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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le jeudi 10 septembre 1987 - Vol. 29 N° 69

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les moyens d'assurer le respect des objectifs de la réduction de la taxe sur l'essence dans les régions périphériques


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour procéder .à la consultation générale afin d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures d'aide aux régions périphériques relativement à la réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ par litre dans ces régions* Ces mesures étaient prévues dans l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18 décembre 1985 et dans le discours sur le budget du 1er mai 1986.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements aujourd'hui?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cannon (La Peltrie) est remplacé par M. Lemire (Saint-Maurice); M. Fortin (Margue-rite-Bourgeoys) est remplacé par M. Lemieux (Vanier); M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par Mme Hovington (Matane).

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie.

J'aimerais maintenant inviter les représentants de la Compagnie pétrolière Impériale Ltée à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît!

J'imagine que c'est M. Thompson qui dirige le groupe. Je voudrais, dans un premier temps, vous inviter à présenter les collègues qui vous accompagnent et vous rappeler également que vous avez une heure à votre disposition, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation du mémoire et 20 minutes à chacune des formations politiques pour discuter avec vous.

M. Thompson, je vous laisse la parole, en vous souhaitant la bienvenue au nom des membres de la commission.

Compagnie pétrolière Impériale Ltée

M. Charbonneau (Michel): M. le Président, il y a une correction. Je ferai la présentation.

Le Président (M. Théorêt): Allez-y.

M. Charbonneau (Michel): Je suis Michel Charbonneau, directeur des ventes au détail pour le Québec et l'Atlantique. J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche immédiate,

M. Gordon Thompson, président des pétroles Esso Canada; à mon extrême gauche, M. Jean Côté, directeur des affaires publiques pour le Québec. Malheureusement, M. Thompson ne s'exprime qu'en anglais, mais il répondra avec plaisir aux questions qui lui seront posées.

Notre objectif, aujourd'hui, M. le Président, est d'appuyer la commission dans la recherche de solutions ayant pour conséquence de mieux servir la clientèle et les consommateurs en général. Notre présentation soulignera les principaux éléments contenus dans le mémoire que nous avons soumis à la commission. Nous tenterons, autant que possible, de minimiser les répétitions de points de vue déjà abordés lors des présentations faites jusqu'à maintenant. Nous ferons un bref résumé du contexte d'affaires. Suivront nos remarques sur le mode de réduction de la taxe. Finalement, nous aborderons les suggestions que nous désirons soumettre à la commission.

En général, la rentabilité de l'industrie pétrolière au Canada n'a pas été satisfaisante au cours des dernières années. Le rendement moyen, au cours de ces cinq années, a été de 3 %. Au Québec, les importations de produits pétroliers ont exercé une pression sur les marges bénéficiaires de sorte que le rendement du capital utilisé est demeuré inférieur, dans l'ensemble, à la moyenne canadienne. Conjugé à une forte instabilité des prix du brut, ce facteur a donné lieu à d'importantes fluctuations de prix et à un climat d'incertitude au sein de l'industrie pétrolière.

Le 18 décembre 1985, le ministre des Finances du Québec annonçait une réduction 'de 0,045 $ le litre de la taxe sur le carburant dans certaines régions périphériques de la province, l'objectif étant un certain allégement des prix de l'essence plus élevés qu'ailleurs en raison des frais de transport et des marges bénéficiaires nécessaires pour soutenir des commerces au volume de vente plus faible. Cette diminution de taxe avait également pour objectif de favoriser le développement de ces régions en réduisant les frais d'exploitation industrielle et commerciale.

En décembre 1905 et en janvier 1986, les prix de détail de l'essence baissèrent dans ces régions. Par contre, des facteurs tels le faible rendement du capital en 1985, la situation des prix lors de l'introduction

des rabais de taxe, les fluctuations ultérieures du brut et du prix des produits pétroliers embrouillèrent l'incidence de la diminution de la taxe. Une étude des prix du carburant amena le gouvernement provincial à conclure que la diminution de la taxe ne s'était pas répercutée intégralement sur les prix à la pompe. En conséquence, le 17 juin 1987, les prix de détail du carburant dans les régions désignées furent baissés et bloqués pour une période de 90 jours.

Esso respecte le désir du gouvernement quant à l'orientation de ses politiques fiscales. Toutefois, le programme d'allégement est, pour plusieurs raisons, difficile à administrer et, pour ainsi dire, impossible à appliquer.

Le programme pose de sérieuses difficultés aux frontières ou périphéries des régions désignées. D'une part, les détaillants des régions où les taxes sont plus élevées voient leurs ventes baisser du fait que les consommateurs franchissent les frontières pour profiter des prix inférieurs. D'autre part, les détaillants des régions où les taxes sont plus basses haussent leurs prix au niveau de ceux des marchés environnants. Il en résulte de nombreuses distorsions dans le marché.

II est quasi impossible de vérifier si le consommateur profite pleinement de la diminution de la taxe. En général, dans les régions désignées, ce sont les détaillants qui déterminent le prix à la pompe. Ils le font en fonction de leurs coûts, des taxes et du contexte commercial dans lequel ils évoluent. Étant donné l'évolution constante des prix, des coûts et la nécessité de réajuster les marges bénéficiaires en fonction de l'envergure du marché, il est difficile de déterminer à un moment quelconque si les prix à la pompe tiennent compte des écarts fiscaux.

Compte tenu des problèmes que pose le programme actuel de réduction de taxe, Esso estime que les objectifs poursuivis par le gouvernement pourraient être atteints entre autres au moyen d'un programme de dégrèvement. Déjà divers programmes de cette nature ont été appliqués dans d'autres provinces.

Si le gouvernement du Québec souhaite offrir un allégement à certaines régions, Esso aimerait porter à son attention les propositions suivantes: Un programme de réduction des frais d'immatriculation semblable à celui de l'Ontario pour les résidents des régions désignées. Ce programme a l'avantage d'être simple à administrer et direct au consommateur. Une deuxième alternative serait un dégrèvement en vertu duquel un propriétaire de véhicule résidant dans une région désignée pourrait recevoir un chèque de remboursement annuel ou un crédit d'impôt sur le revenu. Le dégrèvement pourrait être calculé en fonction d'une formule qui tient compte des achats moyens de carburant dans chaque région.

Les membres de la commission retrouveront un élément commun dans les alternatives que nous suggérons: le rabais est remis directement au consommateur.

En conclusion, Esso respecte le désir qu'a le gouvernement de réduire la taxe sur le carburant dans certaines régions de la province. II est toutefois évident que le programme, dans sa forme actuelle, entraîne de sérieux problèmes de mise en application. Les alternatives envisagées devraient tenir compte de l'efficacité d'une remise de rabais directement au consommateur et considérer la fragilité du niveau de profitabilité de l'industrie pétrolière. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président, merci, M. Beauchamp, M. Thompson, M. Côté. Dans un premier temps, est-ce que vous pourriez nous faire part des mesures que votre société a prises depuis la période d'application des décrets vis-à-vis des détaillants pour leur permettre de réaliser une marge de bénéfices raisonnable.

M. Charbonneau (Michel): C'est évident que le décret nous demandait, en tant que compagnie, de prendre des décisions importantes afin d'assurer la viabilité de nos détaillants et de notre réseau afin de servir la clientèle avec les objectifs que nous avons,, Si l'on regarde la totalité des détaillants qui sont dans les zones périphériques qui ont été impliquées par le rabais de taxe et que, directionnellement, on regarde la valeur des rabais en sous du litre pour chacun de ces détaillants, en général, l'on retrouve une situation dans laquelle Esso a contribué d'environ 50 % au montant du rabais que le détaillant a dû subir.

M. Ciaccia: Alors, 50 %, approximativement, de la baisse qui a résulté du décret ont été absorbés par Esso et les autres 50 % par le détaillant.

M. Charbonneau (Michel): D'une façon générale, c'est juste.

M. Ciaccia: Est-ce que, durant la période des décrets, il y a eu - soit immédiatement avant ou durant cette période - une augmentation du prix du brut, qui aurait pu avoir comme résultat une augmentation du prix de l'essence, laquelle aurait été mise en application dans les autres régions où le décret ne s'appliquait pas?

M. Charbonneau (Michel): En effet, on

a pu remarquer dans le marché des augmentations dans les zones qui ne sont pas les zones désignées au Québec et partout au Canada. À cause du décret, il est évident que les zones désignées n'ont pas été touchées par cette augmentation.

M. Ciaccia: À cause de l'augmentation du prix du brut, quelle a été cette augmentation - le litre - dans les autres régions?

M. Charbonneau (Michel): L'augmentation a pu varier d'un marché à l'autre. J'aimerais toutefois laisser un chiffre directionnel de l'ordre de 0,02 $ le litre, en m'assurant que vous apprécierez que, dépendamment des forces du marché, ce montant a pu varier.

M. Ciaccia: Alors, vous me dites que dans les autres régions du Québec, il y a eu une augmentation de 0,02 $ le litre due à l'augmentation du prix du brut et que cette augmentation n'a pas eu lieu naturellement dans les régions dans lesquelles le décret s'appliquait?

M. Charbonneau (Michel): Vos remarques sont spécifiques mais généralement elles sont justes.

M. Ciaccia: Vous pariez des forces du marché; toutes les compagnies pétrolières viennent nous parler des forces du marché. Qu'entendez-vous exactement par les forces du marché?

M. Charbonneau (Michel): Les forces du marché, à toutes fins utiles, c'est la compétition. C'est le service qu'une compagnie offre à sa clientèle; c'est le prix qu'une compagnie offre à sa clientèle; c'est le réseau qu'une compagnie peut offrir à sa clientèle; ce sont les éléments comme ceux que je viens de mentionner dans un marché qui vont être l'un des choix et qui vont devenir des éléments de choix pour un client pour choisir vers quelle compagnie il dirigera ses achats. Les forces du marché font que si une compagnie n'a pas le bon service au bon endroit, au bon prix, assurément à ce moment-là une autre compagnie pourra l'offrir. Les forces du marché feront que cette compagnie aura le client.

M. Ciaccia: Votre compagnie a une influence sur les prix»

M. Charbonneau (Michel): L'influence sur les prix devrait être qualifiée de la façon suivante en ce qui touche les zones périphériques. Dans le cas d'Esso, le service offert à la clientèle se fait par l'intermédiaire de détaillants. Les détaillants ont le choix de déterminer le prix à la pompe pour leur clientèle. Il est évident que le prix à la pompe déterminé par le détaillant est fait en fonction de ses coûts, des taxes et de la marge bénéficiaire dont il aura besoin en fonction du volume qu'il a.

M. Ciaccia: Malheureusement, nous n'avons pas tout le temps voulu pour aller sur la question des coûts, parce que différentes sociétés nous donnent différentes réponses puisque les coûts varient de l'un à l'autre. On nous parie des forces des marchés comme devant être concurrentielles avec les autres compagnies et où les détaillants doivent être concurrentiels avec d'autres. On nous informe que, dans certains cas, les compagnies ont des postes où elles déterminent elles-mêmes le prix. On nous a chiffré entre 20 % à 25 % le nombre de postes d'essence en général où c'est la société elle-même qui détermine le prix. Alors, n'est-ce pas une situation, si une autre compagnie - non pas la vôtre, que ce soit Ultramar ou Shell - augmente ou baisse son prix, que vous êtes portés à suivre, si ce sont les phases du marché?

M. Charbonneau (Michel): La question est assez hypothétique dans le sens que, pour Esso, les endroits qui sont contrôlés par les détaillants, dans les zones désignées, ont une proportion de 88 %, donc très peu de sites de notre compagnie sont en mesure de pouvoir influencer directement le prix à la pompe.

M. Ciaccia: Oui, mais même si c'est 88 %. S'il y a ta libre concurrence, s'il y en a un, même si vous avez seulement 12 %, qui va à la baisse, on nous dit que tous les autres vont être obligés de baisser. Alors, directement ou indirectement, vous contrôlez le marché parce que si vous baissez, les autres sont obligés de suivre et si vous augmentez, les autres augmentent. C'est de cela qu'on a parlé hier. Texaco a appelé cela le parallélisme conscient.

M. Côté (Jean): M. le Président...

M. Ciaccia: Oui.

Le Président (M. Théorêt): M. Côté.

M. Côté (Jean): ...si vous me permettez quelques commentaires. Notre société, au Québec, en 1985, a accusé une perte d'opération. Nous avons aussi accusé un perte d'opération en 1986. Donc, si ce qui est mentionné est vrai, on fait très mal les affaires. Lorsqu'on fonctionne à perte et qu'il se présente l'occasion d'une augmentation dans la marche, ce n'est pas trop difficile de faire le bon choix. Lorsqu'on a des profits très élevés, je dois vous dire qu'on n'a certainement pas joui de ce genre

de situation au Québec ou de part et d'autre du pays. Les choix, selon les décisions qui sont prises, sont très différents. Les décisions que nous prenons ne diffèrent aucunement des décisions qui sont prises par un bonhomme qui aurait un commerce de quincaillerie ou un détaillant d'automobiles.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Côté. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je sais que le temps passe malheureusement. Je ne voudrais pas venir à la conclusion... Vous me dites que si vous faites des pertes dans d'autres régions et vous avez la possibilité d'en reprendre quand la situation se présente, que les forces du marché ou les règles du jeu pour reprendre les profits, vous allez prendre avantage de cette situation. Il ne faudrait pas venir à la conclusion et donner l'impression que vous allez prendre le profit dans les régions périphériques et que ce sont eux qui vont subventionner les parcs dans les autres régions du Québec.

M. Côté (Jean): Non, sans être philosophique, je voudrais attirer votre attention sur la façon dont notre société agit envers ces détaillants, suivant le décret. Cela voua donne peut-être une indication du genre de philosophie des affaires qui existe dans notre société.

J'aimerais aussi mentionner que nous vérifions les marges dont nous jouissons un peu partout au pays. Il y a souvent des occasions où nous ajustons nos marges et nous croyons que la marge a tendance à être un peu plus élevée que ce que nous croyons être raisonnable. Nous déterminons seulement une partie du prix. Donc, très souvent, le prix au détail est déterminé par le détaillant, comme le mentionnait Michel.

M. Ciaccia: Vous avez mentionné tantôt qu'avec les détaillants, vous avez partagé 50-50 à la suite du décret, la baisse. Mais face aux indépendants, quelle a été votre politique depuis l'application des décrets? (10 h 30)

M. Charbonneau (Michel): Peut-être un commentaire sur le mot "partagé". Dans chacun des cas, nous avons regardé ce qui était nécessaire pour que nos détaillants puissent continuer une activité viable. Pour répondre plus spécifiquement à votre question, malheureusement, notre compagnie est très peu active pour ce qui est des vendeurs indépendants dans les régions où la baisse de taxe a été identifiée.

M. Ciaccia: Une dernière question. On me dit que votre société a changé, au début de 1986, sa méthode de détermination du prix du gros. Pouvez-vous nous en parler et pourquoi Esso a-t-il fait ces changements?

M. Charbonneau (Michel): Vous faites sans doute allusion à une méthode qui était connue sous la désignation préaffichée. La raison pour laquelle on a évolué vers un système de prix un peu différent est surtout attribuable à la confusion et à la complexité que te système de prix affichés nous apportait. A partir du prix affiché, une série d'escomptes fermes ou d'escomptes temporaires devaient être identifiées pour faire face aux forces du marché et le système de prix que l'on a actuellement nous permet de pouvoir se rajuster dans le marché d'une façon où il est plus facile pour nos clients et nos détaillants de reconnaître ce qui se passe.

M. Ciaccia: Merci pour le moment.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le critique officiel et député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer les représentants de la compagnie Impériale. Dans un premier temps, j'aimerais que vous nous disiez, M. le directeur des affaires publiques, M. Côté -j'imagine que c'est lui qui devrait répondre à cette question - quel type de communication vous avez eu avec le bureau du ministre dans les semaines qui ont suivi la baisse de la taxe ascenseur dans les régions périphériques et dans les semaines précédant le décret. De quel type de communication s'agit-il?

M. Côté (Jean): Avant et après?

M. Gauthier: Après la baisse de la taxe, j'aimerais savoir quel type de communication vous avez eu avec le bureau du ministre et juste avant l'imposition du décret.

M. Côté (Jean): Je dois mentionner que je suis directeur des affaires publiques pour la province de Québec seulement depuis le début du mois de mai. Ma tâche principale est la communication avec le gouvernement. J'ai la responsabilité des relations avec le gouvernement et comme tel c'est important pour moi d'avoir des liens de communication avec les gens qui travaillent avec le ministre à son cabinet ainsi que les fonctionnaires à tous les niveaux au ministère de l'Énergie. Je pourrais mentionner une foule d'autres ministères.

Cela faisait à peine deux semaines que j'étais en place qu'on a fait face à la situation que l'on connaît tous et j'ai eu plusieurs communications, mais mes communications étaient de fournir de l'information et d'aider les gens à tous les niveaux: du niveau politique au niveau fonctionnaire, de mieux comprendre ce qui se

passait et de mieux comprendre les agissements de notre société et la rentabilité de nos préparations durant la période en question.

Suivant le décret, je me suis assuré qu'à tous les niveaux, les gens étaient bien informés au sujet des actions que nous étions sur le point de prendre. Il faut dire que ce n'est pas facile de tout analyser suivant un décret à une certaine journée et de pouvoir prendre toutes les actions équitables. Je devrais mentionner que nous avons informé le bureau du ministre à ce moment-là que nous avions communiqué avec nos détaillants pour leur laisser savoir que toutes les actions que nous prendrions seraient des actions équitables et qu'elles seraient des actions rétroactives au moment du décret. Cela nous a pris quasiment une semaine pour mettre en place les prix ou les réductions qui s'imposaient.

Je veux ajouter à ce que Michel a mentionné que nous avons réduit en moyenne nos prix du gros de 50 %, mais il y a six endroits au moins où nous avons absorbé entièrement la diminution.

M. Gauthier: De façon plus précise, M. Côté, est-ce que l'on vous a indiqué, au moment où le décret était dans le décor, faisait son apparition, au moment où on annonçait le décret, que l'esprit de ce décret, c'était dans le sens que les compagnies pétrolières étaient considérées comme les coupables et devaient assumer la baisse du prix du pétrole, ou si on vous a informé qu'il fallait faire cela à 50-50 avec les détaillants? Est-ce qu'on vous a donné des indications de cette nature et quelles sont-elles si c'est le cas?

M. Côté (Jean): Je vais vous dire franchement, je pense qu'on a agi trop vite. On n'a pas donné l'occasion au gouvernement de nous indiquer ce qu'il voulait faire. Je pense qu'on a agi assez vite; on lui a indiqué ce qu'on avait l'intention de faire et sans doute cela faisait l'affaire de tout le monde.

M. Gauthier: Je vous remercie. Il y a une chose dans le mémoire; peut-être que M. Charbonneau pourrait répondre. Dans votre mémoire, on indique - je vous cite, pour bien situer le contexte de ma question - "au Québec, les importations de produits pétroliers ont exercé une pression sur les marges bénéficiaires de sorte que le rendement du capital utilisé est demeuré inférieur dans l'ensemble à la moyenne canadienne". J'ai de la difficulté à comprendre cette affirmation et j'aimerais que vous nous expliquiez en quoi l'importation a créé une pression supplémentaire au Québec alors que, sauf erreur, le prix du brut international était, à cette période, relativement bas. J'aimerais que vous nous expliquiez cela.

M. Charbonneau (Michel): Votre remarque est juste au sujet du brut international. Laissez-moi tenter d'expliquer l'affirmation que l'on a faite dans le mémoire. Analysons le premier élément qui est le produit raffiné au Canada ou au Québec avec la nécessité d'un certain montant de capital pour y arriver, des raffineries, du personnel, etc., et qui a pour objectif principal de vendre un produit sur le marché canadien ou québécois, d'une part. Les compagnies en général fournissent leur clientèle à partir du raffinage canadien ou québécois. D'autre part, arrive la possibilité d'importation, à des prix, qui sont très alléchants, du produit fini. À ce moment-là, ces prix sur le marché, d'une certaine façon, entraînent des pressions quant à la valeur et quant à la possibilité de diminution de prix qu'éventuellement le client pourrait avoir à la pompe. Alors, on se retrouve avec une possibilité d'importation de produits à meilleur prix à cause de la situation internationale, avec un effet possible à la pompe. C'est ce qui était le cas, mais dans une proportion qui est très petite comparativement au produit qui est raffiné localement. Ce produit importé aboutit à la pompe pour le client à meilleur prix et c'est une des forces du marché. C'est une des forces du marché qui peut amener d'autres fournisseurs, d'autres compagnies à avoir à ajuster leurs prix. À ce moment-là, ils recouvrent moins du capital qu'ils ont investi localement pour le produit qu'ils offrent à leur clientèle. Quand on affirme que les importations ont ajouté une pression sur le retour du capital, c'est dans ce sens-là qu'on t'affirme.

M. Gauthier: En d'autres termes, pour vérifier si j'ai bien compris votre exposé, comme la compagnie Impériale importe moins de produit fini que d'autres, cela a obligé la compagnie à réduire ses prix pour faire face à la concurrence d'autres entreprises qui, elles, ont importé en plus grande quantité du produit fini et qui pouvaient le vendre à meilleur prix à la pompe, ce qui a réduit votre marge bénéficiaire.

M. Charbonneau (Michel): Vous rendez spécifique à l'Impériale le commentaire que l'on a fait alors que...

M. Gauthier: Non, c'est parce que vous êtes là.

M. Charbonneau (Michel): Oui, mais le commentaire qui a été fait dans le mémoire en était un de nature générale et il s'inscrit dans le contexte d'affaires dans lequel nous devons fonctionner. Il y a plusieurs compagnies qui importent et il y a plusieurs compagnies qui raffinent. On ne tentait pas de déterminer à ce moment-ci qui faisait

quoi.

M. Gauthier: II y a quelque chose que je comprends mal. M. Charbonneau. Si je suis votre raisonnement, la compagnie Impériale et d'autres compagnies, bien sûr - on parle de la compagnie Impériale pour la circonstance - ont vu leur marge bénéficiaire réduite parce qu'il y a du produit fini de l'extérieur en plus grande quantité au Québec, qui est entré par d'autres entreprises qui l'ont importé, ce qui a amené une pression à la baisse sur les prix à la pompe. Or, quand on regarde les prix ailleurs au Canada, sans compter le niveau de taxe, on aurait dû, par le fait même, au niveau du consommateur, si je suis votre logique et si je comprends bien que votre rendement a été moins bon sur le capital, s'apercevoir que l'essence - le terme commun utilisé dans nos régions est "le gaz" - coûte moins cher au Québec qu'ailleurs. Quel mauvais sort affecte le Québec pour être toujours à un niveau -du point de vue des entreprises - au moins comparable sinon supérieur - et habituellement c'est cela - aux autres endroits au Canada et, en même temps, se faire dire par les compagnies pétrolières que notre rendement est moins bon? Dans le fond, il y a du produit fini importé qui rentre et cela nous le fait vendre moins cher. J'ai du mal à suivre ce raisonnement. Peut-être que vous pourriez m'expliquer davantage.

M. Charbonneau (Michel): Je pense que Jean veut faire un commentaire.

M. Côté (Jean): Je vais essayer de vous donner quelques données. Je ne veux pas compliquer les choses avec beaucoup de chiffres et je vais parler d'une façon générale. Qu'il me suffise de dire que, présentement, le rapport sur le marché des produits pétroliers publié par le ministère de l'Énergie, des Mines et des Ressources à Toronto pour une période d'une douzaine de mois et auquel le ministre faisait allusion hier indique que sur la période des derniers douze mois - on pourrait prendre une période différente mais ils ont commencé à publier il n'y a seulement que douze mois - le Québec, "ex-taxe", pour l'essence payait un prix qui est à peu près la moyenne canadienne. Sur le document que je regarde ici, je m'aperçois que, d'une façon générale, c'est toujours plus bas qu'à Halifax, toujours plus bas que Charlottetown et St. John et, ce qui est intéressant, c'est que c'est souvent plus bas que Calgary.

Il faut se souvenir que le brut canadien provient de la province de l'Alberta. Ce n'est pas plus bas que Toronto mais, comme mon collègue l'a mentionné, le Sud de l'Ontario a une très grande population concentrée sur une superficie plutôt petite. C'est une situation qui se compare peut-être à plusieurs endroits aux États-Unis qui se trouvent à avoir accès à l'importation de produits d'au moins une douzaine de raffineries, qu'elles soient à Toledo, Ohio, à Détroit, Buffalo, Rochester ou ailleurs. Les forces qui jouent de fait sont décrites très clairement parce que la même question se pose probablement pour la centième fois. Dans le rapport du groupe de travail et le sommaire que j'ai, il y a une très bonne explication de la différence de prix entre l'Ontario et le Québec.

En réponse à votre question, au Québec le prix n'est pas nécessairement plus élevé qu'ailleurs. II est plus élevé qu'à certaines places et moins élevé qu'à certaines autres et il y a certains produits comme le mazout de chauffage qui, d'aussi loin que je me souvienne - cela fait 21 ans que je suis avec l'Impériale - a toujours été plus bas au Québec que dans les autres provinces. (10 h 45)

M. Gauthier: Je crois que le ministre a soulevé tout à l'heure la question du danger possible, en laissant jouer les forces du marché parce qu'on étudie évidemment la possibilité d'intervenir au niveau des forces du marché... Comme on a souligné tout à l'heure qu'il était possible et la tentation était même très grande pour une entreprise qui, sur un marché donné, rentabilise moins ses équipements qu'elle se tourne de bord et décide d'aller dans les régions périphériques et d'augmenter le prix pour augmenter son profit pour faire en sorte que l'un portant l'autre le rendement soit acceptable. Dans les régions où la concurrence est forte, vous perdez de l'argent, vous l'avez dit. Votre objectif, et c'est très louable, c'est d'en faire. La tentation est donc très forte d'utiliser des marchés pour compenser ces pertes. Expliquez-moi que ce phénomène, par rapport à la région de Toronto où les pressions, les forces naturelles jouent en faveur de Toronto - on le comprend avec les explications qui viennent d'être données -fassent en sorte que l'Impériale, présente dans le secteur de Toronto, obligée d'accumuler des pertes dans ce secteur puisque la concurrence est extrêmement vive, n'aurait pas la tentation d'utiliser d'autres marchés pour compenser ces pertes. Êtes-vous capable de me dire que ce raisonnement n'a absolument pas d'allure et que, par le fait même, toute l'intervention du gouvernement dans le libre jeu de la concurrence est inutile?

M. Côté (Jean): Permettez-moi de faire certains commentaires. La première des choses, pour ceux qui ne sont peut-être pas au courant, le prix à Toronto présentement est dans un ordre de 0,485 $. Si on fait un ajustement au prix de Montréal, par exemple, de 0,542 $, on va s'apercevoir que le prix net ex-taxe à Toronto est plus élevé que

celui de Montréal. Mais est-ce que ce sera le cas la semaine prochaine? Je ne le sais pas.

Je me souviens, après avoir passé 21 ans avec une compagnie et avoir donc évolué dans plusieurs provinces, dont la province de Québec au début des années soixante-dix, je peux vous dire que je passais plus de temps à expliquer pourquoi le prix à Montréal était plus bas que le prix à Toronto. Cela n'a pas toujours été; les choses ont changé et changent très souvent. De fait, je pourrais vous citer une période de temps l'année dernière où le prix à Regina en Saskatchewan a chuté à un niveau de 0,20 $. Ce sont les forces du marché. Je demande à mon conseiller financier de m'expliquer le marché de la Bourse, il me dit que ce sont les forces du marché.

J'ai acheté une maison dernièrement à Toronto. En préparant l'acte de vente, je voyais très clairement que le propriétaire précédent, en 1985, avait payé 40 % de moins que moi. Ce sont les forces du marché. Les 40 % d'augmentation de la demeure que j'ai achetée en 1985 et 1987 n'ont absolument aucune relation avec le coût de la main-d'oeuvre ou du matériel de construction. Construire une maison à Toronto ou en construire une à Calgary, c'est plus ou moins la même chose. À Calgary, durant la même période, les prix n'ont pas augmenté. Ce sont les forces du marché. Malheureureusement, on ne devrait pas, comme société pétrolière, se servir du mot "forces du marché" parce que, comme j'essaie de vous le démontrer, c'est extrêmement difficile à expliquer. Mais le pétrole n'est pas la seule commodité ou le seul produit qui soit affecté par les forces du marché.

M. Gauthier: Je vous remercie. Une question me vient également à l'esprit, à la suite de la lecture du mémoire et à l'audition de ce qui nous a été présenté tout à l'heure. Sauf erreur, vous êtes les premiers à soulever de façon très précise le problème interrégional au Québec quand on parle de diminution de taxes dans certaines régions. Vous nous avez souligné que des détaillants en bordure de ces régions auraient en quelque sorte concurrencé déloyalement d'autres concurrents qui sont dans les régions qui n'étaient pas touchées. Est-ce un phénomène que vous avez observé véritablement et est-ce un phénomène qui a créé passablement de problèmes? J'imagine que c'est par vos détaillants que vous avez constaté cette chose. J'aimerais que vous soyez un peu plus explicite là-dessus, puisque vous êtes les premiers à véritablement souligner ce problème.

M. Charbonneau (Michel): Le qualificatif déloyal est peut-être un peu fort. Les détaillants dans ces zones utilisaient les outils qu'ils avaient pour offrir leur produit. Le point que l'on désire faire est que dans les zones frontalières ou les périphéries des zones désignées, on se retrouve souvent dans une situation où, de part et d'autre, on retrouve des fournisseurs de produits pétroliers, des stations-service. La clientèle, qui achète les produits de ces stations-service, est très mobile. Elle a un véhicule pour se déplacer. Il est évident que les zones désignées et les zones à l'extérieur des zones désignées, dans ces endroits on a vu un déplacement de volume qui se faisait de part et d'autre.

M. Gauthier: Et c'était assez fréquent, sur une assez grande échelle, ce que vous me dites là?

M. Charbonneau (Michel): Assez pour que certains détaillants qui sont, eux, sur les zones limitrophes, puissent en tout cas signifier à leur représentant le fait que leur volume diminuait dangereusement. À ce moment-là, leur viabilité, à court terme ou à long terme, était en péril.

M. Gauthier: L'objectif de tout le monde dans cette commission parlementaire, c'est de faire en sorte que les citoyens des régions, pour l'instant puisqu'il s'agit d'une baisse de taxe qui est localisée à certaines régions, profitent pleinement de la réduction fiscale que le gouvernement veut leur donner.

Vous faites des suggestions dans votre mémoire; il y en a une qui a déjà été reprise par d'autres, qui est commune à plusieurs sociétés pétrolières, c'est celle de la réduction des frais d'immatriculation dans ces régions. Je ne sais pas, dans l'ordre des suggestions que vous faites, si c'est celle que vous privilégiez. Je vous avoue que pour notre part, de l'Opposition, et comme député représentant une région périphérique concernée par le décret, il m'apparaît que cette suggestion est tout à l'honneur, disons-le, des pétrolières. Dans le fond, c'est peut-être, à la limite, le meilleur moyen de redonner à ceux qui utilisent l'essence - ce sont ceux qui ont des véhicules, en général -le profit de cet argent. Ce faisant, si je comprends bien, puisque l'ensemble de vos recommandations vont dans un sens extérieur au prix de L'essence comme tel, le gouvernement dans l'avenir éviterait, si j'ai bien compris votre intention, de venir par un jeu fiscal perturber le marché et le prix de votre produit.

Dans le fond, ce que vous nous dites, les pétrolières, c'est: Si vous voulez donner des avantages à ces citoyens relativement au pétrole, donnez-le leur donc dans quelque chose qu'ils consomment dans quelque chose qui est en dehors du pétrole parce que

chaque fois que vous venez jouer dans le montant, cela nous embarrasse, cela bouscule le marché; il arrive des hausses et je ne sais pas trop quoi. C'est bien cela, votre intention. Pourquoi? Dans le fond, c'est cela que les citoyens se demandent.

M. Charbonneau (Michel): Je ferai un commentaire.

M. Gauthier: Oui.

M. Charbonneau (Michel): Je pense que Jean voudra ajouter à mon commentaire. La suggestion que l'on fait, comme vous le dites, n'est pas nouvelle. D'ailleurs, elle est déjà en application ailleurs. Le point que l'on veut souligner par cette suggestion, c'est jusqu'à quel point il est beaucoup plus pratique de remettre directement aux consommateurs que de tenter de le faire par une méthode où il est plus difficile de contrôler si véritablement le rabais ou la réduction de taxe se rend jusqu'aux consommateurs.

M. Côté (Jean): Permettez-moi de continuer l'idée de Michel. Pour être absolument pratique dans les choses, je remarquais, le 21 août... J'ai ici une annonce qui paraissait dans La Presse, c'était la compagnie Chrysler qui offrait des rabais au consommateur. Ce qui m'a frappé dans l'annonce, c'est que la compagnie Chrysler y indiquait que le rabais, de 1500 $ ou de 750 $, selon ie véhicule acheté, serait payé au consommateur directement par Chrysler. En d'autres mots, elle ne le donne pas au concessionnaire dans l'espoir que celui-ci va avoir la bonne foi de le passer au consommateur. C'est un exemple.

Maintenant, je pourrais vous en citer plusieurs. Je me suis informé sur d'autres sortes d'entreprises qui font des choses semblables: Black & Decker, par exemple, dans le temps de Noël, va avoir des rabais de 10 $. On achète la scie, en envoie le coupon et on reçoit les 10 $ par la poste. C'est une façon de s'assurer que le consommateur le reçoit, à cause des fameuses forces du marché. Un rabais de taxe administré par une méthode de perception par le grossiste qui doit se fier à la bonne foi du grossiste dans un marché qui bouge tout le temps et qui, par contre, doit aussi nécessiter un agissement ou une décision de prix de la part du détaillant est une façon extrêmement risquée et difficile à mesurer. C'est tout, c'est un point assez simple. C'est ie concept qu'on voulait vous présenter plutôt que la méthode, le détail.

M. Gauthier: Hier, à cette même commission la compagnie Petro-Canada est venue nous dire, c'était écrit dans son mémoire en toutes lettres: C'est évident que le 0,045 $ de réduction a été transmis au consommateur. Après avoir jasé avec eux un peu, on s'est aperçu que ce n'était pas si évident que cela. Je voudrais savoir si la compagnie Impériale a des indications en ce sens qu'au-delà des fluctuations de prix qu'il y a eu que finalement ie 0,045 $ est allé au consommateur ou est-ce que c'est impossible d'après vous de vérifier et de mesurer cela.

M. Charbonneau (Michel): C'est très difficile de mesurer cela mais laissez-moi tout de même tenter de répondre à la question. Je vais répondre à la question en utilisant une hypothèse. Si l'on avait pu prendre tout ce qui s'appelle "taxes" et le mettre de côté et regarder les autres éléments du prix on se serait retrouvé dans une situation où, à cause du rendement du capital qui était insatisfaisant, de l'évolution et de la fluctuation du brut et du prix des produits pétroliers, cette partie aurait évolué parce que l'un des objectifs, je pense, ne faisait pas partie des objectifs du gouvernement lors de l'introduction du rabais de la taxe de limiter la profitabilité ou l'évolution des coûts qu'entraîne la mise en marché des produits pétroliers. Alors, si on avait pu isoler la taxe des différents événements, des différents éléments que je viens de décrire, ces éléments auraient quand même évolué parce qu'il fallait corriger la situation.

Je vous rappelle qu'on est dans une situation où la profitabilité n'est pas acceptable. Alors, il y a une évolution qui s'est faite. Quand on remet tous les éléments ensemble, il est facile de conclure que c'est une partie du 0,045 $ qui a été utilisée. C'est une conclusion facile à faire. Malheureusement, je pense, qu'on fait face à une situation où les autres éléments du coût du produit ont dû quand même continuer leur évolution normale. Le prix total, le prix à la pompe, n'ayant pas été gelé, à ce moment-là l'incidence de la réduction de la taxe a été vraiment embrouillée.

M. Gauthier: Puisque l'on m'indique que mon temps est à peu près terminé, j'ai une dernière question que j'ai posée aux autres sociétés. Tout le monde évidemment est en désaccord avec une intervention gouvernementale très formelle, c'est-à-dire tout le monde dans le domaine des entreprises qui s'occupent de vente de l'essence, ce qui n'est pas évidemment l'avis des consommateurs. Toutes les entreprises disent: Laissez jouer les forces du libre marché, cela crée un climat propice à l'investissement, etc. On ne veut pas d'interventions comme il y a à certains autres endroits au Canada, et particulièrement en Nouvelle-Écosse, où on m'indique qu'il y a une régie qui fixe les prix. Les gens des autres sociétés ne se sont pas opposés avec la dernière énergie, disons, considérant comme

un moindre mal la possibilité qu'une espèce d'organisme ayant un pouvoir moral de surveillance de l'état du marché et pouvant peut-être permettre à certaines occasions d'éviter les extrêmes. (11 heures)

Les forces du marché sont peut-être intéressantes dans bien des cas. Il y a certains endroits où il y a des extrêmes qui font en sorte que personne ne peut fermer les yeux là-dessus. Alors, une espèce d'organisme qui pourrait être une commission parlementaire, une association de surveillance, de publication de prix comme cela se fait ailleurs pour que les consommateurs soient bien au courant du jeu qui se fait, Les gens ne se sont pas dits absolument en désaccord avec cela. La position de votre société, face à un tel organisme, est-elle la même que les autres pétrolières?

M. Charbonneau (Michel): L'idée de donner plus d'information aux consommateurs en ce qui touche les prix, je pense, a beaucoup de mérite. C'est certainement un domaine où il y a place pour amélioration. Je ferai les commentaires suivants: le consommateur se retrouvera certainement moins confus, il comprendra mieux ce qu'il paie, il comprendra mieux pourquoi il doit payer ce qu'il paie sur le marché. Évidemment, une meilleure information au consommateur amène ultimement une concurrence qui est très saine parce que, à ce moment-là, le consommateur est plus averti dans son choix pour déterminer ses achats.

Le Président (M. Théorêt): M. Gâté, voulez-vous ajouter quelque chose à la réponse?

M. Côté (Jean): J'aurais un petit commentaire. Peut-être que la question qu'on devrait se poser n'est pas: Où est allée la taxe? Disons qu'il est évident que le système de rabais, par l'entremise du véhicule qui a été mis en place, est extrêmement difficile. La preuve est qu'on est ici.

La question qu'on doit se poser d'après moi, c'est: Est-ce que les prix en place le 15 du mois de juin, étaient raisonnables ou non? Les profits des pétrolières sur les prix en place le 15 juin étaient-il en effet raisonnables, oui ou non? Si on perdait de l'argent en 1985, serait-il raisonnable de s'attendre que, en 1987, on continue de perdre de l'argent? Ce n'est pas dans l'intérêt du consommateur, des gens qui travaillent pour Esso ou pour les autres pétrolières que les pétrolières perdent de l'argent. Il doit y avoir une santé économique dans l'industrie pour que le consommateur et les employés qui dépendent des pétrolières puissent avoir le plein avantage à long terme. Les prix étaient-ils raisonnables ou non? À mon point de vue, à notre point de vue, et nous avons fourni au ministère de l'Énergie et des Ressources, vers le 15 juin, soit à la période précédant le décret, nos données au sujet des marges en place, qui nous indiquent que les prix étaient raisonnables, oui. Ce n'étaient pas des prix qui nous donneraient des rendements qu'on considérerait comme exagérés et excessifs.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Jean Côté vient de parler du rendement et des prix raisonnables. Vous dites que les compagnies n'ont pas un rendement assez élevé et qu'il est dans l'intérêt des consommateurs et des employés que ce rendement soit adéquat., Toutes les compagnies se plaignent, non seulement la vôtre, que le rendement sur leur opération en aval, c'est-à-dire le raffinage et la mise en marché, le marketing, n'est pas assez élevé. Ce rendement est basé en partie sur le transfert du prix du brut, que la même compagnie se vend d'une division à l'autre. Par exemple, la division exploration va vendre à la division raffinage et mise en marché. Ce prix a évidemment une influence sur votre rendement. Plutôt que de parler sur le rendement de vos activités au Québec, pourquoi ne parlez-vous pas du rendement global de la compagnie Esso?

M. Côté (Jean): M. le ministre, il est très important de comprendre que l'industrie du pétrole n'est pas une industrie, mais deux: l'amont et l'aval. Je voudrais signaler que lorsque que les Reichman ont décidé de vendre une partie de Gulf, ils ont vendu celle qui était à l'aval. Je pourrais nommer d'autres sociétés qui ont décidé de se retirer de l'industrie de l'aval tout en gardant l'industrie de l'amont.

J'ai évolué durant plusieurs années dans ma société en relation avec les investisseurs. La meilleure réponse que je peux vous donner, parce que c'est une suggestion qu'on peut prendre, nous, une société qui réalise, dans tous les différents secteurs, des profits, d'un côté, et les transposer de l'autre... Première des choses, on doit acheter plus de 50 % du brut qu'on a besoin pour exploiter nos raffineries. Notre taux de raffinage est deux fois notre taux de production, lorsqu'on fait les ajustements pour les bruts qu'on produit qui sont des bruts lourds qu'on ne peut pas raffiner dans nos raffineries.

Mais le plus important, c'est qu'il existe en Amérique du Nord, aux États-Unis, une commission de sécurité, une commission de sécurité aussi au Canada qui est là pour protéger les actionnaires. Les actionnaires de

l'Impériale ne sont pas intéressés de voir des petits jeux joués dans les livres. On a des vérificateurs externes et internes qui font la vérification et je crois que la plus importante raison est que les gouvernements des provinces où on opère en amont et les provinces où on opère généralement en aval ont intérêt à ce qu'on cite précisément le genre de profit qu'on fait.

Disons que le Québec n'est pas intéressé à ce que l'Alberta reçoive une plus grande part des taxes que le Québec et la même chose pour l'Ontario. Donc, je vous réponds d'une façon indirecte, mais on a plusieurs intéressés qui nous regardent de très près pour s'assurer que des petits jeux ne se fassent pas.

M. Ciaccia: La seule chose que je vous suggère, c'est qu'en donnant seulement le rendement au Québec, cela ne donne pas le portrait total, parce que ce rendement au Québec est affecté par le prix que vous-même vous vendez le brut. Sinon, pourquoi les prix importés sont-ils plus bas au Québec? Parce que vous dites: II y a des prix importés au Québec.

Est-ce que cela ne veut pas dire - on se plaint que les prix importés sont moins élevés - que si le prix domestique, le prix local est trop haut, les compagnies ont fait les transferts à la raffinerie à un prix trop élevé? Autrement, comment expliquer que le prix des produits importés est moins cher que le prix du produit que vous fabriquez ici au Québec? Comment l'expliquer, sinon que le prix auquel vous le vendez vous-même est plus élevé, de la poche gauche à la poche droite?

M. Côté (Jean): M. Ciaccia, je n'ai pas toutes les données pour pouvoir répondre avec une très grande précision. Peut-être parce que je suis dans les affaires publiques, je peux me permettre de répondre indirectement. M. Charbonneau est responsable des ventes au détail. M. Charbonneau est jugé; sa performance est jugée d'après les profits qui sont faits dans son secteur de responsabilité.

M. Thompson est jugé, lui, d'après les résultats qu'il se trouve à avoir. Donc, je suis certain que M. Charbonneau ne voudrait pas que la profitabilité de son secteur de responsabilité soit diminuée en faveur de son confrère qui a la même responsabilité dans une autre province.

M. Ciaccia: Est-ce que la raffinerie peut acheter son brut sur le marché "open market" ou est-ce que la raffinerie est un client captif? Êtes-vous obligé de prendre le produit de votre propre compagnie?

M. Charbonneau (Michel): J'aimerais ajouter à ce qui s'est dit tout à l'heure pendant que Jean consulte M. Thompson. Il faudrait se rappeler que les fameuses farces du marché qu'on a décrites un peu plus tôt s'appliquent aussi au marché international et s'appliquent aussi au brut.

À court terme, on peut se retrouver dans des situations où les importations de produit fini sont d'un meilleur prix que le produit qui est raffiné, ici, à l'intérieur du pays. Il y a des situations dans le passé où on a vécu l'inverse. Le produit canadien était, à ce moment-là, un produit qui arrivait chez nous, chez nos détaillants, à un meilleur prix que les importations qui n'étaient pas compétitives sur le marché international. Alors on doit vivre avec des situations où il y a des forces extérieures qui permettent des importations attrayantes ou qui ne permettent pas des importations attrayantes, mais il faut se souvenir que les importations sont là comme une soupape, une possibilité et ce qui est la sécurité c'est en fin de compte ce que l'on peut raffiner chez nous pour les besoins de la clientèle.

M. Ciaccia: Même dans le prix international il y a des fluctuations et des escomptes, mais je ne sais pas si, lorsque vous vous transférez le prix brut d'une filiale à l'autre, vous tenez compte de ces escomptes qui vont sûrement avoir un effet sur le rendement de vos opérations au Québec. Je vaudrais...

M. Charbonneau (Michel): M. le Président, j'aimerais demander à M. Thompson, qui a eu la responsabilité pour le raffinage et le marketing, de répondre à la question: Est-ce que nos raffineries ont la flexibilité de pouvoir acheter au meilleur prix ou sont-elles tenues d'acheter de la compagnie, donc possiblement à des prix qui ne seraient pas concurrentiels?

Une voix: Gordon Thompson, go ahead.

M. Thompson (Gordon H.): Thank you. I gather your question, Mr. Minister, regarding how free and open the market is for crude oil and how do we price crude oil between ourselves and up stream resource company. First of all, there is an entirely free and open market for crude oil. Any person, normal refiner who ever wants to buy crude oil in Canada is entirely free to go and buy from Alberta producers and at whatever price they agree. Similarly, one can buy cargos and crude oil on world market. I could demonstrate to you that that is a very open market. Our company purchases crude oil from Venezuela, from Great Britain, from Nigeria, from time to time many places and all of that is on a free and open market.

M. Ciaccia: Excuse me. Your company purchases it, but then, your company

transfers it to its various refineries. M. Thompson: Yes, of course. M. Ciaccia: Well, my point is that...

M. Thompson: At the price we pay for it.

M. Ciaccia: When you transfer that, you reflect if there are discounts or is that a true reflection of inter company...

M. Thompson: Let me give you an example: We might buy from British Petroleum in the UK a cargo of a brand crude oil. That goes into our Douglas refinery and it goes in on the books at exactly the price we paid for it, net of everything including all the transportation together.

M. Ciaccia: Yes. We are staying a bit from the subject. All I was suggesting, and we did not want get into the crude oil market international, is that rather than just show the profit which is generated in Québec only from some operations, perhaps the public would get a better picture if they had the total profit that your company would be generating rather than just a part of the picture. That is all I am suggesting.

M. Thompson: Mr. Minister, we have been in an habit for the last several years of publishing our total refining and marketing profit quarterly, for the view of all concerned, so that information certainly is available and has been available for sometime. As regards how we allocate our costs and our revenues to various regions to be the province or wathever of the country, as you can imagine in a company like ours where we have national business interests, there are some allocations that we have to use but when we talk about profitability in one region, that is the best accounting allocation that we can make of our costs and our revenues and therefore our profits.

M. Ciaccia: Thank you, Mr. Thompson.

J'ai une dernière question. Je voudrais être certain de bien comprendre votre recommandation d'un programme de dégrèvement dans votre mémoire. Les différentes mesures que vous proposez ne s'adresseraient qu'aux résidents des régions, si je comprends bien.

M. Charbonneau (Michel): Oui.

M. Ciaccia: Et pour financer un tel dégrèvement, proposez-vous implicitement au gouvernement de ne pas renouveler les décrets, d'une part, et de rétablir la surtaxe qu'il a abolie dans les régions périphériques?

Est-ce cela que vous suggérez? (11 h 15)

M. Charbonneau (Michel): Oui.

M. Ciaccia: Si on doit rétablir la surtaxe, est-ce que vous pourriez nous donner une idée de ce que seraient les prix à la pompe dans les semaines qui suivraient l'application d'une telle mesure? On applique à nouveau la surtaxe et on abolit le décret. Juste une idée, je ne vous demande pas de fixer les prix, mais simplement de me donner votre opinion, qui est une opinion d'expert. Vous aviez certaines tendances dans le passé. Qu'arrivera-t-il? Prenez n'importe quelle région dans ces régions périphériques?

M. Charbonneau (Michel): Je m'en voudrais de déterminer une valeur au prix ou ce qui pourrait arriver d'un point de vue quantitatif au prix. J'aimerais toutefois souligner que l'on se retrouverait dans des marchés où une libre concurrence serait établie et, encore une fois, les forces du marché feraient que la clientèle aurait une saine concurrence. Si une compagnie ou un détaillant établit ses prix d'une façon qui ne respecte pas les besoins de la clientèle, à ce moment-là ses ventes en souffriront.

M. Ciaccia: Est-ce que cela veut dire, quand vous dites que c'est de la libre concurrence, que cela va dépendre de la première compagnie qui va augmenter et que les autres vont suivre? Est-ce que c'est cela la libre concurrence?

M. Charbonneau (Michel): Je ne pense pas que ce soit uniquement la définition de la libre concurrence.

M. Ciaccia: Les représentants de Texaco nous ont dit hier: Écoutez, on est sur un coin de rue et il y a un autre détaillant, une autre compagnie sur l'autre coin de rue; s'il baisse de 0,01 $, nous autres on baisse de 0,01 $; s'il augmente, la tendance va être d'augmenter. D'après leur témoignage, cela dépend de la première compagnie qui va faire l'augmentation et les autres vont suivre.

M. Charbonneau (Michel): II y a eu des baisses de prix, il y a des différences de prix dans certains marchés, tous les participants du marché ne sont pas nécessairement établis au même prix.

M. Ciaccia: Mais la libre concurrence ne veut pas dire - c'est l'exemple qu'on nous a donné; maintenant, on change peut-être la définition - que, si quelqu'un baisse le prix, le consommateur va aller où le prix a baissé et que les autres vont baisser en conséquence.

M. Charbonneau (Michel): Le choix du consommateur est déterminé par plusieurs facteurs. Le prix en est un. La disponibilité du produit en est un autre. La qualité du produit en est un autre. La localisation du site lui offrant le produit en est un autre aussi.

M. Ciaccia: Mais la première augmentation va sûrement être une indication assez importante. Ce serait un facteur assez important.

M. Charbonneau (Michel): Si l'on se retrouve dans une situation où le détaillant ou le fournisseur de produit ne réalise pas un profit raisonnable, c'est évident que la tendance sera à la hausse. Mais une compagnie ou un détaillant qui évoluerait dans ses produits à la hausse, avec la possibilité que les autres participants dans le marché ne décident pas de faire le même changement, à ce moment-là sa clientèle évoluerait vers la concurrence.

M. Ciaccia: Supposons qu'on rétablit la taxe - c'est une mesure de 5Q 000 000 $ -qu'est-ce qui va arriver au prix? Pourriez-vous nous donner une indication? Comment cela peut-il influencer le prix du litre?

M. Côté (Jean): D'après moi, on ne sait pas ce qui va se passer la semaine prochaine. On ne sait pas si les prix vont augmenter ou baisser. Mais je peux vous dire, après 21 ans d'expérience, que si vous augmentez la taxe ou remettez 0,045 $ dans la taxe, attendez-vous le lendemain matin que ce soit réflété dans le prix à la pompe.

M. Ciaccia: D'accord. Vous avez 0,045 $ pour commencer. Vous aurez vos autres 0,02 $ auxquels vous avez référé parce que le prix du brut a augmenté. Toutes les autres régions ont augmenté de 0,02 $. Les régions périphériques ne l'ont pas fait. Alors, pour une période donnée, elles ont bénéficié de ces 0,02 $. Je crois que ce serait normal qu'à la fin, si le décret n'est pas renouvelé, ces 0,02 $ soient repris parce que cela reflète le prix du brut. Alors, ce sera 0,02 $ plus 0,045 $, et on est rendu à 0,065 $. Quel autre chiffre pourrait-on ajouter au prix de l'essence dans ces régions?

M. Charbonneau (Michel): Je pense qu'on peut faire le commentaire qu'une direction à la hausse est évidente, mais de là à la quantifier, je pense qu'il est difficile de le faire parce que ce sont les participants dans le marché et la concurrence dans le marché qui vont éventuellement établir le niveau de prix.

M. Ciaccia: On va tourner en rond et on va arrêter pour le moment. On a établi au moins que si on prend la mesure que vous avez suggérée on est arrivé au minimum de 0,065 $ le litre ou plus d'après les chiffres que vous me donnez. On va laisser ce sujet pour le moment.

Le Président (M. Théorêt): Si vous me le permettez, M. Côté, j'aurais un commentaire à faire à une de vos déclarations qui m'a fait sursauter tantôt. Vous avez déclaré: La question à se poser n'est pas à savoir où en est rendue la réduction de 0,045 $ le litre mais à savoir si une société comme la vôtre par exemple qui a subi des pertes en 1935, devrait continuer à en faire en 1987. J'ai de la difficulté à relier l'un et l'autre. Je pense que si le gouvernement prend la décision de réduire de 0,045 $ le litre le taux d'essence en région c'est dans le but d'en faire profiter le consommateur et non pas les sociétés pétrolières. Pourriez-vous m'expliquer une telle déclaration?

M. Côté (Jean): D'après moi toute entreprise tente de réaliser un profit mais un profit, dans un libre marché, n'est pas un gain acquis. Il y a un élément de risque. C'est une situation qui existait pour nous en particulier en 1985 et d'après les données, d'une façon ou d'une autre la profitabilité en aval est basse d'après toutes les informations qui ont été présentées à la commission sur une base nationale, une base provinciale, en Ontario. Je crois qu'il devient important de poser la question à un moment donné. Est-ce que le prix est raisonnable? Si le prix est raisonnable, par exemple si, à ce moment-ci les pétrolières avaient un rendement de 5 % qui représentait une amélioration de 2 %, il me semblerait que les 5 % comparativement au rendement qu'un investisseur, quel qu'il soit, considère raisonnable, rencontreraient les critères de raisonnabilité. De fait, les gens diraient généralement que c'est bas.

Le Président (M. Théorêt): M. Côté, ce que vous nous dites-là est une admission. Est-ce que parce que votre société ne fait pas de profits ou n'a pas un rendement raisonnable, il est normal pour vous de profiter de cette baisse de taxe que le gouvernement a effectuée ou de profiter d'en récupérer une partie pour rendre vos opérations un peu plus rentables? Vous savez fort bien et je ne veux pas vous le faire dire que ce n'est pas le but pour lequel la réduction de taxe a eu lieu.

M. Côté (Jean): Absolument pas! Je m'excuse si j'ai donné cette impression. Ce n'est certainement pas du tout cette impression que je voulais vous donner. Si la baisse de taxe n'avait pas eu lieu on aurait dû, dans la circonstance qui existait,

rechercher des moyens, soit par réduction des coûts de fonctionnement - et, de fait, on a poursuivi les choses de ce côté-là - et amélioration de marge possible afin de rendre plus rentable notre opération. Disons que le fait que la taxe a baissé n'a aucunement joué dans les décisions qui ont été prises et qui se prennent au jour le jour.

Le Président (M. Théorêt): Serait-il possible de savoir quelle marge vous laissiez, avant le décret, aux détaillants de votre clientèle dans les régions périphériques par exemple?

M. Charbonneau (Michel): Je vous donne une idée du genre de marge que l'on avait parce que, encore une fois, on n'est pas une compagnie qui fonctionne avec des marges garanties. Le détaillant...

Le Président (M. Théorêt): Parlons de marge suggérée si cela peut vous rendre plus à l'aise.

M. Charbonneau (Michel): Non plus. C'est ce que le détaillant affichera à la pompe qui déterminera finalement la marge qu'il aura. Rappelons-nous que dans les zones où la réduction de la taxe a été désignée l'on se situe dans un réseau où, le plus souvent, les volumes de ces détaillants sont assez bas. Ils ont des coûts fixes à rencontrer et, normalement, un détaillant qui a des coûts fixes à rencontrer doit avoir un certain volume pour pouvoir couvrir ces coûts fixes. La marge à laquelle vous faites allusion, on en parle toujours en cents du litre. Alors, il est évident que dans les zones rurales ou dans les zones désignées, la marge du détaillant doit être un peu plus élevée que, par exemple, dans la zone de Montréal pour pouvoir couvrir ces coûts. Je pense qu'on se retrouve dans un corridor de 0,05 $ à 0,06 $ à 0,07 $ selon les endroits comme marge avant le décret.

Le Président (M. Théorêt): Dernière question: Quelle est la marge maintenant, après le décret, dans ces mêmes régions?

M. Côté (Jean): La marge du détaillant?

Le Président (M. Théorêt): Oui, toujours.

M. Charbonneau (Michel): Je peux répondre à la question. Maintenant, on se retrouve avec des marges qui sont de l'ordre de 0,05 $ à 0,06 $.

Le Président (M. Théorêt): La même.

M. Charbonneau (Michel): De 0,05 $ à 0,06 $. J'ai mentionné tout à l'heure de 0,04 $ à 0,07 $.

Le Président (M. Théorêt): Oui. Merci. Une question, M. le député de Roberval. Une dernière ensuite, M. le député de...

M. Gauthier: Une question supplémentaire à la suite de ce que vous venez de dire. Au début, vous avez indiqué au ministre que la baisse de taxe avait été absorbée 50 %-50 % par la pétrolière et par le détaillant. Là, vous nous dites que la marge est la même qu'avant. Les 50 % de la pétrolière sont-ils aussi élevés que les 50 % du détaillant?

M. Charbonneau (Michel): On a mentionné au début que la participation de notre compagnie en général pouvait se définir de l'ordre de 50 %o

Quand on regarde les marges que j'ai signifiées tout à l'heure, j'ai donné des chiffres qui sont des cents par litre. Rappelez-vous qu'il faut multiplier ces cents par litre par des volumes pour arriver effectivement à des valeurs de dollars et qu'il se peut très bien qu'il y ait eu des détaillants à l'intérieur de l'échelle que je viens de vous donner qui étaient à 0,07 $ ou à 0,04 $ qui avaient différents volumes. Il faut apprécier la valeur du volume qui est le multiplicateur de ces cents par litre pour pouvoir justement faire le calcul et arriver au montant que l'on vous a défini. Il est dangereux à ce moment-ci de n'utiliser que le cent par litre.

M. Gauthier: Peut-être est-il dangereux mais vous admettrez avec moi... Hier, Petro-Canada nous dit que notre marge a baissé, la marge des détaillants a baissé de tant à tant, avec quelque chose de significatif par litre. Là, on parle de 0,045 $ par litre pour la taxe. On arrive avec des chiffres globaux qui sont à peu près la même marge de manoeuvre. Je comprends que les volumes jouent et il peut y avoir un gros détaillant quelque part qui a baissé sa marge un peu d'un demi-cent. Somme toute, 0,045 $ c'est assumer à 50 % à peu près - on comprend que les chiffres ne sont pas très précis. À moins que je ne me trompe, cela veut dire 0,0225 $ à peu près à la compagnie et 0,0225 $ au détaillant. Là, on n'a pas une différence dans les chiffres que vous nous donnez de 0,0225 $.

Vous avez parlé de 0,05 $, 0,06 $ tantôt. C'aurait dû être dans l'ordre de 0,03 $, 0,04 $ à la limite. Si vous aviez dit 0,04 $, 0,045 $, on aurait dit peut-être que le volume joue, mais là, la marge est à peu près la même, à peu de choses près, et elle devrait être clairement identifiée d'au moins environ 0,02 $. Alors, ou bien les détaillants n'ont pas remis leurs 50 % aux contribuables et là je m'inquiète des autres 50 %. Cela

pourrait arriver. C'est un montant de 20 000 000 $ dont les contribuables se sont vus privés. Ou bien il y a des erreurs dans les chiffres. En tout cas, j'ai de la difficulté. Je suis un peu votre raisonnement quant au volume mais je vous avoue que j'ai de la misère concilier ces chiffres.

M. Charbonneau (Michel): Je comprends le point que vous amenez. Pour bien comprendre la situation, je pense qu'il faut absolument avoir le volume pour pouvoir déterminer ce que vaut la masse de dollar.

Les points que je voulais vous amener, il y a eu un partage pour pouvoir laisser à nos détaillants une marge suffisante pour pouvoir rendre viables leurs opérations.

Deuxièmement, l'échelle de variation de volume et l'échelle de variation de marge en est une qui est assez grande pour justement porter à confusion quand l'on cite uniquement des chiffres d'une façon directionnelle.

M. Gauthier: D'accord. Je vous remercie. (11 h 30)

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. On a beaucoup entendu parler du libre marché, de libre concurrence et force du marché depuis hier et aujourd'hui également.

En ce qui concerne ma région, plus spécifiquement des Îles-de-la-Madeleine, je peux comprendre qu'en termes géographiques, c'est particulier. Maintenant, comment expliquez-vous qu'à la suite de l'annonce du décret du ministre et de son application, tous les détaillants ont fermé? C'est là qu'on s'aperçoit, en tout cas que je me suis aperçu, de mon côté, que tous les détaillants se réunissaient pour fixer le prix parce qu'il n'y avait pas de compétition à ce moment-là. D'une part, on parle de libre marché et, d'autre part, on a vu une situation où tous les détaillants se sont mis ensemble et ont fermé. Alors, ils ont pris la population en otage, il me semble, sur une île. La population est en otage parce qu'il fallait qu'ils absorbent une partie du décret, un pourcentage.

À ce moment-là, d'une part, on parle de libre marché et, d'autre part, le prix se contrôle entre plusieurs détaillants. À la suite de discussions avec ces gens-là, ils disent que ce sont les pétrolières qui fixent le prix et les pétrolières disent que ce sont les détaillants qui le font. Alors, je pense qu'on tourne continuellement autour du pot, cela devient quand même très mêlant. Chose certaine, c'est qu'au bout de la ligne, c'est le consommateur qui y perd. Pour ma région, principalement, on ne peut pas parler de libre marché; c'est un cartel, c'est bien évident. On l'a vu, ils ont fermé.

M. Charbonneau (Michel): Deux remarques sur votre propos. Les compagnies pétrolières ont différentes façons d'aborder le marché. Dans certains cas, le choix qu'elles utilisent peut les amener à justement pouvoir déterminer un prix. Ce n'est pas le cas chez nous. On fonctionne par l'intermédiaire de détaillants et non d'agents. Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, je pense que vous connaissez cette situation.

Une autre information qui peut peut-être vous aider à comprendre la situations Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, l'impact a été de 0,042 $; dans ce cas précis, les 0,042 $ ont été divisés: 0,021 $-0,021 $ en termes de réduction.

M. Côté (Jean): Si vous me permettez, deux commentaires.

Le Président (M. Théorêt): M. Côté.

M. Côté (Jean): J'ai été impliqué dans les Îles-de-la-Madeleine au moment du décret. Disons quant à savoir qui établit le prix, je suggérerais fortement que la commission parle aux experts, aux spécialistes professionnels du ministère de l'Énergie et qu'on leur demande d'expliquer les différentes façons dont se servent les pétrolières pour fonctionner. Toutes les pétrolières n'ont pas te même système en place. On a parlé de prix au détaillant, donc on peut parler de différents systèmes, celui des prix affichés; disons que ce sont des systèmes différents. Maintenant, je crois que cela aiderait à comprendre la situation.

En ce qui concerne les Îles-de-la-Madeleine, je peux vous dire qu'à la suite du décret, j'ai reçu un appel téléphonique chez moi, j'étais en congé; on m'a informé que les détaillants avaient posé l'action qui a été mentionnée. Disons qu'il faudrait demander aux détaillants pourquoi ils ont pris cette action parce que cela n'a rien à voir avec nous.

Je peux vous dire que je me suis organisé de façon que notre représentant, notre agent aux Îles-de-la-Madeleine donne une assurance à nos détaillants que nous avions l'intention de prendre une action et qu'on ne les laisserait pas absorber seuls les 0,042 $. De fait, quelques jours plus tard, nous avons pris l'action qui a été mentionnée par Michel. Nous en avons absorbé 50 %.

Le Président (M. Théorêt): Merci.

M. Farrah: Une dernière question brève, M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Théorêt): Oui, brève, s'il vous plaît!

M. Farrah: Les mesures que vous proposez, par exemple en ce qui a trait au

permis de conduire, une réduction des frais, etc., à ce moment-là, ces mesures quand même ne pourraient pas empêcher qu'une chose semblable puisse se reproduire, dans le sens qu'on peut réduire le coût du permis de conduire d'autant, d'un montant X, mais ce sont quand même les détaillants, comme vous le dites, qui fixent le prix; ils peuvent quand même se réunir encore et le fixer le prix qu'ils veulent. Â ce moment-là, il n'y aura pas d'impact du prix de l'essence sur le consommateur. On peut réduire le coût du permis de conduire, d'une part, mais, d'autre part, le prix peut quand même augmenter s'il y a coalition entre tous les détaillants.

M. Charbonneau (Michel): Je pense qu'il faudrait se limiter à dire qu'une telle coalition n'est pas légale et qu'il y a des façons de traiter de telles situations.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Pour le mot de conclusion, M. le député de Roberval et critique de l'Opposition et M. le ministre.

M. Gauthier: Oui, juste un mot pour vous dire que nous apprécions votre présence à cette commission parlementaire. Vous avez fait l'impossible pour nous présenter un mémoire intéressant et vous avez répondu à nos questions avec le plus de précision possible; nous apprécions cela. Je vous avoue que de tout cet échange que nous avons eu ensemble je retiens que, en ce qui concerne les recommandations, il faudra que la commission envisage possiblement un mécanisme de surveillance des marchés ou un mécanisme visant à informer davantage le consommateur des différents comportements des prix sur le marché. Afin que l'argent aille véritablement dans la poche de ceux qui consomment l'essence, il faudra peut-être envisager des mesures que nous recommanderons évidemment au gouvernement mais qui sont intéressantes du côté de l'immatriculation particulièrement. Peut-être qu'une combinaison de deux choses pourrait permettre de rendre véritablement justice.

Quoi qu'il en soit le seul doute qui subsiste malheureusement à la suite de la comparution c'est un peu la dernière question que je vous posais quant au calcul, à la part, je n'ai pas l'impression - vous n'êtes pas au banc des accusés plus qu'une autre pétrolière - que les consommateurs ont empoché la baisse de taxe qui leur était destinée. Pour une partie, cela a été vrai oui, mais je pense qu'il y a une partie qui a servi à d'autres fins. C'est peut-être la difficulté qu'on a à concilier les chiffres à la limite quand on regarde cela. Cependant, conscient de l'importance d'une liberté dans le marché des produits pétroliers et conscient aussi des efforts que certains font et que des détaillants font aussi dans des régions pour maintenir le prix à un niveau acceptable, nous allons faire l'impossible pour recommander au gouvernement et supporter le gouvernement, si c'est le cas, dans le choix de mesures qui pourraient en quelque sorte vous laisser quand même un intérêt quelconque au marché des produits pétroliers au Québec et dans les régions périphériques.

Je vous remercie de votre présence, ici, aujourd'hui.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, moi aussi je voudrais remercier les représentants d'Esso, M. Thompson, M. Côté et M. Charbonneau pour leur mémoire et la présentation qu'ils ont faite. II y a certaines choses qui découlent de votre mémoire et certaines conclusions auxquelles je suis venu à la suite des informations que vous nous avez données. Premièrement, votre proposition ou votre recommandation de dégrèvement d'impôt ou de plaques d'immatriculation. Le coût minimum d'une telle mesure pour le consommateur serait de 0,065 $ le litre, sans compter la récupération des décrets. Si on traduit cela en termes de prix au gallon, cela veut dire 0,295 $ le gallon d'augmentation le 18 septembre dès que les décrets sont annulés et dès qu'on aurait réimposé la surtaxe, sans compter la récupération des décrets. C'est quelque chose qui, naturellement, nous porterait à réfléchir sérieusement avant d'adopter une telle mesure et d'imposer une augmentation de 0,30 $ le gallon au consommateur dans les régions périphériques.

Je dois avouer, cependant - il faut donner crédit quand il y a des vérités - que Esso a été l'une des compagnies qui ont coopéré le plus avec le ministère dans l'application des décrets pour ne pas que toute la mesure tombe sur le dos des détaillants. Vous comprenez maintenant, les membres de la commission, qu'on ne pouvait pas fixer le prix aux détaillants, parce qu'il y a trop d'impondérables, il y avait trop de différences dans l'industrie. On pouvait seulement fixer le prix à la pompe. Quand les détaillants ont communiqué avec nous, par exemple, mon collègue des Îles-de-la-Madeleine, il est vrai que mon ministère a communiqué immédiatement avec Esso et votre réaction a été immédiate et vous avez coopéré pour ne pas que ce soit seulement le détaillant qui absorbe les effets du décret. Pour cela, je dois reconnaître que vous avez fait, je crois, votre part en grande partie.

Ce qui m'amène en conclusion, en plus de votre témoignage et de celui des autres pétrolières, à dire qu'il est vrai que personne... Ce n'est pas un monopole, c'est-à-dire que trois ou quatre compagnies se mettent ensemble et contrôlent le marché

dans ce sens-là, mais vous avez sûrement un effet sur les prix. Chaque société a un effet sur les prix. Même si vous ne contrôlez le prix que de 15 %, 18 % ou 20 % de vas marchands, même si les autres avaient le loisir d'augmenter ou de réduire les indépendants ou autres - le fait demeure que vous avez une influence importante- C'est pour cela que le mécanisme d'inspection, le mécanisme de surveillance, doit premièrement donner l'information aux consommateurs. Un consommateur qui sera bien informé pourra prendre les décisions, faire les meilleurs achats. Aussi, je crois que les études ont démontré que de donner de l'information est une pression à une baisse des prix. Deuxièmement, ce mécanisme de surveillance ou d'inspection pourrait porter à l'attention du public laquelle des sociétés est la première à augmenter le prix, parce que les autres vont suivre après. C'est indéniable, c'est ce qui arrive.

Si on ne renouvelle pas les décrets - la décision finale n'est pas prise - si les décrets tombent le 17, je peux vous assurer que nous allons être très vigilants pour voir et déterminer laquelle des pétrolières va être la première à augmenter les prix. Nous avons toujours la loi sur les décrets qui nous permet d'agir dans l'avenir. Je crois qu'il sera important, pour nous et pour le consommateur, de voir qui va augmenter le premier. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Messieurs, les membres de la commission vous remercient et je voudrais, avant de suspendre, porter à l'attention des membres de la commission et des représentants des autres groupes dans la salle que le fait qu'on ait utilisé jusqu'à une heure et demie environ pour écouter les représentants de la compagnie Esso ne veut pas dire qu'on veut créer un précédent, mais ceci est dû strictement au fait que l'organisme suivant, qui devait être Ultramar Canada Inc. n'est pas présent. Je ne voudrais pas que les autres groupes pensent qu'on peut, même si tous les intervenants sont fort intéressants, prolonger chaque fois de cette façon. C'était strictement dû au retard.

Nous allons suspendre les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 44)

(Reprise à 11 h 59)

Le Président (M. Théorêt): M. Gaulin et votre collègue qui vous accompagne, les membres de la commission, vous souhaitent la bienvenue. Je vous demanderais, dans un premier temps, de nous présenter votre collègue qui vous accompagne et également je vous rappellerai que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

Ultramar Canada Inc.

M. Gaulin (Jean): Merci, M. le Président. Mon collègue est M. Guy Archambauit qui est le président de la division du Québec. Nous fonctionnons au Canada à même trois divisions? L'Atlantique, l'Ontario et le Québec M. Guy Archambauit est responsable de la division du Québec.

Premièrement, je voudrais vous remercier d'avoir accommodé mon horaire et d'avoir accepté de me voir un peu plus tard et aussi de nous permettre de venir présenter notre point de vue à cette commission que nous jugeons très valable. Nous venons ici dans un esprit de collaboration.

Je ne lirai pas le document qu'on vous a soumis. Je présume que vous en avez pris connaissance. Je voudrais simplement, si vous me le permettez, parler un peu des contextes dans lesquels on fonctionne pour amener une certaine lumière sur la réalité des choses dans notre secteur. Vous avez probablement retrouvé des renseignements que vous avez reçus au cours de ces audiences, mais je pense qu'il est valable de les répéter ou même de les faire valoir de notre point de vue à nous.

Premièrement, on fonctionne dans un contexte international et l'Est du Canada et tout le Canada au complet est le seul pays industrialisé où il n'y a pas de barrières tarifaires ou de barrières non-tarifaires au commerce du pétrole. Si on s'en remet aux États-Unis, à l'Europe, au Japon ou à l'Australie, tous ces pays-là ont des tarifs à l'importation de produits raffinés.

Donc, on vit dans une réalité où on concurrence au chapitre international. Cela se traduit dans les faits, c'est-à-dire qu'il y a des produits pétroliers qui sont importés ici au Québec et si on fait la liste des pays d'où ces produits-là nous arrivent, il y en a peut-être une vingtaine, si on retraçait, par exemple, ce qui s'est passé depuis un an ou un an et demi. Donc, on doit tenir compte de cette réalité au titre de la concurrence.

Deuxièmement, j'aimerais aussi apporter quelques renseignements au sujet du contexte financier dans lequel on fonctionne, puisque, bien entendu, votre commission s'intéresse à ce point de vue-là. Premièrement, pour situer un peu l'ordre de grandeur des choses si, par exemple, on recherchait un rendement sur capital de 12 % après impôt, cela correspondrait à environ 0,01 $ du litre sur les produits vendus sur le marché canadien.

Donc, pour nous, ce ne sont pas des cents qui comptent, mais bien des fractions de cents et c'est le volume, naturellement, qui vient nous apporter le rendement requis pour financer nos investissements. Or, bien entendu, quand on a des investissements de

l'ordre de 1 000 000 000 $, les profits peuvent paraître élevés. Pour nous, 60 000 000 $ après impôt, cela nous donnerait un rendement de 12 % sur le capital investi et cela représenterait 0,01 $ du litre sur tous les produits vendus.

Deuxièmement, j'aimerais apporter une certaine comparaison d'une entreprise pétrolière versus une entreprise réglementée. C'est-à-dire qu'une entreprise réglementée fonctionne à partir de coûts. Elle établit, comme on le dit dans le langage, les coûts de service. Elle se présente devant un organisme réglementaire et elle justifie ses coûts. Elle les établit et par la suite l'organisme réglementaire détermine les prix.

Dans notre cas, c'est le contraire qui se produit. On fonctionne à partir des prix sur le marché et par la suite on regarde nos coûts et s'ils sont trop élevés comme cela a été le cas dans le passé, puisque vous connaissez les rendements des sociétés pétrolières dans le domaine du raffinage, on essaie de faire des efforts pour ajuster, baisser, diminuer les coûts pour pouvoir financer nos projets à venir.

Donc, il faut se rappeler que c'est très difficile pour une entreprise qui n'est pas réglementée de fournir des renseignements sur les coûts. Je vous donne un exemple du cheminement que pourrait prendre un litre d'essence qui serait vendu à Matane et la façon dont on pourrait établir les coûts.

Premièrement, chez nous on reçoit à peu près une vingtaine de bruts différents qui sont acheminés par pétroliers qui arrivent à notre quai de Saint-Romuald. C'est mélangé dans des réservoirs. Ces bruts-là se vendent à des prix différents. Ils contiennent des quantités différentes d'essence, d'huile à chauffage et de mazout. Déjà là, la comptabilité pour établir le coût de ces pétroles bruts est compliqué. Par la suite, je raffine ces pétroles dans des unités de fabrication différentes. Pour l'essence, pour l'huile à chauffage, pour le mazout lourd, cela passe par des unités différentes. Or, comment établir les coûts d'investissement, les coûts d'amortissement de toutes ces unités de fabrication, sans compter le coût des salaires, par exemple, pour un employé qui fait de l'entretien. En fait-il plus sur l'essence ou sur le coût de l'huile à chauffage? C'est déjà assez difficile.

Troisièmement, une fois que l'on a ces composantes, on fait un mélange et en ce qui concerne l'essence, on en fait trois différentes sortes d'essence qui contiennent des composants différents. Donc, encore là, c'est assez difficile d'établir le coût comme tel. Par la suite, on achemine cela par pétroliers dans des terminaux marins jusque par exemple à Chicoutimi. De temps en temps, les intempéries ne nous permettent pas d'y aller par bateau, on y va par camion et donc déjà pour essayer d'établir les coûts, cela exige une comptabilité assez complexe. Par la suite, à partir du terminal de Chicoutimi, par exemple, on fait la livraison dans les différentes stations qui n'ont pas la même distance et la même grosseur de réservoirs, qui vendent différentes proportions d'essence.

Je vous dis ceci simplement pour vous faire constater qu'il est extrêmement difficile et qu'il serait extrêmement coûteux d'établir les coûts, surtout quand les prix du pétrole brut - et cela vous pouvez le constater tous les jours dans les journaux -varient souvent de l'ordre de 2 $ US du baril qui représentent 0,02 $ du litre et donc deux fois plus que ce que notre marché nous permet de réaliser. Comment pourrait-on établir les coûts à un moment donné dans une région quelconque de notre marché?

En conclusion, M. le Président, parce que je ne veux pas étirer ma présentation, vous avez constaté, je pense, nos recommandations dans le rapport, mais j'aimerais insister de nouveau sur trois points: La première chose est qu'il est certain que pour recouvrer ces 0,045 $, la meilleure façon de le faire, c'est de les réétablir. À ce moment-là, on est certain que cela revient dans les coffres du gouvernement.

Deuxièmement, il s'agit de trouver un moyen pour le gouvernement d'aider ces régions qui en ont besoin. On a constaté que ce mécanisme n'est pas le meilleur mécanisme pour ce faire.

Troisièmement, à la suite de ce que je viens de vous dire, je me permets de constater et je vous dis simplement que la société Ultramar reconnaît le besoin d'information de tous les consommateurs en ce qui concerne les prix et ses composantes. Je pense que ce serait la meilleure façon d'informer le consommateur sur la complexité de notre entreprise et nous ne pouvons que souscrire à ce que le ministre a suggéré, d'établir un organisme de surveillance des prix, puisque, à notre avis, cela va aider le consommateur à comprendre la complexité de notre entreprise et à être bien informé des prix et de ses composantes.

M. le Président, je termine là-dessus.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Gaulin. Je cède maintenant la parole au ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M. Gaulin. Permettez-moi tout d'abord de vous souligner notre appréciation pour les efforts déployés par Ultramar pour affirmer sa présence dans la société québécoise, notamment en y transférant son siège social et en réalisant un important programme d'investissement à Saint-Romuald. On parlera des autres aspects après.

On a examiné votre mémoire, on l'a lu attentivement, et vous affirmez que les changements dans les écarts de prix ont été occasionnés - à la page 3 - non pas par des hausses de prix dans les régions, mais bien par un fléchissement du marché montréalais au début de l'été 1986. C'est à la page 3 de votre mémoire, le troisième paragraphe, dernier paragraphe. Ce fléchissement n'était-il au fond que le reflet de la baisse des prix du pétrole brut au niveau international?

M. Gaulin: Oui, M. le ministre.

M. Ciaccia: Et cette baisse n'a pas été répartie également dans les régions. Selon les chiffres que nous ont donnés certaines pétrolières et selon les informations à notre ministère, vous avez baissé plus, les baisses ont été plus élevées à Montréal que dans certaines régions périphériques.

M. Gaulin; C'est ce que mentionne notre rapport, oui.

M. Ciaccia: Pourquoi un fléchissement équivalent ne s'est-il pas manifesté dans les régions plus éloignées?

M. Gaulin: C'est ce que j'essayais d'expliquer. Ce qui nous guide dans notre politique de prix, c'est ce que la concurrence exige. Que vous soyez propriétaire de 1000 stations-service ou d'une station-service, si vous ouvrez une station-service, la première question que vous vous posez, c'est: À quel prix vais-je afficher? Vous allez regarder de l'autre côté de la rue et si les prix sont à tel niveau, vous les établirez à ce niveau-là. Donc, c'est simplement le mécanisme normal que l'on suit dans notre entreprise, dans notre industrie pour l'établissement des prix.

M. Ciaccia: Quand vous parlez de marché libre et des fluctuations des prix, d'un côté les consommateurs ont souvent l'impression que lorsque l'on modifie une taxe à la hausse, les effets sur le marché libre - entre guillemets - sont permanents mais lorsqu'il s'agit d'une réduction de taxe, les effets sont plus volatiles. Comment expliquez-vous cela?

M. Gauiin: La façon dont cette comparaison a été faite, elle a été arrêtée dans le temps et on a comparé en fonction de la région de Montréal. Je me demande si toutes les forces qui agissent sur le marché sont constantes et le demeureront ad vitam aeternam entre Montréal et ces régions périphériques.

M. Ciaccia: Dans la chaîne des intervenants, les pétroliers, les raffineurs, les grossistes détaillants, quel est, selon vous, celui qui a le plus de poids à la détermination des prix à la pompe?

M. Gaulin: Dans notre cas, M. le ministre, le mécanisme est bien simple, la majorité de nos détaillants sont en consignation. Nous leur garantissons une marge d'opération pour qu'ils puissent survivre et, en retour; nous établissons nous-mêmes les prix.

M. Ciaccia: Si je vous comprends bien, dans la majorité des cas ce n'est pas le détaillant qui détermine les prix mais Ultramar.

M. Gaulin: C'est bien cela.

M. Ciaccia: Ultramar fixe les prix.

M. Gaulin: Oui.

M. Ciaccia: Si c'est vous qui fixez les prix, quand vous parlez de libre concurrence, la façon dont on nous l'explique est à savoir que si quelqu'un fixe un prix plus haut, la tendance est à la hausse, si le Drix est fixé plus bas, les consommateurs se dirigeront vers le détaillant ou la société qui... Vous êtes en mesure d'établir cette concurrence.

M. Gaulin: On établit les prix en fonction de ce que la concurrence impose.

M. Ciaccia: De quelle façon fixez-vous les prix? Si Shell augmente vous augmentez? Est-ce qu'il y a d'autres éléments? Comment fixez-vous les prix, par exemple, dans les régions périphériques?

M. Gaulin: Je vais demander à M, Archambault qui est responsable de cela de vous répondre.

M. Archambault (Guy): M. le ministre, en réponse à votre question, permettez-moi de commencer en vous disant que si mes compétiteurs montent les prix et que, d'après moi, c'est sans raison valable, autrement dit il n'y a pas eu d'augmentation notable des coûts du brut, il n'y a pas eu d'augmentation valable des coûts de marketing, donc, ils tentent simplement d'augmenter leurs marges, les chances sont que je ne suivrai pas et que je vais tenter d'accaparer leur clientèle. Sauf que, règle générale, ils vont redescendre et tout le monde va rester au même prix. (12 h 15)

S'il y a une augmentation, si, pour me servir de votre exemple, Shell a augmenté ses prix à la suite de trois ou quatre mois d'augmentation du prix du brut, étant donné que je n'ai que 0,01 $ du litre avec lequel je peux jouer, je ne peux pas attendre bien longtemps et je ne pense pas que je pourrais demeurer dans mon emploi présent bien

longtemps si je ne suivais pas. Je vais donc suivre immédiatement et c'est assez facile à voir, étant donné que l'industrie pétrolière est peut-être une des seules, privilégiées ou non, où les prix de tous ses produits principaux sont fixés sur une enseigne de six pieds sur six pieds, en plastique, illuminés et, dans la plupart des cas, vingt-quatre heures par jour. Bien sûr, quand l'annonce monte chez mon concurrent et que j'ai aussi les mêmes coûts que lui, j'ai aussi les mêmes augmentations, je vais en profiter et je vais monter.

Je peux vous dire également que si mon compétiteur tente d'accaparer ma part de marché et baisse ses prix, nous avons des mécanismes qui réagissent immédiatement et je baisserai. En fait, à mon avis en tout cas, les composantes principales des forces du marché, dans un premier temps, c'est le volume. C'est notre gros multiplicateur. On fait juste un cent le litre. Alors, plus de litres on vendra, évidemment plus d'argent on fera.

La deuxième composante, c'est la compétition, la concurrence, le nombre de détaillants qu'il y a dans un marché. Cela fait une dynamique. Bien sûr, le marché de Montréal a une dynamique supérieure à la plupart des zones périphériques. C'est une des raisons pour lesquelles le marché de Montréal, en 1986, a baissé plus rapidement et même plus bas que dans certaines zones périphériques.

Ensuite, évidemment, la troisième composante d'une force de marché c'est le désir d'un des joueurs d'accaparer la part de marché de l'autre. C'est ce qui part les guerres des prix.

M. Ciaccia: Quand les décrets ont pris effet, il y a eu une baisse des prix à la pompe par vos détaillants. Qui a absorbé cette baisse? Est-ce le détaillant ou Ultramar?

M. Archambault: Le 15 juin, la veille, mes détaillants - j'en ai 161, entre parenthèses, dans les zones périphériques qui sont concernés - les 161 détaillants faisaient un minimum de 0,034 $ et le lendemain, nous avons suivi votre recommandation, le décret et les mêmes détaillants faisaient encore 0,034 $ et ils le font encore. Ce que je suis en train de vous dire, c'est que Ultramar a absorbé la totalité de la baisse et les seules exceptions ont été 18 détaillants situés dans quelques régions périphériques plus éloignées, comme la Basse-Côte-Nord, par exemple, et la Gaspésie. Il y a 18 de ces détaillants indépendants qui n'étaient pas sur un support de prix, ce qui veut dire qu'ils faisaient beaucoup plus que 0,034 $. Certains faisaient jusqu'à 0,05 $ ou 0,06 $. Quand la baisse de prix de 0,045 $ est arrivée, ils ont descendu, ils ont absorbé à même le surplus qu'ils avaient une partie de cette baisse. Mais quand ils sont arrivés à 0,034 $, soyez sans inquiétude qu'ils sont venus frapper à notre porte et nous les avons supportés. Ils ont 0,034 $. Il y en a même quelques-uns qui ont un peu plus que cela parce que, leur volume étant petit, ils ont besoin d'un peu d'aide et nous leur donnons donc un subside temporaire pour qu'ils puissent arriver.

M. Ciaccia: Tantôt, vous avez dit que les coûts sont difficiles à établir. Si je vous comprends bien, dans l'établissement de l'industrie. Vous avez aussi mentionné que vous avez besoin d'une marge de 0,01 $ le litre. Alors, si les coûts sont difficiles à établir, comment établissez-vous la marge de 0,01 $ le litre dont vous avez besoin pour vos opérations?

M. Gaulin: Disons que lorsque je vous parle de 0,01 $ le litre, c'est sur l'ensemble des volumes du territoire. Donc, la façon dont on fonctionne, c'est qu'on établit nos prix en fonction de la concurrence, mais, à la fin, il nous reste un certain montant d'argent. On sait exactement combien on vend de litres. Donc, on peut établir... Par exemple, dans notre cas, on vend 6 000 000 000 de litres. S'il nous restait, à la fin de l'année, 60 000 000 $ après impôt, cela représente 0,01 $ du litre. C'est simplement pour illustrer que je ne peux pas vous dire si je fais 0,01 $ le litre à Vai-d'Or, ou si je fais 0,01 $ par litre à Montréal ou si j'en fais un même dans les autres provinces, je le sais sur l'ensemble de nos opérations.

M. Ciaccia: Vous ne savez pas si vous le faites dans les autres provinces ou dans les autres régions. Autrement dit, si vous avez, par exemple, des postes d'essence en Ontario, vous ne savez pas si vous perdez de l'argent là ou non. Ce que vous regardez, c'est l'ensemble de vos opérations.

M. Gaulin: C'est l'ensemble de nos opérations. Je vous donne un exemple: j'ai une raffinerie à Saint-Romuald qui dessert tous mes marchés: les Maritimes, l'Ontario, le Québec. Comment est-ce que je fais pour établir mes coûts de raffinage qui sont applicables à l'Ontario, au Québec ou, par exemple, aux Maritimes? Comment est-ce que je fais pour répartir mon coût sur l'ensemble des ventes? Il y a des mécanismes qui nous aident à donner des guides à nos gens qui fonctionnent dans les stations-service, mais je ne peux pas vous affirmer... Je reviens à mon argument de tantôt, à savoir qu'il serait extrêmement difficile de le faire - pas impossible, mais extrêmement difficile - soit d'établir des coûts dans des régions données.

M. Ciaccia: Alors, cela veut dire que vous ne pouvez pas établir les coûts, par exemple, en Ontario, si vous voyez que vous avez besoin - prenons le chiffre que vous m'avez donné - de 60 000 000 $ et si vous identifiez une région où vous pouvez augmenter les prix pour aller chercher vos 60 000 000 $, c'est cela que vous allez faire.

M. Gaulin: C'est la libre entreprise qui nous conduit. Autrement dit, si je suis capable d'afficher mes prix, toujours à l'intérieur de ce que Guy a dit, dans le raisonnable, bien entendu, si dans certaines régions on me permet d'afficher des prix plus élevés que dans d'autres, je le fais parce que c'est le marché qui établit ces prix et le marché tient compte, à long terme, de tous ces éléments, des composantes de prix qui viennent s'accumuler pour faire le prix de détail.

M. Ciaccia: Alors, s'il y a des marchés un peu moins concurrentiels, vous pouvez facturer plus pour votre produit.

M. Gaulin: Oui, parce que je me dis que s'ils sont un peu moins concurrentiels, c'est probablement parce qu'il y a moins de profits dans ces régions. Donc, c'est pour cela que j'ai moins de concurrence.

M. Ciaccia: Les coûts du transfert du brut - on avait posé cette question à Esso -est-ce que ce sont les coûts réels? Je présume que vous avez la même structure que les autres sociétés; vous avez le marketing, la mise en marché et le raffinage. Est-ce que les coûts des transferts du brut sont les coûts réels ou est-ce qu'il y a une certaine marge que vous maintenez?

M. Gaulin: Disons que je ne pense pas qu'an soit comparable à Esso en ce sens qu'on produit très peu de pétrole brut au Canada. Je pense qu'on n'achète pas du tout de pétrole brut. Quand je dis, je pense, c'est sur le "pas du tout" que j'insiste qui provient de nos propres puits. Donc, on achète le pétrole brut sur le marché libre, que cela vienne de la Mer du Nord ou de l'Arabie Saoudite, bien souvent on ne produit même pas ces barils. Dans la plupart des cas, cela m'étonnerait même qu'on ait du pétrole que l'on produit nous-mêmes qui soit arrivé à notre raffinerie de Saint-Romuald. Vous savez, peut-être juste pour ouvrir une parenthèse, si je prends le groupe Ultramar au complet, on a réalisé, dans les premiers six mois, l'équivalent d'à peu près 50 000 000 $ US après impôt alors que Exxon en a réalisé 1 300 000 000 $ par trimestre après impôt. Donc, on ne se compare pas du tout en termes de grandeur et de complexité. Pour répondre à votre question, le prix que l'on paie c'est le prix du marché à un tiers.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le critique officiel et député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Merci aux gens d'Ultramar de s'être présentés ici et de nous avoir déposé un mémoire de qualité. Effectivement, le ministre a insisté au début de son intervention sur votre présence au Québec pour une grande partie de vos activités. Nous sommes évidemment heureux de cet aspect de vos activités. Plusieurs questions ont été posées au cours de cette commission et finalement les pétrolières, pour l'essentiel, s'entendent pour tenir une argumentation qui se ressemble passablement. Mais il y a un aspect sur lequel je n'ai pas encore demandé d'éclaircissement et j'aimerais le faire dans votre cas. C'est lorsqu'une compagnie pétrolière nous parle de forces du marché. On a défini les forces du marché au cours de cette commission comme étant les prix payés, le brut, la concurrence dans certaines régions, les coûts pour livrer, bref, c'est un amalgame de tous ces facteurs qui font que, un moment donné, pour une raison ou pour une autre, on trouve un équilibre, compte tenu de la capacité de payer du consommateur qui se trouve quelque part; c'est un point X.

On n'a jamais parlé, en tout cas à ma connaissance, d'une force du marché, d'un facteur qui influencerait les forces du marché et qui serait celui de créer un "vacuum" à la baisse dans le prix du prétrole. Je m'explique. S'il arrivait demain matin que, pour une raison ou une autre, le prix du pétrole brut connaisse une chute absolument fantastique et créant, par le fait même, dan3 l'une des composantes du prix de l'essence, ce que j'appelle un "vacuum", une baisse de prix qui laisse 0,03 $ ou 0,04 $ de disponibles le litre - admettons que c'est de cet ordre - à ce moment-là, les forces du marché auraient tendance à jouer de la manière suivante: puisqu'il y a une économie possible de 0,03 $ ou 0,04 $ le litre à cause d'un facteur donné, d'une composante donnée, il est bien possible que le consommateur en profite, mais dans l'ordre de 0,01 $ ou 0,02 $ par exemple et que les compagnies pétrolières profitent de cet avantage pour rentabiliser davantage leurs investissements. Ce n'est pas un reproche que je fais, c'est une constatation. Effectivement, est-ce que tout changement brusque dans le coût de l'une des composantes du litre d'essence à la pompe a une influence dans le sens de celle que je viens de vous expliquer?

M. Gaulin: Si je comprends bien, vous voulez savoir si les fluctuations au niveau du prix du pétrole ont une influence sur le prix de l'essence? Oui, je pense qu'on a vécu cette situation...

M. Gauthier: C'est-à-dire, je m'excuse». Je sais que cela a une influence évidemment, mais je prétends que toute baisse importante...

M. Gaulin: Oui.

M. Gauthier: ...a une influence moindre que cette baisse-là chez le consommateur, puisque le prix peut s'établir, le marché est habitué de payer, mettons le consommateur est habitué de payer 0,52 $ le litre.

M. Gaulin: Oui.

M. Gauthier: Vous pouvez, s'il y avait une baisse théorique demain matin, de 0,10 $ le litre pour les pétrolières, l'affirmation que je fais est la suivante: C'est que le jeu du libre marché ne descendra pas le prix à 0,42 $ mais risque de le situer aux environs de 0,46 $, par exemple.

M. Gaulin: Je vais vous répondre; j'avais compris votre question.

M. Gauthier: D'accord, je m'excuse.

M. Gaulin: On a vécu cette situation en 1986 du fait que les coûts du pétrole ont tombé de l'équivalent de 0,12 $ le litre. 0,12 $ le litre, c'est environ 12 $ US, si on veut, et cela ne s'est pas produit immédiatement, parce qu'il y a un certain temps avant que le pétrole arrive sur le marché.

Les pétroliers amènent le pétrole de la Mer du Nord, par exemple- On achète le pétrole pas la journée avant que le bateau arrive. Donc, il y a un certain inventaire dans le système. Je peux vous affirmer -vous n'avez qu'à vérifier les rapports annuels de toutes les entreprises en 1986 - que nous avons perdu 50 000 000 $ avec ce jeu-là, parce que justement les prix sur le marché ont chuté trop vite.

Vous comprenez que si on veut approvisionner les gens sur le marché et ne pas manquer de produits, il faut avoir des inventaires. Or, la pression qui a été exercée sur les prix à cause de cela - je vais vous expliquer comment cette pression est venue -nous a forcé à baisser les prix sur le marché plus vite que nos coûts ont baissé dans nos inventaires.

La raison pour laquelle on est obligé de l'absorber, c'est comme je vous l'ai dit tantôt. Le marché est complètement ouvert aux importateurs de produits pétroliers. Sans vouloir entrer dans Ies causes techniques de tout cela, c'est qu'au Canada, on est obligé de suivre une méthode d'inventaire qui reconnaît ce laps de temps-là, tandis qu'aux États-Unis, les entreprises peuvent suivre une méthode de coût qui reconnaît les coûts présents, si bien qu'en ce qui concerne le coût pour les entreprises américaines, par exemple, la baisse de prix est immédiate, tandis que chez nous, elle prend environ 90 à 100 jours. Si bien que les importations sont rentrées et donc, quand les prix du pétrole sont à la baisse, les compagnies pétrolières au Canada sont très vulnérables à cause de cela. (12 h 30)

L'information existe. Si vous prenez notre rapport annuel ou si vous prenez le rapport annuel d'Impériale, vous allez retrouver... Nous, en tout cas, on a rapporté une perte de 50 000 000 $ due à cela.

M. Gauthier: M. Gaulin, j'aimerais que vous m'expliquiez, parce que c'est fort intéressant cette explication-là, j'aimerais que vous me disiez: au moment où le prix baisse effectivement, par le jeu de la concurrence etc., les prix descendent plus rapidement que la gestion de vos stocks ne vous permettrait de le faire. Cela je le comprends bien. Quand le phénomène inverse, au bout de la course - parce que ce sont des cycles et ce n'est jamais très très long malheureusement - quand on arrive au bout de la course et que les prix augmentent et que vos inventaires se sont, j'imagine, renouvelés durant la période où le prix était plus bas, est-ce que le même phénomène qui deviendrait, à ce moment-là, une compensation se fait à l'autre bout du cycle?

M. Gaulin: Le laps de temps qui, à ce moment-là, est établi par les forces du marché surtout local a cours quand même. Autrement dit, chaque fois que le pétrole brut augmente, les prix au détail n'augmentent pas avant un certain laps de temps et ce laps de temps-là est déterminé par celui qui a le moins d'inventaire dans le système au Canada.

Une chose qu'il est très important de comprendre, c'est que nous, la concurrence, on la voit en fraction de cents. Si, autrement dit, je paie 0,25 $ pour mon brut et que cela me coûte 0,24 $ pour opérer et que je fais 0,01 $ de profit, si mon coût augmente à 0,25 $, il faut absolument qu'à un moment donné quand j'ai épuisé mes inventaires, je l'augmente, parce que moi, je n'ai plus de marge. C'est comme dans les produits alimentaires, c'est la même chose. On fonctionne avec de très petites marges et les gens doivent augmenter les prix en fonction de leur coût.

Le meilleur critère, c'est de constater nos profits. Il y a des agences de surveillance au Canada qui ne font que cela et si vous consultez leurs renseignements,

vous allez constater que cela n'a pas été très rose.

M. Gauthier: Compte tenu du fait que l'équilibre pour les pétrolières est extrêmement fragile, cela vous nous l'avez tous expliqué puis on peut concevoir, par la lecture des chiffres, que cela puisse être exact mais, compte tenu de ce fait-là, est-ce que ce n'est pas finalement cet équilibre fragile qui aurait fait en sorte qu'en 1983, comme cela s'est reproduit dernièrement, lorsqu'il y a eu un espèce de vacuum créé par une baisse soudaine des taxes provinciales au prix du litre d'essence... Est-ce que ce n'est pas ce fragile équilibre qui a fait en sorte que la tentation a été grande de mettre en évidence, parce que le consommateur était habitué de payer un prix, de mettre en évidence auprès du groupe de travail qui a été formé à ce moment-là puis de la commission maintenant que Ies profits ne sont peut-être pas ce qu'ils sont et qu'on profite de l'occasion parce que le jeu du libre marché joue en votre faveur nettement, qu'on profite de l'occasion pour réajuster le prix aussi rapidement que ce soit possible?

M. Gaulin: Je vais laisser M. Archambault répondre, parce que, en 1983, j'étais pour une entreprise dans le domaine du gaz alors, à ce moment-là, je n'étais pas là.

M. Archambault: En 1983, M. Gaulin était mon compétiteur à Gaz Métropolitain mais, en 1983, je me souviens très bien par exemple, qu'en février 1983, une compagnie qui s'appelait Gulf, qui n'existe plus aujourd'hui au Québec, ou du moins très peu... Gulf voulait corriger les indépendants qui avaient pris un écart de 0,02 $, 0,03 $ et 0,04 $ du litre sur les majeurs et Gulf a décidé, en février 1983, de leur permettre 0,005 $ et ils ont baissé, ils les ont, si vous voulez me permettre l'expression, "accotés".

Evidemment, on n'était pas pour laisser faire Gulf, alors on a suivi Gulf avec le résultat qu'on a tous perdu de l'argent en 1983 à coup de 8 000 000 $, 9 000 000 $ par mois par compagnie, selon la grosseur de la compagnie. Plus on vendait, plus on perdait et à partir de ce moment-là, si vous revérifiez en 1983, il y a eu également des augmentations de brut alors cela veut dire qu'on perdait sur les deux bouts, on perdait au prix de vente, et on perdait aussi au niveau des coûts et puis soudainement en novembre, Gulf a probablement réalisé qu'ils n'avaient pas accompli grand-chose. Parce que, bien sûr, si quelqu'un baisse et que tout le monde le laisse aller, bien il va gagner des parts de marché en chemin. Mais si quelqu'un baisse et que tout le monde le suit, bien, évidemment, ça va diluer son effet.

Effectivement, vous avez la même chose qui existe actuellement ou qui a existé l'an passé avec les coupons de 1 $ que certaines pétrolières ont commencé à donner. On n'a pas eu besoin d'en donner des dollars nous autres, tout ce qu'on a fait, on a dit aux gens qu'on les acceptait les dollars. Alors évidemment cela a diminué l'efficacité de leur promotion et première chose qu'on a sue, c'est que la promotion des dollars s'est terminée.

Si vous retournez en 1983, vous avez le même effet. Gulf avait décidé à ce moment-là de couper les prix et de donner une leçon aux indépendants. Mais tout le monde a baissé et les indépendants, un moment donné, n'avaient pas les moyens de baisser davantage. Alors ce qui est arrivé, tout le monde a remonté. Maintenant il y a eu une drôle de coïncidence, je l'admets, qu'à peu près dans la même semaine où le gouvernement consent à une baisse de 0,04 $ le litre, les pétrolières augmentent de 0,04 $ et évidemment ça paraît bien mal. Cela a l'air bien niaiseux mais ça adonne que c'est arrivé en même temps. Mais je ne pense pas que personne ait voulu voler quelqu'un à ce moment-là.

M. Gauthier: Non, d'ailleurs vous remarquerez qu'on ne vous a pas accusé de voler personne. Là on se comprend bien. On essaie de comprendre la coïncidence...

M. Archambault: Mais c'est cela qui est arrivé. C'est une coïncidence, vous avez parfaitement raison. C'est une coïncidence. Mais c'est une heureuse coïncidence, j'aimerais dire, parce qu'il était temps, il y a des compagnies qui étaient sur le bord de fermer et j'en étais parce que j'étais vice-président de Spur à ce moment-là. On ne pouvait pas continuer nous autres.

Effectivement, si vous remarquez, on a été vendu en 1983. On a été vendu à Ultramar et c'est une des raisons. Pourtant nous avions 165 stations-service et on vendait 21 000 barils par jour. Comme indépendant on était très respectable mais on a disparu à cause de ça.

Alors je vous réponds avec un peu d'émotivité mais je veux que vous compreniez que j'ai perdu ma compagnie moi à ce moment-là et ça été à cause d'une guerre des prix de ce genre-là.

Une voix: D'accord.

M. Gauthier: Est-ce que le même genre de phénomène en quelque sorte s'est produit cette fois-ci où il y a eu une baisse, en régions périphériques, de la taxe par le gouvernement, une baisse assez importante? En tout cas - on appelle ça une récupération - il y a une récupération de ces montants-là par on ne sait trop qui, on ne sait plus si

ce sont les détaillants, les compagnies ou chacun un petit peu et le marché. Est-ce que ce sont des conditions analogues à celles de 1983 pour lesquelles vous nous avez donné des explications quand même?

M. Archambault: J'aimerais vous corriger là-dessus parce que je ne pense pas qu'il y ait eu de correction ou qu'il y ait eu de récupération de personne. M. Gaulin l'a bien expliqué au départ. Il y a eu un fléchissement du marché de Montréal plus important que celui à l'occasion de la baisse de prix. Alors, évidemment si je vous faisais un grand graphique ici quelque part et que je vous disais que la marge était comme ça et à un moment donné cela a descendu mais celui de Montréal a descendu plus bas et, à la fin, l'écart n'est pas le même. Alors la résultante, bien sûr, c'est que ce sont les gens en zones périphériques qui se comparent, dans le temps, avec un prix à un endroit précis, Montréal, et se disent: bien je me suis fait organiser, parce que, regarde dans le temps j'avais une différence avec Montréal de dixièmes ou cents par litre et aujourd'hui je ne l'ai plus. Mais ça ne veut pas dire que son prix a augmenté; ça veut dire que le prix de l'autre a descendu plus vite que le sien.

M. Gauthier: Alors, très rapidement mon temps est à peu près écoulé. Je voudrais vous demander: puisque vous expliquez les deux phénomènes par des faits, disons objectifs, qu'on peut constater, à ce moment-là, pourquoi faites-vous la suggestion de ne plus, finalement, transférer la taxe par ce moyen-là aux citoyens et de prendre un autre moyen qui pourrait être sur le permis, pas le permis de conduire, mais sur les immatriculations, tout ça. S'il ne s'agit que de deux coïncidences, rien ne nous dit que, théoriquement, si le gouvernement décidait demain matin de baisser encore de 0,10 $, c'est-à-dire de 0,04 $, que les compagnies pétrolières ou qui que ce soit récupéreraient cet argent.

M. Archambault: Je vais commencer si vous voulez et M. Gaulin a l'intention d'ajouter à ça. Les gens sont tous mêlés, même nous de temps à autre on est tout mêlés parce que effectivement nous sommes presque...

M. Ciaccia: ...mêlés aussi. Vous nous mêlez aussi.

M. Archambault: Involontairement, M. le ministre. On aimerait bien ça de temps en temps être démêlés dans tout cela. Je tente de vous dire que, si, par hasard, vous laissiez le décret après le 17 évidemment, ou si vous le rétablissiez... J'aimerais ouvrir une parenthèse et je pense que c'est peut-être la meilleure occasion, si vous me le permettez, M. le Président.

J'écoutais M. Côté, d'Esso, parler de ses 21 ans et je ne veux pas tenter de le surpasser avec mes 33, mais je veux tout simplement vous dire ceci. Dans ma carrière, j'ai vu beaucoup d'augmentations de prix dues à du brut et si j'en avais tenu compte chaque fois, on paierait probablement 0,70 $ le litre aujourd'hui. Elles sont disparues et ne me demandez pas où elles sont, je vais être obligé de vous répondre: Les forces du marché. Les forces du marché, c'est la dynamique, c'est la concurrence, c'est l'émotivité. Personnellement, je me souviens avoir baissé les prix par émotivité, probablement 75 % du temps et les autres 25 %, c'était par logique. La logique, c'était mon "boss" qui disait: Qu'est-ce que tu viens de faire là?

Pour revenir et répondre à votre question... Les gens sont tous mêlés, nous le sommes également. Je pense que le meilleur moyen serait de rétablir la taxe et de redonner à ces gens l'argent que vous voulez leur donner, mais d'une façon directe, de façon que les forces du marché se débrouillent toutes seules dans leurs augmentations et dans leurs baisses de prix. Qu'on se détruise entre nous ou qu'on essaie de prendre la part du marché qu'on veut, mais sans se servir de l'excuse de la taxe pour le faire ou pour ne pas le faire. Veux-tu ajouter quelque chose à cela, Jean?

M. Gaulin: Non. M. le Président, je vous en ferai grâce.

M. Archambault: Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Une dernière question, M. le député de Frontenac.

M. Ciaccia: Vous avez mêlé votre président, il ne veut pas répondre.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Théorêt): Dernière question.

M. Lefebvre: Une question?

Le Président (M. Théorêt): Ou deux.

M. Lefebvre: M. Gaulin, on me dit qu'il me reste à peine le temps de poser une question. J'aurais aimé avoir un peu plus de temps parce que, deux questions...

J'aimerais savoir de quelle façon vous expliquez ia baisse ou l'augmentation du brut? Est-ce que vous considérez les pétrolières comme étant à la merci des fournisseurs de brut, peu importe où elles sont dans le monde? Est-ce que vous avez l'impression d'être à leur merci, globale-

ment? Si un fournisseur de brut augmente son prix, son concurrent fait la même chose, et vice et versa. S'il baisse le prix, le concurrent de celui qui l'a baissé va faire exactement la même chose. Est-ce que vous avez l'impression d'être à leur merci?

M. Gaulin: Disons, beaucoup moins, maintenant que les pays de l'OPEP ne sont plus en contrôle de la situation, mais c'était le cas, oui, certainement.. Jusqu'à tout récemment, c'était l'OPEP - et encore aujourd'hui, elle tente de le faire - qui établissait les prix du pétrole brut. Dans la plupart des cas, comme vous le savez, dans le domaine du pétrole, il y a des "royautés", des redevances à payer et il y a des impôts. Et, la plupart du temps, ce sont les gouvernements qui établissent les prix.

M. Lefebvre: Ne considérez-vous pas que c'est exactement le môme phénomène qui se passe lorsqu'on réalise que le consommateur s'approvisionne de pétrole raffiné et qu'il paie, que ce soit d'Ultramar, de Shell ou d'Esso, exactement le même prix? N'avez-vous pas l'impression que c'est exactement le même phénomène qui se passe à un autre niveau?

M. Gaulin: D'abord, je vous ai dit que ce n'est plus comme cela en ce qui concerne les pétroles bruts. Mais, pour ce qui est de la perception, vous avez parfaitement raison.

M. Lefebvre: Mais dans les faits? Indépendamment de la perception, dans les faits, n'est-ce pas ce qui se passe?

M. Gaulin: Écoutez-moi, laissez-moi répondre. Comme je vous l'ai dit tantôt, il nous faut regarder en termes de fraction de cent. Par exemple, quand vous allez dans une station libre-service et qu'on vend l'essence à 0,005 $ plus bas que le prix affiché dans une station avec service, pour nous, c'est la moitié de nos profits. Il faut que vous vous rappeliez que nous, nous regardons en termes de fraction de cent. Or, le consommateur ne le voit pas comme cela, je suis d'accord avec vous. C'est pour cela que j'ai recommandé que nous supportions une agence qui pourrait donner plus d'information au consommateur. Je dois vous dire que, nous-mêmes, contrairement peut-être à ce qui se passait dans le passé, on a adopté une politique de pro-action sur ce plan. Il faut faire attention parce qu'on est constamment mis sur la sellette avec la Commission de surveillance des prix. Il s'agit de ne pas en parler avant les faits. Mais nous avons justement mis une politique à notre comité exécutif, politique de pro-action au niveau du renseignement. (12 h 45)

M. Lefebvre: M. Gaulin, vous dites à la page 5 de votre mémoire que vous considérez qu'une politique de réglementation, à moyen terme serait, non pas utile, mais même nuisible aux consommateurs. Parce qu'on réalise qu'une baisse de taxe de 0,045 $, vous savez c'est difficile à expliquer au consommateur que la taxe qu'on a diminuée n'a pas été finalement profitable au consommateur, c'est inexplicable et, à ce jour, aucune des pétrolières, par ses représentants qui ont passé avant vous et non plus vous ce matin, n'avez pu expliquer le phénomène. Le consommateur n'a pas récupéré la baisse de taxe, c'est assez extraordinaire.

M. Gaulin: Me permettez-vous de répondre?

M. Lefebvre: Oui, s'il vous plaît!

M. Gaulin: Premièrement, il y a deux éléments à cette question-là. Il y a le 0,045 $, il y a une chose de certaine, le gouvernement l'a perdu puisqu'il ne le charge pas aux consommateurs.

M. Lefebvre: Le gouvernement l'a perdu et le consommateur n'en a pas bénéficié.

M. Gaulin: Je ne suis pas arrivé là encore. Le gouvernement l'a perdu, le 0,045 $ et la façon de le récupérer c'est d'augmenter la taxe et vous allez le récupérer. Le 0,045 $ va arriver dans les coffres et là vous ferez ce que vous voudrez. Maintenant, la façon dont vous déterminez le 0,045 $ c'est en établissant une comparaison. Moi, je dis que la façon dont il faudrait le faire, ça serait d'établir les coûts dans les régions périphériques et les coûts à Montréal et dire: est-ce que les coûts sont semblables? S'ils sont semblables, les prix devraient être semblables. Est-ce que vous avez fait ça?

M. Lefebvre: M. Gauiin, j'aimerais que vous répondiez à la question que je vous ai posée relativement à votre commentaire à la page 5 à savoir qu'une réglementation des prix serait nuisible au consommateur...

M. Gaulin: Très bien.

M. Ciaccia: Excuse-moi donc mon cher collègue.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: Vous venez juste de nous dire qu'on devrait établir, nous, les coûts dans les régions et le coût à Montréal, s'ils sont semblables, mais à une question que je vous avais posée auparavant, vous-même vous avez dit que vous ne savez pas les coûts en

Ontario vis-à-vis le Québec. M. Gaulin: Exactement.

M. Ciaccia: Alors comment, nous on va établir les coûts quand vous, vous nous dites que vous n'êtes pas capable de les établir dans les différentes zones?

M. Gaulin: Je n'ai pas dit que vous étiez capable, non plus, mais pour faire une comparaison et dire qui est-ce qui a récupéré le 0,045 $, il faudrait connaître les coûts.

M. Ciaccia: Avec les prix affichés dans les différentes zones, vous ne pouvez pas, vous n'avez pas la possibilité de déterminer quelles zones sont profitables ou non?

M. Gaulin: Non, on ne connaît pas, M. le ministre, on ne connaît pas, je n'ai pas dit que c'était impossible, j'ai dit que c'était extrêmement difficile à faire et c'est pour ça que je suggère qu'il y ait un organisme, une agence, comme vous l'avez suggéré, qui va faire la surveillance. Mais, pour revenir à la question de monsieur: s'il y a un organisme réglementaire, compte tenu de ce que je vous explique au départ, et ça je vous l'explique très candidement: l'évolution de la situation est tellement rapide que s'il y avait un organisme qui examinait ces choses-là et qu'il établissait un prix plus élevé que nécessaire, ça ne serait pas souhaitable pour le consommateur: ça serait au bénéfice de l'entreprise. Et s'il établissait un prix trop bas, ce serait au détriment du financement, ce serait au détriment de l'entreprise autrement dit.

Alors, dans les deux cas, pourquoi ne pas laisser agir les forces du marché? La raison pour laquelle je vous dis que ça ne serait pas souhaitable, c'est que, dans notre industrie, un organisme réglementaire va ne faire qu'ajouter des inefficacités. Il va nous forcer à donner des informations et donc, à dépenser de l'argent pour le faire et vous allez aussi forcer les gens à dépenser de l'argent pour nous entendre et comprendre notre industrie. Etant donné que nous ne sommes pas dans un monopole, je pense qu'on ne peut pas être contre les forces de la libre entreprise et, donc, nous on dit que c'est ça qui est le plus efficace et, donc un organisme réglementaire est moins efficace et moins souhaitable.

M. Lefebvre: M. Gaulin, moi je suis d'opinion que les forces du marché ne jouent pas lorsque des concurrents, entre guillemets, vendent exactement le même produit où, finalement, la qualité d'une pétrolière à l'autre est la même - parce que vous savez un gallon de Shell et un gallon d'Ultramar et un gallon d'Esso, c'est exactement la même chose - et également quand, lorsqu'on sait que d'un pompiste à l'autre la compétence ne joue pas non plus, il n'est pas question de compétence, il s'agit de mettre le boyau dans le réservoir et de peser sur la clenche - c'est ça la compétence d'un pompiste - et aussi que les services que vous offrez d'une pétrolière à l'autre ne varient que dans votre publicité télévisée. Finalement, sur le terrain, c'est toujours la même chose. La concurrence, le libre marché, quant à moi, cela ne joue pas en ce qui concerne les pétrolières. Je pense qu'il y a, entre vous, des ententes explicites ou tacites pour fixer les prix à la hausse ou à la baisse.

M. Gaulin: Écoutez, vous avez droit à votre opinion.

Le Président (M. Théorêt): Dernière intervention. Je laisse M. le président Gaulin répondre.

M. Gaulin: C'est cela.

Vous avez droit à votre opinion et je la respecte. Mais si vous dites que tout est la même chose...

M. Lefebvre: Tout est la même chose.

M. Gaulin: ...pourquoi les prix ne le seraient pas? Deuxièmement, comme je vous l'ai dît tantôt, si vous ouvrez vous-même une station-service, comment allez-vous déterminer le prix?

M. Lefebvre: En regardant mon concurrent d'en face.

M. Gaulin: Exactement! Et c'est ce qu'on fait. Là-dessus, M. le Président...

M. Lefebvre: C'est cela, des ententes tacites, M. Gaulin.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Frontenac, je dois maintenant céder la parole au député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. M. le président d'Ultramar, j'ai une question. Je veux vraiment essayer de comprendre ce que sont les forces du marché quand on parle des pétrolières. J'ai un exemple concret que je vais essayer de résumer le plus brièvement possible. J'aimerais que vous m'expliquiez ensuite ce que cela veut dire.

Je vais prendre le cas bien précis de la ville de Chibougamau. J'ai des chiffres qui proviennent d'une étude faite par la Communauté de développement économique régionale, étude qui a d'ailleurs servi à préparer un mémoire que ses représentants vont venir défendre cet après-midi. Là-dedans, il y a des choses qui vont demander des éclaircissements de votre part pour être

comprises.

En 1985, plus précisément le 30 novembre 1985, donc avant les décrets, le prix moyen de l'essence ordinaire sans plomb, dans l'ensemble du Québec, selon cette étude, était de 0,5775 $ le litre. Le prix moyen pour les sept détaillants - je ne sais pas si ce sont les sept soeurs, mais ce sont sept semblables dans la ville de Chibougamau - était de 0,6765 $ le litre, une différence de 0,098 $ le litre, à taxation égale pour tout le monde.

On baisse la taxe. Le niveau moyen de récupération, pour le consommateur, dans la ville de Chibougamau, pour l'essence ordinaire sans plomb, avec la baisse de taxe, est de 0,0445. Donc, normalement, si je prends le prix affiché de 0,6765 $ moins 0,0445 $, je devrais avoir un chiffre qui se situe en dessous de ce qui se passe sur le plan régional, en dessous de ce que je paie, mais qui, normalement, se situe encore à 0,0555 $ au-dessus de la moyenne québécoise pour le prix de l'essence.

Or, dans la pratique, le 14 juillet 1987, qu'est-ce qui s'est passé? C'est là que je ne comprends plus. Auparavant, il semble que tout le monde s'entendait pour qu'on ait une marge de bénéfice assez grande» Mais c'est là que je ne comprends plus parce que, alors que le prix moyen au Québec est à peu près toujours le même pour ceux qui paient la taxe... J'ai fait le plein moi-même chez Ultramar ce matin à Saint-Pierre, île d'Orléans, 0,579 $ le litre. Donc, on est à peu près au même niveau qu'on était en novembre 1985 à 0,5775 $; le prix, n'a pas beaucoup changé. Mais, à Chibougamau, le prix moyen, au 14 juillet, était de 0,5497 $, donc beaucoup en dessous de la moyenne québécoise.

Je prends ces 0,5497 $ auxquels j'ajoute les 0,0445 $. Si on revenait à la taxation normale, pareille pour tout le monde, comme vous le préconisez, j'aurais 0,5942 $ contre une moyenne québécoise de 0,5775 $, donc, à Chibougamau, 0,0167 $ le litre de piu3 que la moyenne québécoise. D'où vient la différence? Là, il me manque de l'argent. Auparavant, je payais 0,098 $ de plus à Chibougamau, à pleine taxation, et maintenant, si je reste toujours à pleine taxation, je paie 0,0167 $ le litre de plus. Et cela vaut pour Ultramar aussi parce qu'en date du 2... J'ai fait l'essai moi-même, j'ai une liste de tous mes pleins d'essence dans tout le Québec depuis 1982 et je peux vous dire qu'ici j'ai la liste de mon dernier petit calepin à partir du 31 août 1987. J'ai fait le plein chez Shell à Chibougamau, Ultramar à Québec, Esso à La Doré, Ultramar à Chibougamau, Texaco à Matagamt, Esso à Chibougamau etc. et je viens de faire ce matin encore le plein chez Ultramar. En date du 2, la même journée, j'ai fait le plein chez Ultramar à Saint-Pierre, île d'Orléans à 0,579 $ du litre. Je fais le même plein six heures plus tard à peu près â Ultramar, Chibougamau à 0,546 $ du litre, donc on reste dans les mêmes marges.

Tout cela pour vous dire que même chez Ultramar alors qu'avant Ultramar travaillait dans la même marge de 0,098 $ du litre de plus cher à Chibougamau dans l'ensemble québécois. Maintenant, chez Ultramar, la différence entre Québec et Chibougamau en revenant au même taux de taxation, tout le monde paie la même taxe, ce serait de 0,0115 $ du litre donc le détaillant Ultramar à Chibougamau vendrait, même si le taux de taxation était le même dans tout le Québec vendrait 0,0865 $ du litre de moins de ce qu'il vendait en 1985 par rapport à la moyenne québécoise. Où allait cet argent-là avant?

M. Gaulin: C'est une bonne question. Comme je vous ai dit tantôt, vous faites l'argument autrement dit que j'ai démontré, ce sont les forces du marché qui établissent le prix.

Bien oui mais pour nous M. le député vous...

M. Claveau: C'est le même marché, c'est le même nombre de détaillants, c'est la même population, il n'y a rien de changé.

M. Gaulin: Oui mais, vous me l'apprenez la différence. Ce n'est pas cela moi qui me guide. Ce qui me guide, c'est ce que le concurrent charge et je le suis. Est-ce que les prix étaient tellement différents entre stations?

M. Claveau: Ils se tiennent tous. À Chibougamau actuellement, la moyenne est de 0,5497 $ et Ultramar vend 0,546 $. Donc, cela se tient pas mal avec tout le monde.

M. Gaulin: Mais vous savez, M. le député, il s'est passé énormément de choses depuis novembre 1985 en plus. Les taxes fédérales ont augmenté deux fois...

M. Claveau: Oui, mais cela ne fait rien, je payais avant 0,098 $ du litre de plus...

M. Gaulin: Oui je sais, je sais mais...

M. Claveau: ...et aujourd'hui, au même niveau de taxation, je paierais 0,115 $ du litre de plus chez Ultramar.

Le Président (M. Théorêt): M. le député d'Ungava, je m'excuse de vous interrompre et vous également M. le président, je vais vous permettre de répondre à sa question mais, je vous ferai remarquer qu'il reste trois minutes pour arriver à 13 heures qu'on reprend les travaux à 14 heures et que les

représentants de l'Opposition, le critique officiel et le ministre doivent conclure donc c'est la dernière réponse que j'accepterai, la dernière question évidemment.

M. Gaulin: Merci, M. le Président. Cela fait l'argument autrement dit, même si la taxe a baissé dans certaines régions, les marges se sont améliorées alors que dans d'autres elles ont... Je sais que pour quelqu'un qui n'est pas dans le domaine, c'est difficile à comprendre, c'est pour cela qu'il y a eu je ne sais pas combien de commissions au Canada, partout dans les provinces, pour comprendre ces phénomènes-là, puis les conclusions ont toujours été les mêmes; c'est plate à dire mais c'est cela, ce sont les forces du marché qui jouent.

Si dans une région donnée, il y a un profit trop élevé, vous pouvez être certains que les indépendants vont y aller et qu'ils vont faire la marge. La raison pour laquelle il n'y a pas d'indépendants dans les régions éloignées, c'est que les profits ne sont pas assez bons, c'est tout simplement pour cela.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président. Je vais céder la parole au critique officiel de l'Opposition pour conclure.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. En plus de constater que mon collègue est un excellent client, de toutes les pétrolières, je m'en réjouis, avec une préférence pour Ultramar, à ce que j'ai compris...

M. Claveau: Partout, soit dit en passant.

M. Gauthier: ...alors il me fait plaisir de remercier M. Gaulin de même que son associé qui sont venus nous présenter la position d'UItramar. Il y a des choses auxquelles nous sommes, comme pour les autres pétrolières d'ailleurs, très sensibles. Nous voulons nous assurer que l'intervention, compte tenu de ce que vous avez dit en tout dernier, qu'il y a eu beaucoup de commissions qui sont intéressées à ce problème-là, que si on désire que cette commission parlementaire puisse aller plus loin ou davantage apporter des solutions appropriées, on devra faire preuve de créativité, éviter des solutions toutes faites et les solutions très faciles, parce que ce n'est pas un problème facile et nous allons, bien sûr, prendre en compte comme je l'ai affirmé aux autres entreprises qui se sont présentées ici de même qu'aux consommateurs, toutes les remarques que vous nous avez faites et les explications que vous nous avez données dans la recherche de la meilleure solution possible, de la solution qui permettra et aux pétrolières de fonctionner et aux consommateurs de profiter d'abord d'un prix raisonnable et d'un certain gain que le gouvernement pourrait vouloir lui donner. Alors, je vous remercie au nom de l'Opposition officielle de votre présence parmi nous. (13 heures)

Le Président (M. Théorêt): Merci M. le député de Roberval, M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci! M. le Président, je voudrais premièrement remercier M. le député d'Ungava pour démontrer les bénéfices du décret dans la ville de Chibougamau. Peut-être qu'on pourrait lui demander de déposer son calepin.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Ciaccia: Vous feriez un excellent membre d'un comité de surveillance sur les prix de l'essence.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Claveau: J'en ai d'autres semblables.

M. Ciaccia: Je remercie aussi M. Gaulin, M. Archambault pour votre mémoire et vos commentaires.

Je retiens de vos remarques que vous voudriez qu'on aide les régions par d'autres moyens, excepté que j'ai un peu de difficulté avec votre concept d'aide aux régions, parce que votre concept d'aide aux régions, c'est de leur charger 50 000 000 $ de plus pour leur remettre 50 000 000 $. Ce n'est pas vraiment une aide aux régions de dire, je vais te charger de l'argent puis l'argent que je te charge, je vais te la remettre. Si quelqu'un venait vous dire, je vais vous aider, je vais vous donner 10 000 $ mais, tu vas me les remettre les 10 000 $. Ce n'est pas vraiment une aide. Une aide, il y a quelque chose de plus par rapport aux autres régions parce que les coûts sont plus élevés etc. pour tous les autres aspects. Alors, cette façon de donner l'aide aux régions, je pense que ce serait mal vu des régions périphériques. En plus, on a démontré par un autre mémoire que, si on adopte ce concept d'aide aux régions immédiatement, le prix de l'essence va augmenter de 0,30 $ le gallon, 0,065 $ le litre. Cela aussi serait quelque chose de difficile à faire accepter au consommateur.

Je note toutefois votre suggestion de donner plus d'information au consommateur. Je crois que c'est un aspect assez positif et qui pourrait être assez intéresant et important pour le consommateur.

En ce qui concerne les prix, j'ai noté aussi le fait que vous admettez que, dans la plupart des cas, vous vendez en consignation, puis c'est votre compagnie qui fixe les prix. J'apprécie cette franchise parce que chez beaucoup d'autres pétrolières, on semblait pas savoir qui fixait les prix. Ils étaient très

réticents. Le seul point sur lequel je trouve encore difficile de trouver une réponse, c'est que tout le monde admet que la taxe a baissé de 0,045 $ et tout le monde admet que nous, comme gouvernement, on a perdu 50 000 000 $, mais personne n'est capable de nous dire où sont allés ces 50 000 000 $. La pétrolière dit: ah, ce n'est pas moi. Les détaillants disent; ce n'est pas nous. Le consommateur ne l'a pas eu. Écoutez, 50 000 000 $, cela ne disparaît pas comme celà. Ils sont allés sûrement dans la poche de quelqu'un. On n'est pas pour faire une commission d'enquête pour savoir ou pour chercher où les 50 000 000 $ sont allés.

Nos chiffres démontrent que cela a été partagé entre les pétrolières et les détaillants. Vous pouvez donner comme réponse que ce sont les farces du marché mais, je crois que la réponse à la question où sont allés les 50 000 000 $, c'est qu'ils ont été, en partie, récupérés par les pétrolières et en partie, peut-être à un degré moindre, par certains détaillants. C'est pour cela qu'on a essayé d'apporter un peu d'ordre, pour que nos objectifs de la réduction de 0,045 $ soient atteints et c'est pour cela qu'on a fait les décrets.

Je retiens que les prix, vous admettez que c'est vous qui les fixez. On n'a pas décidé encore de la solution finale après le 17 septembre, mais on va regarder, comme j'ai mentionné à Esso, on va regarder avec vigilance, avec intérêt laquelle des pétrolières va être la première à hausser les prix. Cela va être très intéressant pour nous parce que si j'accepte votre définition du libre marché, dès que quelqu'un augmente, les autres vont suivre alors, on va regarder avec beaucoup d'intérêt, avec beaucoup de vigilance et je crois que les consommateurs aussi et M. le député de l'Ungava va pouvoir, dans son petit calepin, voir laquelle des pétrolières sera la première. Entretemps, je vous remercie pour votre mémoire et vos remarques.

Le Président (M. Théorêt): M. Gaulin, M. Archambault, les membres de la commission vous remercient et je rappelle aux membres de la commission que dans 55 minutes donc à 14 heures, les travaux de la commission reprennent.

(Suspension de la séance à 13 h 5)

(Reprise à 14 h 13)

La Présidente (Mme Hovington): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail poursuit ses travaux dont le mandat est la consultation générale afin d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs, des mesures d'aide aux régions périphériques relativement à la réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ par litre dans ces régions. Ces mesures étaient prévues dans l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18 décembre 1985 et dans le discours sur le budget du 1er mai 1986.

Le prochain groupe à nous présenter un mémoire est la ville de Chibougamau que j'inviterais à prendre place ici, en avant. C'est de M. Raynald Cloutier, recherchiste pour la communauté économique.

Une voix: Non.

La Présidente (Mme Hovington): Non?

C'est M. le maire, cela a été changé. C'est la ville de Chibougamau? Pouvez-vous vous identifier, monsieur?

M. Lanctôt (Paul): Paul Lanctôt, maire de la ville de Chibougamau.

La Présidente (Mme Hovington):

J'aimerais vous rappeler tout simplement que vous avez 20 minutes pour lire votre mémoire ou expliquer votre mémoire. Le côté ministériel aura 20 minutes pour poser des questions et l'Opposition 20 minutes également pour poser des questions. Alors, vous pouvez commencer, s'il vous plaît!

Ville de Chibougamau

M. Lanctôt: Au nom de la ville de la région de Chapais-Chibougamau, je voudrais vous remercier de nous avoir donné la possibilité de nous faire entendre cet après-midi.

Vu que j'ai 20 minutes, je vais aller sur la lecture du mémoire au complet parce que je vais avoir le temps de le lire, pas question d'occuper tout le temps qui m'est alloué mais de donner le plus d'explications possible sur la raison de notre présence ici.

L'exclusion des municipalités de Chibougamau et de Chapais de l'application des décrets 927-87 et 1053-87, soulève plusieurs questions très importantes. Selon quel principe d'équité doit-on laisser le marché régir les prix de l'essence dans les régions éloignées et les réglementer dans le cas des régions dites périphériques? L'écart des prix de l'essence entre le centre et la périphérie n'est-il pas en général moins important que celui entre le Sud et le Nord québécois? Le but de ce décret n'était-il pas de ramener dès maintenant les écarts de prix entre les régions périphériques et les régions centrales du territoire du Québec au niveau des prix visés par l'énoncé de politiques budgétaires de décembre 1985?

Il semble que pour des raisons de nature administrative, le gouvernement ait préféré soustraire la circonscription d'Ungava de l'application des décrets 927 et 1053. Apparemment, l'équité en matière de prix a

été sacrifiée au nom de l'indifférence gouvernementale. En effet, tout au long du processus visant à corriger cet écart des prix, c'est-à-dire de l'énoncé de politiques budgétaires de décembre 1985, en passant par le règlement modifiant le règlement d'application de la loi concernant la taxe sur les carburants de décembre 1986 et le discours sur le budget pour 1986-1987, la région du Nouveau-Québec était partie prenante de la politique du gouvernement en matière de commerce des produits pétroliers.

Ce n'est qu'au cours des décrets 927 et 1053 que la région du Nouveau-Québec disparaît comme territoire inclus dans la définition du terme "région périphérique". Les raisons fournies pour justifier cette exclusion sont basées, semble-t-il, sur les multiples sources et modes d'approvisionnement en produits pétroliers dans la région du Nouveau-Québec. Supposément, cette spécificité du commerce des produits pétroliers sur le territoire du Nouveau-Québec ne pouvait permettre au législateur et au ministère de l'Énergie et des Ressources de fixer un prix sur l'essence sur un critère contrôlable et opérationnel.

Toutefois, aux yeux des citoyens et citoyennes de Chibougamau et Chapais, cet argument technique touchant l'application de la taxe sur les carburants dans le Nouveau-Québec n'est qu'une affaire de définition. En choisissant de définir les régions périphériques au moyen de certaines circonscriptions électorales, le gouvernement du Québec englobait des territoires très différents les uns des autres en ce qui regarde le commerce des produits pétroliers. De toute évidence, la circonscription d'Ungava recouvre de multiples réalités en cette matière. La problématique des territoires nordiques de la baie d'Ungava et de la baie d'Hudson est certainement très différente de celle de Chibougamau et Chapais. La preuve, c'est que je suis parti ce matin, je suis ici à midi et je repars ce soir. Alors, il y a une différence entre une région périphérique et une région éloignée. L'approvisionnement de ces territoires nordiques en produits pétroliers se fait généralement une fois l'an par voie maritime et ne concerne pratiquement qu'une seule compagnie pétrolière. Or, l'approvisionnement de nos municipalités se fait pour les deux tiers par transport routier en provenance de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Quant au reste des produits pétroliers, il est acheminé par transport ferroviaire et provient principalement des raffineries de Montréal.

Nous constatons donc qu'il aurait été plus simple pour te gouvernement et plus équitable pour nos municipalités d'exclure Chibougamau et Chapais de la région du Nouveau-Québec que de l'exclure de l'application des décrets. De plus, compte tenu de la spécificité des sources et des modalités d'approvisionnement de nos localités en produits pétroliers, il aurait été raisonnable d'inclure Chibougamau et Chapais dans la région périphérique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. En effet, les deux tiers de l'essence consommée dans nos municipalités transitent par cette région en plus d'être acheminés par transport routier.

Nous sommes conscients que l'écart des prix est actuellement bien mince entre ceux définis dans le décret 927-87 pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et ceux présentement en cours dans nos municipalités. Néanmoins, cet écart est d'autant plus justifiable que notre isolement des principaux centres de services en matière de santé et d'enseignement, pour ne mentionner que les plus importants, nous oblige à parcourir régulièrement de très longues distances dans des conditions climatiques rigoureuses. De plus, rien ne nous garantit - c'est ce qu'on veut - que les écarts de prix n'augmenteront pas sous peu. Faut-il rappeler au ministère de l'Énergie et des Ressources qu'au moment de l'application des mesures définies dans l'énoncé de 1985, un écart de 0,09 $ le litre, au-delà de 0,37 $, 0,38 $ le gallon, subsistait entre le prix moyen d'enquête des régions périphériques désignées et celui de Chibougamau pour l'essence ordinaire sans plomb? Cet écart atteignait même 0,103 $ le litre pour l'essence super sans plomb.

Cette inégalité en matière de prix de l'essence ne concerne pas seulement ce produit. Elle se reflète à tous les niveaux de la consommation quotidienne, à l'exception du prix de l'électricité. Cette situation d'inégalité en matière de prix à la consommation affecte la qualité de nos conditions de vie et cause indirectement de nombreux problèmes. Mentionnons, entre autres, L'instabilité de la main-d'oeuvre, les difficultés de recrutement de la main-d'oeuvre qualifiée et une pression constante pour l'augmentation des salaires. Cette situation est caractéristique des régions-ressources aux limites des territoires organisés et inorganisés. Elle est depuis plusieurs années portée à l'attention du gouvernement par de multiples organismes oeuvrant au développement économique de ces territoires.

Mais il semble que la singularité de la problématique médio-nordique doive lui être constamment rappelée pour que nous ne sombrions pas dans l'oubli. Pourtant, nous n'avons cessé de répéter à qui voulait l'entendre que le Québec devait se pencher sérieusement sur le développement des localités médio-nordiques afin de leur assurer une permanence un peu plus durable que les Schefferville et Gagnon.

Dans cette optique, le gouvernement a raté une occasion de démontrer que ses

intentions envers le Moyen-Nord dépassaient les mots et les définitions. En adoptant une approche apte à répondre au problème particulier du commerce des carburants dans le Moyen-Nord, c'eut été un premier pas dans la bonne direction.

Le moins que nous puissions réclamer consiste à faire partie d'un décret - c'est ce qu'on veut - fixant un prix maximum de l'essence dans nos localités de manière à nous assurer que l'écart des prix avec la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean soit anéanti et que les pétrolières ne soient tentées de profiter de l'absence d'un décret pour augmenter leurs taux.

Vous avez des tableaux de taux qui donnent à peu près la vérité.

Nous avons estimé le surplus payé par les consommateurs de Chibougamau et Chapais pour l'année d'entrée en vigueur de l'énoncé sur la base des volumes annuels consommés dans notre région et sur l'hypothèse d'un écart de prix constant entre le prix moyen d'enquête et le prix moyen de Chibougamau. Le même calcul a également été appliqué à l'estimation du surplus possiblement payé par les consommateurs de Chapais et de Chibougamau pour l'année à venir mais sur la base de l'écart actuel entre le prix fixé par le décret couvrant le Saguenay-Lac-Saint-Jean et les prix actuellement en cours à Chapais et Chibougamau.

Le calcul est basé sur les volumes consommés en 1986 dans la région de Chibougamau et Chapais: 3 124 274 litres d'essence ordinaire, essence super 7 581 707 et super extra 1 563 829.

Deux tiers du volume consommé ont été attribués à Chibougamau et multipliés par type d'essence par l'écart de prix entre cette municipalité et celui du décret de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le même calcul a été appliqué pour le tiers restant mais en fonction de l'écart de prix entre Chapais et celui du décret de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Calcul basé sur l'hypothèse que l'énoncé de 1985 n'aurait jamais eu lieu et que les écarts de 0,0820 $, 0,0980 $ et 0,1030 $ le litre ne seraient maintenus pendant toute l'année, c'est-à-dire du 18 décembre 1985 au 18 décembre 1986.

Je vous remercie de m'avoir écouté. J'ai essayé de le faire le plus vite possible pour ne pas dépasser mon temps et donner le temps à d'autres pour des questions.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. le maire. J'essaie de comprendre un peu le sens de quelques-unes de vos représentations. Si je comprends bien, vous ne vous plaignez pas qu'un décret s'applique mais vous dites que le décret qui s'applique est insuffisant et que cela aurait dû être le même décret que pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean?

M. Lanctôt: C'est surtout qu'on est inquiet d'en être exclus advenant un nouveau décret, parce qu'on parle des régions périphériques et des régions éloignées. Cela veut dire que dans le premier décret vous nous aviez oubliés complètement, M. le ministre. Vous avez été obligé de sortir un nouveau décret à la suite de représentations. Finalement, on voudrait être certain que dans le nouveau décret personne ne nous blâme de ne pas avoir fait la représentation voulue pour qu'on soit certain que ce suit compris dans le nouveau décret.

M. Ciaccia: Oui. C'est exact que les municipalités de Chapais et Chibougamau ne faisaient pas partie du premier décret puisque vos deux municipalités font partie de la circonscription électorale d'Ungava. Toute la circonscription d'Ungava avait été exclue du champ d'application des décrets parce qu'il y avait des raisons techniques qu'il est un peu long d'essayer d'expliquer. Les approvisionnements se font différemment, il y a un système différent dans ce comté mais, comme vous l'avez remarqué, exactement, c'est que le fait que vous êtes intervenus et à la suite des représentations que vous nous aviez adressées, les deux municipalités sont maintenant régies, comme vous le mentionnez, par le décret 1172 qui fixe les prix maximaux à la pompe et, je crois, qui vous permettent de bénéficier de baisses de prix équivalentes à celles qu'ont connues les consommateurs de la région de Lac-Saint-Jean.

La baisse est équivalente. Il se peut que dans différentes régions les prix soient différents. Cela est vrai. Mais je ne suis pas en mesure, et ce n'était pas le but des décrets d'égaliser les prix dans toutes les différentes régions. C'est pour cela qu'on fait cette commission parlementaire, pour essayer d'expliquer pourquoi dans certaines régions c'est pire que dans d'autres.

Le seul but des décrets était de nous assurer que la baisse de la taxe de 0,045 $ le litre avantage le consommateur et ne soit pas reprise soit par les pétrolières, les détaillants ou autres intervenants, qu'elle aille directement aux consommateurs. Je crois que le décret a eu cet effet.

Maintenant, en définissant les régions périphériques vous parlez tout à fait d'un autre sujet. Le décret que j'ai recommandé au Conseil des ministres, j'étais lié par la définition des régions périphériques telles qu'elles avaient été définies dans l'énoncé du budget du ministre des Finances. Je ne pouvais pas, dans un décret, dire je vais fixer les prix dans une région de la même façon que dans d'autres. Le décret n'était

pas là pour fixer un prix équitable au consommateur. Le décret était de nous assurer que le consommateur reçoive le bénéfice des 0,045 $. S'il y avait des inégalités avant le décret, c'est possible que ces inégalités continuent après le décret. Le décret que j'ai recommandé, qui a été adopté au Conseil des ministres, était relié au discours sur le budget. Maintenant, on me donne certains chiffres, que les prix maximums imposés par les décrets sont les suivants: dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le super sans plomb, c'est 0,553 $, à Chapais-Chibougamau, c'est 0,573 $; effectivement, il y a une différence de 0,02 $ le litre entre votre région et Chapais-Chibougamau et celle du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Cette différence s'applique, approximativement, dans toutes les catégories d'essence.

Je voulais seulement vous préciser la mécanique du décret. Les raisons pour lesquelles vous n'étiez pas inclus au début étaient techniques. Mais, aussitôt que vous êtes intervenus, je me suis assuré de présenter un autre décret au Conseil des ministres.

L'autre chose qui est arrivée, c'est qu'au début, même lorsque vous étiez exclus du décret, il y a plusieurs détaillants et pétrolières qui croyaient qu'ils étaient liés. Alors, au début, le décret ne s'appliquait qu'au Lac-Saint-Jean et ils ont réduit le prix; quand ils ont réalisé que le décret ne s'appliquait pas à eux; là ils l'ont augmenté. C'est à ce moment-là que nous sommes intervenus.

M. Lanctôt: Chez nous, les détaillants locaux ont compris, ils ont même, de leur propre gré, baissé raisonnablement le prix de l'essence. Après cela, cela a peut-être été une bataille avec les compagnies pétrolières pour que celles-ci acceptent.

Mais, actuellement, chez nous, le prix est abordable. Ce que l'on veut... Vous dites que vous étiez pris par du technique, je vous comprends, mais nous, nous étions pris pour payer, dans la région de Chapais-Chibougamau. C'est technique parce qu'il aurait dû être capable de se régler, le technique, parce que vous l'avez réglé un an ou six mois après.

M. Ciaccia: Technique, je parle de la région en dehors de Chapais-Chibougamau. Le décret ne s'applique pas à l'extérieur de Chapais-Chibougamau, mais il s'applique à Chapais-Chibougamau, il est en vigueur.

M. Lanctôt: L'amendement au décret. M. Ciaccia: Oui.

M. Lanctôt: L'amendement au décret. Parce que dans le premier décret, on n'était pas inclus.

M. Ciaccia: Non, dans le premier...

M. Lanctôt: Bon.

M. Ciaccia: ...vous n'étiez pas inclus.

M. Lanctôt: C'est cela. C'est que s'il y a eu possibilité, six mois après, de faire un écart ou... En tout cas, aujourd'hui, ce n'est pas de revenir sur ce qui est fait. Ce que l'on veut, c'est d'être inclus éventuellement s'il y a un nouveau décret. C'est tout ce que l'on veut.

M. Ciaccia: Oui. Le caractère particulier de l'approvisionnement de cette région et même Ies variations prononcées des prix rendaient, à toutes fins utiles, impossible la détermination de prix maximum pour l'ensemble de cette région. C'est pourquoi elle fut écartée des décrets, mais nous sommes intervenus pour Chapais-Chibougamau. Si les consommateurs obtenaient des informations additionnelles sur les prix, sur la composante du prix et sur tous les éléments essentiels en termes d'informations sur les différentes pétrolières, pensez-vous que ce genre d'informations pourraient les aider?

M. Lanctôt: Certainement, de rejoindre toute la population des deux municipalités, Chapais et Chibougamau, cela pourrait être une aide explicative. Mais en tout cas, aujourd'hui, pour nous, la gazoline se situe à un prix normal avec les autres municipalités. Ce n'est pas la question du prix aujourd'hui surtout. Le document a été conçu dans un ensemble. Nous voulons éventuellement un nouveau décret. Nous voulons qu'il n'y ait pas de technique qui nous empêche d'être inclus dans le décret. C'est tout ce que nous voulons. (14 h 30)

M. Ciaccia: Puisque la période d'application des décrets se termine le 17 septembre...

M. Lanctôt: C'est cela.

M. Ciaccia: ...quel moyen de contrôle privilégiez-vous? La prolongation du décret ou d'autres mesures de contrôle ou d'autres mesures, même si ce n'est pas de contrôle total que vous pourriez nous suggérer?

M. Lanctôt: Non, pour nous ce serait la prolongation du décret. Une prolongation du décret s'il s'en fait un autre dans toute la province c'est que nous soyions inclus dans la prolongation du décret. C'est tout ce que nous voulons. S'il n'y a pas de décret. C'est entendu que les régions comme les nôtres sont vraiment pénalisées. Définitivement, on est allé - on l'a dit tout à l'heure - jusqu'à 0,09 $ et 0,10 $ du litre. Cela veut dire à

peu près 0,35 $ et 0,40 $ du gallon. Lorsqu'on emplit 16, 18 ou 20 gallons, c'est 8 $, 9 $ ou 10 $ à chaque plein d'essence. Comme on le disait, dans les régions pour intéresser des gens à venir demeurer à Chibougamau, on ne doit pas les pénaliser indéfiniment sur tout. Pour nous, l'électricité passe au-dessus et elle descend à Montréal mais ils paient le même prix à Montréal qu'ils paient à Chibougamau mais on ne paie pas meilleur marché et l'électricité passe juste au-dessus de chez nous. On est peut-être 300 milles de moins loin qu'à Montréal mais on paie le même prix. On ne paie pas meilleur marché parce qu'on l'a près. Je comprends qu'on arrive avec des compagnies pétrolières indépendantes, mais je pense qu'elles mêmes, les compagnies, devraient être capables d'avoir un prix pas mal uniforme pour que tous les gens puissent avoir, sans s'occuper du transport... J'ai vu certaines années où le gouvernement a donné 150 000 000 $ à Montréal pour la Commission des transports; quant à moi, je paie une partie de cela et je ne m'en sers pas du tout. Il faudrait que le gouvernement ou les gens trouvent un moyen pour essayer de stabiliser, pour que tout le monde paie en fin de compte; que les gens de Montréal et de Québec paient un peu de la différence, pour qu'on soit capable d'avoir un prix uniforme.

M. Ciaccia: Quelle est votre opinion sur l'intervention qui avait été souhaitée par le Club automobile du Québec sur le rôle de l'Office de la protection du consommateur en ce qui concerne les prix de l'essence?

M. Lanctôt: Je vous dirai que je ne l'ai pas lue, M. le ministre.

M. Ciaccia: D'accord. Plus de questions pour le moment, je vous remercie, M. le maire.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Gauthier: De Roberval.

Le Présidente (Mme Hovington): De

Roberval, pardon, excusez-moi...

M. Gauthier: Ce n'est pas grave, madame.

Le Présidente (Mme Hovington): ...M. le député.

M. Gauthier: Dans notre région, il ne faut pas confondre les comtés comme cela. Il me fait plaisir de saluer M. le maire de Chibougamau que je connais bien et de lui souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire.

M. le maire de Chibougamau, au cours de la journée et demie de la comparution de gens qui vous ont précédés, nous avons essayé d'établir où se situait véritablement le problème des régions périphériques, parce que l'objectif de ma formation politique, et cela l'a été depuis le début, au moment où l'énoncé budgétaire nous gratifiait d'une réduction de la taxe dans les régions périphériques, notre objectif, c'est de faire en - sorte que les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean comme les gens de Chibougamau puissent bénéficier, parce qu'on connaît le problème, on le partage avec vous, même s'il se vit avec beaucoup moins d'acuité chez nous que chez vous, vous l'avez indiqué tout è l'heure...

Dans la recherche d'une solution pour que nos régions profitent pleinement de cette réduction de taxes, nous avions indiqué au ministre le danger que la récupération se fasse, peut-être sommes-nous plus sensibles à ce phénomène qui se produit régulièrement, qu'on appelle le jeu du libre marché et qui fait en sorte que, très souvent, on se sent, à tort ou à raison, je ne me prononcerai pas là-dessus, mais on se sent un peu persécuté d'une certaine façon, on se sent récupérer des sommes qui devraient nous revenir par le jeu des forces du marchés qui ne semblent pas être aussi efficaces chez nous qu'à Montréal ou à Québec.

À la suite de pressions que nous avons faites et j'oserais dire presque à une supplication auprès du ministre de l'Énergie et des Ressources de voir à faire en sorte que les citoyens puissent vraiment toucher l'argent qui leur était destiné, on a fini par faire admettre au ministre qu'il manquait 20 000 000 $ quelque part. Ce matin, le ministre disait: J'ai perdu 20 000 000 $ quelque part et je voudrais savoir où ils sont. On a noté que le ministre avait perdu 20 000 000 $ et on les cherche. D'ailleurs, on lui avait dit qu'il les perdrait. S'il avait été un peu plus prudent, il ne les aurait peut-être pas perdus aujourd'hui et on ne les chercherait pas. Mais, de toute façon, ils sont perdus. Ne retournons pas sur le passé, regardons plutôt vers l'avenir.

Je remarque une chose particulièrement intéressante dans votre mémoire, M. le maire de Chibougamau et c'est caractéristique des gens de votre région. Il y a des chiffres qui sont clairs et éloquents. Vous payiez, le 30 novembre 1985, le sans-plomb ordinaire -c'est à la page 7 si vous vouiez suivre les chiffres, M. le maire; je sais que vous les avez; vous les possédez par coeur très certainement - 0,6765 $ le litre à Chibougamau.

Il y a l'énoncé budgétaire du gouvernement qui enlève 0,45 $ en moyenne aux consommateurs et les consommateurs de Chibougamau-Chapais ont la merveilleuse

chance - cela aurait été de l'indécence autrement, permettez-moi de vous le dire -de récupérer les 0,04 $. On tombe à 0,6320 $. L'énoncé budgétaire a eu, dans l'immédiat, un effet. L'argent a été transféré à Chibougamau. Donc, au départ, en ce qui concerne cette partie du problème qu'on a à étudier, chez vous, en tout cas, il semblerait que cela s'est appliqué, contrairement à toutes les autres régions du Québec, sauf peut-être d'autres régions très excentriques - je ne pourrais me prononcer là-dessus - contrairement aux problèmes du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi, etc. où les 0,04 $ ont été graduellement je dirais grugés par différents facteurs.

Chez vous, entre l'énoncé budgétaire et le 19 novembre, il y a une baisse du prix du litre de 0,10 $ le litre. Je ne sais pas si le ministre avait, au moment du 19 novembre, fait une intervention quelconque dans le domaine de l'essence, mais curieusement, il y a un 0,10 $ le litre qui est disparu chez vous, ce qui mettait l'essence à un prix bien plus intéressant, du moins, comparable à ce qui se fait ailleurs.

Là, le ministre... Le prix varie maintenant de 0,5360 $ à 0,5497 $ dans peu de choses près. Comprenons que les problèmes d'approvisionnement et les problèmes de différentes natures peuvent amener une variation comme celle-là. Le ministre fait un décret un peu rapidement, au mois de juin, parce que la session achevait et que le problème ne pouvait plus durer et il vous oublie. Vous lui mentionnez que vous aimeriez bien être inclus dans le décret.

Voilà ma question: Probablement que vous craigniez, à ce moment-là, n'étant pas dans le décret, que le prix de l'essence se remette à augmenter de façon inconsidérée, parce que l'application du décret chez vous, sauf erreur, n'a pas fait varier le prix de l'essence. Quand vous avez été inclus dans le décret, c'est resté à peu près au prix où vous étiez le 1er juillet 1987 et le 14 juillet 1987, c'est-à-dire à quelque 0,54 $.

Est-ce que je vous prête des intentions, M. le maire Lanctôt, quand je dis que votre désir d'être inclus dans le décret - c'est pour cela que vous avez communiqué avec le ministre - c'était pour prévenir une éventuelle hausse puisque le décret, selon mes informations, n'aurait rien changé chez vous?

M. Lanctôt: C'était justement pour prévenir une éventuelle hausse. C'est parce que, comme je le disais tout à l'heure, les détaillants eux-mêmes ont baissé pour essayer d'être logiques. Mais je pense que, moi-même, j'ai un conseiller qui est détaillant et lui-même, cela lui a coûté 1600 $ de ses poches pour baisser le prix pour que ce soit... parce que tous les autres détaillants avaient baissé.

À force de pressions sur les compagnies pétrolières, elles ont accepté la réduction. On voyait une bonne volonté des compagnies pétrolières, mais c'était peut-être en disant: Ils ne sont pas inclus dans le décret. Dans deux ans, trois ans ou six mois, après que le nouveau décret soit fait, n'auront-ils pas la marge de manoeuvre de nous remonter cela à 0,10 $ ou 0,12 $ parce que depuis 1956, c'est-à-dire au-delà de 31 ans, que je demeure à Chibougamau, on a toujours payé excessivement cher que ce soit l'huile à chauffage, la gazoline... Je ne veux pas blâmer les détaillants, mais il y a certainement une erreur quelque part. Ce n'est pas normal que des régions, parce que j'ai demeuré à Québec très longtemps, Je ne sais pas si c'est Duplessis ou Lesage qui disait: L'avenir est dans le Nord. Cela doit être Duplessis, vu l'âge que j'ai. On est allés dans le Nord, mais on a été excessivement négligés, abandonnés... nommez tous les mots et là je suis poli parce que je suis ici, normalement je suis plus effronté. Cela veut dire qu'on était inquiets, tout ce que l'on a fait, c'était de prévoir éventuellement une hausse des compagnies si on n'était pas inclus dans les décrets.

M. Gauthier: M. Lanctôt, on est tous les deux d'accord sur un certain nombre de choses: la première est que vous avez été exploités trop longtemps; la deuxième est que le problème dans le domaine du marché des produits pétroliers s'est réglé en quelque sorte, parce que évidemment vous avez bénéficié de la baisse de taxe, parlons-en, mais le vrai problème, le 0,10 $ le litre, c'est réglé. À un moment donné, quelque part entre le moment où la taxe avait été baissée et le moment où vous avez été inclus dans le décret, parce que les compagnies pétrolières ou vos détaillants ont peut-être réalisé - je ne sais trop qui est le coupable - que c'était indécent ce qui se passait chez vous, qu'il y avait un prix vraiment exorbitant. Êtes-vous d'accord à ce moment-là pour dire, comme certains intervenants l'ont fait, que le gros problème dans le fond pour Chibougamau et Chapais c'est beaucoup plus ce que les pétrolières ont appelé les lois du marché qui vous pénalisent et qui vous ont toujours pénalisés?

M. Lanctôt: Je ne crois pas que, pour les compagnies pétrolières, cela coûte 0,09 $ et 0,10 $ le litre. Peut-être que le volume est moins important, mais cela ne coûte certainement pas 0,10 $ pour aller trois ou quatre fois à Chibougamau en pétrole. C'est complètement faux. Il y avait une exagération. S'il y avait 0,03 $ au 0,04 $ le litre, on aurait dit oui, c'est le transport mais à 0,10 $ le litre c'est qu'on a vraiment été exploités par toutes les compagnies

pétrolières.

M. Gauthier: Si, d'aventure, le ministre n'allait pas jusqu'à prolonger le décret pour une période, si d'autres mécanismes étaient mis en place, il faut aussi considérer cette hypothèse-là, parce qu'è ce moment-ci, quelle sera la décision du ministre? Cela lui appartient et on ne conteste pas cela du toute Ce n'est pas l'objet de ma question. Si le ministre n'allait pas dans cette direction-là de prolonger le décret pour fixer les prix de l'essence dans l'ensemble de la région périphérique, est-ce qu'une mesure de sécurité en quelque sorte liant votre région avec des régions voisines comme l'Abitibi et le Saguenay-Lac-Saint-Jean vous semblerait accorder une protection suffisante à votre milieu?

Est-ce que la question est claire? Je peux être plus explicite.

M. Lanctôt: D'après ce que je comprends, si on a des garanties ou les mêmes avantages que les régions de I'Abitibi ou le Lac-Saint-Jean, c'est qu'on peut profiter des mêmes avantages en étant reliés l'un à l'autre. Cela satisferait la municipalité de Chibougamau.

M. Gauthier: Si je vous pose la question, M. Lanctôt, c'est que votre position, évidemment, est celle - vous l'avez dit clairement - de maintenir un décret pour qu'on sache chez vous, enfin, comment on va payer le gaz - je dis toujours le gaz; c'est le terme qu'on utilise dans nos régions -l'essence, mais je ne voudrais pas que vous partiez d'ici les mains vides. Je me disais que si le ministre ne retient pas la solution du décret afin d'éviter de vous laisser encore une fois bouffer par quelques distributeurs qui auraient peut-être le goût d'aller chercher 0,10 $ le litre de plus de profit, il faudrait prévoir au moins, s'il n'y a pas de décret pour les autres régions, que chez vous, il puisse y avoir une mesure particulière qui vous lie ou qui vous empêche d'être à la merci, dans le fond, de quelques fournisseurs d'essence.

M, Lanctôt: Absolument, il faudrait que le gouvernement s'implique - comme le gouvernement, à Ottawa, s'implique dans Bell Canada - dans le prix de l'essence, pas dans le prix de l'essence... Il s'est impliqué dans le prix de l'essence et dans le prix de l'électricité. Il faudrait que le gouvernement, éventuellement, prenne en considération que c'est anormal pour des régions éloignées comme la nôtre. On fait un effort de développement et on empêche du chômage dans les régions. C n'est pas facile s'en aller vivre à Chibougamau. On a donné tous les désavantages et on le vit quotidiennement. Qu'on soit, en plus, pénalisés sans que le gouvernement s'assoie et dise: Bien, ça, ce n'est pas nous autres.

M. Gauthier: Avez-vous, M. Lanctôt, chez vous, à Chibougamau ou à Chapais -veuillez excuser mon ignorance - un ou des distributeurs indépendants ou s'il ne s'agit que de distributeurs affichés à des compagnies pétrolières bien connues?

M. Lanctôt: Non, il y a un distributeur indépendant qui est le même que vous autres, M. Belzile, qui a cinq ou six stations-service. Il est à Chibougamau lui aussi.

M. Gauthier: D'accord. Le prix observé chez lui, j'imagine, est équivalent au prix observé chez ies autres distributeurs.

M. Lanctôt: Peut-être un peu meilleur marché, mais, finalement, lui-même a le transport à payer. Il ne l'achète peut-être pas au prix d'autres compagnies. Il peut peut-être faire une mauvaise concurrence, mais les compagnies indépendantes ou les autres compagnies se tiennent.

M. Gauthier: D'accord. Mon collègue, le député d'Ungava aura certainement des questions à vous poser. Je vais lui laisser le reste du temps. On procède par alternance, mais je sais que M. le député d'Ungava aura des questions.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Roberval.

Je vais donner la parole à M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. M. Lanctôt, je viens également d'une région très nordique qui s'appelle Baie-Comeau. Ce n'est pas tout à fait au sud de Québec. Faisons une brève rétrospective, M. Lanctôt. En 1983, lorsque le gouvernement du Québec a baissé la taxe, si je me souviens bien, de 460 000 000 $ et que les pétrolières avaient récupéré, avaient augmenté te prix de l'essence, est-ce que vous avez fait des représentations? Vous représentez une région éloignée. Vous étiez aussi loin dans ce temps-là que vous l'êtes aujourd'hui. Quelles avaient été les représentations? (14 h 45)

M. Lanctôt: Je ne sais pas si on en avait fait à ce moment-là, M. le député. On vient tellement tannés. En fait, je suis conseiller depuis 1962. Pendant une couple d'années, ils m'ont mis dehors, mais ils m'ont repris tout de suite. Ils ont vu qu'ils avaient fait une erreur. On s'est tellement plaint sans que cela aboutisse à quelque chose, un bon coup, on vient tanné. Je ne sais pas si, à ce moment-là, on l'a fait, mais je sais bien que, depuis 1962, je viens à Québec. Aujourd'hui, les chemins sont en

asphalte, mais on les a parcourus sur la gravelle; 150 milles sur la gravelle, 300 milles aller-retour, assez souvent; partir le matin de bonne heure et retourner le soir, comme je pensais le faire cet après-midi. Je suis parti à cinq heures. Je pensais retourner si je suis capable. Et puis, sans que cela aboutisse à quelque chose. Parfois, il nous passe des affaires sans qu'on fasse des représentations.

M. Maltais: D'accord. Tout à l'heure, j'ai essayé de suivre le raisonnement du député de Roberval et vous allez m'éclairer parce que vous avez les chiffres. Vous maniez mieux les chiffres que moi. Si on part de décembre 1965, dans vos chiffres on retrouve le prix de l'essence à environ 0,6765 $.

M. Lanctôt: Décembre 1985.

M. Maltais: C'est cela. Au cours de 1986, un peu plus tard, en décembre 1985, le gouvernement décrète une baisse de la taxe de 0,045 $. C'est bien cela?

M. Lanctôt: ...

M. Maltais: Ce qui établissait le prix de l'essence à 0,6315 $. À un moment donné il y a une baisse de 0,10 $ des pétrolières et, finalement, cela aurait dû faire une baisse totale de 0,165 $ parce que le brut avait baissé de 0,12 $ plus la taxe de 4,5 %. Non?

M. Lanctôt: Oui, là on a une baisse de quelque 0,14 $ au lieu de 0,16 $.

M. Maltais: II y a 0,02 $ quelque part qu'on a perdus dans...

M. Lanctôt: Écoutez! Disons qu'on ne voudrait pas être pénalisés vis-à-vis d'autres municipalités mais les gens sont prêts à accepter. Disons qu'on comprend que cela peut coûter un tel montant pour livrer l'essence à Chibougamau mais pas, comme on a déjà eu, de 0,1030 $ le litre. Qu'on ait 0,02 $ de ' différence... Imaginez-vous lorsqu'on part de 0,67 $ et qu'on passe à 0,53 $, on est assez heureux qu'on se la ferme. On dit: On a toujours gagné ça. li aurait pu baisser de 0,02 $ de plus mais on était heureux de voir que ça baissait de 0,10 $ le litre.

M. Maltais: Je cherche les 0,02 $. Sans doute qu'ils font partie des 50 000 000 $ qu'on a perdus. Personne ne les a pris mais...

M. Lanctôt: Ah! les 50 000 000 $ je ne les ai pas non plus.

M. Maltais: Quand même, ces 0,02 $ sont quelque part. Dans les régions périphériques, lorsque le gouvernement s'était engagé, lors de la campagne électorale, à baisser le prix de l'essence, cela a été fait immédiatement, deux semaines après l'élection de 1985. Bien sûr, comme vous le dites, cela venait d'une demande continuelle des régions éloignées. Vous parlez de Chibougamau-Chapais mais je peux vous parler de Manic 5 et de Baie-Comeau.

M. Lanctôt: C'est normal. On devrait même ôter des régions périphériques parce qu'elles ont d'autres avantages qu'on n'a pas et mettre ça dans les régions éloignées. Mon Dieu! baissez dans les régions éloignées mais pas dans les régions périphériques. Quand j'envoie mes enfants à l'Université Laval ici, ça me coûte bien plus cher que le gars qui est dans la périphérie de Québec ou de Montréal.

M. Maltais: Oui, oui, c'est ça.

M. Lanctôt: Si c'est un terme technique, je pense que vous êtes assez compétent pour trouver un moyen. On bloque sur le mot "phérïphériques". Vous pourriez dire "régions éloignées".

M. Maltais: Oui, en fait ce sont les régions éloignées.

M. Lanctôt: Parce que nous sommes plus pénalisés que tout le monde dans les régions éloignées, même plus que dans les régions périphériques.

M. Maltais: Écoutez! je ne suis pas sûr de ça. Venez à Manic 5 et vous vous apercevrez que le pétrole est pas mai plus cher que chez vous encore.

M. Lanctôt: Oui, mais Manic 5 c'est une région éloignée.

M. Maltais: Et je comprends pourquoi il est plus cher parce qu'il a pas mal de millage à faire comme celui qui se rend à Chibougamau a du camionnage à faire. Il n'y a pas encore de pipeline et il n'y a pas de bateau. C'est la même chose à Manic 5. Alors, le transport...

M. Lanctôt: Je vous ai dit que 0,01 $ ou 0,02 $, j'aimerais mieux avoir le même prix mais on comprend mais 0,10 $, 0,08 $ ou 0,09 $ du litre, ça a été à peu près toujours ça mais c'est exagéré. Comment paierait-on la bouteille de liqueur à Chibougamau si on en calculait le prix sur le prix de l'essence, sur la même base de la pesanteur de l'essence? La liqueur et la bière coûteraient cher là-bas.

M. Maltais: Tout à l'heure vous avez

soulevé un point quand même important à savoir que les compagnies avaient collaboré pour accepter une diminution de 50 % des 0,04 $ vis-à-vis des détaillants. Au niveau des indépendants, d'abord est-ce qu'il y a des indépendants à Chibougamau? Je ne le sais pas.

M. Lanctôt: Oui, je l'ai dit tout à l'heure, il y a M. Belzile.

M. Maltais: Est-ce qu'il a profité de la même "shut" que les...

M. Lanctôt: Je ne le sais pas avec ses fournisseurs à lui mais je sais qu'il a baissé comme les autres.

M. Maltais: II a baissé au même prix que les autres mais vous avez dit tout à l'heure que cela lui avait coûté 1600 $ de sa poche.

M. Lanctôt: Non. Un autre... M. Maltais: Un autre détaillant.

M. Lanctôt: Un conseiller que j'ai. Avant que les compagnies pétrolières...

M. Maltais: Baissent.

M. Lanctôt: ...baissent, lui-même avait baissé et les autres compagnies aussi. Et il dit que cela lui avait coûté 1600 $ en l'espace de quelques semaines parce qu'il s'était mis au même diapason que le prix de l'essence de...

M. Maltais: Des compagnies...

M. Lanctôt: Du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

M. Maltais: D'accord. On reviendra tantôt. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Saguenay. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de saluer M. Lanctôt de Chibougamau qui nous accompagne aujourd'hui et qui nous fait une représentation qui, je pense, reflète les appréhensions, les problèmes du milieu. D'autant plus qu'on a un mémoire qui explique bien des choses.

Entre autres, quand on parle du prix du transport, là-dessus je voudrais appuyer ce que M. Lanctôt disait. Pourquoi c'est dangereux si on continue ou si on ne fait plus rien après le 17 septembre? On a juste à voir, par exemple, quant aux prix du transport ou des prix à la pompe. On a vu à

Chibougamau, on en a parlé suffisamment, on en a parlé ce matin aussi, 0,5497 $ c'est la moyenne du prix qu'on avait au 20 juillet. Mais à Chapais, je vais vous dire franchement, pour un camionneur qui arrive de Roberval ou de Saint-Félicien, pour se rendre à Chapais il fourche 10 kilomètres avant Chibougamau, il a 30 kilomètres à faire; si vous faites la différence avec la distance pour se rendre en ville il a 20, 21 kilomètres de plus à parcourir pour se rendre à Chapais. Mais il y a quand même une différence de 0,0153 $ du litre en moyenne.

À la page 6 du mémoire, on voit, pour l'essence ordinaire sans plomb, 0,5497 $ à Chibougamau, 0,565 $ à Chapais. Cela veut dire que pour 20 kilomètres, dans les mêmes conditions de marché, mêmes conditions climatiques, même milieu environnant, la seule différence qu'il peut y avoir ce sont les 20 kilomètres de route, cela coûterait 0,153 $ le litre pour faire la différence de bout de chemin. En tout cas je suis d'avis, M. Lanctôt, que cela reviendrait cher la bouteille si c'était de la bière. C'est vrai. On peut parler du Pepsi ou de la liqueur, d'autant plus que c'est peut-être moins essentiel que ne l'est l'essence.

Je crois que là-dessus M. Lanctôt a tout à fait raison de dire et d'appuyer la même chose que la communauté économique et la ville de Chapais dans le mémoire, de dire écoutez, actuellement on n'a peut-être pas trop à se plaindre parce qu'il y a des rajustements qui sont faits maïs on est habitué depuis environ 20 ans, depuis que Chibougamau existe - la ville a été fondée en 1951, 1952, en même temps que Chapais - on a toujours payé plus cher l'essence, et beaucoup plus cher qu'ailleurs, beaucoup plus cher même qu'à Saint-Félicien ou à Roberval ou Val-d'Or qui sont les places limitrophes. Aujourd'hui, on jouit temporairement, pour toutes sortes de raisons, éventuellement des questions de marché comme disaient les pétrolières, on jouit peut-être d'un prix un peu plus bas mais combien de temps cela va-t-il durer? Quand cela va-t-il recommencer à monter? On ne le sait pas. C'est important de continuer à s'assurer que les prix vont rester à des niveaux compétitifs.

Je voulais demander à M. Lanctôt: À travers tout cela, et je pense que vous êtes bien placé pour nous répondre, étant donné que vous êtes vraiment un vieux de la vieille de la région là-bas et que vous savez de quoi vous parlez quand vous parlez du secteur de Chibougamau-Chapais. À travers tout cela, quelles seraient, d'après vous, des mesures à long terme - on ne parle pas d'un autre décret de six mois, on ne parle pas d'un contrôle qui peut s'exercer peut-être pendant un an, deux ans. Mais, à long terme, pour s'assurer, par exemple, que dans dix ans le prix du pétrole ne sera pas deux fois plus cher à Chibougamau qu'à Montréal, ce qui

pourrait éventuellement arriver ai on suit ce qui s'est produit par le passé, d'après vous, qu'est-ce que le gouvernement devrait faire pour être certain qu'on paie certainement pendant les x prochaines années, un prix qui soit semblable au prix de Montréal ou de Québec ou du Lac-Saint-Jean?

M. Lanctôt: Est-ce que ce qui m'a été dit est vrai? Il paraît que pour les compagnies qui vendent des automobiles ou n'importe quoi, c'est le même prix de livrer une auto à Montréal ou à Chibougamau; cela est basé sur le nombre d'autos qu'ils livrent, divisé par le montant que cela leur coûte; ils arrivent à une base qui est sensiblement la même. Cela m'a été dit pour les automobiles. Est-ce que c'est vrai? Je pense que dans l'essence, les compagnies devraient prendre cela en considération. Comme je le disais tantôt, le gouvernement du Québec donne 15Q 000 000 $ à la Commission de transport de Montréal et je n'ai jamais pris le métro de Montréal de ma vie. Donc, j'en paie une partie.

Je dis que le gouvernement devrait obliger, les compagnies pétrolières devraient faire la même chose... Je dis que les compagnies pétrolières devraient savoir comment cela leur coûte, divisé par le nombre de litres ' livrés dans toute la province, ce qui pourrait faire un taux équitable pour tout le monde. Je n'ai pas travaillé indéfiniment là-dedans, hormis de marcher par des décrets ou par des lois qui n'en finiront plus et qui vont être discutés à tous les six mois ou à tous les ans.

M. Claveau: Alors, vous pensez que le gouvernement devrait vraiment établir une politique à long terme de contrôle des prix, qui pourrait avoir toutes sortes d'allures...

M. Lanctôt: Disons que la question elle-même... Je vois cela dans un ensemble parce qu'on me parlait des automobiles et c'est cela qu'ils font. Est-ce que c'est vrai ou ce n'est pas vrai? Cela m'a été dit que c'était cela qu'ils faisaient; que tout le monde paie, que le gars de Montréal paie le même prix pour le transport que celui de Québec ou celui de Chibougamau. Les compagnies pétrolières pourraient faire la même chose et ce serait minime de remonter 0,0025 $ le litre à Montréal, ce qui couvrirait tout le transport pour toute la province de Québec. Pourquoi est-ce qu'on paie pour les autoroutes, pour le métro ou pour toute autre chose puisqu'on n'a aucun avantage? Je dis qu'il y a certainement une possibilité. Je comprends qu'on parle de compagnies qui sont un peu privées, qui ne sont pas un gouvernement, mais je dis qu'il devrait y avoir une sensibilisation là-dedans.

La Présidente (Mme Hovington): Merci,

M. le député d'Ungava.. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Alors, nous allons passer aux remarques finales. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Alors, ce sont les remarques finales. M. le maire Lanctôt, je vous remercie au nom de ma formation politique de vous être déplacé de si loin pour venir plaider en faveur des gens de chez vous, surtout pour défendre un objectif qui est également le nôtre et auquel je suis particulièrement sensible venant du Sague-nay-Lac-Saint-Jean.

Je voulais simplement vous dire, M. Lanctôt, que plusieurs recommandations ont été faites par des gens qui sont venus ici nous expliquer chacun leur point de vue et cela bien légitimement; celles-ci seront prises en considération très certainement par le ministre; je le souhaite et je l'espère. Et, comme Opposition, comme nous aurons vraisemblablement à participer aux éventuels débats qui suivront dans le domaine de l'énergie, j'ai assuré les autres participants en commission parlementaire qu'on appuierait leurs recommandations, en tout cas celles qui nous semblaient, à tout le moins, appropriées, et soyez certain d'une chose, c'est que j'ai retenu de votre intervention la nécessité, qu'on fasse un décret ou non, qu'on mette sur pied un organisme de surveillance avec un pouvoir plus ou moins moral ou qu'on ne le fasse pas, il faudra assurément qu'on prévoie, au moins pour votre région - il faudra regarder s'il n'y a pas d'autres secteurs qui sont dans la même situation, je crois que le ministre partage ce point de vue - et s'assurer qu'une clause remorque ou quelque chose vienne baliser, une fois pour toutes, le marché dans une région comme la vôtre pour éviter une exploitation qui - sans mettre de nom, comme on vous dit, on n'a pas déterminé qui exactement récupérait cela... Mais, une chose est certaine, les gens de Chapais-Chibougamau se sont fait exploiter et il faudra qu'on tienne compte de ce fait, à l'avenir, dans le mécanisme qu'on choisira de mettre dans un décret, dans une loi ou tout autrement.

Je vous remercie infiniment au nom de ma formation politique et au plaisir de pouvoir poursuivre cette conversation ailleurs et ultérieurement si jamais le coeur vous en dit.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources. (15 heures)

M. Ciaccia: Je veux remercier M. le maire pour son mémoire. En ce qui concerne la question de qui a perdu et où cet argent est allé, le 0,045 $ le litre, je ne sais pas, peut-être que j'ai mal compris ce que le

député de Roberval a dit. Il a dit qu'on ne sait pas où cet argent est allé. On le sait, où cet argent est allé. Cela a été repris partiellement par les pétrolières et par les détaillants. Votre ami qui a dit avoir perdu 1600 $, partiellement il a récupéré une partie de la taxe. On sait où l'argent est allé. Lorsque j'ai dit ce matin qu'on ne sait pas où les 50 000 000 $ sont allés, c'est la prétention de certaines pétrolières qui ne semblent pas savoir. Nous on le sait. Si on n'avait pas su où l'argent avait été, je n'aurais pas été en mesure de recommander des décrets au gouvernement fixant les prix. Alors, établissons une fois pour toutes qu'on sait où l'argent est allé. C'est pour cela que les décrets ont été adoptés par le gouvernement» Je croîs que c'est bien la première fois dans notre histoire qu'on a agi dans ce domaine dans le but d'aider les consommateurs.

En ce qui concerne votre région particulièrement, au début quand on a énoncé les décrets même si votre région n'était pas incluse, les pétrolières croyaient qu'elles étaient assujetties aux décrets. Alors, immédiatement il y a eu une baisse. J'avais préparé un deuxième décret mais lorsque j'ai vu qu'à Chibougamau et à Chapais ils avaient observé une baisse du premier décret, je ne l'ai pas inclus dans le deuxième. C'est seulement lorsque eux ont réalisé... Et présumément que leurs avocats ont dû examiner les termes du décret et ont dû leur dire: Écoutez, vous n'êtes pas affectés. À ce moment-là, cela a commencé à augmenter et c'est à ce moment qu'on a adopté un décret pour Chapais et Chibougamau. Originalement, les pétrolières et même les détaillants, se croyant affectés par le décret original de l'Abiti-bi, l'ont observé et ils ont baissé le prix.

Lorsque vous parlez d'avoir un prix uniforme, vous voulez une réglementation d'une certaine façon, je présume et vous voulez un prix uniforme. Je voulais seulement porter à votre attention qu'en Nouvelle-Ecosse il y a une régie. Il y a sept différentes zones de prix. La Nouvelle-Écosse ce n'est pas aussi grand que le Québec. Dans chaque zone il y a la question du coût du transport, du coût administratif et différents autres éléments. Il n'y a pas un prix dans toute la Nouvelle-Écosse. Il y a différents prix pour les différentes zones. Au fur et à mesure qu'on s'éloigne des centres urbains les prix augmentent. Je voulais seulement apporter cela à votre attention en ce qui concerne vos commentaires sur le prix uniforme dans toute la province.

Vous mentionnez que vous ne bénéficiez pas des coûts de transport. Vous n'avez jamais embarqué dans le métro à Montréal et on paie 150 000 000 $ ou Montréal reçoit 150 000 000 $. C'est le chiffre que vous avez mentionné. Peut-être qu'un résident de Montréal pourrait vous dire qu'il n'a jamais fait de l'exploration minière mais qu'on paie aussi pour l'exploration minière à Chapais et à Chibougamau. Alors, ce sont des programmes dans différentes régions.

M. Lanctôt: Je pourrais vous en nommer plusieurs»

M. Ciaccia: Vous savez, je ne pense pas que ce soit le but de la commission ici de s'enquérir sur les finances et de toutes les méthodes de financement. Il y a des interfinancements, il y a des endroits qui reçoivent certains programmes. Il y en a qui n'en reçoivent pas. Je pense que le but de notre décret, le but de notre intervention, c'était d'aider les régions éloignées en baissant la taxe et deuxièmement, avec le décret, s'assurer que ce soit les consommateurs qui bénéficient de la décision gouvernementale. C'était cela le but des démarches que nous avons prises depuis décembre 1985.

En conclusion, je voudrais mentionner les prix suivants qui ont été observés à la fin d'août 1987: Montréal: 0,538 $ le litre; Chibougamau, où il n'y a pas de métros 0,524 $ le litre. Je crois que les décrets ont eu l'effet voulu. Cependant, nous prenons bonne note de vos recommandations. Je comprends vos préoccupations, je comprends que si quelque chose devait arriver après le 17, vous voulez être inclus et je peux vous assurer de notre entière collaboration. On n'oubliera pas les consommateurs, les résidents et la population de votre région. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M. le maire Lanctôt, au nom des membres de la commission de l'économie et du travail, il me reste à vous remercier de vous être déplacé pour venir nous présenter un mémoire et il nous reste à vous souhaiter un bon voyage de retour à Chibougamau ce soir. Merci beaucoup, M. Lanctât.

M. Lanctôt: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Nous allons maintenant inviter, si vous voulez bien, le groupe suivant, soit le Regroupement des vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Sont-ils arrivés? Oui. Vous allez prendre place et nous allons suspendre pendant une ou deux minutes pour laisser le temps à votre collègue de revenir dans la salie, à la commission.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

(Reprise à 15 h 13)

La Présidente (Mme Hovington): À la suite de l'entente intervenue entre les membres des deux côtés de la commission parlementaire, nous écouterons plutôt les Produits Shell Canada Ltée. Suivra l'autre groupe que j'avais annoncé précédemment, c'est-à-dire le Regroupement des vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les Produits Shell Canada Ltée est invitée à prendre place et à s'identifier, s'il •vous plaît, pour les fins d'enregistrement

Produits Shell Canada Ltée

M. Bétoumay (Gérard): Mon nom est Gérard Bétoumay de Shell Canada. Je suis directeur du marketing pour le Québec et les Maritimes. Mon collègue est Martin Myers qui est responsable des approvisionnements et des budgets pour le Québec et les Maritimes.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. Vous connaissez un peu les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour expliquer ou lire votre mémoire. M. le ministre ou le côté ministériel a 20 minutes pour les questions, de même que l'Opposition aura 20 minutes aussi pour les questions. Merci.

M. Bétournay: D'accord. J'aimerais d'abord remercier la commission d'avoir invité Shell Canada à présenter son point de vue lors de ces audiences. Comme distributeur de carburant dans les régions visées, nous sommes des plus intéressés à trouver des moyens par lesquels les objectifs du Québec peuvent être atteints sans qu'ils aient pour autant à subir des pertes de revenus ni assumer des tâches administratives accrues.

Nous sommes donc d'avis que nos objectifs respectifs peuvent être réalisés et nous le pouvons vraiment, mais pas par les méthodes en vigueur. La réduction de la taxe sur les carburants prévue dans l'énoncé budgétaire du 18 décembre 1985 s'est traduite par une baisse équivalente des prix à l'îlot dans les régions concernées. Avec le temps, cependant, le niveau des prix par rapport à un marché repère comme Montréal a fluctué de façon défavorable dans certaines de ces régions.

Le ministre de l'Énergie et des Ressources en a donc conclu que le consommateur ne bénéficiait plus entièrement de la baisse de taxe et le gouvernement a alors fixé par décret de nouveaux prix plafond à l'îlot pour ces régions périphériques.

Shell n'a pas l'intention de s'engager ici dans un débat pour déterminer si le consommateur bénéficiait pleinement de la baisse de taxe du 7 juin 1987 ou si une portion était conservée par les fournisseurs et les détaillants. Comme vous le verrez, la question ne peut être tranchée de façon concluante.

Les zones périphériques constituent des marchés distincts, caractérisés par des forces et des facteurs coût-efficacité différents. Par exemple, les frais de distribution et le volume moyen par établissement de détail varient considérablement dans ces marchés par rapport à ceux des grands centres urbains.

En fait, le seul point en commun qu'ils ont avec les marchés urbains comme Montréal et Québec, c'est la même source d'approvisionnement des produits. Ces marchés particuliers sont soumis à des forces compétitives internes, mais ils ne sont pas en concurrence directe avec les marchés urbains. Comme le prix de gros et les marges bénéficiaires des détaillants peuvent varier - et, c'est le cas d'un marché à l'autre et pas nécessairement en fonction du brut et des taxes - les prix à l'îlot vont aussi fluctuer différemment dans chaque marché. Par conséquent, la comparaison des prix au détail dans les régions périphériques à ceux d'un marché repère comme Montréal n'est pas pertinente pour déterminer où a passé la baisse de taxes.

En fait, avec la méthode utilisée actuellement pour alléger le fardeau de la taxe, il devient pratiquement impossible avec le temps de vérifier dans quelle mesure la réduction de taxes se reflète dans le prix à l'îlot. De plus, les variations futures dans les écarts de prix entre les régions périphériques et les marchés urbains, par suite de l'amélioration des marges bénéficiaires ou des hausses de coûts, de redressement de prix du gros ou d'un changement dans le niveau des bénéfices de l'exploitant de stations-service, dans n'importe quel de ces marchés comparés, relanceront la même question débattue actuellement.

Shell Canada ne voit pas d'objection à ce que le Québec prenne des mesures pour alléger le coût des carburants dans certaines régions, mais nous ne croyons pas que cela puisse être réalisé de la façon actuelle, à la satisfaction des différents intéressés, aussi bien les fournisseurs, les exploitants de stations-service, les consommateurs que le gouvernement. Shell est donc en désaccord avec les méthodes employées par le gouvernement dans ce cas-ci.

Les réductions de taxes dans les régions frontalières près des autres provinces et des États-Unis ayant bien fonctionné par le passé, on pourrait croire que le même plan donnera les mêmes résultats dans les régions périphériques. Cependant, les deux cas diffèrent complètement. Dans les régions frontalières, la diminution de la taxe a pour but d'assurer la compétitivité des stations-service qui se trouvent à proximité des secteurs où la taxe sur le carburant est

considérablement plus basse qu'au Québec. Dans ces marchés, les prix à l'îlot doivent alors s'ajuster, à défaut de quoi les automobilistes iront s'approvisionner de l'autre côté de la frontière.

Contrairement aux zones frontalières, les régions périphériques ne subissent pas les mêmes forces compétitives de l'extérieur. La réduction de taxes dans ces zones ne vise donc pas à compenser des influences externes. Les prix sont déterminés par des conditions locales. Compte tenu de ces importantes différences, un plan de réduction de taxes peut très bien fonctionner dans les régions frontalières et être complètement inefficace dans les zones périphériques. C'est pourquoi Shell est d'avis que les subventions ou l'aide accordée aux consommateurs des régions périphériques dans le cadre du programme actuel ne peuvent être administrées de façon satisfaisante d'un point de vue commercial.

Nous estimons que ces dégrèvements devraient être accordés directement au bénéficiaire visé par le gouvernement. Pour ce faire, nous voudrions suggérer à la commission les solutions suivantes: La première, par exemple, serait de réduire les frais d'immatriculation dans les régions. Cette mesure a été prise par l'Ontario il y a quelques années pour les habitants du nord de cette province. À notre connaissance, ce plan a fonctionné assez bien et a donné les résultats escomptés par le gouvernement.

Une deuxième serait de lancer un programme de remise permettant aux automobilistes des régions admissibles de réclamer le remboursement d'une partie des taxes sur le carburant. La Saskatchewan a récemment adopté cette idée au profit de tous ses citoyens. Au Québec, cette méthode offrirait au gouvernement la souplesse nécessaire pour ajuster facilement le niveau des réductions et déterminer les régions qui en bénéficient.

La troisième suggestion serait d'accorder aux contribuables des régions admissibles un crédit d'impôt fixe. Celui-ci s'apparenterait au crédit d'impôt établi pour la taxe fédérale sur les ventes. Cette solution offre la plupart des avantages de la deuxième méthode, tout en réduisant de beaucoup la charge administrative.

Shell estime que ces solutions présentent les avantages suivants, comparativement au régime actuel. Elles garantissent que la réduction de taxes profite aux personnes visées par le gouvernement. Elles permettent aux forces du marché et à la concurrence de déterminer les prix comme par le passé, sans soulever la question de niveaux de réductions dont bénéficie le consommateur. Elles éliminent la nécessité pour le gouvernement de fixer les prix par décret comme en juin dernier. Une telle mesure conduit inévitablement à une baisse injustifiable des revenus de l'industrie. Elles donnent enfin à l'industrie la possibilité de récupérer ses frais dans les marchés où ils se sont engagés et d'obtenir un rendement raisonnable sur son capital. Alors que le rendement du capital investi des Produits Shell Canada est passé de 3 %, niveau moyen de l'industrie au début des années quatre-vingt à 6,9 % en 1986, cette amélioration est encore bien supérieure à notre objectif. Pour que ces rendements progressent, les gouvernements doivent continuer de faire confiance à la libre concurrence et à laisser les forces du marché déterminer le moment et l'ampleur des changements des prix, ainsi, que les autres décisions d'exploitation qui ont une incidence sur le bénéfice.

En résumé, Shell croit que la méthode actuelle d'alléger le fardeau de la taxe sur les carburants dans tes régions périphériques ne peut servir efficacement les intérêts de tous les intéressés. Shell recommande donc fortement l'adoption de l'une des solutions de rechange, tel que proposé.

En terminant, j'aimerais mentionner que nous sommes également disponibles à continuer de collaborer avec le ministère et de fournir toutes les informations nécessaires autant pour le ministère que pour le public. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Bétournay. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire, M. Bétournay. Même si, dans votre mémoire, vous mentionnez que vous ne voulez pas vous engager dans un débat pour déterminer dans quelle mesure le consommateur bénéficiait de la baisse de la taxe et, d'autre part, de la portion qui a été conservée par les fournisseurs et les détaillants, je voudrais vous poser la question suivante. Vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 2: "Il est presque impossible de déterminer de façon le moindrement fiable si la réduction de la taxe dont profite le consommateur correspond exactement au montant précis décrété." Le point de vue que vous exprimez dans votre mémoire rejoint donc en tous points celui que nous exposait ce matin la compagnie Esso dans son mémoire. Il m'est donc encore plus difficile de comprendre comment une autre société comme Petro-Canada peut être si certaine, et je cite, "que les consommateurs ont pu profiter entièrement de la réduction de la taxe". Est-ce que je pourrais avoir vos commentaires là-dessus?

M. Bétournay: Dans ces régions-là, les consommateurs actuels profitent évidemment de la diminution de la taxe. J'ai devant moi

les prix. Par exemple, à Rouyn, les prix ont été décrétés à 0,512 $; à Montréal, le prix est de 0,547 $. Donc, Us ont profité d'une réduction sensible de la taxe.

M. Ciaccia: C'est après décret?

M. Bétournay: Oui, absolument. J'ai même un autre exemple qui vaut la peine d'être mentionné. Le décret nous dit qu'à Ville-Marie, le prix devrait être de 0,512 $, le même montant. Le prix actuel à Ville-Marie est de 0,477 $, parce que ce sont les forces du marché qui font qu'on est obligé de vendre à 0,477 $ pour continuer à vendre le produit là-bas. Même si on a le droit, par décret, de le vendre à 0,512 $, on est en bas du marché.

M. Ciaccia: Il y a des endroits où le prix est moindre que le montant décrété.

M. Bétournay: Absolument. Je peux donner le nom de deux endroits que vous pouvez vérifier, parce que les forces du marché - je sais que vous n'aimez pas le terme - mais...

M. Ciaccia: Non, non.

M. Bétournay: ...les forces du marché sont là.

M. Ciaccia: Ce n'est pas que je n'aime pas le terme. C'est la définition du terme qui porte à confusion parfois.

M. Bétournay: On essaie d'en trouver un autre depuis ce temps-là et on a de la difficulté.

M. Ciaccia: Un autre mémoire devait être présenté, mais il le sera après parce que les gens n'ont pu arriver à temps. C'est un regroupement d'indépendants qui affirme n'avoir eu aucun appui des pétrolières depuis l'imposition des décrets, ayant même eu à subir une hausse du prix à la mi-juillet. Pourriez-vous me dire si votre société a réajusté à la baisse ses prix aux indépendants pour tenir compte de l'impact des décrets?

M. Bétournay: Quand vous dites aux indépendants, voulez-vous dire les stations Shell?

M. Ciaccia: Non, c'est un groupe de grossistes indépendants de la région du Lac-Saint-Jean. Les grossistes indépendants, pas les indépendants...

M. Bétournay: Les grossistes indépendants, évidemment, achètent leurs produits sur une base différente. Ils achètent ce qu'on appelle au "rack pricing" au quai de chargement à Montréal ex-taxe. Ils ajoutent les taxes, finalement la marge de profit qu'ils désirent et le prix à leurs détaillants et à leurs clients.

M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites que les grossistes indépendants n'achètent pas leurs produits au Lac-Saint-Jean mais...

M. Bétournay: Je dirais que, dans notre cas, la plupart des gros indépendants achètent dans les grands centres comme Montréal et qu'ils transportent leurs propres produits vers ces centres-là pour les revendre. On les revend sans taxe.

M. Ciaccia: Très bien. Pourriez-vous nous donner une idée des mesures concrètes que votre société a prises depuis la période d'application des décrets pour permettre à vos détaillants de réaliser une marge bénéficiaire raisonnable?

M. Bétournay: D'accord. En ce qui regarde Shell, la majorité, je dirais 95 % de nos détaillants achètent leurs produits sur une base d'achat-revente. Donc, on n'a pas le même système d'ailleurs mentionné ce matin par Ultramar, de consignation. Nos produits sont vendus à un prix de liste pour les détaillants qui décident du prix qu'ils veulent vendre, soit le prix à la pompe déterminé par le détaillant. Il y a quelques exceptions où on a des libres-service dans ces zones-là. Au total, dans toutes ces zones visées, peut-être pas plus de huit ou neuf postes de service où l'essence est en consignation. Dans ce cas-là on a évidemment réduit la taxe du même montant que le décret le demandait. Pour répondre à votre question, dans les cas où on vend pour revente où la marge ne semblait pas raisonnable, dans certains cas seulement, on a donné une marge minimale pour essayer d'assurer la survie du détaillant en question.

M. Ciaccia: Comment vos mesures pourraient-elles se comparer par exemple à d'autres compagnies pétrolières? Vous avez fait référence...

M. Bétournay: Je pense qu'en général, on est peut-être une des seules compagnies aujourd'hui, avec Esso, je crois, qui n'a pas le système de consignation. La plupart des autres compagnies ont un système de consignation. Dans le passé on l'avait et on dictait le prix de la pompe, si vous voulez, en étant propriétaire du produit.

M. Ciaccia: Dans ces cas où ce n'est pas en consignation et que le décret a baissé le prix...

M. Bétournay: On a baissé le prix de gros en conséquence.

M. Ciaccia: Vous l'avez baissé en conséquence.

M. Bétournay: Oui.

M. Ciaccia: Vous proposez un certain nombre de solutions de rechange à l'actuel rabais fiscal accordé aux consommateurs des régions et vous soulignez qu'un des avantages de ces solutions de remplacement serait; "De permettre à l'industrie de récupérer ses frais dans les marchés où ils sont engagés." C'était à la page 5 de votre mémoire. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par ça?

M. Bétournay: Oui. C'est surtout sur le côté distribution. Comme vous le savez, d'ailleurs votre ministère est au courant qu'à peu près 60 % du volume de l'essence du Québec se vend dans l'agglomération montréalaise. Dans la majorité de ces postes d'essence, nous faisons la livraison par camion-citerne en quantité de 45 000 litres dans des réservoirs de 30 000 litres chacun. Donc, on a des économies d'échelle assez marquées. Alors que dans ces zones-là on a une distribution secondaire, on est obligé de prendre le produit de Montréal, de l'amener dans un dépôt, par exemple Val-d'Or ou Rouyn ou Ville-Marie et, de là, on est obligé de l'entreposer. Il y a là un employé sur place - dans notre cas ce sont généralement des distributeurs-agents - qui fait la redistribution de ces produits, évidemment dans de plus petits camions et de plus petits réservoirs, ce qui est très coûteux. Pour la même raison, la plupart de ces détaillants demandent une marge bénéficiaire sur le produit un peu plus grande que celle de Montréal parce qu'ils n'ont pas les volumes que Montréal a. C'est ce qu'on veut dire par les récupérations des coûts. C'est d'ailleurs ce qui est arrivé la dernière fois, parce que, historiquement, avant le décret, les prix ont toujours été de 0,03 $ ou 0,04 $ plus cher dans ces régions-là. Je ne parle pas de cas isolés comme cela a été mentionné ce matin, comme Chibougamau. Il y a eu aussi des exagérations dans certains marchés. Il y a évidemment un coût additionnel pour la distribution secondaire. (15 h 30)

M. Ciaccia: Merci. Pour le moment, je n'ai pas d'autres questions.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Oui. Merci beaucoup. Je voudrais en profiter pour saluer les gens de la compagnie Shell, les remercier d'être venus et avoir présenté leur mémoire.

Évidemment, quand on a la chance ou la malchance de passer dans l'ordre un peu plus loin dans une commission parlementaire le nombre de questions est évidemment plus limité. Vous le comprendrez, cela n'a rien à voir avec l'intérêt de votre exposé mais il y a un certain nombre de faits qu'on a eu l'occasion d'éclaircir au cours des présentations précédentes avec des entreprises qui ont finalement une expérience un peu semblable à la vôtre.

Il y a cependant un élément sur lequel j'aimerais revenir. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ou d'avoir bien interprété votre mémoire et même votre réponse à une question du ministre.

À un certain moment - le ministre vous a posé la question tout à l'heure - vous donnez l'impression qu'il n'est à peu près pas possible de savoir pour le consommateur si oui ou non il a bénéficié de la baisse de taxe. Effectivement, le ministre vous signalait que Petro-Canada avait écrit dans son mémoire qu'il était certain qu'il en avait bénéficié sauf qu'en comparution, avec des questions que je leur ai posées, ils ont fini par me dire que c'est vrai qu'ils n'étaient pas si certains que cela. En ce sens donc, ils rejoignaient en quelque sorte votre position.

J'aimerais que vous nous disiez le plus clairement possible, pour être sûr qu'on s'entend tous sur la même chose, si c'est possible ou non, à votre avis et très sincèrement, pour le consommateur de bénéficier d'une baisse de taxe accordée par le gouvernement et de savoir qu'il en bénéficie ou si c'est à toutes fins utiles illusoire de penser que le consommateur pourra faire facilement cette constatation.

M. Bétournay: Ce dont je puis vous assurer avec pleine certitude, c'est que les diminutions de taxes autant que les augmentations par les gouvernements fédéral ou provinciaux ont été passées directement dans nos listes de prix. Donc, où Shell contrôle le prix à la pompe, les baisses ont eu lieu en conséquence. Ce que je ne peux vous garantir, où le détaillant est responsable et propriétaire de son essence qu'il avait payé 0,045 $ et plus et qu'il y en a encore dans le réservoir, s'il l'a passé immédiatement. Nous autres, évidemment, on n'a pas le droit - vous connaissez la loi de la compétition, les coalitions - de dicter les prix si ce n'est pas notre produit. Je sais moi-même qu'il y a des cas où il y a eu des exagérations faites et on apporte cela évidemment sur la base de compétition juste et équitable envers nos détaillants pour maintenir cette fameuse part de marché dont nous avons parlé ce matin.

On se bat tous pour la même chose: maintenir nos volumes. Je peux vous assurer que Shell Canada a passé toutes ces diminutions dans le marché, c'est-à-dire jusqu'où on pouvait, où on contrôle le prix à la pompe. Généralement avec les prix à la pompe où Shell contrôle cette station dans

un marché donné, cela donne pas mal le signal, parce que si le libre-service a baissé de 0,04 $ l'indépendant dans le secteur avec la marque Shell est obligé de baisser, sinon il va perdre son volume.

M. Gauthier: Oui. J'aimerais que vous continuiez cette explication. Effectivement, c'est intéressant. Étant donné le système de distribution que vous avez, vous avez d'ailleurs expliqué que c'était un peu différent des autres entreprises - que se produit-il pour le vendeur de produits Shell qui est propriétaire de sa station, qui vient la veille, du moment où le ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre des Finances se sont consultés et ont décidé soit de baisser ou d'augmenter la taxe -mais dans ce cas-ci c'était une baisse - que se produit-il pour ce détaillant, compte tenu du fait que le libre-service qui est peut-être à trois coins de rue plus loin baisse immédiatement?

Vous me dites que quand on est responsable on fait cela tout de suite. Et le type qui vend votre produit à côté et qui vient de se stocker dans la semaine précédente, dans les jours précédents, est-ce qu'il y a un système de crédit pour cette personne ou si après coup, c'est-à-dire au moment où il y a des rajustements, il reprend son argent? Est-ce qu'il reprend son argent quelque part ou si c'est lui qui paie pour les variations dictées par le gouvernement?

M. Bétournay: Dans le système, évidemment, d'achat-revente, contrairement au système de consignation où il y avait des crédits ou des débits si le prix montait, c'est qu'il n'y en a pas. Il était avisé, lui, par les journaux ou par décret gouvernemental que la taxe doit augmenter ou baisser. Là, il est seul à avoir la responsabilité d'ajuster ses prix. S'il veut l'augmenter tout de suite et prendre un gain d'inventaire, c'est son affaire. S'il veut, comme le cas précédent, baisser son prix et prendre une perte temporaire, si vous voulez, et maintenir sa clientèle, il va rajuster tout de suite et prendre une perte pour ce qu'il y a dans les réservoirs. Il n'est même pas avisé 24 heures à l'avance que les prix vont monter.

M. Gauthier: Sans, évidemment, vouloir obtenir des noms - bien sûr, l'objet de la commission, ce n'est pas cela - est-ce que vous avez pu réaliser, avec le système avec lequel vous fonctionnez et pour lequel je n'ai aucune espèce de critique à formuler, remarquez bien, que certains de vos vendeurs de produits ont dû se retrouver, j'imagine, dans une situation absolument intenable, compte tenu du fait que lorsque le produit est dans le réservoir, c'est lui qui en a la totale et entière responsabilité? Est-ce que vous avez eu un programme spécial de soutien? Vous ne devez pas être intéressé...

M. Bétournay: En majorité... Je comprends bien ce que vous me dites et on comprend l'ampleur de la responsabilité, autant que le détaillant peut bénéficier aussi du contraire. S'il y a une augmentation de taxe à minuit ce soir et qu'il l'augmente à minuit ce soir, s'il y a encore 10 000 litres de produit dans ses réservoirs, il va faire un gain sur ce qu'il y a dans les réservoirs. Mais, c'est sa responsabilité, c'est le risque qu'il prend quand il va en affaires.

M. Gauthier: D'accord.

M. Bétournay: Donc, c'est de même qu'on le regarde et puis cela va bien comme cela dans notre cas.

M. Gauthier: D'accord.

M. Bétournay: La plupart des détaillants veulent être responsables et veulent contrôler leur inventaire.

M. Gauthier: D'accord. Maintenant, j'aimerais savoir: Est-ce qu'il vous est arrivé, puisque la compagnie Shell vend très certainement - d'ailleurs, je pense que vous l'avez mentionné tout à l'heure - du produit à des indépendants qui distribuent...

M. Bétournay: On a quelques clients indépendants; on en a quelques-uns, oui.

M. Gauthier: Bon. Est-ce qu'il y a eu, pour une raison ou pour une autre, augmentation du prix du produit à ces gens-là, à ces indépendants durant la période du décret? Est-ce que pour vous, en d'autres termes, au moment où le décret du gouvernement est entré en vigueur, cela a eu pour effet de geler votre prix vendant à vos distributeurs ou à des indépendants ou est-ce que vous avez continué, évidemment, à jouer avec ies composantes qui peuvent monter ou descendre?

M. Bétournay: Je vous disais tantôt que ces revendeurs indépendants achètent au prix de Montréal, sans taxe. Donc, s'il y a eu des augmentations - je pense qu'il y en a eu quelques-unes - la taxe n'était pas la cause, ni fédérale, ni provinciale, ni la taxe d'accise. Ce qui en est la cause, c'est évidemment les prix du pétrole brut, les fluctuations du marché. Donc ce serait la seule cause, parce que ces gens-là, encore une fois, je le répète, achètent sans taxe.

M. Gauthier: Dites-moi: Est-ce que, dans l'ensemble de l'opération, à partir du moment où le gouvernement a émis son décret, la compagnie que vous représentez,

la compagnie Shel, a partagé avec l'ensemble de ses clients revendeurs le coût d'un ajustement de prix à la baisse ou si l'entreprise, vendant son produit à un prix x, a chargé, en quelque sorte» ses détaillants de vivre avec le décret gouvernemental?

M. Bétournay: Je pense que, dans certains cas, on a partagé le coût et cela devenait très pénible pour les détaillants de subir la baisse et de fonctionner avec une marge qui n'était pas suffisante, mais c'est l'exception. En général, les prix ont baissé, donc le prix à la pompe devait baisser en conséquence, contrairement, encore une fois, à un système de consignation.

M. Gauthier: Est-ce qu'il a pu arriver -c'est là probablement ma dernière question -le fait, durant le décret, que des détaillants Shell aient pu vendre de l'essence ou être réduits à vendre de l'essence sans aucun profit ou avec un profit de peut-être 0,01 $ le litre ou quelque chose d'équivalent à cela?

M. Bétournay: Je ne crois pas, absolument pas. On aurait été les premiers à le savoir.

M. Gauthier: D'accord. Vos gens commencent à crier quand cela baisse en bas de 0,03 $ le litre.

M. Bétoumay: En bas d'à peu près 0,03 $, 0,032 $, c'est à peu près notre minimum. C'est à peu près le point mort pour eux; en dessous de cela, ça commence à faire mal.

M. Gauthier: D'accord. Il y a une dernière question que j'ai posée à toutes les pétrolières et sur laquelle je voudrais bien avoir votre avis également. Si une mesure de contrôle très large était apportée par le gouvernement, sans établir les prix dans les régions, si un mécanisme de surveillance - le ministre a fait allusion à un certain nombre de possibilités. Je ne veux pas m'arrêter sur cela - est-ce que vous êtes absolument réfractaires à tout mécanisme même de vérification des prix ou est-ce que votre entreprise, comme d'autres nous l'ont indiqué, pourrait vivre avec une forme de surveillance du comportement des lois du libre marché.

M. Bétournay: Je crois que premièrement on s'oppose à toute forme de contrôle ou si vous voulez, je ne dirais pas de l'ingérence mais je dirais d'implication du gouvernement au sujet des prix. Comme toute autre entreprise, si nous sommes obligés de vous fournir des informations nous allons vous en fournir.

M. Gauthier: Si vous êtes obligés?

M. Bétournay: Plus ou moins, oui.

M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup.

M. Bétournay: Merci.

Le Président (M. Théorêt): M.

Bétournay, merci M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres questions avant la conclusion?

M. Ciaccia: Excusez. Je voulais seulement détailler. Lorsque vous dites: si vous êtes obligés de fournir une information, je voudrais que vous précisiez un peu sur cela. Je ne voudrais pas être...

M. Bétournay: Le mot est peut-être un peu fort parce que vous savez, M. le ministre, d'ailleurs, les gens chez vous le savent bien, on leur donne toutes les informations qu'ils nous demandent. Mais, encore une fois, nous nous opposons. Ce sont des coûts. Je pense que, finalement, cela ajoute aux coûts d'exploitation, c'est tout! II y a bien des choses qu'on fait qu'on aime mieux ne pas faire. On est obligé de le faire.

M. Ciaccia: Alors, cela veut dire que si on a en vue un certain système de vérification, on va pouvoir s'asseoir ensemble pour voir quelles sortes d'informations...

M. Bétournay: Absolument.

M. Ciaccia: ...vous pouvez nous fournir.

M. Bétournay: Absolument. Oui. Il n'y a aucun problème.

M. Ciaccia: Oui.

M. Bétournay: Je ne dirais pas, pas de problème, parce que c'est un sot qui dit cela.

Le Président (M. Théorêt): Alors, on me demande du côté de l'Opposition. Le député d'Ungava aurait une question à poser. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: M. le Président, j'aimerais avoir un éclaircissement. Vous avez parlé que votre seuil critique, votre seuil de viabilité était à 0,032 $ environ. Si je comprends bien c'est une norme générale. Vous ne parlez pas spécifiquement de certains endroits en particulier où cela pourrait être plus haut. C'est quoi la catégorie dans laquelle vous jouez. Je veux dire, le plus bas cela peut être quoi? Dans certaines régions, qu'est-ce que cela pourrait coûter dans les conditions les plus difficiles?

M. Bétournay: Bien d'accord. Le plus bas évidemment ce serait zéro mais on serait obligé de fermer beaucoup de stations. Les 0,032 $ pour nous c'est à peu près le point mort si vous voulez, sans faire beaucoup d'argent. Le détaillant réussit évidemment à payer ses frais d'exploitation, son personnel et se gagner, si vous voulez, un salaire raisonnable mais il ne faut pas qu'il vive dans une situation comme cela très longtemps. Je me rappelle, on pariait d'années tantôt, mais cela fait plusieurs années, cela prenait 4000 $ à 5000 $ à un détaillant pour être capable de démarrer un commerce de station-service. Aujourd'hui, on parle de 60 000 $ à 70 000 $. Effectivement, cela commence à coûter plus cher.

M. Claveau: L'objet de ma question c'est de savoir, par exemple: Est-ce qu'entre Gaspé, Sept-Îles, Baie-Comeau, Chibougamau et Val-d'Or il y a vraiment des variations importantes par rapport au coût d'exploitation d'une station-service?

M. Bétournay: Oui, certainement qu'il y a des coûts d'exploitation qui peuvent varier. Si vous êtes dans des secteurs dans le Nord, où c'est très froid et où les coûts d'exploitation sont plus chers, je pense que la main-d'oeuvre va être aussi chère là-bas qu'à Montréal. Dans l'ensemble on a un critère à peu près de 0,032 $, c'est notre seuil. Il y a eu des situations très spécifiques et isolées où on a été obligé de regarder et d'aider notre détaillant si on veut qu'il survive, mais c'est par exception.

M. Claveau: Je vous remercie. Le Président (M. Théorêt): Merci.

M. Ciaccia: Seulement une autre question, si vous me permettez, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: Quand vous parlez de 0,032 $ le litre, est-ce que vous pouvez nous donner une estimation du genre de volume, la variation de volume qu'il peut y avoir? (15 h 45)

M. Bétournay: Oui, d'accord. Le 0,032 $ c'est basé généralement sur une station-service qui va vendre à peu près 1,5 mégalitres, ce qui veut dire à peu près 300 000 gallons par année. En bas de cela, évidemment cela prend un peu plus. Généralement, tout de même, en bas de ces volumes, à l'extérieur, les gens ont d'autres compensations. Ils ont des petits commerces connexes qui les aident évidemment à survivre, que ce soit un dépanneur ou un atelier de mécanique. Alors il faut prendre tout cela en considération. M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci. En conclusion, M. le critique officiel de l'Opposition.

M. Gauthier: Rapidement, M. le Président. Je remercie les représentants de Shell pour leurs renseignements et nous en tiendrons compte dans nos recommandations au ministre.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier à mon tour les représentants de Shell. Je veux seulement faire remarquer que les mesures que vous proposez pour aider les régions présupposent la réimposition de la surtaxe. Cela est évidemment quelque chose qu'il va falloir qu'on évalue en termes d'impact non seulement sur l'imposition de la taxe, mais sur les prix et les conséquences sur les consommateurs.

M. Bétournay: Cela présuppose excusez - surtout l'enlèvement du décret. Quant au montant de la taxe, c'est une décision qui vous appartient, mais, de fait, les prix sont gelés présentement.

M. Ciaccia: Oui. Cela présuppose l'enlèvement du décret, mais aussi qu'on réimpose la taxe. C'est quelque chose de... C'est toujours plus facile...

M. Bétournay: ...à dire...

M. Ciaccia: ...de donner l'argent des autres.

M. Bétournay: Oui.

M. Ciaccia: Cependant, je vous remercie de votre mémoire. Je prends bonne note de votre volonté de fournir les renseignements nécessaires pour qu'on puisse les utiliser pour informer les consommateurs et que cela puisse les aider dans leur choix. Merci encore.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon voyage de retour.

Je demanderais maintenant aux représentants du Regroupement des vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean de bien vouloir prendre place s'il vous plaît. Messieurs, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. Je vous demanderais de vous présenter dans un premier temps; je vous rappelle également

que vous avez un maximum de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Regroupement des vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean

M. Belzile (André): Je vous remercie, M. le Président. Je suis André Belzile de la compagnie de pétrole Belzile de Dolbeau. Je suis accompagné de M. Henri Beauchamp de la compagnie Lucien Beauchamp Limitée, vendeur de pétrole pour la région de Dolbeau. Nous représentons le Regroupement des vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

En premier lieu, je voudrais faire une parenthèse, si cela m'est permis. Nous avons discuté de notre philosophie et nous étions bien d'accord sur cela, c'est que l'organisme du regroupement des vendeurs indépendants est basé sur l'échange de produits privés. Nous sommes pour la libre entreprise. Dans ce cas-ci, c'est la vente et l'achat d'essence et de ses services. Ce qui s'échange entre les parties concernées, vendeurs et acheteurs, bénéficie tout le temps aux deux qui font les échanges. Ces échanges constituent une richesse dans nos mains et dans celles de ceux qui l'utilisent selon les règles de la libre entreprise. Je vous remercie d'avoir écouté ma parenthèse, je vais passer la parole à mon ami, M. Henri Beauchamp qui va vous donner nos doléances.

Le Président (M. Théorêt): Monsieur?

M. Beauchamp (Henri): Henri Beau-champ. Je m'excuse. Suis-je obligé de relire intégralement...

Le Président (M. Théorêt): Absolument pas, si vous voulez le résumer en quelques minutes ou dans vos mots à vous, il n'y a aucun problème, vous n'avez pas à suivre le mémoire que vous avez déposé.

M. Beauchamp: Disons qu'on ne le lira pas entièrement parce que vous en avez pris connaissance...

Le Président (M. Théorêt): Oui.

M. Beauchamp: Je suis sûr et certain que vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu des augmentations du prix brut, c'est-à-dire du prix du gros de l'essence. Par contre, avec le décret, dans notre région périphérique, le prix est demeuré stable. Je parle toujours comme vendeur indépendant. Le monsieur qui est passé avant nous représentait une compagnie multinationale, lorsqu'il parlait de ses vendeurs qui sont à 0,032 $, que le produit monte ou baisse. On s'entend bien?

Le Président (M. Théorêt): Seulement une information pour la compréhension de tous les membres, quand vous parlez de vendeurs indépendants, vous parlez de vendeurs aux détaillants. Vous faites des ventes aux détaillants?

M. Bélisle: C'est cela. Vous donnez une explication...

Le Président (M. Théorêt): Je ne veux pas vous questionner, c'est juste pour bien suivre votre exposée Le Regroupement des vendeurs indépendants, ce sont des grossistes qui vendent à des détaillants ou vous représentez des détaillants?

M. Bélisle: Nous sommes tous des acheteurs de gazoline qui achetons nos produits sur les points de chargement comme Pointe-des-Islets à Chicoutimi, Montréal, etc. Mais, normalement, c'est Chicoutimi qui devient propriétaire du produit et qui le revend à ses conditions et le transporte.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie de cette information.

M. Beauchamp: Je reviens à ce que je disais. Nous, dans notre région, vu qu'on est une région périphérique, par le décret, nous en sommes à rester au prix de détail, tel que décrété par la loi exacte. Mais, par contre, notre prix de gros a bougé terriblement. Je parle du prix de gros du produit. La taxe a baissé, je suis bien d'accord. Mais le produit brut a remontés comme c'est écrit dans le décret. On a des augmentations au-delà de 0,04 $ du litre depuis environ trois mois. C'est une différence de profit extraordinaire quand vous voyez la différence des deux, soit le prix de détail ou le prix de gros qui est mentionné sur nos factures.

En ce qui a trait aux vendeurs indépendants, nous sommes obligés d'avoir notre propre équipement pour transporter le produit disons de ladite place de vente de la multinationale. C'est sûr qu'on ne peut pas jouer sur le prix tellement vu qu'on est saisi par la base qui bouge terriblement, mais le prix de détail demeure le même.

Si vous êtes personnellement acheteur d'essence de revendeur, donc, je ne peux pas satisfaire à vos besoins par le fait. Avant, si je payais un montant x, je pouvais revendre mon produit à un revendeur, mais aujourd'hui, je ne peux plus le faire. La compression des deux parties est trop importante. On ne peut plus jouer sur des sous de profits; il n'y en a plus. La compagnie remonte son prix de base mais, par contre, le prix de détail demeure le même; donc, on ne peut plus jouer sur les deux parties. C'est cela qui nous compresse terriblement dans nos profits.

Le Président (M. Théorêt): Est-ce que

vous voudriez échanger à partir de maintenant avec les formations politiques ou avez-vous d'autres exposés à faire?

M. Beauchamp: M. Beizile a d'autre...

M. Beizile: Voyez-vous, le décret du gouvernement ou de l'honorable M. Ciaccia était daté du 16 juin - c'est important -pour une période de trois mois. C'était dur pour nous d'apprendre qu'on était obligé de baisser nos prix. Le prix qui a été décrété a été basé sur le prix de Chicoutimi. Il n'a pas été question à ce moment-là de zone de transport ou de zone de distance. Vous savez que le Lac-Saint-Jean, c'est vaste.

Avant le décret, je ne sais pas, il y a des compagnies ici, en tout cas, elles le diront si c'est vrai ou ai ce n'est pas vrai -de toute façon j'ai trouvé que c'était une drôle de coïncidence, ça voulait dire cinq jours avant - les compagnies pétrolières ont décrété une hausse de 0,08 $ du litre, si vous le multipliez par 4.55 ça fait plusieurs cents du gallon ça. Il faut penser aussi qu'entre Chicoutimi et Dolbeau, et nous autres on revend du pétrole à Girardville-La Doré, Chibougamau en tout cas disons que c'est une autre zone; ça été arrangé par après par un autre décret. On a quand même un taux de transport, entre Chicoutimi et Oolbeau, de 0,082 $ du litre selon les taux de transport de Les Transports Provost. Si vous ajoutez 0,08 $ plus 0,082 $ vous arrivez à 0,162 $ que l'on perdait directement là, les acheteurs de pétrole qui sont des acheteurs comme les Pétroles Beizile ou Pétrole Beauchamp et les autres vendeurs dans leur groupement.

Le 13 juillet, les pétrolières, malgré le décret, qui, naturellement, en avaient le droit, parce que ça ne touchait pas le prix de gros des compagnies, les pétrolières ont augmenté le prix de 0,012 $ le litre. Cela commençait à faire mal. On a dit: On va fermer les postes de vente. On va mettre du monde à pied, on ne pouvait plus arriver. Alors c'est tout cela qui s'est ajouté, c'est pour cela qu'on a très hâte à la fin du décret pour être capables de respirer, de reprendre notre souffle et d'être capables de dire: On est dans la libre entreprise puis on continue à vendre et à acheter du pétrole.

En somme, on achète des piastres et on vend des piastres. Si on fait une piastre, on l'investit. On a investi cette année dans une station-service, on a créé des emplois. L'année prochaine on n'en créera pas d'emplois parce qu'on n'aura pas d'emploi à l'allure que cela va. On reviendra peut-être vous donner des solutions là-dessus. Pour le moment, si on ne fait pas de profits, on n'a pas d'implantation. Si on n'a pas de profits, on n'a pas de motivation non plus.

Le Président (M. Théorêt): M.

Beauchamp.

M. Beauchamp: Il y a une chose sûre, c'est que la différence entre Montréal et notre zone périphérique est de 0,045 $ le litre de taxes. C'est acceptable en mosus pour le consommateur, c'est parfait, mais c'est la façon qu'elle a été imposée, c'est la façon qu'on n'a pas été capables de bouger le prix de détail, pour autant que le prix de gros bougeait. Que la différence le litre entre la région de Montréal - je dis Montréal parce que cela me vient à l'idée, cela peut être Québec - et la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean soit de 0,045 $, on est bien d'accord avec cela, on n'est pas contre cela, mais c'est le fait que l'on n'est pas capables de bouger le prix de détail et le prix de gros demeure variable.

Si votre prix de détail bouge avec la base, puis la différence de 0,045 $ demeure puis il y a un rajustement de transport entre les deux parties, le problème est réglé, d'après moi. Tout le monde sera content, mais là cela n'a plus d'allure.

M. Belzile: Je peux faire une parenthèse ici: dans une région éloignée comme le Lac-Saint-Jean - cela peut être le même cas pour l'Abitibi ou ailleurs - les deux facteurs importants ce sont toujours les coûts de transport et la main-d'oeuvre. Disons que la main-d'oeuvre ce n'est pas mauvais. On parle du Lac-Saint-Jean avant le Saguenay. Le Saguenay est influencé par les coûts de main-d'oeuvre de l'Alcan, les grosses compagnies qui sont dans le secteur, mais au Lac-Saint-Jean c'est bon. Le fait d'avoir donné une préférence, c'est-à-dire d'avoir donné des crédits de taxes dans la région du Lac-Saint-Jean, cela a été parfait, cela a aidé le transport des matières premières qui est très important et l'essor du tourisme. Notre représentant pourra en parler, cela a été très bon. Si c'est enlevé, personnellement je penserais que ce serait une mauvaise chose. C'est très bon. Il reste que c'est la façon de l'appliquer peut-être qui peut être un problème.

Montréal, naturellement, consomme 60 % de l'essence. Ils n'ont pas eu la préférence d'avoir un zone préférentielle à 20 %. On est à 20 %, mais il y a quand même des coûts de transport entre ta raffinerie de Montréal et Pointe-des-Islets à Chicoutimi, le coût des bateaux, la manutention des plans, etc., et le transport ensuite pour aller dans le Nord que l'on estime, notre regroupement, approximativement à 0,02 $ le litre. Alors, on ne peut pas parler de comparer les coûts de l'essence au Lac-Saint-Jean et Chicoutimi avec le prix de Montréal si on ne tient pas compte des coûts des manipulations des produits entre les deux régions. En somme, la différence de prix devrait être d'à peu près 0,025 $, ce qui

n'est pas le cas. C'est pour cela que l'on fait des pertes dans le moment.

Cela résume un peu ce que l'on voulait vous dire. Il y aurait peut-être d'autres points...

Le Président (M. Théorêt): Si vous êtes d'accord; étant donné la façon que vous procédez, il serait peut-être intéressant de procéder à vos interventions, à discuter immédiatement avec les formations politiques auxquelles vous pourrez répondre...

M. Beauchamp: On est ouverts...

Le Président (M. Théorêt): ...et ajouter aussi, à l'exception que je vois que M. Beauchamp aimerait ajouter quelque chose.

M. Beauchamp: J'aurais une question à vous poser.

Le Président (M. Théorêt): Allez, M. Beauchamp. (16 heures)

M. Beauchamp: Est-ce qu'aujourd'hui, au moment où je vous parle, la commission est au courant qu'entre Montréal et certaines régions périphériques, la différence entre les parties est au-delà de la taxe? Vous me saisissez? La différence entre le prix de détail régional de Montréal et celui de notre région périphérique est censée être la taxe uniquement - d'accord? on s'entend bien -mais, là, elle est supérieure à la taxe exigée dans le décret. Donc, en plus d'être pénalisés par la base, on est pénalisés par le haut. Ils peuvent changer le prix de détail parce qu'ils ne sont pas concernés par le décret. Par contre, nous autres, on n'est pas capables de bouger. C'est pour cela que la différence est plus élevée que le décret lui-même.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Beauchamp.

Avec votre permission, je vais donner la parole au ministre et, ensuite, au critique de l'Opposition. Vous pourrez discuter à ce moment-là et continuer dans la même veine. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier les représentants de cette association d'être venus présenter leur mémoire, leur point de vue ainsi que les problèmes qu'ils semblent avoir dans leur industrie. Les quatre entreprises que vous représentez ont, au total, un chiffre d'affaires annuel qui dépasse les 20 000 000 $. Vous occupez donc une place solide dans la distribution des produits pétroliers de votre région. En tant qu'indépendants, vous êtes un élément dynamique et important du système de distribution. Le gouvernement reconnaît le râle de l'indépendant, le rôle très important de l'indépendant dans l'industrie pétrolière et dans le système de distribution spécialement. C'est pour cela que, quand j'ai lu votre mémoire, cela m'a un peu étonné, pas seulement étonné, mais j'ai été un peu surpris de voir que vous faisiez le genre de reproche au gouvernement sur l'effet des décrets.

J'ai communiqué immédiatement avec les gens de mon ministère parce que, quand j'ai fait la déclaration sur le prix à la pompe, j'ai explicité très clairement que, l'industrie pétrolière étant si complexe, je ne pouvais pas fixer tous les prix. Je ne pouvais pas fixer le prix d'une pétrolière, le prix du grossiste et le prix au détaillant. Je pouvais seulement fixer, dans les circonstances, le prix à la pompe. Mais j'ai invité les détaillants à communiquer avec moi s'il y avait des abus de la part des pétrolières. J'ai mentionné que j'étais prêt à intervenir, le cas échéant.

À la suite du décret, plusieurs détaillants de différentes régions - certaines régions plus particulières que d'autres - ont communiqué avec les membres de mon cabinet, avec moi-même. Je suis intervenu auprès des pétrolières et on a réglé, je pense, à la satisfaction de ceux qui étaient concernés, plus ou moins - on ne peut pas toujours satisfaire tout le monde - les problèmes qui ont été soulevés. C'est pour cela que j'ai été surpris. J'ai demandé aux gens de mon ministère: Est-ce que les grossistes du Lac-Saint-Jean ont communiqué avec nous? Premièrement, je l'ai demandé aux membres de mon cabinet. Ils ont dit; Non, ils n'ont pas communiqué avec nous. Mais il y a un employé au ministère qui a dit: Oui, ils ont communiqué avec nous au mois de juillet; puis, on les a conseillés. On leur a dit qu'il y avait deux alternatives, soit de communiquer avec le ministre, soit d'attendre la commission parlementaire au mois de septembre et faire leurs doléances à ce moment-là.

Je regrette que vous n'ayez pas communiqué avec moi au mois de juillet et que vous ayez plutôt choisi d'attendre maintenant. J'aurais peut-être pu intervenir avant, comme je l'ai fait avec les détaillants, mais cela a été votre décision. Les problèmes sont peut-être un peu plus complexes dans votre cas et vous avez jugé qu'il était préférable pour vous d'attendre à la fin des 90 jours et venir en commission parlementaire exposer votre point de vue.

Cela dit, on appuie les indépendants, mais c'est possible que, dans certains cas, il puisse y avoir certaines divergences entre les objectifs du gouvernement et l'opération des indépendants. Par exemple, si le gouvernement a réduit la taxe de 0,045 $ le litre et que cette taxe n'a pas bénéficié aux consommateurs, si, en réduisant la taxe, notre décret affecte ceux qui ont augmenté le prix, ils auront des doléances sur ce point-là. Les pétrolières n'aiment pas ça

parce qu'il a été réduit, parce qu'elles l'avaient augmenté. Certains détaillants n'ont pas été heureux non plus parce qu'eux aussi avaient augmenté et grugé dans la taxe. Je ne sais pas dans votre cas et c'est ce qu'on va essayer de voir, les grossistes aussi avaient peut-être grugé dans la taxe. Si j'écoute la compagnie Shell, elle me dit qu'elle vous vend hors taxe. Quand vous prenez le produit hors taxe et que vous allez le vendre à Chicoutimj ou au Lac-Saint-Jean, si vous voulez donner le bénéfice des 0,045 $, cela va affecter votre prix ou bien vous pouvez gruger dans les 0,045 $ et augmenter votre prix aux détaillants.

Sur cet aspect, il se peut que nos intérêts pour les 90 jours n'étaient pas tout à fait les mêmes. Nous voulions que les 0,045 $ aillent aux consommateurs et peut-être - c'est ce qu'on va essayer d'élaborer -que votre association, dans le cours des affaires, en achetant hors taxe, avait peu à peu augmenté aussi ses prix, soi-disant d'après les forces du marché.

Ma première question est celle-ci: Quand j'ai demandé à la compagnie Shell si les grossistes achètent à Chicoutimi, à Québec ou à Montréal. La réponse que j'ai eue était qu'on vous vendait hors taxe. Je vous ai aperçus dans la salle et j'ai cru remarquer que vous aviez une certaine réaction face à cette réponse. J'aimerais connaître vos commentaires à ce sujet sur la méthode d'achat.

M. Beauchamp: Je m'excuse, M. le ministre, M. Belzile va répondre plus clairement là-dessus.

M. Ciaccia: Très bien.

M. Belzile: Cela fait 22 ans que je suis acheteur et revendeur indépendant de pétrole. Ils appellent cela des "jobbers" en bon français. Je n'ai jamais acheté d'essence sans taxe. Les compagnies peuvent figurer un prix de base qu'on appelle un "rack price" et elles ajoutent toujours les taxes. Nous autres, les indépendants, on a toujours perçu les taxes qui nous ont été imposées par les compagnies qui, elles, paient le gouvernement.

M. Ciaccia: Est-ce qu'elles incluaient les taxes payables à la pompe ou seulement dans vos achats la taxe fédérale?

M. Belzile: On a inclus la taxe d'accise, la taxe fédérale et la taxe provinciale. Elles sont toujours imposées aux revendeurs d'essence. Tout le temps, à l'année, depuis que je suis en affaires dans l'essence.

M. Ciaccia: Mais si la taxe est payable à la pompe comment payez-vous la taxe quand vous achetez de Shell?

M. Belzile: Elle est imposée sur les achats.

M. Ciaccia: Oui, mais c'est une taxe au détail et non une taxe sur le prix de gros. Ce n'est pas un "wholesale price", ce n'est pas un "wholesale tax" c'est une taxe payée comme quelqu'un...

M. Belzile: Elle est payée...

M. Ciaccia: Sur les chandails il y a une taxe de 9 %. Quand il achète les chandails, il ne paie pas les 9 %, il impose les 9 % quand il vend aux consommateurs.

M. Belzile: Ce n'est pas une taxe de vente, M. le ministre, c'est une taxe d'achat, une taxe sur l'essence. Vous avez la taxe d'accise, la taxe de vente fédérale et la taxe provinciale qui sont imposées sur la facture d'achat que nous recevons, nous les revendeurs. Ce n'est pas nous qui payons la taxe à Québec ni au fédéral. Peut-être certaines exceptions pour les industriels, les opérateurs en forêt dans le cas de la taxe sur le diezel où on a des permis spéciaux.

M. Ciaccia: Si je comprends bien votre réponse est en claire contradiction avec ce que les représentants de Shell nous ont dit.

M. Belzile: Absolumentl Absolument! On paie la taxe sur tous tes achats. Je ne vois pas du tout ce que le hors-taxe vient faire dans la discussion parce que la taxe est facturée. On dit: notre prix et de 0,438 $, cela inclut les taxes. Ils peuvent nous donner 0,222 $ plus 0,033 $ plus cela et cela, ce qui arrive à 0,438 $ mais notre facture à payer est 0,438 $. On n'envoie pas une partie à Québec et une partie à Ottawa. Cela ne fonctionne pas comme cela. Il n'est pas question de hors-taxe nulle part là-dedans.

M. Ciaccia: Cela me surprend un peu, pas vos réponses mais celles des représentants des pétrolières parce qu'il y en a deux qui nous ont dit la même chose.

M. Belzile: Bien, il y a quelqu'un qui ne connaissait pas cela.

M. Ciaccia: Que les prix qu'ils vendaient aux grossistes étaient hors-taxe.

M. Belzile: Ils les figurent hors-taxe mais ils mettent les taxes. Ce n'est pas compliqué.

M. Ciaccia: Comment a varié votre... Attendez, vous avez parlé de l'augmentation du prix du brut. Je pense qu'une autre

pétrolière nous a dit la même chose, à savoir que durant les décrets le prix du brut a augmenté.

M. Belzile: C'est cela.

M. Ciaccia: Alors eux, dans les autres régions qui n'étaient pas affectées par le décret,, ont augmenté leur prix.

M. Belzile: Évidemment.

M. Ciaccia: Et vous, alors, vous avez acheté au prix du brut augmenté. Vous n'avez pas pu augmenter vos prix au détail parce que le décret avait gelé les prix.

M. Belzile: On ne pouvait pas. Vous aviez décrété un prix, vous aviez gelé un prix.

M. Ciaccia: On m'informe que ce montant représentait 0,02 $ le litre. Est-ce exact?

M. Belzile: Oui. Je vous ai expliqué qu'il y avait 0,008 $ quelques jours avant le décret et 0,012 $ par après. Il y a eu des pressions, d'autres augmentations. Peut-être que d'autres indépendants dans mon secteur en ont eu. Nous, nous avons réussi à les combattre par le volume d'achats, le chiffre d'affaires et par pressions, etc. On a pu éviter une autre augmentation de 0,004 $. En tout cas, on leur a fait absorber en attendant la fin du décret. Est-ce qu'elle est en suspens pour le 16? Je ne sais pas. On verra le 16. En tout cas, on est resté avec l'augmentation de 0,012 $ plus le 0,008 $ avant le décret.

Le Président (M. Théorêt): M. Beauchamp veut ajouter à cela, M. le ministre.

M. Ciaccia: Certainement.

M. Beauchamp: Depuis le décret, M. le ministre, il y a eu le décret qui nous a forcés à baisser notre prix de détail de 0,017 $ le litre. Après cela, on a eu 0,012 $ le litre additionnel sur notre prix de base durant le décret. Cinq jours avant le décret, on a eu une augmentation de 0,008 $. Par contre, l'augmentation de 0,008 $ qu'on a eue cinq jours avant est un prix qui a été augmenté, mais de date. Je vais vous expliquer pourquoi. Ils nous avertissent le lundi: lundi prochain, dans huit jours, vous allez payer l'essence 0,008 $ de plus. Donc, si vous vous situez cinq jours avant votre décret, notre augmentation de 0,008 $ a eu lieu trois ou quatre jours après. Par contre, elle était officielle huit jours avant. On s'entend bien?

Durant le décret, on baisse notre prix de hausse de 0,017 $ le litre. Ils nous remontent encore le prix de base de 0,012 $. Au moment où je vous parle, sur mes factures depuis le décret, j'ai donc une différence de 0,037 $ chaque litre acheté au prix du gros. Par contre, mon prix de détail est demeuré le même.

M. Ciaccia: Comment a varié votre marge bénéficiaire entre décembre 1985 et mai 1987? Est-ce qu'elle a...

M. Beauchamp: Vous voulez dire la différence entré le prix de gros et le prix de détail.

M. Ciaccia: Votre marge à vous, votre marge bénéficiaire du grossiste.

M. Beauchamp: Brute. Vous voulez avoir brute?

M. Ciaccia: Comme vous voulez me la donner. Brute, oui, oui. Correct, brute. Donnez-la-moi brute.

M. Beauchamp: Disons brute.

M. Ciaccia: Donnez-la-moi brutalement.

M. Beauchamp: Si c'est dans nos propres stations personnelles, disons que cela peut aller à 0,08 $ le litre. Dans le brut, cela peut aller jusqu'à 0,08 $. Par contre, il y a le transport, il y a les 0,035 $ à 0,04 $ le litre qu'il faut que vous donniez au revendeur. Tout à l'heure, les multinationales ont parlé de 0,032 $. Mais 0,032 $, on sait ce que cela fait.

M. Ciaccia: Mais au mois de décembre 1985, vous avez une marge brute bénéficiaire. Vous dites qu'elle était de 0,08 $. Quelle était votre marge au mois de mai 1987? (16 h 15)

M. Beauchamp: 0,475 $.

M. Ciaccia: Cela, c'était avant le décret.

M. Beauchamp: Durant le décret.

M. Ciaccia: Durant le décret, elle a baissé, de 0,08 $ à 0,475 $.

M. Beauchamp: Oui. Elle est descendue de 0,037 $; elle est partie d'à peu près 0,08 $ et là je suis rendu à peu près à 0,0475 $.

M. Beauchamp: On a des revendeurs...

M. Ciaccia: Est-ce que voua m'affirmez qu'avant la baisse de la surtaxe...

M. Beauchamp: Pardon?

M. Ciaccia: Avant la baisse de la surtaxe...

M. Beauchamp: Oui.

M. Ciaccia: ...quelle était votre marge avant que le ministre des Finances annonce une baisse de 0,045 $?

M. Beauchamp: À quelle date?

M. Ciaccia: Le premier décembre 1985. Novembre 1985.

M. Beauchamp: Je ne voudrais pas vous induire en erreur. Je n'ai pas les chiffres exacts.

M. Ciaccia: Prenez votre temps. Ce n'est pas une question pour vous...

M. Beauchamp: Je comprends bien votre point de vue.

M. Ciaccia: À titre d'information comme cela, on va pouvoir arriver à des conclusions sur les travaux de...

M. Beauchamp: C'était près de 0,08 $ le litre.

M. Belzile: M. le ministre, si vous prenez une marge de 0,033 $, basée sur un prix de détail de 0,50 $, cela fait à peu près 7 %. Normalement, un indépendant avec tous les coûts, parce que c'est lui qui absorbe tout: le transport, l'achat du "trailer", du camion, 100 000 $, 150 000 $, les bâtisses et tout, on marche à peu près à 15 %. Cela prend cela parce que ce ne sont pas les compagnies qui fournissent les enseignes, les pompes, les réservoirs. On paie tout, comprenez-vous et on subit tout. S'il y a des malchances, on assure tout, etc. On se retourne, c'est notre opération à nous, on revend de l'essence à d'autres qui sont comme nous et on prend des profits disons de 0,01 $ le litre. On recharge le produit dans nos plans, on va le livrer disons à 25 ou 30 milles plus loin pour accommoder un vendeur indépendant qui, aujourd'hui, est encore plus affecté qu'on ne l'est parce que le décret a gelé notre marge de bénéfice normal. Cela fait que nous sommes désavantagés envers les majeurs, qui sont un peu morts de rire parce qu'on n'a plus d'avantages pour se battre contre eux parce que nous n'avons plus les prix pour leur vendre.

M. Ciaccia: Si vous pouviez me donner seulement des chiffres. Je voudrais avoir trois chiffres si c'est possible, si vous les avez. Votre marge bénéficiaire brute, en novembre 1985, votre marge bénéficiaire à la suite de la baisse de la taxe de 0,045 $.

M. Belzile: Je pourrais vous faire parvenir cela par lettre au plus tard lundi.

M. Ciaccia: J'apprécierais cela. Cela nous permettrait d'évaluer...

M. Belzile: Je vais vous faire parvenir une lettre, M. le ministre.

M. Ciaccia: Oui. Et aussi si vous pouviez nous donner la marge bénéficiaire après le décret. Ce sont trois marnes différentes.

M. Belziie: Après le décret, est-ce que vous me donnez un certain temps, quinze jours, pour voir la réaction du marché? Je ne sais pas ce que le marché va faire.

Le Président (M. Théorêt): Je voulais juste avoir un éclaircissement, M. le ministre, voulez-vous parler du décret qui expire là ou de celui que vous avez décrété?

M. Ciaccia: Le décret du mois de juin.

Le Président (M. Théorêt): Du mois de juin.

M. Ciaccia: Le décret du mois de juin, pas le...

M. Gauthier: M. le Président, je voudrais demander au ministre - il n'a sûrement pas d'objection - à ce que la lettre contenant des renseignements que M. Belziie doit envoyer parvienne à la commission pour que les membres puissent en avoir une copie.

M. Ciaccia: Aucune objection.

Le Président (M. Théorêt): Alors, M. le ministre, c'est la dernière question.

M. Ciaccia: Avez-vous l'impression que seules les pétrolières ont profité de la réduction de la taxe dans les régions périphériques pour augmenter leur marge de profit ou est-ce que les détaillants en ont profité aussi?

M. Belzile: Si c'est moi qui réponds, je vous dirais que les détaillants qui sont affichés des compagnies - on parle de Shell, Esso, etc. - n'ont été aucunement affectés, d'une façon ou d'une autre. La marge qui leur est allouée pour vendre de l'essence est à peu près régulièrement de 0,033 $, 0,034 $ le litre. Elle ne change pas. Si le prix du gros ou le prix du marché change en hausse ou en baisse, le revenu est le même. Par contre, ce n'est pas la même chose pour les indépendants.

M. Ciaccia: Vous affirmez dans votre mémoire que les pétrolières ont augmenté leurs prix à plusieurs reprises après l'abolition de la surtaxe, en décembre 1985. Autant que vous sachiez, pouvez-vous nous dire si ces hausses touchaient tous les détaillants ou seulement les indépendants?

M. Beauchamp: Je peux vous répondre. Oui, à ma connaissance et c'est curieux, ils ont augmenté le prix à peu près ou sensiblement du montant que le gouvernement a baissé. Je ne sais pas si c'est une coïncidence du marché, je n'ai pas les livres ou les données à vous fournir exactement, mais si c'est en raison du fait que le brut a bougé pour à peu près la valeur de la taxe que vous aviez enlevée, je peux vous assurer que, pas longtemps après, on s'est aperçu qu'on payait le même prix, même si la taxe était enlevée. C'est la question que vous m'avez posée? Le brut a augmenté. C'est cela, le prix de base a augmenté à peu près ou sensiblement du montant de la taxe que le gouvernement avait enlevée. Par contre, comme vous parlez de la taxe que vous enlevez, c'est le prix de base, "rack price", comme disait un monsieur tout à l'heure, qui a augmenté à peu près du même montant que vous aviez enlevé. Vous enlevez...

M. Ciaccia: Vous nous dites que les pétrolières vous ont augmenté le prix, après la baisse de la taxe, du montant de la taxe.

M. Beauchamp: Oui. Par contre, c'était peut-être justifié. Il s'agirait de voir le prix sur le marché européen ou américain ou à la Bourse de New York. Ce serait bien facile à vérifier. Par exemple, lundi dernier, le prix du baril était de 20,70 $ et, ce matin, il était de 18,70 $. Il y aura une baisse tout à l'heure; c'est certain. S'il n'y en a pas, on va se poser des questions. S'ils veulent augmenter leur prix, ils ont beau le faire, mais il va falloir qu'ils le baissent quand il baisse là-bas.

M. Belzile: Il va baisser aussi, le marché. C'est l'offre et la demande. C'est un marché. C'est comme le marché des patates et le marché du bois. Aujourd'hui, il y a le marché du bois, le marché du blé, le marché des légumes. Demain, on ne sait pas quel prix sera le pétrole.

M. Ciaccia: Vous nous dites qu'après la baisse de la taxe, le prix...

M. Beauchamp: Le prix de base a augmenté.

M. Ciaccia: ...a augmenté chez vous.

M. Belzile: Le pétrole brut a augmenté beaucoup.

M. Ciaccia: Vous dites que c'est peut-être justifié.

M. Belzile: Bien, c'est justifié...

M. Ciaccia: S'il n'y avait pas d'augmentation du prix...

M. Belzile: ...parce que le brut a baissé à environ 10 $ le baril pour augmenter ensuite à 18 $, 19 $. Il a augmenté jusqu'à 20 $. Par conséquent, les coûts ont augmenté. Par contre, il y a eu des augmentations de taxes aussi. Le fédérai a augmenté sa taxe d'accise, etc. Parfois, cela paraissait que c'étaient les compagnies, mais il y avait des taxes aussi.

M. Beauchamp: Je tiens à souligner que cette augmentation de la taxe était peut-être due depuis un certain temps, mais en raison du prix de base du brut et parce que le gouvernement a baissé la taxe de 0,045 $, eux autres ont eu la porte toute grande ouverte. Ils ont dit: On rentre dans le marché. Si vous augmentez la taxe, vous changez l'échelle de place et, au lieu d'enlever vos 0,045 $, vous en ajoutez un autre 0,045 $. Ils ne peuvent pas arriver avec une augmentation de 0,04 $ le litre de base. Cela aurait été ridicule. Là, la porte est ouverte et eux autres, ils rentrent dans le marché. Il y avait probablement une augmentation qui était due depuis quelque temps et, en baissant les tasses, eux autres, ils augmentent le prix de base... Le consommateur regarde le prix à la pompe: Ah, c'est correct, on ne paie pas plus cher. Par contre, la base avait bougé. Celui qui a perdu là-dedans, c'est le gouvernement. Il baisse de 0,045 $ le litre et le produit augmente du même montant.

M. Ciaccia: Cela n'est pas arrivé tout de suite. C'est arrivé seulement six mois après.

M. Beauchamp: Cela n'a pas pris de temps. Ils étaient aux nouvelles.

M. Ciaccia: Cela a commencé six mois après, peu à peu, petit à petit.

M. Belzile: Cela a été quand même, si vous regardez, une courbe qui suit l'augmentation des coûts du brut. Vous savez, ce sont des coincidences et, durant tout ce temps, le coût du brut augmentait. Cela aurait pu être le contraire. Si cela avait été le contraire, on ne serait pas ici à en discuter.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre, merci, M. le président.

Je vais maintenant céder la parole au critique officiel et député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer de façon particulière M. Belzile, M. Beauchamp qui viennent du comté de Roberval et qui représentent les gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean et distributeurs.

Il y a quelque chose que j'aimerais clarifier parce que le ministre a quand même posé pas mal de questions qui étaient restées un peu obscures dans le mémoire et qui apportent finalement un éclairage nouveau.

Concernant la question du prix du décret, si j'ai bien compris, un vendeur dans votre situation à Chicoutimi, par rapport à un vendeur à Dolbeau, dont vous êtes et qui est, pour ceux qui connaissent la géographie, un peu plus loin, était tenu de vendre le même prix qu'il payait à Chicoutimi mais vous avez dû assumer en surcroît du décret, puisqu'il ne tenait pas compte des sous-régions, dans la situation d'un revendeur comme vous autres, par rapport à votre collègue de Chicoutimi qui n'est guère mieux pris que vous, vous avez dû assumer un transport supplémentaire à vos frais. Ai-je bien compris ce que vous nous avez expliqué?

M. Belzile: M. Gauthier, d'abord il me fait plaisir que vous soyez l'intervenant qui me questionne. Je vous félicite parce qu'on est très fier de vous. On peut le dire au nom de beaucoup de gens et on est très très contents d'avoir à vous regarder et de vous écouter.

M. Gauthier: Mais vous me faites rougir et cela me dérange de rougir.

M. Belzile: Pour répondre à votre question, vous avez raison. Le décret fixait un prix sur ce qu'on appelle le point de chargement de Pointe-des-Islets-Chicoutimi qui était de 0,497 $. Cela a inclus la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est une vaste région, comme vous le savez vous-même. On doit assumer les coûts du transport du produit chez nous, à Dolbeau -encore qu'on le retransporte ensuite ailleurs si on le revend - pour le revendre au même prix qu'à Chicoutimi. On absorbe les coûts de transport.

M. Gauthier: Est-ce que je résume bien la situation - puisque je ne veux pas prolonger non plus la période de questions outre mesure, compte tenu des obligations qu'on a avec d'autres intervenants - en disant que, dans le fond, la position que vous nous présentez dans votre mémoire est de nous expliquer que dans tout ce complexe système de pétrolières, de détaillants et de concessionnaires et de vendeurs indépendants la catégorie de vendeurs indépendants dont vous êtes, la manière dont vous procédez en est une de gens qui ont littéralement été pris en sandwich, sans aucune espèce de possibilité de s'en sortir? J'explique davantage: Les pétrolières nous ont dit: De temps en temps quand nos gens criaient trop fort, on leur garantissait, on partageait avec eux la responsabilité du décret, le coût du décret. D'autres indépendants qui prennent ça hors-taxe ont la possibilité peut-être de mieux s'arranger, si je comprends bien, mais vous, dans la situation où vous êtes qui me semble un peu particulière comme revendeurs d'essence, vous n'aviez aucune espèce de possibilité de vous en sortir. Ce que je comprends de la lecture de votre mémoire c'est qu'un décret prolongé dans les conditions actuelles amènerait, sans l'ombre d'un doute,, la fermeture de vos portes. Est-ce que je vais trop loin ou est-ce que vous voulez nuancer ces propos?

M. Belzile: Je voudrais dire ici, parce que M. le ministre disait qu'on aurait dû réagir plus vite, qu'on est loin nous autres. La compagnie a quand même écrit une lettre à M. Ciaccia lui soulignant nos doléances. On a reçu la réponse, le 3 septembre, nous disant que notre cas serait étudié à la commission parlementaire. On a été sans nouvelle. (16 h 30)

M. Ciaccia: Excusez-moi, je n'ai pas compris. Je voudrais juste reprendre ça parce qu'on parlait à mon collègue. Qu'est-ce que vous venez de dire après le 3 septembre?

M. Belzile: J'ai écrit une lettre à votre bureau...

M. Ciaccia: À quelle date?

M. Belzile: ...à votre attention.

M. Ciaccia: À la fin d'août. Au mois d'août?

M. Belzile: Au mois de juillet. M. Ciaccia: Au mois de juillet. M. Belzile: Le 21 juillet.

Le Président (M. Théorêt): Vous pouvez demeurer assis, M. Belzile la secrétaire va voir...

M. Gauthier: La réponse est de quelle date?

M. Ciaccia: La réponse? 1er septembre.

M. Gauthier: 1er septembre. Ce n'est pas vite vite votre courrier, M. le ministre.

Alors je pense qu'on va reprendre le cours normal de nos travaux. Vous étiez à dire, M. Belzile, que, effectivement, vous avez signalé au ministre, au mois de juillet, la situation dans laquelle vous vous trouviez.

Vous avez eu la réponse en septembre, etc. mais vous alliez, je pense, continuer votre explication relativement à ma question alors j'aimerais que vous puissiez poursuivre.

M. Belzile: J'ai perdu un petit peu le fil. Il va falloir que vous me le reposiez, s'il vous plaît!

M. Gauthier: D'accord, vous étiez à nous expliquer.,.. Je vous demandais si j'interprétais mal votre mémoire en disant ceci; vous nous expliquez là-dedans que vous étiez pris en sandwich entre le décret du ministre et les fournisseurs de pétrole, que vous n'aviez aucune possibilité de vous en sortir autrement et que, si le décret était prolongé; si le ministre décidait aujourd'hui de prolonger le décret pendant six mois, que, pour vous autres, ça voudrait dire, à toutes fins utiles, que vous fermez vos portes, vous cessez de faire de la concurrence dans le domaine pétrolier au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Est-ce que je vais trop loin ou est-ce que ça reflète bien la réalité?

M. Belzile: Regardez, il faut quand même... Je vais être très honnête dans ma réponse, les Pétroles Beizile ont des ressources. Mais vous savez, quand la roue se met à tourner au ralenti, éventuellement ça deviendrait impossible de continuer, on deviendrait découragé parce que le moral...

M. Gauthier: En d'autres termes, M. Beizile, je sais à qui je m'adresse, le sens de ma question ce n'est pas tellement ça. Je sais que vous êtes en mesure, certaines de vos entreprises sont en mesure de supporter un fonctionnement à perte un certain temps, ce n'était pas là le sens de ma question.

M. Belzile: On est capable mais...

M. Gauthier: C'est qu'inévitablement, si vous faites des profits maintenant, à long terme ça vous amènerait, ou quelqu'un qui serait fragile, dans une situation financière plus fragile...

M. Beizile: Oui.

M. Gauthier: ...que vous ne l'êtes...

M. Belzile: Déjà, on avait des projets que l'on remet comme l'achat d'équipement, etc. On attend que le gouvernement prenne une position finale, si oui ou non il désirera prolonger le décret. On prendra d'autres décisions qui seront des décisions d'attente parce qu'il va falloir certainement...

M. Gauthier: D'accord.

M. Belzile: ...couper les dépenses...

M. Gauthier: Oui.

M. Belzile: ...et s'arranger pour...

M. Gauthier: D'accord. Alors pour ma part, disons que ça va. Je pense que le cri que vous avez présenté ici a été entendu par le ministre. J'ose croire qu'il pourra apporter, s'il décide de maintenir le décret, un correctif, peut-être un correctif rétroactif s'il s'apercevait qu'il y avait eu une injustice profonde de créée à l'endroit des indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Parce qu'on a souligné quand même, et je le fais en même temps en remarque finale à mon intervention, à moins que mon collègue n'ait des questions...

M. Claveau: Une petite question.

M. Gauthier: Je vais peut-être laisser mon collègue. Et je reviendrai pour les remarques finales tout à l'heure.

M. Claveau: Une question très technique, toute petite.

Le Président (M. Théorêt): D'accord. Parce que je venais d'en refuser une à M. le député de Frontenac. Elle est courte, s'il vous plaît! Je reviens à vous, M. le député de l'Ungava.

M. Lefebvre: M. Beizile ou Beauchamp, l'un ou l'autre, vous avez bien situé votre position à savoir que vous êtes en même temps acheteur et vendeur. Vous avez expliqué que vous n'aviez pas d'influence sur le prix du détail, le prix à la pompe. Est-ce que vous avez une capacité de magasiner auprès de pétrolières? Est-ce que vous êtes capables de "barguiner" - si vous voulez me passer l'expression - le prix d'achat de vos approvisionnements?

M. Belzile: Je vous dirais oui. On achète actuellement de trois pétrolières. On est des guidounes!

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Belzile: On essaie d'avoir les meilleurs prix.

M. Lefebvre: Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Moi, chez nous... Ha! Ha! Ha!

Des voix: Ha! Ha! Ha! M. Belzile: On achète...

M. Lefebvre: M. Bélisle, je m'excuse, vous ne parlez plus au député de Roberval.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Une voix: M. le Président!

Une voix: Il faut toujours penser que c'est enregistré.

M. Gauthier: Vous voyez comment... D'abord, je voudrais soulever une question de privilège, tout de même. Les gens auront compris que c'est dans le langage coloré et déterminé des gens du Lac-Saint-Jean que ce terme s'est glissé dans la bouche de M. Belzile.

Une voix: Bien sûr.

M. Gauthier: Mais je ne voudrais pas que le député de Frontenac...

M. Lefebvre: Ce n'est pas du tout sérieux, M. le Président.

M. Gauthier: ...tire de conclusions. C'est vrai que vous êtes surpris de voir qu'un membre de notre côté pourrait être traité comme cela. Mais, quand même, ce n'était pas le cas. Et ce n'est pas ce que M. Belzile a voulu faire, et pas à votre endroit non plus, je ne penserais pas en tout cas.

M. Lefebvre: C'était une boutade, M. Belzile. Je ne pense pas du tout ce que j'ai dit.

M. Belzile: Ce que je voulais dire, c'est qu'on achète des "pines". Pour nous, une "pine", c'est un dixième. On dit: Tu es deux "pines" de trop, il faudrait que tu nous baisses de deux "pines". On achète des prix et on revend des prix. On achète des piastres et on revend des piastres. On achète toujours au meilleur prix. Si on entend dire qu'il y en a un autre qui a un meilleur prix ailleurs à Victoriaville ou à Drummondviile, on lui téléphone et on lui demande: Quels sont tes prix pour livrer à La Tuque? Fais-nous des prix. Alors, on achète ces prix qui sont bons, à des conditions qui sont valables pour nous. Il y en a qui n'ont pas de conditions, alors on n'achète pas.

M. Lefebvre: M. Belzile, j'aurais d'autres questions à vous poser...

Le Président (M. Théorêt): Non, je regrette, M. le député de Frontenac...

M. Lefebvre: Après 18 heures.

Le Président (M. Théorêt): Je vais maintenant céder la parole au député d'Ungava pour une dernière question.

M. Claveau: Merci, M. le Président. MM. Belzile et Beauchamp, tous les deux, vous connaissez bien le secteur de Chapais-Chibougamau pour y tenir, ou y avoir déjà tenu des stations d'essence. J'aimerais que vous nous précisiez, pour l'information des membres de la commission, le plus clairement possible combien cela coûte de transporter un litre d'essence entre Saint-Félicien et Chibougamau.

M. Belzile: Les taux entre Pointe-des-Islets... C'est toujours du point de chargement au point de livraison. On ne parle pas d'intermédiaire parce que, là, vous transbordez un produit qui coûte encore des "pines", comme on dit. De Chicoutimi à Pointe-des-Islets - à peu près de l'autre côté de Chicoutimi - à Chibougamau, 0,017 $ le litre, c'est à peu près cela. Il y a 250 milles, cela veut dire 500 milles, aller-retour.

M. Claveau: Ce chiffre se vérifie, je suppose. Cela veut dire à peu près le même coût au mille pour l'ensemble du Québec. Cela doit être à peu près la même chose.

M. Belzile: C'est à peu près...

M. Claveau: Je vous remercie bien.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, monsieur. M. le critique officiel de l'Opposition, pour vos conclusions.

M. Gauthier: Oui. Je voudrais remercier mes deux concitoyens qui ont pris la peine de travailler sérieusement leur mémoire et de présenter à la commission un point de vue tout à fait différent de ce qui avait été entendu jusqu'à présent, puisque leur situation est nettement différente, à la lumière des informations qu'ils nous ont données.

Effectivement, le décret a créé certains problèmes, tout en permettant évidemment aux citoyens d'être avantagés sur le plan financier. Il a quand même créé des problèmes auprès des distributeurs indépendants. Or, on a appris que l'élément majeur qui permettait d'assurer un prix convenable pour les produits pétroliers à nos concitoyens, c'est le fait qu'il y ait une concurrence saine, mais vigoureuse dans les milieux. Or, on a identifié aussi que les indépendants, à cet égard, malgré leur petite taille face aux pétrolières, jouent un rôle extrêmement important, un rôle que j'oserais qualifier de chien de garde en quelque sorte du marché pétrolier puisqu'il leur arrive dans certains cas de déclencher des guerres de prix ou, encore, au moins de baliser, même si ce n'est peut-être pas toujours le cas, un peu le prix du pétrole. Cela fait un intervenant de plus et on nous a expliqué depuis deux jours, tout le monde est d'accord là-dessus, que c'est l'ensemble des intervenants qui finissent par déterminer le prix en fixant les uns et les autres et en s'appuyant les uns

sur les autres.

Or, les indépendants là-dedans on un rôle extrêmement important, beaucoup plus important sur le plan relatif que leur taille ne leur donnerait normalement comme rôle. En ce sens, soyez assurés que la formation politique que je représente ici va faire tout en son possible pour que, lorsque le ministre prendra ses décisions à l'avenir, comme je l'avais fait à l'Assemblée nationale au moment où le ministre avait déposé son décret... J'avais eu le souci d'indiquer au ministre que les détaillants indépendants entre autres risquaient de payer la note. Je l'avais indiqué au ministre è l'Assemblée nationale le ou vers le 18 juin. Effectivement, c'est le cas.

Malheureusement, vous avez payé la note et d'autres, qui sont des distributeurs mais qui ne sont pas des indépendants au même titre que vous autres, ont payé la note et c'est regrettable. C'est très regrettable parce que, dans le fond, le décret visait à redonner aux gens leur argent et visait à ie reprendre là où il était disparu et non pas le reprendre dans les mains de personnes qui n'avaient peut-être rien à voir avec cette récupération.

Dans ce sens, je ferai en sorte, au nom de ma formation politique, de prévenir le ministre de surveiller, disons-le, c'est notre rôle d'Opposition, pour que les prochaines décisions qui seront prises tiennent compte des indépendants, de la survie des distributeurs d'essence, des petits distributeurs dans chacune des régions du Québec. Maintenant que votre lettre s'est rendue et que votre demande s'est rendue à la bonne place, soyez assurés qu'on va suivre de très près la résolution du problème.

Malgré les compliments que vous m'avez faits au début, je me permettrai de vous faire un petit reproche. Votre député aurait certainement été très efficace dans ce dossier si vous vous étiez donné la peine, à ce moment-là, de venir, parce que je rencontre mon ami, le ministre de l'Énergie et des Ressources, très régulièrement et il m'arrive de différer d'opinion avec lui. Alors, c'aurait été une occasion de plus mais c'aurait peut-être été à votre avantage cette fois.

Je vous remercie et vous souhaite un excellent voyage de retour au Lac-Saint-Jean.

M. Belzile: Merci, M. Gauthier. Le message a été bien compris.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. ie député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Dans le même bon esprit, je pourrais vous suggérer qu'à l'avenir, vous pourriez peut-être envoyer une copie de vos lettres au député de Roberval pour qu'il soit au courant de vos représentations.

Je veux vous remercier pour votre mémoire, pour les éléments que vous avez portés à notre attention. Vous m'aviez mentionné au début dans votre intervention qu'à Montréal, maintenant, la différence du prix entre Montréal et votre région est plus que la baisse de taxe de 0,045 $. On m'informe que la différence entre votre région et Montréal, le prix à la pompe qui a été fixé par ie décret pour votre région est de 0,497 $ le litre.

M. Beauchamp: Je m'excuse. C'est 0,494 $ chez moi.

M. Ciaccia: Pour quel grade d'essence? M. Beauchamp: Pour le régulier.

M. Belzile: Ce qu'on appelle la gazoline ordinaire.

M. Ciaccia: Non, non, non. Excusez. Le montant de 0,497 $, c'est le décret. Le prix qui est affiché, c'est 0,494 $. Si vous lisez le décret, le décret précise 0,497 $ mais le prix affiché dans la région est de 0,494 $.

M. Beauchamp: Est-ce que le représentant de la compagnie Shell est encore présent ici? J'ai un dépanneur libre-service Shell en face de chez moi et on a mis le même prix que lui à 0,0494 $.

M. Ciaccia: II y a eu un rajustement de la taxe d'accise que vous n'étiez pas obligés...

M. Belzile: Si c'est une taxe d'accise, c'est un rabais de la taxe.

M. Ciaccia: Oui, oui. Mais vous n'étiez pas obligés de la transmettre à la pompe mais vous l'avez fait. Au nom des consommateurs du Lac-Saint-Jean, je vous remercie. Mais vous vendez présentement moins cher que le décret.

M. Beauchamp: M. le ministre, quand je me suis mis à 0,497 $ il y a un représentant du gouvernement qui est venu chez moi et m'a forcé à baisser mon prix à 0,494 $.

M. Ciaccia: Je vais m'enquérir là-dessus parce que les informations que j'ai c'est que le décret de 0,497 $...

M. Beauchamp: Remarquez bien que lui aussi était assez mêlé la journée où il est venu. (16 h 45)

M. Ciaccia: En tout cas, je vais vérifier ce que vous venez de dire.

M. Belzile: Normalement, M. le

ministre...

M. Ciaccia: Mais de toute façon, le prix à Montréal est de 0,538 $, il y a une différence de 0,039 $. Il n'y a pas une différence de plus de 0,045 $.

M. Belzile: Vous avez quand même dans la zone de la Mauricie la gazoline qui se vend actuellement au-dessus de 0,56 $ à Shawinigan. On parle de Montréal mais, on parle aussi de la région de la Mauricie.

M. Ciaccia: Vous allez m'excuser. M. le Président me rappelle que le temps est écoulé. Je voulais juste faire ces points-là à la suite des affirmations que vous avez faites. Finalement, si je vous ai bien suivi, vous opérez à la fois comme grossistes, "jobbers" et comme indépendants au détail. Alors, dans ce cas, j'aimerais rappeler pour le bénéfice de tous ici l'évolution de la marge de profit des détaillants au Lac-Saint-Jean parce que vous, vous avez deux chapeaux, vous êtes grossiste et détaillant.

La marge brute des détaillants en novembre 1985, la moyenne était de 0,035 $ le litre, avant la baisse de la taxe. Après la baisse de la taxe, la marge moyenne des détaillants était de 0,047 $ et aujourd'hui, avec les décrets, la marge est de 0,043 $ le litre. Je pense qu'il faut situer vos représentations et la situation de "jobber" dans ce contexte-là. De toute façon, nous reconnaissons l'importance des "jobbers" au Québec, l'importance dans la concurrence qui doit exister et nous allons porter une attention très particulière à vos commentaires. Merci beaucoup!

Le Président (M. Théorêt): Alors, messieurs, les membres de la commission vous remercient de votre présence et vous souhaitent un bon voyage de retour au Lac-Saint-Jean.

M. Belzile: Merci aux membres de la commission, à M. le ministre et à vous, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Je demanderais maintenant aux représentants de l'Association des services de l'automobile de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît!

M. Lemay, si vous voulez bien, dans un premier temps, nous présenter les collègues qui vous accompagnent. Je vous rappelle également que vous avez un maximum de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Nous vous écoutons.

Association des services de l'automobile Inc.

M. Lemay (Pierre): Merci, M. le Président.

À ma droite, vous avez le premier vice-président de l'association, M. Denis Bergeron, qui est également un détaillant indépendant et qui a été dans le passé un détaillant d'une compagnie majeure; à ma gauche, le deuxième vice-président de l'association, qui est actuellement un détaillant avec une compagnie majeure, M. Claude Decelles.

Je commence immédiatement la présentation de mon mémoire.

Mieux connue sous l'abbréviation ASA, notre association a résulté de la fusion de trois associations existantes en 1968. Incorporée en vertu de la troisième partie de la loi des compagnies, l'ASA regroupe principalement des opérateurs de stations-service et situe son action à deux paliers: la représentation de ses membres et la protection du public.

Comprenant que les problèmes de l'industrie pétrolière n'étaient pas uniques au Québec, l'association décidait en 1983 de se regrouper avec ses collègues des autres provinces sous l'Association nationale des métiers de l'automobile du Canada, qui participa à l'enquête Stoner de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, sur l'état de la concurrence dans l'industrie pétrolière canadienne.

La raison qui a poussé le gouvernement à étudier en commission parlementaire le respect des objectifs des mesures d'aide aux régions périphériques résulte de l'insuccès du programme lancé le 18 décembre 1985. Deux coupables ont été clairement identifiés par le gouvernement: les pétrolières et les détaillants.

Afin de bien comprendre le geste de chacun, nous croyons qu'il serait important de regarder d'abord la position de ces deux parties afin de réfléchir sur cet événement et de tenter de découvrir la cause réelle du problème et d'y apporter une solution.

M. le Président, nous n'avons pas la prétention de pouvoir sortir toute la vérité sur l'industrie de la distribution pétrolière dans ce mémoire de quelques pages, alors que la Commission sur les pratiques restrictives du commerce n'a pas complètement réussi à le faire après treize années d'enquête.

Pour ce qui est des pétrolières qui, dans notre langage, sont des "majeures", c'est-à-dire des gens qui font du raffinage de pétrole, au Québec comme partout ailleurs au Canada, le domaine de la distribution de l'industrie pétrolière est dominé par un petit groupe de compagnies pétrolières, chacune ayant une taille gigantesque. Par le passé surnommées les sept soeurs - aujourd'hui, elles ne sont que six - ces compagnies sont toujours considérées, partout où elles font affaire, comme étant les décideurs de l'industrie pétrolière.

Actuellement, M. le Président, ces

compagnies contrôlent 80 % des ventes d'essence au Québec et au Canada. Pour confirmer cette affirmation, voici ce que déclarait l'enquête Stoner ou une partie, devrais-je dire, de l'enquête Stoner: "Bien que la commission ait eu, par les années passées, l'occasion de se pencher sur certaines industries de très grande envergure, nulle ne possédait la complexité, la volatilité, la taille et l'influence de l'industrie pétrolière."

Le Québec devait également se rendre compte de la complexité des compagnies pétrolières lors de sa propre enquête du groupe de travail sur le prix des carburants qui a été lancée en 1984, è la suite de la fameuse baisse de 0,04 $ de la taxe ascenceur du gouvernement de l'époque qui a été reprise par la suite par les pétrolières. Je pense que tout le monde s'en souvient et quelqu'un l'a mentionné tantôt. Dans ce rapport, à la page 75, sous le titre "La rentabilité", on dit ceci: "Un des éléments du mandat confié au groupe de travail sur le prix des carburants est d'examiner et de faire rapport sur les mesures à prendre pour s'assurer d'un juste prix de l'essence au Québec. Compte tenu de l'étroite relation entre juste prix et rentabilité, il aurait été essentiel d'examiner et de comparer les profits réalisés par les compagnies pétrolières sur les ventes d'essence qu'elles effectuent au Québec et dans les autres provinces canadiennes. "En raison des particularités de l'industrie pétrolière où l'intégration verticale domine et où il est très difficile (certains disent même impossible) de déterminer le prix de revient de chacun des produits du raffinage du pétrole, il n'a pas été possible d'effectuer une analyse de rentabilité des ventes d'essence."

On n'avait donc pas les bons chiffres pour prendre des décisions. Alors, la vérité est toute autre que ce qu'on a pu découvrir jusqu'à maintenant.

Grâce à la taiie et à l'influence de ces multinationales, les gouvernements, et surtout le fédéral depuis quelques années, ont aidé financièrement, de façon régulière, ces compagnies. On n'a qu'à penser à la déréglementation qui a éliminé une partie importante de la taxe fédérale au profit de ces compagnies, aux nombreuses subventions pour la recherche - on mentionne pour l'année financière 1986-1987 un montant de 350 000 000 $ - et, dernièrement, à l'élimination de la taxe sur les recettes pétrolières et gazières, pour ne nommer que ces points-là car il y en a une liste beaucoup plus longue que cela.

Bien que ces compagnies ont soif de profits et que le marché leur a causé certains problèmes ici et là, aucune n'a été acculée à la faillite, tout au plus certaines années ont été moins profitables que d'autres.

Pour ce qui est des détaillants maintenant, pour tenter de comprendre la position du détaillant dans le conflit qui nous touche présentement, il est impartant de le bien situer.

Nonobstant la situation géographique particulière des détaillants en périphérie - le sujet principal aujourd'hui - qui voient parfois leur clientèle traverser la frontière pour faire le plein d'essence, les détaillants du Québec se ressemblent tous. On les retrouve dans quatre grands marchés principaux, c'est-à-dire les stations-service où on donne le plein service de la gazoline, le libre-service où le client doit se servir lui-même, le poste d'essence qui ne donne que le service de la gazoline et pas le service de la réparation et les lave-autos.

Pour ce qui est des années 1984 et 1985, on constate que 1880 stations-service, sur un total d'environ 3000 établissements, connaissaient un changement d'exploitant, terme que l'on connaît mieux dans notre langage: "turn over". C'est-à-dire que près des deux tiers - et, ça, c'est énorme - ont été forcés de quitter le marché. La cause principale, M. le Président, c'est la non-rentabilité» Facile à comprendre lorsqu'on constate qu'en 1975 un opérateur de station-service obtenait un profit brut de 0,0334 $ le litre et qu'en 1986 le même opérateur n'obtenait plus que 0,0324 $ le litre. Tantôt, le représentant de Shell nous disait 0,034 $; j'accepte cela. Pour deux dixièmes de différence, on ne se chicanera pas aujourd'hui.

Alors, temporairement, il est arrivé quelque chose d'extraordinaire, jusqu'à ce que le gouvernement découvre que la taxe qu'on voulait donner aux consommateurs allait aux détaillants. On a remarqué... Un détaillant, entre autres - j'ai vu cela à la télévision, il y avait un reportage formidable - se trouvait vraiment volé parce qu'il disait: Écoutez, moi, je faisais des bons profits depuis deux ans, c'est-à-dire environ 0,075 $ le litre et, maintenant, je suis obligé de faire seulement 0,032 $ le litre. Il ne se souvenait pas, lui, que tout le reste du Québec était à 0,032 $ le litre depuis bien longtemps.

Alors, pendant que le coût d'opération augmentait pour la station-service, on diminuait son profit et ce, pendant onze années de file. Pour l'aider davantage, depuis les onze dernières années, les pétrolières ont modifié leur approche - on appelle ça les lois du marché - en délaissant la station-service pour le libre-service. En fait, de 1974 à 1980, on a encouragé la prolifération des libre-service dont le nombre est passé de 1,5 à 2,7 fois plus grand que les stations-service pour cette période-là. Aujourd'hui, c'est une réussite totale pour les compagnies majeures puisqu'un libre-service, aujourd'hui, vend en moyenne 20 884 hectolitres dans une

année alors qu'une station-service qui, dans le passé, vendait presque la majorité de la gazoline ne vend plus que 8678 hectolitres-année.

Donc, on installe des libre-service qui compétitionnent les stations-service. Mais je pose la question: Quelle sorte de compétition, alors, qu'une compagnie majeure a une marge de profits de 0,165 $ et le détaillant, seulement 0,034 $? On augmente le marketing au libre-service; ensuite, on force le détaillant de la station-service à offrir son essence a 0,005 $ le litre plus cher que le libre-service et, finalement, dans le but apparemment de l'encourager, on le soumet également au traitement d'objets promotionnels toujours aux frais de la station-service.

Enfin, Mme la Présidente - on a changé, je m'excuse - n'ayant pas treize années devant nous pour revoir tous les autres aspects du problème de la rentabilité du détaillant, il ne faut pas se surprendre si quelques-uns ont pu profiter d'une occasion pour se refaire financièrement après une attente de onze ans sans augmentation des profits sur l'essence.

Étrangement, d'après notre association, le problème qu'on croit être seulement au niveau de la périphérie, pour le détaillant, il existe partout au Québec, pour ne pas dire dans le Canada entier.

Pour ce qui est du consommateur, nous devons savoir, Mme la Présidente, qu'à partir du moment où on achète une automobile on devient l'esclave de l'essence et de son fabricant. Avec l'apparition du libre-service, on a noté moins de points de vente, donc moins de services. N'ayant pas les services, on néglige l'aspect maintenance des voitures; donc, les voitures sont moins sécuritaires. Nous devons nous rappeler que, ne fût-ce qu'un pneu mal gonflé sur une voiture, si on a à freiner à haute vitesse sur une autoroute, c'est le décor qui nous attend et peut-être notre vie et la vie d'autres personnes.

Le consommateur a donc vu le prix de l'essence au Québec passer de 0,157 $ le litre en 1975 à 0,583 $ le litre en 1985, soit près de 400 % d'augmentation en dix ans. Alors que Terre-Neuve détenait le premier rang au Canada pour le prix de l'essence au détail le plus élevé depuis quelques années, c'est le Québec maintenant qui détient cette position peu enviable sur le continent depuis quelques mois. Alors, l'aide du gouvernement de 0,045 $ le litre pour la région périphérique aurait probablement aidé certains consommateurs, si l'aide s'était vraiment fait sentir à la pompe. (17 heures)

Si cette réduction avait été réelle, elle aurait été bénéfique pour les gens dans les régions périphériques, mais elle n'aurait quand même pas aidé le consommateur qui, lui, demeure près de la frontière américaine où on achète l'essence presque à demi-prix par rapport au Québec, les 0,045 $ le litre n'étant pas suffisants pour l'empêcher d'aller faire un petit tour à la frontière pour faire le plein d'essence.

Le même phénomène, quoique moins voyant, existe aussi à la frontière de l'Ontario. Alors, soyons réalistes. L'automobile est devenue, avec les années, un besoin essentiel pour la plupart des consommateurs automobilistes. Impuissants devant ces multinationales et la machine gouvernementale, ils se demandent, entre autres, pourquoi, lors de la baisse du prix international du pétrole brut pendant l'année 1986, certaines compagnies ont connu des baisses de 0,17 $ à la pompe tandis qu'au Québec le prix a seulement baissé de 0,094 $ le litre. Pourtant, on parle du même prix du brut international.

En 1985, l'ASA a présenté une pétition et a reçu l'appui de 65 771 automobilistes qui en avaient marre du problème et qui réclamaient une régie des prix de l'essence pour contrer une partie de ce problème.

Actuellement, la question touche les consommateurs dans les régions périphériques. Cependant, nous croyons, Mme la Présidente, qu'il serait injuste de régler le problème de l'un sans régler le problème de l'autre puisque, indépendamment de l'endroit où se situe le consommateur au Québec, il paie son essence le plus cher au Canada et, selon nous, tous les consommateurs ont les mêmes droits.

Le point de vue de l'association. On a été surpris de la décision du ministre de l'Énergie et des Ressources, M. John Ciaccia, et on a approuvé son geste de régir temporairement le prix de l'essence dans les régions concernées. Jamais on n'aurait pensé qu'un gouvernement aurait osé affronter les multinationales si ouvertement. Je pense que c'est une première au Canada. Ce récent événement a permis aux autorités en place de prendre les coupables la main dans le sac sans avoir à enquêter pendant treize ans. Ce geste nous permet de penser qu'il existe peut-être au Québec une justice pour les gros autant que pour les petits.

Cela dit, le problème qui nous concerne, consommateurs et détaillants, comporte deux volets: la protection du consommateur québécois quant au prix qu'il doit payer pour son essence et la survie de la PME, la plus grande créatrice d'emplois dans l'industrie pétrolière.

Le Québec étant le deuxième plus grand consommateur de pétrole au Canada, il devrait voir son pouvoir d'achat se refléter à la pompe au bénéfice des consommateurs. Cependant, la surtaxe provinciale de 0,06 $ le litre, le surplus des profits des pétrolières en rapport avec l'Ontario, qui est près de 0,03 $, et l'insuffisance de production

pétrolière québécoise depuis la fermeture de la raffinerie Gulf, à Montréal, sont autant de facteurs qui pénalisent le consommateur aussi bien dans les régions périphériques qu'ailleurs au Québec. Le détaillant ne peut rivaliser sur le marché du détail avec son fabricant, pas plus que ne le pourrait un concessionnaire automobile: par exemple, si GM décidait, demain matin, de s'occuper du marché du détail et coupait les profits de ses concessionnaires pendant onze ans., Bref? le système actuel est inadéquat pour le consommateur et le détaillant.

Notre recommandation. Afin de corriger une situation qui existe depuis trop longtemps, partout où les pétrolières exercent leur influence, nous recommandons, avec l'appui de toutes les associations de détaillants du Canada et à l'image de nos voisins américains qui réglaient leur problème le 17 juin dernier dans le Nevada, qui a été le neuvième État à appliquer ce genre de mesures, l'application de la réglementation que nous appelons le détail aux détaillants, une mesure qui pourrait créer un minimum de 3000 emplois directs au Québec. Le détail aux détaillants, le nom qu'on lui a donné, serait une réclamation législative pour la survie des détaillants d'essence au Québec et un meilleur contrôle des prix.

Nous le définissons comme suit: Détail aux détaillants se définit comme étant la séparation de toutes les compagnies d'huile majeures ou, si vous préférez, raffineurs, de toute opération et/ou encore contrôle direct ou indirect de quelque centre de détail que ce soit de produits pétroliers fabriqués par ceux-ci. Évidemment, vous comprendrez que les pétrolières sont contre ce genre de projet de loi et vont utiliser tous leurs pouvoirs pour faire en sorte qu'il ne soit jamais adopté, mais elles ont oublié que nous sommes encore vivants.

Aux États-Unis, par exemple, les raffineurs disent que la loi du détail aux détaillants, qu'on appelle là-bas le "Total Divorcement Law", est anticoncurrentielle. Cependant, M. le Président, cette déclaration a été fortement contredite, premièrement, par le comité judiciaire du Sénat américain qui a admis que cette loi qui a vu le jour au Maryland a permis aux détaillants de baisser leurs prix à la consommation. Plus encore, une nouvelle étude, celle-là menée par le Maryland lui-même, a démontré hors de tout doute que les consommateurs avaient épargné quelque 117 000 000 $ à cause de cette loi du détail aux détaillants. L'étude du Maryland et celle du Sénat ont toutes les deux rejeté les résultats donnés par une enquête privée demandée par les compagnies pétrolières, à savoir que cette loi avait causé une montée des prix de l'essence.

Pour garantir le succès de ce genre de loi, il sera évidemment nécessaire de suivre certaines mesures de sécurité parce que, comme on l'a dit, les pétrolières vont tout tenter pour essayer de contrer ce genre de projet. Une des choses importantes serait le droit de premier refus de la vente de stations-service par les compagnies. Il y a une clause qu'on avait incluse et qu'on peut rejeter maintenant parce que la loi C-91 du gouvernement fédéral a réglé ce problème-là, c'est-à-dire que jadis une clause interdisait la vente de produits pétroliers lorsqu'on achetait une station-service d'une compagnie pétrolière et, maintenant, c'est réglé.

Aussi, pour éviter une hausse artificielle des évaluations du marché, un comité d'arbitrage pourrait être mandaté pour ce faire. Cela existe dans d'autres provinces. M. le ministre a mentionné la Nouvelle-Écosse tantôt. C'est une des provinces.

La procédure d'arbitrage usuelle, qui consiste en la désignation d'un évaluateur indépendant pour chaque partie et d'un troisième choisi par les deux parties, devra être employée pour être sûr d'une justice complète pendant toute la durée de l'établissement de la loi.

Toute forme de contrôle, telle la consignation, devra être bannie également parce que cela donne un plus gros monopole aux pétrolières.

De façon à assurer une offre compétitive et indépendante efficace, une procédure d'arbitrage sera requise pour les locataires détaillants pour régler les disputes reliées au contrat de location de même qu'un terme minimal de location qui devra être défini. D'ailleurs, en 1982, au moment où l'association décrétait une grève générale dans le Québec, je pense que tout le monde s'en souvient, les fonctionnaires du ministère avaient écrit un contrat type merveilleux mais qui est resté sous la poussière depuis ce temps-là.

Une deuxième chose importante, selon nous, serait l'établissement d'un prix à la raffinerie qui se définirait comme étant l'établissement d'un prix compétitif pour les différentes qualités d'essence à la raffinerie qui est le même en tout temps pour tout achat de gasoline, indépendamment du type de clientèle, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

L'établissement d'un prix à la raffinerie remplacerait tout autre prix du gros en vigueur, qu'on l'appelle le "tank wagon" ou "transfer price" - on a voulu mêler tout le monde dans cette histoire-là. Cette méthode éliminerait une fois pour toutes l'historique forme de discrimination arbitraire dans l'application des prix à la source d'approvisionnement.

Le détail aux détaillants, de même que le prix à la raffinerie, illlustre très clairement pour nous l'évidence que l'un ne peut exister sans l'autre comme solution indépendante. L'intégration verticale

historique indique clairement qu'ils ne doivent faire qu'un et doivent être lus comme un ensemble.

On voit évidemment le portrait de Petro-Canada, qui nous appartient, ainsi que de toutes les compagnies de la couronne reliées à l'industrie du pétrole. Nous demandons qu'elles soient assujetties aux mêmes réglementations et lois qui gouverneront tous les autres participants de l'industrie canadienne du pétrole.

Le mémoire présenté à la commission Stoner indique que les amendements proposés ne seraient pas suffisants pour enrayer les pratiques de coalition dans l'industrie future, si on se guide sur l'expérience passée de la conduite des compagnies pétrolières.

Une section en particulier serait requise pour expliquer la différenciation des prix. Ainsi, l'ASA préconise la création d'une régie des prix de l'essence, tel que recommandé lors du rapport du groupe de travail sur les prix des carburants au Québec, ou encore un système tel qu'appliqué en Nouvelle-Écosse, comme l'a mentionné tantôt le ministre John Ciaccia. C'est la fin de mon mémoire.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président.

Je cède maintenant la parole au ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. Lemay, pour la présentation de votre mémoire. Comme vous le savez, un des buts de la commission est de chercher les moyens pour en arriver à maintenir les objectifs de notre gouvernement qui étaient de réduire la taxe sur les carburants, le prix de l'essence, et que le bénéfice puisse aller aux consommateurs.

J'aimerais être certain de bien comprendre le sens de vos recommandations. Pourriez-vous m'expliquer brièvement, expliquer à la commission parlementaire ce que vous entendez par "le détail aux détaillants"?

M. Lemay: Certainement. C'est le nom que nous lui avons donné ici, parce qu'aux Etats-Unis la même loi s'applique dans neuf États, actuellement et le nom qu'on lui donne, c'est le "Total Divorcement Law". Très rapidement, ce que cela veut dire, c'est l'élimination complète des compagnies raffineurs de pétrole du marché du détail. Il est impossible qu'un détaillant puisse concurrencer avec son propre fabricant. Cela ne se fait pas.

M. Ciaccia: Vous dites que le "Total Divorcement Law" veut dire que la compagnie pétrolière n'est pas dans le détail.

M. Lemay: Exact. Ce qui est le cas présentement, par exemple, avec les libre-service.

M. Ciaccia: Est-ce que le libre-service... Je vais revenir au libre-service après. Attendez un peu.

M. Lemay: Pas de problème.

M. Ciaccia: Alors, cela veut dire que même au Maryland, par exemple, la propriété des installations ou la bâtisse peut appartenir à la compagnie pétrolière.

M. Lemay: Selon les États, M. le ministre, il y a des petites différences dans la loi. Il y a certains États qui ont réussi à obtenir un minimum de propriétés pour les compagnies pétrolières. Si je regarde la dernière qui vient d'y passer, le Nevada, les compagnies pétrolières ont obtenu le droit à 28 points de vente dans tout l'État. Ce n'est pas énorme.

M. Ciaccia: Mais est-ce qu'elles ont obtenu le droit à des points de vente pour fonctionner elles-mêmes?

M. Lemay: Dans ces 28, oui.

M. Ciaccia: Oui. Mais est-ce qu'au Maryland, par exemple...

M. Lemay: Oui.

M. Ciaccia: ...elles n'ont pas le droit d'être propriétaires de toutes les installations? Je vais vous citer, par exemple, la loi du Maryland, le "Maryland Divorcement Law" qui dit après le 1er juillet 1974 aucun producteur ou raffineur de produits pétroliers ne peut ouvrir une station-service et l'exploiter autrement que par un locataire. Après le 1er juillet, aucun producteur ou raffineur de produits pétroliers ne peut exploiter une station-service autrement que par un locataire.

M. Lemay: C'est exact.

M. Ciaccia: Bon. Cela veut dire que la compagnie est propriétaire de l'édifice et il y a des locataires.

M. Lemay: Actuellement, oui.

M. Ciaccia: Cela, c'est le "Divorcement Law" du Maryland.

M. Lemay: Oui mais, comme vous l'avez dit dans le dernier article, tantôt...

M. Ciaccia: N'est-ce pas la situation... Excusez-moi. Je vais vous laisser finir.

M. Lemay: Oui, oui. Parce que, tantôt, vous avez mentionné deux étapes. La première étape était que, d'abord, la compagnie n'avait plus le droit, de par la

loi, d'en construire d'autres. C'était là la première étape. La deuxième étape, c'était que les compagnies n'avaient plus le droit d'exploiter. Cela veut dire qu'il y a eu une étape - si je me rappelle bien, je pense que c'est trois ans - où les compagnies pétrolières ont dû revendre toutes leurs propriétés à l'entreprise privée

M. Ciaccia: Ce n'est pas ma façon de comprendre la loi mais peut-être que»..

M. Lemay: Mais c'est la façon selon laquelle elle a été appliquée.

M. Ciaccia: Parce que ouvrir, ce n'est pas construire. En tout cas.

M. Lemay: Exact. Oui, oui, oui.

M. Ciaccia: Peut-être que vous pourriez me clarifier cela. De la façon qu'on m'a expliqué cela, il y a une différence entre "total divorcement" et "total divestiture".

M. Lemay: Exact.

M. Ciaccia: Dans aucun État américain existe le "Total Divestiture".

M. Lemay: Non.

M. Ciaccia: II y a le "Total Divorcement".

M. Lemay: Exact. Dans neuf États seulement, jusqu'à maintenant.

M. Ciaccia: D'accord, dans neuf États. M. Lemay: Oui.

M. Ciaccia: Et le "Total Divorcement" n'empêche pas une compagnie pétrolière d'être propriétaire de l'édifice.

M. Lemay: Cependant, elles ont droit à un minimum décidé lors des ententes, des négociations. C'est différent d'un État à l'autre. Les neuf États ne sont pas tous pareils.

M. Ciaccia: D'accord. En tout cas, prenons celui du Maryland. Maryland ne semble pas avoir de restrictions en termes de propriétés.

M. Lemay: Si je me rappelle, les pétrolières ont eu le droit d'opérer seulement 3 % des stations-service.

M. Ciaccia: Mais quand vous dites "opérer", cela veut dire les exploiter elles-mêmes.

M. Lemay: Oui. Cela veut dire qu'elles sont propriétaires et elles les exploitent. M. Ciaccia: Elles les exploitent. M. Lemay: Exact.

M. Ciaccia: D'accord. Je veux arriver à la situation où la compagnie est propriétaire, mais ne l'exploite pas. Autrement dit, la compagnie est locataire. Cela, c'est le "divorcement".

M. Lemay: Encore une fois, on parle seulement du Maryland.

M. Ciaccia: Oui, oui, du Maryland.

M. Lemay: Mais il y a des petites différences d'un État â l'autre.

M. Ciaccia: D'accord, prenez le Maryland. Alors, si je prends cette situation où la compagnie est propriétaire...

M. Lemay: Oui.

M. Ciaccia: Et il y a un locataire.

M. Lemay: Oui.

M. Ciaccia: N'est-ce pas la situation qui existe maintenant dans les régions périphériques? (17 h 15)

M. Lemay: Là, on s'embarque dans un débat qui est long. Parfois oui, parfois non. Vous savez, l'industrie pétrolière, c'est très complexe. On en a parlé pendant treize ans et on ne sait pas encore où on en est rendu. Présentement, il existe plusieurs... On va essayer de définir cela facilement. Quand on parle d'une compagnie qui est propriétaire, on peut considérer qu'elle est propriétaire de l'essence et des réservoirs, mais pas de la bâtisse, comme elle peut être propriétaire de la bâtisse et des réservoirs d'essence, comme elle peut être propriétaire seulement du fonctionnement. Cela mélange bien des choses, mais, en fait, c'est ce qui se produit actuellement. En périphérie, il peut exister des gens que nous appelons des locataires. Quand on appelle une personne "locataire", dans notre langage à nous, c'est qu'habituellement la station appartient à une autre personne que la personne qui l'exploite. Cela peut être une compagnie pétrolière comme un propriétaire indépendant. Alors, les situations sont... C'est pour cela que ce n'est pas vrai qu'il y a juste une sorte de station qui est exploitée. Quand on les regarde de l'extérieur, elles ont toutes la même figure. Elles ont toutes les mêmes enseignes.

M. Ciaccia: D'après votre connaissance des détaillants au Québec, y a-t-il

proportionnellement plus de détaillants propriétaires dans les régions périphériques que dans les centres urbains?

M. Lemay: D'après les statisques du Québec qu'on nous donne, effectivement, il y a plus d'indépendants à l'extérieur des grands centres que dans les grands centres.

M. Ciaccia: Est-ce que cela a eu une influence sur la situation des prix en région?

M. Lemay: II n'y aura jamais d'influence parce que, quoi qu'on regarde dans le portrait de l'industrie pétrolière au Québec et même au Canada, on se rend compte que les compagnies pétrolières contrôlent 90 % des ventes au détail. Alors, que je sois n'importe où au Québec ou au Canada, je suis tout le temps soumis à la loi du marché des pétrolières, entre guillemets.

M. Ciaccia: On n'a pas trop de temps parce qu'on est limité.

M. Lemay: Oui.

M. Ciaccia: Mais je voudrais savoir la différence - peut-être pouvez-vous m'envoyer de la documentation là-dessus - qui existe entre la situation du Maryland, où une compagnie est propriétaire d'un édifice et il y a un locataire, et la situation au Québec où, dans 80 % des cas, la compagnie est propriétaire et il y a un locataire.

M. Lemay: Je peux vous donner cette différence très rapidement, comme cela, pour vous permettre de comprendre un autre point important et où on veut aller avec cela. Par exemple, au Maryland, si je suis avec Shell, même si la bâtisse appartient à la compagnie Shell - en le supposant et suivant votre exemple - j'ai quand même le libre loisir d'acheter de Texaco ou d'Esso.

M. Ciaccia: Je vais essayer de comprendre cela. Alors, vous dites qu'au Maryland je vais avoir une enseigne Shell...

M. Lemay: Shell, c'est cela.

M. Ciaccia: ...et je vais acheter de Texaco.

M. Lemay: C'est cela. Et, en dessous de mon enseigne, par exemple, si j'ai acheté de Texaco, ce sera écrit: "Today, I am selling Texaco gazoline".

M. Ciaccia: Oui, mais là... C'est intéressant, cela.

Une voix: C'est fort!

M. Ciaccia: Oui, cela, c'est fort. Vous êtes certain que c'est cela? Oui?

M. Lemay: Oui, oui. À ce moment-là, cela permet vraiment au détaillant d'avoir le libre accès au marché. Depuis tantôt, les gens ont parlé d'un libre marché. Il n'est pas libre, le marché. Tout le monde est confiné. Il y a 90 % des ventes d'essence qui sont contrôlées par les pétrolières. Il n'y en a pas, de marché.

M. Ciaccia: Mais, ce que vous venez de me décrire, ce n'est pas le "divorcement", c'est le "open supply provision". Ce sont deux choses différentes. Le "divorcement", la façon dont je le comprends... Peut-être qu'on n'aura pas tout le temps ici de faire le débat.

M. Lemay: Effectivement.

M. Ciaccia: Le "divorcement", c'est quand la compagnie pétrolière n'exploite pas elle-même.

M. Lemay: C'est exact.

M. Ciaccia: Elle peut avoir un locataire. Et c'est cela qu'on a dans 80 % des cas au Québec. Et ce que vous venez de décrire, c'est le "open supply provision" qui est totalement à part du "divorcement". C'est autre chose. Vous pouvez avoir un "open supply provision" sans "divorcement" ou vice versa.

M. Lemay: Mais dans la plupart des cas où il y a le "divorcement", aux États-Unis, souvent, ils ont cette clause où le type peut acheter où il veut. Si ce n'est pas au Maryland, M. le ministre, c'est peut-être dans un autre État membre. Mais je sais que dans les États qui ont des "divorcement", pas tous ont cette possibilité, mais je pense qu'il y en a cinq ou six qu'ils l'ont...

M. Ciaccia: On essaie de chercher des formules. J'aimerais bien en trouver une qui pourrait répondre aux attentes de tous les intervenants. Cela protégerait le consommateur et les détaillants. Cela n'empêche pas les compagnies pétrolières...

M. Lemay: Ah non! II faut que tout le monde fasse de l'argent, on est d'accord avec cela.

M. Ciaccia: C'est pour cela que j'essaie de comprendre...

M. Lemay: Vous savez, M. le ministre...

M. Ciaccia: ...votre proposition. Je ne vois pas de différence entre ce que vous proposez comme "divorcement" et ce qui existe dans 80 % des cas au Québec et

certainement, dans la plupart des cas, dans les régions périphériques. La question que je voulais poser c'est: Comment les mesures que vous mettez de l'avant en termes de "divorcement" contribueront-elles à faire baisser les prix de l'essence dans les régions périphériques si déjà dans les régions périphériques, on a le "divorcement"?

M. Lemay: C'est parce que si vous remarquez dans notre mémoire, nous, on a profité du fait qu'il y avait un problème dans les régions périphériques pour vous mentionner qu'il y a un problème pas seulement en périphérie, mais dans tout le Québec. C'est pour cela qu'on profite de l'occasion pour pouvoir aider parce que le problème du pétrole, il existe partout. Enfin, nous, c'est comme cela qu'on le comprend et c'est comme cela qu'on essaie de défendre notre point aujourd'hui.

M. Ciaccia: Alors, votre proposition n'est pas nécessairement...

M. Lemay: ...unique ou périphérique.

M. Ciaccia: ...une réponse pour les régions périphériques. Vous portez à notre attention des problèmes "at large".

M. Lemay: Oui.

M. Ciaccia: Mais, encore une fois, je veux que vous pensiez à la confusion que j'ai avec des termes comme "divorcement". Je ne vois pas de différence et je suis prêt à obtenir des représentations de vous à cet effet.

M. Lemay: J'espère!

M. Ciaccia: Oui, oui, je ne vois pas de différence entre "divorcement", tel que vous le définissez et tel que cela existe au Maryland, et la situation dans 30 % et plus des cas au Québec. Même dans le libre-service, il peut y avoir des locataires, il peut y avoir des ententes, alors cela entre carrément dans les termes du "divorcement" du Maryland. Un libre-service se conformerait à la loi du "divorcement" du Maryland. Je ne voudrais pas légiférer pour répéter quelque chose qui existe déjà. Le but d'une loi, c'est d'essayer de faire des changements, des améliorations mais, entre la façon dont vous décrivez le "divorcement" et ce qui existe au Québec, je ne vois pas vraiment de différence.

Cela ne veut pas dire que toutes les autres suggestions, les autres griefs que vous apportez ne sont pas exacts. Vous pouvez avoir ces griefs en termes de détaillants, en termes de "open supply provision" et le reste mais, sur le point du "divorcement"...

M. Lemay: J'aimerais qu'on puisse se rencontrer là-dessus et, si vous voulez, on pourrait se rencontrer avec le représentant des provinces, il y aurait beaucoup plus d'informations à aller chercher.

M. Ciaccia: Très bien.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Je veux juste porter à votre attention, M. Lemay, que si vous faisiez parvenir par écrit les renseignements supplémentaires au ministre, vous pourriez les envoyer également au secrétariat de la commission puisque cela intéresse tous les membres de la commission, bien sûr.

M. le député de Roberval et critique officiel.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je remercie les représentants de l'Association des services de l'automobile de la préparation et de la présentation de leur mémoire ici aujourd'hui.

Une couple de petites questions. Il y a quand même beaucoup de contenu dans votre mémoire, il y a des choses pour le moins surprenantes en tout cas, des solutions de nature à régler davantage, comme vous l'avez souligné, que le problème auquel s'intéressait la commission a priori. Il y a une chose que j'ai de la misère à comprendre et c'est la suivante. Durant les deux jours qu'on a été ici, il y a une chose sur laquelle tout le monde a été unanime, sauf peut-être vous, et vous allez me l'expliquer - peut-être que j'ai mal interprété - c'est ceci. Les indépendants qui sont venus juste avant vous ont dit: M. le ministre, enlevez-nous le décret, on étouffe. Les compagnies pétrolières sont venues ici et ont dit: M. le ministre, enlevez-nous le décret parce que nos détaillants crient un peu partout et il faut leur garantir une marge de profit minimale pour leur permettre de fonctionner; sauf les consommateurs, évidemment, les représentants d'associations de consommateurs qui souhaitaient et qui envisageaient davantage l'aspect du consommateur, qui ne regardaient pas tellement l'avantage des gens qui sont dans le domaine du pétrole. Or, vous, vous avez présenté vos collègues tout à l'heure, qui sont des gens qui vendent de l'essence à des consommateurs, et vous réclamez la fixation d'un prix par le gouvernement.

J'ai de la misère - j'imagine que vous allez me l'expliquer - à comprendre que pour les détaillants des compagnies pétrolières dont monsieur est, pour les indépendants dont monsieur est, que ce soit étouffant pour tout le monde et que vous nous disiez que cela prendrait cela. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vos deux collègues et les gens que vous regroupez vont faire pour prendre leurs profits si le ministre maintient

un prix?

M. Lemay: Si je peux m'exprimer. Quand les gens ont parlé d'étouffement tantôt, c'est parce qu'ils se trouvaient en périphérie et que ces gens, pendant deux ans, ont profité d'un profit décent pour administrer une station-service, c'est-à-dire autour de 0,07 $ le litre. Là, du jour au lendemain, on donne un décret où on coupe le prix de 0,045 $. On a coupé les profits de ces gens-là de 0,045 $. Là, on les étouffe. Mais ce à quoi on n'a pas pensé, c'est que les autres gens du Québec, comme mes deux copains ici à côté, et tous les autres qui ne sont pas en périphérie, ils ont toujours été à 0,032 $ le litre. Depuis dix ans. C'est impensable dans une société comme la nôtre. Toute personne qui a un commerce se doit, à toutes les années, de subir des hausses, des hausses de salaire, de taxe, d'électricité, de téléphone, etc. Ces gens-là, en périphérie, ont fait une belle vie pendant deux ans, c'est normal qu'ils soient étouffés aujourd'hui, on leur enlève 0,045 $ le litre. Ils n'aiment pas celai

M. Gauthier: Je voudrais d'abord souligner au ministre que les 20 000 000 $ qu'il cherche sont peut-être passés là! En tout cas, on nous l'apprend.

M. Lemay: Ils le savent.

M. Gauthier: Mais il y a quand même une chose que je voudrais faire éclaircir. Au-delà du fait qu'il y a eu ou qu'il n'y a pas eu une marge de profits plus importante dans la périphérie ou dans la ville, je voudrais savoir en quoi une fixation du prix par une structure autre que les forces du marché, avec la possibilité qui existe toujours pour les pétrolières, puisque je ne pense pas qu'on soit en Russie, d'ajuster leurs prix en fonction de ce que cela leur coûte... Je voudrais connaître votre position d'indépendant ou de distributeur là-dessus. Cela vous enlève de la marge de manoeuvre. Ce qu'on nous a expliqué - en tout cas, c'est ce que j'ai compris de la commission, à moins que je n'aie rien compris - c'est que quand le vendeur, celui qui distribue, est limité dans le prix et qu'en dessous la base varie, les gens du Lac-Saint-Jean nous expliquaient très bien tantôt que la personne qui est entre deux - c'est vous autres, cela -est mal prise. En quoi pouvez-vous souhaiter être mal pris?

M. Lemay: Premièrement, nous ne sommes pas des revendeurs, nous sommes des détaillants d'essence: les derniers au bout, avec la pompe dans les mains, on sert les clients. D'accord? Quand nous parlons d'une possibilité de régie des prix de l'essence ou d'un système comme il en existe en

Nouvelle-Ecosse et qu'on appelle le "Public Utility Board", ces gens-là, à la régie - c'est le nom que je lui donne parce que je ne connais pas d'autres mots - prévoient un profit décent pour le détaillant et non pas le profit actuel.

M. Gauthier: D'accord. Une partie de votre explication m'avait échappé.

M. Lemay: Comme je le disais tantôt, c'est très complexe et ce n'est pas aujourd'hui qu'on peut régler tout ce qu'on pense pouvoir faire.

M. Gauthier: D'accord. Non. Je comprends. Je viens de comprendre un peu mieux votre explication. La seule chose, c'est que... Maintenant, je vais me placer du point de vue du consommateur. J'ai vu des compagnies pétrolières - je prête évidemment foi, dans une certaine mesure, à ce qu'elles nous ont dit - nous dire: Le rendement sur mon capital investi n'est pas riche. Les détaillants d'essence nous disent: Le rendement sur nos investissements dans nos stations-service n'est pas riche. C'est ce que je comprends. Et le consommateur dit: L'essence est trop chère. Ne craignez-vous pas que si les gens qui vendent, les revendeurs, ceux qui distribuent l'essence aux consommateurs, participent à une régie et se mettent à justifier que par rapport à l'ensemble des stations-service, les installations, cela prendrait un profit légitime de 0,07 $... Vous avez parlé tantôt de 0,06 $ à 0,07 $ dans les régions périphériques en disant que c'était un profit honnête. Les pétrolières vont faire à peu près la même chose, j'imagine; elles vont dire: Investir de l'argent à 3 % ou 4 %, nous ne sommes pas intéressées à le faire. Cela nous prendrait bien 10 %. Et si j'étais pris pour juger, j'aurais envie de leur dire qu'ils ont raison parce que, quand j'investis de l'argent chez eux, je veux bien que cela profite. Donc, en additionnant vos demandes légitimes, les demandes légitimes des pétrolières, le prix du brut, le coût des salaires pour le raffinage, etc., les taxes, ne craignez-vous pas que le consommateur se ramasse, finalement, avec l'effet contraire, c'est-à-dire que le prix fixé soit très élevé? N'est-ce pas une crainte que vous avez? (17 h 30)

M. Lemay: C'est exact. C'est une crainte qu'on a et c'est pour cela que cela prend un organisme quelconque, qu'on l'appelle régie ou autrement, le nom m'importe peu pour l'instant, mais cela prend un contrôle quelconque pour faire en sorte que ni l'un ni l'autre n'abuse du système. C'est ce qui se passe en Nouvelle-Écosse. Regardez le prix, en Nouvelle-Écosse, au consommateur dont vous me parliez. Il paie aujourd'hui 0,474 $. Pourtant, à Montréal, on

paie encore 0,54 $. Et tout le monde vit bien en Nouvelle-Écosse. Je peux vou3 dire que mon détaillant fait un meilleur profit en Nouvelle-Écosse qu'il n'en fait ici, à Montréal. Et les pétrolières ont l'air de bien vivre; elles ne se plaignent pas.

M. Gauthier: Évidemment, il y a des éléments qui sont différents. Mais je comprends votre explication.

Autre question et dernière question., Vous avez parlé de l'avantage de fixer un prix de l'essence à la raffinerie. Je voudrais savoir en quoi les citoyens, qui sont ceux pour qui, finalement, on est réuni ici parce qu'on s'est aperçu qu'ils avaient été lésés d'une taxe que le gouvernement remettait ou voulait leur voir remettre par le biais du commerce de l'essence, auraient-ils la garantie d'avoir un juste prix, un meilleur prix pour davantage profiter des générosités du gouvernement en fixant un prix à la raffinerie? On a vu aussi, au cours des consultations, que certains détaillants d'essence - peut-être légitimement ou non, je ne porte pas de jugement de valeur - ont accaparé une part de la baisse de la taxe, dans certains cas. En quoi le prix à la raffinerie changerait-il la situation qu'on essaie de corriger ici, aujourd'hui?

M. Lemay: D'accord. Je peux vous donner un exemple rapidement. Rappelons-nous le 11 novembre 1983, alors que le ministre Parizeau avait baissé la taxe ascenseur de 0,04 $. Deux semaines après, le prix a remonté encore de 0,04 $. Tout de suite, on a dit: Bien quoi, ce sont les détaillants qui ont augmenté le prix. Les deux détaillants qui sont ici pourront vous le confirmer, on a toujours l'impression - tout le monde dit cela du côté des pétrolières, évidemment - que ce sont les détaillants qui fixent les prix. Je pourrais dire quelque chose de pas gentil, mais je ne le dirai pas. Écoutez, quand mon détaillant fait 0,03 $, si, ce matin, l'essence, à la raffinerie, se vend 0,51 $, moi, j'ai 0,03 $ de profit et je vais la vendre 0,54 $. Mais si la raffinerie la vend 0,57 $ demain matin, est-ce que je vais la vendre 0,57 $. Il faut bien que j'aie 0,03 $ de profit là-dessus. C'est toujours la raffinerie qui décide des prix; ce n'est pas nous.

M. Gauthier: Je comprends, monsieur, mais si le prix est fixé à la raffinerie et qu'elle se vend 0,50 $ à la raffinerie, pour faire un chiffre rond, il n'y a rien qui vous empêche de prendre 0,03 $, cela fait 0,53 $. Votre voisin, qui a peut-être la conscience un peu plus large ou le budget un peu plus élastique, pourrait décider de l'acheter 0,50 $ et la vendre 0,58 $. S'il s'adonne à être seul dans la municipalité Machin-Chouette et qu'il n'a pas de concurrence ou s'il a un autre concurrent et qu'il s'entend avec lui pour dire "On va vendre 0,58 $", en quoi le fait de contraindre les pétrolières à un prix à la raffinerie sans jeu possible nous donne-t-il plus de garanties que le jeu de la hausse ou de la baisse ne se fera pas, mais cette fois exclusivement par les détaillants? Est-ce qu'il y a une garantie ou si vous pensez que les détaillants sont simplement, de façon générale, plus....

Une voix: Désintéressés.

M. Gauthier: ...désintéressés que les pétrolières sur ce plan ou plus intéressés au consommateur?

M. Lemay: Non. Écoutez, quand on est dans le commerce, on est là pour faire de l'argentc Bien sûr, s'il y a une possibilité, on va la prendre. C'est pour cela qu'on dit toujours, dans notre mémoire, que cela prend une certaine forme de contrôle quelque part. Jusqu'à maintenant, tout ce qu'on a essayé, en tout cas ici, cela n'a pas fonctionné. Ce qu'on a essayé en Nouvelle-Écosse, cela fonctionne. Il y a un certain contrôle. Et la chose qu'on n'est pas encore capable de contrôler en Nouvelle-Écosse, c'est le monopole des compagnies pétrolières qui, bien qu'elles disent le contraire - c'est normal qu'elles disent le contraire - fixent les prix sur le marché. Alors, nous prétendons -on peut se tromper, remarquez - que si on pouvait le contrôler de leur côté à partir de raffinerie...

Le prix international, on a vu ce qui s'est passé et on n'a pas pu le contrôler non plus. Et je ne pense pas qu'un jour on sera capable de le contrôler. C'est vraiment très complexe. Mais on pense qu'il serait plus simple de le contrôler à partir de la raffinerie et que le reste des échelons à partir du consommateur, selon nous, devrait être plus simple aussi à contrôler. Si on décide d'embarquer dans la barque des pétrolières, on l'a vu... Tout le monde a essayé de contrôler les prix des pétrolières. On ne peut pas les contrôler, elles ne veulent pas nous montrer leurs livres. Elles nous montrent les livres qu'elles veulent et ce ne sont pas les chiffres qu'on veut. Si on ne peut pas avoir les posssibilités légales ou autres d'aller fouiller dans les bons livres des compagnies pétrolières, fonctionnons à partir des prix qu'on connaît. Les autres, on ne les connaît pas et on ne peut pas les connaître, elles ne veulent pas nous les montrer.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Lemay. Je vais maintenant céder la parole au député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Merci, M. le Président. Une brève question. Vous semblez un peu dur envers les détaillants des régions

périphériques en disant qu'ils ont bien beau chialer et crier, ils ont fait 0,07 $ le litre pendant X temps et vos copains, entre autres, font 0,034 $ ou 0,03 $ dans les régions peut-être urbaines. Maintenant, n'est-il pas vrai que, pour ces gens qui font 0,07 $ ou '0,06 $ le litre dans les régions périphériques, il y a beaucoup moins de volume avec relativement les mêmes dépenses?

M. Lemay: Ah oui!

M. Farrah: Par exemple, le pompiste qui travaille pour nous à la station service, qu'il serve 100 voitures ou 50 voitures dans la même journée, il faut le payer quand même. À ce moment-là, c'est relatif. On peut peut-être faire 0,034 $ le litre à Montréal et on fait peut-être 0,07 $ le litre dans une région périphérique, mais si je vends des milliers de litres de plus dans un centre urbain, à ce moment-là, je pense qu'il est peut-être normal que le profit soit plus bas au litre. Par contre, il est bien évident que cela ne justifie pas non plus un profit anormal ou surélevé dans les régions périphériques. Je pense qu'il a lieu de croire, qu'il y a lieu d'imaginer, et c'est normal, que la marge de profits soit plus élevée en régions périphériques qu'en régions urbaines.

M. Lemay: C'est exact. C'est d'ailleurs ce qui se passe en Nouvelle-Écosse - on l'a mentionné tantôt - avec le "Public Utility Board". Les profits ne sont pas les mêmes partout, mais il n'y a pas d'écart de 0,04 $, quand même, d'un endroit à l'autre. Les gens qui sont plus loin des centres ont un meilleur profit que ceux qui sont plus près des centres parce que le volume est pris en conséquence.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Alors, M. le député d'Ungava pour une question également.

M. Claveau: Oui, M. le Président. Vous avez dit tout à l'heure - c'est à peu près dans la même lancée que mon collègue des Îles-de-ia-Madeleine - qu'en région il y a des détaillants qui se faisaient 0,07 $, 0,075 $ le litre et qu'ils étaient chanceux. Et, maintenant que le gouvernement a coupé de 0,045 $ le litre, ils crient parce qu'ils sont revenus à un profit plus bas.

M. Lemay: C'est cela.

M. Claveau: Je ne sais pas si on interprète cela de la même façon, mais les 0,045 $ le litre ou les 0,0445 $ le litre -enfin, cela joue là-dedans - pour l'essence régulière sans plomb, si on a coupé, à mon avis, ce n'est pas dans le revenu du détaillant ou dans sa marge de profits, mais c'est dans la marge de profits du gouvernement, c'est dans les taxes gouvernementales. À ce moment-là, cela ne devrait pas affecter sa marge de profits.

M. Lemay: Et pourtant, cela l'a affectée dans les deux dernières années, avant le mois de juin, le décret.

M. Claveau: Ah oui! D'accord.

M. Lemay: Et M. le ministre peut vous le prouver.

M. Claveau: En fait, en décembre 1985, il y a eu une baisse de 0,045 $, mettons.

M. Lemay: Oui.

M. Claveau: Mais, à ce moment-là, entre le 31 novembre 1985 et le 1er ou le 10 décembre, il y a eu une différence dans la taxation, mais le profit du détaillant était le même. Le profit n'a pas bougé. S'il a bougé, c'est parce qu'il a récupéré ensuite une certaine partie de ces 0,045 $ et qu'il a été obligé de les enlever à nouveau avec le décret du mois de juin.

M. Lemay: Ce qui est arrivé, c'est que, voyez-vous, les forces du marché - entre parenthèses, pour moi, ce sont les pétrolières; ce sont elles qui ont le contrôle, elles ont 90 % du contrôle - dans le territoire... Quand le prix a augmenté, le détaillant qui est à côté d'une pétrolière qui a un libre-service - il n'est pas fou - l'a monté lui aussi et il a gardé un petite manoeuvre, juste concurrencer, jusqu'à ce qu'il gobe en entier les 0,045 $ qu'on a voulu donner au consommateur. Cela s'est fait graduellement, non pas du jour au lendemain. Cela s'est fait graduellement et personne n'a vu cela. Et personne n'a vu non plus, quand on a baissé la taxe ascenseur de 0,04 $ en 1983, que cela a augmenté d'un coup. La preuve, c'est que ce n'est pas encore réglé.

M. Claveau: Mais ce je veux dire par ma question, c'est que ce n'est pas cela qui a modifié la marge de manoeuvre du détaillant, le profit du détaillant.

M. Lemay: Cela s'est ajouté à la marge de manoeuvre qui était donnée par les pétrolières, effectivement.

M. Claveau: Monsieur a demandé la parole.

Le Président (M. Théorêt): M. Decelles, un dernier commentaire, si vous voulez. Allez, je vous écoute.

M. Decelles (Claude): Oui, pour

répondre à M. le député, nous, les détaillants, nos taxes sont payées avant même de vendre le produit. Comprenez-vous? À ce moment-là, si on a payé 0,144 $ le litre et qu'il y a eu une augmentation de taxes, on va en bénéficier. S'il y a eu une diminution, on va perdre. On paie la taxe avant même de vendre le produit. C'est cela qui fait la grosse différence entre ces marges de profits.

Et pour répondre à M. le ministre qui disait tantôt que les pétrolières ne détenaient que 20 % seulement dans les zones périphériques, c'est normal parce qu'elles n'ont pas de marché là et elles n'ont pas de profit à aller chercher là. C'est dans les centres urbains qu'elles vont chercher leurs profits.

Le député des Îles-de-la-Madeleine disait tantôt: Elles vont chercher des profits additionnels dans les zones périphériques. Oui, mais dans ces régions on vend deux fois et trois fois moins que dans les zones urbaines. C'est pour cela que les pétrolières ne sont pas intéressées à aller dans les zones périphériques, il n'y a pas d'argent à faire là. La majeure partie de l'argent, c'est dans les grands centres, Montréal, Québec, dans les grands centres urbains qu'elles la font. Dans les banlieues, elles ne veulent rien savoir, elles mettent des locataires là-dedans, puis débrouillez-vous avec le peu de manoeuvre que vous avez. C'est comme cela qu'elles procèdent.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Decelles. Si j'ai bien compris votre intervention, chaque fois qu'il y a eu une augmentation des taxes, vous en profitiez; donc, durant les dernières années, cela a dû être bon parce qu'il y a eu beaucoup plus d'augmentations que de diminutions.

Je cède maintenant la parole à M. le critique officiel de l'Opposition.

M. Gauthier: M. le Président, j'apprécie votre objectivité de président. Soyez sûr qu'on prend bonne note de vos remarques*

Je vais simplement remercier les gens. Le temps commence à fuir passablement vite et il y a d'autres personnes à entendre. Je limiterai mes remarques finales à vous remercier d'avoir pris la peine de préparer et de venir assister à cette commission parlementaire, d'avoir présenté ce mémoire et d'avoir répondu à nos questions avec tous les renseignements que vous pouviez nous livrer à ce moment-là. Je vous remercie au nom de ma formation politique.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le critique officiel.

M. le ministre.

M. Ciaccia: Je voudrais remercier l'Association des services de l'automobile du

Québec pour son mémoire. Vous aviez mentionné qu'au Québec on paie le litre d'essence au taux le plus cher au Canada. Je vourais juste porter à votre attention qu'avec les décrets les consommateurs du Lac-Saint-Jean paient moins cher, avec taxe, qu'à Vancouver, Montréal, Charlottetown et Saint-Jean, Terre-Neuve. Au Lac-Saint-Jean, cela se situe à 0,497 $ le litre et la moyenne canadienne est de 0,486 $ le litre; cela, c'est avec taxe.

Cependant, je veux vous remercier pour vos propos et les éléments que vous avez portés à notre attention. J'apprécierais avoir plus d'informations ou une clarification sur les termes du "Divorcement Law". Nous allons prendre note de ce que vous avez porté à notre attention. Merci!

Le Président (M. Théorêt) Merci et bon voyage de retour. Le temps d'inviter le groupe suivant, c'est-à-dire Suncor Inc. (Sunoco), à se présenter à l'avant, nous allons suspendre pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 17 h 45)

Le Président (M. Théorêt): Madame et messieurs, au nom de la commission je vous souhaite la bienvenue à cette consultation. Je vous demanderais, dans un premier temps, de vous identifier et je vous rappellerais également que vous avez un maximum de vingt minutes pour faire votre intervention.

Suncor Inc.

M. Kahalé (Georges): Merci, M. le Président. Mon nom est Georges Kahalé. Je suis chef de région, vente au détail du Québec. À ma droite, M. John Manion, vice-président du marketing au détail pour Suncor, et, à mon extrême droite, Mme Ginette Michalk, conseillère juridique. Je vais faire la présentation, M. Manion ne parlant pas français, mais si, durant la période de questions, il y a des questions qui lui sont dirigées je me ferai un plaisir de les traduire pour la commission.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie.

M. Kahalé: Je vais présenter Suncor Inc. ainsi que Sunoco au Québec, je vais donner un aperçu de l'industrie, du prix de détail de l'essence ainsi que les recommandations de notre compagnie à la commission.

Le gouvernement du Québec a manifesté la volonté de venir en aide aux régions périphériques de la province de Québec. Suncor Inc. se réjouit d'avoir

l'occasion de présenter son opinion à la commission de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale du Québec. Sunoco Inc. tient tout d'abord à préciser qu'elle gère seulement deux stations-service situées dans des régions périphériques et ne possède aucun établissement dans ces secteurs. La société n'est, par conséquent, pas touchée de façon considérable par les mesures adoptées récemment par le gouvernement afin de réglementer le prix de l'essence dans ces régions.

Suncor dirige son exploitation en fonction des objectifs qui suivent: Suncor est une société pétrolière intégrée canadienne, composée d'employés professionnels et dévoués qui servent les clients et la communauté d'une manière exceptionnelle, améliorent les actifs des actionnaires et fournissent un rendement supérieur à celui des compétiteurs.

À ce titre, ia société estime qu'il est de ses responsabilités de présenter son opinion sur ces mesures et de participer à un franc dialogue avec la commission. Suncor estime que ces entretiens peuvent conduire à des mesures qui assureront à la fois l'établissement d'un marché ouvert et la fourniture d'un appui et d'une aide aux résidents des régions périphériques.

Un bref aperçu sur Suncor Inc. Suncor est une société appartenant essentiellement à Sun Company de Radnor, en Pennsylvanie, et à la Ontario Energy Resources Ltd., une société commerciale appartenant de façon indirecte à la province de l'Ontario.

Suncor, en sa qualité de société pétrolière entièrement intégrée, effectue des travaux d'exploration et de production de pétrole brut, de gaz naturel et de liquides de gaz naturel. Elle produit également du pétrole brut synthétique et assure le raffinage, la distribution et la mise en marché de produits pétroliers et pétrochimiques.

La société est divisée en trois groupes opérationnels: le groupe des ressources, dont les bureaux principaux sont situés à Calgary, le groupe des sables bitumineux, dont les bureaux se trouvent à Fort McMurray, et le groupe Sunoco qui dirige les activités de raffinage et de marketing de Suncor. Elle emploie près de 4000 personnes au Canada. Enfin, son siège social est à Toronto.

Sunoco au Québec. Sunoco assure la commercialisation des carburants à l'échelle régionale, principalement sur les marchés du Québec et de l'Ontario. Ses activités de vente d'essence au détail au Québec sont menées par le biais d'un réseau de 233 stations-service; 173 de ces établissements affichent la marque Sunoco et 60 autres sont gérés par Sunoco pour le compte d'autres entreprises, incluant deux stations situées dans les régions périphériques.

Suncor assure la commercialisation du mazout domestique au Québec, en grande partie par l'intermédiaire de distributeurs de mazout indépendants. Elle exploite aussi des usines de mélange et de conditionnement de lubrifiants à Montréal et à Toronto, et les produits fabriqués sont vendus dans tout le pays.

Par l'ensemble de ses activités directes, de celles de ses filiales et de ses détaillants, Sunoco fournit de l'emploi à plus de 1000 personnes dans la province de Québec.

Enfin, entre 1980 et 1987, Suncor a consacré 16 500 000 $ à des projets d'investissement au Québec, y compris de nouvelles constructions, des projets de revalorisation et de remplacement des réservoirs de stockage souterrains, etc.

Un bref aperçu de l'industrie. Tandis que Suncor investissait 16 500 000 $ afin d'améliorer les services existant au Québec, la demande intérieure globale du Canada en matière de produits pétroliers a diminué de près de 24 % et la demande du Québec a baissé de 39 %. Au cours de la même période, les produits d'exploitation provenant du raffinage et du marketing en aval n'ont pour ainsi dire pas augmenté, reflétant ainsi la chute marquée de la demande.

Le rendement du capital utilisé au sein de l'industrie pétrolière en aval, bien qu'à la hausse depuis peu, est demeuré plus faible que le rendement tiré des industries de fabrication. Ce phénomène s'est manifesté de façon plus particulière en Ontario, où un prix anormalement bas de l'essence a conduit à l'enregistrement de rendements très bas ou même négatifs depuis 1982.

Le prix de détail de l'essence. Le prix versé par le consommateur de la province de Québec pour le carburant a été, pendant un certain nombre d'années, un des plus élevés au Canada. Dans toute étude du prix de l'essence, il est important de reconnaître les différentes composantes qui influent sur le prix telles que les coûts liés au brut, les taxes fédérales et provinciales, les coûts d'un raffinage et d'un marketing concurrentiels, les marges bénéficiaires des détaillants privés et les marges bénéficiaires des sociétés pétrolières.

Les taxes provinciales du Québec composent une importante part du prix de l'essence versé par le consommateur et correspondent à une grande partie de l'écart de prix relevé entre Toronto et Montréal.

La portion du prix en vigueur chez le distributeur au Québec représentant les frais de raffinage et de marketing, le rendement du capital investi s'approche de la moyenne canadienne.

Les écarts entre les marges tirées du raffinage et du marketing de l'essence en Ontario et au Québec reflètent les différences entre les deux marchés.

La population de l'Ontario dépasse celle du Québec de 39 %. La province de

l'Ontario se caractérise par une plus grande concentration de la population dans des centres urbains, ce qui permet d'atteindre une efficacité accrue et de tirer avantage d'économies d'échelle, c'est-à-dire d'un plus grand nombre de marchés plus importants générant une concurrence intensifiée. En outre, contrairement à l'Ontario, le Québec ne jouit pas d'un accès direct de même importance aux diverses sources d'approvisionnement en produits américains à court terme.

L'établissement du prix du marché dans les régions périphériques du Québec, ou de toute autre province dans la même situation, rend compte des frais de transport, des frais de stockage et des coûts en capital additionnels associés à l'approvisionnement de marchés géographiquement dispersés. La limitation des forces naturelles agissant au sein des marchés pourrait se traduire par des rendements encore moins élevés et peut-être même conduire à l'abandon des établissements dans les régions périphériques par certaines entreprises, ce qui diminuerait la concurrence dans ces secteurs ainsi que les services offerts aux consommateurs.

Les raffineries fabriquent des produits autres que l'essence. Bien que les prix établis en fonction de celui du pétrole puissent en tout temps varier entre le Québec et l'Ontario, les marges relatives aux ventes en gros de tous les produits, sur la base du nombre total de barils de pétrole brut, sont assez semblables dans les deux provinces.

Recommandations au sujet des zones périphériques. Le gouvernement du Québec a indiqué qu'il désirait apporter son aide aux régions périphériques de la province. Suncor pense que les objectifs à long terme de cette commission ainsi que du gouvernement du Québec devraient permettre l'établissement d'un marché ouvert assurant une flexibilité suffisante pour satisfaire aux demandes des consommateurs et permettre aux entreprises d'obtenir un taux approprié de rendement du capital investi déterminé par le marché.

Suncor ne croit pas que la réglementation du prix de l'essence permette d'atteindre les objectifs visés par le gouvernement. La Commission sur les pratiques restrictives du commerce affirmait ce qui suit, dans son rapport intitulé "La concurrence dans l'industrie pétrolière canadienne". Je cite: "II est difficile pour la commission de concevoir une restriction du marché dans cette industrie qui ne nuirait pas, à notre avis, à l'intérêt public."

Suncor estime que la réglementation du prix de l'essence ne constitue pas une solution efficace en vue de venir en aide aux régions périphériques.

La réglementation du prix des carburants dans certaines régions signifie que les avantages présentés par ces mesures ne bénéficieront pas seulement aux résidents de ce secteur, mais également aux touristes et aux véhicules commerciaux traversant ces régions, de même qu'aux conducteurs qui se rendront dans ce secteur afin d'acheter de l'essence au prix réglementé. Une telle situation peut engendrer des injustices pour les détaillants oeuvrant dans des régions où la structure fiscale est différente.

Suncor croît aussi que la réglementation du prix de l'essence limite la capacité de l'industrie de s'ajuster aux demandes des consommateurs.

L'imposition de contrôles sur le prix de l'essence pourrait, en dernière analyse, désavantager les citoyens d'une province. Car, dans toute industrie, une certaine flexibilité est essentielle en vue de satisfaire aux demandes pressenties au sein du marché et d'assurer des taux appropriés de rendement déterminés par le marché afin que de nouveaux investissements puissent être effectués. Ce n'est qu'avec ces investissements que nous pourrons compter sur une industrie en aval stable, moderne et efficiente, capable de fournir aux consommateurs à la fois des produits et des services de grande qualité.

Suncor juge que le précédent établi par la réglementation du prix de l'essence pourrait éventuellement conduire à l'instauration de mécanismes de contrôle des prix additionnels régissant différents biens et services.

La société pense que le gouvernement de la province devrait tenter de trouver d'autres solutions qui bénéficieraient plus directement aux résidents des régions périphériques tout en préservant et en stimulant un marché libre et ouvert. Suncar soumet donc les recommandations suivantes à l'attention de la commission et du gouvernement: un dégrèvement d'impôt sur le revenu. Cette mesure peut prendre la forme d'un crédit d'impôt accordé aux résidents de ces régions périphériques.

Deuxièmement, un programme de remise. Les citoyens résidant dans des régions périphériques seraient admissibles à un pourcentage de remise sur tous leurs achats d'essence effectués au cours de l'année, accordée sur présentation de leurs reçus au gouvernement. Un programme semblable a été instauré en Saskatchewan, au mois de juin, qui a accordé une remise de 7 %.

Troisièmement, une tarification à deux volets établie en fonction des permis de conduire. Pour obtenir le permis de conduire, les résidents des régions périphériques débourseraient un montant moins élevé que les citoyens des autres régions du Québec. Une tarification de ce genre a été établie avec succès pour les résidents du Nord de l'Ontario.

Ou bien, on pourrait avoir une tarification à deux volets établie en fonction des plaques d'immatriculation. De façon similaire à la tarification basée sur les permis de conduire, cette tarification serait établie de telle sorte que les personnes déclarant que leur résidence principale se trouve dans une région périphérique paieraient, à l'achat de leur plaque d'immatriculation, un montant moindre que les résidents des autres régions de la province.

Suncor se réjouit de cette occasion de collaborer avec la commission de l'économie et du travail et le ministre de l'Énergie et des Ressources afin de trouver une solution équitable tant pour l'industrie que pour tous les citoyens du Québec. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Kahalé. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier d'avoir déposé un mémoire bien étoffé devant cette commission, en dépit du fait que vous n'exploitiez que deux stations dans les régions périphériques. Alors, on apprécie les informations et l'effort que vous faites pour comparaître devant la commission pour nous informer des différents éléments de l'industrie et des recommandations que vous proposez.

I want to thank you for submitting a brief to this Parliamentary Committee, even though we are aware that you only have two stations in the outlying regions of Québec. We appreciate the elements that you have brought to our attention and we propose to ask you certain questions concerning the contents of your brief.

Vous soulignez, en page 4 de votre mémoire, qu'un prix anormalement bas de l'essence a conduit à l'enregistrement de rendements très bas en Ontario. Diriez-vous que le rendement obtenu par l'industrie au Québec, au chapitre de la vente des carburants, est meilleur ou pire qu'en Ontario? (18 heures)

M. Kahalé: Je ne pourrais pas répondre à cette question parce que nous, en tant que compagnie, nous évaluons le rendement global pour la compagnie, nous ne divisons pas cela par province.

Les chiffres que nous avons sur l'industrie, qui sont fournis par le ministère de l'Énergie et des Ressources, sont globaux aussi Alors, nous ne pouvons pas les comparer à une province en particulier.

M. Ciaccia: Vous mentionnez que l'établissement des prix de l'essence dans les régions éloignées du Québec ou de toute autre province doit notamment rendre compte des coûts en capital additionnel associé à l'approvisionnement de marchés géographiquement dispersés. Est-ce possible d'avoir une idée de l'ordre de grandeur de ce type de coûts dans le marché québécois, en termes de litres d'essence si c'est possible, ou si vous n'avez pas les chiffres pour le marché québécois, parce qu'il n'y a pas beaucoup de stations, est-ce possible d'avoir ces montants sur le marché ontarien?

M. Kahalé: Je' vous dirai que même en Ontario nous ne sommes pas très forts dans les régions dites périphériques et, vu que nous ne le sommes pas non plus dans les régions périphériques du Québec, nous estimons qu'il y a sûrement des coûts de construction, de dépôt pour acheminer le produit dans ces régions ou des coûts de transport qui sont quand même assez élevés, une flotte de camions peut-être plus grande, plus importante que d'habitude. C'est notre point de vue là-dessus, sans avoir des coûts réels parce que nous ne sommes pas dans ces régions.

M. Ciaccia: Merci. Puisque tous les mémoires que la commission a reçus de l'industrie, dont le vôtre, se rejoignent sensiblement dans les recommandations - ce sont à peu près les mêmes recommandations - je peux en déduire que c'est unanime, que ce n'est pas le fruit du hasard et que les solutions que vous mettez de l'avant ont été largement étudiées par votre industrie. Alors, je me permettrais donc de vous utiliser comme témoin privilégié sur cette question.

Premièrement, quant à la solution du rabais sur les droits d'immatriculation des véhicules automobiles, pouvez-vous me donner un aperçu du fonctionnement du système ontarien?

M. Kahalé: Je ne peux pas rentrer dans les détails mais, à ma connaissance, les résidents de certaines régions désignées par le gouvernement de l'Ontario obtiennent des réductions sur les frais de permis de conduire.

M. Ciaccia: Mais cette solution préconise une réimposition de la surtaxe que l'on vient de...

M. Kahalé: Toutes nos solutions préconisent ceci parce que, naturellement, si le gouvernement doit faire des remises, il faut bien qu'il ait les revenus quelque part. Cela serait de rétablir la taxe où elle était et, ensuite, de rembourser les eitoyens de ces régions.

M. Ciaccia: Le programme de remise sur le prix de l'essence accessible aux seuls résidents d'une région, savez-vous comment un tel programme fonctionne ou

fonctionnerait? On dit qu'un programme de cette nature, qui a récemment été mis en vigueur par la Saskatchewan, provoque toutes sortes de remous dans la population. Êtes-vous au courant de cette situation? Avez-vous des stations en Saskatchewan?

M. Kahalé: Non. Excusez-moi. Comme je l'ai mentionné, nous faisons la commercialisation de nos produits juste en Ontario et au Québec. Les consommateurs de la Saskatchewan accumulent leurs reçus durant l'année et, quand vient le temps de faire leur rapport d'impôt, ils ont une formule spéciale sur laquelle ils soumettent les achats d'essence, avec les reçus à l'appui, et ils peuvent obtenir leur remise là-dessus.

M. Ciaccia: II semble y avoir des problèmes; cela impose au contribuable qu'il ramasse tous ses reçus et, la nature humaine étant ce qu'elle est, ceux qui ne les accumulent pas, à la fin de l'année, n'ont pas de moyen d'obtenir un rabais, alors cela provoque un certain mécontentement dans la population. C'est un programme qui dépend des actes des consommateurs et qui impose assez de contraintes. Cela ne donne pas comme résultat une remise totale de ce que le gouvernement perçoit des mêmes consommateurs.

M. Kahalé: Naturellement, nous proposons plusieurs solutions. Nous ne précisons pas comment le mécanisme devrait fonctionner aujourd'hui. Je suis certain que toute solution a un inconvénient à un moment donné pour quelqu'un ou pour certains groupes de consommateurs.

M. Ciaccia: Toujours à la page 16 de votre mémoire, vous proposez comme solution une double tarification des prix de l'essence qui permettrait aux résidents des régions désignées d'obtenir un prix réduit pour leur essence sur présentation de leur permis de conduire. J'ai de la difficulté à imaginer comment pourrait fonctionner un tel système, c'est vraiment un rabais fiscal. Est-ce que pourriez préciser cela quelque peu?

M. Kahalé: Excusez-moi, pour le permis de conduire, ce que nous disons, c'est ceci: Pour obtenir le permis de conduire, les résidents des régions périphériques débourseraient un montant moins élevé. Je n'ai pas le texte, excusez-moi, non, je vais seulement voir le texte de l'autre...

M. Ciaccia: Est-ce que vous ne proposez pas une réduction du prix de l'essence sur présentation du permis de conduire?

M. Kahalé: Non, pas du tout!

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela que vous...

M. Kahalé: Ce que nous voulions dire, excusez-moi, c'est mal expliqué: Une tarification à deux volets. Là, c'est le permis de conduire qui permettrait aux résidents des régions périphériques de bénéficier d'une réduction de prix sur présentation de... Non, ce n'est pas cela que nous voulions dire.

M. Ciaccia: Ah! Vous voulez seulement une réduction...

M. Kahalé: Quand ils achètent leur permis de conduire, ils obtiennent une réduction sur le coût de leur permis de conduire s'ils résident dans ces régions périphériques. Ce n'est pas de présenter le permis de conduire à chaque achat.

M. Ciaccia: Ah! Excusez-moi! M. Kahalé: Non.

M. Ciaccia: J'avais compris qu'en présentant le permis de conduire on obtenait...

M. Kahalé: Non, excusez-moi, c'est mal expliqué, oui.

M. Ciaccia: Merci. M. Kahalé: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Oui. Je voudrais saluer les gens de Suncor et j'aurais une couple de questions à vous poser en vue d'éclaircir... On a vu un peu plus tôt, au cours de la commission parlementaire, que les autres entreprises pétrolières, durant la période du décret, ont augmenté à quelques occasions le prix du produit qu'elles vendent à leurs stations-service, qu'elles distribuent à leurs stations-service. Elles ont fait subir une augmentation dont nous ont parlé les indépendants un peu plus tôt au cours de cette journée. J'aimerais savoir de la part de votre entreprise, qui n'est à peu près pas concernée par te décret finalement, s'il y a également eu des hausses du coût de votre produit durant les mois de juin et juillet, à partir du prix que vous demandez à vos détaillants.

M. Kahalé: Dans les régions périphériques ou en général, dans la province?

M. Gauthier: Non, étant donné que vous êtes très peu dans les régions périphériques...

M. Kahalé: Oui.

M. Gauthier: ...je parle uniquement des régions centrales.

M. Kahalé: II y a eu des rajustements de prix dus au prix du brut, oui.

M. Gauthier: II y a eu...

M. Kahalé: Oui.

M. Gauthier: Est-ce que vous pouvez me dire s'il y a eu un ou deux rajustements, et de quel ordre? Est-ce que vous avez les chiffres?

M. Kahalé: Je dirais un ajustement, en fait, de 0,02 $ le litre, mais je veux dire...

M. Gauthier: C'est approximatif?

M. Kahalé: C'est approximatif mais c'est dans ce point, oui.

M. Gauthier: D'accord. Alors, probablement que cet ajustement n'était pas pour récupérer, j'imagine, la taxe dans les régions périphériques, puisque vous y avez deux stations seulement, si j'ai bien compris.

M. Kahalé: Nous gérons deux stations qui appartiennent à d'autres entreprises, oui, c'est cela.

M. Gauthier: II y a une question que je voudrais poser également, concernant le graphique C dans votre mémoire, d'ailleurs, qui est préparé avec une qualité remarquable en ce qui concerne les graphiques. Vous nous faites le graphique du prix de détail de l'essence excluant les taxes provinciales, Ontario, Québec, provinces de l'Ouest et provinces de l'Atlantique. Ce que je remarque, à la lecture du graphique, c'est que la différence de prix de détail, excluant les taxes provinciales, entre l'Ontario et le Québec est au moins aussi grande, et dans certains cas beaucoup plus grande, qu'elle ne l'est entre le Québec et les provinces de l'Atlantique.

Or, comme explication à cette différence positive en faveur de l'Ontario, vous parlez de la grande concentration de population et vous dites même que vous vendez vos produits uniquement, ou à peu près uniquement, là où il y a des concentrations de population dans le Sud de l'Ontario. J'ai de la misère à comprendre que la différence qui se trouve à être à l'avantage de l'Ontario par rapport au Québec au niveau des concentrations de population soit moins grande, ou presque inexistante à certaines périodes, ou équivalente entre le Québec et les provinces de l'Atlantique parce que les provinces de l'Atlantique ne regorgent pas d'énormes concentrations de population. J'aimerais savoir s'il y a un autre facteur qui joue que celui des concentrations de population. Si oui, quel est-il?

M. Kahalé: Mais il y a plusieurs facteurs qui jouent dans la détermination d'un prix. Il y a la concentration, la circulation, il y a les sources d'approvisionnement qui sont plus ou moins proches ou éloignées, il y a aussi le prix domestique du brut, le prix international du brut selon l'endroit où on s'approvisionne.

M. Gauthier: Oui. Je suis d'accord ià-dessus mais, quand on parle d'approvisionnement, outre la question de l'approvisionnement américain, de la proximité de l'approvisionnement américain dont on nous a parlé un peu plus tôt, les problèmes d'approvisionnement au Québec par rapport à l'Ontario s'arrêtent là, j'ai l'impression; ils s'arrêtent à la proximité de l'approvisionnement américain, mais le même désavantage n'existe pas entre le Québec et les provinces maritimes.

Ce que j'ai de la misère à comprendre, c'est que dans votre graphique, quand on le regarde froidement de façon très empirique, on dit: Cela coûte tant pour vendre de l'essence en Ontario, cela coûte dans une certaine proportion un peu plus cher pour la vendre au Québec, puis cela coûte dans une proportion moins grande pour la vendre dans les provinces maritimes. J'aurais cru que la différence approvisionnement, marché, concentration de population qu'il y a entre l'Ontario et le Québec serait moins importante que les différences qu'il y a entre les les provinces maritimes et le Québec, compte tenu des facteurs dont on a parié. Est-ce que ce n'est pas le cas?

M. Kahalé: Cela est le prix de détail à la pompe, ce n'est pas le coût de production du produit, cela est le montant que le consommateur paie à la pompe excluant les taxes, ce qui fait que dans les régions de l'Atlantique, c'est plus cher qu'au Québec.

M. Gauthier: Oui, c'est plus cher mais proportionnellement, en différence avec le Québec et entre le Québec et l'Ontario, en tout cas, il m'apparaissait qu'il aurait pu y avoir plus de différences, compte tenu des facteurs dont vous avez parlé.

Une dernière question. Je l'ai posée à l'ensemble de l'industrie pétrolière. Évidemment, vous écartez le contrôle, toute forme de contrôle plaidant pour un libre marché. Maintenant, il y a un problème qui se pose; ce problème-là, les citoyens nous l'ont un peu livré et on essaie de le régler. Il arrive que les forces du marché jouent très négativement, dans certains coins, en la

défaveur du consommateur et on a même vérifié qu'en certaines circonstances il aurait pu y avoir des récupérations sur le dos des consommateurs. C'est ce que le gouvernement, j'imagine, veut éviter dans l'avenir; c'est le problème auquel on s'attarde aujourd'hui.

Au cours de cette commission, il y a un élément qui a semblé faire consensus chez les compagnies pétrolières; en ne voulant pas de contrôle rigide, les compagnies pétrolières, pour l'essentiel, se sont dites d'accord ou volontaires - entre guillemets - pour participer à la mise sur pied, pas pour participer mais pour voir à la mise sur pied d'un groupe de supervision ou de discipline du marché ou de vérification du jeu dans les prix. Tout le monde disait: Ce n'est pas le parfait bonheur mais, s'il y a quelque chose à faire, et on comprend qu'il y a peut-être quelque chose à faire, si le gouvernement se dirigeait là-dedans, cela ne nous déplairait pas au point où on se sentirait incapable de poursuivre nos affaires chez vous. Est-ce que c'est la même chose dans le cas de Sunoco?

M. Kahalé: Oui, comme je l'ai mentionné plus tât, nous sommes prêts à collaborer avec les membres de la commission parlementaire ainsi que le gouvernement à l'élaboration de tout ce qui pourrait faire bénéficier les citoyens du Québec, mais tant que ce n'est pas un système de contrôle des prix, nous sommes prêts à nous asseoir et à en discuter.

M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup.

M. Kahalé: Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Roberval.

Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Nous allons maintenant passer au mot de la fin. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Remarquez bien qu'à la fin, ce n'est jamais moi qui ai le mot de la fin, mais enfin, c'est le mot de l'avant-fin que je vais dire et le ministre dira le mot de la fin.

Je veux simplement remercier Suncor qui a pris la peine de venir en commission parlementaire, même s'ils étaient moins affectés, je l'ai dit tout à l'heure, par le problème qui nous préoccupe. Je voudrais souligner la qualité des graphiques qui nous sont fournis, dans lesquels nous pouvons puiser une mine de renseignements. Cependant, je crois bien que, plus la commission avance, plus on prend conscience de la nécessité à tout le moins - les intervenants précédents nous t'ont dit - de discipliner ce marché qu'est le marché pétrolier. Tout est dans le choix de la mesure, évidemment, et je sais que le ministre, là-dessus, prendra ses décisions. Soyez assurés, comme on l'a dit à l'ensemble des autres intervenants, qu'on va tenir compte des éléments qui sont contenus dans votre mémoire, comme on va le faire dans le cas de tous les mémoires qui nous ont été présentés jusqu'à maintenant. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux, pour ma part, remercier les représentants de Suncor pour leur mémoire qui contient beaucoup d'information qui peut être très pertinente. C'est un mémoire bien étoffé. Plusieurs des recommandations, je crois, suscitent des moyens qui seraient peut-être moins acceptables aux consommateurs et nous devons tenir compte de cet aspect, spécialement les suggestions que vous avez faites, que plusieurs autres pétrolières ont faites également, d'aide aux régions en réimposant la taxe.

Vous portez à notre attention des mesures qui existent dans le Nord de l'Ontario ou en Saskatchewan. Ces mesures ont été mises en place sans réduire les taxes dans ces régions. Nous avons peut-être fait foi aux pétrolières quand on a réduit la taxe et, si on avait à recommencer, avec cette expérience, on adopterait peut-être les mesures que vous suggérez. On ne réduirait pas la taxe aux consommateurs, mais on utiliserait plutôt d'autres moyens.

Ce qui est malheureux dans l'expérience qu'on a vécue au Québec, c'est que cela me porte à hésiter à recommander des baisses de taxes parce que si, chaque fois qu'on va baisser les taxes, ce n'est pas le consommateur qui en bénéficie, mais plutôt un bénéfice partagé entre les pétrolières et les détaillants, ce qui a été établi clairement, cela rend plus difficile une décision du gouvernement de le faire et, pourtant, c'est cela que les consommateurs souhaitent.

De toute façon, on va prendre les décisions qui vont s'imposer. On va analyser votre mémoire ainsi que tous les autres. Nous vous remercions pour votre présentation aujourd'hui.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre.

Au nom des membres de la commission parlementaire, il me reste à vous remercier pour ce document que vous nous avez présenté.

M. Kahalé: Merci de nous avoir écoutés.

La Présidente (Mme Hovington):

J'inviterais le dernier groupe à se présenter

en avant. Il s'agit du Regroupement des détaillants d'essence des environs de Matane qui est représenté par M. Carol Gauthier, le président.

Nous allons suspendre nos travaux une minute ou deux pour laisser le temps à M. Gauthier de s'installer.

(Suspension de la séance à 18 h 20)

(Reprise à 18 h 21)

La Présidente (Mme Hovington): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Permettez-moi de souhaiter la bienvenue plus particulièrement à mon commettant de Matane - étant donné que je suis la députée de Matane, je peux me le permettre - en la personne de M. Carol Gauthier, qui est le président du Regroupement des détaillants d'essence des environs de Matane. Je vous souhaite la bienvenue à Québec, M. Gauthier. La commission vous écoute.

Regroupement des détaillants d'essence des environs de Matane

M. Gauthier (Carol): M. le ministre de l'Énergie et des Ressources John Ciaccia, madame et messieurs les députés, membres et intervenants de cette commission, nous, détaillants d'essence de la région de Matane, voulons profiter de cette commission parlementaire dans le but de nous faire entendre sur la situation désastreuse que nous avons à vivre présentement dans ta vente au détail de l'essence, situation qui était des plus difficiles avant le 16 juin 1987, mais qui est devenue impossible depuis l'imposition unilatérale du décret 927-87 qui fixe le prix maximal de vente de l'essence dans les régions 01, 02, 08 et 09.

Il y a quelques années, les détaillants d'essence du Québec ont eu à faire des représentations auprès du gouvernement et des pétrolières, en allant même jusqu'à la grève, pour essayer de se faire entendre sur la situation qui existait et qui prévaut toujours dans ce secteur. On ne peut réussir à conserver une marge de profits raisonnable, comme tout autre secteur économique, en étant à la merci à la fois des pétrolières et du gouvernement qui exigent toujours plus en nous en donnant toujours moins.

Par exemple, par l'imposition de la taxe ascenceur, le gouvernement a contribué à faire augmenter nos frais de fonctionnement. Par les surtaxes, l'État a fait progresser artificiellement le coût des inventaires que les détaillants doivent assumer par leur marge de crédit, ce qui a eu un effet direct sur les intérêts bancaires qu'ils doivent payer. Les pénalités que nous avons à payer sur les paiements par cartes de crédit comme Visa, Chargex, Mastercard et certaines cartes de crédit émises par les pétrolières, ont aussi augmenté. Plus la taxe est élevée, plus nous sommes pénalisés. En effet, un montant de 2 % est retenu sur toute vente par carte de crédit. Si, dans l'ensemble, les taxes provinciale et fédérale représentent 45 % à 50 % de chaque vente, le détaillant doit donc assumer une perte de 1 % - 2 % de 50 % - à la suite des taxes gouvernementales.

Il y a aussi les coûts engendrés par les nouvelles assurances environnementales obligatoires, que ce soit pour les réservoirs ou pour les huiles usées, et par l'obligation d'assurer séparément le compresseur à air ou toutes autres chaudières.

Les pétrolières, pour la plupart multinationales et sans aucun contrôle gouvernemental, n'ont cessé d'augmenter les points de vente qui sont souvent leur propriété. De cette façon, elles nous font une concurrence déloyale en contrôlant la vente au détail et en fixant les prix que nous devons suivre pour demeurer concurrentiels. Mais elles savent maintenir leur marge de profit. Il suffit de vérifier avec quelle facilité elles réussissent à s'entendre pour annoncer une nouvelle hausse du prix de leurs produits, chacune à son tour, à une ou deux heures d'intervalle.

Les abus décelés par le ministre ne sont pas dans la vente au détail où prévaut une concurrence féroce, mais beaucoup plus dans la production et chez les pétrolières. Si les compagnies pétrolières s'infiltrent de plus en plus dans la vente au détail, ce n'est pas pour le profit que procure la vente au détail, mais pour augmenter leur part de marché, donc leur volume et, par la suite, les profits qu'elles font sur la production et la distribution.

Depuis le 16 juin 1987, nous avons à subir un décret qui se traduit par une très grande injustice. À la suite de l'échec des négociations entre le gouvernement du Québec et les pétrolières, ce sont les détaillants indépendants qui doivent assumer les frais des augmentations de prix imposées par les pétrolières.

Dans ses déclarations ministérielles sur le prix de l'essence dans les régions périphériques, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources dit avoir fait connaître publiquement et à maintes reprises sa préoccupation face à l'évolution des prix de l'essence dans ces régions. Toujours selon le ministre, la baisse décrétée en décembre 1985 a commencé à s'éroder au profit des pétrolières et, à un degré moindre, au profit des détaillants d'essence et ce, dès juin 1986.

Devant cette situation, vous êtes personnellement intervenu auprès des pétrolières dès octobre 1986 et, selon ces dernières, la responsabilité des prix à la

pompe était imputable aux détaillants.

Une étude détaillée, réalisée au sein de votre ministère, sur la question des disparités des prix de l'essence au Québec a révélé que les détaillants ne sont pas les seuls responsables des augmentations.

Devant ces faits, vous êtes intervenu de nouveau auprès des pétrolières, le 15 mai dernier, en leur enjoignant de procéder immédiatement au réajustement à la baisse des prix dans les régions périphériques.

Après plusieurs rencontres auprès des pétrolières qui ne niaient pas que les prix aient augmenté, dans plusieurs cas, les dirigeants de ces compagnies ont même admis que l'augmentation est aussi le fait des pétrolières et non seulement des détaillants.

Ainsi, malgré vos interventions et celles du premier ministre, vous n'avez d'autre choix que de constater qu'aucune pétrolière n'a corrigé la situation.

Vous vous êtes alors engagé à agir avec fermeté pour redonner le plein effet à la mesure fiscale annoncée par le ministre des Finances. Premièrement, le gouvernement a décidé de promulguer la loi modifiant la Loi sur le commerce des produits pétroliers sanctionnée le 30 juin 1976. Deuxièmement, le gouvernement annonce qu'il se prévaut des dispositions de cette loi qui l'autorisent à décréter le prix maximal des produits pétroliers, lorsqu'une telle mesure s'impose dans l'intérêt public. Enfin, il y a imposition du décret 927-87 pour 90 jours.

Pourtant, vous tenez à préciser, lors d'une déclaration: "Je m'attends toutefois à ce que cette baisse des prix soit répartie équitablement entre les pétrolières et les détaillants", tout en vous engageant à suivre la situation de près et en vous réservant la possibilité d'intervenir.

Comme gouvernement responsable et bon gestionnaire des fonds publics, vous devez vous assurer que les consommateurs profitent pleinement des mesures établies en leur faveur. Ce sont là des démarches et des mesures très louables pour le public et, à cet effet, vous avez atteint vos objectifs. Mais, là où il y a une faute, c'est lorsqu'il faut identifier qui doit payer la facture.

Pour nous, les détaillants d'essence, qui sommes aussi des payeurs de taxes et d'impôts, quand il en reste assez pour vivre, en aucun moment nous n'avons été consultés. Aucune vérification n'a été faite auprès de nous par votre ministère lors de son étude pour connaître l'évolution de nos prix de vente, de nos coûts d'approvisionnement et de nos marges bénéficiaires. En conséquence, à la suite de l'application du décret, l'essence devrait être vendue à un prix presque identique au coût, et, pour certaines villes, ces prix étaient inférieurs au coût assuré par les détaillants, tout cela sous peine de fortes amendes.

Nous vous avons fait parvenir des pétitions et des requêtes. Nous avons fait des pressions auprès de notre députée. Le public a été sensibilisé. Le seul moyen que nous n'avons pas utilisé, c'est de faire la grève. La raison en est fort simple. Les pétrolières qui contrôlent plusieurs points de vente n'auraient pas suivi notre mouvement et, dans pareille situation, ce seraient encore les petits détaillants qui auraient eu à payer la note.

Vous avez été d'une insensibilité totale à notre égard. Pourtant, vous vous étiez engagé à suive la situation de près en déclarant: "Je m'attends toutefois à ce que cette baisse des prix soit répartie équitablement entre les pétrolières et les détaillants."

Votre décret a été exécuté avec une partialité remarquable. Les pétrolières, elles, ont démontré avec nous la même indifférence qu'à votre égard, si ce n'est que quelques-unes ont consenti à un petit rajustement devant une situation aussi catastrophique.

Aucune activité commerciale qualifiée de libre entreprise n'a été aussi durement touchée par semblable mesure. Pour la majorité, nous sommes des petits travailleurs indépendants sans convention collective, sans avantages sociaux et soumis à des conditions de travail des plus difficiles. Pour plusieurs, la rémunération selon les heures de travail est au salaire minimum. Nous sommes dans une société libre et démocratique. Tout travail mérite un juste salaire. Aucune classe de la société ne doit être exploitée au détriment d'une autre.

Nous avons des entreprises et, donc, des dépenses. Il nous faut une marge de bénéfices acceptable pour fonctionner. C'est pour cette raison que nous vous présentons nos revendications à cette commission. 1. Que soit aboli immédiatement le décret 927-87. 2. Que soit établie notre marge de bénéfices d'avant l'application de ce décret. 3. Que toute perte que nous avons eu à subir par l'application du décret nous soit remboursée. 4. Qu'un minimum de bénéfices bruts sur la vente nous soient donnés au litre par un comité spécialement formé des trois parties en cause (détaillants, pétrolières et gouvernement), tout en tenant compte de nos frais de vente. 5. Voir à contrôler la concurrence déloyale des pétrolières par l'entremise de leurs agents, de leur système ou de leurs points de vente qui vendent de l'essence souvent à des prix inférieurs ou égaux à ceux que nous payons comme détaillants indépendants. 6. Mettre sur pied une régie de contrôle des prix de l'essence pour que toute hausse de prix des pétrolières puisse être justifiée. 7. Engagement ferme du gouvernement de voir à ce que les détaillants soient consultés sur tout conflit ou litige futur dans lequel ils peuvent être impliqués.

En espérant que vous accepterez ces demandes qui sont légitimes et essentielles dans le but d'améliorer les conditions économiques précaires auxquelles les détaillants d'essence ont à faire face aujourd'hui. Ce secteur comprend des milliers d'emplois dont les conditions doivent être améliorées pour devenir comparable à tous les autres secteurs commerciaux. Pour les détaillants d'essence de la région de Matane, Carol Gauthier.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Gauthier. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Ciaccia: Merci, M. Gauthier, pour votre mémoire. Le but, comme vous le savez, de notre décret, de notre démarche, ce n'était pas de pénaliser ceux qui n'ont pas pris avantage de la baisse de la taxe. Ce n'était certainement pas l'objectif de pénaliser les détaillants. Dans le cas des détaillants de Matane, à la suite du décret, j'ai eu des représentations à mon bureau et je suis intervenu immédiatement. J'ai communiqué avec les pétrolières concernées et on m'a assuré - on l'a confirmé ce matin qu'au moins une des compagnies, la compagnie Esso, avait partagé à 50-50 la part de la baisse affectée par le décret. Peut-être que vous pourriez nous donner plus d'information si ce n'est pas le cas.

Alors, dans le cas de votre région plus spécifiquement, c'est une des rares régions où on a eu des plaintes formulées avec autant de vigueur que vous l'avez fait et on a réagi immédiatement. On a communiqué avec les pétrolières et, même, un des représentants a admis ce matin - on l'a rejoint chez lui en fin de semaine pour nous en assurer - qu'il devrait vous traiter de façon équitable. C'est pour cela que je suis un peu surpris, des faits que vous portez à mon attention.

Si vous avez présenté beaucoup d'éléments de coûts dans votre exposé, cela démontre certainement que si on fixe le prix à la pompe à long terme il serait nécessaire de fixer d'autres éléments aussi. La mesure que nous avions prise, c'était une mesure temporaire. On n'était pas en mesure d'établir les prix dans tous les différents secteurs de l'industrie et on s'est fié en partie sur les détaillants et en partie sur les pétrolières. Je dois dire que, dans la plupart des cas, le partage a été fait.

De plus, vous mentionnez que les décrets ont réduit considérablement votre marge de profits. Pourtant, une étude réalisée à ma demande pendant cette période démontre que, dans votre région, les décrets n'ont eu que des effets mineurs sur les marges des détaillants, faisant passer celles-ci de 0,058 $ le litre à 0,051 $ le litre en moyenne.

En quoi la situation des détaillants de Matane est-elle différente de la moyenne de la région? Est-ce que vous pourriez nous l'expliquer?

M. Gauthier (Carol): En quoi est-elle différente?

M. Ciaccia: Oui.

M. Gauthier (Carol): Lorsque vous dites qu'il y a eu un simple effet, c'est qu'on a été obligé de baisser d'environ de 0,035 $ le litre le coût à la pompe. Certaines compagnies ont rajusté, certaines compagnies du moins, comme vous le dites; il y en a qui ont pu rajuster jusqu'à 0,02 $, mais elles sont rares, il y en a probablement juste une. Plusieurs n'ont pratiquement rien rajusté et d'autres ont donné, disons, 0,016 $ le litre dans un produit ou 0,006 $ dans un autre et rien dans le troisième. Cela fait qu'on se ramasse pratiquement au niveau, comme on l'appelle du bien-être social avec les 0,032 $ le litre. Si on accorde de 0,032 $ à 0,051 $ ou 0,057 $, je ne crois pas que c'est une marge de profits bruts acceptable pour réussir à vivre et à exploiter un commerce.

M. Ciaccia: L'étude qu'on a faite démontre que, dans la région, la marge est passée de 0,058 $ à 0,051 $; est-ce que vous dites, qu'à Matane, c'est plus bas que 0,05Î $?

M. Gauthier (Carol): Cela peut se situer dans les alentours, après rajustement.

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Gauthier (Carol): Possiblement 0,051 $. Mais, certains détaillants, après l'application du décret, monsieur, faisaient à peine 0,02 $ le titre et, même, Mme Hovington pourrait vous le souligner. Vous avez dû être avisé qu'entre le prix d'achat de l'essence et le prix de vente, la marge de profits bruts était d'environ 0,02 $ le litre pour certains détaillants. Plusieurs n'ont eu aucun rajustement.

M. Ciaccia: J'essaie de comprendre. Je viens de vous demander si la moyenne, qui est passée de 0,058 $ à 0,051 $, s'appliquait à Matane; vous me dites que oui, elle s'applliquait.

M. Gauthier (Carol): Peut-être pour certains détaillants, oui, mais pas pour la totalité. M. le ministre...

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Gauthier (Carol): ...il n'y a pratiquement pas deux stations ravitaillées au même prix. Les prix peuvent fluctuer d'une

compagnie à une autre.

M. Ciaccia: Je comprends.

M. Gauthier (Carol): C'est de là, selon le bail que le détaillant a avec sa compagnie, que viennent certaines variations.

M. Ciaccia: Parce que nous avons pris le relevé de six détaillants à Matane même»

M.Gauthier (Carol): Oui.

M. Ciaccia: Et, avant le décret, la marge était de 0,063 $ le litre; aujourd'hui, avec le décret, elle est de 0,046 $ le litre, c'est-à-dire qu'il y a une baisse de 0,017 $ le litre.

M. Gauthier (Carol): Quand on parle de 0,017 $ le litre, c'est peut-être ce qui pourrait nous rester pour réussir à vivre. J'ai cité certains frais qu'on ne peut pas compresser en affaires. On ne peut pas compresser la question de la taxe et celle des assurances. On ne peut pas compresser les salaires des employés. Le salaire minimum va augmenter encore prochainement. Il va falloir que nos employés soient augmentés. En bas de 0,07 $ ou 0,08 $ le litre, c'est impensable d'administrer et de payer les dépenses d'une station-service et de réussir à vivre; cela est insensé.

M. Ciaccia: Je suis sympathique aux propos que vous nous faites quant aux 0,07 $ ou 0,08 $ le litre, mais nos études démontrent que vous n'aviez pas 0,07 $ ou 0,08 $ le litre, même avant le décret; vous aviez 0,063 $ le litre. Cela ne veut pas dire que c'est vrai...

M. Gauthier (Carol): Environ.

M. Ciaccia: ...cela ne veut pas dire que...

M. Gauthier (Carol): Environ, oui.

M. Ciaccia: Oui. Cela ne veut pas dire que vous n'avez pas besoin de 0,07 $ ou 0,08 $, je ne mets pas cela en doute....

M. Gauthier (Carol): Environ, mais une chose est certaine...

M. Ciaccia: ...mais le fait demeure que vous aviez 0,063 $.

M. Gauthier (Carol): Oui, environ. Mais une chose est certaine, c'est que le décret a été absorbé à environ 80 % par le détaillant d'essence. Moi, j'ai eu environ 0,01 $ pour l'essence ordinaire. Les ventes d'essence ordinaire ont diminué à cause des campagnes antipollution et tout ce qui a pu se produire, les modifications des automobiles, etc. Dans l'essence sans plomb, il y a eu seulement 0,006 $ de rajustement et on a perdu au-delà de 0,03 $; et pour le super sans plomb, pas un cent, ce n'est pas compliqué. C'est ainsi que les compagnies ont réagi, comme vous le dites, à vos pressions. Elles ne veulent rien céder, à moins que ce ne soit en fraction de cent.

M. Ciaccia: Merci.

M. Gauthier (Carol): II en faut, des fractions de cent, à la fin de la journée pour payer les dépenses.

La Présidente (Mme Hovington): Merci,

M. le ministre. M. le député de Roberval.

M. Gauthier (Roberval): M. Gauthier, il me fait plaisir de vous saluer et de vous remercier d'être venu...

M. Gauthier (Carol): Moi aussi, monsieur.

M. Gauthier (Roberval): ...de Matane pour nous expliquer cela, et d'avoir pris le temps de préparer votre mémoire. On voit que c'est une chose qui vous tient à coeur et on le comprend.

Il y a une chose que j'aimerais vous faire préciser à nouveau afin d'être bien sûr qu'on a saisi. Ce matin, j'étais resté sur l'impression - et ce, depuis deux jours - que les compagnies avaient donné un rajustement dans l'ensemble des produits de l'essence. Et vous nous avez dit tout à l'heure que l'essence ordinaire avec plomb a été réajustée de 0,016 $.

M. Gauthier (Carol): Exactement.

M. Gauthier (Roberval): Le sans plomb?

M. Gauthier (Carol): De 0,006 $.

M. Gauthier (Roberval): J'imagine que c'est ce que vous vendez le plus, l'essence sans plomb ordinaire.

M. Gauthier (Carol): Exactement. Disons qu'avec les modifications des automobiles et la pollution...

M. Gauthier (Roberval): C'est surtout cela qui...

M. Gauthier (Carol): ...l'essence sans plomb est en demande présentement.

M. Gauthier (Roberval): ...se vend.

M. Gauthier (Carol): Exactement.

M. Gauthier (Roberval): Pour le super

sans plomb, vous n'avez pas eu un sou.

M. Gauthier (Carol): Non, zéro, 0,001 $.

M. Gauthier (Roberval): Oui, en effet. Il y a aussi une chose qu'on a comprise au cours de cette commission et qui rend peut-être encore plus vrai votre mémoire. Les compagnies pétrolières nous ont expliqué que, dans un milieu urbain où le volume était plus important, la marge bénéficiaire pouvait être moindre, le volume permettant - parce qu'il y a des frais fixes qui sont les mêmes -d'arriver. Je regrette un peu, à ce stade-ci, de réfléchir à la question que j'aurais dû poser à savoir: Effectivement, les 0,034 $ dont on a parlé abondamment - c'était 0,04 $ dans certains cas, 0,034 $ ou 0,032 $ selon les pétrolières - on a pris cela comme un taux global. Sauf que j'ai oublié de vérifier le calcul avec 0,034 $ pour qu'une station puisse vivre dans l'ensemble, en milieux urbain et rural. Si c'est le cas, on peut penser qu'un gars comme vous ou les gens de votre coin, à 0,034 $, compte tenu du plus faible volume, n'arriveraient pas à exploiter leur station. C'est ce que vous semblez dire quand vous parlez.

Je vais préciser davantage ma question. À peu près tout le monde à eu l'air de parler d'un chiffre décent au-dessus de 0,034 $, de 0,04 $ le litre; en tout cas, c'est l'impression sur laquelle j'étais resté, qu'à 0,04 $, c'était rentable d'exploiter une station d'essence. Vous, vous dites: Moi, je viens de Matane, cela nous prend 0,06 $ le litre ou quelque chose s'y rapprochant pour que cela puisse être rentable, probablement à cause du petit volume de ventes que vous pouvez avoir par rapport à une station située à Montréal. Or, j'ai oublié de vérifier avec les pétrolières si les 0,034 $, cela avait été établi dans l'ensemble des stations. Est-ce que vous pouvez nous donner plus d'éclairage là-dessus?

M. Gauthier (Carol): M. Gauthier, comme vous le dites, pour les 0,034 $ que les compagnies réussissent à avancer, ce qui est stable, c'est presque un niveau d'assistance. Advenant une guerre de prix, elles nous garantissent un minimum de 0,006 $. Par contre, avec sans-gêne même, elles finissent par avouer que personne ne peut réussir à vendre de l'essence à moins d'environ 0,04 $, 0,05 $ le litre de profits. Alors, dans nos régions, même avec un volume qui est souvent plus petit dans certaines régions que dans des régions comme Montréal, souvent les frais sont beaucoup plus élevés et personne ne peut réussir à administrer une station, à payer les réparations et l'entretien à moins de 0,075 $ le litre.

M. Gauthier (Roberval): Oui. D'ailleurs, une de vos recommandations, M. Gauthier, a le mérite d'être claire, en tout cas. C'est la recommandation 4 où vous dites: "Qu'un minimum de bénéfices bruts sur la vente nous soit établi au litre par un comité spécialement formé." Vous dites franchement au gouvernement: Ce serait bien important qu'un de ces jours quelqu'un vérifie ce que cela coûte de vendre de l'essence et qu'on nous garantisse, qu'on nous enlève, en quelque sorte, de la merci des pétrolières. C'est ce que je comprends dans cette recommandation. (18 h 45)

Vous êtes comme les autres détaillants d'essence, indépendants ou non. Avec le décret, vous ne pouvez plus, en fait - vous êtes comme cela à l'année longue, mais davantage avec le décret - bouger le plafond. Cette recommandation-là vise à vous sortir de la prison dans laquelle vous êtes, entre les pétrolières et le décret du ministre qui fixe le prix. Là, vous, vous êtes entre les deux; de temps en temps vous êtes un peu plus écrasés et de temps en temps un peu moins. Mais j'ai l'impression que cette recommandation-là viserait, pour l'avenir, à faire en sorte que les détaillants d'essence du Québec puissent vivre honorablement de leur métier, qu'on leur reconnaisse, dans le fond, au moins une possibilité de se garder un profit, en tout cas, normal.

M. Gauthier (Carol): Exactement! Quand je parie des frais qu'on a je ne sais pas si les compagnies tiennent compte, dans les 0,036 $, du coût des cartes de crédit; on est pénalisé, on a à payer et on perd dans l'échange. Quand un client fait le plein et qu'il présente une carte de crédit, on a à assumer des coûts sur cette carte-là. Quand on nous parle de 0,03 $ et quelques cennes ou de 0,04 $ le litre, je me demande quel est le petit pourcentage que cela peut représenter quand on a payé les frais rigides. Un exemple: si on a des inventaires en consigne, on doit payer 0,015 $ le litre; si la compagnie met une promotion sur pied, comme n'importe quelle compagnie dans le secteur de l'essence, pour attirer des ventes, il faut faire ces promotions. Il y a une certaine publicité qu'on a à défrayer: 0,007 $ le litre, environ pour toute publicité. Je me demande si réellement, avec 0,03 $ ou 0,04 $, on peut réussir avec des frais qu'on ne peut compresser, c'est impossible. Même eux l'avouent. On ne peut pas parler de 0,034 $, 0,04 $, ou 0,05 $ ou 0,06 $ le litre pour réussir à vivre. C'est insensé.

M. Gauthier (Roberval): Je vous avoue, M. Gauthier, que j'aurais aimé vous entendre avant parce que j'aurais aimé poser des questions concernant, entre autres, les cartes de crédit. Cela n'a pas été posé et cela pose

un problème. Selon le volume de ventes que vous faites à partir des cartes de crédit, si je comprends bien, c'est un facteur important dans la rentabilité. Si vous, par exemple? vous faites la moitié de vos ventes sur cartes de crédit parce que vos clients fonctionnent comme cela, vous êtes largement pénalisé. C'est ce que je comprends de ce que vous me dites,

M. Gauthier (Carol): Exactement. Et il y a tellement de cartes de crédit, que ce soient des cartes commerciales de flotte ou autres, cela nous amène tous des frais. C'est le détaillant qui les subit. Ce sont des choses dont on ne tient pas compte et, nous autres, quotidiennement, on a à les subir.

M. Gauthier (Roberval): Je vais stopper là mon questionnaire, M. Gauthier, pour une raison bien simple. Même si vous n'étiez pas à la commission parlementaire ces deux derniers jours, j'ai eu l'occasion d'interroger des indépendants ou des gens qui vendent de l'essence, des produits pétroliers comme vous. On a quand même réussi à cerner asset bien le problème, quoique vous ayez amené des éléments nouveaux, mais on a réussi assez bien à cerner le problème de la difficulté - on l'a indiqué au ministre -créée par un décret qui est appliqué sans viser nécessairement les vendeurs, les revendeurs de produits mais qui, compte tenu de l'organisation du marché des produits, les rend captifs et extrêmement vulnérables. On a eu l'occasion d'aborder ces questions-là en profondeur au moment de la commission. On a questionné abondamment d'autres personnes, comme vous, qui représentaient des vendeurs d'essence et qui ont rendu un témoignage sensiblement identique au vôtre.

Je voudrais simplement vous indiquer qu'à l'Assemblée nationale, le 18 juin, quand le ministre a déposé le décret, nous lui avions signalé ce danger. Cela nous préoccupait au plus haut point parce qu'on craignait que cela puisse être vous autres qui mangiez le coup. Aujourd'hui, on est obligé de constater que vous l'avez mangé, en tout cas par morceaux, d'autant plus que les pétrolières, dans certains cas, nous l'ont avoué franchement. D'aucunes ont dit qu'elles avaient partagé avec leurs distributeurs; d'autres ont dit: À peu près pas. Bref, on réalise aujourd'hui que vous avez mangé le coup et je pense que le ministre, s'il prétend continuer avec un décret, va être obligé de tenir compte des petits vendeurs de produits qui sont à l'unité dans les régions et qui connaissent des problèmes très sérieux.

J'en profite pour compléter, pour ma part, avec M. Gauthier. Je voudrais vous remercier d'être venu, encore une fois, et soyez assuré que votre témoignage, ajouté à ceux des autres vendeurs de de produits pétroliers, vendeurs au détail de produits pétroliers, nous réaffirme dans notre position, à savoir qu'il faut absolument tenir compte de vous dans d'éventuelles politiques que le ministre déciderait de mettre sur pied. Maintenant, l'avenir lui appartient, évidemment, il est ministre, mais j'ose croire qu'il tiendra compte de témoignages du genre de celui que vous avez présenté.

Je voudrais, au nom de ma formation politique... Vous avez une question à poser peut-être?

Une voix: ...

M. Gauthier (Roberval): En tout cas, je voudrais vous remercier au nom de ma formation politique. Même si mon collègue d'Ungava ajoutera une question après ceci, mes remarques finales seront faites. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Hovington): Je vous remercie M. le député de Roberval. Si on veut respecter la règle de l'alternance, est-ce que je peux me permettre une ou deux questions à M. Gauthier?

M. Gauthier, il est dit dans la première page de votre mémoire, par exemple, que le gouvernement exige toujours plus en donnant toujours moins. Vous donnez comme exemple l'imposition de la taxe ascenseur. Je vous ferai remarquer que c'est justement le gouvernement précédent qui avait instauré la taxe ascenseur. Quand on a pris le pouvoir, en décembre 1985, on a essayé justement de rendre justice aux régions périphériques pour que cette taxe soit baissée dans les régions périphériques de 0,045 $ le litre. Pour faire profiter les consommateurs de cette baisse de taxe qui n'avait pas été respectée tout à fait - je ne sais pas si ce sont les détaillants ou les pétrolières - il a fallu présenter ce décret pour que ce soit les consommateurs qui aient le gain de cette baisse à la pompe.

Vous m'avez rendu visite à mon bureau de comté, au mois de juin, pour me sensibiliser au fait que les pétrolières refusaient de participer à la baisse du coût à la pompe et que c'étaient vous, les détaillants, qui absorbiez à 100 % cette baisse. J'en avais fait part tout de suite au ministre, parce que je trouvais anormal que les détaillants aient à absorber à 100 % la baisse à la pompe. Le ministre a envoyé tout de suite un inspecteur, d'ailleurs, dès le mois de juillet, dans la ville de Matane et les environs pour vérifier si c'était vrai que les pétrolières participaient, puisque quelques-unes avaient dit qu'elles absorbaient le coût de la baisse à la pompe. Et il semble que non. Par contre, vous êtes représentant de Petro-Canada à Matane?

M. Gauthier (Carol): Oui, je suis un

détaillant de Petro-Canada.

La Présidente (Mme Hovington): Vous êtes un détaillant de Petro-Canada. Celle-ci est venue, hier, en disant que son taux de fixation était de 0,034 $. En haut de cela, elle ne participait pas au réajustement des prix.

M. Gauthier (Carol): Je ne sais pas si Petro-Canada pourrait réussir à vivre à vendre de l'essence au détail, comme nous les détaillants, avec un profit brut garanti de 0,034 $?

La Présidente (Mme Hovington): À combien évaluez-vous, M. Gauthier, un pourcentage de profits bruts qui ferait en sorte que vous puissiez vivre convenablement et que vous puissiez assumer les coûts inhérents à votre commerce? Vous nous les avez énumérés à un moment donné, c'étaient les assurances-protection, vous avez des frais de cartes de crédit, vous avez la location d'équipements, frais d'entretien, vous avez à faire face aux créances douteuses aussi; ce sont les détaillants qui ont à absorber les coûts administration, l'achat des permis, etc. À combien évaluez-vous votre pourcentage, un besoin de profit par litre, pour arriver?

M. Gauthier (Carol): II pourrait se situer environ à 12 %.

La Présidente (Mme Hovington): 12 %.

M. Gauthier (Carol): Environ à 12 %, comme d'autres secteurs commerciaux. Il n'y a pas d'enquête faite sur une épicerie qui vend une boîte de "beans" 0,25 $ tandis que l'autre la vend 0,32 $,

La Présidente (Mme Hovington): Avant le décret, de combien était votre marge de profits?

M. Gauthier (Carol): Elle devait se situer aux environs de 10 %, environ. Disons 10 % peut-être 9 %, 9 % ou 10 %, je n'ai jamais eu à comptabiliser en pourcentage.

La Présidente (Mme Hovington): Et, après le décret, votre marge a baissé à combien?

M. Gauthier (Carol): Après le décret, on a baissé de... Pour l'ordinaire, on a baissé de plus de 0,035 $ le litre, on s'est ramassé avec 0,036 $ le litre. Si vous pouvez le compter, cela représentait environ 0,03 $ de perte.

La Présidente (Mme Hovington): C'est Petro-Canada?

M. Gauthier (Carol): Oui.

La Présidente (Mme Hovington): Ou vous parlez en général pour tous les détaillants?

M. Gauthier (Carol): Chez Petro-Canada. Si on regarde d'autres compagnies, s'il faut en nommer, comme Irving qui a pratiquement la même politique, que ce soit Esso, les politiques globales des pétrolières sont pratiquement les mêmes. Certaines vont s'approvisionner pour un peu moins cher, d'autres vont avoir moins de frais, selon ce qu'elles vont fournir aux détaillants.

La Présidente (Mme Hovington): J'ai ici des factures de Texaco, par exemple, un détaillant de Texaco à Matane. Le profit brut, avant le décret, pour le sans plomb, se situait à 0,092 $ et après le décret le profit brut, toujours pour le sans plomb, se situait à 0,05 $.

M. Gauthier (Carol): Cette compagnie était plus généreuse que les autres! Avez-vous ceux d'Irving?

La Présidente (Mme Hovington): Je n'ai pas Irving. Par compte, j'ai Petro-Canada. M. le ministre, je vous en prie. Voulez-vous apporter un éclaircissement?

M. Ciaccia: M. Gauthier a raison. Irving a été assez dure avec les détaillants, ainsi que Petro-Canada.

M. Gauthier (Carol): Et Esso a réagi. C'est la première compagnie qui a réagi pour réajuster au plus vite pour ses détaillants dans la région de Matane. C'est la première compagnie.

La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre l'a d'ailleurs souligné hier à Esso, quand ils sont venus présenter un mémoire ici.

M. Gauthier (Carol): C'est la première compagnie. Tandis que les autres...

La Présidente (Mme Hovington): Petro-Canada, dans votre cas personnel, a-t-elle réajusté?

M. Gauthier (Carol): Elle a réajusté de 0,016 $ le litre pour l'ordinaire, de 0,006 $ pour le sans plomb, de zéro pour le super. Par contre, de nouveaux frais sont apparus dans le paysage, peut-être une semaine ou deux avant, ce qui a encore diminué notre marge de profits bruts. Mais quand on entend parler de 0,045 $, tout le monde veut chercher à savoir où cela est passé.

La Présidente (Mme Hovington): Le

savez-vous?

M. Gauthier (Carol): Ce sont des augmentations que les compagnies pétrolières nous ont refilées. Dans l'ensemble, nous avons peut-être pu bénéficier de 0,007 $ le litre d'augmentation ou peut-être de 0,01 $ de 1985 à 1987. Je ne crois pas que cela soit exagéré; en tenant compte du rattrapage qu'on devait avoir. Cela fait qu'il n'y a plus à chercher les 0,045 $. Quand on nous appelle et qu'on nous dit que le produit augmente de 0,02 $, on n'a pas le choix: il faut remonter cela de 0,02 $!

La Présidente (Mme Hovington): Donc, ce sont les pétrolières qui fixent les prix?

M. Gauthier (Carol): Exactement. Il n'y a pas à chercher longtemps. Les prix sont affichés et nous sommes obligés de les respecter car les prix qu'on nous fixe et que certains gros libre-service qui sont la propriété des compagnies fixent, on n'a pas le choix, on est obligé de les respecter.

La Présidente (Mme Hovington): Le décret prend fin le 17 septembre. Quelles solutions voyez-vous aux problèmes des détaillants d'essence et des consommateurs? Quelles seraient les solutions à envisager pour aider les consommateurs et vous, les détaillants?

M. Gauthier (Carol): Premièrement, que toute hausse de prix du produit au détail, les hausses de 0,02 $, de 0,01 $ ou de 0,007 $ qu'on peut avoir périodiquement, à tous les deux ou trois mois, soit acceptée avant par le gouvernement ou par les associations de consommateurs. Deuxièmement, que les pétrolières prouvent qu'il y a eu réellement des hausses du brut ou bien dans la transformation, pour justifier les augmentations. Aussi, qu'on nous fixe au moins un minimum garanti pour la vente du produit à la pompe, un minimum décent pour réussir à exploiter une station-service ou un débit d'essence, pour vivre décemment, payer des employés et réussir à donner des conditions de travail acceptables.

La Présidente (Mme Hovington): Je comprends très bien.

M. Gauthier, je vous remercie. Je suis très sensibilisée aux problèmes de Matane...

M. Gauthier (Carol): Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): ...puisque je suis la représentante de ce comté. J'espère que les détaillants et les consommateurs des régions périphériques pourront profiter au moins de la baisse de 0,045 $ de la taxe sur l'essence en périphérie.

M. Gauthier (Carol): Je l'espère.

La Présidente (Mme Hovington): Sans vous priver de votre marge de profits nécessaire à un bon rendement et à une qualité de vie dans notre région. Merci, M. Gauthier.

M. le député d'Ungava, je pense que vous aviez une question ou deux»

M. Claveau: Oui, Mme la Présidente, j'aurais une question pour M.. Gauthier. II y a une chose qui nous a été dite par une pétrolière. En tout cas, c'est sorti au moins une fois. On dit que la plupart des détaillants en région ont des petits volumes -on parle de volumes d'environ 300 000 litres ou un peu moins ou un peu plus - et que ce n'est peut-être pas payant, l'essence. Ce n'est pas sorcier, comme vous le dites, 300 000 litres à 0,03 $ ou 0,04 $ le litre, il n'en reste pas beaucoup à la fin de l'année. (19 heures)

M. Gauthier (Carol): 300 000 litres, je ne crois pas qu'il y en ait qui puissent réussir à vivre. Il faut se trouver un autre job.

M. Claveau: C'est cela. Je faisais le décompte dans ma région. Dans le secteur de Chibougamau-Chapais, il y a dix postes d'essence et à peu près 12 000 000 de litres d'essence vendus par année, cela fait... C'est en gallons. Pardon, c'est 300 000 gallons que je voulais dire, un peu plus de 1 000 000 de litres, 1 200 000 ou 1 300 000 litres. On nous disait que ces gens-là faisaient leur argent ou du moins se renflouaient passablement avec des dépanneurs, de la mécanique, dès lave-autos; finalement, ce n'était peut-être pas si grave. Du moins, c'est ce que j'ai cru saisir dans une ou deux interventions qui ont été faites antérieurement.

D'après vous, puisque vous avez l'air de connaître le domaine passablement, est-il vrai que cela vaut la peine, pour un garagiste, de faire de la mécanique, des changements d'huile, d'avoir un lave-auto, de vendre du pain, du beurre et des cigarettes? Est-ce que cela vaut vraiment la peine de jumeler ce genre de commerce avec la vente d'essence pour se renflouer?

M. Gauthier (Carol): Disons que plusieurs n'ont pas le choix. Ils sont obligés de le faire. La marge de profits est assez serrée. Par contre, je ne vois pas pour quelle raison un détaillant qui a un débit normal de ventes - comme moi, j'ai pour environ 1 200 000 litres de ventes - je ne vois pas pourquoi, à travers tout cela, une personne devrait tenir un marché aux puces dans son garage, sa station-service ou son poste d'essence pour réussir à vivre.

M. Claveau: Votre point de vue, c'est

que le détaillant d'essence, le vendeur d'essence, devrait être capable de vivre honorablement avec son commerce de vente d'essence et que, s'il veut exploiter un autre commerce à côté, c'est une chose indépendante. Il n'a pas besoin d'un autre commerce pour subventionner son activité de vendeur d'essence, finalement.

M. Gauthier (Carol): Exactement. Si le gars a un volume décent, c'est normal qu'il réussisse. Il faut qu'il réussisse à vivre sans avoir besoin de trois ou quatre autres jobs, de vendre cinq ou six genres de produits...

M. Claveau: Avoir une remorque et...

M. Gauthier (Carol): Tout en mettant à part la question d'une station-service. C'est quasiment comme un chauffeur d'autobus qui, à la fin de la journée, est obligé d'aller faire du taxi toute la nuit pour réussir à vivre et que son patron ne lui donne pas raison: Coudon, fais autre chose si tu trouves que tu n'en as pas assez.

M. Claveau: Vous allez me dire une chose. On voit souvent de la publicité Shell, Esso sur des remorques. Est-ce que c'est rentable pour vous autres ou si vous faites de la publicité juste pour afficher votre garage et qu'il n'y a pas, en ce qui concerne ia compagnie, de remboursement là-dessus?

M. Gauthier (Carol): Non. Disons que les compagnies remboursent en partie la publicité, mais tout genre de commerce doit avoir de la publicité. Tout genre de commerce, que ce soit la vente de meubles ou n'importe quoi. On n'a qu'à ouvrir n'importe quel poste de radio et on s'en rend compte. Il faut que le commerce ait de la publicité. Cela amène des clients. Par contre, les frais ne sont pas assumés à 100 %. Cela finit que le consommateur doit en payer une partie aussi, qu'il achète un meuble ou n'importe quoi. Il faut de la publicité.

M. Claveau: Je vous remercie.

M. Gauthier (Carol): Merci, monsieur.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député d'Ungava.

M. le député des Îles-de-la-Madeleine, je crois, avait une ou deux questions.

M. Farrah: Mme la Présidente, une brève question. Bonsoir, M. Gauthier. Vous êtes le premier qui semble confirmer, qui a dit en tout cas où la diminution de la taxe ou l'abolition de la taxe est allée, dans le sens qu'on ne le sait pas exactement avec preuve à l'appui. Est-ce que ce sont les détaillants qui l'ont absorbée ou si ce sont les pétrolières? Vous me corrigerez si c'est faux. Vous avez dit que, selon vous, en ce qui concerne les 0,045 $ de taxe, les détaillants, entre autres de Matane, auraient absorbé 0,007 $. Donc, cela laisse présager que les pétrolières auraient absorbé 0,038 $. Est-ce exact?

M. Gauthier (Carol): Pour ma part, je n'ai pas eu â mettre des hausses. Cela fait huit ans que je suis dans le domaine et je sais le prix que je paie mon produit. Je sais que, du jour au lendemain, on ne va pas mettre une hausse de 0,02 $ sur un produit sans risquer de ne plus revoir un client. C'est définitif; on ne passe pas cela. Quand on a un appel que le coût du produit augmente de 0,02 $, on n'a pas le choix; il faut l'augmenter de 0,02 $. Si le ministère a envoyé des enquêteurs vérifier les coûts de nos produits et si ces derniers prennent la peine de vérifier, ils vont voir que, définitivement, dans les coûts qu'on a eu à payer pour nos produits, il y a eu des 0,02 $ le litre qui se sont ajoutés après la diminution de 0,045 $. Il y a eu des demi-cents. Il y a eu des dixièmes de cent et il y a eu des trois dixièmes de cent. Tout cela globalement, avec la petite partie qu'on a pu réussir à prendre en bénéfices en deux ans, une partie qu'on devait prendre comme tout autre secteur commercial, on n'a pas de misère à arriver. On paie l'essence 0,045 $ de plus ou 0,046 $ plus cher, pour le consommateur.

M. Farrah: J'en conviens. Est-ce exact que vous auriez absorbé 0,007 $, donc cela laisse présager que les pétrolières auraient absorbé 0,038 $?

M. Gauthier (Carol): Absolument. On n'a pas eu à hausser nos prix pour arriver à prendre 0,045 $.

M. Farrah: Vous pourriez le prouver. Je ne veux pas vous mettre en boîte. Je sais que vous n'avez pas les chiffres ici non plus.

M. Gauthier (Carol): Ni mes compétiteurs parce que, du jour au lendemain, un détaillant d'essence ne peut pas se permettre de jouer de 0,03 $, 0,04 $ ou 0,02 $ le litre.

M. Farrah: Donc, vous pourriez prouver ces chiffres-là facilement.

M. Gauthier (Carol): Les chiffres peuvent être prouvés par le ministère. Il n'a qu'à vérifier tous nos achats d'essence et il n'aura qu'à les étudier. Par contre, quand on voit un prix qui est affiché dans un libre-service qui est la propriété d'une entreprise multinationale, on n'a pas le choix; il faut qu'on suive le prix si on veut rester

compétitifs. Il n'est pas dit qu'on peut se permettre de vendre beaucoup plus cher.

M. Farrah: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Gauthier.

Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le ministre?

M. Ciaccia: Non. Je voudrais simplement remercier M. Gauthier d'avoir porté à notre attention des situations. D'après le propre témoignage de Petro-Canada, ils ont été ceux qui ont le moins partagé la baisse avec les détaillants. Les autres compagnies, je crois, à part la compagnie Irving qui n'a même pas présenté de mémoire ici, ont partagé la réduction. Cependant, je veux simplement porter à l'attention de la commission que les prix les plus élevés après la réduction de la taxe se trouvaient à Matane. Les augmentations les plus élevées se trouvaient à Matane. Alors, cela peut expliquer pourquoi il y a eu une plus forte baisse à Matane après les décrets.

Vous avez mentionné que le débit, le volume, est relativement bas dans les régions périphériques. Le volume à Matane, en moyenne - on a pris six détaillants - est de 860 000 litres par année et, à Québec, il est de 965 000 litres. C'est vrai que c'est plus bas, mais ce n'est pas tellement plus bas. En Gaspésie, c'est encore plus bas; c'est 718 000 litres par année. Cependant, je peux vous assurer que nous prenons bonne note des représentations que vous nous avez faites.

M. Gauthier (Carol): M. le ministre. M. Ciaccia: Oui.

M. Gauthier (Carol): Est-ce que je pourrais ajouter une anecdote?

M. Ciaccia: Certainement.

M. Gauthier (Carol): On parle du prix du produit dans la région de Matane comparativement à plusieurs régions. Cela fait dix ou quinze ans que les prix sont beaucoup plus élevés à Matane que dans les autres régions. On parle des coûts de transport. À Baie-Comeau, une ville située directement de l'autre côté de la rive, l'essence se vend environ 0,03 $ le litre moins cher, 0,04 $. À Sept-Îles, 150 milles plus bas, l'essence aujourd'hui se vend moins cher que dans la région de Matane. En 1970, l'inverse se produisait. Ce ne sont pas les détaillants qui sont responsables.

La Présidente (Mme Hovington): Vous parlez du prix affiché, le prix que les compagnies vous vendent à vous ou si c'est le prix des détaillants?

M. Gauthier (Carol): Je parle des prix affichés.

La Présidente (Mme Hovington): Les prix à la pompe.

M. Gauthier (Carol): Mais les prix affichés sont toujours un peu proportionnels au prix que le détaillant a à payer.

M. Ciaccia: Je suis conscient de ce que vous me dites, mais je vous dis que les augmentations, en tenant compte de tous ces facteurs, étaient plus élevées dans la région de Matane et c'est pour cela que les décrets...

M. Gauthier (Carol): Ils ont été plus durs.

M. Ciaccia: ...ont été plus durs a Matane. Comme je l'ai dit, on prend bonne note de vos représentations, on va certainement les prendre en considération et porter une attention assez particulière à cela dans les décisions que nous allons prendre après le 17 septembre. Merci.

M. Gauthier (Carol): Je vous remercie, M. le ministre.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre.

Simplement pour apporter un éclaircissement à une question que le député de Roberval posait tout à l'heure. Vous disiez que vous aviez oublié de poser la question à Petro-Canada, à savoir si leur marge de 0,034 $, c'était dans tout le Québec. J'ai moi-même posé la question hier à la pétrolière et ils ont établi 0,034 $ de bénéfices pour tout le Québec, sans tenir compte des frais inhérents des régions périphériques.

M. Gauthier (Roberval): Vous corrigez un des rares moments d'inattention que j'ai eus à cette commission.

La Présidente (Mme Hovington): M.

Gauthier, je vous remercie de vous être déplacé ici, à Québec, pour sensibiliser la commission et le gouvernement aux problèmes des détaillants de Matane. Soyez assuré que je suivrai de très près l'évolution de ce dossier et que les consommateurs des régions périphériques ont un défenseur, de même que les détaillants, en ma personne. Merci beaucoup, M. Gauthier.

J'ai parlé des consommateurs. Merci, M. Gauthier. Je crois que nous n'avons plus de remarques. Nous sommes rendus aux remarques finales. Alors, je vais laisser la parole au député de Roberval.

Remarques finales M. Michel Gauthier

M. Gauthier (Roberval): Oui, Mme la Présidente. Lorsque l'on termine une commission parlementaire comme celle qu'on a vécue au cours des deux derniers jours et qui est extrêmement intéressante, il est d'usage que le ministre et le porte-parole de la formation politique qui constitue l'Opposition fassent, en quelque sorte, un petit tour d'horizon de ce qu'ils ont retenu au cours de cette commission.

Mme la Présidente, je dois vous dire qu'on est pris avec tout un problème. On est pris avec le problème suivant; il y a un décret qui provient du gouvernement du Québec. Si on enlève ce décret, il y a un risque très grand - on l'a vu - que le réajustement des prix se fasse, et assez rapidement. Si on poursuit avec un décret, il y a un risque très grand également - il nous a été présenté - d'intervenir dans un libre marché avec, évidemment, toutes les conséquences que cela suppose et que je préciserai un peu tout à l'heure.

Avant cela, je veux dire que ce problème avec lequel on se retrouve, qui n'est pas un mince problème pour le ministre, malheureusement, il l'a créé lui-même de toutes pièces. Je regrette d'avoir à redire ces choses qui ne sont pas agréables à dire, mais c'est pourquoi on est ici aujourd'hui, en commission parlementaire. On a un terrible problème à régler et c'est d'ailleurs principalement au ministre de le faire, c'est un problème qu'il a lui-même créé.

Mme la Présidente, on a parlé au cours de cette commission de la taxe ascenseur. C'est vrai qu'il y a des gestes qui ont été posés à une certaine époque par l'ancien gouvernement, qui a eu d'ailleurs un jugement sévère de la population le 2 décembre 1985, jugement qui avait peut-être trait aux actions posées dans ce domaine ou à d'autres actions. On a accepté ce verdict démocratique et, effectivement, un autre gouvernement lui a succédé. Mais les citoyens du Québec devaient s'attendre, j'imagine, en faisant un changement de gouvernement, à éviter des problèmes de cette nature. Les citoyens du Québec, durant toute une campagne électorale, se sont fait dire, dans les régions périphériques particulièrement - la promesse est arrivée au Saguenay-Lac-Saint-Jean, parce qu'on avait charrié sur le dos de la taxe ascenseur - "on éliminera la taxe ascenseur, c'est un facteur antidéveloppement, antiéconomique, c'est un mauvais gouvernement. On va voir à cela, on va régler cela, nous, les libéraux". (19 h 15)

Mme la Présidente, on a éliminé la taxe ascenseur, c'est vrai. On a enlevé la taxe ascenseur. Je devrais plutôt dire qu'on a enlevé le mot "ascenseur" parce que, pour ceux qui ne le savent pas, une taxe ascenseur, cela a comme particularité de monter avec les hausses de prix, mais aussi de descendre avec les baisses de prix du produit. Le gouvernement du Québec, c'est vrai, a enlevé le mot "ascenseur", mais il n'a pas enlevé la taxe. Il l'a laissée, il l'a même fixée au moment où elle se trouvait à un niveau de 38,5 % environ, alors que les mécanismes normaux, s'il l'avait laissée, obligeaient le ministère du Revenu à descendre cette taxe. Il l'a fixée tellement haut qu'encore aujourd'hui, si la taxe ascenceur était restée - là, je voudrais bien que les députés d'en face le réalisent - si elle n'avait pas été "enlevée" - entre guillemets - par le gouvernement, à Québec, à Trois-Rivières, dans l'Estrie, à Montréal et dans l'Outaouais, on ne paierait pas 34 %, 35 % ou 36 % de taxe, on paierait 30 %.

Il y a eu, cependant - il faut bien le dire - un geste en faveur des régions périphériques. Ce geste a ramené le taux de la taxe de 30 % qu'il était, au moment où c'était une taxe ascenceur, pas à 40 %, pas à 30 %, il l'a ramené à un niveau plus décent en accordant aux consommateurs -mesure, d'ailleurs, qui nous avait réjouis à l'époque parce qu'on ne peut pas ne pas être d'accord avec un allégement du fardeau fiscal... Cette mesure a été mise de l'avant par le ministre, mais nous l'avions prévenu. Je demande aux députés ministériels de se souvenir de notre réaction au moment où le ministre des Finances annonçait qu'il abolissait le caractère ascenceur de la taxe; nous dénoncions le fait qu'il la gelait à 38,5 %; il aurait pu laisser jouer le mécanisme ascenceur en faveur des consommateurs.

Nous avons également dénoncé le danger à l'Assemblée nationale, au moment où le ministre a accordé une baisse de taxe additionnelle aux régions périphériques. Nous n'avons pas dénoncé le fait que le ministre remettait une part du fardeau fiscal aux consommateurs, mais nous avons mis le ministre en garde contre la procédure qu'il utilisait. Nous avons dit clairement et répété à maintes reprises à l'Assemblée nationale que le procédé qu'il utilisait, se basant sur une expérience négative, nous amenait à lui conseiller, avant ou au début, au moment où le ministre des Finances a fait cette remise, de prendre les mécanismes qui s'imposaient pour s'assurer que cet argent irait aux contribuables.

Mme la Présidente, probablement que si le ministre avait été plus prudent à ce moment-là, il aurait pu utiliser une solution proposée par certaines compagnies pétrolières. Aujourd'hui, il peut bien dire aux pétrolières: Vous nous sugqérez de remettre la taxe et, après cela, de la redonner sous

forme de dégrèvement quelconque, ce n'est pas bien généreux pour les régions. Cela est de ta démagogie tout simplement. Non, je n'utiliserai pas ce terme. A mon avis, c'est une interprétation assez bizarre de la suggestion qui nous est faite.

Si le ministre avait, à l'époque, suivi notre conseil - je sais qu'il va être obligé de l'admettre - il aurait eu la décence, la prudence, devrais-je dire, de faire en sorte qu'on fasse l'exercice qu'on fait là avec les pétrolières, les détaillants et qu'on s'assure qu'il indique aux pétrolières son intention, comme il l'a fait peut-être au cours de cette commission parlementaire en parlant d'après l'abolition du décret. Si c'est le cas, je vais le surveiller. Nous pensons que le ministre aurait pu faire preuve d'une élémentaire prudence, compte tenu des expériences que nous lui avions humblement soumises à l'Assemblée nationale dans le but que les gens profitent de cette baisse de taxe. Mais nonî Le ministre s'est entêté, il n'a pas suivi ce conseil.

Le ministre a procédé comme il a voulu. Nous l'avons mis en garde à cinq reprises, à peu près à tous les deux ou trois mois, quand il y avait un changement qu'on pouvait observer, avec nos maigres moyens, dans les régions du Québec. Nous avions dit au ministre: M. le ministre, il est temps que vous réagissiez. On est en train, d'une manière ou d'une autre, de bouffer la baisse de taxe qui devait aller aux contribuables. Le ministre, à chaque fois, m'assurait, avec la plus grande honnêteté du monde, qu'il communiquait régulièrement avec les pétrolières, qu'il s'assurait que la baisse de taxe soit transférée aux contribuables et que je n'avais qu'à me fier à ce ministre et à ce gouvernement qui avait une nouvelle façon de gérer l'État, que le dialogue était ouvert avec les compagnies pétrolières. On a vu cela au cours des derniers jours!

Ce ministre nous promettait qu'il n'y avait pas de problème. Je l'ai signalé cinq fois parce que, chacune des fois, nos relevés nous permettaient de constater que la situation se détériorait. Effectivement, durant cette commission parlementaire, tout le monde a parlé d'une hausse, tantôt de 0,008 $, tantôt d'environ 0,01 $ le litre à différentes occasions. Peut-être le motif était-il justifié. Je n'ai pas à porter, à ce stade-ci, de jugement de valeur là-dessus, mais nos observations se sont révélées exactes, M. le ministre.

Quand nous vous informions à l'Assemblée nationale, cela reposait sur du vécu, sur la réalité des choses. À preuve, après avoir insisté à maintes reprises, le ministre a bien été obligé de constater que ce que nous disions était tout à fait exact. Â la hâte, à la vapeur, puisqu'il n'avait pas été assez prudent au moment où il a apporté cette mesure, le ministre utilise très rapide- ment un décret qui avait été fait antérieurement, dans un autre contexte, et qui n'était probablement pas à point, puisque non utilisé jusqu'à présent. Le ministre utilise ce décret et il le lance dans le décor sans se préoccuper des problèmes que cela peut causer.

Rappelez-vous, messieurs les députés ministériels et M. le ministre, quand l'annonce de la mise en place de ce décret a été faite. Notre commentaire, à l'Assemblée nationale, a été à l'effet de prendre soin. M. le ministre, que les détaillants d'essence et les indépendants ne soient pas ceux qui paient la facture. Cela a été le sens de notre remarque. Encore là, le ministre m'a assuré de ses bonnes intentions et de sa capacité de surveiller la situation. Résultat: aujourd'hui, on constate que des indépendants et des petits détaillants ont eu â assumer de façon indue le coût de ce décret. Le ministre a même parlé d'un sentiment que certaines pétrolières n'avaient pas été correctes. Il a même félicité d'autres pétrolières d'avoir séparé 50-50, avec les détaillants, le coût de son décret. Quand il a fait son décret à l'Assemblée nationale, en aucun temps, messieurs, il ne vous a dit que le coût serait assumé - on l'espère - à 50-50 par les détaillants et par les pétrolières; à aucun moment il n'en a parlé. C'est pourtant ce qu'il nous a révélé en commission parlementaire. Féliciter une entreprise qui a eu au moins la décence de partager 50-50 le coût de son décret... Il s'est dit bien découragé, ce défenseur des régions, que certaines compagnies pétrolières aient fait absorber presque intégralement le coût de son décret qui était là pour corriger son erreur. Et il n'a pas le mérite de dire aujourd'hui qu'il ne le savait pas, on l'avait averti des dizaines de fois. Il se dit découragé de voir que de petites gens ont payé pour cela.

Mme la Présidente, je m'interroge sur les motifs qui ont pu inciter le ministre, à ce moment-là ou maintenant, à nous dire qu'il est véritablement en faveur des petits détaillants. Le ministre a causé un problème par imprudence et peut-être par inexpérience; il était jeune ministre à ce moment-là. Peut-être est-ce par inexpérience, je ne sais pas. Peut-être est-ce par entêtement, je n'ose pas utiliser ce terme parce qu'il me semble que ce ne serait pas à son honneur. Mais, toujours est-il que - vérifiez! - nous avons été ici pendant deux jours pour régler un problème qui a été causé parce qu'il a fait imprudemment une opération qui méritait d'être faite délicatement et contre laquelle il avait été prévenu. Il faut faire attention, M. le ministre, aux choses que vous ferez dans l'avenir.

Je vois que vous accueillez agréablement ces suggestions, mais je me permets de

vous dire que, lorsque vous prendrez la décision à savoir si vous allez maintenir ce décret, pensez évidemment au consommateur à qui il faut donner le bénéfice de la baisse de la taxe, mais pensez aussi aux problèmes que vous pouvez créer dans toute l'industrie pétrolière. Pensez aussi qu'un organisme qui aurait un pouvoir coercitif sur la fixation des prix de l'essence devrait tenir compte des marges bénéficiaires à tous les échelons, à tous les niveaux de la fabrication et de la distribution des produits pétroliers et qu'il ne serait peut-être pas à l'avantage du consommateur de procéder ainsi.

Si, par contre, vous prenez la décision d'enlever votre décret, vous êtes un peu pris dans la situation que je décrivais tout à l'heure. Cela serait imprudent de le faire puisqu'il peut arriver que les régions périphériques paient pour ce geste que vous allez poser. Vous devez donc procéder avec beaucoup de doigté.

Pour notre part, il nous apparaît, M. le ministre, qu'il est ressorti clairement au cours de cette commission qu'à peu près tout le monde verrait d'un bon oeil un organisme, peut-être une commission parlementaire, peut-être l'Office de la protection du consommateur, peut-être un autre organisme auquel vous pourriez penser, mais un organisme ayant un pouvoir moral pour au moins surveiller les écarts anormaux de prix qu'on pourrait constater dans différentes régions du Québec.

Souvenez-vous également des gens de Chibougamau et peut-être de quelques régions périphériques qu'il ne faudrait pas laisser tomber dans la solution que vous mettrez de l'avant si, d'aventure, vous mettiez de côté le décret. Souvenez-vous que les gens de Chibougamau, pendant trop longtemps malheureusement, on le constate aujourd'hui, ont payé cher leur essence, des prix démesurés, des prix qui n'ont rien à voir avec la réalité. Souvenez-vous-en, M. le ministre, et, quand vous apporterez une solution, pensez à mettre au moins des balises de sécurité qui empêchent des débordements trop importants dans le domaine des prix.

M. le ministre, ce comité de surveillance un peu plus souple que ce à quoi on pourrait songer quand on parle d'une régie est peut-être un bon élément à considérer. Il faudra voir, vous avez les outils. Nous n'avons pas, pour notre part, les outils nécessaires pour faire les études complètes qui s'imposent. Mais vous avez, pour votre part, ces outils. Pour cette fois-ci, servez-vous-en. Écoutez vos fonctionnaires qui vous ont certainement mieux conseillé à l'époque que vous n'avez agi.

M. le ministre, vous devrez également songer à transférer de l'argent aux gens des régions à qui vous aviez promis des choses. Ce n'est pas leur faute si votre système a failli. II va falloir que le gouvernement prenne ses responsabilités, que la part qui n'est jamais revenue aux régions leur revienne et que dans l'avenir, si vous prenez... Si vous abordez l'avenir avec des solutions comme celles que vous avez eues, vous aurez au moins la prudence, sinon l'humilité, d'écouter quelque peu ce que l'Opposition au nom des citoyens du Québec, des consommateurs du Québec, aura à vous dire. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le député de Roberval. Je passe maintenant la parole au ministre de l'Énergie et des Ressources pour les remarques finales.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Le député de Roberval nous dit qu'on a voulu créer le problème auquel nous faisons face et auquel nous allons faire face le 17 septembre, en disant: Vous n'avez pas le choix, le 17 septembre, ou les prix vont augmenter d'une façon intolérable ou il va falloir qu'on continue le décret avec tous ses désavantages.

Je voudrais dire, premièrement, au député de Roberval: Ce n'est pas moi, ce n'est pas notre gouvernement qui a créé le problème. Le problème a été créé - cela a été souligné par les intervenants - par la taxe ascenseur de 40 %. C'est vrai qu'on aurait pu ne rien faire. On aurait pu, au mois de décembre, dire aux consommateurs: Écoutez, c'est l'ancien gouvernement qui a imposé la taxe, on ne peut rien faire, on a un déficit de à 500 000 000 $, vivez avec. Ce n'est pas ce qu'on a fait. On considère qu'une taxe ascenseur de 40 %, cela n'avait pas de bon sens. Cela affecte le transport, cela affecte toute l'économie. Il fallait absolument la baisser.

Quand le député de Roberval nous dit que, maintenant, elle est à 38 %, c'est faux. La taxe actuelle dans les régions périphériques, quand elle est fixée, si on la transfère en pourcentage, est approximativement de 22 %. Cela varie de 22 % à 24 % dans les régions périphériques. C'est loin des 40 %. On est un gouvernement et on s'est engagé à réduire les taxes et c'est ce qu'on a fait. C'était la première étape.

Deuxième étape, c'est vrai qu'on peut avoir un problème le 17 mais, quand on réagi en imposant le décret, je savais les risques que je prenais. Le gouvernement savait les risques. J'avais deux choix. J'aurais pu imiter le gouvernement précédent et ne rien faire. Je n'aurais pas pris de risques à ce moment-là! J'ai choisi de prendre les risques avec tout ce que cela comporte. Pourquoi? Parce que les objectifs du gouvernement étaient de réduire la taxe. On l'a fait et c'était le consommateur qui devait en profiter. Pas les

pétrolières ni les détaillants.

Le député de Roberval nous dit: On a averti le gouvernement. Ils nous ont avertis de quoi? De quoi nous ont-ils avertis? Ils nous ont dit: Assurez-vous que la taxe bénéficie aux consommateurs. Ils ne nous ont pas dit comment, de quelle façon. L'alternative, si on ne voulait pas prendre de risques, c'était de ne pas baisser la taxe. De cette façon, on aurait été certain qu'elle n'aurait pas été empochée. On a pris le risque. Et pour une période de temps... J'ai institué immédiatement un comité pour m'assurer que les consommateurs bénéficient de la baisse de la taxe. Effectivement, ils l'ont eue.

Le député nous dit: J'ai averti le gouvernement! Je lui ai donné l'information! Si moi-même, si le gouvernement, si le ministre n'avait pas donné l'information publiquement en ce qui concerne les montants qui commençaient à être grugés dans la taxe, le député de Roberval serait encore ignorant de ce qui se passe même dans sa propre région. Il ne savait pas que dans sa propre région, la première année, on avait obtenu plus de 80 % de la baisse de la taxe. Les chiffres qu'il utilise pour essayer de critiquer le gouvernement, je les lui ai fournis moi-même!

Si le gouvernement précédent avait retenu les recommandations formulées par le groupe de travail en 1985 - il y avait eu des recommandations concernant l'information, la mise en place de certaines structures - peut-être qu'on ne serait pas ici aujourd'hui! Ce n'est pas moi qui ai créé le problème. Le problème n'a pas été créé par notre gouvernement. Le problème a été créé par le gouvernement précédent avec lequel le député de Roberval est complice en continuant de répéter des choses qui ne sont absolument pas vraies.

On a pris le risque de prendre nos responsabilités et d'imposer. C'est quelque chose qu'aucun gouvernement au Canada n'a jamais fait. Nous avons dît aux consommateurs, on vous a dit que vous auriez une baisse de taxe. C'est vrai que j'ai rencontré les pétrolières. Je me fais reprocher de les avoir rencontrées et d'avoir assuré le député que tout allait bien. Non, je ne l'assurais pas que tout allait bien. Je l'assurais que je les rencontrais. Et c'était ma responsabilité. Si j'avais à le refaire, je les rencontrerais encore.

Le fait de ne pas avoir eu la commission parlementaire avant, si on en avait eu une avant, qu'est-ce que cela aurait apporté? Les pétrolières étaient récalcitrantes. Elles ne voulaient pas accepter de réduire leur prix pour rendre la taxe effective. Alors, il a fallu qu'on prenne nos décisions. C'est facile aujourd'hui pour le député de Roberval de verser des larmes de crocodile pour les petits détaillants. Quand son gouvernement avait baissé la taxe et que les pétrolières avaient récupéré 477 000 000 $, les détaillants souffraient à ce moment-là. Le gouvernement précédent n'a rien fait. Les détaillants sont venus témoigner devant nous aujourd'hui que cela fait deux ans, dans les régions périphériques, qu'ils ont une meilleure marge. Pourquoi ont-ils pu avoir une meilleure marge?

J'accorde toute la sympathie qu'ils méritent aux détaillants, étant des petites et moyennes entreprises. Les petits détaillants. Mais il faut être réaliste aussi et appeler les choses par leur vrai nom. La baisse de la taxe a été assumée non seulement par les pétrolières, mais aussi par les détaillants. Et c'est clair que les détaillants vont venir aujourd'hui se plaindre que le décret réduit leur marge parce qu'ils ont admis que, durant les deux dernières années, leur marge avait augmenté.

Avez-vous jamais posé la question, M. le député de Roberval, à savoir pourquoi la marge du détaillant à Matane a augmenté durant les deux dernières années? Ce n'est pas parce que les pétrolières ont été généreuses, c'est parce que les détaillants ont repris une partie de la taxe de 0,045 $. Et le décret du gouvernement a dit aux détaillants: Non, vous ne la reprendrez pas. Parce que ce qui est bon pour les pétrolières, parce que ce sont des multinationale, est bon pour le grossiste et pour le détaillant: une loi pour tout le monde. On ne s'excuse pas d'avoir imposé ce décret.

Dans certains cas, c'est clair que certaines pétrolières n'ont pas effectué toute la baisse, mais je n'ai jamais dit au député de Roberval que toute la baisse serait assumée par les pétrolières. J'ai dit le 17 juin que j'imposais un décret à la pompe. J'ai dit que j'espérais que la baisse soit partagée équitablement - je n'ai pas mis de pourcentage - entre les pétrolières et les détaillants, parce que les deux avaient augmenté. Si vous voyez les chiffres, les détaillants qui disent que l'on faisait une marge de 0,09 $ le litre avant le décret, il n'y a aucune pétrolière qui accordait 0,09 $ le litre aux détaillants. Ils ont pris les 0,09 $ et ils ont été obligés de réduire leur marge, parce qu'ils l'avaient grugée dans la taxe.

Alors, je n'avais jamais promis que c'étaient seulement les pétrolières, j'ai dit équitablement et je suis intervenu auprès des pétrolières. Il y en a une, la compagnie des Canadiens, qui n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire, mais les autres l'ont fait, à l'exception d'Irving. Irving n'a même pas présenté un mémoire ici. Toutes les autres l'ont fait. Elles l'ont fait équitablement. Esso, dans certains cas, a assumé 100 % de la baisse, dans d'autres cas 65 %. La moyenne d'Esso, c'était 50-50. Pourquoi 50-

50? Pourquoi pas toutes les pétrolières, M. le député de Roberval? C'est bien clair, parce que l'augmentation de la taxe avait été assumée aussi par les détaillants. Sans que j'excuse - je ne suis pas le défenseur des pétrolières - il faut certainement être juste envers tout le monde. Elles ont repris la partie qu'elles avaient grugée et elles ont obligé le détaillant. Il y a certaines exceptions. Alors, c'est la situation dans laquelle on se trouve.

Je suis heureux d'avoir été à la commission parlementaire. Je suis fier d'avoir pris la responsabilité d'imposer les décrets parce qu'on a démontré qu'on les prend, nos responsabilités, et que les décisions du gouvernement de baisser la taxe ne doivent pas être prises à la légère, que ce soit par les pétrolières, par les grossistes ou par les détaillants. Quand le gouvernement exprime une volonté d'aider le consommateur, je crois que toutes les parties ont l'obligation de respecter cette volonté. Elles ont les moyens de le faire.

Cela ne résout pas le problème du 17 septembre. Je sais que j'ai ce problème et je vais avoir des responsabilités à prendre, M. le député de Roberval. À la suite des représentations qui nous ont été faites ici, à la suite de tous les éléments qui ont été portés à notre attention, à la suite des suggestions qui nous ont été faites, soit par le Club automobile du Québec en ce qui concerne l'Office de la protection du consommateur, quant aux informations qui doivent être fournies aux consommateurs, le détail aux détaillants, le pour et le contre d'une régie avec les problèmes que cela peut comporter, je peux vous assurer qu'on prendra nos responsabilités, M. le député de Roberval. De la même façon que la décision du ministre des Finances de baisser la taxe pour en faire bénéficier le consommateur a été prise, car il en a bénéficié, de la même façon que la décision d'imposer par les décrets un prix pour démontrer qu'on était sérieux, "we meant business", a été prise, nous allons prendre nos responsabilités le 17 septembre. Nous allons prendre notre décision afin d'assurer les meilleurs moyens possible pour respecter l'industrie qui a besoin de certaines marges de manoeuvre, pour respecter les détaillants, mais aussi pour respecter la volonté du gouvernement et les intérêts du consommateur.

Je veux remercier tous les membres de la commission pour leur participation, l'apport qu'ils ont fourni, incluant les recommandations et les suggestions de mon honorable collègue, le député de Roberval. Je peux vous assurer que les décisions que le gouvernement prendra seront dans les meilleurs intérêts de tous les intéressés dans ce dossier. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Hovington): Merci,

M. le ministre.

La commission de l'économie et du travail ajourne les travaux sine die, ayant accompli le mandat qui lui avait été confié.

(Fin de la séance à 19 h 40)

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