plus difficiles
à pénétrer, feront une concurrence accrue à notre
marché et, sans doute, avec des processus contre nos exportations si les
gens disent que ie système américain est disponible pour le
harcèlement du commerce chez nous.
Je pense que si, par hasard, il devient possible de faire un accord,
c'est la meilleure chose pour le Canada et pour le Québec. S'il n'y a
pas d'accord, les hommes d'affaires du Québec devront faire ce qu'ils
doivent faire, c'est-à-dire devenir plus productifs, faire de plus
grands efforts pour être concurrentiels dans leur marché chez eux,
au Canada et dans les pays tiers. Le problème de gérer une
économie dynamique et moderne qui est en train de changer pour
répondre aux besoins de l'emploi et pour les marchés deviendra
beaucoup plus difficile s'il nous faut avoir comme marché prioritaire
notre marché domestique. La vie va continuer, mais ii va devenir plus
difficile pour le Québec d'avoir le niveau de vie qu'on peut
espérer et les emplois stables et bons pour l'avenir qu'on aimerait
avoir.
Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le
député de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. M. Warren,
dans le cas des périodes de transition, j'aimerais savoir si vous en
avez recommandé et j'imagine que vous l'avez fait, que vous avez mis sur
la table des périodes de transition très particulières.
Secteur par secteur, vous avez dit ce qui serait acceptable pour nos
entreprises québécoises. Est-ce qu'on peut connaître ces
périodes de transition qui vont affecter nos entreprises, puisque tout
le monde qui est venu à cette commission parlementaire
s'inquiétait de savoir si cela serait deux, trois ou dix ans?
M. Warren: On ne sait pas actuellement ce qui va se passer, mais,
dans notre optique, on voyait des industries particulières qui sont,
comme je l'ai dit, prêtes à faire la concurrence. La grande masse
des industries du Québec ont besoin d'une période transitoire.
J'avais souvent à l'esprit moi-même cinq ans pour ces gens au
milieu. Et il y a les autres pour qui les problèmes d'adaptation seront
plus grands. Le chiffre que j'ai vu, dans l'optique des négociateurs,
était de dix ans. C'est la période la plus longue qu'on a
envisagée.
M. Parent (Bertrand): Dans le cas des différentes mesures
transitoires concernant le recyclage de la main-d'oeuvre et les
différents programmes touchant la main-d'oeuvre, est-ce que le
gouvernement québécois a fait des demandes précises au
gouvernement canadien quant à cette portion et quant aux sommes
d'argent, aux transferts qui pourraient être faits au niveau du
gouvernement québécois? On sait que le Québec serait avec
l'Ontario la province la plus pénalisée.
M. Warren: On a signalé l'intérêt et
l'insistance du Québec d'avoir des programmes adéquats pour la
main-d'oeuvre qui serait affectée par les changements, d'avoir une
période de transition. On a signalé d'une façon assez
forte aussi le besoin d'avoir des programmes disponibles pour les industries
qui ne sont pas capables elles-mêmes de faire les ajustements que
demandera le marché. Si j'ai bien compris, ce n'est pas exactement avec
M, Reisrnan et son comité de négociations comme tel qu'on va voir
la discussion en détail soit des programmes existants, soit de ceux
qu'il faudra adapter, soit des programmes nouveaux, selon les circonstances. Je
pense que c'est plutôt une question de relations économiques entre
le Québec et le gouvernement fédéral, sauf dans le sens
que des mesures transitoires doivent être acceptables dans le cadre de
l'accord.
Ce n'est pas là qu'on va négocier cela, mais le
gouvernement fédéral a bien saisi l'insistance du Québec
et de certaines autres provinces là-dessus. Il reste à
établir les détails entre l'instant où il y aura un
accord, l'instant où cet accord sera approuvé et l'instant
où les lois nécessaires seront débattues aux
États-Unis et aux différents niveaux de gouvernement du Canada
et, ensuite, la mise en vigueur. Je pense que c'est dans cette
période-là que vous verrez le Québec, en
coopération avec le fédéral, s'assurer qu'il y aura des
programmes adéquats qui doivent être, je pense, un mélange
de ce qui existe et de ce qu'il faut inventer selon les circonstances qui ne
sont pas encore tout à fait connues, comme vous le savez.
M. Parent (Bertrand): M. Warren, dans votre mandat, vous aviez la
possibilité de faire exécuter des études de recherche, des
études d'impact. Est-ce que vous avez fait faire des études
depuis mars 1986?
M. Warren: On a eu des demandes de
différents ministères sur bien des sujets. Je n'ai pas
demandé d'études comme président du comité
consultatif. Mon travail était plutôt d'entendre les gens qui
étaient vraiment mélangés dans leurs affaires.
M. Parent (Bertrand): En tant que président du
comité consultatif, est-ce que vous avez pris connaissance des
études faites par le ministère de l'Industrie et du Commerce?
M. Warren: Non, c'étaient plutôt les avis des gens
qui sont venus nous voir et l'expérience de ces messieurs qui ont
été nommés comme membres du comité consultatif
qu'on a consultés.
M. Parent (Bertrand): Donc, les études d'impact faites par
le gouvernement du Québec au cours de la dernière année
n'ont pas été portées à votre connaissance.
M. Warren: On n'a pas étudié ces études.
Elles sont disponibles au comité interministériel, ici au
Québec. Le comité consultatif était pour avoir l'avis des
gens qui avaient la gentillesse de venir nous voir. La porte était
ouverte, pour toute cette période-là, à tous les gens qui
ont voulu nous faire part de leurs préoccupations. Ce n'est pas
là qu'on a essayé de cerner la position du Québec. Nous
avons contribué à une fonction du gouvernement du
Québec.
M. Parent (Bertrand): En terminant, avant de passer la parole au
ministre, je comprends bien qu'en tant que président du comité
vous ayez à écouter les gens. Cependant, en tant que conseiller
du gouvernement, nous représentant à Ottawa, je suis un peu
inquiet de voir, M. Warren, que vous n'avez pas pris connaissance des
études d'impact des différents secteurs. C'est ce que j'ai
compris.
M. Warren: Je m'excuse, M. Parent. Comme je l'ai fait remarquer
au commencement, j'ai trois chapeaux. Avec mon chapeau de président du
comité consultatif, on n'a pas saisi ce comité des analyses, des
informations disponibles aux différents ministères. Mais dans
l'encadrement du comité interministériel technique et du groupe
restreint, nous avons essayé de mettre ensemble, de synthétiser
toutes les informations valables disponibles. C'est la fonction des personnes
d'expérience, d'essayer de détenir une mer de faits et de
chiffres, les vrais problèmes, les vraies possibilités et
d'essayer de recommander au gouvernement les positions à suivre. C'est
ce que nous avons fait avec M. Audet et les collaborateurs des
différents ministères, avec toutes les informations disponibles,
soit le rapport du conseil économique ou les autres.
Le tout.
M. MacDonald: II ne reste plus d'équivoque
là-dessus. Toutes les études soumises par les ministères
ou les organismes sont allées au comité interministériel
qui était chapeauté par M. Warren et M. Audet, le
secrétaire général adjoint. Ils ont donc tout vu.
M. Johnson (Anjou): Mais pas au comité consultatif.
M. MacDonald: C'est cela. Exactement.
Le Président (M. Charbonneau): Si vous me le permettez,
j'aurais une question à poser à M. Warren. D'éminents
économistes experts sont venus devant la commission; je pense, entre
autres, à M. Parizeau et à M. Raynauld qui nous ont dit
qu'à leur point de vue la demande et du Québec et du Canada pour
le tribunal d'arbitrage était peut-être un peu illusoire ou
exagérée. Ils comprenaient qu'elle était inacceptable pour
les Américains et, deuxièmement, à leur point de vue, elle
était un peu outrancière ou inutile. Quel est votre point de vue
et votre réaction par rapport à ces opinions qui ont
été émises?
M. Warren: Alors, je pense qu'il y aura toujours des
problèmes qui se poseront avec un commerce de la taille de celui qu'on a
entre ces deux grands pays. Il faut éviter que la seule solution soit de
se frapper d'un côté et de l'autre côté de la
frontière avec des accusations de dumping, de subvention, de
préjudice, etc. Il faut avoir une espèce de corpus de
règles qui est acceptable des deux côtés, mais il y a
sûrement des situations où une partie ou l'autre va dire: Ce n'est
pas juste, ce que vous avez fait et on va dire: Non, cela est acceptable, il
n'est pas question... À ce moment-là, il faut avoir une
façon de résoudre le problème et, pour moi, c'est une
question d'avoir un système qui est assez vite pour répondre au
besoin des affaires, qui est efficace pour essayer de résoudre, dans la
plupart des cas, des problèmes.
La question de l'application d'un tel système est de savoir si,
oui ou non, cela doit être ce qu'on appelle "binding". C'est une question
assez compliquée, comme l'ont dit les témoins qui sont venus vous
voir. J'ai remarqué l'autre jour, dans un des journaux qui ont
décrit ce que M. Wilson a dit à M. Baker - vous permettez, c'est
en anglais -"Rules on fair and unfair trade covering countervailing duties,
dumping and import surges spelled out in the pact in the clearest possible
terms with the application of the rules in the event of unresolved
disagreement, subject to impartial binational and definitive resolution."
Alors, j'ai trouvé le mot "définitif" intéressant
parce que ce n'est pas le mot "binding". Je pense qu'il reste à voir -
parce que, comme vous le savez, les gens sont, je pense, même maintenant
en train de discuter toutes ces affaires à Ottawa - ce que va devenir ce
sujet fort important. Il faut trouver un moyen de résoudre les questions
et il faut trouver des solutions assez vite d'une façon efficace.
Le Président (M. Charbonneau): Vous avez été
ambassadeur aux États-Unis. Est-ce que vous pensez qu'il existe, dans
d'autres domaines, des précédents qui pourraient être
invoqués et qui pourraient renforcer notre position face aux
Américains à l'égard de notre demande? Est-ce que,
autrement dit, il existe des comportements américains par rapport
à d'autres problématiques commerciales ou d'affaires
internationales qui nous permettraient de leur dire: Écoutez, vous vous
êtes comportés, vous avez accepté de partager un certain
nombre de risques ou encore de vous en remettre à un organisme
supranational; pourquoi n'acceptez-vous pas de le faire dans ce cas-là,
d'autant plus que voici, vous êtes en négociation avec un
partenaire commercial qui n'est pas un ennemi et avec lequel vous avez des
intérêts commerciaux importants?
M. Warren: Je pense, M. le Président, pour ne pas
être trop long, que nous sommes en train d'essayer de labourer un peu un
nouveau terrain. Nous savons ce qu'est le GATT, nous savons qu'il y a, dans
beaucoup d'accords, des paragraphes qui visent la consultation. Mais ce n'est
pas clair que la résolution des différends sans avoir le
"antidumping" et le "countervail" dans le cadre commercial, sont des
précédents valables. Je pense qu'il faut trouver la bonne route
ici et il faut éviter, comme l'ont dit certains de vos témoins,
que ce processus ne remette en cause des choses qui sont chères à
notre Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, M. le ministre.
M. MacDonald: M. Warren, je vous remercie. J'aimerais, devant
vous, faire remarquer à ceux que cela peut intéresser que le
comité consultatif ne s'est pas vu remettre comme tel, comme
comité consultatif, toutes ces études sectorielles ou
ministérielles. Cependant, chaque personne du comité consultatif
a reçu une lettre en bonne et due forme, lui disant qu'elle pouvait, si
elle le voulait, venir consulter tous et chacun des documents au
secrétariat de l'organisation que nous avions mise sur pied aux fins de
traiter ce dossier. Alors, elles n'ont pas été mises en
isolation; si elles voulaient le faire, elles pouvaient consulter tous les
documents qui étaient là.
M. Warren, je vous remercie de votre présence. Je ne saurais
souligner assez la valeur des services que vous nous avez rendus, et à
tous et chacun des Québécois et des Québécoises
dans ce dossier. J'espère avec vous que nous allons nous retrouver vers
une issue heureuse. Merci d'être venu.
Le Président (M. Charbonneau): M. le député
de Bertrand.
M. Parent (Bertrand): En terminant, M,, Warren, je vous remercie
d'être venu. On aurait espéré avoir encore plusieurs heures
devant nous parce qu'on a eu à peine le temps d'effleurer le sujet.
Cependant, j'espère qu'on aura, le plus rapidement possible, le maximum
d'éclairage parce qu'en tant que parlementaires, bien sûr, mais en
tant que représentants de l'ensemble des citoyens du Québec, je
pense qu'on est préoccupé de ce côté-ci. Je pense
que cela reflète bien l'ensemble des préoccupations, tant des
gens d'affaires que des consommateurs, des Québécois et des
Québécoises, d'avoir plus d'informations sur ce qui se passe. Je
vous remercie au nom de l'Opposition.
Le Président (M. Charbonneau): Alors, M. Warren, au nom de
tous les membres de la commission, je vous remercie d'avoir participé
à cet exercice. Peut-être aurons-nous d'autres occasions à
la commission de l'économie et du travail de vous recevoir à
nouveau. Merci beaucoup.
M. Warren: Vous êtes très gentils de . m'avoir
invité et c'est un service que vous me rendez de me donner l'occasion de
rendre service au Québec.
Le Président (M. Charbonneau): Merci et à la
prochaine. Les travaux sont suspendus pour quelques instants, d'ici à ce
que les personnes soient prêtes pour les remarques finales.
(Suspension de la séance à 15 h 35)
(Reprise à 15 h 45)
Le Président (M. Charbonneau): Nous reprenons maintenant
la séance de la commission de l'économie et du travail pour les
remarques finales concernant la consultation générale sur la
libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les
États-Unis.
On a une heure au total. C'est ce qui était prévu. C'est
clair que sur consentement on peut aller à plus d'une heure mais on a
une heure prévue dans l'horaire pour les remarques finales, dont une
demi-heure de
chaque côté. Je voudrais savoir les indications. Il y a
deux possibilités. On peut commencer par les chefs ou par les
responsables des dossiers, en alternance ou sans alternance.
M. Johnson (Anjou): Vous avez réglé votre heure de
tombée, pas moi.
M. Bourassa: Nous suggérons de commencer par les
responsables des dossiers.
Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que cela convient au
député de Bertrand et au chef de l'Opposition?
M. Johnson (Anjou): Comme vous le savez, M. le Président,
nous n'avons pas le choix. Il faut que tout nous convienne, avec le premier
ministre qui a enfermé les journalistes encore quelques minutes avant
l'heure de tombée. On a bien hâte d'entendre le premier ministre.
Alors, le plus tôt possible, le mieux ce sera.
Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, vous
aimeriez un autre ordre.
M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre voulait commencer, il
me semble que ce serait intéressant.
M. Bourassa: Le chef de l'Opposition ne connaît pas encore
mon degré d'humilité. Je veux laisser la place au ministre du
Commerce extérieur.
M. Johnson (Anjou): Non, mais je connais votre degré
d'absence, par exemple.
Le Président (M. Charbonneau): Bon, écoutez, est-ce
qu'on s'entend sur la proposition? M. le chef de l'Opposition, est-ce que vous
préférez débuter ou si le député de Bertrand
va amorcer? On peut faire une alternance aussi. Donc,. M. le
député de Bertrand. Cela va? On s'entend? Alors, on y va. M. le
député de Bertrand.
Conclusions M. Jean-Guy Parent
M. Parent (Bertrand): M. le Président, une fois de plus le
premier ministre me laisse son siège, me laisse passer avant lui. Je le
remercie. C'est moins douloureux cette fois-ci.
Alors, au terme d'une commission parlementaire qui a duré quelque
60 heures, je dois d'abord vous rendre hommage, M. le Président, et
à tous les parlementaires qui ont participé au bon
déroulement de cette commission. Je pense que cela a été
une commission où 60 heures de travaux, ce n'était pas facile, et
le code de procédure n'a pas été le volume de chevet ici
à cette table. Je pense que cela a permis des débats à un
niveau assez élevé.
En ce qui regarde le but de cette commission, M. le Président, il
y avait trois buts à ce que je sache. D'abord, c'était d'informer
la population. Ensuite, c'était de consulter et d'apprendre des
différents groupes et associations, quelque 60 groupes qui ont comparu
devant nous. Troisièmement, c'était aussi de savoir de la part du
gouvernement où il s'en va exactement, quels sont ses engagements et
quels sont les éclaircissements qu'il peut apporter.
Je dirais que dans les deux premiers cas, soit l'information à la
population et la consultation que nous avons menée auprès des
groupes, cela a été un franc succès. Par contre, je ne
peux en dire autant par rapport à la position du gouvernement et par
rapport à ce que nous avons pu apprendre. De ce côté, je
dirai, et j'y reviendrai tantôt, que je pense que c'est un échec,
et un échec important. Je dirai pourquoi tantôt.
Nous avons dit en début de commission que l'emploi était
l'enjeu de cette discussion sur le libre-échange. Nous avons dit
à plusieurs reprises, et dès l'ouverture ici, que l'enjeu
était l'emploi et qu'il fallait articuler une position sur cela afin que
le gouvernement ait les outils nécessaires. Nous l'avons dit, nous
l'avons redit. Les différents intervenants, les syndicats et tous les
groupes qui sont passés ici nous ont à peu près
confirmé cette position, à savoir la préoccupation qu'on a
concernant les emplois.
Bien sûr qu'à l'occasion le ministre responsable, le
ministre du Commerce extérieur, a fait un signe de la tête et a
donné son accord a cette théorie et à cette approche que
l'enjeu était l'emploi mais on était tout au moins en droit de
s'attendre qu'il y aurait des gestes concrets concernant ce signe de tête
et ces belles paroles. D'abord, la présence du ministre de la
Main-d'Oeuvre. Je l'ai souligné au début, je l'ai souligné
pendant la commission et je le souligne encore aujourd'hui, je trouve, M. le
ministre, très décevant que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu n'ait pas comparu, ne soit pas venu ici
entendre ce qui se disait. Je trouve cela dommage parce que, si le gouvernement
a cette préoccupation, je pense que le ministre responsable aurait
dû venir, comme les autres ministres - Mme la ministre des Affaires
culturelles, le ministre de l'Industrie et du Commerce et d'autres
collègues sont venus lorsque les groupes ont comparu ici devant nous -
que cela touchait de façon plus spécifique. Mais du ministre
responsable de la main-d'oeuvre, lui qui aura à articuler et à
défendre auprès du Conseil des ministres des positions
très claires quant à une politique d'emploi au Québec, je
pense
que c'est un manque flagrant.
On aurait été également en droit de s'attendre que
le gouvernement et le porte-parole nous fassent part de leur position
concernant le recyclage de la main-d'oeuvre, la formation, et tout ce qui
entoure la préoccupation de l'ensemble des travailleurs et des
travailleuses au Québec, des représentants patronaux, des
représentants syndicaux. Et même des experts sont venus nous dire
l'importance de la formation de la main-d'oeuvre puisqu'avec la venue du
libre-échange on parle essentiellement de nouvelles règles du
jeu, de nouveaux secteurs d'activité. Je pense qu'il y aurait eu lieu
que nous ayons des éclaircissements et une position très claire
et très ferme de la part du gouvernement. Là, encore, on n'en a
pas eu.
Tous les intervenants ou presque se sont dits inquiets. Le ministre
MacDonald sera d'accord avec moi, il s'est dégagé, de l'ensemble
des intervenants qui sont venus ici à cette table, des
inquiétudes et même beaucoup plus d'inquiétudes que j'avais
cru le percevoir au départ. Tous les intervenants étaient
d'accord pour dire qu'ils ne savent pas où ils vont. Même ceux qui
sont dans le clan du non, des anti-libre-échangistes, la principale
raison sur laquelle ils pouvaient s'appuyer, c'était qu'effectivement,
à la lumière des informations qu'ils ont, ils ont adopté
une position qui était de dire non au libre-échange, et je
trouvais cela dommage. Le gouvernement doit donc porter seul cette
responsabilité face au manque d'information et de communication. Je sais
que ce n'est pas facile d'avouer qu'on n'a pas donné suffisamment
d'information, mais, lorsqu'on se le fait dire aussi clairement et qu'ailleurs,
dans tout le Canada, particulièrement en Ontario, des commissions
parlementaires se sont tenues où la transparence a été
exigée... Je comprends mal encore comment, il y a quelques jours, le
ministre du Commerce extérieur pouvait avouer à un groupe ici
présent qu'il y avait eu beaucoup de transparence. On ne s'entend certes
pas sur le terme "transparence", mais 60 groupes et intervenants sont venus
nous dire qu'ils ne savaient pas où ils s'en allaient. Même un
groupe dans le domaine du camionnage, le ministre s'en souviendra, est venu en
commission parlementaire et a posé 20 ou 25 questions. C'était
cela son mémoire, et cela est inquiétant. D'ailleurs, cela a
été relevé par plusieurs autres.
Des études d'impact, on n'en avait pas avant. Ils n'ont pas voulu
les publier. J'avais compris de la part du ministre du Commerce
extérieur, dans différentes interventions qu'il avait faites
juste avant la commission, donc avant le 15 septembre dernier, que, tout au
cours de la présentation des différents mémoires par les
différents groupes par secteur, on aurait droit, même si ce
n'était pas à toute l'étude d'impact, au moins à
certains éléments qui nous permettraient de mieux comprendre et
de mieux apprécier. On a un travail à faire et on a essayé
de le faire le plus positivement possible, mais vous comprenez qu'on n'a pas
d'outils pour travailler.
Les outils que les entreprises réclament, que tous les groupes,
associations et experts ont réclamés, là aussi on n'a pas
eu beaucoup de précision. On sait qu'il y aura un coffre d'outils. On
sait qu'il en existe un, mais ce qu'on ne sait pas, ce sont les outils qu'il y
aura dedans» Sous le couvert qu'on ne peut pas faire grand-chose avant le
6 octobre, je me demande, M. le ministre, et je vous pose la question, ce qui
va se passer lundi et mardi prochains. Qu'est-ce qu'il y aura tant de
changé lundi et mardi prochains? Est-ce que, tout à coup, on va
nous déposer un coffre d'outils? On sait fort bien qu'on n'aura pas pu
élaborer tous les programmes gouvernementaux, mais on aurait pu tout au
moins dire de façon très claire qu'on va appuyer, avec tel genre
de mesure, les entreprises, les chefs d'entreprises, particulièrement
les PME qui sont vulnérables face au libre-échange. On n'a pas pu
les rassurer, on leur a demandé de faire un acte de foi.
Bien sûr, le ministre s'est fait souvent discret, et même
parfois gêné. Pourtant, ce n'est pas tellement dans sa nature, et
on le connaît bien. Les experts, les groupes, les associations
représentant les femmes, les jeunes, représentant les parties
patronale et syndicale, les gens des différentes régions dans le
domaine des arts, dans le domaine de l'agriculture, dans le domaine des
transports, dans tous les secteurs d'activité, meubles, textile, j'en
passe, sont venus dire très franchement - c'est le message que j'ai
retenu de cette commission, M. le Président - il y a des craintes et
tout le monde veut savoir. On ne parle même plus de jours, on ne parle
même plus de semaines, on parle d'heures où est en train de se
jouer l'avenir économique du Québec.
Je pense que le gouvernement a décidé de jouer une carte
qui est celle d'en dire le moins possible. Même l'exercice que nous
venons de faire avec M. Warren, malheureusement, n'a pas pu nous apprendre
grand-chose puisque M. Warren se sentait Hé par certains secrets.
J'aurais espéré qu'on puisse, avec cette commission, apporter des
éclaircissements et rassurer les gens. Une chance, les intervenants,
eux, ont pu nous apporter ce que j'appelle de l'information, du "feed-back" et
des préoccupations. Tout ce que j'espère, c'est que le message
que ces gens nous ont livré aura été non seulement bien
enregistré de la part du gouvernement, mais qu'il y aura des suites.
Tout au plus, on a obtenu deux engagements de la part du gouvernement,
pour être très honnête, et j'aimerais qu'ils soient
reformulés aujourd'hui. D'abord, nous avions demandé que
cette commission parlementaire puisse se prolonger ou qu'on ait une autre
commission parlementaire ou une commission permanente, pour qu'à la
suite d'une entente éventuelle, le S octobre, nous puissions tenir ce
genre de commission afin que ceux qui représentent la population du
Québec, les élus à l'Assemblée nationale,
continuent à faire ce travail, comme je le dis, qui est à peine
une amorce, après 60 heures.
Deuxièmement, nous devons avoir la certitude que
l'Assemblée nationale sera saisie et pourra se prononcer sur le contenu
et la ratification. Je pense que cela avait été demandé
dans les mois d'avril et mai derniers. On est à la fin de cette
commission, toujours sans étude d'impact. On est à la fin de
cette commission, toujours sans stratégie de développement
économique, sans politique ferme arrêtée de la part du
gouvernement, où il s'en va en termes de stratégie de
développement économique. On est toujours, à la fin de
cette commission, le 29 septembre, sans politique globale concernant l'emploi
au Québec.
L'Opposition à l'Assemblée nationale, dont je suis le
porte-parole aujourd'hui, se dit toujours favorable à une
libéralisation des échanges. Mais quant à la question de
savoir si le gouvernement était préparé au
libre-échange, question que nous avons posée à l'ouverture
de cette commission - le libre-échange, cela se prépare - est-ce
que le gouvernement du Québec a fait son travail au cours des 18
derniers mois ' dans ce dossier? Je pense qu'aujourd'hui, si j'avais des doutes
et si ma formation politique avait des doutes à savoir si le
gouvernement du Québec était préparé, on en a la
conviction, il n'est pas prêt. Nous sommes maintenant convaincus plus que
jamais que le gouvernement actuel n'a pas fait son travail et que, s'il veut
être capable de faire face à un libre-échange, il devra
faire une volte-face par rapport à la politique qu'il a entreprise au
cours des 18 derniers mois, une, politique non interventionniste. Il devra
changer d'attitude par rapport à son désengagement. Je donne
quelques exemples: les sociétés d'État, les
privatisations, le démantèlement de la Société de
développement industriel, le rôle moins actif de la Caisse de
dépôt, de la Société générale de
financement, et j'en passe. Il faudra que le gouvernement change de cap s'il
veut qu'on soit capable de dire que le libre-échange sera une
réussite. Sinon, je pense qu'on peut l'affirmer tout haut, je ne vois
pas comment, de par les politiques qu'il a mises de l'avant et l'attitude, le
fonctionnement au cours des deux dernières années, il pourra
être capable de répondre aux aspirations des gens qui sont venus
ici, en commission parlementaire, pour dire exactement ce que cela prenait,
à quoi ils s'attendaient.
(16 heures)
Le ministre, bien sûr, a essayé de nous vendre de
l'assurance. Cela a été le début de sa carrière, je
pense. Le ministre nous a demandé de faire des professions de foi. Je
pense que nous sommes rendus au-delà de cela, M. le Président.
Nous nous devons de dire non à la façon dont le gouvernement
s'est comporté dans ce dossier, non à cette approche que le
gouvernement a eue, non à cette façon de faire, non à
cette ambiguïté, non à ce manque de transparence, à
ce manque de rigueur, non à l'improvisation. Le gouvernement se doit
d'aller de l'avant pour faire ses devoirs, et je pense que le mot n'est pas
trop fort, à moins qu'il ait dans son sac plusieurs
éléments à nous dévoiler, mais je doute fort que ce
soit le cas actuellement.
Le Québec, les Québécois, les
Québécoises, les travailleurs, les travailleuses, les
consommateurs, les gens d'affaires, les gens de la PME, de la grande
entreprise, méritent mieux que cela et plus de considération, M.
le Président. M. le premier ministre, M. le ministre, dites-nous
clairement où vous logez présentement, 29 septembre, où
vous allez. Est-ce qu'on peut compter sur des gestes concrets à court
terme? L'avenir économique du Québec est en jeu
présentement et l'heure des professions de foi, M. le ministre, est
passée. Nous allons croire lorsque nous verrons d'abord une politique et
une stratégie de développement économique
orchestrées en fonction du libre-échange, une politique globale
sur l'emploi, lorsque nous verrons le coffre d'outils que vous avez à
offrir aux entreprises et lorsque vous pourrez réaffirmer le
réengagement de l'État dans les différentes
communautés, dans les différentes régions du
Québec.
De notre côté, nous allons continuer à nous battre
pour cette cause. Nous allons continuer à vous talonner, à vous
suivre comme nous l'avons fait pour l'obtention de cette commission
parlementaire. Après six mois, on a fini par l'obtenir. Nous sommes
convaincus que nous ne lâcherons pas tant et aussi longtemps que les
Québécois n'auront pas eu ce à quoi ils sont en droit de
s'attendre. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le
député de Bertrand. Maintenant, M. le ministre du Commerce
extérieur.
M. Pierre MacDonald
M. MacDonald: M. le Président, on nous a demandé au
départ dans certains milieux quels étaient réellement les
objectifs de cette commission parlementaire. Je crois qu'après un peu
plus de deux semaines de session il est évident qu'on en a les
réponses.
Nous avons reçu ici environ 50 groupes. Nous avons reçu
des gens qui nous ont démontré d'une façon ferme leur
conviction que l'avenir économique du Québec et du Canada
reposait dans une plus grande ouverture sur les marchés du monde, que
cet avenir devait également s'assurer que les marchés qu'on
possédait déjà, et particulièrement chez notre
principal partenaire, les États-Unis, devaient être
protégés. En contraste, nous avons des gens qui nous ont
carrément dit qu'ils y voyaient des dangers sous plusieurs aspects et
que, sous quelque forme que ce soit, nous n'aurions dû entreprendre une
négociation et, nécessairement, encore moins signer un
contrat.
Tout de même, tout ceci s'est fait sous le signe, pour ceux qui
voulaient le voir, de la plus grande transparence et de la plus grande
ouverture que quelque gouvernement, provincial ou fédéral ou
d'État, ait eu dans ce dossier. Il n'y a aucun gouvernement qui a autant
publié. II a non seulement publié mais a mis à jour ses
publications par des synthèses. II n'y a aucun gouvernement qui a tenu
un comité du type Warren avec autant d'ouverture à qui que ce
soit qui voulait s'y présenter. Il n'y a aucun gouvernement qui a autant
publié sous quelque forme que ce soit et il n'y a aucun gouvernement
provincial qui, les négociations étant en cours, a tenu une
commission parlementaire comme nous avons eu et qui a reçu tous et
chacun qui avaient une contribution positive, et quand je dis positive je ne
veux pas dire dans leurs attitudes favorables ou non favorables, je veux dire
une position constructive à apporter au débat. On dit
peut-être que toute comparaison est odieuse mais je crois que même
ceux qui ne veulent pas voir ou ne veulent pas comprendre doivent au moins se
rendre à l'évidence de ce que je viens de dire.
Il est également clair que, malgré ces positions fermes de
certains, il y a là le reflet de peut-être plus de deux solitudes
ou de contrastes qui peuvent parfois nous surprendre. On avait ici la chambre
de commerce qui est venue très ouvertement et catégoriquement
démontrer qu'elle était pour, d'une façon
générale. Les Teamsters sont venus faire état d'un statut
relativement confortable de leurs membres et qui ne voulaient pas que ce statut
soit changé sous quelque forme que ce soit. Chez les industriels, on
peut en comparer, vous avez eu le président de Shermag qui est venu
faire une profession de foi dans la capacité de son entreprise et de
celles avec lesquelles il est associé de pénétrer les
marchés et de faire face au défi de la libéralisation des
échanges. En contrepartie, et encore pour des raisons très
légitimes, les représentants des grandes brasseries, certainement
pas des gens de gauche, ont exprimé leurs inquiétudes et leur
acceptation à un traité quelconque moyennant une série
très importante de conditions qui reflétaient très bien
leur situation particulière. On a même vu la coalition contre, qui
est venue nous exposer une position sine qua non. Il n'était pas
question de discussions. Mais, vis-à-vis de ceci, laissant penser que
tous les syndicats étaient contre, on a eu la
Confédération des syndicats démocratiques qui sont venus
ici et qui ont dit: "Nous n'avons pas une peur morbide de la
libéralisation des échanges." Plus tard, ils disaient qu'ils se
devaient d'assumer bien d'autres responsabilités comme syndicats que de
négocier strictement des conventions collectives.
Si vous prenez l'aspect qui nous touche tous comme
Québécois, la question culturelle, l'entité
québécoise et canadienne, vous avez eu le Mouvement Québec
français qui, d'une façon pompeuse et très
prétentieuse, je tiens à le répéter, est venu ici
se faire soi-disant le porte-parole de tous ceux qui s'appelaient des
Français du Québec. Vous avez eu en même temps la
Société nationale des Québécois de
Lanaudière et, ce qui m'a encore plus impressionné, les jeunes du
Parti québécois qui sont venus démontrer qu'ils
étaient prêts à faire face au défi de la
libéralisation des échanges et d'une plus grande ouverture.
Serait-ce que certains beaucoup plus âgés sont
dépassés et d'autres contemporains? Je vous laisse juger.
Nous avons eu des jeunes, et je reviens sur ces jeunes du Parti
québécois. Ce matin nous avons eu des jeunes de la Jeune chambre
économique et de commerce de l'Estrie qui nous ont laissé un
témoignage extraordinaire d'un dynamisme et d'une clarté de vue
qui s'associait d'ailleurs, à toutes fins utiles, à la position
de l'Opposition comme de la nôtre, c'est-à-dire que le
Québec et le Canada sont capables de relever le défi. Il y a lieu
de négocier mais pas à n'importe quelles conditions.
Je suis obligé de dire, parce qu'il semble que certains n'ont pas
voulu comprendre ou peut-être nous sommes-nous mal exprimés, qu'il
y avait des conditions initiales, qui étaient celles du gouvernement
canadien, pour entreprendre la négociation et que le Québec ne se
serait pas engagé avec le gouvernement fédéral dans ce
processus de négociation si ces conditions n'avaient pas existé.
Le Québec y a rajouté sept conditions fondamentales qu'on a
répétées ici à maintes reprises et, sans ces
conditions-là, notre gouvernement n'aurait pas poursuivi. Cet
après-midi on a pu dire, et le négociateur représentant du
Québec au comité Reisman pouvait l'affirmer, qu'aucune de ces
conditions n'a subi quelque altération que ce soit sous quelque forme
que ce soit. Je pense que, des suppositions de position vagues et creuses que
nous avions, la preuve a été faite sans aucun doute de la
fermeté de la
position du Québec, une position qui était très
éclairée selon la majorité des gens qui ont discuté
du dossier sérieusement.
Je vais me permettre de lire un texte qui vient justement de la
Société nationale des Québécois de
Lanaudière, organisme avec lequel je pense que vous ne pouvez pas
m'accuser d'association très intime. Je n'ai jamais été
reconnu comme étant un de leurs membres ou participant à leurs
activités. Mais ces gens-là ont fait un acte de foi dans ce qui
m'a semblé également évident ici cette semaine,
c'est-à-dire que le Québec de 1987, que les travailleurs et
travailleuses, les jeunes femmes et les jeunes hommes qui ont
témoigné devant nous et qui regardaient la situation en face et
qui n'avaient pas cet aspect de corporatisme étroit à
défendre pour une raison ou pour une autre, ont fait un acte de foi non
seulement dans cette condition sine qua non de faire face au défi, mais
dans la certitude qu'on est capable de faire face au défi. Je cite les
paroles de ces personnes: "Geste de confiance envers soi, volonté de
s'ouvrir sur le monde, défi du commerce international, c'est ce qui
fermente actuellement dans nos PME québécoises. Elles n'attendent
que la concrétisation dans les textes de cette lancée vers les
défis du XXIe siècle -parlant de cette entente bilatérale
en négociation - notre apport à la mondialisation des
échanges commerciaux par l'expression de nos talents si souvent
démontrés parce qu'ils ont maintes fois traversé nos
frontières." M. le Président, nous étions venus ici
à cette commission parlementaire pour apprendre. Pour ma part, je peux
dire que j'ai appris. J'ai pu approfondir la position, les pensées, les
suggestions d'organismes que j'avais déjà rencontrés.
J'espère que tous peuvent ressortir d'ici satisfaits d'en avoir appris
beaucoup plus.
On m'a demandé un engagement ou un renouvellement d'engagement
advenant une entente sur ce qui pourrait être un prolongement de cette
commission parlementaire. J'ai dit et je me permets de redire que ce sera
sûrement un excellent mécanisme pour continuer à
approfondir une situation qui a une importance capitale pour l'avenir de tous
les Québécois et Québécoises et des Canadiens et
Canadiennes. Au même titre, j'ai dit en Chambre - je crois que
c'était au printemps - que, s'il y avait une entente, un dossier d'aussi
grande importance devrait passer devant les représentants du peuple
québécois, et je n'ai pas à revenir là-dessus.
M. le Président, si vous m'accordez quelques secondes, j'aimerais
remercier tous les fonctionnaires de part et d'autre, partisans ou non, qui ont
travaillé dans ce dossier. J'aimerais féliciter - cela ne
m'arrive pas sauvent - le chef de l'Opposi- tion pour sa judicieuse
décision de désigner à cette commission parlementaire le
député de Bertrand et le député de Roberval. On a
été capables ensemble de garder ce débat hors de la
partisanerie et je pense que c'est un reflet du professionnalisme de chacun et
des intentions que nous avions au début de cette commission. J'aimerais
remercier tous les députés du côté
ministériel de leur présence exemplaire. J'aimerais vous
remercier, M. le Président, de votre expertise et de votre
impartialité. Je pense que cela a été un excellent
exercice et, s'il y a lieu de le poursuivre, si le premier ministre le juge
à propos, il me fera plaisir de faire partie de la prochaine commission.
Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.
M. le chef de l'Opposition.
M. Pierre Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est avec plaisir
que je veux également remercier mes collègues pour leur
présence assidue à cette tardive mais néanmoins dense
commission parlementaire. Je vois le premier ministre qui sourit.
J'espère qu'il ne m'expliquera pas tout à l'heure que, rendu
à la date où on est rendu, c'est-à-dire le 29 septembre,
de terminer nos travaux sur si ce serait une bonne idée de faire du
libre-échange et ce qu'il y a dedans alors qu'on sait que la date
ultime, c'est le 5 octobre, j'espère qu'il ne viendra pas m'expliquer
qu'il est en avance. Mais je le laisserai nous dire tout ce qu'il veut nous
dire et, comme d'habitude, il dira bien ce qu'il veut dire. Bon!
Je voudrais évidemment remercier toutes les personnes qui ont
accepté de formuler un mémoire ou une intervention. Elles ont
été reçues par les membres de la commission d'une
façon extrêmement positive. Je remercie évidemment mon
collègue, le député de Bertrand, M. Jean-Guy Parent, pour
avoir tenu la présence de l'Opposition ici avec mon collègue
également, le député de Roberval, M. Gauthier, et
vous-même, M. le Président, je sais que vous êtes intervenu
dans ce débat. (16 h 15)
Maintenant, ces choses étant faites, d'abord je suis heureux de
constater que le premier ministre est parmi nous cet après-midi pour
terminer... Oui, moi aussi, c'était entendu que je serais là au
début et à la fin. M. le premier ministre a choisi de venir
à la fin et je suis très heureux de voir qu'il est là en
dépit de...
M. Bourassa: ...toujours d'accord.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Et, quand je ne suis pas
d'accord, vous ragez.
J'ai remarqué cela. C'est une bonne idée.
J'ai eu l'occasion d'obtenir des rapports régulièrement de
mon collègue, le député de Bertrand, en compagnie des
recherchistes que nous avions. Une chose me frappe c'est d'où on est
parti et où on est rendu, en l'espace de deux semaines,, et la position
du gouvernement dans tout cela. Il y a deux semaines, le gouvernement nous a
présenté ce qui était sa position à toutes fins
utiles il y a plusieurs mois» En l'espace de deux semaines, tout cela a
changé de façon extrêmement importante. Je vous donne
quelques exemples concrets. Vous parlez, à la condition 7, du maintien
du droit d'approuver ou non l'entente en fonction de l'évaluation ultime
qui sera faite à la lumière des intérêts
fondamentaux du Québec. Je n'ai pas été très
convaincu par vos arguments sur le fait que vous aviez vu à
préserver cela, dans la mesure où vous n'avez même pas
parlé. Quand je regarde ce qui s'est passé dans le reste, j'ai
raison de m'inquiéter. Par exemple, le premier ministre nous a
affirmé, et je pourrais le citer au texte ici, que le gouvernement
fédéral a intimement associé le gouvernement du
Québec à tout ce processus. Pourtant, c'est le
député de Bertrand, un député de l'Opposition, qui
a appris au ministre responsable du dossier la semaine dernière que les
négociations étaient suspendues. Et le ministre était
tellement au courant qu'il est même revenu quelques minutes après
en commission parlementaire pour expliquer que cela n'avait pas
été suspendu alors que c'était affirmé dans le
reste de la presse au Canada et que le premier ministre du Canada
lui-même et l'ambassadeur Reisman, qui était à la
télévision le soir, expliquaient que c'était suspendu. Je
suis un peu inquiet quant au degré d'association du Québec
à ce dossier et je suis un peu inquiet des propos du premier ministre
là-dessus.
Deuxièmement, la culture. Le premier ministre a maintes fois
affirmé au Québec depuis les débuts des pourparlers sur
cette question que la culture était exclue, qu'il n'était pas
question de discuter de ce qu'il a appelé à une certaine
époque la souveraineté culturelle du Québec. Pourtant,
nous apprenions encore hier, dans le cadre de la reprise, par
l'opération "shuttle", si vous me passez l'expression, de M. Wilson
à Washington, que la question culturelle était maintenant sur la
table de la part des Américains et qu'elle faisait l'objet de demandes
américaines. Qui croire? M. Wilson ou le gouvernement du Québec?
Je vous laisse la réponse.
Sur la question des préoccupations en termes d'emplois, aucun
contenu n'a été livré par le gouvernement ou ses
représentants qui ont pu être interrogés ici sur non pas la
période transitoire qui fait l'objet, d'après ce que M. Warren
nous disait tout à l'heure, de propositions, quelque part autour de cinq
ans... Cela prendrait plus ou moins cinq ans à appliquer l'accord ou
l'entente éventuelle, ce qui nous permettrait de nous retourner de
côté pour refourbir nos moyens pour certains secteurs
menacés. Mais rien quant au contenu des mesures de transition. Quelle
est la nature des mesures de transition qui seront présentées? En
d'autres termes, quel est le budget que le fédéral va être
prêt à débloquer dans un contexte comme celui-là?
Quel sera le rôle du Québec pour s'assurer que sur le plan de la
main-d'oeuvre on préserve des emplois, ou on s'assure de la reconversion
de certains secteurs industriels, toujours avec une préoccupation
centrale qui est l'emploi?
C'est la même chose pour l'agriculture. Nous disions, et nous
continuons de dire depuis le départ qu'il faut exclure le secteur
agricole de cette entente. Nous entendions aujourd'hui l'ambassadeur Warren
nous dire que le statut particulier que vous évoquez au point 6 de vos
conditions, cela veut dire simplement qu'au Canada il n'y aurait pas de
changements majeurs aux programmes existants, que ce soient les programmes de
soutien de revenu des agriculteurs ou des programmes de cette nature qui sont
tantôt fédéraux, tantôt provinciaux au Canada. Mais
on ne nous a pas dit qu'il était exclu que des produits
américains pénètrent sans barrière sur le
marché canadien. On sait qu'à quelques dizaines de milles au sud
de Sherbrooke il y a des usines qui peuvent fabriquer du yogourt, des produits
laitiers ou d'autres produits de transformation des produits agricoles et
inonder le marché québécois très rapidement, en
mettant nos agriculteurs dans une position d'extrême faiblesse. Cette
notion de statut particulier pour l'agriculture, par opposition à une
exclusion du secteur agricole, n'a malheureusement pas été
précisée par le gouvernement. Cela m'inquiète aussi.
Finalement, il y a toute cette question du mécanisme d'arbitrage.
Je dirai, sur cette question, que cela met en cause la chose suivante. Le
Canada est entré dans cette négociation avec les
Américains parce que, nous dit le ministre, nous craignons, au
Québec et au Canada, que les Américains élèvent des
barrières tarifaires contre des produits que nous faisons ici, et donc
mettent en péril une partie importante des emplois canadiens dans le
secteur de la production étant donné qu'au Canada 30 % du produit
intérieur brut est destiné à l'exportation. Pour
régler ce problème, il faut obtenir ce qu'on appelle une garantie
d'accès au marché américain. En d'autres termes, si le
Canada et le Québec sont prêts à faire des concessions aux
Américains pour qu'ils envoient leurs produits ici, à partir
d'usines qui peuvent produire dans des conditions de rendement bien meilleures
que les
usines québécoises, à cause des nombres, à
cause des chiffres, et non pas à cause de la technologie, bien que cela
se pose dans certains secteurs, mais à cause de leur chiffre d'affaires,
faire de telles concessions pour le Canada exigerait une garantie explicite que
le Canada pourra continuer à envoyer ses produits sur le marché
américain. Où est-ce qu'on retrouve cela dans les conditions ou
le projet d'entente? C'est autour de la notion d'un mécanisme
d'arbitrage qui serait appelé, selon les politicologues, supranational
ou conjoint ou bipartite.
De toute évidence, la position du premier ministre du
Québec là-dessus a évolué à la baisse. Le
premier ministre du Québec disait, au début, qu'il recherchait
l'accès garanti des produits québécois sur le
marché américain, donc un moyen de régler le
problème des litiges qu'il y a entre les deux pays qui ne soit pas
simplement l'état d'esprit, un matin, du Congrès
américain. Le premier ministre, depuis quelques jours, parle de
concessions qu'il entend faire autour de cette formule. Autour de quoi? Autour
de ce qui est le fond du litige et du problème du Canada à
l'égard des États-Unis. Est-ce que, oui ou non, le Canada va
maintenir une garantie d'accès de 30 % de la production nationale
canadienne sur le plan de l'exportation, dont l'immense majorité s'en va
vers les États-Unis? C'est précisément là-dessus
qu'on voit le premier ministre du Québec, dans sa position qui n'a pas
été constante, je dois le dire, depuis le début, sembler
faire des concessions majeures, importantes et, je dirais,
inquiétantes.
En conclusion, compte tenu du fait qu'on est encore dans les limbes sur
les plans juridique et constitutionnel, étant donné qu'il est
évident que vous avez fait la démonstration que l'association du
Québec, au-delà de l'association politique, mais l'association
concrète, dans la négociation, du Québec au
fédéral est quelque chose d'un peu théorique, dans la
mesure où la culture qui devait être exclue ne semble plus
l'être depuis quelques jours, dans la mesure où l'agriculture
n'obtient pas les garanties de protection des marchés pour les
agriculteurs québécois et dans la mesure, sur le plan des
emplois, où vous n'avez rien dit quant aux mesures concrètes de
transition, vous n'avez pas quantifié les centaines de millions que cela
prendra dans les années qui viennent, dans la période de
transition, et dans la mesure, finalement, où vous êtes en train
de faire des concessions sur la chose centrale dans tout cela, qui s'appelle
l'accès au marché américain, je n'ai pas l'impression que
vous jouez dans les ligues majeures dans ce dossier. Cela m'inquiète.
Vous pouvez bien donner des coups d'encensoir au premier ministre
fédéral à la suite des ententes explicites ou tacites qui
auraient pu avoir lieu à l'occasion de l'accord du lac Meech, je n'ai
pas l'impression que vous êtes le Peter Stastny ou le Guy Carbonneau du
libre-échange. J'ai plutôt l'impression que vous ne seriez pas
repêché des défunts Voyageurs de la Nouvelle-Écosse,
et cela m'inquiète.
Je dirai en conclusion que je souhaite évidemment que le premier
ministre puisse nous donner un certain nombre de réponses très
précises sur ces sujets. Finalement, quand on regarde quelles sont ces
sept conditions, je ne sais pas ce qui va en rester le 5. Mon
inquiétude, c'est que le Québec, le 6 octobre au matin, ne soit
pas prêt parce que le gouvernement n'a pas fait ses devoirs. Merci.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le chef de
l'Opposition.
M. le premier ministre, à vous de sauter sur la glace.
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: Merci beaucoup. Disons que mon intérêt
est pour le baseball ces jours-ci et, en écoutant le chef de
l'Opposition, je n'avais pas l'impression de retrouver Tim Raines ou Pascual
Perez.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Bourassa: Je voudrais d'abord remercier le chef de
l'Opposition d'être présent ici cet après-midi, d'avoir
interrompu sa tournée sûrement très intéressante
pour venir ici et être à l'écoute des porte-parole du
gouvernement. Je voudrais mentionner et en ce sens appuyer ce qu'ont dit le
chef de l'Opposition, le ministre du Commerce extérieur et le
député de Bertrand sur l'utilité de cette commission
parlementaire, le ton très serein sur lequel elle s'est tenue. Il y a
toujours un risque, comme on le sait, quand une commission parlementaire est
télédiffusée, il y a toujours cette tentation de jouer un
peu à la prima donna, mais cela n'a pas été le cas, et ce
n'est pas relié à l'absence de certaines personnes, je tiens
à le signaler.
M. Johnson (Anjou): Y compris vous-même.
M. Bourassa: Je voudrais dire que le président,
évidemment, a joué un rôle déterminant dans le ton
et l'utilité de cette commission et je veux le féliciter de
même que les participants des deux côtés.
On doit signaler de nouveau, dans cette négociation qui, comme on
le sait, s'avère de plus en plus difficile, que sur le strict plan
économique le rapport de forces n'a jamais été favorable
au Canada. On le sait, les chiffres parlent par eux-mêmes. Pour le
Canada, il en va de 20 % à 25 % de son activité
économique. Un tiers de son activité dépend des
exportations et ies deux tiers, un peu plus ou un peu moins, sont
exportés aux États-Unis. Pour les États-Unis, il en va de
2 %î 10 % de son économie dépendent des exportations et 20
% des exportations se font au Canada. Donc, cela ne peut pas être un
rapport de forces qui nous favorise, mais on constate depuis quelques jours
qu'il y a l'aspect politique qui est également présent et
qu'à cet égard le rapport de forces est moins défavorable
au Canada et au Québec. Les Américains tiennent politiquement
à une entente avec le Canada sur le libre-échange pour des
raisons qui tiennent à l'accord lui-même, mais aussi pour des
raisons qui tiennent à un accord éventuel au niveau du GATT qui,
lui, dépasse de beaucoup les 2 % dont je parlais tantôt comme
impact sur l'économie américaine. C'est pourquoi on a vu hier
cette rencontre au ministère du Trésor avec James Baker, Clayton
Yeutter, le ministre des Finances et Mme Carney. On disait même à
la radio, tantôt, que M. Howard Baker aurait été
présent, le chef de cabinet de M. Reagan. Je ne sais pas si c'est
confirmé, mais, de toute manière, c'était une rencontre au
niveau politique particulièrement importante. Donc, espérons que
ces discussions qui vont se poursuivre donneront des résultats
concrets.
Dans les représentations qui ont été faites par les
différents intervenants, qu'elles aient été faites par
ceux qui ont présenté des mémoires ou par les membres du
parti de l'Opposition, si nous examinons les réserves, les
inquiétudes qui ont été exprimées, on peut
peut-être les ramener à quatre thèmes: l'information, les
emplois, l'adaptation et les mesures de transition et l'agriculture.
J'ajouterais peut-être la question culturelle qu'a abordée
tantôt le chef de l'Opposition.
Pour ce qui a trait à l'information, je crois que le ministre du
Commerce extérieur, qui a fait un travail exceptionnel avec son
équipe dans ce dossier, mentionnait tous les efforts qui ont
été faits du côté gouvernemental. Le chef de
l'Opposition mentionnait tantôt que la rencontre était tardive,
mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu d'audiences publiques à
ce stade-ci dans d'autres provinces et, comme je voulais le lui dire
tantôt, mais je n'ai pas voulu l'interrompre, ce n'est que la
première étape. Nous aurons, au cours du mois d'octobre, du mois
de novembre et du mois de décembre, l'occasion d'examiner, s'il y a une
entente, le traité qui aura été ratifié ou
signé au niveau des négociateurs canadiens et américains,
en même temps que le Congrès américain aura l'occasion de
l'examiner de son côté. Donc, je crois que c'est tout à
fait injustifié et prématuré de dire que cette rencontre
est trop tardive quand il y a toute l'étape de la considération
du traité qui va se dérouler dans ies prochains mois. (16 h
30)
II y a eu également, comme on le sait, des documents qui ont
été rendus publics et des annexes statistiques également.
Je dois dire, M. le Président, qu'en ce qui concerne l'information le
Québec a fait le maximum, tenant compte de l'évolution de la
négociation, pour informer la population y compris cette commission
parlementaire où une quarantaine d'organismes ont déposé
des mémoires de même qu'une dizaines d'experts.
Pour ce qui a trait, M. le Président, à la question des
emplois et des programmes de transition, nous avons déjà
répondu à cette situation-là et je crois que nos propos
ont été endossés d'une certaine façon par d'anciens
collègues du chef de l'Opposition, notamment M. Bernard Landry.
Même si nous ne connaissons pas le contenu précis et
détaillé de l'entente, nous avons déjà fait
parvenir au ministre responsable, à Ottawa, des propositions et des
demandes pour la préparation de tels programmes de transition. J'ai
soulevé moi-même, et le ministre du Commerce extérieur
l'avait signalé, à l'occasion de rencontres avec le premier
ministre fédéral, la question de subvention aux entreprises de
programmes qui pourraient être établis pour la main-d'oeuvre et
pour les entreprises, pour s'adapter aux conclusions du traité de
libre-échange. Mais on sait que ce traité, de toute
manière, n'entrera pas en vigueur avant le 1er janvier 1989. II serait
prématuré de consacrer beaucoup de temps à ce stade-ci aux
modalités définitives alors que nous ne connaissons pas les
conclusions finales. Si, par exemple, on a une période de transition,
pour quelques centaines de produits, de dix ou de douze ans au lieu de cinq
ans, c'est évident que les programmes ne peuvent pas être les
mêmes. Je rappellerai au chef de l'Opposition, dans les comparaisons
qu'il fait dans certains secteurs, qu'il ne doit pas oublier l'aspect
monétaire, que le dollar canadien à 0,76 $ ou 0,77 $ par rapport
au dollar américain, il y a quand même un avantage dans le domaine
des exportations et que, si on parle d'une réduction de 1 % par
année durant dix ans par rapport aux variations qui peuvent exister sur
le plan monétaire, c'est quand même relatif. Sur la question de la
protection des emplois, de la création d'emplois, je ne reviendrai pas
sur l'étude sur le libre-échange du Conseil économique du
Canada. D'ailleurs, l'Opposition, l'ancienne et la nouvelle, ils sont d'accord
pour signer un traité de libre-échange. Je tiendrai simplement
à signaler une déclaration qui a été faite dans Le
Soleil de dimanche, avant-hier, par M. Pierre Fortin qui a été
conseiller économique du gouvernement du Parti québécois
et qui disait en termes de création de nouveaux
emplois - je ne sais pas si le chef de l'Opposition a eu le temps de
prendre connaissance de cet éditorial de M. Pierre Fortin dans ses
nombreuses tournées - et il mentionne: "En réalité, depuis
un an, en matière de création d'emplois au Canada, c'est au
Québec que l'action se passe." Donc, voilà un témoignage
d'un observateur objectif qui se trouve à confirmer l'efficacité
des politiques du gouvernement en termes d'emploi.
Dans cette question du libre-échange, M. le Président, on
pourrait tellement élaborer mais nous sommes limités à
quelques minutes, vous me permettrez peut-être de conclure pour ce qui a
trait à ce secteur par une déclaration de Mme Guylaine Saucier,
présidente de la Chambre de commerce de Québec, qui disait qu'il
ne faut pas uniquement se demander dans le libre-échange combien
d'emplois peuvent être affectés par la signature d'un
traité mais, également, se demander combien d'emplois peuvent
être affectés par la non-signature d'un traité.
Je terminerai, M. le Président, en signalant brièvement la
question de l'agriculture et de la culture. Dans la question de l'agriculture
je pense que notre position a toujours été très ferme,
très claire. Depuis plusieurs mois, comme cela s'est fait dans le cas
d'une entente avec Israël, comme cela existe actuellement dans la zone de
libre-échange en Europe où l'agriculture est exclue...
L'agriculture fait partie évidemment du marché commun
européen mais après une trentaine] d'années on assiste
encore à des problèmes d'intégration très aigus. Il
n'est pas question que l'agriculture québécoise ou l'agriculture
canadienne puisse être compromise par un traité sur le
libre-échange, nous l'avons dit et nous le répétons.
Pour ce qui a trait à la culture, je me permettrai de signaler
une certaine incohérence dans le raisonnement du chef de l'Opposition.
Il a dit, à l'ouverture des discussions il y a deux semaines, le 15
septembre: II nous faut absolument un mécanisme pour la solution des
problèmes, la solution des disputes entre les deux pays. Il faut que ce
mécanisme soit le plus global possible. Je lui répète,
comme je lui avais dit à ce moment-là, que si on inclut la
culture... Je ne sais pas s'il a modifié son point de vue, ce serait
bienvenu. Je n'aurais pas d'objection à ce qu'il admette qu'il a
peut-être été cité incorrectement. Je ne sais pas
s'il a modifié son point de vue mais, si nous avons un mécanisme
pour ce qui a trait à la culture, c'est évident qu'il y a un
risque qu'une décision exécutoire d'un tribunal supranational ou
avec une certaine forme de supranationalité pourrait affecter
l'autonomie culturelle du Québec. C'est pourquoi nous avons dit que nous
serions très ouverts à ce que ce tribunal s'applique aux
matières commerciales.
Voilà en quelques mots, dans les douze à quinze minutes
qui nous sont accordées, M. le Président, le point de vue du
gouvernement. Nous sommes toujours et nous voulons-être confiants. Il est
difficile de tirer des conclusions aujourd'hui sur l'évolution des
négociations sauf pour constater le fait de l'intervention politique
depuis quelques jours au niveau américain mais nous croyons toujours
que, moyennant des conditions très précises, très claires,
énumérées par le ministre du Commerce extérieur
tout au long de ces discussions, une entente de base à tout le moins sur
le libre-échange servirait davantage les intérêts du
Québec comme d'ailleurs la plupart des intervenants, y compris nos amis
d'en face.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le premier
ministre.
M. le chef de l'Opposition vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il nous reste trois ou quatre
minutes chacun et que le premier ministre n'aura pas d'objection. Je voudrais
faire une couple de remarques. D'abord, la culture: il n'y a pas 36
façons de regarder ce problème-là. Il faut exclure de ce
traité, et c'est la position que nous avons prise et je la
répète, le secteur de la culture quant à l'intervention de
l'État pour la soutenir. C'est clair que le monde de la culture au
Québec, les industries culturelles, le monde de l'édition, du
cinéma et les artistes sous toutes leurs formes d'expression, ont besoin
d'un soutien de l'État. C'est la nature même de ce qu'est le
Québec en Amérique du Nord. Tant qu'on n'aura pas compris cela,
je pense qu'on passera à côté de la coche. Il n'a jamais
été question pour nous... C'est le premier ministre qui m'a mal
cité, ce n'est personne d'autre que lui. Ce ne sont pas les
journalistes. Il n'a jamais été question pour nous de dire que
les questions culturelles pourraient tomber dans des objets qui seront
arbitrés par une commission indépendante à laquelle le
Québec risquerait même de ne pas siéger. Voyons donc! II
n'y a qu'à revoir nos écrits et nos propos là-dessus.
Sur l'agriculture, je ne trouve pas cela très rassurant pour les
producteurs agricoles du Québec, ce que nous a dit le premier
ministre.
Sur la question des emplois, ce sont des gens en vie,
présentement sur le marché du travail, ce ne sont pas des
chiffres. J'écoute le premier ministre nous parler d'emploi et j'ai un
peu cette impression qu'on avait parfois dans les facultés de
médecine quand un professeur de pharmacologie disait: II y a 97,4 % des
chances que tel médicament règle tel type de problème avec
un patient.
Le problème, c'est que ton patient n'est jamais une statistique.
Il se peut qu'il tombe dans les 2,2 % pour qui cela ne marchera pas, et il faut
toujours avoir cela à l'esprit. Les emplois, c'est pareil. Dire qu'au
bout de la ligne cela va s'équivaloir, vous irez expliquer cela aux gens
qui vont perdre leur emploi si on n'a pas les mesures de transition
adéquates et si le gouvernement ne peut pas nous rassurer quant à
une intervention dynamique de l'État dans ces secteurs.
Une petite parenthèse, le premier ministre, qui aime bien
évoquer les noms des personnes importantes qu'il rencontre et qui aime
bien faire preuve de son érudition, a fait une erreur. Je crois que ce
n'est pas Howard Baker qui était à la réunion, mais
plutôt James Baker, le Secrétaire d'État au Trésor.
Il y a peut-être des rumeurs... À moins que ce soit Jimmy Baker,
le mari de Tammy - j'espère ce que ce n'est pas cela. Je crois
comprendre que c'est plutôt le Secrétaire au Trésor
américain qui a été mandaté par le gouvernement
américain.
M. Bourassa: Si le chef de l'Opposition me permet
là-dessus...
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Bourassa: ...j'ai bien dit, s'il m'a écouté, que
James Baker était là, mais que j'avais entendu un correspondant
des médias dire que Howard Baker était également
là.
M. Johnson (Anjou): On est très heureux d'apprendre
cela.
M. Bourassa: Mais je n'ai pas eu confirmation, comme le chef de
l'Opposition doit s'en douter.
M. Johnson (Anjou): Voilà! Comme dans le reste de ce
dossier, d'ailleurs.
M. Bourassa: Mais, moi, j'aime...
M. Johnson (Anjou): C'est cela qui nous inquiète et c'est
un peu cela qu'on essaie de vous dire aujourd'hui.
M. Bourassa: Non, je fais confiance aux médias
d'information. Le chef de l'Opposition...
M. Johnson (Anjou): Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas
comme cela qu'on doit assumer la responsabilité politique.
Des voix: Ha! ha!
M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre ne se fie... Je
pensais que le gouvernement était intimement associé au
gouvernement fédéral dans ce dossier. Ce que je comprends, c'est
que le gouvernement a besoin d'une agence de presse plutôt que de
services commerciaux et diplomatiques qui savent ce qui se passe dans les
salles où les choses se décident. Les journalistes travaillent
avec les moyens que les politiciens veulent bien leur donner. Le premier
ministre sait cela. C'est d'ailleurs un expert sur la quantification des moyens
donnés aux journalistes.
Je conclurai - je sais que le premier ministre voudra avoir le dernier
mot et que, tant qu'il sera là, il va l'avoir, je le sais, il ne s'en
privera pas - en disant que ce qui me préoccupe, c'est le 6 octobre. Si
cela marche, cela risque d'être une entente minimale dans laquelle une
concession majeure aura été accordée par le Canada au
sujet de l'arbitrage des différends qui est la base du moyen d'avoir un
accès garanti au marché américain. Dans le fond, c'est le
coeur du problème. Cela m'inquiète de savoir quelles en seront
les conséquences pour le Québec. Deuxièmement, si cela ne
fonctionne pas, je vais citer quelqu'un qu'on ne peut pas accuser d'être
l'un de nos amis, c'est un ancien candidat libéral, M. Pettigrew, qui
est venu vous expliquer... Libre-échange ou non, la vie continue.
Qu'est-ce que vous avez de prêt dans vos cartons pour vous assurer du
maintien non seulement de la croissance économique mais de la
distribution de cette croissance sous forme d'emplois au Québec dans les
années qui viennent si cela ne fonctionne pas? Est-ce que vous avez mis
tous vos oeufs dans ce panier qui risque, même si cela se réalise,
d'être passablement percé pour le Québec? Je pense que
c'est cela, la vraie question. Cela s'appelle avoir des politiques
économiques. Ce qui nous inquiète dans tout cela, c'est que le
gouvernement n'a pas de politiques économiques. Le premier ministre, qui
a aussi l'habileté et l'habitude de rapporter de façon
tronquée les citations, je le renverrai aux propos de M. Fortin qu'il
citait tout à l'heure en oubliant la phrase qui précédait
dans laquelle M. Fortin dit que c'est à compter de 1982 que cela a
commencé à se réaliser, ce rattrapage du Québec par
rapport à l'Ontario, et pas depuis l'élection du premier
ministre. Merci, M. le Président.
M. Bourassa: Ah! M. le Président.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le chef de
l'Opposition.
M. le premier ministre, en vous rappelant que c'est le président
de la commission qui, encore une fois, aura le dernier mot à cette
commission.
Des voix: Ha! ha!
M. Bourassa: Étant donné votre compétence et
votre objectivité, je n'ai aucune objection, M. le Président.
Je
voudrais simplement dire au chef de l'Opposition que, d'abord, ce qui
compte pour moi, pour le gouvernement et pour les Québécois,
c'est que l'Opposition soit d'accord avec le gouvernement pour essayer
d'obtenir un traité sur le libre-échange. Je pense que
l'Opposition a exprimé son accord. C'est cela qui est important. Je ne
m'attends pas à des félicitations du chef de l'Opposition sur
toutes les modalités des politiques du gouvernement. Le chef de
l'Opposition est là pour critiquer, c'est son gagne-pain.
Des voix: Ha! ha!
M. Bourassa: C'est donc normal qu'il critique ou qu'il essaie de
critiquer le gouvernement du Québec, d'autant plus qu'il est d'accord
avec l'objectif. Je prends note que, sur la culture, je l'avais mal
interprété. Donc, j'ai probablement écouté
littéralement ce qu'il a dit sur cette question-là. À
l'avenir, je serai plus prudent.
Pour ce qui a trait à la question des emplois, j'ai lu
textuellement Pierre Fortin, qui dit: "En réalité, depuis un an -
il ne dit pas depuis 1982 - en matière de création d'emplois au
Canada, c'est au Québec que l'action se passe." Tout le monde peut lire
et constater. D'ailleurs ce n'est pas étonnant, au début de
janvier, on prévoyait une augmentation des investissements au
Québec de 4,7 %. À la fin de juillet, cela avait triplé,
c'était une augmentation des investissements de 12,2 %. Alors,
cela,révèle quand même qu'il y a eu un renouveau de
confiance avec des résultats particulièrement
intéressants.
Encore une fois, M. le Président, je pourrais prendre point par
point, mais je l'ai fait, et je n'ai pas à répéter la
position du gouvernement sur l'agriculture; on l'a assez dit. Je suis
particulièrement encouragé que, dans une question aussi vitale
pour l'économie québécoise et son avenir, les partis
politiques au Québec font preuve d'un consensus qui nous donne plus
confiance en l'avenir.
Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le premier
ministre.
M. Parent (Bertrand): M. le Président, avec la permission
du premier ministre. Il a cité quelque chose tantôt et j'aimerais
qu'on corrige ou qu'on apporte les faits à ce stade-ci, à la
toute fin de nos travaux. M. le premier ministre, vous avez mentionné
que le Québec était le seul à avoir tenu des audiences
publiques. Que je sache, le Select Committee of Economic Affairs a tenu pendant
quatre mois en 1985, en Ontario...
M. Bourassa: C'était sur les négociations sur le
libre-échange sectoriel, m'a-t-on dit.
Une voix: C'est cela, oui.
M. Parent (Bertrand): Oui, mais ils ont...
M. Bourassa: Ce n'était pas sur les négociations
sur le libre-échange en discussion. C'était sur le...
M. Parent (Bertrand): On est d'accord, mais ils ont tenu une
commission publique pendant quatre mois.
M. Bourassa: Oui, en 1985. Quand même, les
négociations n'étaient même pas commencées.
Le Président (M. Charbonneau): Sur ces précisions,
le mot du président, si vous me le permettez, de part et d'autre. Je
pourrais intervenir, comme je l'ai fait à certaines occasions, sur le
fond, mais je vais m'abstenir de le faire et profiter plutôt de ces
derniers moments d'abord pour remercier les invités qui sont venus
devant la commission. On a accueilli 50 groupes et personnes, en fait plus de
54 personnes; 54 groupes différents se sont présentés
devant nous, sans compter les gens qui nous ont envoyé des
mémoires, mais qui n'ont pas été invités à
venir les débattre devant nous en commission parlementaire. Je crois que
ces huit jours d'audiences publiques et ces 60 heures de travaux parlementaires
ont été très productifs pour l'ensemble des gens qui ont
suivi les travaux de notre commission et pour, je crois, sincèrement,
les membres de la commission, de part et d'autre.
Je voudrais, à titre de président, vous remercier tous et
toutes de la collaboration que vous m'avez accordée. Je pense qu'un
président de commission a l'autorité que les membres d'une
commission lui accordent, d'une certaine façon, et la
crédibilité qu'on lui donne. À cet égard, je vous
remercie de la confiance et de la collaboration que vous m'avez
accordées. Je voudrais vous remercier également pour les bons
mots que vous avez eus à mon endroit, M. le chef de l'Opposition, M. le
député de Bertrand, M. le ministre et M. le premier ministre. Je
vous assure que je les garderai précieusement.
Je voudrais, en terminant, non pas souhaiter, mais dire aux gens qui
sont venus devant nous que c'est peut-être un au revoir parce qu'il est
possible, selon l'évolution du dossier, qu'on se retrouve à
analyser - c'est, à ce moment-ci, quelque peu hypothétique -une
éventuelle entente. J'ai l'impression que cela se fera, encore une fois,
à la commission de l'économie et du travail.
Cela dit, les travaux de notre commission sont ajournés sine
die.
(Fin de la séance à 16 h 50)