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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 29 septembre 1987 - Vol. 29 N° 77

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les Etats-Unis


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Charbonneau): Mesdames, messieurs, bonjour.

La commission parlementaire de l'économie et du travail reprend sa consultation générale ce matin en ce qui a trait à la libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis.

Nous abordons aujourd'hui la dernière journée de notre consultation et je vais vous donner l'ordre du jour. Nous recevrons d'abord le Comité consultatif des associations de consommateurs du Québec et la jeune Chambre économique et du commerce de l'Estrie. Cet après-midi, nous recevrons le principal conseiller du gouvernement du Québec dans le dossier du libre-échange, M. Jake Warren, et finalement des remarques finales seront données à la fois par le ministre, le critique et, selon certaines informations, peut-être aussi par le premier ministre et le chef de l'Opposition.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a deux remplacements. M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) est remplacé par M. Audet (Beauce-Nord) et M. Rivard (Rosemont) est remplacé par M. Lemieux (Vanier).

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le secrétaire. J'invite maintenant M. Racicot et Mme Solange Guillot-Lemelin.

Madame, monsieur, bonjour. Bienvenue à la commission de l'économie et du travail. Je vous indique les règles du jeu que vous connaissez peut-être déjà. On a une heure avec votre organisme; une première tranche d'une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire et le reste du temps est réparti de part et d'autre entre les membres de la commission pour des échanges et des discussions. Sans plus tarder, M. Racicot, si vous voulez engager votre présentation.

M. Racicot (Pierre): Je vais d'abord laisser la parole à Mme Lemelin, si vous le voulez bien.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord. C'est elle qui présente. Madame, vous avez la glace devant vous!

Comité consultatif des associations de consommateurs du Québec

Mme Guillot-Lemelin (Solange): M. le Président, M. le ministre, nous remercions le gouvernement du Québec de bien vouloir nous entendre aujourd'hui sur la question du libre-échange. Le Comité consultatif des organisations de consommateurs comprend les organisations de consommateurs du Québec intéressées à la question, soit l'Association des consommateurs du Québec, la Fédération nationale des associations de consommateurs, la Fédération des associations coopératives d'économie familiale, le Service d'aide aux consommateurs de la région 03 et l'ACEF, centre de Montréal.

Aujourd'hui, la FACEF, le SAC et le centre de Montréal ne sont pas ici représentés.

À partir des pour et des contre, on a fait un procès théorique de la situation concernant le libre-échange...

Le Président (M. Charbonneau): Pourriez-vous vous rapprocher un peu plus du micro? Le problème, c'est qu'il y a des travaux, comme c'est l'habitude ici au parlement, et on les entend beaucoup ce matin.

Mme Guillot-Lemelin: D'accord. Alors, on a étudié d'une façon spécifique l'impact d'un accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis en rapport, bien sûr, avec l'intérêt des consommateurs parce que notre rôle, c'est de protéger l'intérêt des consommateurs. On a soulevé six points importants sur lesquels on aimerait appuyer nos interrogations, surtout concernant les prix, la qualité et la sécurité des produits, le pouvoir d'achat, les programmes sociaux, le développement régional et la démocratie.

Même si de façon générale on se dit pour le libre-échange, on ne voudrait pas qu'un accord se fasse sans considérer les points suivants.

Concernant la qualité et la sécurité des produits, les associations de consommateurs sont toujours concernées par la qualité des produits. Ce n'est pas nouveau, c'est notre principale préoccupation. Étant conscient que les normes réglementées ici au Canada ne sont pas les mêmes que celles des États-Unis, on parle d'harmonisation des normes

mais on souhaite que l'harmonisation se fasse selon les normes les plus élevées. On n'a pas d'étude précise pour dire si, aux États-Unis en général, les produits sont plus sécuritaires que ceux du Canada. Par exemple, dans l'automobile, dans les voitures usagées, il y a beaucoup plus de contrôle aux États-Unis qu'ici. Les voitures doivent être obligatoirement inspectées. Par contre, ici, sur d'autres produits - on a donné l'exemple dans le mémoire des sièges d'auto pour enfant, où les normes obligatoires des États-Unis ne sont pas aussi rigoureuses que celles du Canada. Il serait très important pour nous qu'on tienne compte de ce point-là dans les prochaines négociations. D'ailleurs, on n'est pas tout à fait sûr que cela a été considéré.

Ce n'est pas seulement sur les produits qui sont actuellement fabriqués mais aussi sur les nouveaux produits. Quelles seront les normes retenues?

Des programmes sociaux. On demande de protéger les programmes sociaux actuels. On se dit que l'entreprise voudra réduire les coûts de la main-d'oeuvre et de la production mais aussi les charges fiscales, l'impôt. Nous ne voulons pas que cela remette en cause les programmes sociaux. Si les charges des employeurs sont plus importantes au Canada qu'aux États-Unis, précisément pour financer nos programmes sociaux, les producteurs se plaindront pour pouvoir concurrencer les Américains. On dit, entre autres, que 43 % des revenus de tous les biens et services sont consacrés aux programmes sociaux au Canada contre 32 % aux États-Unis. L'aide aux familles, les régimes de retraite, les prestations de chômage et l'assurance-maladie, voilà autant de programmes par lesquels les Canadiens bénéficient d'une meilleure protection sociale. Le fait de devoir résister au lobbying des entrepreneurs qui veulent obtenir une réduction des avantages sociaux doit être tenu en considération. Au comité consultatif, on a toujours dit que la sécurité sociale des Canadiens ne doit pas faire les frais du libre-échange.

On a aussi dit - vous l'avez vu. à la lecture de ce mémoire - que notre avenir va se jouer dans les quelques semaines qui viennent. Alors, pour cette raison, on a demandé qu'il y ait un référendum sur la question. On considère qu'une commission parlementaire, c'est un bon pas, mais ce n'est pas suffisant pour une question aussi importante. Si notre avenir est en jeu, on demande qu'il y ait un référendum.

Je vais passer la parole à M. Racicot.

M. Racicot: En ce qui concerne la question des prix, je pense que c'est un des points cruciaux, avec la qualité des produits, concernant les négociations sur le libre-échange pour les consommateurs québécois et canadiens.

Pour commencer, on va se préoccuper des consommateurs québécois parce que l'ACC s'occupe des consommateurs canadiens de façon plus spécifique. Pour nous, la question des prix est assez importante parce que, finalement, les prix sont régressifs, c'est-à-dire que, s'il y a une augmentation de prix, si les prix sont trop élevés, cela touche d'abord les consommateurs à très faible revenu et moins, toutes proportions gardées, les consommateurs à très haut revenu. Donc, si le libre-échange entraîne une baisse de prix significative sans toucher au pouvoir d'achat, par ailleurs, évidemment, on ne peut pas faire autrement que d'être favorable è un accord de libre-échange. Par ailleurs, si la baisse des prix n'est pas si évidente, compte tenu de l'impact que le libre-échange pourrait avoir sur le pouvoir d'achat des consommateurs et sur les programmes sociaux, comme le disait Mme Lemelin, à ce moment-là, on peut s'interroger sérieusement sur la nécessité d'avoir un traité de libre-échange avec les États-Unis.

Pour cette section, je pense qu'il est bon d'examiner la question des prix en détail. Premièrement, quand on dit que les consommateurs vont pouvoir bénéficier d'une réduction de prix de l'ordre de 2 000 000 000 $ par année due à l'abolition des barrières tarifaires, on a fait un petit calcul sur ce qui pourrait être garanti qui viendrait dans nos poches comme consommateurs. On a évalué, dans la mesure où l'abolition des barrières tarifaires se ferait sur une période d'une dizaine d'années, que cela se traduirait pour les personnes actives au Canada par une économie de 6 $ par année. Évidemment, 2 000 000 000 $, on peut avoir l'impression, quand ce chiffre est lancé, que tout le monde va être milliardaire mais, lorsqu'on fait une comptabilité un peu plus serrée, on s'aperçoit que les choses sont plus relatives sur le plan individuel. La barrière tarifaire comme telle, ce n'est pas tout. Ce n'est pas parce qu'il y a 2 000 000 000 $ qui vont revenir, en principe, dans les poches des consommateurs que la partie est gagnée et que c'est la seule réduction de prix qu'on va avoir parce qu'il va y avoir une entrée de produits américains sur le marché. Alors, on a examiné cette possibilité d'une plus grande concurrence, sur le marché canadien, due aux produits américains. Pour faire le calcul, cela donne 38 $ par année pour un ménage de quatre personnes ayant des revenus de 35 000 $ par année et pour un ménage vivant sous le seuil de la pauvreté, c'est-à-dire 20 000 $, cela va lui donner une économie de $32 $ par année sur une période de dix ans, sur un certain nombre de dépenses. Quelles sont les dépenses qu'on a considérées? On a tenu compte des articles d'ameublement, de l'habillement, des loisirs, 29 septembre 1987

Commission permanente

du tabac et de l'alcool. Pourquoi a-t-on pris ces éléments et non pas les autres? C'est parce que le libre-échange n'affectera pas les autres. Si on prend par exemple la question de l'alimentation, un poste impartant pour les consommateurs, elle ne sera pas touchée, possiblement, par la question du libre-échange. Si on touche par exemple à la question du pacte de l'auto, le prix des autos, cela aussi normalement ce n'est pas touché par le libre-échange. Si on va du côté des articles ménagers et de l'entretien ménager,. le poste le plus important selon Statistique Canada pour l'entretien ménager c'est le coût du téléphone. Or, s'il y a libre-échange il va y avoir une augmentation du coût des appels téléphoniques du service local. Alors, on ne peut pas à ce moment considérer cela. Même dans les conditions qui font que nous disons être d'accord avec le libre-échange avec les États-Unis, on demande au gouvernement du Québec d'exclure les communications, c'est-à-dire toute la question de la téléphonie, du libre-échange puisque cela aura un impact négatif pour les consommateurs parce que cela entraînera une hausse de prix du service local.

Si on exclut ces éléments, ce qui reste concrètement pour les consommateurs ce sont: les meubles, la literie, les tapis, les appareils ménagers, les lampes, les articles de cuisine, les outils, les vêtements, les bijoux, les jouets, les photographies, les moteurs hors-bord, les bicyclettes, les motocyclettes, les bateaux, les radios, les TV, les tourne-disques, les cassettes, les billets de voyage, les cigarettes, les cigares, les vins, les bières et les spiritueux. Alors, pour l'ensemble de ces produits, évidemment fabriqués aux États-Unis - si ce sont des produits japonais, là c'est une autre histoire - cela va se traduire par une diminution des prix de 38 $ pour une famille à revenu moyen, si vous voulez, et de 32 $ pour une famille vivant sous le seuil de la pauvreté. Il ne faut pas oublier une chose, c'est à la condition que la réforme fiscale ne s'applique pas, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de taxe à la consommation. Tout ce dont on vient de parler peut être annulé - et ce sont des montants qui ne sont pas faramineux -facilement par une taxe à la consommation. Aussi, indépendamment de la taxe à la consommation, s'il y a 2 000 000 000 $ de moins dans les coffres de l'État fédéral, dû à l'abolition des barrières tarifaires, où le gouvernement fédéral va-t-il prendre ces 2 000 000 000 $? S'il vient les chercher par le biais de l'impôt, les consommateurs ne seront pas plus gagnants.

Donc, sur la question des prix, je pense qu'on a tenté de mieux cerner la baisse effective qui pourrait théoriquement se produire pour les consommateurs, pour les ménages québécois. Certains vont dire qu'on a dessoufflé une balloune.

L'autre problème qui peut se poser, et ce pour quoi on est sur nos gardes de façon extrême je dirais, c'est: Est-ce que la baisse des prix va se réaliser vraiment? On a l'exemple, nous, de la chaussure. En 1985, le gouvernement fédéral a aboli les quotas pour un certain nombre des produits de la chaussure. Quant à nous, comme organisation de consommateurs, on s'était opposés en 1983 à l'abolition des quotas en disant: On n'a pas de garantie, sauf qu'on sait qu'on va perdre des emplois. En 1984, quand c'est revenu, on a dit: O.K. On va voir ce que cela va donner, mais ce n'est pas très drôle parce que cela s'est traduit par une augmentation de prix de 8 % à 20 % selon les types de chaussures. Là', on a affaire au marché international, on n'a pas affaire seulement aux Américains et, comme consommateurs, on a subi une perte de 1400 emplois, donc un certain groupe de consommateurs ont perdu du pouvoir d'achat.

Donc, on aimerait avoir des garanties dans certains cas, parce que le marché n'est pas, semble-t-il, très concurrentiel, qu'il y aura effectivement une baisse de prix parce que les garanties ne sont pas nécessairement là où il y a une certaine concentration d'entreprises.

Finalement, le dernier point, pendant combien de temps cette baisse-là va-t-elle se produire? On vient de dire qu'elle n'est pas faramineuse, mais pour combien de temps? Le ministère des consommateurs du gouvernement ontarien croit, quant à lui, que les grandes entreprises américaines vont faire une lutte acharnée sur le marché canadien pour, ensuite, éliminer du décor les petites entreprises et, finalement, gérer les prix à leur guise. C'est pour cela que, même le gouvernement ontarien - ici, je ne sais pas ce que le ministre des consommateurs en a dit - était très sceptique quant aux perspectives à long terme de la question des prix pour les consommateurs.

Seulement un mot sur la question du pouvoir d'achat. Tout le monde sait... Il y a des gens qui prévoient une diminution catastrophique du pouvoir d'achat; d'autres croient qu'il va y avoir beaucoup d'emplois qui seront créés et, en conséquence, une amélioration du pouvoir d'achat. Nous avons regardé ce qui s'est produit ces dernières années aux États-Unis. On s'est aperçu que, finalement, en 1984, on est arrivé avec un taux de chômage - excusez nos données un peu désuètes... Le niveau d'emploi est revenu à ce qu'il était en 1981. Ces emplois n'ont été créés ni dans l'industrie ni dans le secteur tertiaire moderne, c'est-à-dire dans la recherche, l'industrie de l'information et de la communication et la biotechnologie, mais principalement dans les activités de service qui n'offrent que des emplois précaires non qualifiés et sans possibilité

d'évolution professionnelle, ce qui fait que sur la question de l'emploi qui se crée, si le passé américain est garant de l'avenir canadien, nous n'aimons pas ce genre de chiffres, ce genre d'évolution.

En ce qui concerne la répartition de la richesse à l'intérieur des États-Unis et dans la mesure où nos systèmes vont se rapprocher graduellement de ceux des Américains, en ce qui concerne l'état de la distribution du pouvoir d'achat, il appert qu'en l'espace de dix ans 5 % de la population qui contrôlait 25 % de la richesse a vu sa part grimper à 35 %. Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Reagan en 1979, le nombre de pauvres est passé de 24 000 000 à 38 000 000 dans un pays où le niveau de vie est le plus élevé du monde. Là-dessus, je pourrai en faire des photocopies pour ceux qui sont intéressés. Une étude a été faite de 1978 à 1986 sur la distribution de la classe moyenne, ce qui s'appelle la classe des revenus moyens aux États-Unis, pour savoir comment s'était comporté le revenu de ces consommateurs. Ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a eu 2,8 % des consommateurs à revenu moyen qui se sont enrichis, qui ont passé dans ce qu'on appelle les hauts revenus, et 5,2 % qui sont tombés dans ce qu'on appelle les bas revenus. Autrement dit, depuis 1978 à 1986 - ce sont des chiffres plus récents - le pouvoir d'achat des consommateurs américains s'est détérioré.

Concernant la question des régions, la commission Macdonald qui a traité de la question de l'avenir économique du Canada a prévu que des régions entières seraient touchées par le libre-échange. Sur ce plan, le Québec nous semble désavantagé par rapport à l'Ontario, parce que, par exemple, dans les secteurs mous comme la chaussure, les dix plus grosses entreprises au Canada sont situées en Ontario et, évidemment, lors du libre-échange, les entreprises québécoises risquent d'être touchées plus durement que les entreprises ontariennes. Mais ce qui est encore plus grave, c'est qu'il existe 60 localités de 2000 habitants et plus qui sont mono-industrielles au Québec. Cela représente 350 000 personnes. Alors, quand une entreprise ferme ou va fermer, dû au libre-échange, quel programme va-t-il y avoir pour aider cette population à passer à travers la crise qu'elle va vivre? Là, ce n'est pas seulement le groupe d'employés, c'est l'ensemble de la collectivité. Qu'est-ce qui va advenir, à ce moment-là, du développement du Québec sur le plan des régions? Parce que ce seront des régions entières qui vont être touchées.

C'est pour cette raison qu'on pense que, si on veut que les organisations de consommateurs soient d'accord pour accepter un accord de libre-échange, il y a un certain nombre de conditions minimales, à notre point de vue, qui devraient être respectées.

D'abord, la création d'un tribunal d'arbitrage, je pense qu'il y a un consensus là-dessus, des différends que pourrait créer te libre-échange entre le Canada et les États-Unis, pour compenser l'asymétrie des pouvoirs des deux pays. Cet accord prévoit aussi que le tribunal d'arbitrage n'ait pas pour objectif d'assurer la libéralisation des échanges, mais d'améliorer les normes de qualité et de sécurité des produits. Cela fait suite à l'expérience européenne; on pourra y revenir lors de la période des questions.

On voudrait aussi la création d'un conseil consultatif des consommateurs et des consommatrices ayant un pouvoir d'audiences publiques et pouvant faire appel au comité intergouvernemental qui a été prévu par la commission Macdonald - c'est à ce document qu'on réfère - qui aura pour mission la mise en application des obligations du traité, c'est-à-dire le comité intergouvememental. Le conseil consultatif des consommateurs travaillera en coordination avec la commission conjointe Canada-Etats-Unis responsable du contrôle des barrières non tarifaires. Le conseil sera aussi chargé de surveiller les intérêts des consommateurs et des consommatrices dans la gestion de l'accord, c'est-à-dire que s'il y a des choses qui commencent à ne pas tourner rond... Par exemple, il y aura' peut-être une baisse de prix de 1 %, mais, si le pouvoir d'achat des consommateurs diminue de 2 %, 3 %, 4 %, 5 %, il sera temps de sonner l'alarme. (10 h 30)

II devra donc surveiller les prix et le pouvoir d'achat afin d'assurer que la baisse des prix prévue se traduise par un pouvoir d'achat accru; surveiller l'harmonisation des normes afin qu'elle ne se traduise pas par une diminution de la qualité et de la sécurité des produits mais, au contraire, par une amélioration; surveiller les mécanismes de détermination des subventions déloyales; surveiller que les mécanismes de détermination des subventions déloyales ne considèrent pas seulement les mesures sociales et l'aide gouvernementale, mais aussi les écarts entre les taux de salaire minimaux établis dans les différents États, et que l'accord prévoie que les procédures visant à déréglementer soient conformes aux principes adaptés par l'Organisation internationale des associations de consommateurs à New York, en mai 1986. Je passe la lecture de cette politique.

Que soit exclues de l'accord l'agriculture, jusqu'à ce qu'on ait pu en étudier les conséquences pour les consommateurs et les consommatrices, ainsi que la culture et les communications, pour la raison que j'ai soulevée tantôt. Que la période d'abolition des tarifs canadiens soit plus longue que celle des tarifs américains afin que cette période soit suffisamment longue et qu'elle ne serve pas de prétexte

aux entreprises pour remettre en cause les politiques sociales du gouvernement et que raccord soit soumis pour approbation des Canadiens et des Canadiennes par voie référendaire.

Si l'accord de libre-échange ne prévoit pas les conditions qu'on estime minimales et qui, pour nous, semblent aller de soi, on croit qu'on ne pourra pas recommander aux consommateurs québécois de signer le contrat.

Le Président (M. Charbonneau): Madame, monsieur, je vous remercie de cette présentation. Je vais maintenant céder la parole au ministre du Commerce extérieur.

M. MacDonald: Madame, monsieur, merci d'être venus nous rencontrer. Au cours des auditions des semaines précédentes, il nous est arrivé, à différents moments, de mentionner qu'effectivement nous croyions que les consommateurs étaient les grands oubliés de cette commission parlementaire. Nous avons reçu, si je ne me trompe, M. le secrétaire, 51 ou 52 représentations diverses et c'est très rare... En fait, je pense que c'est mon collègue, le député de Bertrand, et moi-même qui avons soulevé la question de l'effet sur les consommateurs plutôt que les intervenants. Il est donc tout à fait approprié que vous soyez ici aujourd'hui et j'en suis heureux.

Vous dites que vous ne voudriez pas qu'il y ait entente sur la libéralisation des échanges avec les États-Unis sans satisfaire aux conditions que vous stipulez. Effectivement, je peux dire que la grande majorité des conditions que vous posez sont les nôtres également. Nous pourrons traiter, si vous le voulez, de certaines conditions additionnelles que vous soulevez. Par contre, j'aimerais noter que, malheureusement - et j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi tantôt - ni votre groupement ni aucune de ses parties ne se sont présentés devant le comité Warren. À ma connaissance, la seule relation que nous avons eue avec les groupements de consommateurs, c'est par l'entremise du secrétaire du comité Warren, Me Dorais, qui, lui-même, est ailé rencontrer un groupe.

J'aimerais observer également que vous avez une méthode de calcul par laquelle vous déterminez que la diminution des prix due à la concurrence américaine ne serait que de 38 $ par année pour un ménage. J'apprécierais beaucoup si vous nous remettiez ces bases de calcul; on pourrait les regarder. Je n'ai pas avec moi les données aujourd'hui, et je n'ai pas à faire de comparaisons pour dire si c'est 37 $, 38 $ ou 39 $, mais j'aimerais que nous puissions examiner le modèle qui vous a permis de faire vos calculs. Il y a des calculs qui ont été faits à d'autres endroits et qui ont démontré que, très dramatiquement, le protectionnisme retombait inévitablement sur le dos des consommateurs. L'exemple qui m'a le plus frappé au cours des douze derniers mois a été ces fameux 15 % appliqués sur le bois de sciage canadien livré aux Etats-Unis. Les quelques organismes de consommateurs américains ont alors déterminé que ces 15 % signifiaient une augmentation moyenne additionnelle de 1000 $ par logement - en anglais "dwelling" - construit aux États-Unis, parce que, non seulement le bois canadien allait se retrouver à 15 % de plus, mais parce que les Américains allaient augmenter leur prix de l'équivalent, etc. Somme toute, l'exemple a démontré à maintes reprises qu'une plus grande libéralisation des échanges, qu'une plus grande concurrence qui en découlait, généralement, cela signifiait de meilleurs prix accessibles aux consommateurs. Vous avez, dans votre présentation, et j'en viens à ma première question, présenté des effets négatifs, des craintes sûrement très légitimes, mais vous n'avez pas exposé, et il y a sûrement une raison, si vous y voyiez des avantages et où se situeraient ce3 avantages et dans quelle proportion.

Mme Guillot-Lemelin: J'aimerais peut-être répondre à la première question que vous avez posée, M. le ministre, concernant la présence de notre groupement, devant le comité consultatif dirigé par M. Warren. Dès qu'on a commencé à se rencontrer à ce sujet-là, c'est la première chose qu'on a faite, une demande écrite à M. Warren pour être écouté au cours de ce comité-là. On a refusé notre présence à ce comité.

M. MacDonald: Je le regrette et j'aimerais avoir plus de détails parce que c'est quelque chose dont je n'ai jamais entendu parler.

Mme Guillot-Lemelin: Enfin, je vous dis la démarche qu'on a poursuivie.

M. MacDonald: Oui, je vous crois, je n'ai aucune raison de mettre en doute votre parole, madame.

Mme Guillot-Lemelin: Concernant les avantages du libre-échange, je disais qu'on avait des conditions mais que dans l'ensemble on était favorable à un traité si ces conditions étaient respectées. On est bien conscients des effets négatifs que vous mentionnez, du protectionnisme et, a cet effet, c'est bien sûr qu'on se dit: Moins de protectionnisme il y aura, mieux ce sera pour l'ensemble des consommateurs. C'est surtout pour cela qu'on serait favorable à un traité de libre-échange.

M. Racicot: Je pense que, concernant les données, il n'y a aucun problème. On pourra vous remettre les données de base,

soit après la commission ou les jours qui suivront. On serait même prêt à rencontrer des professionnels, des fonctionnaires qui ont travaillé sur ces données pour expliquer la méthodologie avec laquelle on a travaillé. Cela ne cause pas de problème et vous pouvez être assuré de notre collaboration là-dessus.

Comme Mme Lemelin vient de le dire, le protectionnisme se fait sur le dos des consommateurs. Pour nous, on n'en démordra pas. Lorsque vous me pariez du bois d'oeuvre américain, là aussi on ne met pas en question ces données. Le problème qui se pose est qu'on est obligé d'y aller à la pièce et on n'est pas dans une situation où on peut y aller à la pièce. Le traité de libre-échange a été pensé comme cela, et même la commission Macdonald proposait qu'on y aille en bloc. On est obligé de porter un jugement global pour se faire une idée. Ce n'est pas une négociation qui se fait secteur par secteur. Si cela avait été une négociation secteur par secteur, cela aurait été plus facile de découper. Même dans le cas de l'agriculture, vous avez déjà cité des exemples à d'autres, parce que j'ai suivi les... Même du côté de l'agriculture, c'est vrai qu'il y a des secteurs où on serait avantagés, nous, les consommateurs, mais c'est vrai aussi que dans d'autres secteurs on ne serait pas... Alors, on n'est pas, je dirais, dans cette problématique de pouvoir évaluer secteur par secteur. On peut, comme vous me dites, citer des exemples qui vont à l'encontre de l'intérêt du consommateur à cause du protectionnisme mais, d'un autre côté, je vous ai donné un exemple de libéralisation du marché qui n'a pas tourné à l'avantage des consommateurs canadiens, en tout cas, à court terme. Ce qui fait qu'on pourrait, je pense, chacun de son cûté essayer de voir comment nos exemples, puis pas toujours des exemples qui prônent le protectionnisme, puis des exemples qui prônent le libre-échange... Je pense qu'on n'est pas...

Alors, quels sont les avantages, pour répondre à votre dernière question, qu'on voit au libre-échange? Je dois vous dire franchement que les cinq organisations de consommateurs, dont trois fédérations, on s'est dit: On va attendre ce qu'on va avoir sur la table le 5 octobre prochain. Pourquoi? Parce que la réalité va être celle-là. Ce ne sera pas des scénarios fictifs du pour ou du contre. Comme Mme Lemelin vous a dit tout à l'heure, pour fonder notre point de vue, on a pris ce qu'on avait entre les mains de plus solide et ce qu'on a entre les mains de plus solide c'est les études de la commission Macdonaid qui ont coûté aux contribuables canadiens 21 000 000 $. La commission Macdonaid a évalué les coûts, les avantages, les inconvénients pour les consommateurs et l'ensemble de la population canadienne. Il est très clair en disant qu'il y aura une dure période d'adaptation d'ici les quinze prochaines années mais qu'on en récoltera les fruits à long terme. Par ailleurs, les hommes politiques, le gouvernement fédéral en premier, ont fait part d'un certain nombre d'inconvénients prévus dans le rapport Macdonaid et ont dit: On vous garantit qu'on va essayer de passer à côté de ces inconvénients, on va passer à côté.

Nous, comme organisation de consommateurs, on dit; Très bien, mais, avant de se prononcer à savoir si l'accord est bon ou mauvais, on va attendre de voir ce qu'on aura devant nous autres le 5 octobre prochain. Sur le plan des principes on est d'accord avec la libéralisation des échanges, et non seulement par rapport aux pays industriels, Canada-Québec versus États-Unis ou Europe mais aussi monde industriel versus pays en voie de développement. On a établi notre position à partir d'une problématique beaucoup plus mondiale qu'on applique dans ce cas-ci avec les Américains parce qu'on a une conjoncture particulière avec les Américains. C'est-à-dire que vous ne pouvez pas compter sur des alliés de petite et de moyenne puissance pour vous appuyer sur un certain nombre de recommandations. Vous vous retrouvez tout seul face à l'éléphant. C'est pour cela qu'on attend le 5 avant de dire si on pense que ce sera avantageux pour les consommateurs québécois ou non.

M. MacDonald: Merci. Vous me permettrez, en toute justice pour les gens du comité Warren qui dirigeaient eux-mêmes leur barque, on m'avise que vous aviez demandé d'être membre du comité.

M. Racicot: C'est cela.

M. MacDonald: Ceci vous avait été refusé. Vous avez également demandé un budget de recherche venant du comité pour ensuite présenter ce qui serait le résultat de vos recherches.

M. Racicot: Oui.

M. MacDonald: Vis-à-vis des quelque 50 représentations que le comité Warren a reçues, il ne pouvait pas faire de privilège à l'un ou à l'autre sur la question des subventions mais, d'après ce qu'on m'a indiqué, le comité Warren ne vous a jamais refusé la possibilité de déposer ce mémoire ou un autre que vous auriez pu avoir au cours des auditions.

M. Racicot: C'est cela.

M. MacDonald: Vous êtes d'accord avec cela?

M. Racicot: Oui.

M. MacDonald: Je veux être juste pour tout le monde là-dedans.

M. Racicot: Remarquez que le comité

Warren aurait très bien pu nous dire: Vous allez siéger au comité mais sans budget de recherche.

M, MacDonald: À ma connaissance le comité Warren avait déjà 16 ou 17 membres à ce moment-là. Il ne refusait pas d'entendre vos représentations comme les 50 autres groupes qui y sont allés. Je voulais dire cela pour être juste. Je ne fais d'agression sur personne, ni d'un bord ni de l'autre, mais je pense qu'il est honnête de statuer sur ceci.

Nous avons un processus d'alternance entre le député du comté de Bertrand et moi-même. Je vais donc passer la parole au député.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bertrand, c'est votre tour.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. Mme Lemelin et M. Racicot, merci d'être là et de venir nous dire tout haut le fruit de votre travail auprès des différentes associations que vous représentez. Je suis un peu estomaqué de voir que dans tout le processus, on se retrouve le 29 septembre, quatre ou cinq jours avant que le tout soit réglé, et que les associations de consommateurs du Québec que vous représentez, l'Association coopérative d'économie familiale du centre de Montréal, la Fédération des associations coopératives d'économie familiale, la Fédération nationale des associations de consommateurs, de même que le Service d'aide aux consommateurs, ce comité consultatif qui n'a pas pu faire part publiquement avant aujourd'hui de la position dont vous faites part...

J'avais pris connaissance, Mme Lemelin et M. Racicot, de votre position dans le journal Le Devoir du 31 juillet dernier alors que vous aviez publié quelques extraits de ce contenu que vous nous livrez ce matin. C'étaient des extraits qui reflétaient exactement votre position de ce matin. Le problème, finalement, c'est que je ne pense pas que toutes les instances aient été saisies, même le 31 juillet dernier, et les préoccupations que vous avez, qui sont tout à fait légitimes, ce sont des préoccupations à savoir où le consommateur se situe là-dedans. Ce qui me frappe dans votre travail et je tiens à vous dire dès maintenant que je vous félicite d'avoir fait vos devoirs, d'avoir fait ce travail en profondeur parce que c'est important... Finalement, peu de gens dans les groupes qui sont venus, à cause des préoccupations qu'ils avaient, ont fait valoir ce point de vue, mais je peux vous dire que cela nous préoccupe au plus haut point. (10 h 45)

Dans l'exposé auquel je faisais référence il y a quelques minutes - à savoir votre mémoire dans le Journal Le Devoir du 31 juillet dernier - j'ai cru comprendre que, finalement, l'exercice ayant été fait en Ontario au cours de la dernière année, cela avait allumé des lumières du côté du gouvernement de l'Ontario quant à la préoccupation sur la question de l'emploi et sur la question des prix à la consommation. Dans cet article, on dit: Le gouvernement ontarien s'est interrogé à ce propos et il craint que la baisse des prix ne dure que le temps que les grandes entreprises américaines s'emparent du marché canadien et ensuite gèrent les prix à leur guise. Dans cette perspective, la baisse des prix est non seulement éphémère mais, à moyen terme, dangereuse, même dans l'intérêt des consommateurs. J'imagine que ce qui vaut pour l'Ontario et la conclusion à laquelle ils en sont venus, ce sera exactement la même chose pour ce qui est du Québec.

À prime abord, les consommateurs, les gens qu'on rencontre dans la rue à tous les jours semblent être favorables, ce qui donne une espèce d'opinion publique favorable au libre-échange parce que les gens pensent: plus grande compétitivité égale automatiquement consommateur qui a de meilleurs prix, donc qui en sort grandi et avec un pouvoir d'achat, très souvent, qui devrait être meilleur. Votre exercice, votre mémoire de ce matin nous démontre, à toutes fins utiles, que ce n'est pas exactement ce qui pourrait se produire. Je suis content que vous n'ayez pas versé juste dans une approche très globale pour nous arriver avec cette conclusion. Souvent les gens font cette réflexion, ce qui est normal comme réflexion mais, lorsqu'on la pousse un peu plus loin, on se dit: Attentionl L'expérience vécue de l'abolition des barrières tarifaires dans le domaine de la chaussure, à la fin de 1985, est un bel exemple que cela a eu exactement l'effet contraire, et vous le citez dans votre mémoire.

La préoccupation que j'ai à ce stade, c'est: Est-ce que vraiment les consommateurs québécois, qui endossent, à toutes fins utiles, ce qui est en train de se passer, sont pleinement conscients - vous êtes là pour les représenter - des dangers que l'on court? Est-ce que le gouvernement du Québec - on parle du gouvernement canadien et bien sûr que c'est lui qui est à la table des négociations mais, s'il y a quelqu'un qui peut nous représenter ou représenter les intérêts du Québec, c'est bel et bien le gouvernement du Québec - est pleinement conscient des répercussions en ce qui touche la qualité de vie et les effets des prix à la consommation auprès des consommateurs québécois? Je me permets de vous dire, en

ce 29 septembre, que j'en doute personnellement. J'en doute parce que le travail qui a été fait au cours de la dernière année, à la suite de ce qu'on vient de voir en commission parlementaire, est loin de nous démontrer que le gouvernement du Québec a fait tous ses devoirs. Je trouve cela un petit peu inacceptable qu'on se retrouve aujourd'hui à parler de ce qu'on a à parler, sauf qu'on n'a pas sur la table tous les éléments. Vous avez été tenus, comme tout le monde, un peu et même beaucoup dans l'ignorance et on se ramasse dans cette situation.

Ma première question en ce qui vous concerne toucherait l'impact sur les régions. Je trouve intéressant le point que vous apportezc On l'a souligné en commission parlementaire, mais la dimension que vous apportez est importante: 60 villes ou municipalités ou localités au Québec sont mono-industrielles et cela représente beaucoup d'emplois directs et indirects. Est-ce que, dans les différentes représentations et discussions que vous avez pu avoir de façon informelle - c'est bien sûr que vous n'avez pas été devant le comité Warren -vous avez pu être rassuré ou sensibilisé par qui que ce soit au gouvernement concernant cette dimension de protection et de mesures qui pourraient être prises pour appuyer les régions du Québec?

M. Racicot: D'abord, j'aimerais faire une remarque concernant l'information des consommateursc Je pense que, dans l'ensemble, les consommateurs québécois et possiblement canadiens ne sont pas très informés de ce qui nous pend au bout du nez» Par exemple, combien de consommateurs québécois savent que le rapport Macdonald prévoyait des mesures d'ajustements d'un ordre de grandeur de 8 000 000 000 $? Où est-ce que le gouvernement fédéral va aller chercher l'argent pour assurer les mesures d'adaptation? C'est énorme. Le rapport Macdonald prévoit que des régions entières vont être touchées. Je présume que, du Québec et de l'Ontario, cela va être les régions du Québec qui vont être plus durement touchées parce que les entreprises du Québec dans les secteurs mous par exemple sont généralement majoritairement moins solides pour faire face à ta musique. Que l'on pense au domaine de la chaussure, comme je disais tantôt; les dix plus grandes entreprises au Canada sont situées en Ontario. Bien sûr, il va y avoir peut-être un ou deux industriels québécois qui risquent de sortir vivants de cette opération mais pour la majeure partie, nous pensons qu'il va y avoir des régions, des villages ou des rangs complets qui vont être touchés par le libre-échange. Sur cela nous n'avons pas d'information sur les mesures d'adaptation qui seront nécessaires. Parfois, on a l'impression que tout le monde a appris sa leçon du maire Drapeau qui annonçait les Jeux olympiques même avec des revenus supplémentaires alors que finalement cela s'est soldé par un déficit. C'est comme si volontairement... Je comprends les exigences de la négociation, tu ne peux pas sortir toutes tes cartes publiquement; mais sur le plan des conséquences, tout de même, je pense que la commission Macdonald a fait un bon boulot. Avec l'ensemble des enquêtes? les gens de la commission ont produit deux rayons de bibliothèque. C'est à la disposition du public. Nous, uniquement à la lecture de ces documents, on s'aperçoit que finalement les bienfaits ou les avantages qu'avait prévus la commission Macdonald vont se faire mais au prix de sacrifices énormes pour les dix prochaines années pour l'ensemble des consommateurs. J'ai répondu à votre question, je pense, de façon indirecte.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. MacDonald: Sans vouloir en aucune façon déprécier les rapports de la commission Macdonald sur lequel vous vous êtes basé, je pense que vous serez d'accord avec moi que la commission Macdonald s'est basée sur des statistiques qui généralement étaient celles du début, les plus récentes étaient celles des tout début des années quatre-vingt alors que le Canada connaissait avec d'autres pays industrialisés la pire récession depuis la Grande crise. Les projections faites ont été souvent assises sur des statistiques qui incorporaient ces baisses assez dramatiques de performance de part et d'autre. La réalité économique d'aujourd'hui, l'entrepreneurship, le dynamisme que l'on voit, la réalité d'entreprises québécoises... Malgré un raffermissement du dollar canadien sur le dollar américain d'à peu près 8 %, loin de voir diminuer leur pénétration des marchés américains dans les deux dernières années, cela s'accentue a un rythme assez spectaculaire. Alors, le rapport Macdonald était une étude très valable. Les principes demeurent, les exposés et les bases sont excellents mais il faut tout de même dire que certaines des projections étaient assises sur des chiffres qui ne sont plus la réalité aujourd'hui.

Une deuxième chose que vous soulevez - je ne voudrais pas laisser l'impression -c'est cette inquiétude que vous avez des villages, des 60 agglomérations de 2000 et moins qui sont mono-industrielles. Vous savez comme moi qu'il y en a plusieurs parmi celles-ci dont ladite industrie est soit le bois de sciage, soit les pâtes et papiers ou le traitement primaire d'une ressource naturelle. Or, dans un traité de libéralisation des échanges et particulièrement pour ce qui a trait à ce type d'industries que j'ai

mentionné, la première raison pour laquelle on s'est engagé avec le gouvernement canadien dans une négociation, c'était pour continuer à permettre un accès libre à ce type de produits aux États-Unis, un accès qui avait été menacé par l'imposition de la surtaxe de 15 % et un accès - et je suis sûr que vous en avez pris connaissance dans les journaux récemment - qui est également menacé pour ce qui a trait à d'autres produits dérivés de la forêt. Je pense que votre exemple de cette vulnérabilité régionale de ces villages ou de ces agglomérations mono-industriels n'a pas pris cela en considération. Vous allez me dire également que certaines ont des industries du type mou. Vous avez sûrement entendu les représentants de ces industries venir nous voir et nous dire: Ne nous appelez pas "mou"mais plutôt "traditionnel". Je reprends en particulier ce que vous avez dit sur la question des chaussures - je pourrais y associer également la question des textiles -ce ne sont pas les Américains qui nous ont causé des problèmes et qui nous en causent encore sur le plan des chaussures, c'est plutôt les pays en voie de développement. Sur le plan des autres secteurs dits traditionnels, l'ouverture sur les Américains, à quelques exceptions près, n'est pas la menace; la menace est ailleurs; et ailleurs, on y fait face, comme vous le savez, dans le contexte du GATT.

Je voudrais vous poser une question. Quand la question du bois d'oeuvre est arrivée aux États-Unis et que le gouvernement canadien et les provinces se sont en quelque sorte - cela n'aurait pas dû être ainsi mais enfin - dits surpris du déroulement rapide des événements, on n'a pas fait grand lobby aux États-Unis. Mais certains organismes de consommateurs américains ont effectivement produit les chiffres que je vous ai mentionnés tantôt, les 1000 $ par maison. À votre connaissance, vous des associations ou des regroupements de consommateurs canadiens et québécois, qui ont tout de même des intérêts communs et qui seraient peut-être de plus en plus communs advenant une entente de libéralisation, avez-vous des communications avec les regroupements américains? Avez-vous des échanges de chiffres ou de données ou de façons de faire?

Mme Guillot-Lemelin: Très peu. M. MacDonald: Très peu.

Mme Guillot-Lemelin: Non. Effectivement, c'est une faille. Il y a très peu de communications sur ces ressources disponibles. Il n'y en a pas beaucoup.

M. MacDonald: Quelle est la relation du regroupement québécois avec l'association canadienne? Vous avez remarqué que l'association canadienne avait participé à ces annonces très positives associant justement le président de la commission Macdonald, M. Lougheed et d'autres industriels canadiens à cette ouverture. Avez-vous une relation quelconque avec l'association canadienne?

Mme Guillot-Lemelin: On n'a pas de relation sauf que, sur certains points, si l'association canadienne décide de traiter d'un dossier sur lequel on va partager son opinion, pour protéger le consommateur, on va l'appuyer. Mais cela se limite à cela. On n'a pas de collaboration. On ne travaille jamais ensemble sur des dossiers, par exemple.

M. MacDonald: Enfin, ce n'est pas une question de pleurer sur le lait renversé, mais peut-être qu'une plus grande collaboration vous aurait apporté des ressources, des statistiques et des données qui vous auraient permis de préciser un peu plus.

Mme Guillot-Lemelin: Peut-être, de la part des deux côtés, oui.

M. MacDonald: Oui, ah! Des deux côtés sans aucun doute.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Oui, merci, M. le Président. Une question peut-être davantage qu'un commentaire. Dans votre mémoire, j'ai cru bien comprendre que vous souhaitiez une hausse, un nivellement à la hausse des normes entre le Canada et les États-Unis. Vous êtes également très favorable remarquez bien que je suis d'accord avec ces objectifs - au maintien des programmes, des acquis sociaux du Canada. C'est ce que je comprends de la lecture du mémoire, mais en même temps j'ai l'impression que vous souhaitez ou que vous escomptez une baisse de prix au consommateur et que c'est là une condition de votre adhésion au libre-échange. Je ne sais pas si vous pouvez éclairer ma lanterne un peu ce matin. J'ai de la misère à faire l'équation qu'on hausse les normes dans certains cas, qu'on garde les acquis sociaux et, j'imagine, qu'on les développe encore et que, en même temps, on souhaite une baisse des prix. Ne pensez-vous pas qu'il y a là un souhait qui est irréalisable en quelque sorte?

Mme Guillot-Lemelin: Moi, je ne penserais pas. Au départ, on demande que les acquis qu'on a déjà, on ne les perde pas. Donc, sur la question des coûts, il n'y aurait pas énormément de différence. Quand on demande aussi que, pour les nouveaux produits, on ait des normes de sécurité... De

toute façon, les normes de sécurité doivent toujours être améliorées en soi. C'est un choix social et on ne devrait pas couper là-dedans, au contraire.

M. Gauthier: Je suis bien d'accord avec vous jusque-là.

Mme Guillot-Lemelin: ...ce que vous voulez dire.

M. Gauthier: D'abord, est-ce que je fais erreur - je vais peut-être poser ma question différemment au lieu de globalement - quand je pense que l'une des conditions de votre adhésion au principe du libre-échange, c'est que le consommateur bénéficie d'un pouvoir d'achat accru?

Mme Guillot-Lemelin: Oui.

M. Gauthier: Oui, je fais erreur ou, oui, c'est cela que vous voulez?

Mme Guillot-Lemelin: C'est ce qu'on veut.

M. Gauthier: C'est ce que vous voulez, bon. Partant de là, c'est cette équation que j'ai de la misère à comprendre. Je suis d'accord pour les normes, on s'entend? Je suis d'accord pour les programmes sociaux et même pour qu'ils continuent à se développer. Mais j'imagine que lorsqu'on hausse les normes de qualité et qu'on hausse le niveau des programmes sociaux - ce sont d'ailleurs des choix qu'on a faits historiquement dans ce pays - on ne peut pas s'attendre à une baisse de prix ou à une augmentation du pouvoir d'achat du consommateur, parce qu'il faut être réaliste, non? (11 heures)

Mme Guillot-Lemelin: II n'y a pas seulement ces deux points-là à considérer. On peut couper sur d'autres secteurs dans les choix économiques et garder ceux-là.

M. Gauthier: Qui pourraient être... Là-dessus, j'aimerais vous entendre.

Mme Guillot-Lemelin: Qui pourraient être lesquels?

M. Gauthier: Oui.

Mme Guillot-Lemelin: Enfin, cela peut être seulement sur la défense, le pourcentage du budget qui est énorme pour la question de la défense. C'est dans ce sens-là que je veux dire qu'on peut couper ailleurs. Même si on augmente la sécurité des produits, cela ne veut pas nécessairement dire que le consommateur devra en payer le prix.

M. Gauthier: D'accord. Si je comprends bien, vous faites référence à un choix économique global que vous avez fait et non pas relié directement au libre-échange.

Mme Guillot-Lemelin: Non.

M. Gauthier: J'avais de la misère à comprendre votre raisonnement là-dessus. Cela va. J'ai eu l'éclaircissement, merci.

Le Président (Me Charbonneau): M. le ministre.

M. MacDonald: J'aurais une observation et une dernière question. L'observation, c'est que je vous ai donné un exemple de coût du protectionnisme. Il y a un chiffre que vous pourriez nous rapporter, quand vous nous donnerez vos chiffres. Aux États-Unis, par exemple, dans le strict secteur des vêtements, dans les mesures protectionnistes, tarifs, non-tarifs, imposées par les États-Unis sur l'importation de vêtements, le protectionnisme américain pour protéger des jobs américaines, aux États-Unis, c'est 2Q 000 000 000 $ par année. Cela représente un apport, si vous voulez, ou un coût à la population et au consommateur qui est de 100 000 $ par job protégée. Protectionnisme, protéger des jobs, imposer des droits, nuire au commerce international pour protéger les jobs internes.

Si vous le prenez sur la question des automobiles, vous avez un chiffre d'environ 1300 $, pour ce qui a trait à l'importation d'automobiles japonaises, qui est passé directement au consommateur et qui se reflète à environ 600 $ ou 700 $, dans le cas de l'automobile fabriquée aux États-Unis, à cause du nivellement des prix. Alors, il est important, je pense, quand on parle de mesures protectionnistes, de faire également ce calcul en relation des jobs que vous cherchez à protéger.

Ma dernière question, madame et monsieur, c'est: La position de l'Association canadienne des consommateurs qui a été rendue publique est-elle la vôtre, la vôtre avec nuances? De quelle façon peut-on les comparer?

Mme Guillot-Lemelin: Pour répondre à votre dernière question concernant l'association canadienne, eux étant favorables au libre-échange, ils se sont surtout prononcés sur la question du protectionnisme. Nous considérions que, même si on voyait des avantages au libre-échange, il fallait se poser des questions et étudier le dossier d'une façon plus approfondie. Les interrogations qu'on a, c'est justement pour améliorer la sécurité des consommateurs. La différence, c'est peut-être qu'on considère qu'il ne fallait pas voir cela comme si tout était rose, mais qu'il fallait y aller d'une façon plus approfondie pour voir les conséquences que cela aurait pour le

consommateur.

M. MacDonald: J'avais compris, en prenant connaissance des textes canadiens, qu'au contraire eux aussi posaient des conditions. Ce que je recherchais, c'était le parallèle, s'il y avait lieu, entre vos conditions et les leurs.

Mme Guillot-Lemelin: ...conditions, cela n'a pas été très public, parce qu'en fait ils ont dit qu'ils étaient pour le libre-échange, mais je n'ai jamais vu de document qui démontrait toutes leurs conditions, s'il y en avait qui étaient...

M. MacDonald: Ah bien, cela existe.

Mme Guillot-Lemelin: Oui, mais il faudrait voir...

M. MacDonald: Oui. Je vous remercie. J'ai terminé.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Oui, M. le Président. Dans vos recommandations, Mme Lemelin et M. Racicot, vous demandez que soient exclues l'agriculture et la culture et vous ajoutez Ies communications. Or, dans votre exposé, ce matin, vous nous avez dit un peu pourquoi vous vouliez voir exclure la question des communications, parce que cela touche l'ensemble des consommateurs. L'agriculture et la culture ont des spécificités québécoises qui non seulement méritent mais doivent... Cela doit être un "must" de la part du gouvernement du Québec de ne jamais déroger quant à l'exclusion de ces deux secteurs d'activités si on veut être protégé.

Ma première question dans la dernière intervention que j'ai à faire, c'est de vous demander si l'exclusion des communications, qui ne sont pas une spécificité québécoise, d'abord, est demandée par votre association sur le plan pancanadien. Si oui, est-ce qu'il y a eu quelques retours d'appels par rapport à ce genre de demande que vous avez faite? Vous savez que c'est la première fois qu'on nous apporte cette dimension, qui peut être fort intéressante, mais je me demande comment le gouvernement du Québec pourra donner suite à votre représentation quant à cet aspect si on n'a pas d'armes suffisamment fortes pour dire qu'au Québec -et cela devrait être une condition dans tout le Canada - on sera capable de le défendre.

J'aurai un autre volet, si M. le Président veut me laisser aller.

M. Racicot: En ce qui concerne une remarque qu'a faite M. le ministre MacDonald, je pense que, quant aux chiffres que vous avez cités concernant le protectionnisme américain, on a la même base. Toutefois, j'aimerais attirer votre attention sur une chose. Ce serait peut-être intéressant que le ministère de l'Industrie et du Commerce travaille sur ce problème. H y a des chandails Bugatti - je regardais s'il y avait des gens qui portaient cette marque ici que vous pouvez trouver au centre commercial Place Laurier à 125 $. Le même chandail, dans un magasin de la basse ville -je ne le nommerai pas - qui n'a pas le "red-tape" des magasins situés dans les centres commerciaux, vous le retrouverez, au prix régulier - non pas en spécial - à 65 $. Les 20 % sur les vêtements à la frontière se situent, sur les 65 $, à 12 $ à cause de la barrière tarifaire.

Nous, comme organisation de consommateurs, il faut voir les coûts relatifs. On s'aperçoit, par exemple, que dans ce cas-ci la barrière tarifaire sur le vêtement est peut-être moins importante que le genre d'organisation, dont la distribution des vêtements et de l'ensemble des biens de consommation qui se fait dans les centres commerciaux, qu'on pourrait mettre en question autant, sinon plus, que la barrière tarifaire. Cela ne vient pas contredire ce que vous avez dit, parce qu'on est d'accord, mais il y a d'autres éléments qui font que tout l'avenir des consommateurs sur le plan des prix ne réside pas uniquement dans la question de l'abolition des barrières et des quotas, il y a d'autres facteurs dans le système qui sont aussi importants, sinon plus.

Le deuxième élément, ce pourquoi on veut exclure l'agriculture du décor, ce n'est pas à cause de l'âme québécoise ou de la spécificité québécoise. Il y a peut-être des éléments de cela parce que c'est une organisation particulière - on est bien conscient de cela - c'est bien géré, jusqu'à nouvel ordre, etc., mais il y a plus que cela. Si on regarde, par exemple, le prix de détail moyen de quelques produits alimentaires qui a été fait par le gouvernement américain -ils font une espèce de sondage mondial sur différents produits dans différentes capitales - on s'aperçoit, par exemple, que sur les dix produits sur lesquels ils ont enquêté en mai 1987... Brièvement, les dix produits sont le steak de boeuf, porc rôti, poulet entier, oeufs - vos fameux oeufs, M. MacDonald -beurre, fromage, lait entier, pommes de terre, pommes et farine. Si on fait le total de ce que cela coûte aux consommateurs à Washington et à Ottawa, sans pondération -il y a un petit défaut de méthodologie évident là, mais pour des raisons pratiques -on s'aperçoit que cela coûte plus cher à Washington, en dollars américains, c'est-à-dire 35,83 $, qu'à Ottawa, soit 33,12 $. C'est-à-dire que même dans l'alimentation -on revient souvent avec un certain nombre d'exemples - quand on prend l'ensemble, pour

Ies consommateurs, des produits laitiers, de la viande, etc., on s'aperçoit que ce n'est pas si évident que le libre-échange, dans le domaine de l'agriculture, par exemple, ce serait à coup sûr garanti, signé que ce serait avantageux sur le plan des prix pour les consommateurs québécois.

C'est pour cette raison, parce qu'on aimerait avoir davantage d'informations sur ie plan des comparaisons de prix pour pouvoir évaluer vraiment ce que cela va coûter aux consommateurs et ce, sur une assez longue période. Aux États-Unis, ils font cela au mois de mai de chaque année. Il pourrait y avoir collaboration entre le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation d'ici et le ministère de l'Agriculture américain pour pouvoir établir une méthode, à longue échéance, de comparaison de prix qui soit valable. Je parle de celle-là parce qu'elle fait mon affaire, mais peut-être que la base méthodologique pourrait être discutée et discutable dans ce cas-ci.

En ce qui concerne la question des communications, si on s'en va vers le libre-échange avec le système qu'on a présentement, à savoir le principe de" l'interfinancement, c'est-à-dire que l'interurbain finance en partie les frais du service local, le libre-échange va provoquer une accélération de la "déréglementation" - entre guillemets - c'est-à-dire une augmentation des appels locaux et une diminution des appels interurbains. On va aligner notre politique sur celle du gouvernement américain, qui a déréglementé le secteur en 1984, provoquant une catastrophe du côté des consommateurs, une catastrophe sur le plan de l'augmentation des prix - du côté de Bell, on prévoit que, dans une période de cinq ans, il y aurait selon les régions une augmentation du tarif local de l'ordre de 150 % à 400 % selon la densité du territoire qui serait desservi - et sur le plan de la complication de la compréhension du contrôle des factures que vous recevez. On a rencontré des organisations de consommateurs américaines qui nous ont dit que leur situation était vraiment catastrophique, que des groupes comme les nôtres, par exemple, qui ont peu de moyens financiers pour travailler étaient obligés, dans certains cas, de travailler sans téléphone, parce que le système américain va complètement à l'encontre de l'universalité de ce service. Pour cette raison, on se dit qu'il faut absolument que le gouvernement québécois - c'est pour cela que ce n'est pas inutile de ie dire ici, en commission parlementaire - en matière de téléphonie ait une politique qui soit favorable aux intérêts des consommateurs, la fasse prévaloir auprès du gouvernement fédéral sur le plan strictement des politiques journalières, parce que le problème de la déréglementation dans le domaine des services téléphoniques a existé avant la question du libre-échange. Que ce soit une politique du gouvernement québécois et que cette politique trouve sa cohérence dans une demande auprès du gouvernement fédéral de ne pas inclure la question des services téléphoniques dans ie cadre du libre-échange.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bertrand, une dernière intervention.

M. Parent (Bertrand): Oui, une dernière intervention très brièvement, parce que le temps est presque écoulé. M. Racicot, Mme Lemelin, dans la deuxième condition que vous posez et qui est fort importante} c'est-à-dire "améliorer les normes de qualité et de sécurité des produits", vous donnez une explication concernant les différentes lois qui nous touchent. Les consommateurs sont protégés par des lois. Je prends un de vos exemples qui est assez frappant, la question de la publicité destinée aux enfants. Comment une compagnie américaine, advenant le libre-échange, qui fabrique des jouets dans un État américain et qui va vouloir pénétrer le marché canadien et québécois va-t-elle se sentir face à une publicité restrictive, ici, qui n'est certes pas la même là-bas? Même avec un tribunal qui pourra prévoir ces choses, je me demande quels outils on va avoir pour se défendre contre cette multinationale américaine qui fabrique des jouets qui va vouloir pénétrer sur le marché par de la publicité et va se voir restreinte à des normes avec lesquelles elle n'est pas familière. J'imagine qu'elle va contester en disant qu'elle est dans une situation tout à fait déloyale. Comment va-ton être capable de se défendre face à ces géants américains qui, à tort ou à raison, voudront pénétrer sur le marché et qui devront se soumettre à des normes qui sont actuellement très restrictives, auxquelles les Québécois et les Canadiens se sont astreints jusqu'à maintenant?

Mme Guillot-Lemelin: Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, de là la demande d'harmonisation des normes pour qu'elles soient égaies, qu'on ne perde pas les acquis qu'on a. Concernant les jouets, vous avez tout à fait raison. Mais, qu'il y ait accord ou non, actuellement, pour la publicité destinée aux enfants ici au Québec, c'est déjà rendu à la Cour suprême, il y aura un procès à ce sujet à la fin de novembre, parce qu'on considère que la publicité destinée aux enfants a des effets négatifs auprès des enfants, pour plusieurs raisons. Vous posez la question, on se pose la même: Comment va-t-on réussir à protéger ce secteur? On n'a pas de réponse à cela non plus.

M. Parent (Bertrand): C'est tout le temps qu'on a. Tout ce que j'espère, c'est qu'on ait la réponse un de ces jours de la part du ministre. Merci, M. le Président. (11 h 15)

Le Président (M. Charbonneau): Alors, madame, monsieur, il ne me reste qu'à vous remercier au nom des membres de la commission d'avoir participé à cette consultation générale. Je suis convaincu que nous aurons d'autres occasions de vous recevoir à la commission parlementaire de l'économie et du travail.

Mme Guillot-Lemelin: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Je vous remercie beaucoup et à la prochaine.

J'invite maintenant la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie à prendre place à la table des invités.

Alors, madame et messieurs, bienvenue à la commission de l'économie et du travail. Je vous indique immédiatement nos règles de fonctionnement. On a une heure pour l'écoute de votre organisme et la discussion; d'abord, une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire, le reste du temps étant utilisé avec les membres de la commission, de part et d'autre, pour les échanges. Je ne sais pas qui dirige la délégation, si c'est Mme Santa Rossa ou M. Bisson. En tout cas, je prierais celui ou celle qui dirige la délégation de bien vouloir présenter les collègues qui l'accompagnent et immédiatement commencer la présentation de l'exposé.

Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie

Mme Santa Rossa (Johanne): Je vous remercie. Je me présente, Johanne Santa Rossa, directrice générale de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie. Je suis accompagnée de M. Michel Bisson, président de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie, et de M. Bruno Collet, membre et directeur de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie.

Nous avons tenu à être des vôtres aujourd'hui afin de participer activement à un dossier qui, selon nous, requiert l'implication et la participation de la jeunesse, les décideurs de demain. Depuis sa création, à l'automne 1986, la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie se veut un organisme de réflexion, de représentation et d'action pour les jeunes gens d'affaires intéressés au développement économique de l'Estrie. Notre membership se compte à quelque 250 membres répartis dans l'ensemble des MRC de l'Estrie.

En ce qui a trait aux objectifs, notre organisme a pour but de développer, de regrouper et de représenter les intérêts économiques de ses membres, susciter, promouvoir et soutenir l'entrepreneurship industriel et tertiaire moteur en Estrie chez les 16 à 35 ans, intervenir auprès des divers intervenants économiques et politiques afin de faire cheminer différents dossiers et, enfin, favoriser le développement économique en incitant les jeunes à entreprendre dans leur région.

Afin de vous démontrer nos préoccupations et l'esprit dans lequel nos interventions se légitiment, nous avons déposé, dès le début de novembre 1986, un mémoire au premier ministre du Québec intitulé: L'avenir des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse en Estrie. Par la suite, un second mémoire fut présenté en commission parlementaire faisant des recommandations relativement à la formation du conseil permanent de la jeunesse et un troisième présenté dans le cadre du projet de loi 119 modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Nous sommes également intervenus auprès de la Société d'investissements-jeunesse et siégeons au comité du secteur jeunesse à l'assemblée de concertation et de développement de l'Estrie. Depuis peu, nous sommes à développer et à faire cheminer auprès de divers intervenants économiques un projet de grande envergure pour l'Estrie, soit IDEE, l'Institut de développement économique de l'Estrie, comportant trois volets: un mécanisme de promotion, de dépistage et de formation en entrepreneurship industriel, une société de financement régionale, un industrium régional et local. Dans le même cadre, nous effectuerons un séjour en Belgique et en France, en novembre prochain, afin, premièrement, de susciter de l'investissement étranger dans nos fonds de capitaux de risque que nous sommes à préparer et de favoriser le jumelage avec certaines jeunes chambres économiques européennes.

Nos plus récentes implications étaient de voir à l'organisation d'un colloque provincial des groupes de soutien aux initiatives-jeunesse qui eut lieu les 23, 24 et 25 septembre dernier à Compton et qui s'est avéré un réel succès à cause du pourcentage de participants d'organismes de développement économique présents.

Enfin, la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie a tenu à présenter un mémoire concernant la réforme fiscale canadienne et celui qui nous concerne tous aujourd'hui, notre mémoire intitulé Le libre-échange, un pas vers la mondialisation.

Sur ce, M. Bruno Collet, membre et directeur de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie et jeune industriel de la région de l'Estrie nous entretiendra relativement à la composition de ce mémoire. Merci.

M. Collet (Bruno): M. le Président, mesdames et messieurs de la commission, la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie se dit en faveur d'un traité de libre-échange avec les États-Unis d'Amérique. Nonobstant le principe générai, elle soutient que certains secteurs importants et cruciaux ne pourraient être partie intégrante d'une telle entente. Ainsi, l'agriculture en général ne peut être comparée à celle du sud., Considérant que le climat n'est pas le même, la productivité ne peut être comparable.

De plus, des délais d'interaction plus ou moins importants selon les secteurs devront tenir compte de la spécificité et des changements à apporter pour chacun d'eux. En termes de continuité de l'application d'un tel traité, il sera à prévoir un tribunal d'arbitrage multipartite qui s'occupera du respect de l'esprit de l'entente.

Dans l'ensemble, la jeune chambre soutient que le libre-échange constitue le défi et les chances d'avenir de la jeunesse québécoise. La mondialisation du Québec est essentielle à son épanouissement et passe inexorablement par la continentalisation de notre économie. Par contre, le Canada ne doit pas négliger les négociations multilatérales du GATT et il devrait entamer sous peu des négociations bilatérales avec d'autres partenaires commerciaux complémentaires à notre économie.

Enfin, nos gouvernants devront repenser le rôle de l'État. Bien que ce dernier ne doit pas être entrepreneur, il doit? par tous les moyens, susciter chez les jeunes l'émergence d'un entrepreneurship industriel afin de transformer chez nous nos matières premières. Ainsi, l'État devra désormais avoir un rôle proactif, soit celui de déclencheur, et avoir suffisamment de vision pour positionner le Québec avantageusement dans une perspective internationale. Il est aussi à souligner que le Québec devra s'inspirer de ses voisins du sud afin de mettre sur pied des incubateurs industriels ayant pour but de maximiser les chances de réussite des nôtres dans le monde de la fabrication et de la transformation, ainsi qu'en termes de commerce international.

Ainsi, nos universités auront un rôle majeur à jouer en termes de formation, de transfert de technologies, ainsi qu'en recherche et développement. Le Québec est à une croisée de chemins et la chance lui est offerte de se donner des garanties de réciprocité sur lesquelles appuyer son développement économique à moyen et long terme. Il s'agit maintenant de se concerter et de coordonner nos efforts dans le même sens.

En principe, la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie se dit en faveur d'un traité de libre-échange entre le Canada et les États-Unis d'Amérique. Par contre, il semble relative- ment complexe de débattre un sujet qui fait couler autant d'encre, mais dont les réels enjeux sur la table sont si mal connus. Il appert, en contrepartie, que le risque en vaut la peine, car il s'agit pour le Québec d'un moment crucial dans son développement. Advenant une entente positive, le tout suscitera un branle-bas structurel sans précédent. Ainsi, tous les intervenants du Québec devront mettre la main à la pâte et trouver les solutions qui donneront forme au Québec de demain, un Québec qui, croyons-nous, se métamorphosera économiquement, socialement et culturellement. Nous aurons enfin la chance d'entreprendre un défi à la mesure de notre potentialité. Sans être une fin en soi, le libre-échange avec les États-Unis constitue une première étape à la mondialisation du Québec. Notre ouverture sur le monde est plus que souhaitable. Elle est la prémisse sine qua non d'une croissance soutenue et du maintien de notre niveau de vie.

Cependant, des changements aussi fondamentaux sous-tendent des sacrifices certains, sans compter le travail, la ténacité et la perséverance. Rares sont les secteurs qui auront à vivre les mêmes changements. Il n'en demeure pas moins que notre vision devra dorénavant s'ouvrir à d'autres dimensions et demandera une adaptation certaine. Ce n'est qu'à ce prix que le Québec comptant un si petit marché pourra s'assurer de son développement à tous les niveaux.

Le libre-échange constitue pour la jeunesse québécoise non seulement un défi à la hauteur de ses possibilités mais aussi une chance d'avenir. Nous avons au Québec toutes les ressources nécessaires pour prendre part au commerce international. Il n'en tient qu'à nous en tant que peuple de nous doter de priorités de développement. Ces priorités passent par la mise à contribution de toutes les parties de notre société, qu'il s'agisse des divers paliers gouvernementaux, des syndicats, des industriels, des gens d'affaires en général, des universités et des centres de recherche, pour n'en nommer que quelques-uns. Il devient impérieux qu'une complicité renouvelée et ouverte s'établisse en permanence entre tous les décideurs afin de s'adapter aux nouvelles réalités.

Le Québec a, bien entendu, relevé des défis de taille ces dernières décennies, mais ceux amenés en symbolisent une continuité logique. Nos gouvernants des divers paliers devront être à l'affût des nouveaux problèmes qui se dresseront devant nous, qu'il s'agisse de la restructuration de certains secteurs industriels, du recyclage de notre main-d'oeuvre, ainsi que de l'innovation en termes d'aide au développement économique des diverses régions et sous-régions qui vivent des disparités notoires. Le Québec doit apprendre à entreprendre

davantage afin de transformer ses matières premières. Nous avons à développer nos propres technologies et cela passera peut-être par des accords technologiques avec les grands de ce monde. Qu'à cela ne tienne, des pays comme le Japon ont su tirer leur épingle du jeu avec brio.

Notre monde universitaire aura un rôle clé à jouer dans le Québec des décennies à venir. Il faudra, néanmoins, qu'il cesse de regarder dans le rétroviseur et qu'il oriente plutôt son regard vers les virages à venir. Les politiques de tous les intervenants doivent intéresser notre jeunesse aux nouvelles réalités qui se pointent pour notre pays. En ce sens, des actions concrètes devront être entreprises afin d'initier les générations à venir à la passionnante carrière d'entrepreneur industriel. On devra aussi favoriser de façon certaine la multiplication de nos chercheurs. Pour ce, il faudra une fois de plus mettre à contribution nos universités afin qu'elles raccourcissent le processus de formation.

Les sociétés de capitaux de risque devront se multiplier dans le but de commercialiser sur une grande échelle les innovations québécoises, soutenir l'entre-preneurship industriel et augmenter de façon substantielle la réussite des nôtres dans le monde des affaires et le commerce extérieur. Nos gouvernants devront s'inspirer de nos voisins du sud afin de favoriser la mise sur pied d'incubateurs industriels. Si le début des années quatre-vingt a amené nos dirigeants à se questionner sur l'interventionnisme de l'État, la fin des années quatre-vingt apportera avec elle un traité de libre-échange, amènera ce même État à se découvrir un rôle proactif et visionnaire afin que notre peuple tire le maximum des nouvelles réalités qui nous permettront de nous dépasser et d'entreprendre autrement.

La Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie recommande, en générai, que le Québec soit partie prenante à un traité de libre-échange avec les États-Unis d'Amérique. Ainsi, il est recommandé d'exclure de l'accord le secteur agricole qui ne peut être comparé sur le plan climatique, donc de la productivité; qu'un tribunal d'arbitrage multipartite soit mis sur pied afin de faire respecter l'esprit de ladite entente; que le gouvernement du Québec mette à contribution tous les intervenants afin de coordonner notre action face à l'impact d'un tel traité; que le gouvernement du Québec favorise des programmes qui susciteront l'entrepreneurship industriel. Aussi, une politique de développement industriel ayant un préjugé favorable aux incubateurs devrait-elle être prévue. La mise à contribution des centres de recherche et des universités devront prévoir l'accessibilité des PME manufacturières et il faudra trouver des formules qui permettront la formation accélérée de chercheurs.

Il faudra voir à la multiplication de fonds régionaux de capitaux de croissance afin d'adapter nos produits au marché extérieur et soutenir l'expansion des petites entreprises industrielles, ce qui favorisera l'augmentation de fonds de roulement des entreprises exportatrices tout en laissant des retombées économiques dans chacune des régions du Québec.

Il faudra continuer de créer et d'offrir sous une forme ou une autre des programmes de prospection étrangère d'aide à l'exportation par des recherches d'entente de licence de fabrication ou de consortium à l'exportation et l'affacturage d'assurances et de financement des exportations.

Il est particulièrement délicat de conclure sur un sujet aussi en devenir qu'un traité de libre-échange. Un fait reste certain, c'est qu'une entente de réciprocité favorisant la continentalisation de notre économie constitue l'un des plus vieux débats qu'ait connus notre pays. Ainsi, notre génération aura sûrement la chance de susciter une telle entente avec nos voisins du sud. Il restera à tous les intervenants d'orienter les ressources du Québec de façon optimale afin de garantir aux générations à venir autre chose qu'une dette cumulée et un déficit structurel qui n'en finit plus. (11 h 30)

Pour clore ce dernier chapitre qui donnera forme au libre-échange, une bonne entente tenant compte de nos limites, de nos forces et de nos faiblesses tout en nous donnant les délais nécessaires à la mise sur pied de conditions qui favoriseront notre positionnement sur le plan international. Il est d'ores et déjà acquis que le Québec entrera dans une ère de croissance qui ne connaîtra comme borne que notre engagement, notre capacité d'innover, notre force de travail et de réussite. Merci de votre attention. Je cède maintenant la parole à M. Michel Bisson, président de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie.

M. Bisson (Michel): Mesdames et messieurs de la commission, M. le ministre, MM. les gens de l'Opposition et MM. les députés, nous sommes très heureux comme organisme de jeunes du Québec de pouvoir nous faire entendre à une telle commission sur un sujet aussi important.

Mon intervention sera relativement brève, mais je tiens à souligner que nous sommes désormais de plein pied dans l'ère de l'éphémère. Il y a quinze ans, Elvin Toffler, dans Le Choc du futur, nous avait bien prévenus de cet état de chose qui s'en venait au niveau mondial. Nos institutions les plus solides semblent perdre leur attitude d'éternité. Que ce soient l'État, l'Église, l'organisation politique ou sociale, le

syndicalisme, la grande entreprise, la famille, le couple, tout semble remis en question de façon constante afin de progresser. Les produits, tout comme les relations humaines et sociales, les technologies, les marchés, les goûts et les modes, tout est éphémère. Nous ne sommes plus des espèces de tribus unies par le sang, mais nous sommes désormais unis par l'esprit. Nous ne sommes plus partie prenante d'une masse, mais davantage d'un petit groupe ouvert sur le monde. Maintenant, nous en sommes è l'ouverture sur l'extérieur. L'information est devenue un produit de base en termes de commercialisation, de production, etc. Toute société dorénavant qui ira à l'encontre de ce principe se refermera sur elle-même et se verra asphyxiée et stagnera en termes économiques.

Historiquement se dégagent différents carrefours de l'histoire, que ce soit Athènes, Rome, Paris, Londres, New York, San Francisco. Aujourd'hui, nous voyons naître la planète comme un carrefour international, un peu un village terrestre, comme le disent les gens de l'Association canadienne des manufacturiers. Nous voyons naître une étape importante de la mondialisation du commerce et de l'économie; c'est commencé déjà depuis 30 ans avec les négociations du GATT et l'accord de Vienne qui, de plus en plus, dans les prochaines années, influenceront le commerce en termes juridiques, en termes d'exportation et en termes de puissance du dollar américain. II ne faut pas se le cacher, en termes mondiaux, ce qui fait la force d'un pays et d'une économie, c'est l'utilisation, entre autres, des monnaies. On sait que même le fed américain n'ose plus mettre publics les fonds américains qui sont un peu partout dans le monde, que ce soient les eurodollars ou les pétrodollars. Ils financent en bonne partie bon nombre de pays, et jusqu'à 40 % des réserves de certains pays sont constituées de devises américaines. Donc, les Américains, sans être à ce stade suffisamment forts pour contrôler la masse monétaire internationale, sont quand même suffisamment influents pour faire bouger différents pays.

Avec les cycles de changement toujours plus rapprochés, nous devons faire un apprentissage de l'éphémère organisé. Nous devrons pouvoir passer rapidement d'un produit à un autre, d'un marché à un autre, d'une technique à une autre. Nous devrons avoir un autre objet que celui d'entreprendre. Nous verrons naître des marchés ponctuels, des créneaux pointus, un marché de passage lié à une mode, différents marchés nouveaux et provisoires. Nous verrons de plus en plus naître le travail multi-emplois, la sous-traitance maximale qui aura comme principe de base la matière grise. Les structures des entreprises devront être de plus en plus légères; ia multipropriété du matériel et des immeubles, et les ressources financières à court terme qui donneront lieu à la mise sur pied de fonds de capitaux de risque.

Devant l'ampleur des changements à venir autant dans la société, dans les institutions que dans notre façon d'entreprendre, il semble que nous soyons sur un point de non-retour. C'est pourquoi nous pressons le gouvernement du Québec d'acquiescer à un éventuel traité de libre-échange avec nos voisins du sud et de voir dans les plus brefs délais à en analyser les impacts afin de trouver les palliatifs nécessaires aux nouvelles réalités qui gouverneront le Québec Ceci impliquera la décentralisation au niveau universitaire de la recherche et du développement dans les régions. Contrairement à un certain rapport Lacroix-Martin, nous croyons que la recherche et le développement devront être décentralisés en région. Nous devrons voir davantage le décloisonnement de nos universités, la spécialisation de celles-ci, et leur donner un mandat de recherche fondamentale. Nous devrons instaurer un mécanisme de concurrence entre les collèges et les universités en ce qui concerne la recherche appliquée, élargir de façon reconnue et explicite le rôle et le mandat de nos enseignants universitaires et collégiaux, retirer la sécurité d'emploi de ceux-ci et financer ces derniers établissements en fonction des critères d'excellence, de productivité et de réalisation ainsi que d'interaction avec l'industrie.

Dans l'ensemble - on pourrait en parler pendant très longtemps - ce sont les principales recommandations. Ce sont aussi, peut-on dire, nos inquiétudes. Nous voulons intervenir davantage au niveau des palliatifs, des façons d'intervenir pour le gouvernement du Québec, pour que nous puissions nous adapter dans les plus brefs délais à un contexte de libre-échange. Nous n'avons pas fait de rapport de recherche en termes de statistiques et de points d'analyse, nous n'avons pas les budgets pour cela. Par contre, au niveau du principe, nous avons quand même un certain bagage. Nous vivons dans un milieu et nous croyons que le libre-échange devrait être un pas vers la mondialisation. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. MacDonald: Madame, messieurs, merci de votre présentation. Je crois que le représentant de l'Opposition s'était joint à moi lorsque nous avons eu à rencontrer quelques organismes de jeunes - je me rappelle en particulier les deux représentants des jeunes du Parti québécois - et on avait souhaité alors qu'il y ait eu plus de jeunes qui se soient présentés à cette commission

parlementaire. Nous avions fait remarquer que le travail que nous effectuions, cette défense des intérêts des Québécois et des Canadiens, et le modèle de relations internationales qu'on cherchait à développer, c'était pour vous autres. Il est intéressant de noter comment dans un mémoire relativement court vous avez couvert la gamme complète, et vous y avez ajouté des dimensions qui démontrent votre intérêt. Vous avez parlé, par exemple, de cette union qui n'est pas seulement de sang, mais qui est également de l'esprit. Vous avez parlé de cette ouverture sur le monde, c'est tout à votre honneur.

Je ne retrouve pas chez vous de matière à contester votre position. Je suis, à toutes fins utiles, parfaitement d'accord avec ce que vous avez présenté. Peut-être pourriez-vous vous joindre à moi, vous poser les questions que j'ai posées et m'aider à trouver des réponses. Vous êtes favorables à cette ouverture sur le monde, favorables à protéger nos marchés, vous êtes favorables à la négociation d'une entente de libéralisation des échanges avec les États-Unis, mais pas à n'importe quelle condition, et vous posez des conditions.

Des gens se sont présentés devant nous qui étaient catégoriquement contre toute entente - commençons par le début - toute négociation en vue d'une entente sur la libéralisation des échanges. Avez-vous eu des rencontres avec des gens comme cela? Avez-vous évalué la position de gens qui étaient contre? De quelle façon l'appréciez-vous? De quelle façon argumentez-vous vis-à-vis d'une telle position?

M. Bisson: Dans un premier temps, notre position et notre façon de voir sont en ligne directe avec ce qu'on défendait du temps où on était étudiants et qu'on militait dans des associations étudiantes universitaires. On n'a pas changé d'idée depuis très longtemps; cela fait très longtemps qu'on espère de telles ouvertures.

Étant donné que nous sommes un organisme relativement jeune, nous n'avons pas d'intérêt corporatiste à protéger. Même si certaines entreprises ont de la difficulté, on ne perdra pas un membership pour cela. Quant aux nouveaux secteurs qui vont se développer, on sait qu'ils ne sont pas nécessairement très favorables à la syndicaiisation. Donc, ces organismes ont un grand intérêt à garder le statu quo, mais nous disons - excusez l'expression - que le Québec n'est pas un "bunker"; il doit être ouvert sur l'extérieur. Dans la vie d'une société ou d'un individu, il y a une dynamique. Il faut tendre de plus en plus à favoriser au maximum l'interaction des idées, à mettre sur pied des outils qui vont nous permettre d'aller vers l'extérieur et d'ouvrir nos marchés.

Vous avez vu tantôt un de nos projets qui nous tient beaucoup à coeur, nous sommes à mettre sur pied un institut de développement économique de l'Estrie. Cet institut de développement économique va favoriser essentiellement le développement de l'entrepreneurship industriel. Pourquoi? Parce que nous croyons qu'au Québec nous devons transformer davantage nos produits chez nous et, si nous voulons que nos entreprises prennent une ampleur certaine et suffisamment intéressante pour assurer la recherche et le développement, nous avons besoin d'un plus grand marché. Donc, nous croyons que le Québec est capable d'être concurrentiel s'il met de l'avant des politiques qui pourront mettre tout le monde au diapason en termes de recherche et de développement. On parle souvent de recherche et de développement à l'université, ce n'est pas pour rien. Ce qui différencie un industriel ou un produit, c'est sa spécificité, c'est l'avantage qu'il a par rapport au produit étranger en termes de design, en termes de conception, en termes de matière première. Nous avons tout, au Québec, pour favoriser cela.

Je vais vous donner un exemple très concret. On a entendu dire, lors d'Expo 87, que des étudiants de génie de l'Université de Sherbrooke avaient développé une automobile qui s'appelle Alizée. Croyez-le ou non, cette automobile, depuis qu'elle a gagné le prix sur le plan du modèle et de la technologie à Vancouver, est dans une boîte; on ne trouve pas le financement nécessaire pour la développer. On a relevé des défis technologiques vraiment considérables: un modèle monocoque en polymère. Cela fait dix ans que GM travaille là-dessus. On a développé de nouveaux systèmes électroniques qui contrôlent la distance; il n'y a même plus de volant, c'est un bras, comme dans un cockpit d'avion. C'est vraiment avant-gardiste.

Nous avons au Québec les connaissances, nous avons au Québec les matières premières et les ressources financières, mais ce qui nous manque, c'est la petite étincelle qui va catalyser toutes ces énergies pour susciter le développement au Québec de l'industrie secondaire et qui va nous ouvrir sur le monde extérieur pour pouvoir écouler nos produits sur une grande échelle. Pour faire une histoire courte, c'est cela.

M. MacDonald: C'est une bonne histoire.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Oui, merci, Mme la Présidente. Mme Santa Rossa, M. Bisson, M. Collet, bienvenue à cette commission

parlementaire. C'est le deuxième groupe. Il y a eu les jeunes du Parti québécois qui sont venus. Vous êtes les deuxièmes et vous serez les derniers intervenants à cette commission, à part, bien sûr, la présence de M. Warren cet après-midi. Vous apportez un souffle, un vent très optimiste et très encourageant. Quand on pense que vous êtes la relève, je trouve cela fort stimulant et encourageant. Dans un premier temps, je vous remercie d'être là et de venir nous dire ce que vous pensez, ce qu'est votre vision.

Je suis d'accord avec à peu près tout ce qui est énoncé dans votre mémoire, qui est très bien fait et qui, comme le disait le ministre il y a quelques minutes, couvre, je pense, l'ensemble des aspects. Vous me permettrez de vous poser quelques questions concernant la partie sur laquelle j'ai quelques préoccupations, pas en ce qui vous concerne, mais en ce qui concerne le gouvernement dans l'état actuel des choses.

Vos recommandations, aux pages 15 et 16, font état, de façon très explicite, d'un appui à une libéralisation des échanges, mais à certaines conditions. Parmi ces conditions, vous mentionnez, dans un premier temps, que le gouvernement devra favoriser des programmes de soutien à l'entrepreneurship. S'il y a une région qui est connue pour son dynamisme, c'est bien la vôtre. Je pense que le dynamisme que vous avez connu, particulièrement ces dernières années, a été dû à un coup de pouce et à un appui que les jeunes entrepreneurs ont reçus pour se prendre en main.

Mme Santa Rossa mentionnait que la semaine dernière, lors du congrès des groupes d'initiatives-jeunesse à Compton, les jeunes ont fait le point face à la nouvelle année. Selon mes informations, on est loin d'être sûr du budget que les groupes d'initiatives-jeunesse auront au cours de la prochaine année. Je sais qu'en 1986-1987 les budgets étaient de l'ordre de 6 300 000 $. Le programme comme tel doit être transféré d'une journée à l'autre et ce, depuis plusieurs mois. Donc, vous êtes dans le vague le plus complet en ce qui concerne ces groupes qui sont passés des mains du ministre Daniel Johnson aux mains du ministre Pierre Paradis dans le domaine de la main-d'oeuvre. (11 h 45)

Je n'ai rien contre le fait que cela passe d'un secteur à un autre, puisqu'il s'agit de création d'emplois, mais là où j'ai beaucoup de préoccupations, et j'imagine que vous avez les mêmes, c'est que, d'une part, le ministre de l'Industrie et du Commerce présent à ce colloque n'a pu confirmer qu'il y aurait des augmentations de budget par rapport à l'an passé, tel que convenu au départ; il devait passer de 6 300 000 $ à 6 700 000 $. Il y aurait tout au plus le statu quo et, encore là, c'est loin d'être confirmé. Quand on connaît le dynamisme de ces groupes et le rôle qu'ils ont joué dans la mise sur pied de centaines et de centaines de petites entreprises au cours des dernières années, je vois mal dans la politique actuelle du gouvernement un appui concret. Je vous pose la question à vous qui aurez à avoir des garanties de la part du gouvernement. Mais ce qui est important, comme vous le mentionnez, c'est qu'il va falloir que l'entrepreneurship québécois soit soutenu au maximum. Pour ne prendre qu'un secteur d'activité, voilà les groupes d'initiatives-jeunesse qui ont fait leur marque, qui ont fait leurs preuves, qui ont fait la démonstration de la rentabilité de chaque dollar investi en termes de soutien, et voilà un gouvernement qui dit - en tout cas, c'est ce que j'ai compris - qu'il n'a pas la marge de manoeuvre pour accorder des budgets additionnels. Vous savez, cela me préoccupe et je pense qu'on doit avoir des éclaircissements là-dessus, parce que, même sans libre-échange, ce genre d'initiative, ce genre de soutien est essentiel, et je pense que ce sont des pas dans la bonne direction.

Vous avez mentionné l'intégration des jeunes universitaires dans les PME. Il existait des programmes qui s'appelaient Uni-PME et des programmes similaires qui n'existent plus, à toutes fins utiles, parce qu'on a jugé qu'on n'avait plus les budgets ou que ces programmes n'étaient plus nécessaires. À cette même tribune, sur le même siège que vous occupez, M. le Président, sont venus d'autres présidents d'entreprises plus grandes, plus matures aujourd'hui, mais qui n'avaient pas les mêmes préoccupations que les vôtres. Je les comprends, ils sont passés par là et, aujourd'hui, ils se sentent capables de voler de leurs propres ailes. Mais vous qui représentez la relève de demain, les groupes d'affaires qui ont le goût de lancer des choses, vous avez besoin de l'appui du gouvernement. Je vous dis que ce qu'il y a sur la table depuis un an, depuis deux ans particulièrement, je suis loin d'entendre vraiment de la part de groupes comme le vôtre que le soutien est là. Non seulement il n'est pas là actuellement, mais il n'est pas près de venir.

Une voix: Cela ne touche pas le libre-échange.

M. Parent (Bertrand): Cela touche exactement le libre-échange, M. le député, puisque les nouvelles règles du jeu en ce qui regarde le marché qu'auront nos jeunes, la concurrence sera encore plus forte et, si on n'a pas ces outils, on se retrouve avec des difficultés.

J'aimerais avoir vos commentaires face à ce soutien que vous réclamez pour les incubateurs d'entreprises. Vous mentionniez qu'on devrait avoir des mesures concrètes

pour les soutenir. Est-ce que des gestes concrets ont été faits de ce côté-là?

M. Bisson: D'accord. Deux points: on pourrait dire que le premier dossier que la jeune chambre économique a eu à traiter, à l'automne 1986, était justement la survie des GSIJ en Estrie. Si, à un moment ou à un autre, le ministre a été amené à se questionner relativement au programme, c'est que, par l'intermédiaire d'autres organismes à caractère de développement de l'entrepreneurship, des gens d'un âge certain, disons, il avait donné de très fausses informations sur ce qu'on était. Vers le mois de décembre, nous avons relevé les statistiques qui sont celles-ci: à l'intérieur d'une année, nous avons suscité au Québec la création de 1533 entreprises, la création de 3000 emplois et plus de 40 000 000 $ d'investissements par des jeunes de moins de 30 ans. Dans cet esprit-là, une fois que le ministre a pris connaissance et a vu nos réalisations, il a vite rajusté sa vision par rapport au groupe.

La semaine dernière, sont venus à un colloque qui se tenait à Compton, des groupes de soutien et des intervenants économiques jeunesse. M. Johnson a fait un éloquent discours à cet effet qui donnait un appui total aux groupes de soutien par rapport à ce qu'on faisait, par rapport à nos réalisations. Juste le fait de venir à cet événement a été un appui incontesté à la jeunesse qui entreprend au Québec.

Par contre, nous voulons être sûrs que les organismes jeunesse connaîtront dans les prochaines années une indépendance totale et qu'ils ne seront pas intégrés dans d'autres structures qui n'ont pas la même mission ni le même intérêt, qui ont une génération de différence mais qui fait toute la différence. Pour nous, c'est fondamental, c'est très important et on va se battre très fort dans ce sens-là.

Vous parliez d'un budget. Effectivement, les gens du MMSR nous ont confirmé qu'ils avaient transféré une enveloppe de 6 700 000 $ à M. Johnson, qu'on n'a pas rencontré officiellement sur la question, mais semble-t-il que l'enveloppe - d'après ce que j'ai vu dans les documents du gouvernement - était de 6 300 000 000 $.

Nous savons que les milieux urbains réclament davantage de ressources mais, si le gouvernement veut donner davantage de ressources au milieu urbain, il ne devra pas couper en milieu rural et en périphérie parce que ces organismes sont utiles au milieu, empêchent l'exode des jeunes vers l'extérieur et favorisent les gens qui étudient, entre autres au niveau collégial et universitaire, à entreprendre chez eux, leur donnent les outils dans ce sens-là.

Lorsque M. Johnson est passé à Compton, il nous a réconfortés énormément lorsqu'il a dit qu'il laissait intégral l'ensemble des domaines d'activité dans le cadre du programme Jeunes Promoteurs, qui est un outil très intéressant et très important pour les jeunes dont les parents ne sont pas venus au monde avant qu'ils se lancent en affaires. Pour nous, c'est un point très important. M. Johnson nous a rassurés par rapport à cela et nous lui en sommes très reconnaissants.

Par rapport aux incubateurs qu'on veut mettre sur pied, c'est un industrium, c'est une nouvelle génération d'incubateurs régionaux qui voit à la complémentarité de diverses disciplines, tels le génie, le management, le marketing, la comptabilité industrielle et le design, et qui va donner un soutien intégral à l'implantation au Québec de licences de fabrication de pays extérieurs; cela veut dire des ententes, des accords technologiques. Ce concept a ceci de particulier qu'il a des extensions, des antennes dans chacune des sept MRC de l'Estrie. Dans ce sens-là, c'est vraiment décentralisé et orienté essentiellement en termes de handicap. Quand on parle de handicap, c'est comme au golf. Quelqu'un qui commence à jouer au golf n'a pas la même connaissance, pas la même habileté. Donc, on applique la théorie du handicap.

Ce dont les jeunes ont besoin, ce n'est pas d'un soutien éternel, ce n'est pas d'avoir des subventions à tour de bras, mais d'avoir les capitaux disponibles et la connaissance pour pouvoir développer dans nos régions et sous-régions les outils dont nous avons besoin pour prendre la relève. Ce qu'on veut, c'est prendre la relève. On n'a pas besoin de béquille, c'est nous qui voulons être la relève. Pour faire une courte histoire, c'est ce que j'ai à dire sur les trois points mentionnés par le député.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. MacDonald: Moi, je me vois obligé, la délicatesse même, de remercier le député de Bertrand pour son intelligente question et vous remercier de votre réponse encore plus intéressante.

Mme Santa Rossa vous êtes, avec vos deux collègues aujourd'hui, sûrement la représentante d'un certain nombre, sinon d'un grand nombre de femmes au sein de votre groupe. On me disait dernièrement, d'ailleurs, que dans les écoles de sciences de l'administration le nombre de femmes semblait sur le point de dépasser le nombre d'hommes. Il semblerait que ce soit la même chose dans d'autres facultés.

Dans vos délibérations, dans la préparation de ces mémoires, à vos colloques, etc., quelle est la participation des jeunes femmes? Est-ce que, réellement, c'est ce que ma fille me dit, moi?

Mme Santa Rossa: Ce que nous tentons de faire, entre autres, dans les objectifs de la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie, c'est d'inciter les jeunes, hommes et femmes, à s'impliquer dans les dossiers économiques qui les concernent» qui influencent leur avenir. Parmi nos membres, nous avons énormément de jeunes gens d'affaires, de jeunes entrepreneurs, et nous pouvons dire facilement que la moitié de nos jeunes entrepreneurs est constituée de femmes. Les femmes s'impliquent de plus en plus pour entreprendre et elles s'impliquent également dans des dossiers économiques et politiques. Par contre, nous sentons, à la Jeune chambre économique et du commerce de l'Estrie, que nous avons beaucoup de cheminement à faire afin de persuader les jeunes gens d'affaires, les jeunes gens tout court, de l'importance qu'ils s'impliquent directement de près ou de loin dans des dossiers qui les concernent.

M. MacDonald: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): J'aurais une petite question. Étant députée de l'Estrie, un des sept députés de l'Estrie, je tiens à vous souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire et à vous féliciter de votre mémoire.

Étant donné la situation géographique de l'Estrie, il est évident qu'il serait avantageux qu'une entente de libre-échange avec les États-Unis soit signée pour assurer une croissance continue de l'économie québécoise. Mais, advenant un échec des négociations sur le libre-échange, quels seraient les effets sur l'Estrie en particulier?

M. Bisson: D'accord. On a entendu en fin de semaine - il ne se cache jamais pour le dire - M. Serge Racine qui dit que pour lui - il a des usines ici et qui exportent - s'il y avait des barrières tarifaires imposées aux produits qu'il fabrique, il devrait déménager certaines de ses usines du côté américain. On n'a pas le choix si l'on veut élargir nos marchés. Donc, si nous ne sommes pas capables d'exporter de chez nous, nous allons transférer nos usines de l'autre côté. Pour le Québec - en Estrie, mais aussi pour l'ensemble du Québec - c'est très important» Nous voyons, entre autres, dans le cadre du REA, que les entrepreneurs du Québec s'en viennent de plus en plus chevronnés et prennent une place très active au niveau des entreprises de transformation. Et ces gens, tôt ou tard, ceux qui ne le sont pas déjà, se trouvent saturés. Ils ont besoin d'agrandir, ils ont besoin d'air, ils ont besoin d'un marché. Donc, c'est essentiel pour nous, en Estrie, comme dans bien des régions du Québec, moyennant certaines modifications, certaines restructurations - il devra y avoir centralisation dans certains secteurs, etc. - c'est essentiel que nous soyons partie à un libre-échange.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre...

M. MacDonald: Je pense que la parole est à...

La Présidente (Mme Bélanger): M, le député de Bertrand?

M. Parent (Bertrand): Oui, Mme la Présidente. Alors, moi aussi, je remercie le ministre pour l'hommage qu'il me rend en disant que je pose des questions intelligentes - ça, je n'en doutais pas - et je pense que la démonstration qui a été faite avait deux volets. On doit réaliser une chose: Si le discours que tient le gouvernement, si le discours que tient le ministre correspond à des réalités, moi, je n'ai pas de problème. Là où j'ai un problème, c'est quand le discours ne correspond pas à la réalité, c'est-à-dire qu'on dit: Oui, on soutient, mais, en arrière, on ne donne pas les outils, ce qu'on a appelé nous, le coffre à outils. Â toutes fins pratiques, on verra, on verra certes au cours de la prochaine année si cet engagement de l'État est suivi du coffre à outils nécessaire, n'en déplaise au député de La Peltrie.

Pour vous autres, Mme la Présidente, le soutien à l'entrepreneurship québécois en région, en plus de ce que vous mentionnez dans les grandes lignes de votre mémoire, qu'est-ce que cela veut dire exactement? En plus de mettre sur pied ou d'aider à mettre sur pied des incubateurs, d'aider à la recherche et au développement, vous ouvrez aussi le volet du soutien nécessaire et vous demandez au gouvernement, si je comprends bien, dans vos dernières lignes, à la page 16 de votre mémoire, de créer ou de continuer à créer et d'offrir des formes d'aide, d'assistance par rapport à toute cette prospection des marchés étrangers. Il existe actuellement des outils pour exporter ou aider nos entreprises à exporter. Plusieurs entrepreneurs, plusieurs associations sont venus nous dire que les outils que nous avons actuellement auraient besoin d'être changés, d'être modifiés. Vous mentionnez deux points en particulier et j'aimerais que vous puissiez expliciter un peu là-dessus. Vous mentionnez qu'il devrait y avoir de façon particulière, pour aider à la prospection, de l'aide au niveau des recherches d'entente de licences de fabrication et de l'affacturage d'assurances et de financement des exportations.

Est-ce que le volet d'aide à la prospection, par exemple, mais au niveau du réseau des canaux de distribution dont une entreprise de l'Estrie ou d'ailleurs dans d'autres régions du Québec, aurait besoin ne

serait pas l'outil le plus en demande actuellement? Les entreprises, après avoir fait un design ou une récherche du développement de leur produit, ont des problèmes à l'entrer sur le marché parce qu'elles n'ont pas le réseau de distribution et c'est peut-être là une partie importante de l'outil. À partir de l'expérience que vous avez, de ce que vous avez entendu dans votre région, est-ce que vous pouvez nous confirmer que cela irait en ce sens-là? Quels seraient les outils additionnels au plan du marketing, de l'étude de marché, possibilité de pénétration, réseaux de pénétration, etc.?

M. Bisson: La stratégie que nous entendons prendre, entre autres, pour le concept d'industrium en Estrie est la venue au Québec de licences de fabrication, de consortiums ou de "joint ventures". Nous avons une déformation professionnelle très marquée en ce qui concerne, premièrement, la jeunesse - c'est une priorité - et, deuxièmement, l'entrepreneurship. (12 heures)

La jeunesse, notre clientèle entre-preneurship, ce sont les outils pour que les jeunes puissent s'exprimer, puissent se trouver un emploi et réaliser leurs aspirations. Pourquoi avons-nous besoin d'un appui? Le jeune qui veut prendre en main une licence de fabrication d'une entreprise européenne qui a 500 employés, on lui demande: Qu'est-ce que tu as comme antécédents? D'où sors-tu? Que fais-tu? Qu'as-tu comme expérience? Une entreprise veut faire des affaires avec une entreprise plus ou moins équivalente à sa grosseur, à son chiffre d'affaires ou à son volume. Les outils que nous voulons mettre sur pied, c'est pour donner un appui à la personne entreprenante, qui a le potentiel, qu'on aura dépistée et à qui, deuxièmement, on aura donné les outils et la formation. Il faut voir à ce qu'il y ait tout le soutien en termes de génie, de financement et d'installations d'usines pour que les industriels européens puissent faire confiance aux jeunes de l'Estrie et implanter ici des usines, et que l'Estrie et le Québec soient des plaques tournantes vers le marché américain en provenance d'autres pays. Nous sommes déjà en contact avec 200 entreprises qui ont des licences de fabrication. Nous sommes en négociation intense avec 12 d'entre elles et certaines ententes devraient être conclues au courant de l'automne ou du printemps. C'est vraiment du concret, du sérieux qu'on veut. Contrairement à ce que les gens disent: Les jeunes, on ne peut pas s'y fier tellement, cela change souvent, et tout... Les gens avec qui on est habitués de travailler, ce sont les associations étudiantes. On est à l'université pour trois ans où on passe de boy-scouts à autre chose. Il y a des cycles et cela change sauvent. Mais, dans ce projet, je peux vous assurer, messieurs dames? que nous sommes vraiment sérieux et que nous voulons vraiment aller jusqu'au bout de notre projet pour donner les outils et la chance aux jeunes d'avoir autant accès aux connaissances étrangères qu'aux réseaux de distribution. Si les réseaux de distribution ne sont pas assez intéressants, on formera des consortiums entre les entreprises de jeunes et nous créerons nos propres réseaux de distribution, s'il le faut.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, madame, j'ai le goût de tirer une espèce de conclusion générale de vos propos très optimistes. Est-ce que je me trompe si j'ai l'impression que tout ce que vous nous demandez comme gouvernement c'est... J'aimerais que vous définissiez un peu ce que vous entendez par un gouvernement qui appuie l'entrepreneurship des jeunes. C'est un peu à ce niveau que j'aimerais entendre vos commentaires. Qu'est-ce que vous entendez par un appui à l'entrepreneurship des jeunes?

M. Bisson: Présentement, ce qu'on attend comme appui - vous allez en entendre parler bientôt - on veut avoir, entre autres, une modification au programme des SPEQ, faire une espèce de SPEQ-jeunesse pour modifier un peu certains "enfargements" qui empêchent des parents ou des personnes liées à la personne qui démarre en affaires d'investir dans l'entreprise.. Supposons que j'ai un oncle ou un voisin ou quelqu'un que ça fait longtemps qui me voit aller et qui me dit: Moi, j'ai confiance en toi, je serais prêt à investir dans ton entreprise. On voudrait que les SPEQ soient suffisamment souples et malléables pour qu'on puisse aller chercher du financement dans notre entourage, du "love money", comme on l'appelle. On vaudrait aussi que les déductions fiscales liées à cela soient en fonction des régions. S'il y a des régions où il y a de forts problèmes de développement économique, nous voudrions qu'il y ait des déductions fiscales de 175 % ou de 200 %, et que les régions périphériques, plus près des grands centres, aient des déductions fiscales de 125 %, etc. Nous voulons un assouplissement de certains outils et de certains abris fiscaux pour aider les jeunes à aller chercher du capital dans leur entourage et dans leur milieu, ne pas aller le chercher à leur place nécessairement, mais leur donner, je ne voudrais pas employer le terme anglais de "back-up", mais ce qu'il faut à la base.

Nous avons besoin aussi... Il ne faut pas le cacher, notre système universitaire souffre d'un très fort individualisme, même interfacultaire. Il est très difficile de faire travailler une faculté d'administration avec

une faculté de génie. C'est un non-sens. Le gouvernement ne doit pas être unilatéral, mais il devra s'opposer à cela et faire comme en Europe et un peu partout, faire travailler ces gens ensemble. On a à travailler dans notre région relativement à nos projets. Les gens de génie sont peut-être géniaux dans ce qu'ils font, mais, en termes de concertation et pour travailler en équipe, il leur manque quelque chose., C'est un impératif au Québec que le génie,, l'administration et les autres secteurs travaillent ensemble. Sans cela, c'est un handicap pour le Québec.

M. Lefebvre: Lorsque vous dites que vous souhaiteriez pouvoir aller chercher du financement dans votre entourage, je comprends que vous souhaitez que les investissements viennent de l'entreprise privée, du milieu, et qu'à ce titre le gouvernement ne soit là que pour vous appuyer dans certaines circonstances. Voua souhaitez également que l'intervention du gouvernement se fasse par le biais d'un assouplissement de la fiscalité plutôt que par de la subvention directe, comme on l'a connue au cours des dernières années?

M. Bisson: II faut faire une nuance. Que ce soient les organismes de jeunes...

M. Lefebvre: Oui.

M. Bisson: ...que ce soient ceux qui interviennent, ceux qui partent en affaires, l'aspect financier est quand même relativement important.

M. Lefebvre: Oui.

M. Bisson: Cet été, nous avons fait une étude assez exhaustive sur la question des capitaux de risque au Québec. Quand vous parlez de capitaux de risque de 14 %, 15 % ou 20 % de rendement, il y en a en quantité industrielle; il n'y a pas de limites. Par contre, lorsqu'on parle d'un rendement de 8 % à 12 % ou 13 %, dans cette fourchette, le capital est rare; on ne le trouve pas partout et il faut faire des mises de fonds.

Comment rendre cela compatible? On ne vient pas au monde avec la fortune. On n'a pas nécessairement un père qui est un industriel prospère. Il faut quand même un certain handicap, un certain "push", si l'on veut, pour permettre aux entreprises, aux entrepreneurs les plus intéressants, à ceux qui ont le plus de potentiel d'avoir le soutien pour réussir.

Ce avec quoi je suis d'accord et en désaccord jusqu'à un certain point, la façon dont on a fait le développement économique au Québec jusqu'à aujourd'hui, entre autres, au niveau industriel et au niveau des jeunes, ne correspond pas nécessairement à notre réalité au Québec. Il faut susciter la mise sur pied d'entreprises qui vont réussir à s'autofinancer. Mais, dans la phase de cinq ans, cette structure a besoin d'un soutien. Il y a moyen... On est en train de développer des idées et des concepts par rapport à cela. On pourra en discuter après, si vous le désirez, mais nous croyons qu'il est possible de mettre sur pied des structures permanentes qui vont arriver à s'autofinancer et à créer des organismes de développement économique permanents qui vont s'autofinancer. Nous croyons à cela, il faut tendre vers cela; il faut trouver les moyens et il y a possibilité. Voyez les incubateurs, comme à Job Creation Canada, qui ont été mis sur pied en Europe, en Angleterre. Voyez ici SOCCRENT, au Lac-Saint-Jean, et, à Montréal, Imasco qui vient de mettre 7 000 000 $ dans un fonds. Il y a des moyens - il y a des gens qui l'ont démontré - sauf qu'il faut adapter les modèles au Québec, mais cela va nous prendre du financement de base. Il n'y a pas des Imasco partout au Québec encore, des gens suffisamment - je ne sais pas comment on dit cela - philanthropes, si on peut dire, pour faire quelque chose. Nous avons de vieilles usines... Je vais vous donner un exemple - je ne veux fustiger personne - comme la Domtar qui a reçu des prêts sans intérêt très importants, qui a des bâtiments dont elle ne se sert plus et dont nous aurions sûrement besoin pour faire un incubateur d'ici cinq à dix ans. Il est sûr qu'elle aura besoin de ces terrains éventuellement, mais, en cinq ou dix ans, nous pourrions démarrer des entreprises de fabrication là-dedans. Ce serait, il me semble, un bienfait et une preuve de solidarité avec le peuple du Québec et du Canada qui lui a fait un prêt sans intérêt que de permettre aux jeunes et aux gens de la région d'utiliser ces anciennes installations qui sont aujourd'hui désuètes et qui, pour nous, pourraient être très intéressantes. C'est pour vous montrer un peu...

M. Lefebvre: Ce que vous voulez en deux mots, c'est que le gouvernement vous appuie, mais vous permette de prendre en main votre propre avenir économique, qu'on vous permette d'investir, qu'on vous permette de vous organiser et qu'on n'intervienne pas inutilement.

M. Bisson: ...inutilement, regarder avec nous la faisabilité et amener des correctifs. C'est facile de dire: Ton projet n'est pas bon, il a ceci et cela. Il faut trouver des solutions. S'il y a un problème à un projet, on le travaille, on le développe. Il faut trouver des formules qui vont permettre à des structures ou à des organismes de s'autofinancer, et cela se fait, on en a des

exemples aux États-Unis. Regardez ce qu'on demande au niveau des incubateurs industriels. Le gouvernement américain et les États financent l'incubateur industriel et cela est démontré. Des firmes comme Apple Canada qui viennent de Silicon Valley et de ces endroits ont été dans des incubateurs d'État. Elles en sont sorties aujourd'hui et font la guerre à IBM et à ces grands-là, iI y a possibilité d'utiliser cela de façon intelligente et sans que cela coûte perpétuellement des fortunes à tout le monde. On est d'accord sur le principe, mais il y a une marge à observer.

M. Lefebvre: Ce que je tire comme conclusion, c'est que le gouvernement, selon l'ensemble de vos propos, semble être sur la bonne voie.

M. Bisson: Oui, et le gouvernement devra être davantage proactif, voir venir, aller à l'avant des coups et ne pas attendre qu'on soit au milieu des situations.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ce conseil au gouvernement, y a-t-il une autre intervention du député de Bertrand?

M. Parent (Bertrand): Oui, certainement. Il me reste du temps, M. le Président? J'ai trouvé l'échange fort intéressant de la part du député de Frontenac. Bien sûr que le gouvernement ne doit pas intervenir pour rien. Je pense que toute cette notion d'intervention du gouvernement doit être clarifiée. La commission parlementaire nous a présenté toutes sortes de sons de cloche. Vous demandez que le gouvernement soit proactif, c'est ce que je retiens de votre phrase, et je pense que c'est très important, ne pas être dans les jambes des entreprises. Mais une chose est sûre, quand un jeune entrepreneur, qu'il soit de l'Estrie ou de la Gaspésie, qu'il soit de n'importe quelle région du Québec, et même des grands centres, se présente à une banque avec un projet fort précis, le ministre, qui est un exbanquier, après avoir fait de l'assurance, sait fort bien ce qui se passe. Ce ne sont pas les banquiers, ce n'est pas le système bancaire que nous avons actuellement qui va prendre tous les risques. Ils vont prendre des risques pour autant qu'ils auront des garanties. Mais, entre ce que vous pouvez donner, après avoir donné votre maison - votre femme est souvent partie à la garantie parce qu'elle doit signer - et les autres garanties tangibles que la banque peut prendre: comptes à recevoir et biens que vous avez, il y a une partie de risque à prendre.

Dans la question du capital de risque, vous avez totalement raison. Les entreprises à capital de risque, il en a poussé ces dernières années au Québec et il en pousse actuellement, sauf qu'elles ont des capitaux et - vous êtes d'accord avec moi - elles attendent d'avoir 18 % ou 20 % de rendement. Je ne suis pas sûr que cela corresponde encore... C'est à bâtir, c'est en train - de se faire et le gouvernement, dans une formule quelconque, à travers un organisme de la SDI ou tout autre organisme, devra intervenir ou aider, de quelque façon que soit, à prendre une partie du risque. Si le gouvernement ne le fait pas, je suis profondément convaincu qu'on ne réussira pas à décoller.

Vous avez mentionné que vous étiez à mettre sur pied - j'aimerais revenir là-dessus, parce que je trouvais cela fort intéressant - un institut de développement économique de l'Estrie. Est-ce que, rapidement, vous pourriez nous dire en quoi cela va consister et est-ce que ce genre d'initiative que vous avez prise se fait ailleurs au Québec?

M. Bisson: II y a trois volets très importants en priorité: la promotion, le dépistage et la formation en entrepreneurship industriel. Nous voyons que différents industriels ont peur du libre-échange. On dit bien le mot "peur", parce qu'ils ne savent pas ce qui les attend, c'est comme un "black-out". Par contre, ceux qui voient, des personnes comme Serge Racine qui sont très articulées savent qu'un marché n'est pas large comme cela et qu'un marché qui a des créneaux... Elles savent qu'il y a moyen d'être meilleurs dans des secteurs, qu'il faut se spécialiser.

Ceux qui comprennent le système n'ont pas peur. ILs ont hâte et ils veulent foncer. Mais les entrepreneurs, même s'ils ont une expérience au Québec, qui doivent jouer dans des règles de 6 000 000 d'habitants et jouer avec des règles de 200 000 000, les gens ne sont pas tout à fait prêts. Ils ont besoin d'une période de transition. Ils ont besoin d'apprendre et de comprendre comment fonctionne le système américain. Notre organisme est très sensibilisé à cet aspect.

Deuxième point, les sociétés de financement régionales. On veut aller chercher des fonds, ici, au Québec, mais on veut aller chercher des fonds aussi à l'extérieur. Pour nous, c'est très important. Voyez les sociétés comme celles qu'on va aller voir cet automne, la Société de financement régionale de Wallonie ou SOFIPARIL, à Paris. Ces organismes ont mis sur pied, ils ont financé des entreprises très prometteuses en Europe. Ils seraient prêts, jusqu'à un certain point, à financer ces licences de fabrication ou "joint ventures" pour participer à la croissance en terre nord-américaine.

Donc, on veut jouer cette carte, on veut prospecter dans ce sens afin qu'au

Québec on puisse aussi travailler avec nos capitaux et les capitaux extérieurs. Dans le cadre du sommet de la francophonie, nous avons fait partie d'un SIRFA, un séminaire international sur la formation en petite et moyenne entreprise. Il était ressorti, et nous l'avons proposé: Pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas, à moyen terme, possibilité de négociations d'un libre-échange à travers la francophonie? La francophonie, c'est quand même 360 000 000 d'habitants à l'échelle de la planète. C'est quand même intéressant.

On voit des projets de financement au niveau de l'ACDI et au niveau des banques mondiales. Vous savez que le Québec et le Canada ne vont pas chercher le centième de ce qu'ils investissent dans ces banques régionales au niveau mondial. Pourquoi? Parce que les pays en voie de développement ont été colonisés par les Anglais et les Français, et que les gens sont allés étudier en bonne partie dans ces pays-là. Donc, les réseaux de contact sont rectilignes avec la France et l'Angleterre. Nous venons vendre l'expertise, l'ingénierie, etc., mais ils vont prendre prioritairement ceux qui connaissent le système. Ils savent comment cela fonctionne, cela fait longtemps qu'ils en entendent parler.

Donc, un traité de libre-échange au niveau de la francophonie nous permettrait sûrement d'aller chercher des marchés ou des contrats très intéressants, même pour les grandes firmes comme Lavalin et SNC, ou auprès des pays francophones qui ont peut-être un préjugé favorable envers l'ancienne mère patrie, si l'on veut.

M. Parent (Bertrand): Je veux vous dire merci d'être venus nous exposer votre point de vue. Malheureusement, le temps est à peu près terminé. Je vous dirai en terminant que le message que vous nous avez laissé de marier le génie avec l'administration, c'est vraiment toucher au coeur du problème qu'on a actuellement au Québec et qu'on vit ces dernières années. Continuez à garder votre jeunesse et votre dynamisme, c'est encourageant et rafraîchissant. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. MacDonald: J'aimerais me joindre au député de Bertrand pour souligner ce qu'il a dit. J'aimerais ajouter que vous représentez effectivement un dynamisme qui, il y a quelques générations, n'était pas là dans le monde des affaires.

Vous avez une ouverture rafraîchissante et une façon de voir les choses qui, même si le président de la commission me disait: II ne faudrait pas trop s'embarquer mais, pour des gens plus âgés comme nous, cela constitue un réconfort quant à l'avenir. Je devrais profiter du fait que je suis un peu plus âgé pour souligner quelques dimensions.

Je vous ai mentionné qu'il y a des gens qui se sont présentés ici avec une ferme conviction. Vous avez dit: Ils ont un corporatisme à défendre, ils ont des intérêts plus étroits à défendre, mais le fait demeure qu'il y a des gens qui se sont présentés ici avec sincérité contre une entente de libéralisation des échanges. J'aimerais penser que, comme jeunes entrepreneurs, et c'est ce que vous regroupez, vous allez vous ouvrir un peu plus que l'ont fait vous aïeux les plus vieux vis-à-vis de vos employés au début de vos entreprises, que vous allez réellement vivre le fait qu'en 1987, si je regarde l'avenir, les patrons ne peuvent pas faire la job complètement seuls, les employés ne peuvent pas la faire seuls et le gouvernement non plus. C'est une question de complicité de tous les intervenants.

J'aimerais souligner la dimension très réelle que vous avez relevée qu'à l'intérieur même des maisons d'enseignement, cela ne coopère pas assez. Allez-y, vous autres! Vous venez juste d'en sortir, ils vous connaissent encore la face, allez brasser la cage et allez également vers les cégeps. Dans les cégeps, il y a un inventaire de matière grise extraordinaire qui est absolument ignorée du monde des affaires et de l'entrepreneurship, à mon avis. Et là, vous allez en Wallonie. J'ai eu le plaisir d'y aller à quelques reprises et de rencontrer justement le ministre-président de la Wallonie, M. Wathelet, un jeune, plus jeune que moi, qui a également ce dynamisme. Je pense que vous allez faire un très bon voyage.

Je vous remercie beaucoup et je conclus en vous disant que, lorsque des thèses seront présentées par notre gouvernement ou par l'Opposition et qu'elles seront débattues publiquement, que vous soyez pour la position du gouvernement ou contre, revenez donc nous voir! La façon avec laquelle vous présenterez vos arguments pour ou contre, j'aimerais cela l'entendre. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Au nom des autres membres de la commission, je vous remercie d'avoir participé à cet exercice et j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir à une autre consultation générale ou particulière de la commission de l'économie et du travail. Merci.

Nous allons maintenant suspendre les travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi, alors que nous recevrons M. Jake Warren, qui est le conseiller du gouvernement du Québec dans le dossier du libre-échange, et nous aurons, par la suite, des remarques finales. Alors, les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 12 h 18)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de l'économie et du travail reprend et termine cet après-midi - espérons-le - la consultation générale en ce qui a trait à la libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis.

Nous recevons cet après-midi M. Jake Warren qui est le conseiller du gouvernement du Québec dans ce dossier. Mais, auparavant, je voudrais signaler la présence parmi nous de parlementaires de la communauté française de Belgique dont quelques-uns me sont familiers parce que j'ai eu l'occasion de les rencontrer lors d'un séjour en communauté française de Belgique il y a deux ou trois ans.

Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue au président du conseil, M. Jean-Pierre Graffé, ainsi qu'au député, chef du groupe du Parti socialiste, M. Yvon Biefnot, qui, incidemment, nous avait bien reçus au festival de Binche. Il ne faisait pas chaud, mais c'était un festival mémorable. On avait bien bouffé également. Aussi, le député, chef du groupe du Parti réformateur libéral, M. Armand De Decker s'en vient, semble-t-il. M. José Desmarets, sénateur, chef du groupe du Parti social chrétien. Il y avait M. De Decker. Bienvenue parmi nous. M. Desmarets, merci. Et, finalement, M. André La-gasse, sénateur, chef du groupe du Front démocratique des francophones, groupe écologiste que je salue de nouveau également et qui m'avait, lui aussi, bien reçu chez lui. Finalement, je pense que les gens sont accompagnés de M. Jean-François Vandewalle. Je ne sais pas s'il est parmi nous. C'est le chef du service des relations interparlementaires. En mon nom personnel, je vous prierais de bien vouloir le saluer aussi. Je me souviens de lui avec beaucoup de sympathie.

Messieurs, bienvenue à la commission parlementaire de l'économie et du travail. J'espère que nos travaux, cet après-midi, pour le moment que vous passerez avec nous, sauront vous intéresser. Pour l'issue, écoutez, vous êtes comme nous, vous suivrez l'actualité nord-américaine.

Sans plus tarder maintenant, nous accueillons M. Jake Warren. M. Jake Warren, je vous rappelle nos règles du jeu qui, dans votre cas, sont un peu différentes. Au lieu d'avoir une heure, on a une heure et trente avec vous. D'abord, une première période sera consacrée à la présentation de votre exposé et le reste du temps sera consacré à des échanges de vues avec les membres de la commission, de part et d'autre. Je vous cède immédiatement la parole.

M. Jake Warren M. Warren (Jake): Merci, M. le Pré- sident. Mesdames et messieurs, il me fait plaisir à la suite de votre invitation, de venir témoigner dans le cadre des travaux de cette commission parlementaire.

Depuis ma nomination par le premier ministre Bourassa en février 1986, j'ai assumé essentiellement trois fonctions. Premièrement, conseiller principal du gouvernement du Québec sur les négociations commerciales internationales; deuxièmement, président du comité consultatif sur les négociations commerciales; troisièmement, représentant du Québec au Comité fédéral-provincial permanent sur les négociations commerciales, ce qu'on appelle le comité Reisman.

Je vais vous dresser ici un bilan de mes activités dans le cadre de ces fonctions. Je ne crois pas qu'il me revienne ici de discuter des raisons qui ont amené le gouvernement fédéral à proposer des négociations avec les États-Unis, ni de discourir quant aux raisons qui ont amené le gouvernement du Québec à donner son appui à de telles négociations. Cet exercice a, d'ailleurs, déjà été fait par le premier ministre Bourassa et le ministre MacDonald au tout début des audiences de cette commission.

Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de vous informer du travail que j'ai effectué en collaboration avec les gens des secteurs privé et public que j'ai côtoyés dans le cadre de mes responsabilités.

Je vais vous parler, premièrement, de mon rôle comme conseiller principal du gouvernement du Québec. Lorsque j'ai commencé mon travail à ce titre, je me suis, d'abord, informé des grands objectifs de développement économique du Québec de façon à mieux identifier les intérêts du Québec au cours des négociations commerciales entre le Canada et les États-Unis. Ensuite, j'ai contribué à l'élaboration de la position du Québec dans ces négociations. Une position préliminaire a été adoptée par le Conseil exécutif dès le mois de mars 1986, position que j'ai communiquée au négociateur en chef du Canada, M. Simon Reisman, dans le cadre de son comité.

Il s'agissait essentiellement à ce moment-là de lui faire connaître les demandes, les conditions et les exigences de base du Québec au cours des négociations et, en contrepartie, de connaître les intentions du gouvernement fédéral et de l'influencer.

En collaboration avec les membres du

Comité technique interministériel et du

Groupe restreint de coordination, j'ai par la suite travaillé à l'examen des enjeux des négociations afin que soient présentées au

Conseil des ministres des stratégies et des , options possibles qui puissent guider ses décisions.

Nous avons obtenu des ministères concernés des analyses détaillées et des posi-

tions qui nous ont permis de bien cerner l'intérêt du Québec quant à la libéralisation des échanges avec les États-Unis. L'essentiel des analyses produites a été rendu public le 5 mai dernier par le ministre Pierre MacDonald. Le document d'information publié alors tenait également compte des informations que nous avons obtenues d'autres sources, à savoir le Comité consultatif sur la libéralisation des échanges) le Bureau des négociations commerciales, les études théoriques et autres.

Globalement, c'est à une trentaine d'organismes et à 150 spécialistes, hauts fonctionnaires et conseillers que nous avons eu recours afin de mieux conseiller le gouvernement.

À titre de coprésident du Groupe restreint de coordination, j'ai participé, avec les autres membres du groupe, à l'analyse à la fois des documents de travail transmis à titre confidentiel au Québec par le Bureau fédéral des négociations et des travaux commandés auprès des organismes gouvernementaux par le Comité technique interministériel. J'ai suivi de très près le déroulement des négociations en participant aux délibérations du Comité fédéral-provincial permanent sur les négociations commerciales et des groupes de travail fédéraux-provinciaux et en maintenant des liaisons étroites avec le Bureau des négociations commerciales. Je reviendrai sur ce point un peu plus loin. J'ai participé à l'élaboration de positions québécoises sur toutes les questions faisant l'objet des négociations. J'ai tenu informés le sous-comité ministériel et le Comité ministériel de planification et de développement économique, le CMPDE, et le Conseil des ministres sur l'évolution des négociations. J'ai aussi contribué à la préparation des projets de réponses aux demandes spécifiques du gouvernement fédéral et fait connaître sur l'ensemble des sujets en discussion les positions québécoises.

Je parlerai maintenant de mon rôle comme président du Comité consultatif sur la libéralisation des échanges. En février 1986, le gouvernement du Québec formait le Comité consultatif sur la libéralisation des échanges pour recueillir les représentations des groupes intéressés et pour le conseiller dans le cadre des négociations commerciales bilatérales et multilatérales qui étaient alors sur le point de s'engager. Le comité a remis son rapport le 11 du mois courant au ministre Pierre MacDonald, président du sous-comité ministériel sur la libéralisation des échanges. Ce rapport, comme vous le savez, a été rendu public le 14 septembre. À titre de président du comité, je crois qu'il est important de vous rappeler l'essentiel de son contenu.

Dans le cadre des négociations avec les États-Unis, le comité a tenu 18 séances au cours desquelles il a reçu 54 groupes, sociétés ou organismes. Leurs représentations peuvent être classées en trois grandes catégories: d'abord, ceux qui sont d'emblée favorables à la libéralisation des échanges avec les États-Unis; ensuite, ceux qui sont plutôt favorables, mais à certaines conditions; enfin, l'on retrouvera certains groupes qui sont défavorables à ce projet.

Dans le premier groupe, qui compte à la fois des producteurs de biens, mais également certaines industries de services, l'on rencontre des sociétés qui se sentent prêtes à affronter la concurrence internationale et croient pouvoir bien réussir dans un cadre commercial nord-américain où les obstacles au commerce seraient éliminés. Ces sociétés se sont déjà adaptées, ou sont en voie de l'être, aux impératifs des marchés étrangers et elles estiment que la qualité et la compétitivité de leurs produits et de leurs services doivent être une priorité de leur gestion et que les défis de la concurrence exigent des efforts continus en matière d'investissement, de recherche et de développement.

Plus particulièrement en ce qui a, d'abord, trait au secteur des services, ces sociétés croient pouvoir faire une pénétration encore plus grande sur le marché américain si certains obstacles sont éliminés, telles les barrières non tarifaires en matière d'achats publics, y compris les programmes de défense, et les barrières au mouvement des personnes, particulièrement le personnel professionnel, pour desservir leur clientèle américaine.

Les demandes de chaque groupe de services varient, cependant» En matière de services financiers, on désire assurer et accroître la présence permise sur le marché américain. En matière d'assurances, on veut sauvegarder et améliorer le traitement national dont, en général, l'industrie bénéficie déjà des deux côtés de la frontière.

En matière d'informatique, qui a connu une forte croissance, on insiste sur le maintien de frontières ouvertes pour l'offre de services et la transmission des données et sur le maintien adéquat de la politique de faire-faire qui a contribué au développement de cette industrie.

En matière de transport, on manifeste un certain intérêt pour la libéralisation du marché américain, mais aussi une inquiétude quant au maintien du protectionnisme au niveau des États des États-Unis. On se préoccupe aussi de la pénétration éventuelle du marché local par les grandes sociétés américaines, particulièrement pour les routes les plus lucratives.

En matière de génie-conseil, on manifeste un intérêt pour le marché américain, tout en soulignant la prépondance du marché des pays en voie de développement et aussi un intérêt pour le maintien des relations privilégiées dont les sociétés

bénéficient pour nos marchés publics. Enfin, quant aux architectes, comme les ingénieurs, ils commencent à se pencher sur un processus possible, de reconnaissance mutuelle de leurs compétences professionnelles. Dans plusieurs cas, les demandes des différents groupes sont fonction de la réglementation déjà applicable et de l'évolution des contextes de déréglementation.

En ce qui a trait aux produits à base de ressources naturelles, la plupart des producteurs québécois rencontrent peu d'obstacles à l'exportation aux États-Unis et, étant particulièrement vulnérables au protectionnisme américain non tarifaire, ils souhaitent, évidemment, conserver leur accès à ce marché.

L'industrie du bois, quant à elle, pour des raisons bien évidentes, nous a fait des représentations très claires quant à la nécessité d'obtenir le rétablissement de son accès au marché américain, récemment compromis par l'imposition d'une taxe à l'exportation. De même, la sidérurgie québécoise a des débouchés importants aux Etats-Unis; il lui est essentiel de les conserver et de les étendre. Il en est de même pour plusieurs autres secteurs importants, tels le ciment, l'amiante, le cuivre, l'aluminium.

Il est intéressant de noter que, dans les domaines de haute technologie, telles l'électronique, les télécommunications, l'aérospatiale et les biotechnologies, nous avons reçu des représentations nous faisant réaliser l'importance des secteurs où les Québécois possèdent des forces importantes qui leur permettent déjà de bien profiter du marché américain. Pour ces entreprises, la taille du marché américain, son dynamisme et les capacités d'innovation et de développement technologique qui lui sont connexes constitueront une base importante pour leur propre développement.

Soulignons aussi les représentations généralement favorables au projet de libéralisation des échanges que nous avons reçues de la Chambre de commerce du Québec, du Conseil du patronat et de l'Association des manufacturiers canadiens, dont vous avez, d'ailleurs, pu prendre connaissance au cours de ces deux dernières semaines puisque ces organismes se sont également présentés devant vous.

Les membres du comité ont pensé utile de souligner, quand même, les réactions de ces organisations puisqu'elles regroupent un très grand nombre d'intervenants du secteur manufacturier et entrevoient des grandes possibilités d'expansion pour l'industrie québécoise sur le marché américain, bien qu'exprimant certaines réserves à l'égard de la compétitivité de secteurs particuliers.

Ceci nous amène au deuxième groupe d'industries auquel nous avons fait référence précédemment. Il s'agit là d'entreprises qui sont susceptibles de pouvoir être concurrentielles dans le marché américain et de s'y développer, pourvu qu'elles puissent bénéficier de périodes d'adaptation adéquates qui pourraient, par exemple, être de cinq ou dix ans, au cours desquelles, au besoin, et selon la situation particulière de chaque entreprise, elles pourraient se restructurer, se fusionner, augmenter leur capitalisation et réorienter la formation de leur personnel.

Nombre d'entreprises ont suggéré que des appuis gouvernementaux seront nécessaires au cours de ces périodes de transition, particulièrement en ce qui a trait aux programmes de formation et de la main-d'oeuvre et de modernisation des équipements pour être en mesure de relever le défi de la concurrence américaine. Il est important de noter qu'on situe là plusieurs des secteurs industriels qui constituent un segment important de l'économie québécoise, tels les produits de la forêt, l'équipement de transport, les produits en métal, certaines composantes du secteur du meuble, la transformation des métaux, la fabrication de machinerie, de produits électriques et de produits chimiques.

Aussi, on peut retrouver dans ce groupe certaines entreprises faisant partie de ce qu'on qualifie traditionnellement de secteurs mous, tels le textile, le vêtement, la chaussure et le meuble. Cependant, il est important de souligner qu'il y a au sein de chaque groupe de grandes variations quant à la perception de leur avenir dans ce nouveau contexte commercial. À titre d'exemple, certaines compagnies oeuvrant dans le domaine du textile se sont considérablement modernisées au cours des dernières années, ont effectué des percées importantes aux États-Unis et envisagent l'avenir avec un certain optimisme. A l'inverse, certaines entreprises craignent la compétition américaine provenant, entre autres, d'équipements plus modernes, de coûts de production inférieurs et d'économies d'échelle relativement plus importantes. Pour certains autres secteurs, par exemple, la chaussure, on craint beaucoup plus la concurrence de certains pays européens et encore davantage celle des nouveaux pays industrialisés que la concurrence américaine. Cependant, là encore, il existe des différences de position puisque certaines compagnies se sont taillé une place enviable aux États-Unis grâce à une production spécialisée dans certains créneaux.

Quant à eux, les producteurs de vêtements ont souligné l'importance du maintien des quotas dont ils bénéficient et de l'approvisionnement en franchise de composantes importées, de même que, comme dans le cas de la chaussure, l'importance de l'application de règles d'origine pour éviter les détournements du

trafic.

Une conclusion importante concernant ce second groupe, c'est qu'il faudra éviter les généralisations faciles et plutôt apprécier l'état des secteurs spécifiques et même des différentes entreprises au sein de ces secteurs et sous-secteurs. Oe manière générale, toutefois, l'ensemble des entreprises faisant partie de ce deuxième groupe ont un dénominateur commun, à savoir le besoin d'une période de transition, d'une période d'adaptation pour permettre de procéder aux modifications structurelles et aux investissements requis afin d'être en mesure de concurrencer d'une manière plus efficace les marchés américain et domestique. Il leur faudra également prévoir des efforts soutenus de recyclage de la main-d'oeuvre. Il apparaît évident que, pour y parvenir, une aide gouvernementale sera nécessaire et il faudra donc prévoir les périodes de transition et les mesures d'assistance appropriées. Aussi, nombre d'intervenants ont plaidé pour un assouplissement de l'encadrement législatif, réglementaire et fiscal qui, selon eux, pèse lourdement sur le secteur manufacturier québécois. Ces contraintes, ajoutent plusieurs intervenants, nuisent à la compétitivité des entreprises québécoises.

Le troisième groupe d'intervenants réunit les opposants aux négociations de libéralisation des échanges entre le Canada et les États-Unis. Les principales réserves exprimées par les représentants de ce groupe ont trait aux impacts pressentis du libre-échange en matière de politique sociale, économique et culturelle, de même qu'au souci particulier concernant la viabilité du secteur agricole.

Les questions socio-économiques ont été évoquées par certaines centrales syndicales qui ont exprimé diverses inquiétudes. Tout d'abord, elles craignent qu'une rationalisation à l'échelle nord-américaine n'entraîne des fermetures d'usines au Québec. Au surplus, elles craignent également la perte d'emplois à la suite de la disparition progressive d'entreprises qui ne pourraient pas faire face à la compétition américaine. Je pense que vous avez déjà reçu des témoignages directs de certaines de ces centrales syndicales.

L'une des préoccupations importantes concerne, par ailleurs, les avantages sociaux dont bénéficie la population du Québec. On craint, en effet, que, pour tenter d'atteindre un niveau de compétitivité comparable à celui des Américains, les industriels québécois ne sollicitent des gouvernements provincial et fédérai l'harmonisation à la base de nombreuses mesures de protection sociale.

En ce qui a trait au secteur agricole, les inquiétudes à ce sujet ont trait aux systèmes de gestion de l'offre, de stabilisation des prix et d'aide particulière qui ont été mis en place au cours des années tant au Québec qu'au Canada. On a indiqué au comité que, si cela devait disparaître, il en résulterait des déséquilibres importants qui pourraient sérieusement perturber la viabilité de l'ensemble du secteur agricole québécois. On a, toutefois, signalé l'importance d'un accès plus libre au marché américain pour certains secteurs de la production québécoise, tels la viande de porc et certains produits horticoles. (14 h 30)

Le comité a, d'autre part, reçu des représentations très fermes du secteur de la transformation agro-alimentaire qui doit s'approvisionner et fonctionner avec des contraintes particulières au Québec et au Canada découlant des coûts plus élevés engendrés par notre système agricole, alors que des contraintes semblables n'existent pas aux États-Unis. C'est particulièrement le cas des brasseries qui estiment ne pouvoir rivaliser avec leurs homologues américains qui bénéficient de capacités de production beaucoup plus importantes et de coûts d'approvisionnement passablement inférieurs. On a, de plus, souligné que les barrières interprovinciales touchant l'approvisionnement et les structures de production constituent un net handicap pour cette industrie brassicole.

Enfin, au sujet des préoccupations relatives à la culture, il a été maintes fois signalé qu'il faudra conserver tous les outils nécessaires pour protéger et promouvoir la spécificité canadienne et québécoise face à la forte présence actuelle d'intérêts américains dans le secteur, laquelle, selon les intervenants, pourrait s'accentuer. C'est particulièrement le cas dans le domaine de l'édition et de l'ensemble de ce que l'on convient d'appeler les industries culturelles qui souhaitent le maintien de protection sur les marchés locaux et l'amélioration des perspectives d'emploi pour les artistes et concepteurs québécois. On a également souligné qu'il fallait moderniser le régime de protection de la propriété intellectuelle qui s'applique actuellement.

Comme vous le savez, ces représentations ont été formulées de façon détaillée au cours des mois selon les sujets abordés et ont aidé à définir les intérêts du Québec dans ces négociations. On a également tenu compte des représentations que nous avions reçues jusqu'alors pour la préparation du document québécois publié en mai dernier et qui traitait de l'ensemble de la question de la libéralisation des échanges commerciaux avec les États-Unis.

À la lumière des représentations reçues et de ces délibérations, le comité consultatif était d'avis qu'il n'est pas dans l'intérêt du Québec de refuser de donner son appui à un accord de libre-échange qui respecte les conditions essentielles qui ont été mises de l'avant par le Québec au début des

négociations. Oe plus, le comité était d'avis qu'il est erroné de croire que nous puissions maintenir le statu quo. En effet, l'environnement réglementaire et économique est dynamique et tout indique que, si rien ne se fait, le protectionnisme américain s'accroîtra, c'est bien évident. En conséquence, l'un des principaux marchés traditionnels dont le Québec a besoin pourrait progressivement se refermer.

Globalement, d'après moi, les objectifs, les demandes et les conditions du Québec à l'égard d'un éventuel accord de libéralisation des échanges entre le Canada et les États-Unis ont reçu l'appui du comité consultatif.

Finalement, le comité a tiré un certain nombre de conclusions. En premier lieu, il est essentiel pour le Québec de s'assurer un accès au marché des États-Unis. Deuxièmement, le développement de l'économie québécoise exige l'augmentation de sa part de ce marché. En troisième lieu, la montée jusqu'ici inéluctable du protectionnisme américain constitue une menace sérieuse pour l'économie québécoise. Les négociations avec les États-Unis doivent être poursuivies dans le but d'obtenir un accord sur un mécanisme bilatéral et équilibré, rapide et efficace de règlement des différends, sur l'accès au marché public américain, sur la libre circulation des biens et services et sur une plus grande mobilité de personnes appelées à les fournir.

Il faudra, cependant, prévoir que la culture ne devrait pas être touchée, que le secteur agricole devrait être approché avec circonspection et maintenu dans son ensemble, que des périodes de transition suffisamment longues pour permettre à certaines industries de se recycler seront nécessaires et que des mesures d'adaptation devront être rendues disponibles par les gouvernements pour les entreprises comme pour la main-d'oeuvre.

Au surplus, il faudra prévoir que l'accord soit valable pour une période suffisamment longue pour permettre aux agents économiques de faire une planification adéquate.

Enfin, il faudra également se pencher sur la question des barrières interprovinciaies au commerce qui constituent un obstacle important au développement des industries québécoises. Ce sont nos conclusions.

M. le Président, je parle maintenant de mon rôle comme représentant du Québec au Comité fédéral-provincial permanent des négociations commerciales, le comité Reisman. Outre les réunions fédérales-provinciales des premiers ministres, le comité Reisman et ses groupes de travail sur des sujets particuliers ont constitué le pivot de la consultation et de l'information entre le fédéral et les provinces concernant le contenu et le déroulement des négociations.

Ce comité s'est réuni presque à tous les mois depuis janvier 1986. J'y étais le porte-parole du Québec. Aux réunions de ce comité, le négociateur en chef du Canada, M. Simon Reisman, a discuté avec les représentants provinciaux des principaux axes de la stratégie de négociation et des positions plus détaillées à défendre sur les différents sujets.

Nous étions tenus également au courant de l'évolution du mandat confié au négociateur en chef par le gouvernement canadien et les premiers ministres. Bien sûr, nous avons suivi de très près le déroulement des négociations dans ses grandes lignes et dans les moindres détails.

En somme, les réunions du comité Reisman nous permettaient de partager nos réflexions avec les autres provinces et d'influencer la position fédérale dans le sens des objectifs généraux et spécifiques du Québec. J'espère avoir fait en sorte que le fédéral comprenne bien l'essentiel de la position québécoise. J'ai aussi tenu informés, comme je l'ai déjà dit, sur une base continue, le premier ministre Bourassa, le ministre MacDonald et les membres du CMPDE du déroulement des négociations.

Voilà, M. le Président, mesdames, messieurs, l'essentiel de ce que je voulais vous dire concernant l'exercice du mandat qui m'a été confié par le premier ministre Bourassa. Je suis à votre disposition pour écouter vos commentaires et essayer de répondre à vos questions. Cela n'a pas été trop long?

Le Président (M. Charbonneau): Non. C'était parfait en ce qui concerne le temps et cela va nous laisser plus de possibilités pour engager la discussion. Je cède maintenant la parole au ministre du Commerce extérieur.

M. MacDonald: Merci, M. le Président. Merci, M. Warren.

Au tout début du traitement de ce dossier au Canada, on s'est inquiété de la participation des provinces. Dans les premiers mois, il était assez difficile de préciser quel serait exactement le rôle desdites provinces.

Le chef de l'Opposition se rappellera qu'à cette réunion d'Halifax, en décembre 1985, le premier ministre Mulroney avait présenté cette expression "pleine participation" pour les provinces.

Au cours de cette commission et bien avant, il s'est posé de multiples questions, à savoir si réellement les provinces et particulièrement le Québec avaient participé pleinement à l'élaboration, d'abord, de cette position canadienne, deuxièmement au suivi des négociations, dans une position où il était capable d'être présent à la conclusion des parties comme de l'ensemble et se réservant toujours le droit d'approuver ou de désapprouver, c'est-à-dire de participer ou de

ne pas participer.

Sans révéler nécessairement le contenu des négociations - et on comprend très bien ici la position délicate dans laquelle vous vous trouvez cet après-midi - j'aimerais tout de même vous entendre dire si le Québec a participé pleinement à cette négociation,,

M. Warrens M. le Président, je pense que, comme la beauté, le contenu du mot "pleinement" varie selon les yeux de l'observateur, mais je sais qu'il a de beaux yeux, M. MacDonald. Pour comprendre le rôle des provinces cette fois, je pense qu'il faut retourner un peu en arrière pour mieux comprendre d'où nous sommes venus. Si je me le rappelle bien, à une certaine époque, Mackenzie King a demandé à un monsieur, en secret, d'avoir des pourparlers et de revenir lui dire ce qui serait possible et je ne suis pas convaincu que même les ministres du cabinet fédéral étaient au courant de tout cela.

Au commencement des négociations multilatérales au GATT, je pense que M. McKinnon une fois avait été envoyé pour négocier dans les meilleurs intérêts du Canada et apporter le "package" au gouvernement fédéral. À ce moment-là, je pense que les provinces ne se préoccupaient pas beaucoup de la politique commerciale. Il était question de l'abaissement des tarifs très hauts des années 1930, c'était une espèce de responsabilité fédérale, le commerce international. Mais, de plus en plus, les provinces ont reconnu qu'elles avaient des intérêts majeurs dans le "framework" - comment est-ce que cela se dit? - dans le cadre de l'activité économique au Canada.

Je passe maintenant au Tokyo Round où j'ai été un peu actif. La, on a mis en place un comité de consultation avec les provinces parce qu'on a reconnu l'intérêt qu'elles ont démontré; les provinces comme le Québec, l'Ontario, l'Alberta, la Colombie britannique étaient dotées à ce moment-là - ce n'était pas le cas auparavant - d'une fonction publique plus développée, avaient une idée plus précise de leurs intérêts économiques. On a tenu à informer les provinces des déroulements importants des négociations. S'il y avait des points précis, par exemple la question des niveaux de tarifs pour les produits chimiques, dans laquelle le Québec, l'Ontario et l'Alberta avaient un intérêt et que les intérêts étaient divergents, à ce moment-là on mettait ces provinces au courant pas précisément de l'état exact de l'affaire, mais de la fourchette dans laquelle les faits étaient et où était leur "bottom line". À ce moment-là, on avait à la table, à Genève, la possibilité de faire une entente plus large que celle qui s'est conclue sur les achats publics, mais cela aura été la première fois que les juridictions des provinces auront été mêlées dans les négociations tarifaires commerciales multilatérales.

IL y avait aussi la question de la gestion de nos monopoles d'alcool où les provinces ont négocié avec moi un "statement of intent", une déclaration d'intention. Alors, il va de soi que, si ce sont des engagements que le fédéral doit prendre vis-à-vis des pays étrangers, il faut avoir une coopération de plus en plus étroite avec les provinces.

Cette fois-ci, il y avait des possibilités, dans une négociation bilatérale, que les négociations touchent les subventions industrielles, les monopoles de boisson, les standards, les achats publics des grandes sociétés d'État comme Hydro-Québec et Hydro-Ontario et bien d'autres domaines qui touchent la propriété intellectuelle des autres où il y a soit une juridiction partagée ou une juridiction des provinces d'où le fédéral est exclu.

Dans ces circonstances, je pense qu'avec l'expérience du Tokyo Round ils se sont décidés à avoir une collaboration beaucoup plus étroite et beaucoup plus riche avec les provinces, ce qui nous a amenés, au Canada, à avoir le système que je viens de décrire, dans lequel le fédéral a partagé avec les premiers ministres, les ministres et les hauts fonctionnaires, en effet, le centre des négociations, je pense, avec une communication très adéquate pour tenir les provinces informées.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. M. Warren, bonjour. Cela nous fait plaisir de vous voir à la barre des témoins, aujourd'hui. Soyez assuré que, même si dans notre travail d'Opposition que nous avons eu à faire nous avons eu à critiquer le gouvernement, jamais nous n'avons tenu quelque propos au sujet de vos compétences. Soit dit en passant, nous respectons les compétences de M. Jake Warren et je tiens à ce que cela soit clair.

Vous avez mentionné tantôt dans votre exposé, M. Warren, si j'ai bien compris, que l'essentiel de votre consultation à titre de président du comité consultatif, l'essentiel de ce travail des quinze ou dix-huit derniers mois s'est retrouvé à l'intérieur du document publié par le ministre, Une perspective québécoise. Est-ce que j'ai bien saisi ce point? C'est parce qu'à la suite de cela j'aurais des questions à vous poser. (14 h 45)

M. Warren: Je pense que vous avez très bien compris ce que j'ai dit. Ce que nous avons expérimenté est contenu dans le rapport du comité consultatif, que j'ai signé comme président, mais les informations... Il

y a des grandes annexes des soumissions des industries et des sociétés qui sont venues nous voir. Toutes ces informations ont été envoyées aux gens concernés dans la fonction publique, ici, à Québec. C'est dans ce sens que finalement la position du Québec se dégage de toutes les informations disponibles au CMPDE et au Conseil exécutif.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. Warren. Si le ministre le permet, j'aurais quelques brèves questions à poser. En fonction de cela, dans le document appelé Une perspective québécoise qui, soit dit en passant, est le seul document officiel publié par le gouvernement, il y a plusieurs informations qu'on n'a pas retrouvées et qui ont été soumises à notre attention lors de la commission parlementaire des deux dernières semaines. Si j'ai bien compris et bien scruté votre document, plusieurs de ces organismes qui ont eu à comparaître devant vous... Si je ne m'abuse, 20 organismes ont comparu devant vous entre le 5 mai 1987 et le 11 septembre dernier, date à laquelle vous avez remis votre rapport. Ces 20 organismes, dont certains très importants, comme l'Union des producteurs agricoles l'Ordre des archictectes et je pourrais en citer plusieurs autres, ont comparu depuis la parution de ce rapport du gouvernement, leur position se retrouve où? Dans votre document. Elle n'a donc pas été reflétée dans le document Une perspective québécoise. Est-ce exact? Est-ce que je comprends bien?

M. Warren: Je pense, M. Parent, que vous avez très bien compris. Ce document a été complété vers la fin d'avril et a été publié au commencement du mois de mai. Je pense, par définition, que cela ne contient pas les commentaires des gens qui sont venus après cette date. J'ai essayé d'exposer d'une façon sommaire, dans mon rapport à M. MacDonald comme président du comité consultatif, les informations reçues depuis cette date. Cela a été fait d'une façon continue durant toute cette période pour influencer toute la réflexion du gouvernement sur le sujet.

M. Parent (Bertrand): Oui, je comprends, M. Warren, sauf qu'il faut juste réaliser que, pour nous qui avons eu peu d'information à ce jour - je pense que c'est endossé par l'ensemble des intervenants - le documentUne perspective québécoise, publié le 5 mai dernier ne reflète pas, à toutes fins utiles, puisqu'il n'y a eu que deux endroits où les gens ont pu s'exprimer: au comité Warren et ici en commission parlementaire, la position des groupes qui se sont exprimés après le 5 mai et maintenant. Même si c'était un processus continu, je le comprends bien, leur position comme telle n'est pas reflétée dans le document du gouvernement, mais elle est reflétée dans votre document sommaire que vous avez remis il y a quelques jours, le 11 septembre, et rendu public le 14 septembre. Est-ce exact?

M. Warren: En plus, M. Parent et M. le Président, je pense que, si je n'ai pas tort, les membres de la commission parlementaire ont reçu aussi un document-synthèse de la position québécoise. C'était une mise à jour du document du 5 mai. J'espère que vous avez eu l'occasion de le lire, sinon de l'étudier.

M. Parent (Bertrand): Oui.

M. Warren: Alors, il y a, en effet, trois documents et un processus. S'il y a des industries qui se préoccupent de relever des défis et de profiter des occasions, elles ont des façons d'écrire des lettres aux ministres et de faire des représentations lors des réunions dans les différents ministères, comme vous le savez très bien; c'est tout le processus des gouvernements, ici au Canada et au Québec.

M. Parent (Bertrand): M. Warren, plusieurs groupes ont comparu devant vous et devant votre comité et n'ont pas comparu ici en commission parlementaire pour toutes sortes de raisons auxquelles je n'ai pas de réponse.

M. Warren: Moi, non plus!

M. Parent (Bertrand): On a eu une réponse ce matin; il y avait un groupe important qui représentait les consommateurs, qui n'a pu comparaître devant vous et qui est venu s'exprimer ce matin. Ma question serait: Est-ce que vous vous opposeriez et est-ce que le ministre s'opposerait à ce que ceux qui n'ont pas comparu devant cette commission et qui ont apporté des points de vue... Je pense à plusieurs grandes banques qui se sont manifestées et à d'autres dans différents domaines dont on n'a pas eu le son de cloche ici en commission. Est-ce qu'il serait possible de rendre de façon exhaustive le mémoire qu'ils vous ont présenté et la position qu'ils ont présentée? Est-ce que vous vous opposeriez à rendre cela public?

M. Warren: Je n'ai pas tout à fait saisi la portée de votre question.

M. Parent (Bertrand): Les groupes... M. Warren: Oui.

M. Parent (Bertrand): ...qui ont comparu devant vous...

M. Warren: Oui.

M. Parent (Bertrand): ...et qui n'ont pas comparu ici en commission parlementaire, j'aurais pu en identifier une dizaine...

M. Warren: Oui.

M. Parent (Bertrand): ...serait-il possible d'avoir leur position, donc le mémoire que ces gens-là ont présenté? Vous ou M. le ministre, auriez-vous objection à cela?

M. Warren: Je pense que, si je n'ai pas tort - peut-être que M. le secrétaire pourra nous informer, sinon le président - les études ont été mises en annexe à notre rapport et sont disponibles. J'ai hésité à les apporter parce que c'est un mur de papier. On a consulté les gens qui sont venus nous voir -M. Doré, je ne sais pas s'il est ici - et on a eu la permission de rendre publiques leurs études. Je pense que M. MacDonald l'a fait.

M. MacDonald: Si vous me le permettez, juste pour clarifier, dans chacun des cas où l'organisme qui s'est présenté n'a pas demandé la confidentialité, il n'y a aucun problème à vous remettre les études qui, d'ailleurs à ma connaissance, devaient être annexées à cela. Mais dans plusieurs cas - et vous l'avez remarqué par. des témoins qui se sont présentés devant nous - même après s'être présentés devant nous, on leur demandait le contenu de leurs études, leur modèle, etc., et ils ne voulaient pas rendre publics leurs chiffres ou leurs appréciations qualitatives.

M. Parent (Bertrand): Je cède la parole au ministre.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. Parent (Bertrand): Je pourrai revenir par la suite avec une série d'autres questionsc

M. MacDonald: Merci. Je voudrais me permettre d'ajouter ces explications à cet échange de propos que vous avez eu. Il ne faudrait pas oublier que le premier rapport que nous avons remis au mois de mai était essentiellement le résultat des questions posées aux quatorze ministères ou organismes du gouvernement provincial pour savoir quelles étaient leurs positions, les intérêts qu'ils avaient à défendre, les enjeux qu'ils voyaient en tant que responsables d'un ministère ou d'un organisme spécifique, comme l'Industrie et le Commerce, les Mines, les Forêts, l'Agriculture, etc. Et c'est cela, plus ce qui avait été entendu par le comité Warren qui a fait l'objet du premier rapport. Suivant ce deuxième rapport et avant la publication du rapport du comité Warren, il y a eu remise - et vous l'avez eu, d'ailleurs, au début de cette commission parlementaire - d'une mise à jour dudit rapport sous forme de synthèse et, ensuite, il y a eu le rapport Warren qui, nécessairement, incorporait toutes les représentations qui avaient été entendues.

Cela étant dit et voulant poursuivre dans cette transparence qu'on veut donner à ces négociations et non pas strictement et purement sur une base de pédagogie, M. Warren, vous avez très humblement dit que vous aviez un certain intérêt au Tokyo Round et que vous y aviez participé. Je crois qu'il serait juste de ma part de dire que vous étiez le chef de la délégation canadienne et que vous aviez une position très responsable; vous avez fait plus que participer. Vous avez été ambassadeur canadien à Washington. Vous avez une connaissance approfondie, pour y avoir été présent pendant un bon bout de temps, du GATT. Je pense qu'il est honnête de dire que, dans la province de Québec, au sein du gouvernement du Québec ou du Parlement du Québec, comme à Ottawa, il y a deux ans, sur le terme libéralisation des échanges et tout ce qui entoure l'organisation, les structures, les infrastructures qui existent dans cette relation d'échanges commerciaux internationaux, on n'en connaissait pas beaucoup. Souvent, il m'a semblé, au cours des représentations qui ont été faites ici, qu'il y avait des doutes, des aspects qui étaient nébuleux.

J'aimerais vous poser une question et, encore là, je sais que cela peut être très long. Au Canada, on commence à savoir un peu comment cela se passe. On commence à savoir un peu de quelle façon se distribuait l'autorité du premier ministre, M. Mulroney, donnée à quelques ministres qui avaient formé un comité. M. Reisman avait tout de même une relation possible avec le premier ministre et avec ce comité également, et il y avait la participation des provinces. Mais on a eu l'impression - M. Reisman en a donné plus que l'impression et certaines personnes publiques dont je suis l'ont commenté - qu'aux États-Unis cela ne marchait pas pareil. C'est quoi, l'organisation? Quelle est votre perception, sans révéler des aspects confidentiels de la négociation? Comment ça marchait aux États-Unis? Peut-être même que je pourrais vous demander comment ça marche aujourd'hui. À qui parle-t-on? Qui fait quoi?

M. Warren: La dernière partie de votre intervention: où en sont les choses et qui fait quoi, ce sont des belles questions, sans doute. Mais je vais essayer d'expliquer un peu le "background", les différences. Il faut commencer au commencement. Au fond, la question, c'est que, ici, au Canada comme, ici, au Québec, on a la joie d'avoir un système démocratique, de "Parliamentary

government", un gouvernement du parti majoritaire. C'est-à-dire que, si vous avez une majorité, vous êtes capable de faire, dans l'encadrement constitutionnel, ce pourquoi vous avez été élu, n'est-ce pas, avec les questions de l'Opposition, les pressions et toujours les élections qui sont à venir.

Mais aux États-Unis, c'est un système tout à fait différent avec la séparation des pouvoirs. Je ne parle pas du pouvoir judiciaire qui est indépendant dans les deux cas. Mais vous avez un système de gouvernement, de gestion partagée entre le Congrès et l'administration. L'administration n'est pas nécessairement aux mains d'un majorité, soit dans la maison des représentants, soit dans le Sénat.

Dans leur constitution, le pouvoir de faire des accords de commerce avec les autres pays ne relève pas de l'administration. Au fond, cela relève du Congrès et surtout du Sénat. Même dans les périodes du GATT, des grandes négociations du Kennedy Round et du Tokyo Round et auparavant, c'est l'administration qui négocie, mais avec un mandat de négociation qui est donné par le Congrès.

Les contrats qui ont mis le Congrès dans la possibilité de négocier deviennent, dans l'histoire moderne, de plus en plus détaillés. Alors, si le président, dans le temps, avait le droit de réduire les tarifs américains de 50 % dans certaines conditions, c'était la limite des pouvoirs des négociateurs américains.

Au Canada, les négociateurs avaient le droit de dire au gouvernement ce que c'était, le "deal" et si c'était adéquat de leur point de vue.

Cela nous amène, en même temps, au GATT et aux négociations bilatérales. Pour ce qui est du GATT et de l'avenir du Uruguay Round auquel a assisté M. MacDonald, au commencement, en Uruguay, il y a, pour l'instant, un "Trade Act" aux États-Unis qui a été légiféré il y à quelques années et qui va se terminer le 3 janvier.

À ce moment-là, en l'absence d'autres législations et peut-être à l'exception de certains pouvoirs qui pourraient être continués, les Américains n'ont pas le droit de négocier. D'où l'importance des "Trade Bills" qui sont maintenant en train d'être réconciliés entre le Sénat et la Chambre de représentants avec des clauses assez protectionnistes.

Alors, selon le résultat de cette réconciliation et selon la décision du président Reagan d'exercer un veto sur un "bill" qui pourrait être trop restrictif ou d'y concourir, nous allons être en face d'un nouveau "framework", d'une nouvelle ambiance de commerce au Uruguay Round, au GATT, parce que les limites des Américains seront déterminées entre les

États-Unis et le Canada, s'il n'y a pas une zone de libre-échange entre les deux.

Alors, voilà. Vous avez un système partagé dans lequel le Congrès a le dernier mot, sauf qu'il a délégué un pouvoir à l'administration et, ici, vous avez un système parlementaire dans lequel le gouvernement peut dire de quoi il s'agit.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bertrand. (15 heures)

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. En février 1986, M. Warren, vous avez reçu un mandat du gouvernement du Québec. Vous nous avez dit tantôt que, dès mars 1986, donc, dans le mois ou dans les semaines qui ont suivi, vous avez reçu, de la part du gouvernement du Québec, du Conseil des ministres, un mandat pour aller déposer la position du Québec à Ottawa. J'aimerais savoir si ce mandat que vous avez reçu à ce moment-là était sensiblement le même qu'en mars 1986, qu'en mars 1987 et que maintenant. Je veux savoir également si vous avez participé à l'élaboration des sept conditions à l'appui du libre-échange publiées par le gouvernement le 5 mai dernier et, à toutes fins utiles, rendues publiques encore dernièrement.

M. Warren: M. MacDonald va me corriger si j'ai Tort, mais vous allez trouver ; l'essentiel de la position du gouvernement à la page 83, à la fin du petit dossier du 5 mai. Je n'aimerais pas trop souligner ou exagérer mon rôle là-dedans. Je venais d'arriver, comme je l'ai dit cet après-midi, et il m'a fallu quelques jours et quelques semaines pour bien saisir ce qu'étaient les aspects de la modernisation de l'industrie du Québec, de notre productivité, qui étaient, entre autres, les objectifs du gouvernement du Québec. Ayant mieux compris certains des aspects d'un Québec moderne, j'ai collaboré, avec les hauts fonctionnaires ici et avec l'appui des ministres, à dégager les points mentionnés dans les pages. Je ne dirai pas que j'étais le grand joueur, mais je pense que j'ai aidé les gens ici, qui n'avaient pas l'habitude de faire des négociations commerciales, à dégager, pour les besoins d'une négociation, les points et à les mettre dans une espèce d'ordre qui se traduise bien dans les termes d'une négociation.

M. Parent (Bertrand): M. Warren, excusez-moi, mais je n'ai pas eu de réponse à la question. Le mandat que vous avez reçu au début, ce que vous avez mis sur la table à Ottawa en mars 1986, au début de la négociation, est-ce le même mandat qu'en cours de mandat, c'est-à-dire après un an et maintenant, ou si ce mandat a été modifié? Si oui, quand a-t-il été modifié par rapport à la position du Québec, à ce que nous

réclamons auprès du gouvernement d'Ottawa?

M. Warren: L'essentiel de ce mandat reste valable. C'est notre "touchstone", au jour le jour, pour savoir si les événements qui changent dans la négociation nous dirigent vers les objectifs établis ou pèsent trop sur les choses auxquelles on est sensible. Il ne nous a pas été nécessaire de chercher des mandats plus détaillés chaque semaine. On a bien gardé notre position à la base. Je pense que, dans une très grande mesure, ce n'est peut-être pas à cause de nous, mais beaucoup de cela s'est reflété dans la position du gouvernement du Canada.

M. Parent (Bertrand): On se comprend bien, M. Warren. Entre le début de mars 1986 et maintenant, il n'y a pas eu de nouveau mandat donné quant à la position du Québec, à toutes fins utiles. C'est le même cadre*

M. Warren: Le même cadre. Il faut bien comprendre que, sur les questions détaillées, nous avons cherché à informer les ministres et M. MacDonald est en mesure de vous répondre sur les grandes lignes qu'on a cernées. Je dirai qu'en ce qui concerne les grandes lignes on continue à travailler dans le cadre de ce premier mandat, mais c'est beaucoup plus clarifié maintenant et on a regardé certaines des possibilités, certains des défis.

M. Parent (Bertrand): Lorsque le premier ministre, il y a quelques semaines, nous disait qu'il était prêt à faire des concessions, à quelles concessions pourrait-on s'attendre?

M. Warren: Je pense que M. Bourassa est bien capable de répondre lui-même à cette question-là. S'il a expliqué que dans une négociation il faut qu'il y ait des pas en avant des deux côtés, je pense qu'il a décrit quelque chose de normal.

M. Parent (Bertrand): Vous êtes le conseiller du gouvernement du Québec et du premier ministre. Je suis d'accord avec vous que le premier ministre est capable de répondre aux questions. Le problème, c'est qu'il ne répond pas.

Une voix: Je ne suis pas sûr.

M. Parent (Bertrand): Mais vous qui êtes, jusqu'à nouvel ordre, son conseiller en ces matières, en fait de concessions pour le Québec, de quoi s'agit-il? À quoi peut-on s'attendre sans donner tous les détails? Est-ce qu'on va laisser aller des morceaux? Par exemple, c'est quoi, le maintien d'un statut spécial dans le domaine de l'agriculture? Qu'est-ce que cela veut dire pour vous?

M. Warren: Pour moi, cela veut dire qu'il n'est pas question de faire des changements significatifs dans les grands programmes de soutien à nos agriculteurs. Mais il n'est pas exclu qu'il y ait un progrès à découvrir dans les négociations pour un tel produit, pour une libéralisation, comme cela a été le cas dans le Tokyo Round. Ce n'est pas une exclusion totale, mais c'est un statut particulier et cela a été accepté par le gouvernement du Canada.

M. Parent (Bertrand): La compréhension que le gouvernement canadien et que votre vis-à-vis, M. Reisman, ont de la culture québécoise, est-ce que cela a été suffisamment explicité pour qu'on s'entende bien sur ce que comprend la culture avec tous ses à-côtés? On mentionne dans les conditions d'appui qu'on devra avoir le respect intégral de la langue et de la culture. La culture québécoise, c'est très large et cela comprend beaucoup de choses. Est-ce que tout cela a été bien explicité et est-ce qu'on se comprend bien au niveau du gouvernement canadien et de M. Reisman qui est à la table avec M. Murphy? Est-ce qu'on parle le même langage? On sait que, dans la tête des Américains - et vous le savez fort bien aussi, M. Warren - l'aspect culture, culture canadienne ou culture québécoise, n'est pas du tout le même que celui que nous avons.

M. Warren: Je pense que c'est très bien compris à Ottawa à tous les niveaux de la négociation. Sans doute que les Américains vont continuer à faire des pressions pour qu'on fasse des concessions là-dessus. J'espère que les négociateurs canadiens resteront forts comme ils l'ont été jusqu'à maintenant.

M. Parent (Bertrand): Je garde le temps qu'il me reste.

Le Président (M. Charbonneau): M. le ministre.

M. MacDonald: Je n'ai pas besoin de venir en aide, et ce n'est pas le cas, à M. Warren. J'aimerais, tout de même, pour restipuler en quelque sorte ce qui a été la position du Québec, dire, reconfirmer et resouligner que, depuis le premier mandat qui a été donné à M. Warren jusqu'à ce qui est la position du Québec à l'heure actuelle, premièrement, le Québec a accepté de négocier ou de faire partie de l'équipe canadienne parce qu'existaient les cinq conditions déjà posées par le gouvernement canadien sur la question de la souveraineté, des programmes sociaux, de l'identité culturelle, des disparités régionales et des caractères linguistiques particuliers. À ceci, on a ajouté les sept conditions qui sont trop

longues pour être énumérées, mais il n'y a pas un iota, par une virgule, pas uh accent qui a changé sur ces conditions. '

Cependant, et je voudrais faire la nuance, au départ, H y avait, par exemple, le sujet des investissements sur lequel ce sont les États-Unis qui sont devenus demandeurs. Â ce moment-là, c'est un sujet qui a été discuté et qui a été mentionné lors des rencontres des premiers ministres et dans d'autres rencontres des comités techniques. Mais, je reviens sur le fait: il n'y a pas une virgule, pas un point sur un "i" de changé entre le premier mandat et ce qui est maintenant la position du Québec en regard de ces négociations.

M. Warren, je pense qu'on pourrait essentiellement regrouper les réponses qui m'ont été données par des gens qui étaient contre la négociation et, nécessairement, contre une entente de libéralisation des échanges sous deux grands en-têtes. Certains ont dit: Nous devrions nous servir des mécanismes du GATT comme façon de régler nos différends à la frontière avec les États-Unis. Et d'autres nous ont dit: Nous ne voulons aucun changement quelconque, le statu quo, il n'est pas question de négociation, il n'est pas question d'entente.

Je pense que ce n'est injuste envers personne. On pourra me corriger si j'ai trop simplifié les deux grandes positions principales des gens qui s'opposaient catégoriquement. Il y avait plusieurs personnes qui étaient pour, mais conditionnellernent à une série de questions qui s'apparentaient plus ou moins à la position du gouvernement et parfois il y en avait d'autres que le gouvernement n'avait pas posées, comme on en a vu ce matin du groupe des consommateurs.

Donc, la solution au protectionnisme américain. Il y avait encore un article tout récemment, ces jours-ci, sur ce qui pouvait attendre les industries des pâtes et papiers. On a parlé du porc et on connaît d'autres situations. Je vous pose la question suivante en acceptant le fait que le protectionnisme n'ira pas en diminuant, certainement pas dans un avenir prévisible. Pour vous - c'est ma première question - est-ce que le GATT est une façon de répondre dans l'immédiat et rapidement à des actions unilatérales américaines en action compensatoire ou autre? Ma deuxième question sera: Qu'est-ce qui arrive dans un cas de statu quo, hypothétiquement dans le cas où il n'y a pas d'entente avec les États-Unis le 5 octobre ou à une date subséquente?

M. Warren: Concernant votre première question, M. le ministre, pour ce qui est du GATT comme façon de régler les différends, il y a deux aspects. Le GATT, comme tel, c'est l'accord général de commerce mondial, ce sont les grandes disciplines dans lesquelles le commerce international prend une place.

C'est comme les murs de l'Assemblée nationale, quoi. Cela continue. De temps en temps, on change les règles, il y a une évolution. Cela prend souvent des années pour renégocier certaines parties des articles du GATT ou pour faire des négociations tarifaires sur des questions agricoles, etc.

Pour ce qui est du règlement des différends, ce n'est pas d'une grande valeur. Si on se plaint au GATT, il faut démontrer le bien-fondé de votre plainte, il faut démontrer que vous avez essayé de concilier vos différends. Si cela ne se règle pas, on met une espèce d'arbitrage et ce processus peut prendre des mois et des mois, sinon un an. Ensuite, si, par hasard, il y a des recommandations de groupes spéciaux, il faut soumettre ce rapport au conseil du GATT et, parfois, il y a des tactiques concernant les délais au cours desquels on peut porter plainte qui peuvent presque annuler le processus. Il faut dire que, dans beaucoup de cas, finalement, s'il est prouvé qu'on a eu tort, il y a des changements pour améliorer la situation, mais c'est un processus très long.

Pour le Canada vis-à-vis des États-Unis, s'il y a un différend, il faut avoir un système pour régler cela d'une façon plus efficace et plus rapide que cette procédure de passer au panel du GATT, qui peut prendre des années.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bertrand.

M. Warren: Pour...

Le Président (M. Charbonneau): Vous aviez une autre partie.

M. Warren: Sur le volet des négociations du GATT, comme le Uruguay Round, le Tokyo Round, le Kennedy Round, je vous donne l'exemple du Tokyo Round. Au Japon, à Tokyo, en 1973, les ministres se sont mis d'accord pour avoir le "round" de Tokyo et c'est à l'été de 1979 qu'on a complété le Tokyo Round, avec une application des concessions pour sept ans, je pense, jusqu'en 1987. C'est un processus très long, ce n'est pas la bonne façon de régler les affaires au jour le jour.

Pour le statu quo, comme je l'ai dit, il y a des choses très très dynamiques dans la technologie, la façon d'organiser les marchés, les changements de goûts. La demande finale du monde, cela change tout le temps et pas toujours dans la direction des matériaux de base. Il y a toute cette dynamique qui est présente dans le monde, à part des règles commerciales. Pour ce qui est du statu quo, je ne suis pas vraiment d'accord que ça existe. Je pense que c'est un "moving crap game" toujours et, malheureusement, à cause du déficit budgétaire et du commerce des

États-Unis, ce "ball game" est devenu très protectionniste, très "inward looking". Le partenaire le plus important du commerce des États-Unis est le Canada qui est exposé à ces changements de règles qui sont en train d'être négociées au Congrès et qui seront mises en vigueur s'il n'y a pas de veto présidentiel et si ce n'est pas "over ridden",, (15 h 15)

Au lieu de voir les marchés qui s'ouvrent pour donner l'espace au Québec de percer, on aura peut-être un scénario où les marchés étrangers deviendront de plus en plus difficiles à pénétrer, feront une concurrence accrue à notre marché et, sans doute, avec des processus contre nos exportations si les gens disent que ie système américain est disponible pour le harcèlement du commerce chez nous.

Je pense que si, par hasard, il devient possible de faire un accord, c'est la meilleure chose pour le Canada et pour le Québec. S'il n'y a pas d'accord, les hommes d'affaires du Québec devront faire ce qu'ils doivent faire, c'est-à-dire devenir plus productifs, faire de plus grands efforts pour être concurrentiels dans leur marché chez eux, au Canada et dans les pays tiers. Le problème de gérer une économie dynamique et moderne qui est en train de changer pour répondre aux besoins de l'emploi et pour les marchés deviendra beaucoup plus difficile s'il nous faut avoir comme marché prioritaire notre marché domestique. La vie va continuer, mais ii va devenir plus difficile pour le Québec d'avoir le niveau de vie qu'on peut espérer et les emplois stables et bons pour l'avenir qu'on aimerait avoir.

Le Président (M. Charbonneau): Merci. M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): Merci, M. le Président. M. Warren, dans le cas des périodes de transition, j'aimerais savoir si vous en avez recommandé et j'imagine que vous l'avez fait, que vous avez mis sur la table des périodes de transition très particulières. Secteur par secteur, vous avez dit ce qui serait acceptable pour nos entreprises québécoises. Est-ce qu'on peut connaître ces périodes de transition qui vont affecter nos entreprises, puisque tout le monde qui est venu à cette commission parlementaire s'inquiétait de savoir si cela serait deux, trois ou dix ans?

M. Warren: On ne sait pas actuellement ce qui va se passer, mais, dans notre optique, on voyait des industries particulières qui sont, comme je l'ai dit, prêtes à faire la concurrence. La grande masse des industries du Québec ont besoin d'une période transitoire. J'avais souvent à l'esprit moi-même cinq ans pour ces gens au milieu. Et il y a les autres pour qui les problèmes d'adaptation seront plus grands. Le chiffre que j'ai vu, dans l'optique des négociateurs, était de dix ans. C'est la période la plus longue qu'on a envisagée.

M. Parent (Bertrand): Dans le cas des différentes mesures transitoires concernant le recyclage de la main-d'oeuvre et les différents programmes touchant la main-d'oeuvre, est-ce que le gouvernement québécois a fait des demandes précises au gouvernement canadien quant à cette portion et quant aux sommes d'argent, aux transferts qui pourraient être faits au niveau du gouvernement québécois? On sait que le Québec serait avec l'Ontario la province la plus pénalisée.

M. Warren: On a signalé l'intérêt et l'insistance du Québec d'avoir des programmes adéquats pour la main-d'oeuvre qui serait affectée par les changements, d'avoir une période de transition. On a signalé d'une façon assez forte aussi le besoin d'avoir des programmes disponibles pour les industries qui ne sont pas capables elles-mêmes de faire les ajustements que demandera le marché. Si j'ai bien compris, ce n'est pas exactement avec M, Reisrnan et son comité de négociations comme tel qu'on va voir la discussion en détail soit des programmes existants, soit de ceux qu'il faudra adapter, soit des programmes nouveaux, selon les circonstances. Je pense que c'est plutôt une question de relations économiques entre le Québec et le gouvernement fédéral, sauf dans le sens que des mesures transitoires doivent être acceptables dans le cadre de l'accord.

Ce n'est pas là qu'on va négocier cela, mais le gouvernement fédéral a bien saisi l'insistance du Québec et de certaines autres provinces là-dessus. Il reste à établir les détails entre l'instant où il y aura un accord, l'instant où cet accord sera approuvé et l'instant où les lois nécessaires seront débattues aux États-Unis et aux différents niveaux de gouvernement du Canada et, ensuite, la mise en vigueur. Je pense que c'est dans cette période-là que vous verrez le Québec, en coopération avec le fédéral, s'assurer qu'il y aura des programmes adéquats qui doivent être, je pense, un mélange de ce qui existe et de ce qu'il faut inventer selon les circonstances qui ne sont pas encore tout à fait connues, comme vous le savez.

M. Parent (Bertrand): M. Warren, dans votre mandat, vous aviez la possibilité de faire exécuter des études de recherche, des études d'impact. Est-ce que vous avez fait faire des études depuis mars 1986?

M. Warren: On a eu des demandes de

différents ministères sur bien des sujets. Je n'ai pas demandé d'études comme président du comité consultatif. Mon travail était plutôt d'entendre les gens qui étaient vraiment mélangés dans leurs affaires.

M. Parent (Bertrand): En tant que président du comité consultatif, est-ce que vous avez pris connaissance des études faites par le ministère de l'Industrie et du Commerce?

M. Warren: Non, c'étaient plutôt les avis des gens qui sont venus nous voir et l'expérience de ces messieurs qui ont été nommés comme membres du comité consultatif qu'on a consultés.

M. Parent (Bertrand): Donc, les études d'impact faites par le gouvernement du Québec au cours de la dernière année n'ont pas été portées à votre connaissance.

M. Warren: On n'a pas étudié ces études. Elles sont disponibles au comité interministériel, ici au Québec. Le comité consultatif était pour avoir l'avis des gens qui avaient la gentillesse de venir nous voir. La porte était ouverte, pour toute cette période-là, à tous les gens qui ont voulu nous faire part de leurs préoccupations. Ce n'est pas là qu'on a essayé de cerner la position du Québec. Nous avons contribué à une fonction du gouvernement du Québec.

M. Parent (Bertrand): En terminant, avant de passer la parole au ministre, je comprends bien qu'en tant que président du comité vous ayez à écouter les gens. Cependant, en tant que conseiller du gouvernement, nous représentant à Ottawa, je suis un peu inquiet de voir, M. Warren, que vous n'avez pas pris connaissance des études d'impact des différents secteurs. C'est ce que j'ai compris.

M. Warren: Je m'excuse, M. Parent. Comme je l'ai fait remarquer au commencement, j'ai trois chapeaux. Avec mon chapeau de président du comité consultatif, on n'a pas saisi ce comité des analyses, des informations disponibles aux différents ministères. Mais dans l'encadrement du comité interministériel technique et du groupe restreint, nous avons essayé de mettre ensemble, de synthétiser toutes les informations valables disponibles. C'est la fonction des personnes d'expérience, d'essayer de détenir une mer de faits et de chiffres, les vrais problèmes, les vraies possibilités et d'essayer de recommander au gouvernement les positions à suivre. C'est ce que nous avons fait avec M. Audet et les collaborateurs des différents ministères, avec toutes les informations disponibles, soit le rapport du conseil économique ou les autres.

Le tout.

M. MacDonald: II ne reste plus d'équivoque là-dessus. Toutes les études soumises par les ministères ou les organismes sont allées au comité interministériel qui était chapeauté par M. Warren et M. Audet, le secrétaire général adjoint. Ils ont donc tout vu.

M. Johnson (Anjou): Mais pas au comité consultatif.

M. MacDonald: C'est cela. Exactement.

Le Président (M. Charbonneau): Si vous me le permettez, j'aurais une question à poser à M. Warren. D'éminents économistes experts sont venus devant la commission; je pense, entre autres, à M. Parizeau et à M. Raynauld qui nous ont dit qu'à leur point de vue la demande et du Québec et du Canada pour le tribunal d'arbitrage était peut-être un peu illusoire ou exagérée. Ils comprenaient qu'elle était inacceptable pour les Américains et, deuxièmement, à leur point de vue, elle était un peu outrancière ou inutile. Quel est votre point de vue et votre réaction par rapport à ces opinions qui ont été émises?

M. Warren: Alors, je pense qu'il y aura toujours des problèmes qui se poseront avec un commerce de la taille de celui qu'on a entre ces deux grands pays. Il faut éviter que la seule solution soit de se frapper d'un côté et de l'autre côté de la frontière avec des accusations de dumping, de subvention, de préjudice, etc. Il faut avoir une espèce de corpus de règles qui est acceptable des deux côtés, mais il y a sûrement des situations où une partie ou l'autre va dire: Ce n'est pas juste, ce que vous avez fait et on va dire: Non, cela est acceptable, il n'est pas question... À ce moment-là, il faut avoir une façon de résoudre le problème et, pour moi, c'est une question d'avoir un système qui est assez vite pour répondre au besoin des affaires, qui est efficace pour essayer de résoudre, dans la plupart des cas, des problèmes.

La question de l'application d'un tel système est de savoir si, oui ou non, cela doit être ce qu'on appelle "binding". C'est une question assez compliquée, comme l'ont dit les témoins qui sont venus vous voir. J'ai remarqué l'autre jour, dans un des journaux qui ont décrit ce que M. Wilson a dit à M. Baker - vous permettez, c'est en anglais -"Rules on fair and unfair trade covering countervailing duties, dumping and import surges spelled out in the pact in the clearest possible terms with the application of the rules in the event of unresolved disagreement, subject to impartial binational and definitive resolution."

Alors, j'ai trouvé le mot "définitif" intéressant parce que ce n'est pas le mot "binding". Je pense qu'il reste à voir - parce que, comme vous le savez, les gens sont, je pense, même maintenant en train de discuter toutes ces affaires à Ottawa - ce que va devenir ce sujet fort important. Il faut trouver un moyen de résoudre les questions et il faut trouver des solutions assez vite d'une façon efficace.

Le Président (M. Charbonneau): Vous avez été ambassadeur aux États-Unis. Est-ce que vous pensez qu'il existe, dans d'autres domaines, des précédents qui pourraient être invoqués et qui pourraient renforcer notre position face aux Américains à l'égard de notre demande? Est-ce que, autrement dit, il existe des comportements américains par rapport à d'autres problématiques commerciales ou d'affaires internationales qui nous permettraient de leur dire: Écoutez, vous vous êtes comportés, vous avez accepté de partager un certain nombre de risques ou encore de vous en remettre à un organisme supranational; pourquoi n'acceptez-vous pas de le faire dans ce cas-là, d'autant plus que voici, vous êtes en négociation avec un partenaire commercial qui n'est pas un ennemi et avec lequel vous avez des intérêts commerciaux importants?

M. Warren: Je pense, M. le Président, pour ne pas être trop long, que nous sommes en train d'essayer de labourer un peu un nouveau terrain. Nous savons ce qu'est le GATT, nous savons qu'il y a, dans beaucoup d'accords, des paragraphes qui visent la consultation. Mais ce n'est pas clair que la résolution des différends sans avoir le "antidumping" et le "countervail" dans le cadre commercial, sont des précédents valables. Je pense qu'il faut trouver la bonne route ici et il faut éviter, comme l'ont dit certains de vos témoins, que ce processus ne remette en cause des choses qui sont chères à notre Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, M. le ministre.

M. MacDonald: M. Warren, je vous remercie. J'aimerais, devant vous, faire remarquer à ceux que cela peut intéresser que le comité consultatif ne s'est pas vu remettre comme tel, comme comité consultatif, toutes ces études sectorielles ou ministérielles. Cependant, chaque personne du comité consultatif a reçu une lettre en bonne et due forme, lui disant qu'elle pouvait, si elle le voulait, venir consulter tous et chacun des documents au secrétariat de l'organisation que nous avions mise sur pied aux fins de traiter ce dossier. Alors, elles n'ont pas été mises en isolation; si elles voulaient le faire, elles pouvaient consulter tous les documents qui étaient là.

M. Warren, je vous remercie de votre présence. Je ne saurais souligner assez la valeur des services que vous nous avez rendus, et à tous et chacun des Québécois et des Québécoises dans ce dossier. J'espère avec vous que nous allons nous retrouver vers une issue heureuse. Merci d'être venu.

Le Président (M. Charbonneau): M. le député de Bertrand.

M. Parent (Bertrand): En terminant, M,, Warren, je vous remercie d'être venu. On aurait espéré avoir encore plusieurs heures devant nous parce qu'on a eu à peine le temps d'effleurer le sujet. Cependant, j'espère qu'on aura, le plus rapidement possible, le maximum d'éclairage parce qu'en tant que parlementaires, bien sûr, mais en tant que représentants de l'ensemble des citoyens du Québec, je pense qu'on est préoccupé de ce côté-ci. Je pense que cela reflète bien l'ensemble des préoccupations, tant des gens d'affaires que des consommateurs, des Québécois et des Québécoises, d'avoir plus d'informations sur ce qui se passe. Je vous remercie au nom de l'Opposition.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, M. Warren, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie d'avoir participé à cet exercice. Peut-être aurons-nous d'autres occasions à la commission de l'économie et du travail de vous recevoir à nouveau. Merci beaucoup.

M. Warren: Vous êtes très gentils de . m'avoir invité et c'est un service que vous me rendez de me donner l'occasion de rendre service au Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Merci et à la prochaine. Les travaux sont suspendus pour quelques instants, d'ici à ce que les personnes soient prêtes pour les remarques finales.

(Suspension de la séance à 15 h 35)

(Reprise à 15 h 45)

Le Président (M. Charbonneau): Nous reprenons maintenant la séance de la commission de l'économie et du travail pour les remarques finales concernant la consultation générale sur la libéralisation des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis.

On a une heure au total. C'est ce qui était prévu. C'est clair que sur consentement on peut aller à plus d'une heure mais on a une heure prévue dans l'horaire pour les remarques finales, dont une demi-heure de

chaque côté. Je voudrais savoir les indications. Il y a deux possibilités. On peut commencer par les chefs ou par les responsables des dossiers, en alternance ou sans alternance.

M. Johnson (Anjou): Vous avez réglé votre heure de tombée, pas moi.

M. Bourassa: Nous suggérons de commencer par les responsables des dossiers.

Le Président (M. Charbonneau): Est-ce que cela convient au député de Bertrand et au chef de l'Opposition?

M. Johnson (Anjou): Comme vous le savez, M. le Président, nous n'avons pas le choix. Il faut que tout nous convienne, avec le premier ministre qui a enfermé les journalistes encore quelques minutes avant l'heure de tombée. On a bien hâte d'entendre le premier ministre. Alors, le plus tôt possible, le mieux ce sera.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, vous aimeriez un autre ordre.

M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre voulait commencer, il me semble que ce serait intéressant.

M. Bourassa: Le chef de l'Opposition ne connaît pas encore mon degré d'humilité. Je veux laisser la place au ministre du Commerce extérieur.

M. Johnson (Anjou): Non, mais je connais votre degré d'absence, par exemple.

Le Président (M. Charbonneau): Bon, écoutez, est-ce qu'on s'entend sur la proposition? M. le chef de l'Opposition, est-ce que vous préférez débuter ou si le député de Bertrand va amorcer? On peut faire une alternance aussi. Donc,. M. le député de Bertrand. Cela va? On s'entend? Alors, on y va. M. le député de Bertrand.

Conclusions M. Jean-Guy Parent

M. Parent (Bertrand): M. le Président, une fois de plus le premier ministre me laisse son siège, me laisse passer avant lui. Je le remercie. C'est moins douloureux cette fois-ci.

Alors, au terme d'une commission parlementaire qui a duré quelque 60 heures, je dois d'abord vous rendre hommage, M. le Président, et à tous les parlementaires qui ont participé au bon déroulement de cette commission. Je pense que cela a été une commission où 60 heures de travaux, ce n'était pas facile, et le code de procédure n'a pas été le volume de chevet ici à cette table. Je pense que cela a permis des débats à un niveau assez élevé.

En ce qui regarde le but de cette commission, M. le Président, il y avait trois buts à ce que je sache. D'abord, c'était d'informer la population. Ensuite, c'était de consulter et d'apprendre des différents groupes et associations, quelque 60 groupes qui ont comparu devant nous. Troisièmement, c'était aussi de savoir de la part du gouvernement où il s'en va exactement, quels sont ses engagements et quels sont les éclaircissements qu'il peut apporter.

Je dirais que dans les deux premiers cas, soit l'information à la population et la consultation que nous avons menée auprès des groupes, cela a été un franc succès. Par contre, je ne peux en dire autant par rapport à la position du gouvernement et par rapport à ce que nous avons pu apprendre. De ce côté, je dirai, et j'y reviendrai tantôt, que je pense que c'est un échec, et un échec important. Je dirai pourquoi tantôt.

Nous avons dit en début de commission que l'emploi était l'enjeu de cette discussion sur le libre-échange. Nous avons dit à plusieurs reprises, et dès l'ouverture ici, que l'enjeu était l'emploi et qu'il fallait articuler une position sur cela afin que le gouvernement ait les outils nécessaires. Nous l'avons dit, nous l'avons redit. Les différents intervenants, les syndicats et tous les groupes qui sont passés ici nous ont à peu près confirmé cette position, à savoir la préoccupation qu'on a concernant les emplois.

Bien sûr qu'à l'occasion le ministre responsable, le ministre du Commerce extérieur, a fait un signe de la tête et a donné son accord a cette théorie et à cette approche que l'enjeu était l'emploi mais on était tout au moins en droit de s'attendre qu'il y aurait des gestes concrets concernant ce signe de tête et ces belles paroles. D'abord, la présence du ministre de la Main-d'Oeuvre. Je l'ai souligné au début, je l'ai souligné pendant la commission et je le souligne encore aujourd'hui, je trouve, M. le ministre, très décevant que le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu n'ait pas comparu, ne soit pas venu ici entendre ce qui se disait. Je trouve cela dommage parce que, si le gouvernement a cette préoccupation, je pense que le ministre responsable aurait dû venir, comme les autres ministres - Mme la ministre des Affaires culturelles, le ministre de l'Industrie et du Commerce et d'autres collègues sont venus lorsque les groupes ont comparu ici devant nous - que cela touchait de façon plus spécifique. Mais du ministre responsable de la main-d'oeuvre, lui qui aura à articuler et à défendre auprès du Conseil des ministres des positions très claires quant à une politique d'emploi au Québec, je pense

que c'est un manque flagrant.

On aurait été également en droit de s'attendre que le gouvernement et le porte-parole nous fassent part de leur position concernant le recyclage de la main-d'oeuvre, la formation, et tout ce qui entoure la préoccupation de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au Québec, des représentants patronaux, des représentants syndicaux. Et même des experts sont venus nous dire l'importance de la formation de la main-d'oeuvre puisqu'avec la venue du libre-échange on parle essentiellement de nouvelles règles du jeu, de nouveaux secteurs d'activité. Je pense qu'il y aurait eu lieu que nous ayons des éclaircissements et une position très claire et très ferme de la part du gouvernement. Là, encore, on n'en a pas eu.

Tous les intervenants ou presque se sont dits inquiets. Le ministre MacDonald sera d'accord avec moi, il s'est dégagé, de l'ensemble des intervenants qui sont venus ici à cette table, des inquiétudes et même beaucoup plus d'inquiétudes que j'avais cru le percevoir au départ. Tous les intervenants étaient d'accord pour dire qu'ils ne savent pas où ils vont. Même ceux qui sont dans le clan du non, des anti-libre-échangistes, la principale raison sur laquelle ils pouvaient s'appuyer, c'était qu'effectivement, à la lumière des informations qu'ils ont, ils ont adopté une position qui était de dire non au libre-échange, et je trouvais cela dommage. Le gouvernement doit donc porter seul cette responsabilité face au manque d'information et de communication. Je sais que ce n'est pas facile d'avouer qu'on n'a pas donné suffisamment d'information, mais, lorsqu'on se le fait dire aussi clairement et qu'ailleurs, dans tout le Canada, particulièrement en Ontario, des commissions parlementaires se sont tenues où la transparence a été exigée... Je comprends mal encore comment, il y a quelques jours, le ministre du Commerce extérieur pouvait avouer à un groupe ici présent qu'il y avait eu beaucoup de transparence. On ne s'entend certes pas sur le terme "transparence", mais 60 groupes et intervenants sont venus nous dire qu'ils ne savaient pas où ils s'en allaient. Même un groupe dans le domaine du camionnage, le ministre s'en souviendra, est venu en commission parlementaire et a posé 20 ou 25 questions. C'était cela son mémoire, et cela est inquiétant. D'ailleurs, cela a été relevé par plusieurs autres.

Des études d'impact, on n'en avait pas avant. Ils n'ont pas voulu les publier. J'avais compris de la part du ministre du Commerce extérieur, dans différentes interventions qu'il avait faites juste avant la commission, donc avant le 15 septembre dernier, que, tout au cours de la présentation des différents mémoires par les différents groupes par secteur, on aurait droit, même si ce n'était pas à toute l'étude d'impact, au moins à certains éléments qui nous permettraient de mieux comprendre et de mieux apprécier. On a un travail à faire et on a essayé de le faire le plus positivement possible, mais vous comprenez qu'on n'a pas d'outils pour travailler.

Les outils que les entreprises réclament, que tous les groupes, associations et experts ont réclamés, là aussi on n'a pas eu beaucoup de précision. On sait qu'il y aura un coffre d'outils. On sait qu'il en existe un, mais ce qu'on ne sait pas, ce sont les outils qu'il y aura dedans» Sous le couvert qu'on ne peut pas faire grand-chose avant le 6 octobre, je me demande, M. le ministre, et je vous pose la question, ce qui va se passer lundi et mardi prochains. Qu'est-ce qu'il y aura tant de changé lundi et mardi prochains? Est-ce que, tout à coup, on va nous déposer un coffre d'outils? On sait fort bien qu'on n'aura pas pu élaborer tous les programmes gouvernementaux, mais on aurait pu tout au moins dire de façon très claire qu'on va appuyer, avec tel genre de mesure, les entreprises, les chefs d'entreprises, particulièrement les PME qui sont vulnérables face au libre-échange. On n'a pas pu les rassurer, on leur a demandé de faire un acte de foi.

Bien sûr, le ministre s'est fait souvent discret, et même parfois gêné. Pourtant, ce n'est pas tellement dans sa nature, et on le connaît bien. Les experts, les groupes, les associations représentant les femmes, les jeunes, représentant les parties patronale et syndicale, les gens des différentes régions dans le domaine des arts, dans le domaine de l'agriculture, dans le domaine des transports, dans tous les secteurs d'activité, meubles, textile, j'en passe, sont venus dire très franchement - c'est le message que j'ai retenu de cette commission, M. le Président - il y a des craintes et tout le monde veut savoir. On ne parle même plus de jours, on ne parle même plus de semaines, on parle d'heures où est en train de se jouer l'avenir économique du Québec.

Je pense que le gouvernement a décidé de jouer une carte qui est celle d'en dire le moins possible. Même l'exercice que nous venons de faire avec M. Warren, malheureusement, n'a pas pu nous apprendre grand-chose puisque M. Warren se sentait Hé par certains secrets. J'aurais espéré qu'on puisse, avec cette commission, apporter des éclaircissements et rassurer les gens. Une chance, les intervenants, eux, ont pu nous apporter ce que j'appelle de l'information, du "feed-back" et des préoccupations. Tout ce que j'espère, c'est que le message que ces gens nous ont livré aura été non seulement bien enregistré de la part du gouvernement, mais qu'il y aura des suites.

Tout au plus, on a obtenu deux engagements de la part du gouvernement, pour être très honnête, et j'aimerais qu'ils soient

reformulés aujourd'hui. D'abord, nous avions demandé que cette commission parlementaire puisse se prolonger ou qu'on ait une autre commission parlementaire ou une commission permanente, pour qu'à la suite d'une entente éventuelle, le S octobre, nous puissions tenir ce genre de commission afin que ceux qui représentent la population du Québec, les élus à l'Assemblée nationale, continuent à faire ce travail, comme je le dis, qui est à peine une amorce, après 60 heures.

Deuxièmement, nous devons avoir la certitude que l'Assemblée nationale sera saisie et pourra se prononcer sur le contenu et la ratification. Je pense que cela avait été demandé dans les mois d'avril et mai derniers. On est à la fin de cette commission, toujours sans étude d'impact. On est à la fin de cette commission, toujours sans stratégie de développement économique, sans politique ferme arrêtée de la part du gouvernement, où il s'en va en termes de stratégie de développement économique. On est toujours, à la fin de cette commission, le 29 septembre, sans politique globale concernant l'emploi au Québec.

L'Opposition à l'Assemblée nationale, dont je suis le porte-parole aujourd'hui, se dit toujours favorable à une libéralisation des échanges. Mais quant à la question de savoir si le gouvernement était préparé au libre-échange, question que nous avons posée à l'ouverture de cette commission - le libre-échange, cela se prépare - est-ce que le gouvernement du Québec a fait son travail au cours des 18 derniers mois ' dans ce dossier? Je pense qu'aujourd'hui, si j'avais des doutes et si ma formation politique avait des doutes à savoir si le gouvernement du Québec était préparé, on en a la conviction, il n'est pas prêt. Nous sommes maintenant convaincus plus que jamais que le gouvernement actuel n'a pas fait son travail et que, s'il veut être capable de faire face à un libre-échange, il devra faire une volte-face par rapport à la politique qu'il a entreprise au cours des 18 derniers mois, une, politique non interventionniste. Il devra changer d'attitude par rapport à son désengagement. Je donne quelques exemples: les sociétés d'État, les privatisations, le démantèlement de la Société de développement industriel, le rôle moins actif de la Caisse de dépôt, de la Société générale de financement, et j'en passe. Il faudra que le gouvernement change de cap s'il veut qu'on soit capable de dire que le libre-échange sera une réussite. Sinon, je pense qu'on peut l'affirmer tout haut, je ne vois pas comment, de par les politiques qu'il a mises de l'avant et l'attitude, le fonctionnement au cours des deux dernières années, il pourra être capable de répondre aux aspirations des gens qui sont venus ici, en commission parlementaire, pour dire exactement ce que cela prenait, à quoi ils s'attendaient.

(16 heures)

Le ministre, bien sûr, a essayé de nous vendre de l'assurance. Cela a été le début de sa carrière, je pense. Le ministre nous a demandé de faire des professions de foi. Je pense que nous sommes rendus au-delà de cela, M. le Président. Nous nous devons de dire non à la façon dont le gouvernement s'est comporté dans ce dossier, non à cette approche que le gouvernement a eue, non à cette façon de faire, non à cette ambiguïté, non à ce manque de transparence, à ce manque de rigueur, non à l'improvisation. Le gouvernement se doit d'aller de l'avant pour faire ses devoirs, et je pense que le mot n'est pas trop fort, à moins qu'il ait dans son sac plusieurs éléments à nous dévoiler, mais je doute fort que ce soit le cas actuellement.

Le Québec, les Québécois, les Québécoises, les travailleurs, les travailleuses, les consommateurs, les gens d'affaires, les gens de la PME, de la grande entreprise, méritent mieux que cela et plus de considération, M. le Président. M. le premier ministre, M. le ministre, dites-nous clairement où vous logez présentement, 29 septembre, où vous allez. Est-ce qu'on peut compter sur des gestes concrets à court terme? L'avenir économique du Québec est en jeu présentement et l'heure des professions de foi, M. le ministre, est passée. Nous allons croire lorsque nous verrons d'abord une politique et une stratégie de développement économique orchestrées en fonction du libre-échange, une politique globale sur l'emploi, lorsque nous verrons le coffre d'outils que vous avez à offrir aux entreprises et lorsque vous pourrez réaffirmer le réengagement de l'État dans les différentes communautés, dans les différentes régions du Québec.

De notre côté, nous allons continuer à nous battre pour cette cause. Nous allons continuer à vous talonner, à vous suivre comme nous l'avons fait pour l'obtention de cette commission parlementaire. Après six mois, on a fini par l'obtenir. Nous sommes convaincus que nous ne lâcherons pas tant et aussi longtemps que les Québécois n'auront pas eu ce à quoi ils sont en droit de s'attendre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député de Bertrand. Maintenant, M. le ministre du Commerce extérieur.

M. Pierre MacDonald

M. MacDonald: M. le Président, on nous a demandé au départ dans certains milieux quels étaient réellement les objectifs de cette commission parlementaire. Je crois qu'après un peu plus de deux semaines de session il est évident qu'on en a les

réponses.

Nous avons reçu ici environ 50 groupes. Nous avons reçu des gens qui nous ont démontré d'une façon ferme leur conviction que l'avenir économique du Québec et du Canada reposait dans une plus grande ouverture sur les marchés du monde, que cet avenir devait également s'assurer que les marchés qu'on possédait déjà, et particulièrement chez notre principal partenaire, les États-Unis, devaient être protégés. En contraste, nous avons des gens qui nous ont carrément dit qu'ils y voyaient des dangers sous plusieurs aspects et que, sous quelque forme que ce soit, nous n'aurions dû entreprendre une négociation et, nécessairement, encore moins signer un contrat.

Tout de même, tout ceci s'est fait sous le signe, pour ceux qui voulaient le voir, de la plus grande transparence et de la plus grande ouverture que quelque gouvernement, provincial ou fédéral ou d'État, ait eu dans ce dossier. Il n'y a aucun gouvernement qui a autant publié. II a non seulement publié mais a mis à jour ses publications par des synthèses. II n'y a aucun gouvernement qui a tenu un comité du type Warren avec autant d'ouverture à qui que ce soit qui voulait s'y présenter. Il n'y a aucun gouvernement qui a autant publié sous quelque forme que ce soit et il n'y a aucun gouvernement provincial qui, les négociations étant en cours, a tenu une commission parlementaire comme nous avons eu et qui a reçu tous et chacun qui avaient une contribution positive, et quand je dis positive je ne veux pas dire dans leurs attitudes favorables ou non favorables, je veux dire une position constructive à apporter au débat. On dit peut-être que toute comparaison est odieuse mais je crois que même ceux qui ne veulent pas voir ou ne veulent pas comprendre doivent au moins se rendre à l'évidence de ce que je viens de dire.

Il est également clair que, malgré ces positions fermes de certains, il y a là le reflet de peut-être plus de deux solitudes ou de contrastes qui peuvent parfois nous surprendre. On avait ici la chambre de commerce qui est venue très ouvertement et catégoriquement démontrer qu'elle était pour, d'une façon générale. Les Teamsters sont venus faire état d'un statut relativement confortable de leurs membres et qui ne voulaient pas que ce statut soit changé sous quelque forme que ce soit. Chez les industriels, on peut en comparer, vous avez eu le président de Shermag qui est venu faire une profession de foi dans la capacité de son entreprise et de celles avec lesquelles il est associé de pénétrer les marchés et de faire face au défi de la libéralisation des échanges. En contrepartie, et encore pour des raisons très légitimes, les représentants des grandes brasseries, certainement pas des gens de gauche, ont exprimé leurs inquiétudes et leur acceptation à un traité quelconque moyennant une série très importante de conditions qui reflétaient très bien leur situation particulière. On a même vu la coalition contre, qui est venue nous exposer une position sine qua non. Il n'était pas question de discussions. Mais, vis-à-vis de ceci, laissant penser que tous les syndicats étaient contre, on a eu la Confédération des syndicats démocratiques qui sont venus ici et qui ont dit: "Nous n'avons pas une peur morbide de la libéralisation des échanges." Plus tard, ils disaient qu'ils se devaient d'assumer bien d'autres responsabilités comme syndicats que de négocier strictement des conventions collectives.

Si vous prenez l'aspect qui nous touche tous comme Québécois, la question culturelle, l'entité québécoise et canadienne, vous avez eu le Mouvement Québec français qui, d'une façon pompeuse et très prétentieuse, je tiens à le répéter, est venu ici se faire soi-disant le porte-parole de tous ceux qui s'appelaient des Français du Québec. Vous avez eu en même temps la Société nationale des Québécois de Lanaudière et, ce qui m'a encore plus impressionné, les jeunes du Parti québécois qui sont venus démontrer qu'ils étaient prêts à faire face au défi de la libéralisation des échanges et d'une plus grande ouverture. Serait-ce que certains beaucoup plus âgés sont dépassés et d'autres contemporains? Je vous laisse juger.

Nous avons eu des jeunes, et je reviens sur ces jeunes du Parti québécois. Ce matin nous avons eu des jeunes de la Jeune chambre économique et de commerce de l'Estrie qui nous ont laissé un témoignage extraordinaire d'un dynamisme et d'une clarté de vue qui s'associait d'ailleurs, à toutes fins utiles, à la position de l'Opposition comme de la nôtre, c'est-à-dire que le Québec et le Canada sont capables de relever le défi. Il y a lieu de négocier mais pas à n'importe quelles conditions.

Je suis obligé de dire, parce qu'il semble que certains n'ont pas voulu comprendre ou peut-être nous sommes-nous mal exprimés, qu'il y avait des conditions initiales, qui étaient celles du gouvernement canadien, pour entreprendre la négociation et que le Québec ne se serait pas engagé avec le gouvernement fédéral dans ce processus de négociation si ces conditions n'avaient pas existé. Le Québec y a rajouté sept conditions fondamentales qu'on a répétées ici à maintes reprises et, sans ces conditions-là, notre gouvernement n'aurait pas poursuivi. Cet après-midi on a pu dire, et le négociateur représentant du Québec au comité Reisman pouvait l'affirmer, qu'aucune de ces conditions n'a subi quelque altération que ce soit sous quelque forme que ce soit. Je pense que, des suppositions de position vagues et creuses que nous avions, la preuve a été faite sans aucun doute de la fermeté de la

position du Québec, une position qui était très éclairée selon la majorité des gens qui ont discuté du dossier sérieusement.

Je vais me permettre de lire un texte qui vient justement de la Société nationale des Québécois de Lanaudière, organisme avec lequel je pense que vous ne pouvez pas m'accuser d'association très intime. Je n'ai jamais été reconnu comme étant un de leurs membres ou participant à leurs activités. Mais ces gens-là ont fait un acte de foi dans ce qui m'a semblé également évident ici cette semaine, c'est-à-dire que le Québec de 1987, que les travailleurs et travailleuses, les jeunes femmes et les jeunes hommes qui ont témoigné devant nous et qui regardaient la situation en face et qui n'avaient pas cet aspect de corporatisme étroit à défendre pour une raison ou pour une autre, ont fait un acte de foi non seulement dans cette condition sine qua non de faire face au défi, mais dans la certitude qu'on est capable de faire face au défi. Je cite les paroles de ces personnes: "Geste de confiance envers soi, volonté de s'ouvrir sur le monde, défi du commerce international, c'est ce qui fermente actuellement dans nos PME québécoises. Elles n'attendent que la concrétisation dans les textes de cette lancée vers les défis du XXIe siècle -parlant de cette entente bilatérale en négociation - notre apport à la mondialisation des échanges commerciaux par l'expression de nos talents si souvent démontrés parce qu'ils ont maintes fois traversé nos frontières." M. le Président, nous étions venus ici à cette commission parlementaire pour apprendre. Pour ma part, je peux dire que j'ai appris. J'ai pu approfondir la position, les pensées, les suggestions d'organismes que j'avais déjà rencontrés. J'espère que tous peuvent ressortir d'ici satisfaits d'en avoir appris beaucoup plus.

On m'a demandé un engagement ou un renouvellement d'engagement advenant une entente sur ce qui pourrait être un prolongement de cette commission parlementaire. J'ai dit et je me permets de redire que ce sera sûrement un excellent mécanisme pour continuer à approfondir une situation qui a une importance capitale pour l'avenir de tous les Québécois et Québécoises et des Canadiens et Canadiennes. Au même titre, j'ai dit en Chambre - je crois que c'était au printemps - que, s'il y avait une entente, un dossier d'aussi grande importance devrait passer devant les représentants du peuple québécois, et je n'ai pas à revenir là-dessus.

M. le Président, si vous m'accordez quelques secondes, j'aimerais remercier tous les fonctionnaires de part et d'autre, partisans ou non, qui ont travaillé dans ce dossier. J'aimerais féliciter - cela ne m'arrive pas sauvent - le chef de l'Opposi- tion pour sa judicieuse décision de désigner à cette commission parlementaire le député de Bertrand et le député de Roberval. On a été capables ensemble de garder ce débat hors de la partisanerie et je pense que c'est un reflet du professionnalisme de chacun et des intentions que nous avions au début de cette commission. J'aimerais remercier tous les députés du côté ministériel de leur présence exemplaire. J'aimerais vous remercier, M. le Président, de votre expertise et de votre impartialité. Je pense que cela a été un excellent exercice et, s'il y a lieu de le poursuivre, si le premier ministre le juge à propos, il me fera plaisir de faire partie de la prochaine commission. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre.

M. le chef de l'Opposition.

M. Pierre Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est avec plaisir que je veux également remercier mes collègues pour leur présence assidue à cette tardive mais néanmoins dense commission parlementaire. Je vois le premier ministre qui sourit. J'espère qu'il ne m'expliquera pas tout à l'heure que, rendu à la date où on est rendu, c'est-à-dire le 29 septembre, de terminer nos travaux sur si ce serait une bonne idée de faire du libre-échange et ce qu'il y a dedans alors qu'on sait que la date ultime, c'est le 5 octobre, j'espère qu'il ne viendra pas m'expliquer qu'il est en avance. Mais je le laisserai nous dire tout ce qu'il veut nous dire et, comme d'habitude, il dira bien ce qu'il veut dire. Bon!

Je voudrais évidemment remercier toutes les personnes qui ont accepté de formuler un mémoire ou une intervention. Elles ont été reçues par les membres de la commission d'une façon extrêmement positive. Je remercie évidemment mon collègue, le député de Bertrand, M. Jean-Guy Parent, pour avoir tenu la présence de l'Opposition ici avec mon collègue également, le député de Roberval, M. Gauthier, et vous-même, M. le Président, je sais que vous êtes intervenu dans ce débat. (16 h 15)

Maintenant, ces choses étant faites, d'abord je suis heureux de constater que le premier ministre est parmi nous cet après-midi pour terminer... Oui, moi aussi, c'était entendu que je serais là au début et à la fin. M. le premier ministre a choisi de venir à la fin et je suis très heureux de voir qu'il est là en dépit de...

M. Bourassa: ...toujours d'accord.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Et, quand je ne suis pas d'accord, vous ragez.

J'ai remarqué cela. C'est une bonne idée.

J'ai eu l'occasion d'obtenir des rapports régulièrement de mon collègue, le député de Bertrand, en compagnie des recherchistes que nous avions. Une chose me frappe c'est d'où on est parti et où on est rendu, en l'espace de deux semaines,, et la position du gouvernement dans tout cela. Il y a deux semaines, le gouvernement nous a présenté ce qui était sa position à toutes fins utiles il y a plusieurs mois» En l'espace de deux semaines, tout cela a changé de façon extrêmement importante. Je vous donne quelques exemples concrets. Vous parlez, à la condition 7, du maintien du droit d'approuver ou non l'entente en fonction de l'évaluation ultime qui sera faite à la lumière des intérêts fondamentaux du Québec. Je n'ai pas été très convaincu par vos arguments sur le fait que vous aviez vu à préserver cela, dans la mesure où vous n'avez même pas parlé. Quand je regarde ce qui s'est passé dans le reste, j'ai raison de m'inquiéter. Par exemple, le premier ministre nous a affirmé, et je pourrais le citer au texte ici, que le gouvernement fédéral a intimement associé le gouvernement du Québec à tout ce processus. Pourtant, c'est le député de Bertrand, un député de l'Opposition, qui a appris au ministre responsable du dossier la semaine dernière que les négociations étaient suspendues. Et le ministre était tellement au courant qu'il est même revenu quelques minutes après en commission parlementaire pour expliquer que cela n'avait pas été suspendu alors que c'était affirmé dans le reste de la presse au Canada et que le premier ministre du Canada lui-même et l'ambassadeur Reisman, qui était à la télévision le soir, expliquaient que c'était suspendu. Je suis un peu inquiet quant au degré d'association du Québec à ce dossier et je suis un peu inquiet des propos du premier ministre là-dessus.

Deuxièmement, la culture. Le premier ministre a maintes fois affirmé au Québec depuis les débuts des pourparlers sur cette question que la culture était exclue, qu'il n'était pas question de discuter de ce qu'il a appelé à une certaine époque la souveraineté culturelle du Québec. Pourtant, nous apprenions encore hier, dans le cadre de la reprise, par l'opération "shuttle", si vous me passez l'expression, de M. Wilson à Washington, que la question culturelle était maintenant sur la table de la part des Américains et qu'elle faisait l'objet de demandes américaines. Qui croire? M. Wilson ou le gouvernement du Québec? Je vous laisse la réponse.

Sur la question des préoccupations en termes d'emplois, aucun contenu n'a été livré par le gouvernement ou ses représentants qui ont pu être interrogés ici sur non pas la période transitoire qui fait l'objet, d'après ce que M. Warren nous disait tout à l'heure, de propositions, quelque part autour de cinq ans... Cela prendrait plus ou moins cinq ans à appliquer l'accord ou l'entente éventuelle, ce qui nous permettrait de nous retourner de côté pour refourbir nos moyens pour certains secteurs menacés. Mais rien quant au contenu des mesures de transition. Quelle est la nature des mesures de transition qui seront présentées? En d'autres termes, quel est le budget que le fédéral va être prêt à débloquer dans un contexte comme celui-là? Quel sera le rôle du Québec pour s'assurer que sur le plan de la main-d'oeuvre on préserve des emplois, ou on s'assure de la reconversion de certains secteurs industriels, toujours avec une préoccupation centrale qui est l'emploi?

C'est la même chose pour l'agriculture. Nous disions, et nous continuons de dire depuis le départ qu'il faut exclure le secteur agricole de cette entente. Nous entendions aujourd'hui l'ambassadeur Warren nous dire que le statut particulier que vous évoquez au point 6 de vos conditions, cela veut dire simplement qu'au Canada il n'y aurait pas de changements majeurs aux programmes existants, que ce soient les programmes de soutien de revenu des agriculteurs ou des programmes de cette nature qui sont tantôt fédéraux, tantôt provinciaux au Canada. Mais on ne nous a pas dit qu'il était exclu que des produits américains pénètrent sans barrière sur le marché canadien. On sait qu'à quelques dizaines de milles au sud de Sherbrooke il y a des usines qui peuvent fabriquer du yogourt, des produits laitiers ou d'autres produits de transformation des produits agricoles et inonder le marché québécois très rapidement, en mettant nos agriculteurs dans une position d'extrême faiblesse. Cette notion de statut particulier pour l'agriculture, par opposition à une exclusion du secteur agricole, n'a malheureusement pas été précisée par le gouvernement. Cela m'inquiète aussi.

Finalement, il y a toute cette question du mécanisme d'arbitrage. Je dirai, sur cette question, que cela met en cause la chose suivante. Le Canada est entré dans cette négociation avec les Américains parce que, nous dit le ministre, nous craignons, au Québec et au Canada, que les Américains élèvent des barrières tarifaires contre des produits que nous faisons ici, et donc mettent en péril une partie importante des emplois canadiens dans le secteur de la production étant donné qu'au Canada 30 % du produit intérieur brut est destiné à l'exportation. Pour régler ce problème, il faut obtenir ce qu'on appelle une garantie d'accès au marché américain. En d'autres termes, si le Canada et le Québec sont prêts à faire des concessions aux Américains pour qu'ils envoient leurs produits ici, à partir d'usines qui peuvent produire dans des conditions de rendement bien meilleures que les

usines québécoises, à cause des nombres, à cause des chiffres, et non pas à cause de la technologie, bien que cela se pose dans certains secteurs, mais à cause de leur chiffre d'affaires, faire de telles concessions pour le Canada exigerait une garantie explicite que le Canada pourra continuer à envoyer ses produits sur le marché américain. Où est-ce qu'on retrouve cela dans les conditions ou le projet d'entente? C'est autour de la notion d'un mécanisme d'arbitrage qui serait appelé, selon les politicologues, supranational ou conjoint ou bipartite.

De toute évidence, la position du premier ministre du Québec là-dessus a évolué à la baisse. Le premier ministre du Québec disait, au début, qu'il recherchait l'accès garanti des produits québécois sur le marché américain, donc un moyen de régler le problème des litiges qu'il y a entre les deux pays qui ne soit pas simplement l'état d'esprit, un matin, du Congrès américain. Le premier ministre, depuis quelques jours, parle de concessions qu'il entend faire autour de cette formule. Autour de quoi? Autour de ce qui est le fond du litige et du problème du Canada à l'égard des États-Unis. Est-ce que, oui ou non, le Canada va maintenir une garantie d'accès de 30 % de la production nationale canadienne sur le plan de l'exportation, dont l'immense majorité s'en va vers les États-Unis? C'est précisément là-dessus qu'on voit le premier ministre du Québec, dans sa position qui n'a pas été constante, je dois le dire, depuis le début, sembler faire des concessions majeures, importantes et, je dirais, inquiétantes.

En conclusion, compte tenu du fait qu'on est encore dans les limbes sur les plans juridique et constitutionnel, étant donné qu'il est évident que vous avez fait la démonstration que l'association du Québec, au-delà de l'association politique, mais l'association concrète, dans la négociation, du Québec au fédéral est quelque chose d'un peu théorique, dans la mesure où la culture qui devait être exclue ne semble plus l'être depuis quelques jours, dans la mesure où l'agriculture n'obtient pas les garanties de protection des marchés pour les agriculteurs québécois et dans la mesure, sur le plan des emplois, où vous n'avez rien dit quant aux mesures concrètes de transition, vous n'avez pas quantifié les centaines de millions que cela prendra dans les années qui viennent, dans la période de transition, et dans la mesure, finalement, où vous êtes en train de faire des concessions sur la chose centrale dans tout cela, qui s'appelle l'accès au marché américain, je n'ai pas l'impression que vous jouez dans les ligues majeures dans ce dossier. Cela m'inquiète. Vous pouvez bien donner des coups d'encensoir au premier ministre fédéral à la suite des ententes explicites ou tacites qui auraient pu avoir lieu à l'occasion de l'accord du lac Meech, je n'ai pas l'impression que vous êtes le Peter Stastny ou le Guy Carbonneau du libre-échange. J'ai plutôt l'impression que vous ne seriez pas repêché des défunts Voyageurs de la Nouvelle-Écosse, et cela m'inquiète.

Je dirai en conclusion que je souhaite évidemment que le premier ministre puisse nous donner un certain nombre de réponses très précises sur ces sujets. Finalement, quand on regarde quelles sont ces sept conditions, je ne sais pas ce qui va en rester le 5. Mon inquiétude, c'est que le Québec, le 6 octobre au matin, ne soit pas prêt parce que le gouvernement n'a pas fait ses devoirs. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le chef de l'Opposition.

M. le premier ministre, à vous de sauter sur la glace.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: Merci beaucoup. Disons que mon intérêt est pour le baseball ces jours-ci et, en écoutant le chef de l'Opposition, je n'avais pas l'impression de retrouver Tim Raines ou Pascual Perez.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Bourassa: Je voudrais d'abord remercier le chef de l'Opposition d'être présent ici cet après-midi, d'avoir interrompu sa tournée sûrement très intéressante pour venir ici et être à l'écoute des porte-parole du gouvernement. Je voudrais mentionner et en ce sens appuyer ce qu'ont dit le chef de l'Opposition, le ministre du Commerce extérieur et le député de Bertrand sur l'utilité de cette commission parlementaire, le ton très serein sur lequel elle s'est tenue. Il y a toujours un risque, comme on le sait, quand une commission parlementaire est télédiffusée, il y a toujours cette tentation de jouer un peu à la prima donna, mais cela n'a pas été le cas, et ce n'est pas relié à l'absence de certaines personnes, je tiens à le signaler.

M. Johnson (Anjou): Y compris vous-même.

M. Bourassa: Je voudrais dire que le président, évidemment, a joué un rôle déterminant dans le ton et l'utilité de cette commission et je veux le féliciter de même que les participants des deux côtés.

On doit signaler de nouveau, dans cette négociation qui, comme on le sait, s'avère de plus en plus difficile, que sur le strict plan économique le rapport de forces n'a jamais été favorable au Canada. On le sait, les chiffres parlent par eux-mêmes. Pour le

Canada, il en va de 20 % à 25 % de son activité économique. Un tiers de son activité dépend des exportations et ies deux tiers, un peu plus ou un peu moins, sont exportés aux États-Unis. Pour les États-Unis, il en va de 2 %î 10 % de son économie dépendent des exportations et 20 % des exportations se font au Canada. Donc, cela ne peut pas être un rapport de forces qui nous favorise, mais on constate depuis quelques jours qu'il y a l'aspect politique qui est également présent et qu'à cet égard le rapport de forces est moins défavorable au Canada et au Québec. Les Américains tiennent politiquement à une entente avec le Canada sur le libre-échange pour des raisons qui tiennent à l'accord lui-même, mais aussi pour des raisons qui tiennent à un accord éventuel au niveau du GATT qui, lui, dépasse de beaucoup les 2 % dont je parlais tantôt comme impact sur l'économie américaine. C'est pourquoi on a vu hier cette rencontre au ministère du Trésor avec James Baker, Clayton Yeutter, le ministre des Finances et Mme Carney. On disait même à la radio, tantôt, que M. Howard Baker aurait été présent, le chef de cabinet de M. Reagan. Je ne sais pas si c'est confirmé, mais, de toute manière, c'était une rencontre au niveau politique particulièrement importante. Donc, espérons que ces discussions qui vont se poursuivre donneront des résultats concrets.

Dans les représentations qui ont été faites par les différents intervenants, qu'elles aient été faites par ceux qui ont présenté des mémoires ou par les membres du parti de l'Opposition, si nous examinons les réserves, les inquiétudes qui ont été exprimées, on peut peut-être les ramener à quatre thèmes: l'information, les emplois, l'adaptation et les mesures de transition et l'agriculture. J'ajouterais peut-être la question culturelle qu'a abordée tantôt le chef de l'Opposition.

Pour ce qui a trait à l'information, je crois que le ministre du Commerce extérieur, qui a fait un travail exceptionnel avec son équipe dans ce dossier, mentionnait tous les efforts qui ont été faits du côté gouvernemental. Le chef de l'Opposition mentionnait tantôt que la rencontre était tardive, mais, à ma connaissance, il n'y a pas eu d'audiences publiques à ce stade-ci dans d'autres provinces et, comme je voulais le lui dire tantôt, mais je n'ai pas voulu l'interrompre, ce n'est que la première étape. Nous aurons, au cours du mois d'octobre, du mois de novembre et du mois de décembre, l'occasion d'examiner, s'il y a une entente, le traité qui aura été ratifié ou signé au niveau des négociateurs canadiens et américains, en même temps que le Congrès américain aura l'occasion de l'examiner de son côté. Donc, je crois que c'est tout à fait injustifié et prématuré de dire que cette rencontre est trop tardive quand il y a toute l'étape de la considération du traité qui va se dérouler dans ies prochains mois. (16 h 30)

II y a eu également, comme on le sait, des documents qui ont été rendus publics et des annexes statistiques également. Je dois dire, M. le Président, qu'en ce qui concerne l'information le Québec a fait le maximum, tenant compte de l'évolution de la négociation, pour informer la population y compris cette commission parlementaire où une quarantaine d'organismes ont déposé des mémoires de même qu'une dizaines d'experts.

Pour ce qui a trait, M. le Président, à la question des emplois et des programmes de transition, nous avons déjà répondu à cette situation-là et je crois que nos propos ont été endossés d'une certaine façon par d'anciens collègues du chef de l'Opposition, notamment M. Bernard Landry. Même si nous ne connaissons pas le contenu précis et détaillé de l'entente, nous avons déjà fait parvenir au ministre responsable, à Ottawa, des propositions et des demandes pour la préparation de tels programmes de transition. J'ai soulevé moi-même, et le ministre du Commerce extérieur l'avait signalé, à l'occasion de rencontres avec le premier ministre fédéral, la question de subvention aux entreprises de programmes qui pourraient être établis pour la main-d'oeuvre et pour les entreprises, pour s'adapter aux conclusions du traité de libre-échange. Mais on sait que ce traité, de toute manière, n'entrera pas en vigueur avant le 1er janvier 1989. II serait prématuré de consacrer beaucoup de temps à ce stade-ci aux modalités définitives alors que nous ne connaissons pas les conclusions finales. Si, par exemple, on a une période de transition, pour quelques centaines de produits, de dix ou de douze ans au lieu de cinq ans, c'est évident que les programmes ne peuvent pas être les mêmes. Je rappellerai au chef de l'Opposition, dans les comparaisons qu'il fait dans certains secteurs, qu'il ne doit pas oublier l'aspect monétaire, que le dollar canadien à 0,76 $ ou 0,77 $ par rapport au dollar américain, il y a quand même un avantage dans le domaine des exportations et que, si on parle d'une réduction de 1 % par année durant dix ans par rapport aux variations qui peuvent exister sur le plan monétaire, c'est quand même relatif. Sur la question de la protection des emplois, de la création d'emplois, je ne reviendrai pas sur l'étude sur le libre-échange du Conseil économique du Canada. D'ailleurs, l'Opposition, l'ancienne et la nouvelle, ils sont d'accord pour signer un traité de libre-échange. Je tiendrai simplement à signaler une déclaration qui a été faite dans Le Soleil de dimanche, avant-hier, par M. Pierre Fortin qui a été conseiller économique du gouvernement du Parti québécois et qui disait en termes de création de nouveaux

emplois - je ne sais pas si le chef de l'Opposition a eu le temps de prendre connaissance de cet éditorial de M. Pierre Fortin dans ses nombreuses tournées - et il mentionne: "En réalité, depuis un an, en matière de création d'emplois au Canada, c'est au Québec que l'action se passe." Donc, voilà un témoignage d'un observateur objectif qui se trouve à confirmer l'efficacité des politiques du gouvernement en termes d'emploi.

Dans cette question du libre-échange, M. le Président, on pourrait tellement élaborer mais nous sommes limités à quelques minutes, vous me permettrez peut-être de conclure pour ce qui a trait à ce secteur par une déclaration de Mme Guylaine Saucier, présidente de la Chambre de commerce de Québec, qui disait qu'il ne faut pas uniquement se demander dans le libre-échange combien d'emplois peuvent être affectés par la signature d'un traité mais, également, se demander combien d'emplois peuvent être affectés par la non-signature d'un traité.

Je terminerai, M. le Président, en signalant brièvement la question de l'agriculture et de la culture. Dans la question de l'agriculture je pense que notre position a toujours été très ferme, très claire. Depuis plusieurs mois, comme cela s'est fait dans le cas d'une entente avec Israël, comme cela existe actuellement dans la zone de libre-échange en Europe où l'agriculture est exclue... L'agriculture fait partie évidemment du marché commun européen mais après une trentaine] d'années on assiste encore à des problèmes d'intégration très aigus. Il n'est pas question que l'agriculture québécoise ou l'agriculture canadienne puisse être compromise par un traité sur le libre-échange, nous l'avons dit et nous le répétons.

Pour ce qui a trait à la culture, je me permettrai de signaler une certaine incohérence dans le raisonnement du chef de l'Opposition. Il a dit, à l'ouverture des discussions il y a deux semaines, le 15 septembre: II nous faut absolument un mécanisme pour la solution des problèmes, la solution des disputes entre les deux pays. Il faut que ce mécanisme soit le plus global possible. Je lui répète, comme je lui avais dit à ce moment-là, que si on inclut la culture... Je ne sais pas s'il a modifié son point de vue, ce serait bienvenu. Je n'aurais pas d'objection à ce qu'il admette qu'il a peut-être été cité incorrectement. Je ne sais pas s'il a modifié son point de vue mais, si nous avons un mécanisme pour ce qui a trait à la culture, c'est évident qu'il y a un risque qu'une décision exécutoire d'un tribunal supranational ou avec une certaine forme de supranationalité pourrait affecter l'autonomie culturelle du Québec. C'est pourquoi nous avons dit que nous serions très ouverts à ce que ce tribunal s'applique aux matières commerciales.

Voilà en quelques mots, dans les douze à quinze minutes qui nous sont accordées, M. le Président, le point de vue du gouvernement. Nous sommes toujours et nous voulons-être confiants. Il est difficile de tirer des conclusions aujourd'hui sur l'évolution des négociations sauf pour constater le fait de l'intervention politique depuis quelques jours au niveau américain mais nous croyons toujours que, moyennant des conditions très précises, très claires, énumérées par le ministre du Commerce extérieur tout au long de ces discussions, une entente de base à tout le moins sur le libre-échange servirait davantage les intérêts du Québec comme d'ailleurs la plupart des intervenants, y compris nos amis d'en face.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le premier ministre.

M. le chef de l'Opposition vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il nous reste trois ou quatre minutes chacun et que le premier ministre n'aura pas d'objection. Je voudrais faire une couple de remarques. D'abord, la culture: il n'y a pas 36 façons de regarder ce problème-là. Il faut exclure de ce traité, et c'est la position que nous avons prise et je la répète, le secteur de la culture quant à l'intervention de l'État pour la soutenir. C'est clair que le monde de la culture au Québec, les industries culturelles, le monde de l'édition, du cinéma et les artistes sous toutes leurs formes d'expression, ont besoin d'un soutien de l'État. C'est la nature même de ce qu'est le Québec en Amérique du Nord. Tant qu'on n'aura pas compris cela, je pense qu'on passera à côté de la coche. Il n'a jamais été question pour nous... C'est le premier ministre qui m'a mal cité, ce n'est personne d'autre que lui. Ce ne sont pas les journalistes. Il n'a jamais été question pour nous de dire que les questions culturelles pourraient tomber dans des objets qui seront arbitrés par une commission indépendante à laquelle le Québec risquerait même de ne pas siéger. Voyons donc! II n'y a qu'à revoir nos écrits et nos propos là-dessus.

Sur l'agriculture, je ne trouve pas cela très rassurant pour les producteurs agricoles du Québec, ce que nous a dit le premier ministre.

Sur la question des emplois, ce sont des gens en vie, présentement sur le marché du travail, ce ne sont pas des chiffres. J'écoute le premier ministre nous parler d'emploi et j'ai un peu cette impression qu'on avait parfois dans les facultés de médecine quand un professeur de pharmacologie disait: II y a 97,4 % des chances que tel médicament règle tel type de problème avec un patient.

Le problème, c'est que ton patient n'est jamais une statistique. Il se peut qu'il tombe dans les 2,2 % pour qui cela ne marchera pas, et il faut toujours avoir cela à l'esprit. Les emplois, c'est pareil. Dire qu'au bout de la ligne cela va s'équivaloir, vous irez expliquer cela aux gens qui vont perdre leur emploi si on n'a pas les mesures de transition adéquates et si le gouvernement ne peut pas nous rassurer quant à une intervention dynamique de l'État dans ces secteurs.

Une petite parenthèse, le premier ministre, qui aime bien évoquer les noms des personnes importantes qu'il rencontre et qui aime bien faire preuve de son érudition, a fait une erreur. Je crois que ce n'est pas Howard Baker qui était à la réunion, mais plutôt James Baker, le Secrétaire d'État au Trésor. Il y a peut-être des rumeurs... À moins que ce soit Jimmy Baker, le mari de Tammy - j'espère ce que ce n'est pas cela. Je crois comprendre que c'est plutôt le Secrétaire au Trésor américain qui a été mandaté par le gouvernement américain.

M. Bourassa: Si le chef de l'Opposition me permet là-dessus...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Bourassa: ...j'ai bien dit, s'il m'a écouté, que James Baker était là, mais que j'avais entendu un correspondant des médias dire que Howard Baker était également là.

M. Johnson (Anjou): On est très heureux d'apprendre cela.

M. Bourassa: Mais je n'ai pas eu confirmation, comme le chef de l'Opposition doit s'en douter.

M. Johnson (Anjou): Voilà! Comme dans le reste de ce dossier, d'ailleurs.

M. Bourassa: Mais, moi, j'aime...

M. Johnson (Anjou): C'est cela qui nous inquiète et c'est un peu cela qu'on essaie de vous dire aujourd'hui.

M. Bourassa: Non, je fais confiance aux médias d'information. Le chef de l'Opposition...

M. Johnson (Anjou): Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas comme cela qu'on doit assumer la responsabilité politique.

Des voix: Ha! ha!

M. Johnson (Anjou): Si le premier ministre ne se fie... Je pensais que le gouvernement était intimement associé au gouvernement fédéral dans ce dossier. Ce que je comprends, c'est que le gouvernement a besoin d'une agence de presse plutôt que de services commerciaux et diplomatiques qui savent ce qui se passe dans les salles où les choses se décident. Les journalistes travaillent avec les moyens que les politiciens veulent bien leur donner. Le premier ministre sait cela. C'est d'ailleurs un expert sur la quantification des moyens donnés aux journalistes.

Je conclurai - je sais que le premier ministre voudra avoir le dernier mot et que, tant qu'il sera là, il va l'avoir, je le sais, il ne s'en privera pas - en disant que ce qui me préoccupe, c'est le 6 octobre. Si cela marche, cela risque d'être une entente minimale dans laquelle une concession majeure aura été accordée par le Canada au sujet de l'arbitrage des différends qui est la base du moyen d'avoir un accès garanti au marché américain. Dans le fond, c'est le coeur du problème. Cela m'inquiète de savoir quelles en seront les conséquences pour le Québec. Deuxièmement, si cela ne fonctionne pas, je vais citer quelqu'un qu'on ne peut pas accuser d'être l'un de nos amis, c'est un ancien candidat libéral, M. Pettigrew, qui est venu vous expliquer... Libre-échange ou non, la vie continue. Qu'est-ce que vous avez de prêt dans vos cartons pour vous assurer du maintien non seulement de la croissance économique mais de la distribution de cette croissance sous forme d'emplois au Québec dans les années qui viennent si cela ne fonctionne pas? Est-ce que vous avez mis tous vos oeufs dans ce panier qui risque, même si cela se réalise, d'être passablement percé pour le Québec? Je pense que c'est cela, la vraie question. Cela s'appelle avoir des politiques économiques. Ce qui nous inquiète dans tout cela, c'est que le gouvernement n'a pas de politiques économiques. Le premier ministre, qui a aussi l'habileté et l'habitude de rapporter de façon tronquée les citations, je le renverrai aux propos de M. Fortin qu'il citait tout à l'heure en oubliant la phrase qui précédait dans laquelle M. Fortin dit que c'est à compter de 1982 que cela a commencé à se réaliser, ce rattrapage du Québec par rapport à l'Ontario, et pas depuis l'élection du premier ministre. Merci, M. le Président.

M. Bourassa: Ah! M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le chef de l'Opposition.

M. le premier ministre, en vous rappelant que c'est le président de la commission qui, encore une fois, aura le dernier mot à cette commission.

Des voix: Ha! ha!

M. Bourassa: Étant donné votre compétence et votre objectivité, je n'ai aucune objection, M. le Président. Je

voudrais simplement dire au chef de l'Opposition que, d'abord, ce qui compte pour moi, pour le gouvernement et pour les Québécois, c'est que l'Opposition soit d'accord avec le gouvernement pour essayer d'obtenir un traité sur le libre-échange. Je pense que l'Opposition a exprimé son accord. C'est cela qui est important. Je ne m'attends pas à des félicitations du chef de l'Opposition sur toutes les modalités des politiques du gouvernement. Le chef de l'Opposition est là pour critiquer, c'est son gagne-pain.

Des voix: Ha! ha!

M. Bourassa: C'est donc normal qu'il critique ou qu'il essaie de critiquer le gouvernement du Québec, d'autant plus qu'il est d'accord avec l'objectif. Je prends note que, sur la culture, je l'avais mal interprété. Donc, j'ai probablement écouté littéralement ce qu'il a dit sur cette question-là. À l'avenir, je serai plus prudent.

Pour ce qui a trait à la question des emplois, j'ai lu textuellement Pierre Fortin, qui dit: "En réalité, depuis un an - il ne dit pas depuis 1982 - en matière de création d'emplois au Canada, c'est au Québec que l'action se passe." Tout le monde peut lire et constater. D'ailleurs ce n'est pas étonnant, au début de janvier, on prévoyait une augmentation des investissements au Québec de 4,7 %. À la fin de juillet, cela avait triplé, c'était une augmentation des investissements de 12,2 %. Alors, cela,révèle quand même qu'il y a eu un renouveau de confiance avec des résultats particulièrement intéressants.

Encore une fois, M. le Président, je pourrais prendre point par point, mais je l'ai fait, et je n'ai pas à répéter la position du gouvernement sur l'agriculture; on l'a assez dit. Je suis particulièrement encouragé que, dans une question aussi vitale pour l'économie québécoise et son avenir, les partis politiques au Québec font preuve d'un consensus qui nous donne plus confiance en l'avenir.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le premier ministre.

M. Parent (Bertrand): M. le Président, avec la permission du premier ministre. Il a cité quelque chose tantôt et j'aimerais qu'on corrige ou qu'on apporte les faits à ce stade-ci, à la toute fin de nos travaux. M. le premier ministre, vous avez mentionné que le Québec était le seul à avoir tenu des audiences publiques. Que je sache, le Select Committee of Economic Affairs a tenu pendant quatre mois en 1985, en Ontario...

M. Bourassa: C'était sur les négociations sur le libre-échange sectoriel, m'a-t-on dit.

Une voix: C'est cela, oui.

M. Parent (Bertrand): Oui, mais ils ont...

M. Bourassa: Ce n'était pas sur les négociations sur le libre-échange en discussion. C'était sur le...

M. Parent (Bertrand): On est d'accord, mais ils ont tenu une commission publique pendant quatre mois.

M. Bourassa: Oui, en 1985. Quand même, les négociations n'étaient même pas commencées.

Le Président (M. Charbonneau): Sur ces précisions, le mot du président, si vous me le permettez, de part et d'autre. Je pourrais intervenir, comme je l'ai fait à certaines occasions, sur le fond, mais je vais m'abstenir de le faire et profiter plutôt de ces derniers moments d'abord pour remercier les invités qui sont venus devant la commission. On a accueilli 50 groupes et personnes, en fait plus de 54 personnes; 54 groupes différents se sont présentés devant nous, sans compter les gens qui nous ont envoyé des mémoires, mais qui n'ont pas été invités à venir les débattre devant nous en commission parlementaire. Je crois que ces huit jours d'audiences publiques et ces 60 heures de travaux parlementaires ont été très productifs pour l'ensemble des gens qui ont suivi les travaux de notre commission et pour, je crois, sincèrement, les membres de la commission, de part et d'autre.

Je voudrais, à titre de président, vous remercier tous et toutes de la collaboration que vous m'avez accordée. Je pense qu'un président de commission a l'autorité que les membres d'une commission lui accordent, d'une certaine façon, et la crédibilité qu'on lui donne. À cet égard, je vous remercie de la confiance et de la collaboration que vous m'avez accordées. Je voudrais vous remercier également pour les bons mots que vous avez eus à mon endroit, M. le chef de l'Opposition, M. le député de Bertrand, M. le ministre et M. le premier ministre. Je vous assure que je les garderai précieusement.

Je voudrais, en terminant, non pas souhaiter, mais dire aux gens qui sont venus devant nous que c'est peut-être un au revoir parce qu'il est possible, selon l'évolution du dossier, qu'on se retrouve à analyser - c'est, à ce moment-ci, quelque peu hypothétique -une éventuelle entente. J'ai l'impression que cela se fera, encore une fois, à la commission de l'économie et du travail.

Cela dit, les travaux de notre commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 16 h 50)

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