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Version finale

33e législature, 1re session
(16 décembre 1985 au 8 mars 1988)

Le mardi 17 mars 1987 - Vol. 29 N° 44

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation particulière sur le projet de loi 161 - Loi sur les mines


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

Je vais vous rappeler l'objet de la séance qui est de procéder à une consultation particulière sur le projet de loi 161, Loi sur les mines. C'est un ordre de l'Assemblée nationale qui nous a été donné le 18 décembre 1986. Les dates de la consultation ont été un peu changées. Elle devait avoir lieu en février et, finalement, elle a été remise à aujourd'hui. À ce moment-ci, je pourrais demander au secrétaire d'annoncer les remplacements.

Le Secrétaire: M. Cusano est censé nous en faire part.

M. Cusano: M. Gobé (Lafontaine) sera remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal) et M. Rivard (Rosemont) sera remplacé par M. Yvon Vallières (Richmond).

Le Président (M. Baril): On me dit que

M. Gobé a été remplacé par M. Farrah. Il n'est plus membre de la commission.

M. Cusano: Cela a été annoncé, M. le Président, excusez-moi. Ce sont mes feuilles qui ne sont pas à jour. Je m'en excuse. M. Ciaccia va remplacer M. Farrah.

Le Président (M. Baril): Si vous me permettez, je vais vous faire lecture de l'ordre du jour. À 10 heures, c'est la déclaration du ministre délégué aux Mines, M. Savoie, Ce matin, on le sait, nous avons une heure. M. Savoie a 30 minutes. Le porte-parole de l'Opposition, M. Claveau, a 30 minutes. À 11 heures, nous aurons le plaisir d'écouter l'Association des prospecteurs du Québec. Cet après-midi, à 15 heures, l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens du Québec. À 16 heures, nous avons Minéraux Noranda Inc. À 17 heures, le Groupe Bélanger, Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Baril): Adopté. Merci. Il faut aussi que je rappelle aux membres que l'ordre du jour de ces consultations a été agréé par le comité directeur en février 1987. On débute. Vous avez 30 minutes pour vos remarques préliminaires, M. le ministre.

Déclarations d'ouverture M. Raymond Savoie

M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue à tous les orqanismes qui viendront au cours des prochains jours nous faire part de leurs commentaires et suggestions concernant le projet de loi sur les mines. Je tiens à féliciter et à remercier à l'avance tous ceux qui se sont donné la peine de préparer des mémoires pour cette commission. Soyez assurés que j'écouterai avec beaucoup d'attention les recommandations qui nous seront faites pour bonifier cette loi.

Permettez-moi d'abord de vous rappeler en quelques mots l'importance du secteur minéral pour l'économie québécoise. Notre industrie minérale, c'est plus de 20 000 emplois directs dans près de 750 établissements miniers différents. En 1986 la valeur des expéditions minérales fut de 2,28 milliards de dollars. Avec une masse salariale de près de 700 000 000 $ et des investissements atttelqnant 730 000 000 $ en hausse de 8 % de 1985 à 1986, ce secteur constitue le pilier économique de certaines réqions. Si on tient compte de l'impact global sur l'économie québécoise en termes d'emplois, c'est-à-dire les emplois directs, indirects et induts, on atteint le chiffre approximatif de 65 000.

L'année 1986 a été une année exceptionnelle pour l'exploration minière. En effet, plus de 260 000 000 $ ont été investis dans des travaux d'exploration, ce qui se devrait normalement se concrétiser au cours des prochaines années par l'ouverture de plusieurs mines, principalement dans le secteur de l'or.

L'activité minière se perçoit éqalement à un autre niveau. Au ministère nous avons en effet enregistré plus de 52 000 nouveaux claims en 1986, ce qui est plus du double de la moyenne des quatre ou cinq dernières années. Il y a eu également des renouvellements sur près de 80 000 claims pour un total de 132 000 présentement en vigueur au Québec. Le nombre de nouveaux claims est intéressant parce qu'il indique que de nouveaux territoires sont explorés et les renouvellements indiquent quant à eux que la prospection minière se poursuit activement dans les territoires déjà reconnus pour leur bon potentiel. Dans une telle poussée

d'activité, la refonte de la Loi sur les mines prend toute sa signification. En effet, les deux thèmes qui nous ont guidés pour remplacer la loi actuelle par le projet de loi qui sera examiné en commission parlementaire sont les suivants: une gestion améliorée des droits miniers, un accès le plus large possible à la ressource minérale du territoire québécois.

Les nombreuses modifications proposées ont été faites en respectant les principes de base du droit minier québécois. Comme vous le savez probablement, la première loi-cadre sur les mines date de 1880. La loi actuelle revisée en 1965 porte encore des vestiges de cette lointaine époque où on découvrait des mines en surface, mines qu'on développait rapidement et surtout à des coûts qui n'ont aucune commune mesure avec les millions qui doivent être investis aujourd'hui. Il va de soi qu'une loi inspirée de cette période contienne des dispositions inadaptées au contexte moderne. Plusieurs anachronismes nous ont été signalés tant par les représentants de l'industrie minière que par les fonctionnaires chargés d'administrer la loi et, avec le projet que nous avons soumis à vos commentaires, nous les avons éliminés dans toute la mesure du possible.

Les grands principes de base de notre droit minier qui ont si bien servi l'industrie minière jusqu'à maintenant sont donc maintenus. Ainsi, le droit de prospecter est accessible à tous. Ce principe permet d'augmenter avec le temps le nombre de prospecteurs actifs sur le terrain puisqu'il permet d'augmenter la diversité des concepts pour découvrir ces gisements. L'autre principe concerne l'attribution des claims au premier occupant sur le terrain. Lors des consultations faites en cours de préparation de ce projet de loi, les représentants des prospecteurs ont insisté sur le maintien d'un tel régime en rappelant que le jalonnement sur le terrain constitue une activité économique importante, principalement dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. Ces préoccupations rejoignent donc les miennes. Dans la nouvelle loi, le jalonnement sur le terrain demeure toujours le mode privilégié d'appropriation du droit de ressources minières sur le territoire québécois.

Pour tenir compte de l'évolution des pratiques actuelles, nous avons cependant jugé bon d'introduire des nouveautés à ce chapitre. Le principe du jalonnement sur carte, ou, comme nous l'appellerons dans la nouvelle loi, la désignation sur carte, sera élargi. Introduit en 1982 dans un règlement, ce mode d'attribution des titres miniers pour la recherche des substances minérales réduit les inconvénients physiques du jalonnement dans les territoires populeux. Il nous semble particulièrement bien adapté aux régions méridionales du Québec et être le gage d'une cohabitation harmonieuse entre les activités de prospection et tout autre type d'activité qu'on retrouve dans tes régions densément populeuses. Il permet en outre de minimiser les dépenses de jalonnement proprement dites et permet aux explorateurs de consacrer plus d'efforts à la découverte des gisements.

Toujours à ce chapitre, nous introduisons également dans la loi le permis d'exploration minière pour les territoires situés au nord du 52e deqré de latitude. Ce mode d'attribution des droits de recherche était également prévu au règlement associé à la loi actuelle, mais à cause de son utilisation de plus en plus fréquente, particulièrement depuis quelques années, où des indices intéressants d'or et de platine ont été mis à jour dans la fosse de l'Ungava et du Labrador, il nous est apparu nécessaire de le reconnaître formellement dans la loi. Le permis d'exploration minière nous apparaît particulièrement approprié pour la recherche dans les grands territoires du Nord du Québec.

Nous avons également profité de la refonte de la Loi sur les mines pour dissiper certaines ambiguïtés relativement à ce permis. En effet, le détenteur de ce droit minier pourra dorénavant jalonner des claims à l'intérieur des limites de son permis sans avoir à recourir à des autorisations supplémentaires du ministre. En d'autres mots, tout ce qui était fondamental concernant l'appropriation des droits de recherche des substances minérales qui apparaissait dans le rèqlement de la loi actuelle est maintenant transféré dans la loi elle-même pour plus de clarté.

Un autre principe inhérent à la toi consiste a assurer au détenteur de claims obtenus par jalonnement ou par désignation sur carte qu'il pourra les conserver tant et aussi longtemps qu'il le désire et obtenir en priorité un bail minier s'il y fait une découverte. Cette priorité est évidemment liée à l'exécution de travaux d'exploration minière, travaux qui sont par la suite rendus publics par l'entremise du ministère. Nous avons profité de l'occasion de la rédaction de la nouvelle loi pour revoir les exigences des travaux d'exploration que les détenteurs des droits miniers doivent exécuter pour conserver le droit au renouvellement des claims. Certaines exigences n'avaient pas été revues depuis une bonne quinzaine d'années et certaines dispositions introduites dans la nouvelle loi devraient favoriser la remise de plus de travaux d'exploration. Ces dispositions visent à donner un accès public à une plus grande quantité de travaux et à favoriser le retour au domaine public des terrains faisant l'objet de peu de travaux.

Finalement, un dernier grand principe concerne l'obligation imposée au titulaire d'un bail minier de commencer l'exploitation de la ressource dans un délai plus raisonnable que maintenant et de maintenir ses activités

durant une période déterminée pour pouvoir renouveler son droit. La nouvelle loi, non seulement reprendra ce principe, mais en élargira la portée. En effet, il n'y a pas lieu d'encourager le maintien d'un type d'exploitation si les fins pour lesquelles il a été émis ne sont pas réalisées. En contrepartie, au titulaire du bail minier qui ne pourra satisfaire à cette obligation, la nouvelle loi offrira en priorité la possibilité de retour au titre d'exploration.

Maintenant que nous avons traité des grands principes de la loi, passons aux principaux objectifs de la refonte. Il s'agit d'améliorer la gestion des droits miniers québécois en modernisant, en simplifiant et en clarifiant l'administration de la loi pour le bénéfice des individus, des entreprises et de l'administration. Le texte juridique s'harmonise davantage aux nouvelles technologies et aux tendances dans le domaine de la prospection et de la production minières. Ainsi, la loi propose notamment, d'une part, un permis de prospection valide pour cinq ans. Ce changement aura pour effet, premièrement, de dissocier le permis de prospection de l'acquisition et de l'enregistrement du claim et permettra à son titulaire de jalonner un nombre illimité de claims; deuxièmement, la possibilité de jalonner pour autrui, ce qui diminuera de façon très substantielle les actes de transfert; troisièmement, la possibilité de corriger une erreur technique dans l'avis de jalonnement afin de réduire certains irritants du système actuel; quatrièmement, l'augmentation de la période de validité du claim de un an à deux ans. Cette seule mesure permettra d'augmenter la productivité du système de gestion des titres miniers par un facteur de l'ordre de 30 %. Cette disposition, combinée à la possibilité de renouveler un claim par anticipation, permettra, d'une part, de réduire la paperasse administrative entre la clientèle et l'administration, de garantir des droits de recherche pour une période de quatre ans et, finalement, aux prospecteurs de mieux planifier leur campagne de travaux d'exploration pour rentabiliser au maximum les investissements qu'ils y consentent.

D'autres innovations sont également à souligner à ce sujet. Par exemple, il sera possible de répartir l'excédent des sommes déclarées pour les travaux d'exploration sur une plus grande superficie, soit le double de ce que prévoit la loi actuelle. Il serait également possible d'extraire des substances minérales sur un claim dans des quantités suffisantes pour démontrer la faisabilité d'un développement minier. Nous introduisons enfin le concept de la récupération optimale des substances minérales et ce, dans le but de prévenir les très rares cas, il est vrai, d'écrémage de gisements.

Une gestion améliorée des droits miniers signifie concrètement dans la loi la rationalisation de divers titres émis par le ministère. C'est ainsi que disparaît le permis de mise en valeur pour faire place au renouvellement du claim. Les permis spéciaux d'exploration qui étaient émis dans les Cantons de l'Est sont tout simplement remplacés par le claim désigné sur carte. On remplace par des claims les permis spéciaux qui étaient émis en vertu de l'ancienne loi et, enfin, le permis d'exploration dans les dépôts d'alluvions est aboli.

Cette rationalisation des titres nous a également donné l'occasion de prévoir de nouvelles dispositions pour les matériaux de surface. Les matériaux de surface étant généralement faciles à identifier, qu'il s'agisse de tourbe, de granit ou de calcaire, par exemple, n'exigent pas de travaux d'exploration et de mise en valeur de l'envergure de ceux nécessaires à la connaissance des gisements métalliques. Nous avons donc une procédure simplifiée qui se traduit par un permis de recherche et un bail d'exploitation mieux adaptés à ce segment de l'industrie minérale qui, globalement, représente un important chiffre d'affaires de l'ordre de 250 000 000 $ par année. L'accès aux ressources du territoire constitue donc un autre thème très important de la refonte de la Loi sur les mines.

Le droit d'exproprier la surface du terrain qui contient un gisement dans son sous-sol est maintenu. C'est donc dire que l'activité minière est tout à fait prioritaire par rapport aux autres types d'activité. On reconnaît ici le caractère particulier de la ressource minérale, ressource cachée qui nécessite des investissements considérables pour être mise en valeur et qui ne peut être exploitée que là où elle se trouve.

L'accès au territoire pose évidemment des difficultés dans certaines situations où chacun convoite sa parcelle de terrain pour y exercer ses propres activités. Dans notre projet, nous avons retenu, dans toute la mesure du possible, l'approche de la cohabitation d'activités sur un même territoire et plusieurs dispositions permettront, je l'espère, de concrétiser cette orientation moderne. C'est ainsi qu'au lieu de soustraire à l'activité minière de longs corridors pour l'implantation de lignes de transport électrique, par exemple, nous avons prévu une disposition qui permettrait au titulaire de claim d'entreprendre ou de poursuivre ses travaux d'exploration sur des tracés qui seraient éventuellement retenus pour la construction de ces lignes électriques.

Une autre disposition permettra des travaux d'exploration sur des terrains qui, auparavant, devaient être soustraits à l'activité minière. Par exemple, lorsqu'un organisme voulait aménager un centre de ski sur les terres de la couronne, nous n'avions

d'autre choix que de soustraire ce territoire à l'activité minière. Il sera maintenant possible, à certaines conditions visant cette coexistence d'activités, de réaliser des travaux d'exploration et, éventuellement, d'exploiter un gisement mis à jour.

Quant à l'interdiction de jalonner sans l'autorisation du ministère dans les limites d'une ville, nous restreindrons ces superficies au périmètre d'urbanisation. On sait que depuis quelques années la superficie des villes s'est considérablement accrue essentiellement pour des fins de fiscalité municipale. Dans une ville minière comme Chibougamau par exemple - n'est-ce pas, M. Claveau? - la superficie de la ville occupée est près de 1000 kilomètres carrés alors que le territoire urbanisé couvre à peine 25 kilomètres carrés. L'interdiction de jalonner sans l'autorisation du ministre s'appliquera donc uniquement au territoire urbain.

C'est également dans cet esprit d'un meilleur accès à la ressource que le projet de loi révoque les réservoirs souterrains en faveur de la couronne. Cette révocation régularisera la situation ambiguë de ce type de droits dont l'existence constituait un obstacle de taille à la poursuite et au développement de projets de réservoirs souterrains artificiels ou naturels au Québec. En effet, selon la loi actuelle, à moins que la couronne ne soit propriétaire de droits aux réservoirs souterrains, un intervenant doit négocier un bai! de réservoir souterrain privé avec chacun des propriétaires fonciers occupant la surface. Comme les réservoirs souterrains occupent généralement de très vastes étendues, les négociations doivent se poursuivre avec une foule de propriétaires. Le projet de loi corrige donc cette situation et permettra, entre autres, de planifier plus facilement le stockage de gaz naturel et cela, aux bénéfices des consommateurs, tout en prévoyant une compensation aux propriétaires fonciers si un réservoir souterrain est utilisé dans les terrains sous-jacents.

En terminant, j'aimerais ajouter quelques mots sur la structure du projet de loi. Celui-ci a été rédigé en fonction des droits miniers plutôt qu'en fonction des thèmes choisis plus ou moins abstraitement comme c'est le cas dans la loi actuelle. Cette nouvelle approche possède l'avantage de bien cerner les droits et obligations du titulaire d'un droit minier et ce, pour chacune des étapes de l'activité minière. Cette structure limite les risques d'erreurs administratives et simplifie l'utilisation de la loi.

On retrouve en règlements tous les éléments à caractère normatif telles la tarification, les conditions d'émission et d'exercice des différents permis et baux. On comprendra que le grand éventail des substances minérales produites par le Québec, la diversité géographique des lieux, de même que la variété des occupations du territoire ne permettent pas de tout prévoir, dans les moindres détails tout au moins. D'ailleurs, si on tentait de le faire, le texte de la loi et des règlements deviendrait tellement long et complexe que notre clientèle minière ne s'y retrouverait pas. L'administration doit donc disposer d'une certaine marge de manoeuvre dans l'attribution des droits miniers. Cette souplesse ou cette discrétion sert l'objectif principal de développement de notre patrimoine minéral dans les meilleurs intérêts de tous les citoyens et dans le respect des champs de juridiction des autres ministères.

En ce qui concerne le pouvoir du ministre, la nouvelle loi concrétise le processus décisionnel qui a cours au ministère depuis plusieurs années. Le projet de loi contient plusieurs dispositions permettant d'harmoniser les décisions prises par le ministre avec le droit administratif moderne en augmentant le pouvoir des administrés de faire valoir leur point de vue auprès de l'administration et d'en appeler éventuellement devant la Cour provinciale.

Ce processus pourra s'exercer dans un souci de meilleur équilibre des relations de l'administration avec ses administrés et en accord avec les principes de justice naturelle. C'est ainsi que l'enquêteur désigné par le ministre permettra à l'administration d'avoir tous les éclairages voulus pour rendre des décisions équitables à l'égard des administrés. Par ailleurs, le projet de loi assure aux administrés qu'ils pourront faire entendre leur point de vue avant que l'administration ne statue sur leurs droits.

L'élaboration du projet de loi sur les mines a été précédée d'analyses approfondies et de nombreuses consultations des parties concernées. L'Association des prospecteurs du Québec et l'Association des mines de métaux ont eu l'occasion de nous faire valoir plusieurs points de vue que l'on considère représentatifs du milieu minier. Nous avons également formé un panel composé de personnes bien connues pour la qualité de leur expérience pratique tant au niveau de la prospection, de la production que du domaine juridique. Nous avons discuté avec elles des changements envisagés et nous avons recueilli leurs réactions et suggestions. (10 h 30)

Plusieurs nouvelles dispositions introduites au projet de loi sont donc en accord avec les pratiques actuelles et futures, nous l'espérons, de l'industrie minière québécoise. Les suggestions que les différents intervenants nous présenteront au cours des travaux de cette commission nous aideront certainement dans la recherche de meilleures avenues permettant de bonifier encore le projet de loi.

En guise de conclusion, M. le Président, je veux rappeler à tous les intervenants qui

ont été invités à se présenter devant la commission que je suis là pour les écouter le plus attentivement possible et retenir les propositions pertinentes. Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Avant de commencer mon intervention, j'aimerais préciser que M. le député de Duplessis devait m'accompagner tout au long de cette commission parlementaire. Cela se comprend d'ailleurs, étant donné que le territoire de son comté est un territoire à haute incidence. Par contre, pour des raisons de santé évidentes il ne pourra être avec nous et il m'a demandé de l'en excuser auprès de tous les intervenants.

Au début de cette consultation particulière sur le projet de loi 161 sur les mines, il me fait d'abord plaisir de souhaiter la bienvenue au ministre délégué aux Mines, à son ministre de tutelle, le ministre de l'Énergie et des Ressources, à ses hauts fonctionnaires et aux organismes qui vont se présenter devant nous au cours des quatre jours d'auditions. C'est avec grand intérêt que moi et mes collègues de l'Opposition abordons l'étude de ce projet de refonte de la Loi sur les mines. La dernière refonte de la Loi sur les mines remonte à 1965, alors que M. René Lévesque était ministre des Richesses naturelles. Elle avait été précédée d'un avant-projet de loi préparé à la suite d'une large consultation du milieu minier par une commission d'étude des lois minières.

Depuis le début du siècle, l'exploitation minière a connu bien des hauts et des bas. Soumis à la courte vie d'une mine - on la situe à quinze ans en moyenne - à la précarité des marchés, à une vive concurrence internationale et aux changements technologiques, le secteur minier doit continuellement se protéger contre les risques constants des fermetures soudaines qui déséquilibrent souvent, sans préavis, l'économie de régions entières.

Depuis le début des années quatre-vingt, malgré l'intervention massive du gouvernement du Québec et de la Société québécoise d'exploration minière, SOQUEM, par des programmes de recherche, d'exploration et d'exploitation minières, l'industrie minière a été fortement ébranlée, tant dans le secteur du fer: Gagnon, Schefferville, Fermont, Sept-Îles, Pointe-Noire, que dans le secteur du cuivre: Murdochville, Chibougamau-Chapais, Matagami, et dans celui de l'amiante: Asbestos, Thetford-Mines. Dans cette industrie à haut risque, le gouvernement doit s'assurer du renouvellement constant des ressources à travers des activités fondamentales, telles la prospection, l'exploration et la recherche, afin de maintenir une industrie minière dynamique et concurrentielle.

C'est dans cet esprit que le gouvernement précédent a amorcé en 1985 les premières réflexions sur la révision complète de la Loi sur les mines. Pour enclencher réellement cette deuxième réforme en un peu plus de 20 ans, nous comprenons que le ministre délégué aux Mines a préféré ne pas faire appel à une commission d'étude externe, quoique cette alternative aurait pu être indiquée pour un domaine aussi spécialisé, mais il a plutôt choisi le forum d'une consultation particulière par la commission de l'économie et du travail de l'Assemblée nationale.

Ceci étant dit, nous voulons croire que ce projet de loi est le fruit d'efforts soutenus, de réflexions et de consultations en vue de rendre plus opérationnelle la présente Loi sur les mines. Mais une lecture attentive nous indique que de très nombreuses dispositions du projet de loi 161 vont compliquer sérieusement l'exploration et l'exploitation minières. En déposant le projet de loi 161 le 9 décembre dernier, le ministre délégué aux Mines a annoncé que la réforme de la Loi sur les mines avait pour objectif principal de la clarifier et de la simplifier. Il y a lieu de se demander si le ministre délégué aux Mines n'erre pas au plus profond d'une mine abandonnée tant cette réforme est décevante à plus d'un titre et ne tient pas compte des réalités propres à l'industrie minière.

Le projet de loi 161 n'indique pas clairement dans ses objectifs la volonté du gouvernement de favoriser le développement minier, de soutenir les objectifs de recherche et de développement mis de l'avant par les entrepreneurs privés. Non, le gouvernement a choisi une approche purement gestionnaire du milieu minier. Nous avons devant nous un texte négatif, tatillon, par lequel la collecte de paperasse administrative risque de générer plus d'activités que l'extraction du minerai. Le ministre délégué aux Mines a tout intérêt à profiter de cette consultation pour écouter davantaqe l'industrie minière que son entourage. Un exemple choisi parmi bien d'autres suffira à ce moment-ci pour illustrer cette approche de gestionnaire et la voracité financière de ce gouvernement.

Ainsi, l'article 45 de ce projet de loi indique que le ministre veut faire payer les droits pour inscrire un claim. Nous disons au gouvernement qu'il se trompe de cible. Il ne doit pas chercher à augmenter le fardeau de l'exploitant, mais plutôt à faciliter l'exploration minière elle-même. Il doit donc envisager des mesures qui viennent encourager la mise en valeur des terrains en vue d'une exploitation éventuelle. Le projet de loi 161 passe a côté d'une simplification

de l'administration du secteur minier tant les rapports à soumettre au ministre sont nombreux. Nous faisons référence aux articles 67, 213, 214, 215, 218, etc. Les délais et échéanciers sont variés et ne tiennent pas compte, comme au deuxième paragraphe de Particle 67, de la réalité propre de l'industrie minière en exigeant que le titulaire d'un claim fasse rapport au ministre 60 jours avant l'expiration de son droit, ce qui diminue d'autant le temps qui lui est alloué pour justifier ses interventions.

Les contraintes nouvelles sont tellement nombreuses qu'il y a lieu de se demander si le gouvernement a l'intention de restreindre l'exploration et l'exploitation minières. Tout comme nous l'avons déjà fait, avec raison, l'automne dernier, lors de l'étude du projet de loi 150 sur la forêt, nous tenons à déplorer fortement l'attitude de ce gouvernement. D'une main, il publie un rapport sur la déréglementation, le rapport Scowen, où on peut lire, à la page 286, que le projet de loi sur les mines comporterait deux ou trois règlements simples d'application. De l'autre main, il agit en sens tout à fait contraire avec le projet de loi 161. Avec ses 32 pouvoirs réglementaires décrits à l'article 288 auxquels font référence plus de 75 articles, le projet de loi 161 est aux antipodes du rapport Scowen sur la déréglementation. Qui osera encore se lever dans ce gouvernement pour soutenir le titre du rapport Scowen Réglementer moins et mieux?

Le choix du ministre de déplacer les règles normatives de la loi vers les règlements est tout à fait regrettable, très insécure pour le fonctionnement normal de l'industrie minière et engendrera l'incertitude. Nous dénonçons donc fortement l'importance de la législation déléguée retenue par le projet de loi 161. À notre avis, pour augmenter l'efficacité de l'industrie minière, de nombreux aspects de la loi actuelle sur les mines devraient demeurer dans la loi tels les règlements de jalonnement, les tarifs et les divers permis et baux, la description et la répartition des travaux requis, les conditions d'émission, d'exercice et de renouvellement des droits miniers.

À notre opposition aux nombreux pouvoirs réglementaires s'ajoute une très sérieuse réserve sur les importants pouvoirs discrétionnaires qui permettront au ministre de déroger aux objectifs de la loi selon les pressions du milieu. Sur les 364 articles du projet de loi, au moins 82 articles contiennent des expressions de ce genre: "Le ministre peut annuler... Le ministre peut dispenser... Le ministre peut refuser... Toutefois, le ministre peut autoriser... Toutefois, le ministre peut conclure... S'il est démontré au ministre... Il peut, avec l'autorisation du ministre... Dans un délai fixé par le ministre... Le ministre peut lui imposer..." Il ne fait aucun doute qu'avec de tels pouvoirs discrétionnaires le ministre délégué aux Mines devra agrandir sa salle d'attente et en consolider les murs pour résister aux pressions toujours croissantes. Tous ces pouvoirs discrétionnaires sur lesquels l'industrie minière et les parlementaires n'auront aucun contrôle sont nettement abusifs et auront pour effet d'engendrer beaucoup d'incertitude en laissant les entreprises, les prospecteurs, les avocats, les notaires, les banquiers et même les fonctionnaires à la merci d'un ministre qui, au fil des pressions, sera tenté d'administrer l'industrie minière cas par cas. Faisant appel très souvent à l'épargne publique, l'industrie minière doit évoluer dans un cadre très bien structuré et très sécurisant. Nous croyons qu'à ce titre le ministre délégué aux Mines rate complètement la cible. Nous l'invitons à baliser très clairement ses pouvoirs discrétionnaires car il est important de ne pas laisser reposer sur ses épaules un tel fardeau de responsabilité. Le projet de loi 161 tel que libellé accroît donc considérablement le nombre de pouvoirs administratifs discrétionnaires du ministre délégué aux Mines sans aucune possibilité d'appel pour les bénéficiaires.

De plus, il confirme l'abolition du poste de juge des mines et confie l'exercice des pouvoirs qui lui étaient conférés aux juges désigné de la Cour provinciale non spécialisés dans le secteur minier. Il fait en plus preuve d'une grande imprudence à l'article 285 en limitant la compétence d'un juge désiqné à un territoire donné. Après avoir constitué une des pierres d'assise de la Loi sur les mines depuis 1966, le poste de juge des mines a été supprimé en juin dernier par la loi 87 concernant la réorganisation de certains organismes relevant du ministre de la Justice. Cette application d'une recommandation du rapport Gobeil s'est faite sans aucune consultation du milieu minier. L'abolition du poste de juge des mines a des conséquences dangeureuses sur toute la refonte de la Loi sur les mines. L'appropriation par le ministre délégué aux Mines de nombreux pouvoirs quasi judiciaires pour les refiler très souvent à des fonctionnaires dont l'indépendance n'est pas garantie constitue un recul inadmissible.

Tout comme le projet de loi 102 sur les terres présenté devant l'Assemblée nationale, le projet de loi 161 sur les mines constitue une autre attaque d'un ministre sectoriel contre les municipalités régionales de comté et les principes de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Alors que l'article 20 du projet de loi 102 permettra au gouvernement de modifier unilatéralement le schéma d'aménagement d'une MRP, l'article 28 du projet de loi 161 sur les mines permettra au ministre déléqué aux Mines de déterminer les limites du territoire

urbanisé où il sera interdit de jalonner ou de désigner sur carte. De plus, l'article 351 de la loi spécifie que, jusqu'à ce que le ministre ait déterminé les limites du territoire urbanisé, il est interdit de jalonner ou de désigner sur carte un terrain situé dans les limites d'une cité ou d'une ville. Il est inconcevable que le projet de loi 161 vienne renier l'obligation faite aux MRC de délimiter le territoire urbanisé dans le cas de la préparation de leur schéma d'aménagement, encore plus inacceptable qu'aucune obligation ne soit faite au ministre délégué aux Mines de consulter les municipalités et tout simplement inadmissible qu'une telle interdiction de jalonnement ou de désignation sur carte d'un territoire urbanisé ne s'applique pas en vertu de l'article 30 aux fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions et à toute personne agissant pour le compte de la couronne. S'il applique cette mesure, le gouvernement ne se contente pas de gifler les MRC et les municipalités, car en plus il laisse supposer qu'il va se garder le droit de permettre le jalonnement de toute propriété privée y compris les secteurs résidentiels des municipalités.

Si le ministre délégué aux Mines veut ajuster son discours à son collègue des Affaires municipales et respecter ainsi l'autonomie municipale, il devra assujettir ses autorisations aux décisions des municipalités concernées et respecter les limites des territoires urbanisés incluses dans le schéma d'aménagement des MRC.

Tout au long de ces quatre jours de consultation particulière, nous serons attentifs et à l'écoute des points de vue dont plusieurs s'annoncent fort divergents. Ce projet de loi suscite de nombreuses questions dont en voici quelques-unes. Jusqu'où doit-on assujettir le droit minier aux autres ressources ou encore à des affectations contraignantes du territoire? Doit-on obliger un titulaire d'un droit minier à indemniser un tiers afin d'avoir accès au territoire faisant l'objet de son droit minier? Le titulaire d'un droit minier doit-il se soumettre à la Loi sur la qualité de l'environnement tout au long de la période d'exploitation d'une carrière, d'une sablière, d'une tourbière ou d'une mine? Les droits de titulaire de permis seront-ils mieux protégés par un juge non spécialisé de la Cour provinciale que par le juge des mines? Les trop grands pouvoirs discrétionnaires entre les mains du ministre délégué aux Mines auront-ils pour effet de ralentir les décisions et par le fait même le développement minier? Y a-t-il lieu d'instaurer un fonds minier pour amortir les durs coups des ralentissements subits de production ou carrément des fermetures de mines qui laissent souvent les travailleurs complètement démunis et plus particulièrement ceux des villes minières monoindustrielles? En cas de jalonnement simultané d'un même territoire, suffit-il de tirer au sort pour contrer la preuve qu'un jalonneur est arrivé avant un autre? Les résidus miniers déposés sur les terres publiques deviennent-ils propriété publique? Y a-t-il lieu d'interdir le jalonnement et la prospection dans les parcs, les réserves écologiques, sur les terres de catégorie I délimitées en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois? En cas d'abandon d'une mine, qu'adviendra-t-il si des problèmes environnementaux surgissent quelques années plus tard? Serait-il préférable de prévoir une seule catégorie de permis pour toutes les substances minérales afin d'alléger la loi et de diminuer les nombreuses redondances? Une clause de prépondérance doit-elle être incluse dans la loi au profit de la Convention de la Baie James et du Nord québécois? Pourquoi le gouvernement a-t-il l'intention de diminuer le droit de regard du ministre délégué aux Mines sur la gestion des résidus miniers par une définition à l'article 3 qui exclut, comme certains disent, environ 50 % des résidus, soit ceux générés sous forme de liquide telle la liqueur de cyanure utilisée dans les mines d'or? Quelles sont les modalités d'accès aux registres publics prévus par l'article 12? N'y a-t-il pas avantage à définir le concept d'intérêt public qui apparaît aux articles 76, 85, 129 et 146 afin d'éliminer toute ambiguïté quant à son sens et à son application? (10 h 45)

Étant donné que les articles 26, 29, 286 viennent interdire de prospecter sans autorisation du ministre, y a-t-il lieu de définir les mots "prospecter", "explorer", "jalonner", etc., afin d'éviter les interprétations différentes? Faut-il inclure dans une loi sur les mines une disposition, que l'on retrouve aux articles 62, 100, 101 et 144, excluant d'un claim, d'un bail minier ou d'une concession toute partie d'un cours d'eau d'une puissance naturelle de 225 kilowatts ou plus? Pourquoi donc le ministre délégué aux Mines accepte-t-il de porter un jugement sur la préséance de l'exploitation des ressources hydrauliques sur le développement des richesses minérales? Sur quels critères se quidera le ministre délégué aux Mines pour appliquer l'article 227 qui vise à favoriser la récupération optimale des substances minérales? Le ministre in-terviendra-t-il ainsi dans le processus décisionnel des entreprises privées?

En plus de ces questions, la pollution générée par l'industrie minière me préoccupe particulièrement, car, même si les installations servant à l'exploitation minière n'occupent qu'une infime partie du territoire du Québec, on ne doit pas oublier que les résidus souvent polluants, et même très polluants, sont une menace constante pour l'environnement.

Au-delà de l'aspect très technique de la

plupart des mesures du projet de loi 161, cette consultation doit être l'occasion de réfléchir sur le développement du Nord du Québec et, par le fait même, sur le développement des villes et localités de ce vaste territoire pour qui l'exploitation minière est l'une des rares activités susceptibles d'assurer leur croissance économique. Le Québec ne peut plus se permettre la fermeture de villes minières monoindustnelles comme ce fut le cas à Gagnon et à Schefferville. Le gouvernement doit établir une politique de développement du Nord comprenant des règles différentes pour les entreprises et la population qui travaillent à l'exploitation des ressources minérales.

Dans un premier temps, il faudrait déterminer de quel nord on veut parler. Celui dont il est question dans le projet de loi 161 et qui fixe des mesures particulières pour l'exploitation minière au nord du 52e parallèle se veut arbitraire, irréaliste et irrespectueux de l'entité géographique auquel il se réfère. Avant que le ministre ne vienne, dans une loi sectorielle, déterminer où commence le Nord du Québec, je l'invite à profiter de cette commission parlementaire pour indiquer clairement l'état de la réflexion de son gouvernement sur la création éventuelle d'un ministère des affaires du nord.

Le ministre délégué aux Mines et aux Affaires autochtones a un mandat d'étude à cet effet, et c'est pourquoi nous n'avons aucune objection à situer ces audiences sur la réforme de la Loi sur les mines dans une perspective plus globale du développement minier et du développement du Nord du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le député d'Ungava. Nous invitons immédiatement les gens de l'Association des prospecteurs du Québec à se présenter, s'il vous plaît!

Auditions

Bienvenue, messieurs. Je tiens à vous rappeler que le temps qui vous est alloué est d'une heure, qui se répartit comme suit: 20 minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes pour discuter avec les membres du gouvernement et 20 minutes pour discuter avec les membres de l'Opposition. J'aimerais demander au porte-parole de présenter ses invités, s'il vous plaît!

Association des prospecteurs du Québec

M. Labeaume (Régis): M. le Président, j'aimerais tout d'abord remercier la commission de nous permettre de présenter notre document. J'aimerais vous présenter, à ma droite, Me Guy Bourassa, de la firme

Bourassa, Provencher et Godard, de Rouyn. Me Guy Bourassa était responsable du comité qui a préparé le mémoire; il est aussi membre du conseil d'administration de notre association. À ma gauche, M. Roger Doucet, directeur de l'exploration pour te Québec et les Maritimes chez Minerais Lac, qui est le premier producteur d'or québécois. M. Doucet a été président de notre association de 1982 à 1984. À mon extrême droite, M. Gratien Gélinas, administrateur d'une firme de génie-conseil Géola Ltée. M. Gélinas est également membre de notre conseil d'administration. Ce sont les personnes qui ont dirigé le travail relatif au projet de loi sur les mines, et je les en remercie. Je vais immédiatement céder la parole à notre porte-parole, Me Bourassa.

M. Bourassa (Guy): Merci. M. le Président, l'Association des prospecteurs du Québec existe depuis janvier 1976. Elle a pour but de regrouper en association les personnes qui s'occupent de l'exploration minière au Québec afin de promouvoir et de développer leurs intérêts économiques, sociaux et professionnels. L'association compte aujourd'hui 655 membres individuels comprenant principalement des géologues, des prospecteurs, des ingénieurs et d'autres professionnels engagés dans le domaine de l'exploration minière ainsi que 110 membres corporatifs.

La position de l'association qui est précisée dans le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui se veut une synthèse des commentaires émis par les membres de l'association qui nous ont été transmis aussi bien verbalement que par écrit. Nous croyons qu'il est important d'établir ce point pour qu'il soit bien compris que le mémoire de l'association n'est pas le fait de ses seuls rédacteurs. Étant donné que nous sommes ici sur une base consultative, notre exposé sera d'ordre général. C'est malheureux car nous aurions certainement préféré discuter de ce projet de loi article par article. Cela aurait peut-être été encore plus rentable pour la commission.

Nous traiterons donc des principaux points soulevés dans notre mémoire par des articles proposés dans le projet de loi et le projet de règlement. Les principaux points soulevés par nos membres sont les suivants: l'accroissement excessif du pouvoir discrétionnaire du ministre, l'abolition du juge des mines, le grand pouvoir de réglementation, l'augmentation du fardeau, administratif du détenteur de titre et des fonctionnaires administrant la loi, la diminution du territoire accessible au jalonnement sans autorisation préalable ou conditions discrétionnaires; finalement et non le moindre, la disparition à brève échéance du prospecteur traditionnel.

En ce qui concerne le premier point,

soit l'accroissement excessif du pouvoir discrétionnaire du ministre, mentionnons à titre d'exemple le pouvoir conféré au ministre par l'article 76 du projet de loi. Il s'agit d'un nouvel article qui se lit comme suit: "Le ministre peut ordonner, pour des motifs d'intérêt public, la cessation des travaux d'exploration. "Dans ce cas, il suspend, sous certaines conditions, la période de validité du claim. "Après une période de six mois, le ministre peut, d'office ou à la demande du titulaire du claim, annuler le claim. Dans ce cas, une indemnité est versée au titulaire du claim pour compenser en tout ou en partie des investissements effectués pour la recherche minière."

Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'un article extrêmement dangereux qui peut être utilisé discrétionnairement ou à mauvais escient par le ministre, sans compter qu'aucun droit d'appel n'est prévu de la décision du ministre. La notion d'intérêt public est extrêmement difficile à cerner de sorte que les droits d'un détenteur de droit minier peuvent être suspendus pour des raisons purement arbitraires relevant d'une seule personne sans que celle-ci ne soit soumise à un contrôle quelconque. C'est, à notre avis, complètement inadmissible dans notre société.

Cet article instaure de plus une méthode de fixation d'indemnité purement arbitraire. Parce que l'on prévoit une compensation en tout ou en partie à la discrétion du ministre, il faut supposer... Cependant, le plus grave dans cet article est sans contredit de vouloir fixer l'indemnité sur - et je cite - un remboursement en tout ou en partie "des investissements effectués pour la recherche minière". Cette façon d'aborder l'indemnisation du retrait unilatéral d'un droit minier est totalement inacceptable et inadmissible en plus d'être contraire aux règles reconnues en matière d'expropriation.

Nous affirmons que cet article est un exemple patent de l'esprit du projet de loi 161 qui, à notre avis, engendrera une diminution marquée de l'activité minière au Québec. En effet, comment voulez-vous qu'un administrateur consciencieux puisse prendre le risque d'acquérir un droit minier au Québec sachant que le ministre, discrétionnairement, unilatéralement, sans droit de regard par une autorité quelconque, peut, au nom de l'intérêt public, annuler son claim? C'est absolument inadmissible. Il s'agit là d'un changement majeur par rapport aux règles actuelles selon lesquelles le détenteur d'un droit minier peut le perdre seulement s'il omet de remplir les obligations prévues à la loi. Aucune personne n'investirait en exploration minière si elle savait au départ que le résultat final pourrait équivaloir à se faire rembourser seulement les investissements effectués. Une possibilité de profits parfois substantiels, le désir de voir s'accroître les richesses naturelles, de créer des emplois, de créer des villes, de soutenir des villes ou empêcher la fermeture de villes sont la base de la motivation pour effectuer des travaux d'exploration et encourir des risques financiers importants de ne pas trouver finalement de gisements économiquement exploitables.

Nous sommes donc d'avis qu'une indemnité basée sur les investissements effectués est totalement inacceptable. On devrait tenir compte à tout le moins de la plus-value engendrée par les travaux effectués. C'est d'ailleurs un des points majeurs du projet de loi 161 qui est d'obliger les détenteurs à présenter leurs travaux pour enrichir les connaissances géologiques du territoire. La valeur des propriétés environnantes de même que le coût payé pour celles-ci devrait être aussi prise en considération. Bref, il faut appliquer les techniques d'évaluation d'indemnisation reconnues en matière d'expropriation. L'exercice est peut-être difficile mais en vaut certainement la chandelle plutôt que de se baser sur de l'arbitraire.

En terminant on peut soulever un doute. Qu'arrivera-t-il du claim ainsi annulé? Les mêmes notions d'intérêt public tiendront-elles si le nouveau détenteur est plus agréable au ministre?

L'article 85 reprend cette notion d'intérêt public. Une fois de plus aucun droit d'appel n'est prévu de la décision du ministre. Nous disons que c'est inacceptable.

Que dire de l'article 65 qui donne au ministre le pouvoir de déterminer les conditions sous lesquelles le détenteur pourra ou devra effectuer ses travaux d'exploration sur certains territoires prévus aux règlements, donc qui peuvent s'accroître substantiellement du jour au lendemain? Pour écrire cet article 65 il faut présumer de la mauvaise foi des intervenants en exploration minière. La loi actuelle prévoit qu'on ne peut explorer sur les terres des particuliers sans leur consentement. Nous disons, M. le Président, que l'industrie minière respecte les aménagements des propriétaires fonciers - les propriétaires superficiaires - et s'entend à l'amiable avec ceux-ci lorsque vient le temps d'effectuer des travaux d'exploration sur leur propriété. Ce n'est pas différent lorsqu'il s'agit d'un aménagement situé sur les terres de la couronne. De tout temps les détenteurs de droit minier ont eu à cohabiter avec des personnes possédant des droits différents mais sur le même territoire. Ils ont pratiquement toujours réussi à s'entendre à l'amiable. Cependant, pour pouvoir s'entendre faut-il à tout le moins avoir la possibilité de discuter, ce qui est impossible avec la rédaction de l'article 65.

Le ministre ne représente pas le

détenteur de droit minier. Alors, comment ce détenteur pourra-t-il se faire entendre? Quelle indemnité le ministre pourra-t-il fixer, selon quels barèmes, qu'est-ce que le détenteur de droits miniers aura la possibilité de dire? Ce n'est pas prévu.

Si jamais le gouvernement arrivait à la conclusion que l'article 65 a sa place dans le projet de loi 161, nous demandons que les aménagements prévus par règlement l'article 13 - soient incorporés à la loi et qu'ils soient définis. En effet, est-ce que quelqu'un peut nous expliquer quelles sont les limites territoriales d'un centre de ski de fond, d'un centre récréotouristique? Encore de l'arbitraire et de l'insécurité. (11 heures)

Finalement, on ne pourrait clore l'étude de ce point sans parler de l'article 227 du projet de loi, cet article qui permet au ministre de déterminer les mesures nécessaires pour remédier à toute situation qui aurait pour effet de compromettre la récupération optimale de la substance minérale. J'ai pris bonne note tout à l'heure des propos du ministre qui parlait des cas très rares, avouait-il, d'écrémage. Cette nouvelle disposition est souhaitable en soi. Nul ne peut être contre la vertu, mais nous sommes d'avis qu'il est inapproprié d'investir le ministre d'un tel pouvoir discrétionnaire et incontrôlable, pas plus d'ailleurs qu'il n'est indiqué de prévoir un droit d'appel dans ce cas-là. Il ne s'agit pas, à notre avis, d'un problème juridique, mais d'un problème technique. À cet effet, nous recommandons que toute décision, en vertu de cet article, s'il est maintenu, devrait être prise par un comité d'arbitrage formé d'au moins trois personnes dont deux de l'entreprise privée, toutes trois reconnues pour leur expérience technique dans ce domaine, leur compétence technique. Leur décision devrait être sans appel et tous les coûts de l'arbitrage et de l'étude devraient être assumés par le ministère.

Le deuxième point soulevé est l'abolition du juge des mines. Il est vrai que les dispositions concernant le juge des mines ne font plus partie de la loi depuis juin 1986. Cependant, le projet de loi 161 investit le ministre de pouvoirs immenses qui ne lui reviennent pas, pas plus qu'à toute personne qu'il peut désigner en vertu de l'article 249. Nous croyons que le ministre est toujours, dans tous les dossiers, partie à un litige, quel qu'il soit, en raison de sa position d'administrateur de la loi. Il est toujours intéressé dans les résultats d'un litige. Il est inconcevable, à notre avis, que le ministre jouisse des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête lorsqu'il fait enquête sur tout fait visé par la présente loi ou par ses règlements d'application.

Nous sommes d'avis qu'il est dans l'intérêt de toutes les parties de retirer au ministre les pouvoirs de révocation de droits miniers pour qu'aucun doute ne puisse planer sur la possibilité de conflits d'intérêts dans les décisions du ministre. Ce qui est inexplicable dans ce projet de loi, c'est l'article 283, alinéa 2, qui prévoit que la décision de la Cour provinciale est sans appel. C'est tout à fait inconcevable. Les droits en jeu sont toujours importants dans ce domaine même si, à certaines époques, ils ne peuvent être quantifiables, de sorte qu'il n'est pas justifiable de restreindre la possibilité pour les parties d'en appeler à des instances supérieures. On vous donnera à titre d'exemple simplement le cas... J'aimerais bien savoir ce qu'ils en penseraient si leur appel final était la Cour provinciale. On pourrait curieusement établir un parallèle avec les règles de la Régie du logement dont certaines décisions peuvent faire l'objet d'un appel final en Cour provinciale. Cependant, la Régie du logement a cet avantage sur les mesures qui nous sont proposées que ce n'est pas le ministre chargé de l'application de la loi qui rend les décisions de première instance. Nous pensons donc qu'il n'est pas souhaitable que le ministre soit placé en position d'être juge et partie, et pour lui et pour nous.

Le grand pouvoir réglementaire prévu par le projet de loi 161 tracasse énormément nos membres. Plutôt que d'énumérer les très nombreux articles qui prévoient que le ministre peut désigner ceci ou cela par règlement, par décret, nous établirons les sujets sur lesquels il n'est pas souhaitable, à notre humble avis, de pouvoir réglementer. Notre position à ce sujet est claire et simple. Toutes les conditions d'obtention, de maintien et de renouvellement de droits miniers, quels qu'ils soient, doivent être prévues dans la loi. Il s'agit là du fondement même du droit minier québécois. Cela est trop important pour pouvoir être changé par un simple rèqlement ou décret. Laisser ces dispositions dans les règlements ne fera que susciter un doute justifié que les règles du jeu peuvent être modifiées au gré du ministre alors en fonction. Cela n'aura certainement pas à l'inverse pour effet d'encourager l'exploration, la mise en valeur, le développement et l'exploitation de nos richesses naturelles. Les sommes impliquées sont trop importantes pour que l'on puisse prendre la chance de voir subitement les règles changées sans que l'Assemblée nationale n'ait pu intervenir, démocratiquement.

Le projet de loi 161 aura pour effet d'augmenter le fardeau administratif du détenteur de droit minier et, qu'il le veuille ou non, des fonctionnaires administrant la loi. Cette affirmation repose, entre autres, sur les articles 90 et 214 du projet de loi et les articles 38 à 42 du projet de règlement.

L'article 90 prévoit que les détenteurs d'un permis d'exploration minière, permis délivré pour l'exploration des territoires situés au nord du 52e degré de latitude, doit transmettre, et je cite, "au ministre le programme des travaux qu'il se propose d'effectuer". De plus, pour acquérir ce permis, le requérant doit transmettre avec sa demande le programme de travaux qu'il se propose d'effectuer au cours des douze mois suivants.

L'article 41, alinéa 2, du règlement impose une augmentation des coûts administratifs reliés à la détention du permis d'exploration minière en obligeant le détenteur à fournir un état détaillé et certifié par un vérificateur professionnel du Québec des dépenses encourues pour les travaux effectués au cours de l'année. Cette obligation n'est pas justifiée, de sorte qu'elle devrait être retirée du projet de règlement.

Les articles 214 et 215 du projet de loi obligent, quant à eux, le détenteur de droit minier ainsi que celui qui prospecte, recherche ou transforme des substances minérales et l'entrepreneur qui fait de l'exploitation minière à transmettre au ministre, avant le 1er octobre de chaque année, un rapport préliminaire pour l'année courante et prévisionnel pour l'année suivante mentionnant les dépenses faites ou prévues pour la prospection ou la recherche et les sommes consacrées ou à consacrer aux immobilisations et réparations.

Nous sommes d'avis que toutes ces tracasseries administratives et cette augmentation de paperasse auront pour effet de décourager le prospecteur traditionnel de détenir des droits miniers et n'auront certes pas pour effet de diminuer le fardeau administratif des fonctionnaires du ministère.

En ce qui concerne le prospecteur traditionnel, nous réitérons qu'il a sa place et une importance primordiale dans le domaine de l'exploration minière. Nous avons tout intérêt à le garder et à lui permettre d'acquérir et de détenir des droits miniers. Le prospecteur conventionnel n'est-il pas à la base de la majorité des découvertes de gisement? N'est-il pas souvent celui qui suscite chez un géologue ou ingénieur de compagnie l'intérêt dans un terrain qu'il possède? Le prospecteur traditionnel connaît habituellement bien son terrain. Il y a identifié des effleurements souvent inconnus dans les rapports publics. Il constitue donc une pièce importante de l'échiquier de l'exploration minière au Québec. Plus à l'aise sur le terrain que derrière un bureau, il ne faudrait pas le restreindre dans ce qu'il connaît le mieux et qui est primordial pour le secteur de l'exploration minière.

Finalement, ce projet de loi a pour effet de diminuer le territoire accessible pour l'acquisition de droit minier sans autorisation préalable ou conditions particulières et discrétionnaires du ministre. C'est malheureux mais cela reflète bien, à notre avis, la tendance générale du projet de loi. Nous le répétons, le projet de loi 161 aura pour effet d'engendrer une diminution marquée de l'activité minière au Québe en plus de restreindre de nouveaux intervenants à venir investir dans l'exploration minière au Québec.

Les articles 26, 27, 28, 29 du projet de loi prévoient les cadres généraux d'interdiction pure et simple ou avec autorisation ou sans autorisation de prospecter, de jalonner ou de désigner sur carte des terrains. Ils reprennent substantiellement les dispositions de la loi actuelle. Là où le projet de loi ajoute aux restrictions, c'est aux articles 65 et 13 du règlement, desquels nous vous avons entretenus précédemment.

Il ne faudrait cependant pas passer sous silence les articles 60 et 228 du projet de loi en vertu desquels le titulaire d'un claim ne peut entre autres accéder à son claim pour y faire de l'exploration lorsque celui-ci est sur une terre de la couronne si ce terrain a été loué par la couronne pour des fins autres que minières. Dans ce cas, il faut qu'il s'entende avec le locataire ou qu'il lui paie une indemnité. Il est tout de même assez bizarre de constater que dans ces cas on ne peut exproprier le bail alors que dans le cas d'une terre d'un particulier on peut exproprier le propriétaire. Est-ce à dire que le locataire d'une terre de la couronne sera en droit de recevoir une indemnité perpétuelle tant que le détenteur du droit minier désirera effectuer des travaux? De quelle façon l'indemnité sera-t-elle fixée? Par quelle instance? Autant de questions qui demeurent sans réponse et qui ajoutent au climat d'incertitude que créera ce projet de loi s'il est adopté.

En conclusion, nous devons mentionner que notre mémoire de même que notre bref exposé d'aujourd'hui ne constituent malheureusement encore qu'un travail préliminaire d'étude du projet de loi 161. Nous sommes conscients que la Loi sur les mines requiert la modernisation de certains de ses éléments mais cette nécessité ne peut outrepasser celle de construire un projet de loi réaliste, adapté à l'industrie et non auquel l'industrie devra s'adapter. Nous sommes d'avis que les différents intervenants du milieu pourraient apporter des suggestions intéressantes dans la refonte de cette loi majeure pour le développement de nos richesses naturelles. C'est pourquoi, M. le Président, nous recommandons que le projet de loi 161 soit révisé complètement avant d'être redéposé devant l'Assemblée nationale. De plus, la révision devrait être faite par un comité multidisciplinaire, formé de gens impliqués dans le domaine de l'activité minière au Québec. En terminant

l'association offre sa collaboration empressée pour faire partie de ce comité multidisciplinaire.

J'aimerais, avant de terminer mon exposé, faire une mise au point. La rumeur ou l'affirmation qui plane voulant que l'Association des prospecteurs du Québec ait été consultée dans la rédaction du projet loi 161 est tout à fait fausse. À deux reprises, l'Association des prospecteurs du Québec a eu des rencontres avec des fonctionnaires du ministère, mais jamais l'Association des prospecteurs du Québec n'a pu voir un texte, de sorte que je ne peux et personne ne devrait qualifier ces rencontres informelles de consultations. Nous aurions été ouverts, nous l'étions à cette époque, pour offrir nos services et nos connaissances bénévolement pour rédiger un projet de loi qui, si nous avions eu la possibilité d'y participer, n'aurait certes pas la forme qu'il a aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci, Me Guy Bourassa. Je vais laisser la parole au ministre. M. le ministre, vous avez 20 minutes.

M. Savoie: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a reçu le mémoire de l'Association des prospecteurs. Comme vous le savez, ce projet de loi qui fait l'objet de nos discussions a été trois ans en préparation. Il est issu d'un groupe de consultation qui a eu des rencontres sur une base régulière, souvent mensuelle. Y ont participé plusieurs membres du conseil d'administration de l'APQ et plusieurs prospecteurs, des membres de l'AMMQ, ensuite des groupes de prospecteurs du privé, des groupes de l'exploitation et un groupe de conseillers généraux. À travers ces rencontres les principes et souvent les articles qui devaient faire l'objet de révision, ont fait l'objet d'un large consensus. Il y eu très peu d'articles abordés - des articles d'importance, des articles qui amenaient des modifications - qui n'ont pas fait l'objet de modifications.

M. le Président, il y a une particularité à la Loi sur les mines. Il y a une tradition, il y a un historique quant à la Loi sur les mines avec lesquels, j'en suis certain, les membres de l'APQ sont familiers. Traditionnellement, le gouvernement du Québec ne préparait pas la Loi sur les mines. Il ne participait pas à sa rédaction. C'était préparé d'abord par l'industrie, par un groupe restreint de l'industrie, en anglais, ensuite déposé au gouvernement où c'était analysé et ensuite traduit. La loi de 1965 a consisté en une modification seulement par le fait qu'on avait demandé que ce soit déposé en français. C'est la première fois, en quelque sorte, que le gouvernement, conjointement avec l'industrie, participe à la rédaction d'une loi. Cela amène, cette modernisation, plusieurs modifications, modifications qu'on croit être recherchées par l'industrie. e voudrais revoir quelques qrands principes. On a touché à plusieurs reprises au pouvoir discrétionnaire accordé au ministre dans cette loi. On a soulevé à plusieurs le reprises le fait qu'on voyait d'un mauvais oeil plusieurs articles où on accordait un grand pouvoir discrétionnaire au ministre. Je sentais que par la justice naturelle il y aurait toujours des principes qui pourraient jouer ailleurs... On a dit que cela pourrait donner lieu à des situations de conflits d'intérêts, de conflits de personnalités -comme il arrive souvent - cela pourrait éqalement donner lieu à de mauvaises interprétations de la part d'un ministre ou à des décisions prises sur une base à court terme plus qu'à long terme. Je pense que le principe en droit, généralement, c'est que la bonne foi se présume toujours. On doit toujours présumer cela. Mais, en mettant cela un peu de côté et en voyant en général les fois où il pourrait y avoir conflit, j'ai demandé aux fonctionnaires des discussions, des rencontres avec différents membres de l'industrie. On a regardé de près chacun des articles qui accordait au ministre un pouvoir. (11 h 15)

Comme vous le savez, la Loi sur les mines n'est pas administrée par une commission, n'est pas administrée par un office. C'est une relation directe entre l'industrie et le ministère. Si on regarde l'évolution du droit administratif en 1987, elle est très large. Il y a toujours appel techniquement sur un point de droit. Il y a toujours moyen d'intervenir. Les notions d'intérêt public sont définies. Plusieurs jugements de la Cour suprême cernent bien les cas d'intérêt public. On cherche à établir des balises dans l'ensemble des articles. On cherche à établir des critères qui permettront aux juges de facilement identifier l'orientation de la loi, la volonté du législateur et la "nécessité" de la protection de la Loi sur les mines.

Bien sûr, c'est difficile. Trop la baliser la rend inopérante. On perd la flexibilité, on perd notre pouvoir d'administration à court terme. D'un autre côté, je ne suis pas sûr qu'en alourdissant de façon extrême la loi en imposant toutes sortes de restrictions cela aurait plus de validité devant les juges. Les juges vont chercher l'esprit de la loi, ils vont chercher à déterminer ce que le ministre a interprété, utilisé de sa discrétion d'une façon éclairée. Cela rend conforme la présente loi avec l'ensemble des autres lois concernant la juridiction administrative.

Vous avez soulevé à plusieurs reprises la question du juge des mines. On est très sensible à cette question. Nous avons eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises. Évidemment, le juge des mines n'est pas

aboli par cette loi. Ce fut aboli par une autre loi sous le contrôle du ministre de la Justice. Il faut dire aussi que le juge des mines n'a été utilisé que très rarement. Je pense qu'il y a eu deux causes en 1985. Il y en avait très peu. Son utilisation était rare et le transférer à la Cour provinciale... On ne peut pas revenir, dans ce projet de loi, sur la validité ou non de rouvrir le poste de juge des mines. Je pense que c'est un débat un peu à part auquel on reste toujours sensible.

Évidemment, vous avez discuté d'un des ces qui, je pense, va revenir sensiblement souvent. C'est l'article 227, la question de l'écrémage. L'écrémage constitue un cas d'exception où, par exemple, un membre de l'industrie obtient un droit d'exploitation sur une propriété. Au lieu de suivre les règles de l'art, au lieu de suivre des principes généralement reconnus, il va chercher ce qu'il y a de meilleur en maximisant son profit, en ne pensant qu'à son profit personnel et à celui de ses actionnaires, et ensuite il se retire. Il y a eu des cas où on n'avait pas le pouvoir de l'arrêter. On n'était que passif. Un Américain, quelqu'un de l'extérieur de la province de Québec, n'importe qui pouvait arriver et s'installer, écrémer une propriété, un gisement et s'en aller, et on ne pouvait rien faire. On n'avait pas le pouvoir d'intervention. Cela a été discuté.

On est un peu mal à l'aise à cause du pouvoir d'un ministre d'empêcher une exploitation minière. Mais, dans ce cas, je pense que c'est assez balisé lorsque l'orientation est donnée. La phraséoloqie est claire. Si vous allez à l'article 227, on utilise un vocabulaire qui est très net. On ne dit pas maximal, on dit optimal. On parle d'une substance minérale économiquement exploitable qui fait l'objet de son activité. Il y a une phraséologie qui chercher à donner cette indication aux tribunaux. Si le ministre utilise faussement ou de mauvaise foi le pouvoir qui lui est accordé par la loi, il y a recours. Il y a toujours recours en vertu de l'article 227.

Je comprends le problème. En gros, nos consultations ont été presque unanimes. Tout le monde était d'accord pour dire: Oui, il faut empêcher un cas d'écrémage. Cela appartient à la collectivité québécoise. Il faut qu'on ait dans la loi la possibilité d'empêcher celui qui pille. Justement, on a cherché à baliser la loi à l'avantage de tous. Vous avez dit qu'en vertu de l'article 283, et c'est un point très important, la décision de la Cour provinciale est sans appel. Nous sommes en train de rafraîchir cette position. Une modification n'est pas à exclure. Cela va dépendre beaucoup des autres mémoires qui seront présentés, des argumentations présentées. On tient compte de la vôtre, évidemment. On va s'en occuper.

Vous avez soulevé aux articles 214 et 215 les rapports que doivent transmettre les prospecteurs. Dans notre révision de la loi, nous sommes en train de regarder la nécessité du rapport provisionnel. Sur cela on pourrait encore communiquer.

Il y a une question, par exemple, que je n'arrive pas à comprendre, c'est lorsque vous accusez la loi de procéder à une diminution du territoire de jalonnement. Depuis que je suis là, on a augmenté le territoire de jalonnement au Québec d'à peu près la grandeur de l'Irlande - étant donné qu'on est le jour de la St. Patrick - soit environ 90 000 kilomètres carrés qui étaient soustraits au jalonnement par des lois qui dataient de 1975, 1976. À ce moment on a ouvert le territoire, cela s donné lieu à beaucoup d'intérêt. Si on savait qu'il y avait effectivement des restrictions quant au pouvoir de jalonnement, à l'addition de territoire pour fins d'exploration, on les regarderait de près. Ce qu'on a vu ce sont des restrictions d'usage. Un centre de ski, vous en conviendrez avec moi, pose des problèmes particuliers. Règle générale, notre volonté a été d'assurer que le vent dans les voiles qu'on a actuellement va se maintenir. On a fait un projet de loi qui devrait faciliter l'administration, être beaucoup plus souple, beaucoup plus efficace. Bien sûr cela pose le problème d'un pouvoir réglementaire qui pourrait peut-être à l'occasion créer des problèmes, mais je crois qu'à ce moment il y a toujours les recours de droit administratif qui sont des plus nombreux.

Évidemment, vous avez soulevé plusieurs points. Vous savez que votre mémoire a fait l'objet d'étude et continue à le faire, on y porte beaucoup d'attention. La question de plus-value, par exemple, que vous avez soulignée, on est en train de l'examiner et chercher à voir si on ne pourrait pas faire mieux. Les conditions sont difficiles. On y est sensibilisé et cela soulève des points valables.

Sur les règlements, finalement, le grand nombre de règlements que vous voulez introduire dans la loi. Vous mentionnez que ces règlements devraient être introduits dans la loi. Cela veut dire que dans la loi on aurait des mentions, par exemple, comme le poteau devra avoir 1,25 mètre. Ainsi, il y aurait très peu de flexibilité. Aujourd'hui, on a une nouvelle Loi sur les règlements qui stipule qu'on doit donner un préavis de 45 jours. Cet élément est considérable, et introduire cela dans la loi voudrait dire que pour changer quelques aspects des règlements cela demanderait une modification législative; c'est très long et très lourd. Le règlement, bien sûr, je suis d'accord avec vous, crée un petit peu une incertitude. Cela se modifie plus vite. Par contre, si on veut avoir une industrie dynamique, si on veut répondre rapidement à des demandes de l'industrie, ce

pouvoir réglementaire présente donc des avantages à ce moment. Est-ce qu'on est pour transporter dans la loi toute sorte de détails administratifs et de principes qui sont d'usage commun dans la loi plutôt que dans une structure réglementaire? Je ne crois pas. Il me semble qu'à ce moment, la loi serait alourdie, elle serait difficilement adrninistrable et demanderait de nombreuses modifications. On est sensible à cette revendication, on l'avait souligné, on l'avait soulevé. Mais, compte tenu de la Loi sur les règlements qu'on a introduite l'année passée, compte tenu aussi du fait que l'industrie, particulièrement les prospecteurs, ce qu'ils attendent de nous, c'est d'agir avec célérité, c'est d'agir rapidement pour répondre aux problèmes, la structure de la réglementation présente un avantage.

Vous avez soulevé plusieurs autres points auxquels je ne peux malheureusement pas répondre à ce moment. Peut-être qu'il y aura encore des rencontres entre nous, j'espère. On sera en mesure d'échanger avant la deuxième lecture, on est ouvert.

Je tiendrais à vous féliciter pour votre mémoire et je suis certain que votre rôle de leader dans ce dossier comme représentants de l'Association des prospecteurs du Québec va nous inciter à beaucoup plus de prudence, à faire beaucoup plus de réflexions sur les recommandations que vous nous proposez. Nnous sommes fort heureux de votre participation. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Ungava, s'il vous plaît!

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vais me permettre de poser quelques questions à nos représentants. Je voudrais d'ailleurs féliciter les gens de l'Association des prospecteurs du Québec pour la qualité de leur mémoire et la clarté de leur présentation. Malgré le court délai accordé pour réagir aux propositions qu'on a sur la table, vous avez réussi à faire un travail vraiment approfondi et à déposer quelque chose de très clair, un point de vue facile à comprendre.

Je retiens en particulier un paragraphe de votre mémoire que je trouve très intéressant, à la page 5. C'est un paragraphe qui semble, en quelques lignes, donner la vision du problème causé par le projet de loi. Je vais le relire: "Le cadre général de ce projet de loi laisse entrevoir une diminution du territoire accessible au jalonnement sans l'autorisation spéciale du ministre, ce qui, selon nous, investit le ministre chargé de l'application de la loi d'un pouvoir discrétionnaire considérable et potentiellement dangereux. Ce projet de loi place le ministre dans une position quasi intenable de juge et partie, tout en augmentant indûment le fardeau administratif du détenteur de titres et des fonctionnaires administrant la loi."

On a là tout un lot de notions. En ce qui me concerne, j'aimerais bien que vous nous éclairiez sur certaines de ces notions. Entre autres, pourquoi juqez-vous que le projet de loi diminue les territoires accessibles au jalonnement? En quoi le projet de loi augmente-t-il le fardeau administratif? Au-delà de ce que M. Bourassa nous a expliqué tout à l'heure dans sa présentation, j'aimerais qu'on parle de questions bien précises, bien concrètes qui nous feraient voir sans l'ombre d'un doute que vous avez raison ou non d'interpréter ainsi le projet de loi.

M. Bourassa (Guy): Premièrement, il est vrai que dernièrement le ministère de l'Énergie et des Ressources a ouvert beaucoup de territoire pour acquérir des droits miniers. Cependant, il ne faut pas regarder le passé. Si je suis un intervenant qui arrive dans une province et qui veut acquérir des droits, je regarde le projet de loi actuel; je ne regarde pas si, dans les deux dernières années, on a ouvert 60 000 kilomètres carrés de territoire additionnel. Qu'est-ce qui est disponible avec autorisation, qu'est-il possible d'obtenir avec conditions, à quelles conditions, selon quels critères, devant quelle instance devrai-je me faire entendre et quelles sont mes possibilités? Si je viens d'un pays sous-développé, un pays qui n'est pas ami avec le Canada et le Québec, je devrai remplir d'autres conditions.

Lorsqu'on parle de diminution du territoire accessible au jalonnement sans autorisation préalable, c'est ce qu'on veut dire. Le plus bel exemple est l'article 65 avec l'article 13 du règlement. Je le mentionne à nouveau, l'article 65 de la section "Droits et obliqations" pour un détenteur de claim, dit: "II peut, avec l'autorisation du ministre et aux conditions que celui-ci détermine, effectuer des travaux d'exploration dans les terres du domaine public - la notion de terres du domaine public est très importante. Auparavant, on avait des notions très distinctes pour les terres du domaine particulier et les terres du domaine public; on a maintenant besoin d'autorisations pour les terres du domaine public - lorsqu'il s'y trouve un aménagement prévu par règlement ou lorsque ces terres font l'objet d'une cession ou d'une location visée à l'article 232." On reviendra plus tard à l'article 232 dont on n'a pas parlé dans notre exposé.

Dans le règlement, on prévoit une pléiade d'aménagements. Je vais en faire la lecture, cela peut être assez intéressant: "centres éducatifs forestiers, pépinières, stations forestières, campings, centres de ski

alpin, centres récréotouristiques, piscicultures, terrains de golf, routes et autoroutes - en passant, je vous ferai remarquer que les gisements Hemlo, qui valent plusieurs milliards de dollars, sont à environ 100 pieds de la Transcanadienne. J'aimerais bien savoir ce qui se serait passé si cela avait été situé au Québec avec cela en application - haltes routières, fermes expérimentales, pistes d'atterrissage, vergers". (11 h 30)

Par exemple, les pistes d'atterrissage, est-ce que cela peut être la piste d'atterrissage que quelqu'un a aménagée dans sa cour ou si c'est une piste d'atterrissage reconnue et gérée par Transports Canada? C'est une incertitude, on ne le sait pas. Une station forestière, cela peut être saprement grand. Je défie quiconque de venir me dire quelle est la dimension d'un centre de ski de fond alors qu'une piste peut représenter un trajet de peut-être 25 ou 50 kilomètres, dans certains cas. Une piste ne mesure habituellement pas plus de douze pieds de larqeur. Est-ce qu'on va prendre la limite extérieure de la piste de ski de fond alors que le coeur de ce centre de ski de fond va peut-être couvrir 25 kilomètres carrés? Il y en a une qui va aller faire une immense boucle dans le "nowhere". Est-ce que toute la partie entre la limite extérieure de cette seule piste et le coeur du centre de ski de fond va être soumise à des conditions'' On ne le sait pas. Moi, si je suis un administré ou une personne intéressée à acquérir des droits miniers au Québec, je peux vous dire que je vais y songer sérieusement. Il ne faut pas se leurrer, on est dans une période de sécurité artificielle. Les actions accréditives ont tendance à nous faire croire qu'il est facile de faire de l'exploration minière, que cela augmente. C'est vrai que cela a augmenté mais il ne faut pas se faire d'illusions parce que les actions accréditives sont là. Le détenteur de claim ne jouira pas d'actions accréditives ou d'argent de ces placements publics de sorte qu'il va avoir de la difficulté à maintenir ses claims et à faire des travaux qui sont obligatoires avec les nouveaux montants dans le règlement. C'est cela qu'on essaie d'illustrer en disant qu'il y a plusieurs articles - vous les avez pratiquement tous nommés tout à l'heure - qui parlent d'autorisation: "aux conditions qu'il détermine", "selon ce que le ministre va décider", etc. Pour une personne de l'extérieur du ministère qui arrive ici, qui est intéressée à acquérir des droits miniers, à investir au Québec pour augmenter nos richesses naturelles, c'est un projet de loi qui est saprement déconcertant. Cela ne peut être autre chose que cela. Chaque fois, il va falloir qu'il y ait une condition. Quelle condition? Parce que vous» vous demeurez sur tel lac, vous avez un bail de villégiature, que ce lac est situé proche de la résidence d'une personne intéressée dans le ministère, vous allez avoir telle ou telle condition. Moi, je ne le sais pas et je ne suis pas capable de le dire. Moi, si je reste à telle autre place, si j'ai déjà eu des démêlés avec le bureau du ministre, disons le ministre en charge de l'application de la loi, moi, je n'aurai pas d'autres conditions? C'est bien beau, des conditions, mais il ne faut pas se leurrer non plus; c'est de la frime. Il y a des conditions qui peuvent être imposées qui sont irréalistes, qui vont empêcher de mettre un gisement en exploitation de façon économique. C'est laissé à la discrétion d'un seul homme, c'est inacceptable, cela aura pour effet de restreindre l'activité minière au Québec. Vous nous avez demandé un aperçu de l'augmentation du fardeau administratif. Je demanderai à M. Gratien Gélinas, de Géola, d'expliciter là-dessus.

M. Gélinas (Gratien): Cela concerne principalement les sommes d'argent qui doivent être dépensées en travaux d'exploration. On tient à souligner un point positif dans le nouveau projet de loi. Je pense qu'il y a une insistance de la part des gens du ministère pour qu'il y ait de plus en plus de qualité dans les travaux qui sont remis. Je pense que c'est un bon point; il faut le souligner. Toutefois, quand on regarde la valeur des travaux qui doivent être remis, actuellement, ces valeurs sont doublées dans le nouveau projet de loi, tout à coup comme cela. Il est sûr qu'en période active et en période de facilité actuelle cela se présente assez bien. Les gens du ministère se sont basés sur le fait qu'il y a peut-être entre 30 % et 50 % de la valeur des travaux qui sont réellement effectués, qui sont nécessaires pour renouveler les claims. Donc, en doublant la valeur des travaux à remettre, on dit qu'il n'y aura pas de problème pour les entreprises - effectivement, il n'y aura pas de problème. Mais, le petit prospecteur qui est toujours intéressé, dont on a dit tantôt qu'il était finalement l'éclaireur, entre autres, du développement minier, il est le premier qui va en avant, qui va sur les terrains difficiles d'accès, etc. Son intérêt - c'est relié un peu à la disparition du prospecteur - vient d'en prendre un coup, parce qu'il n'a pas les fonds nécessaires pour dépenser 20 000 % 30 000 $ ou 50 000 $ pour conserver ses claims pour deux ans. Cela complique son travail et, comme on dit dans le projet de règlement, cela va faciliter la vente de ses claims, c'est-à-dire que le prospecteur va prendre les claims, il jalonne... Il ne fait pas cela strictement dans l'optique de vendre son claim au bout de deux ans. Il le prend, le développe, le travaille, remet les travaux et ensuite, à la lumière des résultats de ses travaux, va voir des acheteurs potentiels. Donc, avec

l'augmentation des travaux à remettre, ses activités seront réduites. C'est seulement au niveau du prospecteur.

Il y a aussi un point qu'il faut souligner. On se demande pourquoi au nord du 52e parallèle il faut remettre des bilans vérifiés alors qu'au sud du 52e ce n'est nécessaire. À notre avis ce n'est pas nécessaire nulle part. Quand un directeur d'exploration d'une entreprise accepte les travaux et les factures qui ont été payées pour des travaux faits par des consultants, par exemple, à notre avis c'est très valable. On ne voit pas pourquoi il faudrait que ce soit vérifié au nord du 52e parallèle.

M. Labeaume: J'aimerais intervenir brièvement sur le pouvoir discrétionnaire du ministre, qui me semble tout à fait dangereux. Le ministre doit considérer que beaucoup de décisions seront prises chez lui et que, finalement, il aura à en répondre politiquement à l'Assemblée nationale. Il me semble que pour la protection même du ministre il doit se prémunir contre ce genre de situation. Il peut même y avoir certains cas où le ministre a à choisir entre son voisin de gauche et son voisin de droite. Je pense que le ministre doit considérer que ce pouvoir discrétionnaire est excessivement dangereux à la limite.

Le ministre a parlé de l'écrémage. C'est bien évident qu'on est d'accord qu'il ne faut pas écrémer. Là où on n'est pas d'accord c'est sur la personne ou l'instance qui prend la décision. On dit que c'est un problème technique et que cela prend des gens "techniques" pour le régler.

Le Président (M. Baril): Merci. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: J'ai de nombreuses questions à vous poser mais je devrai écrémer parce que le temps passe et que j'en suis à ma première question. C'est signe que vous avez de nombreuses choses intéressantes à nous dire.

Je vais aller à un autre point concernant toute la question de la délimitation des périmètres urbanisés. J'aimerais savoir comment, en tant que prospecteur ou en tant que représentant d'association de prospecteurs, vous vous sentez par rapport à cette possibilité. Si vous croyez que dans certains cas... Ma question touche aussi l'article 62 sur la question des rivières avec 225 kilowatts de potentiel. Ne croyez-vous pas que dans les deux cas vous avez des genres de droits acquis si vous travaillez déjà sur des claims qui ont été formellement identifiés ou donnés dans ce secteur-là et que vous avez des choses potentiellement intéressantes?

Enfin, plus spécifiquement sur la question des territoires urbanisés, est-ce qu'il serait gênant pour vous de travailler à partir du schéma d'aménagement des MRC ou si, si vous avez des interventions à faire en termes d'aménagement ou d'endroit d'intervention pour la prospection, vous n'aimeriez pas mieux le faire au niveau des MRC, en discuter avec elles à la base et dégager des orientations dans le plan d'aménagement qui devraient par la suite être acceptées par le ministre?

Le Président (M. Baril): M. Doucet.

M. Doucet (Roger): À propos des MRC, on a eu une expérience à Val-d'Or. La MRC de la Vallée-de-l'Or voulait presque tout soustraire au jalonnement dans sa région et je pense que la région de la MRC de la Vallée-de-l'Or couvre l'Irlande. On voulait protéger un troupeau de caribous de 32 têtes en soustrayant à l'exploration minière et à l'exploitation forestière une immense région. Ces gens-là ont décidé qu'il n'y avait pas de mine dans ce coin-là. Donc, je pense que les gens de la MRC n'ont peut-être pas les compétences pour décider de ces régions-là.

Je pense que le ministère de l'Énerqie et des Ressources est plus apte à répondre à ces questions-là.

M. Claveau: D'accord. Sur les autres questions concernant entre autres la délimitation du territoire urbain dont on dit que, pour le moment, tant qu'elle n'est pas fixée on ne peut pas faire d'intervention, etc., je suppose que de l'exploration se fait déjà dans ces domaines-là, des gens qui travaillent dans les milieux et qui n'ont pas l'intention de se retrouver chez eux, demain matin, les bras croisés en attendant que le ministre ait donné ses nouvelles visions sur les limites municipales.

M. Doucet: Vous parliez tout à l'heure des forces hydrauliques. On sait qu'on soustrait au jalonnement les barrages, les installations de LG 2, ce qui est parfaitement normal. Ce sont des territoires qui sont vraiment petits. Quand on pense que la ville de Cadillac soustrait... Non, ne soustrait pas au jalonnement. Présentement, la ville de Cadillac contient plus d'un canton et demi et il faut demander la permission au ministre pour pouvoir jalonner. Nous croyons que ce serait vraiment la zone urbanisée elle-même, soustraire - je ne sais pas - la piscine municipale au jalonnement, quelque chose qui est bien restreint. Pour désigner ces régions-là, je pense qu'il faudrait qu'il y ait des consultations. On pourrait peut-être collaborer avec les MRC et les municipalités parce que si elles décident de soustraire au jalonnement leurs forêts récréatives, comme dans la région de Val-d'Or, c'est très qrand... Est-ce qu'on est intéressé? Est-ce que ces gens-là ont décidé qu'il n'y avait pas de

mine là-bas? Ils n'ont pas la compétence pour le dire.

M. Bourassa (Guy): Les connaissances techniques, à l'heure actuelle... Ils n'en ont peut-être pas découvert, mais il n'y a rien qui dit qu'avec les connaissances qu'on va acquérir dans les 10, 20 prochaines années il n'y aura pas un immense gisement à cet endroit. Il faut au moins se donner la chance de le savoir. Si je peux renchérir là-dessus, il y a la cohabitation. L'Association des prospecteurs du Québec, tout le monde finalement dans le domaine de l'exploration minière, de l'exploitation minière, les intervenants, les compagnies de forage, les coupeurs de ligne, on essaie, et je crois qu'on réussit, à dégager une image de personnes respectueuses de l'environnement. Nous essayons de trouver des solutions. On est les premiers concernés par des parcs à résidu minier. On est les premiers concernés par la coupe de ligne. On trouve les moyens. Les ingénieux, les très ingénieux trouvent des moyens pour aller faire des relevés sans faire de coupe de ligne, par exemple, dans des pépinières qui existent, dans des érablières. Vous seriez surpris de voir les érablières; on ne coupe pas un arbre pour aller faire nos relevés. On a réussi à obtenir des renseignements quand même. On essaie de montrer cette possibilité de cohabitation. On a toujours prêché cela.

Le plus bel exemple, c'était justement les audiences publiques sur la création du parc d'AiguebelIe où l'Association des prospecteurs du Québec avait présenté un mémoire où on essayait de convaincre, finalement, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, à l'époque, qu'il y a moyen de cohabiter, d'arriver à un consensus entre les différents intervenants pour que l'intérêt de chaque partie soit sauvegardé. Si on est capable d'aller faire l'exploration et obtenir les résultats qu'on est allé chercher dans une érablière, où on est capable de ne pas couper une branche, dans une pépinière avec des pins d'une dizaine d'années, il n'y a pas grand-chose qu'on n'est pas capable de faire sans saccager, comme plusieurs tentent de le laisser croire, l'environnement. C'est cela qu'on essaie de dire. On n'a pas parlé aujourd'hui de la question des parcs. On a laissé cela de côté, mais une bonne journée on pourra en parler. On est certain qu'on est capable de cohabiter avec les droits de tout le monde dans la province de Québec pour l'augmentation de nos richesses naturelles et le bien-être de tout le monde. Si on part avec cette idée, on va aborder ce projet de loi sur les mines d'une façon différente. Il faudrait comprendre cela. Une fois que cela est compris, vous allez être certain que l'harmonie va régner et que tous ensemble on va développer le Québec.

Le Président (M. Baril): Merci, M. Bourassa. M. Claveau, je tiens à vous dire qu'il vous reste une minute et une très courte réponse.

M. Claveau: Une très courte question et une très courte réponse. Donnez-nous un peu plus d'explications sur votre refus du tirage au sort pour déterminer le premier arrivant sur un territoire.

M. Bourassa (Guy): Écoutez, le plus bel exemple, si vous voulez une réponse rapide, c'est Loto-Québec. C'est un vrai tirage au sort. Il y a des vérificateurs externes qui sont là pour s'assurer qu'il n'y a pas de tricherie. Le tirage au sort, comment va-t-il se faire dans la loi? Il n'en a jamais été question. Est-ce que cela va se tirer à pile ou face ou si cela va être deux cartes? La plus haute? La plus basse? Est-ce que cela va se faire dans le bureau du ministre? Avec ou sans surveillance? Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'extérieur qui va être là? Vous avez votre réponse.

Le Président (M. Baril): Merci, Me Bourassa. Votre temps est terminé, M. le député d'Unqava. M. le ministre, il vous reste six minutes. (11 h 45)

M. Savoie: Merci. Je voudrais tout simplement corriger certaines choses que vous laissez planer. D'abord, le tirage au sort existe déjà en quelque sorte. Lorsqu'il y a deux personnes qui ont jalonné en même temps en respectant chacun le règlement, qu'est-ce qu'on fait? Quand il y a deux personnes qui sont exactement dans la même situation on n'a pas de porte de sortie. À ce moment c'est une façon de résoudre.

Mais je ne voudrais pas faire porter l'ensemble de mon intervention là-dessus. Je voudrais revenir un peu à l'article 65 où on nous accuse de diminution du territoire. Je trouve cela curieux. On parle des pépinières, on parle des stations forestières, on parle des campings. On ne dit pas que vous n'avez pas le droit, on dit que le ministre peut. Qu'est-ce que vous proposez? Un terrain de golf, par exemple. Il faut quand même établir des conditions spécifiques. On n'est pas pour donner un droit ouvert et empêcher une cohabitation avec la population du Québec. On dit le ministre peut. Il s'agira de faire une entente. C'est le principe.

Le principe, c'est qu'on veut accorder ce droit. On est en faveur de l'exploration. On est en faveur de l'exploitation. Il faut quand même respecter un peu les droits des autres Québécois. Lorsqu'on parle, par exemple, d'une route et d'une autoroute, qu'est-ce que vous proposez? Qu'on n'ait pas le droit de le jalonner? Je pense qu'il faut avoir le droit de jalonner mais il faut également proposer un moyen d'entente avec

le ministère des Transports pour ne pas endommager la route.

Si on parle d'une ferme expérimentale, c'est un peu la même chose, un centre de ski. C'est un peu normal qu'il y ait cet échange et cela nous donne cette flexibilité de voir un ministre qui va arriver et qui va empêcher une exploitation sur un centre de ski. Je pense que c'est de voir les choses à l'envers. Je pense plutôt que le ministre va toujours avoir tendance à accorder, à son ministère, aux gens de son industrie les conditions les plus favorables tout en cherchant à arriver à une entente. Cette flexibilité va permettre une réaction de la part de l'industrie, de la part des gens de l'extérieur de l'industrie, va permettre un harmonisation. Je pense que c'est le but visé. Je pense que c'est le but auquel nous arriverons.

On a pris note de votre histoire de règlement au Nord, c'est la situation de la réglementation actuelle, on y reviendra.

On a fait référence à quelques reprises du jalonnement sur carte. Vous avez souligné que c'était le début de la fin; je ne crois pas. Le jalonnement sur carte n'existe que dans des régions fortement populeuses ou dans des régions où il existe déjà un cadastre; cela facilite la tâche, cela empêche de traverser des territoires très précis. Pour l'ensemble, on l'a maintenu. Je pense qu'il est là pour toujours. Je ne pense pas que c'est la fin du prospecteur. Je pense que c'est plutôt une adaptation. On n'est pas pour être servile à l'endroit d'un principe. Il faut s'y adapter. Il faut s'ajuster. Je ne vois pas la fin du prospecteur avec le début du jalonnement sur carte, l'introduction de cela. Je pense que cela nous permet une certaine flexibilité. Cela va nous donner la possibilité de s'adapter à des situations réelles plutôt que de dire: II y a un principe auquel il ne faut pas toucher. Je pense que vous l'avez vu un peu, cela.

Je pense que, dans son ensemble, après les rencontres qui ont eu lieu, les échanges qu'on a eus au sujet du projet de loi, il satisfait aux objectifs de l'APQ. Je comprends que dans votre exposé il y a plusieurs points qui n'ont pas pu être touchés, mais on est flexible. On est prêt à s'asseoir, discuter et échanger. Ce processus ne s'arrêtera jamais, je crois. Même après l'adoption de la loi, ce processus doit continuer. Je l'ai recommandé à plusieurs reprises.

Je ne peux que terminer en vous remerciant, encore une fois, pour la présentation de votre mémoire et en espérant que c'est le début d'un processus. Un processus dans lequel on démontrerait un bonne ouverture d'esprit en étant sûr que c'est partagé, une certaine modération dans les échanges, non pas la défense d'un principe ou d'un droit, mais plutôt être au service de l'industrie. Je pense que c'est cela qu'on vise et c'est cela qu'on va réaliser.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Pour le mot de la fin, je demandrais au député d'Ungava ses quelques remarques.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais juste dire en terminant que, personnellement, je trouve l'intervention de l'APQ particulièrement intéressante. C'est un questionnement très pertinent en ce qui concerne le vécu quotidien sur le terrain. Je tiens à féliciter ses représentants pour la qualité, la justesse de leur interprétation, le fait qu'ils représentent, à mon avis, le véritable questionnement du vécu quotidien sur le terrain en ce qui concerne le monde minier, dans l'approche, l'interrelation entre l'industrie minière et les autres secteurs de l'économie québécoise. Je tiens à vous remercier et à vous féliciter. Je suis convaincu que votre mémoire sera un apport exceptionnel au cheminement du projet de loi.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le député d'Ungava. M. le ministre, vos remarques finales.

M. Savoie: Lors des consultations sur ce projet de loi... Je pense, par exemple, aux deux jours que M. Doucet a passés avec les fonctionnaires qui ont participé à la préparation du projet de loi, je pense aux nombreuses rencontres qu'on a eues avec l'association, les échanges qu'il y a eu avec le président M. Desrosiers qui a précédé M. Labeaume. Ce qu'on a visé, c'est la protection de l'industrie, d'assurer aux exploitants le plus de flexibilité possible en jouant sur trois principes: la bonne foi de tous les Québécois, le grand nombre de règlements et de principes de droit qui régissent le pouvoir réglementaire parce qu'ils sont très nombreux, ils sont souvent utilisés et, finalement, la qrande flexibilité que demande l'industrie à l'égard d'une réglementation.

C'est dans ces principes qu'on va aller chercher le plus de services et qu'on va assurer une meilleure croissance. L'activité minière est cyclique. L'activité minière est sujette à ce que Shakespeare appelait "The tide in human affairs". Dans ce sens, je croîs que notre loi doit aussir refléter cela. Elle doit maintenir cette flexibilité et elle doit assurer que le gouvernement est toujours en mesure de répondre rapidement et d'une façon efficace. On ne peut pas présumer la mauvaise foi. Ce n'est pas propre à notre droit. Ce n'est pas propre à notre système. On présume la bonne foi. Lorsqu'il y a mauvaise foi, la loi, avec toute la rigueur -

n'oubliez pas, comme l'a souligné M. Labeaume le ministre est responsable non seulement vis-à-vis de l'Assemblée nationale, mais vis-à-vis de son industrie. Il a à coeur, il y a toujours une tradition, que ce soit le ministre de l'Énergie et des Ressources ou le ministre délégué aux Mines, d'avoir une opinion des plus favorables à l'industrie.

Il faut tenir compte aussi, par contre, du contexte dans lequel on le vit. Les autres Québécois qui ont des intérêts, qui ont des centres de ski, il faut essayer d'adapter les deux. Ce n'est pas en édictant des règlements qu'on va y arriver. C'est en présumant que le mécanisme de bonne foi va fonctionner toujours pour l'industrie.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Je tiens à remercier l'Association des prospecteurs du Québec de leur participation. Je profite de l'occasion pour vous souhaiter un bon voyage de retour. Je vous remercie beaucoup d'être venus. Moi, en ce qui me concerne, je suspends les travaux jusqu'après la période des affaires courantes de l'Assemblée nationale, soit vers 15 heures. Je vous remercie beaucoup et vous souhaite bon appétit.

(Suspension de la séance à 11 h 54)

(Reprise à 15 h 15)

Le Président (M. Baril): À l'ordre! Excusez, M. le ministre. Il est 15 h 15 et nous poursuivons nos débats. J'invite l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens du Québec à se présenter, s'il vous plaît! Je crois que c'est M. France Goupil qui en est le président.

M. Goupil (France): Oui. Je suis France Goupil, géologue.

Le Président (M. Baril): M. Goupil, un instant. Je veux juste vous rappeler que nous sommes ici à procéder à une consultation particulière sur le projet de loi 161, Loi sur les mines. Je tiens à vous rappeler aussi que nous avons une heure dans votre enveloppe, dont vingt minutes pour présenter votre mémoire, vingt minutes allouées aux membres du gouvernement et vingt minutes aux membres de l'Opposition. La parole est à vous, M. Goupil.

Association professionnelle des géologues et des géophysiciens du Québec

M. Goupil: Merci. Je n'ai pas l'intention de passer complètement à travers le mémoire qui a été présenté. Je ne sais pas si c'est mieux de passer à travers puisqu'il n'est pas tellement long ou s'il a été lu et étudié avant.

Le Président (M. Baril): C'est à votre choix, M. Goupil. Vous avez vingt minutes.

M. Goupil: L'Association des géologues et des géophysiciens du Québec représente environ 300 membres réguliers et 400 professionnels qui pratiquent la géologie et la géophysique au Québec. Nous ne sommes pas des prospecteurs et la loi que nous avons étudiée nous apparaît dans son ensemble très bien. Il y avait quelques remarques au chapitre III, section II, article 23. C'est un article qui dit: "II est interdit de prospecter un terrain qui fait l'objet d'un claim, d'un permis d'exploration minière, d'une concession minière ou d'un bail minier." Cela nous a semblé bizarre. Il semble que cela devrait plutôt se lire: II est interdit à toute personne de prospecter un terrain qui fait l'objet d'un claim, d'un permis d'exploration, d'une concession ou d'un bail à moins qu'elle ne soit le titulaire de ces titres. De la manière dont c'est écrit, même le titulaire ne semble pas avoir le droit de prospecter.

Le chapitre III, section III, article 50: c'est l'article qui concerne le jalonnement simultané d'un même terrain. À titre de professionnels, cela nous semble embarassant que le ministre doive tirer au sort qui va devenir le propriétaire du terrain. On préférerait l'utilisation d'une formule moins aléatoire comme la copropriété ou une société avec des intérêts indivis.

Chapitre III, article 64 - ce ne sont pas des choses très importantes - on dit: Sur un claim on ne peut extraire ou expédier des substances minérales que pour échantillon et seulement en quantité inférieure à une tonne métrique. Une tonne métrique, ce n'est pas beaucoup et un forage de 300 mètres qui est courant dans l'exploration minière donne environ une tonne métrique. Il nous semble qu'une tonne métrique, ce n'est pas suffisant.

Chapitre III, article 18. La désignation sur carte devrait probablement porter un autre nom que le mot claim. Dans les Cantons de l'Est, on utilise "permis spéciaux". Cela ne demande pas de permis de prospecteur, non plus, pour jalonner sur carte; peut-être qu'on pourrait trouver un autre nom.

Ce qui nous semble le plus pertinent, en tant qu'association professionnelle, dans le projet de loi 161, c'est ce qui concerne le côté professionnel des activités géologiques, géophysiques et minières. Lorsqu'on a étudié la loi, on s'est dit: Les règlements vont venir après et probablement que ce sera plus complet. Cela ne semble pas être le cas. On a passé ici à travers la loi et les règlements.

On aimerait insister pour que la loi indique clairement que tous les documents ou rapports géologiques ou techniques doivent être rédigés par des géoloques qualifiés, par des ingénieurs géologues lorsqu'il s'agit de

rapports géologiques, par un géophysicien qualifié ou un ingénieur géophysicien, lorsqu'il s'agit d'un rapport géophysique ou par un professionnel minier ou ingénieur des mines lorsqu'il s'agit d'un rapport de mine.

Un peu plus loin dans le mémoire, on discute des règlements et on va plus en détail. On aimerait bien voir cela dans la loi, parce que les règlements, c'est un peu différent des lois. On a remarqué la disparition de ce côté professionnel de l'article 89 au chapitre 34 de la loi de 1965 qui stipulait que le requérant de bail minier devait fournir un rapport certifié d'un ingénieur des mines ou d'un géologue qualifié avant l'ouverture d'une mine. Cet article a disparu de la nouvelle loi.

Le seul article dans la nouvelle loi qui concerne le côté professionnel est l'article 219 du chapitre IV, section II, où on exige un rapport de professionnel seulement en cas de suspension des travaux pendant plus de six mois. On dit qu'à ce moment-là le titulaire de droit minier doit transmettre au ministre une copie certifiée par un ingénieur ou un géologue qualifié des plans des ouvrages souterrains et des installations. Cela nous semble bizarre qu'on ait besoin de plans d'ingénieur seulement lorsqu'on ferme la mine et non lorsqu'on l'ouvre. L'ancienne loi de 1965 prévoyait que, lorsqu'on ouvrait une mine ou qu'on prenait un bail minier, cela prenait des rapports. Présentement, c'est complètement disparu. Il y a bien d'autres lacunes au point de vue professionnel.

Il est certain que la présence de personnel qualifié est de plus en plus exigée dans les entreprises à haut risque où les vies sont en danger, où des sommes d'argent importantes sont mises de l'avant et lorsque l'économie régionale en dépend. Les politiques d'assistance fédérales et provinciales sont cruciales. Nous aurions foi aux règlements à venir. Les règlements qu'on a étudiés ensuite, bien que, dans l'ensemble, ils tiennent compte du côté professionnel -je voudrais en discuter un peu plus loin - ont quand même beaucoup de faiblesses qui laissent des portes ouvertes à ce qu'on appelle une personne qualifiée.

On aimerait bien qu'un geste soit posé dans la loi et non dans les règlements afin que, lorsqu'on parle de rapports techniques pour ouvrir une mine, cela soit fait par des professionnels. On a comparé cette loi à la loi de l'AIberta et c'est un exercice assez intéressant. En Alberta, partout où on parle de rapports, que ce soit pour creuser un puits de pétrole, que ce soit pour faire de l'exploitation minière, parce qu'il y a des mines dans le nord de l'AIberta, c'est toujours très clair que rien ne peut être fait sans des professionnels. C'est dans la loi et non dans les règlements.

Nous continuons dans la loi. L'article 227 est un autre article qui nous inquiète en tant que professionnels et qui peut causer des problèmes, tant au gouvernement qu'aux exploitants. C'est l'article qui dit: "En vue de s'assurer que tout exploitant récupère la substance minérale économiquement exploitable qui fait l'objet de son activité en se conformant aux règles de l'art, le ministre peut: 1 exiger qu'il lui transmette un rapport justifiant la technique d'exploitation utilisée;" effectuer des études, l'obliger à prendre telle ou telle technique pour récupérer au maximum le minerai.

Tout cela, c'est bien, mais je pense que toute intervention gouvernementale devrait tenir compte de l'aspect de la rentabilité. La rentabilité n'apparaît pas dans cet article 227 de la loi. On dit qu'il faut qu'il exploite au maximum. Le maximum est en fonction de la rentabilité pour toutes les opérations minières. C'est un autre point de la loi. Il y a toujours le point général du côté professionnel. Peut-être qu'ici, si on avait tenu compte des professionnels qui sont dans le milieu, on aurait dit: Une exploitation minière peut avoir des rapports faits par des professionnels qui tiennent compte de la rentabilité, des conditions d'exploitation et tout. Que cela doive satisfaire le ministre, nous sommes d'accord, mais en tenant compte des critères de rentabilité.

Un dernier point de la loi qu'il nous semble important de soulever ici, c'est l'article 1 du chapitre I du projet de loi. On lit que "les substances organiques fossilisées sont assimilées à des substances minérales et sont également visées par la présente loi." Ici, on remarque qu'on a choisi comme premier article de statuer que les hydrocarbures, gaz et pétrole, doivent être considérés comme des substances minérales au même titre que les roches et minéraux exploités dans les mines. Pourtant, dans les faits, les hydrocarbures sont totalement dissociés des mines.

Nous voulons démontrer ci-après à quel point il y a une dissociation entre les deux groupes. Le ministère a toujours encouragé et favorisé l'exploration minière en apportant à l'industrie minière une assistance technique et une assistance financière. L'assistance technique comprend les réalisations faites aux frais du ministère comme les levés géoloqiques régionaux, les levées géophysiques et géochimiques et certains sondages stratigraphiques. L'assistance financière au niveau des mines se présente aussi sous forme de subventions et de remboursements d'une partie des frais. Dans les faits, ces deux formes d'assistance sont, à toutes fins utiles, inexistantes dans le domaine des hydrocarbures. Elles sont réservées exclusivement aux mines, si bien qu'il y a même eu une intervention à un certain niveau pour exclure expressément les hydrocarbures des programmes d'assistance technique et financière présentement en cours.

Cette situation pourrait être expliquée, en partie, par le fait qu'au Québec ce sont surtout les multinationales et SOQUIP, ces dernières années, qui se sont intéressées à l'exploration des hydrocarbures. Il y avait eu peu d'efforts dans ce domaine de la part des petites et des moyennes entreprises. Nous aimerions souligner, toutefois, que, dans les districts pétroliers canadiens et américains, les PME sont beaucoup plus nombreuses que les multinationales et que leur apport a joué un rôle essentiel dans le développement de ces districts. On a de bannes raisons de croire qu'au Québec l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures pourraient convenir beaucoup mieux aux PME qu'aux multinationales et qu'il faut encourager leur participation dans ce secteur économique québécois.

C'est dans cet esprit qu'on recommande à la commission de donner pleine vigueur à l'article 1 du chapitre I de la nouvelle Loi sur les mines qui accorde une importance égale aux hydrocarbures et aux minéraux. On aimerait bien - on insiste toujours pour faire mettre cela dans la loi - qu'à l'article 1 on dise: Aucune substance minérale ne sera exclue des programmes d'assistance technique et financière du ministère, sauf pour des cas exceptionnels qui devront être reconnus comme tels par le ministre. Cela revient à dire qu'on comprend que les hydrocarbures au Québec, c'est peut-être difficile et qu'il y a beaucoup d'argent qui a été dépensé à ce jour par SOQUIP, mais que les PME qui s'y intéressent devraient y avoir accès quand même, au même titre que ceux qui font des projets miniers.

Finalement, on a reçu les règlements qui vont avec la loi, le 12 février. Dans ces règlements, on doit insister sur l'implication de professionnels qualifiés et le déclarer non seulement dans les règlements, mais aussi dans la loi en tout temps pour tous travaux techniques à recommander, à surveiller, à exécuter ou à déclarer, qu'ils soient miniers, minéraux, exploratoires ou de recherche. Il faut laisser le côté professionnel à des professionnels et toutes les autres déclarations à formuler aux cadres administratifs. (15 h 30)

On a commenté rapidement les règlements et je vais reprendre assez rapidement certains articles. Je prends le premier règlement sur les substances minérales. Si je vais à l'article 16, on définit ici un géologue qualifié, un professionnel qualifié et une personne qualifiée. Dans nos recommandations, on recommande de définir le géophysicien qualifié. Un géophysicien est, quand même, très différent d'un géologue. Depuis 1967 ou 1968, il se forme des géophysiciens dans la province de Québec qui sont des ingénieurs en physique. Je suis ingénieur en physique avec des diplômes supplémentaires en géophysique et en géologie. On devrait définir un géophysicien qualifié au même titre qu'un géologue ou un professionnel.

Nous avons étudié la loi en la comparant un peu à la loi de l'Alberta. L'association des ingénieurs en Alberta s'appelle l'Association des ingénieurs, des géologues et des qéophysiciens de l'Alberta. Partout dans les lois, naturellement, on voit géologue, ingénieur et géophysicien. On pourrait peut-être profiter de l'occasion, étant donné la nouvelle formulation de la loi, pour introduire le titre de géophysicien. On définit un professionnel qualifié comme étant un diplômé d'une université en sciences physiques, géologiques ou en génie; on aimerait bien voir "ou en géophysique". Tout de suite après, on définit ce qu'est une personne qualifiée comme étant un professionnel qualifié ou un diplômé en technologie minérale. Alors, on assimile à la troisième définition la définition du professionnel qualifié. Alors, un professionnel qualifié devient une personne qualifiée. Je ne vois pas tellement la différence. Un professionnel qualifié est aussi une personne qualifiée et un technologue. Alors, il y a eu comme un mélange un peu partout dans les règlements. Toutes nos recommandations sont autour de cette personne qualifiée qui est à la fois un professionnel et un technoloque. On définit les professionnels et, ensuite, on s'en va à "personne qualifiée" où on inclut encore une fois le professionnel comme étant une personne qualifiée.

Comme le projet de loi tient surtout compte de rapports techniques ou de recherches en ce qui a trait à l'exploration, si on retourne à certaines lois, on s'inquiète à savoir si le ministre va recevoir ries documents professionnels s'il peut refuser certains documents parce qu'ils ne sont pas complets ou parce que les montants déclarés sont supérieurs aux travaux effectués. Une association professionnelle comme la nôtre et comme l'Ordre des ingénieurs - la plupart de nos membres sont aussi ingénieurs - exige de ses membres, à travers un code d'éthique qui est assez sévère, de faire des rapports qui représentent la vérité. On pense que les rapports devraient être faits par des professionnels et qu'on devrait éliminer la personne qualifiée, parce que la personne qualifiée, cela devient de plus en plus large.

À l'article 18, on a, encore une fois, ici des déclarations. Ce sont toutes des déclarations techniques qui ont trait à des rélevés. II doit déclarer le nombre de kilomètres, le nom, la localisation, les droits miniers, le type de levé qu'il a fait, l'état des résultats. Ceci est fait par une personne qualifiée. Au Québec, les travaux sont faits par des professionnels en qénéral. On aimerait changer "personne qualifiée" par "le professionnel qualifié responsable du levé".

On retrouve cela aux articles 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 dans le premier règlement. Ils sont tous pareils.

Le Président (M. Baril): M. Goupil, il vous reste deux minutes.

M. Goupil: Merci. Pour résumer, la question professionnelle, c'est pour s'assurer que les travaux déclarés et les travaux effectués répondent à des normes, et que les montants qu'on déclare répondent aussi à des normes professionnelles. On aimerait simplifier la vie de tout le monde en ajoutant ce côté professionnel à l'exploration minière au Québec. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil. M. le ministre.

M. Savoie: Merci, M. le Président. M. Goupil, je voudrais vous remercier pour votre présence ici, cet après-midi. Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire et nous avons beaucoup apprécié les efforts qui ont été faits par votre association. Avant de commencer, je voudrais simplement vous souligner quelques faits. D'une part, pour ce qui est des règlements, si vous me le permettez, M. Goupil, cela va être traité en même temps qu'on va traiter les règlements un petit peu plus tard dans le processus. Pour ce qui est des points que vous avez soulevés, plusieurs ont fait l'objet de commentaires dans d'autres mémoires. Il y a quelques commentaires que vous avez soulevés envers lesquels nous avons une certaine sympathie. Je pense à la question de la tonne métrique. Nous sommes en train d'examiner de plus près cette description d'une tonne comme étant insuffisante. Cela pourrait être favorable à vos orientations.

Pour ce qui est du tirage au sort, vous comprendrez qu'il a lieu lorsqu'il y a une différence entre deux personnes ou plus, lorsqu'on jalonne un claim en même temps. Cela créait une impasse et on utilisait déjà ce processus de tirage au sort. C'est aléatoire, mais le résultat est assez probant. Je pense que, de part et d'autre, c'est accepté. Cela semble fonctionner assez bien. C'est un processus qui est relativement simple et qui résout énormément de problèmes. Utiliser un autre procédé comme la formation d'une commission d'enquête réglerait peu de chose. On a deux personnes qui réclament le même droit et qui ont rencontré les mêmes exigences physiques. Le tirage au sort représente quelques avantages.

On voudrait, dans la mesure du possible, savoir ce que vous entendez au juste lorsque vous dites que le projet de loi doit reconnaître "la valeur extrinsèque et intrinsèque de toute opération minérale ou minière." Est-ce qu'on pourrait avoir des éclaircissements? Cela se situe à la page 3 de votre mémoire.

Le Président (M. Baril): M. Goupil.

M. Goupil: Bonne question! J'hésite à vous répondre parce que le mémoire a été préparé par un groupe. Cette partie du mémoire a été écrite par M. Gilles Dionne, ancien président de la SDBJ. J'ai l'impression qu'il veut qu'on tienne compte de toutes les opérations minières et minérales, que ce soit au stade de l'exploration, de l'exploitation, du financement ou de la réglementation statutaire. Lorsqu'il parle de financement, celui-ci ne fait pas partie de la loi présentement. Quant aux règlements statutaires, c'est le côté fiscal, le côté comptable et le côté technique. J'ai l'impression que M. Dionne voyait le projet de loi comme devant toucher le côté fiscal, le côté comptable et le financement. Quand on parle du côté financement, on sait très bien que présentement, à la Commission des valeurs mobilières, on est en train de faire un rapport avec l'Ordre des ingénieurs parce qu'on se rend compte qu'il y a certains travaux importants - on parle de plusieurs millions de dollars - qui se font sur des rapports techniques qui n'ont été signés par aucun professionnel. À ce moment-là, M. Dionne voyait le problème. En regardant la loi, il l'a trouvée très bien. On n'a pas trouvé grand chose dans la loi à part les quelques points qu'on a soulevés. Mais la loi ne touche pas beaucoup au côté professionnel à part l'article 219. Comme les professionnels sont extrêmement importants dans l'exploration minière, autant au niveau du financement que pour décider des travaux qui vont se faire, ce qui inquiétait M. Dionne, c'est que le côté professionnel ne soit pas soulevé. II ne faut peut-être pas juste que la loi tienne compte de qui va être propriétaire de quel terrain, parce que la loi est centrée sur cela plus que sur autre chose; il faudrait peut-être avoir des portes ouvertes et dire que les projets miniers doivent être soutenus par des professionnels qui vont les appuyer.

M. Savoie: Merci, M. Goupil. Pour ce qui est de vos commentaires en ce qui concerne l'aspect professionnel des rapports, on va, évidemment, prendre en délibéré les commentaires que vous avez faits. Il y en a quelques-uns qu'on a trouvés particulièrement probants. Évidemment, en vertu de l'article 219, il y a déjà des indications en ce qui concerne les rapports professionnels. Mais peut-être que dans la loi, ce n'est pas suffisamment clair. Il y aurait peut-être lieu de revoir la rédaction de certains articles.

Je voudrais clarifier tout simplement un élément. Ne devrait-on pas permettre aux prospecteurs qui n'ont pas nécessairement de diplôme universitaire de présenter certains

rapports d'exploration au ministère?

Le Président (M. Baril): M. Goupil.

M. Goupil: Le prospecteur peut déjà présenter au ministère des rapports sur ce qu'on appelle le travail de prospection qui correspond à, je pense, 25 % des travaux qu'il doit effectuer sur ces terrains miniers. Il ne peut jamais dépasser en prospection plus de 25 %, le reste des travaux qu'il peut faire, cela peut être des tranchées ou quoi que ce soit. Il y a beaucoup de travail en exploration minière qui n'est pas professionnel. Ouvrir des tranchées, construire des routes, cela ne demande pas nécessairement des professionnels, mais lorsqu'on parle d'un rapport géologique, de géochimie ou encore de géophysique, c'est à ce niveau qu'on insiste pour que ce soit professionnel.

M. le ministre, on a fait une étude sommaire - je ne voudrais pas insister sur cela - sur le coût d'une découverte minière au Québec. Il y a toutes sortes de raisons, on n'est pas encore sûr des vraies raisons ou des vrais chiffres. Mais en 1975 ou 1976, losqu'on parlait d'une découverter minière, on disait: II faut investir 10 000 000 $ à 15 000 000 $; SOQUEM publiait ces chiffres-là. Présentement, les dernières découvertes qu'on a faites dans la province de Québec se situent aux alentours de 75 000 000 $ par découverte. Si le côté professionnel était plus respecté, si on faisait plus attention aux recommandations des professionnels, on est quand même convaincu que le prix des découvertes baisserait.

On avait la réputation en tant qu'explorateurs, les Canadiens en général et les Québécois, dans une grande partie des pays sous-développés d'être de très bons chercheurs de mines. On connaît les histoires de Noranda ou d'autres grandes découvertes qui ont été faites par les Canadiens. Je me demande quelle serait la réaction des pays sous-développés s'ils se rendaient compte que notre facteur de découverte a été, en millions de dollars, multiplié par trois dans les quatre ou cinq dernières années. Nous pensons que c'est causé par une multitude de circonstances. Souvent, les professionnels étant plus ou moins reconnus dans la province de Québec, ont beaucoup de difficulté à imposer leurs vues aux compagnies d'exploration junior en particulier.

En Alberta, lorsque les puits de pétrole ou les découvertes ont augmenté de coût, un peu comme cela se passe au Québec, il y a eu une intervention massive de l'association des géophysiciens et des géologues de l'Alberta pour limiter les dépenses à celles reconnues et approuvées par des personnes connaissantes. Vous savez que les prospecteurs sont bien, mais il reste que, quelquefois, ils n'ont pas les connaissances qui permettent de juger sur des valeurs de 5 000 000 $ ou 10 000 000 $. Un prospecteur qui va chercher 5 000 000 $ ou 10 000 000 $ dans le public ne serait peut-être pas nécessairement mal intentionné, mais pourrait induire une grande majorité, une grande quantité de Québécois en erreur, tandis qu'un professionnel aurait peut-être moins de chance. C'est pour cela qu'on nous forme dans les universités.

Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil.

M. Savoie: Dernièrement, M. Goupil, vous avez soulevé, par le biais de votre mémoire, quelques commentaires sur l'article 227. Je vous assure que l'article 227 a fait l'objet d'énormément de discussions. La rédaction de l'article a été très soignée; le vocabulaire est pesé en termes juridiques: "En vue de s'assurer que tout exploitant récupère la substance minérale économiquement exploitable." On emploie ensuite le terme "optimale". Il y a dans la rédaction de cet article un soin pour assurer le respect des orientations du ministère en vue d'empêcher l'écrémage par des gens de mauvaise foi. Certaines pratiques peuvent faire l'objet d'une interdiction ministérielle. Évidemment, malgré l'abus qui pourrait en naître, je crois que l'ensemble de l'industrie est favorable à ce qu'il y ait une prise de position et à ce qu'on puisse empêcher l'écrémage et qu'on puisse protéger le patrimoine qui est la propriété de tous les Québécois. (15 h 45)

M. Goupil: Nous sommes d'accord avec l'article. Tout simplement, on fait la mise en garde afin d'être certains que le principe de la rentabilité soit prioritaire à certains principes. L'économie minière au Québec, c'est assez difficile. Lorsqu'on dit: Le Québec ou le Canada en général est un gros producteur d'or et qu'on se rend compte que le Québec produit moins de 2 % de l'or mondial, ce n'est pas nous qui allons influencer le prix de l'or. Dans les années à venir, on peut prévoir des découvertes importantes dont la richesse ne se comparera pas aux mines du Québec. Si l'on n'exploite pas cela maintenant, peut-être que dans 20 ou dans 25 ans on ne l'exploitera jamais.

M. Savoie: Vous avez raison, M. Goupil. Je pense qu'on s'accorde sur cela. Je pense que l'article est créé en plus de cela. Juridiquement, à ce moment, le poids sera sur le ministère qui soulève l'utilisation de l'article 227 et non pas sur l'exploitant. Les juges qui feront l'analyse de l'aticle 227 se reporteront aux discussions de cette commission parlementaire, aux discours qu'il y a en Chambre et on tâchera de souligner

l'orientation très claire de l'article 227.

Peut-être en réservant mon droit de réplique, je céderai la parole à l'Opposition.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais remercier l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens du Québec pour le mémoire qu'elle nous a préparé et, en l'occurrence, son porte-parole, M. Goupil, pour la présentation très intéressante qu'il nous en fait actuellement. Ce mémoire soulève un certain nombre de questions. Ma première question sera à l'égard de votre déclaration où vous dites vous opposer au tirage au sort et préférer d'autres mécanismes d'entente, en l'occurrence "la copropriété en société transparente, avec intérêts indivis." En ce qui me concerne, je suis d'accord qu'il y a éventuellement des solutions plus intéressantes que le tirage au sort, le pile ou face, pour régler des problèmes. J'aimerais que vous vous étendiez un peu plus sur cela, à savoir, entre autres, si vous avez vraiment fait une réflexion sur les différentes modalités de répartition et aussi si vous avez vraiment fait une critique complète de la façon dont on procède aujourd'hui pour régler ces problèmes et voir comment on pourrait améliorer les techniques actuelles sans pour autant chambarder l'ensemble de l'approche dans le domaine.

M. Goupil: Nous n'avons pas écrit beaucoup; nous avons discuté plus que nous n'avons écrit. Présentement, quelles sont les possibilités qu'on puisse vraiment claimer un terrain simultanément? Sur le terrain, les possibilités sont pratiquement nulles. Souvent, ce ne sera pas des claims simultanés. Il faut qu'il mette quatre poteaux. Il faut qu'il y en ait un qui tourne sur un bord et l'autre qui tourne sur l'autre. C'est assez rare que cela puisse arriver, un claim ordinaire, comme cela se passait juste avant cette loi. Avant cette loi, lorsqu'on parlait de claim, par exemple en Abitibi, les fonctionnaires vérifiaient sur le terrain si cela avait été fait selon les normes etc. et ils décidaient qui pouvait l'avoir. Présentement, vu qu'on va aller au tirage au sort, peut-être qu'on va laisser tomber un peu la vérification pour aller voir si vraiment ils les ont claimés. C'était pour les claims ordinaires.

Comme la nouvelle loi fait que, depuis trois ans, on peut claimer, comme on dit, sur carte - je ne devrais peut-être pas dire claimer parce qu'on demande de changer le mot "claim", c'est peut-être le mot "permis" plutôt - et que les permis sont attribués sur une carte, peut-être que là cela devient plus délicat. Comment est-ce que cela se passe lorsque quelqu'un va obtenir des droits d'exploitation en claimant sur une carte? En claimant sur une carte, on va faire cela le lendemain qu'un rapport quelconque a été publié, par exemple, un rapport sur les travaux faits ou par le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral qu'il rend public une certaine journée. Alors, il y a bien des chances qu'à ce moment il y en ait plusieurs qui demandent le même permis simultanément parce que c'est plus facile que d'aller sur le terrain. Les dimensions peuvent être différentes aussi. Cela va devenir plus difficile. Je ne le sais pas, je ne suis jamais allé dans les bureaux du ministre, je n'ai pas été conscient, non plus, qu'on a eu tellement de problèmes dans les années passées avec les claims simultanés. Les demandes de permis comme telles, sur carte, simultanées, j'ai eu conscience de cela, surtout quand on veut claimer dans une municipalité comme Val-d'Or qui est assez grande et qui comprend des territoires miniers dans ses alentours. On demande une permission au ministre de soustraire cette région au jalonnement. Dans le passé, c'était un tirage au sort pour toutes les lettres qui arrivaient la même journée.

C'est un domaine complexe. On n'a pas apporté de solutions comme telles. On dît qu'il faudrait peut-être envisager quelque chose d'autre, comme d'évaluer, de faire venir les personnes, de voir qui veut avoir quoi. Un des points, par exemple, qui nous semblent délicats, c'est le fait qu'on sait que l'article de la loi prévoit un tirage au sort et que le juge des mines n'est plus là pour décider, pour prendre la décision à savoir qui a droit au claim. On a peur que cela puisse laisser une porte ouverte et qu'à un moment donné, pour les claims intéressants, tout le monde dit: Moi aussi, j'ai claimé. L'ancienne procédure était quand même efficace, jusqu'à un certain point.

M. Claveau: Je voudrais dire, pour appuyer la dernière partie de votre intervention, qu'effectivement le problème a été soulevé par des prospecteurs sur le terrain. Cela peut arriver, à l'occasion, que deux prospecteurs qui connaissent un coin décident d'aller se chercher des "tags" et de commencer à claimer le même coin en même temps. À ce moment-là, ils s'adonnent à se rencontrer sur le terrain avec chacun sa poiqnée de "tags". Généralement, ils négocient sur place et disent: Tu pars par là, on coupe ici, je vais prendre ce côté, tu prends ce côté, et ils réussissent à s'entendre. Ce qu'on me dit, c'est que cette espèce de négociation de terrain qui se fait à l'occasion va être carrément faussée si on parle de tirage au sort parce que cela va être à qui mieux mieux, tu as beau mettre ton "tag", je vais mettre le mien par-dessus le tien et, après cela, on va s'en aller au bureau de l'Énergie et des Ressources dans

le secteur et on va se faire tirer un trente sous pour voir qui va l'avoir. C'est un peu de cette façon que certains prospecteurs m'ont fait part du problème du tirage au sort. Je partage en cela vos préoccupations.

M. Savoie: Je voudrais clarifier un point technique. Pour jalonner, pour que deux personnes aient un même droit en même temps, il faut respecter la loi et les règlements de la Loi sur les mines, c'est-à-dire qu'il faut être présent tous les deux à 7 heures ou à 7 h 30 et partir du même point. On ne peut pas partir, l'un d'un point et l'autre d'un autre point. Cela veut tout simplement dire qu'un claim tombe libre et que deux prospecteurs se présentent, tous les deux, à la même heure et ils constatent qu'ils sont tous les deux sur le terrain. Alors, qui a raison, qui a droit au claim? Ils plantent, tous les deux, leur poteau dans le même coin parce que, pour jalonner, on ne peut pas commencer par n'importe quel coin; il faut commencer par un coin et, ensuite, procéder aux autres. Tous les deux posent leur poteau et, ensuite, posent l'autre poteau en suivant les règlements.

Si cette situation se produit, comment fait-on pour la régler? Quelle autre mesure a-t-on...? On en a déjà une qui est le tirage au sort et qui semble recevoir l'approbation de la majorité des prospecteurs. Vous comprendrez la difficulté qui se soulève. Ce n'est pas une question de hasard, c'est arrivé. Quelquefois, comme notaire, en pratique, j'ai eu des clients qui sont venus me voir et on a procédé par tirage au sort, à deux occasions. C'était utilisé déjà au ministère. C'était quelque chose qui n'était pas inconnu de l'industrie.

M. Goupil: Dans les demandes de permis spéciaux, cela a été utilisé aussi.

M. Savoie: Dans les demandes de permis spéciaux aussi, je crois.

Le Président (M. Baril): Merci, monsieur.

M. Claveau: On pourra en discuter à un autre moment, mais c'est parce que le fait de l'introduire dans la loi, de le rendre immuable, fait en sorte qu'on va y recourir à tout moment pour n'importe quoi, alors qu'avant quand même, avant d'aller au tirage au sort, souvent, on le négociait sur le terrain et on finissait par s'entendre sans aller au bureau du ministère pour aller tirer au sort.

M. Savoie: Tant mieux!

En ce qui concerne l'article 64, je me demande si vous, en tant que professionnels qui connaissez le domaine et qui avez sûrement un point de vue scientifique, technique important à nous donner, vous auriez des suggestions précises à faire au ministre en ce qui concerne le tonnage des échantillons qu'on doit retirer sur une concession, sur un claim, qui serait raisonnable pour permettre de vraiment évaluer le potentiel de ce claim.

M. Goupil: C'est quand même assez difficile. Je pense qu'on exclut ici ce qu'on appelle les échantillons en vrac. Cela prend des permissions spéciales. En tonnage, comme chaque trou de forage représente une tonne, c'est difficile de limiter le nombre de trous de forage d'une compagnie qui veut explorer un claim. J'aurais bien de la difficulté à mettre des quantités. Je pense que le but de cet article, c'est de s'assurer que quelqu'un ne peut pas faire d'échantillonnage en vrac où il va sortir 500, 600 ou 1000 tonnes d'une section d'une découverte qui est très riche sans passer par des baux miniers ou des permissions pour échantillonnage en vrac. Lorsqu'il s'agit d'échantillonnage standard, d'exploration géologique, en faisant des forages, il faut pratiquement laisser cela à la discrétion de celui qui fait l'exploration. S'il fait 200 forages, il va sortir 200 tonnes. C'est raisonnable. Mais 200 tonnes, lorsqu'il fait un échantillon en vrac ou qu'il va chercher juste une partie d'un "showing", peut-être que cela ne fait plus l'affaire.

M. Claveau: Pourriez-vous nous expliquer comment cela se passe actuellement dans te cas où une compagnie d'exploration veut faire une rampe d'exploration pour aller chercher quelques milliers de tonnes de vrac?

M. Goupil: Je ne peux malheureusement pas vous expliquer cela. Je sais qu'il doit y avoir certains plans pour aller sous terre et probablement une permission. Si on se fie au rapport du juge Beaudry lors de la commission sur Belmoral, il doit se faire certaines investigations. Est-ce que cela prend un permis du ministère? J'imagine que oui, mais je n'en suis pas sûr.

M. Claveau: À la page suivante de votre mémoire, vous donnez votre point de vue sur l'article 18, en disant que la désignation sur carte - je résume - est "des plus justifiables et à propos". J'aimerais savoir à partir de quelle analyse vous dites cela et aussi si vous parlez de l'ensemble du territoire du Québec ou si, à votre avis, cela doit être quelque chose de sectoriel en fonction d'une problématique particulière.

M. Goupil: On a étudié cela. Quand on dit "justifiable et à propos", on verrait mal l'utilisation de cette technique dans l'Abitibi qui procède déjà d'une façon bien efficace, par les claims standards, qui permet aux

prospecteurs d'exister. Dans certains territoires du Québec, lorsqu'on parle des Cantons de l'Est ou encore des grands territoires difficiles d'accès, cela devient justifiable, comme dans le territoire de la Baie James. Claimer un territoire, c'est très dispendieux. On peut monter en avion, oui, mais la plupart du temps, pour des raisons de sécurité, c'est mieux en hélicoptère parce que les lacs dégèlent ou gèlent trop vite. Un avion peut être malcommode. Dans des territoires difficiles d'accès ou dans des territoires où l'intérêt d'aller chercher des droits ou des claims est moins fort, où la prospection se fait moins intensément, cela devient intéressant à ce moment-là. L'exploration pétrolière a toujours été faite au Québec par jalonnement sur carte. Dans l'Ouest canadien, en Alberta, le jalonnement ou les permis d'exploration de pétrole se prennent sur carte ou encore par soumissions publiques. (16 heures)

M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse. Tout à l'heure vous vous êtes étendu un peu sur le rôle des professionnels dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation minière. Vous avez parlé, entre autres, des coûts, etc. Vous sembliez dire qu'on n'utilisait pas assez les services de professionnels dans l'exploration et que c'était une des raisons pour lesquelles cela coûtait cher. C'est comme cela que j'interprète ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous dites aussi dans votre mémoire, au dernier paragraphe de la page 3: "Et surtout de celle des opérations techniques et industrielles par l'emploi ou l'implication de professionnels qualifiés". Est-ce que c'est tout simplement un point de vue théorique que vous émettez ou est-ce que vous faites une critique par rapport à la situation actuelle, à ce que vous vivez dans le quotidien?

M. Goupil: Non, c'est une critique. La situation qu'on vit présentement au Québec est assez spéciale en exploration. Les géologues au Québec sont différents des ingénieurs, ils ne sont pas dans l'Ordre des ingénieurs. Les géophysiciens sont dans l'Ordre des ingénieurs ou n'y sont pas, selon qu'ils ont eu un diplôme en sciences physiques et se sont spécialisés en géophysique. Une partie des professionnels géologues et géophysiciens n'est pas protégée comme telle par l'Ordre des ingénieurs. Certains travaux sont protégés par l'Ordre des ingénieurs et cela va quand même assez bien. Dans l'exploration minière ou dans tout ce qui touche aux mines, il n'y a personne qui s'occupe, à part l'association que je représente, de faire respecter le côté professionnel des membres. Personne ne s'occupe de dire: Cela, c'est un emploi de professionnel, qui doit être fait seulement et uniquement par un professionnel. On constate trop souvent qu'il y a beaucoup d'argent qui est relié au coût de rapports techniques d'une grande importance, surtout de l'argent qui va se dépenser sur le terrain à la suite de la parution de ces rapports qui sont faits souvent par des personnes bien intentionnées, mais n'ayant pas les connaissances ou l'expérience requises.

Comme je vous le disais, on a comparé avec l'Alberta, parce que c'est quand même un endroit où le côté exploration est extrêmement fort; il y a beaucoup d'argent qui se dépense en exploration. C'est la province qui se compare le mieux au Québec. En Colombie britannique, c'est la même chose. En Alberta, l'Association professionnelle des ingénieurs comprend des géologues et des géophysiciens, comme je le disais tantôt. Cela s'appelle Association of Professional Engineers, Geologists and Geophysicists of Alberta. À ce moment, personne ne peut faire un acte dont les professionnels ont décidé que c'était un acte professionnel. On ne peut pas empêcher les prospecteurs de prospecter, c'est sûr que non. Mais les actes professionnels, comme des rapports qui vont à la Commission des valeurs mobilières, qui recommandent des travaux pour 2 000 000 $ ou 3 000 000 $, on regarde cela; des fois, cela a été fait par un professionnel, cela peut avoir été écrit par un géologue. Lorsqu'on regarde, par exemple, le programme qui est suggéré, à 80 %, c'est de la géophysique. Si la situation se passait en Alberta, ce rapport serait interdit, parce qu'il y a trop de géophysique pour le géologue. Ce qui est géologie aurait dû être approuvé par un géologue et le côté géophysique du programme aurait dû être approuvé par un géophysicten. La géophysique est une science qui évolue rapidement. C'est difficile à suivre et, même quand on est dans le métier quinze heures par jour, dix heures de travail et cinq heures de lecture le soir, on a de la misère à suivre toutes les techniques et tous les principes nouveaux qui existent pour faire des découvertes. Les premières découvertes... Notre industrie minérale dans les années passées a été mise au monde par des professionnels. Il y a un cas typique que vous connaissez très bien, c'est la compagnie Sintrex qui a développé des équipements très très professionnels. Aujourd'hui, Sintrex s'est retirée complètement des relevés de terrains. On ne peut pas engager Sintrex pour aller sur le terrain parce qu'elle considère que tout ce qui se passe au niveau des relevés, comme n'importe qui peut faire des relevés et que c'est aussi bien reconnu qu'un professionnel, bien, elle n'a aucune chance de le faire. En Alberta, il y a 27 000 professionnels dans l'association et ils travaillent sans empêcher les autres de travailler, j'imagine, parce qu'il n'y a pas de plaintes au niveau de

l'association des professionnels de l'Alberta.

Quand on parle ici de "la valeur intrinsèque et extrinsèque" de toute l'activité minière, c'est sûr que la Loi sur les mines ici touche au terrain, à l'exploitation et à la mise en valeur. Mais il y a aussi autour de l'activité minière des financements importants qui se font au Québec. Du côté fiscal, le gouvernement investit beaucoup d'argent dans cela. Tout le monde investit, mais on se demande pourquoi personne ne s'est jamais arrêté pour dire: Est-ce que quelqu'un qui connaît cela l'a regardé comme il faut ou est-ce que c'est justement quelqu'un qui a une grande espérance de trouver une mine qui a décidé de faire cela?

M. Claveau: Je me permettrai juste une petite réflexion là-dessus, c'est que, pour connaître un peu le milieu, on dit souvent que le vieux prospecteur, le prospecteur traditionnel a le sens de la roche; il a un certain flair qui lui permet d'aller chercher des choses inespérées à des endroits où souvent les professionnels n'ont rien trouvé. Seriez-vous d'accord avec ce genre d'affirmation là?

M. Goupil: Non, parce que le prospecteur, souvent, va se baser sur des données professionnelles, des données d'aéroportés, du magnétisme ou des données semblables. Cela dépend du monde, cela dépend jusqu'à quel point il connaît son terrain et de ce qu'il a comme information qu'un autre n'a pas, mais un prospecteur n'est quand même pas un professionnel; c'est beaucoup plus un promoteur souvent. Dans certains cas, cela n'est pas vrai, dans certains cas le prospecteur est peut-être un géologue. Il y a des autodidactes, il y a des gens qui s'y connaissent aussi bien qu'un professionnel. Vous savez, il n'y a pas juste les professionnels qui ont la science, ce n'est pas vrai.

Alors, c'est difficile de dire: Un prospecteur aussi voit cela. II peut être un autodidacte, il peut être aussi bon qu'un autre géologue. Cela, je vous l'accorde. Mais, lorsque vient le temps de faire des prospectus ou d'impliquer l'argent du monde, il ne faudrait peut-être pas laisser cela ouvert. Dans notre association, on exige que quelqu'un ait des diplômes et de l'expérience pratique comme professionnel. On exige trois ans d'expérience et on prend des références sur ses employeurs pour voir s'ils ont été satisfaits, si ses décisions sont rentables.

Trouver une mine, c'est plus compliqué qu'on ne le pense. Cela ne coûterait pas 55 000 000 $, si un prospecteur savait où elles sont, il irait les chercher, j'imagine.

Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil. II vous reste une minute, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Une minute. Peut-être que vous me permettrez, en finissant, une petite question au ministre. Tout à l'heure, au début de son intervention il a semblé faire une différence entre le moment où on devait étudier la loi et les articles ou les règlements. Est-ce que j'ai bien compris que l'on divise cela ou si cela ne fait pas plutôt partie du même bloc?

Le Préaident (M. Baril): J'aimerais vous rappeler. M. le député d'Ungava, que je dois demander au ministre s'il est d'accord pour répondre à votre question parce que ce n'est pas le sujet.

M. Savoie: Je suis d'accord pour répondre à sa question.

Le Président (M. Baril): Merci. M. le ministre.

M. Savoie: Techniquement, les règlements vont apparaître à la Gazette officielle et c'est à ce moment-là qu'on s'attend à avoir une réaction de la part de l'industrie. Mais que les règlements soient discutés, on est ouvert à cela. On est ouvert à tout. Il n'y a aucune restriction.

M. Claveau: C'est ce que je comprenais. Je remercie, d'ailleurs, M. le ministre. Comme les règlements ont été déposés, enfin, ont été rendus accessibles à peu près en même temps que le projet de loi, on peut s'attendre que les mémoires traitent beaucoup des règlements, quand cela les concerne.

Le Président (M. Baril): Merci. Alors, M. le ministre, il vous reste six minutes.

M. Savoie: D'accord. Pour faire suite au dépôt du mémoire de votre association, M. Goupil, nous vous avons fait part de certaines modifications au projet de loi. Nous allons tenir compte également du fait que selon votre point de vue le troisième alinéa de l'article 219 n'est peut-être pas suffisamment explicite, qu'il devrait avoir un peu plus de portée. Cela sera examiné et j'ai confiance que les hauts fonctionnaires communiqueront avec vous afin de discuter davantage de cette question.

Vous avez comparé notre projet de loi avec celui de l'Alberta. J'espère qu'il s'y compare avantageusement. Pour ce qui est des géophysiciens, c'est sûr qu'en Alberta ils ont un peu plus de mise en valeur qu'au Québec. Évidemment, on parle de pétrole et la géophysique est beaucoup plus importante à l'heure actuelle au niveau du pétrole qu'au niveau des mines. Je suis certain que votre association est appelée à jouer un rôle

encore plus important au sein de l'industrie minière québécoise.

On a été très flattés par vos commentaires disant que la loi était très bien et qu'en gros cela recevait l'approbation de votre association. Bien sûr, il y a toujours des difficultés. On en est très conscient. J'espère qu'on méritera votre vote de confiance en tenant compte davantage de vos revendications et de vos commentaires. Merci.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Merci, M. Goupil.

M. Goupil: Merci, M. le député, M. le Président et les membres de la commission, de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Baril): Un instant, je vais demander au député d'Ungava de dire un mot.

M. Claveau: Je voudrais juste remercier brièvement M. Goupil pour être intervenu au nom de l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens du Québec et pour l'intérêt qu'il porte à ce projet de loi qui est sûrement d'une grande importance pour eux, en tant que professionnels dans ce domaine. Je voudrais l'assurer que nous donnerons toute l'attention nécessaire au traitement de ce mémoire au moment de la discussion du projet de loi article par article en espérant que le ministre ait déjà, avant d'en arriver à cette étape, largement modifié son projet de loi pour faire en sorte que l'étude article par article soit plus brève et plus rentable pour tout le monde.

Le Président (M. Baril): M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Savoie: Merci.

Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil.

J'appelle maintenant les représentants de Minéraux Noranda Inc., s'il vous plaît. Bienvenue. Je tiens aussi à vous rappeler que le temps alloué à Minéraux Noranda Inc. est une heure, soit: vingt minutes pour présenter votre mémoire, vingt minutes aux membres du gouvernement et vingt minutes aux membres de l'Opposition. M. le président, j'aimerais que vous me présentiez vos invités, s'il vous plaît.

Minéraux Noranda Inc.

M. Lefebvre (Michel): C'est bien. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, je vais d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent. À mon extrême droite, M. Jean Desrosiers qui est le directeur de la mine Lac Dufault.

Plus près de moi, c'est M. Patrice Cayouette qui est le directeur de la division Matagami. À ma gauche, près de moi, c'est M. Denis Francoeur qui est directeur de Explorations Noranda pour le nord-ouest du Québec. Plus à ma gauche, c'est M. Jean Bailly, directeur de la division Chadbourne.

M. le Président, j'aimerais d'abord remercier la commission d'avoir accepté de nous entendre. Je voudrais d'abord dire que Noranda, que nous représentons aujourd'hui, a pris naissance au Québec...

Le Président (M. Baril):. Un instant, monsieur. Pour les archives, est-ce qu'on pourrait savoir qui vous êtes?

M. Lefebvre (Michel): Michel Lefebvre. Excusez-moi. Je suis vice-président...

Le Président (M. Baril): Merci, M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Michel): Minéraux Noranda Inc. est née au Québec. Nous sommes d'ici et nous sommes fiers d'être d'ici. Nous avons contribué à l'essor ou à l'évolution économique du Québec depuis les années vingt. Actuellement, dans l'industrie du cuivre et du zinc, Minéraux Noranda Inc. emploie au Québec quelque 4300 personnes. Elle verse des salaires annuels de 142 000 000 $ et a des frais d'exploitation annuels d'environ 306 000 000 $. Nous avons donc un intérêt évident dans l'évolution de la loi minière au Québec. Comme je l'ai dit précédemment, nous sommes déterminés à continuer à travailler au Québec, mais nous savons que, pour ce faire, nous devons compter sur une législation adéquate et sur un ministère des mines ou des ressources naturelles clairvoyant et bien articulé.

Le projet de loi 161 contient plusieurs dispositions que nous trouvons fort intéressantes. Nous trouvons aussi fort intéressante la consultation préalable qu'il y a eu avant la formulation de ce projet de loi. Cependant, nous considérons que, dans le libellé actuel, le projet de loi 161 réduit l'importance accordée à l'industrie minière et en même temps l'importance accordée au ministre délégué aux Mines. (16 h 15)

Cette diminution est observée à quatre niveaux. Nous l'observons tout d'abord dans la gestion de la ressource ainsi que dans la gestion des résidus miniers. Nous la voyons aussi dans ta désignation du territoire ouvert à l'exploitation et à l'exploration minières et dans le rôle du ministre responsable vis-à-vis des autres ministères. Enfin, nous notons cette diminution dans le processus judiciaire et les pouvoirs d'expropriation.

En fait, nous désirons centrer notre intervention sur ce point que nous considérons crucial, c'est-à-dire la diminution

que nous percevons dans l'importance accordée à l'industrie minière. Parlons d'abord de la définition et de la gestion des résidus miniers. Le ministre, dans le projet de loi, abandonne, à toutes fins utiles, son autorité sur la gestion des résidus miniers pour ne conserver qu'un droit de regard sur les sites. En fait, cela provoquera une multiplication des intervenants dans ce domaine et entraînera par le fait même une multiplication des interventions.

D'autre part, la définition de résidus miniers comme telle ne colle pas à la réalité de l'industrie minière. On exclut la fraction liquide du concept de résidu minier. Or, dans l'industrie des métaux de base, les résidus miniers sont liquides à 50 %. Dans l'industrie de l'or, par exemple, Je procédé de cyanuration est fondamentalement en phase liquide. C'est donc dire que, lorsqu'on enlève la fraction liquide de la notion de résidu minier, on enlève 50 % ou 100 % des résidus miniers. Cela veut dire qu'au moins 50 % des résidus miniers ne seront dorénavant plus des résidus miniers, ce qui est assez aberrant. C'est d'autant plus important qu'il faut se rappeler que l'industrie minière mine des minerais à 10 % ou 15 % quand ce sont des minerais riches et des minerais à 2 % ou 3 % quand ils sont plus ordinaires. Dans l'or, on parle de 0,10 once à la tonne. C'est donc dire que la vaste majorité des matériaux manipulés par l'industrie minière se retrouvent dans les résidus. Ce n'est que l'infime partie qui est récupérée.

Un peu plus tard, à l'article 227, le ministère veut se garder un droit de regard sur l'exploitation minière. On peut se demander quel droit de regard le ministère pourra avoir si, en partant, on laisse tomber le gros de ce que constitue l'exploitation minière comme telle.

Une autre chose. Le concept de résidu minier tel que proposé se limite aux roches stériles. Or, dans la pratique, il existe des milliers de tonnes de matériel qui, sans être parfaitement stériles, ne contiennent quand même pas suffisamment de métaux pour être exploitées économiquement. Ces matériaux sont classés par l'industrie comme des résidus. Dans la nouvelle définition, ces milliers de tonnes de matériaux qui, dans le métier, sont des résidus, dans la loi, dorénavant, ne seront plus des résidus.

Nous recommandons, face à ces problèmes, de remplacer la définition du terme "résidus miniers" par la suivante: "résidus miniers: les résidus provenant de l'extraction ou du traitement des substances minérales et les résidus provenant des opérations de pyrométallurgie."

Nous recommandons aussi le maintien de la gestion de tous les résidus miniers par le ministre en charge et l'industrie minière, que nous considérons la seule ressource spécialisée au service de l'industrie minière. Nous recommandons enfin que le ministre en charge de l'industrie minière reste le seul interlocuteur de l'industrie minière.

Nous notons également une réduction de l'importance que l'on accorde à l'industrie minière dans la diminution du territoire ouvert à la prospection et à l'exploitation. En fait, le projet de loi 161 nous donne l'impression que la ressource minérale semble être devenue la dernière préoccupation du gouvernement. La ressource minérale passe après les réserves indiennes, la faune, la flore, les parcs, les cimetières, les municipalités et j'en passe. On a l'impression que, s'il reste de la place au Québec, on pourra y faire une mine; sans cela, on ne peut pas faire de mine. Non seulement on ne peut pas exploiter toutes ces places, mais aussi, on ne peut pas explorer. Intellectuellement, c'est choquant. En principe, c'est élever le dicton "Fontaine, je ne boirai pas de ton eau". Je pense qu'on se prive de la connaissance du lieu et, intellectuellement, ce n'est pas correct, comme je l'ai dit.

Nous croyons à une saine gestion de l'environnement, nous croyons à une saine gestion des autres richesses de la nature, mais nous ne pensons pas que cette gestion doive se faire au détriment de la connaissance de nos ressources minérales et du développement économique d'une région qui peut s'ensuivre.

Dans ce domaine, les recommandations que nous faisons sont les suivantes: Nous recommandons que la ressource minérale occupe une place de choix dans la hiérarchie des préoccupations gouvernementales et qu'elle ne soit pas recluse aux territoires inoccupés par d'autres activités. Nous recommandons de maintenir à l'industrie minière le droit de prospecter sur tout le territoire afin d'en découvrir le potentiel minier et économique et de pouvoir ainsi porter un jugement éclairé sur les choix à faire.

Toujours sous le thème de la diminution de l'importance accordée à l'industrie, nous notons aussi l'envahissement, par les autres ministères, des pouvoirs octroyés au ministre de l'Énergie et des Ressources. Nous remarquons un recul par rapport au ministère des Transports, au ministère de l'Environnement et également au ministre délégué aux Forêts. À titre d'exemple, tout ce qui concerne les chemins miniers relève du ministère des Transports. Par ailleurs, également, le concept du chemin minier lui fait perdre la fonction d'outil de développement qu'il avait antérieurement. Auparavant, le chemin minier pouvait précéder le droit minier. Dans le projet de loi 161, il nous apparaît que le chemin minier doit nécessairement suivre le droit minier.

D'autre part, nous trouvons que le ministre de l'Environnement et le ministre

délégué aux Forêts exercent une influence considérable sur l'industrie minière par le biais du projet de loi 161. De façon indirecte, ces ministères peuvent légiférer en matière minière. Nous ne prétendons pas que le ministre délégué aux Mines doive supplanter l'un ou l'autre de ces ministres, mais nous maintenons que, tout au moins, le ministre délégué aux Mines doit être au su de ce qui se passe et que toute loi indirecte devrait avoir reçu au préalable l'aval du ministre responsable des mines.

Dans ce domaine, nos recommandations sont les suivantes: Nous recommandons l'abolition de la législation par renvoi et l'inclusion, dans la Loi sur les mines, des différentes normes applicables à l'industrie minière. Nous recommandons que le ministre responsable de l'industrie minière demeure le maître d'oeuvre de cette loi et en assume l'entière administration tant en matière d'environnement qu'en matière de chemin minier. Nous voulons un ministre dynamique et actif dans tous les secteurs de l'industrie, et non un ministre gérant des secteurs inoccupés par les autres ministères.

Nous recommandons également le maintien de la définition actuelle de l'expression "chemins miniers" ainsi que la conservation des buts, modes d'exécution et paiement relatifs aux chemins miniers édictés aux articles actuels 264, 263 et 266 de la Loi sur les mines actuelle.

Nous recommandons enfin qu'une définition de l'expression "chemins miniers secondaires" se retrouve au projet de loi et que la gestion de ces chemins miniers secondaires soit entièrement dévolue au ministre responsable des mines.

Nous notons aussi une diminution de la protection judiciaire accordée à l'industrie minière. La loi actuelle offre une importante protection à l'industrie minière par un juge spécialisé dans les mines ainsi que par des appels possibles à la Cour d'appel du Québec. Or, le projet de loi 161 fait d'abord disparaître le juge des mines, accroît les pouvoirs discrétionnaires du ministre - et ces pouvoirs sont souvent sans appel - et rend les jugements de la Cour provinciale également sans appel. Les litiges possibles dans l'industrie minière sont suffisamment sérieux, tant au point de vue des principes qu'au point de vue économique, pour justifier le maintien d'un droit d'appel. Les litiges peuvent être suffisamment techniques pour maintenir un juge spécialisé dans les mines.

Nos recommandations sur ces points, M. le Président, sont les suivantes: Nous recommandons le maintien du droit d'appel en Cour d'appel du Québec, nous recommandons le maintien d'un juge des mines spécialisé, nous recommandons le maintien d'une juridiction élargie pour le juge des mines et, enfin, nous recommandons particulièrement que toute décision du ministre pouvant affecter les droits d'un membre de l'industrie minière soit appelable à la Cour provinciale.

Pour terminer nos remarques sur la diminution de l'importance accordée à l'industrie minière, nous signalons la diminution des droits d'expropriation. Le projet de loi 161 veut faire la synthèse en deux articles de ce que la loi actuelle exprime en cinq articles. Nous avons l'impression que l'industrie minière y perd au change. Dans la loi actuelle, l'expropriation est un droit, seules les indemnités sont contestables. Le projet de loi 161 abandonne ce principe. Dorénavant, le droit à l'expropriation sera contestable lui-même au niveau de la Loi sur l'expropriation. Ceci va engendrer des délais inexplicables qui cadrent mal avec la nature de l'industrie minière. En fait, tout, dans l'industrie minière, est fonction du temps. Les droits miniers sont fonction du temps, de même que les minerais ou le prix des métaux. Alors, par cette nouvelle procédure, nous avons l'impression qu'il s'agira de faire des guérillas judiciaires et on pourra retarder de plusieurs années l'exercice de droits miniers. (16 h 30)

Nos recommandations dans ce domaine sont les suivantes: Nous recommandons le maintien des droits et procédures d'expropriation prévus aux articles 249 à 253 de la loi actuelle. Ces articles nous apparaissent plus clairs et plus concis que la procédure établie actuellement.

Le Président (M. Baril): J'aimerais vous dire qu'il vous reste à peu près une minute. Je vous laisse terminer votre document, si vous pouviez le simplifier un petit peu.

M. Lefebvre (Michel): En fait, j'ai fini, M. le Président, la partie qui concerne -comme je l'ai dit au début - ce que nous considérons comme étant d'importance cruciale. Les commentaires qu'il me reste à faire sont sur des articles spécifiques, comme, par exemple, l'article 220 qui parle de gaz naturel. Nous prétendons que ce qui existe actuellement dans le projet de loi va être un embêtement monumental pour l'industrie minière. C'est courant dans l'industrie minière de rencontrer des poches de qaz ici et là. D'après le texte du projet de loi actuel, cela veut dire que toute petite poche de gaz va susciter une correspondance avec le ministre. Sur l'article 227 qui parle de récupération optimale, je suis fort conscient que le ministère a fait beaucoup d'efforts pour formuler cette chose. Nous reconnaissons aussi que la ressource minérale appartient à la couronne et qu'en conséquent le ministre, non seulement peut, mais doit avoir un droit de regard. Nous pensons cependant qu'un droit de regard ou une gestion efficace de la ressource minérale va

au-delà de gérer simplement les activités physiques d'extraction et de traitement. Cela doit aussi inclure la gestion plus générale de tout l'ensemble du contexte minier, ce qui inclut les résidus, les accès et l'impact sur l'environnement. On déplore particulièrement, dans le libellé actuel de l'article 227, l'idée que tout exploitant peut ou est potentiellement un exploiteur. Nous sommes également, comme la plupart des autres entreprises minières, inquiets de l'interprétation qui sera donnée à "économiquement exploitable". Ailleurs dans la loi, on fait référence à des professionnels pour garantir, si vous voulez, la qualité d'un travail. Nous croyons qu'il procède du même principe d'exiger que les exploitations minières soient, elles aussi, sous la surveillance d'un professionnel de l'extraction minière. On pense que, de cette façon, les chances qu'une exploitation optimale soit obtenue sont bien meilleures que par des inspections ponctuelles. Je pense que mon temps est déjà écoulé. C'est le principal de ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup, M. Lefebvre. M. le ministre.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Lorsque Minéraux Noranda Inc. et, en particulier, M. Lefebvre, fait part de son inquiétude parce qu'il y a une réduction de l'importance de l'industrie, de la place que l'industrie joue dans notre société dans ce projet de loi, une diminution du pouvoir du ministre ou du ministère dans l'exécution de la Loi sur les mines et la direction de l'industrie, on doit prêter oreille, on doit écouter avec beaucoup de soins. On doit réviser sa position. Noranda est une compagnie qui est très active au Québec. Son activité est énorme. Elle joue un rôle avec beaucoup de prudence. Je voudrais dire qu'elle est un bienfaiteur pour le Québec. Elle joue son rôle avec beaucoup de doigté. Une telle remarque venant de cette industrie me fait me poser toutes sortes de questions concernant justement cette réduction. Je croyais qu'amener la loi dans l'orientation qu'on donne actuellement à l'ensemble de la législation, l'entrer en quelque sorte dans le contexte où on dit: Bon, l'environnement s'occupe de l'environnement et chaque ministère joue un peu mieux son rôle à l'intérieur de la Loi sur les mines, cela me semblait tout à fait acquis si Noranda... J'imagine que M. Lefebvre partage personnellement cette opinion et cela me fait réfléchir. Je devrais en conséquence examiner davantage la position qu'il présente. Nous pourrons peut-être avoir des échanges sur d'autres points que vous avez soulevés. On a quelques questions à vous poser également. Pour ce qui est des résidus miniers, toutefois, soyez confiant que nous avons tenu compte de vos commentaires. Il n'y a pas un accord parfait entre votre mémoire et la position du ministère, par exemple, sur toute la question de la définition de roche stérile. On utilise la définition du dictionnaire. Par exemple, dans le Larousse, on définit une roche stérile comme une roche non utilisable comme minerai. Cela ne présente pas trop de difficultés. Toutefois, le MER est disposé à revoir cette définition pour s'assurer qu'elle traduit bien ses intentions. J'imagine qu'il y aura des communications avec vous.

Pour ce qui est du droit d'appel qui a fait l'objet d'autres mémoires et d'autres interventions, nous sommes déjà en voie de revoir notre position pour ce qui est du droit d'appel d'une décision de la Cour provinciale.

Pour ce qui est de l'expropriation, il semble que votre position soit moins claire. Nous comprenons que... Pourquoi, au juste, jugez-vous que les pouvoirs d'expropriation prévus à la loi actuelle, les articles 249 à 253, sont plus complets que les articles 228 et 229 du présent projet de loi? De notre côté, on le voit comme une continuation des procédures actuelles. On ne voit pas cela comme une diminution. On ne voit pas cela comme une perte et on vous demanderait de vous expliquer. Étant donné que j'ai seulement vingt minutes et que vous empiétez sur mon temps, j'aimerais avoir un élément de célérité dans la réponse.

Le Président (M. Baril): M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Michel): D'abord, M. le ministre, dans la loi actuelle, le droit à l'expropriation est un droit acquis. Ce qui est contestable, ce sont les indemnités. La loi actuelle - je n'ai pas l'article - dit que pourvu que l'exploitant se conforme aux normes, le droit d'expropriation est acquis tandis que dans la nouvelle loi, le droit même d'expropriation sera contestable. Par contre, les articles 228 et 729, à mon sens... Quand j'ai lu cela pour la première fois, je me suis dit: L'article 229 dit exactement la même chose que l'article 228 et je me suis fait la réflexion: Cela ne doit pas être exactement cela. Il a fallu que je le relise. Dans le sens que j'interprète cela, on peut exproprier, par exemple, un droit de passage sur une propriété voisine, mais pourvu que votre propre propriété soit déjà en terrain non minier. Si votre propriété est sur un terrain qui n'a pas été cédé à d'autres fins, vous n'avez pas le droit de... Le droit est accordé seulement à ceux qui sont sur... Le titulaire de droit minier qui exploite une mine sur une terre concédée -d'accord? - à des fins autres que minières peut, sur tout autre terrain que celui qui fait... On dit: le titulaire de droit minier qui exploite une mine sur des terres concédées à des fins non minières, cela veut dire que si

j'exploite une mine sur une ZEC, je peux, d'après ce texte, exproprier un droit de passage sur la ZEC voisine. Si par malchance ma propriété n'est pas déjà sur une ZEC, je ne pourrais pas faire cela, parce que la loi dit: Le titulaire de droit minier qui exploite une mine sur une terre concédée à des fins autres que minières, peut... Alors, celui qui exploite une mine sur des terres qui n'ont pas été concédées à des fins autres que minières, ce n'est pas dit que lui aussi peut... Je ne sais pas si vous me saisissez.

M. Savoie: Oui, je vous saisis, mais on me dit qu'une ZEC n'est pas une terre louée, c'est une concession. Il y a une nuance. Ce que je suis prêt à suggrer, si vous êtes d'accord, M. Lefebvre, c'est que peut-être en désignant un ou deux de vos juristes-conseils, ils seraient prêts à s'asseoir avec les avocats-conseils qu'on a au ministère pour échanger, pour arriver à une clarification de votre position en ce qui concerne le droit d'expropriation. Je ne voudrais pas, il n'est certainement pas de ma volonté que le droit d'expropriation que possèdent les compagnies minières, les exploitants, soit mis en doute par ce présent projet de loi. Je voudrais que les explications qu'on vous fournit concernant les pouvoirs d'expropriation soient très claires, hors de tout doute et à votre satisfaction. En conséquence, je propose que, peut-être cette semaine ou la semaine suivante, il y ait une rencontre entre votre contentieux et le contentieux du ministère pour échanger et qu'il y ait clarification de ces positions à votre satisfaction.

M. Lefebvre (Michel): C'est bien, M. le ministre.

Le Président (M. Baril): M. le ministre.

M. Savoie: Je reviens à la question du recul. Vous mentionnez à la page 16 de votre mémoire que le projet de loi constitue un net recul. Vous référez entre autres à la situation des chemins miniers. Pourtant, la construction et l'entretien des chemins miniers relève de la compétence du ministre des Transports depuis 1972 et le ministre de l'Énergie et des Ressources exerce depuis cette date sa juridiction sur les chemins miniers secondaires. On dit "le ministre de l'Énergie et des Ressources", mais en réalité son pouvoir est délégué et c'est moi qui suis le détenteur de ce pouvoir en tant que ministre délégué aux Mines. Je suis le seul à pouvoir administrer la loi. Est-ce que les gens de Minéraux Noranda Inc. pourraient nous souligner les problèmes que représente le maintien du statu quo en ce qui a trait aux chemins miniers?

M. Lefebvre (Michel): Bien, comme on l'a dit, M. le ministre, dans notre mémoire, d'abord, dans la loi actuelle, le chemin minier précède le droit minier, c'est-à-dire que dans la loi actuelle le ministère des Ressources naturelles pouvait faire construire des chemins miniers avant même qu'il y ait des propriétés minières dans une région. À ce moment, le chemin minier pouvait être utilisé comme un outil de développement minier. Tandis que, dans la loi actuelle ou le projet de loi actuel, il nous apparaît très clair que le chemin minier suivra le droit minier. Il va d'abord falloir y avoir des droits miniers existants pour qu'on puisse penser construire un chemin minier.

M. Savoie: Finalement, si je comprends bien, c'est qu'à l'article 235 vous présumez que le texte qui se lit: "Pour faciliter l'exercice de droits miniers", cela sera interprété restrictivement, dans le sens où on dira qu'il doit y avoir un droit minier pour que l'exercice puisse avoir lieu. Est-ce exact?

M. Lefebvre (Michel): C'est ce que nous comprenons, M. le ministre.

M. Savoie: Ce n'est pas cela qu'on veut dire. Nous allons examiner l'introduction de l'article 235 de plus près. Je vais peut-être consulter notre contentieux pour être certain que cela élimine tout doute.

Une voix: On peut très bien construire une route...

M. Savoie: Oui. Cela porte vraiment sur le début de l'article 235 et rien d'autre.

M. Lefebvre (Michel): Oui, c'est qu'en fait...

M. Savoie: "Pour faciliter l'exercice de droits miniers..."

M. Lefebvre (Michel): C'est cela.

M. Savoie: ...cela présume... Vous dites...

M. Lefebvre (Michel): ...que des droits miniers existent.

M. Savoie: ...existent. Alors, on ne pourrait pas accorder une route, un chemin, sans savoir qu'il existe un droit.

M. Lefebvre (Michel): C'est cela. (16 h 45)

M. Savoie: C'est cela. Je vais consulter de nouveau, mais, cela nous semble relativement clair. Je vais faire une vérification additionnelle.

Il me reste cinq minutes.

Le Président (M. Baril): Neuf minutes.

M. Savoie: Je pense que vos commentaires sur le gaz ne tombent pas dans le vide. Et il y a toujours l'article 227 qui revient dans tous et chacun des mémoires, la crainte qu'il manque peut-être un peu de définitions autour de cet article puisque fermer une mine, c'est grave. Vous sentez, ayant vécu d'autres moments, que cela pourrait en quelque sorte être utilisé à d'autres fins que purement d'écrémage. Nous avons apporté tout le soin nécessaire lors des explications qu'on faisait de l'article 227 pour souligner qu'il serait très difficile... Pour un ministre qui abuse de son pouvoir, cela peut toujours se produire, mais qu'un tribunal ratifie cet abus de pouvoir, c'est cela qu'il faudrait effectivement empêcher. On pense que l'article est justement formulé de façon à accorder la protection nécessaire à une exploitation minière. Les mots "récupération optimale" plutôt que "maximale", des structures comme cela, apportent suffisamment, croyons-nous, de contraintes ou d'indications à un juge que, s'il y a abus ou s'il y a doute, ce sera interprété en faveur de l'exploitant et non du ministre. Mais là encore, compte tenu que c'est Noranda, en particulier, je vais certainement le reqarder de nouveau.

En me gardant un peu de temps pour revenir un peu plus tard, je pourrais peut-être céder la parole à mon confrère.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer mon intervention en remerciant M. Lefebvre en tant que vice-président des opérations de Minéraux Noranda ainsi que ses collègues qui l'accompagnent ici. Je veux souhaiter la bienvenue en particulier à M. Cayouette qui est responsable des opérations de la mine Lac Matagami à Matagami et qui est par le fait même un de mes concitoyens avec qui j'ai à traiter à l'occasion de questions minières.

Cela étant dit, je considère que le mémoire de Noranda est très intéressant et très complet, cossu. Il décrit bien un certain nombre de réalités dans le domaine minier. Ma constatation à la première lecture du mémoire, c'est que Minéraux Noranda attache beaucoup d'importance a la notion de résidus versus la récupération optimale. Cela revient à plusieurs endroits dans le texte sous toutes sortes de formes. Effectivement, je crois que le ministre fait une très bonne réflexion en disant qu'il devra s'attarder à son fameux article 227 pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'abus de pouvoirs ou enfin, que cet article ne pourra pas être utilisé à des fins autres que ce pour quoi il l'a pensé avec son personnel. Mais, pour la commission, est-ce que vous pourriez, M. Lefebvre ou quelqu'un d'autre, nous donner précisément une situation, un cas où, par exemple, d'après vous, dans un gisement polymétallique ou autre, il peut arriver que le ministre prenne des décisions que lui, en tant qu'individu ou son personnel en tant que spécialiste en la matière, pourrait croire reliées à la rentabilité ou à l'efficacité, ô l'écrémage, comme le dit le ministre, alors que pour vous, cela pourrait s'avérer vraiment catastrophique si vous deviez vous plier aux exigences du ministre? Est-ce que vous auriez déjà en tête des cas semblables?

M. Lefebvre (Michel): Non, je n'ai pas en tête des cas précis. En fait, tout réside dans l'interprétation qu'on va donner à la notion d'"économiquement exploitable". Selon la philosophie politique que l'on partage, selon les principes économiques que l'on défend, cette définition d"'économiquement exploitable" peut varier d'un individu à l'autre. Je suis fort conscient, comme je l'ai dit au début, que cet article a fait l'objet d'études prolonqées. J'ai personnellement assisté à des discussions impliquant d'autres personnes de l'industrie minière et des gens du ministère sur cela. Il y a beaucoup de tordage de cerveau pour arriver à trouver les mots justes. Maintenant, comment s'assurer que la vertu va être pratiquée, ça, c'est une autre paire de manches.

M. Claveau: D'accord. Mais je me dis que, d'une part, il y a une préoccupation légitime - et vous l'avez dit vous-même -concernant l'État de faire en sorte de s'assurer de maximiser la rentabilité des opérations minières, de maximiser la rentabilité de Ja ressource minière et qu'il y ait le moins de gaspillage possible. Par contre, vous semblez dire aussi qu'il est très difficile d'articuler un texte de loi qui ferait en sorte qu'il n'y ait pas d'abus ou vous vous demander si, sous la pression d'un tel ou d'un tel, on n'arriverait pas à se servir de cela pour coincer un producteur. Je prends par exemple le cas où on pourrait imaginer, à la limite, que pour toutes sortes de fins qui pourraient même échapper à la raison du ministre, on arriverait à obliger un producteur qui fonctionne dans une zone de chalcopyrite à récupérer l'atome de fer qu'il y a dans sa formation de chalcopyrite au moment où il ramasse son cuivre, ce qui pourrait être désavantageux pour lui au profit d'un autre producteur qui fonctionnerait dans une zone cuivre-zinc où il n'y a pas ce problème ou, enfin, des trucs semblables. Je me demande, en fin de compte, comme vous le faites si bien dans le cas des résidus, si vous n'auriez pas une autre formulation à nous proposer qui pourrait essayer de rallier les deux parties ou les deux préoccupations qu'on a sur la table.

M. Lefebvre (Michel): En fait, M. le député, ce qu'on propose comme solution, c'est qu'au lieu de s'assurer de la récupération optimale à l'aide d'enquêtes ponctuelles, on suggère que le projet de loi recommande l'utilisation de professionnels de l'extraction minière pour diriger ou surveiller les opérations d'extraction minière. On pense que les exercices d'enquête et de recherche devraient être faits uniquement dans le cas où les opérations sont grossièrement en dehors du bon sens ou ne sont pas suivies par des professionnels de l'extraction minière.

M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse, M. le vice-président.

Dans votre mémoire, vous parlez entre autres du maintien du droit d'appel comme nécessaire à la suite d'une décision qui pourrait être prise par le ministre ou un de ses délégués ou par un juge de la Cour supérieure à la suite de l'abolition du poste de juge des mines. Vous dites en même temps que l'on devrait maintenir le poste de juge des mines. Est-ce qu'on pourrait vous entendre sur ces deux points, le droit d'appel et le poste de juge des mines?

M. Lefebvre (Michel): D'abord, dans le droit d'appel, je pense que tout citoyen normal au Québec a un droit d'appel et que pour très peu de personnes physiques et morales au Québec, un jugement de la Cour provinciale est un jugement final et sans appel. Dans ce domaine, je pense que pour l'industrie minière comme pour n'importe quel autre contribuable, un jugement de la Cour provinciale devrait être appelable. Quant au juge des mines, nous croyons que les questions minières peuvent, comme je l'ai dit, être suffisamment importantes du point de vue des principes et du point de vue économique pour justifier un juge, d'autant plus que beaucoup de ces questions sont éminemment techniques. Encore là, on voit mal comment un juge ou l'autre de la Cour provinciale pourrait avoir plus de compétence qu'un juge spécialisé qui, pendant plusieurs années, s'occupe exclusivement de questions minières. Ce juge développe nécessairement une compétence que les juges de la Cour provinciale n'ont habituellement pas.

M. Claveau: Je vous remercie. Dans un autre ordre d'idées, je voudrais faire référence à la notion d'intérêt public dont vous traitez amplement dans votre mémoire, entre autres dans vos réflexions à la page 14, et dont traite un autre mémoire dont on a discuté antérieurement où il était question de la délimitation des périmètres urbanisés par rapport aux plans d'aménagement des MRC. Le ministre disait: Je crois qu'il faudra que l'on déborde du cadre d'application des plans d'aménagement des

MRC pour pouvoir aller un peu partout sur le territoire. J'aimerais savoir où vous vous situez là-dedans, d'autant plus que l'on doit, en principe, supposer que le plan d'aménagement du territoire est là pour protéqer certains intérêts publics, certains services pour l'ensemble de la population et aussi parce que nous savons que l'Union des municipalités régionales de comté entreprend actuellement une vaste campagne de sensibilisation de l'opinion publique visant à défendre les schémas d'aménagement régionaux. On peut supposer que le projet de loi 161, si on garde l'interprétation qu'on en a au bureau du ministre, va entrer en conflit cinglant avec les préoccupations et les intérêts légitimes des MRC, d'ailleurs légitimés par la loi 125 qui obligeait les municipalités régionales de comté à établir des schémas d'aménagement. J'aimerais entendre vos réflexions là-dessus et savoir où vous vous situez, d'abord, par rapport à la notion d'intérêt public, tout cela relié aux schémas d'aménagement. J'aimerais connaître le genre de relations que vous croyez que l'industrie minière devrait développer et entretenir avec les MRC.

M. Lefebvre (Michel): En fait, comme on l'a dit, on a l'impression, à la lecture du projet de loi 161, que l'industrie minière est devenue une préoccupation secondaire du gouvernement. Selon nous, l'industrie minière est une industrie importante au Québec. On ne pense pas qu'elle doive supplanter ou déplacer les autres industries, mais on pense que, en ce qui concerne la ressource minérale, on devrait avoir au moins la probité intellectuelle de se donner la chance de voir ce qui existe avant de fermer une région à la prospection et à l'exploitation. Qu'on se donne, en tant que groupe, la chance d'acquérir les connaissances nécessaires à faire des choix sensés.

Par exemple, il y a un article de la loi 161 qui - je ne me souviens plus lequel -même si un espace a déjà été reconnu comme espace minier ou que l'exploration est déjà entreprise, accorde au ministre le droit de suspendre l'exploration pour l'intérêt public. Qu'est-ce que l'intérêt public? On se le demande. J'ai dit que l'industrie minière semblait être une préoccupation de dernier ordre, c'est à tel point vrai que même les territoires que, jusqu'à présent, l'on considérait exploitables peuvent, par décision, demain ne plus être exploitables, même si des concessions minières ou des droits de prospection ont déjà été accordés. On est un peu classifié comme les fumeurs. On nous accepte, mais on nous refoule au bout de l'avion et on s'en glorifie. Il y a même des vols pour les non-fumeurs. Le Québec pourra peut-être se glorifier un jour d'être une province sans mines. (17 heures)

M. Claveau: À la suite de la réflexion que vous venez de faire, comment vous situez-vous face à l'espèce de prépondérance qu'au départ, dans son projet de loi, le ministre donne au développement de l'industrie hydroélectrique, entre autres, en soustrayant au jalonnement minier tout bassin de rivière ayant un potentiel supérieur à 225 kilowatts?

M. Lefebvre (Michel): Cela fait partie des commentaires qu'on fait justement sur ce point. On trouve incorrect que l'industrie minière passe après un tas de choses, y compris la ressource hydroélectrique. L'article auquel je faisais allusion tout à l'heure, c'est l'article 76.

M. Claveau: Si je comprends bien, vous dites au ministre, sans le dire, qu'il fasse son travail de ministre délégué aux Mines et qu'il laisse les autres faire leur travail de ministre dans les autres secteurs, que sa première préoccupation doit être de défendre l'industrie minière et de faire en sorte qu'elle se développe, et que ce n'est pas dans une loi sectorielle telle la Loi sur les mines que l'on doit établir des barèmes ou des balises qui vont en diminuer les champs d'application.

M. Lefebvre (Michel): Dans notre mémoire, nous disons foncièrement que Noranda s'est développée au Québec et qu'elle a participé à la prospérité du Québec, parce qu'elle a foncé de l'avant, mais aussi parce qu'elle a bénéficié de l'appui d'un ministère et d'une loi minière dynamiques. On souhaiterait que, dans l'avenir, le ministère, le ministre délégué aux Mines et la loi régissant l'industrie minière continuent d'être dynamiques et bien articulés et nous continuerons à faire notre bout.

M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse.

Je voudrais quand même revenir un peu sur la question des territoires. Quand vous dites, à la page 15 de votre mémoire -d'ailleurs, vous avez insisté là-dessus lors de votre présentation - "le droit de prospecter sur tout territoire afin d'en découvrir le potentiel minier et économique", ne trouvez-vous pas que c'est quand même un peu large comme définition et que c'est très peu contraignant? Quand on parle de "tout territoire", il y a quand même, à la limite, des territoires où, même si on venait à découvrir un potentiel minier énorme, on se retrouverait dans une situation où on ne pourrait pas, à toutes fins utiles, l'exploiter.

M. Lefebvre (Michel): C'est fort possible qu'il y ait des endroits que tout le monde va reconnaître spontanément comme ayant une valeur telle qu'il n'y a aucune valeur minérale possible pour suppléer à cette valeur. Par contre, dans beaucoup d'autres endroits, il faut penser que la valeur minérale est unique en ce qui concerne le lieu et qu'elle est souvent unique en ce qui concerne le temps. On peut, à la limite, déplacer un parc de quelques kilomètres, mais on ne peut pas déplacer un gisement de quelques pieds. On peut, à la limite, faire ou défaire un parc. Il y a des gisements qui sont exploités actuellement qui, il y a quelques années, n'étaient pas exploitables et il y en a d'autres qui, dans quelques années, ne seront plus exploitables. Il faut bien se mettre dans la tête que la ressource minérale est une ressource qui a une unicité de lieu et une unicité de temps, tandis que plusieurs autres aménagements qu'on veut faire peuvent être déplacés sans dommage important à ce qu'on veut faire.

M. Claveau: Merci. Noranda a, à mon avis, une préoccupation particulière très légitime, entre autres dans le secteur de Matagami où vous êtes, à toutes fins utiles, à l'origine de la municipalité pour y avoir travaillé depuis ce temps On sait aussi que la municipalité de Matagami se trouve à l'extrémité sud d'un futur réservoir qui pourrait voir le jour avec l'avènement ou la construction du projet NBR, quoique, dans les plans d'Hydro-Québec, cela ne semble pas être une priorité pour le moment. C'est du moins ce que les gens d'Hydro nous disaient il y a quelques jours à peine, dans cette même salle. Mais je suppose que vous avez là une préoccupation qui, d'ailleurs, entre directement en contradiction avec le texte du projet de loi quand on parle de l'impossibilité de jalonner sur le bord de certaines rivières qui seraient à des fins de production hydroélectrique.

Comment vous situez-vous, par exemple, en ce qui concerne la prépondérance du développement d'un énorme gisement minier en plein coeur d'un site qui devrait devenir, dans vingt ou quinze ans, un réservoir d'une centrale hydroélectrique? Croyez-vous que vous devriez intervenir en premier, quitte à ce que l'aménageur hydroélectrique change ses plans et modifie les courbes de terrain de son réservoir ou dites-vous: C'est clair, les plans d'Hydro-Québec, en particulier, font en sorte que si mon claim se retrouve en plein milieu d'un réservoir, à ce moment-là, je dois lui laisser la ressource et la prépondérance? Comment vous situez-vous dans ce contexte?

Le Président (M. Baril): II reste une minute, M. Lefebvre.

M. Lefebvre (Michel): Ce que je dis dans ce contexte, c'est que la première chose à faire est d'abord d'identifier le potentiel. Une fois qu'on aura identifié le

potentiel, c'est là, probablement, qu'on va avoir des problèmes, c'est-à-dire qu'on va avoir des choix à faire. Si la ressource minérale qui nous apparaît exploitable a une valeur plus grande que la ressource électrique ou si, comme vous l'avez si bien dit, dans dix, quinze ou vingt ans, ce pourrait être un réservoir électrique. Si cela peut être un réservoir hydroélectrique dans vingt ans, il est possible que d'ici vingt ans on puisse extraire d'abord le gisement. Il faut, à mon point de vue, se donner la chance de pouvoir faire les choix qui s'imposent.

M. Claveau: Je vous remercie, M. le vice-président.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le député d'Ungava. M. le ministre, il vous reste sept minutes.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Une petite note, d'abord, pour ce qui est du juge des mines. Du fait que c'est transféré à la Cour provinciale - en quelque sorte, le juge des mines est remplacé par un juge de la Cour provinciale, mais qui est quand même spécialisé - on ne tombe pas sur n'importe qui, techniquement.

Je voudrais revenir un peu sur la question des résidus miniers. À votre avis, l'installation d'un fonds de restauration auquel participerait l'industrie minière pourrait-elle s'avérer une alternative intéressante à l'obligation de s'être conformé à la Loi sur la qualité de l'environnement pour pouvoir abandonner un bail ou une concession?

M. Lefebvre (Michel): Oui.

M. Savoie: Seriez-vous en faveur de l'imposition d'un bon en garantie pécuniaire pour assurer à l'État que les résidus miniers soient restaurés avant l'abandon des opérations minières?

M. Lefebvre (Michel): Je vois mal la différence entre ce que vous m'avez dit... D'abord, un bon, une valeur en garantie ou créer un fonds; je pense que cela pourrait être l'un ou l'autre, mais non pas l'un et l'autre.

M. Savoie: L'utilisation de la formule du bon serait-elle convenable?

M. Lefebvre (Michel): J'aimerais mieux la création d'un fonds plutôt que le paiement d'un bon. Autrement dit, ce que je veux dire par là, M. le ministre, c'est que j'aimerais mieux l'idée que l'exploitant paie une certaine somme au fur et à mesure de son exploitation de façon à créer un fonds plutôt que de forcer l'exploitant, avant même d'avoir commencé à exploiter, à payer, dès le départ, une prime ou une surprime. J'aimerais qu'on laisse à l'exploitant la chance de générer du "cash flow" avant d'exiger de payer davantage.

M. Savoie: C'est cela. Finalement, votre position est la suivante: le ministère de l'Environnement doit être absent de l'application de la Loi sur les mines pour ce qui est des résidus miniers.

M. Lefebvre (Michel): Oui. En fait, je ne pense pas que le ministère des mines ou que l'industrie minière puisse se foutre de l'environnement. Mais je pense qu'en ce qui concerne l'environnement, cela devrait être les gens du ministère des mines qui appliquent les normes aux mines, tout comme c'est la police de la ville de Québec qui fait respecter les lois à Québec et non pas la police provinciale. La police de Québec fait autre chose que ramasser l'argent des parcomètres; elle a la charge complète. De même, je pense que le ministère des mines devrait avoir la charge complète et cela inclut l'impact environnemental.

M. Savoie: Finalement, si je comprends bien votre position, en ce qui concerne les résidus miniers, vous préconisez l'absence dans la loi de toute disposition explicite concernant le ministère de l'Environnement.

M. Lefebvre (Michel): Je préférerais que toutes les normes soient édictées par le ministère responsable des mines, plutôt que de nous être imposées indirectement par l'Environnement.

Une voix: Est-ce que vous me permettez?

Le Président (M. Baril): Oui. Vous êtes monsieur?

M. Lebuis (Jacques): Jacques Lebuis, ministère de l'Énergie et des Ressources.

Le Président (M. Baril): M. Lebuis.

M. Lebuis: Est-ce que vous croyez que, d'un point de vue gouvernemental, c'est pensable que toutes les normes sur tes effluents miniers, par exemple, ou encore que l'impact sur la qualité de l'environnement relèvent du ministère des Mines?

M. Lefebvre (Michel): Oui, je pense que c'est parfaitement pensable. J'ai regardé, juste comme cela, la nouvelle Loi sur les forêts, par exemple, et il me semble que j'y ai vu que le ministre se réserve l'autorité de la gestion des berges des rivières et ainsi de suite. Alors, je ne vois pas pourquoi un ministère des mines, responsable de

l'exploitation optimale de la ressource, ne serait pas aussi celui qui édicté et qui applique les normes qui, d'après ce que je peux savoir, seraient conformes aux normes de l'Environnement.

M. Savoie: Nous allons examiner de près la position de Noranda en ce qui concerne le ministère de l'Environnement, examiner à nouveau notre position là-dessus et tâcher, dans la mesure du possible, de donner suite à votre revendication.

Je voudrais vous remercier pour votre participation et pour nous avoir sensibilisés au fait que l'industrie minière est en quelque sorte unique au Québec, qu'elle a toujours joui d'une grande autonomie et d'une grande priorité, vu qu'elle est si importante pour la création d'emplois et pour le développement régional. Je pense que vos commentaires nous ont sensibilisés au fait qu'il ne faudrait pas que, dans la Loi sur les mines, il y ait un recul de la place prépondérante de l'industrie, des droits et des privilèges dont elle jouit et du rôle de son ministre. Nous vous en remercions et nous avons hâte de vous rencontrer pour donner suite aux engagements que nous avons pris envers vous concernant l'expropriation et la loi sur l'environnement.

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Vos remarques finales, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: Au nom de l'Opposition, je tiens aussi à remercier les représentants des Minéraux Noranda pour tout l'intérêt qu'ils portent à l'actuelle refonte de la Loi sur les mines et pour le mémoire qu'ils nous ont présenté qui est concis, très bien articulé et qui soulève un nombre incroyable d'interrogations. Malheureusement, nous n'avons eu que très peu de temps. Autant du côté ministériel que de notre côté, nous devons chercher à trouver les questions les plus pertinentes, mais il y aurait des dizaines et des dizaines de questions à vous poser à la suite de votre présentation. Je suis convaincu que, d'ici le stade de l'adoption du projet de loi, nous aurons sûrement la chance d'en rediscuter et de faire en sorte d'appliquer ou d'articuler dans la version finale bon nombre de vos recommandations.

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, M. le député d'Ungava. Messieurs, je vous remercie beaucoup et je vous souhaite un bon retour dans chacune de vos régions.

M. Lefebvre (Michel): C'est nous qui vous remercions.

Le Président (M. Baril): La commission va suspendre ses travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 23)

Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux et j'invite le Groupe Bélanger à prendre place, s'il vous plaît! Je tiens à vous rappeler qu'une heure est allouée à votre groupe: vingt minutes pour présenter votre mémoire, vingt minutes au ministre et vingt minutes aux députés de l'Opposition, II nous manque le député d'Ungava. Un instant, s'il vous plaît! M. le député, on vous attendait, M. le député d'Ungava.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je demanderais au représentant de nous présenter ses invités, s'il vous plaît!

Groupe Bélanger

M. Aubut (Marcel): M. le Président, mon rôle va consister à vous présenter les personnes qui nous accompagnent aujourd'hui. Il y a M. Bernard Bélanger, deuxième à ma droite, qui est président du Groupe Bélanger; M. Édouard Bédard, ingénieur minier ayant le plus d'expérience au Canada dans le domaine des tourbières; à ma gauche, M. Georges Gagnon, géographe, et, à ma droite, tout près, Me Laval Dallaire, de notre étude d'avocats Aubut, Chabot, qui présentera le mémoire pour et au nom du Groupe Bélanger. Comme vous le savez, M. le Président, le Groupe Bélanger est le principal producteur de tourbe au Canada et la grande majorité de son exploitation et de ses investissements se retrouvent au Québec. Dans cette optique...

Le Président (M. Baril): Je m'excuse. J'aimerais, avant de commencer, que vous vous présentiez aux fins de l'enregistrement, s'il vous plaît! Vous êtes bien connu, on vous connaît très bien.

M. Aubut: Ce n'est pas la raison pour laquelle je ne me suis pas présenté. Je voulais le faire le dernier et je me suis oublié. Mon nom est Marcel Aubut et je suis avocat.

Le Président (M. Baril): Bienvenue.

M. Aubut: Dans cette optique, le Groupe Bélanger est particulièrement intéressé par le projet de loi 161 sur les mines, puisque la tourbe est reconnue comme étant une substance minérale. Je veux, dans ce préambule, remercier M. le ministre, ainsi que les députés, et vous-même, M. le Président, pour l'accueil que vous nous faites et le temps que vous nous allouez pour faire valoir nos arguments. Sans plus tarder, je laisse mon confrère, Me Laval Dallaire, vous

présenter pendant vingt minutes le résumé de notre mémoire.

Le Président (M. Baril): M. Dallaire.

M. Dallaire (Laval): Nous avons produit notre mémoire et un addenda. Nous reprendrons succinctement les diverses préoccupations que nous avons indiquées dans notre mémoire, plus quelques points qui sont nouveaux. Avant de commencer, nous aimerions porter à votre attention une correction matérielle dans notre mémoire. Il s'agit de la page 1 de notre mémoire où, à la deuxième ligne, on parle d'une petite tourbière de 2000 hectares. Il s'agit d'une erreur matérielle, puisque c'est une petite tourbière de 200 hectares. On n'a pas encore la prétention de vous introduire ces notions de petitesse.

Nous prétendons que plusieurs dispositions du projet de loi 161, si elles étaient adoptées, viendraient changer les règles du jeu de manière à porter atteinte à nos droits et feraient plus de tort que de bien à l'industrie de la tourbe.

Le premier point dont nous traiterons concerne le droit aux substances minérales de surface. Sous la loi actuelle, le claim donne droit d'accès pour prospecter ou faire des travaux de mise en valeur sans que son détenteur n'ait à préciser à quiconque quelle substance minérale il recherche en particulier, sous réserve des exceptions qui sont prévues concernant le gaz naturel, le pétrole et, je crois, le sable et le gravier. Donc, ceux qui font de la prospection et de la recherche peuvent s'intéresser à une substance minérale en particulier ou faire de l'exploration en général pour trouver tout gisement de substance minérale qui pourrait être exploitable économiquement. À titre d'exemple, si le Groupe Bélanger, en faisant de l'exploration pour mettre en valeur des tourbières exploitables, découvre un gisement de fer, il y a droit.

Des travaux d'exploration et de mise en valeur sont très dispendieux et se révèlent souvent inutiles. C'est un investissement coûteux et risqué. Il doit donc y avoir des atouts intéressants pour celui qui se risque à les faire. L'atout majeur, c'est le droit, pour le détenteur du claim, d'exploiter éventuellement tout gisement de substance minérale économiquement exploitable. C'est l'article 84 de la loi actuelle. Cet attrait doit demeurer dans la nouvelle loi si on veut continuer d'encourager l'exploration pour mettre en valeur les minéraux se trouvant en sol québécois. Ce n'est pas ce que la nouvelle loi prévoit. Elle scinde maintenant en deux les substances minérales. Elle les divise en deux catégories, toujours exception faite du gaz naturel et du pétrole. Maintenant, on dit qu'il y a les substances minérales de surface et qu'il y a les autres.

En ce qui concerne la tourbe, on est classé dans les substances minérales de surface.

Nous devons donc maintenant chercher une catégorie ou une autre. Si nous voulons chercher les deux, nous devons obtenir deux titres pour le même terrain, soit un claim et le permis de recherche de substances minérales de surface. Bien entendu, l'investissement est double au niveau des rentes à payer, des travaux requis à effectuer, sans parler des tracasseries administratives. Nous nous expliquons difficilement les raisons qui ont motivé ce chambardement, ou plutôt cet alourdissement administratif. Nous pensons que l'énumération des substances minérales de surface ne colle pas à la réalité et souffre de plusieurs exceptions qui remettent en cause la logique même d'établir une telle distinction. À titre d'exemple, nous nous demandons pourquoi le fer n'est pas classé dans les substances minérales de surface, même s'il se retrouve en surface.

En plus d'alourdir les coûts et le fardeau administratif de ceux qui veulent faire de l'exploration minière, cette séparation des substances minérales dans le projet de loi conduit à des injustices, contrevient aux droits acquis et plusieurs dispositions se révèlent néfastes à l'industrie de la tourbe. C'est à croire que le législateur a décidé de traiter les substances minérales de surface et les industries concernées comme un secteur économique inférieur. À titre d'exemple, l'article 327, qui est censé préserver les droits acquis à titre de disposition transitoire, prévoit que tous les permis qui existent présentement demeureront en vigueur jusqu'à leur expiration, tous les permis qui existent sous la présente loi. On ajoute que le projet de loi leur est applicable, sauf pour les exceptions suivantes: on dit, à l'alinéa 5, que les titulaires de baux miniers conservent un droit exclusif aux substances minérales de surface, sauf le sable et le gravier. Ce droit est maintenu lors des renouvellements ultérieurs. C'est donc dire que ceux qui exploitent présentement une substance minérale de surface, ou bail minier, comme c'est le cas pour le Groupe Bélanger, devront, à l'expiration de leur bail, demander l'obtention d'un bail d'exploitation de substances minérales de surface pour continuer d'exploiter et, alors, ils n'auront plus droit aux autres substances minérales. Pourquoi les détenteurs de baux miniers qui n'exploitent pas la tourbe auront-ils toujours le droit d'exploiter lorsqu'ils renouvelleront leurs baux et que nous, nous n'aurions pas te droit d'exploiter les métaux qu'ils exploitent lorsque nous renouvellerons nos baux? Nous croyons que cette séparation des substances minérales n'aidera pas au développement de l'industrie.

Il y a d'autres dispositions concernant

les substances minérales de surface qui ne conviennent pas à l'industrie et qui lui sont même préjudiciables. Si on s'attarde plus particulièrement à la durée du bail d'exploitation de substances minérales de surface, la loi actuelle prévoit, à l'article 99, qu'un bail minier est accordé pour une période d'au moins cinq ans et d'au plus vingt ans. Les baux miniers détenus par le Groupe Bélanger sont pour une période de vingt ans et certains ont même été renouvelés. C'est normal puisque, comme nous Pavons mentionné dans notre mémoire, une tourbière est exploitée en moyenne pendant 12,5 ans. Le projet de loi, à l'article 98, prévoit que la durée d'un bail minier accordé pour une substance régie par le système des claims est pour vingt ans. Mais, voilà, la tourbe n'est pas dans cette catégorie de substances minérales. L'article 142 qui nous régit prévoit que, pour les substances minérales de surface, le bail d'exploitation est accordé pour une période de cinq ans. Cette période est tout à fait irréaliste pour l'industrie de la tourbe. La construction d'une usine de traitement de tourbe ne peut être rentabilisée sur la base de cinq ans. Pourquoi ne nous accorde-t-on pas immédiatement, comme pour les autres substances minérales, un bail d'exploitation pour une durée réaliste? Parce que c'est l'industrie de la tourbe, il faudrait qu'elle recommence tous les cinq ans à s'empêtrer dans les procédures administratives pour obtenir le renouvellement d'un bail, même si on savait déjà, à l'octroi du bail original, que son renouvellement était inévitable.

Un autre point. En ce qui concerne l'excédent des travaux requis, les dispositions du projet de loi concernant le report de l'excédent des travaux requis est un autre exemple du sort qui est réservé aux droits acquis du Groupe Bélanger et de l'industrie de la tourbe. L'article 78 de la présente loi prévoit que l'excédent des sommes dépensées pour des travaux requis effectués sur un claim ou un territoire sous permis de mise en valeur est applicable à une demande subséquente. L'article 78 du projet de loi prévoit la même chose. Pour cette catégorie de substance minérale, sous le régime du claim, le législateur respecte les droits acquis. On prévoit, même à l'article 333 que ceux qui ont des excédents accumulés sous permis de mise en valeur pourront les reporter sur leurs claims, même si cela n'existera plus dans la nouvelle loi.

Qu'y a-t-il pour l'industrie de la tourbe? Dans le projet de loi, concernant les excédents en travaux requis qu'elle a accumulés sur ses claims sous permis de mise en valeur, il n'y a rien. Pour continuer à avoir droit à la tourbe, l'article 327, dispositions transitoires, dit qu'on pourra, exclusivement sur nos claims, obtenir un permis de recherche de substances minérales de surface. Mais aucune disposition ne prévoit qu'on pourra y appliquer nos excédents. Or, le Groupe Bélanger a accumulé sur certains claims, sous permis de mise en valeur, des excédents pour plusieurs renouvellements annuels et, maintenant, on nous dit: Oubliez cela, vous ne pouvez plus en tenir compte. Pourquoi? Parce qu'on est dans une industrie minière marginale. Marginal ou pas, le Groupe Bélanger a pour plus de 40 000 000 $ d'investis dans cette industrie, donne de l'emploi à 350 personnes à temps plein et en ajoute 600 autres, sur une base saisonnière.

Un autre point, c'est le renouvellement du permis de recherche de substances minérales de surface. Encore de ce côté, le législateur, pour des raisons que nous ne pouvons concevoir, ne reconnaît pas dans le projet de loi à l'industrie de la tourbe les mêmes droits qu'il reconnaît aux autres industries exploitant des minéraux couverts par le régime du claim. Comme nous l'avons mentionné dans notre mémoire, le Groupe Bélanger a investi des sommes considérables en travaux requis sur des claims, sous permis de mise en valeur, en gardant toujours en perspective qu'il avait un droit indéniable, en vertu de la présente loi, de renouveler ces claims, pour autant qu'il continuait à effectuer les travaux requis et à payer la rente prévue. Maintenant, le législateur dit, dans son projet de loi: Oublie le renouvellement, car tu n'es plus dans la bonne catégorie de substances minérales.

L'article 58 de la présente loi mentionne que le détenteur du claim y a droit d'accès pour prospecter ou faire des travaux de mise en valeur. La loi ne définit pas la prospection ou les travaux de mise en valeur. Elle circonscrit plutôt, par son article 77, la nature des travaux requis qui doivent être exécutés pour obtenir le renouvellement du claim ou du permis de mise en valeur. On parle de tous les travaux de prospection, d'exploitation, de valorisation, de rentabilité et de tous travaux de recherche. Tout au plus, l'article 296 de la loi actuelle prévoit-il que le gouvernement peut faire des règlements pour fixer les conditions suivant lesquelles les travaux requis doivent être rapportés pour être valables au sens de la loi. Le projet de loi, à l'article 60, mentionne que le titulaire d'un claim a droit d'accès au terrain qui en fait l'objet pour y faire tout travail d'exploration. C'est la seule expression maintenant qu'on emploie dans le projet de loi, plus restrictive. L'article 67 vient compléter en mentionnant que le titulaire du claim est tenu d'effectuer sur le terrain qui en fait l'objet, avant le soixantième jour qui précède la date de son expiration, des travaux d'exploration dont la nature et le coût minimum sont déterminés par règlement. Le législateur se décharge de ses responsabilités et renvoie le tout au

pouvoir réglementaire. Quelle est la nature de ces travaux? Est-ce à dire que les travaux d'exploration dont la nature est trop innovatrice pour être déjà prévue par règlement seront automatiquement refusés? Nonobstant cette ouverture à la législation déléguée discrétionnaire, puisqu'il n'y a pas de critère dans la loi, le détenteur du claim aura droit comme le prévoit l'article 57, au renouvellement automatique pour deux autres années s'il a effectué les travaux d'exploration et payé les droits fixés pas règlement. Sous réserve du pouvoir discrétionnaire concernant les travaux requis, il s'agit d'un système de renouvellement semblable à celui qui existe sous la présente loi. Mais, voilà, dans le projet de loi, l'industrie de la tourbe est dans une classe à part et les règles ne sont pas pareilles du tout. On vient limiter grandement, sinon totalement, la possibilité de renouveler nos claims sous permis de mise en valeur qui deviendront des permis de recherche de substances minérales de surface. La tourbe, même si elle est régie par le permis de recherche de substances minérales de surface, est assujettie à l'obligation d'effectuer des travaux d'exploration dont la nature va être aussi prévue par règlement, les travaux requis qui existent sous la présente loi. Donc, le détenteur du permis de recherche de substances minérales de surface doit aussi, pour obtenir le renouvellement, les avoir effectués ces travaux. Mais l'article 128 du projet de loi ne s'arrête pas là et on a cru bon d'ajouter un fardeau supplémentaire pour l'industrie de la tourbe et les substances. Pourquoi? L'article 128 ajoute qu'en plus, pour obtenir le renouvellement, il faudra démontrer au ministre que cette prolongation est nécessaire pour permettre la continuation des études technico-économiques ou des travaux d'expérimentation déjà en cours, tels qu'ils sont définis par règlement. Pourquoi l'industrie de la tourbe aurait-elle à démontrer quoi que ce soit de plus que les autres industries minières pour jouir des mêmes droits? Y a-t-il une explication logique? Pourquoi l'industrie de la tourbe devrait-elle être soumise à la discrétion du ministre en cette matière, en comparaison des autres?

Si on parle un peu plus de cette notion, de travaux technico-économiques et de travaux d'expérimentation, à prime abord, ce sont des travaux d'exploration. Pourquoi faut-il prouver qu'on fait de l'exploration? L'article 53 du projet de règlement, qui a été soumis à titre indicatif, vient confirmer en fait que des travaux technico-économiques et des travaux d'expérimentation sont, ni plus ni moins, que des travaux d'exploration. Voici la définition que l'on prévoit dans le projet de règlement: "l'ensemble des études généralement requises pour déterminer la viabilité économique d'un projet incluant les programmes de forage et les études de faisabilité d'un projet". Quand on parle des travaux d'expérimentation, on dit: "l'ensemble des travaux à réaliser dans le cadre d'un projet expérimental afin d'en apprécier la praticabilité sur une base économique ou commerciale".

On ne sait pas trop où veut aller le législateur avec cette distinction, mais, lorsqu'on continue à lire le projet de règlement, on commence par s'inquiéter pour, finalement, être sidéré. D'abord, en lisant l'article 54 du projet de règlement, on constate immédiatement les abus qui peuvent se produire lorsque le législateur décide de tout confier au pouvoir réglementaire. Entre guillemets, ce pouvoir est souvent exercé par les fonctionnaires. Il est prévu dans les projets de règlement que, pour obtenir un permis de recherche de substances minérales de surface, la loi ne parle pas de cette fameuse sous-catégorie de travaux d'exploration pour le premier permis qu'on a à obtenir. Par contre, le projet de règlement nous dit tout de suite que, dans le formulaire, il faut indiquer nos travaux technico-économiques et nos travaux d'expérimentation, même si la loi n'en a pas fait une condition.

L'article 55 du même projet de règlement semble laisser sous-entendre que les montants des études technico-économiques ou des études d'expérimentation peuvent remplacer le montant des travaux requis, au chapitre III, même si la loi ne le prévoit pas. Il y a de beaux débats en perspective avec les fonctionnaires chargés d'appliquer la loi: Tes travaux sont-ils prévus? Ne sont-ils pas prévus? Tes coûts sont-ils technico-économiques ou d'exploration?

Le deuxième paragraphe de l'article 55 du projet de règlement vient, quant à lui, briser les reins de l'industrie de la tourbe. II y est prévu expressément que, toutefois, dans le cas d'une tourbière, les travaux d'établissement ou d'entretien d'un réseau de drainage ne sont pas acceptés comme travaux d'exploration. Cet ajout dénote une méconnaissance du milieu de l'industrie de la tourbe. Les travaux de drainage sont essentiels dans l'industrie de la tourbe pour effectuer les études visant à déterminer la viabilité économique, la faisabilité et la praticabilité d'un projet d'exploitation de tourbe. C'est à croire qu'on veut éliminer l'exploration dans l'industrie de la tourbe.

Nous avons cru comprendre, par l'ouverture ministérielle, que la distinction entre les deux catégories de substances minérales n'était pas tellement la surface, mais que les substances minérales de surface n'ont pas besoin d'exploration ou de travaux requis d'ampleur. C'est faux. Dans le cas de la tourbe, on en a besoin. Même si certaines industries minières peuvent nécessiter des travaux d'exploration plus coûteux, est-ce le

montant des travaux qu'on vise ou l'exploration pour mettre en valeur le sol québécois et créer des emplois?

Les redevances. Présentement, l'industrie de la tourbe ne paie pas de redevances. Elle paie un loyer de 2,50 $ l'hectare sur les baux miniers. Le législateur veut sensiblement changer les règles du jeu. Il va y avoir un loyer et une redevance. Encore, ce n'est pas suffisamment important pour savoir à quoi on doit s'attendre car, dans le projet de tarification, la redevance sur la tourbe est laissée en blanc comme pour le sable et le gravier. L'industrie n'a jamais été consultée, même si une disposition comme celle-ci peut mettre en jeu sa position concurrentielle sur le marché international.

Le Président (M. Baril): Est-ce que vous pourriez conclure? Il vous reste une minute.

M. Cannon: Avec le consentement de mon collègue, je pense qu'il lui reste deux ou trois pages a son mémoire.

Le Président (M. Baril): Est-ce qu'il y a consentement? Vous pouvez terminer. (17 h 45)

M. Dallaire: On va accélérer. Un autre point, les réserves pour l'exploitation. Actuellement, le Groupe Bélanger a investi des sommes considérables pour s'assurer des réserves à des fins d'exploitation dans les prochaines années, en faisant des travaux de mise en valeur et d'exploration sur ses claims sous permis de mise en valeur qui sont renouvelables, pour autant qu'on continue d'investir dans le même sens. Le projet de loi nous dit: Vous allez passer vos claims sous permis de recherche de substances minérales de surface et ce n'est plus du tout certain que vous allez pouvoir renouveler ces permis. C'est aller à l'encontre de nos droits acquis, puisqu'on a investi presque 1 000 000 $ sur ces claims dans l'optique qu'on pourrait les garder en les renouvelant tant qu'on en aura besoin pour notre production. Une fois qu'on aura obtenu un permis de recherche de substances minérales de surface, on devra demander un bail d'exploitation avant son expiration, puisqu'il ne sera pratiquement pas renouvelable. Ce sera à la discrétion du ministre et les travaux d'exploration qu'on faisait sont défendus.

Certains pourront nous répondre: De quoi vous plaignez-vous? L'article 131 du projet de loi règle tous vos problèmes. C'est l'article qui prévoit que le ministre peut nous accorder à sa discrétion des réserves pour cinquante ans. Cet article ne fait que créer des problèmes à l'industrie de la tourbe. Premièrement, nous le répétons, la superficie de 100 hectares est inapplicable pour l'exploitation d'une tourbière. Il faut, sans inclure de réserve, une superficie minimum de 500 hectares utiles pour permettre l'exploitation rentable d'une tourbière. Deuxièmement, la notion de périmètre en ce qui concerne les réserves est tout à fait inappropriée. Troisièmement: Pourquoi l'industrie de la tourbe devrait-elle s'en remettre à la discrétion du ministre pour son avenir? Discrétion qui sera exercée en fonction de critères élastiques, puisque la loi prévoit qu'il s'agit de les accorder en fonction du taux de production projeté. C'est à croire qu'on ne mérite pas de savoir à l'avance nos droits.

Toujours dans la même veine discrétionnaire, il est prévu à l'article 111 que le locataire d'un bail d'exploitation doit, dans les quatre ans à compter de la conclusion de son bail, entreprendre des travaux d'exploitation minière. Quand on arrive au bail d'exploitation de recherche de substances minérales de surface, l'article 147 prévoit qu'on n'a pas de délai, mais qu'on est soumis à la discrétion du ministre. On ne veut pas mettre en doute l'intégrité de M. le ministre, mais le justiciable et l'industrie de la tourbe ont droit à plus que sa discrétion pour leur avenir.

En conclusion, brièvement: On n'en finit pas de découvrir des dispositions qui ont un impact, le moins qu'on puisse dire, "questionnable", et ce, en se concentrant uniquement sur les intérêts de l'industrie de la tourbe. On a des points qu'on a encore découverts en consultant d'autres personnes et en approfondissant nos recherches, et, sur cette base, on demanderait à M. le président la possibilité de déposer devant cette commission les notes dont nous nous sommes servis pour préparer notre exposé oral, puisqu'ils contiennent même des points que nous n'avons pas soulevés dans notre mémoire et dans notre addenda. Alors, avec la permission de la commission, nous aimerions déposer ces notes.

Le Président (M. Baril): Accordé, M. Dallaire.

M. Dallaire: En conclusion, ce projet de loi touche à beaucoup de droits et l'étude de leur, impact sur l'industrie concernée est un travail de longue haleine, alors que nous avons été invités seulement le 10 février 1987. Nous croyons que ce projet de loi ne tient pas compte des intérêts et des droits de ceux qui y sont assujettis, mais reflète plutôt la vision des gestionnaires du gouvernement. Force nous est de constater qu'ils n'ont pas consulté le milieu.. Tout au moins, n'avons-nous pas été consultés pour l'élaboration de ce projet. Une chose est certaine, la tourbe ne doit pas être incluse dans les substances minérales de surface, puisque ces dispositions sont faites pour régir - vous nous excuserez l'anglicisme - les

exploitants de "pits" de sable et de "pits" de gravier. L'industrie de la tourbe est loin d'être quelque chose qu'on peut comparer à un "pit" de sable.

Nous vous remercions. Nous nous excusons d'avoir pris plus que notre temps, mais nous aurions un dernier point. Nous sommes les seuls intervenants dans l'industrie de la tourbe qui avons eu le temps de réagir. Il y a d'autres intervenants ici du Conseil économique du Saguenay-Lac-Saint-Jean qui ont des intérêts dans la tourbe et des municipalités ont pris connaissance récemment de ce projet. Il y a un monsieur qui aimerait déposer devant cette commission deux résolutions de municipalités concernant leur position face aux dispositions qui concernent l'industrie de la tourbe. Avec la permission de la commission, je demanderais à M. Roger Pilote, qui est directeur général du Conseil économique d'Alma et du Lac-Saint-Jean... Si la commission nous accorde...

Le Président (M. Baril): Un instant, s'il vous plaît! Je devrai demander le consentement car, en temps normal, on ne fait pas cela. Vu que nous sommes à une heure tardive et qu'en plus nous avons un caucus à 18 heures, je vais demander le consentement. Est-ce que c'est strictement un dépôt de documents?

M. Dallaire: C'est pour déposer des documents. Ce sont deux municipalités qui ont...

Le Président (M. Baril): Est-ce qu'il y a consentement? Je comprends ce que vous dites, M. Dallaire.

M. Dallaire: On s'excuse, ce n'est pas...

Le Président (M. Baril): On accepte. On vous remercie. Je donne maintenant la parole à M. le ministre.

Une voix: Pour vingt minutes.

M. Savoie: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier le Groupe Bélanger et M. Dallaire en particulier pour son exposé. Pour l'information de ceux qui l'ignorent, le Groupe Bélanger est l'orgueil de l'industrie de la tourbe au Québec. II a des laboratoire, des unités de travail et une expérience qui en font le leader dans ce domaine au Québec.

Vous avez soulevé de nombreux points. Avant de les aborder moi-même, je demanderais au député de La Peltrie, M. Cannon, d'intervenir. Il m'a demandé d'intervenir sur quelques questions. Je vais lui céder la parole.

M. Cannon: Oui, je vous remercie, M. le ministre. Très brièvement, M. le Président, que ce soit Me Aubut ou Me Dallaire qui réponde à la question... Si j'ai bien saisi votre mémoire, vous vous inquiétez que le projet de règlement ne reconnaisse plus expressément que les travaux de drainage soient acceptés comme travaux d'exploration pour permettre le renouvellement des permis d'exploration des matériaux de surface. Cette disposition a pour effet de brimer les droits acquis du Groupe Bélanger, selon vos propos. Vous souhaitez que les travaux de drainage soient considérés comme admissibles à titre de travaux requis pour obtenir des renouvellements successifs. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi les travaux de drainage sont essentiels dans la phase d'exploration pour l'industrie de la tourbe?

M. Dallaire: Sur cette question technique, je crois que M. Bélanger a plus d'expertise que nous pour répondre. M. le Président, si M. Bélanger veut répondre...

Le Président (M. Baril): M. Bélanger.

M. Bélanger (Bernard): Découvrir de la tourbe, c'est facile; évaluer de la tourbe, c'est plus difficile. Pour évaluer si l'on doit investir dans une tourbière, on doit connaître le dépôt minier, échantillonner la tourbe en quantité - c'est demandé dans la nouvelle loi - évaluer la qualité de la tourbe et évaluer les besoins du marché face à la production future. Pour une production de 500 000 ballots de tourbe, ce qui n'est pas une grosse production, on doit penser, en frais d'exploration, à environ 1 000 000 $ et, en investissements, une fois la décision prise, c'est de 4 000 000 $ à 5 000 000 $. Pour faire ces échantillonnages, on a absolument besoin de faire des drainages. II y a différentes sortes de tourbe. Seulement pour la tourbe de sphaigne, il y en a plus de cent sortes. Dans une tourbière, on peut découvrir de la tourbe de carex, hypnum, herbacée et bien d'autres. On doit aussi échantillonner le degré de décomposition de la tourbe, décomposition très variable, qui, selon la nature de la tourbe, est très capricieuse. On peut avoir un changement de cinq pieds en cinq pieds. On doit savoir aussi, selon la profondeur, si on doit continuer l'exploitation et si on découvre réellement le type et le genre de tourbe dont on a besoin. Il faut aussi connaître les réactions chimiques de la tourbe. Les réactions chimiques de la tourbe peuvent changer. Souvent, on fait l'ouverture d'une tourbière et, la première année, on a une couleur de matériel, une fibre qui est très bonne pour le marché. Après deux ou trois ans, les micro-organismes contenus dans la tourbe réagissent d'une façon différente. Si nous ne pouvons pas faire les drainaqes pour évaluer la tourbe, nous sommes conscients que ces drainages doivent avoir

des règles. Depuis plus de 25 ans, nous avons toujours fait nos drainages en respectant des règles. Je dirais que, dans 99 % des cas, ces règles ont été respectées. Je ne veux pas être méchant. Si ces règles n'ont pas été respectées, il y a quelques années, c'est par les gouvernements. Vers les années 1930 ou 1933, avant ma naissance, les gouvernements faisaient des travaux sociaux, ils faisaient des drainages dans les tourbières. On remettait une pelle à un individu et, plutôt que de le payer à ne rien faire, on l'envoyait creuser un fossé, une tranchée. Ces drainages ont été - c'est très minime pour l'industrie - dommageables. On serait prêt à accepter des règles, mais non pas à enlever le système de drainage parce que c'est essentiel pour l'évaluation. Excusez-moi de la longueur de ma réponse.

M. Cannon: Ce n'est pas grave. C'est important que vous ayez répondu, je pense, d'une façon exhaustive à cette question. À la page 31 de votre mémoire, vous traitez de l'article 139 relatif au périmètre de protection pour l'approvisionnement. Voulez-vous m'expliquer pourquoi la notion de périmètre prévue à cet article du projet de loi, notamment, est inappropriée?

M. Bélanger (Bernard): Nous avons toujours pensé qu'une tourbière avait une fonction, c'était d'ouvrir un jour et de fermer un jour. Nous sommes dans cette industrie depuis 25 ans et, déjà, nous avons fermé sept tourbières. La notion de périmètre est impossible pour l'industrie de la tourbe à cause de la situation géographique. Nous avons des tourbières dans le Bas-Saint-Laurent, dans la Gaspésie, dans la région de Québec, sur la Côte-Nord, au Lac-Saint-Jean, en Abîtibi et, à cause des situations géographiques, si on a un périmètre, on ne pourra pas protéger notre industrie. Pourquoi une compagnie a-t-elle des usines dans tout le Québec? À cause du climat. Souvent, on a une mauvaise température en Abitibi ou à Québec et on peut se reprendre à Rivière-du-Loup, à Matane ou à Sept-îles. Pour vous donner un exemple de la difficulté du climat, l'an passé, à Baie-Comeau, qui n'est pas située tellement loin de Sept-îles, nous avons récolté à 50 % de notre capacité à cause de la mauvaise température. À Sept-îles, 125 milles plus loin au nord, on a récolté à 120 %. Cela vous démontre qu'on ne peut pas respecter un périmètre parce que le périmètre va nous empêcher de protéger nos emplois. Dans nos conventions collectives, à l'article 1012, on garantit à nos employés, lors de la fermeture d'une tourbière, la protection si on prend de l'expansion ailleurs. Si on ferme une tourbière, comme tout bon gestionnaire, on peut prévoir les bâtiments, on peut prévoir l'équipement et laisser ces choses se dégrader, mais on ne peut pas prévoir que nos employés vont se "dégrader" et qu'on va les laisser aller de la même façon. Alors, on leur garantit un emploi dans l'ouverture nouvelle. Les Tourbières Premier, qui font partie du Groupe Rélanger, exploitent au Québec depuis plus de cinquante ans sur des terrains privés qui sont situés dans la région de Rivière-du-Loup, sur la rive sud. Ces tourbières, d'ici cinq, dix ou quinze ans, vont fermer, il faut l'admettre. Alors, on a prévu, comme tout bon gestionnaire, d'explorer les tourbières situées au nord du Québec. Il y en a en très grande quantité. Depuis à peu près huit ans, nous avons commencé des travaux d'exploration sur des... Nous avons dépensé - Me Dallaire l'a dit - des millions de dollars et, dans certains cas, on a acheté à un coût de plus de 1 000 000 $. Aujourd'hui, on se réveille et on nous dit que, si ce n'est pas dans le bon périmètre, ce n'est pas valable parce que la production à Rivière-du-Loup, qui est bonne pour encore huit ans, pour respecter les droits en Abitibi ou au Lac-Saint-Jean, nous devrions la fermer.

Le Président (M. Baril): Un instant, M. Bélanger! Selon nos règlements, nous devons terminer à 18 heures. Pour continuer, je dois demander le consentement des deux côtés.

M. Cannon: J'aurais juste une dernière question.

Le Président (M. Baril): On a le consentement?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Baril): Alors, on continue. Excusez-moi, M. Bélanger. (18 heures)

M. Bélanger (Bernard): J'ai terminé là-dessus, oui.

M. Cannon: Une dernière question. Je pense que vous avez touché un peu... Le ministre a mentionné tout à l'heure que vous étiez l'entreprise qui faisait l'orqueil des Québécois dans le domaine de l'industrie de la tourbe, non seulement par votre exploitation, mais également par la recherche que vous y effectuez, Pourriez-vous me donner des exemples, de ce que constitue -vous en avez parlé dans votre mémoire - la recherche en biotechnologie dans cette industrie?

M. Bélanger (Bernard): J'ai eu le plaisir, il y a trois ou quatre mois, de recevoir le ministre à Rivière-du-Loup et de lui faire visiter notre centre de recherche. On a deux secteurs: le secteur horticole et le secteur industriel. Dans le secteur horticole, on travaille actuellement sur les

futures plantes de demain. Je vais vous donner un exemple que tous les gens vont comprendre. Produire des tomates au Québec prend six mois, entre cinq et six mois. On travaille, dans notre centre de recherche, actuellement, avec des biofertilisants - c'est très nouveau - et on pense pouvoir, d'ici un an ou deux, mettre ce produit sur le marché. À partir de la tourbe améliorée, nous pourrons peut-être produire des tomates après trois ou quatre mois. Pour le Québec et les régions nordiques de l'Amérique du Nord, c'est très important. Maintenant, au point de vue de la valeur ajoutée... Pour un ballot de tourbe de six pieds cubes, actuellement, le prix, au gros, c'est entre 5 $ et 6 $; cela peut être 7 $, selon les régions. Notre compagnie, il y a quinze ans, a mis sur le marché un produit - je ne voudrais pas le nommer pour ne pas faire de publicité - c'est Pro-mix. Ce produit, au lieu de le vendre 5 $ ou 6 $, on le vend 20 $. C'est ce que l'on appelle un produit à valeur ajoutée. Le produit auquel on travaille actuellement, au lieu de le vendre 20 $, on va le vendre 150 $ et cela va être rentable pour l'utilisateur. C'est ce que l'on appelle de la recherche horticole; ce seront les plantes de demain, les arbres de demain. On travaille sur des sols à base de tourbe; ce sont de nouveaux marchés. Ce sont de nouveaux marchés qu'on développe. Dans notre centre de recherche, au cours des quatre dernières années, on a investi 4 000 000 $ et on prévoit que notre plan quinquennal, notre plan pour les cinq prochaines années, va être de 10 000 000 $. C'est sûr qu'on a reçu de l'aide et je dois dire qu'on vient de signer une entente avec les gouvernements canadien et québécois. On est la première compagnie québécoise à recevoir un tel soutien dans le domaine de la biotechnologie. On en est fier parce qu'on a été la première compagnie à avoir eu la subvention au niveau horticole. Au niveau industriel, on a des biofiltres, on travaille sur des micro-organismes et les chercheurs sont très optimistes.

Si on parle de la forêt actuellement au Québec... On prétend qu'un arbre, un conifère au Québec, prend entre 50 ans - je ne suis pas un expert - et 100 ans à croître, selon les régions. Avec ces nouveaux sols à base de tourbe, on prétend couper cela de peut-être 25 % à 40 %. Pour l'industrie de la tourbe, pour le Québec et pour le Canada, je pense que ces recherches sont très importantes.

M. Cannon: Merci beaucoup, M. Bélanger. Pour ma part, M. le Président, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Baril): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Savoie: Merci. Quelques commentaires, parce qu'il ne me reste quatre ou cinq minutes?

Le Président (M. Baril): II nous reste neuf minutes.

M. Savoie: Neuf minutes, parfait, c'est un peu mieux. M. Bélanger, en ce qui concerne la perte de droits acquis, on pourrait facilement allonger la période prévue aux mesures transitoires afin que le Groupe Bélanger puisse chanqer ses claims en permis d'exploration ou, éventuellement, en bail d'exploitation des matériaux de surface. En effet, le projet de loi ne vise pas à réduire ou à diminuer les réserves de tourbe puisque, à l'article 139, on prévoit qu'un exploitant puisse obtenir un périmètre de protection autour de son bail visant à lui garantir un approvisionnement pour une période de 50 ans. Nous examinerons en détail la situation du Groupe Bélanger et nous pourrons fort probablement prévoir, dans la mesure du possible, une période de transition plus longue pour le transfert des claims sur les matériaux de surface en permis d'exploration pour les matériaux de surface, permettant ainsi à leurs titulaires de s'adapter plus facilement au nouveau régime proposé.

Pour ce qui est de l'ensemble des autres revendications, il a été souligné que la période de consultation avec votre groupe n'avait pas été satisfaisante et n'a pu permettre le dialogue. Ce que nous vous proposons, c'est donc une rencontre entre les personnes que vous pourriez nommer, les fonctionnaires et le contentieux du ministère pour qu'on puisse établir le dialogue et un cadre de travail qui soit plus acceptable. Si cela fonctionnait, on pourrait ensuite examiner non seulement les éléments du mémoire que vous avez soumis, mais également les nouveaux éléments que vous avez proposés aujourd'hui. Je pense que de cette discussion pourrait naître une situation beaucoup plus favorable. On pourrait passer à une question...

Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le député de Vimont.

M. Théorêt: Oui, j'aurais une question pour mon information, M. le Président. Il semble qu'au cours des dernières années votre groupe ait pu jalonner environ 10 000 hectares de tourbière sur les terres de la couronne et que cela vous ait coûté un investissement d'environ 800 000 $ en frais d'exploitation, en travaux d'exploitation. Il semble que cela vous ait permis de mettre la main sur les meilleures tourbières qu'on retrouve sur la Côte-Nord. Au rythme actuel où votre groupe produit actuellement, pour combien d'années avez-vous en réserve le

stock sur les terres du domaine public et sur celles du domaine privé aussi?

M. Bélanger (Bernard): À la vitesse on produit, le groupe Premier, depuis 1962, tous les cinq ans, a doublé sa production et son chiffre de vente. Si on considère qu'on va continuer à doubler, si on considère les projets de recherche qu'on a, on prétend qu'on va en avoir pour un maximum de 25 ans. Maintenant, il faut doubler continuellement. Comme le marché de la tourbe est un marché à l'exportation, 97 % de nos produits sont exportés à l'extérieur du Québec. Lorsqu'on discute avec des pays étrangers, parce que la tourbe est un marché mondial, la première question qu'on nous pose: Avez-vous des réserves? Souvent, on dit: Bien, vous autres, le Canada, il n'y a pas de problème, vous avez des réserves. Il faut savoir que le pays qui a le plus de réserves de tourbe au monde, c'est le Canada; après, c'est la Russie. Il faut savoir que 11 % du territoire canadien, c'est de la tourbe, dont 25 % au Québec. Il y a des millions et des millions d'acres au Québec qui n'ont pas été mises sur claims. Ma compagnie a pu, il y a sept ou huit ans, par une décision administrative, commencer à prendre des claims pour protéger son avenir, pour les conserver. On a 1 000 000 $ de dépensé et, dans d'autres cas, on a acheté des claims, des droits pour plus de 1 500 000 $ et on considère que nos réserves actuelles ne sont même pas suffisantes pour couvrir nos besoins. Alors, de la tourbe, il y en a au Québec; on a à peu près un millième des réserves connues.

M. Théorêt: M. le Président, quand vous mentionnez pour 25 ans de réserves, ce n'est pas basé sur le taux de production actuel, mais bien sur des projections que vous prétendez qui vont augmenter d'une façon importante. C'est cela?

M. Bélanger (Bernard): C'est basé sur le passé, ce n'est pas basé sur la recherche qu'on fait. Si on se compare au niveau mondial, nos réserves de 10 000 acres, c'est très pauvre. En Irlande, en Finlande, on a des compétiteurs, et en Allemagne aussi, qui ont des réserves de 20 000, 25 000 et 50 000 hectares de tourbe. Alors, nous avons 10 000 hectares; d'après moi, ce n'est rien.

M. Théorêt: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Baril): Un instant, excusez-moi! Je m'excuse devant le député d'Ungava. J'aurais dû - je m'excuse, M. le député - pratiquer l'alternance. J'avais la fausse impression que je devais donner vingt minutes au parti ministériel et vingt minutes à l'Opposition, mais je devais pratiquer l'alternance. Alors, si vous me le permettez, je vais donner la parole au député d'Ungava.

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vous remercie d'avoir rectifié parce qu'effectivement, à l'intérieur des vingt minutes allouées, il y a alternance chaque fois qu'il y a changement de porte-parole.

Je voudrais dans un premier temps remercier les représentants du Groupe Bélanger de nous avoir déposé ce mémoire qui est très intéressant et qui, effectivement, soulève un certain nombre de questions qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans l'ensemble de l'industrie minérale au Québec. Comme l'a si bien expliqué M. Dallaire, l'industrie de la tourbe a tendance à être considérée comme marginale à l'intérieur de l'ensemble du contexte minéral. Par contre, c'est une industrie effectivement très importante, qui crée suffisamment d'emplois et qui entraîne suffisamment de retombées économiques pour qu'on s'y attarde d'une façon très spéciale et qu'elle ne se sente pas lésée. On veut mettre en place des mécanismes qui vont satisfaire l'ensemble de l'industrie minière. Lorsqu'on parle de l'industrie minière, on parle beaucoup plus souvent d'or, d'argent et de cuivre. Il ne faudrait pas pour autant marginaliser ou rendre presque inopérante une industrie qui y est greffée et qui a l'importance qu'on lui connaît. Lorsque, tout à l'heure, le ministre délégué aux Mines disait qu'il allait prendre en considération vos revendications et étudier en détail la situation du Groupe Bélanger, j'espère que cela ne s'adressait pas spécifiquement aux problèmes du Groupe Bélanger, mais à l'ensemble des problèmes de l'industrie de la tourbe au Québec, et que, dans ce sens, s'il y a des ajustements à faire dans le projet de loi, ce seront des ajustements en fonction de toute l'industrie de la tourbe québécoise.

Ceci dit, j'aurais une première question à poser concernant plus particulièrement une partie de l'intervention de M. Dallaire. Il faisait référence, par exemple, au fait que le propriétaire d'un claim sur lequel on exploite de la tourbe doit garder l'accès aux autres ressources ou la possibilité d'arriver à exploiter d'autres ressources qui pourraient se trouver sur ce même claim. C'est le cas pour quelqu'un qui a un claim où il fait de l'exploration pour l'or, par exemple, et qui, tout à coup, trouve une veine d'argent intéressante, qu'il peut exploiter à sa guise. Entre parenthèses, j'aimerais dire qu'à la suite de vos explications, de celles de M. Bélanger, je vois que le drainage est à l'industrie de la tourbe ce qu'est le forage au diamant, à l'industrie de l'or.

Pour en revenir à ma question, est-ce qu'il est vraiment pensable, est-ce qu'il arrive à l'occasion ou est-ce que c'est déjà arrivé, en exploitant de la tourbe sur un claim ou sur une concession donnée, qu'on

ait trouvé, découvert une autre substance minérale qui valait la peine d'être exploitée et qui aurait ou qui a pu être exploitée conjointement par une autre entreprise, en parallèle avec la tourbière?

M. Bélanger (Bernard): Dans notre groupe, jamais, et, à ma connaissance, non, mais j'ai acheté, il y a quelques années, une tourbière où on avait fait d'autres explorations. On y avait découvert certains matériaux, mais ils n'étaient pas exploitables de façon rentable. Normalement, dans une tourbière, c'est assez rare qu'on trouve d'autres matériaux, mais cela peut être possible.

M. Claveau: Par exemple, il arrive que, quand on commence à foncer un "shaft" - je crois que c'est cela l'expression française - à foncer un puits minier - pardon! c'est loin d'être français - on ait à traverser une couche de 30, 40 ou 50 mètres de matérieux divers parmi lesquels il y a de la tourbe. En fait, on doit couler un collet qui permette d'arriver à la roche mère. Il se pourrait, dans une situation semblable, que cette couche que l'on doit traverser pour arriver à la roche soit de la tourbe exploitable.

M. Bélanger (Bernard): Cela pourrait arriver. La seule connaissance qu'on en ait, c'est un gisement que l'on exploite au Manitoba. On a acheté les droits de la compagnie Dome Petroleum. J'aimerais qu'on pose la question à Dome Petroleum pour savoir si elle a trouvé quelque chose. C'est à peu près 1000 hectares que l'on a là-bas. On a acheté les droits de Dome Petroleum pour produire de la tourbe. Je sais qu'on a fait des recherches sur ces terrains. Je n'ai pas plus d'information là-dessus.

M. Claveau: Une question...

M. Bélanger (Bernard): Une tourbière en profondeur, je ne pense pas que cela puisse être exploitable; c'est beaucoup trop dispendieux. Cela se pourrait, mais c'est le coût qui nous empêcherait d'aller chercher de la tourbe en profondeur. (18 h 15)

M. Claveau: Pour mon information personnelle, pourriez-vous me dire jusqu'à quelle profondeur ou jusqu'à quelle épaisseur vous pouvez aller dans la tourbe exploitable actuellement?

M. Bélanger (Bernard): Selon les normes d'aujourd'hui et les tourbières, cela peut être entre quatre et cinq mètres. On a des exploitations que l'on a abandonnées, il y a 15 ou 20 ans, parce qu'on ne pouvait pas les exploiter et on commence à y revenir. Les techniques changeant, on peut aujourd'hui dire qu'on peut aller entre quatre et cinq mètres, mais on pourrait aller plus loin avec de nouvelles techniques.

M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse. Lorsque vous parlez de réserves de tourbe au Québec, vous dites qu'il y a quand même des réserves assez importantes qui sont réparties un peu partout sur le territoire du Québec. Est-ce que les forestiers ont raison de dire, quand ils coupent dans la bande entre le 49 et 50 parallèle au Québec - je parle des secteurs de Chibouqamau, Chapais, Quévillon, Matagami, enfin, ces coins-là - que leurs arbres sont souvent sur de la tourbe?

M. Bélanger (Bernard): Ils ont raison de le dire. Il faut dire que les tourbières exploitées au Québec étaient sur la rive sud du Saint-Laurent. On commence actuellement à aller sur la rive nord. Cela a commencé il y a environ dix ans dans les régions du Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi et de la Côte-Nord. Qu'on le veuille ou non, il faudra tout à l'heure aller un peu plus loin. Si on regarde les dépôts de tourbe en Alberta, ils sont beaucoup plus au nord que ceux du Québec. On n'a pas le choix, la tourbe est là. Les tourbières qui sont plus au sud ont déjà été exploitées, alors il faut aller au nord.

M. Claveau: Dans un premier temps, je voudrais vous remercier. Je vais laisser M. te ministre continuer à poser ses questions.

Le Président (M. Baril): M. le ministre.

M. Savoie: Je crois que l'intérêt que vous avez porté à la question est à la hauteur de votre réputation. On sait que vous vous plaigniez du manque de temps pour présenter un mémoire plus complet. Je pense que vous avez soulevé de nouveaux éléments. Je crois que ce qui serait le plus opportun, compte tenu du contexte, ce serait qu'il y ait une rencontre entre vos gens et nos gens et qu'il puisse y avoir une discussion. J'y porterai une attention particulière.

S'il n'y a pas eu suffisamment de consultations pour vous satisfaire, on s'en excuse. Ce n'était certainement pas volontaire. Nous tâcherons de corriger cette situation lors de nos rencontres en vous accordant tout le temps voulu pour qu'on puisse avoir des discussions franches et fructueuses afin que, lorsque nous serons rendus à l'adoption du projet de loi, cela soit à votre entière satisfaction et avec votre participation.

M. Bélanger (Bernard): M. le ministre... Le Président (M. Baril): M. Bélanger.

M. Bélanger (Bernard): ...il me fera plaisir d'accepter votre invitation et de participer.

Le Président (M. Baril): M. le député d'Ungava, s'il vous plaît!

M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir, en terminant, sur la question du drainage. Je crois comprendre que vous utilisez le drainage - comme vous l'avez si bien expliqué - à des fins d'exploration, mais, en même temps, cela devient un drainage qui vous servira au moment de l'exploitation de la tourbière, sauf qu'on ne peut identifier le potentiel de la tourbière sans l'avoir antérieurement drainée. Lorsque vous parlez de drainages abusifs et dommageables, qui sont des phénomènes marginaux, et que vous dites qu'on devrait adopter - c'est à la page 9 de votre mémoire - une espèce de position mitoyenne, est-ce que vous vous référez à une position mitoyenne par rapport au drainage nécessaire pour l'exploration, l'autre drainage pouvant être pour la production, ou, plutôt - c'est ce que je crois comprendre - à une position mitoyenne entre un drainage qui est dommageable et un drainage qui n'est pas dommageable?

M. Bélanger (Bernard): Notre position est la suivante: entre un drainage qui est dommageable et l'autre qui ne l'est pas. Notre décision concernant les drainages est très importante, parce qu'on doit vous dire aussi que le drainage est nécessaire pour connaître le dépôt. Souvent, on peut se retrouver avec une tourbière flottante qu'on ne peut pas drainer. On a vu des compagnies qui ont investi pendant dix ans pour se rendre compte, au bout de dix ans, qu'elles avaient beau sortir de l'eau, elles n'arrivaient nulle part. On a vécu le même phénomène à Rivière-du-Loup où, en plein centre de notre tourbière, cela nous a pris plus de quinze ans à exploiter, car des rivières souterraines l'alimentaient continuellement. Si cette tourbière avait été éloignée de notre dépôt de Rivière-du-Loup, si elle avait été au nord, on l'aurait abandonnée. Si les drainages sont faits pour identifier le produit, ils le sont aussi pour déterminer s'il est possible de faire des drainages. S'il est impossible d'en faire, on ne peut pas extraire la tourbe. Il faut vous dire une chose: la tourbe est composée de 92 % d'eau et de 8 % de matériel. Par des drainages, on ramène cela aux environs de 88 % d'eau et de 12 % de matériel. Alors, les drainages sont essentiels et ils doivent se faire selon les règles de l'art. Je suis d'accord avec vous et je pense que le ministère l'est également: sans règlement, on peut avoir des difficultés, mais, avec des règles, on est prêt à participer. Les connaissances qu'on a acquises durant ces années... Lorsqu'on disait que M. Bédard, notre ingénieur, était celui qui avait le plus d'expérience au Canada, c'était vrai.

M. Claveau: En lisant le texte de loi, j'avais cru comprendre que l'on excluait le drainage de la phase d'exploration, dans le sens où le drainage devenait un équipement de production nécessaire, un peu comme on le fait dans d'autres secteurs miniers où, par exemple, l'exploration qui se fait à l'intérieur d'une mine existante, par les "test holes" ou les trous qui permettent d'identifier vers où s'en va le filon, n'est pas considérée comme de l'exploration minière. C'est dans ce sens que je voyais la préoccupation du ministre qui disait que le drainage ne sera plus considéré comme une dépense d'exploration dans la mesure où il est nécessaire à l'exploitation. Vous me dites qu'il faut absolument faire du drainage pour explorer et je suis tout à fait d'accord avec vous, car je sais, pour marcher de temps en temps dans le bois, qu'il n'est pas toujours drôle de marcher dans une tourbière.

Ma question est de savoir si, lorsque vous faites du drainage à des fins d'exploration, vous devez faire presque la totalité du drainage qui sera nécessaire à l'exploitation. Aussi, lorsque vous dites que le drainage est admissible dans les dépenses d'exploration, s'agit-il de l'ensemble du drainage nécessaire pour exploiter?

M. Bélanger (Bernard): Je dirais que oui. Il est très difficile de vous dire que le drainage ne sera pas utile à l'exploitation future. On ne peut pas prendre la décision d'exploiter si on n'est pas sûr que le drainage va se faire, si on n'est pas sûr d'identifier le matériel. Il faut le faire. On ne peut pas décider d'investir tant et aussi longtemps qu'on n'a pas la connaissance. Pour vous donner un exemple de l'utilité des drainages, le Groupe Tabrico fait du drainage et de l'exploration depuis dix ans. Après dix ans, il n'est pas encore prêt à faire de l'exploitation, car le "survey", l'enquête ou la vérification du matériel n'a pas été complétée. C'est sûr que ces travaux seront utiles, je suis d'accord avec vous, mais ils seront aussi nécessaires. On ne peut avoir l'un sans l'autre.

M. Claveau: Je vous remercie, M. Bélanger, et je veux enfin conclure... Est-ce que je peux conclure du même trait?

Le Président (M. Baril): Oui, vous pouvez conclure.

M. Claveau: Je remercie les porte-parole du Groupe Bélanger d'avoir éclairé nos lanternes en ce qui concerne, entre autres, tout cet aspect des tourbières qui est malheureusement souvent méconnu et qui n'est pas évalué à sa juste valeur dans l'ensemble des activités économiques reliées à l'exploitation des matières premières au Québec. Les informations que vous nous avez

apportées sont extrêmement pertinentes et elles permettront au ministre de s'orienter vers une véritable politique de développement des tourbières au Québec. Je vous en remercie,

Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, M. le député d'Ungava. Aviez-vous quelque chose à ajouter, Me Aubut?

M. Aubut: Je voulais conclure à mon tour, à moins que M. le ministre n'ait quelque chose à ajouter.

M. le Président et M. le ministre, merci du temps que vous nous avez accordé. Nous prenons acte avec beaucoup d'enthousiasme des propos de M. le ministre disant que la consultation sera faite de façon intense et laborieuse, dans le sens positif du terme, et surtout de ses commentaires indiquant que le nécessaire sera fait pour que le cas du Groupe Bélanqer soit considéré de façon un peu à part, compte tenu du contexte actuel, et pour reconnaître, une fois pour toutes, comme vient de le dire le député d'Ungava, qu'il s'agit d'une industrie spéciale, à part, et qui doit être traitée dans ce sens. Je vous remercie infiniment de votre attention.

Le Président (M. Baril): Au nom de la commission, je vous remercie de vous être présentés, Me Aubut et vos invités. La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures. On vous remercie beaucoup.

(Fin de la séance à 18 h 26)

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