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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Théorêt): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux
pour procéder .à la consultation générale afin
d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures
d'aide aux régions périphériques relativement à la
réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ par litre dans ces
régions* Ces mesures étaient prévues dans
l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18
décembre 1985 et dans le discours sur le budget du 1er mai 1986.
M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements
aujourd'hui?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cannon (La
Peltrie) est remplacé par M. Lemire (Saint-Maurice); M. Fortin
(Margue-rite-Bourgeoys) est remplacé par M. Lemieux (Vanier); M. Leclerc
(Taschereau) est remplacé par Mme Hovington (Matane).
Le Président (M. Théorêt): Je vous
remercie.
J'aimerais maintenant inviter les représentants de la Compagnie
pétrolière Impériale Ltée à bien vouloir
prendre place, s'il vous plaît!
J'imagine que c'est M. Thompson qui dirige le groupe. Je voudrais, dans
un premier temps, vous inviter à présenter les collègues
qui vous accompagnent et vous rappeler également que vous avez une heure
à votre disposition, c'est-à-dire 20 minutes pour la
présentation du mémoire et 20 minutes à chacune des
formations politiques pour discuter avec vous.
M. Thompson, je vous laisse la parole, en vous souhaitant la bienvenue
au nom des membres de la commission.
Compagnie pétrolière Impériale
Ltée
M. Charbonneau (Michel): M. le Président, il y a une
correction. Je ferai la présentation.
Le Président (M. Théorêt): Allez-y.
M. Charbonneau (Michel): Je suis Michel Charbonneau, directeur
des ventes au détail pour le Québec et l'Atlantique. J'aimerais
vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche
immédiate,
M. Gordon Thompson, président des pétroles Esso Canada;
à mon extrême gauche, M. Jean Côté, directeur des
affaires publiques pour le Québec. Malheureusement, M. Thompson ne
s'exprime qu'en anglais, mais il répondra avec plaisir aux questions qui
lui seront posées.
Notre objectif, aujourd'hui, M. le Président, est d'appuyer la
commission dans la recherche de solutions ayant pour conséquence de
mieux servir la clientèle et les consommateurs en général.
Notre présentation soulignera les principaux éléments
contenus dans le mémoire que nous avons soumis à la commission.
Nous tenterons, autant que possible, de minimiser les répétitions
de points de vue déjà abordés lors des
présentations faites jusqu'à maintenant. Nous ferons un bref
résumé du contexte d'affaires. Suivront nos remarques sur le mode
de réduction de la taxe. Finalement, nous aborderons les suggestions que
nous désirons soumettre à la commission.
En général, la rentabilité de l'industrie
pétrolière au Canada n'a pas été satisfaisante au
cours des dernières années. Le rendement moyen, au cours de ces
cinq années, a été de 3 %. Au Québec, les
importations de produits pétroliers ont exercé une pression sur
les marges bénéficiaires de sorte que le rendement du capital
utilisé est demeuré inférieur, dans l'ensemble, à
la moyenne canadienne. Conjugé à une forte instabilité des
prix du brut, ce facteur a donné lieu à d'importantes
fluctuations de prix et à un climat d'incertitude au sein de l'industrie
pétrolière.
Le 18 décembre 1985, le ministre des Finances du Québec
annonçait une réduction 'de 0,045 $ le litre de la taxe sur le
carburant dans certaines régions périphériques de la
province, l'objectif étant un certain allégement des prix de
l'essence plus élevés qu'ailleurs en raison des frais de
transport et des marges bénéficiaires nécessaires pour
soutenir des commerces au volume de vente plus faible. Cette diminution de taxe
avait également pour objectif de favoriser le développement de
ces régions en réduisant les frais d'exploitation industrielle et
commerciale.
En décembre 1905 et en janvier 1986, les prix de détail de
l'essence baissèrent dans ces régions. Par contre, des facteurs
tels le faible rendement du capital en 1985, la situation des prix lors de
l'introduction
des rabais de taxe, les fluctuations ultérieures du brut et du
prix des produits pétroliers embrouillèrent l'incidence de la
diminution de la taxe. Une étude des prix du carburant amena le
gouvernement provincial à conclure que la diminution de la taxe ne
s'était pas répercutée intégralement sur les prix
à la pompe. En conséquence, le 17 juin 1987, les prix de
détail du carburant dans les régions désignées
furent baissés et bloqués pour une période de 90
jours.
Esso respecte le désir du gouvernement quant à
l'orientation de ses politiques fiscales. Toutefois, le programme
d'allégement est, pour plusieurs raisons, difficile à administrer
et, pour ainsi dire, impossible à appliquer.
Le programme pose de sérieuses difficultés aux
frontières ou périphéries des régions
désignées. D'une part, les détaillants des régions
où les taxes sont plus élevées voient leurs ventes baisser
du fait que les consommateurs franchissent les frontières pour profiter
des prix inférieurs. D'autre part, les détaillants des
régions où les taxes sont plus basses haussent leurs prix au
niveau de ceux des marchés environnants. Il en résulte de
nombreuses distorsions dans le marché.
II est quasi impossible de vérifier si le consommateur profite
pleinement de la diminution de la taxe. En général, dans les
régions désignées, ce sont les détaillants qui
déterminent le prix à la pompe. Ils le font en fonction de leurs
coûts, des taxes et du contexte commercial dans lequel ils
évoluent. Étant donné l'évolution constante des
prix, des coûts et la nécessité de réajuster les
marges bénéficiaires en fonction de l'envergure du marché,
il est difficile de déterminer à un moment quelconque si les prix
à la pompe tiennent compte des écarts fiscaux.
Compte tenu des problèmes que pose le programme actuel de
réduction de taxe, Esso estime que les objectifs poursuivis par le
gouvernement pourraient être atteints entre autres au moyen d'un
programme de dégrèvement. Déjà divers programmes de
cette nature ont été appliqués dans d'autres
provinces.
Si le gouvernement du Québec souhaite offrir un allégement
à certaines régions, Esso aimerait porter à son attention
les propositions suivantes: Un programme de réduction des frais
d'immatriculation semblable à celui de l'Ontario pour les
résidents des régions désignées. Ce programme a
l'avantage d'être simple à administrer et direct au consommateur.
Une deuxième alternative serait un dégrèvement en vertu
duquel un propriétaire de véhicule résidant dans une
région désignée pourrait recevoir un chèque de
remboursement annuel ou un crédit d'impôt sur le revenu. Le
dégrèvement pourrait être calculé en fonction d'une
formule qui tient compte des achats moyens de carburant dans chaque
région.
Les membres de la commission retrouveront un élément
commun dans les alternatives que nous suggérons: le rabais est remis
directement au consommateur.
En conclusion, Esso respecte le désir qu'a le gouvernement de
réduire la taxe sur le carburant dans certaines régions de la
province. II est toutefois évident que le programme, dans sa forme
actuelle, entraîne de sérieux problèmes de mise en
application. Les alternatives envisagées devraient tenir compte de
l'efficacité d'une remise de rabais directement au consommateur et
considérer la fragilité du niveau de profitabilité de
l'industrie pétrolière. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président, merci, M. Beauchamp,
M. Thompson, M. Côté. Dans un premier temps, est-ce que vous
pourriez nous faire part des mesures que votre société a prises
depuis la période d'application des décrets vis-à-vis des
détaillants pour leur permettre de réaliser une marge de
bénéfices raisonnable.
M. Charbonneau (Michel): C'est évident que le
décret nous demandait, en tant que compagnie, de prendre des
décisions importantes afin d'assurer la viabilité de nos
détaillants et de notre réseau afin de servir la clientèle
avec les objectifs que nous avons,, Si l'on regarde la totalité des
détaillants qui sont dans les zones périphériques qui ont
été impliquées par le rabais de taxe et que,
directionnellement, on regarde la valeur des rabais en sous du litre pour
chacun de ces détaillants, en général, l'on retrouve une
situation dans laquelle Esso a contribué d'environ 50 % au montant du
rabais que le détaillant a dû subir.
M. Ciaccia: Alors, 50 %, approximativement, de la baisse qui a
résulté du décret ont été absorbés
par Esso et les autres 50 % par le détaillant.
M. Charbonneau (Michel): D'une façon
générale, c'est juste.
M. Ciaccia: Est-ce que, durant la période des
décrets, il y a eu - soit immédiatement avant ou durant cette
période - une augmentation du prix du brut, qui aurait pu avoir comme
résultat une augmentation du prix de l'essence, laquelle aurait
été mise en application dans les autres régions où
le décret ne s'appliquait pas?
M. Charbonneau (Michel): En effet, on
a pu remarquer dans le marché des augmentations dans les zones
qui ne sont pas les zones désignées au Québec et partout
au Canada. À cause du décret, il est évident que les zones
désignées n'ont pas été touchées par cette
augmentation.
M. Ciaccia:
À cause de l'augmentation du prix du
brut, quelle a été cette augmentation - le litre - dans les
autres régions?
M. Charbonneau (Michel): L'augmentation a pu varier d'un
marché à l'autre. J'aimerais toutefois laisser un chiffre
directionnel de l'ordre de 0,02 $ le litre, en m'assurant que vous
apprécierez que, dépendamment des forces du marché, ce
montant a pu varier.
M. Ciaccia: Alors, vous me dites que dans les autres
régions du Québec, il y a eu une augmentation de 0,02 $ le litre
due à l'augmentation du prix du brut et que cette augmentation n'a pas
eu lieu naturellement dans les régions dans lesquelles le décret
s'appliquait?
M. Charbonneau (Michel): Vos remarques sont spécifiques
mais généralement elles sont justes.
M. Ciaccia: Vous pariez des forces du marché; toutes les
compagnies pétrolières viennent nous parler des forces du
marché. Qu'entendez-vous exactement par les forces du marché?
M. Charbonneau (Michel): Les forces du marché, à
toutes fins utiles, c'est la compétition. C'est le service qu'une
compagnie offre à sa clientèle; c'est le prix qu'une compagnie
offre à sa clientèle; c'est le réseau qu'une compagnie
peut offrir à sa clientèle; ce sont les éléments
comme ceux que je viens de mentionner dans un marché qui vont être
l'un des choix et qui vont devenir des éléments de choix pour un
client pour choisir vers quelle compagnie il dirigera ses achats. Les forces du
marché font que si une compagnie n'a pas le bon service au bon endroit,
au bon prix, assurément à ce moment-là une autre compagnie
pourra l'offrir. Les forces du marché feront que cette compagnie aura le
client.
M. Ciaccia: Votre compagnie a une influence sur les
prix»
M. Charbonneau (Michel): L'influence sur les prix devrait
être qualifiée de la façon suivante en ce qui touche les
zones périphériques. Dans le cas d'Esso, le service offert
à la clientèle se fait par l'intermédiaire de
détaillants. Les détaillants ont le choix de déterminer le
prix à la pompe pour leur clientèle. Il est évident que le
prix à la pompe déterminé par le détaillant est
fait en fonction de ses coûts, des taxes et de la marge
bénéficiaire dont il aura besoin en fonction du volume qu'il
a.
M. Ciaccia: Malheureusement, nous n'avons pas tout le temps voulu
pour aller sur la question des coûts, parce que différentes
sociétés nous donnent différentes réponses puisque
les coûts varient de l'un à l'autre. On nous parie des forces des
marchés comme devant être concurrentielles avec les autres
compagnies et où les détaillants doivent être
concurrentiels avec d'autres. On nous informe que, dans certains cas, les
compagnies ont des postes où elles déterminent elles-mêmes
le prix. On nous a chiffré entre 20 % à 25 % le nombre de postes
d'essence en général où c'est la société
elle-même qui détermine le prix. Alors, n'est-ce pas une
situation, si une autre compagnie - non pas la vôtre, que ce soit
Ultramar ou Shell - augmente ou baisse son prix, que vous êtes
portés à suivre, si ce sont les phases du marché?
M. Charbonneau (Michel): La question est assez
hypothétique dans le sens que, pour Esso, les endroits qui sont
contrôlés par les détaillants, dans les zones
désignées, ont une proportion de 88 %, donc très peu de
sites de notre compagnie sont en mesure de pouvoir influencer directement le
prix à la pompe.
M. Ciaccia: Oui, mais même si c'est 88 %. S'il y a ta libre
concurrence, s'il y en a un, même si vous avez seulement 12 %, qui va
à la baisse, on nous dit que tous les autres vont être
obligés de baisser. Alors, directement ou indirectement, vous
contrôlez le marché parce que si vous baissez, les autres sont
obligés de suivre et si vous augmentez, les autres augmentent. C'est de
cela qu'on a parlé hier. Texaco a appelé cela le
parallélisme conscient.
M. Côté (Jean): M. le Président...
M. Ciaccia: Oui.
Le Président (M. Théorêt): M.
Côté.
M. Côté (Jean): ...si vous me permettez quelques
commentaires. Notre société, au Québec, en 1985, a
accusé une perte d'opération. Nous avons aussi accusé un
perte d'opération en 1986. Donc, si ce qui est mentionné est
vrai, on fait très mal les affaires. Lorsqu'on fonctionne à perte
et qu'il se présente l'occasion d'une augmentation dans la marche, ce
n'est pas trop difficile de faire le bon choix. Lorsqu'on a des profits
très élevés, je dois vous dire qu'on n'a certainement pas
joui de ce genre
de situation au Québec ou de part et d'autre du pays. Les choix,
selon les décisions qui sont prises, sont très différents.
Les décisions que nous prenons ne diffèrent aucunement des
décisions qui sont prises par un bonhomme qui aurait un commerce de
quincaillerie ou un détaillant d'automobiles.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Côté. M. le ministre.
M. Ciaccia: Je sais que le temps passe malheureusement. Je ne
voudrais pas venir à la conclusion... Vous me dites que si vous faites
des pertes dans d'autres régions et vous avez la possibilité d'en
reprendre quand la situation se présente, que les forces du
marché ou les règles du jeu pour reprendre les profits, vous
allez prendre avantage de cette situation. Il ne faudrait pas venir à la
conclusion et donner l'impression que vous allez prendre le profit dans les
régions périphériques et que ce sont eux qui vont
subventionner les parcs dans les autres régions du Québec.
M. Côté (Jean): Non, sans être philosophique,
je voudrais attirer votre attention sur la façon dont notre
société agit envers ces détaillants, suivant le
décret. Cela voua donne peut-être une indication du genre de
philosophie des affaires qui existe dans notre société.
J'aimerais aussi mentionner que nous vérifions les marges dont
nous jouissons un peu partout au pays. Il y a souvent des occasions où
nous ajustons nos marges et nous croyons que la marge a tendance à
être un peu plus élevée que ce que nous croyons être
raisonnable. Nous déterminons seulement une partie du prix. Donc,
très souvent, le prix au détail est déterminé par
le détaillant, comme le mentionnait Michel.
M. Ciaccia: Vous avez mentionné tantôt qu'avec les
détaillants, vous avez partagé 50-50 à la suite du
décret, la baisse. Mais face aux indépendants, quelle a
été votre politique depuis l'application des décrets? (10
h 30)
M. Charbonneau (Michel): Peut-être un commentaire sur le
mot "partagé". Dans chacun des cas, nous avons regardé ce qui
était nécessaire pour que nos détaillants puissent
continuer une activité viable. Pour répondre plus
spécifiquement à votre question, malheureusement, notre compagnie
est très peu active pour ce qui est des vendeurs indépendants
dans les régions où la baisse de taxe a été
identifiée.
M. Ciaccia: Une dernière question. On me dit que votre
société a changé, au début de 1986, sa
méthode de détermination du prix du gros. Pouvez-vous nous en
parler et pourquoi Esso a-t-il fait ces changements?
M. Charbonneau (Michel): Vous faites sans doute allusion à
une méthode qui était connue sous la désignation
préaffichée. La raison pour laquelle on a évolué
vers un système de prix un peu différent est surtout attribuable
à la confusion et à la complexité que te système de
prix affichés nous apportait. A partir du prix affiché, une
série d'escomptes fermes ou d'escomptes temporaires devaient être
identifiées pour faire face aux forces du marché et le
système de prix que l'on a actuellement nous permet de pouvoir se
rajuster dans le marché d'une façon où il est plus facile
pour nos clients et nos détaillants de reconnaître ce qui se
passe.
M. Ciaccia: Merci pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique officiel et député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer
les représentants de la compagnie Impériale. Dans un premier
temps, j'aimerais que vous nous disiez, M. le directeur des affaires publiques,
M. Côté -j'imagine que c'est lui qui devrait répondre
à cette question - quel type de communication vous avez eu avec le
bureau du ministre dans les semaines qui ont suivi la baisse de la taxe
ascenseur dans les régions périphériques et dans les
semaines précédant le décret. De quel type de
communication s'agit-il?
M. Côté (Jean): Avant et après?
M. Gauthier: Après la baisse de la taxe, j'aimerais savoir
quel type de communication vous avez eu avec le bureau du ministre et juste
avant l'imposition du décret.
M. Côté (Jean): Je dois mentionner que je suis
directeur des affaires publiques pour la province de Québec seulement
depuis le début du mois de mai. Ma tâche principale est la
communication avec le gouvernement. J'ai la responsabilité des relations
avec le gouvernement et comme tel c'est important pour moi d'avoir des liens de
communication avec les gens qui travaillent avec le ministre à son
cabinet ainsi que les fonctionnaires à tous les niveaux au
ministère de l'Énergie. Je pourrais mentionner une foule d'autres
ministères.
Cela faisait à peine deux semaines que j'étais en place
qu'on a fait face à la situation que l'on connaît tous et j'ai eu
plusieurs communications, mais mes communications étaient de fournir de
l'information et d'aider les gens à tous les niveaux: du niveau
politique au niveau fonctionnaire, de mieux comprendre ce qui se
passait et de mieux comprendre les agissements de notre
société et la rentabilité de nos préparations
durant la période en question.
Suivant le décret, je me suis assuré qu'à tous les
niveaux, les gens étaient bien informés au sujet des actions que
nous étions sur le point de prendre. Il faut dire que ce n'est pas
facile de tout analyser suivant un décret à une certaine
journée et de pouvoir prendre toutes les actions équitables. Je
devrais mentionner que nous avons informé le bureau du ministre à
ce moment-là que nous avions communiqué avec nos
détaillants pour leur laisser savoir que toutes les actions que nous
prendrions seraient des actions équitables et qu'elles seraient des
actions rétroactives au moment du décret. Cela nous a pris
quasiment une semaine pour mettre en place les prix ou les réductions
qui s'imposaient.
Je veux ajouter à ce que Michel a mentionné que nous avons
réduit en moyenne nos prix du gros de 50 %, mais il y a six endroits au
moins où nous avons absorbé entièrement la diminution.
M. Gauthier: De façon plus précise, M.
Côté, est-ce que l'on vous a indiqué, au moment où
le décret était dans le décor, faisait son apparition, au
moment où on annonçait le décret, que l'esprit de ce
décret, c'était dans le sens que les compagnies
pétrolières étaient considérées comme les
coupables et devaient assumer la baisse du prix du pétrole, ou si on
vous a informé qu'il fallait faire cela à 50-50 avec les
détaillants? Est-ce qu'on vous a donné des indications de cette
nature et quelles sont-elles si c'est le cas?
M. Côté (Jean): Je vais vous dire franchement, je
pense qu'on a agi trop vite. On n'a pas donné l'occasion au gouvernement
de nous indiquer ce qu'il voulait faire. Je pense qu'on a agi assez vite; on
lui a indiqué ce qu'on avait l'intention de faire et sans doute cela
faisait l'affaire de tout le monde.
M. Gauthier: Je vous remercie. Il y a une chose dans le
mémoire; peut-être que M. Charbonneau pourrait répondre.
Dans votre mémoire, on indique - je vous cite, pour bien situer le
contexte de ma question - "au Québec, les importations de produits
pétroliers ont exercé une pression sur les marges
bénéficiaires de sorte que le rendement du capital utilisé
est demeuré inférieur dans l'ensemble à la moyenne
canadienne". J'ai de la difficulté à comprendre cette affirmation
et j'aimerais que vous nous expliquiez en quoi l'importation a
créé une pression supplémentaire au Québec alors
que, sauf erreur, le prix du brut international était, à cette
période, relativement bas. J'aimerais que vous nous expliquiez cela.
M. Charbonneau (Michel): Votre remarque est juste au sujet du
brut international. Laissez-moi tenter d'expliquer l'affirmation que l'on a
faite dans le mémoire. Analysons le premier élément qui
est le produit raffiné au Canada ou au Québec avec la
nécessité d'un certain montant de capital pour y arriver, des
raffineries, du personnel, etc., et qui a pour objectif principal de vendre un
produit sur le marché canadien ou québécois, d'une part.
Les compagnies en général fournissent leur clientèle
à partir du raffinage canadien ou québécois. D'autre part,
arrive la possibilité d'importation, à des prix, qui sont
très alléchants, du produit fini. À ce moment-là,
ces prix sur le marché, d'une certaine façon, entraînent
des pressions quant à la valeur et quant à la possibilité
de diminution de prix qu'éventuellement le client pourrait avoir
à la pompe. Alors, on se retrouve avec une possibilité
d'importation de produits à meilleur prix à cause de la situation
internationale, avec un effet possible à la pompe. C'est ce qui
était le cas, mais dans une proportion qui est très petite
comparativement au produit qui est raffiné localement. Ce produit
importé aboutit à la pompe pour le client à meilleur prix
et c'est une des forces du marché. C'est une des forces du marché
qui peut amener d'autres fournisseurs, d'autres compagnies à avoir
à ajuster leurs prix. À ce moment-là, ils recouvrent moins
du capital qu'ils ont investi localement pour le produit qu'ils offrent
à leur clientèle. Quand on affirme que les importations ont
ajouté une pression sur le retour du capital, c'est dans ce
sens-là qu'on t'affirme.
M. Gauthier: En d'autres termes, pour vérifier si j'ai
bien compris votre exposé, comme la compagnie Impériale importe
moins de produit fini que d'autres, cela a obligé la compagnie à
réduire ses prix pour faire face à la concurrence d'autres
entreprises qui, elles, ont importé en plus grande quantité du
produit fini et qui pouvaient le vendre à meilleur prix à la
pompe, ce qui a réduit votre marge bénéficiaire.
M. Charbonneau (Michel): Vous rendez spécifique à
l'Impériale le commentaire que l'on a fait alors que...
M. Gauthier: Non, c'est parce que vous êtes là.
M. Charbonneau (Michel): Oui, mais le commentaire qui a
été fait dans le mémoire en était un de nature
générale et il s'inscrit dans le contexte d'affaires dans lequel
nous devons fonctionner. Il y a plusieurs compagnies qui importent et il y a
plusieurs compagnies qui raffinent. On ne tentait pas de déterminer
à ce moment-ci qui faisait
quoi.
M. Gauthier: II y a quelque chose que je comprends mal. M.
Charbonneau. Si je suis votre raisonnement, la compagnie Impériale et
d'autres compagnies, bien sûr - on parle de la compagnie Impériale
pour la circonstance - ont vu leur marge bénéficiaire
réduite parce qu'il y a du produit fini de l'extérieur en plus
grande quantité au Québec, qui est entré par d'autres
entreprises qui l'ont importé, ce qui a amené une pression
à la baisse sur les prix à la pompe. Or, quand on regarde les
prix ailleurs au Canada, sans compter le niveau de taxe, on aurait dû,
par le fait même, au niveau du consommateur, si je suis votre logique et
si je comprends bien que votre rendement a été moins bon sur le
capital, s'apercevoir que l'essence - le terme commun utilisé dans nos
régions est "le gaz" - coûte moins cher au Québec
qu'ailleurs. Quel mauvais sort affecte le Québec pour être
toujours à un niveau -du point de vue des entreprises - au moins
comparable sinon supérieur - et habituellement c'est cela - aux autres
endroits au Canada et, en même temps, se faire dire par les compagnies
pétrolières que notre rendement est moins bon? Dans le fond, il y
a du produit fini importé qui rentre et cela nous le fait vendre moins
cher. J'ai du mal à suivre ce raisonnement. Peut-être que vous
pourriez m'expliquer davantage.
M. Charbonneau (Michel): Je pense que Jean veut faire un
commentaire.
M. Côté (Jean): Je vais essayer de vous donner
quelques données. Je ne veux pas compliquer les choses avec beaucoup de
chiffres et je vais parler d'une façon générale. Qu'il me
suffise de dire que, présentement, le rapport sur le marché des
produits pétroliers publié par le ministère de
l'Énergie, des Mines et des Ressources à Toronto pour une
période d'une douzaine de mois et auquel le ministre faisait allusion
hier indique que sur la période des derniers douze mois - on pourrait
prendre une période différente mais ils ont commencé
à publier il n'y a seulement que douze mois - le Québec,
"ex-taxe", pour l'essence payait un prix qui est à peu près la
moyenne canadienne. Sur le document que je regarde ici, je m'aperçois
que, d'une façon générale, c'est toujours plus bas
qu'à Halifax, toujours plus bas que Charlottetown et St. John et, ce qui
est intéressant, c'est que c'est souvent plus bas que Calgary.
Il faut se souvenir que le brut canadien provient de la province de
l'Alberta. Ce n'est pas plus bas que Toronto mais, comme mon collègue
l'a mentionné, le Sud de l'Ontario a une très grande population
concentrée sur une superficie plutôt petite. C'est une situation
qui se compare peut-être à plusieurs endroits aux
États-Unis qui se trouvent à avoir accès à
l'importation de produits d'au moins une douzaine de raffineries, qu'elles
soient à Toledo, Ohio, à Détroit, Buffalo, Rochester ou
ailleurs. Les forces qui jouent de fait sont décrites très
clairement parce que la même question se pose probablement pour la
centième fois. Dans le rapport du groupe de travail et le sommaire que
j'ai, il y a une très bonne explication de la différence de prix
entre l'Ontario et le Québec.
En réponse à votre question, au Québec le prix
n'est pas nécessairement plus élevé qu'ailleurs. II est
plus élevé qu'à certaines places et moins
élevé qu'à certaines autres et il y a certains produits
comme le mazout de chauffage qui, d'aussi loin que je me souvienne - cela fait
21 ans que je suis avec l'Impériale - a toujours été plus
bas au Québec que dans les autres provinces. (10 h 45)
M. Gauthier: Je crois que le ministre a soulevé tout
à l'heure la question du danger possible, en laissant jouer les forces
du marché parce qu'on étudie évidemment la
possibilité d'intervenir au niveau des forces du marché... Comme
on a souligné tout à l'heure qu'il était possible et la
tentation était même très grande pour une entreprise qui,
sur un marché donné, rentabilise moins ses équipements
qu'elle se tourne de bord et décide d'aller dans les régions
périphériques et d'augmenter le prix pour augmenter son profit
pour faire en sorte que l'un portant l'autre le rendement soit acceptable. Dans
les régions où la concurrence est forte, vous perdez de l'argent,
vous l'avez dit. Votre objectif, et c'est très louable, c'est d'en
faire. La tentation est donc très forte d'utiliser des marchés
pour compenser ces pertes. Expliquez-moi que ce phénomène, par
rapport à la région de Toronto où les pressions, les
forces naturelles jouent en faveur de Toronto - on le comprend avec les
explications qui viennent d'être données -fassent en sorte que
l'Impériale, présente dans le secteur de Toronto, obligée
d'accumuler des pertes dans ce secteur puisque la concurrence est
extrêmement vive, n'aurait pas la tentation d'utiliser d'autres
marchés pour compenser ces pertes. Êtes-vous capable de me dire
que ce raisonnement n'a absolument pas d'allure et que, par le fait même,
toute l'intervention du gouvernement dans le libre jeu de la concurrence est
inutile?
M. Côté (Jean): Permettez-moi de faire certains
commentaires. La première des choses, pour ceux qui ne sont
peut-être pas au courant, le prix à Toronto présentement
est dans un ordre de 0,485 $. Si on fait un ajustement au prix de
Montréal, par exemple, de 0,542 $, on va s'apercevoir que le prix net
ex-taxe à Toronto est plus élevé que
celui de Montréal. Mais est-ce que ce sera le cas la semaine
prochaine? Je ne le sais pas.
Je me souviens, après avoir passé 21 ans avec une
compagnie et avoir donc évolué dans plusieurs provinces, dont la
province de Québec au début des années soixante-dix, je
peux vous dire que je passais plus de temps à expliquer pourquoi le prix
à Montréal était plus bas que le prix à Toronto.
Cela n'a pas toujours été; les choses ont changé et
changent très souvent. De fait, je pourrais vous citer une
période de temps l'année dernière où le prix
à Regina en Saskatchewan a chuté à un niveau de 0,20 $. Ce
sont les forces du marché. Je demande à mon conseiller financier
de m'expliquer le marché de la Bourse, il me dit que ce sont les forces
du marché.
J'ai acheté une maison dernièrement à Toronto. En
préparant l'acte de vente, je voyais très clairement que le
propriétaire précédent, en 1985, avait payé 40 % de
moins que moi. Ce sont les forces du marché. Les 40 % d'augmentation de
la demeure que j'ai achetée en 1985 et 1987 n'ont absolument aucune
relation avec le coût de la main-d'oeuvre ou du matériel de
construction. Construire une maison à Toronto ou en construire une
à Calgary, c'est plus ou moins la même chose. À Calgary,
durant la même période, les prix n'ont pas augmenté. Ce
sont les forces du marché. Malheureureusement, on ne devrait pas, comme
société pétrolière, se servir du mot "forces du
marché" parce que, comme j'essaie de vous le démontrer, c'est
extrêmement difficile à expliquer. Mais le pétrole n'est
pas la seule commodité ou le seul produit qui soit affecté par
les forces du marché.
M. Gauthier: Je vous remercie. Une question me vient
également à l'esprit, à la suite de la lecture du
mémoire et à l'audition de ce qui nous a été
présenté tout à l'heure. Sauf erreur, vous êtes les
premiers à soulever de façon très précise le
problème interrégional au Québec quand on parle de
diminution de taxes dans certaines régions. Vous nous avez
souligné que des détaillants en bordure de ces régions
auraient en quelque sorte concurrencé déloyalement d'autres
concurrents qui sont dans les régions qui n'étaient pas
touchées. Est-ce un phénomène que vous avez observé
véritablement et est-ce un phénomène qui a
créé passablement de problèmes? J'imagine que c'est par
vos détaillants que vous avez constaté cette chose. J'aimerais
que vous soyez un peu plus explicite là-dessus, puisque vous êtes
les premiers à véritablement souligner ce problème.
M. Charbonneau (Michel): Le qualificatif déloyal est
peut-être un peu fort. Les détaillants dans ces zones utilisaient
les outils qu'ils avaient pour offrir leur produit. Le point que l'on
désire faire est que dans les zones frontalières ou les
périphéries des zones désignées, on se retrouve
souvent dans une situation où, de part et d'autre, on retrouve des
fournisseurs de produits pétroliers, des stations-service. La
clientèle, qui achète les produits de ces stations-service, est
très mobile. Elle a un véhicule pour se déplacer. Il est
évident que les zones désignées et les zones à
l'extérieur des zones désignées, dans ces endroits on a vu
un déplacement de volume qui se faisait de part et d'autre.
M. Gauthier: Et c'était assez fréquent, sur une
assez grande échelle, ce que vous me dites là?
M. Charbonneau (Michel): Assez pour que certains
détaillants qui sont, eux, sur les zones limitrophes, puissent en tout
cas signifier à leur représentant le fait que leur volume
diminuait dangereusement. À ce moment-là, leur viabilité,
à court terme ou à long terme, était en péril.
M. Gauthier: L'objectif de tout le monde dans cette commission
parlementaire, c'est de faire en sorte que les citoyens des régions,
pour l'instant puisqu'il s'agit d'une baisse de taxe qui est localisée
à certaines régions, profitent pleinement de la réduction
fiscale que le gouvernement veut leur donner.
Vous faites des suggestions dans votre mémoire; il y en a une qui
a déjà été reprise par d'autres, qui est commune
à plusieurs sociétés pétrolières, c'est
celle de la réduction des frais d'immatriculation dans ces
régions. Je ne sais pas, dans l'ordre des suggestions que vous faites,
si c'est celle que vous privilégiez. Je vous avoue que pour notre part,
de l'Opposition, et comme député représentant une
région périphérique concernée par le décret,
il m'apparaît que cette suggestion est tout à l'honneur,
disons-le, des pétrolières. Dans le fond, c'est peut-être,
à la limite, le meilleur moyen de redonner à ceux qui utilisent
l'essence - ce sont ceux qui ont des véhicules, en général
-le profit de cet argent. Ce faisant, si je comprends bien, puisque l'ensemble
de vos recommandations vont dans un sens extérieur au prix de L'essence
comme tel, le gouvernement dans l'avenir éviterait, si j'ai bien compris
votre intention, de venir par un jeu fiscal perturber le marché et le
prix de votre produit.
Dans le fond, ce que vous nous dites, les pétrolières,
c'est: Si vous voulez donner des avantages à ces citoyens relativement
au pétrole, donnez-le leur donc dans quelque chose qu'ils consomment
dans quelque chose qui est en dehors du pétrole parce que
chaque fois que vous venez jouer dans le montant, cela nous embarrasse,
cela bouscule le marché; il arrive des hausses et je ne sais pas trop
quoi. C'est bien cela, votre intention. Pourquoi? Dans le fond, c'est cela que
les citoyens se demandent.
M. Charbonneau (Michel): Je ferai un commentaire.
M. Gauthier: Oui.
M. Charbonneau (Michel): Je pense que Jean voudra ajouter
à mon commentaire. La suggestion que l'on fait, comme vous le dites,
n'est pas nouvelle. D'ailleurs, elle est déjà en application
ailleurs. Le point que l'on veut souligner par cette suggestion, c'est
jusqu'à quel point il est beaucoup plus pratique de remettre directement
aux consommateurs que de tenter de le faire par une méthode où il
est plus difficile de contrôler si véritablement le rabais ou la
réduction de taxe se rend jusqu'aux consommateurs.
M. Côté (Jean): Permettez-moi de continuer
l'idée de Michel. Pour être absolument pratique dans les choses,
je remarquais, le 21 août... J'ai ici une annonce qui paraissait dans La
Presse, c'était la compagnie Chrysler qui offrait des rabais au
consommateur. Ce qui m'a frappé dans l'annonce, c'est que la compagnie
Chrysler y indiquait que le rabais, de 1500 $ ou de 750 $, selon ie
véhicule acheté, serait payé au consommateur directement
par Chrysler. En d'autres mots, elle ne le donne pas au concessionnaire dans
l'espoir que celui-ci va avoir la bonne foi de le passer au consommateur. C'est
un exemple.
Maintenant, je pourrais vous en citer plusieurs. Je me suis
informé sur d'autres sortes d'entreprises qui font des choses
semblables: Black & Decker, par exemple, dans le temps de Noël, va
avoir des rabais de 10 $. On achète la scie, en envoie le coupon et on
reçoit les 10 $ par la poste. C'est une façon de s'assurer que le
consommateur le reçoit, à cause des fameuses forces du
marché. Un rabais de taxe administré par une méthode de
perception par le grossiste qui doit se fier à la bonne foi du grossiste
dans un marché qui bouge tout le temps et qui, par contre, doit aussi
nécessiter un agissement ou une décision de prix de la part du
détaillant est une façon extrêmement risquée et
difficile à mesurer. C'est tout, c'est un point assez simple. C'est ie
concept qu'on voulait vous présenter plutôt que la méthode,
le détail.
M. Gauthier: Hier, à cette même commission la
compagnie Petro-Canada est venue nous dire, c'était écrit dans
son mémoire en toutes lettres: C'est évident que le 0,045 $ de
réduction a été transmis au consommateur. Après
avoir jasé avec eux un peu, on s'est aperçu que ce n'était
pas si évident que cela. Je voudrais savoir si la compagnie
Impériale a des indications en ce sens qu'au-delà des
fluctuations de prix qu'il y a eu que finalement ie 0,045 $ est allé au
consommateur ou est-ce que c'est impossible d'après vous de
vérifier et de mesurer cela.
M. Charbonneau (Michel): C'est très difficile de mesurer
cela mais laissez-moi tout de même tenter de répondre à la
question. Je vais répondre à la question en utilisant une
hypothèse. Si l'on avait pu prendre tout ce qui s'appelle "taxes" et le
mettre de côté et regarder les autres éléments du
prix on se serait retrouvé dans une situation où, à cause
du rendement du capital qui était insatisfaisant, de l'évolution
et de la fluctuation du brut et du prix des produits pétroliers, cette
partie aurait évolué parce que l'un des objectifs, je pense, ne
faisait pas partie des objectifs du gouvernement lors de l'introduction du
rabais de la taxe de limiter la profitabilité ou l'évolution des
coûts qu'entraîne la mise en marché des produits
pétroliers. Alors, si on avait pu isoler la taxe des différents
événements, des différents éléments que je
viens de décrire, ces éléments auraient quand même
évolué parce qu'il fallait corriger la situation.
Je vous rappelle qu'on est dans une situation où la
profitabilité n'est pas acceptable. Alors, il y a une évolution
qui s'est faite. Quand on remet tous les éléments ensemble, il
est facile de conclure que c'est une partie du 0,045 $ qui a été
utilisée. C'est une conclusion facile à faire. Malheureusement,
je pense, qu'on fait face à une situation où les autres
éléments du coût du produit ont dû quand même
continuer leur évolution normale. Le prix total, le prix à la
pompe, n'ayant pas été gelé, à ce moment-là
l'incidence de la réduction de la taxe a été vraiment
embrouillée.
M. Gauthier: Puisque l'on m'indique que mon temps est à
peu près terminé, j'ai une dernière question que j'ai
posée aux autres sociétés. Tout le monde évidemment
est en désaccord avec une intervention gouvernementale très
formelle, c'est-à-dire tout le monde dans le domaine des entreprises qui
s'occupent de vente de l'essence, ce qui n'est pas évidemment l'avis des
consommateurs. Toutes les entreprises disent: Laissez jouer les forces du libre
marché, cela crée un climat propice à l'investissement,
etc. On ne veut pas d'interventions comme il y a à certains autres
endroits au Canada, et particulièrement en Nouvelle-Écosse,
où on m'indique qu'il y a une régie qui fixe les prix. Les gens
des autres sociétés ne se sont pas opposés avec la
dernière énergie, disons, considérant comme
un moindre mal la possibilité qu'une espèce d'organisme
ayant un pouvoir moral de surveillance de l'état du marché et
pouvant peut-être permettre à certaines occasions d'éviter
les extrêmes. (11 heures)
Les forces du marché sont peut-être intéressantes
dans bien des cas. Il y a certains endroits où il y a des extrêmes
qui font en sorte que personne ne peut fermer les yeux là-dessus. Alors,
une espèce d'organisme qui pourrait être une commission
parlementaire, une association de surveillance, de publication de prix comme
cela se fait ailleurs pour que les consommateurs soient bien au courant du jeu
qui se fait, Les gens ne se sont pas dits absolument en désaccord avec
cela. La position de votre société, face à un tel
organisme, est-elle la même que les autres pétrolières?
M. Charbonneau (Michel): L'idée de donner plus
d'information aux consommateurs en ce qui touche les prix, je pense, a beaucoup
de mérite. C'est certainement un domaine où il y a place pour
amélioration. Je ferai les commentaires suivants: le consommateur se
retrouvera certainement moins confus, il comprendra mieux ce qu'il paie, il
comprendra mieux pourquoi il doit payer ce qu'il paie sur le marché.
Évidemment, une meilleure information au consommateur amène
ultimement une concurrence qui est très saine parce que, à ce
moment-là, le consommateur est plus averti dans son choix pour
déterminer ses achats.
Le Président (M. Théorêt): M.
Gâté, voulez-vous ajouter quelque chose à la
réponse?
M. Côté (Jean): J'aurais un petit commentaire.
Peut-être que la question qu'on devrait se poser n'est pas: Où est
allée la taxe? Disons qu'il est évident que le système de
rabais, par l'entremise du véhicule qui a été mis en
place, est extrêmement difficile. La preuve est qu'on est ici.
La question qu'on doit se poser d'après moi, c'est: Est-ce que
les prix en place le 15 du mois de juin, étaient raisonnables ou non?
Les profits des pétrolières sur les prix en place le 15 juin
étaient-il en effet raisonnables, oui ou non? Si on perdait de l'argent
en 1985, serait-il raisonnable de s'attendre que, en 1987, on continue de
perdre de l'argent? Ce n'est pas dans l'intérêt du consommateur,
des gens qui travaillent pour Esso ou pour les autres pétrolières
que les pétrolières perdent de l'argent. Il doit y avoir une
santé économique dans l'industrie pour que le consommateur et les
employés qui dépendent des pétrolières puissent
avoir le plein avantage à long terme. Les prix étaient-ils
raisonnables ou non? À mon point de vue, à notre point de vue, et
nous avons fourni au ministère de l'Énergie et des Ressources,
vers le 15 juin, soit à la période précédant le
décret, nos données au sujet des marges en place, qui nous
indiquent que les prix étaient raisonnables, oui. Ce n'étaient
pas des prix qui nous donneraient des rendements qu'on considérerait
comme exagérés et excessifs.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Jean
Côté vient de parler du rendement et des prix raisonnables. Vous
dites que les compagnies n'ont pas un rendement assez élevé et
qu'il est dans l'intérêt des consommateurs et des employés
que ce rendement soit adéquat., Toutes les compagnies se plaignent, non
seulement la vôtre, que le rendement sur leur opération en aval,
c'est-à-dire le raffinage et la mise en marché, le marketing,
n'est pas assez élevé. Ce rendement est basé en partie sur
le transfert du prix du brut, que la même compagnie se vend d'une
division à l'autre. Par exemple, la division exploration va vendre
à la division raffinage et mise en marché. Ce prix a
évidemment une influence sur votre rendement. Plutôt que de parler
sur le rendement de vos activités au Québec, pourquoi ne
parlez-vous pas du rendement global de la compagnie Esso?
M. Côté (Jean): M. le ministre, il est très
important de comprendre que l'industrie du pétrole n'est pas une
industrie, mais deux: l'amont et l'aval. Je voudrais signaler que lorsque que
les Reichman ont décidé de vendre une partie de Gulf, ils ont
vendu celle qui était à l'aval. Je pourrais nommer d'autres
sociétés qui ont décidé de se retirer de
l'industrie de l'aval tout en gardant l'industrie de l'amont.
J'ai évolué durant plusieurs années dans ma
société en relation avec les investisseurs. La meilleure
réponse que je peux vous donner, parce que c'est une suggestion qu'on
peut prendre, nous, une société qui réalise, dans tous les
différents secteurs, des profits, d'un côté, et les
transposer de l'autre... Première des choses, on doit acheter plus de 50
% du brut qu'on a besoin pour exploiter nos raffineries. Notre taux de
raffinage est deux fois notre taux de production, lorsqu'on fait les
ajustements pour les bruts qu'on produit qui sont des bruts lourds qu'on ne
peut pas raffiner dans nos raffineries.
Mais le plus important, c'est qu'il existe en Amérique du Nord,
aux États-Unis, une commission de sécurité, une commission
de sécurité aussi au Canada qui est là pour
protéger les actionnaires. Les actionnaires de
l'Impériale ne sont pas intéressés de voir des
petits jeux joués dans les livres. On a des vérificateurs
externes et internes qui font la vérification et je crois que la plus
importante raison est que les gouvernements des provinces où on
opère en amont et les provinces où on opère
généralement en aval ont intérêt à ce qu'on
cite précisément le genre de profit qu'on fait.
Disons que le Québec n'est pas intéressé à
ce que l'Alberta reçoive une plus grande part des taxes que le
Québec et la même chose pour l'Ontario. Donc, je vous
réponds d'une façon indirecte, mais on a plusieurs
intéressés qui nous regardent de très près pour
s'assurer que des petits jeux ne se fassent pas.
M. Ciaccia: La seule chose que je vous suggère, c'est
qu'en donnant seulement le rendement au Québec, cela ne donne pas le
portrait total, parce que ce rendement au Québec est affecté par
le prix que vous-même vous vendez le brut. Sinon, pourquoi les prix
importés sont-ils plus bas au Québec? Parce que vous dites: II y
a des prix importés au Québec.
Est-ce que cela ne veut pas dire - on se plaint que les prix
importés sont moins élevés - que si le prix domestique, le
prix local est trop haut, les compagnies ont fait les transferts à la
raffinerie à un prix trop élevé? Autrement, comment
expliquer que le prix des produits importés est moins cher que le prix
du produit que vous fabriquez ici au Québec? Comment l'expliquer, sinon
que le prix auquel vous le vendez vous-même est plus élevé,
de la poche gauche à la poche droite?
M. Côté (Jean): M. Ciaccia, je n'ai pas toutes les
données pour pouvoir répondre avec une très grande
précision. Peut-être parce que je suis dans les affaires
publiques, je peux me permettre de répondre indirectement. M.
Charbonneau est responsable des ventes au détail. M. Charbonneau est
jugé; sa performance est jugée d'après les profits qui
sont faits dans son secteur de responsabilité.
M. Thompson est jugé, lui, d'après les résultats
qu'il se trouve à avoir. Donc, je suis certain que M. Charbonneau ne
voudrait pas que la profitabilité de son secteur de
responsabilité soit diminuée en faveur de son confrère qui
a la même responsabilité dans une autre province.
M. Ciaccia: Est-ce que la raffinerie peut acheter son brut sur le
marché "open market" ou est-ce que la raffinerie est un client captif?
Êtes-vous obligé de prendre le produit de votre propre
compagnie?
M. Charbonneau (Michel): J'aimerais ajouter à ce qui s'est
dit tout à l'heure pendant que Jean consulte M. Thompson. Il faudrait se
rappeler que les fameuses farces du marché qu'on a décrites un
peu plus tôt s'appliquent aussi au marché international et
s'appliquent aussi au brut.
À court terme, on peut se retrouver dans des situations où
les importations de produit fini sont d'un meilleur prix que le produit qui est
raffiné, ici, à l'intérieur du pays. Il y a des situations
dans le passé où on a vécu l'inverse. Le produit canadien
était, à ce moment-là, un produit qui arrivait chez nous,
chez nos détaillants, à un meilleur prix que les importations qui
n'étaient pas compétitives sur le marché international.
Alors on doit vivre avec des situations où il y a des forces
extérieures qui permettent des importations attrayantes ou qui ne
permettent pas des importations attrayantes, mais il faut se souvenir que les
importations sont là comme une soupape, une possibilité et ce qui
est la sécurité c'est en fin de compte ce que l'on peut raffiner
chez nous pour les besoins de la clientèle.
M. Ciaccia: Même dans le prix international il y a des
fluctuations et des escomptes, mais je ne sais pas si, lorsque vous vous
transférez le prix brut d'une filiale à l'autre, vous tenez
compte de ces escomptes qui vont sûrement avoir un effet sur le rendement
de vos opérations au Québec. Je vaudrais...
M. Charbonneau (Michel): M. le Président, j'aimerais
demander à M. Thompson, qui a eu la responsabilité pour le
raffinage et le marketing, de répondre à la question: Est-ce que
nos raffineries ont la flexibilité de pouvoir acheter au meilleur prix
ou sont-elles tenues d'acheter de la compagnie, donc possiblement à des
prix qui ne seraient pas concurrentiels?
Une voix: Gordon Thompson, go ahead.
M. Thompson (Gordon H.): Thank you. I gather your question, Mr.
Minister, regarding how free and open the market is for crude oil and how do we
price crude oil between ourselves and up stream resource company. First of all,
there is an entirely free and open market for crude oil. Any person, normal
refiner who ever wants to buy crude oil in Canada is entirely free to go and
buy from Alberta producers and at whatever price they agree. Similarly, one can
buy cargos and crude oil on world market. I could demonstrate to you that that
is a very open market. Our company purchases crude oil from Venezuela, from
Great Britain, from Nigeria, from time to time many places and all of that is
on a free and open market.
M. Ciaccia: Excuse me. Your company purchases it, but then, your
company
transfers it to its various refineries. M. Thompson: Yes, of
course. M. Ciaccia: Well, my point is that...
M. Thompson: At the price we pay for it.
M. Ciaccia: When you transfer that, you reflect if there are
discounts or is that a true reflection of inter company...
M. Thompson: Let me give you an example: We might buy from
British Petroleum in the UK a cargo of a brand crude oil. That goes into our
Douglas refinery and it goes in on the books at exactly the price we paid for
it, net of everything including all the transportation together.
M. Ciaccia: Yes. We are staying a bit from the subject. All I was
suggesting, and we did not want get into the crude oil market international, is
that rather than just show the profit which is generated in Québec only
from some operations, perhaps the public would get a better picture if they had
the total profit that your company would be generating rather than just a part
of the picture. That is all I am suggesting.
M. Thompson: Mr. Minister, we have been in an habit for the last
several years of publishing our total refining and marketing profit quarterly,
for the view of all concerned, so that information certainly is available and
has been available for sometime. As regards how we allocate our costs and our
revenues to various regions to be the province or wathever of the country, as
you can imagine in a company like ours where we have national business
interests, there are some allocations that we have to use but when we talk
about profitability in one region, that is the best accounting allocation that
we can make of our costs and our revenues and therefore our profits.
M. Ciaccia: Thank you, Mr. Thompson.
J'ai une dernière question. Je voudrais être certain de
bien comprendre votre recommandation d'un programme de
dégrèvement dans votre mémoire. Les différentes
mesures que vous proposez ne s'adresseraient qu'aux résidents des
régions, si je comprends bien.
M. Charbonneau (Michel): Oui.
M. Ciaccia: Et pour financer un tel dégrèvement,
proposez-vous implicitement au gouvernement de ne pas renouveler les
décrets, d'une part, et de rétablir la surtaxe qu'il a abolie
dans les régions périphériques?
Est-ce cela que vous suggérez? (11 h 15)
M. Charbonneau (Michel): Oui.
M. Ciaccia: Si on doit rétablir la surtaxe, est-ce que
vous pourriez nous donner une idée de ce que seraient les prix à
la pompe dans les semaines qui suivraient l'application d'une telle mesure? On
applique à nouveau la surtaxe et on abolit le décret. Juste une
idée, je ne vous demande pas de fixer les prix, mais simplement de me
donner votre opinion, qui est une opinion d'expert. Vous aviez certaines
tendances dans le passé. Qu'arrivera-t-il? Prenez n'importe quelle
région dans ces régions périphériques?
M. Charbonneau (Michel): Je m'en voudrais de déterminer
une valeur au prix ou ce qui pourrait arriver d'un point de vue quantitatif au
prix. J'aimerais toutefois souligner que l'on se retrouverait dans des
marchés où une libre concurrence serait établie et, encore
une fois, les forces du marché feraient que la clientèle aurait
une saine concurrence. Si une compagnie ou un détaillant établit
ses prix d'une façon qui ne respecte pas les besoins de la
clientèle, à ce moment-là ses ventes en souffriront.
M. Ciaccia: Est-ce que cela veut dire, quand vous dites que c'est
de la libre concurrence, que cela va dépendre de la première
compagnie qui va augmenter et que les autres vont suivre? Est-ce que c'est cela
la libre concurrence?
M. Charbonneau (Michel): Je ne pense pas que ce soit uniquement
la définition de la libre concurrence.
M. Ciaccia: Les représentants de Texaco nous ont dit hier:
Écoutez, on est sur un coin de rue et il y a un autre détaillant,
une autre compagnie sur l'autre coin de rue; s'il baisse de 0,01 $, nous autres
on baisse de 0,01 $; s'il augmente, la tendance va être d'augmenter.
D'après leur témoignage, cela dépend de la première
compagnie qui va faire l'augmentation et les autres vont suivre.
M. Charbonneau (Michel): II y a eu des baisses de prix, il y a
des différences de prix dans certains marchés, tous les
participants du marché ne sont pas nécessairement établis
au même prix.
M. Ciaccia: Mais la libre concurrence ne veut pas dire - c'est
l'exemple qu'on nous a donné; maintenant, on change peut-être la
définition - que, si quelqu'un baisse le prix, le consommateur va aller
où le prix a baissé et que les autres vont baisser en
conséquence.
M. Charbonneau (Michel): Le choix du consommateur est
déterminé par plusieurs facteurs. Le prix en est un. La
disponibilité du produit en est un autre. La qualité du produit
en est un autre. La localisation du site lui offrant le produit en est un autre
aussi.
M. Ciaccia: Mais la première augmentation va
sûrement être une indication assez importante. Ce serait un facteur
assez important.
M. Charbonneau (Michel): Si l'on se retrouve dans une situation
où le détaillant ou le fournisseur de produit ne réalise
pas un profit raisonnable, c'est évident que la tendance sera à
la hausse. Mais une compagnie ou un détaillant qui évoluerait
dans ses produits à la hausse, avec la possibilité que les autres
participants dans le marché ne décident pas de faire le
même changement, à ce moment-là sa clientèle
évoluerait vers la concurrence.
M. Ciaccia: Supposons qu'on rétablit la taxe - c'est une
mesure de 5Q 000 000 $ -qu'est-ce qui va arriver au prix? Pourriez-vous nous
donner une indication? Comment cela peut-il influencer le prix du litre?
M. Côté (Jean): D'après moi, on ne sait pas
ce qui va se passer la semaine prochaine. On ne sait pas si les prix vont
augmenter ou baisser. Mais je peux vous dire, après 21 ans
d'expérience, que si vous augmentez la taxe ou remettez 0,045 $ dans la
taxe, attendez-vous le lendemain matin que ce soit réflété
dans le prix à la pompe.
M. Ciaccia: D'accord. Vous avez 0,045 $ pour commencer. Vous
aurez vos autres 0,02 $ auxquels vous avez référé parce
que le prix du brut a augmenté. Toutes les autres régions ont
augmenté de 0,02 $. Les régions périphériques ne
l'ont pas fait. Alors, pour une période donnée, elles ont
bénéficié de ces 0,02 $. Je crois que ce serait normal
qu'à la fin, si le décret n'est pas renouvelé, ces 0,02 $
soient repris parce que cela reflète le prix du brut. Alors, ce sera
0,02 $ plus 0,045 $, et on est rendu à 0,065 $. Quel autre chiffre
pourrait-on ajouter au prix de l'essence dans ces régions?
M. Charbonneau (Michel): Je pense qu'on peut faire le commentaire
qu'une direction à la hausse est évidente, mais de là
à la quantifier, je pense qu'il est difficile de le faire parce que ce
sont les participants dans le marché et la concurrence dans le
marché qui vont éventuellement établir le niveau de
prix.
M. Ciaccia: On va tourner en rond et on va arrêter pour le
moment. On a établi au moins que si on prend la mesure que vous avez
suggérée on est arrivé au minimum de 0,065 $ le litre ou
plus d'après les chiffres que vous me donnez. On va laisser ce sujet
pour le moment.
Le Président (M. Théorêt): Si vous me le
permettez, M. Côté, j'aurais un commentaire à faire
à une de vos déclarations qui m'a fait sursauter tantôt.
Vous avez déclaré: La question à se poser n'est pas
à savoir où en est rendue la réduction de 0,045 $ le litre
mais à savoir si une société comme la vôtre par
exemple qui a subi des pertes en 1935, devrait continuer à en faire en
1987. J'ai de la difficulté à relier l'un et l'autre. Je pense
que si le gouvernement prend la décision de réduire de 0,045 $ le
litre le taux d'essence en région c'est dans le but d'en faire profiter
le consommateur et non pas les sociétés
pétrolières. Pourriez-vous m'expliquer une telle
déclaration?
M. Côté (Jean): D'après moi toute entreprise
tente de réaliser un profit mais un profit, dans un libre marché,
n'est pas un gain acquis. Il y a un élément de risque. C'est une
situation qui existait pour nous en particulier en 1985 et d'après les
données, d'une façon ou d'une autre la profitabilité en
aval est basse d'après toutes les informations qui ont été
présentées à la commission sur une base nationale, une
base provinciale, en Ontario. Je crois qu'il devient important de poser la
question à un moment donné. Est-ce que le prix est raisonnable?
Si le prix est raisonnable, par exemple si, à ce moment-ci les
pétrolières avaient un rendement de 5 % qui représentait
une amélioration de 2 %, il me semblerait que les 5 % comparativement au
rendement qu'un investisseur, quel qu'il soit, considère raisonnable,
rencontreraient les critères de raisonnabilité. De fait, les gens
diraient généralement que c'est bas.
Le Président (M. Théorêt): M.
Côté, ce que vous nous dites-là est une admission. Est-ce
que parce que votre société ne fait pas de profits ou n'a pas un
rendement raisonnable, il est normal pour vous de profiter de cette baisse de
taxe que le gouvernement a effectuée ou de profiter d'en
récupérer une partie pour rendre vos opérations un peu
plus rentables? Vous savez fort bien et je ne veux pas vous le faire dire que
ce n'est pas le but pour lequel la réduction de taxe a eu lieu.
M. Côté (Jean): Absolument pas! Je m'excuse si j'ai
donné cette impression. Ce n'est certainement pas du tout cette
impression que je voulais vous donner. Si la baisse de taxe n'avait pas eu lieu
on aurait dû, dans la circonstance qui existait,
rechercher des moyens, soit par réduction des coûts de
fonctionnement - et, de fait, on a poursuivi les choses de ce
côté-là - et amélioration de marge possible afin de
rendre plus rentable notre opération. Disons que le fait que la taxe a
baissé n'a aucunement joué dans les décisions qui ont
été prises et qui se prennent au jour le jour.
Le Président (M. Théorêt): Serait-il possible
de savoir quelle marge vous laissiez, avant le décret, aux
détaillants de votre clientèle dans les régions
périphériques par exemple?
M. Charbonneau (Michel): Je vous donne une idée du genre
de marge que l'on avait parce que, encore une fois, on n'est pas une compagnie
qui fonctionne avec des marges garanties. Le détaillant...
Le Président (M. Théorêt): Parlons de marge
suggérée si cela peut vous rendre plus à l'aise.
M. Charbonneau (Michel): Non plus. C'est ce que le
détaillant affichera à la pompe qui déterminera finalement
la marge qu'il aura. Rappelons-nous que dans les zones où la
réduction de la taxe a été désignée l'on se
situe dans un réseau où, le plus souvent, les volumes de ces
détaillants sont assez bas. Ils ont des coûts fixes à
rencontrer et, normalement, un détaillant qui a des coûts fixes
à rencontrer doit avoir un certain volume pour pouvoir couvrir ces
coûts fixes. La marge à laquelle vous faites allusion, on en parle
toujours en cents du litre. Alors, il est évident que dans les zones
rurales ou dans les zones désignées, la marge du
détaillant doit être un peu plus élevée que, par
exemple, dans la zone de Montréal pour pouvoir couvrir ces coûts.
Je pense qu'on se retrouve dans un corridor de 0,05 $ à 0,06 $ à
0,07 $ selon les endroits comme marge avant le décret.
Le Président (M. Théorêt): Dernière
question: Quelle est la marge maintenant, après le décret, dans
ces mêmes régions?
M. Côté (Jean): La marge du détaillant?
Le Président (M. Théorêt): Oui, toujours.
M. Charbonneau (Michel): Je peux répondre à la
question. Maintenant, on se retrouve avec des marges qui sont de l'ordre de
0,05 $ à 0,06 $.
Le Président (M. Théorêt): La même.
M. Charbonneau (Michel): De 0,05 $ à 0,06 $. J'ai
mentionné tout à l'heure de 0,04 $ à 0,07 $.
Le Président (M. Théorêt): Oui. Merci. Une
question, M. le député de Roberval. Une dernière ensuite,
M. le député de...
M. Gauthier: Une question supplémentaire à la suite
de ce que vous venez de dire. Au début, vous avez indiqué au
ministre que la baisse de taxe avait été absorbée 50 %-50
% par la pétrolière et par le détaillant. Là, vous
nous dites que la marge est la même qu'avant. Les 50 % de la
pétrolière sont-ils aussi élevés que les 50 % du
détaillant?
M. Charbonneau (Michel): On a mentionné au début
que la participation de notre compagnie en général pouvait se
définir de l'ordre de 50 %o
Quand on regarde les marges que j'ai signifiées tout à
l'heure, j'ai donné des chiffres qui sont des cents par litre.
Rappelez-vous qu'il faut multiplier ces cents par litre par des volumes pour
arriver effectivement à des valeurs de dollars et qu'il se peut
très bien qu'il y ait eu des détaillants à
l'intérieur de l'échelle que je viens de vous donner qui
étaient à 0,07 $ ou à 0,04 $ qui avaient différents
volumes. Il faut apprécier la valeur du volume qui est le multiplicateur
de ces cents par litre pour pouvoir justement faire le calcul et arriver au
montant que l'on vous a défini. Il est dangereux à ce moment-ci
de n'utiliser que le cent par litre.
M. Gauthier: Peut-être est-il dangereux mais vous admettrez
avec moi... Hier, Petro-Canada nous dit que notre marge a baissé, la
marge des détaillants a baissé de tant à tant, avec
quelque chose de significatif par litre. Là, on parle de 0,045 $ par
litre pour la taxe. On arrive avec des chiffres globaux qui sont à peu
près la même marge de manoeuvre. Je comprends que les volumes
jouent et il peut y avoir un gros détaillant quelque part qui a
baissé sa marge un peu d'un demi-cent. Somme toute, 0,045 $ c'est
assumer à 50 % à peu près - on comprend que les chiffres
ne sont pas très précis. À moins que je ne me trompe, cela
veut dire 0,0225 $ à peu près à la compagnie et 0,0225 $
au détaillant. Là, on n'a pas une différence dans les
chiffres que vous nous donnez de 0,0225 $.
Vous avez parlé de 0,05 $, 0,06 $ tantôt. C'aurait dû
être dans l'ordre de 0,03 $, 0,04 $ à la limite. Si vous aviez dit
0,04 $, 0,045 $, on aurait dit peut-être que le volume joue, mais
là, la marge est à peu près la même, à peu de
choses près, et elle devrait être clairement identifiée
d'au moins environ 0,02 $. Alors, ou bien les détaillants n'ont pas
remis leurs 50 % aux contribuables et là je m'inquiète des autres
50 %. Cela
pourrait arriver. C'est un montant de 20 000 000 $ dont les
contribuables se sont vus privés. Ou bien il y a des erreurs dans les
chiffres. En tout cas, j'ai de la difficulté. Je suis un peu votre
raisonnement quant au volume mais je vous avoue que j'ai de la misère
concilier ces chiffres.
M. Charbonneau (Michel): Je comprends le point que vous amenez.
Pour bien comprendre la situation, je pense qu'il faut absolument avoir le
volume pour pouvoir déterminer ce que vaut la masse de dollar.
Les points que je voulais vous amener, il y a eu un partage pour pouvoir
laisser à nos détaillants une marge suffisante pour pouvoir
rendre viables leurs opérations.
Deuxièmement, l'échelle de variation de volume et
l'échelle de variation de marge en est une qui est assez grande pour
justement porter à confusion quand l'on cite uniquement des chiffres
d'une façon directionnelle.
M. Gauthier: D'accord. Je vous remercie. (11 h 30)
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
député des Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Merci, M. le Président. On a beaucoup entendu
parler du libre marché, de libre concurrence et force du marché
depuis hier et aujourd'hui également.
En ce qui concerne ma région, plus spécifiquement des
Îles-de-la-Madeleine, je peux comprendre qu'en termes
géographiques, c'est particulier. Maintenant, comment expliquez-vous
qu'à la suite de l'annonce du décret du ministre et de son
application, tous les détaillants ont fermé? C'est là
qu'on s'aperçoit, en tout cas que je me suis aperçu, de mon
côté, que tous les détaillants se réunissaient pour
fixer le prix parce qu'il n'y avait pas de compétition à ce
moment-là. D'une part, on parle de libre marché et, d'autre part,
on a vu une situation où tous les détaillants se sont mis
ensemble et ont fermé. Alors, ils ont pris la population en otage, il me
semble, sur une île. La population est en otage parce qu'il fallait
qu'ils absorbent une partie du décret, un pourcentage.
À ce moment-là, d'une part, on parle de libre
marché et, d'autre part, le prix se contrôle entre plusieurs
détaillants. À la suite de discussions avec ces gens-là,
ils disent que ce sont les pétrolières qui fixent le prix et les
pétrolières disent que ce sont les détaillants qui le
font. Alors, je pense qu'on tourne continuellement autour du pot, cela devient
quand même très mêlant. Chose certaine, c'est qu'au bout de
la ligne, c'est le consommateur qui y perd. Pour ma région,
principalement, on ne peut pas parler de libre marché; c'est un cartel,
c'est bien évident. On l'a vu, ils ont fermé.
M. Charbonneau (Michel): Deux remarques sur votre propos. Les
compagnies pétrolières ont différentes façons
d'aborder le marché. Dans certains cas, le choix qu'elles utilisent peut
les amener à justement pouvoir déterminer un prix. Ce n'est pas
le cas chez nous. On fonctionne par l'intermédiaire de
détaillants et non d'agents. Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine,
je pense que vous connaissez cette situation.
Une autre information qui peut peut-être vous aider à
comprendre la situations Dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, l'impact a
été de 0,042 $; dans ce cas précis, les 0,042 $ ont
été divisés: 0,021 $-0,021 $ en termes de
réduction.
M. Côté (Jean): Si vous me permettez, deux
commentaires.
Le Président (M. Théorêt): M.
Côté.
M. Côté (Jean): J'ai été
impliqué dans les Îles-de-la-Madeleine au moment du décret.
Disons quant à savoir qui établit le prix, je suggérerais
fortement que la commission parle aux experts, aux spécialistes
professionnels du ministère de l'Énergie et qu'on leur demande
d'expliquer les différentes façons dont se servent les
pétrolières pour fonctionner. Toutes les
pétrolières n'ont pas te même système en place. On a
parlé de prix au détaillant, donc on peut parler de
différents systèmes, celui des prix affichés; disons que
ce sont des systèmes différents. Maintenant, je crois que cela
aiderait à comprendre la situation.
En ce qui concerne les Îles-de-la-Madeleine, je peux vous dire
qu'à la suite du décret, j'ai reçu un appel
téléphonique chez moi, j'étais en congé; on m'a
informé que les détaillants avaient posé l'action qui a
été mentionnée. Disons qu'il faudrait demander aux
détaillants pourquoi ils ont pris cette action parce que cela n'a rien
à voir avec nous.
Je peux vous dire que je me suis organisé de façon que
notre représentant, notre agent aux Îles-de-la-Madeleine donne une
assurance à nos détaillants que nous avions l'intention de
prendre une action et qu'on ne les laisserait pas absorber seuls les 0,042 $.
De fait, quelques jours plus tard, nous avons pris l'action qui a
été mentionnée par Michel. Nous en avons absorbé 50
%.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
M. Farrah: Une dernière question brève, M. le
Président, si vous me permettez.
Le Président (M. Théorêt): Oui, brève,
s'il vous plaît!
M. Farrah: Les mesures que vous proposez, par exemple en ce qui a
trait au
permis de conduire, une réduction des frais, etc., à ce
moment-là, ces mesures quand même ne pourraient pas empêcher
qu'une chose semblable puisse se reproduire, dans le sens qu'on peut
réduire le coût du permis de conduire d'autant, d'un montant X,
mais ce sont quand même les détaillants, comme vous le dites, qui
fixent le prix; ils peuvent quand même se réunir encore et le
fixer le prix qu'ils veulent. Â ce moment-là, il n'y aura pas
d'impact du prix de l'essence sur le consommateur. On peut réduire le
coût du permis de conduire, d'une part, mais, d'autre part, le prix peut
quand même augmenter s'il y a coalition entre tous les
détaillants.
M. Charbonneau (Michel): Je pense qu'il faudrait se limiter
à dire qu'une telle coalition n'est pas légale et qu'il y a des
façons de traiter de telles situations.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Pour le mot
de conclusion, M. le député de Roberval et critique de
l'Opposition et M. le ministre.
M. Gauthier: Oui, juste un mot pour vous dire que nous
apprécions votre présence à cette commission
parlementaire. Vous avez fait l'impossible pour nous présenter un
mémoire intéressant et vous avez répondu à nos
questions avec le plus de précision possible; nous apprécions
cela. Je vous avoue que de tout cet échange que nous avons eu ensemble
je retiens que, en ce qui concerne les recommandations, il faudra que la
commission envisage possiblement un mécanisme de surveillance des
marchés ou un mécanisme visant à informer davantage le
consommateur des différents comportements des prix sur le marché.
Afin que l'argent aille véritablement dans la poche de ceux qui
consomment l'essence, il faudra peut-être envisager des mesures que nous
recommanderons évidemment au gouvernement mais qui sont
intéressantes du côté de l'immatriculation
particulièrement. Peut-être qu'une combinaison de deux choses
pourrait permettre de rendre véritablement justice.
Quoi qu'il en soit le seul doute qui subsiste malheureusement à
la suite de la comparution c'est un peu la dernière question que je vous
posais quant au calcul, à la part, je n'ai pas l'impression - vous
n'êtes pas au banc des accusés plus qu'une autre
pétrolière - que les consommateurs ont empoché la baisse
de taxe qui leur était destinée. Pour une partie, cela a
été vrai oui, mais je pense qu'il y a une partie qui a servi
à d'autres fins. C'est peut-être la difficulté qu'on a
à concilier les chiffres à la limite quand on regarde cela.
Cependant, conscient de l'importance d'une liberté dans le marché
des produits pétroliers et conscient aussi des efforts que certains font
et que des détaillants font aussi dans des régions pour maintenir
le prix à un niveau acceptable, nous allons faire l'impossible pour
recommander au gouvernement et supporter le gouvernement, si c'est le cas, dans
le choix de mesures qui pourraient en quelque sorte vous laisser quand
même un intérêt quelconque au marché des produits
pétroliers au Québec et dans les régions
périphériques.
Je vous remercie de votre présence, ici, aujourd'hui.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, moi aussi je voudrais
remercier les représentants d'Esso, M. Thompson, M. Côté et
M. Charbonneau pour leur mémoire et la présentation qu'ils ont
faite. II y a certaines choses qui découlent de votre mémoire et
certaines conclusions auxquelles je suis venu à la suite des
informations que vous nous avez données. Premièrement, votre
proposition ou votre recommandation de dégrèvement d'impôt
ou de plaques d'immatriculation. Le coût minimum d'une telle mesure pour
le consommateur serait de 0,065 $ le litre, sans compter la
récupération des décrets. Si on traduit cela en termes de
prix au gallon, cela veut dire 0,295 $ le gallon d'augmentation le 18 septembre
dès que les décrets sont annulés et dès qu'on
aurait réimposé la surtaxe, sans compter la
récupération des décrets. C'est quelque chose qui,
naturellement, nous porterait à réfléchir
sérieusement avant d'adopter une telle mesure et d'imposer une
augmentation de 0,30 $ le gallon au consommateur dans les régions
périphériques.
Je dois avouer, cependant - il faut donner crédit quand il y a
des vérités - que Esso a été l'une des compagnies
qui ont coopéré le plus avec le ministère dans
l'application des décrets pour ne pas que toute la mesure tombe sur le
dos des détaillants. Vous comprenez maintenant, les membres de la
commission, qu'on ne pouvait pas fixer le prix aux détaillants, parce
qu'il y a trop d'impondérables, il y avait trop de différences
dans l'industrie. On pouvait seulement fixer le prix à la pompe. Quand
les détaillants ont communiqué avec nous, par exemple, mon
collègue des Îles-de-la-Madeleine, il est vrai que mon
ministère a communiqué immédiatement avec Esso et votre
réaction a été immédiate et vous avez
coopéré pour ne pas que ce soit seulement le détaillant
qui absorbe les effets du décret. Pour cela, je dois reconnaître
que vous avez fait, je crois, votre part en grande partie.
Ce qui m'amène en conclusion, en plus de votre témoignage
et de celui des autres pétrolières, à dire qu'il est vrai
que personne... Ce n'est pas un monopole, c'est-à-dire que trois ou
quatre compagnies se mettent ensemble et contrôlent le marché
dans ce sens-là, mais vous avez sûrement un effet sur les
prix. Chaque société a un effet sur les prix. Même si vous
ne contrôlez le prix que de 15 %, 18 % ou 20 % de vas marchands,
même si les autres avaient le loisir d'augmenter ou de réduire les
indépendants ou autres - le fait demeure que vous avez une influence
importante- C'est pour cela que le mécanisme d'inspection, le
mécanisme de surveillance, doit premièrement donner l'information
aux consommateurs. Un consommateur qui sera bien informé pourra prendre
les décisions, faire les meilleurs achats. Aussi, je crois que les
études ont démontré que de donner de l'information est une
pression à une baisse des prix. Deuxièmement, ce mécanisme
de surveillance ou d'inspection pourrait porter à l'attention du public
laquelle des sociétés est la première à augmenter
le prix, parce que les autres vont suivre après. C'est
indéniable, c'est ce qui arrive.
Si on ne renouvelle pas les décrets - la décision finale
n'est pas prise - si les décrets tombent le 17, je peux vous assurer que
nous allons être très vigilants pour voir et déterminer
laquelle des pétrolières va être la première
à augmenter les prix. Nous avons toujours la loi sur les décrets
qui nous permet d'agir dans l'avenir. Je crois qu'il sera important, pour nous
et pour le consommateur, de voir qui va augmenter le premier. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Messieurs, les membres de la commission vous remercient et je
voudrais, avant de suspendre, porter à l'attention des membres de la
commission et des représentants des autres groupes dans la salle que le
fait qu'on ait utilisé jusqu'à une heure et demie environ pour
écouter les représentants de la compagnie Esso ne veut pas dire
qu'on veut créer un précédent, mais ceci est dû
strictement au fait que l'organisme suivant, qui devait être Ultramar
Canada Inc. n'est pas présent. Je ne voudrais pas que les autres groupes
pensent qu'on peut, même si tous les intervenants sont fort
intéressants, prolonger chaque fois de cette façon.
C'était strictement dû au retard.
Nous allons suspendre les travaux quelques minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 44)
(Reprise à 11 h 59)
Le Président (M. Théorêt): M. Gaulin et votre
collègue qui vous accompagne, les membres de la commission, vous
souhaitent la bienvenue. Je vous demanderais, dans un premier temps, de nous
présenter votre collègue qui vous accompagne et également
je vous rappellerai que vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire.
Ultramar Canada Inc.
M. Gaulin (Jean): Merci, M. le Président. Mon
collègue est M. Guy Archambauit qui est le président de la
division du Québec. Nous fonctionnons au Canada à même
trois divisions? L'Atlantique, l'Ontario et le Québec M. Guy Archambauit
est responsable de la division du Québec.
Premièrement, je voudrais vous remercier d'avoir accommodé
mon horaire et d'avoir accepté de me voir un peu plus tard et aussi de
nous permettre de venir présenter notre point de vue à cette
commission que nous jugeons très valable. Nous venons ici dans un esprit
de collaboration.
Je ne lirai pas le document qu'on vous a soumis. Je présume que
vous en avez pris connaissance. Je voudrais simplement, si vous me le
permettez, parler un peu des contextes dans lesquels on fonctionne pour amener
une certaine lumière sur la réalité des choses dans notre
secteur. Vous avez probablement retrouvé des renseignements que vous
avez reçus au cours de ces audiences, mais je pense qu'il est valable de
les répéter ou même de les faire valoir de notre point de
vue à nous.
Premièrement, on fonctionne dans un contexte international et
l'Est du Canada et tout le Canada au complet est le seul pays
industrialisé où il n'y a pas de barrières tarifaires ou
de barrières non-tarifaires au commerce du pétrole. Si on s'en
remet aux États-Unis, à l'Europe, au Japon ou à
l'Australie, tous ces pays-là ont des tarifs à l'importation de
produits raffinés.
Donc, on vit dans une réalité où on concurrence au
chapitre international. Cela se traduit dans les faits, c'est-à-dire
qu'il y a des produits pétroliers qui sont importés ici au
Québec et si on fait la liste des pays d'où ces
produits-là nous arrivent, il y en a peut-être une vingtaine, si
on retraçait, par exemple, ce qui s'est passé depuis un an ou un
an et demi. Donc, on doit tenir compte de cette réalité au titre
de la concurrence.
Deuxièmement, j'aimerais aussi apporter quelques renseignements
au sujet du contexte financier dans lequel on fonctionne, puisque, bien
entendu, votre commission s'intéresse à ce point de
vue-là. Premièrement, pour situer un peu l'ordre de grandeur des
choses si, par exemple, on recherchait un rendement sur capital de 12 %
après impôt, cela correspondrait à environ 0,01 $ du litre
sur les produits vendus sur le marché canadien.
Donc, pour nous, ce ne sont pas des cents qui comptent, mais bien des
fractions de cents et c'est le volume, naturellement, qui vient nous apporter
le rendement requis pour financer nos investissements. Or, bien entendu, quand
on a des investissements de
l'ordre de 1 000 000 000 $, les profits peuvent paraître
élevés. Pour nous, 60 000 000 $ après impôt, cela
nous donnerait un rendement de 12 % sur le capital investi et cela
représenterait 0,01 $ du litre sur tous les produits vendus.
Deuxièmement, j'aimerais apporter une certaine comparaison d'une
entreprise pétrolière versus une entreprise
réglementée. C'est-à-dire qu'une entreprise
réglementée fonctionne à partir de coûts. Elle
établit, comme on le dit dans le langage, les coûts de service.
Elle se présente devant un organisme réglementaire et elle
justifie ses coûts. Elle les établit et par la suite l'organisme
réglementaire détermine les prix.
Dans notre cas, c'est le contraire qui se produit. On fonctionne
à partir des prix sur le marché et par la suite on regarde nos
coûts et s'ils sont trop élevés comme cela a
été le cas dans le passé, puisque vous connaissez les
rendements des sociétés pétrolières dans le domaine
du raffinage, on essaie de faire des efforts pour ajuster, baisser, diminuer
les coûts pour pouvoir financer nos projets à venir.
Donc, il faut se rappeler que c'est très difficile pour une
entreprise qui n'est pas réglementée de fournir des
renseignements sur les coûts. Je vous donne un exemple du cheminement que
pourrait prendre un litre d'essence qui serait vendu à Matane et la
façon dont on pourrait établir les coûts.
Premièrement, chez nous on reçoit à peu près
une vingtaine de bruts différents qui sont acheminés par
pétroliers qui arrivent à notre quai de Saint-Romuald. C'est
mélangé dans des réservoirs. Ces bruts-là se
vendent à des prix différents. Ils contiennent des
quantités différentes d'essence, d'huile à chauffage et de
mazout. Déjà là, la comptabilité pour
établir le coût de ces pétroles bruts est compliqué.
Par la suite, je raffine ces pétroles dans des unités de
fabrication différentes. Pour l'essence, pour l'huile à
chauffage, pour le mazout lourd, cela passe par des unités
différentes. Or, comment établir les coûts
d'investissement, les coûts d'amortissement de toutes ces unités
de fabrication, sans compter le coût des salaires, par exemple, pour un
employé qui fait de l'entretien. En fait-il plus sur l'essence ou sur le
coût de l'huile à chauffage? C'est déjà assez
difficile.
Troisièmement, une fois que l'on a ces composantes, on fait un
mélange et en ce qui concerne l'essence, on en fait trois
différentes sortes d'essence qui contiennent des composants
différents. Donc, encore là, c'est assez difficile
d'établir le coût comme tel. Par la suite, on achemine cela par
pétroliers dans des terminaux marins jusque par exemple à
Chicoutimi. De temps en temps, les intempéries ne nous permettent pas
d'y aller par bateau, on y va par camion et donc déjà pour
essayer d'établir les coûts, cela exige une comptabilité
assez complexe. Par la suite, à partir du terminal de Chicoutimi, par
exemple, on fait la livraison dans les différentes stations qui n'ont
pas la même distance et la même grosseur de réservoirs, qui
vendent différentes proportions d'essence.
Je vous dis ceci simplement pour vous faire constater qu'il est
extrêmement difficile et qu'il serait extrêmement coûteux
d'établir les coûts, surtout quand les prix du pétrole brut
- et cela vous pouvez le constater tous les jours dans les journaux -varient
souvent de l'ordre de 2 $ US du baril qui représentent 0,02 $ du litre
et donc deux fois plus que ce que notre marché nous permet de
réaliser. Comment pourrait-on établir les coûts à un
moment donné dans une région quelconque de notre
marché?
En conclusion, M. le Président, parce que je ne veux pas
étirer ma présentation, vous avez constaté, je pense, nos
recommandations dans le rapport, mais j'aimerais insister de nouveau sur trois
points: La première chose est qu'il est certain que pour recouvrer ces
0,045 $, la meilleure façon de le faire, c'est de les
réétablir. À ce moment-là, on est certain que cela
revient dans les coffres du gouvernement.
Deuxièmement, il s'agit de trouver un moyen pour le gouvernement
d'aider ces régions qui en ont besoin. On a constaté que ce
mécanisme n'est pas le meilleur mécanisme pour ce faire.
Troisièmement, à la suite de ce que je viens de vous dire,
je me permets de constater et je vous dis simplement que la
société Ultramar reconnaît le besoin d'information de tous
les consommateurs en ce qui concerne les prix et ses composantes. Je pense que
ce serait la meilleure façon d'informer le consommateur sur la
complexité de notre entreprise et nous ne pouvons que souscrire à
ce que le ministre a suggéré, d'établir un organisme de
surveillance des prix, puisque, à notre avis, cela va aider le
consommateur à comprendre la complexité de notre entreprise et
à être bien informé des prix et de ses composantes.
M. le Président, je termine là-dessus.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Gaulin.
Je cède maintenant la parole au ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je vous remercie, M.
Gaulin. Permettez-moi tout d'abord de vous souligner notre appréciation
pour les efforts déployés par Ultramar pour affirmer sa
présence dans la société québécoise,
notamment en y transférant son siège social et en
réalisant un important programme d'investissement à
Saint-Romuald. On parlera des autres aspects après.
On a examiné votre mémoire, on l'a lu attentivement, et
vous affirmez que les changements dans les écarts de prix ont
été occasionnés - à la page 3 - non pas par des
hausses de prix dans les régions, mais bien par un fléchissement
du marché montréalais au début de l'été
1986. C'est à la page 3 de votre mémoire, le troisième
paragraphe, dernier paragraphe. Ce fléchissement n'était-il au
fond que le reflet de la baisse des prix du pétrole brut au niveau
international?
M. Gaulin: Oui, M. le ministre.
M. Ciaccia: Et cette baisse n'a pas été
répartie également dans les régions. Selon les chiffres
que nous ont donnés certaines pétrolières et selon les
informations à notre ministère, vous avez baissé plus, les
baisses ont été plus élevées à
Montréal que dans certaines régions
périphériques.
M. Gaulin; C'est ce que mentionne notre rapport, oui.
M. Ciaccia: Pourquoi un fléchissement équivalent ne
s'est-il pas manifesté dans les régions plus
éloignées?
M. Gaulin: C'est ce que j'essayais d'expliquer. Ce qui nous guide
dans notre politique de prix, c'est ce que la concurrence exige. Que vous soyez
propriétaire de 1000 stations-service ou d'une station-service, si vous
ouvrez une station-service, la première question que vous vous posez,
c'est: À quel prix vais-je afficher? Vous allez regarder de l'autre
côté de la rue et si les prix sont à tel niveau, vous les
établirez à ce niveau-là. Donc, c'est simplement le
mécanisme normal que l'on suit dans notre entreprise, dans notre
industrie pour l'établissement des prix.
M. Ciaccia: Quand vous parlez de marché libre et des
fluctuations des prix, d'un côté les consommateurs ont souvent
l'impression que lorsque l'on modifie une taxe à la hausse, les effets
sur le marché libre - entre guillemets - sont permanents mais lorsqu'il
s'agit d'une réduction de taxe, les effets sont plus volatiles. Comment
expliquez-vous cela?
M. Gauiin: La façon dont cette comparaison a
été faite, elle a été arrêtée dans le
temps et on a comparé en fonction de la région de
Montréal. Je me demande si toutes les forces qui agissent sur le
marché sont constantes et le demeureront ad vitam aeternam entre
Montréal et ces régions périphériques.
M. Ciaccia: Dans la chaîne des intervenants, les
pétroliers, les raffineurs, les grossistes détaillants, quel est,
selon vous, celui qui a le plus de poids à la détermination des
prix à la pompe?
M. Gaulin: Dans notre cas, M. le ministre, le mécanisme
est bien simple, la majorité de nos détaillants sont en
consignation. Nous leur garantissons une marge d'opération pour qu'ils
puissent survivre et, en retour; nous établissons nous-mêmes les
prix.
M. Ciaccia: Si je vous comprends bien, dans la majorité
des cas ce n'est pas le détaillant qui détermine les prix mais
Ultramar.
M. Gaulin: C'est bien cela.
M. Ciaccia: Ultramar fixe les prix.
M. Gaulin: Oui.
M. Ciaccia: Si c'est vous qui fixez les prix, quand vous parlez
de libre concurrence, la façon dont on nous l'explique est à
savoir que si quelqu'un fixe un prix plus haut, la tendance est à la
hausse, si le Drix est fixé plus bas, les consommateurs se dirigeront
vers le détaillant ou la société qui... Vous êtes en
mesure d'établir cette concurrence.
M. Gaulin: On établit les prix en fonction de ce que la
concurrence impose.
M. Ciaccia: De quelle façon fixez-vous les prix? Si Shell
augmente vous augmentez? Est-ce qu'il y a d'autres éléments?
Comment fixez-vous les prix, par exemple, dans les régions
périphériques?
M. Gaulin: Je vais demander à M, Archambault qui est
responsable de cela de vous répondre.
M. Archambault (Guy): M. le ministre, en réponse à
votre question, permettez-moi de commencer en vous disant que si mes
compétiteurs montent les prix et que, d'après moi, c'est sans
raison valable, autrement dit il n'y a pas eu d'augmentation notable des
coûts du brut, il n'y a pas eu d'augmentation valable des coûts de
marketing, donc, ils tentent simplement d'augmenter leurs marges, les chances
sont que je ne suivrai pas et que je vais tenter d'accaparer leur
clientèle. Sauf que, règle générale, ils vont
redescendre et tout le monde va rester au même prix. (12 h 15)
S'il y a une augmentation, si, pour me servir de votre exemple, Shell a
augmenté ses prix à la suite de trois ou quatre mois
d'augmentation du prix du brut, étant donné que je n'ai que 0,01
$ du litre avec lequel je peux jouer, je ne peux pas attendre bien longtemps et
je ne pense pas que je pourrais demeurer dans mon emploi présent
bien
longtemps si je ne suivais pas. Je vais donc suivre immédiatement
et c'est assez facile à voir, étant donné que l'industrie
pétrolière est peut-être une des seules,
privilégiées ou non, où les prix de tous ses produits
principaux sont fixés sur une enseigne de six pieds sur six pieds, en
plastique, illuminés et, dans la plupart des cas, vingt-quatre heures
par jour. Bien sûr, quand l'annonce monte chez mon concurrent et que j'ai
aussi les mêmes coûts que lui, j'ai aussi les mêmes
augmentations, je vais en profiter et je vais monter.
Je peux vous dire également que si mon compétiteur tente
d'accaparer ma part de marché et baisse ses prix, nous avons des
mécanismes qui réagissent immédiatement et je baisserai.
En fait, à mon avis en tout cas, les composantes principales des forces
du marché, dans un premier temps, c'est le volume. C'est notre gros
multiplicateur. On fait juste un cent le litre. Alors, plus de litres on
vendra, évidemment plus d'argent on fera.
La deuxième composante, c'est la compétition, la
concurrence, le nombre de détaillants qu'il y a dans un marché.
Cela fait une dynamique. Bien sûr, le marché de Montréal a
une dynamique supérieure à la plupart des zones
périphériques. C'est une des raisons pour lesquelles le
marché de Montréal, en 1986, a baissé plus rapidement et
même plus bas que dans certaines zones périphériques.
Ensuite, évidemment, la troisième composante d'une force
de marché c'est le désir d'un des joueurs d'accaparer la part de
marché de l'autre. C'est ce qui part les guerres des prix.
M. Ciaccia: Quand les décrets ont pris effet, il y a eu
une baisse des prix à la pompe par vos détaillants. Qui a
absorbé cette baisse? Est-ce le détaillant ou Ultramar?
M. Archambault: Le 15 juin, la veille, mes détaillants -
j'en ai 161, entre parenthèses, dans les zones
périphériques qui sont concernés - les 161
détaillants faisaient un minimum de 0,034 $ et le lendemain, nous avons
suivi votre recommandation, le décret et les mêmes
détaillants faisaient encore 0,034 $ et ils le font encore. Ce que je
suis en train de vous dire, c'est que Ultramar a absorbé la
totalité de la baisse et les seules exceptions ont été 18
détaillants situés dans quelques régions
périphériques plus éloignées, comme la
Basse-Côte-Nord, par exemple, et la Gaspésie. Il y a 18 de ces
détaillants indépendants qui n'étaient pas sur un support
de prix, ce qui veut dire qu'ils faisaient beaucoup plus que 0,034 $. Certains
faisaient jusqu'à 0,05 $ ou 0,06 $. Quand la baisse de prix de 0,045 $
est arrivée, ils ont descendu, ils ont absorbé à
même le surplus qu'ils avaient une partie de cette baisse. Mais quand ils
sont arrivés à 0,034 $, soyez sans inquiétude qu'ils sont
venus frapper à notre porte et nous les avons supportés. Ils ont
0,034 $. Il y en a même quelques-uns qui ont un peu plus que cela parce
que, leur volume étant petit, ils ont besoin d'un peu d'aide et nous
leur donnons donc un subside temporaire pour qu'ils puissent arriver.
M. Ciaccia: Tantôt, vous avez dit que les coûts sont
difficiles à établir. Si je vous comprends bien, dans
l'établissement de l'industrie. Vous avez aussi mentionné que
vous avez besoin d'une marge de 0,01 $ le litre. Alors, si les coûts sont
difficiles à établir, comment établissez-vous la marge de
0,01 $ le litre dont vous avez besoin pour vos opérations?
M. Gaulin: Disons que lorsque je vous parle de 0,01 $ le litre,
c'est sur l'ensemble des volumes du territoire. Donc, la façon dont on
fonctionne, c'est qu'on établit nos prix en fonction de la concurrence,
mais, à la fin, il nous reste un certain montant d'argent. On sait
exactement combien on vend de litres. Donc, on peut établir... Par
exemple, dans notre cas, on vend 6 000 000 000 de litres. S'il nous restait,
à la fin de l'année, 60 000 000 $ après impôt, cela
représente 0,01 $ du litre. C'est simplement pour illustrer que je ne
peux pas vous dire si je fais 0,01 $ le litre à Vai-d'Or, ou si je fais
0,01 $ par litre à Montréal ou si j'en fais un même dans
les autres provinces, je le sais sur l'ensemble de nos opérations.
M. Ciaccia: Vous ne savez pas si vous le faites dans les autres
provinces ou dans les autres régions. Autrement dit, si vous avez, par
exemple, des postes d'essence en Ontario, vous ne savez pas si vous perdez de
l'argent là ou non. Ce que vous regardez, c'est l'ensemble de vos
opérations.
M. Gaulin: C'est l'ensemble de nos opérations. Je vous
donne un exemple: j'ai une raffinerie à Saint-Romuald qui dessert tous
mes marchés: les Maritimes, l'Ontario, le Québec. Comment est-ce
que je fais pour établir mes coûts de raffinage qui sont
applicables à l'Ontario, au Québec ou, par exemple, aux
Maritimes? Comment est-ce que je fais pour répartir mon coût sur
l'ensemble des ventes? Il y a des mécanismes qui nous aident à
donner des guides à nos gens qui fonctionnent dans les stations-service,
mais je ne peux pas vous affirmer... Je reviens à mon argument de
tantôt, à savoir qu'il serait extrêmement difficile de le
faire - pas impossible, mais extrêmement difficile - soit
d'établir des coûts dans des régions données.
M. Ciaccia: Alors, cela veut dire que vous ne pouvez pas
établir les coûts, par exemple, en Ontario, si vous voyez que vous
avez besoin - prenons le chiffre que vous m'avez donné - de 60 000 000 $
et si vous identifiez une région où vous pouvez augmenter les
prix pour aller chercher vos 60 000 000 $, c'est cela que vous allez faire.
M. Gaulin: C'est la libre entreprise qui nous conduit. Autrement
dit, si je suis capable d'afficher mes prix, toujours à
l'intérieur de ce que Guy a dit, dans le raisonnable, bien entendu, si
dans certaines régions on me permet d'afficher des prix plus
élevés que dans d'autres, je le fais parce que c'est le
marché qui établit ces prix et le marché tient compte,
à long terme, de tous ces éléments, des composantes de
prix qui viennent s'accumuler pour faire le prix de détail.
M. Ciaccia: Alors, s'il y a des marchés un peu moins
concurrentiels, vous pouvez facturer plus pour votre produit.
M. Gaulin: Oui, parce que je me dis que s'ils sont un peu moins
concurrentiels, c'est probablement parce qu'il y a moins de profits dans ces
régions. Donc, c'est pour cela que j'ai moins de concurrence.
M. Ciaccia: Les coûts du transfert du brut - on avait
posé cette question à Esso -est-ce que ce sont les coûts
réels? Je présume que vous avez la même structure que les
autres sociétés; vous avez le marketing, la mise en marché
et le raffinage. Est-ce que les coûts des transferts du brut sont les
coûts réels ou est-ce qu'il y a une certaine marge que vous
maintenez?
M. Gaulin: Disons que je ne pense pas qu'an soit comparable
à Esso en ce sens qu'on produit très peu de pétrole brut
au Canada. Je pense qu'on n'achète pas du tout de pétrole brut.
Quand je dis, je pense, c'est sur le "pas du tout" que j'insiste qui provient
de nos propres puits. Donc, on achète le pétrole brut sur le
marché libre, que cela vienne de la Mer du Nord ou de l'Arabie Saoudite,
bien souvent on ne produit même pas ces barils. Dans la plupart des cas,
cela m'étonnerait même qu'on ait du pétrole que l'on
produit nous-mêmes qui soit arrivé à notre raffinerie de
Saint-Romuald. Vous savez, peut-être juste pour ouvrir une
parenthèse, si je prends le groupe Ultramar au complet, on a
réalisé, dans les premiers six mois, l'équivalent
d'à peu près 50 000 000 $ US après impôt alors que
Exxon en a réalisé 1 300 000 000 $ par trimestre après
impôt. Donc, on ne se compare pas du tout en termes de grandeur et de
complexité. Pour répondre à votre question, le prix que
l'on paie c'est le prix du marché à un tiers.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique officiel et député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Merci aux gens
d'Ultramar de s'être présentés ici et de nous avoir
déposé un mémoire de qualité. Effectivement, le
ministre a insisté au début de son intervention sur votre
présence au Québec pour une grande partie de vos
activités. Nous sommes évidemment heureux de cet aspect de vos
activités. Plusieurs questions ont été posées au
cours de cette commission et finalement les pétrolières, pour
l'essentiel, s'entendent pour tenir une argumentation qui se ressemble
passablement. Mais il y a un aspect sur lequel je n'ai pas encore
demandé d'éclaircissement et j'aimerais le faire dans votre cas.
C'est lorsqu'une compagnie pétrolière nous parle de forces du
marché. On a défini les forces du marché au cours de cette
commission comme étant les prix payés, le brut, la concurrence
dans certaines régions, les coûts pour livrer, bref, c'est un
amalgame de tous ces facteurs qui font que, un moment donné, pour une
raison ou pour une autre, on trouve un équilibre, compte tenu de la
capacité de payer du consommateur qui se trouve quelque part; c'est un
point X.
On n'a jamais parlé, en tout cas à ma connaissance, d'une
force du marché, d'un facteur qui influencerait les forces du
marché et qui serait celui de créer un "vacuum" à la
baisse dans le prix du prétrole. Je m'explique. S'il arrivait demain
matin que, pour une raison ou une autre, le prix du pétrole brut
connaisse une chute absolument fantastique et créant, par le fait
même, dan3 l'une des composantes du prix de l'essence, ce que j'appelle
un "vacuum", une baisse de prix qui laisse 0,03 $ ou 0,04 $ de disponibles le
litre - admettons que c'est de cet ordre - à ce moment-là, les
forces du marché auraient tendance à jouer de la manière
suivante: puisqu'il y a une économie possible de 0,03 $ ou 0,04 $ le
litre à cause d'un facteur donné, d'une composante donnée,
il est bien possible que le consommateur en profite, mais dans l'ordre de 0,01
$ ou 0,02 $ par exemple et que les compagnies pétrolières
profitent de cet avantage pour rentabiliser davantage leurs investissements. Ce
n'est pas un reproche que je fais, c'est une constatation. Effectivement,
est-ce que tout changement brusque dans le coût de l'une des composantes
du litre d'essence à la pompe a une influence dans le sens de celle que
je viens de vous expliquer?
M. Gaulin: Si je comprends bien, vous voulez savoir si les
fluctuations au niveau du prix du pétrole ont une influence sur le prix
de l'essence? Oui, je pense qu'on a vécu cette situation...
M. Gauthier: C'est-à-dire, je m'excuse». Je sais que
cela a une influence évidemment, mais je prétends que toute
baisse importante...
M. Gaulin: Oui.
M. Gauthier: ...a une influence moindre que cette
baisse-là chez le consommateur, puisque le prix peut s'établir,
le marché est habitué de payer, mettons le consommateur est
habitué de payer 0,52 $ le litre.
M. Gaulin: Oui.
M. Gauthier: Vous pouvez, s'il y avait une baisse
théorique demain matin, de 0,10 $ le litre pour les
pétrolières, l'affirmation que je fais est la suivante: C'est que
le jeu du libre marché ne descendra pas le prix à 0,42 $ mais
risque de le situer aux environs de 0,46 $, par exemple.
M. Gaulin: Je vais vous répondre; j'avais compris votre
question.
M. Gauthier: D'accord, je m'excuse.
M. Gaulin: On a vécu cette situation en 1986 du fait que
les coûts du pétrole ont tombé de l'équivalent de
0,12 $ le litre. 0,12 $ le litre, c'est environ 12 $ US, si on veut, et cela ne
s'est pas produit immédiatement, parce qu'il y a un certain temps avant
que le pétrole arrive sur le marché.
Les pétroliers amènent le pétrole de la Mer du
Nord, par exemple- On achète le pétrole pas la journée
avant que le bateau arrive. Donc, il y a un certain inventaire dans le
système. Je peux vous affirmer -vous n'avez qu'à vérifier
les rapports annuels de toutes les entreprises en 1986 - que nous avons perdu
50 000 000 $ avec ce jeu-là, parce que justement les prix sur le
marché ont chuté trop vite.
Vous comprenez que si on veut approvisionner les gens sur le
marché et ne pas manquer de produits, il faut avoir des inventaires. Or,
la pression qui a été exercée sur les prix à cause
de cela - je vais vous expliquer comment cette pression est venue -nous a
forcé à baisser les prix sur le marché plus vite que nos
coûts ont baissé dans nos inventaires.
La raison pour laquelle on est obligé de l'absorber, c'est comme
je vous l'ai dit tantôt. Le marché est complètement ouvert
aux importateurs de produits pétroliers. Sans vouloir entrer dans Ies
causes techniques de tout cela, c'est qu'au Canada, on est obligé de
suivre une méthode d'inventaire qui reconnaît ce laps de
temps-là, tandis qu'aux États-Unis, les entreprises peuvent
suivre une méthode de coût qui reconnaît les coûts
présents, si bien qu'en ce qui concerne le coût pour les
entreprises américaines, par exemple, la baisse de prix est
immédiate, tandis que chez nous, elle prend environ 90 à 100
jours. Si bien que les importations sont rentrées et donc, quand les
prix du pétrole sont à la baisse, les compagnies
pétrolières au Canada sont très vulnérables
à cause de cela. (12 h 30)
L'information existe. Si vous prenez notre rapport annuel ou si vous
prenez le rapport annuel d'Impériale, vous allez retrouver... Nous, en
tout cas, on a rapporté une perte de 50 000 000 $ due à cela.
M. Gauthier: M. Gaulin, j'aimerais que vous m'expliquiez, parce
que c'est fort intéressant cette explication-là, j'aimerais que
vous me disiez: au moment où le prix baisse effectivement, par le jeu de
la concurrence etc., les prix descendent plus rapidement que la gestion de vos
stocks ne vous permettrait de le faire. Cela je le comprends bien. Quand le
phénomène inverse, au bout de la course - parce que ce sont des
cycles et ce n'est jamais très très long malheureusement - quand
on arrive au bout de la course et que les prix augmentent et que vos
inventaires se sont, j'imagine, renouvelés durant la période
où le prix était plus bas, est-ce que le même
phénomène qui deviendrait, à ce moment-là, une
compensation se fait à l'autre bout du cycle?
M. Gaulin: Le laps de temps qui, à ce moment-là,
est établi par les forces du marché surtout local a cours quand
même. Autrement dit, chaque fois que le pétrole brut augmente, les
prix au détail n'augmentent pas avant un certain laps de temps et ce
laps de temps-là est déterminé par celui qui a le moins
d'inventaire dans le système au Canada.
Une chose qu'il est très important de comprendre, c'est que nous,
la concurrence, on la voit en fraction de cents. Si, autrement dit, je paie
0,25 $ pour mon brut et que cela me coûte 0,24 $ pour opérer et
que je fais 0,01 $ de profit, si mon coût augmente à 0,25 $, il
faut absolument qu'à un moment donné quand j'ai
épuisé mes inventaires, je l'augmente, parce que moi, je n'ai
plus de marge. C'est comme dans les produits alimentaires, c'est la même
chose. On fonctionne avec de très petites marges et les gens doivent
augmenter les prix en fonction de leur coût.
Le meilleur critère, c'est de constater nos profits. Il y a des
agences de surveillance au Canada qui ne font que cela et si vous consultez
leurs renseignements,
vous allez constater que cela n'a pas été très
rose.
M. Gauthier: Compte tenu du fait que l'équilibre pour les
pétrolières est extrêmement fragile, cela vous nous l'avez
tous expliqué puis on peut concevoir, par la lecture des chiffres, que
cela puisse être exact mais, compte tenu de ce fait-là, est-ce que
ce n'est pas finalement cet équilibre fragile qui aurait fait en sorte
qu'en 1983, comme cela s'est reproduit dernièrement, lorsqu'il y a eu un
espèce de vacuum créé par une baisse soudaine des taxes
provinciales au prix du litre d'essence... Est-ce que ce n'est pas ce fragile
équilibre qui a fait en sorte que la tentation a été
grande de mettre en évidence, parce que le consommateur était
habitué de payer un prix, de mettre en évidence auprès du
groupe de travail qui a été formé à ce
moment-là puis de la commission maintenant que Ies profits ne sont
peut-être pas ce qu'ils sont et qu'on profite de l'occasion parce que le
jeu du libre marché joue en votre faveur nettement, qu'on profite de
l'occasion pour réajuster le prix aussi rapidement que ce soit
possible?
M. Gaulin: Je vais laisser M. Archambault répondre, parce
que, en 1983, j'étais pour une entreprise dans le domaine du gaz alors,
à ce moment-là, je n'étais pas là.
M. Archambault: En 1983, M. Gaulin était mon
compétiteur à Gaz Métropolitain mais, en 1983, je me
souviens très bien par exemple, qu'en février 1983, une compagnie
qui s'appelait Gulf, qui n'existe plus aujourd'hui au Québec, ou du
moins très peu... Gulf voulait corriger les indépendants qui
avaient pris un écart de 0,02 $, 0,03 $ et 0,04 $ du litre sur les
majeurs et Gulf a décidé, en février 1983, de leur
permettre 0,005 $ et ils ont baissé, ils les ont, si vous voulez me
permettre l'expression, "accotés".
Evidemment, on n'était pas pour laisser faire Gulf, alors on a
suivi Gulf avec le résultat qu'on a tous perdu de l'argent en 1983
à coup de 8 000 000 $, 9 000 000 $ par mois par compagnie, selon la
grosseur de la compagnie. Plus on vendait, plus on perdait et à partir
de ce moment-là, si vous revérifiez en 1983, il y a eu
également des augmentations de brut alors cela veut dire qu'on perdait
sur les deux bouts, on perdait au prix de vente, et on perdait aussi au niveau
des coûts et puis soudainement en novembre, Gulf a probablement
réalisé qu'ils n'avaient pas accompli grand-chose. Parce que,
bien sûr, si quelqu'un baisse et que tout le monde le laisse aller, bien
il va gagner des parts de marché en chemin. Mais si quelqu'un baisse et
que tout le monde le suit, bien, évidemment, ça va diluer son
effet.
Effectivement, vous avez la même chose qui existe actuellement ou
qui a existé l'an passé avec les coupons de 1 $ que certaines
pétrolières ont commencé à donner. On n'a pas eu
besoin d'en donner des dollars nous autres, tout ce qu'on a fait, on a dit aux
gens qu'on les acceptait les dollars. Alors évidemment cela a
diminué l'efficacité de leur promotion et première chose
qu'on a sue, c'est que la promotion des dollars s'est terminée.
Si vous retournez en 1983, vous avez le même effet. Gulf avait
décidé à ce moment-là de couper les prix et de
donner une leçon aux indépendants. Mais tout le monde a
baissé et les indépendants, un moment donné, n'avaient pas
les moyens de baisser davantage. Alors ce qui est arrivé, tout le monde
a remonté. Maintenant il y a eu une drôle de coïncidence, je
l'admets, qu'à peu près dans la même semaine où le
gouvernement consent à une baisse de 0,04 $ le litre, les
pétrolières augmentent de 0,04 $ et évidemment ça
paraît bien mal. Cela a l'air bien niaiseux mais ça adonne que
c'est arrivé en même temps. Mais je ne pense pas que personne ait
voulu voler quelqu'un à ce moment-là.
M. Gauthier: Non, d'ailleurs vous remarquerez qu'on ne vous a pas
accusé de voler personne. Là on se comprend bien. On essaie de
comprendre la coïncidence...
M. Archambault: Mais c'est cela qui est arrivé. C'est une
coïncidence, vous avez parfaitement raison. C'est une coïncidence.
Mais c'est une heureuse coïncidence, j'aimerais dire, parce qu'il
était temps, il y a des compagnies qui étaient sur le bord de
fermer et j'en étais parce que j'étais vice-président de
Spur à ce moment-là. On ne pouvait pas continuer nous autres.
Effectivement, si vous remarquez, on a été vendu en 1983.
On a été vendu à Ultramar et c'est une des raisons.
Pourtant nous avions 165 stations-service et on vendait 21 000 barils par jour.
Comme indépendant on était très respectable mais on a
disparu à cause de ça.
Alors je vous réponds avec un peu d'émotivité mais
je veux que vous compreniez que j'ai perdu ma compagnie moi à ce
moment-là et ça été à cause d'une guerre des
prix de ce genre-là.
Une voix: D'accord.
M. Gauthier: Est-ce que le même genre de
phénomène en quelque sorte s'est produit cette fois-ci où
il y a eu une baisse, en régions périphériques, de la taxe
par le gouvernement, une baisse assez importante? En tout cas - on appelle
ça une récupération - il y a une
récupération de ces montants-là par on ne sait trop qui,
on ne sait plus si
ce sont les détaillants, les compagnies ou chacun un petit peu et
le marché. Est-ce que ce sont des conditions analogues à celles
de 1983 pour lesquelles vous nous avez donné des explications quand
même?
M. Archambault: J'aimerais vous corriger là-dessus parce
que je ne pense pas qu'il y ait eu de correction ou qu'il y ait eu de
récupération de personne. M. Gaulin l'a bien expliqué au
départ. Il y a eu un fléchissement du marché de
Montréal plus important que celui à l'occasion de la baisse de
prix. Alors, évidemment si je vous faisais un grand graphique ici
quelque part et que je vous disais que la marge était comme ça et
à un moment donné cela a descendu mais celui de Montréal a
descendu plus bas et, à la fin, l'écart n'est pas le même.
Alors la résultante, bien sûr, c'est que ce sont les gens en zones
périphériques qui se comparent, dans le temps, avec un prix
à un endroit précis, Montréal, et se disent: bien je me
suis fait organiser, parce que, regarde dans le temps j'avais une
différence avec Montréal de dixièmes ou cents par litre et
aujourd'hui je ne l'ai plus. Mais ça ne veut pas dire que son prix a
augmenté; ça veut dire que le prix de l'autre a descendu plus
vite que le sien.
M. Gauthier: Alors, très rapidement mon temps est à
peu près écoulé. Je voudrais vous demander: puisque vous
expliquez les deux phénomènes par des faits, disons objectifs,
qu'on peut constater, à ce moment-là, pourquoi faites-vous la
suggestion de ne plus, finalement, transférer la taxe par ce
moyen-là aux citoyens et de prendre un autre moyen qui pourrait
être sur le permis, pas le permis de conduire, mais sur les
immatriculations, tout ça. S'il ne s'agit que de deux coïncidences,
rien ne nous dit que, théoriquement, si le gouvernement décidait
demain matin de baisser encore de 0,10 $, c'est-à-dire de 0,04 $, que
les compagnies pétrolières ou qui que ce soit
récupéreraient cet argent.
M. Archambault: Je vais commencer si vous voulez et M. Gaulin a
l'intention d'ajouter à ça. Les gens sont tous
mêlés, même nous de temps à autre on est tout
mêlés parce que effectivement nous sommes presque...
M. Ciaccia: ...mêlés aussi. Vous nous mêlez
aussi.
M. Archambault: Involontairement, M. le ministre. On aimerait
bien ça de temps en temps être démêlés dans
tout cela. Je tente de vous dire que, si, par hasard, vous laissiez le
décret après le 17 évidemment, ou si vous le
rétablissiez... J'aimerais ouvrir une parenthèse et je pense que
c'est peut-être la meilleure occasion, si vous me le permettez, M. le
Président.
J'écoutais M. Côté, d'Esso, parler de ses 21 ans et
je ne veux pas tenter de le surpasser avec mes 33, mais je veux tout simplement
vous dire ceci. Dans ma carrière, j'ai vu beaucoup d'augmentations de
prix dues à du brut et si j'en avais tenu compte chaque fois, on
paierait probablement 0,70 $ le litre aujourd'hui. Elles sont disparues et ne
me demandez pas où elles sont, je vais être obligé de vous
répondre: Les forces du marché. Les forces du marché,
c'est la dynamique, c'est la concurrence, c'est l'émotivité.
Personnellement, je me souviens avoir baissé les prix par
émotivité, probablement 75 % du temps et les autres 25 %,
c'était par logique. La logique, c'était mon "boss" qui disait:
Qu'est-ce que tu viens de faire là?
Pour revenir et répondre à votre question... Les gens sont
tous mêlés, nous le sommes également. Je pense que le
meilleur moyen serait de rétablir la taxe et de redonner à ces
gens l'argent que vous voulez leur donner, mais d'une façon directe, de
façon que les forces du marché se débrouillent toutes
seules dans leurs augmentations et dans leurs baisses de prix. Qu'on se
détruise entre nous ou qu'on essaie de prendre la part du marché
qu'on veut, mais sans se servir de l'excuse de la taxe pour le faire ou pour ne
pas le faire. Veux-tu ajouter quelque chose à cela, Jean?
M. Gaulin: Non. M. le Président, je vous en ferai
grâce.
M. Archambault: Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Une
dernière question, M. le député de Frontenac.
M. Ciaccia: Vous avez mêlé votre président,
il ne veut pas répondre.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Le Président (M. Théorêt): Dernière
question.
M. Lefebvre: Une question?
Le Président (M. Théorêt): Ou deux.
M. Lefebvre: M. Gaulin, on me dit qu'il me reste à peine
le temps de poser une question. J'aurais aimé avoir un peu plus de temps
parce que, deux questions...
J'aimerais savoir de quelle façon vous expliquez ia baisse ou
l'augmentation du brut? Est-ce que vous considérez les
pétrolières comme étant à la merci des fournisseurs
de brut, peu importe où elles sont dans le monde? Est-ce que vous avez
l'impression d'être à leur merci, globale-
ment? Si un fournisseur de brut augmente son prix, son concurrent fait
la même chose, et vice et versa. S'il baisse le prix, le concurrent de
celui qui l'a baissé va faire exactement la même chose. Est-ce que
vous avez l'impression d'être à leur merci?
M. Gaulin: Disons, beaucoup moins, maintenant que les pays de
l'OPEP ne sont plus en contrôle de la situation, mais c'était le
cas, oui, certainement.. Jusqu'à tout récemment, c'était
l'OPEP - et encore aujourd'hui, elle tente de le faire - qui établissait
les prix du pétrole brut. Dans la plupart des cas, comme vous le savez,
dans le domaine du pétrole, il y a des "royautés", des redevances
à payer et il y a des impôts. Et, la plupart du temps, ce sont les
gouvernements qui établissent les prix.
M. Lefebvre: Ne considérez-vous pas que c'est exactement
le môme phénomène qui se passe lorsqu'on réalise que
le consommateur s'approvisionne de pétrole raffiné et qu'il paie,
que ce soit d'Ultramar, de Shell ou d'Esso, exactement le même prix?
N'avez-vous pas l'impression que c'est exactement le même
phénomène qui se passe à un autre niveau?
M. Gaulin: D'abord, je vous ai dit que ce n'est plus comme cela
en ce qui concerne les pétroles bruts. Mais, pour ce qui est de la
perception, vous avez parfaitement raison.
M. Lefebvre: Mais dans les faits? Indépendamment de la
perception, dans les faits, n'est-ce pas ce qui se passe?
M. Gaulin: Écoutez-moi, laissez-moi répondre. Comme
je vous l'ai dit tantôt, il nous faut regarder en termes de fraction de
cent. Par exemple, quand vous allez dans une station libre-service et qu'on
vend l'essence à 0,005 $ plus bas que le prix affiché dans une
station avec service, pour nous, c'est la moitié de nos profits. Il faut
que vous vous rappeliez que nous, nous regardons en termes de fraction de cent.
Or, le consommateur ne le voit pas comme cela, je suis d'accord avec vous.
C'est pour cela que j'ai recommandé que nous supportions une agence qui
pourrait donner plus d'information au consommateur. Je dois vous dire que,
nous-mêmes, contrairement peut-être à ce qui se passait dans
le passé, on a adopté une politique de pro-action sur ce plan. Il
faut faire attention parce qu'on est constamment mis sur la sellette avec la
Commission de surveillance des prix. Il s'agit de ne pas en parler avant les
faits. Mais nous avons justement mis une politique à notre comité
exécutif, politique de pro-action au niveau du renseignement. (12 h
45)
M. Lefebvre: M. Gaulin, vous dites à la page 5 de votre
mémoire que vous considérez qu'une politique de
réglementation, à moyen terme serait, non pas utile, mais
même nuisible aux consommateurs. Parce qu'on réalise qu'une baisse
de taxe de 0,045 $, vous savez c'est difficile à expliquer au
consommateur que la taxe qu'on a diminuée n'a pas été
finalement profitable au consommateur, c'est inexplicable et, à ce jour,
aucune des pétrolières, par ses représentants qui ont
passé avant vous et non plus vous ce matin, n'avez pu expliquer le
phénomène. Le consommateur n'a pas récupéré
la baisse de taxe, c'est assez extraordinaire.
M. Gaulin: Me permettez-vous de répondre?
M. Lefebvre: Oui, s'il vous plaît!
M. Gaulin: Premièrement, il y a deux
éléments à cette question-là. Il y a le 0,045 $, il
y a une chose de certaine, le gouvernement l'a perdu puisqu'il ne le charge pas
aux consommateurs.
M. Lefebvre: Le gouvernement l'a perdu et le consommateur n'en a
pas bénéficié.
M. Gaulin: Je ne suis pas arrivé là encore. Le
gouvernement l'a perdu, le 0,045 $ et la façon de le
récupérer c'est d'augmenter la taxe et vous allez le
récupérer. Le 0,045 $ va arriver dans les coffres et là
vous ferez ce que vous voudrez. Maintenant, la façon dont vous
déterminez le 0,045 $ c'est en établissant une comparaison. Moi,
je dis que la façon dont il faudrait le faire, ça serait
d'établir les coûts dans les régions
périphériques et les coûts à Montréal et
dire: est-ce que les coûts sont semblables? S'ils sont semblables, les
prix devraient être semblables. Est-ce que vous avez fait ça?
M. Lefebvre: M. Gauiin, j'aimerais que vous répondiez
à la question que je vous ai posée relativement à votre
commentaire à la page 5 à savoir qu'une réglementation des
prix serait nuisible au consommateur...
M. Gaulin: Très bien.
M. Ciaccia: Excuse-moi donc mon cher collègue.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Ciaccia: Vous venez juste de nous dire qu'on devrait
établir, nous, les coûts dans les régions et le coût
à Montréal, s'ils sont semblables, mais à une question que
je vous avais posée auparavant, vous-même vous avez dit que vous
ne savez pas les coûts en
Ontario vis-à-vis le Québec. M. Gaulin:
Exactement.
M. Ciaccia: Alors comment, nous on va établir les
coûts quand vous, vous nous dites que vous n'êtes pas capable de
les établir dans les différentes zones?
M. Gaulin: Je n'ai pas dit que vous étiez capable, non
plus, mais pour faire une comparaison et dire qui est-ce qui a
récupéré le 0,045 $, il faudrait connaître les
coûts.
M. Ciaccia: Avec les prix affichés dans les
différentes zones, vous ne pouvez pas, vous n'avez pas la
possibilité de déterminer quelles zones sont profitables ou
non?
M. Gaulin: Non, on ne connaît pas, M. le ministre, on ne
connaît pas, je n'ai pas dit que c'était impossible, j'ai dit que
c'était extrêmement difficile à faire et c'est pour
ça que je suggère qu'il y ait un organisme, une agence, comme
vous l'avez suggéré, qui va faire la surveillance. Mais, pour
revenir à la question de monsieur: s'il y a un organisme
réglementaire, compte tenu de ce que je vous explique au départ,
et ça je vous l'explique très candidement: l'évolution de
la situation est tellement rapide que s'il y avait un organisme qui examinait
ces choses-là et qu'il établissait un prix plus
élevé que nécessaire, ça ne serait pas souhaitable
pour le consommateur: ça serait au bénéfice de
l'entreprise. Et s'il établissait un prix trop bas, ce serait au
détriment du financement, ce serait au détriment de l'entreprise
autrement dit.
Alors, dans les deux cas, pourquoi ne pas laisser agir les forces du
marché? La raison pour laquelle je vous dis que ça ne serait pas
souhaitable, c'est que, dans notre industrie, un organisme réglementaire
va ne faire qu'ajouter des inefficacités. Il va nous forcer à
donner des informations et donc, à dépenser de l'argent pour le
faire et vous allez aussi forcer les gens à dépenser de l'argent
pour nous entendre et comprendre notre industrie. Etant donné que nous
ne sommes pas dans un monopole, je pense qu'on ne peut pas être contre
les forces de la libre entreprise et, donc, nous on dit que c'est ça qui
est le plus efficace et, donc un organisme réglementaire est moins
efficace et moins souhaitable.
M. Lefebvre: M. Gaulin, moi je suis d'opinion que les forces du
marché ne jouent pas lorsque des concurrents, entre guillemets, vendent
exactement le même produit où, finalement, la qualité d'une
pétrolière à l'autre est la même - parce que vous
savez un gallon de Shell et un gallon d'Ultramar et un gallon d'Esso, c'est
exactement la même chose - et également quand, lorsqu'on sait que
d'un pompiste à l'autre la compétence ne joue pas non plus, il
n'est pas question de compétence, il s'agit de mettre le boyau dans le
réservoir et de peser sur la clenche - c'est ça la
compétence d'un pompiste - et aussi que les services que vous offrez
d'une pétrolière à l'autre ne varient que dans votre
publicité télévisée. Finalement, sur le terrain,
c'est toujours la même chose. La concurrence, le libre marché,
quant à moi, cela ne joue pas en ce qui concerne les
pétrolières. Je pense qu'il y a, entre vous, des ententes
explicites ou tacites pour fixer les prix à la hausse ou à la
baisse.
M. Gaulin: Écoutez, vous avez droit à votre
opinion.
Le Président (M. Théorêt): Dernière
intervention. Je laisse M. le président Gaulin répondre.
M. Gaulin: C'est cela.
Vous avez droit à votre opinion et je la respecte. Mais si vous
dites que tout est la même chose...
M. Lefebvre: Tout est la même chose.
M. Gaulin: ...pourquoi les prix ne le seraient pas?
Deuxièmement, comme je vous l'ai dît tantôt, si vous ouvrez
vous-même une station-service, comment allez-vous déterminer le
prix?
M. Lefebvre: En regardant mon concurrent d'en face.
M. Gaulin: Exactement! Et c'est ce qu'on fait. Là-dessus,
M. le Président...
M. Lefebvre: C'est cela, des ententes tacites, M. Gaulin.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député de Frontenac, je dois maintenant céder la parole au
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. M. le président
d'Ultramar, j'ai une question. Je veux vraiment essayer de comprendre ce que
sont les forces du marché quand on parle des pétrolières.
J'ai un exemple concret que je vais essayer de résumer le plus
brièvement possible. J'aimerais que vous m'expliquiez ensuite ce que
cela veut dire.
Je vais prendre le cas bien précis de la ville de Chibougamau.
J'ai des chiffres qui proviennent d'une étude faite par la
Communauté de développement économique régionale,
étude qui a d'ailleurs servi à préparer un mémoire
que ses représentants vont venir défendre cet après-midi.
Là-dedans, il y a des choses qui vont demander des
éclaircissements de votre part pour être
comprises.
En 1985, plus précisément le 30 novembre 1985, donc avant
les décrets, le prix moyen de l'essence ordinaire sans plomb, dans
l'ensemble du Québec, selon cette étude, était de 0,5775 $
le litre. Le prix moyen pour les sept détaillants - je ne sais pas si ce
sont les sept soeurs, mais ce sont sept semblables dans la ville de Chibougamau
- était de 0,6765 $ le litre, une différence de 0,098 $ le litre,
à taxation égale pour tout le monde.
On baisse la taxe. Le niveau moyen de récupération, pour
le consommateur, dans la ville de Chibougamau, pour l'essence ordinaire sans
plomb, avec la baisse de taxe, est de 0,0445. Donc, normalement, si je prends
le prix affiché de 0,6765 $ moins 0,0445 $, je devrais avoir un chiffre
qui se situe en dessous de ce qui se passe sur le plan régional, en
dessous de ce que je paie, mais qui, normalement, se situe encore à
0,0555 $ au-dessus de la moyenne québécoise pour le prix de
l'essence.
Or, dans la pratique, le 14 juillet 1987, qu'est-ce qui s'est
passé? C'est là que je ne comprends plus. Auparavant, il semble
que tout le monde s'entendait pour qu'on ait une marge de
bénéfice assez grande» Mais c'est là que je ne
comprends plus parce que, alors que le prix moyen au Québec est à
peu près toujours le même pour ceux qui paient la taxe... J'ai
fait le plein moi-même chez Ultramar ce matin à Saint-Pierre,
île d'Orléans, 0,579 $ le litre. Donc, on est à peu
près au même niveau qu'on était en novembre 1985 à
0,5775 $; le prix, n'a pas beaucoup changé. Mais, à Chibougamau,
le prix moyen, au 14 juillet, était de 0,5497 $, donc beaucoup en
dessous de la moyenne québécoise.
Je prends ces 0,5497 $ auxquels j'ajoute les 0,0445 $. Si on revenait
à la taxation normale, pareille pour tout le monde, comme vous le
préconisez, j'aurais 0,5942 $ contre une moyenne
québécoise de 0,5775 $, donc, à Chibougamau, 0,0167 $ le
litre de piu3 que la moyenne québécoise. D'où vient la
différence? Là, il me manque de l'argent. Auparavant, je payais
0,098 $ de plus à Chibougamau, à pleine taxation, et maintenant,
si je reste toujours à pleine taxation, je paie 0,0167 $ le litre de
plus. Et cela vaut pour Ultramar aussi parce qu'en date du 2... J'ai fait
l'essai moi-même, j'ai une liste de tous mes pleins d'essence dans tout
le Québec depuis 1982 et je peux vous dire qu'ici j'ai la liste de mon
dernier petit calepin à partir du 31 août 1987. J'ai fait le plein
chez Shell à Chibougamau, Ultramar à Québec, Esso à
La Doré, Ultramar à Chibougamau, Texaco à Matagamt, Esso
à Chibougamau etc. et je viens de faire ce matin encore le plein chez
Ultramar. En date du 2, la même journée, j'ai fait le plein chez
Ultramar à Saint-Pierre, île d'Orléans à 0,579 $ du
litre. Je fais le même plein six heures plus tard à peu
près â Ultramar, Chibougamau à 0,546 $ du litre, donc on
reste dans les mêmes marges.
Tout cela pour vous dire que même chez Ultramar alors qu'avant
Ultramar travaillait dans la même marge de 0,098 $ du litre de plus cher
à Chibougamau dans l'ensemble québécois. Maintenant, chez
Ultramar, la différence entre Québec et Chibougamau en revenant
au même taux de taxation, tout le monde paie la même taxe, ce
serait de 0,0115 $ du litre donc le détaillant Ultramar à
Chibougamau vendrait, même si le taux de taxation était le
même dans tout le Québec vendrait 0,0865 $ du litre de moins de ce
qu'il vendait en 1985 par rapport à la moyenne québécoise.
Où allait cet argent-là avant?
M. Gaulin: C'est une bonne question. Comme je vous ai dit
tantôt, vous faites l'argument autrement dit que j'ai
démontré, ce sont les forces du marché qui
établissent le prix.
Bien oui mais pour nous M. le député vous...
M. Claveau: C'est le même marché, c'est le
même nombre de détaillants, c'est la même population, il n'y
a rien de changé.
M. Gaulin: Oui mais, vous me l'apprenez la différence. Ce
n'est pas cela moi qui me guide. Ce qui me guide, c'est ce que le concurrent
charge et je le suis. Est-ce que les prix étaient tellement
différents entre stations?
M. Claveau: Ils se tiennent tous. À Chibougamau
actuellement, la moyenne est de 0,5497 $ et Ultramar vend 0,546 $. Donc, cela
se tient pas mal avec tout le monde.
M. Gaulin: Mais vous savez, M. le député, il s'est
passé énormément de choses depuis novembre 1985 en plus.
Les taxes fédérales ont augmenté deux fois...
M. Claveau: Oui, mais cela ne fait rien, je payais avant 0,098 $
du litre de plus...
M. Gaulin: Oui je sais, je sais mais...
M. Claveau: ...et aujourd'hui, au même niveau de taxation,
je paierais 0,115 $ du litre de plus chez Ultramar.
Le Président (M. Théorêt): M. le
député d'Ungava, je m'excuse de vous interrompre et vous
également M. le président, je vais vous permettre de
répondre à sa question mais, je vous ferai remarquer qu'il reste
trois minutes pour arriver à 13 heures qu'on reprend les travaux
à 14 heures et que les
représentants de l'Opposition, le critique officiel et le
ministre doivent conclure donc c'est la dernière réponse que
j'accepterai, la dernière question évidemment.
M. Gaulin: Merci, M. le Président. Cela fait l'argument
autrement dit, même si la taxe a baissé dans certaines
régions, les marges se sont améliorées alors que dans
d'autres elles ont... Je sais que pour quelqu'un qui n'est pas dans le domaine,
c'est difficile à comprendre, c'est pour cela qu'il y a eu je ne sais
pas combien de commissions au Canada, partout dans les provinces, pour
comprendre ces phénomènes-là, puis les conclusions ont
toujours été les mêmes; c'est plate à dire mais
c'est cela, ce sont les forces du marché qui jouent.
Si dans une région donnée, il y a un profit trop
élevé, vous pouvez être certains que les
indépendants vont y aller et qu'ils vont faire la marge. La raison pour
laquelle il n'y a pas d'indépendants dans les régions
éloignées, c'est que les profits ne sont pas assez bons, c'est
tout simplement pour cela.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. Je vais céder la parole au critique officiel de
l'Opposition pour conclure.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. En plus de constater
que mon collègue est un excellent client, de toutes les
pétrolières, je m'en réjouis, avec une
préférence pour Ultramar, à ce que j'ai compris...
M. Claveau: Partout, soit dit en passant.
M. Gauthier: ...alors il me fait plaisir de remercier M. Gaulin
de même que son associé qui sont venus nous présenter la
position d'UItramar. Il y a des choses auxquelles nous sommes, comme pour les
autres pétrolières d'ailleurs, très sensibles. Nous
voulons nous assurer que l'intervention, compte tenu de ce que vous avez dit en
tout dernier, qu'il y a eu beaucoup de commissions qui sont
intéressées à ce problème-là, que si on
désire que cette commission parlementaire puisse aller plus loin ou
davantage apporter des solutions appropriées, on devra faire preuve de
créativité, éviter des solutions toutes faites et les
solutions très faciles, parce que ce n'est pas un problème facile
et nous allons, bien sûr, prendre en compte comme je l'ai affirmé
aux autres entreprises qui se sont présentées ici de même
qu'aux consommateurs, toutes les remarques que vous nous avez faites et les
explications que vous nous avez données dans la recherche de la
meilleure solution possible, de la solution qui permettra et aux
pétrolières de fonctionner et aux consommateurs de profiter
d'abord d'un prix raisonnable et d'un certain gain que le gouvernement pourrait
vouloir lui donner. Alors, je vous remercie au nom de l'Opposition officielle
de votre présence parmi nous. (13 heures)
Le Président (M. Théorêt): Merci M. le
député de Roberval, M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci! M. le Président, je voudrais
premièrement remercier M. le député d'Ungava pour
démontrer les bénéfices du décret dans la ville de
Chibougamau. Peut-être qu'on pourrait lui demander de déposer son
calepin.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Ciaccia: Vous feriez un excellent membre d'un comité de
surveillance sur les prix de l'essence.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Claveau: J'en ai d'autres semblables.
M. Ciaccia: Je remercie aussi M. Gaulin, M. Archambault pour
votre mémoire et vos commentaires.
Je retiens de vos remarques que vous voudriez qu'on aide les
régions par d'autres moyens, excepté que j'ai un peu de
difficulté avec votre concept d'aide aux régions, parce que votre
concept d'aide aux régions, c'est de leur charger 50 000 000 $ de plus
pour leur remettre 50 000 000 $. Ce n'est pas vraiment une aide aux
régions de dire, je vais te charger de l'argent puis l'argent que je te
charge, je vais te la remettre. Si quelqu'un venait vous dire, je vais vous
aider, je vais vous donner 10 000 $ mais, tu vas me les remettre les 10 000 $.
Ce n'est pas vraiment une aide. Une aide, il y a quelque chose de plus par
rapport aux autres régions parce que les coûts sont plus
élevés etc. pour tous les autres aspects. Alors, cette
façon de donner l'aide aux régions, je pense que ce serait mal vu
des régions périphériques. En plus, on a
démontré par un autre mémoire que, si on adopte ce concept
d'aide aux régions immédiatement, le prix de l'essence va
augmenter de 0,30 $ le gallon, 0,065 $ le litre. Cela aussi serait quelque
chose de difficile à faire accepter au consommateur.
Je note toutefois votre suggestion de donner plus d'information au
consommateur. Je crois que c'est un aspect assez positif et qui pourrait
être assez intéresant et important pour le consommateur.
En ce qui concerne les prix, j'ai noté aussi le fait que vous
admettez que, dans la plupart des cas, vous vendez en consignation, puis c'est
votre compagnie qui fixe les prix. J'apprécie cette franchise parce que
chez beaucoup d'autres pétrolières, on semblait pas savoir qui
fixait les prix. Ils étaient très
réticents. Le seul point sur lequel je trouve encore difficile de
trouver une réponse, c'est que tout le monde admet que la taxe a
baissé de 0,045 $ et tout le monde admet que nous, comme gouvernement,
on a perdu 50 000 000 $, mais personne n'est capable de nous dire où
sont allés ces 50 000 000 $. La pétrolière dit: ah, ce
n'est pas moi. Les détaillants disent; ce n'est pas nous. Le
consommateur ne l'a pas eu. Écoutez, 50 000 000 $, cela ne
disparaît pas comme celà. Ils sont allés sûrement
dans la poche de quelqu'un. On n'est pas pour faire une commission
d'enquête pour savoir ou pour chercher où les 50 000 000 $ sont
allés.
Nos chiffres démontrent que cela a été
partagé entre les pétrolières et les détaillants.
Vous pouvez donner comme réponse que ce sont les farces du marché
mais, je crois que la réponse à la question où sont
allés les 50 000 000 $, c'est qu'ils ont été, en partie,
récupérés par les pétrolières et en partie,
peut-être à un degré moindre, par certains
détaillants. C'est pour cela qu'on a essayé d'apporter un peu
d'ordre, pour que nos objectifs de la réduction de 0,045 $ soient
atteints et c'est pour cela qu'on a fait les décrets.
Je retiens que les prix, vous admettez que c'est vous qui les fixez. On
n'a pas décidé encore de la solution finale après le 17
septembre, mais on va regarder, comme j'ai mentionné à Esso, on
va regarder avec vigilance, avec intérêt laquelle des
pétrolières va être la première à hausser les
prix. Cela va être très intéressant pour nous parce que si
j'accepte votre définition du libre marché, dès que
quelqu'un augmente, les autres vont suivre alors, on va regarder avec beaucoup
d'intérêt, avec beaucoup de vigilance et je crois que les
consommateurs aussi et M. le député de l'Ungava va pouvoir, dans
son petit calepin, voir laquelle des pétrolières sera la
première. Entretemps, je vous remercie pour votre mémoire et vos
remarques.
Le Président (M. Théorêt): M. Gaulin, M.
Archambault, les membres de la commission vous remercient et je rappelle aux
membres de la commission que dans 55 minutes donc à 14 heures, les
travaux de la commission reprennent.
(Suspension de la séance à 13 h 5)
(Reprise à 14 h 13)
La Présidente (Mme Hovington): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de l'économie et du travail poursuit ses travaux
dont le mandat est la consultation générale afin d'examiner les
meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs, des mesures d'aide aux
régions périphériques relativement à la
réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ par litre dans ces
régions. Ces mesures étaient prévues dans
l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18
décembre 1985 et dans le discours sur le budget du 1er mai 1986.
Le prochain groupe à nous présenter un mémoire est
la ville de Chibougamau que j'inviterais à prendre place ici, en avant.
C'est de M. Raynald Cloutier, recherchiste pour la communauté
économique.
Une voix: Non.
La Présidente (Mme Hovington): Non?
C'est M. le maire, cela a été changé. C'est la
ville de Chibougamau? Pouvez-vous vous identifier, monsieur?
M. Lanctôt (Paul): Paul Lanctôt, maire de la ville de
Chibougamau.
La Présidente (Mme Hovington):
J'aimerais vous rappeler tout simplement que vous avez 20 minutes pour
lire votre mémoire ou expliquer votre mémoire. Le
côté ministériel aura 20 minutes pour poser des questions
et l'Opposition 20 minutes également pour poser des questions. Alors,
vous pouvez commencer, s'il vous plaît!
Ville de Chibougamau
M. Lanctôt: Au nom de la ville de la région de
Chapais-Chibougamau, je voudrais vous remercier de nous avoir donné la
possibilité de nous faire entendre cet après-midi.
Vu que j'ai 20 minutes, je vais aller sur la lecture du mémoire
au complet parce que je vais avoir le temps de le lire, pas question d'occuper
tout le temps qui m'est alloué mais de donner le plus d'explications
possible sur la raison de notre présence ici.
L'exclusion des municipalités de Chibougamau et de Chapais de
l'application des décrets 927-87 et 1053-87, soulève plusieurs
questions très importantes. Selon quel principe d'équité
doit-on laisser le marché régir les prix de l'essence dans les
régions éloignées et les réglementer dans le cas
des régions dites périphériques? L'écart des prix
de l'essence entre le centre et la périphérie n'est-il pas en
général moins important que celui entre le Sud et le Nord
québécois? Le but de ce décret n'était-il pas de
ramener dès maintenant les écarts de prix entre les
régions périphériques et les régions centrales du
territoire du Québec au niveau des prix visés par
l'énoncé de politiques budgétaires de décembre
1985?
Il semble que pour des raisons de nature administrative, le gouvernement
ait préféré soustraire la circonscription d'Ungava de
l'application des décrets 927 et 1053. Apparemment,
l'équité en matière de prix a
été sacrifiée au nom de l'indifférence
gouvernementale. En effet, tout au long du processus visant à corriger
cet écart des prix, c'est-à-dire de l'énoncé de
politiques budgétaires de décembre 1985, en passant par le
règlement modifiant le règlement d'application de la loi
concernant la taxe sur les carburants de décembre 1986 et le discours
sur le budget pour 1986-1987, la région du Nouveau-Québec
était partie prenante de la politique du gouvernement en matière
de commerce des produits pétroliers.
Ce n'est qu'au cours des décrets 927 et 1053 que la région
du Nouveau-Québec disparaît comme territoire inclus dans la
définition du terme "région périphérique". Les
raisons fournies pour justifier cette exclusion sont basées,
semble-t-il, sur les multiples sources et modes d'approvisionnement en produits
pétroliers dans la région du Nouveau-Québec.
Supposément, cette spécificité du commerce des produits
pétroliers sur le territoire du Nouveau-Québec ne pouvait
permettre au législateur et au ministère de l'Énergie et
des Ressources de fixer un prix sur l'essence sur un critère
contrôlable et opérationnel.
Toutefois, aux yeux des citoyens et citoyennes de Chibougamau et
Chapais, cet argument technique touchant l'application de la taxe sur les
carburants dans le Nouveau-Québec n'est qu'une affaire de
définition. En choisissant de définir les régions
périphériques au moyen de certaines circonscriptions
électorales, le gouvernement du Québec englobait des territoires
très différents les uns des autres en ce qui regarde le commerce
des produits pétroliers. De toute évidence, la circonscription
d'Ungava recouvre de multiples réalités en cette matière.
La problématique des territoires nordiques de la baie d'Ungava et de la
baie d'Hudson est certainement très différente de celle de
Chibougamau et Chapais. La preuve, c'est que je suis parti ce matin, je suis
ici à midi et je repars ce soir. Alors, il y a une différence
entre une région périphérique et une région
éloignée. L'approvisionnement de ces territoires nordiques en
produits pétroliers se fait généralement une fois l'an par
voie maritime et ne concerne pratiquement qu'une seule compagnie
pétrolière. Or, l'approvisionnement de nos municipalités
se fait pour les deux tiers par transport routier en provenance de la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Quant au reste des produits
pétroliers, il est acheminé par transport ferroviaire et provient
principalement des raffineries de Montréal.
Nous constatons donc qu'il aurait été plus simple pour te
gouvernement et plus équitable pour nos municipalités d'exclure
Chibougamau et Chapais de la région du Nouveau-Québec que de
l'exclure de l'application des décrets. De plus, compte tenu de la
spécificité des sources et des modalités
d'approvisionnement de nos localités en produits pétroliers, il
aurait été raisonnable d'inclure Chibougamau et Chapais dans la
région périphérique du Saguenay-Lac-Saint-Jean. En effet,
les deux tiers de l'essence consommée dans nos municipalités
transitent par cette région en plus d'être acheminés par
transport routier.
Nous sommes conscients que l'écart des prix est actuellement bien
mince entre ceux définis dans le décret 927-87 pour la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et ceux présentement en cours
dans nos municipalités. Néanmoins, cet écart est d'autant
plus justifiable que notre isolement des principaux centres de services en
matière de santé et d'enseignement, pour ne mentionner que les
plus importants, nous oblige à parcourir régulièrement de
très longues distances dans des conditions climatiques rigoureuses. De
plus, rien ne nous garantit - c'est ce qu'on veut - que les écarts de
prix n'augmenteront pas sous peu. Faut-il rappeler au ministère de
l'Énergie et des Ressources qu'au moment de l'application des mesures
définies dans l'énoncé de 1985, un écart de 0,09 $
le litre, au-delà de 0,37 $, 0,38 $ le gallon, subsistait entre le prix
moyen d'enquête des régions périphériques
désignées et celui de Chibougamau pour l'essence ordinaire sans
plomb? Cet écart atteignait même 0,103 $ le litre pour l'essence
super sans plomb.
Cette inégalité en matière de prix de l'essence ne
concerne pas seulement ce produit. Elle se reflète à tous les
niveaux de la consommation quotidienne, à l'exception du prix de
l'électricité. Cette situation d'inégalité en
matière de prix à la consommation affecte la qualité de
nos conditions de vie et cause indirectement de nombreux problèmes.
Mentionnons, entre autres, L'instabilité de la main-d'oeuvre, les
difficultés de recrutement de la main-d'oeuvre qualifiée et une
pression constante pour l'augmentation des salaires. Cette situation est
caractéristique des régions-ressources aux limites des
territoires organisés et inorganisés. Elle est depuis plusieurs
années portée à l'attention du gouvernement par de
multiples organismes oeuvrant au développement économique de ces
territoires.
Mais il semble que la singularité de la problématique
médio-nordique doive lui être constamment rappelée pour que
nous ne sombrions pas dans l'oubli. Pourtant, nous n'avons cessé de
répéter à qui voulait l'entendre que le Québec
devait se pencher sérieusement sur le développement des
localités médio-nordiques afin de leur assurer une permanence un
peu plus durable que les Schefferville et Gagnon.
Dans cette optique, le gouvernement a raté une occasion de
démontrer que ses
intentions envers le Moyen-Nord dépassaient les mots et les
définitions. En adoptant une approche apte à répondre au
problème particulier du commerce des carburants dans le Moyen-Nord,
c'eut été un premier pas dans la bonne direction.
Le moins que nous puissions réclamer consiste à faire
partie d'un décret - c'est ce qu'on veut - fixant un prix maximum de
l'essence dans nos localités de manière à nous assurer que
l'écart des prix avec la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean soit
anéanti et que les pétrolières ne soient tentées de
profiter de l'absence d'un décret pour augmenter leurs taux.
Vous avez des tableaux de taux qui donnent à peu près la
vérité.
Nous avons estimé le surplus payé par les consommateurs de
Chibougamau et Chapais pour l'année d'entrée en vigueur de
l'énoncé sur la base des volumes annuels consommés dans
notre région et sur l'hypothèse d'un écart de prix
constant entre le prix moyen d'enquête et le prix moyen de Chibougamau.
Le même calcul a également été appliqué
à l'estimation du surplus possiblement payé par les consommateurs
de Chapais et de Chibougamau pour l'année à venir mais sur la
base de l'écart actuel entre le prix fixé par le décret
couvrant le Saguenay-Lac-Saint-Jean et les prix actuellement en cours à
Chapais et Chibougamau.
Le calcul est basé sur les volumes consommés en 1986 dans
la région de Chibougamau et Chapais: 3 124 274 litres d'essence
ordinaire, essence super 7 581 707 et super extra 1 563 829.
Deux tiers du volume consommé ont été
attribués à Chibougamau et multipliés par type d'essence
par l'écart de prix entre cette municipalité et celui du
décret de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le même
calcul a été appliqué pour le tiers restant mais en
fonction de l'écart de prix entre Chapais et celui du décret de
la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Calcul basé sur
l'hypothèse que l'énoncé de 1985 n'aurait jamais eu lieu
et que les écarts de 0,0820 $, 0,0980 $ et 0,1030 $ le litre ne seraient
maintenus pendant toute l'année, c'est-à-dire du 18
décembre 1985 au 18 décembre 1986.
Je vous remercie de m'avoir écouté. J'ai essayé de
le faire le plus vite possible pour ne pas dépasser mon temps et donner
le temps à d'autres pour des questions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. le maire. J'essaie de comprendre un peu le
sens de quelques-unes de vos représentations. Si je comprends bien, vous
ne vous plaignez pas qu'un décret s'applique mais vous dites que le
décret qui s'applique est insuffisant et que cela aurait dû
être le même décret que pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean?
M. Lanctôt: C'est surtout qu'on est inquiet d'en être
exclus advenant un nouveau décret, parce qu'on parle des régions
périphériques et des régions éloignées. Cela
veut dire que dans le premier décret vous nous aviez oubliés
complètement, M. le ministre. Vous avez été obligé
de sortir un nouveau décret à la suite de représentations.
Finalement, on voudrait être certain que dans le nouveau décret
personne ne nous blâme de ne pas avoir fait la représentation
voulue pour qu'on soit certain que ce suit compris dans le nouveau
décret.
M. Ciaccia: Oui. C'est exact que les municipalités de
Chapais et Chibougamau ne faisaient pas partie du premier décret puisque
vos deux municipalités font partie de la circonscription
électorale d'Ungava. Toute la circonscription d'Ungava avait
été exclue du champ d'application des décrets parce qu'il
y avait des raisons techniques qu'il est un peu long d'essayer d'expliquer. Les
approvisionnements se font différemment, il y a un système
différent dans ce comté mais, comme vous l'avez remarqué,
exactement, c'est que le fait que vous êtes intervenus et à la
suite des représentations que vous nous aviez adressées, les deux
municipalités sont maintenant régies, comme vous le mentionnez,
par le décret 1172 qui fixe les prix maximaux à la pompe et, je
crois, qui vous permettent de bénéficier de baisses de prix
équivalentes à celles qu'ont connues les consommateurs de la
région de Lac-Saint-Jean.
La baisse est équivalente. Il se peut que dans différentes
régions les prix soient différents. Cela est vrai. Mais je ne
suis pas en mesure, et ce n'était pas le but des décrets
d'égaliser les prix dans toutes les différentes régions.
C'est pour cela qu'on fait cette commission parlementaire, pour essayer
d'expliquer pourquoi dans certaines régions c'est pire que dans
d'autres.
Le seul but des décrets était de nous assurer que la
baisse de la taxe de 0,045 $ le litre avantage le consommateur et ne soit pas
reprise soit par les pétrolières, les détaillants ou
autres intervenants, qu'elle aille directement aux consommateurs. Je crois que
le décret a eu cet effet.
Maintenant, en définissant les régions
périphériques vous parlez tout à fait d'un autre sujet. Le
décret que j'ai recommandé au Conseil des ministres,
j'étais lié par la définition des régions
périphériques telles qu'elles avaient été
définies dans l'énoncé du budget du ministre des Finances.
Je ne pouvais pas, dans un décret, dire je vais fixer les prix dans une
région de la même façon que dans d'autres. Le décret
n'était
pas là pour fixer un prix équitable au consommateur. Le
décret était de nous assurer que le consommateur reçoive
le bénéfice des 0,045 $. S'il y avait des
inégalités avant le décret, c'est possible que ces
inégalités continuent après le décret. Le
décret que j'ai recommandé, qui a été adopté
au Conseil des ministres, était relié au discours sur le budget.
Maintenant, on me donne certains chiffres, que les prix maximums imposés
par les décrets sont les suivants: dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le
super sans plomb, c'est 0,553 $, à Chapais-Chibougamau, c'est 0,573 $;
effectivement, il y a une différence de 0,02 $ le litre entre votre
région et Chapais-Chibougamau et celle du SaguenayLac-Saint-Jean.
Cette différence s'applique, approximativement, dans toutes les
catégories d'essence.
Je voulais seulement vous préciser la mécanique du
décret. Les raisons pour lesquelles vous n'étiez pas inclus au
début étaient techniques. Mais, aussitôt que vous
êtes intervenus, je me suis assuré de présenter un autre
décret au Conseil des ministres.
L'autre chose qui est arrivée, c'est qu'au début,
même lorsque vous étiez exclus du décret, il y a plusieurs
détaillants et pétrolières qui croyaient qu'ils
étaient liés. Alors, au début, le décret ne
s'appliquait qu'au Lac-Saint-Jean et ils ont réduit le prix; quand ils
ont réalisé que le décret ne s'appliquait pas à
eux; là ils l'ont augmenté. C'est à ce moment-là
que nous sommes intervenus.
M. Lanctôt: Chez nous, les détaillants locaux ont
compris, ils ont même, de leur propre gré, baissé
raisonnablement le prix de l'essence. Après cela, cela a peut-être
été une bataille avec les compagnies pétrolières
pour que celles-ci acceptent.
Mais, actuellement, chez nous, le prix est abordable. Ce que l'on
veut... Vous dites que vous étiez pris par du technique, je vous
comprends, mais nous, nous étions pris pour payer, dans la région
de Chapais-Chibougamau. C'est technique parce qu'il aurait dû être
capable de se régler, le technique, parce que vous l'avez
réglé un an ou six mois après.
M. Ciaccia: Technique, je parle de la région en dehors de
Chapais-Chibougamau. Le décret ne s'applique pas à
l'extérieur de Chapais-Chibougamau, mais il s'applique à
Chapais-Chibougamau, il est en vigueur.
M. Lanctôt: L'amendement au décret. M.
Ciaccia: Oui.
M. Lanctôt: L'amendement au décret. Parce que dans
le premier décret, on n'était pas inclus.
M. Ciaccia: Non, dans le premier...
M. Lanctôt: Bon.
M. Ciaccia: ...vous n'étiez pas inclus.
M. Lanctôt: C'est cela. C'est que s'il y a eu
possibilité, six mois après, de faire un écart ou... En
tout cas, aujourd'hui, ce n'est pas de revenir sur ce qui est fait. Ce que l'on
veut, c'est d'être inclus éventuellement s'il y a un nouveau
décret. C'est tout ce que l'on veut.
M. Ciaccia: Oui. Le caractère particulier de
l'approvisionnement de cette région et même Ies variations
prononcées des prix rendaient, à toutes fins utiles, impossible
la détermination de prix maximum pour l'ensemble de cette région.
C'est pourquoi elle fut écartée des décrets, mais nous
sommes intervenus pour Chapais-Chibougamau. Si les consommateurs obtenaient des
informations additionnelles sur les prix, sur la composante du prix et sur tous
les éléments essentiels en termes d'informations sur les
différentes pétrolières, pensez-vous que ce genre
d'informations pourraient les aider?
M. Lanctôt: Certainement, de rejoindre toute la population
des deux municipalités, Chapais et Chibougamau, cela pourrait être
une aide explicative. Mais en tout cas, aujourd'hui, pour nous, la gazoline se
situe à un prix normal avec les autres municipalités. Ce n'est
pas la question du prix aujourd'hui surtout. Le document a été
conçu dans un ensemble. Nous voulons éventuellement un nouveau
décret. Nous voulons qu'il n'y ait pas de technique qui nous
empêche d'être inclus dans le décret. C'est tout ce que nous
voulons. (14 h 30)
M. Ciaccia: Puisque la période d'application des
décrets se termine le 17 septembre...
M. Lanctôt: C'est cela.
M. Ciaccia: ...quel moyen de contrôle
privilégiez-vous? La prolongation du décret ou d'autres mesures
de contrôle ou d'autres mesures, même si ce n'est pas de
contrôle total que vous pourriez nous suggérer?
M. Lanctôt: Non, pour nous ce serait la prolongation du
décret. Une prolongation du décret s'il s'en fait un autre dans
toute la province c'est que nous soyions inclus dans la prolongation du
décret. C'est tout ce que nous voulons. S'il n'y a pas de décret.
C'est entendu que les régions comme les nôtres sont vraiment
pénalisées. Définitivement, on est allé - on l'a
dit tout à l'heure - jusqu'à 0,09 $ et 0,10 $ du litre. Cela veut
dire à
peu près 0,35 $ et 0,40 $ du gallon. Lorsqu'on emplit 16, 18 ou
20 gallons, c'est 8 $, 9 $ ou 10 $ à chaque plein d'essence. Comme on le
disait, dans les régions pour intéresser des gens à venir
demeurer à Chibougamau, on ne doit pas les pénaliser
indéfiniment sur tout. Pour nous, l'électricité passe
au-dessus et elle descend à Montréal mais ils paient le
même prix à Montréal qu'ils paient à Chibougamau
mais on ne paie pas meilleur marché et l'électricité passe
juste au-dessus de chez nous. On est peut-être 300 milles de moins loin
qu'à Montréal mais on paie le même prix. On ne paie pas
meilleur marché parce qu'on l'a près. Je comprends qu'on arrive
avec des compagnies pétrolières indépendantes, mais je
pense qu'elles mêmes, les compagnies, devraient être capables
d'avoir un prix pas mal uniforme pour que tous les gens puissent avoir, sans
s'occuper du transport... J'ai vu certaines années où le
gouvernement a donné 150 000 000 $ à Montréal pour la
Commission des transports; quant à moi, je paie une partie de cela et je
ne m'en sers pas du tout. Il faudrait que le gouvernement ou les gens trouvent
un moyen pour essayer de stabiliser, pour que tout le monde paie en fin de
compte; que les gens de Montréal et de Québec paient un peu de la
différence, pour qu'on soit capable d'avoir un prix uniforme.
M. Ciaccia: Quelle est votre opinion sur l'intervention qui avait
été souhaitée par le Club automobile du Québec sur
le rôle de l'Office de la protection du consommateur en ce qui concerne
les prix de l'essence?
M. Lanctôt: Je vous dirai que je ne l'ai pas lue, M. le
ministre.
M. Ciaccia: D'accord. Plus de questions pour le moment, je vous
remercie, M. le maire.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M.
le député de Lac-Saint-Jean.
M. Gauthier: De Roberval.
Le Présidente (Mme Hovington): De
Roberval, pardon, excusez-moi...
M. Gauthier: Ce n'est pas grave, madame.
Le Présidente (Mme Hovington): ...M. le
député.
M. Gauthier: Dans notre région, il ne faut pas confondre
les comtés comme cela. Il me fait plaisir de saluer M. le maire de
Chibougamau que je connais bien et de lui souhaiter la bienvenue à cette
commission parlementaire.
M. le maire de Chibougamau, au cours de la journée et demie de la
comparution de gens qui vous ont précédés, nous avons
essayé d'établir où se situait véritablement le
problème des régions périphériques, parce que
l'objectif de ma formation politique, et cela l'a été depuis le
début, au moment où l'énoncé budgétaire nous
gratifiait d'une réduction de la taxe dans les régions
périphériques, notre objectif, c'est de faire en - sorte que les
gens du Saguenay-Lac-Saint-Jean comme les gens de Chibougamau puissent
bénéficier, parce qu'on connaît le problème, on le
partage avec vous, même s'il se vit avec beaucoup moins d'acuité
chez nous que chez vous, vous l'avez indiqué tout è
l'heure...
Dans la recherche d'une solution pour que nos régions profitent
pleinement de cette réduction de taxes, nous avions indiqué au
ministre le danger que la récupération se fasse, peut-être
sommes-nous plus sensibles à ce phénomène qui se produit
régulièrement, qu'on appelle le jeu du libre marché et qui
fait en sorte que, très souvent, on se sent, à tort ou à
raison, je ne me prononcerai pas là-dessus, mais on se sent un peu
persécuté d'une certaine façon, on se sent
récupérer des sommes qui devraient nous revenir par le jeu des
forces du marchés qui ne semblent pas être aussi efficaces chez
nous qu'à Montréal ou à Québec.
À la suite de pressions que nous avons faites et j'oserais dire
presque à une supplication auprès du ministre de l'Énergie
et des Ressources de voir à faire en sorte que les citoyens puissent
vraiment toucher l'argent qui leur était destiné, on a fini par
faire admettre au ministre qu'il manquait 20 000 000 $ quelque part. Ce matin,
le ministre disait: J'ai perdu 20 000 000 $ quelque part et je voudrais savoir
où ils sont. On a noté que le ministre avait perdu 20 000 000 $
et on les cherche. D'ailleurs, on lui avait dit qu'il les perdrait. S'il avait
été un peu plus prudent, il ne les aurait peut-être pas
perdus aujourd'hui et on ne les chercherait pas. Mais, de toute façon,
ils sont perdus. Ne retournons pas sur le passé, regardons plutôt
vers l'avenir.
Je remarque une chose particulièrement intéressante dans
votre mémoire, M. le maire de Chibougamau et c'est
caractéristique des gens de votre région. Il y a des chiffres qui
sont clairs et éloquents. Vous payiez, le 30 novembre 1985, le
sans-plomb ordinaire -c'est à la page 7 si vous vouiez suivre les
chiffres, M. le maire; je sais que vous les avez; vous les possédez par
coeur très certainement - 0,6765 $ le litre à Chibougamau.
Il y a l'énoncé budgétaire du gouvernement qui
enlève 0,45 $ en moyenne aux consommateurs et les consommateurs de
Chibougamau-Chapais ont la merveilleuse
chance - cela aurait été de l'indécence autrement,
permettez-moi de vous le dire -de récupérer les 0,04 $. On tombe
à 0,6320 $. L'énoncé budgétaire a eu, dans
l'immédiat, un effet. L'argent a été
transféré à Chibougamau. Donc, au départ, en ce qui
concerne cette partie du problème qu'on a à étudier, chez
vous, en tout cas, il semblerait que cela s'est appliqué, contrairement
à toutes les autres régions du Québec, sauf
peut-être d'autres régions très excentriques - je ne
pourrais me prononcer là-dessus - contrairement aux problèmes du
Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi, etc. où les 0,04 $ ont
été graduellement je dirais grugés par différents
facteurs.
Chez vous, entre l'énoncé budgétaire et le 19
novembre, il y a une baisse du prix du litre de 0,10 $ le litre. Je ne sais pas
si le ministre avait, au moment du 19 novembre, fait une intervention
quelconque dans le domaine de l'essence, mais curieusement, il y a un 0,10 $ le
litre qui est disparu chez vous, ce qui mettait l'essence à un prix bien
plus intéressant, du moins, comparable à ce qui se fait
ailleurs.
Là, le ministre... Le prix varie maintenant de 0,5360 $ à
0,5497 $ dans peu de choses près. Comprenons que les problèmes
d'approvisionnement et les problèmes de différentes natures
peuvent amener une variation comme celle-là. Le ministre fait un
décret un peu rapidement, au mois de juin, parce que la session achevait
et que le problème ne pouvait plus durer et il vous oublie. Vous lui
mentionnez que vous aimeriez bien être inclus dans le décret.
Voilà ma question: Probablement que vous craigniez, à ce
moment-là, n'étant pas dans le décret, que le prix de
l'essence se remette à augmenter de façon
inconsidérée, parce que l'application du décret chez vous,
sauf erreur, n'a pas fait varier le prix de l'essence. Quand vous avez
été inclus dans le décret, c'est resté à peu
près au prix où vous étiez le 1er juillet 1987 et le 14
juillet 1987, c'est-à-dire à quelque 0,54 $.
Est-ce que je vous prête des intentions, M. le maire
Lanctôt, quand je dis que votre désir d'être inclus dans le
décret - c'est pour cela que vous avez communiqué avec le
ministre - c'était pour prévenir une éventuelle hausse
puisque le décret, selon mes informations, n'aurait rien changé
chez vous?
M. Lanctôt: C'était justement pour prévenir
une éventuelle hausse. C'est parce que, comme je le disais tout à
l'heure, les détaillants eux-mêmes ont baissé pour essayer
d'être logiques. Mais je pense que, moi-même, j'ai un conseiller
qui est détaillant et lui-même, cela lui a coûté 1600
$ de ses poches pour baisser le prix pour que ce soit... parce que tous les
autres détaillants avaient baissé.
À force de pressions sur les compagnies
pétrolières, elles ont accepté la réduction. On
voyait une bonne volonté des compagnies pétrolières, mais
c'était peut-être en disant: Ils ne sont pas inclus dans le
décret. Dans deux ans, trois ans ou six mois, après que le
nouveau décret soit fait, n'auront-ils pas la marge de manoeuvre de nous
remonter cela à 0,10 $ ou 0,12 $ parce que depuis 1956,
c'est-à-dire au-delà de 31 ans, que je demeure à
Chibougamau, on a toujours payé excessivement cher que ce soit l'huile
à chauffage, la gazoline... Je ne veux pas blâmer les
détaillants, mais il y a certainement une erreur quelque part. Ce n'est
pas normal que des régions, parce que j'ai demeuré à
Québec très longtemps, Je ne sais pas si c'est Duplessis ou
Lesage qui disait: L'avenir est dans le Nord. Cela doit être Duplessis,
vu l'âge que j'ai. On est allés dans le Nord, mais on a
été excessivement négligés, abandonnés...
nommez tous les mots et là je suis poli parce que je suis ici,
normalement je suis plus effronté. Cela veut dire qu'on était
inquiets, tout ce que l'on a fait, c'était de prévoir
éventuellement une hausse des compagnies si on n'était pas inclus
dans les décrets.
M. Gauthier: M. Lanctôt, on est tous les deux d'accord sur
un certain nombre de choses: la première est que vous avez
été exploités trop longtemps; la deuxième est que
le problème dans le domaine du marché des produits
pétroliers s'est réglé en quelque sorte, parce que
évidemment vous avez bénéficié de la baisse de
taxe, parlons-en, mais le vrai problème, le 0,10 $ le litre, c'est
réglé. À un moment donné, quelque part entre le
moment où la taxe avait été baissée et le moment
où vous avez été inclus dans le décret, parce que
les compagnies pétrolières ou vos détaillants ont
peut-être réalisé - je ne sais trop qui est le coupable -
que c'était indécent ce qui se passait chez vous, qu'il y avait
un prix vraiment exorbitant. Êtes-vous d'accord à ce
moment-là pour dire, comme certains intervenants l'ont fait, que le gros
problème dans le fond pour Chibougamau et Chapais c'est beaucoup plus ce
que les pétrolières ont appelé les lois du marché
qui vous pénalisent et qui vous ont toujours
pénalisés?
M. Lanctôt: Je ne crois pas que, pour les compagnies
pétrolières, cela coûte 0,09 $ et 0,10 $ le litre.
Peut-être que le volume est moins important, mais cela ne coûte
certainement pas 0,10 $ pour aller trois ou quatre fois à Chibougamau en
pétrole. C'est complètement faux. Il y avait une
exagération. S'il y avait 0,03 $ au 0,04 $ le litre, on aurait dit oui,
c'est le transport mais à 0,10 $ le litre c'est qu'on a vraiment
été exploités par toutes les compagnies
pétrolières.
M. Gauthier: Si, d'aventure, le ministre n'allait pas
jusqu'à prolonger le décret pour une période, si d'autres
mécanismes étaient mis en place, il faut aussi considérer
cette hypothèse-là, parce qu'è ce moment-ci, quelle sera
la décision du ministre? Cela lui appartient et on ne conteste pas cela
du toute Ce n'est pas l'objet de ma question. Si le ministre n'allait pas dans
cette direction-là de prolonger le décret pour fixer les prix de
l'essence dans l'ensemble de la région périphérique,
est-ce qu'une mesure de sécurité en quelque sorte liant votre
région avec des régions voisines comme l'Abitibi et le
Saguenay-Lac-Saint-Jean vous semblerait accorder une protection suffisante
à votre milieu?
Est-ce que la question est claire? Je peux être plus
explicite.
M. Lanctôt: D'après ce que je comprends, si on a des
garanties ou les mêmes avantages que les régions de I'Abitibi ou
le Lac-Saint-Jean, c'est qu'on peut profiter des mêmes avantages en
étant reliés l'un à l'autre. Cela satisferait la
municipalité de Chibougamau.
M. Gauthier: Si je vous pose la question, M. Lanctôt, c'est
que votre position, évidemment, est celle - vous l'avez dit clairement -
de maintenir un décret pour qu'on sache chez vous, enfin, comment on va
payer le gaz - je dis toujours le gaz; c'est le terme qu'on utilise dans nos
régions -l'essence, mais je ne voudrais pas que vous partiez d'ici les
mains vides. Je me disais que si le ministre ne retient pas la solution du
décret afin d'éviter de vous laisser encore une fois bouffer par
quelques distributeurs qui auraient peut-être le goût d'aller
chercher 0,10 $ le litre de plus de profit, il faudrait prévoir au
moins, s'il n'y a pas de décret pour les autres régions, que chez
vous, il puisse y avoir une mesure particulière qui vous lie ou qui vous
empêche d'être à la merci, dans le fond, de quelques
fournisseurs d'essence.
M, Lanctôt: Absolument, il faudrait que le gouvernement
s'implique - comme le gouvernement, à Ottawa, s'implique dans Bell
Canada - dans le prix de l'essence, pas dans le prix de l'essence... Il s'est
impliqué dans le prix de l'essence et dans le prix de
l'électricité. Il faudrait que le gouvernement,
éventuellement, prenne en considération que c'est anormal pour
des régions éloignées comme la nôtre. On fait un
effort de développement et on empêche du chômage dans les
régions. C n'est pas facile s'en aller vivre à Chibougamau. On a
donné tous les désavantages et on le vit quotidiennement. Qu'on
soit, en plus, pénalisés sans que le gouvernement s'assoie et
dise: Bien, ça, ce n'est pas nous autres.
M. Gauthier: Avez-vous, M. Lanctôt, chez vous, à
Chibougamau ou à Chapais -veuillez excuser mon ignorance - un ou des
distributeurs indépendants ou s'il ne s'agit que de distributeurs
affichés à des compagnies pétrolières bien
connues?
M. Lanctôt: Non, il y a un distributeur indépendant
qui est le même que vous autres, M. Belzile, qui a cinq ou six
stations-service. Il est à Chibougamau lui aussi.
M. Gauthier: D'accord. Le prix observé chez lui,
j'imagine, est équivalent au prix observé chez ies autres
distributeurs.
M. Lanctôt: Peut-être un peu meilleur marché,
mais, finalement, lui-même a le transport à payer. Il ne
l'achète peut-être pas au prix d'autres compagnies. Il peut
peut-être faire une mauvaise concurrence, mais les compagnies
indépendantes ou les autres compagnies se tiennent.
M. Gauthier: D'accord. Mon collègue, le
député d'Ungava aura certainement des questions à vous
poser. Je vais lui laisser le reste du temps. On procède par alternance,
mais je sais que M. le député d'Ungava aura des questions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Roberval.
Je vais donner la parole à M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. M. Lanctôt, je
viens également d'une région très nordique qui s'appelle
Baie-Comeau. Ce n'est pas tout à fait au sud de Québec. Faisons
une brève rétrospective, M. Lanctôt. En 1983, lorsque le
gouvernement du Québec a baissé la taxe, si je me souviens bien,
de 460 000 000 $ et que les pétrolières avaient
récupéré, avaient augmenté te prix de l'essence,
est-ce que vous avez fait des représentations? Vous représentez
une région éloignée. Vous étiez aussi loin dans ce
temps-là que vous l'êtes aujourd'hui. Quelles avaient
été les représentations? (14 h 45)
M. Lanctôt: Je ne sais pas si on en avait fait à ce
moment-là, M. le député. On vient tellement tannés.
En fait, je suis conseiller depuis 1962. Pendant une couple d'années,
ils m'ont mis dehors, mais ils m'ont repris tout de suite. Ils ont vu qu'ils
avaient fait une erreur. On s'est tellement plaint sans que cela aboutisse
à quelque chose, un bon coup, on vient tanné. Je ne sais pas si,
à ce moment-là, on l'a fait, mais je sais bien que, depuis 1962,
je viens à Québec. Aujourd'hui, les chemins sont en
asphalte, mais on les a parcourus sur la gravelle; 150 milles sur la
gravelle, 300 milles aller-retour, assez souvent; partir le matin de bonne
heure et retourner le soir, comme je pensais le faire cet après-midi. Je
suis parti à cinq heures. Je pensais retourner si je suis capable. Et
puis, sans que cela aboutisse à quelque chose. Parfois, il nous passe
des affaires sans qu'on fasse des représentations.
M. Maltais: D'accord. Tout à l'heure, j'ai essayé
de suivre le raisonnement du député de Roberval et vous allez
m'éclairer parce que vous avez les chiffres. Vous maniez mieux les
chiffres que moi. Si on part de décembre 1965, dans vos chiffres on
retrouve le prix de l'essence à environ 0,6765 $.
M. Lanctôt: Décembre 1985.
M. Maltais: C'est cela. Au cours de 1986, un peu plus tard, en
décembre 1985, le gouvernement décrète une baisse de la
taxe de 0,045 $. C'est bien cela?
M. Lanctôt: ...
M. Maltais: Ce qui établissait le prix de l'essence
à 0,6315 $. À un moment donné il y a une baisse de 0,10 $
des pétrolières et, finalement, cela aurait dû faire une
baisse totale de 0,165 $ parce que le brut avait baissé de 0,12 $ plus
la taxe de 4,5 %. Non?
M. Lanctôt: Oui, là on a une baisse de quelque 0,14
$ au lieu de 0,16 $.
M. Maltais: II y a 0,02 $ quelque part qu'on a perdus dans...
M. Lanctôt: Écoutez! Disons qu'on ne voudrait pas
être pénalisés vis-à-vis d'autres
municipalités mais les gens sont prêts à accepter. Disons
qu'on comprend que cela peut coûter un tel montant pour livrer l'essence
à Chibougamau mais pas, comme on a déjà eu, de 0,1030 $ le
litre. Qu'on ait 0,02 $ de ' différence... Imaginez-vous lorsqu'on part
de 0,67 $ et qu'on passe à 0,53 $, on est assez heureux qu'on se la
ferme. On dit: On a toujours gagné ça. li aurait pu baisser de
0,02 $ de plus mais on était heureux de voir que ça baissait de
0,10 $ le litre.
M. Maltais: Je cherche les 0,02 $. Sans doute qu'ils font partie
des 50 000 000 $ qu'on a perdus. Personne ne les a pris mais...
M. Lanctôt: Ah! les 50 000 000 $ je ne les ai pas non
plus.
M. Maltais: Quand même, ces 0,02 $ sont quelque part. Dans
les régions périphériques, lorsque le gouvernement
s'était engagé, lors de la campagne électorale, à
baisser le prix de l'essence, cela a été fait
immédiatement, deux semaines après l'élection de 1985.
Bien sûr, comme vous le dites, cela venait d'une demande continuelle des
régions éloignées. Vous parlez de Chibougamau-Chapais mais
je peux vous parler de Manic 5 et de Baie-Comeau.
M. Lanctôt: C'est normal. On devrait même ôter
des régions périphériques parce qu'elles ont d'autres
avantages qu'on n'a pas et mettre ça dans les régions
éloignées. Mon Dieu! baissez dans les régions
éloignées mais pas dans les régions
périphériques. Quand j'envoie mes enfants à
l'Université Laval ici, ça me coûte bien plus cher que le
gars qui est dans la périphérie de Québec ou de
Montréal.
M. Maltais: Oui, oui, c'est ça.
M. Lanctôt: Si c'est un terme technique, je pense que vous
êtes assez compétent pour trouver un moyen. On bloque sur le mot
"phérïphériques". Vous pourriez dire "régions
éloignées".
M. Maltais: Oui, en fait ce sont les régions
éloignées.
M. Lanctôt: Parce que nous sommes plus
pénalisés que tout le monde dans les régions
éloignées, même plus que dans les régions
périphériques.
M. Maltais: Écoutez! je ne suis pas sûr de
ça. Venez à Manic 5 et vous vous apercevrez que le pétrole
est pas mai plus cher que chez vous encore.
M. Lanctôt: Oui, mais Manic 5 c'est une région
éloignée.
M. Maltais: Et je comprends pourquoi il est plus cher parce qu'il
a pas mal de millage à faire comme celui qui se rend à
Chibougamau a du camionnage à faire. Il n'y a pas encore de pipeline et
il n'y a pas de bateau. C'est la même chose à Manic 5. Alors, le
transport...
M. Lanctôt: Je vous ai dit que 0,01 $ ou 0,02 $, j'aimerais
mieux avoir le même prix mais on comprend mais 0,10 $, 0,08 $ ou 0,09 $
du litre, ça a été à peu près toujours
ça mais c'est exagéré. Comment paierait-on la bouteille de
liqueur à Chibougamau si on en calculait le prix sur le prix de
l'essence, sur la même base de la pesanteur de l'essence? La liqueur et
la bière coûteraient cher là-bas.
M. Maltais: Tout à l'heure vous avez
soulevé un point quand même important à savoir que
les compagnies avaient collaboré pour accepter une diminution de 50 %
des 0,04 $ vis-à-vis des détaillants. Au niveau des
indépendants, d'abord est-ce qu'il y a des indépendants à
Chibougamau? Je ne le sais pas.
M. Lanctôt: Oui, je l'ai dit tout à l'heure, il y a
M. Belzile.
M. Maltais: Est-ce qu'il a profité de la même "shut"
que les...
M. Lanctôt: Je ne le sais pas avec ses fournisseurs
à lui mais je sais qu'il a baissé comme les autres.
M. Maltais: II a baissé au même prix que les autres
mais vous avez dit tout à l'heure que cela lui avait coûté
1600 $ de sa poche.
M. Lanctôt: Non. Un autre... M. Maltais: Un autre
détaillant.
M. Lanctôt: Un conseiller que j'ai. Avant que les
compagnies pétrolières...
M. Maltais: Baissent.
M. Lanctôt: ...baissent, lui-même avait baissé
et les autres compagnies aussi. Et il dit que cela lui avait coûté
1600 $ en l'espace de quelques semaines parce qu'il s'était mis au
même diapason que le prix de l'essence de...
M. Maltais: Des compagnies...
M. Lanctôt: Du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
M. Maltais: D'accord. On reviendra tantôt. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Saguenay. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir
de saluer M. Lanctôt de Chibougamau qui nous accompagne aujourd'hui et
qui nous fait une représentation qui, je pense, reflète les
appréhensions, les problèmes du milieu. D'autant plus qu'on a un
mémoire qui explique bien des choses.
Entre autres, quand on parle du prix du transport, là-dessus je
voudrais appuyer ce que M. Lanctôt disait. Pourquoi c'est dangereux si on
continue ou si on ne fait plus rien après le 17 septembre? On a juste
à voir, par exemple, quant aux prix du transport ou des prix à la
pompe. On a vu à
Chibougamau, on en a parlé suffisamment, on en a parlé ce
matin aussi, 0,5497 $ c'est la moyenne du prix qu'on avait au 20 juillet. Mais
à Chapais, je vais vous dire franchement, pour un camionneur qui arrive
de Roberval ou de Saint-Félicien, pour se rendre à Chapais il
fourche 10 kilomètres avant Chibougamau, il a 30 kilomètres
à faire; si vous faites la différence avec la distance pour se
rendre en ville il a 20, 21 kilomètres de plus à parcourir pour
se rendre à Chapais. Mais il y a quand même une différence
de 0,0153 $ du litre en moyenne.
À la page 6 du mémoire, on voit, pour l'essence ordinaire
sans plomb, 0,5497 $ à Chibougamau, 0,565 $ à Chapais. Cela veut
dire que pour 20 kilomètres, dans les mêmes conditions de
marché, mêmes conditions climatiques, même milieu
environnant, la seule différence qu'il peut y avoir ce sont les 20
kilomètres de route, cela coûterait 0,153 $ le litre pour faire la
différence de bout de chemin. En tout cas je suis d'avis, M.
Lanctôt, que cela reviendrait cher la bouteille si c'était de la
bière. C'est vrai. On peut parler du Pepsi ou de la liqueur, d'autant
plus que c'est peut-être moins essentiel que ne l'est l'essence.
Je crois que là-dessus M. Lanctôt a tout à fait
raison de dire et d'appuyer la même chose que la communauté
économique et la ville de Chapais dans le mémoire, de dire
écoutez, actuellement on n'a peut-être pas trop à se
plaindre parce qu'il y a des rajustements qui sont faits maïs on est
habitué depuis environ 20 ans, depuis que Chibougamau existe - la ville
a été fondée en 1951, 1952, en même temps que
Chapais - on a toujours payé plus cher l'essence, et beaucoup plus cher
qu'ailleurs, beaucoup plus cher même qu'à Saint-Félicien ou
à Roberval ou Val-d'Or qui sont les places limitrophes. Aujourd'hui, on
jouit temporairement, pour toutes sortes de raisons, éventuellement des
questions de marché comme disaient les pétrolières, on
jouit peut-être d'un prix un peu plus bas mais combien de temps cela
va-t-il durer? Quand cela va-t-il recommencer à monter? On ne le sait
pas. C'est important de continuer à s'assurer que les prix vont rester
à des niveaux compétitifs.
Je voulais demander à M. Lanctôt: À travers tout
cela, et je pense que vous êtes bien placé pour nous
répondre, étant donné que vous êtes vraiment un
vieux de la vieille de la région là-bas et que vous savez de quoi
vous parlez quand vous parlez du secteur de Chibougamau-Chapais. À
travers tout cela, quelles seraient, d'après vous, des mesures à
long terme - on ne parle pas d'un autre décret de six mois, on ne parle
pas d'un contrôle qui peut s'exercer peut-être pendant un an, deux
ans. Mais, à long terme, pour s'assurer, par exemple, que dans dix ans
le prix du pétrole ne sera pas deux fois plus cher à Chibougamau
qu'à Montréal, ce qui
pourrait éventuellement arriver ai on suit ce qui s'est produit
par le passé, d'après vous, qu'est-ce que le gouvernement devrait
faire pour être certain qu'on paie certainement pendant les x prochaines
années, un prix qui soit semblable au prix de Montréal ou de
Québec ou du Lac-Saint-Jean?
M. Lanctôt: Est-ce que ce qui m'a été dit est
vrai? Il paraît que pour les compagnies qui vendent des automobiles ou
n'importe quoi, c'est le même prix de livrer une auto à
Montréal ou à Chibougamau; cela est basé sur le nombre
d'autos qu'ils livrent, divisé par le montant que cela leur coûte;
ils arrivent à une base qui est sensiblement la même. Cela m'a
été dit pour les automobiles. Est-ce que c'est vrai? Je pense que
dans l'essence, les compagnies devraient prendre cela en considération.
Comme je le disais tantôt, le gouvernement du Québec donne 15Q 000
000 $ à la Commission de transport de Montréal et je n'ai jamais
pris le métro de Montréal de ma vie. Donc, j'en paie une
partie.
Je dis que le gouvernement devrait obliger, les compagnies
pétrolières devraient faire la même chose... Je dis que les
compagnies pétrolières devraient savoir comment cela leur
coûte, divisé par le nombre de litres ' livrés dans toute
la province, ce qui pourrait faire un taux équitable pour tout le monde.
Je n'ai pas travaillé indéfiniment là-dedans, hormis de
marcher par des décrets ou par des lois qui n'en finiront plus et qui
vont être discutés à tous les six mois ou à tous les
ans.
M. Claveau: Alors, vous pensez que le gouvernement devrait
vraiment établir une politique à long terme de contrôle des
prix, qui pourrait avoir toutes sortes d'allures...
M. Lanctôt: Disons que la question elle-même... Je
vois cela dans un ensemble parce qu'on me parlait des automobiles et c'est cela
qu'ils font. Est-ce que c'est vrai ou ce n'est pas vrai? Cela m'a
été dit que c'était cela qu'ils faisaient; que tout le
monde paie, que le gars de Montréal paie le même prix pour le
transport que celui de Québec ou celui de Chibougamau. Les compagnies
pétrolières pourraient faire la même chose et ce serait
minime de remonter 0,0025 $ le litre à Montréal, ce qui
couvrirait tout le transport pour toute la province de Québec. Pourquoi
est-ce qu'on paie pour les autoroutes, pour le métro ou pour toute autre
chose puisqu'on n'a aucun avantage? Je dis qu'il y a certainement une
possibilité. Je comprends qu'on parle de compagnies qui sont un peu
privées, qui ne sont pas un gouvernement, mais je dis qu'il devrait y
avoir une sensibilisation là-dedans.
La Présidente (Mme Hovington): Merci,
M. le député d'Ungava.. Est-ce qu'il y a d'autres
questions? Alors, nous allons passer aux remarques finales. M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Alors, ce sont les remarques finales. M. le maire
Lanctôt, je vous remercie au nom de ma formation politique de vous
être déplacé de si loin pour venir plaider en faveur des
gens de chez vous, surtout pour défendre un objectif qui est
également le nôtre et auquel je suis particulièrement
sensible venant du Sague-nay-Lac-Saint-Jean.
Je voulais simplement vous dire, M. Lanctôt, que plusieurs
recommandations ont été faites par des gens qui sont venus ici
nous expliquer chacun leur point de vue et cela bien légitimement;
celles-ci seront prises en considération très certainement par le
ministre; je le souhaite et je l'espère. Et, comme Opposition, comme
nous aurons vraisemblablement à participer aux éventuels
débats qui suivront dans le domaine de l'énergie, j'ai
assuré les autres participants en commission parlementaire qu'on
appuierait leurs recommandations, en tout cas celles qui nous semblaient,
à tout le moins, appropriées, et soyez certain d'une chose, c'est
que j'ai retenu de votre intervention la nécessité, qu'on fasse
un décret ou non, qu'on mette sur pied un organisme de surveillance avec
un pouvoir plus ou moins moral ou qu'on ne le fasse pas, il faudra
assurément qu'on prévoie, au moins pour votre région - il
faudra regarder s'il n'y a pas d'autres secteurs qui sont dans la même
situation, je crois que le ministre partage ce point de vue - et s'assurer
qu'une clause remorque ou quelque chose vienne baliser, une fois pour toutes,
le marché dans une région comme la vôtre pour éviter
une exploitation qui - sans mettre de nom, comme on vous dit, on n'a pas
déterminé qui exactement récupérait cela... Mais,
une chose est certaine, les gens de Chapais-Chibougamau se sont fait exploiter
et il faudra qu'on tienne compte de ce fait, à l'avenir, dans le
mécanisme qu'on choisira de mettre dans un décret, dans une loi
ou tout autrement.
Je vous remercie infiniment au nom de ma formation politique et au
plaisir de pouvoir poursuivre cette conversation ailleurs et
ultérieurement si jamais le coeur vous en dit.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Roberval. M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources. (15 heures)
M. Ciaccia: Je veux remercier M. le maire pour son
mémoire. En ce qui concerne la question de qui a perdu et où cet
argent est allé, le 0,045 $ le litre, je ne sais pas, peut-être
que j'ai mal compris ce que le
député de Roberval a dit. Il a dit qu'on ne sait pas
où cet argent est allé. On le sait, où cet argent est
allé. Cela a été repris partiellement par les
pétrolières et par les détaillants. Votre ami qui a dit
avoir perdu 1600 $, partiellement il a récupéré une partie
de la taxe. On sait où l'argent est allé. Lorsque j'ai dit ce
matin qu'on ne sait pas où les 50 000 000 $ sont allés, c'est la
prétention de certaines pétrolières qui ne semblent pas
savoir. Nous on le sait. Si on n'avait pas su où l'argent avait
été, je n'aurais pas été en mesure de recommander
des décrets au gouvernement fixant les prix. Alors, établissons
une fois pour toutes qu'on sait où l'argent est allé. C'est pour
cela que les décrets ont été adoptés par le
gouvernement» Je croîs que c'est bien la première fois dans
notre histoire qu'on a agi dans ce domaine dans le but d'aider les
consommateurs.
En ce qui concerne votre région particulièrement, au
début quand on a énoncé les décrets même si
votre région n'était pas incluse, les pétrolières
croyaient qu'elles étaient assujetties aux décrets. Alors,
immédiatement il y a eu une baisse. J'avais préparé un
deuxième décret mais lorsque j'ai vu qu'à Chibougamau et
à Chapais ils avaient observé une baisse du premier
décret, je ne l'ai pas inclus dans le deuxième. C'est seulement
lorsque eux ont réalisé... Et présumément que leurs
avocats ont dû examiner les termes du décret et ont dû leur
dire: Écoutez, vous n'êtes pas affectés. À ce
moment-là, cela a commencé à augmenter et c'est à
ce moment qu'on a adopté un décret pour Chapais et Chibougamau.
Originalement, les pétrolières et même les
détaillants, se croyant affectés par le décret original de
l'Abiti-bi, l'ont observé et ils ont baissé le prix.
Lorsque vous parlez d'avoir un prix uniforme, vous voulez une
réglementation d'une certaine façon, je présume et vous
voulez un prix uniforme. Je voulais seulement porter à votre attention
qu'en Nouvelle-Ecosse il y a une régie. Il y a sept différentes
zones de prix. La Nouvelle-Écosse ce n'est pas aussi grand que le
Québec. Dans chaque zone il y a la question du coût du transport,
du coût administratif et différents autres éléments.
Il n'y a pas un prix dans toute la Nouvelle-Écosse. Il y a
différents prix pour les différentes zones. Au fur et à
mesure qu'on s'éloigne des centres urbains les prix augmentent. Je
voulais seulement apporter cela à votre attention en ce qui concerne vos
commentaires sur le prix uniforme dans toute la province.
Vous mentionnez que vous ne bénéficiez pas des coûts
de transport. Vous n'avez jamais embarqué dans le métro à
Montréal et on paie 150 000 000 $ ou Montréal reçoit 150
000 000 $. C'est le chiffre que vous avez mentionné. Peut-être
qu'un résident de Montréal pourrait vous dire qu'il n'a jamais
fait de l'exploration minière mais qu'on paie aussi pour l'exploration
minière à Chapais et à Chibougamau. Alors, ce sont des
programmes dans différentes régions.
M. Lanctôt: Je pourrais vous en nommer plusieurs»
M. Ciaccia: Vous savez, je ne pense pas que ce soit le but de la
commission ici de s'enquérir sur les finances et de toutes les
méthodes de financement. Il y a des interfinancements, il y a des
endroits qui reçoivent certains programmes. Il y en a qui n'en
reçoivent pas. Je pense que le but de notre décret, le but de
notre intervention, c'était d'aider les régions
éloignées en baissant la taxe et deuxièmement, avec le
décret, s'assurer que ce soit les consommateurs qui
bénéficient de la décision gouvernementale. C'était
cela le but des démarches que nous avons prises depuis décembre
1985.
En conclusion, je voudrais mentionner les prix suivants qui ont
été observés à la fin d'août 1987:
Montréal: 0,538 $ le litre; Chibougamau, où il n'y a pas de
métros 0,524 $ le litre. Je crois que les décrets ont eu l'effet
voulu. Cependant, nous prenons bonne note de vos recommandations. Je comprends
vos préoccupations, je comprends que si quelque chose devait arriver
après le 17, vous voulez être inclus et je peux vous assurer de
notre entière collaboration. On n'oubliera pas les consommateurs, les
résidents et la population de votre région. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M.
le maire Lanctôt, au nom des membres de la commission de
l'économie et du travail, il me reste à vous remercier de vous
être déplacé pour venir nous présenter un
mémoire et il nous reste à vous souhaiter un bon voyage de retour
à Chibougamau ce soir. Merci beaucoup, M. Lanctât.
M. Lanctôt: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Nous allons maintenant
inviter, si vous voulez bien, le groupe suivant, soit le Regroupement des
vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Sont-ils
arrivés? Oui. Vous allez prendre place et nous allons suspendre pendant
une ou deux minutes pour laisser le temps à votre collègue de
revenir dans la salie, à la commission.
(Suspension de la séance à 15 h 7)
(Reprise à 15 h 13)
La Présidente (Mme Hovington): À la suite de
l'entente intervenue entre les membres des deux côtés de la
commission parlementaire, nous écouterons plutôt les Produits
Shell Canada Ltée. Suivra l'autre groupe que j'avais annoncé
précédemment, c'est-à-dire le Regroupement des vendeurs
indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les Produits Shell Canada
Ltée est invitée à prendre place et à s'identifier,
s'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement
Produits Shell Canada Ltée
M. Bétoumay (Gérard): Mon nom est Gérard
Bétoumay de Shell Canada. Je suis directeur du marketing pour le
Québec et les Maritimes. Mon collègue est Martin Myers qui est
responsable des approvisionnements et des budgets pour le Québec et les
Maritimes.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. Vous connaissez un
peu les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour expliquer ou lire votre
mémoire. M. le ministre ou le côté ministériel a 20
minutes pour les questions, de même que l'Opposition aura 20 minutes
aussi pour les questions. Merci.
M. Bétournay: D'accord. J'aimerais d'abord remercier la
commission d'avoir invité Shell Canada à présenter son
point de vue lors de ces audiences. Comme distributeur de carburant dans les
régions visées, nous sommes des plus intéressés
à trouver des moyens par lesquels les objectifs du Québec peuvent
être atteints sans qu'ils aient pour autant à subir des pertes de
revenus ni assumer des tâches administratives accrues.
Nous sommes donc d'avis que nos objectifs respectifs peuvent être
réalisés et nous le pouvons vraiment, mais pas par les
méthodes en vigueur. La réduction de la taxe sur les carburants
prévue dans l'énoncé budgétaire du 18
décembre 1985 s'est traduite par une baisse équivalente des prix
à l'îlot dans les régions concernées. Avec le temps,
cependant, le niveau des prix par rapport à un marché
repère comme Montréal a fluctué de façon
défavorable dans certaines de ces régions.
Le ministre de l'Énergie et des Ressources en a donc conclu que
le consommateur ne bénéficiait plus entièrement de la
baisse de taxe et le gouvernement a alors fixé par décret de
nouveaux prix plafond à l'îlot pour ces régions
périphériques.
Shell n'a pas l'intention de s'engager ici dans un débat pour
déterminer si le consommateur bénéficiait pleinement de la
baisse de taxe du 7 juin 1987 ou si une portion était conservée
par les fournisseurs et les détaillants. Comme vous le verrez, la
question ne peut être tranchée de façon concluante.
Les zones périphériques constituent des marchés
distincts, caractérisés par des forces et des facteurs
coût-efficacité différents. Par exemple, les frais de
distribution et le volume moyen par établissement de détail
varient considérablement dans ces marchés par rapport à
ceux des grands centres urbains.
En fait, le seul point en commun qu'ils ont avec les marchés
urbains comme Montréal et Québec, c'est la même source
d'approvisionnement des produits. Ces marchés particuliers sont soumis
à des forces compétitives internes, mais ils ne sont pas en
concurrence directe avec les marchés urbains. Comme le prix de gros et
les marges bénéficiaires des détaillants peuvent varier -
et, c'est le cas d'un marché à l'autre et pas
nécessairement en fonction du brut et des taxes - les prix à
l'îlot vont aussi fluctuer différemment dans chaque marché.
Par conséquent, la comparaison des prix au détail dans les
régions périphériques à ceux d'un marché
repère comme Montréal n'est pas pertinente pour déterminer
où a passé la baisse de taxes.
En fait, avec la méthode utilisée actuellement pour
alléger le fardeau de la taxe, il devient pratiquement impossible avec
le temps de vérifier dans quelle mesure la réduction de taxes se
reflète dans le prix à l'îlot. De plus, les variations
futures dans les écarts de prix entre les régions
périphériques et les marchés urbains, par suite de
l'amélioration des marges bénéficiaires ou des hausses de
coûts, de redressement de prix du gros ou d'un changement dans le niveau
des bénéfices de l'exploitant de stations-service, dans n'importe
quel de ces marchés comparés, relanceront la même question
débattue actuellement.
Shell Canada ne voit pas d'objection à ce que le Québec
prenne des mesures pour alléger le coût des carburants dans
certaines régions, mais nous ne croyons pas que cela puisse être
réalisé de la façon actuelle, à la satisfaction des
différents intéressés, aussi bien les fournisseurs, les
exploitants de stations-service, les consommateurs que le gouvernement. Shell
est donc en désaccord avec les méthodes employées par le
gouvernement dans ce cas-ci.
Les réductions de taxes dans les régions
frontalières près des autres provinces et des États-Unis
ayant bien fonctionné par le passé, on pourrait croire que le
même plan donnera les mêmes résultats dans les
régions périphériques. Cependant, les deux cas
diffèrent complètement. Dans les régions
frontalières, la diminution de la taxe a pour but d'assurer la
compétitivité des stations-service qui se trouvent à
proximité des secteurs où la taxe sur le carburant est
considérablement plus basse qu'au Québec. Dans ces
marchés, les prix à l'îlot doivent alors s'ajuster,
à défaut de quoi les automobilistes iront s'approvisionner de
l'autre côté de la frontière.
Contrairement aux zones frontalières, les régions
périphériques ne subissent pas les mêmes forces
compétitives de l'extérieur. La réduction de taxes dans
ces zones ne vise donc pas à compenser des influences externes. Les prix
sont déterminés par des conditions locales. Compte tenu de ces
importantes différences, un plan de réduction de taxes peut
très bien fonctionner dans les régions frontalières et
être complètement inefficace dans les zones
périphériques. C'est pourquoi Shell est d'avis que les
subventions ou l'aide accordée aux consommateurs des régions
périphériques dans le cadre du programme actuel ne peuvent
être administrées de façon satisfaisante d'un point de vue
commercial.
Nous estimons que ces dégrèvements devraient être
accordés directement au bénéficiaire visé par le
gouvernement. Pour ce faire, nous voudrions suggérer à la
commission les solutions suivantes: La première, par exemple, serait de
réduire les frais d'immatriculation dans les régions. Cette
mesure a été prise par l'Ontario il y a quelques années
pour les habitants du nord de cette province. À notre connaissance, ce
plan a fonctionné assez bien et a donné les résultats
escomptés par le gouvernement.
Une deuxième serait de lancer un programme de remise permettant
aux automobilistes des régions admissibles de réclamer le
remboursement d'une partie des taxes sur le carburant. La Saskatchewan a
récemment adopté cette idée au profit de tous ses
citoyens. Au Québec, cette méthode offrirait au gouvernement la
souplesse nécessaire pour ajuster facilement le niveau des
réductions et déterminer les régions qui en
bénéficient.
La troisième suggestion serait d'accorder aux contribuables des
régions admissibles un crédit d'impôt fixe. Celui-ci
s'apparenterait au crédit d'impôt établi pour la taxe
fédérale sur les ventes. Cette solution offre la plupart des
avantages de la deuxième méthode, tout en réduisant de
beaucoup la charge administrative.
Shell estime que ces solutions présentent les avantages suivants,
comparativement au régime actuel. Elles garantissent que la
réduction de taxes profite aux personnes visées par le
gouvernement. Elles permettent aux forces du marché et à la
concurrence de déterminer les prix comme par le passé, sans
soulever la question de niveaux de réductions dont
bénéficie le consommateur. Elles éliminent la
nécessité pour le gouvernement de fixer les prix par
décret comme en juin dernier. Une telle mesure conduit
inévitablement à une baisse injustifiable des revenus de
l'industrie. Elles donnent enfin à l'industrie la possibilité de
récupérer ses frais dans les marchés où ils se sont
engagés et d'obtenir un rendement raisonnable sur son capital. Alors que
le rendement du capital investi des Produits Shell Canada est passé de 3
%, niveau moyen de l'industrie au début des années quatre-vingt
à 6,9 % en 1986, cette amélioration est encore bien
supérieure à notre objectif. Pour que ces rendements progressent,
les gouvernements doivent continuer de faire confiance à la libre
concurrence et à laisser les forces du marché déterminer
le moment et l'ampleur des changements des prix, ainsi, que les autres
décisions d'exploitation qui ont une incidence sur le
bénéfice.
En résumé, Shell croit que la méthode actuelle
d'alléger le fardeau de la taxe sur les carburants dans tes
régions périphériques ne peut servir efficacement les
intérêts de tous les intéressés. Shell recommande
donc fortement l'adoption de l'une des solutions de rechange, tel que
proposé.
En terminant, j'aimerais mentionner que nous sommes également
disponibles à continuer de collaborer avec le ministère et de
fournir toutes les informations nécessaires autant pour le
ministère que pour le public. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Bétournay.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Je vous remercie pour la présentation de votre
mémoire, M. Bétournay. Même si, dans votre mémoire,
vous mentionnez que vous ne voulez pas vous engager dans un débat pour
déterminer dans quelle mesure le consommateur bénéficiait
de la baisse de la taxe et, d'autre part, de la portion qui a été
conservée par les fournisseurs et les détaillants, je voudrais
vous poser la question suivante. Vous mentionnez dans votre mémoire,
à la page 2: "Il est presque impossible de déterminer de
façon le moindrement fiable si la réduction de la taxe dont
profite le consommateur correspond exactement au montant précis
décrété." Le point de vue que vous exprimez dans votre
mémoire rejoint donc en tous points celui que nous exposait ce matin la
compagnie Esso dans son mémoire. Il m'est donc encore plus difficile de
comprendre comment une autre société comme Petro-Canada peut
être si certaine, et je cite, "que les consommateurs ont pu profiter
entièrement de la réduction de la taxe". Est-ce que je pourrais
avoir vos commentaires là-dessus?
M. Bétournay: Dans ces régions-là, les
consommateurs actuels profitent évidemment de la diminution de la taxe.
J'ai devant moi
les prix. Par exemple, à Rouyn, les prix ont été
décrétés à 0,512 $; à Montréal, le
prix est de 0,547 $. Donc, Us ont profité d'une réduction
sensible de la taxe.
M. Ciaccia: C'est après décret?
M. Bétournay: Oui, absolument. J'ai même un autre
exemple qui vaut la peine d'être mentionné. Le décret nous
dit qu'à Ville-Marie, le prix devrait être de 0,512 $, le
même montant. Le prix actuel à Ville-Marie est de 0,477 $, parce
que ce sont les forces du marché qui font qu'on est obligé de
vendre à 0,477 $ pour continuer à vendre le produit
là-bas. Même si on a le droit, par décret, de le vendre
à 0,512 $, on est en bas du marché.
M. Ciaccia: Il y a des endroits où le prix est moindre que
le montant décrété.
M. Bétournay: Absolument. Je peux donner le nom de deux
endroits que vous pouvez vérifier, parce que les forces du marché
- je sais que vous n'aimez pas le terme - mais...
M. Ciaccia: Non, non.
M. Bétournay: ...les forces du marché sont
là.
M. Ciaccia: Ce n'est pas que je n'aime pas le terme. C'est la
définition du terme qui porte à confusion parfois.
M. Bétournay: On essaie d'en trouver un autre depuis ce
temps-là et on a de la difficulté.
M. Ciaccia: Un autre mémoire devait être
présenté, mais il le sera après parce que les gens n'ont
pu arriver à temps. C'est un regroupement d'indépendants qui
affirme n'avoir eu aucun appui des pétrolières depuis
l'imposition des décrets, ayant même eu à subir une hausse
du prix à la mi-juillet. Pourriez-vous me dire si votre
société a réajusté à la baisse ses prix aux
indépendants pour tenir compte de l'impact des décrets?
M. Bétournay: Quand vous dites aux indépendants,
voulez-vous dire les stations Shell?
M. Ciaccia: Non, c'est un groupe de grossistes
indépendants de la région du Lac-Saint-Jean. Les grossistes
indépendants, pas les indépendants...
M. Bétournay: Les grossistes indépendants,
évidemment, achètent leurs produits sur une base
différente. Ils achètent ce qu'on appelle au "rack pricing" au
quai de chargement à Montréal ex-taxe. Ils ajoutent les taxes,
finalement la marge de profit qu'ils désirent et le prix à leurs
détaillants et à leurs clients.
M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites que les grossistes
indépendants n'achètent pas leurs produits au Lac-Saint-Jean
mais...
M. Bétournay: Je dirais que, dans notre cas, la plupart
des gros indépendants achètent dans les grands centres comme
Montréal et qu'ils transportent leurs propres produits vers ces
centres-là pour les revendre. On les revend sans taxe.
M. Ciaccia: Très bien. Pourriez-vous nous donner une
idée des mesures concrètes que votre société a
prises depuis la période d'application des décrets pour permettre
à vos détaillants de réaliser une marge
bénéficiaire raisonnable?
M. Bétournay: D'accord. En ce qui regarde Shell, la
majorité, je dirais 95 % de nos détaillants achètent leurs
produits sur une base d'achat-revente. Donc, on n'a pas le même
système d'ailleurs mentionné ce matin par Ultramar, de
consignation. Nos produits sont vendus à un prix de liste pour les
détaillants qui décident du prix qu'ils veulent vendre, soit le
prix à la pompe déterminé par le détaillant. Il y a
quelques exceptions où on a des libres-service dans ces zones-là.
Au total, dans toutes ces zones visées, peut-être pas plus de huit
ou neuf postes de service où l'essence est en consignation. Dans ce
cas-là on a évidemment réduit la taxe du même
montant que le décret le demandait. Pour répondre à votre
question, dans les cas où on vend pour revente où la marge ne
semblait pas raisonnable, dans certains cas seulement, on a donné une
marge minimale pour essayer d'assurer la survie du détaillant en
question.
M. Ciaccia: Comment vos mesures pourraient-elles se comparer par
exemple à d'autres compagnies pétrolières? Vous avez fait
référence...
M. Bétournay: Je pense qu'en général, on est
peut-être une des seules compagnies aujourd'hui, avec Esso, je crois, qui
n'a pas le système de consignation. La plupart des autres compagnies ont
un système de consignation. Dans le passé on l'avait et on
dictait le prix de la pompe, si vous voulez, en étant
propriétaire du produit.
M. Ciaccia: Dans ces cas où ce n'est pas en consignation
et que le décret a baissé le prix...
M. Bétournay: On a baissé le prix de gros en
conséquence.
M. Ciaccia: Vous l'avez baissé en conséquence.
M. Bétournay: Oui.
M. Ciaccia: Vous proposez un certain nombre de solutions de
rechange à l'actuel rabais fiscal accordé aux consommateurs des
régions et vous soulignez qu'un des avantages de ces solutions de
remplacement serait; "De permettre à l'industrie de
récupérer ses frais dans les marchés où ils sont
engagés." C'était à la page 5 de votre mémoire.
Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez par ça?
M. Bétournay: Oui. C'est surtout sur le côté
distribution. Comme vous le savez, d'ailleurs votre ministère est au
courant qu'à peu près 60 % du volume de l'essence du
Québec se vend dans l'agglomération montréalaise. Dans la
majorité de ces postes d'essence, nous faisons la livraison par
camion-citerne en quantité de 45 000 litres dans des réservoirs
de 30 000 litres chacun. Donc, on a des économies d'échelle assez
marquées. Alors que dans ces zones-là on a une distribution
secondaire, on est obligé de prendre le produit de Montréal, de
l'amener dans un dépôt, par exemple Val-d'Or ou Rouyn ou
Ville-Marie et, de là, on est obligé de l'entreposer. Il y a
là un employé sur place - dans notre cas ce sont
généralement des distributeurs-agents - qui fait la
redistribution de ces produits, évidemment dans de plus petits camions
et de plus petits réservoirs, ce qui est très coûteux. Pour
la même raison, la plupart de ces détaillants demandent une marge
bénéficiaire sur le produit un peu plus grande que celle de
Montréal parce qu'ils n'ont pas les volumes que Montréal a. C'est
ce qu'on veut dire par les récupérations des coûts. C'est
d'ailleurs ce qui est arrivé la dernière fois, parce que,
historiquement, avant le décret, les prix ont toujours été
de 0,03 $ ou 0,04 $ plus cher dans ces régions-là. Je ne parle
pas de cas isolés comme cela a été mentionné ce
matin, comme Chibougamau. Il y a eu aussi des exagérations dans certains
marchés. Il y a évidemment un coût additionnel pour la
distribution secondaire. (15 h 30)
M. Ciaccia: Merci. Pour le moment, je n'ai pas d'autres
questions.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M.
le député de Roberval.
M. Gauthier: Oui. Merci beaucoup. Je voudrais en profiter pour
saluer les gens de la compagnie Shell, les remercier d'être venus et
avoir présenté leur mémoire.
Évidemment, quand on a la chance ou la malchance de passer dans
l'ordre un peu plus loin dans une commission parlementaire le nombre de
questions est évidemment plus limité. Vous le comprendrez, cela
n'a rien à voir avec l'intérêt de votre exposé mais
il y a un certain nombre de faits qu'on a eu l'occasion d'éclaircir au
cours des présentations précédentes avec des entreprises
qui ont finalement une expérience un peu semblable à la
vôtre.
Il y a cependant un élément sur lequel j'aimerais revenir.
Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ou d'avoir bien
interprété votre mémoire et même votre
réponse à une question du ministre.
À un certain moment - le ministre vous a posé la question
tout à l'heure - vous donnez l'impression qu'il n'est à peu
près pas possible de savoir pour le consommateur si oui ou non il a
bénéficié de la baisse de taxe. Effectivement, le ministre
vous signalait que Petro-Canada avait écrit dans son mémoire
qu'il était certain qu'il en avait bénéficié sauf
qu'en comparution, avec des questions que je leur ai posées, ils ont
fini par me dire que c'est vrai qu'ils n'étaient pas si certains que
cela. En ce sens donc, ils rejoignaient en quelque sorte votre position.
J'aimerais que vous nous disiez le plus clairement possible, pour
être sûr qu'on s'entend tous sur la même chose, si c'est
possible ou non, à votre avis et très sincèrement, pour le
consommateur de bénéficier d'une baisse de taxe accordée
par le gouvernement et de savoir qu'il en bénéficie ou si c'est
à toutes fins utiles illusoire de penser que le consommateur pourra
faire facilement cette constatation.
M. Bétournay: Ce dont je puis vous assurer avec pleine
certitude, c'est que les diminutions de taxes autant que les augmentations par
les gouvernements fédéral ou provinciaux ont été
passées directement dans nos listes de prix. Donc, où Shell
contrôle le prix à la pompe, les baisses ont eu lieu en
conséquence. Ce que je ne peux vous garantir, où le
détaillant est responsable et propriétaire de son essence qu'il
avait payé 0,045 $ et plus et qu'il y en a encore dans le
réservoir, s'il l'a passé immédiatement. Nous autres,
évidemment, on n'a pas le droit - vous connaissez la loi de la
compétition, les coalitions - de dicter les prix si ce n'est pas notre
produit. Je sais moi-même qu'il y a des cas où il y a eu des
exagérations faites et on apporte cela évidemment sur la base de
compétition juste et équitable envers nos détaillants pour
maintenir cette fameuse part de marché dont nous avons parlé ce
matin.
On se bat tous pour la même chose: maintenir nos volumes. Je peux
vous assurer que Shell Canada a passé toutes ces diminutions dans le
marché, c'est-à-dire jusqu'où on pouvait, où on
contrôle le prix à la pompe. Généralement avec les
prix à la pompe où Shell contrôle cette station dans
un marché donné, cela donne pas mal le signal, parce que
si le libre-service a baissé de 0,04 $ l'indépendant dans le
secteur avec la marque Shell est obligé de baisser, sinon il va perdre
son volume.
M. Gauthier: Oui. J'aimerais que vous continuiez cette
explication. Effectivement, c'est intéressant. Étant donné
le système de distribution que vous avez, vous avez d'ailleurs
expliqué que c'était un peu différent des autres
entreprises - que se produit-il pour le vendeur de produits Shell qui est
propriétaire de sa station, qui vient la veille, du moment où le
ministre de l'Énergie et des Ressources et le ministre des Finances se
sont consultés et ont décidé soit de baisser ou
d'augmenter la taxe -mais dans ce cas-ci c'était une baisse - que se
produit-il pour ce détaillant, compte tenu du fait que le libre-service
qui est peut-être à trois coins de rue plus loin baisse
immédiatement?
Vous me dites que quand on est responsable on fait cela tout de suite.
Et le type qui vend votre produit à côté et qui vient de se
stocker dans la semaine précédente, dans les jours
précédents, est-ce qu'il y a un système de crédit
pour cette personne ou si après coup, c'est-à-dire au moment
où il y a des rajustements, il reprend son argent? Est-ce qu'il reprend
son argent quelque part ou si c'est lui qui paie pour les variations
dictées par le gouvernement?
M. Bétournay: Dans le système, évidemment,
d'achat-revente, contrairement au système de consignation où il y
avait des crédits ou des débits si le prix montait, c'est qu'il
n'y en a pas. Il était avisé, lui, par les journaux ou par
décret gouvernemental que la taxe doit augmenter ou baisser. Là,
il est seul à avoir la responsabilité d'ajuster ses prix. S'il
veut l'augmenter tout de suite et prendre un gain d'inventaire, c'est son
affaire. S'il veut, comme le cas précédent, baisser son prix et
prendre une perte temporaire, si vous voulez, et maintenir sa clientèle,
il va rajuster tout de suite et prendre une perte pour ce qu'il y a dans les
réservoirs. Il n'est même pas avisé 24 heures à
l'avance que les prix vont monter.
M. Gauthier: Sans, évidemment, vouloir obtenir des noms -
bien sûr, l'objet de la commission, ce n'est pas cela - est-ce que vous
avez pu réaliser, avec le système avec lequel vous fonctionnez et
pour lequel je n'ai aucune espèce de critique à formuler,
remarquez bien, que certains de vos vendeurs de produits ont dû se
retrouver, j'imagine, dans une situation absolument intenable, compte tenu du
fait que lorsque le produit est dans le réservoir, c'est lui qui en a la
totale et entière responsabilité? Est-ce que vous avez eu un
programme spécial de soutien? Vous ne devez pas être
intéressé...
M. Bétournay: En majorité... Je comprends bien ce
que vous me dites et on comprend l'ampleur de la responsabilité, autant
que le détaillant peut bénéficier aussi du contraire. S'il
y a une augmentation de taxe à minuit ce soir et qu'il l'augmente
à minuit ce soir, s'il y a encore 10 000 litres de produit dans ses
réservoirs, il va faire un gain sur ce qu'il y a dans les
réservoirs. Mais, c'est sa responsabilité, c'est le risque qu'il
prend quand il va en affaires.
M. Gauthier: D'accord.
M. Bétournay: Donc, c'est de même qu'on le regarde
et puis cela va bien comme cela dans notre cas.
M. Gauthier: D'accord.
M. Bétournay: La plupart des détaillants veulent
être responsables et veulent contrôler leur inventaire.
M. Gauthier: D'accord. Maintenant, j'aimerais savoir: Est-ce
qu'il vous est arrivé, puisque la compagnie Shell vend très
certainement - d'ailleurs, je pense que vous l'avez mentionné tout
à l'heure - du produit à des indépendants qui
distribuent...
M. Bétournay: On a quelques clients indépendants;
on en a quelques-uns, oui.
M. Gauthier: Bon. Est-ce qu'il y a eu, pour une raison ou pour
une autre, augmentation du prix du produit à ces gens-là,
à ces indépendants durant la période du décret?
Est-ce que pour vous, en d'autres termes, au moment où le décret
du gouvernement est entré en vigueur, cela a eu pour effet de geler
votre prix vendant à vos distributeurs ou à des
indépendants ou est-ce que vous avez continué, évidemment,
à jouer avec ies composantes qui peuvent monter ou descendre?
M. Bétournay: Je vous disais tantôt que ces
revendeurs indépendants achètent au prix de Montréal, sans
taxe. Donc, s'il y a eu des augmentations - je pense qu'il y en a eu
quelques-unes - la taxe n'était pas la cause, ni fédérale,
ni provinciale, ni la taxe d'accise. Ce qui en est la cause, c'est
évidemment les prix du pétrole brut, les fluctuations du
marché. Donc ce serait la seule cause, parce que ces gens-là,
encore une fois, je le répète, achètent sans taxe.
M. Gauthier: Dites-moi: Est-ce que, dans l'ensemble de
l'opération, à partir du moment où le gouvernement a
émis son décret, la compagnie que vous représentez,
la compagnie Shel, a partagé avec l'ensemble de ses clients
revendeurs le coût d'un ajustement de prix à la baisse ou si
l'entreprise, vendant son produit à un prix x, a chargé, en
quelque sorte» ses détaillants de vivre avec le décret
gouvernemental?
M. Bétournay: Je pense que, dans certains cas, on a
partagé le coût et cela devenait très pénible pour
les détaillants de subir la baisse et de fonctionner avec une marge qui
n'était pas suffisante, mais c'est l'exception. En
général, les prix ont baissé, donc le prix à la
pompe devait baisser en conséquence, contrairement, encore une fois,
à un système de consignation.
M. Gauthier: Est-ce qu'il a pu arriver -c'est là
probablement ma dernière question -le fait, durant le décret, que
des détaillants Shell aient pu vendre de l'essence ou être
réduits à vendre de l'essence sans aucun profit ou avec un profit
de peut-être 0,01 $ le litre ou quelque chose d'équivalent
à cela?
M. Bétournay: Je ne crois pas, absolument pas. On aurait
été les premiers à le savoir.
M. Gauthier: D'accord. Vos gens commencent à crier quand
cela baisse en bas de 0,03 $ le litre.
M. Bétoumay: En bas d'à peu près 0,03 $,
0,032 $, c'est à peu près notre minimum. C'est à peu
près le point mort pour eux; en dessous de cela, ça commence
à faire mal.
M. Gauthier: D'accord. Il y a une dernière question que
j'ai posée à toutes les pétrolières et sur laquelle
je voudrais bien avoir votre avis également. Si une mesure de
contrôle très large était apportée par le
gouvernement, sans établir les prix dans les régions, si un
mécanisme de surveillance - le ministre a fait allusion à un
certain nombre de possibilités. Je ne veux pas m'arrêter sur cela
- est-ce que vous êtes absolument réfractaires à tout
mécanisme même de vérification des prix ou est-ce que votre
entreprise, comme d'autres nous l'ont indiqué, pourrait vivre avec une
forme de surveillance du comportement des lois du libre marché.
M. Bétournay: Je crois que premièrement on s'oppose
à toute forme de contrôle ou si vous voulez, je ne dirais pas de
l'ingérence mais je dirais d'implication du gouvernement au sujet des
prix. Comme toute autre entreprise, si nous sommes obligés de vous
fournir des informations nous allons vous en fournir.
M. Gauthier: Si vous êtes obligés?
M. Bétournay: Plus ou moins, oui.
M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup.
M. Bétournay: Merci.
Le Président (M. Théorêt): M.
Bétournay, merci M. le ministre, est-ce que vous avez d'autres
questions avant la conclusion?
M. Ciaccia: Excusez. Je voulais seulement détailler.
Lorsque vous dites: si vous êtes obligés de fournir une
information, je voudrais que vous précisiez un peu sur cela. Je ne
voudrais pas être...
M. Bétournay: Le mot est peut-être un peu fort parce
que vous savez, M. le ministre, d'ailleurs, les gens chez vous le savent bien,
on leur donne toutes les informations qu'ils nous demandent. Mais, encore une
fois, nous nous opposons. Ce sont des coûts. Je pense que, finalement,
cela ajoute aux coûts d'exploitation, c'est tout! II y a bien des choses
qu'on fait qu'on aime mieux ne pas faire. On est obligé de le faire.
M. Ciaccia: Alors, cela veut dire que si on a en vue un certain
système de vérification, on va pouvoir s'asseoir ensemble pour
voir quelles sortes d'informations...
M. Bétournay: Absolument.
M. Ciaccia: ...vous pouvez nous fournir.
M. Bétournay: Absolument. Oui. Il n'y a aucun
problème.
M. Ciaccia: Oui.
M. Bétournay: Je ne dirais pas, pas de problème,
parce que c'est un sot qui dit cela.
Le Président (M. Théorêt): Alors, on me
demande du côté de l'Opposition. Le député d'Ungava
aurait une question à poser. M. le député d'Ungava.
M. Claveau: M. le Président, j'aimerais avoir un
éclaircissement. Vous avez parlé que votre seuil critique, votre
seuil de viabilité était à 0,032 $ environ. Si je
comprends bien c'est une norme générale. Vous ne parlez pas
spécifiquement de certains endroits en particulier où cela
pourrait être plus haut. C'est quoi la catégorie dans laquelle
vous jouez. Je veux dire, le plus bas cela peut être quoi? Dans certaines
régions, qu'est-ce que cela pourrait coûter dans les conditions
les plus difficiles?
M. Bétournay: Bien d'accord. Le plus bas évidemment
ce serait zéro mais on serait obligé de fermer beaucoup de
stations. Les 0,032 $ pour nous c'est à peu près le point mort si
vous voulez, sans faire beaucoup d'argent. Le détaillant réussit
évidemment à payer ses frais d'exploitation, son personnel et se
gagner, si vous voulez, un salaire raisonnable mais il ne faut pas qu'il vive
dans une situation comme cela très longtemps. Je me rappelle, on pariait
d'années tantôt, mais cela fait plusieurs années, cela
prenait 4000 $ à 5000 $ à un détaillant pour être
capable de démarrer un commerce de station-service. Aujourd'hui, on
parle de 60 000 $ à 70 000 $. Effectivement, cela commence à
coûter plus cher.
M. Claveau: L'objet de ma question c'est de savoir, par exemple:
Est-ce qu'entre Gaspé, Sept-Îles, Baie-Comeau, Chibougamau et
Val-d'Or il y a vraiment des variations importantes par rapport au coût
d'exploitation d'une station-service?
M. Bétournay: Oui, certainement qu'il y a des coûts
d'exploitation qui peuvent varier. Si vous êtes dans des secteurs dans le
Nord, où c'est très froid et où les coûts
d'exploitation sont plus chers, je pense que la main-d'oeuvre va être
aussi chère là-bas qu'à Montréal. Dans l'ensemble
on a un critère à peu près de 0,032 $, c'est notre seuil.
Il y a eu des situations très spécifiques et isolées
où on a été obligé de regarder et d'aider notre
détaillant si on veut qu'il survive, mais c'est par exception.
M. Claveau: Je vous remercie. Le Président (M.
Théorêt): Merci.
M. Ciaccia: Seulement une autre question, si vous me permettez,
M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Ciaccia: Quand vous parlez de 0,032 $ le litre, est-ce que
vous pouvez nous donner une estimation du genre de volume, la variation de
volume qu'il peut y avoir? (15 h 45)
M. Bétournay: Oui, d'accord. Le 0,032 $ c'est basé
généralement sur une station-service qui va vendre à peu
près 1,5 mégalitres, ce qui veut dire à peu près
300 000 gallons par année. En bas de cela, évidemment cela prend
un peu plus. Généralement, tout de même, en bas de ces
volumes, à l'extérieur, les gens ont d'autres compensations. Ils
ont des petits commerces connexes qui les aident évidemment à
survivre, que ce soit un dépanneur ou un atelier de mécanique.
Alors il faut prendre tout cela en considération. M. Ciaccia:
Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci. En
conclusion, M. le critique officiel de l'Opposition.
M. Gauthier: Rapidement, M. le Président. Je remercie les
représentants de Shell pour leurs renseignements et nous en tiendrons
compte dans nos recommandations au ministre.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier à mon tour les
représentants de Shell. Je veux seulement faire remarquer que les
mesures que vous proposez pour aider les régions présupposent la
réimposition de la surtaxe. Cela est évidemment quelque chose
qu'il va falloir qu'on évalue en termes d'impact non seulement sur
l'imposition de la taxe, mais sur les prix et les conséquences sur les
consommateurs.
M. Bétournay: Cela présuppose excusez - surtout
l'enlèvement du décret. Quant au montant de la taxe, c'est une
décision qui vous appartient, mais, de fait, les prix sont gelés
présentement.
M. Ciaccia: Oui. Cela présuppose l'enlèvement du
décret, mais aussi qu'on réimpose la taxe. C'est quelque chose
de... C'est toujours plus facile...
M. Bétournay: ...à dire...
M. Ciaccia: ...de donner l'argent des autres.
M. Bétournay: Oui.
M. Ciaccia: Cependant, je vous remercie de votre mémoire.
Je prends bonne note de votre volonté de fournir les renseignements
nécessaires pour qu'on puisse les utiliser pour informer les
consommateurs et que cela puisse les aider dans leur choix. Merci encore.
Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les
membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon voyage de
retour.
Je demanderais maintenant aux représentants du Regroupement des
vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean de bien vouloir prendre
place s'il vous plaît. Messieurs, les membres de la commission vous
souhaitent la bienvenue. Je vous demanderais de vous présenter dans un
premier temps; je vous rappelle également
que vous avez un maximum de 20 minutes pour la présentation de
votre mémoire.
Regroupement des vendeurs indépendants du
Saguenay-Lac-Saint-Jean
M. Belzile (André): Je vous remercie, M. le
Président. Je suis André Belzile de la compagnie de
pétrole Belzile de Dolbeau. Je suis accompagné de M. Henri
Beauchamp de la compagnie Lucien Beauchamp Limitée, vendeur de
pétrole pour la région de Dolbeau. Nous représentons le
Regroupement des vendeurs indépendants du Saguenay-Lac-Saint-Jean.
En premier lieu, je voudrais faire une parenthèse, si cela m'est
permis. Nous avons discuté de notre philosophie et nous étions
bien d'accord sur cela, c'est que l'organisme du regroupement des vendeurs
indépendants est basé sur l'échange de produits
privés. Nous sommes pour la libre entreprise. Dans ce cas-ci, c'est la
vente et l'achat d'essence et de ses services. Ce qui s'échange entre
les parties concernées, vendeurs et acheteurs, bénéficie
tout le temps aux deux qui font les échanges. Ces échanges
constituent une richesse dans nos mains et dans celles de ceux qui l'utilisent
selon les règles de la libre entreprise. Je vous remercie d'avoir
écouté ma parenthèse, je vais passer la parole à
mon ami, M. Henri Beauchamp qui va vous donner nos doléances.
Le Président (M. Théorêt): Monsieur?
M. Beauchamp (Henri): Henri Beau-champ. Je m'excuse. Suis-je
obligé de relire intégralement...
Le Président (M. Théorêt): Absolument pas, si
vous voulez le résumer en quelques minutes ou dans vos mots à
vous, il n'y a aucun problème, vous n'avez pas à suivre le
mémoire que vous avez déposé.
M. Beauchamp: Disons qu'on ne le lira pas entièrement
parce que vous en avez pris connaissance...
Le Président (M. Théorêt): Oui.
M. Beauchamp: Je suis sûr et certain que vous n'êtes
pas sans savoir qu'il y a eu des augmentations du prix brut,
c'est-à-dire du prix du gros de l'essence. Par contre, avec le
décret, dans notre région périphérique, le prix est
demeuré stable. Je parle toujours comme vendeur indépendant. Le
monsieur qui est passé avant nous représentait une compagnie
multinationale, lorsqu'il parlait de ses vendeurs qui sont à 0,032 $,
que le produit monte ou baisse. On s'entend bien?
Le Président (M. Théorêt): Seulement une
information pour la compréhension de tous les membres, quand vous parlez
de vendeurs indépendants, vous parlez de vendeurs aux
détaillants. Vous faites des ventes aux détaillants?
M. Bélisle: C'est cela. Vous donnez une explication...
Le Président (M. Théorêt): Je ne veux pas
vous questionner, c'est juste pour bien suivre votre exposée Le
Regroupement des vendeurs indépendants, ce sont des grossistes qui
vendent à des détaillants ou vous représentez des
détaillants?
M. Bélisle: Nous sommes tous des acheteurs de gazoline qui
achetons nos produits sur les points de chargement comme Pointe-des-Islets
à Chicoutimi, Montréal, etc. Mais, normalement, c'est Chicoutimi
qui devient propriétaire du produit et qui le revend à ses
conditions et le transporte.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie
de cette information.
M. Beauchamp: Je reviens à ce que je disais. Nous, dans
notre région, vu qu'on est une région périphérique,
par le décret, nous en sommes à rester au prix de détail,
tel que décrété par la loi exacte. Mais, par contre, notre
prix de gros a bougé terriblement. Je parle du prix de gros du produit.
La taxe a baissé, je suis bien d'accord. Mais le produit brut a
remontés comme c'est écrit dans le décret. On a des
augmentations au-delà de 0,04 $ du litre depuis environ trois mois.
C'est une différence de profit extraordinaire quand vous voyez la
différence des deux, soit le prix de détail ou le prix de gros
qui est mentionné sur nos factures.
En ce qui a trait aux vendeurs indépendants, nous sommes
obligés d'avoir notre propre équipement pour transporter le
produit disons de ladite place de vente de la multinationale. C'est sûr
qu'on ne peut pas jouer sur le prix tellement vu qu'on est saisi par la base
qui bouge terriblement, mais le prix de détail demeure le
même.
Si vous êtes personnellement acheteur d'essence de revendeur,
donc, je ne peux pas satisfaire à vos besoins par le fait. Avant, si je
payais un montant x, je pouvais revendre mon produit à un revendeur,
mais aujourd'hui, je ne peux plus le faire. La compression des deux parties est
trop importante. On ne peut plus jouer sur des sous de profits; il n'y en a
plus. La compagnie remonte son prix de base mais, par contre, le prix de
détail demeure le même; donc, on ne peut plus jouer sur les deux
parties. C'est cela qui nous compresse terriblement dans nos profits.
Le Président (M. Théorêt): Est-ce que
vous voudriez échanger à partir de maintenant avec les
formations politiques ou avez-vous d'autres exposés à faire?
M. Beauchamp: M. Beizile a d'autre...
M. Beizile: Voyez-vous, le décret du gouvernement ou de
l'honorable M. Ciaccia était daté du 16 juin - c'est important
-pour une période de trois mois. C'était dur pour nous
d'apprendre qu'on était obligé de baisser nos prix. Le prix qui a
été décrété a été basé
sur le prix de Chicoutimi. Il n'a pas été question à ce
moment-là de zone de transport ou de zone de distance. Vous savez que le
Lac-Saint-Jean, c'est vaste.
Avant le décret, je ne sais pas, il y a des compagnies ici, en
tout cas, elles le diront si c'est vrai ou ai ce n'est pas vrai -de toute
façon j'ai trouvé que c'était une drôle de
coïncidence, ça voulait dire cinq jours avant - les compagnies
pétrolières ont décrété une hausse de 0,08 $
du litre, si vous le multipliez par 4.55 ça fait plusieurs cents du
gallon ça. Il faut penser aussi qu'entre Chicoutimi et Dolbeau, et nous
autres on revend du pétrole à Girardville-La Doré,
Chibougamau en tout cas disons que c'est une autre zone; ça
été arrangé par après par un autre décret.
On a quand même un taux de transport, entre Chicoutimi et Oolbeau, de
0,082 $ du litre selon les taux de transport de Les Transports Provost. Si vous
ajoutez 0,08 $ plus 0,082 $ vous arrivez à 0,162 $ que l'on perdait
directement là, les acheteurs de pétrole qui sont des acheteurs
comme les Pétroles Beizile ou Pétrole Beauchamp et les autres
vendeurs dans leur groupement.
Le 13 juillet, les pétrolières, malgré le
décret, qui, naturellement, en avaient le droit, parce que ça ne
touchait pas le prix de gros des compagnies, les pétrolières ont
augmenté le prix de 0,012 $ le litre. Cela commençait à
faire mal. On a dit: On va fermer les postes de vente. On va mettre du monde
à pied, on ne pouvait plus arriver. Alors c'est tout cela qui s'est
ajouté, c'est pour cela qu'on a très hâte à la fin
du décret pour être capables de respirer, de reprendre notre
souffle et d'être capables de dire: On est dans la libre entreprise puis
on continue à vendre et à acheter du pétrole.
En somme, on achète des piastres et on vend des piastres. Si on
fait une piastre, on l'investit. On a investi cette année dans une
station-service, on a créé des emplois. L'année prochaine
on n'en créera pas d'emplois parce qu'on n'aura pas d'emploi à
l'allure que cela va. On reviendra peut-être vous donner des solutions
là-dessus. Pour le moment, si on ne fait pas de profits, on n'a pas
d'implantation. Si on n'a pas de profits, on n'a pas de motivation non
plus.
Le Président (M. Théorêt): M.
Beauchamp.
M. Beauchamp: Il y a une chose sûre, c'est que la
différence entre Montréal et notre zone
périphérique est de 0,045 $ le litre de taxes. C'est acceptable
en mosus pour le consommateur, c'est parfait, mais c'est la façon
qu'elle a été imposée, c'est la façon qu'on n'a pas
été capables de bouger le prix de détail, pour autant que
le prix de gros bougeait. Que la différence le litre entre la
région de Montréal - je dis Montréal parce que cela me
vient à l'idée, cela peut être Québec - et la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean soit de 0,045 $, on est bien d'accord
avec cela, on n'est pas contre cela, mais c'est le fait que l'on n'est pas
capables de bouger le prix de détail et le prix de gros demeure
variable.
Si votre prix de détail bouge avec la base, puis la
différence de 0,045 $ demeure puis il y a un rajustement de transport
entre les deux parties, le problème est réglé,
d'après moi. Tout le monde sera content, mais là cela n'a plus
d'allure.
M. Belzile: Je peux faire une parenthèse ici: dans une
région éloignée comme le Lac-Saint-Jean - cela peut
être le même cas pour l'Abitibi ou ailleurs - les deux facteurs
importants ce sont toujours les coûts de transport et la main-d'oeuvre.
Disons que la main-d'oeuvre ce n'est pas mauvais. On parle du Lac-Saint-Jean
avant le Saguenay. Le Saguenay est influencé par les coûts de
main-d'oeuvre de l'Alcan, les grosses compagnies qui sont dans le secteur, mais
au Lac-Saint-Jean c'est bon. Le fait d'avoir donné une
préférence, c'est-à-dire d'avoir donné des
crédits de taxes dans la région du Lac-Saint-Jean, cela a
été parfait, cela a aidé le transport des matières
premières qui est très important et l'essor du tourisme. Notre
représentant pourra en parler, cela a été très bon.
Si c'est enlevé, personnellement je penserais que ce serait une mauvaise
chose. C'est très bon. Il reste que c'est la façon de l'appliquer
peut-être qui peut être un problème.
Montréal, naturellement, consomme 60 % de l'essence. Ils n'ont
pas eu la préférence d'avoir un zone préférentielle
à 20 %. On est à 20 %, mais il y a quand même des
coûts de transport entre ta raffinerie de Montréal et
Pointe-des-Islets à Chicoutimi, le coût des bateaux, la
manutention des plans, etc., et le transport ensuite pour aller dans le Nord
que l'on estime, notre regroupement, approximativement à 0,02 $ le
litre. Alors, on ne peut pas parler de comparer les coûts de l'essence au
Lac-Saint-Jean et Chicoutimi avec le prix de Montréal si on ne tient pas
compte des coûts des manipulations des produits entre les deux
régions. En somme, la différence de prix devrait être
d'à peu près 0,025 $, ce qui
n'est pas le cas. C'est pour cela que l'on fait des pertes dans le
moment.
Cela résume un peu ce que l'on voulait vous dire. Il y aurait
peut-être d'autres points...
Le Président (M. Théorêt): Si vous êtes
d'accord; étant donné la façon que vous procédez,
il serait peut-être intéressant de procéder à vos
interventions, à discuter immédiatement avec les formations
politiques auxquelles vous pourrez répondre...
M. Beauchamp: On est ouverts...
Le Président (M. Théorêt): ...et ajouter
aussi, à l'exception que je vois que M. Beauchamp aimerait ajouter
quelque chose.
M. Beauchamp: J'aurais une question à vous poser.
Le Président (M. Théorêt): Allez, M.
Beauchamp. (16 heures)
M. Beauchamp: Est-ce qu'aujourd'hui, au moment où je vous
parle, la commission est au courant qu'entre Montréal et certaines
régions périphériques, la différence entre les
parties est au-delà de la taxe? Vous me saisissez? La différence
entre le prix de détail régional de Montréal et celui de
notre région périphérique est censée être la
taxe uniquement - d'accord? on s'entend bien -mais, là, elle est
supérieure à la taxe exigée dans le décret. Donc,
en plus d'être pénalisés par la base, on est
pénalisés par le haut. Ils peuvent changer le prix de
détail parce qu'ils ne sont pas concernés par le décret.
Par contre, nous autres, on n'est pas capables de bouger. C'est pour cela que
la différence est plus élevée que le décret
lui-même.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Beauchamp.
Avec votre permission, je vais donner la parole au ministre et, ensuite,
au critique de l'Opposition. Vous pourrez discuter à ce moment-là
et continuer dans la même veine. M. le ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier les représentants de cette
association d'être venus présenter leur mémoire, leur point
de vue ainsi que les problèmes qu'ils semblent avoir dans leur
industrie. Les quatre entreprises que vous représentez ont, au total, un
chiffre d'affaires annuel qui dépasse les 20 000 000 $. Vous occupez
donc une place solide dans la distribution des produits pétroliers de
votre région. En tant qu'indépendants, vous êtes un
élément dynamique et important du système de distribution.
Le gouvernement reconnaît le râle de l'indépendant, le
rôle très important de l'indépendant dans l'industrie
pétrolière et dans le système de distribution
spécialement. C'est pour cela que, quand j'ai lu votre mémoire,
cela m'a un peu étonné, pas seulement étonné, mais
j'ai été un peu surpris de voir que vous faisiez le genre de
reproche au gouvernement sur l'effet des décrets.
J'ai communiqué immédiatement avec les gens de mon
ministère parce que, quand j'ai fait la déclaration sur le prix
à la pompe, j'ai explicité très clairement que,
l'industrie pétrolière étant si complexe, je ne pouvais
pas fixer tous les prix. Je ne pouvais pas fixer le prix d'une
pétrolière, le prix du grossiste et le prix au détaillant.
Je pouvais seulement fixer, dans les circonstances, le prix à la pompe.
Mais j'ai invité les détaillants à communiquer avec moi
s'il y avait des abus de la part des pétrolières. J'ai
mentionné que j'étais prêt à intervenir, le cas
échéant.
À la suite du décret, plusieurs détaillants de
différentes régions - certaines régions plus
particulières que d'autres - ont communiqué avec les membres de
mon cabinet, avec moi-même. Je suis intervenu auprès des
pétrolières et on a réglé, je pense, à la
satisfaction de ceux qui étaient concernés, plus ou moins - on ne
peut pas toujours satisfaire tout le monde - les problèmes qui ont
été soulevés. C'est pour cela que j'ai été
surpris. J'ai demandé aux gens de mon ministère: Est-ce que les
grossistes du Lac-Saint-Jean ont communiqué avec nous?
Premièrement, je l'ai demandé aux membres de mon cabinet. Ils ont
dit; Non, ils n'ont pas communiqué avec nous. Mais il y a un
employé au ministère qui a dit: Oui, ils ont communiqué
avec nous au mois de juillet; puis, on les a conseillés. On leur a dit
qu'il y avait deux alternatives, soit de communiquer avec le ministre, soit
d'attendre la commission parlementaire au mois de septembre et faire leurs
doléances à ce moment-là.
Je regrette que vous n'ayez pas communiqué avec moi au mois de
juillet et que vous ayez plutôt choisi d'attendre maintenant. J'aurais
peut-être pu intervenir avant, comme je l'ai fait avec les
détaillants, mais cela a été votre décision. Les
problèmes sont peut-être un peu plus complexes dans votre cas et
vous avez jugé qu'il était préférable pour vous
d'attendre à la fin des 90 jours et venir en commission parlementaire
exposer votre point de vue.
Cela dit, on appuie les indépendants, mais c'est possible que,
dans certains cas, il puisse y avoir certaines divergences entre les objectifs
du gouvernement et l'opération des indépendants. Par exemple, si
le gouvernement a réduit la taxe de 0,045 $ le litre et que cette taxe
n'a pas bénéficié aux consommateurs, si, en
réduisant la taxe, notre décret affecte ceux qui ont
augmenté le prix, ils auront des doléances sur ce
point-là. Les pétrolières n'aiment pas ça
parce qu'il a été réduit, parce qu'elles l'avaient
augmenté. Certains détaillants n'ont pas été
heureux non plus parce qu'eux aussi avaient augmenté et grugé
dans la taxe. Je ne sais pas dans votre cas et c'est ce qu'on va essayer de
voir, les grossistes aussi avaient peut-être grugé dans la taxe.
Si j'écoute la compagnie Shell, elle me dit qu'elle vous vend hors taxe.
Quand vous prenez le produit hors taxe et que vous allez le vendre à
Chicoutimj ou au Lac-Saint-Jean, si vous voulez donner le
bénéfice des 0,045 $, cela va affecter votre prix ou bien vous
pouvez gruger dans les 0,045 $ et augmenter votre prix aux
détaillants.
Sur cet aspect, il se peut que nos intérêts pour les 90
jours n'étaient pas tout à fait les mêmes. Nous voulions
que les 0,045 $ aillent aux consommateurs et peut-être - c'est ce qu'on
va essayer d'élaborer -que votre association, dans le cours des
affaires, en achetant hors taxe, avait peu à peu augmenté aussi
ses prix, soi-disant d'après les forces du marché.
Ma première question est celle-ci: Quand j'ai demandé
à la compagnie Shell si les grossistes achètent à
Chicoutimi, à Québec ou à Montréal. La
réponse que j'ai eue était qu'on vous vendait hors taxe. Je vous
ai aperçus dans la salle et j'ai cru remarquer que vous aviez une
certaine réaction face à cette réponse. J'aimerais
connaître vos commentaires à ce sujet sur la méthode
d'achat.
M. Beauchamp: Je m'excuse, M. le ministre, M. Belzile va
répondre plus clairement là-dessus.
M. Ciaccia: Très bien.
M. Belzile: Cela fait 22 ans que je suis acheteur et revendeur
indépendant de pétrole. Ils appellent cela des "jobbers" en bon
français. Je n'ai jamais acheté d'essence sans taxe. Les
compagnies peuvent figurer un prix de base qu'on appelle un "rack price" et
elles ajoutent toujours les taxes. Nous autres, les indépendants, on a
toujours perçu les taxes qui nous ont été imposées
par les compagnies qui, elles, paient le gouvernement.
M. Ciaccia: Est-ce qu'elles incluaient les taxes payables
à la pompe ou seulement dans vos achats la taxe
fédérale?
M. Belzile: On a inclus la taxe d'accise, la taxe
fédérale et la taxe provinciale. Elles sont toujours
imposées aux revendeurs d'essence. Tout le temps, à
l'année, depuis que je suis en affaires dans l'essence.
M. Ciaccia: Mais si la taxe est payable à la pompe comment
payez-vous la taxe quand vous achetez de Shell?
M. Belzile: Elle est imposée sur les achats.
M. Ciaccia: Oui, mais c'est une taxe au détail et non une
taxe sur le prix de gros. Ce n'est pas un "wholesale price", ce n'est pas un
"wholesale tax" c'est une taxe payée comme quelqu'un...
M. Belzile: Elle est payée...
M. Ciaccia: Sur les chandails il y a une taxe de 9 %. Quand il
achète les chandails, il ne paie pas les 9 %, il impose les 9 % quand il
vend aux consommateurs.
M. Belzile: Ce n'est pas une taxe de vente, M. le ministre, c'est
une taxe d'achat, une taxe sur l'essence. Vous avez la taxe d'accise, la taxe
de vente fédérale et la taxe provinciale qui sont imposées
sur la facture d'achat que nous recevons, nous les revendeurs. Ce n'est pas
nous qui payons la taxe à Québec ni au fédéral.
Peut-être certaines exceptions pour les industriels, les
opérateurs en forêt dans le cas de la taxe sur le diezel où
on a des permis spéciaux.
M. Ciaccia: Si je comprends bien votre réponse est en
claire contradiction avec ce que les représentants de Shell nous ont
dit.
M. Belzile: Absolumentl Absolument! On paie la taxe sur tous tes
achats. Je ne vois pas du tout ce que le hors-taxe vient faire dans la
discussion parce que la taxe est facturée. On dit: notre prix et de
0,438 $, cela inclut les taxes. Ils peuvent nous donner 0,222 $ plus 0,033 $
plus cela et cela, ce qui arrive à 0,438 $ mais notre facture à
payer est 0,438 $. On n'envoie pas une partie à Québec et une
partie à Ottawa. Cela ne fonctionne pas comme cela. Il n'est pas
question de hors-taxe nulle part là-dedans.
M. Ciaccia: Cela me surprend un peu, pas vos réponses mais
celles des représentants des pétrolières parce qu'il y en
a deux qui nous ont dit la même chose.
M. Belzile: Bien, il y a quelqu'un qui ne connaissait pas
cela.
M. Ciaccia: Que les prix qu'ils vendaient aux grossistes
étaient hors-taxe.
M. Belzile: Ils les figurent hors-taxe mais ils mettent les
taxes. Ce n'est pas compliqué.
M. Ciaccia: Comment a varié votre... Attendez, vous avez
parlé de l'augmentation du prix du brut. Je pense qu'une autre
pétrolière nous a dit la même chose, à savoir
que durant les décrets le prix du brut a augmenté.
M. Belzile: C'est cela.
M. Ciaccia: Alors eux, dans les autres régions qui
n'étaient pas affectées par le décret,, ont
augmenté leur prix.
M. Belzile: Évidemment.
M. Ciaccia: Et vous, alors, vous avez acheté au prix du
brut augmenté. Vous n'avez pas pu augmenter vos prix au détail
parce que le décret avait gelé les prix.
M. Belzile: On ne pouvait pas. Vous aviez
décrété un prix, vous aviez gelé un prix.
M. Ciaccia: On m'informe que ce montant représentait 0,02
$ le litre. Est-ce exact?
M. Belzile: Oui. Je vous ai expliqué qu'il y avait 0,008 $
quelques jours avant le décret et 0,012 $ par après. Il y a eu
des pressions, d'autres augmentations. Peut-être que d'autres
indépendants dans mon secteur en ont eu. Nous, nous avons réussi
à les combattre par le volume d'achats, le chiffre d'affaires et par
pressions, etc. On a pu éviter une autre augmentation de 0,004 $. En
tout cas, on leur a fait absorber en attendant la fin du décret. Est-ce
qu'elle est en suspens pour le 16? Je ne sais pas. On verra le 16. En tout cas,
on est resté avec l'augmentation de 0,012 $ plus le 0,008 $ avant le
décret.
Le Président (M. Théorêt): M. Beauchamp veut
ajouter à cela, M. le ministre.
M. Ciaccia: Certainement.
M. Beauchamp: Depuis le décret, M. le ministre, il y a eu
le décret qui nous a forcés à baisser notre prix de
détail de 0,017 $ le litre. Après cela, on a eu 0,012 $ le litre
additionnel sur notre prix de base durant le décret. Cinq jours avant le
décret, on a eu une augmentation de 0,008 $. Par contre, l'augmentation
de 0,008 $ qu'on a eue cinq jours avant est un prix qui a été
augmenté, mais de date. Je vais vous expliquer pourquoi. Ils nous
avertissent le lundi: lundi prochain, dans huit jours, vous allez payer
l'essence 0,008 $ de plus. Donc, si vous vous situez cinq jours avant votre
décret, notre augmentation de 0,008 $ a eu lieu trois ou quatre jours
après. Par contre, elle était officielle huit jours avant. On
s'entend bien?
Durant le décret, on baisse notre prix de hausse de 0,017 $ le
litre. Ils nous remontent encore le prix de base de 0,012 $. Au moment
où je vous parle, sur mes factures depuis le décret, j'ai donc
une différence de 0,037 $ chaque litre acheté au prix du gros.
Par contre, mon prix de détail est demeuré le même.
M. Ciaccia: Comment a varié votre marge
bénéficiaire entre décembre 1985 et mai 1987? Est-ce
qu'elle a...
M. Beauchamp: Vous voulez dire la différence entré
le prix de gros et le prix de détail.
M. Ciaccia: Votre marge à vous, votre marge
bénéficiaire du grossiste.
M. Beauchamp: Brute. Vous voulez avoir brute?
M. Ciaccia: Comme vous voulez me la donner. Brute, oui, oui.
Correct, brute. Donnez-la-moi brute.
M. Beauchamp: Disons brute.
M. Ciaccia: Donnez-la-moi brutalement.
M. Beauchamp: Si c'est dans nos propres stations personnelles,
disons que cela peut aller à 0,08 $ le litre. Dans le brut, cela peut
aller jusqu'à 0,08 $. Par contre, il y a le transport, il y a les 0,035
$ à 0,04 $ le litre qu'il faut que vous donniez au revendeur. Tout
à l'heure, les multinationales ont parlé de 0,032 $. Mais 0,032
$, on sait ce que cela fait.
M. Ciaccia: Mais au mois de décembre 1985, vous avez une
marge brute bénéficiaire. Vous dites qu'elle était de 0,08
$. Quelle était votre marge au mois de mai 1987? (16 h 15)
M. Beauchamp: 0,475 $.
M. Ciaccia: Cela, c'était avant le décret.
M. Beauchamp: Durant le décret.
M. Ciaccia: Durant le décret, elle a baissé, de
0,08 $ à 0,475 $.
M. Beauchamp: Oui. Elle est descendue de 0,037 $; elle est partie
d'à peu près 0,08 $ et là je suis rendu à peu
près à 0,0475 $.
M. Beauchamp: On a des revendeurs...
M. Ciaccia: Est-ce que voua m'affirmez qu'avant la baisse de la
surtaxe...
M. Beauchamp: Pardon?
M. Ciaccia: Avant la baisse de la surtaxe...
M. Beauchamp: Oui.
M. Ciaccia: ...quelle était votre marge avant que le
ministre des Finances annonce une baisse de 0,045 $?
M. Beauchamp: À quelle date?
M. Ciaccia: Le premier décembre 1985. Novembre 1985.
M. Beauchamp: Je ne voudrais pas vous induire en erreur. Je n'ai
pas les chiffres exacts.
M. Ciaccia: Prenez votre temps. Ce n'est pas une question pour
vous...
M. Beauchamp: Je comprends bien votre point de vue.
M. Ciaccia: À titre d'information comme cela, on va
pouvoir arriver à des conclusions sur les travaux de...
M. Beauchamp: C'était près de 0,08 $ le litre.
M. Belzile: M. le ministre, si vous prenez une marge de 0,033 $,
basée sur un prix de détail de 0,50 $, cela fait à peu
près 7 %. Normalement, un indépendant avec tous les coûts,
parce que c'est lui qui absorbe tout: le transport, l'achat du "trailer", du
camion, 100 000 $, 150 000 $, les bâtisses et tout, on marche à
peu près à 15 %. Cela prend cela parce que ce ne sont pas les
compagnies qui fournissent les enseignes, les pompes, les réservoirs. On
paie tout, comprenez-vous et on subit tout. S'il y a des malchances, on assure
tout, etc. On se retourne, c'est notre opération à nous, on
revend de l'essence à d'autres qui sont comme nous et on prend des
profits disons de 0,01 $ le litre. On recharge le produit dans nos plans, on va
le livrer disons à 25 ou 30 milles plus loin pour accommoder un vendeur
indépendant qui, aujourd'hui, est encore plus affecté qu'on ne
l'est parce que le décret a gelé notre marge de
bénéfice normal. Cela fait que nous sommes
désavantagés envers les majeurs, qui sont un peu morts de rire
parce qu'on n'a plus d'avantages pour se battre contre eux parce que nous
n'avons plus les prix pour leur vendre.
M. Ciaccia: Si vous pouviez me donner seulement des chiffres. Je
voudrais avoir trois chiffres si c'est possible, si vous les avez. Votre marge
bénéficiaire brute, en novembre 1985, votre marge
bénéficiaire à la suite de la baisse de la taxe de 0,045
$.
M. Belzile: Je pourrais vous faire parvenir cela par lettre au
plus tard lundi.
M. Ciaccia: J'apprécierais cela. Cela nous permettrait
d'évaluer...
M. Belzile: Je vais vous faire parvenir une lettre, M. le
ministre.
M. Ciaccia: Oui. Et aussi si vous pouviez nous donner la marge
bénéficiaire après le décret. Ce sont trois marnes
différentes.
M. Belziie: Après le décret, est-ce que vous me
donnez un certain temps, quinze jours, pour voir la réaction du
marché? Je ne sais pas ce que le marché va faire.
Le Président (M. Théorêt): Je voulais juste
avoir un éclaircissement, M. le ministre, voulez-vous parler du
décret qui expire là ou de celui que vous avez
décrété?
M. Ciaccia: Le décret du mois de juin.
Le Président (M. Théorêt): Du mois de
juin.
M. Ciaccia: Le décret du mois de juin, pas le...
M. Gauthier: M. le Président, je voudrais demander au
ministre - il n'a sûrement pas d'objection - à ce que la lettre
contenant des renseignements que M. Belziie doit envoyer parvienne à la
commission pour que les membres puissent en avoir une copie.
M. Ciaccia: Aucune objection.
Le Président (M. Théorêt): Alors, M. le
ministre, c'est la dernière question.
M. Ciaccia: Avez-vous l'impression que seules les
pétrolières ont profité de la réduction de la taxe
dans les régions périphériques pour augmenter leur marge
de profit ou est-ce que les détaillants en ont profité aussi?
M. Belzile: Si c'est moi qui réponds, je vous dirais que
les détaillants qui sont affichés des compagnies - on parle de
Shell, Esso, etc. - n'ont été aucunement affectés, d'une
façon ou d'une autre. La marge qui leur est allouée pour vendre
de l'essence est à peu près régulièrement de 0,033
$, 0,034 $ le litre. Elle ne change pas. Si le prix du gros ou le prix du
marché change en hausse ou en baisse, le revenu est le même. Par
contre, ce n'est pas la même chose pour les indépendants.
M. Ciaccia: Vous affirmez dans votre mémoire que les
pétrolières ont augmenté leurs prix à plusieurs
reprises après l'abolition de la surtaxe, en décembre 1985.
Autant que vous sachiez, pouvez-vous nous dire si ces hausses touchaient tous
les détaillants ou seulement les indépendants?
M. Beauchamp: Je peux vous répondre. Oui, à ma
connaissance et c'est curieux, ils ont augmenté le prix à peu
près ou sensiblement du montant que le gouvernement a baissé. Je
ne sais pas si c'est une coïncidence du marché, je n'ai pas les
livres ou les données à vous fournir exactement, mais si c'est en
raison du fait que le brut a bougé pour à peu près la
valeur de la taxe que vous aviez enlevée, je peux vous assurer que, pas
longtemps après, on s'est aperçu qu'on payait le même prix,
même si la taxe était enlevée. C'est la question que vous
m'avez posée? Le brut a augmenté. C'est cela, le prix de base a
augmenté à peu près ou sensiblement du montant de la taxe
que le gouvernement avait enlevée. Par contre, comme vous parlez de la
taxe que vous enlevez, c'est le prix de base, "rack price", comme disait un
monsieur tout à l'heure, qui a augmenté à peu près
du même montant que vous aviez enlevé. Vous enlevez...
M. Ciaccia: Vous nous dites que les pétrolières
vous ont augmenté le prix, après la baisse de la taxe, du montant
de la taxe.
M. Beauchamp: Oui. Par contre, c'était peut-être
justifié. Il s'agirait de voir le prix sur le marché
européen ou américain ou à la Bourse de New York. Ce
serait bien facile à vérifier. Par exemple, lundi dernier, le
prix du baril était de 20,70 $ et, ce matin, il était de 18,70 $.
Il y aura une baisse tout à l'heure; c'est certain. S'il n'y en a pas,
on va se poser des questions. S'ils veulent augmenter leur prix, ils ont beau
le faire, mais il va falloir qu'ils le baissent quand il baisse
là-bas.
M. Belzile: Il va baisser aussi, le marché. C'est l'offre
et la demande. C'est un marché. C'est comme le marché des patates
et le marché du bois. Aujourd'hui, il y a le marché du bois, le
marché du blé, le marché des légumes. Demain, on ne
sait pas quel prix sera le pétrole.
M. Ciaccia: Vous nous dites qu'après la baisse de la taxe,
le prix...
M. Beauchamp: Le prix de base a augmenté.
M. Ciaccia: ...a augmenté chez vous.
M. Belzile: Le pétrole brut a augmenté
beaucoup.
M. Ciaccia: Vous dites que c'est peut-être
justifié.
M. Belzile: Bien, c'est justifié...
M. Ciaccia: S'il n'y avait pas d'augmentation du prix...
M. Belzile: ...parce que le brut a baissé à environ
10 $ le baril pour augmenter ensuite à 18 $, 19 $. Il a augmenté
jusqu'à 20 $. Par conséquent, les coûts ont
augmenté. Par contre, il y a eu des augmentations de taxes aussi. Le
fédérai a augmenté sa taxe d'accise, etc. Parfois, cela
paraissait que c'étaient les compagnies, mais il y avait des taxes
aussi.
M. Beauchamp: Je tiens à souligner que cette augmentation
de la taxe était peut-être due depuis un certain temps, mais en
raison du prix de base du brut et parce que le gouvernement a baissé la
taxe de 0,045 $, eux autres ont eu la porte toute grande ouverte. Ils ont dit:
On rentre dans le marché. Si vous augmentez la taxe, vous changez
l'échelle de place et, au lieu d'enlever vos 0,045 $, vous en ajoutez un
autre 0,045 $. Ils ne peuvent pas arriver avec une augmentation de 0,04 $ le
litre de base. Cela aurait été ridicule. Là, la porte est
ouverte et eux autres, ils rentrent dans le marché. Il y avait
probablement une augmentation qui était due depuis quelque temps et, en
baissant les tasses, eux autres, ils augmentent le prix de base... Le
consommateur regarde le prix à la pompe: Ah, c'est correct, on ne paie
pas plus cher. Par contre, la base avait bougé. Celui qui a perdu
là-dedans, c'est le gouvernement. Il baisse de 0,045 $ le litre et le
produit augmente du même montant.
M. Ciaccia: Cela n'est pas arrivé tout de suite. C'est
arrivé seulement six mois après.
M. Beauchamp: Cela n'a pas pris de temps. Ils étaient aux
nouvelles.
M. Ciaccia: Cela a commencé six mois après, peu
à peu, petit à petit.
M. Belzile: Cela a été quand même, si vous
regardez, une courbe qui suit l'augmentation des coûts du brut. Vous
savez, ce sont des coincidences et, durant tout ce temps, le coût du brut
augmentait. Cela aurait pu être le contraire. Si cela avait
été le contraire, on ne serait pas ici à en discuter.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre, merci, M. le président.
Je vais maintenant céder la parole au critique officiel et
député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer de
façon particulière M. Belzile, M. Beauchamp qui viennent du
comté de Roberval et qui représentent les gens du
Saguenay-Lac-Saint-Jean et distributeurs.
Il y a quelque chose que j'aimerais clarifier parce que le ministre a
quand même posé pas mal de questions qui étaient
restées un peu obscures dans le mémoire et qui apportent
finalement un éclairage nouveau.
Concernant la question du prix du décret, si j'ai bien compris,
un vendeur dans votre situation à Chicoutimi, par rapport à un
vendeur à Dolbeau, dont vous êtes et qui est, pour ceux qui
connaissent la géographie, un peu plus loin, était tenu de vendre
le même prix qu'il payait à Chicoutimi mais vous avez dû
assumer en surcroît du décret, puisqu'il ne tenait pas compte des
sous-régions, dans la situation d'un revendeur comme vous autres, par
rapport à votre collègue de Chicoutimi qui n'est guère
mieux pris que vous, vous avez dû assumer un transport
supplémentaire à vos frais. Ai-je bien compris ce que vous nous
avez expliqué?
M. Belzile: M. Gauthier, d'abord il me fait plaisir que vous
soyez l'intervenant qui me questionne. Je vous félicite parce qu'on est
très fier de vous. On peut le dire au nom de beaucoup de gens et on est
très très contents d'avoir à vous regarder et de vous
écouter.
M. Gauthier: Mais vous me faites rougir et cela me dérange
de rougir.
M. Belzile: Pour répondre à votre question, vous
avez raison. Le décret fixait un prix sur ce qu'on appelle le point de
chargement de Pointe-des-Islets-Chicoutimi qui était de 0,497 $. Cela a
inclus la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui est une vaste
région, comme vous le savez vous-même. On doit assumer les
coûts du transport du produit chez nous, à Dolbeau -encore qu'on
le retransporte ensuite ailleurs si on le revend - pour le revendre au
même prix qu'à Chicoutimi. On absorbe les coûts de
transport.
M. Gauthier: Est-ce que je résume bien la situation -
puisque je ne veux pas prolonger non plus la période de questions outre
mesure, compte tenu des obligations qu'on a avec d'autres intervenants - en
disant que, dans le fond, la position que vous nous présentez dans votre
mémoire est de nous expliquer que dans tout ce complexe système
de pétrolières, de détaillants et de concessionnaires et
de vendeurs indépendants la catégorie de vendeurs
indépendants dont vous êtes, la manière dont vous
procédez en est une de gens qui ont littéralement
été pris en sandwich, sans aucune espèce de
possibilité de s'en sortir? J'explique davantage: Les
pétrolières nous ont dit: De temps en temps quand nos gens
criaient trop fort, on leur garantissait, on partageait avec eux la
responsabilité du décret, le coût du décret.
D'autres indépendants qui prennent ça hors-taxe ont la
possibilité peut-être de mieux s'arranger, si je comprends bien,
mais vous, dans la situation où vous êtes qui me semble un peu
particulière comme revendeurs d'essence, vous n'aviez aucune
espèce de possibilité de vous en sortir. Ce que je comprends de
la lecture de votre mémoire c'est qu'un décret prolongé
dans les conditions actuelles amènerait, sans l'ombre d'un doute,, la
fermeture de vos portes. Est-ce que je vais trop loin ou est-ce que vous voulez
nuancer ces propos?
M. Belzile: Je voudrais dire ici, parce que M. le ministre disait
qu'on aurait dû réagir plus vite, qu'on est loin nous autres. La
compagnie a quand même écrit une lettre à M. Ciaccia lui
soulignant nos doléances. On a reçu la réponse, le 3
septembre, nous disant que notre cas serait étudié à la
commission parlementaire. On a été sans nouvelle. (16 h 30)
M. Ciaccia: Excusez-moi, je n'ai pas compris. Je voudrais juste
reprendre ça parce qu'on parlait à mon collègue. Qu'est-ce
que vous venez de dire après le 3 septembre?
M. Belzile: J'ai écrit une lettre à votre
bureau...
M. Ciaccia: À quelle date?
M. Belzile: ...à votre attention.
M. Ciaccia: À la fin d'août. Au mois
d'août?
M. Belzile: Au mois de juillet. M. Ciaccia: Au mois de
juillet. M. Belzile: Le 21 juillet.
Le Président (M. Théorêt): Vous pouvez
demeurer assis, M. Belzile la secrétaire va voir...
M. Gauthier: La réponse est de quelle date?
M. Ciaccia: La réponse? 1er septembre.
M. Gauthier: 1er septembre. Ce n'est pas vite vite votre
courrier, M. le ministre.
Alors je pense qu'on va reprendre le cours normal de nos travaux. Vous
étiez à dire, M. Belzile, que, effectivement, vous avez
signalé au ministre, au mois de juillet, la situation dans laquelle vous
vous trouviez.
Vous avez eu la réponse en septembre, etc. mais vous alliez, je
pense, continuer votre explication relativement à ma question alors
j'aimerais que vous puissiez poursuivre.
M. Belzile: J'ai perdu un petit peu le fil. Il va falloir que
vous me le reposiez, s'il vous plaît!
M. Gauthier: D'accord, vous étiez à nous
expliquer.,.. Je vous demandais si j'interprétais mal votre
mémoire en disant ceci; vous nous expliquez là-dedans que vous
étiez pris en sandwich entre le décret du ministre et les
fournisseurs de pétrole, que vous n'aviez aucune possibilité de
vous en sortir autrement et que, si le décret était
prolongé; si le ministre décidait aujourd'hui de prolonger le
décret pendant six mois, que, pour vous autres, ça voudrait dire,
à toutes fins utiles, que vous fermez vos portes, vous cessez de faire
de la concurrence dans le domaine pétrolier au Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Est-ce que je vais trop loin ou est-ce que ça reflète bien la
réalité?
M. Belzile: Regardez, il faut quand même... Je vais
être très honnête dans ma réponse, les
Pétroles Beizile ont des ressources. Mais vous savez, quand la roue se
met à tourner au ralenti, éventuellement ça deviendrait
impossible de continuer, on deviendrait découragé parce que le
moral...
M. Gauthier: En d'autres termes, M. Beizile, je sais à qui
je m'adresse, le sens de ma question ce n'est pas tellement ça. Je sais
que vous êtes en mesure, certaines de vos entreprises sont en mesure de
supporter un fonctionnement à perte un certain temps, ce n'était
pas là le sens de ma question.
M. Belzile: On est capable mais...
M. Gauthier: C'est qu'inévitablement, si vous faites des
profits maintenant, à long terme ça vous amènerait, ou
quelqu'un qui serait fragile, dans une situation financière plus
fragile...
M. Beizile: Oui.
M. Gauthier: ...que vous ne l'êtes...
M. Belzile: Déjà, on avait des projets que l'on
remet comme l'achat d'équipement, etc. On attend que le gouvernement
prenne une position finale, si oui ou non il désirera prolonger le
décret. On prendra d'autres décisions qui seront des
décisions d'attente parce qu'il va falloir certainement...
M. Gauthier: D'accord.
M. Belzile: ...couper les dépenses...
M. Gauthier: Oui.
M. Belzile: ...et s'arranger pour...
M. Gauthier: D'accord. Alors pour ma part, disons que ça
va. Je pense que le cri que vous avez présenté ici a
été entendu par le ministre. J'ose croire qu'il pourra apporter,
s'il décide de maintenir le décret, un correctif, peut-être
un correctif rétroactif s'il s'apercevait qu'il y avait eu une injustice
profonde de créée à l'endroit des indépendants du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Parce qu'on a souligné quand même, et je
le fais en même temps en remarque finale à mon intervention,
à moins que mon collègue n'ait des questions...
M. Claveau: Une petite question.
M. Gauthier: Je vais peut-être laisser mon collègue.
Et je reviendrai pour les remarques finales tout à l'heure.
M. Claveau: Une question très technique, toute petite.
Le Président (M. Théorêt): D'accord. Parce
que je venais d'en refuser une à M. le député de
Frontenac. Elle est courte, s'il vous plaît! Je reviens à vous, M.
le député de l'Ungava.
M. Lefebvre: M. Beizile ou Beauchamp, l'un ou l'autre, vous avez
bien situé votre position à savoir que vous êtes en
même temps acheteur et vendeur. Vous avez expliqué que vous
n'aviez pas d'influence sur le prix du détail, le prix à la
pompe. Est-ce que vous avez une capacité de magasiner auprès de
pétrolières? Est-ce que vous êtes capables de "barguiner" -
si vous voulez me passer l'expression - le prix d'achat de vos
approvisionnements?
M. Belzile: Je vous dirais oui. On achète actuellement de
trois pétrolières. On est des guidounes!
Des voix: Ha! Ha! Ha!
M. Belzile: On essaie d'avoir les meilleurs prix.
M. Lefebvre: Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Moi,
chez nous... Ha! Ha! Ha!
Des voix: Ha! Ha! Ha! M. Belzile: On achète...
M. Lefebvre: M. Bélisle, je m'excuse, vous ne parlez plus
au député de Roberval.
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Une voix: M. le Président!
Une voix: Il faut toujours penser que c'est
enregistré.
M. Gauthier: Vous voyez comment... D'abord, je voudrais soulever
une question de privilège, tout de même. Les gens auront compris
que c'est dans le langage coloré et déterminé des gens du
Lac-Saint-Jean que ce terme s'est glissé dans la bouche de M.
Belzile.
Une voix: Bien sûr.
M. Gauthier: Mais je ne voudrais pas que le député
de Frontenac...
M. Lefebvre: Ce n'est pas du tout sérieux, M. le
Président.
M. Gauthier: ...tire de conclusions. C'est vrai que vous
êtes surpris de voir qu'un membre de notre côté pourrait
être traité comme cela. Mais, quand même, ce n'était
pas le cas. Et ce n'est pas ce que M. Belzile a voulu faire, et pas à
votre endroit non plus, je ne penserais pas en tout cas.
M. Lefebvre: C'était une boutade, M. Belzile. Je ne pense
pas du tout ce que j'ai dit.
M. Belzile: Ce que je voulais dire, c'est qu'on achète des
"pines". Pour nous, une "pine", c'est un dixième. On dit: Tu es deux
"pines" de trop, il faudrait que tu nous baisses de deux "pines". On
achète des prix et on revend des prix. On achète des piastres et
on revend des piastres. On achète toujours au meilleur prix. Si on
entend dire qu'il y en a un autre qui a un meilleur prix ailleurs à
Victoriaville ou à Drummondviile, on lui téléphone et on
lui demande: Quels sont tes prix pour livrer à La Tuque? Fais-nous des
prix. Alors, on achète ces prix qui sont bons, à des conditions
qui sont valables pour nous. Il y en a qui n'ont pas de conditions, alors on
n'achète pas.
M. Lefebvre: M. Belzile, j'aurais d'autres questions à
vous poser...
Le Président (M. Théorêt): Non, je regrette,
M. le député de Frontenac...
M. Lefebvre: Après 18 heures.
Le Président (M. Théorêt): Je vais maintenant
céder la parole au député d'Ungava pour une
dernière question.
M. Claveau: Merci, M. le Président. MM. Belzile et
Beauchamp, tous les deux, vous connaissez bien le secteur de
Chapais-Chibougamau pour y tenir, ou y avoir déjà tenu des
stations d'essence. J'aimerais que vous nous précisiez, pour
l'information des membres de la commission, le plus clairement possible combien
cela coûte de transporter un litre d'essence entre Saint-Félicien
et Chibougamau.
M. Belzile: Les taux entre Pointe-des-Islets... C'est toujours du
point de chargement au point de livraison. On ne parle pas
d'intermédiaire parce que, là, vous transbordez un produit qui
coûte encore des "pines", comme on dit. De Chicoutimi à
Pointe-des-Islets - à peu près de l'autre côté de
Chicoutimi - à Chibougamau, 0,017 $ le litre, c'est à peu
près cela. Il y a 250 milles, cela veut dire 500 milles,
aller-retour.
M. Claveau: Ce chiffre se vérifie, je suppose. Cela veut
dire à peu près le même coût au mille pour l'ensemble
du Québec. Cela doit être à peu près la même
chose.
M. Belzile: C'est à peu près...
M. Claveau: Je vous remercie bien.
Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie,
monsieur. M. le critique officiel de l'Opposition, pour vos conclusions.
M. Gauthier: Oui. Je voudrais remercier mes deux concitoyens qui
ont pris la peine de travailler sérieusement leur mémoire et de
présenter à la commission un point de vue tout à fait
différent de ce qui avait été entendu jusqu'à
présent, puisque leur situation est nettement différente,
à la lumière des informations qu'ils nous ont données.
Effectivement, le décret a créé certains
problèmes, tout en permettant évidemment aux citoyens
d'être avantagés sur le plan financier. Il a quand même
créé des problèmes auprès des distributeurs
indépendants. Or, on a appris que l'élément majeur qui
permettait d'assurer un prix convenable pour les produits pétroliers
à nos concitoyens, c'est le fait qu'il y ait une concurrence saine, mais
vigoureuse dans les milieux. Or, on a identifié aussi que les
indépendants, à cet égard, malgré leur petite
taille face aux pétrolières, jouent un rôle
extrêmement important, un rôle que j'oserais qualifier de chien de
garde en quelque sorte du marché pétrolier puisqu'il leur arrive
dans certains cas de déclencher des guerres de prix ou, encore, au moins
de baliser, même si ce n'est peut-être pas toujours le cas, un peu
le prix du pétrole. Cela fait un intervenant de plus et on nous a
expliqué depuis deux jours, tout le monde est d'accord là-dessus,
que c'est l'ensemble des intervenants qui finissent par déterminer le
prix en fixant les uns et les autres et en s'appuyant les uns
sur les autres.
Or, les indépendants là-dedans on un rôle
extrêmement important, beaucoup plus important sur le plan relatif que
leur taille ne leur donnerait normalement comme rôle. En ce sens, soyez
assurés que la formation politique que je représente ici va faire
tout en son possible pour que, lorsque le ministre prendra ses décisions
à l'avenir, comme je l'avais fait à l'Assemblée nationale
au moment où le ministre avait déposé son décret...
J'avais eu le souci d'indiquer au ministre que les détaillants
indépendants entre autres risquaient de payer la note. Je l'avais
indiqué au ministre è l'Assemblée nationale le ou vers le
18 juin. Effectivement, c'est le cas.
Malheureusement, vous avez payé la note et d'autres, qui sont des
distributeurs mais qui ne sont pas des indépendants au même titre
que vous autres, ont payé la note et c'est regrettable. C'est
très regrettable parce que, dans le fond, le décret visait
à redonner aux gens leur argent et visait à ie reprendre
là où il était disparu et non pas le reprendre dans les
mains de personnes qui n'avaient peut-être rien à voir avec cette
récupération.
Dans ce sens, je ferai en sorte, au nom de ma formation politique, de
prévenir le ministre de surveiller, disons-le, c'est notre rôle
d'Opposition, pour que les prochaines décisions qui seront prises
tiennent compte des indépendants, de la survie des distributeurs
d'essence, des petits distributeurs dans chacune des régions du
Québec. Maintenant que votre lettre s'est rendue et que votre demande
s'est rendue à la bonne place, soyez assurés qu'on va suivre de
très près la résolution du problème.
Malgré les compliments que vous m'avez faits au début, je
me permettrai de vous faire un petit reproche. Votre député
aurait certainement été très efficace dans ce dossier si
vous vous étiez donné la peine, à ce moment-là, de
venir, parce que je rencontre mon ami, le ministre de l'Énergie et des
Ressources, très régulièrement et il m'arrive de
différer d'opinion avec lui. Alors, c'aurait été une
occasion de plus mais c'aurait peut-être été à votre
avantage cette fois.
Je vous remercie et vous souhaite un excellent voyage de retour au
Lac-Saint-Jean.
M. Belzile: Merci, M. Gauthier. Le message a été
bien compris.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. ie
député de Roberval. M. le ministre.
M. Ciaccia: Dans le même bon esprit, je pourrais vous
suggérer qu'à l'avenir, vous pourriez peut-être envoyer une
copie de vos lettres au député de Roberval pour qu'il soit au
courant de vos représentations.
Je veux vous remercier pour votre mémoire, pour les
éléments que vous avez portés à notre attention.
Vous m'aviez mentionné au début dans votre intervention
qu'à Montréal, maintenant, la différence du prix entre
Montréal et votre région est plus que la baisse de taxe de 0,045
$. On m'informe que la différence entre votre région et
Montréal, le prix à la pompe qui a été fixé
par ie décret pour votre région est de 0,497 $ le litre.
M. Beauchamp: Je m'excuse. C'est 0,494 $ chez moi.
M. Ciaccia: Pour quel grade d'essence? M. Beauchamp: Pour
le régulier.
M. Belzile: Ce qu'on appelle la gazoline ordinaire.
M. Ciaccia: Non, non, non. Excusez. Le montant de 0,497 $, c'est
le décret. Le prix qui est affiché, c'est 0,494 $. Si vous lisez
le décret, le décret précise 0,497 $ mais le prix
affiché dans la région est de 0,494 $.
M. Beauchamp: Est-ce que le représentant de la compagnie
Shell est encore présent ici? J'ai un dépanneur libre-service
Shell en face de chez moi et on a mis le même prix que lui à
0,0494 $.
M. Ciaccia: II y a eu un rajustement de la taxe d'accise que vous
n'étiez pas obligés...
M. Belzile: Si c'est une taxe d'accise, c'est un rabais de la
taxe.
M. Ciaccia: Oui, oui. Mais vous n'étiez pas obligés
de la transmettre à la pompe mais vous l'avez fait. Au nom des
consommateurs du Lac-Saint-Jean, je vous remercie. Mais vous vendez
présentement moins cher que le décret.
M. Beauchamp: M. le ministre, quand je me suis mis à 0,497
$ il y a un représentant du gouvernement qui est venu chez moi et m'a
forcé à baisser mon prix à 0,494 $.
M. Ciaccia: Je vais m'enquérir là-dessus parce que
les informations que j'ai c'est que le décret de 0,497 $...
M. Beauchamp: Remarquez bien que lui aussi était assez
mêlé la journée où il est venu. (16 h 45)
M. Ciaccia: En tout cas, je vais vérifier ce que vous
venez de dire.
M. Belzile: Normalement, M. le
ministre...
M. Ciaccia: Mais de toute façon, le prix à
Montréal est de 0,538 $, il y a une différence de 0,039 $. Il n'y
a pas une différence de plus de 0,045 $.
M. Belzile: Vous avez quand même dans la zone de la
Mauricie la gazoline qui se vend actuellement au-dessus de 0,56 $ à
Shawinigan. On parle de Montréal mais, on parle aussi de la
région de la Mauricie.
M. Ciaccia: Vous allez m'excuser. M. le Président me
rappelle que le temps est écoulé. Je voulais juste faire ces
points-là à la suite des affirmations que vous avez faites.
Finalement, si je vous ai bien suivi, vous opérez à la fois comme
grossistes, "jobbers" et comme indépendants au détail. Alors,
dans ce cas, j'aimerais rappeler pour le bénéfice de tous ici
l'évolution de la marge de profit des détaillants au
Lac-Saint-Jean parce que vous, vous avez deux chapeaux, vous êtes
grossiste et détaillant.
La marge brute des détaillants en novembre 1985, la moyenne
était de 0,035 $ le litre, avant la baisse de la taxe. Après la
baisse de la taxe, la marge moyenne des détaillants était de
0,047 $ et aujourd'hui, avec les décrets, la marge est de 0,043 $ le
litre. Je pense qu'il faut situer vos représentations et la situation de
"jobber" dans ce contexte-là. De toute façon, nous reconnaissons
l'importance des "jobbers" au Québec, l'importance dans la concurrence
qui doit exister et nous allons porter une attention très
particulière à vos commentaires. Merci beaucoup!
Le Président (M. Théorêt): Alors, messieurs,
les membres de la commission vous remercient de votre présence et vous
souhaitent un bon voyage de retour au Lac-Saint-Jean.
M. Belzile: Merci aux membres de la commission, à M. le
ministre et à vous, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Je demanderais
maintenant aux représentants de l'Association des services de
l'automobile de bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît!
M. Lemay, si vous voulez bien, dans un premier temps, nous
présenter les collègues qui vous accompagnent. Je vous rappelle
également que vous avez un maximum de 20 minutes pour faire la
présentation de votre mémoire. Nous vous écoutons.
Association des services de l'automobile Inc.
M. Lemay (Pierre): Merci, M. le Président.
À ma droite, vous avez le premier vice-président de
l'association, M. Denis Bergeron, qui est également un détaillant
indépendant et qui a été dans le passé un
détaillant d'une compagnie majeure; à ma gauche, le
deuxième vice-président de l'association, qui est actuellement un
détaillant avec une compagnie majeure, M. Claude Decelles.
Je commence immédiatement la présentation de mon
mémoire.
Mieux connue sous l'abbréviation ASA, notre association a
résulté de la fusion de trois associations existantes en 1968.
Incorporée en vertu de la troisième partie de la loi des
compagnies, l'ASA regroupe principalement des opérateurs de
stations-service et situe son action à deux paliers: la
représentation de ses membres et la protection du public.
Comprenant que les problèmes de l'industrie
pétrolière n'étaient pas uniques au Québec,
l'association décidait en 1983 de se regrouper avec ses collègues
des autres provinces sous l'Association nationale des métiers de
l'automobile du Canada, qui participa à l'enquête Stoner de la
Commission sur les pratiques restrictives du commerce, sur l'état de la
concurrence dans l'industrie pétrolière canadienne.
La raison qui a poussé le gouvernement à étudier en
commission parlementaire le respect des objectifs des mesures d'aide aux
régions périphériques résulte de l'insuccès
du programme lancé le 18 décembre 1985. Deux coupables ont
été clairement identifiés par le gouvernement: les
pétrolières et les détaillants.
Afin de bien comprendre le geste de chacun, nous croyons qu'il serait
important de regarder d'abord la position de ces deux parties afin de
réfléchir sur cet événement et de tenter de
découvrir la cause réelle du problème et d'y apporter une
solution.
M. le Président, nous n'avons pas la prétention de pouvoir
sortir toute la vérité sur l'industrie de la distribution
pétrolière dans ce mémoire de quelques pages, alors que la
Commission sur les pratiques restrictives du commerce n'a pas
complètement réussi à le faire après treize
années d'enquête.
Pour ce qui est des pétrolières qui, dans notre langage,
sont des "majeures", c'est-à-dire des gens qui font du raffinage de
pétrole, au Québec comme partout ailleurs au Canada, le domaine
de la distribution de l'industrie pétrolière est dominé
par un petit groupe de compagnies pétrolières, chacune ayant une
taille gigantesque. Par le passé surnommées les sept soeurs -
aujourd'hui, elles ne sont que six - ces compagnies sont toujours
considérées, partout où elles font affaire, comme
étant les décideurs de l'industrie pétrolière.
Actuellement, M. le Président, ces
compagnies contrôlent 80 % des ventes d'essence au Québec
et au Canada. Pour confirmer cette affirmation, voici ce que déclarait
l'enquête Stoner ou une partie, devrais-je dire, de l'enquête
Stoner: "Bien que la commission ait eu, par les années passées,
l'occasion de se pencher sur certaines industries de très grande
envergure, nulle ne possédait la complexité, la
volatilité, la taille et l'influence de l'industrie
pétrolière."
Le Québec devait également se rendre compte de la
complexité des compagnies pétrolières lors de sa propre
enquête du groupe de travail sur le prix des carburants qui a
été lancée en 1984, è la suite de la fameuse baisse
de 0,04 $ de la taxe ascenceur du gouvernement de l'époque qui a
été reprise par la suite par les pétrolières. Je
pense que tout le monde s'en souvient et quelqu'un l'a mentionné
tantôt. Dans ce rapport, à la page 75, sous le titre "La
rentabilité", on dit ceci: "Un des éléments du mandat
confié au groupe de travail sur le prix des carburants est d'examiner et
de faire rapport sur les mesures à prendre pour s'assurer d'un juste
prix de l'essence au Québec. Compte tenu de l'étroite relation
entre juste prix et rentabilité, il aurait été essentiel
d'examiner et de comparer les profits réalisés par les compagnies
pétrolières sur les ventes d'essence qu'elles effectuent au
Québec et dans les autres provinces canadiennes. "En raison des
particularités de l'industrie pétrolière où
l'intégration verticale domine et où il est très difficile
(certains disent même impossible) de déterminer le prix de revient
de chacun des produits du raffinage du pétrole, il n'a pas
été possible d'effectuer une analyse de rentabilité des
ventes d'essence."
On n'avait donc pas les bons chiffres pour prendre des décisions.
Alors, la vérité est toute autre que ce qu'on a pu
découvrir jusqu'à maintenant.
Grâce à la taiie et à l'influence de ces
multinationales, les gouvernements, et surtout le fédéral depuis
quelques années, ont aidé financièrement, de façon
régulière, ces compagnies. On n'a qu'à penser à la
déréglementation qui a éliminé une partie
importante de la taxe fédérale au profit de ces compagnies, aux
nombreuses subventions pour la recherche - on mentionne pour l'année
financière 1986-1987 un montant de 350 000 000 $ - et,
dernièrement, à l'élimination de la taxe sur les recettes
pétrolières et gazières, pour ne nommer que ces
points-là car il y en a une liste beaucoup plus longue que cela.
Bien que ces compagnies ont soif de profits et que le marché leur
a causé certains problèmes ici et là, aucune n'a
été acculée à la faillite, tout au plus certaines
années ont été moins profitables que d'autres.
Pour ce qui est des détaillants maintenant, pour tenter de
comprendre la position du détaillant dans le conflit qui nous touche
présentement, il est impartant de le bien situer.
Nonobstant la situation géographique particulière des
détaillants en périphérie - le sujet principal aujourd'hui
- qui voient parfois leur clientèle traverser la frontière pour
faire le plein d'essence, les détaillants du Québec se
ressemblent tous. On les retrouve dans quatre grands marchés principaux,
c'est-à-dire les stations-service où on donne le plein service de
la gazoline, le libre-service où le client doit se servir
lui-même, le poste d'essence qui ne donne que le service de la gazoline
et pas le service de la réparation et les lave-autos.
Pour ce qui est des années 1984 et 1985, on constate que 1880
stations-service, sur un total d'environ 3000 établissements,
connaissaient un changement d'exploitant, terme que l'on connaît mieux
dans notre langage: "turn over". C'est-à-dire que près des deux
tiers - et, ça, c'est énorme - ont été
forcés de quitter le marché. La cause principale, M. le
Président, c'est la non-rentabilité» Facile à
comprendre lorsqu'on constate qu'en 1975 un opérateur de station-service
obtenait un profit brut de 0,0334 $ le litre et qu'en 1986 le même
opérateur n'obtenait plus que 0,0324 $ le litre. Tantôt, le
représentant de Shell nous disait 0,034 $; j'accepte cela. Pour deux
dixièmes de différence, on ne se chicanera pas aujourd'hui.
Alors, temporairement, il est arrivé quelque chose
d'extraordinaire, jusqu'à ce que le gouvernement découvre que la
taxe qu'on voulait donner aux consommateurs allait aux détaillants. On a
remarqué... Un détaillant, entre autres - j'ai vu cela à
la télévision, il y avait un reportage formidable - se trouvait
vraiment volé parce qu'il disait: Écoutez, moi, je faisais des
bons profits depuis deux ans, c'est-à-dire environ 0,075 $ le litre et,
maintenant, je suis obligé de faire seulement 0,032 $ le litre. Il ne se
souvenait pas, lui, que tout le reste du Québec était à
0,032 $ le litre depuis bien longtemps.
Alors, pendant que le coût d'opération augmentait pour la
station-service, on diminuait son profit et ce, pendant onze années de
file. Pour l'aider davantage, depuis les onze dernières années,
les pétrolières ont modifié leur approche - on appelle
ça les lois du marché - en délaissant la station-service
pour le libre-service. En fait, de 1974 à 1980, on a encouragé la
prolifération des libre-service dont le nombre est passé de 1,5
à 2,7 fois plus grand que les stations-service pour cette
période-là. Aujourd'hui, c'est une réussite totale pour
les compagnies majeures puisqu'un libre-service, aujourd'hui, vend en moyenne
20 884 hectolitres dans une
année alors qu'une station-service qui, dans le passé,
vendait presque la majorité de la gazoline ne vend plus que 8678
hectolitres-année.
Donc, on installe des libre-service qui compétitionnent les
stations-service. Mais je pose la question: Quelle sorte de compétition,
alors, qu'une compagnie majeure a une marge de profits de 0,165 $ et le
détaillant, seulement 0,034 $? On augmente le marketing au
libre-service; ensuite, on force le détaillant de la station-service
à offrir son essence a 0,005 $ le litre plus cher que le libre-service
et, finalement, dans le but apparemment de l'encourager, on le soumet
également au traitement d'objets promotionnels toujours aux frais de la
station-service.
Enfin, Mme la Présidente - on a changé, je m'excuse -
n'ayant pas treize années devant nous pour revoir tous les autres
aspects du problème de la rentabilité du détaillant, il ne
faut pas se surprendre si quelques-uns ont pu profiter d'une occasion pour se
refaire financièrement après une attente de onze ans sans
augmentation des profits sur l'essence.
Étrangement, d'après notre association, le problème
qu'on croit être seulement au niveau de la périphérie, pour
le détaillant, il existe partout au Québec, pour ne pas dire dans
le Canada entier.
Pour ce qui est du consommateur, nous devons savoir, Mme la
Présidente, qu'à partir du moment où on achète une
automobile on devient l'esclave de l'essence et de son fabricant. Avec
l'apparition du libre-service, on a noté moins de points de vente, donc
moins de services. N'ayant pas les services, on néglige l'aspect
maintenance des voitures; donc, les voitures sont moins sécuritaires.
Nous devons nous rappeler que, ne fût-ce qu'un pneu mal gonflé sur
une voiture, si on a à freiner à haute vitesse sur une autoroute,
c'est le décor qui nous attend et peut-être notre vie et la vie
d'autres personnes.
Le consommateur a donc vu le prix de l'essence au Québec passer
de 0,157 $ le litre en 1975 à 0,583 $ le litre en 1985, soit près
de 400 % d'augmentation en dix ans. Alors que Terre-Neuve détenait le
premier rang au Canada pour le prix de l'essence au détail le plus
élevé depuis quelques années, c'est le Québec
maintenant qui détient cette position peu enviable sur le continent
depuis quelques mois. Alors, l'aide du gouvernement de 0,045 $ le litre pour la
région périphérique aurait probablement aidé
certains consommateurs, si l'aide s'était vraiment fait sentir à
la pompe. (17 heures)
Si cette réduction avait été réelle, elle
aurait été bénéfique pour les gens dans les
régions périphériques, mais elle n'aurait quand même
pas aidé le consommateur qui, lui, demeure près de la
frontière américaine où on achète l'essence presque
à demi-prix par rapport au Québec, les 0,045 $ le litre
n'étant pas suffisants pour l'empêcher d'aller faire un petit tour
à la frontière pour faire le plein d'essence.
Le même phénomène, quoique moins voyant, existe
aussi à la frontière de l'Ontario. Alors, soyons
réalistes. L'automobile est devenue, avec les années, un besoin
essentiel pour la plupart des consommateurs automobilistes. Impuissants devant
ces multinationales et la machine gouvernementale, ils se demandent, entre
autres, pourquoi, lors de la baisse du prix international du pétrole
brut pendant l'année 1986, certaines compagnies ont connu des baisses de
0,17 $ à la pompe tandis qu'au Québec le prix a seulement
baissé de 0,094 $ le litre. Pourtant, on parle du même prix du
brut international.
En 1985, l'ASA a présenté une pétition et a
reçu l'appui de 65 771 automobilistes qui en avaient marre du
problème et qui réclamaient une régie des prix de
l'essence pour contrer une partie de ce problème.
Actuellement, la question touche les consommateurs dans les
régions périphériques. Cependant, nous croyons, Mme la
Présidente, qu'il serait injuste de régler le problème de
l'un sans régler le problème de l'autre puisque,
indépendamment de l'endroit où se situe le consommateur au
Québec, il paie son essence le plus cher au Canada et, selon nous, tous
les consommateurs ont les mêmes droits.
Le point de vue de l'association. On a été surpris de la
décision du ministre de l'Énergie et des Ressources, M. John
Ciaccia, et on a approuvé son geste de régir temporairement le
prix de l'essence dans les régions concernées. Jamais on n'aurait
pensé qu'un gouvernement aurait osé affronter les multinationales
si ouvertement. Je pense que c'est une première au Canada. Ce
récent événement a permis aux autorités en place de
prendre les coupables la main dans le sac sans avoir à enquêter
pendant treize ans. Ce geste nous permet de penser qu'il existe peut-être
au Québec une justice pour les gros autant que pour les petits.
Cela dit, le problème qui nous concerne, consommateurs et
détaillants, comporte deux volets: la protection du consommateur
québécois quant au prix qu'il doit payer pour son essence et la
survie de la PME, la plus grande créatrice d'emplois dans l'industrie
pétrolière.
Le Québec étant le deuxième plus grand consommateur
de pétrole au Canada, il devrait voir son pouvoir d'achat se
refléter à la pompe au bénéfice des consommateurs.
Cependant, la surtaxe provinciale de 0,06 $ le litre, le surplus des profits
des pétrolières en rapport avec l'Ontario, qui est près de
0,03 $, et l'insuffisance de production
pétrolière québécoise depuis la fermeture de
la raffinerie Gulf, à Montréal, sont autant de facteurs qui
pénalisent le consommateur aussi bien dans les régions
périphériques qu'ailleurs au Québec. Le détaillant
ne peut rivaliser sur le marché du détail avec son fabricant, pas
plus que ne le pourrait un concessionnaire automobile: par exemple, si GM
décidait, demain matin, de s'occuper du marché du détail
et coupait les profits de ses concessionnaires pendant onze ans., Bref? le
système actuel est inadéquat pour le consommateur et le
détaillant.
Notre recommandation. Afin de corriger une situation qui existe depuis
trop longtemps, partout où les pétrolières exercent leur
influence, nous recommandons, avec l'appui de toutes les associations de
détaillants du Canada et à l'image de nos voisins
américains qui réglaient leur problème le 17 juin dernier
dans le Nevada, qui a été le neuvième État à
appliquer ce genre de mesures, l'application de la réglementation que
nous appelons le détail aux détaillants, une mesure qui pourrait
créer un minimum de 3000 emplois directs au Québec. Le
détail aux détaillants, le nom qu'on lui a donné, serait
une réclamation législative pour la survie des détaillants
d'essence au Québec et un meilleur contrôle des prix.
Nous le définissons comme suit: Détail aux
détaillants se définit comme étant la séparation de
toutes les compagnies d'huile majeures ou, si vous préférez,
raffineurs, de toute opération et/ou encore contrôle direct ou
indirect de quelque centre de détail que ce soit de produits
pétroliers fabriqués par ceux-ci. Évidemment, vous
comprendrez que les pétrolières sont contre ce genre de projet de
loi et vont utiliser tous leurs pouvoirs pour faire en sorte qu'il ne soit
jamais adopté, mais elles ont oublié que nous sommes encore
vivants.
Aux États-Unis, par exemple, les raffineurs disent que la loi du
détail aux détaillants, qu'on appelle là-bas le "Total
Divorcement Law", est anticoncurrentielle. Cependant, M. le Président,
cette déclaration a été fortement contredite,
premièrement, par le comité judiciaire du Sénat
américain qui a admis que cette loi qui a vu le jour au Maryland a
permis aux détaillants de baisser leurs prix à la consommation.
Plus encore, une nouvelle étude, celle-là menée par le
Maryland lui-même, a démontré hors de tout doute que les
consommateurs avaient épargné quelque 117 000 000 $ à
cause de cette loi du détail aux détaillants. L'étude du
Maryland et celle du Sénat ont toutes les deux rejeté les
résultats donnés par une enquête privée
demandée par les compagnies pétrolières, à savoir
que cette loi avait causé une montée des prix de l'essence.
Pour garantir le succès de ce genre de loi, il sera
évidemment nécessaire de suivre certaines mesures de
sécurité parce que, comme on l'a dit, les
pétrolières vont tout tenter pour essayer de contrer ce genre de
projet. Une des choses importantes serait le droit de premier refus de la vente
de stations-service par les compagnies. Il y a une clause qu'on avait incluse
et qu'on peut rejeter maintenant parce que la loi C-91 du gouvernement
fédéral a réglé ce problème-là,
c'est-à-dire que jadis une clause interdisait la vente de produits
pétroliers lorsqu'on achetait une station-service d'une compagnie
pétrolière et, maintenant, c'est réglé.
Aussi, pour éviter une hausse artificielle des évaluations
du marché, un comité d'arbitrage pourrait être
mandaté pour ce faire. Cela existe dans d'autres provinces. M. le
ministre a mentionné la Nouvelle-Écosse tantôt. C'est une
des provinces.
La procédure d'arbitrage usuelle, qui consiste en la
désignation d'un évaluateur indépendant pour chaque partie
et d'un troisième choisi par les deux parties, devra être
employée pour être sûr d'une justice complète pendant
toute la durée de l'établissement de la loi.
Toute forme de contrôle, telle la consignation, devra être
bannie également parce que cela donne un plus gros monopole aux
pétrolières.
De façon à assurer une offre compétitive et
indépendante efficace, une procédure d'arbitrage sera requise
pour les locataires détaillants pour régler les disputes
reliées au contrat de location de même qu'un terme minimal de
location qui devra être défini. D'ailleurs, en 1982, au moment
où l'association décrétait une grève
générale dans le Québec, je pense que tout le monde s'en
souvient, les fonctionnaires du ministère avaient écrit un
contrat type merveilleux mais qui est resté sous la poussière
depuis ce temps-là.
Une deuxième chose importante, selon nous, serait
l'établissement d'un prix à la raffinerie qui se
définirait comme étant l'établissement d'un prix
compétitif pour les différentes qualités d'essence
à la raffinerie qui est le même en tout temps pour tout achat de
gasoline, indépendamment du type de clientèle, ce qui n'est pas
le cas aujourd'hui.
L'établissement d'un prix à la raffinerie remplacerait
tout autre prix du gros en vigueur, qu'on l'appelle le "tank wagon" ou
"transfer price" - on a voulu mêler tout le monde dans cette
histoire-là. Cette méthode éliminerait une fois pour
toutes l'historique forme de discrimination arbitraire dans l'application des
prix à la source d'approvisionnement.
Le détail aux détaillants, de même que le prix
à la raffinerie, illlustre très clairement pour nous
l'évidence que l'un ne peut exister sans l'autre comme solution
indépendante. L'intégration verticale
historique indique clairement qu'ils ne doivent faire qu'un et doivent
être lus comme un ensemble.
On voit évidemment le portrait de Petro-Canada, qui nous
appartient, ainsi que de toutes les compagnies de la couronne reliées
à l'industrie du pétrole. Nous demandons qu'elles soient
assujetties aux mêmes réglementations et lois qui gouverneront
tous les autres participants de l'industrie canadienne du pétrole.
Le mémoire présenté à la commission Stoner
indique que les amendements proposés ne seraient pas suffisants pour
enrayer les pratiques de coalition dans l'industrie future, si on se guide sur
l'expérience passée de la conduite des compagnies
pétrolières.
Une section en particulier serait requise pour expliquer la
différenciation des prix. Ainsi, l'ASA préconise la
création d'une régie des prix de l'essence, tel que
recommandé lors du rapport du groupe de travail sur les prix des
carburants au Québec, ou encore un système tel qu'appliqué
en Nouvelle-Écosse, comme l'a mentionné tantôt le ministre
John Ciaccia. C'est la fin de mon mémoire.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président.
Je cède maintenant la parole au ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. Lemay, pour la présentation de votre
mémoire. Comme vous le savez, un des buts de la commission est de
chercher les moyens pour en arriver à maintenir les objectifs de notre
gouvernement qui étaient de réduire la taxe sur les carburants,
le prix de l'essence, et que le bénéfice puisse aller aux
consommateurs.
J'aimerais être certain de bien comprendre le sens de vos
recommandations. Pourriez-vous m'expliquer brièvement, expliquer
à la commission parlementaire ce que vous entendez par "le détail
aux détaillants"?
M. Lemay: Certainement. C'est le nom que nous lui avons
donné ici, parce qu'aux Etats-Unis la même loi s'applique dans
neuf États, actuellement et le nom qu'on lui donne, c'est le "Total
Divorcement Law". Très rapidement, ce que cela veut dire, c'est
l'élimination complète des compagnies raffineurs de
pétrole du marché du détail. Il est impossible qu'un
détaillant puisse concurrencer avec son propre fabricant. Cela ne se
fait pas.
M. Ciaccia: Vous dites que le "Total Divorcement Law" veut dire
que la compagnie pétrolière n'est pas dans le détail.
M. Lemay: Exact. Ce qui est le cas présentement, par
exemple, avec les libre-service.
M. Ciaccia: Est-ce que le libre-service... Je vais revenir au
libre-service après. Attendez un peu.
M. Lemay: Pas de problème.
M. Ciaccia: Alors, cela veut dire que même au Maryland, par
exemple, la propriété des installations ou la bâtisse peut
appartenir à la compagnie pétrolière.
M. Lemay: Selon les États, M. le ministre, il y a des
petites différences dans la loi. Il y a certains États qui ont
réussi à obtenir un minimum de propriétés pour les
compagnies pétrolières. Si je regarde la dernière qui
vient d'y passer, le Nevada, les compagnies pétrolières ont
obtenu le droit à 28 points de vente dans tout l'État. Ce n'est
pas énorme.
M. Ciaccia: Mais est-ce qu'elles ont obtenu le droit à des
points de vente pour fonctionner elles-mêmes?
M. Lemay: Dans ces 28, oui.
M. Ciaccia: Oui. Mais est-ce qu'au Maryland, par exemple...
M. Lemay: Oui.
M. Ciaccia: ...elles n'ont pas le droit d'être
propriétaires de toutes les installations? Je vais vous citer, par
exemple, la loi du Maryland, le "Maryland Divorcement Law" qui dit après
le 1er juillet 1974 aucun producteur ou raffineur de produits pétroliers
ne peut ouvrir une station-service et l'exploiter autrement que par un
locataire. Après le 1er juillet, aucun producteur ou raffineur de
produits pétroliers ne peut exploiter une station-service autrement que
par un locataire.
M. Lemay: C'est exact.
M. Ciaccia: Bon. Cela veut dire que la compagnie est
propriétaire de l'édifice et il y a des locataires.
M. Lemay: Actuellement, oui.
M. Ciaccia: Cela, c'est le "Divorcement Law" du Maryland.
M. Lemay: Oui mais, comme vous l'avez dit dans le dernier
article, tantôt...
M. Ciaccia: N'est-ce pas la situation... Excusez-moi. Je vais
vous laisser finir.
M. Lemay: Oui, oui. Parce que, tantôt, vous avez
mentionné deux étapes. La première étape
était que, d'abord, la compagnie n'avait plus le droit, de par la
loi, d'en construire d'autres. C'était là la
première étape. La deuxième étape, c'était
que les compagnies n'avaient plus le droit d'exploiter. Cela veut dire qu'il y
a eu une étape - si je me rappelle bien, je pense que c'est trois ans -
où les compagnies pétrolières ont dû revendre toutes
leurs propriétés à l'entreprise privée
M. Ciaccia: Ce n'est pas ma façon de comprendre la loi
mais peut-être que»..
M. Lemay: Mais c'est la façon selon laquelle elle a
été appliquée.
M. Ciaccia: Parce que ouvrir, ce n'est pas construire. En tout
cas.
M. Lemay: Exact. Oui, oui, oui.
M. Ciaccia: Peut-être que vous pourriez me clarifier cela.
De la façon qu'on m'a expliqué cela, il y a une différence
entre "total divorcement" et "total divestiture".
M. Lemay: Exact.
M. Ciaccia: Dans aucun État américain existe le
"Total Divestiture".
M. Lemay: Non.
M. Ciaccia: II y a le "Total Divorcement".
M. Lemay: Exact. Dans neuf États seulement, jusqu'à
maintenant.
M. Ciaccia: D'accord, dans neuf États. M. Lemay:
Oui.
M. Ciaccia: Et le "Total Divorcement" n'empêche pas une
compagnie pétrolière d'être propriétaire de
l'édifice.
M. Lemay: Cependant, elles ont droit à un minimum
décidé lors des ententes, des négociations. C'est
différent d'un État à l'autre. Les neuf États ne
sont pas tous pareils.
M. Ciaccia: D'accord. En tout cas, prenons celui du Maryland.
Maryland ne semble pas avoir de restrictions en termes de
propriétés.
M. Lemay: Si je me rappelle, les pétrolières ont eu
le droit d'opérer seulement 3 % des stations-service.
M. Ciaccia: Mais quand vous dites "opérer", cela veut dire
les exploiter elles-mêmes.
M. Lemay: Oui. Cela veut dire qu'elles sont propriétaires
et elles les exploitent. M. Ciaccia: Elles les exploitent. M.
Lemay: Exact.
M. Ciaccia: D'accord. Je veux arriver à la situation
où la compagnie est propriétaire, mais ne l'exploite pas.
Autrement dit, la compagnie est locataire. Cela, c'est le "divorcement".
M. Lemay: Encore une fois, on parle seulement du Maryland.
M. Ciaccia: Oui, oui, du Maryland.
M. Lemay: Mais il y a des petites différences d'un
État â l'autre.
M. Ciaccia: D'accord, prenez le Maryland. Alors, si je prends
cette situation où la compagnie est propriétaire...
M. Lemay: Oui.
M. Ciaccia: Et il y a un locataire.
M. Lemay: Oui.
M. Ciaccia: N'est-ce pas la situation qui existe maintenant dans
les régions périphériques? (17 h 15)
M. Lemay: Là, on s'embarque dans un débat qui est
long. Parfois oui, parfois non. Vous savez, l'industrie
pétrolière, c'est très complexe. On en a parlé
pendant treize ans et on ne sait pas encore où on en est rendu.
Présentement, il existe plusieurs... On va essayer de définir
cela facilement. Quand on parle d'une compagnie qui est propriétaire, on
peut considérer qu'elle est propriétaire de l'essence et des
réservoirs, mais pas de la bâtisse, comme elle peut être
propriétaire de la bâtisse et des réservoirs d'essence,
comme elle peut être propriétaire seulement du fonctionnement.
Cela mélange bien des choses, mais, en fait, c'est ce qui se produit
actuellement. En périphérie, il peut exister des gens que nous
appelons des locataires. Quand on appelle une personne "locataire", dans notre
langage à nous, c'est qu'habituellement la station appartient à
une autre personne que la personne qui l'exploite. Cela peut être une
compagnie pétrolière comme un propriétaire
indépendant. Alors, les situations sont... C'est pour cela que ce n'est
pas vrai qu'il y a juste une sorte de station qui est exploitée. Quand
on les regarde de l'extérieur, elles ont toutes la même figure.
Elles ont toutes les mêmes enseignes.
M. Ciaccia: D'après votre connaissance des
détaillants au Québec, y a-t-il
proportionnellement plus de détaillants propriétaires dans
les régions périphériques que dans les centres
urbains?
M. Lemay: D'après les statisques du Québec qu'on
nous donne, effectivement, il y a plus d'indépendants à
l'extérieur des grands centres que dans les grands centres.
M. Ciaccia: Est-ce que cela a eu une influence sur la situation
des prix en région?
M. Lemay: II n'y aura jamais d'influence parce que, quoi qu'on
regarde dans le portrait de l'industrie pétrolière au
Québec et même au Canada, on se rend compte que les compagnies
pétrolières contrôlent 90 % des ventes au détail.
Alors, que je sois n'importe où au Québec ou au Canada, je suis
tout le temps soumis à la loi du marché des
pétrolières, entre guillemets.
M. Ciaccia: On n'a pas trop de temps parce qu'on est
limité.
M. Lemay: Oui.
M. Ciaccia: Mais je voudrais savoir la différence -
peut-être pouvez-vous m'envoyer de la documentation là-dessus -
qui existe entre la situation du Maryland, où une compagnie est
propriétaire d'un édifice et il y a un locataire, et la situation
au Québec où, dans 80 % des cas, la compagnie est
propriétaire et il y a un locataire.
M. Lemay: Je peux vous donner cette différence très
rapidement, comme cela, pour vous permettre de comprendre un autre point
important et où on veut aller avec cela. Par exemple, au Maryland, si je
suis avec Shell, même si la bâtisse appartient à la
compagnie Shell - en le supposant et suivant votre exemple - j'ai quand
même le libre loisir d'acheter de Texaco ou d'Esso.
M. Ciaccia: Je vais essayer de comprendre cela. Alors, vous dites
qu'au Maryland je vais avoir une enseigne Shell...
M. Lemay: Shell, c'est cela.
M. Ciaccia: ...et je vais acheter de Texaco.
M. Lemay: C'est cela. Et, en dessous de mon enseigne, par
exemple, si j'ai acheté de Texaco, ce sera écrit: "Today, I am
selling Texaco gazoline".
M. Ciaccia: Oui, mais là... C'est intéressant,
cela.
Une voix: C'est fort!
M. Ciaccia: Oui, cela, c'est fort. Vous êtes certain que
c'est cela? Oui?
M. Lemay: Oui, oui. À ce moment-là, cela permet
vraiment au détaillant d'avoir le libre accès au marché.
Depuis tantôt, les gens ont parlé d'un libre marché. Il
n'est pas libre, le marché. Tout le monde est confiné. Il y a 90
% des ventes d'essence qui sont contrôlées par les
pétrolières. Il n'y en a pas, de marché.
M. Ciaccia: Mais, ce que vous venez de me décrire, ce
n'est pas le "divorcement", c'est le "open supply provision". Ce sont deux
choses différentes. Le "divorcement", la façon dont je le
comprends... Peut-être qu'on n'aura pas tout le temps ici de faire le
débat.
M. Lemay: Effectivement.
M. Ciaccia: Le "divorcement", c'est quand la compagnie
pétrolière n'exploite pas elle-même.
M. Lemay: C'est exact.
M. Ciaccia: Elle peut avoir un locataire. Et c'est cela qu'on a
dans 80 % des cas au Québec. Et ce que vous venez de décrire,
c'est le "open supply provision" qui est totalement à part du
"divorcement". C'est autre chose. Vous pouvez avoir un "open supply provision"
sans "divorcement" ou vice versa.
M. Lemay: Mais dans la plupart des cas où il y a le
"divorcement", aux États-Unis, souvent, ils ont cette clause où
le type peut acheter où il veut. Si ce n'est pas au Maryland, M. le
ministre, c'est peut-être dans un autre État membre. Mais je sais
que dans les États qui ont des "divorcement", pas tous ont cette
possibilité, mais je pense qu'il y en a cinq ou six qu'ils l'ont...
M. Ciaccia: On essaie de chercher des formules. J'aimerais bien
en trouver une qui pourrait répondre aux attentes de tous les
intervenants. Cela protégerait le consommateur et les
détaillants. Cela n'empêche pas les compagnies
pétrolières...
M. Lemay: Ah non! II faut que tout le monde fasse de l'argent, on
est d'accord avec cela.
M. Ciaccia: C'est pour cela que j'essaie de comprendre...
M. Lemay: Vous savez, M. le ministre...
M. Ciaccia: ...votre proposition. Je ne vois pas de
différence entre ce que vous proposez comme "divorcement" et ce qui
existe dans 80 % des cas au Québec et
certainement, dans la plupart des cas, dans les régions
périphériques. La question que je voulais poser c'est: Comment
les mesures que vous mettez de l'avant en termes de "divorcement"
contribueront-elles à faire baisser les prix de l'essence dans les
régions périphériques si déjà dans les
régions périphériques, on a le "divorcement"?
M. Lemay: C'est parce que si vous remarquez dans notre
mémoire, nous, on a profité du fait qu'il y avait un
problème dans les régions périphériques pour vous
mentionner qu'il y a un problème pas seulement en
périphérie, mais dans tout le Québec. C'est pour cela
qu'on profite de l'occasion pour pouvoir aider parce que le problème du
pétrole, il existe partout. Enfin, nous, c'est comme cela qu'on le
comprend et c'est comme cela qu'on essaie de défendre notre point
aujourd'hui.
M. Ciaccia: Alors, votre proposition n'est pas
nécessairement...
M. Lemay: ...unique ou périphérique.
M. Ciaccia: ...une réponse pour les régions
périphériques. Vous portez à notre attention des
problèmes "at large".
M. Lemay: Oui.
M. Ciaccia: Mais, encore une fois, je veux que vous pensiez
à la confusion que j'ai avec des termes comme "divorcement". Je ne vois
pas de différence et je suis prêt à obtenir des
représentations de vous à cet effet.
M. Lemay: J'espère!
M. Ciaccia: Oui, oui, je ne vois pas de différence entre
"divorcement", tel que vous le définissez et tel que cela existe au
Maryland, et la situation dans 30 % et plus des cas au Québec.
Même dans le libre-service, il peut y avoir des locataires, il peut y
avoir des ententes, alors cela entre carrément dans les termes du
"divorcement" du Maryland. Un libre-service se conformerait à la loi du
"divorcement" du Maryland. Je ne voudrais pas légiférer pour
répéter quelque chose qui existe déjà. Le but d'une
loi, c'est d'essayer de faire des changements, des améliorations mais,
entre la façon dont vous décrivez le "divorcement" et ce qui
existe au Québec, je ne vois pas vraiment de différence.
Cela ne veut pas dire que toutes les autres suggestions, les autres
griefs que vous apportez ne sont pas exacts. Vous pouvez avoir ces griefs en
termes de détaillants, en termes de "open supply provision" et le reste
mais, sur le point du "divorcement"...
M. Lemay: J'aimerais qu'on puisse se rencontrer là-dessus
et, si vous voulez, on pourrait se rencontrer avec le représentant des
provinces, il y aurait beaucoup plus d'informations à aller
chercher.
M. Ciaccia: Très bien.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. Je veux juste porter à votre attention, M. Lemay, que si vous
faisiez parvenir par écrit les renseignements supplémentaires au
ministre, vous pourriez les envoyer également au secrétariat de
la commission puisque cela intéresse tous les membres de la commission,
bien sûr.
M. le député de Roberval et critique officiel.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je remercie les
représentants de l'Association des services de l'automobile de la
préparation et de la présentation de leur mémoire ici
aujourd'hui.
Une couple de petites questions. Il y a quand même beaucoup de
contenu dans votre mémoire, il y a des choses pour le moins surprenantes
en tout cas, des solutions de nature à régler davantage, comme
vous l'avez souligné, que le problème auquel s'intéressait
la commission a priori. Il y a une chose que j'ai de la misère à
comprendre et c'est la suivante. Durant les deux jours qu'on a
été ici, il y a une chose sur laquelle tout le monde a
été unanime, sauf peut-être vous, et vous allez me
l'expliquer - peut-être que j'ai mal interprété - c'est
ceci. Les indépendants qui sont venus juste avant vous ont dit: M. le
ministre, enlevez-nous le décret, on étouffe. Les compagnies
pétrolières sont venues ici et ont dit: M. le ministre,
enlevez-nous le décret parce que nos détaillants crient un peu
partout et il faut leur garantir une marge de profit minimale pour leur
permettre de fonctionner; sauf les consommateurs, évidemment, les
représentants d'associations de consommateurs qui souhaitaient et qui
envisageaient davantage l'aspect du consommateur, qui ne regardaient pas
tellement l'avantage des gens qui sont dans le domaine du pétrole. Or,
vous, vous avez présenté vos collègues tout à
l'heure, qui sont des gens qui vendent de l'essence à des consommateurs,
et vous réclamez la fixation d'un prix par le gouvernement.
J'ai de la misère - j'imagine que vous allez me l'expliquer -
à comprendre que pour les détaillants des compagnies
pétrolières dont monsieur est, pour les indépendants dont
monsieur est, que ce soit étouffant pour tout le monde et que vous nous
disiez que cela prendrait cela. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vos
deux collègues et les gens que vous regroupez vont faire pour prendre
leurs profits si le ministre maintient
un prix?
M. Lemay: Si je peux m'exprimer. Quand les gens ont parlé
d'étouffement tantôt, c'est parce qu'ils se trouvaient en
périphérie et que ces gens, pendant deux ans, ont profité
d'un profit décent pour administrer une station-service,
c'est-à-dire autour de 0,07 $ le litre. Là, du jour au lendemain,
on donne un décret où on coupe le prix de 0,045 $. On a
coupé les profits de ces gens-là de 0,045 $. Là, on les
étouffe. Mais ce à quoi on n'a pas pensé, c'est que les
autres gens du Québec, comme mes deux copains ici à
côté, et tous les autres qui ne sont pas en
périphérie, ils ont toujours été à 0,032 $
le litre. Depuis dix ans. C'est impensable dans une société comme
la nôtre. Toute personne qui a un commerce se doit, à toutes les
années, de subir des hausses, des hausses de salaire, de taxe,
d'électricité, de téléphone, etc. Ces
gens-là, en périphérie, ont fait une belle vie pendant
deux ans, c'est normal qu'ils soient étouffés aujourd'hui, on
leur enlève 0,045 $ le litre. Ils n'aiment pas celai
M. Gauthier: Je voudrais d'abord souligner au ministre que les 20
000 000 $ qu'il cherche sont peut-être passés là! En tout
cas, on nous l'apprend.
M. Lemay: Ils le savent.
M. Gauthier: Mais il y a quand même une chose que je
voudrais faire éclaircir. Au-delà du fait qu'il y a eu ou qu'il
n'y a pas eu une marge de profits plus importante dans la
périphérie ou dans la ville, je voudrais savoir en quoi une
fixation du prix par une structure autre que les forces du marché, avec
la possibilité qui existe toujours pour les pétrolières,
puisque je ne pense pas qu'on soit en Russie, d'ajuster leurs prix en fonction
de ce que cela leur coûte... Je voudrais connaître votre position
d'indépendant ou de distributeur là-dessus. Cela vous
enlève de la marge de manoeuvre. Ce qu'on nous a expliqué - en
tout cas, c'est ce que j'ai compris de la commission, à moins que je
n'aie rien compris - c'est que quand le vendeur, celui qui distribue, est
limité dans le prix et qu'en dessous la base varie, les gens du
Lac-Saint-Jean nous expliquaient très bien tantôt que la personne
qui est entre deux - c'est vous autres, cela -est mal prise. En quoi
pouvez-vous souhaiter être mal pris?
M. Lemay: Premièrement, nous ne sommes pas des revendeurs,
nous sommes des détaillants d'essence: les derniers au bout, avec la
pompe dans les mains, on sert les clients. D'accord? Quand nous parlons d'une
possibilité de régie des prix de l'essence ou d'un système
comme il en existe en
Nouvelle-Ecosse et qu'on appelle le "Public Utility Board", ces
gens-là, à la régie - c'est le nom que je lui donne parce
que je ne connais pas d'autres mots - prévoient un profit décent
pour le détaillant et non pas le profit actuel.
M. Gauthier: D'accord. Une partie de votre explication m'avait
échappé.
M. Lemay: Comme je le disais tantôt, c'est très
complexe et ce n'est pas aujourd'hui qu'on peut régler tout ce qu'on
pense pouvoir faire.
M. Gauthier: D'accord. Non. Je comprends. Je viens de comprendre
un peu mieux votre explication. La seule chose, c'est que... Maintenant, je
vais me placer du point de vue du consommateur. J'ai vu des compagnies
pétrolières - je prête évidemment foi, dans une
certaine mesure, à ce qu'elles nous ont dit - nous dire: Le rendement
sur mon capital investi n'est pas riche. Les détaillants d'essence nous
disent: Le rendement sur nos investissements dans nos stations-service n'est
pas riche. C'est ce que je comprends. Et le consommateur dit: L'essence est
trop chère. Ne craignez-vous pas que si les gens qui vendent, les
revendeurs, ceux qui distribuent l'essence aux consommateurs, participent
à une régie et se mettent à justifier que par rapport
à l'ensemble des stations-service, les installations, cela prendrait un
profit légitime de 0,07 $... Vous avez parlé tantôt de 0,06
$ à 0,07 $ dans les régions périphériques en disant
que c'était un profit honnête. Les pétrolières vont
faire à peu près la même chose, j'imagine; elles vont dire:
Investir de l'argent à 3 % ou 4 %, nous ne sommes pas
intéressées à le faire. Cela nous prendrait bien 10 %. Et
si j'étais pris pour juger, j'aurais envie de leur dire qu'ils ont
raison parce que, quand j'investis de l'argent chez eux, je veux bien que cela
profite. Donc, en additionnant vos demandes légitimes, les demandes
légitimes des pétrolières, le prix du brut, le coût
des salaires pour le raffinage, etc., les taxes, ne craignez-vous pas que le
consommateur se ramasse, finalement, avec l'effet contraire,
c'est-à-dire que le prix fixé soit très
élevé? N'est-ce pas une crainte que vous avez? (17 h 30)
M. Lemay: C'est exact. C'est une crainte qu'on a et c'est pour
cela que cela prend un organisme quelconque, qu'on l'appelle régie ou
autrement, le nom m'importe peu pour l'instant, mais cela prend un
contrôle quelconque pour faire en sorte que ni l'un ni l'autre n'abuse du
système. C'est ce qui se passe en Nouvelle-Écosse. Regardez le
prix, en Nouvelle-Écosse, au consommateur dont vous me parliez. Il paie
aujourd'hui 0,474 $. Pourtant, à Montréal, on
paie encore 0,54 $. Et tout le monde vit bien en Nouvelle-Écosse.
Je peux vou3 dire que mon détaillant fait un meilleur profit en
Nouvelle-Écosse qu'il n'en fait ici, à Montréal. Et les
pétrolières ont l'air de bien vivre; elles ne se plaignent
pas.
M. Gauthier: Évidemment, il y a des éléments
qui sont différents. Mais je comprends votre explication.
Autre question et dernière question., Vous avez parlé de
l'avantage de fixer un prix de l'essence à la raffinerie. Je voudrais
savoir en quoi les citoyens, qui sont ceux pour qui, finalement, on est
réuni ici parce qu'on s'est aperçu qu'ils avaient
été lésés d'une taxe que le gouvernement remettait
ou voulait leur voir remettre par le biais du commerce de l'essence,
auraient-ils la garantie d'avoir un juste prix, un meilleur prix pour davantage
profiter des générosités du gouvernement en fixant un prix
à la raffinerie? On a vu aussi, au cours des consultations, que certains
détaillants d'essence - peut-être légitimement ou non, je
ne porte pas de jugement de valeur - ont accaparé une part de la baisse
de la taxe, dans certains cas. En quoi le prix à la raffinerie
changerait-il la situation qu'on essaie de corriger ici, aujourd'hui?
M. Lemay: D'accord. Je peux vous donner un exemple rapidement.
Rappelons-nous le 11 novembre 1983, alors que le ministre Parizeau avait
baissé la taxe ascenseur de 0,04 $. Deux semaines après, le prix
a remonté encore de 0,04 $. Tout de suite, on a dit: Bien quoi, ce sont
les détaillants qui ont augmenté le prix. Les deux
détaillants qui sont ici pourront vous le confirmer, on a toujours
l'impression - tout le monde dit cela du côté des
pétrolières, évidemment - que ce sont les
détaillants qui fixent les prix. Je pourrais dire quelque chose de pas
gentil, mais je ne le dirai pas. Écoutez, quand mon détaillant
fait 0,03 $, si, ce matin, l'essence, à la raffinerie, se vend 0,51 $,
moi, j'ai 0,03 $ de profit et je vais la vendre 0,54 $. Mais si la raffinerie
la vend 0,57 $ demain matin, est-ce que je vais la vendre 0,57 $. Il faut bien
que j'aie 0,03 $ de profit là-dessus. C'est toujours la raffinerie qui
décide des prix; ce n'est pas nous.
M. Gauthier: Je comprends, monsieur, mais si le prix est
fixé à la raffinerie et qu'elle se vend 0,50 $ à la
raffinerie, pour faire un chiffre rond, il n'y a rien qui vous empêche de
prendre 0,03 $, cela fait 0,53 $. Votre voisin, qui a peut-être la
conscience un peu plus large ou le budget un peu plus élastique,
pourrait décider de l'acheter 0,50 $ et la vendre 0,58 $. S'il s'adonne
à être seul dans la municipalité Machin-Chouette et qu'il
n'a pas de concurrence ou s'il a un autre concurrent et qu'il s'entend avec lui
pour dire "On va vendre 0,58 $", en quoi le fait de contraindre les
pétrolières à un prix à la raffinerie sans jeu
possible nous donne-t-il plus de garanties que le jeu de la hausse ou de la
baisse ne se fera pas, mais cette fois exclusivement par les
détaillants? Est-ce qu'il y a une garantie ou si vous pensez que les
détaillants sont simplement, de façon générale,
plus....
Une voix: Désintéressés.
M. Gauthier: ...désintéressés que les
pétrolières sur ce plan ou plus intéressés au
consommateur?
M. Lemay: Non. Écoutez, quand on est dans le commerce, on
est là pour faire de l'argentc Bien sûr, s'il y a une
possibilité, on va la prendre. C'est pour cela qu'on dit toujours, dans
notre mémoire, que cela prend une certaine forme de contrôle
quelque part. Jusqu'à maintenant, tout ce qu'on a essayé, en tout
cas ici, cela n'a pas fonctionné. Ce qu'on a essayé en
Nouvelle-Écosse, cela fonctionne. Il y a un certain contrôle. Et
la chose qu'on n'est pas encore capable de contrôler en
Nouvelle-Écosse, c'est le monopole des compagnies
pétrolières qui, bien qu'elles disent le contraire - c'est normal
qu'elles disent le contraire - fixent les prix sur le marché. Alors,
nous prétendons -on peut se tromper, remarquez - que si on pouvait le
contrôler de leur côté à partir de raffinerie...
Le prix international, on a vu ce qui s'est passé et on n'a pas
pu le contrôler non plus. Et je ne pense pas qu'un jour on sera capable
de le contrôler. C'est vraiment très complexe. Mais on pense qu'il
serait plus simple de le contrôler à partir de la raffinerie et
que le reste des échelons à partir du consommateur, selon nous,
devrait être plus simple aussi à contrôler. Si on
décide d'embarquer dans la barque des pétrolières, on l'a
vu... Tout le monde a essayé de contrôler les prix des
pétrolières. On ne peut pas les contrôler, elles ne veulent
pas nous montrer leurs livres. Elles nous montrent les livres qu'elles veulent
et ce ne sont pas les chiffres qu'on veut. Si on ne peut pas avoir les
posssibilités légales ou autres d'aller fouiller dans les bons
livres des compagnies pétrolières, fonctionnons à partir
des prix qu'on connaît. Les autres, on ne les connaît pas et on ne
peut pas les connaître, elles ne veulent pas nous les montrer.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Lemay.
Je vais maintenant céder la parole au député des
Îles-de-la-Madeleine.
M. Farrah: Merci, M. le Président. Une brève
question. Vous semblez un peu dur envers les détaillants des
régions
périphériques en disant qu'ils ont bien beau chialer et
crier, ils ont fait 0,07 $ le litre pendant X temps et vos copains, entre
autres, font 0,034 $ ou 0,03 $ dans les régions peut-être
urbaines. Maintenant, n'est-il pas vrai que, pour ces gens qui font 0,07 $ ou
'0,06 $ le litre dans les régions périphériques, il y a
beaucoup moins de volume avec relativement les mêmes dépenses?
M. Lemay: Ah oui!
M. Farrah: Par exemple, le pompiste qui travaille pour nous
à la station service, qu'il serve 100 voitures ou 50 voitures dans la
même journée, il faut le payer quand même. À ce
moment-là, c'est relatif. On peut peut-être faire 0,034 $ le litre
à Montréal et on fait peut-être 0,07 $ le litre dans une
région périphérique, mais si je vends des milliers de
litres de plus dans un centre urbain, à ce moment-là, je pense
qu'il est peut-être normal que le profit soit plus bas au litre. Par
contre, il est bien évident que cela ne justifie pas non plus un profit
anormal ou surélevé dans les régions
périphériques. Je pense qu'il a lieu de croire, qu'il y a lieu
d'imaginer, et c'est normal, que la marge de profits soit plus
élevée en régions périphériques qu'en
régions urbaines.
M. Lemay: C'est exact. C'est d'ailleurs ce qui se passe en
Nouvelle-Écosse - on l'a mentionné tantôt - avec le "Public
Utility Board". Les profits ne sont pas les mêmes partout, mais il n'y a
pas d'écart de 0,04 $, quand même, d'un endroit à l'autre.
Les gens qui sont plus loin des centres ont un meilleur profit que ceux qui
sont plus près des centres parce que le volume est pris en
conséquence.
Le Président (M. Théorêt): Merci. Alors, M.
le député d'Ungava pour une question également.
M. Claveau: Oui, M. le Président. Vous avez dit tout
à l'heure - c'est à peu près dans la même
lancée que mon collègue des Îles-de-ia-Madeleine - qu'en
région il y a des détaillants qui se faisaient 0,07 $, 0,075 $ le
litre et qu'ils étaient chanceux. Et, maintenant que le gouvernement a
coupé de 0,045 $ le litre, ils crient parce qu'ils sont revenus à
un profit plus bas.
M. Lemay: C'est cela.
M. Claveau: Je ne sais pas si on interprète cela de la
même façon, mais les 0,045 $ le litre ou les 0,0445 $ le litre
-enfin, cela joue là-dedans - pour l'essence régulière
sans plomb, si on a coupé, à mon avis, ce n'est pas dans le
revenu du détaillant ou dans sa marge de profits, mais c'est dans la
marge de profits du gouvernement, c'est dans les taxes gouvernementales.
À ce moment-là, cela ne devrait pas affecter sa marge de
profits.
M. Lemay: Et pourtant, cela l'a affectée dans les deux
dernières années, avant le mois de juin, le décret.
M. Claveau: Ah oui! D'accord.
M. Lemay: Et M. le ministre peut vous le prouver.
M. Claveau: En fait, en décembre 1985, il y a eu une
baisse de 0,045 $, mettons.
M. Lemay: Oui.
M. Claveau: Mais, à ce moment-là, entre le 31
novembre 1985 et le 1er ou le 10 décembre, il y a eu une
différence dans la taxation, mais le profit du détaillant
était le même. Le profit n'a pas bougé. S'il a
bougé, c'est parce qu'il a récupéré ensuite une
certaine partie de ces 0,045 $ et qu'il a été obligé de
les enlever à nouveau avec le décret du mois de juin.
M. Lemay: Ce qui est arrivé, c'est que, voyez-vous, les
forces du marché - entre parenthèses, pour moi, ce sont les
pétrolières; ce sont elles qui ont le contrôle, elles ont
90 % du contrôle - dans le territoire... Quand le prix a augmenté,
le détaillant qui est à côté d'une
pétrolière qui a un libre-service - il n'est pas fou - l'a
monté lui aussi et il a gardé un petite manoeuvre, juste
concurrencer, jusqu'à ce qu'il gobe en entier les 0,045 $ qu'on a voulu
donner au consommateur. Cela s'est fait graduellement, non pas du jour au
lendemain. Cela s'est fait graduellement et personne n'a vu cela. Et personne
n'a vu non plus, quand on a baissé la taxe ascenseur de 0,04 $ en 1983,
que cela a augmenté d'un coup. La preuve, c'est que ce n'est pas encore
réglé.
M. Claveau: Mais ce je veux dire par ma question, c'est que ce
n'est pas cela qui a modifié la marge de manoeuvre du détaillant,
le profit du détaillant.
M. Lemay: Cela s'est ajouté à la marge de manoeuvre
qui était donnée par les pétrolières,
effectivement.
M. Claveau: Monsieur a demandé la parole.
Le Président (M. Théorêt): M. Decelles, un
dernier commentaire, si vous voulez. Allez, je vous écoute.
M. Decelles (Claude): Oui, pour
répondre à M. le député, nous, les
détaillants, nos taxes sont payées avant même de vendre le
produit. Comprenez-vous? À ce moment-là, si on a payé
0,144 $ le litre et qu'il y a eu une augmentation de taxes, on va en
bénéficier. S'il y a eu une diminution, on va perdre. On paie la
taxe avant même de vendre le produit. C'est cela qui fait la grosse
différence entre ces marges de profits.
Et pour répondre à M. le ministre qui disait tantôt
que les pétrolières ne détenaient que 20 % seulement dans
les zones périphériques, c'est normal parce qu'elles n'ont pas de
marché là et elles n'ont pas de profit à aller chercher
là. C'est dans les centres urbains qu'elles vont chercher leurs
profits.
Le député des Îles-de-la-Madeleine disait
tantôt: Elles vont chercher des profits additionnels dans les zones
périphériques. Oui, mais dans ces régions on vend deux
fois et trois fois moins que dans les zones urbaines. C'est pour cela que les
pétrolières ne sont pas intéressées à aller
dans les zones périphériques, il n'y a pas d'argent à
faire là. La majeure partie de l'argent, c'est dans les grands centres,
Montréal, Québec, dans les grands centres urbains qu'elles la
font. Dans les banlieues, elles ne veulent rien savoir, elles mettent des
locataires là-dedans, puis débrouillez-vous avec le peu de
manoeuvre que vous avez. C'est comme cela qu'elles procèdent.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M.
Decelles. Si j'ai bien compris votre intervention, chaque fois qu'il y a eu une
augmentation des taxes, vous en profitiez; donc, durant les dernières
années, cela a dû être bon parce qu'il y a eu beaucoup plus
d'augmentations que de diminutions.
Je cède maintenant la parole à M. le critique officiel de
l'Opposition.
M. Gauthier: M. le Président, j'apprécie votre
objectivité de président. Soyez sûr qu'on prend bonne note
de vos remarques*
Je vais simplement remercier les gens. Le temps commence à fuir
passablement vite et il y a d'autres personnes à entendre. Je limiterai
mes remarques finales à vous remercier d'avoir pris la peine de
préparer et de venir assister à cette commission parlementaire,
d'avoir présenté ce mémoire et d'avoir répondu
à nos questions avec tous les renseignements que vous pouviez nous
livrer à ce moment-là. Je vous remercie au nom de ma formation
politique.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
critique officiel.
M. le ministre.
M. Ciaccia: Je voudrais remercier l'Association des services de
l'automobile du
Québec pour son mémoire. Vous aviez mentionné qu'au
Québec on paie le litre d'essence au taux le plus cher au Canada. Je
vourais juste porter à votre attention qu'avec les décrets les
consommateurs du Lac-Saint-Jean paient moins cher, avec taxe, qu'à
Vancouver, Montréal, Charlottetown et Saint-Jean, Terre-Neuve. Au
Lac-Saint-Jean, cela se situe à 0,497 $ le litre et la moyenne
canadienne est de 0,486 $ le litre; cela, c'est avec taxe.
Cependant, je veux vous remercier pour vos propos et les
éléments que vous avez portés à notre attention.
J'apprécierais avoir plus d'informations ou une clarification sur les
termes du "Divorcement Law". Nous allons prendre note de ce que vous avez
porté à notre attention. Merci!
Le Président (M. Théorêt) Merci et bon voyage
de retour. Le temps d'inviter le groupe suivant, c'est-à-dire Suncor
Inc. (Sunoco), à se présenter à l'avant, nous allons
suspendre pour deux minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 43)
(Reprise à 17 h 45)
Le Président (M. Théorêt): Madame et
messieurs, au nom de la commission je vous souhaite la bienvenue à cette
consultation. Je vous demanderais, dans un premier temps, de vous identifier et
je vous rappellerais également que vous avez un maximum de vingt minutes
pour faire votre intervention.
Suncor Inc.
M. Kahalé (Georges): Merci, M. le Président. Mon
nom est Georges Kahalé. Je suis chef de région, vente au
détail du Québec. À ma droite, M. John Manion,
vice-président du marketing au détail pour Suncor, et, à
mon extrême droite, Mme Ginette Michalk, conseillère juridique. Je
vais faire la présentation, M. Manion ne parlant pas français,
mais si, durant la période de questions, il y a des questions qui lui
sont dirigées je me ferai un plaisir de les traduire pour la
commission.
Le Président (M. Théorêt): Je vous
remercie.
M. Kahalé: Je vais présenter Suncor Inc. ainsi que
Sunoco au Québec, je vais donner un aperçu de l'industrie, du
prix de détail de l'essence ainsi que les recommandations de notre
compagnie à la commission.
Le gouvernement du Québec a manifesté la volonté de
venir en aide aux régions périphériques de la province de
Québec. Suncor Inc. se réjouit d'avoir
l'occasion de présenter son opinion à la commission de
l'économie et du travail de l'Assemblée nationale du
Québec. Sunoco Inc. tient tout d'abord à préciser qu'elle
gère seulement deux stations-service situées dans des
régions périphériques et ne possède aucun
établissement dans ces secteurs. La société n'est, par
conséquent, pas touchée de façon considérable par
les mesures adoptées récemment par le gouvernement afin de
réglementer le prix de l'essence dans ces régions.
Suncor dirige son exploitation en fonction des objectifs qui suivent:
Suncor est une société pétrolière
intégrée canadienne, composée d'employés
professionnels et dévoués qui servent les clients et la
communauté d'une manière exceptionnelle, améliorent les
actifs des actionnaires et fournissent un rendement supérieur à
celui des compétiteurs.
À ce titre, ia société estime qu'il est de ses
responsabilités de présenter son opinion sur ces mesures et de
participer à un franc dialogue avec la commission. Suncor estime que ces
entretiens peuvent conduire à des mesures qui assureront à la
fois l'établissement d'un marché ouvert et la fourniture d'un
appui et d'une aide aux résidents des régions
périphériques.
Un bref aperçu sur Suncor Inc. Suncor est une
société appartenant essentiellement à Sun Company de
Radnor, en Pennsylvanie, et à la Ontario Energy Resources Ltd., une
société commerciale appartenant de façon indirecte
à la province de l'Ontario.
Suncor, en sa qualité de société
pétrolière entièrement intégrée, effectue
des travaux d'exploration et de production de pétrole brut, de gaz
naturel et de liquides de gaz naturel. Elle produit également du
pétrole brut synthétique et assure le raffinage, la distribution
et la mise en marché de produits pétroliers et
pétrochimiques.
La société est divisée en trois groupes
opérationnels: le groupe des ressources, dont les bureaux principaux
sont situés à Calgary, le groupe des sables bitumineux, dont les
bureaux se trouvent à Fort McMurray, et le groupe Sunoco qui dirige les
activités de raffinage et de marketing de Suncor. Elle emploie
près de 4000 personnes au Canada. Enfin, son siège social est
à Toronto.
Sunoco au Québec. Sunoco assure la commercialisation des
carburants à l'échelle régionale, principalement sur les
marchés du Québec et de l'Ontario. Ses activités de vente
d'essence au détail au Québec sont menées par le biais
d'un réseau de 233 stations-service; 173 de ces établissements
affichent la marque Sunoco et 60 autres sont gérés par Sunoco
pour le compte d'autres entreprises, incluant deux stations situées dans
les régions périphériques.
Suncor assure la commercialisation du mazout domestique au
Québec, en grande partie par l'intermédiaire de distributeurs de
mazout indépendants. Elle exploite aussi des usines de mélange et
de conditionnement de lubrifiants à Montréal et à Toronto,
et les produits fabriqués sont vendus dans tout le pays.
Par l'ensemble de ses activités directes, de celles de ses
filiales et de ses détaillants, Sunoco fournit de l'emploi à plus
de 1000 personnes dans la province de Québec.
Enfin, entre 1980 et 1987, Suncor a consacré 16 500 000 $
à des projets d'investissement au Québec, y compris de nouvelles
constructions, des projets de revalorisation et de remplacement des
réservoirs de stockage souterrains, etc.
Un bref aperçu de l'industrie. Tandis que Suncor investissait 16
500 000 $ afin d'améliorer les services existant au Québec, la
demande intérieure globale du Canada en matière de produits
pétroliers a diminué de près de 24 % et la demande du
Québec a baissé de 39 %. Au cours de la même
période, les produits d'exploitation provenant du raffinage et du
marketing en aval n'ont pour ainsi dire pas augmenté, reflétant
ainsi la chute marquée de la demande.
Le rendement du capital utilisé au sein de l'industrie
pétrolière en aval, bien qu'à la hausse depuis peu, est
demeuré plus faible que le rendement tiré des industries de
fabrication. Ce phénomène s'est manifesté de façon
plus particulière en Ontario, où un prix anormalement bas de
l'essence a conduit à l'enregistrement de rendements très bas ou
même négatifs depuis 1982.
Le prix de détail de l'essence. Le prix versé par le
consommateur de la province de Québec pour le carburant a
été, pendant un certain nombre d'années, un des plus
élevés au Canada. Dans toute étude du prix de l'essence,
il est important de reconnaître les différentes composantes qui
influent sur le prix telles que les coûts liés au brut, les taxes
fédérales et provinciales, les coûts d'un raffinage et d'un
marketing concurrentiels, les marges bénéficiaires des
détaillants privés et les marges bénéficiaires des
sociétés pétrolières.
Les taxes provinciales du Québec composent une importante part du
prix de l'essence versé par le consommateur et correspondent à
une grande partie de l'écart de prix relevé entre Toronto et
Montréal.
La portion du prix en vigueur chez le distributeur au Québec
représentant les frais de raffinage et de marketing, le rendement du
capital investi s'approche de la moyenne canadienne.
Les écarts entre les marges tirées du raffinage et du
marketing de l'essence en Ontario et au Québec reflètent les
différences entre les deux marchés.
La population de l'Ontario dépasse celle du Québec de 39
%. La province de
l'Ontario se caractérise par une plus grande concentration de la
population dans des centres urbains, ce qui permet d'atteindre une
efficacité accrue et de tirer avantage d'économies
d'échelle, c'est-à-dire d'un plus grand nombre de marchés
plus importants générant une concurrence intensifiée. En
outre, contrairement à l'Ontario, le Québec ne jouit pas d'un
accès direct de même importance aux diverses sources
d'approvisionnement en produits américains à court terme.
L'établissement du prix du marché dans les régions
périphériques du Québec, ou de toute autre province dans
la même situation, rend compte des frais de transport, des frais de
stockage et des coûts en capital additionnels associés à
l'approvisionnement de marchés géographiquement dispersés.
La limitation des forces naturelles agissant au sein des marchés
pourrait se traduire par des rendements encore moins élevés et
peut-être même conduire à l'abandon des
établissements dans les régions périphériques par
certaines entreprises, ce qui diminuerait la concurrence dans ces secteurs
ainsi que les services offerts aux consommateurs.
Les raffineries fabriquent des produits autres que l'essence. Bien que
les prix établis en fonction de celui du pétrole puissent en tout
temps varier entre le Québec et l'Ontario, les marges relatives aux
ventes en gros de tous les produits, sur la base du nombre total de barils de
pétrole brut, sont assez semblables dans les deux provinces.
Recommandations au sujet des zones périphériques. Le
gouvernement du Québec a indiqué qu'il désirait apporter
son aide aux régions périphériques de la province. Suncor
pense que les objectifs à long terme de cette commission ainsi que du
gouvernement du Québec devraient permettre l'établissement d'un
marché ouvert assurant une flexibilité suffisante pour satisfaire
aux demandes des consommateurs et permettre aux entreprises d'obtenir un taux
approprié de rendement du capital investi déterminé par le
marché.
Suncor ne croit pas que la réglementation du prix de l'essence
permette d'atteindre les objectifs visés par le gouvernement. La
Commission sur les pratiques restrictives du commerce affirmait ce qui suit,
dans son rapport intitulé "La concurrence dans l'industrie
pétrolière canadienne". Je cite: "II est difficile pour la
commission de concevoir une restriction du marché dans cette industrie
qui ne nuirait pas, à notre avis, à l'intérêt
public."
Suncor estime que la réglementation du prix de l'essence ne
constitue pas une solution efficace en vue de venir en aide aux régions
périphériques.
La réglementation du prix des carburants dans certaines
régions signifie que les avantages présentés par ces
mesures ne bénéficieront pas seulement aux résidents de ce
secteur, mais également aux touristes et aux véhicules
commerciaux traversant ces régions, de même qu'aux conducteurs qui
se rendront dans ce secteur afin d'acheter de l'essence au prix
réglementé. Une telle situation peut engendrer des injustices
pour les détaillants oeuvrant dans des régions où la
structure fiscale est différente.
Suncor croît aussi que la réglementation du prix de
l'essence limite la capacité de l'industrie de s'ajuster aux demandes
des consommateurs.
L'imposition de contrôles sur le prix de l'essence pourrait, en
dernière analyse, désavantager les citoyens d'une province. Car,
dans toute industrie, une certaine flexibilité est essentielle en vue de
satisfaire aux demandes pressenties au sein du marché et d'assurer des
taux appropriés de rendement déterminés par le
marché afin que de nouveaux investissements puissent être
effectués. Ce n'est qu'avec ces investissements que nous pourrons
compter sur une industrie en aval stable, moderne et efficiente, capable de
fournir aux consommateurs à la fois des produits et des services de
grande qualité.
Suncor juge que le précédent établi par la
réglementation du prix de l'essence pourrait éventuellement
conduire à l'instauration de mécanismes de contrôle des
prix additionnels régissant différents biens et services.
La société pense que le gouvernement de la province
devrait tenter de trouver d'autres solutions qui bénéficieraient
plus directement aux résidents des régions
périphériques tout en préservant et en stimulant un
marché libre et ouvert. Suncar soumet donc les recommandations suivantes
à l'attention de la commission et du gouvernement: un
dégrèvement d'impôt sur le revenu. Cette mesure peut
prendre la forme d'un crédit d'impôt accordé aux
résidents de ces régions périphériques.
Deuxièmement, un programme de remise. Les citoyens
résidant dans des régions périphériques seraient
admissibles à un pourcentage de remise sur tous leurs achats d'essence
effectués au cours de l'année, accordée sur
présentation de leurs reçus au gouvernement. Un programme
semblable a été instauré en Saskatchewan, au mois de juin,
qui a accordé une remise de 7 %.
Troisièmement, une tarification à deux volets
établie en fonction des permis de conduire. Pour obtenir le permis de
conduire, les résidents des régions périphériques
débourseraient un montant moins élevé que les citoyens des
autres régions du Québec. Une tarification de ce genre a
été établie avec succès pour les résidents
du Nord de l'Ontario.
Ou bien, on pourrait avoir une tarification à deux volets
établie en fonction des plaques d'immatriculation. De façon
similaire à la tarification basée sur les permis de conduire,
cette tarification serait établie de telle sorte que les personnes
déclarant que leur résidence principale se trouve dans une
région périphérique paieraient, à l'achat de leur
plaque d'immatriculation, un montant moindre que les résidents des
autres régions de la province.
Suncor se réjouit de cette occasion de collaborer avec la
commission de l'économie et du travail et le ministre de
l'Énergie et des Ressources afin de trouver une solution
équitable tant pour l'industrie que pour tous les citoyens du
Québec. Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Kahalé. M.
le ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier
d'avoir déposé un mémoire bien étoffé devant
cette commission, en dépit du fait que vous n'exploitiez que deux
stations dans les régions périphériques. Alors, on
apprécie les informations et l'effort que vous faites pour
comparaître devant la commission pour nous informer des différents
éléments de l'industrie et des recommandations que vous
proposez.
I want to thank you for submitting a brief to this Parliamentary
Committee, even though we are aware that you only have two stations in the
outlying regions of Québec. We appreciate the elements that you have
brought to our attention and we propose to ask you certain questions concerning
the contents of your brief.
Vous soulignez, en page 4 de votre mémoire, qu'un prix
anormalement bas de l'essence a conduit à l'enregistrement de rendements
très bas en Ontario. Diriez-vous que le rendement obtenu par l'industrie
au Québec, au chapitre de la vente des carburants, est meilleur ou pire
qu'en Ontario? (18 heures)
M. Kahalé: Je ne pourrais pas répondre à
cette question parce que nous, en tant que compagnie, nous évaluons le
rendement global pour la compagnie, nous ne divisons pas cela par province.
Les chiffres que nous avons sur l'industrie, qui sont fournis par le
ministère de l'Énergie et des Ressources, sont globaux aussi
Alors, nous ne pouvons pas les comparer à une province en
particulier.
M. Ciaccia: Vous mentionnez que l'établissement des prix
de l'essence dans les régions éloignées du Québec
ou de toute autre province doit notamment rendre compte des coûts en
capital additionnel associé à l'approvisionnement de
marchés géographiquement dispersés. Est-ce possible
d'avoir une idée de l'ordre de grandeur de ce type de coûts dans
le marché québécois, en termes de litres d'essence si
c'est possible, ou si vous n'avez pas les chiffres pour le marché
québécois, parce qu'il n'y a pas beaucoup de stations, est-ce
possible d'avoir ces montants sur le marché ontarien?
M. Kahalé: Je' vous dirai que même en Ontario nous
ne sommes pas très forts dans les régions dites
périphériques et, vu que nous ne le sommes pas non plus dans les
régions périphériques du Québec, nous estimons
qu'il y a sûrement des coûts de construction, de dépôt
pour acheminer le produit dans ces régions ou des coûts de
transport qui sont quand même assez élevés, une flotte de
camions peut-être plus grande, plus importante que d'habitude. C'est
notre point de vue là-dessus, sans avoir des coûts réels
parce que nous ne sommes pas dans ces régions.
M. Ciaccia: Merci. Puisque tous les mémoires que la
commission a reçus de l'industrie, dont le vôtre, se rejoignent
sensiblement dans les recommandations - ce sont à peu près les
mêmes recommandations - je peux en déduire que c'est unanime, que
ce n'est pas le fruit du hasard et que les solutions que vous mettez de l'avant
ont été largement étudiées par votre industrie.
Alors, je me permettrais donc de vous utiliser comme témoin
privilégié sur cette question.
Premièrement, quant à la solution du rabais sur les droits
d'immatriculation des véhicules automobiles, pouvez-vous me donner un
aperçu du fonctionnement du système ontarien?
M. Kahalé: Je ne peux pas rentrer dans les détails
mais, à ma connaissance, les résidents de certaines
régions désignées par le gouvernement de l'Ontario
obtiennent des réductions sur les frais de permis de conduire.
M. Ciaccia: Mais cette solution préconise une
réimposition de la surtaxe que l'on vient de...
M. Kahalé: Toutes nos solutions préconisent ceci
parce que, naturellement, si le gouvernement doit faire des remises, il faut
bien qu'il ait les revenus quelque part. Cela serait de rétablir la taxe
où elle était et, ensuite, de rembourser les eitoyens de ces
régions.
M. Ciaccia: Le programme de remise sur le prix de l'essence
accessible aux seuls résidents d'une région, savez-vous comment
un tel programme fonctionne ou
fonctionnerait? On dit qu'un programme de cette nature, qui a
récemment été mis en vigueur par la Saskatchewan, provoque
toutes sortes de remous dans la population. Êtes-vous au courant de cette
situation? Avez-vous des stations en Saskatchewan?
M. Kahalé: Non. Excusez-moi. Comme je l'ai
mentionné, nous faisons la commercialisation de nos produits juste en
Ontario et au Québec. Les consommateurs de la Saskatchewan accumulent
leurs reçus durant l'année et, quand vient le temps de faire leur
rapport d'impôt, ils ont une formule spéciale sur laquelle ils
soumettent les achats d'essence, avec les reçus à l'appui, et ils
peuvent obtenir leur remise là-dessus.
M. Ciaccia: II semble y avoir des problèmes; cela impose
au contribuable qu'il ramasse tous ses reçus et, la nature humaine
étant ce qu'elle est, ceux qui ne les accumulent pas, à la fin de
l'année, n'ont pas de moyen d'obtenir un rabais, alors cela provoque un
certain mécontentement dans la population. C'est un programme qui
dépend des actes des consommateurs et qui impose assez de contraintes.
Cela ne donne pas comme résultat une remise totale de ce que le
gouvernement perçoit des mêmes consommateurs.
M. Kahalé: Naturellement, nous proposons plusieurs
solutions. Nous ne précisons pas comment le mécanisme devrait
fonctionner aujourd'hui. Je suis certain que toute solution a un
inconvénient à un moment donné pour quelqu'un ou pour
certains groupes de consommateurs.
M. Ciaccia: Toujours à la page 16 de votre mémoire,
vous proposez comme solution une double tarification des prix de l'essence qui
permettrait aux résidents des régions désignées
d'obtenir un prix réduit pour leur essence sur présentation de
leur permis de conduire. J'ai de la difficulté à imaginer comment
pourrait fonctionner un tel système, c'est vraiment un rabais fiscal.
Est-ce que pourriez préciser cela quelque peu?
M. Kahalé: Excusez-moi, pour le permis de conduire, ce que
nous disons, c'est ceci: Pour obtenir le permis de conduire, les
résidents des régions périphériques
débourseraient un montant moins élevé. Je n'ai pas le
texte, excusez-moi, non, je vais seulement voir le texte de l'autre...
M. Ciaccia: Est-ce que vous ne proposez pas une réduction
du prix de l'essence sur présentation du permis de conduire?
M. Kahalé: Non, pas du tout!
M. Ciaccia: Ce n'est pas cela que vous...
M. Kahalé: Ce que nous voulions dire, excusez-moi, c'est
mal expliqué: Une tarification à deux volets. Là, c'est le
permis de conduire qui permettrait aux résidents des régions
périphériques de bénéficier d'une réduction
de prix sur présentation de... Non, ce n'est pas cela que nous voulions
dire.
M. Ciaccia: Ah! Vous voulez seulement une réduction...
M. Kahalé: Quand ils achètent leur permis de
conduire, ils obtiennent une réduction sur le coût de leur permis
de conduire s'ils résident dans ces régions
périphériques. Ce n'est pas de présenter le permis de
conduire à chaque achat.
M. Ciaccia: Ah! Excusez-moi! M. Kahalé: Non.
M. Ciaccia: J'avais compris qu'en présentant le permis de
conduire on obtenait...
M. Kahalé: Non, excusez-moi, c'est mal expliqué,
oui.
M. Ciaccia: Merci. M. Kahalé: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre. M.
le député de Roberval.
M. Gauthier: Oui. Je voudrais saluer les gens de Suncor et
j'aurais une couple de questions à vous poser en vue
d'éclaircir... On a vu un peu plus tôt, au cours de la commission
parlementaire, que les autres entreprises pétrolières, durant la
période du décret, ont augmenté à quelques
occasions le prix du produit qu'elles vendent à leurs stations-service,
qu'elles distribuent à leurs stations-service. Elles ont fait subir une
augmentation dont nous ont parlé les indépendants un peu plus
tôt au cours de cette journée. J'aimerais savoir de la part de
votre entreprise, qui n'est à peu près pas concernée par
te décret finalement, s'il y a également eu des hausses du
coût de votre produit durant les mois de juin et juillet, à partir
du prix que vous demandez à vos détaillants.
M. Kahalé: Dans les régions
périphériques ou en général, dans la province?
M. Gauthier: Non, étant donné que vous êtes
très peu dans les régions périphériques...
M. Kahalé: Oui.
M. Gauthier: ...je parle uniquement des régions
centrales.
M. Kahalé: II y a eu des rajustements de prix dus au prix
du brut, oui.
M. Gauthier: II y a eu...
M. Kahalé: Oui.
M. Gauthier: Est-ce que vous pouvez me dire s'il y a eu un ou
deux rajustements, et de quel ordre? Est-ce que vous avez les chiffres?
M. Kahalé: Je dirais un ajustement, en fait, de 0,02 $ le
litre, mais je veux dire...
M. Gauthier: C'est approximatif?
M. Kahalé: C'est approximatif mais c'est dans ce point,
oui.
M. Gauthier: D'accord. Alors, probablement que cet ajustement
n'était pas pour récupérer, j'imagine, la taxe dans les
régions périphériques, puisque vous y avez deux stations
seulement, si j'ai bien compris.
M. Kahalé: Nous gérons deux stations qui
appartiennent à d'autres entreprises, oui, c'est cela.
M. Gauthier: II y a une question que je voudrais poser
également, concernant le graphique C dans votre mémoire,
d'ailleurs, qui est préparé avec une qualité remarquable
en ce qui concerne les graphiques. Vous nous faites le graphique du prix de
détail de l'essence excluant les taxes provinciales, Ontario,
Québec, provinces de l'Ouest et provinces de l'Atlantique. Ce que je
remarque, à la lecture du graphique, c'est que la différence de
prix de détail, excluant les taxes provinciales, entre l'Ontario et le
Québec est au moins aussi grande, et dans certains cas beaucoup plus
grande, qu'elle ne l'est entre le Québec et les provinces de
l'Atlantique.
Or, comme explication à cette différence positive en
faveur de l'Ontario, vous parlez de la grande concentration de population et
vous dites même que vous vendez vos produits uniquement, ou à peu
près uniquement, là où il y a des concentrations de
population dans le Sud de l'Ontario. J'ai de la misère à
comprendre que la différence qui se trouve à être à
l'avantage de l'Ontario par rapport au Québec au niveau des
concentrations de population soit moins grande, ou presque inexistante à
certaines périodes, ou équivalente entre le Québec et les
provinces de l'Atlantique parce que les provinces de l'Atlantique ne regorgent
pas d'énormes concentrations de population. J'aimerais savoir s'il y a
un autre facteur qui joue que celui des concentrations de population. Si oui,
quel est-il?
M. Kahalé: Mais il y a plusieurs facteurs qui jouent dans
la détermination d'un prix. Il y a la concentration, la circulation, il
y a les sources d'approvisionnement qui sont plus ou moins proches ou
éloignées, il y a aussi le prix domestique du brut, le prix
international du brut selon l'endroit où on s'approvisionne.
M. Gauthier: Oui. Je suis d'accord ià-dessus mais, quand
on parle d'approvisionnement, outre la question de l'approvisionnement
américain, de la proximité de l'approvisionnement
américain dont on nous a parlé un peu plus tôt, les
problèmes d'approvisionnement au Québec par rapport à
l'Ontario s'arrêtent là, j'ai l'impression; ils s'arrêtent
à la proximité de l'approvisionnement américain, mais le
même désavantage n'existe pas entre le Québec et les
provinces maritimes.
Ce que j'ai de la misère à comprendre, c'est que dans
votre graphique, quand on le regarde froidement de façon très
empirique, on dit: Cela coûte tant pour vendre de l'essence en Ontario,
cela coûte dans une certaine proportion un peu plus cher pour la vendre
au Québec, puis cela coûte dans une proportion moins grande pour
la vendre dans les provinces maritimes. J'aurais cru que la différence
approvisionnement, marché, concentration de population qu'il y a entre
l'Ontario et le Québec serait moins importante que les
différences qu'il y a entre les les provinces maritimes et le
Québec, compte tenu des facteurs dont on a parié. Est-ce que ce
n'est pas le cas?
M. Kahalé: Cela est le prix de détail à la
pompe, ce n'est pas le coût de production du produit, cela est le montant
que le consommateur paie à la pompe excluant les taxes, ce qui fait que
dans les régions de l'Atlantique, c'est plus cher qu'au
Québec.
M. Gauthier: Oui, c'est plus cher mais proportionnellement, en
différence avec le Québec et entre le Québec et l'Ontario,
en tout cas, il m'apparaissait qu'il aurait pu y avoir plus de
différences, compte tenu des facteurs dont vous avez parlé.
Une dernière question. Je l'ai posée à l'ensemble
de l'industrie pétrolière. Évidemment, vous écartez
le contrôle, toute forme de contrôle plaidant pour un libre
marché. Maintenant, il y a un problème qui se pose; ce
problème-là, les citoyens nous l'ont un peu livré et on
essaie de le régler. Il arrive que les forces du marché jouent
très négativement, dans certains coins, en la
défaveur du consommateur et on a même vérifié
qu'en certaines circonstances il aurait pu y avoir des
récupérations sur le dos des consommateurs. C'est ce que le
gouvernement, j'imagine, veut éviter dans l'avenir; c'est le
problème auquel on s'attarde aujourd'hui.
Au cours de cette commission, il y a un élément qui a
semblé faire consensus chez les compagnies pétrolières; en
ne voulant pas de contrôle rigide, les compagnies
pétrolières, pour l'essentiel, se sont dites d'accord ou
volontaires - entre guillemets - pour participer à la mise sur pied, pas
pour participer mais pour voir à la mise sur pied d'un groupe de
supervision ou de discipline du marché ou de vérification du jeu
dans les prix. Tout le monde disait: Ce n'est pas le parfait bonheur mais, s'il
y a quelque chose à faire, et on comprend qu'il y a peut-être
quelque chose à faire, si le gouvernement se dirigeait là-dedans,
cela ne nous déplairait pas au point où on se sentirait incapable
de poursuivre nos affaires chez vous. Est-ce que c'est la même chose dans
le cas de Sunoco?
M. Kahalé: Oui, comme je l'ai mentionné plus
tât, nous sommes prêts à collaborer avec les membres de la
commission parlementaire ainsi que le gouvernement à
l'élaboration de tout ce qui pourrait faire bénéficier les
citoyens du Québec, mais tant que ce n'est pas un système de
contrôle des prix, nous sommes prêts à nous asseoir et
à en discuter.
M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup.
M. Kahalé: Merci.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Roberval.
Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Nous allons maintenant passer au mot de la fin. M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: Remarquez bien qu'à la fin, ce n'est jamais
moi qui ai le mot de la fin, mais enfin, c'est le mot de l'avant-fin que je
vais dire et le ministre dira le mot de la fin.
Je veux simplement remercier Suncor qui a pris la peine de venir en
commission parlementaire, même s'ils étaient moins
affectés, je l'ai dit tout à l'heure, par le problème qui
nous préoccupe. Je voudrais souligner la qualité des graphiques
qui nous sont fournis, dans lesquels nous pouvons puiser une mine de
renseignements. Cependant, je crois bien que, plus la commission avance, plus
on prend conscience de la nécessité à tout le moins - les
intervenants précédents nous t'ont dit - de discipliner ce
marché qu'est le marché pétrolier. Tout est dans le choix
de la mesure, évidemment, et je sais que le ministre, là-dessus,
prendra ses décisions. Soyez assurés, comme on l'a dit à
l'ensemble des autres intervenants, qu'on va tenir compte des
éléments qui sont contenus dans votre mémoire, comme on va
le faire dans le cas de tous les mémoires qui nous ont été
présentés jusqu'à maintenant. Je vous remercie
beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Merci. M. le ministre.
M. Ciaccia: Je veux, pour ma part, remercier les
représentants de Suncor pour leur mémoire qui contient beaucoup
d'information qui peut être très pertinente. C'est un
mémoire bien étoffé. Plusieurs des recommandations, je
crois, suscitent des moyens qui seraient peut-être moins acceptables aux
consommateurs et nous devons tenir compte de cet aspect, spécialement
les suggestions que vous avez faites, que plusieurs autres
pétrolières ont faites également, d'aide aux
régions en réimposant la taxe.
Vous portez à notre attention des mesures qui existent dans le
Nord de l'Ontario ou en Saskatchewan. Ces mesures ont été mises
en place sans réduire les taxes dans ces régions. Nous avons
peut-être fait foi aux pétrolières quand on a réduit
la taxe et, si on avait à recommencer, avec cette expérience, on
adopterait peut-être les mesures que vous suggérez. On ne
réduirait pas la taxe aux consommateurs, mais on utiliserait
plutôt d'autres moyens.
Ce qui est malheureux dans l'expérience qu'on a vécue au
Québec, c'est que cela me porte à hésiter à
recommander des baisses de taxes parce que si, chaque fois qu'on va baisser les
taxes, ce n'est pas le consommateur qui en bénéficie, mais
plutôt un bénéfice partagé entre les
pétrolières et les détaillants, ce qui a été
établi clairement, cela rend plus difficile une décision du
gouvernement de le faire et, pourtant, c'est cela que les consommateurs
souhaitent.
De toute façon, on va prendre les décisions qui vont
s'imposer. On va analyser votre mémoire ainsi que tous les autres. Nous
vous remercions pour votre présentation aujourd'hui.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre.
Au nom des membres de la commission parlementaire, il me reste à
vous remercier pour ce document que vous nous avez présenté.
M. Kahalé: Merci de nous avoir écoutés.
La Présidente (Mme Hovington):
J'inviterais le dernier groupe à se présenter
en avant. Il s'agit du Regroupement des détaillants d'essence des
environs de Matane qui est représenté par M. Carol Gauthier, le
président.
Nous allons suspendre nos travaux une minute ou deux pour laisser le
temps à M. Gauthier de s'installer.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 18 h 21)
La Présidente (Mme Hovington): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux. Permettez-moi de souhaiter la
bienvenue plus particulièrement à mon commettant de Matane -
étant donné que je suis la députée de Matane, je
peux me le permettre - en la personne de M. Carol Gauthier, qui est le
président du Regroupement des détaillants d'essence des environs
de Matane. Je vous souhaite la bienvenue à Québec, M. Gauthier.
La commission vous écoute.
Regroupement des détaillants d'essence des
environs de Matane
M. Gauthier (Carol): M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources John Ciaccia, madame et messieurs les députés, membres
et intervenants de cette commission, nous, détaillants d'essence de la
région de Matane, voulons profiter de cette commission parlementaire
dans le but de nous faire entendre sur la situation désastreuse que nous
avons à vivre présentement dans ta vente au détail de
l'essence, situation qui était des plus difficiles avant le 16 juin
1987, mais qui est devenue impossible depuis l'imposition unilatérale du
décret 927-87 qui fixe le prix maximal de vente de l'essence dans les
régions 01, 02, 08 et 09.
Il y a quelques années, les détaillants d'essence du
Québec ont eu à faire des représentations auprès du
gouvernement et des pétrolières, en allant même
jusqu'à la grève, pour essayer de se faire entendre sur la
situation qui existait et qui prévaut toujours dans ce secteur. On ne
peut réussir à conserver une marge de profits raisonnable, comme
tout autre secteur économique, en étant à la merci
à la fois des pétrolières et du gouvernement qui exigent
toujours plus en nous en donnant toujours moins.
Par exemple, par l'imposition de la taxe ascenceur, le gouvernement a
contribué à faire augmenter nos frais de fonctionnement. Par les
surtaxes, l'État a fait progresser artificiellement le coût des
inventaires que les détaillants doivent assumer par leur marge de
crédit, ce qui a eu un effet direct sur les intérêts
bancaires qu'ils doivent payer. Les pénalités que nous avons
à payer sur les paiements par cartes de crédit comme Visa,
Chargex, Mastercard et certaines cartes de crédit émises par les
pétrolières, ont aussi augmenté. Plus la taxe est
élevée, plus nous sommes pénalisés. En effet, un
montant de 2 % est retenu sur toute vente par carte de crédit. Si, dans
l'ensemble, les taxes provinciale et fédérale représentent
45 % à 50 % de chaque vente, le détaillant doit donc assumer une
perte de 1 % - 2 % de 50 % - à la suite des taxes gouvernementales.
Il y a aussi les coûts engendrés par les nouvelles
assurances environnementales obligatoires, que ce soit pour les
réservoirs ou pour les huiles usées, et par l'obligation
d'assurer séparément le compresseur à air ou toutes autres
chaudières.
Les pétrolières, pour la plupart multinationales et sans
aucun contrôle gouvernemental, n'ont cessé d'augmenter les points
de vente qui sont souvent leur propriété. De cette façon,
elles nous font une concurrence déloyale en contrôlant la vente au
détail et en fixant les prix que nous devons suivre pour demeurer
concurrentiels. Mais elles savent maintenir leur marge de profit. Il suffit de
vérifier avec quelle facilité elles réussissent à
s'entendre pour annoncer une nouvelle hausse du prix de leurs produits, chacune
à son tour, à une ou deux heures d'intervalle.
Les abus décelés par le ministre ne sont pas dans la vente
au détail où prévaut une concurrence féroce, mais
beaucoup plus dans la production et chez les pétrolières. Si les
compagnies pétrolières s'infiltrent de plus en plus dans la vente
au détail, ce n'est pas pour le profit que procure la vente au
détail, mais pour augmenter leur part de marché, donc leur volume
et, par la suite, les profits qu'elles font sur la production et la
distribution.
Depuis le 16 juin 1987, nous avons à subir un décret qui
se traduit par une très grande injustice. À la suite de
l'échec des négociations entre le gouvernement du Québec
et les pétrolières, ce sont les détaillants
indépendants qui doivent assumer les frais des augmentations de prix
imposées par les pétrolières.
Dans ses déclarations ministérielles sur le prix de
l'essence dans les régions périphériques, M. le ministre
de l'Énergie et des Ressources dit avoir fait connaître
publiquement et à maintes reprises sa préoccupation face à
l'évolution des prix de l'essence dans ces régions. Toujours
selon le ministre, la baisse décrétée en décembre
1985 a commencé à s'éroder au profit des
pétrolières et, à un degré moindre, au profit des
détaillants d'essence et ce, dès juin 1986.
Devant cette situation, vous êtes personnellement intervenu
auprès des pétrolières dès octobre 1986 et, selon
ces dernières, la responsabilité des prix à la
pompe était imputable aux détaillants.
Une étude détaillée, réalisée au sein
de votre ministère, sur la question des disparités des prix de
l'essence au Québec a révélé que les
détaillants ne sont pas les seuls responsables des augmentations.
Devant ces faits, vous êtes intervenu de nouveau auprès des
pétrolières, le 15 mai dernier, en leur enjoignant de
procéder immédiatement au réajustement à la baisse
des prix dans les régions périphériques.
Après plusieurs rencontres auprès des
pétrolières qui ne niaient pas que les prix aient
augmenté, dans plusieurs cas, les dirigeants de ces compagnies ont
même admis que l'augmentation est aussi le fait des
pétrolières et non seulement des détaillants.
Ainsi, malgré vos interventions et celles du premier ministre,
vous n'avez d'autre choix que de constater qu'aucune pétrolière
n'a corrigé la situation.
Vous vous êtes alors engagé à agir avec
fermeté pour redonner le plein effet à la mesure fiscale
annoncée par le ministre des Finances. Premièrement, le
gouvernement a décidé de promulguer la loi modifiant la Loi sur
le commerce des produits pétroliers sanctionnée le 30 juin 1976.
Deuxièmement, le gouvernement annonce qu'il se prévaut des
dispositions de cette loi qui l'autorisent à décréter le
prix maximal des produits pétroliers, lorsqu'une telle mesure s'impose
dans l'intérêt public. Enfin, il y a imposition du décret
927-87 pour 90 jours.
Pourtant, vous tenez à préciser, lors d'une
déclaration: "Je m'attends toutefois à ce que cette baisse des
prix soit répartie équitablement entre les
pétrolières et les détaillants", tout en vous engageant
à suivre la situation de près et en vous réservant la
possibilité d'intervenir.
Comme gouvernement responsable et bon gestionnaire des fonds publics,
vous devez vous assurer que les consommateurs profitent pleinement des mesures
établies en leur faveur. Ce sont là des démarches et des
mesures très louables pour le public et, à cet effet, vous avez
atteint vos objectifs. Mais, là où il y a une faute, c'est
lorsqu'il faut identifier qui doit payer la facture.
Pour nous, les détaillants d'essence, qui sommes aussi des
payeurs de taxes et d'impôts, quand il en reste assez pour vivre, en
aucun moment nous n'avons été consultés. Aucune
vérification n'a été faite auprès de nous par votre
ministère lors de son étude pour connaître
l'évolution de nos prix de vente, de nos coûts d'approvisionnement
et de nos marges bénéficiaires. En conséquence, à
la suite de l'application du décret, l'essence devrait être vendue
à un prix presque identique au coût, et, pour certaines villes,
ces prix étaient inférieurs au coût assuré par les
détaillants, tout cela sous peine de fortes amendes.
Nous vous avons fait parvenir des pétitions et des
requêtes. Nous avons fait des pressions auprès de notre
députée. Le public a été sensibilisé. Le
seul moyen que nous n'avons pas utilisé, c'est de faire la grève.
La raison en est fort simple. Les pétrolières qui
contrôlent plusieurs points de vente n'auraient pas suivi notre mouvement
et, dans pareille situation, ce seraient encore les petits détaillants
qui auraient eu à payer la note.
Vous avez été d'une insensibilité totale à
notre égard. Pourtant, vous vous étiez engagé à
suive la situation de près en déclarant: "Je m'attends toutefois
à ce que cette baisse des prix soit répartie équitablement
entre les pétrolières et les détaillants."
Votre décret a été exécuté avec une
partialité remarquable. Les pétrolières, elles, ont
démontré avec nous la même indifférence qu'à
votre égard, si ce n'est que quelques-unes ont consenti à un
petit rajustement devant une situation aussi catastrophique.
Aucune activité commerciale qualifiée de libre entreprise
n'a été aussi durement touchée par semblable mesure. Pour
la majorité, nous sommes des petits travailleurs indépendants
sans convention collective, sans avantages sociaux et soumis à des
conditions de travail des plus difficiles. Pour plusieurs, la
rémunération selon les heures de travail est au salaire minimum.
Nous sommes dans une société libre et démocratique. Tout
travail mérite un juste salaire. Aucune classe de la
société ne doit être exploitée au détriment
d'une autre.
Nous avons des entreprises et, donc, des dépenses. Il nous faut
une marge de bénéfices acceptable pour fonctionner. C'est pour
cette raison que nous vous présentons nos revendications à cette
commission. 1. Que soit aboli immédiatement le décret 927-87. 2.
Que soit établie notre marge de bénéfices d'avant
l'application de ce décret. 3. Que toute perte que nous avons eu
à subir par l'application du décret nous soit remboursée.
4. Qu'un minimum de bénéfices bruts sur la vente nous soient
donnés au litre par un comité spécialement formé
des trois parties en cause (détaillants, pétrolières et
gouvernement), tout en tenant compte de nos frais de vente. 5. Voir à
contrôler la concurrence déloyale des pétrolières
par l'entremise de leurs agents, de leur système ou de leurs points de
vente qui vendent de l'essence souvent à des prix inférieurs ou
égaux à ceux que nous payons comme détaillants
indépendants. 6. Mettre sur pied une régie de contrôle des
prix de l'essence pour que toute hausse de prix des pétrolières
puisse être justifiée. 7. Engagement ferme du gouvernement de voir
à ce que les détaillants soient consultés sur tout conflit
ou litige futur dans lequel ils peuvent être impliqués.
En espérant que vous accepterez ces demandes qui sont
légitimes et essentielles dans le but d'améliorer les conditions
économiques précaires auxquelles les détaillants d'essence
ont à faire face aujourd'hui. Ce secteur comprend des milliers d'emplois
dont les conditions doivent être améliorées pour devenir
comparable à tous les autres secteurs commerciaux. Pour les
détaillants d'essence de la région de Matane, Carol Gauthier.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Gauthier. M. le
ministre de l'Énergie et des Ressources.
M. Ciaccia: Merci, M. Gauthier, pour votre mémoire. Le
but, comme vous le savez, de notre décret, de notre démarche, ce
n'était pas de pénaliser ceux qui n'ont pas pris avantage de la
baisse de la taxe. Ce n'était certainement pas l'objectif de
pénaliser les détaillants. Dans le cas des détaillants de
Matane, à la suite du décret, j'ai eu des représentations
à mon bureau et je suis intervenu immédiatement. J'ai
communiqué avec les pétrolières concernées et on
m'a assuré - on l'a confirmé ce matin qu'au moins une des
compagnies, la compagnie Esso, avait partagé à 50-50 la part de
la baisse affectée par le décret. Peut-être que vous
pourriez nous donner plus d'information si ce n'est pas le cas.
Alors, dans le cas de votre région plus spécifiquement,
c'est une des rares régions où on a eu des plaintes
formulées avec autant de vigueur que vous l'avez fait et on a
réagi immédiatement. On a communiqué avec les
pétrolières et, même, un des représentants a admis
ce matin - on l'a rejoint chez lui en fin de semaine pour nous en assurer -
qu'il devrait vous traiter de façon équitable. C'est pour cela
que je suis un peu surpris, des faits que vous portez à mon
attention.
Si vous avez présenté beaucoup d'éléments de
coûts dans votre exposé, cela démontre certainement que si
on fixe le prix à la pompe à long terme il serait
nécessaire de fixer d'autres éléments aussi. La mesure que
nous avions prise, c'était une mesure temporaire. On n'était pas
en mesure d'établir les prix dans tous les différents secteurs de
l'industrie et on s'est fié en partie sur les détaillants et en
partie sur les pétrolières. Je dois dire que, dans la plupart des
cas, le partage a été fait.
De plus, vous mentionnez que les décrets ont réduit
considérablement votre marge de profits. Pourtant, une étude
réalisée à ma demande pendant cette période
démontre que, dans votre région, les décrets n'ont eu que
des effets mineurs sur les marges des détaillants, faisant passer
celles-ci de 0,058 $ le litre à 0,051 $ le litre en moyenne.
En quoi la situation des détaillants de Matane est-elle
différente de la moyenne de la région? Est-ce que vous pourriez
nous l'expliquer?
M. Gauthier (Carol): En quoi est-elle différente?
M. Ciaccia: Oui.
M. Gauthier (Carol): Lorsque vous dites qu'il y a eu un simple
effet, c'est qu'on a été obligé de baisser d'environ de
0,035 $ le litre le coût à la pompe. Certaines compagnies ont
rajusté, certaines compagnies du moins, comme vous le dites; il y en a
qui ont pu rajuster jusqu'à 0,02 $, mais elles sont rares, il y en a
probablement juste une. Plusieurs n'ont pratiquement rien rajusté et
d'autres ont donné, disons, 0,016 $ le litre dans un produit ou 0,006 $
dans un autre et rien dans le troisième. Cela fait qu'on se ramasse
pratiquement au niveau, comme on l'appelle du bien-être social avec les
0,032 $ le litre. Si on accorde de 0,032 $ à 0,051 $ ou 0,057 $, je ne
crois pas que c'est une marge de profits bruts acceptable pour réussir
à vivre et à exploiter un commerce.
M. Ciaccia: L'étude qu'on a faite démontre que,
dans la région, la marge est passée de 0,058 $ à 0,051 $;
est-ce que vous dites, qu'à Matane, c'est plus bas que 0,05Î
$?
M. Gauthier (Carol): Cela peut se situer dans les alentours,
après rajustement.
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Gauthier (Carol): Possiblement 0,051 $. Mais, certains
détaillants, après l'application du décret, monsieur,
faisaient à peine 0,02 $ le titre et, même, Mme Hovington pourrait
vous le souligner. Vous avez dû être avisé qu'entre le prix
d'achat de l'essence et le prix de vente, la marge de profits bruts
était d'environ 0,02 $ le litre pour certains détaillants.
Plusieurs n'ont eu aucun rajustement.
M. Ciaccia: J'essaie de comprendre. Je viens de vous demander si
la moyenne, qui est passée de 0,058 $ à 0,051 $, s'appliquait
à Matane; vous me dites que oui, elle s'applliquait.
M. Gauthier (Carol): Peut-être pour certains
détaillants, oui, mais pas pour la totalité. M. le
ministre...
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Gauthier (Carol): ...il n'y a pratiquement pas deux stations
ravitaillées au même prix. Les prix peuvent fluctuer d'une
compagnie à une autre.
M. Ciaccia: Je comprends.
M. Gauthier (Carol): C'est de là, selon le bail que le
détaillant a avec sa compagnie, que viennent certaines variations.
M. Ciaccia: Parce que nous avons pris le relevé de six
détaillants à Matane même»
M.Gauthier (Carol): Oui.
M. Ciaccia: Et, avant le décret, la marge était de
0,063 $ le litre; aujourd'hui, avec le décret, elle est de 0,046 $ le
litre, c'est-à-dire qu'il y a une baisse de 0,017 $ le litre.
M. Gauthier (Carol): Quand on parle de 0,017 $ le litre, c'est
peut-être ce qui pourrait nous rester pour réussir à vivre.
J'ai cité certains frais qu'on ne peut pas compresser en affaires. On ne
peut pas compresser la question de la taxe et celle des assurances. On ne peut
pas compresser les salaires des employés. Le salaire minimum va
augmenter encore prochainement. Il va falloir que nos employés soient
augmentés. En bas de 0,07 $ ou 0,08 $ le litre, c'est impensable
d'administrer et de payer les dépenses d'une station-service et de
réussir à vivre; cela est insensé.
M. Ciaccia: Je suis sympathique aux propos que vous nous faites
quant aux 0,07 $ ou 0,08 $ le litre, mais nos études démontrent
que vous n'aviez pas 0,07 $ ou 0,08 $ le litre, même avant le
décret; vous aviez 0,063 $ le litre. Cela ne veut pas dire que c'est
vrai...
M. Gauthier (Carol): Environ.
M. Ciaccia: ...cela ne veut pas dire que...
M. Gauthier (Carol): Environ, oui.
M. Ciaccia: Oui. Cela ne veut pas dire que vous n'avez pas besoin
de 0,07 $ ou 0,08 $, je ne mets pas cela en doute....
M. Gauthier (Carol): Environ, mais une chose est certaine...
M. Ciaccia: ...mais le fait demeure que vous aviez 0,063 $.
M. Gauthier (Carol): Oui, environ. Mais une chose est certaine,
c'est que le décret a été absorbé à environ
80 % par le détaillant d'essence. Moi, j'ai eu environ 0,01 $ pour
l'essence ordinaire. Les ventes d'essence ordinaire ont diminué à
cause des campagnes antipollution et tout ce qui a pu se produire, les
modifications des automobiles, etc. Dans l'essence sans plomb, il y a eu
seulement 0,006 $ de rajustement et on a perdu au-delà de 0,03 $; et
pour le super sans plomb, pas un cent, ce n'est pas compliqué. C'est
ainsi que les compagnies ont réagi, comme vous le dites, à vos
pressions. Elles ne veulent rien céder, à moins que ce ne soit en
fraction de cent.
M. Ciaccia: Merci.
M. Gauthier (Carol): II en faut, des fractions de cent, à
la fin de la journée pour payer les dépenses.
La Présidente (Mme Hovington): Merci,
M. le ministre. M. le député de Roberval.
M. Gauthier (Roberval): M. Gauthier, il me fait plaisir de vous
saluer et de vous remercier d'être venu...
M. Gauthier (Carol): Moi aussi, monsieur.
M. Gauthier (Roberval): ...de Matane pour nous expliquer cela, et
d'avoir pris le temps de préparer votre mémoire. On voit que
c'est une chose qui vous tient à coeur et on le comprend.
Il y a une chose que j'aimerais vous faire préciser à
nouveau afin d'être bien sûr qu'on a saisi. Ce matin,
j'étais resté sur l'impression - et ce, depuis deux jours - que
les compagnies avaient donné un rajustement dans l'ensemble des produits
de l'essence. Et vous nous avez dit tout à l'heure que l'essence
ordinaire avec plomb a été réajustée de 0,016
$.
M. Gauthier (Carol): Exactement.
M. Gauthier (Roberval): Le sans plomb?
M. Gauthier (Carol): De 0,006 $.
M. Gauthier (Roberval): J'imagine que c'est ce que vous vendez le
plus, l'essence sans plomb ordinaire.
M. Gauthier (Carol): Exactement. Disons qu'avec les modifications
des automobiles et la pollution...
M. Gauthier (Roberval): C'est surtout cela qui...
M. Gauthier (Carol): ...l'essence sans plomb est en demande
présentement.
M. Gauthier (Roberval): ...se vend.
M. Gauthier (Carol): Exactement.
M. Gauthier (Roberval): Pour le super
sans plomb, vous n'avez pas eu un sou.
M. Gauthier (Carol): Non, zéro, 0,001 $.
M. Gauthier (Roberval): Oui, en effet. Il y a aussi une chose
qu'on a comprise au cours de cette commission et qui rend peut-être
encore plus vrai votre mémoire. Les compagnies pétrolières
nous ont expliqué que, dans un milieu urbain où le volume
était plus important, la marge bénéficiaire pouvait
être moindre, le volume permettant - parce qu'il y a des frais fixes qui
sont les mêmes -d'arriver. Je regrette un peu, à ce stade-ci, de
réfléchir à la question que j'aurais dû poser
à savoir: Effectivement, les 0,034 $ dont on a parlé abondamment
- c'était 0,04 $ dans certains cas, 0,034 $ ou 0,032 $ selon les
pétrolières - on a pris cela comme un taux global. Sauf que j'ai
oublié de vérifier le calcul avec 0,034 $ pour qu'une station
puisse vivre dans l'ensemble, en milieux urbain et rural. Si c'est le cas, on
peut penser qu'un gars comme vous ou les gens de votre coin, à 0,034 $,
compte tenu du plus faible volume, n'arriveraient pas à exploiter leur
station. C'est ce que vous semblez dire quand vous parlez.
Je vais préciser davantage ma question. À peu près
tout le monde à eu l'air de parler d'un chiffre décent au-dessus
de 0,034 $, de 0,04 $ le litre; en tout cas, c'est l'impression sur laquelle
j'étais resté, qu'à 0,04 $, c'était rentable
d'exploiter une station d'essence. Vous, vous dites: Moi, je viens de Matane,
cela nous prend 0,06 $ le litre ou quelque chose s'y rapprochant pour que cela
puisse être rentable, probablement à cause du petit volume de
ventes que vous pouvez avoir par rapport à une station située
à Montréal. Or, j'ai oublié de vérifier avec les
pétrolières si les 0,034 $, cela avait été
établi dans l'ensemble des stations. Est-ce que vous pouvez nous donner
plus d'éclairage là-dessus?
M. Gauthier (Carol): M. Gauthier, comme vous le dites, pour les
0,034 $ que les compagnies réussissent à avancer, ce qui est
stable, c'est presque un niveau d'assistance. Advenant une guerre de prix,
elles nous garantissent un minimum de 0,006 $. Par contre, avec sans-gêne
même, elles finissent par avouer que personne ne peut réussir
à vendre de l'essence à moins d'environ 0,04 $, 0,05 $ le litre
de profits. Alors, dans nos régions, même avec un volume qui est
souvent plus petit dans certaines régions que dans des régions
comme Montréal, souvent les frais sont beaucoup plus
élevés et personne ne peut réussir à administrer
une station, à payer les réparations et l'entretien à
moins de 0,075 $ le litre.
M. Gauthier (Roberval): Oui. D'ailleurs, une de vos
recommandations, M. Gauthier, a le mérite d'être claire, en tout
cas. C'est la recommandation 4 où vous dites: "Qu'un minimum de
bénéfices bruts sur la vente nous soit établi au litre par
un comité spécialement formé." Vous dites franchement au
gouvernement: Ce serait bien important qu'un de ces jours quelqu'un
vérifie ce que cela coûte de vendre de l'essence et qu'on nous
garantisse, qu'on nous enlève, en quelque sorte, de la merci des
pétrolières. C'est ce que je comprends dans cette recommandation.
(18 h 45)
Vous êtes comme les autres détaillants d'essence,
indépendants ou non. Avec le décret, vous ne pouvez plus, en fait
- vous êtes comme cela à l'année longue, mais davantage
avec le décret - bouger le plafond. Cette recommandation-là vise
à vous sortir de la prison dans laquelle vous êtes, entre les
pétrolières et le décret du ministre qui fixe le prix.
Là, vous, vous êtes entre les deux; de temps en temps vous
êtes un peu plus écrasés et de temps en temps un peu moins.
Mais j'ai l'impression que cette recommandation-là viserait, pour
l'avenir, à faire en sorte que les détaillants d'essence du
Québec puissent vivre honorablement de leur métier, qu'on leur
reconnaisse, dans le fond, au moins une possibilité de se garder un
profit, en tout cas, normal.
M. Gauthier (Carol): Exactement! Quand je parie des frais qu'on a
je ne sais pas si les compagnies tiennent compte, dans les 0,036 $, du
coût des cartes de crédit; on est pénalisé, on a
à payer et on perd dans l'échange. Quand un client fait le plein
et qu'il présente une carte de crédit, on a à assumer des
coûts sur cette carte-là. Quand on nous parle de 0,03 $ et
quelques cennes ou de 0,04 $ le litre, je me demande quel est le petit
pourcentage que cela peut représenter quand on a payé les frais
rigides. Un exemple: si on a des inventaires en consigne, on doit payer 0,015 $
le litre; si la compagnie met une promotion sur pied, comme n'importe quelle
compagnie dans le secteur de l'essence, pour attirer des ventes, il faut faire
ces promotions. Il y a une certaine publicité qu'on a à
défrayer: 0,007 $ le litre, environ pour toute publicité. Je me
demande si réellement, avec 0,03 $ ou 0,04 $, on peut réussir
avec des frais qu'on ne peut compresser, c'est impossible. Même eux
l'avouent. On ne peut pas parler de 0,034 $, 0,04 $, ou 0,05 $ ou 0,06 $ le
litre pour réussir à vivre. C'est insensé.
M. Gauthier (Roberval): Je vous avoue, M. Gauthier, que j'aurais
aimé vous entendre avant parce que j'aurais aimé poser des
questions concernant, entre autres, les cartes de crédit. Cela n'a pas
été posé et cela pose
un problème. Selon le volume de ventes que vous faites à
partir des cartes de crédit, si je comprends bien, c'est un facteur
important dans la rentabilité. Si vous, par exemple? vous faites la
moitié de vos ventes sur cartes de crédit parce que vos clients
fonctionnent comme cela, vous êtes largement pénalisé.
C'est ce que je comprends de ce que vous me dites,
M. Gauthier (Carol): Exactement. Et il y a tellement de cartes de
crédit, que ce soient des cartes commerciales de flotte ou autres, cela
nous amène tous des frais. C'est le détaillant qui les subit. Ce
sont des choses dont on ne tient pas compte et, nous autres, quotidiennement,
on a à les subir.
M. Gauthier (Roberval): Je vais stopper là mon
questionnaire, M. Gauthier, pour une raison bien simple. Même si vous
n'étiez pas à la commission parlementaire ces deux derniers
jours, j'ai eu l'occasion d'interroger des indépendants ou des gens qui
vendent de l'essence, des produits pétroliers comme vous. On a quand
même réussi à cerner asset bien le problème, quoique
vous ayez amené des éléments nouveaux, mais on a
réussi assez bien à cerner le problème de la
difficulté - on l'a indiqué au ministre -créée par
un décret qui est appliqué sans viser nécessairement les
vendeurs, les revendeurs de produits mais qui, compte tenu de l'organisation du
marché des produits, les rend captifs et extrêmement
vulnérables. On a eu l'occasion d'aborder ces questions-là en
profondeur au moment de la commission. On a questionné abondamment
d'autres personnes, comme vous, qui représentaient des vendeurs
d'essence et qui ont rendu un témoignage sensiblement identique au
vôtre.
Je voudrais simplement vous indiquer qu'à l'Assemblée
nationale, le 18 juin, quand le ministre a déposé le
décret, nous lui avions signalé ce danger. Cela nous
préoccupait au plus haut point parce qu'on craignait que cela puisse
être vous autres qui mangiez le coup. Aujourd'hui, on est obligé
de constater que vous l'avez mangé, en tout cas par morceaux, d'autant
plus que les pétrolières, dans certains cas, nous l'ont
avoué franchement. D'aucunes ont dit qu'elles avaient partagé
avec leurs distributeurs; d'autres ont dit: À peu près pas. Bref,
on réalise aujourd'hui que vous avez mangé le coup et je pense
que le ministre, s'il prétend continuer avec un décret, va
être obligé de tenir compte des petits vendeurs de produits qui
sont à l'unité dans les régions et qui connaissent des
problèmes très sérieux.
J'en profite pour compléter, pour ma part, avec M. Gauthier. Je
voudrais vous remercier d'être venu, encore une fois, et soyez
assuré que votre témoignage, ajouté à ceux des
autres vendeurs de de produits pétroliers, vendeurs au détail de
produits pétroliers, nous réaffirme dans notre position, à
savoir qu'il faut absolument tenir compte de vous dans d'éventuelles
politiques que le ministre déciderait de mettre sur pied. Maintenant,
l'avenir lui appartient, évidemment, il est ministre, mais j'ose croire
qu'il tiendra compte de témoignages du genre de celui que vous avez
présenté.
Je voudrais, au nom de ma formation politique... Vous avez une question
à poser peut-être?
Une voix: ...
M. Gauthier (Roberval): En tout cas, je voudrais vous remercier
au nom de ma formation politique. Même si mon collègue d'Ungava
ajoutera une question après ceci, mes remarques finales seront faites.
Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Hovington): Je vous remercie M. le
député de Roberval. Si on veut respecter la règle de
l'alternance, est-ce que je peux me permettre une ou deux questions à M.
Gauthier?
M. Gauthier, il est dit dans la première page de votre
mémoire, par exemple, que le gouvernement exige toujours plus en donnant
toujours moins. Vous donnez comme exemple l'imposition de la taxe ascenseur. Je
vous ferai remarquer que c'est justement le gouvernement
précédent qui avait instauré la taxe ascenseur. Quand on a
pris le pouvoir, en décembre 1985, on a essayé justement de
rendre justice aux régions périphériques pour que cette
taxe soit baissée dans les régions périphériques de
0,045 $ le litre. Pour faire profiter les consommateurs de cette baisse de taxe
qui n'avait pas été respectée tout à fait - je ne
sais pas si ce sont les détaillants ou les pétrolières -
il a fallu présenter ce décret pour que ce soit les consommateurs
qui aient le gain de cette baisse à la pompe.
Vous m'avez rendu visite à mon bureau de comté, au mois de
juin, pour me sensibiliser au fait que les pétrolières refusaient
de participer à la baisse du coût à la pompe et que
c'étaient vous, les détaillants, qui absorbiez à 100 %
cette baisse. J'en avais fait part tout de suite au ministre, parce que je
trouvais anormal que les détaillants aient à absorber à
100 % la baisse à la pompe. Le ministre a envoyé tout de suite un
inspecteur, d'ailleurs, dès le mois de juillet, dans la ville de Matane
et les environs pour vérifier si c'était vrai que les
pétrolières participaient, puisque quelques-unes avaient dit
qu'elles absorbaient le coût de la baisse à la pompe. Et il semble
que non. Par contre, vous êtes représentant de Petro-Canada
à Matane?
M. Gauthier (Carol): Oui, je suis un
détaillant de Petro-Canada.
La Présidente (Mme Hovington): Vous êtes un
détaillant de Petro-Canada. Celle-ci est venue, hier, en disant que son
taux de fixation était de 0,034 $. En haut de cela, elle ne participait
pas au réajustement des prix.
M. Gauthier (Carol): Je ne sais pas si Petro-Canada pourrait
réussir à vivre à vendre de l'essence au détail,
comme nous les détaillants, avec un profit brut garanti de 0,034 $?
La Présidente (Mme Hovington): À combien
évaluez-vous, M. Gauthier, un pourcentage de profits bruts qui ferait en
sorte que vous puissiez vivre convenablement et que vous puissiez assumer les
coûts inhérents à votre commerce? Vous nous les avez
énumérés à un moment donné, c'étaient
les assurances-protection, vous avez des frais de cartes de crédit, vous
avez la location d'équipements, frais d'entretien, vous avez à
faire face aux créances douteuses aussi; ce sont les détaillants
qui ont à absorber les coûts administration, l'achat des permis,
etc. À combien évaluez-vous votre pourcentage, un besoin de
profit par litre, pour arriver?
M. Gauthier (Carol): II pourrait se situer environ à 12
%.
La Présidente (Mme Hovington): 12 %.
M. Gauthier (Carol): Environ à 12 %, comme d'autres
secteurs commerciaux. Il n'y a pas d'enquête faite sur une
épicerie qui vend une boîte de "beans" 0,25 $ tandis que l'autre
la vend 0,32 $,
La Présidente (Mme Hovington): Avant le décret, de
combien était votre marge de profits?
M. Gauthier (Carol): Elle devait se situer aux environs de 10 %,
environ. Disons 10 % peut-être 9 %, 9 % ou 10 %, je n'ai jamais eu
à comptabiliser en pourcentage.
La Présidente (Mme Hovington): Et, après le
décret, votre marge a baissé à combien?
M. Gauthier (Carol): Après le décret, on a
baissé de... Pour l'ordinaire, on a baissé de plus de 0,035 $ le
litre, on s'est ramassé avec 0,036 $ le litre. Si vous pouvez le
compter, cela représentait environ 0,03 $ de perte.
La Présidente (Mme Hovington): C'est Petro-Canada?
M. Gauthier (Carol): Oui.
La Présidente (Mme Hovington): Ou vous parlez en
général pour tous les détaillants?
M. Gauthier (Carol): Chez Petro-Canada. Si on regarde d'autres
compagnies, s'il faut en nommer, comme Irving qui a pratiquement la même
politique, que ce soit Esso, les politiques globales des
pétrolières sont pratiquement les mêmes. Certaines vont
s'approvisionner pour un peu moins cher, d'autres vont avoir moins de frais,
selon ce qu'elles vont fournir aux détaillants.
La Présidente (Mme Hovington): J'ai ici des factures de
Texaco, par exemple, un détaillant de Texaco à Matane. Le profit
brut, avant le décret, pour le sans plomb, se situait à 0,092 $
et après le décret le profit brut, toujours pour le sans plomb,
se situait à 0,05 $.
M. Gauthier (Carol): Cette compagnie était plus
généreuse que les autres! Avez-vous ceux d'Irving?
La Présidente (Mme Hovington): Je n'ai pas Irving. Par
compte, j'ai Petro-Canada. M. le ministre, je vous en prie. Voulez-vous
apporter un éclaircissement?
M. Ciaccia: M. Gauthier a raison. Irving a été
assez dure avec les détaillants, ainsi que Petro-Canada.
M. Gauthier (Carol): Et Esso a réagi. C'est la
première compagnie qui a réagi pour réajuster au plus vite
pour ses détaillants dans la région de Matane. C'est la
première compagnie.
La Présidente (Mme Hovington): M. le ministre l'a
d'ailleurs souligné hier à Esso, quand ils sont venus
présenter un mémoire ici.
M. Gauthier (Carol): C'est la première compagnie. Tandis
que les autres...
La Présidente (Mme Hovington): Petro-Canada, dans votre
cas personnel, a-t-elle réajusté?
M. Gauthier (Carol): Elle a réajusté de 0,016 $ le
litre pour l'ordinaire, de 0,006 $ pour le sans plomb, de zéro pour le
super. Par contre, de nouveaux frais sont apparus dans le paysage,
peut-être une semaine ou deux avant, ce qui a encore diminué notre
marge de profits bruts. Mais quand on entend parler de 0,045 $, tout le monde
veut chercher à savoir où cela est passé.
La Présidente (Mme Hovington): Le
savez-vous?
M. Gauthier (Carol): Ce sont des augmentations que les compagnies
pétrolières nous ont refilées. Dans l'ensemble, nous avons
peut-être pu bénéficier de 0,007 $ le litre d'augmentation
ou peut-être de 0,01 $ de 1985 à 1987. Je ne crois pas que cela
soit exagéré; en tenant compte du rattrapage qu'on devait avoir.
Cela fait qu'il n'y a plus à chercher les 0,045 $. Quand on nous appelle
et qu'on nous dit que le produit augmente de 0,02 $, on n'a pas le choix: il
faut remonter cela de 0,02 $!
La Présidente (Mme Hovington): Donc, ce sont les
pétrolières qui fixent les prix?
M. Gauthier (Carol): Exactement. Il n'y a pas à chercher
longtemps. Les prix sont affichés et nous sommes obligés de les
respecter car les prix qu'on nous fixe et que certains gros libre-service qui
sont la propriété des compagnies fixent, on n'a pas le choix, on
est obligé de les respecter.
La Présidente (Mme Hovington): Le décret prend fin
le 17 septembre. Quelles solutions voyez-vous aux problèmes des
détaillants d'essence et des consommateurs? Quelles seraient les
solutions à envisager pour aider les consommateurs et vous, les
détaillants?
M. Gauthier (Carol): Premièrement, que toute hausse de
prix du produit au détail, les hausses de 0,02 $, de 0,01 $ ou de 0,007
$ qu'on peut avoir périodiquement, à tous les deux ou trois mois,
soit acceptée avant par le gouvernement ou par les associations de
consommateurs. Deuxièmement, que les pétrolières prouvent
qu'il y a eu réellement des hausses du brut ou bien dans la
transformation, pour justifier les augmentations. Aussi, qu'on nous fixe au
moins un minimum garanti pour la vente du produit à la pompe, un minimum
décent pour réussir à exploiter une station-service ou un
débit d'essence, pour vivre décemment, payer des employés
et réussir à donner des conditions de travail acceptables.
La Présidente (Mme Hovington): Je comprends très
bien.
M. Gauthier, je vous remercie. Je suis très sensibilisée
aux problèmes de Matane...
M. Gauthier (Carol): Je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): ...puisque je suis la
représentante de ce comté. J'espère que les
détaillants et les consommateurs des régions
périphériques pourront profiter au moins de la baisse de 0,045 $
de la taxe sur l'essence en périphérie.
M. Gauthier (Carol): Je l'espère.
La Présidente (Mme Hovington): Sans vous priver de votre
marge de profits nécessaire à un bon rendement et à une
qualité de vie dans notre région. Merci, M. Gauthier.
M. le député d'Ungava, je pense que vous aviez une
question ou deux»
M. Claveau: Oui, Mme la Présidente, j'aurais une question
pour M.. Gauthier. II y a une chose qui nous a été dite par une
pétrolière. En tout cas, c'est sorti au moins une fois. On dit
que la plupart des détaillants en région ont des petits volumes
-on parle de volumes d'environ 300 000 litres ou un peu moins ou un peu plus -
et que ce n'est peut-être pas payant, l'essence. Ce n'est pas sorcier,
comme vous le dites, 300 000 litres à 0,03 $ ou 0,04 $ le litre, il n'en
reste pas beaucoup à la fin de l'année. (19 heures)
M. Gauthier (Carol): 300 000 litres, je ne crois pas qu'il y en
ait qui puissent réussir à vivre. Il faut se trouver un autre
job.
M. Claveau: C'est cela. Je faisais le décompte dans ma
région. Dans le secteur de Chibougamau-Chapais, il y a dix postes
d'essence et à peu près 12 000 000 de litres d'essence vendus par
année, cela fait... C'est en gallons. Pardon, c'est 300 000 gallons que
je voulais dire, un peu plus de 1 000 000 de litres, 1 200 000 ou 1 300 000
litres. On nous disait que ces gens-là faisaient leur argent ou du moins
se renflouaient passablement avec des dépanneurs, de la
mécanique, dès lave-autos; finalement, ce n'était
peut-être pas si grave. Du moins, c'est ce que j'ai cru saisir dans une
ou deux interventions qui ont été faites
antérieurement.
D'après vous, puisque vous avez l'air de connaître le
domaine passablement, est-il vrai que cela vaut la peine, pour un garagiste, de
faire de la mécanique, des changements d'huile, d'avoir un lave-auto, de
vendre du pain, du beurre et des cigarettes? Est-ce que cela vaut vraiment la
peine de jumeler ce genre de commerce avec la vente d'essence pour se
renflouer?
M. Gauthier (Carol): Disons que plusieurs n'ont pas le choix. Ils
sont obligés de le faire. La marge de profits est assez serrée.
Par contre, je ne vois pas pour quelle raison un détaillant qui a un
débit normal de ventes - comme moi, j'ai pour environ 1 200 000 litres
de ventes - je ne vois pas pourquoi, à travers tout cela, une personne
devrait tenir un marché aux puces dans son garage, sa station-service ou
son poste d'essence pour réussir à vivre.
M. Claveau: Votre point de vue, c'est
que le détaillant d'essence, le vendeur d'essence, devrait
être capable de vivre honorablement avec son commerce de vente d'essence
et que, s'il veut exploiter un autre commerce à côté, c'est
une chose indépendante. Il n'a pas besoin d'un autre commerce pour
subventionner son activité de vendeur d'essence, finalement.
M. Gauthier (Carol): Exactement. Si le gars a un volume
décent, c'est normal qu'il réussisse. Il faut qu'il
réussisse à vivre sans avoir besoin de trois ou quatre autres
jobs, de vendre cinq ou six genres de produits...
M. Claveau: Avoir une remorque et...
M. Gauthier (Carol): Tout en mettant à part la question
d'une station-service. C'est quasiment comme un chauffeur d'autobus qui,
à la fin de la journée, est obligé d'aller faire du taxi
toute la nuit pour réussir à vivre et que son patron ne lui donne
pas raison: Coudon, fais autre chose si tu trouves que tu n'en as pas
assez.
M. Claveau: Vous allez me dire une chose. On voit souvent de la
publicité Shell, Esso sur des remorques. Est-ce que c'est rentable pour
vous autres ou si vous faites de la publicité juste pour afficher votre
garage et qu'il n'y a pas, en ce qui concerne ia compagnie, de remboursement
là-dessus?
M. Gauthier (Carol): Non. Disons que les compagnies remboursent
en partie la publicité, mais tout genre de commerce doit avoir de la
publicité. Tout genre de commerce, que ce soit la vente de meubles ou
n'importe quoi. On n'a qu'à ouvrir n'importe quel poste de radio et on
s'en rend compte. Il faut que le commerce ait de la publicité. Cela
amène des clients. Par contre, les frais ne sont pas assumés
à 100 %. Cela finit que le consommateur doit en payer une partie aussi,
qu'il achète un meuble ou n'importe quoi. Il faut de la
publicité.
M. Claveau: Je vous remercie.
M. Gauthier (Carol): Merci, monsieur.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député d'Ungava.
M. le député des Îles-de-la-Madeleine, je crois,
avait une ou deux questions.
M. Farrah: Mme la Présidente, une brève question.
Bonsoir, M. Gauthier. Vous êtes le premier qui semble confirmer, qui a
dit en tout cas où la diminution de la taxe ou l'abolition de la taxe
est allée, dans le sens qu'on ne le sait pas exactement avec preuve
à l'appui. Est-ce que ce sont les détaillants qui l'ont
absorbée ou si ce sont les pétrolières? Vous me corrigerez
si c'est faux. Vous avez dit que, selon vous, en ce qui concerne les 0,045 $ de
taxe, les détaillants, entre autres de Matane, auraient absorbé
0,007 $. Donc, cela laisse présager que les pétrolières
auraient absorbé 0,038 $. Est-ce exact?
M. Gauthier (Carol): Pour ma part, je n'ai pas eu â mettre
des hausses. Cela fait huit ans que je suis dans le domaine et je sais le prix
que je paie mon produit. Je sais que, du jour au lendemain, on ne va pas mettre
une hausse de 0,02 $ sur un produit sans risquer de ne plus revoir un client.
C'est définitif; on ne passe pas cela. Quand on a un appel que le
coût du produit augmente de 0,02 $, on n'a pas le choix; il faut
l'augmenter de 0,02 $. Si le ministère a envoyé des
enquêteurs vérifier les coûts de nos produits et si ces
derniers prennent la peine de vérifier, ils vont voir que,
définitivement, dans les coûts qu'on a eu à payer pour nos
produits, il y a eu des 0,02 $ le litre qui se sont ajoutés après
la diminution de 0,045 $. Il y a eu des demi-cents. Il y a eu des
dixièmes de cent et il y a eu des trois dixièmes de cent. Tout
cela globalement, avec la petite partie qu'on a pu réussir à
prendre en bénéfices en deux ans, une partie qu'on devait prendre
comme tout autre secteur commercial, on n'a pas de misère à
arriver. On paie l'essence 0,045 $ de plus ou 0,046 $ plus cher, pour le
consommateur.
M. Farrah: J'en conviens. Est-ce exact que vous auriez
absorbé 0,007 $, donc cela laisse présager que les
pétrolières auraient absorbé 0,038 $?
M. Gauthier (Carol): Absolument. On n'a pas eu à hausser
nos prix pour arriver à prendre 0,045 $.
M. Farrah: Vous pourriez le prouver. Je ne veux pas vous mettre
en boîte. Je sais que vous n'avez pas les chiffres ici non plus.
M. Gauthier (Carol): Ni mes compétiteurs parce que, du
jour au lendemain, un détaillant d'essence ne peut pas se permettre de
jouer de 0,03 $, 0,04 $ ou 0,02 $ le litre.
M. Farrah: Donc, vous pourriez prouver ces chiffres-là
facilement.
M. Gauthier (Carol): Les chiffres peuvent être
prouvés par le ministère. Il n'a qu'à vérifier tous
nos achats d'essence et il n'aura qu'à les étudier. Par contre,
quand on voit un prix qui est affiché dans un libre-service qui est la
propriété d'une entreprise multinationale, on n'a pas le choix;
il faut qu'on suive le prix si on veut rester
compétitifs. Il n'est pas dit qu'on peut se permettre de vendre
beaucoup plus cher.
M. Farrah: Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. Gauthier.
Est-ce qu'il y a d'autres questions, M. le ministre?
M. Ciaccia: Non. Je voudrais simplement remercier M. Gauthier
d'avoir porté à notre attention des situations. D'après le
propre témoignage de Petro-Canada, ils ont été ceux qui
ont le moins partagé la baisse avec les détaillants. Les autres
compagnies, je crois, à part la compagnie Irving qui n'a même pas
présenté de mémoire ici, ont partagé la
réduction. Cependant, je veux simplement porter à l'attention de
la commission que les prix les plus élevés après la
réduction de la taxe se trouvaient à Matane. Les augmentations
les plus élevées se trouvaient à Matane. Alors, cela peut
expliquer pourquoi il y a eu une plus forte baisse à Matane après
les décrets.
Vous avez mentionné que le débit, le volume, est
relativement bas dans les régions périphériques. Le volume
à Matane, en moyenne - on a pris six détaillants - est de 860 000
litres par année et, à Québec, il est de 965 000 litres.
C'est vrai que c'est plus bas, mais ce n'est pas tellement plus bas. En
Gaspésie, c'est encore plus bas; c'est 718 000 litres par année.
Cependant, je peux vous assurer que nous prenons bonne note des
représentations que vous nous avez faites.
M. Gauthier (Carol): M. le ministre. M. Ciaccia: Oui.
M. Gauthier (Carol): Est-ce que je pourrais ajouter une
anecdote?
M. Ciaccia: Certainement.
M. Gauthier (Carol): On parle du prix du produit dans la
région de Matane comparativement à plusieurs régions. Cela
fait dix ou quinze ans que les prix sont beaucoup plus élevés
à Matane que dans les autres régions. On parle des coûts de
transport. À Baie-Comeau, une ville située directement de l'autre
côté de la rive, l'essence se vend environ 0,03 $ le litre moins
cher, 0,04 $. À Sept-Îles, 150 milles plus bas, l'essence
aujourd'hui se vend moins cher que dans la région de Matane. En 1970,
l'inverse se produisait. Ce ne sont pas les détaillants qui sont
responsables.
La Présidente (Mme Hovington): Vous parlez du prix
affiché, le prix que les compagnies vous vendent à vous ou si
c'est le prix des détaillants?
M. Gauthier (Carol): Je parle des prix affichés.
La Présidente (Mme Hovington): Les prix à la
pompe.
M. Gauthier (Carol): Mais les prix affichés sont toujours
un peu proportionnels au prix que le détaillant a à payer.
M. Ciaccia: Je suis conscient de ce que vous me dites, mais je
vous dis que les augmentations, en tenant compte de tous ces facteurs,
étaient plus élevées dans la région de Matane et
c'est pour cela que les décrets...
M. Gauthier (Carol): Ils ont été plus durs.
M. Ciaccia: ...ont été plus durs a Matane. Comme je
l'ai dit, on prend bonne note de vos représentations, on va certainement
les prendre en considération et porter une attention assez
particulière à cela dans les décisions que nous allons
prendre après le 17 septembre. Merci.
M. Gauthier (Carol): Je vous remercie, M. le ministre.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le ministre.
Simplement pour apporter un éclaircissement à une question
que le député de Roberval posait tout à l'heure. Vous
disiez que vous aviez oublié de poser la question à Petro-Canada,
à savoir si leur marge de 0,034 $, c'était dans tout le
Québec. J'ai moi-même posé la question hier à la
pétrolière et ils ont établi 0,034 $ de
bénéfices pour tout le Québec, sans tenir compte des frais
inhérents des régions périphériques.
M. Gauthier (Roberval): Vous corrigez un des rares moments
d'inattention que j'ai eus à cette commission.
La Présidente (Mme Hovington): M.
Gauthier, je vous remercie de vous être déplacé ici,
à Québec, pour sensibiliser la commission et le gouvernement aux
problèmes des détaillants de Matane. Soyez assuré que je
suivrai de très près l'évolution de ce dossier et que les
consommateurs des régions périphériques ont un
défenseur, de même que les détaillants, en ma personne.
Merci beaucoup, M. Gauthier.
J'ai parlé des consommateurs. Merci, M. Gauthier. Je crois que
nous n'avons plus de remarques. Nous sommes rendus aux remarques finales.
Alors, je vais laisser la parole au député de Roberval.
Remarques finales M. Michel Gauthier
M. Gauthier (Roberval): Oui, Mme la Présidente. Lorsque
l'on termine une commission parlementaire comme celle qu'on a vécue au
cours des deux derniers jours et qui est extrêmement intéressante,
il est d'usage que le ministre et le porte-parole de la formation politique qui
constitue l'Opposition fassent, en quelque sorte, un petit tour d'horizon de ce
qu'ils ont retenu au cours de cette commission.
Mme la Présidente, je dois vous dire qu'on est pris avec tout un
problème. On est pris avec le problème suivant; il y a un
décret qui provient du gouvernement du Québec. Si on
enlève ce décret, il y a un risque très grand - on l'a vu
- que le réajustement des prix se fasse, et assez rapidement. Si on
poursuit avec un décret, il y a un risque très grand
également - il nous a été présenté -
d'intervenir dans un libre marché avec, évidemment, toutes les
conséquences que cela suppose et que je préciserai un peu tout
à l'heure.
Avant cela, je veux dire que ce problème avec lequel on se
retrouve, qui n'est pas un mince problème pour le ministre,
malheureusement, il l'a créé lui-même de toutes
pièces. Je regrette d'avoir à redire ces choses qui ne sont pas
agréables à dire, mais c'est pourquoi on est ici aujourd'hui, en
commission parlementaire. On a un terrible problème à
régler et c'est d'ailleurs principalement au ministre de le faire, c'est
un problème qu'il a lui-même créé.
Mme la Présidente, on a parlé au cours de cette commission
de la taxe ascenseur. C'est vrai qu'il y a des gestes qui ont été
posés à une certaine époque par l'ancien gouvernement, qui
a eu d'ailleurs un jugement sévère de la population le 2
décembre 1985, jugement qui avait peut-être trait aux actions
posées dans ce domaine ou à d'autres actions. On a accepté
ce verdict démocratique et, effectivement, un autre gouvernement lui a
succédé. Mais les citoyens du Québec devaient s'attendre,
j'imagine, en faisant un changement de gouvernement, à éviter des
problèmes de cette nature. Les citoyens du Québec, durant toute
une campagne électorale, se sont fait dire, dans les régions
périphériques particulièrement - la promesse est
arrivée au Saguenay-Lac-Saint-Jean, parce qu'on avait charrié sur
le dos de la taxe ascenseur - "on éliminera la taxe ascenseur, c'est un
facteur antidéveloppement, antiéconomique, c'est un mauvais
gouvernement. On va voir à cela, on va régler cela, nous, les
libéraux". (19 h 15)
Mme la Présidente, on a éliminé la taxe ascenseur,
c'est vrai. On a enlevé la taxe ascenseur. Je devrais plutôt dire
qu'on a enlevé le mot "ascenseur" parce que, pour ceux qui ne le savent
pas, une taxe ascenseur, cela a comme particularité de monter avec les
hausses de prix, mais aussi de descendre avec les baisses de prix du produit.
Le gouvernement du Québec, c'est vrai, a enlevé le mot
"ascenseur", mais il n'a pas enlevé la taxe. Il l'a laissée, il
l'a même fixée au moment où elle se trouvait à un
niveau de 38,5 % environ, alors que les mécanismes normaux, s'il l'avait
laissée, obligeaient le ministère du Revenu à descendre
cette taxe. Il l'a fixée tellement haut qu'encore aujourd'hui, si la
taxe ascenceur était restée - là, je voudrais bien que les
députés d'en face le réalisent - si elle n'avait pas
été "enlevée" - entre guillemets - par le gouvernement,
à Québec, à Trois-Rivières, dans l'Estrie, à
Montréal et dans l'Outaouais, on ne paierait pas 34 %, 35 % ou 36 % de
taxe, on paierait 30 %.
Il y a eu, cependant - il faut bien le dire - un geste en faveur des
régions périphériques. Ce geste a ramené le taux de
la taxe de 30 % qu'il était, au moment où c'était une taxe
ascenceur, pas à 40 %, pas à 30 %, il l'a ramené à
un niveau plus décent en accordant aux consommateurs -mesure,
d'ailleurs, qui nous avait réjouis à l'époque parce qu'on
ne peut pas ne pas être d'accord avec un allégement du fardeau
fiscal... Cette mesure a été mise de l'avant par le ministre,
mais nous l'avions prévenu. Je demande aux députés
ministériels de se souvenir de notre réaction au moment où
le ministre des Finances annonçait qu'il abolissait le caractère
ascenceur de la taxe; nous dénoncions le fait qu'il la gelait à
38,5 %; il aurait pu laisser jouer le mécanisme ascenceur en faveur des
consommateurs.
Nous avons également dénoncé le danger à
l'Assemblée nationale, au moment où le ministre a accordé
une baisse de taxe additionnelle aux régions
périphériques. Nous n'avons pas dénoncé le fait que
le ministre remettait une part du fardeau fiscal aux consommateurs, mais nous
avons mis le ministre en garde contre la procédure qu'il utilisait. Nous
avons dit clairement et répété à maintes reprises
à l'Assemblée nationale que le procédé qu'il
utilisait, se basant sur une expérience négative, nous amenait
à lui conseiller, avant ou au début, au moment où le
ministre des Finances a fait cette remise, de prendre les mécanismes qui
s'imposaient pour s'assurer que cet argent irait aux contribuables.
Mme la Présidente, probablement que si le ministre avait
été plus prudent à ce moment-là, il aurait pu
utiliser une solution proposée par certaines compagnies
pétrolières. Aujourd'hui, il peut bien dire aux
pétrolières: Vous nous sugqérez de remettre la taxe et,
après cela, de la redonner sous
forme de dégrèvement quelconque, ce n'est pas bien
généreux pour les régions. Cela est de ta démagogie
tout simplement. Non, je n'utiliserai pas ce terme. A mon avis, c'est une
interprétation assez bizarre de la suggestion qui nous est faite.
Si le ministre avait, à l'époque, suivi notre conseil - je
sais qu'il va être obligé de l'admettre - il aurait eu la
décence, la prudence, devrais-je dire, de faire en sorte qu'on fasse
l'exercice qu'on fait là avec les pétrolières, les
détaillants et qu'on s'assure qu'il indique aux
pétrolières son intention, comme il l'a fait peut-être au
cours de cette commission parlementaire en parlant d'après l'abolition
du décret. Si c'est le cas, je vais le surveiller. Nous pensons que le
ministre aurait pu faire preuve d'une élémentaire prudence,
compte tenu des expériences que nous lui avions humblement soumises
à l'Assemblée nationale dans le but que les gens profitent de
cette baisse de taxe. Mais nonî Le ministre s'est entêté, il
n'a pas suivi ce conseil.
Le ministre a procédé comme il a voulu. Nous l'avons mis
en garde à cinq reprises, à peu près à tous les
deux ou trois mois, quand il y avait un changement qu'on pouvait observer, avec
nos maigres moyens, dans les régions du Québec. Nous avions dit
au ministre: M. le ministre, il est temps que vous réagissiez. On est en
train, d'une manière ou d'une autre, de bouffer la baisse de taxe qui
devait aller aux contribuables. Le ministre, à chaque fois, m'assurait,
avec la plus grande honnêteté du monde, qu'il communiquait
régulièrement avec les pétrolières, qu'il
s'assurait que la baisse de taxe soit transférée aux
contribuables et que je n'avais qu'à me fier à ce ministre et
à ce gouvernement qui avait une nouvelle façon de gérer
l'État, que le dialogue était ouvert avec les compagnies
pétrolières. On a vu cela au cours des derniers jours!
Ce ministre nous promettait qu'il n'y avait pas de problème. Je
l'ai signalé cinq fois parce que, chacune des fois, nos relevés
nous permettaient de constater que la situation se détériorait.
Effectivement, durant cette commission parlementaire, tout le monde a
parlé d'une hausse, tantôt de 0,008 $, tantôt d'environ 0,01
$ le litre à différentes occasions. Peut-être le motif
était-il justifié. Je n'ai pas à porter, à ce
stade-ci, de jugement de valeur là-dessus, mais nos observations se sont
révélées exactes, M. le ministre.
Quand nous vous informions à l'Assemblée nationale, cela
reposait sur du vécu, sur la réalité des choses. À
preuve, après avoir insisté à maintes reprises, le
ministre a bien été obligé de constater que ce que nous
disions était tout à fait exact. Â la hâte, à
la vapeur, puisqu'il n'avait pas été assez prudent au moment
où il a apporté cette mesure, le ministre utilise très
rapide- ment un décret qui avait été fait
antérieurement, dans un autre contexte, et qui n'était
probablement pas à point, puisque non utilisé jusqu'à
présent. Le ministre utilise ce décret et il le lance dans le
décor sans se préoccuper des problèmes que cela peut
causer.
Rappelez-vous, messieurs les députés ministériels
et M. le ministre, quand l'annonce de la mise en place de ce décret a
été faite. Notre commentaire, à l'Assemblée
nationale, a été à l'effet de prendre soin. M. le
ministre, que les détaillants d'essence et les indépendants ne
soient pas ceux qui paient la facture. Cela a été le sens de
notre remarque. Encore là, le ministre m'a assuré de ses bonnes
intentions et de sa capacité de surveiller la situation.
Résultat: aujourd'hui, on constate que des indépendants et des
petits détaillants ont eu â assumer de façon indue le
coût de ce décret. Le ministre a même parlé d'un
sentiment que certaines pétrolières n'avaient pas
été correctes. Il a même félicité d'autres
pétrolières d'avoir séparé 50-50, avec les
détaillants, le coût de son décret. Quand il a fait son
décret à l'Assemblée nationale, en aucun temps, messieurs,
il ne vous a dit que le coût serait assumé - on l'espère -
à 50-50 par les détaillants et par les pétrolières;
à aucun moment il n'en a parlé. C'est pourtant ce qu'il nous a
révélé en commission parlementaire. Féliciter une
entreprise qui a eu au moins la décence de partager 50-50 le coût
de son décret... Il s'est dit bien découragé, ce
défenseur des régions, que certaines compagnies
pétrolières aient fait absorber presque intégralement le
coût de son décret qui était là pour corriger son
erreur. Et il n'a pas le mérite de dire aujourd'hui qu'il ne le savait
pas, on l'avait averti des dizaines de fois. Il se dit découragé
de voir que de petites gens ont payé pour cela.
Mme la Présidente, je m'interroge sur les motifs qui ont pu
inciter le ministre, à ce moment-là ou maintenant, à nous
dire qu'il est véritablement en faveur des petits détaillants. Le
ministre a causé un problème par imprudence et peut-être
par inexpérience; il était jeune ministre à ce
moment-là. Peut-être est-ce par inexpérience, je ne sais
pas. Peut-être est-ce par entêtement, je n'ose pas utiliser ce
terme parce qu'il me semble que ce ne serait pas à son honneur. Mais,
toujours est-il que - vérifiez! - nous avons été ici
pendant deux jours pour régler un problème qui a
été causé parce qu'il a fait imprudemment une
opération qui méritait d'être faite délicatement et
contre laquelle il avait été prévenu. Il faut faire
attention, M. le ministre, aux choses que vous ferez dans l'avenir.
Je vois que vous accueillez agréablement ces suggestions, mais je
me permets de
vous dire que, lorsque vous prendrez la décision à savoir
si vous allez maintenir ce décret, pensez évidemment au
consommateur à qui il faut donner le bénéfice de la baisse
de la taxe, mais pensez aussi aux problèmes que vous pouvez créer
dans toute l'industrie pétrolière. Pensez aussi qu'un organisme
qui aurait un pouvoir coercitif sur la fixation des prix de l'essence devrait
tenir compte des marges bénéficiaires à tous les
échelons, à tous les niveaux de la fabrication et de la
distribution des produits pétroliers et qu'il ne serait peut-être
pas à l'avantage du consommateur de procéder ainsi.
Si, par contre, vous prenez la décision d'enlever votre
décret, vous êtes un peu pris dans la situation que je
décrivais tout à l'heure. Cela serait imprudent de le faire
puisqu'il peut arriver que les régions périphériques
paient pour ce geste que vous allez poser. Vous devez donc procéder avec
beaucoup de doigté.
Pour notre part, il nous apparaît, M. le ministre, qu'il est
ressorti clairement au cours de cette commission qu'à peu près
tout le monde verrait d'un bon oeil un organisme, peut-être une
commission parlementaire, peut-être l'Office de la protection du
consommateur, peut-être un autre organisme auquel vous pourriez penser,
mais un organisme ayant un pouvoir moral pour au moins surveiller les
écarts anormaux de prix qu'on pourrait constater dans différentes
régions du Québec.
Souvenez-vous également des gens de Chibougamau et
peut-être de quelques régions périphériques qu'il ne
faudrait pas laisser tomber dans la solution que vous mettrez de l'avant si,
d'aventure, vous mettiez de côté le décret. Souvenez-vous
que les gens de Chibougamau, pendant trop longtemps malheureusement, on le
constate aujourd'hui, ont payé cher leur essence, des prix
démesurés, des prix qui n'ont rien à voir avec la
réalité. Souvenez-vous-en, M. le ministre, et, quand vous
apporterez une solution, pensez à mettre au moins des balises de
sécurité qui empêchent des débordements trop
importants dans le domaine des prix.
M. le ministre, ce comité de surveillance un peu plus souple que
ce à quoi on pourrait songer quand on parle d'une régie est
peut-être un bon élément à considérer. Il
faudra voir, vous avez les outils. Nous n'avons pas, pour notre part, les
outils nécessaires pour faire les études complètes qui
s'imposent. Mais vous avez, pour votre part, ces outils. Pour cette fois-ci,
servez-vous-en. Écoutez vos fonctionnaires qui vous ont certainement
mieux conseillé à l'époque que vous n'avez agi.
M. le ministre, vous devrez également songer à
transférer de l'argent aux gens des régions à qui vous
aviez promis des choses. Ce n'est pas leur faute si votre système a
failli. II va falloir que le gouvernement prenne ses responsabilités,
que la part qui n'est jamais revenue aux régions leur revienne et que
dans l'avenir, si vous prenez... Si vous abordez l'avenir avec des solutions
comme celles que vous avez eues, vous aurez au moins la prudence, sinon
l'humilité, d'écouter quelque peu ce que l'Opposition au nom des
citoyens du Québec, des consommateurs du Québec, aura à
vous dire. Je vous remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci, M. le
député de Roberval. Je passe maintenant la parole au ministre de
l'Énergie et des Ressources pour les remarques finales.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Le
député de Roberval nous dit qu'on a voulu créer le
problème auquel nous faisons face et auquel nous allons faire face le 17
septembre, en disant: Vous n'avez pas le choix, le 17 septembre, ou les prix
vont augmenter d'une façon intolérable ou il va falloir qu'on
continue le décret avec tous ses désavantages.
Je voudrais dire, premièrement, au député de
Roberval: Ce n'est pas moi, ce n'est pas notre gouvernement qui a
créé le problème. Le problème a été
créé - cela a été souligné par les
intervenants - par la taxe ascenseur de 40 %. C'est vrai qu'on aurait pu ne
rien faire. On aurait pu, au mois de décembre, dire aux consommateurs:
Écoutez, c'est l'ancien gouvernement qui a imposé la taxe, on ne
peut rien faire, on a un déficit de à 500 000 000 $, vivez avec.
Ce n'est pas ce qu'on a fait. On considère qu'une taxe ascenseur de 40
%, cela n'avait pas de bon sens. Cela affecte le transport, cela affecte toute
l'économie. Il fallait absolument la baisser.
Quand le député de Roberval nous dit que, maintenant, elle
est à 38 %, c'est faux. La taxe actuelle dans les régions
périphériques, quand elle est fixée, si on la
transfère en pourcentage, est approximativement de 22 %. Cela varie de
22 % à 24 % dans les régions périphériques. C'est
loin des 40 %. On est un gouvernement et on s'est engagé à
réduire les taxes et c'est ce qu'on a fait. C'était la
première étape.
Deuxième étape, c'est vrai qu'on peut avoir un
problème le 17 mais, quand on réagi en imposant le décret,
je savais les risques que je prenais. Le gouvernement savait les risques.
J'avais deux choix. J'aurais pu imiter le gouvernement précédent
et ne rien faire. Je n'aurais pas pris de risques à ce moment-là!
J'ai choisi de prendre les risques avec tout ce que cela comporte. Pourquoi?
Parce que les objectifs du gouvernement étaient de réduire la
taxe. On l'a fait et c'était le consommateur qui devait en profiter. Pas
les
pétrolières ni les détaillants.
Le député de Roberval nous dit: On a averti le
gouvernement. Ils nous ont avertis de quoi? De quoi nous ont-ils avertis? Ils
nous ont dit: Assurez-vous que la taxe bénéficie aux
consommateurs. Ils ne nous ont pas dit comment, de quelle façon.
L'alternative, si on ne voulait pas prendre de risques, c'était de ne
pas baisser la taxe. De cette façon, on aurait été certain
qu'elle n'aurait pas été empochée. On a pris le risque. Et
pour une période de temps... J'ai institué immédiatement
un comité pour m'assurer que les consommateurs bénéficient
de la baisse de la taxe. Effectivement, ils l'ont eue.
Le député nous dit: J'ai averti le gouvernement! Je lui ai
donné l'information! Si moi-même, si le gouvernement, si le
ministre n'avait pas donné l'information publiquement en ce qui concerne
les montants qui commençaient à être grugés dans la
taxe, le député de Roberval serait encore ignorant de ce qui se
passe même dans sa propre région. Il ne savait pas que dans sa
propre région, la première année, on avait obtenu plus de
80 % de la baisse de la taxe. Les chiffres qu'il utilise pour essayer de
critiquer le gouvernement, je les lui ai fournis moi-même!
Si le gouvernement précédent avait retenu les
recommandations formulées par le groupe de travail en 1985 - il y avait
eu des recommandations concernant l'information, la mise en place de certaines
structures - peut-être qu'on ne serait pas ici aujourd'hui! Ce n'est pas
moi qui ai créé le problème. Le problème n'a pas
été créé par notre gouvernement. Le problème
a été créé par le gouvernement
précédent avec lequel le député de Roberval est
complice en continuant de répéter des choses qui ne sont
absolument pas vraies.
On a pris le risque de prendre nos responsabilités et d'imposer.
C'est quelque chose qu'aucun gouvernement au Canada n'a jamais fait. Nous avons
dît aux consommateurs, on vous a dit que vous auriez une baisse de taxe.
C'est vrai que j'ai rencontré les pétrolières. Je me fais
reprocher de les avoir rencontrées et d'avoir assuré le
député que tout allait bien. Non, je ne l'assurais pas que tout
allait bien. Je l'assurais que je les rencontrais. Et c'était ma
responsabilité. Si j'avais à le refaire, je les rencontrerais
encore.
Le fait de ne pas avoir eu la commission parlementaire avant, si on en
avait eu une avant, qu'est-ce que cela aurait apporté? Les
pétrolières étaient récalcitrantes. Elles ne
voulaient pas accepter de réduire leur prix pour rendre la taxe
effective. Alors, il a fallu qu'on prenne nos décisions. C'est facile
aujourd'hui pour le député de Roberval de verser des larmes de
crocodile pour les petits détaillants. Quand son gouvernement avait
baissé la taxe et que les pétrolières avaient
récupéré 477 000 000 $, les détaillants souffraient
à ce moment-là. Le gouvernement précédent n'a rien
fait. Les détaillants sont venus témoigner devant nous
aujourd'hui que cela fait deux ans, dans les régions
périphériques, qu'ils ont une meilleure marge. Pourquoi ont-ils
pu avoir une meilleure marge?
J'accorde toute la sympathie qu'ils méritent aux
détaillants, étant des petites et moyennes entreprises. Les
petits détaillants. Mais il faut être réaliste aussi et
appeler les choses par leur vrai nom. La baisse de la taxe a été
assumée non seulement par les pétrolières, mais aussi par
les détaillants. Et c'est clair que les détaillants vont venir
aujourd'hui se plaindre que le décret réduit leur marge parce
qu'ils ont admis que, durant les deux dernières années, leur
marge avait augmenté.
Avez-vous jamais posé la question, M. le député de
Roberval, à savoir pourquoi la marge du détaillant à
Matane a augmenté durant les deux dernières années? Ce
n'est pas parce que les pétrolières ont été
généreuses, c'est parce que les détaillants ont repris une
partie de la taxe de 0,045 $. Et le décret du gouvernement a dit aux
détaillants: Non, vous ne la reprendrez pas. Parce que ce qui est bon
pour les pétrolières, parce que ce sont des multinationale, est
bon pour le grossiste et pour le détaillant: une loi pour tout le monde.
On ne s'excuse pas d'avoir imposé ce décret.
Dans certains cas, c'est clair que certaines pétrolières
n'ont pas effectué toute la baisse, mais je n'ai jamais dit au
député de Roberval que toute la baisse serait assumée par
les pétrolières. J'ai dit le 17 juin que j'imposais un
décret à la pompe. J'ai dit que j'espérais que la baisse
soit partagée équitablement - je n'ai pas mis de pourcentage -
entre les pétrolières et les détaillants, parce que les
deux avaient augmenté. Si vous voyez les chiffres, les
détaillants qui disent que l'on faisait une marge de 0,09 $ le litre
avant le décret, il n'y a aucune pétrolière qui accordait
0,09 $ le litre aux détaillants. Ils ont pris les 0,09 $ et ils ont
été obligés de réduire leur marge, parce qu'ils
l'avaient grugée dans la taxe.
Alors, je n'avais jamais promis que c'étaient seulement les
pétrolières, j'ai dit équitablement et je suis intervenu
auprès des pétrolières. Il y en a une, la compagnie des
Canadiens, qui n'a pas fait ce qu'elle aurait dû faire, mais les autres
l'ont fait, à l'exception d'Irving. Irving n'a même pas
présenté un mémoire ici. Toutes les autres l'ont fait.
Elles l'ont fait équitablement. Esso, dans certains cas, a assumé
100 % de la baisse, dans d'autres cas 65 %. La moyenne d'Esso, c'était
50-50. Pourquoi 50-
50? Pourquoi pas toutes les pétrolières, M. le
député de Roberval? C'est bien clair, parce que l'augmentation de
la taxe avait été assumée aussi par les
détaillants. Sans que j'excuse - je ne suis pas le défenseur des
pétrolières - il faut certainement être juste envers tout
le monde. Elles ont repris la partie qu'elles avaient grugée et elles
ont obligé le détaillant. Il y a certaines exceptions. Alors,
c'est la situation dans laquelle on se trouve.
Je suis heureux d'avoir été à la commission
parlementaire. Je suis fier d'avoir pris la responsabilité d'imposer les
décrets parce qu'on a démontré qu'on les prend, nos
responsabilités, et que les décisions du gouvernement de baisser
la taxe ne doivent pas être prises à la légère, que
ce soit par les pétrolières, par les grossistes ou par les
détaillants. Quand le gouvernement exprime une volonté d'aider le
consommateur, je crois que toutes les parties ont l'obligation de respecter
cette volonté. Elles ont les moyens de le faire.
Cela ne résout pas le problème du 17 septembre. Je sais
que j'ai ce problème et je vais avoir des responsabilités
à prendre, M. le député de Roberval. À la suite des
représentations qui nous ont été faites ici, à la
suite de tous les éléments qui ont été
portés à notre attention, à la suite des suggestions qui
nous ont été faites, soit par le Club automobile du Québec
en ce qui concerne l'Office de la protection du consommateur, quant aux
informations qui doivent être fournies aux consommateurs, le
détail aux détaillants, le pour et le contre d'une régie
avec les problèmes que cela peut comporter, je peux vous assurer qu'on
prendra nos responsabilités, M. le député de Roberval. De
la même façon que la décision du ministre des Finances de
baisser la taxe pour en faire bénéficier le consommateur a
été prise, car il en a bénéficié, de la
même façon que la décision d'imposer par les décrets
un prix pour démontrer qu'on était sérieux, "we meant
business", a été prise, nous allons prendre nos
responsabilités le 17 septembre. Nous allons prendre notre
décision afin d'assurer les meilleurs moyens possible pour respecter
l'industrie qui a besoin de certaines marges de manoeuvre, pour respecter les
détaillants, mais aussi pour respecter la volonté du gouvernement
et les intérêts du consommateur.
Je veux remercier tous les membres de la commission pour leur
participation, l'apport qu'ils ont fourni, incluant les recommandations et les
suggestions de mon honorable collègue, le député de
Roberval. Je peux vous assurer que les décisions que le gouvernement
prendra seront dans les meilleurs intérêts de tous les
intéressés dans ce dossier. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Hovington): Merci,
M. le ministre.
La commission de l'économie et du travail ajourne les travaux
sine die, ayant accompli le mandat qui lui avait été
confié.
(Fin de la séance à 19 h 40)