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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mercredi 9 septembre 1987 - Vol. 29 N° 68

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les moyens d'assurer le respect des objectifs de la réduction de la taxe sur l'essence dans les régions périphériques


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance ouverte et je vous rappelle le mandat de la commission de l'économie et du travail, qui est de procéder à une consultation générale afin d'examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures d'aide aux régions périphériques relativement à la réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre dans ces régions. Ces mesures étaient prévues dans l'énoncé budgétaire du ministre des Finances du 18 décembre 1985 et dans le discours sur le budget du 1er mai 1986.

Je vous rappelle également l'ordre du jour qui a été adopté: de 10 heures à 10 h 20: remarques préliminaires du ministre; de 10 h 20 à 10 h 40: remarques préliminaires du critique de l'Opposition; de 10 h 40 à 11 h 40: le premier intervenant, Club automobile du Québec; de 11 h 40 à 12 h 40: Produits Petro-Canada; de 12 h 40 à 15 heures: suspension des travaux; reprise des travaux à 15 heures et, de 15 heures à 16 heures: Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue; de 16 heures à 17 heures: Texaco Canada Inc. et de 17 heures à 18 heures: Fédération nationale des consommateurs du Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cannon (La Peltrie) est remplacé par M. Lemire (Saint-Maurice).

Le Président (M. Théorêt): Merci.

Est-ce que les invités du Club automobile du Québec sont arrivés? Pas encore? J'aimerais maintenant céder la parole au ministre pour les remarques préliminaires.

M. le ministre.

Remarques préliminaires M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci. M. le Président, membres de la commission, examiner les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures d'aide aux régions périphériques relativement à la réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre dans ces régions, tel est le mandat de la présente commission parlementaire. Le défi est de taille et les événements qui en sont à l'origine méritent un bref rappel.

En décembre 1985, le gouvernement du Québec accordait un assouplissement fiscal aux consommateurs des régions dites périphériques au moyen d'un abaissement de la taxe sur les carburants. Le ministre des Finances avait alors décrété l'abolition de la surtaxe sur les carburants dans les zones dites périphériques du Bas-Saint-Laurent--Gaspésie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue et de la Côte-Nord. Le 15 mai 1986, lors du discours sur le budget 1986-1987, le comté de Rimouski était ajouté à la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie.

Les activités de surveillance de l'évolution des prix de mon ministère ont rapidement permis de constater que les consommateurs de ces régions, particulièrement à partir de la fin de mai 1986, ne bénéficiaient pas pleinement de cet avantage fiscal et que les pétrolières et, à un degré moindre, les détaillants, tiraient profit de cette baisse de taxe.

L'automne dernier, au cours de l'hiver 1987 et, finalement, le 15 mai 1987, j'enjoignais les pétrolières de procéder immédiatement au rajustement à la baisse des prix en région de façon que les consommateurs puissent tirer plein bénéfice de cette baisse de taxe.

Mes interventions répétées visaient à convaincre les intervenants, pétrolières, grossistes, indépendants et détaillants, de s'autodiscipliner et de rajuster volontairement leurs prix à la baisse. Devant leur inaction, une attitude plus ferme s'imposait pour redonner le plus rapidement possible le plein effet à la baisse de taxe.

C'est donc dans ce contexte que, le 17 juin 1987, le gouvernement a décrété, pour une période de 90 jours, des prix maximaux dans toutes les régions périphériques sauf celle du Nouveau-Québec. Le caractère particulier de l'approvisionnement de cette région de même que les variations prononcées des niveaux de prix rendaient, à toutes fins utiles, impossible la détermiination de prix maximaux pour l'ensemble de cette région. C'est pourquoi elle fut écartée des décrets.

Ceci m'amène d'ailleurs à préciser que l'imposition de décrets m'est apparue comme

le seul moyen d'intervention dont disposait le gouvernement, à ce moment, pour atteindre les résultats recherchés. C'est en dernier ressort que le gouvernement a retenu cette voie. Il s'agit d'une mesure temporaire et, j'en conviens, incomplète.

En annonçant les décrets, j'ai tenu à préciser que je m'attendais que les baisses de prix à la pompe soient réparties équitablement entre les pétrolières et les détaillants. J'ai également ajouté que je suivrais la situation de près et que je n'hésiterais pas à intervenir si nécessaire.

Quand certains détaillants, dans certaines régions, ont porté à mon attention le fait que la répartition de la baisse de prix ne se faisait pas de façon équitable entre les pétrolières et les détaillants, j'ai fait les représentations qui s'imposaient. Mon intervention pour les détaillants auprès des pétrolières a d'ailleurs permis un redressement rapide de la situation. Deux autres décrets ont par la suite été adoptés, le 30 juin et le 29 juillet respectivement. Ils visaient essentiellement à apporter certains ajustements à la définition des territoires inclus dans le décret initial.

Voilà un bref aperçu des événements qui forment la toile de fond de cette commission. Nous sommes maintenant réunis pour discuter du problème des prix dans les zones périphériques et définir les meilleurs moyens d'assurer le respect des objectifs des mesures d'aide à ces territoires.

Jusqu'à maintenant, le Québec s'est fié à la libre concurrence pour la détermination de prix justes pour les consommateurs. Par comparaison avec les nouveaux prix ayant cours dans les principales villes canadiennes, je constate que la situation des prix hors taxes, au Québec est comparable à celle de la moyenne canadienne. De juillet 1986 à juin 1987, en effet, la moyenne des prix au Québec, pour les trois types d'essence, s'est située au même niveau que la moyenne pondérée des différentes provinces canadiennes, seul l'Ontario accusant de meilleurs résultats à ce chapitre. Cependant, je ne vois pas pourquoi les Québécois ne devraient pas être aussi favorisés que les Ontariens sur le plan de leurs achats d'essence.

Ce constat est cependant valable pour les principales villes du Québec. Est-ce le cas pour les régions de moins grande densité démographique? Est-ce que les forces du marché qui prévalent dans les grands centres sont les mêmes que dans des régions moins populeuses? Comme l'a démontré l'analyse de mon ministère, cette question de la disparité régionale des prix est une réalité qui n'a pas considérablement évolué depuis une dizaine d'années. Il faut certainement accepter le fait que certains éléments, tels les coûts de transport et de stockage des produits, doivent inévitablement se transmettre au prix à la pompe. Par contre, les efforts de rationalisation du secteur de la distribution, amorcés depuis la fin des années soixante-dix, semblent avoir apporté des résultats plus avantageux dans les régions centrales que dans les zones éloignées.

En effet, de 1977 à 1985, les volumes de ventes moyens par établissement ont augmenté de façon significative dans les grands centres alors que les détaillants des territoires éloignés accusent, pour la plupart, un recul dans leurs performances à ce chapitre. De façon générale, les détaillants des zones périphériques, sauf peut-être ceux du Lac-Saint-Jean, ont des volumes de ventes nettement inférieurs à la moyenne observée à l'échelle provinciale. Il faut donc s'attendre que les plus faibles volumes à la portée des raffineurs et des détaillants les amènent à prélever des marges de bénéfices proportionnellement plus élevées que leurs vis-à-vis des régions centrales pour pouvoir générer des profits intéressants. Il sera intéressant de voir, durant cette commission, jusqu'à quel point ces éléments contribuent à expliquer les prix plus élevés en région.

Aussi, sera-t-il important de vérifier si la libre concurrence est aussi avantageuse pour les consommateurs des régions excentriques que pour ceux des centres plus populeux et d'identifier, le cas échéant, les moyens à prendre pour stimuler cette concurrence. Les décrets ne peuvent qu'apporter une solution temporaire à un problème particulier. Ils permettent une intervention à court terme seulement et ne constituent pas une solution permanente. Le mécanisme des décrets n'offre pas les moyens nécessaires pour obtenir tous les renseignements voulus, les évaluer, arriver à une décision en fonction de tous les éléments pertinents et relatifs à l'industrie et, finalement, pour veiller à l'application de ces décisions.

La Nouvelle-Écosse est la seule province canadienne à privilégier l'approche de contrôle des prix pour l'atteinte d'un niveau de prix équitable pour les consommateurs. Tout dernièrement, l'Île-du-Prince-Édouard a adopté une réglementation en vue d'uniformiser les prix de gros dans l'ensemble de son territoire. Une autre province de l'Est du pays, le Nouveau-Brunswick, a étudié cette question des prix de l'essence et le rapport déposé en décembre 1986 recommande que les prix soient régis. La loi, à cet effet, n'est toutefois pas encore en vigueur.

Ici, au Québec, la création d'une régie fait partie des éléments de discussion. Elle n'est ni nécessairement envisagée ni automatiquement exclue. Est-ce qu'une régie favoriserait les consommateurs? Quels seraient les inconvénients? Est-ce qu'une régie favoriserait les pétrolières ou les détaillants, comme certains mémoires le

prétendent? Y a-t-il d'autres moyens pour protéger les consommateurs? Quelles sont les conséquences de la formule "le détail aux détaillants", telle que préconisée par certains mémoires, pour les consommateurs?

Les travaux de cette commission doivent chercher à obtenir des réponses à ces questions et à identifier des solutions qui permettraient de s'assurer que les territoires éloignés du Québec soient les moins pénalisés possible sur le plan de leurs achats d'essence et puissent bénéficier de prix comparables à ceux ayant cours dans les centres les plus populeux.

Je m'attends, cependant, que les intervenants jettent la lumière sur les véritables raisons pour lesquelles les effets de l'abolition de la surtaxe sur l'essence dans les régions périphériques se sont progressivement dissipés à compter du mois de mai 1986, alors que le prix du pétrole brut était à son plus bas.

Il va sans dire que les solutions devront permettre, tant aux détaillants qu'aux pétrolières et aux autres fournisseurs, de réaliser des profits raisonnables en vue d'assurer leur viabilité. Essayer de privilégier les consommateurs, sans tenir compte de l'industrie est, à mon avis, une voie à éviter. Il y va, d'ailleurs, de l'intérêt même des consommateurs, une telle démarche risquant, en effet, de diminuer le degré de concurrence déjà rendu fragile à la suite de l'affaiblissement des infrastructures québécoises de raffinage au cours des dernières années.

En terminant, je remercie les intervenants d'avoir répondu à l'invitation de la commission et je souhaite que cette commission permette à tous les intervenants de s'exprimer librement et que les travaux amènent une solution qui assure le respect de l'objectif gouvernemental d'aide aux consommateurs des régions éloignées. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre, Je cède maintenant la parole au député de Roberval et critique officiel.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, j'aimerais vous indiquer combien nous sommes en profond désaccord avec le procédé utilisé par le ministre hier, par l'entremise de la commission parlementaire, pour tout bouleverser à la dernière minute en faisant fi de toutes les règles parlementaires usuelles qui veulent que le gouvernement et l'Opposition - le critique officiel - puissent se concerter pour établir un ordre de comparution en commission parlementaire.

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, hier soir à 17 h 15, le ministre, par la majorité ministérielle en commission parlementaire, nous imposait un ordre de comparution en commission parlementaire différent de celui qui avait été négocié précédemment. C'est un procédé contre lequel je me suis élevé, évidemment, avec vigueur et je tiens à indiquer que le fonctionnement démocratique de nos institutions et du Parlement repose essentiellement sur des ententes qui permettent à l'Opposition, quel que soit le nombre de députés qui la constitue, de préparer les commissions parlementaires, de préparer ses questions, de préparer ses interventions de façon convenable. Or, quand, à 17 h 15, la veille d'une commission parlementaire le ministre impose un changement dans l'horaire des travaux, je vous avoue qu'on n'a pas vu cela souvent, et je ne sais pas vraiment quand cela va arrêter. Hier, je posais la question suivante à celui qui vous a précédé sur le siège du président: Si, d'aventure, le ministre décidait à 9 h 55 ce matin de changer l'ordre de comparution en commission parlementaire, qu'adviendrait-il? Il semblerait que nos règlements permettent une telle situation.

M. le Président, je me suis élevé contre cette situation et je tenais ce matin à souligner que c'est un procédé qui n'est pas habituel dans nos institutions. C'est un procédé qui ne facilite pas, bien sûr, le travail de l'Opposition; au contraire, il est de nature à compliquer l'existence de tout le monde, en particulier du porte-parole officiel qui est obligé de s'ajuster en fonction des désirs du ministre. Les désirs du ministre, semble-t-il, peuvent avoir cours jusqu'à trois minutes avant le début de la commission parlementaire. C'est inquiétant.

De toute façon, M. le Président, pour parler davantage sur le fond du sujet, au-delà de la forme de la commission parlementaire, je voudrais simplement dire que le ministre nous a démontré que depuis le début, dans le dossier de l'essence, il fait fausse route. Il nous a démontré qu'il est dans l'erreur la plus complète depuis le tout début dans ce dossier car, aujourd'hui, nous voilà réunis en commission parlementaire, laquelle, d'ailleurs, avait été demandée par l'Opposition avant l'imposition d'un décret, ce que le ministre n'a pas voulu nous accorder à l'époque, en disant: Tout à coup les pétrolières ne se présenteraient pas en commission parlementaire. Curieusement, maintenant, elles se sont présentées, elles ont même préparé des mémoires de qualité. La raison valait ce qu'elle valait. (10 h 30)

Le ministre avait refusé cette commission parlementaire, lui qui avait toujours laissé voir qu'il aborderait le problème avec les compagnies pétrolières sous l'angle du dialogue, de la discussion, des échanges ouverts. De ses nombreuses

conversations téléphoniques avec les pétrolières, dont il n'est résulté que peu de choses, le ministre est passé d'un extrême à l'autre en imposant à tout le monde, par décret, le prix des produits pétroliers dans les régions périphériques.

Ce qu'il importe de savoir, c'est ceci. Si on reprend toute la question de la taxe ascenseur, qui se situait à 30 % et qui, évidemment, comme son nom l'indique, devait monter et descendre en fonction des prix de base des produits pétroliers, la taxe ascenseur a été éliminée par ce gouvernement, mais à un niveau tel que son caractère de taxe ascenseur, caractère qui permettait à la taxe de monter et de descendre, a été éliminé au moment où la taxe se situait aux environs - je dis bien aux environs, parce qu'il est difficile d'avoir des chiffres précis compte tenu des nombreuses variations qu'il y a dans ce domaine - de 38 %, 38,5 %.

M. le Président, le ministre des Finances du Québec, aidé de son collègue de l'Énergie, abolit le caractère ascenseur de cette taxe en la maintenant à un niveau tel qu'encore aujourd'hui, dans la plupart des régions du Québec, principalement les régions les plus peuplées, Montréal, Québec, les grands centres... Il a fallu faire nos propres calculs, les chiffres, semble-t-il, n'étant pas disponibles au ministère ou, du moins, on n'a pas voulu nous les donner. Le niveau de la taxe qu'on est en mesure d'observer se situait, en janvier 1986, en septembre 1986 et en mars 1987 - on a fait un certain nombre de simulations - à un chiffre aussi important que 40 % et à un chiffre moyen qui se situe aux environs de 34 %, 35 % ou 36 %. Le geste posé par le gouvernement en abolissant le caractère ascenseur de cette taxe au moment où l'ascenseur était, disons-le, collé au plafond, avant même de faire les ajustements qui s'imposaient, a eu pour effet de pénaliser. Il pénalise toujours l'ensemble des citoyens du Québec et cela, très fortement: 35 %, 36 %, 38 % et même 40 %, c'est indécent!

Le ministre, qui, semble-t-il, voulait poser un geste magnanime envers les régions périphériques, a décidé de réduire la taxe pour ces régions. Mais voilà que le niveau de la taxation, qui était si élevé au moment où on a aboli le caractère ascenseur de la taxe, a fait en sorte que, malheureusement, dans les régions, on n'a pas pleinement profité non plus de ce qu'aurait pu être une baisse de taxe substantielle. Dans certaines régions, malheureusement, la taxe se situe encore à 23 %, 24 %, selon les calculs qu'on peut faire et selon les mois qu'on prend. J'ai utilisé pour ce faire les chiffres que le ministre m'avait fournis à la suite d'une question inscrite au feuilleton, à l'Assemblée nationale, et ce sont les calculs qu'on a pu faire.

M, te Président, le ministre oblige les citoyens du Québec à payer leur essence plus cher à cause du niveau de taxe inconsidérément élevé au moment où on se parle parce que, sous le couvert d'une abolition de la taxe ascenseur, il a gelé la taxe à un niveau très élevé. Deuxièmement, le ministre, pour la première fois de mémoire d'homme, est intervenu directement dans le marché de la libre concurrence concernant le pétrole en région, concernant la distribution de l'essence en région. Les pétrolières l'ont indiqué et plusieurs intervenants l'ont indiqués Est-ce qu'il ne s'agit pas là d'une intervention inquiétante? Est-ce qu'on peut envisager pour l'avenir de maintenir des interventions gouvernementales ponctuelles dans le prix ou dans le jeu de la libre concurrence qui doit normalement se faire? Nous aurons très certainement, au cours de cette commission parlementaire, l'occasion de vérifier si la solution retenue par le ministre était la meilleure.

M, le Président, la baisse de taxe décrétée en région, politiquement, à court terme, c'est une bonne chose. C'est intéressant pour le ministre. Il passe pour quelqu'un qui a un préjugé favorable, mais, à moyen terme - on s'en est aperçu - c'est plutôt négatif. On sème le doute dans les esprits et, chaque fois qu'une des composantes du prix de l'essence fait en sorte qu'il y ait une fluctuation des prix, il est normal et naturel - neus l'avons fait au nom des citoyens - que chacun s'interroge, à savoir: Est-ce que les compagnies pétrolières sont en train de récupérer une baisse de taxe qui devait être dirigée aux citoyens ou s'il s'agit d'un facteur tout autre que te niveau de taxe qui justifie un ajustement des prix?

Le ministre a voulu poser des gestes politiquement rentables à court terme et, ce faisant, il a perturbé un marché pétrolier dont l'équilibre fragile pourra être démontré au cours de cette commission. Il a semé le doute dans l'esprit d'à peu près tout le monde au Québec, malgré les avertissements que nous lui avions faits que cette façon de procéder pour retourner de l'argent aux citoyens des régions qui sont, j'en conviens, pénalisés n'est peut-être pas la meilleure façon de procéder. Nous avons vécu une expérience négative il y a quelques années, lorsque nous formions le gouvernement. Nous avions pris la peine d'aviser le ministre du danger qui le guettait en posant des gestes comme ceux qu'il posait. Le ministre nous répondait toujours qu'il n'y avait pas d'inquiétude, qu'il n'y avait pas de problème. Il parlait aux pétrolières; c'était l'homme du dialogue. Il consultait les présidents d'entreprises pétrolières. Il s'entendait avec eux. Tout le monde était heureux dans te meilleur des mondes, mais je ne sais pas si les présidents des compagnies pétrolières et

les représentants de ces compagnies sont très heureux des gestes posés par le ministre qui, du tout au tout, a changé son attitude.

M. le Président, le geste du ministre, en plus de défavoriser les citoyens de tout le Québec, en plus de semer le doute face au marché pétrolier, en plus d'intervenir dans la libre concurrence, a placé les distributeurs indépendants dans une situation extrêmement difficile. Les distributeurs indépendants d'essence viendront nous expliquer comment leur marge de profit a été grugée par la décision du ministre et comment aussi, semble-t-il, en pleine application de décret, ils ont eu à faire face a une hausse de coût de leur produit. Ils nous diront aussi comment ce décret improvisé faisait en sorte de fixer le prix à partir de la capitale régionale, sans tenir compte des coûts importants de transport, par exemple, depuis la capitale régionale jusqu'à à l'extrémité des régions.

Ce décret a été tellement improvisé, M. le Président, il a été appliqué tellement rapidement et sans réflexion que le ministre a dû l'ouvrir. Il nous disait tantôt: Lorsqu'on m'a signalé des anomalies, je suis intervenu et j'ai réussi à replacer la situation. Ce n'est pas compliqué, il ne se serait probablement plus vendu d'essence dans certaines régions parce que la mesure qu'il avait mise en application était inappropriée, mettait en péril la survie d'indépendants qui, il faut bien le dire, dans le marché de la libre concurrence, M. le ministre, jouent un rôle extrêmement important compte tenu du fait que ce sont souvent les indépendants qui démarrent et déclenchent des guerres de prix et qui font en sorte qu'il y ait des ajustements. Il ne faut pas négliger cette catégorie de gens.

Au moment où le ministre avait fait sa déclaration ministérielle à l'Assemblée nationale, nous lui avions rappelé qu'il ne faudrait pas que ce soient les détaillants indépendants, les propriétaires de stations-service qui paient la note. Le ministre était supposé avoir tout prévu. On verra demain, quand les indépendants se présenteront devant la commission parlementaire, si c'est vrai qu'il avait tout prévu ou si ce ne sont pas ces gens qui ont fait les frais de l'outil utilisé par le ministre qui était tout à fait inapproprié dans les circonstances.

Dans sa hâte d'appliquer son décret, le ministre avait oublié Chibougamau-Chapais. Semble-t-il que, dans le Grand-Nord québécois, le pétrole arrive par bateau. À Chibougamau-Chapais, le quai est plutôt loin. Le ministre a été obligé de réaliser que le pétrole, pour ces deux villes du comté d'Ungava, représenté par mon collègue, M. Claveau, venait par camion-citerne. Le ministre s'est aperçu qu'il avait oublié Chibougamau-Chapais. Un détail! Une région importante du Québec. Un détail! Il avait oublié cela. C'est de l'improvisation, M. le Président.

Enfin, à la limite, je dirais que si le ministre avait raison en Chambre et disait vrai dans son décret, si c'est vrai que les pétrolières ont encaissé la baisse de taxe qui était due aux consommateurs, ce que nous essaierons de vérifier au cours de cette commission parlementaire, au moins pourrions-nous dire que nous l'avions prévenu de ce danger. Mais il ne semble pas que les compagnies pétrolières et le ministre, malgré leurs nombreux échanges de vues, au dire du ministre, se soient bien entendus là-dessus parce qu'ils ont des points de vue tout à fait opposés.

M. le Président, il faudra faire attention à une prolongation du décret ou à l'établissement d'une régie. Je pense que le ministre a exprimé des réticences là-dessus en disant: Ce n'est pas absolument exclu, mais ce n'est pas non plus la solution qu'on voudrait voir appliquer. II faut faire bien attention parce que le même ministre - on se rencontre régulièrement à la commission sur Hydro-Québec qui a toujours lieu dans cette salle - a tendance à accorder des hausses de tarif d'électricité à Hydro-Québec qui n'est pas la plus petite des entreprises, qui est une entreprise dans le domaine énergétique. Donc, à toutes fins utiles, il peut y avoir une certaine comparaison qui ne soit pas trop odieuse. Le même ministre accorde des augmentations de tarif à HydroQuébec sous prétexte que le rendement sur le capital investi devrait se rapprocher - et c'est l'argument d'Hydro-Québec - d'environ 13 %. On demandera aux compagnies pétrolières si le rendement sur le capital investi dans leur réseau de distribution s'approche de 13 %.

Il faudra faire attention parce que la journée où on aura une régie qui déterminera le prix de l'essence, j'imagine qu'un mécanisme comme celui d'une commission parlementaire qui étudie les demandes de hausse de tarif d'Hydro-Québec pourra être appliqué au marché pétrolier. Avec les orientations que prend le ministre dans le domaine de l'hydroélectricité où il consent des hausses de tarif pour augmenter le rendement d'Hydro-Québec, il y a fort à parier que le même ministre devra être sensible aux demandes des entreprises pétrolières qui réclameront très justement, au lieu d'un rendement de 3 % ou 4 % ou même 2 % sur le capital investi, un rendement de 12 % ou 13 % comme Hydro-Québec. Si le ministre se rendait à une demande comme celle des pétrolières, comme il le fait avec Hydro-Québec, imaginez ce que cela aurait comme impact sur les prix pour les consommateurs. Donc, il faut absolument être prudent et j'invite le ministre à être extrêmement prudent.

Nous allons essayer, au cours de cette

commission parlementaire, de trouver la meilleure voie pour résoudre le problème qui nous confronte aujourd'hui. Il n'en reste pas moins - je termine là-dessus, M. le Président - que le ministre a échoué sur toute la ligne. Il fait payer plus cher l'essence à la plupart des Québécois, il fait payer très cher l'essence aux gens des régions, malgré sa baisse de taxe. Il perturbe le marché pétrolier, il mécontente les pétrolières, il crée un climat d'incertitude dans ce marché et, aujourd'hui, il finit par se rendre à la commission parlementaire qui aurait dû précéder le décret parce qu'on aurait pu discuter avec les pétrolières, les indépendants, avant d'intervenir à deux pieds dans le marché. Un peu comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, le ministre est venu tout bousculer. On aurait pu faire la commission parlementaire avant. Il a procédé à l'envers, M. le Président. Je vous remercie. (10 h 45)

Auditions

Le Président (M, Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. J'inviterais maintenant les représentants du Club automobile du Québec à prendre place à l'avant, s'il vous plaîti

Dans un premier temps, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la bienvenue. Je voudrais vous rappeler que vous avez une heure qui est répartie comme suit: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 40 minutes pour discuter avec chacune des formations politiques, c'est-à-dire 20 minutes chacune. Je vous demanderais également de bien vouloir nous présenter ceux qui vous accompagnent.

Club automobile du Québec

M. Dufresne (Jean-Claude): M. le Président, je suis Jean-Claude Dufresne, le vice-président exécutif du Club automobile, CAA Québec. À ma gauche, mon adjointe aux affaires publiques pour l'Ouest de la province, Mme Lyna Côté; à droite, Mme Brenda Sanfaçon, adjointe aux affaires publiques pour l'Est du Québec. Je vais demander à Mme Lyna Côté de vous faire la lecture de notre mémoire.

Le Président (M. Théorêt): On vous écoute.

Mme Côté (Lyna): Merci beaucoup. Le CAA Québec, organisme sans but lucratif regroupant 383 000 membres au Québec, est vivement intéressé à faire part à cette commission de ses vues sur ce qui constitue l'objet de cette consultation générale.

Il est bon de rappeler, tout d'abord, que l'essence est un produit essentiel et que, malheureusement, les gouvernements ont tendance à le traiter sur le même pied que l'alcool et les cigarettes. Il s'ensuit des hausses continues de taxe que l'automobiliste et l'industrie du transport par route doivent subir et qui ne servent qu'aux fins de répondre aux besoins des usagers de la route et, en particulier, à la construction et à l'entretien des routes.

Produit essentiel parce que, pour 50 % des travailleurs, l'automobile constitue le seul moyen pour se rendre à leur travail; produit essentiel aussi pour le transport sans cesse croissant d'une grande partie des biens de consommation.

Toute hausse de taxe ou du prix de l'essence affecte plus tangiblement encore les travailleurs à faible revenu qui sont les plus sujets à utiliser leur voiture, des voitures plus âgées et à consommation plus élevée de carburant. Le tourisme aussi, qui constitue l'une de nos principales industries, en est forcement affecté, 85 % des vacanciers utilisant ce mode de transport.

Une hausse de taxe ou du prix de l'essence entraîne des conséquences économiques désavantageuses pour tous ceux qui dépendent du transport et du tourisme. Ainsi, une étude récente réalisée pour l'American Automobile Association par la firme Wharton Econometric Forecasting Associates révèle qu'à court terme "une augmentation de 0,10 $ du prix du gallon d'essence réduirait le produit national brut américain de tout près de 10 000 000 000 $, abaisserait la production automobile de l,3 % et ferait perdre 80 000 emplois en 1988 et 180 000 d'ici à 1990."

Au Canada, où l'essence coûte, en moyenne, au moins 0,14 $ de plus le litre et encore plus au Québec, il existe de nombreuses disparités entre les provinces. L'écart qui nous touche le plus est celui qui existe entre l'Ontario et le Québec et, même si certaines lois du marché peuvent peut-être expliquer en partie cet écart, il est certain que les taxes provinciales en constituent le principal élément.

Le problème qui nous confronte aujourd'hui remonte, en fait, à l'institution de la taxe ascenseur par le gouvernement précédent. Plus tard réduite, plus tard devenue fixe et accompagnée de rajustements de prix par les pétrolières et de plusieurs hausses de taxe fédérale, cette fameuse surtaxe a créé des iniquités entre les régions, surtout chez ceux qui sont appelés à parcourir de plus longues distances. Le fait d'avoir dû décréter des mesures d'aide aux régions périphériques nous apparaît en soi faire la preuve que cette surtaxe est injustement trop élevée. Le choix des régions peut être vu aussi comme discriminatoire et arbitraire.

La création d'une régie, d'un organisme de surveillance, de comités régionaux ou

d'autres formes de contrôle émanant du ministère de l'Énergie et des Ressources se révélera peut-être comme le seul moyen efficace de mettre de l'ordre dans une situation où l'automobiliste se sent victime du système et impuissant à intervenir. Ne le fait-on pas déjà pour l'électricité, le téléphone, les produits laitiers et autres?

L'on pourrait aussi étudier la possibilité de confier aux bureaux régionaux de l'Office de la protection du consommateur la surveillance des prix dans les régions touchées. Mais la seule solution équitable nous apparaît être le retour à un niveau de taxe plus conforme à celui des autres provinces et, en particulier, à celui de l'Ontario.

D'autre part, l'expérience nous révèle que nous ne pouvons compter sur le seul jeu de la concurrence entre les pétrolières pour régulariser la situation, surtout lorsqu'elles n'ont plus que trois raffineries où s'abreuver au Québec. S'il existe une soi-disant libre concurrence dans le marché présentement, certains indices nous portent à penser qu'elle n'est pas dénuée d'une certaine dose d'orchestration, pour ne pas dire de concertation.

De plus, les quelque 20 000 000 $ de rabais qui n'ont pas abouti dans les poches des contribuables des régions périphériques nous portent à conclure que le comportement des pétrolières et de leurs détaillants est sujet à caution et exige des mesures fermes de surveillance.

En conclusion, le Club automobile du Québec blâme les deux niveaux de gouvernement pour leur façon d'estimer l'importance du transport routier et son apport à la vie économique du pays. La disponibilité de carburant à un prix raisonnable est un service essentiel à la société et le taxer à outrance pour renflouer les finances publiques constitue une politique à courte vue et une injustice certaine pour, répétons-le, ceux qui n'ont que la voiture pour se rendre à leur travail et ceux qui transportent d'une ville à l'autre les biens de consommation dont nous avons tous besoin.

Organisme ou mesures de contrôle, peut-être, mais avant tout une taxation raisonnable non discriminatoire ni arbitraire qui place le consommateur québécois au diapason, tout au moins, des provinces avoisinantes.

Attendu que l'essence est un produit essentiel surtaxé, les taxes qu'on en retire ne devraient servir qu'à la construction et à l'entretien des routes et à assurer la sécurité des usagers de ces dernières. Sont particulièrement pénalisés les 50 % de travailleurs qui n'ont pas d'autre moyen que l'automobile pour se rendre à leur travail et tous les transporteurs routiers servant justement au transport de biens de consommation.

Les forts prix du carburant affectent également le tourisme et les industries qui en dépendent. Le Québec est l'endroit en Amérique où l'essence est la plus dispendieuse. Nous recommandons donc un niveau de taxe concurrentiel avec le reste de l'Amérique.

La création d'un organisme ou de mesures de contrôle nous apparaît comme une solution valable à condition que les moyens retenus soient souples et n'impliquent pas une autre lourde bureaucratie.

Le comportement des pétrolières exige une surveillance et des contrôles pour que les automobilistes et les transporteurs routiers puissent jouir d'une véritable libre concurrence. Toute la question des prix dans les régions périphériques mérite d'être revue et corrigée.

Le Président (M. Théorêt): Merci, Mme Côté. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier Mme Côté et le Club automobile du Québec. L'organisation que vous représentez est certainement un organisme qui est bien implanté dans le milieu québécois. Vous avez près de 400 000 membres dans tout le Québec; c'est un organisme respecté. C'est mon impression, à tout le moins, que vos avis ont toujours été assez pondérés et prudents.

Je voudrais expliquer pourquoi nous avons changé un peu l'ordre des intervenants aujourd'hui. Le député de Roberval a donné l'impression que nous avions chambardé complètement l'ordre des intervenants. Ce qui s'est produit hier matin, c'est qu'un intervenant nous a avisés qu'il ne pouvait se rendre aujourd'hui. À la suite de l'avis que nous avons eu hier vers 11 heures, nous avons été obligés de refaire l'ordre des intervenants. Nous n'avons pas tout changé; la seule chose que nous ayons faite, c'est inviter le Club automobile du Québec à comparaître en premier ce matin et les intervenants qui, au départ, devaient comparaître ce matin le feront cet après-midi, à 15 heures. C'est le seul changement que nous ayons fait. Je veux rassurer ceux qui nous écoutent, nous ne l'avons pas fait pour être arbitraires. Nous n'avons pas changé tout l'ordre des intervenants. Nous avons fait le changement parce qu'un des intervenants ne pouvait pas assister et l'autre raison, c'est que je croyais que c'était important d'avoir le Club' automobile du Québec comme premier intervenant. Vous représentez quelque 400 000 membres partout au Québec et vous nous apportez des recommandations qui sont assez globables, je pourrais dire; vous nous donnez une variété.

Alors, cela nous permet, à la suite des informations qu'on peut obtenir de vous, de peut-être utiliser ces informations pour poser des questions aux autres intervenants. Mes

collègues et moi avons cru, hier, puisque l'occasion nous était donnée de changer l'ordre - parce qu'un des intervenants ne pouvait pas venir - que c'était une bonne idée d'avoir le Club automobile du Québec comme premier intervenant et d'examiner toutes les suggestions et les recommandations. Peut-être qu'à la suite de cela, ça nous permettra d'apporter des éclaircissements et de poser des questions aux autres*

Vous faites état de taxes, de surtaxes et de la taxe ascenseur. Les larmes de crocodile du député de Robervai au sujet de la surtaxe me surprennent, parce que c'est son gouvernement qui l'a imposée, à 40 %. Alors, aujourd'hui il se porte défenseur des consommateurs. Vous savez, cela, c'est la politique. Ne vous en faites pas. On change de place et des fois - pas toujours - on change d'approche et de principe.

Je note, par exemple, que le député de Robervai est contre ou n'accueille pas l'idée d'une régie que vous préconisez. Peut-être qu'on pourrait préciser cela un peu plus. Je prends note du fait qu'il est contre une régie. Cependant, quelques-unes des raisons qu'il nous donne ne semblent pas coller à la réalité.

Quand il dit que c'est le ministre de l'Énergie qui a accordé une hausse à HydroQuébec, il omet de dire qu'on n'a pas accordé la hausse qu'Hydro-Québec demandait. On a réduit la hausse qu'elle demandait. Il omet de dire que le rendement d'Hydro-Québec n'est pas de 13 %. C'est ce qu'elle vise dans l'année à venir et c'était son rendement dans le passé. Son rendement, aujourd'hui, n'est que d'à peu près 4 %.

Pour amener son rendement à 13 %, on aurait été obligé de lui accorder une hausse d'à peu près 18 %. Mais c'est la hausse que le gouvernement précédent avait accordée à Hydro-Québec, 18 %, 16 % et 14 %. Alors, il ne faut pas se plaindre aujourd'hui que nous réduisions la hausse à 4,6 %, qui est moins que celle qu'Hydro-Québec avait demandée.

La raison pour laquelle je porte ces faits à votre attention, c'est un peu pour répondre aux quelques remarques du député de Robervai qui n'étaient pas tout à fait exactes et aussi pour susciter quelques réactions de votre part sur quelques questions que je vais vous poser tantôt.

En ce qui concerne les décrets, la décision de décréter les prix n'a pas été prise à la légère et je m'étonne du fait que le député de Robervai s'oppose à ce que nous ayons voulu prendre une mesure pour assurer que le consommateur bénéficie de la baisse de taxe. Eux, ils ont augmenté la taxe et, quand ils ont réduit le prix de l'essence, cela n'a rien apporté comme conséquence.

Les pétrolières ont augmenté les prix de 400 000 000 $ et le gouvernement précédent n'a pas agi. Nous, nous avons jugé que ce n'était pas de cette façon que nous voulions protéger les intérêts du consommateur. J'ai communiqué avec les pétrolières, c'est vrai. J'ai fait mon possible pour essayer d'arriver à une entente à l'amiable. Comme je n'ai pas pu le faire, à ce moment-là, le gouvernement a décidé de décréter et nous avons les chiffres à l'appui. (11 heures)

Le montant des décrets reflète la baisse de la taxe? on pourra le démontrer au cours de la commission. Dans votre mémoire, vous mentionnez que vous émettez une sérieuse réserve à l'égard de la bonne foi des pétrolières dans l'exercice de la concurrence au Québec. Vous semblez avoir moins de foi dans la concurrence au Québec que l'honorable député de Robervai qui, lui, semble être fixés la concurrence est là et on ne doit rien faire; les décrets étaient une erreur monumentale et il aurait fallu laisser se continuer la hausse des prix dans les régions périphériques. Si on n'avait pas agi, au lieu d'avoir repris 0,025 $ le litre, nos chiffres indiquaient que la tendance était que les pétrolières et les détaillants - les deux -étaient pour reprendre tout le 0,045 $ et notre baisse de taxe aurait été non pas pour le bénéfice du consommateur, mais pour celui des grossistes, des détaillants et des pétrolières.

Vous émettez une sérieuse réserve à l'égard de la bonne foi des pétrolières et de la concurrence au Québec. Permettez-moi de citer un extrait de votre mémoire. Â la page 3, vous dites; "S'il existe une soi-disant libre concurrence dans le marché présentement, certains indices nous portent à penser qu'elle n'est pas dénuée d'une certaine dose d'orchestration, pour ne pas dire de concertation." Est-ce que vous pourriez préciser les indices qui vous amènent à porter un tel jugement?

M. Dufresne: M. le Président, disons que le premier est le suivant. Vous vous rappellerez qu'il y a une couple d'années, aux États-Unis, la compagnie Exxon a été condamnée à une amende de 5 000 000 000 $ pour avoir surfacturé les consommateurs pendant une période de cinq ans, je pense. Elle a dû rembourser cette somme à des organismes qui s'occupaient de la protection des consommateurs, si ma mémoire est fidèle.

L'autre indice est qu'à Québec, comme vous le savez, il y a une raffinerie, plus

Irving qui vient des Maritimes. On me dit que tous les distributeurs s'alimentent à la même raffinerie.

Un autre indice c'est que lorsqu'une pétrolière augmente ou baisse le prix les autres suivent, et ce n'est pas long. C'est l'une après l'autre. On fait de la promotion et du marketing. On s'échange cela aussi de l'une à l'autre. S'il n'y a pas de

concertation, il y a un joli jeu d'équilibre naturel ou non qui semble s'établir et qui fait que, finalement, l'automobiliste se trouve toujours à être celui qui paie.

Encore ce matin, j'apprenais de notre bureau de Hull que le gallon d'essence coûte 0,08 $ de moins à Hull qu'à Ottawa. Il y a sûrement des choses qui ne tournent pas rond. Et le sort de l'automobiliste québécois, comme on le dît dans notre mémoire... C'est ici, au Québec, qu'on paie le plus cher, sauf peut-être à Terre-Neuve, à certains moments, et à l'Île-du-Prince-Édouard, à certains autres. Mais, généralement, on est les champions en Amérique du Nord, pour ce qui est du prix de l'essence. Sans en avoir la preuve par des indices précis, il faut admettre que les méthodes d'action nous apparaissent pour le moins douteuses.

M. Ciaccia: Vous évoquez, à la page 2 de votre mémoire, différentes formes de contrôle des prix de l'essence: régie des prix, organisme gouvernemental de surveillance, comités régionaux, Office de la protection du consommateur. Quelles formules vous paraissent les plus souhaitables dans les circonstances?

M. Dufresne: Bien, on craint, un peu comme pour toute régie, la bureaucratie qui pourrait en découler. C'est pour cela qu'on a ajouté l'idée que l'Office de la protection du consommateur, qui est déjà présent dans la plupart des régions du Québec, pourrait peut-être être l'organisme qui aurait le mandat de vérifier cela afin ne pas avoir à créer une autre régie. En fait, comme vous le voyez, on parle d'une régie ou d'un contrôle quelconque pour que les pétrolières sentent au moins qu'il y a une sorte de main invisible qui ne permet pas d'écart à l'encontre du bien-être des automobilistes.

M. Ciaccia: Vous parlez de l'office mais est-ce que vous préconisez d'autres organismes de contrôle qu'une régie? Vous venez de mentionner la possiblité que ce soit l'Office de la protection du consommateur. Est-ce que ce serait un contrôle que l'Office de la protection du consommateur exercerait sur les détaillants et sur les pétrolières? Est-ce que c'est cela que vous envisageriez comme possibilité?

M. Dufresne: Oui. Écoutez, dans la forme, cela pourrait peut-être prendre certaines variations. Mais j'imagine que les bureaux régionaux pourraient faire une sorte d'enquête locale et faire rapport au bureau central de l'office, de sorte que le gouvernement serait informé s'il y avait réellement des abus dans certaines régions. Cela nous apparaîtrait, tout au moins à première vue, être la façon la plus simple. Il y a aussi les plaintes des consommateurs qui pourraient être adressées à ces bureaux pour dire que, dans tel comté ou dans telle région, on paie plus cher qu'ailleurs.

M. Ciaccia: Vous mentionnez dans le résumé de votre mémoire que toute la question des prix dans les régions périphériques mérite d'être revue et corrigée; est-ce que vous pourriez expliquer un peu? Qu'entendez-vous par là?

M. Dufresne: C'est parce qu'au début on avait cru que cette mesure avait pour conséquence de rendre plus concurrentiels les détaillants qui étaient situés près des frontières des autres provinces ou des États américains. Lorsqu'on a vu que le Saguenay-Lac-Saint-Jean était là-dedans - on a aussi mentionné tantôt deux autres villes qui sont situées assez loin des océans - on s'est demandé ce qui s'était passé. Le phénomène, probablement, c'est que ce sont des distances plus éloignées des raffineries, dans certains cas, et plus éloignées également des cours d'eau qui amènent le pétrole. C'est pour cela qu'on dit que c'est discriminatoire, dans le sens qu'une ville qui est peut-être à 25 milles de tel endroit ne jouit pas de la diminution alors que l'autre en jouit. Pourquoi? Où est la ligne de démarcation qui rend la chose juste pour tout le monde?

C'est la même chose pour les stations près des frontières. Pourquoi, cinq milles plus près, n'ont-elles pas le rabais alors que cinq milles plus loin, elles l'ont? Dans la sélection du marché, il y a quelque chose d'arbitraire, forcément.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Peut-être que je pourrais revenir...

Le Président (M. Théorêt): Après. Merci, M. le ministre. Pour l'alternance, on reviendra avec M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les gens qui ont préparé ce mémoire et qui ont pris la peine de venir nous le présenter. J'aimerais savoir - c'est une question d'organisation des travaux - à quel moment vous avez été prévenus que vous deviez être en commission parlementaire ce matin?

M. Dufresne: À 17 h 40, hier après-midi.

M. Gauthier: 17 h 40, hier après-midi. Je l'ai su quinze minutes avant vous, merci.

M. Dufresne: Et j'étais à Val-David.

M. Gauthier: Je suis heureux de voir que vous avez au moins pu l'apprendre.

M. Ciaccia: ...pour l'Opposition, on vous l'a dit avant.

Une voix: Vous êtes bien chanceux.

M. Gauthier: Tu es fier de toi.

À la page 2 du mémoire, M. le Président, j'aimerais que nos invités m'expliquent... Il y a une phrase avec laquelle, a priori, je ne suis pas d'accord. C'est le quatrième paragraphes "Le fait d'avoir dû décréter des mesures d'aide aux régions périphériques nous apparaît en soi faire la preuve que cette surtaxe est injustement trop élevée." Les gens du Club automobile du Québec peuvent-ils nous expliquer en quoi le fait qu'un gouvernement décide d'abaisser une taxe pour une région ou pour des régions bien précises constitue une preuve que la taxe est trop élevée? Est-ce qu'il ne s'agit pas simplement d'un choix politique, comme les gouvernements en font tous les jours? Tantôt, c'est l'impôt; tantôt, ce sont les taxes. Il y a des jeux différents de fiscalité qui se font par les différents gouvernements. En quoi croyez-vous que cette baisse peut être une preuve que la taxe est trop haute?

M. Dufresne: Si on sent le besoin de la baisser, c'est que des gens ont trouvé qu'elle était trop élevée. Mais elle est trop élevée pour tout le monde. Je pense que c'est la même chose pour les impôts provinciaux et fédéraux. Pourquoi est-ce qu'on ne baisse pas les impôts dans certaines régions? Il me semble que toute taxe ou toute imposition qui est juste et justifiée devrait l'être pour tout le monde, à moins qu'il n'y ait des raisons vraiment valables pour défendre chaque cas. Dans ce cas-là, il ne nous apparaît pas y avoir de raisons suffisantes. Si c'est à cause des distances et du coût du transport, je pense que les pétrolières devraient tenir compte que Québec est une province immense et ne pas pénaliser les citoyens en périphérie parce qu'on a une grande province. Je trouve que le principe de diminuer les prix dans une région donnée est, en soi, une preuve qu'il y a une surtaxe, que le montant est trop élevé. Je peux me tromper, mais c'est ma logique et j'en suis convaincu.

M. Gauthier: C'est sûr que les taxes sont toujours trop élevées, à notre point de vue, quand on les paie, sauf que ce n'est pas parce que... L'inverse serait aussi vrai. Si le fait de baisser le niveau de taxe, par le gouvernement, est une preuve que c'est trop haut, il pourrait arriver, quand un gouvernement l'augmente, que la logique inverse soit vraie. C'est parce qu'il n'est pas assez haut. Je ne crois pas qu'il s'agisse là, malgré tout le respect que je vous doive, d'une preuve.

J'ai de la difficulté à cerner votre point de vue. Vous dites que le Québec est grand, qu'il y a des régions et que cela amène des fluctuations de prix. À certaines occasions, j'ai l'impression que vous avez le goût de dire: Oui, le gouvernement fait bien d'établir des niveaux de taxation différents pour compenser l'étendue du Québec et le fait que des citoyens soient pénalisés. Et, à certaines autres occasions, dans votre mémoire, c'est écrit que, d'une certaine manière, c'est discriminatoire et qu'il ne devrait pas y avoir des niveaux de taxe différents. Quelle est votre position de façon très précise? Êtes-vous pour les disparités régionales au niveau de la taxe ou si vous êtes contre à tout prix?

M. Dufresne: ...

M. Gauthier: Pardon? Excusez-moi. Votre micro ne fonctionne pas.

M. Dufresne: Nous sommes contre les disparités quelles qu'elles soient.

M. Gauthier: Vous êtes contre les disparités quelles qu'elles soient.

M. Dufresne: Nous croyons que les automobilistes devraient avoir le même sort où qu'ils habitent. Par exemple, s'ils avaient à circuler sur une autoroute payante, je ne vois pas pourquoi le citoyen de Chibougamau devrait payer moins cher ou plus cher parce qu'il vient de Chibougamau ou de Gaspé.

M. Gauthier: Est-ce que je vous comprends bien, est-ce que je vous traduis bien si je vous dis que la régie que vous proposez, ou une forme de contrôle par l'Office de la protection du consommateur ou autre, serait l'organisme qui... Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans votre système. Vous savez que le Québec, et vous l'avez dit, est grand. Il y a des coûts de transport et il y a des coûts de distribution qui sont différents. C'est bien sûr qu'exploiter une station-service dans une municipalité isolée de 2000 habitants, ce n'est pas tout à fait le même rendement, parce que cela coûte la même chose, qu'exploiter une station-service en plein coeur de la ville de Montréal qui a un gros volume de ventes. II y a évidemment des coûts différents. Puisque vous trouvez que les gens dans les régions devraient, à votre avis, tous payer à peu près la même chose pour ne pas qu'il y ait d'iniquité, comment suggérez-vous que se fassent les ajustements? Il faut que quelqu'un, quelque part, paie le coût supplémentaire du transport, de la distribution de l'essence, etc. Qui va payer cela? Où suggérez-vous qu'on l'assume? Vous êtes pour un niveau de taxe qui soit le même partout. Vous êtes pour des prix équivalents partout et vous admettez qu'il y

a des coûts bien différents d'une région à l'autre. Où pourrait-on, selon vous, prendre cet argent?

M. Dufresne: Je pense que les pétrolières sont gagnantes dans certaines régions et perdantes dans d'autres. On a dit qu'en Ontario, à cause d'une plus grande concurrence, les prix étaient plus bas. En supposant que cela soit vrai, l'avantage qu'il y a en Ontario par rapport au Québec, je pense que dans l'ensemble du pays, cela doit s'égaliser. Si on croit en un pays unifié avec une certaine justice pour tout le monde, il faudra trouver une espèce d'équilibre pour ne pas pénaliser certaines régions au détriment de d'autres. Qu'il y ait plus de concurrence en Ontario, cela ne me convainc pas nécessairement qu'on devrait payer en moyenne toujours 0,07 $ à 0,08 $ de plus au Québec. Au Québec, on abuse du fait que, précisément, il y a peut-être moins de concurrence. Dans la région de Québec en particulier, il y a une seule raffinerie, plus Irving, et tout le monde s'approvisionne là. C'est une question de marketing des pétrolières. Je ne dis pas que c'est une mauvaise façon d'agir, je dis qu'elle est injuste pour certains usagers de la route.

M. Gauthier: Est-ce qu'au moment où vous avez préparé votre mémoire vous avez été à même de faire des vérifications de la situation - c'est en Nouvelle-Écosse, je crois, qu'il y a une régie - en Nouvelle-Écosse où il y a une régie de contrôle des prix de l'essence? Est-ce que vous avez été à même de vérifier les chiffres, le prix d'un litre d'essence en Nouvelle-Écosse?

M. Dufresne: Nous avons écrit au ministère concerné et nous n'avons pas encore eu de réponse. Cela semble assez confus dans ce coin-là. (11 h 15)

M. Gauthier: Cette suggestion que vous faites ne repose pas sur le fait que vous ayez observé une situation préférable ailleurs. Si je comprends bien, la suggestion est plutôt faite sur une base intuitive, dans ce sens que vous pensez que ce serait peut-être mieux et que ce serait peut-être la solution abordée. Cela ne repose pas sur des...

M. Dufresne: Nous en savons ce que vous en avez su par les journaux vous-mêmes, justement parce qu'on n'a pas eu de réponse des ministères concernés. Si j'ai bonne mémoire, le ministre chargé de cet organisme avait exprimé la crainte que les prix soient peut-être plus élevés si une régie régissait justement ces produits-là. C'est possible qu'on en vienne aux mêmes conclusions au Québec mais, au moins, l'automobiliste ne serait pas devant une situation d'inconnu, ne sachant pas qui va augmenter la taxe sur le prix une journée et, le lendemain, la changer. Beaucoup de nos membres nous demandent ce qui se passe et ce qu'on fait pour les protéger. On leur dit qu'on écrit des communiqués, qu'on présente des mémoires comme aujourd'hui, mais ce n'est pas une réponse très complète. On ne sait pas s'il n'y aura pas, demain matin, une nouvelle taxe ascenseur ou si les pétrolières ne décideront pas d'une autre guerre de prix locale. Ces guerres de prix durant quelques jours, vous le savez, s'éteignent ensuite et on recommence dans une autre région.

Premièrement, il y a une situation d'inconnu et on ne sait vraiment pas quoi répondre à nos membres. C'est ce qu'on aimerait savoir.

M. Gauthier: Quand vous parlez, dans votre mémoire, d'un organisme de surveillance et que vous parlez de l'Office de la protection du consommateur, on a l'impression que l'organisme de surveillance que vous proposez a plus un pouvoir moral qu'un pouvoir d'intervention. À certains moments, à lire votre texte, j'ai l'impression que vous souhaiteriez une espèce d'organisme qui ferait les vérifications, pourrait aviser le ministre ou les pétrolières à savoir qu'on s'aperçoit qu'il y a du jeu dans le prix de l'essence qui nous apparaft indû. Je ne crois pas voir, dans vos recommandations, une recommandation à l'effet de mettre en place une régie avec de vrais pouvoirs de fixation de prix, etc. Est-ce que je vous comprends bien quand j'interprète cela de la façon suivante?

M. Dufresne: On n'exclut pas la régie en bonne et due forme, mais on craint les mécanismes et la bureaucratie que cela entraîne. Par contre, on dit bien que cela existe pour l'électricité, le téléphone et les produits laitiers. Si on suggère l'OPC, c'est un exemple parmi d'autres, mais l'OPC, par exemple, fait des vérifications quand il a des plaintes à propos de garagistes incompétents. Quand il y en a qui sont accusés, cela paraît dans les journaux. Je pense qu'une telle publicité pourrait être très efficace pour empêcher que les pétrolières soient portées à abuser des clients dans une région donnée. Ce serait une sorte d'organisme moral, si vous voulez. On n'a pas étudié les mécanismes, on vous laisse le soin de le faire. C'est une suggestion parmi d'autres, mais il y a une sorte d'ange gardien qui surveillerait la situation et qui pourrait dire à une région donnée, par exemple: Vous vous faites exploiter parce que, dans l'autre région à côté, il y a une guerre de prix et on demande moins cher. Au moins, le public consommateur serait renseigné sur ce qui se passe, tant du côté des gouvernements que des pétrolières.

M. Gauthier: Croyez-vous, M. Dufresne, qu'une commission parlementaire comme celle qu'on vit présentement mais dans un autre contexte, c'est-à-dire faite avant le mauvais coup du ministre et non après pour réparer les pots cassés, où on inviterait les intervenants comme on le fait présentement, sans pouvoir direct mais avec un pouvoir moral évidemment, celui du Parlement, pourrait être une suggestion intéressante? Par exemple, une fois l'an une commission parlementaire pour entendre les intervenants, les associations de consommateurs, pour discuter du niveau des prix du pétrole, croyez-vous que ce pourrait être une solution intéressante?

M. Dufresne: Je ne sais pas si une par an est nécessaire, mais je suis sûr que, de celle-ci, devraient sortir des choses intéressantes. Il est fort possible que les pétrolières fassent la démonstration que leurs prix sont normaux - j'en doute, mais c'est possible - comme les gouvernements nous diront aussi que leurs taxes sont justifiées. Je pense que ce qui est important, c'est que le public sache quelle est la position des gouvernements, la position des pétrolières. Au moins, quand il va se plaindre, il va se plaindre en meilleure connaissance de cause. À l'heure actuelle, quand vous lisez les journaux, cela dure depuis des années; une déclaration, une journée, contredit celle de la veille, un éditorialiste a une autre opinion. Bref, on ne sait plus où donner de la tête là-dedans. Peut-être qu'une commission ou un organisme d'information du gouvernement pourrait mettre la situation à jour une fois par année ou tous les six mois, je ne sais pas. Cela peut être une suggestion.

M. Gauthier: Dans les recommandations que vous faites, vous avez certains attendus, puis vous dites. "En conséquence, nous recommandons." Première recommandation: "Nous recommandons un niveau de taxe concurrentiel avec le reste de l'Amérique." J'ai comme un problème à vous suivre là-dessus, parce qu'on sait qu'aux États-Unis, la fiscalité étant ce qu'elle est, le niveau de richesse du pays étant ce qu'il est, la population étant ce qu'elle est, il y peu de choses comparables avec la situation canadienne et québécoise, en particulier.

Comment voyez-vous cette recommandation? Le niveau de taxe concurrentiel avec le reste de l'Amérique peut représenter un manque à gagner, puisqu'il y a des choix gouvernementaux qui se font, de plusieurs centaines de millions de dollars pour le gouvernement du Québec. Ne trouvez-vous pas cette recommandation un tantinet extravagante?

M. Dufresne: C'est parce qu'elle affecte le tourisme. On n'est pas capable de vous dire exactement jusqu'à quel point elle l'affecte. Nous savons par des sondages passés, surtout dans le pire de la crise, il y a quelques années, que des touristes ou des automobilistes canadiens ont changé leurs projets de vacances à cause du prix de l'essence, surtout à ce moment. Comme vous le savez, beaucoup de touristes canadiens vont aux États-Unis. Je ne dis pas qu'ils vont aux États-Unis parce que le prix de l'essence au Canada est plus cher, mais ce n'est sûrement pas un facteur qui aide les choses. Il y a aussi que le prix de l'essence augmente le prix des biens de consommation. Et ce n'est pas un plaisir de vacancier, ce sont des choses qu'on mange, vous et moi, chaque semaine»

Alors, sur le plan touristique, sur le plan de la consommation, la disparité existe entre les deux pays, entre autres, parce que, d'abord, je pense, les gouvernements canadien et québécois imposent beaucoup plus de taxes que le gouvernement américain. D'ailleurs, on cite des chiffres d'une étude américaine qui disent ce que cela donnerait s'il y avait une hausse de taxe de 0,10 $ le gallon aux États-Unis. On a également des chiffres pour une hausse de 0,30 $. Le résultat serait quasiment catastrophique parce que cela a toutes sortes d'implications économiques: chômage, diminution des emplois.

Aussi, ce sont seulement les automobilistes qui paient. Je pense que c'est injuste, surtout pour ceux qui n'ont que la voiture comme moyen de transport. Ce sont eux qui sont pénalisés. On n'est pas en Europe ici, où les moyens de transport interurbain et de transport en commun sont très développés. Ici, au Québec, à part le métro de Montréal, les transports en commun, ce n'est pas l'idéal. C'est toujours un peu l'automobiliste qui fait les frais. Il paie probablement aussi sa part du coût du toit olympique. C'est pour cela qu'on dit qu'on considère l'essence comme un besoin essentiel, alors qu'on la traite plutôt comme la cigarette et les boissons, et on trouve cela anormal.

M. Gauthier: Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, vous soulignez à quelques reprises, dans votre mémoire, que l'essence est un produit essentiel surtaxé. Je pense que c'est la base de l'une de vos recommandations, une des conditions à laquelle vous vous attaquez. Comment expliquer que le gouvernement, justement, ait baissé les taxes dans les régions périphériques mais que les prix à la pompe n'aient pas baissé dans la même proportion? Ils ont baissé au début mais, après, ils ont remonté. Alors, quand vous

venez me dire qu'il faut baisser les taxes, l'expérience qu'on vient de vivre c'est qu'on les a baissées dans les régions périphériques, mais que ce n'est pas le consommateur qui en a bénéficié.

M. Dufresne: Je pense que cela souligne le besoin d'avoir des mesures ou un organisme de contrôle quelconque pour que la libre concurrence puisse jouer, mais tout le problème provient de la fameuse taxe ascenseur qui a déclenché tout cela et qui fait qu'on ne peut pas se comparer sur le plan des prix avec l'Ontario et les provinces maritimes, par exemple...

M. Ciaccia: Dans l'une des réponses que vous aviez données, vous parliez des renseignements au public. Croyez-vous que les pétrolières informent bien le public?

M. Dufresne: Non, je pense que ce serait peut-être de mauvaise guerre pour elles de le faire aussi. Elles sont en affaires pour faire des profits, évidemment, et pour vendre des produits pétroliers. Elles ont quand même certaines lois de la concurrence à suivre, elles aussi. Je pense que si les gens connaissaient mieux leur marge de jeu on réaliserait probablement qu'elles ne font pas des profits aussi importants qu'on ne le pense. Je ne voudrais pas blâmer uniquement les pétrolières parce qu'elles aussi ont des obligations et toutes sortes de taxes à payer. Cela fait partie du réseau. Si le consommateur savait exactement quelle est la répartition du coût d'un litre d'essence entre les gouvernements et les producteurs, au moins, il pourrait se faire un jugement sur la question.

M. Ciaccia: Croyez-vous que ce serait utile, pour le consommateur, d'avoir ces informations et quelles conséquences ce pourrait-il avoir pour lui?

M. Dufresne: À mon avis, ce pourrait être très utile. D'abord, au plan politique, il pourrait déterminer si son gouvernement le surtaxe et, aussi, s'il n'y a pas moyen de trouver, parmi les pétrolières le meilleur prix - je sais que généralement la même politique de prix est suivie - ou peut-être encourager certains garagistes indépendants, s'il y en a qui sont capables de s'approvisionner à des sources moins coûteuses. Bref, cela pourrait susciter une action quelconque ou, du moins, une réaction chez les automobilistes qui sont les victimes de tout cela. Au moins ils seraient vraiment renseignés sur la situation et sauraient qui paie quoi.

M. Ciaccia: Alors, vous seriez favorables à ce que plus d'informations soient données...

M. Dufresne: Oui.

M. Ciaccia: ...que ce soit par les pétrolières ou un autre organisme, plus d'informations sur les prix, sur l'industrie, sur les taxes et sur tous les éléments qui composent pour que cela puisse... Et vous pensez que ceci pourrait aider le consommateur.

M. Dufresne: Oui. D'ailleurs, nous-mêmes, quand nous appelons à l'un de vos ministères pour savoir la composition du prix du litre d'essence au Québec, c'est toute une histoire pour avoir tous les détails et c'est très complexe. Il y a toutes sortes de taxes qui entrent: les taxes fédérales, la taxe d'assise, la taxe de vente, etc. Quand on regarde du côté des pétrolières, c'est la même chose. Mais, tout au moins, si l'information était donnée, ceux que cela intéresse pourraient au moins...

M. Ciaccia: L'utiliser.

M. Dufresne: ...l'utiliser, c'est cela.

M. Ciaccia: On avait parlé tantôt de l'Office de la protection du consommateur et que, peut-être, une des solutions pourrait être l'implication de l'office. Si le rapport de l'Office de la protection du consommateur révélait qu'il y avait des abus - supposons qu'on prenne cette solution - et qu'il fasse une étude ou une enquête où l'on révélerait que, dans un certain endroit, il y aurait des abus, quelle action devrait être prise à ce moment? Que pouvez-vous suggérer ou comment voyez-vous l'office fonctionner? Je comprends, je ne veux pas aller dans tes détails, c'est simplement en général.

M. Dufresne: Tout dépend du mandat qu'on lui donnerait. J'imagine que l'OPC relève d'un ministère qui, lui, serait en mesure de faire passer des décrets qui répondraient aux circonstances. L'OPC c'est une suggestion parmi d'autres - serait, comme je le disais tout à l'heure, une sorte d'organisme de contrôle ou d'ange gardien qui représenterait le gouvernement un peu partout au Québec et qui pourrait renseigner tant l'automobiliste que les instances gouvernementales sur la manière dont la situation se passe. J'ai un exemple ici: lorsqu'il y a eu une augmentation de la taxe de 0,01 $ le litre, en janvier dernier, les pétrolières en ont légalement profité pour augmenter le prix de 0,01 $ le litre de plus en même temps. Alors, on dirait qu'il y a une collusion entre les deux et que c'est à qui augmenterait le plus. Le résultat, c'est qu'on paie toujours plus qu'ailleurs en Amérique du Nord, et c'est contre cela qu'on en a. Pourquoi payer 0,07 $ ou 0,08 $ de plus à Montréal qu'à Toronto?

(11 h 30)

M. Ciaccia: Vous croyez que si un office, comme vous le mentionniez, agissait comme ange gardien et pouvait informer le public immédiatement soit de la baisse du prix du brut, soit de l'augmentation de la taxe ou soit des différents éléments qui composent le prix, ce serait l'un des rôles que l'office pourrait avoir et qui pourrait être utile pour le consommateur.,

M. Dufresne: En fait, en mettant de côté l'aspect juridique de la chose, l'aspect de l'information, par des communiqués aux médias, est peut-être ce qu'il y a de plus fort, parce que les gens prennent connaissance de cela et cela a souvent un effet efficace. Quand l'OPC, par exemple, condamne un commerce pour pratique illégale, il est certain qu'il vient de porter atteinte à sa réputation et il y a de grosses chances que le commerce en question doive fermer ses portes. Si c'est bon pour des garagistes ou d'autres maisons qui font des actes illégaux, je ne dis pas qu'il y a des actes illégaux dans la question du prix du pétrole, mais, au moins, il pourrait faire office d'informateur public de la situation et le consommateur pourrait juger lui-même qui abuse et qui n'abuse pas.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Oui, M. le Président. II y a une chose que je voudrais me faire expliquer. À la page 2 de votre mémoire, au troisième paragraphe, vous dites: "Le problème qui nous confronte aujourd'hui remonte en fait à l'institution de la taxe ascenseur par le gouvernement précédent." Un peu plus loin, vous dites: "Cette fameuse surtaxe a créé des iniquités entre les régions." Pouvez-vous m'expliquer cela, qu'une taxe, qu'elle soit ascenseur ou non, de 20 % ou de 30 %, appliquée sur un produit puisse créer des iniquités?

M. Dufresne: Au moment où elle était ascenseur, c'était un pourcentage qui s'appliquait sur un prix qui était plus élevé dans certaines régions.

M. Gauthier: La taxe ascenseur s'appliquait sur le prix du produit au sortir de la raffinerie, sauf erreur. Je n'ai pas l'impression que...

M. Ciaccia: Non, excusez-moi, je vais...

M. Gauthier: Peut-être que le ministre pourrait nous donner...

M. Ciaccia: Oui. La taxe ascenseur

S'appliquait sur le prix à la pompe. Cela veut dire que si le prix à la pompe.

M. Gauthier: D'accord. S'il variait d'une région à l'autre, à ce moment-là...

M. Ciaccia: Oui, alors, cela veut dire que, dans une région - je pense que monsieur a raison..,

M. Gauthier: D'accord.

M. Ciaccia: ...si elle variait et si vous ajoutiez 40 %, vous pénalisiez une région plus qu'une autre.

M. Gauthier: Dans ce sens-là, d'accord. À cet égard, si je comprends votre logique, la taxe de vente provinciale, par exemple, crée des iniquités aussi entre les régions.

M. Dufresne: C'est une bonne question, sauf que la taxe provinciale s'applique sur tous les produits.

M. Gauthier: Non, je comprends bien, mais...

M. Dufresne: Je pense que c'est un autre débat, la taxe...

M. Gauthier: Non, mais je vous demande si vous êtes d'accord que la taxe provinciale de vente de 9 % crée des iniquités entre les régions.

M. Dufresne: Elle est la même partout. À première vue... Je ne sais pas quoi vous répondre.

M. Gauthier: C'est parce que vous parlez d'une chose qui, dans le fond, ne fait pas l'objet de la commission. L'objet de la commission, en réalité, c'est qu'il y a eu un problème quand te ministre a essayé de différencier le taux de taxe dans les régions et qu'il l'a baissé de 10 % de plus qu'ailleurs, dans certaines régions. Il a manqué son coup...

M. Ciaccia: Quand vous dites le ministre, vous voulez dire le ministre des Finances, n'est-ce pas?

M. Gauthier: 11 a manqué son coup... M. Ciaccia:Oui, c'est cela.

M. Gauthier: C'est bien évident, il a manqué son coup, il a été obligé de faire un décret pour fixer le prix des produits pétroliers pour trois mois et, là, le décret est terminé et il faut savoir ce qu'on va faire dans l'avenir; si son affaire est encore applicable ou s'il va revenir à un taux de taxe moyen. Je ne sais pas quelle est la

solution qu'il va prendre.

Quant à vous, alors qu'on étudie ce problème du décret gouvernemental et du fait que les pétrolières ont peut-être - oui ou non, qui sait, on le saura peut-être à la fin des deux jours - bouffé le produit de la taxe qui devait revenir aux consommateurs, vous nous dites dans un mémoire: C'est la taxe ascenseur du précédent gouvernement qui a créé des iniquités dans les régions. J'avais l'impression que, du fait que la taxe était au pourcentage, c'était 30 % partout, cela ne créait pas d'iniquité. Vous me dites: Le fait que l'essence coûte plus cher au Lac-Saint-Jean, 30 % du prix de l'essence au Lac-Saint-Jean, cela fait un peu plus cher que 30 % du prix de l'essence à Montréal; il y a une fraction de cent. C'est cela, votre calcul.

Je vous pose comme question, pour fins de vérification: Donc, vous admettez que la taxe de vente provinciale de 9 % fait exactement la même chose que la taxe sur l'essence, parce qu'elle s'applique au prix d'un produit vendu à Chibougamau ou vendu à Montréal. 9 % sur un chandail qui vaut 12 $ à Montréal représente moins que 9 % sur le même chandail qui se vend 13 $ à Chibougamau. Alors, à ce moment-là, vous me dites: Pour la taxe de vente, non; elle est partout pareille.

Je voudrais savoir quelle est la différence entre l'exemple que je viens de vous donner sur la taxe de vente et le fait qu'il y avait une taxe sur l'essence, ascenseur ou non. C'est un autre débat, mais vous semblez vous acharner sur la taxe ascenseur. Je voudrais savoir en quoi, de façon particulière, elle a créé des iniquités, à moins qu'on n'admette que toutes les taxes du gouvernement créent des iniquités.

M. Dufresne: À première vue, votre chandail à Chibougamau, s'il coûte 15 $, vous pouvez toujours venir le chercher à Québec à 12 $, mais vous allez dépenser la différence en essence. Je n'ai pas étudié la taxe de vente en profondeur. De toute façon, à 9 %, elle m'apparaît également trop élevée.

M. Ciaccia: Si c'était une chemise au lieu d'un chandail, cela coûte moins cher.

M. Gauthier: Ce n'est pas sur le taux, monsieur, que j'en ai. C'est que vous dites que la taxe ascenseur a crée des iniquités. Ou bien on admet que la taxe ascenseur a créé des iniquités et que toutes les taxes du gouvernement - de 9 %, de 8 % ou de ce qu'on voudra - créent des iniquités, à ce moment-là, on parle de la même chose. Mais en quoi peut-on dire - cela semble être ce que vous avez envie de dire - que la taxe ascenseur créait des iniquités alors que les autres taxes n'en créent pas? Au contraire, c'est la même chose, selon moi J'aimerais que vous m'expliquiez cela.

M. Dufresne: Je ne suis pas ici pour examiner le budget. Je ne suis pas le ministre des Finances. Mais je vous dis que la taxe ascenseur, qui était une création fort habile à l'époque, nous a mis dans une position de non-concurrence avec l'étranger. Après cela, on a voulu la diminuer; après cela, on l'a rendue fixe et c'est pour cela que je dis que la taxe ascenseur a été le mécanisme qui a déclenché tous les problèmes qu'on connaît au Québec et qui fait que cela coûte plus cher ici qu'ailleurs.

M. Gauthier: Ce qui crée des iniquités entre les régions, est-ce que ce n'est pas d'établir un taux de taxe différent au Lac-Saint-Jean du taux de taxe de Québec ou de celui de Montréal? Une taxe variable comme celle-là, est-ce que ce n'est pas ce qui crée des iniquités entre les régions?

M. Dufresne: On le dit, d'ailleurs, dans le mémoire. On trouve que c'est discriminatoire, à savoir quelle région en profitera et quelle région n'en profitera pas et où est-ce qu'on trace la ligne de démarcation? C'est pour cela qu'on propose que la taxe soit abaissée mais qu'elle soit égale partout et que les gouvernements et les pétrolières s'ajustent en conséquence.

M. Gauthier: Est-ce qu'éliminer le caractère ascenseur de la taxe vous a semblé une bonne chose?

M. Dufresne: Si le prix de l'essence baisse, cela va peut-être être une bonne chose; on pourrait avoir un débat là-dessus. Mais, comme je vous dis, le fait qu'elle était ascenseur au moment où le prix de l'essence montait, cela créait un écart encore plus grand entre le Québec et les autres provinces. On pourrait avoir un autre débat sur la validité de la taxe ascenseur par rapport à une taxe fixe, mais je pense que, dans le contexte actuel, avoir une taxe fixe est peut-être la solution du moment.

M. Gauthier: Même si on l'a gelée au plafond, à peu près 38,5 %?

M. Dufresne: Je pense que le gel est assez...

M. Gauthier: Je sens que vous avez envie de me dire, dans le fond... Vous regardez le ministre et vous avez l'air de dire: Mon Dieu, pauvre ministre! Je ne veux pas vous faire de peine, mais ce que j'ai envie de dire, c'est qu'à 38,5% , cela n'a pas d'allure. Je vais le dire pour vous et je vous prête ces paroles. Peut-être que vous n'avez pas envie de le dire. Peut-être que

vous ne voulez pas vous placer dans une mauvaise situation.

Mais ce que je veux vous faire comprendre par ces questions, c'est que le caractère ascenseur d'une taxe ne crée pas -contrairement à ce que vous dites là-dedans, à mon point de vue - des iniquités régionales, pas plus, en tout cas, que le caractère fixe d'une taxe. C'est que l'ascenseur ne monte pas plus vite ou moins vite., Ce n'est pas un ascenceur qui monte deux fois le taux d'inflation dans une région, une fois le taux d'inflation dans une autre région et une demi-fois le faux d'inflation dans l'autre. C'est une taxe qui s'ajuste, mais à partir de la même base, comme la taxe de vente. Alors, cela ne crée pas des iniquités dans ce sens, et c'est cela que je voulais vous faire remarquer, à cause de la démogagie qui a été faite autour de la taxe ascenseur.

Imaginez! Le ministre fait une bonne annonce au peuple du Québec: il élimine la taxe ascenseur et il gèle l'ascenseur à 38,5 %. C'est tout un cadeau, cela! Alors, la démagogie qui a été faite autour du caractère ascenseur de la taxe qui a, comme vous le dites si bien, un mauvais aspect de temps à autre... Quand le prix monte, c'est très mauvais, c'est évident. Mais quand le prix descend, c'est excellent. On pourrait faire le débat là-dessus, mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.

Au fond, le caractère ascenseur de la taxe n'est pas ce qui cause les problèmes qu'on connaît aujourd'hui. C'est en ce sens que je diverge d'opinions avec vous. Pour le reste, disons que je retiens - je termine mes questions là-dessus - quand même l'approche intéressante que vous avez faite concernant l'Office de la protection du consommateur qui pourrait avoir un rôle de surveillance dans les régions, un rôle moral davantage qu'un rôle coercitif; je comprends cela.

Je comprends également votre préoccupation qu'il y ait un peu plus d'équité entre les régions; cela ressort de votre mémoire et on est d'accord avec cela. Si le prix du pétrole ne peut pas être parfaitement égal dans toutes les régions, on voudrait vraiment qu'il puisse au moins y avoir une compensation autre dans les régions où ce n'est pas possible. Pour ma part, j'ai terminé mes questions. Je vous remercie de votre travail.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: M. le Président, dans un premier temps, le député de Roberval, en ce qui concerne la taxe ascenseur, semble avoir de la difficulté à comprendre. Essentiellement, la taxe ascenseur ne crée pas des iniquités, elle maintient les iniquités.

À partir du moment où il y a de l'injustice entre les régions, il est bien évident que si la taxe monte de façon égale partout l'iniquité demeure aux mêmes endroits; que la taxe augmente de 20 % ou de 30 %, peu importe. Je pense qu'avec une taxe ascenseur il est plus difficile de faire un réajustement à certains endroits.

Maintenant, concernant votre mémoire, d'une part, vous dites que vous êtes contre les disparités régionales, que vous aimeriez qu'il y ait un prix uniforme au Québec D'autre part, tantôt, dans vos commentaires, j'ai noté que avez mentionné que, dans les régions ou les endroits où il n'y a pas de transport en commun, où le seul moyen de transport est à peu près l'automobile, il serait peut-être bon que le prix de l'essence soit inférieur, qu'il soit moins élevé pour favoriser ces gens qui ont l'automobile comme seul moyen de transport. Est-ce que je vous comprends bien?

Pour terminer, si vous me le permettez... À ce moment-là, c'était une des raisons pour lesquelles il y avait des disparités régionales quant au prix. On sait que, dans certaines régions du Québec, la mienne, par exemple, les Îles-de-la-Madeleine, le seul moyen de transport ou presque, ce sont l'automobile, les taxis, etc. Pour favoriser ces gens qui ne bénéficient pas des services d'un transport en commun comme ceux de Montréal ou de Québec, entre autres - où cela coûte beaucoup moins cher pour se déplacer, pour parcourir 50 kilomètres que chez nous - un des buts, quant à la disparité régionale de la taxe, était justement d'atténuer l'impact de l'éloignement. J'avais senti un peu de contradiction, mais peut-être que vous pourriez préciser. Je vous ai peut-être mal interprété, à ce moment-là.

M. Dufresne: Non. En fait, les disparités régionales ont un caractère discriminatoire, mais peut-être moins dans votre cas parce qu'il s'agit d'une île, comme vous le dites. En fait, on veut un niveau de taxe raisonnable pour les automobilistes, en tenant compte surtout du fait que 50 % d'entre eux n'ont que la voiture comme moyen de transport et qu'ils doivent se servir de la voiture pour se rendre à leur travail. Aussi, ce sont souvent ceux qui ont le moins de revenus qui ont des voitures plus grosses, plus vieilles et consommant plus d'essence. Alors, ils sont davantage pénalisés. On ne veut pas aller dans les détails, et tout cela, mais le principe de la disparité régionale nous apparaît a priori discriminatoire. Où est-ce qu'on arrête les régions exactement? Pour ce qui est des Îles-de-la-Madeleine, c'est peut-être plus clair parce que ce sont des îles. Mais il y a d'autres régions au Québec pour lesquelles je ne sais pas où est la ligne de démarcation.

Pourquoi ne pas se rendre jusqu'à Montréal ou jusqu'à Québec? Pourquoi doit-on baisser la taxe dans les postes qui sont près des frontières? Ce matin, je donnais l'exemple de Hull où c'est 0,08 $ de moins qu'à Ottawa. Est-ce que ce n'est pas là une preuve qu'il y a une disparité qui n'est pas logique entre les provinces, sur le plan de la taxation?

M. Farrah: II y a peut-être un facteur à considérer: l'aspect du volume des ventes.

Il est bien évident que le volume des ventes, dans les régions urbaines comme Montréal ou Québec, est sensiblement beaucoup plus important que dans les régions périphériques comme la nôtre. À ce moment-là, il y a une influence sur le prix, je pense bien.

(11 h 45)

M. Dufresne: Je pense que les pétrolières doivent tenir compte qu'ils font affaire partout au Canada, et il existe une province, le Québec, qui est très grande. Il faut qu'elles prennent leur part de responsabilité.

Si vous me permettez, M. le Président, Mme Côté avait une intervention à faire.

Mme Côté: J'aimerais revenir un peu à votre exemple du fameux gilet à 12 $. Le consommateur a le choix; s'il trouve que 12 $, c'est trop cher, il peut en acheter un à 10 $. Tandis que la personne qui a besoin de son automobile n'a pas le choix, il faut qu'elle mette de l'essence. C'est le seul produit qu'elle peut mettre dans son véhicule, elle ne peut pas mettre de l'eau.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ciaccia: Mme Côté, vous avez entièrement raison. Justement, je m'apprêtais à vous suggérer cet exemple. Vous dites, dans votre mémoire, que l'essence est un produit essentiel. Pour ne pas qu'il y ait de malentendu, la taxe ascenseur imposée par le gouvernement précédent n'était pas de 30 %, mais de 40 %. La taxe, si on la traduit en pourcentage, en Gaspésie, est de 22 %. En Abitibi, elle est de 23 %; je parle de l'équivalent de la taxe actuelle. Au Lac-Saint-Jean, elle est de 23 %. C'est loin des 40 %. Je crois que vous avez attiré l'attention sur un point assez important. Je comprends la réponse que vous venez de donner; au pire, vous n'achetez pas de chandail, mais vous n'avez pas le choix de prendre ou pas votre automobile pour vous rendre au travail. Le camionneur n'a pas le choix; pour faire du transport, il ne peut pas substituer, tandis que, dans tous les autres éléments, vous pouvez substituer.

Je comprends votre thèse, mais je comprends mal la thèse de mon collègue, le député de Roberval. Il semble nous reprocher d'avoir baissé les taxes. Il nous dit: On vous a avertis, vous n'auriez pas dû baisser les taxes. Je comprends qu'avec eux il fallait toujours augmenter les taxes. On a voulu les baisser parce qu'on reconnaît l'importance de ce produit, spécialement dans les régions périphériques. C'est pour cela que le ministre des Finances a baissé les taxes dans ces régions. Je ne veux pas aller au-delà du mandat de la commission, mais, puisque cela a été soulevé, je dirai que, si on n'avait pas hérité des déficits de 4 500 000 $, peut-être qu'on aurait pu faire plus pour baisser les taxes. Nous avons fait ce que nous pouvions faire. Quand on s'est aperçu que cette baisse de taxe n'allait pas aux consommateurs, on ne s'est pas caché derrière l'impuissance en disant: On ne peut rien faire. On a agi.

C'est vrai que c'était incomplet, les décrets sont incomplets. Je l'avoue et je l'ai avoué dès le début. Mais le consommateur en a bénéficié. Pour lui, ce n'était pas incomplet. C'était peut-être incomplet pour certains détaillants, pour certains grossistes, pour les pétrolières, mais le consommateur, lui, a obtenu la réduction de la taxe durant cette période, et on verra, après le 17, ce qu'on fera.

Je veux vous remercier pour votre...

Le Président (M. Théorêt): Je veux revenir sur une question.

M. Ciaccia: Ah! vous avez une question?

Le Président (M. Théorêt): Une très courte question, vous aurez le mot de la fin tous les deux, après.

Il semble hors de tout doute - dans votre mémoire du moins - que les pétrolières exercent un contrôle des prix. Il semble aussi que c'est ce que pense une grande majorité de la population. Est-ce que, dans vos études ou vos recherches, vous suggérez des mécanismes pour essayer d'éviter que ces choses ne se produisent?

M. Dufresne: On revient, je pense, au cas de l'OPC ou d'un organisme comme celui-là qui pourrait exiger que les pétrolières fassent le détail de leur façon de calculer le prix de l'essence. Je ne sais pas jusqu'à quel point on peut contrôler cela, mais je pense qu'elles devraient être responsables devant l'État d'une certaine justification de leurs taux, surtout lorsqu'il y a un écart aussi élevé entre les villes du Québec et celles de l'Ontario. J'aimerais savoir pourquoi on paie 0,08 $ de moins à Toronto.

Le Président (M. Théorêt): Ah! il y a sûrement des gens... Je leur demanderai. Je vous remercie. M. le député de Roberval et critique officiel, pour le mot de la fin.

M. Gauthier: J'ai à peu près terminé,

M. le Président, sinon pour rappeler au ministre, pour être clair, puisqu'il a de la misère à comprendre ma théorie... Je vais la lui expliquer encore une fois. Je veux dire au ministre qu'on n'a jamais été contre le fait qu'il baisse les taxes. On était contre le fait qu'il empêche la taxe de descendre comme elle devait descendre. C'est contre cela qu'on était.

Il y a une question qu'on se pose et qu'on a toujours posée au ministre; Est-ce que le moyen qu'il a pris pour redonner aux gens des régions - mesure avec laquelle on est évidemment d'accord - une partie, un avantage quant au prix de l'essence, une partie de leur argent en les taxant moins, c'est le moyen qu'il fallait prendre? On l'avait prévenu que ce moyen ne fonctionnerait pas, qu'il devrait prévoir, au moment où il le faisait, un mécanisme immédiat de contrôle de surveillance parce que le coup avait déjà été fait au gouvernement. On l'a prévenu de cela. C'est contre cela qu'on en a.

J'ai dit au ministre, à l'Assemblée nationale, au moins cinq fois si ce n'est davantage: Vous allez vous faire jouer le tour. Il ne voulait rien savoir. Aujourd'hui, il a admis, au moment de son décret, qu'on avait raison et qu'il s'était fait jouer le tour. Nous autres, on ajoute - on espérerait qu'il finisse par l'admettre - que tous les citoyens en dehors des régions périphériques concernées par le décret se sont aussi fait jouer le tour parce qu'il les a taxés plus. II y a des limites à dire n'importe quoi. Ce matin, le pourcentage de la taxe à Montréal est de 33,7 %. C'est encore 3,7 % au-dessus de la taxe ascenseur. On pourrait donner plein de chiffres au ministre, mais je ne m'étendrai pas. La vérité a ses droits. On est contre le fait qu'il n'ait pas su faire appliquer la mesure positive à l'endroit des régions et on est aussi contre le fait qu'il ait gelé partout la taxe ascenseur au moment où elle allait descendre ou lorsqu'elle devait descendre. J'espère que c'est clair et qu'il comprend la théorie. S'il ne la comprend pas, probablement que les gens, eux, l'auront comprise parce que ce sont eux qui paient.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, le député de Roberval est contre le vice et pour la vertu. Nous autres aussi. Je ne me souviens pas des avertissements qu'il a donnés au ministre des Finances. On a mis en place un comité de surveillance et, pour une période de six mois, le consommateur, effectivement, a obtenu le bénéfice de la taxe. Je ne pense pas qu'il puisse reprocher au gouvernement d'avoir baissé la taxe. Quand on s'est aperçu que la taxe augmentait, on a agi. Je ne sais pas de quoi il se plaint, aujourd'hui.

Le but de la commission, aujourd'hui, c'est: Maintenant, soyons un peu positifs dans notre approche et trouvons les solutions pour nous assurer que la baisse de la taxe qu'on a décrétée, que le ministre des Finances a décrétée, pour le bénéfice des consommateurs, aille aux consommateurs. Dans les trois derniers mois, la totalité de la baisse de cette taxe a été au bénéfice des consommateurs. Auparavant, pendant une période donnée, une partie de la baisse ne leur a pas bénéficié. C'est pour cette raison qu'il y a eu des discussions avec les pétrolières. C'est pour cette raison qu'on a fait nos enquêtes. Il fallait agir. Il fallait avoir l'information nécessaire avant d'agir. On a agi.

Six mois après le budget du ministre des Finances, les pétrolières, les détaillants, les grossistes ont réduit les prix. Je pense qu'on n'a pas de reproche à se faire à ce niveau-là et on est maintenant en mesure et on a le devoir de chercher des solutions. C'est ce que nous faisons et c'est pour cela que je veux remercier le Club automobile du Québec. Vous avez soulevé des points très importants, la question de la taxe dans les régions périphériques, les moyens à prendre. Vous nous avez fait des recommandations que nous allons étudier. Vos suggestions sont très valables, particulièrement celle portant sur la question des informations qui doivent être données aux consommateurs. Je pense que c'est important. J'ai bien noté ce point; nous allons l'étudier et je crois, que cela pourrait être très utile pour arriver à nos fins. Notre but, c'est de protéger le consommateur et de nous assurer qu'il obtienne le bénéfice de la baisse de la taxe. Je vous remercie beaucoup pour votre patience et je vous remercie beaucoup pour votre mémoire.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Mesdames et monsieur, les membres de la commission vous remercient.

M. Ciaccia: Excusez-moi.

Le Président (M. Théorêt): Pardon. Je pensais que vous aviez terminé.

M. Ciaccia: II y avait autre chose. Le Club automobile du Québec a parlé de la taxe ascenseur et le député de Roberval nous a donné certains chiffres. Il n'était peut-être pas présent à la commission quand j'ai donné les chiffres suivants: le pourcentage, aujourd'hui, de l'équivalent de la taxe ascenseur au Lac-Saint-Jean est de 23 %; en Gaspésie, 22 %; en Abitibi, 23 %; c'est beaucoup moins que les 40 % imposés par l'ancien gouvernement. Je vous remercie.

M. Gauthier: Je m'excuse. Question de privilège. Le ministre a commencé à nommer les régions du Québec. J'aimerais qu'il continue de nous donner ses chiffres.

M. Ciaccia: Le mandat de la commission concerne les régions, alors on se concentre sur les régions.

Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse, M. le ministre et M. le député de Roberval. Le temps étant terminé, je vous remercie, au nom des membres de la commission, de votre présentation.

Je demande maintenant aux représentants de Petro-Canada de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît!

Messieurs, je vous rappelle que, dans un premier temps, vous avez une heure à votre disposition, c'est-à-dire 20 minutes pour présenter le mémoire et 40 minutes réparties entre les deux formations pour discuter.

Voudriez-vous vous présenter aux membres de la commission qui vous souhaitent la bienvenue, aujourd'hui?

Produits Petro-Canada

M. Beauregard (Gaston): Merci. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, j'ai aujourd'hui avec moi John Watt, directeur au rendement et à l'analyse de gestion, à ma gauche, et Jerry Kayfasz, coordinateur à l'établissement des prix.

Petro-Canada est heureuse de pouvoir présenter son point de vue à la commission parlementaire de l'économie et du travail du Québec. Avant de discuter de la réduction des taxes et des autres mesures d'aide possibles dans les régions périphériques, nous voudrions d'abord vous fournir certains renseignements sur les récents résultats enregistrés dans le secteur du raffinage et du marketing de l'industrie du pétrole, ainsi que sur les incidences de la réglementation. Nous voudrions également apporter certaines précisions sur la question plus générale de l'établissement des prix des produits pétroliers. Ainsi, nous devrions avoir une meilleure perspective pour aborder la situation dans les régions périphériques.

Petro-Canada est l'un des principaux intervenants sur le marché des produits pétroliers au Québec ainsi qu'un membre actif de la collectivité québécoise.

La société offre à tous les marchés de la province une grande variété de produits et de services de première qualité, des carburants agricoles aux lubrifiants industriels et au mazout domestique. De plus, Petro-Canada s'efforce de répondre aux besoins des automobilistes québécois par l'intermédiaire de quelque 750 postes de vente à l'échelle de la province.

La société exploite une raffinerie à

Montréal, qui fabrique une gamme complète de produits, y compris des produits pétrochimiques destinés au marché canadien et aux marchés d'exportation. Cette raffinerie ainsi que d'autres installations réparties dans la province fournissent des emplois directs à près de 800 Québécois. Quant aux détaillants et aux sociétés affiliées, ils assurent quelque 5000 emplois supplémentaires.

Petro-Canada a vendu plus de 3 000 000 000 de litres de pétrole raffiné au Québec, en 1986. Ces ventes représentent presque 700 000 000 $ de revenus et une part d'environ 17 % du marché québécois.

La société continue d'investir dans la province afin de satisfaire aux nouvelles exigences des consommateurs et de se conformer aux nouveaux règlements en matière d'environnement. À Montréal, nous nous employons toujours à maximiser l'efficacité de nos activités de raffinage et à nous adapter à la situation du marché. Depuis 1983, les dépenses en immobilisations à la raffinerie de Montréal excèdent les 250 000 000 $. Nous avons également consacré entre 40 000 000 $ et 50 000 000 $ aux installations de commercialisation et de distribution dans la province, au cours des cinq dernières années. (12 heures)

Le secteur canadien du raffinage et du marketing du pétrole, ou secteur d'aval, a subi d'importantes modifications au cours des sept dernières années par suite du brusque repli de la demande de produits pétroliers.

La récession économique au début des années quatre-vingt, l'utilisation d'autres ressources énergétiques et les efforts d'économie d'énergie, comme l'amélioration de l'isolation des maisons et la production de voitures consommant moins de carburant, ont donné lieu à une chute d'environ 25 % de la demande canadienne de produits pétroliers depuis 1980. Ce recul a été encore plus accentué dans l'Est du Canada où, de 1980 à 1986, les ventes de produits pétroliers ont fléchi de 30 % dans les provinces de l'Atlantique et de 42 % au Québec.

Cette contraction de la demande est en grande partie attribuable à la baisse importante de la demande de mazout domestique, qui a été remplacé par le gaz naturel et l'électricité. Les répercussions ont été encore plus fortes qu'en Ontario ou dans les provinces de l'Ouest, étant donné qu'on y faisait déjà une plus grande utilisation du gaz naturel dans l'industrie, le commerce et pour le chauffage des maisons.

Parallèlement à cette brusque diminution de ta consommation, le marché a exigé davantage de carburants plus légers pour le transport et moins de produits lourds par baril de pétrole. En 1980, l'essence, le carburant diesel et les carburé acteurs représentaient 60 % de la gamme totale des

produits fabriqués. En 1986, ces produits légers constituaient 72 % de la production.

Ces variations de la demande ont imposé des ajustements dans les activités de raffinage et de marketing. L'industrie tout entière n'a eu d'autre choix que de réduire la surcapacité de raffinage et de fermer certains postes de vente au détail, tout en continuant d'investir fortement dans du nouveau matériel de traitement afin de suivre les tendances du marché et de satisfaire aux exigences en matière d'environnement. Malgré tous ces efforts, le secteur du raffinage et du marketing fait toujours face à des taux d'utilisation des raffineries non satisfaisants.

Entre 1979 et 1986, onze raffineries, soit 17 % de la capacité de ce secteur, ont dû fermer leurs portes à cause d'une surcapacité de raffinage au Canada. Au Québec, quatre raffineries ont subi le même sort pendant cette période. Malgré cette rationalisation des activités, le taux moyen d'utilisation des raffineries au Canada est passé de 87 % à 80 %. Au Québec, ce taux s'est maintenu â environ 81 %.

Ces changements ont eu d'énormes répercussions sur la rentabilité du secteur d'aval. Selon les données publiées par l'Agence de surveillance du secteur pétrolier, les entreprises de raffinage et de marketing ont enregistré un rendement moyen du capital investi de 3 % seulement, de 1982 à 1986, ce qui est nettement inférieur aux taux de rendement obtenus dans le secteur de la fabrication, les services publics réglementés du secteur énergétique et la plupart des autres secteurs. Malgré une certaine amélioration en 1986, les rendements demeurent bien en-dessous des niveaux acceptables. Même si elle s'est relevée d'une situation déficitaire en 1985, Petro-Canada n'a obtenu qu'un rendement de 4 % sur ses activités d'aval en 1986. Le rendement enregistré dans l'Est du pays a été inférieur à la moyenne nationale de la société et cela, en raison d'un impôt relatif à l'éducation de 10 000 000 $ perçu au Québec.

Le consommateur canadien a bénéficié de cette période de grands changements et ce, grâce à la vive concurrence livrée sur le marché des produits pétroliers. Il a eu la possibilité de choisir parmi une vaste gamme de produits et de services de première qualité.

Malgré ces piètres résultats financiers, de nombreux consommateurs croient toujours que les prix des produits sont injustifiés. En fait, c'est la vive concurrence qui force les prix à la baisse au profit des consommateurs. Des enquêtes approfondies, comme celles menées par la Commission sur les pratiques restrictives du commerce du Canada et le groupe de travail sur le prix des carburants au Québec, ont réfuté les allégations portant sur la demande de prix excessifs.

Le faible taux de rendement du secteur d'aval démontre clairement que le consommateur a été avantagé par la concurrence exercée sur le marché des produits pétroliers.

Les enquêtes précitées ont permis de tirer certaines conclusions relativement â la réglementation, aux politiques et aux programmes gouvernementaux ainsi qu'à leurs répercussions dans l'industrie pétrolière. Le rapport final de la Commission sur les pratiques restrictives du commerce, publié en juin 1986, concluait ce qui suits "Les formes variées que revêt l'offre de produits pétroliers de par le pays, tant chez les indédendants que chez les entreprises intégrées, attestent la valeur de laisser chacun libre de répondre aux besoins des consommateurs comme il l'entend et de chercher toujours à attirer les clients en leur offrant ce qu'ils veulent."

Par ailleurs, le rapport du groupe de travail sur le prix des carburants au Québec, publié en avril 1985, concluait ce qui suit: "Le groupe de travail ne croit pas qu'il soit approprié de mettre sur pied un organisme de contrôle des prix de l'essence au Québec."

Comme facteurs à l'appui de cette conclusion, le groupe de travail citait la faible rentabilité de l'industrie et les difficultés inhérentes à la mise sur pied d'un organisme de contrôle des prix.

Même si cette commission parlementaire a pour mandat d'étudier la question de l'établissement du prix de l'essence dans les régions périphériques ou éloignées du Québec, Petro-Canada croit qu'il serait bon de revoir la question de l'établissement des prix en général avant de discuter de l'établissement des prix dans les régions périphériques en particulier.

À la suite de la déréglementation du prix du pétrole brut, qui est entrée en vigueur le 1er juin 1985, et de la levée des restrictions sur les importations et sur les exportations, le secteur du raffinage et du marketing au Canada a dû subir les effets des variations du prix du pétrole brut sur les marchés internationaux pour la première fois depuis 1973, ainsi que les effets des importations de produits sur les prix au Canada.

Très peu de temps après, soit au début de décembre 1985, les réserves excédentaires de pétrole sur les marchés mondiaux ont provoqué l'effrondrement du prix mondial du brut. L'industrie pétrolière et gazière canadienne n'a pas été à l'abri de cette conjoncture internationale et s'est vue obligée de s'adapter à l'écroulement du prix du pétrole brut qui s'est produit entre le mois de décembre 1985 et l'été 1986. Cette chute du prix mondial du pétrole brut, au début de 1986, avait mis un espoir chez certains consommateurs qui ont cru â une baisse semblable des prix de détail de

l'essence et d'autres produits.

Bien que compréhensible, cet espoir n'était pas réaliste puisqu'il était fondé sur l'hypothèse que les prix de l'essence sont uniquement en fonction du prix du brut. En fait, les prix sont déterminés par la concurrence sur le marché. Par exemple, les premières réductions du prix de l'essence dans l'Est du Canada, entre février et avril 1986, n'étaient que pure réaction aux forces du marché. Ces réductions ont été effectuées bien avant que l'industrie n'ait pu profiter pleinement de la baisse du prix du pétrole brut, et les grandes entreprises de raffinage et de marketing n'ont même pas pu rentrer dans leurs frais.

À court terme, c'est le marché qui détermine les prix des produits pétroliers. Le coût du pétrole brut n'est que l'un des nombreux facteurs qui influent sur le prix de vente au détail; en fait, il ne représente actuellement qu'environ 30 % du prix de vente à l'îlot. Les frais de raffinage, de marketing et de distribution, la marge du détaillant et des taxes fédérale et provinciale sont tous des éléments du prix des produits raffinés. Les taxes sont particulièrement déterminantes du prix de vente à l'îlot. Au Québec, par exemple, les taxes fédérale et provinciale perçues à l'îlot représentent entre - je ne veux pas commencer une autre guerre ici - 35 % et 45 % du prix de l'essence ordinaire. J'ai entendu M. le ministre dire que, dans les environs, c'est moins de 35 %.

Avant de comparer les prix d'une région à l'autre, il est important de savoir que chaque marché présente ses caractéristiques propres. La Commission sur les pratiques restrictives du commerce conclut ce qui suit: "Les écarts de prix entre les régions et entre les périodes sont dus en grande partie à l'évolution de la situation concurrentielle qui a été causée, en partie, par le nombre de raffineries, le nombre et les genres de fournisseurs, le niveau de capacité de raffinage excédentaire et la disponibilité des importations. Au point de vue provincial, les différences dans la fiscalité ainsi que les autres interventions gouvernementales influent aussi sur les prix."

Dans cette perspective, nous voudrions maintenant aborder la question particulière de l'établissement des prix dans les régions périphériques.

En décembre 1985, le gouvernement du Québec a réduit la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre, en moyenne, dans des régions périphériques désignées. Cette réduction avait pour but d'aligner les prix dans ces régions sur les prix demandés dans les grands centres comme Québec et Montréal. En effet, les prix de l'essence et des autres marchandises sont généralement plus élevés dans les régions périphériques que dans les grands centres.

En réponse à cette réduction de la taxe, Petro-Canada a baissé ses prix. Par la suite, presque toute l'année 1986 a été marquée par une série de baisses dictées par la concurrence et par la régression des prix du pétrole brut. Les prix du brut ont fléchi jusqu'à l'été 1986 et ont commencé à remonter en août.

Étant donné le délai de 90 à 105 jours qui devait s'écouler avant que les coûts du pétrole brut ne se répercutent sur les prix des produits dans l'Est du Canada, on s'attendait que les prix commencent à remonter en novembre, ce qui a été le cas précisément. Ainsi, une analyse de l'évolution du prix de l'essence au Québec entre les mois de novembre 1985 et mai 1987 fait ressortir les points suivants: 1) Les forces du marché et la baisse du prix du pétrole brut ont entraîné une baisse du prix de l'essence entre les mois de novembre 1985 et d'octobre 1986. 2) Les forces du marché et l'augmentation du prix du pétrole brut ont occasionné une hausse du prix de l'essence entre les mois d'octobre 1986 et de mai 1987. 3) Pendant les 18 mois s'échelonnant entre novembre 1985 et mai 1987, il y a eu onze rajustements des taxes fédérale et provinciale perçues à l'îlot, soit quatre réductions et sept augmentations, deux provinciales et cinq fédérales. 4) Si l'on ne tient pas compte des variations de taxes, on constate qu'entre novembre 1985 et octobre 1986 les prix ont diminué plus à Montréal que dans les autres régions périphériques, à l'exception de Gaspé. On s'aperçoit également que d'octobre 1986 à mai 1987, période où les prix étaient à la hausse, ces derniers ont augmenté de façon semblable dans toutes les régions.

En définitive, la question du prix de l'essence dans les régions périphériques ou éloignées peut se résumer par une diminution des prix plus rapide à Montréal que dans les autres régions. Cette conclusion témoigne de la plus vive concurrence qui s'exerce à Montréal en raison de facteurs tels que l'importance du marché, le nombre plus élevé de concurrents et la plus grande facilité d'accès aux importations. (12 h 15)

Cette analyse démontre le dynamisme du marché des produits raffinés au Québec, où les prix sont déterminés par la loi de l'offre et de la demande. Chaque marché a ses caractéristiques propres. Aussi, on ne peut s'attendre que deux marchés se comportent de la même façon, à court ou à moyen terme.

Les consommateurs des régions périphériques ont pu profiter entièrement de la réduction de la taxe provinciale sur l'essence, mais la concurrence a voulu que les Montréalais bénéficient d'une réduction

des prix relativement plus marquée. C'est pourquoi Petro-Canada croit que la baisse des prix, ordonnée par le gouvernement en juin dernier, était injustifiée et qu'elle devrait être révoquée. Étant donné la vigueur du marché, il ne semble pas approprié de tenter d'éliminer les disparités entre les régions par le biais du régime fiscal. Nous croyons que le gouvernement pourrait envisager des mesures beaucoup plus efficaces afin d'aider les régions périphériques,, ce que nous toucherons dans notre conclusion.

Nous voudrions maintenant aborder d'autres questions qui concernent les prix des produits pétroliers.

Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse, M. Beauregard, pour vous rappeler qu'il vous reste à peu près une minute. Est-ce que vous en avez pour longtemps dans votre nouvel exposé?

M. Beauregard: J'en aurais encore pour quatre ou cinq minutes, je crois.

Le Président (M. Théorêt): D'accord. Consentement? Parfait, allez-y.

M. Beauregard: Nous voudrions maintenant aborder d'autres questions qui concernent les prix des produits pétroliers. Nous entendons parfois dire que les prix à Montréal sont de beaucoup supérieurs à ceux des autres grands centres urbains du pays. Le tableau, ici, illustre les prix observés dans quatre villes canadiennes, le 31 juillet 1987.

Après déduction des taxes et de la marge des détaillants, nous constatons, selon les données, que le prix net à Montréal se rapproche beaucoup des prix observés dans les autres grands centres. Après déduction des coûts d'approvisionnement du pétrole brut, il ne reste plus que 0,11 $ à 0,12 $ le litre pour couvrir tous les frais de raffinage, de marketing, de transport et de distribution de l'essence et pour obtenir un rendement sur le capital investi. Depuis ce temps, il n'y a plus de changement dans le prix net, même si le coût d'approvisionnement en pétrole brut a augmenté, en moyenne, de 0,01 $ le litre. Alors, au 3 septembre, il ne restait plus que 0,10 $ à 0,11 $ le litre pour couvrir tous les frais et obtenir un rendement sur le capital investi.

Je veux passer maintenant à une autre gamme de produits qu'on produit à la raffinerie. Il n'est pas réaliste de ne tenir compte que de l'essence. Il faut également tenir compte du marché dans son ensemble et des produits raffinés. L'essence correspond à moins de 40 % de la gamme. Vous pouvez voir sur le prochain tableau qu'il y a seulement 36,4 % de l'essence qui est produit dans notre raffinerie à Montréal-Est.

Une comparaison des chiffres dans l'ensemble du Canada révèle que Montréal se compare bien aux autres grands centres urbains si l'on tient compte d'autres produits comme le carburant diesel à usage industriel et le mazout domestique. Les prix du carburant diesel à usage industriel sont très semblables dans l'ensemble du pays, n'affichant qu'une différence de moins de 0,01 $ le litre. Par ailleurs, c'est à Montréal que le prix du mazout domestique est le plus compétitif.

Je vais passer maintenant à d'autres régions et aux prix des produits pétroliers. Afin de mieux faire comprendre les éléments des prix de l'essence à l'îlot, nous donnons une ventilation du prix de l'essence ordinaire à Montréal. Nous avons indiqué les prix observés au 31 décembre 1983 et au 31 juillet 1987. Les chiffres du 31 décembre 1983 sont tirés du mémoire présenté par Petro-Canada au groupe de travail sur les prix des carburants au Québec, en janvier 1985.

C'est un tableau qui montre les prix, en 1985 et 1986, dans d'autres provinces. Il démontre que les prix au Québec étaient plus concurrentiels que dans les autres provinces indiquées, en 1985 et 1986.

Voulez-vous passer à l'autre diapositive? Sur cette diapositive, vous remarquerez qu'en décembre 1983 le prix à la pompe était de 54,3 $, le 31 juillet à Montréal, c'était à 54,2 $ et à peu près la même chose.

Les taxes fédérale et provinciale ont augmenté de 0,069 $ le litre. Le prix de l'huile brute a baissé de 0,07 $ le litre et le profit, pour la raffinerie, est resté à peu près le même.

En résumé, nous voudrions insister sur le fait que les variations de prix des produits sont et seront toujours dictées par les forces du marché. Le prix du pétrole brut n'est qu'un des nombreux facteurs qui influent sur le prix de vente à l'îlot. Outre les forces du marché, les frais de raffinage, de marketing et de distribution, la marge du détaillant et les taxes fédérale et provinciale sont autant de facteurs déterminants.

Petro-Canada croit que le consommateur québécois, dans les grands centres comme dans les régions éloignées, a bénéficié de la concurrence qui s'exerce sur le marché des produits raffinés. C'est du moins ce dont témoignent les rendements insatisfaisants enregistrés dans l'industrie au cours des dernières années.

Petro-Canada considère également que l'industrie pétrolière canadienne a bien réagi à la déréglementation et que la politique de libre accès des importations de pétrole brut et de produits raffinés au Canada a permis de maintenir une forte concurrence sur le marché canadien du pétrole brut et des produits raffinés. Les forces du marché sont les meilleurs agents régulateurs sur les marchés de l'énergie; si on laisse agir ces

forces librement, les ressources seront allouées efficacement, au prix le moins élevé possible pour le consommateur.

Petro-Canada recommande respectueusement à cette commission de rejeter, comme l'a déjà fait le groupe de travail précédent, le recours à la réglementation pour contenir les prix sur le marché québécois. Les mesures de contrôle des prix dans les régions périphériques devraient être supprimées.

Si le gouvernement croit qu'il est toujours nécessaire d'aider les régions périphériques de la province, Petro-Canada voudrait porter à son attention certaines mesures dignes d'intérêt: 1. Le gouvernement pourrait accorder aux régions périphériques davantage de subventions ou de financement pour leurs programmes économiques. Le gouvernement ontarien a adopté cette mesure pour résoudre le problème des prix plus élevés dans le Nord de la province. 2. Le gouvernement pourrait réduire les droits d'immatriculation des véhicules automobiles dans les régions périphériques. Depuis quelque temps déjà, le gouvernement ontarien perçoit des droits moindres dans le Nord de la province. 3. Une autre mesure possible serait d'accorder une réduction de la taxe aux résidents des régions périphériques. Toutefois, plutôt que d'instituer un système administratif lourd nécessitant la présentation de reçus, la province pourrait tout simplement accorder aux propriétaires de véhicules automobiles de ces régions une réduction annuelle établie d'après leur consommation moyenne d'essence.

Merci de votre attention et si vous avez des questions...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Beauregard. Je cède la parole au ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Beauregard, je vous remercie pour votre présentation. À la page 10 de votre mémoire, vous affirmez que les consommateurs des régions périphériques ont pu profiter entièrement de la réduction de la taxe. J'aimerais que vous nous fassiez la démonstration qui vous permet d'en arriver à une telle affirmation.

M. Beauregard: Le fait est qu'à Montréal le prix a baissé plus vite et plus bas que les régions périphériques, excepté pour la Gaspésie, comme je l'ai mentionné.

À ce moment-là, ce sont les pétrolières qui ont mangé leur profit. Les prix sur le marché ont diminué, alors que les coûts ont augmenté. Depuis les mois de février et d'avril 1986 jusqu'au mois de juillet en plein été.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que les chiffres que nous avons au ministère démontrent que, quand la taxe a baissé, pendant environ cinq ou six mois après la baisse de la taxe, les prix dans les régions périphériques ont reflété cette baisse, mais en mai et juin ils ont légèrement commencé à augmenter à nouveau. C'est pour ça que j'essaie de concilier votre affirmation avec ce que nous avons constaté et avec les constatations des autres pétrolières qui ne semblent pas être aussi catégoriques que vous, à savoir que les consommateurs ont bénéficié de la baisse de la taxe.

M. Beauregard: La taxe a baissé, oui, mais le marché est resté libre. Il n'y a aucune loi qui disait que les prix devaient être gelés à un certain niveau. Ce sont les forces du marché.

M. Ciaccia: En restant libre, le marché a pu augmenter.

M. Beauregard: Justement, cela s'est fait dans des cas différents, dans des zones différentes.

M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites que les prix ont monté dans les régions périphériques et qu'ils ont baissé à Montréal?

M. Beauregard: Les prix sans taxe? M. Ciaccia: Oui, sans taxe.

M. Beauregard: Les prix ont baissé plus à Montréal que dans les régions périphériques; en conséquence, avec les hausses de prix du brut aussi.

M. Ciaccia: Vous nous avez montré des chiffres. De novembre 1985 à octobre 1986, les prix du brut ont chuté d'environ 0,13 $ le litre d'après votre tableau, selon les données du ministère fédéral de l'Énergie, des Mines et des Ressources, probablement.

M. Beauregard: Oui, c'est ça.

M. Ciaccia: À Montréal, comme l'indiquent vos données à la page 10, les prix de l'essence ont effectivement été rajustés à la baisse de 0,1236 $ le litre.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: Comment expliquez-vous qu'en Abitibi, par exemple, les baisses de prix durant la même période aient été inférieures à 0.095 $ le litre? Autrement dit, le prix du brut a baissé, je présume, partout au Québec. C'est le même prix du brut?

M. Beauregard: Oui, justement.

M. Ciaccia: Comment expliquez-vous qu'à Montréal il ait baissé de 0,13 $ alors que le brut chutait et qu'en Abitibi il n'ait baissé que de 0.093 $?

M. Beauregard: C'est comme je l'ai expliqué, le prix du brut n'est pas le seul facteur qui fasse le prix du marché. C'est le marché qui fait le prix à la pompe.

M. Ciaccia: Si vous me dites que c'est le marché qui fait le prix à la pompe, me dites-vous que la raison pour laquelle vous n'avez baissé que de 0,093 $ en Abitibi, c'est que le marché étant un peu captif, vous avez pu demander plus cher?

M. Beauregard: Premièrement, ce n'est pas moi qui l'ai fait baisser...

M. Ciaccia: Non, non.

M. Beauregard: Le marché a baissé de 0,093 $ à cause des forces du marché, comme, en Gaspésie, il a baissé de 0,146 $ le litre. C'était la force du marché qui était plus large que le coût de l'huile brute.

M. Ciaccia: J'essaie de comprendre. Si les prix sont déterminés par la concurrence, comme vous dites - vous le soulignez à la page 7 de votre mémoire - un consommateur pourrait facilement conclure que, lorsque les prix de l'essence sont plus élevés dans sa région, son patelin, c'est parce que la concurrence y est plus faible qu'ailleurs? Est-ce vrai?

M. Beauregard: Cela se peut; selon l'échelle où il a commencé, oui.

M. Ciaccia: Alors, ce même consommateur, si c'est parce qu'il y a moins de concurrence, pourrait donc, en quelque sorte, conclure que c'est à cause des faiblesses des marchés régionaux que les prix sont plus élevés. Oans ce cas, ne croyez-vous pas qu'en ce sens les inquiétudes que certains regroupements de consommateurs ont fait entendre et feront entendre devant cette commission sont en bonne partie fondées? Vous nous dites que ce sont les forces du marché et, si on s'aperçoit qu'à Montréal cela baisse de 0,13 $, alors qu'en Abitibi cela baisse de 0,09 $, cela veut dire que la concurrence est moins forte en Abitibi. (12 h 30)

M. Beauregard: C'est la concurrence, ce sont les autres forces du marché, les coûts. Oui, il y a des coûts différents.

M. Ciaccia: D'une certaine façon, vous, les pétrolières ou les détaillants, vous avez un marché qui est un peu plus captif dans ces endroits-là et cela vous porte à réagir en demandant plus cher.

M. Beauregard: N'oubliez pas, novembre 1985, quand l'industrie, en fait, n'a pas eu de miracle pour ses profita. En 1985, notre société, par exemple, a perdu de l'argent. Ce n'est pas notre mandat de rester déficitaires. Évidemment, on essaie d'avoir un profit dans le marché, là où on peut, là où la concurrence nous le laisse faire. Comme je l'ai expliqué dans le mémoires, à Montréal, la concurrence est très forte, il est très difficile de faire un profit à Montréal.

M. Ciaccia: Vous parlez des forces du marché. Qui fixe les prix à la pompe chez Petro-Canada?

M. Beauregard: Personne ne fixe les prix à la pompe.

M. Ciaccia: Même dans les ventes en consignation?

M. Beauregard: II y a un programme d'aide pour les agents, les locataires qui sont obligés d'acheter leurs produits à un prix plus bas que le prix affiché. Nous leur garantissons - chez nous, c'est différent des autres sociétés - une marge de profit de 0,034 $ le litre.

M. Ciaccia: II y a des détaillants... M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: ...qui voient leur essence être placée en consignation. Est-ce que vous avez cela dans votre...

M. Beauregard: Pas en consignation. Non.

M. Ciaccia: Vous n'avez aucun... M. Beauregard: Non.

M. Ciaccia: Petro-Canada n'a pas de détaillants chez qui la compagnie envoie le produit en consignation. Vous n'avez aucunement de...

M. Beauregard: On a un système un peu différent des autres peut-être. Tout le produit reste nôtre jusqu'à ce qu'il passe à la pompe, et le détaillant paie quand il passe à la pompe.

M. Ciaccia: Bien, ce n'est pas en consignation, ça?

M. Beauregard: Non, ce n'est pas en consignation.

M. Ciaccia: Autrement dit, quand vous livrez le produit, est-ce que le détaillant vous paie quand vous le livrez?

M. Beauregard: Non. Il paie selon les ventes à la pompe.

M. Ciaccia: Qui, mais ce n'est pas du "consignment", ça?

M. Beauregard: "Consignment", c'est: il est en charge du produit dans ses réservoirs.

M. Ciaccia: Qui est en charge du produit dans les réservoirs?

M. Beauregard: C'est nous, lui paie seulement selon les chiffres à la pompe.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il est libre, par exemple, de fixer le prix, de baisser de 0,05 $ le litre à la pompe? Quand vous livrez à ses réservoirs, vous conservez la propriété de l'essence...

M. Beauregard: Comme je l'ai dit, cela dépend où dans la province. Environ 73 % de nos détaillants, de nos locataires, sont complètement responsables d'établir les prix à la pompe comme ils le veulent. Il y en a à peu près 25 % à 28 % où c'est nous qui leur apportons une aide et le prix est arrangé entre eux et nous. Il ne peut pas le vendre plus cher qu'un certain prix.

M. Ciaccia: Quand vous livrez le produit au détaillant, à qui appartient le produit?

M. Beauregard: À nous.

M. Ciaccia: Dans quel pourcentage des postes en est-il ainsi?

M. Beauregard: À peu près 75 %.

M. Ciaccia: Alors, pour 75 % de vos détaillants, vous leur livrez le produit et vous demeurez propriétaires.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: Est-ce que le détaillant qui vend le produit dont vous êtes propriétaires peut décider de baisser son prix, de le vendre à n'importe quel prix?

M. Beauregard: Dans 75 % des cas, oui, il le peut.

M. Ciaccia: Autrement dit, vous livrez le produit, cela vous appartient et il peut décider de le vendre 0,39 $ le litre.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia:Pourquoi ne le fait-il pas?

M. Beauregard: C'est parce que... Il y a entente...

M. Ciaccia: Me dites-vous qu'un .autre peut déterminer le prix de votre produit?

M. Beauregard: Aussitôt qu'il y a une entente, à savoir qu'il paie un certain prix quand cela sort de la pompe, s'il veut le baisser...

M. Ciaccia: Alors, c'est vous qui fixez le prix quand cela sort de la pompe.

M. Beauregard: On fixe le prix de gros. Comme tous les autres, il achète au prix de gros, mais il ne paie que quand cela sort de la pompe. S'il paie, disons 0,50 $ le litre et qu'il décide de le vendre 0,60 $, 0,55 $, 0,51 $ ou 0,45 $ le litre, il peut le faire, mais il est obligé de nous payer 0,50 $ et il va perdre 0,05 $ le litre s'il le vend moins cher que le prix de gros. Il ne paie que lorsque cela passe à la pompe.

M. Ciaccia: Vous me dites que vous fixez un certain prix. Ce n'est pas entièrement le détaillant...

M. Beauregard: Le prix de gros est fixe. Il sait combien il va payer, quand le produit va sortir de la pompe. Il peut demander n'importe quel prix au-dessus ou au-dessous de ce prix-là. C'est son choix, mais il est obligé de nous payer le prix de gros et il le sait à l'avance.

M. Ciaccia: Quelle marge de profit le détaillant prend-il normalement?

M. Beauregard: Cela dépend dans quelle région, de la concurrence, etc.

M. Ciaccia: Prenons les régions...

M. Beauregard: On en a quelques-uns qui font de 0,04 $ à 0,05 $ le litre et d'autres 0,036 $, mais jamais plus bas que 0,034 $ chez nous.

M. Ciaccia: Est-ce que vous nous dites qu'après le prix de gros que vous fixez le détaillant peut fixer n'importe quel prix qu'il veut?

M. Beauregard: Oui. Il connaît le prix de gros. S'il veut perdre 0,03 $, 0,04 $ ou 0,05 $, il peut le faire.

M. Ciaccia: J'aurais aimé poursuivre sur cela, mais on commence à manquer de temps. Vous avez mentionné que le taux des raffineries au Québec est de 81 %.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: Les chiffres donnés par le ministère canadien de l'Énergie, des Mines et des Ressources sont qu'au Québec le taux

d'utilisation excède 90 %, c'est-à-dire qu'il est de 93 %.

M. Beauregard: Quand ces chiffres ont-ils été donnés?

M. Ciaccia: Ce sont les plus récents chiffres de l'EMR pour les raffineries du Québec. Si ces chiffres sont exacts, cela ne veut-il pas dire que cela conduit è moins de compétition? Si le taux d'utilisation est de 93 %, est-ce que cela a comme conséquence de réduire la compétition?

M. Beauregard: Premièrement, je ne suis pas au courant de ces chiffres-là,, Les chiffres que j'ai mentionnés viennent de l'EMR aussi, je crois. Un instant! Je veux seulement vous dire que les nôtres viennent de Statistique Canada et de l'Association pétrolière du Canada. Ils concernent l'année 1986.

M. Ciaccia: Nous allons vérifier, parce que les chiffres qu'on m'a fournis indiquaient 93 %.

M. Beauregard: Je peux vous dire qu'on a une des trois raffineries au Québec et on n'est pas à 90 %.

M. Ciaccia: À quel pourcentage êtes-vous?

M. Beauregard: On est maintenant à peu près à 82 % ou 83 % à ce moment-ci. Mais n'oubliez pas qu'avec la déréglementation qu'on a maintenant depuis 1985 l'utilisation d'une raffinerie, soit montréalaise, du Québec ou du Canada, n'a aucun reflet sur le marché. Cela aide pour les coûts naturellement, mais, dans les importations, des importateurs peuvent acheter des produits parfois bien moins cher qu'on ne peut en raffiner.

M. Ciaccia: Je voudrais revenir un instant sur les prix.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: Vous envoyez le produit dont vous gardez la propriété. C'est vendu par le détaillant. Alors, si le prix à la pompe, par exemple, est de 0,547 $ et si le coût au détaillant est de 0,511 $, cela veut dire qu'il va au détaillant une commisison de 0,036 $ le litre, n'est-ce pas?

M. Beauregard: II peut gagner 0,036 $, oui. II paie les 0,511 $.

M. Ciaccia: D'accord. Peut-il baisser son prix et garder sa commission de 0,036 $?

M. Beauregard: Non.

M. Ciaccia: Et s'il l'augmente, est-ce que sa commission est plus haute ou s'il garde seulement 0,036 $?

M. Beauregard: Nous allons l'aider -c'est notre décision, par contre - si on voit que sa marge va être inférieure à 0,034 $. C'est la marge qu'on trouve équitable.

Si le marché baisse de 0,547 $ à 0,543 $, par exemple, c'est lui qui absorbe la différence, mais si tout le marché baissait, par exemple, alors, si on décide qu'il a besoin d'une aide, nous allons la lui donner jusqu'à 0,034 $.

M. Ciaccia: Mais il faut que tout le marché baisse.

M. Beauregard: Bien oui, justement.

M. Ciaccia: II ne peut pas prendre la décision lui-même de réduire le prix.

M. Beauregard: S'il veut le faire lui-même et garder une marge de 0,005 $ lui-même, il peut le faire. C'est son choix.

M. Ciaccia: S'il veut vous subventionner, il peut le faire.

M. Beauregard: Pardon?

M. Ciaccia: S'il veut vous subventionner, il peut le faire.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir encore sur cette question des prix, j'aimerais savoir si j'ai bien compris. Tout à l'heure, vous avez dit: Nos détaillants d'essence peuvent fixer le prix. Nous leur donnons un prix de gros et eux peuvent fixer le prix avec une marge de profit variable, et on n'a pas de contrôle là-dessus. Cela peut être 0,05 $, 0,02 $, 0,015 $, sauf que vous trouvez équitable et vous donnez comme ligne de conduite 0,036 $ ou 0,034 $, quelque chose comme cela. Mais, effectivement, vous n'avez pas de contrôle là-dessus.

M. Beauregard: Je veux m'expliquer. J'ai dit que 75 % de nos détaillants sont dans des régions où Us n'ont pas besoin d'appui. Comme cela, ils paient un prix de gros et c'est eux qui fixent le prix au détail. Cela peut varier de 0,03 $ à 0,06 $, comme on veut. Mais il y a 25 % de nos détaillants qui sont dans des marchés où les prix sont très faibles et ils ne peuvent pas assumer le prix de gros. C'est nous qui décidons qui a besoin d'aide et nous le

faisons jusqu'à 0,034 $ le litre.

M. Gauthier: Combien de détaillants avez-vous au Québec?

M. Beauregard: 750. M. Gauthier: Combien? M. Beauregard: 750.

M. Gauthier: 750 points de vente. Comment pouvez-vous nous affirmer très clairement que les consommateurs des régions périphériques ont profité entièrement de la réduction de la taxe provinciale avec 750 distributeurs qui fixent eux-mêmes leur prix et qui peuvent décider demain matin d'augmenter leur marge de profit de 0,05 $ plutôt que de la laisser à 0,035 $? Comment pouvez-vous être aussi catégorique dans votre affirmation? (12 h 45)

M. Beauregard: C'est parce que c'est un libre marché. Parlez-vous de la taxe de 0,045 $ le litre qui a été abaissée?

M. Gauthier: Oui.

M. Beauregard: Nous avions changé les prix de gros pour ceux qui n'avaient pas besoin d'aide et les prix ont baissé. Après cela, c'est le marché qui en a décidé, tous les prix sont différents dans toutes les régions périphériques.

M. Gauthier: En d'autres termes, vous n'en excluez pas la possibilité. Ce que vous nous dites, c'est que la société Petro-Canada a appliqué, au moment où la taxe a diminué, sur son prix de gros - pour les 75 %, on s'entend - cette baisse de façon générale.

M. Beauregard: Certainement.

M. Gauthier: Vous ne pouvez pas, cependant, nous assurer que vos détaillants n'ont pas décidé, eux, au lieu de baisser de 0,045 $, de majorer leur marge de profit à ce moment.

M. Beauregard: Non. Ce n'est pas nous qui fixons le prix au détail.

M. Gauthier: D'accord. Donc, la garantie que vous nous donnez, que les consommateurs des régions périphériques ont profité entièrement de la réduction de la taxe provinciale, n'est pas tout à fait exacte. Elle est nuancée. En ce qui concerne l'effort que Petro-Canada devait faire en ce qui a trait à son prix de gros, ce serait vrai, c'est-à-dire l'affirmation que Petro-Canada a baissé du prix de la taxe son prix de gros, c'est vrai cela.

M. Beauregard: C'est vrai cela.

M. Gauthier: Mais pour le consommateur vous n'êtes pas sûr du tout. Si je comprends bien, cela a pu varier énormément. Moi, je peux être distributeur...

M. Beauregard: Cela dépendait des autres coûts, des autres forces du marché.

M. Gauthier: D'accord. Alors, cela nuance passablement, quand même,, la réponse.

M. Beauregard: D'accord.

M. Gauthier: J'aimerais savoir ce que représentent les ventes d'essence dans les régions périphériques en pourcentage - si vous l'avez très sommairement, je comprendrai - par rapport à vos ventes d'essence dans l'ensemble du Québec, dans les régions non touchées.

M. Beauregard: On a à peu près 17 % de nos postes dans des régions périphériques et les ventes sont d'environ 10 % à 12 %.

M. Gauthier: D'accord. Maintenant, il y a peut-être un autre chiffre que vous êtes possiblement en mesure de me donner. Dans toute l'activité de la compagnie Petro-Canada, la production et la vente d'essence par rapport aux autres produits, cela représente quel pourcentage?

M. Beauregard: L'essence dans notre raffinerie, c'est 36 %.

M. Gauthier: 36 %.

M. Beauregard: C'est donc semblable.

M. Gauthier: D'accord. Si je comprends bien, le problème de l'essence dans les régions périphériques, pour vous, c'est 10 % de 36 %, à peu près, des activités totales.

M. Beauregard: Les 36 %, c'est pour toute l'essence. On vend de l'essence à d'autres clients: des clients industriels, des détaillants, mais si vous parlez des...

M. Gauthier: Ce que j'aimerais avoir... Je m'excuse, je me suis peut-être mal expliqué. L'essence...

M. Beauregard: Oui.

M. Gauthier: ...comme activité économique pour Petro-Canada, par rapport à d'autres produits de raffinage, qu'est-ce que cela représente? Est-ce que l'essence, c'est la moitié de vos activités de raffinage et de vente ou est-ce 10 % ou 80 %?

M. Beauregard: C'est environ, comme je l'ai montré...

M. Gauthier: 36 %?

M. Beauregard: ...de 36 à 40 %.

M. Gauthier: Ah! D'accord. Donc, sur la quantité de vos activités, celle à laquelle on s'intéresse aujourd'hui en particulier, la vente de l'essence dans les régions périphériques, vous me dites que c'est environ 10 % ou 12 % de votre volume, les régions périphériques; selon ce que vous m'avez dit, d'accord?

M. Beauregard: Des ventes au détail.

M. Gauthier: Oui. 10 % à 12 % de vos ventes d'essence qui, elles, représentent environ le tiers de vos activités, soit 36 %. C'est donc dire que le problème de l'essence dans les régions périphériques, si je fais un calcul qui a de l'allure, représenterait environ... En réalité, vous discutez ici, aujourd'hui, d'environ 3 % à 3,5 % de vos activités.

M. Beauregard: Environ, oui.

M. Gauthier: Environ, donc, c'est très marginal pour Petro-Canada. On ne peut quand même pas, quand on parle d'un problème de rentabilité des équipements... Vous avez parlé d'un rendement de 4 % sur le capital investi.

M. Beauregard: Au Canada, pas au Québec!

M. Gauthier: D'accord. Au Québec, vous n'avez pas 4 % de rendement?

M. Beauregard: Non, c'est pour cela qu'on cherche chaque cenne.

M. Gauthier: D'accord. Vous venez de me donner la réponse, avant que je ne pose la question que j'allais vous poser. J'allais vous demander comment il se fait que vous soyez tellement préoccupés par cette très petite portion de vos activités.

M. Beauregard: Si on avait un rendement de 10 % à 15 % et peut-être plus comme Hydro-Québec, ce serait une autre affaire, mais ce n'est pas la même chose.

M. Gauthier: Elle n'est pas encore rendue là et on essaie de la retenir même si le ministre veut l'amener là, parce que c'est payant pour lui. C'est une façon de taxer les citoyens sans mettre de taxe, par un droit sur l'électricité. Mais on n'ira pas là-dessus, M. le Président. Je sais que vous avez bien d'autre chose à nous dire que cela.

J'aimerais savoir, M. le Président -voua en avez parlé tantôt, mais j'aimerais que ce soit confirmé - si Petro-Canada fournit des chaînes d'indépendants.

M. Beauregard: Oui.

M. Gauthier: C'est exact. Pouvez-vous nous indiquer si le prix auquel vous vendez à ces indépendants a subi la même cure d'amaigrissement que le prix aux détaillants, c'est-à-dire si le lendemain où la taxe a été baissée vous avez diminué également la taxe de 4,5 % aux indépendants?

M. Beauregard: Ils achètent de nous, à Québec. Ils achètent sans taxe.

M. Gauthier: D'accord.

M. Beauregard: C'est eux qui...

M. Gauthier: ...assument...

M. Beauregard: ...oui, la responsabilité.

M. Gauthier: D'accord. Ce que vous me dites là, M. le Président - et cela va renseigner tout le monde, j'en suis sûr - est-ce même pour les petits indépendants de deux ou trois stations-service?

M. Beauregard: Non. Pour eux, ils achètent... S'ils achètent à notre raffinerie, habituellement, c'est sans taxe. D'accord? En excluant la taxe.

M. Gauthier: À ce moment-là, c'est à eux...

M. Beauregard: C'est à eux le... Oui.

M. Gauthier: Avez-vous des indépendants qui achètent de vous, qui font venir le camion de Petro-Canada, qui font mettre du liquide dans les réservoirs et qui vous paient selon le même principe que vos franchisés? Y en a-t-il de ceux-là? Par exemple, un indépendant qui possède un garage à Sept-Îles et qui dit de temps en temps à Petro-Canada de venir remplir ses réservoirs à essence, cela existe-t-il?

M. Beauregard: Je ne pense pas. M. Gauthier: Ce serait marginal?

M. Beauregard: Nous sommes ici pour faire affaire avec tous les clients. Si, par exemple, il y a un client qui a un, deux ou trois postes, ou comme il veut, on peut faire un arrangement avec lui. Naturellement, il y aura une négociation pour les prix. Mais je ne crois pas qu'on ait des petits comme cela. Ils font surtout des affaires avec les gros indépendants, je crois.

M. Gauthier: Est-ce que, durant la période du décret - cela fait deux mois et demi maintenant qu'il est en application -vous avez fait des ajustements de vos prix, de votre prix de gros?

M. Beauregard: Oui, certainement.

M. Gauthier: Vous avez fait des ajustements qui étaient en fonction non pas de la taxe, j'imagine, mais d'autres éléments.

M. Beauregard: Ce sont surtout les coûts de l'huile brute qui sont montés depuis ce temps.

M. Gauthier: Oui. J'imagine que vos partenaires, les gens qui sont dans les stations-service, ont dû avoir comme un choc, parce qu'ils étaient limités dans les régions périphériques à un prix - disons 0,49 $ ou 0,52 $ - à un plafond, qui ne pouvait pas être dépassé. Vous, par-dessous, vous ajustiez le prix du produit en fonction d'autres éléments qui n'ont rien à voir avec la taxe. Vous avez dû avoir quelques situations pénibles dans ce contexte, j'imagine.

M. Gauthier: Comme je l'ai expliqué avant, nos détaillants - peut-être que ce n'est pas pareil pour toutes les autres compagnies - étaient protégés avec une base de 0,034 $, même si le prix était plus bas que nos coûts.

M. Gauthier: Ce que je ne comprends pas, c'est ceci. Vous me dites: Durant la période du décret on a fait varier notre prix de gros. On le comprend et on ne discute pas cela. D'autre part, vous savez que vos détaillants étaient pris avec un prix maximal. Vous avez augmenté le prix de fournitures et lui n'a pas pu augmenter son prix. Vous me dites: Ils ont toujours 0,034 $.

M. Beauregard: On avait toujours gardé la marge de 0,034 $ pour ceux qui avaient besoin de baisser à ce niveau-là. Quand la date est arrivée pour le gel de prix, il y avait, par exemple, des détaillants qui gagnaient peut-être 0,05 $ ou 0,06 $ le litre. Eux, ils ont assumé la différence.

M. Gauthier: Ce sont eux qui ont assumé ta différence.

M. Beauregard: Ce sont eux. Mais pour ceux qui étaient à 0,036 $, par exemple, il y a eu un recul du prix qui les a fait baisser à 0,01 $ ou peut-être complètement. Nous, nous sommes entrés et nous avons garanti 0,034 $ le litre.

M. Gauthier: Vous faites des suggestions intéressantes concernant le transfert d'argent aux contribuables des régions. Il y a des choses qu'il va falloir regarder deux fois, je pense, entre autres, la question du permis de conduire qui pourrait être moins cher ou encore la création d'un fonds de développement régional, à même cet argent, qui pourrait stimuler l'économie des régions, tenant compte du fait que l'essence plus chère cause évidemment un préjudice à la région. Je dois vous dire que c'est assez intéressant comme suggestion.

Ce matin, d'autres intervenants sont venus réclamer une forme de surveillance, pas aussi rigide peut-être qu'une régie déterminant le prix, mais quelque chose de plus souple qui pourrait tenir en respect, en quelque sorte, ceux qui auraient la mauvaise intention de jouer un peu trop à la hausse sur les prix. Est-ce qu'une forme de surveillance de cette manière, une commission parlementaire, par exemple, un peu comme ce qu'on fait présentement, mais, évidemment, sans la menace du décret sur la tête, vous semblerait une forme de contrôle acceptable pour vous? Est-ce que cela vous causerait tant de problèmes que cela?

M. Beauregard: Pas du tout. Je crois que, si tout le monde avait tous les faits, les vrais faits... Il y a beaucoup de gens qui n'ont pas les bons chiffres ou qui ont de mauvaises informations. Nous sommes complètement d'accord pour avoir une association. Mais j'espère que les coûts ne seront pas trop forts. Il ne faudrait pas créer un autre coût pour l'industrie. Je suis favorable à une association ou à ce que le gouvernement puisse avoir un bureau où les faits seraient exposés. Même s'il y avait des plaintes, nous sommes toujours... On veut savoir exactement ce qui se passe, ce qui ne va pas dans le marché ou avec nos détaillants. Je suis entièrement pour cela, il n'y a aucun problème.

M. Gauthier: Une minute. Pour l'instant, M. le Président, cela suffit. Mon collègue, tout à l'heure...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. Mme la députée de Matane.

Mme Hovington: Merci, M. le Président. Étant donné que j'ai seulement une minute pour poser ma question, je vais y aller directement, sans préambule. À Matane, quand la compagnie Petro-Canada a-t-elle décidé de partager les coûts, c'est-à-dire de rajuster les prix après le décret du 16 juin?

M. Beauregard: Quand...

Mme Hovington: Quand avez-vous accepté, avec vos détaillants de Matane, de rajuster les prix?

M. Beauregard: Immédiatement.

Mme Hovington: Immédiatement après le décret?

M. Beauregard: Oui.

Mme Hovington: Parce que j'ai eu des représentations de la part des détaillants de Petro-Canada à mon bureau de Matane, dès le mois de juillet, disant que les pétrolières, dont Petro-Canada, refusaient de partager la baisse des coûts à la pompe.

M. Beauregard: Je ne suis pas au courant de ce qui se passait à Matane. S'il y avait une marge de profit de 0,06 $ le litre, ce n'était pas à nous de protéger cette...

Mme Hovington: Votre marge de profit de 0,036 $ ou de...

M. Beauregard: De 0,034 $.

Mme Hovington: ...0,034 $, est-ce qu'elle est établie pour Montréal au même titre que les régions périphériques?

M. Beauregard: Partout dans l'Est du Canada.

Mme Hovington: Vous ne tenez pas compte de l'éloignement ou du peu de volume auquel les régions périphériques ont à faire face dans ces 0,034 $.

M. Beauregard: 0,034 $, c'est notre base.

Mme Hovington: Et à quel pourcentage... Donc, si c'est seulement 0,034 $, est-ce que vous rajustez vos prix à 50 % de votre prix affiché, à ce moment-là, ou si c'est 30 % ou 40 %? Si vous êtes obligés de rajuster votre prix de liste pour votre détaillant, à quel pourcentage vous... (13 heures)

M. Beauregard: À 0,034 $, on paie 100 % de l'ajustement.

Mme Hovington: Vous payez 100 %. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: M. le Président, j'aurais seulement une question. Vous avez dit quelque chose qui m'a fait sursauter. Tout à l'heure, lorsque le ministre vous a demandé de commenter le tableau de la page 10 concernant les variations de prix par rapport aux régions - d'ailleurs, je remarque que l'Abitibi-Témiscamingue est très choyée, puisque quatre échantillons viennent d'Abitibi-Témiscamingue, c'est presque 50 % - vous avez dit qu'il était très difficile pour une compagnie comme la vôtre de faire des bénéfices dans les grands centres comme Montréal, à cause d'une très vive concurrence, mais vous vous êtes empressé d'ajouter que vous étiez quand même des compagnies qui étaient là pour faire des bénéfices et que votre raison d'être était de faire de l'argent, finalement. À la suite de cela et voyant la variation dans les diminutions de coût de vente à l'îlot, selon le tableau 10, j'en suis presque réduit à me demander si ce ne sont pas les régions périphériques qui subventionnent les grands centres, à toutes fins utiles, en vous permettant de faire des profits que vous ne pouvez réaliser dans les grands centres.

M. Beauregard: En novembre 1985, les prix ne sont pas tous partis du même taux. Tous les prix étaient différents dans ce temps-là. À part cela, dans les zones périphériques, ce ne sont pas les coûts qui font les prix; c'est une partie du "mix" qui fait les prix. C'est plus cher là-bas à cause du transport, etc. À Montréal, c'est difficile parce que les coûts d'immobilisation, par exemple, sont plus élevés. Chaque région est différente.

M. Claveau: Alors, vous allez m'expliquer - M. le Président, si vous me permettez une autre petite question comment il se fait que c'est à Gaspé qu'on a enregistré, en 1985, la plus forte baisse, supérieure de 0,023 $ le litre à celle de Montréal.

M. Beauregard: C'est le marché qui a fait cela.

M. Claveau: Mais on est loin des grands centres, à Gaspé.

M. Beauregard: Ce sont tous des dynamismes différents dans chaque région. Je suppose que, dans ce cas, il y avait une concurrence plus active ou des investissements de la part d'indépendants, je ne le sais pas exactement, mais il y a eu une baisse plus grande qu'à Montréal et, ailleurs, moins. Ce sont tous des cas différents.

M. Claveau: Je vous remercie.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Ungava. M. le ministre.

M. Ciaccia: Comment expliquez-vous alors, M. Beauregard, que, quand il est question de baisse, il y a différents montants dans les régions, mais, sur ce même tableau, quand il est question d'augmentation, c'est pareil pour toutes les régions?

M. Beauregard: Non, ils ne sont pas

fous pareils.

M. Ciaccia: Votre tableau démontre... M. Beauregard: Non, c'est entre...

M. Ciaccia: On va le lire ensemble, votre tableau.

M. Beauregard: ...0,037 $ et 0,049 $.

M. Ciaccia: Un instant! Vous avez des différences de 0,09 $, de 0,12 $, de 0,14 $.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: Mais, pour les augmentations, c'est 0,04 $, 0,045 $, 0,042 $, 0,049 $. Je ne vois pas une grosse différence.

M. Beauregard: 0,037 $.

M. Ciaccia: Je ne vois pas la même différence dans les augmentations...

M. Beauregard: Vous avez sauté 0,037 $. C'est de 0,037 $ à 0,049 $.

M. Ciaccia: Oui. Un tiers de cent. De 0,037 $ à 0,04 $, c'est un tiers de cent.

M. Beauregard: Bien, c'est le pourcentage. On regarde...

M. Ciaccia: Tandis que, dans les autres, c'est 0,03 $ et 0,04 $ le litre.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: II y a une grosse différence, là.

M. Beauregard: Oui, en pourcentage. Mais c'est le marché qui fait le changement.

M. Ciaccia: Alors, le marché augmente...

M. Beauregard: Bien, oui.

M. Ciaccia: Quand il s'agit d'augmenter, le marché dit: Tous ensemble, mais quand cela baisse...

M. Beauregard: Non. Ce n'est pas tous ensemble, M. le ministre.

M. Ciaccia: Non?

M. Beauregard: Ce n'est tous ensemble.

M. Ciaccia: Une autre petite question. Vous avez mentionné que vous avez aidé les détaillants en fixant leur profit à 0,034 $. Ceux qui demandaient 0,06 $ ont absorbé la différence.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: Et ceux qui obtenaient moins, vous les avez gardés à 0,034 $.

M. Beauregard: Oui.

M. Ciaccia: Alors, c'est une aide que vous apportez aux détaillants. Avez-vous accordé la même aide aux indépendants?

M. Beauregard: Aux indépendants? M. Ciaccia: Oui.

M. Beauregard: Des indépendants qui achètent en gros?

M. Ciaccia: Oui. M. Beauregard: Non.

M. Ciaccia: Simplement une autre question finale. Puisque...

M. Beauregard: Vous savez très bien, peut-être, qu'ils font des marges assez importantes.

M. Ciaccia: Non. Je voulais seulement avoir l'explication parce qu'on va entendre les indépendants. Puisqu'on on nous dit toujours que Petro-Canada, c'est la compagnie des Canadiens, que cela nous appartient à tous, ne croyez-vous pas qu'il y aurait une certaine obligation ou leadership que Petro-Canada devrait démontrer pour prendre le "lead" et pour donner l'exemple aux autres pétrolières, afin que, lorsque les taxes baissent, Petro-Canada s'assure que cette baisse sera reflétée dans le prix? Est-ce que vous croyez qu'il y a un certain leadership que Petro-Canada, parce que c'est la compagnie des Canadiens, devrait démontrer dans des situations semblables?

M. Beauregard: Chaque fois que la taxe a baissé, nous avons baissé nos prix à minuit de cette journée-là.

M. Ciaccia: Alors vous dites, si tel est le cas, que les augmentations sont dues strictement aux détaillants et aux indépendants.

M. Beauregard: Pardon?

M. Ciaccia: Les augmentations des prix ont été la cause strictement des détaillants et des indépendants, non pas la cause de Petro-Canada.

M. Beauregard: Dans des zones périphériques?

M. Ciaccia: Oui.

M. Beauregard: Bien, oui.

M. Ciaccia: D'accord.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Si vous me permettez, avant de céder la parole pour la conclusion à l'Opposition et au ministre, deux très courtes questions, M. le vice-président. À la page 16 de votre mémoire, vous nous donnez des comparaisons de marge de profits et de coûts; j'aurais aimé, d'une part, que ce soit pour l'essence sans plomb, puisque l'essence ordinaire représente à peine le tiers des ventes totales.

Ma première question est la suivante. Est-ce que, sur les produits sans plomb, la marge de profit pour la raffinerie et pour les détaillants est la même que celle démontrée ici, que les 0,036 $, dans le cas des détaillants?

Je vais vous poser tout de suite ma deuxième question. Vous avez répété, à plusieurs reprises dans votre intervention, que vous ne contrôliez pas les prix de détail à la pompe, mais que c'était les détaillants qui avaient le libre choix du prix de vente. Est-ce que vous pouvez m'affirmer aujourd'hui, concrètement, que la station Petro-Canada, sur le boulevard Laurier, dans Québec, par exemple, qui est entourée des stations Esso et Texaco, pourrait vendre le litre d'essence 0,03 $ meilleur marché ou 0,03 $ plus cher?

M. Beauregard: Je crois qu'à Québec, c'est le cas, oui.

Le Président (M. Théorêt): Vous n'interviendriez pas pour dire: Pas de guerre de prix?

M. Beauregard: Bien, si la station décide de baisser les prix de 0,03 $ et si tout le marché est à la baisse, premièrement, si elle ne change pas ses prix, c'est impossible, personne ne doit garder ses prix, je suppose, mais si c'était elle seule qui les baissait, c'est elle qui mangerait la marge. Si elle veut les monter, elle va prendre la marge d'extra, puis va la mettre dans ses poches.

N'oubliez pas que, dans nos affaires, souvent, on se fait demander: Pourquoi Petro-Canada ne vend pas sa gazoline 0,01 $ moins cher que les autres postes? C'est impossible? Nous, au Canada, on a une part du marché de 20 %, personne ne va nous laisser baisser nos prix de 0,01 $, autrement, notre part de marché pourrait monter trop rapidement.

Le Président (M. Théorêt): Alors, ce que vous nous dites aujourd'hui c'est que, lorsque l'essence augmente de 0,01 $ le litre, toutes les pétrolières le font en même temps, mais c'est strictement l'effet du hasard à chaque fois et non pas une concertation.

M. Beauregard: C'est différent dans chaque marché. C'est pour cela que presque toutes les pétrolières augmentent ou baissent leurs prix en même temps.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Je cède maintenant la parole au député de Roberval, critique de l'Opposition, pour la conclusion.

M. Gauthier: Je retiens que vous n'êtes pas absolument opposés à une forme de concertation souple qui permettrait de discuter, à l'occasion, des questions de prix dans le domaine des produits.»

M. Beauregard: On ne peut pas discuter des prix, autrement, on va aller en prison tous ensemble. Mais on est toujours prêts à donner les faits, qu'est-ce qui se passe; comme on l'a fait dans notre mémoire. On les a presque tous les mois. On peut changer les chiffres.

M. Gauthier: Je retiens également une chose. L'imposition du décret gouvernemental a été probablement quelque chose de très dur pour la plupart des détaillants d'essence, les petits détaillants, parce que les 0,034 $ que vous garantissez leur assurent, dans les endroits où le volume le justifie, une marge de profit intéressante. Mais, dans les différents mémoires qu'on aura l'occasion d'étudier au cours de cette commission, il est indiqué que, dans les régions périphériques, compte tenu du faible volume, la marge de 0,034 $ n'est pas suffisante et que la nécessité de prendre un profit plus élevé grandit avec la baisse du volume. C'est inversement proportionnel.

Je comprends que le décret gouvernemental, dans les régions périphériques, où le volume, par définition, est moins élevé qu'en ville, aura fait en sorte que les détaillants des régions périphériques auront dû se contenter de la marge de 0,034 $ standard qui, normalement, permet une rentabilité en ville mais qui, dans les régions périphériques, n'assure pas nécessairement cette rentabilité. Le décret a réduit à peu près tous les petits détaillants, dans le fond, à une marge de profit qui n'est pas jugée suffisante pour une rentabilité intéressante dans les régions périphériques.

C'est ce que je comprends du témoignage que vous avez fait. C'est éclairant pour la commission parlementaire, ce que vous nous avez donné, et soyez assuré que je tiendrai compte de vos propos, et de vos commentaires quand on aura à faire des suggestions au ministre. Parce que,

écoutez, ce ne sont malheureusement que des suggestions. Il ne nous écoute pas toujours. S'il nous avait écoutés, d'ailleurs, on n'aurait pas le problème qu'on a actuellement. Mais qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? On fait quand même notre travail d'Opposition. On essaie de représenter les consommateurs, on essaie de représenter aussi les gens du marché pétrolier et on essaie de représenter les petits indépendants qui se sont fait étouffer par le décret du ministre. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier les représentants de Petro-Canada pour leur mémoire. Vous avez apporté certains éclaircissements qui vont nous être utiles, spécialement, lorsque nous entendrons les prochains mémoires des autres sociétés, les chiffres que vous nous avez donnés. Je remarque cependant que dans les mesures que vous préconisez, par exemple, l'aide au développement économique dans les régions, vou3 donnez l'exemple de l'Ontario, ce qui présuppose un rétablissement de la taxe car, en Ontario, ils ont donné cette aide aux régions mais ils n'ont pas baissé les taxes. Alors, les mesures que vous préconisez présupposent que la surtaxe doit être réimposée et c'est quelque chose auquel nous devons réfléchir.

Vous dites que vous n'avez pas augmenté les prix, que ce sont les détaillants qui les ont augmentés - ce serait intéressant, on n'a pas le temps de le voir - que, sûrement, les détaillants dans les régions périphériques, même avant le décret, obtenaient plus dans les faits que 0,034 $ le litre car, autrement, avec les faibles volumes, cela aurait été difficile pour eux de faire un profit raisonnable. Ce que je retiens, c'est que Petro-Canada a choisi de ne pas partager la baisse parce que, dans certaines régions, c'est vrai que les détaillants faisaient 0,07 $ au 0,08 $ le litre après l'augmentation, mais, à la suite de la baisse de la taxe, ils faisaient peut-être 0,06 $ et vous avez toléré cela. Peut-être qu'ils faisaient 0,058 $. Cela aurait été plus équitable de votre part, spécialement, puisque vous êtes Petro-Canada, une compagnie de tous les Canadiens, d'avoir partagé cette marge un peu plus équitable-ment. Si, avant le décret, le détaillant faisait 0,06 $ le litre et, après le décret, il baissait à 0,034 $, cette différence, qui représentait la baisse de la taxe au consommateur, je crois que cela aurait été plus équitable de l'avoir partagée entre les détaillants et les pétrolières.

Dans plusieurs cas, c'est ce qui est arrivé. On va voir les compagnies qui viendront devant nous, cet après-midi et demain, qui, après que je fus intervenu quand Ies détaillants m'ont fait part de cette situation, ont partagé la baisse. Dans certains cas, elles ont assumé 100 % de la baisse. Dans la moyenne, une compagnie, qui n'est pas une compagnie canadienne, a assumé 50 %. Elles l'ont partagée équitable-ment avec les détaillants et je déplore sincèrement ie fait que vous ayez choisi, vous, en tant que Petro-Canada, de ne pas partager cette baisse mais d'imposer vos normes de 0,034 $ et de dire aux détaillants et aux indépendants: Arrangez-vous.

C'est malheureux. C'est tout cela que nous devons prendre en considération dans les mesures que le gouvernement sera prêt à envisager pour la période qui suivra l'expiration des décrets.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Au nom des membres de la commission, messieurs, nous vous remercions de votre présence ici. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance 13 h 15)

(Reprise à 15 h 9)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux de consultation générale en ce qui concerne les prix et la réduction de la taxe sur l'essence de 0,045 $ le litre.

J'inviterais maintenant les représentants du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue à s'avancer.

Messieurs, au nom des membres de la commission, je vous souhaite la bienvenue. Si j'ai bien compris, vous êtes trois groupes. Donc, vous aurez, dans la présentation de votre mémoire, trois différentes interventions...

Une voix: Justement.

Le Président (M. Théorêt): ...dont une de dix minutes et deux de cinq minutes.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie. Vous savez que les 40 minutes seront réparties entre les deux formations politiques.

Dans un premier temps, veuillez bien, M. Jolin, qui êtes le président, présenter ceux qui vous accompagnent.

Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue

M. Jolin (Marcel): M. le Président, membres de la commissions, je tiens à vous présenter ceux qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Patrick Déoux, urbaniste-conseil, a travaillé à l'élaboration du mémoire que nous vous présentons aujourd'hui,. Également, à ma droite, M. Denis Bureau, commissaire industriel de la Communauté de développement économique de Matagami-Joutel, aura à vous parler des particularités importantes pour le secteur nordique de la région, c'est-à-dire à partir de Matagami via la Baie-James. Nous sommes également accompagnés de deux représentants du Conseil régional de concertation et de développement du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Chapais-Chibougamau. II s'agit de M. Arthur Gobeil, président de l'organisme, ainsi que de M. Serge Chiasson, directeur général du même organisme. Après notre intervention, ils vous parleront également des problèmes dans leur région.

En premier lieu, je désire vous remercier d'avoir si aimablement accepté de nous rencontrer aujourd'hui. Originellement, nous devions être accompagnés des représentants des CRD de la Côte-Nord et de l'Est du Québec, mais la préparation de leurs sommets socio-économiques respectifs les empêche d'être parmi nous aujourd'hui. Je tiens cependant à vous signaler qu'ils partagent la philosophie de notre mémoire présenté aujourd'hui même.

Le prix de l'essence et les régions. Le 16 juin dernier, le gouvernement du Québec adoptait un décret visant à fixer les prix de l'essence dans les régions de la Côte-Nord, de l'Est du Québec, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce décret était la réponse gouvernementale à ia non-application par les compagnies pétrolières de la baisse de 0,045 $ le litre pour ces mêmes régions annoncée par le ministre des Finances, M. Gérard D. Levesque, lors de son énoncé budgétaire de décembre 1985.

Les règles du jeu établies en décembre 1985 semblent avoir été bouleversées. Avant l'application de la réduction fiscale annoncée, le prix de l'essence en Abitibi-Témiscamingue, par exemple, était de 0,03 $ supérieur au prix de l'essence à Montréal, soit 0,624 $...

Le Président (M. Théorêt): M. le président, je m'excuse de vous interrompre mais il semble que des membres n'aient pas copie de l'allocution que vous êtes en train de présenter.

Une voix: Page 5 dans le mémoire.

Le Président (M. Théorêt): Dans le mémoire 1M. C'est bien cela?

M. Jolin: Oui.

Le Président (M. Théorêt): Ah bon! Vous avez commencé à la page 5.

M. Jolin: C'est-à-dire que je résume.

Le Président (M. Théorêt): D'accord, je vous remercie. On essayait de vous suivre. Continuez!

M. Jolin: ...contre 0,596 $ pour l'ordinaire sans plomb. Dès le début de 1986, le prix de l'essence à la pompe en Abitibi-Témiscamingue et à Montréal était très semblable, reflétant ainsi la prescription gouvernementale établie.

Curieusement, le prix en Abitibi n'est pas de 0,015 $ de moins qu'à Montréal. En mai 1987, soit toujours sous le nouveau régime fiscal, l'écart entre le prix de l'essence en Abitibi-Témiscamingue et à Montréal s'élevait à 0,022 $ le litre, soit 0,582 $ dans notre région par rapport à 0,56 $ dans la région de Montréal. Dans ia réalité, la différence de prix est de 0,067 $ le litre, soit 0,022 $ le litre et 0,045 $ le litre provenant de l'avantage fiscal.

De nos jours, il est inconcevable de penser que les compagnies afficheraient ouvertement un prix de l'essence plus élevé de 0,067 $ le litre en région. L'avantage fiscal destiné à l'origine aux consommateurs deviendrait dès lors une forme de subvention aux compagnies pétrolières dans les régions périphériques.

Quoi qu'il en soit, notre organisme a pour mission de favoriser le développement socio-économique des régions et n'est donc pas équipé pour disséquer et analyser les stratégies corporatives des pétrolières. Il est, par ailleurs, bien connu que les marges de profits et pertes sont souvent des exercices comptables tout à fait dissociés de la réalité et défiant l'interprétation du public. Durant le très court laps de temps pour préparer ce mémoire nous n'avons pu obtenir du ministère de l'Énergie et des Ressources les données suffisantes pour discuter ce sujet.

La problématique des régions-ressources: L'approche de notre organisme est pragmatique et s'appuie sur l'expérience du quotidien. Elle repose sur des valeurs socio-économiques traditionnellement mal comprises par les intervenants du Sud du Québec. Ainsi, pour les habitants des régions tributaires de leurs ressources naturelles, la problématique du prix de l'essence s'inscrit dans un contexte beaucoup plus large que celui de la simple réduction de la taxe provinciale sur le prix de l'essence.

Pour bien saisir ce contexte, un bref énoncé de la problématique régionale de nos régions se révèle important. Le peuplement des régions-ressources, dont notre région, l'Abitibi-Témiscamingue, a été conditionné

par l'éloignement des grandes zones urbanisées de la vallée du Saint-Laurent, le caractère plus ou moins hostile du milieu d'accueil et la distribution des richesses naturelles. Conséquemment, la région-ressource est caractérisée par de petites villes monoindustrielles ou peu industrialisées, éparpillées au hasard des ressources minières et forestières, et dont le sort est étroitement lié à celui du gisement ou de la forêt auxquels elles doivent leur existence. Certaines villes de taille plus importante bénéficient d'une diversification plus grande de leur activité économique, mais n'en sont pas moins tributaires des richesses naturelles qui les entourent,

Étant donné la localisation excentrique des régions-ressources par rapport aux grands marchés nationaux et internationaux, les matières premières qu'on y prélève sont sauvent transformées ailleurs. D'autre part, ces régions doivent s'approvisionner à l'extérieur. En un mot, comme elles exportent leurs richesses naturelles à l'état brut, ou presque, et importent pour satisfaire leurs besoins, ces régions doivent se contenter d'une gamme réduite de secteurs, tels le tourisme, le transport et la construction, pour ainsi assurer leur croissance économique.

Ces quelques considérations décrivant le contexte dans lequel évolue notre région font ressortir deux points importants. En premier lieu, les grandes décisions socio-politiques sont prises dans le Québec de base pour le Québec de base et, de ce fait, négligent trop souvent le reste de la province en pensée et en acte. Pourtant, contrairement à la perception populaire, les activités véritablement génératrices d'emplois à l'échelle provinciale sont souvent situées à l'extérieur des grands centres urbains de Montréal et de Québec qui, à toutes fins utiles, alimentent leur activité économique à partir, entre autres, de l'exploitation des richesses naturelles qui se fait à l'intérieur des terres, soit dans les régions.

Pour illustrer ce commentaire, citons les quelque 900 emplois à l'usine d'affinage de Noranda, qui procure environ 5000 emplois induits à Pointe-aux-Trembles ainsi que les centaines d'emplois reliés à l'exploitation du zinc dans tout le Québec qui aboutissent à l'usine de Valleyfield, ou encore tous les emplois rattachés aux industries du sciage et des pâtes et papiers de l'Abitibi-Témiscamingue et des autres régions du Québec. La notion de la métropole n'est-elle pas un mythe de ce point de vue? Que deviendraient tous ces emplois induits dans ces activités d'extraction minière ou d'exploitation forestière si elles n'étaient pas là pour leur donner naissance? La vie économique de la province prend son origine, en grande partie, dans les régions éloignées où les matières premières sont déjà exploitées.

En second lieu, nous aimerions signaler le fait que malgré que, ces régions-ressources procurent des emplois et des commodités pour les gens du Sud de la province, la population de ces mêmes régions-ressources doit payer un prix plus élevé pour ses services et ses biens de consommation. À titre d'exemple, les services de santé coûtent cher aux citoyens de ces mêmes régions. Lorsqu'un citoyen doit consulter un médecin spécialiste, que ce soit à Montréal ou à Québec, il doit défrayer lui-même les frais de transport et d'hébergement, à moins d'être bénéficiaire de l'aide sociale ou de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. On pourrait ajouter également les frais d'études, lorsque nous envoyons nos enfants parfaire leurs connaissances dans les grands centres.

Les biens de consommation coûtent plus cher dans ces régions, notamment les biens essentiels. Il en coûte également plus cher pour s'informer. Les journaux comme Le Devoir, La Presse, Le Journal de Montréal coûtent 0,05 $ de plus en Abitibi-Témiscamingue qu'à Montréal et à Québec et, de plus, nous les recevons six heures plus tard que chez vous.

Sur le plan industriel, les entreprises de la région se doivent de concurrencer celles du Sud de la province afin de pouvoir se maintenir et prospérer comme toute organisation normale, et j'ajouterais également nos plus grands compétiteurs, la province voisine de la nôtre, l'Ontario.

Les entreprises de l'Abitibi-Témiscamingue doivent cependant tenir compte des coûts de production qui sont généralement plus élevés que dans le Québec de base. Le coût de la vie plus élevé nécessite des salaires plus importants. Les intrants pour la fabrication des produits sont également plus chers dans notre région qu'à Montréal ou à Québec. Le prix de l'essence devient donc une problématique importante pour les entreprises de la région et nous souhaitons que ce prix ne vienne pas alourdir davantage les coûts de production déjà plus élevés qu'au Sud du Québec; même, comme je vous le disais tout à l'heure, vers l'Ontario.

Une politique énergétique régionale. L'une des pierres angulaires du développement des régions passe par l'établissement d'une politique énergétique régionale bien adaptée à la problématique distincte que nous venons de développer. Un point fondamental à l'intérieur de cette politique sera de rendre plus équitable le poids du coût de l'énergie en garantissant aux habitants de notre région des prix abordables et justifiés de l'essence à la pompe, de l'huile à chauffage et de la consommation de l'électricité.

Nos arguments prennent racine dans le

quotidien. À l'échelle régionale, l'éloignement des établissements humains des grands centres du Sud du Québec et leur isolement relatif les uns des autres expliquent l'utilisation intensive des véhicules automobiles. Dans de telles conditions géographiques, les échanges commerciaux et professionnels peuvent rarement prendre place sans avoir à parcourir des distances importantes. D'ailleurs, hier, cela nous a pris quatre heures en avion pour se rendre de Val-d'Or à ici et le député Gendron était avec nous.

En l'absence presque totale d'un système de transport public intrarégional, l'équilibre économique des ménages de ces régions est très sensible au prix de l'essence. Bref, aux coûts déjà importants d'achat de carburant dans des conditions normales d'utilisation s'ajoutent, en région, des coûts accrus d'entretien de véhicules et de dépréciation plus rapide et cela, à cause des grandes distances et d'une utilisation nécessairement plus fréquente.

Le prix de l'essence n'est qu'un élément de la problématique énergétique des régions-ressources. Nous sommes aussi de grands consommateurs d'électricité. Comme beaucoup d'autres Québécois, nous avons converti nos maisons au chauffage électrique à l'époque où cette formule ou cette forme d'énergie était avantageuse par rapport à l'huile. Dans une région comme la nôtre, les hivers sont longs et rudes et toutes les possibilités d'économie sont bienvenues; j'ajouterais que les hivers sont plus longs de six semaines qu'à Québec ou à Montréal.

Le Président (M. Théorêt): Excusez-moi de vous interrompre, monsieur, mais voulez-vous passer immédiatement à vos recommandations, parce que votre temps est déjà écoulé.

M. Jolin: C'est très bien. Parmi les recommandations que nous vous soumettons dans le mémoire, nous aimerions insister davantage sur l'importance d'une politique énergétique régionale. Nous croyons que le gouvernement du Québec devrait présenter à la population une telle politique. Cette politique énergétique devrait s'adapter aux besoins des régions. Il est important de se préoccuper de l'avenir énergétique des régions et nous pensons qu'une politique énergétique serait le moyen le plus efficace.

Nous désirons encourager le gouvernement du Québec à avoir un souci permanent pour les régions du Québec. Dans le mémoire, nous demandons le maintien de la réduction de 0,045 $ le litre et nous demandons également le maintien de l'écart actuel. Les consommateurs des régions et les organismes de développement régional appuient le gouvernement du Québec et nous sommes prêts à vous soutenir dans ce débat.

En ce qui concerne la suggestion d'une régie de contrôle du prix de l'essence, nous laissons au gouvernement le choix du meilleur mécanisme. Nous n'avons pas eu le temps de vérifier l'expérience de la Nouvelle-Écosse. Nous croyons, cependant, qu'un mécanisme doit être instauré, tenant compte des particularités du Québec et, plus spécifiquement, des régions nordiques. Merci.

Le Président (M Théorêt): Merci, M, le président. Maintenant, est-ce le tour de M. Arthur Gobeii d'intervenir ou...

M. Jolin: Je crois que ce serait M. Bureau pour la région nordique et, par la suite, les représentants du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chapais et Chibougamau.

Le Président (M. Théorêt): Je m'excuse. On avait dit trois représentants.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Théorêt): Et c'est le deuxième, M. Bureau?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Théorêt): M. Bureau, on vous écoute, vous avez cinq minutes.

M. Bureau (Denis): D'accord. Permettez-moi, en guise de préambule, de vous dire que nous voulons présenter la situation particulière de certaines villes nordiques de l'Abitibi-Témiscamingue qui vivent une expérience étroitement interreliée avec celle de la Baie-James. Donc, j'entreprends sans plus tarder.

La région de Matagami-Joutel, située au nord du 49e parallèle, constitue la porte d'entrée abitibienne du vaste territoire de la Baie-James. De par sa situation géographique, mais aussi de par son réseau de transport routier, Matagami-Joutel constitue indéniablement le carrefour stratégique de distribution et de communication entre le Québec et le Nouveau-Québec.

Au lendemain d'un développement longtemps dépendant des mégaprojets, on fera place, à notre avis, à un développement nordique plus diversifié qui prendra dorénavant sa source, nous le crayons, dans les PME québécoises créatrices et conscientes que, pour exploiter le potentiel de ce vaste territoire, il faut s'en rapprocher. Car pour ces PME, désireuses de relever le défi du Nord, les coûts de transport demeurent un paramètre majeur à considérer dans leurs décisions d'investissements.

Dans ce contexte, la communauté de développement économique que nous représentons appuie la volonté des autres

régions nordiques à voir s'instaurer une politique énergétique régionale, consciente qu'elle ne saurait toutefois être dissociée d'une politique de distribution nordique globale.

En effet, face à une problématique de distribution pétrolière caractérisée par une tendance à la monopolisation, le présent rapport démontre comment une politique de distribution nordique globale serait susceptible d'instaurer un climat de libre concurrence.

Sans plus tarder, je vous présente la situation actuelle dans notre territoire. Certaines compagnies pétrolières possédant un plan de distribution au nord du 49e parallèle ont soit diminué, soit interrompu leurs activités pour une durée indéterminée. Pendant ce temps, à la suite d'un processus d'appel d'offres, Petro-Canada s'est associée avec la Société de développement autochtone de la Baie James pour tenter de s'approprier une bonne • part du marché. À cette fin, SODAB utilise '-les dépôts et entrepôts de la Société de développement de la Baie James, tel que convenu dans un contrat signé avec cette société pour une durée de cinq ans et, à ce contrat, il reste deux ans à écouler.

La Société de développement de la Baie James a manifesté auprès des intervenants sa volonté d'élaborer avec ceux-ci une stratégie pour instaurer à moyen terme une situation de plus libre concurrence sur le marché. Il y a une problématique qu'il faut saisir, à savoir que la tendance actuelle à la monopolisation cause une situation inflationniste dans le Nord qui risque bien de s'étendre vers certaines villes du Sud du territoire de la Baie-James, évidemment.

Cette tendance risque de se consolider à moyen terme, à moins que d'autres compagnies pétrolières ne parviennent à pénétrer ce marché. Ces difficultés de pénétration du marché sont reliées aux contraintes émanant d'une problématique globale de distribution nordique non exclusive au pétrole.

Pour raccourcir, je vous dirais que cette spécificité impose de toute évidence un rapprochement vers le Nord et un regroupement d'entreprises pétrolières, et même commerciales ou industrielles, en vue d'intégrer leurs besoins de distribution. Ceci m'amène à une proposition concrète qui se veut simplement à l'état de suggestion.

La stratégie que nous aimerions vous suggérer vise à s'inscrire dans le cadre d'une politique énergétique régionale. Elle pourrait se traduire par un programme d'incitatifs supervisé par un ministère approprié afin de motiver des sociétés comme Cri-Énergie à se décentraliser vers le Nord.

Ces incitatifs se présenteraient sous diverses formes, tels des avantages fiscaux de court terme ou un programme d'aide pour le développement d'infrastructures de distribution nordique. De tels programmes de développement devraient aussi s'élargir à l'ensemble de la problématique de distribution nordique et ne pas se restreindre qu'à la seule distribution pétrolière.

De la sorte, il n'est pas illusoire de penser que des pétrolières pourraient s'associer à d'autres intervenants, telles la Société d'énergie de la Baie James, Hydro-Québec ou des entreprises locales, afin de développer des infrastructures intégrées de distribution nordique. Les intervenants admissibles au programme seraient évidemment Cri-Énergie et les prétrolières, mais aussi toutes les entreprises désireuses de se regrouper pour pénétrer le marché nordique. Les lignes qui suivent vous présentent quelques modalités. Pour conclure, j'aimerais vous dire que nous percevons certains avantages. Une avenue de distribution intégrée sera susceptible de développer concrètement le concept de centre de distribution nordique et, asssurément, permettrait de diminuer les coûts de distribution non seulement du pétrole, mais aussi d'un ensemble d'autres produits.

Donc, en conclusion générale et finale, nous disons que tous les intervenants intéressés par le développement nordique, que ce soit le gouvernement, les pétrolières, l'industrie du transport ou même les entreprises commerciales et industrielles et les consommateurs, y gagneront de voir se définir une politique de distribution nordique intégrée à une politique énergétique régionale.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Bureau. Le prochain intervenant est M. Gobeil?

M. Gobeil (Arthur): Oui, c'est bien cela.

Le Président (M. Théorêt): Nous vous écoutons, M. Gobeil.

M. Gobeil (Arthur): M. le Président, M. le ministre, madame et messieurs les députés, nous tenons en premier lieu à remercier les membres de cette commission pour l'occasion qu'ils offrent aux représentants du Conseil régional de concertation et de développement du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Chibougamau-Chapais de venir exprimer leur point de vue sur une question aussi vitale pour les économies régionales que celle de la problématique de l'accessibilité aux produits pétroliers à des coûts raisonnables et équitables.

Nous ne pouvons passer sous silence le geste assurément positif qu'a posé le gouvernement du Québec en imposant par décrets le coût à la pompe pour l'essence et ceci, en faveur des consommateurs des régions périphériques du Québec. Cette mesure

populaire, nous la replaçons dans le contexte d'un signe tangible du gouvernement du Québec qui cherche ainsi à favoriser le développement régional en rétablissant un certain rapport de forces entre les régions périphériques grandes productrices d'énergie électrique et les régions à forte consommation que représentent les grands centres de Montréal et de Québec.

Vous nous permettrez de ne pas ajouter davantage d'éléments à toute la notion du partage de la richesse collective entre régions productrices et régions consommatrices. Les dernières années ont donné lieu à beaucoup de discussions et d'Interventions sur cette question hautement stratégique. Notre région, comme beaucoup d'autres au Québec, a eu tout le loisir de s'exprimer à maintes reprises sur cet aspect problématique. Aussi profiterons-nous de notre présence devant cette commission pour restreindre notre intervention à la seule question de l'heure qui monopolise notre attention, soit les avantages consentis aux régions concernées par les récents décrets gouvernementaux sur le contrôle des coûts de l'essence à la pompe. (15 h 30)

Nous avons exprimé, il y a quelques instants, notre satisfaction en regard des objectifs que sous-tendent ces décrets et nous voulons assurer le gouvernement de notre soutien le plus complet dans la voie que celui-ci semble décidé à poursuivre. Cependant, nous voulons bien faire sentir aux membres de cette commission notre inquiétude légitime face au caractère temporaire qui accompagne souvent les actions édictées par décret. Nous tenons - et je crois qu'en m'exprimant ainsi je traduis assez bien les attentes de nos confrères des autres régions - à ce que cette mesure gouvernementale soit maintenue en permanence et adoptée par le gouvernement du Québec comme principe directif devant le guider dans l'élaboration d'une stratégie provinciale en matière d'énergie.

Dans le mémoire collectif qui vient de vous être présenté par le représentant du Conseil régional de développement de l'Abitibi-Témiscamingue, nous énumérons avec force détails tout l'impact que peuvent représenter les produits pétroliers sur les économies régionales. Cela est vrai aussi bien au Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Chi-bougamau-Chapais que dans le reste du Québec périphérique. Aussi, nous n'entendons pas reprendre cette argumentation que nous endossons d'emblée.

Par contre, nous voulons suggérer à la commission d'étudier une orientation qui mérite, croyons-nous, d'être prise en considération, car elle a l'avantage d'associer l'objectif gouvernemental de soutien à l'économie des régions par le biais de mesures incitatives et coercitives directes dans le domaine énergétique, entre autres, aux volontés régionales d'autodéveloppement.

Il est bien entendu que l'on ne peut nier l'impact positif de ces mesures qui permettent aux consommateurs de nos régions de profiter d'une réduction immédiate sur leurs achats d'essence. Par contre, nous devons reconnaître qu'elles ont un impact peu prononcé sur le développement régional. Ce n'est pas l'épargne hebdomadaire de quelques dollars, de surcroît répartis parmi les milliers d'utilisateurs quotidiens, qui suffit à favoriser une activité économique soutenue en région.

Ce que nous proposons, c'est un véritable instrument de développement régional qui, s'il était apprécié à ce titre par le gouvernement du Québec, deviendrait un puissant levier économique au service des populations régionales et entre les mains de ces mêmes populations. Ainsi, ne serait-il pas souhaitable de remplacer cette répartition universelle des économies réalisées par un autre mode de perception et de distribution. Ce que nous voulons exprimer devant cette commission, c'est que le gouvernement du Québec, plutôt que de s'assurer que les consommateurs bénéficient directement des. réductions à la pompe, ne pourrait-il pas lui-même prélever auprès des distributeurs régionaux de produits pétroliers les avantages consentis par les décrets actuels et constituer un fonds collectif en recueillant toutes les sommes qui, autrement, sont versées directement aux consommateurs.

Ce fonds collectif, alimenté par l'ensemble des utilisateurs régionaux de produits pétroliers, atteindrait rapidement une ampleur importante quant aux entrées d'argent qu'il pourrait enregistrer. Chacune des régions touchées par les décrets contribuerait ainsi, selon son volume respectif de consommation, à l'accroissement continu des réserves de ce fonds. Quant à la répartition de l'avoir de ce fonds, il devrait en premier lieu être accessible aux seules régions qui y ont contribué sur une base collective et être partagé entre celles-ci selon le même barème, soit selon leur contribution déterminée en fonction des volumes de consommation propres à chacune des régions concernées.

Ce fonds collectif de soutien au développement d'infrastructures régionales deviendrait un instrument beaucoup plus performant que la simple redevance aux particuliers. Fonds mis à la disposition des régions contributrices à qui il reviendrait d'en déterminer l'affectation en fonction des spécificités de leurs axes prioritaires de développement.

De prime abord, cette mesure, qui priverait dans l'immédiat le consommateur d'une réduction directe sur ses achats d'essence, peut sembler peu populaire. Cependant, nous sommes convaincus que ce

même consommateur régional y trouverait davantage de bénéfices à long terme, puisque l'ensemble de l'économie de sa région s'en trouverait favorisé. L'utilisateur quotidien de produits pétroliers deviendrait ainsi un partenaire, pour ne pas dire un actionnaire du développement régional.

Bien sûr, ce n'est pas dans le cadre de cette commission que nous analyserons toute la teneur et l'ampleur de cette proposition. Ce que nous attendons de cette commission, par contre, c'est qu'elle la retienne tout en ayant l'assurance de notre entière disponibilité à aller plus avant dans cette question.

Nous terminons, M. le Président, en vous rappelant simplement que nous tenons à tout prix à ce que la mesure incluse dans le cadre des décrets ministériels soit non seulement maintenue dans le temps sur une base permanente, mais aussi que cette mesure ait le meilleur impact possible sur l'économie des régions périphériques du Québec. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Chibougamau-Chapais, à l'instar des autres régions du Québec, est très sensible à l'intérêt que porte le gouvernement aux questions énergétiques et ne demande pas mieux que de travailler conjointement à l'élaboration d'un mécanisme permanent le contrôle des prix des produits pétroliers qui pourrait devenir le signe annonciateur d'une véritable politique régionale de l'énergie du Québec. Merci. Arthur Gobeil, président.

Le Président (M. Tnéorêt): Merci, M. Gobeil. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier le Conseil régional de développement économique de l'Abitibi-Témiscamingue pour son mémoire et pour l'excellent travail d'animation et de représentation des intérêts de sa région, notamment au cours du sommet économique d'Amos le printemps dernier.

Vous avez soulevé plusieurs éléments. Dans la situation actuelle, vous parlez d'une politique régionale énergétique qui pourrait favoriser les régions périphériques. Je dois vous signaler que l'abolition de la surtaxe et le décret concernant les prix en région sont deux gestes que le gouvernement a posés pour alléger le prix de l'essence qui est plus élevé dans les régions périphériques. Cela fait partie de la mise en application de nos politiques énergétiques régionales dans ce sens parce que cela visait les régions. Quand on s'est aperçu que nos mesures n'avaient pas les effets qu'on avait escomptés, on a agi par l'entremise des décrets.

Vous soulevez, M. Jolin, la question du prix de l'essence en Abitibi. Selon les chiffres que j'ai et que vous pourrez vérifier, l'écart entre le prix en Abitibi et le prix à Montréal, avant décembre 1985, était de 0,03 $ le litre. Autrement dit, en Abitibi, c'était 0,03 $ le litre de plus qu'à Montréal. En janvier 1985, après l'abolition de la surtaxe par le ministre des Finances, le prix a baissé; il y avait seulement 0,015 $ de moins le litre et c'était en faveur de l'Abitibi. Autrement dit, c'était 0,015 $ le litre plus bas en Abitibi qu'à Montréal. À ce moment-là, les prix ont commencé à augmenter et, en juin 1987, avec le décret que nous avons annoncé, la différence entre le prix à Montréal et celui en Abitibi est de 0,017 $ le litre. Il y a eu une baisse. Le décret a baissé, a réduit le prix en Abitibi de 0,039 $ le litre.

On est habitué de parler en chiffres, en cents le litre, mais si on traduit cela en prix du gallon, cela donne un tout autre portrait parce que le décret a baissé le prix de l'essence en Abitibi de 0,177 $ le gallon. On voit les écarts qui sont encore plus énormes et les bénéfices pour les régions sont encore plus importants. La différence entre le prix actuel à Montréal et celui en Abitibi, en faveur de l'Abitibi, c'est moins 0,027 $ le litre, c'est-à-dire 0,012 $ plus bas que l'effet de l'abolition de la taxe. Comme vous le dites dans votre mémoire, je crois que c'est une justification du décret au moment où il a été adopté par le gouvernement pour que les régions puissent bénéficier de la baisse de la taxe qui avait été consentie par le ministre des Finances.

Dans votre mémoire, M. Jolin, vous parlez, en page 11, d'évaluer des mécanismes visant à mieux protéger les détaillants d'essence contre les pétrolières. Est-ce que vous pouvez préciser cette suggestion? Comment pourrait-on établir ces mécanismes?

M. Jolin: M. le ministre, on a fait une consultation parmi nos détaillants d'essence dans la région. On leur a demandé s'il leur restait plus de bénéfices à la suite de l'augmentation et 95 % des détaillants d'essence nous ont dit que les bénéfices n'étaient pas majorés et qu'ils avaient même peut-être subi une perte de bénéfices. Lorsqu'on augmente le prix du pétrole en Abitibi, on nous certifie - les détaillants -que le bénéfice...

M. Ciaccia: ...va aux pétrolières.

M. Jolin: Cela va aux pétrolières, et même aux détaillants de gros aussi dans notre région.

M. Ciaccia: Les grossistes aussi? Ce sont eux qui en bénéficient plutôt que les détaillants.

M. Jolin: Oui. Je vais vous dire une chose. La Chambre de commerce de Senneterre a fait un travail immense dans ce domaine, en plus du CRDAT et également

d'une autre chambre de commerce de la région, et noua en sommes venus à la conclusion que le bénéfice pour les détaillants n'augmentait pas lorsque le prix de l'essence augmentait à la pompe.

M. Ciaccia: Autrement dit, leur marge de profit n'augmentait pas s'il y avait des fluctuations. A la hausse, c'était la pétrolière ou le grossiste qui les obtenait.

M. Jolin: Oui.

M. Ciaccia: Dans votre mémoire, vous parlez... Avant qu'on eut décrété la baisse, il y a eu une augmentation, mais d'après vous, qui a pris l'augmentation? Les détaillants ou les compagnies? D'après votre affirmation, l'information que vous avez, c'est que ce sont les compagnies et non pas les détaillants?

M. Jolin: Oui, d'après les informations que l'on a. Et je pourrais justifier cela. À titre de commissaire industriel, la municipalité de mon secteur m'avait demandé qu'il y ait des postes de détaillants qui restent ouverts la nuit. Alors, j'ai consulté tous mes détaillants dans la même municipalité et eux ont fait une lettre, l'ensemble des détaillants, pour demander à la municipalité de ne pas exiger d'eux d'ouvrir de minuit à sept heures le matin pour satisfaire aux touristes, parce qu'ils disaient que pour ouvrir sept heures de plus au salaire minimum, en plus des coûts d'électricité, il aurait fallu que le même détaillant vende environ, si je me rappelle bien, 1500 litres par nuit. Ils écrivaient aussi que le bénéfice de cela était de 0,031 $ le litre, ce qui faisait 45 $, et que cela leur coûtait 48 $.

M. Ciaccia: Dans votre mémoire, vous parlez de hausse inexpliquée du prix de l'essence en région. J'ai l'impression que vous et les consommateurs en général manquez d'information pour comprendre les nombreuses fluctuations des prix de l'essence. Croyez-vous que c'est une situation qui pourrait être améliorée?

M. Jolin: Bien, je crois que oui. Il y aurait peut-être lieu de le faire avec... Je ne sais pas quel genre de mécanisme il faudrait établir, mais on a beaucoup de difficultés à avoir de l'information sur cela. Et je laisserais peut-être la parole à M. Patrick Déoux qui est notre consultant. Il a déjà fait une thèse sur le domaine des...

M. Déoux (Patrick): En fait, ce n'est pas vraiment une thèse qu'il y a derrière cela. Le CRD, dans sa vocation de voir au développement régional, n'est pas entré dans le détail des chiffres et des mécanismes exacts qui pourraient permettre les avantages. C'est un peu pour cela que le mémoire développe une approche assez globale. C'est un peu un plaidoyer pour une politique énergétique globale à l'intérieur de laquelle sont venus se greffer deux éléments ponctuels beaucoup plus précis, celui de la Baie James et du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Nos confrères de Lac-Saint-Jean-Chibougamau-Chapais ont donné une solution à cette question en suggérant que cet argent soit rendu immédiatement à la région. En tant qu'urbaniste, je crois que c'est une très bonne idée, excellente pour ce qui est du développement régional et qu'elle pourrait certainement s'appliquer. Il semble que ce soit déjà bien perçu dans leur région.

Maintenant, je pense qu'il y aurait d'autres mécanismes, d'autres solutions, d'autres approches. En Ontario, il y a des crédits d'impôt qui existent; chaque année, il y a une centaine de dollars qui sont remis à certaines régions, à certaines villes. Nous n'avons pas eu l'occasion, dans le temps qui était disponible, d'étudier le cas de la Nouvelle-Écosse. Mais on croît qu'il y a une possibilité de voir à cela, de contrôler un peu et de vérifier que les avantages puissent être appliqués et conservés.

M. Ciaccia: Je vais revenir tantôt à la question du fonds de développement régional. Je voudrais juste poser une dernière question à M. Jolin.

Vous parliez d'une régie, mais vous semblez être un peu flexible sur les moyens. Est-ce que vous pourriez donner un peu les possibilités d'une telle régie? Quelle serait son rôle? Quels seraient ses pouvoirs? Comment fonctionnerait-elle?

M. Jolin: On n'a pas vraiment eu la chance d'en discuter, M. le ministre. Il est sûr et certain que lorsqu'on voit... Il y a d'autres régies en place, soit pour les produits d'agriculture ou autres. C'est sûr que c'est un chien de garde et le consommateur est beaucoup plus protégé. Maintenant, quels sont les coûts d'une telle régie, les modes d'application? Nous n'avons pas vraiment eu l'occasion de nous pencher là-dessus. (15 h 45)

Une recommandation que j'oserais faire pour une région comme la nôtre, c'est qu'il faudrait que le gouvernement du Québec autant que possible se rapproche, avec ses coûts du carburant, de la région voisine qui est la nôtre, l'Ontario. Seulement dans ma région, il doit y avoir environ 250 camions qui transportent du bois, surtout du bois de sciage. Je ne parle pas de bois brut. Mais parmi ces camions, vous n'en voyez aucun faire le plein dans la province de Québec. Ces camions ont des réservoirs d'environ 200 à 250 gallons et font tous le plein en

Ontario. Pourquoi? Parce que cela coûte 0,06 $, 0,07 $ ou 0,08 $ de moins. Ils ne vont pas loin de Chibougamau, s'en reviennent en Ontario pour livrer le bois de sciage et passent par les États-Unis pour aller vers la Floride et ils font tous le plein en Ontario. Alors, imaginez-vous les pertes monétaires que le gouvernement du Québec subit et également la perte d'emplois. Alors, le prix du pétrole en Ontario est plus bas que le nôtre et tous ces camions font le plein de carburant dans cette province. Et également, la plupart de ces camionneurs sont des résidents du Québec.

M. Ciaccia: Merci, M. Joiin. M. Gobeil, vous aviez prôné la possibilité d'un fonds de développement régional. Est-ce que cela présuppose le rétablissement de la surtaxe et que les montants de cette surtaxe pourraient être utilisés pour le fonds auquel vous vous référez?

M. Jolin: Cela présuppose que, comme les régions favorisées le sont directement, le consommateur est favorisé. Alors, au lieu de favoriser un consommateur en particulier ou individuellement, on crée un fonds pour le même montant.

M. Ciaccia: On a baissé la taxe, on l'a réduite de 0,045 $ le litre. Pour créer le fonds auquel vous faites référence, est-ce que cela veut dire que le gouvernement doit réimposer cette surtaxe?

M. Jolin: En fait, en prenant les crédits, on l'enlève à l'individu pour créer un fonds.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle je vous demande cela, c'est parce qu'en Ontario on utilise cette formule dans certains endroits, mais on n'a pas baissé la taxe. On a maintenu la taxe dans les régions éloignées et, plutôt que de baisser la taxe, on a utilisé certains montants et on a utilisé d'autres formules pour remettre au consommateur. La question que je me posais était: Ceux qui préconisent la création d'un fonds de développement régional, est-ce qu'ils préconisent aussi qu'on réimpose la surtaxe?

M. Jolin: Non.

M. Ciaccia: J'ai un dernier commentaire à formuler à M. Bureau. La situation que vous portez à notre attention est tout à fait particulière en termes de la distance géographique et des populations peu nombreuses affectées mais qui, quand même, ont droit à une certaine protection et à certains services. Dans cette commission, je ne pense pas qu'on puisse aller au fond du problème que vous soulevez. La suggestion que je pourrais vous faire, c'est de rencontrer les gens de mon ministère, mon sous-ministre associé, lequel se fera un plaisir de vous rencontrer. Il s'agit de M. Jean-Claude Villiard. Si vous pouviez entrer en contact avec lui et voir quelles mesures -vous faites des recommandations assez intéressantes - pourraient être prises, certainement qu'il y aurait quelque chose à faire à ce sujet. Si nous pouvions discuter avec vous d'une façon plus détaillée des différentes mesures que vous préconisez et voir ce qui pourrait être fait exactement... D'accord.

M. le Président, pour le moment...

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. M. le critique officiel.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord saluer et remercier les gens des régions périphériques lesquels, manifestant leur dynamisme habituel, ont su être présents au rendez-vous et nous faire des suggestions fort constructives et intéressantes.

D'abord, je voudrais vous dire que mes collègues d'Abitibi-Ouest et d'Ungava auront des questions particulières, tout à l'heure, pour les régions qu'ils représentent à l'Assemblée nationale. La question qui me préoccupe et que je voudrais poser est plus d'ordre général. Quiconque a le goût d'y aller d'une réponse, elle peut être posée à n'importe qui d'entre vous.

On a parlé de fixation de prix. En région, on semble favoriser largement l'établissement d'une espèce de régie, d'un mécanisme de surveillance du prix de l'essence. Or, ce matin, on a appris, du moins dans le cas des détaillants de Petro-Canada - je pense bien que c'est la même chose pour les autres - que le coût des décrets gouvernementaux était assumé par des petits détaillants d'essence, propriétaires ou non de leur station, selon les situations, ou des indépendants. On a appris aussi que, sur le marché pétrolier, les prix sont intéressants - vous l'avez souligné, vous en savez quelque chose - quand la concurrence est vive, d'où l'écart des prix qu'on observe en ville et dans les régions périphériques, souvent.

On a appris des choses ce matin. Si vous aviez été la, vous auriez trouvé cela fort intéressant. On a appris que, dans les régions périphériques, compte tenu du plus faible volume, cela prenait une marge de profits plus grande; on a appris cela ce matin aussi. On a appris également que le ministre, dans ses décrets, faisait assumer le prix aux petits distributeurs indépendants qui sont ceux qui, en réalité, maintiennent la concurrence dans les régions. Ce faisant, on peut en déduire - cela vous intéresse, c'est dans vos régions - qu'à moyen terme, si les petits indépendants - appelons les choses par

leur nom - crèvent littéralement de faim, ils vont cesser d'être des indépendants et des distributeurs d'essence. Par voie de conséquence, cela va diminuer la concurrence et des régions comme la vôtre seront encore plus è la merci des compagnies pétrolières qui auront le champ tout à fait libre pour imposer le prix qu'elles voudront prétextant que le libre marché, c'est cela que ça donne. Cela donne de l'essence à 0,63 $ en Abitibi, cette fois-là. Ce sera cela.

Donc, la formule de la fixation du prix, du décret gouvernemental, est la prolongation dans le temps... C'est M. Arthur Gobeil, je pense, qui disait que, malheureusement, ce sera temporaire et on aimerait que ce soit permanent. Cela pourrait avoir comme effet de couper le cou des indépendants et des petits distributeurs, de briser la concurrence et de faire en sorte que le marché vous place dans une situation encore plus pénible.

Compte tenu des choses qu'on a apprises ce matin et que vous venez peut-être d'apprendre, seriez-vous encore aussi friands de recommander un décret sur une base permanente pour fixer le prix de l'essence? Ma question s'adresse à celui qui veut y répondre.

M. Gobeil (Arthur): D'abord, en réponse à M. Gauthier, évidemment, nous n'avons mis aucun chiffre dans notre mémoire pour toutes les raisons que vous avez décrites parce qu'on a commencé effectivement à aller chercher de l'information et c'était nettement insuffisant pour aborder ces volets.

Nous croyons que ies régions doivent avoir un mécanisme. On ne connaît pas la technique du mécanisme, sauf qu'on dit que les régions devraient avoir un mécanisme leur permettant d'avoir un rabais quelconque pour que l'économie puisse se développer. Maintenant, on ne s'est pas arrêté plus que cela à la mécanique du mécanisme parce qu'on pense qu'il manque des données pour qu'on puisse en arriver à un résultat intéressant.

M. Gauthier: D'accord. Je vous remercie de votre réponse, d'autant plus que j'avais cru... C'est parce que dans votre mémoire, évidemment, vous trouviez l'initiative heureuse et j'avais l'impression, quand vous parliez de permanence, qu'il s'agissait de la formule qui existe actuellement. Si je comprends bien, c'est un peu plus nuancé que cela. Vous parlez d'une forme de surveillance qui pourrait être différente du...

M. Gobeil (Arthur): ...mais qui a un retour financier servant de levier économique pour les régions.

M. Gauthier: En d'autres termes, vous refusez - et vous me direz si je vous traduis mal - de laisser jouer le marché absolument librement dans vos régions. Ce que vous souhaitez, c'est que... En tout cas, il y a au moins certaines balises, sans faire de l'"interventionnite" aiguë dans le libre marché, qui empêchent des collusions de grandes entreprises qui font en sorte que le prix de l'essence grimpe démesurément. C'est bien cela?

M. Gobeil (Arthur): Je pense que, pour ce qui est du protectionnisme, quelle que soit la technique, si on veut protéger par des prix ou quelque chose, sûrement que le marché s'ajuste à ce moment-là et je suis d'accord avec vous que la population n'est pas nécessairement favorisée.

M. Gauthier: Ma question s'adresse à l'un ou l'autre de ceux qui veulent répondre. Si le gouvernement retenait la solution de continuer comme il a commencé de fixer les prix, par décret, si le gouvernement fixait les prix - je sais que d'aucuns sont un peu séduits, a priori, par l'idée et je le comprends. Pour l'immédiat, c'est une belle passe politique que le ministre a faite, sauf qu'à moyen terme, cela va se retourner contre les régions. En tout cas, on le verra plus tard. Si, d'aventure, le ministre continuait dans la même voie qu'il a empruntée actuellement, sur quelle base pourrait-on déterminer le prix de l'essence?

On a encore appris cela ce matin. Les gens de Petro-Canada nous ont dit qu'au Québec, dans leurs installations, le rendement sur le capital investi était inférieur à 4 %. J'ai l'impression que ce sont tous des hommes d'affaires, des gens bien en vue. J'ai l'impression qu'il n'y en a pas beaucoup parmi vous qui souhaitez investir votre argent à 2 % ou à 3 % de rendement ou quelque chose comme cela.

Sur quelle base, donc, le législateur devrait-il se fixer, sur quelle base devrait-il s'appuyer pour fixer le prix de l'essence? Est-ce qu'en ce qui concerne la rentabilité, cela ne vous apparaît pas inquiétant que le gouvernement puisse commencer, et pour une durée très longue... Limité dans le temps, cela n'a pas tellement... Trois mois, ce n'est pas tragique, en soi, pour qui que ce soit. Disons que ce n'est pas dramatique; ce n'est pas la fin du monde, mais à long terme, puisque d'aucuns ont parlé de maintenir le mécanisme, est-ce qu'il ne vous semble pas que la base sur laquelle on devrait s'appuyer, c'est pas mai obscur, actuellement?

Ce matin, je citais l'exemple, pour vous éclairer un peu plus sur la question, d'Hydra-Québec qui se présente en commission parlementaire. C'est le même ministre et c'est le même critique. Ils viennent nous rencontrer à chaque année. Malgré que leur affaire aille bien, ils viennent nous dire que le rendement

sur le capital investi, tant qu'il ne sera pas à 13 %, ce n'est pas un bon business et ils revendiquent des hausses de tarifs. Le ministre les accorde, presque toutes encore cette année. On a réussi à lui faire couper quelques pourcentages. Il leur accorde les hausses de tarifs...

M. Ciaccia: ...18 %. C'est moi qui ai dit cela.

M. Gauthier: Bien oui, mais on ne parlera pas du financement des barrages; c'est réglé; c'est fait. C'est réglé, cela, on n'en parlera plus.

M. Ciaccia: Je ne parle pas de 18 %, c'est 4 %.

M. Gauthier: Si vous voulez qu'on en parle, on parlera de l'inflation. On va parler de tous les paramètres, mais on ne dérangera pas nos gens avec cela. Je vous l'expliquerai une bonne fois à vous tout seul, parce qu'il avoue qu'il ne comprend pas.

Ce que je vous demande, c'est: Comment pourrait-on honnêtement penser être capable de faire une fixation de prix raisonnable qui tienne compte de tout ça et qui rende justice aux entreprises pétrolières qui ont de l'argent investi là-dedans et qui veulent bien avoir un minimum de rendement? Ce n'est pas une oeuvre de charité. Est-ce que vous avez songé à cela?

M. Jolin: Écoutez un peu, M. le député, on pourrait s'éterniser là-dessus. Il y a un mécanisme comme à Bell Canada. On vient de voir qu'il y a des taux qui sont légiférés et Bell Canada a fait beaucoup de profits et elle vient d'être condamnée à en remettre aux utilisateurs. Cela pourrait être une formule semblable. Ce que nous voudrions surtout faire remarquer au gouvernement, c'est que le consommateur est toujours sujet, envers les pétrolières ou autres, à des fluctuations de prix. Pour vous donner un exemple, chez nous, à Senneterre, il y a une population de 5000; à 40 milles de chez nous, à Val-d'Or, un bassin de 30 000 de population. Il est sûr et certain que, bien des fois, il arrive un indépendant à Val-d'Or pour implanter un nouveau poste d'essence avec un rabais. Alors, toutes les autres compagnies et surtout les grandes compagnies suivent le rabais, et donnent des verres, des cadeaux, etc. Et, nous autres, à la chambre de commerce, au conseil de ville, de même que nos consommateurs, nous nous demandons comment il se fait que le prix de notre litre est plus cher qu'à Val-d'Or. On a une baisse temporaire peut-être pour un mois, un mois et demi, puis cela augmente encore. C'est aussi comme cela à Rouyn. Alors, il n'y a pas de politique vraiment établie à long terme, tandis qu'à Hydro-Québec ou Télébec, etc., c'est une politique établie à long terme. Le consommateur sait quel montant il va payer. (16 heures)

Je crois qu'il faudrait en venir à une politique semblable parce qu'on ne peut pas non plus arriver et s'ingérer, comme on le disait dans notre mémoire, pour aller voir combien cela coûte aux compagnies. Il est sûr et certain que tout est relié au coût du pétrole brut et cela fluctue. Également, avec l'acquisition des installations qu'il y avait à Montréal-Est, on dit que ce sera plus rentable de les fermer. On n'est pas assez comptable. Mais je crois que le gouvernement a les outils nécessaires pour regarJer cela. Je crois que le consommateur, dans l'ensemble, aura un prix fixe et saura combien il paie vraiment, dans l'ensemble du Québec, pour le pétrole.

On aurait même pu dire que nos routes, en Abitibi-Témiscamingue, sont plus cahoteuses, beaucoup plus que dans le Sud. On aurait pu demander une réduction encore plus grande, mais on n'en a pas parlé parce qu'on sait que le gouvernement les améliorera peut-être. Alors, on n'a pas parlé de cela. Également, il faut faire démarrer nos automobiles peut-être quinze minutes plus tôt que les gens de Montréal pour aller au travail, etc., parce qu'il fait plus froid. Je crois qu'il faut une politique uniforme, dans l'ensemble. Il faut que le consommateur, dans l'ensemble du Québec, sache combien il va payer.

M. Gobeil (Arthur): M. Gauthier, il me semble aussi que comparer Hydro-Québec à l'ensemble des autres pétrolières, c'est... D'abord, on parle des régions. Le barème, dans les grandes régions, demeure de la libre compétition. Alors, cela commence à nous faire au moins un point de comparaison. Il y a quand même plusieurs pétrolières qui se font compétition au Québec. Lorsqu'on fait une comparaison avec Hydro-Québec, il me semble qu'on manque un peu... Il n'y a pas d'autres partenaires, il n'y a pas d'autres fournisseurs qu'Hydro-Québec. On se perd en conjectures de chiffres à prouver pour arriver à quatre, pour arriver à dix. Je pense sincèrement que la comparaison serait plus facile à faire - je ne dis pas qu'elle serait nécessairement facile, mais sûrement beaucoup plus facile - avec les pétrolières qu'avec Hydro-Québec. Je vais laisser, pour mes collègues...

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Baril: Je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je suis très intéressé. Je pense que vous avez présenté un très beau document. Il était assez clair et assez précis. Aussi, il ne faudrait pas oublier que

j'étais dans l'avion avec vous hier soir; il n'y avait pas juste M. Gendron.

M. Jolin: Excusez-moi, M. Baril.

M. Ciaccia: Ha! Ha! Ha! II était en arrière.

M. Baril: J'aimerais que vous précisiez... On est ici pour écouter un peu tout le monde. Mais si, un jour, on changeait la façon de rendre les gens des régions périphériques un peu plus compétitifs avec le reste de la province... Vous avez cité deux cas, deux autres exemples. Je pense que M. Gobeil a dit qu'on pourrait peut-être avoir un fonds régional. On a parlé de différentes méthodes, mais est-ce qu'il y a d'autres méthodes que vous connaissez et que les législateurs pourraient appliquer aux régions périphériques comme des baisses d'autres choses, peut-être? Est-ce que vous pourriez préciser ce point, vous ou n'importe qui?

M. Jolin: Peut-être M. Déoux.

M. Déoux: On a peut-être un peu plus d'information là-dessus. Au moment où vous posez la question, est-ce qu'il y aurait des choses à faire pour que le Nord ou les régions-ressources soient plus attirantes?

M. Baril: Non, mais, je vous donnais l'exemple de l'Ontario où l'immatriculation ne coûte que 10 $, en comparaison... C'est un peu ce genre de choses. Est-ce que vous voyez autre chose que cette baisse de carburant qui pourrait un jour...

M. Jolin: Cela pourrait être aussi la période d'hiver. Je crois que dans le Nord de l'Ontario, pour les résidents, il y a une période de cinq ou six minutes de chauffage de plus. Alors, on leur accorde un crédit de 100 $, je crois. Cela serait une politique pour favoriser les régions nordiques.

M. Déoux: II y a aussi des crédits d'impôt alloués à certaines villes du Nord de l'Ontario. D'autres mécanismes, aussi, sont importants comme, par exemple, la présence d'un ministère du Nord, en Ontario, qui permet peut-être de coordonner plus efficacement certaines choses. Si vous voulez vraiment parler de choses à implanter, ce sont toutes des visions qui peuvent être possibles. Mais les régions, non seulement sont-elles sujettes au prix important du pétrole, mais aussi à toute la question de l'électricité sans être nécessairement une électricité moins chère, en suivant le raisonnement qu'elles sont plus près des barrages hydroélectriques. On sait que, dans ces raisonnements, on peut s'enfarger assez rapidement. Mais, d'un autre côté, il y a certainement des avantages qui pourraient être accordés à ces régions et à l'introduction des énergies nouvelles, aussi. Contrairement à ce qu'on pense, les énergies nouvelles sont souvent délaissées parce que non importantes. Mais, quand on parle de villes relativement petites, 2000, 3000, 4000, 5000 habitants et un peu plus, l'introduction d'énergies nouvelles est un peu plus faisable que lorsqu'on parle de grosses agglomérations.

Ce sont aussi des avenues qui n'ont jamais été explorées et qui, pourtant, sont dans certains documents de recherche. L'introduction du gaz est en train de se faire. Cela aussi, c'est un point qui est demandé depuis longtemps parce que c'est une forme d'énergie bien profitable. Beaucoup de projets pilotes peuvent être réalisés. Il y a des exemples précis, comme des coûts moins élevés du permis automobile. Des choses comme celle-là, cela existe, mais elles ne sont pas tellement nombreuses. Cela s'additionne de petite chose en petite chose.

M. Baril: La question, c'est d'être concurrentiel aussi dans nos régions. Vous disiez tout à l'heure, M. Jolin - et c'est vrai - qu'on a un gros commerce de transport; tout doit entrer et sortir par transport. Est-ce que notre prix devrait être concurrentiel avec l'Ontario ou avec Montréal?

M. Jolin: Avec l'Ontario et également avec Montréal. Je vais vous expliquer pourquoi. Dans une région ressource comme l'Abitibi-Témiscamingue, où on traite nos richesses naturelles... Prenez le bois comme exemple. Nous payons la taxe sur le carburant pour aller chercher la matière première brute, très éloignée aujourd'hui dans l'industrie forestière. En plus, vous voyez, on a des contraintes, des taxes, etc. On fait une première transformation de ce bois, nous sommes obligés de l'expédier à 99 % vers les États-Unis. On paie encore une taxe sur le transport sur un produit fini. C'est pareil au point de vue des résidus de bois avec lesquels on fait des panneaux-particules ou de la transformation, du "veneer", etc. On va chercher la matière brute, on paie une taxe excessive sur le carburant et on en paie également une pour livrer notre marchandise.

M. Baril: Si je comprends bien votre mémoire, vous dites qu'il devrait y avoir une forme ou une autre de contrôle sur le prix du pétrole dans nos régions, et non pas laisser cela libre.

M. Jolin: C'est cela.

Le Président (M. Théorêt): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Brièvement, compte tenu des contraintes de temps, je remercie le

CRD, encore une fois, d'avoir joué son râle d'intervenant majeur dans les dossiers régionaux à incidence économique. Je pense que le prix de l'essence est un dossier important. Donc, vous vous deviez de vous exprimer.

Je veux seulement dire deux choses. On ne peut pas vous faire dire ce qu'on veut. Même si le ministre de l'Énergie et des Ressources mentionnait tantôt que, d'après les chiffres qu'il a, le prix de l'essence au litre était inférieur en Abitibi à la suite de l'imposition du décret, j'ai hâte de voir cela concrètement. Ce n'est pas ce que dit votre mémoire et ce n'est pas ce que dit la réalité, non plus. Je ne connais personne qui ait dit, en Abitibi: Enfin, je paie l'essence moins cher chez nous qu'à Montréal! J'ai hâte d'entendre cela.

On vous posait une question tantôt à savoir... Il y a beaucoup d'information dans votre mémoire mais, fondamentalement, il faut retenir une phrase, c'est que vous croyez, vous, à la nécessité d'instaurer une politique que vous appelez "une politique énergétique. régionale". C'est tellement vrai que vous dites: Écoutez, selon les Sudistes, Hydro-Québec devrait avoir une tarification différente mais, au fond, c'est pareil. On paie la même chose pour le kilowatt d'électricité, donc, vous dites: À tout le moins, on devrait payer la même chose, non pas plus cher.

Cependant, il y a deux façons d'obtenir cela. Il y a des compensations directement à la pompe, par un décret. Donc, on intervient dans la libre concurrence - mais, là, il y a un problème, et je vais vous poser une question précise - ou on fait comme Petro-Canada recommandait dans son mémoire. Là, la question sera précise, parce qu'on ne le sent pas vraiment dans votre mémoire. Petro-Canada disait que le décret était inutile. Petro-Canada croit que la baisse des prix ordonnée par le gouvernement en juin dernier était injustifiée - mon opinion personnelle, c'est que je pense qu'ils ont raison de dire cela, si ce sont eux qui ont empoché les profits - et qu'elle devrait être révoquée.

Au-delà de cela, à la page 2 de son sommaire, Petro-Canada disait: Nous pensons qu'au lieu d'avoir des réglementations pour contrôler le prix sur le marché québécois on devrait avoir des mesures de contrôle des prix dans les régions périphériques et que le gouvernement devrait compenser par des solutions autres. Par exemple, il y a l'octroi par le gouvernement de subventions de financement des programmes économiques, la réduction des droits d'immatriculation. Je m'arrête là. La question précise: Est-ce que vous pensez que c'est plus cette voie qu'uniquement une réduction à la pompe? Votre mémoire n'est pas très clair - je vais y revenir tantôt - même si vous recommandez formellement: On appuie sans restriction le gouvernement du Québec dans sa volonté d'accorder une réduction de 0,045 $ le litre pour nos régions. Je suis d'accord, mais je ne comprends pas que vous disiez cela au gouvernement et que, dans le même mémoire, vous disiez: On est encore supérieur au prix de Montréal.

Dernier commentaire toujours, pour que vous puissez répondre. Est-ce que vous diriez la même chose à la page 11, si vous saviez ce que Petro-Canada nous a dit ce matin? Êtes-vous au courant que, quand nous payons 0,045 $ le litre de moins, tous les petits détaillants de ma région... Ils ont fait la même chose avec M. Baril, je suis sûr, et ils ont' fait la même chose au CRDAT. Tous m'ont écrit et m'ont dit: C'est nous qui avons écopé là-dedans; c'est nous qui mangeons notre chemise; ce sont les indépendants et les petits détaillants. Quand quelqu'un m'écrit, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, et me dit qu'il a dû vendre 3000 litres d'essence avec un profit d'un huitième de cent, il n'a pas besoin de me faire un long dessin; il ne vivra pas longtemps. N'importe qui va comprendre que vendre de l'essence avec un huitième de cent de profit pour 3000 litres, tu manges ta chemise. Le problème, ce sont les petits détaillants qui, actuellement, écopent.

Voici ma question précise à M. Jolin, président du CRD. Vous dites: II faut flatter le gouvernement; il faut lui dire qu'il est sur ' la bonne voie. Appuyer sans restriction, c'est assez fort. Est-ce que vous diriez la même chose si vous étiez conscients que ce sont vos petits détaillants qui vous ont écrit et qui ont dit que cela n'a pas de bon sens, qu'ils l'absorbent, de même que les indépendants? Est-ce que vous recommanderiez encore d'appuyer sans restriction le gouvernement quant aux 0,048 $?

M. Jolin: M. Gendron, on maintient notre position de demander au gouvernement de baisser de 0,045 $ le litre chez nous, dans notre région, pour le consommateur. On sait que c'est le petit détaillant qui absorbe la perte. Par contre, dans notre mémoire, on vous dit que c'est une politique globale d'énergie qu'on voudrait. Ce qui m'amène à vous dire cela, ce serait un prix uniforme parce que si on n'a pas un prix uniforme... Par exemple, dans le domaine de l'électricité, on dit qu'on est consentant de ne pas payer moins cher que les autres parce que l'électricité passe à la porte, chez nous. On est plus près de la baie James que du Sud. Par contre, les gens vont nous dire: Écoutez, la majorité des consommateurs se trouvent dans le Sud. On comprend que la majorité des consommateurs se trouvent dans le Sud, mais on sait également que l'essentiel du coût de la facture pour

l'entretien du réseau hydroélectrique se fait dans le Sud également. On est d'accord, les gens du Nord, pour payer le même taux d'électricité que les gens du Sud. Qu'on fasse la même chose pour le pétrole. On est peut-être moins consommateurs que l'ensemble des grands centres. On est peut-être plus éloignés des raffineries, mais il devrait y avoir justice également, comme dans le domaine de l'électricité. Je crois que c'est une politique globale au point de vue énergétique. Cela doit ressembler à HydroQuébec. .

M. Gendron: J'ai une autre brève question, toujours pour des raisons de temps. Dans votre mémoire, vous donnez des informations, à savoir que vous êtes d'accord pour essayer d'établir et de rédiger une politique énergétique régionale. Au-delà de le dire, au-delà d'affirmer cela, ce qui est un voeu intéressant - je pense que cela fait longtemps que c'est discuté dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue d'avoir une politique énergétique qui tienne compte, comme vous l'avez bien exposé dans le mémoire, de nos particularités un peu plus nordiques, un peu plus coûteuses sur le plan des déplacements, etc. - seriez-vous en mesure de m'indiquer un ou deux éléments que cette politique énergétique régionale contiendrait? Au-delà de le dire et de la souhaiter, comment une politique énergétique régionale se traduirait-elle concrètement en Abitibi-Témiscamingue?

M. Bureau: En fait, vous parlez de particularités. Si je peux me permettre, je considère qu'il y a des possibilités d'établir une politique énergétique dans la mesure où elle va tenir compte précisément des particularités à l'intérieur même des régions. La façon dont je la perçois, je vais tenter de la décrire. Dans la mesure où on peut extrapoler des situations spécifiques à l'ensemble de la région, je crois qu'il y a des incitatifs que le gouvernement peut mettre en place pour que le paramètre du prix pétrolier ne soit pas perçu seulement du point de vue du consommateur, mais le soit dans une vision de développement à long terme. C'est un peu cela, je crois, que le conseil régional de développement tente de mettre en évidence. Il faut, d'une part, regarder le point de vue du consommateur, mais il faut aussi regarder le développement régional. Il y a tout lieu de penser qu'il y a un ensemble d'incitatifs qu'on peut mettre en place, que ce soient des programmes d'avantages fiscaux ou même des programmes qui viseraient à susciter un développement.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Je cède maintenant la parole au député d'Ungava qui a une question à poser. (16 h 15)

M. Claveau: Je vous remercie, M. le Président. J'aurais une question parce qu'il me semble, en tout cas, que tout n'est pas clair. En fait, j'ai l'impression que tout le monde voudrait avoir une solution, mais personne ne dit la même chose. Je m'explique. Après avoir entendu les interventions, je retiens trois propositions complètement différentes qui devront s'articuler d'une façon ou d'une autre si on en vient à l'établissement d'une politique.

D'abord, la position déposée par M. Bureau, de Matagami, nous parle de l'articulation d'une politique à partir d'un paquet de problèmes vécus dans le milieu nordique, que je connais bien, d'ailleurs, et dont je suis tout à fait d'accord avec l'analyse. On nous parle de la possibilité de décentraliser, etc. Il y a des éléments d'intervention immédiate qui apparaissent dans le mémoire de M. Bureau.

D'un autre côté, dans le mémoire du CRDAT, il me semble, en tout cas, à première vue, qu'on insiste passablement sur la question de la réduction du prix de l'essence à la pompe pour le consommateur immédiat. C'est-à-dire: j'achète de l'essence, ça me coûte moins cher, j'empoche tout de suite la différence et je m'en vais chez nous, je suis content. Par contre, dans la présentation du CRCD du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on avait plutôt une dimension institutionnelle en disant: Que le gouvernement nous retransfère, d'une façon massive, des fonds qui vont servir au développement régional. Cela pourra compenser pour une politique énergétique ou, enfin, ça pourrait être un élément de politique énergétique et ça pourrait compenser pour un coût plus élevé de l'énergie dans nos régions en utilisant ces sommes pour investir dans le développement industriel, social, économique, culturel, etc.

Je pense que tout cela s'articule, mais ces trois positions sont complètement différentes et, à la limite, qu'est-ce que le consommateur cherche, ou quel va être ce sur quoi le gouvernement va avoir à prendre une décision? Est-ce que, par exemple, dans chacune de nos régions du Québec, on serait prêt à consulter d'une façon plus large le consommateur pour voir si ce qui l'intéresse, c'est de mettre quelques sous dans ses poches à chaque litre d'essence qu'il achète ou s'il est prêt à payer le plein prix pour son essence, mais qu'il aimerait qu'il y ait des institutions qui se développent en région pour assurer l'avenir économique de la région? Enfin, il y a une dimension assez large et j'aimerais savoir comment vous jouez dans tout cela pour en arriver à prendre une position commune?

M. Jolin: Je vais me faire l'interprète des représentants de l'Abitibi-Témiscamingue. Nos consommateurs ne sont pas prêts à payer 0,03 $, 0,04 $, 0,05 $ plus cher le

litre que les gens du Sud vu qu'ils payent le même coût pour l'assurance automobile, les plaques d'immatriculation et pour l'état des routes, etc.

Je pourrais vous trouver une façon facile pour que tout le monde paie pareil. Autrefois, quand on avait des coopératives d'électricité dans la région, celle de La Sarre avait un taux de consommation peut-être de 15% plus élevé que le nôtre vu qu'on s'était endetté moins, nous autres, etc. Le gouvernement a nationalisé l'électricité en 1962. Â la Société des alcools, tout le monde paie son gin le même prix dans la province de Québec. On n'ira pas jusqu'à demander que cela soit nationalisé, mais je crois que des mécanismes pourraient être regardés par les représentants gouvernementaux pour que les compagnies de pétrole aient une politique d'entente d'un prix dans l'ensemble du Québec.

Je crois que celui qui vit en Gaspésie devrait payer le même coût pour son carburant sans plomb que celui qui vit en Abitibi ou à Granby. Vous en trouvez des mécanismes lorsque vient le temps d'imposer des taxes. Les taxes, c'est le même mécanisme d'une région à l'autre; pour le coût des plaques d'immatriculation, c'est pareil. Alors, on ne peut pas arriver... Il y a des régies, on pourrait vous dire: Créez une régie. La régie pour la mise en marché des produits agricoles, c'est bon pour protéger le producteur, mais regardez le lait, à une place, vous payez tant le litre, ça dépend de la compagnie qui l'achète et qui vend le lait au litre; le pain, c'est encore pareil. La compagnie Steinberg ou une autre peut arriver et faire sa publicité sur le prix du pain pour attirer de la clientèle. Mais, dans tout cela, c'est le consommateur qui est pris au piège.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, M. le président. Étant donné l'heure avancée, je vais maintenant demander au critique officiel et au ministre de bien vouloir faire leurs conclusions.

M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Très brièvement. Je veux simplement remercier les gens d'être venus nous voir, de nous avoir fait des suggestions fort intéressantes. Je pense que le ministre s'est montré ouvert, entre autres, à la suggestion du Saguenay-Lac-Saint-Jean concernant le fonds de développement régional. C'est au moins de bon augure. En apportant des choses nouvelles en commission, on cherche, dans le fond, la lumière; on cherche à trouver le mécanisme le plus approprié. Votre contribution aura été très certainement précieuse à ce chapitre. Je vous remercie infiniment de vous être déplacés de si loin: quatre heures d'avion avec le député d'Abitibi, vous allez partager son problème. Je pense que, vraiment, le fait que vous soyez là nous démontre votre intérêt. On va essayer, comme représentants de l'Opposition et représentants de vos régions, de faire en sorte que vos recommandations soient écoutées par le ministre, qui aura très certainement son mot de la fin pour vous dire qu'il va probablement vous écouter. Je le souhaite. Merci beaucoupl

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, avant de remercier le conseil régional de l'Abitibi-Témiscamingue, je voudrais juste rétablir certains faits concernant les chiffres qui semblent surprendre même le député d'Abitibi-Ouest. Peut-être que cela sera une grande surprise pour le député d'Abitibi-Ouest, mais le prix de l'essence à Montréal, d'après les études du gouvernement fédéral et d'après les études de la direction des hydrocarbures de mon ministère, au mois de juillet, était de 0,545 $ le litre. En Abitibi, après le décret, c'était 0,514 $. Alors, l'essence au litre coûtait 0,031 $ de moins en Abitibi qu'à Montréal. C'est peut-être difficile, pour vous, d'accepter, mais c'est la réalité. Au mois d'août, le prix, à Montréal, était de 0,537 $ et, en Abitibi-Témiscamingue, il était de 0,51 $. Alors, les décrets ont eu un effet. Ils ont permis de réduire les prix.

Il y a un autre élément que je voudrais porter à l'attention de la commission. On dit que les détaillants ont beaucoup absorbé le coût du décret. Le député de Roberval persiste à dire que les décrets du gouvernement bénéficient aux pétrolières et que ce sont les détaillants qui ont subi toutes les pertes. Même vous, M. Jolin, d'après ce qu'on vous rapporte, vous avez affirmé que ce sont les détaillants qui assument le fardeau. Je veux vous donner certains chiffres juste pour l'information de tout le monde. Peut-être que cela pourra nous aider à poser des questions, plus tard, à d'autres intervenants.

En Abitibi, la marge des détaillants, avant décembre 1985, était de 0,04 $ le litre. Au mois de juin 1986, après que la surtaxe eut été abolie et que les prix eurent commencé à grimper, la marge du détaillant a augmenté à 0,047 $. C'était au début des -augmentations. Avant les décrets, la marge du détaillant a monté à 0,053 $ le litre. Vous voyez l'augmentation progressive. Les décrets sont en effet venus au mois de juin 1987. Après les décrets, la marge du détaillant est de 0,041 $, soit 0,001 $ de plus que leur marge avant décembre 1985.

Écoutez, il faut faire un équilibre des choses parce qu'on n'est pas des fous à temps plein, de ce côté-ci de ia table, pour

dire: On va faire des décrets, on va tout faire payer par les détaillants et on ne s'en occupera pas. On équilibre. Il y a un certain équilibre, n'est-ce pas?

Alors, le point que je voulais souligner, c'est que les pétrolières ont absorbé leur part dans certains cas, je ne dis pas dans tous les cas. Ce n'est pas dans tous les cas que les détaillants... En Abitibi, ils n'ont pas de marge de profit moindre, après le décret, qu'ils n'en avaient en décembre 1985. C'est vrai que la marge était plus élevée quand les prix ont augmenté. D'accord? Alors, ce sont des chiffres que mon ministère a vérifiés. C'est sujet à vérification par tous ceux présents et l'Opposition pourra poser des questions.

Je voulais juste rétablir cela pour la meilleure marche de nos travaux pour qu'on puisse avoir toutes les informations nécessaires.

Je veux remercier le Conseil régional de développement de i'Abitibi-Témiscamingue. Vous avez fait essentiellement plusieurs recommandations. Il va falloir évaluer les différentes suggestions parce que, d'un côté, vous prônez un peu une régie, quoique vous en prôniez une qui soit un outil flexible de protection pour le consommateur.

D'un autre côté, vous voulez aussi un fonds de développement régionale. II va falloir examiner ces deux éléments. Je crois que vous voulez aussi qu'il y ait plus d'informations transmises au public sur les détaillants et sur les pétrolières. Alors, nous allons prendre toutes ces différentes suggestions en considération et les examiner. Nous vous remercions beaucoup pour la présentation de votre mémoire et pour vos suggestions.

Le Président (M. Théorêt): Messieurs, les membres de la commission vous remercient et vous souhaitent un bon voyage de retour.

M. Jolin: Merci, messieurs du gouvernement, ainsi que les membres de l'Opposition de nous avoir si bien reçus. Merci!

Le Président (M. Théorêt): J'inviterais maintenant les représentants de Texaco Canada à bien vouloir prendre place à l'avant, s'il vous plaît.

M. le secrétaire, j'aimerais signaler deux omissions qui ont été oubliées dans les remplacements. Dans un premier temps, Mme Hovington (Matane) remplace M. Leclerc (Taschereau), tel qu'il a été décidé hier en séance de travail, et M. Lemieux (Vanier) remplace M. Fortin (Marquerite-Bourgeoys), et ce, pour les deux jours.

Messieurs, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. Je demanderais à celui qui dirige la délégation de bien vouloir présenter les gens qui l'accom- pagnent, s'il vous plaît. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et que les 40 autres minutes vont être réservées aux formations politiques pour discuter avec vous.

Texaco Canada Inc.

M. Forman (Donad): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission parlementaire, permettez-moi de me présenter. Mon nom est Donald Forman, de la division de Québec. Je représente la compagnie Texaco Canada Inc. J'aimerais vous présenter mes collègues. À ma droite, M. Doug Mitchell, directeur de la gestion des prix à notre siège social à Toronto, et, à mon extrême droite, M. Thomas Lavoie, notre avocat et conseiller juridique.

Afin de s'en tenir au temps alloué, nous avons résumé quelque peu les commentaires d'introduction de notre mémoire.

Texaco Canada Inc. vous remercie de l'occasion qui lui est offerte, aujourd'hui, d'exprimer ses vues sur l'objectif fort louable de venir en aide aux résidents des régions périphériques. Toutefois, Texaco Canada Inc. se soucie également de son rôle et de sa présence dans l'ensemble des marchés du Québec, comme en témoigne la fierté avec laquelle des milliers de Québécois se sont associés à notre société, au fil des années. Cette fierté, nous la partageons de par notre longue association avec le Québec et ses consommateurs, association qui se reflète de par le réseau national que nous avons établi couvrant tous les marchés, tant ruraux qu'urbains, et ce, dans tout le Québec.

Ce réseau comporte, à titre d'information, au-delà de 18 dépôts approvisionnés par bateaux et camions-citernes, quelque 2000 clients industriels et, bien sûr, un réseau d'au-delà de 540 stations-service. Ses activités de mise en marché procurent directement de l'emploi à 233 Québécois et entraînent des investissements dépassant les 12 000 000 $ annuellement. Le maintien de nos affaires, à lui seul, implique des dépenses de près de 60 000 000 $ par an, dont les retombées économiques se font ressentir dans tous les secteurs connexes reliés à notre industrie. (16 h 30)

Depuis près de 50 ans que nous grandissons avec la société québécoise et, à ce titre, nous comprenons et appuyons entièrement les objectifs de développement économique du gouvernement pour les régions périphériques. À deux reprises le gouvernement du Québec a réduit le niveau de la taxe sur l'essence, soit en novembre 1983 et, plus récemment, en décembre 1985, mais le marché de l'offre et de la demande étant en mouvement perpétuel, à la hausse comme à la baisse, les réductions de la taxe n'ont pas

été reflétées d'une façon constante et uniforme dans le marché.

Ce n'est donc ni par collusion, conspiration ou toute autre forme de comportement anticoncurrentiel de la part de cette industrie pétrolière, mais plutôt par les forces du marché que les prix de l'essence continuent de connaître une fluctuation constante.

Dans les prochaines minutes, nous traiterons des sujets suivants: les mécanismes du marché des produits pétroliers, l'effet d'une réduction de la taxe dans ce marché et, enfin, les autres mesures qui permettraient au gouvernement de réaliser plus efficacement les objectifs de développement économique pour les régions périphériques du Québec.

Les produits pétroliers sont vendus dans un marché dynamique et concurrentiel et c'est le marché, et non pas les sociétés pétrolières, qui détermine les prix et ce, à tout moment. L'intégrité de notre système de libre marché a été soulignée par la Commission sur les pratiques restrictives du commerce qui, en réponse à un rapport accusant les principales pétrolières de se livrer à la collusion et de voler le consommateur, a présenté, en juin 1986, une volumineuse analyse statuant sur le cas. La commission y a refuté toutes les accusations de collusion et de comportement anti-concurrentiel, expliquant les variations du prix des différents produits pétroliers comme suit: "Les prix au détail - et je cite -varient considérablement d'une région à l'autre du pays. Certaines des différences peuvent être attribuables à celles qui existent entre les coûts de vente au détail et les frais de transport depuis les raffineries. Mais c'est surtout l'importance des caractéristiques régionales et locales de la concurrence qui marque la période la plus récente."

Le système de notre société québécoise et canadienne est celui du libre marché qui est régi par une saine concurrence et c'est justement cette concurrence entre vendeurs qui crée autant de variations dans les prix. Ce qui est vrai pour les denrées alimentaires ou tout autre bien de consommation l'est également pour les produits pétroliers. Le commerçant ne peut qu'espérer que le prix demandé auprès de sa clientèle attirera et gardera le consommateur, tout en lui permettant de couvrir ses frais et de fournir un rendement satisfaisant du capital qu'il a investi dans son commerce.

Nul, dans notre société, ne peut se faire garantir un profit dans notre système de libre marché, tout comme on ne peut être assuré de recevoir nos coûts de production ou de marketing. C'est justement cette incertitude qui stimule les compagnies à être à la recherche d'un optimum d'efficacité.

La concurrence peut se manifester plus fortement dans certains marchés de produits pétroliers et ce, pour différentes raisons, notamment, la densité de la population, le nombre de concurrents et j'en passe.

Je cite de nouveau la Commission sur les pratiques restrictives du commerce: "Les formes variées que revêt l'offre de produits pétroliers de par le pays, tant chez les indépendants que chez les entreprises intégrées, attestent de la valeur de laisser chacun libre de répondre aux besoins des consommateurs comme il l'entend et de chercher toujours à attirer les clients en leur offrant ce qu'ils veulent."

Depuis 1983, le gouvernement du Québec a réduit à deux reprises la taxe sur les produits pétroliers en la ramenant d'abord de 40 % à 30 % dans toute la province et, en 1985, de 30 % à 20 % dans les régions périphériques. Dans ce deuxième cas, l'intention du gouvernement était claires encourager le développement économique et le tourisme dans chacune de ces régions. Pour le ministre des Finances, M. Gérard D. Levesque, cela voulait dire et je cite: "adopter des politiques qui favorisent les investissements au Québec tout en aidant les entreprises à devenir plus productives et concurrentielles."

Dans chacun des cas, la réduction a entraîné une baisse immédiate du prix de l'essence à la pompe. Or, le phénomène a été de courte durée, car les prix sont revenus à un niveau antérieur, en dépit des facteurs relatifs aux coûts tels que la taxe. Comme nous l'avons vu, dans chacun des marchés, les prix sont régis par une multitude de variables reliées à la concurrence locale plutôt qu'à un seul élément.

Certains avanceraient que les pétrolières, agissant seules ou de concert, ont délibérément relevé leurs prix pour frustrer le consommateur québécois d'une partie de la réduction de taxe. En fait, dans plus de 90 % des points de vente de Texaco dans les zones périphériques, c'est le détaillant et non la société qui fixe le prix de l'essence à la pompe, en vue d'atteindre le chiffre de vente et le rendement souhaités, tout en assurant la satisfaction du client.

Autant le marché de la concurrence dans les zones périphériques était en flux constant, autant les marchés urbains de Québec et de Montréal l'était également et, de fait, ces derniers l'étaient davantage. Donc, l'écart de taxe entre les zones périphériques et non périphériques tendrait à disparaître sur les prix à la pompe si les forces du marché étaient plus vigoureuses et dynamiques dans les zones non périphériques comme pour les grands marchés urbains de Québec et de Montréal. C'est tout comme si nous essayions de tracer une relation linéaire

entre les mâts de deux vaisseaux en pleine mer déchaînée.

Le gouvernement a tenté de réaliser les objectifs fixés en réglementant le processus du libre marché dans le but de redresser une disparité économique perçue. Malheureusement, les efforts n'ont pas abouti parce que l'interférence que la réglementation produit sur la concurrence crée invariablement une distorsion du marché.

Le programme énergétique national a causé le même problème au gouvernement fédéral» Ce dernier a tenté de stimuler l'industrie de l'énergie à l'échelle du pays, tout en protégeant le consommateur de l'instabilité et du prix international du pétrole. À long terme, ce ne fut pas un succès.

Par conséquent, Texaco invite le comité à considérer des démarches plus appropriées aux circonstances et, à cette fin, nous avions discuté de certaines possibilités ainsi que de leurs avantages et de leurs inconvénients.

Malgré les désavantages précédemment évoqués, Texaco est consciente que la réglementation est parfois envisagée comme moyen de réduire l'incertitude du consommateur devant la fluctuation des prix dans un marché libre. Une commission autonome est souvent désignée par le gouvernement pour déterminer les prix, soit les prix coûtants majorés. Cela veut dire que les prix sont fixés en additionnant tous les coûts de fabrication, de distribution et de vente du produit, après quoi un montant est rajouté pour tenir compte du rendement de l'investissement et du bénéfice.

La réglementation peut avantager le consommateur en évitant les prix excessifs lorsque ceux-ci sont attribuables à une concurrence limitée, par exemple en situation de monopole. C'est pourquoi les gouvernements tendent à réglementer les services publics comme l'électricité, le téléphone ou la distribution du gaz naturel.

Or, dans l'industrie pétrolière, chaque participant rivalise pour accroître sa part du marché. L'un des facteurs importants pour y parvenir, c'est le prix. La réglementation élimine cet important facteur de commercialisation qu'est le prix et, en même temps, suscite de multiples difficultés comme l'a indiqué, en 1985, le groupe de travail sur les prix du carburant au Québec, et je cite: "L'établissement d'une grille de prix par un organisme public pose de sérieuses difficultés. D'une part, un tel organisme ne peut accumuler autant d'information que le processus de marché et ne peut non plus réagir aussi rapidement à des changements dans les conditions qui y prévalent, par exemple, dans les conditions d'approvisionnement ou de production. En effet, l'organisme public suit en général une procédure de type judiciaire destinée à garantir le respect de l'intérêt public, ce qui est non seulement coûteux, mais peut être aussi très long. Ces deux contraintes peuvent conduire, à certains moments, à des écarts entre l'offre et la demande des produits sur l'ensemble du marché ou sur des segments particuliers de celui-ci, ce qui peut engendrer des inefficacités dans l'économie. Il peut également en résulter des inéquités pour certains consommateurs ou certains producteurs,. De plus, toute réglementation comporte des coûts, tant directs qu'indirets, qui sont ultimement transmis aux consommateurs ou aux contribuables."

Je continue la citation: "Un autre désavantage d'un organisme de contrôle des prix découle de l'instrument utilisé pour effectuer le contrôle» Si les hausses de prix sont accordées à partir de l'évolution des coûts de production, les producteurs sont moins incités à être efficaces puisqu'ils peuvent transmettre leurs augmentations de coûts de production aux consommateurs. Si le contrôle se fait sur le taux de rendement sur le capital, il peut y avoir incitation pour les entreprises à sur-capitaliser."

La Commission sur les pratiques restrictives du commerce admet que la réglementation détourne du marché les nouveaux intervenants, ce qui restreint la concurrence et elle fait observer qu'en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard on avait constaté que "les fluctuations de la politique d'État ainsi que la complexité et la discrétion bureaucratiques constituent en elles-mêmes des barrières qui entravent particulièrement les petits entrepreneurs".

Au cours des cinq dernières années, le rendement de l'investissement enregistré par les pétrolières, pour ce qui est des activités secondaires, n'a jamais été supérieur à celui autorisé pour les entreprises réglementées comme les services publics ou les compagnies de téléphone. Dans des marchés hautement concurrentiels, le taux de rendement est même négatif. Selon l'Agence de surveillance du secteur pétrolier, pour la période de cinq ans se terminant en 1986, le rendement du capital utilisé par l'industrie pétrolière se chiffrait à 5,2 % et à 3 % dans les activités secondaires, soit le secteur relié à la vente des produits. À titre de comparaison, au cours de la même période, le rendement du capital utilisé était de 7,9 % pour le secteur manufacturier et de 7,6 % pour les autres industries. Comme le groupe de travail l'a souligné, toute démarche du gouvernement visant à établir un système de prix fondé sur le taux de récupération des coûts et sur le taux de rendement tendrait vraisemblablement à augmenter et non à diminuer les prix à la consommation.

D'autres niveaux de gouvernement ont résisté aux pressions politiques et à celles provenant des consommateurs au sujet d'une telle réglementation. Par exemple, après

avoir étudié l'écart des prix des produits pétroliers dans le Nord et dans le Sud de la province, nos voisins de l'Ontario se sont prononcés contre la réglementation en se basant sur le fait que, là où celle-ci avait été imposée, les prix présentaient une tendance à la hausse.

En 1984, une étude du ministère de l'Énergie des États-Unis portant le titre "Deregulated Gasoline Marketing Consequences for Competition", a fait valoir qu'il n'y avait pas de solution de rechange au processus de la concurrence quant aux avantages qu'il procure aux concurrents et aux consommateurs.

Selon Texaco, rien ne prouve, à la différence des autres produits de consommation, que le prix des produits pétroliers doive être réglementé. Les prix des produits fixés dans un marché ouvert et concurrentiel fluctuent d'après les conditions locales.

Par définition, la réglementation contredit l'objectif qu'a fixé le ministre des Finances, c'est-à-dire de favoriser un climat d'investissement positif, tout en aidant les entreprises à devenir plus productives et lucratives parce que les perspectives de revenus contrôlés dissuadent les entreprises de pénétrer le marché.

À l'évidence, il n'est pas dans l'intérêt de l'Assemblée nationale d'envisager des mesures à court terme pouvant entraîner des conséquences néfastes à plus longue échéance pour le consommateur. En outre, la réglementation peut restreindre les marges bénéficiaires de l'entreprise au point de la forcer à quitter le marché, ce qui réduit d'autant le choix de l'acheteur.

Si elle s'exerce sans entrave, une concurrence ouverte traduit d'habitude l'état du marché en ce qui a trait aux prix et aux services offerts. Avec le temps, elle est pour le consommateur la meilleure des assurances qu'il a en matière de prix, puisque le libre marché ne permet pas une fluctuation extrême, soit à la hausse, soit à la baisse. En fait, le libre marché est, en lui-même, un mécanisme autorégulateur.

Donc, compte tenu des désavantages réels d'essayer de réglementer le processus normal d'un libre marché, quels sont les moyens pour venir en aide aux résidents des régions périphériques? En fait, plusieurs organismes se sont penchés sur la question. Il en est résulté que la majorité a écarté la réglementation, se penchant plutôt sur des mécanismes d'aide directe. Nous allons vous en citer trois.

En Ontario: Conformément à la recommandation du groupe de travail sur les prix du carburant, le gouvernement ontarien applique les mesures suivantes. En premier lieu, publication des moyennes comparatives des prix de l'essence en gros et au détail, dans le Nord de l'Ontario, comme solution de rechange à la réglementation. Cela est plus qu'une simple diffusion d'information; grâce à la publication de ces prix, le consommateur peut savoir combien fait le détaillant et quels sont les meilleurs prix offerts. Cela amène aussi le détaillant à demeurer concurrentiel car, lorsque le consommateur décide d'opter pour les points de vente aux prix les plus bas, les autres stations s'alignent rapidement.

En deuxième lieu - toujours en Ontario - pour compenser le prix relativement plus élevé des produits pétroliers dans le Nord de l'Ontario, la province y a redistribué certaines recettes fiscales. Dans le dernier budget, 107 000 000 $ ont été réinjectés dans le transport de cette région, principalement dans le réseau routier. Certaines de ces sommes sont consacrées aux voies de communication essentielles, en vue d'améliorer le transport commercial et de favoriser le tourisme. (16 h 45)

Un peu plus à l'Ouest, c'est notre deuxième exemple, on se déplace vers la Saskatchewan. A la recherche de nouvelles recettes - comme nous tous, d'ailleurs - le gouvernement a remis en vigueur la taxe sur l'essence abolie en 1982. Cependant, pour les résidents de la province, 0,07 $ le litre sont remis en fin d'année. La charge qu'entraîne cette initiative est donc assumée par la grande entreprise, les sociétés de camionnage interprovincial et les autres compagnies de l'extérieur de la province. Bien qu'elle exige un personnel administratif nombreux, cette mesure n'est pas interventionniste et elle avantage directement le consommateur, surtout celui qui doit parcourir de grandes distances.

En troisième lieu, il y a évidemment les mesures fiscales. Par le biais de réductions ou de crédits d'impôt sur le revenu ou de remises en fin d'année, sur la taxe de vente s'appliquant à divers biens de consommation, il serait possible au gouvernement de contrebalancer certains inconvénients économiques reliés à l'éloignement.

En conclusion, Texaco Canada estime que le consommateur québécois a été bien servi par un marché concurrentiel des produits pétroliers et elle encourage le comité à ne pas envisager de conduite pouvant, à long terme, léser l'acheteur. Les diverses démarches du gouvernement du Québec en vue de réduire artificiellement le prix des produits pétroliers ont déjà démontré le caractère imprévisible de quelques-uns des résultats obtenus par l'intervention gouvernementale dans un libre marché.

Toutefois, diverses possibilités d'action plus efficaces peuvent être envisagées. Certaines, déjà mises en vigueur dans d'autres provinces, vont de campagnes

d'information publique et d'une stimulation de la concurrence jusqu'à des encouragements fiscaux directs par le biais de l'impôt sur le revenu. Non seulement ces formules ne suscitent-elles pas une distorsion du marché, mais certaines, dont celles intéressant l'impôt sur le revenu, laisseraient au gouvernement plus de latitude dans l'orientation du développement économique, à l'avantage des Québécois des régions périphériques.

C'est pourquoi Texaco espère que des solutions de cette nature seront prises en considération. Merci.

La Présidente (Mme Hovington): Merci de votre exposé, M. Forman. Je passe la parole à M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Je remercie M. Forman de sa présentation pour la compagnie Texaco. Est-ce que Texaco a soutenu ses détaillants?

M. Forman: Avant de répondre, M. Ciaccia, j'aimerais demander que mon collègue, M. Mitchell, ait l'occasion d'intervenir pour certaines réponses. Si vous êtes d'acccord, il interviendra dans la langue de Shakespeare et mon collègue, Me Lavoie, un traducteur chevronné, traduira pour l'ensemble de la commission.

M. Ciaccia: Je vais vous poser la question et, si un des autres intervenants veut répondre, libre à vous, pas de problème.

M. Forman: Votre question?

M. Ciaccia: Ma question est: Texaco a-t-elle soutenu ses détaillants?

M. Mitchell (Douglas): The answer to that is: Yes, we do in some markets.

M. Ciaccia: Si oui, qui fixe le prix? Le détaillant doit-il vendre au prix fixé par Texaco?

M. Mitchell: The retailer sets his own price.

M. Ciaccia: Peut-être pouvez-vous traduire pour le bénéfice...

M. Lavoie (Thomas): La réponse, c'est: Oui. D'abord, Texaco a donné assistance à certains détaillants et, deuxièmement, le détaillant établit le prix qu'il veut afficher à sa pompe.

M. Ciaccia: Qui décide des prix dans les libre-service appartenant à Texaco?

M. Mitchell: Basically, we market our gasoline in a number of ways. One, we can lease a service station to a dealer who will buy his petroleum products from us and set his price at the pump.

M. Ciaccia: Peut-être pourriez-vous traduire au fur et à mesure pour le bénéfice de la commission?

M. Lavoie: D'accord. Il y a diverses façons de procéder à notre société pour la vente de nos produits., La première méthode, c'est la location d'une station-service. Le locataire achète les produits de la société et les revend.

M. Mitchell: The second method by which we market our gasoline is by a self-serve and we use an agency method to market gasoline in that way. At those locations, gasoline is sold on consignment. In those instances, Texaco Canada is the retailer and Texaco Canada would set the pump price based on market conditions.

M. Lavoie: La deuxième méthode, c'est la station dite "self-serve". Le détaillant est un entrepreneur qui est un agent et le produit y est en consignation. Donc, Texaco établit le prix â la pompe.

M. Ciaccia: Quel pourcentage de votre volume serait en consignation, ou de vos stations-service?

M. Forman: Actuellement, dans la province de Québec, 41 % de notre chiffre d'affaires d'essence vient de la vente par l'entremise de nos stations-service où le produit est en consignation.

M. Ciaccia: Cela veut dire que, dans ces 41 %, le prix est fixé par Texaco.

M. Forman: II est déterminé par la compagnie qui agit comme détaillant.

M. Ciaccia: Oui.

M. Forman: Dans les zones périphériques, il serait bon de noter que seulement 10 % de nos débits d'essence sont sous forme de consignation.

M. Ciaccia: Vous reconnaissez d'emblée dans votre mémoire que les prix de l'essence sont revenus presque à leur niveau antérieur en dépit de l'abolition de la taxe et vous soulignez, et je cite, "qu'il est ironique de voir que ni le consommateur, ni l'État, ni les pétrolières n'ont bénéficié de façon appréciable de la réduction de la taxe." C'est à la page 4. Pouvez-vous nous dire où sont passés les 0,045 $ le litre qui ont été libérés par la mesure fiscale?

M. Mitchell: What you have to consider,

in the answer to this question, is that a number of things took place at the same time that the tax was reduced. Shortly thereafter, there was a significant decline, as you are aware, in crude oil prices and the market reacted. Competitive forces required that pump prices come down significantly over the first part of 1986. In conjunction with that, there were a number of tax changes. If I heard correctly this morning, I think that Petro-Canada mentioned eleven. I am not sure about that number, but there were a significant number of changes. I think what is...

M. Ciaccia: I am sorry to interrupt you, but perhaps, for the benefit of the members of the committee, of the translation could go on a little bit at a time, so we will not miss any of your explanations, so the members will not miss the explanations.

M. Lavoie: Pour répondre à la question, il faut considérer que plusieurs circonstances ont eu lieu après le changement. Il y a eu d'abord une réduction du prix du brut. Il y a eu aussi une réaction du marché à cette réduction du brut. Au début de 1986, les prix ont été réduits, mais il y a eu aussi au cours de l'année, comme l'aurait soulevé Petro-Canada ce matin, plusieurs modifications des taux de ces taxes, probablement onze changements.

M. Mitchell: In spite of the number of changes that took place, the market will still set the pump price and tax is only one element that makes up the pump price. The biggest factor is the competition within that particular marketplace. So, when we say that the 0,045 $ or the tax kind of disappeared or, you know, that noboby can account for it, that is quite true. We do not know where it went. It disappeared somewhere in the marketplace as it determined the price for gasoline.

M. Lavoie: II y a eu plusieurs changements, mais ce qui a affecté le plus le prix, c'est le marché. La taxe n'est qu'un des facteurs et on ne sait pas exactement où sont disparus ces 0,045 $, dans le marché.

M. Ciaccia: II faudrait quasiment aller chercher Sherlock Holmes pour voir où sont allés les 0,045 $. Vous ne dites pas que...

Mme Hovington: Ils ne sont sûrement pas en Gaspésie, M. le ministre.

M. Ciaccia: Vous venez de mentionner qu'il y a eu des baisses dans le brut. Vous avez parlé des baisses dans le brut et des ajustements mineurs aux taxes fédérales. Normalement, il aurait dû y avoir non pas des augmentations dans les régions périphériques, mais des baisses, en plus de la baisse de la taxe.

M. Mitchell: I believe, when the tax first was imposed at the lower level, basically we charged our retailers the lower tax. In other words, when we invoice our retailers, we invoice them for the price of gasoline, plus the provincial tax. When the provincial tax was reduced, we charged them the lower amount. So, initially, the lower tax was indeed passed on to the consumer. Over time, the market will re-establish prices at levels that competition will allow.

M. Lavoie: Au début, il y a eu un taux de taxe qui était plus bas. La société, lorsqu'elle a facturé ses détaillants, a pris le niveau de taxe le plus bas, mais, avec le temps,, sur une certaine période, le marché va reprendre.

M. Ciaccia: Est-ce que vos coûts, dans ces régions-là, durant cette période, ont augmenté? Appréciablement?

M. Forman: Est-ce que vous entendez par cela les coûts du brut? Du pétrole brut?

M. Ciaccia: Non, pas les coûts du brut, les coûts...

M. Forman: ...de mise en marché?

M. Ciaccia: ...les coûts pour Texaco. Ce peut être le transport, les coûts administratifs, les autres dépenses. Vos dépenses?

M. Mitchell: I think that any marketer of gasoline is under a certain stress with respect to its costs and I think that those costs are changing all the time. I am not sure that I understood the full impact of your question, but...

M. Lavoie: On n'a pas bien compris.

M. Ciaccia: What I wanted to know is about this fluctuation in price. Did the costs, the expenses of Texaco increase appreciably during this period to justify the increase in the marketplace, at the pump or was that increase due to other factors?

Ce que je veux savoir, c'est si les coûts de Texaco ont augmenté, ce qui expliquerait l'augmentation à la pompe ou si l'augmentation à la pompe est due à d'autres facteurs?

M. Forman: Est-ce que vous vous référez à la période de 1986-1987?

M. Ciaccia: Oui, à la période dont on parle. Après les décrets, pas après les

décrets, excusez, mais après la baisse de ia taxe en décembre 1985 et jusqu'au mois de juin 1987. quand on a fait les décrets.

M. Forman: Dans l'ensemble, on peut dire que, pour les coûts de distribution, de marketing et pour le produit, on n'est jamais sûr de les récupérer sur le marché. Comme on l'a mentionné - plusieurs intervenants l'ont déjà mentionné ou le mentionneront sûrement - c'est le marché de l'offre et de la demande, de la libre concurrence qui nous permet de récupérer certains coûts qui peuvent être des coûts attribuables à l'inflation ou à des coûts de transport majorés. Mais en aucun cas un coût augmenté pour faire des affaires n'est nécessairement garanti. Il n'est pas garanti qu'on puisse le reprendre dans un marché.

M. Ciaccia: Mais, plus spécifiquement, est-ce que les coûts en région ont augmenté durant cette période? Je sais que...

M. Forman: Dans les régions périphériques, les coûts n'ont pas augmenté d'une façon particulièrement différente des autres régions.

M. Ciaccia: Merci. Je pense que je vais laisser à d'autres les questions, parce que le temps avance. Je vous remercie pour le moment.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le critique officiel et député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Peut-être juste une question, puisque finalement les raisons et les explications données par Texaco sont sensiblement les mêmes que celles de Petro-Canada et que sa position est sensiblement la même. Alors, vous comprendrez qu'on ne reprenne pas tout le processus de l'interrogatoire. Mais j'aimerais avoir votre avis sur la question suivante: Ce matin, j'ai demandé aux représentants de Petro-Canada si, par rapport à l'établissement d'un mécanisme de surveillance beaucoup plus souple qu'un décret - on a donné l'exemple d'une commission parlementaire annuelle où on pourrait discuter ensemble, se concerter sur ces questions-là -ils étaient vraiment réfractaires à cette idée-là. De façon peut-être un peu surprenante les gens de Petro-Canada ont bien réagi et se sont dits peut-être même sympathiques à l'idée - d'une certaine façon, si ça leur était imposé, bien sûr. (17 heures)

L'idéal, pour eux, c'est qu'il n'y en ait pas du tout. Mais ils se sont dits sympathiques à l'idée d'avoir un forum, un peu comme cette commission, où l'on pourrait discuter de toutes ces questions de concurrence, ou un mécanisme, un peu à l'exemple de ce qui est assez original en Ontario, avec la publication des prix, une espèce de mécanisme ayant un pouvoir moral sur le marché et permettant d'éviter des abus. Est-ce que votre position face à un mécanisme comme celui-là serait dans le même genre que celle de Petro-Canada ou si vous êtes opposés à toute forme de contrôle ou d'encadrement, quel qu'il soit?

M. Forman: Premièrement, je pense qu'il serait important de dire que la société Texaco Canada a toujours été ouverte pour profiter des occasions qui lui sont données de faire valoir son point de vue, que ce soit lors des audiences du RTTC à Ottpwa dernièrement ou de l'étude qui a eu lieu en 1985, ici, au Québec. Alors, notre disponibilité pour discuter des différents points de vue a toujours été et sera toujours là.

Il est évident que toute forme de réglementation pour une entreprise qui fonctionne dans un libre marché revêt un caractère qui pourrait être vu comme quelque chose qui empêche une entreprise de croître. On peut voir la réglementation de différents points de vue, finalement. La réglementation pour un gouvernement consiste en sa responsabilité de prendre soin de ses concitoyens aussi bien que des entreprises qui investissent dans son milieu. La réglementation concerne également les entreprises qui, elles, pour leurs actionnaires, sont à la recherche d'un taux de rendement élevé. Pour le consommateur, la réglementation le concerne, parce qu'il cherche à payer le moins cher possible. Alors, on se retrouve devant des points de vue divergents; les entreprises d'un côté, le consommateur de l'autre.

Le processus de libre marché tel qu'on le vit, quant à nous, est le mécanisme autorégulateur qui fait que ces deux points de vue se rencontrent quelque part. Dès qu'on installe un système de réglementation mécanique fixe, lourd à administrer, on débalance le système normal autorégulateur de ia libre concurrence.

Je pense que c'est un des gros problèmes que nous voyons avec le processus de la réglementation. Par contre, pour répondre spécifiquement à votre question, le dialogue chez nous a toujours été une chose à laquelle nous sommes prêts à nous prêter en tout temps.

M. Gauthier: Oui. Tout à l'heure, le ministre nous a donné - et je l'en remercie -des chiffres sur les profits au litre faits par les détaillants d'essence de façon générale. J'aimerais juste vérifier si ces chiffres peuvent correspondre à la réalité des choses. On nous parlait de 0,04 $ le litre de profit avant toute cette histoire, 0,041 $ maintenant. En gros, le ministre nous disait que le profit moyen remarqué chez les

distributeurs d'essence est de 0,04 $ le litre. Ce matin, Petro-Canada nous disait que chez ses vendeurs, c'était un profit de 0,034 $ qui était la norme généralement atteinte. J'aimerais savoir où cela se situe à peu près chez Texaco.

M. Mitchell: I think you fully understand the situation with respect to Texaco's pricing and, to be of assistance to the commission, I should describe in a way how we price our petroleum products. We begin with a dealer tank wagon.

M. Lavoie: Pour bien expliquer cela aux membres de la commission, nous croyons qu'il serait sage de vous expliquer le moyen selon lequel Texaco procède. Nous commençons d'abord avec un prix affiché.

M. Mitchell: The dealer tank wagon is a benchmark price and it is designed to cover the cost of the raw material, the cost of manufacture of that raw material into petroleum products and the cost of distributing it and marketing it to our retailers.

M. Lavoie: Alors, ce prix qu'on appelle prix affiché tient compte du produit brut, de la transformation de ce produit, de sa distribution et de la commercialisation du produit fini.

M. Mitchell: The retailer, when he buys his products from us at dealer tank wagon, then determines how much he will mark up the product to sell at the pump. So, he determines the pump price.

M. Lavoie: Donc, le détaillant, lorsqu'il achète le produit de notre société au prix affiché, établit lui-même ensuite à quel prix il vendra le produit à la pompe.

M. Mitchell: In certain markets and at certain times, when prices are soft or... There are certain price pockets or price wars that are going on. It may become necessary from time to time for Texaco to support its retailers in the form of a discount off DTW, dealer tank wagon.

M. Lavoie: Donc, il est possible qu'à certains moments, lorsque les prix sont en quelque sorte mous ou s'il y a une guerre des prix, la compagnie décide qu'elle doit accorder aux détaillants un escompte sur le prix affiché.

M. Mitchell: In that case and in other cases, the margin that the retailer makes is simply the difference between what he chooses to post at the pump and the price at which he buys his product from Texaco.

M. Lavoie: Dans ces cas-là, la marge pour le détaillant devient la différence entre le prix à la pompe et le prix qu'il doit payer pour acheter, donc le prix affiché.

M. Mitchell: Texaco Canada has an internal scale by which it determines the amount of discount it will offer off the tank wagon price and that scale is based on the difference between what the market prices are and what the dealer tank wagon price is. When that margin reaches just less than 0,04 $, the retailer will be offered assistance in the form of a discount off the tank wagon.

M. Lavoie: Donc, la société a un barème interne qu'elle utilise pour déterminer la différence entre le prix du marché et ce prix affiché. Lorsque la marge pour les détaillants va en dessous de 0,04 $ le litre, c'est à ce moment-là que l'assistance entre en jeu.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Frontenac. , M. Lefebvre: M. Forman, vous avez mentionné tout à l'heure que la libre concurrence et le libre marché étaient la meilleure façon d'en arriver à un prix qui va se fixer lui-même. C'est l'autorégulateur, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, sauf que, les règles du commerce et du marché étant ce qu'elles sont, toutes les pétrolières sans exception visent à faire les profits les plus élevés possible. Sauf erreur, je ne crois pas qu'il y ait une seule pétrolière qui ne soit pas guidée par cet objectif de faire les profits les plus élevés possible.

Dans un territoire donné, on vit toujours la même expérience: finalement, toutes les pétrolières fixent leur prix à la pompe à peu près au même niveau. Si chacune des pétrolières vise à faire le plus de profits possible et si chacune des pétrolières est dirigée dans sa politique de fixation des prix par cet objectif, où le consommateur peut-il trouver sa protection? Quel mécanisme peut protéger le consommateur face à un intérêt finalement global de toutes les pétrolières à fixer le prix au plus haut plafond possible, parce que vous trouvez toutes, que ce soit Texaco, que ce soit Petro-Canada, que ce soit Shell, en même temps votre profit à fixer évidemment le prix le plus haut possible. Par hasard, c'est ce qui se passe dans les faits. En une très courte période de 24 heures, toutes les pétrolières ou à peu près arrivent au même prix. Une bouge, l'autre bouge dans le même sens, à la hausse ou à la baisse. Alors, lorsque vous dites que la libre concurrence est un autorégulateur, souvent, cela l'est, mais à la hausse. Où le consommateur peut-

il trouver sa protection face à une mécanique comme celle-là?

M. Forman: Le mot clef de votre intervention, c'est évidemment celui de la concurrence et de quelle façon le client peut se voir protégé par le mécanisme qu'on dît autorégulateur du libre marché. Par contre, vous le savez tous - plusieurs d'entre vous êtes en affaires ici - le marketing, c'est une bataille qui se livre sur plusieurs fronts à la fois. Le prix n'est qu'un des facteurs de cette bataille. Il y a le service d'un commerce, la facilité d'accès, le stationnement, la propreté, l'image, les heures d'ouverture, le personnel compétent, la publicité, la promotion et, bien sûr, le prix. Ce qui protège le consommateur, c'est le fait que le consommateur soit libre de choisir à quel endroit il va se procurer son bien.

On parle d'essence aujourd'hui, on pourrait aussi bien parler de meubles ou d'un autre produit de consommation. Le prix est déterminant pour un commerce en vue de s'accaparer une part du marché, mais ce n'est pas le seul facteur» II y a énormément de services qui peuvent être offerts par un commerce afin d'attirer le clients des lave-autos, des dépanneurs, des aires de service, du personnel compétent. Alors, ce sont tous des éléments qui offrent au consommateur le choix de déterminer à quel commerce il va accorder sa clientèle.

Le Président (M. Théorêt): Un instant, M. Forman!

M. Forman: On voudrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Théorêt): D'accord, allez-y.

M. Mitchell: If I could add to that. There were two parts to the question, one addressed the fact that perhaps there may not be competition as the prices keep escalating. I think that if prices are reasonably firm and continue to go up, what is inferred by that is that there are significant margins to the retailers or to the marketers of those petroleum products.

M. Lavoie: On aimerait ajouter à ce qu'on vient de mentionner. D'abord, à la première partie de la question, on semble alléguer qu'il n'y a pas de concurrence si les prix montent et si les prix s'affermissent. Comme on dit, c'est une indication qu'il y a une marge significative pour le détaillant.

M. Mitchell: If margins are high, that of course encourages entry into the business and by entry, I mean new competitors coming into the business and setting up their shop. Usually, the existence of a new competitor in the marketplace - usually - is associated with a lower price. That marketer will try to gain market share fairly quickly and usually will lower the price to try to get some competitive advantage.

M. Lavoie: Si les prix sont élevés, souvent, cela attire d'autres personnes dans la concurrence et ce qui arrive, c'est que le nouvel arrivé essaie souvent de baisser son prix pour s'attirer une clientèle.

M. Mitchell: And as the price is lowered by that new entrant, other competitors who have been on that marketplace . for some time will want to protect what they already have and, therefore, would probably be encouraged to lower the price and compete with that new entrant. In this way, free and open competition really is a self-regulator to not allows prices to get too high,

M. Lavoie: Donc, si le prix baisse ceux qui sont déjà en place tenteront, pour conserver la clientèle qu'ils ont déjà, de baisser leurs propres prix et c'est ce dont on parle comme système autorégulateur.

M. Mitchell: The second part of your question was with respect to all competitors in a marketplace perhaps unilaterally raising the price and it seems as if it all happens at one time. Believe me, I can attest the fact that there is no collusion to that effect, collusion infers that there is some agreement among the competitors to increase the price and we spent a long five years in Ottawa talking to the Restrictive Trade Practices Commission only to have been found not in contravention of any combine laws with respect to our collusion or any practices of that nature.

What is not illegal, however, is conscious parallelism and that means if I am a competitor on a corner and I am in the same business as others on another corner...

M. Lavoie: Pour ce qui est de la deuxième partie, concernant l'allusion au fait que tous les participants puissent s'entendre, donc, qu'il y ait possiblement eu collusion, nous voulons vous confirmer qu'il n'y en a pas eu, et c'est après cinq ans de preuves devant un tribunal fédéral que nous avons réussi à prouver qu'il n'y en avait pas. Il y a cependant ce qu'on peut appeler du parallélisme conscient. (17 h 15)

M. Mitchell: If I am a competitor on a corner and my neighbour wishes to increase or reduce his price, I can see it fairly quickly and therefore, I am going to react fairly quickly. That is why you may see from time to time the same prices on a corner

but they may have changed in an hour or two hours.

M. Lavoie: Donc, pour reprendre le concept du parallélisme conscient, si je suis détaillant sur un. coin de rue et que je constate que mon voisin baisse son prix, je vais faire mon possible pour faire la même chose pour tenter de conserver ma part du marché.

Le Président (M. Théorêt): Écoutez, je vois que le député de Frontenac a encore une question à poser mais il ne reste qu'une minute à ma formation. Je n'ai pas objection pour autant qu'on ne prenne pas dix minutes pour y répondre, par exemple, parce qu'on va prendre énormément de retard et l'Opposition n'a pas terminé son interrogatoire. Alors, brièvement, M. le député de Frontenac, s'il vous plaît.

M. Lefebvre: C'est vous-même qui avez parié de collusion ou d'absence de collusion. Au moment où vous faisiez votre intervention, j'ai noté sur un bout de papier une entente tacite plutôt qu'une entente explicite. Dans les faits, je pense que, très rapidement, toutes les pétrolières s'entendent sur les prix dans un territoire donné, dans un territoire précis. Dès le moment où un pompiste baisse son prix, le voisin va faire la même chose pour une raison très simple. C'est que vous vendez toutes, les pétrolières, le même produit qui, dans les faits, est l'équivalent. Que ce soit Texaco, Shell ou Petro-Canada, c'est la même chose.

Alors, la compétence au niveau de la concurrence dans votre secteur d'activité n'existe pas. On ne peut pas parler de compétence, vous vendez le même produit. Que ce soit le pompiste A ou le pompiste B, l'automobiliste va recevoir le même service, finalement. Et lorsque vous pariez de propreté, quant à moi, il ne s'agit là que d'un accessoire. Alors, finalement, même si on est, comme vous l'avez expliqué, dans un marché de concurrence, dans un marché libre, le consommateur se retrouve toujours à la merci de l'ensemble des pétrolières - c'est à cette conclusion-là que j'arrive - à cause des ententes très rapides qui se font entre vous sans même vous parler. On appelle cela une entente tacite. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Mitchell: We are all in the same business and we are competing against each other. 1 consider Petro-Canada a very very strong competitor of mine, and Imperial Oil, and Shell, and the rest of them. And I am going to do the best I can on that corner. I am in the business to attract and to keep customers and I am going to do everything I can to try to do that, regardless of whether it is an independant on that corner or Shell or Petro-Canada. And if I see them lower their price, I am going to do that to stay in business.

M. Lefebvre: Sauf que vous vendez tous de la gazoline et non pas des services professionnels.

M. Lavoie: Donc, la réponse à la question était que...

Une voix: Oui... très bien répondu.

M. Lavoie: ...nous sommes tous dans le même marché, si on prend l'exemple des stations-service, et nous estimons que nous sommes en compétition sérieuse avec d'autres sociétés telles que Imperial ou Petro-Canada. Comme détaillants, nous ferons notre possible pour essayer d'attirer notre part du marché.

Le Président (M. Théorêt): Alors, je vous remercie. Je cède maintenant la parole à M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. J'aimerais revenir sur la notion de prix affiché à laquelle vous avez fait référence tout à l'heure. Est-ce que vous pourriez être plus explicite sur ce prix-là? Est-ce le même prix pour tous les détaillants du Québec? Est-ce que le prix se négocie région par région, ville par ville, marché par marché? C'est quoi exactement, le prix affiché?

M. Mitchell: Yes, the dealer tank wagon price is different from area to area. Basically, the differences are twofold: one, it accounts for differences in transportation across those zones and secondly, it also has to respond to other wholesale competitive prices in the area.

M. Lavoie: Donc, la réponse à votre question est oui. Le prix affiché tel qu'on le mentionne varie de région en région. La différence est basée sur deux facteurs. Le premier, ce sont les coûts de transport qui peuvent varier d'une région à l'autre et le second, c'est le besoin de faire face à la compétition, selon ce qui est offert par des compétiteurs dans la même région.

M. Claveau: D'accord. Au moment où vous négociez un prix affiché sur la base duquel le détaillant va vous rembourser, vous payer le produit qu'il va vendre au détail; est-ce que vous considérez aussi la problématique particulière à laquelle le détaillant a à faire face? Je prends un exemple. Tout à l'heure, des gens de Matagami sont venus nous présenter les problèmes particuliers vécus par la ville de Matagami. Dans la mesure où un détaillant Texaco - d'ailleurs, il y en a un à Matagami

- qui fait affaires à Matagami dans des conditions particulières, dans des conditions climatiques difficiles, dans un marché très restreint avec très peu d'expansion possible, etc., là où les coûts de main-d'oeuvre, de location d'édifices, de taxation - tout ce que vous pouvez mettre - tout est plus élevé qu'ailleurs... Est-ce qu'au moment de fixer votre prix affiché vous prenez aussi en considération le milieu particulier dans lequel ce détaillant va avoir à fonctionner ou à vendre votre produit?

M. Forman: Votre question se pose au niveau des conditions climatiques ou des conditions régionales, des disparités régionales qui pourraient occasionner des coûts de fonctionnement plus élevés. Est-ce que les coûts de fonctionnement plus élevés se reflètent dans le prix assumé par l'exploitant? Est-ce votre question?

M. Claveau: Oui et non. Je vais la poser autrement. Vous avez des critères que vous respectez en tant que compagnie. Vous avez des critères, entre autres les coûts de transport et la concurrence, dont vous vous servez pour fixer votre prix que vous appelez le prix affiché. Bon! C'est ce qui vous concerne comme compagnie, comme fournisseur de matières premières, comme grossiste d'un produit donné, finalement. Mais, au moment de fixer le prix, n'y a-t-il pas d'autres paramètres qui entrent aussi en ligne de compte ou qui devraient entrer en ligne de compte, entre autres le milieu physique et économique dans lequel a à travailler ou à fonctionner votre détaillant? Ou si vous dites tout simplement au détaillant: Arrange-toi avec tes problèmes. Nous, on fixe ce prix-là, on rentre dans nos coûts de transport, on s'assure une concurrence, on rentre dans nos coûts de production et, pour le reste, arrange-toi pour faire de l'argent.

M. Forman: C'est un peu le concept du libre marché, finalement, qu'on préconise et qu'on voulait présenter dans notre mémoire. Il détermine la marge de profit dans une région éloignée où les frais d'exploitation, comme vous l'avez si bien dit, à Matagami, à Rouyn-Noranda ou à La Sarre, peuvent être plus élevés pour différentes raisons: main-d'oeuvre compétente plus difficile à trouver, matériaux plus dispendieux, etc. Foncièrement, notre prix de vente au détaillant est déterminé de la même façon que pour les détaillants d'une région plus urbaine telle que Québec ou Montréal. Il n'y a pas de particularités économiques locales qui sont prises en considération dans l'établissement d'un prix de vente.

M. Claveau: Est-ce que vous êtes en train de me dire, par exemple, que lorsqu'un détaillant en région - j'en ai rencontré plusieurs, c'est mon coin de pays - nous dit: Moi, je suis obligé de vendre plus cher parce que j'ai des coûts de transport plus élevés à assumer... Est-ce qu'il a raison de me dire cela ou si c'est vraiment marginal par rapport au fait qu'il me vend plus cher?

M. Forman: Les coûts de transport ou les coûts de prix affiché? encore une fois, demeurent un prix de référence que nous utilisons pour facturer nos clients. La différence entre le prix affiché d'un détaillant dans le Nord de la province et celui du détaillant semi-urbain est relativement mineure. Je n'ai pas l'échelle des prix avec moi, mais cela peut varier de 0,005 à 0,01 $ le litre de différence.

M. Claveau: Vous parlez du prix affiché?

M. Forman: Du prix affiché.

M. Claveau: D'accord. Le prix affiché peut varier à peu près de 0,005 $.

M. Forman: 0,01 $, selon les différentes zones. On a plusieurs zones au Québec

M. Claveau: D'accord. Comment cela se fait-il, à ce moment-là - je suppose que cela devait être la même chose auparavant - que les prix à la pompe peuvent varier énormément? Est-ce que cela relève uniquement de la politique ou de la loi du marché? Par exemple, à Chapais, on a déjà payé l'essence 0,72 $ le litre alors qu'aujourd'hui, il se tient entre 0,54 $ et 0,55 $. Est-ce que cela relevait du prix du marché à ce moment-là aussi? Est-ce que cela relevait de la loi du marché ou si les détaillants pouvaient en profiter au maximum pour s'emplir les poches, ou si c'était vous qui vendiez plus cher aux détaillants que vous ne le faites actuellement?

M. Forman: Les prix à la pompe, M. le député, sont déterminés uniquement par les détaillants dans leurs régions respectives et en aucun temps nous ne déterminons pour eux le prix auquel ils vont vendre. Maintenant, on sait que la concurrence s'établit par l'entremise, comme on le dit dans notre mémoire, de la densité de la population, du nombre de concurrents, et pour différentes raisons. Les prix peuvent varier d'une région à une autre, mais c'est strictement dû à la loi de l'offre et de la demande, au marché de la libre concurrence dans le milieu dans lequel se trouve le détaillant.

D'ailleurs, nous avons attaché à notre mémoire, pour l'information des membres de la commission, une analyse de prix des

denrées alimentaires dans les différentes régions au Québec. Et on peut voir qu'il y a une différence de prix dans les différentes zones. On a voulu soulever cela pour vous démontrer qu'il y avait une variation dans d'autres domaines, et non seulement dans l'essence.

M. Claveau: Je pense qu'on ne va pas encore assez loin dans le problème. J'ai l'impression, lorsqu'on me dit: Écoutez, c'est la loi du marché, que c'est comme si on posait une question à un agent de la Sûreté du Québec qui disait: Écoutez, c'est "top secret", je ne peux pas en parler. J'ai l'impression que c'est cela parce que, dans le fond, comme le disait tout à l'heure un de mes collègues, la loi du marché en ce qui concerne les produits pétroliers, c'est: Quand ton réservoir est vide, tu vas à la station la plus près pour le remplir. Peu importe le nom ou le numéro, tu ne veux pas te faire remorquer. C'est à peu près cela, la loi du marché, en réalité.

En région éloignée, quand vous avez, par exemple, deux ou trois stations dans une petite ville à 150 kilomètres de la ville la plus près, qu'elles s'appellent Petro-Canada, Esso ou Texaco, je vous dirais bien que ça revient au même. Tous les détaillants se connaissent, tout le monde se connaît. Ils marchent ensemble et ils prennent leur bière ensemble dans le même hôtel parce que, souvent, il n'y en a pas plus qu'un. Jusqu'à quel point, vraiment, la sacro-sainte loi du marché peut-elle faire en sorte que les prix varient ou ne varient pas, ou peut faire en sorte, par exemple, que la marge du détaillant soit de 0,04 $ le litre ou de 0,15 $ le litre, si, dans le fond, c'est un milieu très fermé, très restreint où tout le monde se connaît et où c'est difficile de savoir jusqu'à quel point on suit vraiment la loi du marché ou si on n'établit pas tacitement des genres de petits cartels locaux qui feront en sorte que tout le monde sera content?

J'aimerais pouvoir mieux comprendre le problème et votre façon de réagir par rapport à cela.

M. Mitchell: I think what we have to remember here is that Texaco Canada is a wholesaler of gasoline in most of the areas that you are talking about. And we are selling our product to the retailer who is setting his own price based on market circumstances within his market. We have no control over what he does with his price.

M. Lavoie: II faut se rappeler que Texaco, dans les régions périphériques dont vous parlez, est surtout un vendeur en gros et que le ou les détaillants qui achètent fixent le prix selon ce qu'ils estiment être le prix du marché.

M. Claveau: Je vais vous poser juste une question théorique mais, en fait, je sais que c'est ainsi que cela se pratique en réalité. À Matagami, le prix de l'essence équivaut à peu près - je l'ai même exactement parce que j'ai fait le plein là-bas il y a deux ou trois jours - aux prix qu'on a dans le décret, c'est-à-dire à environ 0,56 $ ou 0,57 $ pour l'essence ordinaire sans plomb. Il doit y avoir, si je ne me trompe pas, trois compagnies présentes. (17 h 30)

Si on prend la route de la Baie-James, on n'a pas à aller bien loin, il y a une ou deux stations-service sur la route de la Baie-James, mais là, il y a un contrôle, il n'y a plus de concurrence. Quand on est rendu à la hauteur de LG 4, on paie 0,84 $ ou 0,86 $ le litre d'essence. Est-ce qu'on peut croire que le prix de l'essence augmente de 0,30 $ le litre juste à faire à peu près 700 kilomètres de plus sur la route? Cela signifie que cela devrait varier à peu près du même montant entre Montréal et Rouyn, puisqu'il y a à peu près la même distance. Il devrait aussi augmenter de 0,30 $ le litre, si on se fie au prix du transport. Donc, du fait que la concurrence diminue, on peut imaginer que c'est plus facile de pouvoir avoir des prix qui pourraient devenir exorbitants dans certains cas. Dans ce sens-là, ne croyez-vous pas que le gouvernement a vraiment raison de s'interroger sur la pertinence d'un contrôle des niveaux des prix?

M. Forman: Autant les prix dans une région, comme vous le soulignez pour la route entre Matagami et la Baie-James, peuvent être très élevés, autant dans d'autres régions les prix sont trop bas. C'est un peu ce qu'on a essayé de mentionner tantôt durant notre intervention. Le processus de réglementation essaie d'établir un taux de retour sur le capital uniforme dans tout le pays. Ce faisant, il est évident que vous éliminez le dynamisme, l'initiative, le progrès et le nombre de concurrents qui seraient intéressés de pénétrer le marché parce que le taux de retour est le même pour tout le monde. Votre commentaire est tout à fait normal. Il y a peut-être des marges de profit dans certaines régions éloignées qui peuvent sembler élevées, mais si elles sont si élevées, il n'y a aucun doute que d'autres concurrents vont en entendre parler, vont aller s'y installer et voudront faire baisser le prix du marché pour s'accaparer une part de la clientèle. Évidemment, le tout, c'est une question, comme on dit en anglais, de "trade off". Quels sont les coûts d'implantation d'un nouveau commerce? Est-ce que les revenus espérés sont suffisants pour payer notre investissement? C'est un peu cela, finalement, la loi de la concurrence et du libre marché.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Ungava.

Une dernière brève question, M. le député de Vanter.

M. Lemieux: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier M. le député de Roberval qui me permet cette brève question.

Vous comprendrez que je suis sceptique face à certains de vos énoncés, à certaines de vos paroles. Je me mets - je vais être un peu populo - dans la peau du consommateur qui, lui, a de la misère à s'y retrouver dans tout cela. Bien honnêtement, il faut quand même en discuter avec les consommateurs et vous comprendrez qu'ils n'y comprennent rien. Ils croient qu'il y a une espèce de cartel entre les différentes compagnies. D'autant plus qu'en Ontario, c'est 0,03 $ ou 0,04 $ le litre de moins, qu'on assiste chez nous à une certaine réduction de la taxe sur les carburants et qu'on n'en voit pas l'effet à la pompe. Je suis certain que vous êtes des gens très compétents; peut-être, parmi vous, y a-t-il des analystes financiers, des avocats; ce n'est peut-être pas là un critère, mais je ne comprends pas quand vous venez nous dire qu'il y a 0,04 $ comme ça qui sont disparus on ne sait où, qui se sont ventilés je ne sais pas de quelle façon. Permettez-moi d'être sceptique surtout lorsqu'on a à s'adresser à une compagnie comme la vôtre qui a des gens aussi compétents à son service.

Comme je l'ai mentionné, le public ne comprend vraiment pas ce qui se passe. Dans votre mémoire, à la page 10, vous mentionnez un des moyens d'action. Vous parlez de campagne d'information publique. J'aimerais savoir de Texaco, premièrement; Quel moyen comme tel avez-vous pris pour une meilleure diffusion de l'information auprès du public? La favorisez-vous vraiment, cette information? Si oui, êtes-vous prêts à la produire, à nous la donner et aller à la recherche de ces 0,04 $ qui sont disparus je ne sais où, par l'intermédiaire de vos analystes financiers?

M. Mitchell: The mysterious 0,04 $! I think, to answer the question and to be helpful to the commission, we have to go back to the principle of the fact that prices at the pump are market driven. They are not cost driven. Tax is only one element of the price, it is one other cost that goes into the makeup of the price of gasoline.

M. Lavoie: Pour expliquer un peu la disparition mystérieuse des 0,04 $, on croit qu'il faut retourner au fait que les prix sont dirigés par le marché et non pas par la pompe, que la taxe n'est qu'un des facteurs.

M. Mitchell: In the fact that the market sets the price, it will set the price regardless of cost factors in the short run: regardless of tax, regardless of crude oil prices, regardless of cost of transportation. It will set the price, in the short run, according to the marketplace.

M. Lavoie: Donc, à court terme, il faut se rendre compte que c'est le marché qui va contrôler... Dans un marché compétitif, c'est le marché qui va contrôler le prix à court terme et non pas uniquement un élément comme la taxe ou les coûts.

M. Mitchell: One of the addities that you may be able to draw a comparison to, is the price of furnace oil. In Quebec, it is indeed lower, much lower than the price of furnace oil in Ontario, for instance, in spite of the fact that there is a tax in Quebec on furnace oil and there is no tax on furnace oil in Ontario. That is what I mean by the market setting the price for a product, not cost, like tax.

M. Lavoie: Une comparaison que l'on pourrait faire est le prix du mazout. Il est plus bas au Québec, même s'il y a une taxe, qu'il ne l'est en Ontario.

M. Mitchell: There have been some circumstances when indeed the Federal Government or the Provincial Government have increased the tax and in same markets across various provinces, we have not been able to recoup at the price at the pump or in the marketplace the actual increase in the tax. There again, the market is setting the price, not the tax.

M. Lavoie: II y a eu des occasions où le gouvernement fédéral a augmenté la taxe sur l'essence et les compagnies n'ont pu récupérer cette taxe malgré le prix à la pompe.

M. Lemieux: Vous avez fait état de campagnes d'information publiques. Quelles mesures Texaco a-t-elle prises? Quelles mesures entend-elle prendre?

M. Mitchell: I believe that we did distribute - I think that it was in May of 1986 - a pamphlet on pricing. I do not have a copy in French but I would be glad to leave that here for the benefit of the commission. We did try to explain the components of what made up the pump price. I would be glad to ieave that with the commission.

M. Lavoie: En mai 1986, notre société aurait distribué un dépliant expliquant les différentes composantes du prix. Nous avons une version anglaise que nous sommes disposés à laisser à la commission aujourd'hui.

Le Président (M. Théorêt): Merci, messieurs. Avant d'entendre la conclusion du député de Roberval et du ministre, je porte juste à votre attention, M. Forman, pour les membres de votre groupe, que les comparaisons de prix des produits du Québec, à l'annexe 1, pour tous les produits d'alimentation qui sont là, sont truffées d'erreurs. Cela ne correspond pas du tout à la réalité. Et je vous soumets deux raisons. Sûrement que les spéciaux n'ont pas été pris en considération et que la comparaison n'a pas été faite dans la même chaîne parce que c'est impossible qu'il y ait des différences de 3 $ sur un produit, jusqu'à 3 $ de différence sur un produit. Et c'est comme cela pour tous les produits. Je porte juste cela à votre attention et je suis certain que vous voudrez bien faire les corrections.

M. le député de Roberval, pour la conclusion, et le ministre.

M. Gauthier: Très rapidement, puisqu'on a déjà dépassé nos trois quarts d'heure. Je voudrais simplement remercier les représentants de la compagnie Texaco qui ont bien voulu venir participer aux travaux de la commission. Je sais qu'un des représentants est venu de loin pour nous apporter des informations et nous apprécions cette collaboration que vous nous offrez. Peut-être que nous aurons l'occasion de nous revoir si, d'aventure, un certain mécanisme de contrôle ou à tout le moins de surveillance parlementaire ou paraparlementaire était mis sur pied.

D'ici là, je peux vous assurer que nous allons collaborer avec le gouvernement pour faire le meilleur choix possible pour préserver quand même, dans une certaine mesure, la libre concurrence dans le domaine des produits pétroliers. Mais aussi - et ça, il ne faut pas l'oublier - il faut faire en sorte que les consommateurs puissent bénéficier véritablement des baisses d'impôt ou de taxe que le gouvernement veut bien leur consentir.

C'est surtout sous cet aspect que nous envisageons les travaux de la commission. C'est dans cette perspective que nous allons faire des recommandations au gouvernement, mais en tenant compte de l'ensemble du problème et non pas d'une vision parcellaire de la situation parce que les solutions faciles ne sont jamais où ne sont pas toujours, en tout cas - les meilleures solutions dans des problèmes aussi complexes que celui-là. Je vous remercie, au nom de ma formation politique, de votre présence et de votre précieuse collaboration.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Moi aussi je veux remercier les représentants de Texaco. Je sais que le temps est écoulé mais peut-être que dans vos remarques finales vous pourriez juste répondre brièvement ou faire la lumière sur les propos tenus par M. Galipeault qui a dit qu'un des buts visés par Texaco était un taux de rendement idéal dans tout le pays. Doit-on déduire qu'il y a interfinancement d'une région à l'autre, d'une province à l'autre? Est-ce le but?

Finalement, je voudrais dire que c'est un fait que les compagnies pétrolières ont la réputation, dans l'esprit de la population, de fixer les prix. C'est là une image que tout le monde semble avoir. Peut-être, pour aider à dissiper cette image - si effectivement vous ne les fixez pas - que je pourrais vous suggérer de changer le titre des fonctions de M. Mitchell qui se décrit comme suit: directeur, fixation des prix. Merci.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Le Président (M. Théorêt): Merci. Les membres de la commission vous remercient de votre présence et vous souhaitent un bon retour.

J'invite maintenant les représentants de la Fédération nationale des consommateurs du Québec, s'il vous plaît, à prendre place. Je présume que vous êtes seul, M. Bolduc.

M. Bolduc (Marcel): Marcel Bolduc, porte-parole de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec.

Le Président (M. Théorêt): Alors, vous connaissez les règles. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Je vous cède immédiatement la parole.

Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec

M. Bolduc: Merci. La Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, la FNACQ, tient à féliciter le ministre de l'Énergie et des Ressources, M. John Ciaccia, pour deux motifs. Premièrement, il a décidé, au nom du gouvernement, de limiter le prix de l'essence dans les régions de la Gaspésie-Bas-Saint-Laurent, du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue et de la Côte-Nord. Deuxièmement, il a convoqué une commission parlementaire pour permettre aux groupes et aux personnes intéressés de faire le point sur le prix de l'essence dans les régions périphériques et la nécessité ou non de créer une régie qui contrôlerait les prix de l'essence.

La FNACQ est une fédération qui regroupe dix associations de consommateurs, dont trois sont situées respectivement à Baie-Comeau, Sept-Îles et Port-Cartier. Elle s'est occupée du problème du prix de l'essence parce qu'il touche l'ensemble des

consommateurs et consommatrices, mais surtout parce qu'il grève davantage le budget des consommateurs et consommatrices à faible revenu. Dans les régions ou les villes où le transport en commun est inexistant ou insuffisant, le transport par automobile est aussi essentiel aux familles que le téléphone, l'électricité, le lait ou le pain.

C'est pour cette raison que la FNACQ a rencontré, en 1984, le comité conjoint Énergie-Finance mis sur pied par le ministre Parizeau en représailles contre les compagnies pétrolières qui avaient absorbé, en novembre 1983, une grande partie de la réduction de la taxe ascenseur. Faibles reproches, certes, puisque la réduction était supposée s'appliquer au bénéfice de l'ensemble des consommateurs et consommatrices du Québec. Mais nous ne pouvions pas laisser tomber une première occasion qui s'offrait à nous, au nom des consommateurs et consommatrices, de dire aux représentants du gouvernement deux choses. Premièrement, qu'il devait intervenir dans le processus de fixation des prix de l'essence et, deuxièmement, que cette intervention devait se faire dans l'intérêt des consommateurs. (17 h 45)

Malheureusement, le comité conjoint Énergie-Finance n'a pas retenu l'idée que le prix de l'essence devait être soumis aux exigences de l'intérêt des consommateurs. Le comité a justifié sa position en évoquant le fait, que nous n'avions pas contesté alors, qu'en Nouvelle-Écosse, le système de réglementation est désavantageux pour les consommateurs puisqu'on y paie le litre 0,04 $ de plus qu'au Québec.

La FNACQ tient à redire aujourd'hui à la commission parlementaire que nous ne voulons pas de la Régie de l'essence de la Nouvelle-Écosse, parce qu'elle a été mise sur pied non pas pour protéger les intérêts des consommateurs, mais d'abord pour protéger ceux des détaillants d'essence.

Nous soumettons aux députés deux projets de régie que nous avions soumis au comité conjoint et que nous résumons dans les grandes lignes suivantes.

Premier projet: une régie qui fixe les prix. Il s'agit d'une régie qui fixe les prix de l'essence au détail et à la raffinerie. Les prix sont fixés après une analyse des coûts du pétrole brut stocké, du raffinage, du transport et de la distribution.

Cette analyse des coûts permettrait à la régie de fixer un prix ou une fourchette de prix à toutes les étapes et pour toutes les régions du Québec. Ces coûts devraient être justifiés lors d'audiences publiques où les organisations de consommateurs pourraient évaluer les coûts et donner leur point de vue. Puisque le système de surveillance des prix est déjà en place, les coûts pour réglementer les prix du litre d'essence seraient infimes.

Deuxième projet: une régie qui discipline le marché. La procédure serait assez différente de la première. Chaque fois qu'une compagnie voudrait modifier ses prix, elle devrait les déposer à la régie. Le Québec pourrait être découpé en régions et chacune pourrait avoir une liste de prix. Si, dans un délai de dix jours après la demande? aucun groupe de consommateurs et aucun compétiteur n'ont formulé d'objection, alors la compagnie appliquerait sa liste de prix. Les autres pourraient suivre, évidemment. Le coût de cette dernière formule est moins que rien.

Dans les deux cas, membres de la commission, la réglementation des prix est économique, efficace et souple. Elle réduit au strict nécessaire l'intervention gouvernementale. Elle oblige les compagnies à tenir compte de l'intérêt des consommateurs.

En 1984, nous avions spécifié au comité Énergie-Finance que, dans les circonstances, nous préférions la deuxième régie, une régie qui discipline le marché. En 1987, c'est encore notre opinion.

En fait, nous sommes convaincus qu'un contrôle du prix de l'essence exclusif à certaines régions va se faire, à terme, sur le dos des consommateurs vivant dans les autres régions. Pour 90 jours, les compagnies peuvent tolérer la situation pour ne pas exacerber les consommateurs. Mais, si le contrôle était prolongé, les compagnies n'hésiteraient pas à financer les pseudopertes par des réajustements de prix dans les régions où le prix n'est pas réglementé.

Enfin, la FNACQ ne croit pas qu'il existe d'autres solutions permanentes que la réglementation publique pour protéger les intérêts des consommateurs partout au Québec. La raison est simple. Le Québec est sous l'emprise d'un oligopole formé de Shell, Ultramar et Petro-Canada. Ce sont les forces du marché, combinées aux politiques énergétiques, qui ont produit le résultat que l'on connaît. Un des prix à payer, c'est la réduction importante de la concurrence. Nous croyons qu'il est illusoire de revenir en arrière par des démantèlements ou de fuir vers l'avant en favorisant la venue sur le marché d'un nouveau larron.

Le nouveau problème apporté par l'oligopole amène une solution nouvelle, soit celle de voir à ce que la fixation des prix de l'essence tienne compte de l'intérêt des consommateurs.

Face aux oligopoles, les consommateurs ont besoin d'un ministre qui se tienne debout. Nous l'avons enfin... pour la première fois depuis plusieurs années. Maintenant, les consommateurs ont besoin d'un héritage qui durera longtemps: une régie qui tiendra compte des intérêts des consommateurs et des consommatrices. Merci de votre attention.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie, M. Bolduc. M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Merci, M. Bolduc. Je vais attendre que le député de Roberval... Voulez-vous faire votre intervention maintenant ou attendre que j'aie terminé?

M. Gauthier: M. le ministre, je voudrais simplement souligner que votre "merci" devrait être accentué, compte tenu d'un compliment inespéré venant d'un consommateur.

M. Ciaccia: Ah! j'ai remercié M. Bolduc! Je pense que M. Bolduc est le porte-parole d'une association qui représente les consommateurs. Lorsqu'on a décrété la baisse des prix du pétrole dans les régions, les consommateurs se sont rendu compte que le gouvernement, effectivement, prenait ses responsabilités et voulait s'assurer que la baisse de la taxe profiterait aux consommateurs et non pas aux autres intervenants. Je ne dirai pas seulement les pétrolières, parce qu'il y a plusieurs intervenants. 11 y a les pétrolières, les détaillants, les grossistes. Nous voulions que ce soit le consommateur qui en profite. Lorsque le ministre des Finances a décrété cette baisse de taxe, c'était afin qu'elle profite aux régions périphériques, aux consommateurs des régions périphériques. M. Bolduc a seulement constaté que cette mesure avait effectivement eu cet effet. Je le remercie pour cette constatation.

M. Gauthier: Voilà! Là, vous avez bien fait cela.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Ciaccia: Merci. Je voudrais bien comprendre la recommandation que vous faites. Premièrement, vous dites, dans votre résumé, que votre fédération "croit qu'il existe des formules souples, efficaces et économiques pour réglementer le prix de l'essence du territoire du Québec." Vous faites référence à quelques-unes. Vous ne voulez pas que ce soit une régie comme celle de la Nouvelle-Écosse.

M. Bolduc: Non, effectivement.

M. Ciaccia: Pourriez-vous expliquer un peu plus cette affirmation, cette recommandation, en ce qui concerne ces formules souples et comment on devrait fonctionner?

M. Bolduc: Ce qu'on veut dire par là, c'est qu'il faudra absolument que la régie qui contrôlera les prix puisse tenir compte, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, de tous les aspects, tous les intervenants et toutes les régions du Québec. C'est un peu ce qu'on veut dire. Cela ne veut pas dire que ce sera plus compliqué pour autant de contrôler les prix, mais il va falloir tenir compte de tous ces aspects.

M. Ciaccia: En mentionnant que vous ne voulez pas d'une régie comme celle de la Nouvelle-Écosse, êtes-vous au courant que la Nouvelle-Écosse a décrété seulement une baisse durant toute son existence? La seule baisse qu'elle ait décrétée fut en avril 1987. Elle était de 0,025 $ le litre. C'est la seule baisse qui ait été décrétée par la régie. Dans tous les autres cas, il n'y a jamais eu de baisse de prix sauf cette année, au mois d'avril. Soit qu'elle ait maintenu le prix, soit qu'elle l'ait augmenté. Depuis son existence, depuis qu'elle est en fonction, elle n'a jamais dit aux pétrolières? Le prix que vous exigez est trop élevé et vous devez le réduire.

M. Bolduc: À ma connaissance, que ce soit dans le domaine du pétrole ou d'autres produits de consommation - prenons le lait où il y a une régie - il n'est pas arrivé qu'à un moment donné la régie, pour quelque raison que ce soit, se soit penchée sur la possibilité de réduire les prix. Chaque fois que la régie intervient, elle le fait à un moment où les divers intervenants du marché demandent qu'elle intervienne et, le plus souvent, lorsqu'une régie intervient, c'est lorsque les compagnies ou les fournisseurs en font la demande, comme pour la question du prix du lait.

Je ne m'attends pas qu'une régie décrète, demain matin, des baisses fabuleuses du prix de l'essence, à moins que les puits de pétrole ne se mettent à jaillir, que le prix baisse de façon considérable et que les pétrolières ne nous fassent aucun signe. À ce moment-là, j'imagine qu'une régie pourrait réagir rapidement, mais je pense qu'il faut être à l'affût du marché constamment à cause du nombre d'intervenants présents dans le marché du pétrole.

M. Ciaccia: Est-ce que vous avez des raisons spécifiques pour ne pas vouloir une régie comme celle de la Nouvelle-Écosse?

M. Bolduc: Parce qu'à notre avis celle de la Nouvelle-Écosse n'a pas l'air d'avoir été efficace, elle a semblé favoriser les détaillants d'essence plutôt que les consommateurs.

M. Ciaccia: Dans ce que vous proposez, vous préconisez que la régie intervienne lorsqu'il y aura objection de groupes de consommateurs à une éventuelle modification de prix de la part d'une compagnie. Autrement dit, la compagnie devrait demander une augmentation. S'il n'y a pas d'objection,

l'augmentation sera acceptée, si des groupes de consommateurs s'opposent? la régie pourrait trancher.

M. Bolduc: C'est un peu cela, il s'agit de définir les rôles de chacun dans un processus comme celui-là. À partir du moment où, en tout cas, les consommateurs acceptent de jouer leur râle de consommateurs, ils ont des responsabilités qu'ils doivent assumer aussi et je pense que c'est à ce moment-là qu'ils doivent intervenir, lorsque les pétrolières veulent augmenter leur prix. Aussi, si on surveille le marché et qu'on constate des baisses considérables, par exemple, du brut, c'est encore une autre occasion d'intervenir et c'est afin de permettre à l'ensemble des consommateurs de pouvoir le faire au moment opportun.

M. Ciaccia: Cette partie-là, je ne l'ai pas tout à fait comprise. Parce que j'allais vous demander: Si les consommateurs interviennent quand une compagnie demande une augmentation...

M. Bolduc: Oui.

M. Ciaccia: ...comment la régie peut-elle agir si les prix - vous parlez des prix du brut - baissent et comment la régie pourrait-elle décider de baisser les prix? Parce qu'il n'y aurait pas de demande, je ne vois pas une pétrolière faire une demande pour réduire les prix.

M. Bolduc: Non, jamais. A l'inverse des pétrolières, je pense que les consommateurs pourraient, eux, faire des demandes à la régie pour que les prix soient baissés.

Lorsqu'on surveille le marché - je pense que l'ensemble des consommateurs surveille le marché ou, du moins, les associations de consommateurs - et qu'on sent que le prix du pétrole brut baisse, on redouble d'énergie pour essayer de faire agir les forces du marché. L'exemple récent des dernières baisses du pétrole brut ont fait que plusieurs associations de consommateurs ont réuni leurs efforts pour, à tout le moins, essayer de contrecarrer le marché en demandant aux gens de boycotter certaines compagnies afin que les prix baissent. Et cela a fonctionné dans certaines régions.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, votre régie agirait seulement dans les cas où une pétrolière ou les consommateurs feraient une demande pour faire augmenter ou baisser les prix.

M. Bolduc: Oui. Je pense que son rôle devrait être dans les deux sens, évidemment.

M. Ciaccia: Si le consommateur avait plus d'information - parlons en général, mais surtout dans les régions périphériques - sur les prix, sur les différentes compagnies, sur les différentes pétrolières, est-ce que vous croyez que cela pourrait l'aider dans ses choix? Est-ce que cela pourrait être plutôt un facteur de la baisse des prix?

M. Bolduc: Oui. Évidemment, la diffusion d'information est essentielle dans un processus comme celui-là. C'est d'ailleurs une des recommandations qu'on avait faites, en 1984, au comité Parizeau, de publier au moins les listes de prix par région pour faire en sorte que le consommateur demeure constamment informé. Vous allez retrouver, dans les recommandations du rapport de ce comité, la recommandation que le consommateur reste constamment informé de la fluctuation des prix dans les régions.

M. Ciaccia: Qu'est-ce qui est arrivé à votre recommandation?

M. Bolduc: Elle n'a pas été suivie. D'ailleurs, l'ensemble des recommandations qui avaient été mises de l'avant par ce comité n'a pas eu de suites.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Roberval.

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier M. Bolduc de nous avoir présenté son mémoire avec lequel, je dois le dire, je suis passablement d'accord, principalement quant à la dimension d'une régie qui discipline le marché. Cela m'apparaît un concept fort intéressant. Tout en étant d'accord avec l'essentiel du mémoire, disons que j'émettrai certaines réserves quant au dernier paragraphe. Je pense que les consommateurs éprouvent effectivement la nécessité de se faire entendre ici. C'est normal, c'est même souhaitable.

Le but de la commission parlementaire - j'ai surtout des commentaires à faire plus que des questions à poser, puisque c'est quand même très clair - c'est effectivement de trouver un moyen qui fasse en sorte, une fois pour toutes, que, lorsqu'un gouvernement décidera de décréter une baisse de taxe quelconque sur les produits pétroliers, celle-ci soit transférée aux consommateurs et non pas récupérée par les compagnies pétrolières ou par les détaillants d'essence. Nous avons d'ailleurs à cette fin, à l'Assemblée nationale - je le disais ce matin - talonné, en quelque sorte, le ministre, parce que nous nous doutions que l'état actuel du marché et le mécanisme qui le régit ne garantissaient en aucun temps un retour direct aux contribuables de la baisse de la taxe dans les

régions périphériques.

Le but de la commission parlementaire est véritablement de trouver ce mécanisme et de faire en sorte aussi - puisqu'elle a un but davantage étendu, plus large encore -dans les régions périphériques principalement, où le jeu de la libre concurrence ne semble pas intervenir de façon efficace pour la protection du consommateur, de trouver un moyen pour pallier le manque de concurrence dans certains secteurs. À cet égard, nous examinons avec prudence - certes, il faut le faire - différentes avenues qui s'offrent au gouvernement pour que ce travail puisse se faire convenablement et que les consommateurs en retirent plein profit. (18 heures)

II ne faut pas oublier non plus - je suis sûr que ce n'est pas là votre intention parce que, à long terme, personne n'y gagnerait -la notion de juste profit, en quelque sorte, pour tous les détaillants, y compris les détaillants indépendants qui, très souvent - il faut bien le dire - sont ceux qui favorisent les guerres de prix ou qui servent, en quelque sorte, même s'ils ne sont pas nécessairement très nombreux, de chiens de garde, dans les régions, quant à une hausse de prix qui pourrait être déraisonnable. Ce n'est peut-être pas efficace à 100 %, mais il n'en reste pas moins que, si on les faisait diparaître par une politique de prix qui ne tienne pas compte du problème particulier qu'ils présentent - c'est arrivé lors du décret du gouvernement, c'est-à-dire le décret que le ministre a proposé au gouvernement et que ce dernier a adopté... Il faut éviter cela, pour le bien des consommateurs et du marché en général, à moins qu'on ne puisse prendre la décision de fixer, de décréter les prix de tous les produits pétroliers dans toutes les régions, et je ne crois pas que ce soit là non plus votre intention.

Donc, pour qu'une régie de surveillance, de discipline du marché puisse bien fonctionner, il faut aussi, bien sûr, que le marché fonctionne bien. Il faut favoriser à tout prix cette concurrence, cet exercice qui est, à la limite, la première discipline du marché. C'est le premier élément qui empêche les prix du marché de flamber.

Cela étant dit, on a également le problème suivant. Je comprends que, dans les régions périphériques - nous nous en sommes réjouis à ce moment-là - le fait qu'il y ait eu une baisse de 10 % de la taxe sur les prix des produits pétroliers soit intéressant. Nous nous sommes inquiétés, dès le début également - c'était peut-être un moins bon geste du ministre, je l'ai soulevé ce matin, j'ignore si vous étiez présent, je me permettrai de le rementionner - et nous nous sommes un peu indignés de voir que sous une apparence de cadeau aux consommateurs, quand le ministre a fait disparaître la taxe ascenseur, il l'a gelée à un plus haut niveau, ce qui fait qu'encore aujourd'hui... Ce matin, le ministre faisait une énumération du montant de la taxe dans les régions du Québec, 22 % et 23 %, il a confirmé d'ailleurs que c'était au-delà de 20 %...

M. Ciaccia: Vous parlez du ministre des Finances?

M. Gauthier: Je parle de vous.

M. Ciaccia: Ce n'est pas moi qui ai fixé la taxe, ce n'est pas moi qui l'ai réduite. Je ne sais pas si vous savez comment cela fonctionne. C'est pour l'information. Il ne faut pas, non plus, induire la population en erreur. La taxe sur tes carburants a été réduite par le ministre des Finances. Je n'ai rien eu à faire dans cela.

M. Gauthier: Ah bon! Je croyais que, dans le gouvernement, quand le ministre des Finances intervenait dans le domaine pétrolier, il vous consultait. Je m'excuse.

M. Ciaccia: Non, non. C'est une décision budgétaire...

M. Gauthier: Excusez!

M. Ciaccia: ...prise avec l'ensemble du Conseil des ministres.

M. Gauthier: Je comprends.

M. Ciaccia: La décision, revient au ministre des Finances.

M. Gauthier: M. le Président...

Le Président (M. Théorêt): Oui, M. le député de Roberval.

M. Ciaccia: Je voulais juste clarifier ce point.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Roberval, si vous voulez continuer.

M. Gauthier: Je peux peut-être continuer mon intervention. Le ministre aura tout le loisir - il reste du temps - de reprendre l'argumentation. Je croyais simplement que le ministre des Finances et le ministre de l'Énergie et des Ressources faisaient partie du même gouvernement et que, lorsque celui-ci imposait ou augmentait une taxe, comme cela a été le cas dans son budget de l'année dernier, il consultait son collègue. Je m'excuse si ce n'est pas le cas.

M. Ciaccia: II y a consultation, mais les décisions et le budget ont été annoncés par le ministre des Finances.

M. Gauthier: M. le Président...

Le Président (M. Théorêt): M. le député de Roberval, si vous voulez continuer votre exposé.

M. Gauthier: ...vous êtes obligé de faire diligence. C'est sûr que cela est un moins bon coût pour l'ensemble des consommateurs et c'est encore un moins bon coup que de voir qu'à Montréal - et le ministre avait stoppé son énumération ce matin - c'est 35 %, 37 % dans certaines régions du taux de taxe, c'est un moins bon coup. C'est évidemment un ministre qui se tient debout mais qui se tient debout, pour dire aux consommateurs: Vous allez passer au "cash". Donc, c'est pour cela que je mets des nuances sur certains compliments que vous avez adressés au ministre.

Cependant, il faut admettre que la convocation de la commission parlementaire que nous réclamons depuis, d'ailleurs, le tout début, au moment où le ministre avait décidé de baisser le prix en région, à l'Assemblée nationale... Je ne sais pas si vous avez l'occasion de suivre les débats, mais la première chose que l'Opposition a faite, c'est de dire au ministre: Les consommateurs ne profiteront pas ou très peu longtemps de cette baisse de taxe, M. le ministre. Il faudrait faire en sorte qu'il y ait un mécanisme qui permette que les consommateurs aient cet argent que vous leur destinez. Nous avons réclamé une commission parlementaire. C'est venu tard parce que le ministre a attendu malheureusement, malgré qu'on l'ait rappelé cinq ou six fois à l'ordre. C'est 20 000 000 $ de perdus pour les consommateurs des régions. Il ne peut pas plaider l'innocence, il ne peut pas dire: Écoutez, on ne pouvait pas prévoir que c'était comme cela. Cela s'était déjà passé, malheureusement, et on savait qu'il y avait des chances que cela se reproduise dans la situation présente.

Aujourd'hui, on est en commission parlementaire. Soit, on va certainement trouver des mécanismes qui vont permettre que le consommateur en tire avantage. J'en conviens. Nous allons travailler et collaborer à ce qu'il en soit ainsi. Et votre rapport, votre mémoire, est extrêmement intéressant. Mais si cette commission parlementaire avait eu lieu au moment où on la réclamait, il y aurait 20 000 000 $ de plus dans les poches des consommateurs des régions périphériques du Québec, il ne faut pas l'oublier non plus.

C'est donc dire que tout le processus enclenché actuellement nous plaît énormément; on trouve que cela survient un peu tard et on souhaite que la solution qui va sortir de nos travaux puisse être dans le meilleur sens possible pour que les consommateurs en profitent.

Enfin, on a appris au moins une chose, cet après-midi. On a appris qu'il faudrait que le gouvernement songe à intervenir au plan du parallélisme conscient. Je vous avoue que c'est un concept en économie que je n'avais pas encore eu l'occasion de connaître; j'en ai fait la connaissance cet après-midi. On va étudier sérieusement la question. Je pense que ce concept de parallélisme conscient nous rend encore plus déterminés à trouver une solution originale.

À cet égard, comme il ne s'agit pas nécessairement d'une collusion, comme il ne s'agit pas nécessairement d'une entente explicite entre les entreprises, mais plutôt, disons-le, du' parallélisme conscient - le terme est plutôt intéressant et fort imagé, vous en conviendrez - il faudra que le gouvernement trouve une manière d'intervenir qui ne soit pas une régie avec des pouvoirs coercitifs, une régie qui détermine les prix, un peu comme s'il y avait collusion entre les compagnies pétrolières, mais quelque chose de plus subtil, quelque chose qui, un peu comme le parallélisme conscient, serait en quelque sorte la médication appropriée, une espèce de régie avec un pouvoir moral. On avait déjà abordé ce problème.

Quant à moi, je souhaite, tout d'abord, une commission parlementaire, je trouve que c'est intéressant pour les parlementaires, c'est public et les gens peuvent se présenter. Je préfère davantage ce mécanisme qu'un mécanisme fonctionnarisé, disons, qui est peut-être un peu le style de la régie que vous proposez. Sauf que la notion de la discipline des prix, une régie de discipline du marché et des prix est peut-être l'équivalent du parallélisme conscient.

À cet égard, je vous promets que ce que vous nous apportez comme solution, on va l'étudier avec beaucoup de sérieux parce qu'il faut trouver le moyen de vous rendre justice, dans le fond, et vous parlez au nom des consommateurs. Il faut trouver le moyen de vous rendre justice. Il ne faut plus que ce qui s'est déjà passé... Malheureusement, je le dis. C'est de l'ancien gouvernement, je ne m'en cache point. Mais c'est aussi sous ce gouvernement que cela s'est produit, même si c'est à un niveau moindre. Si l'expérience avait été dramatique, on se serait posé des questions sur la bonne volonté du ministre.

Il faut trouver le moyen pour éviter que ces choses-là ne se reproduisent. Il faut que les consommateurs aient conscience qu'ils sont traités justement dans ce marché et qu'ils ne sont pas pris en otages. Il faut aussi qu'ils aient conscience que leur gouvernement et que l'Opposition ont fait tout ce qu'ils avaient en leur pouvoir pour éviter toute suspicion, toute inquiétude, tout déchirement à l'intérieur de la société sur cette question. Il faut que tout le monde soit conscient que leurs intérêts sont bien gardés.

Alors, je note votre suggestion, encore une fois, et nous allons y travailler très sérieusement. Si vous aviez, de façon

complémentaire, des informations quant au fonctionnement d'une telle régie, vous pourriez nous les donner. Vous en avez un peu parlé avec le ministre tout à l'heure, mais peut-être avez-vous réfléchi davantage ou peut-être vos associations de consommateurs réfléchiront-elles davantage dans les prochaines semaines, à la lumière de cette commission. Si c'était le cas, nous apprécierions beaucoup, pour notre part, qu'en faisant parvenir vos recommandations au ministre vous les fassiez également parvenir à l'Opposition, parce que votre solution est originale et intéressante. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Bolduc, je ne sais pas si je détecte un genre d'étonnement de votre part. Vous êtes venu ici pour faire une présentation, mais plutôt que de répondre à des questions vous écoutez ce que le député de Roberval a à vous dire.

Je voudrais rappeler à la commission et au député de Roberval que c'est vrai que ce dernier nous avait demandé de convoquer une commission parlementaire. C'est vrai et j'ai refusé. À quoi aurait servi une commission parlementaire si je n'avais pas de décret? Voulez-vous me le dire? Maintenant, même après les décrets, il y a des pétrolières qui viennent ici nous dire qu'elles ne savent pas où sont allés les 0,045 $? Elles ne le savent pas.

Il y a ceux qui disent: On n'a rien fait. Ils sont disparus. Pouvez-vous vous imaginer, ce qui serait arrivé si le gouvernement n'avait pas pris l'initiative d'émettre un décret? Quelle sorte de commission parlementaire aurait-on eue? On nous fait des reproches en disant que les consommateurs ont perdu 20 000 000 $, mais on oublie de dire qu'avec le gouvernement précédent ils ont perdu 477 000 000 $ et ils n'ont rien fait.

C'est vrai que, lorsqu'on a commencé à s'apercevoir qu'on perdait, on a agi, on a arrêté l'hémorragie, on a pris nos responsabilités. Je ne pense pas qu'on puisse nous reprocher d'avoir agi après avoir eu toutes les informations, pas avant, parce que c'aurait été irresponsable d'agir avant. Et je pourrais dire au député de Roberval que, si le gouvernement avait écouté les recommandations que votre association lui avait faites, peut-être, peut-être qu'on ne serait pas dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Peut-être que les consommateurs auraient pu avoir l'information nécessaire, ils auraient pu juger et non seulement, la perte n'aurait peut-être pas été de 477 000 000 $, mais il n'y aurait pas eu les autres 20 000 000 $ non plus.

M. le Président, je vais poser une autre question à M. Bolduc. Quelle est votre position vis-à-vis de l'intervention de l'Office de la protection du consommateur quant à l'information et à la surveillance des prix comme l'a suggéré le Club automobile du Québec, ce matin? Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion... Eux, ils suggèrent que l'Office de la protection du consommateur ait un rôle à jouer dans la question des prix qui serait de donner de l'information à la population, de faire une surveillance des prix, dont le but serait de mieux informer la population, je présume. C'aurait suivi les recommandations que votre association avait déjà faites.

M. Bolduc: II faudrait d'abord vérifier les orientations de l'Office de la protection du consommateur en matière d'information auprès des consommateurs et dans quels champs d'activité il intervient principalement. En tout cas, je ne suis pas tout à fait convaincu que ce soit directement le rôle de l'Office de la protection du consommateur, mais il doit se faire une information; il s'agira pour le gouvernement de trouver qui va la faire et de s'assurer qu'elle soit faite.

Depuis qu'on parle de l'essence de façon courante, c'est-à-dire depuis 1983-1984 et même un petit peu avant, depuis que ça intéresse les consommateurs, si on avait eu cette information-là, j'ai comme l'impression que, peut-être, l'activité qu'on tient aujourd'hui se serait tenue avant parce que les consommateurs auraient été mieux informés et cela aurait justement permis de déclencher des mouvements qui auraient fait poser des questions aux gens concernés.

Pour répondre à votre question quant à l'office, je ne suis pas certain que ce soit son rôle; il s'agira de voir qui la fait, cette information-là.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Roberval, pour vos questions ou en conclusion.

M. Gauthier: Cela va, M. le Président.

On remercie M. Bolduc. Quant à mes commentaires, ils ont été faits tout à l'heure.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le député de Roberval. M. le ministre.

M. Ciaccia: Je veux remercier M. Bolduc pour les suggestions qu'il nous a faites. Nous allons examiner attentivement les recommandations que vous avez faites dans le mémoire et aussi celle que vous aviez faite à l'ancien gouvernement et qui n'est pas incluse dans le mémoire, à l'effet de publier la liste des prix pour donner plus d'information aux consommateurs. Nous allons étudier cela très attentivement et soyez assuré que nous allons faire notre passible

pour essayer de protéger le consommateur.

M. Bolduc: Merci beaucoup et on vous assure de notre entière surveillance et collaboration.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Bolduc. Les membres de la commission vous remercient et j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 16)

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