L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'économie et du travail

Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 9 juin 1987 - Vol. 29 N° 60

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur le projet de loi 30 - Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Quatorze heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Charbonneau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'économie et du travail entreprend ses consultations particulières sur le projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives.

Je vous rappelle, avant de commencer, l'ordre du jour. Je vais d'abord demander au secrétaire de la commission de nous indiquer les remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un seul remplacement. M. Claveau (Ungava) est remplacé par Mme Blackburn (Chicoutimi).

Le Président (M. Charbonneau): II y a eu quelques modifications mineures à l'ordre du jour, ce qui explique d'ailleurs qu'on commence à 14 h 30. On commencera d'abord, dans la demi-heure qui suit, par les remarques préliminaires du ministre et du porte-parole de l'Opposition en matière de travail. Par la suite, nous entendrons, vers 15 heures, la CSN et, après la CSN, l'Association des manufacturiers canadiens, division de Québec. Ce soir, nous entendrons la Fédération des travailleurs du Québec, suivie de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et, finalement, la CSD, la Centrale des syndicats démocratiques.

S'il n'y a pas de commentaires particuliers à ce moment-ci, je vais dès maintenant... M. le député d'Abitibi-Ouest, avez-vous des commentaires particuliers?

M. Gendron: Je ne sais pas si c'est à ce moment-ci que je dois les faire puisque, dès les commentaires préliminaires, on va respecter l'horaire prévu et on va entendre le premier groupe, les porte-parole de la CSN.

Comme critique, je n'ai pas reçu l'information quant aux véritables raisons pour lesquelles le Barreau s'est désisté. Je voudrais juste savoir si le ministre est en mesure de nous faire connaître les raisons pour lesquelles les gens du Barreau, qui étaient prévus comme premiers interlocuteurs, ne seront pas entendus. Je voudrais savoir si le ministre a reçu des informations que je n'ai pas reçues et qui devraient être partagées par les membres de la commission.

Le Président (M. Charbonneau): La présidence de la commission n'a pas reçu d'information particulière autre que l'avis de désistement, mais non de justification. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je peux peut-être vous donner une explication. J'ai placé un coup de fil, la 'semaine dernière, au bâtonnier. J'ai réussi à lui parler, hier. Selon les indications que M. le bâtonnier m'a données, sous toutes réserves, ils ont beaucoup de travail ces jours-ci. Au plan des délais accordés, cela leur apparaissait un peu court pour y aller à fond, mais ils avaient quand même mis sur pied un comité de travail; toutefois, il semblait que la finalisation du document de travail ne faisait pas l'unanimité. À ce moment-là, le bâtonnier nous a indiqué que le Barreau suivrait de près les travaux de la présente commission. J'ai invité ces qens à me faire part de leurs commentaires, s'ils en avaient, au cours du déroulement des travaux de façon moins officielle qu'en témoignant devant cette commission.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Je vais demander au ministre s'il désire commencer ses remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je n'ai pas l'intention de prendre beaucoup de temps, au moment de l'ouverture de ces travaux de la commission parlementaire de l'économie et du travail afin que l'on puisse consacrer le maximum de temps à nos invités. Je me limiterai donc à quelques brèves remarques ayant surtout pour objet de situer la perspective dans laquelle, à mon point de vue, nos travaux devront s'inscrire.

M. le Président, hier, l'Assemblée nationale du Québec a adopté le principe du projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives. À l'unanimité, les parlementaires québécois ont accepté et adopté le principe de la création d'une Commission des relations du travail.

Aujourd'hui, nous sommes réunis au sein de cette commission parlementaire dans le but d'entendre les groupes et organismes intéressés par cette question. Je considère cet exercice démocratique comme absolument essentiel.

Il s'agit d'un moment hautement privilégié qui permet aux législateurs que nous sommes de confronter les projets de loi aux expériences pratiques de personnes et de groupes dont les membres ont quotidiennement à vivre avec ces lois. C'est dans cette perspective que nous abordons ces travaux. Nous comptons bien profiter de cette occasion pour prendre bonne note des commentaires et des recommandations qui nous seront transmis par nos invités. Nous profiterons également de ce moment pour préciser certains objectifs poursuivis par le gouvernement et aussi pour clarifier certaines dispositions du projet de loi qui peuvent, le cas échéant, poser problème.

Finalement, M. le Président, nous sommes prêts à examiner toutes les propositions d'ajustement qui pourront éventuellement nous être soumises et à les considérer dans la mesure où elles ne sont pas en contradiction avec les objectifs que nous poursuivons ainsi qu'avec le principe du projet législatif qui, rappelons-le, a été adopté, hier, à l'unanimité par les parlementaires québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Comme critique de l'Opposition en matière de relations du travail, je ne pense pas que ce soit le moment privilégié pour être très long. Sauf que, personnellement, j'aurais souhaité que le ministre soit un peu plus long. C'est quand même sa responsabilité comme ministre du Travail. Au-delà du fait que ce projet de loi a été effectivement discuté, quand même assez rapidement compte tenu du contexte, et adopté en deuxième lecture, ce qu'on appelle le principe du projet de loi, il n'en demeure pas moins que, lors de l'intervention que j'ai tenté de faire - en tout cas, en ce qui me concerne, j'ai essayé de faire une intervention assez fouillée en utilisant tout mon temps - pendant une heure, j'ai indiqué de façon très précise qu'on peut cependant être d'accord sur le principe du projet de loi, mais que, dans ce projet de loi, il y a des dispositions qui me paraissent passablement ambiguës, dans certains cas et, dans d'autres cas, carrément inexplicables, selon les informations dont on dispose. Il est sûr que c'est à la lumière des informations des intervenants du monde des relations du travail. Autrement dit, le domaine des relations du travail au Québec est un sujet tellement majeur que, sans faire l'historique des relations du travail des vingt dernières années, je pense qu'il n'y en a pas beaucoup qui ne conviendront pas qu'on ne peut pas, du revers de la main, passer d'un régime, celui qu'on a connu, même avec ses faiblesses, à un autre régime où, dans les intentions, cela semble beau et bon - je dis bien que cela semble beau et bon - mais où il faut prendre un peu de réserve pour l'analyser plus concrètement.

Je dirais au ministre du Travail - et je pense qu'il va en convenir - que, non seulement à la lumière des mémoires dont j'ai eu le temps, pour quelques-uns, de prendre connaissance et, pour d'autres - qu'est-ce que vous voulez? Je ne les ai pas. Alors, je n'en ai pas pris connaissance et c'est la même chose pour vous... Mais, à la suite de quelques lectures additionnelles, quand bien même ce ne serait que relire à plusieurs reprises le projet de loi, on se rend compte qu'il y a des faiblesses importantes.

Juste à titre d'exemple, il est sûr qu'à l'article 112, pour ce qui est du mandat de la Commission des relations du travail, au-delà du principe, on aura des questions à poser, comme Opposition. J'espère que les intervenants nous diront combien il est important pour eux que le mandat de la nouvelle Commission des relations du travail soit beaucoup plus balisé, beaucoup plus précisé et qu'on sache exactement, comme législateur, ce qu'on lui remet entre les mains. Il n'est pas tout de créer une nouvelle instance et de dire, en gros: Ils arrangeront cela et ils regarderont cela. C'est un peu cela, le problème, dans ce projet de loi. Il y a beaucoup d'articles où on dit: La Commission des relations du travail pourra faire telle chose, pourra avoir telle latitude. Il me semble qu'il y a un certain droit de gérance qui peut être un peu trop grand comme possibilité d'exercer.

Il y a aussi l'aspect portant sur la composition de la commission sur lequel j'ai des inquiétudes. J'espère que les groupes - je le fais volontairement dans mes remarques préliminaires, c'est sûr que tous les groupes ne sont pas ici - vont nous donner quelques réponses à des questions aussi fondamentales. Sur la composition de la commission, il y a des aspects qui me fatiguent. Des mandats d'au plus cinq ans, c'est un peu nouveau. Quand on dit "d'au plus cinq ans", cela veut dire qu'il va peut-être y en avoir dans un an, deux ans - oui, c'est écrit ainsi, c'est "au plus cinq ans".

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est cela que...

M. Gendron: II me semble que, si on veut prévoir une autonomie, non pas une dépendance, mais une certaine indépendance, il faut consacrer un peu plus de formel à

ces délais. Il y aurait peut-être lieu d'envisager de fixer le nombre de vice-présidents dans la loi. D'ailleurs, vous-même y avez pensé, puisqu'il y a toujours un écart important entre vos deux mémoires au Conseil des ministres; on aura l'occasion d'y revenir. Un mémoire à été présenté au Conseil des ministres, avec des décisions du Conseil du trésor qui vous posait des conditions. À un moment donné, quelques mois après, à la suite d'une vérification plus large, le Conseil du trésor a laissé tomber certaines de ses exigences. Je ne prétends pas que, dans une loi... Supposons que vous avez raison - comme certains de vos collègues l'ont dit, en y allant allègrement sans trop savoir de quoi ils parlaient et on aura, d'ailleurs, l'occasion de le démontrer -et que c'est si majeur que cela, il me semble qu'il y a certains pouvoirs qui doivent appartenir à l'Assemblée nationale et non pas uniquement à l'exécutif. Pour ce qui est des vice-présidents, il me semble qu'il y a une différence fondamentale en disant: Le gouvernement peut nommer le nombre de vice-présidents qu'il veut, les mandats qu'il veut et consacrer dans la loi des principes définitifs, déterminés. Le projet de loi ne prévoit pas de prescription pour les termes des mandats du président et des vice-présidents. Il me semble qu'il faudrait en prévoir un. On va revenir là-dessus.

II y a également certaines juridictions qui sont complètement exclues. On n'a pas besoin de faire de longs dessins pour comprendre que le Conseil du patronat, entre autres... Je dis bien: entre autres. Il y a d'autres intervenants qui trouvent un peu curieux que le projet de loi exclue, à la juridiction de la Commission des relations du travail, certaines pratiques déloyales. Le ministre peut avoir des motifs, mais il va falloir qu'il nous le dise. Il va falloir qu'il nous dise ouvertement pourquoi, volontairement ou non, il a décidé d'exclure carrément, de la juridiction de la nouvelle Commission des relations du travail proposée, certaines dimensions importantes, entre autres, toutes les dispositions anti-briseurs de grève, qui sont exclues de par l'article 31, le refus d'employés en raison de l'exercice, etc. Je ne veux pas être long. Je ne fais qu'énoncer les sujets sur lesquels j'aimerais bien avoir de l'éclairage. On en a besoin.

Il y a également la référence des dossiers. L'article 125 introduit l'article 38 et prévoit que le président peut référer un dossier à un commissaire seul. Là-dessus, il va falloir avoir vraiment de l'éclairage parce que, quand un commissaire seul peut prendre des décisions concernant certains éléments des relations du travail qui portent moins à conséquence que des choses qui pourraient aller jusqu'à des mesures à caractère pénal, congédiement ou autres, il me semble que ce n'est pas de même nature. D'une façon, excusez l'expression, tous azimuts, on a dit: II y aura possibilité que les décisions soient finales et sans appel et éventuellement prises par un commissaire seul.

C'est gros! J'aimerais qu'on questionne cela davantage. Rappelez-vous, M. le ministre du Travail, que j'ai éqalement indiqué que je trouvais curieux qu'il y a des bouts qui marchaient bien... En passant, sur l'analyse - c'est juste un petit aparté très court - j'étais heureux de constater dans un mémoire qu'on n'aura malheureusement pas ici en commission, mais qui est un mémoire en annexe à celui du Conseil du patronat qui s'appelle l'Association des détaillants en alimentation, qui est un mémoire très fouillé et articulé - on peut être pour ou contre, ce n'est pas de cela que je discute - entre autres, il y avait quelque chose que je ne détestais pas du tout, pour des gens qui sont souvent portés à passer à la varlope tout ce qui aurait pu être fait dans le passé en disant: Le jugement qui portait là-dessus, sur ce qu'on appelle le régime des relations du travail qui existe... Ces gens disaient: Cette efficacité de notre système actuel a été réalisée au terme d'une longue évolution entachée de certains affrontements et n'a pu être atteinte que grâce aux sacrifices et efforts consentis par les employés, syndicat et employeur. Si je dis cela, c'est seulement parce qu'ils portaient un jugement selon lequel, lorsqu'on analyse notre régime de relations du travail à fond, il n'est pas si déficient que cela à plusieurs égards. Il va falloir y revenir. Ce n'est pas parce qu'on a eu de la difficulté à conclure, avec les secteurs public et parapublic, des conventions collectives dans un climat... Non, non, mais écoutez. Il y a une différence à instaurer un nouveau mécanisme de relations du travail comme État québécois pour le privé et le public - on se comprend bien - et les difficultés qui ont été particulièrement vécues dans le secteur public des 20 dernières années. Je pense qu'il n'y en a pas beaucoup qui ne sont pas d'accord que, dans les 20 dernières années, on a eu des problèmes sérieux, majeurs. Cela a toujours mal fini, si vous me permettez l'expression, excepté peut-être la dernière ronde qui a coûté beaucoup plus cher que les autres, mais au moins le résultat est positif. Cela a coûté 28 000 000 $. Cela a été très long, mais au moins le résultat est positif. Dans ce sens, on est heureux de la conclusion, indépendamment des coûts.

Mais ce que je voulais illustrer, c'est un autre aspect sur lequel j'aimerais que les intervenants nous donnent des éléments importants, soit toute la question de l'accréditation par les agents de relations du travail. Le régime actuel prévoit que les agents d'accréditation peuvent s'acquitter de cette responsabilité lorsqu'il n'y a pas de contestation de la représentativité de l'unité

d'accréditation, Le ministre avait dit: Vous avez raison en disant que, dans certains cas, cela marche bien. Dorénavant, ils ne pourront plus en rester à leur niveau. Ils vont être obligés automatiquement de porter le tout à un autre palier supérieur.

Le projet de loi 30 abolit le Tribunal du travail. Je pense que, dans I'"entièreté" des principes de la loi 30, on peut être d'accord là-dessus. Autrement dit, c'est logique que le Tribunal du travail soit aboli pour l'ensemble des principes qui sont sous-jacents au projet de loi 30. C'est une conclusion logique. Mais cela a pour conséquence de proposer le transfert de tout l'aspect pénal à la Cour provinciale. Là, il va falloir avoir des garanties un peu plus sérieuses qu'on en a parce que les juges des sessions ne sont pas familiers avec le droit du travail. Une journée, ils peuvent traiter d'une cause de congédiement et le lendemain ils pourront traiter d'une cause de vol, de viol ou de voie de fait et il me semble que ce n'est pas tout à fait de même nature.

Je pense que le ministre du Travail va en convenir. Dans ce sens, au moins le Tribunal du travail avait formé une équipe de spécialistes aguerris aux lois du travail et aux relations du travail et c'est dangereux que ce transfert se fasse compte tenu que cela peut amener des problèmes de non-uniformité en termes de jurisprudence et dans le genre de décisions rendues. J'aimerais que les intervenants nous indiquent leur point de vue là-dessus.

Je dis un mot sur l'appel. Je pense qu'il y aurait lieu de maintenir un véritable droit d'appel au Tribunal du travail pour les décisions de la Commission des relations du travail, au moins celles qui concernent les droits des individus, avec ou sans permission d'appeller bien sûr. Ce n'est pas de même nature, je le répète, d'avoir ce qu'on appelle un droit d'appel pour un congédiement et d'avoir un droit d'appel pour des pouvoirs de correction pour une faute mineure dans un processus d'accréditation syndicale ou autre chose. En conséquence, j'espère que nous aurons l'occasion d'avoir des réponses plus claires là-dessus.

Il y a toute la question du vote secret sur la représentativité; à moins qu'on ne sache pas lire, je vous dis que la situation est pour le moins ambiguë dans le projet de loi. On ne sait pas si le 35 % est tombé et on ne sait pas exactement si on revient au 50 % automatiquement. J'aimerais que vous balisiez davantage toutes ces dispositions pour qu'on soit très certain de bien comprendre la portée de vos dispositions législatives concernant la représentativité et le vote secret.

C'est sur ces éléments que je m'arrête, mais c'est sur ces éléments que j'aimerais avoir des éclairages. On va, comme vous l'avez mentionné, M. le ministre du Travail, profiter au maximum de la présence de groupes spécialisés, de groupes qui ont une expertise dans le domaine des relations du travail, qui ont vécu quotidiennement des problèmes, des difficultés de relations du travail et en conséquence, j'espère qu'ils seront le plus éclairants possible.

Notre objectif... À tout le moins, M. le ministre, si on a donné notre accord sur le principe du projet de loi, il est loin d'être certain qu'on va poursuivre dans la même voie. Cela dépend de l'ouverture d'esprit que vous allez manifester pour apporter des améliorations, donner des clarifications et s'assurer, à certains égards, que cette loi n'a pas autant de marge arbitraire que certains le prétendent. S'ils sont dans les patates, ce sera à vous de nous confirmer qu'ils sont dans l'erreur en vous appuyant sur des considérations qui permettront à ceux qui auraient une autre opinion de faire l'analyse requise et en conséquence d'être mieux éclairés pour les suites à être données à ce projet de loi.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. À ce moment-ci, je vais maintenant... Oui, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avant, j'aurais besoin d'une minute ou une minute et demie simplement pour reprendre très brièvement quelques-uns des arguments du député d'Abitibi-Ouest, avec le consentement.

M. Gendron: Je n'ai pas d'objection si... Nos premiers invités ne sont pas arrivés?

Le Président (M. Charbonneau): Ils sont arrivés, mais on a encore quelques minutes de répit étant donné qu'on est un peu en avance de cinq minutes.

M. Pierre Paradis (réplique)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je reprendrai strictement pour remercier le député d'Abitibi-Ouest de ses remarques d'introduction. Il a repris essentiellement -parce que j'ai bien dit qu'il y avait accord unanime des membres de l'Assemblée nationale sur le principe - les questions que l'Opposition avait posées, qu'il avait lui-même posées au moment de son discours de deuxième lecture et quelques questions additionnelles qui avaient été posées hier au moment du discours de deuxième lecture par le député de Joliette.

J'ai indiqué qu'il s'agissait, à notre avis, de questions pertinentes et que les clarifications souhaitées se doivent d'être apportées au cours de nos travaux. J'ose espérer que les clarifications que nous apporterons feront en sorte que l'unanimité que nous avons retrouvée chez les parlementaires au cours de l'adoption du débat du

principe se retrouve également en ce qui concerne les mécanismes.

Toutefois, quant au député d'Abitibi-Ouest, à la suite de certaines de ses remarques, je peux peut-être lui citer les paroles de l'ancien ministre du Travail, sous un gouvernement précédent, celui qui m'a précédé - maintenant, on peut l'appeler par son nom devant la commission parlementaire - M. Raynald Fréchette, qui, le 21 janvier 1986, nous disait ce qui suit: La recommandation la plus importante - et là il parlait du rapport de la commission Beaudry - m'apparaît celle qui propose la création d'un conseil des relations du travail pour remplacer tous les mécanismes visant l'application du code. La constitution de ce conseil entraînerait deux conséquences majeures, à savoir déjudiciariser le système et raccourcir les délais. Je vous dirai que c'est dans cette perspective que nous nous présentons devant cette commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. le ministre, j'invite à ce moment-ci les représentants de la Confédération des syndicats nationaux à prendre place. Je rappelle à nos invités ainsi qu'aux membres de la commission que le temps est divisé de la façon suivante: une heure et trente par mémoire; une première demi-heure au maximum consacrée à la présentation et, par la suite, trente minutes de chaque côté pour la discussion et les échanges avec les invités. S'il advenait que la présentation des points de vue prenait moins de temps, le temps qui resterait, pour compenser les 30 minutes, serait divisé et réparti en temps égal de chaque côté de la table.

S'il n'y a pas de problème, je vais maintenant inviter le président de la CSN, M. Larose, à commencer son exposé. D'abord, je lui souhaite la bienvenue et je lui demande de nous présenter la ou les personnes qui l'accompagnent. J'en vois une, mais il y en a peut-être d'autres.

Confédération des syndicats nationaux

M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. On se présente ici à deux, mais vous allez avoir le peuple qui va suivre dans quelques instants; ils sont en route et ils ont malheureusement des documents avec eux. Je suis sûr qu'ils seront là dans quelques minutes, alors je vous présenterai... Bien justement, en parlant...

Le Président (M. Charbonneau): Autrement dit, le peuple est arrivé.

M. Larose: Voilà! Le peuple suit.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Larose: Je me disais que si j'avais réussi à me rendre à Québec, cela me surprendrait qu'ils n'en fassent pas autant.

Je vous présente, à ma gauche, M. Pierre Lamarche qui est adjoint à l'exécutif, conseiller au président. Mme Céline Lamontagne est vice-présidente à la Confédération des syndicats nationaux et responsable du dossier. Il y a aussi une couple d'avocats du contentieux dont le coordonnateur, M. Maurice Sauvé, qui manipule les documents et M. Conrad Lagueux; il va s'ajouter un autre vice-président, M. Roger Valois, pour le débat.

Nous souhaiterions travailler avec deux documents, l'un qui est le mémoire et qui se trouve à être la synthèse d'un autre document que nous vous remettons et dont nous espérons que vos adjoints et vous-même allez vous délecter, parce qu'il y a là des propositions très précises pour faire de la proposition qu'est la loi 30 une proposition acceptable pour le mouvement syndical, et particulièrement pour la CSN.

Le Président (M. Charbonneau): Si je comprends bien, M. Larose, le mémoire est chaud.

M. Larose: Tout à fait. Disons qu'on n'est pas seul dans l'actualité québécoise à "caller les shots", comme on dit. Alors, on s'ajuste.

Le Président (M. Charbonneau): Moi, je n'ai fait allusion à aucune "shot" encore.

M. Larose: Non, mais nous, on va y faire allusion par exemple. Le plus simple et le plus court, c'est habituellement de lire le document. Quand on le résume, on est trois fois plus long.

Le Président (M. Charbonneau): Vous avez de l'expérience, la seule chose que je vous dis, M. Larose, c'est que vous avez trente minutes pour tout faire.

M. Larose: Oui. Alors, c'est calculé en fonction de cela.

Le Président (M. Charbonneau): Allez-y. (15 heures)

M. Larose: Même si la CSN accueille favorablement la constitution d'une Commission des relations du travail, dont l'objectif déclaré consiste à déjudiciariser les relations du travail, nous émettons néanmoins un regret et nous manifestons une certaine inquiétude. Ce projet de loi qui transforme radicalement les structures et qui apporte plusieurs changements à la forme, sinon au fond, de l'exercice du droit d'association n'est malheureusement pas le fruit d'un

consensus entre syndicats et patronat.

Pire, le projet de loi n'a même pas été formellement soumis en temps utile à la discussion du seul forum permanent où sont réunis ministère du Travail, patronat et syndicats, soit le CCTMO. Pire encore, au moment même où ce projet de loi est soumis à l'Assemblée nationale, un deuxième projet de loi est simultanément déposé. Or, ce deuxième projet de loi vide de sa substance, de sa raison d'être et de sa représentativité le CCTMO.

Dans notre histoire québécoise des relations patronales-ouvrières, le CCTMO et son ancêtre, le Conseil supérieur du travail, ont joué un rôle prépondérant et il pourrait encore jouer un rôle déterminant dans la mesure exacte où toutes les parties constituantes - cela comprend donc le ministère du Travail - acceptent d'y participer et d'y investir les efforts nécessaires.

Dans l'histoire commune que nous partageons avec les États-Unis d'Amérique et le Canada, le CCTMO a été le lieu privilégié des grands compromis historiques qui ont façonné notre droit d'association, de négociation et de grève propre à l'Amérique du Nord.

C'est sous l'impulsion du "New Deal" de Roosevelt, du Wagner Act et des lois successives américaines, canadiennes et québécoises qu'a finalement pris forme une tradition nord-américaine qui reconnaît à l'employeur le droit d'intervenir sur la définition de l'unité de négociation, mais qui, en échange, crée à cet employeur l'obligation légale de reconnaître un syndicat accrédité et de négocier une convention collective.

Le Président (M. Charbonneau): Je m'excuse de vous interrompre. Est-ce que les membres ont eu des documents provenant de votre organisme?

M. Larose: Oui.

Le Président (M. Charbonneau): On veut essayer de se situer un peu. Vous nous avez dit que vous liriez, alors ils voudraient bien vous suivre et, là, il sont un peu perdus.

M. Larose: J'ai oublié de vous préciser qu'il y avait une introduction au mémoire. C'est celle que je vous lis.

Le Président (M. Charbonneau): Ah bon!

M. Larose: Je pensais qu'elle était disponible pour tout le monde. Non? On vous la fera parvenir. J'achève ma petite lecture, d'accord?

Le Président (M. Charbonneau): Non, ça va. C'est seulement pour qu'on puisse se comprendre.

M. Larose: D'accord.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va, merci.

M. Larose: On dit aujourd'hui que réaliser une autre réforme aussi profonde que les changements de structures qu'elle commande, sans que ne soit préservée la collaboration et sans que ne soit assuré le consentement du patronat, risque fort, au lieu de permettre une réelle déjudiciarisation, d'accentuer et de multiplier la résistance à l'exercice du droit d'association.

La CSN insiste très fortement sur deux aspects capitaux de la réforme proposée: l'indépendance absolue dont doit être investie la commission et la réunion de la totalité des pouvoirs et recours auprès de la commission. Il y a deux "must". Il faut assurer l'indépendance de cette commission et il faut qu'elle réunisse en son sein tous les pouvoirs.

Nous proposons plusieurs modifications au projet de loi pour assurer l'indépendance de la commission. Nous affirmons que, sans cette garantie absolue d'indépendance, il vaudrait mieux retirer le projet de loi. Nous nous souvenons de la commission précédente sous Duplessis où l'exécutif intervenait régulièrement dans le processus de l'exercice du droit d'association, de négociation et de grève.

La CSN insiste aussi sur la nécessité de réunir tous les recours auprès de la commission. Faire autrement, c'est encore maintenir une judiciarisation du système. Or, cette judiciarisation est plus importante que les chiffres apparents fournis par le ministère.

Le ministère "compute" la totalité des décisions en rapport avec les décisions contestées et arrive à un pourcentage voisin de 1 %. Or, cette méthode statistique comprend plusieurs défauts. Les décisions des commisaires du travail sont d'abord constestées par voie d'appels devant le Tribunal du travail. C'est sur le nombre des décisions de ce tribunal qu'il conviendrait de produire les statistiques.

Ensuite, ce ne sont pas toutes les décisions qui ont la même signification. Ainsi, une décision relative à une accréditation n'a pas la même valeur qu'une décision pour déterminer si la secrétaire de l'assistant du sous-directeur du personnel est comprise ou non dans l'unité de négociation.

Le ministère impute aux organisations syndicales les contestations entreprises par des salariés. Or, c'est un fait connu que les employeurs, empêchés par le code d'intervenir dans certaines questions, utilisent des bureaux d'avocats crapuleux pour s'ingérer sous prétexte de droits individuels de salariés dans l'exercice des droits collectifs.

Mais plus encore, cette méthode ignore l'effet de répercussion qu'une seule intervention en cour de justice régulière peut avoir sur un grand nombre de décisions. Ainsi, la cause de la CSRO, aujourd'hui devant la Cour suprême et entreprise en 1979, est responsable du délai de dizaines d'autres causes pendantes relatives à l'application de l'article 45 du code. Parmi ces causes pendantes, celle du triste Manoir Richelieu que vous avez créée comme situation et pour laquelle vous n'avez encore rien fait. Mais un prix va devoir être payé pour cela.

La majorité des interventions des cours de justice régulières est faite à l'occasion des limites au piquetage que rechercheront les employeurs. Or, la commission, selon le projet, n'a pas le pouvoir d'intervenir sur cet aspect important des relations patronales-ouvrières. Les dispositions antibriseurs de grève peuvent, sans pour autant modifier la substance du droit, être confiées à la commission. Ainsi, sans amender le contenu de ces dispositions, la mise en application, le respect et la sanction de ces dispositions devraient faire partie de la juridiction de la commission. Je vous dirai que je viens de résumer en introduction les principales préoccupations de la Confédération des syndicats nationaux.

Pour aborder directement le projet de loi 30, je vous réfère au document que vous avez entre les mains, soit le document sommaire daté du 9 juin.

Je rappelle que la création d'une Commission des relations du travail était une des principales revendications de la CSN à la commission Beaudry. Nous y proposions de mettre en place un organisme de type administratif plutôt que judiciaire. Nous y disions que les instances actuelles en droit du travail, de par leur nature et leur fonctionnement, interviennent non pas pour trouver une solution aux problèmes réels des relations du travail qui leur sont soumis mais pour décider du droit des parties.

En parlant de la structure, nous disions: "Une Commission des relations du travail ne sera jamais en soi une solution aux problèmes actuels si elle ne possède pas les pouvoirs nécessaires pour tenir compte de la réalité des relations du travail. Créer une nouvelle structure qui n'aurait, encore une fois, que des pouvoirs limités et dont le rôle serait de dire le droit des parties n'améliorerait pas vraiment la situation. Il faut donner à cette Commission des relations du travail des pouvoirs de médiation et de redressement lui permettant de favoriser un véritable accès à la syndicalisation, d'aider efficacement les parties à solutionner leurs conflits et de mettre de l'avant des solutions qui s'inspirent, et dans la lettre et dans l'esprit, de la législation du travail." C'est ce qu'on disait à l'époque.

Bien qu'on soit toujours favorable à la création d'une Commission des relations du travail et à l'abolition de la multiplicité des instances en droit du travail, nous pensons que le projet de loi 30 mérite d'être amendé sur plusieurs points, amendements qui permettraient à la commission de mieux atteindre ses objectifs et au Code du travail de mieux assurer sa principale finalité: l'accès à la syndicalisation et à la négociation collective.

Le mémoire que nous avons déposé ne propose pas des modifications sur l'ensemble des faiblesses du Code du travail mais se limite à l'objet de la réforme. Nous avons donc abordé les principaux points suivants: d'abord, l'importance de bien définir l'objet du code et de cadrer le rôle de la nouvelle commission en rapport avec l'objet de ce code; deuxièmement, doter la commission de fonctions et de pouvoirs à la fois souples et larges de manière qu'elle puisse jouer efficacement son rôle; troisièmement, s'assurer que les dispositions du code visant le règlement des conflits entre les parties n'introduisent pas l'intervention de tiers, comme dans les services publics et le secteur public; quatrièmement, éliminer du projet les propositions qui visent à rendre inefficaces certaines dispositions du Code du travail, telles les mesures antibriseurs de grève; cinquièmement, maintenir au Tribunal du travail certaines compétences, particulièrement en matière pénale.

L'objet du code. Il nous paraît d'abord que le Code du travail devrait prévoir, dès son premier article, l'objet de la loi, à savoir favoriser l'exercice du droit d'association et le règlement ordonné des conflits de travail.

La notion d'intérêt du public apparaissant dans le mandat de la commission devrait être retirée parce qu'elle apporte un élément étranger aux règlements ordonnés des relations du travail qui doivent nécessairement se faire entre les parties.

Enfin, il n'y a pas lieu de faire référence ici à la bonne gestion des ressources humaines qui est une réalité qui relève du champ de la négociation et de l'application de la convention collective et sur lequel l'arbitre de griefs et non la commission a juridiction.

La Commission des relations du travail: son indépendance et celle de ses membres. D'abord, la nomination des membres. Le nouvel article 114 du projet de loi prévoit à son second alinéa que la nomination des membres de la commission est faite après consultation des personnes et des organismes intéressés. Cette disposition n'offre pas à notre point de vue toutes les garanties d'indépendance dont doit jouir la nouvelle commission de manière à bien asseoir sa crédibilité auprès des parties. Nous proposons que la sélection des membres se fasse après

consultation et sur recommandation du CCTMO. Ce dernier doit sélectionner en fonction de critères définis et connus de toutes et de tous les candidats. C'est maintenant comme cela que l'on procède au CCTMO.

Deuxièmement, le mandat des membres. L'article 115 du projet de loi prévoit que le mandat des membres de la commission est d'au plus cinq ans. Cette approche crée, croyons-nous, des problèmes quant au recrutement des candidats valables et laisse une trop grande discrétion au ministre. Pour répondre aux critères de compétence et d'indépendance dont doit jouir la commission, les mandats devraient être renouvelables, â moins qu'il n'y ait recommandation de non-renouvellement par le CCTMO.

Le CCTMO comme tel. Nous proposons que le conseil consultatif qui a déjà un rôle de consultation et de recommandation en matière de relations du travail soit intégré au Code du travail. De plus, cet organisme représentatif des parties syndicales et patronales devrait voir son rôle précisé quant à son pouvoir exclusif de recommandation pour la nomination des commissaires, des vice-présidents et présidents ainsi que des arbitres de griefs.

Quant à la nomination du président, des vice-présidents et présidentes et des commissaires, nous proposons que le président et les vice-présidents soient nommés par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale à partir des recommandations du CCTMO.

Cinquièmement, les commissaires à temps partiel. On pense que les commissaires nommés à temps partiel ne sauraient fournir les garanties d'indépendance et de compétence requises.

Un mot sur le rôle du président. L'ascendant du président sur les commissaires tel que prévu à l'article 120 nous paraît tout à fait exorbitant. L'aspect de la collégialité doit être comme une caractéristique fondamentale de la nouvelle commission. Aussi est-il nécessaire de préciser à l'article 120 que le président coordonne et dirige le travail des commissaires en fonction des politiques et des règlements de la commission.

Les comités de la commission. Nous sommes d'accord avec le processus énoncé à l'article 125, à savoir qu'une affaire relevant de la commission puisse être confiée à un commissaire ou à un comité. Quant au processus décisionnel, la loi doit prévoir qu'une décision d'un comité est prise à la majorité des membres du comité.

L'indépendance de la commission. Et cela, c'est très important. On doit s'assurer que la loi constituant la commission ne subira pas d'ingérence extérieure. L'article 131, tel que proposé, laisse la possibilité au ministre du Travail de s'ingérer dans les affaires relevant de la commission et met en question l'indépendance de celle-ci. Compte tenu que la commission fournît un rapport d'activité une fois par année à l'Assemblée nationale, nous proposons de biffer l'article 131.

Le deuxième chapitre, c'est sur les fonctions et les pouvoirs de la commission. Comme nous le rappelions dans notre mémoire présenté à la commission Beaudry, la création d'un organisme spécialisé en relations du travail a été faite à partir d'un constat que les tribunaux ordinaires n'étaient pas adaptés pour régler les problèmes des conflits collectifs. L'approche du règlement des conflits du travail devait être faite en fonction des rapports collectifs propres au milieu de travail et non en fonction du droit commun et des règles de fonctionnement des tribunaux civils. (15 h 15)

Aussi, comme nous l'affirmions, la nouvelle Commission des relations du travail doit avoir les pouvoirs nécessaires pour décider de l'ensemble des problèmes et des conflits qui surviennent dans la réalité des relations du travail, sinon l'objectif de la réforme est voué à l'échec.

Le pouvoir de faire ou de ne pas faire et de remédier. L'article 134 du projet de loi accorde à la nouvelle commission des pouvoirs de faire ou de ne pas faire ainsi que des pouvoirs de remédier. Cependant, cet article, tel que rédigé, pose différents problèmes. Ce pouvoir est suffisamment souple et général pour permettre à la commission de jouer efficacement son rôle. Aussi, il nous apparaît que les deux premiers alinéas, à savoir les ordonnances relatives à la grève et au lock-out, ce qui est implicite dans le paragraphe introductif, ainsi que l'ordonnance de faire connaître publiquement l'intention de se conformer à une ordonnance, sont inutiles. Il faut d'ailleurs éviter que les tribunaux supérieurs votent dans la rédaction du projet de loi une énumération qui restreigne la portée générale de l'article 134. Depuis trois semaines, je dirais que c'est le phénomène du lac Meech. Je me trompe de commission, je m'excuse.

L'absence de pouvoirs nécessaires à la commission. Nous croyons que les pouvoirs donnés à la commission ne sont pas suffisants pour satisfaire au minimum les objectifs poursuivis par la réforme. Ainsi, il a été maintes fois souligné l'importance d'avoir une seule instance décisionnelle pour résoudre, dans un même processus, plusieurs problèmes de relations du travail. Il est donc primordial de doter la commission des pouvoirs nécessaires afin qu'elle ait prise sur l'ensemble d'un problème et non seulement sur une partie de celui-ci.

L'indemnisation. Afin que la Commission des relations du travail ait une juridiction complète et intégrée sur l'ensemble des rapports collectifs du travail,

nous proposons que la commission ait le pouvoir d'accorder une indemnité à une partie qui aurait subi un préjudice à la suite d'une violation du Code du travail. Que ce soit pour la négociation de mauvaise foi ou pour une grève illégale, la commission constituera toujours le forum le plus approprié pour se prononcer sur l'opportunité d'ordonner à une partie de réparer le préjudice causé. Nous croyons qu'un organisme composé de spécialistes en relations du travail est évidemment beaucoup mieux placé pour évaluer le comportement des parties en matière de rapports collectifs qu'un juge de formation civiliste habitué d'entendre des litiges entre individus et où l'utilisation du rapport de force est habituellement suspecte.

Le piquetage. Le ministre du Travail, dans le mémoire qu'il soumettait au Conseil des ministres, reconnaissait l'importance de confier à une seule instance l'ensemble des juridictions reliées aux rapports collectifs du travail.

Nous avons donc été tout à fait surpris de constater que le projet de loi était muet quant à la nécessité de confier à la commission la juridiction sur le piquetage. Il est primordial de ne pas balkaniser sa compétence en laissant cette juridiction aux autres tribunaux.

La CSN réclame donc que la réglementation du piquetage fasse partie intégrante de la juridiction de la commission, car le piquetage doit s'évaluer en fonction des rapports collectifs entre les parties et non en fonction des seuls principes du droit civil, lesquels ne reconnaissent pas le droit moderne en matière de relations du travail.

En conclusion, l'indemnisation et le piquetage constituent des pouvoirs de nature différente de ceux d'une ordonnance de faire ou de ne pas faire et on devrait spécifiquement le prévoir à l'article 134 du code.

Changement aux conditions de travail, arbitrage de première convention collective et non-rappel au travail. On pense que les changements aux conditions de travail devraient relever du champ de juridiction de la commission. Il lui reviendrait alors de disposer elle-même de la plainte s'il y a allégations ou contexte de pratiques déloyales. Elle pourrait déférer à un arbitre de griefs s'il s'agit uniquement de décider en regard d'interprétations par rapport à des pratiques passées ou à la convention collective expirée. Nous pensons qu'il doit en être de même de la plainte relative au non-rappel illégal après une grève ou un lock-out.

Dans le cadre de la négociation d'une première convention collective, l'opportunité de déférer la détermination des conditions de travail à l'arbitrage devrait relever de la commission.

Le refus d'embauché. L'article 14.1 introduit de façon très claire qu'un refus d'embauche ne peut pas donner lieu à une plainte, même si ce refus était ouvertement motivé par les activités syndicales antérieures du postulant.

La discrimination à l'emploi doit être proscrite par la loi à tous les niveaux, que ce soit à l'embauche ou pendant l'emploi d'une personne. Déjà, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec interdit plusieurs motifs de discrimination, tels le refus d'employer quelqu'un à cause de ses convictions politiques ou religieuses. Conséquemment, contrairement au projet de loi, la commission devrait avoir juridiction sur de telles pratiques déloyales. La CSN est d'avis qu'un tel recours parviendra à combler une grande injustice développée par la jurisprudence des dernières années. Il s'agit, en effet, de la thèse jurisprudentielle qui veut que la fin d'un contrat à durée déterminée soit une juste cause de congédiement, même s'il y a démonstration de l'animus anti-syndical et qu'une autre personne fût embauchée en lieu et place du congédié.

Les autres recours contre les mesures disciplinaires illégales. À l'instar des recours en réintégration pour l'exercice d'un droit prévu au Code du travail, à la Charte de la langue française, à la Loi sur les normes du travail, à la Loi électorale ainsi qu'à la Loi sur les jurés, la CSN croit que les recours du même type et qui existent en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles devraient être déférés à la juridiction de la Commission des relations du travail.

Certains pouvoirs accordés à la commission dans les services publics et secteurs publics. Les articles 135 et 136, tels que proposés, donnent à la commission des pouvoirs d'intervention en fonction de préjudice à un service auquel le public a droit et prévoient la possibilité d'ordonner réparation au profit des utilisateurs.

Cette approche ne nous semble pas conforme à l'esprit de la réforme qui vise à privilégier le règlement des problèmes par les parties elles-mêmes. Aussi, a-t-on reconnu qu'il fallait mettre à la disposition des parties des outils susceptibles de les aider à régler entre elles les conflits qui les opposent. On a, par ailleurs, reconnu que la multiplicité des intervenants et des recours constituaient des obstacles au règlement rapide des conflits du travail et détournaient les parties de la recherche d'un règlement.

Or, on comprend mal que, s'inspirant de cette philosophie, le ministre propose, aux articles 135 et 136, que le conseil soit doté de pouvoirs, non plus pour permettre aux parties de régler rapidement leurs différents, mais en fonction de tiers et ce, par le biais de la notion de service auquel le public a droit et par le biais d'un mode de réparation

aux bénéfices des utilisateurs, notions qui sont étrangères aux relations du travail et aux rapports collectifs de travail. Bien plus, ces articles contribuent directement à fausser l'équilibre entre les parties et la recherche ordonnée de leurs solutions à leurs conflits. Notre expérience de ce type de pouvoirs, dont est doté le Conseil des services essentiels, nous a appris que ces pouvoirs sont utilisés à titre punitif contre le syndicat et qu'il n'y a jamais eu aucun rapport entre la réparation accordée et le préjudice prétendu subit. Conséquemment, les articles 135 et 136 du projet de loi devraient être biffés; l'article 134, avec les modifications proposées, étant suffisant.

Pouvoir d'énoncer des politiques. L'article 137.3 prévoit que la commission peut énoncer des politiques générales d'application et qu'elle n'est pas liée par ces politiques dans ses fonctions juridictionnelles. Parmi les buts recherchés par la réforme, on voulait précisément s'assurer de la cohérence, dans les décisions, et que ces décisions soient finales. C'est sans doute dans cette optique que le gouvernement propose que la commission ait le pouvoir d'élaborer des politiques générales quant à l'application du Code du travail. Cependant, la rédaction actuelle de cet article contient des ambiguïtés fondamentales qui risqueront d'entraver l'esprit de la réforme. En effet, quelle interprétation la commission et, éventuellement, les tribunaux civils donneront-ils au deuxième paragraphe de cet article à l'effet que la commission n'est pas liée par ses politiques dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles? Nous recommandons que la toi précise davantage le pouvoir de la commission d'établir des politiques d'interprétation et d'application du Code du travail. De plus, la loi devrait obliger la commission à siéger en comité lorsqu'elle élabore de telles politiques et ce, afin d'assurer le maximum de réflexion sur les différents problèmes d'interprétation et d'application qui seront soulevés par les parties.

Il nous apparaît de la première importance que la commission établisse de telles politiques et que les membres de la commission les appliquent dans l'exercice de leurs fonctions. C'est là, à notre point de vue, un élément essentiel à la cohérence, d'autant plus qu'un seul membre de la commission pourra disposer d'une affaire qui lui aura été confiée. Quant au rôle d'information, il doit être retiré de cet article, afin d'éviter que les tribunaux supérieurs ne soient tentés d'interpréter le pouvoir d'établir des politiques comme étant simplement un pouvoir d'information. Le pouvoir d'information devra être élaboré davantage dans le cadre d'un article distinct de cette section.

Sur les pouvoirs de révision. Dans l'optique de remettre en place des mécanismes internes visant à développer et à maintenir une cohérence dans les décisions de la commission, nous proposons que les pouvoirs de révision et de révocation d'une décision rendue par la commission soit confiés à un comité de la commission composé conformément à l'article 125. De plus, nous croyons que la discrétion de la commission devrait être totale quant à l'opportunité de réviser, de quelque manière que ce soit, ces décisions. C'est pourquoi, nous recommandons de biffer la mention "pour cause", afin de ne pas permettre aux tribunaux supérieurs la possibilité de s'introduire dans l'élaboration des politiques de révision de la commission.

Sur l'outrage au tribunal. Le nouvel article 137.10 reformule les moyens d'exécution prévus à l'article 19.1 du code. La CSN se déclare satisfaite qu'on maintienne cette procédure; cependant, nous croyons que certains points devront être précisés afin d'assurer l'atteinte des objectifs de la réforme. Ainsi, nous appuyons le fait que le dépôt à la Cour supérieure ne soit pas généralement l'oeuvre de la seule volonté des parties et que la commission ait discrétion quant à l'opportunité d'un tel dépôt dont les conséquences sont assez importantes. Toutefois, nous recommandons de reformuler le texte, afin de préciser davantage la discrétion de la commission. En conséquence, et sauf en ce qui concerne le dépôt des sentences arbitrales et le dépôt des ordonnances en vertu des articles 14 et 15 du code, lesquels devraient être du ressort exclusif des parties, nous suggérons de modifier le texte et d'accorder clairement la discrétion à la commission en utilisant des expressions semblables à celles utilisées au projet de l'article 137.6, qui sont basées sur l'équité, le comportement des parties après l'émission de l'ordonnance, ce à quoi on pourrait ajouter l'utilité pour l'amélioration des relations du travail entre les parties.

Un troisième bloc sur les plaintes pénales et le tribunal. La CSN s'oppose au transfert de la juridiction des plaintes pénales du Tribunal du travail à la Cour des sessions de la paix. Voilà bien un recul important par rapport à la situation existante où les travailleurs et travailleuses, de même que leurs syndicats, pouvaient se faire entendre en première instance par des spécialistes en relations du travail. De plus, des plaintes pénales en droit du travail doivent avoir un objectif de coercition et ne doivent pas constituer un moyen pour permettre à une partie de punir l'autre. Ces moyens doivent plutôt servir à assurer le respect de la loi. Il ne faut pas permettre de les utiliser comme moyens de pression au service des intérêts privés des parties. C'est pourquoi, la CSN réclame que le recours aux plaintes pénales soit sujet à une autorisation

préalable de la commission, dont la discrétion, à cet effet, serait,basée sur des critères analogues à ceux utilisés à l'article 137.6, de même que sur la base de l'utilité pour l'amélioration des relations du travail entre les parties.

Le Tribunal du travail. En plus de la juridiction pénale quant à l'application du code, nous croyons que le tribunal devrait être maintenu pour exercer les juridictions suivantes, l'aspect pénal des lois suivantes: la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur les normes du travail, toute réclamation civile logée en vertu de la Loi sur les normes du travail et celles qu'il occupait déjà quant aux lois diverses qui sont mentionnées dans les dispositions transitoires du projet de loi 30, sauf en ce qui regarde la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, pour laquelle la nouvelle commission doit avoir la juridiction prévue dans ledit projet de loi.

L'antiscab. C'est avec stupéfaction que la CSN constate le choix politique posé par le gouvernement quant à l'application des mesures antiscab. En effet, l'exception prévue au nouvel article 109 est tout à fait inacceptable, illogique et incohérente avec l'ensemble de la réforme entreprise. Comment expliquer ce phénomène autrement que par la volonté du gouvernement de s'assurer que la loi antiscab sera la moins efficace possible? C'est bien la première fois qu'un Parlement déclarerait explicitement, dans une de ses lois, qu'il se refuse à son application efficace. Cet amendement est contraire à l'esprit et à la lettre de cette réforme, puisqu'elle a pour effet de soustraire de la juridiction de la commission un élément fondamental du code. La CSN appréhende d'autant plus les résultats que le seul autre recours sera celui à l'injonction de la Cour supérieure malgré le fait que le ministre du Travail actuel ait décrié, le 8 janvier dernier, le caractère inapproprié des requêtes en injonction et des pénalités. (15 h 30)

Les dispositions antiscab représentent un des aspects du Code du travail qui opposent les droits individuels aux droits collectifs des travailleurs et des travailleuses en grève ou en lock-out, tout en privilégiant ces derniers. Conséquemment, pour les mêmes raisons qu'on ne songerait pas à référer à la Cour supérieure et à la Cour des sessions de la paix l'étude au mérite des requêtes en accréditation ou des requêtes pour transmission des droits et obligations, la CSN s'oppose à cette tentative d'écarter la loi antiscab de la juridiction de la Commission des relations du travail. Conséquemment, de même que toute contravention au Code du travail, le non-respect des dispositions antiscab devrait pouvoir faire l'objet de l'exercice des pouvoirs d'ordonnance et de redressement de la Commission des relations du travail. De plus, l'enquêteur devrait être rattaché à la commission et non au ministre du Travail et ce, dans le but d'assurer une cohérence et une efficacité à son travail qui, pour le moment, demeure souvent inutilisable. Conséquemment, la CSN réclame de biffer le projet d'article 109.5.

Alors, c'est pour vous dire qu'on a visé à vous faire une présentation qui soit la plus précise et la plus proche de l'essentiel. On pense qu'il y a lieu d'une réforme, mais elle doit absolument répondre à des objectifs précis dont on a soulevé l'importance. On pense qu'on mange assez de misère comme cela, pour faire reconnaître les droits fondamentaux des travailleurs, si le législateur prend un peu de temps pour s'occuper de la mécanique, il devrait s'organiser pour que ce soit profitable aux travailleurs et aux travailleuses. Comme je l'ai déjà dit au ministre du Travail, il n'est pas le ministre du capital, il est le ministre du Travail. Cela s'adonne qu'on est des citoyens qui avons des droits et que la législation devrait favoriser l'exercice de ces droits. C'est dans ce sens qu'on a travaillé.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, M. Larose. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Dans un premier temps, je tiens à vous remercier, M. Larose, ainsi que vos collaborateurs pour avoir pris le temps de fouiller à fond non seulement les mémoires, mais également le texte du projet de loi. J'ai indiqué, en deuxième lecture, qu'en ce qui concerne les principes, à cette époque-là, la décision gouvernementale était passablement arrêtée et je peux ajouter, aujourd'hui, qu'en ce qui concerne les principes de la création d'une Commmission des relations du travail, l'Assemblée nationale ayant approuvé les principes unaniment, hier, la lumière verte semble être accordée.

Maintenant, sur le plan des modalités et des modifications, j'ai également indiqué que nous n'étions pas fixé dans le ciment et que ces auditions nous serviraient, avec les gens qui vivent dans le quotidien les problèmes des relations du travail, à bonifier, à améliorer le projet de loi que nous avons devant nous.

Je tiens, premièrement, à vous remercier pour l'accueil favorable que vous faîtes, sur le plan des principes, au projet de loi. Vous indiquez qu'il ne semble pas y avoir un consensus total, syndical et patronal. Comme vous, je constate que, malgré tout, même si le consensus n'est pas complet, il fait son chemin d'année en année, de mois en mois et, au moment où on se parle, de jour en jour et d'heure en heure. Votre

première intervention dans le préambule non distribué, si je peux utiliser l'expression, dont vous nous avez parlé, traitait essentiellement ou principalement du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, conseil consultatif qui, au cours des dernières années, n'a pas vraiment été mis à contribution par les gouvernements, si je peux utiliser l'expression au pluriel. Conseil consultatif sur lequel nous avons, comme gouvernement, déposé un projet de loi, à l'Assemblée nationale, qui fera l'objet de discussions, probablement au cours de la présente session, probablement au cours de la prochaine session, mais qui vise à élargir et la composition, et le mandat du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je sais que les résistances seront nombreuses chez les représentants organisés et des travailleurs, et du patronat qui siègent présentement au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je pense - et je suis ouvert à la discussion - qu'on en est rendu au jour où ceux et celles qui ne sont pas représentés et qui sont affectés sur le plan des décisions qui sont prises quant à leur emploi et quant à leur sécurité du revenu devraient également avoir voix au chapitre.

Je suis un de ceux qui pensent qu'en ce qui concerne ce conseil, une fois élargi, il devrait se prononcer sur des dossiers qui affectent dans leur quotidien un nombre très important de travailleuses québécoises et de travailleurs québécois qu'on retrouve souvent au bas de l'échelle, il devrait donc se prononcer sur le salaire minimum.

Je sais que la position officieuse du conseil consultatif actuel est de dire: Laissez-nous, comme conseil d'administration, diriger le conseil et créer des sous-comités où ces personnes-là pourraient siéger, nous entérinerons ces décisions et nous les communiquerons au gouvernement. Si cette solution est envisageable, peut-être que la solution contraire est également envisageable: plaçons tous les gens, au niveau du conseil d'administration, qui ont un intérêt sur le plan de l'emploi et de la sécurité du revenu. Formons des sous-comités pour les cas qui préoccupent principalement les représentants des travailleuses et travailleurs organisés de même que le patronat organisé et peut-être pourrons-nous fonctionner.

Mais étant donné qu'il ne s'agît pas là de l'objet de notre débat aujourd'hui, je le laisse en plan pour des conversations et des échanges futurs.

Votre mémoire nous ayant été remis -et je ne vous critique absolument pas pour ce qui est du dépôt comme tel - j'ai pris des notes et je vais tenter par quelques questions d'obtenir un peu plus d'éclaircissements sur certains points.

Je vous réfère à la page 7 de votre mémoire lorsque vous traitez des fonctions et pouvoirs de la commission et du pouvoir de faire ou de ne pas faire et de remédier de la commission. Au paragraphe 2, vous nous indiquez: "Ce pouvoir est suffisamment souple et général pour permettre à la commission de jouer efficacement son rôle. Aussi, il nous apparaît que les deux premiers alinéas, à savoir les ordonnances relatives à la grève et au lock-out, ce qui est implicite dans le paragraphe introductif ainsi que l'ordonnance de faire connaître publiquement l'intention de se conformer à une ordonnance, sont inutiles. Il faut d'ailleurs éviter que les tribunaux supérieurs voient dans la rédaction du projet de loi une énumération qui restreigne la portée générale de l'article 134." Et c'est là que vous avez fait votre remarque concernant le lac Meech. Je sais que vous êtes accompagné de conseillers juridiques, aujourd'hui. Est-ce que c'est la prétention de la centrale que vous représentez que les pouvoirs de faire ou de ne pas faire et de rémédier seraient plus larges, si on biffait les alinéas auxquels vous faites référence?

M. Larose: Je vais demander à M. Maurice Sauvé de vous donner cette précision.

M. Sauvé (Maurice): Effectivement, on prétend que dans le paragraphe introductif, les pouvoirs de faire ou de ne pas faire et d'accomplir tout acte pour se conformer au code ou pour remédier sont contenus dans le paragraphe introductif et qu'au fond, il s'agit d'une répétition dans les paragraphes 1 et 2 qui pourrait laisser croire que le paragraphe introductif n'est pas aussi général que la lecture qu'on en fait.

Il y a, par ailleurs, certains pouvoirs qui sont d'un ordre plus particulier et qui ne seraient pas inclus dans le paragraphe introductif de l'article 134. On peut se permettre de le lire: "La Commission peut, en outre des pouvoirs que lui confère le présent code, ordonner à une personne, à un groupe de personnes, à une association ou à un groupe d'associations de cesser de faire, de ne pas faire ou d'accomplir un acte pour se conformer à ce code ou pour remédier aux conséquences d'une contravention."

Évidemment, les termes "contravention" et autres réfèrent à l'ensemble, à tout ce qu'on peut trouver dans l'ensemble du code. Il y a certains pouvoirs spécifiques qu'on mentionne comme n'étant pas couverts dans ce paragraphe introductif mais qu'on demande de mentionner, comme le pouvoir d'indemnisation après audition des parties sur les préjudices subits.

Il y a le pouvoir de réglementer le piquetage ou de décider, au fond, du piquetage, parce qu'il ne s'agit pas juste de le réglementer, il faut en décider dans son ensemble de façon à ne pas se retrouver à

la Cour supérieure qui, actuellement, est le seul lieu où on peut en discuter. Il y a le pouvoir relativement au changement des conditions de travail, arbitrage de première convention et non-rappel au travail où c'est, actuellement, selon des dispositions du code, spécifié que c'est l'arbitre de griefs qui entendra la cause, par exemple en matière de changement aux conditions de travail. C'est l'arbitre de griefs qui a juridiction pour décider s'il s'agit ou non d'un changement. Nous, ce que nous disons, c'est que si les changements s'insèrent dans un contexte ou dans un temps où il apparaît qu'il s'agit, de par l'animus antisyndical, de pratiques déloyales, il serait beaucoup mieux que ce soit la commission qui en décide. Et s'il s'agit uniquement de conditions de travail qui sont reliées à une interprétation de convention, on dit: Là, la commission pourra déférer à l'arbitrage de griefs. On dit la même chose pour les pouvoirs de la commission en regard de l'imposition d'une première convention. On sait qu'actuellement, c'est l'arbitre qui est affecté à décider d'une première convention qui doit d'abord décider après médiation s'il est temps ou s'il y a lieu d'ordonner une première convention, et à ce moment-là, on sait que la grève ou le lock-out doit se terminer. Il en est de même pour un non-rappel au travail à la suite d'une grève ou d'un lock-out. On dit que si c'est de la nature des pratiques déloyales, cela devrait être la commission parce qu'elle se saisit de l'ensemble du problème des relations du travail entre l'employeur et le syndicat. Et on dit aussi que, par exemple, tout le champ des mesures illégales, des mesures disciplinaires illégales devrait être du ressort de la commission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous allez enchaîner avec votre réponse à la deuxième question que j'avais à vous poser et qui relevait de la page 9 de votre mémoire. Cela traitait spécifiquement du piquetage. Vous dites au ministre du Travail que finalement, vous voulez tout ramener cela et que le piquetage est un élément important et vous lui demandez: Pourquoi ne donnez-vous pas la juridiction du piquetage à la commission comme telle?

Il faut être conscient que ce sur quoi nous sommes en train de travailler au moment où nous parlons dans le cadre de cette loi, ce n'est pas le fond comme tel du Code du travail mais surtout les structures du Code du travail. Le piquetage n'étant pas réglementé par le Code du travail au moment où l'on se parle, il faudrait modifier le Code du travail pour inclure le piquetage, pour pouvoir donner la juridiction du piquetage à ce moment-là à la commission. Est-ce que mon énoncé est exact ou si j'erre?

M. Sauvé: Je ne le pense pas. Si vous permettez, il est évident que dans la mesure où la commission doit avoir des problèmes pour régler les conflits des rapports collectifs, il lui faut des pouvoirs pour les régler. Si la moitié des pouvoirs ne sont pas là et qu'ils sont à ta Cour supérieure, qu'est-ce qu'elle va régler? Ce qu'on dit... Pardon?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La moitié des pouvoirs, là...

M. Sauvé: Bien, une bonne partie. Écoutez, en matière de conflit, on connaît les patrons pour se lancer dans des grandes guérillas judiciaires et s'occuper beaucoup de piquetage, d'outrage et les rapports collectifs sont négligés.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des pouvoirs qui vont être entre les mains de la commission, il y a des pouvoirs qui demeurent - parce qu'il n'y a pas abolition du ministère du Travail comme tel - entre les mains du ministère du Travail et il y a des pouvoirs qui demeurent entre les mains du ministre du Travail comme tel. Il n'y a pas de changement quant à l'endroit où les pouvoirs s'exécutent, c'est-à-dire qu'il y a un équilibrage entre les trois. Maintenant, pour pouvoir... Je ne dis pas que vous avez tort de le demander sur le plan du piquetage, c'est peut-être même essentiel au bon fonctionnement de la commission, dans ses rapports collectifs, qu'elle l'ait cette juridiction. Ma question est: À ce moment-là, ne s'agit-il pas d'un amendement que j'appelle de fond au Code du travail?

M. Larose: Peut-être, si la notion de piquetage n'est pas définie dans le code, qu'elle peut l'être à la faveur de cette réforme comme définition de pouvoir pour cette commission. Enfin, techniquement, je ne sais pas comment l'on doit procéder mais je vous rappelle que si vous ne visez pas avec cette réforme le rapatriement de tous les pouvoirs à l'intérieur de cette commission, oubliez votre réforme parce que c'est un piège à cons que vous allez nous faire. Si on est "poigne", effectivement, pour les matières de relations du travail, à référer aux tribunaux supérieurs et qu'en même temps vous nous pondez une réforme avec laquelle le patronat va tester l'ensemble des nouvelles dispositions, je peux vous dire qu'on est parti pour un "party" auquel on ne veut pas aller. (15 h 45)

En ce sens, je dirais l'originalité 'et l'utilité de la réforme, c'est le fait de créer un mécanisme qui va ramasser tous les pouvoirs. Si vous en oubliez un, c'est l'échappatoire pour les évocations; c'est le bordel, c'est la chicane dans la cabane. Là-dessus, il ne faut pas qu'on se trompe. Nous

vous l'avons dit en introduction, il y a deux "must", c'est le rapatriement de tous les pouvoirs, le piquetage, l'antiscab, etc., et l'indépendance de la commission. En dehors de cela, on pense que c'est un piège à cons parce qu'au lieu d'avoir simplifié les choses, les "boss" vont nous essayer aux deux places.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant aux évocations dont vous parlez, n'êtes-vous quand même pas d'accord qu'en réduisant le niveau ou les niveaux de harponnage des évocations - si je peux utiliser l'expression -surtout dans le cas des accréditations, qu'en faisant en sorte qu'il n'y ait qu'un niveau de décision, on risque de réduire d'autant le niveau de harponnage des évocations qui pouvaient se produire sur l'agent de l'accréditation, sur le commissaire du travail, sur le Tribunal du travail et, dans certains cas, la multiplication des procédures?

M. Larose: C'est un mécanisme qui est bon, qui est administratif. On reconnaît son efficacité. Mais il faut aussi savoir que dans des conflits ou dans les relations du travail, même quand cela se pose sur le plan de l'accréditation, quand une des parties -habituellement, c'est la partie patronale - ne veut pas reconnaître le syndicat pour aucune considération et fait flèche de tout bois pour embouteiller le syndicat potentiel dans le juridisme, nous pensons qu'il faut que l'ensemble des pouvoirs soit effectivement intégré à la commission.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant à un des pouvoirs de la commission que vous évoquez aux pages 12 et 13 de votre mémoire et que l'on retrouve à l'article 137.3 de la loi, qui concerne le pouvoir de la commission d'énoncer ses politiques, à la page 13, au quatrième paragraphe ou au troisième paragraphe complet, vous dites: "II nous apparaît de la première importance que la commission établisse de telles politiques et que les membres de la commission les appliquent dans l'exercice de leurs fonctions." Le projet de loi, à l'alinéa 2, stipule clairement que les politiques ne lient pas la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Est-ce que je comprends bien le message de votre centrale en disant que ces politiques devraient, au contraire, lier la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles?

M. Larose: Oui. Est-ce que c'est cela qu'on dit? Je ne suis pas avocat, alors, parfois, il faut que je vérifie l'interprétation. C'est cela.

M. Sauvé: On dit que les politique, qui vont être élaborées par la commission vont devoir guider la commission. La commission a son indépendance, mais il est sûr qu'elle va se donner des lignes. Elle va étudier chaque cas et, lorsqu'il y aura des politiques à établir, elle va les établir, non pas le président, mais la commission comme telle.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous pose la question sur le plan du fonctionnement pratique. Lorsque j'ai approché cet article, j'ai peut-être pensé à l'exemple de l'impôt, au ministère du Revenu qui énonce des politiques, qui fait connaître ses politiques et qui n'est pas lié par les politiques face à un contribuable. Les réponses que j'ai obtenues comme ministre, c'est que, lier une commission ou un commissaire par un énoncé de politiques, c'est l'empêcher de tenir compte de circonstances particulières.

M. Sauvé: Là, on est purement sur des questions de fait, M. le ministre. Si vous avez remarqué, on n'a pas d'amendement pour dire qu'ils sont liés. On dit que la commission doit élaborer des politiques et des règlements, qu'elle doit avoir le pouvoir d'élaborer des politiques et des règlements, des politiques administratives. Si vous lisez le mémoire au complet...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que je saisis. Vous ne voulez pas que le deuxième alinéa soit rédiqé a contrario. Vous cherchez simplement à faire en sorte que la commission ne puisse pas ignorer ces politiques, qu'elle doive en tenir compte.

M. Sauvé: Tout à fait. Un peu plus loin dans le mémoire, on parle du pouvoir de révision. Une des possibilités de révision serait justement lorsqu'un commissaire n'aurait pas suivi les politiques de la commission. Cela n'échappe pas au fait que, sur le pouvoir de révision, il puisse y avoir une révision large. Bien sûr, cela va se faire principalement parce que, ou bien les politiques et les règlements n'ont pas été suivis, ou bien il s'agit d'un cas bien particulier.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Je vais peut-être ouvrir à ce moment une discussion un peu plus douleureuse: la loi antiscab. Cela dépend de quel côté on se place. C'est à la page 16 de votre mémoire. Vous dites au milieu du premier paragraphe: "Comment expliquer ce phénomène autrement que par la volonté du gouvernement de s'assurer que la loi antiscab sera la moins efficace possible." Vous concluez: "De plus, l'enquêteur devrait être rattaché à la commission et non au ministre du Travail et ce dans le but d'assurer une cohérence et une efficacité à son travail qui, pour le moment, demeure souvent inutilisable." Moi, je voudrais savoir si dans votre pratique

quotidienne au cours soit des derniers 18 mois ou peut-être plus long, sur le plan historique, Faction ministérielle sans partisanerie politique a fait qu'on n'ait pas pu donner une application à ces dispositions de la loi?

M. Larose: Même si on pouvait se déclarer satisfait de l'intervention du ministre du Travail actuel, vous n'avez pas un mandat d'éternité, n'est-ce pas? Alors, les dispositions qu'on propose sont des dispositions qui nous mettent à l'abri d'un éventuel ministre qui lui pourrait se comporter de façon préjudiciable.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est pourquoi j'avais élargi ma question incluant les prédécesseurs depuis l'adoption de la loi antiscab. Je comprends les garanties qui sont recherchées mais sans couleur politique ou sans personnalité, depuis qu'elle est en application - je ne veux pas que vous le nommiez, même s'il y avait un problème; on est en train de faire de la législation pour l'avenir non pas pour le passé - est-ce que vous avez déjà éprouvé quelques difficultés?

M. Larose: Quelques-unes. Conrad.

M. Lagueux (Conrad): En fait, indépendemment du ministre et de quelque parti que ce soit, un des problèmes majeurs qu'on rencontre, c'est que l'enquêteur qui vient examiner s'il y a contravention ou pas n'a pas de pouvoir, d'une part. Souvent, ce sont des gens d'ailleurs qui ont peu d'expérience de la situation. Alors, la mécanique qu'on propose... Et les rapports qu'ils produisent sont généralement non utilisables, comme on le souligne dans le mémoire. Alors, il y a une faiblesse importante qui rend, à toutes fins utiles, l'utilisation de l'enquête inutile à bien des égards.

M. Lamarche (Pierre): L'autre aspect important aussi, ce sont les remèdes...

Le Président (M. Théorêt): Voulez-vous, s'il vous plaît, pour l'enregistrement des débats, vous identifier quand vous prenez la parole?

M. Lamarche: Oui, Pierre Lamarche. L'autre aspect important aussi de ces dispositions, ce sont les remèdes qui peuvent être apportés à l'intérieur d'une commission qui a comme mission de tenter de régler par conciliation, par médiation, donc par discussions entre les parties les problèmes qui sont posés et les problèmes réels - le piquetage - que cause la grève en vue de pouvoir résoudre ces conflits de travail et qui, dans la mesure où ils ne sont pas rapatriés à l'intérieur de cette commission, sont décidés d'une façon judiciaire par un autre juge en fonction d'autres considérations, ne peuvent pas servir comme occasion pour tenter de résoudre le conflit non pas dans ces manifestations mais dans son origine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, je vais vous dire que comme ministre du Travail, je suis conscient qu'une des dispositions les plus contestées par le patronat québécois dans l'actuel Code du travail réside dans les dispositions antiscab comme telles. Je suis également conscient que le degré d'efficacité du fonctionnement d'une Commission des relations du travail va relever de l'acceptation des parties syndicales et patronales ou du comportement qu'elles auront face à l'installation de cette nouvelle structure et des pouvoirs qu'elle comprend. Est-ce que vous pensez qu'en ajoutant les dispositions de la loi antiscab dans les juridictions comme telles de la commission, on peut améliorer les chances d'acceptation générale par les communautés syndicale et patronale?

M. Larose: Je voudrais d'abord qu'on "contextue" un petit peu les dispositions antiscab. Quand on veut se comprendre, on dit que ce sont des dispositions qui sont faites pour les délinquants, et des délinquants, il y en a de plus en plus. Je vous rappelle que les conventions collectives se renouvellent - je pense que la moyenne québécoise c'est 94 % des cas - sans aucun problème. Il reste 6 %. On tranche: disons 3 % de grève et 3 % de lock-out. Dans ces 3 % d'un bord ou de l'autre, combien d'entrepreneurs prennent le risque d'utiliser des scabs? C'est très marginal. Quand ils prennent ce risque-là, c'est parce qu'ils ont des idées derrière la tête et qu'ils veulent effectivement se soustraire aux règles normales du rapport de force. Nous, on dit que lorsque le patronat gueule sur la question antiscab, c'est le violon pour accorder l'orchestre, c'est pour faire la démagogie. Très concrètement, il n'y a pas, je dirais, de problème majeur avec l'antiscab; il y a des problèmes pour ceux qui ont décidé effectivement de passer à côté de l'économie générale des relations du travail. L'introduire dans la réforme, la rapatrier, à notre avis, il y a là respecter l'esprit d'origine de la création de ces dispositions. Et je pense que vous disposez, M. le ministre, d'un certain nombre d'études qui vous font la preuve que ces dispositions ont peut-être été un stimulant pour la civilisation des rapports dans les grèves et qu'un peu moins de patrons essaient de passer à côté de l'économie. Et ce n'est pas nécessairement mauvais, ni pour le camp syndical, ni pour le camp patronal.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Avant de passer à la question de principe de l'indépendance comme telle de la commission, j'aurais une dernière question portant sur la page 14 de votre mémoire qui traite de l'outrage au tribunal et de la recommandation que vous faites au bas de la page 14 qui dit: "...nous suggérons de modifier le texte et d'accorder clairement la discrétion à la commission en utilisant des expressions semblables à celles utilisées au projet d'article 137.6 qui sont basées sur l'équité, le comportement des parties après l'émission de l'ordonnance, ce à quoi on pourrait ajouter l'utilité pour l'amélioration des relations de travail entre les parties." Est-ce que vous voudriez, par une telle suggestion, que l'on balise, par une liste définie et exprimée, les cas où il pourrait y avoir homologation par la Cour supérieure?

M. Larose: Maurice ou Conrad.

M. Lagueux: Ce qu'on veut éviter, c'est qu'avec la formulation actuelle, l'interprétation soit donnée au peu qui apparaît dans la loi comme étant une obligation pour la commission de déposer une ordonnance. On veut que la discrétion accordée à la commission soit clairement identifiée dans la loi. C'est ce qu'on recherche. On a indiqué des motifs qui peuvent guider la commission sur l'exercice de cette discrétion. On a donc distingué entre deux types d'ordonnances: les ordonnances de retour au travail en vertu des articles 14 et 15 où c'est à la demande des parties, et le projet de toi ne faisait pas de telles distinctions, et les ordonnances dans le cadre de retour au travail ou toute autre ordonnance que la commission pourrait rendre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que le vocabulaire de rédaction choisi au moment où nous nous parlons qui n'indique pas que la commission "doit" mais que la commission "peut", ne laisse pas, à votre avis, cette latitude?

M. Lagueux: À notre avis, cela ne laisse pas cette latitude, d'autant plus que, dans une affaire qui concernait le secteur public, le RETAQ en particulier, on a une décision de Mme Alice Desjardins, juge à la Cour supérieure, qui soulève cette question d'interprétation. D'où notre recommandation d'être plus clairs quant à la discrétion accordée à la commission.

M. Sauvé: ...contenu dans le mémoire principal, aux pages 29 et 30; on cite le juge Desjardins et on explique cette donnée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En ce qui concerne l'indépendance des membres de la commission, vous parlez entre autres - et j'y vais de mémoire sans vous citer au texte - de la nomination pour au plus cinq ans qui, selon votre interprétation, peut affecter l'indépendance du commissaire ou de la commission qui a à rendre des décisions souvent dans des dossiers délicats à tout point de vue.

Tout ce que je peux vous indiquer à ce sujet, c'est que nous avons, au ministère du Travail, eu recours aux bons services - ou aux mauvais services, cela dépend de la façon dont on considère cela - du ministère de la Justice qui nous a indiqué que c'est de la façon dont cela se passe dans l'ensemble des commissions, qu'ils sont présentement au travail, qu'ils ont confié un mandat à Yves Ouellette de l'Université de Montréal dans le but de réviser l'ensemble des mandats confiés à des personnes qui ont à rendre des décisions de nature administrative, quasi judiciaire ou judiciaire, de façon à leur donner le maximum d'indépendance et que ce délai de cinq ans est actuellement sous révision. (16 heures)

L'engagement que nous avons pris au ministère du Travail, c'est que la décision du ministère de la Justice, qui ira sans doute dans le sens d'une prolongation des mandats d'accorder plus d'indépendance, sera suivie par le ministère du Travail et les ajustements législatifs seront faits à ce moment-là. Mais pour l'instant, il nous apparaissait qu'on ne suivrait pas la ligne gouvernementale, si je peux utiliser l'expression, si on allait à l'avant de cette réforme au niveau du ministère du Travail sans tenir compte du rapport de M. Ouellette. Ce sont les commentaires que je voulais exprimer sur la durée du mandat. Maintenant, je ne vous demande pas d'en être satisfait, je les place dans le contexte.

M. Larose: Est-ce que vous n'aurez pas des problèmes de recrutement si vous voulez des personnes pour au plus cinq ans? En relations du travail, je sais qu'il y a des gens qui sont assez cotés entre les deux oreilles, qui peuvent nous arriver directement des écoles, mais disons que c'est d'abord une expérience et une expertise, surtout dans le manaqement de relations qui peuvent être conflictuelles. On pense que cela prend habituellement une certaine pratique. Alors, si vous avez des gens qui, je ne sais pas, moi, à 40 ou à 45 ans, qui vont venir prendre un emploi d'au plus cinq ans, cela se peut bien qu'ils gardent plus longtemps leur ancienne job.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous mettez le doigt sur un véritable problème. Nous pensons avoir certains problèmes de recrutement qui sont basés, oui, sur le critère de la longueur du mandat, mais

également, oui, sur le niveau de rémunération que nous pouvons offrir avec les politiques gouvernementales qui sont connues. Ce n'est pas facile de recruter des éléments. C'est un peu comme la durée de mandat des députés, si je voulais extrapoler, qui est de quatre ans, cinq ans au maximum, et le taux de rémunération... Les partis politiques ont également des problèmes de recrutement, ce qui n'empêche pas certains individus, d'un côté comme de l'autre, de se présenter. Mais on tentera de corriger cela sur le plan de l'indépendance parce qu'il m'apparaît également très important, comme ministre du Travail, que les décisions rendues le soient sans intervention politique de quelque nature qu'elle soit.

M. Larose: Je vous rappelle que notre proposition est que la nomination de ces commissaires soit faite à partir d'une proposition regroupée ou d'une banque possible faite par le CCTMO avec des critères entendus entre les parties, connus de tout le monde, et qu'on puisse les nommer au moins pour cinq ans et que le renouvellement ne soit pas automatique, effectivement, qu'il puisse y avoir des refus, mais que tout cela se fasse de façon encadrée, c'est-à-dire sur la base de critères pour, précisément, ne pas être à la remorque de décisions, de choix politiques.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président me fait signe que mon temps est épuisé. Mais je prends 30 secondes pour vous indiquer que nous avons des choix importants à faire à ce niveau et que j'ai déjà eu l'occasion d'avoir, avec d'autres chefs syndicaux et d'autres représentants patronaux - je les ai avec vous au moment où nous nous parlons - ce type de discussion, à savoir s'il était préférable que les commissaires soient nommés je ne dirais pas de façon paritaire, quatre patronaux, quatre syndicaux, etc., mais à la suite de consultations ou de recommandations des parties concernées, parce que cela impose aux commissaires, à ce moment-là, l'obligation de s'assurer l'appui des deux parties avant de partir et cela pose, quant à son indépendance, une autre question. C'est pourquoi nous avons rédigé le texte de loi tel qu'il est quant au président et de façon différente quant au vice-président, afin de ne pas le faire dans le vide absolu, mais en maintenant ce critère d'indépendance de la façon la plus objective possible. Notre formule est peut-être améliorable, mais nous visons le même objectif,

M. Larose: II faut absolument que ce soit clair entre nous que ceux qui vont être nommés doivent être des gens qui ne sont pas campés d'avance. Puis-je vous dire qu'il va y avoir des tours de passe-passe pour en éviter la moitié? Si vous me parlez d'en nommer quatre d'un bord et quatre de l'autre, je peux vous dire que cela va être la guérilla de l'agenda ou de je ne sais pas quoi pour éviter les quatre qui ne sont pas de notre bord. Là-dessus, il faut absolument avoir une commission dont les commissaires sont, je dirais, reconnus pour leur expertise et leur expérience et qui ont, je dirais, la confiance des parties. Sinon...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La commission n'a pas la confiance.

M. Larose: ...on va être dans le trouble.

Le Président (M. Charbonneau): Cette réponse complète totalement la période de temps réservée au ministre et à ses collègues. Je vais céder maintenant la parole au député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront pour remercier M. Larose et ses collaborateurs et collaboratrices d'avoir produit - et je pense qu'on aura l'occasion de le dire à d'autres groupes également - dans des délais très courts un mémoire d'excellente qualité qui, selon moi, reprend plusieurs aspects que j'avais soulignés lors de mon discours en deuxième lecture et que j'ai évoqués, au début de la commission, en disant qu'il y avait des questions à poser à propos de certains éléments qui étaient absents, en particulier que la CSN insiste en disant que, pour eux, il y a, ce que vous appelez deux "must" - on y reviendra tantôt: l'inclusion de l'antiscab et du piquetage. Je pense que vous avez raison à 100 %. Vous avez insisté beaucoup sur le fait qu'une Commission des relations du travail qui ne serait jamais en soi complètement autonome et qui n'aurait pas l'"entièreté" des pouvoirs en termes de relations du travail risque d'avance de marcher faiblement et de poser des difficultés. Je pense que, là-dessus, vous avez passablement raison, c'est un point qu'on partage. J'étais heureux également que vous souligniez - je vais être court sur ces quelques commentaires - que dans la définition - je n'ai pas l'article - qu'ambitionne sur les pouvoirs de la commission. On est parti en peur. On dit... Je suis heureux que vous soyez revenus sur la question de la bonne gestion des ressources humaines. Vous dites: Ce n'est pas de vos affaires. Je partage ce point de vue là, car là, on innoverait dans le domaine des relations du travail en introduisant de nouvelles notions qui ne sont sûrement pas spécifiques. Ce qui est drôle, c'est que, même si, au début, vous mentionnez que c'est étonnant que le ministre du Travail n'ait pas cru bon de prendre un peu plus de temps et que le

patronat et, éventuellement, le monde syndical puisse regarder ce projet de loi, puisque, sans avoir fait le tour des mémoires, au moins sur ce dernier exemple que je viens de donner, d'exclure la référence à la bonne gestion des ressources humaines, pour le peu que j'ai vu, autant le syndical que le patronal, cela n'a pas de bon sens. Cela fait juste une parenthèse, M. le ministre, qui atteste que, si il y avait un peu moins de précipitation - je ne sais pas ce qui vous pousse à aller si vite là-dedans, peut-être que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...

M. Gendron: Non, là je suis dans mon commentaire. Vous aurez l'occasion de répondre à un moment donné. Il y a une espèce de rythme inquiétant parce que, quand quelque chose est bon...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'offre de répondre.

M. Gendron: ...et qu'on est convaincu que cela mérite d'arriver, on prend le temps de regarder, on prend le temps d'entendre les intervenants. Il va y avoir un problème. Nous allons être obligés de travailler un peu en fou sur l'article par article, alors qu'on aura vu ces gens-là aujourd'hui et demain et, tout de suite après-demain, on procède. II me semble que c'est un petit peu inconvenant pour des gens qui ont pris la peine de nous faire des mémoires de fond. Il faudrait un peu de décalage, une couple de jours à tout le moins.

Dès l'article 1, on a déjà des problèmes. Je voulais vous dire que, sur ce que vous avez soulevé, l'objet du Code du travail, à propos du mandat des membres de la commission, je suis heureux que vous fassiez des suggestions très heureuses, en particulier sur la nomination des président et vice-présidents. Je pense que je l'ai mentionné, c'est un pouvoir qui devrait être dans les mains de l'Assemblée nationale, au deux tiers. Ce sont des modalités, mais c'est important de ne pas laisser cela uniquement dans les mains de l'Exécutif si on veut que cette commission ait éventuellement une autorité morale forte, une autorité morale forte d'avance. J'étais encore particulièrement heureux que vous fassiez une référence au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre que le ministre va abolir, pour dire que cela pourrait être cette instance qui ferait les suggestions. J'aurai une question tantôt à vous poser qui est complètement en dehors de cela, mais j'explique pourquoi que vais vous la poser quand même, et je vous avertis d'avance, je le fais à tous les groupes qui vont venir, pour avoir un point de vue sur une modification dans le projet de loi 41.

Commissaire à temps partiel, cela n'a pas de bon sens. Merci, on a le même point de vue. Rôle du président, également et comité de commission, vous avez touché ces points-là d'une façon tout à fait correcte. Je voudrais revenir également sur des éléments qui nous rejoignent, mais pour lesquels il y aurait lieu d'éclairer davantage notre lanterne. Par exemple - c'est ma première question, M. Larose - pour ce qui est du pénal, tout le volet pénal, vous avez dit que cela devrait rester à sa place, au Tribunal du travail. Là-dessus vous partagez notre point de vue. Cependant, j'avais été un peu plus loin dans mes commentaires. J'ai bien de la misère à comprendre que c'est légitime d'envisager qu'il n'y aurait pas de droit d'appel au Tribunal du travail pour des décisions de la Commission des relations du travail, à tout le moins pour celles qui concernent les droits des individus. Je ne parle pas de droits à caractère plus collectif, mais vous savez que, dans les relations du travail, il y a une série de droits qui ont un aspect plus individuel: congédiement, mesures de réparation dans certains cas, etc. À moins que je ne me trompe, mais on a eu vos mémoires en même temps que vous, c'est possible qu'on n'ait pas tout cela frais à la mémoire, ma question précise est: Est-ce que vous, de la CSN, vous pensez qu'il y aurait lieu de maintenir un droit d'appel au Tribunal du travail, à tout le moins pour les matières qui ont des références plus individuelles qu'un droit collectif? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Larose: Notre position, enfin celle qu'on exprime, c'est qu'on ne veut pas se retrouver devant des juges qui ne connaissent pas cela. En ce qui concerne les relations du travail, quand on est devant un juge qui a seulement fait - je ne sais pas - du droit sur les assurances, est-ce que je peux vous dire qu'il nous dit n'importe quoi? II ne sait pas ce que c'est, des relations du travail. Fondamentalement, on est dans un régime de conflits d'intérêts et non pas dans un régime de conflits de droite. On va vouloir que tout s'arrête à l'intérieur d'une commission qui aura ses propres mécanismes de recours et on a appelé cela le Tribunal du travail. Alors, on veut que tout soit englobé parce que l'expérience - je ne sais pas si elle est séculaire, pas tout à fait - des décennies où on se retrouve pour X raisons devant les autres cours, c'est de la folie furieuse. On peut vous donner des exemples très récents.

M. Gendron: Mais si vous le permettez, M. Larose, je pense que vous avez été très clair pour ce que j'appelle dans votre mémoire le volet pénal dans le sens que vous dites: Amenez cela à la Cour provinciale, cela va créer des problèmes. Vous venez de l'exprimer on ne peut plus clairement: Ils ne connaissent pas cela. Je ne vous blâme pas.

Je pense effectivement que, lorsque des gens ont jugé autre chose toute leur vie, cela peut être difficile de connaître les relations du travail. Je pense que ce bout était très clair dans votre mémoire. C'est plus le fait qu'il n'y ait pas de droit d'appel. Je ne parle de maintenir pour toutes les questions ce qu'on appelle le volet pénal, conserver le Tribunal du travail. Je parle pour des problèmes où ce sont des individus qui sont en cause et qui sont dans un contexte de recevoir des jugements par la tête d'un juge seul ou d'un commissaire seul. Ne croyez-vous pas cela abusif de ne pas autoriser un droit d'appel? À ma connaissance, dans le mémoire, vous n'avez pas indiqué votre point de vue là-dessus.

M. Larose: M. Conrad Lagueux.

M. Lagueux: Notre point de vue, c'est que la commission doit avoir une juridiction sur l'ensemble et une juridiction finale. Les congédiements que vous mentionnez à titre d'exemple, congédiement pour activités syndicales, cela s'inscrit également généralement dans un processus soit d'accréditation ou encore à l'occasion de conflits et ainsi de suite. On veut que la commission puisse aborder l'ensemble de ces problèmes et examiner aussi la question du congédiement dans le cadre de l'ensemble des relations du travail et que sa juridiction soit finale. On ne pense pas qu'il y ait un problème majeur à ce qu'il n'y ait pas de droit d'appel sur des questions de congédiement comme telles. D'ailleurs, l'expérience vécue par le Tribunal du travail en matière de congédiement comme sur d'autres questions nous démontre, même sur les questions de droit, certaines incohérences dans les orientations des juges au Tribunal du travail, que ce soit, par exemple, sur les congés à durée déterminée ou à l'occasion de certains conflits, certains ont interprété la notion de protection par le code d'une manière alors que d'autres l'interprétaient d'une autre manière. On préfère avoir une commission qui a des politiques, qui développe une cohérence dans ses interventions et qui rend des décisions finales. (16 h 15)

M. Gendron: Merci. En ce qui me concerne, cela est très clair.

Il y a un article du projet de loi - je pense que c'est l'article 13 - qui abroge les articles 28 à 30 du Code du travail et ces articles portent sur le vote secret de la représentativité syndicale. L'article 28 prévoit notamment la tenue d'un vote secret lorsque entre 35 % et 50 % des salariés d'une unité d'accréditation sont membres d'une association. Ce sont les dispositions prévues au Code du travail. À partir du moment où l'article 13 abolit ces dispositions, il n'y a plus de référence comme telle aux dispositions qui entourent le vote secret. Le Conseil du patronat a interprété - je ne porte pas de jugement - que l'abroqation de l'article 28 voulait dire qu'un vote secret pourra être ordonné peu importe le nombre de membres de l'association. Nous, on a continué à apprécier les articles subséquents et à moins, encore là, qu'on n'ait pas toute la compréhension voulue, on pense que la situation est très ambiguë. Par contre, mon point de vue et celui de l'Opposition, c'est qu'il faut protéger le plancher du 35 %. Comme ce volet n'a pas été touché dans votre mémoire, et qu'il m'apparaît que c'est une disposition importante du projet de loi, j'aimerais avoir le point de vue de la CSN sur la compréhension et l'interprétation que vous, vous faites de la disparition des articles 28 et 29 qui sont expressément mentionnés par l'article 13 du projet de loi.

M. Sauvé: Autant que je puisse me souvenir, l'article 37 du code donnait la règle du 35 % et cela n'est pas abroqé, à ce que je sache.

M. Gendron: L'article 28?

M. Sauvé: Je parle du code actuel. À l'article 37.1, on parle des votes au scrutin secret, cela demeure. Ce qui est enlevé, c'est la mécanique disant qu'un agent, qui constate qu'on s'entend sur l'unité et qu'on s'entend sur la liste, doit décider, et il peut ordonner, s'il y a ces deux ententes-là, le vote à 35 %. Mais le principe du vote à 35 %, dès qu'il y a 35 % dans l'unité, existe à l'article 37 et, à ce que je sache, cela n'a pas été touché.

M. Gendron: Et à partir du moment où l'on dit, dans l'article 13 du projet de loi créant la Commission des relations du travail, que les articles 28 à 30 de ce code sont abrogés - j'ai également une copie du Code du travail, on ne lira pas cela ici - et, dans l'article 28, il y avait des dispositions selon lesquelles: "si l'agent d'accréditation constate qu'il y a accord entre l'employeur et l'association sur l'unité de négociation et sur les personnes qu'elle vise et qu'il y a entre 35 % et 50 % des salariés dans cette unité qui sont membres de l'association de salariés, il procède au scrutin pour s'assurer du caractère représentatif", etc. Si cette disposition et l'article 28 au complet sont disparus, vous, vous n'interprétez pas - et de toute façon, vous êtes là et c'est pour cela que je vous pose la question - que, par l'article 13, l'abrogation des articles 28 à 30 élimine les dispositions concernant le plancher de 35 % pour l'accréditation.

M. Sauvé: M. le député, l'article 37 n'est pas aboli. Regardez le projet de loi en page 8, on nous fait passer de l'article 36.1,

l'article 18 parle de l'article 36.1. L'article 19 parle de l'article 41. Or, allez au code actuel, l'article 37.1 du code actuel n'est pas aboli, donc, à l'article 37, on l'a ce principe, on l'a comme pouvoir général, où l'on dit: -évidemment il y a une clause qui prévoit que, partout où l'on parle de commissaire, on va dire "commission", à la fin une clause omnibus qui règle ce problème - "Le commissaire du travail doit ordonner un vote au scrutin secret chaque fois que l'association...

M. Gendron: Moi, de toute façon, je veux bien qu'on se comprenne, et merci beaucoup si cela signifie tout simplement... La démonstration que je voulais faire c'était simple, c'est que vous avez une interprétation complètement différente du Conseil du patronat, là-dessus, le Conseil du patronat prétendant que l'abrogation de l'article avait comme conséquence qu'un vote secret pourrait être ordonné peu importe le nombre de membres de l'association et, à ce moment-là, selon ce que votre collègue vient de mentionner, compte tenu que l'article 37 est toujours maintenu au Code du travail actuel, vous n'avez pas du tout la même interprétation et cela me rassure.

M. Larose: Cela va décevoir Ghislain, mais...

M. Gendron: Là, cela...

M. Larose: Disons qu'il n'aura pas été satisfait dans son appétit, c'est tout.

M. Gendron: Cela va là-dessus. J'avais une autre question sur ce qu'on appelle les dispositions des contraventions appréhendées. Vous avez omis de parler de cela, à moins, encore là, que je me trompe, vous avez parlé des articles 130 et 131. J'aimerais que vous me donniez votre point de vue sur l'article 132. Je vais juste le situer dans son contexte. L'article 132 prévoit que la commission peut entendre une plainte concernant une contravention appréhendée. En tout cas, cela m'apparaît donner une ouverture à énormément d'abus et à énormément de stratégies. La question que je voudrais vous poser est la suivante: Est-ce que vous ne croyez pas, puisque la Commission des relations du travail aura le pouvoir de rendre des ordonnances provisoires, que cela pourrait être légitime de conserver cet article sur les contraventions appréhendées pour ce qui est du maintien des services essentiels, mais aussi sur l'ensemble des dispositions autres que les services essentiels? Est-ce que vous ne croyez pas que c'est une disposition qui devrait être retirée, compte tenu des difficultés que cela pourrait causer pour toutes sortes de stratégies et des abus, dans certains cas...

M. Sauvé: Dans le cadre où on veut des pouvoirs larges pour la commission... On a parlé, tantôt, de piquetage. S'il y a quelque chose d'appréhendé, s'il y a une situation tendue, autant une partie que l'autre peut s'adresser à la commission pour lui soumettre le problème. Actuellement, la première chose que font les patrons quand il y a une grève appréhendée, c'est se presser d'avoir un bureau d'avocats ou, en tout cas, d'en réserver un, au cas où il arriverait quelque chose, pour prévenir, pour préserver le droit de propriété, etc. Cette mentalité existe présentement, sauf que les recours sont dans un autre champ. À titre d'exemple, si on veut que le piquetage soit rapatrié, si tout ce qui peut faire l'objet des ordonnances de faire ou de ne pas faire est rapatrié à la commission, il faut que, dans les ordonnances de faire ou de ne pas faire, il puisse y avoir peut-être des choses appréhendées qui amènent les parties à soumettre le problème à la commission. Et, comme on dit que la commission devrait avoir tous les pouvoirs, il nous apparaît logique - en tout cas, on n'a pas fait de commentaires là-dessus - de ne pas s'offusquer. On s'offusque beaucoup plus...

Cela rejoint l'esprit du ministre qui a dit qu'il fallait régler l'ensemble des problèmes. Par rapport au piquetage, il nous disait que ce n'est que jeter de l'huile sur le feu que d'aller devant la Cour supérieure, que cela ne règle rien. Il nous dit cela dans son mémoire, au point 5.4, à la page 10, dans la partie accessible au public. Cette philosophie est dans le texte qui faisait la présentation et qui voulait élargir le champ de la commission pour qu'elle soit d'abord un organisme ayant pour but de permettre aux parties de régler leurs problèmes et, après cela, en deuxième lieu, de décider si les parties ne réussissent pas à régler par la médiation.

M. Larose: Je voudrais dire au ministre que la souplesse qu'on souhaite voir dans les mandats de la commission ou dans sa capacité d'intervention, on veut que ce soit une souplesse accessible aux parties seulement. Un des graves défauts de la réforme, c'est de mettre dans le trafic des relations du travail... On veut d'abord sortir ceux qui ne connaissent pas cela, c'est-à-dire les juges, mais on ne voudrait pas faire entrer d'autres gens qui ont bien d'autres recours à leur disposition pour venir perturber le trafic là-dedans. Si le comité des malades peut invoquer l'article 132 pour que la commission se prononce sur n'importe quoi, on pense que les tiers, eux, n'ont qu'à aller dans l'autre trafic. D'ailleurs, ils ont en masse de cours pour s'amuser. Nous, nous n'en avons qu'une et on voudrait qu'elle soit occupée massive-

ment à régler nos difficultés, quand on en a, ou à nos droits, pour qu'ils soient reconnus. Dans ce sens, on en parlait à l'article 112, iI y a aussi d'autres articles où on parle de... L'article 136?

Une voix: 135 et 136.

M. Larose: On pense qu'il faut absolument réserver ce mécanisme pour les parties qui ont des problèmes de relations du travail. S'il y en a qui ont des problèmes pour se faire indemniser à la suite des conséquences d'un conflit généré par l'une des deux parties, ils s'adresseront aux autres cours, elles sont faites pour cela. Je trouve qu'on est très généreux dans la société québécoise, on leur donne toutes sortes de cours, y compris celle-là. Il me semble que ce n'est pas être discriminant de dire que les relations du travail seront régies par un mécanisme qui ne régira que cela.

M. Gendron: Dans le projet de loi actuel, les agents d'accréditation, après avoir vérifié la représentativité d'unité d'accréditation, lorsqu'il n'y avait pas de désaccord ni de contestation, avaient le pouvoir de ratifier, si vous me permettez de m'exprimer ainsi. C'est un aspect que vous ne touchez pas dans votre mémoire et, personnellement, puisque le ministre avait convenu lui-même qu'il trouvait, dans ces cas-là, la formule était bonne puisque - je dis bien quand il n'y a pas de contestation et que tout est "clean", si vous me permettez l'expression - il avait évoqué abondamment, dans son mémoire de présentation au Conseil des ministres, la nécessité de raccourcir les délais, de déjudiciariser, de rendre cela moins compliqué ainsi de suite. Il me semble que, dans les cas où il n'y a pas de complication, les agents d'accréditation avaient la possibilité de statuer immédiatement sans se référer à un palier autre que le leur. J'aimerais connaître votre point de vue. Croyez-vous que cela ne devrait pas continuer ainsi? C'est quoi autrement dit? Est-ce que vous partagez le point de vue du ministre quant à l'accréditation sans problème, lorsque tout est fonctionnel et correct? Êtes-vous d'accord avec la réforme proposée ou serait-il préférable de conserver le mécanisme qui existait antérieurement?

M. Larose: À partir du moment où la commission a les pouvoirs d'édicter des politiques, je pense que la première qu'elle va édicter va en être une qui va essayer d'atteindre le même objectif dans les cas de non-contestation: que cela procède de la façon que cela procède à l'heure actuelle. On compte que la commission ne s'amusera pas à perturber ce qui est déjà efficace. C'est comme ça qu'on avait lu la réforme.

M. Gendron: Actuellement, les aqents d'accréditation peuvent accréditer, toujours quand il n'y a pas de problème, quand les vérifications sont faites, les agents d'accréditation peuvent reconnaître légalement l'accréditation. Que je sache, M. Larose, dans ce qui est proposé, cela ne sera plus possible, même si vous me dites: Oui, mais la commission aura le pouvoir de prendre des décisions pour refaire ce qui se fait actuellement. J'en doute selon ce que j'ai lu dans le projet de loi, et c'est pour cela que je vous demande votre point de vue.

M. Sauvé: Écoutez, M. le député, dans la mesure où c'est la commission qui a le pouvoir, qu'un commissaire soit affecté, mais que le travail soit fait... De toute façon, les enquêteurs vont continuer à enquêter. Cela va exister. Que le rapport soit fait immédiatement au commissaire après l'enquête ou après que l'agent de relations du travail ait fait son enquête, n'est qu'une question d'organisation interne, mais qui ne prolonge pas les délais, d'autant plus qu'on sait très bien qu'en matière d'accréditation, il devrait y avoir beaucoup moins d'auditions, en tout cas selon les habitudes des commissions de relations du travail. Toutes les pièces seront au dossier. Au lieu qu'elles soient ramassées, on va demander aux parties de donner les pièces, etc.

Cela ne retarde sûrement pas. Ce sera dans la dynamique interne de la commission de s'organiser pour garder ce qui était efficace, mais ce sont des commissaires qui devront signer, c'est clair.

M. Gendron: J'ai une autre question. Vous mentionnez l'article 137.10 dans votre mémoire - pas besoin d'y référer, je suis convaincu que vous vous en rappelez très bien - et vous dites: "Nous appuyons le fait que le dépôt à la Cour supérieure ne soit pas généralement l'oeuvre de la seule volonté des parties et que la commission ait discrétion quant à l'opportunité." Je comprends bien, sauf que j'aurais aimé que vous m'expliquiez un peu plus l'aspect; là, c'est la commission qui va décider; c'est la commission seule qui peut décider de déposer ou pas. Mais est-ce que ce ne serait pas pour des motifs possiblement d'une jurisprudence plus équilibrée qu'on pourrait également autoriser, à la demande de l'une ou l'autre? Autrement dit, pourquoi vous opposez-vous? Je ne sais pas si vous le dites formellement, mais ma question précise est: Est-ce que vous vous opposeriez au fait que, à la demande de l'une ou l'autre des parties, il y ait obligation de dépôt à la Cour supérieure? Si oui, pourquoi?

M. Lagueux: Effectivement, on s'oppose à ce qu'elle ait obligation, en particulier

dans le domaine où elle rend des ordonnances, pour la bonne raison qu'il faut que l'obligation de déposer s'inscrive dans un contexte. Par exemple, est-ce que le conflit est terminé? Est-ce que la partie qui demande le dépôt a un comportement fautif etc.? Alors que, dans un système où c'est un automatisme, une partie demande le dépôt et utilise le dépôt de l'ordonnance comme un élément punitif contre l'autre partie et inscrit cela dans l'exercice d'un rapport de forces qui fausse en réalité l'objectif visé. C'est dans ce sens qu'on demande entre autres que la commission exerce effectivement une discrétion qui tienne compte de la réalité qui s'est développée. (16 h 30)

M. Gendron: Quand vous demandez de reformuler le texte pour baliser davantage la discrétion de la commission, c'est pour pallier quoi? C'est pour éviter quoi?

M. Sauvé: C'est tout simplement que, actuellement, au niveau des pratiques déloyales, les articles 14 et 15, les congédiements, c'est le salarié qui doit faire son dépôt. On dit: Cela relève exclusivement... Cela va demeurer comme c'était, les articles 14 et 15. Au niveau des sentences arbitrales, c'est entendu que c'est la partie qui va déposer... On le dit en page 14: "...sauf pour ce qui concerne le dépôt des sentences arbitrales et le dépôt des ordonnances en vertu des articles 14 et 15 du code lesquels sont du ressort exclusif..." Pour les autres matières, comme le disait M. Lagueux, tout ce qui regarde le champ des ordonnances, ce qui est nouveau pour la commission, on ne veut pas nécessairement qu'elle décide d'envoyer, de mettre de l'huile sur le feu... On ne veut pas qu'elle permette, si on veut, qu'une partie puisse jouer le jeu de demander que soit déposé et qu'elle obtienne le dépôt, même si cela ne se justifie pas. Autrement dit, si son comportement est fautif, pourquoi soumettrait-elle l'autre partie à des amendes possibles allant jusqu'à 50 000 $, etc. et que l'autre partie soit passible d'outrage si c'est elle-même qui est à l'origine du problème?

Alors, on veut que la commission qui s'occupe de toutes les relations puisse juger cela et ne pas permettre à une partie de saisir la Cour supérieure qui devient un genre de matraque pour une partie ou l'autre.

M. Gendron: D'après vous, est-ce que les pouvoirs de réparation devraient être banalisés, notamment pour régir les conflits possibles entre cette réparation et les recours en dommage devant les tribunaux de droit commun? Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Sauvé: C'est tout ce qu'on a dit sur les tiers. On dit que les tiers ont d'autres recours. On demande que cela soit biffé à l'article 112, que les relations du travail ne soient pas eu égard aux droits, que cela soit relatif aux droits et aux obligations des parties. On demande d'enlever complètement, aux articles 135 et 136, les questions de réparation ou d'indemnisation à la demande de tiers. On dit que la commission va s'occuper de l'indemnisation pour les préjudices causés aux parties. La philosophie est que si elle se lance dans une évaluation de dommages ou de préjudices, elle va changer son champ de compétence. Ce n'est pas cela, sa compétence. Si c'est vrai qu'on y va en matière spécialisée, qu'on veut des décideurs en matière spécialisée, si des tiers ou le public pensent avoir des droits, ils ont déjà des recours et ils les exercent, ne nous faisons pas de bile. Ils les exercent actuellement. Et on ne voudrait pas que cela fausse l'approche de la commission que de s'embarquer là-dedans.

M. Gendron: Merci. Il me reste une ou deux minutes. Je voudrais juste vous dire qu'en ce qui concerne les dispositions antiscabs ou antibriseurs de grève, le point de vue de l'Opposition est on ne peut plus clair, je l'ai mentionné; je trouve inconvenant qu'il y ait exclusion des dispositions antibriseurs de grève. Je pense que vous avez été très clairs et je vous invite à continuer à faire la démonstration que les dispositions actuelles ou ce qui nous régit font qu'il n'y a pas véritablement de pouvoirs autres qu'enquêter; ce qui a comme conséquence que les parties doivent alors se tourner vers les tribunaux ordinaires en recours pénal ou en recours d'injonction ou encore les deux et il n'y a sûrement pas là matière à faciliter et à améliorer les relations du travail. En conséquence, quand la CSN ou d'autres, M. le ministre, vont vous indiquer qu'ils souhaiteraient qu'on ne puisse pas envisager de faire une réforme... Je veux bien que cela soit une structure et que votre justification... Et c'est la même chose pour le piquetaqe. À un moment donné, vous avez dit qu'il faudrait modifier tout le Code du travail. Ce n'est pas parce que cette disposition n'a pas été précisée au Code du travail; le piquetage est une réalité des dix, quinze ou vingt dernières années. En conséquence, cette réalité doit sûrement aujourd'hui être regardée comme une disposition très simple. À un moment donné, vous pourriez indiquer que la Commission des relations du travail a le pouvoir de réglementer le piquetage et tout est dit, pas ici, mais tout est dit dans le sens qu'on saurait à quel niveau cette responsabilité incombe. Je pense que c'est surtout cela que vous avez signalé et je voulais vous dire qu'on est complètement d'accord là-dessus.

Ce sont les remarques que je voulais faire. Je vous remercie beaucoup de votre

participation.

Le Président (M. Charbonneau): M.

Larose, madame et messieurs, je vous remercie d'avoir participé à cette consultation particulière.

M. Larose: Merci bien.

Le Président (M. Charbonneau): Et, sans doute, à la prochaine. J'invite maintenant l'Association des manufacturiers canadiens (division Québec). Je présume que c'est la division du Québec et non pas la division de la ville de Québec.

Alors, on va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise à 16 h 44)

Le Président (M. Charbonneau): Nous recevons maintenant l'Association des manufacturiers canadiens. Je crois que la délégation est dirigée par Mme Louise Fecteau qui est vice-présidente et directrice générale. Bienvenue, madame. Je vous demanderais, avant de commencer, de présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vous rappelle que vous avez trente minutes pour présenter votre point de vue et vos commentaires et, par la suite, il y aura une discussion qui s'engagera avec les membres de la commission.

Association des manufacturiers canadiens (division Québec)

Mme Fecteau (Louise): Oui, M. le Président, il y a toujours un morceau qui manque à ma délégation mais il semble qu'il arrive de ce pas. Alors, au fur et à mesure de la lecture de mon mémoire, j'ose espérer qu'il sera là.

Le Président (M. Charbonneau): En attendant, nous allons prendre les morceaux que vous nous servez.

Mme Fecteau: Oui. M. le Président, M. le ministre, M. le député de l'Opposition responsable dans ce dossier, avant de procéder à la lecture du document, j'aimerais vous présenter mes collègues de travail. À ma droite, M. Yves Legris, membre du conseil d'administration de la division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens, il est aussi vice-président des ressources humaines chez Noranda Inc. À ma gauche, ma collègue Anne-Marie Thibodeau, présidente du comité des relations du travail chez nous, et aussi conseiller et secrétaire chez Ayerst Inc. Le futur candidat est M. Hubert Pitre. M. Pitre n'est ni membre de l'association, il ne sièqe pas non plus à notre conseil d'administration, mais il est responsable en gestion des ressources humaines et il est aussi associé principal chez Laporte, Larouche et Associés, un bureau de gestion de ressources humaines et de relations du travail.

Tous mes collègues sont issus du milieu des relations du travail et deux d'entre eux sont issus d'entreprises manufacturières. Ils sont ici, aujourd'hui, non pas pour répondre à toutes les questions du député de l'Opposition qui n'ont pas eu de réponse, parce que nous aussi on a des questions à poser à M. le ministre auxquelles on n'a pas de réponse. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas travaillé, bien au contraire, je pense qu'on a fait l'effort voulu. C'est aussi pour apporter une dimension pratique des choses, en ce sens que ces personnes ont vécu dans le passé soit l'expérience d'une requête en accréditation, soit l'expérience d'une grève ou d'un lock-out mais aussi l'expérience du domaine de la gestion des ressources humaines.

C'est donc sur cet air d'aller que nous présentons ce mémoire ici aujourd'hui, tout en étant bien conscients qu'on ne possède pas toutes les dimensions des ramifications qui se trouvent contenues dans ce projet de loi. Et, comme M. le ministre le disait dans son discours d'ouverture, une commission parlementaire c'est pour échanger en vue d'apporter des éclairages mutuels et ceci s'inscrit très bien dans un sain processus démocratique.

Vous m'excuserez également du fait que je n'ai pas pu déposer le mémoire au préalable. Aucun de vous n'avez reçu de mémoire, je l'ai présenté cet après-midi à 14 heures, ceci pour une bonne et simple raison, c'est que je l'ai terminé ce matin.

Je souhaite que vous soyez tous des auditifs puisque je n'ai pas l'intention de résumer mon mémoire, il est déjà résumé. L'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, est heureuse de l'occasion qui lui est fournie d'exprimer son opinion devant cette commission parlementaire sur le projet de loi 30 créant une Commission des relations du travail au Québec.

C'est au nom des entreprises manufacturières qu'elle représente, qui souhaitent d'abord et avant tout pouvoir fonctionner harmonieusement dans un environnement propice au maintien d'un climat sain, que l'AMC commentera le projet de loi 30. La seule question qui importe est alors de savoir si les dispositions contenues dans le projet de loi sont de nature à aider effectivement au meilleur fonctionnement des entreprises manufacturières pour faire en sorte, notamment, que leurs relations du travail s'en trouvent améliorées.

Compte tenu cependant des courts

délais qui nous ont été accordés pour faire l'étude de cet important projet de loi, l'AMC ne peut se livrer à une étude exhaustive du texte, mais fera porter l'essentiel de ses interventions sur les grandes questions que le projet de loi soulève auprès de ses membres eu égard toujours à la nécessité que ce projet de loi soit de nature à améliorer le fonctionnement des entreprises au Québec.

Mon premier titre: Un appui au principe de vouloir simplifier le système. Dans ce contexte, on comprendra que l'Association des manufacturiers canadiens soit consciente du problème que pose la complexité du système actuel et, de ce fait, appuie la démarche de chercher à simplifier le système.

Des réserves sur le projet de loi. L'Association des manufacturiers canadiens estime toutefois que le projet de loi constituant la Commission des relations du travail va au-delà du prétendu consensus de la commission Beaudry qui a trait à la nécessité d'uniformiser les lois du travail. En effet, le projet de loi tel que formulé présente un nombre important d'éléments tant au niveau des principes généraux qui ont présidé à son élaboration qu'au niveau de son libellé ayant pour effet d'accroître plutôt que de réduire le contrôle étatique sur les entreprises établies au Québec. C'est donc sous ces deux aspects que I'AMC entend aborder le sujet.

Des critiques quant aux éléments absents. On ne peut, avant de s'attaquer au vif du sujet, passer sous silence le fait que si le régime des relations du travail au Québec désavantage nos entreprises par rapport à nos concurrents ailleurs, c'est principalement en raison de deux aspects fondamentaux du Code du travail, soit les clauses appelées "antibriseurs de grève" et, peut-être plus important, les articles 45 et 46 touchant la sous-traitance.

Dans ce contexte, I'AMC comprend difficilement que l'on ne profite de l'occasion présente pour débattre ces aspects importants du Code du travail qui nuisent au bon fonctionnement des entreprises.

Notre système est-il à ce point inefficace? La complexité du système, les délais qu'il met pour rendre justice, le caractère inapproprié de certaines décisions, voilà les éléments qui portent à croire et à conclure que notre système est inefficace dans la solution des problèmes entre employeurs et salariés dans un milieu de travail.

Les arguments précités sont, à peu de choses près, les mêmes que ceux évoqués, il y a 20 ans, pour abolir la Commission des relations du travail de l'époque et mettre en place le système actuel qui devait, disait-on, permettre d'éliminer les délais indus, rattaper les retards, déjudiciariser le système et, bien sûr, simplifier un système où seuls les avocats arrivaient avec un peu de chance à se retrouver.

Pourtant, après avoir instauré la nouvelle structure, après l'avoir conservée pendant près de 20 ans, on se rend compte que les mêmes problèmes continuent de ralentir le système au point d'en menacer l'efficacité. Si bien qu'on se retrouve encore une fois devant une volonté politique de changer les structures.

L'AMC est donc portée à croire qu'il faudrait peut-être chercher ailleurs que dans les structures la source des problèmes qu'on voudrait corriger et, ce faisant, elle comprend difficilement les raisons qui nous poussent à vouloir tout chambarder au point, par exemple, de modifier les mesures actuelles pour faciliter l'accès à la syndicalisation.

L'AMC veut seulement porter à l'attention des responsables politiques charqés de l'établissement des règles du jeu en matière de relations du travail que la vraie question n'en est peut-être pas une de structure, encore moins de moyens de faciliter l'accès à la syndicalisation, mais bien davantage d'ajustements qui tardent à être faits pour mieux répondre aux attentes d'une clientèle à laquelle on offre un service qui ne correspond pas à ses besoins.

Ce faisant, I'AMC ainsi que plusieurs observateurs de la scène québécoise des relations du travail croient que les problèmes de retards et de délais dans les décisions qui relèvent de la juridiction du ministère du Travail sont une simple question de personnel insuffisant d'une part, et de multiplications des mandats, d'autre part. Si bien que ces problèmes pourraient être réglés comme d'ailleurs il a déjà été suggéré de le faire, en affectant le personnel voulu au bureau du Commissaire du travail et en les soulageant de nombreux mandats qui sont venus s'ajouter au cours des ans et qui pourraient fort bien relever d'autres instances.

Des commentaires sur le texte du projet de loi - il y a une erreur, ce n'est pas un avant-projet, c'est le projet. Ceci dit, l'Association des manufacturiers canadiens s'est livrée à une étude non exhaustive du projet de loi et désire cependant formuler un certain nombre de commentaires sur des éléments qui, selon elle, dépassent la simple volonté de simplifier le système.

Mandat exorbitant de la Commission des relations du travail. Le nouvel article 112 du Code du travail surprend I'AMC quant à son libellé. "Il est institué un organisme appelé Commission des relations du travail chargé d'administrer l'exercice du droit d'association et de favoriser le règlement ordonné des conflits de travail et le développement de saines relations du travail eu égard à l'intérêt du public, aux droits et obligations des parties et à la bonne gestion des ressources humaines."

Deux interrogations nous viennent subitement à l'esprit: Sur quels critères la commission va-t-elle se baser pour décider ce que sont de saines relations du travail et sur quels critères la commission va-t-elle se baser pour décider ce qui doit être une bonne gestion des ressources humaines?

On sait que par définition même, une entreprise c'est un monde en évolution où se crée et se développe une dynamique particulière donnant lieu alors à diverses formes de gestion des ressources humaines qui correspondent à la réalité de chacune, à un moment donné. Lorsqu'on s'intéresse en particulier au monde de la PME, cette observation n'en prend que plus d'ampleur, selon la culture propre à chacune et le modèle de relations qui s'est établi entre la diretion et les employés. Il devient donc non seulement utopique mais même malsain d'essayer d'imposer des modes de gestion des ressources humaines qui, théoriquement, pourraient sembler convenir à l'ensemble des entreprises. Va-t-on répéter ici le syndrome de la Commission de la santé et de la sécurité du travail lorsqu'elle décide de classifier des entreprises en catégories et cela en se basant sur un schéma défini par des fonctionnaires qui tient peu compte des distinctions ou cultures spécifiques pourtant importantes des entreprises.

Il ne s'agit pas évidemment de nier à l'État la responsabilité de veiller à l'application de ses lois et ce où que ce soit, incluant les entreprises de toutes tailles. Toutefois, l'intervention de l'État dans l'entreprise doit respecter des paramètres bien précis, connus de tous et codifiés dans des lois et règlements.

En conséquence, les lignes directrices de l'intervention de l'État dans les entreprises, que ce soit en matière de relations du travail et surtout dans la question de la gestion des ressources humaines, ne sauraient être laissées au gré des politiques émises par un organisme, surtout quand cet organisme semble appelé à être encadré de façon plus large par le législateur.

Il est donc assez inquiétant de constater que la CRT aurait le pouvoir d'intervenir dans les entreprises, notamment pour favoriser le règlement des conflits de travail en s'appuyant sur ce qu'elle jugera être ou ne pas être une bonne gestion des ressources humaines.

Au-delà du fait que l'AMC considère que ce n'est pas le rôle d'un organisme d'État que de décider de ce qu'est une bonne gestion des ressources humaines, il y a lieu de devenir encore plus songeur quand on constate le degré de réussite qui couronne les efforts de l'État pour instaurer auprès de ses propres employés une bonne gestion de ses ressources humaines. Nous sommes bien forcés de constater que la plupart des entreprises se tirent passablement bien d'affaire dans ce domaine sans l'aide de fonctionnaires pour leur indiquer ce qu'est une bonne gestion des ressources humaines.

Un élargissement des compétences difficile à saisir et qui requiert la prudence. Un autre sujet important pour l'Association des manufacturiers canadiens dans ce projet de loi est la concentration ou l'élargissement des compétences qui seront confiées dorénavant à la future Commission des relations du travail.

Non seulement on lui confierait toute question relative à l'application du code et son interprétation, mais aussi celle de veiller à la détermination et au respect des services essentiels en cas de grève suivant les règles actuellement prévues pour les services publics et les secteurs public et parapublic, soit les fonctions actuellement dévolues au Conseil des services essentiels. À cause du caractère distinct des deux secteurs d'activité, soit d'une part l'application du Code du travail et d'autre part la surveillance des règles relatives aux services essentiels, nous croyons que cette double responsabilité devrait être exercée à l'intérieur de la future commission par des directions différentes avec des intervenants différents.

La commission détiendrait aussi le pouvoir de connaître et disposer à l'exclusion de tout autre tribunal d'une plainte alléguant une contravention ou une contravention appréhendée au Code du travail et de toute autre demande qui lui serait faite conformément au code. On peut se demander ce qu'est une contravention appréhendée. Un syndicat qui pense que peut-être un employeur va contrevenir au code pourrait vraisemblablement porter plainte, à laisser croire l'article 132 du projet de loi. La commission, dans ce cas, suivant une enquête qu'un fonctionnaire tiendrait suivant les articles 137.1 et 137.2, pourra-t-elle forcer l'employeur à poser tel ou tel geste parce que selon l'article 112, l'employeur n'applique, aux vues du fonctionnaire, une bonne gestion des ressources humaines?

Enfin, suivant l'article 134 du projet de loi, la commission aurait dorénavant un pouvoir équivalent au recours en injonction auprès de la Cour supérieure, lorsque par exemple une entreprise voudrait faire limiter le nombre de piqueteurs devant son établissement en grève ou en lock-out.

C'est aussi à cette même commission que serait confié le soin d'énoncer et diffuser des politiques générales sur l'application des dispositions du Code du travail qui seraient de son ressort, sans toutefois être liée par celles-ci dans l'exercice de ses fonctions.

Suivant tous ces pouvoirs confiés à la future commission, quels sont donc les moyens qui nous permettent d'être assurés de

la neutralité des intervenants de la commission qui auront à toucher à autant d'éléments à la fois? Rien nous laisse présager encore dans le texte du projet de loi des garanties en ce sens.

Suivant les pouvoirs considérables qui seraient accordés aux intervenants gouvernementaux, si des moyens n'étaient pas mis en place pour leur permettre d'exercer leurs fonctions aussi objectivement que possible, des décisions inopportunes pourraient fort bien mettre en péril l'existence même de certaines entreprises. Il faut dans ce cas que le gouvernement nous garantisse des mécanismes qui pourront apporter toute la sécurité voulue quant à la probité, l'objectivité et la crédibilité des intervenants.

Car, nonobstant le contenu du Code du travail et les pouvoirs de la future commission, ce sont les personnes nommées qui affecteront le climat des relations du travail au Québec. C'est pourquoi les personnes qui auront à diriger les instances de cette commission devront, avant tout, être sensibles aux préoccupations des parties et être de très bons administrateurs. La crédibilité de la commission dépendra de la compétence et de l'intégrité du président, de ses vice-présidents de même que tout le personnel quelle que soit leur provenance.

En termes clairs, il faudrait s'assurer d'un meilleur équilibre au sein de la CRT que ce ne fut le cas dans le passé au sein du ministère du Travail. En effet, il faut bien se rendre à l'évidence, l'entreprise a eu trop souvent à souffrir de la pensée monolithique des principaux intervenants, situation qui a trop souvent contribué à empêcher un véritable débat où l'entreprise se sente vraiment représentée. Pourtant, s'il est un lieu qui devrait être un forum propice au débat où sont justement représentés tous les intérêts en cause, il nous semble que c'est bien au ministère du Travail.

Le droit pour une partie d'être entendue remis en cause et l'obligation de rendre une décision écrite et motivée abolie. Parmi l'une des inquiétudes qui préoccupent l'Association des manufacturiers canadiens, celle qui permettrait à la commission, si elle était créée, de ne pas convoquer les parties en audition n'est pas la moindre.

En plus d'enlever aux parties en cause le droit d'interjeter appel de toute décision que rendra la commission, cette dernière ne serait plus tenue, selon le projet de loi, de permettre aux parties de se faire entendre. (17 heures)

Lors d'une décision relative à une unité de négociation, la commission n'aurait plus aussi l'obligation de tenir une enquête en présence de toute association en cause et de l'employeur comme c'est le cas présentement suivant l'article 32 du Code du travail.

La commission ne serait plus tenue également de rendre par écrit et motiver toute décision qui termine une affaire comme doit le faire aujourd'hui le commissaire du travail suivant l'article 51.

Ce processus, selon l'AMC, pose de sérieux problèmes en ce qui a trait au respect des règles de justice naturelle. Les parties doivent avoir l'opportunité de présenter leur cause, être entendues et pouvoir analyser les motifs qui soutiennent une décision de la commission. Comment autrement, même si les parties continueront dans les faits d'avoir recours au bref d'évocation, pourront-elles le faire si elles ne peuvent s'appuyer sur aucune assise de fait ou de droit? Comment également pourrait-on imaginer créer une uniformité et cohérence au niveau des décisions qu'aura à rendre la commission si ces dernières n'ont pas à être écrites, ni à être motivées? Allons-nous devoir s'en remettre totalement au pouvoir général que possédera la commission dans l'exercice du pouvoir de cette dernière d'énoncer des politiques en matière de relations du travail? Si oui, voilà une façon très nette pour un gouvernement d'accroître plutôt que de réduire le contrôle étatique sur les entreprises en matière de relations du travail. Voilà donc également une très curieuse façon de rechercher un nouveau mode de fonctionnement qui vise à privilégier le règlement entre les parties plutôt que l'adjudication par un tiers. Comment la commission entend-elle diffuser les politiques et orientations dans les matières sur lesquelles elle aura à se pencher et à rendre ses décisions?

Un dernier point. Un accès plus libre qui risque d'être injuste. Tous sont d'accord pour permettre facilement l'accès à la syndicalisation dans les entreprises là où un nombre raisonnable d'employés ont posé un geste clair en ce sens.

Toutefois, qu'une infime minorité d'employés puisse donner lieu à un dépôt de requête en accréditation et que cette dernière soit alors automatiquement reçue risque, selon nous, de donner ouverture à des abus de la part des syndicats qui décideront d'occuper littéralement une entreprise bien choisie jusqu'à l'obtention de l'accréditation. On se doute alors des conséquences que pourraient entraîner pareille pratique sur les activités de l'entreprise. Également, si l'on examine de plus près l'article 28 du code, ce dernier offre actuellement la garantie, suivant le dépôt d'une requête en accréditation, qu'une vérification de la liste des employés sera effectuée et permet dans ce cas de s'assurer de l'admissibilité des personnes à être comprises dans l'unité de salariés selon le statut des salariés visés avant de procéder soit à l'accréditation sur-le-champ ou procéder au scrutin.

Qu'en reste-t-il maintenant de ces garanties? N'est-il pas juste de croire que

dorénavant des accréditations pourraient être accordées automatiquement en présumant que le syndicat requérant représente la majorité des employés visés dans une unité alors que dans les faits, cette requête ne représente pas une majorité d'employés admissibles? N'est-ce pas là une situation injuste pour l'employeur dont l'entreprise est laissée pour quelques instants au gré et bon vouloir de fonctionnaires du gouvernement qui viendraient déterminer ce que seront ses relations du travail pour les prochaines années à venir?

En conclusion, l'AMC reconnaît la nécessité d'apporter des correctifs pour améliorer le fonctionnement du système qui encadre les relations du travail au Québec et manifeste son accord avec la volonté de simplifier le système. Toutefois, sous le couvert d'une simplification du système, c'est à une véritable refonte du Code du travail que l'on s'adonne. Le projet de loi 30 aurait pour effet de donner à la future Commission des relations du travail des pouvoirs tels que les relations du travail dans les entreprises pourraient, à toutes fins utiles, passer sous le contrôle de fonctionnaires chargés de faire appliquer une loi dont plusieurs des principaux paramètres se retrouveraient à l'intérieur des politiques émises par la commission elle-même. L'AMC s'inquiète de ce que pourraient être ces politiques dont le contenu ne se trouve pas déposé en même temps que le projet de loi. Toutefois, même si le projet de loi révise en profondeur le Code du travail à plusieurs égards, l'AMC regrette que le ministre du Travail n'ait pas profité de l'occasion qui lui est fournie de rétablir l'équilibre qui a été rompu avec l'introduction des mesures dites antibriseurs de grèves et aussi clarifier l'interprétation qu'il convient de donner aux dispositions visant la sous-traitance. Puisque l'on a décidé de procéder à une refonte majeure du Code du travail, l'AMC croit qu'il aurait dû, à tout le moins, régler les deux principaux problèmes que pose cette loi à nos entreprises en les forçant à fonctionner dans un cadre législatif non concurrentiel.

Enfin, l'AMC regrette que la consultation qui entoure le dépôt d'un projet de loi aussi important soit faite dans des conditions telles que les principaux intéressés n'aient pas eu vraiment le temps de procéder à une analyse complète et détaillée du projet de loi.

Voilà, c'était le résumé du résumé du mémoire. Est-ce que j'ai pris tout mon temps?

Le Président (M. Charbonneau): Je ne crois pas, madame.

Mme Fecteau: Si vous le permettez, M. le Président, avant de procéder aux commentaires...

Le Président (M. Charbonneau): Vous avez pris 19 minutes.

Mme Fecteau: Dix-neuf. Est-ce que je pourrais passer la parole à ma collègue de gauche?

Le Président (M. Charbonneau): Oui, mais je vous signale, par ailleurs, que nous souhaiterions terminer à 18 heures. Vous pourrez éventuellement aller plus loin, avec le consentement. Il vous serait aussi possible de limiter votre présentation pour permettre aux membres de la commission d'engager la discussion avec vous.

Mme Fecteau: Oui, mais...

Le Président (M. Charbonneau): Allez-y.

Mme Fecteau: J'aimerais bien passer, si vous le permettez, la parole à ma collègue de gauche qui va reprendre non pas des exemples mais des points précis du projet de loi qui viennent finalement compléter le contenu du mémoire.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va.

Mme Fecteau: Merci.

Le Président (M. Charbonneau): De rien.

Mme Thibodeau (Anne-Marie): Les quelques points que nous voulons soulever sont les points sur lesquels on a apporté peut-être plus d'attention que d'autres, étant donné l'étendue des changements qui semblent se refléter dans ce projet de loi. Entre autres, un des premiers points que j'aimerais soulever c'est... j'appellerais cela le morcèlement de l'article 28. Effectivement, on retrouve un petit bout de l'article 28 à l'article 25.1 du projet de loi, on le retrouve dans l'article 33. Ce qui nous a frappés, c'est l'absence de mécanisme de vérification. On se doute très bien que ce mécanisme va réapparaître soit en matière de politiques ou soit au plan de la réglementation. La question qui nous vient à l'esprit c'est: est-il nécessaire de maintenir ce mécanisme? II est nécessaire et essentiel, à nos yeux, de maintenir le mécanisme, pourquoi le retirer du projet de loi? Une loi est beaucoup plus difficile à changer. Des politiques se chanqent aisément, des réglementations se changent aisément, on le voit. On les reçoit par pelletées, au bureau. Pourquoi nous enlever cette protection? Parce que - ne vous faites pas d'illusion -par exemple, si on prend la petite et la moyenne entreprise, la plupart de nos entreprises ne sont pas équipées pour réagir immédiatement au dépôt d'une requête en accréditation. Lorsque l'agent allait dans ces

petites et moyennes entreprises, cet aqent s'occupait non seulement de la vérification mais était souvent pour l'employeur une source d'information sur les cas qu'il devait suivre. Vous enlevez à la petite et à la moyenne entreprise un outil de travail pour la bonne gestion de ses relations. C'est un point qu'on tenait à souligner, sous le joug de l'article 28, la disparition de cette garantie dans la loi est très dommageable à l'entreprise et à l'employeur.

L'autre aspect, c'est évidemment la nébulosité de l'article 132 qui est soumis dans le projet de loi quant à savoir qui porte la plainte. Cela devient - ne nous le cachons pas - un outil merveilleux que de porter plainte et qu'une plainte n'en attende pas une autre. Est-ce qu'il y a un problème?

Mme Fecteau: L'article 132.

Mme Thibodeau: C'est l'article 132 du projet de loi, la page 13: "La commission connaît et dispose, à l'exclusion de tout autre tribunal, d'une plainte alléguant une contravention"... C'est tellement vague et général pour déterminer qui fait la plainte. Cela peut aisément devenir un outil pour envoyer des enquêteurs de façon répétitive dans les entreprises. Alors, imaginez-vous quand vous avez un enquêteur qui vient dans une petite entreprise et qui vient enquêter, pour répondre à ses questions, vous devez être à sa disposition cela devient un problème. Cette plainte devient un moyen de pression qui peut être utilisé. Qui va faire les plaintes, dans quel cadre vont-elles être faites? Est-ce qu'à un moment donné, il va y avoir une limitation à ce nombre de plaintes? Quand on parle de faire des balises, je pense qu'il serait important de baliser cet article un peu plus clairement.

En ce qui concerne l'article 137, quand on parle de la commission qui peut déclarer qu'une grève, un ralentissement ou un lockout contrevient ou contreviendrait au présent code, il n'est pas clair dans notre tête si cette déclaration se fait sur des bases factuelles, à savoir qu'on a certaines prémisses à respecter avant de pouvoir faire un lock-out. Est-ce que la commission va respecter les prémisses de ce lock-out, ou bien si, arbitrairement, elle peut déclarer que le lock-out contrevient au code? Il existe un certain degré d'incertitude dans cet article qui nous cause un problème. On ne serait pas en mesure de déterminer, dans la gestion du personnel de notre entreprise, si notre lock-out contrevient au Code du travail.

À l'article 137.3, qu'on nous dise que la commission n'est pas liée par ses politiques dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles crée, pour nous, une grande inquiétude. Cela crée un vide, en quelque sorte. Si vous n'êtes pas obligés de suivre vos politiques, même si vous nous les soumettez et que nous en prenons connaissance, on ne pourra jamais se fier à ces politiques dans la gestion de notre entreprise au chapitre des relations du travail parce qu'elles sont susceptibles de changer, et encore, vous n'êtes même pas obligés de les suivre. Pour nous, c'est une incertitude qui rend la gestion très difficile.

À l'article 137.6, lorsque vous dites: "malgré une contravention au présent code, si elle le juge équitable, eu égard au comportement des parties ou lorsque les faits donnant ouverture à une demande ou à une plainte..." Je vous épargne du reste. On peut comprendre jusqu'à un certain point que, dans le cadre d'une - appelons cela -injonction, vous vouliez vous garder la possibilité de la refuser. Mais quand on parle de comportement, d'un refus basé sur le comportement des parties, on parle d'une décision qui devient capricieuse, qui devient subjective. C'est l'évaluation du comportement des parties. Un comportement pourrait, dans l'ordre normal des choses, être jugé répréhensible, mais parce qu'il est utilisé à maintes reprises dans le cadre des relations du travail, est-ce que vous allez dire: Ce comportement devient acceptable? Si vous êtes pour accorder à la commission des pouvoirs d'injonction et d'ordonnance, je pense qu'il est important que vous conserviez la rigueur de nos tribunaux en matière d'injonctions accordées aux parties. Il faut que cela soit sérieux, que les dommages soient irréparables. Les tribunaux sont quand même très sévères. On aimerait bien voir la commission être sévère. On aimerait bien voir nos droits protégés, dans ce sens. Je pense que cela concerne quand même les deux parties. Peu importe que ce soit l'employeur ou le syndicat, il est important de garder une certaine rigueur. Nous sommes inquiets du laxisme qui pourrait résulter d'une formulation aussi générale.

Ce sont les commentaires que j'avais à apporter sur des articles spécifiques du texte de loi parce que ce sont ceux qui nous sautaient aux yeux. Maintenant, je m'en remets à vous quant aux questions.

Le Président (M. Charbonneau): Cela va? Alors, M. le ministre.

M. Gendron: Comme il reste 45 minutes, je serais prêt à lui en donner 25 et, pour moi, 20 pour régler l'affaire. Si vous prenez 25 minutes, je vais en prendre 20 sur les 45 pour terminer à 18 heures.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quel est ce degré de générosité qui vous anime?

M. Gendron: J'ai cru que vous étiez plus...

Le Président (M. Charbonneau): Ce sont des bonnes relations du travail à la commission.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Gendron: D'une part, et aussi, j'ai cru que vous seriez plus interpellé que je pourrais l'être. Comme c'est le ministre qui, normalement, devrait être en mesure de répondre davantage à ce pourquoi il a prévu telle et telle disposition, je vous donne les cinq minutes.

Le Président (M. Charbonneau): Donc, si je comprends bien, on n'aura pas besoin de conciliateur ou de médiateur. Cela va. Donc, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va s'entendre de gré à gré.

Je remercie l'Association des manufacturiers canadiens (division Québec) de son mémoire. Je dirai que, dans vos remarques préliminaires, vous avez traité de la dimension pratique. Elle est d'autant plus importante, lorsque vous en parlez, qu'à la page d'introduction dont vous ne nous avez pas fait lecture, on retrouve la mention que vous représentez plus de 75 % de la production manufacturière globale du Québec, et, comme gouvernement, on est sensible à ce que cela représente comme impact économique. (17 h 15)

Je vais peut-être soulever une question que vous n'avez pas traitée dans votre mémoire et qui n'a pas encore été abordée aujourd'hui. Au paragraphe 4 de cette même note d'introduction, vous dites: L'Association des manufacturiers canadiens, parce qu'elle est nationale, a également des représentants d'un bout à l'autre du Canada, ce qui lui permet de surveiller également toutes les activités des autres gouvernements tant fédéral que provinciaux-Une des remarques qui m'a souvent été adressée dans la vie privée, quand j'étais député de l'Opposition et depuis que je suis ministre du Travail, par les représentants des employeurs surtout, je puis la résumer à peu près de la façon suivante: Comme employeur, donnez-nous donc des mécanismes qui s'apparentent à ce qui se fait ailleurs au Canada et laissez-nous fonctionner dans un système de compétitivité. Vous vous rendrez compte que nous sommes les meilleurs employeurs et que, dans ce cadre-là, la productivité sera accrue. L'impression - et dites-moi si cette impression est fausse -que nous avons comme gouvernement, en proposant la création d'une Commission des relations du travail, c'est un peu de s'harmonier avec ce qui se fait ailleurs dans l'ensemble des autres juridictions canadiennes, y inclus la juridiction fédérale.

A-t-on manqué à ce point l'objectif

Mme Fecteau: Dois-je répondre maintenant?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, si vous voulez un échange.

Mme Fecteau: Je préférerais vous laisser aller, M. le ministre. Après cela, je pourrais répondre avec mes collègues à vos interrogations.

Sur ce point, effectivement, des commissions des relations du travail existent dans tout le Canada. C'est vrai que nous avons des représentants avec lesquels nous avons discuté justement; mon collègue de droite est issu d'une entreprise manufacturière, Noranda, qui a des plans dans tout le Canada et il saura justement apporter certaines précisions quant au parallèle qu'on peut faire avec les commissions qui existent au Canada. Mais je ne peux laisser aller ce point sans vous dire que, puisque vous voulez comparer et établir des comparaisons avec les autres structures qui existent au Canada, il faudrait aussi parler de mesures antibriseurs de grèves qui n'existent pas ailleurs, éqalement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai noté dans votre mémoire des mesures antibriseurs de grèves quant au fondement des relations du travail ainsi que les questions de la sous-traitance aux articles 45 et 46. Ce dont on parle aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi qui nous préoccupe, ce sont des structures. Est-ce que nous n'offrons pas aux entrepreneurs des structures dans lesquelles ils vont se trouver un peu plus à l'aise, s'ils viennent d'ailleurs, et qu'ils vont reconnaître plus facilement?

Mme Fecteau: C'est évident. Je laisserai répondre mon collègue de droite qui a justement à vivre avec ce genre de commission de relations du travail d'un bout à l'autre du Canada.

M. Legris (Yves): Le seul point que j'aimerais mentionner... Vous avez raison dans ce sens-là. Mon expérience se situe surtout en Ontario, en Colombie britannique et aux États-Unis. Je ne connais pas tellement les dispositions fédérales. Notre entreprise n'est pas régie par ces lois.

Je puis vous dire, cependant, que l'établissement d'une commission des relations du travail quelle qu'elle soit n'est pas, comment dirais-je, un "end all". La preuve en est ce qui se passe actuellement en Colombie britannique où on fait un pas en arrière. On se rend compte que des problèmes n'ont pas été résolus par la seule création d'une commission. Ces commissions existent en Ontario depuis 1947 ou 1950, si

ma mémoire est bonne, et en Colombie britannique depuis le début des années soixante, peut-être même avant.

Une chose est claire à l'intérieur de notre message. Ce n'est certes pas parce que je suis souvent en accord avec M. Larose qui était ici avant, mais, j'ai eu l'occasion de l'écouter, et il est vrai que, fondamentalement, le fait que ces commissions affectent le milieu des relations du travail d'une façon positive dépend des gens qui la composent. À ce moment-là, si vous demandez présentement à des intervenants du monde du travail de la Colombie britannique s'ils sont satisfaits de la commission des relations du travail là-bas, ils vont vous dire: Non. Si vous demandez à des gens de l'Ontario présentement, à des employeurs, est-ce que vous êtes satisfaits de la commissions, ils vont vous dire: Oui, mais c'est devenu trop judiciarisé.

Tout ce dont on parle, toutes les raisons qui les sous-tendent font que vraiment, oui - à part ce que Mme Fecteau a mentionné et de ce qu'on mentionne, notamment les questions antiscab - en termes généraux, avoir une commission des relations du travail qui corresponde à nos besoins, ici, nous relierait à ce qui se passe ailleurs. On n'a pas de misère avec cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Cela va. J'ai une deuxième question qui porte sur la page 2 de votre mémoire. Cela ne porte pas sur un appui de principe à vouloir simplifier le système, mais plutôt sur vos réserves quant au projet de loi. On parle, dans l'avant-dernière ligne, des effets qu'il y aurait d'accroître plutôt que de réduire le contrôle étatique sur les entreprises établies. J'aimerais comprendre comment une simplification des procédures et de la structure accroît le contrôle étatique.

Mme Thibodeau: Pour ce qui est de l'accroissement du contrôle étatique, je pense qu'on a peut-être voulu dire ingérence dans l'entreprise, en ce sens qu'à plusieurs reprises, par exemple, même quand les parties s'entendent, la commission peut, d'elle-même, décider de changer les ententes. Nous considérons cette pratique comme une ingérence dans l'entreprise, un contrôle étatique encore plus grand.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je peux peut-être vous répondre là-dessus que l'objectif que l'on vise est l'entente entre les parties plutôt que l'adjudication par un tiers. L'article auquel vous faites référence et qui permettrait à la commission d'intervenir, là même où il y a entente entre les tiers, est un article sur lequel - je vous livre, peut-être, mon état d'âme sur le sujet - on a longuement réfléchi. C'est peut-être à cause de certaines pratiques passées qu'on a décidé de l'inclure. Dans certains établissements, on a retrouvé 27 ou 29 ententes sur des conventions collectives différentes ce qui, sur le plan des relations du travail, même s'il y avait entente pour différentes raisons, faisait en sorte que la boîte devenait ingérable pour les nombreuses parties syndicales, dans certains cas, et les parties patronales. On s'est dit que ce serait un pouvoir qui pourrait être utilisé de façon exceptionnelle. Mais, si on l'avait eu dans le passé, on aurait peut-être pu faire en sorte d'éviter, à cause de certaines pressions qui ont pu être exercées d'un côté comme de l'autre, que l'on en arrive à des situations absurdes.

Mme Thibodeau: J'ai une question à vous poser. Est-ce que vous allez gérer en faisant un principe d'une exception? Est-ce à ce point répandu comme pratique que cela vous oblige à inclure un pouvoir aussi étendu dans la léqislation? Un pouvoir comme cela est inquiétant parce qu'on ne peut pas, une fois qu'il est inclus dans la léqislation, contrôler la façon dont vous allez l'utiliser. Il est là et il est généralement là pour y rester.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur l'aspect du volume, vous avez raison. Si vous vous attardez à l'aspect volume, il s'agirait de gérer l'exception, si je peux utiliser l'expression, mais quant à l'impact et aux conséquences, il est important, dans !e domaine des relations du travail. Il peut même servir à créer ce qu'on appelle des patterns. Il nous apparaît que ne pas profiter de l'occasion pour prévoir qu'exceptionnellement... Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'exceptionnellement, à un moment donné, lorsqu'il y a des choses qui apparaissent à leur face même comme relevant de l'absurdité, cela prend une intervention quelque part. Je vous répète que la philosophie sous-tendant l'intervention législative actuelle vise les ententes de gré à gré, par à peu près tous les moyens possibles et imaginables et l'adjudication lorsque c'est impossible d'en arriver à une entente de qré à gré. Vous avez raison de le souligner, il y a une possibilité d'intervention même dans le cas d'une entente de gré à gré, mais dans des cas exceptionnels et pour les raisons que je viens de vous exposer. On peut être d'accord ou en désaccord avec ces raisons.

Mme Thibodeau: À ce moment-là, je vous inviterais à inclure le caractère exceptionnel de l'intervention.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me recommandez de baliser!

M. Pitre (Hubert): Vous allez même jusqu'à toucher à la procédure de griefs à un moment donné et vous donnez le droit à la

commission d'accélérer le processus. C'est beaucoup plus que ce dont on vient de parler. Ce n'est pas une entente à part, et cela ne fait pas partie de choses qui se sont écrites à la va-comme-je-te-pousse. Une procédure de grief est une formule dont les parties ont convenu pour régler leurs conflits et, personnellement, je trouve que lorsque vous avez mis celle-là vous avez peut-être généré cette espèce de doute dans notre esprit que l'exception ne serait pas nécessairement votre mode de fonctionnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux juste revenir à la balise pour vous indiquer à quel point nous ne sommes pas nécessairement, en principe, contre les balises là où on peut baliser. Je vais vous référer à l'article 33 qui stipule ce qui suit: "S'il y a accord entre l'employeur et l'association de salariés sur l'unité de négociations et que la commission constate le caractère représentatif de l'association de salariés à l'égard de cette unité, la commission l'accrédite sur-le-champ à moins qu'elle ne soit d'avis que l'unité est manifestement inappropriée." Je peux peut-être vous demander de nous suggérer un vocabulaire encore plus balisant, mais nous avons déjà pris cette direction.

M. Pitre: Je vais me permettre de vous soumettre simplement un problème pratique très précis. Une petite entreprise familiale dans laquelle les membres de la famille travaillent. Le syndicat et l'employeur peuvent facilement convenir que les membres de la famille ne devraient pas faire partie de l'unité de négociation bien que le travail qu'ils exécutent est généralement couvert par l'unité. Un fonctionnaire qui viendrait se mêler de cela, sans être de mauvaise foi, risque de faire une erreur d'évaluation, les parties ayant peut-être décidé que c'était mieux comme cela pour toutes sortes de raisons qu'ils ont évaluées.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me donnez l'exemple a contrario de celui que je vous ai apporté tantôt. C'est de bonne guerre de le faire. C'est pourquoi le pouvoir de prendre cette décision repose entre les mains de ce que vous pouvez concevoir être ou appeler un fonctionnaire, mais légalement, cette personne sera un commissaire qui pourra décider. La nomination des commissaires requiert la présence de certains éléments de jugement qui font en sorte qu'il ne s'agit pas simplement d'une constatation. Il s'agit de porter un jugement suite à une prise de connaissance de faits. Vous avez raison de soulever que vous pouvez avoir une certaine inquiétude, mais s'il y avait entente, est-ce qu'on tomberait dans un cas de "manifestement inapproprié"? Je pense que mon exemple quant aux termes sur le plan de "manifestement inapproprié" aurait davantage de chance de retenir l'attention du commissaire. Si j'avais à choisir de plaider une des deux causes, je choisirais la première que je vous ai indiquée.

Une voix: J'ai juste une question à vous poser. C'est...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'insiste. Si l'Association des manufacturiers canadiens peut nous proposer - je l'indique pour les autres groupes également - dans le cas où on s'entend sur le principe et l'objectif visé, une balise qui paraîtrait davantage sécuritaire, mais qui ne renierait pas le principe ou l'orientation prise par l'article de loi, nous demeurons ouvert. Il y aura des journées de commission parlementaire pour l'étude, article par article. Le projet peut encore être modifié.

Mme Thibodeau: À ce moment-là, il faudrait peut-être songer que les articles prévoyant l'intervention de la commission quant aux décisions prises entre les parties soient révisés en incluant des mots de la nature de "manifestement" ou "exceptionnellement" ou des termes correspondant.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je veux revenir à l'article 112 parce que vous êtes le deuxième organisme qui comparaît et qui attire notre attention sur toute la question du développement de saines relations du travail et la bonne qestion des ressources humaines. De voir que l'AMC et la CSN s'entendent pour recommander au gouvernement de biffer de cet article les expressions que je viens de vous lire m'amène à me poser des questions sur la compréhension que le gouvernement souhaitait donner à cet article. Il y a une tendance, et c'est une des raisons qui nous amène à proposer des modifications aux structrures, qui veut que la confrontation soit la pierre d'assise dans nos relations du travail structurées, et ce, dans une proportion importante de cas. Le projet de loi vise et, je l'ai indiqué publiquement, à changer cette approche de confrontation par une approche de concertation. Le changement des structures - on le souhaite - amènera un changement des mentalités. Cela ne l'exécute pas, cela ne le fait pas, mais on souhaite que cela amène un changement des mentalités. Le ton de votre mémoire - je vous le dis - va dans le sens qu'on souhaite au gouvernement quant à ce changement.

Est-ce que vous ne pensez pas que, compte tenu des expresssions qu'on utilise dans le projet de loi, on amène une nouvelle dimension à laquelle on invite le patronat et le syndicat à s'associer, à penser que les relations du travail touchent la gestion des

ressources humaines et que cela touche à la productivité de l'entreprise, à un moment donné? Est-ce que cela n'est pas plus sage de l'inclure que de l'exclure, finalement?

Mme Thibodeau: Comme vous pouvez le constater, de la façon que vous avez rédigé votre article 112, vous mentionnez déjà le développement de saines relations du travail, eu égard à l'intérêt public, aux droits et aux obligations des parties. On a toujours référé à la gestion comme étant le droit de gérance de l'employeur. Je pense que vous ne pouvez pas nous empêcher, comme employeurs, de nous sentir directement visés par l'utilisation du terme "bonne gestion". Je pense qu'il appartient quand même à l'employeur de gérer son entreprise. Cela ne veut pas dire que cela ne doit pas se faire par de saines relations du travail, les saines relations établies non pas dans un climat de confrontation mais dans un climat de coopération. Je pense que dans ce sens... C'est dans ce sens que les manufacturiers l'ont perçu. On devrait retirer la notion de bonne gestion des ressources humaines à l'article 112. (17 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si c'est le droit de gérance comme tel de l'entreprise qui vous inquiète, je suis prêt à regarder la terminologie utilisée. Mais encore une fois, je vous rappellerai que la gestion des ressources humaines en ce qui nous concerne, cela ne se fait pas en catimini dans le bureau du patron. La gestion des ressources humaines se fait en collaboration avec les employés ou leurs représentants.

M. Pitre: Mais c'est extrêmement plus large qu'une relation du travail organisée. Une gestion de ressources humaines touche toutes les facettes, du président de l'entreprise jusqu'en bas. À mon sens, un code du travail n'a pas comme rôle de venir établir comment cela doit se faire. À notre sens, et c'est ainsi que je l'ai pris - peut-être que j'ai tort - une relation du travail est une relation organisée, structurée, collective. Un code du travail touche à cela. D'après nous, un code du travail ne doit pas toucher à autre chose.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): D'accord. Si vous parlez du droit de gérance, je suis le raisonnement, mais lorsqu'on parle de gestion des ressources humaines, on n'a peut-être pas le bon vocabulaire. Encore là, je fais des ouvertures.

Mme Fecteau: Je pense à l'exemple à notre page 9 du mémoire... Bon, on en est à nous interroger, parce qu'on se dit: Comment le fonctionnaire va-t-il l'appliquer dans les faits? C'est surtout cela finalement qui nous gêne et qui crée l'insécurité, d'une certaine façon. On sait très bien que la gestion d'une PME et d'une grande entreprise, quant au mode ou à la gestion des ressources humaines n'est sûrement pas comparable. Or, comment le fonctionnaire va-t-il distinguer entre ce qu'est une bonne gestion des ressources humaines dans une grande entreprise et ce qu'est une bonne gestion des ressources humaines dans une PME? Je pense que c'est à ces questions, M. le ministre, que vous devriez peut-être apporter des précisions.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi je me sens à l'aise d'apporter... J'avais même mis entre parenthèses, lorsque vous en avez fait la lecture, la phrase suivante que vous retrouvez à la paqe 9: "La commission, dans ce cas, suivant une enquête qu'un fonctionnaire tiendrait suivant les articles 137.1, 137.2, pourra-t-elle forcer l'employeur à poser tel ou tel geste parce que selon l'article 112, l'employeur n'applique, aux vues du fonctionnaire, une bonne gestion des ressources humaines?" Je pense que s'il s'agit d'infractions, on procédera suivant ce qui est prévu au cas d'une infraction. Quand il s'agira de convention collective, on procédera suivant ce qui est prévu à la convention collective. Maintenant, en incluant le critère de bonne gestion des ressources humaines, est-ce que justement on ne balise pas vers une orientation souhaitable pour l'entreprise?

M. Pitre: Oui, pour autant que toutes les écoles de relations industrielles de la province se mettent d'accord sur ce qu'est une bonne gestion en matière de relations industrielles, peut-être. Mais je ne pense pas qu'actuellement... Vous savez que, dans ce domaine, il y a autant d'écoles de pensée qu'il peut y avoir de professeurs ou à peu près. À mon sens, cela ne balise rien, au contraire, cela prête flanc à toutes sortes d'interprétations selon le milieu dans lequel on vit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais je vais en revenir à mes premiers propos, vous êtes là comme des praticiens des relations du travail sur une base quotidienne. Est-ce que, sur une base quotidienne - et vous avez suffisamment d'expérience - lorsque vous entrez dans une entreprise à titre de consultants, vous ne portez pas un jugement à l'effet, quel que soit le type d'entreprise, s'il y a de bonnes ou saines relations du travail ou si c'est moins bon ou moins sain?

M. Pitre: Si on porte un jugement?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, vous.

M. Pitre: On ne porte pas un jugement,

on constate si les objectifs définis sont atteints, quelle que soit la formule par laquelle ils sont atteints. Il se peut qu'à partir d'un "textbook", cela soit de la mauvaise gestion. Cela se peut fort bien que dans un contexte X, Y ou Z, pour toutes sortes de raisons, ce n'est pas la communication la plus sophistiquée qui prévaut mais la communication la plus simple et qu'elle donne les résultats attendus et avec laquelle tout le monde est heureux. Vous disiez tantôt que ce que vous avez retenu de certains commentaires qui vous ont été faits, c'est: Laissez-nous donc fonctionner, vous allez voir que la productivité c'est notre affaire. Bien, il y a des petites entreprises qui nous prouvent cela tous les jours: Laissez-nous donc fonctionner, laissez faire les théories de l'université et vous allez voir que la productivité, c'est effectivement notre affaire. Je pense que dans celle-là, ce qu'on vous dit: Vous vous mêlez de quelque chose -c'est plutôt l'individu qui parle - où vous n'avez pas d'affaire.

Mme Fecteau: Est-ce que c'est si gênant pour le gouvernement d'enlever cette partie-là, puisqu'il me semble que, dans le développement de saines relations du travail, vous retrouvez là tous les pouvoirs pour lesquels vous avez l'interprétation?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme

Fecteau, je vous dirai que ce n'est absolument pas gênant pour le gouvernement de le retirer. Mais nous voulons nous assurer auprès des partenaires officieusement et officiellement que cette donnée de saine gestion de nos ressources humaines fait désormais partie du paysage québécois des relations du travail dans les cas qui sont vécus dans le quotidien. Mais ce n'est pas gênant, ni de le laisser, ni de le retirer.

Mme Fecteau: Mais les syndicats semblent aussi d'accord là-dessus. Je pense que les autres associations patronales qui vont passer par la suite vont être d'accord pour le retirer aussi. Il y a consensus pour une fois.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai lu quelques mémoires et peut-être que dans certains cas on souhaite aller plus vite et on sait s'ajuster également. Je prends bonne note de vos commentaires.

Mme Fecteau: D'accord.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II me reste cinq minutes. Je vous préviens tout de suite, je vais céder la parole à quelqu'un de l'Opposition en vertu de la règle de l'alternance. Il m'en reste trois. Je voudrais traiter avec vous de la question des 35 %, 50 % avant qu'on se quitte.

Mme Fecteau: Oui.

Le Président (M. Théorêt): M. le député de l'Abitibi et critique officiel.

M. Gendron: Je vous remercie. Je voudrais très rapidement remercier les intervenants, soit l'Association des manufacturiers canadiens. Très rapidement, un commentaire. Je pense qu'en effet vous avez beaucoup de mérite dans les délais qui vous étaient impartis, je pense que vous l'avez mentionné, des délais très courts pour faire une analyse exhaustive de ce projet de loi. Je pense que vous avez raison d'exprimer certaines réserves, certaines craintes, parce qu'il y en a, et en particulier sur ce qu'on vient de discuter. Je vous invite, si vous voulez avoir de l'argumentation plus étoffée, à mettre la main sur le mémoire de l'Association des détaillants en alimentation qui, pendant trois à quatre pages, est assez volubile et démonstratif pour expliquer au ministre une disposition où on indique que la commission pourrait aller jusqu'à porter des jugements concernant la bonne gestion des ressources humaines. C'est sûrement un contrat courant par rapport à l'évolution d'à peu près tout ce qui s'est passé dans le reste du Canada et des autres provinces puisque - rappelez-vous comment commence une bonne convention collective - cela commence par la définition des termes. À partir du moment où il n'y a pas de définition, à quoi fait-on référence exactement? Ce n'est pas défini nulle part. Cela n'a pas de bon sens d'avoir une notion comme celle-là qui est aussi large - je pense que c'est M. Pitre qui le mentionnait tantôt - qu'il y a d'écoles de pensée ou de professeurs. C'est un pouvoir qui devient tellement arbitraire, qui devient "conséquentiel", pour une partie ou l'autre. Je ne porte pas de jugement. Il dit: J'ai autant d'ouverture à l'enlever qu'à le laisser. Je ne pense pas la même chose. Je prétends que dans le domaine des relations du travail, il faut vraiment parler des choses qu'on veut baliser, ce sur quoi on veut que les règles du jeu soient connues, soient claires, soient définitives. En ce qui nous concerne, à l'article 112, il y a au moins deux petits bouts de phrase qui devront être enlevés. On n'a pas eu l'occasion... et c'est normal de faire le tour des mémoires. Il y en a qu'on n'a pas encore reçus. Pour ceux qu'on a eus, c'est unanime, je n'ai vu personne d'accord pour laisser cela là. Cela ne veut donc pas dire le laisser, cela veut dire l'enlever. Je voudrais juste poser quelques questions sur votre mémoire. Comme je l'ai mentionné, vous avez des réserves, vous avez des craintes, vous avez des appréhensions, sauf que je n'ai pas compris clairement votre position. Êtes-vous pour ou contre?

Mme Fecteau: Je vais vous dire ceci, si vous permettez. On est venus ici, pas pour dire au ministre: On est contre votre projet de loi. Ce n'est pas cela la philosophie de base qui a su nous réunir pour écrire ce mémoire. On est venus ici pour dire au ministre: II y a des choses, tout comme vous M. Gendron, sur lesquelles on n'a pas de réponse, il y a des choses qui sont insécurisantes, il y a des choses qui sont gênantes. Et on est venus ici pour entendre le gouvernement sur ce qu'est exactement l'ampleur du projet de loi. Je n'ai pas, moi non plus, toutes les réponses. Je ne suis pas contre le projet de loi. On est bien conscient qu'il faut une simplification du système et on vient ici pour justement soulever des éléments qui nous inquiètent et recevoir les réponses pour ce faire. Est-ce que cela répond bien à votre...?

M. Gendron: Oui, étant donné que c'est une question de gradation, je ne sais pas jusqu'à combien... Si on avait plus de temps pour échanger sur combien d'éléments précis et votre collègue à côté, je m'excuse de ne pas me rappeler son nom...

Mme Fecteau: Mme Thibodeau.

M. Gendron: ...Mme Thibodeau mentionnait, d'une façon très précise, les articles 132, 137 et ainsi de suite. Je vais revenir tantôt sur un article où, nous aussi, on avait les mêmes appréhensions à partir d'un article tellement large qu'on ne mentionne même pas que la plainte peut être de nature écrite ou pas. Quelqu'un qui se lamente peut amener ses lamentations à la Commission des relations du travail, indépendamment du cadre, du contexte et dans quel moment c'est défini. Je vais revenir là-dessus.

J'ai trois ou quatre questions. La première, je sais bien, le ministre a été, on ne peut plus clair en disant que pour lui, les dispositions antibriseurs de grève et toutes les questions de l'article 45 ou 46 sur la sous-traitance ne font pas partie du tout du projet de loi que nous avons à discuter.

Moi, je veux bien, sauf que lorsque des personnes l'évoquent dans un mémoire et que vous prétendez - je ne veux pas être très long là - que par rapport à vos concurrents -d'ailleurs, comme j'ai cru voir qu'il y a des personnes ici qui ont pas mal d'expertise au niveau des autres provinces canadiennes - ce sont les deux points majeurs au niveau des relations du travail du Québec, j'aurais aimé juste vous entendre un peu plus longuement dans la perspective où le ministre du Travail aurait fait le choix qui apporterait des modifications sur la loi antiscab ou les dispositions antibriseurs de grève.

Ce sont les principaux points sur lesquels vous croyez qu'il y a urgence d'apporter des correctifs.

Mme Fecteau: D'abord, on a dit que nous n'étions pas compétitifs au niveau de ces mesures, on ne l'a pas inventé de toutes pièces. Je pense que le rapport Scowen le disait clairement, qu'il n'avait pas fait une étude exhaustive de ce qu'étaient les relations du travail au Québec, mais il en était venu à la conclusion qu'il était sûr qu'il y avait, au moins, deux mesures sur lesquelles on n'était pas compétitifs et c'étaient les mesures antibriseurs de grève et les mesures en ce qui a trait à la sous-traitance.

Alors, on sait que l'article 45, ce n'est pas ce qu'il y a de plus clair actuellement et c'est devant les tribunaux et les entreprises ne savent pas très bien à quel saint se vouer quand elles se voient aux prises avec l'interprétation de l'article 45.

J'aimerais, peut-être, passer la parole à mes collègues.

M. Gendron: S'il n'y a pas d'objection, moi, je n'ai pas d'objection. Je vais vous dire, Mme Fecteau, et très sincèrement, c'est un peu cela que je voulais entendre. Votre référence et votre analyse pas plus tard que hier soir, on allait vivre avec ce même gouvernement qui apportait une modification à la loi des transports qui allait complètement à l'encontre d'une disposition du rapport Scowen et nous sommes d'accord parce que le rapport Scowen, en tout cas, en ce qui nous concerne, on ne le trouvait pas plus étoffé que cela sur plusieurs recommandations qu'il faisait...

Une voix: Ah! Ah!

M. Gendron: ...et, oui, oui, très sérieusement et c'est le même point de vue, je pourrais vous citer une série de législations que le même gouvernement, qui a permis que le rapport Scowen sorte, fasse que des dispositions du rapport Scowen étant absolument non étoffées, non justifiées, il apporte des dispositions contradictoires. Alors, moi, si vous me dites que globalement, votre point de vue sur les antibriseurs de grève était à partir de l'analyse Scowen, moi, en ce qui me concerne cela me satisfait. Mais, cela ne me permet pas de croire qu'on peut porter le jugement aussi dur que vous le portiez, à l'effet que, fondamentalement, dans les relations du travail du Québec, il faudrait modifier les antibriseurs de grèves et la sous-traitance et là il n'y a plus de problème. Tout va bien.

Mme Fecteau: Non, non, non, ce n'est pas à partir du rapport Scowen. Je vous dirai que si je ne l'ai pas cité, c'est parce que je ne le cite plus. Le rapport Scowen n'a pas été mis en application à aucun point de vue

alors, je suis tannée et je ne le cite plus dans mes mémoires. Maintenant, il n'y a pas seulement M. Scowen qui l'a dit, je pense que plusieurs analyses ont été faites; je me souviens devant la commission Beaudry il n'y a pas une association patronale, en tout cas, qui n'a pas évoqué ces dispositions à l'effet qu'elles étaient complètement anticoncurrentielles. Donc, je pense qu'on ne l'a pas inventée de toutes pièces et que cette problématique existe au Québec fondamentalement et que, surtout, ces mesures on ne les retrouve pas à travers le Canada, Ce faisant, je pense qu'il y a un problème très grave: les personnes qui veulent venir investir au Québec et qui voient des mesures comme celles-là, vont peut-être changer d'idée et aller investir en Ontario plutôt qu'au Québec.

Voilà une autre raison qui fait que ces mesures peuvent être classées comme non concurrentielles et qui nuisent, finalement, aux entreprises québécoises. (17 h 45)

M. Gendron: En ce qui me concerne, rapidement, cela va parce que là le menuisier parlait de cela beaucoup plus sur un aspect fondamental de la concurrence par rapport à d'autres provinces en disant que ces dispositions n'existent pas ailleurs comme telles et, en conséquence, vous suggériez qu'il y aurait lieu de modifier les dispositions antibriseurs de grève pour éventuellement faire un ajustement qui rendrait le Québec aussi concurrentiel que les autres provinces. C'est sur ces aspects.

Mme Fecteau: C'est aussi à cause de l'article 45 qu'il n'a pas trouvé de solution. On ne connaît pas encore l'interprétation, donc je pense que ces mesures doivent être clarifiées pour permettre d'exercer dans une structure qui sera la plus certaine pour les entreprises.

M. Gendron: À un moment donné, dans votre mémoire - je me le rappelle, indépendamment de la référence au mémoire - il me semble que vous avez indiqué à un endroit que cela vous fatiguait que la même commission, toujours la Commission des relations du travail, ait à gérer également tout le bloc des services essentiels - je ne me souviens plus à quel endroit - vous dites que ce soient les mêmes intervenants. Quant à moi, il m'apparaît que ces choses sont intimement reliées dans le contexte des relations du travail. À un moment donné, une instance qui a à se préoccuper de certaines difficultés ou anomalies, peu importe ce qui existe dans le domaine des relations du travail, doit aujourd'hui inclure, dans certains types de services, la garantie d'offre de services essentiels et, en conséquence, que les intervenants soient sensibilisés et informés de l'ensemble des points de vue.

Cela me semble tout à fait normal et requis, et, dans votre mémoire, cela vous apparaissait un peu curieux. Est-ce que vous pourriez expliciter davantage?

Mme Fecteau: On dit qu'on n'est pas contre le fait que ce soit à l'intérieur de la commission. Les seules garanties qu'on voudrait avoir seraient que le ministre nous dise que les gens qui administreront les services essentiels et l'interprétation du Code du travail ne seront pas les mêmes. Pourquoi? Parce qu'on pense que les règles du jeu ne sont pas pareilles. Déterminer ce qu'est un service essentiel et déterminer un retour au travail dans le secteur public parce qu'il y a urgence, ce n'est pas la même chose que décider de l'interprétation du Code du travail entre deux parties. C'est sur ce point-là finalement. Ce n'est pas qu'on est bien d'accord avec le fait que ce sera une même commission, mais ce sont les intervenants à l'intérieur. On veut être rassuré sur le fait que ce ne seront pas les mêmes gens qui vont statuer là-dessus.

M. Gendron: Est-ce que vous êtes actuellement satisfaite du travail effectué par la Commission des services essentiels du Québec et, en conséquence, envisagez-vous de transférer la même équipe?

Mme Fecteau: Ce n'est pas qu'on soit insatisfait, mais on s'aperçoit qu'il y a des problèmes. Il y a des problèmes quelque part, parce que ses décisions sont souvent remises en cause. Alors, il y a donc un problème là.

M. Pitre: Je peux dire qu'elle n'agit pas trop auprès des membres que nous représentons ici. Son fonctionnement ne nous est pas très connu, à part notre rôle de citoyen.

M. Gendron: D'accord. À la page 10 de votre mémoire, Mme Fecteau, vous mentionnez que - et j'étais très heureux de vous entendre sur toute l'importance de la probité, l'objectivité et la crédibilité des intervenants - vous avez des interrogations sur le mécanisme de nomination. Vous avez également des inquiétudes concernant l'absence de garanties, c'étaient vos propres mots, si je me réfère bien au texte. Ma question est la suivante. Vous parliez d'un éventuel mécanisme et vous disiez; iI faut, dans ce cas, que le gouvernement nous donne des garanties que des mécanismes pourront apporter toute la sécurité, ainsi de suite. Est-ce que vous pensiez a un quelconque mécanisme? Est-ce que vous avez en tête quelque chose d'assez précis à nous suggérer comme mécanisme éventuel de nomination qui permettra au gouvernement d'offrir une meilleure sécurité de probité, de crédibilité et d'objectivité?

Mme Fecteau: Je vais vous dire que -je me souviens, on s'est réuni et on a parlé de cela - offrir des garanties, offrir des possibilités, je pense que cela devient assez délicat. On a préféré laisser cela au gouvernement. On a préféré demander au gouvernement de nous donner ces garanties. Ce qui sous-tend finalement toute la philosophie de notre mémoire et l'insécurité qui se dégage vis-à-vis de ce projet de loi, c'est le fait... comment va-t-on nommer ces gens-là qui seront en place. C'est tout cela qu'on ne connaît pas et c'est tout cela qu'on ne sait pas, comment ces gens-là vont appliquer ces nouvelles dispositions.

M. Gendron: Non, j'ai bien compris vos inquiétudes.

Mme Fecteau: Alors, je n'ai pas de mécanisme à vous offrir, M. le député. Je dis juste au gouvernement de nous offrir des garanties, à moins que ma collègue en ait.

Mme Thibodeau: M. le député, je pense que ce qu'on essaie de faire passer comme message, c'est que le forum de la commission doit devenir un forum où divers courants de pensée se rencontrent pour discuter, pour stimuler. Ce doit être un forum stimulant pour la discussion, pas un forum où la pensée est unique, où on pense d'une telle façon et qui fait qu'à un moment donné l'organisme stagne. C'est dans ce sens qu'on a posé la question. Un organisme qui a une pensée monolithique ou une pensée unique est un organisme qui stagne et qui, par conséquent, perd sa crédibilité de part et d'autre. C'est dans ce sens qu'on l'a abordée et c'est dans ce sens qu'on veut faire la recommandation. Nous voulons nous assurer qu'il y aura bien deux courants de pensée pour se rencontrer et pour discuter.

M. Legris: II y a un point que j'aimerais vous mentionner. Cela fait douze ans que je m'occupe de relations du travail et de ressources humaines et ce qui est fondamental c'est qu'un système, quel qu'il soit, doit changer en même temps que les intervenants. Cela ne stagne pas. Les gens changent, les mentalités changent et quiconque est là doit être capable de trouver des solutions à certains problèmes, des solutions qui vont peut-être même être innovatrices, qui vont amener les parties à s'entendre à quelque niveau que ce soit. Dans ce sens, si on parle de processus de sélection, il faudrait simplement que les critères soient établis au préalable en fonction d'avoir des gens qui ont un "background" qui va leur permettre de manoeuvrer dans ces éléments-là, des gens qui ont une méthode de pensée flexible et surtout des gens qui sont sensibles à la position des parties et non pas de l'une ou l'autre partie, mais des parties. À partir de certains critères, procéder à une sélection qui est... Si vous voulez les meilleures personnes, il est possible de les avoir, et vous aurez peut-être la meilleure organisation.

M. Gendron: Merci. Pour des raisons de temps, je vais poser une ou deux autres questions, si mon collègue de Bertrand veut prendre quelques minutes. Je sais qu'il reste cinq minutes. À la page 14 de votre mémoire, vous dites que: "Dorénavant, les accréditations pourraient être accordées automatiquement, en présumant que le syndicat requérant représente la majorité des employés visés dans les unités, alors que dans les faits, cette requête ne représente pas une majorité d'employés." J'essaie de voir où vous avez vu cela, où vous avez pris cela pour conclure de cette façon. Cela m'apparaît assez court. À moins que j'aie mal lu le projet de loi, je n'ai vu nulle part qu'on pouvait conclure rapidement que dorénavant on pourrait accorder automatiquement la désaccréditation.

Mme Fecteau: C'est l'article 28 actuel qui est finalement repris un peu partout dans le projet de loi. Il y a un petit bout qui n'est repris nulle part et dont on pense qu'il va se retrouver, comme l'a dit ma collègue, dans les politiques. C'est ce bout qui nous inquiète un peu à savoir qui va faire le travail que fait actuellement l'agent d'accréditation''

M. Gendron: Un instant! Est-ce que vous parlez de l'article 28 du projet de loi qui abroge...?

Mme Fecteau: Non. Excusez-moi. Je parlais de l'article 28 du Code du travail actuel.

M. Gendron: D'accord.

Mme Fecteau: Vous savez, on retrouve l'article 28 un peu partout dans le projet de loi, si j'ai bien compris ma recherche. Il y a un petit bout qu'on ne retrouve pas et c'est à l'article 28a. C'est tout le travail de l'agent d'accréditation actuel. On ne sait pas à quel endroit cette garantie va se retrouver. Est-ce que cela sera dans des politiques? Si oui, on se demande pourquoi il faille transférer cette chose dans des politiques. Je vais vous dire pourquoi. Cela offrait une garantie à l'employeur. Le petit employeur ne sait pas. Il met sur la liste de ses employés un employé qui travaille de façon saisonnière ou un mois par année. Il ne sait pas que cela ne peut pas ou ne doit pas être compris dans une unité. Alors, quand l'agent d'accréditation fait son travail dans l'entreprise, cela permet également à

l'employeur de s'apercevoir que des gens n'ont pas à être compris dans une unité. Ce faisant, on dit: Pourquoi est-ce qu'on ne retrouve pas ce petit bout d'article 28 ailleurs? C'est la question qu'on posait à M. le ministre. On est un peu gêné, encore une fois, que ce petit bout de chemin se retrouve dans des politiques. C'est plus facile de changer les politiques. Comment va-t-on contrôler cela? Comment va-t-on contrôler le travail du fonctionnaire qui va faire ce travail demain matin alors que, là, on pouvait avoir l'assurance que cela se faisait d'après l'article 28a.

M. Gendron: M. le ministre, est-ce que vous accepteriez de répondre tout de suite là-dessus sans nous enlever les deux minutes qui nous restent. Cela clarifierait cette affaire,

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À la condition qu'on me garde les trois miennes.

M. Gendron: Oui, on va vous les donner. On peut prolonger de trois, quatre minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pourrais ajouter là-dessus que, même s'il y a entente, comme le soulignait le député d'Abitibi-Ouest, la décision va être prise par un commissaire. On a dit qu'on avait une préoccupation pour les PME, les petites et moyennes entreprises, à cause de la structure québécoise même. Il y aura un agent qui va se rendre sur place, un fonctionnaire, qui n'aura pas le pouvoir de prendre la décision d'accréditation et qui va devoir revenir au commissaire comme tel, et là, le commissaire peut donner l'accréditation.

Mme Fecteau: Pourquoi ne le mettez-vous plus là-dedans?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pardon?

Mme Fecteau: La question est la suivante. Pourquoi Pavez-vous retiré de la loi? En fait, c'est cela, notre question. C'était une garantie dans la loi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous réponds bien simplement et bien honnêtement qu'auparavant, cet agent pouvait prendre une décision, et cette décision, même s'il y avait entente, était susceptible d'évocation. Ce n'est pas parce que quelqu'un s'est entendu à midi, qu'à 1 heure de l'après-midi il ne s'entend plus. On donnait une autre possibilité d'évocation en faisant en sorte que l'agent aille sur place, travaille avec les parties, fasse son rapport au commissaire, qu'il y ait une décision qui soit prise et qu'il y ait un seul niveau d'évocation possible.

M. Gendron: Non, ce n'est pas cela.

Mme Fecteau: Ce n'est pas satisfaisant, votre réponse.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la vérité.

M. Gendron: On y reviendra parce que cela n'a pas de bon sens par rapport à la question posée.

Mme Fecteau: Nous, on pense à la PME surtout. Au Québec, c'est la composition de nos entreprises, la PME. Parlons donc au nom de ces gens. Ce n'est pas facile pour eux de vivre cela, probablement. Ils ne sont pas munis de conseillers en ressources humaines ou en relations du travail. Ce faisant, je pense que ce petit bout-là permettait à la PME d'avoir une certaine garantie.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si cela revient sur la règle des 35 %... J'essaie de bien comprendre. J'ai dit que j'avais trois minutes, je vais les prendre peut-être tout de suite pour répondre à la question sur les 35 %. J'ai exigé toutes les garanties à savoir que la situation de facto que l'on connaît demeure. C'est-à-dire qu'il ne peut pas y avoir d'accréditation si vous n'avez pas une majorité de travailleurs en faveur de l'accréditation; cette règle perdure. En ce qui concerne la règle des 35 %, elle perdure comme elle existait autrefois par le maintien de l'article 37 au Code du travail.

Mme Fecteau: Oui, on est bien d'accord avec cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon. On va finir par trouver le problème.

Le Président (M. Théorêt): Mme Thibodeau.

Mme Thibodeau: Le problème que nous avons, c'est le fait que l'agent, ou votre fonctionnaire, doit venir vérifier. Ce n'est plus une vérification faite dans le cadre de la loi, mais dans le cadre de politiques ou de réglementations. Ce que nous vous demandons, c'est de le mettre dans la loi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y est. Mme Thibodeau: Où? À quel endroit?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À l'article 137.1, entre autres.

Mme Fecteau: C'est pour cela qu'on est venus ici, il y a des choses qu'on ne comprenait pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Cela va. Je suis certain que si on prend !e temps de tout lire ensemble...

M. Gendron: Pas si vîte! Attendez, vous allez voir!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que c'est parce que vous dites non?

M. Gendron: Nous, on le connaît le ministre.

Mme Thibodeau: M. le ministre, est-ce que nous devons vous faire une élaboration de la différence entre la terminologie de "peut" et celle de "doit"?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

Mme Thibodeau: II y a une différence entre "peuvent" et "doivent".

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Majeure, d'interprétation par les tribunaux, oui.

Une voix: C'est "peuvent".

Mme Thibodeau: Oui, mais c'est "peuvent" qui est écrit là. "La commission, un commissaire ainsi qu'un membre du personnel de la commission désigné..." M. le Président, c'est écrit "peuvent" et non pas "doivent", "...peuvent faire enquête sur toute matière qui est du ressort de la commission."

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous aviez cela avec l'autre article qui dit que la représentativité doit s'établir, à ce moment-là, il faut qu'elle s'établisse à partir de faits. Si vous conjuguez "peut" et "doit", il faut que les faits soient là pour que "doivent" s'applique.

Mme Thibodeau: Je comprends ce qu'il veut dire.

Le Président (M. Théorêt): Merci. Tel qu'entendu, je vais donner la parole au député de Bertrand...

M. Gendron: Pour deux minutes.

Le Président (M. Théorêt): ...pour environ deux minutes. M. le député. (18 heures)

M. Parent (Bertrand): II y a quinze minutes, je voulais intervenir, pendant mes deux minutes, sur ce point en particulier. J'aimerais quand même dire que les interrogations que vous posez dans votre mémoire, à mon avis, sont tout à fait légitimes. Je les trouve très bien posées. L'exemple que vous citez en ce qui concerne l'article 28a, je pense, est un exemple parfait. Dans le cas de l'article 112, j'aimerais rappeler au ministre - et c'est dans ce sens que vous avez fait votre représentation - que, lorsque vous dites que la question de la bonne gestion des ressources humaines, c'est quelque chose qui doit disparaître et quelque chose qui est très large. Le ministre a semblé dire tantôt: Écoutez, il y a peut-être moyen de regarder cela, je ne tiens pas nécessairement, absolument à ce qu'il soit là ou à ce qu'il ne soit pas là. Ce que j'aimerais rappeler au ministre dans l'explication qui est donnée des représentants des PME c'est lorsque l'on parle de relations du travail c'est une chose mais lorsqu'on parle de gestion des ressources humaines c'est beaucoup plus large. Et, dans les PME, je le reqrette, c'est souvent confondu. Dans une petite entreprise de 15 ou 20 la gestion des ressources humaines c'est toute une chose. Quand on tombe dans la moyenne et dans la grande entreprise c'est autre chose. Et, tout cela pour dire que la loi va s'appliquer à l'ensemble comme tel des entreprises.

Alors, quand l'Association des manufacturiers canadiens dit qu'elle est préoccupée par toute cette dimension que vous mettez à 112 quant à la bonne gestion des ressources humaines, pour ma part, je pense qu'elle a tout à fait raison et on ne peut pas retrouver ce vocabulaire-là, au niveau de la bonne gestion des ressources humaines, parce que là on ne s'en sortira pas.

Alors, je voulais faire cet éclaircissement dans le cadre de ce qui est apporté et je voudrais m'assurer que le ministre prenne bien cela en considération. Malheureusement, j'ai d'autres points mais, je pense, M. le Président, que notre temps est déjà écoulé.

Le Président (M. Théorêt): Alors, si vous permettez, je vais, dans un premier temps, laisser la parole au critique officiel pour le mot de la fin et, ensuite, au ministre, pour des remarques finales.

M. Gendron: Ah! Bien le mot de la fin, les remarques finales, merci beaucoup, M. le Président. Je pense qu'on doit, comme vous l'avez très bien laissé voir, comprendre votre participation à cette commission beaucoup plus dans une perspective d'ouvrir un nouveau dialogue et ne pas rester assis sur les positions uniquement du projet de loi comme si c'était la seule vérité. Vous avez présenté votre affaire comme étant une volonté d'amélioration et de bonification et surtout que le gouvernement puisse calmer vos inquiétudes. Là, vous pensez qu'elles sont de bon aloi d'avoir été exprimées. Moi, je vous remercie énormément d'avoir participé à cette commission parce que même si chacun peut prétendre qu'on a une certaine expérience dans le domaine des relations du travail cela demeure un domaine évolutif,

changeant, mouvant. On doit adapter cette nouvelle réalité à la réalité québécoise des PME, pas uniquement des PME, mais également de l'objectif visé par le projet de loi qui est que les relations du travail soient mieux balisées, mieux encadrées mais surtout plus faciles, plus vites, plus compréhensibles, plus normales comme relations, plutôt que toujours à chaque fois qu'il y a un litige que ce soit d'autres, des tiers qui prennent des décisions à la place des parties.

Je pense que, fondamentalement, les meilleures relations du travail c'est encore lorsque les parties réusissent à se parler et à s'entendre et, si le projet de loi vise cela, je suis convaincu que votre présence ici était dans ce sens-là. Merci.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous remercier brièvement et vous dire, en terminant, qu'on n'a pas eu le temps de répondre à toutes les questions que vous avez soulevées dans votre mémoire. Mais, en conclusion, j'aimerais rappeler deux points: la question de respect des règles de justice naturelle et la question des décisions écrites et motivées. C'est une question sur laquelle la réflexion que je mène évolue d'heure en heure et de minute en minute. Sans vous donner de garantie formelle, je vous remercie de votre contribution à notre débat.

Mme Fecteau: Merci M. le ministre, M. le député de l'Opposition et M. le Président, je pense que ma dernière expérience en commission parlementaire je ne l'avais pas trouvée drôle parce que j'avais l'impression que le ministre était avec son groupe de fonctionnaires et qu'ils étaient là pour nous attaquer. Je dois vous dire qu'à cette séance-ci, cela a été très agréable et surtout, je pense, très fructueux pour les deux parties.

Le Président (M. Théorêt): Alors, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre présence et je vous souhaite une bonne fin de soirée. Je suspends les travaux de la commission de l'économie et du travail jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 4)

(Reprise à 20 h 11)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour la consultation particulière sur le projet de loi 30, Loi constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives. Je dois, à ce moment-ci, déposer, au nom de l'Association des détaillants en alimentation du Québec, M. le secrétaire, un mémoire qu'elle a fait parvenir à la commission aujourd'hui même.

Le Secrétaire: Merci.

Le Président (M. Théorêt): M. le président de la FTQ et vos associés, nous vous souhaitons la plus cordiale des bienvenues. Je vous rappelle que vous avez 30 minutes pour faire la présentation de votre mémoire et qu'après, les deux partis auront quelque 50 minutes pour intervenir et échanger avec vous sur le dossier. Si vous voulez bien, sachant très bien que les personnages qui vous accompagnent sont fort connus, je vous demanderais quand même, pour les fins du débat, de bien vouloir nous ies présenter. M. Laberge.

Fédération des travailleurs du Québec (FTQ)

M. Laberge (Louis): Oui, merci, M. le Président. Vu que nous avons des élections à l'automne - cela arrive plus souvent qu'ailleurs, chez nous - je vais vous présenter les gens qui nous accompagnent. À ma gauche, il y a le secrétaire général de la FTQ, M. Fernand Daoust - je pense qu'il est assez bien connu - Jacques Toupin, vice-président de la FTQ et président du local 500 de l'Union des employés de commerce; Jean Lavallée, qui est président-directeur et trésorier de la FIPOE et président de la FTQ-Construction; Claude Morrisseau, vice-président de la FTQ et directeur du Syndicat canadien de la fonction publique. A mon extrême droite, il y a Aimé Goyer, vice-président de la FTQ et président du local 800 de l'Union des employés de service et Gaston Nadeau, qui est notre conseiller juridique, à la FTQ.

Cela s'est fait rapidement, on ne peut pas dire que le ministre s'est traîné les pieds. D'ailleurs, on a eu l'occasion de le lui dire. Nous avons été agréablement surpris de voir que le rapport Beaudry n'a pas dormi sur les tablettes pendant des années et des années et qu'au contraire, on nous arrivait avec un projet de loi qui, du moins en principe, nous accordait ce que nous avions demandé à la commission Beaudry. Alors, très brièvement, on va vous faire grâce du mémoire présenté à la commission Beaudry, on va vous faire part des recommandations que la commission Beaudry a faites, assumant que vous êtes déjà au courant de tout cela.

Nous allons vous dire ce que nous pensons du projet de loi tel quel et ce qu'il faudrait pour le rendre en accord avec les idées exprimées dans les notes explicatives du projet de loi. Parce que, telle que la rédaction du projet de loi a été faite, ce projet ne correspond pas, on est bien loin de

cela, à ce qui avait été dit dans les notes explicatives. Nous allons demander au secrétaire général de la FTQ d'oublier les ponctuations, etc. et de vous lire brièvement le mémoire afin que nous puissions, quand même, avoir un bon échange.

M. Daoust (Femand): Merci beaucoup, M. le Président. La FTQ a accueilli avec satisfaction la décision du ministre du Travail d'entreprendre la réforme du code. Est-il besoin de rappeler que cette réforme est réclamée depuis plusieurs années par à peu près tous les intervenants du milieu. Notre satisfaction est cependant incomplète. Nous sommes déçus de constater que le projet ne fait que mettre sur pied un nouvel organisme, la Commission des relations du travail, tout en laissant intactes les dispositions de fond de l'actuel code. Si cette démarche de création d'une commission s'inscrit dans le sens des revendications que la FTQ avait fait valoir devant la commission Beaudry, nombre d'autres de nos revendications relatives à des aspects cruciaux des relations du travail ont été ignorées.

La FTQ aurait souhaité, par exemple, que le projet de loi propose des modifications a la notion de salarié pour y inclure les cadres inférieurs et les entrepreneurs dépendants. Nous déplorons, surtout, l'absence de dispositions sur l'accréditation multipatronale, seul moyen efficace et réaliste d'assurer à des milliers de travailleurs et travailleuses l'accès à la syndicalisation.

Nous comprenons cependant que le projet de loi ne constitue qu'une première étape de la réforme plus globale du Code du Travail et de l'ensemble des lois du travail. C'est dans cette perspective que la FTQ accorde son appui à la démarche entreprise par le ministre. En effet, il ne faut pas considérer que la FTQ se satisfera du seul changement proposé par le projet de loi. Nous espérons que le ministre nous reviendra très prochainement avec la suite, car le travail demeure inachevé. Ce projet n'a donc, comme seul objet, que celui d'établir la Commission des relations du travail, abolissant, par là, le triple palier que constituait l'agent d'accréditation, le commissaire du travail et le Tribunal du travail. La démarche était souhaitable et même nécessaire de l'avis quasi unanime des intéressés. À l'instar des tendances qui se développent en Amérique du Nord, l'application par un agent décisionnel unique des dispositions touchant les rapports collectifs de travail ne trouvera que des avantages. Cela favorisera bien sûr la cohérence jurisprudentielle, mais c'est surtout à cause de l'efficacité accrue et de la "déjudiciairisation", que peut offrir ce genre d'organismes, que la FTQ a réclamé la création d'une telle commission.

Cependant, ces objectifs risquent d'être compromis si la structure et la juridiction de cette commission demeure telle que libellée dans le projet de loi. Comment peut-on prétendre atteindre cette unicité, cette centralisation décisionnelle si l'ensemble des dispositions du code n'est pas sous le contrôle de la commission? Le projet, en effet, refuse de confier à la commission l'application de dispositions importantes du code, telles celles concernant les briseurs de grève, l'imposition d'une première convention collective, les modifications illégales des conditions de travail, le devoir de juste représentation en matières autres que disciplinaires et le refus d'embaucher pour cause d'activités syndicales. II y a là une dispersion injustifiable des pouvoirs et nous y reviendrons.

Le projet de loi comporte d'autres faiblesses importantes et nous espérons que les travaux de cette commission permettront d'en faire un texte de loi acceptable. À cet égard, nous voulons examiner plus en détail et avec vous les aspects suivants. 1° La constitution et la formation de la commission: le mandat. Le texte de l'article 112 qu'on propose d'adopter confie à la commission le mandat d'administrer l'exercice du droit d'association. Il est déplorable qu'un droit consacré par les chartes québécoises et canadiennes des droits et libertés, soit le droit d'association et son corollaire, la liberté syndicale, soit réduit à la simple administration de la commission. De la même façon qu'elle doit promouvoir le règlement ordonné des conflits du travail, la commission devrait, à l'instar du CCRT, se voir conférer le mandat d'assurer et de favoriser l'exercice du droit d'association et la pratique de libres négociations collectives. Il ne s'agirait là que de la consécration d'un principe ancré dans les traditions démocratiques de ce pays. Le texte de l'article 112 du projet doit donc être modifié en ce sens. Nous attirons votre attention sur le fait que les notes explicatives qui accompagnent le projet de loi vont exactement dans le sens que nous proposons.

M. Laberge: Si vous le permettez, M. le Président, deux mots. Ce n'est pas de la sémantique, pour nous c'est d'une importance capitale. Je pense que le ministre va reconnaître que le libellé de l'article ne correspond pas aux expectatives que nous avaient laissées les notes explicatives. Il n'est certainement pas conforme à ce qu'on recherche, à la FTQ.

M. Daoust: La FTQ estime, d'autre part, que les termes "intérêt du public" et "bonne gestion des ressources humaines" devraient être retranchés du mandat et du texte de l'article 112. La commission est un

organisme administratif, spécialisé en relations du travail, dont la mission est de veiller à l'application du code. Il serait inapproprié d'élargir son mandat à des considérations qui ne relèvent pas de son expertise et viendraient entraver ses fonctions de conciliation. La commission ne doit pas devenir un gestionnaire d'entreprise. Cette fonction doit relever des parties en présence.

Nomination des commissaires. La FTQ considère que la limite de cinq ans du mandat des commissaires n'est pas souhaitable. Il est certain que la qualité et la crédibilité de la commission résideront avant tout en celles des hommes et des femmes qui y siégeront et, en ce sens, la durée de leur terme peut apparaître secondaire. Mais, dans un souci d'autonomie à l'endroit du pouvoir politique - principe sur lequel nous reviendrons - et également dans la perspective de faciliter le recrutement d'hommes et de femmes ayant la compétence nécessaire pour accomplir ce rôle, la condition d'un mandat maximum de cinq ans doit être écartée. La FTQ propose que ce mandat soit d'un minimum de cinq ans sans excéder dix ans. On retrouve des mandats potentiellement plus longs dans les législations régissant les commissions de relations du travail du Manitoba, de l'Ontario, de la Colombie britannique et de la Saskatchewan ainsi que dans le Code canadien du travail. Au Québec, les membres de la Commission des droits de la personne sont également nommés pour un mandat n'excédant pas dix ans. D'autre part, nous comprenons mal que le choix du président de la commission ne fasse pas l'objet, lui aussi, de consultations auprès des partenaires sociaux. À ce sujet, la FTQ estime que l'organisme particulièrement habilité à conseiller le gouvernement en cette matière demeure le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Le projet de loi devrait donc être modifié pour prévoir que tous les membres de la commission seront nommés sur recommandation du CCTMO.

L'autonomie de la commission. Il est essentiel que la commission, pour accomplir de façon efficace et crédible son mandat, dispose du maximum d'autonomie politique et administrative. Nous avons déjà traité d'une de ces facettes de l'autonomie politique de la commission, soit celle de la durée du mandat de ses membres. Dans la même perspective, la possibilité pour le ministre de requérir un renseignement ou un document de la commission nous paraît inconciliable avec ce principe d'autonomie. La FTQ est évidemment parfaitement d'accord avec le fait que la commission doive faire rapport de ses activités, mais la disposition dont nous venons de parler pourrait nuire aux fonctions de conciliation de la commission qui sont au coeur même de son mandat. La FTQ demande donc le retrait de cette disposition.

L'autonomie de la commission réside également en la possibilité, pour cette dernière, de procéder elle-même à la nomination du personnel qui sera appelé à l'assister dans ses fonctions. Le projet prévoit en effet que la commission peut déléguer ses importants pouvoirs d'enquête aux membres de son personnel. L'expérience vécue par d'autres commissions de ce type et, en particulier, par le Conseil canadien des relations du travail a démontré l'importance de cette étape dans le processus des différends industriels. Les enquêteurs sont souvent appelés à jouer un rôle de médiation, rôle crucial à la déjudiciairisation du règlement des conflits du travail. Ce personnel doit être qualifié et sa sélection devrait relever exclusivement de la commission qui possède le plus d'expertise à cette fin. Encore une fois, il s'agit de l'option choisie par le législateur à l'endroit de la Commission des droits de la personne dont les fonctionnaires exercent également d'importants pouvoirs d'enquête et de médiation.

La FTQ propose donc que l'article 118 du projet soit modifié de façon à ce que le personnel de la commission soit sélectionné par cette dernière. Il faudrait également que le traitement et les autres conditions de travail de ce personnel soient fixés par la commission, sujets, bien sûr, à l'approbation du Conseil du trésor. Il nous apparaît important que la commission jouisse de l'autonomie budgétaire la plus large possible. Nous recommandons de plus que le personnel de bureau à l'emploi du Bureau du commissaire général du travail et du Conseil des services essentiels se voit offrir la possibilité, selon la tradition prévalant dans la fonction publique, de joindre le nouvel organisme, en conservant ses droits acquis, ou d'être affecté à des postes équivalents dans la fonction publique.

D'autre part, est-il besoin de souliqner que le nombre de commissaires est essentiel à l'efficacité de la commission? Le projet, en remettant au gouvernement une discrétion absolue quant à la détermination de ce nombre, met ainsi en péril cette efficacité et, du même coup, l'autonomie de la commission qui dépendrait du bon vouloir du gouvernement quant à l'obtention d'un nombre suffisant de commissaires. Il y aurait donc lieu de modifier l'article 114 pour prévoir que le gouvernement nommera le nombre de commissaires que la commission jugera suffisant pour assurer la bonne expédition de ses affaires.

Compétence et pouvoirs de la commission. Compétence générale de la commission. Il est essentiel et vital que la commission ait compétence sur l'ensemble de la matière visée par le Code du travail. La caractéristique la plus fondamentale d'un

organisme comme la commission est précisément de pouvoir aborder les questions dans leur globalité et non d'une façon cloisonnée, comme c'est le cas avec nos instances actuelles. À cet égard, les rédacteurs du projets ont fait preuve d'une grande timidité» Le nouvel article 132 du code comporte l'élément dangereux de limiter et de subordonner la compétence de la commission à l'existence d'une plainte ou d'une demande et, par le fait même, aux seules questions pouvant faire l'objet d'une plainte ou d'une demande formelle. En somme, il faut dissiper tout malentendu à ce sujet et favoriser une approche globale au traitement de toutes questions soumises à cette commission. Nous n'hésitons pas à affirmer que la réforme sera sérieusement compromise si la compétence de la commission ne s'étend pas à toutes les matières visées par le code. Il ne faut donc pas hésiter et la FTQ demande qu'on énonce clairement la compétence générale de la commission sur l'ensemble du code à l'exception évidemment de ce qui est spécifiquement confié à d'autres personnes, organismes ou tribunaux.

À cet égard, nous avons déjà déploré la dispersion des pouvoirs à diverses instances décisionnelles qui subsistent encore dans le projet de loi alors que l'objet même de la création de la commission était dans une perspective d'efficacité accrue, de cohérence du droit, de décloisonnement et de déjudi-ciairisation, le rassemblement de ces pouvoirs en un agent unique. Le projet faillit, en effet, de façon sérieuse à cette tâche, en omettant de rapatrier vers la commission les compétences qui échappent, actuellement, au commissaire et au tribunal.

Le refus d'embaucher en raison d'activités syndicales. Cette pratique déloyale qui ne peut faire l'objet d'un recours autre que pénal devant les instances actuelles du travail est à nouveau exclue de la compétence de la commission par le projet. Il est inconcevable qu'un tel geste mettant en péril le libre exercice du droit d'association, échappe ainsi au pouvoir de redressement de la commission. Cette pratique déloyale est, dans les législations du travail des autres provinces ainsi que dans le code canadien, toujours susceptible de faire l'objet d'un redressement par les différentes commissions qui appliquent ces lois.

Il est illogique, dangereux, néfaste, dans le domaine collectif de travail, que le refus d'embaucher fasse ainsi l'objet d'une discrimination par rapport aux autres formes de représailles auxquelles donne lieu l'exercice du droit d'association. D'une part, en demeurant du ressort des tribunaux de droit commun, la compensation du salarié victime de cette pratique déloyale est moins bien assurée, voire écartée, à cause des procédures relativement complexes qu'il lui faudra entreprendre devant ces tribunaux. De plus, dans la meilleure des hypothèses, quand cette compensation sera payée, il sera généralement trop tard pour corriger le préjudice irréparable causé au syndicat comme tel. D'autre part, l'efficacité et la cohérence des fonctions de la commission en sont compromises puisqu'elles demeurent parcellaires. On risque, également, une incohérence dans la jurisprudence touchant aux pratiques déloyales puisque les instances décisionnelles sont aussi dédoublées. Quand on connaît l'utilisation grandissante que font les employeurs du contrat de travail à durée déterminée pour faire perdre aux travailleurs la protection du code, on ne peut qu'insister sur l'importance fondamentale de confier à la commission la juridiction sur le refus d'embaucher ou de réembaucher en raison d'activités syndicales.

Le devoir de représentation des syndicats. Pour les mêmes motifs, la FTQ soumet qu'il y a lieu de modifier les articles 47.2 et suivants du code de façon à ce que la commission ait compétence exclusive sur tout manquement des syndicats à leur devoir de représentation. La distinction actuelle, et que le projet de loi veut perpétuer, entre le renvoi et les matières disciplinaires d'une part et les autres aspects de ce devoir d'autre part, n'a aucune raison d'être et risque d'entraver l'efficacité de ia commission sans parler de l'éparpillement inutile des recours.

Les dispositions antibriseurs de grève. La FTQ s'oppose vigoureusement à ce que l'application de ces dispositions, qui sont une des pierres angulaires du droit québécois des rapports collectifs, échappe à la commission comme l'indique le projet.

Il est inconcevable que la commission, qui a, par ailleurs, juridiction exclusive sur les qrèves, les lock-out, les services essentiels et la négociation de bonne foi, voit cet aspect majeur des conflits industriels lui échapper. Il s'agit là d'une déficience qui pourra être fatale à son efficacité, surtout lorsqu'on imagine l'enchevêtrement de procédures et les délais qui s'ensuivront dans un secteur des rapports collectifs où, plus que tout autre, le temps constitue un élément vital. Si on veut que la commission soit efficace, il faut que toutes les questions touchant aux conflits de travail lui soient confiées. Il y va même de sa crédibilité. (20 h 30)

M. Laberge: Si vous permettez, M. le Président, deux mots à ce sujet. Nous croyons que c'est d'une importance capitale, nous l'avons déjà souligné au ministre et, tout dernièrement, je pense qu'il y a deux jours, le conciliateur, dans le "conflit" - entre guillemets - qui semble se pointer dans le domaine des postes, dans son rapport, disait: Les annonces publiées par la Société canadienne des Postes, demandant des gens

intéressés à devenir des employés de la commission des postes, à temps partiel ou temporaires, pouvaient générer un climat de violence.

M. le ministre, M. le Président, membres de cette commission parlementaire, je pense ne pas avoir besoin de reculer très loin en arrière pour vous rappeler le climat quelque peu cahoteux que nous avons vécu au Québec, climat cahoteux qui est quand même devenu un climat serein. Il y a quand même, aujourd'hui, sauf une ou deux exceptions bien sûr, un climat très serein au Québec et ce n'est pas la seule raison bien sûr. Il y a un tas de choses qui ont amené cela. Mais une des raisons, c'est que, sur les lignes de piquetage, les gens ne se sentent pas obligés de se battre pour leur survie, pour leur gagne-pain, étant protégés par cette clause. Cette clause, qui, soit dit en passant, manque d'efficacité vis-à-vis de certains employeurs véreux qui n'hésitent pas, à des coûts fantastiques, à engager des avocats qui s'y connaissent en la matière, qui violent la loi impunément. On a des rapports d'enquêtes par douzaine, par douzaine, d'enquêteurs impartiaux, qui ont décelé des violations de cette partie du Code du travail, mais, vu que cela doit aller devant les tribunaux, etc. et vu qu'il n'y a que des peines pénales d'imposées, la décision nous vient des mois et des mois après. À ce moment-là, il est beaucoup trop tard pour faire quoi que ce soit. Le conflit est réglé parce que le syndicat est tombé, il n'existe plus ou parce qu'il y a eu finalement entente et que le syndicat est retourné. À ce moment-là, imposer des pénalités à l'employeur qui a violé le Code du travail une fois la convention collective réglée et les gens retournés au travail, ne vient que remuer les braises pour rallumer le feu. D'une façon comme d'une autre, il est beaucoup trop tard pour faire quoi que ce soit. Pour nous, c'est d'une importance capitale que la commission ait le pouvoir de régler ce genre de choses en temps approprié.

M. Daoust: Le piquetage. Pour les motifs qui précèdent, il est souhaitable que la commission rapatrie la compétence de la Cour supérieure en matière de piquetage. Il y aurait lieu d'inclure dans le projet des dispositions protégeant le droit au piquetaqe (droit que la Cour suprême reconnaissait récemment comme partie intégrante de la liberté d'expression garantie par nos chartes) et confiant à la commission le soin de régler les problèmes qui s'y rattachent. Nous réitérons les représentations qui avaient été soumises à la commission Beaudry, à savoir que le piquetage soit permis auprès de tout établissement de l'employeur ainsi qu'auprès de ceux des employeurs économiquement alliés de l'employeur en grève ou en lockout.

Modification des conditions de travail et imposition de la première convention collective. Ces matières relèvent de la compétence d'un arbitre sous le cadre actuel et le demeure en vertu du projet de loi. Dans le même souci de centraliser l'exercice des pouvoirs de redressement en matière de pratiques déloyales, il est logique de mettre l'arbitrage d'une première convention et celui de différends résultant de modifications aux conditions de travail sous l'égide de la commission. L'utilisation de ces mesures résultant le plus souvent de comportements déloyaux de l'employeur, il importe, en effet, de rapatrier ces compétences particulières à la juridiction générale de la commission en matière de pratiques déloyales. Encore une fois, il s'agit là d'une juridiction qui est assumée par les autres commissions de relations du travail canadiennes. Cependant, il y aurait lieu d'accorder à la commission la discrétion, dans le cas de plaintes mettant en jeu l'application ou l'interprétation d'une convention collective, de référer l'affaire à l'arbitre des griefs.

Rappel au travail après une grève. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés ci-dessus, les problèmes relatifs au rappel au travail d'un salarié qui a fait grève ou qui a été l'objet d'un lock-out devraient être confiés à la commission.

Les pouvoirs de la commission. La FTQ soumet que les pouvoirs de la commission, tels que libellés dans le projet, sont incomplets, dispersés et parfois ambigus.

Pouvoirs généraux. Le pouvoir de révision de la commission est fondamental en raison du fait qu'elle constitue un tribunal de dernière instance. Comme le projet de loi prévoit qu'un seul membre pourra être appelé à décider pour la commission, ce pouvoir de corriger une décision erronée voit son importance s'accroître. D'autre part, un pouvoir de révision adéquatement formulé permet également de corriger non plus une décision erronée, mais une décision que l'écoulement du temps a rendue impropre. L'expérience des autres juridictions canadiennes démontrent que cette dernière application du pouvoir, notamment en matière d'accréditation, a été fructueuse. L'article 137.9 du Code du travail nous apparaît cependant limitatif dans sa rédaction, notamment à cause de l'utilisation des termes "pour cause". Il n'y a pas lieu de restreindre ainsi l'exercice du pouvoir de révision de la commission et nous suggérons l'utilisation d'un libellé semblable à celui de l'article 119 du Code canadien du travail.

Dans la même perspective, la FTQ recommande fortement l'inclusion d'une disposition générale qui habiliterait la commission à exercer tous les pouvoirs pouvant être nécessaires à la réalisation des objectifs du code. Un tel pouvoir peut, de prime abord, sembler trop absolu, mais sa

portée sera implicitement restreinte par les pouvoirs de la commission portant sur des questions spécifiques. C'est ainsi que les tribunaux ont interprété des dispositions semblables dans d'autres législations. Cette disposition générale serait, par ailleurs, fort utile pour habiliter la commission à exercer les pouvoirs accessoires aux pouvoirs spécifiques principaux qu'elle exercera.

La FTQ est heureuse de constater que le ministre a retenu la recommandation d'inviter la commission à énoncer les politiques générales sur l'application des dispositions du code. Nous avons toujours réclamé de connaître les règles du jeu; nous serons alors en mesure d'agir en conséquence. Même dans les cas où les politiques ne nous seraient pas favorables, nous aurons au moins l'avantage d'avoir des décisions rapidement.

Nous demandons cependant que le deuxième alinéa de l'article 137.3 soit retiré du projet de loi. La commission doit, contrairement à ce qui est proposé, être liée par les politiques qu'elle a énoncées. Si les politiques ne conviennent plus, elles peuvent toujours être modifiées.

Pouvoirs spécifiques. La FTQ déplore que les pouvoirs de la commission en matière de pratique déloyale de la part des employeurs soit si sommairement élaborés alors que ceux qui ont trait aux grèves et au maintien des services essentiels bénéficient de plus d'attention. En matière de pratiques déloyales, il serait opportun de spécifier certains redressements disponibles à la commission sans pour autant restreindre la généralité des pouvoirs contenus au futur article 134 du code. Par exemple, il faudrait mentionner le pouvoir de la commission d'ordonner à un employeur d'embaucher un salarié qu'il a refusé d'employer en contravention du code, puisque cette situation n'est pas couverte par l'article 15. Il faudrait également spécifier que la commission possède le pouvoir général d'ordonner le paiement d'une indemnité, à sa discrétion, aux personnes victimes d'une contravention au code. Car, autrement, le fait que ce pouvoir remédiateur ne soit spécifiquement prévu qu'à l'article 15 du code pourrait donner lieu à des ambiguïtés. Ainsi, la loi permettra qu'une compensation soit allouée non seulement aux salariés victimes de représailles en raison de leurs activités syndicales, mais également à toute personne qui aura subi un dommage en raison du comportement illégal d'une partie.

Le Président (M. Théorêt): M. Daoust, si vous me permettez, je veux seulement vous rappeler que, sur le temps qui vous est alloué, il reste une minute. Je vous laisse le choix de terminer le mémoire. Mais si cela prend quelque dix minutes pour le faire, vous comprendrez que ce sera à même le temps ou, s'il y a consentement...

M. Laberge: Allez-vous nous promettre de lire le reste?

Le Président (M. Théorêt): Ha! Ha! Ha! Je vous laisse ce choix. Je voulais seulement attirer votre attention, c'est à vous de...

M. Laberge: Pour résumer, il s'agit, un peu dans la même veine, de parler ensuite des services essentiels; nous sommes d'accord. Si on est pour former une Commission des relations du travail, il faut lui donner tous les pouvoirs. On sait que c'est gros et on sait que, parfois, on pourra peut-être s'en repentir un peu. Mais, encore une fois, on l'a dit dans des termes plus élégants dans le mémoire, tant qu'à perdre une cause, mieux vaut la perdre rapidement que la perdre après deux ans, comme dans le système actuel, ce qui n'a pas de sens...

Nous avons voulu aussi parler du Tribunal du travail. Nous croyons que le Tribunal du travail a joué un rôle très important. Nous suggérons que le Tribunal du travail continue à jouer un rôle, bien sûr, avec une mission quelque peu différente, puisque tout ce qui a trait à l'accréditation, le droit d'appel et tout cela, serait maintenant centralisé dans cette Commission des relations du travail. Mais nous croyons que le Tribunal du travail vaudrait beaucoup mieux pour tous les autres recours individuels, la loi 101, enfin tout le reste. Il serait beaucoup mieux que cela aille devant un tribunal spécialisé comme le Tribunal du travail que devant la Cour provinciale, avec tout le respect qu'on a pour la Cour provinciale.

Quant au domaine de la construction, nous en avons déjà fait part au ministre, des mémoires ont été déposés à cet effet en 1984 dans lesquels nous demandions que cela soit au moins référé au Tribunal du travail. Alors, selon ce qui va se passer, c'est soit le Tribunal du travail ou la Commission des relations du travail.

Cela résume assez bien notre position, je crois, M. le Président. Avec les modifications que nous proposons, nous estimons que le projet de loi 30 devrait donner des résultats heureux* Nous exprimons le voeu que celles et ceux qui composeront la commission remplissent leur rôle adéquatement.

En terminant, nous désirons remercier le ministre d'avoir pris l'initiative de proposer la réforme que représente le projet de loi 30. En fait, quand il nous l'a annoncée, nous étions assis; autrement, nous serions tombés par terre. C'est pour dire que nous avons été quelque peu surpris, oui. Mais c'est une surprise agréable. Il y a des trous à boucher dans le projet de loi 30. Encore une fois, si on veut suivre les notes

explicatives, avec lesquelles nous sommes entièrement d'accord, et si on veut déjudiciariser, centraliser les pouvoirs, donner de l'efficacité à cette commission, il faut boucher ces trous-là tel que nous le préconisons dans le mémoire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président Laberge. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je remercierais les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec, et spécialement son président. On a peu de temps pour discuter ce soir. Je replace un peu le projet de loi dans son contexte. Il a subi, si je peux le qualifier ainsi, l'épreuve de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

Au chapitre des principes, les députés se sont unanimement prononcés en faveur, des deux côtés de la Chambre, de l'adoption des principes. Maintenant, l'Opposition nous a fait part de quelques questions ou réserves concernant certains points particuliers. Nous avons reçu des mémoires des parties patronales et syndicales qui suscitent des questions. Et je vois dans ces audiences un moment privilégié où les gens qui pratiquent les relations du travail dans le quotidien peuvent nous permettre d'améliorer et de bonifier le projet de loi que nous avons déposé.

Dans ce sens, j'aurais peut-être cinq ou six questions qui me viennent à l'esprit à la suite de la lecture de votre mémoire. Pour vous rassurer, je tiendrais à vous dire que le débit de M. Daoust était quand même rapide, mais j'ai complété la lecture du mémoire jusqu'à la fin tout en l'écoutant attentivement.

Vous avez traité de l'indépendance des commissaires qui semble une question importante pour tous les participants tant patronaux que syndicaux. Vous revenez à la charge sur la question et vous nous dites souhaiter que le traitement et la durée du mandat, une fois fixés, ne devraient pas pouvoir être réduits par le gouvernement de façon à assurer une certaine dépendance. Vous souhaitez même que le mandat soit supérieur à cinq ans en vous référant à des mandats donnés soit au fédéral, soit dans d'autres juridictions. Voici ma question précise: Vous nous suggérez que les mandats ne puissent être raccourcis une fois qu'ils ont été donnés, mais est-ce que le libellé de l'article 115 ne vous satisfait pas? L'article 115 dit que les commissaires sont nommés pour un terme déterminé. D'accord, j'ai compris que "d'au plus cinq ans", ce n'était pas satisfaisant quant à l'analyse de l'indépendance, mais, pour un terme déterminé, est-ce que cela ne lie pas le gouvernement à respecter le terme du mandat? (20 h 45)

M. Laberge: Pour nous, l'indépendance de la commission va bien au-delà de la durée du mandat, comme vous le comprenez fort bien. Nous disons que des mandats de cinq ans ou moins, c'est un peu court. II va falloir aller chercher des gens - enfin, je l'espère - qui ont un peu d'expérience dans le milieu et je sais que, du côté syndical, si vous sortez quelqu'un de son milieu pour deux ou trois ans, vous allez mettre la main sur quelqu'un qui se sent mal à l'aise dans son milieu. Il n'y a personne de vraiment sérieux et efficace qui va accepter un mandat de deux ou trois ans. Une fois que tu es sorti du mouvement syndical, c'est très difficile à réintégrer. C'est pour cela que j'en sors le moins souvent possible.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Laberge: L'autre possibilité, le mandat à vie, évidemment, cela a eu des résultats plus ou moins heureux. Je ne veux pas en parler plus longuement que cela. Un mandat déterminé, oui, mais nous trouvons que cinq ans, c'est probablement un peu trop.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est un peu trop court.

M. Laberge: Court.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous constatons que nous aurons à faire face à deux difficultés quant au recrutement des commissaires.

M. Laberge: Par rapport à cela.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La durée du mandat et la rénumération qui est habituellement prévue font en sorte que cela prend quasiment des vocations, si je peux utiliser l'expression, pour accepter...

M. Laberge: Des missionnaires qui deviendraient des commissaires.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de tels mandats. Maintenant, je vous l'ai déjà indiqué et je vous le répète, le ministère de la Justice est à travailler là-dessus, non seulement en ce qui concerne la Commission des relations du travail qui sera créée mais également les autres commissions et régies de façon à s'assurer d'une plus grande indépendance qui sert les fins de la société, à court, à moyen et à long terme, quant aux décisions qu'elles ont à rendre.

Ma deuxième question porte également sur le fonctionnement. Vous dites, à un moment donné, dans des mémoires que vous nous avez remis, qu'à défaut de majorité,

lorsque le commissaire ne siégera pas seul, comme c'est prévu qu'il peut le faire sur les questions plus importantes, la commission peut décider de siéger en banc. La décision du président du comité est prépondérante. Actuellement, l'article 125, 2° dit: "Un comité est présidé par le président ou par le commissaire que désigne le président. En cas de partage, la décision du président du comité prévaut." Ma question va être simple. Le libellé devrait-il Être: "décision prépondérante du président" ou "en cas d'égalité des voix, le président vote."?

M. Laberge: Nous préférons une majorité, ce qui est très démocratique, mais nous concevons qu'il pourrait arriver des partages.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais en cas de partage...

M. Laberge: Je m'en suis servi une fois à la FTQ et cela ne m'a pas porté fruit. Le monde croyait cela: un homme, un vote ou une femme, un vote.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais est-ce que je dois retenir, M. Laberqe, de votre intervention, qu'en cas d'égalité des voix, le président vote? Ou est-ce que le président vote sur le premier tour et qu'il a prépondérance si cela aboutit à l'égalité?

M. Laberge: Enfin, si on a un banc de trois, il peut difficilemnt y avoir égalité.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, maïs la commission peut déterminer le nombre de joueurs sur le banc.

M. Laberge: Vous parlez des deux parties, enfin, une de gauche, une de droite, sans faire référence à leur position, à leur orientation politique mais bien à leur position sur le banc?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un banc divisé. On a le choix. On peut libeller en donnant un vote prépondérant au président. Cela veut dire qu'il vote une fois et il vote une deuxième fois si son vote arrive à...

M. Laberge: Je sais, M. le ministre, qu'il y en a qui préconisent que le président prenne le temps voulu pour faire une majorité mais malheureusement, ce genre de règle nous a amenés dans des délais épouvantables. Alors, s'il y a partage, que le président décide.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous mentionnez la question de motiver les décisions de la commission dans les affaires litigieuses. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus parce que nous n'avons pas créé l'obligation de motiver les décisions dans le projet de loi comme tel. Mais nous ne sommes pas, et je l'indique, fermés à inclure...

M. Laberge: Moi aussi, M. le ministre, j'aimerais nous entendre là-dessus.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'un après l'autre.

M. Nadeau (Gaston): Effectivement, l'absence de dispositions dans le projet de loi imposant une contrainte à la commission de motiver ses décisions inquiète un certain nombre de personnes. Ce qu'on vous a proposé, c'est une approche modeste, somme toute. On demande à la commission de motiver quand il y a litige, d'abord. Pour ne pas s'enfarger dans la paperasse, on sugqère implicitement dans le texte que vous avez que cette motivation puisse se faire oralement si les parties sont présentes. Quand on comparait devant un organisme ou quand on participe à un exercice devant un organisme, c'est toujours stimulant sur le plan humain de savoir pourquoi on se fait taper sur la tête ou pourquoi on gagne. Alors, si la commission, dans une séance de conciliation, par exemple, nous dit: Écoutez, les gars, si vous ne rentrez pas, on va vous faire entrer avec une ordonnance; on aimerait savoir un peu pourquoi ils vont nous faire entrer avec une ordonnance. Et j'imagine que nos confrères ou nos amis du côté patronal aimeraient savoir aussi pourquoi la commission leur dirait qu'elle ne nous fait pas entrer.

Alors, c'est un minimum qui n'est pas trop lourd mais qui permet à tout le monde de savoir un peu où on s'en va.

M. Laberge: M. le Président, c'est pour cela que j'ai demandé à notre conseiller juridique de vous l'expliquer dans ses termes, pour continuer de déjudiciariser le système. En d'autres mots, si on a fait quelque chose de pas correct et que la commission nous déboute, il faut qu'on sache pourquoi pour ne pas commettre la même erreur la fois suivante; c'est dans ce sens-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant à l'article 137.3, vous soulevez un point sur lequel à peu près toutes les parties sont revenues. "La commission peut énoncer des politiques générales sur l'application des dispositions du présent code qui sont de son ressort et, le cas échéant, elle les diffuse."

Tel que libellé présentement, voici le deuxième alinéa: "Ces politiques ne lient pas la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles." Et vous nous demandez, si j'interprète bien votre mémoire,

que la commission soit liée par ses énoncés de politique. Et là, je vais préciser ma question: Est-ce que vous ne craignez pas que, dans une situation où les faits prennent une importance déterminante, cette obligation pour la commission d'être liée par un énoncé de politiques aboutisse dans un certain déni de justice?

M. Laberge: Alors, cela vient rajouter à ce que nous venons de dire, M. le ministre. La commission motivera son "département" de ses politiques énoncées et, à ce moment, on saura à l'avenir ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Ce qui est important, et nous l'avons toujours dit: On veut connaître les règles du jeu. Par exemple, est-ce que cela prend la carte originale ou si cela prend une photocopie? Est-ce que cela prend 50% plus un ou si cela prend 58%? Évidemment, on chialerait contre les 58%, mais on serait probablement d'accord avec 48%. Mais ce qui est le plus impartant pour nous, c'est de connaître les règles du jeu. Et on va respecter cela. Alors, dans ce sens-là, quand la commission va se donner des politiques ou des règlements, il est hautement souhaitable qu'elle les respecte. Et si elle est obligée de se départir de cela pour une raison ou pour une autre, qu'elle donne les motifs et on le saura.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ma question suivante va traiter du domaine de la construction. Nous avons des revendications et de la partie patronale et de la partie syndicale, également, de mieux connaître les règles du jeu, de rendre des décisions plus rapides de façon à s'assurer d'un fonctionnement plus rapide de l'appareil en ce qui concerne le secteur de la construction.

Maintenant, les demandes que nous avons sur la table, ce n'est pas la création d'une Commission de relations du travail, c'est une demande de création d'un tribunal de la construction comme tel. Dans l'éventualité - et la loi le permet, je l'indique, nous avons effectué des vérifications - où une section ou un département de la commission serait spécialisé dans le domaine de la construction, est-ce que cela répondrait aux demandes que vous avez exprimées dans le passé?

M. Laberge: Entièrement. Et c'est ce que nous demandons depuis toujours. Bien sûr, vous pouvez décider de nommer quelqu'un qui vient de la commission, par exemple, et qui s'entoure de personnes qui connaissent cela et qui traitent de problèmes de construction. C'est ce qu'on demandait -d'ailleurs, Jean Lavallée, le président de la FTQ, peut nous en parler plus longuement -dans le mémoire que la FTQ-Construction a déposé en 1984.

Une voix: ...

M. Laberge: Jean Lavallée, c'est le grand slimlà.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Lavallée (Jean): Justement en 1984, dans cette même pièce, on avait présenté un mémoire et les parties étaient unanimes à ce moment-là pour qu'on ait un tribunal de la construction. Mais, par contre, on avait spécifié aussi qu'on était d'accord avec le fait que ce soit une division du Tribunal du travail.

Maintenant, M. le ministre, avec votre projet, vous abolissez le Tribunal du travail si vous nous dites que, de par la composition de la commission, en vertu de l'article 104, si je me rappelle bien, vous pourriez adjoindre un vice-président qui, à ce moment-là, pourrait traiter des sujets de la construction. Je prends votre parole là-dessus et soyez assuré qu'on va regarder cela dans ce sens. J'ai même fait certaines vérifications avec d'autres centrales qui sont d'accord dans la mesure où on puisse être certains que ce sera une section à l'intérieur de la commission qui pourra traiter des dossiers de la construction pour éviter justement, comme ce qui est dans le projet, que le commissaire disparaisse. On voudrait que cela soit clair à ce moment-là qu'on pourra avoir cette partie pour la construction. Aussi, avec toute la question du pénal, il ne faut pas qu'on se réveille devant la Cour provinciale. Je sais que c'est en transit mais on a un certain problème là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais parler maintenant de la question du 50 % ou du 35 %. Jusqu'ici, nous avons reçu une association patronale qui est venue devant nous mais nous avons eu l'occasion de lire les mémoires d'autres associations patronales. La prétention de certaines associations patronales est que l'abolition comme telle de l'article 28 de l'actuel Code du travail va faire en sorte qu'une demande d'accréditation pourra être reçue dans les cas où il y aura moins de 35 % de salariés de l'unité de négociation qui en fait la demande et qu'avec 25 % de salariés qui voudraient être accrédités dans une entreprise, on pourrait finalement les accréditer. Quelle est votre interprétation de la loi telle qu'elle est devant nous présentement?

M. Nadeau: J'ai eu l'avantage d'être présent cet après-midi quand cette question a été soulevée en présence de nos amis de la CSN et d'abord, j'étais abasourdi de constater que le Conseil du patronat avait ce souci épouvantable de souligner à cette commission que, s'il y avait seulement 25 % des travailleurs qui voulaient un syndicat, on

pourrait ordonner un vote, comme si la tenue d'un scrutin secret...

M. Laberge: Non, on n'est pas abasourdi, ils savent qu'avec 25 % des travailleurs qui veulent un syndicat, on est battu quand le vote arrive. La réponse est non, on n'en veut pas.

M. Nadeau: L'amendement à l'article 28, effectivement, illustre le fait qu'on vient de se débarrasser de différentes instances décisionnelles. Dans le code actuel, étant donné qu'on avait trois paliers, on a jugé bon à un moment donné de dire que chaque palier pouvait ordonner un vote quand il y avait au moins 35 %. Maintenant qu'on abolit les trois paliers pour n'en former qu'un seul, les légistes ont estimé qu'il n'était plus nécessaire de répéter cela deux et trois fois, que l'on pouvait ordonner un vote quand il y avait au moins 35 %. Ils l'ont laissé une fois dans le code, à l'article 37. La commission pourra, je pense, effectivement, ordonner un vote sur un dépôt comportant moins de 35 % dans des cas de pratiques déloyales. Mais cela, vous savez, ce n'est pas une révolution. L'ancienne...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Comme c'est le cas présentement.

M. Nadeau: Ce n'est pas le cas présentement. Bien que si on l'avait plaidé, on aurait peut-être pu... Bon.

M. Laberge: Dans le cas de pratiques déloyales.

M. Nadeau: Je veux vous faire remarquer, M. le ministre, que l'ancienne Commission des relations ouvrières qu'on a eue au Québec avant 1969 avait déjà effectivement ordonné des votes dans ce qu'on appelait à l'époque des dépôts minoritaires, dans des ca9 où il y avait des pratiques déloyales de la part d'un employeur qui empêchait une campagne d'organisation syndicale.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, je vais vous interrompre parce que, moi, ce qu'on me dit, c'est que présentement, dans le cas de pratiques déloyales, en bas de 35 %, le libellé actuel du code, sans la nouvelle loi...

M. Laberge: Le commissaire peut ordonner un vote.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...permet dans des circonstances exceptionnelles au commissaire de commander un vote.

M. Laberge: Absolument.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et cette situation est maintenue, il n'y a rien de changé avec le nouveau projet de loi.

M. Nadeau: II n'y a rien de changé. (21 heures)

M. Laberge: M. le ministre, pour répondre à votre question de façon courte, concise et très claire, nous estimons qu'actuellement, cela va bien. Il n'y a pas énormément de cas à 35 % et encore moins en bas de 35 %. On ne préconise pas de changer cela.

M. Nadeau: II n'y a pas de changement.

M. Laberge: Si on n'est pas capable de faire signer les membres, on ne va pas les représenter. On va représenter ceux qu'on est capable de faire signer mais on tient à cela. Il faut tenir à quelque chose.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On m'informe qu'il reste à peine cinq minutes d'échange. En vertu des règles de l'alternance, peut-être que l'Opposition pourrait vous adresser des questions et je reviendrai pour les cinq minutes qui restent ou quelqu'un de ce côté-ci.

Le Président (M. Théorêt): Alors, je vais reconnaître le critique officiel et député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord dans un premier temps remercier sincèrement le président de la Fédération des travailleurs du Québec, M. Laberge, ainsi que ses collaborateurs. Même si le délai qui vous était imparti était très court, je pense que cela aurait été un peu inconvenant de ne pas vous entendre comme centrale syndicale, bien sûr, mais surtout comme organisme qui a, je pense, un passé très actif dans les relations du travail, en particulier par le souci que la centrale a toujours eu d'exprimer son point de vue sur les grandes modifications ou les léqislations importantes qui ont marqué les relations ouvrières ou les relations du travail du Québec. Je pense que c'est important d'avoir votre point de vue.

Vous avez fondamentalement, M. le président, ainsi que les autres collègues un mémoire qui, à plusieurs égards en tout cas, rejoint la position que j'ai eu l'occasion d'exprimer lors du débat en deuxième lecture, qu'on appelle communément le débat sur l'adoption du principe. Il faut reconnaître cependant qu'entre le principe et les modalités, le contenu, la chair autour du poisson, parfois il y a des nuances importantes. J'étais heureux que vous signaliez qu'on a beau relire et relire les notes explicatives et le projet de loi, il y a des écarts assez considérables entre la vertu

et les objectifs avouables, dans le bon sens, de déjudiciarisation, de raccourcir les délais, de s'assurer que dorénavant il y ait un peu plus de relations du travail qui se règlent à des premiers niveaux avant d'arriver avec des décisions ou des jugements. Il me semble que ces objectifs dans les notes explicatives sont très bien traduits, sauf que dans le projet de loi, à plusieurs articles, il y aura lieu de s'interroger sur des dispositions et c'est ce qu'on va essayer de faire en ce qui nous concerne. C'est pourquoi j'étais heureux de constater que, dans votre mémoire, spécifiquement sur certains éléments marquants, vous arriviez avec des recommandations qui sont les vôtres mais qui permettront à l'étude article par article de porter un jugement plus adéquat quant à l'application. De cela, je pense qu'on doit vous remercier.

Je vais y aller tout de suite, messieurs, pour des raisons de temps, avec quelques questions que j'aimerais vous poser. Aux pages 4 et 5, il est heureux que vous ayez constaté, concernant la constitution et la formation de la commission de même que les compétences et les recours, qu'il y a des trous importants. Je suis d'autant plus heureux qu'on a vu trois ou quatre mémoires et j'ai eu l'occasion de lire les autres... Cela fait drôle, c'est-à-dire que c'est correct, ce n'est pas drôle, c'est dans le bon sens que l'ensemble des intervenants jusqu'à maintenant ont dit que dans le mandat ou les fonctions, à l'article 112, il y a des éléments du libellé qui n'ont rien mais rien à voir avec une problématique de relations du travail. Je suis heureux de constater que la FTQ aussi prétend que finir des phrases par un souci de bonne gestion des ressources humaines, c'est beau, c'est "cute", mais cela n'a pas sa place dans un article de relations du travail, parce que ce n'est pas véritablement la responsabilité d'une Commission des relations du travail de porter des jugements sur la gestion des ressources humaines. Il me semble que cela appartient bien plus comme préoccupation aux deux parties, autant à la partie syndicale qu'à la partie patronale, de se préoccuper... Règle générale, je reconnais que c'est plus patronal, mais ce type d'échanges sur une qualité de gestion des ressources humaines doit être fait entre les parties et non par une Commission des relations du travail.

Mes premières questions, M. le président, ou d'autres membres de votre équipe vont porter sur la nomination des commissaires. J'étais heureux effectivement que vous mentionniez que cela ne fait pas tellement crédible en partant de dire que c'est un mandat maximum de cinq ans, surtout que c'est écrit comme cela: maximum cinq ans. Il faut quand même permettre à ces commissaires d'avoir une crédibilité, une très grande notoriété, une très grande indépendance, - et je pense que c'est le terme le plus important, - et, en conséquence, un mandat trop court ne permet pas de consacrer ces objectifs. Mais j'ai été surpris que vous ne touchiez pas -peut-être que votre préoccupation était ailleurs - la nomination même du président et des vice-présidents. Vous avez parlé de la nomination des commissaires, c'est votre droit, mais j'aurais aimé que vous donniez votre point de vue sur la nomination du président et des vice-présidents. Est-ce que vous croyez que cela doit être une responsabilité laissée entre les mains de l'exécutif ou toujours pour les mêmes objectifs de très grande crédibilité, notoriété, et ainsi de suite, un peu comme cela existe, je pense, à la Commission des droits de la personne où cette nomination est faite par l'Assemblée nationale? Sans mettre de proportion, aux deux tiers des voix, je voudrais vous demander si vous croyez, vous autres, que cela permettrait de donner un niveau de notoriété plus grand si le président et les vice-présidents étaient ratifiés et nommés - je reviendrais tantôt sur les suggestions de noms - si la nomination était faite par l'Assemblée plutôt que par l'Exécutif. Quel est votre avis là-dessus?

M. Laberge: Non, au contraire, M. le Président, si vous relisez le dernier paragraphe de la page 6 et le premier de la page 7, au contraire, on dit que c'est d'une importance capitale, les personnes qui vont être nommées comme président et vice-présidents, c'est cela qui va donner de la crédibilité à la commission. C'est pour cela qu'on veut enlever de la commission tout ce qui ne relève pas de la commission. La gestion des ressources humaines, il y a d'autres organismes pour cela. Dans le cas des nominations, on dit: Après consultation avec le CCTMO un peu comme se fait la liste des arbitres de griefs actuellement.

M. Gendron: M. Laberge, vous ne m'avez pas compris. Il n'y a pas de "au contraire". Cela...

M. Laberge: J'aimerais mieux les nommer moi-même mais on n'a pas osé...

M. Gendron: Non, ce n'est pas cela. Je trouve qu'il y a une différence entre le fait que vous soyez mis à partie dans la consultation même - tantôt je vais revenir là-dessus, - cela, c'est une chose. Mais je voulais seulement ... Le pouvoir de nomination, regardez l'article, c'est écrit noir sur blanc. C'est marqué: la commission est composée de commissaires nommés par le gouvernement dont un président ou plusieurs vice-présidents. La question que je vous posais, c'est: Ne croyez-vous pas que le président et les vice-présidents devraient

être dans les mains du législatif dans la loi, plutôt que l'Exécutif et c'est l'Assemblée nationale, à ce moment-là, qui nommerait le président et les vice-présidents, après un mécanisme dont on va parler dans une seconde, mais c'est différent de ce que je vous pose comme question.

M. Laberge: Ah bon, je comprends mieux votre question. Le gouvernement, ce n'est pas nécessairement l'Assemblée nationale.

M. Gendron: Non. Vous comprenez de quel bord je suis là.

M. Laberge: Non, mais si cela se fait avec et après consultation des parties, comme les nominations des juges au Tribunal du travail ont été faites, comme les arbitres sont embarqués sur la liste des arbitres de griefs, à ce moment-là, pour vous dire bien honnêtement, nous n'avons pas trouvé sujet à critique trop trop au cours des années sous différents gouvernements parce qu'au CCTMO les parties sont représentées, là ou ailleurs. Je pense que les parties impliquées - c'est elles qui vont être les premières concernées avec la Commission des relations du travail -doivent être consultées. Consultées, évidemment cela ne veut pas dire: envoyez-nous sur un bout de papier les noms de ceux que vous pensez qu'on devrait nommer et passer à côté et en nommer d'autres. À ce moment-là, on se fera entendre.

M. Gendron: Justement...

M. Laberge: Et au lieu d'avoir seulement ces bons militants et ces bonnes militantes, on viendrait un peu plus nombreux pour se faire entendre mieux.

Je pense que c'est très sérieux que les parties soient impliquées dans le choix. C'est ce que vous voulez, c'est ce que nous voulons.

M. Gendron: D'accord. Je sais que ce n'est pas l'objet du projet de loi, mais vous êtes sans doute au courant que le ministre du Travail a également déposé le projet de loi 41, Loi sur le Conseil consultatif sur l'emploi et la sécurité du revenu, lequel projet de loi fait disparaître le CCTMO, Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Je ne sais pas si vous êtes d'accord là-dessus, mais...

M. Laberge: La chambre de commerce veut nous faire disparaître depuis 50 ans.

M. Gendron: Non, mais écoutez bien, et je pense qu'elle est importante. Dans ce projet de loi, indépendamment qu'il fasse sauter le CCTMO pour créer un nouvel organisme, le ministre du Travail vise à ce qu'il y ait également une instance consultative à son nouveau conseil. Je ne veux pas discuter de cela ici, ce n'est pas le moment. La question que je vous pose, parce que je trouve que c'est important: Ne croyez-vous pas, vu que vous allez réclamer que les pouvoirs soient unifiés à la Commission des relations du travail, que si jamais il y avait une instance-conseil, sans la qualifier, sans la baptiser, au ministère du Travail pour toutes les dispositions concernant les relations du travail, s'il y a un endroit où il ne faut pas qu'elle aille, c'est n'importe où ailleurs qu'ici? Je voulais savoir si vous partagez cet avis que s'il y a une instance-conseil pour conseiller le ministre concernant les relations du travail, cela ne doit pas être mêlé à un organisme consultatif qui va s'occuper de sécurité d'emploi, de sécurité du revenu, du salaire minimum et ainsi de suite, mais que les questions relatives aux relations du travail et aux conventions collectives devraient relever d'une instance greffée à la Commission des relations du travail. Est-ce votre avis?

M. Laberge: Pour répondre à votre question au sujet d'un projet de loi qui parle de créer un organisme dont on n'est pas supposé discuter ce soir, je tiens à vous dire qu'on est en faveur d'un organisme oecuménique. Oui va être contre cela? Sauf que cette question, c'est plus sérieux que cela et cela doit relever des parties. Quand je dis "des parties", je parle des parties patronales, des parties syndicales qui vont avoir à vivre avec la Commission des relations du travail. Les groupes communautaires, avec tout le respect qu'on a pour les groupes communautaires qui sont concernés par la sécurité du revenu, l'emploi et tout cela, sont moins directement concernés par au jour le jour de la nouvelle commission des relations du travail, les mécanismes d'accréditation, de négociations. Cela ne les touche moins. C'est pour cela que je dis; Ce doit être les parties.

Pour le moment, le CCTMO est là. Les parties sont représentées de façon paritaire au CCTMO, c'est un endroit idéal.

M. Gendron: Sur l'autonomie de la commission, dans votre mémoire, vous en avez parlé abondamment. Je ne veux pas discuter... Je pense que vous nous faites des suggestions qui sont reqardables. En tout cas, si j'étais au gouvernement, ou ministre du Travail, je les regarderais, mais il m'apparaît qu'à un niveau vous y allez fort. À la page 9 de votre mémoire, et là je voudrais avoir plus d'explications - c'est un peu normal que la FTQ y aille fort - il y aurait donc lieu de modifier l'article 114 pour prévoir que le gouvernement nomme le nombre de commissaires que la commission jugera suffisant pour assurer la bonne

expédition de ses affaires. C'est très clair ce que vous avez dit là, cela se comprend très bien. Ne trouvez-vous pas que ce serait peut-être plus légitime ou logique de penser qu'il y ait une disposition qui obligerait le gouvernement à demander avis, à la commission après un certain temps de fonctionnement, qu'elle suggère au gouvernement un certain nombre de commissaires plutôt que ce soit la commission qu'on crée qui elle-même décide de son nombre de commissaires? Vous ne trouvez pas que cela peut être abusif, que cela peut aller très loin?

M. Laberge: Non, vous avez parfaitement raison. Tout s'est fait un peu à la vitesse. Quand on parle d'une autonomie pleine et entière de la Commission des relations du travail, qu'elle devra avoir un budget et qu'elle devra se doter du personnel voulu pour être efficace, c'est ce qu'on veut dire.

M. Gendron: Mais ce n'est pas se nommer elle-même.

M. Laberge: Le gouvernement va nommer le président, les vice-présidents, bien sûr, mais après cela, la commission négociera son budget avec le gouvernement. C'était plutôt dans ce sens-là.

M. Gendron: D'accord, cela peut être atténué un peu et cela représente plus l'esprit de ce que vous vouliez mentionner.

M. Laberge: Nuancez-la et vous nous enverrez cela, on va l'accepter avec plaisir.

M. Gendron: Aux pages 12 et 13, j'ai été heureux de constater, M. Laberge, parce qu'encore là, cela a été repris par plusieurs intervenants... On peut difficilement envisager une nouvelle commission des relations du travail où des dispositions aussi importantes en matière de relations du travail, des dispositions antibriseurs de grève, de même que toute la réglementation concernant le piquetage lui soient soustraites. Si je le rappelle, ce n'est pas par flatterie, c'est que le ministre a dit: Oui, mais écoutez, cela n'a rien à voir avec une réforme importante du Code du travail. Plus on le regarde, on se rend compte que ce n'est pas une réforme importante du Code du travail, c'est une réforme qui va dans le sens d'une des recommandations de la commission Beaudry de créer une instance unifiée. En 1987, les dispositions antibriseurs de grève de même qu'en particulier toute la question du piquetage, je pense qu'on pourrait écrire juste un article dans le projet de loi que nous étudions qui dirait tout simplement que les dispositions concernant la réglementation qui doit être interprétée suite à l'exercice du piquetage par des piqueteurs, cela serait suffisant, mais je ne suis pas avocat, je ne suis pas un spécialiste. Je veux savoir si vous pensez que cela serait suffisant d'avoir juste une disposition dans la loi que nous étudions sur les relations du travail qui indiquerait que, concernant le piquetage, c'est la Commission des relations du travail qui a la responsabilité d'établir l'interprétation de la réglementation concernant le piquetage. (21 h 15)

M. Laberge: Pour nous, c'est indispensable. Encore une fois, nous sommes en faveur d'une Commission des relations du travail pourvu qu'elle ait tous les pouvoirs, des pouvoirs absolus. Je sais que parfois, il y a du monde chez nous qui vont s'en mordre les pouces. Mais pour la rendre efficace, il faut qu'elle ait juridiction sur toutes les matières du code, les mesures antibriseurs, le refus d'un employeur d'engager un travailleur ou une travailleuse, le piquetage, la limitation, enfin tout. Il serait illogique qu'un officier de syndicat qui aurait mis les mains sur une lettre que le président a envoyée au président de la compagnie et que, dans ses activités syndicales, il prenne la lettre pour la montrer aux syndicats, se fasse maudire dehors et que cela aille devant la commission, et que le cas d'une compagnie qui engagerait des professionnels pour lui prendre sa job alors qu'il est en grève légale, cela n'aille pas devant la commission. Cela nous semble tout à fait illogique.

M. Gendron: À la page 15, vous prétendez, probablement avec raison, mais j'aimerais que vous m'expliquiez cela davantage, qu'à l'article 137.9, "la commission peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue." Je voulais seulement savoir si cela n'était pas un terme consacré en droit du travail que c'est pour cause qu'on révise alors que vous dites dans votre mémoire: Non, il faudrait enlever cette dimension limitative et qu'elle puisse réviser chaque fois que bon lui semblera. Je ne porte pas de jugement. Je ne fais que vous demander. Je croyais que quand c'était écrit "pour cause", c'était comme cela en relations du travail, c'est qu'il y avait quelque chose de relié à un objectif bien précis. Selon votre expérience à la FTQ comme centrale syndicale, est-ce important pour vous, que cette limitation soit retranchée?

M. Laberge: Pour nous, c'est important. Je pourrais vous expliquer cela dans mes mots, mais je vais laisser la parole à notre conseiller juridique. Je pense qu'il y a une nuance très importante à faire. Pour cause, dans ce cas-ci, c'est limitatif.

M. Nadeau: C'est un élément clé de la

déjudiciarisation. La notion de cause suppose l'existence de faits ou d'arguments de droit qui vont justifier une révision. Alors, on tombe carrément dans les belles arguties juridiques alors qu'une commission qui se veut essentiellement un organisme administratif ne s'embarrassera pas de rechercher des phénomènes juridiques pour justifier son intervention. Si on se rend compte qu'une décision n'est pas bonne parce qu'elle répond mal aux besoins des relations du travail, on pourra la réviser, qu'il existe ou non des motifs juridiques pour le faire.

M. Laberge: C'est cela.

M. Nadeau: L'élément fondamental là-dedans, c'est que si on veut vraiment déjudiciariser le système, il faut se débarrasser de toutes ces notions ou du maximum de notions juridiques dont le Code du travail est plein et qui font évidemment les délices des gens de ma profession. On a énormément de plaisir à examiner les belles questions de droit, mais les problèmes pourrissent parfois à cause de cela.

M. Gendron: Même à les expliquer, on sent que vous avez une certaine ferveur à bien nous faire comprendre la différence.

M. Nadeau: Oui.

M. Laberge: Non, je vais essayer de vous donner un exemple en expliquant cela dans mes mots.

M. Gendron: Cela va.

M. Laberge: La commission aura juridiction pour tout renvoi. Si elle a juridiction sur tous les renvois, on n'est pas obligé de rajouter "pour cause". Au contraire, quand on rajoute "pour cause", on vient de limiter son droit d'intervention. Voilà! C'est clair.

M. Gendron: II me reste deux petites questions à poser dans le temps qui m'est imparti. J'ai oublié tantôt de vous demander votre avis sur les commissaires à temps partiel. Que pensez-vous de cela?

M. Laberge: Ah mon doux Seigneurl Nous n'en avons même pas parlé. Nous savons qu'à certains endroits, il existe des commissaires à temps partiel venant des parties, mais au Québec, avec la multiplicité des parties intervenantes, on a décidé ne pas y toucher pour le moment, en tout cas. La commission, une fois qu'elle sera en place, pourra décider d'avoir des commissaires à temps partiel ad hoc pour certaines causes plus particulières. Mais pour nous, ce n'est pas d'une importance capitale.

M. Gendron: D'accord. À la page 16, vous recommandez que le deuxième alinéa de l'article 137.3 soit retiré du projet. Je suis complètement d'accord avec vous puisque, selon l'article 137.3, les politiques ne lieraient pas la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Vous êtes contre le fait que les politiques ne lient pas la commission et cela m'apparaît logique. Mais le ministre n'a parfois pas toute l'écoute qu'on souhaiterait. C'est rare, mais cela lui arrive parfois. Alors, dans la perspective qu'il ne voudrait pas chanqer cette disposition de son projet de loi, je voudrais savoir quelles conséquences vous pensez que cela pourrait avoir de maintenir, dans son second paragraphe, le fait que la commission... Je trouve cela curieux, ces politiques ne lient pas la commission dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles. Mais, je suis incapable d'évaluer les conséquences que cela aurait si cela demeurait comme cela. Vous demandez de l'enlever, donc vous l'avez évalué, si vous demandez de l'enlever. S'il restait là...

M. Laberge: Une des raisons primordiales pour lesquelles on préconise le changement de système, c'est que, justement, à l'avenir, on devrait connaître les rèqles du jeu. Quand la commission se dotera de politiques et de règlements, il est important que la commission soit tenue par ces politiques et ces règlements. Cela ne veut pas dire qu'à un moment donné elle ne pourra pas réviser une décision en motivant pourquoi, dans ce cas précis, elle passe à côté d'une politique qu'elle se serait donnée. Mais il faut que la commission soit tenue par ces politiques et ces règlements. Encore une fois, c'est pour établir très clairement les règles du jeu.

M. Gendron: Une dernière question dans le temps qui m'est imparti. À la page 20 -et vous admettrez qu'on n'a pas eu le temps de couvrir trop trop la dernière partie; c'est pour cela que je pose une question à ce sujet - vous dites: On doit déplorer qu'à l'exception des plaintes portées en vertu de l'article 15 du code, le projet est silencieux à l'endroit de la procédure et des délais régissant l'exercice des recours devant la commission - et je pense que vous avez raison, on n'a pas beaucoup d'indications sur le mode de gestion ou d'information concernant l'exercice des recours. Vous dites: II y aurait lieu de combler cette lacune. En deux phrases, si vous aviez l'occasion de nous suggérer comment combler cette lacune, quelle suggestions feriez-vous?

M. Nadeau: Un article qui pourrait se lire à peu près comme suit: Toute personne intéressée qui estime qu'une disposition du présent code n'a pas été respectée peut

déposer plainte à la commission dans les 30 jours de la survenance des événements.

M. Gendron: Est-ce un pouvoir additionnel?

M. Nadeau: Ce n'est pas un pouvoir additionnel. Je pense qu'il s'agit peut-être plus là d'une ambiguïté rédactionnelle à corriger pour éviter des chichis. Vous savez, on se préoccupe autant des problèmes qu'on pourrait avoir après, des attaques qu'il pourrait y avoir éventuellement contre des décisions de la commission à cause des incertitudes, des ambiguïtés ou des faiblesses rédactionnelles de la loi. On est habitué de vivre avec des contestations juridiciaires et on cherche à éviter cela autant que possible. Alors, il ne s'agit pas nécessairement de dire que la loi est incomplète. La loi est peut-être complète, mais on ne veut pas être obligé d'aller jusqu'en Cour suprême pour se faire dire que la loi est complète. On voudrait que ce soit clair en partant. Alors, s'il y avait un petit article qui disait: Quand on se fait congédier ou quand c'est une pratique déloyale, on peut déposer une plainte. Ce sera clair et on aura un délai. On recommande que la commission puisse étendre le délai, pour ne pas être enfargée, encore là, dans la procédure. Il n'y aura pas de chicane.

M. Laberge: M. le Président, si vous me le permettez, en deux mots, si la commission est pour avoir juridiction sur toutes les plaintes venant du code, on dit qu'elle devrait avoir juridiction sur tout le code, qu'il y ait plainte ou non.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre, il vous reste cinq minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, brièvement. Je pense que je ne peux le laisser sous silence, en parlant de toute la question de l'indépendance de la commission et des commissaires, le député d'Abitibi-Ouest a fait allusion à des commissaires qui pourraient possiblement être nommés à partir d'une liste dressée par le CCTMO. Dans la conversation ou la discussion, il a parlé d'un autre projet de loi qui est déposé devant l'Assemblée nationale du Québec, mais dont les discussions n'ont pas encore été entamées, la création d'un Conseil consultatif sur l'emploi et la sécurité du revenu qui viserait à remplacer l'actuel CCTMO.

J'ai été un peu surpris de ses propos cet après-midi. Je le suis encore davantage qu'il les répète ce soir. Lorsqu'on arrive comme ministre dans un ministère, on se fait un peu raconter l'historique du ministère; c'est un peu plus facile, c'est habituellement contenu et bien condensé, mais on se fait un peu raconter l'historique des organismes aussi. Ce qu'on m'a dit lorsque j'ai été assermenté comme ministre, en ce qui concerne le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, c'est que lorsqu'un de mes prédécesseurs - et je pense qu'il s'agit de l'actuel chef de l'Opposition - a reçu du conseil un avis ou une recommandation -c'est un conseil consultatif - qui ne lui plaisait pas, il a arrêté de consulter le conseil et le conseil a été placé sur le neutre depuis ce temps-là et on ne lui a pas demandé de consultation. Qu'on m'arrive ce soir en plein milieu de ce débat, qu'on invoque un autre projet de loi et qu'on tente de dire qu'il faudrait faire jouer un rôle au conseil, quand comme gouvernement on l'a stationné, je suis un petit peu surpris et je vous le dis, je le manifeste bien spontanément et ouvertement. Quant au fond dudit projet de loi, il en sera question à la discussion des principes. On aura l'occasion de s'en reparler, mais je tiens à indiquer clairement que l'objectif qui est visé, c'est d'associer les autres partenaires de la société qui ne sont pas représentés dans le cadre d'une structure patronale ou syndicale, les associer à des questions qui les intéressent vivement, des questions qui touchent, oui, la sécurité du revenu, oui également l'emploi. J'ai donné comme exemple cet après-midi la question du salaire minimum qui touche plus de 125 000 Québécois et qui est une question importante. Les membres actuels de CCTMO m'ont dit: II y a possibilité de faire cela en gardant le conseil tel qu'il est, former un sous-comité où on inclut ces gens-là. Il y a la possibilité inverse, on peut former un sous-comité qui inclut les gens qui s'occupent de relations du travail structuré et avoir un conseil d'administration élargi. Tout cela est ouvert aux discussions. J'ai même entendu, en lisant un procès-verbal quelque part, un représentant syndical dire que de toute façon les parties syndicales et patronales structurées vont continuer à se rencontrer quoi qu'il arrive, ils ont pris cette habitude dans la société et c'est positif. Je ne voudrais pas citer le nom de celui qui a dit cela.

Je veux en revenir à l'article 112 du projet de loi et à une question qui a été relevée par tous les intervenants au moment où on se parle dans cette commission et qui semble avoir été rejetée - et je le dis bien humblement - par l'ensemble des intervenants. C'est la question qui touche la bonne gestion des ressources humaines. Cette expression que l'on retrouve à l'article 112 du projet de loi au niveau de la constitution et de l'organisation. La partie patronale qui a comparu au moment où on se parle nous a dit: On a peur que vous touchiez à notre droit de gérance et on pousse le bouton de panique, comme on dit, si quelqu'un veut toucher à notre droit de gérance. La partie syndicale nous dit, je vous cite votre texte à

la page 5: "La commission ne doit pas devenir un gestionnaire d'entreprise; cette fonction doit relever des parties en présence." Le projet de loi est orienté de façon à donner encore plus de responsabilité aux parties et à réserver le rôle d'adjudication lorsqu'il devient absolument nécessaire après avoir épuisé toute la conciliation, toute la médiation et toutes les ressources possibles. Ma seule représentation, je vous demanderai de repenser à cet élément. Je ne vous dis pas que vous avez tort et je ne prétends pas avoir raison. Je vous dis que le domaine des relations du travail est un domaine qui est en évolution. Un fonds de solidarité des travailleurs du Québec, il y a 35 ans il n'en aurait peut-être pas été question, mais quand il est arrivé, il en était question et cela fonctionne. Vous avez tenu un colloque dernièrement sur les ressources humaines, il n'aurait peut-être pas été question de cela il y a quinze ans. Est-ce qu'en demandant à la commission ou en lui imposant le mandat de tenir compte de la bonne gestion des ressources humaines, on s'en va vers l'arrière ou vers l'avant? J'ai indiqué que c'était une disposition que le gouvernement n'avait pas mise dans le ciment. On est prêt à la regarder de tous les côtés mais on invite les parties à l'analyser sérieusement. Lorsqu'un commissaire ou la commission rendra une décision, est-ce qu'elle ne doit pas tenir compte de ce nouveau critère dans l'entreprise qui est la bonne gestion des ressources humaines?

M. Laberge: Mon cher ministre, on ne dit pas que la commission ne doit pas en tenir compte, sauf que la commission ne peut pas être juge et partie. Comme c'est la commission qui aura à trancher de ces questions, on trouve que de lui donner cette responsabilité l'embourberait probablement beaucoup plus qu'autre chose. D'ailleurs, vous le savez, vous n'avez pas laissé de côté le mot "administrer" à bon escient. Vous savez que vos notes explicatives sont beaucoup plus généreuses que le texte. Nous préférons vos notes explicatives là-dessus.

Le Président (M. Théorêt): M. le ministre, une dernière question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Je prends note de votre remarque. Vous dites cela et vous avez raison de le dire que la terminologie des notes explicatives est différente. Mais entre ce que vous dites et ce que le critique de l'Opposition a dit qu'il y avait une différence, mer et monde entre les deux, je pense que les notes explicatives ne sont pas là pour induire en erreur.

Je terminerai en vous disant que la phrase clé de votre mémoire, en ce qui me concerne, se retrouve à la page 23. C'est dommage que M. le secrétaire général n'ait pas eu le temps de se rendre jusqu'à cette page.

M. Laberge: Lui, il avait le temps, mais c'est le président qui n'avait pas le temps.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le temps imparti par la commission ne lui a pas permis de se rendre à la page 23 et la phrase clé de ce que nous sommes en train d'édifier est peut-être la suivante: "Au-delà des structures et, parfois, malgré les structures, ce sont les femmes et les hommes qui assurent le succès ou l'échec d'une entreprise." Et c'est ce qui arrivera dans notre cas.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Si vous le permettez, je vais donner la parole au critique de l'Opposition pour les remerciements d'usage. Vous reviendrez ensuite, ainsi que le président de la FTQ.

M. Gendron: Un commentaire et un remerciement d'usage. Mon commentaire sur le CCTMO est le suivant. J'ai été quand même sept ans ministre et je n'ai jamais entendu parler qu'un ministre du Travail avait reçu une plainte disant qu'il n'était même pas au courant de ce qui se passait au CCTMO. Cela n'a jamais été le cas, dans notre gouvernement, tandis que cela semble être le cas avec vous, depuis un an et demi. Vous n'avez pas l'air du tout de savoir ce qui se passe là et vous n'êtes pas intéressés à le savoir. Alors, c'est normal de le supprimer. Je n'ai pas parlé du CCTMO du tout. C'est important. Il s'agissait de leur demander si une instance qui conseille le ministre en matière de relations du travail doit être dans un "melting pot" qui s'occupe de n'importe quoi. C'est de cela que j'ai voulu parler et ils m'ont dit: Non, on aimerait mieux que ce soit sa place. Alors, j'étais content de leur réponse.

Merci beaucoup de votre participation à cette commission. Je pense qu'effectivement, le mémoire que vous avez soumis, y compris la dernière ligne ou la dernière phrase, dans son ensemble, va sûrement aider l'Opposition et le ministre du Travail, également, à essayer de bonifier et d'améliorer certains articles pour qu'il y ait plus de concordance, à tout le moins, entre les notes explicatives et le projet de loi.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie la FTQ d'avoir pris le temps

d'effectuer une analyse, article par article, du projet de loi, de tenter d'en évaluer les conséquences, de tenter de maîtriser l'avenir un peu, comme votre procureur l'a dit, d'éviter des litiges inutiles, à l'avenir. Il est certain que, dans le domaine des relations du travail, il demeurera toujours des points d'interprétation qu'on demandera aux tribunaux d'élucider, etc., mais, plus on pourra en éliminer par nos travaux, plus on aura contribué à l'assainissement du climat des relations du travail et de la gestion des ressources humaines dans la société québécoise.

M. Laberge: M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): Comme vous y êtes sûrement habitué, M. le président Laberge, je vais vous laisser le dernier mot.

Des voix: Ha! Ha! Ha!

M. Laberge: Excusez-moi, M. le Président, c'était dans le but d'économiser quinze secondes.

M. le Président, M. le ministre, membres de cette commission, nous avons été vraiment heureux qu'on nous donne l'occasion... Évidemment, on n'a pas eu un avis très long, mais le ministre et, je pense, les membres de la commission savent fort bien que, dans ce domaine, si on avait exigé un avis de deux, trois mois pour pouvoir vous présenter nos vues, il y aurait quelque chose qui ne fonctionnerait pas bien chez nous. Cela fait tellement longtemps qu'on en discute. Nous avons été agréablement surpris de voir le ministre déposer ce projet de loi qui, quoique incomplet, crée cette Commission des relations du travail. Nous sommes convaincus que la Commission des relations du travail, surtout avec les amendements qu'on préconise et qui n'ont rien d'extraordinaire... C'est seulement pour créer une Commission des relations du travail comme existent le Conseil canadien des relations du travail, la Commission des relations du travail de l'Ontario où cela fonctionne. Tout ce qu'on souhaite, c'est que cela fonctionne, qu'on connaisse les règles du jeu et c'est pour cela qu'on dit que la commission doit être liée par ses politiques et ses règlements, que les gens doivent être indépendants, c'est-à-dire que la commission, président et vice-présidents, soit nommée par le gouvernement bien sûr, mais après consultations des parties intéressées. Que ce soit à ce bureau ou à un autre bureau, pour nous, cela n'a pas tellement d'importance, mais le CCTMO existe encore au moment où on se parle.

Quant à l'autre projet de loi, on aura l'occasion d'en discuter. Tout comme vous, nous sommes en faveur de l'oecuménisme et nous aurons l'occasion de vous le dire en temps opportun. Il est important que les parties acceptent la nouvelle commission avec toute la crédibilité qu'une telle commission peut avoir. Il ne faut pas oublier qu'elle sera appelée à imposer parfois des sentences assez sévères et a donner des coups durs. La crédibilité de la commission, à ce moment-là, devient d'une importance capitale.

M. le Président, MM. les membres de la commission, nous souhaitons ardemment que vous complétiez ce qui a été déposé et qui, pour nous, constituera vraiment un pas dans la bonne direction. Merci.

Le Président (M. Théorêt): M. le président, MM. les membres de la commission, merci. Je vais suspendre nos travaux pour une minute afin de permettre aux gens de la FTQ de se retirer et je vais appeler les autres intervenants.

(Suspension de la séance à 21 h 35)

(Reprise à 21 h 41)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du travail reprend ses travaux afin d'entendre la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante qui est représentée, entre autres, par M. Lauzier. Je vous demanderais, M. Lauzier, si vous voulez bien nous présenter ces deux charmantes personnes qui vous accompagnent.

Fédération canadienne de l'entreprise indépendante

M. Lauzier (Pierre J.): M. le Président, il me fait plaisir de présenter, à ma qauche, Mlle Suzanne Szukits, économiste et responsable du service de recherche de la fédération, à Montréal; à ma droite, Me Danielle Grenier, du cabinet d'avocat Stikeman Elliott.

Le Président (M. Théorêt): Alors, je porte à votre attention, M. Lauzier, que vous avez trente minutes pour faire la présentation de votre mémoire, que vous pouvez partager ce temps avec ceux qui vous accompagnent et, ensuite, il restera quelque 50 minutes aux deux formations politiques pour échanger des vues avec vous. Je vous cède la parole.

M. Lauzier: Merci, M. le Président. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante remercie les membres de la commission de l'économie et du travail ainsi que le ministre du Travail pour l'occasion qui lui est donnée de présenter un mémoire sur le projet de loi 30. L'importance que nous conférons à ce projet est reflétée par le

travail, la recherche et les efforts déployés après avoir reçu un préavis de dix jours. Les propos que la Fédération tient dans son mémoire reflète ces préoccupations et sa perception quant aux relations de travail nécessaires afin que te Québec puisse relever les défis du XXIe siècle.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a pris connaissance du projet de loi 30 constituant la Commission des relations du travail et modifiant diverses dispositions législatives.

Afin de mieux vous situer dans l'optique de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, permettez-moi de vous faire part de quelques constatations sur notre organisme et ses effectifs au Québec.

Organisme à but non lucratif et politiquement neutre, fondé en 1971 afin de promouvoir les intérêts de la petite et moyenne entreprise, il n'y a pas de limite à l'importance de l'activité des entreprises membres de la fédération, mais celles-ci doivent être de propriété indépendante, non cotées en Bourse, ni être des filiales d'autres sociétés. Plus de 77 300 entreprises indépendantes sont membres de la fédération à travers le Canada, dont 16 000 au Québec.

En 1981, la fédération a créé une direction des affaires provinciales au Québec. En juin 1986, une direction générale-Québec a été instituée avec des bureaux à Montréal et à Québec, ainsi qu'un personnel judiciaire et de recherche, afin de représenter plus efficacement ses entreprises membres auprès des gouvernements et agents socio-économiques.

La mission de notre organisme est d'intervenir auprès des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux sur les facteurs essentiellement externes qui ont un impact sur les petites et moyennes entreprises. Cette mission est donc la promotion, la préservation du système de libre entreprise soumis au jeu de la concurrence, le renforcement de l'esprit d'initiative au Canada et, ainsi, permettre aux propriétaires dirigeants d'entreprises indépendantes d'exercer une influence plus grande sur le processus d'élaboration des lois qui régissent les activités des sociétés commerciales et de l'ensemble de la nation.

Les membres oeuvrent dans tous les secteurs de l'économie, leur répartition dans chaque province reflétant la structure économique provinciale. Au Québec, par exemple, 2 % de nos membres proviennent des industries primaires, 15 % du secteur manufacturier; le groupe le plus important -42 % - oeuvre dans les services de distribution, dont l'élément qui croît le plus rapidement est le secteur des services, qui comprend des professionnels autonomes ainsi que le transport; quant au secteur de la construction, il représente 9 %.

La plus importante proportion de nos membres est constituée de petites entreprises dont 43 % comptent quatre employés ou moins. Toutefois, presque 5 % ont plus de 50 employés; la moyenne provinciale est de 12,8 % employés. La FCEI représente donc directement 204 800 et 909 500 personnes employées par les petites et moyennes entreprises au Québec.

Mme Szukits (Suzanne); La FCEI est unique au Canada. De tous les organismes représentant les employeurs et plus précisément les petites et moyennes entreprises, seules les entreprises membres de la FCEI peuvent établir, par référendum et par consensus, les politiques et les priorités de l'organisme.

Huit fois par année - à peu près toutes les six semaines - un questionnaire est envoyé à tous les propriétaires dirigeants des entreprises membres. Deux fois par année, un questionnaire touchant de nombreux aspects de juridiction provinciale est aussi envoyé à ces mêmes personnes. Les questions traitent de sujets économiques, fiscaux et sociaux qui auront un impact sur l'ensemble des petites et moyennes entreprises. En présentant ces problèmes, ainsi que les arguments pour et contre la proposition à être débattue, la fédération offre à ses membres l'occasion de sensibiliser leurs représentants élus à leur point de vue. Chaque député fédéral est informé des positions des gens d'affaires de son comté et cette pratique sera étendue aux députés provinciaux incessamment.

Les résumés trimestriels des problèmes qui préoccupent les entreprises membres servent à établir les priorités du personnel législatif de la FCEI. Ces mises à jour trimestrielles des opinions de nos membres permettent aussi un examen approfondi de questions comme la réforme fiscale, le libre-échange, l'indemnisation des travailleurs ou le climat des relations du travail.

Un climat économique sain tel que le Québec vit présentement offre des débouchés à la PME que bien d'autres provinces envient. Les politiques les plus efficaces, d'après la FCEI, sont celles qui favorisent les liens multidimensionnels privés au niveau réqional, local. Elles incitent l'entrepreneur à s'entendre avec des associations, des professions libérales, des banques, des membres de sa famille, des amis, des concurrents, des clients et des fournisseurs afin de réduire ses problèmes ayant trait au financement, aux achats en grande quantité, au transfert de technologies, aux relations du travail, à l'amélioration et à l'acquisition des connaissances et du développement des marchés.

La FCEI désire porter à votre attention certains points qui, dans le cadre économique actuel, lui apparaissent d'un intérêt primordial pour ses membres, les petites et les moyennes entreprises.

Bien que la fédération soit en principe favorable à une réorganisation structurelle du Code du travail, elle croit cependant que le projet de loi 30 n'aurait que peu ou pas d'impact sur l'amélioration des relations du travail sans qu'une nouvelle philosophie globale guide les milieux gouvernementaux dans l'achèvement d'une réforme totale du système actuel.

Nous n'entendons pas apporter de commentaires détaillés sur tes divers aspects juridiques de la réforme structurelle proposée puisque la fédération est d'avis qu'il ne peut y avoir de véritable réforme si la mise en place de la structure précède l'élaboration d'une philosophie de réorganisation globale de l'ensemble de la législation. Cette réorganisation requise est reflétée par la perception des dirigeants et propriétaires des petites et moyennes entreprises qui jugent le climat des relations du travail au Québec comme le pire après celui du Manitoba. Nous croyons que des mesures doivent être prises immédiatement pour corriger une situation qui, au fil des années, n'a pas cessé de se détériorer et dont 45,6 % des entreprises membres de la fédération au Québec perçoivent la législation comme favorable aux syndicats. Ce pourcentage de 45,6 % dépasse d'emblée l'ensemble du pays qui est de 39,2 %.

La mise sur pied d'une nouvelle Commission des relations du travail pourra peut-être apporter certains correctifs aux déficiences administratives du système actuel. Nous craignons cependant que le but ultime recherché - la médiation plutôt que l'adjudication - ne pourra être atteint sans une réforme fondamentale de la législation axée sur le présent québécois et non sur des modèles empruntés au Code canadien du travail et ou au code ontarien.

La réorganisation des rapports collectifs aussi bien qu'individuels du travail ne peut se faire dans l'abstrait, sans une prise de conscience en profondeur des problèmes engendrés par le système actuel et sans une volonté d'y remédier. Nous aimerions que la nouvelle loi reconnaisse l'importance du rôle de la PME dans l'évolution de la société québécoise.

M. Lauzier: Les propriétaires et dirigeants des petites et moyennes entreprises représentent actuellement 99,3 % des propriétaires et dirigeants d'entreprises au Québec. Leurs entreprises sont, sans contredit, depuis plusieurs années, la source principale de création d'emplois. Leur impact sur notre développement économique est plus que significatif, il est fondamental. Le Canada tout entier reconnaît leur apport exceptionnel et ce projet de loi, dans sa forme actuelle, ne le fait pas. Pourquoi? Malgré le rôle majeur qu'elles jouent au sein de notre économie, il est déplorable qu'aucune étude gouvernementale n'ait encore été consacrée à l'examen de leurs attentes et de leurs besoins et à l'impact de la législation actuelle sur leur développement et leur croissance et ce, plus particulièrement en matière de relations du travail. La législation qui régit les rapports collectifs du travail est maintenant dépassée. Elle a été pensée et promulguée en 1944 afin de pallier les problèmes engendrés par l'émergence de la grande entreprise. Bien que cette législation ait connu une certaine évolution, les changements qui y furent apportés reflètent la volonté du législateur de trouver des solutions dans la mise en place d'un appareil administratif et judiciaire adéquat et non dans une réorganisation en profondeur qui tiendra compte de l'évolution de l'économie québécoise.

Il est indéniable que dans la société actuelle, les relations du travail priment sur toutes les autres relations humaines. Pour la première fois en 400 ans d'histoire, les personnalités dominantes de notre société ne sont pas issues du monde clérical, juridique ou gouvernemental, mais ce sont des gens d'affaires innovateurs, tournés vers le monde extérieur.

La grande entreprise tend à disparaître au profit des PME. En fait, les entreprises ayant moins de 20 employés ont créé plus de 177 000 nouveaux emplois nets au Québec durant la période de 1978-1984 alors que les grandes entreprises ont subi des pertes nettes de plus de 110 000 emplois.

La petite et moyenne entreprise est la réalité sociale qui, à l'heure actuelle, a le plus grand impact sur la vie quotidienne des citoyens. Elle n'est pas une création de l'État. Elle existe et évolue en fonction des individus qui la créent et y consacrent leur énergie. L'élément humain est la pierre angulaire de la philosophie de gestion des propriétaires et dirigeants de petites et moyennes entreprises. Elle est composée d'individus et ne subsiste que par ces individus. Les relations qui existent entre ces individus sont d'une importance primordiale. La santé mentale, physique et financière de nos citoyens repose en majeure partie sur la relation du travail qu'ils établissent et le milieu dans lequel ils exercent la fonction la plus importante de leur vie. C'est pourquoi il est indispensable que le gouvemernent analyse la situation avec un regard neuf tourné vers l'avenir et non en essayant de rapiécer un passé révolu.

La législation actuelle ne joue aucun rôle positif et a, en fait, un impact négatif sur la saine évolution des relations du travail au sein de la petite et moyenne entreprise québécoise. Elle est de plus inéquitable. Prenons à titre d'exemple la procédure d'accréditation. Elle convient admirablement à une grande entreprise qui dispose de structures lui permettant de faire face et de

s'adapter à la syndicalisation. Cependant, l'accréditation chez un employeur qui a de 10 à 15 employés peut s'avérer destructrice. Elle provoque un choc émotif. Le propriétaire ou le dirigeant ne dispose pas d'un service de personnel. II est personnellement affecté par le rejet de ses employés et ne peut avoir recours au service d'un avocat.

Le Code du travail ne lui permet pas de tenter de remédier à la situation qu'il a laissée se détériorer dans son entreprise. Il ne peut communiquer avec ses employés afin de tenter d'apporter des changements à leurs conditions de travail sans risquer de se retrouver devant les tribunaux. L'article 59 du Code du travail le lui interdit expressément. Le Code du travail lui impose une loi du silence inutile et inappropriée. Sa liberté d'expression est tout à fait brimée.

Le caractère arbitraire des lois et règlements du travail a été perçu comme une préoccupation majeure par 34,3 % des membres de la fédération au Québec comparativement à 25,3 % pour le reste du pays.

Peut-on imaginer une loi du divorce qui interdirait à l'un des époux de proposer des changements à son partenaire suite au dépôt d'une requête en divorce à la cour? La conciliation sera évidemment proposée aux époux avant d'entrer dans l'arène et non après. Pourquoi le Code du travail ne peut-il en faire autant? La médiation pourrait apporter des solutions au problème de la PME si elle intervenait avant qu'il y ait adjudication sur la requête en accréditation et non après.

Les petites et moyennes entreprises représentent le nouveau marché de croissance pour les syndicats. Selon les plus récentes statistiques du ministère du Travail, il est évident que les syndicats s'y dirigent à toute vapeur et que la majorité de la clientèle en relations du travail dans les bureaux de spécialistes sont des petites et moyennes entreprises. Les statistiques démontrent que 43,33 % des unités de négociations au Québec se retrouvent dans des petites entreprises de moins de 20 employés, c'est-à-dire 13,3 % ou 987 unités de un à cinq employés, 13,4 % ou 1015 unités de six à dix employés et 16,6 % ou 1258 unités de onze à vingt employés. 85 % des unités de négociations au Québec se retrouvent dans des petites et moyennes entreprises ayant moins de 100 employés. 32,1 % des conventions collectives se retrouvent en région, c'est-à-dire à l'extérieur de Québec et du Montréal métropolitain. Ces statistiques datent de mai et juin 1987 et proviennent du Fichier des conventions collectives, table CA18, par taille. Elles prouvent sans équivoque que les propriétaires dirigeants des PME ont remplacé la grande entreprise dans le contexte économique québécois et que ces propriétaires dirigeants doivent constamment conjuguer avec des règles qui n'ont pas été conçues pour eux. Ils devront continuer à le faire à moins que le projet de loi ne reflète la réalité québécoise.

La loi exige que les propriétaires dirigeants s'adaptent, tout en refusant de leur fournir des outils adéquats pour tenter à tout le moins de corriger les déficiences qu'ils ont pu identifier dans leurs entreprises, sans avoir eu le temps ou les connaissances nécessaires pour les modifier. 32 % des propriétaires dirigeants des entreprises membres de la fédération au Québec sont préoccupés par la réglementation en matière de relations du travail à laquelle ils sont assujettis, parce qu'elle ne prend pas en considération leur capacité physique ou financière de s'y conformer et, ceci, comparativement à 23,9 % pour le Canada. Un écart substantiel qui reflète l'importance d'une Commission des relations du travail conçue dans la réalité québécoise de 1987 et cherchant à anticiper les mouvements du milieu des affaires.

Nous apprécions l'effort gouvernemental de vouloir mettre l'accent sur la médiation plutôt que sur l'adjudication. La fédération constate que les correctifs apportés aux structures administratives pourront chanqer sensiblement les attitudes belligérantes actuelles sans cependant opérer un revers significatif, si la philosophie qui sous-tend le Code du travail ne subit pas de modifications parallèles. L'existence d'un seul organisme corrigera les délais inutiles au plan administratif, sans toutefois empêcher les parties de recourir aux tribunaux de droit commun pour faire valoir, à plus grands frais, leurs droits. La majorité des règles du jeu sont à repenser.

Bien sûr, la nouvelle structure administrative pourrait à la rigueur conduire les protagonistes actuels dans une direction plus créatrice visant la paix sociale et une justice économique pour tous. Les acteurs pourront mieux jouer leur rôle, mais la pièce demeurera, à toutes fins utiles, inchanqée. Le passé a démontré que la négociation collective n'est pas le moyen harmonieux de rechercher la paix sociale dans un contexte de propriétaires dirigeants de petites et de moyennes entreprises. Il est important que la législation en matière de relations du travail reconnaisse les différences fondamentales entre la grande, la moyenne et la petite entreprise et que les lois et règlements reflètent enfin cette prise de conscience. (22 heures)

Le projet de loi 30, s'il est sanctionné dans son libellé actuel, ne peut manquer d'accroître les tensions, puisque, assez curieusement, loin de favoriser le dialoque, il le rend plus ardu et plus improbable. L'accréditation devient quasi automatique. Le droit d'appel est aboli. Une nouvelle

commission des relations du travail est instituée, mais nous ignorons, pour le moment, sa composition. Tout le formalisme entourant la tenue des auditions disparaît. La réforme est inquiétante. Dans le meilleur intérêt des 16 000 entreprises membres de la fédération au Québec et des 154 000 petites et moyennes entreprises québécoises, permettez-nous certaines recommandations qui, tout en tenant compte de la volonté gouvernementale de procéder à l'adoption du projet de loi dans les plus brefs délais, amélioreront la situation présente. Nous recommandons une uniformisation des diverses lois en matière de relations du travail, la création d'un service gouvernemental de consultation pour les entrepreneurs et les travailleurs dont le rôle primordial serait de conseiller les deux parties pour la solution de problèmes ou conflits qui les opposent. Ce service de consultation serait gratuit et son intervention aurait lieu en tout temps, qu'il y ait une demande d'accréditation ou non. Nous recommandons aussi l'ajout d'un préambule au Code du travail qui traduirait la volonté du législateur de mettre l'accent sur le dialogue plutôt que sur la confrontation, deuxièmement, réfléchirait également l'évolution de notre société et la nécessité de rechercher une solution aux problèmes vécus par l'entreprise québécoise, troisièmement reconnaîtrait l'émergence des petites et moyennes entreprises dans la société québécoise. Nous recommandons une décentralisation du système proposé par la création de bureaux régionaux, enfin, les membres et le personnel de consultation de la Commission des relations du travail devraient être issus de différents milieux d'affaires, ils devraient posséder une connaissance ainsi qu'une perception du milieu où opèrent les propriétaires dirigeants des petites et moyennes entreprises et non pas appartenir uniquement au milieu des relations du travail ou de la grande entreprise.

La réforme projetée devrait également tenir compte des aspects suivants. Les membres de la nouvelle Commission des relations du travail devraient posséder une expérience et une crédibilité à l'abri de tout soupçon. Leur impartialité ne devrait jamais soulever de doute. Les femmes devraient y jouer un rôle actif en tant que représentantes importantes du milieu des affaires actuel et futur. La nouvelle commission doit être perçue comme un outil de travail efficace et neutre. Les commissaires devraient présenter une étude des coûts-bénéfices ou coûts-conséquences de leur décision. Ainsi, tous nous pourrions profiter de leurs études et décisions. La commission doit dégager une nouvelle image et imposer le respect. Elle doit créer un climat socio-économique propice à l'investissement. Le climat des relations du travail est perçu comme inéquitable et arbitraire par les PME québécoises. Afin d'assurer la continuité du mandat et de la mission de la commission, l'échelonnement du terme des membres de la commission permettrait d'atteindre ce but.

En conclusion, la fédération est d'avis qu'une réforme globale de la législation en matière de relations du travail s'impose et qu'elle doit commencer dès maintenant. Le projet de loi 30 est prématuré. Une remise en question globale est nécessaire avant d'implanter les mécanismes qui verront à la mise en application d'une loi désuète et inefficace. Malheureusement, le Code du travail ne tient pas compte de l'évolution de la société québécoise aux plans économique, politique, social et juridique. La politique gouvernementale en matière de relations du travail nous apparaît dépassée. Il faut se retrousser les manches et penser à de nouveaux mécanismes plutôt que de tourner en rond et d'implanter des structures administratives qui ont déjà prouvé qu'elles ne sauraient être efficaces sans outils appropriés. La fédération reconnaît que les employés ont besoin de mesures les protéqeant. Par contre, la façon dont ces mesures sont mises en oeuvre devrait permettre la création de relations du travail positives. Les relations du travail sont évolutives et non figées dans le ciment. Le modèle d'après-guerre est depuis longtemps dépassé. Les rôles d'adversaires prônés par le processus actuel de convention collective ne répond pas à l'esprit d'équipe qui doit être développé entre les travailleurs et les propriétaires dirigeants afin de faire face aux défis croissants qui confrontent nos industries. Nous vivons au Québec une période passionnante et pleine d'espoir et les propriétaires des petites et moyennes entreprises sont les porteurs de ce message. Puisse le gouvernement du Québec, par le biais du ministre du Travail, accepter de relever énergiquement le défi en s'engageant, comme la FCEI, à réaliser notre but ultime: l'établissement d'une société québécoise stable et prospère, nantie d'un climat de relations du travail réaliste, dans un Canada concurrentiel. Merci M. le Président.

Le Président (M. Théorêt): M. Lauzier. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci beaucoup, M. Lauzier, de votre présentation ainsi que Mme Szukits. J'aurai des questions à poser à Me Grenier également, quelques éclaircissements.

En commençant, vous me permettrez d'insister sur le fait que votre fédération a été créée afin de promouvoir les intérêts de la petite et moyenne entreprise et qu'elle représente au Canada, comme vous l'indiquez dans votre mémoire, 77 300 entreprises

indépendantes dont 16 000 au Québec. Je note également qu'une proportion impartante de vos membres est constituée de petites entreprises, 43 % comptent quatre employés et moins. Si on est en face d'un intervenant privilégié pour traiter du dossier de la PME, nous avons bien l'intention d'en profiter et même d'en abuser, si nécessaire.

Ma première question porte sur l'harmonisation de la structure québécoise avec les structures des autres juridictions provinciales au Canada et, même, de la structure de la juridiction fédérale dans le domaine des relations du travail. Ne voyez-vous pas là une amélioration à ce que l'on connaissait avant?

M. Lauzier: II n'y a pas de doute que ce que vous proposez est une amélioration à ce qu'il y avait précédemment, en réduisant à un palier ce qui auparavant se faisait sur trois paliers. Dans notre mémoire, nous disons que les prémisses, la discussion ou le projet de loi, par lui-même, traite strictement de changements administratifs. Ce que nous essayons de vous présenter, c'est: N'y aurait-il pas un moyen, dans le projet de loi, tel qu'il est libellé, comme nous vous le disons dans notre mémoire, d'incorporer des façons d'accepter ou de dire que la PME joue maintenant un rôle prépondérant dans l'économie québécoise et qu'en vertu de ce nouveau rôle, qui n'ira qu'en s'accentuant au cours des années, n'est-ce pas le moment unique d'essayer d'y incorporer des procédures administratives qu'il ne sera pas nécessaire d'ajouter ou de repenser dans les années qui viendront? Nous vivons déjà présentement... Nous reconnaissons tous l'émergence des PME, leur apport socio-économique et nous vous faisons part de notre souci, de notre préoccupation afin que les petites et moyennes entreprises puissent être reconnues d'une certaine façon. On ne veut pas abuser. On reconnaît qu'il y a, au ministère du Travail, une compréhension des PME et on reconnaît que vous avez certaines contraintes aussi. Mais on aimerait ressentir dans le projet de loi cette compréhension des petites et moyennes entreprises.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Quant au droit d'association comme tel qui est reconnu par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne par le Code du travail, j'ai beaucoup de difficulté à l'appliquer différemment, sur le plan de la mécanique, à une petite, une moyenne ou une grande entreprise. Il s'agit d'un droit d'association qui est reconnu comme tel. Maintenant, je suis conscient, parce que, comme député, j'évolue dans un comté où on retrouve - c'est peut-être le cas de la majorité de mes collègues des deux côtés de la table, c'est sans doute leur cas - beaucoup plus de petites que de grandes entreprises. Et les difficultés que vous soulevez dans l'application du régime actuel, difficultés que doit affronter le propriétaire d'une petite entreprise face à une demande d'accréditation, sont réelles. Présentement, il se demande où il doit aller. Avec les trois niveaux de décision, etc., il est complètement perdu. Ce que je tente de discuter avec vous, c'est le fait que... Je ne dis pas que le processus d'accréditation sera d'une simplicité déconcertante le lendemain de son adoption, mais ce sera moins compliqué. Lorsqu'on fait face à un système qui est moins compliqué, on est plus en mesure de faire valoir ses prétentions ou ses droits. C'est ce qu'on tend de soutenir dans le présent projet de loi.

Maintenant, en ce qui concerne l'inscription, dans un préambule, d'une préoccupation typique au Québec et davantage québécoise des PME comme telles, c'est une suggestion que je retiens, parce qu'au moment où nous nous parlons, il y a un comité sur la révision du fond, non pas de la structure, cette fois-ci, mais du fond du Code du travail, qui est à l'oeuvre et j'estime qu'il serait plus approprié d'indiquer cette préoccupation des PME dans le fond plutôt que dans les structures, tout en étant conscient qu'il faut ajuster les structures au maximum aux besoins de la petite et moyenne entreprise québécoise.

J'aurais maintenant une question d'ordre juridique, voulant profiter sans doute d'un avis gratuit, et je l'adresserai à Me Grenier. Certains mémoires que nous avons reçus et certaines des parties que nous avons entendues nous indiquent que la disparition ou l'abolition de l'article 28 de l'actuel Code du travail aura pour effet de changer les règles du jeu quant à l'application de la proportion 35 %-50 % dans le cas où un commissaire du travail pouvait ordonner un vote au scrutin secret, quelle est l'interprétation que vous en faites?

Mme Grenier (Danielle): Je n'ai pas vu cela. Je n'ai pas vu que cela changeait quoi que ce soit à la question, à savoir si, dans ie cas où une association n'a que 35 % de ses membres que... Par contre, je n'ai vu nulle part non plus, dans le projet de loi, qu'il y avait un test applicable en ce qui concerne la représentativité d'un syndicat, cela disparaît complètement ou à peu près. Je ne sais pas - même si on en parle -quelle est la structure qu'il va falloir emprunter pour contester, par exemple, le fait de la représentativité d'un syndicat. Je ne l'ai pas vu dans votre projet de loi. J'ai vu qu'il y avait bien des choses qui disparaissaient y compris la façon d'apporter les choses devant cette Commission des relations du travail. Tout ce qui concerne les auditions, tout ce qui concerne la procédure

des auditions disparaît et on se demande, à la lecture, comment va-t-on faire, à l'avenir, pour contester quoi que ce soit devant la Commission des relations du travail? Je trouve qu'il y a des trous absolument invraisemblables dans le projet de loi. Maintenant, je ne me suis pas penchée sur cela article par article. Mais, en lisant le projet de loi, cela m'a frappée et je me demandais tout le temps: Comment va-t-on faire, à l'avenir, pour contester quoi que ce soit, y compris le caractère représentatif d'une association syndicale, devant la nouvelle Commission des relations du travail?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je suis content que vous nuanciez vos propos en disant que vous n'avez pas fait l'analyse article par article, je vous ai posé une question spécifique sur un article, vous m'avez répondu clairement. Quant aux questions que vous soulevez et qui vous inquiètent, je peux vous indiquer, et je pense que cela a été souligné par le président de la CSN, cet après-midi, qu'il y a des changements dans les pratiques usuelles qu'on connaissait. Avec l'application de l'actuel Code du travail, un fonctionnaire du ministère du Travail peut se rendre dans une entreprise, une PME, décider s'il y a accord et, immédiatement, décerner une accréditation. Ce ne sera plus possible si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, il devra retourner au commissaire qui seul pourra décider, à partir de faits que le fonctionnaire aura constatés, s'il y a lieu d'accréditer ou non. Vous aurez des possibilités, comme représentants des employeurs, de faire des représentations. On a eu des représentations des parties qui ont insisté sur le respect des règles de justice naturelle, que les décisions des commissaires soit, entre autres, motivées, etc. Ce sont des amendements sur lesquels nous nous penchons très sérieusement au moment où nous nous parlons, de façon à nous assurer que les règles de justice naturelles soient bien appliquées en ce qui concerne la commission, parce que nous sommes conscients que, s'il devait y avoir, par la commission, violation des règles de justice naturelle, le droit à l'évocation, bien qu'il soit balisé par une clause privative dans le cas de délits de justice ou de violation des règles de justice naturelle, continue à exister et toutes les parties en sont conscientes. (22 h 15)

Mme Grenier: Oui et il est bien évident que, même si vous n'incluez pas, dans votre projet de loi, des règles qui garantissent aux citoyens le respect des règles de justice naturelle, elles s'appliquent indépendamment du fait qu'elles se retrouvent ou non dans une loi. Cependant, vous allez avoir des problèmes avec la charte. C'est Je problème fondamental. C'est que, si ce n'est pas écrit dans le projet de loi ou dans la loi, vous risquez, à ce moment-là, d'avoir des contestations de la loi elle-même par rapport à la charte. Parce que les règles de justice naturelle, qu'une décision soit motivée ou non, existent toujours, que vous l'écriviez ou que vous ne l'écriviez pas. Mais, si vous ne l'écrivez pas, ce qui vous arrivera, c'est qu'à ce moment-là, vous ouvrirez un nouveau débat de contestations au chapitre des chartes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et vous avez...

Mme Grenier: II y a un grand danger dans votre projet de loi. À l'heure actuelle, en voulant éliminer des paliers comme le Tribunal du travail, par exemple, un droit d'appel, vous allez vous retrouver avec des contestations qui retourneront devant les tribunaux de droit commun, y compris devant la Cour supérieure.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous ne prétendons pas éliminer toutes les contestations.

Mme Grenier: Non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous avez assisté - je pense que vous l'avez fait -à la présentation de la FTQ et à l'échange que cette dernière a eu avec les membres de cette commission, nous tentons d'en éliminer le plus possible. C'est pourquoi nous avons demandé aux avocats du ministère de la Justice de s'assurer de la conformité du texte législatif que nous déposions avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, bien conscients que même là où il y a apparence de non-conformité, il y aura contestation. Mais, nous ne pouvons pas éliminer toute contestation.

Mme Grenier: Non.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais, il s'agit - c'est là-dessus que nous apprécions votre collaboration - d'en éliminer le plus possible, en clarifiant là où il y a lieu de clarifier, en motivant là où il y a lieu de motiver, pour éviter ce genre de contestation.

J'aurais peut-être quelques questions précises à adresser à M. Lauzier concernant le mémoire comme tel. À la page "6 du mémoire, paragraphe 3, vous dites: "Bien que la fédération soit, en principe, favorable à une réorganisation structurelle du Code du travail, elle croit cependant que le projet de loi 30 n'aura que peu ou pas d'impact sur l'amélioration des relations du travail sans qu'une nouvelle philosophie globale quide les milieux gouvernementaux dans l'achèvement

d'une réforme totale du système actuel." Je vous ai indiqué qu'on avait déjà des comités qui étaient au travail pour une réforme totale et globale, quant à la codification et au contenu.

Maintenant, je vous indiquerai que tant qu'on n'obtiendra pas, de certaines parties, un changement important de mentalité, on risque de ne pas récolter les fruits escomptés. Ce qu'on tente de faire par le projet de loi, c'est de changer la structure de confrontation en une structure axée -vous le soulignez dans votre mémoire - un peu plus vers la conciliation ou la médiation, en espérant que le changement de décor ou de structure incitera les parties à modifier certains comportements ou certaines attitudes. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit quand même non pas d'une réussite absolue, mais d'un pas dans une direction qui est souhaitable pour la PME québécoise?

M. Lauzier: M. le ministre, c'est un pas, mais il faut se garder à l'esprit que vous avez deux intervenants: un qui, depuis de nombreuses années, fonctionne suivant des règles tout à fait différentes, dans un esprit différent. Le monde de la PME, qui, présentement, commence à subir la syndicalisation et commence à apprendre à vivre avec elle, est sûrement réceptif à votre approche parce que, pour lui, c'est nouveau et s'adapter à de nouvelles règles du jeu, cela va bien. Mais, pour l'autre intervenant, à qui vous demandez de démontrer de la souplesse et de la compréhension, c'est sûrement très difficile. Le point qu'on se demande... Je vais vous dire une chose. J'ai des membres qui ont des unités de négociation de trois employés. Par exemple, le père est propriétaire; les deux fils et un gendre ont formé une unité, ils sont trois. Je dois vous dire qu'ils négocient, cela dure pendant des mois. L'union fournit un agent négociateur, il y a un avocat sur place pour trois employés. Le propriétaire, qui est seul, arrête de travailler, son entreprise arrête de fonctionner et il doit négocier. Je crois qu'on a un dilemme. Vous avez presque 1000 entreprises qui ont des unités de négociation de moins de cinq employés. Est-ce normal que ces gens soient obligés de suivre les règles de la grande entreprise? Même pour les entreprises de cinq à dix employés, vous en avez 1000, 1020. N'y aurait-il pas des mécanismes? Comment pourrait-on assouplir la loi? On ne dit pas que les fonctionnaires ne font pas un bon travail. Ils suivent la loi, ils l'administrent. On en convient. Mais qu'on exige de ces jeunes entreprises de fonctionner comme si on présumait qu'elles ont toutes un service du personnel. Les avocats me disent qu'ils font une fortune avec ces gens-là. Lorsque la demande d'accréditation arrive, le propriétaire a le front de dire à ses trois employés: Vous n'auriez pas dû faire cela. Les avocats m'ont dit: À chaque fois qu'ils parlent à un employé, cela nous vaut une bonne cause. Alors, ils ramassent trois causes avec cela.

La petite entreprise a des problèmes. C'est pour cela, M. le ministre, qu'on vous fait une suggestion précise. Ne pourriez-vous pas avoir un système de consultation à l'intérieur du ministère où, pour éviter des accréditations de trois employés, l'employeur et les employés pourraient s'asseoir avec un de vos experts pour essayer de résoudre les différends d'opinions qui les opposent?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je prends bonne note de vos propos. On m'indique qu'il ne me reste que quelques minutes en vertu des règles d'alternance. Je demanderais maintenant à l'Opposition de vous poser des questions si elle en a, quitte à revenir à la fin.

Le Président (M. Théorêt): M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Très rapidement, M. le Président. Je remercie M. Lauzier d'avoir accepté l'invitation, que la commission lui a faite, de nous donner son point de vue, ainsi que - vous avez fait une remarque sexiste, mais je la partage dans les circonstances -les deux charmantes personnes qui l'accompagnent.

Vous allez convenir avec moi, cependant, qu'il s'agit d'une ode très glorieuse à la PME et probablement avec raison. Il y a davantage de matériel là-dedans qui justifie de considérer la PME différemment de la grande entreprise dans les discussions que nous avons concernant les relations du travail et vous avez raison. Pour quelqu'un qui vit dans une région, qui connaît le Québec et les régions du Québec, vous avez raison de dire que la PME est très importante. Elle est une base significative du développement économique, mais je lui fait plus confiance que vous ne semblez le faire. La PME a évolué, elle aussi. Elle est en 1987, elle aussi. La PME, même petite, est moderne, vigoureuse et elle est adaptée aux réalités du monde d'aujourd'hui.

Je vais poursuivre avec certaines considérations, toujours pour mieux comprendre votre mémoire. Comme on l'a mentionné, il porte davantage sur vos préoccupations et vient marteler le point que vous êtes différents, donc, que le législateur devrait avoir une attention et un regard différents pour vous - pas vous comme personne, mais pour ce que vous représentez - à chaque fois qu'il agit dans le domaine des relations du travail, parce que c'est tellement différent, selon ce que vous dites.

Je salue avec joie votre intention de nous informer davantage. Vous dites que les

députés fédéraux bénéficiaient d'informations. Je suis heureux de voir à la page 5 de votre mémoire que vous dites que "cette pratique sera étendue aux députés provinciaux". Si c'est par manque d'information que je vais dire des choses que vous ne partagez pas, tant mieux, si je peux être mieux informé et, surtout, confronté à certains chiffres que vous évoquez et certaines statistiques, parce qu'il y a des choses qui me renversent, mais on va y revenir dans quelques secondes.

Permière question: Quand on porte un jugement sur un climat économique qui va bien, parfois on entend cela, on dit de ces temps-ci le climat économique est bon, croyez-vous qu'on peut l'attribuer uniquement à des considérations économiques? N'arrive-t-il pas qu'on dise cela parce qu'on pense en même temps que les relations du travail, au sens général, ne sont pas si mal, puisque des bonnes relations du travail facilitent un bon climat économique? J'aimerais savoir si vous partagez ce point de vue. Quand on entend dire cela: Le climat économique n'est pas pire, cela va bien ces temps-ci, croyez-vous que la responsabilité de cette clémence du climat économique est imputable, en partie, je ne parle pas de 50-50, aux bonnes relations du travail et au milieu du travail?

M. Lauzier: Je dois vous dire que les relations du travail sont une partie importante dans une économie et que des bonnes relations aident. Il n'y a pas de doute qu'une économie saine même, comme on a dit à M. Levesque que sa gestion des Finances était saine et bien éclairée, aide certainement le climat économique au Québec. Je dois vous dire que le point que l'on désire souligner, c'est que pour le climat des relations du travail, lorsque nous sondons les membres de la fédération, personne n'est forcé de répondre. Les gens répondent, donnent des commentaires et nous disent: Quant à nous, le climat des relations du travail pour nous ne nous semble pas propice. Ça nous achale. Ça nous préoccupe. Lorsqu'un certain pourcentage de membres nous en fait part, c'est notre responsabilité d'en faire part au ministre à ce moment.

On ne cherche pas à évaluer les raisons. On dit juste qu'on a des membres qui se soucient et si le ministre désire poursuivre la question, cela nous fera plaisir de la poursuivre auprès de nos membres et d'essayer de l'éclairer. Je ne puis pas vous donner...

M. Gendron: Je ne veux pas être plus long là-dessus. C'était juste pour vous souligner qu'à la page 6 de votre mémoire, vous affirmez que le climat économique est bon. Vous dites qu'"un climat économique sain que le Québec vit présentement offre des débouchés extraordinaires à la PME." Je ne conteste pas cela moi. Mais quand je tourne à la page 7 et que je lis que les entreprises jugent que "le climat des relations du travail au Québec est le pire après celui du Manitoba", j'ai un problème de justification parce qu'il m'apparaît que ça ne va pas ensemble complètement. Autrement dit, j'essaie de l'atténuer. Que des gens répondent cela quand on interroge la PME, c'est possible qu'ils donnent ce genre de réponse. Mais, moi, je voulais au moins vous signaler que je ne partage pas le jugement que vous portez. Si le climat économique est sain et va bien, quant à moi, selon les connaissances que j'ai - et j'ai quand même vécu un peu dans ce monde, un peu pas mal même, et j'ai des contacts fréquents avec ce monde - c'est parce qu'à plusieurs égards il y a eu des relations du travail qui ont assaini le climat économique des entreprises, le climat économique de certaines régions.

Je jasais, pas plus tard qu'hier, avec un chef d'une entreprise privée, que je ne nommerai pas pour des raisons de confidentialité, qui disait que ce sera la première fois qu'il négociera une convention collective avant terme, trois mois avant échéance, vous avez bien compris là, trois mois avant échéance. Il était très emballé de voir comment dans son milieu les relations du travail ont changé depuis les trois, quatre dernières années. Avec les mêmes lois "pourrîtes" qu'on a, avec les mêmes lois qui ne contribuent pas du tout à améliorer les relations du travail, à un moment donné vous portez des jugements assez sévères. Je reviendrai à la page 10, vous dites: "La législation actuelle ne joue aucun rôle positif et a, en fait, un impact négatif sur la saine évolution des relations du travail au sein de la petite et moyenne entreprise québécoise." Cela m'apparaît fort. Je voulais bien amicalement vous le dire, à tout le moins, parce qu'ici, je pense qu'on doit être franc comme vous l'avez été. Je respecte votre opinion. Mais je veux vous indiquer que je ne la partage pas.

Cela m'apparaît un jugement très, très sévère. Pour conclure là-dessus, quand vous évoquiez que ça provoque une demande d'accréditation dans la petite PME, ça provoque un choc émotif, j'ai entendu ça quand j'ai commencé à faire du syndicalisme autour des années soixante-six et je croyais cela. Mais en 1987, que le choc soit aussi dramatique, quand vous mentionnez que ces gens ne pouvaient pas se payer les services coûteux d'un avocat parce qu'ils étaient trop petits et que, règle générale, la plupart des propriétaires d'entreprises, même PME, et je ne les blâme pas, ont régulièrement des relations avec des conseillers juridiques à titre personnel. Pensez-vous qu'ils ne pourraient pas en avoir avec des entreprises de trois, quatre employés?

Il me semble qu'à dix, ça mériterait, en tout cas, pour des fins de crédibilité,

d'être un peu plus atténué. J'aurais une question à vous poser en page 7, mais je voulais faire ces nuances. Quand vous affirmez, en page 7 de votre mémoire, que vous aimeriez que la nouvelle loi, entre autres - parce que vous parlez spécifiquement de la loi - reconnaisse l'importance du rôle de la PME dans l'évolution de la société québécoise, je n'ai rien contre ça parce que c'est une philosophie d'orientation. Admettez-vous - et c'est là que j'aimerais avoir votre point de vue - qu'il y a quelques minutes on entendait la FTQ ou la CSN, ils auraient pu exiger la même chose du législateur et dire: Ne croyez-vous pas qu'il devrait y avoir une prémisse dans une loi sur les relations du travail confirmant et reconnaissant l'importance du rôle de l'évolution syndicale dans les relations du travail, l'évolution du syndicalisme québécois?

En conséquence, c'est simplement pour vous expliquer qu'il me semble que de telles dispositions qui sont plus l'objet de philosophie, d'orientation sociale ou autre, c'est difficile d'envisager de faire ces types de reconnaissance. La question que je vous pose c'est pourquoi prétendez-vous qu'il y aurait lieu dans une loi sur les relations du travail d'être capable d'inclure cette orientation? Sur quelle base prétendez-vous qu'on peut faire ça? (22 h 30)

M. Lauzier: Si vous faites référence aux statistiques dont on se sert où on indique que 85 % des conventions collectives sont pour des petites et moyennes entreprises et que le législateur et que l'administration présentent des lois sur les relations du travail conçues pour des entreprises de 500 employés, 1000, 1500, 2000, 5000, nous croyons qu'il est temps de reconnaître que la grande majorité des conventions collectives qui sera gérée et administrée par cette nouvelle Commission des relations du travail, que ce soit des petites ou moyennes entreprises, c'est un monde différent. C'est un monde qui a des attentes différentes, des problèmes différents. Quelqu'un me suggérait ceci: est-ce qu'on devrait avoir deux commissions de relations du travail, une pour les 100 et plus et une pour les 100 et moins?

J'ai ouï dire que, dans certaines provinces, on a même pensé faire des exemptions à un moment donné et avoir des règlements un peu plus souples. Cela s'est déjà discuté. Tout ce que j'essaie de porter à l'attention de la commission au nom de la fédération, c'est que de plus en plus les conventions collectives auront un nombre restreint. Les propriétaires-dirigeants de PME reconnaissent le droit aux employés de se syndicaliser. Il n'y a aucune question à ça. La fédération le reconnaît. C'est que si vous aviez un commerce et que vous deviez faire face un lundi matin à une demande d'accréditation. J'ai travaillé moi-même pour d'autres associations, je dois vous dire que le lundi matin, à la demande d'accréditation qui arrive sur le bureau du patron, le document signé, un bon nombre de chefs d'entreprises, au cours des années, m'appelaient et me disaient: Qu'est-ce que je fais? Est-ce que je ferme ma botte? Je disais: Non, ça se négocie. À tel ministère, il y a des conseillers.

Vous semblez surpris de la réaction de ces propriétaires qui, honnêtement, ont si peu de temps pour la gestion des ressources humaines, parce que tout ce qu'ils cherchent, c'est de trouver du financement et survivre. Pour eux, la gestion des ressources humaines ce n'est pas un problème. Soudainement, on les met devant un fait accompli. C'est pour ça que dans notre mémoire on dit: S'il y a des différences d'opinion, est-il nécessaire de syndicaliser les employés si, par hasard, c'est juste un manque de communication pour certaines questions de base? Est-ce qu'il devrait absolument y avoir une union pour que cette entreprise continue à croître? Au ministère du Travail ne pourrait-on pas avoir de l'aide, que ce soient des animateurs de travail, si on veut on les appelle les animateurs sociaux comme pour les gens qui veulent divorcer. Pourquoi n'aurait-on pas d'aide?

La petite entreprise, ce sont des humains, ce sont juste quelques gens, quelques personnes. On traite de perception humaine. Alors que les grandes entreprises sont des créatures de l'État. La petite entreprise, c'est comme une union de quelques humains.

M. Gendron: Ça va là-dessus. Écoutez, ça va dans le sens, pas au niveau des idées. Mais au niveau de l'explication que la PME n'est pas pareille à la grande entreprise, ça ne fait aucun doute. Sans me prendre pour un autre, je ne connais sûrement pas ça autant que vous, pour le vrai, parce que vous vivez dans ce monde là. Écoutez, j'ai 52 municipalités, j'ai juste ça de la petite PME, mon comté c'est Abitibi-Ouest. Vous connaissez ça l'Abitibi, Amos, La Sarre, on n'est pas dans les grandes multinationales à 500, 2000, 3000. J'ai beaucoup de PME. Quant à moi, je ne peux pas décrire les PME comme si les propriétaires des PME étaient encore dans les années trente. Ce monde a vécu des réalités sociales, culturelles, qui font qu'ils ont une pensée qui a évolué. Quand vous dites: Écoutez, il faudrait avoir des agents pour faciliter les affaires et tout ça.

Une demande d'accréditation, quelqu'un qui reste surpris avec ça, je ne nie pas cela. Mais je dis: Ça décèle d'autres problèmes qu'il y avait dans la PME. Ce n'est pas le problème des relations du travail quand ils paniquent devant une demande d'accréditation. C'est qu'il y avait d'autres

malaises à l'intérieur de l'entreprise. Surtout, je donne un exemple. C'est pour cela que j'ai de la difficulté à situer votre mémoire. Vous affirmez à la page 11, entre autres, c'est un exemple. Vous dites: "Les petites et moyennes entreprises représentent le nouveau marché de croissance pour les syndicats." Je ne dis pas que c'est vrai ou faux, mais permettez-moi de douter un peu puisque dans les cinq, six dernières années les chiffres qu'on a sur la syndicalisation indiquent qu'elle est en décroissance. Tous les chiffres que je peux observer au Québec, le taux de syndicalisation est plus faible qu'il l'était. Si c'était une banque de réserve si alléchante, on devrait avoir des statistiques inversées. Le taux de syndicalisation devrait croître globalement au Québec parce que vous constituez la grande majorité de l'entreprise québécoise, environ 80 %, la PME. Parce que la grande entreprise, il n'y en a pas beaucoup. Ils sont nombreux en employés mais ils sont peu nombreux en nombre tandis que la PME est multipliée dans toutes les régions du Québec et elle est très forte en nombre.

II me semble que certains jugements sont très sévères par rapport à la réalité d'aujourd'hui. Je veux juste vous dire, parce que je ne veux pas être très long, et dire au ministre du Travail: Écoutez, mon message -c'est vous qui parlez, et si c'était sur votre message je suis d'accord avec vous - on est différent, on n'est pas pareil, on devrait avoir des considérations particulières concernant une loi du travail, mais ne pas aller jusqu'à avoir un traitement différent sur des droits fondamentaux comme le droit à l'accréditation. On ne peut pas traiter un droit à l'accréditation différemment pour trois contre 100, 2000, 4000. Si c'est un droit fondamental dans la société d'aujourd'hui, il faut le traiter d'une façon fondamentale et équitable. Et cela ne veut pas dire qu'on ne s'occupe pas de vous autres, de vos préoccupations.

M. Lauzier: Des accréditations de 500 et de 1000, il n'y en a plus. Des accréditations, ce sont de petites entreprises. Il n'y en a plus de grosses. Il n'y a plus de grosses entreprises à syndiquer. C'est fini. Les accréditations, ce sont les petites. Si c'est la réalité... On parle de questions de syndicats, que le taux diminue. Il y a asssez de grosses entreprises qui ont fermé leurs portes ou qui sont en décroissance ou, encore, à tous les jours on entend parler d'entreprises qui ferment, on n'est pas pour faire un décompte des entreprises qui nous ont fait part de leurs intentions, dans les derniers quinze jours.

Ce n'est pas en allant syndiquer cinq employés qu'on va changer le taux. Ce que l'on dit c'est que c'est une nouvelle société économique québécoise où les petites entreprises forment la majorité des conventions collectives. Nous demandons au gouvernement de reconnaître ou d'essayer, et cela ne se fera pas du jour au lendemain, cela se fera par étape, mais qu'au moins les PME sentent que le ministre du Travail et son équipe cherchent à leur donner des outils pour accepter la syndicalisation, pour travailler avec les syndicats lorsqu'il y aura demande d'accréditation mais que cela ne soit pas fait en fonction d'empêcher leur croissance.

M. Gendron: D'accord. Pour des raisons de termes, je reviens. Il me reste une question, un commentaire. Quand vous dites qu'il ne se fait plus de syndicalisation dans les grandes entreprises, je voudrais juste vous dire que, en tout cas, Pechiney, que je sache, n'existait pas. Quand cela va exister et que cela va fonctionner, Hyundai, Bell Helicopter, l'Alcan à Laterrière, et j'arrête là. Il me semble que c'est gros comme jugement de dire c'est fini cela, la syndicalisation dans les grandes entreprises. J'espère que le Québec va être ouvert dans des notions d'internationalisme, de libre-échange et ainsi de suite pour que de gros investisseurs puissent venir développer le Québec. Alors, comme on n'est pas fermé à cela et qu'on n'est pas fermé à la syndicalisation, il y a de grosses chances qu'il y ait également de la syndicalisation importante. C'est votre point de vue.

Dernière question. À la page 13, vous affirmez que "le passé a démontré que la négociation collective n'est pas le moyen harmonieux de rechercher la paix sociale dans un contexte de propriétaires dirigeants de petites et moyennes entreprises". Je comprends ce que vous dites mais je veux juste vous poser la question: sur quoi vous basez-vous pour affirmer que la négociation collective n'est pas le moyen harmonieux de rechercher... Parce que la paix sociale cela veut dire relations du travail convenables et ainsi de suite, sentiment de fierté de travailler, sentiment de donner sa part. Cela aussi existe dans une évaluation de paix sociale.

Alors, si on enlève cela des négociations collectives pour favoriser un climat de paix sociale, que préconisez-vous comme mécanisme si ce n'est pas en négociation?

Mme Grenier: Écoutez, pendant des années au Québec il est inutile de nier qu'on a eu des problèmes encore plus que toutes les autres provinces, avec des grèves qui n'en finissaient plus, n'est-ce pas?

M. Gendron: Dans le secteur public en particulier.

Mme Grenier: Bon. Dans le secteur public en particulier. Maintenant, quand on

parle de reconnaissance du rôle des PME dans le projet de loi, pourquoi ne pas tenir compte, par exemple, du fait qu'une petite entreprise qui a cinq ou six ou sept employés peut avoir des difficultés à un moment donné lorsqu'elle négocie une convention collective dans sa capacité de payer ce que le syndicat lui demande. Moi, j'ai assisté deux fois, cette année, à des cas qui sont rendus en conciliation et quand on parle de médiation et de conciliation, on a un système à l'heure actuelle, mais il ne fonctionne pas. L'entrepreneur a dit à un moment donné: C'est cela que vous voulez, je ferme mes portes et il les a fermées, ses portes. D'accord? Alors, parce que le système actuel ne permet pas au conciliateur de tenir compte de la capacité de payer de cet entrepreneur, tout ce qu'il peut faire, son rôle à l'heure actuelle, c'est de mettre une partie dans une salle, l'autre partie dans l'autre salle et il se promène entre les deux et fume dans le corridor. Ce n'est pas cela que j'appelle la conciliation et ce n'est pas cela qui va améliorer les conditions du travail au Québec, ni la négociation des conventions collectives.

Deuxièmement, actuellement, dans une petite entreprise, il y a un problème qui s'appelle les vacances, les employés ont des problèmes avec les vacances. Le syndicat arrive et dit: On va vous régler cela, les problèmes avec les vacances. C'est le seul problème qu'il y a dans l'entreprise. Prenons un exemple grossier, peut-être que c'est exagéré, parce que c'est vrai que c'est rare que les syndicats arrivent quand il n'y a pas de problème. Comment se fait-il que l'entrepreneur ne soit pas capable, le lendemain matin, de s'asseoir avec ses employés et de dire: D'accord, on a un problème, on va le régler le problème, je vais vous en donner une semaine de plus de vacances. Pourquoi la liberté d'association comprend-elle nécessairement l'accréditation au sens du Code du travail? Ce n'est pas cela, la liberté de s'associer. Pourquoi les employés n'ont-ils pas le droit de changer d'idée une fois qu'ils ont signé leur carte? Cela n'a aucun sens. Pourquoi la conciliation doit-elle intervenir une fois que tout est embrouillé et non pas essayer de concilier les parties avant que tout s'embrouille? C'est cela qu'on vous demande dans notre mémoire. Il ne s'agit pas de chambarder tout le Code du Travail, mais de faire en sorte de reconnaître que, dans la petite entreprise, un syndicat peut causer des problèmes majeurs alors que dans une entreprise de 500 personnes, cela peut au contraire améliorer les conditions de travail d'avoir un seul intervenant plutôt que 500.

M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, madame.

M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, brièvement, pour reprendre la question de la conciliation et de la médiation avant que tout s'embrouille pour tenter de "zéroter" le "tout s'embrouille"... C'est peut-être vrai qu'actuellement, au niveau de l'accréditation... Soit dit en passant, la grande majorité des accréditations dans la PME se font de consentement, â la suite de la visite du fonctionnaire; il fait cela sur place, c'est accrédité, etc. Avec les mesures qu'on propose, les commissaires ont des pouvoirs sur le plan de l'accréditation, de la conciliation et de la médiation. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est propice à amener les parties plus dans un cheminement de concertation que de confrontation comme cela existe présentement?

Mme Grenier: Peut-être. C'est évident qu'à l'heure actuelle... Vous me dites que, la plupart du temps, cela se fait sans contestation pour une raison bien simple, c'est qu'ils n'ont pas les moyens de contester. Ils appellent leur avocat et disent: Écoute, on a signé des cartes, qu'est-ce qu'on fait? Tu n'as plus rien à faire, tais-toi et attends. C'est cela la réponse qu'on leur donne. Qu'est-ce que votre projet de loi va changer à cette attitude qui existe présentement qui fait qu'une fois que le gars a signé cette carte, c'est fini, tu n'as plus rien à dire. Surtout, ne fais rien, parce qu'il y a une plainte pénale qui plane au-dessus de ta tête si tu changes les conditions de travail dans ton entreprise. Cela ne change rien.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous nous demandez si sur le plan du fond du Code du travail on change quelque chose dans le projet de loi actuel, ma réponse est non, on ne change pas le fond du Code du travail comme tel. Si vous me demandez si on simplifie les structures et si on les rend plus accessibles pour la clientèle que vous représentez, la petite et la moyenne entreprise, ma réponse est que j'ai la prétention de piloter un projet de loi qui simplifie sur le plan de la structure et qui modifie l'approche sur le plan de la structure. Maintenant, est-ce que cela va fonctionner? Sur le plan de la simplification, je pense que oui. Sur le plan de la modification des approches, j'ai besoin et je vous l'indique très clairement, de la collaboration de toutes les parties impliquées parce qu'il s'agit de changer les mentalités et je ne pense pas que des changements de mentalité se légifèrent. Moi, en tout cas, je n'oserais pas tenter de légiférer des changements de mentalité.

Mme Grenier: Moi non plus.

Le Président (M. Théorêt): Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourrait peut-être conclure en reprenant un bout de phrase qui, encore une fois, se retrouve à la fin de votre mémoire qui dit beaucoup sur votre participation à la société québécoise. Vous parlez de votre but ultime comme étant "l'établissement d'une société québécoise stable et prospère, nantie d'un climat de relations du travail réaliste, dans un Canada concurrentiel." Je vous dirai que ce sont des buts partagés par le gouvernement actuel. (22 h 45)

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Le critique officiel pourra les...

M. Gendron: Oui. Je veux remercier M. Lauzier parce qu'au moins il aura sûrement le mérite de marteler, comme je l'ai dit tantôt, une idée qui mérite de l'être dans un appareil qui est toujours trop gros et loin de la réalité vécue par les gens. Vous avez prétendu que la PME, et vous aviez raison, est tout à fait différente de la grande entreprise. Ce n'est pas là qu'on a des problèmes, c'est que lorsque le législateur a à prendre une décision concernant les mécanismes nouveaux, bien sûr il faut les vérifier, les tester. C'est pour cela qu'il y a des audiences, parce qu'il y a des choses là-dedans qui sont encore trouées. Je l'ai mentionné. Les objectifs pouvaient être valables, mais quand on a à regarder l'application concrète article par article, il y a des choses que l'on va corriger. Comme Opposition, des éclairages comme vous nous en avez donnés sur certains aspects, cela peut nous aider à contribuer à combler quelques écarts qui ne correspondent pas toujours entre les objectifs d'un projet de loi, ou les principes versus l'application concrète dans le vécu. Nous aussi ce qui nous intéresse c'est que le vécu soit le plus viable possible. Par conséquent, on va essayer de tenir compte de vos points de vue.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. Avez-vous un commentaire à ajouter avant que le ministre termine?

M. Lauzier: Aussi court que celui de M. Laberge. Si en 1944 on a créé un code des relations du travail et qu'on a pris en ligne de compte le fait que dans la société québécoise la grande entreprise primait, pourquoi alors que l'on repasse et que l'on regarde à nouveau le Code du travail et les relations du travail ne pas reconnaître que la PME, dans quelques temps, primera? Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que l'on constate, c'est que dans quelques temps, sans doute, elle primera, parce qu'au moment où nous nous parlons, elle prime au Québec. Nous vous remercions.

Le Président (M. Théorêt): Mesdames, messieurs, merci. Nous allons suspendre pour quelques minutes, le temps que notre autre invité s'installe à la table.

(Suspension de la séance à 22 h 47)

(Reprise à 23 h 3)

Le Président (M. Théorêt): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît, à l'avant.

Je demande à ceux qui accompagnent le président de bien vouloir nous distribuer copie de leur mémoire à tout le moins, si vous en avez un avec vous. La commission n'a pas reçu votre mémoire.

M. Hétu (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés...

Le Président (M. Théorêt): M. le président de la CSD, avez-vous des copies du mémoire pour les membres de la commission?

M. Hétu (Jean-Paul): Notre position sera tellement claire, qu'il n'est pas nécessaire de l'écrire.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie. Je voulais le savoir pour les fins du registre. Je vous demanderais de bien vouloir présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Hétu (Jean-Paul): De ce côté, M. Claude Gingras, le vice-président de la Centrale des syndicats démocratiques, et le secrétaire-trésorier, M. Jeannot Picard.

Le Président (M. Théorêt): Je vous cède la parole, M. Hétu.

Centrale des syndicats démocratiques

M. Hétu (Jean-Paul): Nous n'avons pas de mémoire écrit pour une raison simple, c'est que nous sommes profondément déçus de la réforme proposée par le ministre du Travail dans le projet de loi que nous devons étudier. Nous sommes déçus parce que, fondamentalement, ce projet de loi ne permettra pas aux travailleurs et aux travailleuses du Québec qui ne sont pas encore syndiqués de prendre cette voie qui est indispensable, aujourd'hui, si on veut

améliorer les conditions de travail.

Le projet de loi, quant à nous, ne permettra en aucune façon que certains droits fondamentaux exprimés dans le Code du travail actuel... Cela est insuffisant. Il aurait fallu qu'on puisse ajouter un complément comme nous l'avons exprimé à d'autres reprises, en particulier à la commission Beaudry. Ces droits fondamentaux ne sont pas reconnus dans la proposition gouvernementale et cela nous déçoit. Quant à nous, cela indique que le gouvernement vise d'autres objectifs par sa réforme.

Évidemment, pour ce qui est de l'objectif général défini dans le projet de loi, celui de tenter non pas de déjudiciariser -j'en reparlerai dans quelques instants - mais d'introduire une notion de médiation, nous y souscrivons parce que nous constatons que, dans le contexte actuel du Code du travail qui est judiciarisé au maximum, on découvre que même dans la générosité de l'objectif qui est défini, la proposition de cette Commission des relations du travail, on ne pourra pas atteindre les objectifs majeurs qu'un Code du travail décent doit réaliser.

Après étude et examen du projet de loi, je dois vous dire que les réactions qu'il a soulevées chez nous n'étaient pas agréables à entendre. Je n'ose pas les répéter par respect pour la commission ici présente. On ne sait pas trop ce qu'on veut exactement avec ce projet de loi. Une chose est claire: on veut établir une Commission des relations du travail. Il est clair qu'on veut remplacer la structure des commissaires et celle du Tribunal du travail. Pour nous, ça c'est clair. Je pense qu'il n'y a pas d'ambiguïté là. Cependant, où il y a ambiguïté, c'est qu'on s'aperçoit qu'on transfère aux tribunaux pénaux, au tribunal pénal, des responsabilités qu'il n'avait pas avant et qui étaient assumées par le Tribunal du travail.

Le premier problème devant lequel on est placé, devant lequel on se retrouve, c'est qu'on se demande si cela va déjudiciariser le fonctionnement et l'application du Code du travail. Évidemment, on plonge dans l'inconnu car on ne connaît pas ce système. Cependant, on a une expérience dans l'application notamment des décrets; on sait que cela prend du temps pour l'application de certains. Quand des travailleurs ou des travailleuses sont lésés, on se présente devant ces tribunaux et cela prend du temps. Alors, quand on tente d'équilibrer le système actuel et cette nouvelle formulation, on découvre qu'on est placé je ne dirais pas dans le néant mais devant une balance qui dit la même chose: maintien de la judiciarisation dans cette voie-là. Mais cela ne favorisera pas l'accessibilité au syndicalisme pour les travailleurs et les travailleuses qui en ont besoin. Il y a un tas de dispositions de base qui ne permettent pas, qui empêchent les travailleurs et les travailleuses de se syndiquer. Le ministre du Travail, dans le projet gouvernemental, n'en traite pas. Dans le fond, c'est fondamentalement une réforme qui nous apparaît de nature administrative. On déplace des personnes qui sont au Tribunal du travail; on les envoie dans les tribunaux de nature pénale, entre guillemets, et après on nomme une commission. On ne sait pas quel pognon ils auront, ce qu'ils auront à gérer, à moins que je n'aie mal lu le projet de loi. C'est fort possible. Peut-être que le ministre nous a envoyé un projet de loi qui ne contenait pas cette partie. On ne sait pas combien d'argent ils vont avoir. On ne sait pas combien de personnes vont gérer de façon concrète et pratique, par exemple, les accréditations et toutes les fonctions que l'on veut consacrer et donner à cette commission. Alors, on est placé devant un problème ou c'est un deuxième ou un troisième problème, devrais-je dire.

Cette Commission des relations du travail, pour les plus anciens... J'ai les cheveux blancs et le député de Labelle, M. Hétu, qui est là, a les cheveux blancs, mais pas tout à fait comme les miens. Je ne sais pas s'il se souvient qu'à l'époque, avant le Code du travail, il y avait une commission des relations du travail. Dans le fond, c'est un vieux schéma que le ministre du Travail nous apporte, même si cela a été réclamé par d'autres organisations syndicales. À cette époque, quand on a voulu des changements -peut-être que M. Parent du comité consultatif ici présent vous l'a dit, je ne le sais pas - on reprochait à cette commission d'avoir des délais trop grands. Les études savantes que je n'ai pas faites mais que d'autres ont faites indiquent ce parallèle comme argument soulevé dans l'application du Code du travail avec un autre régime. Mais pourquoi revient-on avec une formule qui maintenait, établissait dans l'application du code des délais trop longs?

Là, vraiment, c'est pour tous ces motifs qu'on est porté à dire que la CSD est contre le projet qui nous est soumis. Mais il y a d'autres raisons aussi et les autres raisons, je vais vous les expliquer.

Le gouvernement passé avait créé la commission Beaudry. Je ne veux pas revenir sur des choses du passé, mais pendant des semaines et des mois, les responsables syndicaux, dans notre organisation, se sont assis pour réfléchir au Code du travail. Dans à peu près toutes les régions - les plus éloignées, évidemment, on n'y allait pas - on était présent. Où la commission est passée, on a soumis des cas concrets, des cas vécus, des problèmes réels de travailleurs et de travailleuses qui se sont vus refuser des accréditations ou qui ont eu toutes sortes de problèmes pour obtenir l'accréditation et souventefois, on leur a refusé l'accréditation pour différents motifs. On a donné des cas

concrets et pratiques et on s'aperçoit que dans le projet de loi on ne répond pas à cette requête. Ensuite, on s'est assis avec les représentants de la commission. On a convenu des choses avec elle, bien sûr. Il y a eu des recommandations qui ont été faites, par exemple d'unifier un certain nombre de conceptions et de définitions dans une loi du travail. Le gouvernement ne répond pas à cela actuellement. Dans le fond, pour nous, le gouvernement n'est pas péquiste et il n'est pas libéral. Je comprends qu'il y en a un des deux qui est meilleur. Il fut un temps où le gouvernement péquiste était meilleur et aujourd'hui il semble, si on se fie aux témoignages, que ce gouvernement est meilleur; i! a été élu. Dans le fond, pour nous, le gouvernement, c'est le même. Le gouvernement a établi une commission grâce à laquelle on a fait une consultation élargie, et avec cette consultation, les commissaires ont fait des recommandations. On en retient une: la commission. Le reste, quant à la reconnaissance des droits fondamentaux, on prétendait que cela était possible quant à l'unification tout au moins du code. Mais on dit: Mais non, on ne retrouve pas cela dans le projet de loi qui est là.

Évidemment, je ne discuterai pas de l'aspect politique, à savoir que le gouvernement est élu pour réaliser tel ou tel objectif, et en particulier la création du code. Je ne discuterai pas de cet aspect politique mais vous vous placerez dans notre peau. Il y a un gouvernement au Québec et il y a une Assemblée nationale. Bien sûr, elle est contrôlée et elle a été contrôlée par un parti différent, mais on se dit: Maudit, il faut recommencer. Il y a quelqu'un à quelque part qui prétend que la réflexion qu'on a faite, le débat démocratique qu'on a fait, n'a pas de signification.

Or, devant cela, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, on est obligé de vous dire à regret que la Centrale des syndicats démocratiques s'oppose a ce projet de loi. On trouve que la réforme proposée -et je termine sur cela - n'est qu'administrative, tout en créant des débats judiciaires. Là, je ne vous donne pas les opinions juridiques de nos avocats mais leur expression est la suivante: Cela va être un nid à procès. (23 h 15)

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le Président. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, je termine de prendre des notes. Dans un premier temps et de façon à bien situer nos interlocuteurs que je remercie de leur présence, dans le contexte, hier, l'Assemblée nationale adoptait à l'unanimité en deuxième lecture le principe ou les principes du projet de loi. Ce qui ne veut pas dire que l'Assemblée nationale a adopté les modalités du projet de loi. D'ailleurs, l'Opposition a fait part de certaines réserves et a posé certaines questions quant aux modalités du projet de loi. Tout au long de votre exposé, j'ai pris des notes et je vais tenter de reprendre les arguments que vous mettez de l'avant, comme c'est votre droit de le faire.

Vous vous dites profondément déçus, je pense que c'est peut-être le thème de fond qui sous-tend votre intervention devant cette commission parlementaire. Vous dites que vous ne trouvez rien d'ajout aux droits fondamentaux, finalement, dans le projet de loi. Je dois vous dire que vous avez raison. Au moment où on se parle, dans le cadre du projet de loi devant cette commission parlementaire, nous n'avons pas voulu toucher au fond du projet de loi. Notre objectif était de toucher au cadre qui était et qui est encore, puisqu'il existe encore, d'une complexité telle que les gens moins bien équipés juridiquement ne réussissaient pas à se retrouver, qu'on soit d'un côté ou de l'autre de la clôture. En modifiant ce cadre, nous avons voulu simplifier la structure et tenter de changer son orientation. La conception du gouvernement quant au cadre actuel, quant à l'accréditation surtout, c'est qu'il s'agit d'un cadre de confrontation qui incite les parties à la confrontation. En simplifiant le cadre et en l'orientant vers la concertation, en ajoutant des pouvoirs de conciliation et de médiation, nous invitons l'ensemble des partenaires - cela ne se légifère pas - socio-économiques, patronaux comme syndicaux, à laisser de côté les gants de boxe dans la mesure du possible et à s'asseoir à la table pour discuter. On peut changer le cadre comme gouvernement, mais on ne peut pas changer les mentalités. On se dit qu'en apercevant une table bien mise plutôt qu'une arène de boxe, cela peut peut-être influencer tranquillement les gens qui verront cela. Vous nous indiquez d'ailleurs, dans les propos que vous avez tenus, que vous souscrivez à la notion ou à l'orientation de médiation.

Vous avez parlé des réactions négatives de votre entourage mais vous n'avez pas voulu les énumérer. Je vous dis: Sentez-vous à l'aise.

M. Hétu (Jean-Paul): Je peux vous en donner.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On est ici pour se parler franchement. Ce n'est pas quand ce sera adopté que ce sera le temps de le faire. Vous êtes ici parce que vous avez un vécu quotidien dans l'application de ce que nous pensons légiférer pour le bien de la population; dites-le nous. Vous insistez pour dire que c'est clair que c'est une réforme de structure. Nous n'avons pas prétendu autre chose au moment du discours de deuxième lecture. Je pense que c'est là-dessus que j'ai ouvert mes propos en

deuxième lecture.

Vous avez parlé de l'ambiguïté, en ajoutant que le pénal s'en allait devant les tribunaux de droit commun comme tels. J'insiste pour dire que c'est simplement le pénal qui s'en va là et pas d'autre chose et que la commission, comme telle, possède des pouvoirs de redressement importants.

Vous parlez d'une réforme administrative et vous dites: Vous ne nous dites pas si la commission aura les ressources financières nécessaires, les ressources humaines, etc.

M. Hétu (Jean-Paul): On ne le sait pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous dirai que le fait de regrouper trois organismes, le Tribunal du travail, le Bureau des commissaires du travail et le Conseil des services essentiels sur le plan administratif, sur le plan financier et sur le plan des ressources humaines que cela représente, il y a des économies d'échelles qui sont réalisées. Si vous me demandez si ces économies retournent dans le fonds consolidé du Trésor, je vais vous donner la même réponse que j'ai donnée à mon collègue, le président du Conseil du trésor: Non. Ce n'est pas une réforme pour effectuer des économies ni en ressources humaines ni en ressources financières. Nous croyons avoir besoin de l'ensemble des ressources financières et humaines parce qu'on pense que, dans certains cas, on en manque actuellement. On pense que le regroupement va faire en sorte que cela va peut-être rééquilibrer une situation qui était déficitaire. Si je peux répondre à certaines de vos interrogations là-dessus, ce n'est pas une diminution en termes de ressources, au contraire, c'est une rationalisation qui devrait apporter une plus grande productivité.

Vous avez fait une comparaison avec la réforme de 1969 et vous avez dit: On revient à une commission. Je vous dirai que la commission d'avant 1969, non pas à partir du vécu que j'en ai eu, vous le comprendrez, mais à partir de ce que j'ai pu retrouver dans les documents au ministère du Travail, n'avait du rôle de commission que le titre. Il ne s'agissait pas, si on la compare à ce qui se passe dans les autres juridictions canadiennes tant provinciales que fédérales, à cette époque, d'une commission des relations du travail. Il est vrai que les objectifs que visaient les modifications apportées alors par mon prédécesseur, non pas immédiat, mais l'honorable Maurice Bellemarre, c'étaient exactement les mêmes objectifs: soit de déjudiciariser, de raccourcir les délais, etc.

M. Hétu (Jean-Paul): Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et cela a fonctionné au début. Je pense que la phrase utilisée à l'époque par M. Maurice Bellemarre était la suivante: Tout ce qui est administratif sera entre les mains des fonctionnaires et tout ce qui est judiciaire sera entre les mains des juges. Je paraphrase, mais c'est à peu près ce qu'il avait dit.

Ce qu'on dit présentement, c'est que le système créé qui a évolué à trois paliers a fait en sorte que des procédures d'évocation ont pu être prises par une partie ou l'autre, à partir de trois niveaux: à partir du niveau de l'agent d'accréditation, à partir du niveau du commissaire du travail et à partir du niveau du Tribunal du travail; soit une possibilité d'évoquer trois fois. Il y avait une possibilité également de cumuler les recours, ce qui nous a menés, en 1987, à un système des relations du travail très judiciarisé. Je suis certain que ce n'est pas l'objectif qui était visé en 1969 lorsqu'on a effectué la dernière réforme, mais c'est ce qu'on retrouve en 1987. Devant cette situation, le gouvernement a décidé d'agir dans le but, oui, de déjudiciariser. Nous prétendons que le commissaire ou la commission étant le seul endroit où des décisions se prendront, il n'y aura pas élimination totale des évocations. Il y a toujours des gens qui vont s'essayer. Il n'y aura plus trois endroits où "harponner" l'évocation. Cela devrait contribuer à déjudiciariser de façon importante notre système de relations du travail.

Vous terminez en nous parlant de la commission Beaudry. Vous dites que le gouvernement change d'un bord et de l'autre mais que vous avez contribué, votre centrale a contribué à ta commission Beaudry. On ne retient rien et on recommence, finalement, ou on ne retient qu'une infime partie des recommandations de la commission Beaudry. Je suis prêt à considérer votre expertise ou votre témoignage là-dessus mais les experts, entre guillemets, que j'ai consultés et qui ont vécu la commission Beaudry... Entre autres, le ministre de l'époque, je l'ai nommé au début des travaux de la commission - il était là quand la commission Beaudry a siégé - soit M. Raynald Fréchette, mon prédécesseur, s'exprimait à peu près comme suit quant aux recommandations de la commission Beaudry. Je vous le cite et vous pourrez vérifier cela dans la Tribune, de Sherbrooke, le 21 janvier 1986:

La recommandation la plus importante me paraît celle qui propose la création d'un Conseil des relations du travail pour remplacer tous les mécanismes visant l'application du code. La constitution de ce conseil entraînerait deux conséquences majeures, à savoir déjudiciariser le système et raccourcir les délais, a souligné l'ex-ministre du Travail.

Je vous dirai que non, nous ne touchons pas au fond. Vous avez raison. Mais on avait l'impression - et dites-le nous si vous le

pensez encore - de toucher à une partie importante. On a également l'impression que s'il fallait tout embrasser d'un même coup -c'est long, l'évolution, dans le domaine des relations du travail - on pourrait peut-être chavirer ou déborder sur le plan de l'acceptation qui est requise des partenaires tant patronaux que syndicaux ou que syndicaux et patronaux.

Vous dites que la réforme n'est qu'administrative et vous concluez en disant que certains conseillers juridiques vous ont dit qu'il s'agissait là d'un nid à procès. Je vous dirai que nous avons entendu des témoignages et que nous avons même interrogé des conseillers juridiques. Ce que l'on tente de faire au moment où nous nous parlons, lorsqu'il y a accord sur le principe -là, je ne sais même pas si on l'a de la part de la CSD mais il me semble, au contraire, qu'on ne l'ait même pas sur le principe -c'est de voir un peu plus loin à l'avenir et de bloquer les trous qui pourraient prêter flanc à la contestation juridique. On est ici pour travailler dans ce sens.

Ce que je vous dis, c'est que si vous avez des experts juridiques qui sont prêts à contribuer dans ce sens, nous sommes prêts à recevoir leurs commentaires et leur expertise, tout comme on a tenu ce langage aux autres centrales syndicales et aux représentants patronaux qui sont venus devant la commission ou qui sont appelés à venir. Ce que nous visons essentiellement, c'est de simplifier, de déjudiciariser, de raccourcir. Ce n'est peut-être pas parfait comme objectif. Comme je l'ai déjà indiqué à d'autres, je n'ai pas l'impression qu'on va au bout du chemin mais on prétend quand même faire un pas dans la bonne direction. Si la CSD nous dit que nous allons dans la mauvaise direction, on va y repenser.

C'était là l'essentiel de mes propos auxquels je vous invite à répliquer.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le président de la CSD.

M. Hétu (Jean-Paul): Voyez-vous, M. le Président, la CSD fête son 15e anniversaire cette année. Depuis que la CSD existe, son corridor d'expansion n'est plus ce qu'on a connu après 1945, soit le développement de la syndicalisation du côté des grandes firmes multinationales que la FTQ, par ses unions américaines, a raflées à cause de la proximité, des connaissances que les Américains avaient entre eux, etc. Le territoire de la syndicalisation est aussi plus restreint parce que dans la fonction publique et parapubiique, vous en savez quelque chose, la syndicalisation a été faite pour des motifs différents. Sans doute parce que la CSN était et est une organisation, disons, typiquement québécoise. (23 h 30)

Depuis que nous existons, depuis quinze ans, notre corridor de la syndicalisation rejoint, je dirais, un peu ce qu'on appelle le caractère économique du Québec, la PME. C'est justement là que les difficultés les plus grandes dans la syndicalisation se retrouvent. Ce n'est pas dans des boîtes anonymes, ce n'est pas dans des boîtes où il y a la personnalisation des tâches développée à l'extrême, ce n'est pas dans des boîtes où il y a une structure hiérarchique très prononcée, ce n'est pas dans des boîtes de la fonction publique et du parapublic qui revêtent d'autres caractéristiques, c'est dans des boîtes de 50, 100, 150 travailleurs au maximum où le patron est là présent, où c'est le patron qui, généralement... Peut-être était-il ouvrier ou un innovateur? Peut-être avait-il des qualités particulières? II a développé la boîte par son génie propre, il a rassemblé du monde et ils ont fait démarrer la boîte. Alors, syndiquer dans ce contexte, c'est différent.

Quand on parle des droits fondamentaux, je dirais que le Code du travail, fondamentalement, est fait uniquement et exclusivement pour les travailleurs et les travailleuses qui sont dans les grandes entreprises où l'anonymat existe, enfin où se retrouvent les caractéristiques dont je vous ai parlées. Cependant, cela n'existe pas ou pratiquement pas - c'est là que la syndicalisation est la plus difficile... Je vous dirai que l'ensemble du mouvement syndical et des centrales syndicales ont mis de côté la syndicalisation de ce qu'on appelait les petits salariés sans pouvoirs, qui vivent et travaillent dans ces petites entreprises. C'est là que la syndicalisation est plus difficile. C'est là que le Code du travail ne reconnaît pas - cela n'a pas un maudit bon sens - les droits de base à la syndicalisation. On a vu très souvent, dans l'espace d'une fin de semaine, ceci arriver: on avait la majorité le vendredi soir; le samedi et le dimanche, on se faisait casser la gueule, on perdait la majorité dans la fin de semaine à cause des ramifications familiales, à cause de ceci et de cela. Le lundi matin - c'est dommage que l'on ne travaille pas le samedi et le dimanche au ministère du Travail... Dans votre loi, même si vous avez un caractère administratif... Enfin...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais vous arrêter...

M. Hétu (Jean-Paul): ...vous allez me parler des boîtes, je ne veux pas discuter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...parce que s'il y a un ministère où cela travaille le samedi et le dimanche...

M. Hétu (Jean-Paul): Oui, oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est au ministère du Travail....

Une voix: Vous ne recevez pas de requête en accréditation.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...au gouvernement.

M. Hétu (Jean-Paul): C'est cela qu'on veut dire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez, c'est parce qu'on était...

M. Hétu (Jean-Paul): Ce n'est que ce petit détail-là. C'est cela qui bloquerait, etc. Ils travaillent, c'est sûr, parce que vous leur fournissez tellement peu de personnel pour qu'ils le fassent. Enfin, c'est ce qu'on nous explique au niveau administratif, mais cela avait commencé aussi dans le temps, à l'époque du gouvernement péquiste. Là-dessus, c'est toujours le même gouvernement avec des couleurs et peut-être des dynamismes différents. Je vous aime bien quand même...

M. Gendron: J'aurai mon tour, M. Hétu, tantôt.

M. Hétu (Jean-Paul): Ah, je vous aime bien!

M. Gendron: Je sais cela.

M. Hétu (Jean-Paul): Mais, ce que je veux dire, c'est qu'on ne reconnaît pas les droits de ces petits-là. Le code n'est pas fait pour eux ou pratiquement pas. C'est notre maudit problème. C'est notre difficulté. On ne donne pratiquement pas d'autorité en dehors des décrets et vous vouiez les abolir pour un droit de négocier pour ces petites entreprises. Dans le fond, vous dites à la majorité des travailleurs du Québec, par votre projet de loi: On ne veut pas que vous vous syndiquiez, restez en dehors, on va s'occuper de vous autres autrement. Je regrette infiniment et c'est dans ce sens qu'on réagit. On ne veut pas vous écoeurer. On vous dit tout simplement que, par notre expertise, notre expérience pratique et concrète, on a... Par exemple, vous avez foutu en l'air le comité paritaire, le décret dans les garages. Là, on avait un taux de syndicalisation élevé. Mais il faut qu'on trouve des formules. D'accord, parce qu'il y avait une tradition de 50 ans de syndicaiisation dans le milieu, cela n'a pas dérangé. Mais, dans les autres secteurs économiques où les entreprises ont cette taille, on ne peut pas ou bien difficilement développer la syndicaiisation. C'est ce qu'on veut dire par les droits fondamentaux.

C'est pour cela que, pour nous, une réforme administrative... Vous allez faire sauter les commissaires et tout cela; pour nous, cela ne résout pas les problèmes de base. II faut qu'on reconnaisse des droits qui sont adaptés à la syndicaiisation. C'est la vocation du Québec, l'avenir du Québec est là-dedans, à moins qu'on dise que ce n'est pas vrai, que je déraisonne, que la réalité économique et sociale, ce n'est pas cela. Elle est là et on est bloqué là.

Si j'étais malin, je dirais: Ma foi du bon Dieu, vous voulez même qu'on disparaisse comme CSD. Mais, là-dessus, c'est une autre affaire. On va s'occuper avec ça.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...chercher des ressources humaines quelquefois chez vous qu'on veut que vous disparaissiez.

M. Hétu (Jean-Paul): Oui, je vous en veux, vous! Vous nous dépeuplez en plus. Vous nous faites la job au niveau du code et, après ça, il veut nous dépeupler. C'est un maudit gros morceau. Excusez, monsieur.

Le Président (M. Théorêt): Je passe la parole au critique officiel, le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: M. Hétu, ainsi que vos deux collaborateurs, MM. le secrétaire et vice-président, je vais faire une intervention moi aussi en deux temps. Comme le ministre a fait une intervention à caractère davantage analytique qui vous a permis de revenir, je vais commenter d'abord votre première réaction.

Je vais vous dire franchement les choses comme je les pense. Merci d'être venus. Je pense que la Centrale des syndicats démocratiques existe. C'est une centrale syndicale qui a une expertise différente des autres, vu qu'elle évolue avec, bien sûr, des syndiqués et ce, à ma connaissance, c'est de même souche, c'est de même racine.

Effectivement, vous couvrez un secteur où, fondamentalement, votre personnel est davantage relié à la petite et moyenne entreprise et à des secteurs différents de la grande industrie ou des secteurs public et parapublic. II me semble que c'est important d'avoir votre son de cloche. Il a été on ne peut plus franc et catégorique, avec vos tripes, comme on vous connaît.

Vous l'avez exprimé d'une façon on ne peut plus claire. Vous avez exprimé clairement votre déception. Vous avez eu la franchise de dire que, pour vous, en fait, ce qui vous intéresserait dans un projet comme celui qu'on a à discuter, c'est d'être capable d'y voir là des mécanismes concrets qui permettraient de faciliter le droit à la syndicalisation des travailleurs et des travailleuses, puisque vous avez ajouté à

deux ou trois reprises, avec raison, qu'il n'y avait aucun droit nouveau.

Il n'y avait pas de droits nouveaux fondamentaux qui étaient reconnus dans ce projet de loi et je pense que vous avez raison de dire ça. Mais il faut comprendre, effectivement, c'est quoi que nous avons à discuter dans le projet de loi créant la Commission des relations du travail.

Je voudrais également nous situer, parce que vous allez dire: Écoutez... Le ministre, avec raison, a exprimé que l'Assemblée nationale avait adopté le principe de ce projet de loi. Il a employé le mot "unanimement" et on n'a pas voté formellement. Mais à partir du moment où les deux formations politiques s'expriment d'accord et qu'on... Comme vous savez, on n'est pas plus de deux formations politiques actuellement à l'Assemblée nationale. Bien oui, on peut appeler ça un projet de loi adopté à très grande majorité, puisqu'il n'y a pas eu d'expressions négatives.

Mais il faut convenir que le principe d'un projet de loi et son contenu, c'est quand même des choses qui sont différentes et c'est pourquoi nous tenons des audiences. S'il n'y avait aucune différence, on ne ferait pas cette consultation pour bonifier et tenir compte des points de vue qui nous sont exprimés.

Je voudrais vous rappeler, M. Hétu - je suis convaincu que je vais avoir votre attention à ce moment-ci - que je n'ai aucune fausse gêne de dire: Oui, l'Opposition a donné son accord au principe de ce projet de loi, parce que ce projet de loi... Souvent, le ministre n'est pas en mesure de le confirmer; des fois, il pense que c'est gênant et tout ça; il n'a pas inventé ça. C'était au ministère du Travail. C'était quelque chose sur lequel nous travaillions très activement. C'était une recommandation de la commission Beaudry que nous avons créée comme parti politique, commission à laquelle on voulait et on veut toujours accorder énormément de considération, parce que s'il y a une commission qui a été largement ouverte, représentative, qui a mis du temps à faire le tour du Québec, de regarder toutes les instances et je regardais tantôt...

J'ai juste fait un petit résumé des principales recommandations contenues à la commission Beaudry et je vais être d'accord avec vous rapidement qu'il n'y avait pas uniquement ce qu'on a sur la table. Il n'y avait pas uniquement la création d'une commission des relations du travail. Je sais que ça faisait partie de la commission Beaudry, mais c'est une infime petite partie par rapport à l'entièreté des recommandations, tout autant concernant les mesures des rapports individuels de travail ou les rapports collectifs ou d'autres éléments auxquels la commission Beaudry demandait de souscrire.

Là-dessus, quand vous avez alerté le ministre, dans votre première intervention, en disant: Oui, nous autres, on a regardé ça et on est déçu. Moi aussi, j'ai le même point de vue que lui, j'aimerais ça que... Habituellement, vous êtes ouvert et franc. Il n'y aurait pas de gêne à dire d'une façon très franche les réactions que vos commettants ont eues. On dit: Écoutez, on ne peut pas en parler, parce que ce n'était pas beau à entendre tellement c'était défavorable.

Il faudrait peut-être regarder ça juste quelques minutes sur quelques points précis. Cela ne sera pas long. Je vais juste finir mon affaire. Je pense qu'on est ici pour ça, pour les entendre. Tout ça vous a amené en conclusion, M. Hétu, à dire: Bien, écoutez, nous, on n'est pas capable de donner notre accord là-dessus parce qu'on n'est pas convaincu que cela va déjudiciariser et, là-dessus, je trouve que vous avez raison. Moi non plus, bien honnêtement, je ne suis pas convaincu, même si je lisais dans les notes explicatives que la déjudiciarisation, ce sera beau quand ce sera complètement déjudiciarisé et que ce sera fini; on aura un processus de relations du travail judiciarisé au boutte. Je suis inquiet et, quand je relis attentivement - il nous arrive de nous relire - le discours d'une heure que j'ai prononcé en deuxième lecture, j'ai posé des questions précises... À l'étude article par article, on aura des recommandations et des modifications à faire pour maximiser cet effort de déjudiciarisation parce que je vous rejoins là-dessus.

Même chose quant au processus davantage médiatif plutôt qu'interventionniste et d'adjudication. Il me semble que c'est un objectif beau, noble et grand, mais vous avez raison de dire que ce n'est qu'au vécu de la Commission des relations du travail que nous pourrons porter des jugements analytiques et dire: Oui, le ministre a pris les précautions usuelles pour s'assurer qu'il y ait davantaqe de "conflits", entre guillemets - et j'emploie cette expression volontairement - qui n'auront pas toujours le cheminement traditionnel d'affrontements et finir en des coûts onéreux avec toutes sortes de situations difficiles, mais viser plutôt que les parties puissent rapidement se parler, jouer davantage d'influence l'une par rapport à l'autre et que la résultante soit bénéfique tant pour les travailleurs que pour les entreprises. C'est cela les relations du travail.

C'était la première partie et je vais prendre deux minutes pour la seconde. C'est ce qu'on a vu, nous, M. Hétu, et c'est ce que je veux vous dire. J'ai vu là-dedans que, oui, on a le devoir, comme société québécoise, d'essayer ce nouveau mécanisme plus unifié, plus ramassé et plus simple avec moins de paliers qui risque de développer une

expertise fonctionnelle qui, normalement, si le ministre est vigilant et si le ministère du Travail est conscient que l'objectif est toujours de raccourcir des délais, simplifier et rendre le processus d'accréditation et d'autres processus d'administration des relations du travail, où fondamentalement on va modifier les mentalités et où on va réduire les interventions à caractère judiciaire... Je vous le dis aujourd'hui, je n'ai pas la conviction que ce projet de loi offre toutes les garanties souhaitées par le ministre en termes de principe et d'objectifs, comme on le dit habituellement dans les notes explicatives: Ce projet de loi-là, c'est pour faire telle affaire. Je souscris entièrement au principe et aux objectifs.

J'ai la profonde inquiétude et, là, je cite mon discours: II s'agit d'une réforme de structures. Il ne faut pas se le cacher. Quand vous dites: C'est davantage une réforme administrative, il ne faut pas être gêné de cela, c'est vrai. C'est cela. C'est une réforme administrative et, effectivement, le ministre est correct de temps en temps. Il a commencé son intervention en disant que ce projet de loi suggère d'importants changements de structures et il martelait le mot "structure" avec raison, c'est d'abord ça. Je disais: II ne s'agit pas d'une réforme des règles de droit elles-mêmes du droit du travail. J'ajoutais: Cette réforme constitue l'une des recommandations majeures du rapport Beaudry, une recommandation importante, et elle mérite d'être essayée. C'est dans ce sens que s'explique la position de l'Opposition. (23 h 45)

Quant à votre seconde intervention à la suite de l'analyse politique qu'a faite le ministre, je veux seulement faire deux commentaires. Dans le fond, ce que vous nous avez servi, M. Hétu, c'est un second plaidoyer consécutif à celui auquel on a eu droit - mais, en ce qui me concerne, j'ai préféré le vôtre - dans lequel vous dites: La PME et les petits, le petit monde, l'ouverture plus simple à la syndicalisation, il me semble qu'elle ne devrait pas nécessairement toujours passer par le même canal, par les mêmes mécanismes d'un Code du travail ou d'une loi du travail qui sont souvent mésadaptés et qui ne répondent pas véritablement aux besoins de ces gens-là, toujours dans un souci - et cela, vous avez eu le franchise de le dire - d'augmenter numériquement, donc quantitativement, la performance du degré de syndicalisation, en particulier pour ceux qui en auraient le plus besoin pour améliorer leurs conditions de travail. Je pense qu'on n'a pas de cachette à se faire, vous avez raison puisqu'on convenait pas plus tard qu'il y a quelques minutes que tes statistiques attestent qu'il y a eu, en pourcentage, dans les dernières années un recul de la syndicalisation, donc cela doit être vrai. Sauf que je voudrais seulement vous dire qu'il semble y avoir une banque disponible, selon M. Lauzier, de la fédération des petites et moyennes entreprises du Québec, une banque extraordinaire pour gonfler vos effectifs au niveau des PME. Il disait que cela n'avait pas de bon sens comme c'était en progression et il ne voyait pas l'avenir de la syndicalisation comme cela. Il disait, en vue d'une banque potentielle que c'est vraiment au niveau de la PME.

Si vous avez cet objectif comme dirigeant syndical de vouloir permettre qu'il y ait plus de Québécois et de Québécoises qui puissent s'offrir des conditions de travail convenables via - une des formules parce que ce n'est pas la seule - la syndicalisation, je pense que c'est un objectif louable. Je n'ai pas de difficulté à vivre avec cela, sauf qu'il faut mettre les choses à leur place. Là-dessus, je dois rendre gré au ministre, il a été franc en disant: J'ai l'impression que j'aurai encore du travail à faire comme ministre du Travail et vous aviez raison de dire que le gouvernement, quel que soit le parti politique, ne peut pas avoir fait un rapport Beaudry aussi important et le laisser constamment sur les tablettes. C'est votre "job" et c'est la mienne aussi de rappeler constamment au ministre du Travail que sa "job" n'est pas terminée, comme ministre du Travail, il y a un tas de choses à faire dans le domaine des relations du travail et, en conséquence, il y a d'autres lois, réglementations, parce qu'on ne peut pas toujours régler les mécanismes de relations du travail par voie législative. C'est surtout pour ce message que je dois vous dire merci, pour l'avoir répété et redit parce que je le partage. Sauf que les nuances que je fais, ce n'est probablement pas via le projet de loi qu'on a entre les mains qu'il y aura cette réflexion nécessaire sur une réforme du droit du travail pour faciliter et faire une révision des mécanismes du Code du travail et qui, là, devraient, d'après moi, avoir une résonnance plus significative pour les premiers ayant le plus besoin du Code du travail. Cela ne veut pas dire que les grandes entreprises ou les grandes centrales n'ont pas besoin de ces mécanismes, mais elles ont d'autres possibilités. En conséquence, je pense que vous avez raison de dire à un gouvernement, même à des gens de l'Opposition, qu'il faut avoir cette sensibilité et cette ouverture pour faciliter des mécanismes pour ceux qui, effectivement, sont peut-être les plus démunis. Voilà les commentaires que je voulais faire.

Ce projet de loi, à partir du moment où vous dites: on est contre, comment même si je vous questionne en disant si on faisait telle et telle affaire... Je respecte votre point de vue. Le message que j'ai entendu, c'est que la CSD est la première centrale

syndicale à dire: Nous ne sommes pas d'accord, on ne marche pas là-dedans, c'est votre droit et je ie respecte. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le président de la CSD.

M. Hétu (Jean-Paul): Quand vous nous dites tous les deux, et le ministre du Travail et vous comme représentant de l'Opposition, que ce projet de loi va atténuer l'affrontement et développer la concertation, j'ai l'impression qu'on ne parle pas de la même chose. J'ai l'impression que vous êtes à un niveau de discussion des problèmes et nous sommes à un autre niveau, on ne parle pas de la même chose. Je ne vois pas comment, par un truc administratif, on va empêcher l'affrontement. Le seul discours que je vous ai fait, il est simple, pratique et je vais le ramener là, je vous dis que vous rêvez en couleurs.

Quand vous dites que cela va diminuer l'affrontement sur le terrain, quand on fait du porte à porte et qu'on veut convaincre les travailleurs et qu'ils s'opposent, vous nous avez dit tous les deux que ce projet de loi diminuerait l'affrontement, je regrette infiniment, l'affrontement commence là, sur le terrain. C'est pour cela que je dis que vous rêvez en couleurs. On ne parle pas de la même chose. Si vous dites qu'il y a peut-être une possibilité de diminuer l'affrontement entre des avocats patronaux et syndicaux, cela est correct. Mais quand on parle de l'affrontement et de la concertation, je m'excuse. Comment - vous allez m'expliquer cela - par exemple, en diminuant, en atténuant les débats et des avocats patronaux et des avocats syndicaux va-t-on développer la concertation? Expliquez-moi cela. Je dis que c'est un rêve en couleurs, s'il n'y a pas de règles fondamentales qui modifient l'esprit du Code du travail, à la fois au niveau de la syndicalisation et au niveau de la négociation. Aiei

On vient d'avoir - c'est bien dommage, ça ne vient pas du gouvernement provincial -une subvention du gouvernement fédéral - je dois dire que le ministre du travail l'a acceptée - de 700 000 $ pour développer... Je vais vous donner le thème du projet: L'intervention syndicale pour établir la gestion participative, un programme de trois ans et il y a dix entreprises qui ont signé un accord là-dessus. Ah!

Si vous voulez me parler de la concertation, on va s'en parler. Cela fait dix ans qu'on vit ça et il y en a d'autres qui nous ont traités de jaunes, etc., parce qu'on faisait ça. Là, ils tiennent des colloques là-dessus. Je regrette infiniment, vous ne me conterez pas d'histoires ici. Là-dessus, on a une expertise concrète, pratique et le Code du travail ne permet pas de faire ce genre de concertation. Il ne permet pas ça.

Il permet de négocier une convention collective, mais il ne permet pas d'établir la concertation entre les parties sur la façon d'accroître la productivité. Il ne permet pas ça. Je m'excuse, ce n'est pas vrai, ça. Montrez-moi ça dans le code et montrez-moi ça dans les changements que vous avez faits en introduisant la commission où on va établir des bases fondamentales de la concertation. Ce n'est pas vrai.

Je vais terminer là-dessus. C'est assez, je ne suis pas fâché du tout, ce n'est que parce que je m'enflamme un peu. Mais sur le terrain, quand on va syndiquer du monde, ce n'est pas vrai que, par la commission, on va diminuer l'affrontement, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai qu'on va établir la concertation sur le terrain quand on fait du recrutement. Ce n'est pas vrai, ça.

Deuxièmement, si vous me dites - là-dessus, je vous rejoins; je ne discuterai pas longtemps - qu'il va y avoir moins de bagarres, ça - là-dessus, on va être pratique aussi - entre les avocats patronaux et syndicaux - je ne vous dirai même pas combien ça nous coûte par année - si vous nous diminuez ça, ça va nous en donner autant pour aller en syndiquer. Cependant, si on a d'autres barrières parce qu'on ne peut pas atteindre l'objectif, on n'est pas plus avancé.

Troisièmement, comment on va établir la concertation, expliquez-moi ça. L'affrontement et la concertation, je reqrette, ce n'est pas ça. Cependant, il y a des niveaux juridiques qui sont modifiés. On n'a pas d'objection là-dessus et on le reconnaît.

Quand je dis que notre monde chez nous est en maudit, c'est contre ça. Ils disent: Ce n'est pas vrai que sur le terrain, il y a une facilité plus grande. Ce n'est pas vrai. Cela n'existe pas. Bien oui, mais quand tu parles du Code du travail... Quand on parlait des allongements de délais, le fondement vient de là. Il ne part pas du moment où je fais un débat au niveau du commissaire.

Il part à compter du moment où il y a une volonté de syndicalisation et qu'on empêche la volonté de syndicalisation. C'est là qu'est le problème. C'est là que les délais commencent. C'est là qu'ils s'étirent; c'est là qu'ils s'accroissent, etc.

J'ai l'impression qu'on se comprend, mais j'ai l'impression qu'on ne parle pas de la même chose non plus. Je suis peut-être pas à la bonne commission parlementaire. Mais, enfin, on se comprend bien.

Le Président (M. Théorêt): Je vous remercie. Il reste quand même quelques minutes pour les remarques finales. Je cède le droit de parole au critique officiel.

M. Gendron: Je voudrais simplement

dire, M. Hétu... Encore là, je le remercie de son témoignage, sauf que je ne crois pas que j'ai prétendu ou que l'Opposition a prétendu que ce projet de loi va faciliter, atténuer et éliminer les affrontements. Les affrontements qui existaient pour des motifs de fond sur le fait qu'il y a des orientations parfois qui ne sont pas partagées de la même façon, à la suite d'une demande d'accréditation syndicale ou d'une syndicalisation accrue, j'ai pris la peine de dire que pour envisager une syndicalisation accrue, premièrement, il faudrait que les centrales s'en occupent.

Vous-même, vous avez dit: Écoutez, il n'y a que nous autres qui nous en occupons. C'est vous-même qui parliez. Alors, premièrement, il faudrait que ce soit une préoccupation des centrales. Deuxièmement, j'ai toujours pensé quand j'ai commencé à en faire qu'il faut comprendre que, effectivement, la syndicalisation est un outil pour, règle générale, bonifier ton environnement ou alors ton milieu de travail. Règle générale, ça bonifie plus que l'inverse.

M. Hétu (Jean-Paul): ...promotion collective. Ce n'est pas pareil.

M. Gendron: J'ai l'impression que quand on a la franchise, M. Hétu, de vous dire... En ce qui me concerne - l'Opposition, c'est son point de vue, parce qu'on l'a regardé et on l'a analysé - jamais on n'a prétendu que ce projet de loi va éliminer les situations conflictuelles réelles qui existent à certaines étapes précises d'une démarche vers une syndicalisation. Je n'ai jamais parlé de ça.

Tout ce que je dis, c'est que si la commission Beaudry a fait le tour du Québec et qu'elle a reçu très majoritairement cette orientation d'essayer - je suis obligé de parler comme ça, puisqu'on ne l'a pas vécue une réunification - je ne veux pas recommencer le débat que j'ai fait tantôt -je vous ai indiqué que je crois qu'il y a lieu de l'essayer, oui, il y a lieu de vérifier d'une façon un peu plus concrète, lors de l'étude article par article, certains trous, certaines échappatoires parce qu'il y a quand même des mémoires qui nous ont donné des éclairages intéressants, vous y compris.

En conséquence, je pense que ce projet de loi arrive à terme, en tout cas dans l'évolution des relations du travail au Québec, à la condition, et c'est ma conclusion, que le ministre soit conscient que tout n'est pas terminé, au contraire. Il y a énormément d'autres actions et gestes qui doivent être posés dans le domaine des relations du travail.

Le Président (M. Théorêt): M. Hétu, vous avez une minute pour apporter votre conclusion et je céderai la parole au ministre ensuite.

M. Hétu (Jean-Paul): Je veux l'entendre. Mais je vais faire ma conclusion tout de suite et vous allez pouvoir me répondre.

Je dis que le gouvernement, quand il a créé la commission Beaudry, et si on la situe dans le temps d'aujourd'hui, je dis qu'on s'est fait faire. On nous a menti carrément. Je ne peux pas dissocier deux gouvernements là-dedans. Il nous a invités à une réflexion collective pour mettre ensemble des expériences afin d'amorcer une réflexion qu'on avait commencée avant et qu'on continue. Je dis que le gouvernement, et je respecte l'Assemblée nationale parce que c'est une unité, et aujourd'hui, on arrive... Ce n'est pas vrai, ça. Je m'excuse mais on nous a raconté des histoires. Je regrette et je ne le prends pas. Je ne le prends pas. Demain, je suis en congrès et je vais faire mon ouverture là-dessus. Christi! II y a toujours une maudite limite. Je ne le prends pas.

M. Gendron: Non, mais une seconde... Je suis convaincu, M. Hétu...

M. Hétu (Jean-Paul): Cela a commencé avec vous et on vit avec cela. Je m'excuse. Je vous parle franchement. Je ne vous raconte pas d'histoires. Je ne veux pas faire de la politisation. On est ici entre gens civilisés qui se parlent vraiment. Quand j'établis une cohérence entre ce qu'on nous a dit à l'époque... Vous, vous m'avez référé à ce ministre. Faites attention quand vous tirez vos conclusions. Je trouve qu'elles ne sont pas bien bonnes. Vous représentiez une volonté gouvernementale. Après, l'autre gouvernement qui arrive ne donne pas la suite. Qu'est-ce qu'on fait? On va dire: Regarde donc ça, c'était le gouvernement péquiste et là, c'est un autre gouvernement. Ce sont deux pensées, deux choses. Aie! Une minute!

Nous sommes toujours syndiqués, nous autres. Nous voulons toujours développer la syndicalisation, sauf qu'on s'aperçoit qu'on se fait faire d'un bout et de l'autre. C'est ma conclusion.

Le Président (M. Théorêt): Merci.

M. Hétu (Jean-Paul): Je suis peut-être carré, mais je m'excuse. Je vous parle franchement.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le président.

M. Hétu (Jean-Paul): Je pourrais bien être politique et faire des... Comment disait Filion? Des...? Enfin, une affaire de même. Il parlait comme un cow-boy de toute façon.

M. Gendron: Oui, Filion est avocat, moi, je ne le suis pas. Cela n'a rien à voir.

M. Hétu, je vous dis que je n'ai aucun problème à vivre avec quelqu'un qui est franc. C'est ma nature aussi, sauf que je veux juste vous corriger sur une chose. La commission Beaudry, on l'a instaurée, on l'a créée, on a cru à l'importance... Juste une seconde. Oui, mais vous y parlerez à lui. On a cru à l'importance que la pression...

Très sérieusement, M. Hétu, la pression réelle - je suis convaincu que le ministre pourra en dire un mot tantôt - qu'exercera toujours l'ensemble des éléments contenus dans la commission Beaudry restera un plus pour la société québécoise. On ne fait pas une telle opération pour dire ensuite qu'on met cela sur les tablettes et qu'on ne veut rien savoir, y compris pour le ministre actuel. Je comprends cela. J'ai aussi été membre d'un gouvernement. La commission Beaudry, autant elle était importante dans le temps pour faire le tour du Québec, si l'ensemble de ses conclusions sont majeures, significatives et riches de conséquences pour plusieurs courants de pensée, on ne change pas cela dans une demi-heure, vous en conviendrez avec moi.

Tout ce que je veux dire, c'est que vous avez raison de continuer, comme représentant syndical, d'exiger qu'il y ait plus d'éléments de la commission Beaudry qui puissent donner suite à des modifications dans le domaine où vous oeuvrez. Là-dessus, vous avez un allié. C'est simplement ce que je voulais dire. En ce qui me concerne, François Gendron, comme député et comme critique en matière de relations du travail, je ne peux pas dire: Moi, le rapport de la commission Beaudry, je ne veux plus rien savoir de cela. C'est passé. On n'est plus là. Un instantl C'est pas comme cela que ça marche. Ils ont fait le tour du Québec. Il y a des gens qui ont parlé. Il y a des choses là-dedans. Cela ne veut pas dire que j'embrasse tout ce qu'il y a là-dedans. Mais c'est une commission majeure. C'est une commission qui a une crédibilité. Je pense que le juge Beaudry, dans le domaine des relations du travail, sait de quoi il parle. Il a une expertise et il connaît cela. Les commissaires aussi. Je suis convaincu que le ministre du Travail connaît également la valeur et la crédibilité de ce rapport. Je ne veux pas le mettre aux poubelles tout de suite, je veux seulement vous dire que je l'ai encore dans mes préoccupations et cela me fait plaisir que vous ouvriez votre congrès en disant - et c'est vos affaires - oui, il faut faire des pressions additionnelles pour s'assurer que les suites du rapport Beaudry...

M. Hétu (Jean-Paul): ...

M. Gendron: Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le député, je cède maintenant la parole au ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci. Je conclurai strictement en vous remerciant de vous être présenté à la commission, de nous avoir franchement fait part, comme l'a indiqué le critique de l'Opposition, de vos prises de position. Je constate votre déception à savoir que, à votre avis - et vous avez le droit d'avoir cet avis - le gouvernement ne va pas assez rapidement dans les modifications qu'il doit apporter. C'est un témoignage que je viens d'avoir il n'y a pas tellement longtemps. J'ai eu un autre témoignage de quelqu'un qui disait: Une chance que j'étais assis quand j'ai eu cette nouvelle que le gouvernement bougeait dans la création, car je ne l'aurais pas cru. On tente d'interpréter peut-être un petit peu entre les deux et dire qu'on n'est peut-être pas assez vite dans certains cas et trop vite dans d'autres.

Je marie votre témoignage avec celui de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante,

M. Hétu (Jean-Paul): Pas moi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Qui nous a dit...

M. Hétu (Jean-Paul): ...ne mariez pas comme cela vous.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): II y a des mariages qui finissent en divorce.

M. Hétu (Jean-Paul): Je ne veux pas avoir un divorce.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans le sens qu'on nous a livré, à sa base même, un message qui avait le même fond. Vous n'avez pas, dans vos lois et dans vos structures de relations du travail, la préoccupation PME, la préoccupation qui répond finalement aux besoins tant des travailleurs que des employeurs qui oeuvrent dans ce qu'il y a de plus important pour le développement économique du Québec, ce qui crée le plus d'emplois, la petite et la moyenne entreprise.

J'ai répondu: Sur le plan des structures, on a l'impression de faire un pas en simplifiant. Les gens qui sont dans des plus petites boîtes devraient se retrouver plus facilement. Sur le plan du fond du droit, je vous dirai qu'au moment où on se parle, des comités, à la suite du rapport Beaudry, travaillent à la codification de nos lois du travail qui sont toutes éparpillées et dans lesquelles il faut être un superspécîaliste pour se retrouver. Ce n'est pas au lendemain que vous êtes assermenté ministre du Travail que vous retrouvez tout cela sur votre bureau.

Deuxièmement, un autre comité

travaille sur le fond comme tel. Cela ne va pas assez vite à votre goût. J'en prends note et j'insiste auprès des comités pour qu'ils travaillent encore plus rapidement. Mais, au moment où nous nous parlons, nous avons deux lois devant l'Assemblée nationale: celle qui est devant cette commission parlementaire et une autre qui traite de la création d'un Comité consultatif sur l'emploi et la sécurité du revenu et qui va dans le sens d'une autre recommandation du rapport Beaudry. Nous cheminons donc, pensons-nous, à petits pas dans la bonne direction. Merci.

Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le ministre. Messieurs, je vous remercie de votre présence et j'ajourne les travaux de la commission sine die, en vous rappelant que les travaux reprendront demain après les affaires courantes.

(Fin de la séance à 0 h 3)

Document(s) associé(s) à la séance