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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Théorêt): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux sur la consultation
particulière sur le projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine
public. Nous entendrons successivement, aujourd'hui, la Chambre des notaires du
Québec, l'Association des pourvoyeurs du Québec, la
Fédération québécoise des gestionnaires de ZEC et,
cet après-midi, nous entendrons le Grand conseil des Cris, le Conseil
Attikamek-Montagnais et également le Conseil des Algonquins. Est-ce
qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Cannon (La
Peltrie) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert), M. Chevrette
(Joliette) est remplacé par M. Perron (Duplessis), M. Fortin
(Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par Mme Dionne
(Kamouraska-Témîscouata) et M. Paré (Shefford) est
remplacé par M. Dufour (Jonquière).
Le Président (M. Théorêt): Je vois que les
représentants de la Chambre des notaires du Québec sont
déjà à leur place. Je vous rappelle, messieurs, que vous
avez vingt minutes pour la présentation de votre mémoire et que
chaque formation politique a vingt minutes pour en discuter avec vous. Je
demanderais donc à M. Mackay, directeur de la recherche, de
présenter les collègues qui l'accompagnent.
Chambre des notaires du Québec
M. Mackay (Julien S.): M. le Président, je vous
présente mes collègues; Me Bernard Larochelle, notaire à
Québec et président de notre comité de législation
qu'on appelle législation courante, et Me Denis-Claude Lamontagne,
notaire attaché au service de la recherche à la Chambre des
notaires. Le président de la Chambre des notaires, le notaire Jean
Lambert, qui devait venir faire la présentation, s'excuse auprès
du ministre de son absence. Il est retenu par un travail de législation
sur le Code civil et s'excuse de ne pouvoir être présent.
Si vous me permettez, j'aimerais vous faire une présentation
assez rapide de notre mémoire. Nous avons présenté deux
mémoires; le premier a été envoyé au tout
début, daté du 1er décembre 1986, dans lequel nous
expliquons qu'il devrait peut-être y avoir un code du domaine public.
Nous n'avons pas détaillé trop sur ce problème à ce
moment. Nous avons présenté un second mémoire dans lequel
nous avons tenté de faire voir comment pourrait être
présenté un code du domaine public. On remarque que l'État
doit toujours avoir le souci de mettre à jour ses lois. Il y a un
travail d'envergure qui se fait en ce qui a trait au droit civil actuellement,
mais qui doit couvrir aussi l'ensemble de la législation du
Québec. Nous avons été consultés sur la Loi sur les
forêts, la loi 150. Cela ne nous avait pas tellement frappés,
à ce moment-là, que les forêts soient simplement une
application du domaine public de l'État. C'est lorsque nous avons vu les
autres lois se qreffer au moment des demandes de consultation: domaine public,
terres publiques agricoles et la Loi sur les mines - nous connaissons la Loi
sur le régime des eaux, nous connaissons la Loi sur les biens culturels
- que cela nous est venu à l'esprit que toutes ces lois formaient une
partie de ce qu'on peut appeler le domaine public. L'État est le plus
riche et le plus grand propriétaire foncier au Québec. Je pense
qu'il est important que l'État rationalise les principes d'acquisition,
de détention et d'aliénation du domaine public. On pense que
c'est une chose importante.
Qu'est-ce que c'est un code? II y a un Code de la route qui vient de
sortir encore récemment. M. Dalloz dit: "On réservera te nom de
code à des recueils de dispositions concernant une même
matière - est-ce qu'on n'est pas en présence d'une même
matière qui est le domaine public? - "et ayant la prétention de
la traiter entièrement." On a pensé qu'il y avait moyen de
développer une cohérence dans tous ces principes en essayant
d'imaginer le plan d'un code. Remarquez que ce n'est qu'un plan proposé.
On ne veut pas faire le travail de l'État, on ne veut pas faire le
travail des légistes, on a simplement fait l'exercice nous-mêmes
en nous demandant s'il serait possible de prendre ces cinq lois et d'en sortir
l'essence pour en faire un code. On a vu - ce qu'on vous propose comme
suggestion - qu'on établirait, dans un premier chapitre, la
définition et le champ d'application du domaine public. Quant à
la définition, on dit: Le domaine public englobe tous les biens de
l'État naturels et artificiels, les premiers résultant des
phénomènes naturels et les seconds du travail de l'homme.
Le code proposé viserait les biens publics naturels; notre
première idée, c'est cela. À force d'y penser, je reviens
en disant: II faudrait peut-être qu'on fasse aussi la définition
des biens culturels et qu'on les établisse là. Les musées
sont des biens culturels, c'est quand même une partie du domaine public,
comme les monuments historiques, les sites archéologiques, les
arrondissements historiques. Il y a des biens privés qui sont, dans le
patrimoine, classés ou reconnus, ce sont les biens des individus; ils
font partie du domaine des individus. Il y a peut-être moyen au
début d'un code comme celui-là, de définir les
règles qui peuvent s'appliquer à l'ensemble des biens de
l'État. J'ai inscrit la définition de "champ d'application", je
mettrais cela sous un chapitre qu'on appellerait a; en b, j'ajoute même
des règles générales et à force d'examiner cela,
j'ai dit: Ne devrait-on pas dans un code du domaine public établir les
règles générales qui vont régir ce domaine public?
Je parle de règles générales en ce qui concerne les
relations entre le domaine privé de l'État et le domaine public
de l'État.
Comme notaire, on est constamment aux prises avec cela. Le domaine
public de l'État pour moi, en dehors des terres de la couronne et des
terres non cadastrées, je parle des rues, des chemins, des routes et des
ruelles, des parcs c'est du domaine public de l'État. Il y a des
règles au point droit civil qui s'appliquent et qui disent qu'on ne
prescrit pas contre le domaine de l'État.
Contre le domaine privé de l'État, est-ce qu'on ne devrait
pas prescrire? Est-ce que l'individu, le citoyen ne devrait pas avoir le droit
de considérer le domaine privé de l'État comme
étant au même niveau que le domaine privé de l'individu? II
y a plusieurs exemples qui peuvent être donnés. L'État
possède un édifice à un endroit, édifice qui est
exactement identique à l'édifice commercial de son voisin. Est-ce
que le voisin ne pourrait pas avoir contre l'édifice qu'on dit de
l'État, parce qu'il appartient à un ministère, des droits
de servitude identiques aux droits de servitude qui pourraient exister contre
son édifice à lui? Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir des
droits de prescription contre cet immeuble de l'État alors qu'il y a un
droit de prescription contre l'immeuble de l'individu parce qu'il y a un
problème d'empiétement qui joue?
Ces problèmes devraient être déterminés
quelque part. On a le problème comme notaires quant aux immeubles qui
sont repris par les municipalités, par l'exercice du non-paiement des
taxes, de savoir si c'est un immeuble qui appartient au domaine public de
l'État? Cela appartient à une municipalité et on va dire
que parce que c'est à une municipalité on n'a pas le droit de
prescrire; on n'a pas le droit de se faire déterminer ou d'avoir une
servitude. Ce sont tous ces points qu'on voudrait faire établir. On
croit que cela n'a pas sa place dans le Code civil. Cela aurait sa place dans
un code du domaine public. Il me semble qu'il y a moyen, d'ici à
quelques années, qu'on s'arrête à un problème comme
cela et qu'on regroupe tous ces principes fondamentaux dans un domaine public,
parce qu'on est actuellement dans la Loi sur le domaine public.
Un peu plus loin, on voit au chapitre 2 l'administration du domaine
public. On mentionnerait ici les différents ministères de qui
relèvent les terres publiques, les terres publiques agricoles, les
forêts, l'eau et les mines. On ajoute aussi les biens culturels. Ce sont
des choses que j'ai ajoutées depuis et j'aimerais qu'on en prenne note.
Identification et affectation du domaine public, enregistrement des droits
octroyés, ce sont simplement des suggestions que nous faisons. On a pris
les tables des matières des différentes lois et on a
essayé de voir quelles sont les choses qui se recoupent. On a dit: II y
a différentes lois et on a essayé de voir quelles sont les choses
qui se recoupent. On a dit: Comme il y a des recoupements possibles, est-ce
qu'on ne pourrait pas, dans les premières parties, établir ces
droits.
Ensuite, on arrive à l'octroi des droits sur le domaine public.
Il y a, au chapitre II, l'Administration du domaine public; au chapitre III,
c'est l'octroi des droits sur le domaine public. Qui pourrait avoir des droits
et comment? Au moyen de baux? Cela peut toucher les terres publiques, les
terres publiques agricoles ou les mines. Cela peut toucher les forêts,
les droits d'usage, les droits de superficie, les permis d'occupation,
l'utilisation privative des droits mentionnés en page 8 ou la
révocation des droits. Nous avons examiné ces différentes
idées et nous pensons qu'elles devraient faire l'objet d'une
cohérence dans un code.
Au chapitre IV, on pourrait inclure les dispositions
particulières et les différentes applications du domaine public.
Les terres publiques en sont une; les terres publiques agricoles en sont une
autre; les forêts en sont une troisième; les mines en sont une
quatrième et le régime des eaux une cinquième. On peut
même ajouter les biens culturels.
Cela nous amène, dans chacun des domaines particuliers, aux
rèqles applicables selon le domaine. On ne veut pas que le ministre
responsable d'une loi soit mis de côté. Chacun pourrait conserver
l'administration de sa loi selon ses principes habituels.
Il y aura moyen d'assurer plus de cohérence à notre point
de vue. On peut
arriver à la fin avec les dispositions pénales, les
dispositions diverses et transitoires. Tout cela vous donne à peu
près l'idée du montage ou du plan d'un code du domaine public. On
pense que l'heure est arrivée d'examiner tout le domaine public sous ce
regard.
J'aimerais qu'on en fasse une discussion, tantôt, quand vous
pourrez me poser des questions, mais, nous, cela nous a frappés à
un certain moment. On avoue humblement qu'on n'a pas eu le temps de faire un
travail trop compliqué. Mon service a dû produire,
récemment, un mémoire sur les tribunaux administratifs, un
mémoire sur la Loi sur la protection du territoire agricole, un
mémoire sur le statut économique des conjoints, un mémoire
sur le financement agricole, un mémoire sur le REER hypothèque.
Vous savez, on en a énormément. Alors, on a essayé
d'effleurer le sujet en disant: On pense qu'il y a une idée là,
on ne veut pas que vous croyiez qu'on a examiné à fond le
problème, on sait que vous avez d'excellents légistes au
gouvernement, dont plusieurs sont notaires, d'ailleurs, et sont en mesure de
pouvoir vous rendre d'excellents services.
Alors, c'est un peu cela qu'est le début de notre mémoire,
où on vous parle de cette possibilité de penser à
créer un code du domaine public. Je ne sais pas comment cela peut se
faire à ce stade-ci. On est en train d'examiner une loi sur le domaine
public; c'est à ce moment-là qu'on a pensé en parler. On
sait qu'on doit venir en commission parlementaire pour la Loi sur les mines au
mois de mars. On a déjà alerté notre collègue, le
ministre Savoie, qu'on viendra encore avec cela. En ce qui concerne la Loi sur
les forêts, c'est en septembre qu'a eu lieu la commission parlementaire
et on n'a pas soulevé le problème. On va le soulever de nouveau,
chaque fois qu'on va avoir l'occasion de le faire, mais on se dit qu'à
un moment donné, si on a raison, on va finir par faire adopter notre
point de vue et on pense que le gouvernement pourrait le retenir comme quelque
chose de positif et de constructif. Ce qui nous amène à la loi
elle-même qui a été examinée par les membres du
comité. Nous avons présenté un document qui fait
état du projet de loi 102 dans une première colonne à
gauche avec les articles pertinents de l'actuelle Loi sur les terres et
forêts, la Loi T-9 dans une colonne centrale et en colonne de droite,
nous avons mis, là où c'était pertinent, certaines
remarques qui s'appliquaient à des articles en particulier.
Je ne soulève rien. Au début de cette loi, j'arrive
à la page 14, à l'article 13 où on montre des manques de
cohérence. On dit à la fin, "après l'acquisition ou la
disposition". On voit qu'il y a là un manque de cohérence. On
utilise partout le mot "aliénation", quand on veut mentionner qu'on
dispose de quelque chose. Le mot "disposition", pour nous, est un terme
plutôt générique.
On parle d'une disposition de la loi et on ne voudrait pas que le mot
"disposition" utilisé dans le sens d'aliénation prête
à confusion. Il y a des questions de cohérence ou
d'incohérence qu'on a vues entre différentes lois. On souligne,
par exemple, à l'article 28 et à l'article 41, l'utilisation des
mots "droits superficiaires", alors que dans la Loi sur les mines, à
l'article 340, on parle de droits de superficie. On voudrait que dans un code
du domaine public, il y ait une certaine cohérence possible. On parle
aux articles 23 et 29 d'actes notariés en minute ou d'actes authentiques
en minute. On sait que cela veut dire la même chose, mais on dit: II
pourrait peut-être y avoir cohérence dans l'utilisation des
termes. (10 h 30)
À l'article 15, on dit: "Le ministre qui a l'autorité sur
une terre peut enregistrer, à l'égard de celle-ci et suivant les
prescriptions"; je dirais le mot "dispositions" de l'article 2168, je n'aime
pas le mot "prescription" peut-être parce que cela me rappelle de vieux
souvenirs de pharmacie, mais je pense qu'on devrait même dire que le
ministre doit - cela devrait être le mot "doit" - pour éviter un
système d'enregistrement parallèle au bureau d'enregistrement,
alors que la terre n'a pas été concédée et est
encore dans le domaine public. C'est un autre problème qu'on a
soulevé récemment, alors qu'on a constaté que, depuis les
débuts de l'existence du terrier, on a quand même permis que le
système d'enregistrement dans les bureaux d'enregistrement
reçoive l'enregistrement ou l'inscription d'actes de transfert de
propriété. Je pense que ce système n'aurait pas dû
être permis. Ce qui fait que, le public est sous l'impression que cela
fait déjà 30, 40, 50 et on a même eu des cas jusqu'à
90 ans de possession continue avec un titre continu mais le titre
n'était jamais sorti de la couronne; il était encore sous un
billet de location.
Quand vous dites cela à l'individu qui vient à votre
bureau et vous examinez cela et vous dites: Bien, écoutez, je pense que
le droit que vous avez est un droit précaire, d'abord, il ne comprend
pas ce qu'on veut dire par droit précaire. On lui dit, le gars qui vous
vend n'est pas propriétaire. Bien, il va dire: Rien oui, cela fait 90
ans qu'il est propriétaire. Non, non. Il détient un droit sur un
billet de location. Ce qui est arrivé c'est qu'au Bureau
d'enregistrement local les notaires ont constamment enregistré ce que
les clients leur demandaient de faire et les ventes ont été
enregistrées successivement au point où vous avez l'apparence
d'un droit de propriété absolu. Là, on apprend que
l'État est le propriétaire, parce que le billet
de location n'a jamais été suivi d'une lettre patente et
qu'en fait la couronne en est encore le propriétaire. Alors, on sait
que, dans la Loi sur les terres publiques agricoles, on a soulevé le
problème. Il est question dans la Loi sur les terres publiques agricoles
que, étant une terre publique agricole, le ministère
enregistrerait au Bureau d'enregistrement un avis établissant qu'il est
le propriétaire.
Cela fait curieux que l'État dise: On est propriétaire de
ce dont on est propriétaire. Oui, mais le système
d'enregistrement est un peu pour cela. C'est pour renseigner le public sur le
propriétaire réel de l'immeuble. Alors, j'ai pensé que la
disposition de l'article 15 était quelque chose d'identique mais cela me
paraît timide un peu où on dit: "Le ministre qui a
l'autorité sur une terre peut enregistrer à l'égard de
celle-ci..." Pourquoi est-ce que, dans certains cas le ministre ne pourrait pas
enregistrer carrément au bureau de la division d'enregistrement
pertinente un avis en ce sens qu'il est le propriétaire. À partir
de ce moment, quand on fait une recherche au Bureau d'enregistrement on saurait
immédiatement que le propriétaire c'est l'État. Cela
éviterait des situations imprécises, douteuses et des situations
de squatter, de gens qui se pensent propriétaires parce qu'ils ont
même bâti un chalet. Je ne parle pas des territoires non
organisés et des endroits de clubs de chasse et de pêche où
on fonctionne avec un bail. Je parle dans les endroits
périphériques où, effectivement les terrains sont
organisés. Il y a des bureaux d'enregistrement mais il y a eu des
billets de location qui ont été donnés. Vous savez qu'il y
a 13 000 dossiers de billets de location où les situations sont
douteuses. Nous sommes en pleine négociation avec le ministère
à ce sujet. Cela amène d'autres remarques.
Je vais passer assez rapidement, parce que nous vous les avons
données. À l'article 22 on précise que les avis de vente
doivent être envoyés dans les 90 jours au terrier. On devrait
plutôt préciser que l'avis devrait être envoyé sans
délai, puisque dans le cas de lots non cadastrés, il importe que
les droits accordés soient consignés au terrier le plus tôt
possible. Je permets à mes adjoints s'ils ont des remarques pertinentes
a les donner.
Le Président (M. Théorêt): Je vais juste
porter à votre attention qu'il vous reste environ une minute. Si vous en
avez pour un peu plus longtemps, une ou deux minutes, il n'y a pas de
problème.
M. Mackayj Parfait, pour une minute. À l'article 24, on parle du
dépôt d'une copie. Soit dit en passant, au bureau
d'enregistrement, on dépose deux copies, c'est simplement un petit
détail qui a probablement passé inaperçu. Ce qui
m'intéresse le plus, c'est la section des articles 31 et 56 où on
parle de cession à titre gratuit. On dit que la cession devient
irrévocable 30 ans à compter de la date des lettres patentes.
Pour nous, c'est une chose inacceptable. Ou l'État cède la
propriété avec un titre absolu ou l'État garde le titre.
Nous n'aimons pas ces conditions suspensives. Le notaire est un marchand de
sécurité. Le système au Québec nous permet
d'être capables de partir d'un point précis qu'est la possession
par l'État, la propriété par l'État, et on peut
descendre la propriété lorsqu'on examine la qualité du
transfert de propriété et la capacité des personnes qui
l'ont fait. En "common law", il n'y a pas de titre absolu, il y a une
possession qui est meilleure que celle d'un autre - c'est curieux, mais c'est
le système - tandis qu'en droit civil on a un système qui peut
être absolu, puisqu'on a le point de départ en même temps
qui est la propriété par la couronne. On vous demande instamment
de ne pas vendre, de ne pas donner de lettres patentes si vous avez l'intention
de le faire sous un titre suspensif. Gardez la propriété, donnez
un droit de superficie à l'individu, permettez-lui de bâtir dessus
s'il le faut, mais il n'est pas le propriétaire et il le sait et tout le
monde le sait. Ce n'est pas un titre révocable. Là-dessus, c'est
l'un des points les plus importants.
M. Lamontagne (Denis-Claude): Je veux ajouter quelque chose en ce
qui concerne les donations qu'on stipule révocables. Vous avez
mentionné qu'on va directement à l'encontre d'un principe
fondamental en droit civil qui est d'ailleurs inscrit à l'article 782
à savoir que, si on veut donner et retenir ne vaut et que, en principe,
une donation est irrévocable. Le code ajoute même à
l'article 782: "Si le donateur s'est réservé la liberté de
disposer ou de se ressaisir à sa volonté de quelque effet compris
dans la donation -c'est un peu ce qu'on fait ici - (...) la donation vaut pour
le surplus, mais elle est nulle quant à la partie retenue..." 11 me
semble que, dans une loi particulière, on devrait respecter les
principes civilistes de base qu'on retrouve dans notre Code civil en
matière de donation.
M. Mackay: M. le ministre, on vous remercie de nous avoir
entendu, c'est une bonne loi, du moins à notre point de vue, mais elle
est perfectible, surtout à l'intérieur d'un code du domaine
public. On vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci. S'il vous
plaît, M. le ministre.
M. Ciaccia: M. Mackay, c'est moi qui vous remercie pour la
présentation de votre
mémoire. Vous soulevez beaucoup de questions qui méritent
notre attention. Votre mémoire et spécialement l'addendum sur le
contenu du code sont assez précis. Vous soulevez des questions fort
intéressantes; peut-être que cela va nous forcer à
réfléchir. Quelquefois, on est occupé par le quotidien et
on n'a pas l'occasion de revoir les problèmes de la façon dont
vous les présentez. Vous mentionnez qu'il est essentiel de trouver une
unité de pensée, de terminologie des textes de loi dans les
terres du domaine public: la Loi sur les forêts, la Loi sur les mines, la
Loi sur les terres publiques et nous souscrivons à vos objectifs. La
question que je me pose est: Nous avons fait une refonte de ces lois, je pense
et j'espère que la refonte et le changement que nous apportons ont
été repensés en tenant compte de l'interrelation des lois.
Vous avez eu l'occasion de voir la loi sur le régime forestier,
maintenant la Loi sur les terres du domaine public; vous aurez l'occasion
d'examiner la nouvelle Loi sur les mines? Pouvez-vous nous dire quels seraient
les avantages d'avoir le code, à part le fait de regrouper ces textes.
Est-ce que vous pourriez nous donner d'autres avantages?
M. Mackay: II y aurait seulement une source fondamentale de
législation quant aux principes généraux. C'est ce qui,
pour nous, serait l'avantage principal. Source unique de principes, principes
absolument identiques, et on le saurait, parce que tous les principes qui
conviendraient à l'acquisition, la détention ou
l'aliénation sous quelque forme que ce soit seraient dans les
premières parties du code, qui seraient les parties
générales.
Non pas que ce qui est fait actuellement soit mauvais, ce n'est pas ce
que je veux laisser comme impression. Tout est perfectible. Quant à se
donner la peine de refaire les lois les unes après les autres, est-ce
que l'heure n'est pas arrivée de coordonner tout cela? C'est la question
qu'on pose, c'est pour cela qu'on le dit. Quels sont les avantages
particuliers? Cela ne changerait peut-être pas l'essence même de
chacune des lois, mais qu'on fasse affaire en matière forestière,
en matière de terres publiques agricoles, en matière de mines,
cela garantirait qu'on le ferait à un endroit général.
On nous dit, par exemple, aux terres publiques agricoles qu'on accorde
des droits miniers sur les terres publiques agricoles sans même avertir
le service responsable. Ce sont toutes des choses qui, à
l'intérieur d'un code, pourraient permettre une certaine
cohérence; chacun garderait l'administration de son domaine, mais on
pense que c'est un peu cela. Comme on dit: Ce n'est pas parce que c'est mal
fait, c'est parce que cela pourrait être mieux fait. Cela pourrait
peut-être...
M. Ciaccia: Le problème que vous soulevez, nous essayons
de le résoudre dans la présente loi avec un registre qui va
expliciter tous les droits que les différents intervenants peuvent avoir
sur ces différentes terres.
Je me pose une autre question: Qui aurait la responsabilité
d'administrer ce code? On a le Code civil, le Code criminel, on a le
ministère de la Justice qui s'occupe du code de ces lois, votre code,
qui aurait la responsabilité de sa gestion, de l'administration? Qui
serait le ministre responsable?
M. Mackay: Ce serait vous, M. le ministre de l'Énergie et
des Ressources.
M. Ciaccia: Ah! vous êtes très...
M. Mackay: C'est le Code du domaine public. L'administration
particulière serait laissée a chacun des ministres pour les
parties particulières qui concernent les autres domaines.
M. Ciaccia: M. Mackay, il y a des grands codes: le code de
Napoléon, le code de Hammourabi, le code Justinien, mais il y a eu des
grandes batailles, des grandes guerres. J'ai l'impression que je m'embarquerais
dans des grandes batailles si je faisais ce que vous me suggérez.
M. Mackay: Je ne pense pas qu'on doive le prendre de ce
côté. L'esprit n'est pas à la guerre. On n'est pas loin des
Plaines d'Abraham, mais tout de même. Je ne le crois pas. Ce n'est pas
fait dans cet esprit et je pense que si on le regarde d'une façon
positive, on va s'apercevoir qu'il y a moyen de le faire. On est dans le
domaine public. C'est parce qu'on est dans le domaine public que j'ai
décidé d'en parler ici, en disant: On est au-dessus de la
pyramide. Tous les autres secteurs, forêts, mines, milieux hydriques,
sont des applications. Là-dessus, je constate qu'il y a plusieurs de ces
domaines qui sont sous votre responsabilité, qui sont à
l'Énergie et Ressources.
Maintenant, vous parlez de Code civil, c'est quand même la
responsabilité, en grande partie, de la Justice. S'il y a des
applications particulières, je ne pense pas que ce soit une
difficulté d'importance.
M. Ciaccia: C'est intéressant. Peut-être que la loi
102 pourrait être une étape par rapport à l'idée que
vous exprimez. Cela peut être le début.
Je voudrais juste...
M. Mackay: Dans la Loi sur les forêts, on fait même
référence à la loi 102. On se dit: Déjà on y
fait référence. Je ne me rappelle pas à quel article, mais
quand
même.
M. Ciaccia: Peut-être, comme je le dis, que cela pourrait
constituer le début d'une étape vers ce code que vous
suggérez. (10 h 45)
J'avais une autre question. Dans votre mémoire, concernant
l'article 38 sur la réserve des trois chaînes, vous croyez
indéfendable qu'on vienne court-circuiter un jugement qui pourrait
être favorable à certains propriétaires. Peut-être
qu'on n'a pas la même lecture que vous de l'article 3B. Peut-être
faut-il le changer. Notre intention, ce n'est pas de court-circuiter. En
reconduisant les dispositions de la loi actuelle à l'article 38, nous
avons opté pour le statut quo, dans l'attente du jugement de la Cour
suprême. Pas plus que cela. Pourriez-vous m'expliquer comment la
rédaction de l'article 38 pourrait être interprétée
pour avoir l'effet d'exproprier rétroactivement et sans indemnité
les propriétaires à qui la Cour suprême aurait donné
raison? Mon impression de l'article 38 maintenant, c'est strictement de
déclarer le statut quo et si la Cour suprême décide
autrement, c'est le jugement qui va s'appliquer.
M. Mackay: C'est notre première réaction, M. le
ministre. D'ailleurs, on ne l'a pas répété dans notre
deuxième mémoire, le plus long que vous avez. Mais notre
première réaction nous a permis d'ajouter le petit fion de dire
qu'on n'est pas d'accord avec l'interprétation qui a été
donnée. On savait même qu'au gouvernement, il y avait deux
interprétations différentes entre le ministère de la
Justice et celui des Terres et Forêts, dans le temps. Nous ne sommes pas
d'accord avec l'opinion qui avait été donnée et pour nous,
c'était une occasion de le dire. Notre première remarque a
été: Pourquoi le gouvernement répète-t-il cela,
alors qu'on est en pleine discussion sub judice? On a mis cette remarque dans
le premier mémoire, mais on ne l'a pas retenue dans le deuxième,
en disant: Effectivement, c'est le même article qui est reconduit
identiquement. On va attendre ensemble les résultats de l'appel en Cour
suprême et après cela, selon l'action qui sera prise par le
gouvernement, on reviendra, s'il le faut. Mais nous continuons, nous en tant
que Chambre des notaires et comme juristes, à soutenir une thèse,
qui est celle de la servitude en faveur du gouvernement et non pas du droit de
propriété. C'est une thèse et on va voir ce que la Cour
suprême va donner comme résultat. C'était la thèse
soutenue par le juge Dubé d'ailleurs, à Rimouski.
M. Ciaccia: Nous allons voir, nous aussi, le résultat de
la décision. Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. Mackay, est-ce que le regroupement sous un code unique des
règles générales permettrait la réduction du
coût de recherche par le notaire?
M. Mackay: Peut-être.
Le Président (M. Théorêt): Merci.
M. Mackay: Cela, avec le registre dont vous parlez, si on y a
accès de nos bureaux avec l'unification des registres
informatisés des bureaux d'enregistrement et le registre des
corporations, celui dont on parlait hier, quand j'ai rencontré M.
Bouchard, l'Inspecteur général des institutions. Avec un
système d'uniformisation, on va peut-être d'abord plus facilement
savoir qui est propriétaire et comment on est capable d'établir
te droit de propriété? À mon point de vue, cela pourra
certainement être unifié. On parle déjà de
l'unification, dans le projet de loi, de tous ces registres et cela peut
être dit à l'intérieur d'un code du domaine public.
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
critique officiel et député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Je n'ai qu'un
commentaire à faire, finalement, puisque certains sujets ont
été abordés tout à l'heure par le ministre. C'est
concernant le fameux code dont vous nous entretenez assez largement dans vos
remarques. Il y a juste une chose que j'aimerais savoir de votre part. Vous
avez dit dans votre présentation tout à l'heure: Nous, nous
pensons que l'heure est arrivée de le faire. Sur la question du
"momentum", je me pose certaines questions, parce qu'on sait que la Loi sur les
forêts, par exemple, vient d'être faite. Elle est
complétée. Le ministre peut commencer à la mettre en
application.
Il y a des domaines, cependant, où la réflexion ou la
reformulation n'est pas aussi avancée. Comme ce code, si j'ai bien
compris ce que vous nous en avez dit, aurait comme vertu de regrouper en
quelque sorte une éventuelle loi sur les mines ou sur les droits
miniers, une loi sur les forêts, une loi sur l'utilisation des terres
agricoles - bref, c'est une espèce de chapeau que vous mettez à
tout cela - ne croyez-vous pas, dans un premier temps, qu'il est, au contraire,
un peu tôt pour le faire, étant donné qu'il pourrait y
avoir des problèmes puisqu'il y a des ministères qui ne sont pas
rendus aussi loin dans leur travail que d'autres ministères? On est en
présence de lois qui sont nouvelles. On est en présence, dans
d'autres cas, de projets de loi qui sont à se dessiner et il me semble,
à moins que je ne comprenne mal, que ce code pourrait être bien
fait et fait à profit, à partir du
moment où on regroupe un ensemble de lots de même niveau,
des lois rajeunies, des lois relativement récentes et, là, on
peut s'asseoir avec une équipe donnée et reprendre ce qui a
été travaillé de façon sectorielle et faire une
espèce de grand mouvement de refonte.
Alors, est-ce que sur le momentum, c'est vraiment le temps, comme vous
le dites, ou est-ce que ce n'est pas le temps de penser à prévoir
que, lorsque ce travail de refonte des lois sera fait, l'on puisse le
poursuivre en mettant sur pied ce comité de travail? J'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Mackay: Écoutez, M. le député, c'est une
méthode de travail. Vous savez, on parle comme corporation
professionnelle et avec succession perpétuelle. Il n'y a pas de fin,
comme pour le gouvernement, à son travail. Quand je dis que le moment
est venu, cela veut dire que, maintenant, on y pense et qu'on doit commencer
à s'en occuper. Mais qu'on attende que toutes les lois soient
terminées, je ne crois pas. Cela n'empêche pas ceux qui ont
commencé à travailler sur l'avant-projet de loi sur les terres
publiques agricoles de s'inscrire à l'intérieur d'un processus de
cohérence avec les autres et de travailler dans ce sens-là. Cela
ne sert à rien d'attendre que toutes les lois soient votées
séparément pour dire après: Là, on recommence
l'exercice et on les réunit. Je dis que le temps est venu parce qu'on le
voit. C'est lorsque je commence à voir quelque chose que je me dis:
Là, je l'ai vu, j'examine cela, est-ce bon? Si ce n'est pas bon, on
passe à autre chose; si c'est bon, on essaie de gratter cela et on le
gratte le plus possible jusqu'à ce que cela se réalise. C'est ma
façon de procéder et cela peut prendre des années avant
qu'on y arrive. Quand on pense au Code des professions ou au Code de la
sécurité routière - il me semble qu'un Code de la
sécurité routière vient de sortir cette année -
combien de temps cela a-t-il pris? On travaille, depuis 1962, sur la refonte du
Code civil.
On a adopté des articles dans le Code civil sur les
régimes matrimoniaux en 1980 et j'entends dire que tout cela est
à refaire. C'est en constante évolution. Ce n'est pas parce que
le code aura été fait qu'on va s'asseoir dessus et dire: C'est
fini. C'est simplement dans une idée de cohérence de tout
reprendre, de regarder chacune des lois séparément, comme on l'a
fait, pour essayer de trouver là-dedans les idées
générales qui règlent l'acquisition, l'administration, la
détention, l'aliénation, car on s'aperçoit qu'il y a un
tas de choses qui se recoupent. Alors, on se dit: Dans un souci de
cohérence, pourquoi ne pas les mettre tous ensemble? À un certain
moment, il va falloir commencer à y penser. S'il y a une volonté
politique de dire: Cela a de l'allure ce que disent M. Mackay et la Chambre des
notaires, qu'on se mette donc dans cet esprit et partons sur cette
idée-là. Ce n'est peut-être pas une bonne idée, on
verra, mais c'est peut-être une bonne idée. Je continue à
penser que cela en est une. Et, à un moment donné, on va
déboucher avec un code qui va réqir tous les principes
fondamentaux autour du domaine public. On est là-dedans, on n'est pas
dans une application particulière, on est là-dedans et de
là dépendent les différentes applications
particulières dans chacune des lois ou dans le domaine public sous
chacune de ces formes.
En discutant, hier soir, à la table avec un de mes
collègues, on est même arrivé à dire: Pourquoi ne
met-on pas là-dedans tout ce qui touche le domaine culturel? C'est un
autre ministre, mais on va regarder la loi et on va dire: II y a d'autres
problèmes là-dedans qui toucheront encore le domaine public, le
même qouvernement dans une autre application. C'est là que je dis
que l'heure est venue; non pas parce que c'est 1987 au mois de février.
Je vais même plus loin: c'est le 12 et, le 12, c'est ma fête - je
dis cela en passant, cela va être dans le Journal des
débats.
M. Gauthier: Je voulais simplement dire: Cessez d'en mettre dans
ce code, parce que le ministre est déjà terrorisé à
l'idée d'avoir à s'occuper de l'application du code et vous
ajoutez les sites culturels. Je l'ai entendu parler. Je ne sais pas si c'est de
cela dont il parlait, mais il a l'air d'être tout simplement
terrorisé. Qu'il ne s'en fasse pas, il ne sera peut-être pas
là pour administrer ce code, car cela va prendre quelques années
si jamais on enclenche le processus. Alors, je ne voudrais pas que le ministre
se fasse du mauvais sang pour cela.
Juste une dernière remarque qui ne demande pas
nécessairement de commentaire. En tout cas, vous commenterez si vous le
voulez. Je réfléchis à cette question et je me dis que
faire un code comme vous le proposez, ce n'est peut-être pas très
facile. On connaît, malheureusement ou heureusement, les rivalités
qui peuvent exister d'une certaine façon entre différents
ministères ou différentes sections qui s'occupent bien, il faut
le dire, dans la plupart des cas, de leurs secteurs donnés, mais j'ai
l'impression que si jamais le ministre ou le gouvernement veut s'engager
à asseoir tout ce monde-là ensemble pour rédiger ou
participer à l'élaboration du code - et c'est là mon
commentaire - il faudra songer à une commission un peu
indépendante, extérieure en quelque sorte au ministère
comme tel, tout en impliquant, bien sûr, les fonctionnaires des
différents niveaux. En tout cas, moi c'est le problème que je
vois dans l'élaboration de ce code. II simplifierait
peut-être les choses après, mais le monter, le bâtir
et faire les arbitrages et les analyses nécessaires tout au cours du
processus, je n'ai pas l'impression que ce sera facile et je ne sais pas si
vous avez pensé, puisque vous avez songé à l'idée
de faire le code, à la meilleure façon, au meilleur type de
comité de travail qu'on peut mettre sur pied pour réaliser un
projet d'envergure comme celui-là. Je ne sais pas si vous avez une
réponse là-dessus.
M. Mackay: J'ai une petite réponse là-dessus. C'est
justement parce que vous parlez de rivalités entre les différents
ministères que cela nous est venu plus clairement à l'esprit. On
les vit ces rivalités entre le ministère de l'Énergie et
des Ressources, entre le Cadastre, entre le ministère de la Justice,
entre le ministère des Transports. On les vit quotidiennement et ces
gens ne sont pas nécessairement du même avis. S'il n'y a pas de
code général pour les amener à un point de vue unique, on
a des problèmes. La réserve des trois chaînes en est
peut-être le plus bel exemple. Il y avait dans le même gouvernement
deux opinions contradictoires, complètement opposées l'une
à l'autre, à l'intérieur de deux services juridiques.
Disons que c'est un peu inadmissible que ce soit le même gouvernement,
alors c'est un peu cela... On sait que ce n'est pas facile, on ne vous dit pas
que c'est facile, mais on vous dit que c'est possible. Il faudrait
peut-être qu'on y pense tous ensemble et si le gouvernement forme une
commission extérieure, on s'offre, comme corporation professionnelle.
L'article 23 du Code des professions, qui est un code lui aussi, dit que notre
rôle principal, c'est de protéger le public et on est prêt
à le faire. Nous, nous ne sommes pas mêlés au gouvernement
directement ou à son administration, mais on est en constant travail
avec chacun des ministères et il y en a qui nous disent: Un tel n'est
pas d'accord, j'ai eu hier un avis au ministère des institutions
financières et on va être obligé de prendre les jugements
déclaratoires pour trancher cela, parce qu'il y a encore deux opinions
contradictoires là-dedans. Alors, votre commentaire est à propos,
c'est peut-être justement à cause de cela qu'on se dit qu'avec un
code on pourrait peut-être rallier tout le monde. Cela ne sera pas
facile, mais c'est possible et on s'offre s'il le faut.
M. Gauthier: Alors, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député de Roberval. M. le député de Frontenac.
M. Lefebvre: M. Mackay, je retiens du mémoire que vous
nous présentez que c'est un travail qui s'attache surtout à la
forme plutôt qu'au fond, sauf que, j'imagine qu'au moment où vous
avez fait ces recherches, vous avez inévitablement touché au
fond, soit des législations déjà en viqueur ou des projets
de loi. Si c'est le cas, j'apprécierais que vous nous le disiez. Vous
avez relevé des contradictions soit dans l'esprit ou dans la lettre des
lois déjà en viqueur, c'est-à-dire la loi 150, le projet
de loi 102, les deux projets de loi qui viendront, soit sur les mines et les
terres publiques agricoles.
Avez-vous trouvé dans vos recherches des contradictions soit dans
l'esprit ou dans la lettre de ces quatre législations et si oui,
j'apprécierais que vous nous le disiez, parce qu'il vaut mieux le savoir
tout de suite qu'après?
M. Mackay: Je ne suis pas en mesure de répondre clairement
à votre demande. Je ne l'ai pas reqardée effectivement, comme
directeur de la recherche, en ce sens-là, en regardant chacune des lois.
On les a regardées séparément. On sait qu'à la fin
de notre étude, on aura peut-être identifié des
contradictions autres que celles que je donnais ce matin de claims miniers qui
sont enregistrés selon la Loi sur les mines et qui ne sont pas
enregistrés selon la Loi sur les terres publiques agricoles ou quelque
chose de ce genre. Il me semble qu'il y a quelque chose au niveau des claims,
le claim n'étant pas un droit aussi évident qu'un bail ou une
cession, mais je ne l'ai pas fait; je ne sais pas si le président du
comité de législation a été en mesure de le faire.
Si on le reqarde dans ce sens-là, on sera peut-être capable d'en
trouver. (11 heures)
Effectivement, mes remarques ce matin ont porté beaucoup plus sur
la forme; quant au fond de la Loi sur les terres du domaine public, il existait
déjà dans la Loi sur les terres et forêts. On relève
des choses particulières dans cette loi. La question des lettres
patentes en est une, mais non pas par rapport à des comparaisons
particulières, Si on se donne la peine et si on a le temps de le faire,
on serait peut-être capable d'en soulever quelques-unes si, toutefois,
cela devait bonifier notre proposition. On l'a surtout vu... Vous savez quand
on se met à discuter de ces choses-là, un moment donné on
voit quelque chose et une espèce de parapluie apparaît et on se
dit: II me semble que tout cela va dans un code du domaine public, ce serait
tellement plus beau. Et là, on gratte cela un peu. C'est un peu cela
qu'on a fait. On se dit: peut-être qu'on vous apporte une idée qui
va tenir votre esprit en dehors des petites difficultés quotidiennes que
cette loi ou son application peut apporter dans d'autres domaines que celui qui
concerne strictement l'exercice des notaires ou des membres de notre
corporation
professionnelle.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. Mackay.
M. le député de Roberval, pour les remarques finales.
M. Gauthier: Cela va, M. le Président. Je veux simplement
remercier ces gens qui ont toujours l'habitude de collaborer avec beaucoup
d'efficacité aux travaux des différentes commissions
parlementaires. Encore cette fois-là, leurs remarques ont
été intéressantes et je suis certain qu'elles pourront
être prises en considération dans la préparation du projet
de loi et, éventuellement - dans une suite - pour un code qui est
souhaité et qui nous apparaît, pour notre part, quelque chose
d'extrêmement intéressant. Merci beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): M. le
ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. Mackay, pour votre mémoire et je
remercie la Chambre des notaires du Québec. Nous sommes
entièrement d'accord avec plusieurs des objectifs que vous visez. Par
exemple, le registre auquel nous faisons référence dans le projet
de loi, qui vise une meilleure information et un meilleur accès. C'est
dans les objectifs que vous venez d'énoncer. Il y a beaucoup de
matière à réflexion dans votre mémoire, cela nous
donne des idées.
Je dois dire au député de Roberval que je ne suis pas
terrorisé par un code des biens du domaine public. Cependant, quand vous
voulez y ajouter les biens culturels et me donner la responsabilité d'un
tel code, là, j'hésite. J'aime les bonnes batailles. Il faudrait
une bataille pour regrouper tout cela, mais j'aime une bataille où j'ai
au moins une chance de gagner.
Je voudrais vous dire que la loi 102 a peut-être amorcé la
cohérence que vous sollicitez en déterminant des règles
communes à tous les ministres ayant une autorité sur les terres
et peut-être que c'est la première étape d'un
éventuel code que vous suggérez. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre.
M. Ciaccia: Parce que aussi, c'est une première fois...
Excusez-moi, M. le Président...
Le Président (M. Théorêt): Allez, je vous en
prie.
M. Ciaccia: ...que nous avons une Loi sur les terres du domaine
public. Peut-être que votre code sera la prochaine étape.
Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. Mackay, si vous avez des remarques.
M. Mackay: Merci. On laissera plus de temps aux autres de
s'exprimer; on vous laisse là-dessus. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Théorêt): Au nom des membres
de la commission, nous vous remercions et vous souhaitons un bon voyaqe de
retour.
Nous allons maintenant suspendre pour deux minutes. J'invite quand
même les représentants de l'Association des pourvoyeurs du
Québec à prendre place, s'il vous plaît.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 8)
Le Président (M. Théorêt): La commission
reprend ses travaux. Nous avons maintenant les représentants de
l'Association des pourvoyeurs du Québec. Je vous rappelle, messieurs,
que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et que
chaque formation politique a 20 minutes pour en discuter avec vous.
Je demanderais au président du groupe de bien vouloir
présenter ses collègues, s'il vous plaît.
Association des pourvoyeurs du Québec
M. Saint-Pierre (Gaétan): Bonjour, M. le Président
de la commission, M. le ministre, mesdames les députées, mesdames
et messieurs. J'aimerais d'abord vous présenter à ma droite Denis
Lapointe, directeur du groupe-conseil de l'Association des pourvoyeurs du
Québec; à ma gauche, Marie-Josée Coupal, qui fait partie
du même groupe et qui a travaillé à la préparation
du dossier.
Si vous voulez bien, je vais procéder à la lecture de
notre mémoire.
Le projet de loi 102, Loi sur les terres du domaine public,
relègue les pourvoiries à un zonage inacceptable. Le zonaqe
proposé confirme une vacation de production forestière
prioritaire, pour les territoires de notre industrie qui ont pourtant une
vocation d'exploitation faunique.
L'industrie de la pourvoirie génère plus de 200 000 000 $
dans l'économie de la province de Québec. Le zonage
proposé ne permet pas de protéger les infrastructures,
équipements et investissements de cette industrie touristique.
Nous demandons au ministre d'inclure les pourvoiries dans la zone de
conservation, qui a une vocation de production forestière
permise, pour protéger l'avenir de notre industrie et
d'améliorer le climat d'investissement dans ces PME touristiques.
L'Association des pourvoyeurs du Québec trouve que le projet de
loi n'est pas acceptable dans sa forme actuelle puisqu'il met l'industrie de la
pourvoirie à la merci des exploitants forestiers.
L'Association des pourvoyeurs du Québec favorisera toute
modification qui confirmera la vocation touristique et faunique de son
industrie. Ainsi, il faudra que les modalités d'intervention retenues
pour nos territoires soient compatibles avec la vocation d'exploitation
faunique, et ce, en concordance avec les dispositions de l'article 25 de la Loi
sur les forêts, chapitre 101, qui a été sanctionnée
le 19 décembre 1986.
La pourvoirie au sens de la Loi sur la conservation et la mise en valeur
de la faune est "une entreprise qui offre, contre rémunération,
de l'hébergement et des services ou de l'équipement pour la
pratique, à des fins récréatives, des activités de
chasse, de pêche ou de piégeage".
Actuellement, 536 pourvoiries sont réparties sur le territoire
québécois. L'Association des pourvoyeurs du Québec
regroupe des petites et moyennes entreprises qui contribuent de façon
importante dans l'économie régionale et provinciale.
La pourvoirie est reconnue comme la PME touristique du Québec. En
effet, selon une enquête conjointe menée par le ministère
du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et Océans Canada, la
pouvoirie représente 20,9 % des nuits/hébergement lors des
voyages toutes raisons des non-résidents au Québec et se situe,
à ce titre, au deuxième rang des nuits/hébergement.
Notre industrie génère un impact économique
d'environ 200 000 000 $ qui correspond à 1 500 000 jours de
récréation en chasse et pêche.
À l'heure actuelle, il existe deux types de pourvoiries: celles
qui possèdent un bail de droits exclusifs de chasse, de pêche ou
de piégeage et celles qui n'en possèdent pas. Le bail de droits
exclusifs est délivré par le MLCP et ce type de pourvoirie occupe
une superficie totale de 15 300 kilomètres carrés sur les terres
du domaine public.
Dans le Répertoire des pourvoiries du Québec 1986, on
retrouve 165 pourvoiries à droits exclusifs. De ce nombre, environ 49 %
ont une superficie inférieure à 50 kilomètres
carrés et 70 % d'entre elles sont plus petites que 100 kilomètres
carrés. L'ensemble des pourvoiries du Québec occupent 0,9 % de
l'ensemble du territoire québécois.
Ces terres du domaine public ont de multiples vocations telles
l'exploitation forestière et l'utilisation faunique. Un territoire dont
la vocation est multiple engendre une plus grande propension à des
conflits d'utilisation, puisque ces ressources, la faune et la forêt,
sont intrinsèquement liées.
Les points exposés dans ce mémoire soulèvent donc
quelques problèmes engendrés par cette multiple utilisation et il
contient des recommandations qui pourraient atténuer les conflits. La
première concerne le plan d'affectation des terres.
Le plan est le résultat d'une concertation entre divers
ministères, mais malheureusement à la lumière du zonage
qui nous a été réservé quant à la production
forestière, il semble que certains ministères aient plus
d'influence que d'autres et nous comprenons mal cette concertation. En outre,
il semble qu'on ne comprenne pas la vocation économique, touristique et
d'exploitation faunique des pourvoiries.
Selon ce plan, les pourvoiries concessionnaires se retrouvent donc dans
une zone de production forestière prioritaire. Par définition,
ces terres sont destinées prioritairement à la production
forestière. Néanmoins, on peut s'adonner à diverses
activités récréatives extensives ne nécessitant pas
l'implantation d'infrastructures ou d'équipements importants.
Autrement dit, quand un pourvoyeur peut posséder pour des
centaines de milliers de dollars en immobilisations, qu'il entretient des
chemins et des ponts à ses frais et avec sa propre machinerie, il ne
s'agit pas au sens du gouvernement du Québec d'infrastructures ou
d'équipements importants. À noter qu'il fait ces travaux sans
aucune aide ou subvention gouvernementale, contrairement aux compagnies
forestières qui bénéficient de cette aide.
Par exemple, dans le cas de la pourvoirie de Rivière-aux-Saumons
sur l'île d'Anticosti qui est présentement en vente par
soumissions publiques, la mise à prix initiale est de 575 000 $. Dans ce
cas bien précis, on n'a pas hésité à
désigner ce territoire comme zone de conservation. Alors, peut-on nous
expliquer pourquoi, dans le cas de la pourvoirie Lechasseur, dans le
Bas-Saint-Laurent, on applique un mode de gestion d'une zone à
production prioritaire, alors que celle-ci inclut une rivière à
saumon, la rivière Kedgwick, et qu'elle est semblable à celle
d'Anticosti?
Toujours selon le gouvernement, une industrie qui génère
200 000 000 % par année n'est pas jugée assez importante.
L'impact économique direct et indirect de notre industrie qui va
de la création de 4000 emplois, d'achat d'équipement lourd,
d'embarcations, d'essence, de nourriture, de véhicules, d'avions, de
quais, etc., ainsi que l'organisation logistique pour organiser 1 500 000 jours
de récréation n'est pas important pour votre gouvernement.
Pourtant, il existe une autre catégorie de terres du domaine public
qu'on appelle zone de production forestière permise qui regroupe ce
qu'on appelle les zones de conservation. On permet la production
forestière sur ces terres. Cependant, les travaux requis pour cette
production doivent être adaptés aux ressources de même
qu'aux équipements qu'on retrouve sur ces terres et respecter la valeur
écologique, historique ou culturelle des sites où ils sont
effectués.
Voilà donc une définition territoriale qui nous convient
beaucoup plus. Celle-ci permettrait de protéger nos investissments et,
de ce fait, entraînerait le développement de notre industrie. Par
conséquent, nous demandons au ministre de nous inclure dans la zone de
production forestière permise, et voici pourquoi.
Premièrement, les modes d'exploitation forestière
réservés aux zones à production prioritaire continuent
à maintenir la pratique des grandes coupes rases sur plusieurs
kilomètres carrés, et cela a été dommageable aux
pourvoyeurs. Comme ceux-ci offrent des services et louent leur territoire pour
des activités de chasse et de pêche, que peuvent-ils faire avec
des territoires rasés à blanc? Le client du pourvoyeur paie pour
une activité dans un environnement agréable et favorable à
la faune, et le client a toujours raison. Certains de ceux-ci demandent
même à être remboursés. Certaines opérations
forestières sont donc abusives et elles causent des dommages
réels aux pourvoyeurs.
Deuxièmement, les territoires des pourvoyeurs sont souvent
très petits; 48,5 % ont une superficie de moins de 50 kilomètres
carrés, et la marge de manoeuvre en est réduite d'autant.
Certains pourvoyeurs ont jusqu'à 25 % de leur territoire rasé
inutilisable pour de nombreuses années. L'étendue des coupes peut
paraître petite par rapport à l'ensemble d'un bassin, mais pour un
pourvoyeur d'une petite pourvoirie, cela peut signifier la différence
entre la rentabilité financière ou non de son entreprise. De
plus, il s'agit d'une perte à long terme; dix à quinze ans dans
la majorité des cas. Les traitements sylvicoles prévus pour les
zones de conservation éliminent au départ les grandes coupes
rases. On parle plutôt de coupes par bandes, de coupes par
trouées, et on attache une plus grande attention à la vocation
faunique et récréative de ces territoires. Ces traitements sont
beaucoup plus adaptés à notre entreprise et, par le fait
même, moins dommageables pour nous.
Nous ne sommes pas contre l'utilisation polyvalente de nos territoires,
et certaines exploitations forestières peuvent même être
bénéfiques pour l'aménagement de la faune. Mais le fait de
considérer la pourvoirie, la PME touristique du Québec, comme
territoire à productions forestières prioritaires est un
non-sens. J'ouvre une parenthèse pour mentionner que le changement de
zonage que nous demandons a reçu l'appui de tous les organismes qui
siégeaient à la table de concertation du 15 janvier 1987 du
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. À ce titre, nous
vous rappelons qu'on y retrouvait, entre autres, la Fédération
québécoise de la faune, la Fédération
québécoise du saumon atlantique, la Fédération
québécoise des gestionnaires de ZEC, l'Association provinciale
des trappeurs indépendants et l'Union québécoise de la
conservation de la nature, de même que FAPEL-faune. Bref, cette demande
fait l'objet d'un consensus au sein des organismes de la faune au
Québec. En ce qui a trait au bail d'occupation et à la
définition des droits d'exploitation des ressources, les articles 22 et
26 mentionnent la notion de bail et les droits d'exploitation des ressources.
Nous aimerions que le ministre précise et définisse ces termes.
Est-ce que cela inclut les baux des pourvoyeurs? Est-ce que les droits
d'exploitation des ressources comprennent la ressource faunique?
Enfin, troisièmement, en ce qui a trait à
l'autorité d'un ministre sur une terre, aux articles 6 et 8, qui
permettent au ministre de l'Énerqie et des Ressources de confier
à un autre ministre l'administration d'une terre à certaines
conditions, nous croyons qu'il y a présentement quelques
dédoublements et malentendus dans l'administration actuelle des terres
du domaine public. Par exemple, le ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche accorde un bail à droit exclusif à un
pourvoyeur. Dans ce bail, on demande au pourvoyeur de faire l'entretien des
chemins à ses frais. Pourtant, ces chemins sont toujours sous la
juridiction de MER et, lorsqu'il y a des exploitations forestières, le
MER permet aux exploitants forestiers de les utiliser sans
nécessairement tenir compte du pourvoyeur. Certains chemins deviennent
impraticables, des ponts sont brisés et on ne sait plus qui doit
entretenir et qui doit payer quoi. II serait aussi souhaitable que l'on
prévoie un mécanisme pour répartir les coûts.
Un autre exemple: lorsqu'il y a émission de baux de
villégiature par le ministère de l'Énergie et des
Ressources, celui-ci ne tient pas compte des orientations d'aménagements
fauniques du loisir, de la chasse et de la pêche. Ainsi, certains
pourvoyeurs sans droit exclusif voient tout à coup s'installer
près d'eux des villégiateurs qui sont souvent des pourvoyeurs
illégaux. Évidemment, cela peut mettre en danger la petite
entreprise déjà en place. Nous croyons que le Québec est
assez grand pour éviter ce genre de situation. It en est de même
pour le contrôle de l'accès du territoire. Les zones
d'exploitation contrôlées et les pourvoiries sont toutes deux
situées sur des terres publiques. Dans le premier cas, une ZEC peut
contrôler et même refuser l'accès à son territoire
dans un but de conservation.
Mais, dans le cas des pourvoiries, ce pouvoir n'est pas reconnu. Encore
ici, il faudrait préciser la délégation d'autorités
des ministères impliqués. Nous aimerions donc que les
juridictions des différents ministères soient
précisées.
Enfin, au niveau des recommandations à la suite de cette
réflexion, nous recommandons ce qui suit: a) Que le ministre
réaffecte les territoires des pourvoiries à la zone de
conservation, car ils correspondent exactement à cette
définition; b) Que le ministre précise les termes "bail
d'occupation" et "droits d'exploitation des ressources", aux articles 22 et 26;
c) Que le ministre précise davantage la délégation
d'autorité au ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, et plus précisément en matière de voiries
forestières, de baux de villégiature et d'accès aux
territoires.
En conclusion, l'essentiel de notre intervention porte sur l'affectation
territoriale qui nous est réservée. Nous crayons, pour des motifs
principalement économiques, qu'il faut nous inclure dans les zones de
conservation. Ce changement de zonage permettra de protéger notre
industrie contre des coupes forestières non adaptées à la
vocation touristique et d'exploitations fauniques de la pourvoirie.
Nos autres demandes concernent la définition de certains termes,
et le ministre pourrait préciser davantage sa délégation
d'autorité. Je vous remercie de votre attention. J'aimerais céder
la parole à Mme Coupai qui va...
Mme Coupai (Marie-Josée): Je vais vous présenter
l'annexe qu'on vous a distribuée ce matin. Je ne sais pas si vous l'avez
reçue? Cette annexe est composée d'une sélection de
cartes, de photos ou d'autres documents qui représentent, en gros,
l'ensemble du dossier forestier.
Ce qu'on voulait vous montrer là-dedans, c'est ce qu'on entend
par une coupe forestière abusive dans le milieu de la pourvoirie. Vous
retrouvez, entre autres, des photos de la pourvoirie Lechasseur. Aussi, on dit
dans notre mémoire, à un certain moment, qu'il y a des clients
qui demandent d'être remboursés; vous avez, à cet effet, un
jugement d'un client qui demande d'être remboursé parce que les
territoires qui avaient été loués pour la chasse
étaient inaptes à la pratique du sport.
De plus, j'ai ici deux séries de photos qui montrent
l'exploitation à la pourvoirie Lechasseur, autour de la
Rivière-à-Saumons. J'aimerais les faire circuler, si c'est
possible.
Le Président (M. Rivard): Le secrétaire de la
commission va se charger de faire circuler ces photos.
Mme Coupal: D'accord, merci.
Le Président (M. Rivard): Vous avez terminé?
Mme Coupal: Oui.
Le Président (M. Rivard): Merci beaucoup, Mme Coupai et M.
Saint-Pierre, pour la présentation de votre mémoire. La parole va
maintenant à M. le ministre.
M. Ciaccia: Alors, merci M. Saint-Pierre et Mme Coupai pour votre
présentation. Merci aussi à l'Association des pourvoyeurs du
Québec. Premièrement, nous reconnaissons l'importance
économique de votre association, de votre industrie, et
spécialement dans des régions, je crois, qui ont fort besoin
d'activité économique. Vous avez non seulement une vocation
économique, mais je crois aussi une vocation sociale.
Je reconnais l'importance de vos activités et l'importance non
seulement de l'aspect économique, mais de tous les autres aspects
connexes aux activités de votre association et de vos membres.
Vous parlez de zonaqe dans la première page de votre
mémoire et je voudrais faire une remarque. Vous dites que le projet de
loi 102 relègue les pourvoiries à un zonaqe inacceptable. Je ne
crois pas que le projet de loi parle de zonage. Le projet de loi permet la
préparation, par exemple, d'un plan d'affectation. Le plan d'affectation
est préparé par le ministère de l'Énergie et des
Ressources, mais pas unilatéralement pour avoir un zonage, comme vous
appelez, ou une vocation dans le plan. C'est fait en concertation avec les
autres ministères impliqués, par exemple, le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Vous mentionnez, dans votre
recommandation, que le ministre réaffecte les territoires des
pourvoiries à la zone de conservation; cela est l'initiative du MLCP et
à sa demande, nous l'incluons dans le plan d'affectation. Le
ministère n'a pas la responsabilité ou l'autorité - je
n'irai pas aussi loin que cela -de désiqner, telle ou telle zone dans un
plan d'affectation sans le consentement du ministère responsable de vos
activités.
Je voulais préciser cet aspect. Maintenant, cela ne veut pas dire
qu'on ne peut pas, en discutant avec les différents ministères,
prendre en considération et appuyer les représentations que vous
faites ou les demandes des autres ministères.
J'aurais quelques questions. Vous demandez que vos territoires soient
inclus dans la zone de conservation à cause des conflits d'utilisation
entre l'exploitation forestière et l'exploitation de la faune. Est-que
vous croyez que ces conflits sont différents dans les ZEC ou les
réserves fauniques et, si le gouvernement - là je
parle du gouvernement, je ne parle pas du ministère, parce que ce
n'est pas notre rôle à nous de dire: On va prendre la
responsabilité ou l'initiative pour faire cela - désigne des
zones de conservation, par exemple, les 15 000 kilomètres carrés
de territoire que vous couvrez, ne croyez-vous pas que nous devrons en faire
autant pour les 43 000 kilomètres carrés des ZEC et les 50 000
kilomètres carrés des réserves fauniques?
Le Président (M. Rivard): M. Saint-Pierre.
M. Saint-Pierre: M. le ministre, j'aimerais vous poser une
question à la suite de votre première intervention. Si le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche vous demandait
d'affecter les territoires des pourvoiries dans la zone de conservation, est-ce
que, à ce moment-là vous procéderiez immédiatement
au transfert de zonage? (11 h 30)
Le Président (M. Rivard): Je ne pense pas que la
décision soit prise de cette façon entre seulement deux
ministères. Le COMPADR est un comité pour le développement
régional regroupant différents ministères et la discussion
a lieu à ce comité et chaque ministère fait ses
représentations et je dirais que cela devient un consensus. Autrement
dit, il ne suffit pas que le MLCP arrive et dise "je veux cette zone de
conservation" pour que nous disions oui très bien. Il y a d'autres
ministères concernés. Alors, non seulement ce n'est pas
unilatéralement notre ministère, mais ce n'est même pas
bilatéralement le MLCP et le ministère de l'Énergie et des
Ressources. C'est l'ensemble des intérêts des ministères,
incluant le ministère des Affaires municipales et le ministère de
l'Environnement qui est concerné par ces territoires.
M. Saint-Pierre: Merci de votre réponse. J'espère
qu'à la suite de notre participation à la commission
parlementaire, en tant que ministre de l'Énergie et des Ressources, vous
serez sensibilisé et enclin à accéder à notre
demande pour ce qui est de la modification de zonage.
Maintenant, pour ce qui est de votre deuxième point, M. le
ministre, si vous me le permettez, concernant le territoire des pourvoiries par
rapport aux ZEC ou aux réserves, j'aimerais apporter une
différence fondamentale qui existe entre ces territoires au niveau,
entre autres, de la vocation touristique de la pourvoirie. C'est que les
pourvoyeurs sont en train de devenir des aubergistes de la forêt. On va
répondre bientôt à des nouvelles normes d'accueil qui
ressemblent un tant soit peu à celles qu'on retrouvent actuellement dans
l'hôtellerie.
Avec tout ce qui se passe actuellement au niveau de
l'hébergement, vous savez que si on parle de normes, si on parle de
qualité d'accueil, cela nécessite énormément
d'investissements. Il y a énormément de capitaux qui sont
investis actuellement dans les pourvoiries. Il n'est pas rare de voir des
pourvoiries sur de petits territoires investir un demi-million, même un
million ou un million et demi de capitaux, ce qui différencie nos
territoires actuellement des ZEC. On a une vocation d'hébergement qu'on
ne retrouve pas sur d'autres territoires.
Maintenant, on a aussi une vocation touristique au niveau de l'accueil
des étrangers chez nous. Lorsque les Américains viennent à
la pêche ou à la chasse au Québec, ils cherchent à
vivre une expérience en forêt de qualité et, bien souvent,
c'est chez les pourvoyeurs que ces clients-là, ces touristes-là,
se dirigent.
C'est, je crois, une caractéristique importante, parce que cela
fait des pourvoiries une destination touristique. Cela va, M. le ministre?
M. Ciaccia: Je comprends. Vous me dites qu'il y a une
différence quant à la zone de conservation pour des fins de
pourvoiries. Par exemple, il y a des caractéristiques différentes
pour les ZEC ou pour les réserves fauniques, comme vous l'expliquez en
termes de développement économique et pour toutes les
activités. Alors, vous faites cette distinction.
Une voix: Oui.
M. Lapointe (Denis): J'aimerais ajouter quelque chose à ce
que M. Saint-Pierre a dit. Dans la majorité des cas, on remarque...
À l'annexe 2 de notre mémoire, on vous donnait un peu les
superficies des pourvoiries concessionnaires, donc, qui ont un territoire de
droits exclusifs. Près de 49 % d'entre elles sont inférieures
à 50 kilomètres carrés et la majorité des ZEC et
des réserves ont au-delà de 200 à 300 kilomètres
carrés.
Donc, si on coupe, par exemple, 25 kilomètres carrés sur
une pourvoirie qui en a 50, on vient de lui couper la moitié de ses
revenus. Sur une ZEC, lorsqu'elle mesure 400 kilomètres carrés,
cet impact est de beaucoup dilué.
Une autre chose: on vous a donné dans l'addendum qui vous a
été distribué ce matin une carte de la pourvoirie Club des
hauteurs de Charlevoix. Vous verrez sur cette carte des zones en rouge ou en
jaune - on a reçu cela à la dernière minute et c'est pour
cela qu'on vous a donné le document ce matin -c'est rayé,
hachuré. Cette zone rayée et hachurée, c'est la zone qu'il
lui reste actuellement, qui n'a pas été coupée. On lui a
donc coupé 75 % de sa superficie. Si on lui avait coupé 100 % de
sa superficie et
que ces coupes avaient été des coupes par trouée ou
par bande... Je pense que l'Association des pourvoyeurs du Québec ne
s'oppose pas à des coupes adaptées, mais, 70 % a 75 % de son
territoire ont été coupé à blanc. Cela veut dire
pour lui, pour cette personne, qu'on lui coupe 70 % de ses revenus. D'un
côté, on lui demande d'investir beaucoup d'argent pour
développer une industrie touristique. On lui demande de mettre en
marché un produit. Du jour au lendemain, le même gouvernement, par
le biais d'un autre ministère, vient lui enlever son gagne-pain parce
qu'on sait que la relation forêt/faune, il n'y a pas de faune sans
forêt. C'est aussi simple que cela. Je vous remercie, M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci. Le fait d'inclure, comme vous le demandez, les
pourvoiries dans la zone de conservation entraînerait l'application de
normes spéciales au niveau de l'exploitation forestière, comme
vous venez de le mentionner. Cela pourrait s'appliquer sur de vastes
superficies. Cela impliquerait, pour l'industrie forestière, ce qu'ils
nous disent et ce qui est un fait, des coûts supplémentaires
substantiels. Alors, selon vous, qui devrait assumer ces coûts et est-ce
que les pourvoyeurs seraient prêts, ou en mesure même, d'en payer
leur part?
M. Saint-Pierre: M. le ministre, il y a des coûts
actuellement qui sont inhérents à la politique des coupes
forestières qui prévaut sur un territoire. Ces coûts,
actuellement, sont en grande partie amortis par l'industrie de la pourvoirie.
À titre d'exemple, il est difficile de faire un plan de gestion d'un
territoire avec l'implantation de sites d'hébergement, avec
l'installation de sentiers pédestres ou de sentiers cyclistes, lorsqu'on
ne sait pas, qu'on n'a aucune garantie concernant la vocation de ce territoire.
Si dans les années qui suivent l'installation d'un site
d'hébergement, il y a coupe à blanc du territoire en question,
c'est bien évident qu'actuellement on assiste à une
dévaluation importante au niveau des coûts de location ou des
revenus de ce bâtiment.
Lorsqu'on parle de l'intervention en forêt, actuellement, au
niveau de la politique des chemins, entre autres, lorsque les chemins sont
inaccessibles aux clients, s'il y a des remboursements qui doivent se faire,
parce qu'il y a des camions qui ont utilisé les chemins et que les
chemins sont impraticables pour des petits véhicules, qui en assume les
coûts, les frais actuellement? Ce sont les pourvoyeurs qui doivent le
faire. Lorsque vous dites que l'implantation de modes de gestion
particulière à 2 % du territoire québécois pourrait
représenter des coûts aux industriels, c'est évident que
les industriels vont vous dire que cela va représenter des coûts
pour eux. Mais le fondement de cette politique, c'est que la zone de
conservation n'empêche la coupe d'aucun arbre. Elle vient
spécifier le type de coupe d'arbre qu'on retrouve sur un territoire. Ce
genre de coupe, qu'on retrouverait sur nos territoires, serait favorable
à la faune.
M. Ciaccia: Quand vous mentionnez qu'il y a l'implantation d'une
pourvoirie, et après cela il y a une coupe de bois à blanc,
peut-être que c'est une question de planification. Cela veut dire: Si on
donne le permis, le consentement pour qu'une pourvoirie s'installe à un
certain endroit, la planification devrait prévoir que l'année
suivant l'installation, ce n'est pas l'endroit où faire tous ces
travaux. Peut-être que c'est une question de planification.
Dans votre mémoire, vous venez de mentionner les chemins. Vous
réclamez un mécanisme pour répartir les coûts
d'entretien des chemins. Est-ce que le mécanisme prévu à
l'article 63, 8e alinéa, répond à votre attente? Est-ce
que vous seriez d'accord que ce mécanisme joue dans les deux sens? Par
exemple, quand les pourvoyeurs utilisent un chemin construit aux fins
d'exploitation forestière, parce que nous, on reçoit aussi des
représentations de l'autre côté. On se fait dire:
Écoutez, un chemin pour l'exploitation forestière, ce n'est pas
seulement ceux qui exploitent la forêt qui l'utilisent. Ils nous font
toutes sortes de demandes. Est-ce que le mécanisme, comme vous le
demandez à l'article 63, 8e alinéa, répond à votre
attente et est-ce que cela pourrait jouer dans les les deux sens?
M. Lapointe: J'aimerais vous répondre, M. le ministre.
Dans le cas des coûts de construction, si on arrivait à un
mécanisme comme à l'alinéa 8, il faudrait donc tenir
compte, lors de constructions, que le chemin ne passe pas seulement en fonction
de l'exploitation de la ressource forestière, mais qu'il puisse
desservir aussi les objectifs ou les besoins du pourvoyeur, s'il y a une
contribution. J'aimerais vous faire remarquer qu'à l'heure actuelle, les
pourvoyeurs entretiennent les chemins à leurs frais, sans aucune
subvention gouvernementale, entre les rotations de coupe. On a consulté
des ingénieurs forestiers qui nous ont dit: Lorsqu'un chemin n'est pas
entretenu pendant 30 ou 40 ans, on doit pratiquement en faire un nouveau. Donc,
l'industrie forestière bénéficie, sans que cela lui
coûte un. cent, de quelqu'un qui entretient ces chemins pendant 30 ou 40
ans. On pourrait comparer le coût d'entretien sur 30 ou 40 ans,
actualisé, etc., a un coût de construction si on est obligé
de refaire ce chemin. Je pense qu'actuellement les pourvoyeurs font leur large
part au point de vue de l'entretien, au point de vue de leur contribution aux
coûts.
On vous demandait de préciser une certaine
délégation concernant l'accès du territoire. Nous
aimerions, si vous pouviez déléguer au ministère du
Loisir, de la Chasse et la Pêche, donner aux pourvoyeurs la
possibilité d'établir une certaine tarification, par exemple,
pour l'usage de ces chemins. À l'heure actuelle, la pourvoirie
concessionnaire, où il y a un bail exclusif, est un moulin à
vent. N'importe qui utilise ces chemins-là. Le pourvoyeur les entretient
à ses frais. Il n'y a personne d'autre qui paie pour le passage sur ces
chemins. Je pense qu'à l'heure actuelle, compte tenu de la situation,
les pourvoyeurs font leur large part de contribution économique pour les
chemins forestiers.
M. Ciaccia: II ne me reste plus de temps. Je voudrais terminer
avec une précision, une remarque. Vous vous interrogez sur la notion de
bail d'occupation et de droits d'exploitation des ressources. J'aimerais
préciser que les baux des pourvoyeurs ne sont pas inclus ou visés
par le registre mentionné aux articles 21 et suivants, les articles sur
le terrier, puisqu'il ne s'agit pas de droits fonciers. Par ailleurs, ces baux
feront l'objet d'un enregistrement dans le nouveau registre des droits
d'exploitation des ressources créé par le projet de loi, à
l'article 26, tout comme les ZEC, puisque la ressource faunique y fait l'objet
de droits d'exploitation. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre.
M. le critique officiel de l'Opposition et député de
Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, je suis
particulièrement sensible aux propos qui ont été tenus ici
par les gens représentant les ZEC. Est-ce que le guide des
modalités d'intervention en milieu forestier, qui est un outil nouveau,
récent, ne vient pas défaire un peu votre argument, à
savoir que les pourvoiries seraient bien mal traitées dans une zone de
production forestière prioritaire? Est-ce que vous avez pris
connaissance de ce guide et n'est-il pas de nature, dans le fond, à
enlever de la valeur à l'argument que vous avancez?
Une voix: Non.
M. Saint-Pierre: Au contraire. On a effectivement
étudié le guide des modalités d'intervention en milieu
forestier et, lorsqu'on regarde les modalités qui sont retenues,
à tous les articles,.. Je peux vous donner un exemple. À la page
34, à l'article 4.2... Non, ce n'est pas celui-là; c'est l'autre.
Les articles 4.3.1.4, site de restauration et d'hébergement, on
prévoit une bande de 60 mètres autour d'un site de restauration
et d'hébergement, avec possibilité de prélèvement
de la matière ligneuse en B. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut
dire qu'un site d'hébergement en forêt, quel que soit le
coût d'immobilisation, se retrouverait protégé par une
bande de 60 mètres uniquement et pourrait être entouré sur
des kilomètres et des kilomètres par une coupe à blanc.
Est-ce que vous pouvez, M. le député, appeler cela de la
protection? (11 h 45)
M. Gauthier: Je ne suis pas rendu aussi loin dans l'étude
de ce guide, sauf que, à un moment donné, je lisais dans la
section "Zone forestière et récréative"... Quand vous
faites référence et que vous parlez du classement,
évidemment, c'est en fonction des trois éléments de ce
tableau: Zone forestière et faunique, Zone forestière et
récréative, Zone forestière de production. Vous vous
situez dans la "Production forestière prioritaire". II y a une phrase
qui m'a un peu frappé. Vous demandez au ministre, de vous classer dans
la section "Production forestière permise" plutôt que dans la
section "Production forestière prioritaire". Mais il y a un petit
paragraphe à la page 29, dans "Zone forestière et
récréative, dans lequel vous vous retrouvez d'une certaine
façon.
Le dernier paragraphe de la page dit: "Lorsqu'il est prévu un
projet défini de développement récréatif dans la
période de 10 ans, les modalités d'intervention à
appliquer sont celles liées à l'équipement projeté
tel que défini pour la zone de conservation." Vous demandez d'être
classé dans la section "Zone de conservation". Il m'apparaît que,
dans les cas où il y a des équipements en place, où il y a
un projet d'équipement, le guide prévoit qu'il vous ramène
dans cette catégorie. Là, je ne vois pas, à moins que je
comprenne mal le quide ou qu'on ne se comprenne pas. Il y a quelque chose qui
ne va pas.
M. Lapointe: M. le député de Roberval, le plan
d'affectation, lorsqu'on se retrouve dans la section "Production
forestière prioritaire", cela nous donne à peu près la
même protection que toutes les terres publiques au Québec. Par
exemple, dans le site principal d'une pourvoirie, où il peut y avoir une
auberge centrale avec plusieurs chalets, on protège ce site ponctuel.
Mais la raison d'être de ce site, c'est s'il y a de la faune à
côté. Si on protège seulement le site, c'est un peu comme
protéqer un nid d'aigles sans protéger aucune source de
nourriture à côté pour cet aigle. Ce qui arrive, c'est
qu'il n'y aura plus de place au développement. On a fait circuler
tantôt des photos de coupes à blanc.
Le ministère du Tourisme du Québec trouve cela
déjà assez difficile de faire la
promotion à l'étranger de la pourvoirie sans essayer de
vendre un produit qui est invendable. Notre demande pour passer dans la section
"Zone de conservation", c'est qu'on appliquerait, sur les sites ponctuels qui
sont les sites d'hébergement, une certaine protection et, en plus, pour
toute l'unité de la pourvoirie, on appliquerait des modalités
d'intervention qui permettraient la compatibilité des deux vocations. On
pourrait même parler de vocation polyvalente. Que ce soit des mines, que
ce soit de la forêt ou que ce soit l'exploitation de la faune.
Je reviendrai à ce titre à l'article 24 de la Loi sur les
forêts qui parle du plan d'affectation et qui dit que ce plan
d'affectation a pour objet d'assurer trois choses: le maintien ou la
reconstitution du couvert forestier; la protection de l'ensemble des ressources
du milieu forestier; et, troisièmement, la compatibilité des
activités qui s'exercent sur les diverses unités territoriales du
domaine public, compte tenu de leurs vocations respectives. Donc, en se
retrouvant dans la section "Production forestière prioritaire", on
regarde cet article et on dit: On ne répond même pas aux objectifs
du plan d'affectation, l'objectif 2 et l'objectif 3. On demande aux pourvoyeurs
de faire de gros investissements. Ce sont de petites entreprises. Il y a des
pourvoiries qui peuvent investir jusqu'à 1 500 000 $ en infrastructures,
en immobilisations, en équipement lourd, des choses comme ça.
Le fait de nous transférer dans la "Zone de conservation"
garantit aux entrepreneurs, et aux gens qui créent des emplois en
régions, la survie de leur entreprise à long terme. Actuellement,
en étant dans la "Production forestière prioritaire", on garantit
qu'on ne touchera pas à notre établissement, mais on ne garantit
pas la viabilité de son entreprise. Je pourrais citer un cas qui me
passe par la tête à ce moment-ci. C'est qu'il y avait, dans une
pourvoirie de la région de La Tuque, un arbre centenaire en face du
pavillon principal à peut-être quinze pieds et l'exploitant
forestier est allé chercher cet arbre.
À un moment donné, avec les photos que vous avez dans
l'addendum, je pense qu'on ne veut pas faire de la chasse à la marmotte.
Les pourvoyeurs n'ont pas le goût non plus de demander des permis pour
exploiter un terrain de golf. Ils veulent exploiter la faune et la faune, cela
veut dire que cela prend une certaine forêt, une forêt en bois
debout.
L'Association des pourvoyeurs du Québec est consciente que cela
va amener des coûts supplémentaires, mais je crois que les
territoires qui sont désignés comme pourvoirie sont
désignés par le gouvernement. Ils ne sont pas
désignés seulement par un ministère ou par un autre, mais
par le gouvernement. Donc, le gouvernement ne peut pas ignorer ce que la main
droite fait d'un côté ou ce qui se fait par la main gauche. Le
gouvernement est là pour coordonner et offrir la viabilité des
deux entreprises.
On se retrouve dans une zone de production forestière permise
mais on ne s'oppose pas à ce qu'il y ait des coupes sur nos territoires.
S'il y a des coupes, par exemple, par bande en damiers ou des coupes par
trouée, cela veut dire qu'on peut pratiquement exploiter 100 % du
territoire de la pourvoirie. Mais on veut que cela se fasse de façon...
Hier, il y avait un intervenant de l'Association des producteurs forestiers qui
disait: On veut avoir des coupes civilisées. On veut que cela se fasse
de façon civilisée et on est prêt à collaborer dans
ce sens.
Dans le guide, à la page 10, on dit qu'il y aura des mesures
additionnelles. Le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, par une entente avec le ministre de l'Énergie et des
Ressources et les autres ministres au COMPADR, signale qu'il y aura des mesures
additionnelles. Mais pour ces mesures additionnelles, on n'a pas prévu
de date, c'est-à-dire qu'on nous enrobe un peu la pilule en nous disant:
Écoutez, inquiétez-vous pas, on va vous donner des mesures
additionnelles. Ces mesures additionnelles seront peut-être là
dans 10, 15 ou 20 ans et entre-temps, on doit vivre avec ce que vous avez vu
comme photo, le pense qu'à ce titre, étant donné la
vocation particulièrement économique, touristique de la
pourvoirie, cela en fait une entité vraiment différente d'une
réserve ou d'une ZEC. C'est pour cela qu'on demande le changement de
zonage. Je vous remercie.
M. Gauthier: Vous avez touché dans votre mémoire un
problème qui peut en apparence s'éloigner un peu du projet de loi
qui fait l'objet de cette commission, mais le problème
m'intéresse parce que je l'ai déjà soulevé au
ministre dans le passé. C'est le problème de cohabitation ou de
co-utilisation des voies d'accès avec des compagnies forestières
et je l'imagine, même si vous ne le mentionnez pas, avec des particuliers
aussi. J'imagine que vous ne vivez pas toujours en parfaite harmonie avec tous
les citoyens qui entourent les pourvoiries. Il y a déjà eu des
cas dans mon propre comté où cela m'apparaissait
particulièrement difficile, la cohabitation. Je ne mets pas le
blâme sur les pourvoiries, pas du tout, pas plus que sur d'autres
utilisateurs. Je veux simplement faire état des faits.
La loi 102, étant une loi en quelque sorte qui permettra au
ministre de bien gérer les terres du Québec, on le souhaite,
donnera aussi au ministre le pouvoir possiblement de déterminer les
portions de territoire utilisables par d'autres ministres.
Je comprends de cette revendication que vous souhaitez qu'en ce qui
concerne la réglementation, le ministre aille jusqu'à donner les
obligations d'entretien des voies routières à certains de ses
collègues peut-être. En tout cas, le fait que vous citiez le
problème c'est probablement parce que vous voulez que le ministre
profite du projet de loi ou de la réglementation qui l'accompagnera pour
intervenir dans ce domaine. Je vous avoue que c'est un problème assez
sérieux pour le ministre dans le sens qu'il y a difficilement des
solutions à l'utilisation conjointe de chemins. Qu'est-ce qu'on appelle
les travaux nécessaires? Pour que le chemin soit circulable dans le
domaine forestier, j'entends? Qui est celui qui a le plus brisé ou
détérioré l'état du chemin? D'autant plus que les
compagnies forestières de l'autre côté, et non pas
complètement à tort non plus, vous diront: Oui, mais il y a plus
de pourvoiries qui utilisent nos chemins en réalité que
d'entreprises forestières qui utilisent les chemins des pourvoiries. En
tout cas, cela pourrait être une argumentation utilisée. Je
voudrais savoir, sans vous donner tort ou raison dans cela, si vous avez
songé à un moyen de régler ce problème? Est-ce que
vous avez des suggestions à faire au ministre à cet égard?
Je vous avoue que je ne voudrais pas être dans sa peau et être
obligé de régler ce problème.
M. Lapointe: En ce qui concerne les mécanismes de
répartition des coûts - on parle surtout d'entretien ou de
construction -je pense qu'il y a un organisme, les MRC, qui sont
déjà sur le territoire, qui permettraient peut-être de
jouer ce lien entre les villégiateurs privés, les compagnies
forestières, les pourvoiries ou tous les autres utilisateurs de la
province, de leur garder un territoire et une route principale, par exemple,
entre deux villes. Entre cette route, il y a des pourvoiries, il y a des
chemins forestiers et des choses comme cela. Cette route sert beaucoup à
la circulation ou au commerce pour ces deux villes. Donc, les villes devraient
avoir une certaine portion de l'entretien des chemins, les pourvoiries aussi et
les compagnies aussi. Je pense que c'est logique de penser à ce que tous
les utilisateurs aient une part équitable et une charge équitable
dans l'entretien de ces chemins.
M. Gauthier: Si je comprends bien, votre solution en quelque
sorte, ce serait les MRC.
M. Lapointe: Cela pourrait être une solution. Je pense
qu'il faudrait peut-être pousser cette réflexion un peu plus loin.
Je crois que les MRC ont tout de même, par la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, une gestion de territoire. Je crois qu'il
leur serait facile d'appliquer un tel mode de répartition des
coûts. C'est sûr que cela demandera beaucoup plus d'étude
approfondie, et l'Association des pourvoyeurs du Québec pourrait
participer à ces études.
M. Gauthier: Vous souhaitez - bien sûr, je termine sur cela
- que le ministre, dans ce qui entoure le projet de loi 102 dans la
réglementation ou autrement, par des directives internes à ses
collègues au moment où il leur cédera des morceaux de
territoire à gérer, ait au moins - comment dire? - un paragraphe
qui s'intéresse à ce problème. C'est ce que je comprends
du fait que vous ayez inscrit cela dans votre mémoire.
M. Lapointe: Oui, c'est cela. Lorsqu'on demandait au ministre de
préciser, par exemple, en ce qui a trait à l'accès du
territoire... Nous avons des cas très aigus où, lors de la
période de chasse, vous savez que dans les pourvoiries on loue par
territoire, étant donné que ce sont des chemins de terres
publiques, donc accessibles à toute la population, il y a des cas
où il y a des accidents malheureux qui arrivent parce que les
territoires ont une vocation de chasse et un peu n'importe qui peut se promener
dans le bois ou sur les chemins. On sait qu'il faudrait que le ministre
précise, dans sa délégation d'autorité au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, permette, par
exemple, aux pourvoyeurs pendant la période de chasse, d'avoir
peut-être un certain contrôle sur les gens qui utilisent les
chemins à l'intérieur de la pourvoirie. Ce contrôle
permettra peut-être d'orienter, par exemple, des gens qui viendraient
faire la cueillette de champignons dans une zone où il n'y aurait pas de
chasseurs. Donc, en ce qui a trait à la sécurité du
public, le ministre de l'Énergie et des Ressources permettrait aux
pourvoyeurs de contrôler l'accès à son territoire. Je vous
remercie.
M. Gauthier: C'est moi qui vous remercie. Je n'ai plus d'autres
questions.
Le Président (M. Théorêt): Vos remarques
finales, M. le député.
M. Gauthier: De toute façon, le temps est maintenant
terminé. Mes remarques finales, c'est simplement de remercier les gens
de l'Association des pourvoyeurs du Québec de ce travail qu'ils ont
fait. Je pense que c'est dans un esprit de collaboration que nous allons
réussir et avec des indications comme celles que vous avez
données au ministre. C'est là que nous allons réussir
à trouver un terrain d'entente qui permettra aux pourvoiries de
continuer cet apport économique appréciable. Dans ce sens,
soyez assurés de la collaboration de l'Opposition à toutes
les étapes du projet de loi pour rappeler au ministre, comme c'est notre
devoir de le faire, vos revendications. Je vous remercie beaucoup. (12
heures)
Le Président (M. Théorêt): Merci. M. le
ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier l'Association des pourvoyeurs du
Québec pour leur mémoire. On est sensible aux
représentations que vous nous avez faites. Quant à
l'inquiétude que vous avez démontrée en ce qui concerne,
à la page 10, les mesures qui doivent être prises, je voudrais
vous informer que c'est déjà commencé; le ministère
de l'Énergie et des Ressources, section terres, travaille avec le MLCP
pour identifier les mesures dont on parle à la page 10 du guide des
Modalités d'intervention en milieu forestier.
J'apprécie le fait que le député de Roberval,
critique officiel de l'Opposition, soit sensible aux problèmes et aux
difficultés qu'on peut avoir en ce qui concerne les chemins publics. Je
suis ouvert à toutes les suggestions. Je ne voudrais pas...
Peut-être que la solution finale sera celle de Salomon, de menacer de
couper le chemin en deux et de voir qui va vouloir le récupérer
avant qu'il soit coupé. En tout cas, on est ouverts aux
différents modes. On comprend les problèmes, les interventions
des forestiers, on comprend vos préoccupations et, si on peut travailler
ensemble pour essayer de trouver une solution, on ne demanderait rien de mieux.
Encore une fois, je veux vous remercier pour le mémoire. On veut
collaborer à essayer de résoudre les vrais problèmes que
vous soulevez. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Madame, messieurs,
merci. Nous vous souhaitons un bon retour chez vous. Bonne journée!
M. Saint-Pierre: Merci.
Fédération québécoise des
gestionnaires de ZEC
Le Président (M. Théorêt): J'invite
maintenant les représentants de la Fédération
québécoise des gestionnaires de ZEC. M. le président,
Gabriel Pelletier, et M. Guy Levesque, je vous rappelle que vous avez 20
minutes pour la présentation de votre mémoire et que les deux
formations participeront aux discussions dans un même ordre de temps
également. Je vous cède maintenant la parole, M. le
président.
M. Pelletier (Gabriel): Je vous remercie beaucoup, M. le
Président. M. le ministre, mesdames et messieurs les membres du
gouvernement, mesdames et messieurs les membres de l'Opposition et mesdames,
messieurs, pour ceux qui veulent bien nous entendre et nous écouter. Je
dois vous dire, dans un premier temps, que les préoccupations
manifestées tout à l'heure par les pourvoyeurs et les pourvoiries
du Québec sont nôtres. Je veux ajouter notre témoignage au
leur. Bien sûr, nous ne pouvons peut-être pas les suivre dans
toutes les voies qu'ils empruntent, mais je peux vous dire très
clairement cependant que, ayant à travailler avec cet organisme à
la table de concertation que votre collègue, M. Picotte, ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, a organisée, nous sommes
très près de leurs préoccupations, très près
de certains problèmes qu'ils ont soulevés. Notamment, tout
à l'heure je me réserve le droit de parler du problème de
la cohabitation sur les réseaux routiers, que j'ai eu le plaisir
d'entendre soulever par votre collègue de l'Opposition.
Ceci dit, je ne voudrais pas non plus que vous preniez au pied de la
lettre certains propos que je véhicule, ceux de mes membres. On va
parler tout à l'heure d'anarchie dans certains domaines. Je pense que le
ministre actuel est très sensible à ce problème et qu'il
aimerait bien, tout à l'heure, avoir quelqu'un derrière lui pour
régler, à tout le moins, une fois pour toutes, le problème
des squatters sur les terres publiques. La-dessus, M. le ministre, tout de
suite, je vous préviens. La fédération que j'ai l'honneur
de diriger est toute ouïe et attentive à toute proposition que vous
pourriez faire. Nous sommes sensibles à ce problème qui
pénalise cruellement ceux qui respectent les lois et les
règlements au Québec. Combien de villégiateurs, combien de
personnes se sont attardés à attendre les directives de votre
ministère pour s'établir en villégiateur sur les terres
publiques et qui, de ce fait, ont été pénalisés
parce que d'autres, plus astucieux, moins honnêtes, moins scrupuleux, se
sont présentés avec armes et baqages et se sont installés
tout simplement sur le territoire. Cette situation est déplorable, et il
est temps qu'on y mette un terme en faisant comprendre à la population
qu'on ne peut transgresser indéfiniment une loi ou un règlement.
C'est beau les moratoires! C'est magnifiquei Cela régularise des
situations qui sont illégales. Notre fédération ne peut
tolérer de telles situations.
Je vais maintenant vous placer un petit peu en situation. La
fédération existe déjà depuis avril 1983. Elle est
incorporée sous la partie III de la Loi des compagnies. Cette
fédération est un orqanisme sans but lucratif. Je
représente donc ici 60 associations gestionnaires de ZEC, de zones
d'exploitation contrôlée, toutes agréées et
mandataires du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
Depuis ce temps, nous n'avons jamais cessé de faire à
notre ministère, au ministère qui est notre mandant, des
recommandations et des représentations tant au nom des gestionnaires de
ZEC que des chasseurs et pêcheurs membres de nos associations. C'est la
première fois, M. le ministre, et nous vous en sommes gré, que
nous avons l'occasion de rencontrer le ministère que vous dirigez. Nous
n'avons toujours travaillé avec vous que par personnes
interposées, que par fonctionnaires interposés, que par
professionnels interposés et c'est frustrant. Ces gens sont pleins de
bonne volonté et nous entendent, mais nous n'avons jamais eu l'oreille
d'un ministre pour pouvoir enfin nous faire valoir.
Cette commission parlementaire arrive à point tout à fait
donné pour tenter, par une réglementation, de sauver encore ce
qui peut l'être au niveau de la conservation et de l'exploitation
rationnelle de la faune au Québec.
Vous savez, c'est bien beau. Québec a acheté cela.
Québec s'est dit: Moi, la fameuse charte mondiale de la nature,
j'embarque là-dedans. J'y crois. Mais par des agirs, par des
façons d'être et de se comporter, on découvre,
hélas! que cette fameuse charte de la faune est trop souvent
bafouée.
Je voudrais ici me permettre une petite blague, citer, dans la parution
de L'Actualité du mois de janvier, un texte très court. Je cite:
"Pendant qu'encore aujourd'hui nos savants cherchent la cause du plus grand
drame écologique de tous les temps, savoir la disparition de cette terre
des grands sauriens - cela s'est passé il y a 60 000 000 d'années
- pendant qu'on cherche cela, aujourd'hui, à l'heure où je vous
parle et dans les derniers cent ans, 1 000 000 du 1 500 000 d'espèces
vivantes recensées sur terre (plantes, insectes et animaux) ont disparu
et ce, depuis cent ans. Cause principale: l'abattage, l'investissement, la
pénétration sans respect depuis cent ans de la moitié des
forêts du globe où habite, qu'on le veuille ou non, la
moitié des espèces. Seront présents au rendez-vous ultime:
la coquerelle, le rat et l'homme si nous continuons à ce rythme."
L'anarchie dans l'attribution de baux, de permis de construction,
d'occupation des terres publiques pour des fins de villégiature,
l'absence d'une réglementation sévère, le manque de
collaboration remarquable à certains moments donnés à
l'égard des baux du ministère de l'Énergie et des
Ressources versus notre bien petit ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche, le non-respect, dans une très large majorité
des cas, des plans de gestion des associations agréées au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, on nous demande
de penser faune, on nous demande de préparer des plans de gestion qui
prévoient des occupations de villéqiature et, malgré cela
et malgré les efforts que - M. le ministre, permettez-moi de vous le
signaler - des gestionnaires bénévoles consentent pour arriver
à construire de tels plans de gestion, malgré cela, nos voix
restent trop souvent silencieuses. Je pourrais vous donner des exemples de ZEC
qui, aujourd'hui, sont investies par un nombre considérable de chalets
de villégiature et qui, du même coup, voient dépérir
à vue d'oeil la faune qui est censée être chez elle. Notre
titre de gestionnaires bénévoles, dûment mandatés
par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, nous
impose le devoir de nous exprimer clairement quant à la situation
réelle et de demander les correctifs qui s'imposent. Au
législateur il restera la responsabilité, j'ajouterais ici, avec
ma liste, tranquille, de transposer en écrits, lois, règlements,
et en actes nos suggestions qui sont issues non pas seulement de la
théorie, mais d'un constat vérifié et d'un constat de tous
les jours sur nos territoires et ce, tant en forêt qu'au sein des
conseils d'administration de nos associations gestionnaires.
Si nous nous référons maintenant à la section II,
utilisation privative, aux articles 40 et 43 de votre loi, nous
découvrons naturellement que ces articles vont ouvrir, demain, un large
pouvoir réglementaire, un pouvoir réglementaire qui reste, bien
sûr, à définir et à déterminer. Alors, nous
nous demandons bien humblement si, par l'entremise de notre
fédération québécoise, l'on ne pourrait pas
bâtir une politique d'entente qui pourrait être conclue entre le
ministère de l'Énergie et des Ressources que vous dirigez, d'une
part, et les associations gestionnaires des territoires concernés,
d'autre part, et bien sûr en collaboration très étroite
avec votre collègue du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche. Le but évident de cette entente serait d'éviter un
empiétement ou un développement abusif et non planifié de
la villégiature qui aurait comme conséquence une diminution
importante du potentiel faunique. Vous savez, ce n'est pas toujours les pluies
acides qui vident les lacs. Quand on se retrouve avec 36 chalets autour d'un
lac qui a une capacité portante de 12 chalets et que, quatre ans plus
tard, cette situation ne trouve plus une truite dans le lac, on n'accuse pas
les pluies acides. Nous, nous sommes convaincus que toute émission de
baux de construction de chalets devrait faire l'objet systématique de
consultations entre les organismes suivants: le ministère de
l'Énergie et des Ressources, le ministère du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche et les ZEC. D'ailleurs, dans un document du
ministère de l'Énergie et des Ressources de la région 02
"La villégiature privée - c'est le titre que j'indique - sur
les
terres privées du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on y admet - cela est
un document du ministère - l'effet privatisant de la villégiature
de même que l'importance de considérer les contraintes d'ordre
faunique pour une saine planification de son développement. Nous citons
le texte en question: "Nous retenons donc comme règle
générale que le gestionnaire des terres publiques pourra
permettre - le terme est utilisé - la privatisation du domaine public
par l'émission de baux de villégiature seulement - c'est
restrictif, ce n'est donc pas la règle - dans les cas où cette
privatisation ne constituera pas une entrave à l'exploitation d'une
ressource ou à l'exercice d'une activité par l'ensemble de la
collectivité". La citation est de Poiré, Gaétan et Normand
Laprise, La villégiature sur les terres publiques, etc.
De plus, il faut se rappeler que les personnes qui demandent des permis
de construction de chalets sur nos territoires ont comme intention
première - et si cette intention n'est pas respectée, cela
pourrait équivaloir à de la fausse représentation
-l'exploitation de la faune autour de leur chalet. Dans la loi actuelle, quand
on parie de villégiature, il ne faudrait pas comprendre
villégiature au sens du Lac Beauport, au sens du Lac Blanc dans le
comté de Portneuf, mais au sens du lac Gorgotton, dans la région
des Escoumins, ou de n'importe quel autre lac de ce genre qui reçoivent
tant des pourvoyeurs que des gens qui viennent sur nos territoires pour
exploiter la faune. Ces chalets sont exclusivement consacrés à
cela, à un point tel que, lorsque la faune disparaît d'un lac, il
n'y a plus de valeur de revente pour ces propriétés. La valeur de
revente de ces propriétés tend vers zéro, et il est
très difficile de trouver des acheteurs. (12 h 15)
Aussi, des études du ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche de la région 02 démontrent que le taux
d'exploitation est souvent élevé ou peut le devenir à
moyen terme, car l'impact moyen d'un tel chalet de villégiature
prétendument de villégiature - est de 32 jours-pêcheur par
chalet. Pour toutes ces raisons, nous croyons qu'il est d'une importance
capitale qu'une concertation véritable et enfin sérieuse - je
dois reconnaître qu'elle a lieu, cependant, dans quelques-unes de vos
régions administratives. Je me dois ici de souligner l'apport
énorme fait par votre région 02 et par la région 09,
où une consultation réelle et sérieuse se fait et
où nos plans de gestion sont respectés. Malheureusement, M. le
ministre, je n'ai cité que deux régions sur huit autres à
venir -soit toujours entreprise avant la délivrance de baux permettant
la construction de chalets sur nos territoires. Nous espérons avoir la
chance de pouvoir encore qualifier nos zones d'exploitation
contrôlée. Il faut que nous puissions contrôler
l'exploitation de la faune, M. le ministre, mais si nous perdons le
contrôle sur l'affectation de territoires, nous ne contrôlons plus
grand-chose. Je vous remercie d'avoir été si patient.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
président. M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. Pelletier, pour votre excellent plaidoyer.
Vous semblez croire beaucoup à la cause que vous défendez.
Quelques-unes de vos citations, par exemple, sont un peu décourageantes;
j'espère qu'elles ne sont pas prophétiques.
M. Pelletier: Celle-là, surtout. C'est un cri
d'alarme.
M. Ciaccia: J'apprécie l'invitation que vous faites de
travailler et de collaborer avec le ministère de l'Énergie et des
Ressources. Vous dites que c'est la première fois que vous avez
l'occasion de présenter un mémoire au ministre et d'avoir un
contact direct avec le ministère. J'espère que c'est le
début d'une collaboration que nous pourrions avoir ensemble dans le
problème spécifique que vous avez mentionné des
illégaux, communément appelé en France les "squatters".
C'est un problème que nous reconnaissons, et il n'est pas question de
moratoire. Nous avons développé au ministère un plan
d'action; avant de le mettre en application, nous voudrions avoir l'occasion
d'en discuter avec vous. Je vous invite à communiquer avec nous, avec
mon sous-ministre aux terres, pour qu'on puisse vous expliquer et
peut-être avoir votre collaboration si nécessaire, pour que nous
puissions régler ce problème, parce que ce n'est pas juste non
seulement pour ceux qui respectent la loi, mais pour les territoires où
ces squatters ne respectent pas non seulement la loi sur les baux, mais
d'autres lois sur la protection de la faune et tout le reste. Je vous invite
à communiquer' avec nous pour voir comment nous avons l'intention
d'appliquer un plan d'action pour régler, j'espère, d'une
façon définitive le problème des squatters.
Dans le cadre du mandat qu'une ZEC a reçu du MLCP de gérer
la chasse et la pêche et certaines autres activités
récréatives sur un territoire défini, croyez-vous possible
qu'un certain développement de la villégiature soit compatible
avec - ces activités dans une ZEC? Vous avez mentionné certains
critères. Avez-vous d'autres critères que nous devrons retenir
pour décider où et quand les baux devraient être
accordés?
M. Pelletier: Nous croyons que non seulement c'est possible, mais
que c'est
souhaitable pour plusieurs zones d'exploitation contrôlée.
Ce qu'il faut prévenir, c'est le développement anarchique dans ce
domaine. Les exercices sérieux que le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche exige maintenant des organismes chargés de
la gestion des territoires fauniques, de la faune sur ces territoires, sont
tels que je crois honnêtement que votre ministère peut prendre
comme barème ou comme base les critères que nous retrouvons dans
tous les plans de gestion et que nous retrouvons également au
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je ne voudrais
pas développer, mais je sais qu'au ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, à partir des surplus disponibles, par
exemple, sur certains plans d'eau, on ouvre la porte à une
villégiature concertée et concertante dans le but de mieux
exploiter la ressource. Parce que la ressource y gagne à être
exploitée.
Je pense aussi que c'est un autre principe. Donc, à partir des
surplus disponibles, de la faune disponible, parce que tous ici savez mieux que
moi, n'est-ce pas, que dans un lac, il y a des quotas prélevables, il y
a des intérêts qu'on peut cueillir annuellement. Et dans la mesure
où ces intérêts seuls sont cueillis, sont
dépensés, dans cette même mesure, pour l'avenir de la faune
dans un lac donné ou sur un territoire donné - je pourrais parler
de la faune terrestre, ce sont à peu près les mêmes
principes qui s'appliquent - on peut permettre une sorte d'investissement du
territoire par une villégiature qui tienne compte de cette
capacité portante des territoires. Pour nous, c'est l'essentiel.
Je ne pourrais pas, si j'ai vraiment comme vous semblez le croire et
vous avez raison de le croire, M. le Président... M. le ministre a
raison de le croire. Je suis très sensible à la faune parce que
la faune m'apprend à mieux vivre, moi, l'humain. Alors c'est un fait. Si
vous voulez, on pourrait en parler longuement. Je suis très sensible
à cette présence sur les territoires, cette présence
"pacifiante" de la faune qui nous permet de continuer à mieux vivre.
Pour cette raison, je pense que les principes que nous avons les plus
chers, nous, pour répondre à votre question, c'est de faire en
sorte qu'on tienne compte toujours de la capacité portante de ce que
l'on peut prélever sans risque. Je pense que c'est fondamental. Je
n'irai pas beaucoup plus loin, parce que ma préoccupation, c'est la
faune. Et chaque fois qu'une mesure d'investissement ou de villégiature
vient à ('encontre de cela, je suis obligé de m'opposer, parce
que je sais que demain ce ne seront pas les pluies acides qui feront
disparaître ma faune du lac, ce sera le trop de
prélèvements.
C'est très difficile, vous savez, quand vous avez 30 chalets
autour d'un lac, de contrôler, d'avoir un gardien ou quelqu'un pour
surveiller chaque chaloupe. Il ne faut pas rêver en couleur. On est mieux
de s'assurer que le lac va être pénalisé, si vous voulez -
c'est comme cela qu'on va le dire -ou ne va pouvoir offrir que la
quantité de poissons qu'il a à donner.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous croyez qu'il est possible
pour le ministère de l'Énergie et des Ressources de confectionner
des plans de développement de villégiature...
M. Pelletier: Pour vous, oui.
M. Ciaccia: ...qui soient compatibles avec les plans de gestion
faunique de vos associations membres.
M. Pelletier: Non seulement je le crois, mais je l'espère
de tout coeur.
M. Ciaccia: Je suis d'accord avec vous quand vous mentionnez les
dangers pour la faune. Je pense que nous devons équilibrer les demandes
pour notre développement économique avec nos
responsabilités, en ce qui concerne la protection de la faune.
M. Pelletier: C'est cela.
M. Ciaccia: C'est inévitable qu'il faut développer
nos territoires, qu'il faut développer nos ressources naturelles. Mais
je pense qu'il est possible de développer ces territoires d'une
façon rationnelle.
M. Pelletier: Je voudrais ajouter aussi que vous touchez du doigt
un point très sensible, M. le ministre. Je suis heureux que vous le
disiez. C'est sûr qu'il faut pondérer les impératifs
économiques, mais n'oublions pas que la faune représente un
impératif économique important et au fur et à mesure que
nous délestons des lacs, nous laissons ce territoire à la merci
des coquerelles et des rats. Ce que je veux dire, c'est que la présence
de nos chasseurs et de nos pêcheurs qui, eux, sont
intéressés à avoir, à chaque année, au bout
de leur ligne, un nombre raisonnable de prises ou une prise quelle qu'elle
soit, terrestre ou aquatique, sont intéressés à l'avenir
de la faune parce qu'on sait très bien que, celle-ci disparaissant, vous
mettez en veilleuse ou en berne une activité qui a des retombées.
Bien sûr qu'il y en a d'autres importantes; je pense à
l'exploitation forestière. Pour nous, ce ne sont pas des ennemis, ce
sont des gens qui ont ouvert nos territoires et qui nous permettent
d'accéder à la ressource, mais il y aurait, après cette
introduction, à pondérer peut-être nos actions de
façon à s'entendre et à collaborer étroitement.
M. Ciaccia: Peut-être pour ceux qui sont moins sensibles
aux arguments de la
protection de la faune, sur les mêmes critères ou sur la
même base que vous venez les représenter, peut-être qu'il
serait possible...
M. Pelletier: Vous avez raison quand vous dites qu'ils sont moins
sensibles, mais là je vais parler des exploitants et des patrons. Tandis
que leurs employés, qui sont des chasseurs et des pêcheurs,
arrivent à faire fermer le chantier en période de chasse parce
qu'il n'y aura personne pour exploiter la forêt. Donc, j'ai une double
sensibilisation: l'insensibilité de la part de l'exploitant qui, lui,
est préoccupé par le rendement et une très forte
sensibilité de la part des employés, qui sont des chasseurs et
des pêcheurs, qui veulent aller profiter de l'intérêt que la
nature leur offre.
M. Ciaccia: Peut-être que si on ne peut pas convaincre ceux
qui sont moins sensibles à ce sujet, on pourrait les convaincre en leur
tenant le langage économique.
M. Pelletier: Voilà!
M. Ciaccia: En disant qu'il y a une bonne raison
économique de prendre ces mesures pour protéger la faune.
M. Pelletier: C'est cela.
M. Ciaccia: Je vous remercie.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le critique officiel et député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, je vous remercie. Je
voudrais remercier les gens qui ont comparu pour nous avoir fait
connaître leur point de vue. Je dois dire que je partage assez largement
vos paroles enthousiastes concernant la conservation nécessaire de la
faune. Je partage cependant moins vos paroles enthousiastes envers le ministre.
C'est une question de point de vue. J'ai une seule question à vous poser
sur cela. Mon collègue d'Ungava a quelques questions pour sa part
à vous poser. Vous avez dit en commençant votre intervention, que
vous aimeriez glisser un mot sur la cohabitation des gens comme vous et comme
les pourvoyeurs avec les usagers de façon générale, avec
les compagnies et les entreprises forestières, etc., tous ceux qui
utilisent le même territoire. J'aimerais vous entendre sur cela, mais pas
longtemps, puisque notre temps est très serré.
M. Pelletier: D'accord. M. le Président, nous avons quand
même sur cela des exemples frappants de collaboration possible. Par
exemple, je peux vous dire que la ZEC dont j'ai eu l'honneur de diriger les
destinées pendant plusieurs années est entourée d'un
collier - quand je dis collier, je laisse entendre un peu carcan - de neuf
pourvoiries qui utilisent tout le réseau routier de la ZEC, qu'elle
entretient seule. Cette situation nous a donc amenés à collaborer
très étroitement avec les neuf pourvoyeurs qui, naturellement,
amènent chez eux des flots de véhicules; c'est normal, c'est leur
clientèle. Alors, nous avons donc dû établir des ententes.
Ces ententes ont été possibles, et je pense qu'elles sont
toujours possibles entre des personnes de bonne volonté. Moi, en un
premier temps, je vois la solution de cela par des négociations de
gré à gré entre les intervenants eux-mêmes. Je ne
suis pas un de ceux qui veulent à tout prix une réglementation ou
qui désirent à tout prix une intervention gouvernementale. Je
préfère d'abord la recherche d'une entente de gré à
gré mais, si dans cette recherche on n'arrive pas à
établir un consensus et qu'on ne trouve même pas l'ombre d'une
ombre d'une bonne volonté, je préconiserais peut-être le
recours aux MRC. Oui, c'est une solution, ou, comme il s'agit d'entente
possible de gré à gré et comme il s'agit d'entente
contractuelle, pourquoi ne pas installer ou réglementer un
mécanisme d'arbitrage entre les parties? L'arbitrage existe dans un tas
d'autres domaines. Est-ce qu'on ne pourrait pas trouver un mécanisme
d'arbitrage qui ne coûterait pas tellement cher à l'État,
qui serait peut-être même à la charge des parties, et qui
viendrait trancher des difficultés? Je sais que la nouvelle Loi sur les
forêts par exemple, demain, va faire en sorte que celui qui brise un
chemin soit pénalisé au point de compenser la ZEC qui aurait vu
briser ses chemins de cette façon. L'inverse peut être vrai aussi.
Si pour des impératifs économiques, si, par exemple, pour
augmenter la population aquatique sur un lac, je suis obligé de faire un
barrage et que, du même coup, j'empêche un exploitant forestier de
prendre une partie de la ressource prélevable, je devrais le compenser.
Je me demande s'il n'y a pas de la place pour un arbitrage, après qu'on
ait un constat que l'entente de gré à gré n'est pas
possible. C'est la solution que nous préconiserions, nous, en tant que
Fédération québécoise des gestionnaires de ZEC. Cet
arbitrage pourrait peut-être être assuré par les MRC, qui
sait? Je n'en sais rien. (12 h 30)
Je suis très conscient du fait que cela devient un interlocuteur
de plus en plus important dans le dossier et que, demain peut-être, nous
devrons nous adresser davantage à ces organismes. C'est ma
réponse concernant la cohabitation: qré à gré et
arbitrage.
M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup. Vous permettez que je
laisse mon droit de parole?
Le Président (M. Théorêt): M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: J'ai deux ou trois questions brèves, M. le
Président. D'abord, les pourvoiries ou les pourvoyeurs ont beaucoup
insisté sur les problèmes qu'ils avaient avec les industriels
forestiers, entre autres, par rapport aux coupes à blanc et à
différentes modalités d'affectation des parterres de coupe. Chez
vous, ces problèmes-là se posent-ils aussi? Avez-vous des ZEC qui
sont dénudées du jour au lendemain parce qu'une bûcheuse
est passée par chez vous?
M. Pelletier: M. le Président, je n'ai pas abordé
ce problème parce que je ne pensais pas que c'était la bonne
tribune. Naturellement, il s'agit d'une loi sur les territoires publics. Si
vous m'en offrez l'occasion, je dirai que nous avons énormément
à nous plaindre du passé. Nous avons beaucoup d'espérance
quant à la nouvelle loi qui est déposée. Nous avons
étudié cette loi. Nous avons eu l'occasion, non pas en commission
parlementaire, mais en petits groupes restreints, de faire des observations.
Cette loi nous intéresse et nous avons hâte de la voir à
l'oeuvre. Nous trouvons même que les délais que nous avons devant
nous sont beaucoup trop longs parce que, pendant ce temps-là, face
à des quotas, face à des exigences, les coupes à blanc se
continuent au plus grand désespoir des gens qui... Parce qu'il n'y a pas
que des chasseurs et des pêcheurs, dorénavant, qui
fréquentent les ZEC. La faune est une richesse collective. Vous
n'oubliez pas que 84 % des Québécois ne voient pas la chasse d'un
très bon oeil, mais ce sont des gens qui fréquentent nos ZEC, ne
serait-ce que pour prendre des photographies, que pour admirer la nature. Il
n'y a rien de plus beau, monsieur, qu'une forêt coupée à
blanc. Vous avez vu cela. Je vois très bien les amateurs de
photographies aller photographier. La seule bête qui survit à
cette exploitation éhontée, c'est le rat. Allez-y voir! Il n'y a
pas autre chose qui vit là, après. Il faut du temps avant de se
refaire: 30 ansi Et de façon à peine convenable. Donc, je n'ai
pas osé parler parce que ce n'est pas tout à fait l'objet du
débat, mais notre préoccupation est absolument la même
qu'eux - je ne les ai pas entendus là-dessus, je suis arrivé un
peu en retard, - et nous sommes très sensibles à cette
exploitation.
M. Claveau: Vous avez parlé aussi de la question des
chemins d'accès en forêt. Je suppose que, comme dans le cas des
pourvoiries, un certain nombre de vos ZEC doivent utiliser les chemins
d'accès forestiers pour se rendre sur les sites intéressants de
la ZEC. J'aimerais avoir quelques-uns de vos commentaires sur la question de la
sécurité, non pas spécifiquement sur les fonds de route et
le partage des coûts et tout cela, mais sur la question de la
sécurité des gens qui utilisent ces chemins pour se rendre
à leur milieu de travail. Quand on rencontre des camions de 15 pieds de
large sur 200 pieds de long... Je n'exagère pas, je sais que Canam-Manac
fait des camions de 225 pieds maintenant pour le transport du bois en
forêt. Comment voyez-vous cela?
M. Pelletier: D'abord, puisque vous parlez de
sécurité, la bête noire de nos chemins forestiers, ce sont
les trimoteurs et les quadrimoteurs. Ils sont la cause d'accidents
fréquents, même par des véhicules normaux, qui se
présentent et qui vont à une vitesse raisonnable. Sur les chemins
forestiers de la plupart des ZEC, près de 50 % du chemin que nous
utilisons est carossable pour des véhicules conventionnels, non pas
seulement des 4X4, mais des véhicules conventionnels. On peut
même, dans certaines ZEC du Québec, circuler sans danger et sans
problème en Cadillac. Je n'exagère pas du tout. Je pourrais
mettre plusieurs ZEC dans cette situation. Ce n'est pas sur la totalité
des chemins, mais sur la plus grande partie des chemins.
Bien sûr que nous avons le même phénomène...
Et je vous rejoins maintenant sur votre terrain parce que je voulais passer mon
message sur les trimoteurs et les quadrimoteurs, je pense que c'est très
important. Je vous rejoins maintenant sur votre question. Bien sûr que
nous avons le même comportement des camionneurs forestiers que celui que
nous avons en ville par les "ramasseux" de neige: pas plus de respect de la
circulation des gens qui viennent pour pêcher ou chasser ou même
admirer la nature que nous en avons de la part des camionneurs de neige
l'hiver, qui sont très pressés d'aller déverser leur neige
au dépotoir parce que c'est payant; c'est au voyage. Il faut aller vite,
cela presse; il faut sortir le bois et il faut rentrer le bois. Il faut domper
la neige et il faut aller en chercher d'autre. C'est la même situation
dans laquelle nous sommes appelés à vivre. Ces gens ont un
comportement qu'on pourrait qualifier de la façon suivante: on
n'arrête pas pour de petites affaires comme cela, pour de petites
voitures comme cela.
Les chemins forestiers étant par définition très
peu larges, donnant à peine accès à deux véhicules
conventionnels côte à côte, il faut prendre avec
ménagement le dépassement ou la rencontre. Figurez-vous, quand il
se retrouve avec des mastodontes du type que vous venez de décrire, dans
quelle situation peut être un citoyen qui est au volant de sa simple
voiture avec toute sa
famille? Parce que de plus en plus, nous avons une fréquentation
familiale de nos forêts. En tout cas, pour les ZEC que je
fréquente, c'est très évident. Quel dégât et
quel gâchis nous pourrions avoir un bon matin si ces gens ne sont pas
plus respectueux du droit fondamental qu'on a d'être présents sur
ces chemins en même temps qu'eux. Ils sont ouverts au public maintenant,
et je n'y peux rien. C'est l'État, c'est le gouvernement qui le veut
comme cela et, s'il vous plaît, pour des impératifs
économiques dans tous les cas. C'est payant d'avoir des chasseurs et des
pêcheurs, des admirateurs de la nature sur nos chemins, comme c'est
payant d'avoir des exploitants forestiers.
M. Claveau: Si j'interprète bien votre réponse,
vous croyez qu'on pourrait légiférer pour faire en sorte qu'on
puisse avoir un peu plus de civisme.
M. Pelletier: On devrait avoir une réglementation
sévère, certainement une réglementation
sévère, mais encore là, moi, c'est le seul endroit
où je vois la réglementation. Je vous ai dit tantôt que
notre fédération ne favorisait pas tellement la
réglementation. C'est dans le domaine de la sécurité que
nous sommes impitoyables, comme votre gouvernement et les autres l'ont
été sur les routes du Québec. Vous l'avez
été sur les routes du Québec, à un moment
donné. Vous avez augmenté les responsabilités. Vous avez
fait en sorte qu'on respecte davantage, par exemple, le fait d'être
à jeun au volant, qu'on fasse attention sur les territoires forestiers,
parce que maintenant le public y est et la famille y est.
M. Claveau: D'accord. J'aurais une dernière question
à deux volets qui concerne vos relations avec vos pourvoyeurs. Dans un
premier temps, quand vous avez parlé des squatters, puisqu'on les
appelle comme cela, vous disiez qu'ils ne respectent pas les normes et occupent
les lacs et les rivières sans égard à la
réglementation. J'aimerais savoir comme cela si votre argumentation
s'applique aussi aux cas de certains comportements du pourvoyeurs,
comportements que je suis à même d'appuyer sur des faits. Un
pourvoyeur, par exemple, qui s'installe premièrement sur un lac et qui
va chercher des permis après s'être installé. Je vous
demande si vous croyez que la même argumentation s'applique aussi.
Dans un deuxième temps, j'aimerais savoir comment vous vous
sentez par rapport au processus de partage des zones entre zones de pourvoiries
et ZEC? Par exemple, quand il y a un lac intéressant ou un milieu
écologique intéressant avec de la faune et tout cela,
d'après vous est-ce que la façon de déterminer si c'est un
pourvoyeur qui devra occuper ce territoire ou si c'est une ZEC qui devrait le
faire, est satisfaisante ou airneriez-vous qu'on prenne en considération
de nouveaux critères?
M. Pelletier: Votre question est extrêmement difficile. Je
vais tenter d'y répondre tout en restant dans l'ordre serein des
principes. Je ne veux pas m'engaqer dans un débat qui pourait avoir
couleur politique. Ma fédération est apolitique.
M. Claveau: Excusez-moi. On est ici pour avoir des opinions, et
on essaie d'avoir les meilleures opinions possibles.
M. Pelletier: C'est pour cela. Vous aurez notre opinion dans
l'ordre serein des principes. Ce que nous avons développé tout
à l'heure au sujet des squatters, ce n'était rien d'autre que le
respect des lois et des règlements qui régissent l'affectation
des territoires et le droit de s'y implanter. Ce principe est le même
pour tous: que je m'appelle citoyen qui veut usurper un droit à un
territoire, prendre une villégiature injustifiée, ou que je
m'appelle pourvoyeur qui, sans droit, m'installe pour demain faire
régulariser ma situation, c'est tout aussi condamnable dans un cas que
dans l'autre. Cela répond, je pense, à votre question, et je
reste dans l'ordre serein des principes.
Votre deuxième question rapidement.
M. Claveau: Quant aux critères d'affectation pour savoir
si c'est un pourvoyeur ou une ZEC.
M. Pelletier: Les territoires pour définir ce qu'est un
territoire faunique. En d'autres termes, comment définit-on une ZEC ou
comment définit-on un pourvoyeur? C'est le ministère du Loisir,
de la Chasse et de ta Pêche, naturellement, qui a cette
responsabilité ultime. Je peux vous dire que nous sommes d'accord avec
l'approche qui a été introduite, dès le début de
l'opération "gestion faune". Coonsidérer certains territoires
éloignés des grands centres, des centres à haute
densité humaine, comme des territoires devant être affectés
à des pourvoiries pour permettre naturellement un hébergement en
forêt et des activités d'hôtellerie en forêt, nous
sommes d'accord avec cela. Tout comme nous sommes d'accord avec le principe qui
veut qu'une ZEC se situe dans des environnements forestiers à
protéger, avec une faune à protéger, mais où il y a
une pression possible ou une demande peut-être forte. Cette demande ou
cette pression ne peut pas être laissée en territoire public; elle
doit être contrôlée. C'est le principe qui doit diriger,
à mon humble avis, le gouvernement dans l'octroi de territoires de ZEC
ou de
territoires de pourvoiries. En plus de cela, je pense qu'il est
très important de s'arrêter à une situation qui, moi en
tout cas, me préoccupe beaucoup. Je crois que nous avons malheureusement
au Québec peu de ZEC qui n'en sont pas, qui recouvrent encore la vieille
réalité du club privé, mais il y en a très peu.
Tout comme je crois - et là de l'autre côté de la
clôture - que chez les pourvoyeurs il y en a beaucoup plus - trop -qui ne
sont rien d'autre que des clubs privés. Cela m'agace. Je n'en dis pas
plus long.
M. Claveau: Merci bien.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député d'Ungava. M. le président, vous êtes pour le
moins un vibrant plaidoyeur. M. le député de Roberval, vos
remarques finales.
M. Gauthier: En terminant, je veux simplement remercier M. le
président qui nous a présenté effectivement une plaidoirie
fort intéressante et fort éloquente, avec exemples à
l'appui. Nous voulons simplement l'assurer que, pour ce qui est de
l'Opposition, nous tiendrons compte - bien sûr, comme nous le ferons pour
l'ensemble des autres groupes qui nous ont fait l'honneur de comparaître
ici depuis deux jours et qui nous feront l'honneur de le faire cet
après-midi -des remarques qui ont été inscrites dans les
mémoires ainsi que de celles qui sont le fruit des réponses aux
questions que nous avons posées et que le ministre a posées. Je
vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. Pelletier. Dans votre mémoire, vous
faites référence aux articles 40 et 43. Vous émettez le
souhait que des ententes puissent être conclues entre le ministère
de l'Énergie et des Ressources et l'association des gestionnaires des
territoires concernés. Nous sommes en accord avec le principe de fond.
Je peux vous assurer que le ministre de l'Énergie et des Ressources et
le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche ont des
relations très suivies actuellement et que le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui est vraiment votre interlocuteur
dans un sens, défend bien votre point de vue. Je veux vous remercier
pour votre mémoire et pour les idées que vous défendez.
Parfois on oublie l'importance des choses qui semblent moins visibles d'un
point de vue économique. On est toujours enclins à porter
attention aux aspects économiques et aux aspects qui nous touchent de
plus près. Les points que vous soulevez peuvent effectivement avoir des
conséquences assez sérieuses. Je pense qu'on doit en être
conscient et prendre les mesures nécessaires. C'est pour cela que le
gouverne- ment a compris par exemple, en préparant le projet de loi 102,
l'importance d'avoir un ministre ou un ministère exclusivement
responsable d'entendre tous les points de vue d'une façon impartiale.
C'est la première fois qu'on a un projet de loi sur les terres
publiques. Les terres publiques peuvent avoir différentes vocations. Ce
ne sont pas les terres et les forêts, ce ne sont pas les terres et les
mines, ce sont les terres avec tout ce que cela comporte, et
spécialement les sujets que vous avez soulevés. Alors, le but de
la commission parlementaire c'est d'entendre tous ces points de vue et de faire
jouer l'interaction entre les différents intervenants et les
différents intérêts qu'il peut y avoir sur les terres
publiques.
Alors, je vous remercie pour votre présentation. Je vous invite
à collaborer avec nous, et je vous assure de notre collaboration,
spécialement dans le sujet que vous avez mentionné au
début. Merci.
Le Président (M. Théorêt): Merci, M. le
ministre. M. le président, au nom des membres de la commission, nous
vous remercions et vous souhaitons un bon retour chez vous.
Je rappelle au membres de la commission que, contrairement aux
habitudes, les travaux vont reprendre à quatorze heures et non à
quinze heures. Les travaux sont donc suspendus jusqu'à quatorze
heures.
(Suspension de la séance à 12 h 47)
(Reprise à 14 h 21)
Le Président (M. Philibert): La commission se
réunit à nouveau pour poursuivre la consultation sur le projet de
loi 102, Loi sur les terres du domaine public. Nous allons entendre les
intervenants: le Grand Conseil des Cris. Je leur demanderais de prendre place.
Je vous rappelle que le temps alloué pour chaque organisme est une
heure, répartie ainsi: 20 minutes pour présenter le
mémoire, 20 minutes pour discuter avec les membres du gouvernement et 20
minutes pour discuter avec les membres de l'Opposition. Je demanderais aux
représentants du Grand Conseil des Cris de se présenter.
Avant la présentation de votre mémoire, nous
apprécierions que vous vous présentiez.
Grand Conseil des Cris
M. Coon-Cone (Matthew): My name is Matthew Coon-Cone. I am the
Executive Director for the Grand Council of the Crees. I will now leave the
other people there to introduce themselves.
M. Hutchins (Peter): Peter Hutchins, legal advisor for the Grand
Council of the Crees of Québec, Cree Regional Authority, conseiller
juridique pour l'administration régionale crie et le Grand Conseil des
Cris.
M. Penn (Alen): Alen Penn. Je travaille avec l'administration
régionale crie, à titre de conseiller au sujet des terres et de
l'environnement.
M. Lapatchee (Allan): I am Allan Lapatchee, Oujé-Bougoumou
Crees representative.
M. Coon-Cone: Mr. Chairman and members of the Committee, due to a
committment on behalf of the Grand Council, the Grand Chief, Ted Moses and
Philip Awashish, Executive Chief, were unable to attend this meeting. We take
this opportunity to thank the Committee for inviting us to...
Le Président (M. Philibert): Un moment, s'il vous
plaît! Nous aimerions suspendre pour une minute à la demande du
ministre, une toute petite minute.
(Suspension de la séance à 14 h 25)
(Reprise à 14 h 27)
Le Président (M. Philibert): Pour commencer, M. Coon-Cone,
si vous voulez nous faire la lecture de votre mémoire.
M. Coon-Cone: Before we begin, of your members, how many have the
French text of our brief?
Le Président (M. Philibert): We have the French one.
M. Coon-Cone: I will proceed without brief. I will try to guide
you through our brief and I will mention in our brief the pages that could be
found on the French text. Of course, there will be certain sections of our
brief that will be omitted: that this not means that there are not as
important. I will try to summarize our brief.
This brief is presented on behalf of the Grand Council of the Crees, the
Cree Regional Authority, as well as the nine Cree Bands of the James Bay
Territory, the Cree Village Corporations and the Cree Landholding
Corporations.
It is our intention to set out our comments and recommendations
respecting Bill 102 - An Act Respecting the Lands in the Public Domain, as this
proposed legislation affects our people, our communities and our territory.
For the purposes of this brief our concerns may be organized under two
major headings: 1- The concordance of the proposed legislation with the James
Bay and Northern Québec Agreement and the legislation adopted pursuant
to the Agreement; and 2- The implications of the proposed legislation for Cree
involvement in regional land use, planning and administration in the
territories occupied or used by the James Bay Crees.
We must stress immediately that the territory of the James Bay Crees
extends beyond the limits of the Territory of the James Bay region designated
in the James Bay Region Development Act end the territory covered by the
Agreement. For example, Cree rights and interests extend well north of the 55th
parallel and east of the height of land which constitutes the eastern boundary
of the James Bay region and the Agreement Territory. Reference to Cree
territory in this brief includes those areas, north of the 55th parallel and
east of the height of land used or occupied by the Crees of Whapmagoostui,
Chisasibi or Mistassini. (14 h 30)
Moving on to the general incompatibility clause, the present brief is
submitted under reserve of our position that the Agreement and its legislation
prevail over other legislations to the extent of any conflict or
incompatibility and that any modification to the Agreement affectinq the Crees
requires Cree consent.
It is in pages 3 and 4 in French. Precedents exist in Québec
legislation, for example, section 185 of an Act respecting the conservation and
development of wildlife which reads: "This Act applies subject to the Act
respecting hunting and fishing rights in the James Bay and New Québec
Territories."
With respect to the Agreement Territory, therefore, we propose that a
provision such as the following be added to Bill 102: For greater certainty,
this Act applies subject to the James Bay and Northern Quebec Agreement and any
Act adopted pursuant to that Agreement.
Moving on to the application of the Bill, page 5 in the French text,
section I of the Bill provides that the Act applies to all lands that form part
of the public domain of Québec. This is a qood example of the confusion
possible in respect of the application of the Bill to persons and lands covered
by the Agreement.
The land regime governing Cree, lands under the Agreement contemplates
various categories of land (the regimes for Inuit and Naskapi lands are
somewhat different). I refer you to pages 5 and 7 of our brief for the detailed
comments.
We do not believe that our category 1 lands are lands in the public
domain.
M. Hutchins: M. le Président, juste pour
répéter, parce que M. Coon-Cone va quelquefois sortir du texte
officiel du mémoire, je vais essayer à ce moment-là
d'ajouter des commentaires en français pour vous donner un peu plus de
renseignements sur le texte. Ce qu'on dit ici actuellement, c'est sur la
question de l'application de la loi sur les terres 1A et 1B de la convention.
Nous sommes d'avis que ces terres ne font pas partie du domaine public du
Québec au sens de l'article 1 du projet de loi. Tout de suite, vous
allez voir qu'il y a des implications sur l'application de la loi. On pourrait
détailler lors de la période de questions si vous voulez, mais
c'est une position que le mémoire énonce. On n'entrera pas dans
les détails à ce moment-ci.
M. Coon-Cone: Thank you, Peter. Moving on to more specific
problems, to section 5 of the Bill, the expropriation. The Agreement, the Act
respecting the land regime in the James Bay and New Québec Territories
as well as the Cree/Naskapi (of Québec) Act provide special regimes for
expropriation of lands or interests in lands in category 1A, category 1B and
category II lands. It is in page 8 in your French text.
Moving on to pages 9 and 10 of your text, to the subject of Land
surveys. Sections 14 to 16 of the Bill raise important problems with respect to
surveys and resurveys of category 1A lands. We refer to our brief in pages 9
and 10 for the details.
M. Hutchins: Encore pour expliquer aux membres de la commission,
on est juste en train de souligner quelques exemples où on voit une
incompatibilité ou un conflit possible entre le projet de loi tel que
présenté et la Convention de la Baie-James ou la
législation qui en découle. Alors, M. Coon-Cone va vous
énoncer les titres et les sujets de ces conflits possibles, sans entrer
dans les détails. Vous allez trouver les détails et les
explications dans le mémoire.
M. Coon-Cone: I am moving on to the French text on page 11. The
Terrier and Register of Resource Development Rights. Subject to our position on
the exclusion of category 1 lands from the public domain, possible
incompatibility exists with respect to sections 21 to 26 of the Bill on the one
hand and the provisions governing registration of rights in the Cree-Naskapi
(of Québec) Act and the Cree-Naskapi Land Registry Regulations on the
other.
While there may be no problem providing for a parallel system of
registration in which individuals who wish can register rights granted or held
in or to category 1A lands, the legal effect of registration in the two systems
must be clarified. It must be clear that the provisions under the Cree/Naskapi
(of Québec) Act and its regulations prevail and that holders of rights
are not obligated to register in the Québec system.
Moving on to the French text of paqes 12 to 15, in regards to the
granting of land rights, section 27 of the Bill provides that the minister may
sell lands and buildings and improvements which form part of the public domain
on conditions and at the price he determines in accordance with the regulations
of the government.
We are concerned that this miqht conflict with the land regime of
category 1 and 2 lands and our rights to these lands.
M. Hutchins: Encore ici, vous allez trouver les détails
dans le mémoire. Mais la Convention de la Baie James et la
législation prévoient des régimes très
spéciaux pour les terres de la catégorie I et les terres de la
catégorie II. Il y a des prohibitions et des limitations sous les
pouvoirs du ministre quant aux ventes des terres ou à l'expropriation
des terres, et il y a des conditions à remplir et des consentements
à avoir des Cris avant de procéder. On souligne des exemples
concrets dans le mémoire.
M. Coon-Cone: Moving on to pages 14 and 15 of the French text.
There is an additional dimension which we wish to raise. Cree hunters and their
families may, now and in the future, wish to establish permanent residence on
their own hunting grounds and erect essentially permanent buildings for this
purpose.
Officials of the Department of Energy and Resources have raised
questions in the past as to whether individual Crees would be able to obtain a
right in land under the Lands and Forests Act for this purpose.
While we maintain the Cree beneficiaries need not obtain rights in land
to establish camps in connection with their harvesting activities (under the
agreement the right to harvest includes the right to establish such camps as
are necessary, Section 24, paragraph 24.7.13) for certain reasons, such as
security of tenure Crees may wish to obtain from Québec formal rights
under the relevant legislation. We seek assurance that it is not the intention
of this new legislation or government policy generally to limit an individual
Cree's opportunity to obtain such a right in land.
Moving on to pages 15 and 18 of your text: Reserves in favour of
Québec.
Section 38 of the Bill provides for reserves in favour of Québec
in the case of lands bordering rivers and lakes.
We would also like to take this opportunity to point out that this
reserve is a source of significant practical difficulty for the Cree Bands and
Cree Village
Corporations; especially in light of land replacements as contemplated
in the Agreement in reference to catégorie 2 lands and also in reference
to the new side to be selected by the Oujé-Bougoumou Crees.
M. Hutchins: Le problème ici se trouve dans le
remplacement de terres pour les Cris ou les négociations pour les
nouvelles communautés, les terres pour la bande actuelle, la bande
Oujé-Bougoumou. Les Cris ne veulent pas que la réserve soit un
problème dans la sélection des terres et que ce soit
imposé. Au moment de la sélection des terres en 1974-1975, au
moment de la Convention de la Baie James, le ministre avait le pouvoir de se
dispenser des réserves dans certains cas.
Il s'agit ici de s'assurer que le ministre a cette flexibilité
pour faire face à la situation spéciale de la sélection
des terres pour les communautés cries.
M. Coon-Cone: Provisions dealing with future transfers of lands
are of concern to us. The community of Oujé-Bougoumou is presently
negotiating the transfer of category 1 lands. In addition, by operation of our
land regime, portions of category I lands of other communities may well be
replaced, involving transfer of new lands. The obligatory reserve provided in
section 38 should not apply to these future transfers. It is, therefore, very
important that we be assured that the minister will have legal authority to
waive such reserves. While we understand the desire to achieve flexibility by
referring to conditions prescribed by regulation, we suggest that these
regulations should be tabled and discussed at the same time as the
legislation.
Also the area of jurisdiction of the Cree Bands is limited to the
boundaries of category 1A lands; similarly, the Cree Village Corporations for
category IB lands are limited to the boundaries of category IB lands. This
means, in practice, that the 60.35 meters reserve is not subject to Cree
government measures aimed at such matters as policing and justice or land
management and environmental protection.
It would assist greatly if the Bands and the Cree Village Corporations
had by-law authority extending over the appropriate 60.35 meters reserves.
We are moving on to land reserved for Indians; that is pages 18 and 19
of the French text. Of course, you can refere to our brief for details for
lands reserved for Indians on page 17.
We agree with the changes made in sections 44 and 45 which are less
restrictive then the provisions in the Lands and Forests Act. We applaud these
changes. We suggest, however, that section 45 of the bill be amended to
eliminate the prohibition against the transferring mining rights with the
usufruct of lands.
Moving on to pages 19 and 20 of your text, on the control of use of
lands, we refer you to our brief for the details on 17 and 18.
The Bill should clearly indicate that the right to enter on lands in the
public domain is subject to the James Bay and Northern Québec Agreement
and its legislation. This, again, is an example of the need for general or
specific non-derogation or incompatibility clauses. (14 h 45)
Moving on to the status of roads on pages 21 to 23 of the French text,
we have some concerns about the application of the new legislation to problems
of road construction and operation typically encountered in the North.
We refer you to our brief on pages 18 and following.
Going to pages 23 and 24 of the French text, on the unlawful occupation
or use and cancellation of rights (sections 53 to 59), we would not wish to see
sections 53 to 59 of the Bill used to disturb Cree trappers in their legal
occupation and use of lands throughout the territory. While we appreciate that
these provisions empower the Minister to deal with "unlawful" occupation of
land, because the source of Cree rights to occupy and use the territory is
independent of the scheme of the proposed legislation, officials applying the
legislation may well mistakenly attempt to apply these provisions against Cree
trappers. This situation could be avoided by specific recognition in the Bill
of the rights under the Agreement.
Coming to the second part: The land use plan, it is on pages 25 to 33 of
the French text.
I hope I did not lose you people. 1 hope that you are following along
with me.
M. Ciaccia: It is fine.
M. Coon-Cone: Some of the most important implications for land
management in Northwestern Québec are contained in Division III of the
bill. This division, which deals with land use planning, is of special concern
to the James Bay Crees.
We are struck by the lack of precision in Division III of the Bill given
its far reaching implications for land use planning in Québec. There is
no description or indication in the Bill as to what is meant by a land use plan
and what its content should be.
First, with respect to the concept of a land use plan and the contents
of the plan, we recommend that the Bill include provisions setting forth what a
land use plan must and may include in a manner similar to that found in The Act
Respecting Land Use Planning and Development with respect to
development plans.
We appreciate that the Bill attempts to incorporate the land use plan
into the process for preparation of development plans under The Act Respecting
Land Use Planning and Development. This is of no assistance to us, as the Act
does not apply to our territories.
As stated in our brief, Cree communities and Cree individuals have
rights of occupation and use throughout our territory which is entirely covered
by Cree hunting territories or traplines. Section 17 of the Bill, however,
states that the plan shall determine the destination of lands in accordance
with the aims and orientations that the Government and the departments
concerned are pursuing or following or intend to pursue or follow in respect of
those lands. We already have raised this point in an earlier submission
concerning Bill 150, The Forest Act, and because of the close relationship
between this Bill and Bill 150 and our comments on both bills, a copy of our
submission is attached as Schedule I.
We would suggest that the Bill be amended to provide that land use plans
shall recognize and take into account existing uses of lands subject to such
plans.
Finally, there is the matter of public participation in the preparation
of land use plans and, more particularly, Cree participation in this process.
The Bill appears to accept the principle of public participation through the
plan being submitted to the interested regional county municipality. We must
state, with respect, that section 19 which contemplates this process is most
unclear and that in any event what appears to be contemplated is informing the
public as to the contents of a land use plan rather than consulting the public
or involving the public in its development. This is not what we would wish to
take place in our territories.
The problem for our territories is that at the present time there exists
no regional government structure which combines both the powers to undertake
land use planning and which fully involves the inhabitants of the territory,
the James Bay Crees. Pursuant to the Agreement, a number of regional bodies
exist which are either exclusively Cree or in which the Crees participate with
other entities such as the James Bay Municipality or the James Bay Energy
Corporation-Hydro Québec. Some of these bodies have planning authority,
but their territorial jurisdiction is limited to categories I ou II lands.
Other bodies have no planning authority. In this respect our territories are
unique. For the history you can refer to our brief in pages 25 and 26 and it is
in pages 29 and 30 in the French text.
The bill provides an opportunity to remedy the constraints on the use of
land use planning and regional development mechanisms which existed during the
1970s. More particularly, the Bill offers an opportunity to create mechanisms
which will ensure that the special interest of the James Bay Crees are in fact
recognized and dealt with in the course of the regional land use planning and
development.
What is the solution for the absence of appropriate and equipped
regional government structures for our territory? We have made recommendations
to the Government of Quebec (the Gendron Commission and the Consultation
Committee created in 1985) regarding the creation of regional government
structures in our territories. Our position remains that we are in favour of a
regional government structure or structures with jurisdiction throughout our
territories (from the southern boundary of the Cree traplines to the northern
extent of the Whapmaqoostui territory) and which recognizes the Crees as the
predominant and indigenous population and prime users of the territory. We have
suggested in the past that the Kativik Regional Government should be examined
as a possible model.
With respect to the southern portion of the territory, we acknowledge
that there are a number of non-Cree communities with special regional
interests. We are interested in examining what could be done in respect of this
southern territory without necessarily applying the formula of a regional
county municipality which we do not find meets the test of a true regional
government. As was evidenced in our brief respecting Bill 150, The Forest Act,
the southern Cree communities of Waswanipi, Mistassini and
Oujé-Bougoumou are particularly vulnerable to competing land and
resource uses, notably forestry, and these communities must be provided a
structure through which their collective and individual interests may be
protected.
Havinq examined the process contemplated in the Act Respecting Land Use
Planning and Development as amended by the Bill, we are not in favour of having
that procedure extended to our territory as we believe that it could not
function, given the particular nature of our Cree governments and their lands.
Furthermore, we believe that it involves an unreasonable amount of government
override in regional development and land use planning, for example the
amendment brought to the Act by section 71 of the Bill.
As an immediate but not permanent solution to this problem, the Bill,
and perhaps the Act Respectinq Land Use Planning and Development through the
Bill, should be amended to permit full Cree participation in the establishment
of development plans and land use plans for our territories. The necessary
flexibility might be
achieved by including in the Bill provisions for regulations to govern
this process.
I will now ask Peter Hutchins to read the conclusion in
French»
M. Hutchins: Merci, M. Coone-Cone. À la page 34 et
suivantes du mémoire en français, vous allez trouver les
conclusions. On a essayé de résumer les points centraux
soulevés dans le mémoire. Pour commencer, il y a la question de
concordance entre la Convention de la Baie James et du Nord
québécois et les lois qui en découlent. M. Coone-Cone vous
a donné beaucoup d'exemples dans le projet de loi 102 où il y a
incompatibilité ou conflit actuel ou possible entre la convention et la
législation qui en découle. On suggère donc une double
approche: d'abord, une clause de non-dérogation ou
d'incompatibilité générale.
Tel que démontré dans ce mémoire, il existe un
certain nombre de problèmes potentiels de concordance. Nous demandons
donc l'addition dans le projet de loi de clauses de non-dérogation ou
d'incompatibilité afin d'assurer que cette loi soit assujettie à
la convention et aux lois qui en découlent. Nous avons donc
suggéré le texte suivant, qu'on vous donne pour
considération: "La présente loi s'applique sous réserve de
la Convention de la Baie James et du Nord québécois et des lois
qui en découlent." On a mentionné dans l'introduction ou au
début du mémoire qu'il existe des précédents, entre
autres la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune où
vous allez trouver une telle clause.
La deuxième remarque générale, c'est le rôle
de la réglementation dans le projet de loi. Comme ce fut le cas pour le
projet de loi 150, la Loi sur les forêts, nous notons ici qu'une grande
partie du détail relatif à la mise en application de cette loi
sera explicitée dans les règlements. On vous donne les exemples
à la page 35 du mémoire: les articles 27 et 38, et ainsi de
suite. Le problème ici, c'est qu'évidemment il est très
difficile, en lisant le projet de loi, de comprendre exactement la substance,
le fond de l'affaire et l'impact sur les terres et sur les Cris. Nous demandons
le dépôt des règlements et une discussion complète
de ceux-ci avant l'adoption du projet de loi comme solution possible. Il me
semble qu'il faut avoir le portrait au complet, la loi et la
réglementation.
Le troisième article souligné dans le mémoire,
c'est la question des plans d'affectation des terres qui se trouve à la
section III du projet de loi et qui soulève des questions très
importantes pour les Cris et leur territoire. Au cours de la rédaction
de ce mémoire, nous avons expliqué les problèmes
liés a l'absence de structures appropriées sur notre territoire
permettant une participation crie lors de la préparation des
schémas d'aménagement et des plans d'affectation pour nos
territoires.
Nous demandons que le projet de loi soit modifié de façon
à prévoir, par voie réglementaire, la mise en place d'un
mécanisme assurant la participation active des organismes
régionaux cris et des communautés cries au processus de
préparation des schémas d'aménagement et des plans
d'affectation.
Le mémoire - et c'est important -insiste sur le fait que notre
consentement à l'approche suggérée est sujet à la
condition que nous puissions participer à la préparation du
contenu de ces règlements et qu'une telle approche constitue une
solution transitoire en attendant la mise en place d'une structure
administrative régionale crie appropriée pour nos territoires. On
suqgère ici une approche transitoire, intérimaire, qui pourrait
être faite via le projet de loi 102, une solution réglementaire
mais qui ne cause pas de préjudices et qui ne remplace pas
évidemment les vrais besoins d'avoir des structures régionales en
place sur le territoire. Je laisse la parole à M. Coon-Cone pour
terminer. (15 heures)
Le Président (M. Philibert): II faudrait y aller
brièvement, parce que vous avez déjà dépassé
votre temps d'une dizaine de minutes. Alors, on vous demanderait de conclure le
plus rapidement possible.
M. Coon-Cone: We thank the committee for the opportunity to
present our comments and recommendations with respect to this important
legislative initiative of Bill 102 in that respect, on the lands in the public
domain.
Le Président (M. Philibert): Merci. La parole est au
ministre maintenant pour une quinzaine de minutes.
M. Ciaccia: Je ne parlerai pas pendant quinze minutes, M. le
Président, merci! Je veux remercier le Grand conseil des Cris et M.
Matthew Coon-Cone pour la présentation du mémoire. We are limited
in time in terms of questions that I could ask you. You have raised very many
problems. I would like to ask you three particular questions.
First of all, Article 8 of the James Bay Agreement already provides that
the agreement has precedence over any other law which would apply to the James
Bay Territory or the Northern Québec Territory. Given the existence of
Article 8 in the Agreement, why would you ask that we would now include another
stipulation to that effect in the present law? Puisque l'article 8
prévoit déjà que la Convention de la Baie James va avoir
préséance sur les autres lois, pourquoi demandez-vous qu'on
répète cet engagement dans la loi 102?
M. Coon-Cone: Due to a limited time, I will ask Peter to answer
that so we can avoid these translations.
M. Hutchins: Je vais lire en français. M. le ministre. Je
viens de perdre la Convention de la Baie-James, la version anglaise
seulement!
M. Ciaccia: La convention ne sera jamais perdue.
M. Hutchins: II a plusieurs réponses. Vous allez trouver
une explication à la page 4, nouvelle version, où on explique les
raisons. Elle n'a pas été lue par M. Coon-Cone, faute de temps.
On y souligne le fait que ce n'est pas toujours très facile de
s'entendre sur ce qu'est un conflit ou une incompatibilité. Ce sont des
termes vagues et cela amène à toutes sortes d'arguments et
à des heures de débat sur la question de savoir s'il y a
incompatibilité ou non.
Alors, on suggère que la meilleure façon de régler
cela et de faire gagner du temps à tout le monde, c'est de dire
clairement, dans un projet de loi où on voit nécessairement qu'il
y a des conflits et des problèmes, que la convention prime. C'est un
point. L'autre, c'est qu'il ne faut pas oublier - M. Coon-Cone a
mentionné le fait - qu'il y a des Cris qui exploitent des territoires en
dehors du territoire couvert par la Convention de la Baie James. On peut
mentionner les Cris de Mistassini, entre autres.
Là encore, il s'agît plutôt de s'assurer qu'un projet
de loi comme le projet de loi 102 fait face à une situation où il
y a une occupation du territoire par les trappeurs cris qui ne sont pas
nécessairement couverts ou protégés par la convention.
Cela, c'est un autre point.
M. Ciaccia: C'est une question de précision.
Deuxièmement, à la paqe 15 de votre mémoire, vous faites
état d'un titre individuel formel, à l'intérieur des
terres de la catégorie II. In Category II lands, according to the
agreement, the governement has to replace by an equivalent amount any lands
that are disposed of by the government in category II.
If individual members of the Cree Nation acquire lands in category II,
will that mean that we will have to replace additional lands? In other words,
we will be disposing of lands to the individual Cree people in category II but
because of the agreement, we will have to replace those lands. So, how will
that...
Vous comprenez le problème. Le problème de la
catégorie II, c'est que l'entente prévoit que chaque fois qu'on
dispose de terrains dans la catégorie II, il faut les remplacer. Vous
demandez d'avoir le droit d'acquérir des terres dans la catégorie
II C'est quasiment une motion perpétuelle. On ajoute aux Cris les
catégories II et il faut ajouter à la catégorie II des
terres qu'on a enlevées. Comment voyez-vous cette situation?
It is a good little problem I raise, isn't it Peter?
M. Coon-Cone: It is a very good question.
M. Ciaccia: I hope you have a very good answer.
M. Coon-Cone: I guess that is why you are the minister.
What we are talking about here, is to make sure that when a Cree at some
point in time might want to acquire land like his base camp just to be able to
exercise his right to hunt in that territory, this is specifically a reference
to Cree trappers that may want to protect their permanent dwelling.
M. Hutchins: I think that basically the mémoire talks
about that situation, trappers wanting to get perhaps a title to land, to
exercise rights which are not incompatible with caterory II, with the
definition of category II. As lonq as that is the situation...
Une voix: May be you should say it in French.
M. Hutchins: Pardon! Oui, c'est vrai. Excusez-moi.
On dit que le mémoire vise une situation où un trappeur,
un individu aimerait avoir un titre plus clair, un titre indtviduel pour un
camp ou quelque chose comme cela. C'est quand même pour des
activités qui sont compatibles avec la destination, la définition
d'une terre de catégorie II.
Dans ce cas, on ne voit pas tellement de problèmes. Les terres de
catégorie II sont remplacées dans le cas du développement
tel que défini dans la loi. Il va falloir que je sois très
prudent ici. Règle générale, les activités des
Cris, surtout des trappeurs cris, ne constituent pas un développement.
Si, par exemple, il y avait une demande d'un Cri ou d'une corporation crie qui
équivaut à un développement et qui déplace, extrait
ou élimine la possibilité pour la communauté de continuer
à exercer ses droits sur les terres, oui, à ce moment, il y aura
remplacement. La question qu'il faut se poser, c'est si la communauté
peut continuer à exercer ses droits sur ces terres. Au moment où
cela devient impossible, il y a développement, il y a expropriation et
il faut que ces terres soient remplacées.
M. Ciaccia: Dernière question. À la page 27 de
votre mémoire, vous mentionnez que le projet de loi ne favorise pas
votre participation à l'élaboration des plans d'affectation. You
have made certains suggestions In terms of consultation for land use plans. You
went as far as suggesting a regional governement the same way that the Inuits
have, but until we have amended or changed or gone beyond what is in existence
of the James Bay Agreement, what would you suggest as the structures that the
department should consult in preparing land use plans?
M. Coon-Cone: As mentioned in our brief, we do not only want to
be informed or consulted, we want to participate fully in the development of
the land use plans and the structures that we have at the moment. We would want
on our side Grand Council to fully participate and also the Cree Bands.
M. Ciaccia: Well, under the Agreement, there is a legal structure
given, a legal status and recognition in terms of administration of the
territory given to the Cree bands. There is not that role and recognition given
to the Grand Council. Would it be sufficient to take the Cree bands as the
structure for consultation, I mean as the official structure? You know, the
Grand Council can always work with the bands but in terms of the official
relationship between the department and the Crees could it be limited to the
Band Councils?
Autrement dit, le Grand Conseil des Cris n'a pas de statut en termes
d'administration des territoires. Il a une reconnaissance de sa structure et de
sa représentativité pour la nation des Cris, mais en termes de
structure ce sont les conseils de bande. Alors, est-ce que le ministère
pourrait consulter les conseils de bande, quitte aux conseils de bande de
vouloir consulter eux-mêmes ou d'être assistés par le Grand
Conseil des Cris?
M. Coon-Cone: When we say Grand Council, the Grand Council of
course represents all the nine Cree bands. So, as long as the nine Cree bands
are consulted, maybe the Grand Council could be the organization that could
represent them. But it is the bands that are speaking.
M. Ciaccia: Thank you.
Le Président (M. Philibert): Merci. M. le
député d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je veux profiter de
l'occasion pour saluer les représentants du Grand Conseil des Cris et
les remercier de leur présentation qui est très
intéressante. En ce qui me concerne, j'aurais beaucoup de questions
à poser. Malheureusement le temps est limité.
Je n'ai pas l'intention de poser des questions sur les terres des
catégories I et II parce que pour nous, en tout cas, dans mon concept et
par rapport à ce qu'on vit sur le territoire conventionné de la
Baie James, on ne se pose pas de questions. On sait que les terres de
catégories I et II sont des terres sur lesquelles très peu
d'interventions non-autochtones se font. À mon avis, je laisserais,
à ce moment-là au Grand Conseil des Cris, avec ses conseils de
bandes et l'administration gouvernementale, le soin de démêler ces
choses.
Ce qui m'intéresse le plus c'est ce qui concerne les terres de
catégories III dont on parle très peu souvent, mais qui font
partie intégrante de la Convention de la Baie James et du
Nord-Québécois.
Tout à l'heure, à la question du ministre concernant les
préoccupations que vous aviez en page 15 de votre mémoire, dans
le texte français... C'est bien en page 15? Oui. Quand on dit que les
Cris "pourront préférer opter pour obtenir des droits formels en
vertu du texte législatif pertinent". Dans la réponse on parlait
de droits concernant entre autres les lignes de trappe. On n'est pas sans
savoir qu'il existe bon nombre de lignes de trappe. Je dirais même que la
majorité des lignes de trappe sont en territoire de catégorie III
et non pas dans les catégories I et II.
Quand on parle de droits formels en vertu de textes législatifs
pertinents, est-ce qu'on parle à ce moment-là de vouloir faire en
sorte que des lignes de trappe en terre de catégorie III soient
reconnues officiellement comme des sites habitables à l'année et
sur lesquels il y aurait un genre de droit de propriété? (15 h
15)
M. Coon-Cone: I can see the difficulty. He has to translate and,
at the same time, try to think of how to answer your question. One thinq is
certain, within Category III lands of course are the Cree traplines. The only
thing we are concerned about is that one time or another the trapper might want
to lease a land in which he needs a legal title to it. However, we still have
the riqht to hunt and fish and trap in that given territory.
M. Hutchins: Encore là, juste pour préciser, on
vise seulement le fait où un trappeur aimerait avoir un bail pour un
camp ou pour une cabane. On ne parle pas d'un droit pour la ligne de trappe ou
de piégeage en entier. Ce n'est pas la question ici. C'est tout
simplement qu'un individu aimerait avoir un bail pour un camp. Le
mémoire répète la position des Cris, à savoir qu'il
y a un titre indépendant pour les trappeurs pour leur
ligne de trappe qui découle de l'histoire et de l'occupation du
territoire et qui ne dépend pas de l'enregistrement par le gouvernement.
Cela est ratifié et est confirmé par la Convention de la Baie
James où on voit que le droit d'exploitation inclut le droit
d'établir les camps, etc. La position, c'est que les individus n'ont pas
besoin, en droit, de baux ou d'autorisations, mais si, pour une raison ou une
autre, un individu cri aimerait en avoir, pourquoi pas et pourquoi avoir une
disposition législative qui bloque la possibilité?
M. Claveau: La question est à savoir à ce moment:
Que signifie l'expression "obtention de droits formels"? C'est la traduction
française, mais, dans le texte anglais, on dit... Je parle toujours de
la catégorie III, là où il n'y a pas exclusivité de
chasse et de pêche et uniquement exclusivité en ce qui concerne la
trappe.
M. Hutchins: On a parlé en français d'un droit
officiel. Encore là, c'est une formalité. La position nette, si
vous voulez, c'est que les trappeurs ont droit d'être en terres de
catégorie III. On parle des terres de catégories III maintenant
parce que ce sont les terrains de piégeage qui s'étendent partout
au territoire. Ils ont le droit d'être là en vertu d'une
occupation historique et en vertu de la Convention de la Baie James, qui
ratifie et qui confirme ce droit. Cela ne donne pas le droit, mais cela ratifie
le droit. Ce droit est indépendant de l'autorisation du gouvernement, de
l'enregistrement des lignes, des baux et des permis. On a cherché un
terme pour décrire la situation où un individu, pour sa
sécurité ou une autre raison donnée, aimerait avoir un
titre du gouvernement reconnu un peu plus formellement par celui-ci pour un
camp. Encore là, c'est exactement la question de conflit et
d'incompatibilité. C'est plus simple si vous faites face à un
promoteur ou à quelqu'un qui veut s'installer sur votre terrain. Si vous
avez un bail ou un permis, parfois c'est plus facile de faire le point. Si un
individu aimerait avoir un tel document, pourquoi pas? Mais, légalement,
ce n'est pas nécessaire. M. Matthew vient aussi de mentionner un autre
point, c'est que, de plus en plus, il y a des développements en terres
II et III: la foresterie en terre II et d'autres développements en terre
III. Alors les trappeurs sentent une certaine pression. Peut-être
sont-ils prêts à commencer à jouer le jeu sans
préjudice, mais ils veulent avoir plus de documentation et plus de
preuves qu'ils ont le droit d'être là. Je ne sais pas si cela
explique la situation, c'est un peu complexe, mais c'est vraiment pour donner
plus de poids à la loi et pour convaincre les gens d'éviter les
chicanes et les conflits possibles sur les terres.
M. Claveau: D'accord. Ce droit-là, entre autres, pourrait,
si je comprends bien, permettre aux trappeurs et aux chasseurs cris
d'intervenir, par exemple, lorsqu'il y a des coupes de bois qui se font sur
leur terrain, lorsque l'on découvre, par exemple, un site minier ou que
des prospecteurs veulent venir s'établir sur leur ligne de trappe pour
faire de l'exploration minière, pour passer une ligne
hydroélectrique, enfin pour toutes ces choses-là.
M. Hutchins: D'abord, deux points, on insiste sur le fait qu'on
vise ici les petites terres, les petits terrains adéquats pour un camp
de trappeurs. Ce n'est pas la ligne de trappage de 500 kilomètres
carrés ou 500 milles carrés, ce sont des sites pour les camps?
c'est le premier point. Le deuxième point: on prend position et on est
justement en discussion avec certains ministères du gouvernement sur la
question de l'intérêt légal des trappeurs. L'Opposition des
Cris est que les trappeurs cris ont un intérêt légal dans
les terres et dans les ressources, qui est indépendant de toute
autorisation ou reconnaissance par le qouvernement. On ne prétend pas
que ce soit pour se protéger contre le développement forestier ou
le développement minier qu'on soulève le point ici. On dit que,
même sans bail et sans autorisation, un trappeur a les outils juridiques
pour se défendre, mais c'est le choix de l'individu, peut-être se
sentira-t-il un peu plus sécurisé d'avoir un bail. C'est le point
qu'on voulait soulever, mais je peux vous dire que ce n'est pas le point
central dans le mémoire. On n'aimerait pas que ce soit
interprété comme une position de reconnaissance ou une position
de faiblesse pour les trappeurs. On dit que les trappeurs ont un titre, non pas
de propriété, mais un titre indépendant pour utiliser ces
terres.
M. Claveau: Merci. Peut-être une autre question. Puisqu'on
me dit que le temps achève, je voudrais aller tout de suite à la
dernière partie de votre mémoire où vous faites part de
vos commentaires concernant l'organisation territoriale. M. Coon-Cone et M.
Wapachee, avec qui j'ai eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises,
connaissent déjà passablement mon point de vue
là-dessus.
Dans l'ensemble, je peux vous dire que l'approche des
municipalités ressemble énormément à ce que vous
exprimez là comme point de vue. En tout cas, en ce qui me concerne, vous
pouvez être certains que je vais continuer à défendre les
points de vue que j'ai déjà défendus, dans ce sens que
l'on avait besoin d'une structure territoriale qui ne devait pas être une
MRC, comme on la connaît en fonction de la loi 125, mais quelque chose de
beaucoup plus adapté aux besoins du milieu. Je crois, d'ailleurs, qu'on
a eu l'occasion ensemble, même au moment
de la consultation du rapport Nielly d'exprimer nos points de vue
là-dessus.
Maintenant, j'aimerais peut-être avoir plus de précisions.
Lorsque vous dites que... C'est en page 30. Attendez un peu. À un moment
donné, dans votre mémoire, vous dites que vous êtes
prêts à regarder des modalités de travail conjoint avec les
municipalités dans la partie sud du territoire de la Baie James. Est-ce
que vous avez déjà développé des idées
là-dessus ou si vous voulez tout simplement dire par là que vous
êtes prêts à vous asseoir avec les municipalités pour
commencer à regarder une approche globale qui ne pourrait, d'ailleurs,
à mon avis, qu'être saine autant pour un groupe que pour l'autre
afin d'en arriver à s'entendre sur une base de développement ou
d'aménagement du territoire dans la partie sud des terres
conventionnées?
M. Coon-Cone: In reference to your question, we are prepared to
sit down and discuss what this regional government structure will be. But what
we want to emphasize is that we have special interests, especially the
Waswanipi, Mistassini or Oujé-Bougoumou, the Southern Cree, interests
that are vulnerable, notably in forestry, in competing land and resource
uses.
M. Hutchins: Juste pour répéter le point en
français, cela se trouve à la page 31 du mémoire en
français en haut. C'est important de souligner ici le lien avec le
projet de loi, maintenant la loi 150, Loi sur les forêts. Il y a un lien
très fort entre ce que vous faites ici et la loi 150. C'est pour cela,
d'ailleurs, que le mémoire des Cris sur le projet de loi 150 est
attaché comme étant un document intégral.
On signale encore que les bandes cries du territoire du sud ont des
problèmes un peu spéciaux. Elles font face à un
développement ou à des opérations forestières qui
affectent les trappeurs. C'est problème pour les Cris. Ce serait
très important, tout en reconnaissant la distinction du territoire sud,
la présence des municipalités dans le sud, de reconnaître
au même moment les problèmes des Cris du sud, l'impact du
développement sur les Cris du sud surtout du côté
foresterie. (15 h 30)
Le Président (M. Philibert): Le temps étant
écoulé, je demanderais maintenant au député
d'Ungava de passer à la période des civilités pour
conclure.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Je vous remercie de
toute l'attention que vous avez mise à nous répondre le plus
clairement possible en espérant que ce que vous présentez dans
votre mémoire donne les fruits nécessaires. En souhaitant aussi
qu'enfin on en arrive à s'entendre entre communauté blanche et
communauté autochtone sur le territoire de la Baie James afin d'assurer,
pour le mieux-être de tous et chacun, le meilleur aménagement ou
le meilleur développement possible de ce territoire.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le
député d'Unqava. M. le ministre.
M. Ciaccia: I want to thank the Grand Council of the Crees for
their presentation. You raised many questions. The fact that we do not have the
time to discuss all of them does not mean on our part that we do not consider
them important. We will be reviewing the points that you have brought to our
attention, specially your concerns with respect to the James Bay Agreement.
All I can say at this time is that the faith or coincidence, depending
on your view of life, has will that the person who is responsible for the
finalization of the James Bay Agreement is the same person who is now
presenting, for the first time, the first act respecting the lands in the
public domain.
I realize that the lands are important for your people; also realize
that the application of this law will affect all public lands. I can assure you
that there is no intention on my part or in the part of the government to
derogate in this law from the undertakings that were signed in the James Bay
Agreement. There will not be any conflicts between the terms of this law and
the terms of the agreement.
I will ask my deputy minister in charge of lands to contact you or
Ï would ask you to contact my deputy minister in charge of lands to
discuss the possible areas of conflicts so that we can examine them and that we
can see what we can do to avoid those conflicts. Thank you.
Le President (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Au nom de la
commission, je veux vous remercier de votre participation et vous souhaiter bon
retour à la maison.
J'invite maintenant le Conseil Attikamek-Montagnais.
À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous rappelle que le temps
alloué pour chacun des organismes est d'une heure et il est
réparti de la façon suivante: vinqt minutes pour présenter
le mémoire, vingt minutes pour discuter avec les membres du gouvernement
et vingt minutes pour discuter avec les membres de l'Opposition. Avant de
débuter, j'invite votre porte-parole à présenter les gens
qui l'accompagnent.
Une voix: ...là-dessus.
Le Président (M. Philibert): Non, cela se fait tout seul.
C'est automatique.
M. Ciaccia: C'est comme les réactions du gouvernement.
C'est automatique.
Conseil Attikamek-Montagnais
M. Malec (Edmond): Je suis Edmond Malec, vice-président du
Conseil Attikamek-Montagnais.
M. Gill (Aurélien): Je suis Aurélien Gill,
conseiller spécial du Conseil Attikamek-Montagnais. À ma droite,
Mme Renée Dupuis, conseillère juridique, et, de l'autre
côté, M. Paul Charest, en charge de la recherche au Conseil
Attikamek-Montagnais, et M. Bernard Cleary, en charge de la
négociation.
Le Président (M. Philibert): Merci. Pour le bon
fonctionnement de la commission, j'inviterais le député d'Ungava
à venir s'asseoir à la table ou à continuer son lobbying
avec ses commettants à l'extérieur ou de façon plus
discrète.
Une voix: II n'a rien compris.
Le Président (M. Philibert): M. le député
d'Ungava, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: S'il te nomme trois fois, il va te mettre dehors.
Le Président (M. Philibert): M. Malec, je vous invite
à procéder.
M. Malec (Edmond): (S'exprime dans sa langue).
Permettez-moi d'abord de remercier le ministre pour son invitation
à cette commission parlementaire. Nous n'avons pas été
invités lors de la consultation concernant le projet de loi sur les
forêts, pourtant fondamentales dans nos préoccupations, et nous
craignions que la même chose ne se produise avec le projet de loi 102,
Loi sur les terres du domaine public. Nous pensions pourtant que les
négociations territoriales en cours faisaient du Conseil
Attikamek-Montagnais un interlocuteur à part entière dans le
processus de révision des lois affectant les territoires
négociés.
Le mémoire du Conseil Attikamek-Montagnais est divisé en
quatre parties. La première partie trace un portrait du Conseil
Attikamek-Montagnais et des populations qu'il représente. La
deuxième expose les fondements de nos droits ancestraux et les
négociations territoriales actuellement en cours. La troisième se
penche plus particulièrement sur le projet de loi aujourd'hui à
l'étude. Enfin, la quatrième résume nos
préoccupations et fait état de nos demandes concernant le projet
de loi sur les terres du domaine public.
Je vais donner la parole à M. Gill pour continuer la
présentation.
M. Gill (Aurélien): M. le Président, si vous me le
permettez, juste avant que je poursuive avec le mémoire, j'ai
noté, hier matin, que M. le ministre Ciaccia avait fait un discours
d'ouverture de circonstances. J'imagine qu'il a mentionné que le droit
des autochtones devrait être respecté par les autres utilisateurs.
Je voudrais féliciter le ministre et j'imagine que le mot "utilisateurs"
comprend le gouvernement en priorité. C'est ce que je comprends.
Si vous me le permettez, maintenant je vais poursuivre avec le
mémoire.
Le Conseil Attikamek-Montagnais est un organisme politique et
administratif représentant les intérêts des trois
communautés attikameks de la Haute Mauricie (Manouane, Obedjiwan et
Weymontachie) et des huit communautés montagnaises du Lac-Saint-Jean
(Pointe-Bleue) et de la Côte-Nord (Escoumins, Bersimis, Schefferville,
Minqan, Natashquan, La Romaine et Saint-Augustin). Nous représentons une
population indienne comptant plus de 10 000 personnes, soit environ le tiers de
la population indienne du Québec. Les territoires traditionnels
occupés et utilisés par les Attikameks et les Montagnais couvrent
une vaste superficie évaluée à environ 700 000
kilomètres carrés. Ces territoires constituent la base de nos
activités économiques de chasse, de pêche, de
piégeage et de cueillette.
Depuis l'automne 1975, les peuples attikameks et montagnais cheminent
ensemble au sein du Conseil Attikamek-Montagnais. Son mandat est de
défendre les droits des communautés actuelles et de promouvoir
leur développement pour les générations à venir. Ce
mandat lui est accordé par les onze chefs de bande qui forment
l'instance décisionnelle principale de l'orgranisme. Les chefs de bande
sont élus dans leur communauté respective et décident en
assemblée des grandes orientations poursuivies par le Conseil
Attikamek-Montagnais. Parmi ces orientations, la revendication des droits
ancestraux et territoriaux des Attikameks et des Montagnais occupe une place
très importante depuis quelques années.
Les Attikameks et les Montagnais n'ont jamais signé de
traité - j'imagine que quelques-uns parmi vous ont déjà
entendu ces choses - ni cédé leurs droits sur les territoires
qu'ils occupent traditionnellement. Ces droits de premiers occupants, nous
affirmons les détenir toujours, même si les grands
développements forestiers, hydroélectriques, miniers et autres
viennent nous en dépouiller progressivement, sans consultation ni
permission. Les lois des gouvernements ont aussi affecté notre mode de
vie et notre autonomie au cours des
années. Malgré ces temps difficiles, nous n'avons pas
renoncé à notre souveraineté, mais nous pensons
aujourd'hui que cette souveraineté doit être à la base
d'une redéfinition de nos rapports avec la société
québécoise.
En 1979, le Conseil Attikamek-Montagnais soumettait aux gouvernements du
Canada et du Québec le texte préliminaire de ses revendications.
On y retrouvait nos positions de base résumées en onze
propositions dont l'essentiel portait alors sur la reconnaissance de nos droits
ancestraux en tant que peuples souverains et de notre droit à prendre en
main notre propre développement économique, social et culturel.
Le gouvernement fédéral a reconnu le bien-fondé de ces
droits et accepta de négocier nos revendications à travers un
processus formel de négociation. De son côté, le
gouvernement du Québec a également reconnu l'importance de nos
droits ancestraux, en particulier dans la réponse qu'il adressait au
Conseil Attikamek-Montagnais, le 30 septembre 1980. Je cite les paragraphes:
"f) le gouvernement considère que l'exploitation du territoire et de ses
ressources doit se faire en tenant compte des besoins de toute la
société, y inclus, les besoins des Attikameks et des Montagnais,
et sans oublier leurs droits. "h) le gouvernement est d'accord pour que
l'assise économique que fournira l'exploitation du territoire contribue
au bien-être économique, social et culturel des
générations présentes et futures des Attikameks et des
Montagnais. "j) le gouvernement reconnaît aux Attikameks et aux
Montagnais le droit d'orienter eux-mêmes leur choix, notamment en
fonction de leurs traditions et de leurs valeurs propres."
Pour donner suite à cette réponse, le gouvernement du
Québec a donc entrepris des négociations actives avec le Conseil
Attikamek-Montagnais. Entre-temps, l'article 35 de la Loi constitutionnelle de
1982 venait reconnaître et confirmer les droits des peuples autochtones
du Canada. "Partie II Les droits des peuples autochtones du Canada: "35. (1)
Les droits existants, ancestraux ou issus de traités, des peuples
autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. "(2) Dans la
présente loi, "peuples autochtones du Canada" s'entend notamment des
Indiens, des Inuit et des Métis du Canada."
Même si le Québec s'est abstenu jusqu'ici de participer
activement au processus constitutionnel sur les droits des autochtones, il
reste que le gouvernement du Québec a adopté une démarche
visant à reconnaître les droits ancestraux des nations autochtones
du Québec. Ainsi, le 9 février 1983, le Conseil des ministres
approuvait une série de quinze principes qui devaient conduire à
l'adoption par l'Assemblée nationale d'une motion sur les droits des
autochtones, le 20 mars 1985. Cette résolution presse le gouvernement du
Québec de poursuivre les négociations avec les nations
autochtones qui le désirent en vue de les assurer: "a) du droit à
l'autonomie au sein du Québec; "b) du droit à leur culture, leur
langue, leurs traditions; "c) du droit de posséder et de contrôler
des terres; "d) du droit de chasser, pêcher, piéger,
récolter et participer à la gestion des ressources fauniques; "e)
du droit de participer au développement économique du
Québec et d'en bénéficier, de façon à leur
permettre de se développer en tant que nations distinctes ayant leur
identité propre et exerçant leurs droits au sein du
Québec."
Les négociations entreprises avec les gouvernements du Canada et
du Québec visent non seulement une reconnaissance des droits ancestraux
des Attikameks et des Montagnais, mais aussi l'application de ces droits dans
le contexte de la société québécoise. Les
Attikameks et les Montagnais gardent la forte impression d'avoir beaucoup perdu
au cours des dernières décennies, mais la perspective d'une
entente négociée avec les gouvernements entretient des espoirs
grandissants dans les communautés. (15 h 45)
Or, différents projets de développement, activités
incontrôlées et législations qouvernemenales viennent
compromettre la reconnaissance de nos droits et la honne marche de ces
négociations: par exemple, la construction d'une sixième liqne de
transport d'énergie de la Baie James par HydroQuébec, la
présence de vols militaires à basse altitude au-dessus des
territoires de chasse montagnais de la Côte-Nord, récemment un
projet de loi sur les forêts et, aujourd'hui, un projet de loi sur les
terres du domaine public.
En fait, ce sont nos droits ancestraux qui sont en cause, en phase de
dépossessîon. Comment peut-on alors espérer un juste
règlement de nos revendications si, en plein processus de
négociation, le gouvernement continue de permettre de telles
interventions sur les territoires négociés? Que
restera-t-îl de nos droits au moment où nous en arriverons
à une entente? Ce sont actuellement des questions qui demeurent pour
nous sans réponse immédiate et qui font craindre le pire pour les
années à venir.
Puisque ce projet de loi est la raison de notre présence ici
aujourd'hui, je vais profiter des prochaines minutes pour vous faire part des
préoccupations du Conseil Attikamek-Montagnais à son
égard. Nos
commentaires ont trait à certaines dispositions du projet de loi
risquant de nuire aux activités de récolte faunique des
Attikameks et des Montagnais et, de façon plus fondamentale, aux
conséquences du même projet de loi sur le dénouement des
négociations territoriales en cours.
Permettez-moi d'abord de dénoncer une lacune importante du projet
de loi qui, pour les Attikameks en paticulier, ne devrait pas concerner que les
terres du domaine public. En effet, de vastes forêts privées
situées en territoires attikameks et montagnais échappent au
projet de loi actuel, mais nuisent considérablement aux activités
économiques des familles qui fréquentent ces forêts de
génération en génération. Les propriétaires
de ces forêts font obstacle à l'exercice de leurs activités
traditionnelles sans que les Attikameks et les Montagnais puissent intervenir
sur les modalités d'utilisation de ces terres, ce qui est pour nous tout
à fait inacceptable dans le contexte de nos droits ancestraux.
En fait, le gouvernement du Québec encourage l'occupation des
territoires attikameks et montagnais pour diverses fins d'exploitation des
ressources. Le ministère de l'Énergie et des Ressources, par
exemple, favorise depuis quelques années une politique de cession et de
location de terres pour fins de villégiature en territoires attikameks
et montagnais. Nous nous opposons fermement à la poursuite de cette
politique de vente à rabais parce qu'elle nuit aux activités
économiques des familles attikameks et montagnaises en leur limitant
l'accès aux territoires occupés et aux ressources
utilisées par ces familles depuis fort longtemps. De plus, le
gouvernement ne rend pas service à ses concitoyens en leur accordant des
privilèges d'occupation parce que ces terres sont déjà
grevées par les droits ancestraux reconnus aux Attikameks et aux
Montagnais.
Dans les notes explicatives au début du texte du projet de loi,
le ministre affirme que ce projet de loi "introduit une distinction entre la
gestion des terres et la gestion des diverses ressources qu'elles supportent,
de manière à favoriser l'utilisation polyvalente et rationnelle
des terres." Or, à notre avis, cette distinction entre la gestion des
terres et des ressources est tout à fait contradictoire et
contre-productive parce que, justement, elle consacre plutôt la
fragmentation des lois et règlements sur les terres et les ressources
alors que le but visé est l'utilisation polyvalente et rationnelle. Il
s'agit donc d'une distinction inutile qui ne peut conduire qu'à une
gestion confuse au détriment des terres et des ressources
elles-mêmes.
Le Conseil Attikamek-Montagnais propose plutôt une gestion
intégrée des terres et des ressources faisant l'objet des
négociations en cours. Une telle gestion serait basée sur la
philosophie et les activités économiques des Attikameks et des
Montagnais puisque, dans notre culture, la terre et les fruits qu'elle met
à notre disposition ne peuvent être dissociés. Ainsi, toute
utilisation d'une ressource doit nécessairement tenir compte des
capacités du milieu et des autres ressources ambiantes, un principe qui
est pour nous élémentaire et fondamental. Vous voyez que, chez
les Attikameks et les Montagnais, les concepts d'utilisation polyvalente et de
rendement soutenu ont une signification qui n'est pas nouvelle.
À l'article 26 sur les droits d'exploitation des ressources, le
Conseil Attikamek-Montagnais s'interroge sur la portée de cet article
à l'égard des activités de récolte faunique
pratiquées par les Attikameks et les Montagnais. Selon les termes de cet
article, les activités de récolte faunique des Attikameks et des
Montagnais devraient être inscrites dans un registre des droits
d'exploitation des ressources indiquant les droits accordés et
identifiant les terres sur lesquelles portent ces droits. Or, nous nous
opposons à l'existence de ce registre, parce que nos activités de
récolte faunique font partie de nos droits ancestraux qui sont garantis
par les lois fondamentales du Canada, sans égard aux législations
provinciales.
Le Conseil Attikamek-Montagnais exige plutôt une participation
active au contrôle des activités d'exploitation des ressources sur
les territoires traditionnels des Attikameks et des Montagnais. Cette
participation pourrait se réaliser en fonction de différentes
catégories d'autorité sur ces territoires. Selon la
catégorie d'autorité exercée, soit exclusive ou
partagée, un tel contrôle pourrait mieux assurer la protection des
terres et des ressources, le respect des droits ancestraux et une utilisation
polyvalente des territoires.
Les articles 44 et 45 concernant les terres réservées aux
Indiens nous apparaissent totalement insuffisants pour traiter des questions
foncières des nations autochtones du Québec. Ces deux articles du
projet de loi reprennent de façon presque identique les termes de
l'ancienne Loi sur les terres et forêts, articles 63 à 65, sauf
sur la question de l'étendue de ces terres. En effet, l'article 64 de
l'ancienne loi précisait que la superficie des terres
réservées aux Indiens ne devait pas excéder 133 550
hectares.
Nous désirons d'abord savoir pourquoi cette disposition
foncière a disparu dans l'actuel projet de loi. En éliminant de
ta sorte cette disposition, le ministre veut-il manifester une plus grande
ouverture sur la question foncière ou, au contraire, ferme-t-il
définitivement la porte à tout agrandissement des réserves
ou à la création de nouvelles? Peut-être que le ministre
pourrait profiter de
l'occasion aujourd'hui pour nous confirmer si, oui ou non, ces terres
vont faire l'objet des négociations en cours.
Le ministre n'est pas sans ignorer qu'après les provinces
maritimes, le Québec demeure la province la moins
généreuse pour ses autochtones en matière de
propriété foncière, soit en superficie de réserves
per capita, et que le Canada lui-même fait figure de parent pauvre en
comparaison avec les États-Unis. Enfin, la situation des réserves
attikameks et montagnaises vous est certainement assez connue pour savoir que
la plupart des communautés ont des problèmes d'espace pour fins
de construction domiciliaire et de développement économique
local.
Vous comprendrez ainsi pourquoi le Conseil Attikamek-Montagnais ne peut
rester insensible à la question des terres et de leur affectation dans
l'actuel projet de loi. Les réserves indiennes ne permettent pas
à nos populations de développer leur potentiel créatif en
matière d'emploi et de développement économique, social et
culturel. Quant à nos territoires traditionnels,
considérés comme les fondements de notre culture et la clé
de notre avenir, ils font aujourd'hui l'objet d'un projet de loi qui ne tient
aucunement compte de nos droits reconnus par l'Assemblée nationale du
Québec, comme je le mentionnais tout a l'heure.
Prenez par exemple les articles 47, 60 et 61 du projet de loi.
Théoriquement, les familles attikameks et montagnaises vivant des
ressources de leurs territoires traditionnels pourraient être passibles
d'amendes et de frais en vertu de ces articles. En effet, une autorisation du
ministre leur serait nécessaire pour séjourner sur ces
territoires ou pour y ériqer un camp de chasse.
Dans un tel contexte de réglementation abusive, pourtant
dénoncée ailleurs par le parti au pouvoir, comment voulez-vous
inspirer la confiance des Attikameks et des Montagnais dans le présent
gouvernement? Sur quelles bases les Attikameks et les Montagnais vont-ils
accepter la bonne foi du gouvernement alors que nous sommes actuellement en
négociation active avec les représentants du même
gouvernement?
L'appel que nous lançons aux parlementaires réunis ici
aujourd'hui est bien simple, mais fondamental pour notre avenir. Ce projet de
loi illustre l'attitude contradictoire du gouvernement du Québec envers
les Attikameks et les Montagnais. D'une part, il reconnaît nos droits
ancestraux et accepte de négocier nos revendications. Mais, d'autre
part, il permet de grands projets de développement et tente de voter
à la hâte différents projets de loi qui vont nuire à
la pratique de nos activités économiques et qui compromettent un
juste règlement de nos revendications. En fait, n'ayant pas juridiction
sur les Indiens, le gouvernement du Québec n'est pas en mesure de voter
des lois qui viennent porter préjudice aux droits ancestraux reconnus
dans la Loi constitutionnelle de 1982.
Le Conseil Attikamek-Montagnais profite donc de l'actuel projet de loi
pour faire connaître publiquement ses préoccupations et ses
propositions face aux actions gouvernementales. Le projet de loi sur les terres
du domaine public est l'occasion pour le gouvernement de manifester sa bonne
foi et ses intentions envers le sort des populations attikameks et
montagnaises.
Nous tenons à ce que le projet de loi inclue certaines
dispositions à l'égard des questions qui nous concernent.
Premièrement, le projet de loi doit d'abord confirmer la reconnaissance
explicite de nos droits ancestraux et territoriaux. Deuxièmement, le
projet de loi doit comprendre les modalités de participation des
Attikameks et des Montagnais aux décisions importantes concernant leur
territoire dans le cas présent en matière de gestion des terres
et d'exploitation des ressources. Troisièmement, le projet de loi doit
prévoir, dans des termes suffisamment larges, l'application d'un
règlement négocié des revendications du Conseil
Attikamek-Montagnais.
M. le Président, si vous me permettez, pour ceux qui aiment moins
lire, j'aimerais ramasser ce qu'on vient de dire dans un résumé
d'environ une page. Si vous ne l'avez pas, quelqu'un pourra le donner.
Les Attikameks et les Montaqnais n'ont jamais cédé leurs
terres, leurs droits ancestraux maintenant reconnus par les articles 25 et 35
de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette reconnaissance constitutionnelle de
nos droits va dans le sens de deux principes de droit international:
premièrement, le droit à l'autodétermination,
c'est-à-dire le droit de déterminer librement notre statut
politique et d'assurer notre développement économique, social et
culturel; deuxièmement, le droit de propriété sur nos
terres, y compris les richesses et les ressources naturelles qui s'y trouvent,
et le droit de conserver ces terres; lesquels droits sont reconnus dans divers
textes de droit international comme la Déclaration universelle des
droits (1968), la Convention internationale sur les droits civils et politiques
(1966) et la Convention internationale sur les droits économiques,
sociaux et culturels de 1966.
Le gouvernement du Canada a d'ailleurs accepté de négocier
avec le Conseil Attikameks-Montagnais la mise en oeuvre de ces droits,
négociation à laquelle participe le gouvernement du Québec
depuis 1980.
D'autre part, l'Assemblée nationale du Québec a
adopté, le 20 mars 1985, une motion pressant le gouvernement de conclure
avec les nations autochtones des ententes,
notamment sur notre droit de posséder et de contrôler des
terres.
Le projet de loi 102 étant présenté par le
gouvernement comme une refonte complète des dispositions de la Loi sur
les terres et forêts, le gouvernement du Québec ne peut pas se
contenter de transcrire presque tels quels les deux articles concernant les
terres réservées aux Indiens.
En effet, le gouvernement du Québec doit inscrire clairement dans
ce projet de loi sur les terres du domaine public une reconnaissance formelle
de nos droits ancestraux, conformément à la loi constitutionnelle
de 1982, et une mention explicite que cette loi ne s'applique pas à nos
droits ni à notre autorité sur nos territoires.
Les Attikameks et les Montagnais ont la ferme volonté
d'établir de nouvelles relations avec le gouvernement du Québec.
Selon nous, des arrangements sont possibles sur la base de la reconnaissance de
nos droits. Merci.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. Gill. Je passe
maintenant la parole au ministre.
M. Ciaccia: Je veux remercier M. Aurélien Gill du Conseil
Attikamek-Montagnais pour sa présentation.
M. Gill, vous avez fait référence à mon discours
d'ouverture en ce qui concerne les droits qui devraient être
respectés par les autres utilisateurs. Ce que vous ne nous avez pas
cité, c'était le début de la phrase qui disait: Les
peuples autochtones font valoir qu'ils ont aussi des droits sur le vaste
territoire et que ces droits devraient être respectés par les
autres utilisateurs.
Je faisais état de vos réclamations, mais je vais
même aller plus loin. Il n'y a aucun doute, je reconnais que les autres
utilisateurs doivent respecter les droits des autochtones, et "autres
utilisateurs", en ce qui me concerne, veut dire aussi le gouvernement. Le
problème que nous avons -j'espère qu'on va pouvoir le
résoudre le plus tôt possible - c'est de s'entendre sur la
définition de ces droits. Dans certains cas, on a pu les définir,
venir à des ententes sur les obligations, la reconnaissance de certains
droits entre le gouvernement du Québec, le gouvernement
fédéral et les peuples autochtones. J'exprime le plus grand
désir et il n'y aura personne de plus heureux que moi de voir ce
problème résolu entre le Conseil Attikamek-Montagnais et le
gouvernement du Québec. Une fois qu'on pourra s'asseoir et
définir les droits, naturellement, toute la société, les
utilisateurs des terres et le gouvernement seront obligés de les
respecter. (16 heures)
Une autre remarque. À la page 11 de votre mémoire, vous
faites référence au fait que nous avions enlevé la
superficie des terres réservées aux Indiens qui ne devait pas
excéder 133 550 hectares. Si on l'a enlevée, c'est pour ne pas
imposer de limite. C'est la seule raison. C'est pour ne pas faire une
référence à la superficie. Si on avait inclus cette
référence comme maximum, vous auriez pu nous critiquer en disant:
écoutez, on ne peut pas néqocier. Vous dites d'avance qu'on ne
peut pas avoir droit à plus que tant d'hectares. C'était le seul
but, en enlevant ces chiffres.
Le projet de loi, suivant notre interprétation, n'enlève
de droits à personne. Le projet de loi est une refonte administrative,
une refonte de la Loi sur les terres et forêts, la reconnaissance que les
terres du domaine public ont plusieurs utilisateurs, non seulement, les
forêts comme l'impliquait l'ancien projet de loi, la Loi sur les terres
et forêts, mais il y a maintenant la question de la protection de la
faune, la question des droits forestiers. Il y a une série
d'utilisateurs. Ce que nous voulons, c'est avoir une loi qui rendra plus facile
l'administration des terres publiques et qui pourra faciliter même la
reconnaissance, l'application et la mise en application des droits des
différents utilisateurs des terres. Ce n'est pas notre intention
d'enlever des droits à vous ou à d'autres. On a
précisé certaines procédures, par exemple, avec les MRC,
non pas dans le but d'enlever des droits, mais juste de préciser les
procédures, à savoir comment certaines choses doivent se passer.
Quand on va arriver à une entente avec le Conseil Attikamek-Montagnais,
ce projet de loi va nous permettre d'appliquer la reconnaissance de ces
droits.
Je voudrais poser quelques questions en ce qui a trait à votre
mémoire. Premièrement, juste par curiosité, plus que par
curiosité. À ma connaissance, il y a des négociations en
cours entre le Conseil Attikamek-Montagnais et le gouvernement. À quel
stade en sont rendues ces négociations? Est-ce qu'elles avancent? Est-ce
que vdus négociez présentement avec le gouvernement en ce qui
concerne la reconnaissance de vos droits?
M. Malec: Vous voulez une réaction? Je vais donner ma
réaction et j'aurais aimé - je ne sais si c'est possible dans un
forum comme celui-ci - faire quelques commentaires à la suite de ce que
vous avez dit tantôt.
M. Ciaccia: Oui, certainement.
M. Malec: Est-ce que c'est possible?
M. Ciaccia: Certainement.
Le Président (M. Philibert): Allez-y!
M. Gill: Voici. Le stade des négociations. D'abord, comme
on l'a dit dans notre mémoire et comme on me le mentionne, cela fait
déjà cinq ou six ans, évidemment, qu'il y a des
engagements négociés de part et d'autre. Vous connaissez
déjà la politique du gouvernement fédéral. Avant
que celui-ci s'engage dans des négociations, il faut qu'il y ait
matière à réclamation et d'une certaine façon, on
s'engage parce qu'on pense qu'il y a des droits. En fait, nous
l'interprétons comme cela, nous autres. Donc, il y a des droits. C'est
pour cela que le gouvernement fédéral s'est engagé dans
les négociations avec nous.
Maintenant, pour avoir vécu la Baie James, vous savez sans doute
- je l'ai vécu moi aussi à ma façon - comment les
négociations marchent. De temps en temps, elles vont au ralenti et de
temps en temps, elles s'accélèrent. Mais vous savez qu'il y a un
point fondamental qui pourrait accélérer énormément
les négociations. Ce serait une reconnaissance des droits. Pour
répondre vraiment à votre question, si on voulait que cela
s'accélère et si on voulait dépenser moins d'argent etc.,
je pense que la bonne foi et la bonne volonté pourraient aider
énormément en disant une fois pour toutes ce que les gens pensent
vraiment et en le disant de la part du gouvernement. On a fait des campagnes
publiques et on sait que le public pense que les Indiens ont des droits.
Pourquoi alors ne pas l'admettre en engageant une négociation? A ce
moment-là, je pense que cela pourrait accélérer les
choses.
Vous dites quelque part: La loi est placée de façon
à contrôler les utilisateurs. Qu'est-ce qui empêcherait
justement, dans ce débat, de mettre dans le projet de loi tout cela en
respect des droits autocthones? Tantôt, vous avez mentionné que
c'est difficile parce que la définition des droits n'est pas là.
Je pense que dans l'esprit de tous les Québécois, il est clair
qu'il y a des droits autochtones. Même si on n'en a pas une
définition claire et si on n'est pas parvenu à une
définition acceptable, au moins on pourrait se conformer à une
réalité et dire que tout cela va se faire sans préjudice
aux droits autochtones, même s'ils ne sont pas définis. Je ne sais
pas ce qui peut empêcher cette chose et qu'est-ce qui peut nous
empêcher de nous comprendre sur cette idée d'avoir une
reconnaissance des droits. On ne demande pas de droits. Je pense que vous
auriez raison de dire, si on demandait des droits: Bien, écoutez,
qu'est-ce que vous voulez exactement? On ne demande pas de droits. On demande
que les droits soient reconnus. De génération en
génération, on a toujours pensé qu'il y avait des droits.
On pense que nous étions là et que nos ancêtres
étaient là. Je pense que personne ne peut nier cela. Donc, on
demande d'avoir une reconnaissance de ces droits. Cela pourrait aider
énormément dans toutes les discussions. D'ailleurs, si vous
l'avez remarqué, on finit notre mémoire comme ceci, dans notre
résumé, en disant: Écoutez, tous les arrangements sont
possibles mais de grâce, une reconnaissance des droits. Je ne sais pas si
j'ai répondu, M. Ciaccia, à votre question au stade des
négociations. Actuellement, je pense qu'on est en train d'arriver
à un calendrier d'activités et de s'entendre sur une
démarche générale des négociations. On peut dire
que depuis un bout de temps, cela a eu des hauts et des bas. Là, je ne
veux pas commencer à accuser qui que ce soit. Je sais qu'il y a une
question qui a empêché de faire accélérer les
choses, c'est ce que je vous disais tantôt. Actuellement, je pense, qu'on
est dans une erre d'aller assez importante.
M. Ciaccia: Merci. Vous proposez, à la page 9 de votre
mémoire, une gestion intégrée des terres et des
ressources. Est-ce possible - peut-être brièvement - de nous dire
comment vous pensez gérer les terres qui pourraient vous être
accordées à la suite d'une entente avec le gouvernement du
Québec?
M. Gill: Je ne voudrais pas...
M. Ciaccia: Sur les principes généraux, je ne veux
pas des détails.
M. Gill: Je ne voudrais pas jouer sur les mots non plus.
Écoutez, dans notre négociation, aujourd'hui et depuis longtemps,
nous disons que nous sommes propriétaires ou en tout cas, que nous avons
des droits sur les territoires. Nous ne les définirons pas aujourd'hui.
Ce que nous disons, c'est que nous sommes prêts à partager ces
droits ou la gestion de ces droits avec les autres. Par contre, nous pensons
qu'on peut gérer une autre partie d'une façon exclusive. C'est en
négociation dans le moment et cela va se définir, je
l'espère. La gestion par les Indiens, ce serait difficile de vous en
tracer un portrait détaillé. Globalement, la gestion des terres
et des ressources s'est toujours faite non pas par des biologistes et non pas
par une institution organisée comme la vôtre, mais elle s'est
toujours faite. Dans la rivière de Natashquan, il y a toujours eu du
saumon; il y en a eu moins ces dernières années, tant qu'on n'a
pas pris le contrôle, maintenant qu'on a le contrôle cela va se
replacer.
La même chose du côté de la rivière Mingan, M.
Perron sait ce que je veux dire. On a pris la rivière Mingan et il n'y
avait plus de saumon, mais on l'a prise, et les Indiens ont
décidé de fermer la rivière. La gestion s'est toujours
faite du côté indien, du côté de la conservation,
pour une raison très simple, c'est que, à un moment donné,
s'il
n'y a plus de saumon dans la rivière de Natashquan, pensez-vous
que ce sera les Américains qui seront pénalisés?
Pensez-vous que ce sera les gens de la côte sud, de la Gaspésie?
Je n'en veux pas aux gens de la côte sud, de la Gaspésie et aux
gens de Québec et de Montréal. Ils vont aller pêcher dans
d'autres rivières. Mais s'il n'y a plus de saumon dans la rivière
de Natashquan, les Indiens vont être affectés. Donc, il est
très important pour eux de conserver le saumon dans la rivière.
Peu importe ce qu'on a dit sur la place publique... On a dit que les Indiens
étaient des braconniers. Ce sont peut-être des braconniers dans le
sens qu'ils vont pêcher la nuit lorsqu'ils ne peuvent plus aller
pêcher dans les rivières; dans ce sens-là, ce sont des
braconniers. Mais quand on a le droit de pêcher et que les gens nous
laissent pêcher, on ne braconne pas.
M. Ciaccia: Vous parlez des rivières, mais vous dites
aussi dans votre mémoire que le projet de loi doit comprendre des
modalités de participation. Pourriez-vous nous donner brièvement
comment vous voyez la participation des bandes indiennes dans les
décisions concernant le territoire?
M. Gill: En supposant que vous acceptiez tout ce qu'on vous
demande, que vous reconnaissiez ces droits-là et que là, on
commence à faire des arrangements, en supposant que c'est cela, dans un
territoire donné - prenons n'importe quel territoire -où il y a
des activités de toutes sortes: de la foresterie, de la pêche, de
la chasse, du minier et ainsi de suite, je présume que, lorsqu'il s'agit
du développement d'un territoire comme cela ou d'une planification de
développement de territoire, les éléments, les ressources
et les utilisateurs sont tous considérés. Donc, j'imagine qu'on
aurait des plans de gestion qui tiendraient compte de la réalité
du milieu qu'on veut développer, qu'on veut explorer ou exploiter. En
fait, si vous me permettez - et j'espère ne pas rappeler de mauvais
souvenir - quand on a commencé la baie James, je me souviens qu'on
devait bâtir des barrages exclusivement pour avoir des kilowatts. Quand
les discussions ont été commencées, on s'est aperçu
que peut-être on pourrait quand même construire le barrage, mais en
ayant des effets moins négatifs sur l'environnement et tout cela. Mais
si on n'était pas intervenu à un moment donné par les
cours, peut-être qu'il y aurait eu d'autre chose. Peut-être que le
développement se serait poursuivi et vous auriez manqué un belle
occasion de faire un développement en dérangeant le moins
possible toutes les autres activités du territoire.
Je pense que ce que les Indiens veulent, c'est d'arrêter
d'être marginalisés quand des choses arrivent, comme des mines ou
n'importe quoi, On voudrait arrêter d'être marginalisés, on
voudrait que les qens cessent de penser qu'on n'est capables de rien faire. Il
y a un tas de possibilités là auxquelles les gens ne se sont
jamais arrêtés et qu'ils n'ont jamais voulu explorer vraiment.
Donc, aujourd'hui, on dit: Un instant! On va faire tout ce qu'on peut et si
cela n'arrive pas avec notre génération, cela viendra avec les
générations futures. On va faire tout ce qu'on peut pour faire
respecter ou faire reconnaître nos droits. Si cela n'arrive pas
maintenant, cela arrivera dans 50 ans, mais un jour ou l'autre, cela va
venir.
M. Ciaccia: Merci, M. Gill.
Le Président (M. Philibert): Oui, allez-y M. le
député de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, j'imagine que vous
m'accordez la parole. Je voudrais tout d'abord saluer tous les
délégués et particulièrement M. Gill qui est
originaire d'un coin que je connais bien et les remercier de nous avoir
présenté leurs revendications. J'ai une question qui me
préoccupe, c'est peut-être un problème de
compréhension que j'ai. D'abord, je dois dire que j'ai lu le document de
synthèse avec intérêt tout à l'heure. Vous y
poursuivez des objectifs qui ne peuvent pas nous laisser indifférents.
Ce que vous appelez le droit à l'autodétermination,
c'est-à-dire le droit de déterminer librement votre statut
politique et d'assurer votre développement économique, social et
culturel, je vous avoue que je suis sensible à cet objectif que vous
avez. (16 h 15)
D'une part, vous écrivez dans votre document-synthèse,
comme dans votre document de base, que le projet de loi concernant les terres
qui font l'objet des discussions ne fait que reprendre les articles de
l'ancienne loi. D'autre part, vous dites, dans votre présentation et
dans les discussions que vous avez eues avec le ministre: II nous
apparaît que le projet de loi nous enlève des droits ou nous
restreint.
En tout cas, je sens, de la plaidoirie que vous avez faite, que vous
trouvez que le projet de loi vous enlève des choses. Alors, comment le
projet de loi - peut-être que c'est un problème de
compréhension - peut-il ne reprendre que ce qu'il y a dans l'ancienne
loi vous concernant et en, même temps, vous enlever des choses, outre la
limite territoriale?
Le ministre l'a expliqué et, selon ma compréhension, c'est
un avantage qu'il en soit ainsi. Est-ce que vous pourriez m'expliquer cela?
M. Gill: Je ne suis pas un législateur. Mais j'imagine que
quand on adopte un projet
de loi ou quand on veut adopter un projet de loi c'est pour
contrôler du territoire, dans ce cas-ci, et contrôler
l'exploitation des ressources. Je le comprends globalement comme cela.
Cela suppose que quand il y a des activités qui vont devoir
prendre place sur le territoire quelqu'un va dire: Un instantl Cela va se faire
comme cela, comme ceci et ainsi de suite. Ils viennent au gouvernement pour
avoir cette autorisation-là.
Mais comment le gouvernement peut-il, sans reconnaître nos droits
fondamentaux, diriger un territoire, d'une façon globale, sur lequel
nous pensons avoir des droits? C'est notre argument de base. Je pense que vous
l'avez saisi, sans doute. Nous disons: Nous sommes prêts à faires
des arrangements. Nous sommes prêts à participer à toutes
sortes de choses, pour autant que vous reconnaissiez nos droits
fondamentaux.
Évidemment, l'ancien projet de loi, comme celui-ci, entre en
totale contradiction avec ce que je viens de dire, parce qu'on pense qu'on
devrait être dans la partie et avoir eu une reconnaissance. Dans l'autre,
on dit: Si jamais le ministre accepte une reconnaissance de droits officiels
sans les définir, on va dire: Écoutez, on ne les a pas
définis, par contre, on le sait, on n'était pas là. Mais
nos pères, nos grands-pères ont vu qu'il y avait des Indiens ici
quand on est arrivé et il y a des droits.
À ce moment-là, on dit que dans ces deux
paragraphes-là, en fait, pour nous, il faudrait aller beaucoup plus loin
que cela en ce qui nous concerne dans l'exercice, dans l'exploitation et dans
le contrôle des terres. Maintenant, c'est difficile pour nous de vous
dire, par exemple: Écoutez, faites donc cela dans le projet de loi. Mais
on dit: II faudrait que le projet de loi reconnaisse certaines choses avant et,
après cela, on s'assoira et on essayera de trouver ensemble comment on
peut améliorer la situation.
M. Gauthier: De ce que je comprends, M. Gill, vous êtes
actuellement dans une phase de négociation pas mal active avec les
gouvernements concernant les droits dont vous nous parlez. Avant même de
pouvoir connaître le résultat de ces négociations et de
savoir sur quels territoires portent les droits qui vous sont reconnus de fait
par le gouvernement, ne concevez-vous pas que le gouvernement puisse -
actuellement, il y a une partie du territoire importante qui est
gérée et sur laquelle le gouvernement du Québec a
"toujours" fait des interventions dans une période de temps relativement
courte quand on regarde toute l'histoire -légiférer pour encadrer
ces activités, ne présumant pas nécessairement de la
négociation, mais constatant qu'il y a actuellement des utilisateurs
blancs, entre autres, qui sont dans des territoires qui font l'objet de
discussions?
Mais si le gouvernement acceptait de suspendre son projet de loi, par
exemple, pour attendre le résultat des négociations, il
admettrait par le fait même que forcément il y a des morceaux de
territoire qui vous seraient confiés en prioriété ou en
totalité ou de façon unique. Est-ce que ce n'est pas
présumer du résultat de la négociation? Est-ce que le
gouvernement ne peut pas procéder pour régir les activités
qui s'y font comme c'est la situation actuellement et, parallèlement
à cela, mener une négociation qui aura peut-être pour
résultat d'amener le gouvernement à modifier par la suite un
projet de loi en disant: On exclut une partie ou une totalité de ce
territoire? Est-ce que le gouvernement devrait suspendre, d'après vous,
ce projet de loi en attendant le résultat de ces négociations?
C'est ce que je comprends, d'une part, et, d'autre part, je trouve que ce n'est
pas vraiment logique.
M. Gill: Voyez-vous, M. le Président, dans ce que vous
dites, il y a une chose que je voudrais un peu corriqer ici. On ne
négocie pas nos droits. Même si cela apparaît ainsi, on ne
négocie pas nos droits. C'est pour cela d'ailleurs que de temps en temps
il y a un dialogue de sourds. Les gens pensent qu'on négocie nos droits.
On ne négocie pas avec d'autres pour dire: S'il vous plaît,
à genoux, veux-tu me donner des droits? On pense profondément
qu'il y a des droits. Je suis d'accord avec M. Ciaccia, un jour ou l'autre il
va falloir s'asseoir et les définir. Mais si c'est le cas, et je vous
dis que la négociation se fait comme cela actuellement, la
négociation ne se fait pas sur la question de savoir si on a des droits.
Pour nous, c'est clair et net, il y en a des droits. La négociation peut
se faire; maintenant comment s'arrange-t-on ensemble?
Si on veut faire des projets de loi... D'ailleurs, c'est une chose qui
est reconnue actuellement dans la constitution canadienne, c'est reconnu dans
la constitution canadienne de 1982 qu'on a des droits. On dit maintenant: Quand
vous voulez faire quelque chose... Je ne voudrais pas m'embarquer dans un
débat, mais pour autant que je sache, le Québec est encore dans
la Fédération canadienne. Il y a une loi fédérale
qui dit qu'on a des droits. Maintenant, après cela, si on dit clairement
qu'on a des droits, pourquoi ne pas les placer dans les lois qu'on fait, et
ainsi de suite? C'est reconnu.
M. Gauthier: C'est une autre ambiguïté, M. Gill, vous
excuserez mon ignorance, mais j'en profite pour qu'on puisse échanger
là-dessus, je pense que c'est l'endroit pour cela. D'un
côté, vous dites dans votre mémoire: Le gouvernement du
Québec, à notre avis, n'a aucune espèce
d'affaire à légiférer là-dedans; nous, nous
avons une reconnaissance dans la charte canadienne. Je connais un peu aussi le
discours traditionnel, qui se défend et sur lequel je ne porte pas de
jugement. D'une part, je comprends que vous nous indiquiez qu'on n'aurait pas
vraiment d'affaire, comme gouvernement du Québec, à
légiférer dans cette matière de façon à
toucher quelque droit que ce soit vous concernant, et, d'autre part, vous nous
dites, un peu plus loin dans le mémoire: Tant qu'à
légiférer, reconnaissez donc cela, acceptez qu'on puisse
ensemble... J'ai l'impression que vous nous dites: Vous n'avez pas le droit de
légiférer, et dans le paragraphe suivant, vous dites:
Légiférez, mais avez nous. Est-ce que vous pourriez me clarifier
cela?
M. Gill: Pour moi, cela m'apparaît assez clair. D'abord, on
dit que le projet de loi actuel, s'il est adopté, vient nous brimer dans
les droits autochtones qui existent. On essaie de le dire au ministre,
peut-être qu'on l'a mal dit dans notre mémoire. On s'appuie sur
des conventions internationales, on s'appuie sur la constitution canadienne, on
s'appuie sur ceci, on a des droits dans cela. Donc, ce que vous faites dans le
moment, vous le faites sur du territoire indien. On dit cela dans notre
mémoire. En tout cas, on a essayé de le dire. On dit en
même temps: Si jamais vous voulez poursuivre avec votre projet de loi, au
moins reconnaissez la réalité de la vie, qui est cela. On a des
droits.
M. Gauthier: Je vous remercie. Je pense que j'ai des
collègues qui ont une ou deux questions.
Le Président (M. Philibert): M. le député
de Duplessis.
M. Perron: Oui, M. le Président. Je voudrais que M. Malec
fasse le message à M. Gill, s'il le rencontre un jour, que je ne veux
pas parler ici aujourd'hui de la rivière Mingan. La-dessus, je pense que
les Montagnais de Mingan, à la suite d'une discussion que j'ai eue avec
le chef Piétacho, savent à quoi je m'en tiens à ce
égard. Je pense que les rivières à saumon du
Québec, lorsqu'il n'y a pas de clarification apportée par une
entente quelconque, appartiennent non seulement aux Amérindiens, mais
qu'elles appartiennent aussi à l'ensemble de la population du
Québec dans la mesure où la ressource est respectée, qu'on
ne fait pas un charivari et qu'on ne nuit pas à cette ressource, comme
cela a été fait dans certains cas. Là-dessus, je vous
l'accorde.
Je n'ai pas l'intention non plus, M. Gill, de commencer à vous
parler du contenu des différents traités ou différentes
impositions qui ont été faites à partir de la
Proclamation royale de 1763 jusqu'à ce jour, incluant la
constitution rapatriée de 1982.
Cependant, vous avez mentionné dans votre mémoire
certaines choses sur lesquelles je voudrais vous poser des questions. À
la page 3, vous mentionnez que le Conseil Attikamek-Montagnais est formé
de plusieurs bandes. Il est sûr qu'on ne remarque pas la présence
de celle de Sept-Îles-Maliotenam. La question que je vous pose est
celle-ci: Vous parlez de négociations qui existent actuellement et en
particulier depuis 1980 à la suite de la déclaration qui a
été faite à l'Assemblée nationale en 1980 où
c'était parrainé par l'ancien premier ministre, M. René
Lévesque. Je pense de mémoire, que l'ensemble de l'Opposition et
les ministériels étaient d'accord avec cette position. Est-ce
qu'il y a des négociations qui existent actuellement entre les
Montagnais de Sept-îles-Maliotenam et le Conseil Attikamek-Montagnais
pour faire en sorte que l'ensemble des Montagnais qui font partie du Conseil
Attikamek-Montagnais soient tous dans un bloc au lieu d'être de
différentes sections comme c'est le cas actuellement?
M. Gill: Écoutez, c'est probablement notre souhait.
Justement, aujourd'hui, si le président du Conseil Attikamek n'est pas
ici, c'est parce qu'il est à Sept-Îles pour essayer de
régler cette histoire. Mais cela ne se passe pas seulement chez les
Indiens. Ce sont des choses qui arrivent ailleurs.
M. Perron: Oui, oui. On ne fera pas un plat là-dessus,
remarquez bien.
M. Gill: Je pense que c'est une chose, évidemment, qu'on a
en tête et qu'on essaie d'arranger. On fait notre possible, actuellement,
pour essayer de régler cette affaire.
M. Perron: Maintenant, M. Gill, vous avez dit tout à
l'heure à la suite d'une question qui a été posée
que vous voudriez la reconnaissance de vos droits d'une façon plus
explicite de la part du gouvernement du Québec, malgré que vous
ayiez aussi mentionné que c'est reconnu par le gouvernement
fédéral en vertu de la constitution de 1982. Par contre, si on
s'en tient à la déclaration faite en 1980 - elle est
mentionnée à la page 6 de votre document - qui regroupe
l'ensemble des droits qui ont été reconnus à ce
moment-là, est-ce qu'il y a d'autres droits, selon vous, qui pourraient
s'ajouter à ce que vous mentionnez à la page 6?
M. Gill: C'est difficile de répondre à votre
question. On a essayé de résumer, si vous voulez, d'une
façon générale, les droits qu'on prétend avoir.
Maintenant, on n'a jamais eu la chance de définir ou de discuter
de la portée de ces droits et ainsi de suite. Par contre, il y a
des réalités que tout le monde accepte. C'est qu'il y a les
droits des aborigènes, il y a les droits des premiers occupants. Il y a
eu des traités au pays. Si vos ancêtres ont décidé
de passer des traités avec les Indiens, ce ne devait pas être pour
le "fun", c'est parce qu'ils ont jugé que c'était
nécessaire d'avoir des traités. En autant que je sache, des
traités cela se passe entre nations.
En fait, il y a les droits qu'on mentionne, les droits des premiers
occupants. Il y a vos institutions, des institutions nationales et
internationales qui ont reconnu ces droits. Maintenant, quand les
gouvernements, provincial ou fédéral, viennent dans la
réalité de la vie pour appliquer des choses comme
celles-là, c'est très difficile d'avoir de la consistance et de
dire: II y a des droits et si on empiète sur ce territoire sur lequel on
a accepté qu'il y ait des droits, au moins qu'on le mentionne. C'est
clair que si on était plus nombreux que vous, il y aurait
peut-être autre chose qui arriverait. On est une petite minorité,
alors on ne peut faire autre chose que ce que l'on fait aujourd'hui.
M. Ciaccia: Vous n'aviez pas eu une bonne politique
d'immigration, c'est pour cela.
M. Gill: Non, mais on pense s'en mêler un peu maintenant.
(16 h 30)
M. Perron: Cela m'amène à une question, M. Gill.
Vous parlez de droits territoriaux. On sait que ces droits ne sont pas clairs
quand on parle, par exemple, de ce qui s'est passé depuis - je le
mentionnais - 1763 jusqu'à ce jour. Il y a des choses qui se sont
clarifiées en cours de route et il y a même des traités qui
ont oublié d'abroger d'autres traités et d'autres ententes qui
existaient antérieurement. Je pense que tout le monde le sait et c'est
pour cela qu'il y a un imbroglio total. Sur cela, je suis parfaitement d'accord
avec le ministre de l'Énergie et des Ressources et mon collègue
de Roberval lorsqu'ils mentionnent qu'à un moment donné, il va
falloir régler le problème et que les choses soient claires entre
tous les gens. Les droits qu'auraient ou qu'ont les Amérindiens au
Québec, il va falloir que ce soit spécifié quelque part
mais que ce ne soit pas éparpillé dans toutes les directions et
qu'on sache exactement à quoi s'en tenir. En ce qui me concerne, c'est
pour cela que l'entente de la Baie James et du Nord québécois a
clarifié, sinon 100 % des problèmes, au moins un joli paquet de
problèmes qui existaient antérieurement. Je parle de l'entente de
1974-1975, celle qui a été signée en 1975. Lorsque vous
parlez de droits territoriaux, vous les Attikameks-
Montagnais - je ne parle pas des Cris, je ne parle pas des Inuit, je
parle de vous Attikameks-Montagnais - quel est le territoire que vous
mentionnez à ce moment? Est-ce l'ensemble du territoire
québécois ou si c'est le territoire qui existe à l'est de
la rivière Tadoussac?
M. Gill: M. Perron, là on s'embarquerait dans un sujet qui
n'en finirait plus. Pour résumer la situation, pour autant que vous
sachiez et que je sache, dans le territoire que nous occupons maintenant il n'y
avait pas d'Européens. Alors, par la suite, des lois comme la
Proclamation royale, celle que vous avez mentionnée, etc., sont venues
limiter les droits des Indiens. Mais, même en limitant les droits des
Indiens au moins, elles les ont confirmés sur une bonne partie du
territoire du Québec et d'ailleurs. Vous savez cela aussi. Le
problème, vous l'avez mentionné tantôt, c'est que vous
étiez d'accord avec vos collègues pour dire qu'il faudrait
définir ces droits. Avant d'admettre qu'il y a des droits pourquoi les
gens veulent-ils tellement les définir? Est-ce que les gens ont peur
à un moment donné qu'on s'organise des armées et qu'on
s'organise toutes sortes de choses? On est peu nombreux. On vous demande
d'accepter un fait reconnu actuellement par bien des institutions. À ce
moment on va transiger ensemble sur un pied d'égalité et de bonne
foi. Actuellement on négocie. Où est la volonté politique
de négocier avec nous? Où est cette volonté politique de
vraiment négocier si on a peur d'accepter une réalité de
la vie et de dire: On va bâtir sur la base de droits que vous avez.
Lorsqu'on a recommencé à négocier dernièrement des
gens sont sortis et sont partis en peur avec les 700 000 kilomètres
carrés. Des gens de Chicoutimi m'ont appelé et ils ont dit:
Est-ce vrai qu'on est sur votre territoire? Est-ce vrai qu'à un moment
donné... Les gens ont pris cette chose et ils en ont fait un
épouvantait parce que c'est clair que vous avez toutes les institutions.
Nous avons très peu d'institutions et nous avons très peu de
choses. Alors, pourquoi ne pas reconnaître ces droits et pourquoi ne pas
nous donner la chance après cela d'avoir des institutions qui pourraient
collaborer avec les Québécois et arrêter d'être
à couteaux tirés tout le temps lorsqu'on parle de toutes sortes
de choses, de rivières ou de chasse etc,? Pourquoi ne pas
reconnaître un fait réel, dans n'importe quoi?
M. Perron: D'accord. Juste une brève question, si vous me
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Philibert): Est-ce qu'il y a
consentement? Alors, une très courte question et une très courte
réponse.
M. Perron: Lorsqu'on voit le projet de loi 102, on parle, aux
articles 26, 44 et 45... Vous dites que l'article 26 vous concerne et que pour
les articles 44 et 45 c'est directement que vous êtes concernés,
mais indirectement par Particle 26. D'après vous, est-ce que les
articles 26, 44 et 45 du projet de loi actuel diminuent ce que vous aviez
déjà dans l'ancienne loi, si je peux m'exprimer ainsi? L'ancienne
loi, c'est celle que nous avons. Nous sommes en train d'étudier celle-ci
pour en faire une nouvelle qui va remplacer l'autre. Est-ce que cela diminue
vos droits? Lorsque je vois les articles 63, 64 et 65 de la loi actuelle, au
chapitre T-9, est-ce que les nouveaux articles dans le nouveau projet de loi
diminuent en quelque sorte ce qui est déjà existant?
M. GilI: Cela actualise la loi et cela nous crée plus de
contraintes. C'est une courte réponse.
Le Président (M. Philibert): Merci pour la réponse
courte. Merci également.
M. Gill: Je ne sais pas, si vous me permettiez... j'aurais juste
une question à poser au ministre. On ne se voit pas souvent.
M. Ciaccia: On se voyait plus souvent il y a quelques
années.
Le Président (M. Philibert): Allez-y.
M. Gill: J'aimerais poser une question au ministre de
l'Énergie et des Ressources, M. Ciaccia. Le Québec a-t-il
actuellement une volonté politique d'arriver à de nouvelles
relations avec nous? A-t-il vraiment, concrètement, une volonté
politique de... Là, nous sommes à la table de
négociations, on veut négocier. Le gouvernement du Québec
a-t-il vraiment une volonté politique d'arriver à un
règlement avec les autochtones qui habitent, comme dirait Max, le
territoire appelé Québec?
M. Ciaccia: Je suis heureux que vous m'ayez posé cette
question. Oui, nous avons la volonté politique de conclure une entente
avec les peuples autochtones. Maintenant que vous me posez cette question, je
vais vous donner quelques idées que j'ai sur ce sujet, quitte
à... J'espère que vous le prendrez positivement. Vous demandez
qu'on inclue dans la loi le respect de vos droits. La loi ne dit pas que vous
n'avez pas de droits. Le problème d'inclure dans un projet de loi que
nous reconnaissons vos droits veut dire que, demain matin après
l'adoption de la loi, peu importe le geste qu'on veut poser sur les 1 400 000
kilomètres carrés de terres publiques, vous pourriez aller devant
les tribunaux, obtenir une injonction et geler toutes les activités sur
les terres du domaine public. Je ne pense pas que ce soit votre intention, mais
ce serait l'une des conséquence d'inclure...
M. Gill: Voulez-vous être notre avocat?
M. Ciaccia: Pardon?
M. Gill: Voulez-vous être notre avocat?
M. Ciaccia: Attendons plus tard.
Une voix: Une douzaine d'années.
M. Ciaccia: Brièvement, je vais vous dire la façon
dont je vois cela et peut-être que cela pourra débloquer certaines
choses. Quand vous faites référence à la Loi
constitutionnelle et quand le gouvernement fédéral écrit
quelque chose, il faut vraiment lire ce qu'il écrit; il n'a pas reconnu
vos droits dans la Loi constitutionnelle, je regrette! Il a dit que les droits
existants des peuples autochtones sont reconnus et confirmés et il a
prévu des mécanismes de négociations. Alors il faut
encore, de la façon dont c'est rédigé, qu'il
définisse ce que sont ces droits. Cela ne vous donne pas vraiment de
droits additionnels, c'est une reconnaissance d'une certaine façon. Mais
si on l'inclut dans la Loi sur les terres du domaine public, on gèle
effectivement les terres publiques. Je ne pense pas que ce soit votre intention
et il est impossible, pour nous, de le faire.
Dans vos négociations et dans vos discussions, vous partez du
général "Reconnaissez nos droits" - pour aller au
spécifique. Là, vous allez appliquer ce que veut dire la
reconnaissance des droits. La suggestion que j'aurais à vous faire,
c'est: Faites l'inverse, vous irez plus vite et cela va accélérer
le processus. Partez du spécifique et, après que vous aurez fait
toute la liste complète de vos besoins et de vos demandes pour votre
développement économique - les terres dont vous avez besoin - le
général va prendre soin de lui-même. Tant et aussi
longtemps que vous voulez une reconnaissance de droits, que personne ne peut
définir maintenant, vous allez rester à la table de
négociations pendant des mois, des années, des décennies;
c'est la façon dont je le vois. Si vous pouvez faire l'inverse... J'ai
toujours conseillé tant le gouvernement que les peuples autochtones en
disant: Le gouvernement hésite toujours à donner des droits et
à les reconnaître, alors je demande au gouvernement d'être
un peu plus idéaliste dans sa reconnaissance et dans sa façon de
transiger avec les autochtones. Mais le conseil que je pourrais donner aux
autochtones, c'est d'être plus réalistes. Alors, si les
gouvernements étaient plus idéalistes et certains groupes
autochtones plus
réalistes, je pense qu'on pourrait aller loin et qu'on aiderait
à accélérer et à en arriver à des ententes.
Je suis d'accord avec vous sur certaines choses que vous mentionnez ici. Nous
allons examiner vos propos. Par exemple, quand dans le projet de loi on dit:
Nul ne peut séjourner sans le consentement, franchement, vous avez
raison. On fait un projet de loi dans le domaine public et après cela on
dit au public: Vous ne pouvez pas aller sur les terres publiques. Alors, vous
pouvez Être assurés que cette clause, qui dit que nul ne peut
séjourner, sera enlevée. Premièrement, elle n'est pas
applicable.
M. Gill: Vous savez que dans le passé, cela s'est
fait.
M. Ciaccia: Nous ne sommes pas pour faire la surveillance
policière de 6 000 000 de Québécois qui peuvent aller sur
les terres publiques. Avant d'aller sur une terre publique de 1 400 000
kilomètres carrés, il faudrait venir chercher un permis, cela n'a
pas de sens. On va enlever cela. Quant aux autres recommandations que vous nous
faites, nous allons les examiner et nous allons voir. En ce qui concerne la
discussion entre nous, nous sommes prêts à faire le
nécessaire pour collaborer et aider, mais je pense qu'il faudra
accélérer les discussions et les négociations. Nous avons
la volonté de le faire et nous devrions le faire tous les deux d'une
façon assez réaliste afin que cela se concrétise. Je vous
remercie encore une fois pour votre mémoire. J'espère qu'on va
pouvoir faire du progrès ensemble.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre. Le
temps est écoulé. Les membres de l'Opposition pour la
conclusion.
M. Gauthier: C'est simplement pour vous remercier de la
présentation et vous assurer que ces échanges ont
été intéressants. C'est un pas de plus et c'était
un peu votre but également pour nous sensibiliser à la situation
qui vous est faite et à la négociation que vous faites
actuellement. Je vous remercie infiniment.
M. Gill: À mon tour, je voudrais remercier les membres de
nous avoir reçus et de nous avoir écoutés.
Le Président (M. Philibert): Au nom de la commission, je
vous remercie de cette participation à cette consultation. Je vous
souhaite bon retour à la maison. Il y aura une suspension de cinq
minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 43)
(Reprise à 16 h 57)
Le Président (M. Philibert): Nous allons maintenant
entendre le Conseil des Algonquins. Monsieur, comme vous êtes le seul
représentant, je vous rappelle que le temps alloué est d'une
heure répartie comme ceci: 20 minutes pour présenter le
mémoire, 20 minutes pour la discussion avec les membres du gouvernement
et 20 minutes pour la discussion avec les représentants de
l'Opposition.
Monsieur Rankin, vous pouvez présenter votre mémoire.
Conseil des Algonguins de l'Ouest du
Québec
M. Rankin (Dominique): Merci, M. le Président. Je vais
faire cela très vite parce que, premièrement, on n'a pas de
mémoire à présenter mais une lettre qu'on a envoyée
au premier ministre, M. Bourassa,et je suis tout seul, comme vous le voyez.
Nous, représentants du Conseil algonquin de l'Ouest
québécois, vous remercions d'avoir accepté de nous
entendre par le biais de cette consultation sur le projet de loi 102 sur les
terres du domaine public.
Nous serons très brefs, ayant déjà fait
connaître notre position au chef de votre nation, l'honorable M. Robert
Bourassa, par voie d'une lettre ou d'une résolution dont nous annexons
copie.
Nous ne pouvons être d'accord avec un projet de loi selon lequel
le gouvernement du Québec prétend avoir tous les droits sur les
terres que nous occupons depuis des milliers d'années et sur lesquelles
votre présence est tout récente.
Pour répondre à la réalité sociale et
légale actuelle, nous croyons qu'un tel projet de loi devrait
établir un mécanisme qui aurait pour but d'en arriver, en premier
lieu, à une entente sur l'étendue de notre territoire ancestral
et, en second lieu, sur nos droits sur notre territoire.
Bien entendu le gouvernement cessera d'agir unilatéralement
pendant cette période. Ce mécanisme aurait pour but
d'éviter de vaines et lonques procédures judiciaires et de ne pas
envenimer nos relations comme cela est le cas dans d'autres provinces du
Canada.
Nous espérons que vous saurez tenir compte de ces recommandations
qui ne peuvent que développer le plus grand respect mutuel. (17
heures)
Je vais seulement lire la résolution qu'on a envoyée
â l'honorable Robert Bourassa. Cela a été proposé
par Jimmy Constant, le chef de Kipawa, secondé par Randy Poison, le chef
de Notre-Dame-du-Nord. "Nous les bandes du Lac Simon, Abitibiwini,
Grand-Lac-Victoria, Kipawa, Témiscamingue, Long Point et Wolf Lake,
représentées par notre conseil de nation le Conseil
algonquin de l'Ouest du Québec, avons pris connaissance du projet de loi
102 à l'Assemblée nationale, Loi sur les terres du domaine
public, et c'est avec consternation que nous avons constaté que ce
projet de loi n'ouvre aucune porte de reconnaissance quelconque de nos titres
sur nos terres ancestrales. "L'histoire se répète et les
gouvernements cherchent encore aujourd'hui à parachever et à
finaliser la dépossession de nos terres. Ce même
phénomène de dépouillement se produit aussi à
d'autres niveaux, entre autres au niveau de notre culture par le biais de votre
loi sur la chasse et la pêche. "Par ailleurs, nous tenons à vous
affirmer que nous considérons que chaque fois que vous cédez des
droits à des tiers, sans notre consentement, sur nos terres
traditionnelles, vous portez atteinte à nos droits fondamentaux. "Cette
prise de conscience nous fera nécessairement adopter une position de
grande vigilance quant au respect de nos droits dans l'immédiat et dans
le futur, droits qui ont été trop souvent ignorés et
bafoués et cela même si nous sommes très confiants des
résultats du processus constitutionnel qui nous concerne."
Le Conseil de l'Ouest du Québec.
Je vous remercie.
Le Président (M. Philibert): C'est terminé.
M. le ministre.
M. Ciaccia: Merci, M. Rankin et le Conseil algonquin de l'Ouest
du Québec. Je pense que vous connaissez notre position et les raisons
pour lesquelles on ne peut pas inclure dans le projet de loi 102 une soi-disant
reconnaissance des droits sans savoir exactement la définition de ce que
ces droits représentent. Est-ce que vous êtes en processus de
négociations, soit avec le gouvernement du Québec ou avec le
gouvernement fédéral en ce qui concerne la reconnaissance de vos
droits et de vos réclamations?
M. Rankin: Le droit sur... Je ne comprends pas.
M. Ciaccia: Est-ce que vous avez formulé des demandes
formelles au gouvernement fédéral pour la reconnaissance de vos
droits?
M. Rankin: Pas à ma connaissance. Cela a peut-être
été fait avant, mais je ne peux pas vous répondre de ce
côté-là. Cela ne fait qu'un an et demi que je suis au
conseil algonquin.
M. Ciaccia: Vous n'êtes pas en négociation
avec...
M. Rankin: Négatif.
M. Ciaccia: Est-ce que vous savez quand vous serez en mesure de
formuler vos demandes aux deux niveaux de gouvernement?
M. Rankin: Présentement, on a monté un
comité qui travaille là-dessus et je croîs que cela va
être déposé vers le mois de juin au niveau
fédéral.
M. Ciaccia: Avez-vous l'intention de formuler des demandes au
gouvernement du Québec aussi ou, pour le moment seulement, au
gouvernement fédéral?
M. Rankin: Du côté provincial, oui, on va
négocier aussi, parce qu'il y a tellement d'autres choses. Je disais
tout à l'heure dans le mémoire qu'il y a tellement d'affaires qui
sont touchées dans d'autres lois. Comme exemple, il y a la chasse et la
pêche. Présentement, cela va bien, parce qu'on a formé un
comité avec le MLCP là-dessus pour le premier contact qu'on a eu
avec le gouvernement proviciai dans le domaine de la chasse et de la
pêche concernant le droit de passage des territoires privés de
pourvoirie.
M. Ciaccia: Ce comité a été formé
entre vous et le MLCP.
M. Rankin: MLCP.
M. Ciaccia: Est-ce que cela fait longtemps que ce comité
est formé?
M. Rankin: Le comité a été formé au
mois de décembre. La première rencontre a eu lieu au mois de
décembre et, jusqu'à maintenant, on n'a pas de problème de
communications pour avoir des renseignements à savoir ce qui se passe
dans la loi concernant la chasse, la pêche et les territoires.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Philibert): Cela va. À
l'Opposition, M. le député de Roberval.
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Juste une question
concernant votre présentation. Vous dites que vous avez pris
connaissance et étudié le contenu de la loi 102. Est-ce qu'on
peut penser, parce qu'il n'y a pas dans votre lettre de recommandation, que
vous vous êtes arrêtés sur un mode de participation? Tout
à l'heure, par exemple, les Attikameks-Montagnais nous ont
indiqué que si le gouvernement procédait à l'adoption de
la loi 102 ils se voyaient participant à
des comités de consultation ou consultés sur des
décisions à prendre. Est-ce que vous avez fait la même
réflexion sans l'avoir livrée ou si vous en avez fait une lecture
en vous bornant à nous écrire que vous étiez en
désaccord avec le projet de loi? Est-ce que vous en avez
discuté?
M. Rankin: On est en désaccord avec cette loi parce qu'il
n'y a pas eu de consultation avant. C'est la seule raison pour laquelle on
s'est présenté de cette façon. On est toujours prêt
à négocier. Mais, au moins, qu'ils reconnaissent aussi nos
droits. On serait prêts. On n'est jamais négatifs. On a toujours
rêvé de s'asseoir avec le gouvernement provincial et discuter de
n'importe quelle loi.
M. Gauthier: Je vous remercie, cela va.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Oui, M. le Président. Bien sûr que cela
me ferait énormément plaisir de rencontrer M. Rankin, le grand
chef du Conseil des Algonquins de l'Ouest du Québec.
M. Rankin, est-ce que vous pourriez me dire, actuellement, combien il y
a... Dans votre lettre envoyée à M. Bourassa, vous disiez qu'il y
avait sept conseils de bande qui avaient rejoint le Conseil des Algonquins de
l'Ouest du Québec. Combien cela représente d'Algonquins sous la
responsabilité de ce conseil?
M. Rankin: Sept bandes sont représentées par le
Conseil des Algonquins. Cela représente, au total, autour de 2500
Algonguins.
M. Perron: Cela comprend les sept bandes. Maintenant, est-ce
qu'il y a d'autres bandes algonquines au Québec» soit dans l'est
québécois, au nord ou plus au sud?
M. Rankin: Maniwaki et Rapid-Lake ne font pas partie de notre
conseil. Du côté de l'Ontario, trois réserves algonquines
ne font pas partie du conseil du Québec.
M. Perron: Merci de votre réponse. Maintenant, j'ai une
autre question. La bande de Maliotenam/Sept-îles a un protocole d'entente
signé quant à l'approvisionnement du saumon sur la rivière
Moisie et quant à l'approvisionnement dans certains secteurs
d'activité autres que la pêche et la chasse. Est-ce que vous avez,
en tant que Conseil des Algonquins de l'Ouest du Québec, des ententes
signées avec différents ministères du gouvernement du
Québec, comme le MLCP, le SAGMAI ou autres?
M. Rankin: Oui, il y a plusieurs protocoles d'entente avec le
gouvernement du Québec, mais ce sont tous des projets à court
terme. Ce ne sont pas des dossiers politiques.
M. Perron: D'accord. Pour en revenir directement à la
question de la loi 102, est-ce que vous avez reçu de l'aide? On sait que
quand on travaille à un projet de loi et qu'on n'en a pas l'habitude,
c'est tout de même assez difficile, et très souvent on n'a pas
l'aide technique ou les ressources financières pour obtenir de bons
résultats quant aux revendications et quant aux changements qu'on
voudrait apporter à la loi. Est-ce que vous avez reçu de l'aide
technique provenant soit du gouvernement canadien ou du gouvernement du
Québec pour le montage de vos dossiers? Vous avez parlé d'un
dossier tout à l'heure qui devait être remis au gouvernement
canadien en juin prochain et qui se rapporte à la question territoriale
et à vos droits. Je présume que vous allez en faire parvenir une
copie au gouvernement du Québec, tout en espérant que
l'Opposition en recevra une aussi. Je ne pense pas que le ministre de
l'Énerqie et des Ressources s'oppose à cela. J'en douterais de
toute façon. Et pour ce qui est de l'aide technique et
financière?
M. Rankin: Le Conseil des Algonquins existe maintenant depuis dix
ans. Malheureusement, on n'est pas plus avancé que cela. Il y a eu
beaucoup de changements à l'intérieur du Conseil des Algonquins.
Présentement, on travaille à l'élaboration d'un plan de
travail, d'un plan d'action et on essaie d'avoir plus de consultants. Il y a
des députés, ici, qui sont déjà venus chez nous.
Ils ont remarqué que ce n'est pas tapissé comme chez les Cris de
ta Baie James. On a un petit bureau et ce sont les sept chefs qui
décident. On travaille beaucoup en collaboration. Quand on a pris
connaissance de la loi 102, on a eu un consultant qui est venu
bénévolement.
M. Perron: Donc, si je comprends bien, en tant que Conseil des
Algonquins, vous ne recevez pas d'aide financière, pas plus du
gouvernement du Québec que vous n'en recevez du gouvernement
fédéral pour préparer vos dossiers, pour qu'ils soient
techniquement montés. Je fais allusion à tout ce qui s'est
passé au cours des dix dernières années, même
antérieurement.
Les représentants des Cris, des Inuit, des Montagnais qui
viennent ici, normalement sont représentés par des juristes, par
des avocats ou avocates. C'est sûr qu'en ce qui concerne la
législation, cela peut aider énormément. Mais, on sait
aussi, d'autre part, que ces consultants coûtent de l'argent aux conseils
de bandes concernés ou encore aux bandes concernées.
M. Rankin: On a un peu de fonds pour engager des
spécialistes concernant la consultation, mais on les utilise
présentement pour se consulter entre nous, entre les chefs. Avant, il y
avait un manque de consultation, en fin de compte. Maintenant, c'est
stabilisé. Présentement, on a un avocat qui travaille avec nous,
mais à temps partiel.
M. Perron: Cela va pour moi. Merci, M. Rankin.
M. Rankin: Merci.
Le Président (M. Philibert): M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: Merci, M. le Président. Juste une couple de
petites questions. Étant donné que vous étiez dans la
salle au moment où le Conseil Attikamek-Montagnais déposait ses
revendications et présentait son mémoire, j'aimerais savoir si
vous endossez l'ensemble des revendications et des recommandations que
faisaient les porte-parole du Conseil Attikamek-Montagnais''
M. Rankin: On travaille beaucoup avec le Conseil
Attikamek-Montagnais. On a beaucoup de consultations. On trouve qu'on a assez
de problèmes communs et on a aussi d'autres choses en commun. Pour le
travail qu'on a fait pour déposer notre mémoire, on s'est
consulté seulement hier. C'était déjà tout fait. On
a fait un échange et on a semblé rejoindre exactement les
mêmes choses qu'au Conseil Attikamek-Montagnais. Je l'appuie à 100
%.
M. Claveau: On peut dire, à toutes fins utiles, que la
représentation ou le mémoire du Conseil Attikamek-Montagnais
aurait pu être le vôtre?
M. Rankin: Oui, on aurait pu ajouter autre chose nous concernant
précisément. On a d'autres choses aussi.
M. Claveau: Concernant des questions plus particulières
chez vous.
M. Rankin: C'est cela.
M. Claveau: Mais dans l'ensemble de la discussion en ce qui
concerne, entre autres, le droit des autochtones ou les droits des autochtones,
vous endossez la position des Attikameks-Montagnais?
M. Rankin: C'est identique par chez nous. Ce sont exactement les
mêmes problèmes qui existent. (17 h 15)
M. Claveau: D'accord. J'aimerais peut-être, en terminant,
poser une petite question supplémentaire. J'aimerais savoir si vous
pouvez nous donner des exemples concrets ou nous expliquer d'une façon
facilement compréhensible la grande partie ou la majorité de vos
problèmes, les principaux problèmes que vous avez sur le terrain
quant aux relations entre vos chasseurs, pêcheurs ou trappeurs sur leur
territoire de chasse et les interventions blanches, comme on les appelle,
qu'elles soient gouvernementales, de l'entreprise privée ou de
particuliers?
M. Rankin: Quand vous parlez des Blancs, on n'a pas de
problèmes avec les Blancs. C'est avec la loi qu'on a des
problèmes. Le gros problème qu'il y a chez les Algonquins, c'est
surtout en ce qui concerne la chasse et la pêche. Ils ne sont plus libres
comme avant. Maintenant, ils sont encadrés. Il faut qu'ils aillent
à la chasse à tel endroit. Il faut qu'ils aillent à la
pêche à tel endroit. Il y a des endroits où ils n'ont plus
le droit d'utiliser des filets de pêche.
Parfois, ils sont obligés de se déplacer à cause de
la loi, par exemple, la loi sur la taxe foncière des MRC. Il y a
plusieurs Indiens qui reçoivent cette facture-là qui
s'élève déjà à plus de 1000. $ et ils ne
savent pas pourquoi cette facture-là est arrivée du jour au
lendemain. Il n'y a jamais eu de consultation.
Je pense surtout aux gens qui restent dans la forêt, qui y ont
toujours vécu et qui chassent encore de façon traditionnelle. Ils
ont vécu là. C'est surtout ce problème que nous avons.
C'est la chasse, le délai aussi pour la pêche ou la chasse
à l'orignal. Chez nous, ce n'est pas le saumon; c'est de l'orignal.
Le gros problème qu'on rencontre aussi, c'est que la forêt
est tellement détruite - on n'a plus de gros gibier comme on en avait
avant - par la coupe à blanc. Cela "magane" beaucoup la faune et
même les animaux à fourrure. Cela touche beaucoup la vie
traditionnelle des autochtones dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue.
M. Claveau: Merci, M. le grand chef.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Dans votre lettre
à M. Bourassa, vous mentionnez les terres traditionnelles. À ce
moment-là, on touche à la question des droits territoriaux.
Est-ce que vous avez actuellement en votre possession un document quelconque
qui pourrait décrire le territoire où vous, les Algonquins,
considérez avoir des droits en Abitibi-Témiscamingue ou, encore,
dans l'Outaouais ou ailleurs?
M. Rankin: Oui, c'est facile à trouver. C'est aux archives
du ministère des Affaires indiennes. Chaque bande d'Indiens
algonquins
a son propre "mapping", comme on l'appelle, une "map" où l'Indien
trappe et chasse en même temps et c'est son territoire. Chaque famille
algonquine a son propre territoire. C'est assez grand. Mais depuis que le
ministère des Affaires indiennes a établi la Réserve des
castors, comme on l'appelle, il y a d'autres indiens qui sont à
l'extérieur de la Réserve des castors et qui ont leur territoire
tout en étant considérés comme non-indiens. C'est chez ces
gens-là qu'on rencontre beaucoup de problèmes, parce qu'il sont
obligés de payer la taxe à cause de la formation de la
Réserve des castors. C'est depuis que la Réserve des castors
existe qu'il y a beaucoup de problèmes.
M. Perron: Donc, en fait, si je comprends bien, c'est que les
droits territoriaux que vous mentionnez dans la lettre à M. Bourassa,
c'est l'ensemble de ces territoires qui sont... Ce n'est pas cela?
M. Rankin: Non, ce n'est pas cela. Je parle uniquement de la
chasse et du trappage. Si nous revendiquons nos territoires, cela va plus loin
que cela. Présentement, on est en train d'écrire un
mémoire pour déposer un... Comment appelle-t-on cela? Un
"statement"?
M. Perron: D'accord.
M. Rankin: Des énoncés de principe.
M. Perron: D'accord.
M. Rankin: On va les déposer très bientôt au
ministère des Affaires indiennes pour revendiquer nos territoires.
M. Perron: Et cela va concerner la question territoriale?
M. Rankin: Ce n'est pas juste les territoires. On va chercher les
territoires algonquins qui étaient habités il y a x
années.
M. Perron: Oh, là là! Donc, est-ce possible,
à ce moment-là, que le territoire qui va être défini
à l'intérieur du document en question touche une partie du
territoire d'autres Amérindiens ou quoi?
M. Rankin: C'est sûr. On a même
déjà...
M. Perron: ...comme font les Montagnais avec les Naskapis.
M. Rankin: Comme font les Cris avec les Algonquins.
M. Perron: Est-ce que vous allez demander, à ce moment,
des modifications à l'entente de la Baie James et du Nord
québécois?
M. Rankin: Présentement on n'a pas de pouvoir pour entrer
en négociation. Si on dépose les énoncés de
principe, c'est inscrit à l'intérieur. C'est sûr qu'on va
être obligé de s'asseoir avec eux pour négocier.
M. Perron: Merci, M. Rankin. M. Rankin: Merci.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Roberval, pour les remerciements, pour la conclusion...
Non, mais est-ce que... M. le ministre m'informait qu'il avait fini,
à moins que vous n'ayez des questions.
M. Gauthier: Pour ma part, j'ai terminé. Il me reste
à remercier notre interlocuteur d'être venu nous présenter
son point de vue. Il nous reste à passer ensemble à la conclusion
de la commission. Je peux procéder immédiatement, peut-être
à ce niveau.
M. Ciaccia: Je vaudrais juste remercier le chef Rankin.
M. Gauthier: D'accord.
M. Ciaccia: Je vous remercie pour la présentation de votre
mémoire et de votre point de vue.
À la suite d'une question qui vous avait été
posée, vous avez mentionné que vous n'avez pas été
consulté sur la loi 102. Il n'y a pas eu de consultation
antérieurement à la commission parlementaire d'hier et
d'aujourd'hui. C'est cela le but. Le but de la commission parlementaire qu'on
tient maintenant c'est de consulter les différents intervenants, les
différents organismes, les différents peuples autochtones pour
qu'ils nous donnent leur point de vue. C'est la première consultation
que nous avons. Nous n'avons pas consulté d'autres groupes. Je voulais
juste préciser ce point.
M. Rankin: Quand on parle de la consultation, c'est justement
avant que ne soit écrite la loi 102, on aurait dû s'asseoir et
écrire tous les deux. C'est notre philosophie. Chez les autochtones,
c'est cela.
M. Ciaccia: Idéalement, je vous comprends.
M. Perron: En d'autres mots, M. le Président, il aurait
voulu avoir des consultations comme cela s'est fait dans le cadre de la
politique forestière.
M. Ciaccia: Même dans la politique
forestière, il y avait un avant-projet de loi et c'est là
que la consultation a eu lieu.
M. Perron: Je m'excuse, M. le Président, mais le ministre
n'a pas compris.
M. Ciaccia: Les discussions, oui, mais...
M. Perron: Je parle depuis 1982, 1963 et avec les
résultats du 11 juin 1985. C'est ce qu'on veut dire à ce
moment.
M. Ciaccia: De toute façon...
Le Président (M. Philibert): À l'ordre! M. le
député de Duplessis, j'avais compris tantôt de votre...
J'avais compris tantôt du député de Roberval que les
remerciements étaient faits. Donc, que l'Opposition avait fini ses
interventions.
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Ciaccia: Merci. Je suis heureux de constater aussi que vous
avez formé un comité avec le MLCP, le ministère du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, sur des sujets particuliers. Je pense que
c'est très positif et peut-être que c'est une bonne formule de
dire: Si on a des problèmes particuliers sur la chasse et la
pêche, sur les terres, ou autres, plutôt que de parler dans
l'ensemble de tous les droits, qu'on dise d'abord: Voyons comment on peut
résoudre le problème particulier avant de continuer à
trouver des solutions à d'autres sujets, je pense que c'est une bonne
formule que j'appuierais.
En concluant, je veux vous remercier pour votre mémoire et vos
points de vue. Nous espérons que quand vous aurez d'autres
problèmes vous nous les communiquerez et, ensemble, on pourra essayer de
les résoudre. Merci.
M. Rankin: Merci beaucoup. Je suis sûr que l'an prochain on
va être là. On commence à s'intégrer pas mal dans
les affaires politiques.
M. Ciaccia: Merci.
M. Rankin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Philibert): Au nom de la commission je
vous remercie de votre participation à cette consultation
particulière et je vous souhaite un bon voyage de retour. Maintenant,
nous allons passer à la période de conclusion des travaux de
cette commission et je cède la parole au député de
Roberval qui a, pour conclure, dix minutes qu'il n'est pas tenu de prendre s'il
le juge à propos.
M. Gauthier: M. le Président, je voulais plutôt
prendre un peu plus de temps, de toute façon je vais faire
rapidement.
M. Ciaccia: Consentement.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Roberval.
Conclusions M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Le ministre est donc réceptif en certaines
circonstances!
Voici, M. le Président, je me référerai simplement
à nos remarques d'ouverture lors de l'étude de ce projet de loi.
Il me semble qu'à écouter les groupes qui sont venus nous voir,
il y a un certain nombre de choses qui ont été confirmées,
certaines de nos craintes ont été confirmées et le
ministre devra, je pense, prendre certaines recommandations en
considération.
D'abord, je voudrais simplement rappeler au ministre tout ce que les MRC
sont venues nous dire ici concernant les questions d'arrimage avec les
schémas d'aménagement. Je pense que le ministre devra, dans la
rédaction du projet de loi, être sensible aux commentaires qui ont
été faits et surtout considérer de façon
particulière le fait que la consultation des citoyens n'est pas une
chose privilégiée dans l'avant-projet de loi. Les MRC se sont
montrées très intéressées à ce que le
ministre en tienne compte et puisse prévoir une période de
consultations assez lonque pour que, lorsque des interventions gouvernementales
seront faites dans les milieux -tout le processus de consultations auxquelles
les MRC se sont livrées par la loi 125 - ces consultations puissent se
faire également et que le ministre ne s'exempte pas en quelque sorte de
ce devoir peut-être un peu plus long, soit, mais nécessaire pour
savoir ce que les gens en pensent.
Il y a également le problème de l'article 17 qui, à
notre avis, devra être modifié. Je ne sais pas pour quelle raison
le ministre n'a pas inclus le tableau qu'on retrouve dans la publication
Modalités d'intervention en milieu forestier, tableau qui parle
des vocations, des appellations et des définitions de chacune des
terres, de chacun des territoires. Selon nous, il devrait y avoir une
référence à ce tableau, qui est bien fait et qui permet en
quelque sorte de clarifier des notions qui ont besoin d'être
clarifiées. J'aimerais que le ministre fasse des efforts auprès
de ses collègues, pour faire en sorte qu'une référence
à ce tableau puisse être inscrite. À l'article 17, en
commission parlementaire quand nous travaillerons sur ce projet de loi, nous
verrons si le ministre a suivi nos recommandations. Nous travaillerons fort
pour vous sensibiliser et pour vous amener à les suivre. Cet article
pourrait faire l'objet d'une longue discussion.
Une voix:Une longue motion.
M. Gauthier: Je souhaite que vous soyez sensible dès
maintenant à cette chose.
Une autre chose intéressante a été amenée
à la commission par la Chambre des notaires, c'est la question du code
du domaine public, suggestion à laquelle vous vous êtes
montré un peu sensible, je pense, quoiqu'il ne vous semble pas que la
Loi sur les biens culturels puisse aller dans ce code. M. le ministre, nous
accepterions une version...
M. Ciaccia: Ce n'est pas naturel, pour moi.
M. Gauthier: Nous accepterions, M. le ministre, une version
allégée du code et nous sommes prêts à discuter pour
l'avenir de cette chose. Je pense que le ministre devrait se faire le promoteur
d'une commission de travail qui pourrait étudier cette chose. C'est une
suggestion sérieuse, intéressante et je ne doute pas que le
ministre, qui compte évidemment faire adopter son projet de loi 102,
voudra également être le parrain, le père d'un tel code. Ce
serait tout à son honneur. À défaut de signer beaucoup de
contrats dans le domaine de l'hydroélectricité, il pourra au
moins, dans le domaine des terres, faire sa marque.
M. Ciaccia: Avoir un code de l'électricité. (17 h
30)
M. Gauthier: Également, M. le ministre, à l'article
32, nous demeurons persuadés que vous pourriez vous garder la
possibilité d'amorcer une rétrocession de territoire. Le
rôle que l'article 32 vous garde nous apparaît plutôt comme
un rôle de spectateur dans une certaine mesure puisque vous attendez que
les autres ministres vous indiquent qu'ils n'utilisent pas les terres pour ce
que vous leur avez confié. À ce moment-là, on pense que
vous devriez vous donner un peu plus de muscle, M. le ministre, et nous serions
heureux que vous agissiez de la sorte. Nous allons collaborer pour qu'il en
soit ainsi. Vous voyez comment nous portons intérêt à votre
rôle, M. le ministre, et nous voudrions que vous soyez en mesure de le
jouer correctement.
C'est ma dernière remarque; je termine là-dessus. Donc, je
n'aurai pris que quatre ou cinq minutes. M. le ministre, en ce qui concerne le
problème de la duplication des registres, vous avez pris conscience, je
pense, que cet aspect-là pourrait être simplifié, d'autant
plus que dans la Loi sur les mines, le traitement qu'on donne aux registres
n'est pas nécessairement le même que dans l'ensemble de ces
projets de loi. Alors, je pense qu'il y aurait lieu que vous regardiez cela
avec beaucoup d'attention.
Il peut y avoir des raisons qui fassent qu'il n'en soit pas ainsi, mais
il faudrait trouver de bonnes explications, parce qu'on a le devoir de
simplifier les lois et de les harmoniser, de simplifier toute la
procédure. On pense que c'est là un moyen, qu'il y a quelque
chose à regarder de ce côté-là.
Vous le voyez, M. le ministre, ces consultations ont été
profitables pour l'Opposition et nous attendons maintenant l'étude du
projet de loi, comme je l'ai rappelé à plusieurs groupes. Il y a
également toutes les revendications autochtones qu'on vient d'entendre
cet après-midi. Nous attendrons l'étude du projet de loi qui
viendra probablement au printemps. On connaît votre désir de faire
adopter ce projet de loi le plus rapidement possible et nous en convenons. Nous
allons tenir compte de tout ce qui a été dit, des notes que nous
avons prises et des recommandations qui ont été faites. Nous
altons essayer de vous aider à les respecter, M. le ministre. Cela m'a
fait plaisir de travailler avec vous.
Le Président (M. Philibert): M. le député de
Roberval, merci. M. le ministre.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, je veux remercier le
député de Roberval pour les suggestions et les recommandations
qu'il nous a faites et pour les points qu'il a portés à notre
attention. Ils méritent tous d'être étudiés et
regardés avec attention. Je peux lui assurer qu'on prend bonne note des
suggestions qu'il a faites. Dans la mesure du possible, nous allons apporter
certainement les modifications qui s'imposent à certains des
articles.
Je ne ferai pas la liste de tous les points, pour ne pas
répéter. Mais je pense que dans l'ensemble, c'étaient des
points qui valaient la peine d'être soulevés. Le
député de Roberval nous a également fait une autre
suggestion en ce qui concerne l'entretien des chemins de villégiature,
un genre d'arbitrage possible que nous allons examiner avec beaucoup
d'attention. Si on peut résoudre ce problème, je pense que cela
aidera beaucoup les personnes concernées.
J'apprécie l'esprit de collaboration du député de
Roberval et je peux l'assurer que les recommandations qu'il a faites seront
examinées avec le même esprit, de notre part aussi. Dans la mesure
du possible, comme il le dit, nous allons vraiment regarder les points qu'il a
soulevés et y apporter les changements nécessaires.
Je veux remercier les membres de l'Opposition, les membres de la
commission. Je veux aussi surtout remercier les fonctionnaires qui ont
préparé tous les travaux pour nous permettre de tenir ces
auditions. Nous avons entendu plusieurs
groupes. Les représentations étaient
généralement bien articulées. Les groupes
représentaient des intérêts diversifiés et
représentaient aussi l'utilisation diversifiée des terres.
Nous allons examiner toutes les recommandations qui nous ont
été faîtes et nous espérons que, dès le
début de la session ou aussitôt que possible, nous pourrons
entreprendre la deuxième lecture du projet de loi, vous apporter les
changements que nous voyons et les examiner avec vous, les membres de
l'Opposition, lors de l'étude article par article.
Encore une fois, merci. Nous espérons que nous allons pouvoir
vraiment faire de ce projet de loi... C'est la première fois que nous
faisons un projet de loi sur les terres et je pense que l'ensemble des
représentants ont compris l'importance d'avoir un projet de loi
strictement dans le domaine des terres publiques. Nous allons y apporter toute
l'attention nécessaire. Merci.
Le Président (M. Philibert): Merci, M. le ministre.
La commission ajourne ses travaux sine die, ayant accompli le mandat qui
lui avait été confié.
(Fin de la séance à 17 h 37)