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(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre!
Je vais vous rappeler l'objet de la séance qui est de
procéder à une consultation particulière sur le projet de
loi 161, Loi sur les mines. C'est un ordre de l'Assemblée nationale qui
nous a été donné le 18 décembre 1986. Les dates de
la consultation ont été un peu changées. Elle devait avoir
lieu en février et, finalement, elle a été remise à
aujourd'hui. À ce moment-ci, je pourrais demander au secrétaire
d'annoncer les remplacements.
Le Secrétaire: M. Cusano est censé nous en faire
part.
M. Cusano: M. Gobé (Lafontaine) sera remplacé par
M. Ciaccia (Mont-Royal) et M. Rivard (Rosemont) sera remplacé par M.
Yvon Vallières (Richmond).
Le Président (M. Baril): On me dit que
M. Gobé a été remplacé par M. Farrah. Il
n'est plus membre de la commission.
M. Cusano: Cela a été annoncé, M. le
Président, excusez-moi. Ce sont mes feuilles qui ne sont pas à
jour. Je m'en excuse. M. Ciaccia va remplacer M. Farrah.
Le Président (M. Baril): Si vous me permettez, je vais
vous faire lecture de l'ordre du jour. À 10 heures, c'est la
déclaration du ministre délégué aux Mines, M.
Savoie, Ce matin, on le sait, nous avons une heure. M. Savoie a 30 minutes. Le
porte-parole de l'Opposition, M. Claveau, a 30 minutes. À 11 heures,
nous aurons le plaisir d'écouter l'Association des prospecteurs du
Québec. Cet après-midi, à 15 heures, l'Association
professionnelle des géologues et des géophysiciens du
Québec. À 16 heures, nous avons Minéraux Noranda Inc.
À 17 heures, le Groupe Bélanger, Est-ce que l'ordre du jour est
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Baril): Adopté. Merci. Il faut
aussi que je rappelle aux membres que l'ordre du jour de ces consultations a
été agréé par le comité directeur en
février 1987. On débute. Vous avez 30 minutes pour vos remarques
préliminaires, M. le ministre.
Déclarations d'ouverture M. Raymond
Savoie
M. Savoie: Merci, M. le Président. Alors, M. le
Président, mesdames, messieurs, il me fait plaisir de souhaiter la
bienvenue à tous les orqanismes qui viendront au cours des prochains
jours nous faire part de leurs commentaires et suggestions concernant le projet
de loi sur les mines. Je tiens à féliciter et à remercier
à l'avance tous ceux qui se sont donné la peine de
préparer des mémoires pour cette commission. Soyez assurés
que j'écouterai avec beaucoup d'attention les recommandations qui nous
seront faites pour bonifier cette loi.
Permettez-moi d'abord de vous rappeler en quelques mots l'importance du
secteur minéral pour l'économie québécoise. Notre
industrie minérale, c'est plus de 20 000 emplois directs dans
près de 750 établissements miniers différents. En 1986 la
valeur des expéditions minérales fut de 2,28 milliards de
dollars. Avec une masse salariale de près de 700 000 000 $ et des
investissements atttelqnant 730 000 000 $ en hausse de 8 % de 1985 à
1986, ce secteur constitue le pilier économique de certaines
réqions. Si on tient compte de l'impact global sur l'économie
québécoise en termes d'emplois, c'est-à-dire les emplois
directs, indirects et induts, on atteint le chiffre approximatif de 65 000.
L'année 1986 a été une année exceptionnelle
pour l'exploration minière. En effet, plus de 260 000 000 $ ont
été investis dans des travaux d'exploration, ce qui se devrait
normalement se concrétiser au cours des prochaines années par
l'ouverture de plusieurs mines, principalement dans le secteur de l'or.
L'activité minière se perçoit éqalement
à un autre niveau. Au ministère nous avons en effet
enregistré plus de 52 000 nouveaux claims en 1986, ce qui est plus du
double de la moyenne des quatre ou cinq dernières années. Il y a
eu également des renouvellements sur près de 80 000 claims pour
un total de 132 000 présentement en vigueur au Québec. Le nombre
de nouveaux claims est intéressant parce qu'il indique que de nouveaux
territoires sont explorés et les renouvellements indiquent quant
à eux que la prospection minière se poursuit activement dans les
territoires déjà reconnus pour leur bon potentiel. Dans une telle
poussée
d'activité, la refonte de la Loi sur les mines prend toute sa
signification. En effet, les deux thèmes qui nous ont guidés pour
remplacer la loi actuelle par le projet de loi qui sera examiné en
commission parlementaire sont les suivants: une gestion améliorée
des droits miniers, un accès le plus large possible à la
ressource minérale du territoire québécois.
Les nombreuses modifications proposées ont été
faites en respectant les principes de base du droit minier
québécois. Comme vous le savez probablement, la première
loi-cadre sur les mines date de 1880. La loi actuelle revisée en 1965
porte encore des vestiges de cette lointaine époque où on
découvrait des mines en surface, mines qu'on développait
rapidement et surtout à des coûts qui n'ont aucune commune mesure
avec les millions qui doivent être investis aujourd'hui. Il va de soi
qu'une loi inspirée de cette période contienne des dispositions
inadaptées au contexte moderne. Plusieurs anachronismes nous ont
été signalés tant par les représentants de
l'industrie minière que par les fonctionnaires chargés
d'administrer la loi et, avec le projet que nous avons soumis à vos
commentaires, nous les avons éliminés dans toute la mesure du
possible.
Les grands principes de base de notre droit minier qui ont si bien servi
l'industrie minière jusqu'à maintenant sont donc maintenus.
Ainsi, le droit de prospecter est accessible à tous. Ce principe permet
d'augmenter avec le temps le nombre de prospecteurs actifs sur le terrain
puisqu'il permet d'augmenter la diversité des concepts pour
découvrir ces gisements. L'autre principe concerne l'attribution des
claims au premier occupant sur le terrain. Lors des consultations faites en
cours de préparation de ce projet de loi, les représentants des
prospecteurs ont insisté sur le maintien d'un tel régime en
rappelant que le jalonnement sur le terrain constitue une activité
économique importante, principalement dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Ces préoccupations rejoignent donc les
miennes. Dans la nouvelle loi, le jalonnement sur le terrain demeure toujours
le mode privilégié d'appropriation du droit de ressources
minières sur le territoire québécois.
Pour tenir compte de l'évolution des pratiques actuelles, nous
avons cependant jugé bon d'introduire des nouveautés à ce
chapitre. Le principe du jalonnement sur carte, ou, comme nous l'appellerons
dans la nouvelle loi, la désignation sur carte, sera élargi.
Introduit en 1982 dans un règlement, ce mode d'attribution des titres
miniers pour la recherche des substances minérales réduit les
inconvénients physiques du jalonnement dans les territoires populeux. Il
nous semble particulièrement bien adapté aux régions
méridionales du Québec et être le gage d'une cohabitation
harmonieuse entre les activités de prospection et tout autre type
d'activité qu'on retrouve dans tes régions densément
populeuses. Il permet en outre de minimiser les dépenses de jalonnement
proprement dites et permet aux explorateurs de consacrer plus d'efforts
à la découverte des gisements.
Toujours à ce chapitre, nous introduisons également dans
la loi le permis d'exploration minière pour les territoires
situés au nord du 52e deqré de latitude. Ce mode d'attribution
des droits de recherche était également prévu au
règlement associé à la loi actuelle, mais à cause
de son utilisation de plus en plus fréquente, particulièrement
depuis quelques années, où des indices intéressants d'or
et de platine ont été mis à jour dans la fosse de l'Ungava
et du Labrador, il nous est apparu nécessaire de le reconnaître
formellement dans la loi. Le permis d'exploration minière nous
apparaît particulièrement approprié pour la recherche dans
les grands territoires du Nord du Québec.
Nous avons également profité de la refonte de la Loi sur
les mines pour dissiper certaines ambiguïtés relativement à
ce permis. En effet, le détenteur de ce droit minier pourra
dorénavant jalonner des claims à l'intérieur des limites
de son permis sans avoir à recourir à des autorisations
supplémentaires du ministre. En d'autres mots, tout ce qui était
fondamental concernant l'appropriation des droits de recherche des substances
minérales qui apparaissait dans le rèqlement de la loi actuelle
est maintenant transféré dans la loi elle-même pour plus de
clarté.
Un autre principe inhérent à la toi consiste a assurer au
détenteur de claims obtenus par jalonnement ou par désignation
sur carte qu'il pourra les conserver tant et aussi longtemps qu'il le
désire et obtenir en priorité un bail minier s'il y fait une
découverte. Cette priorité est évidemment liée
à l'exécution de travaux d'exploration minière, travaux
qui sont par la suite rendus publics par l'entremise du ministère. Nous
avons profité de l'occasion de la rédaction de la nouvelle loi
pour revoir les exigences des travaux d'exploration que les détenteurs
des droits miniers doivent exécuter pour conserver le droit au
renouvellement des claims. Certaines exigences n'avaient pas été
revues depuis une bonne quinzaine d'années et certaines dispositions
introduites dans la nouvelle loi devraient favoriser la remise de plus de
travaux d'exploration. Ces dispositions visent à donner un accès
public à une plus grande quantité de travaux et à
favoriser le retour au domaine public des terrains faisant l'objet de peu de
travaux.
Finalement, un dernier grand principe concerne l'obligation
imposée au titulaire d'un bail minier de commencer l'exploitation de la
ressource dans un délai plus raisonnable que maintenant et de maintenir
ses activités
durant une période déterminée pour pouvoir
renouveler son droit. La nouvelle loi, non seulement reprendra ce principe,
mais en élargira la portée. En effet, il n'y a pas lieu
d'encourager le maintien d'un type d'exploitation si les fins pour lesquelles
il a été émis ne sont pas réalisées. En
contrepartie, au titulaire du bail minier qui ne pourra satisfaire à
cette obligation, la nouvelle loi offrira en priorité la
possibilité de retour au titre d'exploration.
Maintenant que nous avons traité des grands principes de la loi,
passons aux principaux objectifs de la refonte. Il s'agit d'améliorer la
gestion des droits miniers québécois en modernisant, en
simplifiant et en clarifiant l'administration de la loi pour le
bénéfice des individus, des entreprises et de l'administration.
Le texte juridique s'harmonise davantage aux nouvelles technologies et aux
tendances dans le domaine de la prospection et de la production
minières. Ainsi, la loi propose notamment, d'une part, un permis de
prospection valide pour cinq ans. Ce changement aura pour effet,
premièrement, de dissocier le permis de prospection de l'acquisition et
de l'enregistrement du claim et permettra à son titulaire de jalonner un
nombre illimité de claims; deuxièmement, la possibilité de
jalonner pour autrui, ce qui diminuera de façon très
substantielle les actes de transfert; troisièmement, la
possibilité de corriger une erreur technique dans l'avis de jalonnement
afin de réduire certains irritants du système actuel;
quatrièmement, l'augmentation de la période de validité du
claim de un an à deux ans. Cette seule mesure permettra d'augmenter la
productivité du système de gestion des titres miniers par un
facteur de l'ordre de 30 %. Cette disposition, combinée à la
possibilité de renouveler un claim par anticipation, permettra, d'une
part, de réduire la paperasse administrative entre la clientèle
et l'administration, de garantir des droits de recherche pour une
période de quatre ans et, finalement, aux prospecteurs de mieux
planifier leur campagne de travaux d'exploration pour rentabiliser au maximum
les investissements qu'ils y consentent.
D'autres innovations sont également à souligner à
ce sujet. Par exemple, il sera possible de répartir l'excédent
des sommes déclarées pour les travaux d'exploration sur une plus
grande superficie, soit le double de ce que prévoit la loi actuelle. Il
serait également possible d'extraire des substances minérales sur
un claim dans des quantités suffisantes pour démontrer la
faisabilité d'un développement minier. Nous introduisons enfin le
concept de la récupération optimale des substances
minérales et ce, dans le but de prévenir les très rares
cas, il est vrai, d'écrémage de gisements.
Une gestion améliorée des droits miniers signifie
concrètement dans la loi la rationalisation de divers titres émis
par le ministère. C'est ainsi que disparaît le permis de mise en
valeur pour faire place au renouvellement du claim. Les permis spéciaux
d'exploration qui étaient émis dans les Cantons de l'Est sont
tout simplement remplacés par le claim désigné sur carte.
On remplace par des claims les permis spéciaux qui étaient
émis en vertu de l'ancienne loi et, enfin, le permis d'exploration dans
les dépôts d'alluvions est aboli.
Cette rationalisation des titres nous a également donné
l'occasion de prévoir de nouvelles dispositions pour les
matériaux de surface. Les matériaux de surface étant
généralement faciles à identifier, qu'il s'agisse de
tourbe, de granit ou de calcaire, par exemple, n'exigent pas de travaux
d'exploration et de mise en valeur de l'envergure de ceux nécessaires
à la connaissance des gisements métalliques. Nous avons donc une
procédure simplifiée qui se traduit par un permis de recherche et
un bail d'exploitation mieux adaptés à ce segment de l'industrie
minérale qui, globalement, représente un important chiffre
d'affaires de l'ordre de 250 000 000 $ par année. L'accès aux
ressources du territoire constitue donc un autre thème très
important de la refonte de la Loi sur les mines.
Le droit d'exproprier la surface du terrain qui contient un gisement
dans son sous-sol est maintenu. C'est donc dire que l'activité
minière est tout à fait prioritaire par rapport aux autres types
d'activité. On reconnaît ici le caractère particulier de la
ressource minérale, ressource cachée qui nécessite des
investissements considérables pour être mise en valeur et qui ne
peut être exploitée que là où elle se trouve.
L'accès au territoire pose évidemment des
difficultés dans certaines situations où chacun convoite sa
parcelle de terrain pour y exercer ses propres activités. Dans notre
projet, nous avons retenu, dans toute la mesure du possible, l'approche de la
cohabitation d'activités sur un même territoire et plusieurs
dispositions permettront, je l'espère, de concrétiser cette
orientation moderne. C'est ainsi qu'au lieu de soustraire à
l'activité minière de longs corridors pour l'implantation de
lignes de transport électrique, par exemple, nous avons prévu une
disposition qui permettrait au titulaire de claim d'entreprendre ou de
poursuivre ses travaux d'exploration sur des tracés qui seraient
éventuellement retenus pour la construction de ces lignes
électriques.
Une autre disposition permettra des travaux d'exploration sur des
terrains qui, auparavant, devaient être soustraits à
l'activité minière. Par exemple, lorsqu'un organisme voulait
aménager un centre de ski sur les terres de la couronne, nous
n'avions
d'autre choix que de soustraire ce territoire à l'activité
minière. Il sera maintenant possible, à certaines conditions
visant cette coexistence d'activités, de réaliser des travaux
d'exploration et, éventuellement, d'exploiter un gisement mis à
jour.
Quant à l'interdiction de jalonner sans l'autorisation du
ministère dans les limites d'une ville, nous restreindrons ces
superficies au périmètre d'urbanisation. On sait que depuis
quelques années la superficie des villes s'est considérablement
accrue essentiellement pour des fins de fiscalité municipale. Dans une
ville minière comme Chibougamau par exemple - n'est-ce pas, M. Claveau?
- la superficie de la ville occupée est près de 1000
kilomètres carrés alors que le territoire urbanisé couvre
à peine 25 kilomètres carrés. L'interdiction de jalonner
sans l'autorisation du ministre s'appliquera donc uniquement au territoire
urbain.
C'est également dans cet esprit d'un meilleur accès
à la ressource que le projet de loi révoque les réservoirs
souterrains en faveur de la couronne. Cette révocation
régularisera la situation ambiguë de ce type de droits dont
l'existence constituait un obstacle de taille à la poursuite et au
développement de projets de réservoirs souterrains artificiels ou
naturels au Québec. En effet, selon la loi actuelle, à moins que
la couronne ne soit propriétaire de droits aux réservoirs
souterrains, un intervenant doit négocier un bai! de réservoir
souterrain privé avec chacun des propriétaires fonciers occupant
la surface. Comme les réservoirs souterrains occupent
généralement de très vastes étendues, les
négociations doivent se poursuivre avec une foule de
propriétaires. Le projet de loi corrige donc cette situation et
permettra, entre autres, de planifier plus facilement le stockage de gaz
naturel et cela, aux bénéfices des consommateurs, tout en
prévoyant une compensation aux propriétaires fonciers si un
réservoir souterrain est utilisé dans les terrains
sous-jacents.
En terminant, j'aimerais ajouter quelques mots sur la structure du
projet de loi. Celui-ci a été rédigé en fonction
des droits miniers plutôt qu'en fonction des thèmes choisis plus
ou moins abstraitement comme c'est le cas dans la loi actuelle. Cette nouvelle
approche possède l'avantage de bien cerner les droits et obligations du
titulaire d'un droit minier et ce, pour chacune des étapes de
l'activité minière. Cette structure limite les risques d'erreurs
administratives et simplifie l'utilisation de la loi.
On retrouve en règlements tous les éléments
à caractère normatif telles la tarification, les conditions
d'émission et d'exercice des différents permis et baux. On
comprendra que le grand éventail des substances minérales
produites par le Québec, la diversité géographique des
lieux, de même que la variété des occupations du territoire
ne permettent pas de tout prévoir, dans les moindres détails tout
au moins. D'ailleurs, si on tentait de le faire, le texte de la loi et des
règlements deviendrait tellement long et complexe que notre
clientèle minière ne s'y retrouverait pas. L'administration doit
donc disposer d'une certaine marge de manoeuvre dans l'attribution des droits
miniers. Cette souplesse ou cette discrétion sert l'objectif principal
de développement de notre patrimoine minéral dans les meilleurs
intérêts de tous les citoyens et dans le respect des champs de
juridiction des autres ministères.
En ce qui concerne le pouvoir du ministre, la nouvelle loi
concrétise le processus décisionnel qui a cours au
ministère depuis plusieurs années. Le projet de loi contient
plusieurs dispositions permettant d'harmoniser les décisions prises par
le ministre avec le droit administratif moderne en augmentant le pouvoir des
administrés de faire valoir leur point de vue auprès de
l'administration et d'en appeler éventuellement devant la Cour
provinciale.
Ce processus pourra s'exercer dans un souci de meilleur équilibre
des relations de l'administration avec ses administrés et en accord avec
les principes de justice naturelle. C'est ainsi que l'enquêteur
désigné par le ministre permettra à l'administration
d'avoir tous les éclairages voulus pour rendre des décisions
équitables à l'égard des administrés. Par ailleurs,
le projet de loi assure aux administrés qu'ils pourront faire entendre
leur point de vue avant que l'administration ne statue sur leurs droits.
L'élaboration du projet de loi sur les mines a été
précédée d'analyses approfondies et de nombreuses
consultations des parties concernées. L'Association des prospecteurs du
Québec et l'Association des mines de métaux ont eu l'occasion de
nous faire valoir plusieurs points de vue que l'on considère
représentatifs du milieu minier. Nous avons également
formé un panel composé de personnes bien connues pour la
qualité de leur expérience pratique tant au niveau de la
prospection, de la production que du domaine juridique. Nous avons
discuté avec elles des changements envisagés et nous avons
recueilli leurs réactions et suggestions. (10 h 30)
Plusieurs nouvelles dispositions introduites au projet de loi sont donc
en accord avec les pratiques actuelles et futures, nous l'espérons, de
l'industrie minière québécoise. Les suggestions que les
différents intervenants nous présenteront au cours des travaux de
cette commission nous aideront certainement dans la recherche de meilleures
avenues permettant de bonifier encore le projet de loi.
En guise de conclusion, M. le Président, je veux rappeler
à tous les intervenants qui
ont été invités à se présenter devant
la commission que je suis là pour les écouter le plus
attentivement possible et retenir les propositions pertinentes.
Là-dessus, je vous remercie.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Avant de commencer mon
intervention, j'aimerais préciser que M. le député de
Duplessis devait m'accompagner tout au long de cette commission parlementaire.
Cela se comprend d'ailleurs, étant donné que le territoire de son
comté est un territoire à haute incidence. Par contre, pour des
raisons de santé évidentes il ne pourra être avec nous et
il m'a demandé de l'en excuser auprès de tous les
intervenants.
Au début de cette consultation particulière sur le projet
de loi 161 sur les mines, il me fait d'abord plaisir de souhaiter la bienvenue
au ministre délégué aux Mines, à son ministre de
tutelle, le ministre de l'Énergie et des Ressources, à ses hauts
fonctionnaires et aux organismes qui vont se présenter devant nous au
cours des quatre jours d'auditions. C'est avec grand intérêt que
moi et mes collègues de l'Opposition abordons l'étude de ce
projet de refonte de la Loi sur les mines. La dernière refonte de la Loi
sur les mines remonte à 1965, alors que M. René Lévesque
était ministre des Richesses naturelles. Elle avait été
précédée d'un avant-projet de loi préparé
à la suite d'une large consultation du milieu minier par une commission
d'étude des lois minières.
Depuis le début du siècle, l'exploitation minière a
connu bien des hauts et des bas. Soumis à la courte vie d'une mine - on
la situe à quinze ans en moyenne - à la précarité
des marchés, à une vive concurrence internationale et aux
changements technologiques, le secteur minier doit continuellement se
protéger contre les risques constants des fermetures soudaines qui
déséquilibrent souvent, sans préavis, l'économie de
régions entières.
Depuis le début des années quatre-vingt, malgré
l'intervention massive du gouvernement du Québec et de la
Société québécoise d'exploration minière,
SOQUEM, par des programmes de recherche, d'exploration et d'exploitation
minières, l'industrie minière a été fortement
ébranlée, tant dans le secteur du fer: Gagnon, Schefferville,
Fermont, Sept-Îles, Pointe-Noire, que dans le secteur du cuivre:
Murdochville, Chibougamau-Chapais, Matagami, et dans celui de l'amiante:
Asbestos, Thetford-Mines. Dans cette industrie à haut risque, le
gouvernement doit s'assurer du renouvellement constant des ressources à
travers des activités fondamentales, telles la prospection,
l'exploration et la recherche, afin de maintenir une industrie minière
dynamique et concurrentielle.
C'est dans cet esprit que le gouvernement précédent a
amorcé en 1985 les premières réflexions sur la
révision complète de la Loi sur les mines. Pour enclencher
réellement cette deuxième réforme en un peu plus de 20
ans, nous comprenons que le ministre délégué aux Mines a
préféré ne pas faire appel à une commission
d'étude externe, quoique cette alternative aurait pu être
indiquée pour un domaine aussi spécialisé, mais il a
plutôt choisi le forum d'une consultation particulière par la
commission de l'économie et du travail de l'Assemblée
nationale.
Ceci étant dit, nous voulons croire que ce projet de loi est le
fruit d'efforts soutenus, de réflexions et de consultations en vue de
rendre plus opérationnelle la présente Loi sur les mines. Mais
une lecture attentive nous indique que de très nombreuses dispositions
du projet de loi 161 vont compliquer sérieusement l'exploration et
l'exploitation minières. En déposant le projet de loi 161 le 9
décembre dernier, le ministre délégué aux Mines a
annoncé que la réforme de la Loi sur les mines avait pour
objectif principal de la clarifier et de la simplifier. Il y a lieu de se
demander si le ministre délégué aux Mines n'erre pas au
plus profond d'une mine abandonnée tant cette réforme est
décevante à plus d'un titre et ne tient pas compte des
réalités propres à l'industrie minière.
Le projet de loi 161 n'indique pas clairement dans ses objectifs la
volonté du gouvernement de favoriser le développement minier, de
soutenir les objectifs de recherche et de développement mis de l'avant
par les entrepreneurs privés. Non, le gouvernement a choisi une approche
purement gestionnaire du milieu minier. Nous avons devant nous un texte
négatif, tatillon, par lequel la collecte de paperasse administrative
risque de générer plus d'activités que l'extraction du
minerai. Le ministre délégué aux Mines a tout
intérêt à profiter de cette consultation pour
écouter davantaqe l'industrie minière que son entourage. Un
exemple choisi parmi bien d'autres suffira à ce moment-ci pour illustrer
cette approche de gestionnaire et la voracité financière de ce
gouvernement.
Ainsi, l'article 45 de ce projet de loi indique que le ministre veut
faire payer les droits pour inscrire un claim. Nous disons au gouvernement
qu'il se trompe de cible. Il ne doit pas chercher à augmenter le fardeau
de l'exploitant, mais plutôt à faciliter l'exploration
minière elle-même. Il doit donc envisager des mesures qui viennent
encourager la mise en valeur des terrains en vue d'une exploitation
éventuelle. Le projet de loi 161 passe a côté d'une
simplification
de l'administration du secteur minier tant les rapports à
soumettre au ministre sont nombreux. Nous faisons référence aux
articles 67, 213, 214, 215, 218, etc. Les délais et
échéanciers sont variés et ne tiennent pas compte, comme
au deuxième paragraphe de Particle 67, de la réalité
propre de l'industrie minière en exigeant que le titulaire d'un claim
fasse rapport au ministre 60 jours avant l'expiration de son droit, ce qui
diminue d'autant le temps qui lui est alloué pour justifier ses
interventions.
Les contraintes nouvelles sont tellement nombreuses qu'il y a lieu de se
demander si le gouvernement a l'intention de restreindre l'exploration et
l'exploitation minières. Tout comme nous l'avons déjà
fait, avec raison, l'automne dernier, lors de l'étude du projet de loi
150 sur la forêt, nous tenons à déplorer fortement
l'attitude de ce gouvernement. D'une main, il publie un rapport sur la
déréglementation, le rapport Scowen, où on peut lire,
à la page 286, que le projet de loi sur les mines comporterait deux ou
trois règlements simples d'application. De l'autre main, il agit en sens
tout à fait contraire avec le projet de loi 161. Avec ses 32 pouvoirs
réglementaires décrits à l'article 288 auxquels font
référence plus de 75 articles, le projet de loi 161 est aux
antipodes du rapport Scowen sur la déréglementation. Qui osera
encore se lever dans ce gouvernement pour soutenir le titre du rapport Scowen
Réglementer moins et mieux?
Le choix du ministre de déplacer les règles normatives de
la loi vers les règlements est tout à fait regrettable,
très insécure pour le fonctionnement normal de l'industrie
minière et engendrera l'incertitude. Nous dénonçons donc
fortement l'importance de la législation déléguée
retenue par le projet de loi 161. À notre avis, pour augmenter
l'efficacité de l'industrie minière, de nombreux aspects de la
loi actuelle sur les mines devraient demeurer dans la loi tels les
règlements de jalonnement, les tarifs et les divers permis et baux, la
description et la répartition des travaux requis, les conditions
d'émission, d'exercice et de renouvellement des droits miniers.
À notre opposition aux nombreux pouvoirs réglementaires
s'ajoute une très sérieuse réserve sur les importants
pouvoirs discrétionnaires qui permettront au ministre de déroger
aux objectifs de la loi selon les pressions du milieu. Sur les 364 articles du
projet de loi, au moins 82 articles contiennent des expressions de ce genre:
"Le ministre peut annuler... Le ministre peut dispenser... Le ministre peut
refuser... Toutefois, le ministre peut autoriser... Toutefois, le ministre peut
conclure... S'il est démontré au ministre... Il peut, avec
l'autorisation du ministre... Dans un délai fixé par le
ministre... Le ministre peut lui imposer..." Il ne fait aucun doute qu'avec de
tels pouvoirs discrétionnaires le ministre délégué
aux Mines devra agrandir sa salle d'attente et en consolider les murs pour
résister aux pressions toujours croissantes. Tous ces pouvoirs
discrétionnaires sur lesquels l'industrie minière et les
parlementaires n'auront aucun contrôle sont nettement abusifs et auront
pour effet d'engendrer beaucoup d'incertitude en laissant les entreprises, les
prospecteurs, les avocats, les notaires, les banquiers et même les
fonctionnaires à la merci d'un ministre qui, au fil des pressions, sera
tenté d'administrer l'industrie minière cas par cas. Faisant
appel très souvent à l'épargne publique, l'industrie
minière doit évoluer dans un cadre très bien
structuré et très sécurisant. Nous croyons qu'à ce
titre le ministre délégué aux Mines rate
complètement la cible. Nous l'invitons à baliser très
clairement ses pouvoirs discrétionnaires car il est important de ne pas
laisser reposer sur ses épaules un tel fardeau de responsabilité.
Le projet de loi 161 tel que libellé accroît donc
considérablement le nombre de pouvoirs administratifs
discrétionnaires du ministre délégué aux Mines sans
aucune possibilité d'appel pour les bénéficiaires.
De plus, il confirme l'abolition du poste de juge des mines et confie
l'exercice des pouvoirs qui lui étaient conférés aux juges
désigné de la Cour provinciale non spécialisés dans
le secteur minier. Il fait en plus preuve d'une grande imprudence à
l'article 285 en limitant la compétence d'un juge désiqné
à un territoire donné. Après avoir constitué une
des pierres d'assise de la Loi sur les mines depuis 1966, le poste de juge des
mines a été supprimé en juin dernier par la loi 87
concernant la réorganisation de certains organismes relevant du ministre
de la Justice. Cette application d'une recommandation du rapport Gobeil s'est
faite sans aucune consultation du milieu minier. L'abolition du poste de juge
des mines a des conséquences dangeureuses sur toute la refonte de la Loi
sur les mines. L'appropriation par le ministre délégué aux
Mines de nombreux pouvoirs quasi judiciaires pour les refiler très
souvent à des fonctionnaires dont l'indépendance n'est pas
garantie constitue un recul inadmissible.
Tout comme le projet de loi 102 sur les terres présenté
devant l'Assemblée nationale, le projet de loi 161 sur les mines
constitue une autre attaque d'un ministre sectoriel contre les
municipalités régionales de comté et les principes de la
Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Alors que l'article 20 du projet
de loi 102 permettra au gouvernement de modifier unilatéralement le
schéma d'aménagement d'une MRP, l'article 28 du projet de loi 161
sur les mines permettra au ministre déléqué aux Mines de
déterminer les limites du territoire
urbanisé où il sera interdit de jalonner ou de
désigner sur carte. De plus, l'article 351 de la loi spécifie
que, jusqu'à ce que le ministre ait déterminé les limites
du territoire urbanisé, il est interdit de jalonner ou de
désigner sur carte un terrain situé dans les limites d'une
cité ou d'une ville. Il est inconcevable que le projet de loi 161 vienne
renier l'obligation faite aux MRC de délimiter le territoire
urbanisé dans le cas de la préparation de leur schéma
d'aménagement, encore plus inacceptable qu'aucune obligation ne soit
faite au ministre délégué aux Mines de consulter les
municipalités et tout simplement inadmissible qu'une telle interdiction
de jalonnement ou de désignation sur carte d'un territoire
urbanisé ne s'applique pas en vertu de l'article 30 aux fonctionnaires
dans l'exercice de leurs fonctions et à toute personne agissant pour le
compte de la couronne. S'il applique cette mesure, le gouvernement ne se
contente pas de gifler les MRC et les municipalités, car en plus il
laisse supposer qu'il va se garder le droit de permettre le jalonnement de
toute propriété privée y compris les secteurs
résidentiels des municipalités.
Si le ministre délégué aux Mines veut ajuster son
discours à son collègue des Affaires municipales et respecter
ainsi l'autonomie municipale, il devra assujettir ses autorisations aux
décisions des municipalités concernées et respecter les
limites des territoires urbanisés incluses dans le schéma
d'aménagement des MRC.
Tout au long de ces quatre jours de consultation particulière,
nous serons attentifs et à l'écoute des points de vue dont
plusieurs s'annoncent fort divergents. Ce projet de loi suscite de nombreuses
questions dont en voici quelques-unes. Jusqu'où doit-on assujettir le
droit minier aux autres ressources ou encore à des affectations
contraignantes du territoire? Doit-on obliger un titulaire d'un droit minier
à indemniser un tiers afin d'avoir accès au territoire faisant
l'objet de son droit minier? Le titulaire d'un droit minier doit-il se
soumettre à la Loi sur la qualité de l'environnement tout au long
de la période d'exploitation d'une carrière, d'une
sablière, d'une tourbière ou d'une mine? Les droits de titulaire
de permis seront-ils mieux protégés par un juge non
spécialisé de la Cour provinciale que par le juge des mines? Les
trop grands pouvoirs discrétionnaires entre les mains du ministre
délégué aux Mines auront-ils pour effet de ralentir les
décisions et par le fait même le développement minier? Y
a-t-il lieu d'instaurer un fonds minier pour amortir les durs coups des
ralentissements subits de production ou carrément des fermetures de
mines qui laissent souvent les travailleurs complètement démunis
et plus particulièrement ceux des villes minières
monoindustrielles? En cas de jalonnement simultané d'un même
territoire, suffit-il de tirer au sort pour contrer la preuve qu'un jalonneur
est arrivé avant un autre? Les résidus miniers
déposés sur les terres publiques deviennent-ils
propriété publique? Y a-t-il lieu d'interdir le jalonnement et la
prospection dans les parcs, les réserves écologiques, sur les
terres de catégorie I délimitées en vertu de la Convention
de la Baie James et du Nord québécois? En cas d'abandon d'une
mine, qu'adviendra-t-il si des problèmes environnementaux surgissent
quelques années plus tard? Serait-il préférable de
prévoir une seule catégorie de permis pour toutes les substances
minérales afin d'alléger la loi et de diminuer les nombreuses
redondances? Une clause de prépondérance doit-elle être
incluse dans la loi au profit de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois? Pourquoi le gouvernement a-t-il l'intention de
diminuer le droit de regard du ministre délégué aux Mines
sur la gestion des résidus miniers par une définition à
l'article 3 qui exclut, comme certains disent, environ 50 % des résidus,
soit ceux générés sous forme de liquide telle la liqueur
de cyanure utilisée dans les mines d'or? Quelles sont les
modalités d'accès aux registres publics prévus par
l'article 12? N'y a-t-il pas avantage à définir le concept
d'intérêt public qui apparaît aux articles 76, 85, 129 et
146 afin d'éliminer toute ambiguïté quant à son sens
et à son application? (10 h 45)
Étant donné que les articles 26, 29, 286 viennent
interdire de prospecter sans autorisation du ministre, y a-t-il lieu de
définir les mots "prospecter", "explorer", "jalonner", etc., afin
d'éviter les interprétations différentes? Faut-il inclure
dans une loi sur les mines une disposition, que l'on retrouve aux articles 62,
100, 101 et 144, excluant d'un claim, d'un bail minier ou d'une concession
toute partie d'un cours d'eau d'une puissance naturelle de 225 kilowatts ou
plus? Pourquoi donc le ministre délégué aux Mines
accepte-t-il de porter un jugement sur la préséance de
l'exploitation des ressources hydrauliques sur le développement des
richesses minérales? Sur quels critères se quidera le ministre
délégué aux Mines pour appliquer l'article 227 qui vise
à favoriser la récupération optimale des substances
minérales? Le ministre in-terviendra-t-il ainsi dans le processus
décisionnel des entreprises privées?
En plus de ces questions, la pollution générée par
l'industrie minière me préoccupe particulièrement, car,
même si les installations servant à l'exploitation minière
n'occupent qu'une infime partie du territoire du Québec, on ne doit pas
oublier que les résidus souvent polluants, et même très
polluants, sont une menace constante pour l'environnement.
Au-delà de l'aspect très technique de la
plupart des mesures du projet de loi 161, cette consultation doit
être l'occasion de réfléchir sur le développement du
Nord du Québec et, par le fait même, sur le développement
des villes et localités de ce vaste territoire pour qui l'exploitation
minière est l'une des rares activités susceptibles d'assurer leur
croissance économique. Le Québec ne peut plus se permettre la
fermeture de villes minières monoindustnelles comme ce fut le cas
à Gagnon et à Schefferville. Le gouvernement doit établir
une politique de développement du Nord comprenant des règles
différentes pour les entreprises et la population qui travaillent
à l'exploitation des ressources minérales.
Dans un premier temps, il faudrait déterminer de quel nord on
veut parler. Celui dont il est question dans le projet de loi 161 et qui fixe
des mesures particulières pour l'exploitation minière au nord du
52e parallèle se veut arbitraire, irréaliste et irrespectueux de
l'entité géographique auquel il se réfère. Avant
que le ministre ne vienne, dans une loi sectorielle, déterminer
où commence le Nord du Québec, je l'invite à profiter de
cette commission parlementaire pour indiquer clairement l'état de la
réflexion de son gouvernement sur la création éventuelle
d'un ministère des affaires du nord.
Le ministre délégué aux Mines et aux Affaires
autochtones a un mandat d'étude à cet effet, et c'est pourquoi
nous n'avons aucune objection à situer ces audiences sur la
réforme de la Loi sur les mines dans une perspective plus globale du
développement minier et du développement du Nord du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le député
d'Ungava. Nous invitons immédiatement les gens de l'Association des
prospecteurs du Québec à se présenter, s'il vous
plaît!
Auditions
Bienvenue, messieurs. Je tiens à vous rappeler que le temps qui
vous est alloué est d'une heure, qui se répartit comme suit: 20
minutes pour présenter votre mémoire, 20 minutes pour discuter
avec les membres du gouvernement et 20 minutes pour discuter avec les membres
de l'Opposition. J'aimerais demander au porte-parole de présenter ses
invités, s'il vous plaît!
Association des prospecteurs du Québec
M. Labeaume (Régis): M. le Président, j'aimerais
tout d'abord remercier la commission de nous permettre de présenter
notre document. J'aimerais vous présenter, à ma droite, Me Guy
Bourassa, de la firme
Bourassa, Provencher et Godard, de Rouyn. Me Guy Bourassa était
responsable du comité qui a préparé le mémoire; il
est aussi membre du conseil d'administration de notre association. À ma
gauche, M. Roger Doucet, directeur de l'exploration pour te Québec et
les Maritimes chez Minerais Lac, qui est le premier producteur d'or
québécois. M. Doucet a été président de
notre association de 1982 à 1984. À mon extrême droite, M.
Gratien Gélinas, administrateur d'une firme de génie-conseil
Géola Ltée. M. Gélinas est également membre de
notre conseil d'administration. Ce sont les personnes qui ont dirigé le
travail relatif au projet de loi sur les mines, et je les en remercie. Je vais
immédiatement céder la parole à notre porte-parole, Me
Bourassa.
M. Bourassa (Guy): Merci. M. le Président, l'Association
des prospecteurs du Québec existe depuis janvier 1976. Elle a pour but
de regrouper en association les personnes qui s'occupent de l'exploration
minière au Québec afin de promouvoir et de développer
leurs intérêts économiques, sociaux et professionnels.
L'association compte aujourd'hui 655 membres individuels comprenant
principalement des géologues, des prospecteurs, des ingénieurs et
d'autres professionnels engagés dans le domaine de l'exploration
minière ainsi que 110 membres corporatifs.
La position de l'association qui est précisée dans le
mémoire que nous vous présentons aujourd'hui se veut une
synthèse des commentaires émis par les membres de l'association
qui nous ont été transmis aussi bien verbalement que par
écrit. Nous croyons qu'il est important d'établir ce point pour
qu'il soit bien compris que le mémoire de l'association n'est pas le
fait de ses seuls rédacteurs. Étant donné que nous sommes
ici sur une base consultative, notre exposé sera d'ordre
général. C'est malheureux car nous aurions certainement
préféré discuter de ce projet de loi article par article.
Cela aurait peut-être été encore plus rentable pour la
commission.
Nous traiterons donc des principaux points soulevés dans notre
mémoire par des articles proposés dans le projet de loi et le
projet de règlement. Les principaux points soulevés par nos
membres sont les suivants: l'accroissement excessif du pouvoir
discrétionnaire du ministre, l'abolition du juge des mines, le grand
pouvoir de réglementation, l'augmentation du fardeau, administratif du
détenteur de titre et des fonctionnaires administrant la loi, la
diminution du territoire accessible au jalonnement sans autorisation
préalable ou conditions discrétionnaires; finalement et non le
moindre, la disparition à brève échéance du
prospecteur traditionnel.
En ce qui concerne le premier point,
soit l'accroissement excessif du pouvoir discrétionnaire du
ministre, mentionnons à titre d'exemple le pouvoir conféré
au ministre par l'article 76 du projet de loi. Il s'agit d'un nouvel article
qui se lit comme suit: "Le ministre peut ordonner, pour des motifs
d'intérêt public, la cessation des travaux d'exploration. "Dans ce
cas, il suspend, sous certaines conditions, la période de
validité du claim. "Après une période de six mois, le
ministre peut, d'office ou à la demande du titulaire du claim, annuler
le claim. Dans ce cas, une indemnité est versée au titulaire du
claim pour compenser en tout ou en partie des investissements effectués
pour la recherche minière."
Nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'un article extrêmement
dangereux qui peut être utilisé discrétionnairement ou
à mauvais escient par le ministre, sans compter qu'aucun droit d'appel
n'est prévu de la décision du ministre. La notion
d'intérêt public est extrêmement difficile à cerner
de sorte que les droits d'un détenteur de droit minier peuvent
être suspendus pour des raisons purement arbitraires relevant d'une seule
personne sans que celle-ci ne soit soumise à un contrôle
quelconque. C'est, à notre avis, complètement inadmissible dans
notre société.
Cet article instaure de plus une méthode de fixation
d'indemnité purement arbitraire. Parce que l'on prévoit une
compensation en tout ou en partie à la discrétion du ministre, il
faut supposer... Cependant, le plus grave dans cet article est sans contredit
de vouloir fixer l'indemnité sur - et je cite - un remboursement en tout
ou en partie "des investissements effectués pour la recherche
minière". Cette façon d'aborder l'indemnisation du retrait
unilatéral d'un droit minier est totalement inacceptable et inadmissible
en plus d'être contraire aux règles reconnues en matière
d'expropriation.
Nous affirmons que cet article est un exemple patent de l'esprit du
projet de loi 161 qui, à notre avis, engendrera une diminution
marquée de l'activité minière au Québec. En effet,
comment voulez-vous qu'un administrateur consciencieux puisse prendre le risque
d'acquérir un droit minier au Québec sachant que le ministre,
discrétionnairement, unilatéralement, sans droit de regard par
une autorité quelconque, peut, au nom de l'intérêt public,
annuler son claim? C'est absolument inadmissible. Il s'agit là d'un
changement majeur par rapport aux règles actuelles selon lesquelles le
détenteur d'un droit minier peut le perdre seulement s'il omet de
remplir les obligations prévues à la loi. Aucune personne
n'investirait en exploration minière si elle savait au départ que
le résultat final pourrait équivaloir à se faire
rembourser seulement les investissements effectués. Une
possibilité de profits parfois substantiels, le désir de voir
s'accroître les richesses naturelles, de créer des emplois, de
créer des villes, de soutenir des villes ou empêcher la fermeture
de villes sont la base de la motivation pour effectuer des travaux
d'exploration et encourir des risques financiers importants de ne pas trouver
finalement de gisements économiquement exploitables.
Nous sommes donc d'avis qu'une indemnité basée sur les
investissements effectués est totalement inacceptable. On devrait tenir
compte à tout le moins de la plus-value engendrée par les travaux
effectués. C'est d'ailleurs un des points majeurs du projet de loi 161
qui est d'obliger les détenteurs à présenter leurs travaux
pour enrichir les connaissances géologiques du territoire. La valeur des
propriétés environnantes de même que le coût
payé pour celles-ci devrait être aussi prise en
considération. Bref, il faut appliquer les techniques
d'évaluation d'indemnisation reconnues en matière
d'expropriation. L'exercice est peut-être difficile mais en vaut
certainement la chandelle plutôt que de se baser sur de l'arbitraire.
En terminant on peut soulever un doute. Qu'arrivera-t-il du claim ainsi
annulé? Les mêmes notions d'intérêt public
tiendront-elles si le nouveau détenteur est plus agréable au
ministre?
L'article 85 reprend cette notion d'intérêt public. Une
fois de plus aucun droit d'appel n'est prévu de la décision du
ministre. Nous disons que c'est inacceptable.
Que dire de l'article 65 qui donne au ministre le pouvoir de
déterminer les conditions sous lesquelles le détenteur pourra ou
devra effectuer ses travaux d'exploration sur certains territoires
prévus aux règlements, donc qui peuvent s'accroître
substantiellement du jour au lendemain? Pour écrire cet article 65 il
faut présumer de la mauvaise foi des intervenants en exploration
minière. La loi actuelle prévoit qu'on ne peut explorer sur les
terres des particuliers sans leur consentement. Nous disons, M. le
Président, que l'industrie minière respecte les
aménagements des propriétaires fonciers - les
propriétaires superficiaires - et s'entend à l'amiable avec
ceux-ci lorsque vient le temps d'effectuer des travaux d'exploration sur leur
propriété. Ce n'est pas différent lorsqu'il s'agit d'un
aménagement situé sur les terres de la couronne. De tout temps
les détenteurs de droit minier ont eu à cohabiter avec des
personnes possédant des droits différents mais sur le même
territoire. Ils ont pratiquement toujours réussi à s'entendre
à l'amiable. Cependant, pour pouvoir s'entendre faut-il à tout le
moins avoir la possibilité de discuter, ce qui est impossible avec la
rédaction de l'article 65.
Le ministre ne représente pas le
détenteur de droit minier. Alors, comment ce détenteur
pourra-t-il se faire entendre? Quelle indemnité le ministre pourra-t-il
fixer, selon quels barèmes, qu'est-ce que le détenteur de droits
miniers aura la possibilité de dire? Ce n'est pas prévu.
Si jamais le gouvernement arrivait à la conclusion que l'article
65 a sa place dans le projet de loi 161, nous demandons que les
aménagements prévus par règlement l'article 13 - soient
incorporés à la loi et qu'ils soient définis. En effet,
est-ce que quelqu'un peut nous expliquer quelles sont les limites territoriales
d'un centre de ski de fond, d'un centre récréotouristique? Encore
de l'arbitraire et de l'insécurité. (11 heures)
Finalement, on ne pourrait clore l'étude de ce point sans parler
de l'article 227 du projet de loi, cet article qui permet au ministre de
déterminer les mesures nécessaires pour remédier à
toute situation qui aurait pour effet de compromettre la
récupération optimale de la substance minérale. J'ai pris
bonne note tout à l'heure des propos du ministre qui parlait des cas
très rares, avouait-il, d'écrémage. Cette nouvelle
disposition est souhaitable en soi. Nul ne peut être contre la vertu,
mais nous sommes d'avis qu'il est inapproprié d'investir le ministre
d'un tel pouvoir discrétionnaire et incontrôlable, pas plus
d'ailleurs qu'il n'est indiqué de prévoir un droit d'appel dans
ce cas-là. Il ne s'agit pas, à notre avis, d'un problème
juridique, mais d'un problème technique. À cet effet, nous
recommandons que toute décision, en vertu de cet article, s'il est
maintenu, devrait être prise par un comité d'arbitrage
formé d'au moins trois personnes dont deux de l'entreprise
privée, toutes trois reconnues pour leur expérience technique
dans ce domaine, leur compétence technique. Leur décision devrait
être sans appel et tous les coûts de l'arbitrage et de
l'étude devraient être assumés par le ministère.
Le deuxième point soulevé est l'abolition du juge des
mines. Il est vrai que les dispositions concernant le juge des mines ne font
plus partie de la loi depuis juin 1986. Cependant, le projet de loi 161
investit le ministre de pouvoirs immenses qui ne lui reviennent pas, pas plus
qu'à toute personne qu'il peut désigner en vertu de l'article
249. Nous croyons que le ministre est toujours, dans tous les dossiers, partie
à un litige, quel qu'il soit, en raison de sa position d'administrateur
de la loi. Il est toujours intéressé dans les résultats
d'un litige. Il est inconcevable, à notre avis, que le ministre jouisse
des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de
la Loi sur les commissions d'enquête lorsqu'il fait enquête sur
tout fait visé par la présente loi ou par ses règlements
d'application.
Nous sommes d'avis qu'il est dans l'intérêt de toutes les
parties de retirer au ministre les pouvoirs de révocation de droits
miniers pour qu'aucun doute ne puisse planer sur la possibilité de
conflits d'intérêts dans les décisions du ministre. Ce qui
est inexplicable dans ce projet de loi, c'est l'article 283, alinéa 2,
qui prévoit que la décision de la Cour provinciale est sans
appel. C'est tout à fait inconcevable. Les droits en jeu sont toujours
importants dans ce domaine même si, à certaines époques,
ils ne peuvent être quantifiables, de sorte qu'il n'est pas justifiable
de restreindre la possibilité pour les parties d'en appeler à des
instances supérieures. On vous donnera à titre d'exemple
simplement le cas... J'aimerais bien savoir ce qu'ils en penseraient si leur
appel final était la Cour provinciale. On pourrait curieusement
établir un parallèle avec les règles de la Régie du
logement dont certaines décisions peuvent faire l'objet d'un appel final
en Cour provinciale. Cependant, la Régie du logement a cet avantage sur
les mesures qui nous sont proposées que ce n'est pas le ministre
chargé de l'application de la loi qui rend les décisions de
première instance. Nous pensons donc qu'il n'est pas souhaitable que le
ministre soit placé en position d'être juge et partie, et pour lui
et pour nous.
Le grand pouvoir réglementaire prévu par le projet de loi
161 tracasse énormément nos membres. Plutôt que
d'énumérer les très nombreux articles qui prévoient
que le ministre peut désigner ceci ou cela par règlement, par
décret, nous établirons les sujets sur lesquels il n'est pas
souhaitable, à notre humble avis, de pouvoir réglementer. Notre
position à ce sujet est claire et simple. Toutes les conditions
d'obtention, de maintien et de renouvellement de droits miniers, quels qu'ils
soient, doivent être prévues dans la loi. Il s'agit là du
fondement même du droit minier québécois. Cela est trop
important pour pouvoir être changé par un simple rèqlement
ou décret. Laisser ces dispositions dans les règlements ne fera
que susciter un doute justifié que les règles du jeu peuvent
être modifiées au gré du ministre alors en fonction. Cela
n'aura certainement pas à l'inverse pour effet d'encourager
l'exploration, la mise en valeur, le développement et l'exploitation de
nos richesses naturelles. Les sommes impliquées sont trop importantes
pour que l'on puisse prendre la chance de voir subitement les règles
changées sans que l'Assemblée nationale n'ait pu intervenir,
démocratiquement.
Le projet de loi 161 aura pour effet d'augmenter le fardeau
administratif du détenteur de droit minier et, qu'il le veuille ou non,
des fonctionnaires administrant la loi. Cette affirmation repose, entre autres,
sur les articles 90 et 214 du projet de loi et les articles 38 à 42 du
projet de règlement.
L'article 90 prévoit que les détenteurs d'un permis
d'exploration minière, permis délivré pour l'exploration
des territoires situés au nord du 52e degré de latitude, doit
transmettre, et je cite, "au ministre le programme des travaux qu'il se propose
d'effectuer". De plus, pour acquérir ce permis, le requérant doit
transmettre avec sa demande le programme de travaux qu'il se propose
d'effectuer au cours des douze mois suivants.
L'article 41, alinéa 2, du règlement impose une
augmentation des coûts administratifs reliés à la
détention du permis d'exploration minière en obligeant le
détenteur à fournir un état détaillé et
certifié par un vérificateur professionnel du Québec des
dépenses encourues pour les travaux effectués au cours de
l'année. Cette obligation n'est pas justifiée, de sorte qu'elle
devrait être retirée du projet de règlement.
Les articles 214 et 215 du projet de loi obligent, quant à eux,
le détenteur de droit minier ainsi que celui qui prospecte, recherche ou
transforme des substances minérales et l'entrepreneur qui fait de
l'exploitation minière à transmettre au ministre, avant le 1er
octobre de chaque année, un rapport préliminaire pour
l'année courante et prévisionnel pour l'année suivante
mentionnant les dépenses faites ou prévues pour la prospection ou
la recherche et les sommes consacrées ou à consacrer aux
immobilisations et réparations.
Nous sommes d'avis que toutes ces tracasseries administratives et cette
augmentation de paperasse auront pour effet de décourager le prospecteur
traditionnel de détenir des droits miniers et n'auront certes pas pour
effet de diminuer le fardeau administratif des fonctionnaires du
ministère.
En ce qui concerne le prospecteur traditionnel, nous
réitérons qu'il a sa place et une importance primordiale dans le
domaine de l'exploration minière. Nous avons tout intérêt
à le garder et à lui permettre d'acquérir et de
détenir des droits miniers. Le prospecteur conventionnel n'est-il pas
à la base de la majorité des découvertes de gisement?
N'est-il pas souvent celui qui suscite chez un géologue ou
ingénieur de compagnie l'intérêt dans un terrain qu'il
possède? Le prospecteur traditionnel connaît habituellement bien
son terrain. Il y a identifié des effleurements souvent inconnus dans
les rapports publics. Il constitue donc une pièce importante de
l'échiquier de l'exploration minière au Québec. Plus
à l'aise sur le terrain que derrière un bureau, il ne faudrait
pas le restreindre dans ce qu'il connaît le mieux et qui est primordial
pour le secteur de l'exploration minière.
Finalement, ce projet de loi a pour effet de diminuer le territoire
accessible pour l'acquisition de droit minier sans autorisation
préalable ou conditions particulières et discrétionnaires
du ministre. C'est malheureux mais cela reflète bien, à notre
avis, la tendance générale du projet de loi. Nous le
répétons, le projet de loi 161 aura pour effet d'engendrer une
diminution marquée de l'activité minière au Québe
en plus de restreindre de nouveaux intervenants à venir investir dans
l'exploration minière au Québec.
Les articles 26, 27, 28, 29 du projet de loi prévoient les cadres
généraux d'interdiction pure et simple ou avec autorisation ou
sans autorisation de prospecter, de jalonner ou de désigner sur carte
des terrains. Ils reprennent substantiellement les dispositions de la loi
actuelle. Là où le projet de loi ajoute aux restrictions, c'est
aux articles 65 et 13 du règlement, desquels nous vous avons entretenus
précédemment.
Il ne faudrait cependant pas passer sous silence les articles 60 et 228
du projet de loi en vertu desquels le titulaire d'un claim ne peut entre autres
accéder à son claim pour y faire de l'exploration lorsque
celui-ci est sur une terre de la couronne si ce terrain a été
loué par la couronne pour des fins autres que minières. Dans ce
cas, il faut qu'il s'entende avec le locataire ou qu'il lui paie une
indemnité. Il est tout de même assez bizarre de constater que dans
ces cas on ne peut exproprier le bail alors que dans le cas d'une terre d'un
particulier on peut exproprier le propriétaire. Est-ce à dire que
le locataire d'une terre de la couronne sera en droit de recevoir une
indemnité perpétuelle tant que le détenteur du droit
minier désirera effectuer des travaux? De quelle façon
l'indemnité sera-t-elle fixée? Par quelle instance? Autant de
questions qui demeurent sans réponse et qui ajoutent au climat
d'incertitude que créera ce projet de loi s'il est adopté.
En conclusion, nous devons mentionner que notre mémoire de
même que notre bref exposé d'aujourd'hui ne constituent
malheureusement encore qu'un travail préliminaire d'étude du
projet de loi 161. Nous sommes conscients que la Loi sur les mines requiert la
modernisation de certains de ses éléments mais cette
nécessité ne peut outrepasser celle de construire un projet de
loi réaliste, adapté à l'industrie et non auquel
l'industrie devra s'adapter. Nous sommes d'avis que les différents
intervenants du milieu pourraient apporter des suggestions intéressantes
dans la refonte de cette loi majeure pour le développement de nos
richesses naturelles. C'est pourquoi, M. le Président, nous recommandons
que le projet de loi 161 soit révisé complètement avant
d'être redéposé devant l'Assemblée nationale. De
plus, la révision devrait être faite par un comité
multidisciplinaire, formé de gens impliqués dans le domaine de
l'activité minière au Québec. En terminant
l'association offre sa collaboration empressée pour faire partie
de ce comité multidisciplinaire.
J'aimerais, avant de terminer mon exposé, faire une mise au
point. La rumeur ou l'affirmation qui plane voulant que l'Association des
prospecteurs du Québec ait été consultée dans la
rédaction du projet loi 161 est tout à fait fausse. À deux
reprises, l'Association des prospecteurs du Québec a eu des rencontres
avec des fonctionnaires du ministère, mais jamais l'Association des
prospecteurs du Québec n'a pu voir un texte, de sorte que je ne peux et
personne ne devrait qualifier ces rencontres informelles de consultations. Nous
aurions été ouverts, nous l'étions à cette
époque, pour offrir nos services et nos connaissances
bénévolement pour rédiger un projet de loi qui, si nous
avions eu la possibilité d'y participer, n'aurait certes pas la forme
qu'il a aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci, Me Guy Bourassa. Je vais
laisser la parole au ministre. M. le ministre, vous avez 20 minutes.
M. Savoie: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup
d'intérêt qu'on a reçu le mémoire de l'Association
des prospecteurs. Comme vous le savez, ce projet de loi qui fait l'objet de nos
discussions a été trois ans en préparation. Il est issu
d'un groupe de consultation qui a eu des rencontres sur une base
régulière, souvent mensuelle. Y ont participé plusieurs
membres du conseil d'administration de l'APQ et plusieurs prospecteurs, des
membres de l'AMMQ, ensuite des groupes de prospecteurs du privé, des
groupes de l'exploitation et un groupe de conseillers généraux.
À travers ces rencontres les principes et souvent les articles qui
devaient faire l'objet de révision, ont fait l'objet d'un large
consensus. Il y eu très peu d'articles abordés - des articles
d'importance, des articles qui amenaient des modifications - qui n'ont pas fait
l'objet de modifications.
M. le Président, il y a une particularité à la Loi
sur les mines. Il y a une tradition, il y a un historique quant à la Loi
sur les mines avec lesquels, j'en suis certain, les membres de l'APQ sont
familiers. Traditionnellement, le gouvernement du Québec ne
préparait pas la Loi sur les mines. Il ne participait pas à sa
rédaction. C'était préparé d'abord par l'industrie,
par un groupe restreint de l'industrie, en anglais, ensuite
déposé au gouvernement où c'était analysé et
ensuite traduit. La loi de 1965 a consisté en une modification seulement
par le fait qu'on avait demandé que ce soit déposé en
français. C'est la première fois, en quelque sorte, que le
gouvernement, conjointement avec l'industrie, participe à la
rédaction d'une loi. Cela amène, cette modernisation, plusieurs
modifications, modifications qu'on croit être recherchées par
l'industrie. e voudrais revoir quelques qrands principes. On a touché
à plusieurs reprises au pouvoir discrétionnaire accordé au
ministre dans cette loi. On a soulevé à plusieurs le reprises le
fait qu'on voyait d'un mauvais oeil plusieurs articles où on accordait
un grand pouvoir discrétionnaire au ministre. Je sentais que par la
justice naturelle il y aurait toujours des principes qui pourraient jouer
ailleurs... On a dit que cela pourrait donner lieu à des situations de
conflits d'intérêts, de conflits de personnalités -comme il
arrive souvent - cela pourrait éqalement donner lieu à de
mauvaises interprétations de la part d'un ministre ou à des
décisions prises sur une base à court terme plus qu'à long
terme. Je pense que le principe en droit, généralement, c'est que
la bonne foi se présume toujours. On doit toujours présumer cela.
Mais, en mettant cela un peu de côté et en voyant en
général les fois où il pourrait y avoir conflit, j'ai
demandé aux fonctionnaires des discussions, des rencontres avec
différents membres de l'industrie. On a regardé de près
chacun des articles qui accordait au ministre un pouvoir. (11 h 15)
Comme vous le savez, la Loi sur les mines n'est pas administrée
par une commission, n'est pas administrée par un office. C'est une
relation directe entre l'industrie et le ministère. Si on regarde
l'évolution du droit administratif en 1987, elle est très large.
Il y a toujours appel techniquement sur un point de droit. Il y a toujours
moyen d'intervenir. Les notions d'intérêt public sont
définies. Plusieurs jugements de la Cour suprême cernent bien les
cas d'intérêt public. On cherche à établir des
balises dans l'ensemble des articles. On cherche à établir des
critères qui permettront aux juges de facilement identifier
l'orientation de la loi, la volonté du législateur et la
"nécessité" de la protection de la Loi sur les mines.
Bien sûr, c'est difficile. Trop la baliser la rend
inopérante. On perd la flexibilité, on perd notre pouvoir
d'administration à court terme. D'un autre côté, je ne suis
pas sûr qu'en alourdissant de façon extrême la loi en
imposant toutes sortes de restrictions cela aurait plus de validité
devant les juges. Les juges vont chercher l'esprit de la loi, ils vont chercher
à déterminer ce que le ministre a interprété,
utilisé de sa discrétion d'une façon
éclairée. Cela rend conforme la présente loi avec
l'ensemble des autres lois concernant la juridiction administrative.
Vous avez soulevé à plusieurs reprises la question du juge
des mines. On est très sensible à cette question. Nous avons eu
l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises. Évidemment, le
juge des mines n'est pas
aboli par cette loi. Ce fut aboli par une autre loi sous le
contrôle du ministre de la Justice. Il faut dire aussi que le juge des
mines n'a été utilisé que très rarement. Je pense
qu'il y a eu deux causes en 1985. Il y en avait très peu. Son
utilisation était rare et le transférer à la Cour
provinciale... On ne peut pas revenir, dans ce projet de loi, sur la
validité ou non de rouvrir le poste de juge des mines. Je pense que
c'est un débat un peu à part auquel on reste toujours
sensible.
Évidemment, vous avez discuté d'un des ces qui, je pense,
va revenir sensiblement souvent. C'est l'article 227, la question de
l'écrémage. L'écrémage constitue un cas d'exception
où, par exemple, un membre de l'industrie obtient un droit
d'exploitation sur une propriété. Au lieu de suivre les
règles de l'art, au lieu de suivre des principes
généralement reconnus, il va chercher ce qu'il y a de meilleur en
maximisant son profit, en ne pensant qu'à son profit personnel et
à celui de ses actionnaires, et ensuite il se retire. Il y a eu des cas
où on n'avait pas le pouvoir de l'arrêter. On n'était que
passif. Un Américain, quelqu'un de l'extérieur de la province de
Québec, n'importe qui pouvait arriver et s'installer,
écrémer une propriété, un gisement et s'en aller,
et on ne pouvait rien faire. On n'avait pas le pouvoir d'intervention. Cela a
été discuté.
On est un peu mal à l'aise à cause du pouvoir d'un
ministre d'empêcher une exploitation minière. Mais, dans ce cas,
je pense que c'est assez balisé lorsque l'orientation est donnée.
La phraséoloqie est claire. Si vous allez à l'article 227, on
utilise un vocabulaire qui est très net. On ne dit pas maximal, on dit
optimal. On parle d'une substance minérale économiquement
exploitable qui fait l'objet de son activité. Il y a une
phraséologie qui chercher à donner cette indication aux
tribunaux. Si le ministre utilise faussement ou de mauvaise foi le pouvoir qui
lui est accordé par la loi, il y a recours. Il y a toujours recours en
vertu de l'article 227.
Je comprends le problème. En gros, nos consultations ont
été presque unanimes. Tout le monde était d'accord pour
dire: Oui, il faut empêcher un cas d'écrémage. Cela
appartient à la collectivité québécoise. Il faut
qu'on ait dans la loi la possibilité d'empêcher celui qui pille.
Justement, on a cherché à baliser la loi à l'avantage de
tous. Vous avez dit qu'en vertu de l'article 283, et c'est un point très
important, la décision de la Cour provinciale est sans appel. Nous
sommes en train de rafraîchir cette position. Une modification n'est pas
à exclure. Cela va dépendre beaucoup des autres mémoires
qui seront présentés, des argumentations
présentées. On tient compte de la vôtre, évidemment.
On va s'en occuper.
Vous avez soulevé aux articles 214 et 215 les rapports que
doivent transmettre les prospecteurs. Dans notre révision de la loi,
nous sommes en train de regarder la nécessité du rapport
provisionnel. Sur cela on pourrait encore communiquer.
Il y a une question, par exemple, que je n'arrive pas à
comprendre, c'est lorsque vous accusez la loi de procéder à une
diminution du territoire de jalonnement. Depuis que je suis là, on a
augmenté le territoire de jalonnement au Québec d'à peu
près la grandeur de l'Irlande - étant donné qu'on est le
jour de la St. Patrick - soit environ 90 000 kilomètres carrés
qui étaient soustraits au jalonnement par des lois qui dataient de 1975,
1976. À ce moment on a ouvert le territoire, cela s donné lieu
à beaucoup d'intérêt. Si on savait qu'il y avait
effectivement des restrictions quant au pouvoir de jalonnement, à
l'addition de territoire pour fins d'exploration, on les regarderait de
près. Ce qu'on a vu ce sont des restrictions d'usage. Un centre de ski,
vous en conviendrez avec moi, pose des problèmes particuliers.
Règle générale, notre volonté a été
d'assurer que le vent dans les voiles qu'on a actuellement va se maintenir. On
a fait un projet de loi qui devrait faciliter l'administration, être
beaucoup plus souple, beaucoup plus efficace. Bien sûr cela pose le
problème d'un pouvoir réglementaire qui pourrait peut-être
à l'occasion créer des problèmes, mais je crois
qu'à ce moment il y a toujours les recours de droit administratif qui
sont des plus nombreux.
Évidemment, vous avez soulevé plusieurs points. Vous savez
que votre mémoire a fait l'objet d'étude et continue à le
faire, on y porte beaucoup d'attention. La question de plus-value, par exemple,
que vous avez soulignée, on est en train de l'examiner et chercher
à voir si on ne pourrait pas faire mieux. Les conditions sont
difficiles. On y est sensibilisé et cela soulève des points
valables.
Sur les règlements, finalement, le grand nombre de
règlements que vous voulez introduire dans la loi. Vous mentionnez que
ces règlements devraient être introduits dans la loi. Cela veut
dire que dans la loi on aurait des mentions, par exemple, comme le poteau devra
avoir 1,25 mètre. Ainsi, il y aurait très peu de
flexibilité. Aujourd'hui, on a une nouvelle Loi sur les
règlements qui stipule qu'on doit donner un préavis de 45 jours.
Cet élément est considérable, et introduire cela dans la
loi voudrait dire que pour changer quelques aspects des règlements cela
demanderait une modification législative; c'est très long et
très lourd. Le règlement, bien sûr, je suis d'accord avec
vous, crée un petit peu une incertitude. Cela se modifie plus vite. Par
contre, si on veut avoir une industrie dynamique, si on veut répondre
rapidement à des demandes de l'industrie, ce
pouvoir réglementaire présente donc des avantages à
ce moment. Est-ce qu'on est pour transporter dans la loi toute sorte de
détails administratifs et de principes qui sont d'usage commun dans la
loi plutôt que dans une structure réglementaire? Je ne crois pas.
Il me semble qu'à ce moment, la loi serait alourdie, elle serait
difficilement adrninistrable et demanderait de nombreuses modifications. On est
sensible à cette revendication, on l'avait souligné, on l'avait
soulevé. Mais, compte tenu de la Loi sur les règlements qu'on a
introduite l'année passée, compte tenu aussi du fait que
l'industrie, particulièrement les prospecteurs, ce qu'ils attendent de
nous, c'est d'agir avec célérité, c'est d'agir rapidement
pour répondre aux problèmes, la structure de la
réglementation présente un avantage.
Vous avez soulevé plusieurs autres points auxquels je ne peux
malheureusement pas répondre à ce moment. Peut-être qu'il y
aura encore des rencontres entre nous, j'espère. On sera en mesure
d'échanger avant la deuxième lecture, on est ouvert.
Je tiendrais à vous féliciter pour votre mémoire et
je suis certain que votre rôle de leader dans ce dossier comme
représentants de l'Association des prospecteurs du Québec va nous
inciter à beaucoup plus de prudence, à faire beaucoup plus de
réflexions sur les recommandations que vous nous proposez. Nnous sommes
fort heureux de votre participation. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Alors, M.
le député d'Ungava, s'il vous plaît!
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vais me permettre
de poser quelques questions à nos représentants. Je voudrais
d'ailleurs féliciter les gens de l'Association des prospecteurs du
Québec pour la qualité de leur mémoire et la clarté
de leur présentation. Malgré le court délai accordé
pour réagir aux propositions qu'on a sur la table, vous avez
réussi à faire un travail vraiment approfondi et à
déposer quelque chose de très clair, un point de vue facile
à comprendre.
Je retiens en particulier un paragraphe de votre mémoire que je
trouve très intéressant, à la page 5. C'est un paragraphe
qui semble, en quelques lignes, donner la vision du problème
causé par le projet de loi. Je vais le relire: "Le cadre
général de ce projet de loi laisse entrevoir une diminution du
territoire accessible au jalonnement sans l'autorisation spéciale du
ministre, ce qui, selon nous, investit le ministre chargé de
l'application de la loi d'un pouvoir discrétionnaire considérable
et potentiellement dangereux. Ce projet de loi place le ministre dans une
position quasi intenable de juge et partie, tout en augmentant indûment
le fardeau administratif du détenteur de titres et des fonctionnaires
administrant la loi."
On a là tout un lot de notions. En ce qui me concerne, j'aimerais
bien que vous nous éclairiez sur certaines de ces notions. Entre autres,
pourquoi juqez-vous que le projet de loi diminue les territoires accessibles au
jalonnement? En quoi le projet de loi augmente-t-il le fardeau administratif?
Au-delà de ce que M. Bourassa nous a expliqué tout à
l'heure dans sa présentation, j'aimerais qu'on parle de questions bien
précises, bien concrètes qui nous feraient voir sans l'ombre d'un
doute que vous avez raison ou non d'interpréter ainsi le projet de
loi.
M. Bourassa (Guy): Premièrement, il est vrai que
dernièrement le ministère de l'Énergie et des Ressources a
ouvert beaucoup de territoire pour acquérir des droits miniers.
Cependant, il ne faut pas regarder le passé. Si je suis un intervenant
qui arrive dans une province et qui veut acquérir des droits, je regarde
le projet de loi actuel; je ne regarde pas si, dans les deux dernières
années, on a ouvert 60 000 kilomètres carrés de territoire
additionnel. Qu'est-ce qui est disponible avec autorisation, qu'est-il possible
d'obtenir avec conditions, à quelles conditions, selon quels
critères, devant quelle instance devrai-je me faire entendre et quelles
sont mes possibilités? Si je viens d'un pays
sous-développé, un pays qui n'est pas ami avec le Canada et le
Québec, je devrai remplir d'autres conditions.
Lorsqu'on parle de diminution du territoire accessible au jalonnement
sans autorisation préalable, c'est ce qu'on veut dire. Le plus bel
exemple est l'article 65 avec l'article 13 du règlement. Je le mentionne
à nouveau, l'article 65 de la section "Droits et obliqations" pour un
détenteur de claim, dit: "II peut, avec l'autorisation du ministre et
aux conditions que celui-ci détermine, effectuer des travaux
d'exploration dans les terres du domaine public - la notion de terres du
domaine public est très importante. Auparavant, on avait des notions
très distinctes pour les terres du domaine particulier et les terres du
domaine public; on a maintenant besoin d'autorisations pour les terres du
domaine public - lorsqu'il s'y trouve un aménagement prévu par
règlement ou lorsque ces terres font l'objet d'une cession ou d'une
location visée à l'article 232." On reviendra plus tard à
l'article 232 dont on n'a pas parlé dans notre exposé.
Dans le règlement, on prévoit une pléiade
d'aménagements. Je vais en faire la lecture, cela peut être assez
intéressant: "centres éducatifs forestiers,
pépinières, stations forestières, campings, centres de
ski
alpin, centres récréotouristiques, piscicultures, terrains
de golf, routes et autoroutes - en passant, je vous ferai remarquer que les
gisements Hemlo, qui valent plusieurs milliards de dollars, sont à
environ 100 pieds de la Transcanadienne. J'aimerais bien savoir ce qui se
serait passé si cela avait été situé au
Québec avec cela en application - haltes routières, fermes
expérimentales, pistes d'atterrissage, vergers". (11 h 30)
Par exemple, les pistes d'atterrissage, est-ce que cela peut être
la piste d'atterrissage que quelqu'un a aménagée dans sa cour ou
si c'est une piste d'atterrissage reconnue et gérée par
Transports Canada? C'est une incertitude, on ne le sait pas. Une station
forestière, cela peut être saprement grand. Je défie
quiconque de venir me dire quelle est la dimension d'un centre de ski de fond
alors qu'une piste peut représenter un trajet de peut-être 25 ou
50 kilomètres, dans certains cas. Une piste ne mesure habituellement pas
plus de douze pieds de larqeur. Est-ce qu'on va prendre la limite
extérieure de la piste de ski de fond alors que le coeur de ce centre de
ski de fond va peut-être couvrir 25 kilomètres carrés? Il y
en a une qui va aller faire une immense boucle dans le "nowhere". Est-ce que
toute la partie entre la limite extérieure de cette seule piste et le
coeur du centre de ski de fond va être soumise à des conditions''
On ne le sait pas. Moi, si je suis un administré ou une personne
intéressée à acquérir des droits miniers au
Québec, je peux vous dire que je vais y songer sérieusement. Il
ne faut pas se leurrer, on est dans une période de
sécurité artificielle. Les actions accréditives ont
tendance à nous faire croire qu'il est facile de faire de l'exploration
minière, que cela augmente. C'est vrai que cela a augmenté mais
il ne faut pas se faire d'illusions parce que les actions accréditives
sont là. Le détenteur de claim ne jouira pas d'actions
accréditives ou d'argent de ces placements publics de sorte qu'il va
avoir de la difficulté à maintenir ses claims et à faire
des travaux qui sont obligatoires avec les nouveaux montants dans le
règlement. C'est cela qu'on essaie d'illustrer en disant qu'il y a
plusieurs articles - vous les avez pratiquement tous nommés tout
à l'heure - qui parlent d'autorisation: "aux conditions qu'il
détermine", "selon ce que le ministre va décider", etc. Pour une
personne de l'extérieur du ministère qui arrive ici, qui est
intéressée à acquérir des droits miniers, à
investir au Québec pour augmenter nos richesses naturelles, c'est un
projet de loi qui est saprement déconcertant. Cela ne peut être
autre chose que cela. Chaque fois, il va falloir qu'il y ait une condition.
Quelle condition? Parce que vous» vous demeurez sur tel lac, vous avez un
bail de villégiature, que ce lac est situé proche de la
résidence d'une personne intéressée dans le
ministère, vous allez avoir telle ou telle condition. Moi, je ne le sais
pas et je ne suis pas capable de le dire. Moi, si je reste à telle autre
place, si j'ai déjà eu des démêlés avec le
bureau du ministre, disons le ministre en charge de l'application de la loi,
moi, je n'aurai pas d'autres conditions? C'est bien beau, des conditions, mais
il ne faut pas se leurrer non plus; c'est de la frime. Il y a des conditions
qui peuvent être imposées qui sont irréalistes, qui vont
empêcher de mettre un gisement en exploitation de façon
économique. C'est laissé à la discrétion d'un seul
homme, c'est inacceptable, cela aura pour effet de restreindre
l'activité minière au Québec. Vous nous avez
demandé un aperçu de l'augmentation du fardeau administratif. Je
demanderai à M. Gratien Gélinas, de Géola, d'expliciter
là-dessus.
M. Gélinas (Gratien): Cela concerne principalement les
sommes d'argent qui doivent être dépensées en travaux
d'exploration. On tient à souligner un point positif dans le nouveau
projet de loi. Je pense qu'il y a une insistance de la part des gens du
ministère pour qu'il y ait de plus en plus de qualité dans les
travaux qui sont remis. Je pense que c'est un bon point; il faut le souligner.
Toutefois, quand on regarde la valeur des travaux qui doivent être remis,
actuellement, ces valeurs sont doublées dans le nouveau projet de loi,
tout à coup comme cela. Il est sûr qu'en période active et
en période de facilité actuelle cela se présente assez
bien. Les gens du ministère se sont basés sur le fait qu'il y a
peut-être entre 30 % et 50 % de la valeur des travaux qui sont
réellement effectués, qui sont nécessaires pour renouveler
les claims. Donc, en doublant la valeur des travaux à remettre, on dit
qu'il n'y aura pas de problème pour les entreprises - effectivement, il
n'y aura pas de problème. Mais, le petit prospecteur qui est toujours
intéressé, dont on a dit tantôt qu'il était
finalement l'éclaireur, entre autres, du développement minier, il
est le premier qui va en avant, qui va sur les terrains difficiles
d'accès, etc. Son intérêt - c'est relié un peu
à la disparition du prospecteur - vient d'en prendre un coup, parce
qu'il n'a pas les fonds nécessaires pour dépenser 20 000 % 30 000
$ ou 50 000 $ pour conserver ses claims pour deux ans. Cela complique son
travail et, comme on dit dans le projet de règlement, cela va faciliter
la vente de ses claims, c'est-à-dire que le prospecteur va prendre les
claims, il jalonne... Il ne fait pas cela strictement dans l'optique de vendre
son claim au bout de deux ans. Il le prend, le développe, le travaille,
remet les travaux et ensuite, à la lumière des résultats
de ses travaux, va voir des acheteurs potentiels. Donc, avec
l'augmentation des travaux à remettre, ses activités
seront réduites. C'est seulement au niveau du prospecteur.
Il y a aussi un point qu'il faut souligner. On se demande pourquoi au
nord du 52e parallèle il faut remettre des bilans vérifiés
alors qu'au sud du 52e ce n'est nécessaire. À notre avis ce n'est
pas nécessaire nulle part. Quand un directeur d'exploration d'une
entreprise accepte les travaux et les factures qui ont été
payées pour des travaux faits par des consultants, par exemple, à
notre avis c'est très valable. On ne voit pas pourquoi il faudrait que
ce soit vérifié au nord du 52e parallèle.
M. Labeaume: J'aimerais intervenir brièvement sur le
pouvoir discrétionnaire du ministre, qui me semble tout à fait
dangereux. Le ministre doit considérer que beaucoup de décisions
seront prises chez lui et que, finalement, il aura à en répondre
politiquement à l'Assemblée nationale. Il me semble que pour la
protection même du ministre il doit se prémunir contre ce genre de
situation. Il peut même y avoir certains cas où le ministre a
à choisir entre son voisin de gauche et son voisin de droite. Je pense
que le ministre doit considérer que ce pouvoir discrétionnaire
est excessivement dangereux à la limite.
Le ministre a parlé de l'écrémage. C'est bien
évident qu'on est d'accord qu'il ne faut pas écrémer.
Là où on n'est pas d'accord c'est sur la personne ou l'instance
qui prend la décision. On dit que c'est un problème technique et
que cela prend des gens "techniques" pour le régler.
Le Président (M. Baril): Merci. M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: J'ai de nombreuses questions à vous poser mais
je devrai écrémer parce que le temps passe et que j'en suis
à ma première question. C'est signe que vous avez de nombreuses
choses intéressantes à nous dire.
Je vais aller à un autre point concernant toute la question de la
délimitation des périmètres urbanisés. J'aimerais
savoir comment, en tant que prospecteur ou en tant que représentant
d'association de prospecteurs, vous vous sentez par rapport à cette
possibilité. Si vous croyez que dans certains cas... Ma question touche
aussi l'article 62 sur la question des rivières avec 225 kilowatts de
potentiel. Ne croyez-vous pas que dans les deux cas vous avez des genres de
droits acquis si vous travaillez déjà sur des claims qui ont
été formellement identifiés ou donnés dans ce
secteur-là et que vous avez des choses potentiellement
intéressantes?
Enfin, plus spécifiquement sur la question des territoires
urbanisés, est-ce qu'il serait gênant pour vous de travailler
à partir du schéma d'aménagement des MRC ou si, si vous
avez des interventions à faire en termes d'aménagement ou
d'endroit d'intervention pour la prospection, vous n'aimeriez pas mieux le
faire au niveau des MRC, en discuter avec elles à la base et
dégager des orientations dans le plan d'aménagement qui devraient
par la suite être acceptées par le ministre?
Le Président (M. Baril): M. Doucet.
M. Doucet (Roger): À propos des MRC, on a eu une
expérience à Val-d'Or. La MRC de la Vallée-de-l'Or voulait
presque tout soustraire au jalonnement dans sa région et je pense que la
région de la MRC de la Vallée-de-l'Or couvre l'Irlande. On
voulait protéger un troupeau de caribous de 32 têtes en
soustrayant à l'exploration minière et à l'exploitation
forestière une immense région. Ces gens-là ont
décidé qu'il n'y avait pas de mine dans ce coin-là. Donc,
je pense que les gens de la MRC n'ont peut-être pas les
compétences pour décider de ces régions-là.
Je pense que le ministère de l'Énerqie et des Ressources
est plus apte à répondre à ces questions-là.
M. Claveau: D'accord. Sur les autres questions concernant entre
autres la délimitation du territoire urbain dont on dit que, pour le
moment, tant qu'elle n'est pas fixée on ne peut pas faire
d'intervention, etc., je suppose que de l'exploration se fait
déjà dans ces domaines-là, des gens qui travaillent dans
les milieux et qui n'ont pas l'intention de se retrouver chez eux, demain
matin, les bras croisés en attendant que le ministre ait donné
ses nouvelles visions sur les limites municipales.
M. Doucet: Vous parliez tout à l'heure des forces
hydrauliques. On sait qu'on soustrait au jalonnement les barrages, les
installations de LG 2, ce qui est parfaitement normal. Ce sont des territoires
qui sont vraiment petits. Quand on pense que la ville de Cadillac soustrait...
Non, ne soustrait pas au jalonnement. Présentement, la ville de Cadillac
contient plus d'un canton et demi et il faut demander la permission au ministre
pour pouvoir jalonner. Nous croyons que ce serait vraiment la zone
urbanisée elle-même, soustraire - je ne sais pas - la piscine
municipale au jalonnement, quelque chose qui est bien restreint. Pour
désigner ces régions-là, je pense qu'il faudrait qu'il y
ait des consultations. On pourrait peut-être collaborer avec les MRC et
les municipalités parce que si elles décident de soustraire au
jalonnement leurs forêts récréatives, comme dans la
région de Val-d'Or, c'est très qrand... Est-ce qu'on est
intéressé? Est-ce que ces gens-là ont décidé
qu'il n'y avait pas de
mine là-bas? Ils n'ont pas la compétence pour le dire.
M. Bourassa (Guy): Les connaissances techniques, à l'heure
actuelle... Ils n'en ont peut-être pas découvert, mais il n'y a
rien qui dit qu'avec les connaissances qu'on va acquérir dans les 10, 20
prochaines années il n'y aura pas un immense gisement à cet
endroit. Il faut au moins se donner la chance de le savoir. Si je peux
renchérir là-dessus, il y a la cohabitation. L'Association des
prospecteurs du Québec, tout le monde finalement dans le domaine de
l'exploration minière, de l'exploitation minière, les
intervenants, les compagnies de forage, les coupeurs de ligne, on essaie, et je
crois qu'on réussit, à dégager une image de personnes
respectueuses de l'environnement. Nous essayons de trouver des solutions. On
est les premiers concernés par des parcs à résidu minier.
On est les premiers concernés par la coupe de ligne. On trouve les
moyens. Les ingénieux, les très ingénieux trouvent des
moyens pour aller faire des relevés sans faire de coupe de ligne, par
exemple, dans des pépinières qui existent, dans des
érablières. Vous seriez surpris de voir les
érablières; on ne coupe pas un arbre pour aller faire nos
relevés. On a réussi à obtenir des renseignements quand
même. On essaie de montrer cette possibilité de cohabitation. On a
toujours prêché cela.
Le plus bel exemple, c'était justement les audiences publiques
sur la création du parc d'AiguebelIe où l'Association des
prospecteurs du Québec avait présenté un mémoire
où on essayait de convaincre, finalement, le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, à l'époque, qu'il y a moyen de
cohabiter, d'arriver à un consensus entre les différents
intervenants pour que l'intérêt de chaque partie soit
sauvegardé. Si on est capable d'aller faire l'exploration et obtenir les
résultats qu'on est allé chercher dans une
érablière, où on est capable de ne pas couper une branche,
dans une pépinière avec des pins d'une dizaine d'années,
il n'y a pas grand-chose qu'on n'est pas capable de faire sans saccager, comme
plusieurs tentent de le laisser croire, l'environnement. C'est cela qu'on
essaie de dire. On n'a pas parlé aujourd'hui de la question des parcs.
On a laissé cela de côté, mais une bonne journée on
pourra en parler. On est certain qu'on est capable de cohabiter avec les droits
de tout le monde dans la province de Québec pour l'augmentation de nos
richesses naturelles et le bien-être de tout le monde. Si on part avec
cette idée, on va aborder ce projet de loi sur les mines d'une
façon différente. Il faudrait comprendre cela. Une fois que cela
est compris, vous allez être certain que l'harmonie va régner et
que tous ensemble on va développer le Québec.
Le Président (M. Baril): Merci, M. Bourassa. M. Claveau,
je tiens à vous dire qu'il vous reste une minute et une très
courte réponse.
M. Claveau: Une très courte question et une très
courte réponse. Donnez-nous un peu plus d'explications sur votre refus
du tirage au sort pour déterminer le premier arrivant sur un
territoire.
M. Bourassa (Guy): Écoutez, le plus bel exemple, si vous
voulez une réponse rapide, c'est Loto-Québec. C'est un vrai
tirage au sort. Il y a des vérificateurs externes qui sont là
pour s'assurer qu'il n'y a pas de tricherie. Le tirage au sort, comment va-t-il
se faire dans la loi? Il n'en a jamais été question. Est-ce que
cela va se tirer à pile ou face ou si cela va être deux cartes? La
plus haute? La plus basse? Est-ce que cela va se faire dans le bureau du
ministre? Avec ou sans surveillance? Est-ce qu'il y a quelqu'un de
l'extérieur qui va être là? Vous avez votre
réponse.
Le Président (M. Baril): Merci, Me Bourassa. Votre temps
est terminé, M. le député d'Unqava. M. le ministre, il
vous reste six minutes. (11 h 45)
M. Savoie: Merci. Je voudrais tout simplement corriger certaines
choses que vous laissez planer. D'abord, le tirage au sort existe
déjà en quelque sorte. Lorsqu'il y a deux personnes qui ont
jalonné en même temps en respectant chacun le règlement,
qu'est-ce qu'on fait? Quand il y a deux personnes qui sont exactement dans la
même situation on n'a pas de porte de sortie. À ce moment c'est
une façon de résoudre.
Mais je ne voudrais pas faire porter l'ensemble de mon intervention
là-dessus. Je voudrais revenir un peu à l'article 65 où on
nous accuse de diminution du territoire. Je trouve cela curieux. On parle des
pépinières, on parle des stations forestières, on parle
des campings. On ne dit pas que vous n'avez pas le droit, on dit que le
ministre peut. Qu'est-ce que vous proposez? Un terrain de golf, par exemple. Il
faut quand même établir des conditions spécifiques. On
n'est pas pour donner un droit ouvert et empêcher une cohabitation avec
la population du Québec. On dit le ministre peut. Il s'agira de faire
une entente. C'est le principe.
Le principe, c'est qu'on veut accorder ce droit. On est en faveur de
l'exploration. On est en faveur de l'exploitation. Il faut quand même
respecter un peu les droits des autres Québécois. Lorsqu'on
parle, par exemple, d'une route et d'une autoroute, qu'est-ce que vous
proposez? Qu'on n'ait pas le droit de le jalonner? Je pense qu'il faut avoir le
droit de jalonner mais il faut également proposer un moyen d'entente
avec
le ministère des Transports pour ne pas endommager la route.
Si on parle d'une ferme expérimentale, c'est un peu la même
chose, un centre de ski. C'est un peu normal qu'il y ait cet échange et
cela nous donne cette flexibilité de voir un ministre qui va arriver et
qui va empêcher une exploitation sur un centre de ski. Je pense que c'est
de voir les choses à l'envers. Je pense plutôt que le ministre va
toujours avoir tendance à accorder, à son ministère, aux
gens de son industrie les conditions les plus favorables tout en cherchant
à arriver à une entente. Cette flexibilité va permettre
une réaction de la part de l'industrie, de la part des gens de
l'extérieur de l'industrie, va permettre un harmonisation. Je pense que
c'est le but visé. Je pense que c'est le but auquel nous arriverons.
On a pris note de votre histoire de règlement au Nord, c'est la
situation de la réglementation actuelle, on y reviendra.
On a fait référence à quelques reprises du
jalonnement sur carte. Vous avez souligné que c'était le
début de la fin; je ne crois pas. Le jalonnement sur carte n'existe que
dans des régions fortement populeuses ou dans des régions
où il existe déjà un cadastre; cela facilite la
tâche, cela empêche de traverser des territoires très
précis. Pour l'ensemble, on l'a maintenu. Je pense qu'il est là
pour toujours. Je ne pense pas que c'est la fin du prospecteur. Je pense que
c'est plutôt une adaptation. On n'est pas pour être servile
à l'endroit d'un principe. Il faut s'y adapter. Il faut s'ajuster. Je ne
vois pas la fin du prospecteur avec le début du jalonnement sur carte,
l'introduction de cela. Je pense que cela nous permet une certaine
flexibilité. Cela va nous donner la possibilité de s'adapter
à des situations réelles plutôt que de dire: II y a un
principe auquel il ne faut pas toucher. Je pense que vous l'avez vu un peu,
cela.
Je pense que, dans son ensemble, après les rencontres qui ont eu
lieu, les échanges qu'on a eus au sujet du projet de loi, il satisfait
aux objectifs de l'APQ. Je comprends que dans votre exposé il y a
plusieurs points qui n'ont pas pu être touchés, mais on est
flexible. On est prêt à s'asseoir, discuter et échanger. Ce
processus ne s'arrêtera jamais, je crois. Même après
l'adoption de la loi, ce processus doit continuer. Je l'ai recommandé
à plusieurs reprises.
Je ne peux que terminer en vous remerciant, encore une fois, pour la
présentation de votre mémoire et en espérant que c'est le
début d'un processus. Un processus dans lequel on démontrerait un
bonne ouverture d'esprit en étant sûr que c'est partagé,
une certaine modération dans les échanges, non pas la
défense d'un principe ou d'un droit, mais plutôt être au
service de l'industrie. Je pense que c'est cela qu'on vise et c'est cela qu'on
va réaliser.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Pour le
mot de la fin, je demandrais au député d'Ungava ses quelques
remarques.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais juste dire
en terminant que, personnellement, je trouve l'intervention de l'APQ
particulièrement intéressante. C'est un questionnement
très pertinent en ce qui concerne le vécu quotidien sur le
terrain. Je tiens à féliciter ses représentants pour la
qualité, la justesse de leur interprétation, le fait qu'ils
représentent, à mon avis, le véritable questionnement du
vécu quotidien sur le terrain en ce qui concerne le monde minier, dans
l'approche, l'interrelation entre l'industrie minière et les autres
secteurs de l'économie québécoise. Je tiens à vous
remercier et à vous féliciter. Je suis convaincu que votre
mémoire sera un apport exceptionnel au cheminement du projet de loi.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le député
d'Ungava. M. le ministre, vos remarques finales.
M. Savoie: Lors des consultations sur ce projet de loi... Je
pense, par exemple, aux deux jours que M. Doucet a passés avec les
fonctionnaires qui ont participé à la préparation du
projet de loi, je pense aux nombreuses rencontres qu'on a eues avec
l'association, les échanges qu'il y a eu avec le président M.
Desrosiers qui a précédé M. Labeaume. Ce qu'on a
visé, c'est la protection de l'industrie, d'assurer aux exploitants le
plus de flexibilité possible en jouant sur trois principes: la bonne foi
de tous les Québécois, le grand nombre de règlements et de
principes de droit qui régissent le pouvoir réglementaire parce
qu'ils sont très nombreux, ils sont souvent utilisés et,
finalement, la qrande flexibilité que demande l'industrie à
l'égard d'une réglementation.
C'est dans ces principes qu'on va aller chercher le plus de services et
qu'on va assurer une meilleure croissance. L'activité minière est
cyclique. L'activité minière est sujette à ce que
Shakespeare appelait "The tide in human affairs". Dans ce sens, je croîs
que notre loi doit aussir refléter cela. Elle doit maintenir cette
flexibilité et elle doit assurer que le gouvernement est toujours en
mesure de répondre rapidement et d'une façon efficace. On ne peut
pas présumer la mauvaise foi. Ce n'est pas propre à notre droit.
Ce n'est pas propre à notre système. On présume la bonne
foi. Lorsqu'il y a mauvaise foi, la loi, avec toute la rigueur -
n'oubliez pas, comme l'a souligné M. Labeaume le ministre est
responsable non seulement vis-à-vis de l'Assemblée nationale,
mais vis-à-vis de son industrie. Il a à coeur, il y a toujours
une tradition, que ce soit le ministre de l'Énergie et des Ressources ou
le ministre délégué aux Mines, d'avoir une opinion des
plus favorables à l'industrie.
Il faut tenir compte aussi, par contre, du contexte dans lequel on le
vit. Les autres Québécois qui ont des intérêts, qui
ont des centres de ski, il faut essayer d'adapter les deux. Ce n'est pas en
édictant des règlements qu'on va y arriver. C'est en
présumant que le mécanisme de bonne foi va fonctionner toujours
pour l'industrie.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Je tiens
à remercier l'Association des prospecteurs du Québec de leur
participation. Je profite de l'occasion pour vous souhaiter un bon voyage de
retour. Je vous remercie beaucoup d'être venus. Moi, en ce qui me
concerne, je suspends les travaux jusqu'après la période des
affaires courantes de l'Assemblée nationale, soit vers 15 heures. Je
vous remercie beaucoup et vous souhaite bon appétit.
(Suspension de la séance à 11 h 54)
(Reprise à 15 h 15)
Le Président (M. Baril): À l'ordre! Excusez, M. le
ministre. Il est 15 h 15 et nous poursuivons nos débats. J'invite
l'Association professionnelle des géologues et des géophysiciens
du Québec à se présenter, s'il vous plaît! Je crois
que c'est M. France Goupil qui en est le président.
M. Goupil (France): Oui. Je suis France Goupil,
géologue.
Le Président (M. Baril): M. Goupil, un instant. Je veux
juste vous rappeler que nous sommes ici à procéder à une
consultation particulière sur le projet de loi 161, Loi sur les mines.
Je tiens à vous rappeler aussi que nous avons une heure dans votre
enveloppe, dont vingt minutes pour présenter votre mémoire, vingt
minutes allouées aux membres du gouvernement et vingt minutes aux
membres de l'Opposition. La parole est à vous, M. Goupil.
Association professionnelle des géologues et
des géophysiciens du Québec
M. Goupil: Merci. Je n'ai pas l'intention de passer
complètement à travers le mémoire qui a été
présenté. Je ne sais pas si c'est mieux de passer à
travers puisqu'il n'est pas tellement long ou s'il a été lu et
étudié avant.
Le Président (M. Baril): C'est à votre choix, M.
Goupil. Vous avez vingt minutes.
M. Goupil: L'Association des géologues et des
géophysiciens du Québec représente environ 300 membres
réguliers et 400 professionnels qui pratiquent la géologie et la
géophysique au Québec. Nous ne sommes pas des prospecteurs et la
loi que nous avons étudiée nous apparaît dans son ensemble
très bien. Il y avait quelques remarques au chapitre III, section II,
article 23. C'est un article qui dit: "II est interdit de prospecter un terrain
qui fait l'objet d'un claim, d'un permis d'exploration minière, d'une
concession minière ou d'un bail minier." Cela nous a semblé
bizarre. Il semble que cela devrait plutôt se lire: II est interdit
à toute personne de prospecter un terrain qui fait l'objet d'un claim,
d'un permis d'exploration, d'une concession ou d'un bail à moins qu'elle
ne soit le titulaire de ces titres. De la manière dont c'est
écrit, même le titulaire ne semble pas avoir le droit de
prospecter.
Le chapitre III, section III, article 50: c'est l'article qui concerne
le jalonnement simultané d'un même terrain. À titre de
professionnels, cela nous semble embarassant que le ministre doive tirer au
sort qui va devenir le propriétaire du terrain. On
préférerait l'utilisation d'une formule moins aléatoire
comme la copropriété ou une société avec des
intérêts indivis.
Chapitre III, article 64 - ce ne sont pas des choses très
importantes - on dit: Sur un claim on ne peut extraire ou expédier des
substances minérales que pour échantillon et seulement en
quantité inférieure à une tonne métrique. Une tonne
métrique, ce n'est pas beaucoup et un forage de 300 mètres qui
est courant dans l'exploration minière donne environ une tonne
métrique. Il nous semble qu'une tonne métrique, ce n'est pas
suffisant.
Chapitre III, article 18. La désignation sur carte devrait
probablement porter un autre nom que le mot claim. Dans les Cantons de l'Est,
on utilise "permis spéciaux". Cela ne demande pas de permis de
prospecteur, non plus, pour jalonner sur carte; peut-être qu'on pourrait
trouver un autre nom.
Ce qui nous semble le plus pertinent, en tant qu'association
professionnelle, dans le projet de loi 161, c'est ce qui concerne le
côté professionnel des activités géologiques,
géophysiques et minières. Lorsqu'on a étudié la
loi, on s'est dit: Les règlements vont venir après et
probablement que ce sera plus complet. Cela ne semble pas être le cas. On
a passé ici à travers la loi et les règlements.
On aimerait insister pour que la loi indique clairement que tous les
documents ou rapports géologiques ou techniques doivent être
rédigés par des géoloques qualifiés, par des
ingénieurs géologues lorsqu'il s'agit de
rapports géologiques, par un géophysicien qualifié
ou un ingénieur géophysicien, lorsqu'il s'agit d'un rapport
géophysique ou par un professionnel minier ou ingénieur des mines
lorsqu'il s'agit d'un rapport de mine.
Un peu plus loin dans le mémoire, on discute des
règlements et on va plus en détail. On aimerait bien voir cela
dans la loi, parce que les règlements, c'est un peu différent des
lois. On a remarqué la disparition de ce côté professionnel
de l'article 89 au chapitre 34 de la loi de 1965 qui stipulait que le
requérant de bail minier devait fournir un rapport certifié d'un
ingénieur des mines ou d'un géologue qualifié avant
l'ouverture d'une mine. Cet article a disparu de la nouvelle loi.
Le seul article dans la nouvelle loi qui concerne le côté
professionnel est l'article 219 du chapitre IV, section II, où on exige
un rapport de professionnel seulement en cas de suspension des travaux pendant
plus de six mois. On dit qu'à ce moment-là le titulaire de droit
minier doit transmettre au ministre une copie certifiée par un
ingénieur ou un géologue qualifié des plans des ouvrages
souterrains et des installations. Cela nous semble bizarre qu'on ait besoin de
plans d'ingénieur seulement lorsqu'on ferme la mine et non lorsqu'on
l'ouvre. L'ancienne loi de 1965 prévoyait que, lorsqu'on ouvrait une
mine ou qu'on prenait un bail minier, cela prenait des rapports.
Présentement, c'est complètement disparu. Il y a bien d'autres
lacunes au point de vue professionnel.
Il est certain que la présence de personnel qualifié est
de plus en plus exigée dans les entreprises à haut risque
où les vies sont en danger, où des sommes d'argent importantes
sont mises de l'avant et lorsque l'économie régionale en
dépend. Les politiques d'assistance fédérales et
provinciales sont cruciales. Nous aurions foi aux règlements à
venir. Les règlements qu'on a étudiés ensuite, bien que,
dans l'ensemble, ils tiennent compte du côté professionnel -je
voudrais en discuter un peu plus loin - ont quand même beaucoup de
faiblesses qui laissent des portes ouvertes à ce qu'on appelle une
personne qualifiée.
On aimerait bien qu'un geste soit posé dans la loi et non dans
les règlements afin que, lorsqu'on parle de rapports techniques pour
ouvrir une mine, cela soit fait par des professionnels. On a comparé
cette loi à la loi de l'AIberta et c'est un exercice assez
intéressant. En Alberta, partout où on parle de rapports, que ce
soit pour creuser un puits de pétrole, que ce soit pour faire de
l'exploitation minière, parce qu'il y a des mines dans le nord de
l'AIberta, c'est toujours très clair que rien ne peut être fait
sans des professionnels. C'est dans la loi et non dans les
règlements.
Nous continuons dans la loi. L'article 227 est un autre article qui nous
inquiète en tant que professionnels et qui peut causer des
problèmes, tant au gouvernement qu'aux exploitants. C'est l'article qui
dit: "En vue de s'assurer que tout exploitant récupère la
substance minérale économiquement exploitable qui fait l'objet de
son activité en se conformant aux règles de l'art, le ministre
peut: 1 exiger qu'il lui transmette un rapport justifiant la technique
d'exploitation utilisée;" effectuer des études, l'obliger
à prendre telle ou telle technique pour récupérer au
maximum le minerai.
Tout cela, c'est bien, mais je pense que toute intervention
gouvernementale devrait tenir compte de l'aspect de la rentabilité. La
rentabilité n'apparaît pas dans cet article 227 de la loi. On dit
qu'il faut qu'il exploite au maximum. Le maximum est en fonction de la
rentabilité pour toutes les opérations minières. C'est un
autre point de la loi. Il y a toujours le point général du
côté professionnel. Peut-être qu'ici, si on avait tenu
compte des professionnels qui sont dans le milieu, on aurait dit: Une
exploitation minière peut avoir des rapports faits par des
professionnels qui tiennent compte de la rentabilité, des conditions
d'exploitation et tout. Que cela doive satisfaire le ministre, nous sommes
d'accord, mais en tenant compte des critères de rentabilité.
Un dernier point de la loi qu'il nous semble important de soulever ici,
c'est l'article 1 du chapitre I du projet de loi. On lit que "les substances
organiques fossilisées sont assimilées à des substances
minérales et sont également visées par la présente
loi." Ici, on remarque qu'on a choisi comme premier article de statuer que les
hydrocarbures, gaz et pétrole, doivent être
considérés comme des substances minérales au même
titre que les roches et minéraux exploités dans les mines.
Pourtant, dans les faits, les hydrocarbures sont totalement dissociés
des mines.
Nous voulons démontrer ci-après à quel point il y a
une dissociation entre les deux groupes. Le ministère a toujours
encouragé et favorisé l'exploration minière en apportant
à l'industrie minière une assistance technique et une assistance
financière. L'assistance technique comprend les réalisations
faites aux frais du ministère comme les levés géoloqiques
régionaux, les levées géophysiques et géochimiques
et certains sondages stratigraphiques. L'assistance financière au niveau
des mines se présente aussi sous forme de subventions et de
remboursements d'une partie des frais. Dans les faits, ces deux formes
d'assistance sont, à toutes fins utiles, inexistantes dans le domaine
des hydrocarbures. Elles sont réservées exclusivement aux mines,
si bien qu'il y a même eu une intervention à un certain niveau
pour exclure expressément les hydrocarbures des programmes d'assistance
technique et financière présentement en cours.
Cette situation pourrait être expliquée, en partie, par le
fait qu'au Québec ce sont surtout les multinationales et SOQUIP, ces
dernières années, qui se sont intéressées à
l'exploration des hydrocarbures. Il y avait eu peu d'efforts dans ce domaine de
la part des petites et des moyennes entreprises. Nous aimerions souligner,
toutefois, que, dans les districts pétroliers canadiens et
américains, les PME sont beaucoup plus nombreuses que les
multinationales et que leur apport a joué un rôle essentiel dans
le développement de ces districts. On a de bannes raisons de croire
qu'au Québec l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures
pourraient convenir beaucoup mieux aux PME qu'aux multinationales et qu'il faut
encourager leur participation dans ce secteur économique
québécois.
C'est dans cet esprit qu'on recommande à la commission de donner
pleine vigueur à l'article 1 du chapitre I de la nouvelle Loi sur les
mines qui accorde une importance égale aux hydrocarbures et aux
minéraux. On aimerait bien - on insiste toujours pour faire mettre cela
dans la loi - qu'à l'article 1 on dise: Aucune substance minérale
ne sera exclue des programmes d'assistance technique et financière du
ministère, sauf pour des cas exceptionnels qui devront être
reconnus comme tels par le ministre. Cela revient à dire qu'on comprend
que les hydrocarbures au Québec, c'est peut-être difficile et
qu'il y a beaucoup d'argent qui a été dépensé
à ce jour par SOQUIP, mais que les PME qui s'y intéressent
devraient y avoir accès quand même, au même titre que ceux
qui font des projets miniers.
Finalement, on a reçu les règlements qui vont avec la loi,
le 12 février. Dans ces règlements, on doit insister sur
l'implication de professionnels qualifiés et le déclarer non
seulement dans les règlements, mais aussi dans la loi en tout temps pour
tous travaux techniques à recommander, à surveiller, à
exécuter ou à déclarer, qu'ils soient miniers,
minéraux, exploratoires ou de recherche. Il faut laisser le
côté professionnel à des professionnels et toutes les
autres déclarations à formuler aux cadres administratifs. (15 h
30)
On a commenté rapidement les règlements et je vais
reprendre assez rapidement certains articles. Je prends le premier
règlement sur les substances minérales. Si je vais à
l'article 16, on définit ici un géologue qualifié, un
professionnel qualifié et une personne qualifiée. Dans nos
recommandations, on recommande de définir le géophysicien
qualifié. Un géophysicien est, quand même, très
différent d'un géologue. Depuis 1967 ou 1968, il se forme des
géophysiciens dans la province de Québec qui sont des
ingénieurs en physique. Je suis ingénieur en physique avec des
diplômes supplémentaires en géophysique et en
géologie. On devrait définir un géophysicien
qualifié au même titre qu'un géologue ou un
professionnel.
Nous avons étudié la loi en la comparant un peu à
la loi de l'Alberta. L'association des ingénieurs en Alberta s'appelle
l'Association des ingénieurs, des géologues et des
qéophysiciens de l'Alberta. Partout dans les lois, naturellement, on
voit géologue, ingénieur et géophysicien. On pourrait
peut-être profiter de l'occasion, étant donné la nouvelle
formulation de la loi, pour introduire le titre de géophysicien. On
définit un professionnel qualifié comme étant un
diplômé d'une université en sciences physiques,
géologiques ou en génie; on aimerait bien voir "ou en
géophysique". Tout de suite après, on définit ce qu'est
une personne qualifiée comme étant un professionnel
qualifié ou un diplômé en technologie minérale.
Alors, on assimile à la troisième définition la
définition du professionnel qualifié. Alors, un professionnel
qualifié devient une personne qualifiée. Je ne vois pas tellement
la différence. Un professionnel qualifié est aussi une personne
qualifiée et un technologue. Alors, il y a eu comme un mélange un
peu partout dans les règlements. Toutes nos recommandations sont autour
de cette personne qualifiée qui est à la fois un professionnel et
un technoloque. On définit les professionnels et, ensuite, on s'en va
à "personne qualifiée" où on inclut encore une fois le
professionnel comme étant une personne qualifiée.
Comme le projet de loi tient surtout compte de rapports techniques ou de
recherches en ce qui a trait à l'exploration, si on retourne à
certaines lois, on s'inquiète à savoir si le ministre va recevoir
ries documents professionnels s'il peut refuser certains documents parce qu'ils
ne sont pas complets ou parce que les montants déclarés sont
supérieurs aux travaux effectués. Une association professionnelle
comme la nôtre et comme l'Ordre des ingénieurs - la plupart de nos
membres sont aussi ingénieurs - exige de ses membres, à travers
un code d'éthique qui est assez sévère, de faire des
rapports qui représentent la vérité. On pense que les
rapports devraient être faits par des professionnels et qu'on devrait
éliminer la personne qualifiée, parce que la personne
qualifiée, cela devient de plus en plus large.
À l'article 18, on a, encore une fois, ici des
déclarations. Ce sont toutes des déclarations techniques qui ont
trait à des rélevés. II doit déclarer le nombre de
kilomètres, le nom, la localisation, les droits miniers, le type de
levé qu'il a fait, l'état des résultats. Ceci est fait par
une personne qualifiée. Au Québec, les travaux sont faits par des
professionnels en qénéral. On aimerait changer "personne
qualifiée" par "le professionnel qualifié responsable du
levé".
On retrouve cela aux articles 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 dans le
premier règlement. Ils sont tous pareils.
Le Président (M. Baril): M. Goupil, il vous reste deux
minutes.
M. Goupil: Merci. Pour résumer, la question
professionnelle, c'est pour s'assurer que les travaux déclarés et
les travaux effectués répondent à des normes, et que les
montants qu'on déclare répondent aussi à des normes
professionnelles. On aimerait simplifier la vie de tout le monde en ajoutant ce
côté professionnel à l'exploration minière au
Québec. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil. M. le
ministre.
M. Savoie: Merci, M. le Président. M. Goupil, je voudrais
vous remercier pour votre présence ici, cet après-midi. Nous
avons lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire et nous
avons beaucoup apprécié les efforts qui ont été
faits par votre association. Avant de commencer, je voudrais simplement vous
souligner quelques faits. D'une part, pour ce qui est des règlements, si
vous me le permettez, M. Goupil, cela va être traité en même
temps qu'on va traiter les règlements un petit peu plus tard dans le
processus. Pour ce qui est des points que vous avez soulevés, plusieurs
ont fait l'objet de commentaires dans d'autres mémoires. Il y a quelques
commentaires que vous avez soulevés envers lesquels nous avons une
certaine sympathie. Je pense à la question de la tonne métrique.
Nous sommes en train d'examiner de plus près cette description d'une
tonne comme étant insuffisante. Cela pourrait être favorable
à vos orientations.
Pour ce qui est du tirage au sort, vous comprendrez qu'il a lieu
lorsqu'il y a une différence entre deux personnes ou plus, lorsqu'on
jalonne un claim en même temps. Cela créait une impasse et on
utilisait déjà ce processus de tirage au sort. C'est
aléatoire, mais le résultat est assez probant. Je pense que, de
part et d'autre, c'est accepté. Cela semble fonctionner assez bien.
C'est un processus qui est relativement simple et qui résout
énormément de problèmes. Utiliser un autre
procédé comme la formation d'une commission d'enquête
réglerait peu de chose. On a deux personnes qui réclament le
même droit et qui ont rencontré les mêmes exigences
physiques. Le tirage au sort représente quelques avantages.
On voudrait, dans la mesure du possible, savoir ce que vous entendez au
juste lorsque vous dites que le projet de loi doit reconnaître "la valeur
extrinsèque et intrinsèque de toute opération
minérale ou minière." Est-ce qu'on pourrait avoir des
éclaircissements? Cela se situe à la page 3 de votre
mémoire.
Le Président (M. Baril): M. Goupil.
M. Goupil: Bonne question! J'hésite à vous
répondre parce que le mémoire a été
préparé par un groupe. Cette partie du mémoire a
été écrite par M. Gilles Dionne, ancien président
de la SDBJ. J'ai l'impression qu'il veut qu'on tienne compte de toutes les
opérations minières et minérales, que ce soit au stade de
l'exploration, de l'exploitation, du financement ou de la réglementation
statutaire. Lorsqu'il parle de financement, celui-ci ne fait pas partie de la
loi présentement. Quant aux règlements statutaires, c'est le
côté fiscal, le côté comptable et le
côté technique. J'ai l'impression que M. Dionne voyait le projet
de loi comme devant toucher le côté fiscal, le côté
comptable et le financement. Quand on parle du côté financement,
on sait très bien que présentement, à la Commission des
valeurs mobilières, on est en train de faire un rapport avec l'Ordre des
ingénieurs parce qu'on se rend compte qu'il y a certains travaux
importants - on parle de plusieurs millions de dollars - qui se font sur des
rapports techniques qui n'ont été signés par aucun
professionnel. À ce moment-là, M. Dionne voyait le
problème. En regardant la loi, il l'a trouvée très bien.
On n'a pas trouvé grand chose dans la loi à part les quelques
points qu'on a soulevés. Mais la loi ne touche pas beaucoup au
côté professionnel à part l'article 219. Comme les
professionnels sont extrêmement importants dans l'exploration
minière, autant au niveau du financement que pour décider des
travaux qui vont se faire, ce qui inquiétait M. Dionne, c'est que le
côté professionnel ne soit pas soulevé. II ne faut
peut-être pas juste que la loi tienne compte de qui va être
propriétaire de quel terrain, parce que la loi est centrée sur
cela plus que sur autre chose; il faudrait peut-être avoir des portes
ouvertes et dire que les projets miniers doivent être soutenus par des
professionnels qui vont les appuyer.
M. Savoie: Merci, M. Goupil. Pour ce qui est de vos commentaires
en ce qui concerne l'aspect professionnel des rapports, on va,
évidemment, prendre en délibéré les commentaires
que vous avez faits. Il y en a quelques-uns qu'on a trouvés
particulièrement probants. Évidemment, en vertu de l'article 219,
il y a déjà des indications en ce qui concerne les rapports
professionnels. Mais peut-être que dans la loi, ce n'est pas suffisamment
clair. Il y aurait peut-être lieu de revoir la rédaction de
certains articles.
Je voudrais clarifier tout simplement un élément. Ne
devrait-on pas permettre aux prospecteurs qui n'ont pas nécessairement
de diplôme universitaire de présenter certains
rapports d'exploration au ministère?
Le Président (M. Baril): M. Goupil.
M. Goupil: Le prospecteur peut déjà
présenter au ministère des rapports sur ce qu'on appelle le
travail de prospection qui correspond à, je pense, 25 % des travaux
qu'il doit effectuer sur ces terrains miniers. Il ne peut jamais
dépasser en prospection plus de 25 %, le reste des travaux qu'il peut
faire, cela peut être des tranchées ou quoi que ce soit. Il y a
beaucoup de travail en exploration minière qui n'est pas professionnel.
Ouvrir des tranchées, construire des routes, cela ne demande pas
nécessairement des professionnels, mais lorsqu'on parle d'un rapport
géologique, de géochimie ou encore de géophysique, c'est
à ce niveau qu'on insiste pour que ce soit professionnel.
M. le ministre, on a fait une étude sommaire - je ne voudrais pas
insister sur cela - sur le coût d'une découverte minière au
Québec. Il y a toutes sortes de raisons, on n'est pas encore sûr
des vraies raisons ou des vrais chiffres. Mais en 1975 ou 1976, losqu'on
parlait d'une découverter minière, on disait: II faut investir 10
000 000 $ à 15 000 000 $; SOQUEM publiait ces chiffres-là.
Présentement, les dernières découvertes qu'on a faites
dans la province de Québec se situent aux alentours de 75 000 000 $ par
découverte. Si le côté professionnel était plus
respecté, si on faisait plus attention aux recommandations des
professionnels, on est quand même convaincu que le prix des
découvertes baisserait.
On avait la réputation en tant qu'explorateurs, les Canadiens en
général et les Québécois, dans une grande partie
des pays sous-développés d'être de très bons
chercheurs de mines. On connaît les histoires de Noranda ou d'autres
grandes découvertes qui ont été faites par les Canadiens.
Je me demande quelle serait la réaction des pays
sous-développés s'ils se rendaient compte que notre facteur de
découverte a été, en millions de dollars, multiplié
par trois dans les quatre ou cinq dernières années. Nous pensons
que c'est causé par une multitude de circonstances. Souvent, les
professionnels étant plus ou moins reconnus dans la province de
Québec, ont beaucoup de difficulté à imposer leurs vues
aux compagnies d'exploration junior en particulier.
En Alberta, lorsque les puits de pétrole ou les
découvertes ont augmenté de coût, un peu comme cela se
passe au Québec, il y a eu une intervention massive de l'association des
géophysiciens et des géologues de l'Alberta pour limiter les
dépenses à celles reconnues et approuvées par des
personnes connaissantes. Vous savez que les prospecteurs sont bien, mais il
reste que, quelquefois, ils n'ont pas les connaissances qui permettent de juger
sur des valeurs de 5 000 000 $ ou 10 000 000 $. Un prospecteur qui va chercher
5 000 000 $ ou 10 000 000 $ dans le public ne serait peut-être pas
nécessairement mal intentionné, mais pourrait induire une grande
majorité, une grande quantité de Québécois en
erreur, tandis qu'un professionnel aurait peut-être moins de chance.
C'est pour cela qu'on nous forme dans les universités.
Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil.
M. Savoie: Dernièrement, M. Goupil, vous avez
soulevé, par le biais de votre mémoire, quelques commentaires sur
l'article 227. Je vous assure que l'article 227 a fait l'objet
d'énormément de discussions. La rédaction de l'article a
été très soignée; le vocabulaire est pesé en
termes juridiques: "En vue de s'assurer que tout exploitant
récupère la substance minérale économiquement
exploitable." On emploie ensuite le terme "optimale". Il y a dans la
rédaction de cet article un soin pour assurer le respect des
orientations du ministère en vue d'empêcher
l'écrémage par des gens de mauvaise foi. Certaines pratiques
peuvent faire l'objet d'une interdiction ministérielle.
Évidemment, malgré l'abus qui pourrait en naître, je crois
que l'ensemble de l'industrie est favorable à ce qu'il y ait une prise
de position et à ce qu'on puisse empêcher l'écrémage
et qu'on puisse protéger le patrimoine qui est la
propriété de tous les Québécois. (15 h 45)
M. Goupil: Nous sommes d'accord avec l'article. Tout simplement,
on fait la mise en garde afin d'être certains que le principe de la
rentabilité soit prioritaire à certains principes.
L'économie minière au Québec, c'est assez difficile.
Lorsqu'on dit: Le Québec ou le Canada en général est un
gros producteur d'or et qu'on se rend compte que le Québec produit moins
de 2 % de l'or mondial, ce n'est pas nous qui allons influencer le prix de
l'or. Dans les années à venir, on peut prévoir des
découvertes importantes dont la richesse ne se comparera pas aux mines
du Québec. Si l'on n'exploite pas cela maintenant, peut-être que
dans 20 ou dans 25 ans on ne l'exploitera jamais.
M. Savoie: Vous avez raison, M. Goupil. Je pense qu'on s'accorde
sur cela. Je pense que l'article est créé en plus de cela.
Juridiquement, à ce moment, le poids sera sur le ministère qui
soulève l'utilisation de l'article 227 et non pas sur l'exploitant. Les
juges qui feront l'analyse de l'aticle 227 se reporteront aux discussions de
cette commission parlementaire, aux discours qu'il y a en Chambre et on
tâchera de souligner
l'orientation très claire de l'article 227.
Peut-être en réservant mon droit de réplique, je
céderai la parole à l'Opposition.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Dans un premier temps,
je voudrais remercier l'Association professionnelle des géologues et des
géophysiciens du Québec pour le mémoire qu'elle nous a
préparé et, en l'occurrence, son porte-parole, M. Goupil, pour la
présentation très intéressante qu'il nous en fait
actuellement. Ce mémoire soulève un certain nombre de questions.
Ma première question sera à l'égard de votre
déclaration où vous dites vous opposer au tirage au sort et
préférer d'autres mécanismes d'entente, en l'occurrence
"la copropriété en société transparente, avec
intérêts indivis." En ce qui me concerne, je suis d'accord qu'il y
a éventuellement des solutions plus intéressantes que le tirage
au sort, le pile ou face, pour régler des problèmes. J'aimerais
que vous vous étendiez un peu plus sur cela, à savoir, entre
autres, si vous avez vraiment fait une réflexion sur les
différentes modalités de répartition et aussi si vous avez
vraiment fait une critique complète de la façon dont on
procède aujourd'hui pour régler ces problèmes et voir
comment on pourrait améliorer les techniques actuelles sans pour autant
chambarder l'ensemble de l'approche dans le domaine.
M. Goupil: Nous n'avons pas écrit beaucoup; nous avons
discuté plus que nous n'avons écrit. Présentement, quelles
sont les possibilités qu'on puisse vraiment claimer un terrain
simultanément? Sur le terrain, les possibilités sont pratiquement
nulles. Souvent, ce ne sera pas des claims simultanés. Il faut qu'il
mette quatre poteaux. Il faut qu'il y en ait un qui tourne sur un bord et
l'autre qui tourne sur l'autre. C'est assez rare que cela puisse arriver, un
claim ordinaire, comme cela se passait juste avant cette loi. Avant cette loi,
lorsqu'on parlait de claim, par exemple en Abitibi, les fonctionnaires
vérifiaient sur le terrain si cela avait été fait selon
les normes etc. et ils décidaient qui pouvait l'avoir.
Présentement, vu qu'on va aller au tirage au sort, peut-être qu'on
va laisser tomber un peu la vérification pour aller voir si vraiment ils
les ont claimés. C'était pour les claims ordinaires.
Comme la nouvelle loi fait que, depuis trois ans, on peut claimer, comme
on dit, sur carte - je ne devrais peut-être pas dire claimer parce qu'on
demande de changer le mot "claim", c'est peut-être le mot "permis"
plutôt - et que les permis sont attribués sur une carte,
peut-être que là cela devient plus délicat. Comment est-ce
que cela se passe lorsque quelqu'un va obtenir des droits d'exploitation en
claimant sur une carte? En claimant sur une carte, on va faire cela le
lendemain qu'un rapport quelconque a été publié, par
exemple, un rapport sur les travaux faits ou par le gouvernement provincial ou
le gouvernement fédéral qu'il rend public une certaine
journée. Alors, il y a bien des chances qu'à ce moment il y en
ait plusieurs qui demandent le même permis simultanément parce que
c'est plus facile que d'aller sur le terrain. Les dimensions peuvent être
différentes aussi. Cela va devenir plus difficile. Je ne le sais pas, je
ne suis jamais allé dans les bureaux du ministre, je n'ai pas
été conscient, non plus, qu'on a eu tellement de problèmes
dans les années passées avec les claims simultanés. Les
demandes de permis comme telles, sur carte, simultanées, j'ai eu
conscience de cela, surtout quand on veut claimer dans une municipalité
comme Val-d'Or qui est assez grande et qui comprend des territoires miniers
dans ses alentours. On demande une permission au ministre de soustraire cette
région au jalonnement. Dans le passé, c'était un tirage au
sort pour toutes les lettres qui arrivaient la même journée.
C'est un domaine complexe. On n'a pas apporté de solutions comme
telles. On dît qu'il faudrait peut-être envisager quelque chose
d'autre, comme d'évaluer, de faire venir les personnes, de voir qui veut
avoir quoi. Un des points, par exemple, qui nous semblent délicats,
c'est le fait qu'on sait que l'article de la loi prévoit un tirage au
sort et que le juge des mines n'est plus là pour décider, pour
prendre la décision à savoir qui a droit au claim. On a peur que
cela puisse laisser une porte ouverte et qu'à un moment donné,
pour les claims intéressants, tout le monde dit: Moi aussi, j'ai
claimé. L'ancienne procédure était quand même
efficace, jusqu'à un certain point.
M. Claveau: Je voudrais dire, pour appuyer la dernière
partie de votre intervention, qu'effectivement le problème a
été soulevé par des prospecteurs sur le terrain. Cela peut
arriver, à l'occasion, que deux prospecteurs qui connaissent un coin
décident d'aller se chercher des "tags" et de commencer à claimer
le même coin en même temps. À ce moment-là, ils
s'adonnent à se rencontrer sur le terrain avec chacun sa poiqnée
de "tags". Généralement, ils négocient sur place et
disent: Tu pars par là, on coupe ici, je vais prendre ce
côté, tu prends ce côté, et ils réussissent
à s'entendre. Ce qu'on me dit, c'est que cette espèce de
négociation de terrain qui se fait à l'occasion va être
carrément faussée si on parle de tirage au sort parce que cela va
être à qui mieux mieux, tu as beau mettre ton "tag", je vais
mettre le mien par-dessus le tien et, après cela, on va s'en aller au
bureau de l'Énergie et des Ressources dans
le secteur et on va se faire tirer un trente sous pour voir qui va
l'avoir. C'est un peu de cette façon que certains prospecteurs m'ont
fait part du problème du tirage au sort. Je partage en cela vos
préoccupations.
M. Savoie: Je voudrais clarifier un point technique. Pour
jalonner, pour que deux personnes aient un même droit en même
temps, il faut respecter la loi et les règlements de la Loi sur les
mines, c'est-à-dire qu'il faut être présent tous les deux
à 7 heures ou à 7 h 30 et partir du même point. On ne peut
pas partir, l'un d'un point et l'autre d'un autre point. Cela veut tout
simplement dire qu'un claim tombe libre et que deux prospecteurs se
présentent, tous les deux, à la même heure et ils
constatent qu'ils sont tous les deux sur le terrain. Alors, qui a raison, qui a
droit au claim? Ils plantent, tous les deux, leur poteau dans le même
coin parce que, pour jalonner, on ne peut pas commencer par n'importe quel
coin; il faut commencer par un coin et, ensuite, procéder aux autres.
Tous les deux posent leur poteau et, ensuite, posent l'autre poteau en suivant
les règlements.
Si cette situation se produit, comment fait-on pour la régler?
Quelle autre mesure a-t-on...? On en a déjà une qui est le tirage
au sort et qui semble recevoir l'approbation de la majorité des
prospecteurs. Vous comprendrez la difficulté qui se soulève. Ce
n'est pas une question de hasard, c'est arrivé. Quelquefois, comme
notaire, en pratique, j'ai eu des clients qui sont venus me voir et on a
procédé par tirage au sort, à deux occasions.
C'était utilisé déjà au ministère.
C'était quelque chose qui n'était pas inconnu de l'industrie.
M. Goupil: Dans les demandes de permis spéciaux, cela a
été utilisé aussi.
M. Savoie: Dans les demandes de permis spéciaux aussi, je
crois.
Le Président (M. Baril): Merci, monsieur.
M. Claveau: On pourra en discuter à un autre moment, mais
c'est parce que le fait de l'introduire dans la loi, de le rendre immuable,
fait en sorte qu'on va y recourir à tout moment pour n'importe quoi,
alors qu'avant quand même, avant d'aller au tirage au sort, souvent, on
le négociait sur le terrain et on finissait par s'entendre sans aller au
bureau du ministère pour aller tirer au sort.
M. Savoie: Tant mieux!
En ce qui concerne l'article 64, je me demande si vous, en tant que
professionnels qui connaissez le domaine et qui avez sûrement un point de
vue scientifique, technique important à nous donner, vous auriez des
suggestions précises à faire au ministre en ce qui concerne le
tonnage des échantillons qu'on doit retirer sur une concession, sur un
claim, qui serait raisonnable pour permettre de vraiment évaluer le
potentiel de ce claim.
M. Goupil: C'est quand même assez difficile. Je pense qu'on
exclut ici ce qu'on appelle les échantillons en vrac. Cela prend des
permissions spéciales. En tonnage, comme chaque trou de forage
représente une tonne, c'est difficile de limiter le nombre de trous de
forage d'une compagnie qui veut explorer un claim. J'aurais bien de la
difficulté à mettre des quantités. Je pense que le but de
cet article, c'est de s'assurer que quelqu'un ne peut pas faire
d'échantillonnage en vrac où il va sortir 500, 600 ou 1000 tonnes
d'une section d'une découverte qui est très riche sans passer par
des baux miniers ou des permissions pour échantillonnage en vrac.
Lorsqu'il s'agit d'échantillonnage standard, d'exploration
géologique, en faisant des forages, il faut pratiquement laisser cela
à la discrétion de celui qui fait l'exploration. S'il fait 200
forages, il va sortir 200 tonnes. C'est raisonnable. Mais 200 tonnes, lorsqu'il
fait un échantillon en vrac ou qu'il va chercher juste une partie d'un
"showing", peut-être que cela ne fait plus l'affaire.
M. Claveau: Pourriez-vous nous expliquer comment cela se passe
actuellement dans te cas où une compagnie d'exploration veut faire une
rampe d'exploration pour aller chercher quelques milliers de tonnes de
vrac?
M. Goupil: Je ne peux malheureusement pas vous expliquer cela. Je
sais qu'il doit y avoir certains plans pour aller sous terre et probablement
une permission. Si on se fie au rapport du juge Beaudry lors de la commission
sur Belmoral, il doit se faire certaines investigations. Est-ce que cela prend
un permis du ministère? J'imagine que oui, mais je n'en suis pas
sûr.
M. Claveau: À la page suivante de votre mémoire,
vous donnez votre point de vue sur l'article 18, en disant que la
désignation sur carte - je résume - est "des plus justifiables et
à propos". J'aimerais savoir à partir de quelle analyse vous
dites cela et aussi si vous parlez de l'ensemble du territoire du Québec
ou si, à votre avis, cela doit être quelque chose de sectoriel en
fonction d'une problématique particulière.
M. Goupil: On a étudié cela. Quand on dit
"justifiable et à propos", on verrait mal l'utilisation de cette
technique dans l'Abitibi qui procède déjà d'une
façon bien efficace, par les claims standards, qui permet aux
prospecteurs d'exister. Dans certains territoires du Québec,
lorsqu'on parle des Cantons de l'Est ou encore des grands territoires
difficiles d'accès, cela devient justifiable, comme dans le territoire
de la Baie James. Claimer un territoire, c'est très dispendieux. On peut
monter en avion, oui, mais la plupart du temps, pour des raisons de
sécurité, c'est mieux en hélicoptère parce que les
lacs dégèlent ou gèlent trop vite. Un avion peut
être malcommode. Dans des territoires difficiles d'accès ou dans
des territoires où l'intérêt d'aller chercher des droits ou
des claims est moins fort, où la prospection se fait moins
intensément, cela devient intéressant à ce
moment-là. L'exploration pétrolière a toujours
été faite au Québec par jalonnement sur carte. Dans
l'Ouest canadien, en Alberta, le jalonnement ou les permis d'exploration de
pétrole se prennent sur carte ou encore par soumissions publiques. (16
heures)
M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse. Tout
à l'heure vous vous êtes étendu un peu sur le rôle
des professionnels dans le domaine de l'exploration et de l'exploitation
minière. Vous avez parlé, entre autres, des coûts, etc.
Vous sembliez dire qu'on n'utilisait pas assez les services de professionnels
dans l'exploration et que c'était une des raisons pour lesquelles cela
coûtait cher. C'est comme cela que j'interprète ce que vous avez
dit tout à l'heure. Vous dites aussi dans votre mémoire, au
dernier paragraphe de la page 3: "Et surtout de celle des opérations
techniques et industrielles par l'emploi ou l'implication de professionnels
qualifiés". Est-ce que c'est tout simplement un point de vue
théorique que vous émettez ou est-ce que vous faites une critique
par rapport à la situation actuelle, à ce que vous vivez dans le
quotidien?
M. Goupil: Non, c'est une critique. La situation qu'on vit
présentement au Québec est assez spéciale en exploration.
Les géologues au Québec sont différents des
ingénieurs, ils ne sont pas dans l'Ordre des ingénieurs. Les
géophysiciens sont dans l'Ordre des ingénieurs ou n'y sont pas,
selon qu'ils ont eu un diplôme en sciences physiques et se sont
spécialisés en géophysique. Une partie des professionnels
géologues et géophysiciens n'est pas protégée comme
telle par l'Ordre des ingénieurs. Certains travaux sont
protégés par l'Ordre des ingénieurs et cela va quand
même assez bien. Dans l'exploration minière ou dans tout ce qui
touche aux mines, il n'y a personne qui s'occupe, à part l'association
que je représente, de faire respecter le côté professionnel
des membres. Personne ne s'occupe de dire: Cela, c'est un emploi de
professionnel, qui doit être fait seulement et uniquement par un
professionnel. On constate trop souvent qu'il y a beaucoup d'argent qui est
relié au coût de rapports techniques d'une grande importance,
surtout de l'argent qui va se dépenser sur le terrain à la suite
de la parution de ces rapports qui sont faits souvent par des personnes bien
intentionnées, mais n'ayant pas les connaissances ou l'expérience
requises.
Comme je vous le disais, on a comparé avec l'Alberta, parce que
c'est quand même un endroit où le côté exploration
est extrêmement fort; il y a beaucoup d'argent qui se dépense en
exploration. C'est la province qui se compare le mieux au Québec. En
Colombie britannique, c'est la même chose. En Alberta, l'Association
professionnelle des ingénieurs comprend des géologues et des
géophysiciens, comme je le disais tantôt. Cela s'appelle
Association of Professional Engineers, Geologists and Geophysicists of Alberta.
À ce moment, personne ne peut faire un acte dont les professionnels ont
décidé que c'était un acte professionnel. On ne peut pas
empêcher les prospecteurs de prospecter, c'est sûr que non. Mais
les actes professionnels, comme des rapports qui vont à la Commission
des valeurs mobilières, qui recommandent des travaux pour 2 000 000 $ ou
3 000 000 $, on regarde cela; des fois, cela a été fait par un
professionnel, cela peut avoir été écrit par un
géologue. Lorsqu'on regarde, par exemple, le programme qui est
suggéré, à 80 %, c'est de la géophysique. Si la
situation se passait en Alberta, ce rapport serait interdit, parce qu'il y a
trop de géophysique pour le géologue. Ce qui est géologie
aurait dû être approuvé par un géologue et le
côté géophysique du programme aurait dû être
approuvé par un géophysicten. La géophysique est une
science qui évolue rapidement. C'est difficile à suivre et,
même quand on est dans le métier quinze heures par jour, dix
heures de travail et cinq heures de lecture le soir, on a de la misère
à suivre toutes les techniques et tous les principes nouveaux qui
existent pour faire des découvertes. Les premières
découvertes... Notre industrie minérale dans les années
passées a été mise au monde par des professionnels. Il y a
un cas typique que vous connaissez très bien, c'est la compagnie Sintrex
qui a développé des équipements très très
professionnels. Aujourd'hui, Sintrex s'est retirée complètement
des relevés de terrains. On ne peut pas engager Sintrex pour aller sur
le terrain parce qu'elle considère que tout ce qui se passe au niveau
des relevés, comme n'importe qui peut faire des relevés et que
c'est aussi bien reconnu qu'un professionnel, bien, elle n'a aucune chance de
le faire. En Alberta, il y a 27 000 professionnels dans l'association et ils
travaillent sans empêcher les autres de travailler, j'imagine, parce
qu'il n'y a pas de plaintes au niveau de
l'association des professionnels de l'Alberta.
Quand on parle ici de "la valeur intrinsèque et
extrinsèque" de toute l'activité minière, c'est sûr
que la Loi sur les mines ici touche au terrain, à l'exploitation et
à la mise en valeur. Mais il y a aussi autour de l'activité
minière des financements importants qui se font au Québec. Du
côté fiscal, le gouvernement investit beaucoup d'argent dans cela.
Tout le monde investit, mais on se demande pourquoi personne ne s'est jamais
arrêté pour dire: Est-ce que quelqu'un qui connaît cela l'a
regardé comme il faut ou est-ce que c'est justement quelqu'un qui a une
grande espérance de trouver une mine qui a décidé de faire
cela?
M. Claveau: Je me permettrai juste une petite réflexion
là-dessus, c'est que, pour connaître un peu le milieu, on dit
souvent que le vieux prospecteur, le prospecteur traditionnel a le sens de la
roche; il a un certain flair qui lui permet d'aller chercher des choses
inespérées à des endroits où souvent les
professionnels n'ont rien trouvé. Seriez-vous d'accord avec ce genre
d'affirmation là?
M. Goupil: Non, parce que le prospecteur, souvent, va se baser
sur des données professionnelles, des données
d'aéroportés, du magnétisme ou des données
semblables. Cela dépend du monde, cela dépend jusqu'à quel
point il connaît son terrain et de ce qu'il a comme information qu'un
autre n'a pas, mais un prospecteur n'est quand même pas un professionnel;
c'est beaucoup plus un promoteur souvent. Dans certains cas, cela n'est pas
vrai, dans certains cas le prospecteur est peut-être un géologue.
Il y a des autodidactes, il y a des gens qui s'y connaissent aussi bien qu'un
professionnel. Vous savez, il n'y a pas juste les professionnels qui ont la
science, ce n'est pas vrai.
Alors, c'est difficile de dire: Un prospecteur aussi voit cela. II peut
être un autodidacte, il peut être aussi bon qu'un autre
géologue. Cela, je vous l'accorde. Mais, lorsque vient le temps de faire
des prospectus ou d'impliquer l'argent du monde, il ne faudrait peut-être
pas laisser cela ouvert. Dans notre association, on exige que quelqu'un ait des
diplômes et de l'expérience pratique comme professionnel. On exige
trois ans d'expérience et on prend des références sur ses
employeurs pour voir s'ils ont été satisfaits, si ses
décisions sont rentables.
Trouver une mine, c'est plus compliqué qu'on ne le pense. Cela ne
coûterait pas 55 000 000 $, si un prospecteur savait où elles
sont, il irait les chercher, j'imagine.
Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil. II vous reste
une minute, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Une minute. Peut-être que vous me permettrez,
en finissant, une petite question au ministre. Tout à l'heure, au
début de son intervention il a semblé faire une différence
entre le moment où on devait étudier la loi et les articles ou
les règlements. Est-ce que j'ai bien compris que l'on divise cela ou si
cela ne fait pas plutôt partie du même bloc?
Le Préaident (M. Baril): J'aimerais vous rappeler. M. le
député d'Ungava, que je dois demander au ministre s'il est
d'accord pour répondre à votre question parce que ce n'est pas le
sujet.
M. Savoie: Je suis d'accord pour répondre à sa
question.
Le Président (M. Baril): Merci. M. le ministre.
M. Savoie: Techniquement, les règlements vont
apparaître à la Gazette officielle et c'est à ce
moment-là qu'on s'attend à avoir une réaction de la part
de l'industrie. Mais que les règlements soient discutés, on est
ouvert à cela. On est ouvert à tout. Il n'y a aucune
restriction.
M. Claveau: C'est ce que je comprenais. Je remercie, d'ailleurs,
M. le ministre. Comme les règlements ont été
déposés, enfin, ont été rendus accessibles à
peu près en même temps que le projet de loi, on peut s'attendre
que les mémoires traitent beaucoup des règlements, quand cela les
concerne.
Le Président (M. Baril): Merci. Alors, M. le ministre, il
vous reste six minutes.
M. Savoie: D'accord. Pour faire suite au dépôt du
mémoire de votre association, M. Goupil, nous vous avons fait part de
certaines modifications au projet de loi. Nous allons tenir compte
également du fait que selon votre point de vue le troisième
alinéa de l'article 219 n'est peut-être pas suffisamment
explicite, qu'il devrait avoir un peu plus de portée. Cela sera
examiné et j'ai confiance que les hauts fonctionnaires communiqueront
avec vous afin de discuter davantage de cette question.
Vous avez comparé notre projet de loi avec celui de l'Alberta.
J'espère qu'il s'y compare avantageusement. Pour ce qui est des
géophysiciens, c'est sûr qu'en Alberta ils ont un peu plus de mise
en valeur qu'au Québec. Évidemment, on parle de pétrole et
la géophysique est beaucoup plus importante à l'heure actuelle au
niveau du pétrole qu'au niveau des mines. Je suis certain que votre
association est appelée à jouer un rôle
encore plus important au sein de l'industrie minière
québécoise.
On a été très flattés par vos commentaires
disant que la loi était très bien et qu'en gros cela recevait
l'approbation de votre association. Bien sûr, il y a toujours des
difficultés. On en est très conscient. J'espère qu'on
méritera votre vote de confiance en tenant compte davantage de vos
revendications et de vos commentaires. Merci.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Merci, M.
Goupil.
M. Goupil: Merci, M. le député, M. le
Président et les membres de la commission, de nous avoir
écoutés.
Le Président (M. Baril): Un instant, je vais demander au
député d'Ungava de dire un mot.
M. Claveau: Je voudrais juste remercier brièvement M.
Goupil pour être intervenu au nom de l'Association professionnelle des
géologues et des géophysiciens du Québec et pour
l'intérêt qu'il porte à ce projet de loi qui est
sûrement d'une grande importance pour eux, en tant que professionnels
dans ce domaine. Je voudrais l'assurer que nous donnerons toute l'attention
nécessaire au traitement de ce mémoire au moment de la discussion
du projet de loi article par article en espérant que le ministre ait
déjà, avant d'en arriver à cette étape, largement
modifié son projet de loi pour faire en sorte que l'étude article
par article soit plus brève et plus rentable pour tout le monde.
Le Président (M. Baril): M. le ministre, pour le mot de la
fin.
M. Savoie: Merci.
Le Président (M. Baril): Merci, M. Goupil.
J'appelle maintenant les représentants de Minéraux Noranda
Inc., s'il vous plaît. Bienvenue. Je tiens aussi à vous rappeler
que le temps alloué à Minéraux Noranda Inc. est une heure,
soit: vingt minutes pour présenter votre mémoire, vingt minutes
aux membres du gouvernement et vingt minutes aux membres de l'Opposition. M. le
président, j'aimerais que vous me présentiez vos invités,
s'il vous plaît.
Minéraux Noranda Inc.
M. Lefebvre (Michel): C'est bien. M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs de la commission, je vais d'abord vous
présenter les gens qui m'accompagnent. À mon extrême
droite, M. Jean Desrosiers qui est le directeur de la mine Lac Dufault.
Plus près de moi, c'est M. Patrice Cayouette qui est le directeur
de la division Matagami. À ma gauche, près de moi, c'est M. Denis
Francoeur qui est directeur de Explorations Noranda pour le nord-ouest du
Québec. Plus à ma gauche, c'est M. Jean Bailly, directeur de la
division Chadbourne.
M. le Président, j'aimerais d'abord remercier la commission
d'avoir accepté de nous entendre. Je voudrais d'abord dire que Noranda,
que nous représentons aujourd'hui, a pris naissance au
Québec...
Le Président (M. Baril):. Un instant, monsieur. Pour les
archives, est-ce qu'on pourrait savoir qui vous êtes?
M. Lefebvre (Michel): Michel Lefebvre. Excusez-moi. Je suis
vice-président...
Le Président (M. Baril): Merci, M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Michel): Minéraux Noranda Inc. est née
au Québec. Nous sommes d'ici et nous sommes fiers d'être d'ici.
Nous avons contribué à l'essor ou à l'évolution
économique du Québec depuis les années vingt.
Actuellement, dans l'industrie du cuivre et du zinc, Minéraux Noranda
Inc. emploie au Québec quelque 4300 personnes. Elle verse des salaires
annuels de 142 000 000 $ et a des frais d'exploitation annuels d'environ 306
000 000 $. Nous avons donc un intérêt évident dans
l'évolution de la loi minière au Québec. Comme je l'ai dit
précédemment, nous sommes déterminés à
continuer à travailler au Québec, mais nous savons que, pour ce
faire, nous devons compter sur une législation adéquate et sur un
ministère des mines ou des ressources naturelles clairvoyant et bien
articulé.
Le projet de loi 161 contient plusieurs dispositions que nous trouvons
fort intéressantes. Nous trouvons aussi fort intéressante la
consultation préalable qu'il y a eu avant la formulation de ce projet de
loi. Cependant, nous considérons que, dans le libellé actuel, le
projet de loi 161 réduit l'importance accordée à
l'industrie minière et en même temps l'importance accordée
au ministre délégué aux Mines. (16 h 15)
Cette diminution est observée à quatre niveaux. Nous
l'observons tout d'abord dans la gestion de la ressource ainsi que dans la
gestion des résidus miniers. Nous la voyons aussi dans ta
désignation du territoire ouvert à l'exploitation et à
l'exploration minières et dans le rôle du ministre responsable
vis-à-vis des autres ministères. Enfin, nous notons cette
diminution dans le processus judiciaire et les pouvoirs d'expropriation.
En fait, nous désirons centrer notre intervention sur ce point
que nous considérons crucial, c'est-à-dire la diminution
que nous percevons dans l'importance accordée à
l'industrie minière. Parlons d'abord de la définition et de la
gestion des résidus miniers. Le ministre, dans le projet de loi,
abandonne, à toutes fins utiles, son autorité sur la gestion des
résidus miniers pour ne conserver qu'un droit de regard sur les sites.
En fait, cela provoquera une multiplication des intervenants dans ce domaine et
entraînera par le fait même une multiplication des
interventions.
D'autre part, la définition de résidus miniers comme telle
ne colle pas à la réalité de l'industrie minière.
On exclut la fraction liquide du concept de résidu minier. Or, dans
l'industrie des métaux de base, les résidus miniers sont liquides
à 50 %. Dans l'industrie de l'or, par exemple, Je procédé
de cyanuration est fondamentalement en phase liquide. C'est donc dire que,
lorsqu'on enlève la fraction liquide de la notion de résidu
minier, on enlève 50 % ou 100 % des résidus miniers. Cela veut
dire qu'au moins 50 % des résidus miniers ne seront dorénavant
plus des résidus miniers, ce qui est assez aberrant. C'est d'autant plus
important qu'il faut se rappeler que l'industrie minière mine des
minerais à 10 % ou 15 % quand ce sont des minerais riches et des
minerais à 2 % ou 3 % quand ils sont plus ordinaires. Dans l'or, on
parle de 0,10 once à la tonne. C'est donc dire que la vaste
majorité des matériaux manipulés par l'industrie
minière se retrouvent dans les résidus. Ce n'est que l'infime
partie qui est récupérée.
Un peu plus tard, à l'article 227, le ministère veut se
garder un droit de regard sur l'exploitation minière. On peut se
demander quel droit de regard le ministère pourra avoir si, en partant,
on laisse tomber le gros de ce que constitue l'exploitation minière
comme telle.
Une autre chose. Le concept de résidu minier tel que
proposé se limite aux roches stériles. Or, dans la pratique, il
existe des milliers de tonnes de matériel qui, sans être
parfaitement stériles, ne contiennent quand même pas suffisamment
de métaux pour être exploitées économiquement. Ces
matériaux sont classés par l'industrie comme des résidus.
Dans la nouvelle définition, ces milliers de tonnes de matériaux
qui, dans le métier, sont des résidus, dans la loi,
dorénavant, ne seront plus des résidus.
Nous recommandons, face à ces problèmes, de remplacer la
définition du terme "résidus miniers" par la suivante:
"résidus miniers: les résidus provenant de l'extraction ou du
traitement des substances minérales et les résidus provenant des
opérations de pyrométallurgie."
Nous recommandons aussi le maintien de la gestion de tous les
résidus miniers par le ministre en charge et l'industrie minière,
que nous considérons la seule ressource spécialisée au
service de l'industrie minière. Nous recommandons enfin que le ministre
en charge de l'industrie minière reste le seul interlocuteur de
l'industrie minière.
Nous notons également une réduction de l'importance que
l'on accorde à l'industrie minière dans la diminution du
territoire ouvert à la prospection et à l'exploitation. En fait,
le projet de loi 161 nous donne l'impression que la ressource minérale
semble être devenue la dernière préoccupation du
gouvernement. La ressource minérale passe après les
réserves indiennes, la faune, la flore, les parcs, les
cimetières, les municipalités et j'en passe. On a l'impression
que, s'il reste de la place au Québec, on pourra y faire une mine; sans
cela, on ne peut pas faire de mine. Non seulement on ne peut pas exploiter
toutes ces places, mais aussi, on ne peut pas explorer. Intellectuellement,
c'est choquant. En principe, c'est élever le dicton "Fontaine, je ne
boirai pas de ton eau". Je pense qu'on se prive de la connaissance du lieu et,
intellectuellement, ce n'est pas correct, comme je l'ai dit.
Nous croyons à une saine gestion de l'environnement, nous croyons
à une saine gestion des autres richesses de la nature, mais nous ne
pensons pas que cette gestion doive se faire au détriment de la
connaissance de nos ressources minérales et du développement
économique d'une région qui peut s'ensuivre.
Dans ce domaine, les recommandations que nous faisons sont les
suivantes: Nous recommandons que la ressource minérale occupe une place
de choix dans la hiérarchie des préoccupations gouvernementales
et qu'elle ne soit pas recluse aux territoires inoccupés par d'autres
activités. Nous recommandons de maintenir à l'industrie
minière le droit de prospecter sur tout le territoire afin d'en
découvrir le potentiel minier et économique et de pouvoir ainsi
porter un jugement éclairé sur les choix à faire.
Toujours sous le thème de la diminution de l'importance
accordée à l'industrie, nous notons aussi l'envahissement, par
les autres ministères, des pouvoirs octroyés au ministre de
l'Énergie et des Ressources. Nous remarquons un recul par rapport au
ministère des Transports, au ministère de l'Environnement et
également au ministre délégué aux Forêts.
À titre d'exemple, tout ce qui concerne les chemins miniers
relève du ministère des Transports. Par ailleurs,
également, le concept du chemin minier lui fait perdre la fonction
d'outil de développement qu'il avait antérieurement. Auparavant,
le chemin minier pouvait précéder le droit minier. Dans le projet
de loi 161, il nous apparaît que le chemin minier doit
nécessairement suivre le droit minier.
D'autre part, nous trouvons que le ministre de l'Environnement et le
ministre
délégué aux Forêts exercent une influence
considérable sur l'industrie minière par le biais du projet de
loi 161. De façon indirecte, ces ministères peuvent
légiférer en matière minière. Nous ne
prétendons pas que le ministre délégué aux Mines
doive supplanter l'un ou l'autre de ces ministres, mais nous maintenons que,
tout au moins, le ministre délégué aux Mines doit
être au su de ce qui se passe et que toute loi indirecte devrait avoir
reçu au préalable l'aval du ministre responsable des mines.
Dans ce domaine, nos recommandations sont les suivantes: Nous
recommandons l'abolition de la législation par renvoi et l'inclusion,
dans la Loi sur les mines, des différentes normes applicables à
l'industrie minière. Nous recommandons que le ministre responsable de
l'industrie minière demeure le maître d'oeuvre de cette loi et en
assume l'entière administration tant en matière d'environnement
qu'en matière de chemin minier. Nous voulons un ministre dynamique et
actif dans tous les secteurs de l'industrie, et non un ministre gérant
des secteurs inoccupés par les autres ministères.
Nous recommandons également le maintien de la définition
actuelle de l'expression "chemins miniers" ainsi que la conservation des buts,
modes d'exécution et paiement relatifs aux chemins miniers
édictés aux articles actuels 264, 263 et 266 de la Loi sur les
mines actuelle.
Nous recommandons enfin qu'une définition de l'expression
"chemins miniers secondaires" se retrouve au projet de loi et que la gestion de
ces chemins miniers secondaires soit entièrement dévolue au
ministre responsable des mines.
Nous notons aussi une diminution de la protection judiciaire
accordée à l'industrie minière. La loi actuelle offre une
importante protection à l'industrie minière par un juge
spécialisé dans les mines ainsi que par des appels possibles
à la Cour d'appel du Québec. Or, le projet de loi 161 fait
d'abord disparaître le juge des mines, accroît les pouvoirs
discrétionnaires du ministre - et ces pouvoirs sont souvent sans appel -
et rend les jugements de la Cour provinciale également sans appel. Les
litiges possibles dans l'industrie minière sont suffisamment
sérieux, tant au point de vue des principes qu'au point de vue
économique, pour justifier le maintien d'un droit d'appel. Les litiges
peuvent être suffisamment techniques pour maintenir un juge
spécialisé dans les mines.
Nos recommandations sur ces points, M. le Président, sont les
suivantes: Nous recommandons le maintien du droit d'appel en Cour d'appel du
Québec, nous recommandons le maintien d'un juge des mines
spécialisé, nous recommandons le maintien d'une juridiction
élargie pour le juge des mines et, enfin, nous recommandons
particulièrement que toute décision du ministre pouvant affecter
les droits d'un membre de l'industrie minière soit appelable à la
Cour provinciale.
Pour terminer nos remarques sur la diminution de l'importance
accordée à l'industrie minière, nous signalons la
diminution des droits d'expropriation. Le projet de loi 161 veut faire la
synthèse en deux articles de ce que la loi actuelle exprime en cinq
articles. Nous avons l'impression que l'industrie minière y perd au
change. Dans la loi actuelle, l'expropriation est un droit, seules les
indemnités sont contestables. Le projet de loi 161 abandonne ce
principe. Dorénavant, le droit à l'expropriation sera contestable
lui-même au niveau de la Loi sur l'expropriation. Ceci va engendrer des
délais inexplicables qui cadrent mal avec la nature de l'industrie
minière. En fait, tout, dans l'industrie minière, est fonction du
temps. Les droits miniers sont fonction du temps, de même que les
minerais ou le prix des métaux. Alors, par cette nouvelle
procédure, nous avons l'impression qu'il s'agira de faire des
guérillas judiciaires et on pourra retarder de plusieurs années
l'exercice de droits miniers. (16 h 30)
Nos recommandations dans ce domaine sont les suivantes: Nous
recommandons le maintien des droits et procédures d'expropriation
prévus aux articles 249 à 253 de la loi actuelle. Ces articles
nous apparaissent plus clairs et plus concis que la procédure
établie actuellement.
Le Président (M. Baril): J'aimerais vous dire qu'il vous
reste à peu près une minute. Je vous laisse terminer votre
document, si vous pouviez le simplifier un petit peu.
M. Lefebvre (Michel): En fait, j'ai fini, M. le Président,
la partie qui concerne -comme je l'ai dit au début - ce que nous
considérons comme étant d'importance cruciale. Les commentaires
qu'il me reste à faire sont sur des articles spécifiques, comme,
par exemple, l'article 220 qui parle de gaz naturel. Nous prétendons que
ce qui existe actuellement dans le projet de loi va être un
embêtement monumental pour l'industrie minière. C'est courant dans
l'industrie minière de rencontrer des poches de qaz ici et là.
D'après le texte du projet de loi actuel, cela veut dire que toute
petite poche de gaz va susciter une correspondance avec le ministre. Sur
l'article 227 qui parle de récupération optimale, je suis fort
conscient que le ministère a fait beaucoup d'efforts pour formuler cette
chose. Nous reconnaissons aussi que la ressource minérale appartient
à la couronne et qu'en conséquent le ministre, non seulement
peut, mais doit avoir un droit de regard. Nous pensons cependant qu'un droit de
regard ou une gestion efficace de la ressource minérale va
au-delà de gérer simplement les activités physiques
d'extraction et de traitement. Cela doit aussi inclure la gestion plus
générale de tout l'ensemble du contexte minier, ce qui inclut les
résidus, les accès et l'impact sur l'environnement. On
déplore particulièrement, dans le libellé actuel de
l'article 227, l'idée que tout exploitant peut ou est potentiellement un
exploiteur. Nous sommes également, comme la plupart des autres
entreprises minières, inquiets de l'interprétation qui sera
donnée à "économiquement exploitable". Ailleurs dans la
loi, on fait référence à des professionnels pour garantir,
si vous voulez, la qualité d'un travail. Nous croyons qu'il
procède du même principe d'exiger que les exploitations
minières soient, elles aussi, sous la surveillance d'un professionnel de
l'extraction minière. On pense que, de cette façon, les chances
qu'une exploitation optimale soit obtenue sont bien meilleures que par des
inspections ponctuelles. Je pense que mon temps est déjà
écoulé. C'est le principal de ce que j'avais à dire.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie beaucoup, M.
Lefebvre. M. le ministre.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Lorsque Minéraux
Noranda Inc. et, en particulier, M. Lefebvre, fait part de son
inquiétude parce qu'il y a une réduction de l'importance de
l'industrie, de la place que l'industrie joue dans notre société
dans ce projet de loi, une diminution du pouvoir du ministre ou du
ministère dans l'exécution de la Loi sur les mines et la
direction de l'industrie, on doit prêter oreille, on doit écouter
avec beaucoup de soins. On doit réviser sa position. Noranda est une
compagnie qui est très active au Québec. Son activité est
énorme. Elle joue un rôle avec beaucoup de prudence. Je voudrais
dire qu'elle est un bienfaiteur pour le Québec. Elle joue son rôle
avec beaucoup de doigté. Une telle remarque venant de cette industrie me
fait me poser toutes sortes de questions concernant justement cette
réduction. Je croyais qu'amener la loi dans l'orientation qu'on donne
actuellement à l'ensemble de la législation, l'entrer en quelque
sorte dans le contexte où on dit: Bon, l'environnement s'occupe de
l'environnement et chaque ministère joue un peu mieux son rôle
à l'intérieur de la Loi sur les mines, cela me semblait tout
à fait acquis si Noranda... J'imagine que M. Lefebvre partage
personnellement cette opinion et cela me fait réfléchir. Je
devrais en conséquence examiner davantage la position qu'il
présente. Nous pourrons peut-être avoir des échanges sur
d'autres points que vous avez soulevés. On a quelques questions à
vous poser également. Pour ce qui est des résidus miniers,
toutefois, soyez confiant que nous avons tenu compte de vos commentaires. Il
n'y a pas un accord parfait entre votre mémoire et la position du
ministère, par exemple, sur toute la question de la définition de
roche stérile. On utilise la définition du dictionnaire. Par
exemple, dans le Larousse, on définit une roche stérile
comme une roche non utilisable comme minerai. Cela ne présente pas trop
de difficultés. Toutefois, le MER est disposé à revoir
cette définition pour s'assurer qu'elle traduit bien ses intentions.
J'imagine qu'il y aura des communications avec vous.
Pour ce qui est du droit d'appel qui a fait l'objet d'autres
mémoires et d'autres interventions, nous sommes déjà en
voie de revoir notre position pour ce qui est du droit d'appel d'une
décision de la Cour provinciale.
Pour ce qui est de l'expropriation, il semble que votre position soit
moins claire. Nous comprenons que... Pourquoi, au juste, jugez-vous que les
pouvoirs d'expropriation prévus à la loi actuelle, les articles
249 à 253, sont plus complets que les articles 228 et 229 du
présent projet de loi? De notre côté, on le voit comme une
continuation des procédures actuelles. On ne voit pas cela comme une
diminution. On ne voit pas cela comme une perte et on vous demanderait de vous
expliquer. Étant donné que j'ai seulement vingt minutes et que
vous empiétez sur mon temps, j'aimerais avoir un élément
de célérité dans la réponse.
Le Président (M. Baril): M. Lefebvre.
M. Lefebvre (Michel): D'abord, M. le ministre, dans la loi
actuelle, le droit à l'expropriation est un droit acquis. Ce qui est
contestable, ce sont les indemnités. La loi actuelle - je n'ai pas
l'article - dit que pourvu que l'exploitant se conforme aux normes, le droit
d'expropriation est acquis tandis que dans la nouvelle loi, le droit même
d'expropriation sera contestable. Par contre, les articles 228 et 729, à
mon sens... Quand j'ai lu cela pour la première fois, je me suis dit:
L'article 229 dit exactement la même chose que l'article 228 et je me
suis fait la réflexion: Cela ne doit pas être exactement cela. Il
a fallu que je le relise. Dans le sens que j'interprète cela, on peut
exproprier, par exemple, un droit de passage sur une propriété
voisine, mais pourvu que votre propre propriété soit
déjà en terrain non minier. Si votre propriété est
sur un terrain qui n'a pas été cédé à
d'autres fins, vous n'avez pas le droit de... Le droit est accordé
seulement à ceux qui sont sur... Le titulaire de droit minier qui
exploite une mine sur une terre concédée -d'accord? - à
des fins autres que minières peut, sur tout autre terrain que celui qui
fait... On dit: le titulaire de droit minier qui exploite une mine sur des
terres concédées à des fins non minières, cela veut
dire que si
j'exploite une mine sur une ZEC, je peux, d'après ce texte,
exproprier un droit de passage sur la ZEC voisine. Si par malchance ma
propriété n'est pas déjà sur une ZEC, je ne
pourrais pas faire cela, parce que la loi dit: Le titulaire de droit minier qui
exploite une mine sur une terre concédée à des fins autres
que minières, peut... Alors, celui qui exploite une mine sur des terres
qui n'ont pas été concédées à des fins
autres que minières, ce n'est pas dit que lui aussi peut... Je ne sais
pas si vous me saisissez.
M. Savoie: Oui, je vous saisis, mais on me dit qu'une ZEC n'est
pas une terre louée, c'est une concession. Il y a une nuance. Ce que je
suis prêt à suggrer, si vous êtes d'accord, M. Lefebvre,
c'est que peut-être en désignant un ou deux de vos
juristes-conseils, ils seraient prêts à s'asseoir avec les
avocats-conseils qu'on a au ministère pour échanger, pour arriver
à une clarification de votre position en ce qui concerne le droit
d'expropriation. Je ne voudrais pas, il n'est certainement pas de ma
volonté que le droit d'expropriation que possèdent les compagnies
minières, les exploitants, soit mis en doute par ce présent
projet de loi. Je voudrais que les explications qu'on vous fournit concernant
les pouvoirs d'expropriation soient très claires, hors de tout doute et
à votre satisfaction. En conséquence, je propose que,
peut-être cette semaine ou la semaine suivante, il y ait une rencontre
entre votre contentieux et le contentieux du ministère pour
échanger et qu'il y ait clarification de ces positions à votre
satisfaction.
M. Lefebvre (Michel): C'est bien, M. le ministre.
Le Président (M. Baril): M. le ministre.
M. Savoie: Je reviens à la question du recul. Vous
mentionnez à la page 16 de votre mémoire que le projet de loi
constitue un net recul. Vous référez entre autres à la
situation des chemins miniers. Pourtant, la construction et l'entretien des
chemins miniers relève de la compétence du ministre des
Transports depuis 1972 et le ministre de l'Énergie et des Ressources
exerce depuis cette date sa juridiction sur les chemins miniers secondaires. On
dit "le ministre de l'Énergie et des Ressources", mais en
réalité son pouvoir est délégué et c'est moi
qui suis le détenteur de ce pouvoir en tant que ministre
délégué aux Mines. Je suis le seul à pouvoir
administrer la loi. Est-ce que les gens de Minéraux Noranda Inc.
pourraient nous souligner les problèmes que représente le
maintien du statu quo en ce qui a trait aux chemins miniers?
M. Lefebvre (Michel): Bien, comme on l'a dit, M. le ministre,
dans notre mémoire, d'abord, dans la loi actuelle, le chemin minier
précède le droit minier, c'est-à-dire que dans la loi
actuelle le ministère des Ressources naturelles pouvait faire construire
des chemins miniers avant même qu'il y ait des propriétés
minières dans une région. À ce moment, le chemin minier
pouvait être utilisé comme un outil de développement
minier. Tandis que, dans la loi actuelle ou le projet de loi actuel, il nous
apparaît très clair que le chemin minier suivra le droit minier.
Il va d'abord falloir y avoir des droits miniers existants pour qu'on puisse
penser construire un chemin minier.
M. Savoie: Finalement, si je comprends bien, c'est qu'à
l'article 235 vous présumez que le texte qui se lit: "Pour faciliter
l'exercice de droits miniers", cela sera interprété
restrictivement, dans le sens où on dira qu'il doit y avoir un droit
minier pour que l'exercice puisse avoir lieu. Est-ce exact?
M. Lefebvre (Michel): C'est ce que nous comprenons, M. le
ministre.
M. Savoie: Ce n'est pas cela qu'on veut dire. Nous allons
examiner l'introduction de l'article 235 de plus près. Je vais
peut-être consulter notre contentieux pour être certain que cela
élimine tout doute.
Une voix: On peut très bien construire une route...
M. Savoie: Oui. Cela porte vraiment sur le début de
l'article 235 et rien d'autre.
M. Lefebvre (Michel): Oui, c'est qu'en fait...
M. Savoie: "Pour faciliter l'exercice de droits miniers..."
M. Lefebvre (Michel): C'est cela.
M. Savoie: ...cela présume... Vous dites...
M. Lefebvre (Michel): ...que des droits miniers existent.
M. Savoie: ...existent. Alors, on ne pourrait pas accorder une
route, un chemin, sans savoir qu'il existe un droit.
M. Lefebvre (Michel): C'est cela. (16 h 45)
M. Savoie: C'est cela. Je vais consulter de nouveau, mais, cela
nous semble relativement clair. Je vais faire une vérification
additionnelle.
Il me reste cinq minutes.
Le Président (M. Baril): Neuf minutes.
M. Savoie: Je pense que vos commentaires sur le gaz ne tombent
pas dans le vide. Et il y a toujours l'article 227 qui revient dans tous et
chacun des mémoires, la crainte qu'il manque peut-être un peu de
définitions autour de cet article puisque fermer une mine, c'est grave.
Vous sentez, ayant vécu d'autres moments, que cela pourrait en quelque
sorte être utilisé à d'autres fins que purement
d'écrémage. Nous avons apporté tout le soin
nécessaire lors des explications qu'on faisait de l'article 227 pour
souligner qu'il serait très difficile... Pour un ministre qui abuse de
son pouvoir, cela peut toujours se produire, mais qu'un tribunal ratifie cet
abus de pouvoir, c'est cela qu'il faudrait effectivement empêcher. On
pense que l'article est justement formulé de façon à
accorder la protection nécessaire à une exploitation
minière. Les mots "récupération optimale" plutôt que
"maximale", des structures comme cela, apportent suffisamment, croyons-nous, de
contraintes ou d'indications à un juge que, s'il y a abus ou s'il y a
doute, ce sera interprété en faveur de l'exploitant et non du
ministre. Mais là encore, compte tenu que c'est Noranda, en particulier,
je vais certainement le reqarder de nouveau.
En me gardant un peu de temps pour revenir un peu plus tard, je pourrais
peut-être céder la parole à mon confrère.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer
mon intervention en remerciant M. Lefebvre en tant que vice-président
des opérations de Minéraux Noranda ainsi que ses collègues
qui l'accompagnent ici. Je veux souhaiter la bienvenue en particulier à
M. Cayouette qui est responsable des opérations de la mine Lac Matagami
à Matagami et qui est par le fait même un de mes concitoyens avec
qui j'ai à traiter à l'occasion de questions minières.
Cela étant dit, je considère que le mémoire de
Noranda est très intéressant et très complet, cossu. Il
décrit bien un certain nombre de réalités dans le domaine
minier. Ma constatation à la première lecture du mémoire,
c'est que Minéraux Noranda attache beaucoup d'importance a la notion de
résidus versus la récupération optimale. Cela revient
à plusieurs endroits dans le texte sous toutes sortes de formes.
Effectivement, je crois que le ministre fait une très bonne
réflexion en disant qu'il devra s'attarder à son fameux article
227 pour s'assurer qu'il n'y ait pas d'abus de pouvoirs ou enfin, que cet
article ne pourra pas être utilisé à des fins autres que ce
pour quoi il l'a pensé avec son personnel. Mais, pour la commission,
est-ce que vous pourriez, M. Lefebvre ou quelqu'un d'autre, nous donner
précisément une situation, un cas où, par exemple,
d'après vous, dans un gisement polymétallique ou autre, il peut
arriver que le ministre prenne des décisions que lui, en tant
qu'individu ou son personnel en tant que spécialiste en la
matière, pourrait croire reliées à la rentabilité
ou à l'efficacité, ô l'écrémage, comme le dit
le ministre, alors que pour vous, cela pourrait s'avérer vraiment
catastrophique si vous deviez vous plier aux exigences du ministre? Est-ce que
vous auriez déjà en tête des cas semblables?
M. Lefebvre (Michel): Non, je n'ai pas en tête des cas
précis. En fait, tout réside dans l'interprétation qu'on
va donner à la notion d'"économiquement exploitable". Selon la
philosophie politique que l'on partage, selon les principes économiques
que l'on défend, cette définition d"'économiquement
exploitable" peut varier d'un individu à l'autre. Je suis fort
conscient, comme je l'ai dit au début, que cet article a fait l'objet
d'études prolonqées. J'ai personnellement assisté à
des discussions impliquant d'autres personnes de l'industrie minière et
des gens du ministère sur cela. Il y a beaucoup de tordage de cerveau
pour arriver à trouver les mots justes. Maintenant, comment s'assurer
que la vertu va être pratiquée, ça, c'est une autre paire
de manches.
M. Claveau: D'accord. Mais je me dis que, d'une part, il y a une
préoccupation légitime - et vous l'avez dit vous-même
-concernant l'État de faire en sorte de s'assurer de maximiser la
rentabilité des opérations minières, de maximiser la
rentabilité de Ja ressource minière et qu'il y ait le moins de
gaspillage possible. Par contre, vous semblez dire aussi qu'il est très
difficile d'articuler un texte de loi qui ferait en sorte qu'il n'y ait pas
d'abus ou vous vous demander si, sous la pression d'un tel ou d'un tel, on
n'arriverait pas à se servir de cela pour coincer un producteur. Je
prends par exemple le cas où on pourrait imaginer, à la limite,
que pour toutes sortes de fins qui pourraient même échapper
à la raison du ministre, on arriverait à obliger un producteur
qui fonctionne dans une zone de chalcopyrite à récupérer
l'atome de fer qu'il y a dans sa formation de chalcopyrite au moment où
il ramasse son cuivre, ce qui pourrait être désavantageux pour lui
au profit d'un autre producteur qui fonctionnerait dans une zone cuivre-zinc
où il n'y a pas ce problème ou, enfin, des trucs semblables. Je
me demande, en fin de compte, comme vous le faites si bien dans le cas des
résidus, si vous n'auriez pas une autre formulation à nous
proposer qui pourrait essayer de rallier les deux parties ou les deux
préoccupations qu'on a sur la table.
M. Lefebvre (Michel): En fait, M. le député, ce
qu'on propose comme solution, c'est qu'au lieu de s'assurer de la
récupération optimale à l'aide d'enquêtes
ponctuelles, on suggère que le projet de loi recommande l'utilisation de
professionnels de l'extraction minière pour diriger ou surveiller les
opérations d'extraction minière. On pense que les exercices
d'enquête et de recherche devraient être faits uniquement dans le
cas où les opérations sont grossièrement en dehors du bon
sens ou ne sont pas suivies par des professionnels de l'extraction
minière.
M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse, M. le
vice-président.
Dans votre mémoire, vous parlez entre autres du maintien du droit
d'appel comme nécessaire à la suite d'une décision qui
pourrait être prise par le ministre ou un de ses
délégués ou par un juge de la Cour supérieure
à la suite de l'abolition du poste de juge des mines. Vous dites en
même temps que l'on devrait maintenir le poste de juge des mines. Est-ce
qu'on pourrait vous entendre sur ces deux points, le droit d'appel et le poste
de juge des mines?
M. Lefebvre (Michel): D'abord, dans le droit d'appel, je pense
que tout citoyen normal au Québec a un droit d'appel et que pour
très peu de personnes physiques et morales au Québec, un jugement
de la Cour provinciale est un jugement final et sans appel. Dans ce domaine, je
pense que pour l'industrie minière comme pour n'importe quel autre
contribuable, un jugement de la Cour provinciale devrait être appelable.
Quant au juge des mines, nous croyons que les questions minières
peuvent, comme je l'ai dit, être suffisamment importantes du point de vue
des principes et du point de vue économique pour justifier un juge,
d'autant plus que beaucoup de ces questions sont éminemment techniques.
Encore là, on voit mal comment un juge ou l'autre de la Cour provinciale
pourrait avoir plus de compétence qu'un juge spécialisé
qui, pendant plusieurs années, s'occupe exclusivement de questions
minières. Ce juge développe nécessairement une
compétence que les juges de la Cour provinciale n'ont habituellement
pas.
M. Claveau: Je vous remercie. Dans un autre ordre d'idées,
je voudrais faire référence à la notion
d'intérêt public dont vous traitez amplement dans votre
mémoire, entre autres dans vos réflexions à la page 14, et
dont traite un autre mémoire dont on a discuté
antérieurement où il était question de la
délimitation des périmètres urbanisés par rapport
aux plans d'aménagement des MRC. Le ministre disait: Je crois qu'il
faudra que l'on déborde du cadre d'application des plans
d'aménagement des
MRC pour pouvoir aller un peu partout sur le territoire. J'aimerais
savoir où vous vous situez là-dedans, d'autant plus que l'on
doit, en principe, supposer que le plan d'aménagement du territoire est
là pour protéqer certains intérêts publics, certains
services pour l'ensemble de la population et aussi parce que nous savons que
l'Union des municipalités régionales de comté entreprend
actuellement une vaste campagne de sensibilisation de l'opinion publique visant
à défendre les schémas d'aménagement
régionaux. On peut supposer que le projet de loi 161, si on garde
l'interprétation qu'on en a au bureau du ministre, va entrer en conflit
cinglant avec les préoccupations et les intérêts
légitimes des MRC, d'ailleurs légitimés par la loi 125 qui
obligeait les municipalités régionales de comté à
établir des schémas d'aménagement. J'aimerais entendre vos
réflexions là-dessus et savoir où vous vous situez,
d'abord, par rapport à la notion d'intérêt public, tout
cela relié aux schémas d'aménagement. J'aimerais
connaître le genre de relations que vous croyez que l'industrie
minière devrait développer et entretenir avec les MRC.
M. Lefebvre (Michel): En fait, comme on l'a dit, on a
l'impression, à la lecture du projet de loi 161, que l'industrie
minière est devenue une préoccupation secondaire du gouvernement.
Selon nous, l'industrie minière est une industrie importante au
Québec. On ne pense pas qu'elle doive supplanter ou déplacer les
autres industries, mais on pense que, en ce qui concerne la ressource
minérale, on devrait avoir au moins la probité intellectuelle de
se donner la chance de voir ce qui existe avant de fermer une région
à la prospection et à l'exploitation. Qu'on se donne, en tant que
groupe, la chance d'acquérir les connaissances nécessaires
à faire des choix sensés.
Par exemple, il y a un article de la loi 161 qui - je ne me souviens
plus lequel -même si un espace a déjà été
reconnu comme espace minier ou que l'exploration est déjà
entreprise, accorde au ministre le droit de suspendre l'exploration pour
l'intérêt public. Qu'est-ce que l'intérêt public? On
se le demande. J'ai dit que l'industrie minière semblait être une
préoccupation de dernier ordre, c'est à tel point vrai que
même les territoires que, jusqu'à présent, l'on
considérait exploitables peuvent, par décision, demain ne plus
être exploitables, même si des concessions minières ou des
droits de prospection ont déjà été accordés.
On est un peu classifié comme les fumeurs. On nous accepte, mais on nous
refoule au bout de l'avion et on s'en glorifie. Il y a même des vols pour
les non-fumeurs. Le Québec pourra peut-être se glorifier un jour
d'être une province sans mines. (17 heures)
M. Claveau: À la suite de la réflexion que vous
venez de faire, comment vous situez-vous face à l'espèce de
prépondérance qu'au départ, dans son projet de loi, le
ministre donne au développement de l'industrie hydroélectrique,
entre autres, en soustrayant au jalonnement minier tout bassin de
rivière ayant un potentiel supérieur à 225 kilowatts?
M. Lefebvre (Michel): Cela fait partie des commentaires qu'on
fait justement sur ce point. On trouve incorrect que l'industrie minière
passe après un tas de choses, y compris la ressource
hydroélectrique. L'article auquel je faisais allusion tout à
l'heure, c'est l'article 76.
M. Claveau: Si je comprends bien, vous dites au ministre, sans le
dire, qu'il fasse son travail de ministre délégué aux
Mines et qu'il laisse les autres faire leur travail de ministre dans les autres
secteurs, que sa première préoccupation doit être de
défendre l'industrie minière et de faire en sorte qu'elle se
développe, et que ce n'est pas dans une loi sectorielle telle la Loi sur
les mines que l'on doit établir des barèmes ou des balises qui
vont en diminuer les champs d'application.
M. Lefebvre (Michel): Dans notre mémoire, nous disons
foncièrement que Noranda s'est développée au Québec
et qu'elle a participé à la prospérité du
Québec, parce qu'elle a foncé de l'avant, mais aussi parce
qu'elle a bénéficié de l'appui d'un ministère et
d'une loi minière dynamiques. On souhaiterait que, dans l'avenir, le
ministère, le ministre délégué aux Mines et la loi
régissant l'industrie minière continuent d'être dynamiques
et bien articulés et nous continuerons à faire notre bout.
M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse.
Je voudrais quand même revenir un peu sur la question des
territoires. Quand vous dites, à la page 15 de votre mémoire
-d'ailleurs, vous avez insisté là-dessus lors de votre
présentation - "le droit de prospecter sur tout territoire afin d'en
découvrir le potentiel minier et économique", ne trouvez-vous pas
que c'est quand même un peu large comme définition et que c'est
très peu contraignant? Quand on parle de "tout territoire", il y a quand
même, à la limite, des territoires où, même si on
venait à découvrir un potentiel minier énorme, on se
retrouverait dans une situation où on ne pourrait pas, à toutes
fins utiles, l'exploiter.
M. Lefebvre (Michel): C'est fort possible qu'il y ait des
endroits que tout le monde va reconnaître spontanément comme ayant
une valeur telle qu'il n'y a aucune valeur minérale possible pour
suppléer à cette valeur. Par contre, dans beaucoup d'autres
endroits, il faut penser que la valeur minérale est unique en ce qui
concerne le lieu et qu'elle est souvent unique en ce qui concerne le temps. On
peut, à la limite, déplacer un parc de quelques
kilomètres, mais on ne peut pas déplacer un gisement de quelques
pieds. On peut, à la limite, faire ou défaire un parc. Il y a des
gisements qui sont exploités actuellement qui, il y a quelques
années, n'étaient pas exploitables et il y en a d'autres qui,
dans quelques années, ne seront plus exploitables. Il faut bien se
mettre dans la tête que la ressource minérale est une ressource
qui a une unicité de lieu et une unicité de temps, tandis que
plusieurs autres aménagements qu'on veut faire peuvent être
déplacés sans dommage important à ce qu'on veut faire.
M. Claveau: Merci. Noranda a, à mon avis, une
préoccupation particulière très légitime, entre
autres dans le secteur de Matagami où vous êtes, à toutes
fins utiles, à l'origine de la municipalité pour y avoir
travaillé depuis ce temps On sait aussi que la municipalité de
Matagami se trouve à l'extrémité sud d'un futur
réservoir qui pourrait voir le jour avec l'avènement ou la
construction du projet NBR, quoique, dans les plans d'Hydro-Québec, cela
ne semble pas être une priorité pour le moment. C'est du moins ce
que les gens d'Hydro nous disaient il y a quelques jours à peine, dans
cette même salle. Mais je suppose que vous avez là une
préoccupation qui, d'ailleurs, entre directement en contradiction avec
le texte du projet de loi quand on parle de l'impossibilité de jalonner
sur le bord de certaines rivières qui seraient à des fins de
production hydroélectrique.
Comment vous situez-vous, par exemple, en ce qui concerne la
prépondérance du développement d'un énorme gisement
minier en plein coeur d'un site qui devrait devenir, dans vingt ou quinze ans,
un réservoir d'une centrale hydroélectrique? Croyez-vous que vous
devriez intervenir en premier, quitte à ce que l'aménageur
hydroélectrique change ses plans et modifie les courbes de terrain de
son réservoir ou dites-vous: C'est clair, les plans
d'Hydro-Québec, en particulier, font en sorte que si mon claim se
retrouve en plein milieu d'un réservoir, à ce moment-là,
je dois lui laisser la ressource et la prépondérance? Comment
vous situez-vous dans ce contexte?
Le Président (M. Baril): II reste une minute, M.
Lefebvre.
M. Lefebvre (Michel): Ce que je dis dans ce contexte, c'est que
la première chose à faire est d'abord d'identifier le potentiel.
Une fois qu'on aura identifié le
potentiel, c'est là, probablement, qu'on va avoir des
problèmes, c'est-à-dire qu'on va avoir des choix à faire.
Si la ressource minérale qui nous apparaît exploitable a une
valeur plus grande que la ressource électrique ou si, comme vous l'avez
si bien dit, dans dix, quinze ou vingt ans, ce pourrait être un
réservoir électrique. Si cela peut être un réservoir
hydroélectrique dans vingt ans, il est possible que d'ici vingt ans on
puisse extraire d'abord le gisement. Il faut, à mon point de vue, se
donner la chance de pouvoir faire les choix qui s'imposent.
M. Claveau: Je vous remercie, M. le vice-président.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le député
d'Ungava. M. le ministre, il vous reste sept minutes.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Une petite note,
d'abord, pour ce qui est du juge des mines. Du fait que c'est
transféré à la Cour provinciale - en quelque sorte, le
juge des mines est remplacé par un juge de la Cour provinciale, mais qui
est quand même spécialisé - on ne tombe pas sur n'importe
qui, techniquement.
Je voudrais revenir un peu sur la question des résidus miniers.
À votre avis, l'installation d'un fonds de restauration auquel
participerait l'industrie minière pourrait-elle s'avérer une
alternative intéressante à l'obligation de s'être
conformé à la Loi sur la qualité de l'environnement pour
pouvoir abandonner un bail ou une concession?
M. Lefebvre (Michel): Oui.
M. Savoie: Seriez-vous en faveur de l'imposition d'un bon en
garantie pécuniaire pour assurer à l'État que les
résidus miniers soient restaurés avant l'abandon des
opérations minières?
M. Lefebvre (Michel): Je vois mal la différence entre ce
que vous m'avez dit... D'abord, un bon, une valeur en garantie ou créer
un fonds; je pense que cela pourrait être l'un ou l'autre, mais non pas
l'un et l'autre.
M. Savoie: L'utilisation de la formule du bon serait-elle
convenable?
M. Lefebvre (Michel): J'aimerais mieux la création d'un
fonds plutôt que le paiement d'un bon. Autrement dit, ce que je veux dire
par là, M. le ministre, c'est que j'aimerais mieux l'idée que
l'exploitant paie une certaine somme au fur et à mesure de son
exploitation de façon à créer un fonds plutôt que de
forcer l'exploitant, avant même d'avoir commencé à
exploiter, à payer, dès le départ, une prime ou une
surprime. J'aimerais qu'on laisse à l'exploitant la chance de
générer du "cash flow" avant d'exiger de payer davantage.
M. Savoie: C'est cela. Finalement, votre position est la
suivante: le ministère de l'Environnement doit être absent de
l'application de la Loi sur les mines pour ce qui est des résidus
miniers.
M. Lefebvre (Michel): Oui. En fait, je ne pense pas que le
ministère des mines ou que l'industrie minière puisse se foutre
de l'environnement. Mais je pense qu'en ce qui concerne l'environnement, cela
devrait être les gens du ministère des mines qui appliquent les
normes aux mines, tout comme c'est la police de la ville de Québec qui
fait respecter les lois à Québec et non pas la police
provinciale. La police de Québec fait autre chose que ramasser l'argent
des parcomètres; elle a la charge complète. De même, je
pense que le ministère des mines devrait avoir la charge complète
et cela inclut l'impact environnemental.
M. Savoie: Finalement, si je comprends bien votre position, en ce
qui concerne les résidus miniers, vous préconisez l'absence dans
la loi de toute disposition explicite concernant le ministère de
l'Environnement.
M. Lefebvre (Michel): Je préférerais que toutes les
normes soient édictées par le ministère responsable des
mines, plutôt que de nous être imposées indirectement par
l'Environnement.
Une voix: Est-ce que vous me permettez?
Le Président (M. Baril): Oui. Vous êtes
monsieur?
M. Lebuis (Jacques): Jacques Lebuis, ministère de
l'Énergie et des Ressources.
Le Président (M. Baril): M. Lebuis.
M. Lebuis: Est-ce que vous croyez que, d'un point de vue
gouvernemental, c'est pensable que toutes les normes sur tes effluents miniers,
par exemple, ou encore que l'impact sur la qualité de l'environnement
relèvent du ministère des Mines?
M. Lefebvre (Michel): Oui, je pense que c'est parfaitement
pensable. J'ai regardé, juste comme cela, la nouvelle Loi sur les
forêts, par exemple, et il me semble que j'y ai vu que le ministre se
réserve l'autorité de la gestion des berges des rivières
et ainsi de suite. Alors, je ne vois pas pourquoi un ministère des
mines, responsable de
l'exploitation optimale de la ressource, ne serait pas aussi celui qui
édicté et qui applique les normes qui, d'après ce que je
peux savoir, seraient conformes aux normes de l'Environnement.
M. Savoie: Nous allons examiner de près la position de
Noranda en ce qui concerne le ministère de l'Environnement, examiner
à nouveau notre position là-dessus et tâcher, dans la
mesure du possible, de donner suite à votre revendication.
Je voudrais vous remercier pour votre participation et pour nous avoir
sensibilisés au fait que l'industrie minière est en quelque sorte
unique au Québec, qu'elle a toujours joui d'une grande autonomie et
d'une grande priorité, vu qu'elle est si importante pour la
création d'emplois et pour le développement régional. Je
pense que vos commentaires nous ont sensibilisés au fait qu'il ne
faudrait pas que, dans la Loi sur les mines, il y ait un recul de la place
prépondérante de l'industrie, des droits et des privilèges
dont elle jouit et du rôle de son ministre. Nous vous en remercions et
nous avons hâte de vous rencontrer pour donner suite aux engagements que
nous avons pris envers vous concernant l'expropriation et la loi sur
l'environnement.
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. Vos
remarques finales, M. le député d'Ungava.
M. Claveau: Au nom de l'Opposition, je tiens aussi à
remercier les représentants des Minéraux Noranda pour tout
l'intérêt qu'ils portent à l'actuelle refonte de la Loi sur
les mines et pour le mémoire qu'ils nous ont présenté qui
est concis, très bien articulé et qui soulève un nombre
incroyable d'interrogations. Malheureusement, nous n'avons eu que très
peu de temps. Autant du côté ministériel que de notre
côté, nous devons chercher à trouver les questions les plus
pertinentes, mais il y aurait des dizaines et des dizaines de questions
à vous poser à la suite de votre présentation. Je suis
convaincu que, d'ici le stade de l'adoption du projet de loi, nous aurons
sûrement la chance d'en rediscuter et de faire en sorte d'appliquer ou
d'articuler dans la version finale bon nombre de vos recommandations.
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, M. le
député d'Ungava. Messieurs, je vous remercie beaucoup et je vous
souhaite un bon retour dans chacune de vos régions.
M. Lefebvre (Michel): C'est nous qui vous remercions.
Le Président (M. Baril): La commission va suspendre ses
travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 16)
(Reprise à 17 h 23)
Le Président (M. Baril): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission reprend ses travaux et j'invite le Groupe
Bélanger à prendre place, s'il vous plaît! Je tiens
à vous rappeler qu'une heure est allouée à votre groupe:
vingt minutes pour présenter votre mémoire, vingt minutes au
ministre et vingt minutes aux députés de l'Opposition, II nous
manque le député d'Ungava. Un instant, s'il vous plaît! M.
le député, on vous attendait, M. le député
d'Ungava.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je demanderais au
représentant de nous présenter ses invités, s'il vous
plaît!
Groupe Bélanger
M. Aubut (Marcel): M. le Président, mon rôle va
consister à vous présenter les personnes qui nous accompagnent
aujourd'hui. Il y a M. Bernard Bélanger, deuxième à ma
droite, qui est président du Groupe Bélanger; M. Édouard
Bédard, ingénieur minier ayant le plus d'expérience au
Canada dans le domaine des tourbières; à ma gauche, M. Georges
Gagnon, géographe, et, à ma droite, tout près, Me Laval
Dallaire, de notre étude d'avocats Aubut, Chabot, qui présentera
le mémoire pour et au nom du Groupe Bélanger. Comme vous le
savez, M. le Président, le Groupe Bélanger est le principal
producteur de tourbe au Canada et la grande majorité de son exploitation
et de ses investissements se retrouvent au Québec. Dans cette
optique...
Le Président (M. Baril): Je m'excuse. J'aimerais, avant de
commencer, que vous vous présentiez aux fins de l'enregistrement, s'il
vous plaît! Vous êtes bien connu, on vous connaît très
bien.
M. Aubut: Ce n'est pas la raison pour laquelle je ne me suis pas
présenté. Je voulais le faire le dernier et je me suis
oublié. Mon nom est Marcel Aubut et je suis avocat.
Le Président (M. Baril): Bienvenue.
M. Aubut: Dans cette optique, le Groupe Bélanger est
particulièrement intéressé par le projet de loi 161 sur
les mines, puisque la tourbe est reconnue comme étant une substance
minérale. Je veux, dans ce préambule, remercier M. le ministre,
ainsi que les députés, et vous-même, M. le
Président, pour l'accueil que vous nous faites et le temps que vous nous
allouez pour faire valoir nos arguments. Sans plus tarder, je laisse mon
confrère, Me Laval Dallaire, vous
présenter pendant vingt minutes le résumé de notre
mémoire.
Le Président (M. Baril): M. Dallaire.
M. Dallaire (Laval): Nous avons produit notre mémoire et
un addenda. Nous reprendrons succinctement les diverses préoccupations
que nous avons indiquées dans notre mémoire, plus quelques points
qui sont nouveaux. Avant de commencer, nous aimerions porter à votre
attention une correction matérielle dans notre mémoire. Il s'agit
de la page 1 de notre mémoire où, à la deuxième
ligne, on parle d'une petite tourbière de 2000 hectares. Il s'agit d'une
erreur matérielle, puisque c'est une petite tourbière de 200
hectares. On n'a pas encore la prétention de vous introduire ces notions
de petitesse.
Nous prétendons que plusieurs dispositions du projet de loi 161,
si elles étaient adoptées, viendraient changer les règles
du jeu de manière à porter atteinte à nos droits et
feraient plus de tort que de bien à l'industrie de la tourbe.
Le premier point dont nous traiterons concerne le droit aux substances
minérales de surface. Sous la loi actuelle, le claim donne droit
d'accès pour prospecter ou faire des travaux de mise en valeur sans que
son détenteur n'ait à préciser à quiconque quelle
substance minérale il recherche en particulier, sous réserve des
exceptions qui sont prévues concernant le gaz naturel, le pétrole
et, je crois, le sable et le gravier. Donc, ceux qui font de la prospection et
de la recherche peuvent s'intéresser à une substance
minérale en particulier ou faire de l'exploration en
général pour trouver tout gisement de substance minérale
qui pourrait être exploitable économiquement. À titre
d'exemple, si le Groupe Bélanger, en faisant de l'exploration pour
mettre en valeur des tourbières exploitables, découvre un
gisement de fer, il y a droit.
Des travaux d'exploration et de mise en valeur sont très
dispendieux et se révèlent souvent inutiles. C'est un
investissement coûteux et risqué. Il doit donc y avoir des atouts
intéressants pour celui qui se risque à les faire. L'atout
majeur, c'est le droit, pour le détenteur du claim, d'exploiter
éventuellement tout gisement de substance minérale
économiquement exploitable. C'est l'article 84 de la loi actuelle. Cet
attrait doit demeurer dans la nouvelle loi si on veut continuer d'encourager
l'exploration pour mettre en valeur les minéraux se trouvant en sol
québécois. Ce n'est pas ce que la nouvelle loi prévoit.
Elle scinde maintenant en deux les substances minérales. Elle les divise
en deux catégories, toujours exception faite du gaz naturel et du
pétrole. Maintenant, on dit qu'il y a les substances minérales de
surface et qu'il y a les autres.
En ce qui concerne la tourbe, on est classé dans les substances
minérales de surface.
Nous devons donc maintenant chercher une catégorie ou une autre.
Si nous voulons chercher les deux, nous devons obtenir deux titres pour le
même terrain, soit un claim et le permis de recherche de substances
minérales de surface. Bien entendu, l'investissement est double au
niveau des rentes à payer, des travaux requis à effectuer, sans
parler des tracasseries administratives. Nous nous expliquons difficilement les
raisons qui ont motivé ce chambardement, ou plutôt cet
alourdissement administratif. Nous pensons que l'énumération des
substances minérales de surface ne colle pas à la
réalité et souffre de plusieurs exceptions qui remettent en cause
la logique même d'établir une telle distinction. À titre
d'exemple, nous nous demandons pourquoi le fer n'est pas classé dans les
substances minérales de surface, même s'il se retrouve en
surface.
En plus d'alourdir les coûts et le fardeau administratif de ceux
qui veulent faire de l'exploration minière, cette séparation des
substances minérales dans le projet de loi conduit à des
injustices, contrevient aux droits acquis et plusieurs dispositions se
révèlent néfastes à l'industrie de la tourbe. C'est
à croire que le législateur a décidé de traiter les
substances minérales de surface et les industries concernées
comme un secteur économique inférieur. À titre d'exemple,
l'article 327, qui est censé préserver les droits acquis à
titre de disposition transitoire, prévoit que tous les permis qui
existent présentement demeureront en vigueur jusqu'à leur
expiration, tous les permis qui existent sous la présente loi. On ajoute
que le projet de loi leur est applicable, sauf pour les exceptions suivantes:
on dit, à l'alinéa 5, que les titulaires de baux miniers
conservent un droit exclusif aux substances minérales de surface, sauf
le sable et le gravier. Ce droit est maintenu lors des renouvellements
ultérieurs. C'est donc dire que ceux qui exploitent présentement
une substance minérale de surface, ou bail minier, comme c'est le cas
pour le Groupe Bélanger, devront, à l'expiration de leur bail,
demander l'obtention d'un bail d'exploitation de substances minérales de
surface pour continuer d'exploiter et, alors, ils n'auront plus droit aux
autres substances minérales. Pourquoi les détenteurs de baux
miniers qui n'exploitent pas la tourbe auront-ils toujours le droit d'exploiter
lorsqu'ils renouvelleront leurs baux et que nous, nous n'aurions pas te droit
d'exploiter les métaux qu'ils exploitent lorsque nous renouvellerons nos
baux? Nous croyons que cette séparation des substances minérales
n'aidera pas au développement de l'industrie.
Il y a d'autres dispositions concernant
les substances minérales de surface qui ne conviennent pas
à l'industrie et qui lui sont même préjudiciables. Si on
s'attarde plus particulièrement à la durée du bail
d'exploitation de substances minérales de surface, la loi actuelle
prévoit, à l'article 99, qu'un bail minier est accordé
pour une période d'au moins cinq ans et d'au plus vingt ans. Les baux
miniers détenus par le Groupe Bélanger sont pour une
période de vingt ans et certains ont même été
renouvelés. C'est normal puisque, comme nous Pavons mentionné
dans notre mémoire, une tourbière est exploitée en moyenne
pendant 12,5 ans. Le projet de loi, à l'article 98, prévoit que
la durée d'un bail minier accordé pour une substance régie
par le système des claims est pour vingt ans. Mais, voilà, la
tourbe n'est pas dans cette catégorie de substances minérales.
L'article 142 qui nous régit prévoit que, pour les substances
minérales de surface, le bail d'exploitation est accordé pour une
période de cinq ans. Cette période est tout à fait
irréaliste pour l'industrie de la tourbe. La construction d'une usine de
traitement de tourbe ne peut être rentabilisée sur la base de cinq
ans. Pourquoi ne nous accorde-t-on pas immédiatement, comme pour les
autres substances minérales, un bail d'exploitation pour une
durée réaliste? Parce que c'est l'industrie de la tourbe, il
faudrait qu'elle recommence tous les cinq ans à s'empêtrer dans
les procédures administratives pour obtenir le renouvellement d'un bail,
même si on savait déjà, à l'octroi du bail original,
que son renouvellement était inévitable.
Un autre point. En ce qui concerne l'excédent des travaux requis,
les dispositions du projet de loi concernant le report de l'excédent des
travaux requis est un autre exemple du sort qui est réservé aux
droits acquis du Groupe Bélanger et de l'industrie de la tourbe.
L'article 78 de la présente loi prévoit que l'excédent des
sommes dépensées pour des travaux requis effectués sur un
claim ou un territoire sous permis de mise en valeur est applicable à
une demande subséquente. L'article 78 du projet de loi prévoit la
même chose. Pour cette catégorie de substance minérale,
sous le régime du claim, le législateur respecte les droits
acquis. On prévoit, même à l'article 333 que ceux qui ont
des excédents accumulés sous permis de mise en valeur pourront
les reporter sur leurs claims, même si cela n'existera plus dans la
nouvelle loi.
Qu'y a-t-il pour l'industrie de la tourbe? Dans le projet de loi,
concernant les excédents en travaux requis qu'elle a accumulés
sur ses claims sous permis de mise en valeur, il n'y a rien. Pour continuer
à avoir droit à la tourbe, l'article 327, dispositions
transitoires, dit qu'on pourra, exclusivement sur nos claims, obtenir un permis
de recherche de substances minérales de surface. Mais aucune disposition
ne prévoit qu'on pourra y appliquer nos excédents. Or, le Groupe
Bélanger a accumulé sur certains claims, sous permis de mise en
valeur, des excédents pour plusieurs renouvellements annuels et,
maintenant, on nous dit: Oubliez cela, vous ne pouvez plus en tenir compte.
Pourquoi? Parce qu'on est dans une industrie minière marginale. Marginal
ou pas, le Groupe Bélanger a pour plus de 40 000 000 $ d'investis dans
cette industrie, donne de l'emploi à 350 personnes à temps plein
et en ajoute 600 autres, sur une base saisonnière.
Un autre point, c'est le renouvellement du permis de recherche de
substances minérales de surface. Encore de ce côté, le
législateur, pour des raisons que nous ne pouvons concevoir, ne
reconnaît pas dans le projet de loi à l'industrie de la tourbe les
mêmes droits qu'il reconnaît aux autres industries exploitant des
minéraux couverts par le régime du claim. Comme nous l'avons
mentionné dans notre mémoire, le Groupe Bélanger a investi
des sommes considérables en travaux requis sur des claims, sous permis
de mise en valeur, en gardant toujours en perspective qu'il avait un droit
indéniable, en vertu de la présente loi, de renouveler ces
claims, pour autant qu'il continuait à effectuer les travaux requis et
à payer la rente prévue. Maintenant, le législateur dit,
dans son projet de loi: Oublie le renouvellement, car tu n'es plus dans la
bonne catégorie de substances minérales.
L'article 58 de la présente loi mentionne que le détenteur
du claim y a droit d'accès pour prospecter ou faire des travaux de mise
en valeur. La loi ne définit pas la prospection ou les travaux de mise
en valeur. Elle circonscrit plutôt, par son article 77, la nature des
travaux requis qui doivent être exécutés pour obtenir le
renouvellement du claim ou du permis de mise en valeur. On parle de tous les
travaux de prospection, d'exploitation, de valorisation, de rentabilité
et de tous travaux de recherche. Tout au plus, l'article 296 de la loi actuelle
prévoit-il que le gouvernement peut faire des règlements pour
fixer les conditions suivant lesquelles les travaux requis doivent être
rapportés pour être valables au sens de la loi. Le projet de loi,
à l'article 60, mentionne que le titulaire d'un claim a droit
d'accès au terrain qui en fait l'objet pour y faire tout travail
d'exploration. C'est la seule expression maintenant qu'on emploie dans le
projet de loi, plus restrictive. L'article 67 vient compléter en
mentionnant que le titulaire du claim est tenu d'effectuer sur le terrain qui
en fait l'objet, avant le soixantième jour qui précède la
date de son expiration, des travaux d'exploration dont la nature et le
coût minimum sont déterminés par règlement. Le
législateur se décharge de ses responsabilités et renvoie
le tout au
pouvoir réglementaire. Quelle est la nature de ces travaux?
Est-ce à dire que les travaux d'exploration dont la nature est trop
innovatrice pour être déjà prévue par
règlement seront automatiquement refusés? Nonobstant cette
ouverture à la législation déléguée
discrétionnaire, puisqu'il n'y a pas de critère dans la loi, le
détenteur du claim aura droit comme le prévoit l'article 57, au
renouvellement automatique pour deux autres années s'il a
effectué les travaux d'exploration et payé les droits
fixés pas règlement. Sous réserve du pouvoir
discrétionnaire concernant les travaux requis, il s'agit d'un
système de renouvellement semblable à celui qui existe sous la
présente loi. Mais, voilà, dans le projet de loi, l'industrie de
la tourbe est dans une classe à part et les règles ne sont pas
pareilles du tout. On vient limiter grandement, sinon totalement, la
possibilité de renouveler nos claims sous permis de mise en valeur qui
deviendront des permis de recherche de substances minérales de surface.
La tourbe, même si elle est régie par le permis de recherche de
substances minérales de surface, est assujettie à l'obligation
d'effectuer des travaux d'exploration dont la nature va être aussi
prévue par règlement, les travaux requis qui existent sous la
présente loi. Donc, le détenteur du permis de recherche de
substances minérales de surface doit aussi, pour obtenir le
renouvellement, les avoir effectués ces travaux. Mais l'article 128 du
projet de loi ne s'arrête pas là et on a cru bon d'ajouter un
fardeau supplémentaire pour l'industrie de la tourbe et les substances.
Pourquoi? L'article 128 ajoute qu'en plus, pour obtenir le renouvellement, il
faudra démontrer au ministre que cette prolongation est
nécessaire pour permettre la continuation des études
technico-économiques ou des travaux d'expérimentation
déjà en cours, tels qu'ils sont définis par
règlement. Pourquoi l'industrie de la tourbe aurait-elle à
démontrer quoi que ce soit de plus que les autres industries
minières pour jouir des mêmes droits? Y a-t-il une explication
logique? Pourquoi l'industrie de la tourbe devrait-elle être soumise
à la discrétion du ministre en cette matière, en
comparaison des autres?
Si on parle un peu plus de cette notion, de travaux
technico-économiques et de travaux d'expérimentation, à
prime abord, ce sont des travaux d'exploration. Pourquoi faut-il prouver qu'on
fait de l'exploration? L'article 53 du projet de règlement, qui a
été soumis à titre indicatif, vient confirmer en fait que
des travaux technico-économiques et des travaux d'expérimentation
sont, ni plus ni moins, que des travaux d'exploration. Voici la
définition que l'on prévoit dans le projet de règlement:
"l'ensemble des études généralement requises pour
déterminer la viabilité économique d'un projet incluant
les programmes de forage et les études de faisabilité d'un
projet". Quand on parle des travaux d'expérimentation, on dit:
"l'ensemble des travaux à réaliser dans le cadre d'un projet
expérimental afin d'en apprécier la praticabilité sur une
base économique ou commerciale".
On ne sait pas trop où veut aller le législateur avec
cette distinction, mais, lorsqu'on continue à lire le projet de
règlement, on commence par s'inquiéter pour, finalement,
être sidéré. D'abord, en lisant l'article 54 du projet de
règlement, on constate immédiatement les abus qui peuvent se
produire lorsque le législateur décide de tout confier au pouvoir
réglementaire. Entre guillemets, ce pouvoir est souvent exercé
par les fonctionnaires. Il est prévu dans les projets de
règlement que, pour obtenir un permis de recherche de substances
minérales de surface, la loi ne parle pas de cette fameuse
sous-catégorie de travaux d'exploration pour le premier permis qu'on a
à obtenir. Par contre, le projet de règlement nous dit tout de
suite que, dans le formulaire, il faut indiquer nos travaux
technico-économiques et nos travaux d'expérimentation, même
si la loi n'en a pas fait une condition.
L'article 55 du même projet de règlement semble laisser
sous-entendre que les montants des études technico-économiques ou
des études d'expérimentation peuvent remplacer le montant des
travaux requis, au chapitre III, même si la loi ne le prévoit pas.
Il y a de beaux débats en perspective avec les fonctionnaires
chargés d'appliquer la loi: Tes travaux sont-ils prévus? Ne
sont-ils pas prévus? Tes coûts sont-ils
technico-économiques ou d'exploration?
Le deuxième paragraphe de l'article 55 du projet de
règlement vient, quant à lui, briser les reins de l'industrie de
la tourbe. II y est prévu expressément que, toutefois, dans le
cas d'une tourbière, les travaux d'établissement ou d'entretien
d'un réseau de drainage ne sont pas acceptés comme travaux
d'exploration. Cet ajout dénote une méconnaissance du milieu de
l'industrie de la tourbe. Les travaux de drainage sont essentiels dans
l'industrie de la tourbe pour effectuer les études visant à
déterminer la viabilité économique, la faisabilité
et la praticabilité d'un projet d'exploitation de tourbe. C'est à
croire qu'on veut éliminer l'exploration dans l'industrie de la
tourbe.
Nous avons cru comprendre, par l'ouverture ministérielle, que la
distinction entre les deux catégories de substances minérales
n'était pas tellement la surface, mais que les substances
minérales de surface n'ont pas besoin d'exploration ou de travaux requis
d'ampleur. C'est faux. Dans le cas de la tourbe, on en a besoin. Même si
certaines industries minières peuvent nécessiter des travaux
d'exploration plus coûteux, est-ce le
montant des travaux qu'on vise ou l'exploration pour mettre en valeur le
sol québécois et créer des emplois?
Les redevances. Présentement, l'industrie de la tourbe ne paie
pas de redevances. Elle paie un loyer de 2,50 $ l'hectare sur les baux miniers.
Le législateur veut sensiblement changer les règles du jeu. Il va
y avoir un loyer et une redevance. Encore, ce n'est pas suffisamment important
pour savoir à quoi on doit s'attendre car, dans le projet de
tarification, la redevance sur la tourbe est laissée en blanc comme pour
le sable et le gravier. L'industrie n'a jamais été
consultée, même si une disposition comme celle-ci peut mettre en
jeu sa position concurrentielle sur le marché international.
Le Président (M. Baril): Est-ce que vous pourriez
conclure? Il vous reste une minute.
M. Cannon: Avec le consentement de mon collègue, je pense
qu'il lui reste deux ou trois pages a son mémoire.
Le Président (M. Baril): Est-ce qu'il y a consentement?
Vous pouvez terminer. (17 h 45)
M. Dallaire: On va accélérer. Un autre point, les
réserves pour l'exploitation. Actuellement, le Groupe Bélanger a
investi des sommes considérables pour s'assurer des réserves
à des fins d'exploitation dans les prochaines années, en faisant
des travaux de mise en valeur et d'exploration sur ses claims sous permis de
mise en valeur qui sont renouvelables, pour autant qu'on continue d'investir
dans le même sens. Le projet de loi nous dit: Vous allez passer vos
claims sous permis de recherche de substances minérales de surface et ce
n'est plus du tout certain que vous allez pouvoir renouveler ces permis. C'est
aller à l'encontre de nos droits acquis, puisqu'on a investi presque 1
000 000 $ sur ces claims dans l'optique qu'on pourrait les garder en les
renouvelant tant qu'on en aura besoin pour notre production. Une fois qu'on
aura obtenu un permis de recherche de substances minérales de surface,
on devra demander un bail d'exploitation avant son expiration, puisqu'il ne
sera pratiquement pas renouvelable. Ce sera à la discrétion du
ministre et les travaux d'exploration qu'on faisait sont défendus.
Certains pourront nous répondre: De quoi vous plaignez-vous?
L'article 131 du projet de loi règle tous vos problèmes. C'est
l'article qui prévoit que le ministre peut nous accorder à sa
discrétion des réserves pour cinquante ans. Cet article ne fait
que créer des problèmes à l'industrie de la tourbe.
Premièrement, nous le répétons, la superficie de 100
hectares est inapplicable pour l'exploitation d'une tourbière. Il faut,
sans inclure de réserve, une superficie minimum de 500 hectares utiles
pour permettre l'exploitation rentable d'une tourbière.
Deuxièmement, la notion de périmètre en ce qui concerne
les réserves est tout à fait inappropriée.
Troisièmement: Pourquoi l'industrie de la tourbe devrait-elle s'en
remettre à la discrétion du ministre pour son avenir?
Discrétion qui sera exercée en fonction de critères
élastiques, puisque la loi prévoit qu'il s'agit de les accorder
en fonction du taux de production projeté. C'est à croire qu'on
ne mérite pas de savoir à l'avance nos droits.
Toujours dans la même veine discrétionnaire, il est
prévu à l'article 111 que le locataire d'un bail d'exploitation
doit, dans les quatre ans à compter de la conclusion de son bail,
entreprendre des travaux d'exploitation minière. Quand on arrive au bail
d'exploitation de recherche de substances minérales de surface,
l'article 147 prévoit qu'on n'a pas de délai, mais qu'on est
soumis à la discrétion du ministre. On ne veut pas mettre en
doute l'intégrité de M. le ministre, mais le justiciable et
l'industrie de la tourbe ont droit à plus que sa discrétion pour
leur avenir.
En conclusion, brièvement: On n'en finit pas de découvrir
des dispositions qui ont un impact, le moins qu'on puisse dire,
"questionnable", et ce, en se concentrant uniquement sur les
intérêts de l'industrie de la tourbe. On a des points qu'on a
encore découverts en consultant d'autres personnes et en approfondissant
nos recherches, et, sur cette base, on demanderait à M. le
président la possibilité de déposer devant cette
commission les notes dont nous nous sommes servis pour préparer notre
exposé oral, puisqu'ils contiennent même des points que nous
n'avons pas soulevés dans notre mémoire et dans notre addenda.
Alors, avec la permission de la commission, nous aimerions déposer ces
notes.
Le Président (M. Baril): Accordé, M. Dallaire.
M. Dallaire: En conclusion, ce projet de loi touche à
beaucoup de droits et l'étude de leur, impact sur l'industrie
concernée est un travail de longue haleine, alors que nous avons
été invités seulement le 10 février 1987. Nous
croyons que ce projet de loi ne tient pas compte des intérêts et
des droits de ceux qui y sont assujettis, mais reflète plutôt la
vision des gestionnaires du gouvernement. Force nous est de constater qu'ils
n'ont pas consulté le milieu.. Tout au moins, n'avons-nous pas
été consultés pour l'élaboration de ce projet. Une
chose est certaine, la tourbe ne doit pas être incluse dans les
substances minérales de surface, puisque ces dispositions sont faites
pour régir - vous nous excuserez l'anglicisme - les
exploitants de "pits" de sable et de "pits" de gravier. L'industrie de
la tourbe est loin d'être quelque chose qu'on peut comparer à un
"pit" de sable.
Nous vous remercions. Nous nous excusons d'avoir pris plus que notre
temps, mais nous aurions un dernier point. Nous sommes les seuls intervenants
dans l'industrie de la tourbe qui avons eu le temps de réagir. Il y a
d'autres intervenants ici du Conseil économique du
Saguenay-Lac-Saint-Jean qui ont des intérêts dans la tourbe et des
municipalités ont pris connaissance récemment de ce projet. Il y
a un monsieur qui aimerait déposer devant cette commission deux
résolutions de municipalités concernant leur position face aux
dispositions qui concernent l'industrie de la tourbe. Avec la permission de la
commission, je demanderais à M. Roger Pilote, qui est directeur
général du Conseil économique d'Alma et du
Lac-Saint-Jean... Si la commission nous accorde...
Le Président (M. Baril): Un instant, s'il vous
plaît! Je devrai demander le consentement car, en temps normal, on ne
fait pas cela. Vu que nous sommes à une heure tardive et qu'en plus nous
avons un caucus à 18 heures, je vais demander le consentement. Est-ce
que c'est strictement un dépôt de documents?
M. Dallaire: C'est pour déposer des documents. Ce sont
deux municipalités qui ont...
Le Président (M. Baril): Est-ce qu'il y a consentement? Je
comprends ce que vous dites, M. Dallaire.
M. Dallaire: On s'excuse, ce n'est pas...
Le Président (M. Baril): On accepte. On vous remercie. Je
donne maintenant la parole à M. le ministre.
Une voix: Pour vingt minutes.
M. Savoie: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier le Groupe Bélanger et M. Dallaire en particulier pour son
exposé. Pour l'information de ceux qui l'ignorent, le Groupe
Bélanger est l'orgueil de l'industrie de la tourbe au Québec. II
a des laboratoire, des unités de travail et une expérience qui en
font le leader dans ce domaine au Québec.
Vous avez soulevé de nombreux points. Avant de les aborder
moi-même, je demanderais au député de La Peltrie, M.
Cannon, d'intervenir. Il m'a demandé d'intervenir sur quelques
questions. Je vais lui céder la parole.
M. Cannon: Oui, je vous remercie, M. le ministre. Très
brièvement, M. le Président, que ce soit Me Aubut ou Me Dallaire
qui réponde à la question... Si j'ai bien saisi votre
mémoire, vous vous inquiétez que le projet de règlement ne
reconnaisse plus expressément que les travaux de drainage soient
acceptés comme travaux d'exploration pour permettre le renouvellement
des permis d'exploration des matériaux de surface. Cette disposition a
pour effet de brimer les droits acquis du Groupe Bélanger, selon vos
propos. Vous souhaitez que les travaux de drainage soient
considérés comme admissibles à titre de travaux requis
pour obtenir des renouvellements successifs. Pourriez-vous nous expliquer
pourquoi les travaux de drainage sont essentiels dans la phase d'exploration
pour l'industrie de la tourbe?
M. Dallaire: Sur cette question technique, je crois que M.
Bélanger a plus d'expertise que nous pour répondre. M. le
Président, si M. Bélanger veut répondre...
Le Président (M. Baril): M. Bélanger.
M. Bélanger (Bernard): Découvrir de la tourbe,
c'est facile; évaluer de la tourbe, c'est plus difficile. Pour
évaluer si l'on doit investir dans une tourbière, on doit
connaître le dépôt minier, échantillonner la tourbe
en quantité - c'est demandé dans la nouvelle loi - évaluer
la qualité de la tourbe et évaluer les besoins du marché
face à la production future. Pour une production de 500 000 ballots de
tourbe, ce qui n'est pas une grosse production, on doit penser, en frais
d'exploration, à environ 1 000 000 $ et, en investissements, une fois la
décision prise, c'est de 4 000 000 $ à 5 000 000 $. Pour faire
ces échantillonnages, on a absolument besoin de faire des drainages. II
y a différentes sortes de tourbe. Seulement pour la tourbe de sphaigne,
il y en a plus de cent sortes. Dans une tourbière, on peut
découvrir de la tourbe de carex, hypnum, herbacée et bien
d'autres. On doit aussi échantillonner le degré de
décomposition de la tourbe, décomposition très variable,
qui, selon la nature de la tourbe, est très capricieuse. On peut avoir
un changement de cinq pieds en cinq pieds. On doit savoir aussi, selon la
profondeur, si on doit continuer l'exploitation et si on découvre
réellement le type et le genre de tourbe dont on a besoin. Il faut aussi
connaître les réactions chimiques de la tourbe. Les
réactions chimiques de la tourbe peuvent changer. Souvent, on fait
l'ouverture d'une tourbière et, la première année, on a
une couleur de matériel, une fibre qui est très bonne pour le
marché. Après deux ou trois ans, les micro-organismes contenus
dans la tourbe réagissent d'une façon différente. Si nous
ne pouvons pas faire les drainaqes pour évaluer la tourbe, nous sommes
conscients que ces drainages doivent avoir
des règles. Depuis plus de 25 ans, nous avons toujours fait nos
drainages en respectant des règles. Je dirais que, dans 99 % des cas,
ces règles ont été respectées. Je ne veux pas
être méchant. Si ces règles n'ont pas été
respectées, il y a quelques années, c'est par les gouvernements.
Vers les années 1930 ou 1933, avant ma naissance, les gouvernements
faisaient des travaux sociaux, ils faisaient des drainages dans les
tourbières. On remettait une pelle à un individu et, plutôt
que de le payer à ne rien faire, on l'envoyait creuser un fossé,
une tranchée. Ces drainages ont été - c'est très
minime pour l'industrie - dommageables. On serait prêt à accepter
des règles, mais non pas à enlever le système de drainage
parce que c'est essentiel pour l'évaluation. Excusez-moi de la longueur
de ma réponse.
M. Cannon: Ce n'est pas grave. C'est important que vous ayez
répondu, je pense, d'une façon exhaustive à cette
question. À la page 31 de votre mémoire, vous traitez de
l'article 139 relatif au périmètre de protection pour
l'approvisionnement. Voulez-vous m'expliquer pourquoi la notion de
périmètre prévue à cet article du projet de loi,
notamment, est inappropriée?
M. Bélanger (Bernard): Nous avons toujours pensé
qu'une tourbière avait une fonction, c'était d'ouvrir un jour et
de fermer un jour. Nous sommes dans cette industrie depuis 25 ans et,
déjà, nous avons fermé sept tourbières. La notion
de périmètre est impossible pour l'industrie de la tourbe
à cause de la situation géographique. Nous avons des
tourbières dans le Bas-Saint-Laurent, dans la Gaspésie, dans la
région de Québec, sur la Côte-Nord, au Lac-Saint-Jean, en
Abîtibi et, à cause des situations géographiques, si on a
un périmètre, on ne pourra pas protéger notre industrie.
Pourquoi une compagnie a-t-elle des usines dans tout le Québec? À
cause du climat. Souvent, on a une mauvaise température en Abitibi ou
à Québec et on peut se reprendre à Rivière-du-Loup,
à Matane ou à Sept-îles. Pour vous donner un exemple de la
difficulté du climat, l'an passé, à Baie-Comeau, qui n'est
pas située tellement loin de Sept-îles, nous avons
récolté à 50 % de notre capacité à cause de
la mauvaise température. À Sept-îles, 125 milles plus loin
au nord, on a récolté à 120 %. Cela vous démontre
qu'on ne peut pas respecter un périmètre parce que le
périmètre va nous empêcher de protéger nos emplois.
Dans nos conventions collectives, à l'article 1012, on garantit à
nos employés, lors de la fermeture d'une tourbière, la protection
si on prend de l'expansion ailleurs. Si on ferme une tourbière, comme
tout bon gestionnaire, on peut prévoir les bâtiments, on peut
prévoir l'équipement et laisser ces choses se dégrader,
mais on ne peut pas prévoir que nos employés vont se
"dégrader" et qu'on va les laisser aller de la même façon.
Alors, on leur garantit un emploi dans l'ouverture nouvelle. Les
Tourbières Premier, qui font partie du Groupe Rélanger,
exploitent au Québec depuis plus de cinquante ans sur des terrains
privés qui sont situés dans la région de
Rivière-du-Loup, sur la rive sud. Ces tourbières, d'ici cinq, dix
ou quinze ans, vont fermer, il faut l'admettre. Alors, on a prévu, comme
tout bon gestionnaire, d'explorer les tourbières situées au nord
du Québec. Il y en a en très grande quantité. Depuis
à peu près huit ans, nous avons commencé des travaux
d'exploration sur des... Nous avons dépensé - Me Dallaire l'a dit
- des millions de dollars et, dans certains cas, on a acheté à un
coût de plus de 1 000 000 $. Aujourd'hui, on se réveille et on
nous dit que, si ce n'est pas dans le bon périmètre, ce n'est pas
valable parce que la production à Rivière-du-Loup, qui est bonne
pour encore huit ans, pour respecter les droits en Abitibi ou au
Lac-Saint-Jean, nous devrions la fermer.
Le Président (M. Baril): Un instant, M. Bélanger!
Selon nos règlements, nous devons terminer à 18 heures. Pour
continuer, je dois demander le consentement des deux côtés.
M. Cannon: J'aurais juste une dernière question.
Le Président (M. Baril): On a le consentement?
Des voix: Oui.
Le Président (M. Baril): Alors, on continue. Excusez-moi,
M. Bélanger. (18 heures)
M. Bélanger (Bernard): J'ai terminé
là-dessus, oui.
M. Cannon: Une dernière question. Je pense que vous avez
touché un peu... Le ministre a mentionné tout à l'heure
que vous étiez l'entreprise qui faisait l'orqueil des
Québécois dans le domaine de l'industrie de la tourbe, non
seulement par votre exploitation, mais également par la recherche que
vous y effectuez, Pourriez-vous me donner des exemples, de ce que constitue
-vous en avez parlé dans votre mémoire - la recherche en
biotechnologie dans cette industrie?
M. Bélanger (Bernard): J'ai eu le plaisir, il y a trois ou
quatre mois, de recevoir le ministre à Rivière-du-Loup et de lui
faire visiter notre centre de recherche. On a deux secteurs: le secteur
horticole et le secteur industriel. Dans le secteur horticole, on travaille
actuellement sur les
futures plantes de demain. Je vais vous donner un exemple que tous les
gens vont comprendre. Produire des tomates au Québec prend six mois,
entre cinq et six mois. On travaille, dans notre centre de recherche,
actuellement, avec des biofertilisants - c'est très nouveau - et on
pense pouvoir, d'ici un an ou deux, mettre ce produit sur le marché.
À partir de la tourbe améliorée, nous pourrons
peut-être produire des tomates après trois ou quatre mois. Pour le
Québec et les régions nordiques de l'Amérique du Nord,
c'est très important. Maintenant, au point de vue de la valeur
ajoutée... Pour un ballot de tourbe de six pieds cubes, actuellement, le
prix, au gros, c'est entre 5 $ et 6 $; cela peut être 7 $, selon les
régions. Notre compagnie, il y a quinze ans, a mis sur le marché
un produit - je ne voudrais pas le nommer pour ne pas faire de publicité
- c'est Pro-mix. Ce produit, au lieu de le vendre 5 $ ou 6 $, on le vend 20 $.
C'est ce que l'on appelle un produit à valeur ajoutée. Le produit
auquel on travaille actuellement, au lieu de le vendre 20 $, on va le vendre
150 $ et cela va être rentable pour l'utilisateur. C'est ce que l'on
appelle de la recherche horticole; ce seront les plantes de demain, les arbres
de demain. On travaille sur des sols à base de tourbe; ce sont de
nouveaux marchés. Ce sont de nouveaux marchés qu'on
développe. Dans notre centre de recherche, au cours des quatre
dernières années, on a investi 4 000 000 $ et on prévoit
que notre plan quinquennal, notre plan pour les cinq prochaines années,
va être de 10 000 000 $. C'est sûr qu'on a reçu de l'aide et
je dois dire qu'on vient de signer une entente avec les gouvernements canadien
et québécois. On est la première compagnie
québécoise à recevoir un tel soutien dans le domaine de la
biotechnologie. On en est fier parce qu'on a été la
première compagnie à avoir eu la subvention au niveau horticole.
Au niveau industriel, on a des biofiltres, on travaille sur des
micro-organismes et les chercheurs sont très optimistes.
Si on parle de la forêt actuellement au Québec... On
prétend qu'un arbre, un conifère au Québec, prend entre 50
ans - je ne suis pas un expert - et 100 ans à croître, selon les
régions. Avec ces nouveaux sols à base de tourbe, on
prétend couper cela de peut-être 25 % à 40 %. Pour
l'industrie de la tourbe, pour le Québec et pour le Canada, je pense que
ces recherches sont très importantes.
M. Cannon: Merci beaucoup, M. Bélanger. Pour ma part, M.
le Président, je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Baril): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Savoie: Merci. Quelques commentaires, parce qu'il ne me reste
quatre ou cinq minutes?
Le Président (M. Baril): II nous reste neuf minutes.
M. Savoie: Neuf minutes, parfait, c'est un peu mieux. M.
Bélanger, en ce qui concerne la perte de droits acquis, on pourrait
facilement allonger la période prévue aux mesures transitoires
afin que le Groupe Bélanger puisse chanqer ses claims en permis
d'exploration ou, éventuellement, en bail d'exploitation des
matériaux de surface. En effet, le projet de loi ne vise pas à
réduire ou à diminuer les réserves de tourbe puisque,
à l'article 139, on prévoit qu'un exploitant puisse obtenir un
périmètre de protection autour de son bail visant à lui
garantir un approvisionnement pour une période de 50 ans. Nous
examinerons en détail la situation du Groupe Bélanger et nous
pourrons fort probablement prévoir, dans la mesure du possible, une
période de transition plus longue pour le transfert des claims sur les
matériaux de surface en permis d'exploration pour les matériaux
de surface, permettant ainsi à leurs titulaires de s'adapter plus
facilement au nouveau régime proposé.
Pour ce qui est de l'ensemble des autres revendications, il a
été souligné que la période de consultation avec
votre groupe n'avait pas été satisfaisante et n'a pu permettre le
dialogue. Ce que nous vous proposons, c'est donc une rencontre entre les
personnes que vous pourriez nommer, les fonctionnaires et le contentieux du
ministère pour qu'on puisse établir le dialogue et un cadre de
travail qui soit plus acceptable. Si cela fonctionnait, on pourrait ensuite
examiner non seulement les éléments du mémoire que vous
avez soumis, mais également les nouveaux éléments que vous
avez proposés aujourd'hui. Je pense que de cette discussion pourrait
naître une situation beaucoup plus favorable. On pourrait passer à
une question...
Le Président (M. Baril): Merci, M. le ministre. M. le
député de Vimont.
M. Théorêt: Oui, j'aurais une question pour mon
information, M. le Président. Il semble qu'au cours des dernières
années votre groupe ait pu jalonner environ 10 000 hectares de
tourbière sur les terres de la couronne et que cela vous ait
coûté un investissement d'environ 800 000 $ en frais
d'exploitation, en travaux d'exploitation. Il semble que cela vous ait permis
de mettre la main sur les meilleures tourbières qu'on retrouve sur la
Côte-Nord. Au rythme actuel où votre groupe produit actuellement,
pour combien d'années avez-vous en réserve le
stock sur les terres du domaine public et sur celles du domaine
privé aussi?
M. Bélanger (Bernard): À la vitesse on produit, le
groupe Premier, depuis 1962, tous les cinq ans, a doublé sa production
et son chiffre de vente. Si on considère qu'on va continuer à
doubler, si on considère les projets de recherche qu'on a, on
prétend qu'on va en avoir pour un maximum de 25 ans. Maintenant, il faut
doubler continuellement. Comme le marché de la tourbe est un
marché à l'exportation, 97 % de nos produits sont exportés
à l'extérieur du Québec. Lorsqu'on discute avec des pays
étrangers, parce que la tourbe est un marché mondial, la
première question qu'on nous pose: Avez-vous des réserves?
Souvent, on dit: Bien, vous autres, le Canada, il n'y a pas de problème,
vous avez des réserves. Il faut savoir que le pays qui a le plus de
réserves de tourbe au monde, c'est le Canada; après, c'est la
Russie. Il faut savoir que 11 % du territoire canadien, c'est de la tourbe,
dont 25 % au Québec. Il y a des millions et des millions d'acres au
Québec qui n'ont pas été mises sur claims. Ma compagnie a
pu, il y a sept ou huit ans, par une décision administrative, commencer
à prendre des claims pour protéger son avenir, pour les
conserver. On a 1 000 000 $ de dépensé et, dans d'autres cas, on
a acheté des claims, des droits pour plus de 1 500 000 $ et on
considère que nos réserves actuelles ne sont même pas
suffisantes pour couvrir nos besoins. Alors, de la tourbe, il y en a au
Québec; on a à peu près un millième des
réserves connues.
M. Théorêt: M. le Président, quand vous
mentionnez pour 25 ans de réserves, ce n'est pas basé sur le taux
de production actuel, mais bien sur des projections que vous prétendez
qui vont augmenter d'une façon importante. C'est cela?
M. Bélanger (Bernard): C'est basé sur le
passé, ce n'est pas basé sur la recherche qu'on fait. Si on se
compare au niveau mondial, nos réserves de 10 000 acres, c'est
très pauvre. En Irlande, en Finlande, on a des compétiteurs, et
en Allemagne aussi, qui ont des réserves de 20 000, 25 000 et 50 000
hectares de tourbe. Alors, nous avons 10 000 hectares; d'après moi, ce
n'est rien.
M. Théorêt: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Baril): Un instant, excusez-moi! Je
m'excuse devant le député d'Ungava. J'aurais dû - je
m'excuse, M. le député - pratiquer l'alternance. J'avais la
fausse impression que je devais donner vingt minutes au parti
ministériel et vingt minutes à l'Opposition, mais je devais
pratiquer l'alternance. Alors, si vous me le permettez, je vais donner la
parole au député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vous remercie
d'avoir rectifié parce qu'effectivement, à l'intérieur des
vingt minutes allouées, il y a alternance chaque fois qu'il y a
changement de porte-parole.
Je voudrais dans un premier temps remercier les représentants du
Groupe Bélanger de nous avoir déposé ce mémoire qui
est très intéressant et qui, effectivement, soulève un
certain nombre de questions qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans
l'ensemble de l'industrie minérale au Québec. Comme l'a si bien
expliqué M. Dallaire, l'industrie de la tourbe a tendance à
être considérée comme marginale à l'intérieur
de l'ensemble du contexte minéral. Par contre, c'est une industrie
effectivement très importante, qui crée suffisamment d'emplois et
qui entraîne suffisamment de retombées économiques pour
qu'on s'y attarde d'une façon très spéciale et qu'elle ne
se sente pas lésée. On veut mettre en place des mécanismes
qui vont satisfaire l'ensemble de l'industrie minière. Lorsqu'on parle
de l'industrie minière, on parle beaucoup plus souvent d'or, d'argent et
de cuivre. Il ne faudrait pas pour autant marginaliser ou rendre presque
inopérante une industrie qui y est greffée et qui a l'importance
qu'on lui connaît. Lorsque, tout à l'heure, le ministre
délégué aux Mines disait qu'il allait prendre en
considération vos revendications et étudier en détail la
situation du Groupe Bélanger, j'espère que cela ne s'adressait
pas spécifiquement aux problèmes du Groupe Bélanger, mais
à l'ensemble des problèmes de l'industrie de la tourbe au
Québec, et que, dans ce sens, s'il y a des ajustements à faire
dans le projet de loi, ce seront des ajustements en fonction de toute
l'industrie de la tourbe québécoise.
Ceci dit, j'aurais une première question à poser
concernant plus particulièrement une partie de l'intervention de M.
Dallaire. Il faisait référence, par exemple, au fait que le
propriétaire d'un claim sur lequel on exploite de la tourbe doit garder
l'accès aux autres ressources ou la possibilité d'arriver
à exploiter d'autres ressources qui pourraient se trouver sur ce
même claim. C'est le cas pour quelqu'un qui a un claim où il fait
de l'exploration pour l'or, par exemple, et qui, tout à coup, trouve une
veine d'argent intéressante, qu'il peut exploiter à sa guise.
Entre parenthèses, j'aimerais dire qu'à la suite de vos
explications, de celles de M. Bélanger, je vois que le drainage est
à l'industrie de la tourbe ce qu'est le forage au diamant, à
l'industrie de l'or.
Pour en revenir à ma question, est-ce qu'il est vraiment
pensable, est-ce qu'il arrive à l'occasion ou est-ce que c'est
déjà arrivé, en exploitant de la tourbe sur un claim ou
sur une concession donnée, qu'on
ait trouvé, découvert une autre substance minérale
qui valait la peine d'être exploitée et qui aurait ou qui a pu
être exploitée conjointement par une autre entreprise, en
parallèle avec la tourbière?
M. Bélanger (Bernard): Dans notre groupe, jamais, et,
à ma connaissance, non, mais j'ai acheté, il y a quelques
années, une tourbière où on avait fait d'autres
explorations. On y avait découvert certains matériaux, mais ils
n'étaient pas exploitables de façon rentable. Normalement, dans
une tourbière, c'est assez rare qu'on trouve d'autres matériaux,
mais cela peut être possible.
M. Claveau: Par exemple, il arrive que, quand on commence
à foncer un "shaft" - je crois que c'est cela l'expression
française - à foncer un puits minier - pardon! c'est loin
d'être français - on ait à traverser une couche de 30, 40
ou 50 mètres de matérieux divers parmi lesquels il y a de la
tourbe. En fait, on doit couler un collet qui permette d'arriver à la
roche mère. Il se pourrait, dans une situation semblable, que cette
couche que l'on doit traverser pour arriver à la roche soit de la tourbe
exploitable.
M. Bélanger (Bernard): Cela pourrait arriver. La seule
connaissance qu'on en ait, c'est un gisement que l'on exploite au Manitoba. On
a acheté les droits de la compagnie Dome Petroleum. J'aimerais qu'on
pose la question à Dome Petroleum pour savoir si elle a trouvé
quelque chose. C'est à peu près 1000 hectares que l'on a
là-bas. On a acheté les droits de Dome Petroleum pour produire de
la tourbe. Je sais qu'on a fait des recherches sur ces terrains. Je n'ai pas
plus d'information là-dessus.
M. Claveau: Une question...
M. Bélanger (Bernard): Une tourbière en profondeur,
je ne pense pas que cela puisse être exploitable; c'est beaucoup trop
dispendieux. Cela se pourrait, mais c'est le coût qui nous
empêcherait d'aller chercher de la tourbe en profondeur. (18 h 15)
M. Claveau: Pour mon information personnelle, pourriez-vous me
dire jusqu'à quelle profondeur ou jusqu'à quelle épaisseur
vous pouvez aller dans la tourbe exploitable actuellement?
M. Bélanger (Bernard): Selon les normes d'aujourd'hui et
les tourbières, cela peut être entre quatre et cinq mètres.
On a des exploitations que l'on a abandonnées, il y a 15 ou 20 ans,
parce qu'on ne pouvait pas les exploiter et on commence à y revenir. Les
techniques changeant, on peut aujourd'hui dire qu'on peut aller entre quatre et
cinq mètres, mais on pourrait aller plus loin avec de nouvelles
techniques.
M. Claveau: Je vous remercie de votre réponse. Lorsque
vous parlez de réserves de tourbe au Québec, vous dites qu'il y a
quand même des réserves assez importantes qui sont
réparties un peu partout sur le territoire du Québec. Est-ce que
les forestiers ont raison de dire, quand ils coupent dans la bande entre le 49
et 50 parallèle au Québec - je parle des secteurs de Chibouqamau,
Chapais, Quévillon, Matagami, enfin, ces coins-là - que leurs
arbres sont souvent sur de la tourbe?
M. Bélanger (Bernard): Ils ont raison de le dire. Il faut
dire que les tourbières exploitées au Québec
étaient sur la rive sud du Saint-Laurent. On commence actuellement
à aller sur la rive nord. Cela a commencé il y a environ dix ans
dans les régions du Lac-Saint-Jean, de l'Abitibi et de la
Côte-Nord. Qu'on le veuille ou non, il faudra tout à l'heure aller
un peu plus loin. Si on regarde les dépôts de tourbe en Alberta,
ils sont beaucoup plus au nord que ceux du Québec. On n'a pas le choix,
la tourbe est là. Les tourbières qui sont plus au sud ont
déjà été exploitées, alors il faut aller au
nord.
M. Claveau: Dans un premier temps, je voudrais vous remercier. Je
vais laisser M. te ministre continuer à poser ses questions.
Le Président (M. Baril): M. le ministre.
M. Savoie: Je crois que l'intérêt que vous avez
porté à la question est à la hauteur de votre
réputation. On sait que vous vous plaigniez du manque de temps pour
présenter un mémoire plus complet. Je pense que vous avez
soulevé de nouveaux éléments. Je crois que ce qui serait
le plus opportun, compte tenu du contexte, ce serait qu'il y ait une rencontre
entre vos gens et nos gens et qu'il puisse y avoir une discussion. J'y porterai
une attention particulière.
S'il n'y a pas eu suffisamment de consultations pour vous satisfaire, on
s'en excuse. Ce n'était certainement pas volontaire. Nous
tâcherons de corriger cette situation lors de nos rencontres en vous
accordant tout le temps voulu pour qu'on puisse avoir des discussions franches
et fructueuses afin que, lorsque nous serons rendus à l'adoption du
projet de loi, cela soit à votre entière satisfaction et avec
votre participation.
M. Bélanger (Bernard): M. le ministre... Le
Président (M. Baril): M. Bélanger.
M. Bélanger (Bernard): ...il me fera plaisir d'accepter
votre invitation et de participer.
Le Président (M. Baril): M. le député
d'Ungava, s'il vous plaît!
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir,
en terminant, sur la question du drainage. Je crois comprendre que vous
utilisez le drainage - comme vous l'avez si bien expliqué - à des
fins d'exploration, mais, en même temps, cela devient un drainage qui
vous servira au moment de l'exploitation de la tourbière, sauf qu'on ne
peut identifier le potentiel de la tourbière sans l'avoir
antérieurement drainée. Lorsque vous parlez de drainages abusifs
et dommageables, qui sont des phénomènes marginaux, et que vous
dites qu'on devrait adopter - c'est à la page 9 de votre mémoire
- une espèce de position mitoyenne, est-ce que vous vous
référez à une position mitoyenne par rapport au drainage
nécessaire pour l'exploration, l'autre drainage pouvant être pour
la production, ou, plutôt - c'est ce que je crois comprendre - à
une position mitoyenne entre un drainage qui est dommageable et un drainage qui
n'est pas dommageable?
M. Bélanger (Bernard): Notre position est la suivante:
entre un drainage qui est dommageable et l'autre qui ne l'est pas. Notre
décision concernant les drainages est très importante, parce
qu'on doit vous dire aussi que le drainage est nécessaire pour
connaître le dépôt. Souvent, on peut se retrouver avec une
tourbière flottante qu'on ne peut pas drainer. On a vu des compagnies
qui ont investi pendant dix ans pour se rendre compte, au bout de dix ans,
qu'elles avaient beau sortir de l'eau, elles n'arrivaient nulle part. On a
vécu le même phénomène à
Rivière-du-Loup où, en plein centre de notre tourbière,
cela nous a pris plus de quinze ans à exploiter, car des rivières
souterraines l'alimentaient continuellement. Si cette tourbière avait
été éloignée de notre dépôt de
Rivière-du-Loup, si elle avait été au nord, on l'aurait
abandonnée. Si les drainages sont faits pour identifier le produit, ils
le sont aussi pour déterminer s'il est possible de faire des drainages.
S'il est impossible d'en faire, on ne peut pas extraire la tourbe. Il faut vous
dire une chose: la tourbe est composée de 92 % d'eau et de 8 % de
matériel. Par des drainages, on ramène cela aux environs de 88 %
d'eau et de 12 % de matériel. Alors, les drainages sont essentiels et
ils doivent se faire selon les règles de l'art. Je suis d'accord avec
vous et je pense que le ministère l'est également: sans
règlement, on peut avoir des difficultés, mais, avec des
règles, on est prêt à participer. Les connaissances qu'on a
acquises durant ces années... Lorsqu'on disait que M. Bédard,
notre ingénieur, était celui qui avait le plus
d'expérience au Canada, c'était vrai.
M. Claveau: En lisant le texte de loi, j'avais cru comprendre que
l'on excluait le drainage de la phase d'exploration, dans le sens où le
drainage devenait un équipement de production nécessaire, un peu
comme on le fait dans d'autres secteurs miniers où, par exemple,
l'exploration qui se fait à l'intérieur d'une mine existante, par
les "test holes" ou les trous qui permettent d'identifier vers où s'en
va le filon, n'est pas considérée comme de l'exploration
minière. C'est dans ce sens que je voyais la préoccupation du
ministre qui disait que le drainage ne sera plus considéré comme
une dépense d'exploration dans la mesure où il est
nécessaire à l'exploitation. Vous me dites qu'il faut absolument
faire du drainage pour explorer et je suis tout à fait d'accord avec
vous, car je sais, pour marcher de temps en temps dans le bois, qu'il n'est pas
toujours drôle de marcher dans une tourbière.
Ma question est de savoir si, lorsque vous faites du drainage à
des fins d'exploration, vous devez faire presque la totalité du drainage
qui sera nécessaire à l'exploitation. Aussi, lorsque vous dites
que le drainage est admissible dans les dépenses d'exploration,
s'agit-il de l'ensemble du drainage nécessaire pour exploiter?
M. Bélanger (Bernard): Je dirais que oui. Il est
très difficile de vous dire que le drainage ne sera pas utile à
l'exploitation future. On ne peut pas prendre la décision d'exploiter si
on n'est pas sûr que le drainage va se faire, si on n'est pas sûr
d'identifier le matériel. Il faut le faire. On ne peut pas
décider d'investir tant et aussi longtemps qu'on n'a pas la
connaissance. Pour vous donner un exemple de l'utilité des drainages, le
Groupe Tabrico fait du drainage et de l'exploration depuis dix ans.
Après dix ans, il n'est pas encore prêt à faire de
l'exploitation, car le "survey", l'enquête ou la vérification du
matériel n'a pas été complétée. C'est
sûr que ces travaux seront utiles, je suis d'accord avec vous, mais ils
seront aussi nécessaires. On ne peut avoir l'un sans l'autre.
M. Claveau: Je vous remercie, M. Bélanger, et je veux
enfin conclure... Est-ce que je peux conclure du même trait?
Le Président (M. Baril): Oui, vous pouvez conclure.
M. Claveau: Je remercie les porte-parole du Groupe
Bélanger d'avoir éclairé nos lanternes en ce qui concerne,
entre autres, tout cet aspect des tourbières qui est malheureusement
souvent méconnu et qui n'est pas évalué à sa juste
valeur dans l'ensemble des activités économiques reliées
à l'exploitation des matières premières au Québec.
Les informations que vous nous avez
apportées sont extrêmement pertinentes et elles permettront
au ministre de s'orienter vers une véritable politique de
développement des tourbières au Québec. Je vous en
remercie,
Le Président (M. Baril): Merci beaucoup, M. le
député d'Ungava. Aviez-vous quelque chose à ajouter, Me
Aubut?
M. Aubut: Je voulais conclure à mon tour, à moins
que M. le ministre n'ait quelque chose à ajouter.
M. le Président et M. le ministre, merci du temps que vous nous
avez accordé. Nous prenons acte avec beaucoup d'enthousiasme des propos
de M. le ministre disant que la consultation sera faite de façon intense
et laborieuse, dans le sens positif du terme, et surtout de ses commentaires
indiquant que le nécessaire sera fait pour que le cas du Groupe
Bélanqer soit considéré de façon un peu à
part, compte tenu du contexte actuel, et pour reconnaître, une fois pour
toutes, comme vient de le dire le député d'Ungava, qu'il s'agit
d'une industrie spéciale, à part, et qui doit être
traitée dans ce sens. Je vous remercie infiniment de votre
attention.
Le Président (M. Baril): Au nom de la commission, je vous
remercie de vous être présentés, Me Aubut et vos
invités. La commission ajourne ses travaux à demain matin, 10
heures. On vous remercie beaucoup.
(Fin de la séance à 18 h 26)